Skip to main content

Full text of "Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie"

See other formats


é 


BULLETIN 


G  0  AI  M  l  S  S 1  0  N  S   ROYALES 


D^ART   ET   D'ARCHÉOLOGIE. 


— »T^i»iififc*.~< 


BULLETIN 


COMMISSIONS  ROYALES 


D'ART   ET   D^ARCHÉOLOGIE. 


SEIZIÈME   ANINÉE. 


BRUXELLES, 

C.     MUQUAKDT,    ÉDITEUR,    RUE    DE    LA    RÉGENCE,     45, 
Môme  iiuiisûn  à  Gand  et  à  Leipzig. 


1877 


THt  GEHY  CEMltR 
UBRARY 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS. 


nÉSUMK    DES    PROGÈS-VERBAUX 


oial, 


SÉANCES 
(tps  0,  12,  1"),  20,  20  et  27  janvier;  des  3,  10,  1G,  17,  22,  2i  et  20  février  1877. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  approuvé  : 

1"  Le  dessin  des  modifications  à  apporler  à  l'encadrement     'r;'bi.nn 

'   '  (lo,  \  an  l)y(  k, 

(lu  tableau  de  Van  Dyck,  appartenant  à  l'église  de  Saven-  ^ '^■'^'^"'""'" 
them  (Brabant)  ; 

2"  La  proposition  d'exécuter  en  pierre  bleue  les  statues  ""K^i  rrovm 
qui  doivent  orner  la  façade  de  l'Hùlel  provincial,  à  Liège. 
Les  bas-reliefs  et  les  blasons  seront  sculptés  dans  les  pierres 
blanches  déjà  placées  ; 

o'  Le    plan    dressé   par  M.   rarcbitecle  Naert    pour  le  ..M'^»""''^"' 

1  '  '  VVit'ilz.a  Oman 

piédestal  du  monument  à  ériger  à  Dinant  à  la  mémoire  de 
Wicrlz,  sous  réserve  de  supprimer  certains  détails  sculptés, 
ainsi  (luo  le  grillage,  et  de  diminuer  antani  que  possible 
l'échelle  de  toute  l'ornementation. 

—  Des  délégués  ont  examiné  récemment,  dans  l'éïlise  de    Momiment 

<J  '-II.  (lariiiiT, 

Notre-Dame  du  Snblon,  à  Bruxelles,  le  monument  funéraire    ^  i^"""'"'^- 
de  FInminiiis  Gnrnier.  don!  la  restauration  est  complètetnenl 


—  6  — 

terminée.  Ils  ont  constaté  que  ce  travail  a  été  exécuté  avec 

soin  el  conscience,  et  la  Commission  a  émis  l'avis  que  les 

subsides  afférents  à  celte  entreprise  peuvent  être  liquidés. 

Hospices  civils  de    —  Dcs  délégués  ont  examiné,  le  13  février,  à  la  demande 

Vilvordi».  Pierres 

i.im.iiaires.  (je l'Administration  coui inu iKilc  dc  Yllvordc,  les  pierres  tnaïu- 
laires  qui  ornaient  la  chapelle  des  hospices  civils,  chapelle 
actuellement  en  voie  de  restauration.  Ces  pierres  ne  sont  pas 
susceptibles  d'être  conservées.  Deux  seulement  ont  pu  pré- 
senter quelque  intérêt  artistique;  on  y  trouvait  gravées  en 
creux  et  d'un  bon  style  les  images  en  pied  de  deux  des 
bienlaitrices  de  l'établissement.  Mais  les  inscriptions  seules 
subsistent  elles  images  sont  plus  qu'à  moitié  effacées;  dans 
celle  occurrence,  il  ne  reste  à  l'Administration  des  hospices 
civils  de  Vilvorde  que  la  ressource  de  prendre  des  copies 
des  inscriptions  qui  intéressent  l'histoire  de  rétablissement, 
et  il  semble  qu'elle  peut  disposer  des  pierres  pour  l'aména- 
gement intérieur  de  l'édifice. 
Egii>e.ie        —  Conformément  aux  instructions  de  M.  le  Ministre  de 

Saint-Jaiqiics, 

à  «riiges.  Monu-i'iiilérieiiP  (|es  délégués  ont  inspecté,  le  4  janvier,  à  Bruges, 

ment  de  Gros.  ^  l  '  j  '  o       ' 

la  chapelle  el  le  monument  de  Ferry  de  Gros,  restaurés  par 
les  soins  de  M.  Dobbelaere.  Il  résulte  de  leur  rapport  que 
celte  restauration  ne  laisse  rien  à  désirer  el  pourra  désor- 
mais èlre  citée  parmi  les  spécimens  les  plus  réussis  de  ce 
genre  de  travaux.  L'aulel  qui  supporte  le  bas-relief  en 
faïence  peinte  de  Lucca  délia  Robbia  a  reçu  un  revéj,ement 
en  faïence  bien  approprié  et  en  même  temps  bien  subor- 
donné à  sa  destiii.ilioii  pi'incipale.  La  grille  en  bois  de  la 
chapelle,  la  voùle  el  le  pavenieiil  en  carreaux  décorés  des 
armes  de  FeiTv  sont  d'un  goût  excellent.  Les  verrières  de 
la  chapelle,  (pii,  bien  (jue  n'êliinl  |»as  peintes,  empruntent  un 


—  7  — 

aspecl  coloré  et  pilloresque  à  la  seule  différence  des  deux 
verres  employés  et  au  dessin  des  plombs,  constituent  une 
combinaison  d'autant  plus  ingénieuse  (pi'elles  laissent  entrer 
dans  la  cbapelle  tout  le  jour  possible,  tout  en  ajoutant  aux 
richesses  de  la  décoration.  Enfin  le  tombeau  lui-même,  ar- 
chitecture et  sculpture,  est  traité  avec  un  soin  et  un  iioùl 
parfaits,  en  ce  sens  que  la  polychromie  laisse  bien  dominer 
les  masses  architecturales  et  n'altère  en  rien  le  modelé  de  la 
statuaire,  grâce  à  la  discrétion  qui  a  présidé  à  l'exécution  de 
ce  travail  si  délicat  el  si  difficile.  La  Commission  a  donc 
émis  un  avis  favorable  quant  à  la  liquidation  des  subsides 
afférents  à  cet  ouvrage  d'art,  le  premier  de  cette  complica- 
tion qu'on  ait  exécuté  dans  notre  jiays  et  qui  fait  d'autant 
plus  d'honneur  à  son  auteur. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Ont  été  approuvés  : 

1"  Les  plans  de  maisons  ouvrières  et  bourgeoises  à  con-     m 
struire  à  Anvers;  architecte,  M.  Durlet;  ■>  x'^yèrl'. 

2"  Les  plans  relatifs  à  la  reconstruction  partielle  de  l'hô-  "«ritai  'I'aio^i. 
pital  d'Alost,  sous  réserve  de  donner  plus  de  largeur  aux 
escaliers    et   de  simplifier   l'ornementation  du   mur  dans 
lequel  est  percée  la  porte  principale;  architecte,  M.  Nève; 

5°  Le  projet  dressé  par  M    l'architecte  Carpentier  pour     nosni.o 

de  Maldeglipm. 

la  construction  d'un  hospice  à  Maldeghem  (Flandre  Orien- 
tale); 

4°  Les  plans,  modifiés  à  la  demande  de  la  Commission,      iiù,.it;,i 

il'Kugliii'ii. 

de  l'hôpital  à  ériger  à  Engbien  (Ilainaiil);  arcliitecle,  M.  De 
Lulle; 


laisons 
ouvrières. 


—  8  — 

Hospice  de  Polies.     50  Lp  projet  cl'approprialion  de  l'Iiospice  de  Polies  (même 

province);  archileclc,  M.  Dcicroix. 
l'orie  romane      —  Le   Coiiseil  d'admiiiislralioii  des   liospices   civils  de 

i  riiùpilal 

«icLouvain.  j^ouvaiii  3  soumis  un  nouveau  projet  de  restauration  de  la 
j)0i"le  romane  qui  existe  à  la  chapelle  de  l'Iiôpilal. 

Ce  projet  comjirend  l'introdurlion  d'éléments  décoratifs 
qui  ne  peuvent  être  admis. 

Dès  le  début  de  l'instruction  de  celte  affaire,  la  Commis- 
sion a  déclaré  qu'on  ne  devait  exécuter  à  cet  intéressant 
monument  que  le  moins  de  travaux  possible,  qu'on  devait 
le  conserver  dans  son  état  primitif  el  surtout  qu'on  ne  pou- 
vait lien  y  innovei',  ni  rien  y  modifier.  C'est  là  encore  son 
avis,  el  elle  ne  peut  assez  insislei-  pour  qu'on  renonce  à  toute 
combinaison  qui  tendrait  à  altérer  dans  ses  moindres  détails 
ce  spécimen  de  noire  vieille  architeclure  romane  el  à  lui 
enlever  son  cachet  d'ancienneté-  On  ne  peut  approuver 
conséquemment  le  dernier  projet  soumis,  qui  prévoil  un 
tympan  trilobé,  un  linteau  orné,  des  renouvellements  inutiles 
el  une  porle  garnie  de  ferrures. 

Les  seuls  travaux  à  effectuer  —  cl  qu'il  convient  de  ne  pas 
ajourner —  consisteraient  :  1°  dans  l'établissement  au-dessus 
(lu  jjorche  d'une  toiture  destinée  à  le  garantir  des  eaux 
pluviales;  2"dans  la  construction,  aux  deux  côtés  de  la  porte, 
de  solides  contre-forts,  poar  empêcher  la  chule  du  mur  qui 
surplombe  de  26  centimètres.  L'arcade  resterait  d'ailleurs 
murée,  comme  elle  l'est  aujourd'hui,  el  l'on  se  bornerait 
à  ouvi'ii-  dans  le  niihÏMi  de  ce  mui"  la  petite  porte  nécessaire 
au  service  de  la  clinpclle,  porte  rejelée  aciuellemeiit  sur  le 
côté. 

(}n,';n!  .'i  ce  qui  rr£!ai(|e  la  vieille  ronslfuclinn  romane,  elle 


—  9  — 

serait  consolidée  sans  qu'on  y  introiluisil  une  seule  pierre 
nouvelle;  les  lacunes  et  les  interstices  des  pierres  seraient 
purement  et  simplement  comblés  au  ciment,  et  ce  travail 
même  de  réparation  au  ciment  ne  doit  être  conlié  qu'à  un 
spécialiste  agréé  par  le  Collège. 

Lorsqu'on  mettra  la  main  à  l'œuvre,  des  délégués  se  ren- 
dront sur  place,  afin  de  donner  les  instructions  nécessaires 
pour  assurer  la  bonne  exécution  des  travaux. 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Des  avis  favorables  ont  été  donnés  sur  l(>s  travaux  de  Approprioiimi 

lie  divers 

réparation   et  d'appropriation  à  exécuter  aux  presbytères   f'"''''>"'"'*- 
d'Esschenbcek,  sous  Hal  (BrabanI);  Ere,  Fleurus  (Hainaut); 
Paliseul   (Luxembourg)   et  Waret-la-Cbaussée  (Namur), 
ainsi  que  sur  les  plans  du  presbytère  à  construire  à  Sorée 
(Namur). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  les  plans 
concernant  : 

1"  La  construction  d'églises  : 

A  Bell,  sous  Gbeel  (Anvers),  la  tour  ancienne  sera  cou-   consimciion 
servée;  arcbilecte,  M.  Taeymans;  KecLVHoifbôi. 

»     -n        1  T-i  I  I  r\     •  1     \       I  •  '     '  1/'  '     •       I  sons  Jmiicl, 

A  Eecloo  (Flandre  Orientale),  le  proiet  a  cte  modilie  a  la  Fomére.  smis 
demande   du   Collège.    L'arcbitecte    M.    De   Noyetle   s'est  ^■':;";;.)|;^If' 
(mgagè  à  soumettre  un  nouveau  plan  pour  la  tour,  dont  il 
sinqilifiera  la  décoration  tout  en  lui  donnant  plus  de  masse. 
Il  est  convenu  aussi  que   l'ornementation   des  pignons  du 
transept  et  de  l'iiilérieur  <lu  ebœur  sera  simplifiée. 


—  10  — 

Au  hameau  de  Houbois,  commune  de  Jumet  (Hainaut). 
On  n'exéculera  actuellement  que  le  chœur  et  une  partie  des 
nefs.  La  construction  de  deux  travées,  de  la  tour  et  de  la 
façade  principale  est  ajournée.  L'auteur,  M.  Cador,  devra 
faire  une  nouvelle  étude  de  cette  partie  do  son  plan,  dans 
le  but  de  donner  plus  d'importance  à  la  tour. 

Au  hameau  de  la  Forrière,  sous  Courcelles  (même  pro- 
vince), sous  réserve  que  l'architecte,  iM.  Simon,  donnera 
à  la  partie  supérieure  de  la  tour  la  forme  d'un  octogone 
irrégulier, 

A  Yieux-Waleffe  (Liège);  architecte,  M.  Blandot.  Ces 
plans  sont  la  copie  de  ceux  déjà  approuvés  pour  une  autre 
localité.  L'attention  de  l'Administration  supérieure  a  été 
appelée  sur  les  inconvénients  sérieux  qui  résulteraient  de  la 
reproduction  indéfinie  d'un  môme  type  d'édifice.  Mais  comme 
il  y  a  ici  une  grave  question  d'urgence,  l'église  actuelle  de 
Vieux- Waleffe  étant  complètement  en  ruines,  la  Commis- 
sion n'a  pas  insisté  sur  cette  objection  de  principe,  à  laquelle 
M.  le  Ministre  de  l'intérieur  s'est  rallié,  (v.  p.  11.) 

Au    hameau    de   Laloux,    commune    de    Montgauthier 
(Luxembourg);  architecte,  M.  Michaux. 
Eglise  2°  L'agrandissement  de   l'église  de  Boignée  (Hainaut). 

de  Boignee.  .  -in 

.  Ces  plans  sont  traites  avec  talent.   L  attention  de  1  auteur, 

M.  Tirou,  a  été  appelée  seulement  sur  l'observation  ci-après  : 
au  lieu  de  mettre  une  fausse  porte  en  menuiserie  à  la  face 
j)rincipale  de  la  tour,  il  serait  préférable  de  convertir  celle 
baie  simulée  en  une  sorte  de  chapelle  servant  d'abri,  suivant 
une  li;i(lilinii  IV(''qii('iiiiii('nl  suivie,  ;i  un  calvaire  sculpté. 
On  compléterait  celle  combinaison  en  plaçant  au  pied  du 
(•;ilv;iiiv  el  ;i  la  base  de  l'édifice  un  pri(^-Dieu  en  pierre. 


—  11  — 

3"  La  reconstruction  des  tours  des  é2:lises  de  Waerdamme  ,  J^f^^'T 

o  de  "aernaiiiiiif 

(Flandre  occidentale);  architecte,  M.  Buyck,  et  de  Vecmont ''"''"  ^'"'"""" 
(Luxembourg);  architecte  M.  Monrique. 

4°  Les  travaux  d'achèvement  de  l'éiïlise  de  la  Résurrec-'îgi'^«a»fïiieane 

(l'Ixellos. 

lion,  à  Lxelles  (Brabant);  architecte,  M.  Coenraets. 
5"  Les  objets  d'ameublement  destinés  aux  églises  de  :       Ameublement  de 

rrU-     1  'A  \  U     ■  >  '     l  diverses  églises. 

ihielen  (Anvers)  :  chaire  a  prêcher; 

L'Écluse  (^Brabant)  :  autel  ; 

Lovenjoul  (môme  province)  :  boiseries  du  chœur; 

Saintes  (même  province)  .•  deux  confessionnaux  ; 

Blanmont  (même  province)  :  jubé; 

Orchimont  (Namur)  :  mobilier  complet. 


M.  le  Ministre  de  l'intérieur  a  adressé  à  M.  le  Ministre  de 
la  justice  la  dépèche  suivanle,  qui  tranche  une  question  de 
principe  importante  : 

«  Monsieur  le  Ministre, 

»  J'ai  pris  connaissance  du  rapport  de  la  Commission 
royale  des  monuments,  que  vous  m'avez  communiqué  en 
copie  par  votre  lettre  du  19  janvier  dernier. 

»  Dans  ce  rapport,  la  Commission  émet,  à  propos  des  plans 
adoptés  pour  l'église  de  Vieux-Waleffe,  lesquels  ne  sont  que 
la  copie  de  plans  d'une  église  déjà  exécutés  dans  une  autre 
locahté,  l'avis  que  «  des  inconvénients  sérieux  résulteraient 
»  pour  le  progrès  de  l'art,  comme  pour  l'originalité  des  con- 
»  structions,  de  la  reproduction  indéfinie  d'un  même  type 
»   d'édifice.  » 

»  Vous  me  demandez.  Monsieur  le  Ministre,  quelle  serait 
ma  manière  de  voir  si  j'étais  n[)pelé  ;i  me  i^rononcer  sur 


—   12  ~ 

celte  question  tic  principo  pour  ro  qui  concerne  les  conslriic- 
lions  civiles. 

»  Je  n'iiésilc  p;is  ;i  déclai-ei'  que  je  me  rallierais  complèle- 
menl  à  ropiiiiou  de  la  Commission  royale  des  monuments. 

»  il  importe  (pie  les  monuments  se  distinguent  jiar  In 
varit'té  de  leur  type,  alin  d'éviter  la  monotonie;  chaque 
monument  d'ailleurs  doit  avoir  un  cachet  particulier  en 
rapport  avec  la  localité  et  sa  situation. 

«  En  dehors  de  ces  conditions,  l'art  se  perdrait  avec 
l'originalité  des  talents. 

»    Le  Minisire  de  l'intérieur, 
»    Delcotir.   >' 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  ajjprouvé  : 
f-cii^c  i»  Le  plan  dressé  par  M.  l'architecle  De  la  Censcrie  pour 

,tc  Nolr.'-I)3Uio,  '  '  ' 

u  «rngpv  Ijj  restauration  des  arcalures  du  ]»ourlour  duclueur  de  l'église 
de  Notre-Dame,  à  Bruges  ; 
Egii.o.ieDiinni.  2"  Lc  dcvls  appro.ximatif  dressé  par  M.  Van  Assche  des 
travaux  de  reslauralion  à  elTectuer  en  1S77  à  r('glise  ])ri- 
maire  de  DinanI  ; 
Rpsiauraiioi.  ,1.^  ")"  Lcs  plaus  ct  (Icvis  cstimalirs  des  travaux  de  restaura- 
lion  à  exécuter  aux  églises  de  Villers-Perwin,  Steenkerque, 
Silly.  FIcurus  et  Ei'e  (llainaut). 

/.('  Secrétaire  (Icucrnl, 
.  J.    RorSSF.AU. 

\'n  (Il  (•(iiifdrinili''  di'  l'arliclc  2.'i  du  réglcmciil. 

I.c  l'ri'sidcnt, 

Wef,li:ns. 


LE  BAPiON  F.   DE   HOISIN. 


La  Comniissioii  royali!  des  moniiiiieiils  a  perdu  rcceui- 
nicnl  l'un  de  ses  membres,  M.  le  baron  Ferdinand  de  Roi- 
sin,  décédé  en  décembre  dernier  au  château  de  Morbec([ue 
(France).  Nous  pensons  qu'il  ne  sera  i)as  sans  intérél  de 
consigner  au  Bulletin  un  résumé  succinct  des  travaux  de  ce 
savant  archéologue. 

Le  baron  Ferdinand  lit  ses  premières  éludes  au  collège 
de  Sainl-Acheul  (Picardie).  Son  père,  qui  était  général  de 
gendarmerie  sous  le  gouvei-nemenl  hollandais,  refusa  de 
reconnaître  le  nouveau  régime  issu  de  la  révolution  de  1H50 
et  alla  se  fixer  à  Bonn  ;  c'est  à  la  célèbre  Université  de  cette 
ville  que  le  baron  Ferdinand  continua  ses  études. 

On  raconte  au  sujet  du  général  de  Roisin  le  fait  suivant, 
qui  se  rattache  à  l'histoire  de  l'un  de  nos  illustres  artistes 
contemporains.  En  tournée  d'inspection  dans  une  localité 
de  la  province  de  Namur  en  1818,  le  général  remarque  chez 
un  brigadier  de  gendarmerie  divers  dessins  et  sculptures 
qui,  tout  en  étant  exécutés  d'une  façon  naïve,  révélaient 
cependant  d'heureuses  dispositions  artistiques.  Il  ai)prend 
que  ces  objets  sont  l'œuvre  du  fils  du  brigadier,  écolier  âgé 
de  15  ans.  Le  général  de  Roisin  promet  de  s'occuper  du 
jeune  homme;  il  n'épargne  ni  peines  ni  démarches  et 
réussit  enfin  à  obtenir  du  Gouvernement,  en  laveur  de 
l'écolici',  un  subside  (|ui  lui  j^ermet  de  suivre  les  cours  de 


—  14  — 

racadémie  d'Anvers.  Le  jeune  protégé  du  général,  qui  recul 
les  leçons  d'ilerreyns  et  de  Van  Brée,  se  nommait  Antoine 
Wiertz. 

Le  baron  Ferdinand  de  Roisin  fut  l'un  des  premiers  colla- 
borateurs de  Didron  aux  Annales  archéologiques.  Dès  le  début 
de  celte  intéressante  publication,  il  y  fit  paraître  un  compte 
rendu  analytique  très-détaillé  de  l'ouvrage  de  Garl  Heidel- 
lioff  :  L'ornementation  du  moyen  âge  en  Allemagne  (i). 

Secrétaire  général  du  Congrès  historique  et  archéologique 
tenu  à  Lille  en  juin  1845,  il  donna  lecture,  à  la  première 
séance,  d'un  remarquable  travail  sur  l'architecture  germano- 
romane  et  de  transition  au  moyen-Rhin.  Le  compte  rendu 
de  ce  Congrès  comprend  la  relation  d'une  excursion  à  Tour- 
nai, où  le  Congrès  a  visité  les  principaux  éditices  religieux, 
Notre-Dame,  Saint-Quentin,  Saint-Nicolas  et  Saint- 
Jacques  (2). 

Nous  trouvons  dans  le  même  volume  un  résumé  des  dé- 
bals du  Congrès  scientifique  tenu  à  Reims  en  septembre 
1845  {ô),  et  l'année  suivante  les  Annales  publient  le  compte 
rendu  du  Congrès  archéologique  tenu  à  Metz,  avec  récit 
d'une  excursion  à  Trêves  (4). 

Le  tome  XI  Qi)  contient  un  article  de  notre  auteur  inti- 
tulé :  Un  mystère  de  la  passion  représenté  au  xix"  siècle  ;  c'est 
une  étude  remarquable  sur  l'origine  et  l'histoire  des  mys- 
tères et  moralités  si  fort  en  honneur  au  moven  àae.  Nous  v 


(0  Ann.  archéol.,\.  I,  1844,  p.  167. 

(i)  Ann.  archéoL,  t.  111,  p.  -iO. 

(s)  T.  III,  p.  337. 

(i)  T.  V,  p.  38. 

(s)  18ol,  p.  80. 


—  KJ  — 

trouvons  i-olalivemciil  à  une  rcprésenUdiuii  du  iiiyslèi'o  des 
Vierges  folks  l'anecdole  ci -après  : 

«  Ce  mystère  lut  représenté  en  15!2:2  dans  la  parc  d'Eise- 
uach,  devant  Frédéric,  margral"  de  Meissen  et  landgraf  de 
Thuringe,  par  les  mendjres  du  clergé  et  leurs  élèves. 
Bannies  de  la  présence  du  fiancé,  ayant  vainen^ent  sollicité 
les  vierges  sages  de  leur  octroyer  un  peu  d'huile,  les  vierges 
folles,  avisant  leurs  lampes  vides,  se  prennent  à  pleurer 
amèrement,  à  invoquer  tous  les  saints  du  Paradis.  Mais  ni  les 
prières  des  bienheureux,  ni  même  l'intercession  de  la  mère 
de  miséricorde,  ne  peuvent  faire  révoquer  l'arrêt  porté 
contre  les  imprudentes.  Alors  le  landgraf  courroucé  inter- 
rompit le  «  jeu  »  et  s'écria,  en  bondissant  de  son  siège  : 
«  Quel  est  donc  ce  christianisme,  dont  le  Dieu,  sans  pitié 
»  pour  nous,  n'écoute  ni  les  prières  des  saints  ni  celles  de  sa 
»  mère,  »  Le  prince  s'en  émut  cinq  jours  durant,  dit  la  chro- 
nique, et  à  grande  peine  les  docteurs  parvinrent  à  lui  faire 
saisir  le  vrai  sens  de  la  parabole.  « 

L'auteur  décrit  ensuite  avec  la  plus  grande  précision 
les  diverses  scènes  du  mystère  de  la  passion  représenté 
en  I80O  à  Oberammergau,  village  de  la  Haute-Bavière,  où 
la  tradition  s'est  perpétuée  à  travers  les  siècles;  ces  spectacles 
y  sont  donnés,  en  effet,  tous  les  dix  ans,  et  attirent  dans  la 
localité  une  aftluence  énorme  de  curieux. 

En  1852,  M.  le  baron  de  Roisin  a  commencé  la  publica- 
tion de  son  grand  travail  sur  la  cathédrale  de  Trêves.  C'est 
la  monographie  détaillée  de  cet  édifice  intéressant  dont  les 
origines  remontent  à  l'introduction  du  christianisme  dans  la 
Gaule.  L'église  de  Saint-Pierre,  en  effet,  a  été  fondée  par 
sainte  Hélène  à  l'intérieur  même  de  son  palais  et  consacrée 


—   IG  — 

cil  3:28  par  révr(|U(i  saiiil  Auri(ius.  L'aiilcur  nous  (Iuiiiil'  un 
liisloi'iqiic  cumplcl  du  liroupe  luoiiumoiilul  foi'iin''  par  la 
calliùdrale  l'uniaiic  avec  ses  deux  chœurs  o|)pusés  —  cl  ([ui 
renferine  encore  l'ancien  oratoire  de  sainle  Hélène  —  l'égiisc 
liothique  de  Notre-Dame,  édilice  circulaire  entouré  de 
chapelles  rayonnantes,  le  cioili-c,  les  hàtinicnls  capiln- 
Iairos,etc.,  ensemble  imposant  auquel  chaque  siècle,  depuis 
le  IV*  jusqu'au  xi\%  a  apporté  sa  pierre.  Il  explique  et  com- 
mente savamment  les  transformations  subies  par  la  cha- 
pelle primitive,  les  travaux  successivement  exécutés  pendant 
les  VI',  XI",  xii",  xiii",  XV'  et  xvi'  siècles,  les  actes  de  vanda- 
lisme commis  au  xviii*  siècle  et  enfin  les  travaux  de  restau- 
ration entamés  en  184G  sous  la  direction  de  .M.  le  chanoine 
de  Wilmowski. 

Ce  travail  de  haute  érudition  a  été  [jublic  séj)arément  en 
1861,  en  un  volume  in-4"  avec  trois  planches.  L'auteur  a 
complété  ses  articles  publiés  aux  Annales  arcliéolognjues  par 
la  description  d'un  bas-relief  très-curieux  découvert  ])endaiil 
la  restauration  de  la  cathédrale  en  l8ol  et  qui  provient  du 
tombeau  détruit  en  179o  de  l'électeur  Heinrich  von  Fis- 
tingen,  mort  en  li^SO.  Cette  sculpture  du  plus  haut  intérêt  au 
point  de  vue  symbolique  représente  l'arbre  de  la  vie  et  de  la 
mort.  L"n  dessin  de  cette  pierre  a  été  |)ul)lié  aux  Annales  (i) 
et  elle  est  décrite  en  ces  termes  par  M.  de  Wilmowski  : 
«  C'est  un  sujet  caracléristi(pie,  rarement  traité  peut-être, 
(pie  celui  des  deux  arbres  du  i)aradis,  l'arbre  de  vie  et  celui 
de  la  science  du  bien  et  du  mal,  issus  d'une  même  racine, 
Cillés  sur  un  iiicine  Ironc.  Ce  Iroiic  a  |)i'ojcté  deux  branches. 

(i)  T.  XII,  p.  1()K. 


—  17  — 

L'une  étend  ses  nimeaux  dans  ht  direction  de  !a  cathédrale 
même,  vers  l'abside,  vers  l'horizon  où  le  soleil  se  lève; 
l'autre  vers  le  couchant,  vers  le  portail  occidental.  L'une 
porte  les  fruits  de  la  vie  éternelle  et  bienheureuse,  l'autre 
incline  les  fi-uits  de  la  mort.  Les  gaines  de  la  première  s'en- 
tr'ouvrent  et  laissent  apercevoir  de  gracieuses  tètes  d'anges 
ornées  de  deux  petites  ailes;  les  gaines  de  la  seconde  mettent 
à  nu  des  tètes  de  mort,  et  le  feuillage  crispé  de  cette  gaine 
occidentale  offre  l'image  de  la  souffrance  et  de  la  malédic- 
tion qui  pèse  sur  le  péché.  Le  serpent  s'est  enroulé  autour 
de  l'arbre.  Il  se  détourne  des  branches  qui  portent  la  vie, 
tandis  que  sa  tète  s'allonge  vers  les  fruits  qui  portent  la 
mort.  Le  spectateur  arrête  de  préférence  son  regard  vers  le 
côté  opposé,  qui  lui  offre  l'emblème  de  la  vie  éternelle.  » 

Lors  de  l'institution  des  comités  provinciaux  des  membres 
correspondants  de  la  Commission  royale  des  monuments, 
en  1861,  iM.  le  baron  de  Roisin,  qui  résidait  à  cette  époque 
à  Bruxelles,  fut  appelé  à  faire  partie  du  comité  du  Brabant. 
L'année  suivante,  par  arrêté  royal  du  51  janvier  18Gi2,  il  fut 
nommé  membre  effectif,  et  ses  collègues  lui  décernèrent 
(juelques  mois  après  le  titre  de  vice-président,  en  remplace- 
ment de  M.  Navez,  démissionnaire. 

Il  présida  en  cette  qualité  les  assemblées  générales  du 
50  septembre  1862  et  du  lo  janvier  1804. 

Le  HuUelin  des  Commissions  royales  (tari  et  d'archéologie  (i) 
a  publié  le  commencement  d'une  étude  intitulée  :  L'art  mo- 
numental belge  apprécié  par  la  critique  archéologique  d'Oulre- 
Rhin.  Cette  publication  est  restée  inachevée. 

(i)  18GM863. 


18  — 


Di'|)iiis  plusieurs  iiiiiiécs  déjà,  M.  If  bai'oii  de  K(ji>iii  ;iv;iil 
(juillé  Bi'iixellcs  pour  se  lixer  à  ïoiiniai;  il  n'assislail  plus, 
dès  lors,  ([ue  l'areineiil  aux  séances  de  la  CoHHiiissioii  royale 
des  iiionumeiils,  mais  il  n'en  conliiuia  pas  moins  à  s'occuper 
de  ses  éludes  favoriles,  en  domianl  un  cours  d'archéologie 
au  séminaire  épiscopal  de  Tournai. 


Janviei'  1877 


J.   liLITIE.XS. 


LA 

SCULPTURE  FLAMANDE  &  WALLOiNNE 

DU    XI''    AU    MX"    SIÈCLL. 
(Suile.J 

CHAPITRE  IV. 

xive  iièrlc.  —  Écoles  distiiicies.  —  Rctahle  p)'imiif  de  Sa'uile- 
Di/iiipk)ie,  à  G/'ecl.  —  Teïes-cori&oki  de  la  iaï/c  échevimdc  d'Ypre's, 
ba>>-rdlef  de  ïliowplce  de  Belle.  —  Statue  de  Sabile-Catherine, 
à  Coartrai.  —  Andué  Eiaunepveu,  de  Valencieunes.  —  Pierre 
tombale  d'Adam  Gherys,  à  Vilcorde.  —  Sculptures  de  Véglise  de 
Notre-Dame  du  Lac,  à  Tirlerdont.  —  Retable  d' Hackendover .  — 
Collard  Gauxet.  —  GuiLLALMii  DuGARDiN,  —  Mouiimeut 
Colticell ,  à  Tournai.  —  'labeniacle  de  Rai.  —  Grand  portail  de  la 
cathédrale  de  Tournai.  —  CouroHntuient  de  la  Vier(je,  à  IFalcourt. 
—  Reliquaire  de  SaiiU-Éloi,  à  Mons.  —  Jean  de  Josès,  sculpteur 
dinantais.  —  Collard  Jacoius  ,  statuaire  namurois.  —  Pierre 
Imniduire  de  Gavtier  d'Oxem,  à  Clairières.  —  Vierge  pohjclir ornée 
de  Marche-les-Dames .  —  Portail  de  r église  priinaire  de  Huy.  — 
Vierge  de  l' église  Sïmi-J ea)t,  à  L'égc.  —  Couronnement  de  la 
Vierge,  à  Saint-Jacques,  à  Liège.  —  Hexnequin  de  la  Choix; 
tombeaux  de  Charles  V  el  de  ses  deux  fous.  —  Claes  Sluter.  — 
Tombeau  de  Philippe  le  Hardi.  —  Puits  de  Moïse.  —  Portail  de 
C église  des  Chartreux,  à  Dijon.  —  Nicolas  Van  de  AVerve,  — 
Jacques  de  la  Baerzf. ,  de  Termonde.  —  Retables  des  ducs  de 
Bourgogne,  au  Mutée  de  Dijon. 

A  parlif  du  xiv"  siècle,  les  spécimens  de  noire  slaluairc 

natior.ale  se  nniiliplienl,  el  les  (races  mêmes  d'un  certain 

.  nombre  d'écoles  dislinctes  apparaissenl.  Ce  n'est  pas  à  dire 

louletbis  qu'on  puisse  dès  aujourd'hui,  et  dans  l'état  actuel 

des  recherches  archéologiques,  élablir  avec  certitude  une 


—  î>0  — 

cl;issilit';ili()ii  dv>  (lmivivs.  Aussi,  (oui  en  ossayanl  des  u,toii-- 
peincnls  d'après  les  |)roven;uiL'e.s,  ne  voulons-nous  qu'ébau- 
clier  lanl  bien  que  mal  un  travail  évidemment  indispensable, 
mais  que  le  (cmps  aura  à  rectifier  sur  plus  d'un  point. 

Il  est  assez  rcmanjuablc  qu'il  ne  reste  dans  le  pays  tla- 
mand  qu'une  quanlilé  relativement  médiocre  de  sculptures 
du  (pialoi'ziènK^  siècliv  On  com|)rend  cependant  que  l'école 
(|ui  avait  produit  radmiral)le  composition  du  portail  de  l'hôpi- 
tal Saint-Jean,  à  Bruges,  n'avait  pu  s'immobiliser  brusque- 
ment. Le  témoignage  de  l'histoire  d'ailleurs  est  là.  Elle 
nous  apprend  que,  dès  l'époque  de  Louis  de  Maele,  les 
artistes  flamands  commencent  à  former  des  ghildes.  Les 
archives  de  la  cori^oralion  gantoise  remontent  jusqu'en  1558, 
et  de  cette  année  à  l'année  1410  elles  renferment  les  noms 
de  :25l  peintres  et  de  20  sculpteurs  devenus  francs-mailres. 
Selon  Grammaye,  Anvers  possédait  en  I59G  cinq  ateliers  de 
peintres  et  de  sculpteurs,  lorsque  la  ville  possédait  seulement 
la  boulangeries.  Vers  la  même  é|)oque,  les  orfèvres  de 
Bruges  étaient  si  nombreux  qu'ils  pouvaient  marcher  en 
bataillon  sous  leurs  j)ropres  drapeaux,  et  la  ville  brillait 
d'une  telle  s|)lendeur  que,  pendant  le  xv"  siècle,  .Encas 
Sylviusia  comptait  parmi  les  trois  plus  belles  du  monde. 

Je  ne  vois  à  citer  encore-aucun  éclianlillon  de  sculpture 
anversoise,  à  moins  ipi'on  ne  considère  comme  tel  le  retable 
en  pierre  (jui  décorait  jadis,  à  Gheel,  l'autel  primitif  de 
Sainle-Dympbne  et  qui  est  aujourd'bui  encastré  dans  le 
mur  en  face  de  l'autel  de  Saint-Mailin.  En  L'ilo,  on  érigea 
un  nouvel  autel  à  Sainle-Dymplme  et  l'on  maçonna  l'ancien 
dans  l(,'  nmr;  c'est  ce  (pii  l'a  |)i"éservé  de  la  destruction.  Il 
représent(i  dans  son  coiupartimiMit  c(Miti'al  le  Christ  entre  la 


^— 


—  21   — 

Vierge  et  Saint-Jean,  el,  des  doux  cùtrs  do  co  groupe,  les 
douze  apùlres,  logés  deux  à  deux  sous  des  arcades  ogivales. 
Rien  à  dire  de  la  seulplure  elle-même,  qui  n'a  d'inléressniil 
que  son  antiquilé. 

Mais  il  ne  resterait  d'autres  spécimens  de  noire  statuaire 
du  xiv"  siècle  que  les  UHes-consoles  de  la  salle  érhevinala 
d'Ypres,  qu'on  pourrait  encore  entrevoir  clairement  le  haut 
degré  de  perfection  qu'elle  avait,  atteint  dès  celle  époque. 
Elles  ont  élé  un  moment  menacées  de  disparaître  et  c'eût  été 
un  irréparable  dommage.  L'artiste  chargé  de  la  restauration 
des  boiseries  de  celte  salle  avait  cru  |)0uvuir  sidjslituer  des 
mascarons  de  sa  façon  à  ces  tètes  anciennes,  un  |)eu  plus 
grandes  que  nature,  qui  supportaient,  en  manière  de 
culots,  les  solives  moulurées  du  plafond.  L'intervention  de 
la  Commission  des  monuments  a  pu  faire  heureusement 
restituera  la  ville  ces  restes  vénérables,  qui  figurent  aujour- 
d'hui au  musée  d'Ypres.  L'Etat,  de  son  côté,  en  a  fait  fjtire 
des  moulagos  pour  l'enseignement,  et  certes  on  ne  |)()urrait 
répandre  de  meilleurs  modèles. 

Les  tètes  dont  il  s'agit  sont  au  nombre  de  trois.  Elles  repré- 
sentent, l'une,  une  reine  aux  lèvres  minces,  aux  yeux  obliques, 
l'autre,  une  jeune  fille  ou  un  adolescent,  le  front  couronné  de 
boucles  courtes  et  riant  franchement,  la  bouche  ouverte;  — 
la  troisième  est  le  type  parfait  du  pauvre  serf  griFiiaçant  sous 
le  fardeau  de  ses  misères,  avec  une  énorme  bouche  lippue 
et  un  nez  fortement  épaté,  sur  lesquels  .s'est  e.xercé  la  verve 
caricaturale  du  statuaire.  Ces  types  sont  encore  vivnnls.  Ils 
appartiennent  bien  au  pays,  et  il  est  visible  que  l'artiste  n'a 
pas  cherché  ses  modèles  ailleurs  qu'autour  de  lui.  Là  éclate 
nettement  la  tendance  réaliste  qui  distingue  tout  l(>  xiv''  siècle 


—  22  — 

Pt  qui  rostora  dorénnviiiit  la  marque  caract(''risli{|uo  de  l'art 
flamand.  Ce  rualismo  est  d  aulant  plus  beau  dans  les  têtes 
d'Ypres  qu'il  s'allie  à  la  largeur  et  à  la  simplicité  d'exécution 
qui  faisaienl  la  supériorilé  de  l'art  du  xiii''  siècle.  On  peut 
encore  citer  les  léles  il'Ypres  pour  un  aulre  mérite  :  ce  sont 
{]('>  modèles  admirablement  compris  de  travail  sur  bois. 

.M.  Alfred  Micliiels  rapporte  encore  au  xiv'  siècle,  —  au 
moins  comme  style,  car  l'œuvre  porte  la  date  de  iiâO,  — 
une  autre  sculpture  qui  se  voil  aussi  à  Ypres,  à  l'hôpital 
Saint-Nicolas,  ordinairement  nommé  hospice  de  Belle.  Un 
bas-relief  commémoralif  y  représente  un  des  membres  de  la 
famille  de  Belle,  Jacques  Belle  et  dame  Marielte,  sa  femme, 
agenouillés  devant  la  Vierge.  Celle-ci  csl  debout  sur  une 
espèce  de  socle,  tenant  le  Chris!  sur  son  bras  droit  et  une 
grosse  pomme  dans  sa  main  gauche.  «  Les  personnages  son! 
peints  et  le  fond  esl  doré.  Les  visages  dn  mari  et  de  la 
femme  ont  un  caractère  si  individuel,  si  spécial,  qu'on 
n'hésite  point  à  y  reconnaiire  des  portraits.  La  Vierge  élale 
une  grosse  ligure  flamande  et  le  Christ  est  d'une  laideur 
extrême  :  cette  laideur  toute  particulière  donne  aussi  lieu  d<> 
l)enser  qu'il  a  été  fait  d'après  un  modèle  vivant.  Une  expres- 
sion do  hordiomic  et  de  ))iélé  fort  remarquable  anime  lis 
traits  du  chevalier.  Ce  qui  esl  plus  remarquable  encore, 
c'est  le  goût  des  draperies  (\).   » 

Une  aulre  ville  flamande,  Courtrai,  possède  une  oeuvre 
plus  iiii|)(>i'lanle  :  c'est  l'admirable  statue  de  .saù)<f  Calherine 
(pii  décore  l'église  de  Xolre-Dame.  Elle  offre  tuul  d'abord 
Cet  intérêt   (jn'eile  est   une  d(S  l'ares  statues  en  marbre  de 

ce  Histoire  (II'  la  peitiliir,'  PnmnniJc  f.  II.  p.  <5, 


C  '  c  1 1  Uc)  l  u  cc    ci'  la  ma  iide 

XIV^  SIECLE. 


.Heiiotypie,  rue  Keyenveid  75,  Ixelies. 


—  2ô  — 

grande  dimension  que  celle  époiinn  nous  ;iil  léguées.  Main- 
tenant est-ce  vi-aiinenl  une  (euvre  llamande?  A-t-elle  .ét(' 
faite  à  Gourtrai?  Ou  bien  a-t-elle  été  transportée  dans  cette 
ville  comme  bien  d'autres  objets  d'art  qu'on  y  trouve  et  qui 
proviennent  de  Lille,  de  Tournai  el  de  Valenciennes?  Les 
archives  conslateni  que  Louis  de  Maele  construisit  la  chapelle 
de  Sainle-Galherine  avec  l'argent  dos  Tournaisiens.  Et  quant 
à  la  statue,  les  doutes  sont  d'autant  plus  permis  qu'elle  n'a 
rien  de  ce  caractère  réaliste,  qui  frappe  les  yeux  dans  les 
tètes  d'Ypres;   c'est  plutôt   celle  préoccupation  du  style, 
cette  tendance  à  l'idéalisation ,  qui  caractérise  l'art  wallon 
de  toutes  les  époques.   Les  proportions  sont  élégantes,  l^a 
tète  est  petite,  ronde  et  d'un  galbe   régulier.  La  main   qui 
tient  la  roue  est  potelée  comme  une  main  du  xvi"  siècle  et 
contraste  avec  la  raideur  el  la  maigreur  habituelles  des  mains 
gothiques.  Les  draperies  surtout  sont  du  plus  beau  style, 
d'une  largeur,  d'une  souplesse,  d'une  simplicité  exemplaires. 
Il  parait  que  le  glaive  dont  celte  belle  statue  est  armée  a 
toujours  été  en  cuivre;  pro  mundo  fjladio,  disent  les  comptes. 
Sainte  Catherine  foule  aux  pieds  une  sorte  de  docteur,  per- 
sonnification ordinaire  de  l'hérésie;  une  façon  de  nous  avertir 
que  celle  ci,  pour  tromper  la  faible  humanité,  prend  volon- 
tiers des  dehors  scientifiques. 

Nous  avons  dit  nos  doutes  quant  à  l'origine  flamande  de 
la  statue  :  ajoutons  qu'un  des  membres  les  plus  érudils  du 
clergé  flamand,  M.  le  chanoine  Van  de  [*u(le  (i),  de  Gourtrai, 
n'hésite  pas  ;i  attribuer  la  statue   de  sainte  Gatherine  à  un 


(i)  fjfi  cliapelh'  r/('.<  coiiileK  di'  Flainirr,  h  Coiirlriti,  |i;ii-  li'  citiiiioint'  Van  ni: 
PrTTF,.  f'.oiiitrni.  V.wj..  Ficviirrl.  IST.i. 


—  24  — 

SLMiIptour\vnIlon,niiu Ire  André  BiAUNEPVEU,deValenciennes. 
Sa  raison,  qui  est  des  plus  plausibles,  esl  que  André 
Biaunepveu  a  c(é  le  principal  statuaire  employé  à  la  décora- 
tion de  la  chapelle  des  comtes  de  Flandre,  cliapelle  placée 
sous  l'invocation  de  sainte  Catherine,  et  il  est  naturel  qu'on 
lui  ait  commandé  la  statue  de  la  sainte  elle-même.  C'est 
Biaunepveu,  —  preuve  suffisante  de  la  célébrité  et  du  talent 
du  statuaire,  —  qui  avait  été  chars^é  d'exécuter  la  tombe  de 
Louis  de  Maele.  Le  travail  ne  fut  pas  achevé,  bien  que  l'artiste 
eût  reçu,  à  diverses  reprises,  des  à-compte.  La  commande 
faite,  on  lui  donna  560  livres  parisis.  Il  reçut  la  même  année 
(1374),  en  deux  paiements,  une  somme  égale.  Dans  le  même 
compte,  on  mentionne  une  avance  de  72  livres  parisis  par 
«  Henri  la  Cambrelene  (le  Chambellan)  sur  louvrage  de 
VI  ymagenes  qu'il  fait  faire  de  métal  du  command,  monsei- 
gneur. »  D'après  ces  quelques  notes,  observe  M.  Pinchart, 
on  peut  conjecturer  que  le  tombeau  de  Louis  de  Maele 
devait  se  composer  d'un  sarcophage  orné  de  statuettes  de 
cuivre  et  être  surmonté  de  la  statue  du  comte.  Nulle  part  il 
n'est  question  que  ce  monument  ait  jamais  été  terminé  et 
placé.  S'il  l'eût  été,  comment  expliquerait-on  l'érection  du 
magnifique  mausolée  que  Philippe  le  Bon  consacra  à  la  mé- 
moire du  dernier  comte  de  Flandre  dans  l'église  collégiale 
de  Saint-Pierre,  à  Lille? 

D'après  Schayes,  la  tombe  de  Louis  de  Maele  n'a  pas  été 
achevée  à  cause  du  décès  de  maitre  André  Biaunepveu. 
Il  constate  qu'en  1588  des  fragments,  consistant  en  ma- 
quelies  et  en  morceaux  exécutés,  existaient  encore  dans  une 
des  salles  du  château  de  Lille.  Ces  indications  ligiirent  dans 
l'invenlaire  (]c<,  «  aarnisons  fmndjlcs)  estant  au  cliaslel  (le 


Lille,  elc.  Fait  xx'  d'oclobro  l'an  mil  ccc  iiuxx  et  viu.  » 
Les  délails  suivants,  tirés  de  cet  inventaire,  font  voir  ce  que 
Bieaunepveu  avait  exécuté  de  la  tombe  qui  lui  avait  été  com- 
mandée en  147-1. 

»  Inventaire  Je  l'albaslre  trouvé  au  chestel  de  Ijlla  et 
aullres  ymages  de  pierre  et  de  bois. 

»  Premiers,  u  ymages  dalbastre  grans  figure  à  guize  de 
comte  de  Flandres. 

»  Item,  ij  ymages,  lune  de  bois  et  l'autre  de  pierre,  de  la 
manière  et  figure  dessus  dicte. 

»  Item,  VI  yniages  à  manière  de  parfetes  (sic)  dont  les  iiij 
sont  dalbastres  et  les  ij  de  piere,  »  etc. 

M.  Van  de  Putle  attribue  aussi  à  M'  Bieaunepveu  l'exécu- 
tion des  écoinçons  des  arcatures  ogivales  où  s'encadrent  la 
série  des  portraits  des  comtes  de  Flandres  qui  font  à  la  clia- 
pelle  de  Sainte-Gatberine  une  décoration  si  originale.  Ces 
écoinçons  renferment  une  série  de  bas-reliefs  d'une  exécu- 
tion très-décorative,  c'est-à-dire  très-sommaire;  mais  la  lar- 
geur du  faire,  le  pittoresque  et  la  fertilité  de  l'invention, 
permettent  de  les  attribuer  à  un  maître,  et  sous  ce  rapport  la 
supposition  de  M.  Van  de  Fuite  n'a  rien  que  de  très-admis- 
sible. Rien  déplus  varié  que  les  thèmes  traités  par  l'artiste. 
«  Dans  le  pourtour  du  rond-point,  derrière  l'autel  et  sur  les 
côtés,  s'ont  représentés  Dieu  le  Père  bénissant  la  Vierge,  un 
pélican,  des  anges,  portant  des  instruments  de  musique  du 
temps,  des  trouvères  avec  tambourin  et  cornemuse,  des 
animaux  tels  (pie  lion,  cerf,  licorne  et  dos  animaux  fantas- 
tiques. Dans  deux  de  ces  écoinçons,  le  seul|)teur  a  représenté 
un  tournoi,  des  chevaliers  sur  leurs  coursiers,  des  tribunes 
avec  spectateurs  et  tous  les  détails  de  ces  joules  si  fann'lières 


—  t>G  — 

au  coaiie.  Suivent  les  K'-gciulos  de  la  saiiile  Vierge,  de  saint 
Nicolas,  évèque  de  Myre,  de  saini  Biaise,  le  saint  favori  des 
Croisés  flamands,  rpii  l'apiiortèrcnl  d'Oi'ient  ses  reliques, 
encore  vi'nérées  aujourd'hui  dans  l)eaucoup  d'églises  de  la 
Flandre.  Les  ogives  et  les  mouchelles  des  nervures  et  des 
petits  tympans  sont  dorés.  »  Ce  que  nous  devons  regretter, 
par  parenthèse,  car  la  finesse  des  scidptures  de  maiire 
André  Biaunepveu  y  perd  beaucoup. 

Dans  le  Brabant,  les  restes  de  noire  statuaire  ne  sont  pas 
moins  rares  que  dans  les  Flandi-es  : 

On  cite  : 

La  pierre  tombale  d'Adam  Glierys,  architecte  du  tluc  de 
Brabani,  mort  en  L'OO,  à  Yilvorde.  Figure  intéressante,  au 
nidins  j)ar  l'intention.  Les  draperies,  sans  être  fouillées,  ont 
du  style  el  appartiennent  à  une  bonne  école. 

La  Vierge  de  l'église  de  Noire-Dame  du  Lac,  à  Tirlemont. 
La  ligure  est  placée  au-dessus  du  |iorlail.  Type  de  tét<^  du 
NUI"  siècle,  lin  el  charmant;  yeux  légèrement  obliques, 
bouche  soui'iantc;  draperie  souple  aux  plis  fins;  pose  très- 
hancliée  (pii  ferait  |)enser,  à  première  vue,  qu'on  surfait  un 
peu  l'àgc  d(.'  cclfe  jolie  statue  en  la  repoi'lanl  au  mv""  siècle, 
et  (|u'elle  ne  doit  guère  remonter  (ju'au  xv'.  Mais  il  laul  se 
rap|)eler  que  la  chà.'ise  de  S  nnle-C.erlrude  de  JSiveUea,  qui 
date  de  répo(pie  primaire,  nous  offre  des  atliludes  tout  aussi 
conlonrnées. 

Il  y  a  encore  dans  un  gable  d'une  y\c<:  façades  lal(''iales 
{\o>  ligures  (|ui  appai'tiennent  c(M'lainei!ien!  ;i  la  même 
é'pocpie.  D'aboi'd  un  lrès-curi(Mi\  .sr;/;//  Abraham,  assis  entre 
deux  anges  assis  l'galemenl  el  lenani  enire  ses  mains  les 
deu\  exirémilés  d'un  lina'e  oi'i  >onl   Ithillies  une  S(''ri(>  de  six 


^11 


petiles  llgurincs,  image  de  rhnmanid-  issue  de  c.e  palriarclio. 
Plus  bas,  dans  deux  niches,  apparaissent  deux  figures 
(lehoul,  aussi  belles  de  slyle,  aussi  élrganles  de  tournure, 
aussi  fermes  d'exéculion  que  la  belle  Vierge  du  portail. 

La  plus  importante  des  sculptures  brabançonnes  du 
XIV*  siècle,  aussi  bien  pour  l'étendue  et  la  complication  du 
travail  que  pour  le  caractère  des  figures,  est  incontestable- 
ment le  grand  relahle  d'Hackendover,  le  seul  retable  en  bois 
de  cette  époque  qui  existe,  croyons-nous,  en  Belgique.  Dans 
ces  derniers  temps,  la  date  de  ce  magnifique  ouvrage  d'art  a 
été  contestée.  M.  Wauters,  dans  son  Histoire  des  communefi 
belges,  invoque  certains  détails  de  costume,  tels  que  «  les 
hauts  chaperons  des  femmes,  »  pour  y  voir  une  œuvre  de  la 
première  moitié  du  xv'  siècle,  et  il  se  demande  si  ce  retable 
ne  pourrait  même  pas  dater  de  la  fin  de  cette  époque,  auquel 
cas  on  pourrait,  pense-t-il,  l'attribuer  à  un  maître  Denis  qui 
travaillait  à  lïackendover  en  148o-i4SG.  .Mais  l'éminent 
archéologue,  —  dont  personne  ne  songera  à  suspecter  l'éru- 
dition, —  a  parlé  évidemment  d'après  des  renseignements 
indirects  et  qu'il  n'a  pu  contrôler,  car  il  n'y  a,  dans  tout  lé 
retable  d'Hackendover,  aucun  chaperon  de  femme,  ni  haut, 
ni  bas.  En  revanche,  on  n'y  pourrait  citer  un  soûl  détail 
d'ajustement  qui  n'appartienne  au  xiv'  siècle.  Exemples  : 

La  coiffure  des  femmes,  qui  relève  les  cheveux  en  deux 
touffes  rondes  sur  les  tempes  et  les  enferme  dans  un  filet. 
C'est  le  louret  dont  on  a  déjà  des  spécimens  au  xiii''  siècle  (i)\ 


(i)  Voir  iin(^  plaqno  de  miroir  du  .Mn.si'e  de  Ci|iny,  dalt'c  du  \iii«  siècle. 
V.  aussi  les  lleurea  de  la  croix  de  Nolre-fkime  dex  mor/s.  iiiiiniisfri!  de  la 
]iil)liolliî'(|iie  i\i-  flaiii^rai,  ot  d'autres  nianus^i'iis  du  mv"  sii'fle. 


—  2S  — 

Leurs  robes  —  collantes  au  buste  et  sans  taille  (i); 

Los  manches  de  ces  robes,  manches  bien  particulières, 
collantes  avec  le  coude  nianiué,  une  rangée  de  petits  bou- 
tons au  poignet,  et  qui  se  pi'olongenl  en  s'évasanl  au  delà  de 
la  main  qu'elles  recouvrent,  à  moins  que,  pour  avoir  la 
main  libre,  on  ne  les  rejette  sur  l'avant-bras  h); 

Les  aumonières  (.î),  les  chaussures  (4),  les  casques  (5) 
n'appartiennent  pas  moins  franchement  à  la  même  époque. 

Un  seul  de  ces  détails  poui'rait  laisser  des  doutes  :  c'est  le 
bouclier  dont  est  couvert,  —  presque  tout  entier,  —  un 
soldai  dans  le  groupe  central  du  retable,  bouclier  qui 
fiffure  une  énorme  tète  en  relief  avec  un  nez  camard,  une 
longue  moustache  et  une  barbe  de  fleuve  aux  longues  ondu- 
lations. Cette  singulière  fantaisie  rappelle  plutôt  le  xvi'  siè- 
cle que  le  xlv^  .Mais  on  trouve  des  épaulières  d'un  goût 
identique  dans  les  toiles  peintes  de  Hheims,  qui  sont  du  xv% 
et  l'on  trouvera  un  bouclier  décoré  d'un  mascaron  analogue 
et  non  moins  colossal  au  Mars  i)lus  ancien  d'un  siècle 
qui  décore  la  façade  de  la  cathédrale  de  Strasbourg.  Une 
autre  parlicuh'.i'ité  d'ajustement  non  moins  curieuse  à  noter 
est  la  coiffure  d'une  des  saintes,  coiffure  qui  ressemble  pour 
moitié  aux  grands  bonnets  tuyautés  de  nos  grand'mères  et 
pour  moitié  aux  capelines  d'aujourd'hui. 

La  jolie  architecture  à  jour  des  niches  qui  contiennent 


(1)  Ms.  du  Ménaffier  de  Paris   —  Ms.  du  roi  Mocliis. 

"2)  jAcguEMiN,  Miniature  du  xiv"  siùcie  de  la  bitiliotlièque  Mazarine.  (Iravure 
sur  pierre  de  13G0,  i  ilée  dans  l'histoire  du  costume  de  Violiot-Leduc 

(5)  Heures  de  In  croix  de  ^ioIre-Uame  des  morls;  >ls.  du  roi  Modiis.  clc. 

(4)  Idem. 

(s)  V.  VHi'lindore  Pagelh'  de  la  bibliothèque  de  rArscnal.  la  /;//'/(■  de  Cliurles  V 
et  les  manusrrils  itatlTs  du  xiV  sièele,  etc. 


—  Î2î)  — 

les  ii'roupcs  apparliciil  loiilcfois  aux  dcrniors  jours  du 
iïotliiquc.  Si  l'on  songe  que  J'égliso  d'ilackendover  a  élé 
l)ridéc  plusieurs  fois,  el  si  l'on  observe  que  les  groupes 
sonl  détachés  el  ne  font  pas  corps  avec  l'architecture,  on 
sera  porté  à  supposer  que,  dans  un  de  ces  incendies,  on  aura 
dû  abandonner  au  feu  la  partie  architectonique  de  la  compo- 
sition, sans  doute  (ixée  au  mur.  tandis  qu'on  mettait  les 
ligures  en  lieu  de  sûreté. 

En  somme,  ce  sonl  les  costumes  mêmes  des  ligures,  dans 
le  retable  d'Hackendover,qui  ledatent  duxiv'^siècle,et  cequi 
n'appartient  pas  moins  évidemment  à  celte  époque  el  non  à 
une  autre,  c'est  son  style.  Les  draperies  y  sont  souples, 
larges  et  sobres,  les  proportions  sont  généralement  un  peu 
courtes,  les  poses  simples  et  naturelles.  Nous  sommes  bien 
loin  des  plis  cassés,  comme  des  ligures  allongées  et  con- 
tournées du  xv"  siècle. 

On  a  terriblement  abimé  cette  œuvre  d'art  dans  les  res- 
taurations qu'elle  a  subies.  On  ne  s'est  pas  contenté  d'en 
changer  l'ordonnance  et  de  faire  une  sorte  de  longue  frise 
à  deux  étages  d'une  composition  qui  consistait  sans  doute 
en  un  triptyque,  c'est-à-dire,  comme  d'habitude,  un  motif 
central  muni  de  ses  deux  volets.  On  a  encore  dépouillé 
le  retable  d'Hackendover  de  toute  sa  polychromie  primitive, 
où  l'on  eût  peul-élre  retrouvé,  parmi  ces  inscriptions  dont 
les  gothiques  brodent  volontiers  les  vêtements  de  leurs  per- 
sonnages, l'origine  exacte  de  l'œuvre,  sa  date  précise  et  le 
nom  de  son  auteur.  C'est  un  véritable  malheur,  car  on  se 
trouve  ici  en  présence  d'une  œuvre  de  premier  ordre,  aussi 
large  de  style  qu'une  conq)Osition  du  xiir  siècle,  avec  plus  de 
pittoresque  dans  l'ajustement, plus  de  caractère  et  dévie  dans 


—  50  — 

les  l\  j)cs.  \'oii"  li'S  principales  liuuro  (iii  rciahlc  cl  ct'lk'S, 
(lirail-(ji),  que  l'arlisle  a  le  plus  soifinées,  c'esl-à-dirc  les 
persuuuap:es  célesles  cjui  occu|)eul  les  com])ar[iments  sujié- 
ricurs.  Dieu  le  Père  ne  pourrait  pas  cire  i)lus  majestueux,  uu 
(ircc  ne  l'aurait  |)as  drape  plus  largenieiil  ;  type  bien  |)ai-li- 
culiertraillcurs;  la  letc osseuse  et  auslèiv  d'un  eéuobile.  Saint 
Jean  lenanl  l'agneau  sur  le  bi'as,  porte  sur  l'épaule  une  peau 
velue  et  laisse  passer  une  janil){>  sèclic  sous  le  lambeau 
d'étoft'e  qui  l'eutorlille;  tète  rude,  longue  barbe  ilotlanle, 
c'est  l'homme  du  désert.  Les  ajiùlres  portent  chacun  un  livre 
ouverl,  l'Évangile  :  grandes  draperies  étollëes,  plus  libres 
(juc  celles  des  apôtres  fameux  de  Visscher.  Les  apôtres  lla- 
mands  n'ont  pas  non  plus  la  raideur  relative,  ni  les  attitudes 
légèrement  théâtrales  des  apôlres  germaniques;  ils  sont  plus 
humains;  les  tèles  sont  autant  de  types  |.opulaires  bien 
appropriés  à  la  mission  et  au  caraclèi'e  aid-ibués  à  chaque 
sailli,  ils  sont  saisissants  de  vie  et  réalisés  avec  autant  de 
largeur  (pie  de  fermeté.  La  Uenaissancc;  n'a  pas  plus  de  goût 
ni  de  science  et  elle  est  bien  moins  sentie.  Ceci  rappelle  les 
Masaccio. 

Les  figures  (pii  décorent  la  partie  supérieui-e  du  retable 
sont  Dieu  le  Père,  saint  Jean-Bapliste ,  divers  saints,  parmi 
le.Mpiels  on  remarrpie  on/.(i  apôlres,  saint  Antoine,  .saint 
Denis,  saint  J.aurent,  sainte  Agnès  et  sainte  Catherine. 

Quant  au  sujet  même  du  ivl;,l)!e,  il  se  développe  dans  les 
compartiments  inleri(.'urs  el  raconte  ïllisloire  o'c  la  fon- 
dalion  de  Véfilisc  du  Saint-Sauveur  de  Uackcndover,  fait  que 
la  clironi(jue  locale  lait  remontei'  ;i  OUO,  En  tout  treize  scènes 
el  groupes  ainsi  distribués  : 

1.    Les  trois   vieru(,'S   foiidatrjers  de   l'éuiise   en  oi'aison. 


—  51   — 

C'cUiiciil  les  Irois  !^(^'u^.s.  Il  est  impossible  de  iiicllrc  plus  do 
vie  que!  l'ailislo  n'en  a  mis  dans  ces  li'ois  lèles,  d'une  rare 
niaeslria  d'accenlualiui)  ;  les  mains,  au  rebours,  ne  sont  fine 
de  longues  et  parfois  d'énormes  pâlies  sèclies;  mais  il  l'aul 
les  mellrc  sur  le  comple  des  reslauralions. 

i2.  Conslruclion  de  la  première  église  à  Hoyboul.  Au 
fond,  deux  ouvriers  deboul  sur  la  bâtisse  commencée;  l'un, 
un  fil  à  plondj  à  la  main;  l'aulre,  sévère  et  grave,  parait  èlre 
l'architcclc;  à  l'avanl-plan,  deux  autres  maçons,  dont  l'un 
verse  une  tauléc  de  mortier.  Les  trois  sceurs  sont  deboul 
dei'rière  eux.  l'our  bien  monlrei-  qu'elle  l'ail  les  fonds  de 
l'entreprise,  Fainée  ne  parait  jamais  qu'avec  une  grosse 
sacoche  pendante  à  la  main. 

3.  Pour  éprouver  les  trois  sœurs,  des  anges  démolissent 
réglise. 

4.  Le  groupe  des  Irois  sœurs  réparait.  Preuve  (prelles  ne 
se  découragent  pas. 

5.  Conslruclion  d'une  deuxième  église  à  Sleenberg. 
Mêmes  figures  de  maçons  dans  d'aulres  altitudes;  les  tètes 
ressemblent  à  celles  du  premier  groupe  comme  si  c'étaient 
des  portraits.  Les  trois  sœurs  sont  i)rcsentes. 

0.  Deux  anges  (loul  neufs,  ouvrage  assez  mauvais  de  la 
dernière  restauration  )  démolissent  cette  église  comme  la 
précédente. 

7.  Ici  deux  groupes  qui  n'appartiennent  i)lu3  à  l'histoire 
de  l'église  d'Hackeiidover  et  qui  évidemment  faisaient  i)arlie 
du  motif  central,  quand  le  retable  avait  la  forme  d'un  trip- 
tyque; d'un  côté,  la  Vierge  Marie  soutenue  jiai'  saint  Jean  et 
Marie-Madeleine;  de  l'autre,  un  groupe  de  trois  soldats,  la 
tète  levée.  En  quoi  consistait  le  motif  disparu?  Il  n'est  pas 


rr2  — 


clilïicile  à  deviner,  l-^videniiiicnl  c'était,  comme  dans  tant  de 
retables  gothi({ues,  un  cruciliemeiit.  La  croix  est  absente,  le 
Christ  nianque.  La  figure  de  Dieu  le  Père,  qui  devait  sur- 
monter el  compléter  la  scène,  a  été  placée  très-bas,  à  l'en- 
droit même  où  la  croix  devait  se  trouver.  Cela  j)roduil  le 
plus  étrange  effet.  Le  doigt  levé,  dans  une  espèce  de  niche, 
il  a  l'air  de  morigéner  celte  pauvre  mère  qui  s'évanouit  el  de 
s'allirerdelapartdes  soldats  présentsdc  justes  remontrances. 
Le  trop  zélé  restaurateur  a  cru  bien  faire  de  rapprocher 
toutes  les  figures,  au  lieu  de  laisser  un  vide  à  la  place  de  la 
croix. 

8.  Les  trois  sœurs  sont  en  i)rière.  Dieu  leur  fait  connaître 
sa  volonté  par  l'intermédiaire  d'un  oiseau. 

9.  Deux  ouvriers  abattent  un  arbre.  —  La  tète  maïujuait 
a  l'un  d'eux.  Le  restaurateur  en  a  remis  une  neuve  beaucouj) 
trop  grosse  el  fort  déplacée,  grâce  à  la  prétention  qu'elle 
affecte  d'être  plus  noble  que  les  types  anciens. 

10.  Construction  de  l'église  à  Hackendover.  On  hisse  les 
matériaux  à  l'aide  d'une  poulie.  Les  trois  sœurs  sont  pré- 
sentes. Exécution  un  peu  cavalière.  Les  figures  du  fond 
sont  plus  grandes  que  celles  de  l'avanl-plan. 

11.  Les  trois  sœurs  paient  le  maitrc  des  œuvres  et  ses 
hommes.  En  tout  treize  figures.  Types  très -personnels; 
attitudes  vives  et  très-expressives  ;  un  des  maçons  a  l'air  de 
chicaner  sur  son  salaire  ou  de  se  récrier  sur  le  compte  de 
ses  journées.  Il  y  a  des  tètes  grotesques,  d'auti'cs  pleines 
d'énergie,  d'autres  d'une  intelligence  douce  et  finement 
accentuée.  Un  des  plus  curieux  compartiments  de  ce  retable 
si  curieux  ))ourles  architectes. 

12.  Conséci-alion  de  l'église.  Trois  évèques,  l'un  tenant 


un  seau.  L'églisi'  apparaît  poser  sui'  uiil'  espèce  de  terrasse 
(pii  a  pu  exister,  car  aujourd'hui  encore  le  clieinin  qui  y 
uieiie  C'sl  en  contre-bas  de  rédilice. 

1.1.  Sujet  dernier.  Le  Christ,  la  houhî  du  inonde  à  la 
main,  soi't  de  l'église  comme  d'une  liahilation  devenue, — 
louchant  symbole,  — délinilivemenl  sienne;  quatre  person- 
nages agenouillés  et  les  mains  jointes  sont  sur  son  passage, 
comme  sur  celui  d'un  souverain,  et  semblent  implorer  sa 
bénédiction. 

Quel  es!  l'auteur  de  ce  poème  sculpté?  En  tout  cas,  ce  fut 
un  talent  mâle  et  éiicrgi(jue.  Rien  de  caressé,  pas  de  détails 
mesquins.  Le  travail  est  souvent  brutal.  Mais  raccenluation, 
l'indication,  sont  toujours  d'un  maître  armé  d'un  savoir  pro- 
l'ond  et  dont  la  main  n'hésite  jamais. 

>(Ous  ne  ferons  pas  d'hypothèse.  .Nous  nous  bornei'ons  à 
rappeler,  sans  vouloir  (.l'ailleurs  rattacher  ce  nom  au  retable 
d'Hackendover,  que  l'histoire,  en  fait  de  statuaires  braban- 
çons de  cette  époque,  n'a  guère  conservé  qu'un  nom,  celui 
de  GoLLARD  Garnet,  qui  vivait  à  Bruxelles  vers  l'an  1305. 
On  lui  attribue  l'un  des  plus  remarquables  monuments  de 
sculpture  du  xw"  siècle,  le  magnitique  tombeau  en  pierre  de 
touche  érigé  pai*  la  duchesse  Jeanne  de  Brabant  au  duc 
Jean  III,  son  père,  et  qu'on  voyait  naguère  dans  le  chœur 
de  l'église  abbatiale  de  Villers.  Au  xvi""  siècle  déjà,  dit 
M.  Pinchart,  les  iconocl".3ies  avaient  brisé  les  bras  et  les 
jambes  de  la  statue.  Le  due  était  représenté  de  grandeur 
naturelle,  couvert  de  son  armure  et  d'une  cotte  de  mailles; 
la  cuirasse  el  le  bouclier  ('(aient  ornés  des  armoiries  aux 
quatre  lions  de  Brabantet  du  Limbourg.  Tous  les  accessoires 
avaient  été  autrefois  dorés.  La   tète  était  nue;   le   prince 


.)4 


j)orl;iil  les  nioiislaclies,  la  harbe  ol  les  cheveux  longs,  el  il 
avait  le  froiil  ceinl  d'une  couronne  d'or.  A  la  partie  inférieure 
du  tombeau,  l'artiste  avait  sculpté  trente  petites  niches  qui, 
avant  la  dévastation,  contenaienl  probablement  des  sta- 
tuettes. 

Gollard  (Garnet)  est  qualifié  dans  les  comptes  de  «  maitre 
de  la  lond)e  du  duc  et  de  faiseur  de  tombes  >■> .  Dans  l'un  des 
registres  qui  le  mentionnent,  il  est  aussi  question  d'un  bassin 
en  pierre  livré  poui'  la  nouvelle  fontaine  des  jardins  de  l'hôtel 
de  Caudenberg  par  un  certain  Gollard  Garnet;  c'est  sans 
doule  le  nom  de  l'artiste. 

Quelques  auteurs  prétendent  rattacher  encore  à  l'école  bra- 
bançonne un  autre  statuaire,  Guillaume  Dugardin,  à  qui  le 
duc  de  Brabanl  Jean  III  commanda  pour  140  florins  d'or, 
prix  considérable  pour  le  temps,  le  monument  qu'il  fit  ériger 
dans  l'église  des  Récollets,  à  la  mémoire  de  son  oncle  Henri 
et  à  celle  du  fils  et  du  petit-fils  de  ce  prince,  Jean  et  Henri 
de  Louvain.  G'est  aussi  à  cet  artiste  qu'on  attribue  le  beau 
monumenl  de  CoUard  de  Sédin,  dont  M.  B.  Dumortier  a 
fait  don  à  la  cathédrale  de  Tournay.  Ce  tombeau  porte  la 
date  de  1541  et  nous  montre,  sous  une  riche  architecture 
ogivale,  la  Vierge  Marie  donnant  le  sein  à  l'enfant  Jésus  et 
ayant  à.  sa  droite  Gollard  de  Séclin,  en  costume  de  doc- 
teur, et  sa  femme  Isabeau,  et  à  sa  gauche  leur  fils, 
Nicolas  de  Séclin,  porlant  les  insignes  de  sergent  d'armes 
du  roi  de  France.  G'est  de  la  très-belle  sculpture,  s'il  en  fût, 
et  de  grande  allure.  Gollard  de  Séclin,  déjà  vieux,  est  une 
grosse  figure  ronde,  rasée  et  sévère,  un  j)cu  bourrue  même, 
d'imc  aiislérilé  quasi-inonacale  et  d'un  énergique  caractère. 
Son  fils,  velu  d'une  longue  robe  à  la  ceinture  de  laquelle 


—  r>5  — 

pend  un  poignard  cl  joignant  les  mains  comme  son  père, 
représente,  avec  ses  cheveux  bouclés  séparés  sur  le  milieu 
du  front,  un  remarquable  type  de  beauté  virile;  il  incline 
légèrement  la  tète  en  arrière  en  regardant  la  Vierge  d'un  air 
de  douce  supplication.  Quant  à  la  Vierge,  Waagen  fait 
remarquer  avec  raison  le  groupe  charmant  qu'elle  forme 
avec  l'Enfant-Dieu  et  qui  semble  pris  sur  la  nature  même. 
Elle  tient  doucement  dans  une  de  ses  mains  le  pied  droil 
du  petit  Jésus,  qui  appuie  sa  main  droite  sur  le  sein  mater- 
nel et  de  l'autre  se  lient  le  pied  gauche  par  un  de  ces  mou- 
vements naïfs  et  charmants  que  la  nature  seule  invente.  La 
draperie  de  la  Vierge,  car  c'est  toujours  un  des  détails  qui 
arrêtent  l'attention  dans  la  statuaire  du  moyen  âge,  la  dra- 
perie, dis-je,  faite  d'une  sorte  de  laine  fine  et  souple,  est  de 
toute  beauté  par  la  simplicité,  la  liberté,  le  style.  Il  est  mal- 
heureux que  le  monument  soit  mutilé  et  qu'un  détail  capital 
y  manque,  la  .tête  de  la  Vierge.  Elle  devait  être  fort  belle,  si 
l'on  en  juge  par  les  autres  tètes,  qui  sont  des  portraits  minu- 
tieux, où  l'on  distingue  jusqu'aux  petits  plis  de  la  peau  sous 
les  yeux,  jusqu'au  poil  très-court  qui  garnit  le  menton-  de 
Nicolas  Séclin  et  sa  lèvre  supérieure. 

Mais  est-ce  là  de  la  sculpture  brabançonne?  En  somme, 
ce  qu'on  y  voit  dominer,  car  la  vérité  même  y  est  choisie, 
c'est  la  préoccupation  du  style,  et  cette  tendance  suffirait 
à  montrer  que  ce  monument  de  Tournai  est  aussi  l'œuvre 
d'une  main  tournaisienne. 

Ajoutons  qu'un  document  authentique  vient  corroborer 
les  présomptions  que  fournit  l'œuvre  d'art  elle-même.  Ce 
document  que  veut  bien  nous  signaler  M.  Pinchart,  est 
emprunté  aux    archives   communales  de  Tournai  ;  on  lit 


—    ô(i    — 

(l;iii>  le  licuislre  de  l;i  loi  foniiiimialc.  ;(  l;i  (ialc  du  :2."j  iio- 
vciiibic  183')  : 

«   Maislres  Wlliamucs  huii  (lai-diii,  pour  >a  bourgcsie.  » 
Le  mol  nous  jiarail  décisif,  d'aulaiil  plus  ([u'on  n'allègue 
aucune  |)r('uvc  ;i  l'appui  de  l'oriiiine  brabançonne  de  niailre 
Dugardin. 

Une  sculplui'c  non  moins  i-emarquable  est  un  autre  moiiu- 
uKMil  l'unei-aii'c  qu'on  (rouve  aussi  dans  la  calhédrale  de 
Toui-nai,  el  «pii,  moins  parlait  peut-èlre  (pie  le  précédent 
sous  le  rapport  de  l'exécution,  lui  csl  au  moins  égal  par  l'élé- 
vation du  slvie.  Je  i)arle  de  celui  qui  est  consaci'é  à  la  l'amillc 
CoTWELL  el  qui  date  de  1 080.  Tous  les  Cotwell  y  coniparaisscut 
en  quelque  sorte  devant  le  tribunal  du  Clirist.  Au  milieu  d'eux 
a|)parail  le  Sauveur,  assis  sur  l'arc- en-ciel,  les  pieds  sur  le 
globe  et  les  bras  étendus.  A  sa  droite,  les  mains  jointes, 
Jean  Colwell,  en  costume  de  magistrat  de  Tournai;  juiis 
ses  fus  en  chevaliers,  le  poignard  au  coté  gauche,  l'épée  au 
côté  droit,  cl  le  casque  déposé  à  terre,  —  tandis  (pi'on  voit 
à  gauche,  dans  la  même  allilude,  Marguerite,  lomuie  de 
Jean  Cotwell,  et  ses  trois  filles.  Ces  personnages  sont  tous 
accompagnés,  selon  l'usage,  deleurspairons  et  patronnes,  — 
saint  Jean-Daplisle,  saint  Jean  l'Evangélisle,  saint  Jacques 
de  GompostcUe  et  saint  l^ierrc,  d'une  part,  —  et  de  l'autre, 
des  saintes  dont  les  noms  nous  écliapi)enl.  Ceiiains  détails 
de  cette  composition  sont  très-archaï(pies  :  c'est  ainsi  ({ue 
les  pieds  du  Christ  montrenl  de  longs  doigts  égaux  el  paral- 
lèles; mais  le  Christ  est  grand,  lier,  véritablement  imposant. 
En  regardani  les  Irles  des  personnages,  on  croirait  d'abord 
qu'elles  sont  loulcs  laillées  sur  le  n)cme  i)atron,  aussi  bien 
du  cùb'  des  liommes  que  des  femmes;  avec  plus  d'altenlion. 


C3 

m  - 
> 
X 


^ 


o 

o 


0/ 


on  s'aperçoit  que  chacmi  est  mai-qué  d'un  caraclère  très- 
individuel  et  que  cliaque  ligure  même  est  aniniécî  d'un  sen- 
liment  particulier.  Le  premier  chevalier  a  une  tète  plus 
distinguée  et  se  penciie  en  avant  avec  |)his  de  lerveur;  le 
dernier,  large  face  indjerbe  et  pleine,  un  peu  maussade,  aux 
cheveux  coupés  courts  sur  le  front,  est  un  type  tout  différent. 
Les  pieds  sont  courts  et  larges,  mais  bien  compris  comme 
analomie;  — les  femmes,  un  peu  replètes,  montrent  de  beaux 
profds.  Les  saintes,  placées  derrière  elles,  allongent  sur  leiw 
dos  de  longs  doigts,  plats  et  grêles  ;  rien  de  coquet  dans  ton  le 
cette  exécution  ;  mais  elle  porte  l'empreinte  d'un  grand  style 
dont  on  ne  peut  pas  n'être  pas  frappé. 

Telle  est  toujours  la  grande  qualité  de  la  statuaire  lour- 
naisienne  et  celle  d'une  (euvre  plus  complète  et  plus  raflinée 
(|ue  la  même  école  peut  évidemment  revendiquer,  le  Taber- 
nacle de  liai,  car  il  ne  faut  pas  oublier  que  Ual  était  et  est 
resté  durant  des  siècles  une  enclave  du  Hainaut.  Ce  ravis- 
sant édicule  présente  dans  .sa  composition  toutes  les  com- 
plications et  toutes  les  richesses  d'une  sculpture  sur  bois,  et 
il  est  fouillé  avec  une  délicatesse  et  une  habileté  que  peu 
d'œuvres  en  bois  ont  dépassées.  La  i)arlie  supérieure  du  taber- 
nacle est  décorée  de  deux  scènes  abritées  sous  deux  arcades 
ogivales  dont  les  i)iliers  étaient  ornés  de  socles  avec  euls-de- 
lampe,  dais  et  statuettes;  les  statuettes  ont  disparu;  il  ne 
reste  plus  que  celle  du  milieu  figurant  un  évêque,  La  pre- 
mière scène  a  pour  sujet  le  Christ  "lavant  les  pieds  do:^ 
ajX)tres.  La  (jgure  du  Christ  est  malheureusement  décapitée; 
toutes  les  ligures  sont  deboul,  à  part  l'apùlre  assis  qui  tend 
son  pied  au  Christ.  Le  second  compai-limenl  i-eprésente 
la  Cène.  Le  Ciirisl  csl  dclhiul,  prunducanl  livs  pai'oles  sacra- 


—  38  — 

nientelles;  un  des  apôtres  du  premier  plan,  au  lieu  d'être 
assis  comme  les  autres,  s'est  pieusement  agenouillé,  —  idée 
neuve  et  touchante.  On  remarquera  le  sentiment  et  la  vie 
que  le  sculpteur  a  mis  dans  ces  types,  toute  la  diversité 
(|u'il  a  su  donner  à  ces  figures,  et  les  artistes,  ici  encore, 
seront  frappés  surtout  de  la  largeur  et  de  la  souplesse  des  dra- 
peries, jetées  avec  une  maestria  qui  ne  faiblirait  pas  devant  les 
plus  belles  figures  d'André  de  Pise. —  Voilà  des  œuvres  con- 
temporaines. Qui  l'emporle,  des  maîtres  des  Pays-Bas,  si  peu 
connus,  ou  des  Italiens,  si  célèbres  ?  J'ose  dire  encore  cette 
fois  que  les  nôtres  n'ont  rien  à  redouter  de  la  comparaison  : 
ils  dépassent  l'Italie  à  l'époque  de  Lambert  Palras,  ils 
l'égalent  encore  au  temps  du  tal)ernacle  de  Hal  et  du  retable 
d'IIackendover,  et  pour  tout  esprit  non  prévenu  ils  conti- 
nueront  à  lutler  |)cndant  les  siècles  qui  suivront. 

Veut-on,  après  les  (euvres  remarquables  que  je  viens  de 
ciler,  un  trav;nl  plus  considérable,  plus  monumental  et  où  le 
caractère  de  la  statuaire  fournaisienne  s'écrit  plus  nettement 
encore?  On  a  le  grand  portail  de  la  cathédrale,  aussi  impor- 
tant pour  l'histoire  du  xiV  siècle  que  la  porte  Mantille  pour 
celle  de  l'époque  romane.  Ce  portail  est  d'une  décoration 
riche  et  luxuriante,  qui ,  en  quelque  sorte,  en  déborde  et  va 
se  répandre  à  droile  ol  à  gauche  sur  les  murailles  de  l'édifice. 
—  Grandes  statues  dans  des  niches,  compositions  en  ronde- 
bosse  à  figurines  multiples,  figures  en  bas-relief,  rien  n'y 
manque.  Je  ne  suivrai  pas  Lemaislre  d'Anslaing  dans  son 
énoncialion  détaillée  de  lous  ces  sujets,  (pii  ne  sont  pas  tou- 
jours lrès-cl;iii-s  el  dont  ks  plus  petits  et  les  plus  compli- 
(piés,  portant  les  d;iles  de  1589  et  del62i5,  paraissent  repré- 
senter, les  uns,  une  sorte  de  d(''filé  des  souffrances  humaines 


STATUAIRE    WALLONl^E   XIV"'  SIECLE 


Z/<xçcc<ie  pouicu><xl:^  cie  t^a  v^-^  ac     L^oittuaii 


—  59  — 

secourues  par  la  religion,  et  d'autres,  du  côlé  do  IV'vècIié, 
l'histoire  du  roi  Ghilpéric,  fondateur  de  la  puissance  tempo- 
relle des  évèques  à  Tournai.  Je  n'appellerai  l'attention  du 
lecteur  que  sur  la  partie  la  plus  ancienne  de  cette  décoration, 
c'est-à-dire  sur  les  figures  en  bas-reliefs  qui  se  voient  sous  ces 
petites  scènes  et  qui  représentent  une  longue  suite  de  saints, 
de  prophètes  et  de  docteurs  de  la  loi,  tous  porteurs  d'une  han- 
derolle  ou  d'un  phylactère  explicatif.  Le  iMaistre  d'Anstaing, 
dans  quelques  détails  descriptifs  qu'il  soit  entré,  s'est  peu 
arrêté  k  ces  figures.  «  Ce  sont,  dit-il,  des  sculptures  assez 
informes  et  probablement  d'une  grande  ancienneté;  elles 
appartiennent,  sans  doute,  à  l'ancien  portail  roman  dont  ces 
portes  faisaient  partie.  »  L'excellent  historien,  si  érudit  en 
toutes  les  questions  d'archéologie  et  d'architecture,  s'est 
trompé  ici  en  ce  qui  regarde  la  sculpture.  Ces  figures  n'ont 
rien  de  roman,  elles  sont  du  xiv*"  siècle;  elles  n'ont  surtout 
rien  d'informe  et  elles  sont  de  l'art  et  du  style  les  plus 
remarquables.  Je  les  tiens,  pour  ma  part,  pour  l'un  des 
chefs-d'œuvre  de  la  statuaire  tournaisienne.  Élégantes, 
souples,  plus  longues  de  proportions  que  les  types  ordinaires 
du  xiv*  siècle,  elles  sont  aussi  d'une  exécution  plus  sobre. 
C'est  la  simplicité  de  l'antique,  sa  force  sans  surcharge,  sa 
grandeur  sans  effort  ;  si  on  les  prend  dans  leur  ensemble, 
elles  n'étonnent  pas  moins  par  l'inépuisable  variété  de  leurs 
types,  de  leurs  attitudes,  de  leurs  ajustements,  et,  comme  chez 
les  Grecs  encore,  celte  richesse  est  sans  ostentation  et  ne 
se  dévoile  qu'aux  yeux  qui  l'étudient.  Les  propbètes  de 
Tournai  nous  représentent  dans  l'art  belge  du  xiv"'  siècle 
quelque  chose  comme  la  frise  du  Parthénon.  C'est  pour 
nous,  n\oc  la  châsse  de  Sainte-Eleutlière,la  conception  où  la 


—  40  -^ 

slaUiairo  wiilloiinc  afliime  le  |»lus  nellement  et  avec  \c  plus 
(le  boiiliciir  SCS  tendances  classiques.  Dans  la  ranimée  de 
droite,  les  figures  des  proplièles  sont  infiniment  plus  abimées 
que  dans  la  rangé(^  de  gauche.  Un  est  entièrement  détruit. 
Six  sont  sans  tète  ou  du  moins  sans  visage.  Tel  (juel,  le  por- 
tail de  l'èvèclié  complète  admirablement  la  vieille  cathé- 
drale romane  avec  sa  riche  et  sévère  arcliitecture,  ses  splen- 
dides  vitraux,  ses  merveilleuses  tapisseries,  ses  précieux 
tombeaux,  ses  châsses  inappréciables,  véritable  musée  de 
l'art  tournaisien  dans  toutes  ses  manifestations. 

Deux  morceaux  de  sculpture,  de  nature  très-différente, 
dont  on  peut  encore,  selon  toute  apparence,  fainî  honneur 
à  l'école  du  Hainaut,  se  voient  à  Walcourt  el  à  Mons. 

A  Walcourt,  c'est  un  Couronnemenl   de  la  Vierf/c,  qui 
figurait  jadis  dans  le  fronton  du  portail  de  l'église  el  qui, 
pour  cause  de  vétusté,  a  dû  être  renouvelé.  La  copie  s'est 
appli(|uée,  —  sans  y  nkissir  complètement,  — à  être  aussi 
naïve  et  littérale  que  possible.  —  L'original  est  gardé,  si  je 
ne  me  trompe,  dans  les  magasins  de  l'église.  Le  style  des 
deux  figures,  à  peu  près  de  grandeur  naturelle,  a  d'intéres- 
santes qualités  de  souplesse,  de  goût,  de  simplicité.  La  tète 
du  Christ  rappelle  le  type  du  portail  de  l'hôpital  Saint-Jean, 
à  Bruges,  et  parait  relever  plutôt  du  xin*"  siècle  (jue  du  XIV^ 
Il  y  aussi  dans  les  magasins  de  l'église  deux  anges  ado- 
rateurs, jadis  placés  dans  deux  petites  niches,  et  peut-être 
un  peu   posl(''ri(Mii-s  au   Ciirisl   el  ;i   la  Vierge,  mais   d'une 
grande  jtarenlé  de  style  pourtant  avec  ces  di'ux   figures, 
surtout  par  les  draperi(^s,  légères,  amples  et  souples. 

A  .Mons,  dans  l'église  (l(i  Sainte-Wandru,  on  conserve  le 
Rcli(iuiiiic  (le  Sainl-h'loi/.    Mainlrniiiil   (jik^  I;i   -l.'ihiiiirc  v;i 


—  /il  — 

s'épanouir  sous  loules  les  fonnos  el  se  fiiçonncr  en  toutes 
matières,  bois,  marbre,  |)i(MTe,  brouze,  nous  pouvons  désor- 
mais laisser  de  cùté  les  purs  ouvrages  d'orfèvrerie,  qui 
généralement  sont  œuvres  d'ornemaniste  plutôt  que  de  sla- 
tuaire.  Mais  la  figure  joue  dans  celui-ci  un  rôle  prépondérant. 
Le  reliquaire  ost<nisoire  de  Saint-ËIoi  a  été  exhibé  en  1804 
à  l'Exposition  de  Matines.  M.  James  Weale  le  décrit  ainsi  : 
«  Reliquaire  ostensoire  doré  en  partie  du  xiv'  siècle.  A 
chaque  pie'd  oblong,  dont  les  angles  sont  éVasés,  se  trouve 
un  ange  debout.  Ceux-ci  soutiennent  d'une  main  un  cy- 
lindre renfermant  une  relique  de  Saint-Éloi,  de  hracltio 
Sancli  Eligli  Episcopi  Nonoviensis,  et  de  l'autre  un  jielii 
édicule  à  quatre  faces,  deux  grandes  et  deux  petites,  sur- 
montées de  pignons  à  crochets  et  dont  les  contre-forts  aux 
angles  se  terminent  par  des  pinacles,  tandis  que  le  tout  est 
dominé  par  un  petit  crucifix  «  qui  s'élève  au  milieu  de 
la  toiture.  Les  deux  faces  principales  de  l'édiculc  sont 
percées  d'une  ouverture  ronde,  à  travers  laquelle  on  voit 
une  relique  de  Saint-Laurent  de  ombus  Sancli  Laurenlii 
marlyrh.  Le  donateur  est  représenté  à  genoux  sur  le  devant 
du  pied,  vis-à-vis  de  sainte  Waudru,  laquelle  tient  un  livre 
de  la  main  droite.  L'emblème  placé  dans  la  main  gauche  est 
perdu,  sur  le  bord  du  ))ied  se  trouve  gravé  : 

Maistre  Pierre  Cramette  Secrétaire  du  Roy 
Chanoine  de  Noion  et  de  ceste  Eglise. 
«  H.   0,.")!.  Pied  0,187  sur  0,097.  » 

Pierre  Cramclle,  secrétaire  du  roi  de  France  et  chanoine 
de  Xoyon,  avait  été  investi,  le  26  octobi'e  l."7(),  d'une  pré- 
bende de  chanoine  du  chapitre  noble  de  Sainl<'-\\'au(li'ii. 


—  42  — 

Les  deux  anges  porlcurs  de  l;i  relique  sont  de  très- 
urande  diuKMision  comparée  à  celles  de  sainte  Waiidrii 
et  du  donateur,  conformément  aux  usages  primitils,  qui 
exprimaient  le  surnaturel  par  le  colossal,  et  les  quatre 
fiûiures,  lariïemenl  conçues  et  exécutées,  seraient  d'un  beau 
style,  n'étaient  quelles  exagèrent  un  peu  ce  goût  des  propor- 
tions trapues  qui  |)araît  propre  au  mv""  siècle,  comme  celui 
des  statures  allongées  à  la  Renaissance. 

Où  en  était,  à  celte  époque,  le  mouvement  des  arts  dans 
les  villes  riveraines  de  la  Meuse? 

Leurs  écoles  diverses  continuaient  à  se  développer,  mais 
de  façon  assez  inégale. 

DinanI  produisait  encore  des  sculpteurs  célèbres;  on  en  a 
pour  preuve  la  grande  réputation  de  Jean  de  Josès,  qui 
signa  de  son  nom  le  lutrin  el  le  grand  candélabre  de  cuivre 
de  Tournai,  comme  le  chandelier  pascal  et  le  lutrin  de 
Tongres.  Seulement,  dès  cette  époque,  la  dinanderie  est 
devenue  une  industrie  purement  ornementale,  et  Palras  n'a 
pas  d'héritier  dans  l'art  de  modeler  les  figures.  A  peine  si 
Jean  de  Josès  mêle  aux  motifs  d'ornement  et  d'architecture 
de  ses  jolis  meubles,  d'ailleurs  pleins  de  goût,  des  figures 
d'oiseaux  ou  d'animaux,  —  l'aigle  dont  les  ailes  déployées 
supportaient  les  livres  saints,  —  les  salamandres  se  mor- 
dant réciproqiii'menl  la  (jueue,  —  les  monstres  assis  à  la 
base  du  lutrin  cl  que  la  |)arol(Mlivine  semble  exorciser —  et 
les  lions  qui  le  supportent. 

Le  tombeau  de  Coli.aiu)  Jacop.is,  jadis  placé  dans  l'Ermi- 
tage des  Grands-Malades  el  transféré  d(>puis  à  l'hôpital  de 
Namur,  constitue  un  curieux  échantillon  du  lal(>nl  de  ce 
statuaire  nannirois,  dont    il    \\o  reste  pas  d'anli'»'  ouvrage 


—  45  — 

authentique.  C'est  une  œuvre  d'une  simplicité  plus  que 
sévère.  La  figure  de  pierre  de  Collard  Jacoris,  raidi  par  la 
mort,  est  couchée  sous  une  sorte  d'arco-solium,  comme  aux 
catacombes.  La  face  antérieure  du  tombeau  est  ornée  de 
trois  petites  figures  de  femmes  qui  mesurent  à  peu  près  le 
tiers  de  la  figure  principale  et  qui  ne  sont  pas  moins 
sèches  et  pétrifiées,  toutes  trois  exactement  pareilles, 
debout,  les  mains  croisées  à  la  ceinture  .et  tenant  chacune 
une  couronne  Malgré  un  travail  un  peu  rudimentaire,  le 
monument  a  du  caractère  et  de  la  solennité.  Il  porte  la 
curieuse  inscription  suivante  : 

CHI.  GIST.  COLARS.  JACORIS.  TALURES.  DIMAGES.  ET.  FRERE. 
DE.    CE.    MAISON.    QUI. 

TREPACAT.  EN.  LAN.  DE.  GRACE.  M.CCC.LXXX.XIIIII.  LENUT. 
GAIS.    lOURS. 

Un  monument  analogue,  mais  d'une  date  plus  reculée 
encore;  se  voit  à  Clairière,  dans  la  province  de  Namur.  C'est 
la  pierre  tumulaire  de  Gautier  d'Oxem,  mort  en  1341, 
et  de  sa  femme.  Ce  tombeau  se  fait  remarquer  par  un 
bon  sentiment  de  nature  et  les  draperies  en  sont  bien 
étudiées. 

Est-ce  aussi  à  un  statuaire  namurois  qu'on  doit  la  belle 
Vierge  polychromée  provenant  de  l'abbaye  de  Marche-les- 
Dames,  et  qui  est  aujourd'hui  exposée  au  Musée  de  Namur? 
S'il  en  était  ainsi,  cette  œuvre  seule  vengerait  surabondam- 
ment la  ville  de  Namur  du  reproche  (refuté  d'ailleurs  par  les 
statistiques  de  Borgnet)de  n'avoir  jamais  produit  des  artistes. 
La  Vierge  porte  Jésus  sur  les  bras  et  foule  le  dragon 
sous  ses  pieds.  La  robe  est  dorée;  les  chairs  sont  peintes. 
Grande  sobriété  de  détails  et  longues  proportions,  Irès-élé- 


—  'ik  _ 


grtnlos,  qu'on  no  (roiivc  guère  au  xiv'  siècle.  Par  le  slyîe  el 
le  sentiment  il  reraonterait  presque  au  x^l^ 

J'ai  déjà  dit  un  mot  du  porlail  de  l'cg lise  primaire  de  llioj, 
jioilail  que  quelques  archéologues  font  remonter  à  tort  au 
xiir  et  même  au  xi*  siècle.  Son  arehilecliii-e,  ijui  est  du 
XIV*  siècle,  figure  une  arcade  ogivale  portée  i)ar  trois  piliers. 
On  a  écorné  autrefois  le  pilier  du  milieu  ;  il  s'agissait  d'ouvrir 
un  libre  passage  à  la  voiture  du  doyen. 
'  Ces  piliers  sont  orjiés  de  trois  statues  de  grandeur  natu- 
relle :  la  Vierge  sur  le  pilier  du  milieu  el  deux  évéques  sur 
les  piliers  &q^  extrémités.  La  Vierge  et  l'évèque  de  droite 
.sont  en  bois  ela])partiennenl  évidemment  au  xv"  siècle.  La 
Vierge,  portant  l'enfanl,  est  un  type  bien  personnel;  la  dra- 
perie, un  peu  surchargée,  mais  d'un  i)li  très-ferme;  l'évèque 
avec  un  livre  ouvert  el  un  hàlon  pastoral,  dt)nt  la  crosse 
manque,  est  d'un  slylc  excellent,  et  les  deux  statues,  bien 
(|u'en  bois,  sont  d'une  conservation  étonnante  La  plus 
dégradée  et  la  plus  ancienne  des  trois  ligures  est  l'évèque 
de  gauche,  qui  est  en  pierre.  Celle-ci  est  du  xiv"  siècle. 

('e  qui  appartient  encore  bien  aulhentiquement  au  xiv* 
siècle,  est  la  composition  en  bas-relief  ([ui  décore  le  tympan 
(le  rar(;adc  et  (pii  se  divise  en  trois  comparlimenls  et  en 
trois  sujets  : 

1"  /.«  Nalivité.  La  Vierge  couchée,  avec  son  enfant 
éicndu  sur  son  sein,  rappelle  assez  la  Vierge  couchée  du 
|,>orlail  de  Bruges.  On  aperçoit  derrière  elle  le  buste  de  saint 
.IwM'iili,  appuyt'  sui-  son  bàlon.  —  Plus  liaiil,  rcnlaiil  est 
représenti' couché  cl  emmaillolU'  de  handcictics,  avec  deux 
àiics  (pii  le  Icchciil.  —   Plus  hinil  encore,  c'est   l'ange   qui 

.'MUiniiee    |;i    iioliveije    \\\\\     heru'ei'S. 


-2"  L'Adonitioii  des  Maijes.  DevunI  la  Vicriix^  assise,  sim;- 
iiouillo  lia  (les  U'ois  Mages,  sa  couronne  passée  dans  le  bras. 
\Jn  aiilrc  debotil,  très-lier  cl  lrès-sin)))Ie,  (ieni  d'uiie  main 
(assez  niulilée)  un  calice  et  de  l'aulre  un(;  Iressc  de  ses  che- 
veux. Le  (roisiènie  niaue,  lèle  ronde  à  cheveux  bouclés,  type 
un  peu  féminin,  porle  aussi  un  petit  vase  à  |)arrums.  La  dra- 
perie du  mage  debout,  avec  ses  plis  abondants  tombant  du 
J)ras  levé,  est  d'une  science  rare  cl  d'un  style  superbe.  Un 
ange  traverse  d'un  vol  oblique  la  partie  supérieure  de  la 
composition. 

.")"  Le  !\lassacre  des  innocents.  On  ne  voit  guère  que 
deux  enfants,  si  bien  (|u'on  pourrait  s'y  méprendre  et 
supposer  un  jugement  de  Salomon.  L'exécution  de  ce 
l)as-relief  a  je  ne  sais  quoi  de  i)lus  barbare  que  celle  des 
autres  compartiments. 

En  somme,  le  portail  de  lluy  laisse  entrevoir  une  école 
savante,  et  l'on  dirait  que  cette  science  s'acci'oit  à  mesure 
qu'on  remonte  les  bords  de  la  iVIeuse. 

Les  sculptures  du  xiv^  siècle  ne  sont  pas  communes  à  Liège. 
Celle  qu'on  cite  le  plus  communément  est  le  iîedes  Sapten- 
liae  de  l'église  Saint-Jean,  ligure  jiolychrome  qui  semble 
dater  d'une  époque  antérieure  et  rappelle  la  raideur  byzan- 
tine. Pournolre  part,  nous  avouons  préférer  à  cette  précieuse 
image  k  groupe  en  i)ierrc  du  i'ouronnemenl  de  la  Vierge 
(jui  surmonte  la  porte  d'entrée  de  l'église  Saint-Jacques 
et  qui  relève  d'un  art  incomparablement  plus  avancé.  Le 
Christ,  empreint  de  la  jeunesse  et  de  la  fierté  des  types 
du  XIII'  siècle,  a  la  boule  du  monde  sur  les  genoux;  sa  tète 
est  frisée,  un  flot  de  longs  cheveux  descend  jusque  sur  son 
épaule.  Sa  main  se  lève  pour  bénir  la  Vierge.  Celle-ci  se 


—  46  — 

toui'iic  vers  soiilils;  ses  deux  bras,  dont  les  mains  inanqueni, 
se  reploient  sur  sa  poilrine,  comme  si  elle  lui  ouvrait  son 
cœur;  peut-être  se  croisaient- ils  en  signe  d'humilité  et  de 
dévotion.  La  tète  est  pleine  de  sentiment.  Le  corps  laisse 
entrevoir  sous  la  draperie  des  souplesses  tout  à  fait  fémi- 
nines. Les  draperies  surtout  sont  de  toute  beauté,  pour 
la  largeur  comme  pour  l'abondance,  pour  le  style  comme 
pour  la  vérité. 

Le  fait  est,  malgré  la  rareté  des  sculptures  liégeoises,  que 
l'école  de  Liège  était  en  ce  moment  en  pleine  prospérité,  et 
l'histoire  a  laissé  à  cet  égard  des  témoignages  qu'on  ne  con- 
teste pas.  On  sait  l'histoire  du  fameux  Hennequin  (i)  de  Liège, 
sculpteur  si  habile,  que  le  roi  de  France  Charles  V,  homme 
intelligent  et  connaisseur,  voulut  lui  conlier  l'exécution 
de  son  tombeau.  L'ayant  appelé  à  sa  cour,  il  le  chargea  de 
lentreprise,  moyennant  mille  pièces  d'or.  Le  monument 
devait  être  en  marbre  et  en  albâtre.  En  15(38,  Hennequin 
reçut  une  première  somme  de  500  francs  d'or,  que  le  sou- 
verain commanda  de  lui  payer  sans  délai.  L'architecture 
et  la  sculpture  ayant  dominé  au  moyen  âge  les  autres  arts, 
si  Hennequin  était  un  grand  homme,  il  a  pu  influencer  l'ima- 
gination des  Van  Eyck.  Leurs  tableaux  prouvent  par  plu- 
sieurs signes  manifestes  qu'ils  avaient  étudié  avec  un  soin 
extrême  les  productions  plastiques.  Pendant  le  xiv'  siècle 
au  demeurant,  la  métropole  cléricale  devait  renfermer  tout 
une  colonie  de  scribes,  d'enlumineurs,  de  peintres,  de 
statuaires,  de  musiciens,  d'orfèvres  et  d'architectes.  Le  cha- 
pitre de  Saint-Lambert  encourao'cait  les  artistes  avec  une 


(i)  V,  Emeric  David. 


iminilicoiicc  |)rcs(|U('  royale;  iiiaiiilcs  coimiiiiiiaulés  reli- 
gieuses déployaient  un  faste  analogue  et  le  même  enthou- 
siasme; les  ramilles  nobles  suivaient  indubitablement  ces 
exemples.  Les  châsses,  les  émaux,  les  triptyques,  les  pein- 
tures murales,  les  statues,  les  bas-reliefs,  abondaient  en 
conséquence  à  Liège,  et  tant  d'œuvres  diverses  auraient 
montré,  mis  en  pleine  lumière  les  sources  de  l'art  flamand, 
si  l'impitoyable  vengeance  de  Charles  le  Téméraire  n'avait 
détruit  la  ville  en  lOGG  (i).    » 

Pour  en  riîvenir  à  Charles  V,  il  eut  deux  fous,  doni  l'un 
se  nommait  Thevenin  de  S'-Légier.  Il  leur  fit  dresser  de 
magnifiques  tombeaux,  dont  ceux  qui  furent  consacrés  plus 
tard  à  Louis  XII  et  à  François  l"  semblent  n'avoir  été  que 
l'imitation. 

Le  premier  de  ces  tombeaux  fut  érigé  dans  l'église  de 
Saint-Germain-l'Auxerrois,  nommé  alors  Sainl-Germain-le- 
Rond.  La  forme  n'en  est  pas  exactement  connue  dans  toutes 
ses  parties,  mais  on  sait  qu'il  servit  de  modèle  à  celui  de 
S'-Légier,  mort  en  1371 .  Or  celui-ci,  qui  fut  placé  h  Senlis, 
dans  l'église  de  Saint-Maurice,  existait  encore  au  xvii'' siècle, 
lorsque  Sauvai  écrivait.  Cet  auteur  l'a  vu  et  il  en  fait  une 
description  détaillée.  La  statue  en  marbre  blanc,  à  l'excep- 
tion de  la  tète  et  des  mains,  qui  étaient  en  albâtre,  reposait 
sur  le  sarcophage.  D'une  main,  le  fou  tenait  une  marotte; 
de  l'autre,  deux  bourses  appuyées  sur  sa  poitrine.  Des 
figures  en  pierre ,  distribuées  dans  des  niches  et  (aillées, 
dit  Sauvai,  avec  une  délicatesse  incroyable,   environnaient 


(i)  Heris,  Mémoire  sur  rancienne  école  flamande  de  peinture.  -- Michiels, 
Histoire  de  la  peinture  flamande,  t,  II,  p.  162. 


j  -  w  - 

le  sarcopliiig'c.  Siii'  (|Uiili'c  piliers  ornés  de  sculpliiius  s'élc- 
vail  au-dessus  île  la  stalue  iiii  labeniaclc  ou  une  voûle 
sur  laiiuelie  se  voyaient  encore  sepl  ligures  en  ronde-bosse. 
L'inscription  portait  :  «  Cy  gist  Tliévenin  de  Sainl-Légiei-, 
loi  du  Roy  nostre  Sire,  qui  Irespassa  le  unziùnie  juillet 
lôT'i.  »  Par  uu  rare  bonheur,  Sauvai  retrouva  le  nom  du 
statuaire  dans  les  archives  de  la  Chandjrc  des  Coiui)les; 
011  l'y  a|)pelle  «  Ilennequin  de  la  Croix.  >» 

On  peut  s'étonner  de  voii'  de  tels  monuments  consacrés 
à  de  tels  personnages.  Mais,  comme  l'observe  Jùneric  David, 
les  boudons  jouissaient  du  privih'ue  de  dire  aux  rois  la  vé- 
l'ité,  et  il  faut  croin»  (jue  les  deux  fous  de  Charles  V  s'étaient 
l'ait  une  grande  l'éputalion  d'esprit.  Un  monument  moins 
j'iche,  mais  non  moins  singuliei',  avait  du  l'csle  donné, 
(luclques  années  auiKii-avanl,  «  l'exemple  de  ces  bizarres 
apothéoses,  duillaume  de  Chanac,  dit  Guillaume  V,  évoque 
de  Paris,  mort  en  lôG8,  avait  un  cuisinier  nonnné  Jacques, 
(pii  moui'ul  el  qu'il  regretta  beaucouj).  Pour  honorer  sa 
mémoire,  il  lui  consacra  une  tombe  dans  le  cloilre  de 
l'abbaye  de  Saint-Victor,  cl  sur  la  jiierre  sépulcrale  il  lit 
représentei-  une  broche  et  une  poéie;  à  côté  de  ces  instru- 
ments, on  grava  l'inscription  suivante  :  «  Ci-git  Jacques, 
»  natif  de  Louvres  (en  Parisis)  cuisinier  de  Guillaume, 
é'vèque  de  Paris.  »  {IJic  jacel  Jacobus  de  Lupara,  cot/uus 
(juillielnii/  epUcopi  Parisiensis.) 

Deux  tondicaux  furent  consacrés  à  Charles  V  lui-même  : 
l'iin  placé  dans  l'église  de  Saint-Denis;  la  slaUu;  du  roi  y 
était  couchée  à  côté  de  celle  de  Jeaime  de  lîoui'boii.  sa 
f"nnne  ;  douze  niches  en  ornaient  le  poiirloui'.  L'autre  ren- 
fermait seulement  h;  c(eur  de  (  e  prince  :  il  orna  longtenqis 


—  49  — 

la  calliéJralc  do  Rouen.  La  slaUic  tlu  roi,  en  marbre  hiano, 
était  pareillement  couchée  au-dessus;  il  y  avait  à  l'eiitour, 
dit  l'historien,  «  plusieurs  riches  embellissements  de  sculp- 
tures (i).  » 

Voici,  quant  au  second  tombeau,  l'ordonnance  de  paie- 
ment, datée  de  1708,  et  citée  par  M.  de  Laborde  dans  les 
Ducs  de  Bourgogne  (2). 

«  A  Hennequin  de  Liège,  ymaginier,  la  somme  de  trois 
»  cenz  franz  en  rabat  de  la  somme  de  mil  franz  d'or,  en 
»  laquelle  nous  sommes  tenus  à  lui  à  cause  d'une  tombe 
»  d'albâtre  et  de  marbre  que  nous  lui  faisons  faire  pour 
»  nous,  laquelle  nous  avons  ordonné  èlre  mise  au  cueur  de 
»  l'église  de  Rouen,  où  nous  voulons  que  notre  cueur  soit 
»  enterré,  quand  il  plaira  à  Dieu  que  nous  irons  de  vie  à 
»   trespassement.  » 

Nous  retrouvons  le  nom  de  Hennequin  dans  une  autre  cir- 
constance, citée  par  Emeric  David  :  En  1378,  l'empereur 
Charles  IV  étant  venu  en  France,  accompagné  du  jeune  roi 
des  Romains,  son  fils,  la  ville  de  Paris  leur  offrit  à  l'un  et  à 
l'autre  de  magnifiques  présents  en  orfèvrerie,  moult  bien 
ouvrée  et  dorée.  Le  roi  leur  fit  présenter  des  esguières  et 
une  coupe  d'or,  dont  les  embellissements  en  émail  repré- 
sentaient le  ciel  et  les  signes  du  zodiaque.  Parmi  ces  objets 
se  trouvaient  notamment  deux  grands  flacons  d'or,  où,  sui- 
vant les  termes  de  l'historien,  estait  figuré  en  ymages  esle- 


(0  D.  FÉLiBiEN,  dans  VHistoire  de  l'église  de  Suint-Denis,  \).  boG,  parle  du 
premier  tombeau.  Il  est  gravé  dans  Y  Atlas  des  monuments  français. 

Voir  pour  le  second  tombeau  La  Pomjieraye,  Histoire  de  l'église  cathédrale 
de  Rouen,  p.  61. 

(2)  Introduction,  p.  xxii. 


—  5(1  — 

vées  (c'osl-à-dirL-  rn  has-ivlicrs)  cuiiuneiil  siinrt  .laafues 
montrait  à  sainct  Charles  maiijne  le  cheiin'a  en  Espaifjne 
par  révélacion.  »  Ces  ])iùcL's  d'argciilci'ic  à  (itiurcs  cliUL'iit 
rouvragi;  d'un  bculj)leiir  iiuniiiiL'  llcniicquin.  Etait-ce  encore 
noire  statuaire".'  Quoi  (jiril  en  soit,  il  |)ourrait  siiflirc  à  sa 
gloire  de  la  seule  commande  du  tombeau  de  Charles  V,  ce 
roi  connaisseur  s'il  en  lui,  et  qui,  comme  le  proclamait  Chris- 
tine de  Pisan,  son  panégyriste,  était  lui-même  «  sage  ar- 
tiste, vray  archilecleur,  diviseur  certain  et  prudent  orde- 
neur.  » 

Toutes  les  œuvres  de  lleime(iuin  ont  disparu;  mais  nous 
pouvons  nous  faire  une  idée  de  son  talent  et  de  ses  coiic(>p- 
tions  en  étudiant  ce  qui  nous  reste  d'un  autre  statuaire  «pii 
sortait  comme  lui  des  écoles  des  Pays-Bas,  qui  fut  appelé  en 
France  comme  lui  et  dont  la  grande  figure  domine  toute 
l'histoire  de  la  sculpture  du  Nord  au  \iv'  siècle.  Nous  avons 
nommé  Claux  ou  Claes  Sllteu. 

Les  comptes  du  lem|)S  l'appellent  aussi  Claux  Slutei*  de 
Orlandes.  Mais  Fliistoii-c  ai'tisli(|ue  de  la  Hollande,  à  celle 
cj)oque,  se  confond  et  se  confondra  encore  longtenqis  avec 
la  nôtre.  Entre  les  deux  pays  ilorissait  alors  la  grande  école 
de  Maeseyck.  Quoi  de  plus  naturel  (pi'un  statuaire  hollan- 
dais soit  venu  y  ap])rendre  son  art?  Les  noms  même  des  col- 
laborateui-s  de  Sluler  :  Claux  de  Verne,  lisez  Vande  Werve, 
Jac(|ues  de  laBaerzc  (qu'Emeric  David  |)i-end  pour  un  Fran- 
çais et  (|ui  était  oi'iginairc  de  Termonde)  et  llemiequin  de 
Bruxelles,  ces  noms  établissent  que  Sluler  avait  pris  en  Bel- 
•  gitpie  ses  principaux  aides,  ctHenne(piin  de  Bruxelles  poui'- 
rail  bien  ne  faire  (prun  avec  IlemuMpiin  de  la  Cioix  el  Hen- 
iKHpiii)  de  Liège. 


—  51   — 

\j'  plus  coiiiiu  (les  ouvr.iges  (!<'  SliiliT  (sl  lt>  lombma  de 
Philippe  le  Hardi,  aujourtrimi  conservé  au  Muscc  de  Dijon. 
Le  calaloguc  du  Musée,  qui  consacre  plusieurs  pages  à  ce 
monument  sans  rival  dans  toule  l'Europe  ai'lisliquc  du  xiv' 
siècle,  en  donne  ce  signalement  minutieux  : 

«  Socle  :  longueur  ~)'"Git,  largeur  ^'"54,  hauteur  0"'5O. 
Base  :         »  TV'OU,        »       -2'"05,         »       ()"'3(>. 

Dé:  »  2'"6(),        ))        l"'49,         »        0"'G:J. 

Table:       »  3"'20,        »       :2"'0(),  épaisseur  0"'25. 

Elévation  delà  table  au-dessus  du  pavement,  l'"oO. 

Prix  de  consti'uction  :  5, (il '2  livres,  répondant  aujour- 
d'hui à  environ  26,000  francs. 

Le  mausolée  s'élève  sur  un  socle  et  une  base  de  marbre 
noir  largement  profilés.  Ses  quatre  faces  forment  une  suite 
d'arcades  en  ogives  qui  sont  couronnées  par  une  galerie 
découpée  à  jour  et  soutenue  par  des  pilastres  ornés  de  colon- 
nettes,  de  chapiteaux  chargés  de  cinquante-deux  figurines 
d'anges,  de  pinacles  et  de  clochelons,  dont  le  style  simple  et 
nerveux  rappelle  dans  cet  ouvrage  de  la  fin  du  xiV  siècle 
le  beau  gothique  du  xm^  (?) 

Cette  architecture,  exécutée  en  marbre  blanc  et  projetée 
en  avant  d'un  massif  plaqué  de  marbre  noir,  figure  un 
cloître  sous  les  voûtes  duquel  sont  placées  quarante  sta- 
tuettes de  personnages  des  maisons  civile  et  religieuse  du 
duc  et  de  différents  ordres  monastiques. 

Sur  la  table  est  couchée  la  statue  du  duc  Philippe  le 
Hardi.  Les  pieds  reposent  sur  le  dos  d'un  lion  :  ils  sont 
chaussés  de  soulerets  ou  souliers  de  (cr,  ce  qui  annonce  que 
le  prince  est  com])lètenient  armé  sous  les  draperies  qui  le 
couvrent.  Il  est  habillé  d'une  longue  robe  blanche  à  man- 


elles,  iiai-seiiiée  de  mouches  d'or,  el  revèlu  du  maïUeau 
ducal  bleu  d'azur,  doublé  d'hermine,  dont  les  larges  |)lis 
s'étendent  sur  la  table.  Le  collet  du  manteau  est  enrichi 
d'une  triple  frange  d'or.  Le  duc  à.  les  mains  jointes  et  éle- 
vées; un  simple  anneau  d'or  est  à  la  deuxième  phalange  du 
quatrième  doigt  de  sa  main  gauche.  Il  porte  une  couronne 
formée  d'un  simple  bandeau  à  rebords,  dont  le  champ  lisse 
est  orné  de  pierreries  enchâssées  dans  des  chatons  très- 
saillants. 

La  tète  de  Philippe  le  Hardi,  repose  sur  un  coussin  mi- 
parti  d'étoffes  bleu  el  rouge,  décoré  d'un  large  galon  et  de 
quatre  glands  d'or.  Deux  anges  aux  ailes  déployées,  placés 
en  arrière  de  la  tète  du  duc,  soutiennent  un  heaume  ou 
casque  à  visière  conique,  qui  a  la  fleur  de  lys  pour  cimier 
et  dont  le  gorgerin  est  bordé  d'un  bourrelet  de  tissu  de 
mailles. 

Sur  le  côté  et  sous  le  bras  droit  est  placé  le  bâton  ducal, 
surmonté  d'une  espèce  de  pomme  de  pin,  environnée  de 
quatre  feuilles  de  chêne.  Ce  bâton  s'étend  jusqu'aux  pieds 
de  la  statue.  » 

Les  visiteurs  du  musée  de  Dijon  éprouvent  d'abord  une 
minute  d'hésitation  en  voyant,  à  côté  du  tombeau  de 
Philippe  le  Hardi,  un  autre  mausolée  identique  de  propor- 
tions, de  matière  et  de  composition.  Ce  second  tombeau 
est  celui  de  Jean  sans  Peur  et  de  Marguerite  de  Bavière, 
sa  femme  (i),  et  rien  ne  prouve  mieux  la  beauté  du  chef- 


(i)  Les  tombeaux  de  Philp|)e  le  Hardi  et  de  Jean  sans  Peur  portent  des 
c'pitaphes  dont  les  traces  ont  disparu.  Nous  les  rétablirons  d'après  la  description 
des  monuments  funéraires  qu'un  sieur  Gilquin,  peintre,  nous  a  laissée  sous  la 

date  (lu  i"  luai  1750,  pciil;;  brocii'iro  iu;piinioo  à  Nuits  par  Anloinc  .Mij;nerct, 


C^ciirjc^tiicc     cHaiiuxiuit'    XIV^  SIECLE 


«.''i^tue^^  du     \?omvcc\.n.    de     iMulippe   le   u^LcVctii 


—  53  — 

d'œuvre  de  SliUer  que  ce  pendant  on  plutôt  cette  copie  faite 
par  son  élève  Jean  do  la  Vuerta,  )irùs  d'un  demi-siècle  après 
lui.  N'était  le  voisinage  de  l'original,  la  copie  passerait  pour 
une  merveille.  Les  deux  figures  couchées  de  Jean  sans  Peur 
et  de  Marguerite,  plus  grandes  que  nalure,  sont  modelées 
avec  autant  de  largeui'  que  de  souplesse,  et  drapées  en 
quelques  plis  avec  un  goût  sévère,  une  sobriété  magistrale; 
à  peine  si  l'on  reconnaît  des  ouvrages  gothiques  à  la  minutie 
avec  laquelle  l'artiste  a  détaillé  les  rides  et  les  veines  dans  les 
mains  des  deux  personnages.  Les  petits  anges  qui  prient  à  leur 
chevet  seraient  exquis,  n'étaient  leurs  petites  tètes,  un  peu  trop 
grasses  :  vous  diriez  de  petits  chanoines  ailés.  Le  défilé  des 
moines  figuré  h  la  partie  inférieure  du  tombeau  est  étonnant 
de  caractère,  de  variété,  d'imagination.  Mais  le  premier 
modèle  de  toutes  ces  qualités,  aussi  bien  que  leur  plus 
haute  et  leur  plus  frappante  expression,  est  le  monument 
de  Sluter.  Bien  que  la  date  en  soit  plus  reculée  et  que 
l'art  semble  devoir  en  être  plus  timide  et  plus  compassé, 
c'est  le  contraire  qui  est  vrai  ;  le  plus  ancien  de  ces  ouvrages 
est,  à  beaucoup  près,  le  plus  vivant  des  deux  et  le  plus 


et  qui  a  pour  titre  :  «  Explication  des  desseins  des  tombeaux  des  ducs  de 
Bourgogne,  présentée  à  S.  A.  S.  Mgr  le  Duc  par  le  s'  G...  » 

Épitaplie  du  tombeau  du  duc  Philippe  le  Hardi  : 

Cy  gist  Ire:  hault  et  Irez  puissant  Prince  el  fondeur  de  l'église  de  céans, 
Philippe  fils  de  Irez  hault  et  Irez  excellent  el  puissant  Prince  Jehan,  par  la 
grâce  de  Dieu  roij  de  France,  et  de  Dame  Botnie,  fille  du  bon  roij  de  liaygne  (?) 
sa  compaigne,  Duc  de  Bourgoigne  el  de  Lembourg,  Comte  de  Flandres,  dWrIois, 
Pal  al  in,  Sire  de  Salins,  Comte  de  Nevers,  de  Pielliel  et  de  Charolois  et  Seigneur 
de  Matines,  qui  Irespassa  à  Halle  en  Hrabant  le  xxvii*  jour  d'Avril,  fan  de 
grâce  mil  quatre  cent  et  quatre.  Si  vous  plaise  priez  Dieu  dévotement  pour  son 
(Une. 


mouvenientô.  La  draporio  (1(>  Pliiiippe  le  Hardi  osl  plus 
large  et  jetée  à  grands  plis  plus  énergiques  et  plus  étofTés. 
Les  mains,  tout  aussi  réalisées  que  celles  de  Jean  sans  Peur, 
sont  plus  grassement  modelées  el  plus  belles;  les  anges 
agenouillés  au  chevet  du  moii  ont  des  ligures  plus  jeunes, 
et  la  procession  qui  défile  sous  ses  pieds,  —  car  c'était  un 
des  usages  pittoresques  du  xiv'"  siècle  que  de  reproduire  ainsi 
sous  la  statue  d'un  mort  la  cérémonie  de  ses  funérailles,  — ■ 
cette  procession,  dis-je,  est  elle-même  plus  variée  et  plus 
pittoresque.  Pas  une  figure  qui  ressendjle  à  sa  voisine,  pas 
un  geste  qui  se  répète,  pas  un  type  qui  n'ait  son  caractère  et 
son  action  propre,  d'une  invention  toujours  singulièrement 
originale  et  éloquente.  Un  jeune  lévite  incline  mélancoli- 
quement sa  tète  charmante,  à  l'idée  de  ces  grandeurs 
mondaines  si  rapidement  éclipsées.  Un  vieux  moine  barbu, 
au  type  énergique,  relève  le  Iront  en  se  frappant  la 
poitrine;  d'autres  méditent  soucieusement,  le  menton  dans 
la  main,  le  sourcil  froncé.  Un  moine  passe  au  troisième  plan 
(car  l'artiste  a  multiplié  les  plans  de  façon  à  donner  autant 
de  profondeur  que  de  richesse  à  la  scène,  et  cela  n'augmente 
pas  peu  la  vie  et  le  pittoresque  de  la  composition),  un 
moine,  dis-je,  passe  au  troisième  plan  en  tournant  les 
feuillets  d'un  livre;  —  un  autre,  ridé,  rasé,  tient  son  pouce 
dans  le  livre  fermé  et  semble  faire  sur  sa  lecture  des 
commentaires  philosophiques;  —  un  autre  se  gratte  l'oreille; 
—  un  autre  sort  des  groupes  et  tend  la  main,  soit  pour  son 
couvent,  soit  |)Our  les  âmes  d(\s  trépassés.  —  .le  note  encore 
les  belles  figures  d'un  solennel  évé(|ue  (pii  prie, —  d'un  clerc 
qui  chante,  —  d(!  |)lusi('uis  pi'étres  qui  suivent  avec  leur  livre 
de  psaumes,  laiili'il  oiivrrl,  taiilôl   fermi'.   eeux-ci  chantant. 


0'ciil|c^tuccv  J'(autaiuie  XIV^  SIECLE 


J'icyixe.)  div  ^oMiiu'^ii    de    l^^fviPippc   [c  jCa-^dt 


C\-n(|c^tucC    cHcuiici  luic  XIV^  SIECLE 


^Ktjtiic'.^  du    '(\>m()(-,ui    lie     \<'(Hrij.»|.)c    {['    .Httwii 


—  .>;)   — 

d'aulres  paraissanl  iiUerpeller  le  ciel,  celui-ci  joigiiaiU  les 
mains  j)oiir  prier,  l'aulre  l(^s  levant  en  si2;ne  de  commiséra- 
lion,  un  antre  encore  les  portant  à  ses  yeux  comme  pour 
essayer  une  larme,  deux  autres  enfin,  —  qui  semblent  des 
officiers  du  duc,  —  passant  les  pouces  à  leur  ceinture  et 
paraissant  causer  des  vertus  du  déf'uni,  Jean  de  la  Viierla 
a  essayé  de  copier  Ions  ces  molifs  :  il  l'a  l'ail  avec  un  immense 
taleiil;  mais  il  n'a  eu  ni  tant  de  vie,  ni  tant  de  variété,  ni 
tant  de  finesse,  ni  tant  de  puissance.  Sluler  est  vraiment 
inépuisable.  C'est  un  Holbein  pour  le  caractère  et  la  finesse, 
et  en  même  temps  c'c^st  un  Jordaens  pour  l'abandon  et  la 
liberté. 

Sluter  grandit  encore  néanmoins  dans  un  monument 
d'un  tout  autre  genre  aujourd'bui  enclavé  dans  le  jardin  de 
riiospice  des  Aliénés  à  Dijon,  propriété  où  s'élevait  autre- 
fois le  couvent  des  Chartreux.  Ce  monument,  qui  |)orte 
le  nom  de  Puils  de  Mo'ise,  d'après  une  des  principales 
figures  qui  le  décorent,  est,  en  effet,  un  puits  au  centre 
duquel  s'élevait  jadis  une  croix  immense.  La  croix  est  tom- 
bée, la  révolution  de  93  l'a  renversée,  mais  on  a  laissé 
subsister  son  piédestal  au-dessus  de  l'orifice  du  puits,  au- 
jourd'hui comblé.  Ce  piédestal,  richement  orné,  porte  six 
statues  colossales  qui  représentent  les  prophètes  et  qui 
faisaient  à  la  croix  une  sorte  de  garde  d'honneur.  On 
peut  les  citer  comme  ce  que  la  scul|)ture  gothi(pie,  dans 
son  expression  monumentale,  a  produit  de  plus  grandiose. 
Aussi  ont-ils  été  fréquemment  reproduits  par  la  gravure, 
et  on  les  retrouve  à  la  fols  dans  le  grand  ouvrage  de  de 
Laborde,  dans  le  Magasin  Piiloresque  de  18oi,  p.  177,  dans 
le  recueil  intilnh'  l'.\rh's(e  (18o8)et  dans  les  A  ris  an  i\loj/pn 


—  56  — 

Age  do  Du  Sommcrard  (i )  ;  mais  ils  sont  représentés  chaque 
fois  avec  de  telles  différences  de  forme  et  de  style,  qu'on 
ne  peut,  avant  de  les  avoir  vus,  en  porter  aucun  jugement. 

Les  figures  des  prophètes,  qui  gardent  encore  des  traces 
de  leur  ancienne  polychromie,  se  présentent  dans  l'ordre 
suivant  : 

Moise.  Il  porte  à  la  main  droite  les  tables  de  la  loi;  la 
gauche  retient  un  long  phylactère,  qui  part  de  son  épaule 
pour  descendre  j)rcs(pic  jusqu'à  ses  pieds.  Le  phylactère 
contient  cette  inscription  :  Immotahil  agrum  mvltiludo 
filiorum  Israël  ad  vesperam.  Tunique  rouge,  serrée  à  la 
taille  par  une  ceinture  à  boucle  et  que  recouvre  aux  trois 
(}uar(s  une  ample  dj-aperie  d'or,  doublée  d'azur. 

David.  Vêtu  d'une  tunique  (pii  descend  à  larges  plis,  un 
manteau  doublé  d'hermine  et  dégrafé  flotte  sur  ses  épaules 
et  recouvre  la  harpe  qu'il  tient  de  la  main  droite.  Dans  la 
main  gauche  est  un  phylactère  portant  la  légende  :  Fode- 
runt  manus  meus  et  pedes  mcos. 

Jérémie.  Sa  main  droite  supporte  un  grand  livre  ouvert, 
dans  les  feuillets  duquel  sont  passés  les  doigts  de  sa  main 
gauche.  Sa  poitrine  est  à  demi-nue  ;  sa  tète  est  couverte  d'un 
chapeau.  Sur  le  phylactère  qui  tombe  du  bras  gauche  on 
lit  ces  mots  :  0  vos  omnes  qui  Iransitis  per  viam  altendiie  et 
videle  si  est  dolor  sicul  dolor  tneus. 

Zacliarie.  Il  porte  dans  la  main  gauche  un  encrier  et  un 


(i)  V.  aussi  les  Voyages  pittoresques  en  Bourgogne,  description  pittoresque 
et  vue  des  monuments  du  moijeu  âge,  divisés  en  deux  parties  :  Côtc-d'Or  ot 
Saôrie-et-Loire,  2  vol.  in-foi.,  texte  par  iNLM.  Peignot,  Boiidol  et  Cliamlnire; 
à  Dijon,  cliez  la  veuve  Jobart;  à  Paris,  ehe/  Dumoulin. 

Les  tombeaux  des  dues  de  Bourgogne  ont  été  publiés  dans  l'Histoire  générale 
de  bourgogne,  t.  Il,  p.  52")    l'Allnim  Du  Sommerard,  pi.  xvii 


eRxeJcS'fi.lec      XlVc^UcCc 


Ht^îiotypie  rue  Keyenveld  73.îxelles. 
àiidô  de    '  lioiJc   Cl    (Oijc)ii'. 


—  57  — 

phylactère  avec  ces  mots  :  Appenderunl  mercedem  meam 
triyinia  argenteos.  Bonnet  conique,  haut  de  forme,  avec 
larges  hords  retroussés,  sous  lequel  descend  un  chaperon 
dont  les  pans  couvrent  ses  épaules. 

Daniel.  Tète  levée  ;  chaperon  ;  tourne  le  dos  à  Zacharie 
et  montre  de  la  main  droite  à  Isaïe  Un  phylactère  qu'il  tient 
de  la  gauche  et  qui  porte  cette  inscription  :  Post  hebdomades 
sexaginta  duas  occiddur  Chrislus.  Tunique  attachée  comme 
celle  de  Moïse,  par  une  ceinture  à  houcle,  mais  celle-ci  plus 
lâche  et  descendant  plus  bas;  manches  serrantes  avec  petits 
boutons  très- rapprochés;  chaussures  pointues;  manteau 
bordé  d'une  large  broderie  et  attaché  sous  le  cou. 

Isdie,  Chauve,  longue  barbe  fourchue,  tète  baissée.  Dans 
la  main  gauche,  un  phylactère  avec  l'inscription  :  Sicut  ovis 
ad  occisionem  et  quasi  agnus  coram  tondenlein  se  oblumescet 
el  non  aperiet  os  suum.  Sous  son  bras  droit,  un  livre  fermé  ; 
ceinture  tombante  à  laquelle  sont  attachées  une  aumonière 
ornée  de  glands  et  une  écritoire.  Robe  à  manches  étroites  et 
serrantes,  comme  les  précédentes,  et  par  dessus  un  surcot 
à  manches  larges,  ouvertes  au  coude. 

Les  six  prophètes  sont  debout  sur  des  consoles  ornées  de 
feuillages  d'une  exécution  remarquable  et  sous  lesquelles 
règne  une  plate-bande  où  sont  inscrits  les  six  noms.  Ils  sont 
séparés  par  des  coloneltes  avec  doubles  chapiteaux  assez 
développés,  lesquels  servent  de  supports  à  ,des  figures 
d'anges  qui  ouvrent  leurs  ailes  et  les  déploient  au-dessus 
des  saints  personnages. 

La  polychromie  est  restée  surtout  intacte  dans  les  anges, 
dont  la  robe  a  gardé  sa  teinte  d'un  bleu  céleste,  intense 
et  doux. 


—   liH  — 

La  .scul|tlui"0  n'a  pas  ))lus  soiiH'cii  i|U('  la  |)('iiilure.  Les 
statues  sont  laites  d'iine  sorte  do  jiierre  jaune,  seulptée 
avec  uiK^  linesse  et  une  précision  prodigieuses,  et  qui  semble 
avoir  la  dureté  du  marbre,  \ulle  trace  des  ravages  ordinaires 
de  l'air  et  du  temps. 

Pour  rexéculion,  on  ne  piuil  l;i  déilnir  qu'en  répétant 
que  c'est  la  plus  énergique  réalisation  alliée  au  plus  grand 
style. 

David  semble  avoir  été  fait  d'après  un  de  ces  beaux  Juifs 
qu'on  remarque  à  la  fois  pour  leur  tournure  puissante  et 
pour  le  charme  séducteur  de  leur  visage.  La  chevelure,  bou- 
clée et  crépue,  descend  à  longs  anneaux  sur  les  épaules;  les 
traits  sont  superbes  de  largeur  et  de  finesse.  C'est  ce  mélange 
de  force  héroïque  et  de  délicatesse  qui  dislingue  les  grands 
marbres  du  Parihénon,  et,  sous  ce  rapport,  personne  plus 
que  Sluter  n'a  mérité  le  titre  de  Phidias  chrétien. 

On  voit  encore  des  traces  de  rouge  sur  la  robe  de  Jéré- 
mie.  Le  type  est  celui  d'un  vieillard  de  soixante  ans,  à  la 
figure  mélancolique  et  douce.  Beaucoup  de  finesse  et  rien 
de  sec.  Les  deu\  anges  qu'on  voit  au-dessus  de  Jérémie 
semblent  là  pour  donner  le  sens  de  la  figure  :  l'un,  dans 
l'attitude  du  repentir,  se  croise  les  mains  sur  la  poitrine; 
l'autre  se  voile  les  yeux.  Les  ailes,  aussi  simples  que  fermes, 
sont  exécutées  avec  toute  la  précision  qu'on  pourrait 
apporter  aiL\  figui'ines  d'un  retable. 

Zaclinric  est  admirable.  Encore  un  type  plein  de  vie,  de 
sincérité  et  de  caractère.  Tète  de  vieillard  d'une  expression 
un  peu  rude  sous  le  bonnet  (|ui  lui  descend  jusqu'aux  sour- 
cils, mais  pleine  tW  bonté,  les  joues  creuses,  les  lèvres  ren- 
lrc(s.  la  barbe  largcincnl  clab'c  sur  une  poitrine  amaigrie. 


t  icLc^  iJ  II 1 1 c  c      X  I V  ^  t  ) iè <•  t< 


te 


Hftli(jty];ie,  rue  Ivjveiiveld  7S,  ix-^îlei 


—  5î)  — 

Daniel,  maigre  aussi  (H  commo  dévoré  par  la  flamme 
intérieure,  esl  un  type  d'une  rare  énergie,  à  l'œil  oblique, 
au  sourcil  froncé,  au  nez  recourbé;  la  bouche  enlr'ouverlc 
parie,  les  épaules  se  soulèvent. 

Isaïc  est  aussi  beau  que  n'imjiortc  quelle  figure  de  la 
statuaire  grecque.  Les  veines,  les  rides,  tous  les  détails  de 
l'âge  sont  exprimés  dans  cette  tète  chauve  par  un  modelé 
qui  égale  en  fermeté  et  en  finesse  celui  de  Jean  Van  Eyck, 
et  le  dépasse  peut-être  en  puissance  et  bien  certainement  en 
souplesse.  — A  droite  du  prophèle,  un  ange  charmant,  qui 
se  tient  le  menton  dans  la  main  et  dont  la  robe,  d'un  ton 
violàtre,  est  traversée  de  quatre  larges  raies  d'or. 

Moïse  enfin,  armé  de  ses  cornes  traditionnelles,  domine 
bien  foute  cette  splendide  composition.  C'est  un  type  plein  de 
puissance  et  de  sévérité,  tempérées  par  beaucoup  de  bonho- 
mie et  de  finesse,  qui  convient  admirablement  au  législateur 
d'une  race  primitive,  encore  rétive  au  mors  et  à  la  bride, 
et,  sous  ce  rapport,  on  serait  lente  de  dire  que  Sluter  est 
mieux  entré  que  Michel-Ange  dans  le  vrai  caractère  du 
colosse  biblique.  Sluter  a  analysé,  fouillé  chacun  de  ses 
types  avec  la  profondeur  psychologique  d'un  Balzac  ou  d'un 
Holbein  Cette  qualité  chez  lui  s'élève  jusqu'au  génie  et, 
à  elle  seule,  suffirait  à  la  gloire  de  ces  admirables  sculptures. 
Ici  encore  les  deux  anges  placés  aux  deux  côtés  de  la 
figure  servent  à  le  compléter,  à  en  préciser  la  signification; 
l'un,  à  la  gauclie  de  Moïse,  lève  les  mains  comme  pour 
enseigner;  l'autre,  à  sa  droite,  se  croise  les  bras  et  regarde 
le  ciel  dans  une  attitude  méditative. 

Si  complet  pourtant  que  soit  ce  chef-d'œuvre,  auquel 
aucun  pays,  nu  xiv*"  siècle,  ne  peut  opposer  un  équivrdont, 


—  60  — 

et  dont  la  France,  qui  le  possède,  est  si  fière  et  à  si  juste 
titre  Sluter,  trouve  moyen  de  le  dépasser  encore  dans  un 
dernier  ouvrage,  visible  dans  le  même  enclos  :  c'est  le  portail 
encore  debout  de  l'ancienne  église  des  Chartreux.  Sur  le 
pilier  du  milieu  siège  la  Vierge,  très-élégante  de  tournure  et 
d'une  richesse  d'ajustement  tout  à  fait  magistrale.  Sur  les 
piliers  des  deux  côtés,  agenouillés  et  tournés  vers  elle,  dans 
l'attitude  de  la  prière,  sont,  d'une  part,  Philippe  le  Hardi,  et, 
de  l'autre,  la  duchesse  Marguerite  de  Flandre,  sa  femme, 
ayant  derrière  eux,  suivant  l'usage,  l'un  son  patron,  l'autre  sa 
|iatronne.  Comme  statue  portrait,  Philippe  est  une  merveille 
qui  réunit  au  plus  haut  degré  les  deux  grandes  qualités  du 
talent  de  Sluter  :  la  largeur  et  la  finesse.  La  duchesse,  avec 
ses  narines  pincées,  ses  lèvres  minces  et  son  juste-au-corps 
en  fer-blanc,  est  une  figure  un  peu  plus  gothique  ;  mais  la 
sainte  qui  s'avance  derrière  elle,  le  corps  un  peu  penché, 
les  mains  ouvertes,  parée  d'un  voile  léger  qui  retombe  de  sa 
tète  sur  ses  épaules,  est  d'une  morbidesse,  d'une  vie  incom- 
parables. Toutes  les  qualités  de  caractère  et  de  sentiment 
de  l'art  gothique,  toute  la  puissance  des  grands  statuaires 
de  la  Renaissance,  toutes  les  souplesses  de  l'art  moderne, 
tout  se  retrouve  dans  ces  sculptures  prodigieuses  d'un  artiste 
de  génie  qui,  à  l'aurore  de  l'art,  parait  avoir  tout  conçu, 
tout  prévu. 

Pour  que  rien  ne  manque  à  cette  étonnante  figure  de  Sluter, 
pas  même  l'auréole  du  renoncement,  on  le  voit,  au  bout  de 
ses  admirables  travaux,  s'ensev(;lir  lui-même  volontairement 
dans  la  solitude  et  dans  l'oubli.  Entré  au  couvent  des  Char- 
freux,  il  ne  devait  plus  en  sortir.  C'est  en  1584  que  Sluter 
parait   dans  les  archives   tie  Dijon,   comme  sculpteur  des 


—  01   — 

tombeaux  de  la  Chartreuse,  sous  la  direclion  de  Jean  de 
Meneville,  —  artiste  dont  on  ne  connaît  absolument  que  le 
nom;  —  il  lui  succède  le  :29  mars  1590,  et  cette  année  et  les 
suivantes ,  il  travaille  activement  aux  tombeaux ,  aux 
chapelles  de  la  Chartreuse  et  à  la  décoration  du  château 
deGermoles.  En  1593,  il  reçoit  le  litre  de  valet  de  chambre 
du  duc.  En  1404,  il  exécute  un  crucifiement  pour  le  grand 
cloître,  et  une  gratification  lui  est  allouée  pour  ce  travail, 
ainsi  que  pour  l'indemniser  d'une  maladie  qu'il  a  faite  en 
1399.  Il  fait  alors  marché  pour  le  tombeau  de  Philippe  le 
Hardi,  et  cette  année  même  il  se  retire  aux  Chartreux.  Des 
lettres  notariées  du  6  avril  1401  lui  assurèrent  le  logement 
et  la  nourriture,  —  pareille  à  celle  d'un  chanoine,  —  sa  vie 
durant.  On  ne  dit  pas  quelle  année  il  y  mourut. 

Pendant  son  long  séjour  en  France,  Sluter  dut  y  former  toute 
une  école,  si  l'on  en  juge  par  la  liste  nombreuse  de  ses  colla- 
borateurs et  de  ses  élèves,  en  tète  desquels  se  place  le  grand 
statuaire  français  Michel  Colomb,  àquiune  tradition  erronnée 
a  attribué  si  longtemps  les  célèbres  tombeaux  de  Brou. 

J'ai  déjà  nommé  les  principaux  collaborateurs  de  Sluter  : 
Claux  de  Vouzonne,  qui  passe  pour  son  neveu  ;  Claux  de 
Verne,  mentionné  par  les  archives  de  Lille  de  14H  à  14112, 
comme  ayant  travaillé  au  tombeau  de  Philippe  le  Hardi 
et  dont  les  archives  du  département  de  la  Cùle-d'Or  resti- 
tuent le  vrai  nom,  Nicolas  Vande  Werve.  Les  œuvres  per- 
sonnelles de  ces  artistes  ne  sont  j>as  connues  ;  mais  on  a 
celles  de  leur  compagnon  Jacques  de  la  Baerze,  dont  les 
ouvrages  le  plus  célèbres,  les  retables  des  ducs  de  Bourgogne, 
sont  conservés  et  exposés  à  Dijon,  dans  la  même  salle  que  le 
tombeau  de  Sluter. 


—   (ri  — 

I.cs  ivlal)lt's  oui  cehidc  précieux,  (|u'ils  l'cvùlcnt  à  hi  fois 
le  lalenl  de  deux  arlislos.  Iiidé|)eiulamment  de  leurs  sculp- 
tures, qui  soul  du  inailredeTcrrnondc,  ils  se  rccominandeiit 
|)ar  les  volels  pi'iiils  (|ui  les  rci'iiiciit,  l'un  des  rares  ouvrages 
que  Ton  coiiuaisse  de  M<'lcliioi'  Broederlaiii,  peintre  du  duc 
Philippe  le  Hardi. 

Les  deux  retables  nircul  fails  en  151)1  pour  l'orneinent 
de  celte  église  de  la  Chartreuse  dont  Sluter  avait  si  magni- 
fiquement décoré  le  portail.  Ils  onl  l"'6i2  de  liauteur;  leur 
largeur  est  de  i2'"()0.  Etant  ouverts,  ils  oITreiU  chacun  y"':2o 
de  développement.  A  l'inlériiHir  de  chaque  volet,  dans  des 
niches  d'une  riche  architecture  où  le  plein-cintre  ])arait  déjà, 
sont  dressés  cinq  figures  de  saints  de  41  centimètres  de 
hauteur,  d'une  fort  belle  jn-oporlion,  un  peu  plus  large  que 
celle  des  figures  de  Sluter,  et  d'un  fort  beau  style,  aussi 
ferme  et  sim|)le  qu'élégant.  Dans  la  partie  centrale  sont 
(rois  sujets  traités  égalemeid  en  rondebosse  et  représentant: 
à  gauche,  ÏAdoralion  des  Mages  (neuf  figures);  au  milieu, 
/e  Ca/t'a«>e  (vingt  figures);  à  droite,  le  Christ  au  tombeau 
(huit  figures). 

Le  secontl  retable,  dont  les  tableaux  extérieurs  ont  été 
enlevés,  représente  dans  sa  |)arlie  centrale  :  à  gauche,  la 
Décollation  de  saint  Jean-Baptislc  (six  figures);  au  milieu, 
des  Scelles  de  7na>tj/res  (sopi  ligures;;  à  droite,  la  Tentation 
de  saint  Antoine  (quatre  figures). 

A  iiremière  vue  on  csl  tenté  de  beaucoup  i-abattre  delà 
l'épulation  de  ces  sculptures  cél(';br(\s,  cai"  on  y  e^t  ai-rèté 
|)ai'  maint  détail  (Tune  exécution  clioquante.  Les  types  du 
mage  agenouillé  et  du  petit  Jésus,  dans  le  premier  retable, 
confinent  nu  gi'olesque;  il  en  est  de  nieii)(>  de  plusieurs  des 


—  ().")  — 

soldais  (|ui  sont  aux  \mds  du  Clin'sl  étendu  sur  la  croix  el  do 
la  plupart  dos  porsonnagos  qui  le  uielleiil  pieusenioiit  au 
lomboaii.  Daus  l'aulre  relablc  on  voit  se,  multiplier  des 
figures  de  déliions  d'une  laideur  niaise  et  (pie  saint  Antoine 
lai-niéme,  si  j'en  crois  le  sourire  de  sa  bonne  tète  débon- 
naire, ne  semble  pas  prendre  au  sérieux.  Mais  il  faut  réllé- 
chir  qu'on  a  eu  de  nos  jours  la  malenconlreuse  idée  de 
faire  restaurer  les  deux  relables  par  un  sculpteur  médiocre 
(pii  s'est  cru  en  état  d'en  combler  les  lacunes,  et  par  un 
peintre  fpii  les  a  dorés  et  enluminés  à  outrance.  Les  figures 
qui  ont  survécu  à  celte  double  opération  nous  montrent 
dans  Jacques  de  la  Baerze  un  statuaire  plein  de  goût  et  de 
style.  Mais  c'est  aussi  un  de  ces  talents  laits  de  naïveté  et  de 
linesse  auxquels  il  est  dangereux  de  toucher  et  qu'un  rien 
suflit  à  dénaturer. 

Le  retable  de  Jacques  de  la  Baerze  et  celui  de  l'église 
d'Hackendover  commencent  la  série  de  ces  menus  ouvrages 
de  sculpture  sur  bois  qui  vont  prendre  au  xv''  siècle  un  si 
merveilleux  développement.  Il  est  exact  de  constater  jiour- 
taiit  qu'ils  avaient  eu  des  précédents  dans  la  plus  liante 
antiquité.  Un  ingénieux  article  anonyme  de  la  Gax^etle 
des  Beaux-Arls  en  a  fourni  la  |)reuve  i)ar  une  citation 
d'Apulée.  Elle  est  empruntée  à  son  Apologie.  On  y  trouve 
un  portrait  de  sculpteur  antique  (pii  présente  les  plus  singu- 
lières ressemblances  avec  nos  ymaigiers  du  moyen  âge. 

«  On  m'a  fait  un  crime,  dit  A|)ulée,  d'avoir  commandé 
certaine  statuette  destinée,  dit-on,  à  des  opérations  ma- 
giques, et  fabriquée  secrètement  avec  un  bois  des  plus  rares. 
On  ajoute  qu'elle  représente  une  momie,  image  hideuse  et 
re|)oussante,  que  j'ai  pour  elle  un  culte  tout  juirliculier  et 


—  64  — 

qu(;  je  lui  donne  le  nom  grée  de  Dasileus  (roi).  Si  je  ne  me 
trompe,  c'est  bien  lii  suivre  pas  à  pas  mes  accusateurs, 
reprendre  un  à  un  chaque  fil  et  décomposer  la  trame  de 
leurs  calomnies. 

Le  travail  s'est  tait  en  cachette,  dites-vous.  Comment 
donc!  vous  en  connaissez  si  bien  l'auteur,  que  vous  l'avez 
assigné  à  comparaître  ici  même.  Le  voici  :  c'est  Cornélius 
Saturninus  (i),  un  des  ouvriers  les  plus  considérés  parmi 
ses  confrères,  et  d'une  moralité  reconnue.  Il  a  subi  der- 
nièrement votre  interrogatoire  méticuleux,  Maximus,  et  il 
vous  a  expliqué  tous  les  détails  de  l'affaire  avec  une  bonne 
foi,  une  franchise  parfaites. 

Il  vous  a  dit  que  j'avais  vu  chez  lui  plusieurs  modèles 
géométriques  (-2)  en  buis,  exécutés  avec  beaucoup  d'adresse 
et  de  talent  ;  —  que,  charmé  de  son  habileté,  je  l'avais  prié 
de  faire  ([uehjues  ouvrages  (3)  de  sa  façon;  -  que  je  lui 
demandais  en  même  temps  de  me  sculpter  la  statuette  d'une 
divinité,  à  son  choix,  pour  l'adorer  selon  ma  coutume;  — 
la  matière  m'était  indilïéreule,  pourvu  que  ce  fût  du  bois. 
—  Il  vous  a  dit  qu'il  avait  commencé  son  ébauche  avec  du 
buis  ;  —  que  sur  ces  entrefaites  (j'étais  alors  à  la  campagne), 
Sicinius  Pontianus,  mon  gendre,  voulant  me  ménager  une 
surprise,  avait  obtenu  de  Capitolina,  une  de  nos  grandes 
(lames,  un  petit  coffret  d'ébène,  et  l'avait  aj)porté  à  Satur- 
ninus, lui  recommandant  d'employer  de  préférence  cette 
malièrc  jilus  rare  et  plus  durable  que  l'autre.  «  Le  cadeau. 


(0  En  adesl  Cornélius  Salurninus  artifex. 

(î)  Mullas  geometricas  formas,  des  pièces  de  lour  et  de  précision, 

(3)  Quœdam  mechanica. 


—   (k)   — 

disait-il,  me  serait  «  d'autaiil  plus  agréable.  »  L'ouvrier 
était  entré  dans  ses  vues  autant  (jue  possible;  en  assemblant 
un  à  un  les  morceaux  d'ébène,  il  avait  formé  une  épaisseur 
bien  compacte  et  était  ])arvenu  de  la  sorte  à  exécuter  un 
petit  Mercure  (i)... 

Ce  que  vous  prétendez  avoir  été  fabriqué  en  secret,  c'est 
donc  Pontianus,  un  de  nos  chevaliers  les  plus  brillants  qui 
Ta  commandé;  c'est  Saturninus,  un  homme  grave,  hono- 
rablement connu  parmi  ses  confrères,  qui  l'a  scul|)lé,  assis 
dans  sa  boutique,  au  vu  de  tout  le  monde  (%)  ;  une  femme 
de  condition  a  généreusement  contribué  à  ce  présent;  une 
foule  de  gens,  des  esclaves  et  des  amis,  qui  venaient 
chez  moi,  ont  su  que  le  travail  devait  se  faire,  qu'il  était 
fait... 

Si  vous  étiez  si  bien  convaincus  que  c'était  un  emblème 
magique,  pourquoi  ne  m'avez-vous  pas  fait  sommation  de  le 
produire?  Est-ce  pour  profiter  de  ce  que  l'objet  n'était  pas 
ici,  et  mentir  à  votre  aise?  Mais,  grâce  à  une  de  mes  habi- 
tudes, votre  fausseté  n'aura  pas  même  cette  ressource.  J'ai 
|)Our  coutume  partout  où  je  vais  de  serrer  avec  mes  ])apiers 
l'image  d'une  divinité  et  de  l'emporter  avec  moi...  Aussi, 
dès  que  j'ai  appris  celte  impudente  histoire  d'une  momie, 
j'ai  envoyé  en  toute  hàle  à  mon  hôtellerie  chercher  le  petit 
Mercure  que  Saturninus  lui-même  a  fait  pour  moi.  Donnez- 
le,  qu'ils  le  voient,  qu'ils  le  tiennent,  qu'ils  l'examinent. 
Voilà  ce  que  cet  impie  appelait  une  momie!... 


(i)  Ita  minutatiin  ex  tubellia  (hebeni)  compacta  crassitialine  Mercarium 
expediri  potuisse. 

(-})  Qiiod  Salurniniis,  vir  gravis  et  probe  iiitcr  suon  coynitus,  in  laberu  la  sua 
sedens  propalain  exaculpsit. 


—   (U)   — 

\  o\e/  duijc  !  inif  ct'llc  ligui'c  ('.>l  belle  cl  coiiiiiic  dit; 
l'cspire  la  vit>iieui'  de  l'allilùle!  Quoi  cnjoiieineiU  dans  l'ex- 
|)rcssioii  du  dieu!  Quelle  uràcc  dans  la  barbe  naissante  (|iii 
encadre  ses  joues!  El  ces  boucles  frisées  (|uc  l'on  aperçoit 
dans  l'ombre  sous  le  bonnet  !  Et  ces  deux  ailes  syniétri(iues 
qui  se  dressent  si  joliment  au-dessus  des  tempes!  Avec  quelle 
coquelterie  ce  manteau  se  rallacbe  aux  épaules!  Oser  dire 
(jue  c'est  là  une  momie,  c'est  n'avoir  jamais  vu  limage  d'une 
divinité,  ou  les  mépriser  toutes....   « 

Ce  petit  récit  antique  n'a-t-il  pas  le  plus  vif  intérêt  i)Our 
uneliistoire  de  l'art  au  moven  àae:' 

«  Evidennnent  il  s'agit  ici  d'un  statuaire  "de  talent,  —  la 
descrij)lion  d'un  de  ces  ouvrages  par  un  fin  appréciateur 
comme  Apulée  en  lait  foi,  —  et  cet  artiste  distingué  fait  des 
pièces  de  tabletterie,  des  ouvrages  de  tour  et  des  statuettes 
excellentes  )iar-dessus  le  marcbé!  El  (notez  ce  détail)  c'est 
sur  N;  vu  des  pièces  de  précision  sorties  de  ses  mains 
qu'Apulée  lui  commande  une  figurine,  certain  à  l'avance 
qu'un  ouvrier  aussi  adroit  doit  être  un  sculpteur  consommé. 
N'est-ce  point  exactement  ïouvrier-rirliste  tel  que  le  moyen 
âge  l'entendait  ? 

La  boutique  est  ouverte  sur  la  rue;  la  devanture  rabattue 
(Ml  dehors  sert  de  montre,  et  les  échantillons  sont  rangés 
sur  l'étalage.  Il  est  là,  le  bonhomme  Saturninus,  assis  sur 
son  escabeau,  avec  un  ou  deux  apprentis  sans  doute,  tra- 
vaillant (l(^vant  les  passants  et  vendant  lui-nuMue  les  objets 
de  sa  fabrlipie  comme  le  prciiiici'  venu.  C'est  bien  ainsi  (jue 
les  anciennes  miniatui'es  et  les  jolies  vignettes  de  Josl 
Amman  représcnienl  rinlcrieui'  des  boutitpies  de  lenr 
temps;  l'artiste  est  à  la  fois  ouviier  (.'t  marchand.  A  Home 


—   (J7    — 

cl  à  Flurciicf,  Hoiivcimlo  Celliiii  avail  aussi  IjuulKjiie  mii'  la 
i'ik;;  il  li'availlait  à  rintérieiir,  sous  les  yeux  du  public,  cl 
niellait  à  la  monlre  ses  eroijuis  cl  ses  inaiiuelles.  » 

Rien  de  plus  curieux  (pie  ce  parallèle.  Il  m'a  |)nru  iiilércs- 
saul  à  noter  au  début  d'une  époque  où  la  sculpture  sur  bois 
va  prendre  un  essor  tout  particulier,  et  devenir  l'industrie 
principale  et  coinnie  k  travail  de  prédilection  de  la  statuaire 
llainande. 

Jean  Rousseau, 

(J  conliiiHcrj 


ÉPiGiiAPiiiË  mwm  DE  y  mmm 


(Suite)  {\, 


INSCRIPTIONS  ROMAINES  DE  METZ  vS:  DE  BAVAY 


Ch.  RoBEin ,  Éj)i(jfajihie  cjaUo-romaine  de  la  Moselle;  Paris, 
Didier,  1875. 

Cn.  RoBEiiT,  MelaïKjes  d\irchéolo(jie  et  iCliisloire;  Paris, 
Duinonl,  4875. 

EiiN.  DESJAriDi>"s,  Notice  sur  les  monuticnls  épigraphiques 
du  Départemenl  dii  Nord  {!\lcrii.  de  la  Soc.  d'ayric,  de 
sciences  et  d\irts  séant  à  Doua  y,  XI,  1870-1872),  p.  79. 


Barth  Borghesi,  en  inlrodtiisanl  la  critique  et  la  méthode 
dans  la  discussion  des  inscriptions  anciennes,  a  mis  en 
lumièrcle  parti  qu'on  pouvait  en  tirer  pour  l'étude  de  l'his- 
toire, et  a  transformé  l'épigraphie  en  véritable  science  à  part, 
avec  ses  principes,  ses  lois  et  ses  règles  :  désormais  la  signi- 
lication  des  sigles  est  déterminée,  les  lacunes  dans  l'énumé- 
laliuii  des  fonctions  des  cursus  lionorum  (ou  nomenclature 


fi)  Voy.  |ilii.s  liaiil,  liiill.  des  Comm.  d'iirl  et  d'arctiéol.,  \V,  p.  "G,  oii  est 
indiqué  le  renvoi  aux  précédents  articles  sur  les  insciiplions  romaines  de  Belgique. 


—  iV.)  — 

des  dignités,  ineiilioiuiée  dans  nnc  assez  grande  série  d'ins- 
criptions) peuvent  se  combler  avec  quasi  certitude,  et  un 
jour  tout  nouveau  est  jeté  sur  r.'iilniinislration  romaine  et 
tout  spécialement  sui-  l'oriianisation  mum'eipale  des  pays 
conquis. 

Lorsque  le  savant  italien  mourut,  vai  !8G0,  à  Saint-Marin, 
le  gouvernement  français  institua  une  Commission  interna- 
tionale chargée  de  publier  en  un  seul  corps  les  œuvres 
éparses  de  Borghesi.  Cette  Commission,  indépendamment 
d'illustrations  dans  la  sci-ence  archéologique,  comme  iMiner- 
vini,  Cavedoni  et  Noël  Des  Vergers,  comptait  parmi  ses 
membres  les  sommités  de  la  science  des  inscriptions, 
Mommsen,  RitschI,  en  Allemagne,  l'allemand  Henzen  (fixé 
à  Rome)  et  de  Rossi,  en  Italie.  Cette  commission  eut  pour 
président  Léon  Renier  et  pour  secrétaire  Ern.  Desjardins; 
sept  volumes  des  œuvres  de  Borghesi  ont  ainsi  vu  le  jour,  (i) 

Borghesi  avait  été  le  promoteur  des  éludes  ({ue  Mommsen, 
à  un  moment  donné  de  sa  carrière,  porta  plus  spécialement 
sur  les  inscriptions;  aussi  ce  dernier,  en  1852,  dédia-t-il  à 
son  illustre  ami  un  recueil  des  inscriptions  latines  du 
royaume  de  Naples,  ce  recueil  dont  le  savant  Hase  (2)  a  si 
bien  dit  :    «  L'ouvrage  de  Mommsen  n'est  pour  ainsi  dire 

que   LE  PRÉAMBULE  ET   EN  MÊME  TEMPS  UNE    DES  PARTIES  LNTÉ- 

GRANTES  (5)  du  Corpus  incriplionum  lat inarum  de  l'Aca- 
démie de  Berlin.  » 


(1)  OEiivres  complètes  de  Bartolomeo  Borghesi,  publiées  par  les  ordres  el  aux 
frais  de  l'empereur  Napoléou  HI;  Paris,  ami.  1862  et  suiv. 

(4)  Journal  des  Savanls,  18.^o,  p.  75Ô. 

(5)  C'est  Tunique  i épouse  qu'on  daigne  l'aire  ici  à  la  pauvreté  suivante  qu'eu 
lit  quelque  part  :  «  M.  .S.,  a  jugé  convenable  de  porter  h  la  connaissance  (des 
savants)  que  l'Acadcniie  de  i'.erliu  publie  un   Corpus  inscript hmum  latintirum, 


—  70  — 

Aju-ès  quehjues  années  d'indécisions  ol  de  discussions,  le 
plîin  (le  cet  ouvrage  de  Mommsen  l'iil  adopté  par  la  Com- 
mission chargée,  an  nom  de  l'Académie  de  Berlin,  de  mellre 
la  iiinin  au  Corpus  inscriplionum  latinarum,  au  momeni  où 
on  entrevoyait  la  fin  prochaine  du  Corpus  inscriplionum 
(jraecarum,  puhlié  sous  les  auspices  de  la  même  Académie, 
par  Boeckh  el  consorts. 

Mommsen  devint  la  cheville  ouvrière  de  cette  Commis- 
sion, où  il  eut  pour  coliahoraleurs,  dès  1854,  RitschI, 
lïenzen  et  de  Rossi,  dont  les  noms  ont  déjà  été  cités  ci-des- 
sus, et  où  entrèrent  par  la  suite  les  disciples  qu'il  avait 
Ibrmés  :  Ilùbner,  Schoene,  Zangemeister. 

La  méthode  de  Mommsen,  admise  ]iar  rx\cadémie  de 
Berlin (i),est.ia  seule  qui  soit  possible  avec  les  quelque  cent 
mille  inscriptions  romaines  que  l'on  connaît  aujourd'hui  (2); 
Hase  a,  du  reste,  fait  ressortir  de  la  manière  suivante  les 
avantages  de  cette  méthode  :  «  Les  monuments  épigraphi- 
ques  appartenant  a  un  mémo  territoire,  à  la  même  cité, 
placés  les  uns  à  côlé  des  autres,  s'expliquent  pour  ainsi  dire 
mutuellement;  ce  n'est  qu'en  les  réunissant  et  les  compa- 
rant entre  eux  (ju'on  peut  parvenir  à  se  faire  une  juste  idée 
de  l'organisation  municipale  de  la  ville  ancienne,  de  ses  lois. 


qui  fompreiid  (It'jà  los  iiisni-iptions  de  Aaples,  de  Pompéï,  de  l'Espagne,  du 
Portugal,  etc.  .h'  ne  roc  permettrai  à  ce  sujet  qu'une  seule  n'-llexiou,  à  savoir 
qu'aucun  ('•pigraphiste  n'ignore,  sauf  parait-il  M,  S...,  que  les  iuseriplious  de 
Najdcs  n'ont  pas  encore  paru  dans  le  Corpus  de  Berlin.   0 
(1)  Monalsbericlile  des  Koniçilichen  Preiiss.  Akademic  (h'r  Wxai'iiihaflrii  zii 

lieriiv,  mu,  p.  (m. 

(i)  Zf.i.i.  eu  évaluait  ir  i  liilVir  à  GO, 000,  il  y  a  environ  vini;!  ans,  el  depuis,  le 
cliid're  s'est  accru  tliiii.'  nianièrc  étonnante,  à  la  suite  des  enquêtes  loi , îles  qu'a 
suscitées  la  ctuil'eeiinn  du  Corpus  de  herîin. 


—  71    -— 

(le  son  impoitaiiec  ;  qu'on  peul  mémo  qiielquofois  reli'ouvcr 
ou  compléter  l;i  filiation  des  familles  patriciennes  (|ui,  pai- 
leur  ancienneté  ou  par  leur  opulenc(\  exerçaient  dans  les 
colonies  et  les  municipes  un  palronaue  durahh^  et  jouissaient 
d'une  autorité  incontestée.  » 

C'est  aujouixi'Jiui  la  méthode  universellement  admise,  sauf 
pour  certains  ohjefs  mobiliers  qui  portent  des  inscriptions 
et  qu'on  a  parfois  jugé  à  propos  de  réunir  dans  des  recueils 
spéciaux  :  Tels  soni  les  pierres  sigillaires  d'oculisles  (i),  les 
sigles  ligulins  ou  insci'iplions  de  potiers  (2),  les  diplômes  de 


(1)  Voir  ce  que  dit  à  ce  sujet  M.  Ern.  DtsjAKinNs,  /.  cit.,  p.  Ii7;  le  recueil  le 
plus  complet  est  celui  de  Grotekenl»  {P/nlolof/us,  XIII,  p.  \-2-2;  XIV,  p,  0-27; 
XXV,  p.  153);  les  pierres  de  ce  genre  sont  aujourd'hui  au  nombre  de  130  :  elles 
claient  de  50  seulement  il  y  a  cinquante  ans,  lors  de  la  publication,  en  i816,  du 
recueil  de  Tôchox  d'Annkcy. 

Àdd.  celles  qui  ont  été  publiées  par  les  .Uihrhûchcr  de  Honn,  LV-LVI  (187.-)), 
pp.  93  et  265. 

(i)  Sigles  finiiliiis,  époque  romaine,  par  l'aiittur  du  présent  arlicle,  Bruxelles, 
J8ti7,  29iî  pages,  oii  0,000  manpies  sont  réunies. 

Les  notes  recueillies  par  l'auteur  lui  permettent  d'annoncer  qu'il  a  réuni  les 
cléments  d'un  recueil  de  0,000  marques  nouvelles  certaines,  et  d'autant  de 
marques  douteuses  qui  seront  reportées  dans  un  recueil  à  part  d'après  la  méthode 
recommandée  par  Mommsen,  Corpm  Inscriplionii:»  Iftiinanim,  lil,  p.  742. 

ilii  mot  a  propos  d'une  criti(|ue  de  cet  illustre  savant  :  d'après  lui  (/.  cit.), 
SciiuERMANsius  a  eu  tort  de  confondre  dans  un  seul  recueil  toutes  les  marques  de 
])otiers  trans-  ou  cis-  alpines  et  pyrénéennes,  parce  que  ces  chaînes  de  montaj^nes 
seraient  la  limite  non  l'ranchie  par  deux  classes  de  potiers,  ayant  rései'vé  leurs 
produits  leâ  uns  ii  l'ItaHe  et  \i  l'Espagne,  les  autres  a  la  Gaule,  la  Bretagne  et 
la  (icimanie.  —  C'est  là  une  erreur  qui  sera  mise  en  évidence  ultérieurement 
par  le  recueil  annoncé  ci-dessus,  oii  l'on  verra  (|ue  les  marques  d'Are/./o  et  de 
Sagonte  ont  pénétré  assez  avant  dans  le  Nord,  et  oii  l'dn  trouvera  aussi  des 
exemples  de  la  situation  inverse. 

Quant  aux  autres  critiques  de  .Mommsex  el  de  Huhner  (C.  I.  L.  11,  pp.  xxxv 
et  712),  on  se  réserve  d'y  répondre  dans  le  recueil  annoncé,  oii  l'on  l'era 
remarquer  des  erreur.s  assez  fortes  du  second  de  ces  savants. 

En  tout  cas,  il  parait  utile,  même  an  point  de  vue  où  se  p'ace  Mommsf.n,  di- 
présenter  toutes  les  niarques  de  potiers  dans  un  seul  tableau  synoptique. 


—  72  — 

congé  militaire  (i),  etc.  ;  des  objets  de  cette  nature,  facile- 
nieiil  transportablcs  et  même  destinés  à  être  transportés, 
comme  le  sont,  par  exemple,  les  vases  de  terre  cuite  et  les 
lampes,  n'ont  pas  par  eux-mêmes  de  signification  locale 
proprement  dite,  ou  ne  l'acquièrent  que  par  la  fréquence 
des  trouvailles  au  même  lieu. 

Mais,  sauf  ces  exceptions  qui  confirment  la  règle,  chaque 
contrée  est  l'objet  de  publications  spéciales. 

En  Allemagne,  nous  avons  une  infinité  de  monographies  : 
de  la  Société  des  antiquaires  de  Nassau  sur  les  inscriptions 
de  Wiesbaden,  de  Fickler  sur  celles  de  Heidelbcrg  et  Mann- 
heim,  d(;  Rnapp  pour  l'Odenwald,  de  Rapenegger  pour 
Bade,  de  Von  Ilefnor  pour  la  Bavière,  de  Mezger  pour 
Augsbourg,  d'Ackner  et  Mûller  pour  la  Dacie,  de  Klein 
pour  la  Hesse,  de  Becker  [lour  Mayence,  de  Kamp  pour 
Cologne,  etc.,  etc.  ;  indépendamment  des  travaux  de 
Mommsen  pour  la  Suisse,  de  Steiner  et  Brambach  pour  le 
Rhin  en  général,  etc.,  etc. 

En  France,  vers  icSiô,  le  Ministre  de  l'instruction  pu- 
l)lique,  M.  Villemain  avait  formé  le  projet  de  publier  un 
recueil  d'inscriptions  latines,  tel  que  celui  qu'exécute  en  .ce 
moment  l'Académie  de  Berlin;  le  projet  fut  abandonné  par 
le  successeur  du  savant  ministre  et  repris  partiellement  en 
1867  par  l'Académie  des  inscri|)tions,  sur  la  proposition  de 


(i)  Corpus  hiscripl.  lalin.,  III,  p.  8i5,  nii  sont  réunis  tous  les  (iiplûin.'s  de 
congé  militaire  ti'oiivés  en  Italie,  Sarilaigne,  Gaule,  Germanie,  Bretagne,  Kiivpte, 
Thrace,  Mésie,  Dacie,  etc.,  et  datant  des  règnes  de  Glande  et  de;  Nî'rdM,  jnsqn"a 
ceux  de  Diocjétien  et  Maxiniien. 

Voy.  aussi  l.con  Rknikr,  Recueil  des  diiilonies  mililiiires,  doid  les  n"'  '2'  l\  îî'.i, 
."1  et  ")-2  concernent  des  aux  liairjs  l)el!;(*;. 


—  75  — 

MM.  Renan,  Waddinglon,  de  Saulcy  et  de  Longpérier  (i); 
cependant  on  ne  s'en  occupa  plus  guère  qu'à  titre  de  recueil 
des  inscriptions  de  la  France,  recueil  dont  Léon  Renier  (^i) 
fut  chargé  et  (jui  est  destiné  à  faire  partie  de  la  grande 
collection  des  documents  ini'dits  relatifs  à  l'Histoire  de 
France. 

Gela  n'a  pas  empêché  au  surplus  des  publications  spé- 
ciales, conçues  dans  le  même  esprit  de  division  du  travail  el 
de  localisation  des  études  archéologiques  et  épigraphiques 
qui,  grâce  à  Mommsen,  s'est  introduit  dans  le  Corpus  (\c 
Berlin. 

Ne  parlons  qu'en  passant  de  travaux  où  la  partie  épigra- 
phique  est  l'accessoire,  comme  ceux  de  Renier  sur  la  Phé- 
nicie;  de  Perrot,  Edm.  Guillaume  et  Delbet  sur  la  Phrygie, 
la  Gappadoce  el  le  Pont;  de  Wescher  et  Foucart  sur 
Delphes,  de  Heuzey  sur  la  Thrace  et  la  Macédoine,  de  F.  Le- 
normanl  sur  Eleusis,  de  Duchesne  sur  la  Pallène,  de  Guérin 
sur  la  Tunisie,  de  de  Vogué  et  Waddinglon  sur  la  Syrie. 
Mais  citons  ce  dernier  auteur  comme  ayant  élé  chargé  de 
continuer  l'ouvrage  de  Lebas  sur  les  inscriptions  de  l'Asie 
Mineure  (principalement  les  inscriptions  grecques);  en  outre 
Léon  Renier  a  réuni  4,000  inscriptions  de  l'Algérie, 
dont  5,500  inédites,  et  d'autres  savants  se  sont  appliqués  à 
l'étude  des  inscriptions  de  telle  ou  telle  partie  de  la  France  : 
MM.  Lambert  pour  le  Galvados,  le  colonel  de  Saint-Hilliers 
l)our  la  Touraine,   de  Boissieu  pour  Lyon,  Revon  pour  la 


(0  Acfid.  dex  Inscript,  et  Dellcx   Lettres,   Compfos  rendus  des  Si'niices  df 
'ynnéo  1867,  iiouv.  série,  III,  p.  18. 
(2)  Voy.  ci-dessiis,  Bull,  des  Comw.  rai/,  d'art  et  irarcliiU)!..  \,  p.  ~l. 


Ilaulc-Sovoie,  L.  Aiidiat  |)oui'  la  Saintonge,  Woillez  j)Oiir  le 
Noi'd  (1(^  la  Fi'aïU'C,  Buhol  de  Kersers  pour  le  Berri  et  le 
.Nivernais,  le  hai'oii  de  Rivière  pour  le  Laii,uuedoc,  de  Fon- 
lenay  pour  Aiilun,  l'abbé  Audierne  pour  Périgueux,  Marcel 
Canal  pour  Gbàlon-sur-Saùne,  Allmer  pour  Vienne,  Mowal 
pour  Rennes,  Loriquel  pour  Reims,  Germer-Durand  pour 
Nimes,  Texier  pour  le  Limousin,  Bourquelol  pour  Luxeuil 
cl  Aix-les-Bains  (i),  etc.,  elc,  elc. 

Deux  de  ces  monograpliics  (ou les  récenles,  dont  il  sera 
rendu  compte  ci-après,  concernent  des  villes  de  l'ancienne 
Belgique  fort  rapprochées  de  notre  territoire  actuel  :  Metz 
et  Bavay;  à  ce  titre,  elles  méritent  qu'on  s'en  occupe  ici,  et 
ce  soin  ne  sera  pas  inutile,  car  tout  récemment  lexistence 
d'un  de  ces  ouvrages  a  dû  éltv  .signalée  ;i  un  écrivain  belge 
()iii  n"en  avait  pas  connaissance,  qni)i(pie  s'occupanl  du 
même  sujet  (;2). 

C'est  là,  avant  même  que  l'dMivre  entreprise  ici  sur 
rEpigrai)hie  romaine  d(^  la  Belgi(pie  (acluelle)  ne  soit 
achevée,  un  agrandissement  du  cadri'  primitif;  mais  il  faut 
bien  en  Belgicpie  9,v  tenir  au  eourani  de  ce  qui  nous  con- 
cerne de  si  près. 

Combien  ne  serait -il  pas  même  à  désirer  (pi'ailleurs 
encore,  à  nos  contins,  à  Trêves,  à  Luxembourg,  à  Mih's- 
Iricht,  à  Aix-la-Chapelle,  à  Bois-le- Duc.  on  n'Uiiil,  poui- 
nous  permettre  de  les  (''ludier  avec  ensemble,  les  inscrip- 
tions des  anciens  Trévires,  l'^bui-ons,  Tnngi'cs,  etc.,  elc... 

Il  y  a,  en  ell'el.  trop  de  contact  entre  i\v<^  populations  si 


(i)  lliill.  ilfs  ('.iiinin.  roi/,  d'ail  el  d'archéol-,  \.  \t.  "i. 
[i)  r.i'll.  de  r.\c/nl.  d'airliéol.  de  lU'ttj.,  Il,  |i.  lis. 


/5 


voisines,  par  c\oin})le  enlre  les  Trévires  do  Trêves,  d'Arlon 
et  de  Luxembouru-,  pour  (pie  les  renseignenKMils  coiicor- 
nant  les  mœurs,  le  culte,  les  usages,  la  civilisalion  des  uns 
et  des  autres,  ne  se  complètent  pas  niuliicllcnicnt.  Tro|)  de 
liens  rattaelient  des  populations  si  voisines  pour  cpi'on  puisse 
se  dispenser  de  placer  en  face  les  uns  des  autns  les  nionu- 
monls  de  celles-ci  et  de  celles-là  (\). 

I 

inscri plions  de  Mclz. 

Numisiiiale,  épigraphisle,  membre  de  r(''lal-major  do  l'ar- 
mée et  en  même  temps  membre  de  Flnstilut,  M.  Cli.  Ro- 
l)ert,  comme  on  l'a  lait  remarrpier  (2),  montre  dans  ses 
œuvres  l'empreinte  de  sa  quadruple  individualité  et  celle-ci 
le  porte  à  faire  avant  tout  de  l'archéologie  pratique.  Son 
volume  de  mélanges  a  même  donné  occasion  de  dire  de  lui 
que  c'est  en  développant  des  enseignements  jiareils  aux 
siens  qu'on  prouve  la  valeur  utilitaire  de  toute  étude  sé- 
rieuse sur  le  passé,  et  que  par  eux  le  gros  du  public  com- 
prend de  mieux  en  mieux  la  portée  des  études  archéolo- 
giques et  l'étenduiî  des  services  qu'elles  ont  déjà  rendus  et 
qu'elles  sont  appelées  à  rendre  encore  par  la  suite. 

Les  Mélanges  d'archéoloijie  et  (Chisloire  contiennent  plu- 
sieurs dissertations  sur  des  sujets  historiques,  militaires  et 


(1)  Rii  ce  qui  conccrno  Trêves,  la  grande  importance  de  celle  ville  et  la  pailie 
relativement  faible  des  Trévires  qui  était  fixée  dans  le  Luxeinlniui-g  liclge,  avait 
engagé  l'auteur  du  présent  article  à  laisser  ce  peuple  complètement  en  dcliors  du 
travail.  Ce  sera  peut  être  l'occasion  d'une  étude  spéciale,  si  les  savanis  meiijln.s 
de  la  Société  des  sciences  utiles  de  Trêves  négligent  de  s'en  charger. 

(•2)  Revue  iirehéolofiiqiie,  noiiv.  série.  Xil,  pp.  70  et  l'I. 


—  76  — 

numismiUiques;  l'auleur  y  éludie  cinq  intéressâmes  inscrip- 
lions  dclerrées  à  Rome  pendant  ces  dernières  années;  mais 
ces  mélanges  se  rattachent  à  nt)ti(,'  sujet  plus  particulièrement 
par  la  publication  d'une  nouvelle  pierre  sigillaire  d'ocu- 
lisle  découverte  à  Reims  et  portant  sur  deux  de  ses  faces  : 

CASSIIVCV.NDIDISMYR  11  NESADINPETVSOCV 
GASS.   IVCV.NDI  DIALEPI  11  DOSADASPP.ITVDINE 

Le  second  travail  de  M.  Robert,  travail  dont  d'éminenls 
spécialistes  ont  fait  un  jusie  éloge  (i),  est  une  l-Jludt;  sur 
ï Epifjraphie  gallo-rumuine  de  la  Moselle  (2). 

La  première  partie  de  cette  étude  est  terminée;  elle  com- 
prend les  monuments  élevés  aux  dieux. 

ho  seul  reproche  (pi'on  ait  fait  à  M.  Ch.  Robert  est 
d'avoir  suivi  l'ordre  indiqué  par  l'alphabet  et  non  par  l'im- 
portance des  diviiiilés,  et  d'avoir  même  accepté  les  inscrip- 
tions suspectes,  au  lieu  de  les  classer  dans  une  catégorie 
à  part. 

Ce  reproche,  assez  insignilrant  du  reste,  n'est  pas  tout 
à  fait  bien  fondé  :  en  effet,  d'une  part,  si  l'on  est  d'accord 
pour  placer  Jupiter  en  tète  de  la  hiérarchie  céleste  :  abJove 
principium,  le  désaccord  commence  en  dessous  de  lui,  et  à 
l'aide  de  l'ordre  alphabétique,  on  évite,  si  l'on  peut  par- 
ler ainsi,  d'inutiles  questions  d'étiquette  entre  les  divinités 
anciennes.  C'est,  du  reste,  le  mode  suivi  par  Henzen,  dans  le 


(1)  Km.  HiiitNER,  .lalirbucher  de  Bonn,  l,III-l,V,  p.  1G.'>;  J.  Bf.crkr,  ibid.. 
I^V-LVI,  p.  20Ô.  Voy.  aussi  Journal  des  Savfinls,  187,3,  p.  4G9. 

(2)  Df'jk  rilée  ciilcssiis,  liull.  des  Coiiini.  roy.  d'art  el  d'archéol.,  X,  p.  ôi; 
re  nï'lait,  du  reste,  que  légitime  réciprocité  :  M.  Robert  a  bien  voulu,  de  son  côté, 
citi  r  à  plusieurs  reprises  les  études  rie  l'auteur  du  présent  article  sur  les  Siqles 
(igidim  ou  niarqufs  de  potiers  et  sui'  VÉpigraphie  de  la  Belijiqne. 


—   /  /   — 

Corpus  insiriptionum  lalinanoii,  Vf,  pour  los  iusci'iptions 
do  Roino. 

D'autre  parl,esl-on  l)ieii  inailre  de  décidcj- quelles  inscrip- 
tions sont  aulhenliquos ,  ({uelles  sont  duiileusos,  quelles 
fausses?  N'a-t-on  pas  vu  notamment  réhabiliter  plusieurs 
des  inscriptions  rang(';es  parmi  les  spunae  par  Bram- 
bach  (i)  ou  par  tel  ou  tel  autre  épigraphisle? 

Laissons  donc  l'auteur  suivre  la  méthode  qui  lui  convient 
le  mieux,  d'autant  plus  qu'il  a  soin,  à  l'occasion,  de  nous 
prévenir  et  de  porter  à  notre  connaissance  les  soupçons  ou 
les  doutes. 

Cela  dit,  consignons  ici  les  diverses  inscriptions  rci|)portées 
par  M.  Ch.  Robert,  en  marquant  d'un  astérisque  celles  que 
l'auteur  ne  présente  qu'avec  des' réserves  : 

*I.    D.ESCVLAP...   Il  G  M  CLEM...   il  PROSVISETS. . .  il  TVM  S... 

II.  DEOAPOL...    Il    VL...   SE^ilis 

III.  IN  II  .  H.   D.  D.  il  DEO.  APOLL'nI  il  L.  CASSIVS.  INOBILIS.  Il  ... 

IV.  APOLLINI   .  FlACG' 

V.  DEO    II    APOLLINI    II    Q.    CE>S0R1.M    II    VSlLIiNVS    il    CALCAI'.IVS 

*VI.  D.  APOL....  Sin0?2.E  ET  NVMPHIS  LOCI  il  ANTONIVS  L. 
DICAVIT  EX  VOTO. 


(t)  Par  exemple,  son  n"  o5,  p.  566,  où  il  condamne  une  inscription,  sans  qu'on 
entrevoie  d'antre  motif  qne  la  qnalité  de  cisis  donnée  a  une  femme  trévire  (Voy. 
ci-dessus,  Bull.,  XV,  p.  116). 

Une  seconde  civis  treveru  vient  d'ê;re  découverte  a  'dordcanx  :  il  eu  sera 
question  dans  un  travail  complémentaire  sur  les  inscriptions  d'Arlou. 


—  -TS  — 

\11.     IN     IMMJKI.M  DUMVS.    DIM.N     ;    (.O.NCul'.DlAL     .      CIMT. 

CASTOr.l    II    ET  IMILLNCI    !     M.   1  KTl'.O.MVS 

VIII.  l-^p'jiiac  .;   DK.\Ti;r,ù/v       1)i;c.mi.n/<.v.  r.  s  (i;. 

IX.  DI:AE.    EPO.NAC    II    et    GEMU.    EEVC.    il  TID.    IVSTIMVi-.    Il 

TiTiA-NVi;.  ///'  '.  lc(j.  laj.  xxii.  pr.  Il  wxoMykui.   Il   ex.   \olo 

\.    CK.MU    i'    G.    AVn.    MATEH(M;    Il     PllEE.    STAT.    o.   C.   M.    I; 

i;atiiii;i(;.  )»elI'U;vs  li  geie.ns 

XI.     lIEUGiJ    .1    TALIUVWS    !     OKICLAE.   F    il    V.  S.    L.   M 

*XI1  (;J).  IVl  .  MM'.IUNVMAE  li  ET  SEHAl'l  i  E\SJ'EGT(</<<5. 
/icHlMETIS.   AVG.   \)lsp.  vic    i.    V.  S.   E.   /// 

XIII.  ).  U.  .Al  il  ?'nU0.NU11  II  UUMVSDIM  ||  .NAEVlGVSll"  ||  >OIl'S 
l'Vr.L'GE  II  PU.SVER.  IIIOVI  ||  INFUASCH'P.TlS'iNT  Ij  CVRAEOKVM. 
T.   IVL.  Il  ADIVTOr.'S.   M.   l'A\  El,'  i|  MAUTIAE'S.   P.    DO.N.NA  ||  XI 

•ï'  lace  :  o.  giamivs  :i  belevset  I!  gom.mvin's   I!  gia.mute'  Il 

ElAUlilX    li    VAP.IGIELI.  F.    il    .MELVS.  GliXTVS    II    Ml.   F. 

T)''  face  :  m.  magihivs  !1  atr'gtvsmajji  1!  piîetiv.m  i)Onav(itJ  || 

TEP.E.NTl.NVSE/  Il   PEP.EGRINVSl/  Il  EANVISSAEFIl'    "    GAlVS    g(eu)m. 
GO  i  RUDVS.  SEX  EEVJjIVS.   CEE.MENS. 

'î'  l'aCC  :  p.  ATTIVS  i  A.NTIGVS  .  e.  VLTTIVS  i  DEPiGOIE  II  L)VS. 
M.   VET    '    TIVS  MEIl  'i  GATOU. 

XIV.  1.  o.  M  l  l.N.  IIONUIIE.M  i  IjO.MVS.  dIvI.NAE  \  M.  VAEEH. 
IWE.NAI.IS    ,     M.    VAELi;.    l.MJl.    ElliEilT.    :     V.S.    E .  .M 


(I)  HKCKtii,  /.  cil.,  11  aJiiicl  p:is  fiiiiilaiil,  d'apros  les  umblèrncî,  le  voeabir 
Epona,  supposé  par  M.  Konicur. 

{i)  Monimieiit  aullu'iiliiine,  mais  piovciiaiil  de  .Soib.Sdiis  cl  l'appoilo  a  Iml 
à  X!cl/.  il  rnisoii  des  syll.ibcs  mktis,  co  sidérées  mal  a  propos  loiiinie  nom  de  liiu. 


7î) 


X\.  [.  0.  .M  (;i\i'c  M'|)|  (liviiiilc.s  con'c>|i((ii(l;iiil  aux  sopt 
pianotes  tiaiis  Toi-ilro  où  elles  prcsiilaieiil  aux  Jours  de  la 
sciii;iino}. 

XVI.   I  0  M  (sui'  la  hase  (J'iiiio  colonne  iiioiiolillie). 
XV^II.   I.  0.  M  (sur  une  l)agu(3  on  bronze). 

*\\'1II.    1    0    M    II    IVXOM    M.VGNVE     !i     IIIMICOLL    il     LT    Gli.MO 
r.OCl   i!    l'IlO  SALVTH    'i   SVA  ET  GENTIS  SVAE    ^1    CORN    SEGViNDVS    ! 
EX  VOTO 

.  XV[[l.   IN   ii   iioxoiii   l!    DoMvsDivi  '■    ^^\ù   dis   MAZ/'ABYS  il 

VICAM  VICI  l'AClS 

XIX.  MEncvuiu  .1-,  ivLivs  ::  pr.iMVLvs  li  v.  s.  l.  m 

XX.  DKOJIEIICV  I:  lilO  SILIAXA    ;    SILVESTUISl-'    Il    VSLM 

XXI.  (DOO?)  VlCrCWAO  i  SAGP.V.M  lUdlei? )1\7\IX.  MAT  :  ('./' 
V')lO  SVS.  V.  s.  L.  M 

XXII.  MEIl    Ii    T.   S.  A    1    .  V.  S    II 

XXIII.  AI.  E.  Ii  Csui-  un  bas-relief  recouvi'anl  un  lombeau 
el  repi-ésenlanl  Mercure). 

XXIV.  ...  GE.Nsoni.x...  ';  ...  xokgiIx...  (sur  une  base  i|ui 
su|)|)orlail  une  slalue  de  Mei'cure). 

XXV.  MEUGVPvlO     1     NEGOTIA     '      TOl'.I    ||  SACR    1[    XVMISIVS    || 

ALni.xvs  II  EX  VOTO  (Saus  indicalion  de  cou|)ures.) 

*XXVI.    DEC  MEUCV  II  r.lO  XVMIXi  II  SAAGTISSI  ||  MO  HErvGV  ||  MVS 

IVM  II  OR  AVGVlj  STVS 

*XXVIl.  DEO  MEPtCVr.IO  XVMIXI  SAXGTISSl.MO  A.Mil.lVS  .MAGISTEl". 
VIGIBODATII 


—  80  — 
XXVlil.  In.   II.  1).   b    \i^  inercur.  f/svcio  ||  ..accEPivs  |j 

....  MOTTIO  11  V.  S  L.   .M. 

XXIX.  PRO.  SALVTK.  IMP.  CAES  \\  P.  IlELYI.  PEUTINACIS  \\ 
AVG.  P.  P.  PONTIF.  MAX  [[  TUIB.  POTESTAT,  COS.  II  jj  P.  HEL. 
PERTINACIS.    CAES  jj   ET.    IL.    TITIANAE.    AYGVST  [|  OCEANVS.  SER. 

VER.NA  II   DispENsa/or  AEB.VMEMTO    (Deux   fois  SUT  uii  aulcl 
représenlanl  d'une  i)arl  Apollon,  d'autre  pari  Mercure. J 

XXX.  DEO.  MERCVRIO.  (et)  .ROSMERTAE  ||  MVSICVS.  LILLVTI. 
FIL.  (et).   SVI.  ex.   VOTO 

XXXI.  MIXVRIS  II  LVGANVS  \\  V.  S.   L.   M 

*XXXI1.  SILVANO  il  SAGR  ||  ET  XV.^IPHIS  LOCI  ]|  ARETE  DRVIS  || 
ANTISTITA   Ij  SOMMO  MOMTA  ||  I). 

XXXIII.    DEAESIRONAE  (i)  \\  MAIORMA  j|  GIATIFILIVS  l|  V  S  L  M 

Plusieurs  de  ces  inscri|);ions  ont  fourni  à  l'auteur  l'occa- 
sion de  dissertations  des  plus  intéressantes,  parmi  les- 
quelles se  distingue  tout  particulièrement  celle  qui  traite 
des  divinités  synèdres,  Mcrcurius  et  Rosmerta,  qui  méritent 
de  retenir  un  instant  notre  attention,  comme  ayant  été  ado- 
rées par  les  Trévires  dans  le  Luxembourg. 

D'après  l'ensemble  des  inscriptions,  soigneusement  rele- 
vées par  M.  Ch.  Robert,  le  dieu  Mercure  et  la  déesse  Ros- 
merta avaient  leur  culte  tout  spécialement  localisé  sur  les 
bords  du  Rhin  moyen  et  dans  les  civilates  \o'\s\nes . 

Le  symbole  qui  caractérise  le  mieux  ces  divinités  est  le 


(i)  Le  .s  (iguré  pat'  un  u  baiiv  =  de,  d'après  certains  auteurs;  =  s,  d'après 
la  plupart  des  autres. 

Voy.  outre  les  citations  de  M.  Roijeiît  :  Bull,  de  la  Comin.  des  Aiiliq.  de  l'nnicc, 
XXXIV  (1875),  p.  175. 


—  81   — 

cornu  copiae ,  qui,  avec  la  bourse  et  autres  altribuls, 
indique  évidemment  l'abondance  ;  d'autres  statuettes  de 
Mercure  que  l'auteur  du  présent  article  a  publiées  ail- 
leurs (i)  et  qui  ont  été  trouvées  dans  les  mêmes  contrées, 
portent  également  la  corne  d'abondance. 

Certaine  idée  de  M.  Robert  au  sujet  du  culte  des  Maires 
et  Matronae  semble  cependant  sujette  à  discussion  :  «  On 
rencontre,  dit-il  (p.  49),  des  Mères  et  Matrones  en  dehors 
des  Germanies  romaines  et  de  la  Belgique,  mais  en  moins 
grand  nombre.  Les  contrées  où  leur  culte  s'était  le  plus 
répandu,  étaient  celles  qu'habitait  la  race  gauloise  ou  qu'oc- 
cupaient des  troupes  ayant  appartenu  h  l'armée  du  Rhin; 
tels  sont  les  confins  militaires  de  la  Bretagne,  les  villes  de 
Lyon,  d'Arles  et  de  Nimes,  la  Cisalpine,  etc.  » 

M.  de  Caumont,  de  son  côté,  avait  antérieurement  fait 
remarquer  en  sens  inverse  (2)  que  si,  d'après  la  Société 
archéologique  de  Londres,  on  ne  trouve  les  déesses-mères 
que  vers  les  bords  du  Rhin  ou  en  Allemagne  et  point  en 
Italie,  il  s'en  rencontre  pourtant  à  Autun  et  dans  beaucoup 
d'autres  villes  de  l'ancienne  Gaule,  dont  les  mceurs  étaient 
tout  à  fait  romaines. 

Laquelle  adopter  des  trois  thèses  indiquées  avec  plus  ou 
moins  de  netteté  dans  les  passages  ci-dessus  :  Les  Maires 
et  Matronae  sont-elles  ou  romaines,  ou  germaines,  ou 
celtiques? 

(1)  Jahrb.  des  Vereins  von  Alterthiimsfr.  im  liheinlande,  t.  LVIII,  p.  109. 
Add.  aux  citations  de  M.  Robert  sur  les  autels  dédiés  a  Merciirius  et  Rosmerta 

Jahrbùcher  de  Bonn,  II,  p.  117;  Zeitticfirift  des  Vereins  ziir  Enl forschuug  der 
rheinische  Geschichte  iind  AUerthûiner  in  Mainz,  IF,  p.  541. 

(2)  Cojigi^s  archéol.  de  France,  1847  (Sens,  Tours,  Angoulènic,  Limoges), 
p.  29. 


—  82  — 

Réservons  cette  question,  qui  ne  semble  pns  susceptible 
encore  d'une  solution  bien  nette,  et  bornons-nous  à  rassem- 
bler les  éléments  qui  pourront  servir  ultérieurement  à  l'élu- 
cider. 

On  le  sait,  une  certaine  série  d'inscriptions  en  l'honneur 
de  ces  divinités  ont  été  retrouvées  ailleurs  que  sur  les 
bords  du  Rhin,  notamment  en  France  (i),  et,  en  outre,  on 
peut  citer  la  découverte  (2)  d'un  temple  en  l'honneur  des 
Maires,  faite  récemment  à  Avigliana,  au  nord  de  l'Italie.  On 
y  a  trouvé  plusieurs  inscriptions  inédites  ou  très-peu  con- 
nues, parmi  lesquelles  les  suivantes  : 

MATIIONIS    II    TI.IVLIVS  PRISCIL.    Il   ACCESTES 
CAES...    Il   SERVIS....    Il    STATION...    Il    MATRONIS 

On  a  également  trouvé  à  Domo  d'Ossola,  en  Piémont, 
l'inscription  : 

MATRONIS  SACnVM  II  PRO  SALVTE  CAESARIS  ||  NARCISSVS  C. 
CAESARIS  L 

Et  à  Foresto,  aux  environs  de  Suze  : 

MATRONIS  VOTVM  11  SOLVIT  1|  SEX.  IVLIVS  11  SECVNDINVS.  9 
Il   V.  S.  L.  L.  M 

MATRONIS  VoTvM  II  SOLVIT  ||  T.  SANCIVS  MARCELLINVS  || 
L.    L.    M 


(i)  Aux  citations  di''ja  connues,  add.  :  Eevue  archéologique,  juillet  187-t,  p.  71 
(matribvs  ALMAHAr.vs);  Indicateur  de  Varchéologue,  1874,  p.  59*!;  Corpus 
inscri]jtion.  latin  ,  V,  n»"  4157,  42G0,  4247;  VF,  n"  997  ;  Laevinus  Torrentius, 
MS.  45 19  (Biijj.  de  lîrux.),  xcvii;  Mémoires  et  documents  pour  servir  à  l'hist. 
de  la  Franche-Comté,  I,  p.  14G;  Giidius,  p.  316;  Jahrb.  de  Bonn,  LVII,  p.  198; 
DE  BoissiEU,  p.  59,  n"  XLiv;  etc. 

(2)  Découverte  faisant  l'objet  d'une  note  manuscrite  du  P.  Placido  Bacco  da 
GiovANO,  note  dont  communication  est  due  à  l'obligeance  de  M.  Van  dkr  Maelen, 
directeur  de  l'Établissement  [.'éographique  de  Molenbeck-Saint-Jean. 


DIVIS  MATRON[S  il  T.  VIN.  DONV  ||  C0MI\IT)VM  V.  (ET).  L.  S 
Il  ....  ON/aBSVM  ex  VO   II    .rESTITVIT  L.  M 

Etc.  etc. 

Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  combien  les  inscrip- 
tions de  Metz  peuvent  éclairer  les  autres  inscriptions  de  l'an- 
cienne Gaule  belgique  et  notamment  celles  de  Trêves  et  du 
Luxembourg. 

Le  n°  V  ci-dessus,  aujourd'hui  perdu,  porte  un  surnom 
llinus  que  Schoepflinn  avait  lu  lÂUius.  On  peut  rapprocher 
ce  dernier  nom  du  Lcllius  (douteux  pourtant)  du  n"  343 
d'Arlon  (i). 

Ainsi  encore  le  -nom  Censorinius  de  la  même  inscription 
(voy.  aussi  le  n"  XXIV  de  Metz)  doit  être  mis  en  regard  de 
l'inscription  n"  346  d'Arlon  (2). 

C.  Aur.  Maternius,  de  linscriplion  X  de  Metz,  fait  songer 
à  un  Matcrnius  de  l'inscription  n"  39  de  Goyer  (3)  et  plus 
encore  à  un  (Au)r(elius)  Malernus  de  la  coh.  I  Sept.  Bel- 
garum  Alexandriana  du  Musée  de  Wiesbaden  (4). 

Q.  Giamius,  de  l'inscription  XIII  de  Metz,  rappelle  Gia- 
miilia,  Giamilla  et  Gimmius  des  inscriptions  n"'  45  et  541 
d'Arlon  (3). 

Le  Major  Magiati  fdius,  de  l'inscription  XXXIII  de  Metz, 
et  la  Prucia  (Prudca  avec  d  barré)  d'une  inscription  de  la 


(1)  Bull,  ci -dessus,  XV,  p.  118. 

fa)  Ibid.,  p.  l-2i.  (Iiiiiépendamnient  de  certaine  Censorina  de  Carden,  p.  90). 

(3)  Ibid.,  VII,  pp.  59  et  08. 

(4)  Ibid.,  vn,  p.  108.  Cfr,  Tiiiscription  de  Carden,  citée  XV,  p.  90. 
(o)  Ibid.,  VII,  p.  00,  no  43,  et  XV,  p.  115. 


—  84  — 

même  ville  (i),  rappellent  le  PrusciusMcKjio  de  l'inscriplion 
n"  Ô48  d'Arlon  (2). 

Etc.  etc. 

Enfin  n'omettons  pas  d'ajouter  que  le  comte  de  Caylus  cite 
une  mosaïque  trouvée  à  Metz,  en  1755,  auprès  de  la  paroisse 
de  S.  Gorgon  (0), 

Cette  mosaïque  portait  l'inscription  : 

DIANAE  VENATRICI 

M.  Robert  a  omis  cette  inscription  dans  sa  revue  des 
inscriptions  en  l'honneur  des  divinités  ;  Diane  doit  donc  être 
ajoutée  à  la  série  des  dieux  adorés  par  les  Belges  de  Metz. 

Somme  toute,  et  sous  le  bénéfice  des  observations  qui 
précèdent,  le  livre  de  M.  Robert  est  indispensable  à  tous 
ceux  qui  voudront  étudier  la  période  romaine  de  notre  his- 
toire et  combler  sur  ce  |)oint  la  lacune  que  présentent  tous 
les  traités  et  tous  les  manuels,  où  l'on  trouve  à  peine  quel- 
ques pages  pleines  de  généralités  sur  les  temps  intermé- 
diaires entre  l'invasion  de  César  et  celle  des  Franks. 

II. 

inscriptions  de  Bavay. 
A. 
Certaines  inscriptions  trouvées  à  Bavay  ont  déjà  été  étu- 
diées ici,  mais  il  convient  de  compléter  ce  travail  en  faisant 

{«)  Citée  par  M.  Robert,  p.  93. 

(i)  Bull,  ci-dessus,  XV,  p.  126. 

Add.  sur  le  nom  de  Magius  ou  Magiorix  :  Steiner,  n"  1733;  Brambach, 
II»  1867;  Jahrbûcher  de  Bonn,  LIII-LIV,  p.  195,  el  LVII,  p.  70;  Congrès 
archéol.  de  France,  XXVI»  Session  (Strasbourg),  p.  88;  Bull,  de  la  Société,  etc. , 
d'Alsace,  VI  (1868),  p.  50. 

(ô)  liecaeil  d'antiquités,  V,  p.  326,  pi.  cxvii.  De  Caylus,  ibid.,  p.  524,  cite 
une  ioscripliou  l'unérairc  sur  laquelle  rattentioii  de  M.  Cti.  Robert  est  appelée. 


85  — 


connaître  ce  qui  a  été  publié  à  leur  égard,  notamment  par 
M.  Ern.  Desjardins,  dont  il  a  été  parlé  plus  haut. 

On  croit  cependant  ne  pas  pouvoir  se  refuser  à  y  ajouter, 
pour  mémoire,  les  autres  inscriptions  découvertes  à  Bavay, 
ville  à  laquelle  nous  tenons  par  tant  de  liens  (i). 


N''318(2)        CAES 

RO  AEEXAN 
ICI  AVG 
NERVIOR 

C'est  là  un  fragment  d'inscription  composé  de  quatre 
lignes  dont  le  commencement  nous  manque. 

Cette  inscription  avait  été  présentée  d'abord  comme  dé- 
couverte, en  1821,  à  deux  mètres  de  profondeur,  renversée 
sur  la  base  mutilée  d'un  ancien  monument,  et  l'on  avait  en 
vain  cherché  l'autre  partie  de  l'inscription. 

Mais  voici  de  nouveaux  renseignements  extraits  d'un  ma- 
nuscrit intitulé  :  «  Bavai  ancien  et  moderne.  Ouvrage  com- 
posé d'un  recueil  de  dessins  des  antiquités  trouvées  sur  son 
territoire  depuis  4824  jmques  fin  1829,  par  Antoine  Nive- 
leau,  architecte  de  la  ville  de  Valenciennes,  ancien  élève  mé- 
daillistede  l'école  spéciale  de  Paris  (3).  » 

L'inscription  y  est  indiquée  comme  existant  sur  un  frag- 


(1)  Recueil  d'anliqiiilés,  V,  p.  527. 

(2)  Voy.  Bull,  dea  Comm.  roij.  d'art  et  d'archéoL,  IX,  p.  248. 

(3)  D'après  une  copie  efTecluée  par  Clém.  Meurs,  élève  de  l""'  liasse,  section 
d'architecture,  de  l'école  royale  des  Beaux-Arts  de  Paris,  1859.  MS.  possédé 
par  M.  Anatole  Crapez,  de  Bavay. 

On  a  assuré  à  M.  Ern.  Desjardins  que  l'original  de  Niveleau  existe  encore. 


—  86  — 

ment  de  pierre  (tiimulaire),  découvert  en  1825  dans  la 
maison  de  M.  Ravaux-Prévost  et  provenant  d'anciens  murs 
où  le  fragment  avait  été  remployé,  ce  qui  diffère  un  peu 
des  énoncialions  ci-dessus  reproduites. 

Autre  rectification  :  d'après  M.  Lebeau  (i),  les  quatre 
bouts  de  ligne  qui  complètent  l'inscription  auraient  été 
trouvés,  deux  cents  ans  auparavant,  sur  un  autre  fragment 
de  pierre  exhumé  à  Bavay  en  1621.  Nouvelle  preuve  de 
l'importance  qu'il  y  a  de  recueillir  les  moindres  fragments  : 
colligas  fragmenta  ne  pereant,  comme  on  Ta  dit  d'après  un 
ancien. 

Ce    dernier   renseignement   complète  l'inscription;   des 
italiques  indiquent  la  partie  anciennement  mise  au  jour  : 
imp.  CAES 
m.  aur.  seveRO  ALEXAN 
dro  pio  /e/ICI.  AVG 
civitas  NERVIOR 

(/???peralori  Cae^ari  iUarco  Awrclio  Severo  Alexandre 
pio  felici  Augusto,  civitas  Nerviorwm.) 

Deux  circonstances  rendent  cette  inscription  suspecte  aux 
yeux  de  M.  Desjardins  :  d'abord  il  a  vainement  recherché 
la  pierre  découverte  en  1823  dans  la  maison  Ravaux, 
où  l'on  n'a  pu  même  lui  donner  aucun  renseignement  à  ce 
sujet;  en  outre,  le  curé  Carlier,  auteur  d'un  manuscrit  sur 
les  antiquités  de  Bavay,  n'a  pas  relevé  la  circonstance  de  la 
la  trouvaille  de  1C21.  M.  Desjardins  ajoute  que  nous  ne 


(0  Antiquités  de  l'arrondissement  d'Avesnes,  p.  22,  et  leur  réimpression, 
par  Michaux,  sous  le  tilie  di-  llecueil  de  notices  et  articles  divers  sur  l histoire 
de  la  contrée,  etc.,  1859,  p.  37. 


savons  rien  ni  de  la  provenance,  ni  des  dimensions  de  la 
pierre,  ni  de  la  forme  des  lettres,  dont  le  dessin  conservé  ne 
reproduit  pas  le  facsimiie. 

Il  semble  difficile  de  se  montrer  aussi  rigoureux  :  est-ce 
une  raison  de  condamner  un  monument,  que  sa  perte  et 
l'impossibilité  de  le  vérifier  de  visu?  A  ce  prix,  la  moitié 
des  inscriptions  recueillies  et  non  exlantes  devrait  être 
rejetée.  De  plus,  si  le  curé  Carlicr  n'en  a  pas  parlé,  c'est 
que  ce  respectable  antiquaire  était  mort  en  1818,  sept  ans 
avant  la  découverte  du  fragment  complémentaire,  et  qu'ainsi 
il  n'a  eu  aucune  occasion  de  faire  même  allusion  à  la  décou- 
verte de  162i,  s'il  l'a  connue;  d'ailleurs  le  MS  1086  de  la 
bibliothèque  de  Douai  est  le  catalogue  de  la  collection 
Carlier  et  avait  pour  but  d'inventorier  les  richesses  de  cette 
collection,  plutôt  que  de  s'occuper  de  toutes  les  antiquités 
de  Bavay  en  général,  qui  n'avaient  pas  une  relation  directe 
avec  cette  collection.  Il  a  bien  ajouté  à  son  catalogue  quelques 
inscriptions,  les  dessins  de  subslructions,  d'hypocausles , 
de  bains,  de  bijoux,  etc.;  mais  rien  ne  permet  de  conclure  à 
la  non-existence  de  certaines  antiquités  déterminées  dont 
le  curé  Carlier  a  pu,  du  reste,  ignorer  l'existence. 

Voilà  pour  les  circonstances  extrinsèques;  mais  en  voici 
une  qui  tient  à  l'inscription  elle-même. 

x\I.  Desjardins  énonce  comme  argument  contre  l'authen- 
ticité de  l'inscription  de  1621-1823,  le  caractère  laconique 
do  celle-ci  :  il  fait  remarquer  que  généralement  les  noms 
d'Alexandre  Sévère  sont  complétés  dans  les  inscriptions  par 
l'énoncé  de  ses  divers  titres. 

L'objection  n'est  pas  absolue  en  soi;  il  suffirait  donc  pour 
la  réfuter  de  citer  une  seule  inscription  semblable  à  celle  de 


—  88  — 

Bavay;  un  seul  exemple  serait  une  présomption  suffisanle 
pour  détruire  la  présomption  contraire.  Mais  on  peut  aller 
plus  loin.  Il  suffit  d'ouvrir  les  recueils  (i)  pour  mettre  la 
main  sur  un  très-grand  nombre  de  monuments  où  les  noms 
du  prince  en  question  sont  inscrits  de  la  manière  suivante 
(et  quelques-uns  mémo  d'une  manière  encore  plus  simple)  : 
Imper ator  Caesar  Marcus  Aurelius  Severus  Alexander 
PUIS  Félix  Augustus,  formule  qui  se  trouve  ainsi  être  plutôt 
la  règle  générale  que  l'exception. 

On  peut  donc  considérer  l'inscription  comme  authentique 
et  la  maintenir  sur  la  liste  des  inscriptions  concernant  la 
Belgique  découvertes  à  l'étranger. 


^"ÔU  (2j  :  L.  OSIDIO... 

QYIETI  FILIO 
NERYIO 
OMNIB  HONOR/6W5  apud 
SVOS  FVNCTO.  SXcerdoli 
AD  ARAM  CAES  Nostri  apud  teni 
PLVM  ROMAE  ET  Augustiin 
TER  CONFLYEN/es  Araris 
ET  RIIODAni 
TRES  PROVmcfoe 
^ALLIARUM 


(i)  MuRATOKT,  9,  9;  Corpus  inscriptionum  latinarum  {de  l'Arad.  de  Berlin), 
III,  n""  556,  709,  5327,  5427,  6471  ;  V,  n"'  1857,  2315;  VII,  n»  732,  etc.; 
Revue  archéologique,  février  1876,  p.  128,  etc.,  etc. 

(«)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  el  d'archéol.,  IX,  p.  255. 


—  80  — 

Telle  est  la  lecture  (avec  son  complément  en  italiques) 
donnée  à  cette  inscription  lyonnaise  par  M.  Desjardins  (i). 

Ce  monument  est  conservé  au  palais  Saint- Pierre  à 
Lyon  et  la  forme  des  lettres  accuse  le  i"  siècle  de  l'ère 
chrétienne. 

Le  monument,  d'après  M.  Desjardins,  présente  un  grand 
intérêt  pour  l'histoire  de  Bavay  et  pour  la  cité  des  Nerviens, 
dontBagacum  était  le  chef-lieu.  On  y  voit  que  L.  Osidius, 
fils  de  Quietus,  noms  de  forme  latine  et  appartenant  donc  à 
un  Gaulois  romanisé,  avait  d'abord  rempli  dans  la  cité  des 
Nerviens  tous  les  emplois  ou  exercé  toutes  les  magistra- 
tures annuelles,  c'est-à-dire  celles  de  decurio,  membre  de 
\ordo  ou  conseil  de  la  cité,  fonctions  conférées  par  les 
duumvirs  en  exercice  lors  du  recensement  quinquennal, 
puis  de  quaeslor,  d'aedilis  et  de  duumvir,  charges  an- 
nuelles auxquelles  nommait  le  peuple  réuni  dans  la  curia 
—  si  tant  est  toutefois  que,  dès  le  i"  siècle,  le  mécanisme 
administratif  des  cités  italiennes,  ayant  le  jus  Latii,  ait  été 
appliqué  aux  colonies  et  municipes  des  provinces  :  les 
inscriptions  font,  au  surplus,  connaître  un  grand  nombre  de 
decurwnes,  guaestores,  etc.,  dans  diverses  cités  de  la 
Gaule. 

M.  Desjardins  se  livre  à  ce  sujet  à  une  discussion  intéres- 
sante sur  l'extension  du  droit  de  cité  accordé  d'abord  aux 
primores,  ou  principaux  personnages,  pour  vaincre  le  drui- 
disme,  et  plus  tard  seulement  à  tous  les  habitants  libres  des 
villes.  On  se  borne  à  renvoyer  le  lecteur  à  ce  qu'il  dit, 
comme  pour  tout  ce  qui  concerne  l'assemblée  politique  et 

(i)  D'après  de  Boissieu,  Monuments  antiques  de  Lyon,  p.  114,  n*  23. 


—  yo  — 

religieuse  des  délégués  des  soixante  cités  créées  par  Auguste, 
en  l'an  27  avant  l'ère  chrétienne,  dans  les  trois  provinces 
des  Gaules,  délégués  réunis  annuellement  à  Lyon,  au 
temple  de  Roma  et  Âugustus,  et  y  nommant  le  prêtre  unique, 
sorte  de  pontife  suprême  chargé  de  les  représenter  tous; 
au  moins  dans  une  circonstance,  celle  que  rappelle  notre 
monument,  ce  prêtre  fut  un  Nervien. 


N*'  555  : 

DM  I  DM 

Q.  POMP.  CRISPO  m.  POMP.  VICTOR 

TARQ.  SECV.XDAE  Q.  C.  R.  C.  N. 

POMP.  VICTOR  SIBÏETOCRATIAE 

PARENTIB.  FECIT  SECVNDAE   VXORl 

VlVOS        F 

(Z)iis  J/anlbus.  Çuinto  Pompeio  Crhpo,  Tar^uiniae  Se- 
cundae,  Pompe'ms  Victor  j)arenlibas  fecit. 

Dus  Jianibus.  Jiarcus  Poinpehis  Victor,  <7uaestor  civium 
/ifomanorum  civitatis  i\erviorum,  sibi  et  Ocraiiae  Secundae 
uxorivivus  fecil). 

Celle  inscription  avait  été  ci-dessus  (i)  mentionnée  seule- 
ment pour  mémoire,  parce  qu'en  l'absence  d'analogies, 
croyail-on,  il  y  avait  lieu  de  considérer  comme  suspecte  la 
fonction  de  quaestor  civium  romanorum  civitatis  Nerviorum, 
indiquée  par  les  sigles  q.  c.  r.  c.  n.  Le  doute  était,  du  reste, 
d'autant  plus  permis,  semble-t-il,queces  sigles  n'étaient  pas 
présentés  comme  pourvus  d'un  plein  caractère  de  certitude, 

(i)  Bull,  des  Coiiim.  roy.  d'art  et  d'archéol.,  IX,  p.  260. 


—  91  — 

puisque  le  curé  Garlier,  qui  a  possédé  le  monument  et  qui 
avait  déjà  proposé  la  lecture  quaestor,  etc.,  en  présentait  en 
même  temps  une  autre  où  les  lettres  desdits  sigles  n'étaient 
plus  les  mêmes  :  Quinli  Pompeii  filins,  Crispi  nepos,  et  l'on 
avait  cru  pouvoir  rectifier  cette  lecture  en  se  bornant  à  sup- 
poser l'erreur,  facile  à  commettre,  d'un  f  pris  pour  un  r  : 
Quinti  Crispi  (ilius,  Caii  nepos. 

Et,  en  effet,  on  peut  citer  (i)  un  assez  grand  nombre 
d'inscriptions  portant  les  sigles  f.  n.  et  môme  pron  [pro- 
nepos)  après  le  prénom  du  père,  de  l'aïeul  (et  du  bisaïeul), 
et  si  l'on  avait  préféré  ici  la  lecture  Crispi  (plutôt  que  Puni- 
peii),  c'est  qu'il  était  plus  simple,  en  respectant  la  version 
Q.  G.,  sans  y  substituer  q.  p.,  délire  lecof/uoinen  plutôt  que 
le  gentilicium  déjà  répété  trois  fois  dans  la  double  inscrip- 
tion. 

Mais  la  place  occupée  par  cette  énonciation  de  la  descen- 
dance, mise  d'une  manière  anomale  après  et  non  avant  le 
cognomendeVictor,  l'abréviation  insolite  du  cognomen  Crispi 
par  un  sigle  et  surtout  la  reproduction  de  l'inscription  faite 
de  visu  par  M.  Desjardins  dans  la  pi.  ii  de  sa  notice,  enga- 
gent l'auteur  du  présent  article  à  se  ranger  plutôt  à  l'avis 
de  ce  dernier  auteur,  sous  une  réserve  qui  sera  indiquée 
ci-après,  et  à  se  départir,  par  conséquent,  de  la  sévérité  qui 
avait  fait  exclure  de  la  série  des  inscriptions  romaines  con- 
cernant la  Belgique  l'inscription  ici  discutée  :  elle  prendra 
donc  rang  dans  cette  série  avec  un  numéro  spécial. 

La  qualité  de  quaestor  civium  romanorum  civitatis  IVer- 


(i)  Gia'TER,  table  des  abréviations  :  c.  f.  c.  n,  et,  ibid.,  3-il,  8,  545,  4; 
MuRATORi,  853,  i,  etc. 


—  92  — 

viorinn  est  ce  qui  forme,  comme  le  fait  très-bien  observer 
M.  Desjardins,  le  principal  intérêt  du  monument.. 

M.  Desjardins  donne  un  fac  simile  du  monument  :  il  ne 
peut  donc  plus  y  avoir  d'hésitation  sur  l'existence  des  sigles 
Q.  G.  R.  G.  N.,  et  il  n'y  a  plus  qu'à  les  interpréter. 

L'abréviation  q  placée  après  les  noms  ne  peut  indiquer 
({u'une  fonction,  or  ici  cette  fonction  ne  peut  être  que  celle 
de  quaestor.  Les  deux  lettres  c.  u.,  fréquentes  en  épigraphie, 
ne  peuvent  vouloir  dire  autre  chose,  ici  comme  ailleurs  (i), 
que  civium  ronianoruin.  Quant  aux  deux  dernières  lettres, 
dit  M.  Desjardins,  leur  sens  pourrait  être  contesté  si  nous 
n'étions  pas  édifiés  sur  la  provenance  du  monument,  mais 
comme  nous  sommes  assurés  qu'il  provient  de  Bavay  et 
que  Bagacum  était  le  chef-lieu  de  la  cité  des  Nervii  (2), 
ces  deux  initiales,  qui  eussent  élé  inintelligibles  ailleurs, 
deviennent  parfaitement  claires  dans  cette  localité,  l'usage 
étant  adopté  de  désigner  par  de  simples  initiales  les  noms  de 
la  cité  dans  le  territoire  de  laquelle  se  trouvaient  les  monu- 
ments. C'est  ainsi  que  les  inscriptions  de  Grenoble  et  de 
Genève,  simples  vin  qui  faisaient  partie,  avant  le  règne  de 
Gratien,  du  vaste  territoire  de  la  colonie  de  Vienne  en 
Dauphiné,  portent  les  lettres  c.  v.  (Colonia  Vicnnensiam'), 
et  que  les  inscriptions  de  Narbonne  sont  marquées  :  c.  i.  p. 
N.  M.,  que  les  habitants  de  cette  cité  et  les  étrangers  eux- 

()J  Le  Bull,  de  VAcad.  d'archéol.  de  Belgique,  II,  p.  17,  traduit  erronément 
c.  R  pris  pour  g.  b,  par  genio  romano. 

(«)  Note  do  M.  DES.IARDINS  :  NEpo-j'-c.  wv  ttoÀ'.;  pâvay-ov,  Ptolémke  , 
II,  IX,  11:  Bagacum  ^ierviorum,  Itinér.  dit  t/'Antonin  (éd.  Wesseling,  p  580); 
Baca  conervio  (ÏUicaco  ^erviorwm),  mention  accompagnée  de  deux  tourelles, 
signe  qui  indique  le  plus  souvent,  sur  ce  documeut,  un  chef-lieu  de  cité  (Nouv. 
édit.,  Segm.  1,  c.  I). 


—  95  — 

mêmes  qui  se  Irouvaienl  dans  le  pays  lisaient  sans  hésita- 
tion :  Colonia  Julia  Paterna  Narbo  Martius, 

Les  cives  romani  d'une  localité  constituaient  ensemble  un 
coUegium  qui  confiait  la  gestion  de  ses  intérêts  à  un  quaes- 
tor.  Rien  de  plus  commun  que  les  qnaeslores  ou  curatores 
de  semblables  collèges  (i)  ;  c'est  ainsi  qu'on  trouve  un  cura- 
tor  civium  romanorum  convenlus  helvetici  à  Lausanne  (2) 
et  à  Nyon  (3),  un  summus  curalor  civium  romanorum  pro- 
vinciae  lugiidunensis  à  Lyon  (4),  un  curator  civium  roma- 
norum Mogontiaci  dans  une  inscription  de  Monza  en  Italie, 
inscription  où  il  est  question  d'un  personnage  exerçant  les 
fonctions  dont  il  s'agit  à  Mayence  (5).  Enfin,  à  Finthen,  près 
de  Mayence,  une  inscription  de  l'an  198  de  notre  ère  résout 
la  question.  C'est  un  monument  consacré  à  Mercure  par 
L.  Senilius  Decmanus,  qui  y  est  ainsi  qualifié  :  Quaestor, 
curator  civium  romanorum  Mogunliaci,  negocialor  Mogun- 
tiaci,  civis  Taunensis  (e).  C'était  un  citoyen  de  la  cité  du 
Taiinus,  bien  connue  d'ailleurs  par  d'autres  monuments, 
qui  était  allé  s'établir  à  Mayence  pour  y  exercer  le  négoce  et 
qui  avait  été  choisi  par  les  autres  citoyens  romains,  négo- 
ciants comme  lui,  pour  leur  questeur  et  leur  curateur. 

M.  Desjardins  pense,  avec  M.  Léon  Renier,  que  l'inscrip- 


(1)  Henzen,  Index  du  supplément  au  recueil  d'ÛRELLi,  III,  pp.  176,  178 
et  179. 

(2)  CYK  c.  R.  coNVENTVs  HEL,  MoMMSEN,  Inscr.  lielvet.,  n"  155. 

(3)  CVR.  c.  R.  CONVEN.  HELVETIC,  Id.,  ibid.,  Il»  122. 

(4)  SVMMVS.  CVRATOR.  C.  R.  PROVINC.  LVG.  (OrELLI,  11°  4020). 

(0)  ID.,  no  4976. 

On  peut  encore  y  ajouter  les  inscriptions  d'un  curalor  conventus  civium 
romanorum  à  Vérone  (Mommsen,  Corpus  iiiscript.  iatinn.,  V,  n"'  5576,  77,  etc. 

(o)  Voy.  entre  autres  Henzen  (contin.  d'OREixi,  5245,  5569,  56o5*^',  etc.  ; 
Ch.  Robert,  Épigr.  de  la  Moselle,  p.  26. 


—  94  — 

(ion  de  Bavay  concerne,  sans  doule,  (les  negociatores romains, 
ayant  la  qualité  de  citoyens  et  établis  à  Bavay;  d'où  la  con- 
clusion qu'il  ne  peut  s'agir  ici  des  Nervii  en  général,  ni  de 
la  questure  municipale  de  leur  cité. 

M.  Desjardins  confesse  bien  que,  dans  cette  hypothèse,  la 
ïornn\\equaestorciinumromanoru7ncivi(atîsNerviorumh[sse 
quelque  peu  à  désirer  pour  la  correction,  et  que  la  logique 
appelait  au  lieu  des  deux  derniers  mots,  ceux-ci  :  in  civitate 
Nerviorum  consislenlium  ;  mais  il  est  imbu  de  l'idée  que 
l'inscription  est  du  commencement  du  premier  siècle,  c'est- 
à-dire  d'une  époque  où  le  droit  de  cité  n'avait  pas  encore  été 
attribué  à  tous  les  membres  de  la  civitas  Nerviorum. 

En  effet.  César  n'avait  accordé,  et  à  la  Narbonnaise  seu- 
lement, que  le  jus  honorum,  c'est-à-dire  le  droit  de  cité 
romaine,  et  ce  droit  avait  été  réservé  aux  seuls  personnages 
qui  avaient  exercé  dans  leur  patrie  des  charges  municipales. 
Claude  avait  voulu  accorder  le  même  droit  à  tous  les  primo- 
res  delà  Gaule  indistinctement,  comme  en  témoignent  les 
Tables  Claudiennes  conservées  à  Lyon,  ainsi  que  Tacite; 
mais  le  Sénat  restreignit  la  faveur  aux  seuls  Aedui;  Galba 
l'accorda  à  plusieurs  autres  peuples;  Othon  aux  ÏÂncjones. 
C'est  Hadrien  qui  octroya  le  jus  Latii  à  toute  la  Gaule  et 
[a  jus  civitatis  à  toutes  les  cités  qui  jouissaient  déjà  du  droit 
latin  (i). 

Avant  ce  dernier  empereur,  il  ne  pouvait  donc  y  avoir  à 
Bavay  en  fait   de  citoyens  romains  que  ceux  qui  étaient 


(i)  Mémoires  cités  de  D 01101/,%"  série,  IX  (1866-1867),  Noie  mr  quelques 
inscriplions  (lu  musée  de  Douay,  oîi  M.  Desjaiîdins,  anlérieuremcnt  à  sa  notice 
plus  développée  de  1870,  s'était  déjà  occupé  de  notre  inscription  n"535. 


—  95  — 

allés  s'y  établir  accidentellement,  comme  les  negociatores 
dont  il  a  été  parlé  plus  haut,  comme  aussi  les  vétérans  des 
légions  ou  des  cohortes  auxiliaires  qui  avaient  obtenu,  ainsi 
que  le  prouvent  les  diplômes  de  congé  militaire,  \quv honesta 
missio  avec  le  connubium,  ou  droit  de  mariage  romain,  et  le 
jus  civitatis  pour  eux  et  leurs  enfants. 

Ce  serait  même  seulement  à  l'aide  des  negociatores  qu'au- 
rait été  constitué  le  groupe  des  cives  romani  de  la  cité 
des  Nerviens,  car  M.  Desjardins,  s'appuyant  peut-être  trop 
exclusivement  sur  la  Notice  des  Dignités,  document  du 
IV"  siècle,  et  sur  l'absence  d'autres  documents  mentionnant 
des  campements  romains  aux  environs  de  Bavay,  ne  croit 
pas  qu'il  y  ait  eu  antérieurement  de  pareils  campements  en 
cette  localité. 

Mais  y  a-t-il  bien  là  des  raisons  suffisantes  pour  faire  re- 
monter notre  inscription  au  commencement  du  premier 
siècle?  Au  lieu  de  considérer  Bavay,  dans  le  temps  indiqué 
par  l'inscription,  comme  n'étant  pas  encore  organisé  en  co- 
lonie romaine  ou  municipe,  avec  une  administration  com- 
posée de  ses  magistrats  annuels,  de  ses  duumviri  juri  di- 
cundo,  de  ses  aediles  et  de  ses  quaestores,  et  de  son  ordo  ou 
conseil  de  decuriones,  faut-il  bien  voir  seulement  dans  le 
collège  des  cives  romani  civitatis  Nerviorum  une  petite  so- 
ciété à  part,  distincte  de  la  cité  elle-même,  et  ayant  ses  tré- 
soriers ou  quaestores  indépendants,  une  véritable  déliba- 
tion de  la  cité  romaine  dans  les  provinces  éloignées? 

La  solution  de  cette  question  dépend  nécessairement  de  la 
date  qu'il  y  a  lieu  d'assigner  à  l'inscription. 

La  forme  des  lettres  ne  dit  rien  par  elle-même  ;  c'est  celle 
des  inscriptions  du  Haut-Empire  :  elle  a  persévéré  jusqu'à 


—  96  — 

la  lin  (kl  second  siècle  et  un  peu  au  delà,  et  peut  indiquer 
le  temps  des  Antonins  à  peu  près  aussi  bien  que  celui 
d'Auguste  ou  de  Tibère. 

Le  nom  de  Pompeius,  de  son  côté,  se  retrouve  dans  de 
nombreuses  inscriptions  beaucoup  plus  récentes.  Ce  nom, 
très-fréquent  en  épigraphie,  sous  la  forme  masculine  ou 
féminine,  se  trouve  environ  cent  cinquante  fois  dans  le  re- 
cueil de  Gruter  et  deux  cents  dans  celui  de  Muratori,  et  il  a 
suffi  de  feuilleter  la  série  d'inscriptions  avec  date  certaine, 
disposées  par  ordre  chronologique  que  donne  ce  dernier 
auteur,  pour  y  trouver  (i)  un  L.  Pompeius  de  l'an  105,  un 
Cn.  Pompeius  en  Tan  152,  etc. 

Aussi  est-ce  sur  un  seul  argument  topique  que  M.  Desjar- 
dins s'appuie  :  le  mot  vicos  pour  vivus,  dit-il,  est  essentielle- 
ment un  archaïsme,  dénotant  par  lui-même  que  l'inscription 
date  du  commencement  du  i"  siècle  et  qu'elle  est  antérieure, 
par  conséquent ,  non-seulement  au  règne  d'IIadrien,  mais 
encore  à  ceux  deS'  successeurs  de  Néron  et  même  à  celui 
de  Claude. 

Or  c'est  là  une  erreur  matérielle  :  le  mot  vivos,  pour 
vivus,  s'est  montré  cinq  fois  dans  les  inscriptions  d'Arlon, 
qui  sont  fort  vraisemblablement  de  la  fin  du  ii*  siècle  ou 
même  du  commencement  du  iif .  La  cité  des  Nerviens  était 
voisine  de  celle  des  Trévires,  d'où  dépendait  Arlon;  ce  voi- 
sinage ne  suffît-il  pas  pour  faire  ressortir  le  caractère  trop 
absolu  de  la  conclusion? 

Rien  ne  prouve  donc  que  l'inscription  ne  soit  pas  du 
temps  de  Garacalla,  qui,  dans  un  but  fiscal,  aUribua,  on  le 

(i)  Mluatoki,  ÔIG,  ô;  531,  3. 


—  117  — 

6iù\,  k)  Jus  civilatis  i\  Ions  les  habilanls  (h;  roiiipii'e,  doiil 
ceux  de  la  civitas  Nervion,im,  et  dès  loi\s  la  forme  cives 
romani  civilalis  Nerviorum  échappe  au  reproche  d'incuri-ec- 
lion  encouru  j)ar  riiypolhèse  de  M.  Dcsjardiiis,  comme  il 
l'avoue  lui-même. 


N"  554  (i). 

NEKVINlS 
C.  IVL(TE)R(TI)'S 

S.  L.  M 
(Diis  Nerviniis  Caius  Jul'ms  Terlius  solvit  /ubens  iiumio.) 
Le  mol  diis  est  souvent  sous-enteiidu,  dit  M.  Desjardins, 
dans  les  monuments  consacrés  aux  divinités  locales.  €es 
divinités  prolectrices  du  sol  furent  assimilées  aux  Lares 
AwjusH  par  la  politique  intelligente  de  Rome.  M.  Léon 
Renier  l'a  démontré  dans  soir  cours  du  collège  de  France, 
leçon  du  mardi  '24  mai  1872. 

Cette  inscription  s'explique,  du  reste,  parfaitement  d'elle- 
même. 

B. 

Les  autres  inscriptions  trouvées  à  Bavay  et  reprises  dans 
l'ouvrage  de  M.  Desjardins  sont  les  suivantes,  rappelées  ici 
sommairement  et  pour  mémoire,  afin  de  compléter  sur  ce 
point  les  énonciations  de  Schayes,  et  de  faciliter  les  éludes 


i)  Bull,  des  Coinm.  roij.  d'arl  el  d'archéol.,  X,  p.  OîJ. 


—   !)S    — 

ullcricuro  (|iic  vuiidi'iiil  laii-c  un  jour  i|ul'I(|U('  coiilmuLi(cur 
(le  l'iiHiN  Vi'  (If  ce  dernier  : 

T'.  CAESAJlî.  AVGVsTl.  F. 

dIvI.   \El>OTl  AD\E(NT)V. 

EIYS.   SACRVM, 

CN.  LICIM...  C.  F.  VOL.  NAVOS 

( 'A'l)ci-io  Caesari  Aur/usd  lilio,  Ditn  nepoii,  aduciUii 
ejus  mcrum,  C/jcius  l.iciniu^  Caii  /ilius,  Volùuui  (rihu. 
Navos). 

M.  Desjardius  dii  (juc  ce  moiiunieiil  esl  digne  de  la  |)lacc 
d'honneur  qu'il  occupe  au  musée  de  Douay,  parce  (pie  c'est 
un  des  nionunicnls  les  plus  inipuiianls  delà  (iaule,  coiisli- 
luanl  dans  sa  Ijrièvelé  une  vérilable  page  d'histoire. 

Celte  inscription,  trouvée  en  1716  dans  le  jardin  des  Pères 
de  l'Oratoire  de  Bavay,  est  importante,  en  effet,  à  raison  du 
l'ait  historique  qu'il  révèle,  c'est-à-dire  d'une  visite  laite  par 
Tibère  à  Bavay.  Elle  nous  ap|)rcnd  que  ce  i)rinco,  après  son 
adoption  (an  iap.  .I.-C.)  et  avant  la  mort  d'Auguste  (an  li 
ap.  J.-C),  est  allé  à  Jiavay,  circonstance  (pi'aucuii  texte  an- 
cien ne  nous  avait  fait  connaître.  Entre  l'an  4  et  l'an  I  i, 
Tibère  fit  ti'ois  voyages  en  Gaule  et  en  Germanie,  le  premier 
en  l'an  7,  le  dernier  en  l'an  10;  c'est  donc  entre  ces  deux 
dernièi'es  dates,  mais  sans  plus  do  précision,  ipi'on  peut 
li.xei'  l'érection  de  ce  munuinenl,  consacré  à  Tibère,  monu- 
ment qtn  a  pour  conmienlaire  le  texte  de  Vellejus  Tatcr- 
(•idu>  (11,  104). 

Cet  liislorien  y  parle  en  détail  et  comme  témoin  oculaire 
dt^s  réceptions  cntliousiasles  (pii  furent  faites  à  l'empereur 
dans  les  Gaules. 


—   !)!)    — 

M.  C.  Vaiulcr  Els(  ;ivail  duljonl  (i)  émis  ropiiiioii  que 
voici  :  «  Si  au  lieu  d'alirihurr  l'iiiscriplit)!!  à  l'an  D  av. 
J.-C,  on  la  repoi'lail  à  Tan  II  ap,  .l.-tl.,  elle  l'cgarderail 
l'avèncnient  {adventus)  de  Tihère  à  l'enipirc  el  s'explique- 
rait parle  dévouemenl  d'un  de  ses  gardes  volontaires.  » 

L'auleur  du  présent  article  a  proposé  à  ce  sujet  {\(i\\\ 
observations  qu'il  complète  ici  : 

D'abord  le  sigie  vol  ne  peut  signilier  dans  l'inscription 
(pie  tribu  Vollinia;  cela  repousse  l'attribution  de  rinscri|)tion 
à  un  garde  voL(ontaire)  de  Tibère  et,  à  plus  forte  raison, 
certaines  autres  inlerprélalions  qui  traduisent  vol.  ?mvos 
inavus  pour  gnavus,  opposé  à  ignavus)  par  Cn.  Licinius 
volonlairement  diligcnl,  ou  dévoué  à  son  principe  (2)... 

Ensuite,  il  est  certain  que  advenlus  est  très-classique  dans 
le  sens  d'arrivée  (5),  tandis  ({u'on  ne  trouve  jamais  ce  mot 
dans  les  auteurs  anciens  pour  signitier  avènement,  qui  se  tra- 
duit par  regni  princijnuin,  dies  accepli  imperii  ou  autres 
péi'iplirases  scndjlables. 

L'explication  proposée  n'est  donc  pas  acceptable. 

Le  monument  constate,  du  reste,  la  présence  de  citoyens 
romains  à  Bavay  ;i.  l'époque  dont  il  a  été  question  ci-dessus, 
où  les  Belges  de  Bavay  n'étaienl  pas  eux-mêmes  devenus 
citoyens  romains. 

On  ne  dissimule  jsas,  du  leste,  (pie  M.   Ernest  Desjardins 


(1)  Le  passage  (lui  suit  so  trouvait  inséré  iliius  nu  travail  soimiis  à  l'Académie 
(l'archéologie  de  Belgique,  Bitlleliii,  II,  p.  Iit2;  mais  M.  C.  Van  der  Ei-^r 
a  depuis  moditie  su  rédaclioii  primitive. 

On  reproduit  ici  ce  passage,  cpii  eNpli(|ue  cei  laines  réili'xiuns  du  rapport  insère 
iOkl.,  pp.  L^l  eHo'2. 

(i)  Voy.  entre  autres  dk  Bast,  répélé  par  Schayes,  II,  p.  205. 

(3)  Liv.  :  «  adventus  ctnsulis  lUmmi,  » 


—   100  -- 

|)uuiTail  li'oiivci'  à  l'appui  (1(^  sa  (Iiùsc  sui'  l'iiiscripliuii 
n"  ôoô  cl  sur  la  claie  assignée  par  lui  à  la  forme  vivos  pour 
vivus,  certain  argunieni  dans  l'archaïsme  ici  évidenl  de 
l\avos  pour  JSaevus. 

Orelli,  n''  085,  considère,  mais  à  lort,  ce  monument 
comme  suspect;  il  ne  donne  aucane  raison  à  l'appui  de  son 
opinion,  comme  le  fail  remarquer  M.  Desjardins,  et  l'on  se 
joint  donc  volontiers  à  celui-ci  pour  accepter  l'inscription  de 
Cn.  Licinius  comme  authentique. 


Dis.  MAMBVS 

IVLIAE.    FELICVLiE 

C  IVLIVS.  VLPIANVS 

FECIT 

(f)iù  Manibus  Juliae  Feliculae  Caius  Julius  Uipianus 
fecit.) 

Ce  monument  a  été  découvert  en  1777,  en  même  temps 
qu'une  urne  contenant  des  ossements,  trois  lioles,  deux 
lampes  et  une  monnaie  d'Hadrien.  Les  caractères  correspon- 
dent avec  la  date  do  la  monnaie,  ils  ont  la  belle  forme  de 
ceux  du  Haut-Empire. 

Il  s'agit  probablement,  comme  ou  le  remarquera,  d'une 
sépulture  érigée  par  un  citoyen  romain  à  son  affranchie. 

Une  inscription  d'une  Julia  Felicida  a  été  découviM'le  à 
Rome;  elle  présente  la  particularité  d'être  terminée  par  les 
mots  MiSGE.,  BiBE.,  DA.  .MI,  qu'ou  reirouvc  séparément  sur 
certains  vases  à  couverte  noire  et  à  lettres  blanches,  des 
bords  du  Rhin  (i). 

(<)  Corpus  imcriptionuin  lulinunim,  VI,  n"  23S7. 


—  101   — 

VTlL'S.    ET.    opTa 

TA.    Q.   SVTORI 

BROG(CIl)l 

H.  S.   S 

(UiUisct  Optata  Qii'mû  Sulori  Brocchi,  Aicsili  .siint). 
•   Celte  inscriplion  est  également   en  heanx  caractères  du 
Haut-Empire. 

Elle  a  été  trouvée  à  Bavay  et  provient  de  la  collection  du 
curé  Cartier. 

C'est  l'inscription  de  la  tombe  de  deux  esclaves  de 
Q.  Sutorins  Brocchus,  qui  était  probablement  un  citoyen 
romain. 


APOL 

LIM 

TIMIN 

CIVS 

{ApoUini  r?"beriiis  Mincius  votum  solvit  lubens  meritoj. 

Ce  monument  est  admis  par  M.  Desjardins  comme  prove- 
nant certainement  de  Bavay,  quoique  non  mentionné  dans 
l'inventaire  du  curé  Carller;  cela  démontre,  à  l'appui  d'une 
observation  présentée  plus  haut,  que  l'omission  d'un  monu- 
ment dans  ce  catalogue  n'est  pas,  aux  yeux  de  l'épigraphiste 
français  lui-même,  une  présomption  absolue  contre  l'authen- 
ticité de  ce  monument. 

Les  caractères  de  l'inscription,  conservée  au  musée  de 
Bavay,  dénotent  une  époque  assez  basse. 

M.  Desjardins  lit  Timincius,  nom  qui  serait  tout  à  lait  nou- 
veau en  épigrapliie,  tandis  qu'avec  le  prénom  Tiberiiis,  on 


—    10-2  — 

obtiendrait  le  nom  Minciici,  qui  se  rencontre  assez  ("iVMjueni- 
nieiit  (i). 

jM.  Desj.-irdins  ('il<\  en  onire,  les  se|)t  cacliels  d'ocnlisles 
que  voici,  an  siijet  desqncls  il  a  rassemhir  nm»  {|nan(ilé  do 
(lélails  intéressants  avec  une  itihlioarranhio  assez  coni- 
].lète  (-2)  : 

A.    V    L.  SIL.  BAP.P.ARI    II    PAI.LADI.   AD  (cOc 
:2'   CIVLFLORIP.A  !|  SIL1VM(  Ad)ci(kAT) 

n.     r    CLFIDIT  .    .    .    .    Ij     ...   MISVSADVLE 

"l"    .    .   LFir)(lT)lSIDOPJniAS    11    ,  /P.>'ESP0STIMP 

C.  r   ROMANICRO  ilCODESADASI' 
2"    ROMAN [DIA  !1  PSORICVM 

Ô'>    ROMAMLN    II 

D.  1"    c.   AN.CENSORI   Jl    NVS 

2"  VICTOR  (réir.  ) 

o"   G 
A"    CEN 

/s,    i°    S  P|(eN)TISVPERS    :|    EVVODAnCENP. 

^'  Livi,\MAND   1  DiAMis  AD  VEïfER)  (s  ol  L  penversés) 

.">"    IJAMfA.\)DIPE  il  MCILEMEXO 
i"    ....   SVPER    1     .    .    .   IK   .    .    . 


fi)  nniTRR,  ion,  G;  MuiiATOUi,  25,  !);  l.'iTfi,  6,  etc. 

I,(!  nom  (lo  Ttiniuitis  se  trouve  parfois  avoc  des  pri-nonis,  m:ii:;  pus  celui  ili' 
TiniiiiciKS,  Corpus  iiisirii)!.  l(/liii.,\\,))"  ^-i'ii;  p.  20.ï,  cleiii.  col.,  w  M:  p.  :>0(t. 
I"  col.,  n"  2"),  o!c. 

(î)  Il  a  omi.s  repoTiiiatit  cerlaincs  inoDograpliies,  comme  celles  ipr;i  piiMiccs  le 
]ltill,  dea  Comm.  roi/,  il'tirl  cl  irnrrliéoL,  \'I,  pp.  21  cl  '.):). 


—    lO.l  — 

/•'.  (l)   l"  JSAr)(EL)FICllOGO  i!  DESADASPRIT 
±*    ISADrEL)FlNARni  II  NVMAnniA(THE)si 
5'    .   .  5An(RL)l'IDlA0[>0   !l    .   .    .  LS( AM)vAr)(:AI.I 

i"  iSADfKL)i<miAr.n  il  odonakomm, 

(t.     1"    L.   A.NTOMEPIGTETI    ||    DIAHODONiDIMC 
2"    LANTOEPICTF.TI   j]    STACTYMADCLA 
5"    L.  ANT0>JIEP1G(te)TI    11    DIAMISIO^iADL 
I"    r,.  ANTONIEPICTKTI    II    DIALEPIDOSA  (dd)f(at) 

A  ces  pi(M'i"os  sigillnires,  M.  Dosjnrdins  iijoulf'  nncore  les 
suivaiiles  :  .  .  ' 

//.  (Trouvée  au  Qiiesiioy)  : 

1"    EVELPISTIDIAS  11  MYRN  POST  IJP 

T    EVEEPISTl  DIAPSOl'nrC.   OPOP.   AD.  ('.].. \\\ 

I .  (Trouvre  à  Térouanne)  : 

V   COl'.DIALEPIDOS  (vIPE) 
^2'    .   .   .  CODESADCieA 

J.  (Trouvée  dans  !e  canton  de  Rilx'courl,  Oise)  : 

r    M.   L.   MARITVIImI.   PACGIANVIl  m.  ADASPR'tV 
2"    ML.  MARITVMI    l!    DIAEEPIDOSADr 

A  .  (Trouvée  à  Famars,  près  de  Valenciennes)  : 

1"    .    .   IR   .  GLAVD  ■   MESSORIS  .   PEM    ||    GILEVM 

2"    TIR.   r.l.AVDI.  MKSSORIS   11    .    .    .  (ÏTON.  OPOR.   AD.   GAî.IG 


(i)  Cette  pierre  sigillaire  et  la  suivante  ont  (''lé  déccite-i  par  railleur  du  présent 
article  dans  la  neviit'  nrchéoloiiique,  livr.  de  juillet  1807. 


—   104  — 

En  oulie,  .M.  Desjardinscile  les  inscriptions  siiivanlos, qu'il 
convient  de  ne  pas  nég'lifïer  ici  : 

II    QVI    TI 

Sur  un  petit  frafi'monl  de  pierre  où  l'inscription  est  g'ravée 
à  la  pointe. 

RAG    CEP 

Sur  un  iVaginenl;  M.  Desjardins  doute  cependant  de 
rautlienticité  de  celte  inscription,  qui  a  disparu  et  dont  il  n'a 
jni  retrouver  de  trace. 

On  a  déjà  fait  remarquer  ci-dessus  que  cette  raison  ne 
siinil  pas  à  elle  seule  pour  condamner  une  inscription. 

ADHVr.    SITIO 

Au  fond  d'un  coupe. 

FAL 
VELDN    II    MVDEM    II   FESIIIN 

Sur  le  revêtement  d'un  hypocauste,  la  seconde  partie  en 
caractères  cursifs  (peut-être  mvdena  pour  mvdem?)  L'au- 
teur croit  que  c'est  le  nom  du  potier  ou  de  l'architecte  et  la 
marque  de  fabrique  de  la  terre  cuite  (pi.  xxii,  fig.  1  du  tra- 
vail de  M.  Desjardins). 

IMP    II    AVT 

(Pour  mveratori  wgusTol)  Sur  une  hague-cieF  munie 
(rtin  dard  ou  iioinlc  de  nèclic. 

VCEOV  (ou  VCLEOV)  ? 

Inscription  gravée  au  rebours  sur  tnic  autre  haguc-clcf 
(pi.  vu,  lig-.  .'),  du  travail  de  M.  Dosjardins). 


—  105  — 

IV  -  DI  -  Cl  -  OP  -  EV  -  MO 

Sur  les  faces  hexagonales  d'une  pyramide  Ironquée,  avec 
un  dauphin  sur  lu  section;  M.  Desjanlins  (pi.  vir,  fig.  d) 
doute  du  romanisme  de  cet  objet. 

DVLCiS    VIVAS 

Sur  une  sorte  de  fibule  (pi.  vir,  fig.  7,  ibid.) 


Enfin  M.  Desjardins  donne  une  série  de  plus  de  500 
marques  de  potiers  (sigles  figulins)  découvertes  à  Bavav  : 
on  reviendra  sur  ce  point  en  une  autre  occasion. 


G. 
Quant  aux  monuments  suspects  de  Bavay,  on  croit  ici 
devoir  maintenir  comme  tel  le  suivant,   présenté  sous  la 
forme  ci-après  par  M.  Desjardins  : 

TIB  .   IVL.   TJBE    11    RINO  II  VIR    II    NER 

Gela  est  tout  simplement  l'inscription  étudiée  ci -dessus  (i), 
qui,  d'après  les  renseignements  de  M.  Taschereau,  serait 
non-seulement  fausse,  mais  même  incomplètement  copiée  et 
mal  transcrite  par  M.  Desjardins  : 

TIB  .  IVL.  TIBE  II  RINO  .  Il  .  VIR  lî  ITER.  Q.  TITIVS  H  VILLICVS  . 
LICT 

Ainsi  vient  à  disparaître  l'argument  que  M.  Dcsjardins 
puise  dans  l'inscription,  telle  qu'il  la  donne,  pour  démon- 
trer qu'il   exista  de  l)onne  heure  à  Bavay  des  magistrats 


(i)  BkII.  lies  Comm   roi/.  (Vini  et  (l'arclu'.ol.,  I\,  p.  2.09. 


annuels,  connue  dans  loules  h^s  ('!(('■>  i\c  l'einpii'o,  d  parnn' 
res  magislrals  des  dnunivii-s. 

On  ne  nMiconlre  pas,  du  reste,  d'exemples  de  duuinvirs 
à  la  fonclion  desquels  on  aurait  accolé  seulement  le  nom  du 
peuple  sans  l'adjonelion  au  moins  du  mot  cnUmia  ou  niuiii- 
(ipium  (I). 

Il  V  aurait  eu  lifHi  ainsi  à  écrire  ii  vir.  c.  nkp.  (cirilas 
.\eri'iorum),  ou  mieux  encore  n\(i  ,  m;p.  (Bagaci  Xerviorum), 
))uisipril  s'agissait  spi''eialemenl  par  hypothèse  d'un  duum- 
vir  de  la  ville  de  Bavay,  abstraction  laite  de  sa  qualité  de 
ehel-litni  de  la  cité  des  Nerviens. 

M.  Desjardins,  au  surplus,  n  indiipie  pas  où  a  été  trouvée 
celle  i)laque  de  bronze  d(>  la  bibliolhèipic  nationale  à  Paris, 
jilaque  qu'il  croit  provenir  de  la  collection  du  comte  di! 
Cayliis. 

N"  27  (à  l)iiïer)  (2). 

IMP.  C.  IVf,.  DIVI  11  F.  CAES.  AVGVSTVS  II  COS  XI.  TR.  P.  X. 
P.  P  1!  VIaS  et  MIF^LIAP.IA  i|  PEP,  M.  VIPS.  Af.RIP  ii  PAM  PP.  HLAS. 
PR.  COS.  P  NER.  ET  .  PRAES.  PROV.  OA.  R  II  CONST  i|  AD  QVATM 
IIATP    !l    CCXXXXVIII.   T.   NIPR.   P.  C 

M.  Desjardins  considère  comme  tout  ;i  l'ait  de  fantaisie 
la  lecture  qin  a  (''té  proi)Osée  |)oui-  la  lin  à  l'Académie  de 
Bruxelles  ,  ci  il  croit  ,  tout  en  considérant  rinscri|)tion 
comme  fausse,  (ju'on  aurait  tout  au  moins  dû  lire  :  ad  quar- 


fi)  Vdv..  par  exciii|)l(',  aiiv  lahli's  des  rctiicMls  ilminivir  colDiiiae  Kanme, 
Inlfiaiinine,  l'olexi,  f'rivenii,  miiniiipii  Ititlilf/nnii.  \iilrfiii(s,  Mlilis,  Siii'.isiiln- 
iiiis,  TareiiliiiKs,  'fi'h'sitte,  cli'. 

(i)  Hall.  (Ii's  Comm.  roi/,  d'art  ri  d'arvUéol..  VII.  p.  il.  d  l\,  p.  202. 

Voy.  aussi  AkkI.  irarchi'ol.  df  Behi  ,  etc.,  Itnlli'iln.  Il,  \\\<.  159  v[  HO. 


—   107  — 

lum  miliiarium  hue  a  laurinifi  passns  (?)  GGXXXX  VIII,  TKus 
Nipr  .  .  .  ponendum  curavit. 

Mais  il  quoi  l)on  coiM-igvr  nue  mauvaise  locliiro  d'une 
inscription  condamnée? 

Cependant  l'observation  a  sa  portée,  car  si  dom  Bévy  n'a 
pas  compris  la  pensée  qui  a  dû  être  le  plus  naturellement 
celle  du  faussaire,  à  coup  sûr  es(-il  resté  étranger  au  Taux 
et  n'a-t-il  été  que  dupe,  comme  on  l'a  déjà  dit(i).  D'ailleurs, 
conformémcnl  à  la  thèse  précédemment  soutenue  à  celle 
occasion,  M.  Desjardins  n'accuse  pas  dom  Bévy  du  faux 
commis,  puisqu'il  aflirme  que  ce  personnage  avait  unique- 
ment découvert  le  socle  ou  le  dé  qui  formait  la  base  de  l'in- 
scription, mais  non  l'inscription  elle-même. 

Quant  à  cette  inscription,  qui,  d'après  M.  Desjardins,  fail 
peu  d'honneur  à  celui  qui  Ta  composée,  il  la  démontre  fausse 
autant  parce  qu'elle  s'écarle  des  règles  et  des  principes  de  la 
langue  latine,  de  l'administration  romaine  el  de  l'épigraphie, 
que  parce  qu'elle  renferme  des  erreurs  historiques  capitales 
el  de  graves  anachronismes. 

Passant  au  détail,  M.  Desjardins  démontre  d'une  manière 
bien  autrement  comjilète  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'ici,  et  la 
fausseté  du  monument,  et  l'ignorance  du  faussaire  : 

î°  Le  mot  Ca^sar  se  place  toujours  avant  la  filiation;  il 
aurait  donc  fallu  écrire  :  Imperalor  Caesar  Divi  Julii  fHius, 
Aiif/uslus,  et  non  imperalor  C.  Julii  Diri  fil.iua  Caesar. 

2"  La  qualité  de  fils  adoptif  de  César,  (|ue  prenait  Auguste, 
ne  s'exprime  d'ordinaire  (|ue  par  les  mots  Diri  filiua,  très- 


1)  Ihiil  ,  l\.  |..  -2Cd. 


—  J08  — 

rarement  par  ceux  de  Divi  Juin  filius,  mais  jamais  par  ceux 
(le  C.  Jiilii  Divi  filius. 

.">'  Ce  monument  serait  daté  de  l'an  14  avant  notre  ère, 
qui  est,  en  effet,  celle  où  Auguste  reçut  la  puissance  tribu- 
aicienne  pour  la  x"  fois,  et  comme  il  fut  consul  pour  la  xi^ 
l'an  23  et  pour  la  xii''  l'an  'i,  le  chiffre  du  consulat  pour 
l'an  4  est  bien  xi  ;  mais  il  ne  reçut  le  titre  de  paler  patriae 
que  l'an  2  avant  notre  ère;  c'est  donc  un  anachronisme  de 
douze  ans  que  de  faire  figurer  ce  titre  en  même  temps  que 
celui  delà  x""  puissance  Iribunicienne. 

4"  Ce  qu'il  fallait  faire  mentionner  de  toute  nécessité  au 
lieu  de  paler  patriae  et  avant  le  consulat,  c'était  le  titre  de 
pontifex  maximus  ([u'il  i-ecul  précisément  l'an  14,  à  la  mort 
de  Lcpidus,  l'ancien  triumvir,  auquel  Octave  l'avait  laissé  en 
lui  faisant  grâce  de  la  vie. 

o"  Il  fallait,   immédiatement  a])rès  le  litre  de  pontilex 
maximus,  inscrire  la  salutation  impériale.  On  sait  que  le  mot 
imperator  dans   les  inscriptions  concernant  les  empereurs 
a  deux  sens  très-distincts.   Dion  Gassius  (LUI,   18)  nous 
apprend  que  ce  titre  fut  donné  à  Auguste  comme  un  titre 
perpétuel  et  héréditaire;  c'est  pour  cela  qu'il  est  inscrit  en 
tète  des  noms  et  des  titres  des  Césars  comme  un  véritable 
prénom,  et,  en  second  lieu,  sous  l'Empire,  on  continue  à 
accorder,  comme  sous  la  République,  le  titre  d'imperator 
pour  chaque  victoire  remportée  sur  les  ennemis  par  un  chef 
militaire  revêtu  de  Vimperium.  Auguste  étant,  ainsi  que  ses 
successeurs,  proconsul  de  toutes  les  provinces  impériales, 
recevait  une  salutation  impériale  pour  chaque  victoire  rem- 
))()rl(''('  par  lui,  soit   |)ersonnellement,  soit   par  ses   lieute- 
nants, comme  Cicéron,  par  exem|)l(\  (pn'  fui  salué  imperator 


—    KM)   — 

pcndaiil  son  gouvci-noiiienl  de  la  |)roviiicL'  du  Cilici(;  |Hiur 
(|uol(iues  avantages  obleims  par  son  lieutenant  (t).  Auguste 
avait  obtenu  la  ix'  salutation  impériale  l'an  :20  avant  notre 
èi-e,  pour  la  victoire  de  Tibère  sur  les  Arméniens,  la  x''  en 
l'an  I^  pour  la  victoire  d'Agrippa  sur  les  Pannoniens. 
On  aurait  donc  mis  sur  un  monument  de  l'an  M,  après  pont. 
MAX,  les  mots  imi>.  ix. 

(>"  Ce  qui  a  servi  de  prétexte  à  l'inscription  soi-disant 
trouvée  à  Quarte,  c'est-à-dire  le  fameux  passage  de  Strabon 
(IV,  !V,  I  '2),  dans  lequel  ce  géographe  nous  apprend  que 
le  gendre  d'Auguste,  M.  Vipsanius  Agrippa,  fut  chargé 
d'ouvrir  quatre  grandes  routes  dans  les  Gaules,  en  les  fai- 
sant partir  de  Lyon,  à  savoir  :  une  vers  le  pays  des  Santones 
(la  Saintonge)  et  l'Aquitaine,  une  passant  par  les  Cévennes, 
une  autre  vers  le  Rhin  ;  une  troisième  vers  l'Océan,  en  pas- 
sant par  le  pays  des  Bellovaci  (Beauvaisis)  et  par  celui  des 
Ambiani  (Amiénois)  :  /.-A  -zçjhriv  (r»>/j  -:r,v  iizl  -Jn  l>-/.iavov,  tV' 
-po;  [isXXoâ'/vot?  xal  'A;j.,3iavo-iî  ;  la  quatrième  enfin  vers  Marseille, 
par  la  province  de  Narbonnaise.  Nous  ne  savons  en  quelle 
année  Agrippa  fut  chargé  de  ce  grand  travail,  mais  il  y  a 
lieu  de  supposer  que  c'est  avant  l'an  18  ou  que  c'est  l'an  19, 
époque  où  Dion  Cassius  (LIV,  ii)  place  la  dernière  mention 
d'un  séjour  de  ce  personnage  dans  les  Gaules  ,  lorsqu'il 
alla  faire  la  guerre  aux  Cantabres  en  Espagne.  Agrippa  est 
mort  l'an  12  avant  notre  ère.  C'est  deux  ans  avant  sa  mort 
seulement  que  l'on  a  supposé  que  le  milliaire  de  Quarte  avait 
été  mis  en  place.  Mais  comme  on  vient  de  le  voir  par  le 


(i)  On  Sjit  que  ce  titre  flatta  siiigulièrcincnt  l;i  vanité  du  grand  orateur,  qui 
affecta  de  s'en  parer  en  écrivant  a  César,  vainqueur  des  Gaules. 


-•    1  10    — 

(c.xlc  de  Sli'iihuii,  il  iiV.>(  |>;i.s  possible  (jifuiic  roule  parlaiil 
de  Lyon  j)oiir  aboulir  à  l'Océan  d  Iravci'sanl  1(  Brauvoisi.s 
el  rAniiôiiois,  passe  par  Bavay, 

7"  Les  noms  d'Agi'ippa  ne  poiivaienl  s'eci-ire  dans  un 
nionunieni  oftieiel  :  m.  vii's.  agiui'I'A,  mais  on  eùl  écrit  : 
M.   vii'SAMvs  ACRiPi'A,  avcc  le  (jmlilidum  en  loiiles  iellres. 

S'  Il  esl  bien  vrai  qu'Agrippa  (Dio  Cass.,  \LVIIf,  iO,  et 
L,  I  'i)  a  été  eliargé,  en  58  et  en  ôl,  j)ar  Auguste,  de  com- 
mander toute  la  llolle;  mais  cette  mission  ne  pouvait  s'ex- 
primer par  les  mois  iiraefeclwi  dassis,  (jui  désignent  un 
commandement  partiel  et  permaneni  de  la  Hotte  de  Misène 
uu  de  celle  de  Ravenne,  commandement  (jui  n'était  exercé 
(jue  par  des  chevaliers  romains  et  par  des  personnages  d'un 
rang  Irès-inlëj'ieur  à  celui  du  lieutenant  et  de  l'ami 
d'Auguste. 

0'  Les  mots  pniefectus  (7(tw/i'  ne  peuvent  s'abréger 
l'r..   ci.Ass.,   mais  I'kaki-.   class. 

10'  Les  mots  pra  coitsulc  ne  peuvent  s'abréger  iMi  cos, 
mais  pno  ces. 

1 1"  ['ro  coiisn'.c  .\ervionim  n'a  aucun  sens  ;  il  n'a  jamais 
existé'  en  Gaule,  ni  ailleurs,  une  charge  de  pro  cousulc  ; 
c'était  le  guuvei'ii.-ur  de  la  province  sénaloi'iale  de  iNar- 
Ixinnaiseipn'  porlail  I(î  litre  de  Piio  cos  l'uov  .xaubo.nk.nsis.  Un 
|)ersonnage  eon)me  Agrippa  aur;iil  pu,  tout  au  plus,  être  le 
palronus  ou  le  curalor  d'un  |)euple,  c'est-à-dire  d'une  cité  de 
la  Ciaule,  ce  (pii  serait  exprimé  ainsi  :  I'ATP.onvs  ou  path, 
'Hi  même  i'.  M:r.v,  cviïator  ou  c\\\  Ni:r,vioi'.vM  ;  mais  Agrippa 
n'a  été,  (pic  nous  sachions,  ni  p;ili'oii,  ni  curateur  d'aucune 
des  cilés  de  ce  pays. 

hJ"  On   ne  se  serait  |»as  servi  du  \\\i)[  prucsr.s  prociuciac 


—  111  — 

i'eUjictw  poiii'  clL\sigiiL'c  h,'  i^oiiveriiLUii'  de  lu  (irtiMiicc  de 
B(.'lgi(|uc;  mais  celk.'  i)i"Oviiii,'c  (ilaiil  iiiipijriiilii  cl,  par  cuiisc- 
(|U('iil,  adiiiiiiisli'oo  parmi  IcLial  de  romp'i\'ur,  le  lilrc  oriicicl 
de  ce  gouverneur  élail  legalus  Àagusli  pro  praelore  provin- 
<:iae  Behjicae,   ce  (|ui   s'abrég't^ail    ainsi  :   ia-H}.  vvg.  imv.  im;. 

IMIOV.   BELGICAE. 

15'  La  province  de  Delgiiiue  élail  adniinislrée  par  un 
personnage  (jui  avail  exercé  la  préture,  mais  non  le  consu- 
iat;  c'était,  en  conséquence,  ce  qu'on  appelait  une  province 
impériale  prétorienne;  or  Agrippa  était,  en  l'an  li,  le  plus 
grand  personnage  de  riimpirc  après  Auguste.  Il  avait  ét('' 
trois  Ibis  consul  :  en  -37,  en  i28  et  en  !27  av.  J.-C.  Il  est  cer- 
tain iju'en  aucun  temps  il  n'a  été  legatas  Augusli  pro  prae- 
lore provinciae  Belfjicae. 

14"  Jamais  le  nom  de  la  Belgiijue  n'a  pu  s'abréger  pr.ov. 
GA.  B.  Non-seulement  on  ne  rencontre  pas  le  mot  Gallia 
joint  à  celui  de  Belgica,  au  moins  pour  exprimer  le  nom  de 
celte  province  (l'abréviation  régulière  de  Gallia  serait  gal 
et  celle  de  Belgica  belg),  mais  les  noms  des  provinces 
s'abrègent  rarement  dans  les  documents  ofliciels. 

15'  Conslraxit  n'est  pas  latin  en  parlant  d'une  route;  il 
faudrait  fecil  ou  resliiuit. 

IG"  AD  OYAT  ne  peut  désigner  le  lieu  où  était  la  borne 
milliaire,  car  ces  mots  signilieiil  :  «  vers  le  lieu  apjjclé 
Quarte,  jusqu'à  Quarte.  ».  Le  nom  de  la  localité  où  était  le 
monument  se  serait  mis  au  génilil'  nu  à  l'^blatil'.  De  plus, 
les  noms  inscrits  sur  les  bornes  milliaires  étaient  toujours 
des  localités  de  quelcjne  importance,  jamais  des  stations 
secondaires. 

17"  La  distance  totale  depuis  une  lele  de  ligne  comme 


—  112  — 

Lyon  ou  Turin,  n'a  jamais  pu  être  exprimée  sur  chiupie 
borne  milliaire  de  la  route.  Ces  bornes  nous  indiquent  toujours 
des  distances  partielles,  soit  pour  une  province,  soit  même 
entre  les  chefs-lieux  de  cité  de  la  même  province,  à  moins 
(|u'il  ne  s'agisse  des  grandes  voies  de  l'Italie,  rayonnant  à 
partir  de  Rome,  centre  de  l'Empire. 

18°  Si  le  faussaire  a  voulu  exprimer  par  les  initiales  a.  t. 
les  mots.4  Taim'nis,  ce  seraitencoreunefaute  de  désigner  par 
une  simple  initiale  une  ville  aussi  éloignée  de  la  cité  des 
Xerviens  que  l'était  Turin.  Les  habitants  de  la  Belgique 
n'auraient  pu  comprendre,  en  effet,  le  sens  de  ces  initiales. 
En  outre,  le  nom  officiel  de  Turin  est  Augusta  Taiirinorum, 
ce  qui  aurait  été  abrégé  :  avg.  tavr  ou  avg.  tavrin.  D'une 
part,  la  dislance  exprimée  ici  serait  très-insuflisante.  Si  l'on 
a  voulu  désigner  Trêves,  Augusta  Treveroru7n  (en  snppo- 
sant  qu'elle  possédât  déjà  ce  nonj  l'an  14  av.  J.-C),  l'abré- 
viation serait  avg.  trev,  la  distance  serait  trop  forte,  et,  de 
plus,  il  ne  pourrait  s'agir  même  d'un  embranchement  d'une 
des  quatre  grandes  routes  faites  par  Agrippa  et  rayonnant 
de  Lyon. 

19"  Les  mots  millia  passuum  doivent  précéder  immédia- 
tement le  nombre  marquani  la  distance  et  ils  s'abrègent 
toujours  ainsi  :  m.  p. 

20"  Le  personnage  que  l'on  suppose  avoir  été  chargé  de 
faire  poser  cette  borne  milliaire  n'aurait  pu  être  que  \elega- 
lus  Augusti  pro  praelore,  c'est-à-dire  le  gouverneur  de  la  pro- 
vince de  Belgique,  ou  bien  un  chef  militaire  supérieur,  et 
dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas  les  titres  de  ces  person- 
nages auraient  été  énoncés. 

21"  he  genlilicium  de  cette  personne,  quelle  qu'elle  lui, 


—   115  — 

ne  pouvait  avoir  été  abrégé,  cl  l'abrévialioii  même  admise, 
on  ne  peut  citer  aucun  (jenlilicium  romain  auquel  puissent 
convenir  les  lettres  nipr. 

Tels  sont  les  motifs  pour  lesquels  l'inscription  de  la  pré- 
tendue borne  milliaire  est  fausse.  Si,  par  impossible,  on 
venait  à  découvrir  une  borne  milliaire  qui  aurait  été  élevée 
en  l'an  14  avant  notre  ère,  sur  un  point  quelconque  de  la 
Belgique,  à  Quarte  par  exemple,  cette  borne  porterait  une 
inscription  conçue  en  ces  termes  :  imp.  caes  II  d[vi  filivs  . 

AVGVSTVS    11   PONT.  MAX.  IMP.  XI    ||    COS.  XI  .  TUIP.  .  POT  X   II    A  . 

B  .  N  II  M.  P.  iiii  (.4  Bagaco  Nerviorum  millia  passuum  lY). 


M.  Desjardins  considère  encore  comme  fausse  l'inscrip- 
tion suivante  : 

p.  VARRVSIVS.  LAVSIC  .  G.  F  H  EX  IVSSV  RELLIGIONIS  1|  PRO 
SALVTSTSRN  .  L  .  F.  M 

Cette  inscription  est  produite  par  De  Bast,  dont  les  ren- 
seignements étaient  en  général  d'assez  bon  aloi;  mais 
M.  Léon  Renier  critique  dans  l'inscription  la  place  de  la 
filiation  après  le  cognomen,  les  e  renversés,  la  forme  inusitée 
ex  jussu  religionis,  etc. 

Ces  motifs  sont  sérieux  :  il  est  à  remarquer  toutefois, 
quant  aux  e  renversés,  que  chez  certains  auteurs,  c'est  là  un 
procédé  typographique  pour  indiquer  que  la  lettre  ainsi  pré- 
sentée est  liée  à  la  précédente  ou  à  la  suivante;  c'est  donc  un 
signe  conventionnel  qui  n'existait  pas  dans  l'inscription  et 
dont  on  ne  doit  pas  tirer  argument  pour  condamner  celle-ci. 


—  il4  — 

Autre  inscription  produite  par  De  Bast  et  condamnée  par 
MM.  Èdm.  Le  Blant,  Renier  et  Desjardins  : 

HIC    DEPOSITVS   IN  P.  LVCINIVS    11   SCRLNIAR  .  BENE  MERENS    U 

D.  HON  .  AVG.  VI  .  c  .  S  II  vixiT  ANNOs  xxiii  (suit  le  mono- 
gramme du  Christ  composé  des  lettres  grecques  X  et  P). 

D'après  De  Bast,  cette  inscription  de  l'an  404,  vi'  consulat 
d'IIonorius,  aurait  été  trouvée  en  1702,  à  un  quart  de  lieue 
de  la  porte  Gomerie  à  Bavay,  dans  un  caveau  à  cinq  pieds 
de  profondeur. 

C'est  là  un  monument  non  décrit  par  le  curé  Carlier,  et 
ce  qui  achève  de  le  rendre  suspect  aux  yeux  des  auteurs 
cités,  ce  sont  les  ahréviations  insolites  d  pour  domini  (sans 
nostri)  et  es  pour  cos  (consul). 


Le  P.   Lambiez  (i)  cite  une  inscription,  ainsi  conçue  : 

CiESARl  DEBELLATORI  INERVM  (pOUr  NerviOTUm). 

Cette  inscription  a  prétenduement  été  découverte  à  Quartes; 
mais  c'est  à  bon  droit  que  M.  Ern.  Desjardins  la  néglige  : 
cette  pierre  ne  se  retrouve  pas;  d'ailleurs  les  Romains 
n'érigeaient  pas  de  monuments  désagréables  aux  nations 
vaincues. 

Il  a  été  question  ci-dessus  (2)  de  l'inscription  suivante  : 

DIS.  M.  HIRTIVS.  G.  ANNO  VJICX 

Un  des  motifs  à  l'appui  de  la  condamnation  prononcée 
contre  cette  inscription  doit  être  retiré  ici  :  les  sigles  ois.  m, 
quoique  rares,  se  rencontrent  quelquefois,  et  dès  lors  il  fau- 

(1)  Passage  reproduit  par  les  Documents  et  rapports  de  lu  Société  paléont.  et 
archéol.  de  Cltarleroy,  VI  (1875),  p.  246. 

(2)  Uiill.  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéol.,  VHI,  p.  350. 


—  115  — 

drait  aussi  considérer  comme  suspectes  toules  les  autres 
inscriptions  contenant  la  môme  formule  (?). 

Mais  il  existe  assez  d'autres  motifs  de  ne  pas  admettre 
cette  inscription  ;  M.  Desjardins  se  borne  môme  à  la  déclarer 
inintelligible  et  juge  qu'il  n'est  pas  nécessaire  d'insister  sur  sa 
fausseté. 


M.  Desjardins  tire  des  monuments  qu'il  admet,  la  con- 
clusion suivante  : 

>'  Les  monuments  épigrapliiques  que  nous  venons  d'étudier 
sont  les  seuls  authentiques  qui  proviennent  de  Bavay  ou 
soient  relatifs  aux  Nerviens.  De  l'ensemble  des  informations 
qu'ils  nous  fournissent,  il  résulte  : 

«  \°  Que  la  cité  des  Nerviens,  correspondant  à  l'ancien 
territoire  de  ce  peuple  avant  la  conquête  et  constituée  par 
Auguste  en  l'an  27  avant  J.-C,  a  dû  avoir,  dès  l'origine, 
pour  chef-lieu  Bagacum,  dont  le  nom  n'apparait,  il  est  vrai, 
dans  les  textes  qu'au  ii*  siècle  avec  Ptolémée,  mais  où  l'arri- 
vée de  Tibère  a  été  célébrée  vers  l'an  10  de  notre  ère  ; 

»  2°  Que  des  citoyens  romains  établis  à  Bagacum,  sans 
doute  pour  y  faire  le  commerce,  formaient  une  petite  société 
ou  un  collège  à  part  sur  le  territoire  de  cette  cité; 

»   3"  Que  l'un  d'eux  appartenait  à  la  tribu  Vollinia; 

»  4"  Que  la  cité  des  Nerviens  avait,  dès  le  i"  siècle,  un 
collège  complet  de  magistrats  et  une  organisation  calquée 
sur  les  constitutions  municipales  romaines  ; 


(i)  Vny.  entre  aiiires  :  GoRius,  Inscript,  antiq.  graec.  et  roman,  qnae  extant 
in  Etrur.  iirbib.,  pp.  48,  88,  f97,  406,  etc. 


—  H6  — 

5"  Que  dans  le  collège  de  ces  magistrats  étaient  des 
d uumvirs  juri  dicundo ; 

G"  Qu'elle  envoyait,  comme  les  autres  cités  des  trois  pro- 
vinces de  la  Gaule,  un  délégué  à  l'autel  de  Rome  et  d'Au- 
guste à  Lyon,  et  qu'un  de  ces  délégués  fut  élevé  à  la  dignité 
de  sacerdos  Romae  et  Aiigusti; 

T  Qu'elle  était  donc  entrée  dans  la  communauté  religieuse 
du  grand  culte  oiBciel  de  Rome  et  qu'elle  avait  transformé 
ses  divinités  topiques  en  divinités  Augustes  ou  en  dieux 
Lares  protecteurs  de  la  cité,  tout  en  adoptant  les  dieux  du 
Panthéon  romain,  comme  Apollon,  par  exemple,  sans  parler 
de  ceux  dont  les  temples  en  ruine,  les  statuettes  (  i),  le  tré- 
pied du  musée  de  Douay  (2),  etc.,  nous  ont  révélé  la  connais- 
sance. » 

Il  a  été  dit  ci-dessus  dans  quelles  limites  on  peut  accepter 
l'opinion  de  ^\.  Desjardins,  il  est  inutile  d'y  revenir  ici. 

Puisque  nous  nous  occupons  incidemment  des  inscrip- 
tions du  département  du  Nord,  citons  celle-ci,  qui  est 
inédite  : 

D  M 
LATINIANI 


(i)  Entre  autres  celle  de  l'Hercule,  dit  de  Bavay,  publié  dans  la  pi.  xvii  des 

Monuments  inédits  de  l'Institut  de  correspondance  archéologique  de  Rome,  avec 
un  artic'e  de  M.  Quatremère  de  Quincy,  Annali  dell'  Inslitulo,  1850,  pp.  50  et 
suiv.  (Note  de  M.  Desjardins,  p.  16). 

(a)  La  provenance  de  ce  précieux  monument  est  certaine,  quoiqu'il  n'ait  pas 
fait  partie  de  la  collection  Carlier.  Il  a  été  cédé  au  Musée  plus  anciennement  par 
Lambiez,  qui  en  avait  fait  la  découverte  dans  les  fouilles  exécutées  par  lui-même 
sur  la  chaussée  du  Nord,  le  24  novembre  1790.  (In.). 

Ce  trépied,  d'un  intérêt  et  d'une  conservation  uniques,  a  été  publié  par  M.  le 
le  Président  Tailliar,  Étiidf  sur  les  institutions,  2"  étude.  Domination  romaine, 
pi.  MI,  d'après  le  dessin  très-soigné  de  M.  Alt.  Rohaut  (Note  du  même,  p.  227). 


—   117  — 

—  EumonI,  commune  de  WalJers. 
(Dus  /V/anibus  Latiniani  [ou  Lucii  Aliniani?) 
Getle  inscription  a  été  découverte  par  M.  C.  VanderElsl, 
qui  a  bien  voulu  la  signaler  à  l'auteur  du  présent  article. 


APPENDICE. 


On  sait  que  la  ville  de  Bavay  est  citée  sur  la  carte  de 
Peutinger  sous  le  nom  de  bacaco  nervio  (Bacaco  Nervio- 
rum)  et  dans  l'itinéraire  d'Antonin  sous  celui  de  Bagacum. 
Ce  nom  de  Bacacum  ou  Bagacum  appelle  nécessairement 
l'attention,  ne  fût-ce  qu'à  titre  de  rapprochement,  sur  une 
localité  de  l'Algérie  ajjpelée  Bagai ,  près  du  Lac  Salé, 
gouvernement  du  Levant,  et  sur  certaines  inscriptions  en 
l'honneur  d'une  divinité  du  nom  de  Bacacis  ou  Bacax  qui 
était  honorée  en  Algérie,  où,  comme  on  le  sait,  on  a  également 
trouvé  des  inscriptions  rappelant  une  certaine  colonia  Ner- 
viana,  qu'avec  plus  ou  moins  de  fondement  on  a  voulu 
rapporter  aux  Nerviens. 

Voici  ces  inscriptions,  citées  ici  pour  mémoire  et  trouvées 
à  Thibilis  ou  Announah,  en  une  grotte  dite  de  Djebel- 
Mtaia  (i)  : 

BACACIAVGSAG  ||  GENTIANOETPAS  \]  OCOSVII. .  IDMAIAS  ||  CIVLIVS 
FRONTO  II  NIANVSET...  ||  ESTIVSPRVDES  jj  MAGSTHIBVSL 

(Bacaci  Augusio  sacrum,  Genliano  et  Basso  consulibus, 
VII  idus  Maias,  Caius  Julius  Frontonianus  et...  Mo(\estius 
Prulens,  maglstn  sacrorum  ThibUilanonum ,  uotum  solve- 
runt  iibenter). 

(i)  Léon  Renier,  Inscriptions  romaines  de  V Algérie,  p.  311,  n*  2583,  et  suiv. 


—  118  — 

LAETO  ET....  [j  COS  [  BACACIAVG...  ||  LCESSIVS.... 

(Laeto  et  Céréale  consulibus,  Bacaci  Auguslo  sacrum, 
Lucius  Cessius...). 

BACACIAVGSAC  ||  ACAMP  ||niIE....  ||  COS.... 

Bacaci  Augmio  sacrum,....  consulibus). 

BACACISAC  II  (ma)tvRESCEISS  ||  VSETSIT.... 

{Bacaci  sa-'Tum.  Maturescens  uotum  solvit  et  Sitih  con- 

jux  (?)). 

Les  inscriptions  suivanles,  trouvées  dans  la  même  grotte, 
se  rapportent  à  la  même  divinité  (i). 

BAS  II  FVSCOÏÏET...  ||  TROCOS....  ||  ||  ... 

(bacaci  /lugusto sacrum,  Fusco  II et  Dcxtro  consulibus.... 

SEVEROETOVINTIA  ||  NOCOSPR  KALAPRIL  ||  BAVGSPAVFIDIVS  \\ 
BVTVRICVS  ET  ||  CAECILIA  MAGSI  ||  MASSTHIB 

(Severo  et  Quintiano  consulibus,  prjdie  /la/cndas  Aprilcs. 
jBacaci  Auçjvisio  sacrum,  Publius  Aufidîus  Buluricus  et 
Caecilia  Maxima,  sacerdotc.s  r/i?6ilitanorum.) 

SABETVENVS  ||  TOC'S  PRK(AP)rIL  ||  B.  A.  S.  (he)r...  ||  VE- 
(rv)tVS   V.    L.   S.  E  II  T.MAXI(ma)CONI 

(Sabïno  et  Venusto  consulibus,  prïdki  ^alcndas  Aprilcs. 
/facaci  .4ugusto  sacrum ,  //crennius  Verutus  uotum  /ibens 
solvit  et  Maxima  conjux). 

BAS   II   ARRI(AN)0ETPAP  ||  K.    m.    g.    IVL.    HON"   Il    RATVSMAGCD 

(Jîacaci  /lugusto  sacrum,  Arriano  et  Papo  consulibus, 
Jïalendas  iUaias,  Caius  Julius  Ilonoratus  mag'isler  Calamen- 
sium  dédit  (?)). 

(i)  Indépendamment  d'autres  du  même  style,  trouvées  au  môme  endroit,  mais 
où  les  si.ulcs  BAS  (Bagaci  Augnstn  sacrum)  n'cxistont  pas, ou  d'où  ils  ont  disparu. 


—  llî)  — 

B.  A.  S  II  DVOBVS  11  PHL'p  T.  IVLIVSVICTOR  ||  VOROTIVS  ET 
QMESCELL 

Bagaci  i4iigusto  sacrum.  Duobus  P/ti/ippis  consulibus, 
ritus  JuHiis  Victor  Vorolius  et  Quintus  Mescclïms. 

BAS  II  PATERNOE  ||  TMARINIANOC  \\  OSCORNELIVS  ||  DONATVS  VSL 

(fiacaci  4uguslo  sacrum.  Paterno  et  Mariniano  consu- 
libus, Cornélius  Donatus  wlum  solvit  /ibenter.) 

BAS(MA)r(et)p(at)  Il  GOSCEN(ma)rCVS  II  ETE(MA)SRnTH  || 
IBVSLA. 

(fîacaci  ylugusto sacrum,  .Variiniano  ef  Paterno  consulibus, 
Gen....  Marcus  et  Temarsa  duumwiri  (?)  r/n'6ililanorum 
voUim  solverunt  ^benti  animo.) 

BAS  II  SABINIANO  ||  et  PRETEx(at)o  C"S  ||  KALMAIAS  PMANI- 
LIVS....    Il    ....    Il    

(fiacaci  ^ugusto  sacrum,  Sabiniano  et  Praetexlato,  Kalen- 
das  Maias,  Publius  Manilius 

Liège,  juillet  1870. 

H.  Schuermans. 


LES  GRANDES  ARMOIRIES 

DTJ 

DUC    CHARLES     DE    BOURGOGNE. 

RÉPLIQUE  A  LA  RÉPONSE 

de  M.  le  Conservateur  en  cîief  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles. 


Naguère  M.  le  consen^aleur  en  chef  de  la  Biljliolhè({ue 
royale  de  Bruxelles  publiait,  dans  le  Bulletin  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  une  nolice  sous  le  titre  :  «  Les  grandes 
Armoiries  du  Duc  de  Bourgogne,  gravées  vers  14G7.  » 
(T.  VI,  n"  1,  3'^  série.) 

Il  y  signalait  au  monde  savant  la  trouvaille  qu'on  venait 
(le  faire  de  la  précieuse  estampe  qu'il  considérait  comme 
la  plus  ancienne  œuvre  gravée  dans  les  Pays-Bas. 

Dans  cette  notice,  l'auteur  se  félicitait  de  voir  deux  savants 
tels  que  MM.  Waagen  et  Passavant  «  reconnaître  l'impor- 
tance historique  et  artistique  de  la  gravure  qu'une  bonne  for- 
tune lui  avait  fait  découvrir  dans  un  manuscrit  où  personne 
n'eût  soupçonné  son  existence.  » 

Cette  satisfaction  dont  M.  le  conservateur  en  chef  jouissait 
depuis  dix-sept  ans  a  été  troublée  par  la  publication  récente 
d'un  article  de  M.  Pinchart,  qui  a  paru  dans  le  Bulletin  des 
Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie,  sous  le  titre  de  : 
«  La  plus  ancienne  gravure  sur  cuivre  faite  dans  les  Pays- 
Bas.  » 


—   \±2  — 

En  clTel,  l'apparition  de  la  nouvelle  estampe  accusant  un 
travail  plus  ancien  que  celui  de  l'autre  gravure,  enlève 
à  celle-ci  le  mérite  de  la  priorité,  pour  ne  lui  laisser  que 
la  valeur  d'une  copie. 

Celte  dernière  gravure  n'en  reste  pas  moins  un  document 
précieux;  mais  cela  ne  suftit  à  M.  le  conservateur  en  chef, 
qui  entend,  per  fas  et  ne  [as,  maintenir  à  la  gravure  de  la 
Bibliothèque  royale  son  antériorité  ainsi  que  son  caractère 
d'œuvre  originale. 

En  prenant  la  liberté  grande  de  soutenir  une  thèse  con- 
traire dans  une  lettre  (juc  M.  Pinchart  a  insérée  dans  son 
article,  nous  avons  eu  le  malheur  de  remuer  la  bile  de 
M.  le  conservateur  en  chef. 

Libre  à  lui  de  s'entêter  dans  son  idée  i)our  persister  dans 
une  eri'eur  (jui  le  Halle.  L'amour-propre,  qui  s'admire  tou- 
jours, a  de  ces  complaisances  innocentes  qui  deviennent 
haïssables  quand  elles  induisent  à  vilipender  les  contradic- 
teurs. 

Le  désir  si  naturel  que  nous  avons  cru  pouvoir  exprimer 
de  voir  l'estampe  de  M.  Pinchart  aller  enrichir  la  section 
des  estampes  de  notre  déj^ùl  national,  —  et  là  est  sa  véri- 
table place,  n'en  déplaise  à  M.  le  conservateur  en  chef,  — 
ce  désir  est  dénoncé  parce  ronclionnairc  comme  une  ten- 
tative odieuse  de  chantage. 

«  Quelque  regret  que  j'éprouve  » ,  écrit-il,  c  à  devoir  com- 
»  battre  deux  hommes  avec  lesquels  il  m'eût  été  agréable 
»  de  conserver  de  bons  ra|>p(jrls,  force  m'est  bien  de 
»  rompre  le  silence.  Le  procédé  qu'ils  ont  employé  m'oblige 
»   à  les  suiv!-e  sur  un  terrain  que  je  n'ai  pas  choisi.  » 

D'abord   rien  ne  Ibrçail  iM.  le  conservateur  en  chef  de 


—  125  — 

rompre  un  silence  qu'il  lui  claitsi  aisé  de  garder.  Dans  Foc- 
currence  son  silence  eût  élé  d'or. 

Quant  au  lerrain  que  nous  avons  choisi,  c'est  celui  de 
franc  lieu  où  la  discussion  est  libre  est  loyale.  On  pouvait 
nous  contredire,  nous  récuser  même,  mais  nous  accuser  de 
vilenie,  c'en  est  trop. 

Outré  de  la  publicité  donnée  à  ma  lettre,  M.  le  conserva- 
teur en  chef,  qui  dès  le  début,  —  il  l'avoue  dans  sa  réponse,  — 
n'a  voulu  voir  dans  l'estampe  de  M.  Pinchart  quune  copie 
assez  maladroitement  exécutée,  M.  le  conservateur  en  chef, 
<lis-je,  le  prend  sur  le  ton  que  voici  : 

«  Je  me  garderais  de  me  mettre  en  opposition  avec  ses 
»  décisions  magistrales,  si  je  ne  me  voyais  contraint,  par 
ft  les  devoirs  de  ma  charge,  à  laisser  protester  cette  sorte 
«  de  lettre  de  change  qu'on  essaie  de  tirer  sur  notre 
»  caisse.  » 

C'est  clair!  L'accusation  de  chantage  y  est  en  toutes 
lettres,  et  c'est  dans  le  bulletin  d'une  compagnie  savante  que 
l'on  permet  une  telle  énormité!  J'en  rougis!...  Non  pas 
pour  moi  î  Grâce  au  ciel,  dans  nos  relations  d'autrefois  avec 
M.  le  conservateur  en  chef,  il  n'est  rien  dont  nous  ayons  à 
rougir.  Sur  ce  point,  il  ne  nous  démentira  pas.  Si  dans  une 
circonstance  quelconque  il  a  trouvé  notre  loyauté  en  défaut, 
qu'il  le  dise!  Si  jamais  dans  nos  conseils  il  a  démêlé  des 
intentions  d'intérêt  personnel,  qu'il  le  dise! 

Ne  serions-nous  donc  en  droit  d'invoquer  un  autre  tri- 
bunal que  celui  de  l'opinion  publique  ! 

Pour  ce  qui  est  de  nos  décisions  magistrales,  nous  n'avons 
jamais  eu  la  prétention  d'en  prononcer.  iM.  le  conservateur 
en  chef  le  sait  bien;  mais  venant  de  lui,  le  mot  est  assez 


—   12^  — 

étrange,  lui  qui ,  mais  alors  il  nous  reconnaissait 

quelque  mérite. 

Quel  est  notre  tort?  Nous  le  dirons  sans  détour,  puisqu'on 
nous  calomnie  avec  une  si  parfaite  aisance.  Nous  avons  mal 
fait  d'avoir  attiré  public|uemcnl  l'attention  des  savants  sur 
une  estampe  rarissime  dont  on  n'a  pas  eu  le  ilair  d'appré- 
cier la  valeur,  quoique  conservateur  en  chef  et  infaillible! 

Nous  renonçons  à  soutenir  notre  humble  opinion  et  à 
discuter  désonnais  avec  M.  le  conservateur  en  chef  sur  les 
deux  estampes  en  question. 

Nous  nous  sommes  dit  sagement  :  nul  n'est  infaillible; 
tout  mortel  |)eut  errer  :  les  «  immortels  »  seuls  n'errent  point  ! 
Puis,  tout  en  ayant  la  ferme  conviction  d'être  dans  le  vrai, 
nous  avons  envoyé  la  notice  qui  a  paru  dans  le  BuUelin  des 
Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie  aux  savants  les 
plus  autorisés  en  iconographie,  en  les  priant  de  nous  faire 
connaître  leur  opinion  impartiale.  Presque  tous  nous  ont 
honoré  d'une  réponse.  Parmi  ces  réponses,  il  en  est  qui 
offrent  un  vif  intérêt.  Nous  en  donnons  ci-après  des  extraits 
qui  élucideront  le  débat. 

Mais  auparavant  nous  avons  à  relever  encore  quelques 
points.  Les  extraits  des  lettres  que  nous  avons  reçues  n'en 
seront  que  plus  significatifs  par  le  contraste  des  apprécia- 
tions. 

Après  avoir  cité  le  passage  de  ma  lettre  où  je  dis  qu'on 
ne  peut  douter  de  l'antériorité  de  la  gravure  de  M.  Pinchart 
sur  celle  de  la  Bibliothèque  royale,  tant  les  allures  libres  du 
burin  accusent  un  travail  primordial,  M.  le  conservateur  en 
chef  interrompt  la  citation  par  ce  commentaire  : 

«  Ainsi,  d'après  M.  De  P>rou,   le  burin  de  l'auteur  de 


»  l'estampe  de  M.  Pincliarl  a  des  allures  libres,  plus  libres 

»  sans  doute  que  celles  du  burin  du  graveur  de  la  nôtre.  » 

Puis  il  continue  la  citation  : 

«  L'auteur  de  noire  planche  (de  la  planche  appartenant  à 

»  M.  Pinchart)  est  peul-étre  un  moins  habile  burinisle  que 

»  celui  de  l'estampe  de  la  bibliothèque  royale,  mais,  par 

»  contre,  il  est  bien  plus  original  dans   ses   tailles,    les- 

»  quelles   sont   toujours    très-libres    et    très-pittoresques; 

»  tandis  que  le  copiste  (c'est  ainsi  que  M.  De  Brou  quahfie 

»  l'auteur  de  notre  planche),  quoique  étant  plus  précis,  est 

»  infiniment  plus  sec  et  plus  froid,  caractère  inhérent  à  tout 

»  ce  qui  est  copie.  » 

Ici  nouveau  commentaire  : 

«  On  sent,  dans  cette  phraséologie  embarrassée,  la  gêne 

»  qu'éprouve  le  critique  à  exprimer  une  idée  qui  manque 

»  absolument  de  justesse.  Gomment?  le  graveur  de  notre 

)j  estampe,  plus  habile  burinisle  que   celui  de  l'estampe  de 

»  M.  Pinchart,  lui  céderait  quant  à  la  liberté  de  l'allure,  à  la 

>'  souplesse  des  tailles,  au  coloris,  au  pittoresque  !  M.  Waagen, 

»  que  M.  De  Brou  reconnaîtra  peut-éti-e  pour  un  connais- 

»  seur,    trouvait,  lui,  —  et  j'ai  rapporté  son  opinion  dans 

»  ma  notice  de  1859,  —  le  burin  du  graveur  des  grandes 

»  armoiries  plus  nourri  que  celui  même  du  niaitrc  de  1466; 

»  le  style  des  saints,  m'écrivait -il,  est  moins  gothique,  les  plis 

»  des  draperies  d'un  goût  plus  sûr,  les  mains  mieux  dessinées. 

»  Qu'aurait  dit  ce  savant  archéologue  s'il  avait  pu  comparer 

»  notre  estampe  à  celle  de  M.  Pinchart?  Il  aurait  trouvé 

»  dans  cette  dernière  un  burin  maladroit,  inexpérimenté, 

»  heurté,  confus  dans  les  tailles. 


—  1^26  — 

»  M.  De  Brou  attribue  la  pièce  de  M.  Pirichart  à  un 
»  orfèvre  flamand,  peu  savant  à  conduire  méthodiquement 
»  S071  burin.  On  conviendra  qu'il  faut  y  mettre  de  la  bonne 
T>  volonté  pour  aflirmer  en  même  temjis  que  ce  graveur  a 
»  des  allures  libres,  un  i)urin  souple,  coloré,  pittoresque.  Il 
»  y  aurait,  d'après  cette  manière  de  voir,  avantage  à  ne  se 
»  point  exercer  dans  son  art  afin  d'y  exceller.  » 

Le  trait  final  est  fort  joli  comme  mot,  mais  ce  n'est  qu'un 
mot. 

On  le  voit,  c'est  toujours  la  mètne  délicatesse  de  procédé. 

Notre  phraséologie  embarrassée  eût  ])u  provenir  de  notre 
inhabilité  à  manier  la  plume,  n'étant  ni  littérateur  expert  ni 
académicien  quelconque.  Elle  pouvait  provenir  aussi  de 
l'ignorance  où  nous  sommes  de  l'œuvre  du  maître  E.  S.,  que 
M.  le  conservateur  a  pu  étudier  attentivement  dans  «  les  ca- 
»  binets  de  Munich,  de  Dresde,  à  l'Albertini;  de  Vienne  et 
»  au  cabinet  des  estampes  de  la  rue  de  Richelieu,  pendant 
»  un  long  séjour  qu'il  fit  dans  la  capitale  de  la  France  »  ; 
tandis  que  nous,  ainsi  que  M.  le  conservateur  en  chef  nous  le 
reproche  charitablement,  «  n'ayant  jamais  été  ni  à  Munich, 
»  ni  à  Dresde,  ni  même  à  Paris,  nous  n'avons  pu  voir 
y  qu'un  très-petit  nombre  de  pièces  du  maitre  de  iiôO.  » 

C'étaient  déjà  là  d'assez  belles  raisons  à  invoquer;  niais 
non,  notre  phraséologie  embarrassée  résulte  de  la  gène  (pic 
nous  éprouvons  «  à  exprimer  une  idée  qui  manquait  absolu- 
)>  ment  de  justesse.  »  Naturellement,  e5sai/an<  de  ^ir^rioie  lettre 
de  chamje  sur  la  caisse  de  M.  le  conservateur  en  chef,  la  con- 
science de  notre  mauvaise  action  troublait  notre  jugement. 

Seulement  nous  ne  comprenons  pas  ce  (jue  le  maitre  de 
d4Gt)  vient  faire  ici  ? 


—   127  — 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  engageons  le  savant  conservateur 
on  chef  à  étudier  quelque  peu  les  productions  de  Jean 
Duvet.  Il  pourra  se  convaincre,  —  s'il  en  a  la  compréhen- 
sion, —  qu'on  peut  être  peu  savant  à  conduire  méthodique- 
ment son  burin  et  avoir  pourtant  la  souplesse  des  tailles,  la 
liberté  d'allure  et  le  coloris  joint  au  pittoresque.  M.  le  conser- 
vateur en  chef  aurait  dû,  nous  semble-t-il,  s'apercevoir, 
avec  sa  perspicacité  native,  de  ces  tendances  qui  sont  carac- 
téristiques chez  tous  les  graveurs  primitifs,  chez  ceux  sur- 
tout qui  ne  faisaient  de  la  gravure  qu'accidentellement,  tels 
que  les  orfèvres. 

Disons  maintenant  que,  si  cloué  pendant  vingt-deux  années 
sur  un  lit  de  malade,  il  ne  nous  a  été  donné  d'allerni  à  Munich, 
ni  à  Dresde,  ni  même  à  Paris,  c'a  été  pour  nous  un  chagrin 
de  plus  ajouté  à  une  si  terrible  épreuve,  delà  ne  nous  a  pas 
empêché  toutefois  de  manier  et  d'étudier  quelques  centaines 
de  mille  estampes,  sans  y  comprendre  la  majeure  partie  de 
celles  qui  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles. 
Il  fut  un  temps,  en  effet,  où  chaque  semaine  M.  le  conser- 
vateur en  chef  daignait  nous  envoyer,  bien  que  nous  fussions 
constamment  alité,  quelques  portefeuilles  d'estampes  à 
dépouiller  et  à  classer.  C'était  le  bon  temps,  l'âge  d'or  de  nos 
relations.  Aujourd'hui  qu'on  se  croit  assez  fort,  on  n'a  plus 
que  des  paroles  désobligeantes  à  nous  adresser. 

Enfin,  M.  le  conservateur  en  chef  consacre,  dans  sa 
réponse  à  notre  opinion,  une  longue  phrase  à  la  catégorie 
de  graveurs  du  xvi*  siècle  dite  de  l'école  de  Liège,  catégorie 
à  laquelle  il  rattache  l'estampe  de  M.  Pinchart.  Conjecture 
pour  conjecture,  dit  M.  le  conservateur  en  chef,  celle-ci  vaut 
celle  de  M.  De  Brou.  C'est  là  une  opinion  qu'il  est  parfaite- 


—  128  — 

mciU  libre  tréinetlre,  que  nous  ne  coinbaltrons  cerles  ))oint 
cl  dont  nous  lui  laissons  l'entière  paternité.  Elle  prouve  au 
surplus,  comme  toujours,  le  flair  infaillible  du  savant  aca- 
démicien. 

A  présent  c'est  aux  savants  iconophiles  et  iconographes 
étrangers  à  j)arler. 

Nous  suivrons  l'ordre  chronologique  des  réponses. 

Voici  d'abord  une  lettre  de  M.  Augustus  Franks,  du 
British  Muséum  : 

«  Mille  fois  merci  do  la  brochure.  J'ai  commencé  l'exa- 
»  men  des  planches  et  je  suis  tout  à  fait  de  votre  avis.  Celle 
»  de  M.  P.  me  paraît  la  plus  ancienne. 

»   Brit.  Mus.,  0  déc.  1876.  Votre  dévoué,  A.  W.  F.  » 

En  second  lieu  arrive  l'appréciation  d'un  de  nos  plus 
habiles  iconographes,  dont  nous  donnerons  plus  tard  le 
nom.  Voici  la  partie  qui  répond  à  notre  question  : 

«  Tout  d'abord  j'écarte  toute  analogie  avec  le  maitre 
»  E.  S.,  il  n'y  en  a  aucune. 

»  L'épreuve  de  M.  Pinchart  est  une  haute  rareté  d'un 
»  vieux  maitre  flamand  de  la  seconde  moitié  du  w"  siècle, 
y>  ceci  est  incontcsiable.  Si  la  photographie  de  l'épreuve  de 
»  la  Bibliothèque  est  exacte,  c'est  un  travail  postérieur,  ce 
»  n'est  même  pas  la  copie  de  l'autre  (estampe),  cetle  épreuve 
»  manque  de  caractère.  La  draperie  et  la  ))osc  de  saint 
»  André,  ainsi  qu'une  (juanlilé  d'au  1res  remarques,  entqj) 
»  autres  les  lambre(|uins  qui  entourent  le  cimier,  sont  faits 
»  sans  talent.  Cette  gravure  me  semble  faite  pour  être  colo- 
»  riée  en  héraldique;  le  manque  d'ombres  dans  l'écu  et 
»  dans  les  ornements  indique  que  c'est  un  travail  prépara- 


—   1^29  — 

»  loire,  manquant  cssenlicllcnienl  de  ceUe  naïvelc  qui  carac- 
»  lérise  nos  vieux  maîtres  llamands,  en  un  mot,  c'est  un 
»   travail  bonhomme  (sic). 

»  Voilà  mon  sentiment,  M.  De  Brou,  peut-être  suis-je  en 
»  contradiction  avec  vous,  mais  vous  me  demandez  une 
»  opinion  franche  :  je  vous  la  donne  comme  je  l'ai  toujours 
»  fait  avec  vous.  » 

Puis  le  savant  iconographe  ajoute  en  P.  S.  : 
«  La  devise  me  semble  ce  qu'il  y  a  de  plus  maladroit  : 
»  je  n'ai  vu  dans  aucun  vieux  maître  flamand  des  hachures 
»  carrées  comme  celles  qui  sont  sur  la  terrasse. 
»  Ce  7  décembre  1870.  » 

Sans  partager  de  tous  points  l'opinion  du  savant  incono- 
graphe  que  nous  venons  de  transcrire,  nous  devons  déclarer 
que  nous  inclinons  fortement  en  faveur  de  quelques-unes  de 
ses  idées,  et  il  se  pourrait  fort  bien,  comme  il  le  fait  entendre, 
que  les  deux  estampes  aient  été  faites  pour  servir  d'entète  à 
quelque  manuscrit,  aux  statuts  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or, 
par  exemple?  Qui  sait,  peut-être  un  jour  ou  l'autre  en  dé- 
couvrira-t-on  formant  le  titre  colorié  auxdits  slatuts;  c'est  à 
y  voir. 

Désireux  d'être  inqiartial  en  toutes  choses,  nous  donnons 
le  pour  et  le  contre  de  notre  thèse  :  aux  autorisés  à  choisir. 
Voici  une  intéressante  lettre  de  M.  Georges  Duplessis,  le 
savant  conservateur  à  la  Bibliothèque  nationale,  à  Paris  : 

«  Monsieur,  je  vous  avoue  qu'il  m'est  bien  difficile  de 
»  décider,  à  l'inspection  des  deux  photographies  qui  accom- 
»  pagnent  votre  brochure,  ([uelie  est  la  planche  qui  a  pré- 
»  cédé  l'autre.   Ne  seraient-ce  pas  tout  simplement  deux 


—  150  — 

»  estampes  exécutées  à  peu  près  au  même  moment  d'après 
»   un  original  unique?  Je  ne  reconnais  en  tout  cas  dans  ces 
»  ouvrages  aucunement  la  main  du  mailre  de  1466. 
»   Veuillez  agréer,  etc. 

»   Georges  Duplessis,  Paris,  lî)  décembre  1876.  » 

Voici  maintenant  la  réponse  de  M.  Clément,  l'intelligent 
marchand  d'estampes,  à  Paris  : 

«  Monsieur,  en  arrivant  à  Paris,  j'ai  trouvé  la  lettre  que 
»  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  au  sujet  de 
»  l'estampe  intitulée  les  grandes  armoiries  de  Bourgogne  ; 
«  vous  devez  comprendre.  Monsieur,  qu'il  est  fort  ditlicile 
»  de  se  prononcer  sans  avoir  les  estampes  sous  les  yeux, 
»  malgré  l'exactitude  des  photographies;  il  y  a  d'abord  la 
)>  nature  du  papier  qui  joue  un  grand  rôle,  mais  néanmoins 
»  je  suis  complètement  de  votre  avis  dans  les  conclusions 
»  qui  sont  contenues  dans  votre  lettre  à  M.  Pinchart,  et 
»  d'après  ce  que  j'en  puis  juger,  je  crois  son  estampe  ori- 
M   ginale. 

»   J'ai  l'hunneur,  etc. 

»   Clément,  "20  décembre  1876.  » 

Le  |)a|)ier,  certes,  joue  un  certain  l'ôle  |)our  la  constata- 
lion  (le  l'Age  d'une  épreuve,  mais  ce  rôle  n'est  (ju'un  a|.])()int, 
subordonné  lui-même  au  caractère  du  travail  de  la  gravure, 
caractère  qui  —  seul  —  peut  indiquer,  avec  quelque  cei'ti- 
lud(!,  l'époque  à  laquelle  ajjpartient  une  gravure,  puisqu'elle 
peut  précéder  d'un  certain  laps  de  temps  l'impression  de  la 
|)l;inche. 

M.  Euirènc  Diituil,  amateur  distingue  à  Rouen,  nous  a 


—  ir,i  — 

gTaiific  (l'une  très-intérossantc  Icllrc  don(  nous  donnons  les 
extraits  suivants  : 

«  Monsieur,  puisque  vous  avez  bien  voulu  me  consulter, 
»  je  vous  soumettrai  le  résultat  de  mes  faibles  connais- 
»  sances.  En  principe,  j'admets  comme  vous  que  l'estampe  de 
»  M.  Pinchart  parait  plus  ancienne  que  celle  du  Musée  (sic) 
»  de  Bruxelles.  Cependant  je  fais  quelques  réserves,  je 
»  n'ai  devant  les  yeux  que  deux  photographies,  et,  quoi- 
»  que  très-exactes  d'ailleurs,  elles  ne  remplacent  pas  les 
)>  originaux,  (juil  est  toujours  préférable  de  voir.  L'examen 
»  du  papier  sur  lequel  une  épreuve  est  tirée  peut  fournir  des 
»  indices  précieux.  Ce  point  de  comparaison  me  manque. 
»   C'est  ce  qui  explique  mon  hésitation, 

»  Si  l'on  prend  pour  base  l'espace  compris  entre  1 167  et 
»  1472,  puisque  l'écusson  de  Gueldre  ne  se  trouve  pas  dans 
>'  le  tableau  des  armoiries  du  duc  Charles,  l'estampe  de  la 
»  Bibliothèque,  par  la  manière  avec  laquelle  elle  est  dessinée 
»  et  gravée,  parait  indiquer  une  époque  plus  récente. 

»  L'estampe  de  M.  Pinchart  nous  montre  un  graveur 
))  moins  avancé  et  moins  sûr  de  lui-même.  D'abord,  sur 
w  le  loil,  je  suis  frappé  de  ce  point  cpie  dans  une  estampe 
)'  les  ardoises  sont  tracées  d'une  manière  très-irrégulière, 
»  tandis  que  l'on  constate  l'extrême  régularité  qui  distingue 
»  le  toit  de  l'estampe  du  Musée  de  Bruxelles;  il  en  est  de 
»  même  pour  les  pierres  du  mur;  dans  celte  dernière 
»  estampe,  il  semble  qu'un  maçon  ne  pourrait  mieux  appa- 
)■  railler  les  pierres  (i).   Il  est  loin  d'en  être  ainsi  dans 


(i)  Sans  s'en  douter  peut-être,  l'auteur  ilélinit  parfaiteiiicut  ici  le  earadérc  du 
copiste. 


»  l'estampe  de  M.  Pinchart.  Saint  André  et  saint  Georges 

>■>  sont  bien  mieux  dessinés  dans  l'estampe  du  Musée  de 

»  Bruxelles,  il  y  a  beaucoup  d'autres  dilïérencesqui  annon- 

»  cent  des  corrections.  Les  deux  estampes  étant  du  même 

»  sens,  comment  expliquer  (pie  dans  l'une  les  deux  saints 

»  paraissent  regarder  du  côté  opposé,  tandis  que  dans  l'autre 

»  ils  se  regardent.  Gomment  se  fait-il,  en  outre,  que  les  deux 

«  lions  léopardés  de  l'écusson  de  Frise  se  dirigent  vers  la 

»  droite  dans  une  estampe  et  vers  la  gauche  dans  l'autre?  Si 

»  c'est  de  cette  dernière  feçon  que,  suivant  les  règles  du  bla- 

»  son  les  deux  lions  de  Frise  doivent  être  placés,  il  est  évi- 

»  dent  qu'il  y  a  là  une  correction.  Si  la  règle  est  vraie  que 

»  c'est  la  bonne  édition  qui  a  la  faute,  on  en  doit  conclure 

»  que  l'estampe  du  Musée  de  Bruxelles  est  postérieure.  Mon 

»  avis  toutefois  n'est  que  provisoire,  dans  une  pareille  ma- 

»  tière  on  ne  saurait  s'entourer  de  trop  de  renseignements. 
»  J'ai  l'honneur,  etc. 

»   Eugène  Dutuit,  Rouen,  20  décembre  IH76.  » 

De  M.  le  baron  Schwiter,  amateur  à  Paris,  nous  avons 
reçu  une  lettre  d'une  extrême  modestie,  en  voici  un  extrait  : 

...  Quanta  mon  opinion,  (juc  vous  me  faites  l'Iionneur  de 
»  me  demander,  lorsque  ce  serait  plulôl  à  moi  de  solliciter 
»  la  vôIre,  le  cas  écbéant,  j'ai  trop  peu  d'expérience  en 
»  matière  d'iconographie  pour  me  pei-mettre  d'en  émettre 
)>   une  après  vous. 

»  Je  ne  puis  que  vous  dire  iikiu  im|)ression,  (]ui  a  été 
»  entièi-emeiil  en  faveur  de  l'épnMive  de  M.  Pincbarl.  Dans 
))  celle  (le  la  Bibliothèque  royale  les  tètes  me  paraissent 
»   avoir  moins  de  cMraclère  el  même  la  réu-ularité  du  dessin 


—  \ZÔ  — 

»  des  pierres  et  luiles  me  semblerait  indiquer  le  travail 
«   d'un  copiste  voulant  faire  mieux  que  l'original. 
«  J'ai  l'honneur,  etc. 

»   Baron  de  Schwiter,  Paris,  21  décembre  1876.  » 

A  l'Allemagne  maintenant  à  nous  fournir  (juelques  bonnes 
données.  iNous  avons  d'abord  l'extrait  d'une  lettre  de 
M.  le  docteur  Aug.  Slriiter,  possesseur  d'une  des  plus 
riches  collections  d'estampes  de  l'Allemagne,  et  iconopliile 
distingué.  Il  dit  : 

«  J'étais  agréablement  surpris  de  votre  lettre  et  de  l'envoi 
»  du  petit  opuscule  concernant  les  grandes  ;»rmoiries  des 
»  ducs  de  Bourgogne.  Il  me  parait  que  vos  observations 
»  sont  très-concluantes  et  qu'on  ne  puisse  pas  mieu\ 
»  exposer  ses  raisons. 

«   Aix-la-Chapelle,  le  0O  décembre  1876. 

»   Aug.  Striiter,  docteur,  n 

Bien  que  fort  étendue  dans  son  ensemble,  nous  croyons 
devoir  donner  une  grande  partie  de  la  lettre-réponse  du 
savant  marchand  d'estampes  de  Leipzig,  W.  Drugulin. 
Nous  ne  partageons  pas  sa  manière  d'apprécier  en  toutes 
choses,  mais  la  plupart  de  ses  observations  sont  marquées 
au  bon  coin  et  portent  l'empreinte  d'une  longue  expérience. 
Nous  respectons  sa  diction,  elle  a  son  cachet.  Il  commence 
ainsi  : 

»  Monsieur,  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  demander  mon 
j)  opinion  au  sujet  des  deux  estampes  fort  curieuses 
»  représentant  les  grandes  armoiries  de  Bourgogne  vers 
»   l'année  1472,  retrouvées  récemment  à  Bruxelles,  et  dont 


—  154  — 

»  des  reproductions  pliolo-lillioirraphiques  accompagnaicnL 
»   votre  lettre. 

»  Je  rcgreKc  q\\ï\  ne  se  trouve  dans  votre  brochure 
«  aucune  indication  sur  les  conditions  matérielles  de  ces 
»  gravures,  —  consistance,  —  filigranes  et  marque  du 
»  papier;  couleur  et  degré  de  distribution  de  l'encre; 
»  saletés  des  surfaces  originales  ou  survenues  (i).  Le  juge- 
»  ment  qu'on  peut  en  donner  doit  donc  nécessairement 
»  rester  sur  le  témoignage  de  l'aspect  de  vos  reproduc- 
»   tions  seules,  et  avec  cette  réserve  j'y  procède. 

)■>   En  ce  qui  regarde  les  questions  d'originalité  et,  par 
»   conséquent,  de  priorité,  je  me  range  entièrement  de  votre 
»   côté.  Il  me  paraît  même  que  la  pièce  II  (Pinchart)  a  été 
»  expressément  dessinée  pour  servir  de  modèle  au  graveur 
»   de  la  pièce  I  (Bibliothèque).  C'est  surtout  l'invention  qui  y 
»   brille,  condjinée  avec  une  légèreté  extrême  de  pointe, 
»   mais  aussi  avec  une  insouciance  parfaite  de  la  justesse 
)'   et  correction  des  détails.   L'auteur   ne   peut  avoir  été 
»   blasonniste  (sic),  pour  qu'il  ne  donne  méthodiquemeni 
»   ni  les  formes  des  animaux  ni  les  teintes  de  ses  écussons; 
»   il   ne   peut   avoir   été   architecte  non  plus;    le    dessin 
»  débraillé  de  son  ornementation  et  l'existence  de  l'étage 


(0  Nous  croyons  devoir  satisfaire  au  désir  exprimé  ici  et  nous  rcgreUons, 
dans  l'intérêt  de  la  cause,  de  ne  l'avoir  pas  fait  déjà,  puisque  l'état  de  l'épreuve 
peut  aider  a  élucider  la  question.  L"éprouve  de  M.  Pindiart  est  tirée  sur  du  bon 
papier  a  fortes  veriicures  ayant  pour  maniue  de  fabrique  la  petite  tête  de  boeuf 
portant  au  reilieu  du  front  une  longue  tige  à  croisette.  Ce  papier  est  pareil  à 
celui  employé  à  Cologne  par  Ulric  Zell  de  1167  à  l.i75.  Nos  imprimeurs  des 
l'ays-Bas.en  liront  également  usage  :  Veldeneer  surtout  en  use,  à  Louvain,  dans 
des  impressions  de  1-470  à  1  i78.  Quant  à  ia  conservation  de  l'estampe,  elle  est 
un  peu  rognée  dans  le  haut,  a  quelques  souillures  et  a  subi  quelques  restau- 
rations. 


—  155  — 

»  supérieur  de  l'arc  en  prouvent  le  contraire.  Mais  il  doit 

»  avoir  été  maitre  achevé  de  sa  main  et  de  son  outil  ;  on  ne 

»  trouve  pas  de  repentir  dans  les  détails,  et  chaque  trait 

»  reste  exactement  à  la  place  destinée  par  lui.  Toute  la 

»  représentation   parait  être  dessinée  sur  la  planche,  de 

»  main  levée  et  peut-être  sans  esquisse  préalahle,    d'une 

))  main  légère  comme  j'ai  déjà  fait  observer. 

»   Quant  au  dessin,  une  des  choses  les  plus  importantes 

»  (jui  se  présentent,  c'est  la  figure  de  saint  André.  Vous  ne 

)^  trouverez,  je  m'en  fais  fort,  sur  aucune  pièce  du  xv*  siècle, 

»  une  draperie  à  plis  larges  et  arrondis  comme  celle  du 

»  vêlement  de  ce  saint,  sans  même  mentionner  le  peu  de 

»  longueur  de  sa  robe,  —  et  en  passant  à  l'autre  planche, 

»  sur  laquelle  le  graveur  a  corrigé  le  dessin  de  cette  ligure 

»  ou  cru  le  corriger  en  le  changeant,  c'est  devenu  tellement 

»  moderne  que  vous  pourriez  la  placer  dans  une  compo- 

»  sition  de  Rottenhammer  ou  de  CoUaert,  sans  découvrir 

«  des  différences  trop  marquées.   Enfin    tout  ce  qui  est 

n  angulaire  et  sévère  dans  l'ornementation  et  le  blasonnagc 

»  du  XV''  siècle  se  trouve  ici  arrondi ,   amolli    et  même 

«  exubérant,  comme  cela  se  voit  dans  les  productions  du 

»  xvi*  siècle. 

«  Une  dernière  argumentation  peut  être  prise  du  laire  de 

»  la  pièce  de  la  Bibliothèque  royale  :   ce  qu'il  y  manque 

»  absolument,  c'est  une  sorte  de  travail  fort  signifiant  (sic) 

y  pour  les  gravures  du  xv'  siècle  ;  ce  sont  les  petits  traits  ou 

»  plutôt  petits  coups  de  burin  par  lesquels  on  était  accou- 

»  tumé  d'indiquer  les  demi-teintes,  tandis  que  les  hachures, 

»  et  surtout  les  tailles  croiséesàanglesdroils,  sont  bien  celles 

»  du  métier  des  graveurs  de  l'école  d'Anvers  au  siècle  suivant. 


—  iôG  — 

»  En  résumé,  il  mo  paraît  résulter  de  toutes  ces  considé- 
»  rations,  que  la  planche  de  la  Bibliothèque  royale  est  une 
»  production  de  l'école  flamande,  —  peut-être  une  planche 
»  d'illustration  de  quelque  livre  sur  la  Toison  d'Or,  sur 
»  laquelle  il  existe  tout  une  littérature.  Celle  (la  planche) 
«  de  M.  Pinchart  est  sans  doute  l'ébauche  originale  (sic). 

»  Il  me  serait  bien  intéressant  d'apprendre  les  conclusions 
»  auxquelles  on  arrivera  linalement  en  Belgique  sur  la 
»  question  soulevée  pai'vous,  et  j'espère  qu'elles  seront 
»  déposées  avec  le  temps  dans  (pielque  publication  acces- 
y   sible  à  moi. 

»    Leipzig,  le  i25  janvier  1  (S77. 

»   W.  Drugiilin.  » 

C'est  maintenant  M.  le  ijrofesseur  H.-G.-.I.Weiss,  conser- 
vateur du  cabinet  des  estampes  à  Berlin,  qui  va  nous  fournir 
un  précieux  document  en  faveur  de  notre  thèse  :  sa  lettre 
étant  en  allemand,  nous  en  donnons  une  traduction  littérale 
et  la  lettre  originale  en  noie  (i). 


(i)  «  Gcehrtcr  Herr  ! 

))  Sic  habeii  vollkommeii  Reclit!  Der  Slich  des  Herrn  Pinchart  ist  das  Original, 
der  andcre  eine  danachgerertigte  Copie.  Gleicli  der  erste  Blick  liess  niich  das 
verrmithen;  cine  verglcidiende  l'rufung  iiber/eiigte  niid),  Dcn  Grihideii,  welciie 
sic  daiïw  angeben,  kaiiii  ich  nur  beistiinnicii.  Das  Original  verriith  eineii 
feinfiihlenden  Kiinslier,  die  Copie  cine  weniger  feiniïitilendt'  Hand.  Audi  die 
beider  Copie  vorgenoinnicrcn,  nur  rein  aiisseriicbcn  Venindci'ungen  sprcclien.ais 
nacht  ragliche,  dalïir.  Ein  Zweifcl  kann  hier  nichl  bcstehen.  Icdci'  cingchcndore 
Vergleich  mit  dnrcligcfnhrtercn  Stichen  deiselbcn  Zeit  wird  den  /wcil'cl  bcsei- 
tigen.  —  Vielleicht  dass  die  Platle  des  Originals  ausgedruckt  oder  versehwunden 
war,  und  nian  sich  dadurch  veranlassl  fand,  elwa  zu  fernercm  Gebrauch,  cine 
Copie  anfertigen  zu  iassen. 

»  Ubcr  den  Vcrfcrtiger  des  Originals  iiisst  sich  iiichls  Bcstimmtcs  sagen. 
Zudeni  ist  die  niir  vorliegende  pliotoiithograidiische  Naihbildnng  hicrlTir  nicht 
ausrcicliend.  Suweit  dièse  Naclibildung  zu  erkennen  giebt,  crinnerl  die  Beliand- 


—   IÔ7  — 

«  Monsieur,  vous  avez  parfaitemenl.  raison!  La  gravure 
>>  de  M.  Pinchart  est  l'originale,  l'autre  est  une  copie 
»  exécutée  d'après  cclle-ci.  A  première  vue  je  m'en  suis 
»  douté;  un  examen  comparatif  me  persuada.  Je  ne  puis 
»  que  m'associcr  aux  preuves  que  vous  donnez.  L'originale 
»  trahit  un  artiste  sentant  délicatement,  la  copie  une  main 
»  sentant  moins  délicatement.  Aussi  les  changements  intro- 
»  duits  dans  la  copie  s'annoncent  comme  postérieurs. 
»  Ici  un  doute  ne  peut  pas  exister.  Chaque  comparaison 
»  minutieuse  avec  des  gravures  de  la  même  époque  écartera 
»   le  doute. 

»  Il  est  possible  que  la  planche  originale  était  usée  ou 
>'  perdue,  et  que  cela  a  engagé  à  en  faire  une  copie  pour 
r>  un  usage  ultérieur. 

»  On  ne  peut  rien  dire  de  certain  sur  l'auteur  de  l'origi- 
»  nale. 

»  D'ailleurs  la  reproduction  photographique  n'est  pas 
»  suffisante  pour  cela.  Tant  que  l'on  peut  juger  d'après 
»  celte  reproduction,  le  travail  rappelle  peu  la  manière  de 

limgsweise  nur  wenig  an  die  Stechweise  des  Meisters  E  S.  Auch  ist  hinsichtlich 
dièses  Meisters  eine  Beurtlieilung  um  so  schwieriger,  ai  s  die  Stiche,  welche  itim 
selbst  aucli  von  Biiitsch  (peintre  graveur)  und  Passavant  zugeschrieben  werden, 
unzweifeihaft  von  verscliiedenen,  weinigstens  drei  Stectiern  herriiiiren.  Einzig  die 
aufgerichteten  Liiwen  (als  Wappenlialter)  zeigen  eine  den  mit  E  S  bezeicli- 
neten  Stichen  iilinliche  Behandlung. 

»  Anderes,  so  iusbesondere  die  architectonische  Unigebung  und  dieaufden 
Sanlen  stehenden  Figuren  des  S'  Andréas  und  Georg ,  errinnert  raehr  an  die 
weniger  zarte  Behandiungsweise  des  Israël  van  Meclien  u.  A.  — Als  wahrschein- 
lich  ist  anzunehmen,  dass  beide  Stiche  in  Beigien,  und  auch,  dass  sie  von  hier 
ansiissigeu  Stechern  angefertigt  sind. 

»  Empfangen  Sie,  geehrter  Herr,  fur  die  cbenso  lehrreiche  als  intéressante 
Mittheilung  meinen  ergebensten  Dank,  mit  dem  Ausdruek  hOchster  Werth- 
schalzung. 

t  Berlin,  d.  26  Februar  1877.  H.  E.  .1.  Weiss.  » 


—  138  — 

»  graver  du  mailrc  E.  S.  Aussi,  à  l'égard  de  ce  maiire,  une 

»  appréciation  est  d'autant  plus  dilTicile,  que  les  gravures 

»  qui  lui  sont  attribuées,  même  par  Bartsch  (peintre  graveur) 

»  et  Passavant,  proviennent  sans  nul  doute  de  plusieurs,  au 

»  moins  de  trois  différents  graveurs.  Seulement  les  deux 

)'  lions  debout  (comme  tenants)  montrent  un  faire  ressem- 

M  blanl  aux  gravures  marquées  E.  S.  D'autre  part,  spécia- 

»  lement  les  ornements  architecturaux  et  les  figures  de 

»  saint  André  el  de  saint  Georges,   qui  reposent  sur  les 

»  colonm^s,  rappellent  le  l'aire  moins  délicat  d'Israël  Von 

»  Mecken  et  autres.  On  peut  admettre,  comme  probable, 

»  que  les  deux  gravures  ont  été  exécutées  en  Belgique  par 

»  des  graveurs  y  domiciliés. 

»  Recevez,  Monsieur,  mes  humbles  remercîments  pour 

«  votre  communication  intéressante  et  instructive,  etc. 
«  Berlin,  26  février  1877.  H.-C.-.î.  Weiss.  » 

M.  L.  Kuhnen ,  habile  paysagiste  et  iconophile  expéri- 
menté, nous  adresse  les  lignes  suivantes  : 

»  Monsieur,  j'ai  examiné  avec  grande  attention  les  deux 
»  gravures  que  vous  avez  bien  voulu  me  soumettre,  repré- 
»  sentant  les  Armoiries  de  Bourgogne.  Je  suis  entièrement 
»  de  votre  avis,  c'est-à-dire  que  je  reconnais  celle  de 
r>  M.  Pincliarl  pour  l'originale.  Recevez  donc  mon  humble 
»  opinion,  si  elle  n'est  pas  d'un  grand  poids,  elle  est  du  moins 
»  sincère. 

r>   En  attendant,  etc. 

»   Schaerbeek,  ce  1"  mars  1877.  L.  Kuhnen.  » 

Nous  avons  réservé  pour  la  fin  une  lettre,  —  des  plus 
précieuses, — de  M.  le  vicomte  Henri  de  la  Borde,  conserva- 


—  i59  — 

teiir  du  cabinet  des  estampes  à  la  Bibliothèque  nationale, 
à  Paris  :  elle  clôturera,  nous  l'espérons,  savamment  le 
débat  qui  nous  occupe.  Laissons-lui  la  parole  : 

»  Monsieur,  j'ai  lu  avec  tout  l'intérêt  et  toute  la  scrupu- 
»  leuse  attention  que  commande  chacun  des  travaux  dus 
»  à  votre  haute  érudition  iconographique,  la  dissertation 
»  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'envoyer,  il  y  a  quel- 
»  ques  jours,  sur  la  plus  ancienne  gravure  sur  cuivre  faite 
»  dans  les  Pays-Bas. 

»  Je  connaissais  depuis  plusieurs  années  l'épreuve  des 
»  grandes  armoiries  du  duc  Charles  de  Bourgogne  que  pos- 
»  sède  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  et  j'avoue  que, 
»  malgré  l'autorité  des  savants  qui  avaient  cru  pouvoir 
»  attribuer  cette  pièce  au  maître  de  1466,  je  m'étais  tou- 
»  jours  refusé  à  lui  assigner  une  origine  aussi  formellement 
»  démentie  à  mes  yeux  par  les  caractères  mêmes  du  dessin 
»  et  du  travail.  J'avais  donc  déjà  sur  ce  point  la  bonne  for- 
«   tune  de  me  rencontrer  avec  vous. 

»  Quant  à  l'antériorité  de  l'estampe  appartenant  à  M.  Pin- 
»  chart,  par  rapport  à  l'estampe  de  la  Bibliothèque  royale 
»  sur  le  même  sujet  et  au  caractère  de  copie  qu'il  convien- 
)>  drait  de  reconnaître  à  celle-ci,  il  me  semble.  Monsieur, 
»  autant  que  j'en  puis  juger  d'ailleurs  par  les  reproductions 
»  photo-lithographiques  qui  accompagnent  votre  travail,  — 
»  il  me  semble  que  cette  antériorité  est  incontestable.  Les 
»  observations  sur  lesquelles  vous  fondez  votre  discussion 
»  et  la  conclusion  que  vous  en  tirez  sont  de  nature  à  con- 
»  vaincre  tous  les  esprits  impartiaux.  —  Ceci  soit  dit  sans 
j^  nulle  prétention  de  ma  part  à  méconnaître  l'importance 
»  archéologique  de  la  pièce  décrite  et  commentée  autrefois 


—   \M)  — 

»  par  M.  Alviii.  Celle  (|u'a  relrouvce  M.  Pincharl  est  toiUe- 
»  fois  plus  précieuse  encore,  non-seulement  parce  qu'elle 
y>  a  plus  d'originalité  et  de  valeur  au  point  de  vue  de  l'exé- 
»  cution  pittoresque,  mais  parce  que,  comme  vous  l'avez 
»  démontré  et  comme  je  le  crois,  elle  a  dû  servir  de  modèle 
»  à  l'artiste  qui  a  gravé  l'autre.  A  des  titres  divers,  toutes 
»  deux  certes  ont  un  grand  intérêt,  et  il  serait  bien  souhai- 
y>  table  que,  conformément  au  vœu  exprimé  par  vous,  elles 
»  se  trouvassent  rapprocliées,  aussitôt  qu'il  se  pourra,  dans 
»   les  collections  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles. 

))  Veuillez,  Monsieur,  agréer,  avec  tous  mes  remercîmenls 
»  pour  l'intéressante  communication  et  pour  la  lettre  dont 
»  vous  m'avez  honoré,  l'expression  de  mes  sentiments  de 
»   haute  considération. 

»  V"  H.  de  la  Borde.  Bibliothèque  nationale,  Paris,  le 
17  janvier  1877,  « 

Dira-t-on  que  c'est  encore  une  sorte  de  letllre  de  change 
quon  essaie  de  tirer  sur  la  caisse  de  M,  le  conservateur  en 
chef? 

Voilà  donc  tout  une  suite  d'iconographes  et  d'iconophiles 
marquants  qui ,  j^resque  tous,  abondent  dans  notre  sens, 
quant  à  la  manière  d'apprécier  la  question  de  priorité  entre 
les  deux  estampes. 

Sur  ce,  nous  laissons  M.  le  conservateur  en  chef  méditer 
la  sentence  qu'il  a  prononcée  lui-même  :  «  La  prévention  et 
«  l'intérêt  peuvent  aveugler  étrangement  les  meilleurs  esprits.  » 

Ce  20  mars  1877. 

Gif.  De  Brou. 


rALES  E 


li 


his 


ig,6,6''i^et 


BULLETIN  DES  COMMISSIONS  ROYALES  D'ART  ET  D'ARCHÉOLOGIE. 1877.. 


Fi^SauVi,  r.g.3,4.B,5>"-'al2grandeur  réelle  iftg  6.6«=elllauys;fio  7,8,9  et  lOauViode 


Ltkmkins.iQlni 


L'ETABLISSEMENT    BELGO  -  ROMAIN 

DE  RUMPST. 


Rumpst  est  un  village  de  la  province  d'Anvers,  situé  sur 
la  rive  droite  du  Ruppel,  précisément  à  l'endroit  où  se  forme 
cette  rivière  par  le  confluent  de  la  Nèthe  et  de  la  Dyle,  gros- 
sie des  eaux  de  la  Senne. 

Au  sud  du  village,  le  long  de  la  Nèthe,  s'étendent  de  vastes 
polders;  au  nord  et  à  l'est,  le  terrain,  s'élevant  graduellement, 
est  sablonneux  à  la  surface,  argileux  en  dessous  ;  c'est  là  que 
sont  établies  les  nombreuses  briqueteries  qui  constituent  la 
principale  richesse  de  Rumpst. 

L'origine  de  cette  localité  remonte  à  une  haute  antiquité. 
Car  si,  d'un  côté,  des  documents  fort  anciens  du  moyen  âge 
mentionnent  déjà  le  nom  de  Rumpst  (i),  d'un  autre,  les 
fouilles  archéologiques  prouvent  que  les  Romains  y  avaient 
établi  leurs  demeures  au  commencement  de  l'ère  chré- 
tienne. L'étymologie  même  de  Rumpst  semble  rappeler  le 
séjour  du  peuple-roi.  La  préfixe  Rum  se  retrouve,  en  effet, 
dans  le  nom  du  village  de  Rummen,  au  nord  de  Saint- 


(i)  Kreglisger,  dans  le  Bulletin  de  la  Commission  de  statistique,  t.  III, 
p.  2i5,  cite  :  1130,  Rumesta,  «  bulle  d'Eugène  »,  Miraeus,  IV,  20;  —  1180, 
Cart.  de  S*-Michel,  —  Rumesta,  —  charte  de  Waullier  de  Berthout;  —  1181, 
id.,—  Rumestum,—  charte  de  Gérard  de  Griraberge  ;  — 12b9,  Butkens,  I,  228, 
Rumesta,  —  ih^rle  de  Gérard  de  Grimberge;  —  1505,  Clericus,  I,  n"  99, 
Rumste,  —  Réconciliation  de  Malines,  etc. 


—  U2  — 

Trond,  ci  l'on  prétend  que  cette  étymologie  se  rattache  à 
l'existence  d'un  camp  romain  dans  cette  commune  (i).  Le 
village  de  Rumsdorp,  près  de  Landen,  parait  avoir  la 
même  origine  (2). 

Avant  d'entrer  dans  les  détails  au  sujet  de  l'établissement 
belgo-romain  de  Rumpst,  qui  forme  l'objet  de  cette  notice; 
il  convient  de  dire  quelques  mots  de  la  voie  romaine  sur 
laquelle  il  était  situé. 

Il  existait,  comme  on  sait,  une  voie  romaine  de  premier 
ordre,  qui,  partant  de  Bavay,  passait  auprès  de  Mons  et 
de  là  se  dirigeait  presque  en  ligne  droite  sur  Assclie.  On  la 
désigne  parfois  sous  le  nom  de  voie  delà  Batavie,  car  géné- 
ralement on  croit  qu'elle  se  prolongeait  vers  la  Hollande. 
Nous  ne  pouvons  souscrire  à  cette  opinion,  par  le  seul  motif 
qu'au  delà  d'Assche  on  ne  trouve  plus  de  traces  de  la 
grande  voie  de  Bavay  ;  or  les  routes  de  premier  ordre,  qui 
étaient  très-larges,  fort  solidement  construites  et  bordées  de 
grands  fossés,  ont  résisté  assez  bien  pendant  le  cours  des 
siècles  pour  être  reconnues  facilement.  Il  en  est  autrement  des 
voies  secondaires  (diverlicula,  viœ  vicinales),  (]ui  n'étaient 
même  pas  toujours  empierrées  (3). 

Ce  qui  a  été  considéré  comme  le  prolongement  de  la  voie 
de  Bavay  à  Assche  es!  un  cheniiii  qui,  |)artanl  de  ce  dernier 
endroit,  se  dirigeait  vers  la  Hollande  en  passant  par  Rumpst. 


(0  Cii.  Ghandgagnaoe,  Mémoire  sur  les  anciens  noms  de  la  Belgique  orien- 
tale, pp.  90  et  91.  —  WoLTEKS,  Aolice  sur  Rummen,  pp.  57G  et  suiv. 

(2)  Van  Gestel,  Uist.  sacr.  et  prof,  archiepiscopatns  Mechliniensisa,  iJ69. 
Bulletin  des  Commissions  roijales  d'art  el  d'archéolof/ie,  IV,  p.  m\:  on  pro- 
nonce Bomisdorp. 

(3)  Bergier,  Histoire  des  grands  chemins  de  l'empire  romain,  1,  p.  1 4(), 


—  143  — 

Voici  le  tracé  de  ce  chemin  :  d'Assche  il  va  à  Londerzeel, 
passe  à  Rainsdonck  et  à  Breendonck,  près  du  château  de 
Meerhof  (i),  sépare  Londerzeel  et  Wolverthem  de  Rams- 
donck;  à  Breendonck  il  se  rétrécit  et  se  divise;  il  porte 
à  Londerzeel  le  nom  de  Oadcstraete,  Oiidemansstraele. 

De  Breendonck  il  se  dirige  vers  Willebroeck  et  Heyn- 
donck  et  traverse  le  Ruppel  à  Rumpst. 

Ce  chemin  était,  dit  la  tradition,  une  grande  route  dans  le 
temps  où  Merchtem  et  Rumpst  étaient  des  villes  (2)  impor- 
tantes. 

A  partir  de  Rumpst,  le  tracé  de  notre  chemin  devient 
très-problématique;  il  y  a  toutefois  lieu  de  supposer  qu'il 
continuait  vers  Waerloos,  où  l'on  a  trouvé  des  antiquités 
frankes  ;  —  Hove,  qui  a  donné  des  antiquités  romaines  (3)  ;  — 
Anvers,  Merxem,  Brecht,  Hoogstraeten,  Minderhout,  Meerle 
et  Breda  (i). 

Plusieurs  des  auteurs  que  nous  venons  de  citer  soutiennent 
que  le  passage  du  Ruppel  s'effectuait  au  lieu  dit  :  Hellegat, 
sous  Ruysbroeck,  où  l'on  aurait  trouvé  quelques  monnaies 
romaines.  Mais  on  n'a  pas  tenu  compte  de  l'état  de  la  rivière. 


(1)  M.  Galesloot  assure  iiu'eii  1851  on  a  trouvé  dans  le  jardin  de  ce  rhâleau 
quatorze  monnaies  consulaires  en  argent  et  une  hache  en  silex.  La  province  de 
Brabant  sous  les  Romains,  p.  78  (note). 

M.  le  comte  de  Buisseret,  qui  est  le  propriétaire  du  château,  n'a  pas  connais- 
sance de  cette  découverte,  nous  écrit-il. 

(2)  Renseignement  de  M.  Lefebvre,  membre  de  la  Chambre  des  représentants. 
(5)  Rens.  de  M.  Tins,  juge  de  paix  à  Contich,  membre  titulaire  de  l'Académie 

d'archéologie. 

(i)  Voyez  sur  cette  voie,  L.  Galesloot,  La  province  de  Brabant,  etc.,  p.  26; 
—  Vaxder  Rit,  Topogr.  des  voies  rom..,  p.  9;  —  d'Anville,  Notice  de  la  Gaule, 
p.  438;—  MiRAEL'S,  Chron.  BeUj.,  p.  1-28;  —  Heylen,  Mém.  de  /'(ancienne)  acad. 
de  Bruxelles,  t.  IV,  p.  458.  —  Des  Roches,  Hist.  des  Pays-Bas,  p.  0O6. 


—  \u  — 

qui  en  cet  endroit  est  très-profonde  et  trop  rapide  pour  être 
traversée  autrement  qu'en  bateau.  Ces  inconvénients  n'exis- 
tent pas  à  Rumpst,  où  le  Ruppel  doit  avoir  été  parfaitement 
guéable. 

Devant  la  commune,  à  l'entrée  de  la  Dyle  et  de  la  Nèthe, 
il  existe  encore  un  banc  de  sable  qui  à  marée  basse  entrave 
la  navigation.  Voici  comment  s'exprime  à  ce  sujet  un  de  nos 
ingénieurs  les  plus  savants,  M.  Belpaire.  «  On  remarque 
que  les  deux  rives  de  la  Nèthe  et  de  la  Dyle  se  rencontraient 
anciennement  à  angle  droit,   comme  le   font  aujourd'hui 
l'Escaut  et  le  Ruppel.  Une  pareille  disposition  devait  néces- 
sairement provoquer  des  atterrissemenls.  Il  n'est  pas  dou- 
teux, d'après  la  situation  des  anciennes  digues,  que  des 
atterrissements  ne  se  soient  formés  à  l'embouchure  de  la 
Nèthe;  la  rive  droite  de  cette  rivière  devant  Rumpst  est 
composée  d'énormes  alluvions,  qui  ont  une  largeur  de  500 
à  400  mètres;  elles  se  prolongent  jusque  dans  le  lit  du 
Ruppel  par  un  banc  de  forte  dimension  qui  obstrue  l'entrée 
de  la  Nèthe.  D'autres  alluvions  se  sont  formées  entre  la  Nèthe 
et  la  Dyle  et  ont  produit  la  pointe  aiguë  qui  sépare  aujourd'hui 
ces  deux  rivières.  Cette  pointe  se  prolonge  sous  l'eau  dans 
le  Ruppel  au  fond  de  la  rivière  et  ne  cesse  d'être  sensible 
qu'à  800  mètres  en  aval  du  confluent  (i).  » 

La  formation  de  ce  banc  s'explique  donc  scientifiquement. 
Le  gué  existait  non  au  Koeisieerl,  où  est  élal)li  actuellement 
le  passage  en  barquette,  mais  à  environ  500  mètres  en  aval  de 
ce  dernier  endroit.  C'est  sans  doute  l'existence  de  ce  gué  qui 


(0  Mémoire  sur  l'amélioralion  du  Rujipcl,  dans  les  Annales  des  Travauûo 
lublics,  II F,  |).  9ii. 


—  14o  — 

a  engagé  les  Romains  à  mener  la  voie  romaine  par  là  et  à 
y  fonder  la  bourgade  dont  nous  allons  décrire  les  derniers 
vestiges. 

Cet  établissement  occupe  la  vaste  étendue  de  terrain  com- 
prise entre  le  village,  le  Rappel  et  les  briqueteries,  et  est 
connue  sous  le  nom  de  Molenveld;  il  est  probable  qu'il 
s'avance  même  dans  la  rivière. 

Les  cartes  du  département  de  la  guerre  assignent  à  cette 
partie  de  la  commune  une  élévation  de  5  mètres  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer. 

Certaine  tradition  qui  a  cours  à  Rumpst  rapporte  qu'une 
statue  de  saint  Pierre  en  or  massif  se  trouve  cachée  en  cet 
endroit.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  faire  remarquer 
que  souvent  là  où  la  tradition  affirme  qu'on  doit  retrouver 
un  trésor,  on  rencontre  des  antiquités  romaines  (t).  Les 
campagnards  de  Rumpst  ajoutent  tant  de  foi  à  cette  idée 
absurde,  que  nous  avons  eu  toutes  les  peines  du  monde 
pour  obtenir  l'autorisation  de  fouiller,  et  ce  encore  sous  la 
condition  expresse  qu'en  cas  de  découverte  d'un  trésor, 
celui-ci  leur  appartiendrait. 

On  a  signalé  de  vieille  date  des  trouvailles  d'antiquités  à 
Rumpst.  En  1823  on  y  trouva  une  superbe  main  votive  en 
bronze;  elle  se  trouve  actuellement  déposée  au  \tusée  de 
Ravestein,  où  elle  occupe  une  place  d'honneur  (2).  M.  Ém.  de 
Meester  de  Ravestein,  dans  le  beau  catalogue  qu'il  a  publié 
de  ses  collections,  donne  de  la  main  de  Rumpst  la  descrip- 


(1)  Bulletin  de  l'Académie  d'arck.  de  Belgique,  I,  p.  59"?. 
(i)  Actuellement  au  Musée  royal  d'antiquités  de  Bruxelles,  par  suite  de  la 
donation  du  Musée  de  Ravestein  à  l'Ktat  belse. 


—  146  — 

tion  suivante  (i)  :  «  Cette  main  est  creuse  de  manière  à  pou- 
voir recevoir  un  manche  sur  lequel  sans  doute  on  la  posait. 
On  voit  qu'elle  n'a  jamais  appartenu  à  un  bras.  Le  pouce, 
l'index  et  le  doigt  du  milieu  sont  levés  en  signe  d'invocation  ; 
les  deux  derniers  doigts  retiennent  une  pomme  de  pin.  Un 
serpent  à  crête  entoure  le  poignet  et  se  déploie  jusque  sous 
le  pouce. 

»  Dans  l'intérieur  de  la  main  se  voit  la  tète  de  Méduse 
entre  deux  ci'oix  qui  pourraient  représenter  les  étoiles  de 
Castor  et  de  PoUux. 

»  Sous  le  petit  doigt  est  un  caducée,  puis  un  phallus,  suivi 
d'un  objet  que  nous  croyons  être  un  épi  semblable  à  ceux 
qui  se  trouvent  sur  certains  as  romains.  Une  lyre  est  très- 
visible,  suivie  d'une  llèche  ou  d'un  dard.  Deux  ligures  que 
nous  considérons  comme  des  instruments  de  musique  font 
suite  aux  précédentes.  Sous  l'index  est  un  objet  que  nous 
prenons  pour  une  fibule,  surmontée  d'un  croissant,  dont  les 
pointes  tournées  en  haut  indiquent  la  nouvelle  lune. 

»  Sous  le  pouce,  à  côté  de  la  tète  de  serpent,  est  un 
arbre,  i)eut-ètre  un  pin,  clier  àCybèle  en  mémoire  d'Alys.  » 

On  sait  que  ces  mains  sont  très-rares  ;  en  Belgique  on  en  a 
signalé  jusqu'ici,  outre  celle  de  Rumpst,  une  seule  autre 
trouvée  aux  environs  de  Tournai. et  dont  parle  De  Bast  (2). 
Le  nombre  total  des  mains  votives  connues  jusqu'ici  est  de 
trente-cinq.  Elles  proviennent  la  plupart  de  l'Allemagne  et 
de  la  Suisse  (0). 

.Notre  savant  collègue  M.  H.  Schuermans,  en  publiant  le 


(1)  T.  II,  p.  \1"k 

(i)  Uecueil  d'antiquités  romaines  cl  gauloises,  p.  192.  Il  en  donne  le  dessin. 

(3)  liulh'li)!  des  Commissions  roi/nles  d'art  et  d'arclt.,  XII,  p.  4  il. 


—  \A7  — 

catalogue  de  la  collection  de  Renesse,  s'est  occupé  égale- 
ment de  la  maindeRumpst(i).  Elle  se  trouvait  jadis  entre  les 
mains  de  M.  de  Renesse,  qui  la  qualitie  de  main  égyptienne 
et  prétend  qu'elle  a  été  trouvée  à  une  profondeur  de 
25  pieds.  M.  de  Crâne  d'Heisselaer,  possesseur  antérieur  à 
M.  de  Meester,  qui  l'avait  acquise  à  la  vente  de  Renesse,  a 
pris  des  informations  au  sujet  de  la  trouvaille  de  cet  objet,  cl 
une  lettre  datée  du  18  mai  1858,  émanant  d'une  personne 
notable  de  Rumpst,  fit  savoir  à  M.  de  Grane  que  la  main 
susdite  fut  déterrée  à  proximité  du  village,  à  deux  pieds  et 
demi  de  profondeur.  Elle  provient,  en  effet,  du  Molenveld, 
d'après  les  renseignements  qui  nous  ont  été  fournis.  En  même 
temps,  parait-il,  on  mit  au  jour  deux  petits  plats  de  bronze 
et  une  statuette  de  même  métal  ayant  un  demi-pied  de 
haulCs). 

Enfin  un  article  signé  Fiedler,  inséré  dans  les  Jahrbdcher 
des  Vereins  von  Aller lliumsfreunden  im  Rheinlande  (3) 
parle  également  de  la  main  de  Rumpst. 

On  nous  a  assuré  que  l'on  a  découvert  à  la  même  place 
des  chaudrons  de  bronze. 

La  trouvaille  si  importante  de  la  main  votive  de  Rumpst 
avait  attiré  l'attention  de  M.  de  Meester  de  Ravesteln,  qui, 
de  son  côté,  se  proposa  de  visiter  l'endroit  où  la  main  avait 
été  déterrée.  Le  résultat  des  fouilles  ne  répondit  cependant 
pas  à  l'attente  de  l'explorateur;  quoiqu'il  se  fût  mis  à  l'œuvre 


(1)  Ici.  XII,  p.  4il,  i-'t  la  planche  v.  ou  la  main  est.  reproduite  sous  toutes  ses 
faces. 

(2)  V.  DE  Meester  de  Ravestein,  t.  II,  p,  117. 

(3)  HeftLII.p.  142. 


—   118  — 

avec  une  vinglaine  d'ouvriers,  il  ne  découvrit  que  les  objets 
suivants  : 

r  Tète  (le  marteau  et  double  crocbet  en  fer.  Ils  étaient 
déposés  avec  des  cendres  dans  une  urne  fragmentée.  (Catal. 
cité,  n"  1774). 

:2"  Pipe  en  fer.  C'est  une  de  ces  pipes  connues  vulgaire- 
menlsous  le  nom  de  pipes  celtiques.  (Catal.,  n"  1775).  Elle 
fut  déterrée  avec  un  morceau  de  vase  en  terre  grise. 

On  nous  permettra  de  nous  arrêter  un  instant  à  cet  objet. 

Les  prétendues  pipes  que  l'on  rencontre  dans  les  fouilles 
sont  de  deux  espèces  :  les  unes  sont  en  fer,  les  autres  en 
terre.  Les  pipes  en  fer  sont  fort  rares  ;  en  deliors  de  celle  de 
Rumpst,  nous  n'en  connaissons  d'autre  pour  la  Belgique  que 
celle  que  nous  avons  vue  l'année  dernière  à  Huy,  à  l'Expo- 
sition des  objets  d'art  et  d'antiquités  organisée  par  le  Cercle 
hutois  des  sciences  et  des  beaux-arts.  M.  le  prince  Camille 
DE  Looz,  (|ui  a  bien  voulu  s'enquérir  du  lieu  de  provenance 
de  la  i)ipe  en  (pieslion,  nous  a  fait  savoir  qu'il  n'a  pu  obtenir 
de  réponse  satisfaisante,  mais  que  toutefois  il  croit  qu'elle  a 
été  déterrée  aux  environs  de  Iluy. 

A  l'étranger  nous  ne  sachions  pas  que  d'autres  auteurs 
aient  signalé  des  découvertes  de  pipes  en  fer,  sinon  M.  ue 
BoNSTETTEN,  qui,  daus  SOU  Recueil  d'antiquités  suisses,  à  la 
planche  XIV,  fig.  5,  représente  une  pipe  en  fer  avec  cou- 
vercle. Elle  fut  trouvée  en  1854,  sous  le  tronc  d'un  vieux 
chêne,  au  pied  d'un  mur  romain.  Le  même  auteur  ajoute, 
p.  50,  que  des  pipes  semblables  à  celle  qu'il  a  fait  dessiner 
et  de  même  métal  ont  été  trouvées  dans  les  ruines  romaines 
près  de  Lausanne  et  dans  celles  de  Saint-Prex. 

Quant  aux  [)ipes  de  terre,  la  Belgique  en  a  fourni  des 


—   140  — 

spécimens  en  différents  endroits.  Les  fouilles  dans  le 
cimetière  frank  de  Samson  ont  donné  i)lusicurs  morceaux 
de  tuyaux  de  pipes  très-durs  et  très-gros  relativement  au 
conduit  qui  les  traverse  (i).  Comme  cela  se  voit  encore 
beaucoup  aujourd'hui,  les  tuyaux  de  Samson  sont  décorés 
de  feuilles,  et  personne  à  coup  sur  n'assignerait  à  ces  débris 
une  haute  antiquité;  l'auteur  de  l'article,  M.  Del  Marmol, 
ajoute  que  jadis  on  a  trouvé  des  tuyaux  de  pipes  analogues 
dans  le  cimetière  du  Tombois  à  Vedrin. 

On  peut  citer  en  outre  la  pipe  découverte  en  compagnie 
d'une  hache  de  silex  polie,  sous  la  voie  romaine  de  Hotton 
à  Marche;  une  autre  rencontrée  dans  la  grotte  d'On  ;  une 
troisième  au  fond  du  rempart  de  Marche;  enfin  une  qua- 
trième couverte  de  ciment  romain  fut  trouvée  dans  un  mur 
romain  à  Arlon  (2). 

Dans  les  autres  pays,  les  découvertes  de  pipes  en  terre 
ont  été  fréquentes.  Waeghter,  Hannoversches  Magazin, 
1841  (cité  par  M.  de  Bonstetten),  mentionne  de  petites 
pipes  en  terre  qu'on  trouve  souvent  dans  des  tumulus  des 
districts  de  Freesen  et  d'Osnabriick.  Ces  petites  pipes  ont  de 
cinq  à  six  pouces  de  long  et  l'ouverture  coupée  en  biais. 
Les  tumulus  paraissent  remonter  aux  temps  antéhistoriques. 

M.  l'abbé  Cochet  en  a  trouvé  dans  les  couches  supérieures 
du  cimetière  romain  de  Dieppe  (3).  Cet  auteur  cite  un  pas- 
sage de  l'ouvrage  de  Collingwood-Bruce  sur  le  Roman 
wal  où  il  est  dit  qu'on  a  trouvé  un  nombre  considérable 


(1)  Annales  de  la  Société  arcliéol.  de  Namur,  VI,  p.  350. 

(-2)  Ann.  de  VInstitut  archéologique  d' Arlon,  VIF,  120  ;  VIII,  209,  221. 

(î)  La  Normandie  souterraine,  p.  66,  note  2.  (Cité  par  M.  de  Meester). 


—  ir;o  — 

de  ces  pipes  dans  les  stations  romaines  de  Pierse-Bridge, 
de  Xorlhumberland,  de  Bremenium  et  à  Londres. 

En  Ecosse  on  en  aurait  trouvé  beaucoup  également, 
d'après  le  docteur  Wilson  :  Arch.  of  Scotland.  (Cité  i)ar 
M.  Cochet.) 

Parmi  les  objets  dont  s'enrichit  le  musée  de  Trêves  en 
1865-1864,  se  trouve  une  petite  pipe  en  terre  rougeâlre 
(ein  kleines  Pfeifclien  aus  rothliclien  Thon),  trouvée  à  une 
profondeur  d'environ  ]"}  pieds  avec  des  tessons  de  poterie 
romaine  (i). 

ASommerau,  on  li-ouva  en  1848,  au  milieu  de  débris 
antiques,  plusieurs  pipes  de  terre  dont  les  tuyaux  étaieni 
ornés  de  sujets  tirés  du  règne  végétal.  Toutefois  cette 
découverte  nous  parait  bien  suspecte,  car  on  mit  au  jour 
également  un  canon  de  fusil  (2^.  Dans  le  contpte  l'endu  de 
cette  découverte  on  cite  un  travail  intitulé  :  Tabaci  historia, 
diss.  inauf/ur.  auctore  Carl  Antz  —  Berol  1856,  p.  2l2 
und  folg. ,  on  l'on  prétend  que  déjà  dans  les  temps  les 
plus  anciens  (altesten  Zeiten)  on  fumait  différentes  herbes 
comme  curatif. 

Ces  pipes  portent  le  nom  de  Celtic  ou  Elfiti  pipes  en 
Ecosse,  de  Danaë's  pipes  en  Irlande,  et  de  pipes  de  fées  en 
Angleterre. 

Il  résulte  de  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  que  l'antiquité  des 
pipes  de  fer  est  plus  que  douteuse  et  que  celle  des  pipes  en 
terre  est  admissible,  quoique  les  preuves  ne  soient  pas  con- 
cordantes. 


(0  Jahresbericlit  (1er  Gcsellschafl  fur  nutz-liche  Forschiingen  zu  Trier,  48G3- 
186.i,  p.  80. 

(î)  1(1.,  1863-1868,  p.  49. 


—   151   — 

Quant  à  la  destination  de  ces  oi)jets,  on  n'est  pas  plus 
d'accord.  D'aucuns  pensent  que  ce  sont  des  instruments 
employés  par  les  augures  romains  ;  cette  opinion  fut  émise 
à  l'occasion  de  la  découverte  de  petites  pipes  en  Suisse,  en 
compagnie  d'un  vase  à  encens  et  d'autres  antiquités.  D'autres 
les  regardent  comme  de  vraies  pipes  à  fumer.  Nous  pensons 
que  cette  dernière  hypothèse  ne  saurait  être  appliquée  aux 
pipes  en  fer.  Ce  métal  étant  très-hon  conducteur  de  la  cha- 
leur, brûlerait  trop  vite  les  lèvres  du  fumeur.  Il  serait  sans 
doute  prudent  de  les  ranger  pour  le  moment  et  en  atlendanl 
que  les  fouilles  fournissent  des  indications  plus  précises, 
dans  la  nombreuse  catégorie  des  objets  à  destination  incon- 
nue, et  de  ne  les  considérer  comme  antiques  (|ue  sous 
caution. 

5.  Deux  vases,  sans  anses,  en  terre  noirâtre,  de  la  forme 
dite  urne.  {Catal.  n"  177(>.) 

4.  Deux  tuiles  à  rebord  et  d'autres  tuiles  faîtières,  im- 
brices.  (Catal.  n"  1777.) 

o.  Pierre  cubique.  (Catal.  n"  1778.) 

Voilà  tout  ce  que  les  travaux  de  M.  de  Meester  de 
Ravestein  sont  parvenus  à  retirer  du  sol. 

Malgré  cette  déception,  le  souvenir  de  la  main  votive  et 
les  conseils  de  différents  amis  nous  engagèrent  à  tenter  nous- 
mème  une  nouvelle  exploration.  A  cet  effet,  un  subside 
fut  demandé  au  Département  de  l'intérieur  et  gracieuse- 
ment accordé  par  celui-ci.  On  se  mit  à  l'œuvre  au  mois  de 
mars  1875. 

Après  avoir  sondé  le  terrain  en  différents  endroits,  on 
s'arrêta  à  la  pièce  de  terre  de  M.  Verrept,  constructeur  de 
navires.  La  couche  supérieure,  épaisse  d'environ  0"',50,  ne 


.       —   152  — 

renferme  rien;  elle  ne  se  compose  que  d'alluvions,  résultat 
nécessaire  des  débordements  annuels  du  Rujipel.  Sous  celle 
couche  est  assis  le  terrain  dans  lequel  se  Irouvenl  enfouis  pèle- 
mèle  les  débris  romains;  ce  terrain  n'a  cerlainemenl  jamais  été 
remué,  comme  le  prouvent  les  pavements  que  nous  avons 
rencontrés  et  dont  la  description  est  donnée  plus  loin, 

La  pelle  ramène  à  la  surface  unequantilé  innombrable  de 
tessons  de  poterie,  de  pierres  blanches,  de  tuiles,  de  sco- 
ries; malheureusement  rien  n'est  entier,  tout  est  brisé;  il 
n'en  pouvait  être  autrement  dans  un  établissement  détruit 
avec  violence,  comme  des  traces  d'incendie  le  démontrent. 
Notre  description  doit  donc  se  borner  à  des  fragments; 
c'est,  du  reste,  presque  toujours  le  sort  des  notices  sur  les 
fouilles  de  nos  villes  belgo-romaines. 

Poterie  grossière. 

Jamais,  depuis  que  nous  faisons  des  fouilles  archéologiques, 
nous  n'avons  trouvé  ensemble  une  aussi  grande  quantité  de 
débris  de  poteries  grossières;  le  nombre  des  terrines  dites 
«  tèles  »  se  chiffre  peut-être  par  centaines.  Au  sujet  de  ces 
ustensiles  nous  avons  à  présenter  ici  une  remarque.  Les 
«  tèles  »  portent  très-souvent  sur  leur  rebord  la  marque  du 
fabricant;  or,  chose  singulière,  à  Rumpsl,  malgré  l'examen 
attentif  que  nous  en  avons  fait,  nous  n'avons  pas  découvert 
la  moindre  marque  sur  ces  objets.  A  quoi  tient  ce  fait  nou- 
veau? Un  fabricant  de  poteries  grossières  s'élail-il  établi  à 
Rumpst  et  s'abstenait-il,  de  marquer  les  produits  de  son  in- 
dustrie? Cela  ne  serait  pas  impossible,  la  terre  glaise  que  l'on 
extrait  encore  aujourd'hui  à  Rumpst  convient  à  ce  genre  de 
fabrication,  et  les  habitants  de  la  bourgade  pourraient  déjà 


—  irîô  — 

du  leiiips  (les  Romains  s'être,  livrés  à  ceU(!  cxploitalion.  Ce 
serait,  nous  seuible-t-il,  le  seul  moyen  d'expliquer  la  chose, 
à  moins  que  l'on  n'y  voie  un  simple  effet  du  hasard.  La  plu- 
pari  de  nos  «  lèles  »  sont  de  terre  rouge  recouverte  d'un 
enduit  blanchâtre,  un  grand  nombre  sont  d'une  pâte  bleuâtre, 
quel([ues-unes  sont  blanches.  Toutes  sont  parsemées  à  l'inté- 
rieur de  grains  de  quartz. 

Parmi  les  autres  restes  de  poteries  grossières  se  trouvent 
des  débris  d'amphores,  de  vases,  d'urnes,  de  cruches,  etc. 
On  peut  constater  que  la  fabrication  de  ces  différents  objets 
est  intimement  liée  à  celle  des  «  tèles  »  en  général;  c'est  la 
même  terre  dont  on  s'est  servi. 

Sur  une  anse  d'amphore  nous  avons  cru  lire  les  trois 
lettres  a  m  q  (ou  p)  (i),  mais  les  caractères  sont  tellement 
mal  formés  que  nous  ne  donnons  notre  lecture  que  sous 
toutes  réserves. 

Poterie  fine. 

Dans  cette  catégorie  nous  devons  signaler  en  premier  lieu 
la  poterie  samienne.  Celle-ci,  qui  dans  les  autres  établisse- 
ments est  d'ordinaire  très-répandue,  ne  se  montre  à  Rumpst 
que  par  quelques  rares  débris.  Voici  ce  que  nous  avons 
recueilli  de  celte  espèce  de  poterie. 

1.  Une  petite  jatte  hémisphérique  à  deux  lobes;  nous 
avons  pu  reconstituer  l'objet  qui  était  en  morceaux  (fig.  2). 

Ces  récipients  sont  très-communs,  comme  on  peut  en 


(i)  M.  le  conseiller  Schuermans,  dans  ses  Sigles  figuUns,  on  catalogue  des 
marques  que  l'on  l'encontre  sur  les  poteries  {Annales  de  l' Académie  d'archéologie 
de  Belgique,  2^  série,  t.  111),  donne,  n"  289,  a.m.i'.  trouvé  a  Arezzo,  et  n"  290, 
A.M.Q.,  trouvé  à  Poitiers. 


—   154  — 

juger  parles  cilations  de  M.  le  conseiller  Schuermaxs,  clans 
le  Bulletin  des  Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie^ 
t.  V,  p.  440  (en  note). 

2.  Un  fragment  porte  le  dieu  Pan  aux  pieds  de  bouc, 
entre  deux  coqs;  au-dessous  se  lit  la  partie  finale  d'un 
nom...  isi  (fig.  3). 

La  figure  de  Pan  apparaît  assez  souvent  sur  les  poteries 
samiennes.  A  Elewyt  nous  l'avons  rencontrée  récem- 
ment (i).  Ce  mode  d'ornementation  n'a  rien  d'étonnant. 
En  Italie,  depuis  l'inlroduclioii  de  la  mythologie  grecque, 
on  identifiait  Pan  avec  Faunus;  or  Faunus  était  tenu  en 
grande  considération  par  les  Romains;  il  était  adoré  comme 
le  dieu  protecteur  de  l'agriculture  et  des  bergers  et  aussi  à 
cause  de  ses  oracles.  Quant  aux  coqs,  ils  jouaient  un  très- 
grand  rôle  dans  les  présages,  les  magistrats  et  les  généraux 
les  consultaient  presque  toujours  avant  de  procéder  à  une 
opération  importante  (:2).  Oracles  et  présages  se  tiennent  de 
bien  près  dans  les  idées  superstitieuses;  c'est  sans  doute  ce 
que  l'artiste,  auteur  du  dessin  de  notre  objet,  a  voulu  repré- 
senter en  associant  Faunus  et  les  coqs. 

Les  lettres...  isi  sont  la  terminaison  au  génitif  du  nom  de 
cet  artiste.  Les  noms  qui  se  trouvent  moulés  en  relief  à  l'ex- 
térieur des  vases  et  qui  font  pour  ainsi  dire  partie  des  dessins 
décoratifs,  doivent,  en  effet,  se  rapporter  aux  artistes  mêmes 
et  n'avoir  rien  de  commun  avec  ceux  des  fabricants  (ô).  Le 
rôle  de  ces  derniers  se  bornait,  sans  doute,  à  mouler  l'objet 


(i)  Annales  de  rAcadémic  d'archéologie  de  Belgique,  2^  série,  t.  IX,  p.  800. 
Conf.  encore  DE  Caumom,  Abécédaire  ou  rudiment  d'arch.,  ô'  éd.,  p.  50t. 
(î)  Pline,  X,  24. 
(5)  Confr.  DE  Caumont,  Abécédaire,  etc.,  p.  564. 


—  155  — 

sur  les  formes  qu'ils  se  procuraient  chez  les  susdits 
artistes  (i).  Au  moyen  d'un  cachet,  le  potier  imprimait  son 
nom  sur  le  fond  du  vase;  on  pourrait  même  aller  jusqu'à 
dire  que  les  caractères  très-souvent  barbares,  presque  illi- 
sibles, de  ces  cachets,  excluent  toute  idée  de  parenté  avec 
les  ornements  extérieurs. 

5.  Sur  un  autre  débris  se  trouvent  gravées  à  la  pointe 
les  trois  lettres  lsa  ...  (fig.  4). 

Malgré  des  recherches  consciencieuses,  nous  n'avons  pu 
mettre  la  main  sur  le  fragment  (jui  nous  manque  pour  pou- 
voir reconstituer  le  nom  du  personnage  qui  s'est  servi  de  ce 
vase  (2).  Mais,  ô  mauvaise  chance  !  Tantôt  c'était  la  première 
partie  d'un  nom  qui  nous  manquait,  maintenant  c'est  la 
partie  finale  qui  fait  défaut.  La  reconstitution  de  notre 
graffilo  aurait  été  d'autant  plus  importante,  que  nous  aurions 
connu  le  nom  d'un  personnage  ayant  résidé  à  Rumpst  au 
commencement  de  l'ère  chrétienne.  Ce  nom,  tracé  en  beaux 
caractères,  n'a  absolument  rien  de  barbare;  le  prénom  l. 
(Lucius)  est,  du  reste,  là  pour  attester  que  si  le  personnage 
en  question  n'était  pas  romain,  du  moins  il  avait  adopté  un 
prénom  romain.  Quant  aux  lettres  sa,,  il  serait  peut-être 
téméraire  de  les  compléter  en  lisant  sablxvs  (3). 


(1)  Confr.  Cloquet,  dans  les  Public,  du  Cercle  arch.  et  paléont.  de  Charleroi. 

(2)  Les  noms  gravés  ^  l'exlérieur  des  vases  sont  ceux  des  personnes  qui  s'en 
servaient.  V.  Hagemans,  Un  cabinet  d'amateur,  51"  et  414.  —  Brongniart  et 
RiocREUx,/)t'scr//j/ioH  du  musée  céramique  de  Sèvres,  p.  121. — Sciioermaks,  dans 
les  Annales  de  l'Académie  d'archéologie  de  Belgique,  2°  série,  t.  III,  p.  17. 

(5)  On  sait  qu'il  y  avait  un  potier  du  nom  de  Sabinus,  qui  fabriquait  également 
de  la  poterie  grossière,  industrie  qui,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  convenait  par- 
faitement à  Rumpst  (ScHUEKMANs,  loc.  cit.  p.  250,  n»  -iSâci);  on  voit  encore  par 
là  rimpoi'tance  que  pouvait  avoir  la  découverte  d'un  nom  complet. 


—  irit)  — 

L'étude  comparée  des  graffUi est  fort  intéressante;  chaque 
fois  qu'on  en  découvre,  on  devrait  les  reproduire  en  [ac- 
simile,  car  d'un  côté  ils  nous  fournissent  des  indications 
précieuses  sur  l'état  de  l'instruction  dans  ces  parages,  du 
temps  de  la  domination  romaine  (i),  de  l'autre  ils  nous  révè- 
lent les  noms  d'anciens  habitants  de  la  Belgique. 

Les  graffiti  peuvent  se  diviser  en  deux  catégories,  les  uns 
appartiennent  à  des  dieux  ou  personnages  romains,  les 
autres  à  des  indigènes,  qui  avaient  emprunté  au  peuple-roi 
l'usage. d'inscrire  leur  nom  sur  les  vases. 

En  ce  qui  concerne  la  Belgique,  sans  parler  de  la  dédicace 
GENio  TVRNACEsiv  du  muséc  du  Louvre,  qui  est  décidément 
suspecte  (2),  et  de  cette  autre  dédicace  :  apollim,  trouvée  cà 
Juslenville  (3),  nous  pouvons,  outre  l'inscription  dont  il  s'agit 
ici,  ranger  dans  la  première  catégorie  :  le  graffito  de 
Ilerkenberg  (Meerssen)  et  que  les  uns  lisent  adalis,  d'autres 
DOLiis  (4)  ;  et  peut-être  le  nom  cimio  que  M.  Galesloot  a 
déchiffré  sur  un  vase  trouvé  à  Assche  (5).  Les  lettres  fel 
sur  un  vase  trouvé  à  Embresin  ne  se  rapportent  probable- 
ment pas  à  un  nom  propre,  mais  paraissent  faire  ])arlie  du 
qualificatif  FELIX.  (V.  IMletindes  Commissions  royales  d'art  et 
d'archéologie,  XV,  2S8)  ;  il  s'agit  uniquement  d'un  de  ces 


(0  SciiAYEs,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas,  etc.,  li,  p.  J57,  est  bien  dans  le 
vrai  quand  il  dit  que  nous  ne  connaissons  al)Solument  rien  sur  l'état  de  l'instruc- 
tion des  anciens  Belges. 

(2)  Bull,  des  Comm.roij.  d'arl  el  d'archéoL,  Vlll;  p.  256,  X,  p.  70;  XV, 
p.  1  iO,  note,  alin.  5. 

(3)  Catalogue  du  musée  de  Liège,  p.  83. 

(1)  Ballet,  des  Comm.  royales  d'art  et  d'arcli.,  VI,  pi.  xi,  fig.  ."2,  p.  266. 
Admettant  la  dernière  interprétation,  il  ne  s'agirait  pas  d'un  nom  propre. 
(5)  /;«//.  de  t'Acad.  roy.  de  Belg.,  2°  série,  t.  XL,  p.  i  (du  tiré  à  part). 


—    io7   — 

mois  tracés  à  la  barhotine  blanche  sur  fond  noirâtre,  comme 
les  mots  viTA  ou  viyas,  dont  il  sera  reparlé  plus  loin  et 
auxquels  felix  est  souvent  associé. 

On  mentionne  ici  pour  mémoire  comme  ne  se  rapportant 
pas  aux  inscriptions  figulines,  le  mot  lvcivs,  qui  n'est  pas  à 
proprement  parler  un  graffitto,  mais  qui  est  tracé  en  beaux 
caractères  romains  sur  un  lambris  de  la  villa  belgo-romaine 
de  Gerpinnes  (i). 

Dans  la  seconde  catégorie  on  cite  :  liboliko,  tracé  sur  un 
vase  découvert  à  Juslenville  (2). 

VAN,  gravé  à  la  pointe  au-dessus  de  la  marque  de  potier 
vACRi,  trouvée  aux  environs  de  Tongres  (0). 

Et  MiD  trouvé  à  Assche,  par  M.  Cricq. 

Il  est  à  remarquer  que  les  noms  indigènes  sont  tous  très- 
mal  écrits  et  que  souvent  on  a  de  la  peine  à  les  déchiffrer. 

Le  mélange  des  noms  romains  et  barbares  n'est-il  pas  une 
preuve  nouvelle  de  l'hétérogénéité  de  la  population  ancienne 
de  la  Belgique?  Du  reste  il  suffit  d'ouvrir  le  remarquable 
recueil  des  inscriptions  romaines  relatives  à  la  Belgique,  par 
M.  ScHUERMANS  (i),  pour  être  complètement  édifié  à  cet 
égard;  de  plus  amples  détails  seraient  superflus, 

4.  Enfin  deux  tessons  de  poterie  samienne  portent  des 
feuilles  de  vigne. 

o.  Après  cette  poterie  il  importe  de  signaler  en  premier 


(i)  Bulle/,  de  l'Acad.  roi/,  de  Belgique,  ^^  série,  t.  XXXlX,  2'J8.  —  Docitm. 
de  la  Société  de  Cliarleroy,  VII,  pi.  iv,  fig.  10. 

(2)  Bull,  de  l'Instil.  arch.,  Liège,  IX,  441. 

(3)  Catalogue  du  musée  de  lAége,  85. 

(1)  Il  a  été  pul)lié  par  fragments  dans  le  Bulletin  des  Commissions  royales 
d'art  et  d'archéologie,  mais  n'est  pas  encore  achevé. 


—  158  — 

lieu  deux  fragments  d'un  joli  pot  qui  ne  le  cède  en  rien, 
sous  le  rapport  du  travail,  à  la  vaisselle  d'aujourd'hui.  Il  est 
en  terre  bleuâtre,  à  parois  Irès-minces,  l'extérieur  est  recou- 
vert d'un  vernis  noir  que  les  injures  des  siècles  et  le  séjour 
dans  le  sol  n'ont  en  rien  altéré.  Sur  la  panse  sont  peintes  en 
blanc  les  lettres  avita,  au  milieu  d'ornements  formés  de 
lignes  ondulées  et  de  rangées  de  perles ,  le  tout  d'une  espèce 
d'émail  (fig.  5  et  o'''').  Cette  matière,  qui  nous  paraît  cire 
un  composé  de  plomb,  ne  résiste  pas  à  l'action  de  la  lumière 
pas  plus  qu'à  celle  de  l'humidité,  et  au  moindre  contact  elle 
se  détache  du  vase  sur  lequel  elle  est  appliquée. 

Les  vases  de  cette  espèce  sont  parfois  désignés  sous  le 
nom  de  urnœ  Htteralœ  et  encore  de  «  poterie  parlante.  » 

L'inscription  n'est  pas  complète  ;  le  fragment  qui  manque 
portait,  sans  doute,  soit  les  lettres  d  et  m,  soit  me,  soit  enfin 
peut-être  vit.  Dans  la  première  supposition  on  lirait 
d)AviTA(/^<  (peut-être  vitada,  comme  plus  loin)  ou  mé!)AviTA  ; 
dans  l'autre,  vita  vita,  c'est-à-dire  la  répétition  de  vita. 

Les  trouvailles  de  ces  sortes  de  poteries  sont  assez  fré- 
quentes. «  On  rencontre  aussi,  dit  M.  Hagemans  (i),  sur  ces 
vases  noirs  et  même  sur  les  vases  rouges  à  pâle  plus  pâle, 
un  genre  d'ornementation  consistant  en  arabesques  ou  en 
inscriptions  peintes  au  pinceau  avec  une  couleur  blanche. 
C'est  ainsi  qu'on  lit  pnrfois  sur  ces  vases,  écrits  en  grands 
caractères  autour  de  la  panse,  les  mots  bibe,  buis,  et  pie,  qui 
a  la  même  signiticalion  en  grec  que  sitio,  j'ai  soif,  et  même 
le  mot  vita,  vie,  dont  la  présence  dans  une  tombe  forme  un 
contraste  étrange,  mais  naturel  avec  les  idées  du  temps.  » 


(i)  Un  cabiuel  d'amateur,  \i.  HO. 


—  i59  — 

A  titre  de  comparaison  nous  citons  ici  :  a.viTA,  sur  un 
vase  du  musée  de  Reistorf  (i)  ; 

b.  Sur  d'autres,  vita  et  avete  felices  (-1)  ; 

c.  Sur    un    pot  trouvé   dans    les  provinces   rhénanes, 

VIVAM    (3); 

d.  Sur  un  idem,  découvert  à  Zalilbach,  vitifelixvivas  (4)  ; 

e.  Sur  un  vase  des  environs  de  Tongres,  v.i.t.v.l.a.  La 
panse  est  ornée  de  plusieurs  séries  verticales  de  perles 
rondes  et  de  feuilles  trilobées  en  émail  blanc  (5)  ; 

f.  FELIX  vivAS  (e); 

g.  Sur  un  vase  analogue  encore  au  nôtre,  v.  i.  v.  (7); 
II.  Sur  un  id.,  vit.  (s); 

i.  De  Montfaucon  (d),  qui  les  qualifie  de  vases  à  boire,  en 
reproduit  plusieurs  avec  les  inscriptions  bibe,  etc.,  mais  ne 
donne  pas  vita  ; 

j.  Au  Musée  de  Saint-Germain  -en-Laye,  il  y  a  un  vase  sur 
lequel  est  barbotiné  en  terre  blanche  l'inscription  vita  (lo)  ; 

g.  Au  Musée  de  Cologne  et  à  l'Exposition  des  beaux-arts 
organisée  dans  cette  ville  en  1876,  nous  avons  vu  un  grand 
nombre  de  pots  semblables,  parmi  lesquels  un  porte  l'inscrip- 


(0  ItRAMBACH,  Corpus  iuscripl.  rhénan.,  etc.,  p.  74,  n"  :285. 

(2)  Le  MÊME,  p.  76,  11°  289. 

(3)  Le  même,  p.  XXXIV,  n"  208-i. 

(4)  Id.  p.  285,  n"  1252. 

(5)  Catalogue  du  musée  de  Liège,  n"  157.  —  Bulletin  de  r Institut  arcliéol. 
liégeois,  MU  (1868),  135. 

(e)  Bulletino  archeologico  napolitano,  nouv.  série,  1, 155,  et  Brambacii,  p.  216, 
n»  1558. 
(7)  Grivaud  de  ViNCELLE,  Arts  et  Métiers,  etc.,  pi.  xxxiii,  tig.  4-. 
(s)  BiRCH,  History  of  ancient  potlerg,  II,  567. 
(9)  L'antiquité  expliquée,  M,  p.  116. 
(io)  Mazard,  Etude  du  musée  de  Saint-Germain-en-Laye,  p.  247. 


—  160  — 

tion  viTADA,  d'aulres  vita,  ayevita  ,  vivas,  vivamvs,  vivite. 

Les  colleclions  Disch,  Merlo,  Garlhe,  etc. ,  en  ont  d'autres 
où  on  lit  VIVA,  VIVE,  vivasfelx  (i),  etc. 

h.  Du  Gleuziou  (2)  donne  un  grand  nombre  de  vases  de 
formes  diverses,  dont  (iu('l<iues-uns  avec  arabesques;  parmi 
les  devises  il  cite  :  vive,  viva,  vivamvs,  mais  non  vita. 

Enfin  les  vases  vives,  vita,  vive  mvltvm,  vita,  vitvitv 
(sic)  de  la  collection  de  Demmin  ou  cités  par  cet  au- 
teur (3). 

Nous  arrêterons  ici  nos  citations,  qui  pourraient  se  multi- 
plier encore  davantage. 

Terminons  la  description  des  poteries  de  Rumpst  en 
citant  pour  mémoire  un  grand  nombre  de  débris  de  vases  à 
onguent,  à  surface  rugueuse  et  d'un  travail  parfait,  de  vais- 
seaux en  terre  de  pipe  recouverts  à  l'intéricui-  comme  à  l'ex- 
térieur d'un  vernis  bleu-noir,  une  anse  de  cruche  qui  pré- 
sente cette  particularité  qu'on  a  pratiqué  une  ouverture  à  la 
partie  supérieure  pour  passer  le  pouce  en  versant,  et  enfin 
des  morceaux  d'une  coupe  en  terre  blanche  ornée  de  lignes 
ondulées  tracées  avant  la  cuisson;  plusieurs  trous  qui  se 
voient  dans  le  bord  nous  font  croire  que  l'on  suspendait  cet 
objet  au  plafond,  comme  nos  corbeilles  de  fleurs  (fig.  6 
et  6^'*  ). 


())  DiiNTZEK,  Verzeichnins  der  rômïschen  Alterthûmer  des  Muséums  Wallraf- 
Hichartz  in  Koln,  p.  16.  —  Kunsthislorische  Auslellung  zu  Côhi,  I87G,  p.  8, 
D"  106.  —  Kamp,  Dieepigraphischen  Anlicaglien  in  Côln,  p.  11. 

(a)  De  la  poterie  gauloise,  étude  sur  la  collection  CIrinrI,  Paris,  1875, 
p.  2i8  et  suiv. 

(î)  Guidf  df  l'amateur  dr  faïences  el  de  porcelaines,  i"  édil ..  p.  190. 


—  IGl   -^ 


Monnaies. 


Hadrien  (117-157). 
1  et  2.  Nous  avons  trouvé  de  cet  empereur  deux  bronzes, 
les  légendes  et  les  revers  sont  effacés. 

Antonin-Pie  (158-161). 
5.  Tête  laurée  de  l'empereur  à  droite,  imp  antoninvs  pivs. 
>i  Femme  debout  tenant  une  corne  d'abondance,  abvn- 
DANTiA  AVG.  Petit  argent. 

PosTUME  (258-267). 

4.  Tète  radiée  à  droite,  imp  postvmvs Avr.. 

li  La  Victoire  marchant  à  gauche,  tenant  de  la  main 
gauche  une  palme,  de  la  main  droite  un  objet  impossible 
à  déterminer,  victor Petit  argent. 

Objets  divers. 

1 .  Une  gouge  en  tout  semblable  à  celles  qui  ont  été  trou- 
vées à  Elewyt  (i)  (fig.  il). 

2.  Deux  autres  morceaux  de  fer  qui  paj-aissent  être  des 
restes  d'outils  (fig.  12). 

5.  Une  tuile  romaine  {tegula)  porte  la  marque  c  g  p  f 
(fig.  7.)  (Cohors  Germanorum  pia  fidelis) .  Nous  avons  ici  une 
de  ces  tuiles  militaires  dont  les  découvertes  sont  assez 
rares.  Jusqu'ici  la  susdite  marque  n'a  pas  encore  été  si- 
gnalée dans  notre  pays.  On  l'a  trouvée  h  Cologne,  à  Leyden 
et   à  Voorburg.   En   outre,   on  l'a   trouvée  à   Leyden,   à 


(t)  Ann.  (le  l'Acad.  d'arch.  de  Belr/.,  S''  série,  t.  IX,  tig.  55,  54. 


—   162  — 

Niniègue  et  aux  environs  de  Juliers,  avec  l'addition  ex.  ger. 
IX  F.  (exercitus  Germaniae  in  ferions)  (i) . 

Ces  sortes  de  tuiles  étaient  fabriquées  par  les  troupes 
romaines  ou  auxiliaires,  qui,  dans  la  prévision  d'un  séjour 
plus  au  moins  considérable,  nécessitant  la  construction  d'un 
campement  fixe,  Taisaient  elles-mêmes  les  tuiles  (2).  De 
notre  découverte  on  peut  donc  tirer  la  conclusion  que 
Rumpst  a  eu  sa  garnison  du  temps  des  Romains  et  que  par- 
lant ce  n'a  pas  été  un  établissement  tout  à  fait  civil  qui  y 
était  assis.  Il  est  probable  qu'on  avait  placé  là  au  confluent 
de  différentes  rivières  un  poste  de  surveillance.  On  recon- 
naîtra que  Rumpst  est  admirablement  située  pour  tenir  en 
respect  tout  ce  qui  voulait  remonter  la  Dyle,  la  INfèlhe,  la 
Senne  et  pénétrer  à  l'intérieur  du  pays  par  voie  d'eau. 

La  cohorte  en  question  a  également  tenu  garnison  à  Co- 
logne, Nimègue,  Voorburg  et  Juliers,  toutes  villes  situées 
sur  des  fleuves  ou  à  des  confluents,  et  où  sans  doute  elle 
était  chargée  du  même  service  qu'à  Rumpsl. 

Enfin  ceci  ne  tend-il  pas  à  prouver  encore  que  déjà  du 
temps  des  Romains  on  ex])loi(ail  la  terre  à  briques,  qui 
fait  aujourd'hui  la  richesse  de  la  commune? 

i.  Parmi  les  autres  tuiles  que  l'on  a  mises  à  jour,  nous 
en  signalerons  portant  l'empreinte  de  pieds  de  chiens,  qui 
ont  marché  dessus  avant  la  cuisson;  quelques-unes  sont 
ornées  de  linéaments  soit  en  losanges,  soit  de  lignes  ondu- 


(1)  DuNTZER.  Verzeichniss  der  rùmïsclien  AUerthiimer  des  Muséums  Walraff- 
liichartz  in  Kûlii,  p.  77.  —  Jahr.  des  Ver.  von  Altertnmsfrcunden,  XLIX,  158. 
—  Kami>,  Die  epigrapliischeu  Anticaglien,  ]]. 

(î)  ScnuEi(MANS,(lans  les  Ann.  de  l'Acad.  d'iircli.  de  Bely.,  2«  série,  t.  VIII, 
\K  18.  —  SciiAYEs,  Ilisl.  de  l'arcli.  en  Uelg.,  t.  I,  oo. 


—  1C5  — 

lées  (i);  enfin  plusieurs,  qui  cnlraicnt  dans  la  construction 
d'un  hypocauste,  sont  percées  d'un  trou  (fig.  8,  9  et  10;. 

5.  Des  fragments  de  meules  à  bras,  une  pierre  blanche 
travaillée  au  ciseau  et  une  pierre  à  aiguiser. 

6.  Un  morceau  de  lambris  en  stuc  recouvert  d'une  cou- 
leur bleue  uniforme. 

7.  Des  fragments  assez  considérables  de  pavements.  A  ce 
sujefnous  devons  nous  arrêter  un  instant.  En  plusieurs  en- 
droits, à  environ  l"'oOde  profondeur,  se  rencontraient  des 
traces  très-visibles  du  pavage  primitif,  qui  parfois  était 
encore  parfaitement  bien  conservé.  Nous  avons  pu  remar- 
quer les  trois  modes  de  pavages  que  voici  : 

Le  premier  et  en  même  temps  le  plus  commun  se  com- 
posait d'une  simple  couche  de  béton  épaisse  de  0"'07, 
formée  de  chau.x  et  de  tuiles  concassées  ;  la  surface  bien 
unie  et  sur  laquelle  se  vo3^aient  distinctement  des  traces 
d'usure,  ressemblait  assez  bien  à  une  mosaïque  grossière; 
les  morceaux  de  brique  de  forme  carrée  semblent  avoir  été 
réservés  pour  cette  partie  supérieure.  C'est  le  mode  de  pa- 
vement que  ViTRUVE  appelle  ruderatio  et  sans  doute  celui 
que  Pline  (2)  indique  sous  le  nom  de  pavimenta  barbarica 
atque  sublegulanea  (3). 

Le  second  mode  se  compose  également  d'une  couche  en 
béton  épaisse  seulement  de  O^Oi.  Ce  béton,  beaucoup  plus 
fin  que  le  précédent,  se  compose  de  chaux  à  laquelle  ont  été 


(1)  Conf.  Hagemans,  Un  cabinet  d'amateur,  p.  437. 

(2)  Hist.  nat.,  Lib.  XXX,  VI,  §  LXI. 

(3)  Conf.  De  Gaumont,  .Atécef/.  ou  radim.  d'urcli.,  p,  61.  —  Erubresiu,  liull. 
des  Comm.  d'art  et  d'arch.,  t.  XV,  236.  —  Gerpiiines,  Publ.  du  Cercle  arcfi.  et 
palcont.  de  Charleroij,  VI!,  p.  civ. 


—  lOi  — 

îijouU'esdc'la  pierre  blanche  et  de  la  brique  forlemenlpilées; 
des  lignes  se  rencontrant  à  angle  droit  et  (racées  au  moyen 
d  une  espèce  de  spatule  imitent  nos  pavages  actuels.  Cette 
couche  reposait  sur  des  tuiles  plates. 

Enfin  le  li-oisième  système  consistait  en  tuiles  plates  repo- 
sant sur  un  lit  de  chaux  et  ne  devait  pas  différer  beaucoup 
de  ce  qui  se  voit  de  nos  jours.  Nous  devons  constater  cepen- 
dant que  sur  ce  dernier  mode  de  pavage  nous  n'avons  pas 
de  renseignements  aussi  précis  que  sur  les  deux  autres,  vu 
le  mauvais  état  dans  lequel  se  trouvait  le  carrelage. 

8.  Nos  fouilles  ont  fourni  un  immense  bois  de  cerf,  mais 
pas  d'autres  ossements. 

9.  Constatons  enfin,  pour  terminer,  lu  présence  d'un 
nombre  considérable  de  scories  de  fer.  Getle  présence  nous 
a  fortement  intrigué  et  à  différentes  reprises  nous  nous 
sommes  demandé  s'il  y  a  eu  à  Rumpst  un  établissement 
métallurgique. 

Le  sol  de  la  localité  est  loin  de  fournir  des  matières  pre- 
mières pour  semblable  industrie,  de  sorte  qu'il  est  plus  que 
probable  que  la  présence  de  ces  scories  est  due  à  une  autre 
cause  que  nous  n'essaierons  pas  cependant  de  déterminer, 
faute  (le  doimées. 

Cimetière. 

Les  habitanis  belgo-romains  de  Rumpst,  se  conformant  en 
cela  aux  règles  de  l'hygiène  et  aux  prescriptions  de  la  loi  des 
Douze  Tables  (i),  avaient  établi  leur  cimetière  commun  en 

(i)  IlomincDi  mnrlnum  in  iirbe  >ie  xrprfito.  (Art   II.) 


—  I6:i  — 

dehors  de  la  bourgade,  sur  une  élévation  (i)  portant  au  ca- 
dastre le  nom  de  Kallenberg  (2).  Il  ne  reste  plus  rien  du 
cimetière  belgo-romain  de  Rumpst,  l'extraction  de  l'argile  à 
briques  l'a  fait  disparaître  ;  du  temps  que  nous  nous  occu- 
pions des  fouilles,  on  en  a  détruit  la  dernière  partie  ; 
malheureusement  on  ne  nous  a  averti  que  quand  il  était  troj) 
lard . 

i\ous  devons  donc  nous  contenter  d'en  parler  ici  de  au- 
dilu;  mais  comme  les  renseignements  fournis  ont  une  source 
désintéressée  et  que  les  dires  d'ouvriers  ignorants  concor- 
dent très-bien  avec  ces  renseignements,  le  lecteur  trouvera 
ici  une  description  plus  ou  moins  complète  du  cimetière. 

Situé  à  environ  300  mètres  au  nord  de  la  bourgade,  le 
long  d'un  chemin  antique  que  nous  considérons  comme  le 
prolongement  de  la  voie  d'Assche  à  Rumpst,  ce  cimetière 
occupait  une  étendue  d'environ  un  hectare. 

Il  se  composait  d'une  suite  de  fosses  dont  les  parois  étaient 
retenues  au  moyen  de  planches;  le  fond  en  était  dallé. 

Dans  chaque  tombe  on  rencontrait  de  la  terre  noire  et  des 
débris  de  pots.  Celui  qui  est  représenté  par  la  l'ig.  i  provient 
d'une  de  ces  fosses  funéraires;  il  était  rempli  de  cendres 
et  est  en  terre  bleue. 

C'était  donc  un  cimetière  à  ustion,  où  généralement  les 
parois  des  fosses  sont  également  en  pierre. 

Parmi  les  cimetières  et  tombes  offrant  quelque  ressem- 


(1)  Tous  ou  presque  tous  les  cimetières  étaient  placés  sur  le  penchant  des 
collines,  soit  au  sommet,  soit  à  la  base. 

Cochet,  Normandie  soulerraiiie,  161. 

(2)  Des  étymologistes  traduiront  sans  doute  ce  nom  par  Monlagnes  des  Galles; 
nous  préférons  traduire  simplement  par  Montagne  aux  Chats,  faute  de  renseigne- 
ments surdos  rapports  quelconques  des  Cattes  avec  notre  localité. 


—   16G  — 

blance  avec  les  nôtres  (à  pari  les  boiseries),  nous  pourrions 
citer  Honnecourt  (Nord)  :  tombes  en  forme  d'auges  rectan- 
gulaires, recouvertes  de  pierres  plates  (i)  ;  Juslenviile  (pro- 
vince de  Liège)  :  tombes  en  pierre  toutes  orientées  diffé- 
remment et  fermées  au  moyen  d'une  dalle;  plusieurs  sans 
couvercle  (2). 

Le  cimetière  de  Rumpst  n'ayant  point  fourni  d'objets 
de  luxe,  il  est  à  supposer  qu'il  ne  servait  de  champ  de  repos 
qu'à  une  populalion  peu  riche  et  que  les  chefs  de  la  bour- 
gade èlaieni   inhumés  à  un  autre  endroit  (5). 

CONCLUSION. 

L'établissement  de  Rumpst,  comme  lous  ceux  que  nous 
rencontrons  dans  notre  pays,  était  sans  doute  habité  par  une 
population  indigène  que  son  contact  avec  le  peuple-roi  avait 
complètement  romanisée.  Cette  population,  tout  en  .se 
livrant  à  la  culture  des  terres  et  à  l'élevage  des  bestiaux, 
exploitait  les  riches  couches  de  terre  glaise,  pour  en  fabri- 
quer des  poteries  qu'elle  exportait  ensuite  dans  toutes  les 
directions.  On  conviendra  que  Rumpst  avait  une  double 
facilité  pour  l'exportation  :  d'un  côté,  elle  était  reliée  avec 
Assche  et  l'intérieur  du  pays  par  une  chaussée,  et  une 
seconde  chaussée  la  mettait  en  rapport  avec  la  Hollande; 
d'un  autre  côté,  le  Ruppel  était  un  moyen  de  communication 


(i)  Publ.  (le  la  Soc.  d'émulation  de  Cambrai,  t.  VIII,  p.  Ai.  —  Notes  sur  les 
communes  de  rarrondiss.  de  Cambrai,  467.  —  Slalist.  arch.  du  départ,  du 
Nord,  5.j8. 

(2)  Bull,  de  l'InstUui  arch.  liégeois,  IX,  1-4G,  149. 

(3)  Voyez  ce  que  nous  avons  dit  relalivement  à  un  double  cimclicre  dans  les 
Ann.  de  VAcud.  d'arcli.  de  Behjique,  2»  série,  t.  YIII,  p.  187. 


—   1G7  — 

de  premier  ordre.  Cette  rivière  lui  procurait  encore  les 
avantages  de  la  pêche.  L'établissement  de  Rumpst  a,  en  outre 
(au  moins  pendant  un  certain  temps),  possédé  une  garnison. 

Il  serait  difficile,  si  non  impossible,  de  déterminer  la 
période  d'existence  de  cette  bourgade  belgo-romaine  ;  il  est 
probable  qu'elle  aura  été,  comme  la  plupart  des  autres  éta- 
blissements de  l'espèce,  élevée  au  i"  siècle  de  notre  ère. 
Quant  à  sa  destruction,  destruction  qui  a  été  violente,  à  en 
juger  par  les  nombreuses  traces  d'incendie,  les  monnaies 
découvertes  ne  sont  pas  de  nature  à  nous  fournir  beaucoup 
d'éclaircissements  sur  ce  point.  Les  monnaies,  en  effet, 
quoique  ne  pouvant  jamais  nous  donner  une  certitude 
absolue  sur  les  limites  de  l'époque  d'existence  d'une  bour- 
gade, nous  mettent  au  moins  à  même  de  conclure  avec  une 
précision  relative  (i),  quand  elles  réunissent  ces  deux 
conditions  d'être  trouvées  en  grand  nombre  et  de  présenter 
une  suite  chronologique  continue  entre  elles.  Car  alors 
elles  forment  une  espèce  de  chaine  interrompue  tout  à  coup, 
sans  que  l'on  puisse  expliquer  autrement  cette  rupture 
que  par  l'émigration  ou  la  destruction  de  la  population 
qui  faisait  usage  de  ces  monnaies.  Or  les  quelques  monnaies 
qui  ont  été  exhumées  à  Rumpst  ne  peuvent  évidemment 
nous  servir  d'indication  dans  cette  circonstance;  tout  ce 
qu'elles  nous  apprennent  à  cet  égard,  c'est  que  l'établisse- 
ment dont  il  s'agit  existait  encore  du  temps  de  Postume 
(258-267). 

Une  circonstance  cependant  qui  peut  venir  à  notre  secours 
et  qui  a  une  certaine  importance,  c'est  l'existence  du  cime- 


(i)  Voyez  dans  le  Bulletin  de  l'Acad.  d'arch.  de  Belgique,  l.  I,  106. 


—  U)8  — 

(ière  à  uslion.  On  n'a  pas  signalé  une  seule  découverte  de 
squelelle.  Oron  sail  que  l'usage  de  brûler  les  cadavres  a  cessé 
au  règne  de  Constantin  (50G-557),  les  règles  du  christia- 
nisme proscrivant  formellement  cette  mesure.  Il  est  donc 
presque  certain  (|ue  cette  bourgade  n'est  pas  postérieure 
à  ce  dernier  souverain;  de  sorte  que  la  destruction  peut 
avec  quelque  fondement  être  fixée  au  commencement  du 
IV*  siècle,  date  qui  a  été  aussi  attribuée  à  Elewyt,  situé 
pour  ainsi  dire  dans  la  même  zone  que  Rumpst,  et  cette  date 
a  pu  être  fixée  pour  Elewyt  avec  toute  cerlilude.  On  objectera 
|)eut-èlre  que  Assche,  se  trouvant  également  dans  le  voisi- 
nage, a  survécu,  puisqu'on  y  a  trouvé  des  monnaies 
d'Anastase;  mais  on  voudra  bien  tenir  compte  que  Assche 
était  dans  des  conditions  exceptionnelles,  sa  population 
était  très-forte  et,  de  plus,  elle  était  protégée  par  son  vaste 
camp  retranché,  double  circonstance  qui  peut  avoir  arrêté 
l'invasion  des  Barbares. 

Rumpst  a  surtout  une  grande  importance  au  point  de 
vue  de  la  géographie  physique  de  la  Belgique  ancienne. 
Il  s'élevait  à  peine,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  à  o  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  il  est  annuellement,  aux 
grandes  crues,  submergé  par  les  eaux  du  Ruppel.  Si  l'on 
tient  compte  de  l'établissement  du  pavement  des  maisons 
romaines  à  l'"oO  au-dessous  de  la  surface  du  sol  actuelle, 
on  se  demande  comment  les  habitants  de  notre  bourgade 
pouvaient  se  mettre  à  l'abri  de  l'invasion  des  eaux.  N'est-on 
pas  tenté  de  croire  que  dans  ces  temps  reculés  les  eaux 
ne  s'élevaient  pas  à  la  même  hauteur  qu'aujourd'hui  ou 
bien  que  déjà  les  Romains  avaient  endigué  le  Ruppel? 

Généralement  on  nous  représente  le  nord  de  la  Belgique 


—    1()!)   — 

au  temps  des  Romains  comme  <'taiil  englouti  par  les  eaux  ; 
ScHAYES  (i)  dit  que  le  territoire  entier  du  pays  de  Waes  est 
une  conquête  laite  sur  l'Escaut  depuis  moins  de  quatre 
siècles.  Or  le  pays  de  Waes  n'est  pas  plus  élevé  que  Rumpst. 
Le  même  auteur  (2)  nous  dit,  en  outre,  que  «  une  foule  de 
documents  historiques  ont  démontré  que  la  majeure  partie 
de  la  Belgique  et  des  Pays-Bas  offrait  des  champs  stériles  ou 
envahis  par  les  débordements  de  la  mer  et  des  rivières,  de 
marais  infects  et  de  vastes  forêts.  » 

Plus  tard,  par  un  artide  inséré  dans  le  tome  X  des  Annales 
du  Cercle  Archcologique  de  Mons,  intituh'  :  Recherches  sur  les 
campements  de. César  en  Belgique,  etc.,  on  nous*apprend  ((ue 
Assche,  Velsique  et  Castre  étaient  marécageux  au  temps  de 
l'invasion  romaine. 

De  plus,  M.  l'ingénieur  Ku.mmer,  dans  une  Étude  sur  les 
polders  du  Bas-Escaul  (0),  prétend  que  les  premiers  endi- 
guements  du  Ruppel  ne  datent  que  du  commencement  du 
XI*  siècle.  Ce  savant,  sur  une  carte  jointe  à  son  travail, 
place  la  rive  droite  du  Ruppel  à  500  mètres  de  la  rivière  et 
engloutit  totalement  la  bourgade  de  Rumpst. 

Tous  ces  auteurs  sont  contredits  par  les  découvertes  et 
ils  n'ont  probablement  tenu  compte  que  de  l'état  de  la  Bel- 
gique au  commencement  du  moyen  âge. 

Nous  pouvons,  en  effet,  leur  répondre  que  cette  partie 
nord  de  la  Belgique  n'était  pas  dépourvue  de  bourgades 
romaines,  et  que  si  l'on  n'en  a  pas  encore  trouvé  autant  que 


(i)  La  Belgique  et  les  PaijS'Bas  avant  et  durant  la  ilominalion  romaine,  t.  IIF, 
195. 
(i)  Loc.  cit.,  p.  163. 
(3)  Annales  des  travaux  publics  de  Belgique,  t.  II. 


—   170  — 

dans  les  aulros  contrées  de  la  Belgique,  c'est  faute  de  re- 
cherches. Les  hords  du  Ruppel  et  de  l'Escaut  en  comptent 
déjà  un  grand  nombre,  de  même  que  le  pays  de  Waes. 
Outre  Rumpst,  n'a-t-on  pas  signalé  la  belle  découverte 
faite  entre  Bornhem  et  Hingene  (i);  à  Boom  également  on  a 
trouvé  des  antiquités  romaines  (2);  des  monnaies  romaines 
ont  été  exhumées  à  Brecndonck  ;  d'autres  à  Ruysbroeck,  au 
llellegat  (3)  ;  des  antiquités  frankes  ont  été  déterrées  à  Waer- 
loos  ;  enfin,  d'après  ce  que  nous  a  assuré  M.  Galesloot,  il 
existe  à  Niel,  presque  au  milieu  d-es  eaux,  tout  un  établis- 
sement romain. 

Du  reste,  l'existence  d'une  seule  de  ces  bourgades  suffirait 
pour  prouver  que  les  auteurs  susdits  ont  versé  dans  l'erreur, 
et  encore  sur  quoi  auraient  été  assises  les  nombreuses  chaus- 
sées qui  sillonnent  le  nord  de  la  Belgique. 

Nous  persistons  à  croire  que  le  nord  de  la  Belgique  était 
du  temps  des  Romains  moins  sous  l'eau  et  moins  sujet  aux 
débordements  qu'aujourd'hui  ? 

Nous  ne  nions  pas  que  plus  tard  des  cataclysmes  ne  soient 
venus  déranger  cet  état  de  choses  ;  nous  en  avons  une  preuve 
convaincante  dans  les  changements  survenus  à  l'embou- 
chure  de  l'Escaut  :  celle  embouchure  était  bien  plus  large 
du  temps  des  Romains  que  de  nos  jours,  et  son  rétrécisse- 
ment doit  avoir  exercé  une  grande  influence  sur  le  flux  et 
le  reflux  des  rivières  qui  s'y  jettent  et  encore  sur  la  facilité 
de  l'écoulement  des  eaux  ;  nous  en  avons  une  autre  preuve 


(i)  lien  est  question  au  Bull,  des  Connu,  roi/,  d'art  et  d'archéol.,  VII,  p.  AO, 
Pl  X,  p.  290. 
(î)  ScHAYEs,  La  Belgique,  etc.,  Supplément,  p.  53. 
(3)  Wautf.rs,  Histoire  des  Knvirnns  de  Unixelles,  II,  ?>'J8. 


—  171    — 

dans  ces  découvertes  romaines  que  ron  a  faites  dans  les 
tourbières  de  la  cùte  d'Ostende  et  qui  indiquent  qu'anté- 
rieurement à  une  invasion  de  la  mer  au  moyen  âge,  cette 
côte  était  parsemée  de  villas  bcigo-romaines. 

Au  moins  il  est  à  désirer  que  l'on  distingue  entre  les 
deux  époques.  Au  vi*  et  au  vu*  siècle,  le  nord  de  la  Bel- 
gique présentait  sans  doute  une  tout  autre  physionomie 
que  sous  la  domination  romaine;  quant  à  l'état  physique,  il 
devait  y  avoir  eu  de  nombreux  débordements;  quant  à  l'état 
politique,  le  grand  nombre  d'établissements  qui  s'y  étaient 
élevés ,  sont  détruits ,  incendiés  par  les  Barbares ,  les 
populations  décimées  et  retournées  à  l'état  sauvage,  et, 
comme  le  prouve  l'absence  i)resque  complète  d'établis- 
sements franks,  les  vainqueurs  n'ont  pas  profité  de  leur 
victoire. 

Elewyt,  IG  novembre  1870. 

Camille  Van  Dessel. 


ALBERT  DURER  ET  LUCAS  DE  LEYDE 


LEUR  RENCONTRE  A  ANVERS 


Parti  de  Nuremberg  le  12  juillet  1520,  Albert  Diircr 
arrivait  dans  nos  provinces  le  51  du  même  mois.  Le  voyage, 
entrepris  en  compagnie  de  sa  femme  et  d'une  jeune  servante, 
n'était  pas  exclusivement  motivé  par  le  désir  d'étudier  sur 
place  les  œuvres  enfantées  par  le  génie  de  nos  artistes.  Il 
avait  aussi  pour  objet  de  permettre  à  l'auteur  de  la  Mélancolie 
de  se  rapprocher  de  l'archiduc  Charles,  récemment  appelé  à 
succéder  au  trône  impérial,  et  d'obtenir  du  jeune  empereur 
la  confirmation  d'une  rente  que  le  peintre  devait  à  la  muni- 
ficence de  .Maximilien.  Enfin  Diirer  se  soustrayait  par  l'ab- 
sence aux  dangers  de  l'épidémie  (jui  faisait  à  Nuremberg  de 
nombreuses  victimes. 

Le  journal  tenu  par  Albert  Diirer  pendant  la  durée  de  son 
séjour  aux  Pays-Bas  a  été  maintes  fois  publié  dans  toutes  les 
langues  (i),  et,  quoique  malheureusement  très-laconique,  il 
constitue  un  des  documents  les  plus  précieux  pour  l'histoire 
de  l'art  national.  On  suit  le  maître  en  quelque  sorte  pas  à  pas; 
on  le  voit  entrer  en  relations  pendant  un  séjour  de  plus 


(0  II  l'a  été  pour  la  dernière  fois  en  1872,  avec  d'excellentes  annotaUons  par 
M.  le  U''  TiiAusiNG,  dans  les  Qucllenschriften  fur  Kunstgeschkhtc  nnd  Kunst- 
lechnili  des  Mitlelalters  und  der  Renaissance.  Vienne,  Braumuller. 


—  175  — 

d'une  année  avec  la  plupart  des  liommcs  marquants  de 
notre  pays,  et  l'accueil  qu'il  reçoit  dans  toutes  nos  villes  : 
Anvers,  Malines,  Bruxelles,  Gand  et  Bruges,  atteste  qu'en 
dépit  des  distances,  sa  réputation  était  faite  dans  les  Pays- 
Bas  non  moins  qu'en  Italie  et  dans  l'Allemagne  entière. 
D'Anvers,  but  évident  du  voyage,  le  peintre  fit  de  nom- 
breuses excursions  dans  les  provinces  environnantes,  poussa 
jusqu'en  Zélande  et  même  en  Allemagne,  où  il  eut  l'occasion 
d'assister  au  couronnement  de  l'empereur  en  compagnie  de 
trois  de  ses  compatriotes,  les  patriciens  nurcmbergeois  : 
Hans  Ebner,  Léonard  Groland  et  Nicolas  Haller,  députés  à 
Aix-la-Chapelle  comme  gardiens  des  ornements  impériaux. 

Fêté  comme  un  prince  et  toujours  le  bien-venu,  il 
s'étonne  naïvement,  en  plus  d'un  endroit  de  son  journal, 
d'un  tel  empressement. 

De  son  côté,  il  se  montrait  extrêmement  gracieux,  pro- 
diguant ses  planches,  dessinant  et  peignant  des  portraits,  et 
ne  manquant  jamais  de  donner  en  échange  de  quelque 
politesse  témoignée  à  lui-même  ou  à  sa  femme,  soit  une 
estampe,  soit  un  dessin,  n'oubliant  jamais  non  plus  de 
donner  —  ni  surtout  d'inscrire  à  son  livre  —  un  pourboire 
aux  serviteurs  chargés  de  lui  remettre  un  cadeau. 

L'hospitalité  flamande,  il  faut  le  dire,  s'exerçait  non 
moins  généreusement  au  xvi^  siècle  que  de  nos  jours,  et  M.  le 
docteur  Thausing,  qui  a  consacré  récemment  à  Diirer  un 
remarquable  travail  (i),  n'hésite  pas  à  attribuer  dans  une 
certaine  mesure  aux  nombreux  festins  offerts  au  peintre 


(i)  Durer,  CescUichIe  seins  Lebeiis  uvd  sciiier  Kiinsl.  Leipzig,  187G;  1  vol. 


—  174   - 

dans  les  Pays-Bas,  lo  ilcveloppeiiieiil  de  la  maladie  qui  l'eiii- 
porla  |»(Mi  d'années  après  son  j-clour  en  Allemagne. 

L'auteur  décrit  à  ce  propos  un  dessin  de  la  galerie  de 
Brème  qui  ne  peut  être  fort  postérieur  à  1520  et  dans  lequel 
Durer  s'est  représenté  nu  jusqu'aux  reins  afin  de  pouvoir 
mieux  indiquer  le  siège  do  son  mal. 

T^e  journal  de  voyage  d'Albert  Diirer  n'est  pas  seulement 
riche  en  indications  concernant  les  hommes  et  les  choses 
de  noire  pays,  il  mentionne  encore  fréquemment  des 
princes,  des  savants,  des  artistes  et  des  gentilshommes 
étrangers  que  le  peintre  eut  l'occasion  de  rencontrer  sur 
notre  sol  et  avec  lesquels  il  entretint  des  relations  amicales, 
de  même  qu'il  rapporte  fidèlement  les  nouvelles  les  plus 
intéressantes  venues  à  sa  connaissance  pendant  la  durée  de 
son  séjour.  C'est  en  Belgique  qu'Albert  Diirer  apprit  la  dis- 
persion des  élèves  de  Rajthaël,  mort  depuis  deux  mois  à 
peine,  et  qu'il  fit  la  connaissance  de  l'un  d'eux,  Thomas 
Yincidor,  venu  en  Flandre  sur  l'ordre  de  Léon  X  pour 
surveiller  l'exécution  en  tapisserie  de  certains  carions  du 
maître  (i).  «  Il  a  voulu  me  voir,  écrit-il,  et  m'a  offert  un 
anneau  d'or  enrichi  d'une  pierre  antique  valant  5  ilorins.  On 
m'en  a  déjà  voulu  donner  le  double.  J'ai  remis  en  édiange 
pour  plus  de  6  florins  de  mes  meilleures  planches  ». 

Plus  lard  il  remit  encore  son  œuvre  complet  au  peintre 
de  Bologne,  qui  l'envoya  en  Italie  et  contre  lequel  Diirer 
reçut  l'œuvre  de  Marc-Antoine.  Vincidor  exécuta  aussi  son 


(i)  Les  tapisseries  exécutées  d'après  les  cartons  de  South-Kensington  étaient 
placées  au  Vatican  depuis  l'année  précédente.  Voy.  Wauters,  Essai  historique 
sur  les  tapisseries  et  les  tapissiers  de  haute  et  de  basse-lice  à  Bruxelles. 


—   17o  — 

|)ortrait  pour  roiii|)oi-l(jr  à  Rome.  C'est  ce  mciiic  iiorlrait 
qu'Andréas  Stocka  gravé.  C'est  en  Belgique  encore  qu'Albert 
Diirer  connut  Erasme,  dont  il  fit  |)lusicurs  fois  le  portrait 
et  qu'il  croyait  appelé  à  poursuivre  l'œuvre  de  Luther, 
lorsqu'on  apprit  à  Anvers,  le  17  mai  1521,  l'arrestation 
simulée  du  réformateur.  Mais  le  rapprochement  le  plus 
curieux  que  nous  révèle  le  journal  de  voyage  est  celui  de 
Diirer  et  de  Lucas  de  Leyde. 

Van  Mander  a  consacré  quelques  lignes  au  récit  du  voyage 
de  Lucas  de  Leyde  en  Zélande  et  en  Flandre,  en  compagnie 
de  Mabuse.  Le  maître  hollandais  était  venu  en  Belgique 
par  un  bateau  spécialement  affecté  à  son  usage,  et  il  luttait 
d'élégance  et  de  faste  avec  son  compagnon  de  route.  Il 
traitait  richement  ses  confrères,  leur  offrait  partout  des  ban- 
quets qui  lui  coûtaient  généralement  plus  de  60  florins. 

Lucas  de  Leyde  était  de  complexion  délicate  et  la  bonne 
chère  semble  avoir  hâté  sa  fin,  puisque,  toujours  selon  Van 
Mander,  il  prétendit  avoir  été  empoisonné  pendant  son 
séjour  dans  nos  provinces. 

C'est  aux  premiers  jours  de  juin  1521  qu'eut  lieu  à  Anvers 
la  rencontre  des  deux  représentants  les  plus  illustres  de  l'art 
de  la  haute  et  de  la  basse  Allemagne.  Le  rapprochement  de 
ces  deux  hommes,  dont  la  renommée  était  alors  universelle, 
dont  les  maîtres  italiens  eux-mêmes  proclamaient  à  l'envi 
la  grandeur  et  qui  exercèrent,  l'un  et  l'autre,  sur  leurs  con- 
temporains, une  si  puissante  influence,  nous  apparaît  encore 
à  travers  les  siècles  comme  un  épisode  émouvant  de  l'histoire 
de  l'art. 

Albert  Durer  avait  dépassé  la  cinquantaine;  Lucas  de 
Leyde  comptait  à  peine  vingt-sept  ans  à  l'époque  de  cette 


—  i76  — 

rencontre.  Ils  se  connaissaient,  sans  nul  doute,  de  réputa- 
tion. Les  ternies  mêmes  dans  lesquels  Durer  mentionne 
qu'il  a  vu  Lucas  de  Leyde  le  prouvent  :  «  Maître  Lucas, 
celui  qui  grave  sur  cuivre;  il  est  natif  de  Leyde;  c'est  un 
petit  homme;  il  se  trouvait  à  Anvers.  » 

Du  vivant  même  des  deux  artistes,  on  semble  avoir  voulu 
établir  entre  eux  un  parallèle  très-légitime  dans  cette  cir- 
constance, il  faut  en  convenir,  car  l'un  et  l'autre  s'étaient 
rendus  célèbres  par  un  ordre  de  travaux  dont  le  rappro- 
chement était  aussi  naturel  que  facile.  Vasari  est  l'inventeur 
d'une  histoire  que  Van  Mander  et  Sandrart  rééditent  et 
d'après  laquelle  une  véritable  rivalité  aurait  existé  entre  les 
deux  maîtres,  et  cette  rivalité  aurait  abouti  au  voyage 
d'Albert  Diirer  dans  les  Pays-Bas,  dans  le  but  exprès  de 
faire  la  connaissance  de  Lucas  de  Leyde.  Cela  est  inadmis- 
sible, car  nulle  part  dans  ses  écrits  Albert  Diirer  n'a  men- 
tionné les  travaux  de  son  confrère  néerlandais.  D'autre  part, 
cependant,  il  est  permis  de  croire  qu'à  l'exemple  de  Marc- 
Antoine,  celui-ci  se  soit  appliqué  à  l'étude  des  œuvres  de 
l'illustre  maitre  allemand,  âgé  de  plus  de  30  ans,  à  l'époque 
où  le  jeune  Lucas  commencaità  manier  le  burin. 

L'initiative  de  la  rencontre  des  deux  artistes  j)artit  de 
Lucas  de  Leyde.  «  Il  m'a  invité  à  dîner  »,  dit  Diirer,  el  il 
ajoute  les  passages  qu'on  connaît.  C'est  presque  tout.  La 
rencontre  ne  le  frappa  point  :  «  C'est  un  petit  homme  »  ;  mais 
il  ne  dit  pas  (pie  la  conversation  ait  roulé  sur  des  choses 
d'art;  il  ne  dit  pas  davantage  que  l'on  se  soit  niutiicllcnient 
montré  des  planches  récentes  ou  communi(pié  des  procédés. 
On  dessina  pourtant,  puisque  Durer  écrit  :  «  J'ai  fait  le 
»  portrait  de  maitre  Lucas  de  Leyde,  »  et  sans  doute  aussi 


—  177  — 

l'on  joua,  car  immédiatement  après  nous  trouvons  cette 
mention  :  «  J'ai  perdu  un  llorin  au  jeu.  »  A  quelques  jours  de 
là  il  y  eut  un  échange  d'œuvres,  Albert  Diirer  donnant  pour 
huit  Horins  de  ses  travaux  en  échange  de  toute  la  série  des 
cuivres  de  maitre  Lucas.  Le  laconisme  de  Diirer  dans  celte 
circonstance  est  fort  regrettable;  il  atteste  cependant  que 
les  deux  maîtres  n'avaient  pas  attendu  leur  rencontre  pour 
apprendre  à  se  connaître.  Diirer  est  frappé  de  la  petitesse 
de  Lucas  de  Leyde  et  la  mentionne.  Quant  à  son  art,  il  le 
connaissait  assez  pour  n'en  avoir  plus  rien  <à  dire. 

Il  nous  est  resté  toutefois  de  ce  rapprochement  momen- 
tané un  témoignage  inestimablement  précieux  :  le  portrait 
de  Lucas  de  Leyde. 

L'existence  de  cette  œuvre  précieuse  n'avait  point  été 
signalée  jusqu'à  ce  jour,  et  M.  le  professeur  Thausing,  si 
patient  dans  ses  recherches  sur  Albert  Diirer,  ne  semble 
pas  avoir  connu  l'œuvre  importante  que  le  hasard  nous 
permet  de  déterminer. 

Dans  une  étude  qu'il  consacre  au  Musée  Wicar  à  Lille  (0, 
si  riche,  comme  l'on  sait  en  dessins  de  maîtres,  un  écrivain 
français,  M.  Gonsse,  cite  avec  admiration  un  dessin  de  Diirer, 
dont  il  joint  la  copie  à  son  article.  «  Le  portrait  d'homme 
»  au  crayon  d'argent,  sur  un  papier  préparé,  est,  dit-il,  un 
»  véritable  chef-d'œuvre,  et  certainement  l'une  des  perles 
»  de  la  collection.  Quoique  cette  figure  vivante  ne  soit 
»  exprimée  que  par  quelques  traits,  liniéaments  à  demi 
»  effacés,  sa  valeur  le  place  au  rang  des  plus  beaux  dessins 
»   de  Diirer,  qui  en  a  laissé  tant  de  si  beaux!  »  Ce  portrait. 


(0  Gazelle  des  Beaux-Arts,  février  1877,  p.  80. 


—  178  — 

si  justement  .idmii'ô,  n'es!  autre  que  celui  de  Lucas  de  Leyde 
dont  parle  le  journal  de  voyage  d'Albert  Diirer. 

Au  premier  coup  d'œil,  l'œuvre  annonce  une  face  ger- 
manique courte  et  large,  mâchoire  forte,  pommettes  sail- 
lantes. Le  costume  aussi  :  vaste  chapeau  à  bords  relevés, 
entièrement  semblable  à  la  coiffure  de  Q.  Metsys  dans  le 
})ortrait  bien  connu  du  musée  de  Florence,  est  essentiellement 
néerlandais.  Ce  n'est  pas,  sans  doute,  sur  d'aussi  faibles 
preuves  que  se  fonde  notre  assertion;  voici,  pensons-nous, 
qui  la  confirme  : 

Dans  le  précieux  recueil  de  portraits  d'artistes  publié  à 
Anvers  en  lo72,  sous  le  titre  de  Piclorum  aliquot  celebrium 
Germanke  inférions  effigies,  nous  trouvons,  à  la  page  10,  le 
portrait  gravé  de  Lucas  de  Leyde,  exécuté  d'après  le  dessin 
même  du  musée  Wicar,  que  reproduit  M.  Gousse.  Ce  portrait, 
supérieurement  gravé,  le  plus  beau  du  recueil,  a  pu  passer 
en  quelque  sorte  inaperçu  par  un  concours  de  circonstances 
qui  tendaient  à  lui  faire  ])erdre  une  partie  de  son  intérêt. 
Privé  de  tout  monogramme  et  de  toute  marque  de  graveur, 
il  a  été  écarté  par  M.  Al  vin  de  son  œuvre  des  frères 
Wiericx  (i).  De  plus,  Lucas  de  Leyde  nous  ayant  laissé 
deux  portraits  de  sa  propre  main,  on  a  nécessairement  pensé 
que  ces  œuvres  personnelles  devaient  donner  des  traits  du 
maître  l'interprétation  la  plus  fidèle. 

La  planche  insérée  dans  les  effigies  n'est  postérieure  que 
d'une  trentaine  d'années  à  la  mort  de  Lucas  de  Leyde, 


(i)  M.  Drugulin,  dans  son  Catalogue  de  portraits,  n"  11969,  cite  nn  portrait 
rie  Lncas  de  Leyde,  par  .léromc  Wiericx,  qui  est  sans  nul  doute  la  pièce  dont 
il  est  qucstiiin  ici. 


—  179  — 

l'ouvrage  ayant  été  préparé  cornplùteinonl  par  lo  célèbre 
graveur-éditeur  Jérôme  Cock,  mort  lui-même  en  0)70  et 
dont  la  veuve  ne  fit  paraître  que  deux  ans  plus  tard  le 
volume.  Il  est  donc  présumable  que  le  dessin  aura  été  com- 
muniqué par  la  famille  même  du  peintre.  Nous  pouvons 
croire  d'autant  mieux  (ju'il  en  est  ainsi  que  les  autres  por- 
traits portent  un  cachet  irrécusable  de  sincérité. 

L'absence  du  monogramme  d'Albert  Diirersur  la  gravure 
nous  fera-t-elle  croire  à  la  falsifiealion  du  dessin  de  Lille 
qui  porte  ce  monogramme?  En  aucune  sorte,  et  M.  Gonsse 
soumet  les  œuvres  allemandes  de  la  collection  Wicar  à  une 
critique  trop  minutieuse  pour  excepter  le  portrait  qu'il  loue 
avectant  de  raison  du  jugement  sévère  porté  par  l'auteur 
sur  la  plupart  des  autres  dessins  attribués  à  Albert  Diirer 
dans  la  collection  lilloise. 

Observons  d'ailleurs  que  le  portrait  de  Joachim  Patenicr 
inséré  dans  notre  recueil  (pi.  8)  est  encore  une  œuvre  de 
Durer,  ce  portrait  de  maître  Joachim  qu'il  dit  avoir  fait  au 
crayon  (i)  et  dont  la  gravure  a  été  rangée  erronnément  dans 
l'œuvre  du  maître  par  Adam  Bartsch ,  qui  déclare  précisé- 
ment que  c'est  au  recueil  de  Jérôme  Cock  qu'il  est  redevable 
d'avoir  pu  connaître  le  personnage  représenté.  Tout  comme 
le  portrait  de  Lucas  de  Leyde,  la  planche  est  privée  de  mo- 
nogramme. Nous  nous  permettrons  même,  d'après  les  omis- 
sions que  nous  venons  de  constater,  la  conjecture  que  le 
portrait,  d'une  si  parfaite  exécution,  de  Bernard  Van  Oriey 
(pi.  6),  reproduit  un  autre  dessin  d'Albert  Dijrer  renseigné 
dans  son  journal  comme  exécuté  pendant  son  premier  sé- 

(i)  Thausinc,  Niederlàndische  Reize,  p.  117. 


—   180  — 

jour  à  Bruxelles.  «  J'ai  fait  au  fusain  le  portrait  de  inaitre 
Bernard,  le  peinire  de  madame  Margucrilo.  »  Si  l'on  pre- 
nait, pour  les  reproduire,  les  portraits  de  Lucas  de  Leyde  et 
de  Patenier  dessinés  par  Diirer,  on  a  bien  pu  également 
prendre  celui  de  Bernard  Van  Orley. 

Si  l'authenticité  du  portrait  de  Lucas  de  Lcyde  ne  semble 
pas  pouvoir  être  contestée,  nous  ne  pouvons  cependant 
omettre  de  signaler  celte  circonstance  que  l'effigie  du  maître 
tracée  par  son  propre  burin  (i)  rappelle  fort  peu  celle  que 
traça  le  crayon  de  Diirer  qualre  années  auparavant.  Le  por- 
trait exécuté  par  Andréas  Stock  (comme  pendant  à  celui  de 
Diirer  dessiné  par  Vincidor)  ne  ressemble  pas  davantage  à 
la  planche  de  Lucas  de  Leyde. 

Pourtant,  lorsque  Hondius  fit  paraître  en  1618,  à  Amster- 
dam, son  Tliealruin  honoris,  alors  qu'il  reprenait  les  por- 
traits autrefois  publiés  par  Jérôme  Gock,  en  y  ajoutant  ceux 
des  artistes  qui  avaient  brillé  depuis,  il  préféra  reproduire  le 
portrait  de  Lucas  de  Leyde  d'après  sa  propre  version,  tout 
en  conservant  les  vers  dont  Lampsonius  avait  accompagné  le 
portrait  d'Anvers  : 

Tu  quoque  Durero  non  par,  sed  proxime,  Luca, 
Seu  Tabulas  pingis,  seu  formas  sculpis  ahenas 
Ectypa  roddenics  tenui  miranda  papyro 
llaud  minimaiii  in  partem  (si  qua  est  ea  gloria)  nostra; 
Accède,  et  teciiin  nal;ilis  Lcida,  Camcena'. 

Ces  vers  nous  prouvent  assez  que  si  Lucas  de  Leyde  avait 
rêvé  de  surpasser  ou  même  d'égaler  Diirej-,  comme  l'oiil  pré- 


f<)  C'est  Icn»  173  de  Bartsch.  Il  porte  pour  titre  :  Lucœ  Leidensis  propria 

VI  an  II  ivciderc. 


—    181    — 

tendu  certains  auteurs,  les  hommes  de  son  siècle  même 
avaient  su  parfaitement  lui  assigner  son  véritable  rang 
auprès  du  maître  de  Nuremberg  :  non  'par,  sed  proxime,  et 
cette  appréciation  fut  admise  en  Hollande  même  et  confir- 
mée par  la  postérité. 

Le  l'2  juillet  15^21,  Albert  Diirer  quittait  Bruxelles  pour 
reprendre  le  chemin  de  l'Allemagne.  Quant  à  Lucas  de 
Leyde,  on  suppose  qu'il  prolongea  pendant  quelques  mois 
encore  son  séjour  en  Belgique,  car  en  l'année  15:2:2  les 
registres  de  la  confrérie  de  Saint-Luc  d'Anvers  mentionnent 
la  réception  comme  franc-maitre  d'un  Lukas  de  llollan- 
dere. 

H.  Hymans. 


ÉTUDE    SOMMAIRE 

SUR  LA  CONSTRUCTION 

DK 

L'ÉGLISE  DE  NOTRE-DAME,  AU  SABLON 

A  BRUXELLES 

PAR    UN    ARCHÉOPHILE 


I.  A  quelle  époque  a  été  construile  l'église  de  Noire- 
Dame,  au  Sablon,  ancienne  chapelle  particulière  du  Grand- 
Serment  ou  Gilde  de  l'arbalète,  corporation  puissante  qui 
tenait  jadis  le  premier  rang  parmi  les  sociétés  de  ce  genre? 

Il  est  permis  de  supposer  qu'après  avoir  obtenu,  en  1304, 
la  concession  (i)  d'une  partie  de  l'ancien  cimetière  de  l'iiù- 
pital  Saint-Jean,  sis  au  Sablon,  la  Gilde  dite  de  Notre-Dame 
ou  de  l'arbalète  se  sera  d'abord  contentée  d'ériger,  sur  le 
terrain  ainsi  concédé,  une  chapelle  modeste  et  provisoire  que 
les  confrères  eurent  plus  tard  l'ambition  d'agrandir  et  de 
remplacer  par  un  édifice  monumental. 

Cette  chapelle  primitive  s'élevait-elle  sur  l'emplacement 
du  chœur  de  l'église  actuelle,  et  l'aurail-on  laissée  subsister 


(i)  Le  texte  de  l'acte  de  concession,  contresigné  en  avril  1504  par  le  duc  de 
Brabant  Jean  II,  a  été  donné  pour  la  première  fois  par  M.  l'abbé  De  Bruyn, 
dans  son  opuscule  intitulé  Origine  de  l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon. 
Lnuvain,  Pei'Iers,  1807,  in-8". 


—  183  — 

pendant  les  travaux  de  la  nouvelle  église?  Ou  bien  existait- 
elle  à  l'endroit  où  se  trouve  aujourd'hui  l'antiehambre  de 
la  sacristie ,  ce  que  permet  de  supposer  la  grande  arcade 
qui  reniplaçait  en  partie,  à  cet  endroit,  la  fenêtre  corres- 
pondante du  transept  septentrional,  arcade  bouchée  ensuite, 
et  qu'il  est  question  de  rétablir  dans  son  état  primitif? 

C'est  cette  dernière  thèse  que  soutient  le  conseil  de 
fabrique  dans  une  lettre  adressée,  le  48  mai  1868,  à  MM.  les 
Bourgmestre  et  Échevins  de  Bruxelles. 

On  y  lit  ce  qui  suit  : 

«  La  question  principale,  sur  laquelle  on  désire  sans 
»  doute  avoir  notre  avis,  est  celle  de  la  baie  condamnée 
»  depuis  une  époque  indéterminée,  à  l'aide  d'une  grossière 
»   maçonnerie  en  briques  ordinaires 

»  En  admettant  qu'elle  soit  contemporaine  de  la  construc- 
»  tion  du  transept  lui-même,  il  est  certain  que  cette  grave 
»  dérogation  au  plan  des  fenêtres  uniformément  ouvertes 
»  sur  une  ligne  horizontale  fort  basse,  —  système  grâce 
»  auquel  l'église  était  une  véritable  lanterne,  dont  la  lumière 
»  intérieure  était  tempérée  par  de  riches  verrières,  —  il  est 
»  évident,  dis-je,  que  cette  grave  dérogation  avait  un 
»   but  sérieux  el  utile. 

»  La  baie  ouverte  vers  la  rue  de  la  Régence  donnait 
»  apparemment  accès  à  un  oratoire  (i)  qui  attirait  la  dévo- 
»  tion  publique,  dans  le  genre  du  sanctuaire  de  la  Sainle- 
»  Croix  qui  existe  à  Notre-Dame  de  la  Chapelle. 


(t)  Les  transepts,  disent  Henné  et  Walters,  t.  III,  p.  402,  terminés  par  des 
murs  plats,  se  composent  de  deux  travées.  La  travée  contigué  au  chœur  est  très- 
étroite;  la  suivante  donnait  jadis  accès  à  une  chapelle  qu"on  a  démtilie. 


—    iS/t  — 

»  Qui  sait?  Ce  petit  oratoire,  qu'encadrait  la  baie  posté- 
»  rieurement  bouchée  par  une  ignoble  maçonnerie,  n'élait- 
»  il  pas  la  chapelle  primitive  de  la  Gilde  de  l'arbalète,  bâtie 
»  vers  1504,  en  vertu  de  l'octroi  que  l'on  connait?  »  (i). 

II.  En  examinant  l'édifice  avec  attention,  on  s'aperçoit  : 
I"  que  le  caractère  architectonique  de  la  nef  centrale  est 
autre  que  celui  du  chœur  et  des  basses-nefs;  2"  que  le 
chœur  et  les  basses-nefs  se  distinguent  surtout  par  l'absence 
des  chapiteaux  et  par  les  (ores  ou  colonettes  prismatiques 
réunis  en  faisceaux  et  descendant  sans  interruption  jusqu'au 
sol  —  ce  qui,  d'après  M.  De  Gaumont  (Abécédaire  on  rudi- 
ments d'archéologie  religieuse,  p.  509),  est  un  signe  dis- 
linclif  des  constructions  de  la  fin  du  w"  siècle  (2);  3"  que 


(1)  Cette  supposition  a. été  confirmée  par  la  découverte  postérieure  du  seuil  de 
l'arcade  primitive  ii  la  hauteur  des  autres  fenêtres  du  transept  vers  les  nel's, 
ainsi  que  par  les  arrachements  et  sculptures  existant  encore  sur  les  contre  forts 
extérieurs,  véritables  traces  parlantes,  aUcstant  l'existence,  à  cet  endroit,  d'un 
sacelliim  ou  chapelle  isolée. 

(2)  Celte  indication  ne  doit  pas  être  admise  d'une  manière  trop  absolue.  On 
trouve  maint  exemple  de  colonnes  à  faisceaux  dans  les  constructions  de  la 
première  moitié  du  xv«  siècle. 

On  a  voulu  induire  d'une  simple  indication  de  lieu  citée  par  MM.  Henné  et 
Wautehs,  t.  III,  p.  403,  d'après  le  Cartulaire  de  Caudenberg,  que  \e  chœur 
actuel  existait  déjà  en  1431  :  op  den  Zavele,  tegen  over  den  choor  aldaer. 
M.  l'abbé  H.  De  Bruyn  partage  cet  avis  et  s'appuie  sur  l'inscription  suivante 
(ju'aurait  portée  l'un  des  petits  tableaux  du  chœur  :  Dit  heeft  doen  maken 
Willem  Clulinck,  in  '/  jaer  des  heereii  MCCCCXXXV,  ainsi  que  sur  la 
date  de  la  mort  du  sire  d'Ayseau  (1447),  l'un  des  grands  protecteurs  de  la 
construction  de  l'église,  enterré  dans  le  chœur,  d'après  M.  Goethals,  l'ancien 
bibliothécaire  de  la  ville  de  Bruxelles.  D'autres  ont  cru  reconnaître  Téglise  de 
Notre-Dame,  au  Sablon,  dans  le  frontispice  du  livre  d'heures  de  Marguerite  d'Yorck, 
épouse  de  Charles  le  Téméraire  (.Ms.  de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne).  L'église 
se  fut  donc  trouvée  complètement  achevée  en  1463.  Cette  hypothèse  ne  saurait 
se  justifier:  sur  ce  frontispice,  la  prétendue  chapelle  des  arbalétriers  est  à  gauche 
du  spectateur;  dans  la  réalité  topographique,  elle  devrait  se  trouver  à  droite  de 
la  collégiale  des  Saints-.Michel  et  (Uidule. 


—  i85  — 

la  bâlisso  se  compléla  par  l'atljonclioii  do  loiile  la  partie 
qu'indique  à  l'enlréc  de  l'église  rénoniie  arcade  sunnonlée 
de  quaire  nouvelles  fenêtres,  à  un  niveau  supérieur  à  celui 
de  l'ancien  triforiuin.  Les  détails  archilectoniques  et  les 
sculptures  de  cette  partie  de  l'église,  tant  à  l'intérieur  qu'à 
l'extérieur,  indiquent  une  époque  postérieure  et  accusenl 
le  commencement  du  xvi*  siècle,  à  en  juger  d'après  la  sub- 
stitution, dans  les  panneaux,  du  cintre  à  l'ogive,  contraire- 
ment à  l'ornementation  sculpturale  des  basses-nefs  et  du 
chœur. 

III.  Il  y  a  similitude  parfaite  entre  les  basses-nefs,  le 
chœur  et  le  transept,  —  ce  qui  mène  à  supposer  une  con- 
struction simultanée. 

Nous  avons  déjà  fait  remarcpier  la  forme  des  tores  ou 
colonnettes  :  ajoutons-y  les  panneaux  existant  sous  les 
fenêtres  en  général,  ainsi  que  les  figurines  sculptées  aux 
angles  de  ces  panneaux,  au-dessus  des  quatre-feuilles. 

La  forme  seule  des  réseaux  qui  terminent  l'ogive  des 
fenêtres  est  différente  ;  dans  les  basses-nefs  ces  réseaux 
affectent  le  style  dit  flamboyant,  qu'on  retrouve  dans  les 
fenêtres  de  la  nef  centrale,  au-dessus  du  iriforium. 

Dans  le  chœur,  au  contraire,  ces  fenêtres  se  terminent 
en  quatre-feuilles,  ce  qui  les  reporterait  au  xiv^  siècle.  Mais 
c'est  là,  peut-on  dire,  simple  caprice  d'architecte,  et  même 
un  argument  pour  la  thèse  que  voici  : 

Chargé  de  reconstruire  la  chapelle  primitive,  c'est-à-dire 
l'édicule  provisoire  de  1504,  l'architecte  moderne  aura 
voulu  adopter,  pour  les  fenêtres  du  chœur,  une  ornementa- 
tion qui  rappelât  l'existence  de  cette  chapelle  primitive,  de 
même  que,  dans  la  science  du  blason,  on  rencontre  parfois 


—  186  — 

des  armoiries  dessinées  d'une  manière  contraire  aux  règles 
et  qu'on  appelle  armes  à  emjuerre. 

En  s'enquérant  des  motifs  pour  lesquels  le  chœur,  recon- 
struit vers  la  fin  du  xv"  siècle,  oITre  des  fenêtres  traitées 
à  l'instar  de  celles  du  xix"  siècle,  ne  trouve-l-on  pas  pour 
réponse  qu'on  aura  voulu  conserver  dans  le  chœur  destiné 
à  remplacer  la  chapelle  primitive  de  1304  une  ornementa- 
tion qui  en  rappelât  le  souvenir  aux  générations  suivantes? 

IV.  Nous  avons  énoncé  l'idée  que  le  chœur,  le  transept 
et  les  basses-nefs  latérales  avaient  été  construits  simulta- 
nément après  la  nef  centrale. 

Cherchons  à  le  démontrer. 

La  nef  centrale  fut  d'abord  bâtie  (i)  ;  c'est  ce  que  prouve 
l'absence  d'arcs-boutants  ;  ils  furent  remplacés  provisoire- 
ment par  des  tirants  en  fer  qui  existent  encore  et  qui  étaient 
évidemment  destinés  à  empêcher  l'écartement  des  murs. 
Ces  arcs-boutants  ne  pouvaient  s'élever  qu'avec  les  basses- 
nefs,  qui  devaient  elles-mêmes   recevoir   à  l'extérieur  des 


(i)  M.  l'abbé  De  Bruyn,  dans  son  intéressante  notice  insérée  dans  le  Bulletin 
des  Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie,  estime  que  la  grande  nef  pourrait 
bien  avoir  été  terminée  dès  4441,  —  nouveau  style,  —  ce  qu'attesterait 
inscription  de  la  pierre  tombale  de  Vilzio,  le  Milanois,  inscription  gravée,  après 
coup,  sur  une  pierre  évidemment  moderne  :  celle  des  époux  Gilis,  1741-1751. 
V.  Vandehuaf.c.hen,  Inscriptions  funéraires  de  Notre-Dame,  au  Sablon,  n°  19. 

Il  résulterait  de  son  raisonnement  que  le  chœur  et  la  grande  nef  auraient  été 
construits  en  même  temps.  Cette  hypothèse  est  diamétralement  opposée  à  celle 
qu'émet  l'auteur  de  la  présente  notice;  mais  elle  n'a  pour  base  que  des  dates  peu 
authentiques,  voire  suspectes,  et  contradictoires  avec  le  caractère  architectural 
de  l'église,  ainsi  qu'avec  le  témoignage  expressif  de  ses  colonneltes  prismatiques, 
réunies  en  faisceau,  sans  chapitesux. 

C'est  ici  le  cas  de  répéter  ce  qu'on  lisait  sur  la  tombe  du  33°  abbé  de  Rolduc  : 
Si  enim  homines  tacenl,  lapides  loqiientiir.  Alex.  Scuaei'KENs,  Annales  de 
l'Académie  d'archéologie  d'Anvers,  t.  VII.  p.  422. 


—   187  — 

gables  avec  leurs  pinacles.  Ces  basses-nefs  fnrenl,  il  est 
vrai,  commencées;  mais  n'ayant  pu  élre  terminées,  elles 
furent  couvertes  du  toit  provisoire  qui  olTusque  nos  regards. 

V.  Ainsi,  en  1504,  les  confrères  de  l'arbalète  s'étaient 
donné  une  chapelle  provisoire. 

Dans  le  cours  du  xiy"  siècle  (celui  de  la  grande  prospérité 
des  gildes  et  compagnies  militaires  bourgeoises)  naquit  le 
désir  d'élever  une  véritable  église.  On  se  mit  donc  à 
l'œuvre  (i),  mais  lentement,  à  mesure  de  ses  ressources, 
comme  celase  pratiquait  à  cette  époque,  où  l'on  se  serait  bien 
gardé  de  grever  les  générations  futures,  comme  on  le  fait 
si  légèrement  aujourd'hui,  à  l'aide  d'emprunts  successifs 
et  de  devis  menteurs  et  fallacieux. 

La  nef  centrale  fut  pourvue  d'une  armature  en  fer,  facile 
à  enlever  lors  de  la  construction  ultérieure  des  basses-nefs. 

Les  cinq  travées  de  la  nef  centrale  purent  ainsi  être  fer- 
mées, jusqu'à  l'extrados  des  arcades,  par  un  mur  provisoire  : 
il  en  fut  de  même  quant  aux  extrémités,  et  l'on  y  transporta 
aussitôt  l'exercice  du  culte,  afin  de  pouvoir  procéder  ulté- 
rieurement à  la  construction  du  chœur  et  des  nefs  latérales. 

Ce  qui  permet  de  raisonner  ainsi,  c'est  la  découverte  faite 
en  1865  et  constatée  aux  registres  du  bureau  des  marguil- 
liers  de  la  manière  suivante  : 

Séance  du  '2S  juillet  1865.  —  «  Avant  de  laisser  peindre 


(i)  Un  acte  appartenant  aux  archives  de  Sainte-Gudule  et  publié  par  Butkens, 
Trophées  de  Brabant,  t.  I,  p.  197,  constate  qu'en  1365,  sous  Jeanne  et  Wenccslas, 
le  Grand  Serment  de  l'arbalète  (  Balistarii  )  s'occupait  avec  intelligence  de  la 
construction  et  de  l'agrandissement  de  sa  chapelle  (Capella  beatae  Mariac  super 
Sabulonem)  :  Ctijus  Capellae  fubricae  et  augmenlalioni  soierie  inleiidunt. 

Cet  acte  porte  la  date  du  12  août  1505;  il  concernait  les  droits  respectifs  du 
chapitre  de  Sainte-Gudule  et  du  Grand  Serment. 


—  188  — 

»  les  deux  chapiteaux  des  j)iliers  placés  devant  les  autels  de 
»  Saint-Michel  et  de  Saint-Antoine  de  Padoue,  les  marguil- 
»   liers  constatent  : 

»  r  Que  des  huit  choux  frisés  qui  ornent  ces  chapiteaux 
»  il  n'en  est  que  quatre  qui  offrent  à  la  gorge  des  chapiteaux 
»  des  traces  de  polychromie  ; 

»  2'  Que  les  feuilles  de  choux  tournées  vers  le  milieu  de 
»  l'arcade  n'ont  été  dorées  qu'aux  deux  tiers  environ ,  le 
»  reste  étant  à  l'état  naturel  de  la  pierre,  comme  la  gorge 
»  du  chapiteau  elle-même  ; 

»  3"  Que  les  feuilles  placées  du  côté  des  basses-nefs  sont 
»  restées  à  l'état  naturel,  que  cette  partie  des  chapiteaux  ne 
»  porte  aucune  trace  quelconque  de  peinture  ou  d'or,  (ju'il 
)>  en  est  de  même  des  petites  figures  grimaçantes  suppor- 
»  tant  l'une  des  nervures  de  la  voûte  des  basses-nefs. 

»  Ces  observations  s'appliquent  aux  deux  côtés  de  la 
»  grande  nef. 

)>  Le  baron  de  H.  pense  que,  d'après  les  études  qu'il  a 
»  faites  sur  la  construction  de  l'église,  l'omission  constatée 
»  ci-dessus  peut  s'expliquer  de  la  manière  suivante  : 

»  Primitivement  les  travées  inférieures  de  la  nef  centrale 
n  étaient  fermées  jusqu'à  l'extrémité  des  arcades  par  un 
»  mur  provisoire,  qui  réunissait  les  piliers  entre  eux  et  en 
»  cachait  la  moitié,  c'est-à-dire  la  poi-lion  correspondante 
»  aux  parties  non  polychromées  des  chapiteaux. 

»   On  n'aura  appliqué  des  peintures  qu'aux  parties  des 

»  chapiteaux  placées  à  l'intérieur  de  l'édifice  provisoire,  qui 

»  constituait  la  nef  centrale,  depuis  le  transept  jusqu'aux 

»  gros  piliers  du  fond,  où  se  ti-ouvent  les  bénitiers. 

»   Le  mur  provisoire  de  clôture  ayant  été  ensuite  abattu 


—    189  — 

»  à  l'époque  do  la  conslruclion  des  basses-nefs,  on  n'aura 
»  plus  continué  l'ornemenlation  polychromes  des  cha- 
»   piteaux. 

T>  Le  bureau,  sans  se  prononcer  sur  le  mérite  de  l'expli- 
»  cation  qui  précède,  autorise  M.  le  curé,  qui  accepte 
»  généreusement  d'en  supporter  la  dépense,  à  faire  peindre 
»  (à  litre  de  spécimen)  les  deux  chapiteaux  précités  dans 
»  tout  leur  pourtour  et  à  dorer  les  feuilles  de  choux.  » 
VI.  Nous  continuons. 

La  gilde  étant  parvenue,  non  sans  peine  apparemment, 
à  remplacer  sa  vieille  chapelle  de  1304  par  un  édifice  déjà 
considérable,  dut  se  reposer  sur  ses  lauriers  pendant  nombre 
d'années.  Il  fallait  peut-être  acquitter  ses  dettes  et  se  créer 
de  nouvelles  ressources. 

.  Vers  le  milieu  du  xv*  siècle  on  reprit  courage;  on  songea 
sérieusement  à  l'achèvement  de  l'église,  mais  les  idées  archi- 
tecturales avaient  subi  des  modifications  :  le  nouvel  archi- 
tecte appelé  à  la  continuation  de  l'œuvre  dédaigna  de  se 
conformer  aux  plans  primitifs  et  à  la  pensée  de  son  prédé- 
cesseur. 

11  voulut  faire  mieux,  c'est  la  maladie  de  MM.  les  artistes, 
et  il  construisit  d'un  seul  jet,  dans  les  idées  de  la  fin  du 
XV*  siècle,  le  nouveau  chœur,  le  transept  (i)  et  les  basses- 
nefs.  Après  avoir  construit  le  portail  septentrional  vers  le 


(i)  La  clef  de  voûte  principale  de  ce  transept  est  ornée  de  l'écusson  d'un 
seigneur  qui  fut  un  grand  protecteur  de  cette  construction,  à  savoir  Guillaume 
Brant,  fils  de  Jean  Brant,  sire  d'Ayseau,  mort  sans  hoirs  le  15  mai  1447.  Il  fut 
enferré,  dit  M.  H.  De  Bruyn  (V.  §  5  ci-dessus),  devant  le  maitre-autel,  sous  une 
pierre  couverte  d'une  lame  de  cuivre;  mais  rien  ne  prouve  que  la  date  de  1447 
coïncide  avec  le  placement  de  cette  pierre  tumulaire. 


—  190  — 

Graiul-Sablon,  railisle,  inconnu  connne  son  prcdccesscur, 
éleva  vers  le  Petil-Sablon  le  portail  reslé  inachevé,  et  auquel 
il  donna  des  proportions  qui  l'obligèrent  à  remplacer  par  une 
rose  la  fenêtre  du  portail  opposé;  mais  il  faut  croire  que 
les  travaux  furent  derechef  interrompus,  on  ne  sait  pour- 
quoi, et  on  se  contenta  de  couvrir  ce  portail,  ainsi  que  les 
basses-nefs,  à  l'aide  d'une  toiture  provisoire  :  ce  fut  ainsi 
que  les  pignons  des  nefs  latérales  et  les  arcs-boutants  sont 
encore  à  l'état  de  projet. 

Lorsque  la  gilde  reprit  son  œuvre  favorite,  les  idées 
avaient  subi  de  nouvelles  modilicalions  auxquelles  on  se 
soumit  aveuglément.  On  voulait  une  entrée  monumentale  : 
un  troisième  architecte  en  fut  chargé  au  commencement  du 
xvi^  siècle,  et  toute  la  section,  au  delà  des  deux  gros  piliers 
auxquels  s'était  arrêtée  la  nef  centrale,  fut  traitée  dans  le 
style  de  cette  époque.  On  voit  par  un  acte  du  4  juillet  1515, 
cité  par  MM.  Henné  et  Wauters,  t.  III,  p.  405,  que  la 
chambre  des  comptes  donna  aux  maîtres  de  l'église  six 
frênes  (i)  pour  la  construction  des  voûtes  de  l'autel  de 
Saint-Éloy  (archives  de  ladite  chambre,  registre  n°  29),  à 
droite  en  entrant  (2). 

Le  fait  est  qu'en  1556   tout  était  terminé  :  cette  année 
Messire  Claude  Bouton,  seigneur  de  Corbaron,  fonda,  dans 


(1)  M.  De  Bruyn  dit  six  trembles,  —  il  cite  sur  ce  point  un  extrait  du  5  sep- 
tembre 1317,  tiré  d'un  registre  de  la  Chambre  dos  Comptes  existant  aux  archives 
de  l'État. 

(2)  Les  travaux  n'étaient  pas  terminés  en  1523,  puisque  le  7  septembre  de 
cette  année  Marguerite  d'Autriche,  dit  M.  Di:  BituvN,  accorda  une  gratification 
d'un  écu  d'or  au  soleil  aux  massons  et  luanoiivriers  besoigiians  en  Véglise  de 
N.-D.  du  Sablon. 


—  191   — 

celle  mèiiii!  chapelle,  en  llwnneur  de  la  Sainte-Croix,  une 
messe  ;i  clianler  tous  les  vendredis,  messe  qui  se  célèbre' 
encore  aujourd'hui,  ayant  élé  rétablie  en  1867. 

VII.  En  résumé,  trois  architectes  auraient  successive- 
ment présidé  à  la  construction  de  l'église  de  Notre-Dame, 
au  Sablon,  telle  que  nous  la  voyons  aujourd'hui. 

Le  premier  aurait  construit,  tout  à  la  fin  du  xiv*"  siècle  ou 
au  commencement  du  xv',  la  nef  centrale,  composée  de  cinq 
travées.  —  Première  période. 

Le  deuxième  architecte,  complétant  la  nef  centrale,  aurait 
construit  successivement  le  chœur,  le  transept  et  les  basses- 
nefs.  Ce  travail  n'aurait  été  terminé  que  vers  la  fin  du 
XV*  siècle  (i).  —  Deuxième  période. 

Enfin,  vers  le  commencement  du  siècle  suivant,  un  nouvel 
architecte  aurait  construit,  devant  la  grande  nef  et  les  nefs 
latérales,  le  portail  principal,  vers  la  rue  dite  des  Sablons  (2). 
—  Troisième  période. 

Les  troubles  religieux  et  politiques  qui  agitèrent  le  milieu 
et  la  fin  du  xvi"  siècle,  s'opposèrent  définilivemenl  à  la  con- 
tinuation des  travaux  :  le  mauvais  goût  et  les  idées  étroites 
des  artisans  dont  se  composaient  les  gildes,  compagnies 
essentiellement  bourgeoises,  se  mirent  de  la  partie.  Alors 


(i)  Lors  de  la  construction  des  bâtiments  adossés  à  la  basse-nef  méridionale, 
on  lit  disparaître  l'une  des  gracieuses  tourelles  qui  encadraient  si  bien  le  portail 
du  Petit-Sablon;  on  y  entrait  par  l'intérieur  de  Téglise,  de  même  que  du  côté 
opposé. 

(2)  La  porte  d'entrée  actuelle  a  été  complètement  dénaturée  à  une  époque 
incertaine.  Un  vandale  inconnu  a  supprimé  le  pilier  central  que  rappellent  encore 
les  deux  autres  portails  du  transept. 


—   192  — 

arriva  ce  que  MM.  Hcnne  el  Waulcrs  flétrissent  en  ces 
termes  : 

«  On  voit  dans  un  rapport  officiel  que  les  confrères, 
»  la  plupart  maçons,  charpentiers,  plombiers,  ardoisiers, 
»  vitriers,  plafonneurs,  etc.,  cherchaient  à  se  dédommager 
»  de  l'énorme  droit  d'entrée  qu'ils  avaient  à  payer,  en  obte- 
»  nant  l'adjudication,  pour  un  ou  deux  ans,  des  travau.x 
»  d'entretien  de  l'église  et  des  autres  bâtiments  du  Serment, 
»  travaux  qu'ils  avaient  soin  d'exécuter  le  plus  légèrement 
»  et  le  plus  chèrement  possible.  Aussi  la  plus  grande  partie 
»  des  gros  ouvrages  étaient-ils  en  mauvais  état  et  le  toit 
»  tombait  en  pourriture,  tandis  que  l'intérieur  de  l'église 
»   était  surchargé  de  boiseries  et  de  dorures.  » 

Pour  qui  connaît  l'état  des  choses,  ces  accusations  sont 
frappantes  de  vérité.  Non -seulement,  durant  tout  le 
xviii'=  siècle,  on  ne  daigna  pas  songer  à  l'achèvement  des 
parties  extérieures  de  l'église,  mais  on  s'abstint  de  rien 
réparer.  On  se  permit  même  de  boucher  en  partie  les 
fenêtres  admirables  qui  faisaient  de  la  chapelle  des  arbalé- 
triers une  véritable  châsse,  rappelant  les  splendeurs  archi- 
tectoniques  de  la  chapelle  royale  de  Saint-Louis,  à  Paris. 

L'édifice  semblait  voué  à  la  ruine,  lorsque  vers  1845, 
sous  le  rectorat  de  son  estimable  curé  M.  Nicolas  Van  Hoe- 
broeck,  on  en  entreprit  avec  courage  la  restauration.  Depuis 
cette  époque  les  administrateurs  de  l'église,  le  conseil  com- 
munal, le  conseil  provincial,  la  commission  royale  des 
monuments,  le  département  de  la  justice  enfin,  rivalisèrent 
(le  zèle  et  de  bonnes  intentions  pour  raviver  et  compléter 
la  pensée  des  artistes  éminents  à  qui  la  ville  de  Bruxelles 
doit  ce  chef-d'œuvre  d'architecture. 


—   195  — 

Une  des  gloires  de  l'espril  humain  est  d'élever  des  monu- 
ments; après  celle-là  vient  l'honneur  d'en  assurer  la  durée 
et  la  conservation  :  ce  sera  celui  du  siècle  présent,  malgré 
ses  défauts  et  ses  défaillances,  tandis  que  le  dernier  siècle 
aura  toujours  à  rougir  d'avoir  méconnu  et  répudié  le  génie 
des  architectes  du  moyen  âge  ! 

II.  W. 


ESSAI  HISTORIQUE 

SUR 

LES    TAPISSERIES 

ET 

LES  TAPISSIERS  DE  HAUTE  ET  DE  BASSE-LICE 
DE  BRUXELLES. 

(Suite.j 


VI. 

Ce  fut  au  XVI'  siècle,  au  momenl  où  la  tapisserie  bruxel- 
loise était  arrivée  à  l'apogée  de  sa  splendeur,  que  commen- 
cèrent à  s'ouvrir  pour  elle  des  concurrences  que  tarirent 
insensiblement  ses  ressources.  L'éclat  d'une  fabrication  qui 
avait  un  cachet  si  éminemment  artistique  la  faisait  recher- 
cher partout;  partout  à  l'étranger,  et  surtout  en  Italie  et  en 
France,  on  aurait  voulu  la  fixer  et  la  retenir.  Dans  les 
Pays-Bas  mêmes,  certaines  villes  tentèrent  dans  ce  but  des 
essais  qui  sont  curieux  à  constater,  bien  qu'ils  n'aient  pas  été 
couronnés  de  succès.  Ainsi,  à  Berg-op-Zoom,  les  bourg- 
mestres ,  échevins  et  anciens  échevins  consentirent,  le 
30  juillet  ioOo,  à  payer  pendant  cinq  ans  à  un  tapissier 
(legivercker)  nommé  Guillaume  De  Cramer  une  allocation 
annuelle  de  i  livres  de  gros  de  Flandre  dans  le  cas  où  il 
viendrait  se  fixer  dans  leur  ville.  Il  demanda  ensuite  oO  livres, 
outre  un  prêt  d'une  somme  égale,  pour  s'établir  à  Berg-op- 
Zoom  avec  quatre   mailres    ayant    chacun   trois   métiers, 


—  io:>  — 

métiers  à  cliacuin  desquels  Iravailleraieiit  (rois  ouvriers. 
Ses  offres  furent  lavorableinenl  accueillies  (15  décembre 
lo04)  (i).  Berg-op-Zoom  néanmoins  ne  devint  jamais  uii 
centre  industriel;  celte  ville  resta  un  port,  qui  atteignit 
son  maximum  d'activité  vers  le  milieu  du  xvi"  siècle. 

Un  essai  analogue,  mais  qui  ne  produisit  aucun  résultat, 
fut  tenté  à  Harlem  en  1559;  à  la  demande  d'un  fabricant  de 
tapisseries  nommé  André  De  Raedt,  les  bourgmestres  lui 
promirent  400  florins  carolus,  à  condition  qu'il  donnerait 
caution  de  rembourser  cette  somme  dans  le  délai  de  liuit 
années  et  qu'il  enseignerait  sa  profession  à  quelques  jeunes 
gens  fils  de  bourgeois  (2). 

François  I",  qui  avait  pris  plaisir  à  orner  ses  palais  de 
tentures  venant  des  Pays-Bas,  conçut  le  projet  d'en  faire 
fabriquer  de  pareilles  dans  son  royaume.  Il  réunit  à  Fon- 
tainebleau des  ouvriers  venus  de  nos  contrées  et,  pour 
encourager  leurs  efforts  et  les  retenir,  leur  accorda,  en  1336, 
de  grands  privilèges.  Plusieurs  villes  secondaires  de  France, 
notamment  Tours  et  Amiens,  eurent  alors  leurs  ateliers  de 
tapissiers,  ateliers  où  il  ne  se  faisait  que  de  la  haute-lice. 
Leurs  fabricats  étaient  très-estimés  et  le  dessin  en  passait 
pour  fort  correct  (3).  Ajoutons  qu'à  Orléans  demeuraient 
et  travaillaient,  à  la  date  du  16  février  1557-1558,  un  tapis- 
sier natif  de  Bruges,  Pierre  Godefroy,  et  son  oncle  (4).  Le 

(^)  Breeden  raeds  resolulien,  20  julii  ll76-lo  scpteinbris  1518,  aux  Archives 
de  la  ville  de  Berg-op-Zooni. 

(î)  KoESEN,  Over  eenige  tapytwerkeii  op  hct  sladimys  te  Haarlem,  dans  les 
publications  de  la  Société  historique  d'Utrecht,  Kronijk,  année  186G,  t.  Il, 
p.  503. 

(»)  De  Ville,  Mémoire  cité,  p.  110. 

(i)  Papiers  d'état  et  de  l'audience,  aux  Archives  du  royaume,  liasse  80. 


—  196  — 

fils  de  François  I",  Henri  II,  et  sa  bru,  la  célèbre  Catherine 
de  Médicis,  imitèrent  son  exemple,  et,  bien  que  les  établis- 
sements fondés  par  eux  n'aient  produit  que  des  résultats 
médiocres,  contrariés  qu'ils  furent  par  les  troubles  religieux 
de  la  seconde  moitié  du  xvi"  siècle,  ils  n'en  préparèrent  pas 
moins  la  création  de  la  fabrique  des  Gobelins,  dont  la  répu- 
tation devint  si  grande. 

Comme  on  l'a  déjà  fait  observer,  l'Italie  ne  prit  point  part, 
au  moyen  âge,  à  la  fabrication  des  tentures  historiées.  La 
vue  des  admirables  productions  sorties  des  fabriques  belges 
engagea  maintes  fois  les  communes  et  les  princes  à  appeler  à 
eux  nos  fabricants,  et  les  Médicis  réussirent  enfin  à  établir  à 
Florence  une  arazzeria;  mais  la  fabrique  placée  sous  la 
protection  de  ceux-ci  fut  uniquement,  comme  celle  de  Fon- 
tainebleau ou  plus  tard  celle  des  Gobelins,  une  dépendance 
des  palais,  où  l'on  travaillait  surtout  aux  frais  des  princes 
et  pour  eux. 

Qu'il  nous  soit  permis  d'ouvrir  ici  une  parenthèse  et  de 
revenir  sur  ce  que  nous  avons  dit  précédemment,  non  pour 
modifier,  mais  pour  compléter  nos  assertions. 

Tel  est  l'intérêt  qui  s'attache  actuellement  à  l'étude  des 
anciennes  tapisseries  qu'à  chaque  instant  il  se  public  des 
travaux  qui  leur  sont  consacrés.  Us  répandent  un  jour  nou- 
veau sur  l'histoire  d'une  industrie  qui,  pendant  longtemps,  a 
fait  honneur  à  notre  pays.  De  ce  nombre  est  le  volume  in- 
titulé :  L'arazzeria  Estense,  par  M.  G.  Campori,  publié 
dans  le  huitième  volume  des  .4///  e  memorie  délie  Rfi.  De- 
■puLazioni  di  Storia  patria  per  le  provincie  Modenest  e  Par- 
mensi  (Woûène,  1H76,  in-8"). 

On  y  voit  que  dès  le  second  tiers  du  xv"'  siècle  un  grand 


—  i\)l  — 

nombre  de  tapissiers  beiges  travaillèrent  en  Italie,  soit  |)our 
les  communes,  soit  pour  les  princes  tie  celte  contrée.  Leurs 
noms  par  malheur  sont  souvent  italianisés  et  rendus  j)ar  là 
méconnaissables.  Citons,  entre  autres  :  Jacques  de  Flandre 
dit  de  Angelo  (de  l'Ange),  Rainald  ou  Renaud  de  Flandre, 
nommé  aussi  Renaud  di  GuaUieri  (Wouters  ou  Waulers) 
délia  magna  ùassa,  surnommé  Boleram  ;  maitre  Pierre  de 
Andréa  (Andries?),  de  Flandre;  Liévin  Gillis,  de  Bruges,  et 
Bernardin  le  Flamand. 

Le  premier  entra  au  service  du  marquis  de  Ferrare, 
Nicolas  III,  et  accepta,  le  8  avril  145C  et  moyennant  3  livres 
par  semaine,  la  charge  de  réparer  les  bancali  ou  tentures 
et  les  parements  du  palais  (i).  Le  deuxième,  qui  était  natif 
de  Bruxelles,  obtint,  en  1436,  la  faculté  d'enseigner  son 
industrie  à  Sienne  (2);  il  alla  se  fixer  à  Ferrare,  où  tantôt 
il  vend  des  tapisseries,  et,  dans  ce  nombre,  Salomon  sur 
son  trône ,  tantôt  il  en  confectionne  pour  la  décoration 
du  bucentaure  ou  galère  ducale;  il  vivait  encore  en  14-79, 
lorsque  le  duc  Hercule  reconnut  lui  devoir  4-08  florins. 
Après  la  mort  du  duc  Nicolas  III  (arrivée  le  27  décembre 
1441),  Lionel,  son  fils  naturel  et  son  successeur,  grand 
protecteur  des  lettres  et  des  arts,  avait  employé  ce  Rainald, 
ainsi  que  ses  compatriotes  Pierre  de  Andréa,  Liévin 
Gillis  et  Bernardin.  Le  marquis  Borso,  qui  occupa  ensuite 
pendant  vingt  ans  (de  1450  à  1470)  le  trône  de  Ferrare, 
partagea  le  goût  du  temps  pour  les  tentures  historiées. 
Liévin  parait  avoir  été  un  homme  d'un  grand  talent.  Ayant 


(1)  Campori,  p.  II. 

(2)  Le  même,  citant  Documenii  per  la  storia  delV  arte  Sanese. 


—  198  — 

exécuté  pour  la  république  de  Florence  des  lapisseries,  il 
obtint  des  prieurs  de  l'art  (c'est  ainsi  que  l'on  appelait  les 
chefs  du  peuple  de  cette  ville),  le  2  juillet  l/*o7,  non-seule- 
ment une  forte  rémunération,  mais  une  attestation  conçue 
en  termes  très-louangeurs  (i).  Borso  d'Esté  lui  demanda  en- 
suite d'exécuter  des  tapisseries  dont  les  dessins  avaient  élé 
fournis  par  un  peintre  nommé  Gôme,  mais  il  s'éleva  entre 
Liévin  et  Pierre  de  Flandre  une  rivalité  qui,  en  14()3,  faillit 
entraîner  le  départ  de  celui-ci  de  Ferrare. 

Le  courant  qui  entraînait  les  tapissiers  belges  vers  l'Italie 
continua  pendant  tout  le  xv"  siècle.  En  l/pôo,  maître  Jacques 
Birgières,  de  Lille,  se  fixa  à  Pérouse  avec  sa  famille  et 
s'obligea  à  y  fabriquer  des  lapisseries  pour  le  palais  de  la 
commune  et  à  enseigner  son  métier  à  ceux  qui  désireraient 
l'exercer  ('2).  L'année  suivante,  le  2  décembre,  la  commune 
de  Ferrare  annonça  qu'elle  avait  accordé  des  privilèges  à 
Jean  Mille  et  Renaud  Grue,  de  France  (ailleurs  ils  sont  qua- 
lifiés de  Tournaisiens) ,  «  maîtres  experts  et  très-habiles 
dans  l'art  de  la  tapisserie  »  {maestri  solenni  cl  perfeclissimi 
de  l'arte  de  la  lapexarico).  Ces  industriels  s'étaient  engagés 
à  enseigner  leur  métier  moyennant  une  rétribution  de 
3  ducats  d'or,  payable  par  an  et  pendant  5  ans,  par  chaque 
apprenti  (3).  Mais,  soit  que  cette  somme  eût  élé  jugée  trop 
forte,  soit  conséquence  de  leur  manière  d'agir  envers  leurs 
élèves,  on  ne  voit  pas  les  Italiens  prendre  beaucoup  de  part 


(i)  Le  même,  d'après  Conti,  Ricerchc  storiche  suit'  arte  degli  arazzi  in 
Firenze,  pp.  4,  83. 

(2)  Le  même,  d'après  le  Giortiale  di  erudizionc  artislica  di  Periigia,  t.  II, 
p.  268. 

(î)  Le  même,  citant  Cittadki.la,  Notlzie  relative  a  Ferrant,  p.  G50. 


—  109  — 

à  la  confection  ou  à  la  rcparalion  des  tentures,  que  tantôt  on 
faisait  venir  de  Belgique,  tantôt  on  commandait  à  des  |)er- 
sonnes  originaires  de  ce  pnys.  Du  temps  de  Horso  d'Esté  on 
mentionne  encore  Giovanni  ou  Jean  de  Lattre,  d'Arras,  qui 
arriva  à  Ferrare  en  1461  ;  Rigo  ou  Errico  di  Ficmdra, 
d' AUcmagna  ou  ddla  Mirandola,  qui  entra  au  service  du 
marquis  en  1470,  etc.  Le  marquis  Hercule,  après  Borso, 
employa  en  outre  Jean  da  C or reg g io,  dliaussi  de  Ciicchiaris 
ou  Jean  de  Flandre  de  Corigia,  qui  travailla  pour  lai 
jusqu'en  1181;  Jean  Mille,  le  flamand  Jean  Costa  ou 
Costa,  etc. 

Les  efforts  des  princes  de  la  maison  d'Esté  n'aboutirent 
pas  à  de  grands  résultats.  En  1490,  il  n'y  avait  plus  à  Ferrare 
qu'un  tapissier,  Bernardino  di  Bongiovanni;  encore  était-il 
employé  exclusivement  par  le  duc  (i).  Mais  l'industrie  des 
tentures  historiées  se  releva  un  instant  à  Ferrare,  vers  le 
milieu  de  xvi*  siècle,  grâce  aux  encouragements  du  duc 
Hercule  H,  qui  attira  et  retint  à  sa  cour,  pendant  un  certain 
temps,  deux  tapissiers  flamands  dont  Vasari,  le  premier,  a 
conservé  le  nom.  Je  veux  parler  de  maitre  Nicolas  et  de  Jean- 
Baptiste  Rossi  ou  Roslo,  qui  exécutèrent  en  soie  et  or  un 
grand  nombre  de  tentures  dont  Jules  Romain  avait  peint  les 
cartons.  En  revenant  d'un  de  ses  voyages,  le  duc  ramena  avec 
lui  d'Allemagne,  ou  plutôt  des  Pays-Bas,  un  nombre  infini  de 
maitres  tapissiers  (2),  mais  il  se  trouva  alors  devant  une 


(i)  Bernardin  eut  pour  successeur  un  Bruxellois  :  Gérard  Slot,  allemand  (sic) 
de  Bruxelles  (m"  Gerardo  Alemano  de  Borselli),  qui  fut  nommé  en  1529  ot  mourut 
le  2  septembre  1362;  Gérard  Molinari  (Molenacrt?),  également  de  Bruxelles, 
vivait  à  Ferrare  à  la  même  époque  (Campori,  /.  c,  pp.  57  et  55). 

(2)  Idem,  p.  57. 


—  200  — 

autre  difiiciilté;  il  lui  manquait  des  bons  dessinateurs  de 
modèles.  Il  s'adressa  successivement  à  plusieurs  j3einlrcs 
italiens  cl  attira  également  à  sa  cour  Guillaume  Boides 
(Boydens?)  et  Luc  Gornelis. 

Guillaume  Boides,  dit  aussi  de  Malines  ou  le  Flamand, 
était  à  la  fois  peintre  et  orfèvre  ;  reçu  bourgeois  de  Ferrare 
le  27  juin  1344,  il  peignit  pour  le  duc,  de  ITUo  à  1555, 
des  cartons  représentant  des  paysages,  des  vues  de 
villes,  etc.  (j).  Luc  Gornelis,  que  l'on  appelait  d'ordinaire 
Luc  de  Hollande  ou  Luc  le  Flamand,  fut  gratifié,  à  partir 
du  1"  mai  1545,  d'une  pension  annuelle  en  grain  (2). 

Le  tapissier  Nicolas,  dont  le  nom  de  famille  était  Karcher 
(peut-être  Kerckx,  nom  essentiellement  bruxellois),  ne 
parait  pas  avoir  travaillé  beaucoup  à  Ferrare,  comme  son 
frère  Jean,  dont  la  marque,  consistant  en  un  I  et  un  K  réunis 
par  un  trait  formant  un  angle  et  surmonté  d'une  croix  (5), 
se  voit  sur  une  tapisserie  qui  porte  celte  inscription  :  factum 
■ —  FERRARI  —  AE  M.  D.  —  XXXV  (fait  à  FcH'arc,  1555). 
Cette  tapisserie  fait  partie  d'une  tenture  représentant  des 
épisodes  puisés  dans  les  Mélamorphoses  d'Ovide  et  dont 
l'encadrement  consiste  en  colonnes  revêtues  de  feuillages 
et  soutenant  une  architrave  ayant  en  son  milieu  un  écusson 
orné  de  l'aigle  des  Este  et  sur  lequel  on  lit  :  Herc.  II  dux  IIII 
(Hercule  II,  IV*  duc).  Une  autre  tapisserie,  où  on  voit  la 
Morl  de  la  Vierge,  et  qui  est  la  propriété  de  la  cathédrale  de 
Côme,  présente  la  même  marque  et  la  date  :  factum  fer- 


Ci)  Campori,  p.  64. 
(î)  Voyez  idem,  p.  6-i. 

(s)  Ce  monogramme  ne  peut  être  celui  du  peintre  Heemskerkc,  comme  l'a 
supposé  M.  Darcel. 


—  201   — 

l'.ARiAE  M.  D.  Lxn  ;  elle  a  ligiiré  à  rexposilioii  de  Milan  de 
1874,  îivcc  une  (roisième  portant  la  même  date  :  l' Entrevue 
du  roi Salomon  et  du  la  reine  de  Saba,  propriété  du  comte 
Jules  Lafranchini  (i).  .MM.  Gentili  et  Campori  nous  ont  fait 
connaître  en  outre  un  Louis  Karcher,  qui  a  également  tra- 
vaillé à  Ferrare  et  vivait  encore  en  1579. 

Gomme  on  peut  le  voir  dans  le  travail  de  M.  Campori, 
l'activité  de  l'atelier  de  Ferrare  fut  très-considérable  du 
temps  d'Hercule  II,  et  son  frère,  le  cardinal  Hippolyte, 
partagea  son  goût  pour  les  tapisseries  (2)  ;  mais,  après  eux. 


(1)  Voyez  le  catalogue  intitulé  :  Esposizione  storica  d'arte  iiidustriale  in 
Milano,  187-i;  Milan,  Trêves  frères,  187i,  gr.  in-8». 

(2)  Panr.i  les  tentures  que  le  cardinal  acheta,  nous  devons  citer  VHistoire  de 
Scipion,  qui  lui  fut  envoyée  d'Anvers  à  Rome  en  1531.  Une  tenture  de  ce  genre, 
composée  de  12  pièces,  probablement  la  même,  ornait  l'église  à'Ara-Caeli, 
a  Rome,  le  5  décembre  1571,  à  l'occasion  de  l'entrée  triomphale  de  Marc-Antoine 
Colonna,  l'un  des  vainqueurs  de  Lépante,  et  fut  alors  l'objet  de  l'admiration 
générale. 

D'après  l'auteur  qui  nous  sert  de  guide,  ces  tapisseries  de  VHistoire  de 
Scipion,  après  avoir  orné  en  dernier  lieu  le  palais  des  Este  à  Rome,  seraient 
actuellement  perdues  (Campori,  /.  c,  pp.  56  et  57).  Ne  pourrait-on  les  retrouver, 
au  moins  en  partie,  dans  celles  que  l'on  dit  avoir  été  portées  en  œariage  par 
Anne-Isabelle  d'Esté  au  duc  Ferdinand-Charles  de  Mantoue,  en  1670,  et  être 
devenues  ensuite  la  propriété  des  ducs  de  Modène.  Vendues,  en  1862,  par  ordre 
du  gouvernement  italien,  elles  tombèrent  entre  les  mains  d'un  marchand  nommé 
Pierre  Cattaneo,  qui  les  lit  reproduire  en  photographie  (Voyez  ces  photographies, 
accompagnées  d'un  texte,  dans  la  publication  intitulée  :  Album  primo  di  nndici 
magnifici  arazzi  eseguiti  sui  disegni  di  Giulio  Homano,  dello  Zuccaro  e  di  Yan 
Kessel.  Un  volume  oblong.  Milan,  1865  environ).  Achetées  à  Paris  par  Mgr  le 
prince  de  Chimai-Caraman,  elles  ornent  aujourd'hui  la  salle  de  bal  de  son  liùtel 
à  Bruxelles,  rue  du  Parchemin,  n"  10.  Il  n'en  subsiste  plus  (]ue  six  pièces, 
correspondant  aux  n"  12,  9,  '?,  ?,  ?  et  20  de  l'ancienne  grande  série  du  garde- 
meuble,  de  Paris,  et  représentant  : 

i°  L'entrevue  d'Annibal  et  de  Scipion  dans  le  voisinage  de  Carthage  ; 

2°  Scipion  accordant  la  vie  et  la  liberté  à  un  grand  nombre  de  prisonniers. 
Deux  génies  volant  dans  les  airs  tiennent  une  sorte  de  pommi'  portant  cette 


—  ^202  — 

Alplionse  II,  lils  d'Hercule,  ne  fit  que  peu  de  commandes 
et  peu  d'achats.  L'atelier  fondé  par  les  d'Esté  ne  survécut 
pas  à  l'occupation  de  Ferrare  par  les  troupes  papales  et  à  la 
translation  du  siège  de  la  principauté  à  Modène.  Une  partie 
des  richesses  mobilières  de  cette  famille  ducale  passa  aux 
Guise ,  et  de  la  sorte  échut  à  la  dynastie  royale  des 
Bourbons  de  France  (i). 


inscription  :  homani  ^  ducis  clementia  —  clementis  et  —  urbis  excidio  — 
compensata; 

5°  Le  triomphe  de  Scipioii.  Une  partie  du  cortège,  dans  lequel  plusieurs 
personnages  portent  des  vases  précieux  et  d'autres  emblèmes  de  la  victoire, 
monte  au  Capitole.  Au  bas,  au  côté  droit  de  la  tapisserie,  on  lit  ces  mots  :  i.ibeha 

DELETA   CARTAfilNE    —   ROMA   TRIOMPHAT  —  SIGNA   REKERT   PATRIO  —  SCIPO  PARTA 

jovis; 

-i"  Suite  du  cortège,  oii  l'on  remarque  surtout  les  chefs  de  l'armée  romaine  h 
cheval,  précédant  le  char  triomphal  du  héros  vainqueur.  A  coté  de  ces  person- 
nages un  peu  raides  et  maniérés,  à  l'avant-plan,  on  remarque  une  jeune  femme 
vue  de  dos,  se  tenant  a  un  arbre,  et  qui  est  placée  sur  un  tertre  dans  une  pose 
pleine  de  grâce; 

5°  Suite  du  cortège  :  hommes,  lenimes  et  enfants  prisonniers,  exposés  aux 
insultes  et  aux  mauvais  traitements  des  Romains  et  délilant  devant  un  superbe 
portique  couvert  de  spectateurs; 

G"  Cavaliers  romains,  les  uns  entourant  et  maltraitant  Syphax,  les  autres 
portant  des  trophées  de  victoire.  Un  écriteau  placé  sur  un  arbre  porte,  retourné, 
cette  inscription  :  ohm  meminisse,  —  juvabit. 

Ces  tapisseries,  qui  sont  fort  endommagées  et  ont  déjà  subi  des  réparations, 
sont  entièrement  en  soie;  elles  mesurent  i  mètres  (sauf  la  première  qui  n'a  que 
5"'80)  de  haut  sur  o-^oO,  G^oO,  7"'00,  6"'0O,  d™00  et  o^OO  de  large.  Elles  n'ont 
plus  ni  bordures,  ni  lisières. 

Le  musée  du  Louvre  possède  quatre  cartons  attribués  à  Jules  Romain,  repré- 
sentant le  Débarquement  de  Scipion  en  Afrique,  l'Entrevue  de  Scipion  avec 
Asdrubal  et  Syphax,  la  Défaite  de  Syphax  et  la  lialaitle  de  Zama,  qui  mesurent 
5"'72,  5"71,  ô'"l\  et  5"'75  de  hauteur  sur  o"'aO,  5'n75,  6"'o0  et  7"'08  de  large. 
Le  garde-meuble  national  renferme  encore  la  petite  tenture  de  Scipion,  en 
iO  pièces,  mais  non  la  grande,  qui  en  comprenait  22,  dont  on  peut  voir  les 
détails  dans  Raiset,  Notice  des  dessins  exposés  au  musée  du  Louvre,  p.  245 
(Paris,  1868,  in-12). 
(0  Gkntili,  /.  c.,  p.  51. 


—  203  — 

Mais  la  fabriciuc  de  Florence,  Varazzeria  Medicea,  (\o\\\. 
i\I.  rarchilecle  Schoy  a  révélé  en  Belgiqu(3  l'-iclivilé  el  l'exis- 
tence (i),  subsista  plus  longtemps.  Elle  eut  pour  fonda- 
teurs Nicolas  Karcher  et  son  compatriote  el  compagnon, 
maître  Jean  ou  Jean-Baptiste  Rosle  ou  Rostel,  que  Vasari 
appelle  Rossi  et  Félibien  Roux,  mais  qui  se  nommait  en 
réalité  Jean  Vander  Roost  et  était  de  Bruxelles.  Ses  opinions 
religieuses  ne  furent  peut-être  pas  étrangères  à  son  départ 
de  sa  ville  natale;  en  effet,  nous  y  voyons,  à  la  date  du  5  fé- 
vrier 1554-1555,  les  magistrats  sommer  de  comparaître  en 
justice,  sous  peine  de  mort  et  de  confiscation  des  biens, 
plusieurs  personnes  accusées  d'hérésie,  parmi  lesquelles 
figurent  Marguerite  Vander  Roost  et  ses  deux  filles  (-2).  Or, 
quelques  années  après,  en  1545,  Jean  Vander  Roost  habitait 
Ferrare  et  était  au  service  du  duc,  auquel  il  procura,  vers 
le  même  temps,  quatre  sacs  de  laine  amenés  de  Flandre. 
Si  l'on  en  croit  Vasari,  ce  fut  à  sa  demande  que  François 
Salviati  peignit  un  grand  nombre  de  cartons,  où  l'on  voyait 
{'Histoire  de  Tarquin  et  de  Lucrèce  la  Romaine,  el  qui 
furent  ensuite  exécutés  en  tapisseries  d'or,  de  soie  et  de 
laine.  11  ne  resta  pas  à  Ferrare,  el  dès  le  20  octobre  1546, 
lui  et  Nicolas  s'engagèrent  envers  le  duc  de  Florence,  Gôme 
de  Médicis,  à  diriger  Va7'az%eria  de  cette  ville.  On  l'appelle 
d'ordinaire  Jean  Rostel  de  Flandre,  mais  d'après  son  contrat 
même  et  d'autres  documents  plus  explicites,  son  véritable 
nom  était  Jean  Vander  Roost,  fils  de  Laurent,  et  natif  de 


(1)  Journal  des  Beaux-Arts,  XVIIP  année,  n"  !,  oii  j'ai  puisé  presque  tout 
ce  qui  concerne  ici  la  fabrique  de  Florence. 

(s)  Au  nombre  des  accusés  se  trouvent  encore  un  tapissier,  Jean  Boetwinckele 
et  sa  femme.  Wit  Conrctie  boeck,  aux  Archives  de  la  ville  de  Bruxelles. 


—  204  — 

Bruxelles.  Sa  naissance  cloil  so  placer  avant  l'année  loOO, 
car,  en  1500,  il  élail  déjà  Irès-vicux;  devenu  inhabile  à 
exercer  sa  profession,  il  dut  réclamer  de  son  fils  Jean  une 
pension  alimentaire,  (pic  l'on  fixa  à  ii  livres  par  semaine. 
Ainsi  le  décidèrent,  le  8  avril  loOO,  à  l'intervention  de 
l'horloger  brabançon  maitre  Jean,  lils  de  René  de  ïirle- 
monl  ou  Van  Thienen ,  trois  arbitres  choisis  parmi  les 
habilants  de  Florence  :  maitre  Laurent  Torre7itinns{'èlonn), 
imj)rimeur  ilamand,  et  deux  tapissiers  brux(;llois  :  maitre 
Arnoul  d'Arien  ou  Van  Harlem  et  maître  Balthazar  Dreco- 
rinck  ou  De  Goninck. 

Vander  Roost  exécuta,  pour  la  salle  dite  des  Deux  Cents, 
à    Florence,   des    tapisseries   qui  coulèrent   60,000  écus. 
Alexandre  Allori  dit  le  Bronzino  et  Jaccjues  Carrusci  da 
Ponlormo  dessinèrent  ensuite,  sur  l'ordre  du  grand  duc, 
quelques  épisodes  de  l'Histoire  de  Joseph;  mais  on  n'en  fut 
pas  satisfait,  selon  Vasari,  et  on  demanda  le  restant  du  môme 
travail  à  Salviati,  qui  peignit  notamment  l'épisode  des  sept 
vaches  grasses  et  des  sept  vaches  maigres.  En  effet,  comme 
raj)prennent  les  archives  de  Florence,  Vander  Roost  exécuta, 
de  1547  à  1549,  d'après  le  Bronzino  :  Joseph  vendu  par  ses 
frères  cA  Joseph  en  prison  et,  d'api'ès  le  l*onlorn]o,  la  Coupe 
de  Joseph.  Son  an(;ien  associé  Nicolas  ne  le  quitta  pas,  car, 
à   la  même  époque,  -il   fil  :  d'après  Salviali,  le  Somje  de 
Pharaon  H'épisode  cité  plus  haut),  et,  d'après  le  Rronzino, 
r Arrestation  de  Benjamin,  Joseph  échappant  à  la  femme 
de  Putiphar,  etc.  Plusieurs  des  œuvres  de  Vander  Roost  se 
Iruuvaieni  à  l'exposition  de  Milan  et  se  faisaient  reconnaître 
à  sa  marque,  constituant  ime  espèce  d'ai-moii'ie  parlante  et 
se  com|)osant  d'un  morceau  de  vianch;  ou  poulet  embroché, 


|)Oi"té  sur  deux  chenols;  loulo  In  l'orr;iiIlo  osl   (\o  coultMir 
bleue  et  le  rùli  coloré  au  naturel. 

Cet  industriel  resta  en  bons  termes  avec  le  duc  de  Ferrare, 
comme  le  prouve  sa  correspondance  avec  ce  prince,  que 
M.  Campori  a  publiée  (i).  Après  avoir  eniçagé  Hercule  II  à 
se  décider  au  sujet  des  tapisseries  que  le  duc  comptait  faire 
confectionner  et  pour  lesquelles  tout  était  prêt,  ouvriers  et 
matières  premières  (lettre  du  23  janvier  1;i!jl),  Vander 
Roost  parvint  enfin  à  le  décider  et  se  mit  à  l'œuvre.  Nous 
le  voyons,  le  24  juin  1555,  réclamer  le  paiement  de  150  écus 
d'or,  dont  80  furent  comptés  à  son  fils  Jean  le  8  juillet  de 
la  môme  année.  En  1558,  notre  tapissier  dut  écrire  de  nou- 
veau à  Gùmo,  et  nous  voyons  par  les  lettres  de  recomman- 
dation qu'envoyèrent  pour  lui  le  duc  de  Florence  et 
Alpbonse  d'Esté,  le  fils  même  du  duc  do  Ferrare,  combien 
il  était  considéré.  Il  s'agissait  de  tapisseries  qui  avaient  été 
confiées  par  Vander  Roost  à  un  Vénitien,  Louis  Serafino, 
et  qui  avaient  été  saisies  par  les  créanciers  de  celui-ci  ;  on 
prétendait  les  vendre,  sans  respect  pour  les  droits  évidents 
du  fabricant. 

A  partir  de  15G0  les  travaux  de  notre  compatriote  furent 
continués  par  son  fils  du  même  nom,  qui  se  disait  peintre. 
L'année  suivante,  ce  second  Vander  Roost  entreprit  l'His- 
toire de  David,  d'après  les  cartons  de  Vasari,  l'artiste- 
biographe.  Mais,  circonstance  curieuse  et  dont  l'importance 
n'échappera  pas  au  lecteur,  ce  fut  un  Belge  qui,  à  cette 
époque,  fournit  à  l'atelier  de  Florence  presque  tous  les  mo- 
dèles dont  il  avait  besoin.  Jean  Vander  Straeten,  de  Bruges, 


(i)  L.  c,  pp.  108  et  suivantes. 


—  206  — 

plus  connu  sous  le  nom  de  Stradanua,  îivait  depuis  long- 
temps quidé  sa  patrie.  Après  avoir  promené  de  ville  en  ville 
sa  palette  vagabonde,  il  se  fixa  dans  la  ville  des  Médicis,  où, 
de  1560  à  1576,  il  peignit  la  Vie  deV Homme,  l'Histoire  du 
roi  Assuérus,  rflisloire  d'Ulysse,  l'4Iistoire  de  Salomon, 
l'Histoire  d'Hercule,  l'Histoire  du  roi  Cyrus,  la  Guerre  de 
Sienne,  l'Histoire  de  Laurent  le  Magnifique,  etc.  Jean 
A'nnder  Straeten  est  l'aulcur  d'une  longue  suite  de  dessins 
représentant  des  chasses  de  toute  espèce  et  qui  ont  été 
gravés  par  Charles  Collaert  et  réunis  en  volume.  Ils  ont 
probablement  servi  de  modèles  pour  une  tenture,  dont  une 
pièce,  la  Chasse  à  l'autruche,  existe  dans  la  collection  de 
MM.  Braquenié.  Elle  a  4 '"10  de  haut  sur  5"'-^(0  de  large  et 
est  encadrée  par  une  belle  bordure  de  la  Renaissance,  avec 
personnages.  Son  origine  est  bruxelloise,  comme  le  prouve 
la  marque  qui  se  trouve  dans  le  galon  bleu  du  bas,  à 
gauche;  à  droite  on  voit  un  monogramme  formé  des  lettres 
capitales  I  et  B  reliées  par  un  petit  o  (i). 

Avec  lui  ou  du  moins  concurremment  avec  lui  un  trouve 
le  peintre  Frédéric,  fils  de  Lambert  Sustermans  (en  1565), 
et  les  tapissiers  Albert  Olbrechts  (à  partir  du  l"  mars  1576) 
etCorneille  d'Anzolbreche  ou  Alsembcrg  (en  1577).  Plus  lard 
d'autres  artisans  accusent  aussi  par  leur  nom  une  origine 
flamande,  comme  maître  Jean  Serjacobs,  qui  fut  proviseur 
i]e\'arazzeria  de  1587  à  1598;  Jacques,  fils  de  Gilles  ou 
Gillis,  et  Henri,  fils  de  Jean  ou  Janssens,  cités  en  1596,  etc. 


(»)  .le  dois  ces  renseignements,  ainsi  que  tons  ceux  que  je  donnerai  plus  loin 
sur  des  tapisseries  appartenant  h  Mil.  Iiracqiienié;^a  l'ohligeancc  de  M.  Daut- 
zcnberg. 


—  207  — 

Vers  1020,  lorsque  les  travaux  de  la  maïuifacture  florentine 
reprirent  de  la  vigueur,  après  avoir  subi  un  ralentissement 
notable,  ce  furent  encore  des  Flamands  qui  presque  toujours 
lui  donnèrent  de  la  vie,  soit  en  lui  fournissant  des  carions, 
soit  en  la  dirii^eant  en  Tjualité  de  capi  d'arazzerie  ou  chefs 
de  la  fabrique  de  tapisseries.  Parmi  les  premiers  figurent 
Corneille  le  Flamand  et  Josse  Sustermans  ;  au  nombre  iks 
seconds  on  peut  mentionner  Jacques-Ebert  de  Ilasselt  ou 
Van  Hasselt  (de  1621  à  1630),  Bernard  Van  Hasselt,  qui 
était  mort  à  la  date  du  12  août  1G75;  Pierre  Peys,  cité  en 
i702.  Quelques-uns  d'entre  eux  travaillèrent  aussi  comme 
maîtres  indépendants,  c'est-à-dire  pour  leur  propre  compte. 
Enfin,  en  1757,  l'atelier  ducal  se  ferma  l'année  même  de  la 
mort  du  dernier  des  Médicis. 

Uarazzeria  Medicca  a  donc  existé  près  de  deux  siècles, 
de  1o46  à  1757.  Dans  la  belle  collection  de  tapisseries  qui 
se  conserve  au  palais  des  JJffizi,  sur  800  pièces  il  en  est 
près  de  600  qui  en  proviennent;  les  200  autres  ont  été  exé- 
cutés, soit  aux  Pays-Bas,  soit  aux  Gobelins. 

Si  nous  reportons  nos  regards  vers  la  Belgique,  au  mo- 
ment où  les  derniers  Valois,  les  Médicis  et  les  Este  com- 
blaient de  faveurs  les  tapissiers  qui  consentaient  à  se  fixer 
dans  leurs  domaines,  nous  y  voyons  l'industrie  bruxelloise 
entrer  en  lutte  avec  des  concurrences  peu  loyales.  Un  mar- 
chand de  Bruxelles,  nommé  Nicolas  Hellinck,  et  qui  était 
receveur  communal,  fat  accusé  d'avoir  fait  vendre  à  Anvers, 
par  un  courtier  du  nom  d'Amand  Vrancx,  comme  bruxel- 
loises, des  tapisseries  provenant  d'Enghien,  dont  on  avait 
caché  la  marqueau  moyen  d'encre.  Guillaume  De  Pannemae- 
ker,  qui  paraît  avoir  été  à  cette  époque  l'âme  de  la  corpora- 


—  208  — 

lion,  se  plaignil  à  la  duchesse  de  Parme,  oouvcrnante  géné- 
rale des  Pays-Bas,  qui  ouvrit  immédiatement  une  enquête  à 
ce  sujet.  Le  «  garderobbe  >  de  la  duchesse,  Jean  N...., 
de  concert  avec  De  Pannemaeker,  se  rendit  chez  Hellinck 
pour  voir  ces  tapisseries,  mais  il  n'y  en  avait  plus  qu'une  à 
Bruxelles;  les  autres  se  trouvaient, lui  dit-on,  à  Anvers,  Hel- 
linck n'ayant  pu  s'accorder  pour  les  vendre,  ni  avec  le  duc 
de  Savoie,  ni  avec  le  prince  d'Orange,  ni  avec  le  comte  de 
Zwarlsenbourg.  Le  serviteur  de  la  duchesse  prit  assez  mal 
cette  réponse  et  déclara  à  Hellinck  qu'  «  il  le  Uiy  feroit  bien 
faire  »,  c'est-à-diro  qu'il  le  forcerait  bien  à  montrer  les  ten- 
tures. Mais  le  marchand  ayant  demandé  à  De  Pannemaeker 
si  l'on  voulait  agir  de  violence  à  son  égard,  celui-ci  s'interposa 
et  apaisa  la  querelle. 

L'affaire  toutefois  n'en  resta  i)as  là  cl,  le  1 1  novembre 
1559,  Hellinck  et  Yrancx  furent  appelés  devant  le  président 
Viglius.  Interrogé  sur  l'origine  des  tapisseries  qui  étaient 
devenues  la  propriété  de  la  duchesse,  le  premier  répondit 
qu'elles  avaieni  été  faites  à  Enghien,  et  comme  on  le 
questionnait  au  sujet  des  marques  qui  en  auraient  été  enle- 
vées, il  répondit  qu'il  n'y  avait  pas  de  raison  pour  cela, 
«  puisque,  ajoula-t-il,  on  y  fait  (c'est-à-dire  à  Enghien)  aussy 
»  bon  ouvrage  qu'en  ceste  ville  et  que  autrement  les  tapis- 
»  séries  pourroient  sembler  trop  faictes  en  lieu  incongneu.  » 
L'observation  de  Hellinck  était  tout  simplement  une  insulte 
déguisée  à  l'adresse  de  De  Pannemaeker  :  comparer  les  tapisse- 
ries d'Enghien  à  celles  cpii  sortaient  des  ateliers  de  Bruxelles, 
c'était  évidemment  contester  la  supériorité  de  ces  dernières 
et  en  particulier  des  chefs-d'œuvre  sortis  des  mains  du 
célèbre  fournisseur  de  Charles-Quint. 


—  209  — 

Les  explications  de  Vranex  fournissent  des  preuves  plus 
explicites  de  la  fraude  commise.  Nous  allons  en  reproduire 
le  texte,  pour  ne  pas  risquer  d'en  altérer  le  caractère  : 

«  Interrogué  s'il  n'y  a  point  quelque  ordre  en  Anvers  sur 
»  le  fait  des  tapisseries  qui  se  vendent  et  s'elles  (i)  sont 
»  justes  et  léalles  (2),  dit  que  non. 

»  Interrogué  si  les  mareques  de  la  dicte  tapisserie,  quant 
»  il  les  a  vendu,  sont  esté  toutes  effacées,  dit  qu'il  ne  l'a 
»   veu,  sinon  en  deux  ou  trois  pièces. 

«  Interrogué  s'il  scait  à  parler  dont  vient  la  faulte,  dit  que 
»   non. 

»  Interrogué  quant  les  dictes  pièces  luy  sont  venues  en 
»   main  s'il  ha  veu  les  marques,  dit  que  non. 

»  Sur  ce  que  mon  dict  sMe  Président  liiydit  puisqu'il  estoit 
)'   courretier,  il  debvoit  bien  regarder  la  marcque,  respondit 

quH  scavoit  bien  qu'elle  n'estoU  point  de  Bruxelles,  bien 
elle  en  tenait  la  marcque. 

nterrogué  s'il  scavoit  douques  dont  la  dicte  tapisserie 
»  venoit,  respond  avoir  dit  aux  acheteurs  quelle  nestoit 
»  point  de  Bruxelles,  mais  bien  appartenant  à  ung  de 
»   Bruxelles. 

»  Interrogué  à  qui  qu'il  l'ha  dit,  respond  (pi'il  ne  scait  à 
)>   quy. 

»  Interrogué  s'il  en  a  parlé  à  Nicolas  Hellinck,  dit  que 
»  si  (5)  et  que  le  dict  Hellinck  dit  ne  scavoir  ce  qu'il  en 
»  est. 


(1)  Cest-à-dire  si  elles. 

(2)  Loyales. 

(3)  Si,  c'est-à-dire  oui. 


—  210  — 

»  Inlerrogué  comment  il  ha  congiieii  que  la  dicte  lapis- 
)>  série  n'estoit  point  de  Bruxelles,  dit  que  par  la  marcque. 

»  Item  dit  le  dict  courretier  icelle  tapisserie  avoir  esté 
«  vendue  pour  le  prix  de  (rois  florins  douze  sols  l'aulne  et 
»  que  ce  sont  huit  pièces,  dont  pour  sa  paine  il  ha  eu  trois 
»   gros  sur  la  livre.  » 

De  Pannemaeker,  rappelé  par  le  président,  aflirma  que  de 
ces  huit  pièces  plusieurs  ne  portaient  pas  de  marques  et  que 
sur  cinq  ou  six  les  marques  étaient  «  hostées  avecq  de  l'encre 
el  qu'il  n'avoit  trouvé  aucunes  marques  de  la  marque  de 
Bruxelles,  sinon  les  marques  d'Enghien  hostées.  »  Vrancx 
fut  invité  à  ne  pas  quitter  Bruxelles  en  attendant  que  Viglius 
eut  conféré  de  l'affaire  avec  Marguerite  de  Parme  (i). 

A  la  suite  de  cet  incident,  au  mois  de  mars  1539-1500, 
les  doyens  et  jurés  du  métier  des  tapissiers  de  Bruxelles, 
d'accord  avec  les  bourgmestres,  échevins,  receveurs  et  con- 
seil de  cette  ville,  représentèrent  au  conseil  de  Brahant  que 
l'empereur  Charles-Quint  avait  fait  publier  le  "IS  juillet 
1551  une  ordonnance  générale  pour  les  tapissiers,  mais 
qu'on  ne  l'observait  pas  à  Anvers,  où  cette  industrie  se 
développait  de  plus  en  plus.  Quelquefois,  direnl-ils,  on  s'y 
avise  d'ôlcr  les  marques  (jui  sont  placées  sur  les  tentures  et 
on  vend  alors  ces  dernières  comme  si  elles  étaient  de 
Bruxelles  {Brusselsche  taïAsseryen);  jiarfois  aussi,  ajoutè- 
rent-ils, on  n'hésite  pas  à  placer  sur  les  tentures  les  manjues  de 
cette  ville,  sans  égard  ))Our  la  défense  sévère  contenue  dans 
l'art.  89  de  l'ordonnance  précitée.  Le  conseil  de  Brahant  ht 
alors  dépêcher  des  lettres  closes,  qui  furent  présentées  par 

(i)  Papiers  d'élal  et  de  VaucUence,  liasse  n"  90. 


—  211   — 

l'un  de  ses  huissiers,  le  22  mars,  au  hour^meslrc  d'Anvers, 
sire  Henri  de  Bercheni,  mais  celui-ci  s'excusa  de  ne  pas  les 
publier  immédiatement.  Il  prétendit  d'abord  qu'on  ne  lui  en 
avait  pas  remis  l'original,  tandis  que  c'était  une  co))ie  en  due 
forme,  aulbenlique  au  possible,  signée  par  l'un  des  secré- 
taires. Puis,  lorsqu'on  lui  fit  remarquer  que  non-seule- 
ment Bruxelles,  mais  Louvain,  Tii-Iemont,  Diest,  Gand, 
Bruges,  Audenarde,  Grammont,  Tournai,  Enghien,  Binche, 
Hal,  Lembecq,  etc.,  observaient  exactement  les  prescrip- 
tions de  l'empereur,  l'industrie  de  la  tapisserie  constituant 
l'une  des  principales  des  Pays-Bas,  les  magistrats  d'Anvers 
élevèrent  une  autre  contestation  :  ils  alléguèrent  leurs  privi- 
lèges et  demandèrent  qu'on  modifiât  l'ordonnance  impériale 
de  1544  (qui  avait  été  publiée  de  nouveau  en  1551);  on 
leur  répondit  qu'il  n'y  avait  dans  cette  dernière  rien  de 
contraire  à  leurs  immunités  et,  sans  s'arrêter  à  leurs  objec- 
tions, le  conseil  de  Brabant  ordonna,  le  28  juillet  1562,  la 
publication  immédiate  de  l'édit,  publication  qui  devait  avoir 
lieu  en  présence  du  margrave  ou  de  l'écoutète  (i). 

Il  semble  qu'à  cette  époque  Anvers,  qui  devenait  de  plus 
en  plus  un  centre  commercial  de  premier  ordre,  attirait  les 
fabricants  par  les  ressources  qu'ils  trouvaient  pour  la  vente 
de  leurs  produits  dans  celte  Galerie  des  Tapissiers  ou 
Tapissiers  pard  que  l'on  avait  établie,  en  1551  et  1552,  dans 
l'ancien  couvent  des  Jacobins  ou  Dominicains,  et  aussi  par 
l'absence  de  contrôle  sur  la  fabrication,  cette  dernière  a\'ant 
cessé  d'y  être  le  monopole  d'une  corporation.  Parmi  les 
Bruxellois  qui,  vers  1560,  quittèrent  leur  ville  natale  pour 


(i)  Registres  du  Conseil  de  Brabant,  ïi"  62i,  î°  55. 


—  212  — 

s'établir  à  Anvers,  on  doil  citer  un  tapissier  nommé  Michel 
De  Vos. 

Les  magistrats  ayant  projeté  d'orner  la  chambre  des  États, 
dans  le  nouvel  hùlel  de  ville,  de  riches  tapisseries  représen- 
tant le  cours  de  l'Escaut  et  de  ses  affluents  depuis  Middel- 
bourg  jusqu'à  Bruxelles,  avec  paysages  copiés  dans  le 
Brabant  (i),  il  se  présenta  pour  accomplir  ce  travail,  en 
alléguant  <|u'il  avait  déjà  exposé  des  tapisseries  au  Pant  cA 
(]u'il  espérait  augmenter  considérablement  le  renom  des  ta- 
pisseries anversoises  (^2).  Les  bourgmestres  et  les  échevins 
renvoyèrent  la  demande  de  De  Vos,  le  15  janvier  1563-1564, 
à  deux  commissaires  spéciaux,  les  doyens  de  la  Halle  aux 
draps  Antoine  Van  Straten ,  chevalier,  et  sire  Melchior 
Schets,  qui  l'invitèrent  à  préciser  davantage  ses  propositions. 
Il  les  formula  alors  de  la  manière  suivante  :  le  peintre  de  la 
ville  serait  allé  avec  lui  prendre  le  croquis  des  endroits  où 
commencerait  et  finirait  le  pays  représenté  et  des  chemins 
et  paysages  à  reproduire.  De  Vos  s'engagea,  si  on  le  choi- 
sissait, à  terminer  en  deux  ans  les  tapisseries  qui  seraient  en 
soie  et  en  or,  aussi  coûteuses  (costelyck)  qu'on  l'exigerait; 
il  consentit  à  n'être  payé  que  trois  ou  six  mois  après  l'achè- 
vement du  travail,  et  à  ce  que  l'on  défalquât  sur  le  prix  con- 
venu les  sommes  qu'il  devait  à  la  ville.  Nous  n'avons  pu 
découvrir  si  ces  ofTres  avaient  été  agréées. 


(0  Nu  heeft  de  suppliant  verstaen  dat  uwe  Ecrw.  wel  soude  willcn  hebben 
sekerc  nyeuwe  sorte  van  costelicke  tappitserye  dienende  totte  chierate  in  de 
staelcamerc  van  den  nyeiiwen  stadtlniy.se  alliier,  goniaict  na  den  cours  van  der 
rivière  van  Middelborch  aff  lot  Brusselc,  nielle  Brabantsclie  landouwe  daer 
oratrent,  nae  dleveii  gelegen.  Papiers  d'étal  et  de  r audience,  liasse  100. 

(î)  Dat  synen  handele  van  Antwerpschc  tappisseryen  groolelick  vermaerl  ende 
gercnoraeert  sal  wordden.  Ihidem. 


—  213  — 

Les  poursuites  exercées  au  nom  de  Pliilippe  II  contre  les 
partisans  des  idées  nouvelles  en  matière  de  religion  el  l'an- 
nonce de  l'arrivée  du  duc  d'Alljc  eurent  pour  résultat  de 
chasser  du  pays  un  grand  nombre  d'artistes  et  de  fabricants. 
Nous  eûmes  alors,  sur  une  échelle  plus  grande  encore,  notre 
Révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Parmi  les  personnes  qui 
furent  incarcérées  à  cette  époque  à  la  Vrunte  ou  prison 
de  Bruxelles,  nous  rencontrons  un  bourgeois  qui  portait  le 
nom    que    tout    une    dynastie   de    tapissiers    honora    au 
XVII*  siècle,  celui  de  Raes,  et  un  peintre  appelé  André  DeMan; 
mais  François  Raes,  ainsi  que  sa  femme  et  quelques  autres 
accusés,  de  même  que  De  Man  et  ceux  qui  avaient  été  arrêtés 
avec  lui,  parvinrent  à  s'enfuir.  On  dut  se  borner  à  lancer 
contre  eux  un  ban  ou  sentence  par  contumace,  le  20  août 
1561  et  le  20  août  1565.  Les  peintres  Jean  de  Witte  et 
Nicolas  Van  Orley  quittèrent  aussi  Bruxelles;  sur  l'invita- 
tion du  duc  de  Wurtemberg  Christophe,  ils  allèrent  décorer 
le  château  de  Stuttgard,  commencé  par  ce  prince  14  ans 
auparavant  et  qui  depuis  a  été  rééditié.  Ils  y  peignirent  des 
plafonds   et  y  dessinèrent    des  cartons   pour  tapisseries. 
D'après  M.  Rahlenbeek  (i),  le  duc  Christophe  implora  en 
vain  le  duc  d'Albe  pour  eux,  et,  en  effet,  les  deux  artistes 
figurent  sur  la  liste  de  proscription  dressée  par  le  conseil 
des   troubles,  le  15  février  1569-1570.  Van  Orley  aban- 
donna Stuttgard  pour  Cologne,  où  De  Witte  se  fixa  égale- 
ment avec  deux  autres   Bruxellois,  proscrits  comme  lui, 
Adrien  De  Conincxloo ,  marchand   de  draps  de  laine,  et 
Raimond  Reingout. 

(i)  Messager  des  sciences  historiques,  année  1862,  p.  285. 


—  214  — 

Nous  avons  déjà  remarqué  que  les  vengeances  exercées 
au  nom  de  Pliilippe  II  frappèrent  le  monde  des  artistes  et 
des  fabricants  à  Enghien  et  à  Bruxelles.  Dans  cette  der- 
nière ville,  le  tapissier  Jean  Van  Diegem;  à  Tournai,  le 
«  hauUelisseur  »  Arnoul  Ilenno  furent  aussi  proscrits.  On 
ne  se  borna  pas  à  ces  mesures  contre  les  personnes,  les  i)ro- 
duits  de  l'industrie  des  tapisseries  furent  saisis,  avec  le  res- 
tant des  mobiliers,  dans  les  liùlels  de  ceux  qui  étaient 
accusés  ou  avaient  quille  le  pays.  Presque  tous  nos  grands 
seigneurs  possédaient  de  riches  tentures  et  surtout  des  tapis- 
series bruxelloises.  On  fit  un  choix  des  plus  belles,  qui  furent 
réservées  pour  le  roi  et  envoyées  ;i  Madrid;  quant  aux 
autres,  on  en  fit  don  à  de  fidèles  serviteurs  ou  on  en  pres- 
crivit la  vente  à  l'encan  (i).  Quand  les  partisans  de  la 
réforme  triomphèrent  à  leur  tour  et  furent  maîtres  de 
Bruxelles,  ils  procédèrent  de  la  même  manière,  et  l'on 
vendit,  en  1580,  aussi  bien  des  tapisseries  provenant  du 
jialais  et  de  rancienne  salle  du  conseil  des  troubles  que 
celles  de  la  chapelle  de  Ravestein,  aux  Dominicains,  et  de 
réalise  du  Sablon.  Dans  l'une  et  l'autre  de  ces  occasions, 
des  objets  d'art  de  grande  valeur  et  d'un  haut  intérêt  furent 
les  uns  exportés  du  pays,  les  autres  aliénés  à  vil  prix  et 
dispersés  (2). 

Le  duc  d'Albe  partageait  le  goût  de  cette  époque  |)our  les 
tapisseries.  A  peine  installé  dans  son  gouvernement,  il  char- 
gea un  tapissier  nommé  Jean  Flameng  d'en  exécuter  pour 


(0  Voyez  (le  plus  grands  détails  a  ce  sujet  dans  VArl,  iiiiniéro  du  !2G  no- 
vembre 1876. 

(î)  Bullelins  delà  Commission  royale  (llnstoire,  ô«  série,  I.  \IV,  p,  307. 


—  ^215  — 

lui;  mais,  soit  que  ce  inailre  fui  étranger  à  Bruxelles,  soit 
pour  quelque  autre  iiiotil',  le  métier  souleva  des  diflicultés. 
Le  duc  n'était  pas  homme  à  s'arrêter  devant  une  pareille  op- 
position. Le  6 juillet! 568,  il  écrivit  à  Jean  de  Locquengliien, 
qui  était  amman,  c'est-à-dire  premier  officier  du  souve- 
rain à  Bruxelles,  d'aider  de  tout  son  pouvoir  Flameng,  afin 
qu'il  pût  se  procurer  des  maîtres  ou  autres  ouvriers  et  quatre 
«  instruments  »  ou  métiers  à  travailler.  Les  tapissiers,  disait-il 
en  terminant,  ne  sont  pas  fondés  dans  leurs  prétentions, 
l'ouvrage  se  faisant  au  palais  et  pour  le  duc  lui-même  (i). 

Il  est  resté  un  autre  témoignage  de  ce  goût  du  célèbre 
lieutenant  de  Philippe  IL  En  mémoire  des  succès  qu'il  rem- 
porta aux  bords  de  l'Ems,  à  Gemmingen,  sur  les  troupes 
commandées  par  Louis  de  Nassau  ,  il  fit  confectionner,  à 
Bruxelles,  trois  tapisseries  tissées  d'or  et  d'argent,  qui  sont 
décrites  dans  le  catalogue  des  objets  d'art  provenant  des 
maisons  d'Albe  et  Berwick,  et  qui  ont  été  mises  en  vente 
à  Paris,  au  mois  d'avril  1877.  Elles  ont  été  exécutées  dans  les 
ateliers  de  Guillaume  De  Pannemaeker,  dont  on  voit  la 
marque,  consistant  en  un  W  (initiale  de  Willem  ou  Guil- 
laume), surmonté  d'un  P  deux  fois  barré,  sur  la  troisième 
pièce;  en  outre,  cette  dernière  et  la  première  présentent  les 
deux  B  de  rigueur,  séparés,  non  par  un  écusson,  mais  par 
un  fleuron  qui  varie  de  forme. 

Le  Catalogue  donne  une  bonne  description  de  cette  ten- 
ture. On  aperçoit  d'abord  une  ville  forte,  défendue  par  un 
fleuve  et  protégée  en  outre  par  les  campements  d'une  armée 


(i)  Le  texte  de  cette  lettre  a  été  publié  par  M.  Pinciiart,  dans  l'Arl,  l.  c, 
p.  210. 


—  216  — 

que  l'on  aiieiroit,  formée  de  bataillons  et  d'escadrons  disposés 
sur  une  très-longue  ligne.  Les  Espagnols,  dont  les  tentes 
s'étendent  à  perle  de  vue,  vont  marcher  à  l'ennemi,  ban- 
nières déployées;  ils  sont  massés  en  demi-cercle  et  couverts 
par  leur  artillerie.  Au  premier  plan,  des  soldats  arrêtent  et 
interrogent  des  paysannes;  un  peu  plus  loin,  des  paysans 
chargés  de  provisions  se  hâtent  de  rejoindre  l'armée.  — 
La  deuxième  scène  nous  montre  le  passage  du  fleuve  forcé 
par  les  Espagnols,  malgré  le  feu  des  canons  ennemis  :  d'une 
part,  l'armée  vaincue  se  retire  en  désordre,  et,  d'autre  part, 
des  bataillons  et  des  escadrons  arrivent  parfaitement  rangés. 
—  Sur  la  troisième  pièce,  les  escadrons  vainqueurs  fondent 
sur  les  cavaliers  qui  leur  sont  opposés  et  qui  essaient  de 
couvrir  la  retraite  d'une  infanterie  déjà  mise  en  déroute. 
Le  champ  de  bataille  est  couvert  de  morts  et  de  blessés  ; 
dans  le  haut  on  aperçoit  les  batteries  et  la  ville  abandonnées 
par  les  vaincus. 

«  Rien,  dit  M.  Charles  Blanc  (i),  de  plus  curieux,  de 
»  plus  animé,  de  plus  pittoresque  et  de  mieux  entendu  que 
>^  les  Victoires  du  duc  d'Albe...  En  homme  bien  avisé, 
»  l'inventeur  de  ces  charmantes  tapisseries  a  placé  Irès- 
»  haut  son  point  de  vue,  de  manière  à  n'y  ménager  qu'une 
»  étroite  bande  de  ciel,  rayée  de  nuages  et  coupée  encore 
»  par  des  bouquets  d'arbres  lointains  ou  par  les  fumées  de 
»  la  bataille.  Il  évitait  ])ar  là  de  laisser  un  grand  vide  dans 
»  le  haut  de  la  composition,  ce  qui  est  toujours  fâcheux  et 
»  mal  compris,  par  la  raison  que  la  tenture  ressemble  alors 
).  à  une  fenêtre  ouverte  par  laquelle  entrent  ou  passent  des 


(i)  Collection  du  duc  de  Bertvick  cl  d'Albe  (Paris,  1877,  gr.  in-!S»),  p.  20. 


—  217  — 

»  lîgurcs,  au  lieu  ({u'cllc  (li)il  doniui'  l'idrc  d'un  Irunic'iù 
»  couvert,  d'un  mur  revêtu  de  laine.  »  —  Les  bordures 
seules  sont  un  objet  d'admiration;  au  bas,  ce  sont  des  com- 
positions se  rapportant  au  sujet  :  ici,  des  canons,  des  convois 
de  munitions,  des  cliariols  remplis  de  vivres,  gardés  par  des 
pionniers,  d'autres  fantassins  et  des  cavaliers  ;  plus  loin,  des 
voitures  chargées  de  butin,  conduites  par  des  paysans  et 
des  soldats,  et,  enfin,  un  convoi  de  prisonniers  et  de  char- 
rettes remplies  d'objets  pris  sur  l'ennemi,  entourés  par  des 
cavaliers  et  des  hallebardiers.  Sur  les  côtés  des  tapisseries 
on  voit  des  écussons  et  des  paysages  peuplés  de  quadru- 
pèdes et  d'oiseaux.  En  haut,  sur  fond  rose,  s'étalent  les 
armes  du  duc  d'Albe  et  les  lettres  F,  M.  (initiales  de  ses 
prénoms,  Fernand -Marie).  La  première  pièce  mesure  G"'8o 
de  large  sur  5"'80  de  haut,  la  deuxième  5'"65  sur  5™80, 
la  troisième  6'"60  sur  5'"90. 

Les  victoires  du  proconsul  auquel  Philippe  II  avait  aban- 
donné nos  malheureuses  provinces  et  les  massacres  ordonnés 
par  ce  farouche  capitaine  ne  purent  maintenir  les  Pays-Bas 
dans  l'obéissance.  Repoussés  de  la  petite  ville  d'Alcmaer, 
vaincus  sur  mer  en  Zélande  comme  sur  le  Zuyderzée,  les 
Espagnols  se  virent  impuissants  à  dompter  la  révolte  et 
d'Albe  dut  se  retirer  pour  céder  la  place  à  Requesens,  qui 
mourut  à  la  tâche.  De  1576  à  1585  les  provinces  méri- 
dionales des  Pays-Bas  furent  constamment  le  théâtre  de 
la  guerre.  L'industrie  traversa  alors  une  crise  longue  et 
redoutable,  car  au  milieu  des  sacs  de  ville  et  des  batailles 
il  eût  fallu  une  grande  dose  de  courage  et  de  confiance  pour 
songer  à  commander  ou  à  confectionner  des  objets  de  luxe. 
C'est  pourtant  de  1580  que  date  la  tenture  bruxelloise  dite 


—  218  — 

Le  Triomphe  de  Cliasleté,  dont  MM.  Flandin  et  Leclanché 
possèdent  un  fragment.  Les  tètes  des  personnages,  et 
surtout  la  jeune  fille  qui  symbolise  la  chasteté,  sont  pleines 
de  caractère  ;  on  admire  aussi  la  bordure,  formée  de  feuillages 
etde  fruits  (i). 

Pendant  que  la  lutte  était  à  son  maximum  d'intensité, 
alors  que  le  prince  de  Parme,  Alexandre  Farnèse,  marchait 
de  succès  en  succès,  on  affectait  une  certaine  tolérance  pour 
les  transactions  en  matière  de  commerce,  par  la  raison  que, 
si  elles  étaient  favorables  à  l'ennemi,  elles  offraient  aussi  des 
avantages  à  ceux  qui  reconnaissaient  l'autorité  du  roi.  C'est 
ainsi  que  nous  voyons  accorder  des  passeports  ou  sauf- 
conduits  :  le  28  mars  io8o,  à  Daniel  Stucrbnut,  marchand 
d'Anvers,  pour  acheter  des  tapisseries  à  Audcnarde  (2);  le 
28  janvier  1591,  à  Jean  de  la  Groeze,  tapissier  de  Bruxelles, 
qui  désirait  aller  en  Hollande  pour  y  terminer  un  procès  et 
en  ramener  sa  femme  et  ses  enfants  (0),  et,  à  une  date  qui 
n'est  pas  précisée,  en  faveur  d'Anglais  qui  voulaient  acheter 
des  tapisseries  à  Audenarde  ou  à  Bruxelles.  Voici  le  texte  de 
cette  dernière  pièce,  qui  se  trouve  classée  dans  une  liasse 
appartenant  aux  mois  de  mars  et  d'avril  1588  : 

«  A  tous  etc.  Aiant,  à  la  réquisition  du  seigneur  milord 
»  Cobliam  et  quelques  autres  seigneurs,  accordé  noz  lettres 
»  de  passeport  aux  sieurs  Guillaume  Cooper  et  Harrigo 
)i  Pyn  de  povoir  aller  librement  d'Ostende  vers  les  villes 
»  d'Audenarde  et  Bruxelles,  pour  achapler  tapisseries  et 


(1)  Castei.,  /.  c,  pp.  157  et  511, 

(2)  Papiers  d'étal  et  de  l'audience,  liasse  2^\. 

(3)  Ibidem,  liasse  285. 


—  219  — 

»  on  après  relonrner  avccq  icclles  audict  Ostcndc  ou  vers 
»  la  part  que  les  députez  de  la  Sérénissinie  reyne  d'Anglo- 
»  terre  se  trouveront,  Nous  vous  mandons  et  commandons 
»  (le  par  Sa  Majesté  bien  expressément  et  à  certes  de  laisser 
»  librement  et  francement  passer  dudict  Ostencle  vers  les 
»  dictes  villes  d'Audenarde  et  Bruxelles  les  dicts  Cooper 
»  et  Pyn,  et  retourner  avec  les  tapisseries  qu'ilz  auront 
»  acheté  vers  le  dicl  Ostende  ou  bien  es  lieux  où  les  dicts 
»  députez  se  retrouveront,  sans  leur  donner,  tant  en  allant 
»  que  retournant,  aucun  empeschement  ny  arrest,  ains  au 
»  contraire  toute  ayde  et  assistence  qu'en  auront  de  besoing 
»  et  dont  ilz  vous  requéreront. 

«  Donné....  (i). 

On  s'explique  ainsi  comment  l'Angleterre  a  pu  demander 
à  un  fabricant,  François  Spiering,  que  l'on  sait  avoir  tra- 
vaillé à  Bruxelles  (2),  la  série  de  dix  pièces  qui  orna 
longtemps  la  salle  de  réunion  de  la  chambre  des  lords 
à  Londres,  où  elle  fut  anéantie  par  un  incendie,  en  1834  (3), 
et  qui  représentait  la  destruction  de  \'Ar7nada  ou  expé- 
dition navale  envoyée  par  Philippe  II  contre  l'Angleterre, 


(0  Ibidem,  liasse  265. 

(2)  V.  plus  haut,  t.  XV,  p.  475.  Nous  ne  savons  rien  de  la  vie  de  François  Spie- 
ring, mais  nous  constatons,  d'après  les  Archives  de  la  ville,  ce  l'ait  que  les 
fonctions  de  maître  des  travaux  (handtwercker)  et  de  maître  de  l'artillerie  de  la 
commune  furent  exercées  pendant  plus  d'un  demi-siècle  par  des  membres  de  la 
famille  Spierinck  :  Pierre,  nommé  le  3  avril  I080;  Michel,  nommé  après  la  mort 
du  précédent,  le  l"  juillet  1598;  Josse,  tils  de  Michel  et  qui  lui  fut  adjoint  le 
•li  février  1621  ;  Nicolas,  frère  de  Josse,  nommé  !o  18  novembre  1626  et  le 
3  octobre  1659. 

(3)  Une  gravure  du  grand  ouvrage  de  Maitland,  The  hislonj  of  Londoii 
(1754-1756,  2  vol.  in-folio),  nous  montre  la  grande  salle  de  la  chambre  des  Lords 
décorée  des  tapisseries  de  Spierinck, 


—  220  — 

en  lo88.  Si  l'on  en  croit  Yan  Mander,  que  Marielte  el 
Sandrart  (i)  ont  copié,  ce  fat  l'amiral  anglais,  lord  Howard, 
qui  chargea  François  Spiering  de  les  exécuter;  le  tapissier 
voulut  charger  du  soin  de  faire  les  cartons  Van  Mander, 
mais  celui-ci,  n'ayant  pas  une  connaissance  suffisante  de  la 
construction  des  navires,  l'adressa  au  peintre  hollandais 
Henri-Cornelis  De  Vroom,  d'Harlem,  qui  avait  fait  une 
étude  particulière  de  tout  ce  qui  se  rattache  à  la  mer. 
De  Vroom  quitta  ensuite  sa  résidence  de  Zandvoord  et  alla 
en  Angleterre,  où  l'amiral,  pour  lui  montrer  sa  satisfaction, 
le  gratifia  de  100  llorins.  De  Vroom,  de  i-etour  chez  lui, 
peignit  sur  une  grande  toile  la  septième  des  scènes  de 
VArmada  et  la  montra  au  prince  Maurice,  le  fils  du  Taci- 
turne, el  à  l'amiral  Justin,  son  parent,  qui  ne  ])urent  voir 
ce  travail  sans  admiration. 

Les  tapisseries  de  Spiering  sont  reproduites  dans  la 
belle  publication  de  John  Fine,  intitulée  :  Tlie  tapesiry 
liançiings  of  the  house  of  Lords  (Londres,  1755,  2"  édit., 
in-folio).  Elles  représentent  les  principaux  épisodes  de  la 
désastreuse  traversée  de  la  Manche  par  les  Espagnols. 
Chaque  pièce  est  ornée  dans  le  haut  des  armes  d'Angleterre, 
avec  la  devise  :  Dieu  et  mon  droit.  Le  peintre  a  jeté  au  milieu 
et  autour  dos  Hottes  des  animaux  marins  et  surtout  des 
dauphins.  Autour  de  chaque  tapisserie  règne  une  large 
bordure  qui,  dans  (pielques-unes,  a  été  modifiée,  mais  qui, 
dans  les  autres,  est  restée  intacte.  On  y  voit  aux  angles 
supérieurs  des  armoiries  et  ailleurs,  entourés  de  fleurs,  de 


(0  Maiiiktti;.  —  Sandr.vht,  Acudemia  urlis  pictoriue,  \k  iJ7i. 


fruits,  d'oiseaux,  d'enfants,  etc.,  22  médaillons  reprodui- 
sant les  traits  des  principaux  capitaines  anglais.  Voici  les 
sujets  de  ces  tapisseries  : 

1"  La  flotte  espagnole  entre  dans  le  Canal. ou  la  Manche 
et  est  aperçue  à  la  hauteur  du  cap  Lizard  ; 

2°  Cette  flotte  s'avance,  rangée  en  croissant  et  poursuivie 
par  les  vaisseaux  anglais  ; 

3"  Premier  engagement  entre  les  deux  flottes,  après 
lequel  les  Anglais  donnent  la  chasse  aux  ennemis,  dont  les 
vaisseaux  se  groupent  en  forme  de  cercle; 

4"  Le  galion  de  Valdez,  ayant  perdu  son  mât  d'artimon, 
est  pris  par  sire  Francis  Drake  ;  le  lord-amiral,  commandant 
les  vaisseaux  le  Bear  et  le  Mary-Rose,  s'avance  vers  l'en- 
nemi, qui  se  forme  en  croissant; 

5"  Le  vaisseau-amiral  de  l'escadre  de  Guipuscoa  ayant 
pris  feu,  est  capturé  par  les  Anglais  ;  les  autres  navires  conti- 
nuent à  avancer,  toujours  dans  le  même  ordre  et,  arrivés 
près  de  l'ile  de  Portland,  livrent  un  nouveau  combat; 

6"  Quelques  vaisseaux  anglais  attaquent  l'ennemi,  qui  se 
forme  en  rond  ;  puis,  reprend  sa  course,  toujours  poursuivi 
par  les  Anglais  ; 

7"  Principal  engagement  entre  les  deux  armées  navales, 
livré  près  de  l'île  de  Wight  le  23  juillet; 

8'^  La  flotte  espagnole  s'avance  dans  le  canal  afin  d'attein- 
dre Calais  et  Dunkerque,  où  elle  comptait  être  rejointe  par 
les  forces  de  terre  et  de  mer  réunies  par  le  prince  de 
Parme  ; 

9"  La  flotte  espagnole,  arrivée  près  de  Calais,  est  inquiétée 
])arles  brûlots  envoyés  contre  elle;  les  Anglais  se  préparent 
à  profiter  du  tlésordre  jeté  dans  X Armada; 


—  222  — 

10"  Les  Espagnols  Ibnl  voile  vers  le  Nord,  lorleinenl 
attaqués  par  les  Anglais,  qui  se  mettent  à  leur  poursuite. 
La  chef-galéasse  de  Y  Armada  échoue  et  est  prise. 

Le  tapissier  Spierinck  résida  peut-être,  pendant  quelques 
années,  dans  les  Provinces-Unies  ou  provinces  septentrio- 
nales des  Pays-Bas,  avec  tant  de  Brabançons  et  de  Flamands 
qui  y  cherchèrent  un  refuge.  Dans  ces  contrées  où  jusfju'alors 
on  n'avait  guère  réussi  à  implanter  l'art  de  fabriquer  des 
tentures,  on  vil  se  produire  quelques  essais  en  ce  genre, 
essais  dont  les  résultats  ne  furent  pas  durables.  Ainsi  à 
J)elft,  Josse-Jean  Lanckeert,  bas  couler  (bas-coutier)  tapis- 
sier, se  chargea,  le  24  février  lo87,  d'exécuter  pour  l'hôtel 
de  ville  de  Leyde,  d'après  un  dessin  de  Hans  ou  Jean 
Liefring,  une  tapisserie  en  fine  sayette,  avec  quelques  détails 
en  or,  représentant  la  délivi-ance  de  celte  ville  en  1j74; 
cette  pièce,  qui  existe  encore,  fut  payée  12  florins  de  40  gros 
par  aune  (i).  A  Middelbourg,  Jean  De  Maegd  fabriqua, 
en  1598,  des  tapisseries  représentant  les  défaites  des  Espa- 
gnols par  les  Zélandais,  tapisseries  qui  ont  figuré  à  l'expo- 
sition universelle  de  Paris,  en  1867;  elles  ornent  habituelle- 
ment la  salle  des  séances  du  conseil  provincial,  dans  l'ancienne 
abbaye  de  Middelbourg  (2).   A  Harlem,  Joseph  Thibaud 
exécuta,  vers  1G29,  pour  l'hôtel  de  ville,  trois  tapisseries 
dont  les  sujets  étaient  empruntés  aux  annales  de  la  localité. 
Ainsi  encore  Maximilien  Vandcr  Gucht  orna  de  la  même 
manière,  vers  4GiO,  l'hôtel  de  ville  de  Delft.  Les  fabricants 
hollandais  ne  tardèrent  pas  à  étendre  leur  activité  aux  pays 


(0  De  Navorscher,  t.  VII,  p.  G6. 
(2)  Ibidem,  t.  V,  p.  56. 


—  ii25  — 

étrangers  :  Cliarles  Van  Mander,  de  Délit,  vendit,  au  prix 
de  17  tlialcrs  l'aune,  des  tentures  qui  servirent  à  décorer  la 
salle  des  chevaliers  ou  salle  d'honneur  du  château  de  Fric- 
drichsburg,  et  les  frères  Van  Eyck  ou  Vander  Eycken 
Tondirent  à  Kioge,  près  de  Copenhague,  une  fabrique  de 
tapisseries,  d'où  sortirent  les  douze  grandes  pièces  qui  ornent 
encore  le  Rosenburg,  dans  la  capitale  du  Danemark  (i). 

Au  commencement  du  xvii^  siècle,  dès  que  les  guerres  de 
la  Ligue  furent  terminées  et  la  paix  conclue  entre  l'Espagne 
et  la  France,  la  tapisserie  bruxelloise  se  trouva  en  face  d'une 
concurrence  d'autant  plus  redoutable  qu'elle  était  multiple. 
De  tous  côtés,  à  Paris,  en  Angleterre,  dans  les  Provinces- 
Unies,  en  Allemagne,  en  Italie,  on  essaya  d'imiter  ses 
procédés,  et  chez  plus  d'une  nation,  en  lui  enlevant  ses 
débouchés,  on  lui  fit  une  guerre  de  tarifs.  Un  souverain  sur- 
tout fit  des  efforts  considérables  dans  ce  but.  Nous  voulons 
parler  du  roi  de  France  Henri  IV  qui,  devançant  l'œuvre  de 
Golbert,  voulut  élever  la  puissance  industrielle  de  son 
royaume  et  y  établit  des  fabriques  de  toute  espèce  et,  en 
particulier,  des  fabriques  de  soieries,  dans  l'intérêt  des- 
quelles il  fit  cultiver  le  mûrier  sur  une  large  échelle.  Sans  se 
laisser  ébranler  par  les  objections  de  son  ministre  Sully,  il 
persista  dans  ses  projets,  et  si  ces  derniers  n'ont  pas  produit 
immédiatement  tous  les  résultats  que  le  Béarnais  en  atten- 
dait, la  France  ne  peut  que  lui  en  être  reconnaissante,  car 
ils  l'ont  dotée  de  richesses  nouvelles.  Sully  était  un  milila- 


(i)  Publications  de  la  Société  historique  d'Urrecht ,  Kronyk,  année  1865, 
pp.  480  et  310.  —  Voyez  aussi  Rahlenbeek.  dans  le  Messager  des  sciences 
historiques,  année  186-2,  où  les  Vander  Eycken  sont  considérés  comme  des  Belges 
ayant  travaillé  pour  le  roi  Chrétien  V. 


—  ^2U  — 

risle,  il  ne  rèvyil  (jiic  guerres  et  conquêtes,  il  n'avait  de 
souci  que  pour  l'agricullure,  parce  qu'elle  endurcit  les  corps 
à  lu  fatigue  et  les  prépare  à  la  vie  des  camps,  (andis  que  le 
travail  des  ateliers  énerve  et  étiole.  Pour  lui,  loin  d'encou- 
rager le  luxe,  il  fallait  l'enrayer,  édicter  des  lois  somp- 
tuaires,  et  revenir,  pour  les  dépenses  que  les  particuliers 
pouvaient  se  permettre,  à  la  simplicité  du  temps  de  LouisXI, 
de  Charles  VIII,  de  Louis  XII  (i).  Le  roi  avait  beau  jeu 
avec  son  adversaire;  mais  celui-ci,  qui  nous  a  conservé  le 
souvenir  de  leurs  discussions,  n'énumère  pas  les  arguments 
de  Henri  comme  il  le  fait  pour  les  siens.  Le  lecteur  les  de- 
vine. Un  seul,  au  surplus,  résume  et  remplace  tous  les 
autres  :  le  roi,  avec  raison,  reproche  à  son  ministre  que  ses 
règlements  bizarres  vont  lui  mettre  sur  les  bras  les  gens  de 
justice,  des  finances,  d'écritoire  et  des  villes,  et  surtout  leurs 
femmes  et  leurs  filles.  Gomme  Henri  IV  connaissait  son  peuple, 
disons  mieux,  connaissait  le  monde,  et  comme  Sully  mécon- 
naissait le  génie  de  sa  nation  !  La  réglementation  à  outrance, 
le  roi  faisait  bien  de  s'en  moquer,  et  il  jugeait  avec  raison 
que  Paris  n'est  pas  fait  pour  être  la  Sparte,  mais  l'Athènes 
de  l'Europe.  Si  le  roi  avait  échappé  au  couteau  de  Ravaillac, 
Sully  l'entraînait  dans  une  expédition  qui  pouvait,  il  est 
vrai,  porter  le  royaume  au  faite  de  la  grandeur,  mais  aussi 
armer  contre  la  France  une  coalition  formidable  et  rouvrir 
les  blessures  que  le  gouvernement  sage  et  prudent  de 
Henri  IV  avait  fermées. 

Dès  1001  Henri  IV  lit  venir  de  Flandre  des  ouvriers  en 


(0  Sully,  Mémoires  el  œconomies  royales  d'estal  de  Henri/  le  Graud,  I.  IV, 
p.  68. 


—  2^25  — 

tapisseries,  qu'il  plaça  sous  la  direction  de  Fourcy,  inten- 
dant et  ordonnateur  des  bâtiments.  Par  des  lettres  |)alentes 
datées  du  1 1  septembre,  il  interdit  d'une  manière  absolue 
l'importation  dans  ses  états  des  «  tapisseries  à  personnages, 
bocages  et  verdures  »  provenant  du  dehors,  sous  peine  de 
confiscation  des  fabricats  saisis,  dont  le  prix  devait  être 
partagé  par  tiers  entre  le  souverain,  le  dénonciateur  et  la 
nouvelle  compagnie  des  fabricants  tapissiers.  Cette  dernière 
fut  comblée  de  faveurs.  Elle  avait  pour  chefs  Marc  Goomans 
et  François  de  la  Planche  (ou  plutôt  Van  der  Planken), 
qui  étaient  probablement  de  Bruxelles,  car  ce  que  l'on  tra- 
vaillait dans  la  fabrique  installée  par  le  roi  à  Saint-Marcel, 
c'était  des  tapisseries  de  Bruxelles.  Sully  voulut  s'opposer 
aux  libéralités  de  son  prince  en  faveur  des  tapissiers,  mais 
il  le  trouva  inébranlable  sur  ce  chapitre  et  il  termina  la 
discussion  en  disant  qu'il  n'aurait  pas  autant  insisté  :  «  si 
»  j'eusse  estimé,  Sire,  que  vous  eussiez  tant  déféré  aux 
«  opinions  des  Bourgs  et  des  Gomans  »  (i).  L'expression  des 
Bourgs  fait  allusion  au  tapissier  Du  Bourg,  que  Henri  IV 
avait  aussi  appelé  de  l'étranger  (2)  ;  les  Comans  sont  là  pour 
désigner  Marc  Goomans  et  ses  compagnons. 

L'installation  de  ceux-ci  ne  s'opéra  pas  sans  difficulté. 


{i)  Sully,  /.  c.  —  L'éditeur  des  Mémoires  de  Sully  a  vu  à  tort,  dans  cette 
phrase,  l'emploi  d'une  »  expression  proverbiale  ». 

(2)  Du  Bourg  et  son  fils  furent  logés  par  Henri  IV  dans  une  maison  qui 
s'appelait  la  Maque  (voyez  Palma.-Cayet,  Chronologie  septennaire,  p.  258,  dans 
MicHAUD  et  PoujouLAT,  Mémoires  pour  servir  à  Vliisloire  de  France,  t.  XII). 
Leur  véritable  nom  n'aurait-il  pas  été  Vander  Borglit  ou  Vander  Burcht,  nom 
qui  était  alors  porté  par  plusieurs  artistes  bruxellois  d'origine,  et  dont  un, 
le  graveur  Jean  Vander  Burcht,  était  établi  à  Paris  dès  1612.  (Voyez  Jal, 
Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'Iiistoire,  p.  293  (2"  édit.  Paris,  Pion, 
1872). 


—  :2^i(3  — 

Leurs  rivaux  de  Paris  ne  les  voyaient  qu'avec  déplaisir  el 
leur  reprochèrent,  le  16  mai  1601,  do  ne  pas  vouloir  se 
joindre  à  leur  corporation  (i).  Les  Belges,  en  elTet,  s'elTor- 
eaient  de  s'isoler,  afin  de  mieux  conserver  les  avantages  que 
le  roi  leur  avait  assurés.  Ces  avantages  étaient  considérables  : 
nos  tapissiers  obtinrent  la  faculté  de  travailler  et  d'ouvrir 
boutique  sans  être  tenus  à  exécuter  un  chef-d'œuvre,  d'être 
exempts  de  tailles,  de  logements  militaires  et  d'autres 
charges  ordinaires  et,  en  outre,  de  droits  d'entrée  pour  leurs 
étoffes,  c'est-à-dire  pour  leurs  matières  premières.  Us  furent 
autorisés  à  travailler  aussi  pour  les  particuliers  et,  con- 
cession faite  à  leurs  usages  nationaux,  il  leur  fut  permis 
d'établir  des  brasseries  et  des  débits  de  bière  pour  eux  el 
leurs  ouvriers.  Le  roi  leur  promit  une  somme  de 
100,000  livres  et  une  pension  annuelle  de  15,000,  et  leur 
donna  pour  logement  une  partie  de  l'ancien  palais  des  Tour- 
nelles.  Enfin,  laveur  insigne  et  que  l'Espagne  n'octroya 
jamais  aux  plus  méritants  de  nos  tapissiers,  Coomans  et  de  la 
Planche  furent  ennoblis.  En  retour  de  tant  de  bienfaits,  ils 
furent  seulement  astreints  à  maintenir  80  métiers  au  moins 
en  activité  et  à  vendre  au  même  prix  qu'on  le  faisait  à 
l'étranger. 

Au  mois  de  janvier  1607,  le  roi  confirma  aux  tapissiers 
les  privilèges  qu'il  leur  avait  octroyés,  mais  il  tarda  long- 
temps à  leur  payer  les  100,000  livres  en  question,  ce  qui 
provoqua  de  leur  part  des  plaintes  qui  étaient,  il  faut  le 
reconnaître,  très-fondées,  car  leur  installation  dut  leur  coû- 
ter cher.  Henri  IV  insista  auprès  de  son  ministre  pourcju'on 


(i)  CiiAMi'OLLiON-FiGEAc,  DocuTTients  historiquc's  iiiédils,  t.  IV,  p.  196. 


—  227  — 

les  satisfit  :  «  s'ils  se  retiroieiit,  dit-il  dans  une  lettre  du 
»  13  mars  1607,  je  perdrais  tout  ce  (|ue  j'ai  fait  pour  les 
»  conserver  ()).  »  La  bonne  volonir  du  monarque  resta  im- 
puissante et  à  peine  fut-il  mort  (|ue  plusieurs  des  établisse- 
ments fondés  par  lui  disparurent.  «  Il  en  a  cousté,  dit  un 
»  écrivain  du  temps,  de  grands  deniers  à  Sa  Majesté,  perte 
»  et  ruyne  à  ses  subjets,  témoins  les  tapisseries  de  Bi-uxelles 
»  à  Saint-Marcel,  les  toilles  façon  de  Hollande  à  Mantes,  les 
»  draps  de  soye  et  de  Milan....  dont  aujourd'huy  il  ne  pa- 
»   roit  marque  et  vestige  (2).  » 

L'atelier  dirigé  par  Marc  Coomans  n'a  donc  eu  qu'une 
durée  éphémère  et  celui  de  de  la  Planche  n'eut  pas  un  meil- 
leur sort,  comme  le  prouvent  ces  lignes  du  mémoire  auquel 
j'ai  déjà  fait  plus  d'un  emprunt  :  «  La  fabrique  de  M.  de  la 
»  Planche,  qui  a  eu  le  même  sort,  je  veu.x  dire  qui  est 
)'  pareillement  éteinte,  est  venue  ensuite;  il  est  bien 
»  fâcheux  qu'un  si  digne  conducteur  n'ait  point  laissé  de 
»  successeurs,  vu  les  beaux  morceaux  qui  restent  de  celte 
y  fabrique:  on  a  toujours  estimé  la  beauté  de  ses  dessins  et 
»  estimé  leur  régularité  ;  ses  belles  verdures  à  oiseaux  et  ses 
»  magnifiques  paysages  lui  ont  toujours  fait  donner  beau- 
»  coup  de  louanges  ;  son  goût  dans  les  nuances  étoit  tendre 
»  et  de  durée,  le  coloris  fort  beau,  imitant  beaucoup  les  car- 
»   nations  de  Raphaël  et  de  Rubens;  ses  draperies  arliste- 


(1)   SlLLY,  /.  C,  t.  VII,  p.   171. 

[i)  Mémoire  concernant  les  pauvres  qu'on  appelle  enferme:,  daté  de  1612, 
dans  les  Archives  curieuses  de  l'Histoire  de  France ,  1"  série,  t.  XV,  p.  265.  — 
Francisûuc  Michel,  Recherches  sur  le  commerce,  la  fabrication  et  l'usage  des 
étoffes  de  soie,  d'or  et  d'argent  en  Occident  (Paris,  Lahire,  1834,  2  vol.  in-i"), 
t.  II,  p.  296. 


—  228  — 

»  ment  nuancées,  d'an  travail  naturel  et  d'une  belle 
»  ordonnance.  Cette  fabrique  étoit  fine,  ronde,  unie  et  facile 
j>  à  distinguer  des  autres  par  une  extrême  beauté  ;  la  finesse 
»  a  toujours  éclaté  dans  ses  tapisseries  et  même  dans  celles 
»  qui  paraissoient  d'un  travail  un  peu  dur.  Sa  marque  étoit 
»  une  tleur  de  lis  avec  un  P  (i)- 

Il  est  à  remarquer,  toutefois,  que  la  fabrication  des  tapis- 
series historiées  ne  cessa  pas  d'exister  à  Paris.  Après  avoir 
erré  un  peu  dans  tous  les  coins  de  cette  grande  ville,  elle  se 
fi.xa,  en  1G50,  aux  Gobelins,  ancienne  teinturerie  qui  devait 
son  existence  à  des  Hollandais. 

Vers  ce  temps,  un  grand  nombre  d'ouvriers  quittèrent 
notre  pays  (2)  et  particulièrement  Audenarde,oii  le  magistrat 
exerça  en  vain  une  active  surveillance  contre  ceux  qui  les 
embauchaient.  En  1605,  une  personne  qui  s'était  rendue  cou- 
pable de  ce  dernier  délit  fut  arrêtée.  En  1 OOG  on  publia  une 
ordonnance  qui  punissait  de  la  confiscation  de  leurs  biens  les 
tapissiers  qui  s'expatrieraient  sans  la  permission  de  l'autorité 
locale,  et  d'une  amende  de  100  florins  les  parents  et  tuteurs 
qui  laisseraient  leurs  enfants  ou  pupilles  sorlir  du  pays  (0). 
Mais  il  y  avait  sans  doute,  dans  la  situation  de  l'industrie  à 
Audenarde,  des  conditions  réelles  d'infériorité,  car  nous 
voyons  plusieurs  fabricants  quitter  cette  ville  pour  aller 
habiter  ailleurs,  soit  dans  les  Pays-Bas,  soit  en  France  ou 


(1)  I'.  iiu. 

(î)  iMentionnons  encore,  parmi  les  tapissiers  flamands  que  Henri  IV  attira  en 
France,  François  Verrier,  auquel  le  roi  fit  payer  200  écus.  Archives  curieuses 
de  l'histoire  de  France,  T"  série,  t.  XV,  p.  195. 

(3)   Van  CAUWENBEItGME,  /    c. 


—  229  — 

en  Angleterre.  Ainsi  Vincent  Van  Quickelberghe  (i)  en 
partit  pour  se  lîxer  à  Arras  et  de  là  se  rendit  à  Lille,  on  le 
magistrat,  pour  le  retenir,  lui  accorda  une  allocation  de 
100  Horins  par  an,  pendant  neuf  ans,  et  diverses  exeinp- 
tions(l2avril  1625).  Les  Van  Quickelberghe  paraissent  avoir 
eu  l'humeur  très-voyageuse,  car  ils  ne  tardèrent  pas  à  émi- 
grer  en  Angleterre.  Ils  furent  remplacés  à  Lille,  en  165i,  par 
un  autre  enfant  d'Audenarde,  Jacques  Van  Caneghem,  don! 
la  fabrique  parait  ne  s'être  maintenue  que  quelques  années. 
Il  était  réservé  à  des  Bruxellois  d'implanter  véritablement 
l'industrie  des  tapisseries  dans  le  chef-lieu  de  la  Flandre 
Gallicane,  à  la  fin  du  xvii*  siècle  (2). 

D'autres  essais  furent  encore  tentés  ailleurs  en  France, 
mais  sur  une  échelle  moindre.  C'est  ainsi  qu'un  nommé 
Daniel  Pepersack  fut  appelé ,  avec  quelques-uns  de  ses 
compatriotes,  par  Charles  de  Gonzague,  duc  deMantoue,  qui 
fonda,  en  1606,  Charleville  sur  la  Meuse,  à  proximité  de 
Mézières.  Daniel  partit  de  là  pour  Reims  et  y  confectionna, 
à  la  demande  du  cardinal  Henri  de  Lorraine,  vers  1657,  des 
tentures  représentant  des  scènes  de  la  vie  du  Christ  et  qui 
existent  encore. 

Le  roi  de  Danemark  Christian  IV  et  Ferdinand  d'Au- 
triche, duc  de  Gralz,  depuis  empereur,  attirèrent  aussi 
dans  leurs  domaines  des  artisans  des  Pays-Bas ,  mais  sans 
employer  des  moyens  d'embauchage  défendus  pas  les  lois. 
Ils  sollicitèrent  à  cet  effet  une  autorisation  du  gouverne- 
Ci)  Il  exécuta  pour  la  ville  de  Valenciennes,  en  1620,  une  tapisserie  repré- 
sentant une  chasse,  comme  le  fit,  la  même  année,  un  de  ses  compatriotes  nommé 
Antoine  Blommaert  {Revue  universelle  des  arts,  t.  XVI,  p.  208). 
(2)  Voyez  HouDOY,  Les  tapisseries  de  haute-lisse,  pp.  71  et  suivantes. 


—  250  — 

ment  espagnol,  aulorisation  (jui  l(Mir  fui  accordée.  Maximi- 
lien,  duc  de  Bavière,  qui  était  étroitement  lié  avec  les 
archiducs  Albert  et  Isabelle  par  une  conformité  absolue  de 
vues  politiques  et  de  croyances  religieuses,  imita  cet  exemple. 
Déjà  son  aïeul,  le  duc  Albert,  avait,  en  15G'),  voulu  attirer 
dans  ses  états  des  tapissiers  belges  et  entretint  à  ce  sujet 
une.  longue  correspondance  avec  le  célèbre  banquier  Hans 
Fugger,  d'Anvers.  Dans  l'une  de  ses  lettres,  celui-ci  demande 
si  l'on  a  l'intention  de  faire  des  tapisseries  fines  ou  communes; 
ces  dernières  se  fabriquaient  à  Enghien  et  en  Flandre  et 
coûtaient  de  6  à  H  florins  l'aune;  celles-là  s'exécutaient  à 
Bruxelles  et  aussi  à  Anvers  et  le  prix  en  variait  de  11  à 
25  florins.  Veut-on  fabriquer,  dit-il  ensuite,  des  histoires, 
des  verdures  ou  des  solitudes  avec  bêtes  féroces,  et  est-on 
dans  l'intention  d'exécuter  assez  de  lapis  pour  que  les  maîtres 
qui  seraient  disposés  à  émigrer  puissent  être  indemnisés, 
eux  et  les  10  ou  20  compagnons  qu'ils  amèneront  avec  eux  ? 
Le  5  février,  Fugger  annonça  que  deux  maîtres  étaient 
prêts  à  partir  pour  Munich,  mais  l'affaire  parait  alors  en 
être  restée  là  (i).  Maximilien  réussit  mieux  que  son  aïeul. 
En  1605  il  fonda  à  Munich  une  fabrique  de  tapisse- 
ries, et  l'année  suivante  il  en  confia  la  direction  à  Hans  ou 
Jean  Vander  Biest.  Celui-ci  travaillait,  en  1008.  avec 
19  compagnons  ou  ouvriers  et  un  apprenti  ot  compta 
ensuite  jusqu'à  57  ouvriers;  il  fut  rejoint,  en  1611,  par  l'u!) 
de  ses  compatriotes,  appelé  Jean  Vanden  Bosch.  Il  exécuta 
sur  les  dessins  du  célèbre  architecte  bruseois  Pierre   De 


(i)  Stockbauer,  Die  Kunsfbestrebungen  am  heyeruche  Hofe,  p.  \\8{Qiiel- 
Ifiiscltrifteii  fur  Knmlteihnih  dex  MilleJaUen  uiid  der  Reuamanci'.  t.  VI IF). 


—  251    — 

WiUe  ou  Candidus,  une  longue  série  de  tapisseries,  en  soie 
et  or,  re|)résentant  des  épisodes  de  la  vie  du  fondateur  de 
la  maison  de  Bavière,  Otiion  de  Witleispacli ,  et  qui  meuble 
encore  les  musées  et  les  palais  de  Munich.  Lorsque  son 
œuvre  fut  terminée,  on  ferma  la  fabrique,  dont  les  ouvriers 
se  dispersèrent  et  dont  l'entretien  devenait  une  charge 
par  trop  onéreuse,  depuis  que  la  terrible  guerre  civile 
connue  sous  le  nom  de  Guerre  de  trente  ans  exerçait  ses 
fureurs  en  Allemagne  (i). 

Leduc  de  Lorraine  fit  des  efforts,  des  tentatives  analogues. 
Par  l'intermédiaire  de  sa  tante  Dorothée,  veuve  du  duc  de 
Brunswick  Éric,  il  voulut  organiser  à  Nanci  des  ateliers  de 
tapisseries.  Le  Bruxellois  Herman  Labbe  vint,  en  1612,  en 
prendre  la  direction.  L'année  suivante,  deux  de  ses  conci- 
toyens, Isaac  de  Hameia  ou  de  Hammels  (?)  et  Melchior 
Van  der  Hagen,  se  fixèrent  dans  la  même  ville  avec  six 
autres  maîtres-ouvriers  et  reçurent  du  duc,  à  cette  occa- 
sion, un  subside  de  450  florins  et  la  promesse  d'une  alloca- 
tion annuelle  consistant  en  100  résaux  de  froment,  mesure 
de  Nanci,  allocation  qui  leur  devait  être  fournie  pendant  six 
ans.  Ce  contrat  paraît  n'avoir  pas  été  exécuté,  non  plus 
qu'une  autre  convention  passée  en  1616  et  stipulant  éga- 
lement une  allocation  en  blé  au  profit  de  Bernard  Van  der 
Hameyden,  qui  s'engagea  à  amener  en  Lorraine  des  maîtres 
et  des  ouvriers,  à  y  introduire  l'art  de  la  tapisserie  et  à  v 
travailler  pendant  dix  années  (2). 


(1)  Katalog  fur  die  Ausstellung  der  Werke  aelterer  Meister.  Munich,  4876, 
in-12.  —  PiNCHART,  Voyage  artistique,  dans  le  Bulletin  des  Comniissioiis  d'art 
et  d'archéologie,  t.  VII,  p.  207. 

(2)  Ibidem,  t.  VII,  p.  204,  d'après  Lepage,  Les  communes  de  la  Meiirthe. 


—  232  — 

Si  cet  établissement  n'a  iaissi'  de  traces  que  dans  les  ar- 
chives, il  n'en  a  pas  été  de  même  de  celui  de  Mortlake,  près 
de  Londres,  dans  le  comté  de  Surrey,  où  le  roi  d'Angleterre 
Jacques  I"  et  ses  successeurs  firent  confectionner  des  tapis- 
series de  haute-lice,  à  l'imitation  de  celles  de  Belgique. 
L'origine  de  la  faveur  qui  s'allacha  à  ce  nouvel  établis- 
sement est  facile  à  deviner.  Lorsque,  en  1C2Ô,  le  prince 
de  Galles,  Charles,  fils  aîné  du  roi  Jacques,  et  depuis 
roi  à  son  tour  sous  le  nom  de  Charles  P',  visita  l'Espagne, 
le  roi  Philippe  IV,  ordonna  d'organiser  pour  lui  une  splen- 
dide  procession.  A  cette  occasion,  on  orna  les  places  et  les 
rues  de  Madrid  des  magnifiques  tapisseries  du  palais  et  no- 
tamment de  celles  qui  représentent  la  Conquête  de  Tunis 
et  les  Histoires  de  Noé  et  d'Abraham.  Quelque  temps  après, 
lorsqu'on  baptisa  à  l'église  Saint-Jean  l'infante  Marguerite- 
Maj'ie,  on  étala  celles  où  on  voyait  l'Hisloire  de  Jacob  (i). 

Ce  fut  évidemment  l'aspect  de  ces  tentures  qui  séduisit  le 
prince  anglais  et  le  détermina  à  soutenir  de  tout  son  pouvoir 
l'établissement  de  Mortlake.  Les  rois  d'Angleterre  ne  se 
contentèrent  pas  d'appeler  dans  leurs  états  des  ouvriers  et 
de  les  retenir  par  leurs  bienfaits  et  leurs  commandes;  afin 
de  leur  mettre  de  bons  modèles  sous  les  yeux,  ils  achetèrent 
tous  les  cartons  qu'ils  purent  trouver,  et  c'est  d(;  la  sorle 
qu'ils  réussirent  à  faire  exécuter  de  nouvelles  séries  des 
Actes  des  Apôtres,  d'après  Ra))haël;  des  Douze  Mois  dit  de 
fAicas,  de  l'Histoire  de  VuLcain,  etc.  L'un  des  premiers 
directeurs  de  cette  fabrique  fut  Francis  Grane,  chevalier, 


fi)  Mi'rciire  fraurais,  I.  IX,  pp.  555  et  71  î,  cité  dans  FitANcisyiK  miche?.. 


—  255  -  - 

dont  les  initiales  se  trouvent  sur  plusieurs  tapisseries  (i). 
C'est  à  tort  que  l'on  a  prétendu  que  Cranc  mourut  en  1705, 
âgé  de  62  ans,  cai",  si  l'on  adoptait  ces  données,  il  n'aurait 
pu  travailler,  ni  pour  Jacques  I",  ni  pour  Charles  I"  (2). 
Or  il  est  certain  que  l'un  et  l'autre  de  ces  monarques  lui 
accordèrent  de  grandes  faveurs.  Jacques  lui  octroya  une 
subvention  de  2,000  livres  sterling  pour  le  soutien  de  la 
fabrique  de  Mortlake,  et  Charles,  après  lui  avoir  alloué 
1,000  livres  par  an,  promit  de  lui  payer,  tous  les  ans  et 
pendant  dix  ans,  le  doublé*  de  cette  somme,  afin  qu'il  put 
maintenir  et  développer  le  même  établissement. 

On  a  supposé  que  sire  Francis  était  d'origine  flamande; 
le  fait  semble  prouvé  par  son  nom  et  par  cette  circonstance 
que  l'une  de  ses  descendantes,  mistress  Marckham,  qui 
habitait  dans  le  comté  de  Lincoln,  appartenait  à  la  religion 
catholique. 

Outre  ses  nombreux  travaux  pour  les  monarques  anglais. 
Crâne  en  entreprit  pour  l'aristocratie  civile  et  religieuse 
de  la  Grande-Bretagne.  C'est  ainsi  qu'il  vendit  à  l'arche- 
vêque d'York  une  tenture  représentant  les  Saisons,  pour 
2,500  livres.  L'exposition  de  l'Union  Centrale  des  Arts, 
de  Paris,  de  1876,  présentait  plusieurs  spécimens  importants 
exécutés  sous  sa  direction  et  celle  de  ses  successeurs  ;  en 
général,  ils  paraissent  inférieurs  aux  tapisseries  de  la  même 
époque  travaillées  dans  les  villes  des  Pays-Bas  et  surtout 
aux  tentures  bruxelloises. 

CA  continuer.)  ALPHONSE   WaUTERS. 


(«)  Voyez  Vertue,  Anecdotes  of  painting  in  England,  publiées  par  Horace 
Walpole,  t.  II,  p.  22  (Londres,  2*^  édition). 
(2)  Ibidem. 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS, 


AREÊTÉ    DE    NOMINATION 
D'UN    MEMBRE    DE    LA    COMMISSION. 


LÉOPOLD  II,  Roi  des  Belges. 

A  tous  présents  et  à  venir,  Salut. 

Sur  la  proposition  de  nos  Ministres  de  l'intérieur  et  de  la 
justice  ; 

Nous  avons  arrêté  et  arrêtons  : 

Art.  4''.  —  M.  Garpentier,  E.,  architecte,  membre  cor- 
respondant de  la  Commission  royale  des  monuments  pour 
la  province  de  Hainaul,  est  appelé  aux  fonctions  de  membre 
effectif  de  cette  Commission,  en  remplacement  de  M.  le  baron 
de  Roisin,  décédé. 

Art,  2.  —  Nos  Ministres  de  l'intérieur  et  de  la  justice  sont 
chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  de  l'exécution  du 
présent  arrêté. 

Donné  à  Bruxelles,  le  50  mars  1877. 

(Signé)  Léopold. 
Par  le  Roi  : 
Le  Ministre  de  nntérieur, 
(Signé)  Delcour. 

Le  Ministre  de  la  justice, 
(Signé)  De  Laxtsheere. 


"JTt.i    — 


RESUME    DES    PROGES-VERBAUX. 


SÉANCES 

des   2,    5,    10,  m,    17,    23,    24    et    51    mars;   des  4,    5,    7,    13,    li,   20, 
21  et  28  avril  1877. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  approuvé  : 

r  Les  plans  des  travaux  de  décoration  murale  à  exécuter,  j^ p^«{;^î„,,t 
par  M.  Dobbelaere,  dans  le  chœur  de  la  nouvelle  église  de 
Rochelbrt  (Namur)  et  le  placement  de  verrières  peintes; 

2"  Le  devis  présenté  par  M.  Bonnefoy  pour  le  parquelage     ^gusede 
et  la  restauration  d'un  tableau  représentant  la  Cène,  qui  '"VMons. 

*  '  Tableau. 

appartient  à  l'église  de  Sainte-Waudru,  à  Mons. 

—  Des  délégués  se  sont  rendus  à  Courtrai  pour  examiner  Hûtei  ne  viiio 

O  i  do  Ci*>ui Irai. 

les  verrières  placées  depuis  le  mois  de  septembre  de  l'année 
dernière  dans  les  fenêtres  de  la  salle  gothique  du  rez-de- 
chaussée  de  l'hôtel  de  ville.  Ces  verrières,  dues  à  M.  Dobbe- 
laere et  représentant  la  série  des  écussons  des  anciennes 
ghildes  et  corps  de  métiers  de  Courtrai,  sont  d'une  sobriété 
d'ornementation  et  d'un  goût  qu'on  voudrait  rencontrer  dans 
tous  les  travaux  de  ce  genre.  La  coloration,  dans  sa  simpli- 
cité, en  est  riche  et  le  caractère  parfaitement  assorti  à  l'archi- 
tecture et  à  la  décoration  intérieure  de  la  salle. 

—  Des  délégués  se  sont  rendus  à  Louvain,  le  15  mars,  dcsaufi'josepi.. 
pour  examiner  la  chaire  à  |)rècher  exécutée  par  MM.  Goyers      cdre'."' 


—  236  — 

et  que  la  fabrique  de  l'église  de  Saint-Joseph  sollicite  l'auto- 
risation d'acquérir. 

11  résulte  de  leur  rapport  que  cette  chaire,  qui  a  figuré  à 
l'exposition  universelle  de  Philadelphie,  conviendra  parfaite- 
ment, tant  sous  le  rapport  du  style  que  sous  celui  des  pro- 
portions, à  l'église  précitée.  Établi  dans  des  données  simples 
et  pratiques,  le  meuble  est  bien  conçu  au  point  de  vue  archi- 
tectonique.  L'auteur  n'est  pas  tombé  dans  la  faute  trop  fré- 
quente aujourd'hui  qui  consiste  à  surmonter  les  abat-voix 
d'une  sorte  de  flèche  de  cathédrale,  que  rien  à  cette  place 
ne  motive;  il  est  resté  sagement  dans  la  tradition  ancienne, 
en  bornant  cet  ornement  à  un  simple  dais,  en  mémoire  du 
simple  dais  d'étoffe  dont  les  chaires  d'autrefois  étaient  cou- 
vertes et  qui  n'avait  d'autre  but  que  d'empêcher  la  voix  du 
jirédicateur  de  se  perdre  dans  les  profondeurs  de  l'édifice. 
Au  point  de  vue  sculptural,  la  chaire  de  MM.  Goyers  n'a  pas 
été  moins  bien  traitée.  Les  bas-reliefs  qui  décorent  la  cuve 
et  qui  représentent  des  scènes  de  la  vie  de  la  Vierge,  sont 
d'une  exécution  pleinement  satisfaisante. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Ont  été  approuvés  : 
Écoles         1°  Les  plans,  dressés  par  M.  l'architecte  Blandot,  pour  la 

et  justice  de  paix 

de  Gcdione.  couslruction  de  bâtiments  d'école  avec  logement  pour  i  msti- 

tuteur  et  locaux  pour  la  justice  de  paix  à  Gedinne  (Namur); 

Hop.tai  2°  Le  nroiet  relatif  à  la  construction  d'une  glacière  à  l'hô- 

de  Ilasselt.  '        •'  ^ 

pilai  de  Hassell;  architecte  M.  Gérard; 
Hospice         30  Les  plans  concernant  l'agrandissement  de  l'hospice 
d'Exaerde  et  qui  sont  destinés  à  remplacer  le  projet  approuvé 
en  1S73. 


d'Exaerde. 


—  257  — 

—  Des  déléûrués  se  sont  rendus  à  Gourtrai  pour  inspecter  r.mrs  du  Bioei, 

'  '  à  Courlrai. 

la  restauration  des  tours  du  Broel,  aujourd'hui  presque  en- 
tièrement terminée.  Une  dépense  de  1,018  francs  suffira  à 
compléter  les  travaux.  Ils  consistent  dans  : 

La  réparation  des  façades  avec  fourniture  de  pierres  bleues 
et  blanches; 

L'enlèvement  et  le  renouvellement  des  charpentes  et  des 
toitures  ; 

Le  placement  d'un  paratonnerre; 

Le  placement  d'une  cheminée  dans  la  salle  du  premier 
étage  de  la  tour  sud; 

Le  pavement  et  le  plafonnage  de  la  salle; 

La  construction  de  portes  et  fenêtres  en  bois  de  chêne  ; 

Le  renouvellement  d'un  escalier, 

Et  la  peinture  de  la  salle  du  premier. 

Les  délégués  ont  constaté  que  les  travaux  exécutés  le  sont 
d'une  façon  généralement  satisfaisante.  La  peinture  décora- 
tive de  la  salle  du  premier  étage  de  la  tour  sud,  bien  que 
n'ayant  pas  toute  la  sévérité  désirable,  est  admissible,  et  l'ap- 
propriation qui  en  sera  faite  pour  recevoir  des  objets  d'art, 
au  premier  rang  desquels  se  placent  les  cartons  des  peintures 
des  comtes  de  Flandre,  est  de  nature  à  rendre  des  services 
réels.  L'État  peut  donc  mettre  en  liquidation  les  subsides 
afférents  à  ces  travaux. 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Des  avis  favorables  ont  été  donnés  sur  les  travaux  d'ap-    Réparation 

,  ,  .  ,  ,  et  construction 

propriation  el  de  réparation  a  exécuter   aux  presbytères ''e  presbyières. 
d'Austru\veel(Anvers),  Mont-Saint-Aubert,  Jamioulx,  Saint- 


—  258  — 

Denis  (Hainaul),  Corbion-Leignon,  Celles  (Namur),  ainsi 
que  sur  les  plans  de  preshylères  à  construire  à  Rièzes, 
Baileux  (Hainaul)  et  Habay-la-Neuve  (Luxembourg). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

Ont  été  approuvés  : 
Construction       \°  Les  plans  relatifs  à  la  construction  d'églises  : 

d'ëglises  à  Goor 

et 6 Bouliers.       \u  haiïioau  de  Goor,  commune  de  Heyst-op-den-Berg. 
(Anvers);  architecte  M.  Blomnie; 

A  Bourlers  (Hainaut);  architecte  M.  Tirou; 

Église d'Eecioo.     T  Lc  uouveau  projet  de  M.  Denoyette  pour  la  tour  de 

l'église  à  ériger  à  Eecloo  (Flandre  orientale).  Ce  projet  a 

reçu    les    modifications    demandées    par   la    Commission. 

(V.  p.  9)  ; 

Eglise  y  Le  projet  d'une  tour  à  construire  à  l'église  de  Fexhe- 

de  Fexlie-Slins.  zt-'        \  i-  xrirn- 

SIms  (Liège);  architecte  M.  Halkin  ; 
Eglise  de  iiaid.     Le  projet   d'agrandissement  de  l'église   de  Haid  ,  sous 
Serinchamps  (Namur);  architecte  M.  Michaux; 
svuagogiie        Lcs  olaus,  dressés  par  M.  l'architecte  De  Kevser,  pour 

de  Bruxelles.  '  "^  .-  '    i 

l'ornementation  intérieure  et  l'ameublement  de  la  nouvelle 
synagogue  de  Bruxelles  ; 
Eglise  Les  dessins  de  quatre  confessionnaux  à  placer  dans  l'église 

de  SvDzeilIcs. 

de  Senzeillos  (Namur). 
Église  de         —  Des  déléffués  ont  visité,  le  28  mars,  l'éalise  de  Flémalle- 

Fl.-nK.lleGrunde.  ^  '  '        n 

Grande.  Ils  ont  constaté,  conformément  ;i  une  note  ipii  a  été 
communiquée  au  Collège  par  un  de  ses  membres  correspon- 
dants, que  rien  dans  cet  ancien  édifice  ne  semble  motiver 
le  projet  de  reconstruction  qui  a  été  soumis  en  1 875.  L'église, 
qui  a  des  parties  romanes  très-anciennes,  est  d'une  conslruc- 


—  ^259  — 

lion  encore  solide  et  ne  deinande  guère  de  réparation  que 
dans  sa  loiture;  sans  avoir  un  caractère  nionunicnlal,  elle 
est  d'un  aspect  pittoresque.  Il  est  à  remarquer  qu'aucun 
rapport  sur  l'état  de  cette  église  ni  aucun  dessin  de  son  état 
actuel  n'accompagnait  le  projet  de  reconstruction  soumis, 
dont  M.  l'architecte  provincial  estimait  le  devis  insulTisant 
et  qui  n'a  été  approuvé  qu'avec  de  sérieuses  réserves.  On 
doit  se  féliciter  que  ce  projet  n'ait  pas  été  mis  à  exécution 
et,  avant  d'y   donner  aucune  suite,  il   conviendrait  que 
l'alîaire  fût  soumise  au   comité  provincial   des   membres 
correspondants  de  Liège.  Il  aura  à  examiner  jusqu'à  quel 
point  les  besoins  locaux  réclament  la  reconstruction  d'un 
édifice    qu'il   suffirait    peut-être    d'agrandir.    On    pourrait 
souhaiter  aussi  que  le  nouveau  projet  fût  conçu  de  façon  à 
permettre  de  replacer  le  plafond  des  basses-nefs,  plafond  à 
caissons  dont   les   compartiments  représentent  une   série 
d'armoiries  locales  intéressantes  pour  l'histoire  de  la  com- 
mune. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  : 

1°  Sur  les  travaux  de  réparation  à  effectuer  aux  églises  Réparation  de 

diverses  églises 

d'Austruweel,  Galfort  sous  Puers,  Schoolen ,  Eeckeren 
(Anvers),  Haute-Croix,  Huldenberg  (Brabant),  Autreppe, 
Gaurain-Ramecroix ,  Saint-Denis  (Hainaul) ,  Bouvignes, 
Serinchamps,  Noville-les-Bois  (Namur)  ; 

'2'^  Sur  le  devis  estimatif  des  travaux  de  restauration   à^  Êpnsede 

Saiiil-llombaiit, 

exécuter,  dans  le  cours  de  1877,  h  l'église  de  Sainl-Rombaut,     "  *'""""• 
à  Malines;  architecte  M.  Vandewiele  ; 

5°  Sur  les  plans  et  devis,  dressés  par  M.  De  Curte,  pour     do(;a*'nd'.'' 


—  240  — 

les  travaux  urgents  de  restauration  à  exécuter  au  vaisseau 

de  la  cathédrale  de  Saint-Bavon,  à  Gand; 

.  Egii'^^'        4"  Sur  le  devis  estimatif,  dressé  par  M.  De  la  Ccnserie, 

à  Bruges.    ^^^  Quvrages  de  consolidation  et  réparation  à  effectuer  à  la 

façade  de  l'église  de  Sainte- Walburge,  à  Bruges.  Il  sera 

utile  de  soumettre  des  propositions  spéciales  et  notamment 

des  dessins  pour  le  renouvellement  des  encadrements  des 

fenêtres  et  des  niches,  la  restauration  de  la  porte  principale 

et  les  deux  statues  en  pierre  ; 

Ë^r.sc  S"  Sur  le  plan  concernant  la  consolidation  de  la  charpente 

d'Harlebekc. 

et  des  voûtes  des  basses-nefs  de  l'église  d'Harlebeke,  archi- 
tecte M.  Groquison; 

Église dHowade.  6"  Sur  Ics  plans,  dressés  par  M.  Van  Assche,  pour  la 
restauration  de  la  partie  ancienne  de  l'église  d'IIofstade 
(Flandre  orientale)  ; 

t  lise  de  N.-D.  '"  Sur  les  plans  relatifs  à  la  restauration  des  façades  laté- 
\b7uxcucs."' raies  et  de  l'abside  de  l'église  de  Notre-Dame  de  Bon-Se- 
cours, à  Bruxelles;  architecte  M.  Jamaer. 

Le  Secrétaire  Général, 
J.  Rousseau. 

Vu  en  conformité  de  l'article  2S  du  règlement. 

Le  Président, 

Wellens. 


AD.  VAN  SOUST  DE  BORKENFELDT. 


Une  mort  foudroyante  a  enlevé  à  l'Administration  des 
Beaux-Arts,  le  23  avril  dernier,  un  fonctionnaire  qui  en 
avait  été  longtemps  un  des  soutiens  les  plus  dévoués  et  les 
plus  intelligents,  et  auquel  la  publication  du  Bulletin  des 
Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie  particulièrement 
est  redevable  des  plus  grands  services.  M.  Ad.  Van  Soust  de 
Borkenfeldt  était  secrétaire  de  notre  comité  de  rédaction. 
A  ce  titre,  il  en  révisait  tous  les  articles,  était  chargé  de  la 
correspondance  avec  les  sociétés  savantes  avec  lesquelles  le 
comité  est  en  rapports  réguliers,  et  s'occupait  de  tout  ce  qui 
concerne  cette  publication  périodique  avec  un  soin  et  une 
conscience  qui  ne  se  sont  jamais  démentis. 

Nos  lecteurs  nous  sauront  gré  de  leur  donner,  d'après 
le  Moniteur,  la  relation  des  obsèques  de  ce  fonctionnaire  qui 
a  laissé  d'universels  regrets  : 

«  L'inhumation  de  M.  Ad.  Van  Soust  de  Borkenfeldt, 
directeur  des  Beaux-Arts,  a  eu  lieu  hier  matin  au  cimetière 
d'Etterbeek.  Dès  dix  heures  et  demie  se  réunissait  à  la 
maison  mortuaire,  à  Saint- Josse-ten-Noode,  une  foule  consi- 
dérable où  se  trouvait  M.  Bellefroid,  secrétaire  général,  et 
les  fonctionnaires  du  ministère  de  l'intérieur.  Tout  ce  que 
Bruxelles  compte  d'artistes,  peintres,  musiciens,  lettrés, 
assistait  à  la  cérémonie.  Nous  avons  remarqué  MM.  Gevaert, 
Bellefroid,  Emm.  Hiel,  Henri  Conscience,  Brassin,  Emile 


—  242  — 

Waulers,  Van  Luppen,  Paul  Devigne,  Arsin,  Gérard, 
Vinçotte,  De  Gosier,  Vervoort,  président  du  Gercle  artis- 
tique, etc.  Avant  la  levée  du  corps,  trois  discours  ont  été 
prononcés  :  par  M.  Greyson,  directeur  au  ministère  de  l'in- 
térieur, au  nom  des  fonctionnaires  du  ministère;  par 
M.  Jean  Rousseau,  secrétaire  général  de  la  Commission 
royale  des  monuments,  au  nom  de  l'Administration  des 
Beaux-Arts,  enfin  par  M.  Verhoeven-Bal,  président  de  la 
Section  des  arts  plastiques  du  Cercle  artistique  d'Anvers, 
au  nom  des  artistes  anversois. 

M.  Van  Sousl  étant  chevalier  de  l'Ordre  de  Léopold,  les 
honneurs  funèbres  ont  été  rendus  à  sa  dépouille  par  un 
détachement  du  régiment  des  grenadiers. 

Voici  le  discours  prononcé  ])ar  M.  Greyson  : 

«  Le  fonctionnaire  regretté  à  qui  nous  venons  dire  un 
éternel  adieu,  a  parcouru  une  carrière  longue,  difficile, 
laborieuse,  semée  d'obstacles  nombreux.  Il  semblait  que 
jamais  il  ne  dût  franchir  les  rangs  inférieurs  de  l'adminis- 
tration. Il  lui  a  fallu  vingt-six  années  de  travail,  de  patience, 
d'abnégation,  de  dévouement  pour  arriver  à  un  poste  un 
peu  en  relief. 

»  Adolphe  Van  Sousl  de  Borkenfeldt,  né  à  Bruxelles,  le 
6  juillet  1824,  est  entré  au  ministère  de  l'intérieur  au  mois 
d'août  1859;  il  avait  15  ans  à  peine.  Bien  qu'il  ne  fût  que 
surnuméraire,  on  lui  attribua  une  rémunération  annuelle  de 
ô(JO  francs,  un  franc  par  jour.  Quels  services  pouvail-il 
rendre?  Son  instruction  était  insuffisante;  deux  ou  trois  an- 
nées d'humanités  constituaient  toute  sa  préparation  classique. 

»  Les  relations,  les  nécessités  de  famille  le  jetèrent  dans 


—  243  — 

une  administration  publique  à  l'âge  où  il  aurait  dû  se  trouver 
encore  sur  les  bancs  du  collège.  Après  une  année  de  surnu- 
mérariat,  salariée  comme  nous  venons  de  le  voir,  il  devint 
expéditionnaire.  C'était  le  premier  pas;  il  avait  été  rapide. 
Mais  quinze  années  devaient  s'écouler  avant  qu'il  n'en  fit  un 
second.  Le  6  mars  1855  seulement,  Van  Soust  l'ut  nommé 
commis  de  troisième  classe;  il  avait  alors  51  ans,  l'âge  des 
grands  faits  accomplis,  des  grands  dévouements  et  des 
grandes  énergies. 

»  Le  31  octobre  18G5,  pour  la  première  fois,  Adolphe 
Van  Soust  sortit  enfin  de  l'ornière,  il  entrevoyait  le  stade; 
il  serait  quelque  chose,  on  l'appela  aux  fonctions  d'inspec- 
teur des  Beaux-Arts,  avec  rang  de  chef  de  division. 

»  Quelle  étape  !...  Il  avait  fallu  plus  d'un  quart  de  siècle 
pour  la  parcourir.  L'enfant,  l'ancien  surnuméraire,  blond, 
frais  et  rose,  avait  vu  ses  cheveux  blanchir. 

»  Mais  dès  ce  moment  les  choses  prirent  soudain  une 
autre  allure.  Le  temps  le  vengea  de  ses  lenteurs  passées. 
Presque  coup  sur  coup,  il  obtint,  en  récompense  de  ses  ser- 
vices, la  croix  de  chevalier  de  l'Ordre  de  Léopold.  C'était 
le  4  juin  1872,  et  le  30  avril  1875,  il  fut  nommé  directeur... 
Puis  il  reçut  les  décorations  de  la  Prusse,  de  la  Saxe,  de  la 
Hollande,  de  l'Autriche... 

»  Virgile  ne  recevait  pas  de  démenti  :  le  labor  improbus 
du  chantre  de  l'Enéide  opérait  ses  miracles. 

»  Ce  n'est  pas  que  les  facultés  de  Van  Soust  avaient  été 
lentes  à  se  former  et  à  se  développer.  Certes  il  lui  manquait 
beaucoup,  mais  il  fut  le  premier  à  s'en  rendre  compte,  et  ses 
veilles  furent  consacrées  à  l'étude.  Il  acquit,  à  force  de 
volonté,  d'opiniâtreté,  de  persévérance,  celte  instruction  qui 


—  244  — 

lui  faisait  défaut.  Il  prit  goût  au  travail  ;  simple  expédition- 
naire, il  publiait  des  poésies  et  des  comptes  rendus  de  salon 
qui  dénotent  des  qualités  littéraires  et  un  sens  artistique 
incontestables. 

»  Un  jour  même  il  s'avisa  d'apprécier  les  tendances  de 
l'Académie  d'Anvers,  lui,  employé  de  l'administration  à 
laquelle  l'Académie  ressortissait.  Le  Ministre,  chef  du  dépar- 
tement de  l'intérieur,  qui  aurait  pu  le  rappeler  à  plus  de 
retenue  et  de  modestie,  se  donna  la  peine  de  discuter  la 
plume  à  la  main,  avec  verve,  avec  esprit,  les  appréciations 
du  critique.  Il  le  traitait  donc  en  homme  sérieux,  en  homme 
de  valeur?  Tout  le  monde  se  rappelle  cette  polémique  dont 
la  presse  a  rendu  compte... 

»  Elle  honore  le  Ministre  autant  qu'elle  honore  Van 
Soust  lui-même.  Elle  révèle  chez  Tun  le  respect  pour  le 
talent  naissant  qui  ose  s'affirmer;  chez  l'autre,  une  certaine 
volonté  de  fixer  l'allenlion  et  de  montrer  dans  l'employé 
inférieur  avec  qui  on  ne  comptait  pas,  un  homme  ardent  et 
laborieux  avec  qui  on  compterait  un  jour. 

«  Toujours  est-il  que  rien  ne  manqua  bientôt  à  Van  Soust 
pour  justifier  un  avancement  qui  s'obstinait  à  ne  pas  venir. 
Il  y  eut  là  un  concours  de  circonstances  dont  on  ne  peut, 
dont  on  ne  doit  accuser  personne.  Peut-être  vit-on  long- 
temps en  lui  l'enfant,  le  surnuméraire  peu  initié  à  l'ortho- 
graphe des  premières  années. 

»  On  s'aperçut  enfin  qu'il  y  avait  en  lui  une  force  qu'on 
pouvait  mettre  en  œuvre,  et  vous  savez  de  quel  pas  notre 
ami  a  marché  dés  ce  moment. 

»  Parvenant  à  une  pareille  destinée,  des  débuts  pareils 
aux  siens  sont  louables. 


—  245  — 

»  Van  Soust  examinait  avec  un  soin  scrupuleux  les  affaires 
qui  lui  étaient  confiées.  Ses  notes  sont  presque  des  mémoires. 
Si  tard  que  ce  fût,  il  a  eu  la  satisfaction  d'être  utile,  d'en 
avoir  la  conscience,  d'être  écouté  et  compris.  C'est  à  son  ini- 
tiative qu'est  due,  entre  autres,  la  création  du  musée  des 
échanges,  idée  qui  est  en  voie  de  réalisation  et  qui  sera 
féconde  en  bons  résultats. 

»  Une  autre  voix  vous  dira  les  mérites  de  l'écrivain,  de 
l'artiste... 

»  Oui,  le  travailleur  assidu  qui,  dans  ses  dernières  années, 
semblait  n'avoir  de  temps  que  pour  ses  fonctions  officielles  ; 
dont  la  vie,  tant  il  y  déployait  d'activité,  de  passion,  était 
vouée  tout  entière,  eùt-on  dit,  à  cette  besogne  lourde  et 
ingrate  des  bureaux,  trouvait  encore  le  moyen  de  se  délas- 
ser, de  se  retremper  dans  des  œuvres  littéraires.  Jamais  il 
ne  les  a  délaissées  un  moment...  La  veille  du  fatal  événe- 
ment qui  nous  l'enleva,  l'heure  de  la  fermeture  des  bureaux 
était  venue;  il  était  encore  tout  animé  de  la  discussion  d'une 
affaire  difficile;  il  prit  la  plume  et  allègrement  il  écrivit  une 
sorte  de  madrigal  en  vers  gracieux  et  finement  tournés.  Je 
les  ai  lus.  L'encre  est  à  peine  séchée  et  il  est  mort,  lui...  Est- 
ce  croyable? 

»  Et  de  quelle  mort!  Frappé,  foudroyé  à  son  pupitre,  à  son 
poste  de  combat,  au  milieu  de  ses  dossiers,  dans  ce  cabinet 
de  travail  où  il  a  à  peine  joui  de  quelques  années  d'autorité. 
C'est  quand  tout  lui  promettait  le  fruit  de  ses  efforts  qu'il  est 
abattu.    . 

»  Quelle  mort,  surtout  pour  les  siens  ! . .  Mais  écartons  cette 
pensée  navrante. 

»  Fonctionnaire  capable,  intelligent,  dévoué,  il  n'a  pas 


—  246  — 

été  ingrat  envers  la  nature,  qui  l'avait  si  bien  doué  ;  il  sem- 
blait avoir  pris  pour  précepte  ce  mot  du  philosophe  à  son 
disciple  :  «  Tu  n'as  qu'un  moyen  de  l'acquitter  envers  Dieu; 
il  ta  prêté  de  l'intelligence,  rends-lui  la  vertu  ;  il  t'a  donné 
du  talent,  sois  honnête!...  » 

Voici  le  discours  de  M.  Rousseau  : 

«  Messieurs, 

»  Un  des  collègues  les  j)lus  autorisés  d'Adolphe  Van 
Soust  de  Borkenfeldt  vient  de  vous  retracer  sa  carrière  ad- 
ministrative, si  laborieuse  et  si  longue  dans  une  vie  relati- 
vement si  courte.  Permettez- moi  d'ajouter,  au  nom  de 
l'Administration  des  Beaux-Arts,  quelques  mots  sur  les  |)rin- 
cipaux  actes  du  fonctionnaire  et  sur  le  caractère  de  l'homme. 

»  On  connaît  les  dilïicultés  spéciales  du  service  qui  lui 
était  confié.  Obligée  de  traiter  des  (juestions  d'organisation 
et  de  systèmes  dont  plusieurs  resteront  toujours  contro- 
versées, fonctionnant  au  milieu  des  rivalités  des  talents  et 
du  conflit  des  amours-propres,  l'Administration  des  Beaux- 
Arts  constitue  une  tâche  d'une  nature  particulièrement  déli- 
cate. On  ne  saurait  espérer  d'y  rallier  toutes  les  sympathies. 
On  ne  peul  (jue  lâcher,  à  force  de  bonne  foi  et  de  bon  vouloir, 
de  forcer  au  moins  l'estime  de  tous. 

»  Van  Soust  y  a  certainement  réussi.  Au  milieu  de  la  lutte 
éternelle  des  écoles,  il  accueillait  impartialement  le  talent, 
de  ({uelque  part  qu'il  vint.  Il  savait  tout  ce  qu'on  doit  de 
respect  et  de  reconnaissance  aux  glorieux  vétérans  de  l'art 
contemporain,  et  aussi  tout  ce  qu'il  l'auL  d'encouragement 
aux  jeunes  talents  qui  auront  à  maintenir,  après  eux,  notre 
vjfille  renommer  artisli(|ue.  Il  n'ignorait  pas  non  plus  com- 


—  247  — 

bien  sont  vaines  parfois  les  querelles  de  systèmes  auxquelles 
le  temps  apport(ï  naturellement  tant  de  correctifs  et  de 
transactions. 

»  Il  ne  songeait,  dans  la  sphère  de  ses  attributions,  qu'à 
réaliser  tout  le  bien  réalisable.  Aussi,  en  fonctionnaire  intel- 
ligent, ne  bornait-il  pas  son  activité  à  l'expédition  routinière 
des  affaires  courantes;  il  étudiait  constamment  les  moyens 
d'améliorer  le  service  dont  il  était  chargé,  s'enquérant  de 
toutes  les  réformes  utiles,  de  tous  les  progrès  possibles, 
attentif  à  tout  ce  qui  se  faisait  ou  s'essayait  à  l'étranger,  et 
jaloux,  comme  tout  cœur  élevé  et  patriote,  de  ne  nous  laisser 
dépasser  par  aucun  de  nos  voisins  ni  de  nos  rivaux. 

»  Beaucoup  de  mesures  importantes  ont  été  prises  dans 
ces  dernières  années  par  l'Administration  des  Beaux-Arts. 
Presque  toutes  ont  été  réalisées  avec  son  concours,  beau- 
coup sur  son  initiative. 

»  Secrétaire  général  de  la  commission  internationale  des 
échanges,  il  avait  contribué  puissamment  à  l'organisation 
de  ce  service  nouveau  qui  doit  donner  un  jour  d'immenses 
résultats,  qui  mettra  sous  les  yeux  de  nos  artistes  tous  les 
chefs-d'œuvre  de  la  sculpture  étrangère  et  qui,  en  même 
temps,  révélera  et  popularisera  à  l'étranger  les  trésors, 
encore  si  peu  connus,  —  même  parmi  nous, — de  notre  vieille 
statuaire  flamande. 

»  Van  Soust  s'est  dévoué  avec  le  même  zèle  au  dévelop- 
pement de  toutes  les  branches  de  notre  enseignemeni 
artistique. 

»  Dans  l'art  musical,  ses  efforts  comptent  pour  beaucoup 
dans  l'organisation  des  grands  festivals  de  musique  classique 
inaugurés  si  brillamment  à  la  gare  du  Midi  en  18(31),  —  dans 


—  248  — 

la  création  des  importantes  écoles  de  musique  d'Anvers,  de 
Bruges  et  de  Mons,  —  dans  la  propagation  des  petites  écoles 
de  chant  qui  ont  remplacé  avantageusement,  sur  tous  les 
points  du  pays,  tant  d'insignilianles  sociétés  d'amateurs  jadis 
subsidiées  par  l'État. 

»  Van  Soust  a  de  même  attaché  son  nom  à  la  plupart  des 
mesures  prises  pour  réorganiser  notre  Académie  et  nos  écoles 
d'art.  La  tâche  que  s'est  donnée  l'administration  est  vaste. 
Il  s'agit  d'imprimer  une  direction  pratique  à  l'étude  du 
dessin  par  l'enseignement  de  toutes  ses  applications  indus- 
trielles. Il  faut  en  même  temps  compléter,  agrandir  l'ensei- 
gnement artistique  par  ces  études  théoriques,  historiques,  lit- 
téraires, qui  élèvent  et  élargissent  à  la  fois  les  vues  de  l'artiste. 
Il  faut  bien  plus:  il  faut  universaliser  le  sens  artistique, mêler 
l'art  à  tous  les  degrés  de  l'éducation  ordinaire,  assurer  ainsi 
aux  artistes  un  public  qui  les  comprenne,  et  donner  aux  arts 
l'immense  stimulani  du  goût  général.  Van  Soust  avait  com- 
|)ris  toutes  ces  grandes  entreprises  et  s'y  était  voué  avec 
l'ardeur  de  l'apostolat.  Il  avait  mesuré,  avec  tous  les  esprits 
élevés,  l'importance  capitale  de  cette  production  artistique 
qui  n'est  pas  seulement  un  puissant  agent  de  civilisation, 
mais  (jui,  bien  dirigée,  intelligemment  développée,  doit 
redevenir,  comme  dans  notre  passé,  une  des  grandes 
sources  de  la  fortune  publique  aussi  bien  (pie  la  gloire 
nationale. 

»   Voilà,  Messieurs,  pour  le  fonctionnaire. 

»  L'iiomme  était  une  nature  droite,  —  rendue  parfois  un 
peu  inquiète  et  ombrageuse  j)ar  le  souvenir  d'un  long  stage 
dans  les  rangs  secondaires,  mais  qui  ne  se  souvenait  de  ses 
peines  ipie  pour  I.'K'Ikt  de  les  épargner  aux  aulres.  Tout 


—  ^40  — 

talent,  si  ignoré  qu'il  fût,  était  sûr  de  l'appui  de  Van  Soust; 
et  je  n'entends  pas  par  là  un  appui  siniplonient  adminis- 
(ratif  ;  il  y  ajoutait  son  dévouement  personnel,  celui  de  ses 
proches,  ouvrait  sa  maison  comme  son  bureau,  et  de  son 
protégé  faisait  son  ami.  On  pourrait  citer  plus  d'une  célé- 
brité artistique  du  moment  que  sa  main  est  allée  chercher 
dans  l'obscurité.  Il  faisait  des  mécontents  :  quel  fontionnaire 
n'en  fait  pas?  La  vivacité  naturelle  de  son  caraclèrc,  con- 
tenue par  beaucoup  de  discrétion  et  de  réserve,  avait  ses 
échappées  et  eût  pu  lui  créer  des  ennemis;  sa  bonne  foi 
évidente  les  ramenait.  Il  était  la  loyauté,  la  conscience  même; 
on  le  savait.  Ses  scrupules  délicats  auraient  craint  à  un  égal 
degré  de  favoriser  ceux  qu'il  aimait  et  de  léser  ceux  qu'il 
n'aimait  pas. 

»  Je  ne  pénétrerai  pas.  Messieurs,  dans  l'intérieur  de 
Van  Soust.  La  plupart  d'entre  nous  ont  connu  cette  maison 
aimable  et  hospitalière,  où  les  artistes  étaient  si  fêtés,  où  la 
famille  formait  un  faisceau  si  uni.  Je  craindrais  d'effleurer 
même  les  blessures  qui  viennent  de  s'ouvrir  si  subitement 
et  qui  saigneront  si  longtemps  et  si  cruellement. 

»  Pour  Van  Soust,  il  a  passé  sa  vie  à  chercher  le  bien 
et  à  vouloir  le  juste.  Une  vie,  si  courte  qu'elle  soit,  est  pleine 
quand  elle  est  remplie  ainsi.  » 

Qu'on  nous  permette  d'ajouter  quelques  mots  au  sujet  de 
sa  carrière  littéraire. 

Jaloux  de  se  créer  une  valeur  personnelle  à  côté  de  l'im- 
portance qu'il  pouvait  emprunter  à  ses  fonctions,  Van  Soust 
a  laissé  de  nombreux  opuscules  en  vers  et  en  prose,  des 
comptes  rendus  de  salon,  des  poèmes,  CÉpitre  à  Wierlz, 


—  2Î)0  — 

It  Discours  au  roi,  Lucifer  et  l'Escauf,  traduits  des  grands 
poëmcs  de  ses  amis  Hiel  et  Benoît,  et  enfin  de  belles  inspi- 
rations toutes  personnelles,  te  Chant  lyrique,  rAmiée  san- 
glante. Il  s'était  fait  à  la  longue  un  vrai  talent  d'écrivain  et 
de  poète,  et  l'on  n'aurait  pu  prononcer  sur  sa  tombe  des 
paroles  plus  nobles  ni  qui  le  louent  plus  dignement  que  quel- 
ques-unes de  ses  dernières  strophes.  C'est  l'affirmation,  — 
au  lendemain  de  la  gueri-e  de  1870,  —  de  ce  progrès 
humain  que  la  guerre  elle-même  ne  saurait  enrayer  : 

Un  empire  s'écroule  ;  un  empire  s'élève, 
Un  grand  peuple  apparaît  avec  le  sceptre  en  main  ; 
Un  grand  destin  commence,  un  grand  destin  s'achève; 
L'humanité  toujours  se  retrouve  en  chemin. 

Mais  plus  d'un  la  conduit  vers  la  terre  promise; 
Chaque  groupe  choisit  son  guide  et  son  pasteur; 
Si  quelque  grande  race  à  l'ombre  reste  assise, 
Une  autre  la  devance  à  la  tète  du  chœur. 

L'orgueil  suscite  alors  les  conflits  de  la  guerre, 
Mais  l'ordre  se  refait  par  la  bonté  de  Dieu, 
L'humanité  reprend  sa  marche  sur  la  terre 
Et  suit  par  les  déserts  la  colonne  de  feu. 

Et  la  route  toujours  s'ouvre  plus  spacieuse, 
Elle  monte,  descend,  puis  reprend  son  niveau; 
La  flamme  a  disparu  ?...  pauvre  âme  soucieuse, 
Regarde!  et  vois  plus  loin  renaître  le  flambeau! 


—  231  -^ 

Ce  sont  là  évidemment  les  vers  et  les  sentiments  d'un 
noble  esprit  et  d'un  honnête  homme.  C'est  la  double  réputa- 
tion que  laissera  i)armi  ceux  qui  l'ont  connu  Adolphe  Van 
Soust  deBorkenfeldt. 

Jean  Rousseau. 


CS3 

CD 

f-1 

ci; 

PiJ 

:^ 

CJ 

^ 

< 

Cii 

w 

=fcj 

u 

:: , 

^M 

.■=C 

Q 

(=5 

W 

1/:: 

;?: 

,   1 

g 

< 

Ec: 

C/2 

o: 

CD 

lû 

N 

pl3 


N 

< 


ESSAI  IIISTOPJQUK 

SUli 

LES    TAPISSERIES 

ET 

LES  TAPISSIERS  DE  HAUTE  ET  DE  BASSE-LICE 
DE  BRUXELLES. 

(Stille.) 


VII. 

Les  provinces  des  Pays-Bas  qui  étaienl  retombées  sous  la 
domination  espagnole  virent  s'opérer  une  double  réaction. 
D'une  part,  le  goût  du  luxe  se  ranima  avec  une  ardeur 
fiévreuse  et  prit  des  développements  considérables,  malgré 
les  misères  dont  les  guerres  avaient  accablé  et  accablaient 
encore  le  pays  ;  d'autre  part,  le  clergé  s'éleva  avec  véhé- 
mence contre  les  nudités  et  les  reproductions  de  scènes 
mythologiques,  que  la  première  Renaissance  avait  mises  à  la 
mode. 

C'est  alors  que  l'on  proscrivit,  détruisit  ou  fit  recouvrir  de 
chaux,  dans  les  églises,  une  foule  de  peintures  murales  dont 
le  seul  défaut  était  de  représenter  des  personnages  trop  peu 
vêtus.  Un  rigorisme  farouche  poursuivit  avec  persistance 
ces  innocentes  décorations,  dont  ne  s'accommodait  plus  une 
rigidité  atrabilaire.  Les  tapisseries  ne  pouvaient  échapper 
aux  sévérités,  apparentes  ou  réelles,  des  nouvelles  mœurs. 
A  cet  ordre  d'idées  appartient  une  ordonnance  par  laquelle 
les  magistrats  de  Bruxelles  défendirent,  le  50  mai  1599, 


—  254  — 

sous  peine  de  o  florins  d'amende  et  de  confiscation,  de 
pendre  dorénavant,  devant  les  maisons  et  lors  des  sorties 
de  processions,  des  représentations  ou  scènes  scandaleuses 
ou  inconvenantes.  Pour  qu'aucun  art  n'échappât  à  la  cen- 
sure, on  déclara  que  lorsque  le  saint  sacrement  accompa- 
gnerait la  procession,  on  ne  pourrait  jouer  des  airs  peu 
graves  (onstichtige),  sous  peine  de  la  même  amende  (i). 

Cette  mesure  parait  n'avoir  pas  eu  de  bien  graves  consé- 
quences. Nos  ancêtres,  joyeux  compères  qui  ont  toujours  eu 
un  culte  particulier  pour  les  banquets,  les  drôleries,  les  ca- 
valcades et  les  kermesses,  n'ont  jamais  su  renoncer  à  leurs 
habitudes  de  festoyer  et  de  bien  vivre.  Les  bonnes  tentures, 
bien  chaudes,  dont  ils  aimaient  à  couvrir  les  parois  de  leurs 
demeures,  restèrent  de  leur  goût  pendant  longtemps  encore. 
A  cette  époque  la  ville  prit  l'habitude  d'en  offrir  comme 
cadeau,  soit  aux  princes  en  souvenir  d'un  événement 
agréable  ou  heureux,  soit  aux  personnes  dont  on  désirait 
reconnaître  les  services  ou  conserver  la  protection. 

Ainsi,  lorsque  le  chancelier  de  Brabant  Damant  fut 
appelé  en  Espagne  pour  y  remplacer  le  président  Fonck, 
les  magistrats  de  Bruxelles  résolurent  de  lui  offrir  un  présent 
en  joyaux,  tapisseries  ou  autres  objets ,  valant  GOO  florins 
(2  avril  1587).  Le  29  mars  1589,  ils  décidèrent  de  présenter 
au  prince  de  Parme  des  tapisseries  valant  G  à  7,000  florins. 
Le  comte  de  Mansfeld  ayant  été  remplacé  dans  ses  fonctions 
de  gouverneur  général  des  Pays-Bas,  la  ville  voulut  lui 
témoigner  sa  reconnaissance  de  ce  qu'il  l'avait  exemptée  de 
loger  des  troupes  et  déclara,  le  5  février  159/i.,  qu'elle  don- 


(i)  Groen  corredie  boeck,  f  47  v"  (Archives  di'  la  villf). 


noi'ail  1,000  florins  aux  tapissiers  qui  confeclionnaicnl  une 
tenture  pour  lui.  Lorsque  l'infante  Isabelle  abattit  l'oiseau 
au  tir  de  l'arbalète,  les  magistrats  décidèrent  d'abord,  le 
2  mai  ICI 5,  de  lui  faire  ))résent  d'une  cbambre  de  tapisseries 
de  prix  (coslelycke  tapisseryeii),  mais  on  substitua  à  ce  don 
celui  d'une  somme  de  25,000  florins,  dont  l'infante  employa 
une  partie  à  instituer  la  fondation  dite  des  Pucelles  duSahlon. 
En  1659,  un  fds  étant  né  au  gouverneur  général,  marquis 
de  Caracena,  le  magistrat  et  le  large-conseil  votèrent  à 
celui-ci,  les  14  et  18  août,  le  don  d'une  chambre  de  tapisseries 
de  la  valeur  de  12,000  florins.  A  l'occasion  du  mariage  du 
gouverneur  général,  marquis  de  Grana,  avec  une  princesse 
d'Aremberg  et  d'Aerschot,  et  en  mémoire  de  cet  événe- 
ment, unique  en  son  genre  dans  nos  annales,  le  don  d'une 
tapisserie  du  prix  de  12,000  florins  lui  fut  volé  par  le 
magistral  le  15,  par  le  large  conseil  le  17  mai  1685.  Enfin 
citons  encore  un  dernier  fait.  Après  la  mort  du  marquis, 
son  successeur  Agurto,  à  son  entrée  en  fonctions,  en  1685, 
fut  également  gratifié  d'une  chambre  de  tapisseries,  valant 
10,000  florins.  Un  vole  favorable  fut  émis  à  ce  sujet  :  par  le 
premier  membre  le  20  juillet,  par  le  deuxième  membre  le 
23  du  même  mois,  et,  après  deux  refus  successifs,  par  le 
troisième  membre  ou  les  nations  les  27  et  28.  La  coutume  de 
donner  de  la  sorte  une  chambre  de  tapisseries,  c'est-à-dire 
une  tenture  complète,  était  donc  entrée  dans  les  mœurs  (i). 

{i)  Registre  intitulé  Wynvereeringen  (Ibidem),  passim. 

La  même  coutume  régnait  dans  les  villes  de  deuxième  ordre.  En  1609,  le 
magistrat  de  bréda  dépensa  la  somme  de  6,109  florins  pour  acheter  huit  pièces 
de  tapisseries  de  VHistoire  de  Roland  (aciil  stuckeii  tapyten  van  Orlanda)  et 
les  offrir  à  son  seigneur,  Guillaume  d'Orange-Nassau,  le  lils  aine  du  Taciturne, 
lors  de  son  arrivée.  Comptes  de  lu  ville  de  Bréda  pour  1609,  1»  ill. 


—  256  — 

On  sait  que  de  temps  immémorial  les  princes  de  la  maison 
de  Bourgogne  avaient  à  leur  service  un  spécialiste  qui  portait 
le  titre  de  garde  de  la  tapisserie  ou  tapissier-major  et  veillait 
à  l'entretien  et  à  la  conservation  des  belles  tentures  suspen- 
dues dans  les  palais  ou  les  châteaux  du  domaine  ou  con- 
servées dans  leur  garde-meuble,  en  surveillait  la  réparation, 
présidait  à  leurs  déplacements,  etc.  L'un  d'eux,  Jacques 
T'Seraerts,  fut  exempté  de  l'obligation  de  monter  la  garde 
avec  les  autres  bourgeois,  le  0  novembre  1592  (i).  Dans  la 
suite  on  affranchit  ses  successeurs,  en  outre,  des  assises  sur 
la  bière  et  le  vin,  sur  le  même  pied  que  les  fabricants 
de  tapisseries  le  furent  à  partir  de  1613.  Citons  parmi  ceux 
qui  furent  à  ce  titre  favorisés  de  la  sorte,  François  Van 
den  llecke,  en  1G57;  Nicolas  Binon,  à  partir  de  1699;  Jean 
De  Neve,  à  partir  de  1 727,  etc. 

Les  avantages  considérables  dont  Henri  IV  gratifia  les 
artisans  attirés  par  lui  à  Paris  inspirèrent  aux  archiducs 
Albert  et  Isabelle  et  à  leurs  ministres  la  pensée  de  retenir 
ceux-ci  en  Belgique  en  leur  assurant  également  des  privilèges 
et,  en  particulier,  cette  exemption  de  monter  la  garde  dont 
le  tapissier  de  la  cour  jouissait  déjà  et  celle  de  payer  les 
assises  sur  la  bière,  sinon  pour  la  totalité,  du  moins  pour 
une  partie.  Le  pays  renaissant  insensiblement  à  la  prospé- 
rité et  l'industrie  recommençant  à  fleurir,  les  archiducs  et  les 
particuliers  achetèrent  à  l'envi  des  tentures.  Gomme  une 
faveur  toute  spéciale  s'attachait  à  ce  genre  de  décoration, 
ainsi  que  l'attestaient  les  nombreuses  tentatives  qui  se  fai- 
saient à  l'étranger  afin  d'y  organiser  des  manufactures  de 

(0  Papiers  d'état  cl  de  l'audience,  liasse  n»  304. 


—  257  — 

tapisseries,  des  mesures  de  proleclion  parurent  indispen- 
sables pour  maintenir  en  activité  celles  de  Bruxelles. 

Certains  de  voir  leur  requête  favorablement  accueillie, 
les  doyens,  anciens  et  autres  du  métier  des  tapissiers,  avec 
l'approbation  des  bourgmestres,  échevins  et  conseil  de  la 
ville,  s'adressèrent  aux  archiducs  Albert  et  Isabelle.  Après 
avoir  rappelé  l'antique  splendeur  de  leur  industrie  et 
l'édit  de  l'empereur  Gliarles-Quint  de  l'année  1544,  ils 
signalèrent  différents  abus  qui  se  commettaient  à  leur  pré- 
judice. Ainsi  la  défense  de  faire  travailler,  sous  peine  d'une 
amende  d'un  demi-réal,  un  ouvrier  n'ayant  pas  accompli  ses 
trois  années  d'apprentissage  et  satisfait  son  dernier  maître, 
n'était  pas  observée,  à  cause  de  la  modicité  de  cette  amende. 
L'obligation  imposée  à  chaque  ville  d'avoir  sa  marque 
spéciale  n'était  pas  respectée,  et  parfois  l'on  employait  abu- 
sivement dans  d'autres  localités  la  marque  usitée  à  Bruxelles 
depuis  plus  de  200  ans  (ce  chiffre  de  200  constitue  une 
erreur)  et  composée  d'un  petit  écusson  entre  deux  B,  dési- 
gnant le  premier  le  duché  de  Brabant,  le  second  Bruxelles. 
Parfois  on  s'avisait  de  montrer  aux  amateurs  une  pièce  réel- 
lement fabriquée  dans  cette  ville  et  de  la  leur  vendre  avec 
d'autres  provenant  d'ailleurs  (i).  Ces  fraudes,  disaient  les 
doyens,  étaient  de  nature  à  engager  les  artistes  maîtres  en 
tapisseries,  qui  habitaient  en  grand  nombre  Bruxelles  (2), 


(1)  En  effet,  des  poursuites  furent  encore  dirigées  en  1626  contre  un  nommé 
De  Wilde,  parce  qu'il  avait  vendu  des  tapisseries  du  dehors  pour  «  de  l'ouvrage 
de  Bruxelles  »  (om  dat  hij  vremde  tapijlen  voor  P.russcls  werck  vercocht  hadde). 
Archives  de  l'ancien  conseil  de  Brahant.  Papiers  de  rofTiee  fiscal. 

(2)  Ende  sotiden  aile  de  constenaers  meesters  tappissiers  (die)  met  groote 
menichte  ende  getal  binnen  onser  voirseide  sladl  z-ijn  woonende 


—  -2o8  — 

à  la  quiller,  au  grand  préjudice  de  son  induslrie.  Enliii  ils 
réclamaient  aussi  contre  l'exporlalion  des  fils,  de  la  sayette. 
des  couleurs  préparées  ou  brutes,  et  ils  demandaient  qu'on 
portai  le  (aux  de  l'amende  d'un  réal  à  dix  llorins  et  qu'on 
punit  d'une  amende  de  lOO  florins  les  contraventions  aux 
dispositions  relatives  à  la  marque  légale. 

Albert  et  Isabelle  confirmèrent  alors,  à  la  demande  des 
doyens  des  tapissiers  de  Bruxelles,  d'Audenarde  et  d'En- 
ghicn,  un  édit  du  roi  Phili|)pe  II  qui  avait  sanctionné  celui 
de  Cliaries-Quint  (i)  cl,  de  plus,  accordèrent  aux  tapissiers 
de  la  capitale  des  lettres  patentes  par  lesquelles  ils  étaient 
déclarés  exempts  de  l'obligation  de  monter  la  garde  et,  par 
conséquent,  de  faire  partie,  soit  des  gildes  ou  serments,  soit 
des  luycken  ou  sections.  La  résolution  prise  à  cet  égard  au 
Conseil  privé  et  qui  provoqua  l'émanation  de  lettres  pa- 
tentes datées  du  18  septembre  1606,  est  formulée  en  ces 
termes  : 

«  Dudil  vingt  et  trois  d'aoust  1(300. 

»  Les  doyens  et  supposts  du  mestier  des  tapissiers  de  la 
»  ville  de  Bruxelles  .... 

»  Son  Alteze,  ayant  eu  rapport  de  ccste  requête  et  de 
»  l'advis  rendu  sur  icelle  par  ceux  du  magistrat  de  cette 
»  ville  de  Bruxelles,  désirant  gratifier  aux  suppliants  en  ce 
»  que  pourra  servir  au  redressement  de  leur  mestier,  or- 
»  donne  que  les  placcaris  par  cy   devant  publiez  sur  la 


())  Rootbock ,  C'  79  et  suivants,  aux  Archives  de  la  ville.  —  La  fin  des 
actes  émanés  de  Philippe  II  et  des  archiducs  manque  dans  le  Rootboek,  mais 
il  est  facile  d'établir  que  le  dernier  devait  dater  de  IGOiî;  il  suflit  pour  cela  de 
lire  attentivement  le  texte  que  nous  citons  ensuite. 


—  m)  — 

»  bonne  conduiKo  de  police  d'iceliiy,  soient  irnouvcllez,  el 
»  pour  l'avenir  cstroilenienl  observez,  y  adjoutlanl  la  dé- 
»  tence  et  interdiction  expresse  de  la  revente  et  transport 
»  hors  du  pays  des  laines,  tilets  et  autres  estolTes  requis 
»  pour  la  manufacture  de  tapisseries,  et  pour  de  lout  plus 
»  les  obliger  de  faire  lout  devoir  pour  la  remettre  en  son 
»  ancien  et  fleurissant  estât.  Sa  dicte  Alteze  leur  accorde 
»  de  grâce  la  franchise  du  guet  et  garde  par  eux  requise, 
»  et  quant  à  ceux  des  assises  et  maltottes  compétants  à  la 
»  ditte  ville,  les  suppliants  se  pourront  adresser  aux  dils 
»  du  magistrat  pour  par  eux  y  estre  dispose  comme  pour 
»  leur  bien  et  avancement  dudit  mesticr  ils  trouveront 
»   convenir.  Fait  à  Bruxelles,  etc.  »  (i). 

Cette  exemption  de  l'obligation  de  participer  aux  charges 
de  la  garde  bourgeoise  donna  lieu  à  plusieurs  contestations. 
En  1645,  le  chef-doyen  du  grand  serment  de  l'arbalète 
somma  Pierre  Raes  d'entrer  dans  ce  corps,  et  comme  Raes 
faisait  valoir  sa  qualité  de  tapissier,  on  lui  objecta  qu'il  était 
aussi  épicier.  Condamné  à  deux  reprises  successives  :  par 
le  magistrat,  le  25  mars  1645,  et  par  le  Conseil  de  Brabant, 
le  17  mars  1644,  Pierre  Raes  fut  obligé,  pour  conserver  ses 
droits  à  l'exemption,  de  renoncer,  le  25  octobre  suivant,  au 
métier  des  merciers,  dont  il  faisait  partie  comme  s'occupant 
du  «  travail  en  cire  et  bancquetterie  » . 

Quelques  années  après,  lorsque  les  progrès  des  Français 
dans  le  pays  inspirèrent  des  craintes  pour  la  sécurité  de 


(i)  Extrait  (Ui  registre  aux  appointements  liii  Conseil  privé  du  Roy,  en  copie 
anx  Arcliives  de  !a  ville. 


—  260  — 

Bruxelles,  les  magistrats  publièrenr,  le  27  août  1649,  un 
nouveau  règlement  où  il  était  stipulé  qu'en  cas  de  nécessité, 
affranchiset  non  affranchis  seraient  tenus  de  monterlagarde. 
Les  doyens  du  métier  ayant  réclamé  à  ce  sujet,  le  Conseil 
de  Brabant  les  déclara  non-recevables,  les  magistrats  com- 
munaux ayant  préalablement  protesté  qu'il  ne  s'agissait  nul- 
lement des  gardes  ordinaires;  que,  de  plus,  on  n'avait  en 
aucune  façon  l'intention  de  porter  atteinte  aux  immunités 
des  tapissiers  (18  décembre  1649)  (i).  Dix  ans  plus  tard, 
on  stipula  de  nouveau  que  ces  dernières  cesseraient  de 
droit  en  cas  de  nécessité  urgente,  et  notamment  quand  le 
maintien  de  la  tranquillité  réclamerait  l'établissement  de 
patrouilles. 

L'exemption  d'assises  octroyée  au  métier  fit  l'objet  de 
résolutions  du  magistrat  en  dates  du  24  juillet  1606  et  du 
22  juin  1607;  cette  dernière  augmentait  les  faveurs  oc- 
troyées à  la  corporation  par  la  première,  mais  j'en  ai 
vainement  recherché  le  texte  ;  je  sais  seulement  que  cette 
exemption  était  limitée  pour  tout  le  métier  à  200  aimes  de 
bière  d'un  sou  (2).  La  guerre  ayant  cessé  vers  1010  et  avec 
elle  la  perception  du  plus  fort  impôt  sur  la  bière,  la  taxe 
de  9  mites  par  pot,  les  avantages  faits  aux  tapissiers  se 
trouvèrent  en  réalité  réduits  à  peu  de  chose.  Ils  avaient 
néanmoins  produit  un  bon  effet.  Le  nombre  des  ouvriers 
avait  augmenté  ;  quelques-uns  étaient  venus  de  l'étranger  se 
fixer  à  Bruxelles;  les  tapisseries  faites  dans  cette  ville  sou- 


(i)  Registre  intitulé  Requesten,  vonnissen,  enz.,  16l9-16ijl,  f-  58. 
(2)  Voir  pins  Idin  l'acte  de  -IGl.". 


—  î2Gl   — 

tenaient  d'ailleurs  leur  antique  réputation,  comme  on  le  vit 
alors,  en  les  comparant  avec  des  pièces  fabriquées  à  Délit 
par  un  maître  très-habile.  Ce  qui  militait  particulièrement 
en  faveur  des  neuf  fabricants  de  tentures  les  plus  importants, 
c'est  que,  d'une  part,  ils  donnaient  de  l'ouvrage  à  plus 
de  600  ouvriers,  non  compris  les  femmes  et  les  enfants 
de  ceux-ci,  et  qu'ils  devaient  souvent  recevoir  et  régaler 
leurs  facteurs  ou  commissionnaires  d'Anvers,  et  que, 
d'autre  part,  afin  de  donner  plus  d'éclat  à  leur  travaux, 
quelques-uns  d'entre  eux  avaient,  depuis  six  ans,  dépensé 
pour  la  confection  de  cartons  seulement  plus  de  50,000  flo- 
rins. Ainsi,  d'un  côté,  ils  contribuaient  considérablement  à 
augmenter  en  ville  la  consommation  des  boissons  et,  par 
contre-coup,  le  produit  des  assises  perçues  au  profit  de  la 
commune,  et,  d'un  autre  côté,  ils  s'imposaient  de  lourds 
sacrifices  pour  maintenir  la  réputation  dont  leurs  tentures 
jouissaient.  C'est  ce  que  firent  remarquer  au  magistrat,  en 
1615,  Martin  Reymbouts,  Catherine  Vanden  Eynde,  veuve 
de  Jacques  Geubels,  Corneille  T'Seraerts,  Nicaise  Aerls, 
Jean  Raes,  Jean  Mattens,  Pierre  de  Goddere,  François  Tons 
et  Gérard  Bernaerts  le  vieux. 

Après  avoir  consulté  les  trésoriers  et  les  receveurs , 
les  magistrats  prirent,  le  27  juin  1615,  la  décision 
suivante  :  les  neuf  pétitionnaires  furent  autorisés  à  faire 
brasser  pour  eux  et  mettre  en  cave  de  la  bière,  à  défalquer 
sur  la  quantité  de  200  aimes  par  an  citée  plus  haut  et 
sans  préjudice  de  la  part  revenant  dans  cette  quantité 
aux  autres  maîtres  et  ouvriers.  Eux  seuls  furent,  en  outre, 
déclarés  exempts  de  payer  les  assises,  pour  une  aime  de 
vin   du  Rhin  ou  un  poinçon  de  vin  de  France  chacun, 


-262  — 


à  charge  de  n'encaver  ce  vin  que  par  aime,  demi-aime  ou 
quart   d'aimo   (i).    Celle   mesure,   qui    fut   renouvelée   le 


(i)  Aen  myn  Eer.  Heeren 

Geven  oulmoidelyok  te  kennen  Martyn  Rymbouts,  joffrouwe  Catherina  Van  den 
Eynde,  weduwe  wylen  Jacques  Geiibels;  Cornelis  Tseraerts,  Nicasius  Aerts,  Jan 
Raes,  Jan  Mattens,  Peeter  De  Godderâ,  Franchois  Tons  ende  Geeraert  Bernaerts 
d'oude,  aile  coopliedcn  van  tappisseryon,  houderidc  aile  d'andere  meesters  ende 
wcrckgesellen,  hoe  dat  hen  supplianlen  by  henné  Hoocheden,  in  regarde  van  de 
rodene  begrepen  in  henné  requeslen  aen  de  selve  gepresentcert,  is  gegundt  die 
vrydicheit  van  wakene  ende  braken,  ende  by  uwe  Eer.  die  vrydichcit  van  de 
accyssen  ende  deser  stadt  lasten  voor  twce  hondert  amen  '  stuivers  hier,  van 
welcke  Iwee  pointen  zy  nu  lultel  zyn  gonietende  deur  die  ccsseringe  van  den 
oirloige  ende  van  de  negen  myten  op  elcken  pot  hiers,  ende  alzoe  zy  supplianlen 
cvenwel  bevinden  by  experiencie  dat  tzedert  die  voers.  gunsle  die  gemeyno 
werckgesellen  ewat  meer  zyn  gencourageert  ende  hen  getal  vermeerdert  endo 
eenige  van  biiyten  dlants  alhier  overgecoraraen  ende  verkoescn  henné  woenstcde 
binncn  deser  stadt ,  soe  is  apparent  dat  verscheyde  affgeweken  vuyt  andere 
provincien  ende  coninckrycken  wederomtne  alhier  souden  wederkceren,  behalven 
dat  die  van  den  ambachte  mochten  ewat  meerder  voirdeels  genieten,  dwelck 
terstont  wordt  verbreydt  van  d'een  landt  in  d'ander,  ende  gheraerckt  dese 
heerlycke  consle  is  nul  en  oirboirlyck  voer  aile  heeren,  princen  ende  potentatcn 
van  den  werelt,  ende  dat  die  tappisserien  binnen  dese  stadt  gemaect  altyt  over 
memorie  van  menschen,  ton  oordeele  van  aile  oniparlydige  rechters  endeliefhebbers 
dcr  conste,  hebben  gehadt  ende  behouden  de  prys  boven  aile  d'andere  die  naer 
gemaect  wordden  in  eenige  andere  steden  ende  landen,  gelyck  oyck  onlancx 
by  de  lappisschiers  van  den  hove  ende  aile  andere  is  verconden,  by  conferentie 
van  sekere  stucken  gemaect  tôt  Delffi  by  eenen  seer  experten  meester  aldaer, 
teghen  eenige  stucken  binnen  deser  stadt  gemaect;  dat  oyck  alhier  meer  camers 
tappisseryen  jaerlycx  wordden  gemaect  dan  in  eenige  andere  steden,  veroer- 
saeckende  onder  die  gemeynte  groote  neeringe,  sleet  ende  consomptie,  ende  dat 
daer  by  vuyt  andere  landen  groot  gelt  ende  goet  herwaerts  wirdt  getrocken,  tegens 
tgene  van  het  (dat)  vuyten  landen  gaet,  ende  dat  zy  supplianten  zyn  die  princi- 
paelstc  binnen  deser  sladt,  die  jairlycx  onder  hen  allen  zyn  onderhoudende  over 
de  ses  hondert  meesters  ende  werckgesellen,  lydsnde  groote  ontcosten,  tôt 
ophulpe  van  de  selve  meesters  ende  werckgesellen  met  hen  huysvrouwe  ende 
kinderen,  ende  boven  dyen  dat  zy  tôt  continuatie  ende  vermeerderinge  van  henné 
neeringe  hen  facteurs  van  Anlwerpen  ende  van  aile  andere  canten  arriverende 
moelen  beschinken  raelten  wyn,  onder  hen  dienende  voer  eene  spécieuse  lock- 
meese,  ende  dat  zy  supplianten  ende  el  ;ken  van  hen  genoech  op  crych  anders 
nyet  en  lenderen  dat  om  dese  conste  te  hulpen  bringen  binnen  deser  stadt  in 
haeren  oiiden  fleur,  jae  meer  te  doen  verm^nichfuldigen  ende  florcrcn  dan  oyt  le 


—  -2()5  — 


15  mars  Ki^U  en  l'avour  de  sepl  aiilres  tapissiers  et  ensuite 
pour  tous  ceux  qui  justifièrent  d'une  certaine  importance 
comme  fabricants  ou  marchands  de  tentures,  se  perpétua. 


voeren,  daer  toe  ccnige  van  lien  supplianten  die  mintste  zyn  in  gelaie  hebben 
geemployeert  in  het  doen  schilderen  van  nyeuwe  patroonen  over  de  derlich 
duysent  Kinsgullenen  binnen  sesse  jaeren  herwaerls,  gelycli  by  particulière 
rekeningbe  soude  blyoken,  waert  noot.  Soe  bidden  die  supplianten  seer  oidtmoc- 
delyciv  dat  de  goede  geliefTte  van  uwen  Eer.  zy  tôt  meerder  animeringe  van  hen 
supplianten,  eicken  van  hen  jaerlycx  toe  te  vuegen  by  vereeringe  die  vrydicheyt 
van  accyssen  onde  andere  deser  stadts  lasten,  voer  twee  amen  Rinscben  ende 
Franschen  wyn,  ordonnerende  mot  eenen  den  pachters  ofi  collecteurs,  nu  ofl 
naemaels  zynde,  hen  hier  naer  le  reguleren,  endc  heu  de  selve  vrydicheyt  van 
accyssen  ende  andere  laslen  op  de  biercn,  weder  zy  selve  brouwen  oft  henné 
bieren  inneleggen  vuyt  eenige  brouweryen,  ende  dat  toile  voerseyde  quaniitcyl 
van  twee  hondert  amen;  dwelck  doende,  enz. 

Op  (le  marge  stonl  gescreven  :  Sy  gestell  in  handen  van  de  Rentmeesters  deser 
stadt  om  hen  advys  daer  op  gehoert,  voirls  recht  gedaen  te  wordden  naer 
behoeren.  Actum  unjuinj  1615.  Ondergeteeckenl  :  F.  Van  Asbroeck. 

Noch  op  de  selve  marge  stonl  gescreven  :  Myne  Heeren  andermael  geleden 
hebben  op  dese  requeste,  metten  advyse  van  de  Rentmeesters  deser  stadt, 
consenteren  den  supplianten  te  moghen  brouwen  henné  eyghene  bieren  ende  die 
inneleggen  vrye  van  dese  stadts  lasten,  in  den  verstande  nochtans  dat  zy  inl' 
brouwen  suUen  moeten  houden  sulcken  ordre,  dat  die  repartitie  van  twee  hondert 
amen  biers  alhier  geruert,  soe  sal  gemaect  wordden  dat  d'andere  suppoesten  van 
hel  ambachte  der  supplianten  in  hen  aendeel  daer  by  nyet  en  wordde  vercorl, 
ende  voirls  raeer  dat  aile  die  bieren  die  zy  vuyt  sulcke  brouwten  met  eenen  roeck 
sullen  maecken,  tzy  goede,  middele  ofl  cleyne,  métier  aemen  sullen  moeten 
gereekent  wordden  ende  comraen  alsoe  in  deminuiie  van  voerseyde  ii^  aemen,  van 
welcke  brouwten  zy  den  biercomptoere  van  der  stadt  sullen  schuldich  syn,  elcke 
reyse  dat  zy  sullen  brouwen,  te  moeten  adverteren,  om  by  de  waerdeerders  ende 
toesienders,  naer  d'opteeckeninge  daer  van  ten  comptoire,  rapport  te  doene  len 
eynde  als  boven,  ende  nopende  de  geheysschte  vrydicheyt  van  wynen,  gunnen 
den  supplianten  met  seclusie  van  aile  andere,  vrydicheyt  van  deser  stadts  lasten 
elcke  lot  een  arae  Rinschen  ofl  een  ponchoen  Franschen  wyn  Isjaers,  sonder  meer, 
ende  sullen  den  voerseyden  wyn  moeten  inneleggen  metten  aemen,  hallf  aemen 
ofl  vierendeel,  ende  n-yel  daer  oader.  Actim  XXVII  juruj  1615.  Ende  geteeckent  : 
F.  Van  Asbroeck. 

GecoUalionneerl  legens  de  originaele  requeste,  metle  Iwee  appostiUen  in  dalen 
respective  als  boven  daer  op  slaende,  is  dese  dacrraede  bevonden  accorderen  by 
my  ondergeteeckenl,  De  Pape. 

Het  Grool  swerlboeck  ab  anno  '1612..,  f  ô05. 


—  2C4  — 

comme  nous  le  verrons,  presque  jusqu'à  la  fin  du  xviii'siècle. 
Combinée  avec  rexoinplion  de  l'obligation  de  monter  la 
garde,  elle  constituait  un  privilège  que  l'on  réclamait 
volontiers  et,  ajoutons-le,  dont  on  abusa  parfois  en  faveur 
de  gens  qui  n'y  avaient  pas  droit. 

Les  teinturiers  aussi  jouirent  souvent  de  l'exemption  de 
payer  l'assise.  Enfin  on  attribua  encore  l'affranchissement 
du  guet  à  l'apprèteur  qui  faisait  sécher  les  tapisseries 
(droogscheerder),  et,  entre  autres,  à  Nicolas  De  Smet,  qui, 
devenu  septuagénaire,  résigna  cet  emploi  à  son  successeur 
Antoine  De  Neck  (10  juillet  1051));  à  Antoine  Steemans, 
en  faveur  de  qui  De  Neck  renonça  à  ses  fonctions,  et  qui 
fut  en  même  temps  nommé  par  le  magistrat  gardien  ou 
concierge  de  la  porte  de  Laeken  (17  décembre  1678);  à  Guil- 
laume Corbie,  .à  Jean-Baptiste  Stroobants,  qui  remplaça 
Corbie  le  25  mars  1688  (30  mars  1689),  etc.  C'étaient  les 
doyens  et  anciens  du  métier  qui  choisissaient  cet  apprèteur 
privilégié. 

De  ce  temps  datent  un  grand  nombre  de  mesures  nou- 
velles, qui  furent  adoptées  par  le  métier,  Fnais  sur  lesquelles, 
faute  d'archives,  nous  ne  possédons  que  des  données  in- 
complètes. La  corporation  n'avait  plus  de  maison;  l'Arbre 
d'or,  Grand'Place,  était  devenu  la  propriété  des  brasseurs. 
Pour  local  les  tapissiers  se  contentèrent  d'une  chambre 
prise  en  location  et  qui  occupait  l'un  des  étages  de  la  maison 
le  Loup  ou  la  Louve,  celle  même  où  s'imprime  mon  tra- 
vail. N'ayant  pas  de  revenus  pour  payer  leurs  dépenses 
habituelles,  ils  établirent  en  1621  une  taxe  hebdomadaire 
consistant  en  un  demi-sou  payé  par  chaque  maître  (réso- 
lution prise  par  le  métier  le  20  juillet  1()54,  pour  en  pro- 


—  20?)  — 

longer  la  levée  pendant  trois  ans  encore;  décision  confornriG 
des  nfiagistrats,  du  7  décembre  1635)  (i). 

Au  nombre  des  prescriptions  contenues  dans  l'édit  de 
1544,  il  y  en  avait  une  qui  interdisait  à  toute  personne  étran- 
gère au  métier  et  n'étant  pas  autorisée  par  lui,  à  vendre  du  lil 
d'or,  d'argent  ou  de  soie,  de  la  sayette,  de  la  laine  et  d'autres 
objets  servant  à  la  fabrication  des  tapisseries.  Comme  elle 
était  mal  observée  et  que  les  fabricants  étaient  souvent  trompés 
lorsqu'ils  achetaient  des  matières  premières,  les  magistrats, 
de  l'avis  de  la  gilde  de  la  draperie,  comminèrent  une 
amende  de  18  florins  carolus  contre  tout  contravenant,  qu'il 
fût  vendeur  ou  acheteur,  et  sans  exception  pour  qui  que  ce 
fût.  La  vente  des  objets  indiqués  ci-dessus  fut  réservée  à 
deux  personnes  de  bonne  réputation,  hommes  ou  femmes 
(27  août  1614)  (2). 

A  cette  époque,  on  désignait  tous  les  ans  deux  maîtres 
qui,  sous  le  nom  de  scelleurs  des  tapisseries  {segelaers  van 
de  tapitserijen),  étaient  chargés  d'examiner  toutes  les  ten- 
tures et  pouvaient  les  refuser  si  elles  étaient  tissues  avec  de 
mauvaises  étoffes  et  si  elles  n'étaient  pas  quadrilatérales, 
sauf  qu'on  admettait  une  différence  de  mesure  d'un  demi- 
quart  (ou  huitième).  Ces  scelleurs  devaient  être  présents 
pour  remphr  leur  office  à  la  chambre  du  métier  trois  fois  par 
semaine,  le  mardi,  le  jeudi  et  le  samedi,  de  10  à  11  heures, 
ou,  suivant  une  ordonnance  portée  à  leur  demande,  le 
5  août  1624,  de  11  à  12.  On  nomma  à  cet  office  :  le  11)  avril 
1622,  Roland  Van  den  Daele  et  Martin  Roelants  ;  le  5  août 


(1)  Register  van  (1er  sladi  van  Brussel  sub  De  Condé,  f°  U2. 

(2)  Het  Groot  swertboeck,  l.  c,  f"  5-45. 


—  266  — 

16:24,  Nicolas  Montcornet  cl  Henri  Maliens;  le  14aoùl  1625, 
Daniel  Leyniers  cl  Jean  Rael;  le  14  seplembrc  1626,  Ber- 
nard Van  Brustom  et  François  Van  den  Hecke;  le  H  juin 
1G45,  les  doyens  sorlanl  de  fonctions  Conrad  cl  Gaspar  Van 
der  Bruggen.  Les  niembres  les  plus  considérables  de  la  cor- 
poration ne  refusaienl  pas,  on  le  voit,  cet  emploi  difficile. 

Les  tapisseries  achevées  étaient  remises  à  des  ouvriers 
appelés  afselters  ou  verlichters,  et  qui  avaient  pour  mission 
de  gommer  les  tentures,  c'est-à-dire  de  leur  donner  une 
sorte  d'enduit  ou  de  vernis.  On  leur  payait  pour  cela  deux 
blancs  par  aune  d'étoffe  ordinaire  dite  leperoliverck,  et  trois 
sous  par  aune  d'ouvrage  en  soie  (grael  ou  zydciverck). 
Celte  manipulation  avait  été  adoptée  et  prescrite  afin  que 
les  tapisseries  ne  fussent  pas  détériorées  ailleurs  et  afin  de 
conserver  à  celte  fabrication  sa  bonne  renommée  (i).  Les 
règlements  faits  à  ce  sujet  furent  confirmés  le  11  décembre 
1627.  Quand  une  pièce  était  jugée  de  trop  peu  de  valeur 
pour  la  subir,  on  devait  donner  une  caution  (montant  à 
douze  sous  par  aune)  qu'on  ne  fenverrait  pas  dans  ce  but 
à  Anvers  ou  ailleurs,  et  le  contrevenant  à  cette  défense 
était  puni  d'une  amende  à  partager  par  tiers  entre  la  ville, 
l'oflicier  du  j)rince  et  les  afsetters.  Ceux-ci  ne  pouvaient, 
sous  peine  de  privation  de  leur  oJ'Iice  ou  autre  peine  arbi- 
traire, transiger  avec  les  marchands  ou  fabricants,  et  leur 
laisser  exporter  des  tapisseries  n'ayant  pas  passé  par  leurs 
mains.  A  leur  demande,  on  leur  délivra,  le  22  mars  1628, 


(<)  De  selvc  aflfsettinge  innegebrocht  cnde  bevolen  is,  op  dat  die  tapitseryt- 
elders  en  nyet  soude  veiurgcrt  oft  vtTvalstht  wordeii  loi  desrepiilalie  van  dcse 
stadl  ende  van  de  traficke  ende  conste  deser  lapitserye.  Ueijister  van  der  ntadt 
van  Brussel  .lub  De  (lande,  f""  49  v"  fl  JiG. 


—  2G7  — 

des  lettres  cxécu(oriaIes  les  aulorisaiU  à  sévir  conlre   les 
contrevenants. 

Les  archiducs  Albert  et  Isabelle  tirent  aux  tapissiers  de 
Bruxelles  de  nombreuses  et  fortes  commandes,  dont  nous 
parlerons  plus  loin  en  énumérant  ceux  qui  furent  leurs 
fournisseurs.  Npus  citons  ici,  faute  de  connaître  les  noms  des 
vendeurs,  l'achat  opéré,  en  1607,  d'une  série  de  29  pièces 
mesurant  990  3/4  aunes  et  contenant  l'Histoire  de  Pomone, 
celle  de  Paris  et  d'Hélène,  celle  des  Travaux  de  Troie  et 
celle  de  Jardinage,  qui  fut  payée  8,987  livres  ou  9  livres 
l'aune  (i).  Indépendamment  des  privilèges  qu'ils  leur 
assurèrent  ou  confirmèrent,  ils  manifestèrent  encore  leur 
sympathie  pour  leurs  travaux  par  des  dons  considérables 
en  argent.  Suivant  le  pensionnaire  Tax,  ils  leur  accordèrent 
pendant  quelques  années  des  subventions  qui  s'élevèrent 
jusqu'à  13,000  florins  par  an  (2).  II  est  plus  certain  qu'en 
vertu  de  lettres  patentes  en  date  du  G  août  1620,  les 
tapissiers  furent  autorisés  à  emprunter  50,000  florins  ou 
livres  de  4-0  gros,  dont  l'intérêt,  à  G  1/4  pour  cent,  soit 
3,125  llorins,  était  payé  par  le  domaine.  Cette  faveur, 
octroyée  d'abord  pour  trois  ans,  fut  renouvelée  à  plusieurs 
reprises,  notamment  le  1 1  octobre  1635,  le  3  octobre  1631), 
pour  trois  ans ,  mais  réduite  alors  à  2,400  livres  par 
an,  dont  la  moitié  fut  mise  à  charge  de  la  ville;  en 
1658  (ôj,  etc. 

Quel    but    voulut -on    atteindre    en    empruntant    ces 


())  HouDOY,  Les  tapisseries  de  hauie-lisse,  p.  1-49,  à  qui  nous  devons  aussi 
la  mention  des  autres  acquisitions  faites  par  les  archiducs. 
(2)  Volume  aux  Archives  de  la  ville,  intitulé  :  Tnx,  Aggregala. 
(5)  Voyez  HouDOY,  /.  c,  p.  dSl. 


—  268  — 

50,000  florins?  Il  eût  été  sage  de  les  employer  en  achats  de 
carions,  alors  que  l'école  flamande,  vivifiée  par  le  talent  de 
Rubens,  de  Jordaens,  de  Van  Dyck,  de  tant  d'autres,  bril- 
lait d'un  éclat  prodigieux.  On  semble  s'être  borné  à  une 
levée  fictive,  dont  les  intérêts  annuels  étaient  répartis 
entre  les  membres.  Il  y  eut  à  ce  sujet  une  discussion  entre 
les  marchands  et  maîtres,  d'une  part,  les  compagnons  ordi- 
naires et  ouvriers,  d'autre  part.  L'affaire  parut  assez  grave 
pour  être  renvoyée  à  l'examen  du  i)ensionnaire  de  la  ville 
Mestraeten,  qui  soumit  un  projet  d'accord  au  chef-président 
du  conseil  jirivé,  le  célèbre  Roose,  et  cet  accord  fut  accepté 
dans  une  réunion  tenue  en  la  salle  du  métier  le  iiô  février 
1656  et  à  laquelle  assistèrent  Mestraeten,  les  doyens,  les 
anciens,  les  marchands  et  maîtres  et  deux  délégués  des 
ouvriers,  iMichel  Perclaes  et  Antoine  Herdersem. 

La  somme  de  5,125  florins  fut  partagée  comme  suit  : 
1,125  florins  furent  adjugés  aux  maîtres,  2,000  florins  aux 
ouvriers.  Sur  le  premier  chiffre  on  allouait  50  florins  à 
chaque  tapissier  qui,  pendant  l'année,  fabriquerait  ou  ferait 
fabriquer  trois  chambres  (ou  garnitures  de  chambres);  le 
restant  serait  partagé  entre  ceux  ayant  exécuté  du  travail 
(lit  de  chambre  (camerwerck),  les  teinturiers  travaillant  j)our 
le  métier  et  les  affsetters.  La  seconde  fraction  était  distribuée 
entre  les  ouvriers  travaillant  chez  un  maître  depuis  trois 
ans  (non  compris  les  trois  ans  d'apprentissage)  et  y  compris 
ceux  venus  du  dehors,  les  huyten  gesellen,  comme  on  les 
appelait.  Dans  le  cas  où  pendant  l'année  la  mort  frapperait  un 
ouvrier,  sa  veuve  recevait  sa  part;  si  le  défunt  était  céliba- 
taire, cette  dernière  était  employée  à  payer  les  funérailles. 
L'administration  de  la  somme  entière  était  confiée  aux  deux 


—  269  — 

doyens  les  plus  anciens,  qui,  moyennant  une  allocation 
annuelle  de  îiO  florins  pour  chacun,  en  annotaient  remploi 
dans  un  registre  spécial  et  en  rendaient  compte  (i). 


(i)  Alsoo  différent  was  geresen  Uisschen  die  gemeyne  supposlen  van  den 
Tappessiers  ambachte  doser  stadt  Bruessele,  ter  eenre,  ende  die  cooplieden  endc 
meeslers  van  den  selven  ambaohln,  ter  andcre  sydcn,  aengacnde  die  verdeylinghe 
van  dry  diisent  hondcrt  ende  vyffvcntvvinticii  guklens,  die  Haerc  doorluchlichslc 
Hoocheyl  aen  het  selven  ambaclit  tôt  onderstandt  van  bot  selve  ende  om  die 
manufacture  van  den  conste  der  Tapisscrye  albier  te  boudcn,  jaerelycx  is  vergun- 
nende,  soo  ist  dat  om  aile  voorder  dispuet  dycn  aengacnde  te  verhueden,  die  selve 
cooplieden  ende  meeslers  mette  voorseyde  gemeyne  supposlen  van  den  Tapessiers 
ambacble  by  lusschenspreken  van  den  heere  pensionaris  Meslraelen,  daer  loe  by 
den  beere  Hoofl  président  van  den  Secretcn  ende  Raedt  van  Stale  gecommiltcert, 
ende  op  het  rapport  aen  den  selven  heere  Hoofl  président  gedaen,  syn  veraccor- 
deert  in  der  manieren  naervolgende  : 

Te  weten  dat  de  voorseide  cooplieden  ende  meesters  Tapessiers  sullen  hebben 
ende  proufficteren  vnyt  die  voorseide  somme  van  dry  dusent  hondert  ende 
vyffventwintich  guldens  de  somme  van  duysent  hondert  ende  vyffvenlwintich 
guldens,  ende  (aengaende)  die  reslerende  twee  duysent  guldens  dat  de  selve  sullen 
verdeylt  ende  voorlaen  geproufficteerl  worden  by  de  voerseide  gemeyne  supposlen 
in  den  verstande  ende  manière  naervolgende,  le  vvetcn,  len  regarde  van  de  coop- 
lieden ende  meeslers  dat  van  die  voorseide  somme  van  duysent  hondert  ende 
vylTvenhvinlich  guldens  aile  cooplieden  die  dry  caemers  lappisseryen  aile  jaere, 
tsy  in  commissie  oftvoorhunne  eygene  rekeninghe,  sullen  maecken,  sullen  genyeten 
die  somme  van  vyfftich  Rinsgulden.  ende  dat  die  reste,  soo  onder  die  voorseide 
cooplieden  ende  meeslers  camerwerck  maeckende  als  die  verwers  endc  affsetters 
van  den  voorseyden  ambacble,  sal  worden  verdeylt  egalyck  ende  hooffdegelyck, 
ende  len  regarde  van  de  voorseyde  gemeyne  supposlen,  dat  onder  hunliedcn, 
midtsgaders  oock  onder  die  ■\verckgesellen,  die  voorseyde  somme  van  hvce  duysent 
guldens  eensgelycx  sal  worden  egalyck  verdeylt,  wel  verstaende  dat  alleen  voor 
supposlen  ende  werckgesellen  sullen  worden  gehouden  ende  gerckent  die  gène  die 
boven  die  drye  jaeren  van  hunne  leeringhe  noch  andere  dryo  jaeren  by  eenen 
vryen  nieester  sullen  hebben  geleert  ende  als  huerlinck  gewrocht.  ende  dat  do 
selve  oock  maer  en  sullen  commen  van  het  voorseyd  bénéficie  te  genieten  van  den 
maent  van  augusto  aff  dat  sy  hunnen  tydt  le  voorcns  sullen  hebben  voldaen,  gelyck 
oock  aile  vrempdelingen  die  van  buylen  alhier  sullen  comen  die  men  is  noemende 
buylen  gesellen  oft  andere  werckgesellen  van  het  voorseyt  bénéficie  oeck  sullen 
comen  te  genieten  van  don  maent  van  augusto  aff  dat  sy  te  vorcns  te  boecke  van 
den  ambachte  sullen  wesen  aengeteeckcnl  ende  bekendt,  sonder  hier  onder  le 
begrypen  eenigbe  supposlen  oft  werckgesellen  die  geen  leecken  by  eenen  vryen 
meester  en  syn  houdende,  ende  aengacnde  de  persoonen  die  binnen  sjaers  sullen 


—  270  — 

On  a  récemment  public  des  renseignements  du  plus  haut 
intérêt  sur  la  manière  dont  se  fabri(juaicnt  les  tapisseries  en 
France  etaux  Pays-Bas  vers  l'année  1G30.  Le  cardinal  Rarbe- 
rini,  qui  établit  à  ses  frais  un  atelier  à  Rome,  tit  demander 
dans  ces  pays  des  renseignements  que  les  légats  du  pape  et 
d'autres  personnes  s'empressèrent   de  lui  transmettre.  La 


commcn  aillyvich  te  worden,  indycn  het  gehoudc  mans  syn,  sullen  die  ^YedlI^ven 
hun  paerl  genieten  van  het  jaer  daerinne  sy  sullen  gestorven  syn,  ende  indyen 
het  jongmans  syn,  sal  l'selve  paert  geemployeert  wordon  tôt  hunne  begraelTe- 
nisse.  ende  aengacnde  het  bewindt  ende  administratie  van  de  voorseyde  somme 
van  312oi''^'>  guldens,  sal  de  selve  blyven  by  de  Iwee  oiidsle  dekens  van  den 
voorseyden  ambachte,  die  welcke  van  de  vuytreckinghe  ende  verdeylinghe  van  de 
voorseyde  somme  sullen  moeten  houdcn  pert'nenten  bocck  van  de  naenien  ende 
toenamcn,  soo  van  de  cooplieden,  meesters  als  gcmeyne  siipposlcn  ende  werck- 
lieden  die  daer  inné  sullen  moelen  parliciperen,  ende  daervan  jaerlycx  doen 
pertinente  rekeninghe,  ten  overstaen  van  tvvec  gedeputeerde  van  de  meesters  ende 
werckgcsellen  oft  supposten,  op  den  loon  ende  salaris  elck  van  vyfiich  guldens 
tsjaers,  die  vvclcke  midlsgaders  die  voordere  costen  dier  sullen  commen  W 
geresen,  soo  tôt  het  vervolch  van  betaelinghe  als  anderssints  sullen  gcdraegcn 
^vorden  halff  by  de  voorseyde  cooplieden  ende  meesters,  ende  halIThy  de  voorseyde 
supp&sten  ende  werckgesellen, 

Op  aile  v.'clcke  besprecken  ende  conditicn  de  voorseyde  respective  partyen 
vercleren  op  heden,  date  deser,  met  malcanderen  provisionelyck  ende  lot  dat  het 
anders  by  Haerc  Doorluchtichste  Hoocheyt  ol'l  synen  raede  sal  wesen  geordon- 
noert,  veraccordeert  ende  gelransigeert  te  wesen  ende  dit  accordt  allydt  te 
onderhouden,  onder  verbintenisse  van  hunne  respective  persoonen  ende  goederen, 
renoncierende  aile  beneficien  van  redite  dese  eenichsinls  contrarierende. 

Aldus  gedaen  binnen  der  stadt  van  Bruessele,  op  de  camere  van  den  voorseyden 
ambachte,  op  den  XXHI  februaril  1636,  1er  prescnlie  ende  intervenlie  van  de 
voorseyde  heere  penslonaris,  die  dekens,  oudcrmans,  cooplieden  ende  meesters 
van  den  voorseyden  ambachte,  ende  Michiels  Perclaes  ende  Anlhoon  Herdcrsom, 
als  gemachlicht  ende  reprcscnterende  die  gcmeyne  supposten  ende  werckgesellen 
van  den  voorseyden  ambachte,  volgens  die  procuratie  daervan  gopasseert  op  den 
XXX  januarii  leslleden  voor  den  notaris  J.  Van  Beveren,  ende  in  kennisse  der 
waerheyt  hebben  partyen  dese  transactie  ondertccckent  ende  daervan  twee 
instrumenlcn  doen  depeschcrcn.  Knde  was  onderteeckent  J.  Van  Mestraelen  ; 
nedcrwaerts  was  noch  onderteeckent  :  Jan  Rael,  Everaert  Lcyniers  ende  I3crnaert 
Van  Brustom. 

Registre  intitulé  Tax,  166^2,  f»  258. 


—  271   — 

correspondance  relative  à  celle  affaire  se  consei-ve  dans  la 
bibliothèque  Barberini  cl  a  été  coinniuniquéepar  M.  Eugène 
Munlz  à  la  Revue  des  sociétés  savantes  des  Départements  de 
France  ;  comme  le  remarque  cet  auteur,  l'étude  des  procédés 
techniques  y  tient  plus  de  place  que  les  considérations 
artistiques.  C'est  que  ces  dernières  auraient  été  à  peu  près 
inutiles  au  cardinal,  tandis  que  la  première  répondait  aux 
exigences  môme  résultant  de  ses  projets.  On  y  trouve,  notam- 
ment, le  questionnaire  adressé  à  l'archevêque  de  Consa, 
nonce  apostolique  à  Bruxelles,  et  les  réponses  de  ce  dernier, 
réponses  dont  nous  donnons  ici  la  traduction  de  l'italien. 

«  La  laine  (employée  par  les  tapissiers)  vient  de  Lille  et 
de  Tournai,  de  Mons  et  cl'Arras,  et  vaut  1:20  florins  les  cent 
livres;  mais  la  meilleure  est  celle  du  pays  de  Liège  et  de 
Uiomont  (sans  doute  Beaumont,  la  petite  ville  du  Hainaut 
ainsi  nommée).  On  ne  se  sert  pas  de  laines  d'Espagne  et 
d'Angleterre  à  cause  de  leur  prix  et  parce  qu'elles  ne  pren- 
nent pas  la  teinture  aussi  bien  que  celles  du  pays  (t). 

»  Pour  peigner  la  laine,  on  emploie  l'huile  dit  rapesmauf, 
ou  huile  de  colza,  provenant  d'une  semence  qui  se  met  en 
terre,  puis  se  recueille  pour  fabriquer  de  l'huile;  quelques- 
uns  en  opèrent  le  mélange  avec  de  l'huile  d'olive,  quand  ils 


(i)  H  y  avait  une  raison  particulière  qui  ne  permettait  pas  de  se  servir  de  la 
laine  d'Espagne  pour  les  tapisseries.  L'Encyclopédie  (t.  IX,  col.  178)  nous  la 
fait  connaître  en  ces  termes  :  «  Malgré  son  extrême  finesse,  la  laine  d'Espagne 
»  n'est  pas  propre  à  toutes  sortes  d'ouvrages:  il  en  est  qui  demandent  de  la 
»  longueur  dans  la  laine;  par  exemple,  il  serait  imprudent  d'employer  la  magni- 
»  fique  laine  d'Espagne  à  former  les  chaînes  des  tapisseries  que  l'on  fait  aux 
»  Gobelins.  La  perfection  de  l'ouvrage  exige  que  les  chaînes  avec  beaucoup  île 
»  portée  soient  fortement  tendues  et  que  leur  tissu,  sans  èlre  épais,  soit  assez 
»  ferme,  assez  élastique  pour  résister  aux  coups  et  au  maniement  des  ouvriers 
»  qui  sans  cesse  les  tirent,  les  frappent  et  les  allongent.   » 


—  272  — 

en  Irouvcnl  à  bas  prix,  ou  avec  du  beurre  à  moitié  gâté. 

«  On  file  la  laine  à  Mons,  dans  les  pays  d'Artois  et  de 
Hainaut,  à  Lille  et  à  Tournai;  la  meilleure  se  file  à  Mons, 
plus  au  moulinet  qu'au  conecchio  (?). 

))  On  nettoie  la  laine  au  moyen  du  savon  qui  se  fabrique 
à  Anvers  et  à  Bruxelles;  il  est  semblable  à  celui  d'Italie  et 
vaut  5  (florins?)  la  livre. 

»  La  meilleure  teinture  esl  celle  d'Anvers  ou  de 
Bruxelles. 

»  On  attribue  la  bonté  de  la  teinture  au  mode  d'opérer 
seul  et  non  à  l'action  de  l'eau  ou  de  l'air. 

»  On  estime  plus  la  teinture  d'Anvers  et  de  Bruxelles 
que  celle  de  France,  d'où  on  ne  fait  venir  de  la  laine  teinte 
qu'en  secret  et  rarement.  De  Cambrai  et  de  Mons  on  envoie 
à  Paris  de  la  slama  blanche  non  teinte,  mais  on  ne  fait  rien 
venir  de  Paris. 

»  Les  meilleurs  maîtres  en  arazzeria  (tapisserie)  sont 
Jean  Raes,  François  Vannsnaeken  (Van  Cotthem),  Jean 
Rot  (Raet),  la  veuve  Geubles  (Geubels),  Bernard  Brus- 
tun  (Van  Bruslom).  Le  premier  teinturier  en  laines  est 
Daniel  Levis  (Leyniers)  ;  quant  à  la  soie,  elle  se  teint  à  An- 
vers où  les  teinturiers  sont  nombreux  et  où  ceux,  qui  teignent 
la  soie  ne  teignent  pas  la  laine  et  réciproquement;  tous  les 
teinturiers  sont  des  Flamands. 

»  Ceux  qui  confectionnent  des  tapisseries  ne  teignent  pas 
et  c'est  une  profession  différente. 

»  Illustre  Seigneur,  je  n'envoie  pas  à  Votre  Seigneurie 
l'indication  de  leur  manière  de  teindre,  parce  que  j'ai  faiten 
vain  toutes  les  diligences  possibles  pour  l'obtenir.  Comme 
je  l'ai  enfin  découvert,  les  teinturiers  ont  décidé  de  ne  pas  la 


—  ^273  — 

donner  afin  de  ne  pas  faire  tort  à  leur-  industrie.  Je  l'ai  inu- 
tilement réclamée  avccla  plus  grande  adresse,  en  employant 
des  tierces  personnes;  je  n'ai  pu  savoir  d'eux  la  moindre 
chose  ;  je  ne  renonce  pourtant  en  aucune  façon  à  l'espoir  de 
l'obtenir,  afin  de  remplir  mes  obligations,  et,  dès  que  nous 
aurons  réussi,  nous  l'enverrons  immédiatement  à  Votre 
Seigneurie,  et  à  ce  prix  nous  serons  tout  à  fait  contents.  » 

Bruxelles,  :25  août  1()!27  (date  à  laquelle  il  faut,ye  crois, 
substituer  celle  de  165!2). 

Dans  le  même  registre  se  trouve  une  autre  lettre  datée 
également  de  Bruxelles,  mais  écrite  le  17  mai  1()55.  Elle 
contient  ce  qui  suit  : 

«  Très-illustre  Seigneur, 

»  J'ai  satisfait  en  partie  à  ce  que  Votre  Seigneurie  m'a 
»  ordonné  au  nom  du  Seigneur  Cardinal  patron.  Il  me  reste 
»  à  répondre  à  votre  10"  question.  Et  comme  pas  un  tein- 
»  turier  ne  m'a  promis  une  note  sur  l'exercice  de  sa  profes- 
»  sion,  dans  la  crainte  de  causer  quelque  tort  en 
»  communiquant  les  secrets  de  la  teinture,  je  m'informerai 
»  à  Anvers  et  vous  instruirai  par  l'ordinaire  pro- 
»  chain....  (i).  » 

D'autres  rapports  concernent  de  préférence  les  fabriques 
françaises,  mais  renferment  aussi  des  données  sur  ce  qui  se 
pratiquait  aux  Pays-Bas.  En  Flandre,  à  Audenarde,  on  em- 
ploie, y  est-il  dit,  les  laines  du  pays,  tandis  qu'à  Bruxelles, 
outre  celles  d'Allemagne,  dites  vulgairement  de  Bavière  et 
de  Beaumont  (?j,  on  utilise  celles  d'Angleterre.  Ceci  ne 


(i)  Bévue  des  Sociétés  savantes,  o°  série,  t.  VIII,  p.  518. 


—  274  — 

cadre  pas  avec  le  rapport  envoyé  de  Bruxelles,  mais  la 
contradiction  pourrait  n'élre  qu'apparente.  A  cette  époque, 
il  y  eut  des  négociations  entre  l'Angleterre  et  les  Pays-Bas, 
et  les  usages  du  commerce  peuvent  s'en  être  ressentis.  —  Les 
tapissiers  d'Audenarde  employaient  pour  leurs  tentures  une 
soie  ûlicorgantine,  dont  la  meilleure  espèce  venait  de  Vérone. 
—  On  entre  ensuite  dans  de  grands  détails  sur  la  teinture  et 
surtout  la  teinture  en  bleu  ;  les  rouges  à  l'alkermès  et  les 
jaunes  à  la  gaude  donnaient,  en  elfet,  des  couleurs  solides, 
tandis  que  le  bleu  et  les  violets  de  certains  tons  étaient  fu- 
gitifs et  le  sont  encore  (i).  —  Dès  ce  temps  là  on  se  plaignait 
que  les  couleurs  n'avaient  plus  la  solidité  de  celles  qu'on 
voyait  aux  vieilles  tapisseries  cent  ans  auparavant.  On 
explique  le  peu  de  solidité  des  couleurs  employées  depuis 
une  dizaine  d'années  par  ce  fait  que,  le  pastel  étant  coûteux 
et  tout  le  monde  voulant  avoir  des  tapisseries  à  bon  marché, 
tandis  que  les  grands  seuls  en  achetaient  jadis,  on  avait 
trouvé  un  certain  bleu  des  Indes  (c'est  ce  qu'on  appelait 
turchin  ou  turquin),  qui  était  de  peu  de  durée  et  dont  la 
teinture  se  faisait  en  une  seule  fois,  au  lieu  de  se  faire  par 
gradations  comme  jadis  (2). 

Ces  dernières  observations  s'appliquent  plus  particuliè- 
rement à  ce  qui  se  pratiquait  à  Paris;  dans  les  Pays-Bas, 
et  surtout  à  Anvers  et  à  Bruxelles,  la  teinturerie  passait 
pour  cire  meilleure.  Chez  nous  aussi,  la  lurquinc  avait 
fait  invasion,  mais  la  manij)ulation  de  ce  produit  était  de- 
venue l'objet  d'un  monopole  qui  avait  été  concédé  par  les 


(1)  ÏUvue  des  Sociétés  savantes,  l.  c,  p.  510. 

(2)  Ibidem,  p.  tiOO. 


—  TiW  — 

archiducs  Albert  cl  Isabelle,  pour  un  lernie  de  vingt  ans, 
au  comte  de  Bucquoy  (i),  de  même  qu'ils  avaient  abandonné 
le  commerce  et  l'emploi  du  bleu  d'Espagne  à  Jean  Van 
Peborcli  (2).  A  Bruxelles  on  continuait  à  accorder  des  faveurs 
particulières  à  ceux  qui  exerçaient  la  profession  de  teintu- 
rier. Ainsi  Ferdinand  De^'ergara,  qui  l'avait  apprise  en 
Espagne,  à  Dantzick,  puis  à  Anvers,  fut  retenu  à  Bruxelles, 
où  on  lui  accorda,  le  14  novembre  1605,  pour  un  terme  de 
six  ans,  qui  fut  continutî  pour  le  même  terme  le  19  janvier 
1609,  une  allocation  annuelle  de  60  florins  et  la  jouissance 
des  cuves  et  des  chaudrons  appartenant  à  la  ville,  à  condition 
de  faire  dresser  un  inventaire  du  mobilier  qu'on  lui  cédait 
à  titre  temporaire  et  de  donner  caution  pour  la  valeur.  Cette 
caution  fut  :  d'abord  Jeanne  Wouwermans,  veuve  de  Laurent 
Van  den  Kerckhoven ,  belle-mère  de  Vergara  (acte  du 
\"  décembre  1604),  puis  Evrard  Tymmermans,  graissier 
et  charpentier  (acte  du  9  décembre  1610  (3). 

Mais  aucune  famille  ne  se  distingua  dans  la  même  car- 
rière plus  que  celle  des  Leyniers,  qui  donna  également 
à  Bruxelles  plusieurs  tapissiers  distingués.  L'histoire  des 
deux  industries  étant  pour  ainsi  dire  inséparable,  c'est  ici 
le  lieu  d'entrer  dans  quelques  détails  sur  une  lignée  qui  a 
fait  honneur  à  notre  pays  et  à  la  ville  de  Bruxelles.  Dans 
ces  temps  où  les  fils  tenaient  à  honneur  d'embrasser  la 
même  carrière. que  leurs  parents,  les  [)rocédés  de  toute 
espèce,  de  même  que  les  principes  de  probité,  d'exactitude, 

(1)  LeUres  patentes  en  date  du  25  février  et  du  7  octobre  ICI  I .  Registres  aux 
chartes  de  Brabant,  t.  XX,  f'  155  et  175. 
(î)  Ibidem,  ("  loi. 
(3)  Rootboeck,  l.  c,  f'  6i  et  225. 


—  276  — 

se  transmettaient  comme  une  part  de  l'héritage  paternel,  et 
l'industrie,  appuyée  sur  ces  bases  solides,  traversait  des 
crises  qu'elle  ne  supporterait  peut-être  plus. 

Dès  le  xvi^  siècle,  les  Leyniers  constituaient  à  Bruxelles 
l'une  des  plus  notables  des  familles  plébéiennes.  Le  tapissier 
Antoine  Leyniers  fat  conseiller  communal  en  1552,  et  nous  le 
voyons,  au  mois  de  septembre  1562,  fournir  des  tapisseries 
pourorner  l'église  Saint-Pierre,  de  Louvain  (i).  Jacques  Ley- 
niers, à  son  tour,  fut  conseiller  en  1 579  et  1 582,  et  receveur  en 
1585  et  1584;  il  était  donc  du  parti  qui  repoussait  le  joug 
espagnol.  Un  de  ses  parents,  dont  le  prénom  était  Everard, 
se  fit  affilier  au  métier  des  teinturiers,  ainsi  que  son  fils  du 
même  nom,  qui  mourut  le  25  juin  1595,  laissant,  entre 
autres  enfants,  trois  fils  :  Gaspar  et  Gilles,  nés  d'un  premier 
mariage;  Daniel,  né  d'une  seconde  union.  Le  passage  du 
rapport  de  l'archevêque  de  Gonsa  cité  plus  haut  suffit  pour 
prouver  à  quel  point  celui-ci  réussit  dans  ses  travaux, 
puisqu'il  était  alors  le  plus  célèbre  teinturier  du  pays.  Il 
avait  été  reçu  dans  le  métier  en  1051-1652,  pour  le  vin  seu- 
lement, en  qualité  de  fils  de  maitre,  ce  qui  ne  lui  coûta  que 
2  florins  10  sous,  et  il  mourut  le  50  juillet  1658,  après 
avoir  exercé  sa  profession  pendant  27  ans  et  plusieurs  fois 
fait  partie  de  la  magistrature  communale  (2),  Sa  veuve, 
Jeanne  Van  den  Broeck,  continua  ses  travaux,  avec  l'aide 
d'un  des  parents  de  son  mari,  qui  les  avait  déjà  dirigés 
pendant  la  maladie  de  celui-ci. 


(i)  Van  Even,  Louvain  monunlenlal,  p.  181. 

(i)  Il  fut  nommé:  conseiller  en  1G45,   Idbl,   16u8;  receveur  communal  en 
1644-  et  1649  et  receveur  du  canal  en  16S3. 


—  277  — 

Des  fils  de  son  frère  aîné  Gaspar,  (lui  fui  tapissier  et,  si 
l'on  en  croit  un  manuscrit  de  faniilie,  «  tapissier  célèbre  (i)  » , 
le  plus  jeune,  Nicolas,  marcha  sur  les  traces  de  son  oncle. 
«  Afin  de  venir  en  aide  à  ses  frères,  dit  le  codex  dont 
»  nous  venons  de  parler,  il  renonça  à  la  fabrication  des 
»  tapisseries  pour  se  livrer  entièrement  et  suivant  ses 
»  inclinations  naturelles  à  l'art  de  la  teinture,  que  son  père 
»  lui  avait  enseigné.  Il  y  réussit  si  parfaitement  qu'il 
»  devint  le  premier  pour  teindre  en  couleurs  vertes  et 
»  bleues,  de  toutes  nuances,  couleurs  que  les  tapissiers  de- 
»  valent  auparavant  demander  à  Anvers  ou  ailleurs.  Il 
»  inventa,  en  outre,  un  procédé  pour  tenir  constamment  les 
»  cuves  prêtes.  »  Avant  lui,  d'autres  teinturiers  en  bleu 
(blamuervers) ,  tels  que  Ferdinand  de  Vergara,  Jean  Huyge, 
Pierre  Huybrechts,  avaient  joui  d'une  pension  de  100  llo- 
rins  par  an,  que  la  ville  leur  payait;  le  dernier  y  ayant 
renoncé,  on  fut  obligé  à  Bruxelles  d'envoyer  teindre  en 
bleu  les  étoffes  au  dehors  et  notamment  à  Anvers,  Ce  fut 
alors  que  Nicolas  Leuniers  ou  Leyniers  entreprit  le  môme 
genre  d'opérations  et  y  réussit,  grâce  aux  conseils  d'indus- 
triels anglais,  hollandais  et  autres.  Il  obtint  une  nouvelle 
exemption  d'assises,  semblable  à  celle  que  l'on  avait  octroyée 
à  son  oncle  Daniel  (25  septembre  1G42). 

Après  la  mort  de  Nicolas  Leyniers  (qui  arriva  le  20  juillet 
1658),  son  fils  Gaspar  obtint  la  continuation  des  avantages 
dont  il  avait  joui  (4  mars  1659).  On  favorisa  également  le 


(i)  Mémoires  pour  mettre  à  la  suite  d'un  livre  touchant  l'origine  de  la  famille 
des  Leyniers  dans  les  arts  de  la  teinture  et  de  la  tapisserie,  Ms.  in-Paux  Archives 
de  la  ville.  Il  existe  une  bonne  généalogie  de  cette  famille  dans  le  volume  coté 
n°  V,  t.  VI,  f  355,  de  la  bibliotliéque  du  ministère  des  affaires  étrangères. 


—  :278  — 

frèro  de  celui-ci,  Michel,  après  la  iiiorl  du  receveur  Ley- 
niers,  qui  ne  laissa  pas  d'enfanls  (avis  des  trésoriers  et  des 
receveurs,  en  date  du  19  mai  1(375),  et  des  étrangers  à  celte 
famille,  comme  Josse  Wasch,  qui  embrassa  la  môme  car- 
l'ière,  vers  1651  ou  1652  (résoluliuii  du  15  février  1658), 
et  Gaspar  Montaigne  (avis  des  trésoriers  et  receveurs  de 
Bruxelles,  du  11  avril  1699).  Ainsi  que  Wasch  le  dit  dans 
sa  requête,  les  tapissiers  n'avaient  jamais  eu  tant  d'assorti- 
ments de  couleurs  et  il  ne  leur  arrivait  plus  de  devoir,  faute 
de  pouvoir  se  procurer  les  lils  nécessaires,  suspendre  leurs 
travaux  et  faire  attendre  leurs  clients,  (jui  étaient  parfois  des 
rois  ou  des  princes.  Il  y  avait  donc,  pour  ce  qui  concernait 
les  travaux  de  teinture,  une  amélioration  notable  et  incon- 
testée. Micliel  Leyniers,  qui  mourut  le  19  septembre  1705, 
et  un  troisième  fils  des  mêmes  parents,  Daniel,  qui  mourut 
le  27  août  1710,  travaillèrent  de  préférence  pour  les  drapiers. 
La  teinturerie  de  Michel  était  située  au  Coin  des  Teinturiers 
(m  H  Verwcrshoeck),  près  de  l'église  Notre-Dame  de  Bon- 
Secours,  où  son  second  fils,  François  ou  Daniel-François, 
continuait,  en  1709,  la  profession  de  son  père. 

La  fabrication  des  tapisseries  traversa  une  brillante  période 
pcnd.iiil  le  |)remier  tiers  du  xvii"  siècle,  alors  que  le  métier 
comptait  105  mailres,  ainsi  qu'on  le  voit  sur  l'un  des  tableaux 
de  Sallaerts,  au  Musée  de  Bruxelles,  et  1,100  à  1,500  ou- 
vriers, comme  le  porte  une  pièce  datée  de  l'an  1708.  Mais 
elle  subit  un  temi)s  d'arrêt  après  la  mort  de  l'infante  Isabelle 
et  lorsque  les  provinces  belges  sévirent  à  la  fois  attaquées 
au  nord  et  au  sud.  Déjà  vers  la  lin  d(^  la  trêve  de  douze  ans 
avec  les  Provinces-Unies  (en  1021),  plusieurs  princes  étran- 
ii'ors  avaient  attiré  dans  leurs  états  cl  maîtres  et  ouvriers;  la 


—  ^27î)  — 

nij)tin'e  eiUre  la  France  cl  rEspagiie,  en  1G54,  un  an  après 
la  mort  dTsabelIc,  aggrava  la  situation  en  inlerrompant  les 
relations  commerciales  de  Bruxelles  et  de  Paris.  On  vit 
même  Jean  Zegers,  (ils  de  Jacques,  (lui  était  également 
maître  tapissier,  et  mari  de  Madeleine  Vervoel,  lilie  de  Jean 
Vervoet,  maître  tapissier  des  archiducs,  abandonner  la  pre- 
mière de  ces  villes  pour  la  seconde,  où  il  habita  i)lusieurs 
années.  Mais  il  n'y  resta  pas  et  revint  travailler  à  Bruxelles 
pendant  56  ou  37  ans.  Deux  de  ses  enfants,  Jacques  et  Mat- 
thieu, qui  y  étaient  nés,  purent  y  continuer  la  même  profes- 
sion, tandis  que  le  troisième,  Vincent,  étant  venu  au  monde 
pendant  que  son  père  séjournait  à  Paris,  fut  considéré  comme 
étranger;  voulant  faire  cesser  cette  situation,  il  sollicita, 
en  qualité  d'artisan  habile  et  issu  d'anciens  maîtres,  son 
admission  gratuite  dans  la  bourgeoisie  bruxelloise;  il  ne  put, 
toutefois,  oblenirqu'une  réduction  du  droit  d'entréeà  100  flo- 
rins (25  juillet  1685)  (i). 

Les  diminutions  partielles  d'assises  accordées  aux  princi- 
paux maîtres  tapissiers  donnant  lieu  à  quelques  abus,  on 
astreignit  d'abord  ceux-ci  (notamment  en  1657)  à  produire, 
s'ils  voulaient  jouir  de  ce  privilège,  la  preuve  qu'ils  travail- 
laient réellement;  puis  on  prescrivit,  le  10  février  1640, 
que  tous  les  six  mois,  à  partir  de  la  Saint-Jean  (24  juin)  sui- 
vante, le  métier  fournirait  aux  trésoriers  et  receveurs  com- 
munaux une  liste  des  marchands  qui  avaient  été  affranchis 
en  1615,  1629  et  1658,  et  combien  de  pièces  ils  fabriquaient 
par  an  ("i).  Il  fut  ensuite  sti|)ulé  que  pour  continuer  à  avoir 
droit  aux  exemptions,  il  fallait  exécuter  deux  chambres 

(i)  J/«  registre  ter  Tresorye  gehouden,  i"  243. 
(i)  l^  registre  ter  tresorye  gehouden,  f"  130. 


—  280  — 

(Iwee  cameren  wercx)  pur  an  c(  en  produire  une  attestation 
certifiée  par  les  doyens  (50  août  164-7).  L'année  suivante, 
tous  ceux  qui,  comme  fabricants,  jouissaient  de  quelque 
franchise,  tapissiers,  drapiers,  etc.,  furent  astreints  à  pro- 
duire dorénavant,  tous  les  ans  ou  tous  les  six  mois,  une  liste 
de  ce  qu'ils  avaient  conlcctionné  pendant  l'année  ou  le 
semestre  écoulé;  ils  devaient,  en  outre,  déclarer,  sous  la  foi 
du  serment,  que  leurs  produits  n'avaient  pas  été  exécutés 
avec  l'aide  d'autrui  QHd  août  ■1648).  Des  serments  de  ce 
genre  furent  prêtés  par  plusieurs  tapissiers  et,  entre  autres, 
par  Léonard  Wyns  le  28  février  1651,  et  par  Pierre  Vanden 
Berge  le  26  septembre  de  la  même  année.  Enfin,  comme 
mesure  du  même  genre,  citons  encore  l'ordre  donné  aux 
doyens  du  métier,  le  7  mars  4650,  de  présenter  tous  les  ans 
une  liste  des  affranchis  ou  exempts. 

Le  cardinal  Mazarin,  qui  gouverna  la  France  sous  le  nom 
de  la  reine-mère,  Anne  d'Autriche,  pendant  la  minorité  de 
Louis  XIV,  était  un  amateur  passionné  de  tapisseries,  comme 
nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  le  dire.  11  employait  à  cet 
clTet  un  valet  de  chambre  du  commandeur  de  Souvré, 
homme  très-expert  en  la  matière.  Tel  était,  au  surplus, 
l'engouement  général  de  l'époque  pour  les  tapisseries  histo- 
riées que  dans  l'inventaire  des  richesses  mobilières  de 
Mazarin  on  évalua  certaines  tentures  à  100,000  livres, 
tandis  que  l'on  ne  cote  que  de  500  à  2,000  livres  des 
peintures  dues  à  Raphaël.  Le  cardinal  possédait  71  tapis- 
series, dont  33  de  Flandre,  22  d'Angleterre,  10  du  Portugal 
et  6  de  France  (i). 

(0  Le  baron  de  Sainte-Suzanne,  Noies  d'un  curieux  sur  les  tapisseries 
tissées  de  liante  ou  basse  lice,  pp.  62  h.  (îi. 


—  281   — 

Malgré  la  décadence  de  notre  école  de  peinture,  malgré 
la  triste  situation  qui  était  faite  au  j)ays  par  les  victoires  de 
Condé  et  de  Turenne  sur  les  armées  espagnoles,  l'industrie 
des  tapisseries  conservait  donc  de  l'activité  àBruxelles,  et  ceux 
qui  s'y  adonnaient  ne  cessaient  de  rechercher  les  moyens  de 
maintenir  sa  splendeur.  Dans  ce  but  ils  résolurent  d'imiter  ce 
qui  se  pratiquait  à  Anvers  et  d'ouvrii-  un  pcmt  ou  galerie  ;  on 
dirait  aujourd'hui  une  exposition  permanente.  Les  fabricants 
et  les  marchands  ayant  un  grand  nombre  de  pièces  à 
vendre,  étaient  forcés  de  les  garder  longtemps  chez  eux, 
en  perdant  les  intérêts  du  capital  représenté  par  leurs  fabri- 
cats,  ou  de  les  envoyer  à  Anvers.  Dans  ce  dernier  cas,  si 
quelque  grand  personnage,  habitant  aux  Pays-Bas  ou  y 
arrivant,  et  attiré  par  la  réputation  des  «  tapisseries  de 
Bruxelles  »,  désirait  en  acheter,  on  devait  l'accompagnera 
Anvers  pour  lui  en  montrer,  si  l'on  ne  voulait  manquer  des 
occasions  de  vente.  Les  tapissiers  bruxellois  désiraient  ou- 
vrir également  une  galerie  d'exposition,  non  avec  le  dessoin 
de  déserter  celle  d'Anvers,  mais  afin  d'avoir  deux  chances 
d'écouler  leurs  produits;  déplus,  ils  espéraient  obtenir  du 
facteur  de  la  galerie,  comme  cela  se  pratiquait  dans  la  cité 
anversoise,  des  avances  sur  le  prix  de  leurs  fabricats,  en 
payant  un  intérêt  peu  élevé.  On  offrait  de  leur  procurer 
celte  facilité  moyennant  8  pour  cent.  A  certains  points  de 
vue,  les  Anversois  jouissaient  encore  d'autres  avantages. 
Chez  eux  les  tapissiers  ne  formaient  pas  de  corporation  et 
ne  reconnaissaient  pas  de  règlements  particuliers.  Ils 
n'avaient  pas  à  subir  des  visites  semblables  à  celles  qui  se 
pratiquaient  à  Bruxelles  toutes  les  six  semaines  par  les 
quatre  doyens,  et  l'on  ne  brûlait  pas  les  tentures  jugées 


—  282  — 

mauvaises.  L'affaire  n'iiilérossaiU  ])as  sculemenl  Bruxelles, 
le  Conseil  de  Brabant  en  fut  saisi  et  demanda  l'avis  de 
l'ofiice  fiscal,  du  magistrat  de  Bruxelles  et  de  celui  d'Anvers; 
ce  dernier  étant  resté  en  défaut  de  répondre  et  les  autres 
autorités  consultées  ayant  envoyé  un  avis  approbatif,  le 
conseil  donna  sa  sanction  à  la  proposition  (jui  lui  était 
soumise  (17  août  16S5)  0). 

Il  fallait  un  local.  Le  magistrat  concéda  au  métier  une 
partie  des  salles  de  l'Hôtel  de  Ville  appelées  de  Schermers 
scliole,  t Ecole  des  escrimeurs,  salles  auxquelles  on  arrivait 
par  une  entrée  faisant  face  à  la  Fonlaine  bleue  (aujourd'hui 
le  Cracheu'),  mais  en  lui  imposant  l'obligation  de  les  clô- 
turer pour  les  séparer  du  restant  de  ces  salles,  d'y  ouvrir 
des  fenêtres,  etc.,  aux  frais  de  la  corporation  (10  juil- 
let IGoG)  (2).  Ces  travaux  s'effectuèrent  dans  les  années  sui- 
vantes; mais,  faute  d'avoir  retrouvé  les  archives  du  métier, 
on  ne  sait  pas  en  quoi  ils  consistèrent,  d'autant  plus  que  cette 
])arlic  de  l'hôtel  de  ville  et  tout  ce  qu'elle  renfermait 
périrent  dans  le  fatal  bombardement  de  l'an  1695. 

Afin  de  donner  de  l'animation  à  ce  Pant  ou  galerie,  qu'on 
appela  de  Tapissiers  pandl  ou  Galerie  des  tapissiers,  le 
magistrat  adopta  quelques  mesures  qu'il  motiva  sur  la  né- 
cessité de  maintenir  dans  son  lustre  la  fabrication  et  l'in- 
dustrie de  Bruxelles,  «  (pii  était  en  si  grande  estime  dans 
»  d'autres  pays  » .  Sous  peine  d'une  amende  de  100  florins, 
toutes  les  tapisseries  fabriquées  dans  la  ville  et  sa  franchise 
(ou  banlieue)  devaient  dorénavant  y  être  portées  pour  y 

(0  V"  ri'fjislre  1er  Tresonjc  ychoudcn ,  1"  I"2ii.  —  Copi/e  hoek  vaii  KirU 
tôt  1657,  p.  9-2. 

(o)  V  ri'iiislrt'  ter  Tresoriie  tjelinntlen,  f"  1i4. 


—  28r,  — 

être  contrôlées  et  scellées,  sauf  (|ii'il  sorail  encore  pei'nn's 
d'en  exposer  au  palais  (m  ket  Princelyck  ho/f)  et  chez  les 
marchands  ou  fabricants  mômes  ;  ceux  qui  voulaient  em- 
prunter sur  ces  objets  étaient  tenus  de  les  laisser  au  Pant 
jusqu'au  remboursement  des  sommes  qui  leur  avaient  été 
avancées  sur  ces  gages.  Il  fut,  en  outre,  défendu  aux  mar- 
chands ou  facteurs  de  tapisseries  ne  faisant  pas  partie  de  la 
corporation  de  donner  la  môme  tenture  à  exécuter  à  plus  de 
deux  maîtres,  qui  devaient  apposer  chacun  leur  marque  aux 
pièces  qu'ils  confectionneraient,  sans  pouvoir  y  placer  celle 
du  marchand.  Les  amendes  pour  contravention  à  ces  règles, 
toutes  fixées  à  100  florins,  devaient  se  partager  par  tiers, 
entre  le  prince  (ou  duc  de  Brabant),  la  ville  et  le  dénon- 
ciateur; les  accusés  n'étaient  admis  à  faire  opposition  à  la 
sentence  qui  les  frappait  qu'après  avoir  consigné  le  mon- 
tant de  l'amende  (15  mars  1657)  (i).  Sur  les  réclamations 
des  «  communs  suppôts  du  métier  »,  on  apporta  quelques 
modifications  à  celte  ordonnance  le  24  mai  de  l'année  sui- 
vante. L'exhibition  des  cartons  et  des  tapisseries  chez  les 
fabricants  mêmes,  conformément  à  l'usage  suivi  de  temps 
immémorial,  fut  sanctionnée  d'une  manière  formelle,  mais 
après  que  les  pièces  exécutées  auraient  été  portées  au  Pant 
pour  y  subir  l'inspection  requise.  On  devait  s'y  assurer  qu'elles 
étaient  carrées  ou  plutôt  quadrilatérales,  sauf  que  vers  le  haut 
on  admettait  une  différence  qui  pouvait  s'élever  à  un  demi- 
quart  ou  huitième.  Les  fabricants  furent,  en  outre,  autorisés 
à  donner  leurs  fabricats  en  garantie  au  Mont-de-pié(é  (2). 


(1)  V"  Registre  ter  Tresonje  gelwitden,  l»  205. 
(i)  Publicatie  boeck,  I.  MF,  f"  408. 


—  284  — 

Les  marchands  et  fabricants  ne  manquèrent  pas  d'affluer 
dans  la  capitale  des  Pays-Bas  espagnols  et  de  se  servir  de  la 
nouvelle  galerie  d'exposition.  Us  se  virent  l'objet  de  quelques 
prescriptions,  où  l'on  remarque  une  tendance  louable  à  ne 
pas  abuser  de  leur  concours.  Si,  dès  le  28  mars  1G37,  on 
rendit  obligatoire,  également  sous  peine  de  100  florins 
d'amende,  l'exhibition  au  Pant,  après  examen  et  scellage, 
de  toutes  les  tapisseries  qui  seraient  importées  dans  Bruxelles 
pour  y  être  vendues  ou  placées  (i),  on  déclara,  le  24  mai  de 
l'année  suivante,  que  l'étranger  pourrait,  s'il  le  voulait, 
exposer  ses  tapisseries  dans  l'auberge  où  il  logeait.  Lorsque 
le  métier,  pour  s'indemniser  des  dépenses  que  l'appropria- 
tion de  la  Schermers  schole  lui  avait  coulé,  voulut  imposer 
'1  oorden  ou  liards  sur  chaque  aune  de  tai)isserio  étrangère 
qui  y  serai!  vendue,  il  eul  beau  alléguer  que  les  fabricants 
de  Gand,  d'Audenarde,  d'Enghien  et  même  d'Anvers 
avaient  pris  l'habitude  d'y  envoyer  les  produits  de  leurs 
ateliers,  et  qu'il  n'était  pas  juste  que  ceux  qui  n'avaient  pas 
participé  à  une  dépense  pussent  jouir  des  avantages 
résultant  de  cette  dernière,  le  magistrat  refusa  d'entrer 
dans  cette  voie.  Il  établit  une  taxe  d'une  oort  par  aune  de 
tapisserie  exposée  au  Pant,  mais  sans  établir  de  distinction 
entre  ce  qui  provenait  de  la  ville  môme  et  ce  qui  pro- 
venait du  dehors  (2ô  novembre  16G1)  (2). 

Tout  un  système  d'avances  ou  préis  sur  les  marchandises 
exposées  fut  alors  adopté.  Les  doyens  et  anciens  du  mé- 


(1)  V  register  ter  Tresorye  gehoiukii,  f"  201. 

(2)  YP  register  1er  Tresorge  gelioiakii,  f  237. 


—  ^2m  — 

lier  :  (îaspar  Vanden  Brugge,  Jean  Van  Loefdael,  .losse 
Aerls,  Charles  VandcMiGucht,  ClirélienVan  Brusloni,  Conrad 
Vanden  Briigge,  Philippe  Slreyckmans,  Daniel  Lcyniers, 
André  Vanden  Dries,  Henri  Rydanis,  Jacques  Van  der 
Meeren,  Gérard  Van  der  Slrecken  ,  Jean  Cordys,  Malliieu 
Roelanls  et  Georges  Lcemans,  après  avoir  résoUi  de  nommer 
un  facteur  général  des  tapisseries  du  Pant,  appelèrent  à 
ces  fonctions  Jean-François  de  Grouseliers  et  conclurent 
avec  lui,  le  28  août  1057  et  par-d(!vant  notaire,  l'accord 
suivant.  Le  facteur  devait  payer  un  loyer  de  30  florins  par 
an,  se  procurer  un  capital  de  20,000  florins  afin  de  prendre 
des  tapisseries  en  gage,  effectuer  ces  avances,  comme  cela 
se  pratiquait  à  Anvers,  à  raison  des  deux  tiers  du  prix 
et  de  6  1/2  pour  cent;  être  présent  au  Pant  (sauf  à  se  faire 
représenter  par  un  délégué)  tous  les  jours  :  du  1"  mars 
au  51  octobre,  le  matin  de  9  heures  à  12  et  l'après-midi 
de  2  à  5,  et  le  restant  de  l'année  de  10  heures  à  12  et 
de  2  à  4.  Pour  le  dédommager  de  ses  peines,  il  lui  était 
alloué  2  sous  par  florin  de  tenture  vendue,  sauf,  s'il 
employait  pour  une  vente  l'intervention  d'un  courtier, 
déduction  d'un  tiers  au  profit  de  celui-ci  ;  quand  une  tapis- 
serie ou  une  chambre  était  en  partie  au  PaJit  et  en  partie 
chez  le  fabricant,  le  facteur  général  n'avait  droit  qu'à  une 
moitié  de  l'allocation  précitée.  Les  tapissiers  d'Anvers 
devaient  payer  2  pour  cent  et  ceux  d'Audenarde  5  pour 
cent  du  prix  des  tapisseries  vendues  par  eux  pour  couvrir 
les  frais  de  toute  espèce  occasionnés  par  l'établissement 
du  Pant.  De  Grouselliers  et  sou  beau-père  François  Van 
Coppenhole  donnèrent  leurs  biens  en  garantie  de  l'exécution 
de  cet  accord,  qui  fit  l'objet  d'un  acte  de  condamnation 


—  286  — 

volontaire  passé  en  Conseil  de  lirabant,   le  28  août  (i). 

Au  bout  d'un  an  (^27  juin  1058),  de  Grouselliers  de- 
manda et  obtint  l'exemption  de  jnonter  la  garde  et  une 
exemption  partielle  de  payer  l'assise  de  la  bière  et  du  vin. 
En  acceptant  la  place  de  facteur,  il  avait  dû,  disait-il, 
renoncer  à  celle  d'archer  du  gouverneur  général  et  vendre 
plus  de  ^0,000  ilorins  de  biens.  A  ce  qu'il  assurait,  le  Pant 
contenait  déjà  pour  plus  de  150,000  florins  de  tapisseries 
de  Bruxelles,  d'Anvers  et  d'Audenarde  (2). 

Si  l'on  acceptait  les  termes  d'une  requête  que  les  doyens, 
les  marchands  et  les  maîtres  du  métier  des  tapissiers  sou- 
mirent alors  au  magistrat,  tous  ces  eflforts  n'auraient  pas  été 
inutiles,  «  l'industrie  de  la  tapisserie  fleurissant  de  plus  en 
»  plus  ».  Us  prétendirent  alors  avoir  joui  de  l'exemption  de 
l'assise  sur  la  bière  à  raison  de  li2  aimes,  l'aime  évaluée  à 
2  seliers  de  braie  ou  drèche,  tandis  que  les  fermiers  de 
l'assise  ne  voulaient  leur  décompter  l'assise  que  pour 
18  seliers,  ce  qui  les  aurait  réduits,  disaient-ils,  à  ne  boire  que 
de  la  petite  bière.  Le  magistrat  leur  donna  gain  de  cause 
(il  février  IGGI)  (z),  mais  profita  de  ces  contestations  pour 
diminuer  dans  la  suite  le  taux  des  exemptions. 

Nous  avons  plus  haut  accepté,  avec  une  formule  légè- 
rement dubitative,   le  fait  du  maintien  de   la  prospérité  du 

(i)  Registre  intitulé  Tax,  Index  van  si/ne  boecken,  f»  18  t. 

(s)  V*  regisler  ter  Trésor ye  gehouden,  {"  5:25. 

(ô)  VI'  register  ter  Tresorye  gehouden,  f"  lit. 

Pour  apprécier  la  portée  de  cette  réclamation,  il  faut  renianiuer  que  Vaime  de 
bière,  mesure  de  Bruxelles,  équivalait  à  100  pots  ou,  en  suivant  le  calcul 
métrique,  à  iôO  litres;  quant  à  la  rasièrc  de  drèche,  elle  correspondait  à  5  litres 
28:2  niijlililrcs.  Pour  ce  qui  est  de  l'aime  de  vin,  elle  se  divisait  en  90  pots  et 
valait  é^'alement  150  litres.  En  France,  on  appelait  poinçon  une  mesure  contenant 
les  deux  tiers  d'un  luuid,  soit  environ  100  litres  (le  muid  contenait  2G0  litres). 


—  l>87  — 

mélier;  en  efl'el,  nous  voyoDs,  (\im<>  un  autre  docunieiil  du 
même  temps,  la  corporation  rccouiir  à  la  bienveillance 
du  magistral,  et  lui  demander  de  prendre  à  la  charge  de  la 
ville  la  faible  somme  de  205  florins  qu'elle  devait  pour 
Trais  d'un  procès.  Le  magistrat  consentit  à  payer,  avec  une 
réserve  de  non-préjudice  (14  janvier  16GI)  (i).  Il  est  assez 
singulier  d'entendre  les  doyens  et  anciens  de  la  corporation 
alléguer,  d'une  part  :  c  que  la  plupart  des  suppôts  ou  mem- 
»  bres,  se  trouvant  dépourvus  de  moyens  d'existence,  abaur 
»  donnent  la  ville  » ,  et,  d'autre  part,  se  vanter  de  la  grande 
consommation  occasionnée  par  les  maîtres  et  les  ouvriers 
du  métier.  Cette  contradiction  évidente  prouve  qu'on  ne 
doit  pas  toujours  prendre  à  la  lettre  les  expressions  qui  se 
rencontrent  dans  les  documents. 

En  réalité,  les  temps  devenaient  de  plus  en  plus  dilïiciles 
pour  la  Belgique.  Si  la  conclusion  du  traité  de  Munster, 
en  1048,  et  celle  de  la  paix  avec  la  France,  en  16G0,  luiper- 
mirent  de  respirer  pendant  quelques  années,  l'ambition  de 
Louis  XIV  ne  tarda  pas  à  la  replonger  dans  la  désolation. 
Quatre  guerres  entreprises  à  de  courts  intervalles,  en  1067, 
en  1075,  en  1684  et  en  1689,  eurent  ce  double  résultat  de 
remplir  le  pays  de  deuil  et  de  carnage,  et  de  l'affaiblir  de 
plus  en  plus  par  des  pertes  de  territoire.  Un  roi  débile,  un 
gouvernement  sans  énergie  ne  pouvaient  lutter  contre  un 
monarque  entreprenant,  secondé  par  de  grands  capitaines  et 
des  ministres  habiles.  Les  Pays-Bas  espagnols  déclinèrent 
donc  rapidement  et  tous  les  arts  et  industries  y  marchèrent 
vers  la  décadence. 

(i)  Vl"  register  ter  Tresorye  gehoitdeu,  i"  loi. 


—  ^288  — 

L'industrie  de  la  tapisserie  historiée  sévit  alors  plus  me- 
nacée que  jamais.  Elle  avait  à  compter,  non-seulement  avec 
l'appauvrissement  de  nos  provinces,  mais  avec  les  efforts 
tentés  en  France,  dans  les  établissements  des  Gobelins  et  de 
Beauvais,  pour  lui  (Milrvcr  la  fleur  de  son  personnel  et  le 
premier  rang  comme  fabrication.  Mais  avant  de  parler  de 
ces  tentatives  et  de  leurs  conséquences,  nous  avons  un 
double  travail  à  présenter  :  le  premier  concernant  les  pein- 
tres qui  exécutèrent  des  carions  pour  les  tapissiers  aux 
XVII''  et  xviif  siècles  et  le  second  concernant  ces  tapissiers 
eux-mêmes. 


VIII. 

Quel  intérétoffriraientde  bonnes  indications  sur  les  artistes 
auxquels  sont  dus  les  cartons  des  belles  et  nombreuses  ten- 
tures que  l'induslfie  bruxelloise  produisit  au  xvii"  siècle? 
Hélas,  nous  ne  possédons  à  cet  égard  que  des  données 
incomplètes,  parce  que  les  biographes  se  sont  presque  tou- 
jours contentés  de  citer  les  tableaux  ou  les  gravures  des 
peintres  dont  ils  écrivaient  la  biographie  ;  à  leurs  yeux, 
les  cartons  pour  tapisseries  constituaient  une  série  d'œuvres 
d'un  rang  inférieur,  jugées  indignes  d'être  mentionnées. 
Cette  lacune,  il  est  aujourd'hui  difficile  de  la  combler. 

Ainsi,  lorsqu'on  remonte  aux  premières  années  du  règne 
des  archiducs  Albert  et  Isabelle,  à  cette  époque  qui  vit 
refleurir  chez  nous  l'art  de  la  tapisserie,  on  ne  recueille  que 
peu  de  chose  sur  et;  sujet  intéressant.  Bol,  Momper,  les 
Van  AIsloot  sont  seuls  désignés  comme  ayant  travaillé  pour 
les  fabricants  de  Bruxelles.  C'est  Félibien  qui  nous  a  con- 


-   289  — 

serve  ce  renseignement  à  propos  de  Jean  Bol,  de  Malines, 
qui  mourut,  dit-il,  âgé  de  00  ans,  un  an  après  Coxic,  en 
1593  par  conséquent.  Il  peignait  très-bien  le  |)aysage,  par- 
ticulièrement à  la  détrempe  et  en  miniature;  les  tapissiers 
de  Bruxelles,  ajoute  Félibien,  l'employaient  d'ordinaire  à 
faire  des  dessins  pour  tapisseries  (i).  Josse  DeMomper,  qui 
naquit  à  Anvers  vers  1559  et  mourut  en  1034  ou  1055,  et 
dont  il  existe  de  beaux  paysages  dans  les  musées  de  Dresde, 
de  Vienne  et  de  Madrid,  a  vécu  aussi  à  Bruxelles,  où  il  fut 
chargé  par  la  ville  de  diriger  la  décoration  des  rues  et  des 
places  publiques  lors  de  l'entrée  de  l'archiduc  Ernest,  en 
1594;  il  reçut,  le  1"  février  1595,  10  florins  pour  avoir 
peint  les  dessins  de  tapis  destinés  à  l'archiduc  Albert  (2). 
Quant  aux  Van  AIsloot,  qui  étaient  également  paysagistes, 
ils  mirent  aussi  leur  talent  au  service  des  archiducs,  qui 
payèrent,  en  1603,  90  livres  à  Denis  Van  AIsloot,  pour  des 
cartons  de  tapisseries  de  savette  appelées  brotesques,  semées 
de  quelques  tleurs  de  soie,  et,  en  1604,  555  livres  à  Louis 
Van  AIsloot,  tant  pour  deux  pièces  et  demie  de  tapisseries 
grotesco  que  pour  des  cartons  (3).  Denis,  et  non  Daniel,  que 
l'on  dit  être  né  à  Bruxelles  en  1550  et  être  mort  dans  cette 
ville  en  1608,  ne  nous  est  connu  que  par  ses  œuvres,  qui 
sont  dispersées  un  peu  partout.  Le  Musée  de  Bruxelles 
possède  de  lui  une  représentation  lopographique  de  l'ancien 
parc  et  château  de  Marimont;  celui  de  Vienne,  un  paysage 
avec  figures,  signé  D.  Ab.  Asloot  S.  A.  pict.  1008;  celui  de 


(0  T.  I,  p.  715. 

(-2)  Commission  royale  d'histoire,  1"  série,  t.  XIII,  p.  120. 

(r)  HoiJDOY.  Les  tapisseries  de  haute-lisse,  pp.  148  et  149. 


—  290  — 

Madrid,  une  mascarade  de  patineurs,  une  chasse  aux  canards, 
une  procession  des  corps  de  métiers  d'Anvers,  une  proces- 
sion dans  la  même  ville,  le  jour  de  la  fête  du  Rosaire;  la 
National  Gallery  de  Londres,  une  procession  des  corps  de 
métiers  de  Bruxelles. 

Toutes  ces  individualités,  qui  brillaient  d'un  certain' éclat, 
s'éclipsèrent  lorsque  se  leva  sur  l'école  d'Anvers  ce  glorieux 
soleil  qui  avait  nom  Rubens.  Le  prince  des  artistes  fla- 
mands ne  se  contenta  pas  de  produire  sans  relâche  des 
tableaux  de  tout  genre,  de  graver,  de  s'occuper  tour  à  tour 
des  affaires  publiques,  de  littérature,  et  de  l'étude  des  anti- 
quités, il  exécuta  un  nombre  considérable  de  dessins  pour 
les  tapissiers,  en  particulier  pour  ceux  de  Bruxelles.  Le  fait, 
qui  n'est  pas  contesté  d'ailleurs,  est  mis  hors  de  doute  par 
la  correspondance  même  du  peintre. 

Essayer  d'énumérer  toutes  les  tentures  dont  les  cartons 
sont  de  Rubens  ou  lui  ont  été  attribués,  serait  tenter  une 
entreprise  fatigante  et  fastidieuse.  Bornons-nous  à  en  citer 
quelques-unes,  telles  que  l'Histoire  d'Achille,  l'Histoire 
d'Ulysse,  le  Triomphe  de  l'Eglise,  l'Histoire  de  Décius, 
l  Histoire  de  Constantin. 

La  première  fut  exécutée,  dit-on,  sur  des  cartons  que 
Rubens  peignit  pour  le  roi  d'Angleterre  Charles  V\  cartons 
qui  sont  dispersés,  probablement  depuis  la  vente  de  la 
collection  du  monarque  anglais  (i).  Elle  se  compose  de  huit 
pièces  et  a  été  gravée  à  l'eau  forte  à  Anvers,  en  1079,  par 
François  Ertingcr,  et  à  Londres,  en  1724,  par  Bernard 
Baron.   Les  esquisses  se   trouvaient,  en  1798,  nu  Musée 


(0  iSMiTH,  Catalogue  raixonné,  W"  partie,  p.  250. 


—  '■29\  — 

Barbcrini,  de  Rome,  et  en  18i8  (au  nombre  de  sept), 
chez  M.  J.-F.  Gallot,  à  Paris,  qui  leur  consacra  une  notice 
spéciale  (i).  Cependant,  d'après  l'inventaire  des  tapisseries 
délaissées  par  Rubens  lui-même,  la  Vie  dWcliille  qu'il 
possédait  comprenait  dix  pièces,  encore  inachevées  à  sa 
mort  (2).  Il  est  évident  que  Rubens  a  traité  plusieurs  fois 

(i)  Paris,  Didot,  in-S»  de  49  pages,  sans  date. 

(2)  Voici  cet  inventaire,  qui  a  été  dressé  en  I6i3  et  dont  nous  devons  une  copie 
^  notre  confrère  Génard  : 

Audenaerdsche  tapijten. 

Een  caeiner  Aiidenaerdsclie  lapitserye  4^  1/2  el  diep,  van  sesse  stucken,  de 
Historié  van  Camillus,  lioudende  tsaemen  hondert  acht  en  viertich  ellen. 

Een  caemcr  Audenaerts  van  een  Romanische  historié,  vylT  stucken ,  5  1/2  el 
diep,  hûudende  hondert  tweeentdcrtich  cilen  endc  dry  quaert. 

Een  ander  caemer  van  Audenaertsche  tapitserye  van  een  Romanische  historié, 
vyff  stucken,  i  i/2  ei  diep,  houdende  tsaemen  hondert  tweendertich  ellen  ende  dry 
quaert. 

Een  caemer  Audenaerts  van  MarcusAntonius  cnde  Cleopatra,  vyfî  stucken, 
i  1/2  el  diep,  houdende  tsaemen  hondert  ende  vyffentdertich  ellen. 

Een  ander  caemer  de  Historié  van  Troyen,  acht  stucken  vyff  ellen  diep,  tsaemen 
twee  hondert  vyffentwintich  ellen. 

Brusselsche  tapyten. 

Een  caemer  Bruessels  tapilseryen  Historié  van  David,  acht  stucken  scsse  ellen 
diep,  houdende  saemen  dry  hondert  twintich  ellen  ende  een  halff. 

Een  ander  caemer  Bruessels  van  de  Historié  van  Diana,  sesse  stucken  sesse 
ellen  diep,  houdende  tsaemen  252  ellen. 

Twee  camers  Brussels  werck  wesende  tweiff  stucken  vyff  ellen  diep,  de  Historié 
van  Diana  ende  poésie,  houdende  tsaemen  5G0  ellen. 

Een  caemer  tapitserye  de  Historié  van  Achilles,  wesende  thien  stucken,  sesse 

ellen  diep,  houdende  tsaemen  eilen,  die  noch  ter  tyt  niet  te  werck  en  staet 

overmits  men  metten  tapitsier  daeraff  noch  niet  afgerekent  en  heefl. 
Antwerpsche  tapyten. 

Een  camer  Antwerps  werck  sesse  stucken  de  Historié  van  der  Amasonen,  vyff 
ellen  diep,  groet  tsaemen  I80  ellen,  die  welcke  noch  niet  te  werck  en  staet. 

Een  ander  caemer  Antwerps  werck  wesende  tweiff  stucken,  de  Historié  van 
Tarqiiinus  snperbiis  ende  Lncretia,  vyff  ellen  diep,  houdende  tsaemen  dry  hondert 
ende  Isestich  ellen,  die  noch  niet  te  werck  en  staet  mils  de  voorgaende  redcnen. 
Urugsche  tapyten. 

Een  Brugxe  tapitserye  op  brocterye,  de  Historié  van  Céladon,  wesende  acht 
stucken,  vyff  ellen  diep,  houdende  tsaemen  223  ellen  1)2. 


2i)!2  

ie  même  sujet  d'une  manière  ])lus  ou  moins  détaillée.  Une 
troisième  série,  cette  fois  composée  de  cinq  pièces,  a  été 
exécutée  au  moins  deux  fois.  D'abord  pour  Lille,  où  l'on 
conservait  au  Gouvernement,  dans  la  grande  salle,  une 
tenture  ayant  six  aunes  de  haut,  avec  bordures  formées 
de  fruits  et  de  fleurs  en  festons,  et  attribuée  à  Rubens.  Elle 
appartenait  à  la  famille  Taviel ,  qui  la  confia  au  magistrat 
de  la  ville  vers  17j(),  à  condition,  en  cas  de  destruction  ou 
de  détérioration,  d'en  payer  la  valeur,  fixée  à  6,000  florins. 
Les  cinq  pièces  représentaient  : 
Achille  plongé  dans  les  eaux  du  Styx  par  Thétis,  sa  mère  ; 
Achille  se  trouvant  dans  le  palais  du  roi  Lycomède,  avec 
ses  filles,  et  reconnu  par  Ulysse  ; 

Achille    en     présence     d'Agamemnon     et    inspiré    par 
Minerve,  qui  l'exhorte  à  se  calmer; 

Paris  blessant  Achille  au  talon,  au  moment  où  le  héros 
grec  offre  un  sacrifice; 

Achille  mourant,  au  moment  de  l'arrivée  de  la  princese 
Déidamie,  sa  fiancée; 

Plus,  un  trumeau,  de  deux  aunes  seulement,  représentant 
le  combat  d'Achille  et  d'Hector  (i). 

Au  mois  de  janvier  1875,  le  Gouvernement  belge  a 
acheté  cinq  pièces  de  tapisseries  qui  furent  fabriquées,  en 
l'année  I60G  ou  postérieurement,  pour  orner  la  grande  salle 
de  l'hôtel  de  Jacques-Antoine  Carenna  et  de  sa  femme, 
Isabelle  Roelants  (depuis  de  M.  Van  Susteren-Dubois), 
situé  à  Anvers,  place  de  Meir.  Le  dessin  de  ces  compositions 
porte  le  cachet  indéniable  de  l'école  flamande  du  xvii*  siècle. 


(i)  HouDOY,  /.  c,  p.  77. 


—  29r,  — 

Les  ensembles  sont  disposes  avec  art.  Les  personnages  pré- 
sentent :  chez  les  vieillards,  de  beaux  types  pleins  de  cachet 
et  de  variété;  chez  les  jeunes  gens  et  en  particulier  ciiez 
Achille  et  Paris,  des  types  de  gentilshommes  flamands  vêtus 
du  costume  antique.  Les  femmes  étalent  plutôt  les  formes 
corpulentes  de  notre  race  que  la  grâce  des  beautés  du  Midi. 
Le  tout  nous  semble  avoir  un  cachet  d'afféterie  que  Rubens 
n'a  jamais  connu;  il  est  probable  que  l'on  a  imité  ses  com- 
positions, mais  en  en  altérant  le  caractère.  Les  cinq  pièces  ont 
été  reproduites  en  photographie  et  représentent  les  sujets 
suivants,  qui  correspondent  à  peu  près  à  ce  que  l'on  nous 
dit  des  tapisseries  de  Lille  : 

1°  Tliétys  plonge  Achille  dans  le  Shjx.  La  déesse,  vue  de 
profil  et  suivie  de  sa  nourrice,  baigne  dans  l'eau  le  corps  de 
l'enfant.  Sur  le  fleuve  infernal.  Cerbère  couché,  la  barque  de 
Caron  ;  au  fond,  l'enfer; 

2"  Éducation  d'Achille.  Celui-ci  galope,  assis  sur  le  dos 
du  centaure  Chiron,  dont  il  semble  écouter  les  leçons; 

5"  Colère  d'Achille.  Âgamemnon  semble  se  lever  du 
trône  sur  lequel  il  est  assis  et  fixe  avec  fureur  le  jeune  héros. 
Achille  veut  tirer  son  épée,  mais  se  détourne  pour  regarder 
Minerve,  qui  passe  la  main  dans  sa  chevelure  blonde.  Du  côté 
opposé,  Nestor,  Ulysse  et  un  troisième  personnage,  dont  on 
ne  voit  que  la  tète,  regardent,  pleins  d'émotion,  cette  scène  ; 

4"  Mort  d'Achille.  Pendant  que  le  héros  grec  sacrifie  aux 
Dieux,  une  flèche  lui  perce  le  pied  et  il  tombe  devant  l'autel. 
Près  de  lui,  deux  prêtres  et  un  guerrier.  Au  fond,  à  l'entrée 
du  temple  dans  lequel  se  passe  cette  scène,  Paris  tient  encore 
son  arme  en  main  et  Vénus,  soutenue  par  un  nuage,  lui 
montre  la  victime  vouée  à  ses  coups; 


—  294  — 

5"  l'arrivée  de  Déidamie.  D'un  côté,  une  lente  entr'ou  verte 
laisse  voir  un  malade  couche  sur  un  lit  cl  entouré  de  soins. 
Ulysse  amène  Déidamie,  qui  est  accompagnée  de  serviteurs 
des  deux  sexes  portant  des  objets  de  toute  espèce.  Au  fond, 
des  vaisseaux  chargés  de  voiles. 

La  bordure  qui  entoure  ces  cinq  sujets  est  composée  de 
fleurs  et  de  fruits,  au  milieu  desquels  on  aperçoit  des  écus- 
sons  et  des  animaux.  «  Elle  est  large,  très-chargée  dans  son 
ornementation  et  travaillée  dans  une  gamme  de  tons  forts  et 
sombres  contrastant  avec  la  tonalité  des  grands  sujets,  qui 
est  vive  et  claire.  Le  cadre  relève  le  tableau  et  le  tableau 
donne  un  relief  extraordinaire  au  cadre.  »  La  lisière  porte 
la  marque  de  Bruxelles  (l'écusson  rouge  entre  deux  B). 
Les  mêmes  sujets,  sauf  le  n^  3,  qui  est  remplacé  par  le  sui- 
vant :  Thélys  demandanl  à  Vulcain  des  armes  pour  Achille, 
se  trouvent  chez  MM.  Braquenié  (i). 

En  réalité,  X Histoire  d'Achille  se  compose  de  huit  pièces  : 
les  cinq  dont  une  reproduction  est  devenue  la  propriété  de 
l'État  belge,  plus  celle  où  l'on  voit  Achille  chez  Lycomède, 
Thétys  chez  Vulcain  et  le  combat  contre  Hector.  Mais  la 
tenture  dessinée  par  Rubens  pour  le  roi  Charles  I"  présentait 
cette  particularité  qu'elle  offrait  sur  les  côtés,  dans  presque 
toutes  les  pièces,  des  divinités  païennes  posées  comme  des 
termes  et  supportant  une  corniche  ornée  de  festons  et  de 
fleurs. 


0)  Ces  détails  sont  empruntés  a  une  publication  spéciale  intitulée  :  î^otice  sur 
les  riches  tapisseries  flamandes  provenant  de  Vhôtel  Van  Susteren-Du  Bois, 
d'Anvers.  I.ouvain,  Pceters,  1875,  in-8"  de  19  pages,  accompagné  de  cinq 
photographies. 


—  295  — 

UHisioire  if  Ulysse,  avec  les  carions  ayant  servi  de  mo- 
dèles, fut,  dit-on,  envoyée  en  Espagne  par  ordre  du  comte 
de  Monterey,  gouverneur  général  des  Pays-Bas,  et  disparut 
dans  une  tempête  (i). 

La  série  de  tableaux  dite  le  Triomphe  de  l'Eglise  avait  été 
peinte  par  Rubons  pour  le  palais  de  Bruxelles,  où  elle  périt 
dans  l'incendie  de  1751,  et  il  existait  aux  Petits-Carmes  de 
la  même  ville  une  copie  dont  nous  avons  raconté  ailleurs 
les  dernières  destinées  (2).  On  la  voyait  également,  soit  en 
copie,  soit  en  tapisseries,  dans  l'église  du  couvent  de  Loeches, 
en  Espagne,  fondé  par  le  comte-duc  d'Olivarez.  Sept  pièces 
la  composaient  : 

La  lumière  de  l'Évangile  dissipant  les  ténèbres  du  paga- 
nisme; 

La  Loi  nouvelle  triomphant  de  l'Erreur  et  de  la  fausse 
Sagesse  des  philosophes  païens  ; 

Le  Triomphe  de  l'Eucharistie; 

Les  quatre  Évangélistes  ; 

Saint  Thomas  d'Aquin  et  d'autres  saints  ayant  défendu  la 
présence  réelle  dans  l'Eucharistie; 

Le  Temps  retirant  la  Vérité  des  bras  de  l'Erreur; 

Le  Triomphe  de  l'Amour  divin. 

Une  autre  série  sur  le  même  sujet,  de  quinze  toiles,  fut 
peinte  par  Rubens  à  la  demande  de  l'archiduc  infant  don 
Ferdinand,  qui  la  fit  exécuter  en  tenture  pour  les  Carmélites 
déchaussées  dites  de  l'Impératrice,  à  Madrid.  Les  cartons 
restèrent  à  Bruxelles,  où  on  les  conservait  au  palais,  dans 


(0  Ms.  de  la  Bibliotlièqiie  royale,  intitulé  Rnheninna,  par  Mols,  t.  H,  f"  151. 
(?)  Histoire  des  environs  de  Bruxelles,  1. 1,  p.  204. 


—  296  — 

la  galerie  dos  Empereurs;  mais  le  roi  Philippe  IV,  par  une 
lettre  adressée  à  l'archiduc  Léopold-Guillaume,  en  date  du 
6  janvier  KMS,  enjoignit  de  les  envoyer  en  Espagne  (i). 
Il  est  probable  que  ce  sont  là  ces  tableaux  que  le  Catalogue 
de  Smith  considère  comme  ayant  été  peints  ])our  le  couvent 
de  Locches,  par  ordre  de  Philippe  IV,  qui  en  aurait  fait  don 
à  d'Olivarez.  Deux  furent  enlevés  par  les  Français  en  1808 
et  ont  été  acquis  du  général  Sébastiani  pour  le  Musée  du 
Louvre.  Quatre  passèrent  entre  les  mains  de  M.  de  Bourke, 
envoyé  de  Danemark  en  Espagne,  (}ui  les  emporta  en 
Angleterre;  les  autres  subirent  un  sort  analogue  et  sont 
aujourd'hui  dispersés.  Outre  les  sujets  indiqués  plus  haut, 
ils  représentaient  :  les  Israélites  recueillant  la  Manne  dans  le 
désert ,  Abraham  recevant  de  Melchisédech  le  pain  et  le  vin, 
Elle  visité  par  un  ange,  etc. 

Nous  reparlerons  plus  loin  de  l'Histoire  de  Décius.  De 
l'Histoire  de  Constantin,  les  rois  de  France  possédaient  trois 
pièces;  Constantin  combattant  le  tyran  Maxence,  Maxence 
tombant  dans  le  Tibre  et  Constantin  couronné  par  la  Victoire 
auprès  des  trophées  qu'on  lui  a  élevés  (^2).  Elles  ont  fait 
l'objet  de  gravures  signées  :  Balthazar  Moncornet  excudit  et 
dédiées  «  au  sieur  Hipolite  de  Comans,  chevalliers  de  l'ordre 
»  de  Saint-Mars,  seigneur  de  la  Petite-Flandre  ».  On  y  voit 
l'écusson  de  M.  de  Comans,  (|ui  portait  «  d'azur  à  trois 
fasces  ondées  d'argent,  au  chef  de  gueules  chargé  de  trois 
besans  d'argent.  »  Les  esquisses  de  cette  série,  composée  de 


(1)  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique,  année  1868,  p.  559. 
(4)  Maiuette,  Ahecedarifl,  t.  V,  p.  110. 


—  207  — 

douze  sujets,  se  voyaient  jadis  dans  la  Galerie  d'Orlrans, 
à  Paris;  elles  sont  aujourd'hui  dispersées  (i). 

Le  célèbre  Van  Dyck  ne  fut  jamais,  à  ce  qu'il  scndjie,  en 
rapport  avec  nos  tapissiers,  mais  Jordaens  travailla  maintes 
fois  pour  eux  et  entre  autres  pour  Baudouin  Van  Bevercn  et 
Jean  Cordeys  (2).  Le  premier  dépensa  plus  de  1,GOO  flonns 
pour  obtenir  de  lui  un  carton  qui  fut  exposé  aux  regards  du 
public  dans  l'église  Sainte-Catherine. 

La  mort  de  Rubens  porta  un  coup  fatal  à  l'école  anver- 
soise,  dont  l'importance  déclina  alors  considérablement, 
non  qu'Anvers  ait  cessé  d'être  une  pépinière  féconde  de  bons 
peintres,  mais  celte  ville,  qui  depuis  le  temps  de'Quentin 
Metzys  pouvait  se  considérer  comme  le  centre  des  arts  en 
Belgique,  fut  alors  éclipsée  par  Bruxelles,  où  plus  d'un 
artiste  de  talent  alla  se  fixer.  Van  Dyck  était  parti  pour 
l'Angleterre;  Jordaens  presque  seul  occupait  une  de  ces 
grandes  positions  où  la  foule  n'arrive  jamais;  Teniers  et  Van 
Uden  rejoignirent  dans  la  capitale  Crayer,  De  Vaddere  et 
Ghampaigne.  Si  l'on  en  excepte  Crayer,  qui  ne  tarda  pas  à 
partir  pour  Gand,  tous  ont  travaillé  pour  les  tapissiers  :  les 
premiers  aux  Pays-Bas,  le  dernier  ta  Paris.  Nul  doute  que 
cette  célèbre  industrie  n'ait  réagi  sur  eux  et  contribué  à  leurs 
changements  de  résidence. 

Dans  cette  brillante  pléiade,  encore  tout  imprégnée  de 
l'ardeur  que  le  génie  de  Rubens  avait  inoculée  à  l'école 
flamande,  Lodewyck  ou  Louis  De  Vaddere  occupait  le  pre- 


(i)  Smith,  /.  c,  p.  202. 

(2)  Requêtes  annexées  à  des  résolutions  du  magistrat  en  date  du  lôjuiiUtt 
16i5  et  du  7  mars  1650. 


—  298  — 

mier  rang.  A  peine  connu  de  nos  jours,  De  Vaddere  était 
renommé  surtout  pour  ses  paysages,  où  l'on  retrouve  quel- 
ques-unes des  qualités  do  Rubens  :  la  clarté  et  la  puissance 
du  coloris,  la  distribution  de  la  lumière  et  le  procédé  large 
et  moelleux.  On  connaît  aussi  deluionze  eaux-fortes,  animées 
d'un  sentiment  vrai  de  la  nature,  mais  d'une  touche  assez 
rude  et  dépourvue  de  goût  (i).  Un  nommé  Jean  De  Paige, 
qui  n'était  jusqu'ici  jamais  sorti  du  néant  et  jouissait  des 
exemptions  accordées  aux  peintres  de  carions  pour  les 
tapissiers,  était  mort  depuis  quelques  jours,  lorsque  De 
Vaddere  en  obtint  la  jouissance,  en  faisant  valoir  que  depuis 
longtemps  il  exécutait  aussi  des  cartons  (  résolution  du 
magistrat  de  Bruxelles  du  27  février  iG44)  (2). 

De  Vaddere  a  peint  peu  de  tableaux,  ou  plutôt  il  ne  nous 
en  reste  qu'un  petit  nombre;  il  n'en  a  pas  moins  exercé  une 
inlUience  considérable,  car  il  peut  être  regardé  comme  le 
chef,  le  maître  des  paysagistes  brabançons.  Van  Artois  et 
Achtschellinck  ont,  si  non  étudié  chez  lui,  du  moins 
imité  jusqu'à  un  certain  point  ses  procédés  et  sa  manière. 
Dans  une  requête  présentée  au  magistrat  en  1645,  le  ta- 
pissier Baudouin  Van  Beveren  qualifie  de  «  meilleur  artiste 
du  ])ays  (de  voornaemsle  schilder  van  den  lande)  maître 
Louis  DeVadder,  à  qui  il  avait  payé  plus  de  1,000  florins 
pour  peindre  [Histoire  de  Diane  et  de  Pan.  Jean  Gourdys 
eut  aussi  recours  à  ses  talents,  vers  l'an  1C50.  On  a  dit 


(0  Waagen,  t.  II,  p.  286.  —  Voyez  Nacler,  Kramm,  p.  1665,  etc. 

(2)  l"  regi.ster  1er  Tresorye  gchoiiden  in  gevolge  van  den  niemven  réglemente 
van  1039,  f"  516.  —  Ce  Hans  ou  Jeun  De  Paige,  que  l'on  surnomme  quelquefois 
le  Jeune,  parce  que  son  père  portait  le  même  prénom,  l'ut  reçu  maitre  le 
15  novembre  1615. 


—  200  — 

que  De  Vaddere  ctail  né  vers  loGO  et  mort  en  10:28;  ce  sont 
là  des  erreurs  considérables,  car  notre  peintre  l'ut  reçu  maître 
le  15  mai  1G28  et  mourut  en  1055.  Il  était  fils  d'un  Gilles 
De  Vaddere  et  avait  déjà  pris  femme  lors  de  sa  réception 
à  la  maîtrise. 

Luc  Van  Uden,  fils  d'un  peintre  du  mémo  nom  cl  né 
à  Anvers  le  18  octobre  1595,  travailla  longtemps  dans 
cette  ville,  où  il  fut  reçu  en  qualité  de  maître  peintre  dans 
la  gilde  de  Saint-Luc,  en  1020-1027.  Les  meilleures  critiques 
l'ont  jugé  avec  bienveillance.  «  Toujours  on  trouve  dans  ses 
»  œuvres,  dit  Waagen  (i),  un  sentiment  pur  et  profond  de 
»  la  nature,  un  dessin  correct,  une  distribution  savante  de 
»  la  lumière,  des  détails  parfaitement  accentués,  un  coloris 
»  transparent  et  vigoureux,  quelquefois  trop  vert,  et  un  soin 
i>  minutieux.  Il  comprend  à  merveille  la  façon  de  traiter 
»  les  grandes  surfaces  et  le  détail  des  petits  tableaux.  »  Les 
Musées  de  Dresde,  de  Munich,  de  Madrid,  d'Anvers  pos- 
sèdent de  belles  toiles  de  ce  maître,  qui  a,  en  outre,  gravé 
02  pièces,  où  le  procédé  est  vigoureux,  sans  exclure  la 
douceur,  mais  parfois  inégal.  On  nous  a  appris  que  Van 
Uden  se  fit  enregistrer  à  Anvers  le  51  décembre  IGiO,  parmi 
les  bourgeois  forains;  ce  fut  à  Bruxelles  qu'il  vint  se  fixer 
et  où  il  termina  sa  carrière,  vers  1662.  Van  Uden,  lié  avec 
Rubens  et  Van  Dyck,  était  si  renommé  comme  paysagiste, 
que  Rubens  lui  demanda  souvent  d'exécuter  les  fonds  de 
ses  tableaux. 

L'un  des  artistes  qui  participèrent  le  plus  activement  aux 


(i)  T.  Il,  pp.  2:28-250.  —  Voyez  aussi  Catalogue  du  Musée  d'Anvers,  p.  257. 
—  iNaglek,  t.  XIV,  p.  05.  —  Kramm,  p.  1G54. 


—  500  — 

travaux  des  tapissiers  de  l'époque  fut  Antoine  Sallaerts, 
bourgeois  de  Bruxelles  et  natif  de  celle  ville,  où  il  fut  reçu 
apprenti  le  14  avril  1606,  comme  élève  de  Michel  de 
Bordeaux,  admis  comme  maître  le  20  août  1613  et  élu 
doyen  du  métier  à  plusieurs  reprises.  Nous  devons  juger 
son  talent,  non  \)'dv  les  représentations  de  cérémonies  ou  de 
fêtes  qui  se  trouvent  au  Musée  de  l'ruxelles,  et  où  le  nombre, 
le  costume  et  l'arrangement  des  personnages  lui  étaient  im- 
posés, mais  par  les  toiles  où  il  a  pu  déployer  avec  plus  de 
liberté  ses  qualités  de  coloriste  et  de  dessinateur.  De  ce 
nombre  sont  les  Trois  personnages  à  genoux  devant  In 
Viei-ge,  œuvre  remarquable  qui  orne  la  grande  galerie  de 
l'Hôlel  de  Ville,  au  premier  étage,  et  où  l'on  voit  la  date  1654, 
avec  des  écussons  encore  inexpliqués.  Au  Musée,  il  y  a  de  lui 
une  Allégorie  de  la  passion  du  Christ,  qui  provient  de 
l'église  de  la  Chapelle.  Jadis  on  trouvait  aux  Riches-Claires 
de  Bruxelles,  aux  Pauvres-Claires  de  la  même  ville,  aux 
Chartreux  de  Gand  et  aux  Guillelmites  d'Alost,  un  grand 
nombre  de  compositions  qui  ont  été  vendues  par  le  gouver- 
nement autrichien  en  1785  et  dispersées.  Celles  qui  exis- 
taient à  Gand  provenaient  de  l'ordre  dos  Jésuites  et  repré- 
sentaient pour  la  plupart  des  paysages  où  l'on  voyait,  tantôt 
des  sujets  i-eligieux,  tantôt  des  saints  ou  des  personnages  de 
la  compagnie;  plusieurs  de  ces  personnages  avaient  été, 
après  la  suppression  de  l'ordre,  transformés  en  chartreux. 
Ses  Assomptions  de  Bruxelles  présentaient  de  grandes  quali- 
tés. Celle  des  Riches-Claires  était  à  la  fois  bien  composée  et 
bien  jx'inte;  celle  dos  Pauvres-Claires  était  vigoureuse, 
d'une  couleur  transparente  et  vive;  les  attitudes  y  étaient 
variées,  ainsi  que  les  tètes  des  apôtres. 


—  501   — 

Sallacrls  descendait  d'une  famille  noble  donl  les  membres 
possédèrent  des  seigneuries  et  occupèrent  des  charges 
importantes,  telles  que  celles  de  bailli  de  Termonde  et  de 
Gand  et  d'écoutète  de  Malines  (i);  l'un  de  ses  ancêtres, 
Gaspar  Sallaerts,  dit  De  Doncker,  était  petit- fds  de  Charles, 
qui  fut  doyen  de  la  gilde  de  la  draperie  à  I^ruxelles  en  14S5 
et  petit-fils  d'Olivier  De  Doncker,  éclievin  de  la  même  ville 
en  4484.  De  Gaspar  et  de  Catherine  De  Doncker  naquirent 
Philippe,  Antoine  et  Charles  Sallaerts,  qui  partagèrent,  le 
5  mars  IGl  1 ,  les  biens  de  leurs  parents,  de  leur  tante  Jeanne, 
femme  de  Charles  de  Baude,  et  de  leur  autre  tante  Anne, 
femme  de  Nicolas  De  Bosschere.  De  Philippe  (et  non  de 
Gaspar,  comme  le  dit  une  généalogie,)  naquirent,  entre 
autres  enfants,  deux  peintres  :  Antoine  et  Melchior.  Le 
premier  épousa  AnneVerbrugge.  Il  habitait  rue  Terre-Neuve, 
dans  la  paroisse  de  la  Chapelle,  et  donna  à  l'église  de  ce 
nom,  le  8  décembre  1625,  2GG  florins  afin  de  constituer 
des  anniversaires  pour  lui,  sa  femme  et  leur  fille  Marie, 
anniversaires  qui  devaient  se  dire  le  4  septembre,  le  1"  dé- 
cembre et  le  10  novembre.  Il  était  très-lié  avec  les  jésuites 
de  Bruxelles,  où  son  fils  Antoine  fut  conseiller  de  la  sodalilé 
des  célibataires  en  1625,  et  son  petit-fils  Jean-Antoine 
membre  de  la  même  confrérie,  dont  il  fut  nommé  le  lecteur 
en  107G,  1G77  et  4681,  le  greffier  le  M  décembre  1G78 
et  le  secrétaire  le  15  décembre  1G79.  Outre  Antoine,  qui 
devint  prêtre  et  Tun  des  chapelains  de  l'église  de  la  Chapelle, 
et  qui  laissa,  le  24  février  iG64,  140  llorins  pour  k;  salut  de 
son  âme  et  lOW  florins  pour  des  distributions  aux  j)auvres, 


(0  Voyez  YHistoire  des  environs  de  Bruxelles,  t.  I,  p.  364. 


—  302  — 

Sallaerts  cul  un  aulre  fils  appelé  Jean-Baptiste,  qui  fut  baptisé 
le  14  février  1612,"  admis  dans  le  métier  des  peintres  comme 
élève  de  son  père  le  28  avril  1G2Î)  et  comme  maitre  le 
22  décembre  i(344,  et  laissa  de  Monique  Du  Bois  ce  Jean- 
Antoine  cité  plus  haut,  donl  le  baptême  se  célébra  le 
21  janvier  IGo-i  et  qui  fui  admis  dans  le  lignage  de  T'Ser- 
roelofs  en  IGDG  (i). 

Ami  des  plus  grands  artistes  du  temps,  Sallaerts  était 
considéré  et  méritait  de  l'être,  si  l'on  en  juge  par  les  témoi- 
gnages d'estime  dont  ils  l'ont  honoré.  Seghers  a  peint  les 
paysages  de  plusieurs  de  ses  compositions.  Rubens  ne  le 
jugeait  pas  indigne  d'être  son  collaborateur,  puisqu'il  le 


)  Rt'sumuus  dans  un  croquis  généalogique  les  détails  qui  précèdent  : 
Olivier  Salaert  dit  de  Doncker. 

Charles,  ép.  Passchine  ou  l'aschasie  d'Ursene,  avec  qui  il  est  cité  à  la 
date  du  15  mars  1470-1471. 


Philippe,  ép.  d'abord  Catherine  Medy  ;  sa  veuve  Barbe  Margot  renonça, 
en  1569,  a  ses  droits  d'usufruit  au  piotit  des  enlants  du  premier  lit 
de  son  mari. 


Gaspar, 

Anne, 

Jeanne, 

cité  avec  ses  sœurs 

femme  de  Nicolas 

femme  de  Chailes 

le  31  octobre  1565, 

De  Bussthere. 

de  Baudo. 

ép.  Catherine 

De  Doncker. 

Phiiijtpe. 

Antoine. 

Char 

les  épouse  Anne  Ve 

Antoine, 

Melchior. 

ép. 

Anne  Verbrugge  ou  Vander 

Bruggen. 

_^ 

Jean-Baptiste,  Antoine,       Marie, 

baptisé  en  1612,  ép.  Monicpie  Du  liois.       prélie. 

Jean-Antoine,  baptisé  en  1654. 


Jean, 

baptisé  it  Sainte- 

Gudule  le 

17  novembre 

1611. 


—  û05  — 

chargea  d'cxéculcr  avec  lui  [lUèvalion  de  la  croix,  de 
l'église  Notre-Dame  d'Anvers,  dont  les  volets  sont  enlière- 
remenl  de  Sallaerts,  si  l'on  en  croit  Kramni  (i).  Parfois 
Van  Dyck  eut  aussi  recours  au  talent  de  notre  compatriote; 
appréciant  l'art  avec  lequel  il  savait  disposer  les  person- 
nages d'une  composition,  il  lui  demanda  de  faire  l'esquisse  du 
tableau  sur  lequel  devaient  figurer  les  membres  du  magis- 
trat de  Bruxelles,  et  il  en  fut  si  content  qu'il  donna  un  sou- 
verain d'or  à  l'apprenti  qui  la  lui  apporta  (2). 

Sallaerls  a  beaucoup  gravé,  et,  si  l'on  en  juge  par  la  nature 
des  sujets  sur  lesquels  son  burin  s'exerça,  il  fut,  du  moins 
dans  sa  vieillesse,  enclin  à  la  piété  (3).  En  outre,  il  travailla 
considérablement  pour  les  tapissiers  de  Bruxelles.  En  I64C, 
il  avait  déjà  exécuté  pour  eux  24  chambres,  c'est-à-dire 
24  tentures  complètes,  et  il  pouvait,  disait-il,  se  flatter  d'être 
une  des  causes  de  la  faveur  qui  s'attachait  alors  aux  «  cé- 
lèbres tapisseries  de  Bruxelles.  »  Il  y  avait  introduit,  ajou- 
tait-il, un  nouveau  style,  ou  si  l'on  veut  une  nouvelle  manière, 
et  c'était  là  une  des  causes  pour  lesquelles  ces  tapisseries 
étaient  recherchées.  Les  doyens  François  Vanden  Hecke  et 
Henri  Rydams,  Gaspar  Vander  Bruggen,  Josse  Van  Zeunen, 
Jean  Van  Leefdael  et  Everard  Leyniers  apostillèrent  sa 
requête  pour  l'obtention  de  l'exemption  d'assises,  exemption 
qui  lui  fut  accordée  le  15  décembre  164G.  La  signature  de 
Van  Zeunen  est  suivie  de  cette  phrase  :  hebbende  diversche 
patroonen  door  den  vrindt  gedaen  («  ayant  différents  cartons 


(i)  P.  1439. 

(2)  Mensaert,  Le  peintre  amateur  et  curieux,  t.  1,  p.  lâîâ. 
(r,)  Voyez  Kramm,  /.  c. 


—  504  — 

exécutés  par  l'ami  »),  expression  d'iiiie  bonhomie  singulière 
et  qui  est  tout  à  fait  dans  le  génie  de  la  langue  flamande  (i). 

Un  de  ses  contemporains,  dont  l'existence  s'est  écoulée 
sans  avoir  laissé  de  traces,  avait  également  peint  depuis  sa 
jeunesse  des  cartons  pour  tapisseries.  Je  veux  parler  de  maître 
Lancelot  Lefebui-e,  qui  lut  peut-être  le  |)ère  du  Bruxellois 
Valentin  Lefebvre  ou  Lefebure,  célèbre  pour  avoir  gravé  à 
Venise,  en  1682,  une  suite  de  planches  d'après  les  plus 
beaux  tableaux  des  maîtres  de  celte  ville.  Lancelot,  fils  de 
Charles  Lefeever  ou  Lefebure,  naquit  en  1585  à  Malines, 
devint  bourgeois  et  maître  peintre  à  Bruxelles  le  15  avril 
d609,  et  peignit  beaucoup  pour  les  tapissiers,  à  leur  grand 
contentement  et  à  leur  grand  profit  (2).  Arrivé  à  l'âge  de 
05  ans,  il  obtint  du  magistrat  de  Bruxelles,  en  récompense 
des  services  qu'il  avait  rendus  à  l'industrie,  l'exemption 
ordinaire  de  la  garde  et  des  assises  (21  juillet  1650). 

A  la  date  du  7  mars  1G50,  Bruxelles  avait  perdu  un  de 
ses  habitants  dont  l'existence  était  complètement  restée  dans 
l'obscurité,  lorsque  M.  Fétis  la  révéla  dans  son  Catalogue  du 
Musée  de  Bruœellts  (5),  et  dont  les  talents  avaient  également 
été  utilisés  par  le  tapissier  Gordys.  Il  s'appelait  Pierre  Vanden 
Plassche  ou  Vander  Plassen,  fils  de  Corneille,  d'Alcmaer  (4), 


(1)  //'  register  ter  Tresonje  gehouden,  1°  251 . 

(2)  Tôt  sulcken  contentement  ende  satisfactie  van  de  coopliiyden  ciide  van  tiet 
lieel  tapitsiers  ambacht  dat  de  eere  ende  reputatie  van  t'selve  by  aile  vremde 
natien  daer  die  waeren  buyten  landts  gesonden,  tôt  hooger  acht  wedergenomeri 
ende  de  policie  van  den  haudel  alhier  noloirlyck  weide  verbetert.  ///«  register  ter 
Tresorye  geltoiiden,  {°  567. 

(s)  P.  565. 

(•i)  Et  non  Fian(;ois,  lils  de  Jean  Vanden  Plas,  de  Bruxelles,  qui  fut  reçu, 
le  ^2H  mars  1G10,  comme  apprenti  de  FeniaLd  De  Uerdl,  et,  le  7  janvier  1619, 
comme  mnitie. 


—  505   — 

et  fit  partie  du  mét-cr  des  peintres,  où  il  fut  reçu  comme 
mailre  le  22  septembre  165(3;  il  |)eignit,en  1017,  une  Vierfje 
avec  L'Enfant  Jésus,  qui  se  voit  actuellement  au  Musée.  Ce 
tableau,  ainsi  qu'un  autre,  dont  on  ignore  la  destinée,  avait 
été  exécuté  pour  les  métiers  des  boulangers  et  des  merciers. 
Vanden  Plassche  a  aussi  gravé  et  sculpté,  comme  le  dit 
Nagler. 

Michel  Sweerts  ne  nous  est  guère  mieux  connu.  Il  compta 
cependant,  à  en  croire  une  requête  adressée  par  lui  au  ma- 
gistrat, de  nombreux  succès.  Après  de  longs  voyages  en 
Italie  et  dans  d'autres  contrées,  après  avoir  reçu  du  pape 
différentes  marques  de  distinction  et,  en  particulier,  le  titre 
de  chevalier,  il  revint  dans  sa  patrie.  Usant  d'une  initiative 
qu'il  jugea,  avec  raison,  devoir  produire  d'excellents  résul- 
tats, il  organisa  et  tint  ouverte  pendant  longtemps,  à  grands 
frais,  une  académie  pour  l'élude  d'après  le  modèle  vivant, 
qui  fut  fréquentée  par  de  nombreux  élèves  (i).  Comme  il  en 
exprima  l'espoii',  il  pouvait  en  sortir  beaucoup  d'hommes 
de  talent,  et  l'art  de  la  tapisserie,  qu'il  prétendait  être  en 
ruine  et  en  décadence  (versleglit  ende  verargert),  devait 
reprendre  son  ancien  lustre.  Si  les  vœux  du  chevalier 
Sweerts  ne  se  réalisèrent  pas,  si  la  lignée  des  grands 
artistes  s'appauvrit  en  Belgique,  plutôt  qu'elle  ne  s'accrût, 
la  faute  n'en  fut  pas  à  lui;  loin  de  là,  l'institution  qu'il 
fonda  réalisa  une  amélioration  importante.  Aussi  ce  ne  fut 
pas  en  vain  qu'il   pria  le  magistrat  de  Bruxelles  de  lui 


(i)  Hy  hoeft  alhier  in  de  selve  (syne  gla-boorte  stadt),  met  grooten  kost 
opgericht  ende  nu  langen  tyt  ondeiiioiulen  d'académie  van  die  teeckeninge  naer 
het  ieven,  tôt  dieweU'ke  veele  jongelingen  jaciiycx  syii  frequenterende.  V»  regisler 
ter  Tresorye  gehoiiden,  C  117. 


—  5()()  — 

octroyer  les  faveurs  dispensées  d'ordinaire  à  ceux  qui  culti- 
vaient les  beaux-arts,  et  la  franchise  du  service  de  la  garde 
bourgeoise,  ainsi  qu'une  exemption  d'assises  pour  ISsetiers 
de  drèche  et  une  pièce  de  vin  mesurant  7  quartauts,  par 
an,  lui  furent  accordées  le  5  avril  16o6.  Sweerts  fut  admis 
dans  le  métier  des  peintres  en  lGo9.  En  1060,  la  corporation 
reçut  son  portrait  peint  par  lui-même,  qu'il  lui  avait  légué 
en  souvenir.  D'après  mes  notes,  ce  Michel  Sweerts  ou  De 
Weert  était  le  deuxième  fils  de  Gilles  Sweerts,  qui  naquit  le 
1 5  mars  \  582  et  mourut  le  19  octobre  1629,  laissant  quelque 
fortune  et  plusieurs  enfants  encore  mineurs.  Aurait-il  été  le 
parent  d'un  autre  Bruxellois ,  le  paysagiste  Adrien  De 
Weerdt,  qui  vécut  au  xvi"  siècle  et  dont  le  cardinal  Granvelle 
posséda  quelques  tableaux. 

Une  autre  personnalité  dont  nous  ne  pouvons  omettre  de 
parler  et  qui  est  restée  inconnue  comme  Lefebure,  c'est  le 
peintre  Daniel  Leyriiers,  fils  de  Gilles  et  de  Madeleine  Wel- 
lems.  Né  le  8  mai  lOlS,  il  héi-ila,  le  25  février  IGii,  de 
l'exemption  d'assises  dont  avait  joui  Jean  De  Paige,  mort 
peu  de  temps  auparavant.  Il  était  considéré  comme  le  plus 
utile  et  le  plus  capable  de  bien  servir  le  métier  des  tapissiers 
en  qualité  de  producteur  de  cartons  (tôt  liet  voorseide  pa- 
troonschilderen  luas  den  mitsten  ende  den  bequaemslen  om 
Iiet  voorseid  amhachte  te  gerieven  ende  le  dienen)  ;  c'est  au 
moins  ce  qu'il  dit  lui-même  dans  une  pétition  qui  fut  con- 
tresignée par  quinze  fabricants  de  tapisseries,  dont  plu- 
sieurs étaient  ses  proches  parents  :  Jean  Raes,  Jean  Raedt, 
François  Vanden  Ilccke,  Daniel  Leniers  (son  oncle), 
Conrad  et  Gaspar  Vander  Bruggen,  Henri  Reydams,  Evorard 
et  Gaspar  Loyniers   (.ses  cousins),   Jean  Van    Leeffdael, 


—  007  — 

Gérard  Vander  Strcken,  Léonard  Wyns,  André  Vandcn 
Drics,  Philippe  SlrN'ckwans  cl  Charles  Vander  Gucht;  seule- 
ment il  l'ut  astreint  à  fournir  tous  les  ans,  à  la  Saint-Jean, 
une  attestation  qu'il  persévérait  dans  les  mêmes  travaux  (i). 
On  ne  connait  aucun  tahlcau  de  Daniel.  Cet  artiste  é|)ousa, 
le  2  janvier  IGi8,  Marie  De  Bray,  qui  le  laissa  veuf  le 
27octohrc  1675  et  ne  lui  donna  que  deux  filles  :  Jcaime-Marie 
et  Jeanne-Catherine,  cette  dernière  femme  de  Henri  Rydams, 
maître  tapissier.  Leyniers  expiraàson  tour  le  27octohrelG88 
et  en  lui  s'éteignit  la  descendance  masculine  de  Gilles  Ley- 
niers, dont  les  autres  fils,  Bernard  et  Gaspar,  élaient  restés 
célibataires.  Gilles  et  Daniel  firent  successivement  partie  du 
métier  des  peintres  :  Gilles,  qui  était  élève  de  Guillaume 
Worms,  devint  maître  le  25  juillet  1018;  son  lils  acquit  la 
maîtrise  à  son  tour  le  12  juin  1645. 

Parmi  les  artistes  belges  dont  nous  avons  cité  le  nom  plus 
haut,  David  Téniers  est  celui  qui  a  joué  en  Belgique  le  rôle 
le  plus  considérable  vers  le  milieu  et  pendant  la  seconde 
moitié  du  xvif  siècle;  c'est  lui  aussi  qui  eut  le  talent  le  plus 
original  et  le  moins  contestable  et  dont  le  pinceau  fut  le  plus 
fécond.  Ce  n'est  pas  le  moment-  d'écrire  sa  biographie.  Il 
nous  suffira  d'en  signaler  quelques  particularités  peu  con- 
nues. 

Après  avoir  vu  grandir  son  talent  sous  l'influence  bienfai- 
sante de  l'amitié  et  du  voisinage  de  Rubens,  Téniers  quitta 
Anvers  vers  1648  et  se  fixa  à  Bruxelles,  où  il  passa  dès  lors 
presque  toute  son  existence,  sauf  qu'il  séjourna  souvent  à 
Perck,  village  à  une  lieue  à  l'est  de  VilvorJo,  où  il  acquit 

(')  /°  reghter  1er  Tresorj/e  gchoiiden,  f»  315. 


—  508  — 

un  castel  appelé  de  Drye  Torens  (les  Trois  Tours).  Dans  la 
capitale,  il  se  fil  hàlir  une  habitation  splendide,  rue  des 
Juifs  {Jodenstraet ,  aujourd'hui  Escaliers  des  Juifs;  c'était 
le  premier  de  ces  escaliers  ou  rue  Villa  Hermosa),  sur  un 
emplacement  où  il  n'y  avait  que  des  écuries  (slallinge)  et 
qui  dépendait  auparavant  de  riiùtcl  Ravenstein,  rue  Terar- 
ken.  Celte  construction  lui  atiira  une  légère  discussion 
avec  la  ville,  sous  prétexte  qu'il  avait  fait  profiter  les  ouvriers 
employés  par  lui  de  la  franchise  de  l'assise  sur  la  bière 
dont  il  jouissait  en  qualité  de  «  peintre  de  la  chambre  de 
»  Son  Altesse  le  Gouverneur  général  » ,  mais  ce  différend 
se  termina  à  l'amiable  par  une  confirmation  de  cette  fran- 
chise (le  9  janvier  1057)  (i).  Ajoutons  qu'afin  d'éviter  toute 
contestation,  cette  dernière  fut,  le  2o  janvier  1670,  fixée  à 
oO  aimes  de  bière  et  4-  pièces  de  vin  de  France  par  an,  à 
condition  que  Téniers  ne  s'occuperait  d'aucun  travail  in- 
dustriel, c'est-à-dire  qu'il  ne  fit  (pic  de  l'art  (2). 


(1)  V'  regisfer  ter  Tresorye  gelionden,  f°  189. 

(2)  Voici  cette  résolution  : 

Schilder  Teniers,  vrydom  op  seiieren  taux  ende  C(jndilieii. 

Op  den  ellTsten  januarii  XYT  tseventich,  hebben  Myne  Heeren  die  Wethouderen 
der  sladt  Brussele  goetgevondcn  ende  geresolveert,  op  de  requesle  gepresenteerl 
van  wegens  s""  Teniers,  als  schilder  ende  domesticq  van  Syne  Exccllencie,  dcn 
selvon,  by  provisie  ende  toi  naerder  ordre  vry  te  laeten  by  eenen  gemodereerden 
taux,  met  hesprecksel  ende  precaulie  dat  soo  verre  den  seiven  bevonden  wierde  te 
doen  eenige  neringe  ende  borgelycke  exercitie,  den  selvcn  vrydom  sal  cesseren. 
Aldus  gedaen  ten  dage,  maende  ende  jare  voors.  Onderteeckent  :  H.  Eugen.  Tax. 

Die  Heeren  Trésoriers  ende  Rentmeesteren  deser  sladt,  in  gevolge  van  den 
bovenstaende  resolutie,  hebben  op  condilien  daer  inné  geruert,  ter  interventie  van 
de  pachters  van  de  middelen  op  de  bieren  ende  wynen,  gemodereert  ende  getaxeerl 
den  vrydom  van  s""  Teniers,  als  schilder  endo  domesticq  van  Syne  Excelloncic, 
toi  vyflich  amen  bicrs  ende  vier  stucken  Franschen  wyn  s'jaers,  ende  dat  by 
provisic  ende  tôt  naerJer  ordre.  Aclum  25  januarii  1670.  Geregistrecrt  2î)  januarii 
■16T0.  Alf.  Van  Nuevele. 

17/'  rcf/isler  1er  Tresorye  (jchoitden,  1"  'Ji. 


—  Ô09  — 

Honoré  de  l'amiliô  de  l'archiduc  Léopold-Guilluumo  cl  do 
celle  de  don  Juan  d'Aulriche,  Téniers  était  accablé  do  com- 
mandes. Malgré  ranatlième  lancé  contre  ses  œuvres  par 
Louis  XIV,  elles  se  sont  répandues  partout,  et  les  Musées, 
comme  les  collections  particulières,  se  les  disputent,  mais 
nulle  part  elles  ne  sont  aussi  nombreuses  ni  aussi  importantes 
qu'à  Madrid,  où  l'on  peut  en  admirer,  beaucoup,  dont  plu- 
sieurs do  premier  ordre.  Téniers  eut  de  longues  contestations 
avec  ses  confrères  de  Bruxelles  au  sujet  des  ventes  de  tableaux 
qu'il  faisait  opérer  de  temps  à  autre  et  que  le  métier  prétendait 
être  contraires  à  ses  lois  et  usages.  Ainsi  que  l'a  établi 
M.  Galesloot,  chef  de  section  aux  Archives  du  royaume  à 
Bruxelles,  l'âge  affaiblit  les  facultés  du  grand  artiste,  qui 
termina  enfin  sa  glorieuse  carrière  à  Bruxelles,  dans  sa 
demeure  de  la  rue  des  Juifs,  pendant  les  premiers  mois  de 
l'année  1690  (i). 

Téniers  étant  exempté  de  payer  l'assise  sur  la  bière  et  le 
vin,  on  qualité  de  «  peintre  et  domestique  du  gouverneur 
»  général  »,  il  ne  reçut  jamais  de  faveur  de  ce  genre  en 
qualité  d'auteur  de  cartons  ou  dessins  do  tapisseries.  Il  en 
lit  néanmoins  un  grand  nombre,  surtout  dans  le  genre  des 
Audenardes,  c'est-à-dire  représentant  des  paysages,  peuplés 
de  figures  et  d'animaux;  c'est  ce  qu'on  appela,  d'après  lui, 
des  Téniers,  oa,  comme  les  Français  le  disaient,  des  Tenièrcx. 
Mais  il  faut,  sans  doute,  en  attribuer  beaucoup  aux  artistes 
ses  contemporains;  ceux-ci,  en  voyant  la  faveur  avec  laquelle 


(i)  Quelques  recherches  concernant  la  famille  de  Huhens  et  le  décès  de  Téniers 
(Annales  de  l'Académie  d'archéologie  d'Anvers,  2"  série,  t.  III). 


—  510  — 

on  accueillait  ses  œuvres,  s'empressèrent  d'adopter  sa  ma- 
nière. 

Que  de  Teniéres  n'y  a  t-il  pas  en  Euroj)e.  Le  Mayeur 
a  cité  celle  qui  existait  au  château  d'Auguslcnbourg,  près  de 
Cologne,  et  qui  était,  dil-il,  d'iiii  Iravail  exquis  et  sortie  des 
ateliers  de  Bruxelles  (i).  A  l'exposition  de  Paris  de  1H76, 
iJ  y  en  avait  cinq  en  laine  et  soie,  représentant  :  la  Danse, 
le  Repas,  le  Jeu  de  quilles,  des  Paysannes  trayant  des  vaches 
et  d\iHtres  paysannes  filant  au  rouet.  Cette  tenture  appar- 
tient au  docleur  Fraigniaud.  Les  trois  premières  pièces 
ont  des  bordures  formées  de  guirlandes  de  fleurs,  tandis 
que  les  deux  autres  sont  entourées  d'un  fond  bleu,  à  feuilles 
jaunes,  imitant  l'or.  Trois  mesurent  2'"85  de  haut  sur  des 
larc:eurs  variant  de  2"' 10  à  4"'Ki  et  deux  ô'"0o  de  haut 
sur  '2"'A0  ou  3"^2;)  (-2). 

Qu'on  nous  permette,  puisqu'il  est  ici  question  de  Téniers, 
de  reclificr  quelques  fragments  de  la  généalogie  de  cette  fa- 
mille, non  pas  en  ce  qui  concerne  ce  peintre  et  ses  parents  et 
ses  femmes,  mais  ses  enfants  et  leur  postérité.  Téniers  eut 
non  pas  huit,  mais  dix  enfants  :  huit  d'Anne  Breugel,  deux 
d'Isabelle  De  Fren.  De  la  première  naquirent  :  Isabelle, 
femme  du  célèbre  Erasme  Quellyn  ;  David  (III),  Cornélie, 
Anne-Marie,  Claire,  Antoine,  Justin-Léopold.  Catherine, 
baptisée  dans  l'église  de  Saint-Jacques-sur-Coudcnberg  le 
24  février  IG-'io;  de  la  seconde,  N.  (probablement  le  Louis 
des  généalogies)  et  Marie-Isabelle,  baptisée  le  G  août  1657, 
rciiiine  de  l'avocat  François  Engrand  et  mère  de  Louise,  qui 


(1)  T.  I,  |..  Î07. 

(î)  CalalogKC  (le  l'Union  des  aris,  p.  231. 


—  ÔM   — 

épousa  à  Malinos,  on  17  li,  un  Mosscvcldc.  Les  Irois  fils 
laissèrent  chacun  une  postérité.  David  (III),  qui  fut  aussi 
|)eintre  et  même  peintre  renommé  à  Bruxelles,  s'allia  en 
août  1()7I  (le  4,  selon  le  Catalogue  du  Musée  cT Anvers,  le  7, 
selon  Piron,  dans  la  revue  Oud  en  IMeuw,  p.  205),  à  Anne- 
Marie  Bonnarens,  dont  il  eut  quatre  enfants  :  David  (IV), 
né  le  18  octobre  1G72,  mort  célibataire  en  Portugal;  Inachus- 
Mclcbior,  né  le  I"  juillet  1G74,  chanoine  de  Termonde; 
Claire-Eugénie,  née  le  13  septembre  167G,  béguine  à  Matines, 
et  Isabelle,  née  le  8  mars  1679,  femme  de  Jean  Aelbrecht, 
dont  les  deux  fils,  Théodore-Joseph  et  Antoine,  moururent 
célibataires,  le  premier  à  Saint-Gilles,  dans  le  pays  de  Waes, 
le  second  en  Portugal,  ainsi  que  son  oncle  David.  C'est 
David  III,  et  non  son  père,  qui  mourut  rue  Haute,  à  côté 
de  la  Porte-Rouge,  en  1085,  et  fut  enterré  dans  l'égîise  de 
Coudenberg  le  11  février  de  cette  année  (i).  C'est  lui  aussi, 
et  non  son  père,  qui  adopta  comme  surnom  la  qualification 
(\e  junior  ou  le  jeune,  sous  lequel  il  fut  admis  dans  la  cor- 
poration bruxelloise  le  28  juillet  1075  (a).  On  doit  donc  lui 
attribuer  quelques  tableaux  et  tapisseries  portant  cette  signa- 
ture; ces  dernières  se  trouvent  les  unes  à  Paris,  les  autres  à 
Madrid.  Au  palais  du  duc  d'Aremberg  à  Bruxelles,  il  en  existe 
aussi  qui  représentent  le  Temps  enchaîné  par  l'Amour  et  plus 
haut  des  amours  ou  génies  tenant  des  écussons  aux  armes 
des  d'Aremberg  et  des  Grana ,  avec  la  devise  hàc  duce. 
Particularité  curieuse,   ces    lapis   nous    apprennent   non- 


(i)  Voyez  le  Bulletin  des  CommisxionR  royales  d'arl  et  d'archéologie. 

(2)  Oiitfangen  als  nieestcr  1675  den  2<S  july  myiihpcr  Davil  Teniers  junior  alias 
Den  Jonghen.  Registre  d'admission  dans  le  métier  des  peintres,  aux  Archives 
du  rovaume. 


—  512  -- 

sculemenlles  noms  de  ceux  qui  les  (Vibriquèrenl  :  I.  Leclerc 
et  G.  Peemans,  mais  encore  celui  de  l'arliste  qui  en  donna 
le  dessin.    En  effet,    ils   portent  tous   cette  inscription    : 

D.  TeNIERS  —  JUNIOR  PINXIT  1()8Ô. 

Jusiin-Léopold  Téniers  fut  baptisé  à  Bruxelles,  dans 
l'église  de  Coudenberg,  le  o  févrfer  ÎGoô,  et  eut  pour 
parrain  et  marraine  sire  Jean  de  Vallasco  ou  Vélasco,  comte 
de  Salazar,  représentant  le  gouverneur  général  l'archiduc 
Léopold-Guillaume,  et  dame  Justine-Marie,  comtesse  de 
Swassenberg  ou  Schwartzenbergh.  Il  se  Ht  recevoir  licencié 
en  droit  et  en  théologie  à  l'Université  de  Louvain  et  fut  pen- 
dant quelque  temps  secrétaire  de  la  ville  de  Vilvordc.  Tl 
épousa,  à  Perck,  le  17  mai  IG81 ,  Thérèse  de  Prenne,  qui  le 
rendit  père  de  Léopold-Joscph  et  de  David-Antoine,  nés  tous 
les  deux  à  Vilvorde,  où  ils  furent  baptisés,  celui-là  le  10  mars 
ir)8'2,  celui-ci  le  7  mars  1685.  Ils  eurent  tous  deux  pour 
parrain  leur  aïeul,  David,  le  grand  peintre;  la  marraine 
du  premier  fut  Anne-Catherine  De  Prenne,  celle  du  second 
Anne-Marie  Bonnarens,  femme  de  David  III.  David- 
Antoine  n'eut  de  Marie-Catherine  Ilellemans  qu'une  lille, 
Marie-Isabelle-Norbcrtine  Téniers;  de  même  Louis  Téniers 
et  sa  femme  Barbe-Josèphe  De  Hennin,  (pii  vivai(Mil  h  Atli 
en  1690,  ne  laissèrent,  outre  Louis,  mort  jeune,  que  deux 
filles  :  Marie-Madeleine,  femme  de  N.  Piérart,  et  Anne- 
Charlotte,  femme  de  N.  de  Cassaignard .  Marie-.Madeleine 
n'eut  pas  d'jmfants;  Anne-Cbarlotte  n'eut  qu'une  fille,  alliée 
à  un  M.  Taintenier.  Ainsi  s'éteignit  dans  la  première  moitié 
du  xvni  ■  siècle  la  |H)sl('rité  directe  du  célèbre  peintre  de  ker- 
messes. Peut-être  est-ce  en  Portugal  (|iril  faudrait  chorclier 
les  |)api('rs  do  cette  lignée,  dotit  le  nom  est  devenu  européen. 


—  515  — 

Pendanl  que  Téniers  et  quelques  paysagistes  entretenaient 
en  Belgique  le  culte  de  l'art,  envisagé  surtout  au  point 
de  vue  réaliste  et  populaire,  la  grande  peinture  éniigrail  en 
quelque  sorte  en  France,  avec  deux  Bruxellois  de  talent  : 
Philippe  de  Ghampaigne,  le  peintre  austère  de  sujets  reli- 
gieux, et  Vander  Meulen,  qui  a  si  habilement  retracé  les 
campements  et  les  sièges  ordonnés  par  Louis  XIV.  Vander 
Meulen  surtout  contribua  considérablement  à  alimenter  de 
modèles  la  célèbre  fabrique  des  Gobelins,  dont  le  directeur, 
Lebrun,  avait  la  plus  grande  opinion  de  ses  talents. 

A  propos  de  Vander  Meulen,  qui  ('tait  déjà  au  service  du 
roi  Louis  XIV  en  1665  et  dont  on  ne  savait  pas  encore  en 
quelle  année  il  naquit,  disons  ici  qu'il  fut  baptisé  dans  l'église 
Saint-Nicolas,  de  Bruxelles,  le  11  janvier  1652,  sous  le  nom 
d'Adam  (et  non  d'Anloine-François),  et  que  son  frère  Pierre 
fut  baptisé  dans  la  même  église  le  28  janvier  1658.  Ils  étaient 
fils  de  Pierre  et  de  Marie  Van  Sleenwege  (i)  et  entrèrent 
dans  le  métier  des  peintres  :  Adam-François,  le  18  mai  16'i6, 
comme  élève  de  Pierre  SJiaers  ou  Snyders;  Pierre,  le 
15  août  1655,  comme  apprenti  de  son  frère.  L'ainé  des  deux 
frères  mourut  aux  Gobelins,  le  15  octobre  1 690,  à  l'âge  d'en- 
viron 60  ans,  après  avoir  été  marié  trois  fois  :  à  Bruxelles, 
avec  Catherine  Huseweel,  morte  le  10  janvier  1677;  à  Paris, 
avec  Catherine  de  Lobri ,  morte  le  o  octobre  1680,  puis 


(i)  Voici  les  extraits  des  anciens  registres  de  la  paroisse  de  Saint-Nicolas 
établissant  ces  faits  : 

il  januaru  (165:2)  baplisatiis  est  Aditm  fiiiits  Pétri  Vandermeiilen  et  Marie 
Van  Steeiiwege;  siisceptores  :  Adam  Slocmane  et  Elisabeth  \an  Steenwege. 

28  aprilis  (1658)  baptisa  tus  est  Petrus,  filius  Pétri  Vander  Meulen  et  Marie 
Van  Sleenwegen;  susceptores  :  Judocus  Van  Bevere  et  Anna  Van  Sieenwegen. 


—  5U  — 

avec  Marie  de  By,  cousine  de  Lebrun,  le  12  janvier  1G8I. 
Il  eut  de  sa  première  el  de  sa  troisième  femmes  un  grand 
nombre  d'enfants,  comme  on  peut  le  voir  dans  un  excellent 
ouvrage  de  M.  Jal  (i). 

Une  sœur  de  Vander  Meulen,  Barbe,  s'allia  le  12  janvier 
1670  à  un  autre  artiste,  Adrien-François  (et  non  Antoine- 
François)  Boudewyns  (en  France  Bauduin),  qui  fut  baptisé 
le  3  octobre  1G44,  également  dans  l'église  Saint-Nicolas  de 
Bruxelles,  el  qui,  après  avoir  été  reçu  parmi  les  peintres,  le 
22  novembre  4665,  comme  apprenti  d'un  nommé  Vanden 
Stock,  exécuta  dans  cette  ville  beaucoup  de  cartons  j)our 
tapisseries;  c'est  de  lui  que  sont  les  paysages  de  celles 
intitulées  les  Mois,  dont  les  figures  ont  été  peintes  par 
Lebrun  (2).  D'après  une  note  très-curieuse  de  Baerl,  dont 
nous  reproduisons  ici  le  texte,  il  travailla  pendant  13  ans 
près  de  Vander  Meulen,  tant  en  ce  genre  qu'à  graver  à 
l'eau-forte.  Après  avoir  quitté  Paris  pour  se  fixer  à  Lille,  il 
abandonna  celte  dernière  ville  el  revint  à  Bruxelles,  où  il 
fit  les  paysages  des  tapisseries  dites  les  Quatre  Saisons. 
Il  perdit  sa  femme  le  2  mars  1674,  après  en  avoir  eu  un 
fils,  François,  né  le  31  janvier  1671,  et  une  fille,  Catherine, 
née  le  6  mai  1673.  Il  mourut  à  Bruxelles,  en  1711,  laissant 
pour  élèves  Mathieu  Schoevaerts  (0)  et  François  Bauduin 


(1)  L.  c.,]).  8GO. 

(■2)  Jal,  /.  c,  p.  i-2T,  d'après  les  papiers  de  la  fabrique  des  Gobelins. 

(3)  N'est  ce  pas  Pierre  Sclioevaerls,  chevalier  de  Valcour,  membre  d'une  des 
familles  patriciennes  de  Bruxelles,  peintre  et  gentilhomme  de  l'archiduchesse 
Marie-Klisabclh.  Jal,  /.  c,  p.  11Ô9.  Ce  Pierre  fut  reçu  maître  peintre  le  S  oc- 
tobre 17Ô1. 


—  515  — 

cité  plus  haut,  qui  mourut  en  1766  (i).  Celui-ci  fui  reçu 
dans  le  métier  comme  maître,  le  27  novembre  17i20. 

La  Belgique,  où  Jordaens  et  Crayer  achevaient  leur  car- 
rière, ne  possédait  plus  de  peintre  d'histoire  de  premier 
ordre.  Ce  n'étaient  pas  Van  Kessel  (2),  Herp,  Jérôme  De 
Potter,  etc.,  qui  pouvaient  entretenir  l'éclat  dont  avait  brillé 
l'école  flamande,  et,  par  contre-coup,  la  fabrication  des  tapis- 
series. Van  Kessel  et  Herp  ont  fourni  à  Albert  Auwercx, 
en  1665,  les  modèles  de  la  tenture  faite  pour  le  comte  de 
Moncade  ;  De  Potter  fit  des  cartons  pour  Gilles  Leyniers. 
Il  promettait  à  notre  pays  un  artiste  de  talent,  mais  une 
mort  prématurée  l'enleva  à  l'art  de  la  peinture ,  ainsi 
que  nous  l'apprennent  des  vers  latins  qu'un  religieux  de 
l'abbaye  de  Saint-Nicaise ,  de  Reims,  Grégoire  Legrand, 
adressa  à  son  confrère,  l'historien   de  cette  ville,  Marlot. 


(i)  Bauduin,  Adrianus-Franciscus,  is  geboren  tôt  Brussel  int  jaer  ■1647  ende 
gestorven  in  syne  geborte  plaetse  inl  jaer  1711,  heeft  negenlhien  jaeren  geschil- 
dert  by  den  vermaerden  konstschilder  Adam-Franciscus  Vander  Meulen,  te  weten 
-13  jaeren  Linnen  en  buyten  Parys,  alwaer  hy  door  zyn  meester  loffelyk  beloont 
wird,  soo  voor  het  schilderen  als  voor  het  etsen  met  sterk  water,  waer  van  de 
printen  ons  tôt  getuigen  dienen.  Heeft  getrout  geweest  in  eerste  houwelyk  met 
de  zuster  van  zyn  meester. 

Hy  heeft  geschildert  tôt  Ryssel  door  ordre  van  Lodewyk  de  XJIII  aen  de 
tapytpatroonen  die  hy  aldaer  dede  in  tapyten  maeken,  heeft  ook  geschildert  tôt 
Brussel  de  gronden  van  de  Vier  saisoenen,  die  aldaer  in  tapyt  zyn  verbeeidt 
geweest,  en  heeft-  voir  discipel  naergelaeten  Malheus  Schovaerts,  als  niede  synen 
soone  Franciscus  Bauduin,  is  gestorven  1706. 

Baert  ,  Matériaux  pour  l'histoire  des  arts  dans  les  Pays-Bas ,  f°  Ôi25  ; 
Ms.  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles.  —  La  Biographie  nationale  (t.  II, 
col.  788-795)  contient  un  article  de  M.  Siret  plein  de  détails  curieux  sur 
Boudewyns. 

(2)  Jean  Van  Kessel,  né  à  Anvers  en  1620,  Voyez  le  Catalogue  du  Mush' 
d'Anvers,  p.  56.3. 


—  51G  — 

Celui-ci  avait  acheté  en  Belgique,  en  1665,  deux  tableaux 
qu'il  donna  ensuite  à  son  monastère.  Le  premier,  qui  repré- 
sentait la  Vierge,  dont  il  ornait  l'autel,  était  de  Van  Eyck, 
l'inventeur  de  la  peinture  à  l'huile;  l'autre,  où  l'on  voyait 
Jésus-Christ  ordonnant  de  rendre  à  César  ce  qui  appartient 
à  César,  était  l'une  des  rares  œuvres  d'un  peintre  bi'uxellois 
nommé  De  Polter,  qui,  à  peine  revenu  d'Italie,  se  noya 
pendant  la  nuit  dans  la  Senne,  au  grand  regret  de  ces  conci- 
toyens (i).  De  Potter,  dit  Marlot  (2),  était  réellement  bien 
doué  et  ne  pu!  peindre  qu'un  ou  deux  tableaux. 

Le  groupe  des  paysagistes  se  maintint  mieux,  malgré  la 
mort  de  De  Vaddere  et  de  Van  Uden.  Lorsque  le  premier 
mourut,  son  titre  de  peintre  de  cartons  avantagé  fut  sollicité 
à  la  l'ois  par  Guillaume  Van  Schore,  Jean  Claessens,  Daniel 
Van  Heyl  ou  Van  Heil,  Luc  Achtschellinck  et  Jacques 
Arlhoys  ou  d'Arthoys,  qui  tous,  sauf  Claessens,  dont  le 
nom  est  resté  dans  l'oubli,  cultivaient  le  même  genre. 
D'Arthoys  fut  préféré,  à  cause  de  l'habileté  et  de  l'expé- 
rience qu'on  lui  reconnaissait;  on  le  déclara  exempt  du 
service  de  la  garde  bourgeoise  et  de  l'obligation  de  payer 
l'assise  i)Our  1*2  aimes  de  bière  et  une  aime  de  vin,  mais, 


{\)         Prima  Van  Eki 

(Gandavus  héros, 
quique  olerum 
pinguia,  primus 
fusa  colori 
iniseuit)  aram 


.\ltera  Cliristus 
Caesai'is  aéra 
redderc  dictans  : 
ars  miserandi 
rara  Polcri, 
Ijruxella  quem  flet, 


Virginis,  ipsa  moenibus  ipsis, 

Virgo-mel  ornât.  |  flumine  mcr.';i. 

Melropolis  licmensis  historia,  t.  I,  p.  667. 
(i)  Uinc  rara  cjus  opéra,  quae  el  praeslaiilissima.  Marlot,  /,  e. 


—  517  — 

sous  peine  d'annulation  de  celle  IVancliise,  il  devait  produire 
tous  les  ans,  quatorze  jours  avant  la  Saint-Jean,  une  décla- 
ration des  doyens  du  métier  des  tapissiers  attestant  qu'il 
avait  servi  la  corporation  et  les  marchands  de  tapisseries  à 
leur  entière  satisfaction  (25  novembre  1055)  (i). 

Jacques  d"Arlhoys  ou  plutôt  d'Arlliois  était  né  à  Bruxelles 
de  Henri  d'Arlliois  et  de  Jeanne  Geeraerls  et  fui  baptisé  à 
Sainte-Gudule  le  12  octobre  1013.  Il  apprit  son  art,  non  de 
Wildens,  comme  le  dit  Descamps,  ou  de  De  Vaddere, 
comme  le  prétend  Waagen,  mais  d'un  nommé  Jean  Merlens, 
chez  qui  il  entra  comme  apprenti  le  11  janvier  1C2o.  Il 
devint  maître  le  5  mai  1654  et  mourut,  dit-on,  en  1665, 
Cet  excellent  artiste  était  à  la  fois  un  observateur  attentif  de 
la  nature  et  un  grand  amoureux  de  la  solilude.  Habitant 
souvent  BoitsforI,  où  il  possédait  un  petit  domaine  avec 
étangs,  dans  la  partie  dite  le  Haut-Boits[orl{j>),  il  aimait  à 
parcourir  les  pittoresques  environs  de  Rouge-Gloîlre.  «  On 
«  reconnaît  dans  ses  compositions,  dit  l'auteur  du  Catalogue 
»  de  la  vente  de  1785  (r>),  différents  sites  qu'il  saisissait 
»  heureusement  et  savait  embellir.  Le  sombre  imposant  des 
»  forêts  se  retrace  avec  un  plaisir  infini  dans  les  tableaux 
»  d'Arthois;  on  y  distingue  les  différentes  espèces  d'arbres 
»  et  leur  feuillage  varié.  Cet  artiste  se  plaisait  aussi  à 
«  peindre  les  pièces  d'eau  que  l'on  trouve  en  grand  nombre 
»   dans  la  forêt  de  Soignes;    il   tirait  parti  de  tout,-  même 


(i)  V  regisler  ter  Tresonje  gehouden,  F  y". 

(s)  Opperste  Boitsfort.   Le  19  septembre    1669  ,  Jacques  d'Arthois  céda  an 
domaine  deux  petits  étangs  situés  en  cet  endroit. 
(:.)  P.  3. 


—  518  — 

»  d'une  terrasse  de  sable;  elle  lui  servait  de  fonds  pour 
»  étaler  la  richesse  d'une  foule  de  plantes  sauvages , 
»  distribuées  avec  autant  de  goût  que  de  variété....  » 
Plusieurs  historiens  de  l'école  flamande  ont  fait  de  lui  un 
grand  éloge.  M.  Alfred  Michiels  le  classe  au  rang  des 
meilleurs  paysagistes  du  monde,  et  Waagen  déclare  (jue  ses 
compositions  sont  empreintes  d'un  caractère  grandiose. 
Plusieurs  des  principaux  musées  de  l'Europe,  Bruxelles 
notamment,  possèdent  de  belles  toiles  de  ce  maître,  qui, 
nulle  part,  n'est  mieux  représenté  qu'à  Madrid,  où  il  y  en  a 
quinze.  Celle  qui  se  trouve  à  Matines,  derrière  le  maître- 
autel  de  l'église  Notre-Dame,  passe  pour  son  chef-d'œuvre. 
Que  devint-il,  quant  mourut-il?  On  n'en  sait  rien.  Fut-il 
réduit  à  la  pauvreté,  faute  d'économie,  comme  le  dit 
Descamps?  Il  n'existe  rien  de  positif  à  cet  égard.  Les 
paysages  d'Arthois  étaient  ordinairement  étofiës  par  de  bons 
artistes,  tels  (|ue  Téniers,  De  Clerck,  P.  Houl,  Van  Herp,  etc. 
Ce  peintre  a  laissé  un  lils  n|)pelé  .Jean,  qui  était  également 
paysagiste  et  fut  reçu  maitre  le  26  avril  1G57. 

La  famille  des  VanHeil  mérite  de  nous  arrêter  un  instant. 
Formée  de  |)lusieurs  frères,  dont  trois  étaient  artistes  : 
Daniel,  Léon  et  Jean-Baptiste,  nés  d'un  nommé  Léon,  le 
premier  en  IGOi,  le  deuxième  en  IGOo  et  le  troisième  en 
1609,  elle  se  partagea  en  quelque  sorte  le  domaine  de  l'art. 
Daniel, 'qui  était  élève  de  Crayer  et  fut  reçu  maître  le 
5  août  1626,  peignait  de  préférence  les  sujets  effrayants  et 
surtout  les  incendies;  tantôt  il  composait  des  épisodes 
empruntés  aux  temps  passés,  comme  la  destruction  de 
Sodome  et  rincendie  de  Tj-oie  ;  tanlul  il  reproduisait  les 
désastres  ([ui  aflligeaienl  sa  |)a!rie,  tels  (|ue  l'incendie  de  la 


—  510  — 

maison  le  Sac,  à  Bruxelles,  cl  le  grand  incendie  d'Anvers. 
Il  y  a  de  lui  au  Palais  de  l'Ermitage,  à  Saint-Pétersbourg, 
un  Hiver  que  l'on  dit  être  d'une  rare  beauté.  Jean- 
Baptiste  Van  Heil  devint  maître  le  22  octobre  4(34-5  et 
peignit  surtout  des  portraits  et  des  tableaux  d'autel,  qui  sont 
plus  estimés,  dit-on,  que  les  œuvres  de  son  frère.  Léon  Van 
Heil  fut  à  la  fois  arcbitecte,  pcinlie  et  graveur;  nommé 
architecte  de  l'archiduc  Léopold  d'Autriche,  il  construisit 
à  Bruxelles  plusieurs  édifices  et,  dans  le  nombre,  le  nouvel 
étage  du  beffroi  ou  tour  de  l'église  Saint-Nicolas,  bâti  en  1005. 
Il  fut  admis  dans  la  corporation  à  laquelle  ses  frères  appar- 
tinrent aussi ,  le  Ti  août  1G27.  Il  aimait  à  reproduire  par  le 
pinceau  les  fleurs  et  les  insectes,  et  on  lui  doit  quelques 
gravures,  notamment  une  Danse  de  paysans,  d'après  Rubens, 
et  une  parodie  d'après  ce  grand  artiste,  où  les  personnages 
sont  remplacés  par  des  singes;  il  a  signé  celte  dernière 
j)roduclion  du  pseudonyme  de  J.  Hilarides. 

La  date  de  la  mort  des  Van  Heil  n'est  pas  connue  avec  exac- 
titude. Jean-Baptiste  et  Léon  paraissent  être  restés  céliba- 
taires et  figurent  comme  tels  dans  une  sodalité  de  l'église  des 
Jésuites,  où  ils  furent  nommés  :  Jean-Baptiste,  conseiller,  le 
IG  juin  1G4]  et  le  11  décembre  1G72,  et  préfet  le  14  dé- 
cembre 1670,  et  Léon,  lecteur  à  plusieurs  reprises,  de 
1665  à  1695,  assistant  le  10  décembre  1()75,  préfet  le 
20  décembre  1676  et  conseiller  le  11  décembre  1678  et  en 
décembre  1700.  Pour  ce  qui  est  de  Daniel,  il  épousa,  le 
1"  octobre  1656,  Marie  T'Serraets,  fille  de  Thierri  T'Serraets 
et  d'Anne  Van  Heymbeeck  et  petit-fils  de  Jean  ï'Serraels  et 
de  Marie  Kops.  Il  en  eut  plusieurs  enfants,  outre  Daniel, 
mort  au   berceau:  Théodore,  né  le  2  mars  1658;  Marie, 


—  320  — 

née  le  29  juillel  1G42,  el  Pauline,  née  le  21  juillet  lOiG  (i). 
Nous  avons  dit  que  Glaessens  n'était  pas  sorti  de  l'obscu- 
rité. Je  ne  sais  de  lui  qu'une  chose,  c'est  que  son  père 
s'appelait  aussi  Jean,  qu'il  était  né  à  Bruxelles  et  que,  élève 
de  Louis  De  Vaddere,  il  devint  maître  le  12  juin  1645.  Van 
Schoor,  qui  fui  inscrit  en  la  même  qualité  dans  la  corpora- 
tion en  l()o4-1Cj;i,  ne  fut  jamais  célèbre,  mais  du  moins 
nous  savons  qu'il  exécutait  surtout  des  cartons  pour  tapis- 
series représentant  des  paysages  et  qu'il  vivait  encore  en 
JGo9;  il  obtint  alors,  le  22  septembre,  l'exemption  du 
service  de  la  garde  bourgeoise  (2).  Quant  à  Luc  Achtschel- 

(i)  Nous  empruntons  ces  derniers  détails  à  une  note  manuscrite  que  nous  avons 
copiée  au  verso  d'un  dessin  appartenant  à  M.  le  comte  Cornet  el  conçue  en  ces 
termes  : 

1656  is  ghetrouwt  Daniel  Van  Heil  met  Mari  Tserraets  op  enen  dynsdach,den 
eersten  octliober. 

1658  den  2  meerl  op  eenen  vrydach  vier  uren  naer  noen  is  gheboren  onsen 
eersien  sone  ende  kersten  glicdaen  in  Sinte  Nicolaes  kerke  op  den  solven  dacli 
naer  bel  lof.  Syn  pclers  waeren  synen  gliroot  vaeder  Dirick  Tserraes  ende  syncn 
oom  Léo  Van  Heil;  de  meter  syn  ouwt  ghroot  moeder  Mari  Kops,  liuy&vrouw  van 
Jan  Tserraets  saligher,  ende  ghenoemt  Theodorus. 

4640  is  gheboren  onsen  2»"  sone,  den  dertiensten  merl,  smorghens  vier  uren 
op  den  selven  dach  naer  noen  kersten  ghedaen  in  Sinte  Nicolaes  kerke.  Synen 
peter  was  Gbuliam  Van  Heil,  synen  oom;  die  meter  syn  ghroot  moeder  Anna  Van 
Heymbeeck,  huysvrouwe  van  Dicrick  Tserraes,  ende  is  ghestorven  den  2G  der 
selvcr  maent.  Was  ghenoemt  Daniel. 

(I64-2J  Onse  eerste  dochtcr  is  gheboren  op  eenen  dynsdacli  den  neghen  en 
Iwinlichsten  dach  van  julius,  op  een  dynsdach,  ten  -4  uren  en  een  kwarlier  naer 
noen,  ende  kersten  ghedaen  in  Sinte  Mcolaes  kerke  naer  het  lof,  op  de  selve  dach. 
Ifaren  peter  was  Henderick  Jacops  ende  haer  oom  ghehouwd  synde  aen  Marghriele 
Tserraes;  baer  mêler  was  Kristina  Val  (Van)  Heil,  huysvrouw  van  Peeter  Hel 
linck,  haer  moeyken,  ende  wert  ghenoemt  Mari  int  jaer  16  ende  twee  ende 
vecrlich, 

(1616)  Onse  tweede  dochter  is  geboren  den  21  dach  van  julius  op  enen  sater- 
dach,  een  kwartier  naer  twelf  uren  te  middach,  en  kersten  ghedaen  in  Sinle 
Katelynen  kercke.  r.henoenipt  naer  métier  Pauwelina  huysvrouw  van  Dirick 
Tserraerls.  Peler  Jan  Baptisia  Van  Heil,  haer  vaders  broeder 

lî)  V"  register  ter  Tresorye  qehouden,  f"  410. 


—  .VJI  — 

liiick,  il  rio  travaillait  que  depuis  peu  pour  les  tapissiers 
quand  il  fut  avantagé  par  la  ville,  le  50  avril  1689;  à  la 
suite  d'un  rapport  oral  des  trésoriers  et  des  receveurs  au 
magistrat,  sa  franchise  fut  portée  à  l'exemption  d'assises 
pour  huit  aimes  de  bière  et  sept  quartauts  de  vin,  après 
qu'on  lui  eut  d'abord  (le  50  mars  de  la  même  année) 
accordé  cette  exemption  pour  12  aimes  de  bière  seule- 
ment (i).  Né  de  Jean  Achtscbellinck  et  d'Anne  Van  Onckel, 
maître  Luc  fut  baptisé  h  Sainte-Gudule  le  16  janvier  1616 
et  ne  mourut  qu'en  1704,  ainsi  que  le  porte  le  Catalogue  du 
Musée  de  Dresde  (2).  Il  fut  inscrit  dans  le  métier  des  peintres 
le  29  octobre  1659  comme  apprenti,  le  17  décembre  1657 
comme  maître,  et  en  1681  comme  recoynu  ou  reconnu, 
c'est-à-dire  avec  exemption  de  certaines  charges  du  métier, 
mais  aussi  à  condition  de  ne  pouvoir  se  livrer  qu'à  des  travaux 
artistiques.  Élève  de  Pierre  Van  der  Beurght,  et  non  de  De 
Vadderc  auquel  il  survécut  près  d'un  demi-siècle,  il  le 
surpassa  dans  l'imitation  exacte  de  la  nature.  Largement 
dessinés,  d'une  variété  surprenante,  d'un  coloris  transparent, 
ses  paysages  figurent  avec  honneur  dans  les  Musées  et  ne 
sont  pas  rares  dans  les  églises  et  notamment  dans  celles  de 
Bruxelles.  On  en  connaît  un  daté  de  1692  et  l'on  sait  qu'en 
1685  il  en  exécuta,  pour  l'Hôtel  de  Ville  de  Bruxelles,  un 
autre  où  il  avait  représenté  le  village  d'Anderlecht  {het 
quartier  van  Anderlecht)  ;  ce  travail  lui  fut  payé  24  florins. 
Trois  autres  peintres  ont,   vers  ce  temps,   obtenu  des 


(1)  XII"  register  1er  Tresorye  gehoiideti,  f-  7. 

(•2)  On  a,  à  tort,  placé  la  date  de  sa  naissance  en  1570  et  celle  de  sa  raort 
tantôt  en  16-20,  comme  le  dit  Fussly;  tantôt  en  1631  (Nagler,  t.  [,  p.  o,  où  Ton 
dit  qu'Achischellinck  mourut  à  Yeis?). 


—  Ô22  — 

avantages  c!u  magistral,  parce  qu'ils  travaillaient  pour  les 
tapissiers.  Je  veux  parler  de  Jacques  Vander  Ileyden, 
de  Lambert  De  Ilondt  et  de  Pierre  Rysbrack.  Les  deux 
premiers  entrèrent  dans  le  métier  des  peintres  en  qualité 
de  reconnus,  le  premier  le  15  novembre  1(378,  le  second  le 
10  mars  1679.  Vander  Ileyden  était  d'Arnliem,  en  Gueldre, 
et  peintre  d'iiistoire.  Il  avait  déjà  été  employé  par  le  Gou- 
verneur général  des  Pays-Bas  lorsqu'il  obtint  l'exemption 
ordinaire  du  paiement  des  assises,  le  20  juin  1G86  (i). 
Ce  fut  lui  qui  fit  pour  le  tapissier  Jean  Leyniers  les  figures 
d'une  tenture  de  six  pièces,  dont  les  paysages  furent  dessinés 
par  Achtschellinck.  Il  alla  ensuite  travailler  en  Angleterre, 
où  Pierre  Van  der  Faes,  appelé  d'ordinaire  le  chevalier  Lely, 
se  servit  de  lui  |)Our  exécuter  les  draperies  de  ses  toiles  et 
où  il  mourut  en  1607,  à  Staplelbrt ,  dans  le  comté  de 
Northampton  (^i). 

Lambert  De  Ilondt,  de  Malines,  avait  appris  son  art  de 
Téniers  et  se  fît  remarquer  comme  paysagiste  et  peintre 
de  batailles.  Quelques  tableaux  de  lui  représentant  des  sujets 
de  cette  dernière  catégorie  ont  été  vendus  dans  sa  ville  natale, 
en  1756  (3).  Peut-être  n'était-il  autre  qu'un  Jean  De  Hondt, 
fils  de  Guy,  qui  mourut  fort  jeune,  atteint  de  phthisie, 
alors  qu'il  donnait  beaucoup  d'espérances,  cl  qui  aimait 
aussi  à  reproduire  des  scènes  militaires.  De  Ilondt  a  aussi 
peint  des  sujets  religieux,  tels  (pie  la  Fuile  en  Egypte  et  un 
Saint  Léonard  à  qui  une  reine  de  France  présente  son  enfant, 


(<)  .17'  registe-r  ter  Tresorye  gehouden,  t"  223. 
(î)  Nagler,  t.  VI,  p.  470. 
(ô)  Kbamm,  |).  722. 


—  525  — 

qui  ornaient  deux  aulels  de  l'église  de  rhùpilal  Saint-Jean, 
mais  ce  fut  surtout  pour  les  tapissiers  qu'il  travailla.  En  1 709, 
un  De  Hondt  avait  joui  à  ce  titre  d'exem|)tions  d'assises,  qui 
furent  attribuées  à  un  autre  artiste  du  même  nom  portant 
le  prénom  de  Philippe,  le  15  avril  171  i. 

Pour  ce  qui  est  de  Rysbrack ,  dont  l'exemption  était 
encore  en  vigueur  en  1709,  il  naquit  à  Anvers  le  25  avril 
1655  et  mourut  à  Bruxelles  en  1729.  Après  avoir  été  reçu 
dans  la  gilde  de  Saint-Luc  de  la  première  de  ces  villes 
comme  apprenti,  en  1672,  et  comme  maître  l'année  suivante, 
il  s'établit  à  Paris,  où  il  étudia  sous  François  Millet,  dit 
Francisque,  et  où  il  épousa  la  veuve  du  sculpteur  Philippe 
Buyster,  Geneviève  Compagnon,  morte  en  octobre  1719. 
Rysbrack  avait,  à  ce  que  l'on  prétend,  peu  d'imagination. 
Il  y  a  de  lui  au  Musée  de  Berlin  un  paysage  boisé  et  à  Anvers 
un  tableau  représentant  un  site  montueux.  Il  a  aussi  gravé, 
et  ses  fils  ont,  comme  lui,  cultivé  l'art  de  la  peinture;  mais 
nous  ne  dirons  rien  d'eux,  car  ils  naquirent,  l'un  à  Paris, 
l'autre  à  Anvers,  et  paraissent  avoir  toujours  vécu  loin  de 
leur  père. 

C'est  ici  le  lieu  de  parler  d'un  autre  artiste  sur  lequel 
on  ne  possède  que  des  données  très-confuses,  car  des  notes 
qui  m'ont  été  communiquées  par  feu  M.  le  chevalier  Cam- 
berlyn  d'Amougies  disent,  d'une  part,  qu'il  mourut  en  1670, 
et,  d'autre  part,  qu'il  travaillait  encore  en  1720.  Il  s'appelait 
Jean  Lottin  et  prenait  les  titres  de  peintre  du  roi  de  la 
Grande-Bretagne  Guillaume  III  et  de  contrôleur  du  palais 
de  ce  prince,  à  Bruxelles  (aujourd'hui  le  Musée).  Le  Reyislre 
aux  admissions  de  la  corporation  le  mentionne  sous  le  nom 
de  Jean-Christophe  Lotin  et  comme  étant  entré,  en  1660, 


ôl>4 


en  qualité  d'ajjprcnti,  chez  maître  Luc  Aclitschcllincx.  Pen- 
dant dix  ans  environ,  de  1(31)0  à  \  700,  comme  l'attestèrent  les 
fabricants  de  tapisseries  Jérônie  Le  Clercq,  Jean-François 
Van  den  Hecke,  J.  Van  der  Borclil,  Josse  De  Vos  et  Jacques 
Van  den  RcurchI ,  ouiro  (ju'il  peignit  constamment  des 
cartons,  il  s'occupa  activement  du  commerce  des  tentures, 
dont  il  envoya  un  grand  nombre  en  Hollande  et  en  Alie- 
magne.Voici  notamment  une  liste  de  ce  qu'il  fit  confectionner 
pour  le  roi  Guillaume  : 

Deux  chambres  de  pièces  à  armoiries,  mêlées  d'or  et 
argent,  formant  ensemble  huit  pièces,  du  prix  de  24  flo- 
rins l'aune,  et  qui  furent  évaluées  par  les  tapissiers  De 
Clerck,  Vander  Borciit,.  Gobus  et  Gnot  (ou  Goenot),  en- 
semble   I]      5^7(^0.00 

Trois  chambres  de  tapisseries  acquises  de 
De  Glerck  et  représentant  :  la  première, 
l'Art  de  la  Guerre  (d'Exercitie  van  den 
Oorloyhe),  d'après  une  peinture  de  De 
Hondt;  la  deuxième,  un  sujet  d'après  David 
Teniers;  la  troisième,  le  Doux  Baiser 
(het  Zoet  Kmje),  avec  paysage  d'Achler- 
schellinckx,  au  prix  de     .         .         .         .     »    17  OGO-IT 

Une  grande  chambre  de  tapisseries  repré- 
sentant les  Quatre  Saisrms  de  l'Armée  {de 
Vier  Tyden  van  het  Jaer),  achetées  de  Van 
den  Hecke  et  peinte  \mv  Van  Schoor,  pour 
le  seigneur  Van  Dyckveldt,  moyennant       .     »       4,800-00 


A  reporter.     .     11.  28,520-17 


-    ÔT6  — 

Reporl.     .     n.  28,520- 17 

Une  (cnlure  trùs-coûlousc,  excculéc  pnr 
De  Clcrck,  Vander  Borclil,  Do  Vos  cl  Cobiis, 
et  consistant  en  trois  pièces,  représentant  : 
la  j)rcmicre,  la  Bataille  de  Bresgate  (de  Ba- 
talie  van  Bresgale);  la  (leuxièaïc,  la  Descente 
de  Turbay,  cl  la  troisième,  la  Bataille  de  la 
Boine  en  Irlande,  au  prix  de  55  Horins 
l'aune,  soit »      5,148-00 

Une  cliambrc  de  tapisseries  achetée  pour 
le  comte  Kaunilz,  de  De  Vos,  pour     .         .     »      5,7()0-00 


Total     fl.  59,428-17 

Dans  cette  somme  n'étaient  pas  compris  les  émoluments 
procurés  à  des  peintres  pour  exécution  de  cartons  (i).  Le  roi 
de  la  Grande-Bretagne  avait  accordé  à  Lottin  le  droit  do 
loger  dans  son  hôlel.  La  ville,  en  considération  de  ce  qu'il 
faisait  en  faveur  du  commerce  des  tapisseries,  lui  octroya 
la  franchise  de  la  garde  bourgeoise  et  l'exemption  d'assises 
pour  12  aimes  de  double  bière,  mais  en  stipulant,  confor- 
mément à  l'ordonnance  de  1647,  qu'il  ferait  confectionner 
au  moins  deux  chambres  par  an  (tj). 

La  lignée  des  Van  Orley  n'avait  jamais  cessé  de  s'adonner 
à  la  peinture.  Elle  avait  pour  chef,  à  la  hn  du  xvii'  siècle, 
Pierre  Van  Orley,  moins  célèbre  par  ses  travaux  que  par 
ceux  de  son  frère  Jérôme  et  de  ses  enfanis  Jean  et  Richard, 


(i)  Déclaration  originale,  en  date  cl;-.  îo  juin  1700,  portant  les  signatures  des 
cinq  fabricants  cités  dans  le  texte  (Archives  de  la  ville). 

(2)  Nous  n'avons  pas  retrouvé  la  décision  du  magistrat,  mais  seulement  l'avis 
qui  leur  fut  donné  par  les  trésoriers  et  les  receveurs,  en  date  du  5  juillet  1700. 


—  52G  — 

qu'il  eut  do  Josine  Cricx.  Cet  arlisic  élait  fils  de  François 
Van  Orley  et  fui  reçu  niailre  le  15  février  1661 .  Après  avoir 
Iravaillé  pendant  quelques  années  pour  les  tapissiers  et  les 
marchands  de  tapisseries,  Pierre  obtint  de  la  ville,  le 
4  août  1679,  l'exemption  du  service  de  la  garde  bourgeoise 
et  celle  de  l'assise  pour  12  aimes  de  bière  et  une  aime  de 
vin  (i).  Cet  artiste  possédait  encore  les  dessins  de  son  célèbre 
aïeul,  Bernard,  le  peintre  de  Marguerite  d'Autriche.  Lors 
du  bombardement  de  1695,  il  craignit  pour  ce  précieux 
héritage  et  le  confia,  avec  ses  meubles,  à  l'un  de  ses  amis 
dont  il  croyait  la  maison  à  l'abri  du  feu  des  Français;  mais 
sa  prévoyance  fut  trompée.  Celte  maison  périt  dans  l'embra- 
sement allumé  par  les  mortiers  du  maréchal  de  Villeroy, 
tandis  que  celle  de  Pierre  Van  Orley  fut  épargnée  (2). 

Jean  Van  Orley,  le  fils  de  Pierre,  parcourut  une  longue 
et  brillante  carrière.  Né  à  Bruxelles  le  4  janvier  1065,  il 
mourut  le  22  février  1735,  dans  cette  ville,  après  l'avoir 
remplie  des  productions  de  son  pinceau.  Il  prit  des  leçons 
de  son  père  cl  de  son  oncle  Jérôme,  qui  était  récollel  et 
dont  on  voyait  trois  tableaux  assez  bons  au-dessus  du  por- 
tail de  l'église  du  couvent  où  il  élait  religieux.  Dans  le 
principe,  Jean  s'appliqua  à  peindre  la  miniature  et  fit  dans 
ce  genre  de  grands  progrès;  plus  lard,  il  s'adonna  de  préfé- 
rence à  la  peinture  historique.  Par  sa  manière,  suivant 
Immerzeel,  il  se  rapprocbe  tant  de  l'Albane,  de  Pierre  de 
Cortone  et  quelquefois  du  Poussin,  qu'on  pourrait  croire  qu'il 
a  passé  sa  vie  en  Italie.  Ses  fonds  sont  décorés  de  beaux 


(i)  IX''  Regisler  ter  Tresonje  gehouden,  P'  489. 

(i)  GoETiiALs,  Histoire  des  lettres,  des  sciences  et  des  arts,  l.  III,  p.  o2. 


—  327  — 

bâtiments  et  de  riantes  perspectives,  et  ses  personnages 
groupés  de  la  manière  la  plus  heureuse;  il  dessinait  bien  et 
gravait  comme  il  dessinait.  Mais  le  coloris  de  Van  Orley 
offre  les  défauts  de  celui  de  la  plupart  de  ses  contemporains  : 
il  pousse  au  noir,  les  ombres  paraissent  opaques  et  les  clairs 
affectent  une  crudité  peu  agréable. 

Après  les  désastres  du  bombardement  de  1G05,  Van 
Orley  travailla,  avec  une  ardeur  que  l'on  pourrait  qualifier 
de  fiévreuse,  à  remplacer  les  toiles  dont  l'hôtel  de  ville,  les 
maisons  des  métiers  et  les  chambres  des  Serments  étaient 
remplis;  une  Adoration  des  Mages  placée  dans  la  salle 
chapitrale  de  l'abbaye  d'Afflighem  passait  pour  son  chef- 
d'œuvre.  Il  a  exécuté  aussi  de  bon  portraits  et  un  grand 
nombre  de  dessins;  de  plus,  bien  qu'il  fût  accablé  de  com- 
mandes, il  fournil  beaucoup  de  cartons  aux  tapissiers,  sur- 
tout aux  Vandcr  Borght,  et,  dans  le  nombre,  le  Triomphe 
d'Ampliitrile,  dont  la  tenture  appartient  à  M.  le  vicomte  de 
Spoelberg,  œuvre  où  se  révèle  ses  grandes  qualités  de  des- 
sinateur, et  six  Scènes  de  la  vie  du  Christ  conservées  à 
Saint-Sauveur,  de  Bruges.  C'est  lui  qui  a  peint  les  cartons 
de  la  tenture  des  Amours  de  Vénus  et  d'Adonis,  qui  est 
conservée  à  l'hôtel  d'Aremberg,  celle  de  Y  Histoire  de  Psyché, 
que  Pierre  Vanden  Hecke  exécuta  pour  l'impératrice  Marie- 
Thérèse,  etc.  C'est  à  ce  titre  qu'il  fut  à  plusieurs  reprises 
privilégié  par  la  ville,  notamment  le  14  décembre  1709. 
Ses  travaux  en  ce  genre  exercèrent  sur  son  talent  une 
influence  fâcheuse,  si  l'on  en  croit  Mensaort  :  «  Les  tapis- 
»  siers,  dit  celui-ci,  lui  demandant  de*;  couleurs  hautes  et 
»  brillantes,  il  prit  une  manière  de  |)eindre  et  un  Coloris  tout 
»   à  fait  idéal,  où  l'on  ne  retrouve   plus  ces  tons  doux  et 


—  0^28  — 

»  agréables  (ju'il  avoit  mis  dans  ses  premiers  tableaux  (i).  » 
Il  y  aurait  tout  une  étude  à  faire  à  propos  de  cette  observa- 
tion de  Mensaerl,  mais  l'entreprendre,  ce  serait  nous  lancer 
dans  des  considérations  qui  nous  entraîneraient  trop  loin. 
Notons  ici  que  notre  peinire  ne  fut  inscrit  dans  la  corporation 
en  (jualilé  de  mailre  que  le  24  juin  1710. 

Les  deux  fils  de  Pierre  Van  Orley  passèrent,  comme  son 
oncle  Jérôme,  leur  vie  dans  le  célibat.  Tous  ces  Van  Orley, 
remarquons-le,  firent  partie  de  la  sodalité  des  célibataires 
établie  aux  Jésuites  et  en  furent  dignitaires.  Jérôme  fut 
nommé  conseiller  le  50  juin  1G58,  Jean  y  devint  lecteur  en 
décembre  1088  et  le  12  décembre  1694,  greffier  le  9  dé- 
cembre 1G91  et  secrétaire  le  15  décembre  1692,  et  Richard 
y  remplit  des  fonctions  de  toute  espèce  de  1G88  à  1699. 
Ces  dates  ne  sont  pas  inutiles  à  signaler,  parce  qu'elles  nous 
indiquent  l'époque  vers  laquelle  l'éducation  de  ces  artistes  se 
termina;  en  nous  disant  aussi  où  ils  firent  leurs  huma- 
nités, elles  nous  apprennent  où  ils  puisèrent  celte  connais- 
sance de  l'antiquité  qui  se  révèle  dans  leurs  œuvres  et  qui 
contribua  évidemment  à  les  attirer  vers  les  écoles  italiennes. 
Si  Jérôme  ne  marque  i)as  dans  l'histoire  de  l'art,  Richard, 
son  neveu,  y  occupe  une  place  importante.  Il  peignit  surtout 
à  la  miniature  et  à  la  gouache  et  fit  beaucoup  de  dessins 
lavés  à  l'encre  de  Chine;  il  a,  en  outre,  beaucoup  gravé, 
mais  ses  tableaux  se  rencontrent  rarement,  et  nous  ne  con- 
naissons de  lui  que  la  Renlrce  du  pape  Innocent  II  à  Home, 
peinture  provenant  de  l'abbaye  de  Tongerloo,  actuellement 
au  Musée  d'Anvers.  Né  en   1602,  Richard  Van  Uricy  niou- 

(0  T.  1,  p.  7^0. 


—  529  — 

rut  subitement  peu  de  temps  avant  son  IVùi-o,  le  (>  juin  1752. 
II  fut  enterré  avec  pompe  dans  l'église  de  Saint-Géry,  où 
l'on  déposa  également  les  resles  mortels  de  son  frère.  En 
eux  s'éteignit  une  lignée  féconde,  l'une  des  gloires  de  la  cité 
bruxelloise. 

Contemporains  des  derniers  Van  Orley,  Viclor-Honoré 
Janssens  se  montra  leur  digne  émule.  Né  en  IG()4  d'un  bour- 
geois de  Bruxelles  qui  était  (ailleur,  il  vécut  jusqu'en  175G. 
D'après  Luc  Mensaert,  qui  fut  son  élève  et  l'un  des  admira- 
teurs de  son  talent,  il  étudia  pendant  huit  ans  chez  Lancelot 
Volders,  qui  lui-même  était  élève  de  Grayer.  Il  se  fit  remar- 
quer par  son  assiduité  au  travail  et  accompagna  dans  ses 
voyages  le  duc  de  Holstein,  qui  l'avait  pris  en  affection  et  lui 
fit,  pendant  quatre  ans,  une  pension  annuelle  de  HOO  florins. 

11  se  rendit  ensuite  en  Italie,  où  il  se  lia  avec  Pierre  de 
Molyn,  surnommé  Temp€sla,\)rès  duquel  il  travailla  quelque 
temps.  De  retour  à  Bruxelles,  il  épousa  la  fille  d'un  receveur 
du  domaine  nommé  De  Potier,  de  laquelle  il  n'eut  pas 
moins  de  onze  enfants,  et  se  fit  recevoir  comme  maitre,  le 

12  août  1G89,  dans  le  métier  des  peintres,  où  il  était  entré 
en  qualité  d'apprcnli  le  2  septembre  167.^. 

Dans  la  requête  par  laquelle  Janssens  demande  l'exemp- 
tion accordée  d'ordinaire  aux  peintres  de  carions  pour  tapis- 
series, il  se  qualifie  de  figuerschilder  ou  peintre  de  person- 
nages. 11  s'y  exprime  avec  beaucoup  de  modestie,  se  bornant 
à  dire  qu'il  se  croyait  toute  la  capacité  nécessaire  pour 
entreprendre  des  œuvres  de  ce  genre.  Il  avait,  dit-il,  passé 
neuf  à  dix  années  à  étudier  dans  les  différentes  villes  de 
l'Italie,  sous  les  meilleurs  maîtres;  cette  assertion,  que  l'un 
doit  supposer   exacte,  ne  permet  pas  d'admettre  les  huit 


—  550  — 

années  d'cludes  chez  Yolders,  que  Mensaert  et  les  autres 
biographes  kii  attribuent.  Janssens,  étant  né  en  1664  et  étant 
revenu  d'Italie  en  IG89,  a  dû  quitter  Volders  et  sa  patrie 
vers  1680,  à  l'âge  de  seize  ans  au  plus.  Il  semble  que  de 
.son  temps  on  avait  perdu  l'habitude  d'excmpicr  les  peintres 
du  service  de  la  garde  bourgeoise,  car  il  n'en  fut  question 
ni  pour  lui,  ni  pour  Vandor  Ileyden,  ni  pour  Achlschel- 
linck  ;  cela  résultait  peut-être  des  dangers  continuels  au 
milieu  desquels  on  vivait  alors  et  qui  rendaient  le  service 
mililaire  de  la  bourgeoisie  une  nécessité  impérieuse.  Le 
magistrat  se  borna  donc  à  l'exempter  de  l'assise  pour  12  aimes 
de  bière  et  un  poinçon  devin  de  France  (1"  juillet  1090)  (i); 
mais,  dans  la  suite,  ses  exemptions  furent  portées  au  taux 
do  celles  des  tapissiers  (29  avril  1704-). 

Janssens  peignit  considérabkmeni  de  lableaux,  surtout 
pour  les  églises,  les  métiers  et  les  serments  de  Bruxelles; 
suivant  Mariette,  c'était  lui  qui  fournissait  les  modèles  poul- 
ies tentures  qu'exécutaient  les  tapissiers  De  Vos  et  Louis  {sic) 
Leyniers  et  qui  représentaient  presque  toujours  des  sujets 
tirés  de  l'histoire  profane  ou  de  la  fable  (2).  Celle  qui 
orne  la  s|)lendide  salle  du  Conseil  communal,  à  rilôtel  de 
Ville,  où  il  a  peint  aussi,  au  plafond,  C Assemblée  des  dieux, 
son  chef-d'œuvre,  donne  une;  haute  opinion  de  ses  connais- 
sances et  du  parti  qu'il  savait  en  tirer.  Janssens  aurait, 
dit-on,  gagné  beaucoup  d'argent  s'il  avait  eu  une  femme 
plus  économe.  Quoi  qu'il  en  soit,  sa  réputation  s'étendit  et, 
en    17IS,  il   hit   nommé  peintre  de  l'empereur  Charles  VL 


(1)  ,\7/''  rcfjister  ter  Tresorije  gelioudoi,  ("  1^27. 
(i)  Abecedario,  l.  III,  p.  A. 


—  551  — 

S'étant  rendu  à  Vienne,  il  eut  l'honneur  d'y  donner  des 
leçons  à  l'inapéralrice  Elisabeth ,  veuve  de  Joseph  I"'". 
Il  visita  également  Londres,  où  il  fut  parfaitennent  ac- 
cueilli. 

Janssens  est  fort  peu  connu  des  critiques,  qui,  en  général, 
passent  sous  silence  tous  les  peintres  de  cette  époque.  Il 
mérite  pourtant  d'attirer  l'attention  et  peut  être  considéré 
comme  l'un  des  derniers  maîtres  de  l'ancienne  école  fla- 
mande. Ses  petits  tableaux,  dit  Descamps,  ont  une  fonte  de 
couleur  agréable  et  naturelle;  ses  airs  de  tète  sont  finis, 
nobles  et  beaux;  son  dessin,  correct;  ses  grands  tableaux, 
excellents  aussi,  mais  la  couleur  en  est  trop  crue.  Janssens 
n'a  pas  laissé  de  continuateurs,  bien  que  plusieurs  de  ses 
fils  fussent  aussi  peintres.  L'un  d'eux,  Jean,  fut  portraitiste; 
un  autre,  Laurent,  exécuta  souvent  les  paysages  et  l'archi- 
tecture des  tableaux  de  son  père. 

Après  les  deux  travailleurs  dont  nous  venons  d'esquisser 
la  biographie,  nous  n'avons  plus  à  citer  que  des  hommes 
presque  inconnus  cl  d'un  mérite  très-relatif  :  Goppens, 
Grange,  Philippe  De  Ilondt,  de  Péry,  Eisen,  De  Haese. 

Augustin  Goppens ,  dont  le  nom  a  survécu  grâce 
surtout  à  la  part  qu'il  prit  à  l'exécution  des  gravures 
représentant  la  ville  de  Bruxelles  ruinée  par  le  bombarde- 
ment, commença  dès  1689  à  exécuter  des  cartons  pour 
tapisseries  représentant  des  paysages,  mais  ce  ne  fut 
qu'en  1698-1699  qu'il  fut  reçu  dans  le  métier  des  peintres 
comme  maître.  Plus  lard,  il  réclama  et  oblinl  les  exemp- 
tions dont  avaient  joui  d'autres  artistes ,  comme  Luc 
Achtschellinck,  De  Hondt,  Van  Schoor,  et  dont  jouissaient 
encore   l'ancien   receveur  Van   Orley,    Janssens   et  Rys- 


—  332  — 

brack  (i).  Coppens  a  beaucoup  gravé,  notamment  un  plan 
(le  Luxembourg,  une  suite  de  plans  de  Paris  depuis  César 
jusqu'à  Louis  XIV,  une  vue.  du  château  et  des  jardins  de 
Versailles;  mais,  si  l'on  peut  encore  apprécier  son  mérite 
comme  graveur,  je  ne  sais  où  l'on  apprendrait  à  juger  le 
peintre;  Bruxelles  possédait  de  lui,  au  siècle  dernier,  plu- 
sieurs belles  compositions  traitées  en  manière  de  paysages, 
dont  une,  qui  se  trouvait  à  Sainte-Gudule,  dans  le  chœur 
dit  de  Notre-Dame,  a  été  enlevée.  Quant  aux  dix  vues  de 
Bruxelles  signalées  par  Heinecke ,  j'ignore  où  elles  se 
trouvent,  à  moins  que  cet  auteur  n'entende  parler  des  vues 
gravées  des  ruines  du  bombardement  (2). 

Louis  Grange,  le  peintre  des  portraits  des  rois  d'Espagne 
(jue  l'on  voit  dans  la  galerie  conduisant  au  cabinet  du 
bourgmestre,  à  l'IIôtel  de  Ville  do  Bruxelles,  fut  avantagé 
par  le  magistral  le  23  septembre  1730,  peu  de  temps  après 
avoir  peint  pour  le  tapissier  Jean-Baptiste  Vermillion  les 
paysages  de  cartons  dont  les  figures  avaient  été  exécutées 
par  Philippe  De  Hondt.  Un  certificat  constatant  le  fait  lui 
avait  été  délivré,  le  9  août,  par  Vermillion  et  quelques-uns 
de  ses  confrères  :  Urbain  Leyniers,  Philippe  Auwercx,  Jean 
et  FrançoisVander  Borcht  et  Pierre  Van  den  Hecke.  De  plus, 
une  visite  faite  à  son  atelier  constata  son  application  à  exé- 
cuter des  cartons  (3).  Orangé  ou,  comme  on  l'appelait  aussi, 
Granger,  était  né  à  Bruxelles  en  1080  (i)  et  fut  reçu  maitre 
peintre  le  21  octobre  1715. 


(0  L'avis  des  trésoriers  et  (les  receveurs, formulé  à  ce  sujet,  date  du  dû  mai  1709. 

(i)  Nagler,  /.  c,  t.  m,  p.  79 

(s)  XVII'  register  ter  Tresorye  geliouden,  f"  ">'t. 

(i)  Galesloot,  Procèn  de  Françoix  Anneessens,  l.  I,  \>.  i^Oii. 


—  335  — 

Lorsque  Philippe  De  HontU  fui  privilégié  à  son  tour,  le 
14  avril  1735,  on  rappela  que  la  même  faveur  avait  été 
accordée  à  son  père.  Philippe  était,  disait-on,  le  plus  habile 
de  ceux  qui  travaillaient  en  ce  genre,  si  nécessaire  pour  le 
maintien  de  l'industrie  des  tapissiers  (i).  Il  obtint  la  franchise 
d'assise  pour  1 2  aimes  de  double  bière  et,  en  remplacement 
d'une  pareille  franchise  pour  une  pièce  de  vin,  le  paiement 
d'une  somme  de  12  florins  par  an.  On  ne  sait  rien  de  ce 
De  Hondt,  sinon  qu'il  peignit,  comme  son  père,  des  paysages 
et  des  batailles  (2). 

De  Hondt,  ainsi  que  Goppens,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut,  étaient  morts  lorsque,  le  4  avril  1745,  on  accorda 
les  mêmes  exemptions,  outre  la  franchise  du  service  de  la 
garde  bourgeoise,  à  Nicolas-Emmanuel  De  Péry,  d'Alost,  et 
François  Eisen  (3).  Tous  deux  firent  partie  du  métier  des 
peintres,  celui-ci  en  qualité  de  reconnu  à  partir  de  1735-1734, 
celui-là  comme  maitre  dès  1735-1756.  Eisen,  qui  était  né  à 
Bruxelles  avant  1700,  mourut  postérieurement  à  1778,  après 
avoir  fait  partie  de  l'Académie  à  Paris,  où  il  se  fixa  après  1 731 . 
Il  a  aussi  gravé,  et  ses  travaux  en  ce  genre  furent  continués  et 
surpassés  par  ceux  de  son  fils  Charles-Dominique-Joscph,  né 
de  Marie-Marguerite  Gainse,  à  Valenciennes,  où  il  fut  baptisé 
dans  l'église  Saint-Nicolas  le  17  août  1720  (4).  Ce  fils  se 

(»)  Het  wort  oock  waer  bevonden  dat  den  vader  des  supliants  heeft  genotcn 
ter  selver  oorsaeke  eenighe  vrydommen  van  wegens  dese  stadt,  welckc  fabricquc 
niet  -wel  en  kan  subsisteren  sonder  hervaeren  schilders,  tôt  welcken  e>nde  dier- 
gelycke  consten  behoort  geranimeert  te  worden  door  eenighe  voordeelen... 

...  Ende  dat  in  consideratie  dat  den  suppliant  is  den  meesten  hervaren  in  de 
voorseide  konste. 

(2)  Nagler,  /.  c,  t.  VI,  p.  284. 

(3)  XVIII^  regisler  ter  Tresorye  gehouden,  P  lo. 
(0  Jal,  l.  c,  p.  329,  L't  non  à  Bruxelles,  en  1722. 


—  354  — 

rendit  surtout  célèbre  p;ir  les  planches  dont  il  enrichit  la 
Henriade,  de  Voltaire  ;  il  a  passé  à  Paris  presque  toute  son 
existence  et  vint  mourir  à  Bruxelles,  le  4  janvier  1778,  chez 
un  (juincaillier  de  la  rue  au  Beurre,  Jean-Jacques  Clause.  Ses 
mœurs  licencieuses,  mœurs  qui  se  retracent  dans  la  plupart 
de  ses  œuvres,  l'empêchèrent  toujours  de  s'élever  dans 
le  monde.  Il  était  criblé  de  dettes  et  abandonna  sa  femme 
Anne  Auberl  et  les  enfants  qu'il  eut  d'elle,  pour  vivre 
avec  une  prétendue  dame  de  Saint-Martin,  qui  s'appelait  en 
réalité  Marie-Charlotte  Martin.  Il  fut  enseveli  dans  l'église 
Sainte-Gudule  (i). 

Eisen  père  et  Péry  habitaient  encore  Bruxelles,  lorsqu'on 
accorda  les  mêmes  privilèges  que  les  leurs,  le  19  août  1750, 
à  Maximilien  De  Haese,  qui  travaillait  alors  à  exécuter  des 
modèles  pour  des  tentures  destinées  à  l'impératrice  Marie- 
Thérèse  (2).  Cet  artiste  était  le  neveu  et  l'héritier  de  Jean 
Van  Orley  et  l'élève  de  De  Hondt;  il  fut  reçu  maître  en 
1726-1727.  Après  la  mort  de  Van  Orley,  il  partit  pour 
l'Italie,  où  il  étudia  pendant  sept  ans.  De  retour  dans  sa  ville 
natale,  il  peignit  un  grand  nombre  de  tableaux,  dont  la 
suppression  des  couvents  et  la  fermeture  temporaire  des 
églises  paroissiales  ont  amené  la  dispersion.  On  en  voyait 
plusieurs  aux  Grands-Carmes,  aux  Récollets,  dans  la  chapelle 
Sainte-Marie-Madeleine,  etc.,  de  Bruxelles  (3),  et  on  en 
conserve  actuellement  deux  dans  l'église  Saint-Joseph.  Ce 


(i)  Wekelyks  nyeiiws  uijt  Loven,  t.  XI,  p.  -lîJT. 

(2)  Cette  faveur  lui  fut  octroycie  jusqu'à  révocation,  pour  aussi  longtemps  que 
le  magistrat  la  jugerait  utile.  Registre  cité,  f"  ôli. 

(3)  Mensaeiît,  /.  c,  p.  57. 


—  535  — 

sont  de  grandes  compositions  où  revivent  encore  les  tradi- 
tions de  la  grande  école  de  Rubens,  niais  atténuées  et 
affaiblies;  l'art  n'y  constitue  plus  qu'un  reflet  d'un  passé 
glorieux,  et  rien  n'y  fait  pressentir  rapproche  d'une  ère 
de  renaissance. 

De  Haese  jouit  de  son  temps  d'une  célébrité  qui  ne  lui 
survécut  pas,  et  l'on  accompagnait  d'ordinaire  son  nom  de 
l'épithète  de  fameux.  L'impératrice,  il  est  vrai,  avait  fait  de 
lui  son  peintre  officiel,  et  le  prince  Charles  lui  avait  accordé, 
le  10  novembre  1775,  une  pension  annuelle  de  500  livres 
de  40  gros  de  Flandre.  Sa  mort  arriva  en  1787.  Il  fut  le 
dernier  de  celte  longue  liste  de  peintres  de  cartons  qui 
commence  par  Roger  VanderWeyden  et  où  figurent  les  noms 
de  tant  d'hommes  de  mérite.  Succombant  en  quelque  sorte 
sous  le  poids  de  son  passé,  l'école  flamande  était  tombée 
dans  une  décadence  que  des  causes  multiples  précipitaient. 
Elle  entraîna  dans  sa  chute  la  fabrication  des  tapisseries 
historiées,  dont  elle  contribuait  à  maintenir  l'éclat  et  la 
réputation. 

Alphonse  Wauters. 
(A  continuer.) 


ËPIGRâPIIIE  romaine  de  la  BELGIQUE 

APPENDICE  (i). 


N"  353. 

+  est.(..)on(vs).  omnis.  hon(or).  qve.  rite.  s(o1)vntvr. 
adeptvm llicitvdo. . . . 

HO  ...   . 

+  LABOR  +  MEL  .  OFFERO 

S  .   .   .   .  CITVDO  +  ABSINTIV.  (PRO)PINO 

+  MYSTICVM.  APOLLINJS 

—  Liège. 

{Est ..  omis  omnis  lumor.  Qiiâe  rite  sol\untur  adeplum 
sollicitudo,     . 

//on  or. 

Labor  :  Met  offero, 

SoXWcitudo  :  Absinthium  propino. 

Mysticum  Apollinis.) 


(i)  L'intérêt  qui  s'attache  à  l'inscription  ici  étudiée  a  engagé  l'auteur  à  céder 
aux  instances  du  Président  du  Comité  du  Bulletin  et  à  anticiper  sur  le  complé- 
ment à  donner  îi  VEpigrapIiie  romaine  de  la  Belgique,  en  publiant  dès  maintenant 
le  présent  article,  qui  formera  la  fin  du  premier  volume  des  tirés  à  pari  avec 
pagination  spéciale. 

l'Appendice,  d'oii  ceci  est  détaché,  comprendra  les  inscriptions  du  moyen  âge 
qui  se  rattachent  au  paganisme  par  quelque  lien  :  telle  est  incontestablement, 
par  l'invocation  du  nom  d'Apollon,  la  pierre  de  Liège. 

Il  a  été  question  de  prendre  im  moulage  de  ce  monument  pour  le  Musée  royal 
d'antiquités  de  Bruxelles;  mais  ce  projet,  dont  le  jiropnéiaire,  M.  Bourdon,  a 
autorisé  l'exécution,  n'a  pas  été  réalisé  jusqu'ici. 


■:JX 


'^ll 


va 

o 
o 

o 

o 


o 


pj 


:f^  .[.■.*) 


^^/^-  /f^'^' 


—  557  — 

Cette  inscription  est  le  monument  le  plus  curieux  de 
Liège  ;  elle  se  trouve  dans  les  différentes  parties  d'un  tympan 
de  porte  encastré  en  un  mur  de  la  cour  de  la  maison  située 
place  Saint-Pierre,  n"  15,  à  Liège,  appartenant  à  M.  Bourdon, 
ancien  échevin  et  président  du  tribunal  de  commerce,  mai- 
son faisant  partie  des  biens  de  sa  famille  depuis  plus  d'un 
siècle,  et  où,  depuis  cette  époque,  il  n'a  été  fait  aucun  chan- 
gement au  mur  de  la  cour. 

Voici,  en  abrégé,  la  description  du  monument  faite  d'après 
M.  Jules  Helbig  (i)  :  on  a  trouvé  peu  à  y  changer.  Le  lecteur 
pourra  en  vérifier  la  parfaite  exactitude  sur  la  planche  ci  en 
regard. 

Le  contour  supérieur  de  la  pierre  décrit  un  demi-cercle; 
la  partie  inférieure  se  termine  par  une  arcade  trilobée 
(l'"15  de  haut  sur  2"52  de  large). 

Dans  le  plein-cintre  sont  inscrits  trois  médaillons  de 
forme  ronde  ;  l'un  de  ces  médaillons  est  placé  plus  haut  que 
les  deux  autres  ;  il  a  un  diamètre  de  O^SS;  ceux-ci,  de  O^oi. 
Le  champ  des  médaillons  a  un  creux  d'environ  O^OS  de  pro- 
fondeur; leur  encadrement  est  simplement  mouluré.  Ils 
contiennent  chacun  un  personnage  taillé  en  haut-rehef  pris 
dans  l'épaisseur  de  la  pierre. 

Le  personnage  sculpté  dans  le  médaillon  qui  se  trouve  à 
gauche  du  spectateur  est  agenouillé  et  tient  des  deux 
mains  une  large  coupe  de  forme  arrondie.  Il  est  barbu;  la 


(i)  Bull,  de  rinst.  archéol.  liég.,  X,  p,  2i. 

Comme  la  planche  insérée  dans  cette  publication  est  défectueuse,  on  donne  ici 
un  nouveau  dessin  du  monument  corrigé  et  complété,  d'après  une  photographie, 
devant  le  monument  même,  par  M.  Van  Mansfeld,  architecte-dessinateur  du 
Palais  de  Justice  à  Bruxelles.  Ce  dessin  malheureusement  n'a  pas  été  bien  rendu. 


—  558  — 

fètc  est  coiffée  d'un  cliapel  ou  calollc  hémisphérique;  le 
corps  est  revêtu  d'une  tunique  assez  serrante,  descendant 
jusqu'aux  chevilles;  les  pieds  sont  chaussés.  A  l'extérieur 
du  médaillon,  on  lit  tout  autour  l'inscription  :  +  labor  + 

MEL  .  OFFERO  . 

Dans  le  médaillon  opposé,  on  voit  un  personnage  à  peu 
près  dans  la  même  attitude,  mais  qui,  malheureusement, 
n'est  pas  hien  conservé.  Une  large  fente  traverse  ici  la 
pierre,  et,  en  emportant  une  partie  du  dos,  la  hrisure  a 
aussi  endommagé  notablement  la  tète  :  le  visage  et  une 
partie  de  la  coiffure  ont  disparu.  Cependant  les  plis  d'un 
voile  ramené  sous  le  menton,  les  larges  manches  du  vête- 
ment qui  descend  jusqu'aux  pieds,  ne  permettent  pas  de 
douter  que  le  sculpteur  n'ait  représenté  une  femme.  De 
chaque  main  elle  tient  une  coupe,  semblable  quant  à  la 
forme  à  celle  qui  est  dans  les  mains  de  l'autre  personnage. 
L'inscription  entourant  le  médaillon  a  aussi  souffert  par  la 
fracture  de  la  pierre.  Cependant  on  lit  encore  assez  distinc- 
tement, d'un  côté  du  cercle,  le  fragment  :  s  ...  .  citvdo,  et 
de  l'autre  coté  :  +  absintiv  .  (pro)pino  («). 

Enfin,  dans  le  médaillon  supérieur  et  central,  on  voit  un 
personnage  assis  avec  majesté  sur  une  espèce  de  trône.  La  tète 
est  barbue,  les  cheveux  sont  assez  longs.  Le  corps  est  revêtu 
d'une  chlamyde  fermée  au-dessus  de  l'épaule  droite  et  d'un 
bliaut,  au-dessous  duquel  on  voit  encore  une  tunique  longue 
qui  touche  à  la  chaussure.  Le  bliaut  est  serré  à  la  taille  par 


(i)  Cette  manière  d'abréger  pro  par  un  p  à  queue  barrée  se  retrouve  dans 
l'antiquité  romaine,  Corpus  inscript ioninn  lalinarum  (de  l'Acad.  de  Berlin),  VI, 
p.  xxxiv,  n"  41,  l.  5,  à  moins  que  ce  ne  soit  là  une  abréviation  d'un  copiste 
de  la  Renaissance  (Poggius,  qui  vivait  au  xiv"  siècle). 


—  Ô39  — 

une  ceinture  ornée  de  quatre  feuilles  et  les  manches  sont 
étroites,  hormis  au  poignet.  Le  hord  inférieur  du  hliaut, 
ainsi  que  la  calotte  hémisphérique  dont  la  tèle  du  personnage 
est  coiffée,  sont  ornés  d'un  riche  galon. 

Ce  personnage  tourne  le  dos  à  la  femme  qui  se  trouve  à 
sa  gauche,  pour  porter  les  regards  vers  l'homme  agenouillé 
du  côté  opposé.  Il  tend  vers  lui  la  main  droite. 

Au-dessus  du  médaillon  circulaire  dans  lequel  est  sculpté 
ce  personnage,  on  lit,  d'un  côté,  les  deux  lettres  ho,  qui, 
sans  aucun  doute,  étaient  complétées  par  des  lettres  de 
l'autre  côté.  La  fente  de  la  pierre  devient  très-large  à  cette 
place  et  ne  permet  plus  d'y  rien  distinguer.  En  revanche, 
on  lit  très-clairement  autour  du  lobe  supérieur  du  cintre 
formant  le  contour  inférieur  de  la  pierre  et  qui  touche  au 
.médaillon,  ces  mots  :  +  mysticvm.  apollinis. 

Autour  du  cintre  formant  le  contour  supérieur  de  la 
pierre,  a  existé  une  inscription  qui,  dans  l'origine,  accom- 
pagnait ce  contour  dans  toute  son  étendue  (i).  Malheureu- 
sement la  moitié  de  cette  légende  est  aujourd'hui  détruite, 
et  la  lecture  de  la  partie  qui  subsiste  est  loin  d'être  sans 
difficultés.  Ce  qui  peut  en  être  rétabli  est  écrit  de  la  manière 
suivante  :  +  est  .  .  on(vs)  .  omnis  .  ho?j(or)  .  qve.  rite  . 

SOLVNTVR.   ADEPTVM LLICITVDO  .  .  . 

Du  doute  subsiste  sur  les  mots  onvs  et  solvntvr,  dont  le 


(i)  Peut-être  le  fragment  qui  complète  le  cintre,  et  qui  parait  du  même  grain, 
coutient-il  le  complément  de  l'inscription  sur  son  autre  face  :  les  dimensions  du 
fragment  intercalé  autorisent  cette  supposition;  de  même,  le  fragment  après 
LLICITVDO  est-il  peut-être  retourné? 

H  n'a  pas  été  donné  à  l'auteur  du  présent  article  de  pouvoir  s'en  assurer  :  nul 
doute  cependant  que  le  propriétaire  qui  sait  apprécier  la  valeur  exceptionnelle  du 
monument,  ne  se  décide  un  jour  à  faire  faire  la  vérification. 


—  340  — 

premier  ))ourrail  bien  être  bom's  (un  éclul  dans  la  pierre  se 
voit  au  commencement  du  mol)  ;  quant  au  second,  il  ne 
correspond  à  aucun  des  temps  du  verbe  solvere,  si  ce  n'est 
en  supprimant  un  v  consonne  :  sol{\)unlur. 

M.  Helbig,  en  faisant  quelques  comparaisons  avec  d'autres 
monuments  liégeois,  a  déterminé  presque  mathématiquement 
l'époque  de  cette  sculpture,  et  la  fixe  vers  le  milieu  du 
XII"'  siècle  (i),  en  disant  qu'à  son  avis  on  ne  peut  lui  donner 
«  plus  d'un  demi-siècle  de  moins  »  qu'aux  fonts  baptismaux 
de  Sainl-Barlliélemy,  datant  de  l'an  1112.  Cependant,  à 
l'appui  de  l'opinion  du  baron  de  Koehne,  de  Saint-Péters- 
bourg, qui  (comme  on  le  verra  plus  loin)  étend  les  limites 
de  l'époque  recherchée  jusqu'au  xiii^  siècle,  on  peut  citer 
l'opinion  de  l'abbé  Texier  (2),  que  seulement  à  partir  de 
1500  à  13G0,  c'est-à-dire  encore  un  siècle  plus  lard,  les 
inscriptions,  en  certaines  parties  de  la  France,  bannissent 
entièrement  les  caractères  d'origine  romaine  ou  romane  qui 
se  mêlent  jusque-là  aux  lettres  capitales  gothiques  (3). 


(0  Les  Bull,  de  la  Soc.  des  Aiitiq.  de  France,  5«  série,  IV  (XXXIV),  p.  158, 
font  remarquer  que  le  mélange  des  c  carrés  avec  les  c  arrondis,  comme  en  notre 
inscription,  est  une  concession  aux  modes  naissantes  du  xii«  siècle. 

(i)  Recueil  des  inscriptions  du  Limousin,  p.  168. 

Voy.  aussi  a  Tappui  VHistoire  littéraire  de  la  France,  XVI,  p.  319,  oii  l'on 
signale  l'art  de  la  gravure  consacré  à  la  reproduction,  au  xiii"  siècle,  de  ligures 
emblématiques  et  symboliques. 

(î)  La  double  barre  de  la  lettre  h  du  mot  Ho(nor),  au-dessus  du  médaillon 
principal,  double  barre  qui  existe  aussi  dans  les  a  d'ADEPTVM  et  absintiv,  a  donné 
lieu  à  des  observations  intéressantes  de  l'honorable  M.  Chalox,  dans  la  Revue 
belge  de  nnmismalique,  V«  série,  II,  p.  457;  voici  ce  qu'il  en  dit  :  «  La  double 
n  barre  transversale  de  la  lettre  u  n'est  pas  sans  exemple.  Dans  une  inscription 
I  qui  se  trouve  a  Liège,  sur  un  curieux  monument,  dit  la  pierre  bouRooN,  et  qui 
»  date  de  liOO  à  il 50, on  voit  le  mot  m{Hor)  éci'it  avec  un  h  à  doubles  traverses, 
»  comme  sur  les  monnaies  du  llainaut.  » 


—  341   — 

Dans  le  pays  do  Liège,  la  révolulion  parait  s'èlre  accom- 
plie plus  tôt,  i)iiisque  l'inscription  de  1275  (cloclie  do  la 
cathédrale  de  Liège),  citée  par  M.  llelbig,  est  exclusivornont 
composée  de  toutes  nicajusculos  gothiques;  mais  le  champ 
est  encore  assez  étendu  pour  y  faire  place  à  l'opinion  du 
savant  russe. 

Reste  à  expliquer  le  monument  lui-même. 

L 

M.  Helbig  invoque  une  maxime  de  Cicéron  (i)  :  «  Honos 
alit  artes  et  accenduntur  omnes  ad  studia  gloria  <> ,  maxime 
qui  était  en  faveur  au  moyen  âge,  car  elle  se  trouve  rappelée 
dans  une  lettre  d'un  correspondant  d'Eginhard.  Il  cherche 
ensuite  à  démontrer  que  le  personnage  principal  est  Honor, 
«  Y  Honneur  (l'honneur  départi  par  Apollon,  dont  ce  dieu 
dispose  et  qui  par  conséquent  est  son  secret  ;  ce  personnage 
accueille  et  récompense  le  Travail  productif,  en  dédaignant 
la  Peine  qui  accompagne  le  travail,  lorsque  cette  peine 
n'offre  que  de  l'absinthe.  » 

En  d'autres  termes,  «f  l'honneur  est  réservé  au  succès 
dans  le  travail.  » 

Il  ajoute  :  «  Si,  en  se  reportant  au  siècle  où  cette  sculpture 
a  été  taillée,  et  tenant  compte  d'ailleurs  de  la  destination  à 
laquelle  répondait  la  pierre,  —  c'est-à-dire  à  former  le  lin- 


II  est  à  regretter  que  les  dimensions  restreintes  de  notre  planche  ne  rendent 
pas  cette  double  barre  parfaitement  saisissable. 

Cette  double  barre  est  mieux  rendue  par  les  gravures  sur  bois  insérées  aux 
pp.  26  et  27  du  tome  X  du  Bull.  deVlnslit.  archéol.  liégeois. 

(i)  Tuscul.,  I,  2,  4,  d'après  Platox,  de  lîepubl.,  VIII,  p.  ool» (commun,  par 
M.  RoERSCH,  pendant  l'impression). 


—  542  — 

Icau  (l'une  porte,  —  on  nous  demandait  à  quelle  salle  ou  à 
«luel  bàliment  celte  porte  pouvait  donner  accès  pour  que  le 
bas-relief  eût  un  sens  et  que  sa  présence  pût  s'expliquer, 
nous  répondrions  sans  hésiter  qu'il  a  dû  se  trouver  au-des- 
sus de  la  porte  de  l'école,  soit  de  la  cathédrale,  soit  de  l'une 
des  collégiales  de  la  ville  de  Liège.  » 

M.  llelbig  présente  à  ce  sujet  quelques  développements 
sur  l'état  des  études  à  Liège,  au  moyen  âge  (i),  et  sur  les 
possesseurs  de  la  maison  où  se  trouve  aujourd'hui  la  pierre, 
possesseurs  parmi  lesquels  on  nomme  plusieurs  doyens  ou 
chanoines  de  S'-Pierre  qui  s'y  sont  succédé. 

L'explication  de  M.  Helbig  est  certes  très-ingénieuse  (2)  ; 
mais  on  peut  y  opposer  l'invraisemblance  suivante  :  comment 

(«)  Ou  peut  y  ajouter  les  détails  suivants  :  Au  ATV*  Congrès  archéologique  de 
France  (Périgueux  et  Cambray),  pp.  515  et  515,  on  signale,  dans  le  xii°  siècle, 
à  Arras,  à  Amiens,  à  Naples,  des  écoles  qui  curent  des  sujets  remarquables,  et 
les  lumières  qui  sortaient  de  l'école  de  Liège  continuèrent  à  luire  au  siècle 
suivant  {Histoire  littéraire  de  la  France,  IX,  p.  40).  Auprès  des  écoles  établies 
dans  les  églises  cathédrales,  on  vit  alors  se  former  les  collèges.  Tout  annonce 
que  les  prélats  avaient  fondé  et  surveillaient  les  écoles  que  possédaient  plusieurs 
villes  au  xiii'  siècle.  On  lit  {Ibid.,  XVI,  p.  ,41)  que  plus  on  se  rapproche  de 
l'année  1300,  plus  ces  écoles  tendent  à  se  rapprocher  du  système  des  universités. 
On  cite  notamment  (.VA'V'°  Cow^rt'.v  archéologique  de  France,  1858,  Périgueux 
et  Cambray,  p.  489,)  une  école  attachée  au  chapitre  des  chanoinesses  de  Nivelles. 

(î)  A  ce  propos,  il  est  intéressant  de  constater,  et  notre  monument  en  donne 
l'occasion,  que  les  études  littéraires  n'ont  jamais  été  autant  abandonnées  qu'on 
le  pense  communément.  Fortoul,  Études  d'archéologie  et  d'histoire,  II,  p.  572, 
s'occupe  précisément,  au  xii'  siècle,  de  la  deuxième  des  trois  Renaissances  des 
lettres,  dont  la  première  fut  contemporaine  de  Chariemagne,  la  troisième  de 
Charles-Quint.  Cet  auteur  ajoute  :  x  Veux-je  dire  que  les  lettres  antiques  ont  été 
inconnues  au  moyen  âge?  Loin  de  là;  parce  que  je  vois  qu'elles  n'y  ont  jamais 
péri,  je  n'ose  me  ranger  à  l'opinion  qui  les  fait  et  si  tôt  et  si  souvent  renaître.  » 
Voy.  en  outre  VUistoire  littéraire  déjk  citée,  IX«  et  XVI»  vol.,  dans  ses 
résumés  de  l'histoire  des  lettres,  sciences  et  beaux  arts. 

Au  surplus,  notre  inscription,  avec  le  vocable  d'Apollon,  prouve  qu'à  i-ié^ie,  au 
xir  siècle,  on  n'avait  pas  attendu  la  Renaissance  proprement  dite  pour  cultiver 
lu  litlérature  classique. 


—  3io  — 

des  chrétiens,  et  surtout  des  prêtres  catholiques,  même  à  une 
époque  où  le  profane  avait  (ait  invasion  dans  le  spirituel  (i), 
auraient-ils  pu  songer  un  seul  instant  à  aflicher  le  vocable 
d'Apollon  sur  le  fronton  d'une  école  religieuse?  L'antithèse 
est  par  trop  forte  ! 

Ensuite  les  églises  cathédrales,  et  non  les  collégiales, 
paraissent  seules  avoir  eu  des  écoles  (-2).  Il  ne  faudrait  donc 
pas  songer  à  la  collégiale  Saint-Pierre. 

Puis  cette  explication  qui  de  la  sollicitudo  fait  un  syno- 
nyme de  travail  sans  résultat,  de  travail  qui  produit  non  du 
miel,  mais  de  l'absinthe,  semble  tellement  métaphysique  et 
recherchée,  qu'on  crut  ne  pas  pouvoir  s'en  tenir  à  l'interpré- 
tation de  M.  Jules  Helbig;  une  enquête  scientifique  fut  ou- 
verte à  l'étranger  par  l'auteur  du  présent  article,  aidé  de 
plusieurs  savants  de  notre  pays,  dont  M.  Ghalon,  président 
du  Comité  du  Bulletin. 

La  plupart  des  notabilités  de  la  science  consultées  — 
et  parmi  elles  l'illustre  et  regretté  de  Caumont  —  avouèrent 


(i)  Cette  invasion  se  constate  surtout  par  les  Fêtes  des  fous,  de  l'àne,  des 
•innocents,  etc.  Voy.  Revue  nouvelle,  Bruxelles',  1852,  pp.  70  et  100. 

Quelle  qu'ait  été  cette  invasion,  elle  n'allait  pas  et  ne  pouvait  pas  aller  jusqu'il 
introduire  les  dieux  du  paganisme  dans  une  dépendance  d'église  chrétienne; 
VHistoire  littéraire  de  la  France,  IX,  p.  166,  nous  apprend,  en  effet,  que  la 
mythologie  resta  dédaignée  au  xir  siècle,  même  après  que  Beaudouin,  abbé  de 
Fordes,  depuis  évêque  de  Worcester  et  archevêque  de  Cantorbéry,  eut  écrit  son 
traité  de  la  Mythologie. 

L'Histoire  littéraire  de  la  France,  l.  cil.,  ajoute  :  «  On  ne  s'aperçoit  presque 
point  par  leurs  écrits  que  nos  savants  eussent  pris  une  connaissance  particulière 
de  la  mythologie.  Il  est  vrai  que  tous  ces  savants,  étant  clercs  ou  moines,  pouvaient 
mépriser  cette  sorte  de  connaissance.  » 

(î)  Voir  le  Mémoire  de  l'instruction  publique  au  moyen  âge  en  Belgique, 
de  MM.  Stallaert  et  Vandeshaecen  (Acad.  de  Belg.,  t.  XXII  des  Mémoires 
couronnés),  p.  13,  où  il  n'est  parlé  que  d'écoles  cathédrales  ou  monastériales, 
conformément  aux  capitulaires  et  conciles  de  787  et  815. 


—  344  — 

l'impossibilité  où  elk^s  élaient  de  pro|)oscr  une  explication 
quelque  peu  raisonnable. 

Seuls,  MM.  le  baron  de  Koeline,  conseiller  privé  et  prési- 
dent du  bureau  héraldique  de  Saint-Pétersbourg,  et  Roach 
Smith,  l'illustre  auteur  des  CoUectanea  antiqua,  donnèrent 
leur  sentiment  au  sujet  de  l'énigmatique  monument  de 
Liège. 

II. 

Le  premier  a  sans  doute  été  conduit  à  son  système  par 
cette  considération,  qui  n'a  pas  échappé  non  plus  à  M.  Hel- 
big  (i)  :  «  La  puissance  d'Apollon  s'étendait  également  à 
l'art  de  guérir,  à  la  médecine,  particulièrement  chez  les 
Romains.  » 

Et  il  écrit  à  M.  Chalon  :  «  La  lecture  de  M.  Helbig  me 
paraît  tout  à  fait  juste.  Il  est  à  regretter  que  la  seconde 
moitié  de  la  ligne  supérieure  ne  soit  plus  lisible. 

»  Le  monument  est  très-curieux;  pour  moi,  c'est  le  des- 
sus de  porte  de  l'entrée  de  la  maison  d'un  célèbre  médecin 
du  xii*  siècle,  ainsi  que  le  prouvent  le  costume  du  principal 
personnage  et  les  caractères  de  l'inscription;  le  monument 
me  paraît  même  appartenir  à  la  première  moitié  du  xiii'siècle 
(1200  à  1250). 

»  Le  principal  personnage  est  le  médecin  qui  donne  ses 
ordres  à  deux  aides  :  un  homme  servant  un  vase  de  miel  et 
une  femme  (sœur  de  charité)  (2),  qui  tient  deux  coupes 


(i)  L.  cit.,  p.  23. 

(2)  Cependant  il  est  à  remarquer  que  s'il  a  existé  dès  le  xiii'  siècle  des 
religieux  hospitaliers  de  la  Charité,  institués  à  Châlons,  par  Guy  de  Joinville, 
les  sœurs  de  charité,  proprement  dites,  instituées  par  S'  Vincent  de  Paul,  datent 
seulcmout  du  xvii«  siècle. 


—  Ô45  — 

pleines  d'absinthe.  Ce  bas-relief  est  très-précieux  et  serait 
une  des  pièces  les  plus  curieuses  du  Musée  de  Liège. 

»  Le  myslicum  Apollinis,  continue  M.  de  Kochnc,  s'ar- 
range très-bien  de  cette  explication  :  Apollon  présidait  aux 
sciences  et  à  la  médecine.  Les  biographies  liégeoises  ne 
donneraient-elles  pas  le  nom  des  célèbres  docteurs  du 
xiii"  siècle?  » 

Le  Bulletin  de  l'Institut  archéologique  liégeois  (III,  p.  72) 
répond  négativement  à  la  question  posée  par  M.  de  Koehne, 
à  la  fin  de  sa  lettre,  car  M.  Ulysse  Capitaine,  dans  sa  liste 
des  médecins  liégeois,  passe  directement  d'Anicius,  médecin 
de  la  cohorte  P^  des  Tungres  (i"  siècle)  à  Kédus(xv^  siècle). 
Rien  du  xiii*  ni  du  xii". 

On  peut  douter,  du  reste,  qu'il  y  ait  une  relation  entre 
l'enseigne  et  la  célébrité  du  médecin  supposé. 

m. 

Roach  Smith ,  l'archéologue  anglais  si  connu  par  les 
grands  services  qu'il  a  rendus  à  la  science ,  se  trouve  par 
hasard  combiner  entre  elles  les  opinions  de  MM.  Helbig  et 
de  Koehne,  sans  les  avoir  connues  :  il  est  disposé  à  croire, 
écrit-il,  que  le  tympan  discuté  a  couronné  la  porte  d'une 
école  de  médecine. 

On  peut  lire  des  détails  intéressants  sur  l'organisation  des 
écoles  de  médecine,  au  \f  siècle,  au  xif  et  au  xiu^  :  VHis- 
toire  littéraire  de  la  France  en  abonde  (i). 

Des  écoles  de  médecine  étaient  attachées  aux  abbayes  du 


(«)  VII,  pp.  16,  36,  57,  78,  85;  VIII,  p.  49;  IX,  pp.  191,  195,  193;  XVI, 
p.  95,  etc. 


—  346  — 

Bec  et  de  Marmoulier,  à  l'école  épiscopale  de  Charlres,  à 
l'école  métropolitaine  de  Tours;  la  médecine  était  même 
étudiée  dans  les  monastères  de  fdles,  comme  au  Paraclet. 

Les  clercs  et  les  moines  possédant  seuls  la  connaissance 
des  langues  anciennes,  étaient  les  seuls  à  s'appliquer  à  la 
médecine  qu'ont  pratiquée  même  des  abbés  et  des  évéques. 
Les  laïcs  y  étaient  bien  admis,  mais  par  simple  tolérance  (i). 

On  rapporte  qu'à  Liège,  le  célèbre  Wazon,  alors  chapelain, 
n'eut  pas  de  peine  à  confondre  un  médecin  juif,  le  plus  habile 
docteur  de  sa  nation,  qui  passait  pour  avoir  une  connaissance 
particulière  de  la  médecine,  et  qui  avait  provoqué  Wazon  à 
la  dispute. 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu'à  ce  que  le  pape  Ilono- 
riuslll  et  le  concile  de  Latran  de  1215  interdirent  définiti- 
vement aux  prêtres  la  pratique  de  la  médecine,  que  le  synode 
de  Reims,  les  conciles  de  Tours  et  de  Paris  avaient  en  vain 
essayé  de  leur  enlever  en  1 151,  1151),  HGi2,  11G5  et  1215, 

Les  raisons  qui  ont  fait  repousser  l'opinion  de  M.  Jules 
Helbig,  forment  obstacle  à  ce  qu'on  applique  à  une  école  reli- 
gieuse quelconque  —  fût-ce  de  médecine  —  le  vocable  païen 
d'Apollon.  Ce  serait  donc  à  partir  de  1215  seulement,  c'est- 
à-dire  après  l'installation  des  écoles  civiles  de  médecine, 
qu'on  pourrait  admettre  notre  frontispice  pour  une  école  de 
ce  genre,  ce  qui  nous  rapprocherait  de  la  date  proposée  par 
M.  le  baron  de  Koehne. 

C'est,  du  reste,  l'époque  où  llorissait  l'école  de  Salerne, 
où  se  rendirent  célèbres  les  collèges  de  médecins  de  Ferrare, 
de  Milan,  de  Brescia,  de  Padoue  et  les  écoles  de  médecine 

())  Hisldirc  Hlléraire  de  la  France,  IX,  p.  19u. 


—  547  — 

de  Paris  et  de  Montpellier  (i),  et  où  les  médecins,  «  mettant 
en  pratique  les  recettes  qu'ils  tenaient  des  Arabes,  pour  la 
préparation  des  sirops,  des  julcps,  des  élcctuaires  et  autres 
médicaments  composés,  et  appliquant,  plus  qu'on  ne  l'avait 
fait  jusqu'alors,  la  chimie  à  la  pharmacie,  se  livrèrent  à  la 
distillation  et  à  d'autres  opérations  utiles,  dans  l(3urs  écoles, 
leurs  laboratoires  et  leurs  hospices  (2).  » 

Ne  serait-ce  pas  là  précisément  ce  que  le  bas-relief  de 
Liège  voudrait  indiquer?.... 

IV. 

Mais  nous  n'avons  encore  là  qu'un  rapprochement  éloigné. 
Sur  ces  données,  quelqu'un  a  forgé  tout  un  système,  moitié 
sérieux,  moitié  plaisant,  mais  pour  le  moins  tout  aussi  plau- 
sible que  les  autres  hypothèses  jusqu'ici  présentées. 

Voici  des  extraits  d'une  notice  inédite  lue  à  l'une  des 
séances  de  l'Institut  archéologique  liégeois  (5)  : 

«  Qu'on  ne  se  récrie  pas  :  au  lieu  de  l'enseigne  d'un  mé- 
decin, comme  le  propose  M.  de  Koehne,  ne  s'agirait-il  pas 
seulement  de  l'enseigne  d'un  pharmacien,  dont  le  nom, 
comme  on  en  trouve  des  exemples  au  moyen  âge,  figurerait 
en  rébus  dans  l'enseigne? 

«  Ce  n'est  pas  ravaler  la  question  :  en  effet,  les  person- 
nages les  plus  importants  remplissaient  l'office  d'apothicaire  : 
le  pharmacien  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  fut  Richard  qui 


(4)  Les  bulles  d'institution  des  facultés  de  Montpellier  et  de  Paris  datent  du 
XIII*  siècle.  Lacroix  et  Seré,  Le  moyen  âge  et  la  Renaissance,  II,  ch.  iv, 
3"  page,  au  verso. 

(2)  Histoire  littéraire  de  la  France,  XVI,  p.  92. 

(3)  Les  notes  du  présent  §  IV  appartiennent  à  la  notice  anonyme. 


—  548  — 

mourut  évèque  de  Londres  en  H 98.  Au  surplus,  jusqu'au 
XIV'  siècle,  les  deux  professions  de  pharmacien  et  de  méde- 
cin ont  été  en  quelque  sorte  confondues  (i).  En  outre,  on  le 
sait,  les  apothicaires,  dans  certaines  circonstances,  se  com- 
plaisaient à  orner  leurs  oflicincs  de  bustes  de  divinités  du 
paganisme  (2). 

»  Quant  à  la  mode  des  rébus,  il  suffit  de  se  rappeler  les 
armes  parlantes  du  blason  et  les  calembours  latins  des 
devises  qui  accompagnaient  les  armoiries  (5),  pour  ne  pas 
s'étonner  qu'on  ait  voulu  faire  de  semblables  jeux  de 
mots  sur  une  enseigne.  Enfin,  quand  on  se  souvient  que 
Gilles  de  Gorbeil,  au  xii*  siècle,  sous  Philippe-Auguste,  a 
élaboré  un  poëme  latin  de  4,562  vers  pour  décrire  les  médi- 
caments composés,  on  ne  doit  pas  s'étonner  qu'un  apothi- 
caire lettré  ait  voulu  avoir  une  enseigne  en  vers  latins. 

»  Quoi  de  surprenant  surtout  à  ce  qu'il  se  soit  laissé  en- 
traîner à  suivre  le  mauvais  goût  de  son  siècle,  dû  à  la  cou- 


Ci)  Mercuri  et  BoNNÂRD,  Costumes  des  xiii",  \i\'  et  xv«  siècles,  édit.  de  1861, 
m,  p.  71,  pi.  178. 

Voy.  aussi  Hisl.  litt.  de  la  France,  IX,  p.  196,  où  l'on  cite  des  vers  de  Guil- 
laume LE  Breton,  et  l'exemple  d'un  legs  d'AnBON,  chanoine  d'Auxerre,  qui  était 
k  la  fois  médecin  et  apothicaire  (1191),  à  en  juger  par  le  mobilier  trouvé  en  sa 
mortuaire.  Ce  ne  fut  qu'à  la  fin  du  xii"  siècle  que  l'art  de  la  pharmacie,  à  cause 
de  la  faveur  accordée  à  la  thériaquc,  se  distingua  de  l'art  de  la  médecine  {ibid., 
XVI,  p.  99). 

(2)  La  Choix  et  Seré,  /.  cit.,  i"  page  :  k  Les  apothicaires  calvinistes  avaient 
placé  Mercure  dans  une  niche,  au  grand  scandale  des  catholiques  romains,  qui 
avaient  au  fond  de  leur  boutique  le  Rédempteur,  la  Vierge,  S'-Cûme  ou 
S*-Christophe.  » 

(3)  Em.  i)E  LA  BÉnoLLiÈRE,  dans  l'ouvrage  cité  de  Lacroix  et  Seré,  IV,  article 
relatif  au  blason,  cite  la  maison  à'Avesiies,  en  Hainaut,  qui  avait  pour  devise  le 
centon  des  Bucoliques  de  Virgile  :  «  tenui  modulatur  avcna,  »  les  possesseurs 
de  Pennes  et  Yento  on  Provence  :  «  super  pennas  ventorum,  »  la  famille  Campi 
de  Vérone,  ces  mots  du  Ps.  64  :  «  Campi  tui  leplebuntur  ubcrlate.  » 


—  349  — 

tumc  de  subtiliser  sur  les  moindres  choses  (i)  :  Au  xii"  siècle, 
«  tous  ceux  qui  se  mêlèrent  de  poésie  laline,  sans  en  excep- 
»  ter  même  ceux  qui  y  réussirent  le  moins  mal,  s'amusaient 
»  à  des  jeux  de  mois,  des  allusions  de  noms,  des  étymologies 
»  et  autres  minulies  de  caprice,  qui  auraient  été  capables  de 
»  gâter  la  meilleure  versification  (2).  » 

»  Quoi  de  plus  naturel  que  de  lui  voir  imiter  les  nobles 
qui  faisaient  placer  leurs  armoiries  parlantes  sur  les  portes 
de  leurs  habitations  (0). 

»  Les  recueils  d'enseignes  en  contiennent  plusieurs  en 
rébus,  plusieurs  en  un  distyque  latin,  enfin  plusieurs 
sculptées,  —  dont  quelques-unes  d'apothicaires  (4). 

»  Mais  prouvons  de  plus  près  que,  sur  notre  enseigne, 
il  s'agit  bien  des  opérations  pharmaceutiques  : 

»  Quintilien,  dans  ses  Institutions  oratoires  (III,  1),  fai- 
sant allusion  au  mélange,  déjà  connu  dans  l'antiquité,  du 
miel  et  de  l'absinthe,  dit  :  «  Sed  nos  veremur  ne  parum  hic 
»  liber  mellis  et  absinthii  multum  habere  videalur,  sitque 
»  salubrior  studiis  quam  dulcior.  » 


(i)  Histoire  littéraire  de  la  France,  IX,  p.  205. 

(2)  Ibid.,  p.  1G7.  La  Poetria  nova  de  Geoffroy  de  Vinisauf,  xn«  siècle,  débute 
par  de  mauvais  jeux  de  mots  sur  le  nom  du  pape  Innocent  {ihid.,  XVI,  p.  dSîii. 

Voir  sur  le  xm»  siècle,  ibid,,  XVI,  p.  193  :  «  La  plus  nombreuse  école  de 
versiticatiou  latine  ignorait  les  règles  de  la  prosodie  ;  elle  donnait  le  nom  de  vers 
à  des  lignes  incorrectes  qui  n'exprimaient  que  des  idées  communes  ou  bizarres, 
ignobles  ou  obscures.  » 

(3)  Voy.  DE  LA.  Bédollière,  l.  cit.,  qui  dit  que  le  xiii°  siècle  et  le  xiv*  furent 
la  plus  brillante  époque  du  blason,  et  qu'on  y  voit  les  armoiries  aux  linteaux  des 
portes. 

(♦)  E.  DE  LA  QuÉRiÈRE,  Reckerchcs  historiques  sur  les  enseignes  des  maisons 
particulières,  suivies  de  quelques  inscriptions  murales  prises  en  divers  lieux, 
Paris,  1852,  pp.  IS,  19,  81,  8S,  99,  120,  125;  Magasin  pittoresque,  1839, 
p.  218. 


—  obO  — 

»  Cetic  idée  appelle  celle  de  représenter  comme  un  mys- 
tère, dans  loqiiel  Apollon,  père  d'EscuIape,  instruit  ses 
adeptes  (i),  l'art,  d'après  les  rites  (2)  de  la  pharmacopée 
d'alors  (rite,  id  quod  ratum  et  rectum  est,  dit  Varron,  L.  L., 
VII,  p.  88),  de  préparer  chimiquement  (solvere,  solutio)  des 
potions  médicales  où  l'absinthe  et  le  miel,  utile  duki,  fussent 
mélangées  dans  les  proportions  requises;  c'est  l'adage  vul- 
gaire, ici  tout  en  situation,  d'après  lequel  on  dil  :  «  Dorer  la 
»   pilule.  » 

»  En  s'appuyant,  du  reste,  sur  des  autorités  sérieuses,  on 
peut  considérer  les  ofïicines  d'apothicaire  comme  s'adon- 
nanl  au  soin  de  mélanger  le  miel  et  l'absinthe.  Les  consuelu- 
dines  Floriacenses  (p.  405),  citées  par  Ducange,  au  mot 
Ahsynthium,  s'expriment  à  ce  sujet  de  la  manière  que  voici,  à 
])ropos  d'un  remède  préventif,  composé  de  ces  deux  élé- 
ments, remède  qu'on  donnait  aux  moines,  à  certaines 
époques  de  l'année  et  dans  certaines  intentions  :  «  Ilic  tri- 
bus diebus,  post  cymbali  pulsationem,  qui  voluerit  bibet  de 
absynthio  melle  confecto,  quod  refectorarius  ante  praeparavit 
et  posuit  in  scyphis  singulorum.  » 

»  A  propos  de  cette  potio  monachica,  comme  l'appelle 
Ducange,  cet  auteur  cite  l'usage,  dans  plusieurs  monastères 
d'Allemagne,  de  mêler  dans  du  vin  des  aromates,  du  gin- 
gembre, des  racines,  avec  du  miel  et  du  sucre  (Maitrank, 
boisson  do  mai),  et  il  désigne  même  la  Belgique,  où  une 
boisson  analogue  est  encore  en  usage  :  «  Belgis  multum  placet 


(i)  Ducange,  Suppl.,  v»  Adeptus  :  «  Adeptus  dicitur  in  arte  chimica. 
(Pahacelse,  Van  Helmont).  » 

(2)  DucAKCE,  v»  rite,  traduit  ce  mol  par  persaepe,  freqtienler,  sens  dont  on 
peut  se  contenter  ici. 


—  551  — 

cerevisia  absyntldo  condita;  liac  ulunlur  mane  saepiiis,  atque 
etiam  interdum  vesperc,  stomachi  fovendi  causa  (i)-  » 

»  La  boisson  douce  et  amère  {dulcamara),  composée  de 
miel  et  d'absinthe,  a  donc  pu  parlai tcmenl  être  adoptée  par 
un  apothicaire  du  xii'  siècle  ou  du  xm' ,  comme  un  emblème 
de  sa  profession. 

»  Remarquons,  en  outre,  que  le  costume  de  notre  apothi- 
caire ressemble  assez  bien  à  celui  que  décrivent  Mercuri  et 
Bonnard  (2),  d'après  une  peinture  de  Dominique  Bartoli  à 
l'hôpital  de  Sienne  : 

»  Cet  apothicaire  est  couvert  d'un  turban  couleur  de 
»  laque.  Le  manteau  est  de  même  couleur  et  doublé  de 
»  fourrure  blanche.  Les  apothicaires  avaient  le  droit  de 
»  porter  des  fourrures,  comme  membres  du  corps  des  arts 
»  majeurs...  »  (suivent  des  détails  sur  les  couleurs  qu'il 
serait  intéressant  de  reproduire  et  de  comparer  à  la  pierre 
Bourdon,  s'il  restait  sur  celle-ci  autre  chose  que  de  faibles 
traces  de  polychromie  en  certains  endroits). 

»  Sur  ces  données,  il  y  a  sans  doute  lieu  de  chercher  le 
sens  caché  des  paroles  par  trop  évidentes  :  Est  bonus  omnis 
honor  (3)... 


(i)  Cette  bière  absinthée  se  débitait  encore  à  Bruxelles  il  y  a  quelque  trente 
ans,  dans  certains  «  estaminets  »  qui  avaient  cette  spécialité.  Aujourd'hui,  les 
imitations  de  bières  étrangères,  suffisamment  amères  par  l'écorce  du  bouleau 
(si  pas  pis)  qu'on  y  laisse  infuser,  ont  détrôné  la  bière  absinthée,  et  celle-ci  est 
devenue  un  fait  archéologique,  dont  d'ici  à  quelque  temps  on  chercherait  en  vain 
la  trace  ailleurs  que  dans  le  témoignage  de  Ducange. 

(2)  I,  p.  Mo,  n»  54,  édit.  de  1861;  !IÎ,  p.  7i,  pi.  178.  La  Croix  et  Seré, 
l.  cit.,  II,  ch.  IV  (Pharmacie),  p.  ii  v»  :  «  On  cite  un  apothicaire  de  Munster 
en  1267,  un  apothicaire  d'Augsbourg  en  1283,  tenant  chacun  boutique.  » 

(3)  Voici  comment  l'auteur  anonyme  s'acquitte  de  la  tâche  qu'il  indique  (on  lui 
laisse  tout  l'honneur  du  succès,  mais  aussi  toute  la  responsabilité  de  la  tentative 


—  352  — 

••■>  Dans  l'hypothèse  où  ces  paroles  désigneraient  les  noms 
de  l'apothicaire  en  question,  il  est  facile  de  compiler  les 
vers  en  comblant  les  lacunes. 

»  L'inscription  présente  un  vers  hexamètre  complet,  plus 
un  mot  certain  à  ou  vers  la  lin  d'un  second  vers  (i).  Il  sufllt 
donc  de  trouver  quatre  pieds  où  se  liraient  le  verbe  ayant 
adeptum  pour  complément,  un  second  avec  solUcUudo  pour 
sujet,  enfin  le  mot /a6or,  qui,  comme  le  pense  fort  judicieuse- 
ment M.  Jules  Helbig,  doit  avoir  été  répété,  comme  honor  et 
soUicUudo  le  sont  déjà  dans  l'inscription  demi-circulaire. 

»  Trois  mots  pour  quatre  pieds,  trois  mots  imposés,  per- 


que,  malgré  l'appel  final,  on  hésite,  et  pour  cause,  k  prendre  au,  ou  dans  le 
sérieux,  comme  le  dit  l'Académie)  : 

«  Remarquons  que  «  iionor  »,  ce  qui  est  frappant,  se  trouve  répété  au-dessus 
du  médaillon  principal.  Iionor  est  donc  le  personnage  mis  en  évidence;  c'est 
celui  à  qui  appartient  l'ollicine. 

»  Or  le  nom  de  «  Honneur  »  est  très-fréquent  dans  tout  le  pays  de  Liège,  sous 
la  forme  Llionneux,  qui  date  de  plusieurs  centaines  d'années. 

»  Les  autres  mots  :  omnis  et  bonvs  seront  vraisemblablement  le  prénom. 
Tout  et  hien  ne  nous  le  révèlent  pas  ;  mais  Uhonncux  est  une  foinie  wallonne. 
Est-il  interdit  de  supposer  qu'il  y  a  là  quelque  jeu  de  mots  en  patois?  Tout, 
c'est  tô;  bien,  c'est  bin,  et  à  l'ouest  de  IJége,  notamment  à  Montegnée,  on  dit  bt. 
Or  Tobie  est  un  nom  de  baptême  dont  on  pourrait  trouver  des  exemples  au 
XII'  siècle. 

»  Il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  voir  omnis  pris  ici  dans  le  sens  de  tolus. 
Virgile  a  bien  dit  {Aen.,  V,  v.  45)  : 

...  Socios  la  coetuiti  liltoro  ab  omni 
Advocat  Acneas. 

»  L'inscription  signifierait  donc  :  Tobie  Llionneux,  apothicaire,  aux  Mystères 
d'Apollon... 

))  Tout  eut  bien. ..Alt  un  proverbe,  auquel  l'auteur  de  l'inscription  aura  songé, 
mais  dont  les  lecteurs  sérieu.v  lui  refuseront  peut-être  le  bénéfice....  » 

(i)  On  peut  cependant  supposer  que  le  mot  soUicitudo  commence  le  second 
liémisticbe  d'un  pentamètre;  il  y  a,  en  elïet,  une  place  libre  sur  le  monument,  et 
les  lettres  accolées  semblent  indiquer  (jne  le  lapicide  était  gêné  par  le  défaut 
d'espace. 


—  355  — 

mettent  de  rétablir  l'inscription,  par  exemple,  comme  voici  : 

Est  bonus  omnis  honor.  Quae  rite  sol(v)untiir  adeptuni 
Hic  monstratit  et  complet  sollieitudo  laborera  (1). 

»  Aux  mystères  d'Apollon  ;  X.  est  établi  ici.  Les  remèdes 
»  qu'on  y  prépare  (solvntvr  (2)  pour  solvv.ntvr),  d'après 
»  les  règles  de  l'art,  dénotent  un  adepte  d'Esculapc,  et  le 
«   soin  (3)  qui  préside  au  travail  complète  celui-ci. 

»  Cette  explication  seule  fait  raison  de  ces  trois  mots 
significatifs  :  rites,  adeptes,  mystères,  sur  lesquels  glissent  les 
autres  interprétations.  » 

V. 

Ces  dernières  paroles  de  l'auteur  de  la  notice  inédite 
ouvrent  une  autre  perspective.  Les  rites  des  sectes  gnos- 
tiques  (4)  avaient  persisté  longtemps  après  le  paganisme. 


(i)  Ou  bien  d'une  manière  un  peu  moins  inélégante  quant  à  la  versification,  et 
dans  la  supposition,  bien  entendu,  qu'il  n'y  a  plus  rien  eu  sur  la  pierre  après  les 
syllabes  llicitvdo  : 

...  completque  laborem  soUicitudo. 

(2)  Les  exemples  de  vivs  pour  vivvs,  ivenis  pour  ivvenis  (juvenis),  etc.,  etc., 
ne  sont  pas  rares  en  6pii,'raphie  ;  mais  on  doit  avouer  ici  que,  malgré  toutes  les 
recherches,  on  n'a  pas  trouvé,  en  vers,  d'exemple  de  semblable  systole,  avec 
élision  du  v  consonne  par  uu  v  voyelle,  dans  le  but  de  transformer  une  syllabe 
longue  en  brève. 

On  lésait,  du  reste,  par  VHisloire  littéraire,  XVI,  p.  190,  les  irrégularités 
abondent  dans  les  poèmes  mcdico-pharmaceutiques  de  Gilles  de  Cohbeil,  qui  a 
sans  doute  servi  de  modèle  à  notre  apothicaire.  La  négligence  était  le  défaut  des 
poètes  de  cette  époque;  on  cite  aussi  les  incorrections  cI'Alain  de  Lille  {ibid., 
p.  184). 

(3)  SoUicitudo,  pris  non  plus  dans  son  sens  classique  de  tourment  d'esprit, 
souci,  mais  dans  le  sens  moderne  de  sollicitude,  soin  empressé.  «  Solli(ci)tudines 
et  curas  >>,  dit  un  acte  de  15o8,  cité  par  Ducange,  v"  Sollitudo. 

(i)  On  peut  consulter  à  ce  sujet  Matter,  Histoire  critique  du  Gnosticisme  et 
de  sou  iufluenoe  sur  les  sectes  religieuses  et  philosophiques  des  six  premiers 
siècles  de  Vère  chrétienne,  Paris,  1828. 


-^  354  — 

et  une  recrudescence  de  leurs  pratiques  secrètes  suivit  les 
Croisades  qui  introduisirent  en  Europe  les  mystères  deBafo- 
met.  Le  baron  de  Hammer-Purgstall  a  publié  à  ce  sujet  un 
livre  curieux  intitulé  :  Myslerium  Baphometis  (i),  où  il  cite 
des  figures  et  emblèmes  gnostiques  qui  se  trouvent  les 
mêmes  sur  quelques  églises  des  Templiers,  sur  les  idoles 
baphométiques  et  sur  les  vases  de  la  nature  du  Graal. 

M.  Fr.  Lenormant  (2)  parle,  de  son  côté,  des  sectes  secrètes 
qui  pullulèrent  depuis  le  v'  ou  le  vi*  siècle  jusqu'au  supplice 
des  Templiers  au  xiv*  siècle,  sectes  qui  continuèrent  la 
tradition  des  Gnostiques,  et  qui  prirent  un  développement 
tout  nouveau  vers  l'époque  des  Croisades,  par  suite  du  con- 
tact avec  les  populations  à  demi-païennes  de  la  Syrie, 
Druses,  Nossaïriens,  Ismaéliens,  etc.  «  On  trouve,  dit-il,  des 
»  monuments  de  ces  sectes  dans  toutes  les  grandes  collections; 
»  mais  on  ne  les  a  pas  encore  réunis  dans  une  étude  com- 
»   plète,  et  l'explication  définitive  en  reste  à  donner.  « 

Nicolaï  (3)  a  suivi  la  doctrine  des  Gnostiques  depuis  le 
Christianisme,  presque  au  début  de  celui-ci  ;  après  les  pre- 
miers temps,  dit-il,  le  nom  de  ces  sectaires  disparut,  mais 


(1)  RzEwusKi,  Vumlgruhen  des  Orients,  -1818,  VI,  pp.  1  à -120  (Mysterium 
Baphometis  revelatum ,  seu  fratres  mililiae  Templi,  qiia  Gnostici  et  Ophiani 
apostasiae,  idolaliiliae  et  impuritatis  convicti,  per  ipsa  eonim  nionumenta).  Le 
B"»  DE  Hammer-Pl'rgstall  a  publié  un  nouveau  travail  sur  le  même  sujet  dans 
les  Mémoires  de  l'Acadi'mie  impériale  de  Vienne,  1854. 

(«)  Calai,  de  la  collectioQ  Raiké  (vendue  à  Paris,  en  186"),  p.  io7,  k  propos 
des  n"'  1481  et  1482  :  «  Images  désignées  au  xii«  et  au  xiii"  siècle,  sous  le  nom 
à'idoles  de  Bafomet.  » 

Cl'r.  Graeff,  Dus  grossherzogliche  Antiquarium  in  Mannheim,  pp.  ol  à  54  : 
«  Vier  Baphomete  der  Terapelherrn.  » 

(ï)  Essai  sur  les  accusations  intentées  aux  Templiers  (trad.  de  l'allemand), 
pp.  127,  149,  153. 


—  355  — 

leurs  principes  n'en  furent  pas  moins,  pendant  plusieurs 
siècles,  la  source  de  différents  dogmes  particuliers. 

Nicolaïcile  la  trouvaille  l'aile  en  Allemagne  d'un  talisman 
gnostique,  dans  le  tombeau  d'un  chevalier  du  Temple,  qui 
l'aura  rapporté  d'une  captivité  chez  les  Sarrasins,  où  les 
doctrines  gnostiques  étaient  répandues.  Gel  auteur  présente 
plusieurs  développements  pour  démontrer  la  confor- 
mité  de  la   doctrine  des  Gnostiques  et  des  Templiers,  (i). 

Or,  quand  on  se  rappelle  qu'une  idole  a  été  trouvée  chez 
les  Templiers,  et  qu'on  citait  cette  idole  comme  étant  celle 
de  Baphomet  (2),  il  est  permis  de  chercher  une  relation 
entre  les  mystères  des  Templiers  et  ceux  auxquels  il  est  fait 
allusion  dans  la  pierre  Bourdon. 

Le  soleil  était  considéré  comme  le  générateur  universel  ; 
on  retrouve  Apollon  la  tète  radiée  et  le  fouet  à  la  main 
(comme  Osiris)  sur  les  abraxas ,  ou  amulettes  des  Gnos- 
tiques, Baphomet,  de  son  côté,  passait  pour  le  père  de  toutes 
choses  (3). 

De  là  l'idée  que  le  fronton  en  question,  et  qui  porte  en 
toutes  lettres  les  mots  myslicum  ApoUinis,  pourrait  bien 
se  rapporter  à  une  scène  du  culte  du  soleil,  dont  Apollon 
était  le  dieu. 

....  Occupons-nous  ici  (à  titre  d'épisode,- mais  non 


(1)  On  doit  à  la  vérité  de  ne  pas  dissimuler  ici  que  les  idées  de  Nicolaï  et  du 
B""  DE  Hammer-Purgstall  n'ont  pas  obtenu  l'assentiment  unanime  des  savants. 
Voy.  à  ce  sujet,  Raynouard,  Journal  des  Savants,  1819,  pp.  loi  et  221; 
note  du  même,  dans  VHistoire  des  croisades  de  Michaud,  i"  éJit ,  V,  p.  57:2  ; 
LoiSELEUR,  La  doctrine  secrète  des  Templiers,  Paris,  1872,  pp.  100  et  suiv., 
qui  voit  dans  Bafomet  une  simple  altération  de  Mahomet. 

(î)  NicoLAi,  /.  cit.,  p.  122. 

(3)  Ibid.,  p.  159. 


—  356  — 

étranger  au  sujet)  de  certains  vers  d'Ausone;  l'auteur  du 
présent  article  doit  la  communication  de  ces  vers  à 
M.  Courtoy,  jjrofesseur  de  rhétorique  à  l'Athénée  de  Gand, 
que  la  vue  du  monument  avec  la  mention  mysticum  Apol- 
linis  avait  vivement  intrigué. 

Ausone,  qui  vivait  au  iv"  siècle  (mort  vers  594),  écrit  à 
un  des  professeurs  de  Bordeaux  :  «  Vous  êtes  né  de  la  souche 
des  Druides;  vous  vous  êtes,  vos  ancêtres  et  vous,  consacrés 
au  culte  d'Apollon  Belenus,  et  de  là  vos  noms.  A  vous,  celui 
de  Paiera  : 

...  Sic  ministros  nmicupaiil 
Apollinaris  mijslici  {\).  )> 

Gomme  personne  jusqu'à  présent  n'avait  entendu  parler 
d'un  mysticum  Apollinis (ou  Apollinare),  et  comme  on  n'avait 
pas  songé  à  voir  dans  mysticum  un  synonyme  de  myste- 
rium,  les  commentateurs  se  sont  évertués  à  expliquer  ce 
passage  en  prenant  Apollinaris  mystici,  non  comme  un 
génitif,  mais  comme  an  nominatif,  sujet  de  nuncupant. 

Floridus  et  Souchay  font  remarquer  qu'il  y  a  lieu  de  lire 
Apollinares  pour  Apollinaris,  d'après  l'orthographe  ar- 
chaïque omnis,  tris,  pour  omnes,  très,  qu'on  retrouve  même 
dans  les  manuscrits  de  Salluste  et  de  Gésar. 

Ils  lisent  donc  :  «  Paiera,  c'est  ainsi  que  les  sectateurs 
mysticjues  d'Apollon  a|)pellent  leurs  ])rèlrcs(2).  » 

Désormais,  depuis  la  révélation  faite  par  le  monument 


(i)  Hhet.  profess.,  Kpist.  IV,  vers  7. 

(s)  DucANCE,  v°  Paiera,  dit  :   «   Dcleiii  seu  Apollinis  saccrdoles  Gallis.  * 
DiEFENBACu,  Origines  europeae,  p.  520. 


<y 


—  557  — 

liégeois,  on  doit  lire  au  contraire  :  «  c'est  ainsi  (pion  ap- 
pelle (i)  les  prêtres  des  mystères  d'Apollon.  » 

Dans  la  bonne  latinité  on  trouve  déjà  des  exemples  de 
mystica  conmie  synonyme  de  mtjsleria,  et  spécialement  de 
ceux  de  Gérés.  Festus,  v"  Religiosus,  dit  :  «  adversus 
mystica  legem  ad  populum  ferre  (-2).  » 

Mais  comme  nous  sommes  au  xii"  siècle  ou  au  xiii%  c'est 
pour  le  moyen  âge  surtout  qu'il  s'agit  de  fixer  le  sens  du 
mot  mysticum;  poussons  donc  plus  loin  nos  recherches. 

Il  se  trouve  précisément  qu'à  une  époque  contemporaine 
de  notre  inscription,  Agno  Ugutio,  de  Pise,  évèque  de 
Ferrare,  qui  vivait  au  xii^  siècle  et  mourut  vers  1212, 
écrivit  un' glossaire  qu'on  a  conservé  en  manuscrit  dans 
plusieurs  bibliothèques  (à). 

,    '^Or,  voici  ce  qu'on  y  lit  :  «  mysticum  dicitur  de  tempora- 
»   libus,  myslerium  de  spiritualibus.  » 

L'explication  du  Mysticum  Apollinis  de  la  pierre  de  Liège, 
et  rétroactivement  du  Mysticum  Apollinare  d'Ausone,  n'est 
donc  plus  à  chercher  :  c'est  bien  des  mystères  du  culte  du 
Soleil  qu'on  a  voulu  parler.  .  .  . 

Si  l'on  admet  l'opinion  de  Nicolaï,  du  baron  de  Hammer- 
Purgstall  et  de  M.  Fr.  Lenormant,  on  aura  une  explication 
assez  naturelle  de  la  pierre  Bourdon,  et  l'on  songera  plutôt 

(i)  Il  est  sans  doute  superflu  de  faire  remarquer  que  nuncupant  est  très- 
classique  dans  le  sens  de  on  nomme  (Cic,  de  Nat.  deor.,  II,  25  :  «  Quod  erat  a 
deo  natum,  nomine  ipsius  dei  nimcupabant.  ») 

(2)  «  Je  doute  fort  que  chez  Festiis,  /.  cit.,  il  faille  lire  •.  «  adversus 
»  mystica.  »  Les  MS.  ont  «  adversus  mijslicio.  «  qu'il  faut  corriger  en  «  adversus 
»  auspicia.  »  (Noie  de  M.  Roersch,  pendant  l'impression.) 

(3)  Complément  de  celui  de  Papias,  grammairien  lombard  du  xi°  siècle. 

Ces  détails  sont  extraits  de  la  préface  du  glossaire  de  Ducange;  voy.  ibid., 
V'  Mysticare. 


—  358  — 

aux  Templiers  qu'aux  ccolàtres  d'une  cathédrale  ou  collégiale 
calliolique,  pour  expliquer  celte  allusion  aux  mystères 
d'Apollon,  répandus  dans  la  Gaule,  au  iv"  siècle,  et  conti- 
nués, au  moins  par  tradition,  jusqu'au  xii". 

Or,  circonstance  frappante,  la  maison  des  Templiers 
à  Liège,  existait  naguère  au  Mont  Saint-Martin,  n"  9  0), 
à  environ  200  mètres  de  la  maison  Bourdon,  et  une  pierre 
provenant  de  la  démolition  de  l'une  a  pu  être  remployée 
lors  de  la  construction  de  l'autre. 

Le  procès  dos  Templiers  eut  lieu  en  1507;  la  confection 
du  monument  i)our  les  adeptes,  s'il  a  servi  à  leurs  mystères, 
conformément  à  leurs  rites,  est  nécessairement  antérieure 
au  procès,  ce  qui  concorde  avec  les  dates  indiquées  ci-dessus. 

—  A  cela,  il  y  a  néanmoins  à  opposer  des  objections  qui 
ne  manquent  pas  de  gravité. 

D'abord,  si  les  Templiers  ont  adoré  le  Soleil,  il  n'est  dit 
nulle  part  qu'ils  l'aient  adoré  sous  le  vocable  d'Apollon. 

Ensuite,  le  pape,  dans  les  articles  de  l'information  contre 
les  Templiers,  spécifie  les  faits  suivants  (2)  :  «  Que  les  Tem- 
pliers tiennent  secrètement  leurs  assemblées  au  commen- 
cement de  la  nuit;  que,  lorsqu'on  les  tient,  on  fait  sortir  tous 
les  domestiques  de  la  maison  et  que  toutes  les  portes  sont 
tellement  fermées  qu'on  ne  peut  approcher  du  lieu  de  l'as- 
semblée, ni  entendre  ce  qui  s'y  passe  ou  en  avoir  connais- 
sance; que  l'on  pose  même  des  sentinelles,  jusque  sur  les 
toits  de  l'église,  pour  empêcher  que  personne  n'en  approche, 


(0  C'est  la  maison  où  est  décédé,  en  1876,  le  général  Brixhe.  Le  Mont 
S'-.\lartiti  est,  en  ligne  droite,  la  conlinuation  de  la  place  S'-Pierre. 

(î)  Lebkk,  Collection  des  meilleures  dissertations,  notices  et  traités  particu- 
liers relatifs  à  l'histoire  de  France,  XVll,  p.  l«o. 


—  350  — 

lorsqu'on  s'y  assemble;  que  l'on  observe  les  mêmes  pré- 
cautions et  la  même  clandestinité  à  la  réception  des  frères, 
ce  qui  a  donné  lieu  à  de  grands  soupçons  sur  ce  qui  se 
passe  dans  des  assemblées  que  l'on  cache  avec  tant  de  soin.» 

Or,  bien  que  le  baron  de  Ilammer-Purgstall  produise 
précisément  les  sculptures  de  sept  églises  des  Templiers, 
comme  preuve  de  leur  paganisme  gnostique,  la  clandestinité 
de  leurs  mystères  semble  tout  à  fait  incompatible  avec 
l'appel  adressé  à  l'attention  par  le  travail  très-apparent  et 
le  caractère  immobilier  et  monumental  de  notre  haut  relief; 
il  est  souverainement  invraisemblable  que  l'on  ait  fait  opérer 
semblable  travail  pour  s'empresser  de  le  cacher  ;  un  fronton 
de  porte  est,  du  reste,  un  objet  destiné  plutôt  à  l'extérieur 
qu'à  l'intérieur,  où  l'on  n'en  comprend  guère  l'utilité,  s'il 
s'agit  uniquement  d'orner  la  salle  des  mystères  supposes, 
et,  par  conséquent,  d'un  monument  devant  être  vu  des  seules 
personnes  sortantes,...  à  moins  de  supposer  que,  dans  les 
appartements  secrets  des  Templiers,  il  y  ait  eu  un  apparte- 
ment plus  secret  encore,  un  «  saint  des  saints,  »  sur  le 
portail  duquel  notre  fronton  était  placé... 

—  Cette  analyse  des  différentes  opinions  soutenues  dé- 
montre qu'aucune  ne  répond  complètement  aux  données  du 
problème  (sauf  malheureusement  la  moins  sérieuse  et,  dès 
lors,  la  moins  acceptable)  ;  il  faudra  donc  attendre  la  révéla- 
tion éventuelle  des  parties  latentes  de  l'inscription  ou  la 
découverte,  dans  quelque  recueil,  des  deux  vers  latins  com- 
plets, si  on  les  a  reproduits  plutôt  que  composés  exprès.  Des 
recherches  vaines  ont  été  faites  à  ce  sujet,  et  ni  manuscrits, 
ni  livres  imprimés,  soigneusement  compulsés,  n'ont  jus- 
qu'ici favorisé  la  solution  de  l'énigme. 


—  oOO  — 

VI. 

Le  Iravail  qui  précède  était  déjà  à  l'iaipression,  quand 
l'auteur  eut  l'idée  (excellente  à  plusieurs  égards,  comme  on 
va  le  voir)  de  demander  l'avis  de  M.  Roersch,  professeur  à 
l'Université  de  Liège,  un  de  nos  meilleurs  latinistes.  Celui-ci 
voulut  bien  se  donner  la  peine  d'examiner  le  problème 
soulevé  par  le  monument  Bourdon.  Voici  en  quels  termes 
il  émit  son  avis  : 

«  Soliintur  est  une  faute  évidente;  j'y  substitue  secuntur, 
pour  sequuntur,  lecture  que  l'état  de  la  pierre  et  la  forme 
des  lettres  autorisent. 

»  Je  lis  donc  et  je  traduis  littéralement  :  Est  omis  omnis 
honor;  que  (quae)  rite  secuntur  adeptum. . . . 

»  Tout  honneur  est  une  charge;  les  choses  qui  arrivent 
(suivent)  d'ordinaire  à  celui  qui  l'a  obtenu  (i),  sont.... 

»  Les  choses  qui  suivent  l'honneur  étaient  spécifiées  dans 
un  second  vers  qui  se  trouvait  inscrit  dans  l'autre  moitié  du 
demi-cercle  et  dont  nous  n'avons  plus  que  le  mot  tînal  sollici- 
tudo.  On  pourrait  le  rétablir  à  peu  près  ainsi  : 

Sunt  labor  et  longe  tristissinia  soUicitudo 

«   Ou  s'il  faut  un  pentamètre  : 

Sunt  labor  et  gravior  solliciludo  tibi. 

»   Mais  quels  qu'aient  été  les  termes  du  vers,  le  sens  n'en 


(i)  «  Je  donne  à  adeptum  la  signification  active  qu'il  a  le  plus  souvent;  mais 
adeptus  se  rencontre  aussi  avec  le  sens  passif,  même  dans  la  bonne  latinité,  et 
surtout  dans  les  auteurs  postérieurs,  cuniuie,  par  exemple,  BotcE,  Cons.  phil., 
prosa  2,  où  on  lit  à  quelques  lignes  d'intervalle  boiio  adcpto  et  adeplis  hoitoribiis. 
On  pourrait  donc  traduire  :  ce  qui  suit  l'honneur  quand  il  est  obtenu.   » 


—  3(11  — 

est  pas  (louleiix  ;  r.iiilciii-  ;mi-;iit  pu  se;  conleiil(M'  d'ccrin;  : 
((uac  sef/uantur  adeptum  sunl  haec  ou  hic  vides;  car  il  l'a  fait 
sculj)ter  avec  beaucoup  d'espril. 

))   Que  représente.',  en  effet,  l'image? 

»  L'Honneur  ou  le  personnage  honore  onustus  (!sl  assis 
sur  une  espèce  de  trône  ou  de  siège  magistral.  Il  a  sans 
doute  vivement  recherché  la  dignilé  dont  il  est  nivèlu;  il 
aura  l)eaucoup  travaillé  |)0ur  l'obtenir;  mais  quel  est 
maintenant  son  sort?  Le  travail  n'est  pas  diminué,  il  ne  s'en 
plaint  pas;  il  pense  peut-être  avec  Gicéron  {pro  Murena, 
c.  4),  «  quibus  laboribus  honores  petieris,  eos  quum  adeplus 
sis,  deponere,  esset  hominis  et  asluti  et  ingrati.  »  Aussi  notre 
dignitaire  ne  fuit  pas  le  travail  (fuga  laboris  desidiam  coar- 
guit,  Gic,  ihid.);  il  y  trouve  même  son  bonheur,  il  lui  est 
doux  comme  le  rniel  :  labor  mel  offert.  Getl(!  idée  est  repré- 
sentée par  le  personnage  de  droite  offrant  une  coupe  de 
miel  avec  Tinscription  :  mi;l  oi  fero. 

»  Mais  si  le  travail  est  doux,  il  n'en  est  pas  de  même  des 
inquiétudes,  sans  cesse  renaissantes,  de  la  responsabilité  qui 
pèse  sur  l'Honneur  :  la  Solliciludo  lui  cause  de  l'amertume, 
fait  boire  de  l'absinthe  :  absinlldum  propinat.  L'artiste  nous 
le  montre  par  la  femme  agenouillée  à  gauche  et  présentant 
à  l'Honneur  une  coupe  dans  chaqu(}  main,  signifiant  ainsi 
que  les  inquiétudes  amères  remportent  du  double  sui-  les 
peines  du  travail  (i). 


(i)  A  l'appui  du  système  de  M.  Roersch,  on  pourrait  invoquer  le  témoignage 
(les  moralistes  grecs  qui  «  ont  vu  dans  Vubsiiilhe  et  le  miel,  et  dans  Toppositiou 
de  leur  saveur,  l'erablènie  de  la  peine  et  du  plaisir  qui  se  disputent  tour  à  tour 
le  cœur  de  l'iionime.  »  (Biardot,  Les  ferres  cuites  grecques  funcbres  dans  leur 
rapport  avec  les  mijslères  de  Uacclius,  Paris,  1875,  p.  iîil.) 


—  562  — 

»  Réfléchissant  ensuite  sur  les  conséquences  de  l'hon- 
neur tant  ambitionné,  se  demandant  comment  son  espoir 
a  pu  so  changer  en  regret,  le  dignitaire  y  voit  quelque  chose 
d'étrange,  une  sorte  de  problème  philosophique,  et  il  s'écrie: 
Myslicum  Apollinis!  Mystère  d'Apollon! 

»  Cet  Apollinis  peut  jouer  ici  le  rôle  d'un  déterminatif, 
d'un  adjectif,  et  avoir  le  sens  de  philosophique,  ou  bien  il 
peut  signifier  que  le  mystère  ou  le  problème  est  digne  d'être 
éclairci,  résolu  par  Apollon,  le  dieu  qui  devine  ou  fait 
deviner  les  énigmes.  Vous  vous  rappelez  Horace  (Sat.  II, 
■i,  GO)  : 

Divinare  etenim  m;ignus  uiihi  tloiiat  Apollo. 

»   Puissé-je  aussi  avoir  été  inspiré  par  le  dieu  ! 

»  Notre  monument  élait  connu  du  célèbre  Torrentius  qui 
demeura  à  Liège,  comme  chanoine  de  S'-Lambert,  de  1557 
à  1585.  Il  en  parle  dans  son  commentaire  sur  Horace 
(Sat.  I,  6,  97).  Tout  en  critiquant  la  leçon  de  Lambin, 
onuslos  pour  honestos,  il  dit  :  «  Gertum  ab  eodem  fonte 
»  duci  onus  et  honor,  ut  in  vetusto  lapide,  sed  litteris  Longo- 
»  hardis,  scalptum  vidissememini  (i).  » 

»  L'étymologie  à  laquelle  Torrentius  fait  ici  allusion,  et  sur 
laquelle  repose  la  sentence  :  Est  honor  omis,  remonte  à 
Varron.  Nous  lisons,  en  effet,  dans  le  traité  de  Ungua  lalina, 
V,  73  :  «  Ilonos  ab  honere,  sive  oncre,  i  laque  honestum 
»  dicitur  quod  oneratum,  et  dictum  onus  est  honos,  qui 
»   suslinet  rempublicam.  » 


(i)  On  peut  lire  ce  passage  à  la  p.  483,  2*'  col.,  de  I'Horace,  ouvrage  postliunic 
de  TonRENTius,  publié  en  l(i02,  in-4"  (un  exemplaire  de  ce  livre,  qui  n'est  pa.s 
commun,  existe  k  la  Bibliollièquc  de  l'Université  de  Liège). 


—  3G5  — 

»  li'orlhograplie  d(^  honus  pour  onus  adoptée  ici  par 
Varron,  et  qui  se  rencontre  également  VI,  77,  a  été  peut-être 
suivie  dans  notre  inscription.  H  semble,  en  effet,  que 
devant  omis  une  lettre  ait  été  enlevée.  De  même,  on  trouve 
fréquemment  l'adjectif  Iwnustus  pour  onustus,  par  exemple 
chez  Lucrèce,  III,  113,  et  Servius  (ad  Virg.,  Aen.,  I, 
289)  prétend  même  que  c'est  la  vraie  orthographe  de  ce 
mot.  » 

—  Voilà  l'explication  très-simple  et  appuyée  sur  des 
autorités  sérieuses  que  présente  M.  Roersch,  et  on  se  félicite 
ici  d'avoir  consulté  ce  savant. 

Avec  pareille exphcation,  plus  d'efforts;  les  mots  viennent 
à  leur  place  avec  leur  véritable  sens,  les  idées  découlent 
naturellement  les  unes  des  autres.  Aussi,  s'il  s'agissait  non 
d'une  sculpture  monumentale,  mais  de  quelque  tableau 
ou  dessin  énigmatique  à  déchiffrer,  de  quelque  page  do 
confidences  intimes,  on  serait  bien  difficile  de  ne  pas  se 
contenter  des  ingénieuses  explications  de  M.  Roersch,  qui 
mettent  si  bien  en  présence  chez  Gicéron,  les  mots  labor, 
honor,  adeptus,  et  chez  Varron,  les  mots  honor  et  onus, 
opposés  l'un  à  l'autre  comme  en  notre  inscription. 

Mais  (car  il  y  a  un  mais)  il  s'agit  d'une  pierre  faisant 
partie  d'un  édifice,  et  destinée  à  être  vue  du  public... 

Quel  est  le  dignitaire  ecclésiastique,  et,  en  supposant  qu'au 
moyen  âge  le  latin  fût  familier  aux  fonctionnaires  civils, 
quel  est  le  bourgmestre,  le  membre  du  tribunal  des  Vingt- 
Deux  (1545),  etc  ,  qui  ait  pu  songer  un  instant  à  placer  sous 
le  regard  de  tous  l'objet  de  ses  préoccupations  personnelles, 
alors  qu'elles  étaient,  pour  lui,  un  mystère  qu'il  chargeait 
Apollon  d'expliquer? 


—  5(34  — 

Il  semble  donc  que,  à  défaut  d'une  conclusion  bien  nette 
rendant  compte  du  motif  pratique  pour  lequel  l'énigme 
aurait  été  sculptée,  il  y  ait  lieu  de  considérer  la  solution  de 
M.  Roersch  comme  n'étant  pas  plus  le  dernier  mot  à  dire 
sur  la  question  que  les  cinq  autres  opinions  —  qui  y  voient 
le  portail  d'une  école  religieuse  ou  d'une  école  de  médecine, 
l'enseigne  d'un  médecin  ou  d'un  pharmacien,  ou  une  dépen- 
dance secrète  de  la  maison  des  Templiers. 

Mais  la  note  du  savant  et  obligeant  professeur  de  Liège 
a  fait  faire  plusieurs  pas  en  avant,  et  elle  a,  en  outre,  le 
mérite  de  révéler  ce  fait  des  plus  importants  que  Laevinus 
Torrenlius  (i)  a  vu,  au  \\f  siècle,  la  pierre  du  Mysticum 
Appllinis,  et  qu'à  cette  époque  elle  était  déjà  considérée 
comme  une  pierre  antique,  lapis  vetustus. 

Or,  quoique  Torrentius  ne  le  dise  pas,  c'est  bien  à  Liège, 
où  il  séjourna,  du  reste,  pendant  près  de  trente  ans,  et  où  il 
habita  la  place  Saint-Michel  (2),  à  la  Ilaute-Sauvenière, 
à  quelques  pas  de  la  place  Saint-Pierre  (et  du  Mont  Saint- 


(1)  C'est,  sans  doute,  lui  que,  dans  les  Bulletins  de  V Académie  royale  de 
Belgique,  IV,  p.  553,  on  appelle  Livinaeus,  en  le  nommant  uniquement  d'après 
son  prénom,  mais  en  estropiant  ce  prénom. 

Il  est  question,  en  effet,  dans  ce  passage,  d'un  MS.  de  César  ;  or  DiiiiNER,  dans 
Vindex  codicum  qui  précède  son  édition  des  Commentaires,  parle  d'im  codex 
Torrenlianus,  qui  est,  sans  doute,  celui  auquel  il  est  fait  allusion. 

Si,  au  contraire,  il  s'agit  du  Gantois  Livineius,  éditeur  des  Panégyriques, 
ce  n'est  plus  le  prénom,  c'est  le  nom  même  qu'on  a  estroprié. 

(î)  «  Ce  magnifique  prélat,  comme  rappelle  le  vieux  poète  Pomte,  en  un  sien 
sonnet,  habitait  place  S"-Micliel,  la  maison  occupée  aujourd'hui  par  le  général 
gon  Wittert;  il  avait  fait  construire  cette  maison  sur  les  plans  de  Lamh.  Lombadh, 
et  c'est  là  qu'il  avait  réuni  les  collections  d'antiquités  dont  l'Italie  devait  être 
jalouse,  à  en   ci-oire    Ortelrs   en   son    Itinéraire.   «   (Rens.    de  M.    Henry 

HELlilG.) 


—  365  — 

Martin),  qu'il  a  dû  voir  le  monument.  Celui-ci  est  trop 
lourd,  en  effet,  pour  avoir  été  transporté  loin  de  son  premier 
emplacement  (i). 

Liège,  janvier  1877. 

H.  SCHUERMANS. 


(0  Lae\inus   Torrentius  a  laissé  un  recueil  d'inscriptions,  qui  est  à  la 

Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  n"  4347,  section  des  manuscrits.  Mais  ce 

recueil  soigneusement  compulsé  est  malheureusement  muet  en  ce  qui  concerne 
notre  inscription. 


LES    VITRAUX 

DE 

L'ANCIENNE  ÉGLISE  ABBATIALE  DES  DAMES  NOBLES 

DE  HERCKENRODE. 


Le  premier  fascicule  du  tome  XIII  du  BuUelhi  des  Commis- 
sions royales  d'art  et  d'archéologie  a  fait  connaître,  à  la 
demande  de  M.  le  Ministre  de  l'intérieur,  une  série  de  ques- 
tions relatives  à  l'ancienne  abbaye  de  Herckenrode  et  aux 
vitraux  qui  ornaient  son  église. 

Ces  questions,  formulées  par  M.  Gordon  Hills,  membre  du 
British  archeological  Association,  avaient  été  adressées  à 
M.  le  Ministre  de  Belgique  à  Londres,  qui,  de  son  côté,  les 
avait  transmises  au  gouvernement  belge  dans  l'espoir  d'ob- 
tenir les  éclaircissements  demandés. 

Pour  répondre  d'une  manière  plus  complète  au  désir  de 
M.  le  Ministre  de  l'intérieur,  la  Commission  royale  des 
monuments  s'est  adressée  à  M.  Bamps,  son  membre  corres- 
pondant à  Hasselt,  dont  les  études  et  la  résidence  dans  la 
contrée  où  avait  existé  l'ancienne  abbaye  garantissaient  la 
compétence  pour  les  reclierclies  à  faire.  M.  Bamps  s'est 
empressé  d'accepter  la  tâche  qui  lui  était  dévolue  ;  il  a  fait  les 
investigations  (lu'oii  lui  (lemandail,  et,  dans  une  lettre  inté- 


—  5G7  — 

ressante  datée  du  14  janvier  1874,  il  communique  le  résultat 
auquel  ont  abouti  ses  éludes  (i). 

L'intérêt  que  porte  l'honorable  membre  du  British  archeo- 
logical  Association  à  l'ancien  monastère  de  Ilerckenrode,  est 
évidemment  inspiré  par  les  vitraux  qui  ornaient  autrefois  le 
chœur  de  l'ancienne  abbatiale,  et  qui  se  trouvent  aujourd'hui 
dans  la  cathédrale  de  Lichfield.  L'une  de  ces  questions  est  for- 
mulée de  la  manière  suivante  :  Sait-on  s'il  existe  une  descrip- 
tion des  vitraux  peints  qui  appartenaient  à  l'ancienne  abbaye? 

Nous  arrivons,  sans  doute,  un  peu  tard  pour  satisfaire  au 
désir  de  M.  Gordon  Hills.  Nous  ne  sommes  peut-être  pas  en 
mesure  de  répondre  à  sa  question  avec  toute  la  précision 
désirable,  ni  surtout  aussi  complètement  que  nous  le  vou- 
drions nous-mème.  Toutefois  nous  croyons  pouvoir  apporter 
quelques  renseignements  nouveaux  sur  une  œuvre  impor- 
tante, aujourd'hui  exilée,  de  notre  ancien  art  national.  D'ail- 
leurs, si  nous  nous  estimerions  heureux  d'éclaircir  les  doutes 
émis  par  un  honorable  archéologue  de  l'autre  côté  du  canal, 
nous  avouons  qu'il  nous  importe  surtout  de  faire  connaître 
en  Belgique  des  vitraux  que  des  juges  étrangers  trouvent 
très-remarquables,  ainsi  qu'on  le  verra  en  lisant  ces  lignes,  et 
dont  l'origine  appartient,  sans  aucun  doute,  à  l'école  liégeoise. 

Voici  d'abord  le  jugement  émis  à  leur  égard  par  une 
femme  de  beaucoup  de  science  et  d'une  grande  intelligence 
en  matière  d'art,  par  M'"'  Jameson,  dans  le  livre  qu'elle  a 
consacré  à  l'étude  iconographique  des  légendes  monastiques. 
Après  avoir  rappelé  un  thème  mystique  qui  a  souvent  inspiré 


(i)  V.  Bulletin  des  Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie,  15*  année, 
p.  11. 


—  568  — 

le  pinceau  des  artistes  postérieurs  au  xv'  siècle,  —  Saint 
Bernard  nourri  du  lait  de  la  sainte  Vierge,  —  l'auteur  con- 
tinue dans  les  termes  suivants  : 

»  Je  suppose  qu'il  est  bien  connu  que  les  verrières  peintes 
que  l'on  voit  au  chœur  de  la  cathédrale  de  Lichfield  provien- 
nent d'une  abbaye  cistercienne  peu  éloignée  de  Liège  (l'an- 
cienne abbaye  de  Herckenrode,  sécularisée  et  ruinée  pendant 
les  guerres  de  la  Révolution  française).  Dans  l'un  de  ces 
vitraux,  —  le  troisième  du  côté  nord  du  chœur,  —  nous 
trouvons  cette  légende  mystique  représentée  d'une  manière 
admirable  :  saint  Bernard  est  agenouillé  aux  pieds  de  la 
sainte  Vierge,  élevant  les  yeux  vers  elle  avec  une  dévotion 
enthousiaste;  elle  s'apprête  à  découvrir  son  sein.  Derrière  le 
saint,  on  voit  debout  sa  sœur,  l'abbesse  sainte  Humbeline. 

Ce  travail  date  des  années  looO  à  1540,  époque  à  laquelle 
les  religieuses  rebâtirent  leur  couvent  et  employèrent  a 
l'orner  les  meilleurs  artistes  des  Pays-Bas.  J'attribue  le 
dessin  de  ces  vitraux  à  Lambert  Lombard,  le  premier  et 
certainement  de  beaucoup  le  meilleur  des  peintres  de  l'école 
ûdimande  italianisée  du  xvi'  siècle  »  (i). 


(i)  I  believe  it  is  wcll  known  that  the  fine  stained  glass  in  the  choir  of 
Lichfield  cathedral  was  brought  froni  a  Cistercian  nuniiery  near  Liège  (the  abbey 
of  Heriicnrode,  ruincd  and  desecraled  in  the  French  revolulionaiy  wars).  On  one 
of  thèse  wiudows,  the  third  on  the  north  side  of  the  choir,  we  find  this  mystical 
legend  beaulifuliy  expressed.  St.  Bernard  kneels  at  the  feet  of  the  Virgin, 
looking  up  with  passionate  dévotion;  she  prépares  to  bare  her  bosom.  Behind 
him  slands  bis  sister,  the  abess  St.  HiimbcHne. 

The  workmanship  dates  betwcen  lo.ïO  and  lu40,  when  the  nuns  rcbuill  thcir 
convent,  and  eraploycd  the  bcsl  artists  of  the  Low  Countries  to  decorate  it.  The 
designs  of  the  Windows  I  should  refer  to  Lambert  Lombard,  the  first,  and  by 
far  the  l)est,  of  the  ItalianisciJ  Flemish  scool  of  the  sixteenth  century. 

V.  Legend  of  the  monaslic  Orders  as  represented  in  the  fine  arts,  by 
M"  Jameson,  fifth  édition,  London,  1872,  p.  146. 


—  ÔG9  — 

Le  livre  de  M""'  Jameson  a  eu  un  assez  grand  nombre 
d'éditions,  en  Angleterre  il  est  presque  populaire.  Aussi 
bien,  si  nous  traduisons  les  lignes  qu'on  vient  de  lire,  ce 
n'est  pas,  rcpétons-Io,  pour  apporter  des  renseignements  au 
pays  dont  ils  émanent.  Notre  but,  on  le  comprendra,  est 
tout  différent.  C'est  pour  notre  propre  enseignement  aussi 
que  nous  allons  emprunter  à  un  autre  auteur  anglais,  à 
Charles  Winston,  des  indications  beaucoup  plus  détaillées 
sur  les  peintures  sur  verre  qui  nous  occupent,  et  qui  ont 
paru  dans  une  étude  imprimée  successivement  dans  deux 
publications  différentes,  en  IS^ô  et  en  186a. 

Dans  un  livre  paru  à  cette  dernière  date  et  consacré  à 
l'étude  de  la  peinture  sur  verre  en  général,  non-seulement 
au  point  de  vue  historique,  mais  même  au  point  de  vue  pra- 
tique, l'auteur  consacre  un  chapitre  entier  aux  verrières  de 
Herckenrode.  Il  indique  la  plupart  des  sujets  qui  y  sont 
représentés  ;  il  les  examine  au  point  de' vue  critique  et  esthé- 
tique, et  il  ne  se  contente  pas  de  renchérir  encore  sur  les 
éloges  que  leur  accorde  M""®  Jameson,  mais,  comme  nous  le 
verrons,  il  semble  même  les  mettre  au  premier  rang  des 
peintures  sur  verre  connues. 

Écoutons,  à  son  tour,  Charles  Winston  : 

«  Les  magnifiques  peintures  sur  verre  qui,  avec  d'autres, 
occupent  les  sept  fenêtres  orientales  du  chœur  de  la  cathé- 
drale de  Lichfield,  ont  dans  l'origine  appartenu  à  l'abbaye 
de  Herckenrode,  dans  l'ancienne  principauté  épiscopale  de 
Liège.  Ces  peintures  sont  de  l'école  italico-flamande  et,  sui- 
vant les  dates  qui  s'y  trouvent,  elles  ont  été  exécutées  entre 
les  années  1532  à  1539.  Après  la  destruction  de  l'abbaye, 
les  verres  peints  passèrent  entre  les  mains  de  sir  Brooke 


—  370  — 

Boolhby,  baronnet,  lequel,  à  son  tour,  les  céda  au  doyen  el 
au  chapilre  de  Liclifield,  qui  les  ont  placés  où  on  les  voil 
aujourd'hui,  dans  l'année  1805. 

»  Les  circonstances  particulières  qui  ont  assuré  à  la 
cathédrale  de  Liclifield  la  propriété  de  ces  belles  verrières, 
sont  rappelées  dans  l'inscription  suivante,  dans  la  fenêtre 
orientale  de  l'aile  sud  du  chœur  : 

»  Quae  in  apside  vicina  insunt,  septem  fenestrae  picturatae, 
coenobio  canonicarum  Herkenrodensi  quod  olim  exornaveranl 
foedissime  direpto  alque  diruto  novam,  et  Deo  volenlc,  stabUio- 
rem  sedem  hâc  ecdesid  nactae  sunt;  ope  et  consilio  viri  in 
omni  judicio  elegantissimi,  Dom.  Drooke  Boothbij,  de  Ashburn 
auld  in  comitatu  Derb.  Baronetti  :  anno  sacro  MDCCCIII.  » 

»   Les  sujets  suivants  y  sont  représentés  : 

»  1°  La  Résurrection  el,  dans  le  lointain,  le  Christ  appa- 
raissant à  saint  Pierre  (daté  de  l'an  1538)  ; 

»   2°  Le  Christ  devant  Pilate  (daté  de  lo39)  ; 

»  3"  La  Descente  de  la  croix  et,  dans  le  lointain,  les  trois 
Marie  ensevelissant  le  corps  du  Seigneur  et  le  couvrant 
d'aromates  ; 

»  4°  Le  Christ  portant  la  croix  ; 

»   5"  L'incrédulité  de  saint  Thomas; 

»  6"  La  Descente  du  saint  Esprit  ou  la  Pentecôte  (portant 
la  date  de  1534); 

»  1°  Le  Christ  devant  les  juges; 

»  8"  Le  Baiser  de  Judas; 

»  9"  L'Entrée  du  Seigneur  à  Jérusalem  (portant  la  date 
de  1538); 

»  10"  La  sainte  Cène  et,  au  second  plan,  le  Christ  lavant 
les  pieds  des  apôtres  ; 


—  371   — 

»   1  r  Le  Souper  avec  les  disciples  d'Émaiis,  avec  trois 
petites  figures  dans  le  lointain  (daté  de  1537)  ; 

»   \T  L'Ascension; 

»    13"  L'Annonciation  et,  dans  le  lointain,  la  Visitation 
(portant  la  date  de  1539)  ; 

»   14"  Le  Couronnement  d'épines  et,  dans  le  lointain,  le 
Christ  frappé  par  les  soldats  ; 

»   15°  La  Flagellation. 

»  Les  quatre  premières  compositions  ont  été  placées  dans  la 
fenêtre  au  sud  du  chœur  ;  les  trois  suivantes  se  trouvent  dans 
la  fenêtre  la  plus  rapprochée;  les  n"'  8,  9  et  10  sont  dans  la 
fenêtre  au  midi  de  l'abside;  les  deux  suivantes  sont  dans  la 
baie  à  l'est;  enfin  les  trois  dernières  sont  dans  la  baie  nord 
de  l'abside. 

»  Il  y  a,  en  outre,  dans  le  vitrail  suivant,  du  côté  oriental, 
six  compositions  plus  petites  représentant  les  bienfaiteurs  du 
monastère,  —  ce  sont  les  fragments  de  sujets  qui  ont  été 
plus  considérables,  —  et  dans  la  verrière  suivante  quatre 
autres  sujets  semblables,  mais  de  plus  grandes  proportions. 
Dans  cette  dernière  fenêtre  se  trouve  le  portrait  du  cardinal 
de  la  Marck,  prince-évêque  de  Liège  de  1506-1558,  et  qui, 
tout  en  ayant  souffert,  prouve  à  quel  degré  de  perfection 
dans  l'imitation  de  la  nature  peut  atteindre  la  peinture  sur 
verre  »  (i). 

Telles  sont  les  indications  données  par  Charles  Winston 
sur  les  sujets  représentés  dans  les  verrières  qui  font  l'objet 


ii)  Memoirs  illustrative  of  the  art  of  Clans  painting  hy  the  late  Charles 
Winston,  pp.  312  et  suiv.  London,  John  Murray,  Alberniale  strccl,  1863.  — 
Archeological  Journal,  vol.  XXI,  1846. 


—  372  — 

de  sa  dissertation.  Nous  voyons  qu'il  ne  mentionne  même 
pas  la  seule  composition  légendaire  qui  a  charmé  M""' Jame- 
son,  et  qui,  sans  aucun  doute,  ne  doit  pas  être  isolée. 
D'autre  part,  il  nous  parle  des  figures  des  donateurs  peintes 
dans  ces  verrières,  et  il  nous  fait  connaitre  qu'au  nombre 
de  celles-ci  se  trouve  le  portrait,  si  intéressant  au  point  de 
vue  historique,  du  prince  Erard  de  la  Marck,  dont  on  trouve 
le  nom  associé  à  presque  toutes  les  œuvres  d'art  qui,  pendant 
son  règne,  furent  exécutées  dans  la  principauté  de  Liège. 

Mais  il  ne  nous  est  pas  indifférent  de  connaître  les  autres 
donateurs  représentés  dans  les  vitraux  de  Herckenrode,  et 
cette  fois  ce  n'est  pas  en  Angleterre  que  nous  trouverons  des 
éclaircissements  relatifs  aux  questions  que  l'on  pourrait  sou- 
lever à  leur  égard.  Il  existe  dans  l'édition,  peu  recherchée 
des  bibliophiles,  d'an  livre  liégeois,  Irès-prisé,  au  contraire, 
des  amateurs  de  l'histoire  et  surtout  des  légendes  de  l'an- 
cienne principauté,  —  dans  le  Miroir  des  Nobles  de  Hesbaye, 
par  HemricourI,  -  relégué  dans  une  note,  un  renseignement 
précieux  sur  les  personnages  et  les  armoiries  représentés 
dans  cette  partie  des  vitraux.  Nous  transcrivons  cette  note  : 

«  Samson  Godefroid  de  Lexhy  ou  Lechy  de  Ramalh, 
seigneur  de  Lexhy  ou  Lechy  et  de  Meldert,  épousa  N.  de 
Hamale,  dont  la  mère  Bouchout;  ils  eurent  Henri  de  Lexhy 
ou  Lechy,  qui  se  maria  avec  Christine,  fille  d'Arnoul  Zelighs 
dit  Brabant,  et  de  N.  Pickaerts.  Ledit  Henri  et  son  épouse 
sont  peints  sur  un  vitrage  au  chœur  des  Dames  Nobles  à 
Herckenrode  avec  ces  quartiers  :  Lexhy,  Hamale,  Zelighs, 
Pickaerts;  l'on  voit  représentés  les  portraits  de  noble  homme 
Henri  de  Lechy  et  de  demoiselle  Christine  Zelighs,  dite 
Brabant,  son  épouse.  Ils  eurent  deux  garçons  et  deux  filles; 


—  37,>  — 

Gertrude,  fille  aînée,  abbesse  de  l'abbaye  noblo  de  Ilcrcken- 
rode,  morte  le  24  novembre  151  î),  gît  dans  le  chapitre. 
Marguerite,  fille  cadette,  épousa  Jean  de  Mettecoven,  che- 
valier, fils  de  Herman,  seigneur  d'Oplewe,  et  d'Agnès  de 
Betoue.  On  les  voit  dépeints  sur  un  vitrage  au  chœur  des 
Dames  à  Herckenrode  avec  ces  quartiers  :  Mettecoven, 
Betoue,  Lechy,  Zelighs  »  (i). 

11  est  donc  établi  que  les  figures  de  Henri  de  Lexhy,  de 
Christine  Zelighs,  ainsi  que  celles  de  Jean  de  Mettecoven  et 
de  sa  femme  Marguerite,  se  trouvaient  peintes  avec  les  armoi- 
ries de  leurs  familles  respectives  dans  les  vitraux  qui,  ainsi 
que  le  rappelle  M.  Bamps,  dans  sa  lettre  précitée,  furent 
placés  sous  les  auspices  de  l'abbesse  Mechtilde  de  Lexhy. 

Tels  sont  les  renseignements  que  nous  avons  pu  recueillir 
sur  les  sujets  et  les  figures  historiques  représentés  dans  les 
vitraux  qui  nous  occupent.  Nous  allons  recourir  de  nou- 
veau au  mémoire  de  Charles  Winston  pour  apprendre 
comment  ces  vitraux  ont  été  utilisés  à  la  cathédrale  de 
Lichfield,  et  surtout  comment  cet  archéologue  apprécie  leur 
valeur  au  point  de  vue  de  l'art  du  peintre  verrier. 

«  Les  vides  laissés  dans  les  verrières  par  le  tracé  des  me- 
neaux (sans  doute  dans  les  tympans  des  fenêtres)  ont  été 
remplis  par  des  fragments  de  verres  peints  de  la  même 
époque  que  les  sujets  à  figures,  et  l'on  a  été  très-ingénieux 
dans  le  remploi  des  peintures  et  l'appropriation  de  leurs 
divisions  aux  meneaux  qui  les  encadrent  actuellement. 
Chaque  composition  a  été  dessinée  dans  l'origine  pour  rem- 
plir un  espace  semblable  à  celui  qu'elle  occupe  actuellement, 

(i)  Miroir  des  Nobles  de  Hesbaye,  édition  .laiiicau,  |t.  16,  note  c. 


—  574  — 

divisé  en  trois  jiarties  par  les  meneaux.  La  place  prise  par 
les  montants  en  pierre  est  exclue  du  dessin,  sur  lequel  les 
meneaux  semblent  passer  de  la  même  manière  que  les  barres 
horizontales  en  fer. 

«  Aujourd'hui  que  même  les  rebuts  qui  nous  arrivent  du 
continent  sont  recherchés  et  que  les  imitations  d'anciens 
vitraux  trouvent  des  dupes  qui  les  paient  à  des  prix  élevés, 
il  est  certain  qu'une  semblable  acquisition  n'aurait  pas  pro- 
duit une  médiocre  sensation  en  Angleterre,  et  la  voix  de  la 
presse  répandrait  dans  le  public  en  général  la  notion  du 
mérite  supérieur  de  ces  verrières.  Cependant,  au  point  où 
en  sont  les  choses  actuellement,  on  peut  dire  qu'il  n'existe 
pas  dans  ce  pays  œuvre  d'égale  importance  aussi  peu  connue 
et  moins  appréciée.  Les  vitraux  de  Lichfield  resteront  tou- 
jours, au  point  de  vue  de  l'étude  de  la  peinture  sur  verre,  et 
surtout  pour  celui  qui  veut  se  rendre  compte  delà  marche  du 
progrès  de  cet  art,  l'objet  d'un  profond  intérêt,  le  moyen  de 
s'assurer  la  possession  de  la  méthode  par  laquelle  ont  été  pro- 
duits des  effets  pittoresques  d'une  beauté  aussi  saisissante. 

»  La  composition  de  la  peinture  est  d'une  extrême  simpli- 
cité; elle  consiste  en  un  groupe  au  premier  plan,  un  fond  de 
paysage  traité  légèrement  comme  une  esquisse  et  un  ciel 
bleu  clair.  Généralement  elle  semble  être  vue  à  travers  un 
encadrement  d'architecture  surmonté  d'un  dais,  mis  plus  ou 
moins  en  rapport  avec  les  groupes  par  le  moyen  de  piliers 
ou  de  colonnes  placés  à  l'arrière-plan.  Le  tout  est  d'une 
coloration  harmonieuse,  reposant  sur  le  principe  de  l'imita- 
tion de  la  nature.  Les  couleurs  les  plus  franches,  celles  qui 
ont  le  plus  d'intensité,  sont  réservées  pour  le  premier  plan, 
dans  le  groujie  des  ligures  et  les  détails  de  l'architecture. 


—  375  — 

Les  teintes  douces  et  fuyantes  paraissent  dans  les  fonds  et 
le  ciel.  Le  cadre  architectonique  est  composé  principalement 
de  verre  blanc,  modelé,  ombré  de  bistre  et  enrichi  de 
nuances  jaunes.  Il  est  décoré  de  p;uirlandes  et  d'autres  orne- 
ments, où,  tout  en  restant  harmonieux,  l'accent  de  la  colo- 
ration marque  les  objets  les  plus  rapprochés  de  l'œil.  » 

Enfin,  Charles  Winston  résume  son  appréciation  de  la 
manière  suivante  : 

«  Le  résultat  de  ces  dispositions  variées  et  de  la  combi- 
naison des  teintes  a  produit  une  série  de  peintures  sur 
verre  harmonieuses  dans  la  couleur,  simples  et  pleines 
de  clarté  dans  la  composition  ;  d'un  effet  puissant,  précis, 
quoique  toujours  brillant  et  translucide.  Ces  peintures  nous 
font  ainsi  connaître  un  état  de  l'art  très-avancé  dans  le  des- 
sin des  figures  comme  dans  l'agencement  des  groupes. 
Comme  œuvres  destinées  à  être  vues  à  une  distance  mo- 
dérée, elles  sont  d'un  mérite  qui  n'a  pas  été  surpassé  »  (i). 

Si  nous  avons  peut-être  été  un  peu  prolixe  dans  les  cita- 
tions empruntées  à  l'archéologue  anglais,  c'est  qu'il  nous 
importe  de  lui  laisser  motiver  aussi  complètement  que  pos- 
sible son  jugement  sur  les  vitraux  de  Herckenrode.  Nous  se- 
rions surpris  si,  rapprochant  ce  jugement  de  l'appréciation 
émise  par  M™^  Jameson,  le  lecteur  ne  se  trouvait  pas  dans 
l'alternative  ou  bien  de  croire  que  les  deux  auteurs  anglais 
sont  l'un  et  l'autre  des  esprits  exagérés,  sans  mesure  dans 
leur  admiration  fantaisiste,  ou  bien  que  la  série  de  vitraux 
qu'ils  nous  décrivent  a  formé  autrefois  une  œuvre  très-con- 
sidérable par  le  nombre  et  l'importance  des  sujets  traités. 


{i^  As  Works  intended  to  be  seen  froin  a  nwderale  distance,  thcij  are  of 
unsurpassed  merit.  Memoirs  illustrative,  etc.,  p.  519. 


—  370  ^ 

et,  étant  admis  le  slyle  de  l'époque  à  laquelle  ils  ont  été  exé- 
cutés, un  travail  d'un  ordre  supérieur. 

Nous  n'avons,  en  ce  qui  nous  concerne,  aucune  raison 
pour  nous  arrêter  à  la  première  de  ces  alternatives.  L'auto- 
rité que  se  sont  acquise  les  deux  auteurs  par  leurs  publica- 
tions, M'""  Jameson  surtout,  par  ses  excellents  livres  icono- 
grapliiques ,  nous  permet  de  ne  pas  leur  marchander  notre 
confiance;  jusqu'à  preuve  contraire,  nous  admettons  donc 
comme  le  résultat  d'une  saine  critique  l'opinion  des  archéo- 
logues que  nous  citons. 

Il  reste  maintenant  à  examiner  de  quels  ateliers  ces  ver- 
rières ont  pu  sortir  et  dans  quelle  mesure  est  soutenable 
l'opinion  qui  en  attribue  les  dessins  à  Lambert  Lombard. 

Nous  avons  dit  que,  selon  toutes  les  probabilités,  les 
vitraux  de  Herckenrode  émanent  de  l'école  liégeoise  ;  nous 
allons  indiquer  brièvement  les  considérations  qui  militent  en 
faveur  de  cette  attribution. 

La  principauté  dont  ressortissait  l'ancienne  abbaye,  et 
notamment  Liège,  la  capitale  de  cette  principauté,  a  été  le 
siège  d'ateliers  de  peinture  sur  verre  remarquables,  qui, 
précisément  sous  Erard  de  la  Marck,  ce  promoteur  de  tant 
de  monuments  et  d'œuvres  d'art  au  pays  de  Liège,  prirent 
un  grand  essor  (i).  Au  chœur  de  la  cathédrale  Saint-Lambert, 

(0  Beaucoup  plus  anciennement  déjà,  l'on  trouve  dans  les  documents  liégeois 
les  noms  de  peintres  verriers.  Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  le  docteur 
Alexandre,  conservateur  du  Musée  archéologique  de  Liège,  la  communication 
d'une  charte  datée  du  6  juin  1359,  dans  laquelle  figure,  à  titre  de  témoin, 
Henricus  de  Leodio,  arlifex  vitri.  M.  A.  Pinchart  a  fait  connaître  le  nom 
d'autres  peintres  sur  verre,  appartenant  à  la  même  école,  mais  d'une  époque 
moins  ancienne  :  Antoine  Wypart,  François  Lewichs,  Tilman  Pisset,  Guillautne 
Smeltj,  Hubert  Wijpart,  Jean  de  liasioigne,  Godefroid  de  la  Molle,  Jean  Hardy. 
Voy.  Messager  des  Sciences  historiques,  année  1858,  pp.  340  à  360. 


-      —  377  — 

on  voyait  les  verrières  peintes  par  Nicolas  Pironnet,  Guil- 
laume Flémalle,  Jean  Nivart,  Jean  West  et  Thierry  Leumont, 
artistes  qui  appartenaient  à  la  principauté.  La  plupart  des 
églises  de  la  ville  et  du  reste  du  pays  possédaient  des  vitraux 
détruits  aujourd'hui  par  le  temps,  le  goût  abâtardi  des 
XVII*  et  XVIII'  siècles,  et  surtout  par  les  actes  sauvages  du 
vandalisme  révolutionnaire.  Cependant,  malgré  ces  causes 
multiples  de  destruction,  il  se  trouve  encore,  dans  trois 
églises  de  Liège,  un  certain  nombre  de  peintures  sur  verre, 
datées  comme  celles  de  Herckenrode,  et  comme  celles-ci 
datées  du  second  quart  du  xvi*  siècle. 

La  série  de  beaux  vitraux  qui  forment  l'ornement  du 
chœur  de  l'ancienne  abbatiale  de  Saint-Jacques  paraît 
avoir  été  exécutée  par  un  même  artiste  et  à  peu  près  en 
même  temps.  L'un  d'entre  eux,  doimé  par  un  seigneur 
d'Aremberg,  porte  la  date  de  1525.  Un  autre,  donné  par  les 
bourgmestres  de  Liège  Richard  de  Mérode,  seigneur  de 
FoUogne,  et  Arnold  Blavier,  de  Jemeppe,  dont  les  armoiries 
occupent' les  places  d'honneur,  est  daté  par  le  fait  seul  de 
l'association  de  ces  deux  personnages,  promus  ensemble 
trois  fois  à  la  première  magistrature  de  la  cité,  l'an  1520, 
1525  et  1551. 

Au  nombre  des  vitraux  légendaires  de  la  lanterne  de 
l'église  Saint-Martin,  qui  tous  portent  le  cachet  de  la  même 
époque,  il  en  est  deux  qui  sont  datés,  l'un  de  l'année  1526 
et  l'autre  de  l'année  1527.  Le  magnifique  vitrail  de  la  vaste 
fenêtre  du  transept  sud  de  la  cathédrale  Saint- Paul,  donné 
par  Léon  d'Oultres,  Iréfoncier  de  Saint-Lambert,  porte  le 
millésime  de  1550.  Rappelons,  enfin,  que  la  grande  ver- 
rière qui,  faisantpendant  à  celle-ci,  éclairait  le  transept  nord, 


—  r,78  — 

et  qui  fut  détruite  parles  balles  françaises  le  17  juillet  1794, 
portait  la  date  de  1352  et  était  l'œuvre  de  deux  peintres 
verriers  liégeois,  Jean  Nivart  et  Renier  Flémalle;  ce  dernier 
est,  sans  doute,  l'ancètro  de  Bertholet  Flémalle,  l'un  des 
meilleurs  peintres  de  l'école  liégeoise  au  xvii'"  siècle. 

Les  vitraux  que  nous  venons  d'énumérer  et  qui  existent 
encore  dans  les  fenêtres  j)our  lesquelles  ils  ont  été  exécutés, 
appartiennent  à  la  même  école.  Celle-ci  se  caractérise  par 
des  traditions  communes,  le  style  particulier  du  dessin  incli- 
nant au  naturalisme,  une  grande  énergie  et  le  charme  par- 
ticulier de  la  coloration,  enfin  une  parfaite  intelligence  des 
effets  à  produire  par  les  émaux  translucides  et  le  contraste 
des  tons.  Les  verrières  de  Saint-Jacques,  malgré  de  regret- 
tables restaurations  qui  en  ont  compromis  l'harmonie  et  le 
caractère,  le  vitrail  du  Tréfoncier  d'OuUres,  malgré  les  ou- 
trages du  temps,  peuvent  passer  pour  des  chefs-d'œuvre  de 
celle  période  où  l'art  du  verrier  élait  déjà  à  son  déclin,  où 
une  imitation  trop  matérielle  de  la  nature,  une  fantaisie 
plus  exubérante  que  raisonnée,  faisaient  déjà  dévier  la 
peinture  sur  verre  de  ses  véritables  principes,  en  l'isolant 
en  quelque  façon,  en  la  rendant  indépendante  du  cadre  que 
lui  avait  tracé  l'architecte. 

Quoi  qu'il  en  soit,  lorsqu'on  lit  attentivement  la  descrip- 
tion et  l'étude  critique  des  vitraux  de  la  cathédrale  de  Lich- 
lield,  cette  élude  semble  se  rapporter  assez  exactement  aux 
vitraux  des  églises  de  Liège  et  établir  une  parenté  com- 
mune. Une  planche,  —  reproduction  en  chromo-lithographie 
jointe  à  la  dissertation  de  Gh.  Winston,  et  donnant  un  fr;ig- 
nienl  assez  insigniliant  à  la  vérité,  —  une  ;iJ'moirie  et  un 
dét.iil   (rai'cliilecture  des  vitraux  de  Herckenrode,  éveille 


—  379  — 

involontairement  la  pensée  que  ceux-ci  sont  sortis  du  même 
atelier  que  les  verrières  de  Saint-Jacques. 

Il  n'est  pas  nécessaire  d'insister  davantage  pour  faire 
comprendre  que  rien  ne  devait  porter  les  donateurs,  dont 
les  portraits  figurent  sur  l'objet  de  leur  offrande,  à  s'adres- 
ser au  loin  à  une  époque  où,  dans  la  principauté,  l'art  du 
peintre  verrier  était  cultivé  par  des  hommes  très-capables. 
Un  point  paraîtra  particulièrement  concluant  à  cet  égard  : 
c'est  le  portrait,  —  si  remarquable  au  témoignage  de  Wins- 
ton, —  du  prince  de  Liège,  le  cardinal  Erard  de  la  Marck. 
Il  n'y  a  aucune  probabilité  assurément  que  ce  prélat,  qui 
imprima  un  si  vif  essor  aux  arts  dans  ses  états,  qui  se  plut  à 
les  encourager  si  énergiquement  par  de  grandes  entreprises 
qui  réclamaient  le  concours  de  tous  les  arts,  eût  cherché 
au  loin  les  peintres  verriers  qu'il  avait  sous  la  main. 

L'existence  de  l'effigie  d'Erard  de  la  Marck  dans  les  vi- 
traux de  Herckenrode  nous  porte  aussi  à  examiner  de  plus 
près  l'opinion  de  M"'*  Jameson,  qui  en  attribue  les  dessins  à 
Lambert  Lombard,  la  figure  dominante  à  Liège  parmi  les 
artistes  au  xvi^  siècle. 

M""*  Jameson  semble  s'appuyer  particulièrement,  dans 
cette  conjecture,  sur  le  style  du  travail  ;  en  réalité,  rien  ne 
s'oppose  à  admettre  cette  hypothèse.  Lombard,  en  effet,  était 
l'artiste  favori  que  le  prince  voulait  grandir  encore,  en  lui 
confiant  l'exécution  des  peintures  murales  de  son  somptueux 
palais.  Il  est  historiquement  établi  que  Lombard  dessinait 
pour   les   peintres  verriers  (i).   La  lettre  qu'il  adresse  à 


(i)  Quibus,  et  specularum  c  vitro  foncstraruiu  pictoribus  sciographicis,  uecnoii 
mediocribiis  sculptoribus  quo  prolixius  ac  niiiiore  ipsoriim  impciidio  subveniiet  ; 
Lumherti  Lombardi  vlta.  Bruges,  II.  Golziiis,  1565,  p.  5i. 


—  380  — 

Vasari,  vers  la  fin  de  sa  carrière,  et  que  Gaye  a  publiée,  fait 
connaître  l'intérêt  d'archéologue  que  l'artiste  portait  à  ce 
genre  de  peinture  (i). 

On  pourra  objecter  à  la  vérité  que,  précisément  entre  les 
dates  que  portent  les  vitraux  de  Herckenrode,  io54à  1559, 
vient  se  placer  le  voyage  et  le  séjour  en  Italie  du  peintre 
liégeois.  Gela  est  exact,  mais  l'objection  perd  considérable- 
ment de  sa  valeur  lorsqu'on  se  rend  compte  combien  le 
séjour  de  Lombard  en  Italie  a  été  court,  circonstance  qui 
parait  avoir  échappé  à  la  plupart  de  ses  historiens. 

Lampson,  son  biographe,  ou  plutôt  son  panégyriste,  — 
d'ailleurs  contemporain  et  élève  de  Lombard,  nous  apprend 
que  celui-ci,  sur  les  instances  d'Erard  de  la  Marck,  fut 
admis  à  faire  partie  de  la  suite  du  cardinal  Reginald  Polus, 
lorsque  ce  légat  du  saint  Siège  quitta  Liège  j)0urse  rendre 
à  Rome.  Le  même  auteur  nous  apprend  aussi  qu'à  la  mort 
d'Erard  de  la  Marck  le  peintre  fut  obligé  de  revenir  dans  sa 
patrie,  la  pension  que  lui  avait  assurée  la  libéralité  d'Erard 
ayant  cessé  avec  la  vie  de  ce  dernier. 

Or,  Reginald  Polus,  arrivé  à  Liège  en  mars  1537,  quitta 
cette  ville  pour  se  rendre  à  Rome  le  21  août  de  la  même 
année  (2).  Erard  de  la  Marck  mourut  l'année  suivante,  le 
16  février  1538. 

Au  surplus,  l'exécution  des  dessins  a  pu  précéder  assez 
notablement  l'exécution  des  vitraux,  et  l'époque  du  voyage 


(1)  Per  dirvi  il  mio  gran  desiderio  di  poter  per  vostra  cortesia  sola  mi  bastaria 
una  istoria  di  Magaritoiie,  et  del  Gaddi  et  di  Giotto  una  paiimcnte,  per  confcrir 

le  con  certc  vetri  che  sono  qui  in  antiqui  raonasterii Lettre  de  Lombard 

k  Vasari,  Carteggio,  t.  lil,  p.  176. 

(t)  V.  Chapeamlu;,  t.  IIJ,  pp.  331-332. 


—  58i  — 

de  Lombard  en  Italie  ne  suffit  pas  à  infirmer  l'opinion  émise 
par  M'""  Jameson.  Toutefois  celle-ci  restera  toujours  à  1  état 
d'hypothèse,  aussi  longtemps  qu'on  n'aura  pas  retrouvé 
parmi  les  dessins  de  Lombard  rpielque  fragment,  élude  ou 
esquisse,  se  rapportant  aux  vitraux  de  Herckenrode.  Gela 
ne  semble  pas  impossible  lorsqu'on  se  rappelle  que  peu  d'ar- 
tistes du  XVI*  siècle  ont  laissé  un  aussi  grand  nombre  de 
dessins.  Il  en  existe  en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  Bel- 
gique. L'Académie  de  Dusseldorf  en  conserve  cinq.  M"'*  la 
vicomtesse  de  Clérembault  en  possède  soixante-dix-neuf, 
enfin  il  ne  s'en  trouve  pas  moins  de  sept  cent  trente-cinq 
dans  les  collections  du  duc  d'Aremberg  (i).  Voilà  les  recueils 
de  dessins  où  pourraient  s'exercer  les  recherches,  après  une 
étude  attentive  faite  de  visu  des  vitraux  de  Lichfîeld.  Mais 
il  est  temps  de  nous  résumer  : 

La  Belgique,  comme  tous  les  pays  où  les  arts  ont  eu  une 
floraison  brillante,  a  fait  des  pertes  nombreuses,  irrépa- 
rables. Pour  connaître  toute  l'œuvre  de  ses  artistes,  il  faut 
souvent  dépasser  ses  frontières  ;  c'est  chez  ses  voisins  qu'elle 
peut  retrouver  encore  le  débris  de  son  patrimoine  intellec- 
tuel. C'est  là  un  fait  qu'il  faut  constater  souvent,  sans  pour 
cela  exhaler  de  stériles  regrets.  Peut-être  même  y  a-t-il  heu, 
sous  plus  d'un  rapport,  de  s'en  féliciter. 

Nos  voisins,  mieux  avisés  que  nous,  se  sont  assuré  la 
possession  des  travaux  de  nos  artistes  à  une  époque  où  nous 
ne  savions  plus  les  comprendre  ;  nous  avons  appris  depuis 
à  les  estimer  à  leur  valeur.  Souvent  en  les  aliénant,   par 


(0  V.  Catalogue  des  dessins  d'artistes  liégeois,  par  J.-S.  Renier,  pp.  112 
et  suiv.  V.  aussi  notre  Histoire  de  la  peinture  au  pays  de  Liège,  pp.  158  et  suiv. 


—  382  — 

ignorance  et  par  cupidité,  les  propriétaires  des  œuvres  d'art 
ont  garanti  en  pays  étranger  la  conservation  de  ce  qui  dans 
le  nôtre  courait  grand  risque  de  destruction.  Le  détenteur 
des  vitraux  de  Herckenrode  les  a  vendus  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  par  indifférence,  par  inintelligence.  Qui 
sait  ce  qu'il  en  resterait  aujourd'hui  s'il  ne  s'était  trouvé  un 
amateur  anglais  pour  les  acquérir  et  les  replacer  au  chœur 
d'une  cathédrale?  Qui  songeait,  en  1803,  dans  notre  pays, 
à  attacher  de  l'importance  aux  vitraux  de  nos  églises,  aux 
chefs-d'œuvre  de  nos  peintres,  à  nos  monuments  eux- 
mêmes?  Longue  serait  la  liste  des  œuvres  d'art  qui  depuis 
ce  temps  ont  suivi  les  vitraux  de  l'ancienne  abhaliale 

11  nous  reste  aujourd'hui  à  refaire  pieusement  l'histoire  de 
notre  art  national;  pour  y  parvenir,  il  convient  de  dresser, 
avec  tout  le  soin  possible,  l'inventaire  de  ses  œuvres  qui 
existent  en  dehors  de  notre  pays.  Il  faut  les  décrire,  les 
revendiquer,  les  rapprocher  par  l'élude  des  faits  que  l'on 
peut  recueillir  encore,  des  lieux  pour  lesquels  ces  œuvres 
ont  été  faites,  des  artistes  qui  en  sont  les  créateurs. 

Quant  à  nous,  nous  ne  renonçons  pas  à  faire  connailre 
un  jour  d'une  manière  plus  complète  les  vitraux  sur  les- 
quels a  été  appelée  l'attention  des  lecteurs  de  ce  Bulletin. 

Jules  Helbig. 


COMMISSION  DIRECTRICE  DU   MUSÉE  D'ARMURES 
ET  D'ANTIQUITÉS. 


EXTRAIT  DES  PROCES-VERBAUX  DES  SEANCES. 


Séance  du  30  Juin  1877. 

M.  Schuermans  donne  lecture  d'une  notice  nécro- 
logique sur  M.  le  général  Meyers,  membre  de  la  Commis- 
sion. Cette  notice  sera  envoyée  au  Comité-directeur  du 
Bulletin,  avec  prière  de  l'insérer  dans  le  plus  prochain 
numéro. 

«  Matthieu-Bernard  Meyers,  décédé  à  Bruxelles  le 
8  juin  1877,  était  né  à  Maestricht  le  26  août  1811. 

»  Ayant  achevé  ses  humanités  à  l'Athénée  de  cette  ville, 
il  entra  à  dix-sept  ans  à  l'Université  de  Liège  pour  y  suivre 
les  cours  de  philosophie. 

»  Il  fut  admis  en  1829,  en  qualité  de  cadet  du  génie, 
à  l'Académie  militaire  de  Breda;  mais  à  la  révolution  il  reçut 
sa  démission  honorable  du  service  des  Pays-Bas  et  alla  se 
joindre,  comme  simple  soldat,  aux  volontaires  qui  cernaient 
Maestricht. 

»  Peu  après,  il  rentra  dans  l'armée  régulière  et  fui  adjoint 
au  commandant  du  génie  de  la  place  de  Venloo, 

»  Depuis  il  franchit  rapidement  tous  les  degrés  de  la 
hiérarchie  militaire,  et  remplit  successivement  des  fonctions 
importantes,  comme  commandant  du  génie  à  Bruxelles, 


—  584  — 

attaché  à  la  construction  des  fortifications  de  Diest,  chef  de 
cabinet  du  Ministre  de  la  guerre,  directeur  de  la  division  du 
génie  au  Ministère,  directeur  des  fortifications  dans  les  trois 
divisions  territoriales,  à  Gand,  à  Liège  et  à  Anvers. 

»  Il  fut  officier  de  l'ordre  Léopold,  décoré  de  la  croix 
commémorative,  commandant  de  l'ordre  du  Lion  de  Zaeh- 
ringen,  chevalier  des  ordres  de  la  Tour  et  de  l'Épée  (Por- 
tugal), de  l'Épée  (Suède),  des  SS.  Maurice  et  Lazare  et  du 
Medjidié. 

»  Il  était  conseiller  de  l'Académie  d'archéologie  de  Bel- 
gique, membre  correspondant  de  la  Commission  royale 
des  monuments  des  Pays-Bas,  membre  du  Corps  acadé- 
mique d'Anvers,  de  la  Société  d'Émulation  pour  l'étude  de 
l'histoire  et  l'antiquité  des  Flandres,  de  la  Société  royale  de 
Numismatique ,  de  la  Société  historique  et  archéologique 
du  Duché  de  Limbourg,  etc.,  etc. 

»  Meyers  n'était  pas  seulement  un  soldat,  c'était  un 
savant  et  un  artiste. 

»  L'avant- veille  de  sa  mort,  le  savant  corrigeait  encore 
sur  son  lit  de  douleur,  les  épreuves  d'une  légende  inédite 
sur  la  vie  de  S.  Servais. 

»  En  1852,  l'artiste  publiait  des  brochures  avec  plans 
sur  l'hippodrome,  la  place  du  Congrès,  les  bâtiments  mili- 
taires, le  palais  des  Beaux-Arts,  etc.,  à  Bruxelles,  plans  où 
il  mettait  en  pratique  son  axiome  :  «  Une  certaine  quantité 
»  de  matériaux  étant  donnée,  il  n'en  coûte  pas  davantage 
»  de  les  disposer  d'une  manière  artistique.  » 

»  Cet  axiome,  transformé  par  lui  en  réalité  tangible,  lui 
avait  fait  i-emporter  la  palme  au  concours  pour  la  caserne 
du  Petit-Château. 


—  385  — 

»  Le  lauréat  refusa  la  réuiuiiéralion  pécuniaire  (jui  lui 
revenait  comme  architecte-constructeur.  Mais  au  banquet 
d'inauguration,  le  Roi,  au  nom  de  la  ville  de  Bruxelles,  le 
pria  d'accepter  une  magnifique  pièce  d'argenterie  dont  les 
dessins  avaient  été,  par  un  subterfuge,  obtenus  de  Meyers 
lui-même,  qui  avait  ainsi  collaboré  lui-même  à  sa  récom- 
pense. 

»  Meyers  était  un  esprit  éminemment  littéraire,  et  un  de 
ses  collègues  de  1877  a  pu  écrire  de  lui,  il  y  a  25  ans  : 
«  M.  Meyers  est  un  homme  de  lettres  déguisé  en  officier  du 
»  génie;  ses  goûts  artistiques  et  littéraires  percent  l'enve- 
»  loppe  du  mathématicien  et  de  l'architecte.  »  {Revue 
nouvelle,  1852,  II,  p.  34.4.) 

»  Les  goûts  artistiques  du  général  Meyers,  ses  connais- 
sances variées  dans  toutes  les  branches  des  arts  du  moyen 
âge,  témoin  certaines  notices  sur  les  chaussures  liturgiques 
et  sur  la  chapelle  de  Bois-Seigneur-Isaac,  insérées  dans  le 
Bullelin  des  Commissions  royales  d'art  el  d'archéologie, 
YIII,  p.  158,  et  XIV,  p.  256,  devaient,  indépendamment  de 
sa  spécialité  militaire,  appeler  sur  lui  l'attention  du  Gouver- 
nement, lorsqu'il  s'agit  de  créer  la  Commission  directrice 
du  Musée  d'armures  d'artillerie,  d'antiquités,  etc.  Il  en 
avait  fait  partie  depuis  l'arrêté  d'organisation  du  9  mars  1 851) 
et  il  en  a  rempli  depuis  plusieurs  années  les  fonctions  de 
Secrétaire  provisoire.  » 

Pour  extrait  conforme  des  procès-verbaux  de  la  Commission  directrice 
du  Musée  royal  d'antiquités,  etc. 

Le  Secrétaire, 

H.  SCHUERMANS,  ff. 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS. 


RESUME    DES    PROCES-VERBAUX. 


SÉANCES 

des  -4,   5,  12,   18,   19,    26  et  26  mai;   des  2,    7,   8,  U,  13,  10,  22,  23 
et  30  juin  1877. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  approuvé  : 
e?deSalni-Rod.'     ^"  ^^  projcl  soumis  pap  le  conseil  de  fabrique  de  l'église 
\hirau":    de  Notre-Dame,  à Laeken ,  d'une  verrière  peinte,  représentant 
l'arbre  de  Jessé,  à  placer  par  M.  Dobbelacre  dans  la  grande 
rosace  qui  éclaire  la  chapelle  royale  ; 

2'  Les  dessins,   dressés   par  M.   Capronnier,  de  deux 
vitraux  destinés  aux  fenêtres  latérales  du  chœur  de  l'église 
de  Saint-Roch,  à  Laeken  ; 
Église  de  Dinani.     5»  Lcs  cartons  dc  sept  vitraux   peints  à  exécuter  par 

Vitrauï  el  aulcl.  '  '  ' 

M.  Ostenrath,  d'après  les  dessins  de  M.  Bethune,  pour  les 
hautes  fenêtres  du  chœur  de  l'église  primaire  de  Dinant; 

A"  Le  projet  d'un  retable  pour  le  maître-autel  de  la  même 
église  ; 
Église  de        5"  Le  devis  estimatif,  dressé  par  M.  Morissens  de  Matines, 

Sainle-Waudru, 

T!.bi'ca"ux     <^cs  frais  à  faire  pour  la  restauration  de  huit  tableaux  appar- 
tenant à  l'église  de  Sainte- Waudru,  à  Mons  ; 


—  387  — 

6"  L'évaluation  de  M.  Bonnofoi,  des  frais  à  faire  pour  la 
restauration  d'un  tableau  représentant  la  Gène  et  apparte- 
nant à  la  même  église. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  les  plans 
relatifs  : 

1°   A   la  construction    d'un   orphelinat    de  garçons    à    orpi.eiinût 
Ninove  :  architecte,  M.  Michicis; 

2'  A  la  construction  d'un  hôpital  à    Ath  :  archilccle,  iK.iMt,idAii.. 
M.  Carpentier; 

5"  A  l'agrandissement  de  l'hospice-orphelinat  de  Lobbeke     no.pice 

de  Li>bbeke. 

(Flandre  orientale)  :  architecte,  M.  Bouwens; 
4"  A  la  distribution  intérieure   du    palais   de   justice  à  Païais  de jusuce 

de  Neufcliâloau. 

ériger  à  Neufchàteau  :  architecte,  M.  Vandewyngaert. 


ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Ont  été  approuvés  : 

a.  Les  travaux   d'appropriation    et  d'agrandissement  à  ^ppropriaiion 
exécuter  aux  presbytères  de  Genv^al   (Brabant),  Bossuyt  dM'rTbyitîes. 
(Flandre  occidentale),  Bavegem  (Flandre  orientale).  Belle- 
court  (Hainaut),  Andenne  etLisogne  (Namur); 

b.  Les  plans  relatifs  à  la  construction  de  presbytères  à   construciio.. 

de  prt'shvlcrcs 

Putte  (Anvers),  Roulers,  paroisse  de  Saint-Amand  (Flandre 
occidentale),  Audenhove-Saint-Géry,  Asper  (Flandre  orien- 
tale), Havrenne,  commune  de  Humain  (Luxembourg)  et 
Houyet  (Namur). 


—  58S  — 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

La  Commission  a  approuvé  : 
consiruction       I"  Lcs  pluDS  Fclatifs  à  la  conslruction  d'églises  : 
sousMaUeguora.     x^  hamoaii  Donck,  sous  Malde^hem  (Flandre  orientale)  : 
ch^"x;'B::rt';n'.archilecte,  M.  Hosle; 

ville,  Caslillon 

ei  Merieune.  ,\  Welkcnracdl  (Liège),  sous  quelques  réserves  de  détails 
dont  M.  l'architecte  Halkin  devra  tenir  compte  dans  le 
cours  de  l'exécution  ; 

A  Grand-Jamine  (Limbourg)  :  architecte,  M.  Gérard.  Il  y 
aura  lieu  de  replacer  dans  la  nouvelle  église  les  pierres  tumu- 
laires  qui  offrent  de  l'intérêt  pour  l'histoire  de  la  localité  ; 

Au  hameau  de  Chéoux,  commune  de  Rendeux  (Luxem- 
bourg) :  architecte,  M.  Remont  fils; 

Au  hameau  de  Burtonville,  commune  de  Vielsalm  (même 
province)  :  architecte,  M.  Vandewyngaert; 

A  Castillon  (Namur); 

A  Mertenne,  sous  Castillon  (même  province). 

Ces   derniers  projets  sont  dressés  par  M.   l'architecte 
Bacléne  ; 
decSeiaore.     ""  Le  projct  d'agrandlssemcnt  dc  l'église  dc  Couckelaerc 

(Flandre  occidentale)  :  architecte,  M.  Coppejans; 
Église  de  Mont.     50  j^g^  p|jj,-|g  pf^jaiif^  y  jg  construcliou  d'une  tour  à  l'église 

de  Mont  (Luxembourg)  :  architecte,  M.  Vandewyngaert; 
Eglise  do  Forzéc.     /^,o  Lg  projct  dc  rcconslruirc  le  clocher  de  l'église  de 

Forzée,  commune  de  Buissonville  (Namur),  renversé  par 

l'ouragan  du  \^2  mars  1876; 
Sîirci'^up^gDi".     S"  Le  plan  de  deux  annexes  à  construire  aux  côtés  de  la 

tour  de  l'église  de  Doel  (Flandre  orientale)  :  architecte, 

M.  Gife; 


—  589  — 

()"  Les  modifications  proposées  au  projet  prirnili/  de 
l'église  de  Gérin  (Namiir),  en  vue  de  parachever  cet  édifice, 
qui  s'était  en  partie  écroulé  ; 

7"  Le  projet  de  construire  une  sacristie  à  l'église  d'Upigny 
(Namur)  ; 

8°  Les  dessins  des  objets  d'ameublement  destinés  auxAmoubiemenide 

diverses  églises. 

églises  de  : 

Zitlaert,  sous  Meerhout  (Anvers),  ameublement  complet; 

Sainl-Pierre-Gappelle  (Flandre  occidentale),  deux  autels 
latéraux  et  deux  stalles; 

Gentinnes  (Brabant),  chaire  à  prêcher; 

Volaiville,  commune  de  Wilry  (Luxembourg),  chaire  à 
prêcher  et  deux  autels  latéraux  ; 

Falinignoul  (Namur),  cuve  baptismale  et  grillage  en  fer 
pour  clôturer  le  baptistère. 

—  L'église  d'Opdorp  (Flandre  orientale)  est  insuffisante li^giiscdopdorp. 
pour  la  population  de  la  commune  ;  elle  ne  peut,  en  effet,  con- 
tenir que  trois  cents  personnes  environ,  alors  que  la  commune 
compte  plus  de  i  ,300  habitants.  Afin  de  remédier  à  cet  incon- 
vénient, on  a  donné  au  jubé  des  dimensions  considérables,  de 
manière  que  deux  cents  personnes  peuvent  s'y  tenir  debout. 

Deux  projets  ont  déjà  été  présentés,  en  1873  et  1874,  pour 
l'agrandissement  de  l'édifice  et  ont  tous  deux  reçu  l'appro- 
bation de  la  Gommission  ;  mais  les  autorités  locales  les  ont 
abandonnés,  parce  que  d'abord  ils  ne  donnaient  pas  à 
l'église  une  superficie  suffisante  et  ensuite  ils  avaient  le 
grave  inconvénient  de  réduire  considérablement  le  cimetière. 
La  fabrique  et  la  commune  se  sont  décidées,  en  conséquence, 
à  ériger  une  église  toute  nouvelle,  qui  serait  placée  de  façon 
à  agrandir  le  cimetière. 


—  390  — 

Avant  de  se  prononcer  sur  ce  projet  de  reconstruction,  la 
Commission  a  fait  inspecter  l'église  existante.  Les  délégués 
ont  constaté  que  le  chœur  dalc  de  l'époque  ogivale  et  la  nef 
de  1732,  millésime  inscrit  sur  la  façade  principale.  Cet  édi- 
fice est  en  assez  bon  état  de  conservation  et  il  est  possible 
de  l'agrandir  convcnablem^^nt  en  supprimant  une  partie  du 
cimetière  qui  l'entoure.  Mais  l'église  d'Opdorp  n'offre  pas 
assez  d'intérêt  au  point  de  vue  de  l'art  pour  qu'on  doive 
demander  sa  conservation,  et  la  reconstruction  peut  être 
autorisée  si  les  ressources  locales  le  permettent. 

Les  plans  dressés  à  cet  effet  par  M.  De  Perre  ont  été 
approuvés  après  avoir  été  modifiés  à  la  demande  du  Collège. 

L'église  d'Opdorp  possède  une  statue  de  la  Vierge,  du 
commencement  du  xvi*  siècle,  qui  porte  encore  des  traces  de 
polychromie,  mais  dont  les  formes  sont  entièrement  cachées 
par  le  costume  dont  elle  est  affublée.  II  s'y  trouve  aussi  un 
mobilier  du  xvm''  siècle  :  trois  autels  en  marbre,  deux 
confessionnaux  et  une  chaire  à  prêcher  en  bois  de  chêne; 
il  conviendra  d'utiliser  ces  meubles  pour  la  nouvelle  église. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  : 
Réparaiioude       1°  Sur  Ics  travaux  de  réparation  à  exécuter  aux  églises 

diverses  églises. 

de  Bodeghem-Saint-Martin  (Brabant),  Avecapelle,  Alverin- 
ghem  (Flandre  occidentale), Somerghem  (Flandre  orientale), 
Spiennes,  Vergnies,  Melles  (Hainaut),  Cau-Lillc  (Cimbourg) 
Onoz  et  Andenelle  (Namur); 
Resiamation  dr-s     2»  Sur  Ic  projct  dc  restauratiou  de  l'église  de  Notre-Dame 

églises  de  N.-I)  du 

drsriJuî^cn.u''*^^  Lac,  à  Tirlemont,   le  conseil  de  fabrique  n'ayant  pu 

al.iége,  df-Dinaiil     •         ■       i  p         i  •  •  '         .  l  •    «     l» 

et dEiicïeiics.  rcunu*  les  londs  nécessaires  pour  exécuter  le  projet  d  agran- 


—  591   — 

dissement  approuvé  par  le  Collège  le  '2'2  août  1875  :  arclii- 
tecte,  M.  Van  Assche; 

3"  Sur  le  nouveau  projet  dressé  par  M.  rarchitecle  Ilalkin 
pour  la  restauration  du  chœur  de  l'église  de  Sainte-Croix, 
à  Liège,  sous  la  réserve  de  n'employer  dans  les  travaux  de 
restauration  que  des  matériaux  semblables  à  ceux  qui  ont 
servi  à  la  construction  ancienne  et  de  suivre  exactement 
l'appareil  primitif.  La  Commission  a  prié  ses  correspondants 
de  Liège  de  vouloir  bien  se  charger  de  la  surveillance  de  ce 
travail,  qui  intéresse  un  des  monuments  remarquables  de  la 
ville,  et  de  faire  parvenir  des  rapports  périodiques  sur  la 
marche  de  l'entreprise  ; 

4°  Sur  le  projet  d'un  nouveau  pavement  à  placer  dans  le 
chœur  de  l'église  primaire  de  Dinant; 

5°  Sur  le  plan,  dressé  par  M.  l'architecte  Mottrie,  pour  la 
restauration  de  la  tour  de  l'église  d'Ellezelles  (Hainaut).  Ce 
projet  a  été  modifié  à  la  demande  du  Collège. 

—  La  Commission  a  été  saisie  d'un  projet  de  différents j^j.gf;«|j^^j^j.j 
travaux  à  exécuter  à  l'église  de  Saint-Médard,  à  Wervicq.  "^'"'"'■''• 
Ce  projet,  qui  tend  notamment  à  construire  des  tourelles 
d'angles  et  des  galeries  au  transept,  a  donné  lieu  à  des  cri- 
tiques de  la  part  du  Comité  des  correspondants  de  la  Flandre 
occidentale.  Après  avoir  entendu  les  renseignements  donnés 
par  l'un  de  ses  membres  qui  a  visité  le  monument,  le  Collège 
est  d'avis  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  donner  suite  au  projet  sou- 
mis, concernant  des  ouvrages  de  pure  ornementation  qui 
n'ont  rien  d'urgent.  Il  serait  plus  rationnel  d'employer  les 
ressources  dont  on  dispose  à  exécuter  les  travaux  de  répa- 
ration et  de  consolidation  qui  doivent  assurer  la  conserva- 
tion du  monument.  Ces  travaux  consisteraient  à  mettre  en 


—  o92  — 

bon  étal  les  conlre-forts  et  arcs-boutants,  dont  plusieurs 
devront  être  reconstruits  et  où  l'on  pourra  remployer  les 
vieux  matériaux.  Les  pierres  qui  nianqueraient  devraient 
être  remplacées  par  des  matériaux  de  même  nature  que  ceux 
qui  ont  servi  à  la  construction  du  monument.  Des  proposi- 
tions nouvelles  dans  le  sens  de  ce  qui  précède  devront  être 
demandées  à  l'architecte. 

Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 


V'u  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  l'rcskleiit, 

Wellens. 


RENSEIGNEiAIENTS  INÉDITS 

SUR  LES 

ARTISTES  QUI  ONT  EXECUTE  LE  TABERNACLE  ET  LA  BALUSTRADE 
EN  CUIVRE  DE  l'ÉGLISE  DE  SAINT-JACQUES,   A  LOUVAIN, 

l'AR 

Ed.    VAN    EVEN. 


■  >*»—<■ 


L'église  de  Saint-Jacques,  à  Louvain,  possède  un  taber- 
nacle qui,  ainsi  que  l'affirme  la  Commission  royale  des 
monuments,  «  compte  parmi  les  merveilles  de  l'art  ogival 
en  Belgique  »  (i). 

On  était  sans  renseignements  sur  l'origine  et  l'âge  de  cette 
œuvre,  vrai  prodige  de  hardiesse,  d'élégance  et  de  légèreté. 

En  compulsant,  en  4857,  certains  registres  de  l'église 
de  Saint-Jacques,  nous  eûmes  la  chance  de  rencontrer  une 
indication  qui  nous  permit  de  retrouver  dans  d'autres 
archives  le  contrat  pour  l'exécution  du  tabernacle.  Trois 
années  plus  tard,  nous  publiâmes  le  nom  de  l'auteur  de  cette 
admirable  production  (2).  Depuis  lors,  nous  avons  découvert 
des  détails  extrêmement  intéressants  et  complètement  inédits 
sur  ce  sculpteur  et  sur  sa  famille.  Gomme  ces  renseignements 
se  rapportent  à  un  homme  qui  dota  le  pays  d'un  chef-d'œuvre, 


(1)  Bulletin  des  Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie,  année  1874, 
p.  203. 
(â)  Louvain  monumental,  p.  :219. 


—  39i  — 

nous  avons  cni  utile  de  les  publier  dans  riiilérèl  del'liisloire 
de  Tari. 

Le  labernaclc  de  Saint-Jacques  fut  exécuté  en  1558  et 
appartient,  par  conséquent,  à  la  dernière  période  de  l'ai't 
ogival.  On  traversait  alors,  ainsi  (ju'on  ne  l'ignore  pas,  une 
époque  pleine  d'elTcrvescencc  au  |toinl  de  vue  i-eligieux. 
Les  esprits  élaient  fortement  agiles  par  suite  des  commotions 
qui,  du  cœur  de  rAllcniagne,  s'étaient  fait  sentir  dans  les 
Pays-Bas.  A  Louvain  la  réforme  rencontra  des  prosélytes 
ardenls  el  archarnés.  Les  partisans  des  idées  nouvelles 
y  niaient  la  présence  du  Christ  dans  l'Eucliarislie.  Ils  alïir- 
maient  c<  que  le  Saint  Saciement  de  la  conmumion  est 
»  seulement  un  souvenir,  un  gage  que  le  Sauveur  nous  a 
>>  laissé  de  sa  |)assion  «  (i).  Ce  fut  indubitablement  pour 
réagir  contre  cette  doctrine  et  pour  augmenter  le  culte  du 
Saint  Sacrement  de  l'Autel  que  le  ('onseil  de  fabrique  de 
Saint-Jacques  décréta  l'exéculion  du  magniljque  tabernacle 
(pii  nous  occui)e. 

A  cette  époque,  la  populeuse  paroisse  de  Saint-Jacques 
avait  pour  curé  un  jeune  ecclésiasli(iue  d'une  grande  érudition 
et  d'un  rare  dévouement.  Il  poitait  le  nom  de  François 
j)E  (luii'u  ou  Vande  Veldc  et  était  m;  au  village  de  Soi], 
dans  la  Canqjine,  ce  qui  lui  av;iit  fait  obtenir  le  surnom  de 
Sonnius.  Premier  de  jibilôsophie  à  Louvain  en  15^7,  curé 
de  Saint-Jac(jues  en  L'iôo,  docteur  en  théologie  en  K>5'.), 
déjuité  de  rrniversité  au  concile  de  Trente  en  L^j?,  il  fut 
élevé  par  Philip|)e  II  à  la  dignité  d'évèque  de  Bois-le-Duc, 


(0  Mémoires  Oc  Fruiiceato  de  E)i:iii(is,  [luiilics  par  .,    Ch.-.\.  Cami'AN,  t.  I, 


—  ôd:;  — 

en  1502.  François  do  Campo  muiu'ul  cvùquc  d'Aiivt'is,  en 
1576,  à  l'àgc  de  (>(►  ans  (i). 

Pendanl  qu'il  élail  curé  de  Saint-Jacques,  de  Canipo 
déployait  contre  l'hérésie  une  si  grande  ardeur  (ju'il  s'attira 
la  haine  et  le  mépris  des  partisans  des  idées  nouvelles.  Un 
jeune  réformé,  Francesco  de  Enzinas,  espagnol  de  nais- 
sance, qui  séjourna  à  Louvain  en  Jî)4'2,  fait,  dans  ses 
mémoires,  une  charge  à  fond  conirc  le  curé.  Il  en  parle  en 
ces  termes  :  «  C'est  luy  qui  commence  aujourd'huy  d'entrer 
»  en  crédit,  par  la  poursuite  qu'il  fait  contre  la  vérité  :  et 
j>  se  mon  Ire  ennemy  juré  de  l'Évangile.  C'est  luy  qui  a, 
»  comme  nous  dirons  puis  après,  prononcé  la  sentence 
^)  contre  le  prescheur  de  la  Roine  (12).  Et  si  est  avec  cela 
»  enyvré  de  telle  arrogance,  de  tel  orgueil,  si  plein  de 
»  fraudes,  tromperies,  finesses,  aveuglissement  et  cruauté, 
»  (pfaujourd'huy  entre  les  gens  de  bien  (les  réformés,  bien 
»  entendu)  on  ne  l'appelle  autrement  que  le  diable  incharné 
»  (incarné)  »  (5).  Ces  paroles,  aussi  acerbes  que  passionnées, 
l)rouvent  que  de  Campo  cherchait  par  tous  les  moyens 
à  ramener  aux  croyances  catholi({ues  ceux  (|ui  s'en  étaient 
détachés,  et  qu'il  déployait  dans  celle  tâche  toute  l'ardeur 
et  tout  le  dévouement  dont  il  était  capable. 

Ce  fut,  on  comprend  sans  |)oine,  ce  jeune  et  énergique 
pasteur  qui  provoqua  la  décision  prise  j)ar  le  conseil  de 
fabi'ique  de  Saint-Jacques  de  doter  l'église  d'un  nouveau 
tabernacle. 


(0  Fopi'ENS,  Uibliothecu  Uehjka,  t.  !,  p.  5H. 

(2)  Savoir  Pieirc  Alexaiulii,  caiiiie  du  couvent  d'Arra;-,  predicaleui"  de  la  reine 
Marie  de  Hongrie,  qui  embrassa  la  religion  réformée. 
(;s)  Mémoires  de  Francesco  de  Enzinas,  t.  I,  p.  îiS. 


—  596  — 

La  commande  du  tabernacle  eul  lieu  deux  années  après 
l'installalion  de  François  de  Gampo  comme  curé.  On  en 
confia  l'exéculion  à  un  artiste  natif  de  Louvain,  alors  fixé  à 
Bruxelles.  Mais,  avant  d'entretenir  le  lecteur  du  contrat 
relatif  à  cette  commande,  nous  allons  faire  connaître  les 
renseignements  que  nous  avons  recueillis  sur  l'auteur  de 
l'œuvre  artistique  qui  fait  l'objet  de  ce  petit  travail. 

L'artiste  qui  exécuta  le  tabernacle  de  l'église  de  Saint- 
Jacques  portait  le  nom  de  Gabriel  Van  den  Bruyne  et 
était  né  à  Louvain  dans  le  dernier  quart  du  xv''  siècle.  Son 
père,  Rogier  Van  den  Bruyne,  exerçait  la  profession  de 
mercier;  sa  mère  se  nommait  Jeanne  Oliviers.  Elle  était 
fille  d'Etienne  Oliviers,  dit  van  Aelst,  membre  du  Gonseil 
communal  en  149G  (i),  et  de  Catherine  Vandevelde,  sa 
première  femme.  Celle-ci  était  fille  d'Arnould  Vande  Velde 
et  d'Ide  Helscheviers. 

Arnould  Vande  Velde  possédait  de  beaux  biens  à  Kessel, 
lez  Louvain,  ainsi  qu'il  résulte  d'un  acte  de  partage  du 
21  mars  1473  (2).  Après  la  mort  de  Catherine  Vande  Velde, 


(0  «  Na  dieu  dut  Steven  Oliviers,  geheeten  van  Aelst,  oiise  medegeselle  in 
den  Raide,  conien  is  by  den  l'ade  van  der  stad  opdoende  en  te  kennen  glievendc 
dat  jouffrouw  wylen  Johanne  gclieetcn  Amelen,  begiiyne  van  den  grooten  begyn- 

hove,  te  Loevenc,  syn  swegherine,  doen  sy  ieel'de, want  de  voersc.  jouffronw 

afUyvich  was  wordden,  en  achtergelaten  hadde  een  huere  suster,  oick  syn 
swegherinne,  geheeten  Margriete  Amelen,  huerer  sinnen  niet  wel  mechtich 
synde,  maer  die  verioren  en  een  kynssche  raenssche  was,  »  etc.  Acte  du 
19  mai,  inscrit  du  iZjuin  1496,  S". 

«  Margriete  Amelen,  suster  heereu  Jan  wylen  Amelen,  priesters.  »  Acte  du 
IZjanv.  1484,  -la. 

«  Margriete  Amelen,  weduwe  Servaes  wilen  van  den  Stcen,  »  Acte  du 
44  déc.  1484,2.,. 

(2)  «  Facta  parlilicatione  inter  Henricum  et  Juliannem  vanden  Velde,  fratres, 
filios  Arnold!  quondam  vanden  Velde,  Stephanum  Oliviers  et  Katherinam  Vanden 


—  397  — 

Etienne  Oliviers  épousa  en  secondes  noces  Gertriide  Amelen, 
sœur  de  mailre  Jean  Amelen,  prèlre,  noiaire  apostolique, 
celui-là  même  qui  reçut  le  testament  du  peintre  Thierri 
Bouts  père. 

Les  époux  Oliviers-Vandeveldc  étaient  gens  assez  fortunés. 
Le  24  janvier  1 500  eut  lieu,  devant  les  échevins  de  Louvain, 
le  partage  de  leur  succession  entre  leurs  trois  enfants, 
savoir:  1"  Michel  Oliviers;  2"  Catherine  Oliviers,  épouse 
de  Jean  Uufer-Hellicht,  et  3"  Jeanne  Ohviers,  épouse  de 
Rogier  Vanden  Bruyne. 

Rogier  eut  dans  la  part  de  sa  femme  une  grande  maison 
avec  jardin,  située  à  la  Biest,  actuellement  rue  de  Tervueren, 
coin  de  la  rue  du  Saint-Esprit,  ainsi  qu'une  petite  maison 
située  derrière  la  première;  cette  petite  maison  était  alors 
occupée  par  Gertrude  Amelen ,  seconde  femme  d'Etienne 
Ohviers  (i).  Il  eut,  en  outre,  un  vignoble  situé  au  Bollaertslage 


Velde,  ejus  uxorem,  sororem  dictoriim  fratrum,  Walterum  Vandcn  Driessche, 
Margaretam  van  den  Velde,  ejus  uxorem,  sororem  dictorum  fratrum  et  sororis  et 
Egidium  de  Rode  ac  Elisabetham  vau  den  Velde,  ejus  uxorem,  sororem  dictorum 
fratrum  et  sororum,  super  bonis  et  hereditarie  trecensa  subscriptis  que  ipsis 
cesserunt  et  remanserunt  per  et  post  mortem  dicti  quondam  Arnoldi  et  Yde 
quondam  Helscheviers,  ejus  uxoris,  parentum  dictorum  fratrum  et  sororum.  » 
Acte  du  21  mars  1475,  dans  le  registre  de  la  ô»  chambre  échevinale  de  Louvain. 

(i)  «  Een  scheydinge  ende  deylinge  gedaen  ende  gemaect  tusschen  Mychiele 
Oliviers,  ter  eerire,  Katlyne  Oliviers,  zyner  suster,  met  consente  wille  ende 
overstaen  Jans  Uuler  Helicht,  liaers  mans,  ter  andere,  ende  Johannen  Oliviers, 
zuster  des  voirsc,  Miecliiels  ende  Kathlynen,  met  consente  Rogiers  vanden 
Uruyne,  ter  derdere  zyden,  van  den  goeden  hen  bleven  ende  verstorven  nae  de 
doot  ende  aflivicheyt  wylen  Stevens  Oliviers  en  Kathlynen  vanden  Velde, 
zynder  huysvrouwen,  vader  ende  moeder  der  voirsc.  broeder  ende  zusteren,  te 
deylen. 

»  Soe  zyn  bleven  ende  gevallen  den  voirsc.  Micbiele,  in  zynre  dcylinghe,  de 
goeden  ende  rinîen  naebescreven  :  in  den  iersten  vyf  dachmalen  eygens  lants, 
lutte!  min  oft  meer,  gelegen  aen  't  Keykestraetken,  bovcn  den  Voghelsanck. 
Item,  noch  't  derdendeel  van  eenen  boender  lants,  lutte!  min  oft  meer,  gelegen 


et  plusiours  redevances.  Le  père  do  notre  artiste  n'aliéna 
aucune  de  ces  propriétés,  les  laissant  toutes  à  ses  enfants. 


boveii  t'  Sleeiikeii,  op  den  commer  vuii  lliicn  sluvei'S  eiflyc  ilair  vuytgaende. 
Item,  een  hiiysken,  niptteii  hove  ende  wyngairde,  soet  gelegen  is  inde  Menne- 
stratc,  gheheeten  de  Cliujse,  op  den  commer  sevcn  ende  halven  sliivers  erflyc 
den  Groofen  Gasthiiyse,  te  Loevenen.  Item,  noch  de  tweedeelen  van  eenen  halven 
boendere  boemps,  lultel  min  oft  nioer,  soe  alst  gelegen  is  te  Rotselair,  aen  'thnys 
ter  Heyden,  op  den  commer  van  den  twee  derde  deele  van  eenen  moienvat  evenen, 
ende  van  eenen  splet  vias,  ertlyc  daer  vuytgaende.  Item,  eeuen  Rynschegulden 
erllyc  van  dien  eenen  en  halven  Rynsclie  gnldene  piHyc  die  Jan  Yden  t'  anderen 
tyden  overgogeven  heeft  den  voirsc.  wylen  Stevpuen  Oliviirs,  bueren  vadere,  op 
Wouteren  ende  Merten  Tbielemans,  met  condiii''n  ende  vorwerden  oft  eenige 
van  den  voirsc.  drie  parlien  eenigen  stoot  oft  lasl  gebuerde  aengaende  den  drie 
Rynssche  gnlden  van  Janne  Ydeu  ende  vanden  zester  rocx  ende  niet  voirder 
oft  scade  daerom  hadde  cm  tsyne  te  gecrigen,  het  ware  om  de  jairlycsche 
betalinge  oft  om  bewyssenisse  oft  aflegginge  van  dien,  dat  d'andere  van  hen  dien 
te  gelyken  coste  sullen  ter  hant  staen,  ende  dien  coste  ende  schade  te  gelyke 
dragen  ende  betalen.  Item,  want  de  voirsc.  dne  partien  Brueder  Gabriei. 
Oliviers,  bueren  bruedere,  voir  zyn  verstertfenisse  vanden  voorsc.  goeden, 
samentlyck,  voer  scepenen  van  Loeven,  bckynt  bebben  negeii  rynsgnlden  lyfpen- 
sioen,  soe  wert  in  desen  bevorwert  dat  een  yegelyc  van  lien  zyn  derdendeel  van 
dien  negtien  Rynsscbengulden  sculdich  sal  zyn  van  dese  yynen  goeden,  soe  in 
tyts  te  betalen,  dat  den  anderen  van  hen  dair  by  gheeiie  schade  en  gebuere. 
Ende  te  dier  meyninghe  heeft  een  yengelyc  van  hen  zyn  gedeelte,  met  oirlove 
's  heeren  van  den  gronde,  daer  voir  belast;  ende  oft  raen  naemaels  eenige  andere 
goeden  bevonde  beboirende  gedeylt  te  worden,  ende  die  voir  niet  gedeylt  en  zyn, 
dat  men  die  sal  alsdan  tusscben  hen  drien  te  gelyke  deylen,  etc.Coram  Zetlelere, 
Caverson,  januarii  xxiiij^. 

»  Soe  zyn  bleven  ende  gevallen  der  voirs.  Kathlynen  Oliviers,  in  hueren 
deylinge,  die  goede  ende  linten  nae  bescreven  :  in  den  iersten  't  groot  liuys, 
rr.etten  puttc,  hove  eenen  dacbmael  boomgaerts,  daer  aen  liggende,  ende  aile 
anderen  zyncn  toebeholrten,  gelegen  op  de  Groefstrate,  tusscben  de  goeden  Jans 
Dicricx  ende  Jans  Goeman ,  op  den  commer  van  twee  oft  zesse  stuvers  eerllyc 
dair  vuytgaende,  voir  een  jairgetyde  op  de  Biest.  Item,  de  helidit  van  1  1/2  vic- 
rendeele  wyngaerts,  le  wcten  tusscben  de  xx  ende  xviij  royen,  lultel  min  oft 
raeer,  gelegen  bnyten  de  Wyngaertpoorte,  tusscben  de  goeden  Merfens  de  Hoey- 
niakere  ende  Gerarls  vander  Maie,  op  eenen  denier  chys  daer  viiytgacnde. 
Item,  noch  d'part  ende  gedeelte  van  sulker  goeden  als  de  voirsc.  wylen  Steven 
Oliviers,  bueren  vader,  liggende  hadde  te  Lynden,  daeraf  d'ander  paert  toe 
Ix'biiirt  Janne  Roeselere,  op  den  commer  ende  last  uuten  selven  parte  gaende. 
Item,  alsulker  sester  corens  erflyc  als  van  Janne  Yden.  Item,  ende  noch  eenen 
Riiisgulilcn  erflyc  dien  Jan  Yden  sculdiih  i-^  l'iide  grlost  becfl.  byMncn  den  ycrsten 


—  ôî)0  — 
Rogior  Van  den  Bruyno  élait  déjà  élahli  comme  mercier 


valdage,  metten  voirst'.  /ester  coreiis  alleirgende  oftc  bevostigen,  nietten  coiidi- 
tien  onde  vnrwerden  oft  eenigen  vandeii  \oirsc.  drie  parlien  eenig  stoot  oft 
last  gebuerde  aengaende  den  dric  Rinsgulden  van  Janne  Yden,  endc  vander 
/ester  roex  ende  niet  vore  of  schade  daerom  hadde  oni  'tsyne  te  gecrigen, 
bet  ware  ora  de  jairlycsche  bctalinge  oft  oni  bewissenisse  ofl  aflegginge 
van  dien ,  dat  d'andere  van  dieu  dien  te  gelyker  costc  sulien  ter  hant 
slaen,  ende  dien  coste  ende  schade  te  gelykc  draghen  ende  bctalene.  Item, 
want  de  voirsc.  diie  partien  Brnoder  (ialiriol  Oliviers,  hueren  brueder,  voir  v.yn 
versterfTenisse  vandcn  voirsc.  goedoii,  sanicntlyc,  voir  seepenen  van  Loevenen, 
beiivnt  hebben  negen  Rynssche  gnlden  iyfpcnsioen,  soe  wcrt  in  dcson  bevorwert 
dat  een  yegelyc  van  bcn  syn  derdendcel  van  dien  ix  Rinsgiilden  sciildich  sal  zyn, 
van  desen  zynen  gceden,  soe  in  lyts  te  betalen,  dat  den  anderen  van  hen  dair  by 
gheene  scbade  en  gcbnere.  Ende  te  dien  meyningc  beeft  een  yegelyc  van  ben  /yn 
gedeelte,  met  oirlove  's  heeren  van  den  gronde,  daer  voer  beiast.  Item,  ende 
oftmen  naemaels  eenige  andere  goeden  bevonde  behoercnde  gedeylt  te  worden, 
ende  die  voere  niet  gedeylt  en  zyo,  dat  men  die  alsdan  tusschen  hen  drien  te 
gelyke  deylen  sal. 

»  Soe  zyn  bieven  ende  gevallen  den  voersc.  Rogieren ,  in  zyn  dcylinge, 
die  goeden  ende  rinten  naebescreven  :  inden  iersten  een  huys  ende  hof,  metten 
toebehoiiten,  gelegen  op  die  Byest,  op  den  hoeck  vander  beylicli  Gheeststrale 
ende  vande  Groefstrate,  op  den  commer  van  eenen  schellinck  dair  uutgaendc, 
met  oick  den  cleynen  huyskene  daer  acbtcr  liggende,  daer  hure  stiefmoedere 
inné  woent,  ende  huer  tocht  dair  inné  heeft,  oni  dat  te  bewoenen  oni  tselve  cleyn 
bnysken  t'aenverdcn  soe  wanneer  de  selve  huer  sliefmoeder  daer  vuyt  treckt, 
nae  inhout  vanden  testaniente  des  voersc.  huers  vaders  ende  moeders.  Item, 
een  stuck  wyngairts  houdende  xxxiij  roeden,  lultel  min  oft  meer,  geiegen  op  de 
Bollartslage,  tusschen  de  goeden  Michiels  Oliviers  ende  Marien  Loenkens,  op 
eenen  denier  chys  daer  vnytgaende.  Item,  xsxij  stuvers  eerllyc  op  huys  ende 
hof,  metten  foebehoerten,  wylen  Gheerts  Gans,  gelegen  neven  de  Capelle  van 
den  heyligben  Cruyce,  over  de  Voere.  Item,  noch  derticb  stuvers  oft  een  ame 
wyns  eerllyc  op  sekeren  wyngart,  toebclioerende  Laureysc  Wervere,  gelegen 
tusschen  de  Calcbovenestrate  ende  Wyngartstrate.  Item,  twee  croone,  le 
XXV  stuvers  stuck,  erflyc,  gecocht  int  jaer  van  Ixxiiij,  op  de  huysen  gheheten  den 
Luyart,  met  aile  den  toebehoirten,  gelegen  in  de  Groefstrate,  nae  iiihoudt  der 
bricven  dair  af  zynde.  Item,  noch  eenen  halven  Rynsgulden  ertlyc  van  den 
1  i/î  rynsschen  gnlden,  dairaf  d'ierste  deel  den  anderen  Rynsschgnlden  hebben 
sal,  dien  Jan  Yden  wylen  onsen  vadere  overgegeven  heefi,  op  Wouleron  ende 
Merten  Thielraans.  Item,  noch  eenen  iialven  Rynsschen  gulden  erllyc  die  de  selve 
Jan  Yden  als  voere  overgegeven  heeft,  ende  hadde  op  Wouteren  Thielniaiis,  met 
conditien  ende  voiwerden  voirscbrevcn.  »  Ade  du  'ii  janvier,  dfnis  le  coliime 
de  H99,  iii-2^. 


—  400  — 

ou  cremere  en  1-482  (i).  Il  était  fils  de  Guillaume  Vanden 
Bruyne,  qui  vivait  à  Louvain  en  1441  (2).  Sa  femme, 
Jeanne  Oliviers,  lui  donna  huit  enfants.  En  1493,  Rogier 
Vanden  Bruyne  demeurait  rue  de  Matines,  en  face  de  l'im- 
passe appelée  Werf  (3),  près  de  la  maison  de  la  famille 
Metsys.  Il  était  en  1303  mayeur  de  la  confrérie  de  Notre- 
Dame,  à  l'église  de  Sainte-Gertrude  (4).  Quatre  années 
plus  lard,  il  remplissait  la  charge  de  proviseur  de  la  même 
association  (3). 

Notre  citoyen  eut  sa  part  des  misères  humaines.  En  1508 
eut  lieu  une  rixe  entre  un  certain  Jacques  Nuyts  et  maître 
Jean  Van  Liere,  chirurgien.  Jeanne  Oliviers,  l'épouse  de 
Van  den  Bruyne,  s'étant  jetée  entre  les  deux  adversaires 


(i)  «  Jan  van  Cueriiighen,  eledemakere,  heeft  ghelooft  Rogiere  van  den 
Bruyne,  cremere,  iicgen  stuvers,  »  etc.  Acle  du  ô  décembre  1  i82.  ô». 

(2)  «  WiLLELMUs  VANDEN  Bruynen,  »  Actc  dit  ]li  février  1-441,  5'*. 

(3)  «  ...  Ad  domum  iinam,  sitani  in  Borchstrata.  ultra' ponteni  piscium  ibidem, 
in  opposito  vici  nuncupati  den  Werf,  intcr  bona  Hiiboili  van  der  Hcrbruggen, 
barbitonsuiis,  et  Huglui  van  den  Bkuynen...  f»  Acte  du  19  juin  1495,  /«-2».  — 
«  ...  Ad  et  supra  domum  unain  cum  planicic  et  suis  pertinentiis  universis 
pro  nunc  ad  Rogerum  vander  Bruynen  et  ejus  uxorem  spectantem,  prout  dicta 
bona  sita  sunt  in  Borchstrata,  ultra  navaJom  pontem,  inter  bona  olim  Johannis 
vander  Hoeven,  fusor  pottoruni  stanneoruni,  nunc  vero  Pétri  van  den  Ynde,  ab 
una,et  bona  Mychaelis  de  Demeren,  ab  alla  partibus,  extendens  retrorsum  usque 
ad  Diliam  ibidem  labenleni.  Exposito,  imposito  est  jure  hereditario,  predictus 
Rogerus  vanden  Bruynen,  nomine  et  ad  opus  sui  ipsius  et  ad  opus  Johanne 
Oliviers,  ejus  uxoris...  »  Acle  du  22  août  1515,  i«-5a. 

(4)  «  Rogier  vanuen  Bruynen,  cremere,  nu  1er  lyt  Meyer,  Jan  vander  Beken, 
Wouter  van  Ermbeghem  en  Gheert  vander  Vyinie,  als  provisoren  en  momboiren 
der  Bruederschap  van  Onser  Lievcr  Vrouwcn,  in  der  kercken  van  Sinte  Geer- 
truyden,  le  Loeven.  »  Acte  du  25  août  1505,  S». 

(s)  (1  Rogerus  vanden  Bruynen,  Gerardus  vanden  Vynne,  .loannes  Woutiers 
et  Arnoldus  Gordyn  pionunc  maijistri  confralernilatis  Béate  Marie  Virginis,  in 
ecclesia  Sancte  Gertrudis  Lovansensis.  «  Acle  du  IG  novemlire  1510,  3a. 


—  40i  — 

pour  empêcher  l'effusion  de  sang,  eut  une  main  enlevée  (i). 

Notre  Rogier  Van  den  Bruyne  était  en  i:\lO  juré  du 

métier  des  merciers  (2).  II  possédait  en  1517  une  propriété 

rue  Wierinx,  en  face  du  cimetière  de  Sainte-Barbe  (-.), 


(i)  «  Nae  dien  Rogier  vander  Bruvnen  comcn  es  bytlen  Raitle  vander  stadt 
den  selven  te  kennen  ghevende  dat  zyn  huysvi'ouwe  deerlyckcn  gequetst  was  by 
eenen  geheeten  Jacob  Nuyts,  alsoe  dat  zy  in  eenen  gevechtc  dwelck  de  voirsc, 
Jacop  tegen  Meester  Janne  van  Lyre,cyrurgyn,  huer  hant  vcrloren  hadde,  ende 
Jacop  voirsc.  dacr  op  met  rechte  geroepen  hadde  geweest,  om  hem  by  hem  selven 
oft  yemande  anders  te  conien  verexcuseren  oft  by  alsoe  hy  dat  noch  niemant  van 
zynen  wegen  en  date  men  soude  hem  houicn  voer  den  l'eytoer.  Ende  Janne  Nuyts 
voirs.  seggende  hem  last  hebbende  van  den  voirsc.  Jacoppe  en  voere  den  selven 
Jacoppe  comparerende,  heeft  aldair  aenhoortden  voirsc.  Rogier,  de  welcke  Rogier 
presenteerde  te  bringen  zyner  huysvrouwen  de  welcke  Jacoppe  voirs.  wilde 
gheven  oft  houden  dat  hy  de  ghene  geweest  was  die  huer  de  hant  aff  gehouden 
hebben,  concluderende  hoe  verre  Jacop  voirs.  dien  cedt  niet  en  wilde  aennemen, 
en  zy  dien  dede  dat  Jacop,  in  dien  gevalle,  huer  sculdich  soude  zyn  'tselve  te 
beteren  hem  des  gedragende  totten  rechte.  Daer  op  Jan  Nuyts  corapai'erende  van 
des  voirs.  Jacobs  wegen  als  voere  volcomen  last  hebbende  antwoerde  dat  Jacop 
nemmermeer  zweren  en  soude  dat  hyt  gedaen  hadde  oft  niet  gedaen,  aengesien 
datter  tvvee  vechtende  waren,  liem  zeer  vervreemden  "dat  zy  hem  meer  aen  teech 
dan  den  anderen,  maer  hoepte  dat  zy  den  anderen  zoe  wel  sculdich  waren  te 
betrecken  te  rechte  als  hem;  daer  op  Rogier  vanden  Bruynen  voirsc.  replicerende 
persisteerde  in  synen  voernemen,  ende  Jau  Nuyts  voirscreven  van  wegen  als 
voere  persisteerde  in  voernemen  ter  contrarie.  Ende  zoe  es  geterraiueert  en 
vuytgfsproken  dat  zoe  verre  Rogiers  huysvrouwe  den  eedt  doet  dat  Jacop  Nuyts 
huer  de  hant  afgehouden  heeft  ende  nyemant  anders,  dat  hy  dat  in  dien  gevalle 
Jacob  de  selve  man  zyn  sal,  die  huer  dat  sculdich  sal  zyn  te  beteren,  naeden 
bekennen  Jans  Nuyts  van  Jacops  wcghen  bekcnt.  Actum  in  consilio  xviij  junii. 

»  Item,  Johanna  Oliviers,  huysvrouwe  des  voirsc.  Rogiers  Vanden  [{ruynen, 
heeft  achtervoigende  der  voirsc.  terrainatien,ter  stavinghen  van  Jaime  Beerains, 
vorsters,  lyfelyck  ten  heyligen  gezworen  ende  byden  selven  ecdo  geclaert  dat  by 
Jacoppe  Nuyts  huer  de  hant  afgehouden  es  geweest  ende  by  niemant  anders. 
Actum  in  consilio  xx  junii.  » 

Acte  du  20  juin  1308,  ô^,  ad  Dnera. 

(2)  «  RoGERUs  VANDEN  Bruynen  ct  Johanncs  Peetérs,  pronunc  jurati  niiniste- 
riorum  mercemannorum  et  speciariorum  in  Lovanio.  « 

Acte  du  29  iiov.  IblO,  5=>. 

(3)  «  Ad  curtem  unam  sitam  in  vico  dicto  Wycrinck,  quo  itur  versus  capellani 
Sancle  Barbare,  in  opposito  atrii  dicti  den  Dondenkerckhof  \bidem,  inter  bona 


—  405  — 

Il  Iransféra  son  domicile  de  la  rue'  de  Malincs  à  la  rue 
Courte  et  y  demeurait  en  l-'i^O  (i).  En  1520,  Rogier  avait 
temporairement  quitlé  Louvain.  Il  habitait  alors  Tirle- 
mont  (2),  où  l'un  de  ses  lils  venait  d'obtenir  une  prébende 
au  chapitre  de  Saint-Germain.  A  celte  époque,  il  était  pro- 
priétaire de  la  maison  qu'avait  occupée  à  Louvain  Mathieu 
de  Layens,  l'illustre  architecte.  Ainsi  qu'on  le  sait,  cette 
habitation  était  située  au  Kuùkoek,  à  la  Voor  (r,).  En  1.'>57, 
lors  de  la  passation  de  l'acte  pour  l'exécution  du  tabernacle, 
il  demeurait  de  nouveau  à  Louvain. 

Rogier  Van  den  Bruync  et  Jeanne  Oliviers  dictèrent  leur 
lestamenl  le  1î)  juillet  i')."2,  Jeanne  mourut  peu  de  temps 
après.  Rogier  testa  de  nouveau  devant  maître  Jean  Van  Hove, 
notaire  public,  le  4  septembre  155,').  Sept  ans  après,  il  avait 
cessé  de  vivre.  Le  15  décembre  Joi2  eut  lieu,  devant  les 
échevins  de  Louvain,  le  partage  des  rentes  et  obligations 
délaissées  par  les  époux  Van  den  Bruyne-Oliviers  {/.).  On 


lierediiiu  Antlionii  qiioiulam  Zodelere,  ab  una,  d  hima  Rooeri  \.\nden  Bkuynen, 
ab  altéra  partibiis,  »  etc. 

Acte  du  ôO  juillet  loi",  .5a. 

(i)  «  Tusschen  Rogierkn  vanden  BituViNEN,  etc.,  van  sekeren  goeden  des 
voirsc.  Rogiers,  gelegen  in  de  Corlstrale,  daer  hy  Rogier  riisnit  inné  woenende 
is,  etc.  » 

Acte  du  ^H  janvier  1519,  5=». 

{i)  Louvain  nioninnoilfil,  p.  108. 

(3)  Ibidem. 

(4)  «  Ecne  scheydiiige  ende  deylinge  gemaici  /ynde  tusschen  J.\nne  vanden 
Bhcyne,  sone  wyicn  Rogiers,  ter  eenrc,  Heeren  en  Meestereii  Rociehen  vanden 
BniJYNE,  canonick  der  kercken  van  Sincle  Gcrmeyii  (te)  Tlnenen,  broeder  des 
voirsc.  Jans,  ter  andere,  Gabriei.en  vanden  Bruyne,  brueder  der  voirsc. 
gebruederen,  ten  derdere;  Heeren  en  Meesteren  Lodevvvke  vanden  Rhuvne, 
canonick  der  kercken  van  Sl-Jacnps,le  Loevenen,  en  oyck  brnedere  der  voirsc. 
!,'ebruederen ,  ter  vierdere,  Katiii.ynen  vanden  Brivnen,  znstere  der  voirsc, 
:-'pbriii'(lenMi,  wciliiwe  dcerl"^  wylcn  v.iiidcii  Vynnc,  ciiin  tiitorc,  ter  vylslcr, 


—  40Ô  — 

apprend,  par  l'un  drs  ados,  rédigés  à  l'occasion  de  co 
partage,  que  Rogier  a  possédé  jusqu'à  sa  mori  les  deux 
maisons  situées  à  la  Biesl ,  provenant  des  j)arenls  de  sa 
femme  (i).  Il  résulte  également  de  l'un  de  ces  documents 
qu'il  exerça  la  profession  de  mercier  jusqu'à  la  fin  de  ses 
jours,  car  il  y  est  parlé  de  marchandises  vendues  (2). 

Par  leur  testament,  Rogier  Van  don  Briiync  et  Jeanne 
Oliviers  laissèrent  une  redevance  de  2  chapons  et  lo  sols 
vieux  gros,  pour  une  distribution  de  pain,  qui  devait  avoir 
lieu,  chaque  année,  le  jour  de  l'Annonciation  de  la  sainte 
Vierge,  en  faveur  des  domestiques  indigents  des  paroisses 
de  Saint-Jacques  et  de  Sainte-Gertrude,  à  Louvain  (3). 

Nous  avons  dit  que  Rogier  Van  dcn  Bruyne  et  Jeanne 
Oliviers  laissèrent  huit  enfants.  L(Hir  fille  Jeanne  mourut 


Lysretten  vanden  BiiUYNEN,  ovck  zuster  der  voirsc.  gebniederoii  eiuie  ziislerc, 
ciini  tiitore,  ter  zestei'o,  en  Annen  vanden  Bruyne,  insgelyck  siistere  der  voirsc. 
gebruoderen  ende  ziisteren  cwm  tiitore,  ter  zevenster  zyden,  vanden  gnoden  ende 
rinten  lien  gebleven  ende  verstorven  nae,  derdoot  ende  allyviclieyt  vanden  voirsc. 
wylen  Rogieren  vanden  Bruynen  en  Ziisannen  wylen  Oliviers,  synder  hiiys- 
vronwen,  vader  en  moedere  der  selver  kinderen,  te  deylen,  by  lollien,  aelitervol- 
gende  den  teslaraente  en  viiytersten  wiUe  der  selven  bueren  ouderen  zoe  op 
den  xix  dach  jiilii  a"  xv^xxxij,  zoe  oyck  byden  voirsc.  wylen  Rogieren,  op  den 
iiijen  (jacji  september,  a"  xvcxxxv,  voere  Johamiese  van  Hove,  als  notaris  ende 
zekeren  getuygen  vercleert  en  geordineert,  welcke  ordinantie  van  testaniente 
ende  vnytersten  wille  zy  partien  elck  respective  zoe  verre  lien  aengaet,  hebben 
geratiBceert  ende  geapprobeert  ende  ratificeren  ende  approberen  inits  desen,  etc.  » 

Acte  du  io  décembre.  15i2,  enrer/isfré  au  0  Janvier  libro  lo42,  in-i^. 

(1)  «  'T  cleyn  bnysken,  op  de  Biest,  nu  toobehoereiide  Alylen  van  Hove, 

tiisschen  't  groot  buys  wylen  der  voirsc.  kinderen,  nn  l.aureys  Laiireys,  etc 

op  de  Biest,  un  toebelioerende  Laureys  Lauwereys,  tegen  over  den  cioeslerken 
vander  Annniiciatien,  tusschen  de  goeden  des  voers.  wylen  Rogiers,  nn  toebe- 
lioerende Aleytcn  van  Hove...  »  Même  acte. 

(2^  Acte  du  14  décembre  -1042,  2". 

(3)  Acte  du  14  décembre  1.^42,  2". 


—  404  — 

jeune;  mais  leurs  aulres  enfants  leur  survécurent,  savoir  : 
\°  Jean,  T  Rofjier,  3"  Gabriel,  4°  Louis,  S"  Calherine, 
6°  Elisabeth,  7°  Anne.  Le  père  émancipa  ses  enfants  de- 
vant les  échevins  de  Louvain,  le  10  octobre  1510  (i).  Dans 
l'acte  rédigé  à  cette  occasion,  Gabriel  figure  le  troisième. 
Jean  Van  den  Bruyne  était  l'ainé  des  frères.  Il  exerçait  la 
profession  de  mercier  (2)  et  avait  épousé  Elisabeth  Vander 
Straten  (5),  fille  de  Jean  et  de  Marie  Van  Thienen,  dont  il 
eut  plusieurs  enfants,  entre  autres  maître  Daniel  Van  den 
Bruyne,  licencié  ès-droits.  Jean  Van  den  Bruyne  vivait 
encore  le  :27  juillet  lo59  (4);  il  était  décédé  à  la  date  du 
30  mai  1361  (5).  Son  fils  Daniel  épousa  Anne  Van  Âssche,  fille 
de  Daniel  Van  Assche  et  de  Barbe  Van  Schore,  dont  il  laissa 
des  enfants.  Il  vivait  encore  le  G  avril  1392  et  mourut  avant 
le  14  mai  1596  (c). 

Catherine  Van  den  Bruyne,  fille  de  Rogier,  se  maria  à 


(j)  «  Item,  RoGEUus  vanden  Bruyne,  ûlius  qiiondam  Willelmi,  commorans 
Lovanii,  ia  presentia  emaiicipavit  Maiiistruni  Joliannem,  Rogerum,  Gabrielera, 
LudoNicuni,  Katlierinam,  Johannam,  Elisabeth  et  Annam,  suos  liberos,  a  pane 
suo  modo  debito  et  consueto.  »  Acte  du  10  octobre  4310,  l». 

(aj  «  Item  Johaknes  vanden  Bruyne,  mercemannus,  filins  Rogeri.  »  Acte 
du  20  juin  1518,  2».  —  Allen  dat  Jan  vakden  Bruyne,  sone  Roiiiers,  creemere, 
in  presentia,  heelt  geconstitucert  zyn  procureurs  en  voorgangers  Rogieren  vanden 
Bruyne,  zynen  vadere,  Meesteren  Rogiere,  Gabriel,  Lodewycke  vanden  Bruyne, 
zyne  broeders,  Janne  van  Aken,  etc.  »  Acte  du  \\  mars  1319,  5=". 

(s)  «  Dat  Jan  vanden  Bruyne,  Rogiers  sone,  creemere,  woonende  te  Loeven, 
in  presentia,  heeft  geconstitueert  xMccsteren  Rociere  en  Gabriel  vanden 
Bruyne...  en  Lvsbetten  vander  Straten,  huysvrouwe  des  vocrschreven 
constituants.  »  Acte  du  li  juillet  1526,  3^. 

(<)  Acte  du  27  juillet  1539,  2a. 

(5)  Acte  du  30  mai  1561,  2=>. 

(c)  Annotations  marginales  à  un  acte  du  i  novembre  1586,  in-2=';  acte  du 
9  septembre  1593,  \->.  —  Daniel  vanden  Bruyne  figure  souvent  dans  les  actes 
sous  le  nom  de  De  Bruyne  fout  court. 


—  io:)  — 

Gérard  Van  tien  Vinne,  veuf  de  Dymphiic  Van  Zallakcn,  et 
laissa  des  enfants  (i);  Anne  et  Elisabeth  restèrent  céliba- 
taires. La  dernière  testa,  devant  le  notaire  Jean  Van  Wamel, 
le  24  avril  io70.  Elle  mourut  le  21  août  de  la  munie  année 
et  fut  inhumée  près  de  sa  sœur  Anne,  à  l'église  de  Saint- 
Pierre,  devant  l'autel  de  Sainte-Ursule  (2).  Deux  des  fils  de 
Rogier  Vanden  Bruyne  embrassèrent  l'état  ecclésiastique. 
En  1521,  Rogier  était  curé  du  village  de  Roux-Miroir  (5); 
en  loil,  il  était  chanoine  de  la  collégiale  de  Saint-Germain, 
à  Tirlemont;  Louis  était  à  la  même  époque  chanoine  du  cha- 
pitre de  Saint-Jacques,  à  Louvain  (i).  Celui-ci  devint  ensuite 
doyen  du  même  chapitre.  Il  habitait  avec  sa  sœur  Elisa- 


(i)  «  Condt  zy  allen  lieden  dat  een  deylinghe  ende  sceydinge  gesciet  ende 
geinaict  zyn,  by  loote,  tiisschen  Lysbetten  vanden  Vynne,  dochter  wylen  Geerts, 
huysvrouwe  Franssen  Anits,  met  consente,  wille,  weten  en  overstaen,  des 
voirsc.  Franssens,  hncrs  mans,  Janne  van  Haenwyck,  den  voirsc.  Franssen 
Arts  en  Henricke  vander  Weyen,  als  tuteurs  ende  momboirs  van  Geerde,  Clase 
ende  Jacoppe  vanden  Vynne,  ombej  lirde  brueders,  der  voirsc.  Lysbetten  vanden 
Vynne  en  kinderen  des  voirsc.  wylen  Geerts  vande  Vynne,  die  hy  behouden  heeft 
van  Dynopnen  wylen  van  Zallaken,  zynder  ierster  huysvrouwen,  cm  des  voirsc. 
steet  byden  Raide  vander  stadt,  specialyrk  geordineert  ende  gedepnteert  zynde, 
Katlynen  vanden  Bruynen,  dochter  Rogiers,  weduwe  des  voirsc.  wylen  Geerts 
vanden  Vynne,  voer  huerer  tocht,  Rogieren  vasden  Bruyne,  Jannen  vanden 
Bruynen  en  Gielen  Ydeletten,  als  tuteurs  en  momboirs  van  Goryse,  Machiele 
ende  Susannen  vanden  Vynne,  ombejairde  kinleren  des  voirsc.  Gheerts  wylen 
vanden  Vynne  en  der  voirsc.  Katlynen,  zyner  tweester  huysvrouwen,  totter 
raomboiren  en  oni  des  nae  bescreven  steet,  by  den  Raide  van  der  stadt  specialyck, 
gcdeputeert  en  gcstelt  zynde,  ter  andere  zyden,  vanden  goedeu,  rinten  ende 
pachten  hen  verstorven  zynde  by  der  doot  en  aflyvichcyt  des  voirsc.  wylen 
Gheerts  vanden  Vynne,  vadcr  der  voirsc.  kinderen  vander  Vynne,  te  dylen,  etc.  » 
Acte  du  4  mars  1328,  la. 

(a)  Actes  du  notaire  Jean  van  Wamel  de  1370,  f»  289  v". 

(ô)  «  Heer  Rogier  vanden  Bruynen,  priestere,  prothiaen  der  kercken  van 
Rouxffiiroir,  heeft  geconstitueert...  Rogieren  vanden  Bruynen,  zynen  vadere, 
Janne  en  Gabrielen  vanden  Bruynen,  zynen  broeders,  etc.  t  Acte  du 
26  avril  1321,  3a.  —  Acte  du  19  fév.  1323,  ôa. 

(4)  Acte  du  13  déc.  1342,  2a. 


—    iO(i  — 

bctli  une  iiiaisoii  siluéc  dciTiôrc  l'anljej-ge  Jippeice  l'Homme 
Sauvage,  place  Marguerite.  Cet  ecclésiastique  mourut,  dans 
un  âge  très-avancé,  en  lo78,  lorsque  la  peste  exerçait  les 
|)lus  grands  ravages  ;i  Louvain.  Le  partage  de  sa  succession 
eut  lieu  devant  nos  éclievins  le  I!)  aoul  de  l'année  (ju'on 
vient  de  lire  (i). 

Gabriel   Vanden  Ijruvne,   noli-e    artiste,    est  mentionné 


(i)  «  Koii  sfl)L'ydingc  cii  lieylingo,  by  iotmy;e  ti;ii'i'iininie  gescliiedl  en  gcbourt 
syndc,  tusscheii  Meestereii  Peetkken  Waiteks,  zoo  in  den  naeiiie  en  van  wegen 
Mauie  v.vndkx  Brlv.ne,  syiie  liuysYrouwe,  voer  twec  deelen,  als  oyck  vadcr  en 
iiioraboii',  endf  met  hem  béer  en  nieester  Anllionis  de  Man,  liceiitiaet  in  beyde 
lecbten,  oyck  als  niomboir  van  Pauvvelen,  Susanna,  Anna  en  Lysbelh  Waulers, 
kinderen  des  voirserevcn  Meester  Peeters ,  by  beni  beboiiden  vande  voirscreve 
Makie  de  BiiuvNE,  zyne  voirscrevcnc  buysvronwe,  etc.,  voer  een  deei,  naevol- 
gende  de  procuratic  en  acte  van  nioniboirye  rcspectievelyck  daer  att'gepasseert, 
voir  weliiouderen  dcr  stadl  van  ïbienen,  in  date  des  xij'"  en  xvj'"  angusti,  beyde 
lestieden,  eude  alhier  geble'Ken  en  gesien,  Elizaiîet  vanden  Bruyne,  iBct  consente, 
bysyn  en  overstaene  van  Franchols  van  Lare,  baeren  man  ende  inoniboir, 
voir  twee  deelen,  de  selve  Francliois  van  Lare,  ais  vader  en  wetlicb  momboirvan 
Hogier  van  Lare,  synen  sone,  voir  een  deel,  Meester  Fiancbois  Le  Rouix  en  de 
voirscrevcn  Franchois  van  Lare,  in  den  naeme  en  van  wegiien  Clara  vanden 
Vinnc,  dochtere  wylen  Micbitls,  als  daer  toc  beboirlyck  t'i^t'onstitucert  synde, 
by  de  selve  Clara,  voir  meestcre  Jannen  Kerssel,  als  openbaer  notaris  ende 
/.ekere  gethnygen,  den  xxiij''"  jannary  lestieden,  al  naerder  blyckende  by  deselvc 
procuratie,  in  date  voirscrevcn,  voir  een  dcel;  meester  Pectcr  vander  Hoiïstadl  en 
Meester  Wanter  Remigii,  als  tuteurs  en  niomboirs  van  Peetercn,  Silvesteren 
onde  Susannen  vander  Hoirstadt,  kindcrcn  deszelfs  meester  Peelers,  by  beni 
bdiouden  van  Susanna  vanden  Vinnc,  synder  ierster  huysvrouwe,  volgens  d'acte 
va)]  moniboirye  daer  aiï syndc,  gepasseert  voir  weesmeesters  der  sladt  van  Loven, 
ii.j' "  july  lestieden;  onderteckcnt  :  H.  Cloet,  de  voir  een  dcel,  aile  als  geïnsli- 
tneeide  erfrgenacmen  wylen  lleer  en  Meester  Lodlwvcx  de  BnuYNE,  dcken  van 
SinlJacubs,  (pp  die  liiest,  binnen  Loven,  als  by  Icell'dcn,  als  blyckt  by  den 
leslaniente  dessell's  wylen  bcei'  eu  Meester  Loduwycx,  gepasseert  voir  béer  en 
Meester  CoenraerdI  Siivio,  openbaer  notaris,  en  zekeren  getbuygens,  den  derden 
may  xvlxxvij'"'',  by  wclcken  by  ondcr  andcren  geordinccrt  en  begeert  beefft  de 
nacrvolgcnde  goeden  en  renicn  tusscbeu  die  voirgenocmpdc  persoonen  in  deilbien 
gelyckc  deelen  gedeylt  le  wordene,  »  etc. 

Acte  (lu  V.)  aoiil  IjTf^,  in  libro  1578,  1"  atl  /iiiciii. 


—  407   — 

pour  lu  preinièj'c  luis  dans  un  acicîdu  l'''(l(''ceiiil)r(>  \'M)\  (\). 
Il  (.'u(  probablement  jjoui-  parrain  le  l'rère  de  su  mère,  Gabriel 
Oliviers,  lerminuirc  du  couvent  des  Récullels,  ù  Berg-op- 
Zoon),  qui  ligure  dans  un  acte  du  i2i  janvier  I  jOO  et  qui  esl, 
en  outre,  nientioinié  dans  une  pièce  du  l"  avril  loOi  (j). 
A  la  date  du  l'''  octobre  loll,  le  futur  ai-liste  demeurait 
chez  ses  parents  (r.).  Nous  ne  connaissons  pas  le  nom  de  son 
maitre.  Louvaiu  comptait  au  commencement  du  xvi"  siècle 
plusieurs  sculpteurs  de  talent,  tels  que  Allard  de  llamel, 
GodelVoid  de  Guypere,  Jean  Petercils ,  Henri  Van  Tunger- 
loo,  Pierre  Beyaert,  Mathieu  Keldermans,  Henri  Roose, 
Henri  MouAve  et  autres.  ,  • 

H  va  sans  dire  que  son  père,  qui  nous  apparaît  dans  les 
documents  comme  un  homme  qui  s'intéressait  vivement  à 
l'avenii"  de  ses  enfants,  le  contia  à  un  artiste  de  mérite.  Son 
oncle  et  ses  deux  frères  étant  des  lettrés,  il  vécut  dans  un 


(i)  «  Heni'icus  de  Muntcre,  lilius  (luoiidam  Waltcri,  Oordiierwerchere^hih'àw- 
ncs  Drabbc,  senior,  braxator,  et  Johaiiiics  Ruyssche, lilius  quoiidam  Barlliulomoi, 
caligator,  recognoverunt  se  debere  iiidivisum  Johanni  et  Gabrieu  vandek 
Bkuynen,  fratribus,  filiis  Rogcri  vander  Bruyiieii,  mercemanni,  duos  Uorenos 
Relieuses,  .,.  salva  perceptione  Gertriidis  Amelcn,  rolicle  Stephaiii  quondaiu  de 
Aclst...  » 

Acte  (lu  i"  déc.  loOl,  rapporté  dans  l'acte  du  h'  cet.  loi  I,  ôj. 

(2)  «  Brueder  GAuraEL  Oliviers,  priosterc,  /oiie  wyicii  Stevens,  toriiiiuarius 
oppidi  Bergensis  super  Zoeinani...  Rogiere  vaiulen  Bruynen,  crcemere  syneii 
swagere...  » 

Acte  du  12  avril  J5UÔ,  3^. 

(3)  X  Villicus  Lovaniensis  adduxit  Rogeruni  vaud^r  Bruynen  tanquaui  pructi- 
ratorem  Gabrielis  vander  Bruynen,  cjus  lilii,  in  ejus  pane  existentis,  et  Johan- 
iiemvan  der  Bruynen,  liliuni  dicti  Rogcri,  adomniabonaUenrici  deMuntere,  »  etc. 
Acte  du  l*''  octobre  1511,  5^  —  «  Want  ten  vervnige  Rogiers  vander  Hruyneii 
gelydt  zynde,  uut  inacbt  van  scepenen  brievei)  van  Loevcn,  van  /yiu'n  en  zyns 
/ocns  Gabriel  van  Bruyiieii,  in  zyne  broode  wesende,  weltige  gebreken  van  twee 
rinsgulden  lyftocbten  tôt  allen  don  goeden  Jans  wylen  Drabbe,  »  etc.  Acte  du 
17  fév  l^'l,  ô". 


—  408  — 

milieu  qui  dul  cire  favorable  au  développement  de  son 
talent.  Il  est  possible  qu'après  avoir  travaillé  dans  l'atelier 
de  l'un  de  nos  sculpteurs,  il  quitta  la  ville  pour  aller  se  per- 
fectionner ailleurs.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  habitait  Bruxelles 
lorsqu'il  fut  chargé  de  l'exécution  du  tabernacle  de  Saint- 
Jacques. 

On  sait  qu'à  cette  époque  nul  ne  pouvait  placer  à  Louvain 
un  travail  quelconque  sans  être  admis  dans  l'une  de  nos 
corporations.  A  la  veille  de  traiter  avec  le  conseil  de  fabrique 
de  Saint- Jacques,  Gabriel  Yan  den  Bruyne  se  fit  recevoir 
dans  le  métier  des  maçons  et  sculpteurs.  Son  admission  eut 
lieu  le  16  septembre  1556.  A  cette  occasion,  il  promit  aux 
doyens  Ivan  Vanden  Kerkhove  et  Thierry  Van  Volxem  de 
payer  au  profit  de  la  corporation  une  somme  de  4  cavaliers 
d'or,  plus  8  sols  comme  droit  d'autel  et  de  chandelles.  Son 
père  se  porta  garant  pour  ce  paiement.  Dans  l'acte  reçu  à 
celle  occasion  par  les  échcvins  de  Louvain,  l'artiste  est  quali- 
fié de  Cleynslekere  (i). 

Nous  sommes  malheureusement  sans  renseignements  sur 
la  vie  de  Gabriel  Vanden  Bruyne.  Cinq  années  après  le 
placement  du  tabernacle  de  Saint-Jacques,  il  habitait  tou- 


(i)  «  Item,  Gabriel  vanden  Cruynen,  sone  Rogiers  vanden  Bruynen,  cleyn- 
slekere, deselve  Rogier  de  vader,  in  presentia.hebben  gelooft  indivisum  Jweyncn 
vanden  Kerckhove  en  Diericke  van  Volcxsem,  gezwoiren  nu  ter  tyt  en  lot  behoetT 
vanden  nielsserf.  ambachte  deser  sladt,  vier  ryders,  elcken  le  xxvj  sluvers  gerekenl, 
te  bel&len,  den  eencn  Ryder  daer  all'tsint  Jansniesse  naistcomende,  en  soe  voerts 
aile  vervolgende  joren  Isinljansmcsse  een  der  selvc  Ryders,  lolter  volder  bela- 
linghen  der  voirsc.  somme  toe,  oick  mede  voer 'l  Keers  en  Altaerghell  viij  sluvers, 
...  met  condilien  vander  clockslaghe  in  gewoonlycker  formen...  Coram  Graven, 
Oliviers,  seplerabris  xvj.   » 

Acte  du  16  septembre  lo36,  3a. 


—  /m  — 

jours  Bruxelles,  ainsi  (|ue  nous  allons  le  voir.  En  l;j4'2, 
quarante  habitants  de  Louvain,  hommes  et  femmes,  furent 
poursuivis  pour  hérésie.  Notre  ami  M.  Louis  Galesloot  a 
retrouvé  aux  ai-chivcs  générales  du  royaume  les  interroga- 
toires de  vingt-un  de  ces  prévenus.  Ces  actes  ont  été  publiés 
en  partie  par  M.  Ch.-A.  Campan,  à  la  suite  de  son  édition 
des  Mémoires  de  Francesco  de  Enzinas,  Or,  dans  l'une  de  ces 
pièces  il  est  parlé  incidemment  de  notre  artiste.  La  mention 
se  trouve  dans  l'interrogatoire  du  sculpteur  Jean  Beyaert, 
époux  de  Catherine  Metsys ,  fille  de  Josse  et  de  Christine 
Van  Pullaer. 

En  interrogeant  les  prévenus  accusés  d'hérésie,  le  magis- 
trat instructeur  avait  soin  de  leur  demander  s'ils  n'étaient 
pas  en  rapport  avec  des  personnes  habitant  d'autres  locali- 
tés, afin  de  découvrir  ainsi  de  nouveaux  coupables.  Beyaert, 
qui  fut  décapité  pour  hérésie,  était  en  relations  avec  Van  den 
Bruyne.  Mais,  dans  son  premier  interrogatoire,  il  ne  le 
déclara  point.  Mis  à  la  torture,  le  23  mars  1542,  on  lui 
demanda  de  nouveau  s'il  ne  connaissait  personne  à  Bruxelles. 
Il  répondit  qu'il  y  connaissait  un  nommé  Gabriel,  sculpteui- 
(Cleynslckere) ,  natif  de  Louvain;  mais  il  ajouta  qu'il  n'en 
connaissait  pas  la  demeure  (i).  Beyaert  connaissait  Bruxelles 
et  partant  la  rue  habitée  par  Van  den  Bruyne.  La  précaution 
qu'il  prit  de  ne  pas  indiquer  la  demeure  de  l'artiste,  nous  fait 
supposer  que  celui-ci  était  également  partisan  de  la  réforme. 
La  déclaration  du  prisonnier  était  plus  qu'il  n'en  fallait  pour 


(i)  «  ...  Gevracght  oft  hy  tôt  Brucsselc  egheon  kennisse  en  heeft,  seegl  neen, 
dan  cenen  geheeten  Gabriel,  cleyiisteeckere,  van  Loevene  geboren,  sonder  de 
strate  le  wcetene  wacr  hy  woont.  »  Mémoires  de  Francesco  de  Emiiias,  2«  parlie, 
p.  414. 


—  410  — 

rendre  Fai'lisle  suspeel  mux  yeux  de  la  justice.  Nous  igno- 
rons s'il  lui  poursuivi.  Beyaerl  avait  pi'ol)ableincnt  aide 
Van  den  Bruync  lors  du  placement  du  tabernacle  de  Sainl- 
Jacques. 

Notre  artiste  était  marié;  mais  nous  n'avons  |)u  découvrir 
le  nom  de  son  épouse.  11  mourut  avant  le  8  mai  l-Kil  (i). 
Le  sculpteur  laissa  une  (ille,  Elisabeth  Van  (\vn  Bruyne,  qui 
se  maria  à  François  Van  Lare,  orfèvre,  à  Louvain.  Elle  esl 
nientionnée  dans  un  acte  du  5  février  15G6  (2). 

Gabriel  Van  den  Bruync  est,  ainsi  qu'on  vient  de  l(!  voir 
Tun  des  sculpteurs  les  moins  connus  de  la  ]Ȏriode  (jui  mai'- 
qua  en  Belgique  la  lin  de  l'art  ogival. 

Cet  artiste,  qui  fournit  une  longue  carrière,  a  dû  exécuter 
bon  nombre  de  travaux  importants,  et  il  serait  à  souhaiter 
que  l'histoire  de  sa  vie  fût  l'objet  des  investigations  de  nos 
archivistes.  C'est  dans  le  but  d'attirer  sur  lui  rallcnlion  de 
nos  collègues  et  de  provofpier  des  recherches  de  hur  ]»ai-l, 
que  nous  avons  résolu  de  jiublier  les  renseignements  (jue 
nous  venons  de  communiipier  à  nos  lecteurs. 


(1)  «  ...  Lysbetuen  van  den  BnuYNEN,  dochler  wijlen  Cabriels,  huysvrouwe 
Franscn  vanJen  Lare...  » 

Acte  du  8  mai  1561,  2". 

(2)  «  Item,  Lysbeth  vanden  Iîuuvne,  dochler  wyleii  Gauuiels,  niel  consenlo, 
wille,  veten  en  bysyne  Franssen  van  Lare,  huers  mans,  heelt  opgedragen,  met 
behoirlyke  verlhydenissc,  ccn  huy:?  geheclen  den  Kcmele,  nieller  scalgien,  boire- 
puUc,  backhuysse,  achterhiiyse  en  slalle  oft  houlliuyscn  en  anderc  /yne  toebc- 
hoirlen,  gelyck  dezelvc  goeden  gelegen  zyn  in  den  Langen  Wyrinck,  tusschen  die 
goeden  Peelers  Bloemaris,  1er  eenre,  en  de  goeden  Peelers  Helschcviers  ter  andere 
7.yde,  commende  achteruyt  metten  voirsc.  houihuyse  totle  in  de  Ratlemanspoerte, 
ge!ycke\vy.s  zy  de  zclve  goeden  by  naderschappc  vercregen  heefl,  legcn  heeren 
Gregorysen  vander  Vynnc,  cum  suis,  opdcn  acbslen  dach  niny  xvfixij,  op  laslc 
daer  van  voercn  vuytgaende,  »  enz. 

.\c/e  du  li  février  loiJG,  2^ 


—  411    — 

Ce  lui  le  '2'2  dccembro  1557,  devanl  les  cciicviiis  de  Lou- 
vaii),  que  le  conseil  de  l'abrique  de  Saint-Jacques  contracta 
avec  Gabriel  Van  den  Bruyne  pour  l'exécution  du  taber- 
nacle (i).  L'église  était  représentée  par  François  de  Campo, 
curé,  Arnouid  Vinck  cl  Corneille  lluybrechis,  membres  du 
conseil  de  labricpie,  maiire  Jean  Van  Havescbole,  maître 
Henri  de  Rycke  et  autres  notabilités  de  la  paroisse;  l'artiste 
était  assisté  de  son  père  et  de  son  frère  aîné.  On  lui  indiqua 
comme  modèle  ou  patron  de  l'œuvre  à  fournir  le  tabernacle 
de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain,  exécuté  d'après  les 
dessins  de  Mathieu  de  Layens,  l'auteur  du  plan  de  l'Hôtel 
de  Ville.  Selon  le  contrat,  le  tabernacle  devait  avoir  la  même 
forme  et  les  mêmes  dimensions  que  celui  de  Saint-Pien-e. 
Il  devait  être  exécuté  en  pierre  de  même  nature  que  celle 
du  dernier  édicule.  Les  bas-reliefs  et  les  statuettes  devaient 
être  analogues  à  ceux  qui  décorent  le  tabernacle  de  notre 
église  primaire.  La  fabrique  s'engagea  à  faire  établir  les  fon- 
dations etl'escalier  du  tabernacle,  ainsi  qu'à  en  faire  exécuter 
les  portes.  Elle  devait  également  fournir  le  fer,  le  plomb,  la 
chaux  et  les  échafaudages  nécessaires  au  placement.  Elle 
prit,  en  outre,  à  sa  charge,  la  décoration  picturale  (Stouf- 
feeren)  de  l'œuvre.  Bien  que  l'église  se  chargeât  de  faire 
établir  les  fondations,  l'artiste  était  tenu  de  s'assurer  si  elles 
présentaient  toutes  les  garanties  désirables  de  solidité, 
car  il  demeurait  responsable  de  tous  les  accidents  qui 
auraient  pu  arriver  dans  l'avenir  à  son  travail.  La  moitié  du 


(i)  a  Op  lien  xxi  decembris  anny  xvcxxxvj,  in  mi.'ilia  caniera,  was  de  vocr- 
\\aerde  gliepasseerl  voer  sceiienen  vanden  heyligen  Sacrairieiilshuysc,  alsoe 
betaclt  voer  onser  lievcr  Vrouwon  gelt   en   registor  tsanien  ij  1/2  sluvers.    » 

V.  Compte  de  Vcglise  de  St-Jacqucs  de  1337,  1»  '20, 


—  412  — 

tabernacle  devait  èlie  placée  à  la  kermesse  de  Louvain 
(  !"■  dimanche  de  septembre)  1558,  l'autre  moitié  à  la 
Saint-Jean  1559  ou,  au  plus  tard,  au  dimanche  après  la  fête 
de  Saint-Jacques  (^o  juillet)  de  la  même  année.  Le  prix  à 
payera  l'artiste  était  de  250  florins  Carolus,  à  20  sols  pièce, 
somme  très-considérable  pour  l'époque. 

Au  moment  de  la  passation  du  contrat,  l'artiste  recevait  un 
à-compte  de  50  florins.  Il  loucherait  100  florins  lorsque  la 
moitié  de  son  œuvre  serait  placée  à  l'église  et  les  100  florins 
restants  lorsque  le  travail  serait  complètement  achevé.  Rogier 
Van  den  Bruyne  père  et  Jean  Van  den  Bruyne  fils  se  portèrent 
caution  pour  leur  fils  et  frère.  Nous  publions  en  note  le 
texte  de  ce  contrat  (i). 


(i)  «  Item,  Gabriel  vanden  Eruyxen,  sone  Rogiers,  woenendc  lot  Bruessele, 
heeft  genomen  ea  bekynt  genomen  te  hebben,  tegen  heeren  en  meesteren  Fran- 
cissen  de  Campo,  van  Zonne,  procliiaen,  Arnde  Vynck  en  Cornelyssc  Iluybrechts, 
fabryckmeeslers,  meesteren  Jannc  van  Ravescote,  Henricke  de  Rycke,  en  oick  den 
anderen  goede  mannen  vander  prochien  der  kercken  van  S'*  Jacops,  te  Lovene,  te 
maken  een  heylich  sacramentshwjs,  van  alsulcken  sleene  en  op  alsulcken  grootte 
en  vvydde,  breydde  en  hoogde  en  opt  selve  patroon  als  es  'theylich  sacraments 
huys,  in  de  kercke  van  S'^-Peeters,  te  Lovene;  nyet  arghere  mair  betere,cnde  met 
gelycke  beelden,  soe  en  gelyck  int  selve  heyligc  sacraments  huys  van  S**-Peeters 
staende  zyn;  nyet  arghere  mair  betere  van  faitsoen;  souder  de  selve  gehouden 
wesen  te  stoufTeeren ,  ende  dit  omme  en  voer  de  somme  van  twee  hondert  en 
vyfflich  Karolus  gulden,  te  xx  stuvers  stuck;  de  vyfftich  Karolus  gulden  daerafT 
gereel  en  terstont,  gelyck  oick  de  voirsc.  Gabriel  vanden  Bruynen  de  selve 
vyfflich  Karolus  gulden  bekynde  als  nu  ontfangen  te  hebben  ;  noch  hondert 
Karolus  gulden  dairaft',  alsl  halfi' gestelt  sal  wesen,  en  't  surplus  alst  tecnenmalc 
voldaen  en  inden  voirscreven  kercken,  soe  en  gelyck  dat  behoirt,  gestelt  sal 
wesen  ;  met  conditien  dat  de  voirscreven  Gabriel  nyet  gehouden  en  sal  wesen  in't 
leggen ,  leveren  noch  maken  vanden  trappen  vanden  sclven  heyligen  sacra- 
mentschuyse,  mair  sal  de  fabrycke  de  selve  trappe  moeten  leveren,  en  metten 
fondamenten  van  den  selven  heyligen  sacramentshuyse  doen  leggen,  oick  sonder 
cost  oft  last  des  voirsc.  Gabriels  ;  dies  soe  sal  de  selvo  Gabriel  gehouden  wesen 
toe  te  siene  soe  dattet  'tselve  fondameni  en  trappen  geleegt  werdden,  soe  dat 
behoirt,  wel  verslaende  soe  verre  by  quaden  toesiene  totlen  selven  fondamenten, 


—  415  — 

11  résulte  d'un  passage  du  compte  de  l'église  de  Saint- 
Jacques  que  le  tabernacle  se  trouvait  en  place  au  mois  de 
juillet  1559  (i).  Gabriel  Van  den  Bruyne  avait,  par  consé- 
quent, satisfait  à  ses  engatçements  à  l'époque  stipulée  dans 
le  contrat  que  nous  venons  de  faire  connaître. 

D'après  le  contrat,  le  tabernacle  devait  être  une  reproduc- 
tion de  celui  de  l'église  de  Saint-Pierre.  L'artiste  n'a  pas 
observé  celte  stipulation.  Tout  en  conservant  l'ensemble  de 
l'œuvre  qu'on  lui  avait  désignée  comme  modèle,  il  sut  en 


in  loecomende  lyden,  gebreck  viele  dat  dat  gebreck  de  selve  Gabriel  gehouden  sal 
wesen  op  te  richtene.  Ende  vanden  leukens  op^Ye^ts  incluys,  soe  sal  de  selve 
Gabriel  't  selve  heylich  sacramentshuys  gehouden  wesen,  tôt  zynen  coste,  tôt 
boven  toe,  op  te  maken,  des  soe  en  sal  de  selve  Gabriel  egheenssins  gehouden 
weseu  int  leveren  van  den  calck,  yser  noch  loot  en  stellingen  noch  doeren  vanden 
selven  heyligh  sacramentshuys  dwelck  totten  selven  wercke  behoeren  sal, 
ende  't  selve  werck  inde  voirsc.  kereken  van  S^Macops  gelevert  en  gestelt  te 
hebben,  ter  plaitssen  dair  dat  behoirt,  d'een  hellicht  dairaff  te  Lovenkermisse, 
naislcomende  en  d'ander  hellicht  vanden  selven  -svercke,  van  S*°-Jansraesse- 
Baptisla  naislcomende  over  een  jair,  of  ombregrepen,  des  sondaighs  voor 
S'°-Jacopsdach,  voldaen  te  zyn,  op  vuege  nochtans  dat  hy  Gabriel  nyet  gehouden 
en  sal  zyn  inden  trap  die  boven  die  leeuwkens  staet,  dair  die  priester  op  staet  als 
men  theylige  sacramente  vuytlangt,  van  de  welcken  de  voirsc.  Gabriel  opde  vuege 
voirscreven  en  de  voirsc.  Prochiaen,  Arnt  Vynck  en  Cornelys  Huybrechts,  vanden 
selver  fabrycken  wegen,  malcanderen,  na  inhoudt  van  desen,  geloelï  hebben  te 
voldoen.  Ende  hier  voer  hebben  hen  verbonden  voir  den  voirschreven  Gabrielen, 
als  principale  schuldeneer,  iudivisura  de  voirsc.  Rogier  vanden  Bniynen , 
vader  des  voirscreven  Gabriels,  ende  Jari  vanden  Bniynen,  oick  sone  desselffs 
Hogiers,  etc.  Corani  Tymple,  Heyden.  Uecembris  xxij.  » 

Acte  du  22  décembre  IS37,  2=  chambre  dchevinale. 

(i)  a  Item,  belaelt,  in  julio,  anno  xxxix,  voer  drie  sack  vout  kolen  die  verbe- 
sight  syn  int  setlen  vanden  heyligen  sacramenl,  vij  st. 

»  Item,  es  te  weten  dat  ick  inde  voergaende  rekeninghe  gherekent  hebbe 
ontfanghen  te  hebben  van  Adriaen  Leerbyls  xiij  rlnsgulden  vander  kerck  weyden 
ende  mits  dat  hl  claeghde  dalter  schade  ghescifti  was  vanden  gruys  op  den 
kerckhoeve  te  breyden,  dat  gbecomen  was  alsraen  het  sacramentshuys  fundeerde, 
alàoe  dalhen  bi  ons  meesler,  kcrckmeesters  ende  goede  raannen  quylghescholden 
es  2  Rinsgulden.   » 

Compte  de  Véglise  de  S^-Jacques  de  loBO,  f"  20. 


—  414  — 

modifier  la  silhoiietlo  et  les  détails  d'après  son  inspiration  et 
le  goût  de  l'époque;  (Ml  d'antres  mois,  il  sut  ])roduire  une 
cenvre  à  lui. 

Celte  ravissante  création  présente  dans  son  ensemble 
une  pyramide  hexagonale  de  12  mèlres,  construite  en  grès 
d'Avesnes,  dans  le  style  ogival  llimaud  de  la  troisième 
période.  Elle  comprend  trois  parties  :  la  hase,  le  tabernacle 
proprement  dit  et  la  llèchc  de  couronnement.  La  base, 
moulurée  aux  parties  inférieures  et  supérieures,  forme  en 
plan  un  hexagone  régulier  dont  les  angles  sont  garnis,  à 
l'intérieur  comme  à  l'extérieur,  de  colonnettes  engagées. 
Une  colonnette  centrale  reçoit  diamétralement  loules  les 
nervures  des  petites  voûtes  (pii  forment  plafond  à  l'intérieur 
du  soubassement.  Les  côtés  sont  percés  d'arcades  légère- 
ment surhaussées  etgarnies  de  feuilles.  Sur  ce  soubassement, 
qui  est  d'un  caractère  sévère  par  rapport  aux  autres  détails 
de  l'édicule,  s'élève  le  tabernafk;  ou  l'armoire  poui'  le  saint 
sacrement.  Cette  partie  continue  les  gracieuses  projections 
horizontales  et  verticales  du  socle.  Les  angles  sont  à  colon- 
nettes,  qui  soutenaient  autrefois  les  statuettes  des  apôtres. 
Les  arcades,  qui  se  trouvent  au-dessus  des  portes,  renferment 
des  groupes  en  liaut-relief  représentant  des  scènes  de  la  vie 
du  Sauveur.  Ces  arcades  sont  couronnées  de  pinacles  angu- 
laires d'un  j("t  vei'tical  spleiididc  et  qui  commencent  à  foi-mcr 
la  llèche  de  couronnement.  La  llèche,  toujours  de  forme 
hexagonale,  est  llanqui'c  sur  ses  côtés  età  sa  souche  de  carrés 
saillants,  coupéssuivant  une  de  leurs  diagonales  et  qui  forment 
dv<,  dais  supportant  (]('<,  pinacles.  Des  saillies  délruissenl  la 
sècheres.se  que  les  grandes  lignes  di'oites,  sans  inlen-iiplion, 
auraient  pu  prixlnire,  ei  une  "^illhincilr  de^^  plus  gracieuses 


—  /ii:;  — 

vient  se  découper  tlaiis  le  vide.  Cette  flèelie,  qui  se  compose 
de  trois  rangées  d'arcades  superposées,  est  la  partie  del'édi- 
cule  la  plus  riche,  la  plus  compliquée,  l.i  plus  agréable.  On 
y  voit  en  quantité  des  galbes,  des  contre-forts,  des  galeries 
et  des  lleurons,  le  tout  sculpté  et  placé  avec  un  charme 
extraordinaire.  La  llèche  est  couronnée  d'un  pélican  faisant 
couler  sur  des  petits  le  sang  de  son  coi'ps  déchiré,  image  du 
Christ  ((ui  versa  son  sang  pour  le  salut  de  l'Iiumanilé. 

Le  tabernacle  de  Saint-Jacques  est,  dans  son  genre,  un 
morceau  de  sculpture  de  tout  premier  ordre.  Il  est  impos- 
sible de  décrire  à  l'aide  de  paroles  tout  ce  qu'il  y  a  d'origi- 
nalité, d'invention  et  de  poésie  dans  cette  pyramide  aérienne 
qui  s'élève  si  majestueusement  dans  la  vieille  église  louvnnisie, 
qui  présente  tant  d'intérêt  au  point  de  vue  de  l'art. 

Nous  avons  fait  remarquer  que  les  angles  de  la  partie  la 
plus  considérable  du  tabernacle  sont  ornés  de  colonettes  qui 
soutenaient  autrefois  les  statues  des  apôtres.  Malheureuse- 
ment ces  statues  ont  été  enlevées  au  commencement  de  ce 
siècle  et  remplacées  par  de  saints  personnages  se  trouvant 
à  genoux  dans  l'attitude  de  la  prière.  Ceux-ci  ont  été  sup- 
primés'en  1H75,  lors  de  la  restauration  du  tabernacle.  Mais 
le  conseil  de  fabrique  a  résolu  de  faire  rétablir  dans  les 
niches  les  statuettes  des  apôtres  d'après  des  modèles  appar- 
tenant au  commencement  du  xvi''  siècle. 

Les  côtés  du  tabernacle  sont  garnis  de  portes  simulées  en 
bois,  admirablement  décou])ées.  La  porte  proprement  dite  de 
l'édicule  se  trouve  du  côlé  du  mur  de  l'église.  Elle  est  en  fej-, 
.sans  ornementation.  Les  arcades  qui  se  trouvent  au-dessus 
des  portes  simulées  renferment  des  groupes  en  haut-relief 
représentant  les  sujets  suivants  :   l-  la  Cône,    H'  le  Christ 


—  416  — 

au  Jardin  des  Olives,  ô°  le  Baiser  de  Judas,  4°  sainte  Véro- 
nique venant  d'essuyer  le  visage  de  Jésus  montant  au  Calvaire, 
a"  le  Calvaire,  G"  la  Résurrection  du  Sauveur. 

Ces  hauts-reliefs  sont  traités  avec  un  sentiment  profond  de 
la  gravité  des  livres  saints.  Si  l'on  y  observe  encore  la  roi- 
deur  et  la  brisure  exagérée  qui  caractérisent  les  produc- 
tions sculpturales  de  la  période  précédente,  ils  sont,  par 
contre,  d'une  conception  magistrale  au  point  de  vue  du  sen- 
timent. C'est  l'ornementation  du  tabernacle  qui  est  d'une 
richesse  étonnante.  On  n'y  trouve  pas  de  pierre  qui  n'atteste 
de  l'imagination,  de  la  fécondité  et  de  l'habileté  de  l'artiste. 
Son  ciseau  a  répandu  ses  plus  charmants  caprices  jusque 
sur  les  parties  que  leur  élévation  dérobe  à  la  vue  du  specta- 
teur. L'édicule  offre  un  luxe  sans  égal  de  moulures,  de  feuil- 
lages et  des  détails  de  tous  genres,  Gabriel  Van  den  Bruyne 
va  étalé  tout  ce  que  la  sculpture  de  l'époque  pouvait  produire 
de  plus  compliqué,  de  plus  piquant,  de  plus  agréable. 
Et  chose  digne  de  remarque ,  il  exécuta  cette  œuvre  quand 
le  style  italien  avait  déjà  exercé  une  certaine  influence  dans 
nos  contrées.  Elle  prouve  par  sa  riche  et  hardie  décoration, 
par  ses  admirables  dentelles  de  pierre,  que  l'art  ogival  n'était 
pas  arrivé  à  sa  décadence,  mais  qu'il  était  encore  plein  de 
vie  et  de  sève. 

Le  tabernacle  de  Saint-Jacques  est  un  chef-d'œuvre  qui 
honore  le  pays  et  qui  donne  droit  à  son  auteur  d'occuper 
une  des  premières  places  dans  l'histoire  de  l'art  en  Belgique 
au  xvi*  siècle. 

En  1874,  à  l'occasion  du  jubilé  du  saint  sacrement  de  Mi- 
racle, le  conseil  de  fabrique  a  fait  restaurer  et  repeindre  le 
tabernacle.  .M;iis  ce  livivail,  (!xécu((''  sans  l'intervention  de 


—  417  — 

l'Étal,  n'obtint  pas  l'approbation  de  la  Commission  royale  des 
monuments.  Dans  un  rapport  à  M.  le  Ministre  de  l'intérieur, 
ce  collège  a  assez  vivement  critiqué  la  restauration  dont  il 
s'agit.  Le  Conseil  de  fabrique,  voulant  justifier  la  conduite 
qu'il  avait  tenue  dans  cette  affaire,  fit  observer  qu'on  s'est 
borné  à  enlever,  avec  les  plus  grandes  précautions,  quatre 
épaisses  couches  de  couleur  qui  avaient  été  appliquées,  à  des 
époques  diverses,  surl'édicule,  et  à  remplacer  quelques  cro- 
chets et  un  pinacle  qui  n'existaient  plus.  Quant  à  la  peinture, 
le  Conseil  affirme  que  celle-ci  a  été  exécutée  d'après  les 
restes  de  la  polychromie  primitive  qu'on  a  retrouvés  en  net- 
toyant le  tabernacle.  Jusqu'ici  le  Gouvernement  n'a  pas 
statué  sur  cette  affaire. 

Le  tabernacle  de  l'église  de  Saint-Jacques  est  entouré 
d'une  balustrade  en  fonte  de  laiton.  Cette  balustrade,  en  style 
de  la  Renaissance,  est  un  magnifique  spécimen  de  l'art  des 
fondeurs  de  cuivre  en  Belgique.  Elle  est  remarquable  par 
la  hardiesse  de  sa  conception,  la  beauté  de  son  ensemble 
et  la  richesse  de  ses  détails. 

L'origine  de  cette  balustrade  est  certaine,  grâce  au  soin 
qu'a  pris  l'auteur  d'y  entailler  une  inscription.  Il  résulte  de 
cette  incription  que  l'œuvre  fut  coulée  en  1508,  par  Jean  Vel- 
dener,  issu  d'une  famille  de  fondeurs  sur  laquelle  nous  avons 
également  recueilli  des  renseignements  inédits.  Au  moment 
où  un  travailleur  sérieux,  notre  ami  M.  Alexandre  Pincharl, 
rédige  une  histoire  de  la  dinanderic  et  de  la  sculpture  en 
métal  en  Belgique,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
faire  connaître  les  détails  que  nous  venons  de  découvrir  sur 
les  Veldener. 

Un  certain  Jérôme  Veldener,  fondeur  de  cuivre  ou  rjeel- 


—  il8  — 

(jieter,  se  trouvait  élahli  à  Loiivain  en  luOl  (i).  Il  demeurait- 
rue  de  Mali  nés,  alors  rue  du  Château,  près  du  couvent  des 
Bogards  (2).  Nous  ignorons  s'il  tenait  à  la  famille  du  typo- 
graphe Jean  Yeldeneer,  originaire  de  Wiirtzbourg,  qui  tra- 
vailla à  T.ouvain  do  1  i7o  à  1478  (5).  En  lo07,  l'Adminislra- 
lion  communale  le  chargea  de  couler  neuf  canons,  dits 
Haecbussen.  Ces  canons,  après  avoir  été  examinés  par  maitre 
Égide  Busnere,  de  Bruxelles,  lui  furent  payés  4;i  livres, 
0  sols  (4.).  En  ioO!),  il  fui  chargé  d'exécuter  un  tabernacle 
en  cuivre,  pour  èlre  placé  dans  le  baptistère  de  l'église  de 
Saint-Michel,  à  Louvain.  A  l'occasion  de  cette  commande, 
il  eut  une  contesta[ion  avec  le  Conseil  de  fabrique  de  cette 
église.  Selon  le  Conseil,  le  prix  pour  la  fourniture  du  travail 
avait  été  fixé  à  i8  florins  les  100  livres,  tandis  que  l'artiste 
prétendait  que  ce  prix  était  do  20  florins  les  100  livres.  La 
cause  fut  portée  devant  le  Conseil  communal,  qui  décida, 
par  sentence  du  M  décembre  l'JOt),  ipie  le  fondeur  aurait 
à  fdurnir  le    travail   à   raison   de  18  florins  du   Rhin   les 


(1)  «  ...  Jeronimus  Veldenere,  .r//;r;f/^/(2V/(r«.  » 
Acte  du  6  (toùl  loOl,  in-l». 

(2)  «  Item,  belaelt  Jeronimo  Veldenere,  gheelgktere,  aen  de  Bogaerden,  van 
xi  nypwo  haocbussen  die  hy  de  sladt  gvloverl  lieofl,  xlv  iiv.  vi  si.   » 

Compte  (le  la  ville  de  Louvain  de  l.'iOT,  f"  l'26  verso. 

(s)  Voyez  nos  Renseignements  inédits  sur  les  imprimeurs  de  Louvain  au 
XV'  siècle,  dans  le  Dihiiophile  belge,  t.  I  (1866). 

(4)  a  Belaelt  Meesleren  Oielys  Busneren,  van  Bruessel,  die  alliier  byder  slat 
onlbodon  was,  te  comen  omme  te  visenleren  en  te  proeven  die  haecbusse  die 
JiiEtiO.MMrs  Vei.dexere  hergoten  en  gemaect  heeft,  0111  le  welen  ofl  die  passabej 
ende  naeder  ordinenlic  en  verdingen  iiy  Jheronimiim  Jiengegaen,  1  dach  by  lieiu 
gevaceert,  xx  sLuvers,  daer  af  hem  de  stadl  deen  liullielit  hclalen  nioet,  xiii  aii- 
gusti,  10  st.  » 

Compte  lie  la  ville  de  Louvain  de  liid",  f"  .'^lii. 


—  410  — 

100  livres  (i).  En  \:\±i,  l'arlislc  Iravailla  à  la  serrure  de  la 
porlo  (lu  lahernaele  de  l'église  de  Sainl-Pierre  (2).  Jérôme 
Veldencr  avait  épousé  Jeanne  VANnEii  Poeute.n  ou  Ver- 
POERTEN,  lafjuelle  élail  prohahleivienl  originaire  d'Aerschol, 
attendu  qu'elle  possédait  quelques  redevances  hypothéquées 
sur  des  immeubles  situés  dans  cette  localité  (0).  Elle  lui 
donna  plusieurs  enfants,  ainsi  que  nous  le  vei-i'ons  ;i  l'instant. 


(1)  a  Iiider  saken  hangende,  vuir  dcn  Raidc  van  dor  stadt,  (usscdien  den 
kercmeesters  van  Sincte  Machiels,  ie  Loevencn,  ter  ocnre,  en  Jeuone  den  gheel- 
(jltielere,  (er  andere  zyden,  ter  saken  vanden  vordingen  van  den  tabernacule 
vander  vunlen  byden  selvcn  Jerone  verdingl  te  makcn,  indcr  selver  kercken  van 
S'*  Mychiels,  in  welcke  comerscliap  zy  dillereerden,  want  Jeroen  scyt  dat  vcrdingt 
was  elck  hondert  oni  xxj  Rinsgulden  en  de  kerckmeestcrs  seyden  dat  verdingt 
was,  elck  hondert  vanden  selven  tabernakel,  om  xviij  Rinsgulden,  soe  dat  de 
waerheyt  dair  op  gehoirt,  versueken  partlen  rechts,  es  by  den  selven  raide  den 
voirsc.  partien  vuytgesproken  en  getermineert  dat  de  voirsc.  Jeroen  sculdich  sal 
syn  den  tabernakel,  dair  questie  om  es,  nae  'tverdingen  dairaf  geschiet,  te  volaiaken 
en  dat  de  kerckmeesters  geslaen  sullen  hem  bctalende  voir  elek  hondert  ponden 
achtien  rinsgulden,  nae  dat  de  waerheyt  gedragen  heeft.  In  consiliu  oppidi  prcsen- 
tibiis  Crol ,  Burgemagistro,  Graven  ,  Udekeni,  Zedeieere,  Absoloens,  Roelofs, 
Caverson,  Lange,  Leeps,  Nelhenen,  Colhcm.   » 

Acte  (lu.  14  (léc.  1509,  '■iK 

(2)  «  Item,  betaelt  Jeroen  den  glieelghieler  (Veldeneer)  van  den  slotc  van  dcn 
sacramentshuysc  te  hermaken,  en  ij  slotelen  daertoe  geniaeckt,  x  st.  » 

Compte  de  la  Confrérie  du  S^ -Sacrement,  à  S^-Pierrej  à  Louvain  de  Vùi^j 
f»  -17. 

(3)  «  Item,  in  presentia  Villici,  etc.,  Johanna  vander  Poirten,  relicta  Jeroninii 
Veldeners,  cum  tutore,  supportavit,  cum  débita  effeslucatione  iisufriictum  suuni 
quem  habet  in  medietate  honoriim  et  censiis  subscriplorum  :  primo  videlicet  unius 
parve  claiif;ure  terre  site  extra  portam  oppidi  Arscholensis  diclam  Scaliiynpoerte. 

))  Item,  in  mediela'e  parvi  nemoris,  prupc  Aerscbol,  juxta  bona  Joliannis  Meeus, 
que  ((iiidem  Jjona  monenlur  bereditarie  a  Domino  vander  Staye.  Item,  qualor 
sluferorum  heredilarii  census  annue  cedcntis,  ad  feslum  Sancli  Joliannis  Baptiste, 
ad  et  supra  domiim  cum  suis  pcrlinentiis  universis,  in  oppido  ArschoUensi,  in  vico 
diclo  S<aluynslralc,  quorum  quidom  bonorum  et  tertia  reliqua  nuîdielas  spécial  ad 
Margaretam  Swalen  et  corum  liberorum,  exposito,  imposito  Johannes  Veldeners 
et  Katherina  Veldeners,  liberi  dicte  relicte,  quos  retinuit  a  diclo  quondam  Jeru- 
nimo,  suo  dum  vixit  legitimo  maritn,  dnnatione  inter  vivos.  » 

Acte  du  10  nov.  -ISi?,,  2a. 


—  420  — 

Le  fondeur  mourut  avant  le  6  mai  1539  (i).  Sa  femme  vivait 
encore  le  10  novembre  lo4ô.  Mais  elle  était  décédée  à  la  date 
du  25  décembre  1551. 

Jérôme  Veldener  laissa  deux  enfants  :  Jean  et  Catherine. 

Celte  dernière  épousa,  avant  le  24  décembre  1559,  Cor- 
neille Vanden  Calstere  (2),  serrurier  de  la  ville  de  Louvain, 
fils  de  Mathieu  Vanden  Calstere.  Celui-ci  mourut  avant  le 
M  janvier  1549,  laissant  plusieurs  enfants  en  bas-âge  (5). 
Calliei'ine  Veldener  vivait  encore  le  28  novembre  1552  (4). 

Jean  Veldener,  fils  de  Jérôme,  exerçait  également  la  pro- 
fession de  fondeur  de  cuivre  ou  fjeelgieler.  Déjà  en  1555, 
il  travaillait  pour  son  compte  personnel.  Pendant  cette  der- 
nière année,  il  fournit  six  chandeliers  en  fonte  de  laiton, 
pour  l'autel  de  la  confrérie  du  Saint-Sacrement,  à  l'église  de 
Saint-Pierre  (5).  On  les  lui  paya  8  1/2  florins  du  Rhin.  Il 


(i)  «  ...  JoHANNA  Verpoirten,  relecta  Jheronimi  quondam  Veldenere,  noniine 
et  ad  opus  liberorum  ligilimorum  Joliannis  Veldenere  et  Cornelii  vanden  Calsteren, 
quos  iam  habet  aut  adhuc  imposterum  habere  puterit  à  Katharina  Veldenere,  sua 
moderna  uxore.  « 

Acte  du  6  mai  1539,  2a. 

(2)  «  Iiem,  Cornélius  vanden  Calsteren,  filius  quondam  Mathie,  et  Catherina 
Veldeners,  ejus  uxor,  coniraoranles  Lovanii,  recognoverunt  se  debere  Indivisum 
Johanni  van  Dormale,  unum  florenum  Caroli,  »  etc. 

Acte  du  2-4  décembre  1539,  in-S''. 

(s)  «  Item,  Katlyne  Veldeners,  dochter  wylen  Jeroens,  wedmve  Curnelis 
wylen  van  den  Calsteren,  woenende  te  Lciven,  »  etc. 

Acte  du  i\  janvier  4  549,  4^. 

(4)  «  Item,  Katherina  Veldeners,  relicta  Cornelii  quondam  vanden  Calsteren, 
lumquam  usufrucluaria,  cum  tutore,  et  .lacobus  et  Johannes  vanden  Calsteren  et 
.lohannes  Veldenere,  lamquam  mamburnis  liberarom  dictonnn  conjugum,  »  etc. 

Acte  du  28  nov.  1552,  4a. 

(5)  «  Item,  belaclt  Janne  Veldeleek  {sic)  yheelfjhieler,  voer  vj  nieuwe  metalen 
kandelaers,  ghelevert  op  den  outaer  van  den  heylighen  sacramente,  boven  de  oude 
slolfe  de  selve  gedaen,  viii  rinsgulden  ix  i/s  st.  » 

Compte  de  la  Confrérie  du  S* -Sacrement  de  4535. 


—  4:21  — 

épousa  Catherine  Van  Hove,  fille  de  Jean  Van  llove  el  de 
Barbe  Blanckaerls,  comme  il  résulle  d'un  acte  du  o  janvier 
1529  (i).  Après  la  mort  de  celle-ci,  il  convola  en  secondes 
noces  avec  Anne  Oudenraedt  ou  Aldcnaert,  dont  il  eut 
plusieurs  enfants,  entre  autres  un  fils  du  prénom  de  Jean, 
qui  est  l'auteur  de  la  balustrade  du  tabernacle  de  Saint- 
Jacques.  Ce  Tondeur  était  propriétaire  d'une  maison  située 
rue  de  Matines,  dont  le  jardin  touchait  au  Petit-Béguinage 
de  Louvain,  ainsi  qu'il  résulle  d'un  acte  échevinal  du 
29  octobre  1557  (2).  Jean  Veldener  père  vivait  encore  le 
25  décembre  1551  (5);  il  est  décédé  le  31  janvier  1559.  Sa 
veuve,  Anne  Oudenraedt,  vivait  encore  à  cette  date  (4). 


(i)  Actes  des  12  fév.  -1525  et  5  janv.  4529,  1». 

(2)  «  Itéra,  Berbele  vander  Hofslatit,  dochler  wylcn  Francliois,  cum  tutore 
heeft  opgedragen  met  behoirlycker  verthydenisse,  twee  huysen  neven  een  gelegen, 
metlcn  hove  en  aile  andere  luiere  toebehoirten,  gelyck  de  selve  huysen  staende 
syn  in  de  Borchstrate,  tusschen  de  goeden  Joos  de  Coninck,  ten  eenre,  en  de 
goeden  Jans  Veldeneers,  geelghieler,  ter  andere  zyden,  steekende  achterweert 
iotten  goeden  van  den  cleynen  Beghynhove,  alhier,  »  etc. 

Acte  du  29  octobre  i5S7,  2.'». 

(3)  «  Item,  Jan  Veldenaer,  gheeUjhieter,  wonende  le  Loeven,  als  tochterc 
Jaspar  vander  Heyden  ende  Robert  Coremans,  beyde  als  momboirs  der  onbejairde 
kinderen  des  voirsc.  Jans  Veldenaer,  die  hy  behouden  heeft  van  Annen  Aldenaert, 
synder  huysvrouwe,  als  voer  d'erflicheyt,  hebben,  inden  naem  ende  qualileyt 
vo{rscreven,bekint  hen  by  Peteren  Scalekens  volcomelyck  gelost  ende  afgequeten 
te  zyne,  mils  der  sommen  van  zcss  en  derlich  Karolus  gulden,  te  xx  sluvers  stock, 
als  voer  de  hootpenningen  ende  twee  Karolus  gulden  voer  den  pacht  die  vcrschynen 
sal,  den  tweeden  januario  naistcomende,  alsulken  twee  Karolus  gulden  erffelyck 
als  der  selver  kinderen  gelaten  ende  gemaict  is  byden  teslanicnte  ende  vuytersten 
wlUe  Jobannen  vander  Poirten,  huerer  grootmooders,  soe  zy  momboren  ver- 
claerden,  behalven  hem  Janne  dair  aen  zyn  tocht,  ende  wclcke  twee  Karolus 
gulden  erfTelyck  zyn,  met  scepenen  brieven  van  Loeven,  vanden  doet  2a  januarii, 
anno  xiiij'-xcvj,  hebbende  ende  heffende  zyn  op  sekere  goeden  wylen  Peters  van 
Beets  ende  nu  Peters  Scalekens,  voirsc.,  gelegen  te  Leefdale,  »  enz. 

Acte  du  25  déc.  1551,  la. 

(1)  ((  Item,  Jan  Veldeners,  zone  wylcn  Jans,  en  Anna  Oodenraedt,  moeder 
desselfs  Japs  ende  weduwe  des  voirsc.   Jans  wylen   Veldeneers,  des  ouden. 


~  ^±1  — 

-Nous  possédons  i)eii  de  rcnscigncnieiils  sur  Jean  Yeldencr 
jeune,  Tauleur  de  la  balustrade  du  labcniacle  de  l'église  de 
Saint-Jacques.  Ce  qui  est  certain,  c'est  (ju'il  épousa,  le 
2  décembre  1551),  à  l'église  de  Sainte-Gertrude,  à  Louv;iin, 
Jeanne  Vande  Vcide.  Les  témoins  de  mariage  lurent  Égide 
Van  Ceulcn  el  Thomas  lluens  (i).  On  ne  sait  s'il  laissa  des 
enfants.  Le  15  mai  1600  mourut  à  Louvain  un  Rombaul 
Veldeners,  maître  d'école  de  la  paroisse  de  Sainte-Gertrude; 
il  fui  enterré  dans  l'église.  Le  7  juillet  de  la  même  année 
iiiourui  Galliei'iiic  Veldeners,  la  S(eur  de  ce  Rond)aut  (■->). 


^voonende  bynnen  deser  stadt  van  Loeven,  hebben,  in  presentla,  ljy  Malhyscn 
Vischraeeslers,  hen  bekent  afgeleet  en  afgeriuelen  te  zyne,  mits  der  somme  van 
vyf  en  veerticli  Carolus  gulJen,  cens,  olcken  Carolus  gulden  te  xx  stuvers  'Isluck, 
die  welcke  zy  vander  voerfC.  Malliysc  Ijekennen,  mits  desen  onll'angen  le  iiebben, 
alsulckc  Iwee  rynsgulden  en  tbien  sluvers  erflyck,  als  de  voersc.  Jan  Yeldenere 
vader  des  voorsc.  Jans  vercregen  hecft,  met  scepenen  briel'ven  van  Loeven, 
valider  daet  iij  july  anno  xvcxl,  te^n  Genofveva  van  Tongerloo,  dochlere  wylen 
Anlhonis,  vuyt  alsulcke  drie  Carolus  guldens  erflyck  als  Antbonis  wylen  van 
Tongerloo,  vader  der  voirscreve  Genofeve,  bebouden  hadde,  met  schepenen 
hriefven  van  Loeven,  vanden  daet  xiiij  decembris  anno  xvcxxvj,  op  een  stuck  erfs 
dwukk  t'anderen  lyde  wyngaert  es  gewecsl,  toebehoorende  den  voorscreven 
Matbysen.  grool  omirent  een  daehmael ,  mate  van  Heverle,  gelegen  op  den 
Notenbcrch,  tussehen  de  goeden  des  godsbuys  vander  Banck,  ten  eenrc,  ende 
goeden  wylen  tuebeboerende  beercn  en  Meesteren  Jun  vanden  'Winckele,  1er  ander; 
scheldende  de  voorsc.  Jan  en  Anna  en  lien  sterckraakende,  le  weteii  de  voersc. 
Jan  voor  zyne  oudere  broeders  en  zusters,  ende  voorscreven  Anna,mùeder  vanden 
voorscreven  kinderon,  en  baer  slerckHiakendc  voor  liaere  kindcivn  voorscreven, 
den  voorscreven  Matliysscn  volcomen  fiuyte,  gclovcnde  legen  een  icgelycken  inné 
le  slaen  en  goet  garant,  te  zyn,  »  etc. 

Acte  du  31  janvier  4559,  in-3a, 

(i)  «  loatt,  —  i  novembris,  allidaii  sunl,  per  me,  Johannes  Veldenere  et 
JoHAXN.i  VAXDEX  Velde,  In  presentia  Egidii  van  (Lucien  et  Thoniic  Iluens  l'I 
sttlemnizavi  eonini  malrimunium  2a  decembris.   » 

Ileyislre  des  inuriagen  de  Ut  paroisse  de  S^'-Gertritdc,  {■^  '■1. 

(î)  «  Den  \")  may  begraven  Meestcr  Romisaut  Yki.uknehs,  scboolmeesler  \!tn 
deser  parocbie,  leetin  dekerk.  »  —  «  Den  7  july  is  begraven  Liscken  Veldeneks, 
de  siister  van  Meester  Rombaul  Veldeners,  die  hier  ïchoolmeester  wa.-;.  » 

Itegislre  des  enterrements  de  la  paroisse  de  S^'-Gertriide,  P"  ol  et  51  verso. 


—   i>i5  — 

Nous  ignorons  si  ces  deux  personnes  tenaient  à  l;i  Inniilk  du 
Tondeur  louvanisfe;  nous  ignorons  également  r('|)o<|iie  de  la 
mort  de  l'artiste. 

La  balustrade  du  tabernacle  de  l'église  de  Saint-Jacques  lut 
coulée  en  1568.  Elle  porte  à  l'intérieur  riiiscrii)(ion  suivante  : 

DIT  WERCK  HEEFT  GEGOTEN  JAN  VELDENER  A"  l;j(i8. 

(C'est-à-dire  :  Jean  Veldencr  a  coulé  ce  travail  l'an  loGS). 

Puis  le  monogramme  de  l'artiste  :  I.  f  V. 

La  balustrade  du  tabernacle  de  l'église  de  Saint-Jacques 
est  «ne  ravissante  création  dans  le  style  qu'on  est  convenu 
d'appeler  la  Renaissance  llamande.  Elle  est  ornée  de  colon- 
nettes  cylindriques  cannelées  d'une  grande  élégatice;  les 
pilastres  d'angles  portent  des  cariatides  en  haut-relief  très- 
remarquables.  Au-dessus  de  ces  pilastres  l'on  observe  des 
statuettes  en  cuivre  d'une  belle  conception  et  d'un  beau 
caractère.  Le  couronnement  de  la  corniche  de  la  baluslradc 
consiste  en  une  ornementation  aussi  élégante  (pie  variée, 
surmontée  de  candélabres  d'une  belle  forme.  En  un  mot,  la 
balustrade  de  Saint-Jacques  est  une  œuvre  pleine  de  har- 
diesse, d'originalité  et  de  fantaisie.  C'est  incontestablement 
l'une  des  anciennes  productions  en  cuivre  les  plus  intéres- 
santes que  possède  la  Belgique. 

On  sait  que  le  8  août  1798  les  agents  de  la  république 
procédèrent  à  Louvain  à  la  vente  publique  du  mobilier  des 
églises.  La  collégiale  de  Saint-Pierre,  qui  était  si  riche  en 
objets  en  fonte  de  laiton,  ne  conserva  aucun  produit  manu- 
facturé par  nos  anciens  fondeurs  :  croix,  colonnes,  statues, 
chandeliers,  couronnes  de  lumière,  tout  fut  aliéné  et  fundu. 
Lorsqu'on  1801  on  rouvrit  le  temple  au  culte,  tous  les  objels 
de  cuivre  avaient  disparu,  môme  les  lettres  de  l'inscription  de 


—  424  — 

la  pierre  liimulaircdu  prévôt  du  chapitre  Georges  d'Aulriche. 

Dès  que  le  Conseil  de  fabrique  de  Saint-Jacques  apprit 
qu'on  avait  le  projet  de  vendre  le  mobilier  de  nos  églises, 
elle  résolut  d'enlever  et  de  cacher  les  objets  les  plus  précieux. 

De  tout  temps  les  paroissiens  de  Saint-Jacques  avaient 
envisagé  le  travail  de  Veldener  comme  l'un  des  plus  beaux 
ornements  de  leur  église.  Dans  le  but  d'en  assurer  la  con- 
servation, le  marguillier  Jean-Baptiste  Van  Bockel,  brasseur 
à  la  brasserie  la  Bourse,  rue  des  Chariots,  résolut  de  faire 
enlever  clandestinement  la  balustrade  et  de  la  conduire  en 
lieu  sûr.  Le  50  septembre  1797  (i),  entre  9  et  10  heures  du 

.  (i)  1797,  septerabris  30,  —  a  Tussohen  9  en  40  uren,  gisteren  avont,  waeren 
Donckers,  meesler  kopersiaeger ,  Janssens,  pachter,  woonende  op  de  oude 
Brusselsche  stract,  en  synen  kneght,  daer  by  slaende  eene  vrouwe  met  eene 
lanterne,  om  te  lichlen,  bezig  met  op  eene  karre  te  laeden  de  copere  balustrade 
welke  geslacn  hadde  rond  het  sanctuarium.  De  coramissaris  der  politie  Maes,  met 
twee  naghtwaekers,  en  twee  gendarraen  packen  deze  vier  menschen  en  brengeii 
deze  naer  het  stadhuys,  alwaer  die  opgesloten  zyn  geweest  tôt  des  andcrdaeghs.  » 

1797,  octobris  1.  — «  Deze  vier  gevangene  Jan  Baptist  Janssens,  pachler, 
Arnoldus  de  Greef,  synen  knecbt,  P.-J.  Donckers,  kopersiaeger,  en  Marie 
Mesmaeker,  waschersche,  worden  voor  den  middag  voor  den  juge  de  paix 
gebrachi.  en  ondcrvraegt.  Den  pachter  Janssens  zegt  dat  by  eygenaer  van  de  karre 
en  bot  peerd  zynde,  die  daer  govoert  beeft,  uyt  order  van  J.-B.  van  Bockel, 
kerkmeester  der  selvekercke  van  S'-Jacobs. 

»  Den  knecbt  Arnold  de  Greef  zegde  dat  hy  daer  gekomen  was  uyt  order  van 
synen  mcester  en  dat  by  het  peerd  vastgehouden  beeft,  wanneer  men  bezig  was 
met  de  karre  te  laedon. 

0  Den  kopersiaeger  Donckers  zeyde  dat  hy  gerocpen  geweest  was  door  ordo 
van  den  kerckmeester  van  Bockel,  om  los  te  macken  en  te  doen  vervoeren  de 
copere  balustrade,  welke  moesle  gerepareert  en  schoon  gemaekt  worden. 

»  De  waschersche,  Mi  Mesmaeker,  zeyde  dat  sy  met  haer  lanterne  daer 
occasioneelyk  passerende,  door  de  werklieden  gevraecbl  zynde  om  hun  te  lichten, 
dat  sy  dat  gedaen  beeft. 

»  Den  juge  de  paix,  in  plaetsc  van  den  kerkmeester  van  Bockel  te  onlbieden, 
om  van  de  waerheyd  van  deze  zaek  onderright  te  zyn,  doet  bun  als  voorkomen 
van  diverye  in  de  gevangenisse  brengen.  w 
'(  Octobris  2. 

B  Op  beden  worden  nog  gevangen  F.  van  Ovcrloop,  wever,  H.  Ackermans, 


—  4î2o  — 

soir,  le  travail  l'ut  dénionlù  par  le  batteur  de  cuivre 
P.-J.  Donckcrs  et  placé  sur  la  charrette  du  fermier  J.-B.  Jans- 
sens,  pour  être  transporté  à  la  grange  de  Van  Bockel.  Mais 
au  moment  du  départ  les  ouvriers  furent  surpris  par  le 
commissaire  de  police  Macs,  accompagné  de  deux  gardes  de 
nuit.  Le  commissaire  les  arrêta,  les  fît  conduire  à  l'hôtel  de 


cuypers-gast,  P.  Verbelen,  schrynwerkcrs  gast,  en  Joanna  Crab,  als  mcde  daeders 
geweest  te  hebben  in  hct  geene  voorgevallen  was  in  S*-Jacobs  kercke. 

»  Voor  den  juge  de  paix  gebracht  zynde,  zoo  verklaert  den  eersten  dat  hy 
geroepen  is  geweest  door  P.  Verbelen,  werkraan  vaa  vaa  Bockel,  en  van  synent 
wegen  verzogt  is  geweest  om  te  komen  helpen. 

»  Den  tweedcn  zeyde  dat  liy  geroepen  geweest  was  door  de  dochler  van  van 
Bockel, 

»  Den  derden  dat  hy  door  orde  van  van  Bockel,  met  den  coperslaeger  Donckers 
en  den  cuypers  gast  Ackerraans,  daer  gekoraen  was. 

B  De  vierde  zegt  dat  sy  van  wegens  en  uyt  orde  van  van  Bockel  de  karre 
by  Janssens  heeft  geweest  commanderen, 

»  Al  wedoren  de  zelve  manière  van  doen  van  den  juge  de  paix  :  hy  laeL  van 
Bockel  niet  roepen,  raaer  doet  wederom  deze  vier  gevangen  naer  het  gevangen 
huys  geleyden.  » 
«  Octobris  3. 

»  Van  Bockel  wert  uyt  syn  huys  gehaelt  en  voor  den  juge  de  paix  gebracht, 
zegt  aldaer  dat  hy,  in  syne  hoedanigheyd  van  kerckmeester  van  S*-Jacobs,  iiet 
tabernakel  en  de  balustrade  heeft  doen  afdoen  om  die  te  repareren  en  schoon  te 
maecken,  gelyk  hy  van  overlang  syn  voornemen  kenbaer  gemaeckt  hadde  aen 
zyne  medekerckmeesters  der  selve  kerke,  en  geeft  over  eene  schriftelyke  deciaratie 
van  de  Borgers  de  Becker  en  Philippi,  waer  by  sy  verklaeren  dat  sy  hunnen  raede 
kerckmeester  van  Bockel  belast  hebben  van  de  nootzaekelyke  orders  te  geven 
voor  ailes  dat  zoude  bebooren  gerepareert,  schoongemaekt  en  gearrangeert 
te  worden,  in  deze  kerke,  welkc  is  eene  parochiale  en  collégiale  kercke  van  een 
séculier  capittel,  het  welk  nog  niet  gesupprimeert  is  in  de  vereenigde  departe- 
menten.  Allen  dit  nogtans  konden  niet  belettcn  dat  den  juge  de  paix  hem  ook 
veroordeelde  en  dede  hem  ook  geleyden  naer  de  gevangenisse,  aïs  auteur,  onde 
medepligtigen  (zoo  het  mandat  d'arrêt  zegt)  van  eenen  dlefslal.  » 
«  Octobfis  o. 

»  Van  Bockel,  met  aile  de  anderc  gevangen,  zit  nu  op  de  Brusselsche  binne- 
poorl;  den  geheelen  dag  passeert  als  ook  den  dag  van  den  vierden  octobris  en 
syne  stukken  van  belastinge  zyn  van  den  juge  de  paix  aen  den  Directeur  van  den 
jury  niet  overgegeven.  —  Op  den  3  octobris,  naer  door  den  Directeur  der  jury 
aengevraegt  zynde,  zyn  by  hem  ter  hand  gestelt,  naer  dat  den  olTicier  den  welken 


—  420  — 

ville  et  les  garda  jusqu'au  lendemain.  Ce  furent  le  fei-niier- 
Janssens,  son  domestique  Arnould  De  Greef,  P.-J.  Donekers 
et  Marie  De  Mesmakere.  Cette  dernière  avait  éclairé  les 
ouvriers  pendant  l'opéi^aiion.  Conduits  devant  le  juge  de 
paix,  ils  déclarèrent  avoir  iv/i  conlurmémcnl  aux  ordres  de 
Yan  Bockel.  Le  2  octobre,  le  juge  lit  arrêter  trois  hommes  et 
une  femme  accusés  d'avoir  coopéré  à  cet  enlèvement,  savoir  : 
F.  Van  Overloop,  tisserand,  H.  x\ckermans,  ouvrier  tonne- 
lier, P.  Verbelen,  ouvrier  menuisier,  et  Jeanne  Crah,  laquelle 
avait  commandé  la  charrette  pour  le  transport  de  la  balus- 
trade. Après  avoir  été  entendus,  ils  furent  également  con- 
duits à  la  maison  d'arrêt,  à  la  fausse  porte  de  Bruxelles.  Le 
5  octobre.  Van  Bockel  fut  arrêté  dans  sa  maison.  Conduit 
devant  le  juge  de  paix,  il  déclara  avoir  fait  enlever  la  balus- 
trade non  |)our  la  cacher,  mais  pour  la  faire  nettoyer  et 
restaurer,  conformément  à  une  résolution  du  conseil  de 
fabrique  de  l'église  de  Saint-Jacques.  Le  juge  n'admit  ])oinl 
cette  explication  et  lit  conduire  l'accusé  à  la  maison  d'arrêt. 


aen  van  Bockel  het  mandat  d'arrôl  geinsinuert  haddo,  hct  zelve  aen  den  cipier  van 
liet  gevangen  huys  a''gngeven  liadde,  en  van  hem  een  recipicé  onifangcn  hadde. 

»  Dp  dosen  naor  middagh  worl  van  Buckel,  mel  dry  andere  van  syne  niedcge- 
vangenen,  tusschen  eenige  gcndarmon,  van  de  Brusselsclie  poorte  naer  den 
tribunael  (^uiTCCtionncl,  in't  Witheeren  Collegie,  geleyl,  van  waer  iiytkomcnde  zyn 
sy  wedcrom  naer  de  zelve  binnen  poorte  gcleyt,  en  dan  zyn  de  andere  niede 
gevangene  ook  naert  t  Witheeren-Collegic  geleyt,  en  dai'r  nylkoniénde  zyn  die  ook 
wederom  naer  de  binno  p(jorte  geleyt  gtwcest.  » 
«  Octobris  0. 

»  Op  hcdcn  zyn  van  Bockel  en  syne  andere  mcdegevangene,  unilrunt  elluivn, 
vaii  de  Brusselsclie  binne  pooric  lusgelaeten.  De  lieeren  kerkmeeslers  van 
S'-Geertruyden  liadden  die  schilderyen  vvelke  in  de  capelle  van  liet  hoogweerdig 
hangden  en  velu  andere  ell'ecten  uyl  die  kercke  gevlughl,  maer  ziende  dut  van 
Bockel  en  andere  gevangen  vvaeroH,  hebbcn  ailes  des  nachts  wederoin  op  hunne 
plaelsen  geslelt.  » 

l'ELCKMAN'S,  CrOlll/h,  1.8. 


—  4-27  — 

Le  0  uulolnv,  ;i[)iL'.s  avuir  cic  iiilurroiic  |iar  If  juge  d'instruc- 
tion, il  comparai  devant  le  Iribiiiial  correctionnel,  au  collège 
des  Prénionlrés.  A  lu  lin  de  l'audience,  les  gendarmes  le 
reconduisirent  à  la  maison  d'arrêt.  Mais  le  (>  octobre,  vers 
11  heures  du  matin,  il  l'ut  mis  en  liberté.  La  balustrade  ne 
fut  pas  immédiatement  rej^lacée  à  Saint-Jacques. 

Ce  temple  fut  fermé  le  1  i  novembre  1797.  A  cette  date, 
l'œuvre  de  Veldener  était  toujours  absente.  Au  milieu  des 
graves  événements  de  celte  époque,  on  oublia  cette  affaire, 
et,  lors  du  rétablissement  du  culte,  la  fabrique  recouvra  la 
balustrade.  Van  Bockel  en  la  faisant  enlever  la  préserva  du 
creuset  et  conserva  aux  arls  l'une  des  plus  belles  produc- 
tions de  ce  genre  qui  existent  en  Belgique. 

Dans  le  tenq-js,  cette  clôture  a  subi  de  regrettables 
dégradations  par  suite  de  nettoyages  inopportuns.  Ces 
nettoyages,  qui  avaient  lieu  à  des  époques  déterminées  de 
l'année,  ont  altéré  la  finesse  du  ciselé  et  affaibli  le  caractère 
des  formes.  Les  ligures  des  trois  évangélistes  et  de  saint 
Arnould  qui  surmontent  les  piliers  de  la  balustrade  en  ont 
étéfortendommagées.  Dej)ui.s  quelques  années,  on  a  renoncé 
à  l'ancien  système  d'entretien,  en  se  bornant  simplemenlàen- 
lever  la  poussière  au  plumeau  quand  le  besoin  s'en  fait  sentir. 

Il  y  a  quelques  lacunes  dans  la  balustrade,  et  un  simulacre 
en  bois  remplace  la  porte  en  cuivre  qui  se  trouvait  jadis  à 
gauche  de  l'œuvre.  Mais  il  serait  très-aisé  de  combler  ces 
lacunes  et  de  remplacer  la  porte  en  bois  par  une  i)orte  en 
fonte,  en  faisant  mouler  celle  du  côté  opposé  et  couler  en 
cuivre  un  nouveau  spécimen;  celle  restauration  a  été  pro- 
posée en  1873  i)ai  la  Commission  royale  des  monuments, 
et  le  département  de  rintericur  a  i)ris  l'engagement  d'inter- 


—  428  — 

venir  dans  les  Irais  à  résulter  de  ce  travail.  De  son  côté,  le 
conseil  de  fabrique  a  décidé  en  principe  d'intervenir  dans 
cette  dépense.  Tout  porte  donc  à  croire  que  cette  restaura- 
tion sera  bientôt  effectuée. 

Comme  l'a  fort  bien  fait  observer  la  Commission  royale  des 
monuments,  cette  balustrade  est  un  spécimen  trop  remar- 
quable de  l'ancienne  fonderie  de  Louvain  pour  que  nous  ne 
nous  attachions  pas  à  la  rétablir  dans  son  état  primitif. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  d'annoter  en  passant  que  le  Gou- 
vernement a  résolu  de  faire  prendre  un  moule  de  la 
balustrade,  afin  de  pouvoir  en  tirer  des  exemplaires  pour 
le  Musée  de  l'État  et  pour  les  académies  des  beaux-arts. 
Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  cette  mesure.  Elle  prouve 
une  fois  de  plus  que  le  Gouvernement  a  compris  l'heureuse 
influence  que  doivent  exercer  sur  le  progrès  des  arts  les 
chefs-d'œuvre  de  nos  anciens  artistes  que  le  temps  a 
épargnés.  En  les  introduisant  comme  modèles  dans  nos 
écoles  artistiques,  il  contribuera  non-seulement  à  former  le 
goût  de  la  jeunesse,  mais  aussi  à  faire  mieux  connaître  un 
passé  dont  nous  avons  droit  d'être  fiers,  puisque  nous  lui 
devons  en  grande  partie  notre  existence  comme  peuple. 

Tels  sont  les  renseignements  que  nous  avons  recueillis  sur 
le  sculpteur  du  tabernacle  de  l'église  de  Saint-Jacques,  à 
Louvain,  et  sur  le  fondeur  de  la  balustrade  qui  entourne  le 
même  monument.  Ces  deux  productions  existent  encore  et 
ont  une  haute  valeur  au  point  de  vue  de  l'art.  Nous  aimons 
donc  à  croire  que  notre  notice,  quelque  incomplète  qu'elle 
soit,  présentera  un  certain  intérêt  pour  ceux  qui  s'occupent 
de  l'histoire  de  la  sculpture  en  Belgique. 


BULLETIN  DES  COMMISSIONS  ROYALES  D'AKT  O'AKCHEOLOGIE.,      i877. 


~^i^;'flîj|fii;',',V''^-   "  ^'' 


^mW'^ 


^'- 


/     .'(*''   -'^i-    V   .  it-^' 


'JVV  >\Vi%Wok^a'»^<i . 


^.Vvfcw?..? 


ORIGINES      DU     RRSOIF^ 


LES 

'IIS  ANTIQUES  Dlim...u. 


TRANSFORMATIONS   SUCCESSIVES 
DU 

RASOIR    DEPUIS     L'ANTIQUITÉ 


D.-A.  VAN  BASTELAER 

Président  de   la  Société  archéologique  do  CharliM'oi 


INTRODUCTION. 

Origine  du  rasoir. 
Les  instruments  d'épilation  se  réduisent  à  trois  :  la  lame 
ou  rasoir,  les  pinces  et  les  ciseaux.  Nous  avons  parlé  ailleurs 
de  ces  deux  derniers  (i). 

Le  plus  ancien  est  sans  doute  le  rasoir,  le  seul  dont  nous 
nous  occuperons  ici. 

-  Les  petits  soins  corporels  de  la  chevelure  et  de  la  barbe 
furent  toujours  considérés  à  peu  près  comme  du  luxe  et 
négligés  par  la  classe  inférieure,  surtout  chez  les  peuplades 
peu  civilisées,  où  ces  soins  restèrent  l'apanage  des  grands  et 
des  chefs. 

(i)  Les  instruments  épUatoires  chez  les  Romains  et  chez  les  peuplades  germa- 
niques et  franques.  Bruxelles,  1875. 


—   4Ô0  — 

Ainsi  quand  on  rencontre  dans  les  sépultures  anciennes 
des  instruments  qui  servaient  à  ces  usages  de  luxe,  tels  que 
rasoirs,  pinces,  peignes,  ciseaux,  etc.,  on  estime  qu'il  s'agit 
de  tombes  aristocratiques.  Ce  l'ail  parait  ;icquis  à  la  science, 
au  moins  en  ce  qui  regarde  les  peuples  de  l'âge  du  bronze 
et  des  âges  postérieurs. 

Il  ne  nous  sera  probablement  jamais  donné  de  découvrir 
si  les  chefs  des  peuplades  des  âges  de  la  pierre  ne  s'arra- 
chaient pas  le  poil  au  moyen  de  pinces  en  bois  ou  ne  se  cou- 
paient la  barbe,  plus  ou  moins  nettement,  avec  un  éclat  de 
silex.  Ce  dernier  procédé  était,  du  reste,  le  plus  naturel  et  le 
plus  en  rapport  avec  les  habitudes  de  cette  époque,  où  tout, 
instrument  était  une  lame  de  forme  spéciale,  mais  dérivant 
toujours  du  type  le  plus  simple,  le  couteau,  nom  que  l'on 
emploie  même  d'une  façon  collective  pour  désigner  tous  les 
instruments  de  pierre  éclatée. 

L'homme  quaternaire  a  donc  bien  pu  être  l'inventeur  du 
rasoir.  Cette  idée  devient  bien  plus  vraisemblable  encore  si, 
suivant  la  méthode  admise  parles  savants,  nous  procédons 
par  comparaison  avec  ce  qui  se  fait  chez  les  peuples  peu 
avancés  dans  la  civilisation.  «  On  dit  (ju'à  l'époque  où  les 
Espagnols  entrèrent  à  Mexico,  les  barbiers  de  cette  ville 
étaient  encore  réduits  à  employer  des  lames  iVohsidienne  en 
guise  de  rasoirs  pour  faire  la  barbe  à  leurs  pratiques.  »  (i). 

Se  faire  la  barbe  au  moyen  d'un  éclat  de  silex  ne  semble 
donc  pas  impossible. 


(i)  Matériaux  pour  servir  à  riiisioire  primitive  et  unlureile  de  riionnne. 
[lar  Eue.  Trutot  cl  Em.  CAnATAii.i.AC,  t.  VI,  p.  loi. 


451    — 


Raaoir  en  métal. 


Nous  venons  do  dire  qiio  l'honimo  quatornnire  a  fort  bien 
pu  être  l'inventeur  du  rasoir,  inslrumenl  qui  aura  com- 
mencé, dans  ce  cas,  par  être  un  simple  éclat  de  silex.  Si  celle 
supposition  est  vraie,  il  nous  semble  indubitable,  en  étu- 
diant les  outils  utilisés  aux  époques  de  la  pierre,  que  l'éclat, 
la  mince  lame  de  silex  employée  comme  rasoir,  ait  alïeclé 
une  forme  arrondie  en  arc  de  cercle,  en  croissant  ou  en 
ellipse.  Nous  n'attachons  aucune  importance  à  cette  dé- 
duction, mais  nous  l'avons  faite  parce  que,  comme  nous 
allons  le  voir,  c'est  précisément  sous  ces  formes  que 
se  présentent  les  plus  anciens  rasoirs  connus.  Il  nous 
semble  d'ailleurs  rationnel  d'y  voir  l'indice  d'une  forme 
primitive  traditionnelle,  et  l'on  peut  trouver  dans  la 
dimension  naturellement  restreinte  des  éclats  de  silex, 
l'origine  de  la  petitesse  des  rasoirs  primitifs  en  bronze. 

Nous  allons  suivre  ce  type  primordial  à  travers  les  temps 
et  tâcher  de  retrouver  les  métamorphoses  successives  par 
lesquelles  il  a  passé  pour  arriver  à  noire  rasoir  perfectionné 
du  XIX'  siècle. 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  d'annoncer  ainsi  des  choses 
inattendues,  ni  peut-être  nouvelles  ;  mais  ce  dont  nous  ne 
doutons  pas,  c'est  que  nos  remarques  offriront  de  Tulililé 
pour  l'étude  de  l'archéologie. 

Nous  nous  servirons,  pour  arriver  à  nos  fins,  des  décou- 
vertes archéologiques  faites  depuis  quelques  années  sur 
l'élude  des  objets  de  ces  époques  lointaines,  comparés  avec 
des  instrumenis  plus  modernes,  d'usage  bien  déterminé  par 


—  432  — 

l'histoire  ou   la  tradilion,   et  sur  l'analogie  que  ces  études 
ont  permis  d'établir. 

Jusqu'aujourd'hui  l'archéologie  n'a  aucune  donnée  relative 
au  rasoir  pour  tout  le  temps  antérieur  à  Y  Age  du  bronze,  ni 
même  pour  le  commencement  de  cet  âge. 

Quant  au  Second  âge  du  bronze,  l'exploration  des  stations 
appartenant  à  cette  époque  a  produit  souvent  des  lames  en 
bronze  larges,  à  taillant  excessivement  mince,  qui  n'ont  pu 
servir  à  couper  ni  le  bois,  ni  aucune  autre  matière,  même 
le  cuir,  mais,  seulement  à  raser  la  barbe,  tout  comme  nos 
rasoirs  modernes,  et  auxquels  il  serait  difficile  d'attribuer 
un  autre  usage.  Toutes  ces  lames  en  bronze  étaient  renfor- 
cées au  dos,  qui  était  fort  épais,  toujours  à  la  manière  de 
nos  rasoirs. 

Quant  à  la  preuve  que  ces  lames  sont  bien  des  rasoirs,  et 
même  à  la  façon  dont  on  les  maniait,  plusieurs  auteurs,  et 
surtout  M.  Flouest,  qui  s'est  beaucoup  occupé  de  ces  instru- 
ments de  l'âge  du  bronze,  ont  prouvé  à  l'évidence  leur 
destination.  Nous  ne  referons  pas  ici  tout  l'échafaudage  de 
leur  argumentation  fort  complexe  et  pleine  de  sagacité; 
nous  nous  contenterons,  pour  prouver  l'antiquité  de  l'emploi 
du  rasoir,  de  leur  emprunter  une  preuve  basée  sur  les  au- 
teurs, seule  espèce  d'arguments  dont  nous  voulions  faire 
usage.  Les  textes  prouvent  qu'à  la  fin  de  l'càge  du  bronze  et 
au  commencement  de  l'âge  du  fer,  l'usage  de  se  raser  était 
fort  commun,  non-seulement  chez  les  Gaulois,  mais  chez  les 
étrusques  et  autres  peuples  voisins.  Les  sculptures  antiques, 
les  sarcophages,  les  coffrets  cinéraires  des  Étrusques,  les 
monnaies  de  la  Gaule  indépendante,  viennent  corroborer  les 
textes  >nr  ce  point. 


—  433  — 

Or,  pour  que  l'usage  de  se  raser  fût  généralisé  dans  ces 
âges  lointains,  alors  que  pour  cent  raisons  connues  le  pro- 
grès marchait  et  se  transmettait  avec  une  extrême  lenteur,  il 
paraît  évident  que  le  rasoir  devait  être  usité  en  Europe  à  une 
époque  bien  antérieure  déjà,  c'est-à-dire  pendant  le  véri- 
table ou  Bel  âge  du  bronze. 

Du  reste,  notre  but,  à  nous,  est  uniquement  l'étude  de  la 
forme  de  l'instrument  et  non  du  maniement.  Nous  passerons 
donc  légèrement  sur  le  dernier  point  et  nous  allons  nous 
occuper  du  premier. 

Tous  les  instruments  qu'ont  procurés  les  fouilles  et  qui 
sont  regardés  généralement  comme  rasoirs  antiques,  doivent, 
à  tous  les  points  de  vue,  se  séparer  en  deux  catégories,  eu 
égard  à  l'origine  et  à  la  forme.  Cette  distinction  est,  du  reste, 
d'accord  avec  ce  que  nous  connaissons  sur  la  marche  de  la 
civilisation  de  ÏAge  du  bronze.  On  sait  que  cette  civilisation, 
partie  d'Orient,  rayonna  de  l' Asie-Mineure,  d'un  côté,  par  la 
Hongrie,  vers  le  nord  de  l'Europe,  la  Suède  et  le  Dane- 
marck,  où  elle  prit,  pendant  de  longs  siècles,  un  caractère 
propre  avec  des  formes  artistiques  spéciales  ;  de  l'autre  côté, 
vers  le  sud,  par  la  Grèce  et  l'Italie,  tout  en  conservant  un 
cachet  tout  autre  et  engendrant  des  types  d'objets  et  d'in- 
struments bien  distincts.  On  sait  aussi  que  plus  tard  les 
Celtes  avaient  reçu  d'un  courant  secondaire,  venant  d'Italie, 
leur  civilisation,  qu'ils  transmirent  aux  Gaulois,  et  que  cette 
civilisation ,  émanée  du  Midi ,  fut  modifiée  ensuite  par 
les  mœurs  des  peuplades  du  Nord  et  surtout  des  peuplades 
franques,  qui  ne  cessèrent  de  faire  invasion  dans  ces 
contrées. 

Ces  quelques  généralités  vont  nous  être  utiles  dans  l'étude 


—  454  — 

que  nous  voulons  faire  du  rasoir  au  point  do  vue  do  la 
forme. 

M.  Vorsaa  et  beaucoup  d'autres  savants  archéologues  ont 
démontré  qu'il  y  a  une  différence  très-grande  dans  la  forme 
des  objets  de  l'âge  du  bronze  produits  dans  l'Europe  du  nord 
ou  dans  l'Europe  du  sud.  On  a  étudié  à  ce  point  de  vue 
l'épée,  le  glaive,  la  fibule  et  beaucoup  d'autres  objets,  La 
dilïérence  pour  le  rasoir  est  encore  bien  plus  tranchée. 

RASOIRS  A  LAME  OIïBICULAlRE    DL'  MIDI    DF   l'eUROI'E. 

Age  de  la  civilisation  du  bronxe,  groupe  dit  occidental. 

Les  palafilles  et  les  terramarcs  de  Suisse,  les  lombelles  et 
les  nécropoles  du  nord  de  l'Italie,  les  tumulus  de  Gaule,  ont 
fourni  un  grand  nombre  de  rasoirs  antiques.  Ces  stations 
représenteni  un  laps  de  temps  fort  long,  depuis  l'âge  des 
palafilles  jusqu'à  celui  dos  derniers  tumulus  gaulois.  Cet 
espace,  qui  nous  conduit  à  l'Age  du  fer,  renferme  certaine- 
ment plus  de  vingt  siècles. 

Le  savant  direcleur  du  Musée  de  Sainl-Germain,  M.  Ber- 
trand, a  réuni  et  groupé  le  plus  grand  nombre  de  ces 
rasoirs.  Tous  les  types  réunis  dérivent  plus  ou  moins  direc- 
tement de  sections  circulaires  analogues  à  des  éclats  de 
silex,  de  lame  arrondie.  Ce  sont  des  demi-cercles  (fig.  i), 
des  arcs  de  cercle  (fig.  2),  des  segments  de  cercle  (fig.  ô  cl 
5),  des  croissants  (fig.  H,  7,  8),  des  ellipses  plus  ou  moins 
allongées  (fig.  4  et  9).  Du  reste,  pendant  toute  la  période 
de  ràg(;  (lu  bronze  et  jusqu'à  l'âge  du  fer,  les  types  ne 
paraissent  guère  avoir  changé  dans  le  midi  de  l'Europe.  Le 
seul  caraclère  qui  semlilo  marquer  les  rasoirs  des  palafilles 


—  155  _ 

suisses,  rasoirs  qui  sont  les  plus  anciens  connus,  c'est  qu'ils 
sont  à  lame  pleine,  peu  ornementéo  et  nullement  travaillée  à 
jour  (fig-.  2,  7,  9),  contrairement  à  ce  que  l'on  observe  pour 
la  plupart  des  lames  trouvées  dans  les  tumuhis  d'un  ;'ige 
postérieur  (fig.  5,  4,  5).  Quant  à  la  poignée,  le  dos  de  la  lame 
formant  la  corde  de  l'arc  de  cercle,  est  d'ordinaire  renforcé 
par  une  côte  épaisse.  Cette  côte,  souvent  munie  d'un  bour- 
relet et  entaillée  d'une  échancrure  arrondie  (fig.  l,  2,  3), 
pour  faciliter  le  maniement  de  l'instrument,  tient  lieu  de 
manche.  Parfois  même,  si  pas  toujours,  ce  bord  était  destiné 
à  être  fixé  dans  la  rainure  longitudinale  d'une  poignée  en 
corne.  On  rencontre  des  spécimens  qui  porlenl  encore  les 
trous  destinés  à  fixer  cette  poignée  par  des  pointes  rivées 
(fig.  2,  5)  (i).  Emmanché  de  cette  façon,  il  devait  avoir  un 
air  de  racloir  et  ressemble  un  peu  à  certains  instruments  de 
nos  tanneurs.  Parfois  celte  poignée  en  corne  est  remplacée 
par  quelques  anneaux  métalliques  (fig.  4,  o).  Dans  diverses 
pièces,  ce  système  est  changé  en  un  point  important  :  la 
poignée,  au  lieu  de  rester  au  dos  de  la  lame,  est  placée  au 
côté  de  celle-ci  et  devient  un  manche.  Dans  ce  but,  la  lame 
elle-même  est  modifiée  dans  sa  forme.  Le  croissant  s'est 
allongé  et  a  été  plus  ou  moins  tronqué  d'un  côté  (fig.  7,  8). 
Parfois  ce  manche  était  en  corne  (fig.  7),  parfois  il  consiste 
en  un  appendice  métallique,  terminé  par  un  ou  plusieurs 


(i)  On  peut  voir  au  Musée  de  Naples  (Sctidi)  un  gioupe  antiqui'  •'n  marbre 
représentant,  deux  hommes  qui  rasent  un  sanglier  tué  et  qui  se  servent  d'un 
instrument  analogue  et  emmanché  de  ei-tte  manière.  (Voir  Magasin  pittoresque, 
187<i,  p.  Gl.) 


—  436  — 

anneaux  (i)  (fig.  8).  Peut-être  cet  appendice  lui-même, quand 
il  est  assez  long  (fig.  8),  n'est-il  qu'une  sorte  de  soie  et  ne 
servait-il  qu'à  fixer  le  manche  en  corne.  L'instrument  com- 
plet mesure  généralement  9  à  12  centimètres. 

On  a  trouvé  dans  le  lac  de  Neufchâtel  et  dans  d'autres 
stations  analogues  une  forme  remarquable  à  un  point  de  vue 
particulier  (fig.  9).  C'est  une  lame  elliptique  allongée  qui 
semble  fabriquée  pour  être  montée  sur  un  manche  en  bois  ou 
en  corne  mobile  autour  du  petit  anneau  latéral  et  dans 
lequel  cette  lame  se  repliait  comme  dans  une  gaîne,  à  la 
manière  de  nos  rasoirs  modernes,  pour  lesquels  le  manche 
n'est  qu'une  véritable  garde.  On  avouera  que  de  cette  façon 
il  y  aurait  entre  les  deux  une  ressemblance  vraiment  frap- 
pante. Or  M.  Desor  déclare  précisément  dans  ses  ouvrages 
que  ce  système  de  manche  était  connu  à  l'époque  de  l'âge 
du  bronze  et  qu'il  se  rencontre,  quoique  rarement,  dans  les 
fouilles.  Gela  étant,  il  ne  peut  rester  le  moindre  doute  que 
c'est  précisément  en  vue  de  ce  système  qu'ont  élé  faites  les 
lames  elliptiques  allongées  dont  nous  venons  de  parler,  et 
l'on  peut  se  figurer  l'instrument  complet  à  peu  près  comme 
nous  l'avons  dessiné  (fig.  10). 

Nous  appuyons  sur  ce  détail,  auquel  nous  attachons  une 
grande  importance  et  dont  nous  nous  servirons  plus  loin, 
après  y  avoir  apporté  de  nouvelles  preuves. 


(i)  Les  couteaux  de  l'époque  du  bronze,  quel  qu'en  iïit  l'usai^e,  portaient  souvent 
••e  manche  métallique  orné  d'un  ou  plusieurs  anneaux,  «[ui  servaient  probablement 
à  tenir  l'instrument  suspendu. 

Dans  les  palafiltes  de  Suisse,  dit  M.  Desor,  au  bel  âge  du  bronze,  les  couteaux 
ont  le  manche,  soit  en  métal  fondu  avec  la  lame,  soit  en  corne  de  cerf  emprunté 
à  un  andouiller. 


—  457  — 

Les  types  de  rasoirs  doiil  nous  nous  sommes  occupés 
ci-devant  et  dont  nous  avons  donné  les  dessins  viennent  des 
palafittcs  des  lacs  de  Neufcliàtel  et  de  Bienne  en  Suisse,  des 
nécropoles  de  Villa-Nova,  Bologne  et  Gorncto  en  Italie,  et 
des  tumukis  celtiques  du  Ghatillonnais  en  France.  Deux  de 
ces  rasoirs  sont  originaires  de  Belgique  (fig.  4  et  5).  Ils 
ont,  quant  à  la  forme,  une  grande  analogie  et  portent  un 
cachet  particulier.  L'artiste  y  a  ménagé  une  grande  ouver- 
ture qui  produit  au  dos  de  la  lame  une  espèce  de  menotte 
ornée  de  deux  trous. 

La  nature  de  ces  rasoirs  a  été  d'abord  méconnue. 

Le  premier  (tig.  4)  vient  d'un  lumulus  fouillé  en  J  864,  à 
Louette-Saint-Pierre,  dans  la  province  de  Namur  (i).  Plus 
tard  seulement  il  fut  reconnu  comme  un  rasoir  par  les 
hommes  spéciaux.  Il  repose  encore  au  Musée  provincial. 

Le  second  (fig.  S)  est  originaire  de  la  commune  de  Ber- 
nissart,  dans  le  Hainaut  (2).  Il  a  été  trouvé  avec  de  la  poterie 
dans  une  tombe  que  l'on  a  crue  belgo-romaine  et  dont 
l'époque  a  été  tout  à  fait  mal  déterminée.  Nous  signalerons 
dans  un  travail  particulier  celte  erreur  commise  relative- 
ment à  un  lumulus  de  l'âge  du  bronze  et  de  l'époque 
gauloise. 

Le  rasoir  gaulois  et  la  novacula  romaine. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  rappeler  au  lecteur  que  le  fer, 
à  son  aurore,  ne  détrôna  pas  facilement  le  bronze  et  que 
l'usage  de  celui-ci  se  continua  longtemps  avec  l'usage  du 


(1)  Voir  Annales  de  la  Société  archéologique  de  Namur,  t.  IX,  p.  42. 

(2)  Voir  Annales  du  Cercle  archéologique  de  Mons,  t.  I,  p.  85. 


—  438  — 

premier.  Pour  heaucouj)  d'olijels  et  iiulaintnenl  pour  les 
éj)ées,  les  glaives,  les  laines  tranchantes  qui  devaient  cei)en- 
dant  amener  le  triomphe  du  Ter  on  de  l'acier,  les  deux  mé- 
taux furent  employés  concurremment.  Il  en  l'ut  de  même 
pour  les  rasoirs.  Cet  étal  de  choses  subsista  aussi  longtemps 
(jue  le  Ter  ne  d(n'int  pas  connnuii,  aussi  longtemps  que  ses 
propriétés  et  l'art  de  le  tremper,  de;  le  cénientei-,  ne  furent 
pas  bien  étudiés  et  bien  connus,  aussi  longtemps  enfin  que 
riiabitude,  le  pi'c'jugé,  les  mœurs  ne  se  modilièrcnt  |)as  pour 
se  plier  à  l'emploi  de  ce  métal  et  le  génth-aliser. 

Les  rasoirs,  aussi  l)ien  que  les  épées,  se  faisaient  donc 
parfois  en  fer,  et  l'on  connaît  plusieurs  découvertes  qui  le 
prouvent.  Nous  citerons,  entre  auti-es  exemples,  les  faits 
suivants  :  M.  de  Saulcy  trouva  un  rasoir  en  fer  dans  le 
tumulus  gaulois  n"  "2  du  bois  de  la  Perousse.  Ce  rasoir 
appartient  au  véritable  type  occidental  (jue  nous  avons 
décrit  (lig.  8).  On  en  a  li'ouvé  un  aulre  idenliipae  au  rasoir 
en  bronze  dessiné  sous  notre  ilg.  n"  I.  M.  Desor  en  cite  un 
ti'oisième  dans  son  Pfahlbauten,  ]).  115. 

Enfin  le  rasoir  que  nous  avons  décrit  et  figuré  sous  le 
n"  o  et  qui  vient  d'une  tombe  gauloise  du  llainaut  est  en  fer. 

Mais  ])Our  (piiili'c  rasoirs  en  fer  connus,  conibien  il  y  en 
a  qui,  déli'uils  et  défigurés,  ont  échappé  au.\  recherches 
mêmes  bien  faites  !  Le  fer  se  consomme  vite  en  terre,  et  diis 
lames  aussi  minces,  sauf  des  circonstances  e.xccptionnelle- 
ment  favorables,  deviennent  entièrement  méconnaissables 
pendant  les  siècles  nondjreux  (jui  nous  séparent  du  premier 
âge  du  fei",  et  les  restes  se  conl'ondeiii  inévitablement  avec 
les  débris  d'aiili'cs  couteaux  ou  d'aulres  insli'umcnls  Irau- 
ch.uils. 


—  /iôO  — 

Eu  elTcl,  iDÙMic  dans  k's  lombes  ajipurloiiant  à  l'époque 
où  le  fer  devieul  d'un  usage  plus  général,  on  ne  retrouve 
pour  ainsi  dire  pas  de  rasoirs;  ceux  quiélaienl  en  bronze  sonl 
seuls  parvenus  jusqu'à  nous.  Pour  les  périodes  suivantes, 
ces  instruments  ayant  cessé  de  se  faire  en  bronze,  les  fouilles 
ne  fournissent  |)Ilis  aucune  espèce  de  rasoir.  Or,  précisé- 
ment, nons  sommes  arrivés  alors  aux  temps  historiques,  et 
l'histoire  nous  apprend  que  les  peuples,  à  cette  époque, 
n'avaient  pas  cessé  de  se  raser.  Nous  avons  cité  ailleurs  des 
textes  à  ce  sujet  (i)  ;  nous  nous  contenterons  d'en  ajouter 
ici  quelques-uns  relatifs  aux  Gaulois, 

L'auteur  le  plus  ancien  que  l'on  cite  à  ce  sujet  est  l'histo- 
rien grec  Théopompe,  auteur  antique  qui  avait  écrit  un  traité 
d'histoire  dont  on  n'a  conservé  que  des  fragments.  Cet 
historien,  après  avoir  mentionné  chez  les  Étrusques  l'usage 
de  se  raser  la  barbe,  ajoute  que  la  même  coutume  existe 
chez  les  Samnites,  chez  les  Messapiens  et  chez  «  ces 
barbares  envahisseurs  des  riches  contrées  situées  entre  les 
Alpes  et  rOesis  »  (c'est-à-dire  les  Gaulois  cisalpins),  dont 
les  mœurs  étaient  les  mêmes  que  celles  de  leurs  frères  les 
Gaulois  transalpins,  avec  lesquels  leurs  relations  n'avaient 
jamais  cessé  (2). 

Diodore  de  Sicile  dit,  en  pai'laiit  des  Gaulois  et  des 
Germains  : 

Il    Ta  ii  yîvcia  T'.vàj  jj.îv  çuptov-a;   t'.vîj  oï  jj.ôTpûoar   'jTio-pè'iO'jT'.v    o'. 


(1)  Voir  Les  iiistrumeiUs  épilatoires  citez-  les  Romains  et  chez  les  peuplades 
germaniques  et  franqnes.  Bruxelles,  187G. 
(4)  Ed.  Flolest. 


—  440  — 

oï  c'jyôvetff  xàij  |Jièv  — apelaa  à7:oXîta'.vûu(j'.,  -àj  o'j—rjvxa  àvîtpsvaj  Iwatv, 
waT£  xà  aTOjj.aTa  àuTwv  ETT'.y.a  À'jTîTîdGoti  «  (i). 

DiD.  V,  XXVIII. 

Nous  allons  maintenant  citer  César  parlant  des  Bretons, 
peuple  issu  de  même  souche  que  les  Gaulois,  et  qui,  comme 
il  le  dit  lui-môme  quelques  lignes  avant  le  texte  que  nous 
donnons,  «  ne  diffèrent  pas  beaucoup  de  mœurs  avec 
ceux-ci  »  (2). 

Il   Capillo  siint  promisso,  atque  omni  parte  corporis  rasa,  prfeter. 
caput  et  labrum  superius  «   (3). 

Dç  Bello  Gallico,  V.  14. 

Grégoire  de  Tours,  dans  son  Histoire  des  Francs,  livre 
VI,  chapitre  24,  affirme,  dit  Sciiayes  (4),  que  les  Saxons 
se  rasaient  les  cheveux  de  devant  et  laissaient  croître  ceux 
de  derrière. 

Voici  un  autre  texte  qui  regarde  les  Germains  vers  la 
même  époque. 

"   Albet  aquosa  acies  ac  vultibus  ûndique  rasis  : 
Pro  barba,  tenues  perarantur  pectine  cristœ  «  (s). 

SiP,  Apollin,  Paneff.  Maj.,  V,  241,  2-i2. 


(ij  «  Uuelques-uns  se  rasent  la  barbe,  d'autres  la  laissent  croître.  Pour  les 
nobles,  ils  se  rasent  les  joues  et  portent  la  moustache  longue,  de  sorte  que  leur 
bouche  en  est  cachée.  » 

(ï)  <(  Kequc  raultum  a  Gallicà  dill'crunt  a  consueludino.  » 

De  Bello  Gallico,  V.  14. 

(3)  «  Ils  ont  les  cheveux  longs  et  tout  le  reste  du  corps  rasé,  sauf  la  tête  et 
la  lèvre  supérieure.  » 

(4)  La  Belgique,  t.  I,  p.  171. 

(5)  (!  Le  couteau  humide  a  brillé  et  la  figure  est  rasée  de  toutes  paris;  pour 
toute  barbe,  ils  n'ont  à  livrer  au  peigne  que  leurs  minces  moustaches.  > 


—  141   — 

On  peut  joindre  à  ces  textes  ré(ii(I(,'  des  inonuiiients 
anciens  appartenant  à  la  sculpture,  à  la  iily|)tiquc  ou  à  la 
numisniatique.  Ces  monuments  montrent  généralement  im- 
berbes les  figures  des  cliefs  gaulois  qu'ils  représentent. 
M.  Flouest  cite  à  ce  sujet  les  bas-reliefs  gaulois  trouvés 
à  Entremonl  en  Provence,  décrits  j)ar  M.  Rouaud  en  18S1, 
et  ceux  de  l'arc  de  triomphe  d'Orange,  décrits  par  31.  Caristie 
en  I806. 

Nous  n'ajonterons  rien.  On  pourra,  dans  les  savants 
ouvrages  de  Passeri,  Romagnosi  et  iMuller  ,  trouver  de 
nouvelles  preuves  de  l'emploi  du  rasoir,  quatoi'ze  siècles 
avant  l'ère  chrétienne,  par  les  Etrusques  contemporains  des 
premiers  Gaulois,  auxquels  ils  avaient  inoculé  le  germe  de 
leur  belle  civilisation. 

A  Rome  et  en  Italie,  on  continua  l'emploi  du  l'asoir  orbi- 
culaire  des  types  primitifs  de  l'âge  du  bronze,  et  l'instrument 
conserva  sa  poignée  en  étui  de  forme  arquée. 

Voici  un  texte  bien  explicite  à  ce  sujet  : 

Il   Sed  fuerit  curcu  quum  tuta  uovacula  tliecâ 
Fi'angam  toiisori,  crura  manusque  siinul  »  (i). 

Maktial,  Ep.  XI.  58. 

Il  est,  du  reste,  remarquable  (pie,  grâce  à  cet  amour 
de  l'immutabilité  dont  l'Orient  a  le  j)rivilége,  le  rasoir  arabe 
revêt  encore  aujourd'hui  la  forme  en  croissant  du  rasoir  jn-i- 
milif  orienlal  (2). 


(1)  «  Miiis  aussilot  h;  rasoir  ahrito  dans  sa  iiaiuc  l'ccoiiitn'O,  jo  briserais, 
tout  à  la  fois,  bras  et  jambes  au  barbier.  » 
i'i)  Ed.  Flovest. 


—  442  — 

La  novacula  romaine  se  faisait  en  fer  ou  en  acier,  comme 
toutes  les  armes,  tous  les  couteaux,  tous  les  instruments 
tranchants  de  cette  époque.  Les  auteurs  fourmillent  de  textes 
où  le  mol  [erramenlum  est  employé  pour  désigner  toute 
espèce  de  culter  destiné  à  tous  usages  :  cuUer  venatorius, 
culter  popinariu.s,  cuUcr  coquinarius  (i),  etc. 

Sur  ces  points  les  archéologues  sont  d'accord  avec  les 
textes.  Quant  au  culter  tonsorius,  beaucoup  d'archéologues 
semblent  croire  qu'il  a  continué  à  être  fait  en  bronze,  métal 
moins  favorable  pour  obtenir  un  bon  taillant.  Des  textes 
d'auteurs  de  l'époque  mettent  cette  opinion  à  néant  et  ne 
laissent  aucun  doute  sur  ce  point.  Nous  allons  en  citer 
plusieurs. 

CoLUMELLE  dit  cu  propres  termes  que  la  forme  des  cou- 
teaux auxquels  on  donnait  le  nom  de  novacula  était  arquée 
et  que  ces  couteaux  étaient  en  fer  : 

«  Et  suramam  (rapse)  cutem  novacula  decerpito  :  deinde,  sicat 
consueveruut  salgmarii,  decussatim/(??ra>«e«^o  lunato  incidito  "  (2). 

De  re  muticâ,  XII,  56. 

Varron,  Columelle,  Pétrone  et  d'autres  auteurs  emploient 
le  mot  ferramenlum  comme  synonyme  de  novacula. 

Dans  son  Salyricon  XCIV-CVIII.,  Pétrone  raconte  une 
suite  de  scènes  comiques  où  les  novacula  jouent  leur  rôle,  et 


(0  Ce  couteau  des  cordonniers  et  des  bourreliers,  tranchet  ou  couteau  à  parer, 
est  celui  qui  avait  le  plus  de  rapport  avec  le  rasoir,  et  quelques  auteurs  ont  même 
prétendu  qu'un  certain  nombic  de  lames,  au  moins  parmi  celles  trouvées  dans 
le  Nord  et  considérées  comme  rasoirs,  n'étaient  que  des  espèces  de  couteaux 
pour  travailler  le  cuir. 

(2)  a  Enlevez  la  dernière  peau  de  la  rave  au  moyen  d'une  novacula,  puis,  à  la 
manière  des  confiseurs,  coupez-la  en  sautoir  avec  ce  couteau  de  fer  en  croissant.  » 


—  445  — 

nous  allons  voir  (iii'ù  diverses  reprises  il  leur  donne  comme 
synonyme  le-  mot  ferramenlum  et  emploie  indifféremment  les 
deux  expressions. 

"  Hœc  locutus,  mercenario  Euinolpi  novaculam  rapit,  et  semel 
iterumtjue  cerv^ice  percussâ,  autc  pedes  collabitur  iiostros.  Exclarao 
ego  attonituy,  secutusque  labeiitem,  eodem  ferramenlo  ad  mortem 
viam  qucEro.  Sed  neque  Giton  uUa  erat  suspicione  vulueiis  hesus, 
Meque  ego  uUum  seutiebam  dolorem.  Riidis  eiiim  novacula,  et  iu  hoc 
retusa  ut  piieris  discentibus  audaciam  toasoris  daret ,  instruxerat 
vagiuam.  Ideoque  nec  merceaariusad  raptam/e';vflmé>«^«»<  expaverat, 
iiec  Eumolpus  iuterpellaverat  mortem  mimicam 

Il  Hinc  merceuarius  tonsor  ferraitienta  sua  nobis,  et  ipse  armai  us 
distribuit ... 

Il  Tum  fortissimus  Giton  ad  sua  admovit  novaculam  infestam.  .  . 
Ssepius  ego  cultrum  tonsorium  super  jugulum  meum  posai,  non 
magis  me  occisurus  quam  Giton  quod  minabatur  facturus.  Audacius 
ille  tamen  tragœdiam  implebat,  quia  sciebat  se  illam  habere  nota- 
cidam,  quâ  jam  cervicem  prseciderat.  Stante  ergo  utraque  acie,  »  (i). 


(i)  «  Il  dit,  et  arrachant  un  rasoir  des  mains  du  valet  d'Emolpe,  il  en  passe 
h  deux  reprises  le  tranchant  sur  sa  gorge  et  tombe  a  nos  pieds.  Éperdu,  je  jette 
un  cri,  je  me  précipite  sur  le  corps  de  Giton  gisant,  et  j'use  du  même  fer  pour 
me  donner  la  mort.  Mais  il  ne  s'était  pas  fait  la  moindre  égratignure  et  moi  je 
ne  sentais  aucune  douleur.  Il  avait  dépose  dans  l'étui  un  de  ces  rasoirs  mousses 
et  obtus  destinés  ii  donner  aux  jeunes  apprentis  l'audace  d'un  barbier  Uni.  Aussi 
le  valet  n'avait-il  ressenli  aucune  crainte  en  voyant  Gitou  saisir  le  fer,  et  Eumalpe 
n'avait  pas  opposé  un  mot  à  cette  tragédie  pour  rire 

»  D'un  côté,  le  valet  barbier  nous  arme  et  s'arme  lui-même  de  ses  rasoirs 
d'acier 

»  Alors  Giton  approche  bravement  la  novacula  meurtrière  et  menace  de  se 

mutiler Pulsieursfois  j'appuie  moi-même  le /er  du  barbier  sur  ma  gorge, 

aussi  peu  disposé  cependant  à  me  tuer  que  Giton  à  exécuter  sa  UKiiace.  àlais  il 
jouait  son  rôle  plus  hardiment  que  mui,  sachant  que  le  rasoir  qu'il  tenait  était  le 
même  dont  il  avait  feint  déjà  de  se  couper  la  gorge.  On  reste  de  chaque  côté  le 
fer  a.  la  main.  » 


_  441  — 

Quant  à  posséder  uu  c\einj)Iainî  aiithenliqiie  de  nuvacula 
romaine  de  l'âge  du  fer,  voici  un  l'ail  remarquable  qui 
prouve  combien  il  est  vrai  d'aftirmer  qui,'  des  lames  de  1er 
aussi  minces  se  détruisent  fort  facilement  et  ne  se  conservent 
qu'exceptionnellement  depuis  ces  siècles  éloignés.  Nous 
avons  écril  ou  fait  écrire  à  dix  ou  douze  savants  archéo- 
logues de  Belgique  et  surtout  d'Italie,  la  plupart  directeurs 
de  musées  d'anti(juilés.  Tous,  sauf  un  seul,  nous  onl  répondu 
qu'ils  ne  connaissaient  ni  le  rasoir  romain  ou  novacula,  ni  le 
rasoir  franc,  et  qu'ils  ne  les  avaient  vus  dans  aucun  Musée; 
que,  du  reste,  il  y  a  toute  probabililé  que  la  novacula  avait 
conservé  la  forme  orbiculaire  ou  semi-lunaire  du  rasoir 
oriental  de  l'époipic  du  bronze,  i)eut-ètre  avec  quelques 
variantes  (i).  C'est  aussi  ce  que  nous  pensions  nous-méme. 
Une  j)ei'sonne  nous  a  dit  avoir  vu  en  grand  nombre  cette 
novacula  semi-lunaire  dans  les  njusées  d'Italie;  elle  nous  a 
arfn'nié  (ju'ollc  élail  en  bronze.  Mais  elle  a  évidemmenl  pi'is 
puur  tel  le  rasoir  de  l'âge  du  bronze. 

Nous  croyons,  du  reste,  posséder  un  ciiUer  qui  pourrait 
bien  être  une  forme  de  caWe  novacula  de  Vaiiuon,  de  Coll- 
MKLLE  et  de  Pétrone,  laquelle  est  en  même  temps  un  ferra- 
ihcnlnm.  Il  se  trouve  au  musée  de  Cbarleroi  el  fut  découverl 
dans  la  fouille  de  la  villa  bolgo-romaine  de  Saint-Remy,  près 
de  Cbimai.  Il  a  souffert  beaucoup  du  lemps.  Toutefois  c'est 


(0  Voici  un  extrait  de  !a  lettre  du  comte  J.  (  ozzadim,  qui  fait  autorité  pour 
le  sujet  dont  il  s'agit  :  «  Le  soussigné  a  eu  occasion  de  faire  des  rccfierclies 
relatives  aux  rasoirs  antiques,  mais  il  n'a  pas  réussi  à  eu  trouver  de  l'époque 
romaine,  pas  même  dans  le  musée  de  Naplcs,  qui  est  énormément  riclie  d'usten- 
siles du  coniinenccmcnt  de  l'enipire  provenant  de  Pompéi.  Quant  a  la  forme  du 
rasoir  {novacula)  des  Romains,  on  |»eut  croire  qu'elle  était  lunuiée,  ii  l'instar  des 
rasoirs  italiens  de  l'ài-'C  du  hm/x,  » 


—  u:\  — 

à  cet  inslriimcnl  que  nous  empruntons  la  forme  Ju  manclie 
que  nous  dessinons  à  la  ligure  10,  considéré  par  nous 
comme  une  forme  de  la  novacula  romaine,  composée  de  la 
lame  primitive  (tig.  9),  montée  sur  un  manche  en  gaine 
courbe. 

Nous  devons  ajouter  que  dans  certains  cas  spéciaux  le 
rasoir  continua  encore  d'élre  en  bronze  chez  les  Romains; 
mais  l'exception  confirme  la  règle;  or  nous  allons  ciler  une 
exception.  La  loi  sur  les  rites  religieux  portée  par  Numa 
Pompilius  exige  que  le  pontife  suprême  (  flamen  Dialis  ) 
emploie  un  couteau  <(  de  bronze  «  pour  se  raser,  ce  qui 
était  interdit  aux  autres  prêtres.  Ceux-ci  se  servaient  donc 
du  fer. 

C'est  un  fait  analogue  à  ce  que  l'on  sait  du  couteau  de  silex 
employé  encore  en  pleine  civilisation  pour  cerlaines  céré- 
monies des  Juifs  et  certains  sacrifices  religieux  de  Rome 
pendant  les  beaux  siècles  de  sa  civilisation. 

A  son  tour,  un  ancien  auteur,  Carminius,  cité  par 
Macrobe,  dit,  dans  le  second  livre  de  son  ouvrage  sur 
l'Italie  : 

«  Prius  itaque  et  Tuscos  œneo  voniere  uti,  ciun  condereutur 
urbes,  solitos,  in  Tageticis  eorura  sacris  invenio  ;  et  iii  sabinis  ex  xre 
cultros,  quibus  sacerdotes  tonderentur  »   (i). 

Macrou.,  Sainrnal.  V.  19. 


(i)  «  Ce  que  je  sais,  c'est  que  jadis  les  Toscans  se  servaient  de  charrues 
à  soc  d'airain  quand  il  s'agissait  de  construire  une  ville,  qu'ils  s'en  servaient 
aussi  pour  le  culte  qu'ils  rendaient  à  Tagetes,  et  (|ue  chez  les  Sabins  pour  tondre 
les  prêtres  le  rasoir  était  fait  de  bronze.  » 


—  446  — 

RASOIR    A    LAME    RECTILIGNE    DU    NORD    DE    l'eUROPE. 

Age  de  civilisation  du  bronze,  groupe  dit  oriental. 

Les  nécropoles,  les  tumulus,  les  tourbières  du  nord  de 
l'Europe,  de  la  Suède,  du  Danemark,  de  l'île  de  Bornalm, 
ont  fourni  aussi  beaucoup  de  rasoirs  antiques  que  .l'on  allri- 
buc  avec  raison  aux  diverses  périodes  de  l'âge  du  bronze  et 
qui,  pour  l'époque,  correspondent  à  peu  près  aux  rasoirs  du 
Midi  que  nous  venons  d'étudier.  Ils  nous  conduisent  de  même 
jusqu'à  l'âge  du  fer.  Toutefois  l'on  sait  que  dans  le  Nord  l'âge 
du  bronze  dura  beaucoup  plus  longtemps  que  dans  le  Midi. 

Quant  à  la  forme,  ces  instruments  ne  ressemblent  en  rien 
à  ceux  du  groupe  dit  occidental.  Nous  avons  pu  juger  de  cette 
différence  complète  dans  les  musées  et  surtout  à  l'Exposi- 
tion universelle  de  Paris,  en  I8G7.  Ils  ajiparliennent  tous 
à  un  type  particulier  et  ont  une  forme  trapézoïdale  que  l'on 
compare  d'ordinaire  à  la  moitié  du  dessin  d'une  gondole 
élancée.  Ce  dessin,  avec  ornements  en  volutes,  est,  du  reste, 
caractéristique  pour  l'art  du  Nord  à  l'âge  du  bronze,  et  les 
motifs  en  sont  reproduits  en  gravures  sur  certains  rasoirs. 
11  s'y  joint  d'autres  motifs,  créés  entièrement  dans  le  style 
et  le  caractère  de  l'art  antique  d'Orient,  d'où  venait,  comme 
nous  l'avons  dit,  l'art  du  Nord.  Dans  cet  état,  l'objet  se  rap- 
proche du  rasoir  moderne;  il  est  plus  long  que  le  rasoir  ita- 
lien et  a  une  forme  carrée. 

La  poignée  métallique  que  nous  avons  vue,  dans  le  Midi, 
s'arrondir  en  un  ou  deux  anneaux,  est  devenue,  dans  le  ra- 
soir rectilignc,  une  véritable  soie  plus  ou  moins  enroulée  en 
volute,  ou  deux,  trois  fois  repliée  sur  elle-même  (fig.  11), 
ou  en  col  de  cygne  (fig.  12).  Ce  dessin  est  le  plus  commun; 


—  447  — 

toutefois,  il  n'est  pas  constant,  et  l'on  a  rencontré  de  ces 
lames  dont  le  manche  représentait  une  tète  de  cheval 
(fig.  15),  ou  de  canard  (fig.  14),  ou  de  cygne  (fig.  15). 

Pour  certains  instruments,  la  lame  rectiligne  se  cambre 
(fig.  14)  et  se  rapproche  déjà  du  rasoir  moderne.  Dans 
d'autres  types,  cette  tendance  augmente  encore;  la  soie  au  lieu 
d'être  repliée  sur  elle-même,  se  redresse,  se  développe  et  con- 
duit à  la  soie  droite  et  au  manche  fixe  et  raide(fig.  16),  tandis 
que  la  lame  s'allonge  encore  et  se  régularise,  en  prenant 
complètement  la  cambrure  et  la  forme  de  nos  rasoirs.  C'est, 
en  réalité,  un  instrument  où  l'on  peut  reconnaître  avec  cer- 
titude le  point  de  départ  de  noire  rasoir  (fig.  13,  16).  Ce 
modèle  estce  que  l'on  connaît  de  plus  parfait  comme  rasoir  en 
bronze.  C'est  la  dernière  transformation  qu'il  ait  subie.  La 
lame  représentée  (fig.  1o)  vient  de  Suède;  l'autre  (fig. 16) 
fut  trouvée  dans  le  tumulus  de  Hvidegaard,  en  Danemark  (i). 
Cet  instrument  était  encore  enfermé  dans  une  enveloppe  de 
cuir  lorsqu'on  l'a  trouvé.  Ce  tumulus  appartenait  à  l'âge  dit 
du  fer,  à  la  fin  de  l'âge  du  bronze,  si  longtemps  prolongé, 
avons-nous  dit,  dans  les  pays  du  Nord,  et,  à  ce  point  de  vue, 
était  de  beaucoup  postérieur  à  ses  congénères. 

Rasoir  franc. 
N'est-il  pas  étonnant  que  l'archéologie  de  l'époque  histo- 
rique, moins  puissante  en  cela  que  l'archéologie  préhisto- 
rique, semble  avoir  perdu  la  trace  du  rasoir  au  moment  où 
commencent  les  siècles  du  fer,  et  que,  hésiladt  sur  la  forme 
et  la  matière  de  la  novacula  romaine,  elle  reste  complètement 
muette  sur  ce  point  quand  il  s'agit  de  l'époque  franque, 

(i)  Voir  le  Rapport  de  C.-F.  Herbst. 


—  448  — 

beaucoup  plus  rapprochée  de  nous,  el  même  quand  il  s'agit 
des  siècles  qui  forment  le  moyen  âge?  Où  pouvons-nous 
espérer  de  rencontrer  le  type  du  rasoir  l'ranc:'  Personne  ne 
l'a  démêlé  au  milieu  du  grand  nombre  de  couteaux  employés 
par  ces  hommes,  qui  seinblent  en  avoir  toujours  porté  une 
collection  attachée  à  leur  ceinture.  Tous  les  savants  à  qui 
nous  nous  sommes  adressés  et  dont  nous  avons  parlé  ci- 
devant  à  l'article  de  la  novacula  romaine,  ont  déclaré  ne  pas 
le  connaître.  Nous  pensons  cependant  l'avoir  rencontré  à 
Gerpinnes,  dans  la  fouille  de  la  villa  d'Augette,  que  M.  Hen- 
seval  a  dirigée  avec  tant  de  soin  et  tant  de  sagacité.  Nous 
savons  que  celte  fouille  fut  faite  méthodiquement,  presque 
sous  nos  yeux,  et  nous  ne  pouvons  concevoir  aucun  doute 
sur  l'authenticité  de  la  trouvaille  à  laquelle  nous  faisons 
allusion.  Le  rasoir  fut  relevé,  en  effet,  sur  le  pavement  d'un 
appartement,  sous  un  mètre  de  cendres  et  de  décombres 
de  la  villa,  vierges  de  tout  remaniement.  Il  n'est  certaine- 
ment pas  moderne,  or  il  n'a  pas  les  caractères  de  la  nova- 
cula romaine.  Nous  le  considérons  donc  comme  franc.  En 
effet,  ainsi  que  beaucoup  d'autres  villa  romaines,  la  villa 
d'Augette  a  été  habitée  par  les  Francs,  après  la  fuite  des 
Romains;  on  en  a  trouvé  les  prenves.  Les  appartements  en 
avaient  donc  été  déblayés  et  même  réparés  et  même  re- 
construits avec  les  anciens  matériaux;  c'était  l'habitude. 
Les  décombres  qu'on  y  a  rencontrés  s'étaient  écroulés,  après 
l'occupation  frampie  (i),  et  sur  des  ohjels  de  cette  époque 
autant  que  sur  des  objets  romains  Les  éboulis  trouvés  pen- 
dant la  fouille  i)roviennent  donc  de  celle  reconstruction  de 

(i)  Dos  tombes  fr;in()ii('s  tioiivécs  dans  la  villa  eu  sont  une  preuve. 


—  449  — 

la  villa,  faite  par  les  successeurs  des  Romains,  avec  les  tuiles, 
les  briques,  etc.,  trouvées  sur  place  et  au  milieu  des  débris 
romains.  Ces  éboulis  ont  recouvert  des  objets  et  des  instru- 
ments francs  de  toute  espèce.  On  a  trouvé,  en  elTet,  avec  le 
rasoir,  divers  ustensiles  portant  un  cai'actère  franc  indubi- 
table, boucle,  couteau,  etc.,  etc. 

C'est  la  première  fois,  si  nous  ne  nous  trompons,  que  l'on 
signale  le  rasoir  franc.  Celui  qui  nous  vient  de  Gerpinnes  est 
entier,  taillant  et  soie.  Il  mesure  une  longueur  totale  de 
8  centimètres.  C'est  une  lame  en  acier  presque  recliligne, 
étroite,  fort  semblable  à  nos  rasoirs,  sauf  les  dimensions  qui 
sont  moindres.  Il  porte  une  soie  de  forme  prismatique  sans 
aucun  trou  ni  entaille  (tig.  17). 

Les  peuplades  franques  qui  venaient  du  Nord  en  avaient 
apporté  avec  eux  le  rasoir  trapézoïde  et  ils  en  avaient  modifié 
un  peu  la  forme.  Ce  peuple,  qui  utilisa  d'une  maiiière  si 
remarquable  l'acier  pour  la  fabrication  de  ses  armes,  appli- 
qua naturellement  aussi  ce  métal  à  la  fabrication  du  rasoir, 
qu'il  lui  appartenait  de  perfectionner. 

Le  passage  entre  le  rasoir  de  bronze  de  la  fig.  IG  et  le 
rasoir  franc  fig.  17  est  bien  simple,  on  en  conviendra,  et 
sauf  la  nature  du  métal,  on  pourrait  les  dire  identiques.  Le 
manclie  ou  soie  est  redressé,  mais  la  lame  ne  dilfère  guère. 
Du  reste,  pas  plus  pour  l'un  que  pour  l'autre,  nous  ne 
savons  s'ils  étaient  emmanchés  de  corne  ou  de  bois,  ou  si  la 
soie  restait  nue  pendant  l'usage. 

Chacun  sera  frappé  au  premier  coup-d'œil  de  l'analogie 
de  ce  rasoir  franc  avec  notre  instrument  moderne  dont  il  est 
certainement  le  père.  Toutefois  ce  n'est  encore  qu'une 
forme  de  transition  entre  le  rasoir  de  l'âge  du  bronze  et  le 


—  430  — 

rasoir  perfcclionné  du  xix^  siècle. Une  différence  capitale  existe 
et  entraîne  dans  le  maniement  de  l'instrimient  une  modifica- 
lion  notable.  Le  rasoir  franc  n'avait  pas,  comme  le  nôtre,  un 
manche  mobile  dans  lequel  se  repliait  la  lame.  En  effet,  la 
soie,  qui  est  cependant  entière  dans  celui  que  nous  possédons, 
ne  porte  aucune  perforation  où  ])ùt  être  adaptée  la  rivure  in- 
dispensable à  l'emmanchure  du  rasoir  moderne (fig.  18)  pour 
y  servir  d'attache.  C'était  une  lame  fixe  et  non  une  lame  mobile. 

CONCLUSION. 

Nous  avons  vu  le  rasoir  du  Midi,  orbiculaire,  en  bronze 
prendre  un  manche  métallique  à  un  ou  deux  anneaux  (fii^-.  8); 
pais  ce  manche  se  changer  en  un  simple  anneau  autour 
duquel  un  manche-étui,  de  forme  arquée,  pivotait  au  moyen 
d'une  rivure  (fig.  9  et  10).  Ce  modèle  se  continua  chez  les 
Romains,  qui  le  firent  en  acier  et  le  transportèrent  dans  la 
Gaule,  De  son  côté,  le  rasoir  rectiligne  du  Nord,  en  bronze, 
eut  d'abord  une  longue  soie  enroulée  en  volute  ou  col  de 
cygne  (fig.  i\,  lii,  15);  puis  nous  avons  vu  la  lame  se 
rétrécir,  se  cambrer  et  la  soie  se  redresser  (fig.  14,  15,  16). 

Les  Francs  apportèrent  avec  eux  ce  même  rasoir,  rendu 
plus  étroit  encore  et  à  soie  complètement  droite  formant  un 
manche  fixe  et  raide.  L'instrument  était  fait  d'acier  (fig.  17). 

Ces  deux  formes  venant  du  Nord  et  du  Midi  se  rencon- 
trèrent chez  nous  et  se  combinèrent  pour  engendrer  notre 
rasoir  moderne  (fig.  18).  Ce  dernier  est,  en  effet,  la  lame 
rectiligne  du  rasoir  franc  (fig.  17)  montée  dans  l'emman- 
chure en  gaine  de  la  novacula  romaine  (fig.  10). 

Charleroi,  ce  20  octobre  1876. 


REMPAKTS  D'ARLON  ET  DE  TO^.RES. 


L'illustre  de  Caumont  (i)  a  fait  ressortir  l'utilité  de  re- 
cherches effectuées  pour  retrouver  les  dates  et  autres  faits 
qui  pourraient  révéler  l'époque  où  les  murailles  d'enceinte 
des  villes  gallo-romaines  ont  été  construites.  Le  chef-lieu 
du  Luxembourg  belge  nous  fournit  à  cet  égard  un  intéres- 
sant sujet,  et  il  y  a  d'autant  plus  lieu  de  se  livrer  à  cette 
élude,  que  —  on  l'a  solennellement  déclaré  (2)  —  nous 
ne  posséderions  aucun  document  permettant  de  préciser 
l'époque  de  la  construction  des  remparts  d'Arlon. 

Voyons  si  nous  sommes  à  cet  égard  aussi  dépourvus  qu'on 
a  bien  voulu  le  dire. 

Les  anciennes  fortifications  d'Arlon,  aujourd'hui  cachées 
par  des  constructions  modernes,  ont  été,  en  plusieurs 
endroits  qui  correspondent  à  une  très-faible  partie  de  l'en- 
ceinte romaine,  attaquées  par  la  pioche,  en  1565  (3)  et  dans 
les  années  1671,  1842,  1844  (4),  1854,  1856,  1871,  etc. 


(i)  Congrès  archéologique  de  France,  session  de  1850  (Auxerre,  Cluny, 
Clermoiit-Feiraiid),  p.  142;  Congrès  id.,  XXV«  session,  1838  (Périgueux,  Cam- 
bray),  p.  532,  etc. 

(2)  Bull.  Acad.  roij.  de  Belg.,  XX!,  2»,  p.  677. 

(s)  «  Mansfëld  fit  bàtlr  son  palais  de  Ciausen  aux  portes  de  Luxembourg, 
en  1363;  on  y  voyait  les  plus  beaux  monuments  de  l'antiquité,  dont  on  trouve 
un  très-grand  nombre  k  Arlon;  cette  ville  ayant  été  entièrement  ruinée  par  les 
Français  en  1338,  Mansfëld  y  lit  fouiller  dans  les  ruines;  il  en  retira  de  rares 
morceaux  et  les  fit  transporter  dans  son  palais.  »  {Hist.  de  Mansfëld,  p.  88.) 

{i)  Add.  aux  citations  précédemment  faites  :  Annales  de  la  Société,  etc., 
cVArlon,  I,  p.  62. 


—   i5^i  — 

Chaque  fois,  point  trùs-digne  d'attention,  on  y  a  trouvé, 
régnant  au  bas  intérieur  des  murs,  une  couche  de  pierres  mo- 
numentales de  l'époque  romaine,  soigneusement  placées  sans 
mortier  les  unes  à  côté  des  autres,  et  celle  couche  d'autels, 
de  tombeaux,  de  débris  d'architecture  et  de  sculpture,  forme 
une  sorte  de  base  intérieure,  au-dessus  de  laquelle  la  masse 
du  renijiart,  très-épaisse,  est  construite  en  ciment  avec  des 
pierres  entassées  dans  la  chaux. 

Arlon  est  donc  entouré  d'une  ceinture  de  monuments  du 
paganisme. 

Voici  comment  on  décrit  cette  disposition  (il  est  utile  d'en 
rappeler  les  termes  pour  servir  de  point  de  comparaison)  : 
En  bas,  les  masses  de  pierres  juxtaposées  et  jiarfaitement 
assises;  à  l'extérieur,  un  mur  régulier  de  moyen  appareil; 
de  l'autre  côté,  un  mur  plus  grossier;  au  milieu,  par  dessus 
les  pierres  monumentales,  un  bain  de  ciment  dans  lequel 
les  moellons  ont  été  jetés  pèle-mèle,  le  tout  ayant  acquis  la 
dureté  de  la  roche  (i). 

On  ne  comprend  ce  bain  de  ciment  suspendu  en  haut 
des  pierres  monumentales,  dont  il  est  séparé  aujourd'hui  par 
un  vide,  que  par  la  supposition  qu'il  avait  été  établi,  dans 
l'intervalle,  des  cintrages  ou  de  charpentes,  aujourd'hui 
anéantis,  placés  primitivement  au-dessus  des  restes  antiques 
pour  les  protéger. 

C'est  une  particularité  renjarquable  que  cette  assise  ré- 
eculièrede  tombeaux  et  d'autels,  avec  cette  muraille  formant 

ci  ' 

voûte  au-dessus,  v.[  une  voùle  si  solide  qu'on  peut  extraire  les 
irionum(!nls  anli(jues  sans  faire  crouler  la  masse  supérieure 

(»)  Prat,  Histoire  d'Arluii,  I,  pp.  1G7  et  170, 


ior>  — 


placée  comme  pour  les  protégei'  (i),  do  (elle  sorte  que,  de 
l'avis  d'hommes  compétents,  il  serait  même  possible  d'aller, 
par  un  Iravail  en  tunnel,  recherclicr  les  inscriptions  sous 
les  fondations  des  maisons  bàlies  sur  les  remparts,  sans 
ébranler  celles-ci  (2). 

Cette  particularité  se  retrouverait-elle  ailleurs? 

Nous  savons  déjà  (r^)  que  bien  des  villes  antiques  cacbeni 
dans  leurs  anciens  remparts  des  monuments  de  même  genre. 
Plus  de  cinquante  villes  de  la  Gaule,  dit  M.  de  Caumont(4), 
ont  présenté  dans  leurs  murailles  des  débris  de  sculpture  et 
d'arcb i lecture  païen  ne . 

Recherchons  si  les  pierres  v  ont  de  même  été  disposées 
soigneusement  par  couches;  choisissons  à  cet  effet  des 
localités  de  la  Gaule  assez  éloignées  les  unes  des  autres,  et  il 
n'y  a  pas  lieu  certes  d'écarter  les  localités  les  plus  impor- 
tantes, déjà  fortifiées  vraisemblablement  à  l'épocpie  romaine, 
car  il  en  est  aussi  parmi  celles-là  dont  l'enceinte  a  été  ré- 
duite pour  en  rendre  la  défense  plus  facile  et  dont  les  nou- 
veaux murs  ont  été  élablis  dans  des  conditions  analogues 
à  ceux  d'Arlon  (3). 


(i)  lo.,  ibid. 

(i)  A  Tours,  des  caves  ont  (^té  pratiquées  sous  les  murs  des  remparts  par 
rcnlèvenieiit  d'une  partie  des  blocs  non  cimentés  qui  foi  ment  la  partie  basse  de 
la  construction  (de  Calmont,  Cours  d'antiquilcs  monuinentdles,  II,  p.  5i9). 

(3)  Biill.  (les  Coiniii.  roij.  d'arl  et  d'archéol.,  XI,  p.  572. 

(4)  A'A'/.V"  Congrès  arcliéol.  de  France  (Saunuir,  Lyon,  Le  Mans,  Libeut, 
Dives),  18()2,  p.  56. 

(s)  Le  point  est  certain  pour  Cologne,  puisfju'on  voit  clic^  Tacite,  Ilisl.,  IV, 
64,  05,  les  Uhiens  résister  aux  provocations  de  leurs  voisins  qui  voulaient  leur 
faire  détruire  les  murs  de  la  ville,  «  muros  coloniae,  munimenta  servilii.  i> 
En  outre,  nous  savons  par  Suétone,  Galba,  XIF,  que  cet  empereur  punit  de  la 
démolition  de  leurs  murs  quelques  cités  de  la  tiaule  qui  s'étaient  prononcées 


—  AU  — 

Melz,  Sens,  Aulun,  Bordeaux,  Auxerre,  Tours,  etc., 
nous  offrent  à  propos  les  points  de  comparaison  désirés. 

—  Les  chroniques  messines  de  Phil.  de  Vigneulles  (i) 
constatent  déjà  que  les  remparts  orientaux  de  Melz  repo- 
saient sur  des  inscriptions  antiques.  M.  Robert  (2)  rappelle 
le  fait  et  le  signale  dans  plusieurs  autres  villes  de  la  même 
époque.  C'est  en  ^<  nombx"e  prodigieux  »,  dit-il,  que  les 
inscriptions  et  autres  débris  antiques  existaient  dans  les 
remparts  de  Metz. 

—  A  Sens,  les  anciennes  murailles  de  la  ville  sont  com- 
posées, «  dans  la  partie  inférieure,  de  grosses  pierres  prove- 
»  nant  de  somptueux  édifices,  —  et  dans  la  partie  supé- 
»  rieure,  de  pierres  de  petit  appareil  avec  des  chaînes  de 
»  briques  ;  »  —  on  signale  même  le  fait  comme  s'étant  pro- 
duit aussi  au  Mans,  à  Tours,  à  Beauvais  et  dans  une  quan- 
tité d'autres  villes  (5). 

—  Môme  constatation  pour  Autun  :  «  Des  fouilles  exécu- 
«   tées  sur  quelques  points  de  la  muraille  antique,  ont  fait 


contre  lui  :  «  Quod  quasdam  eivitates  Galliae  murorum  destructione  punisset.  » 

Il  y  avait  même  des  murs  autour  des  villes  gauloises  qu'attaqua  César  ;  le 
conquérant,  B.  G.,  VII,  23,  dépeint  ces  murs  d'une  manière  générale,  et  cite  eu 
particulier  les  murs  de  Vesontio  (I,  58),  Bibrax  (11,  6);  l'oppidum  Aluatucorum 
(M,  5-2),  Noviodunum  (VII,  12),  .\varicum  (VII,  22  à  28)  ;  Gergovia  (VII,  -46^52); 
Alesia  (VII,  09),  etc. 

(i)  Édit.  Huguenin,  p.  689.  Voy.  aussi  Ortelius  et  Vivianiis,  Iliiierariiim, 
édit.  de  loSi,  p.  49. 

(2)  Épigraphie  de  la  Moselle,  p.  45. 

(5)  Congrès  archiiol.  de  France  (Sens,  Tours,  Aiigoulème,  Limoges),  {847, 
p.  53.  Cfr.  Congrès  de  1846  (Met/,  Trêves,  Autun,  Cliàlons,  Lyon),  p.  19,  pour 
Luxeuil,  elc  ;  Congrès  de  18.")5  (Dijon  et  Sens),  p.  171;  Duru,  Uibliollièque 
historique  de  l'Yonne,  I,  p.  56;  de  Cau.mont,  Cours  d'antiquités  monumentales, 
II,  pp.  10 i,  547,  550  il  559,  pour  Jul)!ains,  Tours,  Le  Mans,  Orléans,  Poitiers, 
Saintes,  Bordeaux,  Angers,  Auxerre,  Lillcbonne,  Évreux,  Bayeux,  Périgueux, 
Langres,  Reims,  Narbonne,  lieauvais,  Troyes. 


»  reconnaître  que  celle  muraille  repose  sur  un  massif  de 
»  monuments  antiques  jetés  dans  les  fondations.  »  Encore 
une  Ibis,  on  fait  remarquer  que  cette  particularité  s'est  ren- 
contrée en  d'autres  villes  (i). 

—  Idem  à  Saintes  (2);  en  démolissant  une  grosse  tour,  on 
trouva  qu'elle  était  remplie  de  ruines  antiques,  de  colonnes, 
chapiteaux,  entablements  et  autres  pierres  d'architecture, 
sculptées  et  non  sculptées,  de  statues,  bas-reliefs,  autels, 
patères  et  de  beaucoup  de  pierres  à  inscriptions. 

—  Idem  à  Évreux,  où  des  blocs  appartenant  à  d'anciens 
monuments  ont  été  extraits  des  remparts  antiques  (5). 

—  Idem  à  Auxerre  (4),  où  des  autels  et  inscriptions  latines 
ont  été  trouvés  dans  les  murs  de  la  ville,  fondés  sur  les  débris 
de  statues  des  divinités  du  paganisme  que  l'on  avait  fait 
entrer,  dit-on,  indifféremment  et  confusément  dans  l'ouvrage. 

—  Idem  à  Toulouse,  où  les  murs  de  clôture  contenaient 
aussi  des  débris  de  sculptures  antiques  (5). 

—  Idem  à  Besançon;  le  Vesontio  déjà  fortifié  avant  César, 
dut  l'être  sous  les  Romains,  parce  que  les  bonnes  positions, 
comme  le  dit  M.  de  Gerville,  sont  de  tous  les  peuples  et  de 
toutes  les  époques  (e);  mais  à  un  moment  donné,  cette  ville 


(i)  Ednie  Thomas,  Histoire  de  l'antique  cité  d'Autim,  p.  118. 

(2)  La  Sauvagèhe,  Recueil  de  dissertations  ou  recherches  historiques  et 
critiques,  pp.  21  et  25. 

Id.,  Recueil  d'antiquités  de  la  Gaule,  p.  124. 

(3)  XLIP  Congrès  archéul.  de  France  (Châloris-sur-Mariie),  p.  xlvii. 

(i)  Lebeuf,  Mémoires  concernant  l'histoire  civile  et  ecclésiastique  d'Auaerre 
et  de  son  ancien  diocèse,  I,  p.  5;  IH,  p.  5;  Leblanc-Davau,  Recherches 
historiques  et  statistiques  sur  Auxerre,  ses  monuments  et  ses  envii'ons.  Auxerre, 
1871,  pp.  73,  74,  113. 

(0)  DuMÉGE,  Histoire  des  institutions  de  Toulouse,  I,  p.  S8. 

(1)  Clerc,  Essai  sur  l'histoire  de  la  Franche-Comté,  p.  6. 


—   i;>6  — 

fui  anéantie  dans  la  plaine.  Ello  se  releva  sur  la  nionlagne; 
un  mur  sinueux  l'enveloppa;  la  muraille  de  3  mètres  d'épais- 
seur ne  s'assit  pas  sur  le  roc,  mais  sur  des  remblais.  Des 
débris  de  sculptures  de  colonnades,  transportés  sur  la  mon- 
tagne, servirent  à  batii-  le  remi)arl,  car  on  avait  laissé  en 
deliors  le  forum,  les  tbermes,  U)  Capitole,  le  ))alais  du  pré- 
sident romain.  La  ville  nouvelle,  entourée  de  ce  nouveau 
rempart,  l'ut  bâtie  sur  le  roc,  et  les  murailles  romaines  de 
l'ancienne  ville  cessèrent  d'être  habitées  (i). 

Qu'on  rapproche  de  la  description  plus  détaillée  ipie 
voici,  celle  de  ces  divers  murs  avec  leurs  assises  d'inscrip- 
tions et  de  sculptures,  il  y  a  quasi  identité  (piant  aux  parties 
essentielles. 

Voici  le  mode  de  construction  qui  s'est  révélé  dans  la  j)re- 
miôre  enceinte  murale  de  Bordeaux  ('>)  : 

«  Jusqu'à  une  hauteur  d'environ  i  mètres  au-dessus  du 
sol  actuel  et  une  profondeui'  de  :2  à  3  mètres  au-dessous 
et  même  davantage,  le  mur  était  construit,  sur  une  épaisseur 
d'environ  5  mètres,  en  pierres  de  grand  appareil  prove- 
nant de  la  démolition  violente  de  monuments  anciens,  tels 
que  temples,  palais,  arcs  de  triom])he,  fontaines,  tom- 
beiiux,  etc.,  etc.  Ces  pierres  étaient  placées  à  sec,  sans 
liaison  de  mortier,  et  simplement  juxtaposées  le  plus  exac- 
tement possible. 

»  Au-dessus  de  cette  sorte  de  soubassement  se  trouvait 
une  continuation  du  mur,  construit  en  blocage,  lié  par 
d'excellriii   ijii>i'ti(i',  fi   j);ii'ciiicnl  ;i  rextérieui-  de  moellons 


0)  Id.,  ////(/. 

ii)  Socii'lc  arcliàihiiiiqiie  tir.  Bnfdcaux,  II,  ly.  Ki  et  siiiv, 


—  457  — 

à  petil  appareil,  allongé,  régulier,  orné  d'espace  en  espace 
par  des  rangées  de  briques. 

»  On  peut  se  faire  une  idée  exacte  de  cet  agencement  par 
le  dessin  qu'a  publié  M.  Léo  Drouyn  d'une  partie  de  cotte 
muraille  mise  à  découvert  en  1800... 

»  La  partie  du  mur  d'enceinte  construite  en  grand  appa- 
reil a  été,  lors  des  démolitions  qui  ont  eu  lieu  à  diverses 
époques,  une  mine  de  monuments  épigraphiques  et  autres, 
conservés  en  grande  partie  au  Musée  de  Bordeaux  ou  dans 
diverses  collections  particulières. 

»  Feu  M.  Jouannet  avait  déjà  constaté  dans  des  notices 
soumises  à  l'Académie  de  Bordeaux  sur  les  découvertes 
faites  de  son  temps,  et  on  a  pu  remarquer  de  nos  jours, 
«  que  les  ouvriers  bordelais,  en  employant  à  la  nouvelle 
»  construction  d'anciennes  pierres  monumentales,  avaient 
»  presque  toujours  évité  de  les  mutiler  inutilement  et  les 
»  avaient  placées  avec  un  soin  presque  religieux.  »  Ils 
s'étaient  bornés,  en  effet,  k  retrancher,  lorsque  c'était  indis- 
pensable, les  parties  les  plus  saillantes  qui  auraient  nui  à  la 
solidité  delà  construction;  ils  respectaient  les  inscriptions  et 
autant  que  possible  les  sculptures;  ils  les  garantissaient  avec 
de  la  terre  meuble,  s'abstenaient  d'employer  le  mortier  pour 
lier  les  assises.  Les  sculptures  et  les  inscriptions  étaient  tou- 
jours placées  au-dessous,  ou  protégées  par  d'autres  pierres; 
on  semblait  avoir  pris  à  tâche  de  conserver  ces  monuments 
pour  la  postérité. 

»  Mais  quelle  qu'ait  été  l'espèce  de  vénération  pour  les 
débris  de  leurs  monuments  dont  ont  fait  preuve  les  construc- 
teurs de  l'enceinte  murale,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que 
ces  monuments  avaient  été  détruits  par  la  violence.  Les  murs 


—  VOS  — 

élaienl  élevés,  siirloul  tlu  côté  sud,  sur  les  restes  de  maisons 
incendiées;  le  l'euiblai  eu  airière  d(;  la  muraille  n'élail  com- 
posé que  de  débris  provenant  d'anciens  édilices  détruits  par  le 
l'eu;  plusieurs  pierres  de  grand  appareil  avaient  été  calcinées; 
presque  toutes  portaient  la  trace  de  iiuilii.itions  lu'ulales;  des 
parties  de  colonnes  et  de  cliapileaux  n'avaient  pas  été  termi- 
nées au  moment  de  la  destruction  des  édilices,  de  sorte  qu'un 
désastre  dont  l'iiisloii-c  n'a  pas  conservé  le  souvenir,  avail 
détruit  les  |)rincipaux  monumenls  de  Bordeaux  avant  cpi'ou 
songe.àt  à  l'entourer  de  murailles.  Celte  ville  occuj)ait,  au 
i"',  au  II'  et  même  au  coniuieueement  du  m"  siècle,  un 
espace  beaucoup  plus  étendu  que  celui  qui  l'ut  limilé  (;nsuile 
par  les  murailles  gallo-romaines. 

«  Lorsqu'on  eut  enlevé  plusieurs  rangs  de  grosses  pierres 
posées  comme  il  a  été  dit,  on  Irouva  vers  le  milieu  de  la 
mui-aille  un  cippe  (porlant  une  inscriplion  en  riiouneur  de 
la  Irévirienuc  Domilia,  éjiouse  de  Léo,  inscriplion  datée  du 
consulat  de  Posthume  en  l'an  i2o8),  |)lacé  sur  un  autre  mo- 
nument du  même  genre;  la  l'ace  ju-incipale  élail  fournée 
vers  l'extérieur  de  la  ville,  de  soi'le  qu'on  put  lire  el  même 
transcrire  rinscrtption,  lors(pi(!  le  monument  occupait 
encore  la  |)lace  où  il  avait  éle  mis  depuis  lanl  de  siècles, 
L'inscriplion  laléi-ale  )»ul  de  même  èlre  lue  et  Iranscrite, 
car  elle  était  distante  d'environ  0"''14  de  la  pi(M'rc  qui  s'en 
approchait  le  plus.  Les  assises  de  grosses  pierres  se  conli- 
nuaieiil  sans  inlerruplion  en  haut,  derrière,  comme  à  côté  du 
monunK'ul,  et  au-dessus  de  ces  assises  se  trouvaient  encore 
des  traces  du  miii'  ii  petit  appareil  ipii  av.iit  été  détruit... 

»  Les  faits  rapportés  sont  tie  iiotoiiété  à  Bordeaux  ;  ils 
ont  été  vus  (lr  tout  le  monde  |iend;!iil  plusirui's  jour.s... 


—  i:i()  — 

»  Les  louillcs  pi'aticiiK'cs  en  1(S:2()  à  Burdeaux  (i),  dorrièrc 
le  Lycée,  avaient  entamé  le  vieux  mur  d'enceiiite  de  la  ville 
à  une  profondeur  de  i  mètres  environ  sur  7  mètres  de  long 
et  "1  mètres  de  large.  Ces  travaux  mirent  ii  nu  un  blocage 
sans  chaux  ni  ciment,  composé  de  piei'res  de  plusgi'aiid 
appareil,  entremêlées  de  cippes,  de  petits  tombeaux  et  de 
fragments  de  grands  monuments.  Les  cippes,  les  inscrip- 
tions avaient  été  respectés  à  dessein,  car  le  blocage  qu'ils 
contribuaient  à  lormer  avait  été  revêtu  extérieurement  de 
pierres  énormes  placées  par  assises  sans  ciment.  Vinet, 
dans  son  Histoire  de  Bordeaujo,  décrit,  en  parlant  de  l'an- 
cienne enceinte,  des  fondai  ions  composées  ainsi  de  blocs 
(jue  masquait  un  revêtement  de  pierre,  » 

O'Reilly  (2)  constate,  de  son  côté,  la  construction  des 
murs  de  Bordeaux  sur  des  débris  de  l'époque  romaine. 

—  Même  système  de  construction  à  Tours.  Voici  comnK'nl 
Giraudet  (0)  décrit  les  murailles  de  sa  ville  : 

«  En  examinant  la  partie  basse  de  cette  muraille  cyclo- 
péenne,  qui  mesure  A  mètres  d'épaisseui",  on  remarque  une 
quantité  fort  considérable  de  blocs  énormes  superposés,  sans 
être  reliés  par  du  ciment  ou  du  mortier;  au-dessus  com- 
mence un  blocage,  revêtu  en  petites  pierres  carrées,  liées 
par  un  ciment  de  briques  pilécs,  de  chaux  et  de  sable.  Le 
mur  est  divisé  dans  sa  hauteur  en  six  bandes,  par  cin(( 
cordons  horizontaux  de  belles  briques  plaies  placées  à  des 
distances  à  peu  près  égales.  Sur  l'un  des  blocs,  on  dislingue 


(i)  Sociélc  archéûl.  de  Bordeaiur,  H,  p.  95. 
(2)  Histoire  complète  de  Burdeutix,  I,  p,  G2. 
(r.)  Hintdire  de  lu  cille  de  Tours,  I,  |i.  '2\. 


—  460  — 

un  bas-relief  représentant  une  Oréade  ou  une  Diane  chas- 
seresse au  repos,  reconnaissalDle  à  son  arc  et  à  son  carquois; 
à  côté  d'elle,  une  biche  la  sépare  d'un  personnage  fruste. 

»  Au-dessous  de  ce  groupe,  on  voyait  des  fragments 
d'inscriptions,  réunis  sans  ordre  et  déjà  en  ruine  au  moment 
où  l'ouvrier  les  employait  comme  matériaux,...  Ces  inscrip- 
tions, dont  l'une  a  été  trouvée  dans  la  démolition  d'un  pan 
de  mur  romain,  proviennent  évidemment  soit  du  temple  de 
Vénus,  soit  d'un  des  cimetières  gallo-romains,  situés  le  long 
des  voies  publiques  conduisant  de  Gaesarodunum  à  Poitiers 
et  à  Bourges. 

»  Les  assises  de  ces  murailles  sont  composées  principa- 
lement de  débris  de  tombeaux,  de  frises,  de  corniches  et  de 
colonnes,  appartenant  par  leur  style  aux  deux  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne. 

»  Les  enceintes  gallo-romaines  de  Langres,  de  Beauvais 
et  de  Sens,  etc.,  offrent  la  même  conformation  et  remontent 
certainement  à  la  même  époque  que  Tours....  » 

—  Idem  à  Narbonne  :  La  plupart  des  inscriptions  du 
Musée  proviennent  des  remparts  de  la  ville  (i)  ;  plusieurs 
ont  dû  faire  partie  de  stèles  dont  le  fronton  triangulaire  fut 
mutilé  à  l'époque  de  la  construction  des  remparts,  afin  que 
les  pierres  pussent  ainsi  faire  partie  plus  facilement  du 
revêtement  extérieur  (2). 


(i)  TouRNAL,  Catalogue  du  Musée  de  Narbonne,  p.  25,  n"'  147  et  148. 

(î)  Id.,  ibid.,  p.  53,  n"  171.  Voy.  aussi  XXXV  Congrès  archéol.  de  France, 
1868  (Carcassonne,  Narbonne),  p.  2o9,  qui  parlent  de  fragments  sculptés  et 
d'inscriptions  que  l'on  aperçoit  facilement  encore  aujourd'hui  en  faisant  le  tour 
des  remparts. 


—  461  — 

II. 

Des  constructions  aussi  semblables  ont  dû  être  faites  à  la 
môme  époque  et  sous  l'empire  d'une  même  pensée  :  com- 
ment, en  effet,  eût-on  songé,  à  des  époques  diverses,  à 
observer  en  tant  d'endroits,  si  distants  les  uns  des  autres, 
une  règle  aussi  absolument  uniforme? 

Au  lieu  de  recourir  comme  explication  à  une  simple  au- 
torisation du  pouvoir  supérieur  (i),  n'y  a-t-il  pas  nécessité 
de  supposer  davantage  et  d'admettre  qu'un  mot  d'ordre  est 
parti  d'en  haut? 

Telle  est  l'observation  de  M.  de  Gaumont  qui,  déjà  en 
1847,  se  demandait  si  les  murs  d'une  foule  de  villes  qui  sont 
d'une  construction  aussi  parfaitement  identique  n'ont  pas 
dû  être  érigés  de  par  une  mesure  générale  et  sous  l'admi- 
nistration d'un  même  prince  (2). 

Quelle  est  cette  époque?  Cette  question  est  d'une  solution 
difficile.  Cependant  les  applications  de  la  règle,  étant  mul- 
tiples, permettront  peut-être  une  conclusion  qui  pourra  être 
généralisée,  puisque  tous  les  faits  appartiennent  au  même 
ordre,  et  que  ce  qui  sera  vrai  pour  les  uns  le  sera  nécessai- 
rement pour  les  autres. 

On  a  bien  songé  à  considérer  la  construction  des  murs 
de  Bordeaux,   de   Luxeuil  et  d'Arlon,   comme  datant  de 


[i)  M.  DE  Cadmont  posait  ainsi  la  question  au  J.VV»  Congrès  d'archéol.  de 
France,  p.  532. 

Dans  son  Cours,  II,  p.  3670,  gêné  par  les  naonnaies  de  Gratien,  dont  parle 
La  Sauvagère  et  dont  il  sera  question  plus  loin,  il  pcncliait,  au  contraire,  dans 
le  sens  de  la  construction  successive  des  différents  remparts  des  villes. 

(2)  Congrès  archéol.  de  1847  (Sens,  etc.),  p.  ^o. 


—  402  — 

l'époque  féodale  et  à  on  reporter  riionneur  soit  aux  ducs  do 
Guyenne,  soit  aux  comtes  de  Luxembourg,  soit  à  l'empereur 
Heni-i  VII.  Mais,  indépendamment  de  la  difficulté  d'expliquer 
l'idontilé  du  système  de  construction  suivi  par  des  princes 
dont  les  domaines  élaieiit  aussi  éloignés  les  uns  des  autres, 
comment  le  moyen  âge  n'aurait-il  mêlé  aucun  débris  chré- 
tien à  ces  masses  dont  tous  les  éléments  proviennent  de 
monumenis  païens,  renversés  longtemps  auparavant  (i).  Les 
vieilles  chroniques,  les  vieux  polygrapbes  ne  disent  pas  un 
mot  de  travaux  semblables  qui  auraient  été  effectués  du 
x"  siècle  au  xiv%  époque  où  il  est  constant  que  les  remparts 
contenant  les  pierres  monumentales  en  question,  existaient 
tant  à  Bordeaux  et  à  Luxeuil  qu'à  Arlon  (2). 

Autre  observation  due  au  judicieux  M.  Jouannet  :  Quand 
on  remarque  l'appareil  de  la  construction  et  l'état  des  monu- 
ments que  recèlent  les  murailles  de  Bordeaux,  on  ne 
saurait  y  reconnaitre  un  ouvrage  du  x"  siècle.  En  effet,  est-il 
possible  d'admettre  que  tant  de  ])etits  monuments  funéraires, 
enlevés  de  leur  place  primitive  seulement  au  moment  où  on 
voulut  les  utiliser,  aient  traversé  les  siècles  en  plein  air, 
exposés  à  tous  les  genres  de  destruction,  dans  des  temps  de 
barbarie,  sans  être  plus  dégradés  qu'ils  ne  l'étaient  lorsqu'ils 
ont  été  retrouvés.  Le  temps  seul  pùt  sufli  ])our  effacer 
jusqu'au  souvenii-  de  ces  frêles  monuments,  laissés  ainsi. 


(1)  On  trouve  cette  expression  dans  les  Bull.  Acad.  roi/,  de  lii'hj..  X\l,  -2", 
p.  677. 

(9.)  Société,  (irch^ol.  de  Uordeaiix,  11,  p.  95;  Coiifjrés  archéol.  .le  l'rjnee 
lie  l8iG  (Metz,  etc.),  |..  I!i7;  Pkat,  llisl.  dWrhm.  I.  p.  iOÔ  et  suiv. 


—  465  — 

par  hypothèse,  à  l'ahandon  depuis  phis  de  six  siècles  (i). 

—  Mais  fiiul-il,  avec  M.  do  Gaumont  (2)  et  avec 
M.  Jouannel  (-.),  reporter  en  arrière  jusfiu'au  v'"  siècle 
seulement  la  construction  de  ces  diverses  enceintes? 

M.  Jouannel  songea  rintervalle  ([ui  sépare  le  sac  de  Boi-- 
deaux  par  les  Vandales  et  l'invasion  des  Goths.  La  popula- 
tion était  encore  toute  romaine,  et  si  le  christianisme  dominait 
déjà,  si  le  paganisme  s'éteignait,  du  moins  le  respect  (h; 
l'ancien  culte  suhsistait  encore. 

D'après  lui,  ni  la  loi  chrétienne,  ni  les  lois  anciennes  ne 
s'opposaient  à  ce  qu'une  population  romaine,  échappée  à 
d'horribles  désastres,  menacée  d'invasions  nouvelles,  sans 
cesse  renaissantes,  fit  servir  à  sa  défense  les  tomheaux  de 
ses  ancêtres. 

—  Mais  de  quel  événement  historique  s'agit-il?  Certes  pas 


(1)  M.  JouANNET,  Dissertation  sur  les  inscriptions  funéraires  découvertes 
en  18-20  dans  les  murs  de  l'enceinte  antique  de  Bordeaux,  fait  même  remarquoi' 
que  plusieurs  iiiseriptions  conservent  eneore  en  partie  cette  couleur  de  minium 
dont,  suivant  Pmnk,  on  peignait  quelquefois  les  lettres  pour  les  rendre  plus 
apparentes. 

(•2)  .VAT»  Congres,  etc.,  p.  'ô')i.  Ou  verra  plus  loin  iju'au  (jmiiri's  de  1850, 
M.  DE  Caumont  parle  non  du  v"  siècle,  mais  du  iiT. 

Au  surplus,  l'illustre  savant  a  constannnent,  dans  cette  question  fort  dillioile, 
procédé  par  làlounements ,  ce  (jui  éiait  ini'vitable  tant  que  des  Jalons  précis 
n'étaient  pas  posés. 

(î)  Société  archéol.  de  Bordeaux,  11,  p.  9k 

C'était  également  l'opinion  de  h'Anvii.le,  Éclaircissements  géographiques  sur 
l'ancienne  Gaule,  p.  363,  où  il  fait  remarquer  que  si  les  murailles  d'Auxerre  sont 
faites,  en  partie,  de  débris  de  quelques  temples  aussi  bien  que  de  sépulcres  et  de 
maisons  des  ido'àtres,  il  en  résulte  pour  lui  que  les  murailles  ont  été  construites 
dans  l'état  où  on  les  voit  présentement  depuis  la  destruction  du  paganisme.  Il 
conclut  de  là  qu'il  existait  une  grande  vil'e  sur  l'emplacement  d'Auxerre  dès  le 
commencenierit  de  répofpie  d'Auguste. 


—  464  — 

des  fortifications  élevées  parValentinien  en  l'an  424  :  Ammien 
Marcellin  ne  parle  que  des  rives  du  Rhin  (i). 

Il  faut  donc  remonter  encore  vers  les  temps  plus  anciens. 

Le  fait  a-t-il  au  moins  une  relation  avec  certaine  loi 
chrétienne  ordonnant  la  destruction  des  monuments  païens? 
Cette  loi  est  invoquée  par  Wiltheim  ;  d'où  comme  consé- 
quence naturelle,  d'après  lui,  le  remploi  de  ces  monuments 
dans  les  murs  élevés  par  les  Romains  contre  les  invasions 
des  Rarbares  (2). 

La  loi  de  ans  invoquée  par  Wiltheim  existe  en  effet;  elle 
est  de  l'an  408.  Alors  que  leurs  prédécesseurs  avaient  sauve- 
gardé les  temples  (0),  Honorius  et  Théodose-le  Jeune  ren- 
dirent une  loi  (4)  ordonnant  le  renversement  des  autels  des 
faux  dieux  ;  une  autre  loi,  antérieure  de  douze  ans,  décrétait 


(4)  XXVIII,  2  :  i(  Rhenum  omnem  a  Raetiarum  exordio,  adusque  fFetalem 
Oceanum,  niagnis  mo'ibus  communiebat,  casira  extollens  et  castella,  turrcsqiie 
assiduas,  por  habiles  locos  et  opporttinos,  qua  Galliariim  extenditur  longitudo.  » 

(2)  Luxeml).  roman.,  p.  268  :  «  Siibstratis  fundamenti  loco  sepulclirorum 
immanibus;  illis  tôt  saxis,  sacrosanctis  (|uideiii  olini ,  nec  iiisi  sine  ingonti 
crimine  violandis,  sed  tune  irreligiosis,  imo  profanis  et  plane  detestandis,  lege 
de  aris  (qiiales  inter  ea  saxa  plurimae),  subniendis  lata,  consuiatu  Philippi  et 
Bassi,  quo  eodem  consuiatu  Rhenum  conimunivit.  » 

(3)  L.  5,  Code  Thcodosien,  XVI,  x  :  «  Quaniquam  omnis  superstitio  penitus 
eruenda  sit,  volumus  ut  aedes  templorum  quae  extra  nuiros  sunt  positae,  intactae 
incorruptaeque  consistant  «  (ann.  546,  de  Constance  et  Constant). 

(4)  L.  19,  ibid.,  XVI,  x,  §  1  :  «  Simulacra,  si  qua  etiam  nune  in  teniplis 
fanisque  consistunt...  suis  sedibus  avellantur,  cum  hoc  repetita  sciamus  saepius 
sanctione  decrelum.  » 

§  2.  «  Aedificia  ipsa  templorum  quae  in  civitatibus  vel  oppidis,  vel  extra 
oppida  sunt,  ad  usum  piiblicum  viiidicentur,  arae  locis  omnibus  destruantur, 
omniaque  templa  in  possessionijjus  noatns  ad  usus  accommodos  transferantur, 
domini  deslrucre  cogantur.  » 

§  3.  «  Non  liccat  omnino  in  hoiiorein  sacrilegi  ritus  funestioribus  locis  exercera 
convivia  vel  quicquam  solemnitatis  agere.  » 

L.  IG,  ibid.  :  «  Si  qua  in  agris  templa  sunt,  sine  turba  nec  tumultii  diniantur 
fann.  ."599).  » 


—  465  — 

même  que  les  débris  des  monumenls  du  paganisme  fussent 
employés  à  la  reslauralion  des  ouvrages  publics,  comme 
ponts,  chaussées,  murs  des  villes  (i).  Ces  lois  étaient,  du 
reste,  la  conséquence  des  lois  de  l'an  391  et  392,  par  lesquelles 
le  paganisme  fut  formellement  interdit  (2)  et  le  christianisme 
proclamé  religion  officielle  par  Théodose  I  (0). 

Certes,  pareilles  lois  purent  être  éludées  sur  tel  ou  tel  point 
du  territoire,  où  on  les  aurait  exécutées  à  regret,  avec  des 
tempéraments.  Exemple  curieux,  s'écriait-on  ici  même  (4), 
d'une  loi  observée  de  manière  pourtant  à  respecter  et  à  sau- 
ver relativement  les  monuments  dont  le  législateur  a 
prescrit  la  destruction... 

Mais  si  l'on  n'a  pas  affaire  à  un  fait  isolé;  si,  partout  dans 
la  vaste  étendue  des  Gaules,  à  Bordeaux,  à  Tours,  à  Sens, 
à  Auxerre,  au  Mans,  etc.,  comme  à  Arlon,  le  même  fait  se 
reproduit,  il  ne  s'agit  plus,  il  ne  peut  plus  s'agir  d'une  ex- 
ception ;  il  y  a  lieu  de  chercher  le  principe  générateur  de  ces 
applications  multiples  d'une  même  pensée,  dans  un  acte  du 
pouvoir  central,  acte  qui  seul  pouvait  être  suivi  partout  d'une 
exécution  aussi  uniforme. 

Les  lois  citées  ne  résolvent  pas  la  question. 


(i)  !..  36,  ibid.,  XV,  i  :  «  Quoniani  vias,  pontes,  miiros  atqiie  aquaeductus, 
quin  etiam  juvari  provisis  suinptibiis  oportere  signasti,  ciinctam  materiam  qiiae 
ordinata  dicitur  ex  dcraolitione  templorum,  meraoratis  necessitatibus  deputare 
censemus  (ann.  397).  « 

(î)  Bei'gnot,  Histoire  de  la  destruction  du  paganisme  en  Occident,  I,  p.  558. 

(5)  L.  2,  Code  Théod.,  XVI,  xi  :  «  Edictum  per  diversas  provincias  volunius, 
ut  omnibus  jnnotcscat,  Dei  omnipotenîis  unam  et  veram  fidem  calholicani,  quam 
recta  credulitas  confiletur,  esse  retinendam  (ann.  403)  t  Voy.  aussi  L.  5,  ibid. 
(ann  410). 

(i)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéol.,  XV,  p.  113. 


—  im  — 

En  premier  lieu,  elles  portent  elles-mêmes  la  preuve  qu'on 
n'y  obéissait  pas,  puisqu'elles  se  greffent  les  unes  sur  les 
autres  et  puisqu'elles  font  appel  aux  prohibitions  antérieures  : 
«  Cum  hoc  repelita  sciamus  saepins  sanctione  docretum    » 

Ensuite  le  fait  est  là.  Beugnot  (i)  nous  le  déclare  :  malgré 
les  affirmations  contraires  de  S.  Prosper,  de  S.  Augustin  t!t 
autres,  les  lois  prohibitives  de  Théodose  I  et  de  ses  succes- 
seurs ne  furent  pas  complètement  exécutées  en  Occident; 
les  divinités  de  l'Olympe  étaient  encore  honorées  à  Rome 
même,  où  l'on  a  trouvé,  en  effet,  des  autels  païens  établis 
plusieurs  années  après  la  loi  qui  ordonne  d'appliquer  les 
débris  des  temples  à  la  restauration  des  murs  des  villes  (2). 
En  outre,  il  semble  qu'il  existait  encore  des  païens,  puisque 
l'autorité  chrétienne  chercliail  à  se  persuader  elle-même  qu'il 
n'y  en  avait  plus  (0). 

D'un  autre  côté,  le  christianisme,  qui  était  devenu  la  reli- 
gion de  l'Ëtal  et  qui  avait,  sans  doute,  anticipé  sur  les  lois  de 
Théodose  II  et  d'IIonorius,  en  démolissant,  de  ci  de  là, 
quehpies  temples,  aurait  certes  empêché  d'opérer  partout 
à  la  fois  le  placement  des  monuments  païens  dans  les  rem- 
parts nouveaux  de  toutes  les  villes  de  la  Gaule  (i). 


(1)  L.  cit.,  I,  p,  Ô9i.  Kn  sens  conlraire,  (JinuoN,  ctiap.  xwiii, 

(■2)  Mi'RATORi,  599,  3:  Cnrpiis  inscripl.  Inliii.,  VI,  ii"5l2.  En  voir  un  certain 
ni>nibrc  d'autres,  clie/  Beconot,  II,  pp.  12  à  Ki,  sans  compter,  jusque  vers  120, 
une  grande  quantité  d'inscriptions  en  riionneur  des  empereurs  par  des  «  devoli 
numini  niajestutiqne  eoruiu  »  [Corpus  cité,  n"'  118G,  1189,  1190,  1195, 
1703,  etc. 

(î)  L.  22  et  25,  Code  Tliéod.,  XVl,  x  :  «  Pagani,  si  (ini  sii|iersunt,  quamquani 
jnni  nulles  esse  credannis  (ann.  425).  » 

(i)  Voy.  niilamment  le  concile  d'Arles  en  314,  celui  d'Alii(iue  en  598  (ou  l'on 
demande  il  l'Empereur  l'abolition  de  tous  les  restes  de  l'idolâtrie),  le  synode  de 
Cologne  de  5i0  ou  3iG,  de.  liF.rr.Nor.  /.  ri/.,  1,  p.  506;  II.  pp.  ITSel  179.  cle. 


—  'ifi/  — 

Nousdevons  donc  renoncera  ('onsid(M-('r  le  f.iil  comme  une 
fraude  pieuse  etl'accepler  comme  le  résultat  d'ordres  supé- 
rieurs et  formels. 

Par  conséquent,  le  fait  niémo,  puis(iu'il  a  la  nuance  d'un 
acte  empreint  de  respect  religieux,  a  sa  racine,  non  dans  le 
christianisme  à  ses  débuts,  mais  dans  le  paganisme  à  son 
déclin. 

On  ne  s'arrêtera  pas,  du  reste,  à  la  considération  tirée  de 
l'architecture  des  remparts,  ou,  comme  l'on  a  vu  ))lus  haut, 
il  y  avait  des  cordons  de  briques  :  il  semble  téméraire 
d'alïirmer  que  ce  genre  de  construction  avec  des  lignes 
horizontales  de  briques,  pour  couper  runiformilé  des  murs 
en  moellons  et  en  régulariser  les  assises ,  date  seulement 
du  règne  de  Gallien  ou  même  de  Constantin  (t).  On  le  trouve 
dans  des  éditîces  plus  anciens  (2), 

Remarquons,  en  outre,  que  si  parfois  la  construction  des 
nouveaux  remparts  (0)  a  suivi  des  faits  de  destruction  et  de 
ravages,  elle  doit  avoir  été  accomplie  dans  une  période  de 
calme  et  de  tranquillité. 

C'est,  en  effet,  une  erreur  de  croire,  comme  le  fait  M.  Ro- 
bert (4),  que  l'édilicalion  des   remparts  sur  des  couches 


(1)  Bluot  dk  Kersf.rs,  dans  le  Bulletin  inoniimeiilal,  V»  série,  I  (1873, 
tome  \X\1X). 

(2)  De  Caumont,  Cours,  II,  p.  i6-2, 
{.^)  Voy.  ci-dessus,  p.  i56. 

(t)  Épigrapliie  de  la  Moselle,  p.  89. 

Voy.  cependant  dans  le  même  sens  Pkat,  Hist.  (VArlon,  I,  |i.  171  ;  Ednie 
Thomas,  Histoire  de  l'antique  ville  d'Aiiliiii,  p.  118,  etc.  Clerc,  /.  cit.,  p.  'io; 
DE  Cai'mont,  Cours,  \\,  p.  5G3. 

Les  matériaux  ?<  confusément  et  indifféremment  »  jetés  dans  les  rniidalidus 
des  remparts  d'Auxorre  (voy.  ci-dcssus,  p.  455)  paraissent  être  un  produit  de 
l'imagination  des  descripteurs,  tout  aussi  bien  que  la  «  précipitation  occasionnée 
par  ces  jours  de  périls  et  d'alarmes,  »  oii  les  remparts  susdits  ont  été  cnnsfrnils. 


—  468  — 

d'Inscriptions  et  de  sculpture,  s'explique  par  la  «  précipita- 
tion avec  laquelle  on  releva,  à  l'arrivée  des  Barbares,  des 
murailles  qu'une  longue  sécurité  avait  rendues  inutiles.  » 
D'abord  il  n'est  pas  question  de  murailles  relevées,  ni  de 
réparations  nécessaires  faites  à  ces  murailles,  comme  le  pense 
M.  Jouannet  (i),  ce  qui  supposerait  l'insertion  faite  après 
coup  de  monuments  dans  chaque  partie  réparée;  mais  il 
s'agit  de  fortifications  construites  pour  la  première  fois,  d'une 
fois  et  partout  à  la  fois.  Ensuite,  comment  aurait-on  pu  éle- 
ver ces  assises  si  régulières  de  pierres  monumentales,  dont 
on  avait  mèm.e  soin  d'amortir  les  parties  trop  saillantes,  si 
l'édification  avait  été  une  entreprise  entourée  de  craintes  et 
de  dangers?. 

Les  pierres  monumentales  en  question  ne  sont  pas  d'ail- 
leurs des  matériaux  à  se  procurer  en  n'ayant  qu'à  y  mettre 
la  main  ;  les  villes  avaient  été  restreintes  pour  être  rendues 
plus  aisées  à  défendre  (2)  ;  elles  occupaient  avant  cela  un 
espace  beaucoup  plus  étendu  que  celui  que  limitèrent  les 
murailles  nouvelles  ;  or,  comme  les  cimetières  étaient  en 
dehors  des  villes  (3),  il  a  même  fallu  aller  chercher  à  dessein 

(1)  Société  archéol.  de  Bordeaux,  II,  p.  94. 

(i)  Congrès  archéol.  de  France  (Auxerre,  Cluny,  Clermont-Ferraiid),  1850, 
p.  20;  DE  Caumont,  Cours,  II,  p.  365. 

(s)  «  In  urbe  ne  sepelito.  »  (Loi  des  xu  Tables). 

«  Divus  Hadrianus  rescripto  poenam  statuit  XL  aureoruni  in  eos  qui  in  civitale 
sepeliunt,  et  locuni  pubiicari  jussil  et  corpus  transferri.  »  (Fr.  3,  §  4,  Dig.,  de 
sepiilcro  vioiato,  XLVil,  xii). 

Il  est  vrai  que  la  loi  prévoit  le  cas  de  décisions  municipales  qui  seraient  rendues 
en  sens  inverse,  et  que  la  répétition  des  lois  sur  le  même  sujet  prouve  que  la 
volonté  du  législateur  n'était  pas  trop  bien  observée  en  cetle  matière';  mais  géné- 
ralement les  ciinctiôrcs  étaient  en  dehors  des  centres  habiles. 

Voy.  Mémoires  et  documents  inédits  pour  servir  ù  l'histoire  de  la  Franche- 
Comté,  IF,  p.  28 i-. 

CicÉRON,  De  legibus,  II,  24-,  dit  que  les  bûchers  devaient  être  placés  au  moins 


—  469  — 

et  laborieusement  les  tombeaux  au  delà  de  l'ancien  périmètre 
pour  les  placer  au  dedans  des  murs  nouveaux  (i). 

La  preuve  que  les  villes  ont  été  restreintes,  résulte  du  lait 
qu'à  Lillebonne  la  muraille  militaire  nouvelle  traverse  les 
anciens  bains  placés  près  du  théâtre  et  les  divise  en  deux 
parties,  dont  l'extérieure  aura  été  rasée  pour  éviter  qu'elle 
ne  servit  de  retraite  ou  de  protection  aux  ennemis  (2). 

A  Besançon,  à  Auxerre,  où  l'on  fortifia  seulement  le  ma- 
melon rocheux  qui  est  au  centre,  en  laissant  en  dehors  la 
partie  basse,  on  transporta  au  sommet,  où  les  pierres  abon- 
dent pourtant,  des  monuments  pondéreux,  comme  des 
pierres  tombales,  des  débris  de  sculptures  et  de  colon- 
nades, etc.  (3)  ;  à  Angers,  on  alla  jusqu'à  creuser  un  fossé 

à  60  pieds  des  habitations,  ce  qui  contredit  quelque  peu  certaine  hypothèse  qui 
voit  dans  les  caves  avec  leurs  niches  des  villas  beli,'o-roniaiues,  des  columbaria. 
Ibkl.,  II,  25,  CicÉRON  déclare  que  les  grands  hommes  faisaient  exception  et 
étaient  parfois  enterrés  dans  les  villes;  mais  les  exceptions  étaient  devenues  assez 
nombreuses  pour  arracher  a  Prudence  (contra  Symmach,  lib.  I,  v.  190)  la  boutade 
que  voici  : 

Et  lot  teni|)la  ileum  Piomae  quoi  in  urbe  sepulcra 
Ileroum  nuiiierare  licet. 

Ce  qui  induit  plusieurs  auteurs  à  dire  que  les  temples  de  Rome  étaient  autant 
de  tombeaux  (Kirchmann,  De  funeribus.,  IF,  -16),  et  à  faire  remarquer  que 
d'ailleurs  plusieurs  tombeaux  de  personnages  émineuts,  et,  en  outre,  des  vierges 
vestales,  étaient  réellement  en  ville.  On  objecte  cependant  la  lecture  in  orbe  pour 
in  urbe  et,  en  outre,  on  s'appuie  sur  certain  passage  d'EuTROPE,  disant  que,  seul 
de  tous  les  empereurs,  Trajan  eut  ses  restes  inhumés  dans  la  ville  (sous  la  colonne 
qui  porte  son  nom,  en  une  urne  d'or;  celle-ci  y  existerait  encore  d'après  Migne, 
ad  Prudentium,  Pair.  lat.,  LX,  p.  loi,  qui  préfère  aussi  la  lecture  in  orbe). 

Le  christianisme  abolit  eu  tout  cas  la  prohibition ,  Novell. ,  l^ô ,  de  Léon 
«  Ut  cuique,  tam  intra  civitates  quam  extra,  mortuos  sepelire  liceat.  » 

(i)  ScHAYES,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas,  etc.,  II,  p.  -435,  convient  que  les 
monuments  romains  des  remparts  d'Arlon  proviennent  de  l'extérieur  de 
Penceinte;  mais  il  les  fait  provenir  des  villas  des  environs,  placées  le  long  des 
routes. 

(î)  De  Caumont,  Cours,  II,  p.  564. 

(s)  Clerc,  /,  cit.,  p.  oo. 


—  470  — 

lai-ge  et  pruloiicl,  où  une  (|uanlile  de  deln'is  fui  placée  à 
sec  (i),  ce  (jui  n'a  pu  èlre  l'ait  a|)i-ès  coup. 

D'où  la  conclusion  (pie  toutes  ces  inscriptions  et  tous  ces 
restes  d'antiipics  monumenls  ont  élé  placés  là  même  où  on 
les  a  ivirouvés,  et  ce  dans  rintenlion  évidente  de  les 
conserver. 

—  Mais  poussons  |)lus  loin  la  demojisti'adon  e(  |)rouvons 
(pic  le  lait  réfuté,  déjà  reconnu  invraisemblable  i);ir  ce  (pii 
vient  d'être  dit,  n'(_'st  ]nis  même  possible  :  ce  n'est  ])as 
à  la  suite  des  lois  de  l'an  .")!>/  cl  de  l'an  40<S  ,  (jiie 
les  lem|iles  et  tombeaux  ont  élé  déliaiils,  et  (pie  leurs  débris 
ont  élé  cacbés  dans  les  remi)arts  des  villes  consiruils  après 
leur  renvei'semenl. 

Ecartons  d'abord  l'opinion  de  M.  Chanipoiseau  (i),  (\u\ 
atlribue  [\  la  l'ébcllion  des  (lauiois  en  ill  l'érection  des 
l'cin parts  de  Tours. 

«  Il  serait  diflicile  de  croire,  dit-il,  que  ces  murailles  aient 
éle  bâties  avant  le  commencement  du  v"  siècle,  i)uis(pie  rien 
ne  nécessitait  alors  un  sendjlable  travail,  et  l'on  ne  peut  pas 
penser  qu'elles  soient  postérieures  à  cette  épo((ue,  })uisqu'en 
1*28  la  ville  d*.'  Tours  fut  assiégée  jiai-  les  Visigotlis  et 
(pi'elh;  j)ut  résister  à  leui's  alUKpies.  » 

Celte  opinion  que  rien  jusqu'iiu  v''  siècle  ne  motiva  r('(lifi- 
calion  de  remparts,  est  fondée  sur  une  ei'reur  ln'stori(pie  : 
dès  l'an  S'il,  la  Gaule  avait  été  infestée  par  les  Barbares  (s), 


(i;  De  Caimûnt,  Cotir.i,  11,  p.  3o-2. 

(2)  Tableaux  chronologiques  de  ritisloire  de  la  iouraine,  uji.  (iiKViuET,  p.  -2i, 
(s)  ZosiME,  ap.    dom   Bouquet,    Recueil   des  liislorieus  de   la   France,    F, 
pp.  cxxxvii  {•[  hlli. 


—    171    — 

cl  Cil  l'an  ^77  l'robiis  reprit  soixanlc  villes  duiil  les  (Icr- 
maiijs  s'élaieiil  emparés  (i). 

Il  y  avait  donc  depuis  Iongt('Mii>s  avant  le  coniinenceinenl 
(.lu  V'' siècle,  nécessité  de  fortifier  les  villes  de  la  Gaule;  on 
peut  bien  allirmer  a  priori  (|ue  les  Romains  y  ont  songe  au 
moins  depuis  le  troisième  siècle,  et  que  dès  cette  époque  ils 
ont  dû  appliquer  leur  attention  à  empêcher  le  renouvelle- 
ment des  incursions  si  désastreuses  des  Barbares. 

M.  Prat,  à  qui  on  a  erronément  prêté  ci-dessus  (2)  ro|)i- 
niun  contraire,  n'accepte  pas  du  tout  cette  date  de  408 
connue  celle  de  la  transformation  du  viens  Orolaunum  en 
forteresse, 

«  L'envahissement  de  l'empire  romain  par  les  hommes  de 
l'Est  et  du  Nord  commença,  dit-il  (5),  en  l'an  40()  et  fui 
complété  en  411.  Comment  les  Romains  auraient-ils  pu 
songer  à  fortifier  Arlon  en  408  seulement?  En  auraient-ils 
eu  le  temps?  Étaient-ils  à  cette  époque  encore  en  possession 
assez  paisible  du  Luxembourg?  La  date  de  108  nous  semble 
donc  erronée...  Il  était  bien  lard  en  408  pour  convertir 
Arlon  en  forteresse,  afin  de  se  défendre  contre  le  passage 
des  Barbares,  qui  avait  commencé  deux  ans  auparavant...  Je 
fais  remarquer  égalementque,  avani  riiruj)liun  définitive  des 


(1)  VoPTSCUS,  in  Probo,  xiii  :  •:  A  barbaris  sexaginta  pcr  Gallias  uobilissiiiias 
recepit  civitates.  » 

Le  môme  fait  eut  L'iicore  lieu  au  w"  siècle,  oii  (]uarante-cinq  villes  gauloises 
fureut  détruites  par  les  Barbares,  dom  Bouqiiet,  pp.  cxliv  et  725. 

HoGET  DE  Belloguet,  Etliiiofjéiiie  f/aiiloisc  (Preuves  pbysioliPv;ii|ues),  p.  I, 
pense  aussi  que  depuis  l'an  277,  Probus,  Maximiin  et  Constance-Chlore  lurent 
successivement  occupés  à  repeupler  la  Gaule,  en  appelant  même  les  barbares  a 
y  contribuer. 

(2)  Bull,  (les  Comiii.  roij.  iTarl  et  d'airliéol.,  XV,  p.  1 1-2. 
(o)  Hht.  il  Arlon,  \,  pp.  171  et  17-2. 


—  472  — 

Barbares  en  406,  les  frontières  du  Nord  et  du  Nord-Est  de 
l'empire  romain  avaient  été  souvent  insultées  par  les  Franks 
et  les  Germains;  les  empereurs  devaient  donc  prévoir  qu'il 
viendrait  un  temps  où  ces  barrières  devaient  être  franchies  ; 
leurs  soins  se  portèrent  naturellement  à  garnir  notre  pays 
de  camps,  de  forteresses,  ce  qui  a  dû  avoir  lieu  dans  le  cou- 
rant du  IV*  siècle,  » 

Ce  n'est  donc  pas  sous  Honorius  et  sous  Théodose-le 
Jeune  seulement  que  les  remparts  de  toutes  les  villes  placées 
dans  les  mêmes  conditions  qu'Arlon  ont  pu  être  construits  ; 
c'est  en  plein  paganisme,  alors  que  la  lutte  contre  les  Bar- 
bares avait  commencé  :  l'esprit  religieux  qui,  d'après  cer- 
tains auteurs  (i),  aurait  présidé  à  la  destruction  des  monu- 
ments du  paganisme,  élait  non  celui  des  chrétiens 
renversant  pour  détruire,  mais  de  païens  cachant  pour  con- 
server. Ainsi  se  trouverait  justitiée,  si  elle  était  exacte, 
l'allégation  de  certains  auteurs  (2),  que  les  démolisseurs 
n'ont  emporté  ni  les  pièces  de  monnaies,  ni  les  ustensiles  en 
métaux  précieux  déposés  dans  les  temples  ou  dans  les  tom- 
beaux et  qu'on  retrouve  aujourd'hui  sous  les  décombres  de 
ces  monuments.  Mais  le  fait  n'est  pas  réel  ou  ne  peut  l'être 
que  dans  une  proportion  très-faible,  car  les  remparts  sont 
remplis  de  trop  de  monuments  pourque  ceux-ci  soient  encore 
aujourd'hui  à  la  place  môme  où  ils  avaient  été  érigés  :  ils  ont, 
pour  la  plupart,  été  apportés  là  de  l'extérieur. 

—  Serrons  la  question  d'un  peu  plus  près  encore. 


(i)  Leblan'c-Davac,  /.  cit.,  p.  H8. 
[i)  Id.,  ibid. 


—  473  — 

Quelques  monographes  (i)  consentent  à  remonter  jusque 
dans  le  paganisme,  mais  c'est  seulement  jusqu'au  règne  de 
Gratien  (375  à  583)  qu'ils  reportent  la  construction  des  rem- 
parts, par  exemple  d'Autun  et  de  Tours,  établis  pour  résis- 
ter aux  incursions  toujours  croissantes  des  Barbares. 

Cette  opinion,  autant  qu'il  a  été  permis  de  le  vérifier, 
repose  uniquement  sur  ce  fait  archéologique  que  rap- 
porte la  Sauvagère  (2)  :  on  aurait  trouvé  dans  les  murs  de 
Tours,  parmi  des  débris  analogues  à  ceux  des  murs  d'Arlon 
et  de  tant  d'autres  villes,  des  monnaies  de  l'empereur 
Gratien. 

Le  fait  allégué  par  la  Sauvagère  joue  le  plus  grand  rôle 
dans  la  discussion  :  tous  les  auteurs  qui  en  ont  connaissance 
hésitent  à  faire  remonter  la  construction  des  remparts  avant 
le  règne  de  Gratien;  au  moins  cherchent-ils  à  prouver  que 
ce  qui,  à  leurs  yeux,  est  vrai  pour  Tours,  ne  l'est  pas  pour 
d'autres  villes,  dont  les  remparts  ont  dû  être  construits  bien 
auparavant  (3). 

Mais  il  y  a  lieu  de  faire  remarquer  que  ce  fait  archéologique 
étant  complètement  isolé,  est  suspect,  et  qu'il  y  a  lieu  de  le 
contrôler  de  près. 

Or,  la  Sauvagère  n'affirme  pas  avoir  vu  de  ses  propres 


(0  Edme  Thomas,  /.  cit.,  p.  118  ;  Giraudet,  Histoire  de  la  ville  de  Tours,  l, 
p.  23  ;  etc. 

Il  n'y  a  pas  de  relation,  du  reste,  entre  la  construction  des  remparts  de  Tours 
et  la  rectitication  des  divisions  territoriales  de  la  Gaule,  qui  lit  de  Tours  la 
Uiétropolede  la  IIl"  Lyonnaise.  Ces  deux  laits  appartiennent  à  des  ordres  distincts; 
ce  qui  a  été  fait  au  point  de  vne  administratif  est  sans  portée  sur  les  constructions 
élevées  dans  un  but  stratégique,  et  Giraudet  a  tort  d'en  argumenter. 

(«)  Recueil  d'antiquités,  p.  147;  Recueil  de  dissertations,  p.  39. 

(s)  Tel  est  le  cas  notamment  pour  de  Caumont,  Cours,  II,  p.  363. 


—  471  — 

yeux  la  Irouvaille  des  monnaies  de  Gralien  dans  les  rem- 
parls  de  Tours;  il  a  reçu  dans  son  cabinet  deux  monnaies 
donl  il  fut  dépositaire  et  auxquelles  on  assignait  cette 
source.  Dès  lors  cet  auteur  a  pu  èlre  induit  en  erreur  et 
prendre  pour  des  monnaies  provenant  des  remparts,  ce  qui 
a  été  trouvé  dans  la  ville  même,  ou  ailleurs. 

Voici  ce  qui  démontre  qu'il  a  réellement  été  trompé  : 

Les  murs  de  Tours  sont  construits  absolument  de  la 
môme  manière  que  ceux  des  autres  villes  déjà  cilées. 

C'est  la  Sauvagère  lui-même  qui  parle  :  «  Dans  les  fouilles 
des  remparts  de  Toui-s,  dil-il,  on  a  trouvé  un  las  considé- 
rable de  gros  blocs  de  pierres  de  taille  où  sont  des  mor- 
ceaux de  colonnes...  Ce  vieux  mur  de  ville  que  l'on  vient  de 
démolir  était  établi  sur  des  matériaux  arrangés  et  entassés  les 
uns  au-dessus  des  autres...  Paimi  ces  gros  blocs  de  pierres, 
sont  quelques  autels  aiiti(jues;  on  y  voit  quelques  inscrip- 
tions gravées.  » 

Ailleurs  :  «  Les  pierres  étaient  entassées  pèle-mèle  les 
unes  sur  les  autres,  en  quantité  si  considérable  que  le 
nouveau  palais  arcbiépiscopal  en  a  été  entièrement  bâti. 
Celle  confusion  souterraine  de  tous  ces  vii'ux  blocs  de 
|)ierre  annonce  certainement  le  renversement  d'un  édifice 
considérable.  » 

Voici  qui  comi)lèle,  au  surplus,  l'analogie;  comme  on  l'a 
vu  plus  liaut  (i),  les  murs  de  Tours,  tout  comme  ceux  des 
autres  villes  cilées,  contenaient  des  piei-i-es  moimmentales; 
or,  ces  ])ierres  «  appartenaient  par  leur  sli/le  aux  deux 
premiers  siècles  de  l'ère  chréliennc.  » 

(i)  Voy.  ci-dosRiis,  ]i.  ioO. 


—     17.3    — 

Qu'on  explique  celle  absence  de  pieri'es  monumenlales 
de  la  décadence,  époque  à  laquelle  appartenait  Gralien... 

On  peut  donc  considérer  la  découverte  prétendue  des 
monnaies  de  ce  prince  comme  un  fait  archéologique  mal 
observé  et  il  y  a  lieu  de  l'éliiniiier  du  débat. 

Ce  qui  vient  d'être  dit  autorise  une  conclusion  qu'on 
trouvera  ])eutèlre  hardie,  mais  qui  est  commandée  par  la 
logique  :  un  déli  est  porté  aux  découvertes  archéologiques 
de  l'avenir;  aucune  d'elles  ne  rencontrera  jamais  dans  les 
remparts  des  villes  en  (|uestion  aucune  médaille  ou  aucune 
inscription  du  iv" siècle,  et  l'on  consent  ici  à  déclarer  d'avance 
que,  si  le  contraire  se  manifeste,  toutes  les  déductions 
du  présent  article  sont  erronées,  c'est  la  Sauvagère  seul  qui 
a  raison,  et  Arlon,  comme  Tours,  comme  toutes  les  autres 
villes  à  remparts  analogues,  datent  seulement  du  iv*"  siècle. 

—  Ce  n'est  pas  seulement  au  règne  de  Gralien  que  d'autres 
auteurs  (i)  s'arrêtent;  ils  remontent  un  tant  soit  peu  plus 
haut;  les  uns  parlent  des  années  555  à  560;  les  autres,  de  la 
période  qui  s'écoula  de  l'an  509  à  l'an  539  de  notre  ère. 
Or,  pendant  cette  période,  nous  voyons  précisément  que  les 
murs  decpiaranle-cinq  villes  des  Gaules  ont  été  délruils  par 
les  Barbares  (2)  ;  il  est  donc  évident  que  ces  mur.s  existaient 
antérieurement,  et   les  seuls  travaux  dont  ils  aient  pu  être 


(1)  Cr.ERC,/.  cit. ,  p.  00 :  Tmoi.Li-T  el (Vkhcniaud'O-Homagnesi '(AXW"  Conorés 
arché:>l.  de  France  (CaiTassniine,  Bourges,  Narlioiiiie,  l>erigiieux,  Ueziers), 
1868,  p.  59. 

(2)  «  Numerus  oppidorum  quoi'iiii!  cianî  (lit  nia  moeala  ad  quiiique  el  (iiiadra- 
.ninta  pervenerat,  biirgis  et  castellis  luinoribus  oinissis.  »  Tiad.  du  grec  de 
Julien,  ap.  dom  Bouquf.t,  Recueil  des  historiens  de  la  Gaule  cl  de  la  France,  I, 
p.  723. 


—  476  — 

l'objet  sont  des  travaux  de  restauration,  comme  Ammien 
Marcellin  le  dit  de  ceux  de  Sens  (i). 

Autun  est  une  des  villes  dont  les  remparts  auraient  été 
établis  au  iv*"  siècle  seulement.  Or  on  peut  invoquer  pour 
cette  ville  un  argument  tout  à  fait  topique  : 

Ammien  Marcellin,  qui  vivait  au  iv®  siècle,  parle  de  l'état 
de  vétusté  où  se  trouvaient  de  son  temps  les  murs  de  cette 
ville  (2),  état  tout  à  fait  incompatible  avec  l'opinion  qui 
ferait  remonter  au  iv'  siècle  seulement  la  construction  des 
remparts  de  cette  ville. 

Si  le  passage  d'Ammien  Marcellin  s'applique  à  une  en- 
ceinte extérieure  (3),  il  existe  des  textes  d'Eumène  (4)  qui 
parlent  formellement  de  la  restauration  d'Autun  faite  par 
Constance  Cblore,  après  la  destruction  de  cette  ville  par  les 
Bagaudes,  sous  le  règne  de  Claude  (268-270).  Ce  collègue 
de  Diocléticn,  chargé  de  l'administration  des  Gaules,  fit 
venir  de  nombreux  ouvriers  du  fond  de  l'ile  de  Bretagne 


(i)  Voy.  plus  loin,  p.  480. 

(2)  XV,  H  :  (!  Et  moenium  Augustudini  magnitudo  vetusta.  »  XVI,  2  : 
«  Augustoduni,  civitatis  anliquae,  niuros,  spatiosi  quidem  ambitus,  sed  carie 
vetustatis  iiivalidos.  » 

(3)  Vambitus  spatiosus  dont  il  est  question  dans  ce  passage,  semble  en  effet 
s'appliquer  à  autre  chose  qu'à  la  nouvelle  enceinte,  qui  a  été  sans  doute  restreinte 
à  Autun,  comme  en  tant  d'autres  villes.  Ainsi  pourrait  avoir  raison  d'Anville, 
qui,  dans  ses  Éclaircissements  géographiques  sur  l'ancienne  Gaule,  p.  29(5, 
s'appuyant  sur  les  mots  carie  vetustalis,  dit  qu'il  s'agit  de  murailles  très- 
anciennes  remontant  au  moins  au  siècle  d'Auguste.  Il  s'agirait  donc  peut-être 
des  débris  de  l'enceinte  extérieure  d'Autun. 

(i)  Panegyr.  de  Oonslance-Chlorc,  .\xi  :  «  Civitas  Aeduoruni  ex  Britannicae 
facultate  victoriae,  plurimos  accepit  artifices,  et  nunc,  exstiuctione  veterum 
domorum  et  refectione  operum  publicorum  et  temploruni  instauratione  resurgit.  » 
Id.,  Oralio  pro  reslaurandis  scliolis,  iv  :  «  Qui  civitatem  islam,  tune  dcmura 
gravissima  cladc  perculsam,  cum  latrocimo  Bagaudicae  rebellionis  obsessa, 
...  non  templis  modo  ac  locis  publicis  rcliciundis,  sed  eliam  privatis.  » 


—  477  — 

pour  rpstaurer  tous  les  ouvrages  publics  de  la  ville  d'AuUin. 
Or  les  remparts  d'Autan,  analogues  par  leur  construc- 
tion avec  ceux  d'Arlon,  etc.,   contiennent  précisément  des 
inscriptions  dont  aucune  ne  descend  en  deçà  du  m'  siècle. 

Nous  voilà  donc  ramenés  forcément  à  la  seconde  moitié 
du  m'  siècle,  celte  époque  que  nous  ont  déjà  indiquée  les 
exploits  de  Probus.  Gomment  admettre,  en  eiïet,  que  les 
Romains,  témoins  de  la  prise  de  tant  de  villes  des  Gaules 
par  les  Barbares,  n'aient  pas  songé ,  après  leur  reprise 
par  Probus,  à  les  garantir  contre  de  nouveaux  coups  de 
main? 

—  Mais  avant  de  rechercher  avec  plus  de  précision  la  date 
où  les  Romains,  encore  païens,  —  car  c'est  bien  définitive- 
ment d'eux  qu'il  s'agit,  — ont  ordonné  l'insertion  des  monu- 
ments de  leur  religion  dans  les  remparts  nouveaux  des  villes, 
examinons  si  cette  prescription  est  bien  compatible  avec 
cette  religion,  alors  dominante. 

M.  Jouannet  se  charge  de  l'explication,  et  bien  qu'il  l'ait 
proposée  dans  un  tout  autre  ordre  d'idées,  on  peut  s'en 
prévaloir  ici. 

Les  remparts  et  les  murs  des  villes  étaient  choses  de  droit 
divin,  res  sanctae  (i)  ;  d'un  autre  côté,  quand  l'ennemi  s'était 
emparé  d'une  localité,  —  et  on  a  vu  que  tel  avait  été  le  sort 
d'un  grand  nombre  de  villes  de  la  Gaule,  —  les  lieux  reli- 
gieux cessaient  de  l'être;  il  était  permis  d'enlever  les  pierres 


(i)  «  Sanctae  res,  veUiti  mûri  et  portae,  divini  juris  siint,  et  ideo  niillius  in 
bonis  siint,  ideo  autem  miiros  sanctos  dicimus,  quia  poena  capitis  constituta  sit 
in  eos  qui  aiiqu'd  in  miiroa  deliquerint.  »  (Instit.  de  .Ii'Stinien,  II,  i,  §  10). 


—  478  — 

des  monuments   et   de  les   convertir  à   Ions  nsages  qnel- 
conquos  (i). 

-Mais  an  lieu  de  dénaturer  complélemenl  ces  monuments 
[lieux,  n'étail-il  pas  préférable  d'en  proléger  les  débris?  En 
se  repliiini  dans  les  villes  arrachées  aux  Barbares  et  qu'ils 
rorliliaicnt  contre  enx;  en  concentrant  ces  villes  dans  lenrs 
remparts  restreints;  en  constrnisant,  ton!  antonr,  des  murs, 
res  sanctae,  pour  cnceindre  ces  villes  on  ils  étaient  décidés 
à  se  renfermer  désormais,  les  Romains,  encore  païens,  ne 
pensèrent-ils  pas  à  soustraire  à  de  nouvelles  dévastations  et 
à  enlever  eux-mêmes,  extra  miiros,  les  autels  et  les  tombeaux 
de  leurs  ancêtres,  qu'ils  devaient  renoncer  à  protéger;  nesau- 
vèrent-ils  pas  ces  choses  qui,  si  elles  avaient  cessé  d'être  des 
res  relifjiosae,  n'en  étaient  pas  moins  restées  des  souvenirs 
précieux,  et,  à  cet  effet,  ne  les  placèrent-ils  pas  au  sein  même 
des  remparts  qu'ils  se  disposaient  à  défendre  an  |)rix  de  leur 
sang?  A  Bordeaux,  à  Autun,  dans  toutes  les  villes  dcjà  rava- 
gées, dans  celles  que  l'invasion  avait  menacées  ou  que  l'on 
construisait  contre  celle-ci,  les  pierres  funéraires  étaient 
peut-être  tout  ce  qui  restait  de  tombeaux  profanés  par  les 


(ij  (i  Cuin  lora  ab  liosli!)us  rapta  sunt,  desinuiit  oninia  roligiosa  esse 

ideoqtie  lapides  iiide  siiblalos  in  qiiciiilibet  iisum  convertere  possumiis.  »  Telle 
est  la  formule  qu'on  croii-ail  l'aile  pour  le  cas  soumis,  et  que  proposent  Gutherius, 
De  jure  mnnhim,  FM,  8,  Gothofhkdus  et  autres,  sur  les  deux  lois  :  fr.  50,  Dig. 
de  Rel'Kj.,  XI,  vu  :  «  Cuni  Iota  capta  suiil  ab  boslibus,  oninia  desinunt  religiosa 
vcl  sacra  es  e;  »  et  fr.  4,  Dig.  de  sepulcro  violulo,  XLVIl,  xii  ;  «  Sepuicra 
hostium  religiosa  iiobis  non  sunt,  ideoqiie  lapides  inde  snbîatos,  in  qocmlibet 
usuni  convertere  possuniiis.  »  (Voir  de  Caumont,  Cottrs  d'antiquités  momiineiilftles, 
II,  p.  ô6'J.) 

La  fonnule  susdite  est  bien  peut-être  un  peu  absolue,  puisqu'elle  renverse  les 
rôles  et  que  d'ailleurs  elle  ne  lient  pas  compte  du  jus  postliniinii  qui  s'opère  en 
cas  de  reprise  sur  l'cnnciiii,  et  qui  efface  la  profanation  passagère  infligée  par  les 
possesseurs  momentanés.  (Dig.  XI,  vu,  /.  cit.) 


—  /i79  — 

Barbares,  et  c'étaient  ces  débris  que  les  païens  avaient  à 
cœur  de  soustraire  à  des  outrages  ultérieurs,  en  les  ])laçanl 
à  l'intérieur  des  murs. 

C'est  là  peut-être  le  seul  moyen  d'e.\pli(iuor  les  faits,  des 
qu'on  est  obligé  de  les  dater  du  paganisme  et  de  ne  plus  les 
considérer  comme  de  simples  exceptions. 

—  L'histoire  générale  nous  a  ramenés  à  la  fin  du  m*  siècle, 
pour  préciser  l'époque  de  la  construction  (\q<,  murs  en 
question.  Recherchons  maintenant,  dans  les  écrits  de 
l'époque,  les  constatations  de  l'existence  de  ces  murs  à  des 
dates  déterminées,  en  répétant  ce  qui  a  déjà  été  dit  et  en  y 
insistant  :  tous  ces  remparts  sont  de  la  même  épo(jue;  ce  qui 
est  vrai  pour  les  uns,  l'est  nécessairement  pour  tous  les 
autres. 

Le  poëteAusone,  qui  vivait  au  iv'  siècle  (509-594),  a  dé- 
crit sa  ville  natale  (i)  :  or  il  est  certain  que  de  son  temps 
Bordeaux  était  déjà  entouré  de  ces  murs  dans  lesquels  on 
retrouve  aujourd'hui  des  monuments  antiques.  Il  décrit  éga- 
lement les  murs  de  Toulouse  (2)  et  de  Trêves  (.1). 

Un  contemporain  d'Ausone  ou  de  Sidoine  Apollinaire  (ij, 
Tetradius,  sans  doute  l'un  de  ceux  à  qui  ils  adressèrent  des 


(1)  Clarae  iirbes  (Biirdigala),  xiv,  v.  12,  15  : 

Quadrua  imirorum  species,  sic  tiinibus  ullis 
Ardua,  ul  aerias  iulreiit  fasligia  mibes. 

On  a,  en  edct,  constaté  que  les  ancieni:.es  foitilicalions  de  Cordeaux,  celles 
précisément  où  l'on  trouve  la  coiahe  de  monuments  antiques,  formonl  sinon  un 
carré,  du  moins  un  véritable  quadrilatère  rectangle, 

(2)  Ihid.  (Tolosa),  xii,  v.  2  : 

Coctilibiis  niiiris  qiiam  circuit  anibilus  iagciis. 

(Même  réllexioii  pourtant  que  pour  Autun,  quant  a  ['ambiliis  i»gc-iis.) 
(s)  Ibhl.  (Trevirae),  iv,  v.  2  : 

l.ala  por  l'xlciilum  iirocuriMnil  mociiia  coUeni. 

(4)  MiGKE,  Patrol.  Uiliuae,  xix,  p.  921-  ivni,  p.  WQti. 


—  480  — 

lettres,  écrivait  (i)  :  «  Ciir  me  propinquum  Santonum  moeni- 
bus  déclinas?  »  Preuve  évidente  que  Saintes  était  déjà  fortifiée 
au  iv''  (ou  v'')  siècle,  et  l'on  peut  invoquer  comme  argument  h 
l'appui  de  cette  déduction  cet  autre  fait  que  S.  Eulrope,  qui 
vint  à  Saintes  pour  convertir  au  catholicisme  les  Santones 
encore  idolâtres,  trouva  la  ville  complètement  fortifiée  :  les 
remparts  de  Saintes,  bourrés  de  monuments  païens,  ont 
donc  été  élevés  avant  les  lois  citées  des  années  59(i  et  408(2). 

Ammien  Marcellin  dit  formellement,  de  son  côté,  que  dès 
le  milieu  du  iv"  siècle.  Sens  était  entouré  de  murs  que  l'em- 
pereur Julien  fit  seulement  réparer  (5)  :  en  555,  ce  prince, 
qui  avait  alors  le  commandement  des  Gaules,  ayant  été 
assailli  par  les  Barbares  sur  le  territoire  de  Sens,  où  il  avait 
pris  ses  quartiers  d'hiver,  se  renferma  dans  la  ville  avec  ses 
troupes,  la  fit  clôturer,  fortifia  la  partie  faible  des  murs,  selon 
les  propres  expressions  d'Ammien  Marcellin,  et  soutint  un 
siège  de  trente  jours  contre  une  multitude  d'ennemis. 

Les  murs  de  Sens,  comme  on  l'a  fait  observer  avec  beau- 
coup de  justesse  (i),  ont  donc  été  construits,  ainsi  que  leur 


(i)  L'édition  d'AusoNC,  in  usum  Delphini,  p.  -iTl,  en  note,  dit  de  Tetradius  : 
«  De  hoc  Tetradio  nihil  alibi.  »  Le  personnage  ne  figure  pas,  en  effet,  dans  les 
tables  de  l'ouvrage  de  Migne,  parmi  les  auteurs  de  lettres.  On  ne  sait  donc  sur 
quelles  données  La  Sauvagèke,  Recueil  iV antiquités,  p.  13,  cite  de  lui  une 
Ep.  XV,  d'où  ce  passage  est  extrait.  V.  aussi  Uist.  litt.,  I,  2",  pp.  118  et  419. 

(î)  '(  Cum  urbeui  quae  Xanctona  dicitur  intraret,  eamque  videret  undique 

mûris  antiquis  optimc  septam,  excelsis  turribus  dccoratam Acla  SS.  Aprilis 

III,  p.  735. 

(s)  XVI,  i  et  5  :  «  .Iulianus  apud  Senonas  oppidum  tune  opportunum  abscessit. 
Hostilis  aggredilur  miiltitudo,  oppiiii  capiundi  spe  in  majus  accensa.  Clausa  ergo 
urbe,  murorumque  intiila  parle  firmata,  ipsc  cum  arniatis  die  noctuquc  inter 
propugnacula  visebatur.  Post  tricesinium  denique  dicni  abicre  barbari...  » 

{i)  Congrès  archéol.  de  France  (Sens,  Tours,  Angoulême,  l'oiliers),  1847, 
p.  4d;  (Auxerre,  Ciuny,  Ciermont-Ferrand),  1850,  p.  142. 


—  481   — 

contenu,  avant  l'époque  où  Julien  les  fit  renforcer,  c'est-à- 
dire  avant  le  milieu  du  iv*-'  siècle. 

On  a  déjà  rencontré  plus  Fiaut  un  autre  passage  d'Ammien 
Marccllin  sur  les  anciens  murs  d'Autun. 

Les  actes  de  S.  Pèlerin  (i)  fournissent,  de  leur  côté,  un 
texte  précieux  comme  élément  pour  résoudre  la  question 
chronologique.  Quand  le  saint  personnage  arriva  à  Auxerre, 
vers  2G0,  la  ville  n'était  pas  encore  entourée  de  murs  : 
«  Autrici  (lire  Autessioduri),  loco  qui  tune  tcmporis  necdum 
murorum  munitione  cingebalur ,  a  persecutoribus  inte- 
remptus  martyrium  consummavit  (2).  » 

Cette  arrivée  de  S.  Pèlerin  à  Auxerre  eut  lieu  sous  le 
pontificat  de  Sixte  II,  Gallien  et  Valérien  étant  empereurs, 
Aemilius  et  Bassus  consuls,  c'est-à-dire  en  l'an  259  de  l'ère 
chrétienne. 

Le  premier  rédacteur  de  la  vie  de  S,  Pèlerin  vivait  sans 
doute  au  iv*"  siècle,  époque  où,  d'après  ce  passage,  les  murs 
existaient;  il  en  résulte  que  les  remparts  d'Auxerre,  où, 
comme  on  l'a  vu,  des  monuments  antiques  servaient  de 
base  aux  murs  de  l'enceinte,  ont  été  élevés  à  la  fin  du 
iii^  siècle.  Toujours  la  même  date  ! 

Chose  remarquable  :  à  l'époque  même  où  s'opérait  ainsi 
le  placement  des  anciens  monuments  sous  les  remparts  des 
villes  de  la  Gaule,  à  Rome  aussi  on  construisait  de  la  même 
manière  certain  mur  fouillé  en  1875  (5)  et  qui  a  révélé  plus 


(1)  Ces  actes,  par  leur  antiquité,  «  méritent  une  certaine  considération,  »  dit 
YHistohe  littéraire  de  la  France,  III,  p.  42.  Voy.  aussi  Lebf.lt,  Mémoires  cités, 
III,  pp.  5  et  4,  011  il  défend  les  actes  de  S.  Pèlerin  contre  les  critiques  de 
D'Anville. 

(2)  Acta  SS.  Mali,  III,  p.  S60;  Congrès  archéol.  de  France,  1830,  p.  20. 
(s)  Corpus  inscriptioniim  latinnrum,  VI,  pp.  6o9  et  720. 


—  Am  — 

de  cent  inscriptions  des  XII  cohortes  prétoriennes.  Ces 
inscriptions,  comme  celles  de  nos  villes  gallo-romaines, 
s'arrêtent  dans  la  seconde  moitié  du  m'  siècle  :  les  plus  ré- 
centes sont  de  l'an  205  !... 

Il  y  a  dans  l'ensemble  de  ces  observations  une  concor- 
dance telle,  (]u'il  est  impossible  de  le  méconnaître,  la 
construction  de  tous  ces  remparts  si  identiques  doit  remonter 
à  une  loi  de  la  fin  du  m''  siècle. 

Or  si  l'on  remarque  que  précisément  à  cette  époque  les 
Barbares  de  la  Germanie,  déjà  signalés  par  César  comme 
une  menace  constante  contre  l'empire  romain  (i),  avaient 
repris  de  plus  en  plus  la  route  des  invasions;  que  Probus 
avait  reconquis  soixante  villes  sur  les  Barbares;  que  Con- 
stance-Chlore, pendant  les  quatorze  années  de  son  gouver- 
nement (292  à  50G),  s'appliqua  à  rétablir  certaines  cités  dé- 
truites et  à  repeupler  un  grand  nombre  de  contrées  que  ces 
premières  grandes  invasions  avaient  ravagées,  il  est  aisé 
de  se  rendre  co;iipte  de  la  nécessité,  reconnue  par  les 
Romains,  de  protéger  par  des  fortifications  les  villes  qui 
étaient  restées  jusque-là  ouvertes  et  sans  défense. 

Il  paraît  constant,  disait  le  regretté  M.  deCaumont  (2),que 
les  villes  n'étaient  pas  fortifiées  avant  le  m''  siècle.   Ce  fut  à 


(\)  l(.  G.,  I,  ")  :  «  Paulafim  Germaiios  consiiescerc  Rtiemira  transirc  et  in 
Galliam  vciiire,  [lopiilo  roinano  pcricu'.osum  vidobat.  "  Yoy.  aussi  itud.,  F,  m, 
5J,  etc. 

(2)  Congrès  arcliéol.  de  I«oO,  /.  cil.;  au  ATP  Congrès  (1838),  p.  53,  M.  dk 
Cal'mont  indique  le  v'  siècle  au  lieu  du  iir  :  on  a  déjà  fait  remarquer  ces  tâton- 
nements d'un  esprit  excellent. 

Le  m''  siècle  est  également  adopté  par  O'Heillv,  /.  cit.,  I,  p.  G-2,  qui  croit  (lue 
la  première  enceinte  de  Bordeaux  date  du  m"  siècle,  mais  qui  fait  étal  de 
certaines  réparation';  eflVrtuées  au  x*"  siècle  dans  la  partie  supérieure. 


—   /pS3  — 

cette  époque  quo  l'on  employa  les  fragments  les  plus  pré- 
cieux pour  créer  des  fortificîilions  destinées  à  résister  au 
torrent  dévasialeur  des  Barbnres. 

Qui  |)lus  est,  on  le  répèle,  car  l'observation  a  son  impor- 
tance, tous  les  monuments  lapidaires  découverts  dans  les 
remparts  en  question  appartiennent  aux  bonnes  époques; 
aucun  ne  dépasse  le  m'  siècle  (i). 

Celte  conclusion  s'applique  parfaitement  à  Arlon,  comme 
aux  autres  villes  de  la  Gaule;  aucune  des  inscriptions  trou- 
vées dans  les  remparts,  ni  par  la  forme  des  caractères,  ni 
par  ses  mentions,  ni  par  un  indice  quelque  peu  sérieux  (2) 
de  christianisme,  ne  va  au  delà  du  règne  de  Maximin  (233  à 
238),  ce  qui  concorde  d'une  manière  générale  avec  les  don- 
nées qui  précèdent. 

Il  en  est  de  môme  des  inscriptions  de  Sens;  en  tant 
qu'elles  permettent  d'apprécier  leur  date,  elles  ne  descen- 
dent que  jusque  l'an  250  (3)  ;  la  plus  récente  de  celles  de 
Bordeaux  est  de  l'année  2o8  (1),  etc. 


(1)  De  Cacmost,  Cours,  II,  p.  5j'2,  parlant  spécialement  dos  remparts  tie 
Bordeaux,  dit  (iirauc:in  des  débris  n'est  postérieur  au  iir  siècle,  et,  en  général, 
ibid.  et  p.  563,  il  dit  que  tous  les  débris  semblables  appartiennent  aux  beaux 
siècles  de  l'art  (c'est-à-dire  à  l'époque  des  Anlonins),  et  «  que  les  débris  de 
sculptures  jetés  dans  les  fondations  de  toutes  ces  villes  paraissent  être  du 
l6^  du  II"  ou  du  commencement  du  m*'  siècle.  » 

(2)  On  ne  pourrait  alléguer  comme  tels  les  mots  hic  quiesqiiit  (lire  quiescit) 
de  l'inscription  n"  74  {Bail,  des  Coinm.  roij.  d'art  et  d'archéol.,  VII,  p.  06),  eu 
certain  personnage  étendant  les  bras  en  croix,  mais  non  crucifié,  d'un  des 
monuments  s-'pulcraux  d'Arlon,  personnage  qu'on  considère,  du  reste,  comme 
parlailement  païen,  puisqu'on  l'appelle  génie  niiptial  (Piiat,  Ilisl.  d'Arlon.  I, 
p.  83,  pi.  2Ta).  Cela  ne  résisterait  pas  à  un  examen  sérieux. 

(3)  Congrès  arcliéol.  de  1830,  p.  20. 

(i)  On  ne  peut  invoquer  comme  un  signe  du  cliristiaiiisnie  la  dédicace 
MEMoniAE  et  le  iiii:  i.\cf,t  d'une  inscription  des  remparts  de  Bordeaux.  M.  Edni. 


—  484  — 

Avant  la  construction  des  remparts,  Arlon  n'était,  du  reste, 
pas  fortifié  :  Alex,  de  Willlicim  (i)  répète  en  plusieurs 
endroits  que  les  murs  d'Arlon  ne  recèlent  pas  de  monu- 
ments militaires.  On  a  vu,  en  effet,  que  c'est  par  une  erreur 
manifeste  qu'on  a  attribué  à  Arlon  une  pierre  d'un  soldat  de 
la  VHP  légion,  et  quant  à  l'inscription  n"  74,  il  est  à  remar- 
quer qu'elle  concerne  non  un  militaire  en  activité,  mais  un 
vétéran  congédié,  qui,  par  conséquent,  n'était  plus  au  service 
à  l'époque  où  il  est  allé  mourir  à  Arlon,  qui  était  sans 
doute  son  pays  natal  :  Arlon  était  donc  encore  à  l'état  de 
viens,  sans  garnison  militaire,  avant  que  les  remparts  ne 
fussent  construits  (2). 

Quant  à  l'expression  viens  qui  vient  d'être  rappelée,  on 
en  a,  il  est  vrai,  tiré  argument  pour  soutenir  que,  se  trouvant 


Leblant  ne  considère  pas  ces  expressions  comme  des  indices  certains  de 
ciirislianisme. 

Il  en  est  l'e  môme  du  corpvs  exanime  de  la  même  inscription,  expression  qu'on 
retrouve  pnVisL^ment  avec  celle  de  iaceï  sur  le  tombeau  parfaitement  païen  d'un 
luperque  (Orelu-Henzen,  n"  7418). 

Voici  d'ailleurs  l'inscription  tout  récemment  découverte  à  Bordeaux,  curieuse 
à  plus  d'un  titre,  et  concernant  de  plus  une  femme  trevire  : 

HIC  lACET  II  EXANI(me)n  ||  CORPV  .  S  DO  ||  MITIAEC'V  II  TREVERAE  ||  DEF.  VKFEBR  || 
POSTVMO  II  COS. 

2»   face  Il  ET   MEMOU  II   DOMITIAE  ||   CIVISTRE  ||    VER.  DFVN  ||  XX.    L.   EOCON   || 

IVGIKARISS  II  POSVIT. 

C'est  la  seconde  inscription  d'une  civis  Trevera  {Bull,  ci-dessus,  XV,  p.  116). 
On  tirera  ailleurs  les  conclusions  de  ce  fait. 

(i)  niill.  des  Comm.  rorj.  d'art  et  d'urchéoL,  XV,  p.  9i.  On  peut  ajouter  cet 
autre  passage  du  Luxemb.  roman.,  p.  26S  :  «  Per  tôt  Orolauni  effossa  saxa, 
nulluni  fere  militis  repertum.  »  Il  est  à  remarquer  que  le  fere  de  W  iltheim  ne  se 
rapporte  pas  à  des  inscriptions  militaires,  mais  h  de  simples  épisèmes  semblant 
faire  allusion  ii  la  vie  des  camps. 

(a)  L'inscription  au  dieu  Mars  Camuliis  {Bull.,  XV,  p.  118)  peut  avoir  une 
origine  semblable;  elle  ne  mentionne  pas,  du  reste,  de  condition  militaire  chez 
le  dédicant,  qui  a  pu  élever  Tautel  pour  appeler  la  protection  de  Mars  sur  un  des 
siens. 


—  4-85  — 

dans  rilinéraire  d'Antonin,  elle  indique  nécessairement  qu'à 
l'époque  où  ce  documcnl  a  été  confectionné,  Arlon  n'était  |)as 
encore  fortifié  (i).  Mais  l'objection  ne  vaut  guère  la  peine 
qu'on  s'y  arrête  :  les  noms  usuels  persistent,  malgré  les 
changements  d'importance  des  localités;  Orolaunum  vicus 
a  pu  continuer  à  être  appelé  de  ce  nom,  malgré  ses  fortifi- 
cations ;  il  a  pu  notamment  figurer  ainsi  dans  l'Itinéraire 
d'Antonin,  qu'on  aura  omis  de  tenir  au  courant,  en  ne  sup- 
primant pas  une  dénomination  usuelle.  Or  si,  malgré  les 
controverses  qui  existent  à  ce  sujet,  il  est  admis  que  cet 
Itinéraire  a  été  dressé  vers  le  milieu  du  iv*  siècle  (^),  on  com- 
prend parfaitement  qu'on  n'y  ait  pas  tenu  compte  de  fortifi- 
cations construites  peu  d'années  auparavant  (cinquante  ans 
tout  au  plus),  et  que  le  nom  de  vicus  n'ait  pas  été  effacé.  Ce 
nom  de  viens  est  d'ailleurs  resté  attaché  à  un  certain  nombre 
de  localités  qui,  par  les  monuments  découverts,  révèlent  une 
importance  plus  grande  que  leur  nom  de  vicus  ne  semble 
l'indiquer,  comme  les  stations  de  l'importante  voie  de  Trêves 
à  Cologne,  qui  toutes  portent  ce  nom  de  viens  :  Beda  vicus, 
Ausava  vicus,  Egorigium  vicus,  Marcomagus  vicus,  Bel- 
gica  vicus,  Tolbiacum  vicus. 

Faut-il  même  démontrer  que  tel  ou  tel  vicus  a  bel  et  bien 
été  une  station  militaire  et,  par  conséquent,  un  poste  fortifié? 
Il  s'agit  uniquement  de  se  rappeler  que  Wyck  (^vicus)  était 
évidemment  une  tète  de  pont  pour  défendre  la  rive  droite 
de  la  Meuse,  à  Maestrichl,  ou  de  jeter  les  yeux  sur  Iled- 
dernheim,  le  Vicus  novus  des  anciens,  où  apparaissent  de 


(0  Bull.  Acad.  roy.  de  Belg.,  XXI,  2",  p.  G77. 
(î)  Ibid. 


—  486  — 

nombreuses  inscriptions  militaires  de  la  Coh  XXXU  volun- 
tariorum  et  des  legr/.  VHI  Anloniniana  (il  XX II  P.  P.,  qui 
y  ont  campés  (i).  Ce  Vicus  vovus  était  Ibrlifié  (^i). 

Il  en  est  de  la  dénomination  de  vkus  comme  de  celle  de 
burgus  ou  burijuin,  qui,  appliquée  d'abord,  à  en  croire 
Orose,  Isidore  de  Séville  et  Luitprand  (5),  à  la  simple  réu- 
nion de  quelques  liabilalions,  y  est  restée  attachée  quand 
les  habitations  se  sont  agglomérées  et  ont  forme  de  très- 
grandes  villes. 

Toutes  ces  observations  ne  seraient  pas  applicables,  qu'en- 
core ne  devrait-on  pas  absolument  rajeunir  ces  remparts 
d'Arlon  :  il  faudrait  voir,  au  contraire,  si  ce  ne  serait  pas 
un  motif  de  vieillir  l'Itinéraire  et  de  le  dater  d'une  époque 
antérieure  au  temps  où  Arlon  a  été  fortifié,  c'est-à-dire  à  la 
lin  du  111'^  siècle  (i). 

III. 

Il  faut  bien  i)lacer  ici  la  ]'éfulation  d'une  opinion  assez 
étrange  :  un  auteur  puise  dans  le  fait  de  la  construction 

(1)  Stkineh,  Codex  inscript.  lihcni  cl  Iktnuhii,  n"*  657,  059,  Gi2,  G49,  clc. 

(2)  //)/(/.,  I,  p.  504  :  «  ...  Ein  gi'osses  Terrain  aiif  wclchen  dcr  zur  rom. 
Civilas  Tanui'n.sium  geliorigc  Oit,  inschriltlich  Vicus  noviis  genannt,  lag.  Mail 
l'and  hkr  Fuitdamente  tjrosser  UmfatigyiiKiucrn  dièses  eiiist  befestigeii  Oites...  0 

(3)  En  réservant,  bien  entendu,  l'indnclion  à  tirer  de  Végèce,  IV,  10  : 
«  Burgus  est  castelkini  parvnluni  »  (laquelle  en  tout  cas  implique  quelque  chose 
d'exigu)  et  les  nombreux  burgs  d'origine  militaire  incontcstabic. 

(4)  l»onr  M.  MaN.  Delochk  {Éludex  sur  la  géographie  de  lu  Gaule,  etc., 
couronnées  pur  IMnstilnt,  18GJ,  p.  50),  ritiuéraiie  dWiiloiiin  dalerait  soulcmeut 
du  cunimencenieiit  du  iv  siècle,  cl  même  du  dernier  tiers  du  111'=,  ce  qui  implique 
la  possibilité  de  la  coiil'ection  b  l'époque  où  Constance-Chlore  n'aurait  pas  encore 
f'urtilié  Arlon. 

(re->t  précisément  a  Coiislancc-Cb'ore  que  i'ou  atliibue  la  eiinstiuition  de  la 
roule  de  Reims  à  Trêves  {Annules  de  la  Société  d'Arlmi,  111,  p.  ".">);  citle  voie 
n'est  pas  mentionnée  sur  la  carte  de  Pi;t  tinger. 


—  iH7  — 

de  murs  clablis  do  la  l'açon  qu'on  vient  de  dire,  la  preuve  de 
la  thèse  que  les  murs  d'Auxerre  datent  des  premiers  temps 
do  l'époque  des  Romairis. 

Leblanc-Davau  (i)  a  pour  point  de  (k''j)ar(  une  idée  à  la- 
quelle on  adhère  ici  sans  réserve  :  «  La  guei-rc  étant  alois 
un  élat  normal,  c'est  une  erreur  grave  de  donner  à  la  con- 
struction première  des  remparts  gallo-romains  des  villes  de 
la  Gaule  et  nolamment  d'Auxerre,  une  date  postérieure  à  la 
destruction  des  monuments  do  fidolàtrie.  « 

Mais  celle  idée,  M.  Leblanc-Davau  l'élcnd  beaucoiiii  (ro|). 

Écoutons-le  d'abord  dans  sa  description  des  murs  antiques 
d'Auxerre,  où  il  consIate(2)  que  les  tombeaux,  etc.,  étaient 
placés  dans  les  remparts  en  deux  ou  trois  couches  superpo- 
sées (ce  qui  fait  disparaître  l'assertion  de  l'abbé  Lebeuf,  que 
les  débris  antiques  gisaient  «  indifféremment  et  confusément  » 
dans  les  fondations  de  ces  mêmes  remparts). 

«  On  a  démoli,  dit-il  (5),  les  pierres  de  taille  qui  portaient 
des  figures  et  des  insci"iptions  religieuses.  On  a  retrouvé  les 
faces  taillées  ou  sculptées  dans  l'épaisseur  de  la  maçonnei-ie, 
et  ces  monuments  ont  disparu  complètement.  Ce  travail  a 
été  fait  sans  matériaux  nouveaux,  sans  (aille  nouvelle  et  en 
général  sans  mortier.  De  sorte  que  les  j)ierres  démolies  ne 
font  plus  corps  avec  la  maçonnerie  de  l'enceinle.  Elles  en 
sont  séparées  par  un  vide  qui  démontre  que  cette  enceinte 
est  antérieure  à  leur  démolition  et  à  la  desiruction  des  mo- 
numents de  l'idolâtrie  romaine.  Le  tassement  de  l'une  et  de 


(1)  L.  cit.,  p.  il. 

(2)  Ibid.,  p.  76. 

(?)  mu.,  p.  115. 


—  488  — 

l'aufre  maçonnerie  ne  s'étant  pas  fait  en  même  temps,  on  y 
remarque  une  solution  de  continuité.  » 

Juste  comme  à  Arlon,  sauf,  bien  entendu,  le  prétendu 
tassement. 

Ailleurs  (i)  :  «  La  maçonnerie  des  murs  et  des  tours  est 
une  maçonnerie  de  béton,  faite  avec  des  pierres  carrées  de 
la  grosseur  du  poing,  posées  et  battues  dans  un  bain  de  mor- 
tier, de  ciment  et  d'un  parement  en  petits  moellons.  On  y 
remarque  aussi  quelques  assises  en  grosses  pierres  de  taille, 
posées  irrégulièrement  dans  les  fondations,  dans  les  portes 
et  dans  les  places  destinées  à  des  monuments.  Les  uns  for- 
ment un  socle  d'une  assise;  les  autres  composent  un  sou- 
bassement de  plusieurs  assises.  Ces  grosses  pierres  de  taille 
que  César  appelle  grandia  saxa,  sont  tirées  des  carrières  de 
Mailly-la-Ville,  situées  à  40  kilomètres  environ  d'Auxerre. 
Elles  étaient  inutiles  pour  la  construction  des  murs  de  béton, 
qui  sont  presque  indestructibles.  Elles  proviennent  évidem- 
ment d'une  enceinte  fortifiée  antérieure  à  l'enceinte  gallo- 
romaine,  qui  était  à  la  même  place. 

a  On  a  mutilé  et  renversé  tous  les  monuments  de  l'idolâ- 
trie romaine  qui  se  trouvaient  sur  cette  enceinte,  et  pour 
qu'il  n'en  restât  aucune  trace  apparente,  on  a  retourné  dans 
répaisseur  de  la  muraille  antique  les  faces  des  pierres  qui 
portaient  des  figures  ou  des  inscriptions.  Mais  on  n'a  pas 
démoli  et  retourné  les  dates  consulaires,  les  inscriptions  po- 
litiques; elles  n'ont  pas  cessé  de  faire  partie  de  la  maçon- 
nerie de  béton. 

»  L'autel  et  la  statue  de  la  déesse  Icauna  (2)  étaient  dans 

(0  Ibid.,  pp.  41  et  42. 
(2)  W.,  p.  116. 


—   180  — 

k's  nuiis  (l'Auxcrre,  en  une  espèce  de  groKe  ou  de  niche. 
On  a  brisé  la  slalue  et  on  a  relourné  dans  réjiaisscur  de  la 
muraille  la  lace  de  l'aulel  qui  i)orlait  rin.sci'i|)lion,  [)uis  on 
a  rempli  la  grolle  ou  la  niclie  avec  les  débris  de  la  statue, 
des  colonnes  et  des  pilastres.  Dans  une  Icllre  du  10  mars 
1722,  l'abbé  LebeuF  annonce  qu'il  a  découvert  cette  inscrip- 
tion avec  les  doigts,  en  passant  la  main  dans  le  vide  existant 
entre  l'autel  et  la  maçonnerie  du  mur.  Il  est  bien  évident 
que  ce  bloc  énorme,  de  l'"20  en  tous  sens,  n'a  pas  été  ap- 
porté dans  ce  lieu  pour  conslruire  la  muraille  antique,  qui 
est  bâtie  avec  de  petites  pierres,  qu'il  a  été  amené  à  grands 
frais  dans  cette  muraille  pour  le  culte  d'Auguste...  » 

L'auteur  continue  et  décrit  l'étal  dans  lequel  se  trouvent 
les  inscriptions  et  autres  pierres  monumentales  d'Auxerre  : 

«  Ces  grosses  pierres  étaient  séparées  de  la  maçonnerie  de 
béton  par  un  vide.  On  voyait  sur  le  parement  inléricur  du 
béton  les  empreintes  des  faces  non  taillées,  et  il  nous  a  paru 
constant  qu'elles  avaient  été  démolies  et  retournées  dans  la 
muraille  antique  pour  cacher  les  ligures...  » 

Plus  loin  encore,  parlant  d'un  bloc  de  dimensions  consi- 
dérables (r"iO  sur  O"'70  et  0"'-iO),  il  dit  :  «  Ce  bloc  énorme 
n'a  pas  été  apporté  dans  ce  lieu  pour  y  construire  celte- 
maçonnerie  de  béton,  très-solide  et  forte,  avec  de  petites 
pierres  de  la  grosseur  d'un  poing,  puisque  le  sol  est  une 
roche  calcaire.  » 

Et  il  pense  qu'il  s'agit  sinq:>lement  d'une  sépulture  de 
jeune  fille,  faisant  partie  d'un  cimetière  gallo-romain,  où 
les  morts  étaient  inhumés  au  pied  des  murs  de  la  cité;  celle 
sépulture  aurait  été  adossée  au  rempart  et  aurait  été  retour- 
née dans  ce  rempart  à  ré))0(iue  où  le  monument  fut  détruit. 


—  45)0  — 

L'explication  est  plus  CfUe  conteslable,  en  présence  de 
ce  double  fait  que  les  cimetières  étaient  généralement  en 
dehors  des  lieux  d'habitation,  à  une  distance  déterminée  (ij, 
et  que  les  anciennes  circonscriptions  des  villes  ont  été 
restreintes  à  l'époque  où  on  les  a  fortifiées;  mais  le  fait 
dégagé  de  l'explication  est  certain.  Auxerre  possède,  à  la 
base  intérieure  de  ses  murs,  des  monuments  antiques  qu'on 
y  a  placés  à  dessein. 

En  lisant  ces  descriptions,  il  semble  impossible  de  se  ral- 
lier à  la  conclusion  de  l'auteur,  qui  distingue  les  monuments 
antiques  détruits  avant  la  construction  des  murs  de  ceux 
qui  auraient  été  détruits  précisément  pour  être  insérés  dans 
ces  murailles  après  leur  construction  (2). 

En  effet,  on  ne  se  représente  pas  comme  possible  l'opé- 
ration décrite  par  l'auteur,  étant  donné  un  mur  déjà  con- 
struit. 

Il  est  si  vrai  que  les  monuments  sépulcraux  et  autels  ont 
été  placés  avec  intention  là  où  on  les  retrouve  aujourd'hui, 
qu'à  Auxerre  il  était  tout  à  fait  superflu  de  recourir  à  ces 
pierres  comme  blocage  des  murs  des  remparts. 

«  Le  département  de  l'Yonne  (3)  est  l'un  des  plus  riches 
pour  ses  roches  calcaires,  pour  ses  carrières  de  pierres. 
Toutes  les  enceintes  fortifiées,  tous  les  grands  édifices  de  ce 
département,  sont  construits  avec  des  matériaux  provenant 
de  ces  roches.  On  aurait  augmenté  considérablement  les 
difficultés  et  les  dépenses  de  ces  constructions,  s'il  avait  fallu 
prendre  les  matériaux  dans  les  édifices  démolis.  » 

(1)  Voy.  plus  haut,  p.  468. 
(î)  Leblanc-Davau,  p.  415. 
(s)  Id.,  p. -lis. 


—  491   — 

Voilà,  avec  un  simple  changement  du  temps  dans  les 
verbes,  l'aveu  précieux  qui  échappe  à  un  des  adversaires  de 
la  thèse  ici  préconisée. 

C'est,  d'après  ce  passage,  une  intention  bien  déterminée 
qui  a  fait  transporter  les  pierres  monumentales  en  question 
dans  les  fondations  des  remparts  des  villes,  puisque  ce 
transport  était  inutile  et  qu'il  a  fallu  le  faire  à  grands  frais. 

D'ailleurs  sur  quoi  M.  Leblanc-Davau  se  fonde-t-il  pour 
faire  considérer  les  remparts  romains  d'Auxerre  comme 
ayant  été  établis  dès  le  temps  de  César? 

Deux  des  tours  des  remparts  d'Auxerre  portaient,  dit-il,  les 
inscriptions  suivantes  :  g.  i  .  s  .  i  vibio  i  cons,  et  gai  vibio 
GOS,  et  I  .  vibio  .  II,  qu'il  traduit  très-arbitrairement  par  : 
gens  impensis  suis  Julio  Vibio  imperalore  primum  (i) 
consiruxit;  par  :  Caio  Vibio  consuls,  et  par  imperalore  Vibio 
secundo  (lire  ilerum). 

M.  Leblanc-Davau,  en  attribuant  ces  inscriptions  au  con- 
sul Vibius,qui  fut  collègue  d'Hirtius,  oublie  que  leur  consulat 
date  de  l'an  710  de  Rome,  c'est-à-dire  de  l'époque  où  César 
et  ses  successeurs  avaient  réuni  tous  les  pouvoirs.  Or  quelle 
vraisemblance  peut-il  y  avoir  à  supposer  que  ces  consuls,  qui 
n'exercèrent  aucun  pouvoir  spécial  en  Gaule,  eussent  osé 
inscrire  leurs  noms  sur  des  édifices  publics  :  la  loi  romaine, 
comme  le  constate  formellement  le  Digeste  (2),  ne  permel- 


(i)  Le  primum  ne  s'exprime  pas  dans  les  inscriptions  :  dès  que  la  dignité 
n'est  pas  accompagnée  de  la  désignation  ilerum,  III,  etc.,  c'est  qu'elle  est 
exercée  pour  la  première  fois. 

(2)  Dig.,  L,  X,  fr.  3,  §  2,  et  fr.  4  ;  a  Inscribi  autem  nonien  operi  publico 
alterius  quam  principis  aut  ejus  cujus  pecunia  id  opus  factum  est,  non  licet. 
Nec  praesidis  qiiidem  nomen  licebit  superscr ibère.  » 


_  /,i>:2  — 

lail,  (il  elTel,  de  placer  sur  les  édifices  publies  (pi<'  !•'  nom 
du  prince  ou  de  celui  aux  frais  duquel  la  construction  (»u 
la  réparation  était  faite,  en  défendant  formellement  aux 
fonctionnaires  inférieurs  de  s'interposer  et  de  se  mettre  eux- 
mêmes  en  évidence,  règle  constamment  observée  dans  les 
monuments  épigraphiques,  depuis  les  temps  les  plus  re- 
culés. 

Les  inscriptions  alléguées  par  M.  Leblanc-Davau  n'exis- 
tent plus  aujourd'hui,  et  si  elles  ont  jamais  existé,  la  leclure 
en  est  toutàfait  arbitraire  :  ce  sont,  sans  doute,  des  fragments 
(pio,  par  une  fantaisie  archéologique,  on  aura  j^lacés  en 
évidence  à  l'époque  de;  la  Renaissance,  sans  (pi'on  soil  auto- 
risé à  en  induire  nne  date  précise  pour  la  construction  des 
remparts. 

Mais  si  ces  inscriptions  n'ont  pas  de  signification,  eu 
voici  une  autre  (ju'invoque  U.  Leblanc-Davau  et  (jui  aurait, 
d'après  lui,  été  trouvée  dans  les  fondations  mêmes  d'une 
tonr  des  remparts  en  fouillant  au  pied  de  cette  tour  :  avlvs 

lIIRTiVS  ET  CAIVS  VIBIVS  COSS. 

Évidemment  si  les  Romains  avaient  eu  riiabitudo  de  pla- 
cer, comme  on  en  voit  des  exemples  chez  nous  (i),  des  in- 


(i)  A  Charlei'oi,  lors  de  la  pose  de  la  première  pierre  des  fortifications 
construites  sous  le  régime  hollandais,  on  a  songé  à  graver  sur  cette  première 
pierre  l'inscription  :  pretiosa  posteritati  monvmenta  condit,  remplacée  an 
dernier  moment  par  la  suivante,  plus  laconique  et  due  à  quelque  savant  du 
temps  :  nepotibvs  1|  s(acrum);  cette  inscription,  gravée  sur  la  pierre,  h  l'intérieur 
de  laquelle  on  avait  déposé  des  médailles  commératives,  fut  retrouvée,  en  1873, 
dans  les  fondations  des  remparts  démolis  (^Documents  de  la  Société  paléoulolo- 
gique  el  archéologique  de  Cliarleroi,  VI,  pp.  38  et  -il). 

Mais  les  Romains,  très-pratiques  en  cela  comme  en  beaucoup  d'autres  choses, 
faisaient  les  inscri|)tions  à  l'usage  immédiat  du  public;  ils  les  exhibaient  et  ne 


—  400  — 

scriplions  dans  les  lundalions  des  édifices  })our  en  dater  la 
consd'uclion,  celle  inscriplion  aurait  une  liaule  portée  ;  mais 
il  ne  peut  y  avoir  de  doule  à  ce  sujet,  les  Romains  ne  pro- 
cédaient pas  ainsi,  et,  par  conséquent,  les  remparts  ont  été 
établis  postérieurement  à  l'inscription  des  consuls  en  ques- 
tion, et  cette  insci'iption,  à  l'état  de  débris,  lait  partie  des 
matériaux  (|ui  ont  servi  à  les  construire. 

M.  Leblanc-Davau  (i)  l'ait  encore  grand  étal  de  l'inscrip- 
tion suivante  : 

D  .  M  .  Il  ET  .  MEMOUIAK  .  AVUELI  [|  DEMETIU  .  ADIVTORES  || 
PRO  .  C  .  CIVITATIS  SENONYM  .  ||  TRICASSINORVM  .  MELDORVM  . 
PARISIORVM  .  ET  .  CI  II  VITATIS  AEDVORVM  .  lîsGE  j]  ^VJMA  . 
AVRELIA  .  CO.MVGI  .  ET  .  AVRELIO  .  UE  H  METRIANA  .  ET  .  AVRE- 
LIVS  II  DEMETRIVS  ,  FIL  .  PATRI  |l  OAKISSINO  .  FAGIV.NDYM  .  || 
CVRAVERVNT 

—  Auxerre  (^2). 

M.  Leblanc-Davau  estime  (|ue  cette  inscription  est  anté- 
rieure à  Auguste. 

Il  se  fonde  à  cet  effet  sur  les  sigles  pro  .  c  (ou  procc), 
qui,  d'après  lui,   veulent  dire  pro  consulc,  et   il   invoque 


les  enterraient  pas,  —  sauf  bien  ciiteikiii  pour  les  sépultures  destinées  à  élre 
visitées  h  des  épotpjes  prévues,  comme  les  columburia,  etc. 

Ils  n'auraient  pas,  du  reste,  même  dans  ce  cas,  songé  à  éluder  la  loi  citée  plus 
haut  en  gravant  le  nom  non  du  princeps,  mais  du  praeses. 

Entin  cette  inscription  est  suspecte  en  ce  que,  contrairement  à  un  usage 
presque  général,  les  deux  prénoms  des  consuls  sont  indiqués  en  toutes  leltres, 
et  pas  seulement  par  des  initiales,  qu'ils  ne  sont  pas  ii  l'ablatif,  mais  au  nomi- 
natif, etc. 

(<)  IbkK,  pp.  Iet40. 

(2)  D'après  PrrHOEus,  Opéra  omniri  sacra  jiiridica,  |i.  i08;  Grcter,  Ô71,  S, 
d'aprt'S  Aide  Maxice,  écrit  prokc  a  la  4*  ligne.  Autre  varianle  :  procc. 


—  /i94  — 

l'opinion  de  Visconli  et  de  Clarac,  déclarant  que  procurator 
ne  s'abrège  jamais  que  par  les  sigles  pr. 

Cette  opinion,  si  elle  a  jamais  été  émise  par  les  auteurs 
invoqués,  ne  se  justifie  pas,  car  il  suffit  d'ouvrir  les  tables 
d'Orelli  pour  y  voir  que  proc  se  rapporte  aussi  bien  à 
procurator  qu'à  pi'O  conside. 

Or,  bien  que  d'autres  inscriptions  ne  nous  montrent  pas 
plus  des  procuralores  que  des  pro  consule  civitatis,  il  est 
certain  que  les  proconsuls  avaient  toujours  une  province 
entière  dans  leur  ressort. 

Mais  ce  qui  détermine  parfaitement  la  signification  des 
sigles  PROC  dans  l'inscription  invoquée,  c'est  la  qualité  du 
fonctionnaire  nommé  aJjulor,  lequel  jamais,  que  l'on  sache, 
n'est  attaché  à  un  proconsul,  tandis,  au  contraire,  qu'on  a 
plusieurs  exemples  à'adjiUores  des  procuratores  (i). 

S'il  ne  s'agit  pas  d'un  proconsul,  il  ne  peut  non  plus  être 
question  de  l'époque  où  la  Gaule  n'était  pas  encore  province 
impériale  (2)  gouvernée  par  un  legatus  Augusti,  et  où  le 
procurator  (ou  trésorier  général)  des  Gaules  résidait  à 
Lyon;  l'inscription,  si  elle  est  authentique,  appartient  vrai- 
semblablement au  moins  au  11'  siècle,  comme  l'indique  le 
g entilici uni  AureVms,  qui  désigne  le  plus  souvent  l'époque  des 
Antonins  (3). 

De  cet  ensemble  de  considérations,  résultent,  semble-t-il, 
les  conclusions  que  voici  : 

\"  Les  pierres  monumentales  qui  reposent  à  la  base  des 


(1)  Orelli,  n»'  2417,  5209,  6181,  6o33. 

(î)  SuETON.,  in  Aug.,  47;  Dio  Cassius,  lui,  2. 

(3)  Pauly,  Real-Encyclop/tdie,  VI2,  p.  2370,  note  2. 


—  im  — 

remparts  d'Auxerre,  comme  do  toutes  les  villes  en  question, 
n'y  ont  pas  été  placées  pour  les  réparer.  Cette  opération  eût 
exigé  qu'on  battit  ceux-ci  en  brèche  au  préalable,  afin 
d'y  introduire  les  pierres  monumentales  qui  régnent  dans 
tout  leur  contour;  ce  n'aurait  pas  été  là  une  opération  qui 
fût  de  nature  à  rendre  ces  remparts  plus  solides  ; 

2°  Comme  les  remparts  massifs  des  villes  ne  sont  pas  des 
maisons  qu'on  peut  ouvrir  et  refermer,  on  n'a  pu  songer  non 
plus  à  y  introduire,  après  coup,  des  monuments  antiques, 
et  l'opération  eût,  du  reste,  été  trop  difficile  et  trop  coûteuse; 

o'  Le  vide  qui  sépare  de  la  voûte  le  soubassement  de 
pierres  monumentales  s'explique,  non  par  un  tassement 
particulier,  mais  par  des  charpentes  ou  cintrages  en 
planches,  aujourd'hui  anéantis,  et  qui  avaient  été  établis 
au-dessus  de  celte  couche  de  pierres  monumentales  ; 

4"  Enfin,  les  remparts  étant  placés  autour  de  l'enceinte 
réduite  des  villes  ou  sur  des  hauteurs  d'un  accès  difficile,  on 
n'a  pu  songer  à  y  apporter  des  pierres  uniquement  pour  les 
cacher  à  l'intérieur  des  murs  à  construire,  si  ce  n'est  dans 
une  intention  pieuse  et  pour  obéir  à  une  prescription  de  loi. 

D'où  il  résulte,  à  toute  évidence,  —  et  un  seul  auteur  l'a 
méconnu,  —  que  le  dépôt  de  la  première  assise  des  remparts 
des  villes  romaines  est  contemporain  de  ces  remparts 
eux-mêmes.  Or,  ce  dépôt  date  comme  eux  de  la  fin  du 
m*  siècle. 

IV. 

Si  les  conclusions  à  tirer  de  ce  qui  précède  sont  fondées, 
l'histoire  de  nos  contrées  a  conquis  une  date  nouvelle. 
Déjà  nous  savons  que  dès  les  premiers  mouvements  des 


—  49()  — 

Barbares,  à  la  fin  du  règne  de  Marc-Aurèle,  les  habitants  de 
notre  pays  avaient  abandonné  le  mode  de  sépulture  dans 
les  tuniulus  :  pas  un  seul  tumulus  fouillé  jusqu'à  présent 
en  Belgique  n'a  fourni  une  monnaie  postérieure  au  règne 
des  deux  premiers  Antonins. 

De  plus,  cl  ce  devait  être  la  conséquence  du  trouble 
apporté  par  ces  premières  invasions,  toutes  les  villas  belgo- 
romaines  de  la  route  de  Cologne  à  Ravay  jusqu'au  delà  de 
Tongres,  route  suivie  notamment  par  les  Chauques  (i),  ont 
été  rasées  à  la  même  époque,  et  la  plupart  n'ont  pas  été 
rebâties.  Si,  aux  al)ords  de  cette  route,  on  en  trouve  de 
réédifiées  après  une  première  destruction,  c'est  déjà  à  une 
distance  assez  grande  de  Tongres  vers  Bavay  (2).  Les  villas 
ravagées  lors  de  la  première  destruction,  fournissent  la  date 
de  celle-ci,  puisqu'elles  n'ont,  pas  plus  que  les  tumulus, 
révélé  jusqu'à  présent  une  seule  monnaie  postérieure  au 
règne  de  Marc-Aurèle. 

Le  fait  parait  même  pouvoir  être  généralisé  jusqu'à  un 
certain  point.  En  France,  M.  de  Caumont  en  a  fait  la 
remarque  (3),  jamais  on  n'a  trouvé  de  débris  chrétiens  dans 
les  villas  romaines  en  ruines,  qui  ont  été  observées  et  fouillées 
dans  les  campagnes  en  beaucoup  de  contrées  de  l'ancienne 
Gaule.  H  est  donc  probable,  ajoute  cet  illustre  savant, 
qu'elles  ont  été  détruites  toutes  au  uf  siècle  au  plus  tard, 
et  ce  fait  aui-a  vu  lieu  lors  des  invasions  qui  onl  suivi  la  pre- 


(1)  /{////.  (les  Cowiii.  roij.  d'art  el  d'ardu'oL,  V,  p.  rjl3;  VI,  p.  500. 

(2)  Tel  est  le  cas  pour  les  villas  d'Arqucniies,  d'Éloiiiics,  etc..  (hins  lellainaul. 
décrites  par  M.M.  le  D'  Clouikt,  de  Buvk,  etc. 

13)  XXX'  Congrès  archéol.  de  Frimce  (Hnle/,  Albi.  I.e  Mans),  1865,  p.  89. 


—   407   - 

mière  irriiplion  des  Chauques,  doiil  niie  j)artio  do  noire  pays 
seule  s'était  ressentie.  Alors  les  campagnes  furent  abandon- 
n«;es  et  les  villas  désertées  pour  les  villes,  qui  elles-mêmes 
furent  bientôt  attaquées. 

Ce  sont  ces  invasions  plus  dangereuses  qui  auront  appelé 
l'attention  de  l'aulorilé  impériale;  c'est  alors  qu'on  aura 
prescrit  aux  habitants  réfugiés  dans  les  villes  dévastées  de 
diminuer  l'étendue  de  celles-ci,  de  les  fortifier  et  de  renfer- 
mer les  débris  des  monuments  et  dos  tombeaux  dans  le 
corps  des  remparts  à  construire.  Buhot  doKersers  (i),  tout  en 
attribuant  au  mépris  des  chrétiens  ponr  les  monuments  du 
paganisme  l'emploi  dans  les  assises  de  ces  remparts,  de  débris 
de  monuments,  conséquence  d'une  destruction  ou  tout  au 
moins  d'un  abandon  antérieur,  dépeint  en  excellents  termes 
ce  qui  se  passa  alors  :  «  Les  habitants  décimés,  rentrant 
dans  les  villes  ravagées,  ont  consommé  la  destruction  de 
leurs  monuments  et  ont  reconstruit,  à  la  hâte,  des  fortifi- 
cations restreintes,  projwrtionnées  à  la  condition  misérable 
que  leur  faisaient  ces  malheurs.  » 

Willheim  (2),  quoiqu'il  rapporte  seulement  à  l'année  408 
le  fait  dont  il  donne  les  motifs,  déduit  parfaitement  ceux-ci  : 
«  11  n'est  pas  douteux  que  de  ce  côté  du  Rhin  on  n'ait 
apporté  le  même  soin  à  fortifier  les  lieux  (|ui  s'y  prèlaiont 
le  mieux,  surtout  cenx  qui,  placés  sur  les  voies  consulaires, 
offraient  un  passage  sûr  pour  le  transport  des  armemenis 
militaires,  des  vivres  et  des  bagages.  Sur  ces  voies,  Arlon 
occupait  un  des  premiers   rangs.   En  elTet,  il  y  avait  une 


(i)  Bulletin  mo/iuiiieulul,  1.  cil.,  p.  6\'6. 
(i)  Luxemli.  roman.,  p.  -268. 


—  498  — 

grande  route  qui,  presque  au  centre  de  la  Gaule,  allait 
d'Arles,  ville  impériale,  aux  métropoles  de  Reims  et  de 
Trêves,  dans  la  Belgique  seconde  et  première.  De  Trêves, 
l'accès  était  admirablement  et  facilement  ouvert,  par  eau  et 
par  terre,  vers  le  Rhin  et  les  principales  villes  de  ce  fleuve. 
En  effet,  par  la  Moselle,  on  gagnait  à  la  fois  Coblence,  le 
Rhin  supérieur  et  le  Rhin  inférieur,  tandis  que,  par  terre, 
des  voies  consulaires  communiquaient  à  gauche  à  Cologne 
et  à  droite  à  Mayence.  A  cette  époque,  pour  gagner  le  Rhin 
moyen,  à  peine  restait-il  une  autre  route  sûre  que  celle  qui 
passait  à  Arlon.  Si  de  celte  route  on  voulait,  pour  conduire 
des  troupes,  se  détourner  d'un  côté  ou  de  l'autre,  ici,  sur  le 
Rhin  inférieur  et  dans  la  seconde  Germanie,  on  tombait  sur 
les  î'ranks  comme  ennemis  ;  là,  sur  le  Rhin  supérieur  et 
dans  la  première  Germanie,  on  rencontrait  les  Bourgui- 
gnons comme  mailres  du  pays.  C'est  pourquoi  je  pense  que 
Constantin  (i),  frappé  de  tant  d'avantages  et  dans  l'inten- 
tion de  fortifier  le  Rhin,  et  plutôt  forcé  qu'invité  ])ar  les  cir- 
constances, entoura  de  fortes  murailles  le  viens  Orolaunum, 
ancienne  station  sur  la  voie  impériale,  l'endroit  le  plus  élevé 
de  la  contrée  et  le  plus  propre  à  recevoir  des  fortifications.  » 
Que  dans  ce  passage  on  substitue  à  Constantin,  ou 
Constance-Chlore,  ou  si  l'on  veut  Probus  (2),  et  l'on  aura  la 
vérité  historique  :  c'est  de  la  reprise  des  villes  de  la  Gaule 
sur  les  Barbares,  c'est  tout  au  moins  de  la  restauration  de 


(1)  WiLTHF.iM,  viiincii  par  l'évidence,  ne  parle  plus  ici  d'Honorius  et  de  Théodose, 
mais  de  Constantin  (306-557).  Voy.  sur  ce  point  Prat,  Histoire  d'Arlou,  I, 
p.  172. 

(2)  On  peut  admettre  que  Probus  et  ses  successeurs  immédiats  avaient  déjà 
mis  la  main  à  l'œuvre  depuis  l'an  277. 


—  490  — 

ces  villes  par  Constance-Chlore,  qui  évidemment  n'a  pas 
appliqué  les  myriades  d'ouvriers  venus  de  l'île  de  Bretagne 
à  la  réédifîcalion  des  ouvrages  publics  d'Aulun  seul  ;  c'est 
en  un  mot  depuis  l'année  277  jusqu'en  30G  que  les  villes  de 
la  Gaule  —  dont  Arlon  —  ont  vu  leurs  remparts  s'élever 
au-dessus  des  débris  de  monuments  antiques  qui  y  avaient 
été  établis  comme  soubassement.  On  peut,  semble-t-il,  consi- 
dérer aujourd'hui  ce  point  comme  certain. 

Certain  savant  disait  naguère  :  «  Dans  l'intervalle  entre 
le  iv^  siècle  et  le  ix'^  siècle,  ont  dû  être  élevées  les  fortifications 
d' Arlon,  dans  lesquelles  on  fit  entrer  des  débris  de  monu- 
ments romains,  détruits  à  cette  fin  ou  renversés  longtemps 
auparavant;  mais  on  ne  possède  aucun  document  qui  per- 
mette de  préciser  l'époque  de  la  construction  de  ces  rem- 
parts. » 

Il  y  a  décidément  mieux  à  faire  que  de  s'arrêter  à  cette 
conclusion  non  garnie  d'études  suffisantes. 

IV. 

Dans  un  précédent  travail  (i),  l'auteur  du  présent  article, 
alors  imbu  de  l'idée  dont  il  vient  d'être  parlé,  attribuait  la 
confection  des  remparts  d'Arlon  au  moyen  âge,  comme 
celle  des  remparts  de  Tongres,  et  il  avait  insisté  sur  la 
grande  utilité  qu'il  y  aurait  de  scruter  soigneusement  une 
faible  partie  des  remparts  de  la  petite  enceinte  de  Tongres, 
alors  menacée  de  destruction. 

Les  autorités  de  la  ville  de  Tongres  ou  leurs  agents  ont, 

(i)  Bull,  des  Coinm.  roy.  d'art  et  d'archéoL,  XI,  pp.  ô72  et  suiv. 


—  bOO  — 

par  snilo  d'un  fnalentendii  regrettable  (i),  renversé  non- 
seulement  la  ])or(e  de  Saint- Trond,  dont  il  s'agissait 
uniquement  alors,  mais  encore  loule  la  parlie  des  murailles 
qui  sépare  celle  porte  de  celle  de  Liège. 

Absolument  aucune  inscription,  aucun  débris  monu- 
nienlal  de  l'éjiofpie  romain»^,  n'a  élé  trouve  à  la  base  de  ces 
murailles. 

Les  murs  de  la  petite  enceinte  de  Tongres  n'ont  donc  pas 
élé  établis  de  la  même  manière  rpie  ceux  d'Arlon  et  ne 
datent  pas  de  la  mémo  époque  que  ceux-ci,  car  sinon  ils 
auraient  élé  construits  absolument  dans  les  mêmes  condi- 
lions  que  ceux  des  cinquanto  villes  de  la  Gaule  citées  ])lus 
baut. 

Ainsi  se  contrôle,  de  la  manière  la  plus  péremploire,  la 
ibèse  qui  avait  élé  alors  présentée,  que  les  murs  en  queslion 
datent  seulement  du  moyen  âge  (2). 

Il  est  certain  désormais  (pie  les  réclamations  élevées 
contre  la  déinolilion  des  murs  de  la  pelile  enceinte  de 
Tongres  (.-),  n'ont  absolumenl  rien  de  fondé,  en  tant  qu'elles 
considèrent  ces  murs  comme  datant  de  l'époque  romaine  : 
les  seuls  murs  de  Tongres  de  cette  époijue  qui  subsistent 
encore  sont  ceux  de  l'enceinte  extérieure  du  cùlé  de 
Coninxiieim,  cl  ceux-là,  l'aulorilé  su|)éri<n!re  n'a  cessé  d'en 
recommander  inslammetil  la  conservation. 


(1)  Aussi  dans  la  dernière  séance  du  Comité  des  monuments  du  Linibourg, 
k  laquelle  le  soussigné,  depuis  attaché  au  Comité  de  Liège,  a  assi.sté,  l'avis  a-t-il 
élé  émis  ([u'il  n'y  avait  pas  lieu  d'eireclucr  le  paienionl  du  subsiJe  pi'omis,  pour 
inaccomplissemcnt  des  conditions. 

(î)  Bull,  cité,  pp.  372  cl  57(i. 

(s)  Voir,  outre  les  réclamations  nientinnnérs  ihiiL,  p.  37(3,  lliitlclin  de  lu 
Société  scifiiti/iiiii,'  ri  litli'niin'  du  l.inilhninj.  Xlj.  p.  llti. 


—  :i()i 


\ 


Enllu  une  rcclilicatioM  (i)  pour  leriiiiiKM". 

L'auteur  du  présent  arlicle,  suivant  une  fausse  piste,  avail 
cherche  parmi  les  écrivains  luxembourgeois  et  n'y  avait 
pas  trouvé  certain  Braunius  dont  parle  G.  de  Willheim 
dans  ses  Disquisitioncs  (2). 

Voici,  grâce  à  une  indication  du  savant  vicaire  llahets, 
président  de  la  Société  archéologique  de  iMaestricht,  de  qui 
il  s'agit  :  Gcorgius  Braun  et  Franciscus  Hohenbergius  ont 
publié,  en  1o72  (privilège  daté  de  1570),  une  cosmographie 
très-connue,  où  se  trouvent  des  observations  sur  un  grand 
nombre  de  localités.  Dans  le  IP  volume,  au  dos  d'une  carte 
représentant  une  vue  de  Luxembourg,  de  la  colonne  d'Igel 
et  des  jardins  du  comte  de  Mansfeld,  à  Glausen  (3),  se  trou- 
vent les  mentions  suivantes  : 

«  Porlicus  an)pla(.'  conspiciuntur  quae  ah  illuslrissimo 
comité  Mansfeldio  destinalae  ut  in  eis  reponerel  (piaecun- 
cpie  nancisci  possel  antiquitatis  monumenta ,  quorum 
magnam  jam  habet  copiam  ex  diversis  locis,  et  Arlunio 
inprimis  petilam,  cpiod  Arelunuiii  ab  ara  deae  Lunae,  u( 
Luxemburgum  à  Solis  lumine,  nonien  sumpsisse  vulgi 
opinio  est,   prout  eliam   reliquos  planelas  peculiares  suas 

(1)  En  son  lien  et  place  viendra  une  autre  rectification  sur  une  inscription  de 
Rome  concernant  la  Dea  Ardidna  on  Ardo'nuui  à  tort  contestée,  et  dont  le 
vol.  VI  du  Corpus  inscriptionem  hiliitanim,  rcccninient  publié,  vient  de  constater 
Pexistcnce  jusqu'au  xvi«  siècle,  époque  otj  on  l'a  nialcncontrcnsement  fait 
disparaître. 

(4)  Bull,  ci-dessus,  XV,  p.  80. 

(j)  Avec  la  rubrique  :  «  Illustrissi'Xi  et  generossissinii  Doniiui  D.  l'ctri  Eniesli 
Mansfeldici  comitis,  ad  Luxemburgum  palatium  horti  et  domus  magnilica  adnii- 
randu  praestantissimarum  picturarum  et  rconumentornni  antiquornni  colnnia.   » 


—  502  — 

secles  habuisse  in  hoc  Ducatu,  ex  historia  Egdberli  archie- 
piscopi  Trevirensis  constat  Itaque  velut  antiquilatis  colo- 
niam  hue  decluxisse  videtur,  nec  uUo  aho  in  loco  Arkmium 
illam  antiquam  quaerendam  esse.  Sunt  autem  maxima  ex 
parte  simulachra  deorum  genlihum  et  epilaphia,  quae  in 
crepidine  fonlis  ilhus  pulcherrimi  ac  ciaritiidinis  eximiae, 
quo  dileelae  quondam  conjugis  Mariae  de  Monlmorenci 
memoriam  sancte  conservât,  crebro  ad  Mariae  fontem  (sic 
enim  nuncunpavit)  aventando,  sic  sunt  pari  intervallo.dis- 
posila,  ut  liber  sit  ab  omni  parte  ad  singulos  lapides  acces- 
sus,  et  inscriptiones  quibus  temporum  injuria  minus  nocue- 
rat,  commode  legi  possint...  » 

On  remarquera  que  ce  passage  est  presque  textuellement 
le  même  que  celui  de  Vltinerarium  de  Vivianus  et  Orte- 
lius,  imprimé  seulement  en  1584;  mais  comme  ce  voyage 
est  daté  de  1575  (voir  in  fine),  il  a  probablement  circulé 
en  manuscrit  dans  les  mains  des  savants,  car  au  verso  du 
plan  de  Luxembourg,  Braun  et  Hohenbergius  citent  for- 
mellement ï J linerarium  bclgicum  ctOrtclius. 

Ce  n'est  pas,  du  reste,  dans  la  première  édition  du  Thea- 
trum  orbis  lerrarum,  jtublié  par  Orlelius  en  1570,  que 
Braun  et  Hohenbergius  auraient  pu  trouver  les  mentions 
répétées  par  eux,  attendu  qu'elles  ne  s'y  trouvent  pas  et 
que  la  2*^  édition  dudit  Thealrum  est  elle-même  fort  laco- 
nique à  ce  sujet. 

Arlon,  2  avril   1877. 

H,  SCHUERMANS. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Éléments  d'archéologie  chrétienne,  par  E.  Reusens,  II"  vol. 
Louvain,  1876-1877. 


Il  y  a  déjà  cinq  ans  que  le  Bulletin  des  Cot)imissions 
royales  tfart  et  d'archéologie  (XI,  pp.  494  à  500)  rendait 
compte  du  I"''  volume  des  Éléments  d'archéologie  chrétienne 
de  M.  Reusens. 

Depuis  1872,  deux  nouveaux  fascicules  ont  paru  (le  second 
volume,  qui  complète  l'ouvrage,  sera  terminé  par  un  dernier 
fascicule).  Les  deux  nouvelles  livraisons  contiennent,  parmi 
beaucoup  d'autres,  les  représentations  suivantes  de  monu- 
ments d'art,  appartenant  à  la  Belgique,  représentations 
qu'il  appartient  au  Bulletin  de  signaler,  comme  il  l'a  déjà  fait 
pour  le  premier  volume  : 

Ogive  surhaussée  de  l'église  Sain te-Gudule,  à  Bruxelles, 
et  de  la  cathédrale  de  Tournai,  p.  6; 

Fenêtre  de  l'hôtel  de  ville  de  Louvain,  p.  8  ; 

Lancette  géminée  aux  ruines  de  l'abbaye  Saint-Bavon,  à 
Gand,  p.  14; 

Lancette  triple  à  la  tour  de  Saint-Nieolas,  à  Gand,  ibid.; 

Plan  primitif  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Tournai 
(\\\V  siècle),  p.  21  ; 


—  :)0i  — 

l^laii  (Je  régiiso  de  Siiiiît-l'icrrc ,  à  Louvaiii  i  i»i'eiiiière 
moilié  du  xv''  siècle),  ]).  2:2  ; 

Plan  de  r(''glise  de  Sainl-Nicolas,  à  Dixuiude,  ji.  '24; 

Plan  (le  l'église  de  Nieucapj3ellc,  près  de  Dixmude,  ibid.  ; 

Vue  à  vol  d'oiseau  de  l'église  de  Westvlelei'cn,  près  de 
Poperinghe,  p.  12o; 

Plan  de  l'église  de  la  Chapelle,  à  Bruxelles  (commencenienl 
du  XIII*  siècle),  p.  !2G  ; 

Plan  deNolre-Dame  du  Lac,  à  Tirleinonti^xv'' siècle),  ibid.  ; 

Clefs  de  voûte,  en  bois,  de  l'église  des  Dominicains,  à 
Gand,  5  grav.  (1250-1200),  p-  ">'  ; 

Écoinçons  des  arcatures  à  la  chapelle  des  (Comtes  de 
Flandres,  à  Gourlrai  (vers  ir>7i),  5  grav.,  p.  08; 

Chapileau-console  de  l'InMel  de  ville  de  Louvain  (vers 
1450),  2  grav.,  pp.  39  et  ^iO; 

Crochels  de  rampant  de  gable  à  l'église  de  Saint-Pierre, 
à  Louvain  (vers  1465  el  1490),  2  grav.,  p.  40; 

Ecoinçons  des  arcaUires  à  la  chapelle  des  Comtes  de 
Flandres,  à  Gourlrai  (vers  1574j,  2  grav.,  pp.  22  et  25; 

Église  de  Sainl-Quentiu,  à  Tournai,  p.  44; 

Porclic  latéral  à  l'église  de  Baudour  (xv*"  siècle),  \).  46; 

Redcnl  ileuronné  à  Saint-Pierre,  à  Louvain,  j).  48; 

Porte  du  xv''  siècle  à  l'église  de  Saint-Jacques,  à  Lou- 
vain, p.  50; 

Penture  el  fausse  pcnlure  estampées  iK;  la  poi'te  de  la  tré- 
sorerie, à  l'église  de  Sainl-Paid,  à  Liège  (xiii'^  siècle),  p.  52  ; 

Penture  du  xiv'-  siècle  i(  l'église  de  Saint- Jean,  à  Iviége, 
p.  53; 

Fausse  penture  plate  au  refuge  de  Tronchiennes,  à  Gand 
(xvi'-  siècle),  p.  54  ; 


—   ViOo   — 

SciTure  el  poignée  à  l'église  ilc  Noh'C-Domc  do  H;il 
(vers  14-00),  p.  55; 

Lancelles  géminées  du  beltVoi  deTournai,  2  grav.,  p.  5(>; 

Lancello  triple  à  la  Madeleine  de  Tournai,  ibid.  ; 

Lancelles  Iriples  à  l'église  de  Pamele,  à  Audenarde, 
i  grav.,  p.  57; 

Fenêtre  à  l'église  d'Hastière,  p.  58; 

Fenêtre  à  Sainte-Walburge,  à  Furnes,  ibid.; 

Fenêtre  au  chevet  du  chœur  de  Noli"e-Dame-au\-Donii- 
nicains,  à  Louvain,  ibid.; 

Fenêtre  de  l'église  métropolilainede  Malines  (xiv'"  siècle), 
j).  59. 

Fenêtre  du  xin'  siècle,  à  Nolre-Danie-au\-Doininicains, 
à  Louvain,  p.  00. 

Fenêtre  du  xiv"  siècle,  à  l'église  métroj^uli laine  de  Malines, 
p.  01  ; 

Fenêtres  à  l'église  du  Béguinage  de  Louvain  (commen- 
cement du  xiV'  siècle,  p.  G2; 

Chapiteau  de  colonelle  hexagone,  cantonnant  les  meneaux 
de  fenêtre  à  Notre-Dame  de  Dinant  (\m"  cl  xiV  siècles;, 
p.  05; 

Fenêtres  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain  (milieu  du 
XV"  siècle),  4  grav.,  pp.  C5  et  00; 

Fenêtre  à  l'église  de  Saint-Servais,  à  Liège,  ibid.; 

Fenêtre  à  l'église  du  Béguinage,  à  Louvain,  p.  08; 

Fenêtre  couronnée  d'un  gable,  à  l'église  de  Notre-Dame,  à 
IIuy(xiv'' siècle),  p.  61); 

Rose  à  Notre-Dame.,  à  Huy  (xiv"  siècle),  ]•.  72; 

Rose  à  l'abbaye  de  Yillers  (xiv'  siècle),  p.  75; 

Rose  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Ypres  (xv°  siècle),  ibid., 


—  506  — 

Panneaux  de  vitrail  incolore,  autrefois  à  Saint-Nicolas, 
à  Gand,  p.  77; 

Id.  à  l'église  de  Nieuport,  ibid.  ; 

Id.  à  l'église  du  Béguinage,  à  Louvain,  p.  78  ; 

Grisaille  de  la  fin  du  xiir  siècle,  à  l'église  de  Sainte- 
Gudule,  à  Bruxelles,  p.  108  ; 

Serment  du  magistrat  de  Tournai.  Vitrail  du  dernier  quart 
du  XV' siècle,  à  la  cathédrale  de  Tournai,  p.  118; 

Pilier  de  l'église  de  Duysbourg,  près  de  Tervueren,  p.  133; 

Colonne  monocylindrique  à  arcs  doubleaux  et  nervures 
naissant  directement  du  fût,  comme  dans  les  églises  de 
Saint-Sulpice,  à  Diest,  de  Sainte-Dimphne,  à  Gheel,  de 
Saint-Quentin,  à  Louvain,  et  à  la  Porte  de  Hal,  à  Bruxelles, 
p.  154; 

Élévation  de  la  nef  de  l'église  de  Pamele,  à  Audenarde, 
p.  135; 

Colonne  et  nervures  à  Saint-Pierre,  à  Louvain,  p.   136; 

Colonnettes  du  palais  des  princes-évèques,  à  Liège  (com- 
mencement du  XVI*  siècle),  2  grav.,  p.  139  ; 

Profils  de  bases  à  l'église  de  Sainte-Gudule,  à  Bruxelles, 
2  grav.,  p.  14-0; 

Bases  de  la  dernière  moitié  du  xiii'  siècle,  à  l'église  de 
Saint-Léonard,  àLéau,  2  grav.,  p.  141  ; 

Bases  du  xiv*  siècle.  Halles  de  Louvain,  2  grav.,  ibid  ; 

Base  à  l'église  de  Saint-Nicolas,  à  Dixmude,  p.  141  ; 

Bases  du  xv*  siècle  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
id.,  p.  143; 

Idem  à  l'église  de  Saint- Jacques,  à  Liège,  id.,  ibid.; 

Chapiteau  à  crochets  du  xiii*  siècle,  à  l'église  de  Pamele, 
à  Audenarde,  p.  144; 


—  507  — 

Chapiteau  à  crocliels  du  xir*  siècle,  à  l'église  de  Sainl- 
Nicolas,  à  Dixmude,  p.  144; 

Chapiteau  aux  halles  de  Louvain  (13!20  environ), 
p.  U6; 

Culs-de-lampe  à  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Bavon,  de 
Gand  (xv'  siècle),  2  grav.,  p.  loi  ; 

Cul-de-lampe  de  la  chapelle  deSaint-Eloi  dite  des  Orfèvres, 
à  Gand  (xv' siècle),  ibid.; 

Cul-de-lampe  à  l'église  de  Sainle-Waudru,  à  Mons 
(XV*  siècle),  ibid.; 

Section  d'arcades  et  d'archivoltes,  à  Sainte-Gudule ,  à 
Bruxelles  (milieu  du  \\\f  siècle),  pp.  lo3  et  154  ; 

Id.,  Notre-Dame-aux-Dominicains,  à  Louvain  (12S0  envi- 
ron), ibid.  ; 

Id.,  Sainle-Marie-Madeleine,  à  Tournai  (1260  environ), 
ibid.  ; 

Id.,  nefdeSaint-Rombaut,  à  Malines (1330 environ), ibid.; 

Id.,  halles  de  Louvain  (1520  environ),  ibid.  ; 

Id.,  Notre-Dame,  à  II uy  (1320  environ),  ibid.  ; 

Id.,  Saint-Jacques,  à  Louvain  (xv*  siècle),  ibid.; 

Id.,  chœur  de  Saint-Rombaut ,  à  Matines  (xv'  siècle), 
ibid.; 

Id.,  Notre-Dame  au  delà  de  la  Dyle,  à  Malines  (xv*  siècle), 
ibid.; 

Id.,  Saint-Michel,  à  Gand  (1450  environ),  ibid.  ; 

Id.,  Notre-Dame,  à  Anvers  (xv^  siècle),  ibid.  ; 

Id.,  Saint-Paul,  à  Anvers  (1530  environ),  ibid.  ; 

Arcatures  décoratives  du  xiii'  siècle  au  chœur  de  l'église 
Saint-Martin,  à  Ypres,  avec  profil  de  la  moulure  de  l'archi- 
volte, 2  grav.,  p.  155; 


—  :i()8  — 

Arcalures  dccoralives du  xiv'sièclcà l'église  méti'Oj)oli(aiiio 
«le  Malincs,  et  du  \v*=  siècle  au  chœur  de  la  même,  '2  grav., 
|).  loG  ; 

Fenêtre  et  arcalures  du  w'  siècle  à  Féglise  de  Saint- 
Pierre,  à  Louvain,  p.  157  ; 

Arcalures  du  xin-  siècle  décorées  de  i)eiiiture>  nuirales  à 
la  cathédrale  de  Tournai  (i),  p.  159  ; 

Arcade,  triforium  el  fenêtre  liante  au  chœui'  de  Feglise 
métropolitaine,  à  Malincs  (xv"' siècle),  p.  160; 

Triforium  du  chceur  de  l'église  de  Pamele,  à  Audenarde 
(vers  1240),  2grav.,  pp.  !05  à  105; 

Id.,  cathédrale  de  Li(''ge  Cpremière  partie  du  xin''  siècle), 
djid.; 

Id,,  cJKeur  de  la  catheilrale  de  Tournai  (dermère  moitié 
du  xiii"  siècle),  ibid,; 

Id.  ,  transept  de  l'église  méti-opolitaiiie,  à  Malincs 
(xiii''-xiv''  siècle),  ibid.; 

Id.,  église  do  Notre-Dame,  à  Huy  (xiv' siècle),  ibid.; 

Id.,  église  Saint-Pierre,  à  Louvain  (milieu  du  xv""  siècle;, 
ibid.; 

Id.,  église  Notre-Dame  au  delà  d<^  la  Dyle,  à  Malincs 
(xv'-xvi''  siècle),  ibid.; 

Id.,  église  Saint-PauL  à  .\nvers  (xvi''  siècle),  2  grav., 
ibid  ; 

Deux  corbeaux  de  corniche  de  l'église  Notre-lJame,  à 
Dinant  (xn°-xiir  siècle),  p.  108; 

Id.  de  l'église  d'IIaslière  (id.),  ibid.; 


(i)  Voy.  (l(^jk  f;c  dessin  t-ii  coiileiir  iiiui.s  le  liull.  tlex  Comni.  roi/,  d'url  cl 
d'archéol.,  IV,  p.  îî7i,  pi.  xi. 


—  o09  — 

Corniclio  de  l'éuiise  Nolre-Dame-aux-Dominicains ,  à 
Louvain  (milieu  du  xiiT'  siècle),  p.  468  ; 

Arcatures  d'ornemenl  de  corniclio  i\o  Truliso  de  Loo 
(Flandre  occidenlalo),  \).  Mil); 

Profil  de  corniche  dans  le  i-enre  de  celles  des  églises 
Saint-Pierre  el  du  Béguinage,  à  Louvain  (xiii'au  xv"  siè- 
cle), ibid.; 

Garde-corps  couronnant  autrefois  la  corniche  du  chœur  de 
l'église  Sainle-Walburge,  à  Furnes  (xiii*  siècle),  p.  172; 

Garde-corps  du  xiv"  siècle  de  la  nef  de  l'église  métropo- 
litaine de  Malines,  ibid.  ; 

Deux  garde-corps  du  xv'  siècle  à  l'église  Sainl-Pierre,  h 
Louvain,  p.  175; 

Deux  dessins  de  voûtes  de  l'aljbaye  de  Villcrs  (xin'  siècle), 
pp.  17Get  177; 

Voûte  en  réseau  de  la  chapelle  du  Saint-Sacrement,  à 
l'église  métropolitaine  de  Malines,  p.  178; 

Plan  d'une  travée  de  voûte,  à  l'église  de  Dinant,  p.  179  ; 

Protils  d'arcs  doubleaux  de  nervure  de  voûte  du  clianir 
de  Sainle-Gudule,  à  Bruxelles  (xiii"'  siècle),  p.  180; 

Id.,  Notre-Dame-aux-Dominicains,  à  Louvain  (id.),  ibid.  ; 

Id.,  chœur  de  l'église  de  Winxele  (Brabant),  (id.),  ibid.  ; 

Id.,  bas-côtés  de  l'église  métropolitaine  de  Malines (2  des- 
sins), (xiv*  siècle),  ibid.  ; 

Id.,  église  do  Notre-Dame  de  Walcourt  (id.),  ibid.  ; 

Id.,  église  Saint-Pierre,  à  Louvain  (\\%  xvi*  siècle),  ibid.; 

Id.,  choHir  de  l'église  Saint-Rombaut ,  à  Malines  (id.), 
ibid.; 

1(1.,  église  Notre-Dame,  à  Anvers  (id.  ),  ibid,  ; 

Id.,  égli.se  Saint-Jacrpies,  à  Liège  ('xvi'' siècle),  ibid.; 


—  olO  — 

Clef  de  voùleà  l'église  Sainle-Giidulo,  à  Bruxelles  (xiiTsiè- 
clc),  p.  185  ; 

Deux  dessins  de  clefs  de  voûte  à  l'église  Notre-Dame,  à 
Huy,  p.  184; 

Arcs-boutants  et  contre-fort  du  chœur  de  l'église  Sainte- 
Gudule,  à  Bruxelles  (xiii"  siècle),  p.  187; 

Arc-boutant  à  étai  double  et  conlrc-forl,  au  chœur  de 
Sainte-Walburge,  à  Furnes  (xiii''  siècle),  p.  188; 

Arc-boutant  et  contre-fort  à  l'église  de  Notre-Dame-aux- 
Dominicains,  à  Louvain  (xiii''  siècle),  p.  189; 

Contre-fort  à  l'abbaye  do  Villers  (xii"  siècle),  p.  191  ; 

Id.  à  la  nef  de  Saint-Bombaut,  à  Malincs,  ibid.  ; 

Id.  à  l'église  Saint-Pierre,  à  Louvain  (xv'  siècle),  ibid.  ; 

Id.  à  la  tour  de  Saint-Bombaut,  à  Malines  (fin  du  xv' siècle), 
ibid.  ; 

Pinacle  de  contre-fort  à  Saint-Bombaut,  à  Malines,  p.  192; 

Contre-fort  à  l'église  de  Notre-Dame,  à  Huy,  ibid.  ; 

Contre-fort  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain,  ibid,  ; 

Plan  d'une  partie  de  travée  de  Notre-Dame,  à  Huy  (xiv* 
siècle)  ; 

Deux  dessins  de  gargouilles  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à 
Louvain  (milieu  du  xv'  siècle),  p.  195  ; 

Cuvette  de  corniche,  ibid.  (première  moitié  du  xv"  siècle), 
p.  197  ; 

Ferme  de  charpente  apparente  à  l'église  de  la  Madelaine, 
à  Tournai  (xiii*  siècle),  avec  3  coupes,  p.  200; 

Voûte  en  bardeaux  de  l'église  du  Béguinage,  à  Louvain 
(xiv"  siècle),  avec  2  coupes,  p.  202; 

Crète  du  chœur  de  l'église  Saint-Pierre,  à  Louvain  (pre- 
mière moitié  du  xv"  siècle),  avec  coupe,  p.  206 , 


—  riii  — 

lourde  Sainte-Gertrudc,  à  Louvain  (xv*  siècle),  p.  207; 

Clocher  d'Oudecapelle,  près  do  Dixmiido,  p.  210; 

Clocher  de  StuiveUenskcrke,  ibid.,  ihid.; 

Clocheton  de  la  chapelle  de  l'hospice  Saint-Jean,  àYpres, 
p.  215; 

Campanile  de  la  chapelle  du  Saint-Esprit,  à  Dixmude, 
p.  210; 

Croix  ahsidale  de  réglisc  de  Saint-Suipice,  à  Diest, 
p.   217; 

Croix  de  l'église  Notre-Dame  au  delà  de  la  Dyle,  à  Ma- 
lines,  ibid.; 

Peinture  d'une  clef  de  voûte  et  des  nervures  au  chœur  de 
la  cathédrale  de  Tournai  (xiii''  siècle)  (i),  p.  221  ; 

Clef  de  voûte  et  nervures  à  l'église  Saint-Pierre,  à  Lou- 
vain (milieu  du  xv""  siècle\  ibid.; 

Deux  dessins  de  peintures  décoratives  de  l'église  Sainle- 
Gudule,  à  Bruxelles,  p.  227  ; 

Peintures  décoratives  de  l'abbaye  de  Yillers,  p.  228  ; 

Croix  de  dédicace  ou  de  consécration  à  Sainte-Gudule,  à 
Bruxelles,  p.  230; 

Deux  id.  à  la  chapelle  Sainte-Barbe,  en  la  cathédrale  de 
Bruges,  ibid.; 

Six  dessins  de  carreaux  en  terre  cuite  de  la  chapelle  dite 
de  la  Lertgeinete,  à  Gand,  p.  234  ; 

Maître-autel  du  xv^  siècle,  tiré  du  manuscrit  n"  9232, 
fol.  610,  de  la  Bibliothèque  royale,  à  Bruxelles,  qui  date  de 
1460  environ,  p.  247  ; 


(0  Ce  dessin  a  été  publié  ci-dessus,  IV,  p.  273,  pi.  viii. 


—   j12  — 

Retable  on  pierre  à  IViiiise  Sainto-Dimphne,  :i  dheel 
(xiY"  siècle),  p.  262; 

Reîable  du  xv''  siècle  à  l'i-glise  cUi  Béi^uinage,  à.  Tongres, 
p.  263  ; 

Retable  du  coniinencernenl  du  \\f  siècle  à  l'église  de 
Herenlbals,  ibid.; 

Retable  du  \vi"  siècle  à  l'église  Saint-Denis,  à  Liège, 
p.   261; 

Triptyques  peintes  du  xv-  siècle  et  de  1500  h  l'église  Saint- 
Pierre,  à  Louvain,  2  grav.,  ibid.; 

Tabernacle  du  xV  siècle  à  la  chapelle  de  Sainte-Vérone, 
sous  Berthem,  près  de  Louvain,  p.  275; 

Piscine  simple  à  la  chapelle  du  Saint-Esprit,  à  MaJin^s, 
p.  275; 

Piscine  géminée  à  l'église  de  Iluldenberg,  ibid.; 

Stalle  du  xiii"  siècle  à  l'église  d'Hastièrc,  près  de  DinanI, 
p.  279; 

Stalle  du  xfv"  siècle,  à  l'église  de  Sainle-Croix,  à  Ijiége, 
p.  280  ; 

Stalle  du  xv''  siècle,  à  l'église  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
p.  285. 

On  le  voit,  l'ouvrage  de  M.  Reusens,  j)ar  le  grand  nombre 
d'illusd'atiuns  qui  rornent,  continue  à  se  montrer  digne  de 
l'attention  de  tous  les  archéologues,  et  tout  spécialement  de 
ceux  de  Belgique. 

H.  S. 


COMiMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS. 


RESUME    DES    PROGÈS-VERBAUX. 


SÉANCES 

des  4,   b,  1,  13,   M,   20,  27   et   28  juillet;   des  2,  A,    10,   11,    18,  2a 
et  27  août  1877. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  approuvé  : 

l"  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  l'cdise  de     Église  de 

f        ^  1  O  Lceuw-S'-Pierre. 

Leeuw-Saint-Pierre  (Brabant),  tendante  à  confier  au  sieur     tableau. 
Bernaerls    les    réparations    reconnues    nécessaires   à    un 
tableau  de  Crayer,  représentant  le  Martyre  de  Sainl-Pierre ; 
2°  L'évaluation,  faite  par  M.  Primen,  des  frais  à  faire      Êgnse 

de  Monslreuv. 

pour   réparer  un  tableau   de  Tassaert  que  le  conseil  de     Tableau. 
fabrique  de  l'église  de  Monstreux  (Brabant)  désire  acquérir; 

3°  Les  esquisses  de  dix  statues  destinées  à  orner  le  maître-  Ameublement 

de  l'église 

autel  de  l'église  de  Saint-Servais  lez  Namur;  de saint-semis. 

4"  La  maquette  d'une  statue  à  placer  dans  une  niche  au-      lîgnse 

do  Saiiil-Sulpice, 

dessus  du  portail  principal  de  l'église  de  Sainl-Sulpice,  à  ^  Dicst.  suiuc. 
Diest; 

5°  Le  projet  d'un  Chemin  de  la  Croix  pour  l'édise  de  Tre-      Egii.c 

'        "*  «^  ^  de  Tiemeloo. 

meloo  (Brabant)  ;  d,Ç^"-ct"i, 


—  514  — 

Ëgiise  de  Celles.     G"  Lgs  cartons  des  vitraux  à  placer  dans  les  fenêtres  de 

Verrières. 

l'église  de  Celles  (Namur). 
Ancienoe  église     —  Par  soii  raDDort  du  28  août   1873,  la   Commission 

de  Laekcn. 

Yiiraii.  jj  appelé  l'attention  du  Gouvernement  sur  le  vitrail  qui  se 
(rouve  au-dessus  de  la  porte  de  l'ancienne  église  de  Laeken 
et  qui  est  attribué  à  Gertrude,  fille  d'Otto  Venius. 

Des  délégués  ont  fait  récemment  une  nouvelle  inspection 
de  cette  verrière  et  ont  constaté  que  l'ouragan  du  12  mars 
1876  a  enlevé  sept  grands  compartiments,  dont  les  verres 
ont  été  complètement  broyés.  Dans  la  partie  inférieure  de  la 
verrière  figurent  encore  les  bustes  de  l'archiduc  Albert,  age- 
nouillé, et  de  son  palron,  debout,  et  une  partie  de  la  robe  de 
l'infante  Isabelle.  Tout  le  reste  y  est  détruit. 

Dans  le  tympan  de  la  composition,  où  est  représentée  la 
scène  relative  à  la  construction  de  l'église,  quelques  verres 
ont  aussi  été  enlevés  par  le  vent.  Ce  tympan  est  la  seule 
parliede  la  verrière  qui  pourrait  être  sauvée,  soit  en  la  plaçant 
dans  un  Musée,  soit  en  la  posant  dans  une  des  fenêtres  de 
la  partie  de  l'église  dont  la  conservation  est  décidée.  Il  im- 
porte, en  tous  cas,  de  faire  enlever  sans  retard  les  restes  de 
cette  verrière  et  de  les  placer  dans  des  caisses,  en  attendant 
qu'on  ait  pris  une  décision  quant  à  leur  destination  dé- 
finitive. 
Peintures  murales     —  Dcs  délégués  sc  sout  reudus  à  Gand,  le  25  juillet,  pour 

de  l'Université 

de  Gand.  e.xaminer,  à  la  demande  de  M.  le  Mniistre  de  1  intérieur,  les 
peintures  murales  exécutées  par  M.  Alfred  Cluysenaer  au 
palais  (le  l'Université  et  pour  se  rendre  compte  des  condi- 
tions auxquelles  l'achèvement  de  ce  travail  pourrait  être 
subordonné.  Les  délégués  sont  unanimement  d'avis  que  les 
panneaux  terminés  sont  satisfaisants  au  double  point  de  vue 


—  515  — 

de  la  composition  et  de  la  coloration  et  produisent  un  heu- 
reux effet. 

La  Commission,  sous  quelques  réserves  de  détails,  a  pro- 
posé au  Gouvernement  d'accepter  le  travail  exécuté,  ainsi 
que  les  propositions  soumises  par  l'artiste  pour  l'achèvement 
complet  de  cette  importante  décoration  monumentale. 

—  La  ville  de  Bruxelles  propose  de  placer  le  troupe  duGroupeduOéinga 

•        '  '  o  I  jg  j.^y  Kcssels. 

Déluge  de  feu  Kessels  au  centre  des  serres  du  Jardin  Bota- 
nique. Les  délégués  qui  ont  examiné  cet  emplacement  sont 
d'avis  qu'il  est  trop  restreint  et  trop  peu  éclairé  pour  ce 
groupe  important.  La  place  qu'il  occupait  au  Parc  était  à 
tous  égards  préférable,  et  il  eût  suffi  de  surélever  le  piédestal 
d'un  mètre  environ  pour  que  l'œuvre  de  Kessels  y  fît  un 
bon  effet.  Mais  cet  emplacement  paraissant  définitivement 
abandonné,  la  Commission  a  émis  l'avis  qu'on  pourrait 
placer  le  groupe  précité  dans  la  cour  intérieure  des  Musées 
royaux  de  peinture  et  de  sculpture.  On  pourrait  même  y 
établir  un  bassin  dont  le  groupe  occuperait  le  centre  et  dont 
l'eau  pourrait  être  d'un  grand  secours  en  cas  d'incendie. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Ont  été  approuvés  : 

1°  Le  devis  estimatif  concernant  la  conlinuation  des  tra- priais  de  justice 

^^  (Jq  Fumes 

vaux  de  restauration  du  palais  de  justice  de  Furnes  (Flandre 
occidentale); 

2'  Le  projet  des  réparations  urgentes  à  exécuter  au  bef-      Bcmoi 

'        •'  ^  ^  lie  Schoore. 

froi  monumental  de  Schoore  (même  province)  ; 

3°  Le  projet,  dressé  par  M.  Carpentier,  pour  la  restaura- naiic  aux  Draps 
tion  et  l'appropriation  de  l'ancienne  Bourse  ou  Halle  aux 
Draps  de  Tournai  ; 


—  516  — 

"dTverwër?'  "^^  ^^^  plaos,  drcsscs  par  M.  Cornet,  pour  la  construc- 
tion d'un  hospice  central  à  Yerviers,  sous  réserve  de  rem- 
placer les  fenêtres-tabatières  du  grenier  par  des  simples 
lucarnes  et  de  diminuer  l'importance  de  la  statue  qui  cou- 
ronne le  dôme  de  la  chapelle  ; 
Hôpital         5°  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  nouvelle  salle 

de  Malines.  ,      .    m    «     •      i     i      tu    ■• 

de  blesses  a  1  hôpital  de  Mahnes. 
Orphelinat       —  M.  Ic  Miulstrc  dc  l'intérieur  a  demandé  l'avis  du  Gol- 

des  Kulders, 

àGîud.  j^igg  gyj,  la 'proposition  d'acquérir,  pour  le  compte  de  l'Etat, 
une  partie  de  la  crypte  de  l'orphelinat  des  Kulders,  apparte- 
nant aux  hospices  civils  de  Gand. 

Celte  crypte,  qui  date  du  xiv*  siècle,  offre  un  intérêt 
archéologique  incontestable,  et  il  serait  regrettable  que, 
comme  il  en  a  été  question,  on  y  érigeât  un  mur  séparant  la 
propriété  de  l'État  de  celle  des  hospices  ;  ce  rpur,  en  effet, 
dénaturerait  complètement  l'aspect  de  celte  remarquable 
construction  souterraine. 

La  Commission  est  d'avis  que  le  meilleur  parti  à  prendre 
est  d'acquérir  la  partie  de  la  crypte  appartenant  aux  hos- 
pices, de  restaurer  la  salle  et  de  l'approprier  au  service  des 
archives.  Les  travaux  à  exécuter  dans  ce  but  sont  évalués  par 
M.  Pauli,  membre  correspondant,  à  17,000  francs  environ. 
Hôtel deviiic      —  L'administration  communale  de  Bruges  a  soumis  au 

de  Bruges. 

Collège  la  question  de  savoir  quelle  ornementation  il  con- 
vient.de  placer  dans  les  niches  qui  existent  entre  les  fenêtres 
du  rez-de-chaussée  et  celles  de  l'étage  de  l'hôtel  de  ville. 
Faut-il  rétablir  les  écussons  armoriés  qui  s'y  trouvaient  au 
siècle  dernier,  ou  faut-il  y  mettre  des  bas-reliefs? 

Après  avoir  mûrement  étudié  celle  question,  la  Commis- 
sion pense  qu'il  serait  préférable  de  rétablir  les  écussons  qui 


—  017  — 

ont  existé  dans  ces  niches  el  nui,  d'après  Danckaerl  a  liol 
niouw  brngsche  herslcld  stadhuys»  (171  l)élaienl  blasonnés 
aux  armoiries  des  vingt-quatre  communes  soumises  à  la 
ville  de  Bruges.  Outre  TintônM  historique  qui  s'atlaciie  à  ce 
souvenir,  cette  suite  d'écussons,  avec  leurs  riches  colorations, 
formera  une  décoration  originale  et  d'un  ix'l  elTet.  Quant 
aux  matériaux  à  employer,  il  semble  que  la  [lierre  doit  être 
préférée  au  métal;  il  conviendra  d'ailleurs,  avant  de  mettre 
la  main  à  l'œuvre,  de  soumettre  des  projets  complets  à  l'au- 
torité supérieure. 

—  Les  plans  dressés  par  MM.  les  arcin'tecles  Pauwels  et  rabisd«  Wi 
Noppius  pour  les  travaux  à  exécuter  à  l'aile  du  Palais  de 
Liège  occupée  par  la  cour  d'assises  comprennent  : 

1"  La  restauration  de  la  galerie  du  rez-de-chaussée  vers 
la  première  cour  et  la  reconstruction  de  l'étage  érigé  au 
siècle  dernier;  '2"  la  restauration  générale  de  la  façade  vers 
la  deuxième  cour. 

Des  délégués,  envoyés  sur  place,  ont  demandé  aux 
auteurs  du  projet,  à  la  suite  d'une  minutieuse  inspection  du 
monument,  quelques  corrections  de  détails. 

La  Commission  a  fait  encore,  au  sujet  de  ces  travaux,  les 
remarques  suivantes  : 

Il  in)porte  de  ne  remplacer  que  les  seules  pierres  trop 
délabrées  pour  être  conservées,  de  n'employer  pour  les  par- 
lies  à  refaire  que  des  pierres  ayant  autant  que  possible  la 
même  nuance  que  celles  qu'elles  doivent  remplacer,  d'imiter 
consciencieusement  la  taille  dc^  parements  et  (]o^  muidurcs 
et,  enfin,  de  donner  à  l'appareil  la  hauteur  exacte  des  assi.ses 
actuelles. 

[.es  délégui's  ont   remarqué  que  plusieurs  chapiteaux  de 


—  518  — 

la  galerie  vers  la  première  cour  ont  été  dégradés  et  que, 
notamment,  des  ancrages  reliant  les  piliers  au  mur  du  fond 
ont  fait  éclater  quelques  fragments  de  sculptures.  Il  n'est 
pas  nécessaire  de  renouveler  ces  chapiteaux,  dont  des  copies, 
quelque  parfaites  qu'elles  soient,  n'auront  jamais  la  valeur 
des  originaux.  On  pourra  se  borner  à  faire  pivoter  ces  cha- 
piteaux de  façon  que  la  face  dégradée  soit  placée  vers  l'inté- 
rieur de  la  galerie  et  celle  qui  est  restée  intacte  vers  la  cour. 
Cette  combinaison  aura  l'avantage  de  conserver  au  monu- 
ment des  détails  de  sculpture  d'un  grand  intérêt,  tout  en 
amenant  une  économie  relativement  considérable. 

M.  rarchilecte  Noppius,  qui  assistait  à  l'inspection,  s'est 
complètement  rallié  à  la  manière  de  voir  des  délégués.  Il  a 
modifié  ses  plans  d'après  leurs  indications,  et  ce  dernier 
projeta  été  définitivement  approuvé  par  la  Commission. 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Réparation       Lb  Commisslou  a  émis  des  avis  favorables  sur  les  travaux 

et  construction 

de  presbytères,  (le  rcstauratlon  et  d  appropriation  à  exécuter  aux  presby- 
tères de  Oirbeek  (Brabant),  Leugnies  (Hainaut),  Pael  (Lim- 
bourg),  ainsi  que  sur  les  plans  relatifs  à  la  construction  de 
presbytères  à  Callenelle  (Hainaut)  et  â  Our,  commune 
d'Opont  (Luxembourg). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

La  Commission  a  approuvé  : 

r  Les  plans  relatifs  à  la  construction  d'églises  : 

Construction  r^i.  »ri  /r«i\  !• 

dvgiiscs à  Bosch-     Au  hameau  Boschkant,  sous  Merclitcm  (Brabant)  :  archi- 

kant,  Liegp  et 
Villers_St..Ger.  ip^lp     j^j     HanSOtte. 


—  oiî)  — 

A  Liège,  paroisse  Sainte-Walburgc  :  architecte,  M.  Re- 
mont fils. 

A  Villers-Sainte-Gertriulc  (Luxembourg)  :  archilecle, 
M.  Bouvrie  ; 

2°  Le  projet  d'agrandissement  de  l'église  de  Boort-Meer- Agrandissement 
beek  (  Brabant),  sous  reserve  de  donner  moins  de  hauteur  aux  uoon  Mee.beek, 

^  ^  Celles-eo-lles- 

constructions  nouvelles,  pour  que  celles-ci  ne  masquent  pas  ''''■'''  ''''"'"'' 
la  face  postérieure  de  la  tour  :  architecte,  M.  Van  Arenbergh  ; 

3"  Les  plans  dressés  par  M.  l'architecte  Hennin  pour 
l'agrandissement  de  l'église  de  Gelles-en-Hesbaye  (Liège)  ; 
les  chapiteaux  de  la  construction  nouvelle  devront  être  la 
reproduction  exacte  de  ceux  qui  se  trouvent  dans  la  partie 
existante  de  l'église  et  le  chœur  nouveau  ne  pourra  être  aussi 
élevé  que  la  nef  ; 

4"  Le   projet  d'agrandissement  de   l'église  de  Flostoy  construction 
(Namur)  :  architecte,  M.  Blandot;  à Froi<ici.apeiie 

^  /  ^  '  ,  et  Cumplicli. 

5"  Les  plans  de  nouvelles  sacristies  à  construire  aux  églises 
de  Froidchapelle  (Hainaut)  et  de  Gumptich  (Brabant); 

6"  Les  dessins  des  objets  d'ameublement  destinés  auxAmeubiementde 

diverses  églises. 

églises  de  : 

ThoUembeek  (Brabant)  :  deux  autels  latéraux,  tabernacle 
du  maître-autel  et  banc  de  communion  ; 

Wasmes  (Hainaut)  et  Berbroeck  (Limbourg),  buffet 
d'orgue  ; 

Lustin  (Namur),  chaire  à  prêcher  et  autels  latéraux. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

Ont  été  approuvés  : 

1"  Les  projets  des  travaux  de  réparation  à  effectuer  aux  Réparation  de 

diverses  écrliscs* 

églises  de  Veerle  (Anvers),  Cortenbergh  (Brabant),  Kemmel 


—  :i20  — 

(Flandre  occidentale),  Aulnois,  Givry  (rTainauf),  ïonneville 
(Liixeniboiirg)  et  Meux  (Naimir); 
.le  lil^seî-Loo       -"  Lg  projet  de  reconstruire   la  coupole  et  l'attiqu(3  du 
clocher  de  l'église  de  Kessel-Loo  (Brabant),  détruits  pai'  la 
foudre  le  5  septembre  187(5  :  architecte,  M.  Van  Arenbergh  ; 

Êpiise  irH.i.inut.    5°  Lcs  plaus,  dressés  par  M.  l'architecte  Van  Assche,  pour  la 
restauration  et  l'agrandissement  de  l'église  d'HannuK Liège); 

Kgii>e  ,1c  weyei.     4'>  Lcs  plaus  dcs  travaux  urgents  de  restauration  à  exécu- 
ter à  l'église  de  Weyer  (Limbourg)  :  architecte  M.  Martens  ; 
Eglise  50  Lgg   propositions    soumises   par  M.   l'architecte  Van 

fl'Alsemberg.  r^       '  * 

Ysendyck  pour  l'achèvement  de  la  restauration  de  l'église 
de  Notre-Dame,  à  Alsemberg  (Brabant). 
.  o  ■^■^^k''    ■      —  Df's  délégués  ont  insiiecté  récemment  les  travaux  de 

(le  Sainl-Qiicnliii,  o  1 

""''"""■  restauration  en  voie  d'exécution  à  l'église  de  Saint-Quentin, 
à  Hassell,  sous  la  direction  de  M.  l'architecte  Jaminé. 

Pour  coiilinuLT  la  l'cslauralion  du  chœur,  le  conseil  de 
fabrique  a  l'intention  d'enlever  le  maiire-autel,  (|ui  n'est  pas 
dans  le  style  de  l'église,  et  de  le  remplacer  par  un  autel 
gothique. 

La  Commission  est  d'avis  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'adopter 
cette  proposition,  l'autel  actuel  n'est  pas  dépourvu  d'élé- 
gance, et  son  remplacement  enirainerait  inévitablement,  dans 
un  temps  donné,  le  renouvellement  des  autres  meubles  qui 
apiiarliennent  tous  aux  xvii'^  et  xviii' siècles.  Il  est  préférable 
d'employer  les  ressources  doui  on  dispose  à  compléter  la 
restauration  du  monument. 

On  conq^te  s'occuper  prochainement  de  la  restauration  de 
l;i  ('haixîlle  de  la  Sainle-Ci-oix.  Les  voûtes  de  cette  cha|:)elle 
sont  lézardées  sur  divers  ])oints  et  les  nervures  ont  dû  être 
reliées,  par  des  élriers  en  ïov,  à  la  charpente  des  combles. 


—  :;2i  — 

Il  sera  prohablLMiieiil  iiécessiiirc  de  l'ecoiisliiiirc  celle  vuùlc; 
dans  ce  cas,  il  conviendra  d'en  reproduire  lidèlenienl  les 
disposilions  acluclles  et  de  remelire  en  (eiivre  les  piei'res 
moulurées  qui  sont  encore  en  bon  élal.  Des  propositions 
complètes,  accompagnées  do  plans  et  devis,  devront  d'ailleurs 
être  soumises  avant  rexéculion  aux  autorilés  compétentes. 

—  Des  délémiés  se  sont  rendus,  le  28  juin,  à  Lombeek- ,  ^^^^r^'' „ 
.Notre-Dame  (Brabant),  à  la  demande  de  M.  le  Ministre  de  la 
justice,  pour  constater  le  mérite  arcliileclonique  et  archéolo- 
iiique  de  l'église  de  cette  commune. 

Cet  édifice  qui,  dans  son  ensemble,  ne  manque  [las  d'une 
certaine  élégance,  date  en  |)ar(i(!  du  xm"  siècle.  Tout  l'inté- 
rieur a  malheureusement  été  modernisé  par  des  plâtrages 
qui  ont  altéré  les  formes  de  l'architecture  |)rimi(ive,  spéciale- 
ment dans  le  corps  principal.  Le  mobilier  osl  en  style  du 
xviii'  siècle  et  en  bon  élat.  Il  en  est  de  même  du  retable  de 
l'autel  laléral  dédié  à  ?s'otre-Dame,  et  qui,  par  le  lini  de  son 
exécution  et  la  richesse  de  ses  détails  décoratifs,  peut  être 
considéré  comme  un  spécimen  remarquable  de  la  sculplure 
du  con:)meucement  du  xvi"  siècle. 

L'église  de  Lombeek  a  mieux  conservé  son  caraclère 
ancien  à  l'extérieur  :  la  tour  avec  sa  lourelle  cii'culaire  ren- 
fermant l'escalier  est  restée  inachevée;  elle  ne  s'élève  qu'à 
la  hauteur  de  la  grande  nef  et  est  couronnée  imr  un  jietit 
clocher  en  bois  recouvert  d'ardoises.  La  porte,  qui  a  été 
modernisée,  est  surmontée  d'une  grande  fenêtre  ogivale  à 
moitié  bouchée  et  dont  l'arc  est  déformé.  Les  conlre-forts 
d'angle  des  basses-nefs  sont  ici-mines  par  des  pinacles  ornés 
de  petites  statuettes. 

La  nef  principale,  à  corniclK!  iii-ilorici.-,  c.sl  ('clairc-e  pai- 


—  o22  — 

deux  rangées  de  fenêtres  ogivales.  Les  bas-côtés,  dont  la 
construction  parait  plus  récente,  se  terminent  par  des  murs 
plats  dont  les  gables  sont  ornés  de  crochets,  et  à  l'extérieur 
desquels  on  voit  encore  deux  rosaces  polylobées  qui  ont  été 
bouchées, 

La  chapelle  des  fonts  baptismaux  se  trouve  en  saillie  au 
collatéral  gauche;  c'est  un  ancien  porche  du  xiv*  siècle,  dont 
l'ouverture  vers  le  cimetière  a  été  murée.  Cette  chapelle  est 
ornée  à  l'intérieur  d'une  série  de  niches  ogivales  et  d'une 
statue  de  la  Vierge  du  xvi"  siècle,  mais  tous  les  détails  de 
cette  décoration  ont  presque  entièrement  disparu  sous  de  nom- 
breuses couches  de  badigeon.  Au  collatéral  droit  se  remarque 
une  troisième  porte  plus  ancienne  que  la  chapelle  des  fonts  ; 
elle  donne  accès  aujourd'hui  à  une  petite  annexe  servant  de 
magasin  et  dont  le  mur  extérieur  est  transformé  en  une 
espèce  d'armoire  où  on  a  rélégué,  derrière  un  treillis  en  fil 
de  fer,  une  collection  de  statuettes  et  de  groupes  en  bois, 
provenant  probablement  d'un  ancien  retable.  Il  serait  à 
désirer  que  ces  sculptures  fussent  placées  à  l'intérieur. 

Les  (rois  nefs  sont  voûtées,  mais  les  délégués  ont  constaté 
que  la  nef  centrale  avait  primitivement  une  charpente  appa- 
rente; les  maîtresses  poutres  reposent,  au  dessus  des  voûtes, 
sur  des  colonnes  engagées  avec  chapiteaux  sculptés,  et  des 
traces  de  bardeaux  et  de  couvre-joints  moulurés  sont  encore 
visibles. 

La  partie  la  plus  ancienne  et  en  même  temps  la  plus  inté- 
ressante de  l'église  est  le  chœur,  construction  du  xiii^  siècle, 
divisée  en  six  travées  et  à  terminaison  carrée.  Ce  chœur, 
moins  élevé  que  la  nef  principale,  est  éclairé  par  douze  fenê- 
tres placées  sur  les  faces  latérales  ;  les  angles  de  ces  fenêtres 


—  523  — 

soûl  ornés  à  l'exlérieur  de  colonnetles  dont  les  chapiteaux 
seuls  existent  encore;  la  corniche  du  toit  repose  sur  des 
tètes  sculptées  alternant  avec  des  modillons  simples. 

La  Commission  s'est  ralliée  à  l'avis  de  ses  délégués  que, 
eu  égard  à  son  caractère  original,  à  ses  belles  proportions 
et  à  la  pureté  de  son  style,  le  chœur  de  l'église  de  Lombeek- 
Notre-Dame  peut  être  rangé  au  nombre  de  nos  monuments  de 
deuxième  classe.  Quant  aux  nefs,  elles  ne  paraissent  pas  offrir 
un  intérêt  assez  grand  au  point  de  vue  de  l'art  pour  qu'on 
doive  engager  le  Gouvernement  à  accorder  pour  leur  restau- 
ration des  subsides  plus  élevés  que  ceux  de  la  province.  Les 
modifications  qu'elles  ont  subies  au  xviu*  siècle  en  ont  com- 
plètement changé  le  caractère,  et  il  faudrait  pour  les  rétablir 
dans  leur  état  primitif  faire  des  dépenses  considérables. 

Il  est  à  remarquer,  d'ailleurs,  que  l'église  est  en  assez  bon 
état  de  conservation  et  qu'elle  ne  semble  exiger  aucun  tra- 
vail urgent  ;  mais  si  les  ressources  locales  permettent  d'enta- 
mer la  restauration,  il  conviendra  de  commencer  ce  travail 
par  le  chœur,  et,  dans  ce  cas,  on  doit  enlever  l'autel  moderne, 
qui  en  occupe  tout  le  fond,  pour  le  remplacer  par  un  autel 
nouveau,  sur  lequel  serait  placé  le  célèbre  retable  de  Notre- 
Dame.  Un  projet  complet,  comprenant  les  plans  et  devis,  et 
accompagné  de  dessins  de  l'état  actuel,  devrait  être  demandé 
à  un  architecte  capable. 

Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 
Vu  en  conformité  de  l'article  23  du  règlement. 

Le  Vrésideiii, 

Wellens. 


ESSAI  HISTORIQUE 

sua 

LES    TAPISSERIES 

ET 

LES  TAPISSIERS  DE  HAUTE  ET  DE  BASSE-LICE 

DE  BRUXELLES. 

(Suite.) 


IX. 

Au  moment  d'énumércr  les  fabricants  de  tapisseries  qui 
mirent  à  profit,  à  Bruxelles,  le  talent  des  peintres  et  surtout 
des  peintres  llamands,  je  dois  signaler  une  circonstance  qui 
entoure  leur  histoire  de  difficultés  et  rend  parfois  impossible 
l'attribution  d'œuvres  importantes.  Je  veux  parler  de  la  dis- 
parition des  archives  du  métier  des  tapissiers  et,  en  particu- 
lier, du  registre  où  l'on  devait  consigner  les  signes  ou  mono- 
grammes adoptés  par  les  différents  maîtres.  Faute  de  ce 
guide,  qui  ne  pourrait  être  remplacé  que  par  des  indica- 
tions certaines  sur  la  provenance  des  tentures,  puisées  dans 
les  archives,  on  se  trouve  fréquemment  devant  des  pro- 
blèmes insolubles. 

Avant  d'entrer  dans  le  vif  de  la  question,  il  faut  d'abord 
poser  une  première  règle  qui  pci'uict  de  reconnaitre, 
dans  une  certaine  mesure,  l'époque  à  laquelle  une  tenture 
bruxelloise  appartient.  Si  elle  ne  porte,  ni  la  marque  légale 
de  la  ville,  ni  un  monogramme  ou  un  nom  de  fabricant,  elle 
est  antérieure  à  l'an  1528  et  à  l'ordonnance  du  masistraldu 


—  :;^(j  — 

l(i  iiiiii  (le  erllc  aiiiiir.  Si  on  y  li!  un  ikhm  (''cril  (Mi  (nulcs 
lelUv.^,  clic  ihilc  au  plus  loi  de  rc|)ot(uc  (\c>  archiducs  Albert 
et  Isabelle.  C'est  alors,  en  elTct,  (|uo  l'on  voit  S()iering',  Jean 
Raes,  Jacques  Geubels,  etc.,  inscrire  sur  les  tapisseries 
leur  nom,  soit  en  enliei-,  suit  léuèrenicnt  abrégé,  usage  dont 
il  n'y  a  pas  d'exemple  dans  les  temj)s  anléi'ieurs  et  (|ui,  après 
avoir  constitué  une  exception,  devint  une  règle  dont  on  ne 
se  départit  |)!us.  Dans  lépoque  inlerinédiaire,  on  se  sci'l  de 
chiffres  ou  njonogrammes,  dont  les  uns  i)euvenl  s'exphquer 
parce  (ju'iis  se  composent  de  lettres  (d'ordinaij-e  les  initiales 
des  différentes  |)arlies  d'un  nom),  et  dont  d'autres  restent 
indéchiffrables  dans  l'élat  actuel  de  nos  connaissances. 

On  doit  ranger  dans  celte  deuxiènic  catégorie  le  chiffi'c 
coin))osé  d'un  cœui-,  suivi  de  trois  X,  qui  se  voit  sur  l'une 
des  ))ièces  d'une  lentun.'  de  laine  et  de  soie  ap|)artenant  à 
M.  Gavel,  de  Paris,  et  (pii  i-emonte  ;i  la  lin  du  \vi''  siècle. 
On  V  distingue,  au  milieu  d'ai'abestpies  composées  de  ligui'es 
humaines,  d'animaux  et  de  rinceaux,  .\e|)tune  tenant  le 
Ii'idenl  cl  ayant  |nès  de  lui  un  dauphin.  Le  fond  est  bleu  et  la 
bordure  étale  des  arabesiiues;  des  enfants  et  des  animaux 
se  détachent  sur  un  fond  jaune;  aux  angles,  il  y  a  des 
écussons  d'argeid  à  l'aigle  de  sable  (i). 

Sur  une  tenUire  du  Musée  deiMadrid,  on  ivmar(pie  deux 
X.  placés  sui'  deux  lIcs  pièces  de  la  (cnlure  en  laine  et  soie 
dite  les  Créations,  sujets  biùlii/ues.  Cette  série  se  compose 
de  huit  tapirîseiies,  dimt  la  première  offre  un  monogiaimne 
où  les  deux  X  sont  posés  sous  une  barre  autoui-  de  la(|uelle 
un  S  s'enloj'tille  et  entre  un  V  et  un  1>,  el  sui'  le  cinquième 

(i)  Uiiioti  ci'nhvile  îles  .\ils,  ljiliilof/iii\  \k  -2iH. 


yn 


ils  se  Voient,  M)ii>  un  II  cl  au-dessus  d'un  iliiHrL;  lunnc  do 
Icllres  .V.  S.  E.  Cclto  n'uvic  apicn'hcnl  donc  ;i  l'cpoiiuc  des 
lîacs,  au  conunenccnicnl  du  wii''  siècle. 

Lu  auii'c  maître  se  servait  diine  nrir(|uc  consislanl  en 
un  \  traversé  en  son  niilieii  j)arune  barre  horizontale  et  suivi 
d'un  I,  soit  \I.  Cette  nun-que  se  voit  sui-  C Histoire  de  Marc- 
.\nlohic  et  de  Clcopàlre,  tenture  du  palais  de  Madrid,  con- 
sistant en  dix  pièces  de  soie  et  laine. 

Un  X  simple,  avec  un  j)oinl  dans  l'intervalle  supéri(  ur  el 
rintervalle  inlerieur  {](]>  hras  de  la  lettre,  distinuue  deux 
tapisseries  à  sujets  liibliqucsde  style  ancien,  également  con- 
servées à  Madrid.  Pai-  une  exception  cpic  l'on  ne  rencontre 
pas  ailleurs,  le  premier  B  de  la  mai'(pie  légale  de  Bruxelles 
est  remplacé  par  un  lion  rampant  tourné  à  droite. 

A  qui  se  rapporte  ce  double  cbil'fre  de  mai-chand  ,  où 
l'un  des  chiffres  est,  vers  le  bas,  coupé  par  une  petite  barre 
s'inclinanl  d'un  côté?  Il  caractérise  une  belle  tenture  retra- 
çant les  Travaux  d'Hercule  et  appartenant  à  M.  le  marquis 
Bourbon  Del  Monte.  On  en  voyait  à  l'exposition  de  l*aris, 
de  1870,  cin(|  |)ièces  : 

Le  combat  d'Hercule  contre  les  (centaures, 

Hercule  étoutrant  Anlée, 

Diomède  dévoré  par  ses  chevaux, 

L'Hydre  de  Lerne  et 

Hercule  frappant  Cacus  de  sa  massue. 

Ces  tapisseries,  hautes  do  4  mètres  sur  une  largeur  va- 
riant de  5"'1)0  à  o'";2j,  c>nt  une  bordure  composée  de  fleurs, 
de  fruits  et  d'oiseaux  (i).  Les  Travaux  dUerculc  constituent 


(i)  Union  centrale  des  avis.  Calaloijne.  p.  -lui. 


—  :i^28  — 

un  sujel  (jui  a  été  rrt''(|ueiiiineiil  exploilc  dans  iioln;  pays. 
A  Milan,  on  remarquait  plusieurs  pièces  du  xvif  siècle  où 
l'on  en  avait  représenté  différents  épisodes;  à  Paris,  l'expo- 
sition de  1876  montrait  une  seconde  suite  de  trois  pièces  en 
laine  et  soie  et  d'une  provenance  inconnue  :  Hercule  luttant 
avec  Cerbère,  le  Combat  d'Hercule  et  de  Cacus  et  Atlas 
plaçant  le  monde  sur  les  épaules  d'Hercule,  propriété  de 
M.  E.  Peyre.  Les  épisodes  de  la  vie  du  héi'os  grec  y  sont 
l)lacés  dans  des  médaillons  encadrés  de  guirlandes  de 
Heurs  et  de  fruits,  au  milieu  d'un  champ  orné  d'ara- 
besques ;  la  bordure  se  compose  de  masques,  d'armes,  de 
cuirasses,  etc.  (i). 

Une  sorte  d'édicule  ou  petit  carré,  surmonté  d'un  pignon, 
se  voit,  en  avant  de  la  marque  de  Bruxelles,  sur  une  tapis- 
serie de  Madrid  dont  nous  ne  savons  qu'une  chose,  c'est 
qu'elle  date  du  règne  de  Charles-Quint.  Ce  que  l'on  appelle 
les  Rêves  de  Guillaume  Bosch,  quatre  pièces  de  laine  et  de 
soie,  montre  deux  marques  :  sur  la  troisième  pièce,  une 
sorte  d'A  irrégulier  ayant  au  bas  de  son  second  jambage  un 
petit  6  ou  G;  sur  la  quatrième  un  cœur  percé  de  deux  trails 
formant  une  croix  de  Saint -André.  La  tenture  dite  les 
Sphères,  quatre  pièces  de  soie,  de  laine  et  d'or,  nous  ofï're, 
sur  la  première  des  tapisseries  dont  elle  se  compose,  une 
sorte  de  faulx  dont  le  manche  est  coupé  en  son  milieu  \)m- 
une  couronne-,  etc. 

Parmi  les  chiflres  composés  de  lettres,  il  en  est  également 
que  l'on  ne  peut  déterminer. 


(i)  Union  cciilrale  des  uris.  Calahujiic,  p.  'ùûii. 


—  ri29  — 

Dans  le  Catalogue  de  la  colleclion  du  duc  de  Berwick  et 
dWlbe  (i)  on  Iroiive  un  signe  bizarre  que  je  ne  puis  mieux 
comparer  qu'à  un  H  retourné  ou,  si  l'on  veut,  à  une  chaise 
dont  le  dos  serait  concave  et  arrondi  à  ses  deux  extrémités; 
au  milieu  de  la  partie  supérieure  du  trait  dessinant  ce  dos, 
on  voit  une  petite  barre,  et  le  siège  même,  dont  le  haut 
forme  un  angle,  est  coupé  par  une  barre  se  terminant  en  T. 
Fst-ce  une  initiale  destinée  à  rappeler  un  Vander  Hecke,  un 
Habbeke?  Cette  tenture,  du  xvir  siècle,  a  des  bordures  qui 
présentent  dans  le  haut  un  écusson  fleurdelisé  surmonté 
d'une  couronne  de  marquis  et  une  suite  de  fleurs  et  de  fruits 
au  milieu  d'arabesques  ;  au  bas,  il  y  a  aux  angles  des  enfants 
tenant  d'une  main  une  corne  d'abondance  et  de  l'autre  une 
guirlande,  et,  au  milieu,  un  médaillon  avec  inscription. 
Les  sujets  principaux,  parfois  composés  d'un  très-grand 
nombre  de  personnages,  sont  intitulés  :  le  Tribut  de  Pomone, 
le  Printemps  (deux  fois),  fÉté,  l'Automne;  ce  sont  des 
scènes  de  la  vie  des  champs,  pleines  de  vie  et  de  mouve- 
ment. 

Un  M,  dont  le  haut  est  traversé  par  une  sorte  de  C  et 
supporte  une  petite  tige,  distingue  une  tapisserie  de  la  col- 
lection Braquenié,  que  l'on  dit  du  xvf  siècle,  et  où  l'on 
voit  une  composition  allégorique  figurant  le  Triomphe  de 
iWmour. 

Chez  les  mêmes  amateurs,  il  en  est  deux  qui  paraissent 
d'une  époque  un  peu  plus  récente;  elles  représeiWent  :  la  pre- 
mière Ulysse  jeune  combattant  un  sanglier,  et  la  seconde 
Ulysse  obligeant  la  magicienne  Circé  à  rendre  à  ses  compa- 

(1)  p.  61. 


(jnons  la  forme  hunidinc.  Elles  ont  de  belles  bordures  avec 
ligures  porlaiU   les  légendes  l'.w,   mars,  f/a'Cx,  c.vristfa, 

l'.AI'TCS,    UESIÎUETUS,    SENETUS    Ol    TFMPUS.    SuP    lo    galoil    (le 

droite  se  voit  un  chiffre  formé  de  la  lettre  .\,  dont  le  iireniicr 
jand)age  est  surmonté  d'un  poini  cl  sim'I  à  former  un  ]';  le 
liaul  du  second  jambage,  aulour  du(iucl  s'enroule  un  S, 
forme  un  ï.  Nous  avons  donc  là  une  combinaison  des  lellres 
I.  N.  P.  ï  et  S,  dont  il  faudrait  retrouver  le  sens. 

Un  nonmu'  S.  B.,  qui  a  signé  dix  pièces  formant  la  séi-ie 
intitulée  los  Monos  ou  les  singes,  reste  inconnu.  Par  conlr(>, 
je  n'ai  jamais  rencontré  le  nom  de  Pati.  Va>;  .\iEr\VE>;novE, 
qui  signe  en  toutes  letlres  cinq  tapisseries  bruxelloises  exis- 
tant à  Madrid  et  représentant  la  Vie  de  iSoé,  non  jjIus  que 
celui  de  Nicolas  Van  der  Sinnen,  de  qui  on  conserve  des 
tapisseries  au  cbàleau  de  Sully,  dans  le  département  de 
Saône-et-Loire,  où  est  né,  le  l-'  juin  1<S()<S,  le  président 
aciuel  de  la  République  IVançaise,  le  maréchal  dcMac-Mabon, 
duc  de  Magenta,  et  (jui  est  encore  la  i)ropriété  de  sa  nièce, 
la  marquise  de  Mac-Mahon.  Bâti  au  milieu  du  xvi"  siècle 
j)ar  un  autre  maréchal  de  France,  Gasparde  Saulx-Tavannes, 
ce  manoir  présente  un  beau  spécimen  de  l'architecture  de 
la  j{enaissanc(\  et  c'est  à  son  sujel  (pie  de  lîussy-Rabutin 
a  écrit  que  la  cour  de  Sidly  est  la  plus  belle  cour  de  château 
de  France.  Les  la|)isseries  (p;e  l'on  y  voit  datent  de  l'an  IGOO 
environ  et  sont  signées  :  Niclaes  Van  der  Sinjnen,  noms 
qui  sont  suivis  de  la  marque  de  lîruxelles;  l'une  {\q<<  pièces 
représente  niiilréc  dey,  animaux  dans  l'arciie  de  l\oi'  et  une 
nuire  leur  Soj'lie  (  i  ). 


10   Rfrisi'i"iiciiiciils  (lus  il  M.  lii'-urnc.  a'i-lir'()!nL.'iii' de  J)i';iiiiii'. 


—  :J5|  — 

Oiili'o  li'S  Iciiliiros  (l(!  DK'iiio  on'L>,iii('  (|ii('  je  viens  (rt'-nii- 
inérer  et  celles  doiUjo  parlerai  plus  loin,  combien  n'y  en 
a-(-il  i^ns  sur  lesquelles  aucune  drsiiinalion  ne  se  Ironve, 
pivsipie  loujours  |)arcc  que  Vo])  en  a  changé  les  lisières. 
Cilons,  nolamnienl,  dans  la  collcclion  du  duc  de  Berwickel 
Alhe,  un  GenlUhomuie  de  l'épcf/ue  de  Louis  XI 1 1  prenant 
une  leçon  (fét/uilalion  el  une  Déesse  prenant  une  leçon 
d'efjuitalion  sous  la  surveillance  de  Mercure,  tapisseries 
lissées  d'argcnl,  avec  bordures  li'ès-originales  :  dans  le  haul, 
un  médaillon  au  milieu  de  guirlandes  de  fruits  adacbéessur 
les  côtés  à  des  colonnes  ;  à  ces  dernières  sont  adossés  des 
satyres  et  des  bacclianles  tenant  des  fruits  que  de  petits 
faunes  veulent  saisir. 

Citons  en  outre,  mais  comme  désignées  simplement  sous 
l<j  litre  de  Tapisseries  des  Flandres,  parce  que  leur  origine 
n'est  pas  nelleraent  déterminée  :  dans  la  Collection  du  duc 
de  Berwi(k  cl  d'Albe  :  Junon  poursuira/it  Lalone  et  Lalonc 
changeant  les  Lyciens  en  f/renouilles,  tapisseries  du 
wii"  siècle,  avec  bordures  présentant  dans  le  baut  un  blason 
lleurdelisé,  des  mascarons  et  des  fruits;  sur  les  côtés,  des 
ligures  mythologiques,  et,  en  bas,  un  mascaron,  des  spliynx 
el  des  fruits  ;  —  chez  Mgr  le  duc  d'Aremberg,  à  Bruxelles,  où 
ell(^s  ont  été  faites  très-probablement  :  Hercule  combattant 
le  lion  de  Nonce,  Y  Histoire  de  Numa  Pompilius,  on  huit 
pièces  hautes  de  2"70  à  2'"7r>  sur  une  largeur  vai'iant  i\o 
5'"io  à  6'"ô0,  avec  bordures  formées  de  lleurs  et  d'armures; 
quatre  tapisseries  où  se  voit,  sur  fond  rouge,  un  écusson 
avec  If  collier  de  la  Toison  d'()i\  avec  la  devise  n  \e  nur.E  ; 
iitic  autre,  dû  \'ou  l'emarqiie  un  écusson  surmonté  d'iui  cli.i- 
peau  de  cardinal  el  les  mots  :  I'atirns  rsTd,  etc., —  à  Milan, 


—  552  — 

une  série  ayant  figuré  à  l'Exposition  de  1874  et  où  l'on 
avait  représnnlé,  d'après  des  carions  de  Rubens  (?)  la  Géo- 
métrie, laMusifjue,  i Astronomie,  la  Guerre,  l'Arillimétique, 
la  Grammaire,  avec  ces  devises  : 

V  GeOMETRIA  COGOR  —  ET  T\BULA  PICTOS  —  EDISCERE 
MUNDOS; 

2*^  mltigat  homines  —  temperat  feras  —  deos  plaçat; 
3"  coelum  spegulando  — ■  terram  et  aequor  —  arare 
docet; 

4-°    GrADIVO  dominante  —  JAGENT  ARTES  ; 

5"    ArITHMETIGA    GOMMUNIS    VITAE    FAGIT   —   HAE  GIVILIS    AD 

usuM  ; 

()"    GrAMMATICA  HAEC  GUPIENTI  DIRGERE  PRIMA  EST. 

N'entrevoit-on  pas,  dans  ces  indications  seules,  tout 
un  monde  de  travaux  industriels,  qui  inspirent  cette  ré- 
flexion :  et  cela  est  sorti  d'une  seule  cité,  c'est  le  produit 
d'une  seule  époque?  Comment  donc  s'appelaienl  les  hommes 
infatigables  (pii  ont  dignement  soutenu,  dans  des  circon- 
stances défavorables,  la  réputation  de  leur  |)alrie,  ces  hommes 
dont  l'Europe  admire  les  œuvres,  sans  posséder  aucune 
donnée  sur  eux?  Les  pages  qui  suivent  répondront,  jusqu'à 
un  certain  point,  à  une  question  dont  la  solution  ne  pouvait 
plus  être  ajournée. 

L'une  des  plus  anciennes  lignées  patriciennes  de  Bru.xelles 
était  celle  des  T'Seraerts  ou  fils  de  sire  Arnoul,  qui  descen- 
daient de  la  même  souche  que  les  ï'Serclaes  ou  lils  de  sire 
Nicolas.  Elle  avait  produit  au  xvi"  siècle  Jérôme  T'Seraerts, 
marcgrave  d'Anvers  ,  qui  se  distingua  dans  la  lutte  de 
nos  provinces  contre  le  duc  d'Albe  et  avait  commandé  en 
/('lande,  pendant  plusieurs  annc'cs,  au  nom   de    Guilhuime 


—  553  — 

le  Tacilurne.  Un  de  ses  pnrenls,  mais  resté  plébéien, 
Jacques  T'Sera(>rts,  figura  dans  le  magistral  de  Bruxelles 
comme  conseiller  communal  en  1578,  comme  receveur 
en  1.j80  et  1581,  comme  receveur  du  canal  un  158^ 
et  1585,  conmie  échevin  en  158i.  Lui  et  sa  femme  Élisabelli 
De  Rode  possédaient,  rue  d'Anderlecht,  près  de  la  brasserie 
dite  lu  Barbe  (de  Baert),  une  maison,  avec  dépendances  et 
atelier  de  tapissier  (tapissiers  ivinckel),  qu'ils  cédèrent  au 
gouvernement  espagnol  le  12  août  1587  (i).  Jacques  s'était 
alors  complètement  rallié  à  l'autorité  de  Philippe  II,  puisqu'il 
était  devenu  tapissier  de  la  cour;  i!  vendit  aux  archiducs 
Albert  et  Isabelle,  en  1G05,  des  tapisseries  en  sayette,  du 
genre  de  celles  dites  brolesques,  semées  de  fleurs  de  soie, 
pour  lesquelles  il  reçut  500  livres,  et,  l'année  suivante,  une 
autre  tapisserie  qui  lui  fut  payée  1,498  livres  15  sous  (a). 
Plusieurs  T'Seraerts,  de  Bruxelles,  furent  peintres,  notam- 
ment Jean  T'Seraerts,  qui  s'allia  à  Marie  Kips  et  en  eut, 
entre  autres  enfants,  Thierri  T'Seraerts,  dont  une  des  filles, 
nommée  Marie,  épousa,  le  l'"'  octobre  165G,  un  peintre 
bruxellois  dont  nous  avons  parlé  dans  notre  chapitre  précé- 
dent, Daniel  Van  Ileil. 

Une  autre  famille  de  patriciens,  celle  des  Sweerts  ou  De 
Weert,  comptait  aussi  un  représentant  dans  le  même  mé- 
tier, François  Sweerts.  Rupert  Staes,  au  nom  de  l'archiduc 
Ernest  d'Autriche,  lui  acheta,  le  15  novembre  1304,  au  prix 
de  1,055  florins,  six  tapisseries  représentant  des  Scènes 
iroyennes,  que  l'archiduc  comptait  donner  au  nonce,  mais 


(i)  Registres  aux  charti's  de  Uralxiiil,  \\°  XIII,  f" 
(-2)  HociMiv,  f.e.s  tapisseries  de  liaiile-lisse,  |i.  !  iO. 


fi'arda  ensuite  poiii*  lui  (i  ).  On  le  qualiliail  de  l'aine  lorsque, 
en  IGîô,  il  veiidil  an\  archiducs  Alhcrl.  cl  Isal)elle,  j^our 
1 1,47;)  livi'os,  une  lenlurc  inlihilée  l'Histoire  de  .losiié,  (|ui 
mesurait  225  aunes. 

La  coliéiïiale  des  Sainis-.Micliel  el  GuduNi  avait  perdu 
pendant  les  lroid)lt\s  une  uivuKh^  parli(^  de  son  ornemenlalion 
en  objels  d'art.  Ce  fut  Pierre  Van  den  (luclite,  de  Bruxelles, 
(jui  refit  i)our  les  fahriciens  de  ce  temple,  en  IGOI ,  une  tapis- 
serie destinée  au  juhéfalors  placé  à  l'entrée  du  clueur),  tapis- 
serie don!  le  ])ri\  s'éleva  à  1S4  Horins  du  Rhin  (■■2).  Il  semble 
que  ses  descendants  aient  émii>ré,  car  si,  d'une  pari,  nous 
trouvons  un  Charles  Van  den  Guclile  exerçant  à  Bruxelles 
les  fonctions  de  doyen  en  IGSG-lti'^T;  d'autre  part,  on  ren- 
contre à  Delfl,  en  J(I57  et  pendant  les  années  suivantes, 
un  ^laximilien  Van  der  GuchI,  qui  orna  de  tentures  la 
maison  de  vdic  el  l'hôtel  que  Dell't  cl  Gouda  possédaient  à 
La  Haye  (r,).  Deux  lils  de  Charles  Van  den  Guclilc  enli-èrenl 
dans  le  méliei-  des  peintres,  des  verriers  el  des  batteurs 
d'or:  Ilans,  le  '2'-2  novembre  '10h2,  comme  apprenti  de 
Jacques  Oddaert,  verrier,  el  Charles,  le  15  février  1()17, 
comme  apprenti  de  Jean  de  Paeyge  ou  de  Paige,  surnonuné 
le  jeune,  peinli'(>, 

G(''rard  Bernaerts,  (|ui  élail  en  pi-ocès  avec  le  ducd'Au- 
male,  en  l()05,  viMidit  plus  d'une  lenlure  aux  archiducs, 
iiuianiiiicnl  :  en    l<)()S.  wuo  srno  do  liiiil  jiièces  oi  fnrmo  tie 


(1)  litillethis  de  1(1  Commission  royale  d'histoire,  t"  si^iie.  (.  XIII,  p.  1 1I. 
Cî)  lUdlelin  des  Commissions  roijales  d'arl  el  d'archéolooie,  l,  \,   |i|i.  Kii 
.-t  \m. 

is)  Soiti:n[iam  ,   Keuific  itaiilei'liciiiiiin'n   belrejJ'eiKle   Delflsclie  Ijinsleniiars , 
p.  ;■..  {Seileilfiiiilsrhe  Sijrrlnlor,  ISTD.) 


galeries,  inesiir;in(  2t2*)  aiiiios,  [loiir  4,(KiO  livres  ou  I*)  livres 
l'aune;  en  KiOi),  une  aulre  séi'io  senihlalihî  mesurant 
U)V)  aunes,  moyennani  7t'>7}{)  livi-es  ou  IS  livres  l'aune,  cl, 
on  IGl  i,  luiil  aulres  pièces  de  llnscn'i/es  el  fUjures  pocligiies, 
mesuranl  22")  r>/i  aunes,  pour  h2  livnvs  l'anno.  (Vesl  sans 
(loule  à  ces  coniposilions  (prappnrliennenl  (l(\s  lapissoi'ies 
que  l'un  de  mes  an)is  a  eu  l'occasion  (k'  voir  i\  Madi'id  el  où 
l'on  remarque,  perclK'S  sur  une  baluslrade,  d(\s  jiaoïis  el 
d'aulres  oiseaux  si  h'iou  imités  qu'ils  consliliienl  de  vérilaMes 
(rompe-l'ceil. 

Callierino  Vandeii  Evnde ,  veuve)  de  Jacques  (  el  non 
Jean)  Geubcis,  fui  égalemenl  favorisée  de  plusieurs  com- 
mandes imporlanles.  \os  pi-inces  lui  aclielèrenl  :  en  IGOjj, 
l'Histoire  de  Josué,  en  treize  pièces,  mesuranl  ÔS,')  aunes, 
moyennani  7,515  livres  ou  19  livres  par  aune,  el  lllisloire 
de  Troie  en  sepl  ))ièces,  mesuranl  IS'i  aunes,  moyennani 
5,5-'0  livres  ou  18  livres  par  aune,  en  1607;  l'Histoire  de 
Cléopàire,  en  huit  pièces,  mesuranl  ."27  aunes,  pour 
4-, 147  livres  ou  12  livres  l'aune,  el,  en  JOir»,  lUisloire  de 
Diane,  mesurant  222  aunes,  el  l'Histoire  de  JS'oe,  mesurant 
194  aunes,  moyennani  12,581  livres.  Ces  deux  dernières 
tentures  furent  fournies  à  la  fois  |iar  la  veuve  Geubels  et 
Jean  Raesel  furent  payées:  la  |)ren}ière  il  livres,  laseeondi' 
14  livres  10  sous  l'aune.  Elles  exislenl  encore,  à  C(^  (pi'il 
semble,  au  palais  de  Madrid,  où  l'on  conserv(>  :  d'une;  part, 
une  série  en  laine  et  soie,  inlilulée  Diane  rhassorps^ir,  on 
huit  pièces,  et,  d'autre  pari,  une  Histoire  de  A'oc',  en  laine, 
soie  et  or,  composée  de  quatre  pièces.  C.iMn»  de  rnièrc,  ouli-e 
la  marque  de  l>riix(d!es,  offre  un  monotiramnie  composé 
d'un  (1  suj)portaiit  un  I'  (souvenir  de    l''raMcois  ricubels), 


—  o56  — 

tandis  que  deux  pièces  de  la  première  se  distinguent  par  des 
signes  bizarres  cl  dissemblables  :  l'une  représentant  en 
quelque  sorte  une  paire  de  ciseaux  couchés,  l'autre  une  note 
de  musique  ou  quelque  chose  d'approchant.  En  162!),  la 
vcuvcmIc  Jacijues  Geubels  ne  vivait  plus,  mais  il  existait  un 
autre  tapissier  portant  ce  nom,  probablement  le  fils  et 
l'héritier  de  cette  dame,  qui  fut  doyen  en  1026-1627. 

Chez  Mgr  le  prince  de  Chimai-Garaman,  dans  son  hôtel, 
rue  du  Parchemin,  on  voit  une  tapisserie  de  l'époque  de 
Rubens,  représentant  un  Roi  gui  triomphe  if un  lion;  au 
fond  est  un  palais  devant  lequel  a  lieu  un  festin.  De  belles 
lisières  encadrent  cette  scène,  qui  porte  cette  inscription  un 
peu  prétentieuse  : 

DIVINO    PALLADIS    ARTE 

PIGTURAM   SUPERAVIT 

ACUS 

C'est-à-dire  :  «  Grâce  à  l'art  divin  de  Pallas,  l'aiguille  a 
»  surpassé  la  peinture  » .  Quel  est  le  fabricant  qui  a  osé  ainsi 
proclamer  le  mérite,  très-réel  du  reste,  de  ses  produits?  —  Sa 
marque  se  trouve  sur  le  galon  de  C(Mé.  Elle  se  compose  d'un 
chiffre  de  marchand  se  terminant  au  bas  en  un  A,  et  dont 
la  tige  porte  en  son  milieu  un  G.  Elle  se  retrouve,  un  peu 
différente,  sur  une  pièce  d'une  tenture  du  palais  de  Madrid, 
l'Histoire  de  Cyrus,  en  six  pièces  de  laine  et  soie,  dont  une 
autre  pièce  est  signée  N.  L.  (Nicolas  Leyniers).  Ici  le  G  oc- 
cupe le  bas  de  la  tige  et  l'A  se  voit  au  haut,  surmonté  d'une 
petite  barre  horizontale;  l'écusson  de  la  marque  de  Bruxelles 
offre,  dans  le  chef,  deux  petites  lettres  :  I.  N.  Un  G  et  un  A 
disposés  de  même,  sauf  que  la  petite  barre  horizontale  est 
remplacée  par  une  sorte  de  croix,  dessinent  un  angle  avec 


,)->/ 


le  liaul  (le  la  lii^c,  cl  le  G,  au-tlcssus  (lii(|ucl  se  montre 
une  aulrc  petite  hai-re,  est,  dans  ruii  dv.s  cas,  retourné. 
D'autres  pièces  de  la  même  tenture  oiTrent  le  chiiïre  du 
célèbre  tapissier  Raes.  Un  signe  analogue  se  remarque  trois 
fois  encore  dans  la  collection  du  duc  de  Berwick  et  Albe  (i) 
et  sur  le  Martyre  de  Saint- È tienne  et  la  Conversion  de 
Saint-Paul  faisant  partie  de  la  tenture  des  Acten  des  Apôtres, 
dont  plusieurs  autres  tapisseries  sont  également  de  Raes.  De 
ï Histoire  de  Troie,  que  la  veuve  Geubels  vendit  aux  archi- 
ducs, il  existe  une  répétition,  au  moins  partiellcr  dans  la 
collection  du  duc  de  Berwick  et  d'Albe  (2).  Sur  une  pièce, 
on  voit  Paris  blessant  Ménélas  à  la  cuisse,  sur  une  autre  les 
Troyens  disputant  aux  Grecs  le  corps  de  Patrocle.  Au  bas, 
sur  des  banderoles  fond  rose,  se  lisent  des  inscriptions 
latines  et  descriptives.  La  première  de  ces  tapisseries  porte 
deux  chiffres  :  celui  de  Raes  (les  lettres  E.  A.  R.  juxtaposées  et 
supportant  une  tige  à  laquelle  un  S  est  accolé  et  se  terminant 
en  chiffre  de  marchand)  et  celui  que  je  viens  de  décrire. 
Il  me  semble  évident  que  cette  tige  (ou  I)  accompagnée  d'un 
A  et  d'un  G,  constitue  le  monogramme  de  Jacques  Geubels, 
que  l'on  sait  par  d'autres  pièces  avoir  collaboré  avec  Raes. 
Nous  avons  déjà  parlé  des  Tons  qui  se  distinguèrent  comme 
peintres  au  xvi"  siècle.  Gonmie  cela  arriva  à  bien  d'autres 
artistes,  ils  eurent  pour  parents  des  tapissiers.  L'un  d'eux, 
Guillaume  Toens,  vendit  aux  archiducs,  en  1G07,  Yllistoire 
de  Constantin,  en  huit  pièces,  mesurant  225  aunes,  pour  la 
somme  de  4,130  livres,  ou  18  livres  par  aune.  Au  nom  de 


(1)  Catalogue,  p.  56. 
(î)  Ibidem,  p.  56. 


—  :i5cS  — 

T lions  correspond  p;iiTailcincnl  le  inonograuiinc  TH.  do  T 
placé  sur  la  barre  Iriiiisvcj-sMlc  do  l'Il),  (jiie  l'on  m'a  siiznalc 
comme  se  Irouvanl  sur  une  liMitin^!  vue  à  l'aris  el  purlanl 
liréciséiiicnl  pour  liti-e  llisloiic  de  (ioiislanlin.  A  ce  pi'opos, 
ajouloiis  un  dél;iil  ijiie  nous  avons  omis  dans  noire  précédeni 
elia|)i(re.  Le  célèlne  Huhens  pciunil  poiii"  le  l'oi  de  France 
douze  esquisses  pour  tapisseries,  ayanl  au  plus  un  pied  div 
pouces  de  haul  el  deux  pieds  de  large,  el  représeidanl  les 
l»rincipaux  épisodes  de  la  vie  de  l'empereur  Conslanlin.  Dans 
une  lellre  dalée  du  iMi  févriei'  10^20,  il  se  plaint  du  relard 
ipie  l'on  appoi'd,'  à  lui  payer  le  prix  de  ce  li'avail(i). 

iMarlin  Reyndjouls  l'ut  plus  favoi'isé  encoi'e  jiar  Albeil  et 
Isabelle,  car  il  leur  fournil  :  en  1()(M>,  ïllisloire  du  Triomphe 
de  Vélrarquc ,  en  sept  pièces,  mesurant  4:2,')  aunes,  i)Our 
5,05^  livres,  à  J6  sous  l'aune;  en  101  i,  une  llisloire  de 
(kdcrics  cl  de  Fujurfs  de  lumona,  en  douze  pièces,  mesurant 
4o4  ainies,  |iour  ((,175  livres,  à  18  livres  l'aune,  et  deux 
chambres  de  la  même  llisloire,  pour  4,025  livres;  en  1614, 
huit  autres  ])ièces  de  [Histoire  de  (kdarias  et  Vomona ,  jmur 
3,Dlli  livres,  et,  en  !(J15,  huit  pièces  de  Y  Histoire  de  Troie, 
mesurant  '2i2o  5  4 aunes, pour  2, i)08  livres,  à  13  livres  l'aune. 
Il  se  trouve  à  .Madrid  plusieurs  lenlures  ipie  l'on  pourrait  atli'i- 
bucr  à  Pieyndjouls,  à  cause  des  titres  el  des  cbilTres  qu'elles 
|)orlenl.  Ainsi,  c'est  d(;  ses  ateliei's  (pie  sortit,  selon  loute 
apparence,  le  Triomphe  de  Vétrarque,  en  cinq  pièces  de  laine 
el  soie,  (pii  pi'ésenle  un  monogramme  composé  d'un  M, 
su|)porlanl  une  lige  sur  la(piellc  s'enroule  une  lellre  (pu 
ressemble  ii  un   •>  dont   le  Irail  Mqu'-iieui'  auiail  di>pai'U,  el 

(i)  GACiir.r,  lA'lIres  incdiles  ilc  ltiil>cns.  [>.  i.wiii. 


(|ui  |)(tiirr;iil  clro  un  S  (lin;ik'  du  Uc_\  inhouls).  I,;)  M^ric  iii- 
liluléc  les  IJalaillcs  de  l'archidar  Albert,  eu  ^v\>[  [litro  de 
laine,  soie  et  ur,  sont  plus  posiliveuieiil  de  lui,  ear  le  eliilTre 
<|ue  l'on  y  reiuanjue  est  eoniposé  i\(is  iniliales  iM.  A  enlacées, 
sur  lesquelles  s'élève  une  lige  se  leniiinant  en  «  signe  de 
niaivliand,  »  et  conlrihiiant  eu  son  uiilieu  à  dessiniT  un  11. 
(lelle  tenture  a  éle  pholugrapliiée.  On  a  vendu,  à  Paris,  il  y 
a  ({uelques  années,  deux  pièces,  qui  élaienl  niai'(juées  de 
même  et  où  l'on  voyait  un  Jugement,  rendu parun  roiei  un 
Guerrier  debout,  tenant  un  lièvre.  La  veuve  de  Heyinbouls 
renonça  au  commerce  et  alla  se  lixer  à  Anvers;  leur  lils 
François,  ayant  continue';  le  Iralic  des  tapisseries  à  Bruxelles, 
fut  privilégié  pai'  la  ville,  le  :29  août  IG48. 

xMartin  Rcyni bouts,  la  veuve  Geubels  et  Gérard  Hernaerls, 
alors  (jualifié  l'ancien,  figuraient  en  1G1,">  au  nomhi'e  des 
plus  imporlants  fabricants  ou  marcbands  de  ta|)isseries  à 
Bj'uxelles;  ils  furent  alors  privilégiés  avec  Corneille  T'Se- 
raerls,  Xicaise  Aeris,  Jean  Uaes,  Jean  Maliens,  i'ieri'c  De 
Goddere  et  François  Tons. 

Aucun  de  ceux-ci  ne  j)arait  avoir  eu  (|uel(jue  nom,  sauf 
Jean  Raes,  {)ui  a  laissé  de  nombreux  lénmignages  de  son 
savoir  faire,  et  (pii  dut  jouir  d'une  grande  iniluence,  puis- 
qu'il fut  conseiller  communal  en  IG17,  l(j"2i,  liîyi  et  IGô.'i, 
receveur  en  1G18  et  KilO,  receveur  du  canal  en  ICdO,  l()i2o, 
1G5G  et  1G58,  et  bourgmestre  en  IGôô  et  105^. 

Fn  1G20,  ce  fabricant  exécula  pour  les  arcbiducs  une 
reproduclion  des  Actes  des  Apôtres,  d'après  Rapliaél, 
reproduction  (jui  fut  donnée  aux  Cainiéliles  déchaussés  do 
Bruxelles  et  payée  ir),*27:2  livres;  elle  se  composait  de 
quinze  pièces  et  mesui-ait  82!)  )  ^  aunes,  ;i  IG  livi-cs  l'aune. 


—  540  — 

Elle  n'est  autre,  Irès-probablenient,  que  celle  qui  a  été  décrite 
par  M.  About  et  vient  d'être  mise  en  vente  comncie  prove- 
nant du  duc  d'Albe  et  Berwick  (i),  mais  réduite  à  treize 
pièces,  savoir  : 

La  Pèche  miraculeuse,  en  deux  parties  ; 

Jésus-Christ  remettant  les  clés  à  saint  Pierre,  en  deux 
parties  ; 

Le  Martyre  de  saint  Etienne; 

La  Guérison  du  paralytique  ; 

La  Mort  d'Ananias; 

La  Conversion  de  saint  Paul  ; 

Saint  Paul  prêchant  à  Athènes  ; 

Saint  Paul  et  saint  Barnabe,  à  Lystra,  en  deux  pièces; 

L'aveugle  Elymas,  en  deux  pièces. 

K  Toutes  ces  compositions,  dit  M.  About  (2),  sont  re- 
»   tournées  :  on  voit  à  gauche  les  personnages  que  l'on  cher- 

»   chait  à  droite  et  réciproquement Le  maitre  tapissier, 

»  astreint  sans  doute  à  un  plan  de  décoration,  ne  s'est  pas 
y  fait  scrupule  d'ajouter  et  de  retrancher  au  modèle.  Si  la 
»  Mort  d'Ananias  est  conforme  à  l'original  (au  carton  de 
»  Raphaël),  certaines  compositions  sont  élargies,  comme 
»  la  Pèche  miraculeuse,  la  Prédication  de  saint  Paul  et  VA  vcugle 
»  Elymas,  où  le  copiste  llamand  a  ajouté,  sur  la  droite,  une 
»   figure  de  Maure,   Le  inagnilique  sujet  de  Saint  Paul  à 

»   Lystra  est  plus  haut  (jue   le  carton L'Apparition  de 

»  Jésus  à  ses  disciples  est  coupée  au  milieu  par  un  gros  arbre 
»   qui  sépare  les  disciples  en  deux  groupes.  La  Guérison  de 


(i)  Catalogue,  p.  71. 

(2)  Tapisseries  du  wii"  .siècle,  de,  pp.  G-T. 


«  CÀvcuijlc  ri  i\n  /^ara/i/Z/f/ja' ol,  rcdiiilc  à  ses  élt'iiKMils  cs- 
»  seiiticls  par  rùliiiiiiiaiion  d'un  uruapc  liivs-filéganl,  mais 
»  inulilo  l'I  sacrilii'  par  l'ai-cliilcrlo  coiiime  Taisant  longueur 
»   dans  la  décoraliun  » . 

Ces  belles  (apisseries,  dont  M.  Ahunl  l'ail  un  bi-illanl  éloge, 
ont  on  hauleni'  de  :i"'  à  5"''î:i  et  en  largeur  de  ô"'5o  à  (i"'L>0. 
Klles  ont  des  bordures  à  rosac(;3  formées  de  feuilles  d'aeani  lie, 
à  rubans  el  à  ceps  de  vigne.  Plusieurs  pièces  j)résenlent 
la  signature  :  J.vn  Uaks  el  la  marque  de  Bruxelles;  celte 
signalure  est  remplacée  sur  l'épisode  d(;  Lyslra  par  un 
monogramme  formé  des  ledi'es  A.  E.  J{.  juxtaposées  el 
combinées,  supi)orlaiit  une  lige  se  terminant  par  un  signe 
de  mai'cband  el  enlacé  par  un  S,  ensendjle  (|ui  donne  aussi 
le  mot  iiAES.  J'ai  déjà  parlé  du  chiffre  I.  A.  G.  qui  se  lit  sur 
deux  |)ièces  de  celle  tenlure. 

11  existait  une  aulre  copie  de  ces  la{)isseries  dans  un  cou- 
vent de  Dominicaines  ipie  le  comte  d'Olivarès  avait  lait 
construire  près  d'AIcala.  Les  rois  de  France  en  possédaient 
une  Iroisièmc,  composée  de  dix  pièces,  que  Goellie  dil 
avoir  vue  à  Slrasliourg  en  1770,  le  jour  de  l'entrée  de 
Marie-Anloineile;  celle  dernière  avait  été  l'abri(]uée  en  An- 
gleleri'e  el  fut  doniiée  à  Louis  \IV  par  le  ici  Jac(|ues  H, 
en  remerciment  de  l'asile  (jue  le  monaiMpie  français  lui  avait 
accordé.  Enfin,  il  y  en  a  encore  à  Madrid,  deux  en  laine  et 
soie  :  l'une  de  neuf  el  l'autre  de  treize  ])ièces.  Dans  celle 
dernière,  trois  |iièces  présenl(,'iil  le  chilire  de  Haes,  et  deux 
le  cliilIVc  (pie  nous  avons  signalé  plus  liant,  comme 
présentant  un  A  el  un  G.  Dans  la  seconde  tenture,  on 
distingue  encoi'e  d'autres  cIiilTrcs.  (pi'il  nr'a  élé  im|)0ssib!e 
d'expli(|uei'. 


—  542  — 

Puisque  l'occasion  su  prûseiilo  de  parler  de  nouveau  (i) 
des  (apisseries  où  l'on  avait  retracé,  pour  l'église  abbatiale 
de  Saint-Pierre,  de  Gand,  la  Vie  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul,  rappelons  ici  qu'elles  sortaient,  selon  toute  apparence, 
des  ateliers  de  la  famille  de  Jean  Raes. 

«  On  prétend,  disent  en  parlant  de  ces  tentures  les  deux 
»  savants  bénédictins  Marlène  et  Durand  (2),  que  c'est 
»  Raphaël  qui  en  a  donné  le  dessin,  mais  quand  il  les  auroil 
»  tirées  au  pinceau,  il  n'auroit  rien  fait  de  plus  délicat  que 
»  ce  que  l'ouvrier  a  fait  à  l'aiguille.  Il  y  a  dix  pièces  qui 
»  sont  estimées  20,000  florins,  qui  font  230,000  livres 
»  argent  de  France.  On  dit  qu'un  gouverneur  des  Pays-Bas 
»  en  offrit  100,000  florins  et  d'en  faire  d'autres  semblables.  » 
Ces  tentures  dataient  du  commencement  du  règne  de 
Philippe  II,  comme  l'attestaient  le  millésime  IoS6  et  les 
armoiries,  tant  nobiliaires  qu'abbatiales,  que  l'on  y  voyait 
et  qui  étaient  celles  de  François  d'Avroult,  seigneur  do 
Helfault,abbé  de  Saint-Pierre  de  1553  à  lb67.  Elles  ornèrent 
longtemps  le  chœur  de  l'église  du  monastère,  où  elles 
étaient  encadrées  entre  les  piliers,  protégées  contre  le  contact 
de  l'air  et  l'action  décolorante  de  la  chaleur  par  des  volets 
à  panneaux  ornés  de  peintures.  Transportées  à  Amsterdam 
à  l'approche  des  Français,  elles  fiii-ent  ensuite  achetées  par 
un  amateur  de  Gand,  qui  les  lit  vendre,  vers  1821,  à 
Bruxelles,  d'où  on  les  transporta  en  Angleterre.  A  cette 
occasion,  le  peintre  Odevaere  publia  une  brochure  où  il 
attribua  les  modèles  de  ces  tapisseries  à  Raphaël  :  en  eff'el. 


(1)  Voyez  XV  année,  p.  4G3. 
(i)  Voyage  littéraire  aux  Pays- 


'ai/s-lias. 


—  o4ô  ~ 

les  sujets  de  quelques-unes  d'enlre  elles  étaient  ceux  que  le 
grand  peintre  peignit  pour  le  Vatican,  mais  d'autres  ne 
correspondent  pas  aux  indications  que  nous  avons  données 
d'après  les  meilleurs  auteurs.  La  tradition,  que  l'abbé  Seiger 
De  Visschere  accepta  lorsqu'il  écrivit  ses  notes  manuscrites 
sur  son  monastère,  considérait  Audenarde  comme  le  lieu  où 
ces  tapisseries  avaient  été  fabriquées  (i),  mais  on  ne  peut 
alléguer  aucun  motif  pour  les  attribuer  à  cette  ville,  pas 
plus  qu'à  Arras  ou  à  Malines,  et  Bruxelles  doit  d'autant  plus 
être  préféré  que  c'est  ici,  chez  les  Raes,  que  des  reproduc- 
tions de  tentures  analogues  furent  exécutées  au  xvii''  siècle. 
Ce  sont  ces  fabricants  sans  doute  qui,  après  avoir  lii'é  tout 
le  parti  possible  des  carions  de  Raphaël ,  les  auront  cédés 
au  roi  Charles  P^ 

Jean  Raes  vendit  à  l'infante  Isabelle,  en  1651,  une 
«  chambre  »  qui  lui  fut  payée  3,000  livres  et  dont  Isabelle  fit 
cadeau  à  M.  Butrieu,  envoyé  de  France  à  Bruxelles.  Paris, 
Madrid  et  Vienne  possèdent  nombre  d'autres  productions  de 
cet  infatigable  travailleur.  Dans  le  Catalogue  de  la  collection 
du  duc  de  Berwick  et  a  Albe  (2),  on  lit  son  nom  :  Jan  Raes, 
sur  une  composition  de  31  figures,  avec  bordures  à  médail- 
lons, frises  etmascarons,  intitulée  :  le  Sacre  de  Charlemagne. 
On  le  remarque  encore,  dans  le  palais  du  roi  d'Espagne,  sur 
les  tentures  dites  les  Travaux  de  Cupidon,  en  sept  pièces  de 
soie  et  de  laine,  et  tllisioire  de  Thésée,  en  dix  ))ièces  du 
même  genre.  L'Histoire  d'Absalon  et  fllistoire  de  Décius, 


(1)  Voyez,  pour  ce  qui  précède,  un  travail  de  M.  De  Bcsscher,  intitulé  : 
L'abbat/e  de  Saint-Pierre,  à  Gand,  dans  les  Annales  de  la  Société  royale  des 
Beaux-Arts  et  de  Littérature,  t.  II. 

(■2)  1>.  66. 


—  'Mi  — 

(|(ii  se  coiiscrvoiil  dans  la  inèiiic  colleclioii,  viciiiieiil  aussi 
(le  lui.  Sur  la  pièce  uiii(|UL'  (|ui  coiisliluc  la  prciiiiùre,  on  voil 
lin  iiKMiDuiamnie  dans  lo  goure  de  celui  ([u'il  employa  luibi- 
luelleinenl  :  l'A  e(  ri\  accolés,  une  lige  verticale  suriiiuiUéc 
d'un  cliiflVe  de  marchand  cl  un  S  s'enlaçanl  sur  celle  lige. 
Enlin  lUisloire  de  Déciiis,  en  liuil  pièces  de  laine,  soie  et  oi-, 
pi'ésenle  sur  une  ])ièce  ce  dernier  monograinnic  et  sur  une 
autre  la  signalui'e  Jag.  (Ieubels. 

L'œuvre  dont  nous  venons  de  parler  se  Irouve  à  Vienne 
plus  belle  et  plus  coni))lèle  que  n'importe  où.  Les  cartons 
oriuinaux,  d'abord,  v  existenl  dans  la  arande  paierie  du 
prince  Jean  de  Lichtenslein.  Ce  sont  sept  i)ièces  admii'ables, 
(jui  ont  été  gravées  j»ar  les  frères  Scliumzer  ; 

Décius  racontant  son  songe  aux  cliel's  de  l'armée  ro- 
maine; 

Déeiiis  acceplanl  le  soi-tcjue  le  sacrificateur  lui  prédit; 

Decius  se  dévouant  aux  dieux  infernaux  lui  et  toute 
raiinée  romaine; 

Décius  congédiant  les  lieleurs  a\an(  de  pénétrer  au  milieu 
des  enneniis; 

Décius  périssant  accablé  par  le  nombre; 

Obsèques  de  ce  général  el 

Home  Iriompiianle. 

Ainsi  (jue  nous  l'apprend  une  lelli'e  en  date  du  l(>/-2()  mai 
KilS,  on  travaillait  alors  à  ces  tapisseries,  à  liinixelles  (i), 
Cv  renseignement  est  important  :  il  ;issigne  à  la  lois  une  date 
précise  à   l'inK*  des  plus  belles   (eiivros  du  fécond   maître 


(i)  SAiN^niiiN,  Orii/iiul  iiiipiiblit'heil  ii'iper.s  i/lii^lrtilire  lo  ihe  lifc  of  Hubens, 
|).  iO. 


nnversois  o\  ;i  l:i  proniiôiv  roprodiiclion  dt^  ses  |X'ii)lni"f"^  on 
lapisseries. 

Les  cni'tuns  ornaient  jadis  à  lîriixelles  Tliolel  (\r.  Clèves 
ou  Ravensleiii,  aujoiii-d'hui  .Maison  iXeulïorge,  rne  Sainl- 
Lanrent,  près  de  la  Montagne  de  la  Cour;  k  prince 
Charles- Adam  de  Lichtenstein  les  achela  ])onr  la  sonjine 
de  72,000  llorins  de  change  (i),  et  ses  successeurs  y  ont 
joint  (piah-e  pièces  de  lapisseries  achetées  à  Venise  et 
représcnlant  le  (roisièine,  le  ([ualrièmc,  le  cintpn'ènie  el 
le  septième  des  siijels  énumén's  pins  haiil  ;  la  septième 
n'est  pas  signée,  mais  les  trois  autres  portent  la  marque 
de  Bruxelles,  suivie,  sur  la  troisième  et  la  cinquième,  des 
mots  :  Jax  R\es.  Deux  autres  pièces  appartiennent  à  l'église 
Saint-Etienne,  de  Vienne;  d'autres  sont  la  propriété  du 
|)rince  d'Auersperg  et  se  conservoni  en  son  château  de  Step. 
Le  prince  Alhert  de  Solms-Braunfels  conserve  à  Braunfels, 
dans  la  province  prussienne  du  Rhin,  une  reproduction  de  la 
même  tenture,  qui  a  également  été  achetée  à  Venise,  el  il 
en  existe  encore  une  à  Vienne,  qui  est  à  vendre  (-i). 

Jean  Raes  avait  épouse-  Marguerite  Vanden  Ackere,  doni 
il  eut  plusieurs  eni'anis,  enli'c  aulres  François,  qui  épousa 
une  Van  dcr  Slraetcn  et  en  eut  Pierre,  qui  fut  oflicial  du 
com])foir  ou  employé  des  hureaux  des  Élals  de  BrabanI  ; 
Arnoul,  qui  sollicita  son  admission  dans  le  lignage  patricien 
de  Sleeuws,  liiéronyme,  femme  de  Conrad-Guillaume 
Prince,  écuyer,  capitaine  d'une  d(\s  compagnies  de  la  garde 
bourgeoise,  etc.  A  en  juger  piii-cc  qui  pri'cède,  ce  François 


(i)  De  BuRTix,  Trailcdes  conuahaanccR  nécessaire);  aux  amateurs  de  lahleanx, 
-  I,K  Maykl'r,  Iji  f/loire  Belfiiqiie,  I.  I",  p.  iflfi. 
(-2)  Roiiseigiiomenls  de  M.  le  L"'  .1.  Fai.kk.  de  Vioiinu. 


—  U6  — 

Raes  laissa  une  belle  fortune,  que  lui  valurent  ses  travaux. 

Je  me  rappelerai  longtemps  encore  l'impression  que  pro- 
duisirent sur  moi,  en  1874,  les  splendides  tapisseries  repré- 
sentant VHistoire  d'Alexandre  le  Grand,  qui  se  trouvaient  à 
l'Exposition  du  costume,  aux  Champs-Elysées,  de  Paris.  La 
beauté  de  la  composition  et  la  conservation  de  celte  œuvre 
splendide  en  faisaient  le  plus  bel  ornement  de  la  vaste  salle 
dans  laquelle  on  l'avait  suspendue.  Jacquemart  prétend 
qu'elle  fut  exécutée  d'après  des  cartons  sortant  de  l'école  de 
Rubens  ;  tout  légitime  cette  supposition  ,  surtout  l'allure 
fière  des  scènes  représentées,  où  revit  la  fougue  du  puissant 
maître  d'Anvers.  La  signature  :  F.  Raes  et  la  marque  de 
Bruxelles  déterminent  la  provenance  de  ces  superbes 
pièces,  qui  sont  au  nombre  de  douze,  six  grandes  et  six 
moyennes ,  et  dont  les  bordures  sont  semblables  à  celles 
de  t Histoire  f  Achille  attribuée  à  Rubens.  Elles  appartiennent 
à  M.  Maurice  Moyse.  François  Raes  a  encore  signé  une 
tapisserie  représentant  Alexandre  le  Grand  combattant  un 
lion  (i).  Il  eut  pour  frères,  sans  doute  :  Jean  Raes  le  Jeune, 
dont  nous  parlerons  bientôt,  et  Pierre  Raes,  qui  fut  privi- 
légié par  la  ville,  le  7  février  I6iô,  après  la  mort  de  son 
confrère  Daniel  Eggermans  (-2). 

Tous  les  tapissiers  qui  avaient  été  avantagés  en  KM  5 
étant  morts,  sauf  Jean  Raes  et  Jean  Mattens,  les  privilèges 
dont  ils  jouissaient  furent  attribués  par  la  ville,  le  15  mars 
1629,  à  Bernard  Van  Brustegom  ou  Van  Brustom,  Jean 
Aerts,  François  Van  Maelsack,  Jean  Raet  ou  Raedt,  François 


(t)  Renseignements  de  M.  Dautzenberg. 
(î)  /•  register  ter  Tresoii/e  qehoiideii,  P  220. 


—  M7  — 

Vanden   Hecke,  Henri  Maliens,  Chrétien  Van  Rrustom  et 
Jean  Raes  le  Jeune  (i). 

Ou  ne  connaît  aucune  production  de  quelques-uns  de 
ces  fabricants,  sauf  qu'on  peut  leur  restituer  des  tentures 
par  induction.  Les  deux  Van  Brustom  ne  travaillaient  plus 
en  4640,  ni  Bernard,  qui  avait  épousé  la  veuve  de  Nicaise 
Aerts,  et  qui  fut  nommé  doyen  en  1655  et  conseiller  com- 
munal en  1657;  ni  Chrétien,  qui  vivait  encore  en  1657. 
Les  Brustom,  comme  nombre  d'autres  tapissiers,  habi- 
taient rue  Haute,  où  ils  avaient  une  propriété  qui,  après 
avoir  appartenu  à  Antoine  Aerts,  fut  convertie  en  trois 
habitations.  Bernard  Van  Brustom  et  son  fils  Chrétien  y 
occupèrent  une  demeure  qui  n'était  séparée  de  la  rue 
Saint-Ghislain  que  par  une  maison,  et  sur  laquelle  ils  consti- 
tuèrent, le  28  mai  1654,  une  rente  annuelle  de  50  florins 
au  profit  de  Jean,  fils  de  Chrétien,  qui  allait  recevoir  la 
prêtrise.  Mais,  comme  leur  généalogie,  leur  histoire  in- 
dustrielle est  encore  à  écrire.  On  pourrait  interpréter  par  le 
nom  du  dernier  le  chiffre  composé  d'un  T  dont  la  tige 
porte  un  B,  unV  et  sert  à  former  un  E,ce  dernier  placé  entre 
un  C  inscrivant  un  0,  d'une  part,  un  N  et  un  R,  d'autre  part  ; 
il  se  voit  sur  sept  tapisseries  de  la  collection  Braquenié,  à 
grandes  figures,  et  dont  les  sujets  sans  signification  sont 
encadrés  dans  des  colonnes  avec  frontons. 

Sur  Jean  Aerts,  qui  fut  nommé  doyen  en  1655  en  place 
de  Jean  Vanden  Hecke,  et  de  nouveau  en  1655,  et  sur 
François  Van  Maelsack ,  qui  était  mort  on  1658,  on  ne 
possède  aucune  particularité.  Les  .Maliens,  qui  fabriquaient 

(0  Hegister  van  der  stadt  van  Brasnel  snO  de  Coudé,  f'  ."61  ot  suivants. 


—  5>ÎH  — 

(l(''j;t  (les  hiitiircs  ;ii!  NVi^  sièch» ,  liinMil  un  peu  plus 
renommés,  aussi  bien  Henri,  qui  fui  conseiller  de  la 
villi'  on  IfiiO  o(  1027,  el  ne  Iravailiail  plus  en  KJiO,  que 
Jean,  qui  mourui  en  1655-1 054,  pendani  ipi'il  exereail  les 
fonctions  de  doyen,  dans  lesquelles  Daniel  Leyniers  le 
l'emplaça.  On  pouri'ail  reuai'der  comme  (''lanl  sorlics  des 
mains  des  Maliens  les  pièces  où  l'on  voil  im  M  traversé  jiai* 
une  harre  horizontale.  De  ce  nombre  est  rilistoire  de  Scipion 
du  palais  de  Madrid,  en  douze  pièces  de  laine,  de  soie  el 
d'or,  où,  sur  la  deuxième  tapisserie,  un  même  M  de  ce  genre 
sm't.  une  autre  marque  composée  de  la  lettre  M  combinée 
avec  un  A  (initiales,  )>eut-élre,  de  Maelsack),  tandis  que  la 
première  tapisserie  offre  la  battre  R  (Raes,  Raet?)  surnjon- 
tée  d'un  chiffre  de  marchand.  Un  M  simplement  barré  se 
voit  encore  sur  une  tenture  du  marquis  d'Alcanices,  en  dix 
tapissei'ies  de  laine,  de  soie  et  d'or.  Un  autre,  combiné  avec 
les  lettres  E  et  T  et  surmonté  d'une  barre  verticale  dessinant 
un  sigma  grec  ou  S  (Mattkxs),  |)articularise  une  pièce  du 
commencement  du  xvii'  siècle,  ap]Kirlenant  à  MM.  Braque- 
nié  et  représentant  Hercule  clou /faut  Anlhée,  avec  uiie  riche 
boi'dure  à  fruits,  dessinant  aux  angles  des  pans  coupés. 

Le  Catalogue  de  la  coUeclion  du  duc  de  Berwich  cl 
d'Alhe  (i)  nous  fait  coimaiire  un»^  pièce  signée  Raet.  Elle 
représente  une  (oit'/  peuplée,  d^lnjrucs,  de  cerfs,  de  hirhes  et 
(Foiseaux,  avec  bordure  composée  de  petits  niiMlaillons,  de 
figures,  di'  IIimii's  (>l  de  fruits.  Celle  tapisserie  mesure 
(*)  mètres  sur  i.  I.Hisloirc  de  Sa7n.'ioj>,  eu  (piati-e  pièces  de 
laine  el  de  soie,  au  |ialai^  de  Madrid,  présente,  d'une  jjarl, 

(Il  !'.  TJ). 


—  1)V.)  — 

sur  sa  (leiixièmo  pitre,  lo  cliiirrn  de  François  Van  dcn 
Flecke,  el,  d'aulre  pai'l,  sur  la  [M-eniière,  uik;  (iiic  dont  la 
hase  alTeclo  la  lormc  d'une  étoile  el  don!  la  partie  du  inilicn 
est  accostée  des  lellres  ï.  R,  reliées  Tune  et  l'aulre  i);ir  une 
harre.  Cet  I.  H,  eonternporain  de  Fi-ancois  Van  dm  llcckc, 
c'est  sans  doute  le  Jean  UntM  qui  lut  priviléii'ié  en  inénK^ 
temps  que  c(!lui-ci,  l'ut  doyen  en  KiÔÔ  et  l()5.j,  et  tondra  en 
état  de  faillite  en  IG^i  (i).  Le  nom  de  ce  Jean  Haet  se 
trouve  sur  trois  tapisseries  à  p^rands  personnages  dans  le 
genre  de  ceux  que  Rnhens  aimait  à  dessiner.  I/un  de  ses 
homonymes,  lui-même  peut-éln»,  maitre  .lean  De  l\ael, 
Bruxellois  d'origine,  se  (it  admettre,  le  T'  juin  1G17,  dans 
le  métier  des  peintres,  elc  ,  comme  élève  du  verrier  Jacques 
Boddaerl. 

Les  Van  don  Ilecke  ont  brillé  davantage  et  parcouru  une 
éclatante  carrière  pendant  près  d'un  siècle  et  demi.  L'un 
d'eux,  nommé  Jean,  était  doyen  du  nK'tier  lorsqu'il  mourut 
en  l()53-16r)4  et  fut  remplacé  par  Jean  Aerls.  Il  Inul  sans 
doute  lui  attribuer  le  chiffre  composé  d'un  H  supportant 
un  V,  du  milieu  duquel  jaillit  un  I  légèrement  barré, 
chiffre  peu  différent  de  celui  de  François  Van  den  Ilecke 
et  qui  se  voit  sur  une  tnpisserie  de  M.  Chavannes  :  /'/ï/?/c- 
vement  des  Sabines.  Dans  vme  seconde  pièce  de  la  même 
tenture,  le  Coiribat  des  Homains  et  des  Sabins,  un  ûaier- 


(i)  Pendant  son  scjoiii'  ii  lîiiixcllcs.  le  iioiire  Bc:!îivo.;;lio  piocuia  nu  ciiriliiial 
r!oi'£;lièso,  Scipion  Caffiivolli,  une  tapis.serio  loiifïuc  do.  K!  aunes  et  ropivsfiilanl 
rilisloirc  deSnm.ton.  Los  carions  en  avaient  été  exéontés,  disait-on,  ponrHonri  II, 
roi  (le  FiMiioé  (peul-étre  faut-il  dire  Philippe  il,  roi  d'Espagne  (Voyez  plus  haut, 
\V<"  année,  p  l">l),  par  lui  peintre  raalinois,  sans  doute  Miohel  Coxie.  Rhvfr  tif, 
Saintf.-Si'zannf,,  /.  r.,  p.  0^. 


—  350  — 

rier  porte  un  bouclier  où  est  inscrit  un  monogramme 
composé  d'un  N,  dont  la  liaison  traverse  un  0  et  soutient 
une  petite  lige  légèrement  inclinée.  Quant  a  la  troisième, 
les  Plaisirs  champêtres,  elle  offre,  dit-on,  des  groupes  déno- 
tant un  goût  tout  à  fait  italien.  Ces  tapisseries  ont  des  bor- 
dures entièrement  analogues  à  celles  de  ruistoire  de  Diane, 
de  Spiering,  mais  ornées  d'armoiries  italiennes.  Le  posses- 
seur prétend  quelles  n'ont  jamais  porté  la  marque  d(> 
Bruxelles  et  les  croit  originaires  d'au  delà  des  Alpes  fi), 
mais  rien  n'empècbe  de  supposer  qu'elles  ont  été  exécutées 
(;n  Belgique  pour  un  étranger  ou  sur  les  dessins  d'un  artiste 
étranger. 

François  Van  den  Hecke,  qui  était  probablement  fils  de 
Jean,  fut  à  son  tour  doyen  en  KJiO  et  164-1,  receveur  de  la 
ville  de  1650  à  1G52,  en  1659  et  KiCO  et  de  1664  à  4665, 
receveur  du  canal  de  1654  à  1657  et,  enfin,  tapissier  de  la 
cour.  Dans  ces  différentes  fonctions  il  dut  exercer  une  in- 
(luence  considérable,  d'autant  plus  qu'il  travailla  considéra- 
blement. 

Signalons  d'abord  la  série  de  tapisseries  religieuses  qui 
figure  au  Catalogue  de  la  collection  de  Berwick  et  d'Albe  et 
dont  les  dessins  sont  dus  à  Rubens.  Les  bordures,  d'aspect 
monumental,  présentent  en  baut  des  médaillons  supportés 
par  des  amours  et  jouant  dans  des  guirlandes  de  fruits 
attachées  à  des  colonnes  ornées  de  sculptures  en  bas-relief. 
Leur  largeur  varie  de  5"'60  à  7'"55  et  leur  hauteur  de  4'"  10 
à  4'"40.  Sept  pièces  sont^signées  F.  V.  H.  et  représentent  : 

r  Le  Triomphe  de  l'Église; 

(i)  Voyoz  Jacùuemaht,  Histnire  du  mobiHer,  p.  17i). 


—   a.Sl    — 

l^"  Le  Christianisme  chassant  le  Paganisme  (hi  Temple; 

5"  La  Foi  catholique  ; 

4"  Le  Triomphe  de  l'Eglise  ; 

5"  La  Manne  clans  le  désert; 

6"  L'Église  et 

7"  Saint  Jean  dans  le  désert  (i). 

On  voit  encore,  à  Madrid,  chez  M.  le  comte  d'Onate,  une 
série  de  22  tapisseries,  d'après  Rubens  et  signées  Frachois 
Van  den  Hecke.  D'autres  tapisseries,  notamment  celles  que 
l'on  voit  dans  la  même  ville,  à  l'hôpital,  et  qui  rappellent, 
pour  le  dessin,  l'époque  de  Rubens,  portent  simplement  les 
lettres  F.  V.  H.  Enfin,  il  en  existe  encore  d'autres  qui  ne 
peuvent  avoir  une  origine  différente.  Elles  offrent  un  mono- 
gramme formé  d'une  H,  dont  la  barre  porte  un  V,  du  sommet 
duquel  s'élance  un  F.  De  ce  genre  est  une  tapisserie  armo- 
riée qui  se  voit  aussi  à  Madrid.  Sur  plusieurs  pièces  d'une 
grande  série  du  palais  royal  de  cette  ville,  l'Histoire  de 
l'homme,  ce  monogramme  reparait,  mais,  nouvel  exemple 
des  changements  qu'un  fabricant  faisait  subir  à  son  chiffre, 
la  barre  de  l'H  supporte  une  tige  accompagnée  en  son  mi- 
lieu par  un  V  et  surmontée  d'un  chiffre  de  marchand  ou 
d'un  F.  Par  exception,  le  monogramme  de  la  première  des 
24  pièces  de  cette  série  se  compose  :  au  bas,  des  lettres 
R.  A.  V  enlacées  et,  dans  le  haut,  d'un  chiffre  de  marchand 
dont  la  tige  est  enlacée  par  un  S.  Nous  avons  dit  que  F.  V.  H 
(François  Van  den  Hecke)  a  collaboré  avec  L  R  (Jean 
Raes  ou  Jean  Raet?)  à  Y  Histoire  de  Samson. 
Van  den  Hecke  épousa  en  premières  noces,  le  2  août  1614 

(i)  Catalogue,  pp.  68  et  suivantes. 


—  552  ~ 

ri  (hiiis  Trulisi'  (1(^  .Xolre-DMinc  de  In  Ghapollo,  .lonnne  A<'i'ls, 
(|ni  niounil  le  G  juin  Kiô",  cl  fiil  ciifeiTrc  dniis  l'église  pré- 
citée, el,  en  secondes  noces,  Jeanne  ou  Anne  d'Oiidesoen. 
De  celle  dernière  naquirenl  entre  autres  deux  fils,  Jean-Fran- 
çois el  Antoine.  Jean-François  Van  den  HecKe  était  doyen  du 
in('"lier  lorsqu'il  lui  priviléirié  par  la  vill(\  le  -li  mai  11)62  (i). 
Ce  fabi-icant  et  comnfierçanl  donna,  à  pai-lii-  de  l(i7()  ou 
](i77,  ime  grande  extension  à  son  négoce;  non-seulement  il 
ii-availlail  lui-même  avec  huit  métiers  et  son  fils  Pierre  avec 
six  autres,  mais  il  fournissait  encore  du  travail  à  six  mnitres  : 
Erasme  De  Pannemaeker,  (|iii  avait  deux  nK'liers;  Léonard 
Wyns,  (luillaume  i)e  Puttei'e,  Guillaume  Van  den  Sande, 
.Jean  l*armenliers  et  Guillaume  Pioelauls,  qui  n'en  avaient 
chacun  qu'un  seul.  11  dirigeait  donc  en  réalité  le  travail  de 
vingt  cl  un  mélicrs  et  de  05  personnes  environ.  Cette  consi- 
dération lui  valut  une  majoration  d'exenii>lion  d'assi.ses,  le 
1 1  octo])re  IDSl  (rj. 

Ce  fils  Van  den  Hecke  aida  son  |)ère  dans  l'exéculion  d<'  la 
.série  du  Triomphe  de  fE(/lise,  dont  plusieurs  |)ièces  sont 
signées  :  I.  F.  V.  H.  Ce  sont  celles  (\n'\  l'cprcsentent  : 

1"  Les  Quatre  Evangélisles  ; 

!2''  David  et  les  anges  ; 

5"  L'Espérance  grandit  la  l'oi  cl 

i"  La  Force. 

MM.  Bra{pienié  possèdent  une  tenlure  apparlenaid  à 
inic  exécution  diffc'rente  de  la  même  si'-imV  cl  |)()rlant  en 
lout(^s  Iciiivs  la  signalure  :  Jan.  I'"i; ax.dis.  \'an  i»f,n  IlrcKi:. 


(i)  VI"  irfitster  ter  Tn'xori/e  (lehoitden,  f"  "SM. 
{-)  .\7«  re.qiKtev,  1"  2r>1. 


]']!!('  i'('|H'o.v('iil<'  le  irioinphe  de  lu  rcli'ijiux  sur  l'Itéiesir  cl  il  en 
cxislo  uik;  luitiv  piccc  ;i  AI)hovillij,  cliez  M'  .1.  >';i\,i()ii  : 
la  lidkjion  Iriumphaiit  du  puijanisine,  pièce  (|ui  est  d'aulaiil 
}>liis  curieuse  qu'elle  porle  une  double  signaluro  :  IM*.  Kiiîij.ns 
piNxiT  cl  Jan  Francisgus  Van  den  Hecke  fecit.  Heniar(|uoiis 
loulelbis  (|uc  celle  dernière  exèculioii  est  poslèi'ieure  à  la 
mort  du  grand  peinire. 

A  l'exposition  de  l'Union  ccnlrale  des  Beaux-Aris  (i),  on 
renianiuait  l'Histoire  d'Alexandre,  d'api'ès  les  dessins  de 
Le  Brun,  avec  bordure  en  forme  de  cadre  et  la  signature  : 
JoAxxES  FiiANGiseus  Vax  den  IIecke  sur  la  première  pièce, 
J.  F.  Vax  dex  IIecke  sur  la  troisième.  Elle  représente  : 

V  Le  Passage  du  Grani(|ue  :  au  premier  plan,  une  rivière 
dans  laquelle  se  débattent  des  fantassins  et  des  cavaliers  ; 
plus  loin,  une  mêlée  de  cavalerie. 

•2'  Alexandre,  monté  sui-  un  ciiar  (rainé  [lar  deux  élé- 
pliants,  l'ait  son  entrée  dans  Babylone. 

.1^'  Alexandi'e,  à  ciieval,  accueille  Porus,  dont  il  a  admii'é 
la  vaillance  dans  un  combat  ;  il  lui  offre  son  aniili»'  et  aug- 
mente l'étendue  de  ses  domaines. 

Une  tenture  retraçant  aussi  les  exploits  du  conijuerant 
macédonien  figure  dans  le  Catalogue  de  la  collection  du 
duc  de  Berwiih  et  dWlùe  (2).  Le.-i  bordures  présenlent  en 
haut  les  armes  de  Christopbe  Colomb,  avec  cette  devise  : 
a  Castiiia  cl  a  Léon  nuebo  mundo  dio  Colon  (Colond)  a 
donné  un  nouveau  monde  à  la  Casiille  et  à  Léon);  sur  trois 


(1)  CaUiUifiiii',  p.  '^ÔÔ. 
(ij  l».  58. 


—  554  — 

côtés  se  délachenl  de  grands  rinceaux  el  des  guirlandes  de 
Ileurs  et,  au  bas,  on  voit  une  suite  de  feuilles  d'acanthe. 
l*ai-nii  ces  pièces,  dont  la  iiauteur  varie  de  4  mètres  à  i"'20 
et  la  largeur  de  1™75'  à  9  mètres,  la  cinquième  est  signée 
JoANNEs  Franciscus  Van  den  Hecke  et  la  douzième 
J.   F.  V.    D.  H.    Elles   représentent  : 

1  "  Le  passage  du  Granique  ; 

2°  La  bataille  d'Issus; 

5"  Alexandre    s'emparanl,    à    Issus,   des   bagages    de 
Darius  ; 

4"  Les  soldats  d'Alexandre   rapportant  le  butin  lait  à 
Gaza; 

o"  La  bataille  d'Arbelles  ; 

6"  Alexandre   et  Parménion    recevant   les  femmes   de 
Darius; 

7"  Entrée  d'Alexandre  dans  Babylone; 

8"  Alexandre  et  Porus  après  la  bataille  de  l'IIydaspe; 

9"  Alexandre  et  Roxane  ; 

10"  Rentrée  triomphante  des  soldats  d'Alexandre  ; 
11°  Des  gardes  conduisant  des  prisonniers; 
12"  Des  guerriers  et  des  enfants  portant  des  trophées  ; 
13"  Dessus  de  porte  tissé  d'argent,  aux  armes  de  Chris- 
tophe  Colomb,    entourées  de   fleurs.  Hauteur  l'"50,    lar- 
geur 2"'45. 

Dans  le  palais  de  Madrid,  on  remarque  encore  une  tenture 
consacrée  à  retracer  les  exploits  d'Alexandre  et,  d'un  aspect, 
on  doit  l'avouer,  peu  agréable.  Elle  se  compose  de  dix  pièces, 
dont  nous  n'énumérerons  pas  les  sujets,  puisque  rien  n'en 
établit  l'origine. 

Il  V  a  à  Lille,  au  Musée,  un  panneau  assez  haut,  mais  peu 


0,)0 


larg-f^  où  Ton  voit  un  guerrier  antique  coinijatlaiil  ;  dans  la 
bordure,  (|ui  est  formée  de  deux  simples  lilets,  l'un  jaune, 
l'autre  rouge,  on  voit,  outre  la  marque  de  Bruxelles,  la  signa- 
ture J.  F.  V.  II.  Celle  tapisserie  a  conservé  des  couleurs 
très-vigoureuses  el  n'olï're  aucune  trace  d'alléralion  (i). 
A  l'exposition  de  Munich,  on  remarquait  une  marque  ana- 
logue sur  une  pièce  représentant  le  Printemps. 

Jean -François  Van  den  Heckc  se  maria  deux  lois  : 
d'abord  à  Catherine  Usselincx,  puis  à  Anne-Lucie  Van  der 
Bruggen  ;  il  eut  d'elles  un  grand  nombre  d'enfanls,  entre 
aulres  :  François  et  Pierre,  qui  naquirent  de  Catherine.  Le 
succès  de  ses  entreprises  est  prouvé  par  ses  nombreuses 
acquisitions  de  biens.  Dans  la  rue  Haute,  il  reprit,  de  ses  en- 
fants du  premier  lit  et  des  Usselincx,  la  maison  paternelle, 
située  en  face  des  Capucins  (26  octobre  1690),  où  ses  ate- 
liers continuèrent  à  exister. 

Son  frère  Antoine  fut  à  la  fois  peintre  et  tapissier.  Du 
moins  il  fut  reçu  en  qualité  d'apprenti  chez  Snaeyers  ou 
Snyders,  l'animalier  renommé,  le  10  juillet  1649.  Il  avait 
déjà  été  doyen  des  tapissiers  lorsqu'il  fut  privilégié,  le  15  no- 
vembre 1669,  après  la  mort  de  Guillaume  Outaerl  et  de 
N.  Kints;  mais  celte  faveur  lui  fut  accordée,  non  en  consi- 
dération de  ses  travaux  considérables,  mais  uniquement 
parce  que,  en  qualité  de  doyen,  il  avait  remboursé  à  ses  pré- 
décesseurs la  somme  de  1,800  florins,  formant  le  déficit  de 
leur  compte,  el  avait  été  obligé,  pendanl  deux  ans,  de  laisser 
cette  somme  improductive  d'intérêts  (2).  C'était  là,  évidem- 


(1)  Noie  de  M.  De  Manet,  attaché  a  la  Bibliothèque  royale. 

(2)  VIII'  regisler  ter  Tresorye  gelwuden,  ("  76. 


liiriil.  une  ;ij)j'!icatioii  cXMuci'cc  du  >\>lùin(;  ih.'S  LWciiiiilioiis, 
un  alnis  (|UJ  lic  se  ivpéla  }»lus  uu  du  inuius  iic  se  l'cpda 
(|ui'  rarement. 

Auloino  Yan  don  llecke  cpuusa  l^lisabclli,  lillo  de  Pierre 
Sophie  el  de  M;u-ie  roeIs])oel,  Il  lial)ilai{  rue  Ilaule,  où  il 
possédail  riiahilalion  siluee  eu  face  de  la  rue  de  Nulre- 
Seiuueur,  ([ui  avait  appaileuu  ;i  .Iran  Van  den  ileeke  (i),  et 
où  il  ac(|uit  :  l(^  ^27)  l'évi'ier  IG()'i,  (mi  l'ace  de  la  brassei'ie  dile 
la  Demi-lunei'^e Ilalve  miuic)u\]  héritage  avec  deux  riiuisuns 
el  une  maison  de  derrière  ayant  une  sorlie  dans  la  rue  des 
Feuilles  (m  (/t^  Hlaere  siracle,  aujourd'hui  i-uc  des  Minimes), 
et,  le  ^20  aoùl  !(>()",  uni;  aulre  maison  en  l'ace  du  couvent 
{\c6  Capucins  e(  ap[)arlenant  à  ses  parents,  (pn'  uccu|)aient  la 
maison  eontiguë.  Ce  t'abrieanl  renonça  à  son  induslrie  poui' 
devenir  irrel'lier  de  la  Irésorerie  de  la  ville;  il  niourui  le 
"■27  avi'il  lG8i),  laissant  deux  entants  (jui  enirèrent  en  (piel- 
(|uc  sorte  dans  la  noblesse  :  sa  lille  Isabelle-Charlotte,  par 
son  niariaue  avec  Cabriel-Fj'ançois  De  Fi'aye,  (pii  l'ut  créé 
échevin  île  Bruxelles  en  l{)85,  et  son  lils  Antoinc-Franeuis, 
))ar  sa  nomination  aux  l'onelions  de  lieulenanl-annnaii  de  la 
même  ville,  en  1701  (->). 

Jean  Hae^  le  Jeune,  ^uv  Icipjcl  J'ai  promis  de  icvemr,  fui 
pi'ivilegié  en  même  lenips  que  Fi'aneois  Van  den  llecke,  en 
iOiH,  m;iis  il  iiinuriil  anlcrieuirmcnl  à  l()">7.  Sa  signature 
en   ((iul<'S  Iclli'es   se   Irouvc  sur   uih'  Iciilurc  conscrNéi;  au 


(i)  Voyc/  un  acte  ila  17  uiiir.s  iGoO. 

(-2)  L'Annuaire  delà  noblesse belije  {^mv  11s77,  p.  i6~.  a  imblie  iiiic  i;(.'iii'al(ii;ic 
(le  la  famille  Van  den  Hctho,  mais  sans  nientionnor,  il  est  à  peine  nécessaire  que 
nous  en  fassions  la  rcmaniue,  les  lih-es  qui  leur  assui'cul  une  place  tionoralile 
parmi  les  grands  imlustiicls  du  pays. 


—  557  — 

palais  de  Madrid,  la  Vie  de  Décim  (l)uil  pièces  eu  laine  et 
soie),  ainsi  que  sur  deux  pièces  de  la  colieclion  du  duc  de 
Berwick  et  d'Albc,  représentant  :  l'une,  un  Roi  de  Suède 
à  clicvol,  et  l'autre,  un  Cavalier  (i). 

Le  I*'  décembre  1638,  l'exemption  d'assise  fut  accordée  à 
deux  grands  tapissiers  :  Pierre  Van  Sinay  et  Everard  Ley- 
niers.  Le  premier  était  entré  depuis  24  ans  dans  la  corpora- 
tion et  avait  à  plusieurs  rei)riscs  exercé  les  fonctions  de  doyen 
(notamment  en  1657),  d'arrière-conseil  (achlerraet)  et  de 
maître  de  la  caisse  des  pauvres  du  métier  (arinbussemcesler). 
Pour  donner  une  idée  de  l'importance  du  commerce  des 
tapisseries  à  cette  époque,  il  nous  suffira  de  citer  celait, 
allégué  |)ar  Sinay  et  dont  l'exactitude  pourrait  difficilement 
être  contestée,  qu'il  avait  déjà  confectionné  ou  fait  confec- 
tionner des  tentures  pour  plus  de  200,000  florins,  somme 
énorme  et  qui  représenterait  aujourd'hui  deux  millions  de 
francs  environ  (a).  Et  cependant  Pierre  Van  Sinay  nous 
reste  inconnu,  ce  document  excepté.  Suivant  toute  appa- 
rence, son  monogramme,  son  chiffre,  est  un  de  ceux  qu'il 
n'est  pas  possible  de  reconnaître. 

Nous  sommes  mieux  renseignésen  ce  qui  concerne  Everard 
Lcyniers,  qui  était  alors  le  chef  de  la  branche  aînée  d'une  des 
principales  familles  de  tapissiers.  Son  père  Gaspar,  fils  d'un 
premier  Everard,  dont  nous  avons  parlé,  et  frère  du  célèbre 
leinturier  Daniel  Leynicrs,  fut  un  fabricant  fameux  de  tajiis- 
series  et  mourut  le  26  octobre  1()4U,  âgé  de  75  ans,  laissant 
trois  fils  qui  furent,  comme  lui,  fabricants  de  tentures.  Ils 
s'appelaient  Everard,  Pierre  et  Nicolas.  Né  le  16  juin  1597 


(i)  Catalogue,  p.  65. 

(»)  Register  der  sladl  van  Brussel  stib  de  Coudé,  ï"  17i  v". 


—  :i;)8  — 

d'Aiim'  \";tii(l('i'<-(iiil('i',  M\ci';ii'i!  allciiiuil,  coinnu'  .sijii  y,vn\  un 
;'iu('  liVo-uViiiicé,  c;ii'  il  îk,'  iiunii'iil  (]I!l'  le  iiU  jiuivifT  l(J80, 
'<  accablé  (l(j  gloire,  »  pour  me  servir  tle  l'expi'essioii  eiiipha- 
li(|iie  d'un  de  ses  descendanls.  Il  profila  lai'gemeiil,  selon 
(ouïe  îipparcncc,  des  aniélioralions  considérables  (jue  son 
oncle  a])porla  dans  la  préparation  (\c>  couleui's  el,  api'ès 
avoii"  été  plusieurs  fois  doyen,  nolanuneiil  en  11'),')')  el  en 
1050,  il  fui  conseiller  conimunid  de  \(')79.  à  I(i7^ 

l']verard,  dil  le  nuuiusciàl  coiicernanl  les  Leynicrs  ;iu- 
(juel  nous  avons  déjà  fait  des  eniprunls,  jouil  de  son  leinps 
d'une  Irès-gi'ando  répulalion.  l);ins  sa  jeunesse,  il  conlec- 
lioiiii;i  la  Copver.sion  de  Saini-Paul,  ruue  des  jiièces  d(^  la 
série  de  tentures  comiue  sous  le  noni  lY Arles  ilcs  Ajjlire.s  el 
dont  l'infanle  Isabelle  iiralilia  les  i-eliuieuses  carmélilcs  de 
Bruxelles  vers  l'an  1GI8.  Une  trentaine  d'années  plus  lai-il, 
l'arcliiduc  Léopold-Guillauuie,  gouverneur-général  des  Tays- 
Bas,  eut  l'idée  d'ouvrir  un  concours  enli'C  ies  meilleurs 
tabi'icanls  de  la  capilale  des  Pa\s-Bas  espagnols.  Il  leur  pro- 
posa d'exécuter  des  tenlurcs  rcpré^^enlanl  les  douze  mois 
de  l'aiMiée,  d'a))rès  les  dessins  de  «  rinimilable  peinli-e 
w  Teniers  »,  el  assigna  un  |)rix  à  celui  doiil  le  travail  sérail 
reconnu  le  meilleur,  «  au  jugement  des  plus  savanls  |)cinlres 
»  et  tapissiers  ».  Leyniers,  Gei'ard  Van  dei-  Sli'eeken, 
(iuillaume  Van  Leeldael  d  Henri  llydams  se  dispiiléreiil  la 
j)alme,  qui  fut  unanimement  allribuée  au  |ireinier.  Leyniei's 
entreprit  encore  d'autres  travaux  considérables,  el  surloul 
beaucoup  de  ligures  principales,  lelles  que  celles  de  la  len- 
lui'(>  l'abiiquee  |)i»ur  le  princi'  de  N'audeiimnl  où  I  on  Noyail 
i Histoire  (C Annilnd  et  de  ^\//>/c)??,  d'après  les  compositions 
d(,'  i^qdiacl  (un  plulnl  dr  Jidc.s  [{oiiiain). 


.M.  l)i'!|tL'cli-])M\  l<  (  |n»>si''(l('  iiiK.'  x'ric  (le  l;i|nss<'ri('>  ni'i 
l'un  roMiarquL'  les  iiiiliiilcs  !•].  L.,  d  r(')»ivs(.'iil;iiil  : 

1  '  Le  (lûparl  ; 

ii"  Le  bien  al  loi- ; 

5"  Le  cerf  (lél)us(|uc  ; 

'«"  Le  (-ei'f  à  l'eau  ; 

.")"  La  iiiori  (lu  eerf; 

(>'  Le  relour. 

On  a  cru  reconnaître,  dans  i|uel<iue.s-uiie.s  des  ligures  de 
cellc  lenlure,  des  poiirails  de  pi-inces  de  la  faniille  de  Maxi- 
inilien  d'AiUriehe,  peul-élre  iiarce  que  ces  tapisseries  ont  été 
faites  d'après  d'anciens  carions.  Les  bordures  se  composent 
de  lleurs  ((ui  s'écbappent  de  cornes  d'abondance  i)lacées 
dans  les  angles,  et  offrent  une  perruciie  au  milieu  de  clia(|ue 
l>ande  verticale.  Les  pièces  ont  5"'!20  de  haut  sur  une 
lajgenr  variant  de  2'"o0  à  4  mètres  (i  ). 

Ëverard  Leyniers  se  maria  deux  Ibis  :  le  \)  octobre  IO!2!2, 
avec  Jeanne  Stubbeleer;  le  10  janvier  IGiJT,  avec  Françoise 
(lodien.  Il  eut  de  celle-ci  trois  lils  :  Jean,  Daniel  et  Gilles, 
(pii  furent  tous  trois  fabricants  de  tapisseries,  et  deux  de  ses 
frères,  Piei-re  et  Nicolas,  exercèrent  la  même  profession  que 
lui.  Pour  ce  qui  est  de  Pierre,  on  ne  connaissait  plus,  ni  les 
pei'sonnes  auxquelles  il  avait  livré  (}v.^  tentures,  ni  les  pein- 
Ires  dont  il  avait  utilisé  les  dessins,  lorscju'on  rédigea,  au 
commencement  {.\u  xvin''  siècle,  le  manuscrit  aucpiel  nous 
(levons  tant  de  détails  sur  sa  lignée.  Il  habitait,  en  IC()8,  à 
l'angle  formé  i)ar  la  rue  dite /(fi  DamkacvUlraelkcn,  actuelle- 
ment ruelle  de  l'Ancre,  el  moui'iil  en  KiTO,  à  l'agc  de  Gil  ans, 


(,1)  CataUxjiie  de  l' union  ccnlrah'  r/cv  aris,  p.  -l'iO. 


—  560  — 

après  avoir  eu  deux  fils  el  une  lille  d'Anne  Monkornrl,  tjui 
appartenait  à  une  famille  de  tapissiers  el  de  graveurs  (i). 
Quant  à  Nicolas  Leyniers,  il  décéda  le  20  juillet  l()o8,  lais- 
sant une  nombreuse  postérité,  issue  de  son  union  avec 
Elisabeth  Vander  Meulen.  On  pourrait  attribuer  à  la  colla- 
boration fi'aternelle  d'Éverard  et  de  Nicolas  les  pièces  où 
l'on  remarque  un  chiffre  composé  au  bas  des  lettres  E,  N  et 
L  entrelacées,  et  en  haut  d'un  ornement  v.irié.  Il  se  voit  sur 
la  deuxième  pièce  de  Hlistoire  de  Cyrus  (en  dix  pièces  de 
laine,  soie  et  or),  dont  la  première  pièce  offre  le  mono- 
gramme formé  des  lettres  I.  A.  G.,  initiales  de  Jacques  Gcu- 
bels,  et  sur  deux  pièces,  la  troisième  et  la'  septième  d'une 
reproduction  des  Actes  des  Apôtres  (neuf  pièces  de  laine  et 
de  soie),  dont  les  deux  premières  se  distinguent  par  un  mo- 
nogramme inexplicable.  Il  se  compose  d'une  lige  formant 
un  T  et  autour  de  laquelle  s'enroulent  :  tantôt  un  A  et  plus 
bas  un  G  retourné,  tantôt  un  N  et  plus  bas  un  G  également 
retourné.  Quelque  soit  la  signification  de  ce  dernier,  on 
ne  peut  contester  la  parlicipation  des  Leyniers  à  l'exécution 
des  deux  tentures  dont  nous  venons  de  parler  et  qui  se  con- 
servent au  palais  de  Madrid.  Nicolas  Leyniers  avait  été  reçu 
dans  le  métier  des  teinturiers  en  4G57-1G5.S. 

Jean  Leyniers,  le  fils  aine  d'Éverard,  ne  lui  jtas  moins 
renommé  que  son  ))ère.  Il  travaillait  depuis  longtemps  et 
commerçait  surtout  avec  la  France  lorsqu'il  l'ut  j)rivilégié 


())  On  sait  que  les  Moncornot  éluient  graveui's  cl  cous  avons  déjii  eu  occasion 
d'en  citer  un,  Nicolas,  qui  rcnipliss;iit  les  fonctions  d'expert  du  niélicr  en  10:21 
(voyez  plus  haut,  XVI"  année,  p.  266).  En  janvier  162.",  niaitre  Jean  Monckornet, 
tils  de  feu  Nicaise,  entra  comme  apprenti  chez  le  peintre  Jean  de  l'aeyge  ou  de 
Paige  dit  le  Jeune. 


—  561   — 

par  la  ville  le  :2  août  16(il  (0-  Ce  dernier  clélail  s'explique 
par  l'engouement  dont  les  tentures  historiées  étaient  alors 
l'objet  et  qui  était  si  prononcé  chez  le  cardinal  Mazaiiii,  (pii 
avait  succédé  dans  le  gouvcrnemenl  de  la  France  au  célèbre 
Richelieu  ;  il  est  confirmé  d'ailleurs  par  le  mémoire  manus- 
crit sur  les  Leyniers,  où  on  lit  ce  qui  suit  :  Jean  Leyniers 
exécuta  un  très-grand  nombre  de  tapisseries.  Il  fit  pour 
Monsieur,  frère  unique  du  roi  de  France  Louis  XIV  (Phi- 
lippe, depuis  duc  d'Orléans  et  chef  de  la  branche  de  la 
famille  de  Bourbon  qui  existe  encore  sous  ce  nom),  quatre 
pièces,  avec  les  armoiries  de  ce  prince  au  milieu,  rehaussées 
d'or  et  d'argent,  et,  sur  les  dessins  fournis  par  le  célèbre 
Charles  Lebrun,  l'Histoire  de  Méleagre  et  dWtalante,  en  huit 
pièces.  On  lui  doit,  en  outre  :  l'Histoire  de  Moïse,  en  six 
pièces;  l'Histoire  de  Cléopdtre,  également  en  six  pièces;  les 
Arts,  en  sept  pièces;  l'Histoire  de  Clovis,  premier  roi  chré- 
tien, en  huit  pièces.  Les  cartons  de  toutes  ces  compositions, 
ajoute  l'auteur  du  manuscrit  en  question  ,  furent  fournis 
par  un  peintre  français  dont  le  nom  s'est  perdu,  et  ce  fut 
Valdor  qui  les  fit  parvenir  à  Bruxelles.  On  sait  que  Jean 
Valdor,  célèbre  graveur  liégeois,  s'était  fixé  à  Paris,  où  il 
épousa,  dans  l'église  Saint-Merry,  le  12  février  1015,  une 
flamande,  nommée  Catherine  Janssens.  Notre  auteur  ajoute 
encore  :  Vander  Heyden  esquissa  les  figures  et  Luc  Acht- 
schellinck  les  paysages  ou  fonds  d'une  autre  tenture,  de  six 
pièces;  ces  tentures,  ainsi  qu'une  autre,  en  huit  pièces,  inti- 
tulée :  le  Paradis  terrestre,  furent  l'épétées  plusieurs  fois 
pour  différents  particuliers. 


(»)  yi''  register  ter  Trésor ije  gehoiiden,  P  fîl.'i. 


—  :i(^2  — 

II  y  avait  à  l'oxpositioii  do  TilisloiiT  du  costume  une  ten- 
ture de  l'ilisloire  de  Moisc,  en  six  |)ièces;  mais  comme  je 
n'avais  pas  à  cette  épo((ne  l'intention  de  m'occuper  des 
tapisseries  l)ruxelloises,  je  ne  me  suis  pas  assuré  de  sa  pi'o- 
venance.  Une  aulre,  (jui  a  liuiiré  à  rcxposition  |)arisienne  de 
1S7(),  jjorlait  un  monog'ramme  (composé  d'une  lige  reposant 
sur  un  G  et  IraversanI,  dans  1(^  liaul,  deux  W  superposés. 
Elle  se  compose  de  dix  })ièces  :  le  Buisson  ardent,  Moïse  et 
Aaron  allant  trouver  le  roi  d'Egypte,  la  Sortie  d'Egypte,  le 
Passage  de  la  mer  Rouge,  les  Réjouissances  des  Israélites 
après  ce  passage,  ^loïse  faisant  jaillir  l'eau  du  rocher.  Moïse 
recevant  les  tables  de  la  loi,  l'Adoration  du  veau  d'or,  le 
Serpent  d'airain  el  une  Bal;iille.  Elle  provient  du  palais 
('piscopal  de  Gènes  et  appartient  actuellement  à  M.  Eugène 
Cuau.  La  bordure  se  compos(^  d'arabesques  jaunes,  se  déta- 
chant sui'  lui  fond  l)leuàlre,  cl  la  iiianpK'  de  Bruxelles  est 
tissée  dans  uuo  bande  rouge  de  la  |)liipart  des  |)ièces. 
La  hauteur  varie  de  ô"'(SO  à  '{"'ôd  cl  la  largeur  de  ~)""ii 
à  .Vt).')  (i). 

Quant  à  l'ilisloire  de  (lovls,  nous  n'en  connaissons  qu'une 
seule  reproduction,  c'est  celle  que  l'on  voit  à  riiùlel  de  ville 
de  Bi-uxelles,  dans  les  deux  salles  des  sections  el  l'anli- 
cbambrc  (|ui  les  sépare,  enirc  la  s.alh^  du  conseil  communal  cl 
celle  du  collège  cclievinal.  Elle  a  ('le  cndiMiiiiiagi'C  par  l'ac- 
tion d(ï  la  lumière  et  a  pci'du  l'éclat  de  ses  couleurs,  mais  les 
boi'dures  ont  conservé  leur  vigueur  primitive  et  sont  restées 
admirables.  Elles  sont  oiaiées  de  guirlandes  de  fleurs  et  \)vv- 
>enli'nl  ini  aigle  de  clia(iue  coU',  ;iu  milieu  de  la  bande.  Dt'ux 


f  i)  l'iiioti  rculnilc  lies  mh.  C.dInJiKiiic.  \\.  'IV 


—  :i(M  — 

(le  ces  l;tj)issorios  sont  liors  tie  |)roporlioii  avec  les  l.'imhris 
(|u'elles  décoreiil;  à  caiiso  (l(;  leur  excessive  largeur,  elles 
soiil  coii})Les  au  milieu,  do  la  ra(;(Mi  la  plus  disgracieuse, 
par  Fuii  des  angles  de  la  salle.  Voici  les  sujets  (k:^  huit  |)ièces  : 

(llovis  placé  sur  le  parvis  cl  pi'ocdarué  roi  des  Francs; 

Halaille  de  Tolbiac  gagn(;(?  sur  les  Allemands; 

L'envoyé  de  Clovis  demandanl  la  main  de  Clolilde; 

Celle  princesse  laissant  londjci'  une  pièce  iVov  (pic  l'ciivové 
ramasse; 

Le  mariage  de  Clovis  ; 

Le  Icstin  de  noces; 

Le  baptême  de  ce  prince; 

Clovis,  au  lit  de  mort,  dictant  son  testament. 

Il  est  facile  de  reconnaître  dans  le  dessin  de  celle  tenture 
le  style  de  Lebrun  ;  dessin  jilein  d(!  correction,  d'élégance  et 
de  noblesse.  On  jioul  en  conclui-e  (pie  la  tenture  est  de  Jean 
Leyniers,  qui  a  eu  tant  de  relations  avec  la  France  et  plus 
d'une  Ibis  exécuté  (\e:>  tapisseries  d'après  le  peintre  dont 
nous  venons  de  parler.  On  connaît  encore  de  lui  une  lapis- 
sei'ie  signée  Jan  [l'ijnicrs  et  où  l'on  voit  deux  lioinuKS  se 
(lis|iulaiit  une  tète  de  sanglier;  peut-èlre  est-ce  une  des 
pièces  de  lllisloire  d'Alalanle  citée  plus  haut.  On  |)Ourrail 
encore  lui  atlribuei'  le  monogramme  dessinant  à  peu  près  un 
/  et  un  L  et(pii  caractérise  une  lentui-e  du  palais  de  .Madrid, 
h'-i  Ihilaillea  do  Scipion. 

C'est  vers  la  (\n  de  rannée  l()<S(i(pie  niouiut  c(^  r;d»ric;iiil, 
Il  i|ui  ses  deux  femmes,  Françoise  Van  Meulcbeeck,  morte 
le  -2^)  mars  K')6'2,  et  Susaime  l)(^  .Mesmaeker.  (h'cedée  le 
17  juin  1704,  donnèrent  seize  enfants,  denl  plusieurs 
iiiiniriireiii   en  bas-àuv.    De  ^e^  deux    frères,   l'un,   Daniel, 


—  564  — 

cessa  de  vivre  en  1683,  sans  avoir  persévéré  dans  l'exercice 
de  sa  profession;  l'autre,  Gilles,  expira  le  lo  mai  1703,  âgé 
de  6^  ans;  tous  les  deux  laissèrent  une  nombreuse  postérité. 
Gilles  fournit  au  comte  de  Salasar  deux  tentures  de  six 
pièces  :  les  Douze  mois  de  Cannée,  d"après  Jérôme  De  Potter, 
eUles  Chasses,  et  on  lui  dut  aussi  des  tapisseries  représentant 
les  Chasses  de  Boche  fort  ou  Doitsfort. 

La  réputation  de  la  famille  fut  surtout  maintenue  par  un 
cousin  des  précédents,  Gaspar,  le  llls  aîné  de  Nicolas  Ley- 
niers,  qui  excella  à  la  fois  dans  la  fabrication  et  la  teinture 
des  tapis,  «Il s'appliqua  si  fortement,  dit  le  manuscrit  sur  les 
Leyniers,  à  l'art  de  la  teinture  et  le  cultiva  avec  tant  de  soin 
qu'il  dépassa  de  beaucoup  tous  ses  ancêtres  dans  l'emploi  de 
toutes  les  nuances.  A  cette  époque,  la  fabrication  des  tapis- 
series commençait  à  devenir  plus  correcte  dans  l'appareil- 
lage des  nuances  et  approchait  |)lus  (|ue  jamais  du  coloris 
des  tableaux  d'après  lesquels  on  travaillait,  principalement 
dans  les  paysages,  dont  les  lointains  réclament  des  moitiés 
et  des  quarts  de  teintes.  Ce  fut  en  ce  genre  que  Gaspar  Ley- 
niers s'acquit  une  telle  réputation  et  si  bien  fondée  qu'on  le 
considéra  comme  le  premier  et  le  seul  de  tous  les  Pays-Bas 
(pii  j)nt  atteindre  à  ce  haut  degré  de  perfection.  Le  comte 
de  Monterey,  gouverneur-général,  et  grand  amateur  des 
arts,  surtout  de  celui  de  la  tapisserie,  mit  à  l'œuvre,  sous  ses 
yeux  et  dans  le  palais  même,  quatre  des  plus  habiles  maitres 
de  Bruxelles,  alin  de  pouvoir  juger  par  lui-même  de  leur 
mérite;  respectif.  Leurs  tapisseries  furent  ensuite  envoyées 
en  Espagne, 

»  A  cette  occasion  M.  de  Monterey  fit  venir  de  France  plu- 
sieurs nuances  de  cramoisi,  afin  de  les  comparera  celles  que 


—  o65  — 

Gaspar  Leyniers  employa  en  sa  présence  et  dont  la  qualité 
fui  reconnue  meilleure,  au  grand  applaudissement  de  tous 
les  maîtres  fabricants  de  tapisseries,  qui  s'empressèrent  de 
l'attester  par  écrit.  »  M.  de  Monterey  prit  alors  une  décision 
que  notre  auteur  approuve  sans  restriction,  mais  (pii  avait, 
à  ce  qu'il  semble,  le  tort  d'être  trop  absolue,  de  constituer 
en  faveur  de  Leyniers  un  véritable  monopole.  Non -seule- 
ment, par  acte  en  date  du  25  octobre  1672,  il  l'autorisa  à 
faire  placer  ses  armoiries  au-dessus  de  la  porte  d'entrée  de 
sa  maison,  avec  cette  inscription  :  (einturier  pour  la  fa- 
brique de  lajtisseries  de  Son  Excellence,  mais  il  défendit  aux 
tapissiers  d'employer  d'autres  teintures  que  les  siennes. 

Gaspar  avait  obtenu,  dès  le  4  mars  1051),  les  avantages 
dont  son  père,  Nicolas  Lenniers  ou  Leyniers,  jouissait  comme 
maître  tapissier  et  teinturier  de  fils.  Le  26  mai  1C71,  sa 
franchise  fut  considérablement  augmentée  et  portée  à  48  se- 
tiers  de  drèche  et  une  aime  de  vin  du  Rhin  ])ar  an,  en  con- 
sidération de  la  perfection  de  ses  produits,  de  la  quantité  {\o 
cuves,  de  chaudrons  et  de  fournaises  qu'il  avait  dû  établir 
et  du  grand  noml)re  d'ouvriers  occupés  par  lui  (i).  Peu  de 
temps  après  (le  1 1  octobre  1672),  ses  franchises  d'assises 
et  l'exemption  de  service  de  la  garde  bourgeoise  furent 
étendues  aux  ouvriers  de  ses  ateliers,  faveur  qui  n'avait 
jamais  été  octroyée  à  personne.  Les  concitoyens  de  Leyniers 
rélevèrent,  en  1692,  aux  fonctions  de  receveur  de  la  ville, 
fonctions  dont  il  fut  investi  jusqu'en  1695.  Il  fut  aussi  niar- 
guillicr  de  l'église  Sainte-Catherine,  à  laquelle  il  donna  une 
tapisserie  représentant  les  Trois  liais. 


(i)  V*  register  1er  Tre.sorije  gehouden,  i"  362.  —  V///'  regisler,  f°  226. 


Il  inoiiriil  lo  i2n  sepleinl)!'»'  170"),  à  l'Aixe  do  OV  ans,  ain'ôs 
avoir  eu  de  Calhorino  De  Mnyeio  plusieurs  enfants,  nolani- 
menl  Dani(l,  (|ui  ne  laissa  que  des  lils  morls jeunes  oueéli- 
l)alaires,  et  des  filles,  el  Ui'i)ain,  doni  nous  aurons  occasion 
déparier.  Gaspar  Leyni(M's  liahilail  prohablemenl  la  niaison 
(]i(e/f  Pelil  l-((ra(iis,  siUk'O  jiivs  du  Marclié-au-Hois,  dans  la 
rue  dite  f/c  l^ollepel  (la  rue  Cuiller  à  Pol),  maison  (pn'  fui 
vendue,  en  I7()!2,  par  les  enlanls  de  son  lils  Daniel  el 
d'Elisabeth  Van  den  Daele.  Hors  de  la  ville,  il  possédai!  à 
Bever,  dans  le  village  de  Slromheek,  une  jolie  riHa,  décorée 
à  rinlérieur  de  boiseries  cl  de  peinlures  el  (pii  apparhVnl 
acUiellemenI  aux  de  Villegas  de  Clercainp.  Ce  l'ut  son  fils 
Kverard  (pii  en  bérila,  mais  il  moui'ul  jeunt^  el  légua  ce  bien 
à  sa  sœur  Catherine,  veuve  de  Gérard  Van  der  Schuei-(Mi  el 
l'emnie  de  Godefroid-Dominique  Van  Vcen,  Tun  des  secré- 
taires de  la  ville,  puis  avocat  au  Conseil  de  l>rabanl;  Cathe- 
rine et  Godefroid  vendirent  leur  villa  en  17^21). 

Afin  de  ne  pas  tronquer  ce  qui  concei-ne  les  Leyniers  an 
WM*"  siècle,  nous  nous  sommes  éloignés  de  l'époque  des 
archiducs  Albert  et  Isabelle.  Revenons  y  pour  repn^ndre 
l'énuniération  des  fabricants  de  celle  éj^otpie. 

En  102^,  le  métier  avait  reçu  comme  maiire  Conrad  Van 
der  Brutîgen,  (pii  fut  plii.sieui's  fois  doyen,  iiolanimcnl  en 
16'">7,  l'ii  Ki'j-l-M'tl^,  en  place  de  Henri  llallliiivs,  (pii  \(Miail 
de  mourir,  et  en  KiicS.  Il  fut  privilégié  par  la  ville  le  1:2  jinl- 
Ict  KiôU  d)  l'I  vivait  cnciu'c  o\\  \Ck)7.  In  anire  nicnd)i'c  d(> 
la   mcnie  familic.  Gaspar,  était  doyen  lors(pi"il  fut  |)rivil(>gié 


(i)  I'  lyiiish'r  li'r  Tii'snii/r  i/rli'urlni,  i"  .". 


—  o()7   — 

;i  son  lotir  le  15  août  l()i:2  (i)  cl  csl  encore  nionlionnô  en 
167i).  Il  remplil  les  fonctions  tlo  conseiller  communal  en 
10(59,  épousa  Jeanne  Cnuddens  el  lial)ilail  rue  Ilaule, 
|)rès  (le  l'église  des  Capucins.  C'est  à  lui,  sans  doule, 
cpi'il  faut  altrihuer  trois  ])ièces  qui  se  trouvent  chez 
MM.  lîraquenié  et  (pii  représentent  des  épisodes  de  la  Guerre 
de  Traie,  et  notamment  les  Troyens  faisant  enln^-  dans  leurs 
murs  le  Cheval  des  Grecs,  malgré  les  avertissements  de 
Cassandre,  el  la  Fuite  d'Fnée.  Ces  pièces  mesurent  -^''^O  de 

hauteur  sur  ."'"So,  :i"'."0  el Elles  portent  |)(iur  marque  : 

la  première  I  (laspar?)  V.  B.,  les  deux  autres  1.  V.  Brugghfn. 

En  1021),  le  métier  admit  Ilenri  Rydams.  Lorsqu'il  fut 
privilégié  par  la  ville,  le  10  février  1010,  il  travaillait  avec 
dix  compagnons  ou  ouvriers  et  deux  ou  trois  api^rentis,  et 
avait  été  pendant  deux  ans  maître  de  la  caisse  de  malades 
(sieckbusmeesler)  (-2).  Peut-èti'e  faut-il  lui  attrihuei-  le  Feslinde 
Pyrrhus  après  la  bataille  d'Ascuhim,  pièce  de  la  collec'.ion  du 
duc  de  Berwick  et  d'Alhe,  sur  laquelle  on  rcmanjue  les 
initiales  II.  R.  On  y  voit  trois  généraux  assis  devant  une  table 
et  servis  par  une  foule  de  serviteurs;  la  bordure  est  ornée 
d'amours  se  jouanl  au  milieu  de  Heurs  et  de  fruits.  La 
tapisserie  mesure  i"'2.')  sur  V'y.i.  Après  quarante  années 
de  labeurs  continuels,  Rydams  abandonna  ses  ateliers,  ses 
métiers,  les  pièces  qui  étaient  chez  lui  en  cours  d'exécution 
à  son  llls  également  nommé  Henri,  qui  fut  à  son  tour  avan- 
tagé par  la  ville,  le  L'>  janvier  1071  (.-,). 

Le  duc  de  Médina  Coeli,à  Madrid,  jîossède  huit  tapisseri(\s 


(1)  I"  regi.slt'r  ter  Tresori/e  (leltouden,  i°  188. 

{■1)  Ibidem,  r«  60. 

(:.)  VIII''  rraislcr  Irr  Tresori/c  ficlioïKleii,  f"  200. 


—  d68  — 

armoriées  portant  rinscriplion  :  David  Teniers  junior  pinxif 
1080  cl  les  signatures  tics  tapissiers  II.  Reydams  et 
J.  Borcghl.  Une  tenture,  représentant  l'Éducation  du  cheval, 
est  aussi  signée  H.  Reydams;  elle  appartient  à  la  fin  du 
xvir  siècle,  parce  que  d'autres  pièces  offrent  le  nom  d'An- 
selme De  Broc,  qui  vivait  alors.  Ce  deuxième  Rydams 
habitait  au  Vieux-Marché  et  fut  élu  doyen  du  métier  le 
3  janvier  1G87  en  remplacement  de  Jean  Leyniers,  qui  venait 
de  mourir.  Il  eut  un  frère,  nommé  François,  qui  entra  en 
ipialilé  d'apprenti  peintre  chez  Jean  Arys,  le  10  novembre 
IGGG.  Quant  à  lui,  il  épousa  Jeanne-Catherine  Leyniers, 
dont  le  père,  Daniel,  était  aussi  peintre,  et  mourut  le 
26  janvier  1719,  ayant  eu  un  grand  nombre  d'enfants, 
entre  autres  Jacques-Ignace  Rydams,  qui  fut  privilégié 
après  lui,  le  \\  mars  17:20  (i).  Le  second  Henri  Rydams 
était  associé,  pour  la  fabrication  des  tentures,  avec  Urbain 
et  Daniel,  fils  de  Gaspar  Leyniers.  Cette  particularité  nous 
est  révélée  par  deux  emprunts  de  4,000  florins  qu'il  con- 
tracta, le  IG  décembre  1712  et  le  2i  décembre  1715,  et  pour 
lesquels  il  donna  en  gage,  du  consentement  de  ses  associés, 
un  tiers  de  tous  les  métiers  et  autres  ustensiles  de  l'associa- 
lion,  de  toutes  les  soies  ou  sayettes,  et  de  tous  les  patrons  et 
tapis  exécutés  ou  en  projet  (2).  On  s'explique  ainsi  pourquoi 
les  tapisseries  de  la  salle  du  conseil  communal,  à  Bruxelles, 
portent  la  double  signature  Leyxiers-Rydams. 

La  mort  d'Isabelle,  arrivée  en  1655,  n'arrêta  pas  la  pros- 
périté de  l'industrie  des  tapisseries,  à  laquelle  cette  princesse 


(t)  .VVV*  regisler,  f  205. 

(î)  Refi'tstrrs  aux  srntenrex  du  Cjnn^eil  de  linibfnit,  w"  9-4a,  f°"  1  lô  et  21!). 


—  ;>6;»  — 

avait  tanl  conlribiic.  L'ciilrce  dans  le  iiiélicr  de  |ilusiciirs 
maîtres,  tels  que  Guillaume  Oulaert,  Léonard  Wyns,  Pierre 
Kint  ou  Kindt,  elc  ,  date  de  l'année  suivante.  Ils  donnèrent 
une  certaine  importance  à  leurs  travaux,  puisiju'ils  furent 
privilégiés  l'un  après  l'autre  :  Oulaert,  qui  était  mort  à  la 
date  du  15  novembre  1G69,  le  ^27  mai  1049  (t)  ;  Wyns, 
après  avoir  rempli  deux  fois  les  fonctions  de  doyen  et  qui 
le  fut  encore  en  1670  et  en  i076,  le  7  février  1651  (2); 
Kint,  qui  était  également  décédé  en  1009,  le  25  octobre 
I()60  (z).  De  concert  avec  sa  femme,  Marguerite  Vanden 
Alboome,  Wyns  constitua,  le  10  janvier  167i,  une  rente  de 
5  florins  par  an  au  profil  de  ï'armbusse  ou  caisse  des  pauvres 
du  métier,  rente  qui  était  hypothéquée  sur  la  maison  appelée 
Sainle-Anne,  située  rue  Haute,  en  face  de  la  brasserie  den 
Wayer  ou  l'Éventail  (brasserie  qui  formait  le  coin  de  la  rue 
à  laquelle  elle  a  donné  son  nom),  entre  les  biens  de  Gaspar 
Valider  Bruggen,  vers  les  Capucins,  et  ceux  de  Pétronille 
Vanden  Alboome.  Sa  femme,  devenue  veuve,  céda  ce  bien 
à  Jean-François  Vanden  Hecke  (ô  octobre  168j). 

Gilles  Van  Habbeke  fut  l'un  de  ceux  qui,  à  celte  épo(jue, 
luttèrent  avec  courage  contre  les  difficultés  dont  ils  étaient 
entourés.  En  neuf  ou  dix  années,  à  parlir  de  16ôo.  il  dé- 
pensa l'ius  de  100,000  florins  pour  maintenir  en  activité 
les  ateliers  bruxellois.  Éverard  Leyniers,  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut,  Gaspar  Leyniers,  son  parent,  et  Henri 
Rydams  travaillaient  constamment  pour   lui.   Outre   qu'il 


(i)  ///«  register  1er  Tresorye  gehouden,  i°  93. 
(i)  lY^  register,  f  61, 
(3)  V/*  register,  f»  93. 


—  :)7o  — 

rrlus;!  1rs  oiïiv.s  a\aiiluiii'uses  qiroii  lui  l'aisail  en  IVaiicc, 
il  .^c  iiasarda  à  négocier  on  liullandc,  au  moyen  de  licenles 
ou  paï^sc-porls,  el  il  y  vendil  de  belles  tapisseries  au  prince 
d'Oi'ange  Frédéric-Henri,  Il  fui  privilégié  par  la  ville,  le 
i  août  l()i()  (i),  mais  ses  elTorls  n'aboulii-enl  «pi'a  un  dé- 
sastre, car,  en  \ùo9,  il  avait  (luitté  Bruxelles  en  fugilir. 

André  Van  den  Driessclic  pi'il  |)lace  |)ai'mi  les  maiti'es  en 
Kiô'i  ou  \i\~}{},  l'ut  choisi  pour  doyen  en  1010  cl  Kill,  l'ut 
privilégié  le  l''  avril  1()4:2  i-i)  el  vivait  encore  en  '('>7I.  Xe 
])ourrait-on  pas  supposer  ijuc  le  monogi'amme  bizarre  cpii 
consiste  en  une  barre  vei'ticale  à  laquelle  sont  accolés  en 
«luelque  sorte  trois  sortes  de  D,  est  celui  de  Dries  ou  André 
\'an  Den  Dricsscbe.  Il  s(;  voit  sur  une  tapisserie  bruxelloise 
où  est  retracée  l'épisode  si  populaii'e  aux  \\i"  et  wn"  siècles 
de  Oombault  et  de  Macé,  avec  les  légendes  rabelaisiennes 
(\[ù  l'accompagnent  d'ordinaire  et  qui  ex|)liquenl  les  poses 
el  les  g'estes  des  personnages  (ôj.  Il  y  en  a  des  exenqilaires 
où  (»n  relrouv(;  les  costumes,  le  style  de  répo(|ue  de 
I;Ouis  Xll  et  de  François  1",  notamment  où  se;  voient  les 
initiales  des  IVèrcs  Geubc  (je  suppose  qu'il  faut  dire  Geu- 
bels)  (i)  et  la  marque  de  Bruxelles.  Chez  MM.  Bratjuenié  il 
v  a  une  tapisserie  où  est  liguri'  le  même  sujet  avec  bordure 
composée  d'aral)es(pies  en  gi-isaille  se  délacliani  sur  un  fond 
Miur  doiT.  Ici  l(,'  cbilTre  consiste  en  un  B  bien  loi-mé  et  sou> 


(ij  //«  irgUler.  {■'  isi. 

(i)  llcyislcrdcr  sKidl  IliKssel  su  h  de  ConOc,  I-  200.  —  /  rnjislci  1er  ïnsonjc 
ijehoiiden,  f"  181. 

(5)  Jacoiemai;  I ,  ll/yliiirc  ilii  iiiiibUier,  p.   M8. 

(t)  l.eltredc  M.  Jiimnal,  du  "iO  Icvricr  IH(j3,  filée  par  M.  (.akii.i.,  ïaphscrics 
rcpnnenlunt  les  amours  de  Gombiiul  cl  Macé,  p.  7  ((iicnnUIr,  1803,  in-8"). 


—  ;)7i  — 

l<'t|ii<'I  (•>(  |il;!CL'  iiii  G  (i  1.  Toiil  le  iiioikIi'  Iflln-  >;iil  (juc  l;i 
li'iiliire  cil  (Hicslioii  vsi  cilcc  |)ar  Moliùn;  chiiis  son  AVitic, 
r.iit  sur  IlmjucI  011  s'osi  basé  pour  avaiit'(;r,  assez  graluiloiiiciil, 
(ju'il  en  |K)ssédail  un  exemplaire. 

Un  noniiné  Jciui  De  (llerek,  apiiarenlé  pi.ul-cire  avec  le 
peinire  de  ee  nom,  (pii  vivail  alors  à  iinixelles,  lui  rcrii 
mailiv  en  KlôC)  e(  privilégié  h;  :27  juillel  1 044  (-.>).  Il  avait 
exécuté  j)our  les  Jésuites  de  Rome  une  tapisserie  représen- 
tant la  Circoncî:iion  de  Noirc-Seif/neur,  (jui  obtint  tant  de 
succès  en  Italie  (ju'il  fui  chargé  d'en  envoyer  une  repro- 
duction aux  i)è;'es  de  la  Coiiipagnic  de  Jésus,  à  Gènes.  Il 
existe,  dans  la  collection  du  duc  de  JJerwick  et  d'Albe,  uim' 
pièce  de  tapisserie  ])0ur  plafond,  portant  la  mai'ipie  d»' 
Bruxelles  el  la  signalui'e  I  (Joauncs,  Jean)  LECLLr.c.  Sa  lar- 
geur est  de  7)"''2:'},  sa  hauteur  de  2"'75.  Elle  représente  un 
sujet  allégori(iuc.  Au  ceniie,  on  voit  la  \icloire,  eiivii'onnée 
d'étendards  et  de  liannières,  el  aux  angles  la  Justice,  l'Abon- 
dance,  la  Gloire  el  la  Renommée;  la  boi'dure,  qui  simuk'  un 
encadrement,  oITrc  dans  les  angles,  en  pans  coupés,  des 
guirlandes  de  Heurs  (.-,).  Après  la  mort  de  Jean  IJe  Glei'ck, 
son  industrie  l'ut  conliiiui'e  \yjv  son  lils  Jû'ùme,  <jui  fut  pri- 
vilégié à  son  tour,  le  ô  avril  l()77  (vj,  et  vivait  encore  en  I7(iô. 
()n  connail  des  De  Clerck  un  Triomphe  roinuin,  el  ils  ont  exé- 
culé  beaucouj)  de  tentures  en  collaboration  avec  les  A.  Castro. 


(i,i  (As  initiales  pourciiciit  se  lajiporlcr  à  Guiiiaiinie  Boiiviiiaiis,  qui  fui 
lirivilt'gic  cil  16-29,  l'ut  coiisuillor  cuiiimunal  un  1G-2.'J,  lUi'J,  lOôti,  IGiO,  llijj 
cl  IGo6,  et  ne  travaillait  plus  en  I6i0. 

(-2)  /"  regisler  1er  Tresnnje  f/efwifdcn,  {"  ôoj. 

{-.)  Cr/lalo'jiff,  \).  7i). 

(4)  IX"  regisler  1er  Trexori/t'-rielio'iilcii,  f"  '2ii. 


—  572  — 

Une  description  de  raneien  couvent  d(\s  Mininnes  y  signale, 
comme  exislante  dans  la  nef  de  l'église,  la  sépulture  de 
maître  Henri  D(;  Clercc),  tapissiei-,  (jui  fut  enterré  le  22  no- 
vembre 1727  (i). 

En  1640  et  dans  les  années  qui  suivirent  immédiatement, 
factivité  industrielle  se  maintient  encore.  Alors  travaillait 
Jean  De  Stryckere,  qui  avait  à  lui  seul  près  de  40  ouvriei's 
et  l'ut  privilégié  le  10  février  IGiO,  le  même  jour  que  le 
|)r('n)ier  des  Rydams  (2).  En  1641,  on  reçoit  comme  maître 
François  Van  Colthem ,  qui  Iburnissait  du  travail  à  ses 
confrères  Van  Beveren  et  Cordeys,  lorsqu'il  fut  avantagé, 
à  son  tour,  le  5  décembre  164G  (0),  et  qui  mourut  vers  î(339. 
A  partir  de  l'année  suivante,  Charles  de  la  Fontaine  fit 
peindre  de  nouveaux  cartons  et  employa  plusieurs  maîtres 
et  un  grand  nombre  d'ouvriers,  ce  (\u\  lui  valut  à  son  tour 
les  exemptions  ordinaires  d'assises  et  de  garde,  le  11  sep- 
tembre 164G  (4).  Alors  commence  Jacques  Van  Zeune,  alors 
reparaissent  les  De  Pannemaeker,  alors  se  montrent  égale- 
ment les  Van  Leefdale. 

Jacques  Van  Zeune  ou  Van  Zeunen,  pour  qui  travaillaient 
trois  autres  maîtres  ayant  chacun  leur'dieWer  (winckel)  par- 
ticulier, fut  privilégié  par  la  ville,  le  27  juillet  1644  (5;. 
Sa  famille  et  son  commei'ce  ayant  considérablement  aug- 
menté, il  aurait  voulu  qu'on  portât  à  50  seliers,  tous  les  ans, 

(ij  Mnghler  llenricus  De  Clercq,  tapeliar'nts,  litmiilfilii.s  Î22''  iinve})il>ris  1727. 
.MS  de  la  bibliothèque  de  Uoiiri;ogiie,  intitulé  :  Besclinjviiige  van  licf  cloosler  der 
eerut.  PP.  Minimen,  lot  Urussel. 

(î)  /•  regislcr  1er  Tresonje  geftnudeit,  f"  1:29. 

(.-.)  //•  register,  1"  :219. 

(i)  II"  register,  f«  178. 

(5)  /•  register,  f»  334. 


—  575  — 

la  quantité  de  drèclie  pour  laquelle  il  ne  devait  pas  d'impôt; 
le  fermier,  c'est-à-dire  celui  (jui  avait  pris  à  forme  l'assise 
sur  la  bière,  s'y  étant  refusé,  le  magistrat,  pris  pour  juge, 
porta  la  quantité  réclamée  par  Van  Zeune  à  21  seliers  de 
drèche  ou  12  aimes  de  bière  (18  décembre  1GC0)  (i).  Ce 
fabricant,  qui  fut  plusieurs  fois  doyen  du  métier,  notamment 
en  1G50  et  ICGO,  faisait  alors  confectionner  une  chambre 
qui  devait  coûter  25,000  florins.  Nous  en  connaissons  de 
lui  une  qui  représente  CHistoire  de  Jacob,  dont  il  existe  deux 
pièces  chez  MM,  Braquenié,  à  Malines  :  Jacob  béni  par  son 
père  (hauteur  3"'Co,  largeur  5'"50),  et  iaban  cherchant  ses 
idoles  dans  la  tente  de  liachel  (hauteur  3"7i>,  largeur  ^"'13). 
Dans  la  bordure  du  haut,  on  voit  un  cartouche,  avec  l'inscrip- 
tion :  Hisloria  Jacob,  et  dans  le  galon  du  bas,  la  marque  de 
Bruxelles  et  la  signature  I.  V.  S.  Un  double  de  celte  der- 
nière existe  chez  mon  neveu,  le  peintre  Emile  Wauters, 
mais  avec  la  signature  entière/.  Van  Zeune  (2). 

Les  De  Pannemaeker,  qui  avaient  produit  au  xvi*  siècle 
tant  d'œuvres  remarquables,  eurent  de  nouveau  quelque 
renom  cent  ans  plus  tard.  L'un  d'eux,  Érasme,  surnommé  le 
Jeune,  commença  en  164i  à  exercer  sa  profession  et  travail- 
lait encore  en  IG8I.  Il  demeurait,  en  1C68,  chaussée  d'An- 
derlccht,  près  de  la  Pelile-Senne  (op  hct  Sinncken).  Je  dois 
à  mon  collègue  et  ami  i^L  Génard,  d'Anvers,  le  texte  d'un 
contrat  passé  dans  cette  ville,  par-devant  le  notaire  Am- 
broise  Sebille,  le  2  mai  1069,  et  par  lequel  Érasme  et  son 


(1)  Vl'  reglster,  ["  9"j. 

(2)  Un  Nicuhis  V;iii  Ziione,  fils  de  Piene  Van  Ziieiie,  fut  reçu  dans  le  métier 
(les  peintres  :  en  IG07,  comme  apprenti  de  Ferdinand  berte;  le  26  février  1618, 
comme  uiailre  peintre. 


frère  François,  luihilaiils  do  Bruxelles,  s'eiigagenl  envers 
Henri  Leiiaerls,  négociant  anversois,  à  exéculer  six  pièces 
de  tapisseries  représenlant /'/y/i/o/re  de  Cyrus,  d'ajirès  des 
carions  acceptes,  sauCIa  bordure  (jui  devait  être  soumise  à 
l'approbation  de  Lenaeris.  On  fixe  à  six  aunes  la  liauteur  à 
donner  à  ces  pièces,  (jui  mesureraient  ensemble  t>50  aunes 
environ.  Le  tout  devait  èli-e  achevé  dans  les  six  mois  et  con- 
fectionné au  njoyen  de  deux  sortes  de  soie  de  boutonnièi'e 
(cnoopsyile),  sauf  {]ue  les  figures  {voorbceldcn)  seraient  de 
deux  sortes  de  soie  fine  et  les  ciels  d'une  seule  sorte.  Cha- 
que aune  serait  i)ayée  huit  florins,  un  tiers  en  argent 
et  deux  tiers  en  soie  de  boutonnière  de  couleur,  du  prix  de 
24  escaliiis  la  livre,  et  Lenaeris  s'obligea  à  livrer  iinmédia- 
lenient,  à  ce  prix.,  21  livres  de  fine  soie  de  couleur  if{in  co- 
hur  icercksyde)  (\). 


(0  Don  twecclt'ii  meye  -KiGO. 

Compareerden  Erasnuis  de  Pamiemaeolicr,  de  joiige,  ciule  Franchoys  de  Paii- 
iiernaecker,  synen  brocdcr,  beyiie  tapissiers  vvooiiendc  tôt  Briisscl  ende  wesen'le 
tegenwoordelyck  binncn  dese  stadt  Anlwecpen,  ter  eenre,  onde  d'iieer  Heniick 
Lenaeris,  negotiant,  woonende  alliier  t'  Aniwerpen,  ter  andere  syde,  bekcniicnde 
I'  saenien  oviicoiiniu'ii  ende  vciaccordocrt  te  wcseii  in  deser  vneglien,  te  wetene, 
dat  de  voornoemde  eer^te  compaiantcn  aengononien  ende  beiolt  hehben,  gciyck 
sy  acnnemen  ende  behiven  niidts  desen,  te  docii  niaeckcn  voor  den  vonrs.  d'iieer 
Henrick  Lena( risses  slutkcn  tapisseryen  naer  eem^n  palroon  van  de  Ilislorie  van 
Sirus,  mot  eenen  boorl  diteracn,  die  sy  tôt  contenleincnte  van  den  voors.  d'iioer 
Lenaeris  sidlcn  doen  scliiideren,  ende  dat  op  ses  ellen  diep,  bi'ioopende  t'  saemen 
twee  hondtrt  ende  dertich  ellcn,  lutte!  min  ofl  moer,  waervoore  don  selven  d'heer 
Lenaeris  sal  betaclen  voor  iedcr  elle  aclit  guidons,  te  wetene,  een  derde  paert 
vanl'  beloop  dcr  voors.  Iwoc  hondert  ende  dertiib  ellen  in  golde,  ende  de  andere 
twee  derden  dcelen  in  coleiir  cnoopsydo,  toi  viercniwintich  scbollingfn  bol  pondf, 
ende  is  gecondilionnoorl  dat  de  voors.  d'iieer  Lonaoïts  inde  voors,  twee  derde 
paerten  syde,  sal  nioelen  levoren  vyfi'  nlwiutich  pondon  fyn  eolour  \vcrck>-yde, 
die  hy  niaer  en  sal  rekcnen  o[)  den  selven  prys  van  vioronlwirliob  scbollii  gen 
iedcr  pondt,  als  voore.  Des  sullen  de  vooi's.  oersle  ooniparanlon  goliouden  syu 
•jHc  de  lootilt'ii  van  do  voors.  son  .sluokon  laiiisscivo  {'•  Uiaockcn  van  ûc  sc'.\c  fyne 


0  1  .) 


Érasme  ayaiil  fait  valoir  ses  longs  travaux  el  ces  deux 
eij'eonslances  que  depuis  deux  siècles  ses  ancêtres  exer- 
çaient la  |)rofession  de  tapissier  et  que,  du  tenqis  du  duc 
d'Albe,  ils  avaient  eu  la  garde  du  palais  de  Bruxelles  et  des 
objets  précieux  qui  y  étaient  déposés  (i),  obtint  du  magis- 
Iral  l'exemption  accordée  aux  principaux  labricanls  de  ten- 
tures (!20  juin  l()7!2j.  Il  jjaiait  avoir  terminé  ses  jours  dans 
sa  ville  natale,  tandis  que  son  fi-ère  François  donnait  à  ses 
confrères  l'exemple  de  l'émigration  pour  Lille,  devenue 
depuis  1666  une  ville  l'rançaise.  Après  avoir  exercé  leur 
profession  à  Bruxelles  et  passé  quelque  lem])s  aux  Gobelins, 
à  Paris,  et  fabriqué  dans  ces  deux  villes  les  tapisseries  «  les 
»  plus  fines  et  les  plus  belles,  tant  en  ligures  qu'en  paysages, 
»  ainsi,  disent-ils,  qu'ils  en  ont  fait  voir  les  effets  dans  la- 
»  dite  ville  de  Bruxelles,  »  lui  et  son  fils  Andi-é,  se  quali- 
iiant  de  maîtres  tapissiers  de  haute-lice,  proposèrent  aux 
magistrats  de  Lille  de  s'établir  dans  cette  ville.  Leurs  offres 
furent  accueillies  et  on  leur  assigna  une  somme  de  200  pata- 
cons  pour  leur  installation,  plus  50  palacons  par  an  pendant 
un  terme  de  six  années  et  l'exemption  de  tout  droit  sur  la 


sydo,  eiide  oock  de  vocrbcldeii  te  stoll'iicicii  met  Iwoc  Ijne  sjden,  ende  aile  de 
icilc  vanl'  scivc  werck  sal  mooteii  gesloficeit  syn  met  twee  cnoopsyden,  ende 
bclovon  de  vooniocmde  eerste  comiiarantoii  de  selve  seti  stiicken  tapisscrye  te 
leveieii  aen  den  voors.  Lcnaerts  binnen  ses  maeuden  iiaer  date  doser.  Ailes  sonder 
argelist  ende  oiider  hct  veibandl,  als  iiaer  rccblon.  Actum  t'  .\nt\verpeii  1er 
preseiitien  van  S''  Francboîs  de  Sniidf  ende  Gaspar  Verstockt  als  getuygeii. 

Gel.  Erasnuis  de  Panneraaecker  d.  j. 
Fransies  de  Panremakcr 
Henrico  Leiiaerls 
As'»s  Scb:lle,  Nils. 
(t)  Ende  de  sehe  syne  voor?acleii,  ten  tydc  vanden  berlocb  van  Alha,  goliuiiden 
liet  priiicipoel  hoïï  met  aile  ciirleusbcyl  in  de  selve  wesende,  VUl''  remisier,  ("iliU. 


—  576  — 

bière  qu'ils  consommPi'aieiU(50  mai  1684).  Les  fabricants  se 
mirent  immédiatement  à  l'œuvre  et  travaillèrent  considéra- 
blement, ce  qui  fit  porter  leur  pension  à  55  patacons,  puis 
à  200  florins  par  an.  On  regrette  de  lire  dans  une  de  leurs 
pétitions  qu'ils  espéraient  augmenter  leur  manufacture  par 
la  ruine  de  celles  des  villes  étrangères.  La  principale  de  ces 
dernières  n'était- elle  pas  le  berceau  de  leur  famille,  l'asile  où 
elle  avait  brillé  pendant  des  siècles,  où  leurs  ancêtres  avaient 
vécu  entourés  d'une  légitime  considération? 

André  De  Pannemaeker  mourut  vers  l'an  1700,  laissant 
une  veuve  «  débile  d'esprit  )^  et  plusieurs  enfanis,  entre 
autres  François,  qui  continua  ses  travaux;  Marie,  qui  s'allia 
avec  Jacques  de  la  Tombe,  l'associé  de  François,  et  qui 
était  mort  en  1719,  et  Pierre,  qui  fut  quelque  temps  instruit 
dans  la  profession  de  ses  aïeux  chez  un  autre  Bruxellois  fixe 
à  Lille,  Guillaume  Warnier  ;  mais,  après  la  mort  de  celui-ci, 
sa  seconde  femme,  Catherine  Ghuys,  ne  put  s'entendre  avec 
ce  jeune  homme,  et  ils  se  séparèrent.  Pierre  De  Pannemae- 
ker essaya  en  vain  d'obtenir  de  la  ville  de  Lille  une  pension, 
bien  qu'il  eût  exéculé,  avec  succès,  une  pièce  de  haute-lice 
représentant  le  roi  Louis  XV.  Après  lui,  son  fils  Gaspar 
coiilinua  la  fabrication  de  tapisseries,  qui  languit  bientôt  à 
Lille  pour  les  mêmes  causes  (jui  la  firent  déchoir  partout, 
et  y  cessa  enfin  vers  1780  (i). 

Le  doyen  Jean  Van  Leefdaele  fut  privilégié  le  24  dé- 
cembre 1044  en  renq)lacement  de  Jean  Raet,  qui  avait  été 
déclare  en  état  de  faillite  (j)  ;  il  fut  ensuite  le  tapissier  du  palais 


(0  Pour  les  détails  qui  précèdent,  consultez  Holdoy,  /.  c,  pp.  88  et  suivantes, 
(ï)  //•  reyister,  1°  1 3. 


—  577  — 

de  Bruxelles.  Une  histoire  de  Scipion,  qui  est  signée  J.  V.  L. , 
est  sans  doule  de  lui.  Son  fils  Guillaume  commença  à 
vendre  el  à  fabriquer  des  tapisseries  en  KîoG.  Il  travaillait 
pour  le  connétable  de  Gaslille,  gouverneur  général  des  Pays- 
Bas,  lorsqu'il  fut  avantagé  par  la  ville,  le  9  novem- 
bre 16G8  (i).  M.  Michel  Eufrusst  possède  de  lui  de  cbar- 
mantes  pièces  dont  le  sujet  principal  consiste  en  une 
armoirie  timbrée  d'une  couronne  ducale,  au-dessus  de 
laquelle  on  voit  le  Temps  enchaîné  par  l'Amour;  le  fond 
représente  un  tapis  à  fleurs  et  une  guirlande  que  des 
amours  soutiennent  par  les  coins.  Elle  est  doublement 
signée  :  d'une  part,  D.  Tem'ers  inv.  fec.  1684  et,  d'autre 
part,  Guilelmus  Van  LeefJael  fecit  (^i).  A  Madrid  est  une  tapis- 
serie signée  G.  Van  Leefdael  et  où  l'on  voit  Antoine  et  Cléo- 
pàtre.  Le  même  industriel  a  contribué  à  confectionner,  avec 
son  confrère  Albert  Auwercx,  des  épisodes  de  la  Vie  de 
saint  Paul,  dont  nous  parlerons  plus  loin.  Il  fut  conseiller 
communal  en  1679  et  1680. 

Vers  1645,  Baudouin  Van  Beveren  dépensa  des  sommes 
considérables  pour  faire  peindre  des  cartons  nouveaux  par 
deux  excellents  artistes  :  Louis  De  Vadder  et  Jacques  Jor- 
daens.  Il  fut  privilégié  le  13  juillet  1643  (3),  mais  était  mort 
à  la  date  du  7  février  1651.  Sa  veuve,  Jacqueline  Verom, 
épousa  en  secondes  noces  Henri  De  Puttere,  qui  reçut 
également  des  avantages  de  la  ville,  le  26  avril  I606  (i). 
Guillaume  De  Pottere  fabriquait  encore  des  tapisseries  au 


(1)  VIII''  register  ter  Tresorye  gehouden,  f"  10. 

(2)  Jacquemart,  Histoire  du  mobilier,  p.  149. 

(s)  Itegister  der  stadt  van  Bnissel  sub  de  Condé,  C  29" 
(*)  V  register  ter  Tresorye  gehouden,  f"  115. 


—  578  — 

commencement  du  xviii"  siècle  el  habitait  alors  place  des 
Wallons,  à  côté  des  Auwcrcx. 

Après  avoir  lonalemps  travaille  pour  d'autres  maîtres, 
Jacques  Courdys  entreprit  le  commerce  des  tentures  en 
164o  el  en  lit  confectionner  sur  les  dessins  de  .Tordaens,  de 
De  Vadder  et  d'un  peintre  nommé  Vanden  Plassche,  qui 
venait  de  mourir  lorsque  Courdys  fut  privilégié  le  7  mars 
1650  (i).  Le  fils  de  celui-ci,  Jacques,  succéda,  le  15  février 
1680,  aux  avantages  octroyés  par  la  ville  à  son  père  (2). 
En  avril  1654-,  Cordeys  et  son  confrère,  Pierre  Van  den 
Berg,  fournirent  à  l'électcur-archevèque  de  Cologne,  évèque 
de  Liège,  à  la  demande  de  l'archiduc  Léopold-Guillaume, 
gouverneur  général  des  Pays-Bas,  et  de  son  premier  minis- 
tre, le  comte  de  Fuensaldagna,  deux  chambres  de  tapis- 
series, du  prix  de  10,887  florins;  mais  ils  ne  reçurent  alors 
que  la  moitié  de  celte  somme,  el  l'autre  moitié  leur  était 
encore  due  à  la  date  du  21  mars  1(172  (7,). 

Jean  Collart  el  Gilles  de  Glabbais  faisaient  également  exé- 
cuter de  belles  tentures,  tantôt  d'après  les  cartons  qui  leur 
appartenaient,  tantôt  d'après  des  cartons  appartenant  à  des 
tiers.  Le  premier  avait  déjà  payé  plus  de  12,000  florins  rien 
qu'en  droits  de  licentes  (ou  de  permissions  pour  trafiquer) 
vers  la  France,  et  venait  de  commander  une  chambre  à 
GasparVander  Bruggen  et  Pierre  Van  den  Berghe,  lorsqu'il 
fut  privilégié,  le  7  décembre  1016,  ainsi  que  Glabbais  (4). 

On  accorda  les  mêmes  avantages  :  le  ôO  août   1647,  à 


(1)  IV'  retfisler  fer  Tresoriie  (jehoinleii,  P  l"j. 

(2)  A'e  regisler,  f  4S. 

(s)  Archives  du  Conaeil  des  ftininces,  aux  Aivliivcs  du  royaume. 
(4)  W  regisler^  f»  i2-2i. 


—  579  -  - 

Gérard  Vander  Streckeii  (g,  qui  imûuiuI  le  11  juillet  1077 
el  fut  enterré  à  Sainl-Géry,  près  de  sa  femme,  Marie  Van 
Gyssel,  décédée  le  5>  avril  IGOÔ,  el,  le  15  décembre  UîiO, 
à  Antoine  Tauton,  dont  le  commerce  était  si  considérable 
qu'on  l'évaluait  par  semaine  à  plus  de  200  livres  de  gros  (a). 
Il  existe  de  Gérard  deux  tapisseries  représenlant  des  épi- 
sodes de  l' Histoire  de  Constantin. 

Vers  l'année  1050  entra  dans  le  mélier  Jac(|ues  Coenof, 
qui,  à  partir  de  1G79  ou  1080,  exécuta  pour  son  propre 
compte  plusieurs  chambres.  Il  était  doyen  de  la  corporaliori 
lorsqu'il  fui  avantagé  par  la  ville,  le  6  février  1090  (?5). 

La  même  année,  on  vit  se  fixer  à  Bruxelles  un  Brugeois 
nommé  Jean  Van  der  iMeren,  qui  y  commanda  des  tentures 
aux  principaux  tapissiers.  Neuf  ans  après,  le  15  mai  1659, 
on  lui  accorda  les  exemptions  que  l'on  était  dans  l'usage 
d'octroyer  à  ceux-ci  (4),  mais  il  était  déjà  retourné  dans  sa 
ville  natale  à  la  date  du  2  août  16G1. 

Les  privilèges  des  tapissiers  furent  concédés,  le  16  sep- 
tembre 1651 ,  à  Pierre  Van  den  Berge  ou  Van  Berghen  (•>), 
de  qui  on  connaît  une  tapisserie  représentant  une  Reine 
assise  sur  son  trône. 

L'année  suivante,  on  reçut  comme  maître  Charles  Dellièvre 
ou  Le  Lièvre.  Après  avoir  couru  mille  dangers  pour  vendre 
des  tentures  en  France  et  en  Hollande,  il  fut  privilégié  le 
24  mars  1051  (g),  mais  il  renonça  à  sa  profession  en  16G1 . 


(t)  Register  der  sladl  van  Dnissel  snb  de  Coudé,  f"  530. 

(î)  ///«  register,  f"  ÎLT6. 

(3)  Xll^  register.  {"  100. 

(1)  V  register,  f»  374. 

(s)  IV  register,  f»  80. 

(6)  Ibidem,  P  400. 


—   580   — 

Adrien  Parent  commença  le  commerce  de  tapisseries 
en  i6o3  ou  lGo4;  il  maintenait  en  activité  huit  métiers, 
20  ouvriers  et  o  à  6  jeunes  apprentis,  lorsque  la  ville  le  favo- 
risa par  les  privilèges  ordiiiiiires,  le  21  mars  1675.  Non- 
seulement  il  avait  fait  revenir  de  France  les  meilleurs 
ouvriers  qui  y  avaient  émigré,  mais  il  n'hésita  pas  à  acheter 
d;ms  ce  pays  trois  des  plus  beaux  et  des  plus  importants 
cartons  qu'il  put  trouver,  et  il  les  exécuta  en  tapisseries  au 
prix  de  20  et  même  de  24  florins  l'aune.  Ces  tentures  se 
vendaient  jusqu'en  France,  au  détriment,  disait-il,  des  ma- 
nufactures de  ce  pays  (»)•  C'était  l'époque  où  s'élevait,  chez 
nos  voisins  du  Midi  et  grâce  aux  encouragements  prodigués 
aux  arts  et  à  l'industrie  parLouisXIVet  son  ministre  Colbert, 
celte  somptueuse  fabrique  des  Gobelins,  que  la  munificence 
du  gouvernement  français  a  soutenue  au  travers  des  plus 
pénibles  épreuves.  La  fabrication  bruxelloise  continuait 
cependant  à  résister  à  la  concurrence  étrangère  et  travaillait 
même  pour  ceux  qui  cherchaient  à  imiter  ses  procédés  et  à 
lui  enlever  ses  débouchés  Ses  chefs,  comme  on  le  voit  par 
l'exemple  de  Parent,  ne  se  décourageaient  pas  et  soutenaient 
vaillamment  une  lutte  inégale.  Ils  avaient  pour  eux,  il  est  vrai, 
la  vieille  renommée  acquise  par  leurs  devanciers  et  un  sen- 
timent d'initiative  qui  se  révèle  dans  les  modifications  qu'ils 
apportaient  à  chaque  instant  dans  leur  manière  de  travailler. 

(A  continuer.)  ALPHONSE    W,4UTERS. 

(0  Dot  hy  niet  alleeiielyik  die  aldeiboste  wcrckmans  (die  hun  te  Vranckryck 
liad  Icn  ncdert;eslacgeii)  biniien  dese  stadt  liecft  gcijryi;lit,  maor  ooi  k  vuyt 
Vranckryck  heeft  becomen  dry  van  de  schooiistc  en.'e  principatiste  patroonen, 
die  alhier  tôt  Iwinti.uh  j-ie  \ier  en  Iwinticii  guldens  voor  d'elle  worden  opge- 
inaeckt,  uni  daer  nacr  in  Vrjncktyck  toi  ecn  notabcl  achlerdecl  van  de  Fransche 
maiiufjclmen  gedubitcert  le  worden  (IX*  n'fjister,  f  28) 


DU 

RETABLE  DE  1493  DU  MUSÉE  DE  LA  PORTE  DE  IIAL, 

A  BRUXELLES, 

par    Ed.    VA  N     E  V  E  N  . 


A  Louvain,  rue  de  Tirlemont,  non  loin  de  la  porte  urbaine, 
s'élevait  autrefois  une  chapelle,  qui,  par  son  aspect  monu- 
mental et  ses  vastes  proportions,  ressemblait  plutôt  à  une 
église  paroissiale  qu'à  un  simple  oratoire.  Elle  était  consa- 
crée à  Notre-Dame  des  Douleurs  et  appartenait  au  Grand- 
Serment  des  arbalétriers  de  Saint-Georges,  de  Louvain  (i). 
Bâtie  en  13G9,  à  l'extérieur  de  la  première  enceinte,  on  la 
désignait  sous  la  qualification  de  Notre-Dame  du  Dehors  ou 
Onze-Lieve-Vrouwe  Ginlerbuylen.  On  l'appelait  également 
NoTRE-D\ME  DE  LA  RUE  Greuse,  OU  Onze-Lieve-Vrouiue  in 
de  Hoelslrate,  par  le  motif  que  la  rue  actuelle  de  Tirlemont 
portait  primitivement  cette  qualification. 

En  1494,  on  érigea  à  cette  chapelle  une  confrérie  en 
l'honneur  de  Notre-Dame  des  Douleurs,  dont  tout  ce  qu'il 
y  avait  de  distingué  dans  le  Brabant  faisait  partie.  Au 
XVI®  siècle,  on  comptait  parmi  les  membres  de  cette  con- 
frérie :  don  Juan  d'Autriche,  le  vainqueur  de  Lepante,  le 

(i)  De  groote  Gilde  van  den  oiiden  Kruysboog,  genoemd  de  Zestigen. 


—  582  — 

prince  d'Orange,  Henri  de  Nassau,  le  comte  de  Horne,  le 
t'omle  d'Egniont,  Berlaynionl,  e(c.  L'église  de  Sainl-Pierre, 
àLouvain,  possède  encore  un  des  anciens  registres  de  cette 
association  religieuse.  On  y  remarque  les  noms  et  les  ar- 
moiries des  familles  d'Aronberg,  d'Espinoy,  Montmorency, 
La  Tour  et  Taxis,  de  Ligne,  de  Priego,  de  Campo,  de  Cor- 
doue,  de  Guasto,  de  Gavre,  Mansfelt,  de  Mérode,  de  Ru- 
bempré,  de  Lannoy,  Monlfort,'!  Serclaes-Tilly,  Maldegliem, 
Vander  ÎNool,  de  Maurice  de  Saxe,  d'Alphonse  de  Berghes, 
archevêque  de  Malines,  de  Maximilicn  de  Berghes,  évèque 
de  Tournai,  des  abbés  de  Sainte-Gerlrude,  Parc,  Vlierbeek, 
Saint-Trond,  Ninove,  etc.  On  y  trouve  aussi  les  noms  de 
familles  louvanistes  :  Vandcn  Calstere,  Uyten-Lieminghe, 
d'Udekem,  de  Quaderebbe,  Van  Schore,  de  Ilerckenrode, 
Van  Wilre,  de  Vroey,  de  Crabbé,  Scholte,  etc. 

La  dévotion  envers  la  mère  du  Sauveur  avait  engagé  nos 
familles  patriciennes  à  contribuer  à  la  décoration  de  la  cha- 
pelle en  y  faisant  placer  des  œuvres  artistiques.  L'oratoire 
élail>  rempli  de  productions  remarquables.  Rogier  Vander 
Weyden  exécuta  pour  celle  chapelle  son  célèbre  tableau 
représentant  la  Descente  de  Croix,  qui  orne  actuellement  le 
Musée  royal  de  Madrid.  Don  Juan  d'.Vulriche  y  fil  placer 
quatre  belles  verrières.  Cet  exemple  fut  suivi  par  Charles 
Vander  Linden,  abbé  de  Parc,  cl  par  plusieurs  patriciens 
de  Louvain. 

Malheureusement  la  chapelle  de  Notre-Dame  du  Dehors 
fut  démolie  pendant  la  révolution  française.  Sa  destruction 
est  une  perle  regrettable  au  point  de  vue  de  l'histoire  artis- 
tique du  pays.  Par  les  œuvres  de  toute  espèce  qu'elle  renfer- 
mait, retables,  tableaux ,  statues,  bui^ories,  couronnes  de 


—  58--  — 

lumière,  argenteries,  tlinaiideries,  elle  formait  une  sorte  de 
musée  local.  Si  l'on  n'eût  point  détruit  ou  dispersé  ces 
œuvres  et  abattu  le  monument  lui-même  qui  les  abritait,  on 
pourrait  étudier  actuellement  sous  ses  voûtes  une  série  de 
productions  remarqubles  de  nos  anciens  maîtres  flamands. 

En  J4i).",  on  plaça  dans  l'oratoire  de  Saint-Georges,  h  la 
chapelle  de  Notre-Dame  du  Dehors,  un  retable  sculpté 
d'une  grande  beauté.  Ce  retable  est  parvenu  jusqu'à  nous. 
11  orne  actuellement  le  Musée  de  l'Élat,  à  la  porte  de  Hal, 
à  Bruxelles. 

Dans  le  catalogue  de  ce  Musée,  l'on  trouve  sur  le  susdit 
retable  la  mention  suivante  : 

«  Retable  en  bois  de  chêne  d'un  travail  admirable.  Il  re- 
présente, en  six  compartiments,  le  martyre  des  Machabées. 

»  Dans  des  endroits  presque  imperceptibles  se  lisent  le 
nom  du  sculpteur  Jean  Davianus  et  la  date  de  la  confection 
de  ce  chef-d'œuvre.  Il  provient  de  la  chapelle,  aujourd'hui 
démolie,  de  Notre-Dame,  appelée  Notre-Dame  hors  des  murs, 
qui  se  trouvait  dans  la  rue  de  Tirlemonf,  à  Louvain  (i).  » 

Ce  passage  contient  deux  inexactitudes  qu'il  importe  de 
rectifier  tout  d'abord.  Le  retable  ne  représente  nullement  le 
martyre  des  Machabées,  mais  le  supplice  de  saint  Georges; 
le  nom  Daciauus,  non  Davianus,  qu'on  y  lit,  n'est  pas  non 
plus  celui  du  sculpteur,  mais  celui  du  proconsul  romain 
qui  fit  supplicier  saint  Georges,  ainsi  que  nous  le  verrons 
dans  la  suite. 

En  compulsant  un  manuscrit  des  archives  de  Louvain 


(i)  Catalogue  des  cnllecliotis  composant  le  Musée  roijal d'antiquités  de  Druxelles, 
1864,  p.  S^i. 


—  584  — 

contenant  des  extraits  d'anciens  comptes  et  registres  du 
Grand-Serment  des  arl)alijtriers,  nous  avons  découvert  le 
nom  de  l'artisle  qui  exécuta  le  retable  qui  nous  occupe.  La 
haute  importance  de  cette  œuvre  au  point  de  vue  de  l'art 
nous  impose  l'obligation  de  la  restituer  à  son  véritable 
auteur. 

Le  passage  concernant  le  retable  de  Notre-Dame  du 
Dehors,  dans  le  manuscrit  dont  nous  venons  de  parler,  est 
de  la  teneur  suivante  : 

«  De  tafelment  van  Sint-Jooris,  in  Ons-Lieve-Vrouwe  cap- 
pelle  Ginderbuyten,  gemaekt  door  meester  Jan  Borreman  ,  lot 
Brussel,  met  dobbel  deuren,  gesnedcn  uyt  goeden  gekeurden 
houle,  volgens  fiel  model  daeraf  icesende,  zrjn  aenbesleedl  ende 
bi'laelt  :  oO  guldens  conlanl,  honderl goude S( hellingen  (schiiden) 
als  het  werck  volmaekt  was,  volgens  quillanlie  gegeven  in  t 
jaer  1495  »  (i). 

Ce  passage  peut  se  traduire  à  peu  près  de  la  manière  sui- 
vante : 

«  Le  retable  de  Saint-Georges,  à  la  chapelle  de  Notre- 
Dame  du  Dehors,  avec  doubles  volets,  fut  sculpté  d'après 
un  modèle  existant,  par  maitre  Jean  Borrema.n,  à  Bruxelles, 
qui  y  employa  un  bois  de  bonne  qualité  et  approuvé.  Selon 
la  quittance,  délivrée  en  1493,  ce  travail  fut  payé  comme 
suit  :  50  florins  comptant  et  100  écus  d'or  lors  de  son  achè- 
vement. » 


(i)  PrivUegien  van  de  Gronte  Guide,  vol.  in-i"  (écriture  de  la  fin  du  xviii« 
sièck),  f"  21.  A  la  fin  du  volume,  on  lit  :  DU  si/n  copijcn  in  '/  cort  vyt  de  onde 
rekeningen  en  onde  boecken  van  de  Croate  Guide  binnen  Loven,  daer  het  in 
'l  lanck  in  beschreven. 


—  585  — 

Il  résullu  tlii  passage  que  nous  venons  de  transcrire  que 
le  retable  fut  exécuté  par  Jean  Borreman,  qui  habitait  la 
ville  de  Bruxelles. 

Avant  de  nous  occuper  du  travail  lui-même,  nous  allons 
faire  connaître  les  renseignements  que  nous  connaissons 
sur  l'auteur  de  ce  chef-d'œuvre. 

Malgré  les  recherches  considérables  qui  ont  été  faites  pen- 
dant les  dernières  années,  la  vie  de  Jean  Borreman  ou 
BoRREMANS  cst  rcstéc  enveloppée  de  ténèbres.  Les  pièces 
qui  le  mentionnent,  n'indiquent  pas  le  lieu  de  sa  naissance 
et  nous  laissent  également  ignorer  l'époque  où  il  vint  au 
monde.  En  1490,  il  résidait  à  Bruxelles  et  ne  parait  avoir 
jamais  quitté  cette  ville.  Déjà  à  cette  époque,  notre  tailleur 
d'images  jouissait  d'une  certaine  réputation.  Ce  qui  le  prouve, 
c'est  que  les  archives  du  temps  le  mentionnent  souvent. 

Au  xv'^  siècle,  l'église  de  Saint-Jacques,  à  Loiivain,  ren- 
fermait un  autel  en  pierre  d'Avesnes,  dédié  au  saint  Sacre- 
ment, qui  se  trouvait  en  mauvais  état.  Plusieurs  parties  y 
manquaient,  entre  autres  une  slalue.  Henri  Van  Everghem, 
alors  maître  ouvrier  des  maçonneries  de  la  ville,  fut  chargé, 
en  1491,  de  la  restauration  de  cet  autel.  L'artiste  se  borna 
à  rétablir  les  parties  architectoniques  qui  y  faisaient  défaut, 
confiant  à  maître  Jean  Borremans  la  restauration  des  par- 
ties sculpturales.  Borremans  exécuta  pour  cet  autel  une 
statue  de  Saint-Jean  l'Évangéliste  et  raccommoda  une  statue 
deSaint-Jean-Baptisle.  On  lui  paya  ce  travail 34 sols  d'argent. 
L'autel  fut  polycromé  par  Henri  Van  Schooneviiet,  également 
de  Bruxelles,  auquel  on  paya  de  ce  chef  0  florins  du  Rhin  (i). 

(i)  LoKvain  monumental,  p.  219. 


—  o8(;  — 

Coinuic  Borremans  avait  place  une  œuvre  artistique  à 
Louvain,  les  doyens  du  métier  des  maçons  et  sculpicurs 
le  lirenl  assigner  devant  l'autorité  communale,  à  FelTet  de  se 
voir  astreint  à  entrci*  dans  leur  corporation.  Bien  (pi'il  eût 
été  reru  dans  la  corporation  des  menuisiers  de  Louvain,  les 
doyens  curent  gain  de  cause,  ainsi  (pi'il  j-ésulte  d'un  acte  du 
12  avril  1509  0). 

A  cette  époque,  Louvain  comptait  un  menuisier  l'orl  habile 
dans  l'cxéculion  d'objets  d'ameublement  destinés  aux  églises. 
Gel  ouvrier,  (jui  eut  souvent  recours  au  ciseau  de  Bor- 
remans, portait  le  nom  de  Jean  Petercels  ou  Pelerccels. 
Il  était  fils  de  Godefroid  Petercels,  également  menuisier  à 
Louvain,  et  d'une  femme  qui  portail  le  prénom  d'Anne. 
Nous  le  trouvons  qualifié  de  menuisier  dans  un  acte  du 
29  avril  1481).  En  149G,  il  était  juré  de  sa  corporation.  Il 
épousa,  avant  le  ':'3  décembre  111)0,  Marie  Ilessels,  fille  de 
Gisl)ert,  laquelle  élail  veuve  de  Gautier  Ilaveloos.  Après  la 
mort  de  celle-ci,  il  convola  en  secondes  noces  avecIdeVanden 
lioogenhuys,  qui  trépassa  avant  le  1 1  septembre  1500.  Il  en 
eut  un  fils  également  a])pelé  Jean,  qui  exerçait  aussi  la 
)irot'ession  de  menuisier  et  qui  éj)ousa  Catherine  Scribaens. 
La  Iroisième  femme  de  Jean  l'elercels  père  fut  Gei'trude 
Yasont,  hupielle  vivait  encore  à  la  date  du  15  juillet  1514. 
L'habile  menuisier  avait  deux  frères  :  1°  Laurent  Petercels, 
prêtre,  et  2'  Corneille  Petercels,  menuisier,  (pii  s'établit  à 
Anvers,  avant  le  24  mars   14'J4   (i>).  C'est  ce   Corneille 


(i)  Acte  des  Échmns  de  Loiwuin  du  1-2  avril  1509,  /«-la,  ad  fiiiein. 

(2j  Tous  CCS  ren!<eigii('intiits  sont  puisés  dans  les  prolocolos  des  éclicviiis  de 

I.iiiivaiii. 


—  :i87  — 

Pcterct'ls  ([ui  (i;-ïurc,  dans  un  acle  du.s  cclicvins  d'Anvers 
du  la  mars  1.S08,  coninie  liilcnr,  à  (ilrc  de  i)aient,  des 
enfants  de  Quentin  Melsys  et  d'Adélaïde  Van  Tuyit. 

Jean  Petercels  vivait  eneore  le  I.")  lévrier  l')2l .  Nous  igno- 
rons l'époque  de  sa  mort. 

En  lo07.  Jean  Pelercels  eonlraela  avec  la  eori)uratiun  des 
brasseurs  de  Louvain,  pour  l'exécution  d'un  aulel  destiné 
à  l'oratoire  que  cette  puissante  association  possédait  à  la  col- 
légiale de  Saint-Pierre.  Pour  ce  (ravaii  il  avait  besoin  du 
concours  d'un  sculpteur.  H  en  conlia  la  partie  artistique  à 
notre  Jean  Borremans,  ainsi  qu'il  résulte  d'uu  acte  du  19 
avril  1508  (i).  Dans  celte  pièce  est  mentionné  un  certain 
Guillaume  Borremans,  frère  de  Jean. 

Deux  ans  après,  Jean  Petei'cels  fut  chargé  de  l'exécution 
d'un  autre  travail  pour  ieqtiel  il  invoqua  le  concours  du  ciseau 
de  notre  artiste.  Il  s'agissait  alors  d'un  retable  que  la  confré- 
rie ou  gilde  du  Saint-Sacrement,  de  Turnhout,  avait  résolu 
de  placer  dans  l'eglisc  de  Saint-Pierre  de  ladite  ville.  Ce 
travail  devait  avoir  une  hauteur  de  10  pieds,  sur  9  pieds  de 
largeur,  et  être  orné  de  huit  groupes  en  haut-relief.  Au  milieu 
du  retable  devait  être  placé  un  groupe  représentant  la  Gène. 
Les  six  autres  saints  Sacrements  devaient  y  être  figurés 
dans  autant  d'autres  groupes.  La  partie  supérieure  devait 
contenir  un  groupe  représentant  l'adoi'alion  de  l'Eucharistie. 
Au  bas  du  travail,  on  devait  observer  deux  enfants  age- 
nouillés agilant  des  encensoirs.  Au-dessus  (\es  groupes  on 
devait  placer  six  ou  supt  statuettes  lîguranl  des  personnages 
de  l'ancien  testament.  Le  retable  devait  être  pourvu  de  dou- 


(i)  Ac/e  des  èclievins  de  Louvain  du  19  (irril  IS08,  iit-7v^ 


—  588  — 

bles  vantaux,  très-bien  exécutés  et  propres  à  recevoir  plus 
tard  des  peintures.  On  stipula  dans  le  contratque  les  groupes 
devaient  cire  exécutés  par  Jean  Borremans,  de  Bruxelles, 
ou  par  son  fils  Pasquier,  qui  nous  occupera  tout  à  l'heure. 
On  en  fixa  le  prix  à  100  florins  du  Rhin.  Le  contrat  fut  reçu 
parles  échevins  de  Louvain,  le  27  juillet  1510.  Nous  en 
publions  le  texte  au  bas  de  cette  page  (i). 


(i)  «  Item,JA.N  Petekcels,  scrynmakcre,  hceft  t;eioeft  en  toegoseel  Hi'iiricken 
lîartholo'iiei,  als  gemuchlichle  van  de  Guide  oft  Uraed/rscap  van  den  UeyligcQ 
Sacrainente,  in  der  kercken  van  Tournli  Mit,  le  makenun  en  te  stellcne  eenen  tal'ele 
van  den  heyligen  Sacramente,  en  die  volniaict  en  jjestelt  te  hebben  ten  lyde  en  op 
de  condicien  en  vorwerden  begrepen  in  twee  cyrograven,  dairaf  ekk  partie  een 
heeft,  tamqnam  asseritur,  cnde  ter  andere  zylen,  heeft  geloeft  die  voirsc. 
Henricns  Harthoioniei,  renuncians,  den  sehen  Janne  Pctercels  betalinge  van  den 
voirsc.  tatele  le  doene  ten  lyde,  en  nae  inhoude  van  den  voirsc.  cyiograve, 
tamqnam  asseritur,  van  welken  cyrograve  de  tennere  hier  nae  volgbt  :  Dit  ?yn  de 
vorwerden  die  welcke  hoiiwen  sullen  de  Guldebrners  vanden  heyligen  Sacramente, 
in  Sinte-Peters  kercke  van  Turiihout,  aen  deen  zyde,  ende  meostere  Jan  Petercels 
aen  dandere  zyde,  om  te  m.iken  een  tufel,  op  condicien  en  vorwerden  naevoi- 
gende  :  in  den  yersten  soe  sal  meesler  Jan  voirsc.  niakcn  die  Sfive  tafel  x  vocten 
hoeghe  en  ix  voeten  wyt,  sonder  den  voet  daerop  zy  staen  sal.  Item,  die  selve 
tafel  sa!  syn  booven  int  ronde.  Item,  binnen  der  tafel  sal  die  sclvc  wercken  ierst 
in  acht  groole  personagicn,  te  wetene  :  in  mi  Iden  het  avoniniael;  voir  die  ordi- 
nencien  van  di  n  zessen  anderen  Sacrumente:i  nair  inlorniatie  iliemcn  liein  dairaf 
geven  sal,  ryckely^k  oic  vnyt  te  sleken.  Item,  die  achsie  personage  sal  comen 
boven  in  die  criiyne  en  sal  zyn  eenen  oulair  al  gechicrt  dair  voir  knylende  twee 
priesters, met  cappen,  tegen  malcanderen, presenterende  in  e-n  siborie  dat  heylich 
Sarrament,  de  welke  man  en  vmuwe  op  haïr  knyen  sittende  ('a/c^...  en  indt 
bcsien  sullen  hangen  vier  yngelen,  d'een  booven  den  anderen  oft  neven  nia'can- 
deren,  soe  lien  dat  int  werck  hest  scliikken  sal,  en  die  Iwie  met  eenc  wieroeckvat 
in  die  haut,  en  die  andere  met  toerissen.  Item,  bein'den  op  dm  voet  des  cnlaers 
sullen  knye'en  twee  kinderkens  elck  wiroeck  wcrpiune  tcgen  tbcyiich  Sacrament. 
Ilem,  inde  crnyene  vande  zessc  persoiiagieii  oil  zeveiien,  naer  dat  die  plaelse  es, 
sal  hy  makcn  zeven  cleyn  personagicn  die  men  hem  doen  sal,  het  zy  figiieren 
van  den  ondcn  tes'amenle  oft  mirakclen.  Iieni,  die  dieple  van  den  backe  sal  zyn 
onder  halven  voet  diep  Item,  het  es  oick  \oirwerde  da'.  dcze  tafel  sal  zyn  met 
dobbil  doertn  slutcnde  vast  werck  en  sterck,  om  in  toecomcnden  tyde  te  iaton 
scilden  met  potoratnren.  Item, het  es  oick  vorwerde  dat  dese  pcrscnaigen  gesiieden 
su  lenworddtn  byjANNEN  Bokman  oit  PAEssuiER.synen  sone,  te  Brussel  woenende, 
/underlinge  en  wel  reyn,  met  aenmertkcn  dat  mcnse  morgen  oft  ovemorgen  sal 


—  589  — 

Jean  Borremans  produisit  beaucoup.  En  îoOO,  il  exécuta 
les  modèles  en  bois  de  plusieurs  statues  destinées  à  être  cou- 
lées en  bronze  pour  rornementation  de  la  Cour  des  bailles 
au  palais  de  Bruxelles  (i).  Il  plaça,  en  1511,  un  lion  en 
pierre  sur  la  façade  de  la  salle  du  même  palais.  On  le  lui 
paya  4  livres  6  gros  (2). 

Jean  Borremans  vivait  encore  en  1512.  Nous  ignorons 
jusqu'ici  l'époque  de  sa  mort. 

Nous  venons  de  voir  que  notre  tailleur  d'images  comptait 
un  fils  qui  était  également  sculpteur.  Celui-ci  portait  le  nom 


doen  stoefferen.  Ilein,  met  eenen  merckel  biiyten  opdie  doeien.  Item,  soe  es  oick 
vorwerde  dat  hy  dit  werck  Icveren  sal  lot  onse  kerckwyinghe  sonder  fiiulte 
naistcoraende,  op  syiien  last,  oft  onbegrepeii  te  vastelavoiide,  daer  nacvolgende. 
Item,  hier  vocreri  hebben  de  guldebroeders  hem  geloeft  le  betalen  honderl  rins- 
gulden,  met  payen,  soe  zy  met  hem  overcomcn  zyn,  te  wetene  :  tusschtn  dit  en 
vastelavond  xxv  rinsgulden,  en  't  surplus,  te  wctciie  lxxv  rinsgulden,  ten  tyde  als 
't  \'oirsc.  werck  voHevert  en  volmaict  sal  zyn.  Item,  het  es  oick  vorwerde  dat  hct 
hout  van  den  back  sal  van  geheelen  honte  zyn  Ij  iji  dnymen  dick,  en  die  doeren 
nae  advenant  ryckelyck  kanten.  Item,  hct  is  oick  vorwerde  dat  Meester  Jan  Oem.s 
zinden  sal, opter  guldcn  en  zyncn  cost,hairen  lialf,  een  patroen  om  te  besyen  hoe 
ons  genoegen  die  personagien  ende  die  misterien  dair  hy  in  ordineren  sal  profeten, 
yngelkens  en  andere  belikens,  naer  den  eysch  des  werckx.  Hier  hebben  by  geweest 
en  hen  verbonden  meester  Jan  Loen,  meester  Arnt  Meesens,  nieesler  Peler  die 
Barbier,  meester  Arabrosius  van  Loen.  Item,  het  es  oick  vorwerden  dat  soe 
wanneer  dat  werck  gelevert  sal  zyn,  dat  sal  staen  te  waranderen  van  meesters 
Tan  kynnesse  en  in  dieu  dat  men  bcvindt  dat  het  werck  alsoe  goet  niet  en  es 
gelevert  als  bchoirt,nair  het  gelt  dal  hen  dat  corlten  sal  aen  zyn  penningcn.  Item, 
het  es  oick  vorwerde  dat  meester  Jan  den  voet  sal  doen  stotreren  op  ter  Gulden 
cost.  Item,  hoe  wel  dat  niet  vutgesproken  en  es  van  die  doeren  le  brcken  noclittan 
ombeters\viile,willenwy  dat  by  de  doeren  brekcn  sal.Coram  cisdem.  »(Z(delere, 
Bericx.) 

En  marge  : 

«  Item,  Jan   reteiscis  hcctt  bokint  \an  Hcndiick  Bartholomci  ontl'aiigcn  le 
hebben,  op  dese  somme,  xxv  rinsgulden,  Jnlii  xxvu  a"  xv  thiene.  » 

Acte  du  21  juillet  lolO,  iii-l". 

(1)  MM.  Henné  et  Walters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  522. 

(•2)  M.  AKx.  PiNCHART,  Archivcs  des  arts,  t.  I",  p.  49. 


—  o9()  — 

dePASouiKH  ou  1'.\m:al  Mou  hem. an  s  <•!  lia\;iill;iit  ii  Bi'ii.xcites 
PU  150'.>.  <,)ii  l'a  coiJsitlérc  (aiitol  couinic  un  tVùi'c,  lanlnl 
comme  un  lils  (lu  Jean.  Un  docuintMil  (jue  nous  avons  décou- 
vert dans  les  archives  de  Louvaiii  nous  permel  d'élablii' son 
degré  de  parenté  avec  l'auleur  du  relable  du  Musiie  de  la 
Porte  de  liai.  Il  n-sullede  d'Ile  )(i("'c('  (|u"ii  in  «'l.iil  le  |iroj)re 
lils  (i). 

PasijuiiT  Borreuian.",  parait  avoir  ('léun  artiste  très-occupé. 
En  loIO,  il  travailla  avec  son  père  (2).  PendanI  la  rn<'ni<' 
aimée,  il  exécuta  trois  bas-i'eliefs  j)Our  èlre  jilacés  dans  le  re- 
table de  la  chapelle  de  la  conliérie  de  Saint-Eloy,  à  Bruxelles. 
Il  plaça,  en  Iî>  17,  quatre  bas-reliel"s  dans  le  soubassement 
de  l'autel  de  l'église  de  llmpilal  de  Saint-Pierr<'  de  la  même 
ville.  Cinq  ans  après,  il  y  plaça  une  niche  garnie  d'une  statue 
de  la  sainte  Vierge.  En  l'-rl^K  il  exécula,  pour  l'i-glise  du 
même  hôpital,  un  tabernacle,  dont  un  |)eintre  de  Bruxelles, 
Philibert  Beeckman,  avait  Iburni  le  modèle.  C'était  un  travail 
d'une  certaine  importance.  On  le  lui  paya  (iO  (lorins  du  Bhin, 

L'arli:5le  travailla  encore  |iuur  II-  même  cdilice  de  loôO 
à  1536(3). 

Le  temps  nous  a  conservé  une  j)roduclion  lïr  Pasquier 
Borremans  dans  l'autel  de  ranciemic  corporation  des  tan- 
neurs à  l'église  de  Sainte-Waudru,  à  Herenthals.  Ce  njagni- 
fique  retable  en  bois  de  chêne  représente  en  sejit  groupes  le 
njarlyre  de  saint  Crépin  et  saint  Cicjiinicn.  On  y  observe 
en  lettres  de  relief  les  mots  :  Passiei;  Ijmiihe,  La  svllabe  qui 
devait  com)»l<'-ler  le  imm  ne  fut  |>as  îijouice,  b'  pli  d  un  vçfc- 

0)  Voir  plus  liuuJ,  p.  58S,  noie  I. 

(i)  M.  ScHAYts,  Analectes,\K  252. 

(s)  M.  G.-J.  Doiii»,  Hepiff  (lliiaiiiire  el  il'iirrlifoloiiii .  1.  |  ',  ]i\i.  i-H-^n. 


-    ;i9i  — 

int'iil  (le  riiiH"  (les  >(;ilu('lli'.s  y  iiii;[(aii(  olislacle.  Ce  travail 
a  un  aspecl  t'omplùk'ineiil  iil('nli(iii('  à  celui  tic  Juau  Hon» 
iiKms,quL'  nous  allons  l'aire  coniiaili-e.  Il  prouvoque  l'asquier 
iiKircliait  digncnieiil  sur  les  Iraccs  do  son  père.  Le  retable 
de  llerenllials  a  été  dfjcril  avec  soin  pai-  uulie  ami  feu 
M.  P.-D.  Kuyl,  curé  de  Saint-André,  à  Anvers,  don!  la  niorl 
prématurée  est  une  perte  pour  l'archéologie  nationale  (i). 

Tels  sont  les  i)articularités  qu'on  a  retrouvées  jus(iu'ici  sur 
les  Borrcmans.  Nous  espérons  qu'on  tirera  un  jour  de  la 
poussière  des  archives  des  renseignements  qui  permettront 
de  rétablir  l'histoire  de  ces  artistes  si  dignes  d'occuper  une 
place  dans  l'histoire  de  l'arl. 

Nous  allons  enlrctemr  nos  lecteurs  du  retable  provenant 
de  la  cha|K'llo  de  Noire-Dame  du  Dehors,  à  Louvain.  Mais 
avant  de  décrire  les  sujets  de  celte  œuvre  remarquable,  il 
importe  de  l'aire  connailre,  aussi  brièvement  que  possible, 
la  légeude  de  saint  Georges, 

Pendant  le  moyen  âge,  saint  Georges  élail  considéré  comme 
le  type  du  soldat  chrétien,  et  bon  nondjre  de  nos  gildes 
d'arbalétriers  s'étaient  placées  sous  son  invocation.  On  le  ligu- 
rait  ordinairement  à  cheval,  foulant  aux  pieds  un  dragon, 
pour  marquer  qu'il  a  combatUi  le  démon,  (|ui,  dans  l'Apoca- 
lypse ,  est  représenté  sous  cette  l'orme,  el  qu'il  l'a  vaincu 
par  sa  foi. 

D'après  les  Hollaudisles,  l'hisloire  de  saint  Georges  no 
repose  pas  sur  des  faits  certains.  liutler  parlage  cet  avis. 
Mais  les  hagiographes  sont  d'accord  puui-  admettre  qu'il  fut 


(»)  Voyez  sa  notice  dans  ks  Annales  de  V Académie  d'arcluhilonie  de  Hehiinne. 
I.  XXVI,  1^  s/'iit';  t.  V[,  ;ivoc  um-  praviin'  sur  \^\>'\-\'<\  \s.\y  M.  K.  T'Fvlt. 


—  o9â  — 

iiiarlyrisc  pendant  la  dixième  persécution,  cVst-à-dire  sous 
le  règne  deDiocIétien. 

Selon  la  légende,  saint  Georges  était  issu  d'une  des  plus 
illustres  familles  de  Cappodoce.  Il  était  encore  très-jeune 
lors(ju'il  perdit  son  père.  Il  se  retira  en  Palestine  avec  sa 
mère,  qui   possédait  dans   ce  pays   de   vastes  domaines. 
Ayant  embrassé  la  carrière  des  armes,  il  ne  tarda  pas  à  se 
signaler   par  sa   bravoure.    Diocléticn ,   (pii  sut  apprécier 
son  mérite,  l'éleva  aux  premiers  grades  dans  son  armée. 
Mais,  lorsqu'il  apprit  que  l'empereur  avait  résolu  de  com- 
battre les  chrétiens,  il  déposa  l'épée,  alla  trouver  son  sou- 
verain et  ne  craignit  point  de  lui  reprocher  la  cruauté  de 
ses  décrets.  Le  fonctionnaire  qui  déployait  alors  le  plus  de 
zèle  dans  la  perséculion  des  chrétiens  était  le  proconsul 
Dacicn.  Georges  alla  le  trouver  et  lui  déclara  qu'il  avait  tout 
abandonné  pour  servir  plus  librement  le  Dieu  du  Ciel.  Vive- 
ment irrité  de  ce  discours,  Dacien  fit  arrêter  l'ancien  oflicier 
el  ordonna  de  le  jeter  en  prison.  Remarquant  qu'il  ne  put 
rien  gagner  |)ar  la  persuasion,  il  ordonna  de  l'attacher  à 
une  croix  j3t  de  le  déchirer  avec  des  ongles  de  fer.  Il  lui 
lit  également  appliquer  sur  le  corps  des  torches  ardentes, 
de  manière  à  lui  faire  sortir  les  entrailles.  Ensuite  il  le  fit 
laver  et  frotter  avec  de  l'eau  salée.   Comme  il  surmonta 
courageusement  ces  horribles   tourments,  Dacicn  le  lit  at- 
tacher sur  une  roue  garnie  de  lames  tranchantes  de  deux 
côtés  ;  mais  la  roue  se  brisa   et  il  sortit  sain  et  sauf  de  cette 
épreuve.  Alors  le  proconsul  le  fit  jeter  dans  une  chaudière 
remplie  de  plomb  fondu.  Mais  Georges,  ayant  fait  le  signe 
de  la  croix,  y  entra  et  s'y  trouva  comme  dans  un  bain  bien- 
faisant. Alexandra,  la  femme  de  Dacien,  frappée  de  la  foi  du 


—  593  — 

martyr,  se  convertit  au  christianisme  et  fut  baptisée,  dit 
la  légende,  dans  son  propre  sang.  En  effet,  le  proconsul 
ayant  fait  ari'èter  sa  femme,  la  lit  pendre  par  les  cheveux  et 
battre  cruellement  avec  des  verges.  Pondant  qu'on  la  battait, 
elle  s'adressa  à  Georges  el  lui  dit  :  «  Lumière  de  vérité,  où 
crois-tu  que  j'aille,  moi  qui  n'ai  point  reçu  le  baptême?» 
Georges  lui  répondit  :  «  Femme,  ne  crains  rien,  le  sang  que 
tu  verseras  remplacera  ton  baptême  et  te  méritera  la  cou- 
ronne que  tu  auras  au  Ciel.  » 

Le  lendemain  Georges  fut  condamné  à  être  traîné  par  la 
ville  et  décapité.  Il  fut  exécuté  l'an  287  de  notre  ère,  en 
même  temps  que  la  femme  de  Dacien. 

Telle  est  en  substance  la  légende  de  saint  Georges,  repré- 
sentée par  Jean  Borremans  dans  le  retable  du  Musée  de  la 
porte  de  Hal. 

Pour  la  composition  de  son  œuvre,  Borremans  puisa  lar- 
gement dans  la  légende  de  Jacques  de  Voragine  (^i); 
mais  il  est  hors  de  doute  qu'il  eut  également  recours  à  un 
autre  texte.  De  cette  manière,  on  s'explique  le  bas-relief  où 
il  a  figuré  Dacien  faisant  scier  la  tête  du  martyr,  fait  dont 
on  ne  trouve  nulle  trace  dans  de  Voragine,  ni  dans  les  ou- 
vrages imprimés  que  nous  avons  consultés 

Dacien,  dont  quelques  auteurs  font  un  empereur  de  Perse, 
était  un  proconsul  romain,  comme  Bectus  Varus,  qui  pré- 
sida au  martyre  de  saint  Quentin.  Son  nom  figure  sur 
l'œuvre  de  Borremans,  ainsi  que  nous  le  constaterons  plus 
bas. 


(i)  La  légende  doréeparîkCQVEs  deVorac.ine,  Iraduitedu  lutin  par  y\.  G.  linu- 
SET,  Paris,  1843,  t.  II,  pp.  73-81. 


—  .")<)4  — 

On  comprendra  sans  peine  (pic  la  léuendo  do  saint 
Georges  était ,  |)oni' ainsi  diro ,  une  décoration  oliligatoire 
dans  une  chapelle  appartcnan!  à  une  associalion  placée  sous 
son  invocation. 

Le  travail  dont  nous  allons  nous  occuper  révèle  le  talent 
de  Borremans  de  la  manière  la  plus  avantageuse.  Il  donne 
lieu  de  croire  (pie  loi'S(iu'il  y  init  l;i  main,  il  était  dans  tonte 
la  force  de  son  talent . 

Le  retable  du  Musée  de  la  porte  de  Hal  a  la  forme  d'un 
rectangie,  tlivisé  en  sept  compartiments.  Les  (rois  compar- 
timents du  milieu  sont  plus  larges  que  les  compartiments 
latéraux.  L'œuvre  représente,  dans  une  suitede  groupes 
sculptés,  le  martyre  de  saint  Georges.  Chaque  groupe  se 
trouve  dans  une  niche  couronnée  d'un  dais  à  découpures 
à  jour,  dont  le  travail,  aussi  riche  que  délicat,  peut  être  com- 
paré aux  liligranes  d'orfèvrerie.  L'ordre  des  groupes  a  été 
dérangé  dans  les  nond^reux  déplacements  qu'a  subis  cette 
production  artistique.  C'est  ainsi  que  le  groupe  qui  occupe 
actuellement  le  n"  1  doit ,  selon  l'ordre  des  événements, 
prendre  le  n"  7,  comme  figurant  la  décapitation  de  saint 
Georges. 

Nous  allons  faire  connaili'e  les  sujets  (]es  groupes  en  sui- 
vant l'ordre  chronologique. 

L  Dacien  fait  scier  en  deux  la  tète  de  saint  Georoes.  Il 
est  accompagné  d'un  juge,  d'un  personnage  portant  une 
llèche,  d'un  soldat,  etc.  Ce  groupe  se  conqwse  de  sept  per- 
sonnages. 

II.  Dacien  fait  procéder  à  la  combustion  de  saint  Georges 
dans  un  ImMif  d'iiirain    Le  m.irlvi'  est  assis  dans  le  creux  du 


—  5î)5  — 

Imi'uI",  sous  leqiu'l  un  leu  esl  allumé.  Un  soldiii,  qui  se 
trouve  sur  le  premier  plan,  porte  un  alaive,  sur  le  fourreau 
duquel  on  lit  le  mol,  Dagiamjs.  Son  ceinluron  porle  le 
millésime  de  M.cGCC.xeii.i,  année  de  l'aclièvement  de  l'œuvre. 
Ce  groupe  se  compose  de  onze  personnages. 

m.  SaintGeorges,  complètemenl  déshabillé,  est  suspendu 
par  les  pieds  à  une  potence.  Dacien  a  lait  allumer  un  l'eu 
sous  la  tète  du  martyr.  Déjà  les  tlammes  consument  sa 
chevelure.  Le  proconsul  est  accompagné  d'un  juge  et  de 
plusieurs  bourreaux.  Le  Fourreau  du  glaive  d'un  soldat,  qui 
.se  trouve  au  premier  plan,  porlo  lo  prénom  de  Jan.  Ce 
groupe  se  compose  de  onze  p(u*sonnages. 

IV.  Saint  Georges  esl  lié  au  moyen  de  cordes.  Dacien  le 
l'ait  flageller.  Sur  li^  ceinturon  d'un  soldat,  on  remarque  la 
lettre  m.  Ce  groupe  se  compose  de  dix  personnages. 

\.  Saint  Georges  git  sur  un  buisson  ardent.  Un  bourreau 
attise  le  feu,  en  présence  de  Dacien,  d'un  juge  et  d'autres 
spectateurs.  Ce  groupe  se  compose  de  huit  personnages, 

VU  Sainl  Georges  est  attaché,  par  les  bras  et  les  jambes, 
à  deux  roues.  Des  bourreaux  font  tourner  ces  roues  en  sens 
inverse. 

Vil.  Dacien  a  l'ail  décapiter  .saint  Georges.  Alexandra,  la 
femme  du  proconsul,  est  sur  le  point  de  subir  le  même  sort. 
Elle  est  agenouillée  et  a  les  yeux  bandés.  Près  d'elle  se 
trouve  une  de  ses  dames  d'honneur.  Ce  groupe  se  compose 
de  sept  personnages. 

Dans  les  ornements  du  dais  du  compartiinenl  central,  on 
observe   deux  petits  groupes   :    I"  sainl  Georges ,    attaché 


—  o96  — 

sur  une  table,  est  l)attu  de  verges;  2"  saint  Georges  se 
trouvant  dans  une  fournaise  bouillante.  Ces  groupes  sont 
d'une  belle  conception  et  d'un  beau  travail. 

Le  retable  est  très-mal  éclairé  à  l'endroit  où  il  se  trouve  ac- 
tuellement. Impossible  d'en  examiner  convenablement  les 
détails. 

Nous  avons  constaté  qu'on  y  observe  le  prénom  Jan,  ainsi 
que  la  lettre  m,  initiale  du  mot  mans,  dernière  syllabe  du 
nom  du  sculpteur.  Si  l'on  était  à  même  d'examiner  le  travail 
au  grand  jour,  on  y  découvrirait  probablement  la  majuscule 
B,  initiale  de  la  première  syllabe  du  nom  de  l'artiste,  et  on 
serait  ainsi  en  mesure  de  confirmer  le  passage  du  manuscrit 
que  nous  avons  transcrit  plus  haut.  Le  millésime  de  1493, 
qu'on  y  remarque,  ne  laisse  d'ailleurs  aucun  doute  à  cet 
égard. 

Dans  le  principe,  le  retable  était  surmonté  d'une  orne- 
mentation en  style  ogival  et  pourvu  de  volets.  Cette  orne- 
mentation et  ces  volets  n'existent  plus.  11  nous  semble  que 
les  sculptures  de  ce  retable  n'ont  jamais  été  couvertes  de 
couleur. 

Au  milieu  du  xvir  siècle,  l'on  remplaça,  à  la  chapelle  de 
Notre-Dame  du  Dehors ,  le  retable  de  Borremans  par  un 
grand  autel  à  colonnes  et  à  plusieurs  ordres  superposés. 
Mais  on  n'aliéna  point  le  travail  du  vieil  artiste.  On  le  plaça 
sous  le  jubé  et  on  l'y  conserva  avec  soin.  Il  se  trouvait  à  cet 
endroit  en  1797,  lorsque  la  chapelle  fut  démolie.  Alors  on 
déposa  provisoirement  le  retable  au  local  de  l'Université. 
En  1815,  il  fut  transporté  à  Bruxelles  et  placé  au  Musée  de 
cette  ville. 

L'dnivrc  de  Jean  Borremans  est  une  pi'oduction  pleine 


—  597  — 

de  hardiesse  et  d'originalité.  C'est  une  de  ces  créations  ex- 
ceptionnelles qui  caractérisent  pour  ainsi  dire  une  époque 
dans  l'art.  Ce  qui  frappe  dans  les  figures,  qui  s'y  étagent  el 
s'y  pressent  avec  une  abondance  extraordinaire,  c'est  le 
goût  qui  a  présidé  à  leur  arrangement.  On  y  constate  que 
l'artiste  était  un  homme  qui  devançait  son  temps.  La  forme 
le  préoccupait  autant  que  la  pensée.  Il  visait  à  exprimer  un 
sentiment  vrai  dans  une  forme  correcte.  Ses  personnages 
n'ont  plus  cette  dureté,  celte  raideur  qu'on  observe  dans 
beaucoup  de  productions  de  l'époque.  Il  les  drape  avec 
élégance  et  leur  donne  des  attitudes  faciles  et  bien  équili- 
brées. Plusieurs  têtes  sont  remarquables  au  point  de  vue 
de  l'expression.  Les  femmes,  dans  le  groupe  représentant 
la  décapitation  de  saint  Georges,  ont  une  tournure  char- 
mante. Dans  l'exécution  de  ces  figures,  l'artiste  montre  une 
véritable  supériorité  sur  ses  contemporains.  On  y  voit 
poindre  le  sentiment  des  formes  élégantes  de  la  renaissance. 

Dans  rornementation  de  son  œuvre,  Borremans  a  utilisé 
tout  ce  que  l'art  de  l'époque  pouvait  produire  de  plus  com- 
pliqué et  de  plus  agréable.  Rien  n'en  surpasse  l'abondance 
et  la  variété.  Les  dais,  revêtus  d'une  profusion  de  branches 
et  de  feuillages  qui  s'entrelacent  el  serpentent  jusqu'au 
sommet,  produisent  un  ensemble  d'ombres  et  de  lumières 
d'un  effet  admirable.  D'autre  part,  le  travail  est  achevé  avec 
le  soin,  la  patience  et  l'amour  d'un  homme  qui  recherche  la 
perfection. 

Bref,  le  retable  de  Jean  Borremans  doit  être  considéré 
comme  l'une  des  productions  les  plus  sérieuses  et  les 
plus  intéressantes  de  la  sculpture  flamande  de  la  fin  du 
xv'  siècle. 


—  508  — 

On  ignorait  If  uoin  de  r.'uileur,  aiij>i  ([uv  le  siijul.  de  ce 
chef-d'œuvre.  Nous  venons  de  faire  connaître  l'un  et  l'autre, 
en  nous  appuyant  sur  des  renseignements  d'une  incontes- 
table authenticité.  Nous  espérons  que  celle  petite  conimuni- 
cation  sera  accueillie  avec  faveur  par  ceux  qui  s'inl(''resscnt 
à  l'histoire  de  l'art  en  Belgique. 

Louvain,  le  II  octobre  1877. 


COMMISSION  ROYALE  DKS  MONUMENTS. 


RESUMi:     DES     PROCÈS-VERBAUX. 


SÉANCES 

des    1",  8,    J5,    11,    Ib,  21,   22   et   29  septembre;   ries   5,  H,    11,    15,   20, 
23,    27   et  31   octobre    1877. 


ACTIFS   OFFICIELS. 

Par  arrêté  royal  du  25  novembre  1877,  M.  Reusens,  j>ro- 
fesseur  d'archéologie,  est  nonimé  membre  correspondant  de 
la  Commission  royale  des  monumenis  dans  la  province  de 
BrabanI,  en  remplacement  de  M.  De  Brou,  décédé. 


Par  arrêté  de  M.  le  Ministre  de  l'intérieur  en  date  du 
31  mai  1877,  M.  Rultiens  (J.),  commis  rédacteur,  est  nommé 
secrétaire-adjoint  de  la  Commission  royale  des  monuments. 

PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Gommi.s.sion  a  émis  do  avis  favorables  : 

r  Sur  le  projet  modifié  des  peintures  décoratives  à  exé-       F.(?ii-H 

il'Aiidpnhove 

cuter  dans  le  chœur  de  l'édise  (rAudenhove-Sainle-Marie  saint-M^ie. 

<~  Peintures. 

(Flandre  orientale); 


—  600  — 

Eglises  oo  §up  les  cartons  d'un  vitrail  peint  à  placer  dans  la 

de   lloboken,  '  ' 

DfX-"vèr'ioo' fenêtre  du  transept  nord  de  régli.«,e  d'IIoboken   (Anvers), 
N'é'urîieim',    qux  fVais  dc  M.  De  Bie  :  peintres-verriers,  MM.  Stalins  et 

N.-D.,  a  N  imur.  ' 

'■"""•     Janssens; 

5"  Sur  les  dessins  de  trois  verrières  a  placer  dans  les 
fenêtres  du  chœur  de  l'église  de  Saint-Sulpice,  à  Diest.  Ces 
verrières  seront  exécutées  par  M.  Pluys,  d'après  les  carions 
de  M.  Dujardin  ; 

A"  Sur  les  cartons  de  quatre  verrières  à  exécuter  par 
MM.  Stalins  et  Janssens  pour  l'église  de  Beverloo  (Lim- 
bourg)  ; 

î)"  Sur  le  projet  relatif  à  la  restauration  d'une  ancienne 
verrière  et  au  placement  de  six  vitraux  neufs  dans  l'église  de 
Cortessem  (Limbourg)  :  peintre-verrier,  M.  Van  der  Poorlen  ; 
6"  Sur  les  cartons  de  treize  verrières  à  placer  par  M.  Van 
der  Poorten  dans  l'église  nouvellement  construite  à  Neder- 
heim  (même  province)  ; 

7"  Sur  les  dessins  de  deux  vitraux  à  placer  dans  l'église 
de  Notre-Dame,  à  Namur,  par  M,  Capronnier; 
Monument        8'  Sur  Ic  modèlc  du  monument  que  M.   Courroit  est 
^*wŒ.'    chargé  d'exécuter  en  marbre  pour  être  érigé  dans  le  cime- 
tière de  la  commune  de  Wilsele  (Brabant),  à  la  mémoire  du 
peintre  P.-.T.  Verhaegen; 
Moniimmi        9°  Sur  le  devis  estimatif  des  travaux  supplémentaires  à 
à  vër^oi'es.    exécuter  au  monument  érigé  à  Vergnies  (Hainaut),  à  la  mé- 
moire de  Gossec  ; 
E  lise  10°   Sur  les  maquettes  de  deux  statues  à  exécuter  par 

■^'smuel"""'  M.  Laumans,  pour  l'église  de  Hranchon  (Namur).  L'ensemble 
des  deux  figures  représentant  le  Sacré  Cœur  et  saint  Joseph, 
est  satisfaisant; 


—  mi  — 

M"  Sur  le  projet  d'un  inoiiuuicul  lunéi-iiR'  qu'on  se  pro-   d-A^fseiaor. 

d,.     .  .  ,.,  n»        ,       1  /»  \       •      1  '  Monument 

ériger  au  cimeliere  d  Aerlselaer  (Anvers),  a  la  me-     hmerairc. 

moire  de  la  famille  Van  Havre. 

—  Des  délégués  ont  examiné,  à  la  demande  de  M.  le  Mi-  saSwp,,, 
nistre  de  l'intérieur,  les  esquisses  de  deux  stations  du  Che-    "a.ëmiu' 

lie  la  Croix. 

min  de  la  Croix  que  M.  Ilendrix  est  chargé  d'exécuter  dans 
l'église  de  Saint- Joseph,  à  Anvers.  Ces  deux  tableaux  se 
distinguent  par  les  mêmes  qualités  de  style  et  de  composi- 
tion que  les  panneaux  déjà  exécutés.  Le  Collège  a  émis  l'avis, 
en  conséquence,  qu'il  y  a  lieu  d'autoriser  la  conliiiualion  de 
ce  travail  de  décoration,  dont  le  projet  d'ensemble  a  été 
approuvé. 

—  Le  Colléee  a  fait  examiner,  dans  l'atelier  de  M.  le    ""«"ment 

c  \an    r.ycK. 

sculpteur  Pickery,  à  Bruges,  le  nouveau  modèle  du  piédestal  "  ^'"'^'"'' 
proposé  pour  la  statue  de  Jean  Van  Eyck  à  ériger  dans  cette 
ville.  Ce  piédestal  est  orné  de  quatre  figures  allégoriques  : 
le  Dessin,  la  Sculpture,  l Architecture  et  la  Chimie.  M.  le 
bourgmestre  de  Bruges ,  qui  assistait  à  l'inspection  avec 
M  l'échevin  Ronsse,  préférerait  que  ces  statues  allégoriques 
représentassent  des  idées  plus  générales,  telles  que  :  la  lieli- 
gion,  la  Patrie,  l'Art  et  la  Science. 

La  Commission,  se  ralliant  à  l'opinion  de  ses  délégués,  a 
émis  l'avis  qu'il  conviendrait  de  renoncer  complètement  à 
ces  figures  accessoires,  qui  ont  le  double  défaut  d'être  trop 
importantes  relativement  à  la  statue  principale  et  de  donner 
au  piédestal  un  aspect  lourd  qui  nuit  à  l'elïet  d'ensemble 
du  monument.  On  doit  ajouter  que  la  modification  proposée 
au  contrat  primitif  augmenterait  de  00,000  francs  la  dé- 
pense, qui  ne  devait  être  que  de  40,000  francs.  Eu  égard  à 
ces  diverses  considérations,  la  Commission  a  émis  l'avis  qu'il 


fat  préférable  de  doiiiiei-  à  l;i  ^l;ilue  ue  Van  Eyek  un  j»ie- 
deslal  simple. 
Eglise  —  l>es  déléiiué  suiil  iiispeclé,  le  15  uctubre,  le  laberiiacle  de 

de  Léiu. 

Tabernacif.   régiisG  deLéou  ,dojil  les  pai'ties  arcliiteclurales  OH  (  été  réparées 
et  consolidées  sous  la  direction  de  M.  rarcliilecle  Van  Assclie. 

Ce  (ravail,(jui  a  été  exécuté  avec  soin,  consiste  principale- 
iiient  dans  le  nettoyage  et  la  restauration  des  colonnelles, 
bases,  chapiteaux,  corniches,  culs-de-lampe,  etc.  Les  parties 
nouvelles  ont  été  lixées  au  moyen  de  ciment  el  d'agrafes  en 
cuivre.  Quant  aux  groupes  et  ligures  qui  décoi'ent  le  taber- 
nacle et  où  se  remarquent  ça  et  là  quelques  lacunes,  les  dé- 
légués sont  d'avis  (|u'il  n'y  a  pas  lieu  de  les  comph'ler.  On 
devrai!  se  bornei'  à  i-eculler  les  membres  détacliés  de  quel- 
ques statuettes,  à  remplacer  les  socles  qui  ont  disjiaru  el  qui 
ont  été  provisoirement  renq^lacés  i)ar  des  briques,  el  à  lixer 
au  moyen  de  ciment  ou  de  |)lalre  les  slalueltes  (pii  sont  sim- 
plement posées  sur  leurs  socles  et  que  le  moindre  choc 
pourrait  faire  tomber. 

Ces  ditïérents  travaux  sei-aienl  jteu  couleux  et  j)our- 
raient  être  contiés,  de  même  que  le  nettoyage  du  monumeni, 
aux  ouvriers  (|ui  on!  restauré  la  partie  archileclurale. 

Il  a  été  conslalé  (jue  toutes  les  parties  du  tabernacle  ont 
été  anciennement  recouvei'tes  d'une  couche  très-légère  de 
couleur  grisa li'e.  Les  restaurations  exécutées  en  j)ierre 
i)lanche  forment  conséqucmment  des  taches;  il  importera 
de  remédiera  cet  inconvénient  en  aiijdiiiuant  sui'  res  parties 
nouvelles  un  léger  lavis  sans  épai>seur,  afin  lU'  donnei-  une 
leinle  uniforme  au  tabernacle. 
(;i,a|,eiie  —  L'aduil ulst raliou  communale  de  llassclt  ;i  proposé  de 
■'tbK''    JiMnpIarer  le  l;d)|i'au   ancien,  représ*'nl;inl   la  /{('surreclion 


—  cor,  _ 

du  Chrial,  <|iii  tlt'coiv  l'autel  de  la  cIiîi|>(;1Il'  du  ciiin'tiérc.  par 
une  œuvre  nouvelle  de  M.  (lei'aels.  La  CumiiiisMoii,  après 
examen  de  la  peinlure,  est  d'avis  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'ado|)- 
(er  eelle  proposition.  Le  tableau  semble  a))partenir,  en  elTuI, 
à  l'ccole  de  Van  Orley,  et  il  y  aurait  lieu  de  le  taire  nettoyer 
et  reveniir,  et  de  le  rétablir  ensuilc  à  la  place  qu'il  occupait 
sur  l'autel  de  la  cba|>elle. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Ont  été  approuvés  : 

I"  Les  plans  dressés  par  M.  l'ai-cliilecte  Blomme  pour  lapaïais  jcj..«iice 

'  '  .         .  ''"  Malin,  s. 

restauration  et  l'appropriation,  à  l'usage  de  palais  de  justice, 
des  bâtiments  occupés  par  le  tribunal  civil  de  Malines  et 
qui  étaient  anciennement  les  locaux  du  Grand  Conseil.  Ce 
projet  est  bien  conçu  et  son  exécution  rendra  à  cette  con- 
struction son  caractère  primitif  de  la  Renaissance  llamande  ; 

i2"  Le  projet  des  travaux  de  consolidation   à  elî'ectuer  Haiiesdvpres. 
d'urgence   à   la    partie  su|)<''rieure  de   la   tour   (Uis    Halles 
d'Ypres; 

.""  Les  |»!ans  d'un  liospice-iiopilal  à  ériger  à  Saint-Amand    Ji'nfljiï^uj 
(Anvers):  arcliitecte,  .M.  Blomme;         '  ci.i^dî^S 

4"  Les  plans  dresses  par  AI.  Buyck  pour  la  construction    eiTonpr.,. 
d'un  hôpital  à  (iliistelics  (Flandre  occidentale); 

"»'•  Le  projetd'liospice-liôpifal  àérii^er  à  Nazareth  (Flandre 
orientale)  :  arcliitecte,  M.  De  Noyelte; 

(3°  Les  plans  d'agrandissement  de  l'hôpital  de  Tirlemonl  : 
architecte,  M.  Drossaert  ; 

7"  Le  projet  d'une  glacière  à  construire  à  l'hôpilal  de 
Tonare^  :  archifer-le,  M.  CasIennaïK. 


—  604  — 
ÉDIFICES  RFJJGIEUX. 

PRESBYTÈRES.      ' 

Réparation       La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  les  projets 

de  divers 

presbytères.  ^^,  j'éparatjon  et  d'appropriation  à  exécuter  aux  presbytères 
de  Peissant,  Ghlin,  Harvengt  (Ilainaut),  Alden-Eyck , 
Engsberg  sous  Tessenderloo ,  Meeswyck  (Limbourg) , 
Stockem  sous  Heinsch  (Luxembourg),  Jeneffe,  Coujoux , 
commune  de  Gonneux,  Niverlée  (Namur)  et  sur  le  plan 
d'un  presbytère  à  construire  à  Hives  (Luxembourg). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

Ont  été  approuvés  : 
(,uu5tr.iciion        j»  Les  plans  relatifs  à  la  construction  d'églises  : 

d  églises  a  Mon-  1  'J 

sièreciVombes.      A  Monccau,  commune  d'Élouges  (Ilainaut)  :  architecte, 
M.  Mahieu.  Ce  projet  est  bien  étudié  et  mérite  des  éloges. 

A  La  Buissière  (même  province),  sous  la  réserve  que  les 
colonnes,  dont  les  dimensions  sont  petites,  seront  construites 
en  pierre  :  architecte,  M.  Danis. 

Au  hameau  de  Tombes,  commune  de  Mozet(Nanmr).  Ce 

projet   d'église    romane    est    l'œuvre    de    M.    l'architecte 

Beyaert,  et  est  bien  étudié  dans  son  ensemble  comme  dans 

ses  détails  ; 

AgraDdissement     2°  Lcs  plaHS  drcssés  par  M.  l'architecte  Van  Assche,  pour 

de  l'église 

<*«''«"'-=*'"">  l'agrandissement  de  l'église  de  Petit-Sinay  (Flandre  orien- 
tale) ; 
Église  de         3"  La  modilicalion  ijroposée  à  la  crypte  et  au  périmètre 

non-Secours,  '         '  "^  ' 

aPeruweir   j^  j^  Houvollc  égUsc  dc  Notrc-DamB  de  Bon-Secours,  à 


—  605  — 

Peruweiz,  en  vue  de  rcstei^dans  les  limilcs  du  (crnin  ;ip- 
partenaul  au  conseil  de  fabrique  ; 

i-  Les  emplacements  proposés  pour  les  nouvelles  églises  ^^  Bo^geH,.,,,!. 
à  érigera  Borgerhout  (Anvers),  La  Hestre  et  Saint-Sauveur  eisaini-s:^.n'cur. 
(Hainaut)  ; 

5°  Les  dessins  dedivers  objets  d'ameublement  destinés  aux  Amcubicmct 

de  flivcrscs 

églises  de  :  Oelegbem  (Anvers),  bulïet  d'orgue;  ^''"'*'- 

Anderlecht  (Brabant),  buffet  d'orgue.  L'exécution  de  ce 
projet  permettra  de  dégager  la  grande  fenêtre  de  la  façade. 

Bosch,   sous  Ileelenbosch  (même  province),    chaire  à 
prêcher. 

Lombeek-Nolre-Dame  (même  province),    deux   confes- 
sionnaux. 

iMelckwezer  (même  province),  maitre-aulel,  deux  autels 
latéraux,  chaire  à  prêcher  et  deux  confessionnaux. 

Opwyck  (même  province),  agrandissement  du  jubé  et 
placement  de  nouvelles  orgues. 

Linden  (même  province),  maitre-autel,  deux  autels  laté- 
raux et  banc  de  communion. 

Kerckhove (Flandre occidentale),  maitre-autel,  deux  autels 
latéraux,  jubé  et  fonts  baptismaux. 

Melden  (Flandre  orientale),  deux  autels  latéraux. 

Lambermont,  commune  de  Muno  (Luxembourg),   deux 
autels  latéraux. 

Bossière,  commune  de  Saint-Gérard  (Namur),  deux  con- 
fessionnaux. 

—  Les  autorités  locales  d'Eecloo  avaient  décidé]de  faire  re-  Ëghse.ri..Liuo. 
construire  l'église  paroissiale.  Elles  se  fondaient  sur  Tinsuf- 
h'sancc  du    temple  eu  égard  à   la"]  population,  sur  le  peu 
d'élévation  desesvoùtes  et,  enfin,  sui- rhum idilé  qui  y  régne. 


—  C()6  — 

le  pavement  se  Irouvaiit  en  cerUiins  cndroils  à  oO  centi- 
mètres plus  bas  que  le  sol  de  la  place  publique. 

Quelques  habitants  d'Eeclou  contestent  l'utilité  de  cette 
reconstruction;  ils  soutiennent  (pie  l'église  otîre  un  grand 
intérêt  archéologicjue,  qu'elle  est  assez  vaste  et  qu'on  de- 
vrait se  borner  à  y  faire  quelques  restaurations. 

Des  délégués  de  la  Commission,  accompagnés  de  M.  Du- 
gniolle,  directeur  des  cultes  au  département  de  la  justice, 
ont  procédé,  le  23  août,  à  une  enquête  contradictoire  sur 
les  questions  soulevées. 

Un  examen  détaillé  de  l'édifice  a  |)ermis  de  constater  que 
les  nefs  ont  été  en  quelque  sorte  complètement  modernisées, 
tant  à  l'extérieur  qu'à  l'intérieur;  le  chœur  a  été  reconstruit 
à  la  fin  du  siècle  dernier.  La  seule  partie  de  l'église  qui  offre 
quelque  intérêt  est  la  tour,  construite  en  briques  au 
XIII'  siècle  et  que  la  Gomniission  a  elle-même  signalée,  dans 
ses  rapports  antérieurs,  comme  ayant  une  certaine  valeur 
archéologique. 

Il  résulte  des  renseignements  donnés  aux  délégués  par 
les  membres  du  conseil  communal  et  de  la  fabrique  que 
l'église  est  trop  petite  pour  contenir  la  ))opulation  qui  assiste; 
aux  offices.  Dès  18G4  celle  situation  était  signalée  déjà  et 
un  projet  d'agrandissement  fut  même  dressé  à  cette  époque  ; 
on  dut  renoncer  à  ce  projet  parce  que  fagrandissement  ne 
pouvait  se  faire  que  dans  le  sens  de  la  largeur  de  l'édifice, 
ce  qui  entraînait  forcément  le  rétrécissement  des  rues  envi- 
ronnantes. 

Dans  cette  occurence,  les  délégués  uni  cru  devoir  exa- 
miner la  question  de  savoir  si  la  tour  de  l'église  d'Eecloo 
conslitut^  un  monument  assez  important  au  point  de  vue  de 


—  G07  — 

l'art  pour  que  sa  conservation  soit  déclarée  (rintérèl  public 
et  doive  mettre  obstacle  à  la  reconstruction  de  l'église. 

Les  délégués  ont  répondu  négativement  à  cette  question 
et  le  Collège  s'est  rallié  à  leur  appréciation.  Il  est  à  re- 
marquer d'ailleurs  que,  si  même  les  questions  de  voirie  ne 
mettaient  obstacle  à  un  agrandissement  avec  maintien  de  la 
tour,  ce  projet  rencontrerait  encore  des  diflicultés  sérieuses. 

En  effet,  l'agrandissement  de  l'église  entraînerait  l'ex- 
haussement du  pavement  et  des  voûtes,  travail  indispensable 
pour  rendre  l'église  salubre.  Cette  double  modification  aux 
dispositions  actuelles  exigerait  forcément  la  démolition  de  la 
tour,  car,  d'une  part,  sa  base  serait  en  contre-bas  du  sol 
environnant,  tandis  que  les  nefs  exhaussées  masqueraient 
presque  complètement  sa  partie  supérieure. 

Les  plans  de  la  reconstruction  ont  été  approuvés  par  la 
Commission  ;  la  dépense  est  évaluée  à  409,000  francs  et 
le  conseil  provincial  de  la  Flandre  orientale  a  voté,  dans  sa 
dernière  session,  un  subside  de  20,000  francs;  une  pareille 
allocation  est  demandée  au  Gouvernement.  L'église  proj(tée 
est  agrandie  vers  le  parvis,  dont  la  largeur  est  actuellement 
de  20  mètres,  et  un  parvis  d'égale  «limension  sera  créé 
devant  la  façade  nouvelle  par  la  démolition  des  maisons  qui 
font  face  à  l'église  et  qui  ont  été  données  dans  ce  but  à  la 
fabrique. 

—  Des  délégués  se  sont  rendus  à  Framej-ies  (llainautj,       Egiuo 

do  Framerips. 

le  20  septembre,  pour  exammer  les  questions  qui  se  rat- 
tachent à  la  reconstruction  projetée  do  l'église  paroissiale  et 
à  l'emplacement  qu'il  conviendrait  d'assigner  au  nouveau 
temple. 

A  l'égard  de  l'église  actuelle,  les  délégués  ont  constaté 


—  (i()(S  — 

qu'elle  n'offre  aucun  intérêt  au  point  de  vue  de  l'art,  qu'elle 
paniit  humide  et  insalubre,  que  sa  superficie  est  tout  à  fait 
insuHisanlo  pour  la  population  qui  assiste  aux  offices  et 
qu'il  serait  difficile  de  l'agrandir  suffisamment. 

Quant  aux  emplacements  désignés  pour  la  nouvelle,  les 
délégués  estiment  que  le  terrain  choisi  par  le  conseil  de 
fabriqua  doit  être  préféré.  Cet  emplacement  présente  l'avan- 
tage d'être  situé  contre  l'ancienne  église,  sur  un  terrain  qui, 
d'après  les  affirmations  des  officiers  des  mines,  ne  sera 
jamais  exploité  par  des  charbonnages  et  qui  pourra  être 
acquis  à  un  prix  notablement  inférieur  à  celui  des  deux 
autres  terrains  proposés. 


A.ne.,bkn„„t  Nous  publlotts,  avoc  la  présente  livraison,  les  dessins  du 
riotr,,''  maitre-autel,  des  autels  latéraux  et  de  la  chaire  à  prêcher 
exécutés  pour  l'église  d'Offus,  commune  de  Ramillies  (Bra- 
bant),  d'après  les  projets  de  M.  l'architecte  Garpentier.  Le 
rapport  sur  l'inspection  de  cet  ameublement  a  été  inséré  au 
liulletin  de  1H7(),  page  411,  et  la  Commission  a  pensé  qu'il 
serait  utile  de  publier  ces  dessins  comme  d'excellents  spé- 
cimens de  meubles  religieux  ayant  un  caractère  d'art,  tout 
en  étant  traités  cependant  dans  des  données  à  la  fois  simples 
et  économiques. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 


Le  Collège  a  approuvé  : 
1"  Les  projets  de  dive] 
;lises  de  Thisselt,  Oolen  (. 
Rat-l  flirabcint).  Arc,  conmiuiie  d'Arc-Ainières,  WattriponI 


Rj^paraiioD  de      i"  Lcs  projcts  dc  dlvcrses  réparations  à  effectuer  aux 
églises  de  Thisselt,  Oolen  (Anvers),  Berchem-Saint-Laurent, 


^  DES  COMMISSIONS  EOYALES  D^ART  &  D'ARCHÉOLOGIE.  1877.. 


ilVTEL  DEDIE  AU  BON-PïïSTEVR  DE  L'EgLISE  DE  S.FeVILLEN, 

A  #FFVS  (F(HM.ILLIES)  ,  BRKBHKT  ._ 


pcti._den 


A  Igeiris  Se"" 


BULLETIN  DES  COMM^  ROYALES  DART  L  D 'ARCHEOLOGIE,  1877 


ï 


.ttewa.'ic' 


PETITS  HVTELSde  L'ESLISE  D'OFFVS,  f\HMlLLIES.(BI^BRNT.) 


U\)h  .H  WeM\S  »Ç\»n4. 


ARCHEOLOGIE-   1877. 


3 


CHRIE^E     DE    LECLISE    DOFFVS    (F^KMILLIES)  BF^HBHNT. 


—  609  — 

Maulde,  Hainc-Saint-Pi(M're,  llarvengt  (llaiiiaut),  Overpclt, 
Montc-naekcn,  Corlessom  (Limbourg),  Slockem  sous 
Heinsclî,  Saint-Martin  à  Arlon  (Luxembourg)  et  Saint-Gérard 
(Namur)  ; 

2"  Les  plans  dressés  |)ar  M.   l'architecte  Mahieu  pour  la    uestauraii..,. 

<trs  ^glisps  de 

restauration  de  l'église  de  Mellet  (Hainaut);  "'^i''"'-  îrM""" 

5'  Le  projet  d'agrandissement    et    de    restauralion    de 
l'église  d'Erpion  (même  province)  :  architecte  M.  ïirou; 

4"  Les  propositions  relatives  à   la  restauration  des  toi- 
tures de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain. 

—  Des  délégués  ont  examiné,  le  17  octobre,  à  la  demande     ÈKiis^de 

Saiiil-Marlin. 

de  M.  le  Ministre  de  la  justice,  les  travaux  exécutés  à  la  tour  acourtrai. 
de  l'église  de  Saint-Martin,  à  Courirai,  incendiée  par  la  foudre 
en  18G2,  Los  travaux  de  restauration  de  la  tour  et  de  recon- 
struction du  campanile  touchent  à  leur  fin  et  sont  exécutés 
d'une  manière  satisfaisante.  Il  reste  à  établir  la  balustrade 
qui  doit  surmonter  le  portail  principal  et  qui  comprend  au 
centre  une  niche  dans  laquelle  sera  placée  la  statue  du 
patron  de  l'église.  D'après  les  renseignements  donnés 
aux  délégués,  on  aurait  l'intention  de  renouveler  aussi  tous 
les  dais  sculptés  qui  ornent  les  voussures  du  grand  porche. 
La  Commission  est  d'avis  que  la  plupart  de  ces  dais  sont 
assez  bien  conservés  pour  être  maintenus. 

—  Le  vaisseau  du  même  monument  est  envoie  de  restau- 
ration d'après  les  plans  dressés  par  M.  l'architecte  Garpentier 
et  approuvés  par  la  Commission  le  6  juin  1877.  Ces  travaux 
s'exécutent  avec  soin  ;  les  délégués  estiment  que  le  conseil  de 
fabrique  devrait  faire  faire  une  étude  des  mesures  à  prendre 
pour  remédier  à  l'effet  produit  par  la  rencontre  de  la  grande 
nef  avec  le  chœur  nouveau,  érigé  il  y  a  quelques  années 


—  610  — 

sûiis  la  direction  de  M.  l'architecte  Croquison  et  dont  la 
voûte  est  beaucoup  plus  élevée  que  celle  de  la  nef  cen- 
trale. 

On  a  placé  récemment,  dans  quelques  fenêtres  du  chœur, 
des  verrières  exécutées  par  M.  Dobbelaere  et  qui,  sous  le 
double  rapport  de  la  composition  et  de  la  coloration,  sont 
très-satisfaisants. 

Les  délégués  ont  remarqué  aussi  dans  la  chapelle  dédiée 
à  sainte  Anne  un  tableau  intéressant,  dont  le  sujet  principal, 
représentant  un  épisode  de  la  vie  de  saint  Martin,  est  en- 
touré de  quatre  médaillons.  Il  résulte  des  renseignements 
donnés  par  M.  le  chanoine  Vande  Putle,  membre  corres- 
pondant, que  ce  tableau  a  été  peint  par  Jean  de  Conynck  en 
1650  et  qu'il  représentait  d'abord  le  seigneur  d'Espierres 
empêchant  un  passage  de  servitude.  Ce  tableau  fut  pendu 
dans  la  chambre  de  réception  à  rhôtel  de  ville  et,  en  1632, 
le  sujet  fut  changé  pour  une  cause  inconnue,  et  représente 
depuis  celle  date  un  fait  se  rapportant  à  la  vie  de  saint 
Martin. 
F.giis*-  —  Des  délégués  ont  inspecté,  le  51  août,  l'église  deNotre- 

de  Noire-Dame  i       ^  i         <     i        i  i         t  i  i  i 

de  lamH...  Oamc  ilc  Pamcle,  aAudenarde.  Les  murs,  les  colonnes  et  les 
voûtes  du  chœur  ont  été  débarrassés  de  l'enduit  qui  les  cou- 
vrait et  qui  d(''nalurail  l'aspect  de  cette  belle  construction. 
On  peut  aujourd'hui  se  rendre  compte  de  l'importance  des 
travaux  à  exécuter  à  cette  partie  de  l'édifice.  Les  seuils  des 
fenêtres,  les  cordons,  les  bases  des  colonnes,  leurs  tailloirs 
et  leurs  chapiteaux,  enfin  presque  tous  les  ornements  en 
saillie  sont  brisés. 

M.  l'archilecte  Van  Assche  se  proposait  de  rétablir  en 
pierre   les   IVagmeiits  disparus;  il   cntriiil  nolammenl  dans 


—  611   — 

ses  intentions  d'incruster  clans  les  chnpiteaux  clos  crochets 
nouveaux  qui  seraient  fixes  par  des  agrafes  en  cuivre  et  de 
renouveler  toutes  les  parties  saillantes  qui  sont  détruites.  La 
Commission  est  d'avis  avec  ses  délégués  que  ce  travail  doit 
être  conduit  avec  une  grande  prudence  et  qu'il  convient 
notamment  d'éviter  autant  que  possible  d'entailler  les  pierres 
anciennes  de  qualité  médiocre  et  déjà  en  partie  délabrées, 
ce  qui  exposerait  inévitablement  à  les  faire  éclater.  Les  dé- 
légués ont  appelé  l'attention  de  M.  Van  Assche  sur  la  possi- 
bilité d'éviter  de  plus  grandes  dégradations  en  remplaçant 
certains  détails  décoratifs  par  des  moulages  au  ciment 
Porlland,  système  déjà  employé  avec  succès  dans  ))lusieurs 
restaurations  importantes  et  notamment  à  l'église  romane  de 
Lobbes,  et  à  la  collégiale  de  Sainte-Gudule  à  Bruxelles.  Ils 
pensent  que  le  même  procédé  pourrait  être  utilement  appliqué 
à  l'intérieur  de  l'église  pour  la  réparation  des  cordons,  seuils, 
bases  de  colonnes,  etc. 

Il  ne  sera  pas  nécessaire  non  plus  de  reconstruire,  comme 
fe  propose  M.  Van  Assche,  les  deux  premières  travées  du 
chœur,  dont  les  murs  se  sont  lézardés  par  suite  d'un  affais- 
sement qui  s'est  produit  anciennement  dans  les  piliers  de  la 
tour.  11  suffira  de  gratter  soigneusement  les  joints  de  la  ma- 
çonnerie et  d'y  couler  ensuite  du  ciment.  Après  cette  opéra- 
tion, qui  aura  pour  but  de  consolider  la  construction,  on 
pourra  redresser  les  arcalures  et  les  colonnettes  du  trifo- 
rium. 

La  seule  reconstruction  qui  devra  être  autorisée  est  celle 
d'une  travée  de  voûte  en  briques  sans  nervures,  et  qu'il  con- 
viendra de  rétablir  conformément  h  celles  qui  existent  aux 
autres  travées  du  chœur.     . 


—  Gli2  — 

Quant  aux  piliers  qui  supporlenl  la  tour  et  qui  se  sont 
afTaissés  en  se  détachant  d'une  partie  de  la  consiruction  vers 
le  chœur,  il  n'est  pas  possible  de  se  rendre  actuellement  un 
compte  exact  de  leur  situation.  Ces  piliers,  en  effet,  sont  en- 
tièrement entourés  d'un  massif  de  maçonnerie  ;  il  serait  utile 
que  M.  Van  Assche  fit  des  sondages  dans  ces  enveloppes 
pour  examiner  l'état  des  piliers  primitifs,  qu'il  s'assurât 
aussi  de  la  situation  sur  ce  point  du  Iriforium  et  rendit 
comptedecct  examen.  Mais,  en  attendant  qu'on  prenne  une 
décision  sur  celte  question,  rien  n'empêche  qu'on  entame  la 
restauration  du  chœur  et  de  son  pourtour. 

Le  conseil  de  fabrique  demande  l'autorisation  d'exécuter 
les  travaux  par  voie  de  régie;  l'administration  dos  ponts  et 
chaussées  est  d'avis  qu'il  serait  préférable  d'en  faire  l'objet 
d'une  adjudication  sur  bordereau  de  prix.  Tout  en  recon- 
naissant les  avantages  de  ce  dernier  système,  la  Commission 
pense  cependant  que  la  restauration  de  l'église  de  Noire- 
Dame  de  Pamele  est  un  travail  trop  délicat  et  présentera 
trop  de  difficultés  et  d'imprévus  pour  qu'il  soit  possible 
d'employer  ce  mode  d'exécution  dans  le  cas  actuel.  Il  im- 
porte que  ces  ouvrages  soient  effectués  par  voie  de  régie, 
sous  la  conduite  d'employés  intelligents  et  sous  la  surveil- 
lance constante  du  conseil  de  fabrique. 

On  a  l'intention  de  faire  disparaître  la  petite  chapelle 
érigée  il  y  a  quelques  années  à  l'extrémité  du  chœur.  Il  con- 
viendra de  faire  à  cette  occasion  ihs  recherches  pour 
s'assuicr  s'il  n'existait  pas  anciennement  une  chapelle  absi- 
dalc  i)lus  petite  que  celle  qu'il  s'agit  de  démolir. 

Des  traces  nombreuses  de  peinlures  décoratives  ont  été 
découvertes  dans  toutes  les  parties  du  chœur.  Des  copies 


—  613  — 

exactes,  qui  en  ont  été  prises  par  M.  Van  Assche,  pourront 
servir  à  rétablir  plus  tard  cotio  décoration  peinte. 

Le  Secrétaire  Général, 

.T.  Rousseau. 
Vu  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  Président. 

Wellens. 


)    I 


QUENTIN  METSYS  ET  SON  PORTRAIT  D'ÉRASME. 


Si  le  Iccleur  veut  se  faire  une  idée  de  la  façon  dont  les 
vieux  maîtres  étaient  appréciés  en  Belgique  il  y  a  quelque 
trente  ans,  il  lui  suffira  de  lire  cette  phrase  d'un  organe  exclu- 
sivement artistique,  —  organe  très-bien  rédigé  d'ailleurs,  — 
et  qui  date  de  1853  (i)  :  «  Si  l'on  excepte  le  fini  aussi  froid 
que  sec  des  tableaux  de  Messis,  ces  tableaux  n'ont  d'autre 
mérite  que  d'être  des  premiers  de  ceux  peints  à  l'huile.  » 

Une  telle  appréciation  explique  assez  qu'on  se  préoccupait 
médiocrement  d'étudier  la  vie  ou  les  œuvres  d'un  peintre  si 
justement  classé  désormais  parmi  les  plus  grands  de  notre 
école. 

D'autre  part,  on  ne  peut  méconnaître  que  si  nous  en  sa- 
vons davantage  qu'il  y  a  trente  ans  sur  le  peintre-forgeron 
d'Anvers,  la  chance  a  peu  secondé  les  efforts  de  ceux  qui  ont 
travaillé  à  substituer  l'histoire  vraie  à  la  poétique  légende 
des  Van  Mander  (2),  des  Fikaert  (â)  et  des  Van  Fornen- 
berg  (4).  La  date  et  le  lieu  de  la  naissance  de  Metsys,  l'or- 
thographe même  de  son  nom,  les  travaux  des  élèves  qu'on 


(i)  L'Artiste,  revue  des  arts  et  de  la  littérature.  Bruxelles,  I853j  p.  16'2, 

(2)  Karel  Van  Mander,  Het  Schilder  Boek.  Harlem,  1604, 

(î)  Metamorphoris  ofte  ivonderbare  veranderingh  ende  leven  van  deu  ver- 

maerden  Mr.  Quinten  Malsys.  Antwerpen,  1648. 
(4)  Ben    antwerpschen    Protheus,    etc.,    door    A.    V(an)    F{ornetibergh). 

Antwerpen,  1658. 


—  G16  — 

lui  connaît,  la  dale  de  sa  mort,  tous  ces  points  restent  à  dé- 
terminer (i). 

Ou  invoque,  sans  doute,  en  faveur  d'Anvers  comme  patrie 
du  peintre  des  présomptions  de  quelque  valeur;  mais  il  faut 
prouver  que  Guichardin  eut  tort  d'en  faire  un  Louvaniste. 
I']n  attendant,  le  maître  est  encore  privé  d'un  monument 
digne  de  sa  gloire,  peut-être  par  l'impossibilité  où  l'on  serait 
de  préciser  le  lieu  de  sa  naissance  (t>). 

Qu'importe,  dira-ton,  l'artiste  se  juge  par  ses  œuvres, 
et  c'est,  en  effet,  ce  qu'il  faut  faire.  Mais  à  peine  s'occupe- 
t-on  de  dresser  l'inventaire  de  ces  œuvres  que  le  doute  se 
glisse  dans  l'esprit  des  experts,  et  bientôt  il  ne  subsiste  plus 
qu'un  très-petit  nombre  de  travaux  incontestés,  parmi  les- 
quels Waagen  hésite  même  à  comprendre  le  fameux  ta- 
bleau du  château  de  Windsor,  les  Avares  «  the  Misers  », 
pourtant  d'une  si  haute  valeur  artistique. 

Lorsque  Stanley,  dans  sa  nouvelle  édition  du  Dictionnaire 
de  Bryan  (5),  fournit  une  liste  de  soixante-neuf  tableaux  de 
Metsys  (en  y  comprenant  les  volets  de  ses  triptyques),  il  se 


(i)  On  nous  permettra,  a  l'exemple  de  MM.  Fétis  et  Van  Even,  de  conserver  au 
peintre  le  nom  qu'il  a  lui-niênie  inscrit  sur  son  oeuvre  de  l'église  Saint-Pierre, 
à  Louvain. 

(2)  Il  va  de  soi  que  nous  attachons  une  très-réelle  valeur  au  consciencieux  travail 
de  M.  Van  Even  sur  VAticieiuie  école  de  Louvain  et  aux  documents  précieux  qu'il 
met  au  jour  sur  Quentin  Metsys.  C'est  presque  exclusivement  à  MM.  Van  Even 
et  GÉNARD  que  l'on  doit  les  renseignements  positifs  que  nous  possédons  jusqu'ici 
sur  la  carrière  du  maître. 

Khamm,  Levens  en  werken  der  Hollandsche  en  Vlaamsche  kunstschilders, 
l.  IV,  p.  1074,  a  essayé  sans  succès  de  faire  du  Quentin  de  Louvain,  cité  par 
Guichardin  et  de  Quentin  Metsys  deux  personnages  distincts. 

(3)  A  liiogniphical  and  Crilical  Dktionanj  of  Painters  and  Engravers, 
London,  1875. 


—  C17  — 

contente  de  citer  des  œuvres  souvent  douteuses  indiquées 
par  des  écrivains  antérieurs. 

A  tout  prendre,  il  reste  à  Metsys  de  quoi  fonder  une 
gloire  durable,  et,  n'acceptantcomme  seules  authentiques  que 
l'Ensevelissement  du  Christ  d'Xm ers,  terminé  en  loH,  la 
Descendance  apostolique  de  Sainte-Anne  (1509) (i),  le  Peseur 
d'or  du  Louvre,  daté  de  1518  ou  1519,  et  les  portraits  de 
Florence,  dontl'un,  du  moins,  porte  la  date  de  1520,  le  vail- 
lant ferronnier  d'Anvers  est  bien  digne  d'entrer  en  parallèle 
avec  les  plus  nobles  représentants  des  écoles  étrangères  de 
son  temps. 

La  valeur  artistique  des  œuvres  de  Metsys,  le  caractère  si 
nettement  tranché  de  celles  que  nous  avons  de  sa  main,  pa- 
raîtraient devoir  écarter  jusqu'à  la  possibilité  d'une  confusion 
de  ses  travaux  avec  ceux  d'aucun  autre  maître.  Il  n'en  est 
pas  moins  évident  qu'il  eut  des  imitateurs  et  que  dans  le 
nombre  on  en  trouve  qui  tirent  preuve  d'une  adresse  con- 
sommée. 

Le  Musée  de  Leipzig,  —  galerie  où  les  œuvres  anciennes 
ne  figurent  encore  qu'à  titre  d'exception,  —  nous  montre 
une  répétition  admirable  du  tableau  de  la  collection  royale 
d'Angleterre  et  dont  le  titre,  les  Avares,  devra  nécessaire- 
ment être  abandonné,  car  un  papier  fixé  au  mur  porte  cette 
inscription:  Hier  ontfanme  DENExcYS,suiviedela date  1551, 
qui  nous  donne  la  preuve  qu'il  s'agit  bien  ici  d'une  copie 
postérieure  au  maître.  Nos  «  Avares  »  sont  bel  et  bien,  on 


(i)  Voir,  au  sujet  de  cette  œuvre  capitale,  l'étude  de  M.  E.  Fétis,  la 
descendance  apostolique  de  sainte  Anne,  etc..  Bulletin  des  Commissions  royales 
d'art  et  d'archéologie,  t.  V  (1866),  p.  86,  et  E.  Van  Even,  l'Ancienne  école  de 
peinture  de  Louvain. 


—  618 


le  voit,  des  agents  du  fisc,  comptables  soigneux  comme 
doivent  l'être  de  bons  receveurs. 

Au  Musée  d'Anvers,  le  tableau  de  la  collection  Van 
Ertborn,  n"  244  du  catalogue  (édition  de  1874),  représente 
de  même  un  receveur  dont  les  livres  sont  parfaitement  tenus 
et  renseignent  pour  l'année  de  la  peinture  le  produit  exact  de 
l'accise  sur  la  bière,  le  vin,  les  céréales,  etc. 

A  la  Pinacothèque  de  Munich,  dès  l'entrée,  on  trouve 

deux  œuvres  capitales  que  le  sujet,  l'aspect  et  la  manière 

feraient  ranger  d'emblée  dans  l'œuvre  de  Quentin  Metsys, 

si  l'une  nu  ^îU^it  cette  inscription  Roymers\vale:<  Marimts 

me  fecit  a"  38  et  l'autre '^,^i"?  ^'^^-  f''^*^  ^"  ^''^'^'^• 

La  première  est  une  répétition^  P^'"^  "^^^'^^^^  ^"  ^'''"'' 
d'or  du  Louvre,  répétition  superbe'efe^  ^^f  ^"'''^^^  '^"^ 
d'aulant  moins  douteuses  que  le  tableau  gspcellemment 
placé. 

Marin  de  Romerswael  est  cité  par  Van  Mander  sous^  "^"^ 
de  Mnrinus  de  Seeu  :  le  Zélandais  (non  pas  Secu,  ainsi^"^ 
l'écrivent  Van  der  Aa  et  d'autres  auteurs),  comme  peign'J!* 
largejnent  «  à  la  nouvelle  mode,  d'une  manière  plus  rude 
qu'agréable,  »  meer  rouw  ah  net  (i).  Il  reconnaît  cependant 
avoir  vu  de  lui  un   receveur,  eenen  iollenaer,  assis  à  son 
comptoir  et  qui  était  une  œuvre  remarquable.  C'est  évidem- 
ment le  tableau  de  Munich,  placé  immédiatement  à  côté  des 
grandioses  figures  d'apôtres  d'Albert  Durer  et  portant  le 
n»  4.  Le  catalogue  dit  :  «  un  homme  et  une  femme  occupés 
à  compter  et  à  peser  des  monnaies  d'or  et  d'argent  ».  Van 


(i)  Karel  Van  Mandek,  Ilet  Schilder  Boeck.  Amsterdam,  1G18,  p.  17 


8(j. 


—  619  — 

Mander  ignorait  la  date  précise  de  la  naissance  et  de  la  mort 
du  peintre.  Il  le  disait  contemporain  de  Frans  Floris,  ce  qui 
concorde  avec  les  dates  inscrites  sur  les  tableaux  de  Munich. 

Il  est  enfin  avéré  que  Jean  Metsys,  que  la  corporation  de 
Saint-Luc  d'Anvers  reçut  comme  franc-maitre  en  l-iôl, 
s'appliquait  avec  un  soin  particulier  à  rendre  la  manière  de 
son  père,  suivie  encore  avec  assez  de  bonheur  par  Jean  Van 
Hemessen  (plutôt  Van  Hemixom),  mentionné  avec  éloge  par 
Guichardin  et  Van  Mander,  et  que  les  Musées  de  Vienne,  de 
Munich  et  d'Anvers  nous  font  connaître  comme  un  artiste  de 
valeur. 

A  côté  de  ces  tableaux  d'école,  il  en  est  un  assez  bon 
nombre  que  l'absence  de  toute  indication  d'origine,  de  date 
et  de  signature,  fait  classer  dans  l'œuvre  de  divers  artistes,  à 
la  faveur  de  certaines  analogies  d'aspect  et  de  manière  ou 
même  au  gré  de  la  fantaisie  du  possesseur.  Le  Louvre  pos- 
sède, par  exemple,  une  Descente  de  croix  donnée  par  M.  Villot 
à  Quentin  Metsys,  et  qui  a  longtemps  passé  pour  un  Lucas 
deLeyde(i). 

Nous  nous  gardons  de  jeter  la  pierre  aux  auteurs  de  ces 
attributions  conlrouvées.  S'il  est  possible  de  répartir  avec 
quelque  chance  d'exactitude  les  œuvres  des  maîtres  primitifs 
par  époques  et  par  écoles,  l'assignation  de  ces  œuvres  à  tel 
ou  tel  auteur  déterminé  soulève  d'extrêmes  difficultés,  et  la 
tradition  elle-même  ne  doit  être  admise  que  comme  un 
très-faible  moyen  de  preuve,  lorsque  les  documents  authen- 
tiques font  défaut. 

Un  jour  viendra  où  nos  principaux  maîtres  auront  des 

())  Catalogue  des  tableaux  du  Louvre,  édition  de  18G9,  n"  280. 


—  620  -^ 

monographies,  beaucoup  trop  rares  encore  pour  les  flamands. 
Peu  d'artistes  seraient  plus  dignes  d'une  étude  approfondie 
que  le  grand  peintre  auquel  nous  consacrons  ces  pages. 

Quentin  Metsys  ne  nous  apparaît  comme  peintre  que 
dans  les  premières  années  du  \\f  siècle  et  âgé  déjà  de  plus 
quarante  ans  (i).  S'il  préluda  réellement  à  la  peinture  par 
des  travaux  de  ferronnerie  :  le  puits  d'Anvers  ou  le  tombeau 
d'Edouard  IV,  œuvres  d'art  positives,  mais  d'un  style  assez 
différent  des  travaux  du  maître,  il  est  pourtant  hors  de 
doute  qu'il  s'est  préparé  à  la  peinture  par  des  études  métho- 
diques et  sévèrement  dirigées. 

Le  tableau  de  Louvain,  si  magistralement  conçu  et  d'une 
exécution  que  Descamps  lui-même  compare  à  celle  de 
Raphaël  (-i),  suggère  un  monde  de  réflexions  sur  les  com- 
mencements de  cette  carrière  d'artiste,  entourée  encore  de 
tant  de  mystère. 

L'école  flamande  avait  compté,  sans  doute,  depuis  les  Van 
Eyck,  de  nobles  représentants.  Mais  la  pléiade  anversoise, 
encore  si  obscure  dans  ses  origines,  ne  montre  pas  avant 
Rubens  de  maître  plus  illustre  que  ce  peintre  «  par  amour  » , 
qui  précède  et  souvent  égale,  par  la  puissance  de  l'expres- 
sion et  la  perfection  du  travail  matériel,  les  Diirer,  les  Hol- 
bein  et  les  Lucas  de  Leyde,  ses  contemporains. 

Franc-maître  en  1491 ,  dix-huit  années,  même  postérieures 
à  cette  émancipation  officielle,  doivent  s'écouler  encore 
avant  l'apparition  de  sa  page  glorieuse  de  Saint-Pierre  de 


(<)  Van  Eves,  l'Ancienne  école  de  peinture  de  Louvain,  p,  315  et  siiiv. 
(*)  Ed.  Fétis,  La  descendance  apostolique  de  sainte  Anne,  Bulletins  des 
Commissions  royales  d'art  et  d'archéologie,  t,  V,  p.  89. 


—  621    — 

Louvain,  bientôt  suivie  d'une  œuvre  non  moins  parfaite,  et, 
de  toute  cette  carrière  qui  ne  prend  fin  qu'en  l.'i.li,  pour 
ces  quarante  années  actives,  consacrées,  sans  nul  doute,  aux 
plus  nobles  travaux  de  l'art,  il  n'est  pas  jusqu'à  douze  ta- 
bleaux qui  puissent  appartenir,  sans  conteste,  à  leur  légi- 
time auteur  ! 

Alors  que  tant  d'autres  sont  honorés  des  faveurs  royales, 
comme  le  fait  observer  M.  Van  Even,  son  existence  à  lui 
s'écoule  en  apparence  obscure  et  l'oubli  gagne  son  nom  au 
point  qu'il  ne  se  rattache  qu'à  des  œuvres  déjà  lointaines, 
lorsque  Durer  inscrit  à  son  journal  de  voyage  qu'il  a  rendu 
visite  au  maître. 

La  rencontre  eut  lieu  en  quelque  sorte  au  lendemain  de 
l'arrivée  du  grand  peintre  à  Anvers,  et  Metsys  occupait 
depuis  peu  de  mois  sa  nouvelle  maison  de  la  rue  des  Tan- 
neurs (i).  II  travaillait  avec  d'autres  peintres  anversois  aux 
arcs  de  triomphe  qui  devaient  décorer  la  ville  pour  l'entrée 
de  Charles-Quint.  On  se  réunissait  à  l'arsenal,  et  Diirer  y 
trouva  les  peintres  très-occupés  des  apprêts  de  la  fête  (■■/). 

Dès  longtemps  les  tableaux  de  Louvain  et  d'Anvers  étaient 
exposés  à  l'admiration  de  la  foule  et  leur  auteur  s'était  acquis 
fortune  et  renom. 
Marié  en  secondes  noces  et  père  d'une  nombreuse  famille. 


(i)  Cette  maison  est  ai)jourd'luii  démolie.  Un  peintre  bien  connu,  M.  Knhnen, 
amateur  très-éclairé  d'objets  d'art,  possédait  la  serrure  qui  fermait  la  porto  de 
cette  maison.  C'est  un  très-remarquable  travail  de  ferronnerie. 

L'acquéreur  de  la  porte  de  la  maison  de  Metsys  lors  de  la  démolition  fut 
M.  Seghers,  le  calligraphe  anversois,  le  père  du  calligraplie  actuel  du  roi  et  du 
peintre  Corneille  Seghers,  aujourd'hui  décédé.  M.  Kuhnen,  lié  avec  cet  artiste, 
obtint  de  lui  la  serrure  dont  il  s'agit. 

(2)  Niederlundische  Reise,  publ.  par  M.  ïhausing.  Vienne,  1872,  p.  85. 


—  622  — 

il  avait,  l'année  môme  de  l'arrivée  de  Diirer  à  Anvers,  donné 
une  preuve  de  la  vitalité  de  son  talent  :  le  portrait  de  Ca- 
therine Heyns,  sa  seconde  fenrime. 

Ce  portrait,  daté  de  ir)20  et  que  conserve  le  Musée  des 
Offices,  sert  de  pendant  à  l'effigie  du  maître  lui-même,  et  les 
deux  œuvres  sont  données  comme  contemporaines.  Metsys 
était  âgé  de  54  ans. 

En  rap])rochant  ce  portrait  de  la  planche  gravée  par 
Wiericx  pour  le  livre  de  Lampsonius,  on  ne  trouvera  plus 
qu'une  ressemhlance  assez  lointaine  avec  le  romanesque  for- 
iîeron  des  jeunes  années.  Nous  avons  devant  nous  l'ami 
d'Erasme,  d'yEgidius  et  de  Durer. 

M.  Van  Even  définit  le  personnage  représenté  dans  ce 
portrait  comme  doué  d'un  esprit  fécond  et  facile,  enclin  à 
la  joie  et  disposé  à  bien  prendre  la  vie. 

Si,  en  effet,  la  figure  bienveillante  et  calme  du  maître  ne 
fait  pas  songer  d'abord  à  l'auteur  des  œuvres  de  Louvain  et 
d'Anvers,  on  retrouve  pourtant  dans  le  regard  la  profon- 
deur et  le  sérieux  que  les  maîtres  du  xvi''  siècle  ont  inva- 
riablement donnés  à  leurs  personnages. 

A  part  cela,  le  costume  et  la  physionomie  générale  font 
plutôt  songer  à  un  bourgeois  aisé  qu'à  un  artiste. 

A  l'époque  où  fut  peint  ce  portrait,  Quentin  Metsys,  qui 
avait  franchi  la  cinquantaine,  ne  semble  pas  avoir  abordé 
des  pages  de  l'importance  de  celles  qui  illustrèrent  sa 
jeunesse.  Les  auteurs  n'en  consignent  pas  le  souvenir,  et  si 
quelque  jour  il  est  permis  de  lui  restituer  avec  certitude  des 
œuvres  attribuées  injustement  à  d'autres  maîtres,  il  est  très- 
douteux  que  Ton  puisse  mettre  en  regard  des  tableaux  de 
Louvain  et  d'Anvers  des  travaux  d'égale  importance. 


—  625  — 

Il  n'existe  pas  d'œuvres  de  sa  main  portant  une  date  pos- 
térieure à  1520  et  quant  au  portrait  du  Musée  de  Francfort, 
dont  il  est  question  plus  bas,  autrefois  mentionné  comme 
représentant  Knipperdolling,  l'année  1534  inscrite  sur  le 
cadre  s'est  naturellement  trouvée  être  apocryphe. 

Remontons  d'un  an  dans  la  carrière  du  peintre,  nous 
trouvons  le  tableau  du  Louvre,  le  Peseur  d'or  et  le  médaillon 
d'Erasme,  daté  de  1510,  œuvre  indiscutable,  puisque  le  phi- 
losophe la  mentionne  dans  une  lettre  datée  de  Bàlc,  en  1528, 
ajoutant  que  son  portrait  a  été  peint  par  Albert  Durer,  mais 
avec  moins  de  bonheur,  sous  le  rapport  de  la  ressemblance 
que  l'œuvre  qu'on  lui  communique  et  pour  l'exécution  de 
laquelle  «  le  statuaire  »  —  non  désigné  —  ne  disposait  que 
de  l'effigie  «  coulée  autrefois  en  métal  par  Quentin  d'An- 
vers. *' 

On  a  vainement  cherché  jusqu'ici  un  autre  portrait 
d'Érasme  par  Diirer  que  l'estampe  (B.  n"  107)  de  son 
œuvre,  et  il  est  remarquable  que  l'illustre  savant  ne  rappelle 
pas  son  portrait  peint  par  Quentin  Metsys,  alors  qu'il  parle 
de  sa  médaille.  M.  Picqué  a  récemment  trouvé  pour  le 
cabinet  de  Bruxelles  un  superbe  exemplaire  de  la  pièce 
décrite  par  Van  Mieris,  et  l'on  ne  se  lasse  point  d'admirer  la 
finesse  du  modelé  et  l'expression  singulièrement  vivante  de 
ce  profil,  si  connu  d'ailleurs,  et  que  Holbein  n'a  pas  mieux 
rendu  dans  les  célèbres  portraits  de  Bàle  et  de  Paris. 

Quelques  auteurs  ont  pensé  que  l'éloge  en  vers  que 
Thomas  Morus  fit  de  Metsys  était  inspire  par  la  vue  de  cette 
médaille,  œuvre  en  quelque  sorte  publique.  Il  est  à  peine 
besoin  de  faire  ressortir  l'erreur,  car  la  lettre  du  chancelier 
d'Angleterre  et  son  poëme  ont  été  plusieurs  fois  publiés  et 


—  624  — 

se  rapporlent  au  portrait  peint  expressément  par  Metsys  pour 
être  offert  à  Morus. 

M.  Van  Even  (i)  rapporte  à  quelles  circonstances  cette 
œuvre  dut  le  jour.  Elle  serait  l'hommage  spontané  de  la 
sympathie  du  peintre  pour  l'auteur  de  l'Utopie.  «  Il  (Metsys) 
résolut  de  reproduire  sur  un  seul  et  même  panneau  les  por- 
trait d'Érasme  et  de  Gillis  (2)  pour  les  offrir  au  chancelier.  » 

Les  tableaux  —  car  ils  constituaient  un  diptyque  —  furent 
portés  en  Angleterre,  où  ils  provoquèrent  chez  Morus  autant 
de  joie  que  d'admiration,  comme  le  prouvent  des  vers  éga- 
lement laudatifs  pour  le  peintre  et  pour  ses  modèles. 
Après  avoir  appartenu  à  Charles  I"'',  les  portraits  auraient 
été  égarés,  ajoutait  M.  Van  Even.  Égarés,  non,  mais  confon- 
dus cette  fois  encore  dans  l'œuvre  d'autres  maîtres  et  attri- 
bués tout  simplement  à  Holbein. 

Plusieurs  écrivains  spéciaux  se  sont  occupés  de  la  re- 
cherche de  l'œuvre  de  Metsys,  non  pas  tant  pour  le  maitre 
lui-même  que  pour  mieux  prouver  l'inexactitude  d'une  attri- 
bution à  Holbein.  Le  D""  Alfred  Woltmann,  l'auteur  de  la 
belle  monographie  du  grand  portraitiste  (0),  fournit  sur 
l'Érasme  et  l'/Egidius  de  Metsys  des  données  extrêmement 
intéressantes  (4). 

Sans  prétendre  que  Metsys  ne  fut  point,  comme  le  dit 
M.  Van  Even,  un  ami  personnel  de  Morus,  il  n'en  est  pas 


(i)  Loc.  cit.,  p.  3i9. 

(2)  Pierre  Gillis  f/Egidius),  secrétaire  de  la  ville  d'Anvers,  jurisconsulte  et 
philologue,  ami  intime  d'Krasme  et  de  Thomas  Morus. 

(j)  Holbein  tind  seine  Zeil,  von  D"'  Alfred  Woltmann.  Leipzig,  1868;  2  vol., 
avec  suppl.  ;  2"=  édition  revue,  1876. 

{i)  M.  Van  Even  s'est  a  son  tour  occupé  du  portrait  d'.Egidius  dans  une  lettre 
adressée  au  recueil  Vlaitmsclte  school  (187.1),  p.  11)9. 


—  62.-)  — 

moins  certain  que  l'hommage  que  lui  rend  dans  ses  vers  le 
chancelier  d'Henri  VIII  n'établit  pas  absolument  cette  liaison 
intime,  l'épitre  étant  à  l'adresse  d'Érasme  et  d'.Egidius. 

Dans  tous  les  cas,  les  portraits  peints  par  Metsys  lui 
étaient  payés  et  non  pas  offerts  par  lui  à  Thomas  Morus. 
M.  Woltmann  a  publié  pour  la  première  fois  la  correspon- 
dance relative  à  ces  œuvres  (i). 

Érasme  avait  fait  au  printemps  de  1517  un  court  séjour 
en  Angleterre.  Dans  une  lettre  adressée  à  Morus  à  son  re- 
four, lettre  datée  de  mai,  il  lui  rend  compte  de  sa  traversée 
et  ajoute  :  «  Pierre  vEgidius  et  moi,  nous  nous  faisons 
peindre  sur  un  même  tableau,  et  nous  te  ferons  prochaine- 
ment hommage  de  nos  efligies.  Malheureusement,  en  reve- 
nant ici,  j'ai  trouvé  Pierre  sérieusement  incommodé  d'un 
mal  dont  il  n'est  pas  entièrement  rétabli.  Pour  moi,  j'étais 
assez  bien  portant,  mais  mon  médecin,  je  ne  sais  trop  pour- 
quoi, m'ordonna  une  couple  de  pilules  purgatives,  et  ce  qu'il 
fut  assez  sot  pour  me  prescrire,  je  fus  encore  plus  sot  de  le 
prendre.  Mon  portrait  était  commencé,  mais  lorsque  après 
avoir  pris  médecine  je  vins  chez  le  peintre,  il  dit  que  je 
n'avais  plus  le  même  visage.  Il  a  donc  fallu  remettre  de 
quelques  jours  le  portrait  jusqu'à  ce  que  je  sois  un  peu 
mieux  portant.  » 

Le  16  juillet  Morus  répond  :  «  Tu  ne  saurais  croire  avec 
quelle  impatience  j'attends  le  tableau  qui  doit  me  porter 
ton  portrait  et  celui  de  notre  Pierre.  Que  je  maudis  ce  mal 
cause  de  tant  de  retard  !  » 


0)  T.  II,  p.  132  et  siiiv. 


—  ()26  — 

De  son  côlé,  Érasme,  écrivant  à  i^^^gidius,  lui  dit  :  «  Presse 
donc  Quentin  pour  qu'il  achève,  et  lorsqu'il  aura  fini,  j'irai 
m'entondre  avec  toi  sur  le  moyen  le  plus  sur  d'expédier  le 
portrait  en  Angleterre  et  en  même  temps  m'acquitter  envers 
Quentin.  » 

Cette  lettre,  datée  de  1518,  est  nécessairement  de  1517, 
comme  l'indique  le  contexte.  11  y  a  d'ailleurs  dans  la  corres- 
pondance d'Erasme  plus  d'une  erreur  de  l'espèce. 

Enfin,  le  8  septembre,  Érasme  est  en  état  d'adresser  à 
Morus  une  joyeuse  missive  dans  laquelle  il  lui  mande  l'ex- 
pédition des  portraits.  «  Je  t'envoie,  dit-il,  les  tableaux,  afin 
que  nous  soyons  toujours  près  de  toi,  même  lorsque  nous 
aurons  disparu.  Les  frais  ont  été  supportés  collectivement 
par  Pierre  et  par  moi,  non  que  chacun  de  nous  n'eût  volon- 
tiers payé  l'œuvre  entière,  mais  afin  que  ce  fût  véritable- 
ment un  cadeau  de  nous  deux.  » 

Huit  jours  plus  tard,  il  annonce  :  «  Je  t'ai  envoyé  le  por- 
trait par  P.  Godes  (le  borgne),  qui,  à  cet  effet,  a  pris  la  voie 
de  Calais.  11  n'est  pas  nécessaire  de  lui  donner  une  gratifi- 
cation, si  ce  n'est  une  dizaine  de  gros  pour  ses  menus  frais  (i). 
Nous  avons  pourvu  à  tout.  » 

Le  27,  Érasme  mande  à  /Egidius  que  «  le  borgne  » 
s'est  embarqué  sous  d'heureux  auspices,  et  que  si  Morus  est 
encore  à  Calais,  nul  doute  qu'il  ne  soit  déjà  en  possession 
des  effigies. 

Elïecliveiiienl,  le  G  octobre,  Morus  écrit  à  /Egidius  la 


(i)  Morus  était  alors  U  Calais,  qui  appartenait  encore  a  l'Angleterre.  Coclcs 
était  un  serviteur  d'Érasme. 


—  627  — 

lettre  déjà  donnée  par  M.  Van  Even  (i)  et  qui  accompagne 
le  poëme.  Voici  celte  lettre  : 

«  Mon  cher  Pierre,  salut, 

»  Je  désire  ardemment  apprendre  que  tu  te  remets;  la 
santé  m'est  chère  autant  que  n'importe  quelle  affaire  per- 
sonnelle. Aussi,  dans  mon  inquiétude,  j'interroge  tout  le 
monde,  et  j'écoute  avidement  tous  les  rapports. 

»  On  m'a  donné  de  meilleures  espérances,  qu  elles  soient 
réelles,  —  ce  que  je  souhaite,  —  ou  que  l'on  ait  voulu  satis- 
faire à  mes  désirs.  J'écris  à  Érasme  et  t'envoie  la  lettre 
ouverte, —  tu  la  cacheteras.  Il  n'est  pas  nécessaire  que  ce  que 
je  lui  écris  soit  celé  pour  toi.  Je  te  transcris  quelques  vers 
que  j'ai  faits  sur  ce  tableau  ;  ils  sont  aussi  médiocres  que 
celui-ci  est  bon.  S'ils  t'en  paraissent  dignes,  montre-les  à 
Érasme  ;  sinon,  jette-les  au  feu.  Porte-toi  bien. 

»  De  Calais,  ce  G  octobre  1517.  » 

Les  vers  portent  pour  entête  : 

Vers  écrits  sur  un  diptyque  (in  tabulam  duplicem)  dans 
lequel  Erasme  et  Pierre  jEgidius  sont  représentés  par  l'excel- 
lent peintre  Quentin.  Le  premier  commence  sa  paraphrase  de 
l'Epître  aux  Romains.  Près  de  lui  sont  des  livres  montrant 
leurs  titres;  l'autre  tient  une  lettre  dont  l'adresse  est  de  la 
m,ain  de  Monts  et  que  le  peintre  a  également  reproduite. 

Viennent  alors  les  vers  dans  lesquels  le  peintre  est  si 

hautement  loué  et  que  M.  Van  Even  a  également  traduits. 

ft . . .  Quentin,  ô  rénovateur  d'un  art  antique  qui  ne  le  cèdes 

(i)  Toute  la  correspondance  qui  précède  est  empruntée  k  M.  Woltmann. 


—  628  — 

point  au  grand  Apelle  ;  toi  qui  excelles  à  prêter  la  vie  à  des 

traits  immobiles  par  le  merveilleux  artifice  des  couleurs 

Si  les  siècles  futurs  conservent  le  moindre  goût  des  beaux- 
arts,  si  l'horrible  Mars  ne  triomphe  pas  de  Minerve,  quel  ne 
sera  pas  pour  la  postérité  le  prix  d'un  pareil  tableau?  » 

Morus  ajoute  enfin  en  post  scriptum.  «  Notre  Quentin 
a  vraiment  rendu  tout  à  la  perfection,  mais  il  me  paraît 
surtout  un  prodigieux  faussaire,  car  il  a  imité  la  suscriplion 
de  ma  lettre  à  toi  avec  une  telle  adresse  que  ne  je  saurais 
moi-même  la  refaire  ainsi.  C'est  pourquoi  je  te  prie  de  me 
renvoyer  la  lettre  si  Quentin  et  toi  n'en  faites  pas  usage. 
Placée  à  côté  du  tableau,  elle  doublera  le  prodige.  Si  elle 
n'existe  plus  ou  si  elle  peut  vous  être  utile,  je  lâcherai  à  mon 
tour  de  contrefaire  le  contrefacteur.  » 

L'on  s'étonnera,  certes,  de  ce  que  deux  tableaux  honorés 
d'une  description  si  minutieuse  et  illustres  à  des  titres  si  divers 
aient  pu  s'égarer  pendant  des  siècles,  comme  s'il  se  fût  agi 
de  la  plus  obscure  des  effigies  par  le  plus  obscur  des  peintres. 

Il  a  fallu  aussi  un  ensemble  de  circonstances  vraiment 
extraordinaires  pour  dérouter  les  investigations  des  critiques, 
et  la  notoriété  de  plusieurs  portraits  d'Érasme  dus  au  pin- 
ceau de  Holbein  n'a  pas  peu  contribué  à  créer  ce  que 
nous  appellerons  cette  fausse  ])iste. 

Il  se  trouve,  par  exemple,  qu'à  peu  d'années  d'intervalle 
Érasme  offre  trois  fois  son  portrait  à  de  hauts  personnages 
d'Angleterre,  comme  il  résulte  d'une  lettre  adressée  à  Pirck- 
licimer,  en  1524  (i),  et  Morus,  qui  fut  peut-être  favorisé  pour 


(i)  Les  ciitonstaiices  de  ces  envois  sont  relatées  par  M.  Woltmann,  t.  H, 
up.  lu  et  133. 


—  629  — 

la  seconde  fois  d'un  tel  envoi,  parle  avec  admiration  de  la 
nouvelle  peinture  que,  dans  tous  les  cas,  il  eut  l'occasion  de 
voir  avant  de  connaître  Ilolbein,  qui  ne  vint  en  Angleterre 
qu'en  1520. 

Lors  donc  qu'apparaît  un  portrait  d'Érasme  signé  Holbein 
et  portant  le  millésime  1523,  nul  doute  que  cette  œuvre  ne 
soit  celle  qui  précéda  l'arrivée  en  Angleterre  du  maître 
d'Augsbourg  et  devint  en  quelque  sorte  le  point  de  départ 
de  sa  fortune  dans  ce  pays. 

Le  portrait  est,  du  reste,  célèbre,  et  a  été  de  tout  temps 
cité  comme  une  des  œuvres  les  plus  nobles  de  Holbein.  Il 
fait  partie  de  la  galerie  du  comte  de  Radnor,  au  château  de 
Longford,  et  parut  à  Londres,  en  1873,  à  une  exposition 
d'œuvres  anciennes  organisée  par  l'Académie  royale. 

Le  tableau  y  figurait  accompagné  d'un  autre  portrait 
donné  au  même  maître  et  le  cadre  orné  de  deux  vers  latins 
où  Holbein  était  mentionné  comme  auteur.  C'était  le  portrait 
de  Pierre  J^^gidius. 

Le  rapprochement  naturel  de  deux  personnages  si  étroite- 
ment liés  l'était-il  encore  pour  le  peintre? 

M.  Waagen  l'avait  cru  en  admettant  les  deux  portraits 
comme  émanant  d'un  même  auteur  (i).  Il  avait  même  poussé 
la  confiance  jusqu'à  assurer  que  Holbein  avait  fait  à  Anvers 
un  long  séjour  avant  de  se  rendre  en  Angleterre,  séjour 
pendant  lequel  le  portrait  d'^Egidius,  à  l'en  croire,  était 
exécuté  (2). 


(1)  Waagen,  Galleries  and  Cabinets  of  Art  in  Great-Urilnin,  t.  IV(18;i7), 
p.  357. 
(î)  Waagen,  /.  c,  III,  139. 


—  630  — 

Le  catalogue  du  Musée  d'Anvers  (i)  accepte  l'assertion  : 
«  L'arliste  (Holbein)  s'arrêta  longtemps  à  Anvers,  où 
Érasme  l'avait  adressé  à  Massys  et  à  Pierre  ^gidius; 
il  fit  de  ce  dernier  un  portrait  qui  est  aujourd'hui  en 
Angleterre.  » 

Lorsque  iM.  Wornum  fil  paraître,  en  1867,  son  bel  ouvrage 
sur  Holbein  (2),  étudiant  l'œuvre  capitale  du  Château  de 
Longford,  —  œuvre  qui  à  elle  seule  vaut  le  voyage,  disait 
Waagen,  —  il  s'occupa  assez  longuement  des  deux  por- 
traits, dont  le  rapprochement  le  frappa,  et  il  émit  alors 
l'opinion  que  bien  réellement  le  diptyque  de  Morus  était 
retrouvé. 

Érasme,  représenté  assis,  coiffé  de  son  bonnet  et  velu  de 
deux  robes  fourrées,  repose  ses  mains  sur  un  volume  riche- 
ment relié  et  sur  la  tranche  duquel  on  lit  une  inscription 
moitié  grecque,  moitié  latine  :  IIPAKAEIOI  HONOI  Érasmf 
RoTERO... ,  les  travaux  d'Hercule  d'Érasme  de  Rotterdam. 
Derrière  le  personnage,  un  rideau  vert,  glissant  sur  une 
tringle,  un  riche  pilastre  en  style  de  la  Renaissance  et  une 
armoire  où  l'on  voit  un  flacon  et  trois  volumes.  Sur  l'un 
d'eux  on  peut  lire  distinctement  la  date  indiquée  plus  haut, 
M. D. XXIII,  et  sur  la  tranche  du  mémo  volume  une  légende 
latine  où  paraît  le  nom  de  Holbein. 

Passant  au  portrait  d'yEgidius,  l'auteur  nous  dit  que  le 
personnage  est  représenté  en  habit  fourré,  tenant  de  la  main 
gauche  une  lettre  adressée  à  lui-même  et  de  la  droite  touchant 
un  livre  sur  lequel  on  peut  lire  le  mot  AXTIBAPBAPOI 


(i)  Catalogue  du  Musée  d'Anvers,  3"  édition,  1874,  p.  20'/ 
(î)  Some  account  oflhe  Hfe  and  ivorks  of  Hans  Holbein. 


—  G51  — 

en  capitales  grecques.  Le  coude  gauche  repose  sur  ce  vo- 
lume. Dans  le  fond,  sur  des  rayons,  une  coupe  d'or  et  plu- 
sieurs livres  :  Plutarque,  Senèque,  Suétone,  etc.  Devant  le 
personnage,  un  sablier.  L'adresse  de  la  lettre  a  beaucoup 
souffert.  On  peut  cependant  y  lire  :  Vùo  literalissimo  Pelro 
Eyidio,  amico  carissimo  Anverpiœ  (?) 

Les  deux  panneaux  étant  de  même  grandeur  et  fort  de  la 
description  de  Thomas  Morus,  le  savant  rédacteur  du  cata- 
logue de  la  Galerie  nationale  crut  avoir  retrouvé  le  tableau 
double  de  Quentin  Metsys. 

Le  lecteur  se  sera  aperçu  que  la  description  donnée  plus 
haut  ne  concorde  pas  avec  celle  de  Morus,  du  moins  en  ce 
qui  concerne  le  portrait  d'Érasme.  M.  Wornum  le  voyait 
bien,  mais,  à  la  rigueur,  la  date  pouvait  avoir  été  altérée.  De 
M.D.XVIII,  on  ferait  facilement  M. D. XXIII,  et  quant  au  nom 
de  Holbein,  il  pouvait  avoir  été  ajouté,  d'autant  plus  qu'une 
signature  complète  n'est  pas  habituelle  au  maître.  Il  y  avait 
ensuite  des  analogies  d'aspect,  bien  que  le  portrait  d'Érasme 
fût  incontestablement  supérieur  à  son  pendant  et  de  pro- 
portions un  peu  plus  fortes,  et  qu'enfin  les  deux  personnages 
regardaient  du  même  côté. 

«  Au  résumé,  disait  M.  Wornum,  je  ne  puis  affirmer 
qu'une  chose,  c'est  que  nous  avons  là  un  admirable  Erasme; 
je  dirais  bien  aussi  que  c'est  un  admirable  Holbein,  n'étaient 
les  indications  que  l'on  possède  et  qui  me  font  pencher  en 
faveur  de  Metsys.  » 

M.  Wornum  faisait  un  pas  évident  dans  la  bonne  voie. 
Son  opinion  concordait,  du  reste,  avec  celle  d'autres  écrivains. 
M.  Woltmann  lui-même,  guidé  par  son  jugement  personnel 
non  moins  que  par  les  vues  de  M.  Otto  Mûndler,  n'hésitait  pas 


—  632  — 

à  se  prononcer  dans  le  même  sens  dans  une  étude  insérée 
au  Zeitschrift  fur  Bildende  Kunst  (i). 

Voici  donc  notre  forgeron  d'Anvers,  si  souvent  dépossédé 
de  ses  œuvres,  gratifié  d'un  splendide  travail  de  Holbein. 
Date  et  signature  ne  sauraient  prévaloir  contre  l'attribution! 

Pourtant,  dans  l'intervalle  de  son  article  à  la  publication 
du  deuxième  volume  de  son  grand  travail,  M.  Woltmann 
apprit  à  connaître  les  études  de  Holbein  conservées  au 
Musée  du  Louvre,  notamment  le  dessin  exécuté  pour  la  tète 
du  portrait  de  Longford  et  les  mains  du  même  portrait. 
Son  premier  jugement  se  modifia.  Le  portrait  d'Érasme 
redevenait  une  œuvre  authentique  de  Holbein. 

Chose  singulière  cependant,  alors  qu'à  la  page  145  de 
son  livre  (2)  M.  Wornum  émettait  ses  conjectures  touchant 
le  portrait  de  Longford  Gastle  et  rappelait  la  correspondance 
de  Morus  et  d'/Egidius,  il  n'avait  pas  été  frappé  de  l'analogie 
de  la  description  qu'il  donnait  lui-même,  à  la  page  142,  d'un 
autre  portrait  d'Érasme,  avec  l'œuvre  célébrée  par  Morus 
dans  son  poëme,  et  cependant  la  peinture,  —  il  le  déclarait, 
—  faisait  songer  à  Quentin  Melsys. 

Voici  comment  s'exprimait  l'auteur  : 

«  L'Érasme  écrivant,  à  Hamplon  Court,  n"  531  du  cata- 
logue, peut  être  également  considéré  comme  un  beau  por- 
trait authentique,  bien  qu'il  soit  tant  assombri  et  sali  que 
l'expression  du  regard  s'en  trouve  considérablement  atté- 
nuée. Le  philosophe  est  assis  ou  debout,  vêtu  de  la  robe  et 
coiffé  du  bonnet  connus.  Il  écrit  dans  un  livre  et  porte 


(1)  Leipzig,  1866,  p.  198,  Holbein  und  Quentin  Massys  in  Longford  Castle. 
(î)  Some  account  of  llie  life  and  worli.s  of  flans  tlotbeiu.  Lorition,  1867. 


H  court) 


—  655    — 

une  bague  à  l'index  de  la  main  droite.  Celle  main  esl  bien 
conservée  et  constitue  un  beau  spécimen  de  la  manière  dont 
Holbein  traitait  les  mains  à  cette  époque.  Le  fond  nous 
montre  une  armoire  pourvue  de  rayons  où  sont  placés  six 
volumes.  Sur  la  tranche  du  livre  qui  occupe  le  rang  supé- 
rieur, on  lit  HoR,  pour  Horace,  sur  le  dernier  volume; 
Novum  Testament.;  sur  un  troisième,  le  nom  de  Lucien 
A0YKL4N02;  sur  un  quatrième,  Hieronymus.  A  côté  des 
livres  pend  une  paire  de  ciseaux  de  forme  toute  moderne. 
L'ensemble  rappelle  beaucoup  Quentin  Melsys. 

»  Tout  dans  ce  tableau  est  nettement  précisé  et  les  linéa- 
ments du  dessin  sont  encore  visibles  sous  le  glacis  brun  qui 
les  recouvre.  On  voit  même  dans  les  ombres  des  hachures 
qui  semblent  faites  à  la  plume,  et  l'on  croirait  voir  un  dessin 
sur  papier  ou  plutôt  sur  parchemin  appliqué  sur  panneau 
et  recouvert  d'un  simple  vernis.  Au  revers  du  panneau,  la 
marque  de  Charles  P^C.  R.,  surmontée  d'une  couronne  (i).» 

Un  écrivain  allemand,  M.  Hermann  Grimm,  dans  des 
notes  sur  Holbein  publiées  en  1867  (2)  fil  ressortir  combien 
cette  description  faisait  songer  au  portrait  de  Metsys,  bien 
qu'il  ne  connaissait  personnellement  ni  le  tableau  de  Longford 
ni  celui  de  Hampton-Court.  M.Woltmann,  de  son  côté,  avait 
consigné  dans  ses  notes  que  le  [)ortrait  ne  lui  semblait  en 
aucune  façon  émaner  de  Holbein,  mais  trahissait  un  pinceau 


(i)  Nous  devons  à  l'obligeante  intervention  de  sir  William  Stirling  Maxwell  Bart, 
d'avoir  pu  obtenir  une  photographie  de  ce  portrait.  On  verra  que  l'œuvre  na  rien 
de  commun  avec  les  portraits  de  Holbiiii  et  d'Alb.  Dtirer,  oi)  Éi'asrce  est  éga- 
lement représenté  écrivant.  —  lia  été  impossible  d'obtenir  de  cette  œuvre  une 
reproduction  satisfaisante,  malgré  de  nombreux  essais. 

(i)   Voy.  WOLTMANN,  p.  142. 


—  634  — 

flamand,  el  il  rectifiait  le  litre  du  volume  supérieur.  Ce  n'est 
point  HoR  qu'il  faut  lire,  mais  bien  },{0R.,d'Enco7muru  Moriœ, 
l'éloge  de  la  folie,  qui  avait  vu  le  jour  en  15  H  et  complétait, 
avec  la  traduction  de  Lucien,  parue  en  1514,  celle  du  Nou- 
veau Testament  et  de  Saint-Jérôme,  publiées  l'une  et  l'autre 
en  1516,  la  série  des  œuvres  d'Érasme  à  l'époque  où  Metsys 
peignit  le  portrait  du  philosophe. 

Bien  que  nous  ayons  personnellement  un  souvenir  assez 
précis  de  l'œuvre ,  nous  ne  l'avions  jamais  considérée  que 
comme  un  Holbein  d'authenticité  douteuse,  et  la  galerie  du 
palais  d'Hanipton-Court,bien  que  très-intéressante,  renferme 
beaucoup  de  tableaux  de  qualité  inférieure  auxquels  cepen- 
dant sont  conservés  des  noms  illustres. 

Le  portrait  d'Érasme  est,  du  reste,  placé  à  une  certaine 
hauteur,  et  ce  n'est  que  récemment  qu'un  écrivain  anglais, 
M.  John  Gough  Nichols(i),a  ])u,  en  déchiffrant  les  inscrip- 
tions, prouver  indiscutablement  qu'il  s'agit  ici  de  l'œuvre  de 
Metsys,  tout  au  moins  d'une  copie  de  celle-ci. 

«  Erasme,  dit  M.  Nichols,  est  vu  presque  de  profil  el  tourné 
vers  la  gauche  (2).  A  sa  ceinture  est  suspendue  une  escar- 
celle. Il  écrit,  et  nous  savons  par  sir  Thomas  More  ce  qu'il 
écrit  :  il  commence  sa  paraphrase  de  l'Épitre  aux  Romains. 
Sur  le  volume  placé  devant  lui  le  peintre  transcrit  les  mots 
que  vient  de  tracer  sa  plume  :  In  Epislolam  Pauli  ad 
Bomanos  Paraplirasis  Erasmi  Itoterodami.  Paulits  ego  ille  e 
Saulo  factus,  e  turbulento  pacificus,  nuper  obnoxius  Legi 
Mosaicœ,  nunc  Mosi  libertus  Servus  autem  factus  Jesu 
Ckrisli.  » 


())  Archœologia,  t.  XLIV,  p.  i3b',  n»  28. 

(2)  C'est  vers  lu  droite  qu'il  faut  lire;  /Ejiidius  est  tourné  vers  la  gauche. 


P   yEoiDius  PAR  Q TAetsys 

^MUdEE   DANVEkS.J 


(355  — 


Ces  mots  occupent  dix  lignes,  quatre  de  majuscules  pour 
l'entêlc,  six  de  minuscules  pour  le  texte. 

L'inscription  renferme  des  fautes  nombreuses  qui  prou- 
vent qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de  l'œuvre  originale.  Sa  disposi- 
tion est  la  suivante  : 


.  .   .  HAREPriRASIS 
ERASMI  MOTERO 

.  .  .  .  A 

tulus  ego  illc  a  Gau 

factus  a  turbulcm 

pacificus 


liber  ....  scrvus 
.  .  factus  .... 


Sur  l'autre  page  du  livre  on  lit  le  mol  VRATIA  encore 
inexpliqué. 

Voilà  donc  bien  le  portrait  décrit  par  Morus,  portrait  qui 
a  malheureusement  subi  de  graves  altérations  et  même, 
d'après  M.  Wornum,  l'adjonction  d'un  encadrement  destiné 
à  le  mettre  en  rapport  avec  le  Frobenius  de  Holbein,  auquel 
il  sert  de  pendant. 

Le  portrait  d'yEgidius  n'étant  pas  contesté,  il  est,  sans  doute, 
inutile  d'en  refaire  la  description.  Notre  reproduction  est 
exécutée  d'après  la  copie  réduite  qui,  au  Musée  d'Anvers  (i), 
est  classée  dans  l'œuvre  de  Holbein. 

M.  Woltmann,  qui  vit  l'œuvre  originale  très-peu  de  temps 


(i)  Catalogue,  n»  \%%. 


~  (>,■)()  — 

après  avoir  visité  le  Musée  d'Anvers,  signala  le  fait,  et  si  la 
Jjelle  galerie  anversoise  perd  un  Holbein  douteux,  elle  obtient 
en  échange  une  répétition  ancienne  d'une  œuvre  extrême- 
ment intéressante  d'un  des  plus  grands  peintres  de  l'école 
d'Anvers.  La  ville  gagne  pour  sa  part  l'effigie  d'un  de  ses 
enfants  les  plus  hautement  loués  pour  leur  savoir. 

Si  le  rédacteur  de  la  notice  insérée  au  catalogue  du  Musée 
d'Anvers  s'est  trompé  en  donnant  pour  Érasme  le  person- 
nage que  l'on  croit  désormais  être  iEgidius,  on  ne  peut 
méconnaître  qu'il  y  a  entre  les  deux  personnages  de  si  nom- 
breux traits  de  ressemblance,  que  les  accessoires  eux-mêmes 
suggèrent  si  naturellement  le  rapport,  que  l'erreur  était  en 
quelque  sorte  inévitable  (i). 

Une  circonstance  très-intéressante,  c'est  que  le  portrait 
d'Érasme  de  Quentin  Metsys  est,  sans  doute,  la  plus  ancienne 
effigie  que  l'on  ait  faite  de  ce  savant.  Elle  précède  de  six 
années  l'œuvre  de  Hulbein  envoyée  en  Angleterre. 

Si  le  portrait  d'/Egidius  est  l'œuvre  de  Quentin  Metsys 
peinte  en  1517,  l'assertion  (2)  de  Waagen  que  Holbein  aurait 
fait  à  Anvers  un  long  séjour  repose  sur  des  bases  assez  fra- 
giles. Holbein  peut  avoir,  à  la  vérité,  traversé  la  Belgique, 
mais  M.  Woltmann  pense  qu'il  s'embarqua  à  Calais  et  envi- 
sage le  séjour  à  Anvers  comme  problématique.  Il  est  certain 
pourtant  que  le  jeune  peintre  d'Augsbourg  était  porteur  d'une 


(i)  M.  Van  Even  n'admet  pas  cette  ressemblance.  La  lettre  adressée  a  la 
Ylaatnsche  school  par  Tlionorable  archiviste  de  Louvain,  en  octobre  1873, 
relevait,  pour  la  première  fois  en  Belgique,  l'erreur  du  Catalogue  du  Musée 
d'Anvers  en  ce  qui  concernait  l'indication  du  personnage.  M.  Van  Even  n'ayant 
pas  vu  les  tableaux  de  lord  Radnor,  ne  se  prononçait  pas  sur  leur  attribution  à 
Holbein. 

(î)  Celte  assertion  se  retrouve  dans  le  Catalogue  du  Musée  d'Anvers  (p.  207). 


—  637  — 

letlre  d'Érasme  pour  ^.gidius,  et  celle  lcUre,daléc  du  29  août 
1526,  prouve  qu'il  songeait  à  se  rendre  à  Anvers. 

«  Le  porteur  de  la  présente  est  l'auteur  de  mon  portrait, 
écrivait  Érasme  à  .Egidius.Jenevcux  pas  l'importuner  de  son 
éloge;  pourtant  c'est  un  excellent  artiste.  S'il  désire  rendre 
visite  à  Quentin  et  que  tu  ne  puisses  l'y  conduire  toi-même, 
aie  la  bonté  de  lui  faire  montrer  la  maison  par  un  servi- 
teur. » 

Il  est  peu  probable  cependant  que  Holbein  eût  projeté  de 
faire  à  Anvers  un  séjour  de  longue  durée;  car,  dans  ce  cas, 
Erasmeeùtécritdirectement  à  Metsys  et  n'eût,  sans  doute,  pas 
ajouté  à  sa  lettre  ce  passage  qu'.Egidius  pouvait  charger  Ni 
peintre  d'emporter  en  Angleterre  tout  ce  ({u'il  voudrait  (i). 

Nous  ne  pensons  pas  qu'il  soit  généralement  connu  que 
Holbein  fît,  au  mois  de  mars  1558,  un  séjour  assez  prolongé 
à  la  cour  de  Bruxelles,  comme  peintre  d'Henri  VHI 
chargé  par  ce  monarque  de  retracer  les  traits  de  la  duchesse 
Christine  de  Milan,  fille  du  roi  de  Danemark  Christian  YIU 
et  nièce  de  l'empereur. 

Cette  jeune  princesse  était  alors  recherchée  en  mariage 
par  le  roi  d'Angleterre  et,  selon  la  coutume,  il  y  eut  un 
échange  de  portraits. 

L'envoyé  du  roi  était  chargé  de  trouver  à  la  brillante  cour 
de  Bruxelles  une  princesse  qui  méritât  l'honneur  de  por- 
ter la  couronne  d'Angleterre,  comme  quatrième  femme 
d'Henri  VHL 

Le  portrait  de  Holbein  aurait,  paraît-il  été  exécuté  en 
trois  heures.  H  appartient  aujourd'hui  au  duc  de  Norfolk. 


(l)    WOLTMANN,  p.    130,  t.  II. 


—  658  — 

M.  Woltmann  qui  l'envisage  comme  le  chef-d'œuvre  du 
maître,  n'admet  comme  exécuté  en  trois  heures  qu'un 
dessin  de  la  princesse  de  Milan  actuellement  conservé  à 
Windsor. 

Les  Musées  ne  possèdent  point  d'oeuvres  de  Quentin 
Metsys  portant  une  date  postérieure  à  1320.  Un  portrait  de 
Knipperdolling,  — œuvre  admirable  qui  figure  au  Musée 
Staedel,  à  Francfort,  —  était  autrefois  indiqué  comme  da- 
tant de  1554,  et  M.  Passavant,  dans  son  catalogue  de  1858, 
a  fait  ressortir  la  double  erreur  admise  par  les  anciens  livrets 
sur  la  foi  d'une  inscription  appliquée  sur  le  cadre  :  Knipver- 
dollmr/x,  Prophef,  Burçiermaister  und  Konirj  tho  Munster. 
Quint  Metsiis  efpgiabat  Mens  Jul.  21.  Anno  dr)54.  Metsys 
était  mori  à  cette  époque  depuis  trois  ans  au  moins ,  et  si 
l'on  se  rappelle  le  magistral  portrait  de  Knipperdolling 
d'Aldegrever,  il  n'y  a  pas  la  moindre  relation  entre  le  placide 
vieillard  du  Musée  de  Francfort  et  le  farouche  adhérent  du 
Prophèle, 

Pourtant  le  portrait  de  Francfort  a  tous  les  caractères  de 
l'authenticité  en  ce  qui  concerne  le  peintre,  et  le  fond  du 
paysage  lui-même  rappelle,  par  le  caractère  et  le  site  les 
belles  perspectives  entrevues  par  les  baies  du  portique  de 
Louvain  (i). 

Le  personnage,  vu  à  mi-corps  et  presque  de  face,  a  la  tète 
couverte  du  chapeau  que  l'on  portait  à  cette  époque  dans  les 
Pays-Bas.  C'est  à  proprement  parler  une  large  barette,  dont 
les  côtés  sont  soutenus  par  un  ruban  (jui  se  rattache  à  la 

(0  Le  Messager  des  Sciences  et  des  Arts  de  la  Belgique,  t.  VI  (1838),  p.  1, 
publie  sur  ce  portrait  une  notice  avec  une  irravure  au  trait,  bien  exécutée,  mais 
qui  ne  donne  de  l'original  qu'une  idée  imparfaite. 


—  659  — 

partie  supérieure  du  chapeau.  Bernard  Van  Uricy,  Metsys 
lui-même,  nous  apparaissent  ainsi  coilTés.  Nous  avons  de- 
vant nous  un  vieillard  d'une  soixantaine  d'années,  aux  che- 
veux grisonnants.  Le  nez  est  court  et  fort;  une  grande 
distance  le  sépare  de  la  bouche;  la  lèvre  inférieure  est  pen- 
dante; le  menton  est  massif. 

Le  personnage,  qui  est  vêtu  d'une  pelisse  et  porte  un  vête- 
ment de  dessous  fourré,  a  devant  lui  un  livre  sur  lequel 
repose  sa  main  gauche  qui  tient  des  besicles,  et  lève  la  main 
droite,  comme  pour  appuyer  du  geste  une  démonstration. 
Une  double  arcade  portant  sur  une  colonette  centrale  que 
dissimule  le  personnage,  laisse  voir  par  ses  baies  le  plus 
merveilleux  paysage.  A  droite,  sur  un  rocher,  un  vaste 
donjon  (est-ce  celui  de  Windsor?  diront  les  partisans  de  la 
version  d'un  séjour  de  Quentin  en  Angleterre)  ;  à  gauche,  un 
fleuve  bordé  de  collines  boisées.  Le  ciel  est  d'une  admirable 
profondeur  et  une  fois  encore  l'on  s'écrie  :  «où  donc  est  pris 
ce  paysage?  »  car,  ainsi  que  le  fait  observer  M.  Fctis  (i), 
en  parlant  des  fonds  de  paysages  du  tableau  de  Louvain, 
«  on  n'invente  pas  une  pareille  nature,  »  et  l'on  se  rallie 
difficilement  à  la  tradition,  qui  veut  que  Metsys  ait  fait  en 
Belgique  un  séjour  ininterrompu. 

Mais  le  portrait  de  Francfort  a  peut-être  à  côté  de  sa 
valeur  artistique  cet  autre  intérêt  de  nous  donner  un  portrait 
de  Metsys  au  déclin  de  sa  carrière. 

Aucun  document  écrit  n'appuie  celte  conjecture;  elle  se 
fonde  sur  la  ressemblance  du  personnage  représenté,  avec 
les  deux  effigies  authentiques  du  peintre,  l'une  conservée 


())  Loc.  cit.,  p.  402. 


—  (340  — 

à  Florence,  l'autre  donnée  par  Lampsonius,  dans  son  recueil 
des  peintres  des  Pays-Bas.  Le  personnage  a  vieilli,  mais  en 
étudiant  chacun  des  (rails  du  visage,  on  retrouve  dans  les 
trois  portraits  les  mêmes  caractères. 

Le  nez  fort,  assez  court  et  nettement  accusé  aux  narines  ; 
la  bouche  bien  faite,  la  lèvre  inférieure  grosse,  légèrement 
pendante,  le  menton  court  et  droit,  l'œil  petit  et  profondé- 
ment enchâssé,  l'arcade  sourcilière  enfin,  d'un  contour  iden- 
tique dans  chacune  des  images. 

Des  personnes  qui  ont  eu  sous  les  yeux  la  photographie  du 
portrait  (i)  ont  été  frappées,  comme  l'auteur  lui-même,  de  la 
nîssemblancc  du  personnage  représenté  avec  l'original  du 
portrait  de  Florence. 

Bien  que  la  valeur  artistique  du  portrait  de  Francfort 
suffise  à  lui  assurer  une  place  importante  dans  l'œuvre  de 
Metsys,  le  fait  de  représenter,  en  outre,  le  grand  peintre,  et 
dans  les  dernières  années  de  sa  carrière,  en  augmenterait 
singulièrement  le  prix. 

On  a  vu  avec  quelle  minutie  et  quelle  rare  adresse  Metsys 
savait  rendre  à  l'occasion  les  textes  écrits  et  imprimés  que 
la  nécessité  des  sujets  introduisait  dans  ses  œuvres.  Le  livre 
ouvert  sur  lequel  repose  la  main  du  personnage  représenté 
dans  le  portrait  de  Francfort  nous  faisait  espérer  une  révéla- 
tion du  genre  de  celle  qui  a  permis  la  détermination  de 
l'Érasme  et  de  l'^gidius. 

M.  Malss,  inspecteur  du  Musée  Sta3del,  nous  écritàce  sujet: 
«  .l'ai  prié  un  savant  de  lire  ces  lettres  et  il  n'a  pu  rien  dé- 


[0  M.  NùiiRiNG,  de  Liibeck,  a  fait,  du  portrait  de  Francfort  une  excellente 
reproduction. 


—  641   — 

chiffrer.  Go  sont  de  pelits  coups  de  pinceau,  ces  miajuscules 
el.  minuscules.  « 

Si  nous  fondons  sur  des  trails  de  ressemblance  assez 
nombreux  une  attribution  au  moins  permise  en  ce  qui  con- 
cerne le  portrait  de  Francfort,  nous  nous  croyons  autorisé 
à  fonder  sur  des  dissemblances  absolument  frappantes  une 
rectification  d'ailleurs  facile  en  ce  qui  concerne  un  portrait 
de  la  galerie  de  Turin. 

Il  s'agit  d'un  portrait  d'homme  où  le  personnage,  un  vieil- 
lard vu  de  face,  enveloppé  d'une  pelisse  et  coiffé  d'une 
barrette,  tient  de  la  main  gauche  une  lettre  qu'il  semble 
commenter.  La  main  droite  fait  un  geste  qui  n'est  pas  sans 
analogie  avec  le  mouvement  général  du  portrait  de  Franc- 
fort. Le  visage,  absolument  imberbe,  est  particulièrement 
frappant.  Les  yeux  sont  petits  et  clignotants;  un  léger  sourire 
vient  rider  les  joues.  Le  menton  osseux  est  d'un  contour 
singulièrement  bien  étudié.  Les  cheveux  grisonnants  sont 
assez  longs  et  cachent  complètement  l'oreille.  L'habit  ne 
laisse  rien  visible  du  vêtement  de  dessous. 

L'œuvre  donnée  à  Holbein  serait,  d'après  le  catalogue,  un 
portrait  de  Calvin. 

Bien  que  les  deux  personnages  fussent  contemporains, 
l'attribution  est  à  peine  admissible.  Lorsque  Holbein  mourut, 
Calvin  avait  à  peine  54  ans,  et  le  tableau  de  Turin  nous 
montre  un  homme  déjà  avancé  en  âge  et  dont  les  traits  n'ont 
aucun  rapport  avec  ceux  donnés  au  réformateur  sur  ses 
médailles  et  ses  portraits  bien  connus. 

Le  démenti  le  plus  énergique  émanerait  au  besoin  de  la 
planche  même  de  F.  MûUer,  donnée  comme  reproduisant  une 
peinture  de  Holbein. 


—  C42  — 

M.  d'Azeglio  (i)  exprime,  du  reste,  l'avis  que  si  ce  portrait 
compte  parmi  les  œuvres  les  plus  belles  de  la  galerie,  il  ne 
saurait  l'admettre  comme  représentant  Calvin.  On  ne  pour- 
rait attribuer  qu'à  la  maladie  une  altération  si  sensible  des 
traits,  dit  l'auteur. 

Il  faut  donc,  ajoute  M.  d'Azeglio,  se  borner  à  admirer  les 
qualités  de  l'œuvre  que  des  connaisseurs  attribuent  à  Holbein 
«  et  qui  peut  être  de  lui,  non-seulemenl  à  cause  de  la  valeur 
de  la  peinture,  mais  parce  que  le  mailre  a  consacré  son  pin- 
ceau à  la  reproduction  des  traits  des  hommes  les  plus  célèbres 
de  son  temps.  » 

Ces  raisons  sont,  à  coiq")  sûr,  bien  faibles  pour  rendi'e  une 
attribution  irrécusable,  cl  certainement  le  portrait  dont  il 
s'agit  ici  fait  bien  plus  songer  à  Quentin  Metsys  qu'à  Holbein. 
Il  importe  d'ajouter  que  M.  Woltmann,  qui  a  fait  un  cata- 
logue raisonné  des  plus  complets  de  l'œuvre  de  Holbein, 
s'abstient  d'y  faire  figurer  le  portrait  de  Turin,  et  que 
M.  Wornum,  de  son  côté,  ne  fait  aucune  mention  de  ce  soi- 
disant  Calvin, 

Bien  qu'il  puisse  y  avoir  quelque  témérité  à  fonder  l'attri- 
bution des  œuvres  d'art  sur  de  simples  analogies.  Cette  ma- 
nière de  procéder  devra  cependant  entrer  en  ligne  de  compte 
lorsqu'il  s'agira  de  remettre  au  jour  des  œuvres  injustement 
enlevées  à  Metsys. 

Il  existe  du  grand  peintre  assez  d'œuvres  indiscutables 
pour  guider  l'historien  (jui  dans  l'avenir  se  donnera  pour 
mission  de  compléter  les  travaux  actuellement  existants  par 


(i)  La  Ileate  (julleria  dï  Torino  illuatrala,  1838,  t.  Il,  p.  129. 


—  643  — 

une  monographie  comparable  à  celle  que  M.  Vosmacr  a  l'aile 
pour  Rembrandt,  M.  Thausing  pour  Diirer,  ou  M.  Wolt- 
mann  pour  Holbein.  On  nous  dira  un  jour  peul-ùlre,  en 
procédant  de  la  sorte,  qui  est  l'auteur  de  l'admirable  por- 
trait de  famille  attribué  à  Holbein  au  Musée  de  Gassel  et 
que  tous  les  connaisseurs  disent  flamand.  On  finira  par  sa- 
voir où  sont  les  peintures  de  Pierre  Goeck  d'Alost,  peintre 
de  l'empereur  Charles-Quint,  de  l'incomparable  portraitiste, 
son  élève.  Colin  de  Nieuwcasteel  (Nicolas  de  Neuchatel  ou 
Lucidel,  dont  la  galerie  de  Pesth  montre  des  œuvres  qui 
égalent  en  splendeur  les  plus  beaux  Holbein  et  les  plus 
beaux  Moro. 

Quant  à  Metsys,  évidemment  son  œuvre  ne  peut  se  borner 
aux  quelques  tableaux  cités  dans  les  catalogues. 

Que  sont  devenus,  par  exemple,  l'original  du  portrait 
d'Erasme,  dont  la  copie  figure  à  Hampton-Court,  et  le  Saint 
Luc  peignant  la  Vierge,  dont  x4nloine  Wiericx  (i)  a  fait  une 
gravure  portant  le  nom  du  peintre  :  Quintin  Mazys,  invenlor. 

Dans  un  livre  récent,  M.  Alfred  Michiels  (i)  vient  con- 
firmer l'attribution  déjà  ancienne  à  Quentin  Metsys  de 
quinze  tapisseries  conservées  à  Aix.  «  Quelques  minutes 
d'examen,  dit  l'auteur, me  font  reconnaître  lestyle  dcQucnlin 
Metsys  (3). 


(i)  L.  Alvin,  Catalogue  raisonné  de  l'œuvre  des  trois  frères  Wiericx.  Bruxelles, 
186G,  II'  484. 

(2)  L'art  flamand  dans  Vest  et  dans  le  midi  de  la  France.  Paris,  1877,  p.  489 
et  suiv. 

(3)  M.  Achille  Jubinal,  dans  ses  Anciennes  tapisseries  historiées,\^AY\^,\^à%, 
avait  reproduit  déjà  plusieurs  de  ces  tapisseries  d'Aix,  en  accompagnant  ses 
planches  d'un  texte  de  M.  Fauris  de  Saint-Vincens  (1812),  où  Metsys  est 
mentionné  comme  auteur  probable  de  plusieurs  des  tapisseries  de  la  cathédrale. 


—  64i  — 

Une  des  tapisseries  d'Aix  porte  la  date  de  1511.  Le  nom 
de  l'auteur  a  malheureusement  été  enlevé.  M.  Fauris  signale 
la  présence  des  armoiries  d'Angleterre  et  de  Warham,  l'ar- 
chevêque de  Cantorbery  et  chancelier  d'Angleterre  sous 
Henri  VIII. 

M.  Michiels  fait  ressortir  la  place  importante  que  de  telles 
œuvres  doivent  occuper  dans  la  carrière  de  Metsys,  et  si  l'on 
songe  que  la  date  de  1511  est  précisément  celle  de  l'achè- 
vement de  son  tableau  d'Anvers,  on  pourrait  expliquer  en 
partie  déjà  l'emploi  des  longues  années  qui  s'écoulent  avant 
l'apparition  de  ses  premiers  tableaux  positifs. 

Pour  le  surplus,  rien  ne  prouve  que  les  cartons  des  tapis- 
series en  question  aient  été  exécutés  en  Angleterre,  bien  que 
plusieurs  flamands  aient  travaillé  à  la  cour  d'Henri  VIII,  no- 
tamment un  Jean  d'Anvers,  orfèvre,  dont  Holbein  a  laissé  le 
portrait  et  qui  fut  son  collaborateur  dans  de  fréquents  tra- 
vaux (i). 

H.  Hymans. 


(i)  Voir  il  ce  sujet  les  livres  de  MM.  Woi-tmann  et  Wornum. 


BULLETIN  DES  COMMISSIONS  ROYALES  D'ART  ET  D'ARCHEOLOGIE. 


A.Rems .  Se 


STATION  BELCO-ROMAINE 
près  di-  BONNE  (  Coiidros  ) . 


\À^V. 


PL.  I. 


là  2S0. 


's      '7       fi      y 


Atteins ,  Se. 


LUK.NHews.Gani- 


STATION    BELGO-ROMAINE 

PRÈS  DE  BONNE  (GONDROZ). 


Parmi  toutes  les  parties  de  notre  Belgique  moderne,  le 
Condroz  fut  certes  une  des  contrées  de  prédilection  des 
Romains. 

Il  suffît,  pour  s'en  convaincre,  de  jeter  un  coup  d'œil 
sur  le  remarquable  travail  de  M.  Hauzeur  (Voir  les  Annales 
de  la  Société  archéologique  de  Namur,  IV,  p.  345  ;  V,  p.  15, 
et  Vfl,  p.  232),  dans  lequel  il  donne  la  nomenclature  des 
antiquités  romaines  et  autres  découvertes  faites  dans  le 
Condroz  namurois. 

Bien  peu  de  localités  qui  n'y  renferment  pas  quelques 
vestiges  de  l'occupation  romaine. 

Les  environs  de  Bonne  (commune  deVierset-Barse) ,  localité 
devenue  célèbre  par  son  camp  de  l'époque  anté-historique, 
sont  surtout  riches  en  antiquités  gallo-romaines. 

Des  sépultures  frankes  ont,  en  outre,  été  découvertes  sur 
plusieurs  plateaux  des  environs,  notamment  au  levant  du 
camp,  à  un  endroit  nommé  «  Chaseille»,  dénomination 
donnée  par  les  gens  du  pays  et  dont  nous  avons  en  vain 
cherché  la  signification.  Dans  ces  sépultures,  on  trouva  des 
squelettes,  souvent  placés  à  deux  dans  la  même  tombe,  la 
tète  au  couchant  et  les  yeux  dirigés  ainsi  vers  l'orient.  A  côté 
d'eux  étaient  déposés  des  vases,  des  armes  en  fer  fortement 


—  G46  — 

rouillées  et  plusieurs  monnaies,  dont  quelques-unes  d'or, 
au  dire  des  ouvriers  terrassiers  qui  firent  cette  découverte 
en  ouvrant  une  carrière.  Ces  sépultures  étaient  fermées  à 
l'aide  de  pierres  superposées  et  non  reliées  entre  elles  par 
du  ciment;  la  couverture  consistait  en  grandes  dalles  de 
grès  brut.  Une  partie  des  objets  exhumés  a  été  remise  à 
M.  Lamarche,  bourgmestre  de  Modave;  malheureusement, 
quand  nous  nous  sommes  adressé  à  lui,  il  en  avait  déjà  fait 
don  à  un  amateur,  ce  qui  nous  empêche  d'en  donner  la 
description. 

Bien  que  la  plus  grande  partie  du  plateau  ait  été  enlevée 
pour  l'ouverture  de  la  carrière,  il  ne  serait  pas  impossible 
d'y  rencontrer  encore  quelques  tombes.  C'est  ce  que  des 
fouilles  ultérieures  nous  apprendront. 

Sans  qu'on  doive  attacher  une  trop  grande  importance  aux 
légendes  et  aux  traditions,  si  communes  dans  nos  campagnes, 
on  est  cependant  forcé,  par  l'observation  des  faits,  de  con- 
venir que  presque  toutes  ont  un  fond  de  vérité,  témoin 
la  légende  «  des  Nutons  »,  qui  avaient  pour  habitation  des 
cavernes,  et  qui  passaient  pour  être  des  êtres  tantôt  malfai- 
sants, tantôt  rendant  service  aux  habitants  des  localités  avoi- 
sinantes  :  l'homme  anté-historique  est  probablement,  jusqu'à 
un  certain  point,  l'explication  à  donner  à  cette  légende,  où 
d'aucuns  nous  semblent  avoir  vu  à  tort  les  premiers  mis- 
sionnaires chrétiens. 

A  la  villa  dont  nous  allons  entretenir  nos  lecteurs,  est 
attachée  une  légende  d'un  autre  genre,  se  rapportant  aux 
Sarrasins,  nom  sous  lequel  on  j)cut  comprendre  les  Bar- 
bares en  général. 

Il  est  communément  reconnu  que  les  paysans  donnent  le 


—  C47  — 

nom  de  «  Tige»  à  de  très-anciens  chemins  qui  sont  presque 
toujours  d'origine  romaine. 

Poussé  par  le  désir  d'étudier  de  près  et  avec  soin  une  de 
ces  anciennes  routes,  le  prolongement  du  «  Tige  deVyle  », 
dont  parle  M.  Gaumarlin  dans  le  Bulletin  de  l'inslitul  archéo- 
logique liégeois ,  t.  VI,  l'«  liv.  de  1863,  nous  fûmes  amené 
à  la  découverte  de  notre  villa.  En  interrogeant  les  habitants 
du  pays  sur  le  grand  nombre  de  fragments  positivement 
romains,  tels  que  lessons  de  poterie samienne,  tuileaux,  etc., 
qui  se  trouvaient  épars  dans  un  champ,  sur  la  gauche  du 
Tige,  en  allant  vers  Ramelot,  on  nous  dit  qu'il  ne  fallait  nulle- 
ment nous  étonner  de  cette  abondance  de  débris,  car  sur  ce 
plateau  avait  existé  du  temps  des  Sarrasins  une  ville  im- 
portante; de  plus,  nous  dit-on,  on  avait  découvert,  il  y  a 
quelques  années,  en  défrichant  le  versant  nord,  qui  était  à 
cette  époque  boisé,  d'anciens  fossés,  une  vieille  roule  passant 
à  côté  des  constructions  dont  on  voit  encore  quelques  restes 
au  milieu  de  la  campagne,  et  des  armes  en  fer,  telles 
qu'épéés  et  un  casque??,  le  tout,  il  est  inutile  de  le  dire, 
très-rouillé,  ainsi  que  quelques  monnaies. 

Avec  rinsouciance  qui  caractérise  les  campagnards  et  qui 
fait  si  souvent  perdre  à  la  science  des  documents  précieux, 
on  avait  dispersé  tous  ces  débris. 

Telle  est  la  tradition  qu'on  nous  rapporta  et  les  rensei- 
gnements qu'on  nous  fournit. 

L'étude  des  substructions  belgo-romaines  donne  souvent, 
hélas  !  lieu  à  de  grands  désappointements,  car  les  objets  dé- 
combres sont  rares,  ou  le  plus  souvent  brisés.  Cela  se  com- 
prend aisément  à  raison  de  la  précipitation  du  départ 
des  habitants  à  l'approche  des  envahisseurs;  il  était  na- 


—  648  — 

turci,  pour  eux,  d'emporter  ce  qu'ils  avaient  de  plus  pré- 
cieux et  de  ne  laisser  en  proie  au  vainqueur  que  leurs 
habitations  et  ce  qu'ils  avaient  de  moins  important,  ou  qui 
pouvait  embarrasser  leur  fuite.  A  cela  qu'on  ajoute  le 
pillage,  l'incendie  eux-mêmes....  Telles  sont,  croyons-nous, 
les  causes  du  peu  de  succès  que  l'on  obtient  dans  ces  re- 
cherches, pour  enrichir  les  tablettes  des  Musées  ;  mais  elles 
sont  toujours,  au  moins,  utiles  à  l'histoire,  à  l'étude  des 
mœurs  et  des  usages  des  anciens  habitants,  et,  à  ce  point  de 
vue,  elles  sont  aussi  intéressantes  qu'utiles. 

Objets  découverts. 

PI.  II,  fig.  1 .  —  On  pourrait  penser  à  une  fibule,  mais 
ce  qui  nous  empêche  d'admettre  cette  hypothèse  est  la 
circonstance  qu'un  des  côtés  est  parfaitement  bien  travaillé 
et  poli  pour  être  en  évidence,  tandis  que  l'autre  est  brut  et 
d'un  travail  grossier,  ce  qui  nous  fait  supposer  qu'il  était 
fixé  soit  sur  du  cuir,  soit  sur  une  autre  matière. 

Ce  qui  nous  décide  à  y  voir  une  agrafe  de  ceinturon  est 
la  représentation  d'un  objet  presque  semblable  donné  par 
Rich,  dans  son  Diclionnairedes  antiquités  romaines  et  grecques, 
p.  158. 

M.  de  Meester  de  Ravestein,  dans  son  Catalogue  du  Musée 
de  Ravestein,  t.  I,  p.  405,  donne  la  description  d'un  cein- 
turon dont  les  crochets  qui  servirent  à  y  suspendre  l'épée, 
offrent  assez  d'analogie  avec  l'objet  dont  nous  nous  occupons. 

PI.  II,  fig.  2.  —  Rondelle  en  bronze,  percée  d'un  trou 
au  milieu.  —  Peut-être  une  partie  de  l'ornementation  d'un 
coffret. 


—  (;4î)  — 

PI.  II,  fig.  5.  —  Style  à  écrire  en  fer. 

Il  n'est  pas  douteux  que  cet  objet  ne  soit  un  style  à  écrire. 
—  Un  des  côtés  est  pointu  et  parfaitement  |)ropre  à  tracer 
des  caractères  sur  des  tablettes  enduites  de  cire  ;  l'autre  est 
aplati  et  disposé  de  façon  à  pouvoir  aplanir  la  cire. 

PI.  II,  fig.  5  et  6.  —  Crochets  en  fer,  qui  étaient  proba- 
blement fixés  à  la  muraille. 

PI.  II,  fig.  7,  8  et  9.  —Objets  en  fer,  qui  paraissent  avoir 
appartenu  à  une  porte. 

PI.  II,  fig.  10.  —  Épingle  à  cheveux  en  os.  Dans 
presque  toutes  les  fouilles  des  villas  on  trouve  de  ces 
sortes  d'épingles.  Elles  abondent  également  dans  les 
cavernes  de  nos  environs,  où  nous  en  avons  trouvé  un  grand 
nombre.  Nous  pensons  qu'en  général  elles  sont  de  fabri- 
cation plutôt  franke  que  romaine;  cependant,  c'est  là 
une  origine  qui  ne  peut  leur  être  attribuée  ici,  vu  le  carac- 
tère parfaitement  romain  de  notre  villa. 

Substructîons . 

Les  substruclions  découvertes  sont  assez  nombreuses  el 
se  prolongent  probablement  dans  les  parcelles  44  et  47  du 
cadastre  indiquées  sur  le  plan. 

Les  murs  découverts  sont  en  général  de  petit  appareil  et 
formés  à  l'aide  de  moellons  soigneusement  équarris  et 
reliés  les  uns  aux  autres  par  un  ciment  d'une  exiréme 
dureté. 

Nous  avons  retrouvé  dans  les  déblais  un  grand  nombre 
de  morceaux  de  tuf  calcaire,  taillés  d'une  manière  régulière. 

Il  est  à  supposer  qu'on  a  employé  ce  tuf  soit  au  pavage 


—  650  — 

de  certaines  salles,  soit  pour  former  les  écoinçons  des 
lucarnes,  etc.,  soil  pour  recouvrir  les  murailles  en  guise 
d'ornement,  comme  cela  se  pratique  encore  de  nos  jours 
dans  certaines  pièces  de  nos  habitations.  Il  est  probable, 
dans  tous  les  cas,  que  les  habitants  de  la  villa  devaient  en 
l'aire  un  usage  assez  recherché,  car  on  ne  trouve  cette  for- 
mation que  hien  bas  dans  la  vallée  du  Hoyoux,  à  environ 
deux  lieues  de  la  villa,  et  pour  transporter  ces  matériaux 
à  une  aussi  grande  distance,  dans  un  temps  où  les  communi- 
cations étaient  difficiles,  il  fallait  qu'on  y  attachât  un  certain 
prix. 

Les  substructions  se  composaient  de  deux  caves  avec 
niches,  de  cinq  salles  en  partie  pavées  en  tuileaux,  de  plu- 
sieurs murs  dont  quelques-uns  plus  ou  moins  détruits  par 
la  culture,  et  d'un  canal  fort  bien  conservé. 

A.  Pièce  dont  le  pavé  est  constitué  d'un  lit  de  moellons  de 
0'"10  d'épaisseur,  recouvert  d'une  couche  de  béton  de  O^OS 
d'épaisseur,  qui  est  composé  d'un  mortier  de  chaux,  dans 
lequel  on  a  introduit  de  menus  fragments  de  tuileaux. 

Ces  petits  fragments  ainsi  disposés  figuraient  une  sorte 
de  carrelage  en  petits  losanges.  Ce  carrelage  est  d'une 
telle  dureté  qu'il  est  très-dilïïcile  à  entamer,  même  avec  la 
pioche. 

Dans  cette  pièce,  et  faisant  face  à  l'entrée  à  l'ouest,  se 
trouvaient  iiuit  colonnes  d'hypocausle  de  O^oO  de  hauteur, 
formées  de  tablettes  en  terre  cuite  rouge  et  de  forme  circu- 
laire de  0"'20  de  diamètre. 

La  disposition  de  ces  colonnes  est  assez  remarquable. 
Leur  adhérence  au  pavage  de  la  place  prouve  cependant 
qu'ils  sont  bien  en  place  el  n'ont  pas  été  dérangés  (Voir 


—  651  — 

pi.  I).  Les  murs  de  celle  salle  n'onl  plus  guère  d'élévation, 
mais  sont  assez  bien  conservés  et  de  petit  appareil.  On 
remarque  encore  en  certaines  places,  sur  les  parois  inté- 
rieures, des  fragments  de  ciment  rosaire  dont  la  surface 
polie  semble  avoir  servi  de  crépi. 

Nous  supposons  que  cette  pièce  était  affectée  au  service  de 
la  villa.  Elle  avait  une  sortie  à  l'ouest ,  fort  visible  encore 
au  point  1  sur  le  plan.  Celte  sortie  n'était  pas  large,  ce  qui 
semblerait  indiquer  que  la  pièce  A  était  exclusivement 
employée  à  y  faire  du  feu.  Une  entrée  était  également 
réservée,  désignée  sur  le  plan  en  d,  donnant  accès  dans  la 
salle  B. 

H.  Gaves  avec  niches. 

Les  faces  intérieures  de  ces  caves  sont  en  belle  maçon- 
nerie, en  moellons  d'appareil  ayant  O'"lo  de  largeur  sur 
O^âS  de  longueur  de  face  environ.  Il  y  existe  trois  niches  : 
a,  6,  d.  Elles  mesurent  0"'GO  de  hauteur  sur  (r4.5  de  largeur. 
Leur  profondeur  est  seulement  de  0™30.  Elles  étaient  cin- 
trées et  enduites  de  mortier  à  l'intérieur.  Ces  niches  étaient 
de  1"'20  au-dessus  du  niveau  des  caves. 

Ces  caves  mesuraient  environ  S^'oO  de  profondeur.  Il  ne 
s'y  trouvait  pas  de  pavement  ou  dallage,  ce  dernier  consis- 
tait en  grès  tendre  taillé  ou  plutôt  simplement  dégrossi, 
cette  roche  étant  la  formation  qui  constitue  le  fond  du  plateau 
sur  lequel  la  villa  est  élevée. 

Aucun  vestige  d'escalier  ne  se  trouvait  dans  ces  caves; 
leur  entrée  était  au  sud ,  et  on  y  descendait  peut-être  à 
l'aide  d'une  rampe  douce.  Elle  est  figurée  sur  le  plan  à  la 
lettre  I.  Les  murailles  cessent  brusquement  là,  démolies 
qu'elles  ont  été  par  les  agriculteurs. 


—  6o2  — 

Ce  qui  combat  l'opinion  des  archéologues  qui  voient  dans 
les  souterrains  maçonnés  dépendant  des  habitations,  non  pas 
des  caves,  mais  des  columbaria,  ou  locaux  disposés  pour 
recevoir  dans  leurs  niches  des  urnes  funéraires,  c'est  le 
texte  formel  de  la  loi  des  XII  Tables  qui  défendait  d'inhu- 
mer dans  les  villes  (m  urbe  ne  sepelito)  ;  c'est  ensuite  et 
surtout  le  passage  cfe  Legibus  de  Gicéron,  où  il  cite  la  loi 
qui  défend  de  placer  les  tombeaux  à  moins  de  60  pieds  des 
habitations  :  propius  sexaginta  pedes. 

D'ailleurs,  l'absence  totale  d'urnes  funéraires  dans  ces 
caves  indique  également  qu'elles  n'ont  jamais  servi  decolum- 
haria,  comme  l'absence  de  statuettes  de  divim'tés  s'oppose  à 
ce  qu'on  prenne  ces  locaux  pour  des  laraires  :  les  Lares,  que 
l'on  sache,  n'étaient  point  des  divinités  dont  le  culte  devait 
se  cacher  dans  les  profondeurs  de  la  terre. 

D.  Petit  réduit  pavé  en  tuileaux  ;  les  murs  du  côté  du 
canal  ont  presque  complètement  disparu.  La  pièce  commu- 
niquait probablement  avec  la  salle  C,  à  côté,  qui  est 
entièrement  dépavée. 

B.  Cette  pièce  est  une  des  seules  qui  soient  encore  en 
assez  bon  état.  Son  dallage  consiste  en  grandes  tablettes 
en  terre  cuite  rouge.  Elles  reposaient  sur  un  lit  de 
béton  semblable  à  celui  de  la  salle  A ,  auquel  elles  étaient 
fixées. 

Nous  n'avons  malheureusement  pas  pu  en  trouver  l'entrée; 
mais,  suivant  la  configuration  des  murs,  une  communication 
devait  donner  accès  à  la  salle  voisine  C. 

C.  Grande  pièce,  dont  le  dallage  a  entièrement  disparu. 
Les  pointillés  indiquent  des  murailles  qui  on!  dû  exister  et 
dont  nous  avons  retrouvé  quelques  vestiges. 


—  653  — 

E.  Salle  également  pavée  partiellement  de  briquettes 
rouges  en  mauvais  état  de  conservation. 

G.  Grande  place,  qui  semble  avoir  été  une  cour  inté- 
rieure. 

F.  Masse  en  pierres  amoncelées  irrégulièrement  et 
cimentées  entre  elles.  Son  usage  contre  la  villa  est  inexpli- 
cable. Était-ce  peut-être  l'intérieur  d'un  diamicton?  Un 
grand  et  long  canal  K  K'  se  trouve  en  contre-bas  de  cette 
masse. 

Il  est  à  environ  0'"60  sous  le  niveau  du  sol,  ayant  une 
section  de  0"'25  de  largeur  sur  O^'SO  de  profondeur.  II  (;st 
construit  en  moellons  bruts  et  recouvert  de  petites  dalles  en 
grès,  également  brutes.  Son  niveau  a  sa  naissance  au  point  ^2 
est  d'environ  O^oO  en  contre-bas  du  sol  de  la  pièce  0  et  à 
environ  2  mètres  au-dessus  du  sol  de  la  cave.  Ce  canal  a 
probablement  servi  à  l'écoulement  des  eaux  de  la  villa,  car  il 
cesse  brusquement  au  point  K\ 

Les  murs  xx,  xx  sont  édifiés  en  pierres  sèches. 

Les  murs  \jy  de  la  cave  sont  construits  en  moellons 
d'appareil  et  au  mortier. 

Il  est  probable  que  notre  villa  n'avait  qu'un  étage,  ou 
plutôt  qu'un  rez-de-chaussée,  à  en  juger  par  le  peu  de 
débris  que  l'on  découvre. 

Nous  lisons  dans  les  discussions  du  X'XXV^//''  Congrès 
archéologique  de  France  (Lisieux,  1870),  p.  39  :  «  Les 
constructions,  sous  les  Romains,  étaient  probablement  en 
bois  et  en  torchis,  comme  elles  étaient  au  siècle  dernier,  et 
comme  elles  sont  encore  aujourd'hui  (dans  le  diocèse  de 
Lisieux)  ;  ceci  provient  sans  doute  de  l'absence  de  pierres 
à  bâtir  et  de  la  difficulté  du  transport.  » 


—  65i  — 

M.  le  comte  de  Glymes  est  d'avis  qu'il  est  impossible  de 
construire  seulement  en  torchis  pour  soutenir  les  pondé- 
reuses  tuiles  dont  les  villas  étaient  recouvertes.  Nous  ne 
nous  rangeons  pas  à  l'opinion  de  cet  archéologue,  qui  n'a  pas 
fait  attention  aux  charpentes  dont  les  remplissages  seuls 
étaient  en  clayonnage  ou  en  torchis;  or  ces  charpentes, 
qu'on  pouvait  faire  aussi  fortes  qu'il  le  fallait,  devaient  être  en 
effet  fort  épaisses,  vu  l'immense  quantité  de  clouteries  et  de 
ferrailles  découvertes  dans  notre  villa,  abondance  qui  nous 
a  vivement  frappé  et  que  nous  avons  été  à  même  d'observer 
également  en  d'autres  localités.  Or,  puisque  l'on  retrouve 
dans  nos  villas  des  pierres,  des  bas-murs,  et  les  tuiles  des 
toits,  et  que  les  briques  font  complètement  défaut,  sauf  pour 
les  pavements,  il  faut  bien  que  les  murs  aient  été  des 
charpentes  et  de  simples  torchis  pour  remplir  les  vides  de 
l'entre-croisement  des  solives.  M.  Schuermans  a,  du  reste, 
trouvé  des  fragments  de  ce  clayonnage  (Bull,  des  Comm. 
roy.  d'art  et  d'anhéoL,  VI,  p.  12:2.  Voy.  aussi  Arm-.  delà 
Soc.  archéol.de  Namur,  II,  p.  191). 

On  lit  dans  le  compte  rendu  du  Congrès  archéologique 
de  France  tenu  en  1847,  p.  27  :  «  A  l'époque  gallo-romaine, 
les  maisons  de  campagne,  dit  M.  Victor  Simon,  occupaient 
un  vaste  emplacement,  d'où  l'on  peut  conclure  qu'elles 
étaient  peu  élevées.  Il  est  probable  que  la  base  seule  était 
construite  en  pierres,  et  la  partie  supérieure  en  torchis  :  il 
le  croit  d'après  la  grande  quantité  de  clous  d'assemblage 
trouvés  dans  les  déblais  et  la  petite  quantité  de  pierres 
qu'on  y  rencontre.  »  P.  28,  M.  de  Gaumont  appuie  la 
remarque  qui  vient  d'être  faite,  et  la  discussion  porto,  à  con- 
clure que  les  maisons  des  particuliers  étaient  construites 


—  ()o:i  — 

on  bois,  usage  qui  s'esl  conlinuc  pendaiil  lo  moyen  âge. 
Ce  qui  appuie  encore  noire  opinion  sur  la  conslruclion 
des  villas  est  le  passage  suivant  de  M.  de  Gaumont,  dans  son 
Abécédaire  ou  rudimenl  d'archéologie,  ère  gallo-romaine, 
a^  édit.,  p.  570  :  «  li  parait  que  les  plus  belles  villas  n'avaient 
qu'un  étage,  »  et  p.  40G  :  «  Tout  porte  à  croire  que  la 
plupart  des  villas,  même  les  i)lus  opulentes,  avaient  une  élé- 
vation peu  considérable,  qu'elles  ne  se  composaient  guère 
que  d'un  rez-de-chaussée......  L'examen  attentif  des  ves- 
tiges de  nos  villas  gallo-romaines  porte  à  croire  que  beau- 
coup d'entre  elles  n'ont  été  construites  en  pierre  que 
jusqu'à  une  certaine  hauteur  au-dessus  du  pavé  des  appar- 
tements ,  et  que  le  reste  des  murs  étaient  en  clayon- 
nage.  » 

CONCLUSION. 

Certes,  si  nous  nous  bornions  à  une  simple  description 
de  la  villa  et  des  objets  découverts,  notre  tâche  serait  im- 
parfaitement accomplie.  Le  but  de  l'archéologie  n'est  pas 
seulement  de  rechercher  et  de  décrire  les  antiquités  qui  se 
trouvent  éparses  sur  notre  sol,  mais  surtout  et  principale- 
ment d'observer  les  faits  constatés  par  les  recherches  et 
d'en  déduire  les  conclusions  les  plus  certaines  ou  au  moins 
les  plus  vraisemblables. 

Les  substructions  de  Vierset-Barse,  quoique  placées  entiè- 
rement hors  de  la  ligne  des  voies  tracées  par  l'Itinéraire 
d'Antonin  et  la  carte  de  Peutinger,  n'en  offrent  cependant 
pas  moins  un  intérêt  très-grand,  car,  nous  l'avons  dit  plus 
haut,  elle  n'est  pas  isolée,  et  la  proximité  du  cainj)  du  Pont 


—  656  — 

de  Bonne  a  dû  influer  sur  le  choix  decetemplacemenl  pour 
l'élablissement  d'une  colonie. 

Nous  sommes  ici  en  présence  de  la  question  suivante  : 
Les  établissements  romains  établis  sur  ce  plateau  (nous  par- 
lons au  pluriel,  car  nous  sommes  certain  qu'il  en  existe 
beaucoup  d'autres  dans  les  environs),  formaient-ils  une  sta- 
lioii  importante,  mansio,  ou  bien  une  simple  mutatio  sur 
une  route  secondaire,  ou  un  castrum  stativum,  pour  sur- 
veiller et  proléger  des  exploitations  agricoles,  etc.? 

Le  plateau  dans  lequel  s'étendent  les  substructions,  est 
élevé  au-dessus  des  vallées  environnantes  et  les  domine 
entièrement.  Son  accès  au  nord  peut  être  facilement  dé- 
fendu; delà,  probablement,  les  tranchées  et  circonvallations 
qu'on  nous  a  rapportées,  la  présence  d'armes  aux  abords  de 
ces  fossés,  etc.  Au  sud,  il  est  plus  accessible.  Il  se  prolonge  à 
l'est  et  aboutit  en  pentes  douces  à  la  voie  romaine  de  Strée. 
A  l'ouest  il  était  protégé  par  le  canq)  de  Bonne. 

Le  Tige  de  Vyle  coupe  le  i)lateau  dans  toute  sa  lon- 
gueur, passant  h  côté  du  camp  et  s'y  rattachant  à  l'aide 
d'un  petit  diveriiculum,  puis  aboutit  à  l'ouest,  dans  le  village 
de  Ramelot  même,  à  la  voie  romaine  de  Strée. 

Les  environs  sont  riches  en  antiquités  gallo-romaines  et 
indiquent  dans  ces  contrées  un  séjour  prolongé  de  la  popu- 
lation romaine  ou  romanisée. 

Il  est  tout  naturel  que  des  colons  aient  établi  leur  rési- 
dence de  préférence  sous  la  protection  immédiate  de  la  force 
armée,  et  non  en  pays  ouvert  et  loin  de  tout  secours,  surtout 
dans  une  contrée  aussi  peu  pacifiée  (pi<'  1»;  l'ut  notre  Belgique, 
avec  de  très-courtes  intermittences,  depuis  la  lin  du  règne 
de  Marc-Aurèle  jusqu'à  la  fin  do  la  domination  romaine. 


—  657  — 

C'est  là  une  raison  pour  voir  dans  ces  établissements,  non 
pas  seulement  une  simple  mansio,  etc.,  mais,  au  contraire, 
une  station  plus  importante  :  Placée  aux  abords  d'une  voie 
(Tige  de  Vyle),  à  proximité  d'un  camp  retranché  qui  la  com- 
mandait et  sous  la  protection  duquel  elle  se  trouvait,  il  est 
vraisemblable  qu'elle  a  pris  beaucoup  de  développement;  en 
outre,  les  vestiges  de  moyens  de  défense  sur  le  versant  nord, 
indiquent  qu'il  y  avait  là  une  protection  sérieuse  à  exercer; 
enfin,  la  légende  qui  s'est  perpétuée  d'âge  en  âge  jusqu'à 
nous,  sur  l'existence  d'une  vieille  ville  en  cet  emplacement, 
démontre  pour  ainsi  dire  par  elle-même  l'établissement  d'une 
station  importante? 

Tout  donc  nous  porte  à  y  voir  une  colonie  défendue  par 
un  camp  retranché.  Les  fouilles  qu'on  y  effectuera  sans 
doute  ultérieurement,  éclairciront  l'idée  que  voici,  et  que 
nous  émettons  à  titre  de  simple  hypothèse  :  quand  le  séjour 
des  villas  isolées  et  la  culture  des  champs  furent  devenus 
impossibles,  à  raison  des  invasions  des  Barbares  d'Outre- 
Rhin  que  M.  Schuermans  a  mises  en  relief,  et  en  même  temps 
qu'on  fortifiait  partout  les  villes  elles-mêmes,  c'est-à-dire 
à  partir  de  la  fin  du  ii'  siècle,  ne  fut-il  pas  nécessaire  d'éta- 
blir dans  les  campagnes  des  postes  de  surveillance  et  de 
protection  pour  les  colons  agricoles  transplantés  de  l'étranger 
sur  notre  sol  par  les  empereurs? 

M.  de  Caumont  (Congrès  de  Bourges,  1849)  a  prononcé 
les  paroles  suivantes  :  «  Les  savants  ont  déterminé  avec 
une  grande  sagacité  l'emplacement  des  villes  et  des  sta- 
tions énumérées  par  l'Itinéraire  d'Antonin  et  la  carte  de 
Peutinger,  mais  les  localités  non  mentionnées  dans  ces 
tableaux  géographiques,  et  dont  le  nom  est  inconnu,  n'ont 


—  658  — 

jx)in[  été  décrites  ni  indiquées  sur  les  caries.  On  n'a  pas 
non  plus  recherché  la  position  des  villas  et  des  édifices  pu- 
blics ou  privés  qui  existaient  çà  et  là  dans  les  campagnes; 
on  a  négligé  le  plus  souvent  de  noter  les  découvertes  qui 
peuvent  fournir  des  renseignements  pour  ce  dénombrement. 
Bref,  la  géographie  des  localités  d'origine  romaine,  que  les 
itinéraires  anciens  qui  nous  sont  parvenus  n'ont  pas  citées, 
est  encore  à  faire. 

»  C'est  cette  étude  des  localités,  dont  le  nom  est  complète- 
ment ignoré,  mais  dont  les  vestiges  sont  plus  ou  moins  im- 
portants, que  je  voudrais  recommander,  et  que,  pour  ma 
part,  j'ai  commencée  partoutoù  j'ai  pu  explorer  le  sol  français, 
ou  me  mettre  en  rapport  avec  ceux  qui  l'avaient  étudié 
dans  leurs  contrées  respectives. 

»  Mais  on  dira  peut-être  ;  à  quoi  bon  replacer  sur  la  carte 
ancienne  ces  vestiges  sans  nom,  ces  villas  que  de  riches 
colons  avaient  élevées,  et  qui  ont  péri  comme  les  possesseurs, 
sans  que  l'histoire  ait  eu  à  s'en  occuper?  Cette  statistique, 
qui  sera  toujours  incomplète,  est-elle  donc  digne  d'occuper 
des  esprits  sérieux? 

»  A  cette  objection,  je  réponds  que  les  recherches  dont 
je  viens  d'indiquer  l'objet,  sans  avoir  une  importance  com- 
parable à  celles  des  savants  commentateurs  des  itinéraires  et 
de  la  table  théodosienne ,  s'y  rattachent  pourtant  d'une  ma- 
nière directe  en  indiquant  sur  quels  points  des  Gaules  la  po- 
pulation a  laissé  le  plus  de  traces  de  richesses  et  d'intensité, 
en  procurant  de  nouveaux  renseignements,  etc.  Peut-être 
même  rectifieront-elles  quelques  idées  sur  la  position  de 
certaines  localités  mentionnées  i)ar  les  documents  anciens, 
et  (jiii  n':i  ('té  fixée,  là  où  on  croit  les   recoiinaitre,  que 


—  650  — 

faute  de  renseignements  plus  complets  ou  d'indices  plus 
concluants. 

«  D'ailleurs,  en  fait  d'études,  il  ne  faut  pas  toujours  se 
poser  la  question  d'utilité;  il  faut  s'efforcer  de  connaître  le 
plus  possible,  ne  fût-ce  même  que  pour  satisfaire  la  curiosité  ; 
les  résultats  utiles  viendront  certainement,  qu'ils  aient  été 
prévus  ou  non .  » 

Plus  que  jamais,  nous  sommes  convaincu  de  la  vérité  des 
paroles  prononcées  par  l'honorable  M.  de  Gaumont,  car, 
trop  souvent,  on  se  livre  aux  recherches  de  ce  genre  plutôt 
comme  passe-temps  que  comme  étude  sérieuse.  Tel  fouillera 
un  tumulus,  parce  qu'il  est  plus  certain  d'y  découvrir 
des  objets  intacts,  qui  abandonnera  les  substructions  dignes 
cependant  d'attirer  l'attention  au  point  de  vue  historique. 

M.  de  Gaumont,  à  l'autorité  duquel  nous  faisons  volontiers 
appel,  dit  encore  :  «  Les  explorateurs  manquent.  Quoiqu'il 
y  ait  plus  d'antiquaires  aujourd'hui  qu'autrefois,  il  y  en  a 
moins  qui  aient  le  courage  d'explorer  nos  campagnes  et 
surtout  de  s'établir  près  des  ouvriers  terrassiers  pour  les  diri- 
ger; on  est  accoutumé  à  voyager  commodément  en  voiture  ou 
en  chemin  de  fer,  et  l'on  ne  peut  plus  se  décidera  aller  à  pied 
ou  à  loger,  ne  fût-ce  que  pour  quelques  jours,  dans  un  mo- 
deste cabaret,  à  proximité  des  fouilles  à  entreprendre.  Voilà 
pourquoi  on  ne  fait  plus  de  découvertes  d'antiquités  ro- 
maines, et  pourquoi  aussi  on  trouve  difficilement  remi)loi  de 
sommes  destinées  aux  explorations  de  ce  genre.  » 

Terminons  en  ajoutant  que  M.  Bonnin,  ?6i(/.,  32,  ne  connaît 
qu'un  seul  moyen  de  préserver  de  tout  outrage  les  vestiges 
des  monuments  romains  :  c'est  de  les  rendre  de  nouveau  à  la 
terre. 


—  6G0  — 

C'est  ainsi  que  nous  avons  agi  pour  les  substruclions 
dont  nous  venons  de  nous  occuper;  de  celle  façon,  les 
mains  profanes  n'iront  pas  détruire  ces  restes  qu'on  aura 
peut-être  intérêt  à  examiner  plus  tard,  dans  leurs  relations 
avec  ce  que  le  sol  prolecteur  recèle  encore,  et  que  les  âges 
futurs  mettront  au  jour. 

P*"*  Camille  de  Looz. 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS. 


RESUME    DES    PROCÈS-VERBAUX. 


SÉANCES 

des  3,  8,   9,    10,    17,   23  et  2i  novembre;   des  1",  7,  8,  Ifi,  21,  22 
et  29  décembre  ■1877. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  approuvé  : 

i"  Le  carton  d'un  vitrail  à  pla(3er  dans  l'édise  de  Saint-  „  .^f^'<'<i«. 

I  o  Saint-Germain, 

Germain ,  à  Tirlemon  t  ;  _  '  vS "'" 

2"  Les  dessins  de  pierres  tumulaires  à  placer  dans  les  Églises auccie 

i  I  fit  de  Vilvorde. 

églises  de  Vilvorde  et  d'Uccle  (Rrabant)  ;  lumuiaires. 

5^  Le  projet  modifié  du  piédestal  du  monument  à  ériger    Mon.nn.nt 

^       •'  ^  ^       Wicrtz,:.  Dinaiit. 

à  Dinant,  à  la  mémoire  d'An  t.  Wiertz. 

—  M.  le  Ministre  de  l'intérieur  a  communiqué,  pour  avis,      Eglise 

lie  Notre-Dame, 

un  article  de  journal  qui  signale  une  modification  apportée    ■'^'^l;- 
au  groupe  de  Michel-Ange  :  La  Vierge  et  l' Enfant  Jésus,  ""  "^"^ '^"k- 
appartenant  ta  l'église  de  Notre-Dame,  à  Bruges. 

Il  résulte  des  renseignements  donnés  par  M.  le  Gouver- 
neur de  la  Flandre  occidentale  que  le  lait  signalé  est  exact. 


—  662  — 

Pour  couvrir  la  nudité  de  renfani,  on  a  fait  sculpter  par 
M.  Pickery  un  voile  en  albâtre  qui  s'adapte  à  la  statue. 

Évidemment,  l'autorité  ecclésiastique  est  absolument  juge 
des  mesures  qu'il  convient  de  prendre,  dans  les  églises, 
pour  sauvegarder  la  décence  du  culte.  Mais,  à  côté  de  cet 
intérêt,  il  en  est  un  autre  qui  mérite  incontestablement 
toute  la  protection  du  Gouvernement  :  c'est  la  dignité  de 
l'art  et  le  respect  des  chefs-d'œuvre. 

A  ce  dernier  point  de  vue,  il  est  sans  doute  profondé- 
ment regrettable  de  voir  apporter  la  moindre  altération  à 
l'une  des  conceptions  les  plus  célèbres  d'un  des  plus  grands 
génies  artistiques  dont  s'honore  l'humanité. 

Il  semble  qu'il  y  aurait  un  moyen  facile  de  tout  concilier  : 
ce  serait  de  retirer  l'œuvre  de  Michel-Ange  de  l'église  de 
Notre-Dame,  —  sauf  à  en  restituer  la  valeur  vénale,  —  et 
de  placer  le  groupe  dans  un  Musée,  où  il  pourrait  être 
exhibé  dans  son  état  primitif  sans  alarmer  aucune  suscepti- 
bilité. 

On  peut  aisément  calculer  le  prix  relatif  de  ce  chef- 
d'œuvre  pour  la  fabrique,  d'après  les  profits  annuels  que 
l'exhibition  en  rapporte;  on  pourrait  en  même  temps,  pour 
perpétuer  le  souvenir  du  beau  legs  artistique  fait  jadis  à 
l'église  de  Notre-Dame,  lui  faire  don  d'une  copie,  soit  en 
marbre,  soit  en  bronze,  à  laquelle  elle  pourrait  apporter  des 
modifications  qui  laisseraient  du  moins  l'original  intact. 

La  Commission  se  plaît  d'autant  plus  à  espérer  que  le 
conseil  de  fabrique  de  Notre-Dame  voudra  bien  se  prêter  à 
cette  mesure  de  conciliation,  qu'on  a  vu,  il  y  a  quelques 
années,  l'église  de  Saint-Bavon,  à  Gand ,  souscrire  à  une 
transaction  analogue.  Les  deux  panneaux  Adam  et  Eve,  fai- 


—  665  — 

sant  partie  du  célèbre  tableau  de  Van  Eyck  :  V Agneau 
mystique,  choquaient  les  yeux  de  quelques  fidèles  par  leur 
nudité.  Les  originaux  de  ces  deux  panneaux  ont  été  déposés 
au  Musée  royal  de  peinture  et  des  copies  modifiées  selon  le 
vœu  du  clergé  ont  été  remises  au  conseil  de  fabrique.  Cette 
transaction  a  sauvé  toutes  les  convenances  et  ménagé  tous 
les  intérêts. 

Un  rapport  dans  le  sens  de  ce  qui  précède  a  été  adressé  à 
M,  le  Ministre  de  l'intérieur. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Le  Collège  a  approuvé  le  projet  dressé  par  M.  l'architecte  Hospue-i,ôpiiai 
Croquison,  pour  l'agrandissement  de   l'hospice-hôpital  de 
Staden  (Flandre  occidentale). 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

La  Commission  a  donné  des  avis  favorables  : 

1"  Sur  les  travaux  de  réparation  et  d'appropriation  à  exè-    néparatio,. 
cuter  aux  presbytères  de  :  Oeleghem  (Anvers),  Malaise  sous  de^îî'esilyu.r"" 
Overyssche,  Langdorp,  Ransberg  sous  Neerlinler  (Brabanl), 
Blaugies,    Nimy,  Vaulx   lez  Tournai  (Hainaul),    Bourg- 
Léopold  (Limbourg),  Maison,  Vodecée,  Fagnolles  (Namur); 

2°  Sur  le  projet  d'exhaussement  du  presbytère  de  la 
paroisse  de  Notre-Dame,  à  Poperinghe (Flandre occidentale); 

3°  Sur  les  plans  de  presbytères  à  construire  au  hameau 
de  Heykant,  à  Berlaer  (Anvers),  à  Carlsbourg  sous  Pali- 
seul  (Luxembourg)  et  à  Hemplinne  (Namur). 


—  66/p 


ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

Ont  été  approuvés  : 
cinsir.uiion       {"  Lcs  plaiis  FelaUfs  à  la  conslrucUon  d'églises  : 

d'églisps 

V^KeS!"      A  Weveighem  (Flandre  occidentale),  sous  quelques  ré- 
'''"ÀVèmn^."' '  serves  qui  ont  été  communiquées  dans   une  conférence  à 
M.  l'architecte  Croquison,  et  dont  il  a  promis  de  tenir  compte 
dans  le  cours  de  l'exécution  ; 

A  La  Neuville,  commune  de  Montigny-sur-Sambre 
(Hainaul),  sous  réserve  de  diverses  modifications  à  apporter 
aux  façades  dans  le  cours  de  l'exécution  :  architecte, 
M.  Quinet; 

A  Saint-Jean-Sart  (Liège).  L'auteur  de  ces  plans.  M,  l'ar- 
chitecte Castermans,  s'est  engagé  à  renforcer  les  colonnes 
intérieures,  qui  sont  projetées  en  briques,  par  des  tambours 
en  pierre  de  taille; 

A  Awenne  (Luxembourg)  :  architecte,  M.  Bouvrie; 
Églises         2"  Les  projets  d'agrandissement  des  églises  de  :  Staden 

lie  Slailen,  Dion 

.1  cuen.e.    (Flaudrc  occidcnfaie)  :  architecte,  jM.  Croquison,  et  Dion 
(Namur)  :  architecte,  M.  Luffin; 

o"  Les   plans    dressés   par  M.   l'architecte    Croquison, 
pour  la  reconstruction  de  la  tour  et  du  chœur  de  l'église  de 
Cuerne  (Flandre  occidentale); 
Amonbiemonis.     -^"  Lcs  dcssius  dcs  oljjcts  d'ameublemcnt  destinés  aux 
églises  de  : 

Molenbcek-Saint-Jean  (Brabant),  chaire  à  prêcher; 

Mendonck  (Flandre  orientale),  autel,  chaire  à  prêcher  et 
buffet  d'orgue  ; 

Heure-le-Romain  (Liège),  buffet  d'orgue. 


005 


TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

Le  Collège  a  émis  des  avis  favorables  : 

1"  Sur  les  projels  de  travaux  de  réparation  à  exécuter  aux    'j''.^gi7s^'s"" 
églises  de  Notre-Dame,  à  Vilvorde,  Langdorp,  Malaise,  sous 
Overyssche  (Brabant),  Nimy,  Harmignies,  Vaulx  lez  Gliimay 
(Hainaut),  Bourg-Léopold(Limbourg)  et  Mohiville(Namur); 

2'  Sur  le  projet  dressé  par  M.   l'architecte  Taeymans,  i^^.i^t;!!;^;;^,^^^ 
pour  la  restauration  de  la  tour  de  l'église  de  Norderwyck 
(Anvers); 

0°  Sur  le  plan  relatif  à  la  restauration  de  la  tour  de   .  Égiiso 

'  (le  liiilauamp. 

l'église  de  Buiscamp  (Flandre  occidentale)  :  architecte, 
M.  Buyck.  De  même  que  le  Comité  de  ses  membres  corres- 
pondants, la  Commission  a  émis  l'avis  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de 
reconstruire  les  quatre  tourelles  d'angles  et  qu'il  convient 
de  restaurer  purement  et  simplement  la  tour  et  la  flèche,  en 
conservant  leur  silhouette  actuelle  ; 

4."  Sur  la  proposition  de  restaurer  la  façade  de  la  basse-       M=i« 

'         '  "  de  N)tie-Dami! 

nef  sud  de  l'église  de  Notre-Dame  du  Sablon,  à  Bruxelles,    à'ïii^u^dîëi. 
vers  le  portail  principal  :  architecte,  M.  Schoy. 


—  Des  délégués  se  sont  rendus  à  Hastière-par-delà,  le      Rguse 

'  d'IIaslièie-par- 

128  novembre,  avec  M.  le  comte  A.  deBeauffort,  gouverneur  '""^• 
de  la  province  deNamur,  M.  Dugniolle,  directeur  des  cultes 
au  département  de  la  justice,  et  M.  Dclmarmol,  membre  cor- 
respondant, pour  inspecter  l'église  paroissiale,  dont  on  pro- 
pose de  confier  la  restauration  à  M.  l'architecte  Van  Assche. 
Cette  église,  reste  d'une  ancienne  abbaye  incendiée  par 
les  Calvinistes  en  15G8,  date  presque  entièrement  de  l'époque 
romane  et  offre  un  intérêt  archéologique  incontestable.  Le 


—  G6C  — 

cIhi'ui-,  ravanl-cliœur  cl  la  partie  cenlrale  du  transept,  sont 
seuls  affectés  aujourd'hui  au  culte.  Le  reste  de  l'église  sert 
de  grange  et  de  remise,  et  dans  la  tour  on  avait  établi,  il  y 
a  peu  d'années,  un  atelier  de  maréchal  (errant. 

Cette  tour  a  presque  la  largeur  de  la  nef  centrale;  elle  est 
accompagnée  d'une  tourelle  circulaire  (\m  renfermait  l'es- 
calier, et  il  n'en  existe  plus  que  la  partie  inférieure.  Les  trois 
nefs  forment  avec  la  tour  la  partie  la  plus  ancienne  de  l'édi- 
fice. Deux  rangées  de  piliers  carrés  surmontées  d'arcs  plein 
cintre  séparent  la  nef  cenlrale  des  bas-côtés.  Les  murs 
présentent  à  l'extérieur  une  série  d'arcades  reposant  sur  des 
pilastres  peu  saillants.  Des  fenêtres  hautes  et  étroites,  éva- 
sées à  l'intérieur,  éclairent  la  nef  centrale.  Celles  des  col- 
latéraux onl  été  transformées  et  garnies  de  meneaux. 

La  porte  romane  j)ercée  dans  la  première  travée  de  la 
basse-nef  de  gauche  est  fermée  par  deux  vantaux  de  largeur 
inégale  et  garnis  de  ferrures  d'un  beau  travail. 

On  a  démoli  à  une  époque  récente  les  bras  du  transept 
et  les  bas-côtés  qui  accompagnaient  l'avant-chœur  ;  une 
partie  seulement  du  bas-côté  droit  a  été  conservée.  Le  chœur, 
qui  date  du  xiii*  siècle,  est  séparé  du  reste  de  l'église  par 
un  escalier  de  plusieurs  marches.  Ce  chœur  est  à  cinq  pans, 
et  dans  chaque  face  est  percée  une  fenêtre  ogivale  subdivisée 
en  deux  lancettes  surmontées  d'un  oculus  ;  c'est  la  seule 
partie  de  l'église  qui  soit  voûtée,  tout  le  reste  est  couvert 
d'un  plafond  plat  moderne,  mais  des  tracés  de  moulures 
retrouvées  sur  quelques  poutres  font  sujjposer  que  tout  l'édi- 
fice avait  autrefois  un  plafond  à  panneaux  en  bois. 

Il  reste,  pour  compléter  la  description  sommaire  de  l'église 
d'Hastière-jjar-delà,  à  signaler  (|ucl(|ues  objets  intéressants 


—  (iG7  — 

qui  y  sont  conservés  :  V  une  pierre  tumulaire  où  est  repré- 
sentée gravée  au  trait  l'image  d'Alard  de  Ilierges,  22'  abbé 
deWaulsort,  mort  en  1264,  et  auquel,  d'après  l'inscription, 
on  doit  la  construction  du  chœur;  2"  deux  rangées  de  stalles 
du  XV'  siècle  ;  ces  stalles,  au  nombre  de  52,  d'une  grande 
simplicité,  sont  remarquables  par  la  variété  des  sculptures 
qui  ornent  les  miséricordes;  5"  une  cuve  baptismale  en 
pierre  bleue,  ornée  de  quatre  tètes  humaines  et  datant  du 
XIV'  siècle  ;  4"  le  Christ  en  croix  entre  la  Vierge  et  saint 
Jean;  ces  figures,  placées  au-dessus  de  l'arcade  qui  sépare  le 
chœur  de  la  nef,  paraissent  dater  du  xvi'  siècle  et  sont  poly- 
chromées;  5*'  des  fragments  d'une  pierre  tumulaire  contem- 
poraine de  celle  de  l'abbé  Alard  et  qui  servent  de  base  aux 
deux  piliers  supportant  le  jubé.  On  doit  enfin  signaler  le 
pavement  du  sanctuaire,  composé  d'un  curieux  assemblage 
de  pierres  découpées. 

Dès  1863,  la  Commission  était  saisie  d'une  proposition 
tendante  à  restaurer  cette  église  intéressante.  Les  communes 
d'Hastière-Lavaux  et  d'Hastière-par-delà  semblaient  d'accord 
à  cette  époque  pour  affecter  l'édifice  aux  services  reli- 
gieux de  ces  deux  localités,  à  la  condition  que  le  pont 
projeté  sur  la  Meuse,  et  qui  devait  faciliter  les  communica- 
tions entre  les  communes,  fût  construit.  L'église  moderne 
d'Hastière-Lavaux  devait  dans  ce  cas  être  vendue  et  le  pro- 
duit de  cette  aliénation  employé  à  la  restauration  de  l'ancien 
édifice  monastique. 

Aujourd'hui  que  le  pont  est  établi,  on  ne  parait  plus  dis- 
posé à  adopter  cette  combinaison.  La  commune  d'Hastière- 
Lavaux,  qui  compte  une  population  de  500  habitants, 
entend  conserver  son  église.  Hastière-par-delà,  qui  n'a  que 


—  668  — 

222  habilanls,  ne  peut  songer  à  faire  restaurer  dans  son 
ensemble  ia  grande  église  romane,  beaucoup  trop  vaste 
pour  les  besoins  de  la  paroisse.  Ses  ressources,  d'ailleurs, 
sont  trop  restreintes  pour  entreprendre  une  restauration  qui 
occasionnera  une  dépense  considérable  et  qui  est  évaluée 
approximativement  par  M.  l'architecte  Van  Assche  à 
80,000  francs. 

Dans  celte  occurrence,  la  Commission  est  d'avis  avec  ses 
délégués  qu'on  doit  renoncer  à  l'idée  de  rétablir  l'église 
abbatiale  dans  son  état  primif  et  qu'on  devrait  se  borner  : 

V  A  acquérir  la  partie  de  l'édifice  appartenant  à  des  par- 
ticuliers, moyennant  la  somme  de  4,000  francs  demandée 
l)ar  les  propriétaires.  Il  serait  prudent  de  créer  une  servi- 
tude sur  une  certaine  zone,  afin  d'empêcher  qu'on  élève 
contre  ou  à  peu  de  dislance  de  l'église  des  constructions  qui 
constitueraient  un  danger; 

2"  A  restaurer  seulement  le  chœur  et  l'avant-chœur  qui 
servent  aujourd'hui  au  culte,  en  les  complétant  par  les  bas- 
côtés  et  les  bras  du  transept  qui  ont  été  démolis. 

La  partie  antérieure  de  l'église  serait  simplement  mise  à 
l'abri  des  intempéries  et  conservée  dans  son  état  actuel,  à 
tilre  de  souvenir  archéologique.  On  pourrait  examiner 
d'ailleurs  si  elle  ne  saurait  être  affectée  à  l'un  ou  l'autre 
service  communal. 

La  dépense  du  chef  des  travaux  indiqués  ci-dessus  n'at- 
teindrait probablement  pas  25,000  francs. 
RgHse.ie  DinaM  —  Lcs  mèmcs  délégués  ont  inspecté  les  travaux  en  cours 
d'exécution  à  l'église  primaire  deDinant.  La  reslauralion  de 
cet  édifice  suit  une  marche  régulière.  On  a  (erniiné  depuis 
la  dernière  visite  la  tourelle  d'angle  de  la  lour  de  droite  et 


A.Heins ,  sculp': 


L'ABDICATIO 

TAPISSERIE  DE  LA  SAUl 


A  iieln.s ,  sculp 


L'EMPEREUR  CHARLES  V] 

[  TAPISSERIE  DE  LA  SALLE  DJ 


o 


ri  . 


•JOtilU'tin  iif'3  l'tiiiunigiriion'j  ri^^mir!?  lïuit  ctPnnljroliuiif  1877. 


W  ^ 


Lid-L.H.heins. 


LAMÉ  DUC  DE  BRARANT 

L  COMMUNAL  DE  BRU^CELLES  1 


IBuUftinbcs  iommiggiong  royalco  Dartfl-ti'arfbci'ioAif  1B77. 


Lîch  KBsins. 


CHARLES  QUINT. 

mi-  COMMUNAl  DE  BRUXELLES^ 


—  0(59  — 

l'on  s'occupe  actuellement  de  la  construction  du  nouveau 
jubé  à  l'angle  du  transept,  d'après  les  plans  approuvés. 

Il  conviendra  que  les  autorités  locales  soumettent  pro- 
chainement des  propositions  détaillées  concernant  les  tra- 
vaux à  exécuter  en  1878.  Il  y  aurajieu  de  comprendre  dans 
cette  série  la  réparation  des  toitures,  atin  démettre  l'église  à 
l'abri  des  infiltrations.  On  devra  également  procéder,  dans 
un  délai  aussi  rapproché  que  possible,  à  la  démolition  des 
deux  petites  maisons  accolées  à  la  façade  latérale  vers  la 
place  publique. 

Un  nouveau  banc  de  communion  a  été  placé  récemment 
à  l'entrée  du  chœur.  Ce  meuble,  qui  a  été  exécuté  aux  frais 
de  M.  le  curé-doyen,  ne  représente  qu'un  découpé  d'arca- 
tures  dans  une  planche  en  bois  de  chêne  de  médiocre 
qualité;  il  est  d'une  extrême  maigreur  et  contraste  fâcheu- 
sement avec  l'ampleur  des  lignes  architecturales  de  l'église. 

Lorsque  le  dessin  de  ce  banc  de  communion  lui  fut 
soumis,  la  Commission  refusa  de  l'approuver.  Elle  fit 
remarquer  que  le  dessin  conviendrait  mieux  pour  une  balus- 
trade, et,  se  ralliant  à  l'avis  du  Comité  de  ses  membres  cor- 
respondants deNamur,  elle  exprima  le  regret  qu'on  n'exécute 
pas  ce  meuble  en  cuivre  afin  de  rappeler  le  souvenir  d'une 
ancienne  industrie  locale  dont  il  existe  encore  des  spécimens 
très-intéressants. 

Le  banc  de  communion  actuel,  sous  le  double  rapport  de 
la  conception  et  de  l'exécution,  n'est  pas  digne  de  figurer 
dans  un  monument  aussi  remarquable  que  l'égHse  de  Dinant. 
La  Commission  a  émis  l'avis,  en  conséquence,  qu'il  y  aurait 
lieu  d'enlever  le  meuble,  de  le  céder  à  l'une  ou  l'autre 
église  de  village  et  de  charger  M.  Van  Assche,  qui  dirige 


670  — 


la  restauration  de  l'église,  de  l'étude  d'un  projet  plus 
artistique,  mieux  en  rapport  avec  l'importance  du  monument 
et  dans  l'exécution  duquel  entreraient  les  deux  principaux 
objets  de  l'ancienne  industrie  dinantaise  :  le  marbre  noir  et 
le  cuivre. 


Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 


Vu  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  Président, 

Wellens. 


TABLl^:   DES  MATIÈRES. 


Pages, 

Commission  royale  des  inoimmeiits.  —  Ilésumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  janvier  et  de  février  1877.        .        5 

Le  baron  F.  de  Roisin,  par  M.  J.  Ruttiens        .        .        .        .15 

La  sculpture  flamande  et  wallonne  du  xf  au  xix'^  siècle  (Suite), 
par  M   Jean  Rousseau 1!» 

Épigraphie  romaine  de  la  Belgique  (Suite).  —  Inscriptions 
romaines  de  Metz  et  de  Bavay,  —  par  M.  H.  Schuermans      .      08 

Les  grandes  armoiries  du  duc  Charles  de  Bourgogne.  —  Réplique 
à  la  réponse  de  M.  le  Conservateur  en  chef  de  la  Bibliothèque 
royale  de  Bruxelles,  —  par  M.  Cn.  De  Br^ou.         .        ,        .     1:21 

L'établissement  belgo-romain  de  Rumpst,  par  M.  Camille  Van 
Dessel IH 

Albert  Durer  et  Lucas  de  Leyde.  —  Leur  rencontre  à  Anvers,  — 
par  M.  H.  Hymans 17-2 

Étude  sommaire  sur  la  construction  de  Téglise  de  Notre-Dame, 
au  Sablon,  à  Bruxelles,  par  un  archéophile  ....     182 

Essai  historique  sur  les  tapisseries  et  les  tapissiers  de  haute  et 
de  basse-lice  de  Bruxelles  (Stiite),  par  M.  Alphonse  Wauters.     19i 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  mars  et  d'avril  1877        .        .    234 

Ad.  Van  Soust  de  Borkenfeldt,  par  M.  Jean  Rousseau        .        .     241 

Essai  historique  sur  les  tapisseries  et  les  tapissiers  de  haute  et 
de  basse-lice  de  Bruxelles  (Suite),  par  M.  Alphonse  Wauters.    233 

Épigraphie  romaine  de  la  Belgique,  par  M.  H.  Schuermans       .      556 

Les  vitraux  de  l'ancienne  église  abbatiale  des  Dames  Nobles 
de  Herckenrode,  par  M.  Jules  Helbig 566 

Commission  directrice  du  Musée  d'armures  et  d'antiquités.  — 
Extrait  des  procès-verbaux  des  séances         ....     585 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  mai  et  de  juin  1877        .        .     586 

Renseignements  inédits  sur  les  artistes  qui  ont  exécuté  le 
tabernacle  et  la  balustrade  en  cuivre  de  l'église  de  Saint- 
Jacques,  à  Louvain,  par  M.  Ed.  Van  Even     ....     595 

Les  origines  antiques  du  rasoir  moderne.  —  Transformations 
successives  du  rasoir  depuis  l'antiquité,  —  par  M.  D.-A.  Van 
Bastelaer,  Président  de  la  Société  archéologique  de  Charleroi.    429 


—  II  — 

Pages 

Remparts  d'Arlon  et  de  Tongres,  par  M.  H.  Schuermans  .        .    451 
Bibliographie,  par  M.  H.  S 503 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  juillet  et  d'août  1877        .        .     515 

Essai  historique  sur  les  tapisseries  et  les  tapissiers  de  haute  et 
de  basse-lice  de  Bruxelles  (Suite),  par  M.  Alphonse  Wauters.     525 

L'auteur  du  retable  de  1493  du  Musée  de  la  Porte  de  liai, 
à  Bruxelles,  par  M.  Ed.  Van  Even         .        .  .        .     581 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  septembre  et  d'octobre  1877.     599 

Quentin  Metsys  et  son  portrait  d'Érasme,  par  M.  H.  Hymans      .     G15 

Station  belgo-romaine  près  de  Bonne  (Condroz),  par  M.  le  Prince 
Camille  de  Looz.        ........    G45 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  novembre  et  de  décembre  1877.    GGl 


PLANCHES. 

Tètes-consoles  de  la  salle  échevinale  d'Ypres   . 
Statue  de  Sainte-Catherine,  à  Courtrai     . 

Tabernacle  de  liai 

Portail  de  la  cathédrale  de  Tournai. 
Figures  du  tombeau  de  Philippe  le  Mardi. 
Antiquités  trouvées  à  Rumpst  .        .        •         . 
Marque  de  Jean  Van  der  Roost 
Monument  Bourdon,  à  Liège    .... 

Origiiu'S  du  rasoir 

Maître-autel,  autels  latéraux  et  chaire  à  prêcher 

d'Oflus  (Brabant),  pi.  1,  II  cl  111  . 
Portrait  d'Érasme,  par  Quentin  Metsys     . 
Portrait  de  Piern;  Egidius,  par  Quentin  Metsys 
•Statiuii  belgu-romaine  près  de  Bunne  (Condroz),  {)1. 


Pages. 

.       21t^ 

25i^ 

39   —   ^ 

.  55, 

5i,  55  ^  y  3 

• 

141^     . 

.    203%^ 

537  «^ 

.     429  v^ 

de  l'église 

.     GOS"^^ 

.     633^ 

.     035"^ 

1  et  11 

645  -^ 

GETTY  CENTER  LINRARY 


3  3125  00666  0928