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ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCE
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21! SESSION
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ASSOCIATION
FRANÇAISE
POUK
L'AVANCEMENT DES SCIENCES
l'ne table des malières est jointe à chacun des volumes du Compte
Kendu des travaux de l'Association Française en 1892.
Une table analytique générale par ordre alphabétique termine la
2"^" partie ; dans cette table, les nombres qui sont placés après la lettre p
se rapportent aux pages de a l""'' partie, ceux placés après l'astérisque 1
se rappoi'tent aux pages de la ±""' partie.
IMPRIMEKIE CHAIX, RI K BERGERE. 20. PARIS. — 23688-1(1-92.
ASSOCIATION
FRANÇAISE
♦j
POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES
FUSIONNEE AVEC
L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE
{Fondée par Le Verrier en 1864)
Reconnues d'utilité publique
COMPTE RENDU DE LA 21" SESSION
PAU
1 e © 2
NOTES ET EXTRAITS
LIBRARY
NEW VO«îK
BOTaNJCAL
GARDE N
PABIS
AU SECRÉTARIAT DE L'ASSOCIATION
28, rue Serpente (Hôtel des Sociétés savantes)
Et chkz m. g. JMASSON, Lickaire de l'Académie de Médeclnk
120, boulevard Saint-Germain.
1893
ASSOCIAÏION FPiAXCALSE XnTcm.
ubratry
JEW VORl
iOTANiCA
QARDEN
POUR
L'AVANCEMENT DES SCIENCES
NOTES ET EXTRAITS
M. Ed. COLII&NOIÎ
Inspecteur général des Ponts et Chaussées, à Paris
REMARQUES SUR LE CHOC DIRECT DE DEUX CORPS ELASTIQUES
— Séance du 16 septembre 1892 — .'
1
Avant d'aborder la question que nous avons en vue, nous rappellerons
les formules du choc direct de deux corps élastiques.
Supposons deux sphères, de masse m et m', animées des vitesses v et v'
suivant une seule et même droite. Le choc a lieu. Appelons iv et w' les
vitesses qu'auront ces mêmes sphères après le choc. On exprimera que la
vitesse du centre de gravité n'est pas altérée par le choc; que, de plus, les
forces vives sont conservées, lorsqu'on attribue aux deux corps une élas-
ticité parfaite. On a de cette manière deux équations, dont il est aisé de
déduire les vitesses finales w et w'.
On simplifie la solution en rapportant le mouvement à des axes de direc-
2 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
lion constante menés par le centre de gravité des deux masses. La vitesse u
de ce centre de gravité est donnée par l'équation
7nv -{- m'v'
Au lieu d'opérer sur les vitesses absolues v, v', iv, te', considérons les
vitesses relatives
On sait que la résultante des quantités de mouvement relatives est tou-
jours égale à zéro ; et que le théorème des forces vives s'applique aussi
bien au mouvement relatif qu'au mouvement absolu. On aura donc les
trois relations
(-2) ini\ + m'v\ =^ 0,
(3) mH\-\-m'iv\^0,
On tire des équations (2) et (3)
u\ tc^
Ul t'i
l^"\
on en déduit
V,
et si l'on pose
valeurs qui, substituées dans l'équation (4), donnent immédiatement
Par conséquent, X est égal k -\- i ou à — 1.
On ne peut faire X = + 1' sans quoi les vitesses des mobiles reste-
raient les mêmes, tandis que le choc a dû les modifier. Il faut donc poser
X = — 1, ce qui conduit aux équations
Wl =: — t'i, iv'^ =^ — V'^.
Les vitesses relatives changent de sens en conservant leurs valeurs
absolues. Si de là on revient aux vitesses absolues, on trouve pour les
vitesses finales
(o) ^f; = 2w — i\ ir' = 2a — v',
conformément au résultat connu.
i:i).
COLLIGMJ.N. — SLi; LE CHOC DllUXT DE DEUX COUPS ÉLASTIQUES 3
FiG. I.
II
-Nous appliquerons cette solution générale à quelques problèmes parti-
culiers.
Supposons que deux points matériels, de masse m et m', mobiles sur
une même droite OX (ftg. 1), soient soumis chacun à une allraction éma-
nant du centre fixe 0, pro-
portionnelle à la masse du
point et à sa distance au
point 0. Si l'on appelle x
et x' les distances des deux
points mobiles au centre 0,
ces dislances portant leur si-
gne, l'attraction exercée par
le centre fixe sur .le point m
sera représentée par le pro-
duit — mM^x; et l'attraction
sur l'autre point par le pro-
duit — iii'm'^x'. Le facteur w
est une quantité constante, homogène à une vitesse angulaire, de telle
sorte que le produit là'^x soit homogène à une accélération.
Nous supposerons que le point m parte du repos au point A, à une dis-
tance OA =: a ^u point 0. Son mouvement pourra être considéré comme
celui de la projection sur le diamètre OX d'un point directeur a, qui par-
courrait la circonférence décrite de comme centre avec OA pour rayon,
avec une vitesse angulaire uniforme a>. De même le mouvement du point
m' est identique à celui de la projection sur OX du point b, qui parcour-
rait avec la même vitesse angulaire w la circonférence décrite du point
comme centre avec OB pour rayon. Et si les deux points mobiles partent
simultanément des points A et B, les deux points directeurs a et 6 seront
constamment situés sur un même rayon OP, animé de la vitesse w autour du
centre 0. Dans ces conditions, les deux points mobiles arrivent à la fois au
point 0, et le choc a lieu. Les vitesses simultanées des deux mobiles sont
égales en valeur absolue au produit de m par les ordonnées am, bm' des
deux points directeurs. En arrivant en 0, ces \itesses sont donc propor-
tionnelles aux ordonnées Oa, 0,3, c'est-à-dire aux rayons a et 6 des deux
cercles. Le centre de gravité G des deux points a un mouvement identique
à celui de la projection du point g, parcourant uniformément la circon-
férence de rayon OG; à l'instant oh le choc a lieu, la vitesse u du centre
de gravité est donc proportionnelle à Oy. Comme le choc n'altère pas le
mouvement du centre de gravité, le point directeur g continuera à par-
4 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GKODÉSIE ET MÉCANIQUE
■courir avec la même vitesse w le cercle OyC; tandis que les vitesses
i-elalives des deux points par rapport à leur centre de gravité, représentées
sur la ligure par les différences av, py» changent de sens, ce qui revient à
relourner bout pour bout la droite afi, en la faisant pivoter autour du point
lixe y. En définitive, le choc amènera le point directeur a de a en a', et le
point directeur 6 de [3 en 8' ; après quoi la loi du mouvement des deux-
points se retrouve la même qu'auparavant. Le mouvement de m sera
réglé par celui d'un point décrivant la circonférence de rayon Ox'; la
limite de l'excursion du point m vers la gauche sera donc le point A'.
De même le point m' sera dirigé par un point parcourant uniformément
la circonférence p'B'p", décrite de comme centre avec 08' pour rayon;
le point B' est la limite extrême de son excursion. On peut observer qu'on
a A'B' — AB.
Un second choc a lieu au point 0, quand les deux points, après leur
excursion aux points A' et B', reviennent au centre avec des vitesses pro-
portionnelles aux ordonnées Oa" et 0,8". Le mouvement du centre do gra-
vité n'est pas altéré; mais les vitesses relatives changeant, la droite a"i3"
doit être retournée bout pour bout autour du point y', ce qui ramène les
points a" et ,8'" sur les circonférences de rayon OA et OB, que les points
directeurs décrivaient d'abord. Les deux points m et m' reprennent donc
les vitesses qu'ils avaient à leur premier passage au point 0. mais dirigées
on sens inverse, de sorln quils retournent dans le même temps à leurs
points de départ primitifs, A et B. Le mouvement des deux points est
donc une oscillation de A en A' pour le premier, de B en B' pour le second,
avec changement brusque de vitesse au passage du point 0.
Si l'on pose OG = c, OA' =: a', OB' -- 6', on aura
ma -4- ni'b
c = -,
m -\- m
a' = lc— a,
b' = <ic — b;
la vitesse du point m au passage du centre variera alternativement
de coa à coa', puis de — toa' à — coa; celle du point nt' variera de même
de Mb à Mb' et de — Mb' à — oib.
Dans le cas particulier où l'on aurait 6 = 0, et m =: m', on aurait
a' =i et b' = a. Il y aurait échange de vitesse entre les deux points au
moment où ils se choquent au point 0.
III
Le mouvement d'un point pesant qui glisse sans frottement sur la
cycloïde est, sur la courbe, la reproduction du mouvement que nous
venons de considérer sur la ligne droite.
KD. COI.l.ir.MiN. srf\ LK CHOC DIRECT DE DEUX COUPS ÉLASTIQIKS 5
Soit COC (fig. 2) une cycloïde, ayant pour base l'horizontale CC;
est le point le plus bas de la courbe. L'équation de la courbe entre
l'arc s mesuré à partir
du point et l'or-
donnée (/ rapportée à
la tangente OX est
.s" = 8Ry,
R étant le rayon du
cercle générateur. On
sait que la durée de
l'oscillation entière d'un point pesant assujetti à glisser sans frottement
sur la courbe, est indépendante de la longueur de l'arc parcouru, et qu'on
a pour cette durée
/ 4R
9
quel que soit le point de départ du point mobile.
Supposons qu'on abandonne à la fois deux pomts matériels, de masse
m et m', aux points A et B sur la courbe. Ils arriveront ensemble au point
T
au bout du temps -^ et le choc aura lieu. Le point w, parti du point A,
Là
aura pour vitesse u = — \/±g J>^\ le point m', parti de B, aura
pour vitesse v' = — s/'ig >< RR- Appelons a et h les arcs OA et OB.
mesurés sur la courbe. On aura
V
-Va'
c'est-à-dire
et
-a
2T
2T
de sorte que l'on retrouvera les conditions mêmes du problème précédent
en posant o> =: ^— •
Par conséquent, le point m, après le choc, remontera en un point A'
de la cycloïde défini par l'arc OA' =: a'; le point m' remontera en un
point B' défini par l'arc OB' — 6' ; et les deux points parviendront si-
multanément aux points A' et B' à cause du tautochronisme de la courbe.
MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Des points A' et B', où ils arrivent sans vitesse, ils retomberont simul-
tanément au point 0, où ils se choqueront pour la seconde fois ; et ce
second choc les fera remonter, l'un en A, l'autre en B, c'est-à-dire à
leurs points primitifs de départ; de sorte que leur mouvement sera une
excursion de A en A' et de A' en A pour l'un, de B en B' et de B' en E
pour l'autre, avec choc mutuel des deux points à leur passage au
point 0.
L'arc A'B' est égal à l'arc AB.
De plus, si l'on détermine les positions G et G' des centres de gravité
des deux masses m et m! dans la position AB, puis dans la position A'B',
ces deux points G et G' seront à la même hauteur, et la droite GG' sera
horizontale. En effet, le produit {mg -\- m'g) >< GS représente le tra-
vail moteur de la pesanteur sur les deux corps m et m' tombant ensemble
de A et B en 0; de même {mg -\- m'g) >< G'S' est, au signe près, le
travail résistant de la pesanteur lorsque les deux masses, après le choc,
remontent simultanément du point aux points A' et B'. Puisqu'il n'y a
pas de perte de force vive par suite du choc, d'après notre hypothèse de
l'élasticité parfaite, les deux travaux doivent être égaux. Donc
GS = G'S'.
Le cas particulier où le point m' serait primitivement placé au point le
plus bas de la courbe, et sans vitesse, mérite d'être examiné séparément.
On aurait alors
r'
r^^^
C
6 = 0,
-^_, G^
^^^
ma
O 1
m -j- »'
a' ='2c — a,
b'= 2 c.
S'
D S P'
Fia. 3.
P
X
Supposons que m
soit moindre que w';
{
alors c sera moindre que - a, et a sera négatif; le point m rétrogradera
après le choc en A', pendant que le point m' , parti du repos, remontera
en B' à la distance curviligne OB' = 2c. Au second choc, les deux corps
se retrouveront en présence en ; mais là le corps m' perdra toute sa
vitesse et restera en repos, pendant que le corps m remonte en A et en
redescend, c'est-à-dire pendant une durée égale à T; de sorte que, .dans ce
cas particulier, le point m. descend de A en 0, remonte de en A',
redescend en 0, puis remonte en A, et ainsi de suite alternativement.
Pour le point m', il monte en B', puis redescend en 0, pendant
KT). COLLIGNON. — PIÎOBLE.MES SIR LES f.ORPS FLOTTANTS /
T
deux périodes égales chacune à -; après quoi il stationne au point
pendant le temps T.
On a encore arc OA = arc A'B' et GS = G'S'.
Enfin, si l'on a m = m', les stationnements au point sont alternatifs
pour les deux points, et l'on retrouve l'expérience connue des cours de
physique, où l'on opère sur deux boules d'ivoire égales, formant pendule
circulaire.
Les résultats obtenus pour lacycloïde s'étendent approximativement aux
autres courbes symétriques par rapport à la verticale Ot/, et notamment
à la circonférence; mais il faut alors que les arcs a, b, soient très petits,
sans quoi la courbe n'est plus tautochrone, et les chocs peuvent n'avoir
plus lieu au point 0. Il y a exception lorsque l'on a à la fois b = et
VI = m' ; car alors chaque point a à parcourir des arcs égaux de part
et d'autre du point le plus bas, pendant que l'autre l'attend au point ;
de sorte que les chocs ont encore lieu en ce point.
M. Ed. COLLI&IOI
Inspecteur général des Ponts et Chaussées, à Paris.
PROBLEMES SUR LES CORPS FLOTTANTS
— Séance du 16 septembre 1892 —
On sait que, lorsqu'un corps solide flotte à la surface d'un liquide,
l'équilibre du corps exige qu'il y ait égalité entre le poids du corps et le
poids du liquide déplacé, et que les centres de gravité du corps et du
liquide déplacé soient sur une même verticale. D'un autre côté, la stabilité
de l'équilibre est assurée si la fonction 1 — a\ est positive; V représente
le déplacement, a la distance du centre de carène au centre de gravité du
corps, comptée positivement en descendant à partir du centre de gravité,
et I le plus petit des moments d'inertie de la section de flottaison par
rapport à une droite menée dans son plan par son centre de gravité.
La valeur positive de la différence I — aS mesure on quelque sorte le
degré de stabilité du corps.
Si l'on appelle S la section à la flottaison, h la profondeur moyenne
8 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
de l'immersion, c'est-à-dire une hauteur telle que l'on ait V — S/«, p le
rayon de giration correspondant au moment d'inertie I, on a identi-
quement
I — aV = Sfc^ — ah).
Sous cette forme, on reconnaît qu'à égalité du volume V, c'est-à-dire
à égalité du poids total du corps flottant, si l'on donne la densité du
liquide, la slabililé croît en général à mesure que la section S augmente;
car l'augmentation de S accroît le premier facteur; elle entraîne en outre
une augmentation du rayon de giration p, en même temps qu'une di-
minution de la profondeur moyenne h, et de la distance a des deux
centres de gravité.
Nous nous proposerons, dans cette note, de résoudre quelques problèmes
sur la différence I — a\, considérée à un point de vue géométrique.
Nous chercherons quelle forme il convient d'attribuer au corps flottant
pour que cette différence soit constante à quelque profondeur que le
corps soit immergé, soit que le corps flottant devienne plus lourd ou
plus léger, soit qu'on le fasse flotter successivement à la surface de
liquides de densités diff'érentes. Nous supposerons toujours que le centre
de gravité du corps occupe dans ce système matériel une position connue
d'avance. Rien n'exige, d'ailleurs, que le corps flottant soit homogène, et
nous pouvons faire sur la distribution des densités entre ses différentes
parties telle hypothèse qui sera nécessaire pour amener le centre de gra-
vité dans la position que nous lui attribuons.
Considérons le corps dans sa position d'équi-
_^ X libre (fig. ■/).
i Soit G son centre de gravité; par ce point nous
f' ferons passer trois axes rectangulaires, l'un GZ ver-
i iM tical, les deux autres GX, G Y horizontaux :
le centre de carène, ou centre de gravité du
volume liquide déplacé, qui est situé sur la verti-
à' cale GZ du point G, à la distance GO = s ;
MN le niveau du liquide, déterminant dans le
corps la section de flottaison ;
V le volume immergé, compris entre le plan MN
et un autre plan horizontal A A.', mené par le point le plus bas du corps
flottant ;
l la distance GA;
z la distance GM ;
S l'aire de la section faite dans le corps flottant par le plan MN, ou
plus généralement l'aire de la section faite dans le corps flottant par un
plan MN mené à la cote z au-dessous du point G ;
ÉD. COLLin.XdN. — PliOlîl.KMKS Slli LES ColU'S FLOTTAMS 9
p le plus petit des rayons de giration de la section S par rapport aux
droites menées dans son plan par son centre de gravité. Nous admettrons
que le centre de gravité de cette section S soit situé sur l'axe GZ, et que
la droite par rapport à laquelle le moment d'inertie est le plus petit, soit
une parallèle à la droite GY, ce qui suppose : 1° que, dans toutes les
sections horizontales, l'ellipse centrale d'inertie soit orientée de la même
manière; 2^ que la droite GY a été menée dans le plan YGX parallèlement
au pelit axe de l'ellipse centrale de toutes ces sections.
L'aire S sera liée à la variable z par une équation
qui dépend de la forme extérieure du corps.
Le moment d'inertie I est égal à Sp\ Le produit aV représente la
somme des moments par rapport au plan YGX des volumes élémen-
taires Sch dans lesquels on peut décomposer le solide entre les plans MiX
et AA'; on a donc
rtV = / Szdz.
De la condition qu'on s'impose
I _ aV = H,
H désignant une constante, on tire, en différentiant,
(1) dl = d{a\) = — Szdz,
équation qui contient la solution cherchée. Pour aller plus loin, il est
nécessaire de faire quelque hypothèse sur la forme du corps flottant.
L — Nous supposerons d'abord que les sections horizontales aux diffé-
rentes cotes ^ soient toutes semblables et semblablement placées le long
de l'axe GZ. S'il en est ainsi, il y aura un rapport constant entre l'aire S
de la section et le carré f' du rayon de giration, qui joue dans les
diverses sections le rôle de ligne homologue. On aura donc, en appelant À
un rapport constant,
S = Xp%
et par suite
I = Àc\
dl = iXfdp.
L'équation (2j devient
MpHp + l^/-.dz = 0.
Elle se réduit à
4p(/p -f- zdz =
10 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
par la suppression du facteur }vp^ et par conséquent on a, en intégrant,
1
2p2 -f - ^2 _ constante — 2p^,
en appelant p^ le rayon de giration de la section faite par le plan XGY,
pour :; = 0. On a, en définitive,
(2) f' = Pl-ï ^'-
De cette équation, nous tirerons la valeur de la constante H := I — aV.
On a en efTet
1
4 '
S = XI p,-
1
^'■1 P; - 7 ^
--.rx^»-i-)— {^^'^'-t)^
donc enfin
I — aV = H = X( p2 _ 1
(p^-ï/^M-^^'
en appelant Ij le moment d'inertie et pi le rayon de giration de la
section inférieure du corps, pour z = l. On trouve H = Ii, ce qui
doit être, puisque la différence I — a\ se réduit à Ij à la base du
corps, lorsque le volume V est égal à zéro.
Lorsque le corps se termine inférieurement par un point unique, on a,
par conséquent, Ij = et H = 0. L'équilibre est alors indifférent,
quelle que soit l'immersion, à l'égard de tout déplacement angulaire
autour d'une parallèle à l'axe GY. L'équilibre est stable par rapport à
tout autre déplacement.
Revenons au cas général ofi H a une valeur positive quelconque.
On peut démontrer que, dans ce cas, la coupe du corps par le plan XGZ
est une ellipse.
En effet, appelons x l'ordonnée de la surface dans le plan y = 0,
correspondant à une valeur déterminée de s. A cette hauteur, nous
avons pour la section horizontale un certain rayon de giration p, qui
a avec la dimension x un rapport déterminé, à cause de la similitude
admise. Soit donc p = [ix, p. désignant un nombre constant. Si l'on
remplace p par cette valeur dans l'équation (2), on obtient pour l'équa-
tion de la coupe cherchée
(3) p^^^:=p2_l ^
4
Kl). COLLIGNON. — PROBLÈMES SLU l.KS CORI'S FLOTTANTS 14
r
■ce qui représente une ellipse, dont les demi-axes sont - suivant GX,
et 2sp suivant GZ.
Appliquons ces considérations à l'ellipsoïde homogène dont la surface
a pour équation
7.2 1/2 -2
^2 ^ ,^2 n- ^2
La condition relative à l'homothétie des sections horizontales est satis-
faite d'elle-même. L'origine est d'ailleurs le centre de gravité du corps.
Nous supposerons m < », pour que le rayon de giration corresponde
dans chaque section à l'axe de l'ellipse parallèle à GY. Pour une ellipse
dont le demi petit axe est x, le rayon de giration par rapport à l'autre
X 1
axe est égal à. - ; donc a = ^ ; et l'équation de la coupe par le
plan XGZ est par suite
1 1 1
4 4 ' 4
ce qui représente un cercle de rayon m. Pour que ce cercle appartienne
à la surface donnée, il faut et il suffit que l'on ait m = l, ou que
l'ellipsoïde soit de révolution autour de l'axe GY. Il est aisé de le vérifier.
On a, en effet, en faisant les opérations,
T.m7i ' "■"'^'^'^
I - aV = ^- (m^ - l'^)\\ - -^
fonction indépendante de z lorsque l'on a m=l; elle se réduit alors
à zéro, ce qui doit être, puisque la coupe horizontale de la surface à son
point le plus bas se réduit à un point.
Étant donné un corps flottant, dont le poids total soit P, et dont G soit
le centre de gravité, si ce corps est dans un état d'équilibre indifférent,
pour une immersion déterminée, on pourra toujours rendre l'équilibre
stable, en enlevant du corps par un plan horizontal une tranche du volume
immergé, sous les conditions suivantes :
1° Le plan sécant doit être tel que les centres de gravité des deux
tranches du volume immergé qu'il sépare, soient tous deux situés sur la
verticale GZ;
2° Le poids total P doit être diminué du poids du liquide correspondant
au volume de la tranche supprimée;
3<» Enfin les poids des parties conservées pour le corps doivent être
réglés de telle sorte, que le point G reste le centre de gravité de leur
ensemble, comme avant la suppression.
12 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Dans ces conditions, le plan de flottaison reste le même, et I conserve
sa valeur. On peut, d'ailleurs, remplacer le moment a\ par la somme
a,Vi + o^V.,, en appelant Vi et V^ les deux volumes séparés par le plan
sécant, et a,, a., les distances de leurs centres de gravité au plan XGY.
On a alors
l — a\ — \ — OiVi — a^Y, ^^ 0,
par hypothèse, et par conséquent
I — a,\\
flaV,,
différence positive, qui assure la stabilité du corps lorsque le volume
déplacé est réduit à la tranche conservée Yj .
Prenons pour exemple l'ellipsoïde de révolution examiné tout à l'heure,
lequel est en équilibre indifférent quel que soit
son degré d'immersion. Supprimons à la partie
inférieure le segment compris au-dessous du plan
horizontal MM' (fm. 2); et, pour maintenir le
centre de gravité au point G, enlevons aussi au
corps le segment mN/n', symétrique de MCiM'
par rapport au plan horizontal (W. Le solide
ellipsoïdal compris entre les deux plans mm\
MM', sera en équilibre stable à quelque profon-
deur qu'il s'enfonce dans le liquide, et la valeur
de la constante H sera le moment d'inertie de la section inférieure MM'.
Il est aisé de le vérifier par le calcul direct de la fonction I — aV.
II. — Nous supposerons, en second lieu, que les sections horizontales
soient, non plus semblables, mais affines, c'est-à-dire, que l'on puisse
passer de l'une à l'autre en amplifiant dans un certain rapport les dimen-
sions parallèles à Taxe GX, et dans un autre rapport les dimensions pa-
rallèles à l'axe GY. Rapportons toutes les sections à celle qui est contenue
dans le plan XGY. Soit S^ l'aire et I^ le moment d'inertie de cette sec-
tion. Nous supposerons toujours que les variations des dimensions con-
servent pour toutes les sections horizontales le parallélisme du grand axe
de l'ellipse centrale d'inertie avec l'axe GX; que, de plus, la section S^ ait
son centre de gravité au point G, ce qui fixe pour toutes les autres le
centre de gravité sur l'axe GZ.
Soit a le coefficient d'amplification des dimensions parallèles à GX;
p le coefficient analogue applicable aux dimensions parallèles à GY.
Ces nombres a et p sont des fonctions de z qui restent à déterminer.
On aura
S^S^Xû'P,
1 = I, X «'?,
ÉD. COLLIGNON, — l'UOBLÈMES SUR LES CORPS FLOTTANTS 13
et réquation I — aV = H, devient, par la diti'érentiation,
(4) I,^(a^fi) + S„ >< :Lpdz = 0.
Comme nous n'avous qu'une équation pour lier ensemble les trois
variables a, } et c-, nous pouvons imposer à ces variables une relation
arbitraire. Dans tous les cas on doit avoir, pour z -{), x = \ et
[i — i, pour qu'on retrouve l'aire S^, et le moment d'inertie I^ dans la
section du plan XGY.
Posons
en désignant par y une fonction arbitraire. Il viendra, en substituant
dans l'équation (4),
ou bien, en divisant par P'j,(p)
équation où les variables ;3 et - sont séparées, et qui est par conséquent
toujours intégrable par quadrature, dès que l'on se donne la fonction 9.
Faisons, par exemple, a = p'\ L'équation différentielle devient
ou bien
dont l'équation intégrale est
-^^K.^ +^V - .2n ^«'
en déterminant la constante arbitraire de manière que l'on ait ^ — 1
pour ^ = 0. Et comme a = ^", a sera déterminé par l'équation
qui montre que les coupes du corps par des plans parallèles au plan ver-
tical XGZ sont toutes des ellipses. La solution est contenue dans la double
égalité
(5)
« = ?" = s/'-.3;rTïrf
14 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
l'' Si l'on fait n = l, cela revient à poser oc = [3, et l'on retombe sur
l'hypothèse où toutes les sections horizontales sont semblables.
2° On peut se proposer de trouver comment doit varier a lorsque B est
constant. 11 est facile de traiter la question directement; mais la solution
est contenue dans l'équation (5). Il suffit d'observer qu'alors on a cons-
tamment [3 =r 1, et que l'équation a = p", avec a variable, suppose
n infini. On aura donc
v/'-^i-
3" Si, au contraire, on veut que a soit constant et égal à 1, et [B va-
riable, il faut faire n = 0, et alors l'équation (5) laisse p indéterminé.
Mais l'équation différentielle d'où l'on tire l'équation (o) devient alors
ce qui donne, en intégrant,
Km + 1 s„.- = 0,
en prenant la constante nulle pour que z =^ donne [3 =: 1. On en
déduit alors
On voit ici que ,3 décroît très rapidement à mesure que z augmente.
Il faudra limiter le corps à une profondeur telle, que le grand axe de
l'ellipse centrale d'inertie des sections horizontales soit partout parallèle
à l'axe GX.
4° Supposons enfin n =^ — 1, ce qui revient à admettre que les
aires de toutes les sections horizontales soient équivalentes. Il viendra
^'
a r= - =z i / \
'^ V Pi
Prenons pour exemple particulier le corps qui a pour coupe, par le
plan horizontal XGZ, un rectangle ABCD ; soit AB = 2m, BC = 2/<.
On aura pour le rayon de giration de cette section, où l'on suppose
"' T •
m <, », p^ — — p. Les équations des coupes faites dans le corps par les
v/3
plans XGZ et YGZ sont alors
/] 3? ,
x = mK/ l = /m^ — 3vS
V m^
ÉD. COLLIG.XO.N. — PROBLEMES SUR LES COUPS FLOTTANTS
lo
m
équation d'une ellipse qui a pour demi-axes m suivant GX et — sui-
vant GZ ; et
y = nX.
mn
v''
3z2 \/ m"" — 3z'
m'
équation d'une courbe du quatrième ordre, qui a pour axes les droites
G"^' et GZ, et qui a pour asymptotes les droites s =
m
v/3
iv
f .
7
t
B
ik
"1
i '^i
/
K
i i H'
i i G
1 /
Z
G
■s
X
i i H
Pj
i "'"
'p
E'
1
/
/
M G
c.\\
:
F' i
C
Pi
iE X
*■
Z
F
P2
FiG. 3. — ABCD, rectangle donné; — EFE'F', coupe par le plan prin-
cipal XGZ; — LHK.L'H'K'. coupe par le plan principal YGZ ; —
PP', QQ'> asymptotes de la section ; — ka, B6, Ce, I)d, hyperboles
constituant la projection sur le plan horizontal des cylindres
construits sur les deux coupes.
Les deux cylindres définis par chacune de ces équations se coupent
suivant des courbes qui ont pour projections sur le plan XGY les deux
hyperboles équilalères représentées par la double équation
xy ^± mn,
et qui passent par les sommets du rectangle donné (ftg. 3).
En coupant ce solide par deux plans horizontaux P^, P.^ équidistants
du plan moyen, et compris entre les deux asymptotes PP', QQ', on assu-
rera au corps la stabilité, quel que soit son degré d'immersion dans le
liquide.
16 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MECAMQUE
III. — \ous chercherons, en dernier lieu, quelle est la surface de révo-
lution à axe vertical, qui assure au solide qu'elle
renferme une stabilité déterminée à toute hauteur
(fia- V-
Soit AB le rayon r^ du parallèle inférieur de la
surface, BiNC la méridienne, que nous définirons
par la relation entre le rayon r du parallèle et la
hauteur s mesurée sur la verticale AZ.
Le centre de gravité (1 du corps est supposé
connu d'avance; il est situé sur l'axe de révolution
à la hauteur AG = A au-dessus du parallèle infé-
rieur.
Soit MN le plan de flottaison. Cherchons la hau-
teur J; = AO du contre de carène au-dessus du même plan. Nous
aurons
dz
Jo
et a = h — ».
Le volume V du déplacement est d'ailleurs l'intégrale
Jo
et le moment d'inertie de la section MN est - Tir'*.
Donc
4
= 4 "-•'"
h —
ih i 'r-dz- -f - f'r-z.dz = H,
vfo Jo
H désignant une quantité constante. Telle est l'équation de la méridienne.
Différentions, pour faire disparaître les signes / , puis divisons par izr\
11 viendra
rdr — hds -j- zdz = 0,
ce qui donne
r^ — -Ihz -\- z"^ -^ constante.
F. niTTKii. — fka.m;.<»is viètk, inventeur de l'algèbre modeuxe 17
On doit avoir r --= r^ lorsque ^ =r 0. La constante est donc égale
à r'I, et l'équation de la méridienne est en définitive
r-2 _ 2hz 4- z' = r'
I ij
La courbe est un cercle, qui a pour centre le point r — 0, z h.
c'est-à-dire le point G.
Le solide cherché est donc un segment de sphère, mais il faut que le
centre de gravité de ce segment soit au centre même de la sphère com-
plète, ce qui exige, ou bien que la densité du corps soit variable suivant
une loi déterminée, ou bien qu'on enlève à la partie supérieure un seg-
ment Cba, symétrique de celui que le plan AB retranche à la sphère à
la partie inférieure.
Si l'on prenait la sphère entière, en supposant le corps flottant homo-
gène, la différence I — d\ serait partout nulle, et l'équilibre serait
indifférent.
M. Frédéric RITTER
Ingénieur en clief des Ponts et Chaussées, à Pau.
FRANÇOIS VIETE, INVENTEUR DE L'ALGEBRE MODERNE
(esquisse biographique)
— Séance du 16 septembre 189! —
En 1847 François Arago s'adressait à mon ami Benjamin Fillon,
l'éminent archéologue de Fontenay-le-Comte et lui demandait s'il possé-
dait quelques documents sur François Yiète ; il ajoutait : « Il est honteux
qu'aucun savant ne se soit attaché jusqu'à ce moment à écrire la vie de
Viète. » L'intention de l'illustre secrétaire perpétuel dé l'Académie des
Sciences était sans doute de consacrer au grand géomètre du Poitou
une de ses remarquables notices ; mais, à ce moment, les documents
faisaient défaut et quelque temps après, Arago, mêlé aux événements
politiques, ne songea plus à donner suite à son projet. Il n'est pas dou-
teux, s'il avait vécu dans le temps présent où l'on est si prodigué de
statues, que, honteux de ne voir dressée sur une des places de la capitale
2*
18 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
du monde civilisé l'image de l'inventeur de l'Algèbre moderne, de l'homme
de génie qui a eu, sans contredit, l'influence la plus décisive sur les
immenses progrès accomplis d(^puis trois siècles dans les sciences mathé-
matic[ues et dans leurs applications, il aurait fait payer par la France ce
tribut de reconnaissance envers un de ses plus illustres enfants. C'est
pour libérer de cette dette, la postérité oublieuse, que j'ai entrepris, il y a
longues années, d'écrire la vie, jusqu'à ce jour ignorée, du grand géo-
mètre, alors que les hasards de ma carrière administrative m'avaient appelé
pendant quelque temps dans sa ville natale et que je lisais cliaquo jour
son nom inscrit sur une plaque en tôle au coin d'un quai désert;
c'était le seul hommage rendu par ses compatriotes inconscients, à un
homme de génie dont la place est marquée entre Archimède, Descartes,
Newton et autres grands inventeurs dans les sciences mathématiques.
Mais pour connaître l'homme, il fallait connaître son œuvre, et c'est pour
arriver à ce résultat que j'ai occupé le peu de loisirs que me laissaient
mes fonctions publiques à traduire les œuvres complètes de François
Viète et à recueillir les documents épars qui m'ont permis de reconstituer
cette grande figure dont je vais tracer ici une légère esquisse,
François Viète, sieur de la Bigotière, est né, en 1540, à Fontenay-le-
Comte, alors capitale du Petit-Poitou. Son grand-père, originaire de La
Rochelle, était venu s'établir marchand à Poussais, près Fontenay. Son
père, Etienne Viète, était procureur au siège de cette ville et notaire du
Busseau ; par sa femme, il était cousin de Barnabe Brisson, premier pré-
sident du Parlement pendant la Ligue.
Après de fortes études chez les Cordeliers, François Viète en lo58, se
rendit à l'École de Droit de Poitiers, d'où il revint, à la fin de l'année
1539 bachelier et licencié es droit, occuper au barreau de sa ville natale
une place où il fut immédiatement remarqué ; malgré ses premiers succès,
la profession d'avocat, ne répondant pas aux aspirations d'un esprit de
cette trempe, il acceptait en 1S64, l'offre d'Antoinette d'Aubeterre. dame
de Soubise, d'entrer dans sa maison en qualité de secrétaire de son mari,
Jean de Parthenay-l' Archevêque, l'un des principaux chefs du parti
calviniste et l'adversaire le plus redouté de la famille de Guise ; mais
avant de s'établir au manoir du Parc de Soubise, près Mouchamps, il
accompagna Jean de Parthenay à Lyon pour y recueillir les éléments de
son premier écrit, le récit du siège de Lyon, soutenu en 1563 par
Soubise contre les armées du roi.
.Vu Parc de Soubise le jeune secrétaire s'attacha à Catherine de Parthe-
nay, demoiselle de Soubise alors âgée de onze ans et qui montrait pour
les mathématiques une aptitude rare ; il lui enseigna les sciences et les
lettres et ne contribua pas peu à en faire une des femmes les plus remar-
quables de son temps, qui conserva toujours pour son maître en l'en-
F. RITTER. FRANÇOIS VIÈTE, INVENTEUR DE l'aLGÈBRE MODERNE 19
coiirageant dans ses travaux mathénialiques. la plus profonde cl la plus
affectueuse admiration. Il avait composé pour son élève quelques petits
traités écrits en latin, qui ont péri en 1793 dans le stupide auto-da-fé des
archives do la maison de Rohan-Soubise; seul, un petit traité de Géogra
phie et de Cosmographie nous a été conservé par une traduction publiée
en 1643. Passionné pour l'étude de l'astronomie et reconnaissant que
VAlmageste de Ptolémée ne répondait plus aux besoins des astronomes,
il entreprit de composer sur le même plan un traité nouveau sous le
titre de : Harmonicum cœleste ; mais, avant toutes choses, s'imposait la
réforme de la Trigonométrie et la construction de tables plus étendues et
plus commodes que celles alors en usage. Il consacra à ce laborieux travail
ses rares loisirs et une partie de ses nuits et il composa le Canon niathe-
maticus, recueil de tables trigonométriques où, pour la première fois, on
trouve en regard sur le même feuillet, pour un rayon égal à 100.000, la
valeur des six lignes trigonométriques, de minute en minute ; et faisant
suite au Canon, le Liber inspectionum, véritable aide-mémoire, qui ren-
ferme, non seulement des tableaux donnant, pour la Trigonométrie sphé-
rique et ivctiligne, sous forme de proportions, la valeur de l'un des
éléments d'un triangle en fonction des deux autres, mais encore de
nombreux résultats numériques pour la pratique de l'Arithmétique et de
la Géométrie.
La mort de Jean de Parthenay arrivée en 1566, n'apporta d'abord
aucun changement dans la situation de François Viète; mais la dame
de Soubise, dans sa hâte de perpétuer le nom de sa maison, avait marié
en 1568, sa fille Catherine à peine âgée de quinze ans, à un gentilhomme
breton, Charles de Quellenec, baron du Pont qui ne put s'accommoder
du caractère autoritaire de sa belle-mère; d'où une rupture à la suite de
laquelle la dame de Soubise se retira avec sa maison à La Rochelle au
moment où Jeanne d'Albret, avec son fds Henri de Navarre, avait réuni
en congrès les principaux chefs calvinistes ; c'est de cette époque que
datent les relations de François Viète avec la famille d'Albret et avec le
jeune roi de Navarre dont plus tard, lorsqu'il fut élevé au trône de France,
il devint un des plus intimés et des plus fidèles conseillers.
François Viète en 1570, avait trente ans ; conscient de sa valeur per-
sonnelle, il se sentait né pour une situation autre que celle qu'il occupait
dans la maison de Soubise ; son objectif était d'obtenir une charge dans
la magistrature suprême et de faire imprimer son premier ouvrage. Une
circonstance favorable à ses aspirations ne tarda pas à se présenter ; la
dame de Soubise, trompée dans son impatience de devenir grand'mère,
avait engagé sa fille dans un scandaleux procès en nullité de mariage que
François Viète avec son sens droit, ne pouvait pas approuver ; dans ces
conditions, il résigna ses fonctions de secrétaire et reprenant sa robe
20 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
d'avocat, il alla s'établir à Paris; là seulement, grâce à ses relations,
il pouvait obtenir la charge qu'il ambitionnait et trouver un imprimeur
assez hardi et assez habile pour vaincre les difficultés de l'impression du
Canon matliémaliqw.
Son séjour à Paris fut de quatre années, mais il n'en resta pas moins
fidèle à s:i ville natale qu'il allait visiter fréquemment et où il faisait
partie de l'Assemblée urbaine. A Paris, il fut promptement en relations
avec les hommes qui dans le gouvernement, dans le barreau, dans les
sciences et les lettres, occupaient les situations les plus élevées ; il s'y
rencontrait souvent avec son élève chérie dont le triste procès allait
se terminer d'une manière tragique, par la mort du baron du Pont,
massacré dans la cour du Louvre pendant la Saint-Barthélcmy; avec
Jeanne d'Albret, Henri de Navarre et Françoise de Rohan, dame de la
Garnache, nièce de l'une et cousine de l'autre, dont il était devenu, pen-
dant son séjour au Parc de Soubise, l'ami et le conseiller dans les procès
(ju'elle poursuivait, déjà depuis plusieurs années, contre le duc de Ne-
mours, qui, après lui avoir promis mariage en 1366 et l'avoir rendue
mère, avait refusé d'exécuter ses promesses et avait épousé la séduisante
Anne de Ferrare, veuve du duc de Guise. Il s'occupait de cette grave
affaire et de l'impression de son livre par Jean iMettayer, imprimeur du
roi, lorsqu'en 1573 il fut nommé conseiller au Parlement ^e Bretagne,
où il ne fut installé qu'en lo74, quelques mois avant l'avènement du roi
Henri III. Cette nomination établit que François Yiète, contrairement à
l'assertion de quelques écrivains protestants, appartenait à la religion
catholique dont les membres du Parlement devaient faire profession pu-
bhque au moment de leur installation ; il était d'ailleurs, comme bien
d'autres à cette époque si tourmentée, un sceptique en matière de religion,
et cette inditierence explique- comment, ayant vécu dans un foyer calvi-
niste aussi ardent que le Parc de Soubise, il n'avait pas abjuré la reli-
gion dans laquelle il avait été élevé.
Henri 111 que les historiens nous montrent, malgré son indolence et ses
vices, si habile ù juger les hommes, avait été à même, par sa tante Jeanne
d'Albret et sa cousine Françoise de Rohan, de connaître François Viète,
d'apprécier sa rare capacité et sa haute intelligence pour mener à bonne
fin les affaires les plus difficiles. Monté sur le trône, il le chargea immé-
diatement de missions délicates et confidentielles; aussi ne paraissait-il
que rarement au Parlement de Bretagne où sa présence était obligatoire
pendant la session semestrielle, d'où remontrances et suspension de traite-
ment, toujours annulées par la production de lettres patentes du roi auto-
risant François Viète à ne pas faire son service. Ces missions étaient le
plus souvent politiques, mais quelques-unes intéressaient plus particu-
lièrement le roi qui avait pour Françoise de Rohan une grande affection.
F. RITTER. — FRANÇOIS VIÈTR, INVENTEUR DE l'aLGÈBRE MODERNE 21
Aussi François Viète fut-il pour la dame de la Garnache un puissant auxi-
liaire pour triompher en 1575, de la résistance de la dame de Soubise
au mariage de Catlierine de Parthenay avec René de Rohan, frère de
Françoise. Les poursuites acharnées, de juridiction en juridiction, jus-
qu'en cour de Rome, de Françoise de Rohtin contre son indigne séduc-
teur troublaient la quiétude d'Henri RI ; François Yiète, pour mettre un
terme à une affaire aussi difficile et aussi délicate, trouva la plus habile
et la plus incroyable transaction, toute à l'avantage de son amie et le
roi, par lettres patentes, l'imposa aux deux parties.
En récompense des services rendus et pour mettre un terme à sa situa-
tion fausse au Parlement de Bretagne, Henri Hl attacha François Viète
à sa personne en le nommant en 1580, Maître des requêtes de l'hôtel
du roi.
Depuis qu'il était entré dans la haute magistrature, chargé de missions
qui le tenaient le plus souvent éloigné de Paris, il ne lui avait plus été
possible de surveiller l'impression de son livre et de stimuler l'ardeur des
ouvriers rebutés par un travail aussi ardu qu'insolite ; enfin, huit ans
après avoir été mis sous presse, le Canon mathématique sortit, en 1579,
des ateliers de Jean Mettayer.
Malgré ses occupations pour le service du roi qui lui prenaient tout son
temps, François Viète trouvait cependant quelques instants â donner aux
mathémaliques ; il leur consacrait une partie de ses nuits. « Telle était,
dit de Thou, la profondeur de ses méditations qu'on le vit souvent rester
trois jours entiers, assis à sa table de travail complètement absorbé par
ses recherches, sans autre sommeil que celui qu'il prenait la tète ap-
puyée sur le coude et sans autre nourriture pour soutenir la nature,
que celle qu'il prenait sans changer de position. »
En substituant dans la Trigonométrie, aux règles énoncées en langage
ordinaire et en toutes lettres, des tableaux présentant à première vue sous
forme de proportions, l'élément inconnu d'un triangle et les trois élé-
ments donnés, représentés d'une manière générale par les lettres toujours
les mêmes, placées aux angles du triangle, François Viète l'avait dotée
de véritables formules générales ; et, par une de ces inspirations dont les
grands génies sont seuls capables, ou peut-être même par de longues
méditations sur les ouvrages de Diophante et de Cardan, après avoir
reconnu combien était défectueuse leur Algèbre dans laquelle l'inconnue
seule de l'équation était représentée par un symbole alphabétique, mais
oij toutes les opérations effectuées au moment même où elles se pré-
sentaient ne laissaient aucune trace dans la composition de la valeur de
l'inconnue, il créa l'Algèbre nouvelle, en représentant tous les éléments
d'une question, connus ou inconnus, par des lettres de l'alphabet, les
opérations à effectuer sur elles par des signes et enfin le résultat par une
22 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MECANIQUE
formule, dans laquelle il suffisait, si la même question était posée avec
des données différentes, de les substituer pour obtenir immédiatement
le nouveau résultat demandé ; par cette conception féconde, il aff'ran-
chissait en même temps l'Algèbre de la nécessité de faire reposer ses
principes sur des considérations géométriques.
Une circonstance heureuse pour la science procura à François Viète les
loisirs nécessaires pour donner un corps à l'Algèbre nouvelle. En 1583 les
Guise étaient tout-puissants auprès de Catherine de Médicis et peu à peu
ils obtenaient de la faiblesse du roi l'éloignement de ses plus fidèles ser-
viteurs ; François Viète, qui avait toujours été pour eux un adversaire re-
douté, était du nombre ; en 158o, il fut relevé de ses fonctions de Maître
des requêtes. Retiré tantôt à Fontenay, tantôt à Beauvoir-sur-Mer. auprès
de Françoise de Rohan, il composa pendant ses quatre années de retraite
son Art analytique ou Algèbre nouvelle. Quelques-unes des parties de cette
œuvre magistrale étaient terminées, mais d'autres n'étaient qu'ébauchées,
lorsqu'il fut en 1589, rappelé à Tours par Henri III chassé de Paris par la
Ligue. Dès son arrivée le roi mit immédiatement à contribution sa rare
sagacité; les ennemis de l'extérieur entretenaient avec ceux de l'inté-
rieur une correspondance en chiffres qui avait mis en défaut les déchif-
freurs officiels ; malgré la complication des chiffres, François Viète en
trouva les clefs et, pendant plusieurs années les projets cachés dans ces
dépêches étant dévoilés et déjoués, le roi fut dénoncé à Rome comme
ayant eu recours à la magie et à la nécromancie.
La ville de Tours devenue momentanément la capitale du royaume,
renfermait dans son sein non seulement les hommes politiques, mais en-
core les savants et les lettrés obligés de fuir le séjour de Paris. François
Viète dont la réputation n'était plus à faire, s'y trouva immédiatement
très entouré; comme son service auprès du roi ne lui permettait pas de ré-
pondre à tous ceux qui demandaient à être initiés à son Algèbre nouvelle,
il avait chargé de ce soin quelques élèves formés à son école ; sollicité
de toutes parts de publier quelques-uns de ses ouvrages, il fit imprimer,
de 1591 à 1593, ceux de ses traités qui étaient terminés; mais, sauf un
seul, celui de la Résolution numérique des équations publié en 1600, les
autres, dont quelques-uns incomplets, ne virent le jour qu'après sa mort;
plusieurs de ses ouvrages, notamment V Harmonicum cœleste, ont été
perdus.
Cependant, la renommée du grand géomètre avait eu le don d'exciter
la bile de Joseph Scaliger qui, s'étant arrogé le titre de Prince des
érudits, prétendait au pouvoir absolu dans le domaine des sciences et des
lettres; il sentait son prestige sérieusement menacé. Réfugié dans un
château non loin de Tours, il résolut de frapper un grand coup en an-
nonçant urbi et orbi qu'il avait trouvé la quadrature exacte du cercle et la
1', RITTER. — FRANÇOIS VIÈTE, INVENTEUR DE l'aLGÈBRE M0DE:RNE 23
construction rigoureuse de ces fameux problèmes, réputés jusqu'alors in-
solubles ; il proposait en même temps à François Viète un dédit de mille
écus dor au profit de celui qui démontrerait l'erreur de l'autre. Provoqué
à une discussion publique à Tours, Scaliger se déroba ; le grand géomètre,
dans une suite de conférences ouvertes en lo90, démontra l'absurdité des
propositions du Prince des érudits et exposa un grand nombre de ques-
tions difficiles, alors à l'ordre du jour. Ces conférences furent imprimées
en 1,^93.
Scaliger, devenu impossible en France, avait été occuper une chaire
à l'Université de Leyde d'où il lança contre son adversaire, en lo94, le
trait du Parthe sous la forme d'un livre dans lequel il cherchait à dé-
montrer ses absurdes et ridicules élucubrations ; François Viète lui ré-
pondit immédiatement en 159o, par quelques pages, oii, sans le nommer,
il lui administrait ce que l'on appelle vulgairement une volée de bois vert.
Au mois de mars 1594, Henri de Navarre devenu roi de France, en-
trait à Paris et appelait François Viète à faire partie de son Conseil privé ;
un jour qu'il avait emmené l'ambassadeur de Hollande en villégiature
à Fontainebleau, celui-ci prétendit que la France n'avait pas un seul
géomètre, puisqu'il n'en figurait aucun dans le défi adressé par Adrien
Romain aux mathématiciens du monde entier. « Si, si, répondit Henri IV,
j'en ai un, et un très excellent ; que l'on aille quérir M. Viète. » Celui-ci
avait suivi le roi à Fontainebleau ; il arrive, l'ambassadeur lui présente
le défi qu'il avait fait chercher, le grand géomètre se retire dans l'embra-
sure d'une fenêtre et, quelques instants après, il en donne la solution au
diplomate émerveillé. Le défi était présenté sous la forme d'une équation
du 45" degré; mais, en réalité, c'était une énigme qu'il fallait deviner.
François Viète avait immédiatement résolu la question, non en devin,
mais en géomètre, au moyen de la formule générale de la division des
angles dont il avait depuis longtemps pénétré le mystère. En envoyant,
le lendemain, au géomètre belge non une seule solution de son problème,
mais vingt-deux autres, il lui proposa à son tour le problème d'Apollo-
nius, dont la solution était perdue : Mener un cercle tangent, à trois cercles
donnés. Adrien Romain ne put le résoudre qu'au moyen de l'intersection
de deux hyperboles; François Viète lui envoya alors la solution par la
règle et le compas de tous les problèmes des contacts des droites et des
cercles et ce sont ses constructions qui ont été depuis lors textuellement
reproduites par tous les auteurs jusqu'à ces derniers temps, où Gergonne
leur a appliqué la méthode plus élégante, mais plus difficile, du centre
radical et des axes de similitude.
Au reçu de cet opuscule remarquable, Adrien Romain qui occupait
la chaire de mathématiques à Wurtzbourg, transporté d'admiration, laisse
toutes ses occupations, monte à cheval, accourt à Paris et de là à Fon-
24 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
lenay, où il rencontre enfin François Viète ; il se jette dans ses bras et
reste un long mois avec lui ; puis il retourne en Allemagne défrayé par
le grand géomètre de toutes ses dépenses jusqu'à la frontière.
C'était en 159.S ; François Viète dont la santé était profondément al-
térée par l'excès du travail, avait été envoyé par le roi se reposer et res-
pirer l'air natal, chargé d'une mission délicate et qui n'exigeait pas un
grand travail. Les Suisses au service de la France demandaient de l'ar-
gent ; après les avoir, suivant sa coutume, payé de belles paroles, le
Béarnais dut enfin s'exécuter et à cet effet il eut recours à un de ces
expédients que l'on rencontre à toutes les époques de notre histoire : une
ordonnance du roi prescrivit la transformation de tous les offices de no-
taires, tabellions et gardes-notes en offices de notaires royaux. Cette
mesure qui frisait la spoliation, puisque les intéressés étaient obligés de
racheter leurs offices, souleva de leur part une vive opposition. Pour la
calmer, Henri IV envoya ses plus fidèles et ses plus habiles conseillers
pour négocier avec les notaires. Enfin, après deux ans de luttes, intervint
une transaction; les notaires se soumirent et les Suisses furent payés.
Rentré à Paris vers la fin de l'année 1599, François Viète avait repris
son service auprès du roi, mais ses derniers jours furent troublés par
une aigre et violente polémique où, il faut l'avouer avec regret, il avait
tort et dans la forme et dans le fond.
Grégoire XIII avait soumis à l'examen de tous les princes, de toutes les
Académies, de tous les savants du monde chrétien, en sollicitant leur avis,
un projet de réforme du calendrier Julien, imaginé par un médecin de
Vérone, Louis Lilio et rédigé, après la mort imprévue de son auteur,
par Clavius, de la Compagnie de Jésus. N'ayant reçu aucune observation,
le Souverain I^ontife l'avait promulgué en 1582. La réforme n'avait
d'ailleurs d'autre but que de faire osciller la fête de Pâques entre l'équi-
noxe du printemps et le 25 avril, alors que, d'après les règles anciennes,
elle rétrogradait chaque année de plus en plus en s'éloignant du 2:2 mars.
Lui reprocher de ne pas faire correspondre rigoureusement la date de la
fête de Pâques à celle de la pleine lune équinoxiale, était un reproche
sans portée; le nouveau calendrier donnait une solution satisfaisante:
c'était ce que l'on s'était proposé dans une question qui, en définitive,
était de comput ecclésiastique et non d'astronomie pure.
En travaillant dans sa retraite à son Harmonicum cœleste, François Viète
avait repris cette question du calendrier et il avait cru trouver une
réforme plus exacte que celle adoptée, depuis plusieurs années déjà, par
la plupart des nations catholiques; mais, comme depuis l'affaire des
dépêches secrètes, il était fort mal vu à Rome, il attendit l'avènement au
trône pontifical de Clément VIII, qu'il avait connu cardinal Aldobrandini,
alors qu'il négociait avec le roi Henri IV, pour lui adresser son nouveau
C.-A. LAISANT. — REMARQUES SUR LES COURBES UNICURSALES Z£)
projet de réforme, convaincu que, par la seule autorité de son nom, il
allait être immédiatement adopté sans examen. Il n'en fut pas ainsi; le
Souverain Pontife renvoya le mémoire et le calendrier de François Yiète
à une commission dont Clavius était le rapporteur. Impatienté de n'avoir
pas de réponse pour ainsi dire courrier par courrier, Yiète s'en prit au
laborieux jésuite de Bamberg, ô\Âi une correspondance très aigre du
côté de Viète, très calme de la part de Clavius. La mort du grand géo-
mètre le 26 février 4603, mit fin à cette polémique, d'où François Viète
ne serait pas sorti avec les honneurs de la guerre.
Épuisé par le travail et par la maladie, François Viète, en décembre 1602,
avait demandé de résigner les fonctions qu'il occupait auprès du roi et
Henri IV, faisant droit à sa requête, avait ordonné, en raison de ses ser-
vices éminents, de lui compter « une honneste gratification. » Elle dut lui
arriver m extremis, ce qui explique comment on trouva sous son chevet
une somme de vingt mille écus.
A ses derniers moments, il avait toujours présents les intérêts de son
pays et, quelques jours avant sa mort qu'il sentait |)rochaine, il rédigea
d'une main ferme une instruction sur le déchiffrement des écritures
secrètes; c'est le dernier écrit de ce grand génie, de ce grand citoyen.
François Viète avait été marié ; on n'en sait pas davantage. Il laissa une
fille orpheline, Suzanne Viète, qui mourut en 1618, comme le constatent
les registres de l'église Notre-Dame de Paris.
Le nom de Viète n'est pas éteint; il s'est perpétué par la descendance
de son frère, Nicolas Viète, sieur de la Mothe de Monzeuil, avocat et con-
seiller en l'élection de Fonlenay. Il est porté aujourd'hui par M. Gaston
Viète de la Rivagerie, officier de cavalerie, et par son frère Roger-Hya-
cUithe, arrière-petits-neveux de l'illustre géomètre Monge.
M. C.-A. LAISAIT
Docteur es sciences, à Paris.
QUELQUES REiVIARQUES SUR LES COURBES UNICURSALES
— Séance du 16 septembre 1892 —
1. — Équipollence générale. — On sait qu'on désigne sous le nom d'uni-
cursale une courbe dont les coordonnées rectilignes peuvent s'exprimer
rationnellement en fonctions d'un paramètre variable réel t. Lorsqu'il
26 MATHÉMATIQUES, ASTKOXOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
s'agit des courbes planes, les seules dont nous voulions nous occuper dans
ces remarques, il s'ensuit qu'une courbe unicursale est représentée par le
système des deux équations
II) X = — 1 ij ^ — — - '
en supposant que l'on donne à t toutes les valeurs réelles de — go à -j- ^ •
Le calcul des équipoUences se prête d'une façon naturelle à l'étude de
ces courbes. Si nous appelons, en effet, Z le point variable de la courbe,
l'angle des axes coordonnés, et si nous prenons l'axe des x pour origine
des inclinîiisons, il s'ensuit que OZ = z = a; -j- ys", ou
Dans cette relation, /"(/) représente une fonction entière, mais imaginaire
en général, du paramètre variable réel t; (f{t) représente une fonction
réelle entière du même paramètre. Mais si nous considérons l'équipoUence
générale
(3) z -. /W
sans aucune restriction sur la nature des fonctions entières /'et 9, la courbe
représentée par cette équipoUence n'en est pas moins unicursale. Il suffit,
pour le reconnaître, de multiplier les deux termes par la fonction conjuguée
de 9, ce qui donnera au dénominateur une fonction réelle, et ce qui fera,
par conséquent, rentrer la forme (3) dans la forme particulière (2).
Suivant les cas, nous pourrons donc supposer que le dénominateur -^(t)
est une fonction réelle ou imaginaire.
11 y a lieu tout d'abord de faire une observation importante. Si dans les
équations (1) nous venons à remplacer t par une fonction rationnelle quel-
conque d'un nouveau paramètre t', le résultat de l'élimination de t' entre
les deux équations sera le même que celui de l'élimination de /. Il semble
donc que la courbe restera la même. Cela n'est pas vrai cependant d'une
manière complète; en voici la preuve ^ar un exemple bien simple. Soient
X =: al -\- b, ij ^= ciyt -\- b^
les équations d'une droite. Posons t = l"^. Nous avons :
X = al"^ + ^> y = ^1^'" ~\- ^1
et il saute aux yeux que les points qu'on peut obtenir sont ceux d'une
semi-droite, et non plus de la droite tout entière. En outre, chacun des
C.-A. LAISAM. — liËMARQUES SUR LES COURBES UMCURSALES 27
points de cette semi-droite est obtenu deux fois, par les deux valeurs difîé-
rentes -\- t', — /'.
Bien que la première droite comprenne la semi-droite en question, il est
certain qu'on ne saurait confondre sans inconvénient deux faits géomé-
triques présentant une ditîérence aussi notable.
En réalité, lequipollence générale (3) d'une courbe unicursale représente
non seulement une courbe, mais, si nous considérons t comme un temps,
le mouvement d'un point mobile sur cette courbe. Ce mouvement peut s'ac-
complir, soit sur la trajectoire entière, soit sur une portion seulement de la
trajectoire. Il faut donc étudier une unicursale d'après son équipollence (S)
ou le système d'équations (1) correspondant, et se garder d'effectuer un
changement de variable sur le paramètre arbitraire t.
Il est toutefois un cas particulier où le changement de paramètre ne sau-
rait introduire dans la courbe aucune modification : c'est celui où à chaque
valeur de / correspond une seule valeur de t', et réciproquement. Alors, en
effet, toute valeur réelle donnée une fois à t sera atteinte une fois par /', et
par conséquent tout point Z obtenu par la variation de t sera obtenu éga-
lement par la variation de t'. Les paramètres t et t' sont liés dans ce cas
par une équation de la forme ait' -\- bt -\- et' -\- d -.= 0.
2. — Degré d'une courbe unicursale. — Toute courbe unicursale est algé-
brique, et il est facile d'en déterminer le degré. Pour cela, supposons réelle
la fonction o(t) dans l'équipollence (3) et représentons par m = am -|- b
l'équipollence d'une droite quelconque. Un point commun à l'unicursale
et à la droite sera donné par la relation
:=-^ XU -\- B.
Mais si nous décomposons tous les coefficients du polynôme f{t) suivant
les deux directions a et b, nous pouvons donner à ce polynôme la forme
Ag{t) -{- Bh{t) ; de telle sorte que nous avons
Ag{t) -f Bh{t) = AU'^[t) -f B0{t),
équipollence qui équivaut au système d'équations
g{t) = U'fit), h(t) = -iit).
Les degrés de g(t) et h{t) sont égaux, en général, à celui de f{t). Donc les
deux équations seront d'un degré égal au plus grand de ceux def{t) et <f(t),
c'est-à-dire à celui de f(t) -\- '^(t), ou m. La seconde donnera m valeurs
M de t, soit réelles, soit imaginaires; et de la première on tirera un pareil
B nombre de valeurs de u. La droite coupe donc la courbe en m points ; et
28 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCAiNIQUE
par conséquent le degré de la courbe unicursale (3) est celui du polynôme
Dans rexcmple du numéro précédenl, nous avions v. --^ At -\- u, équipol
lence qui représente une droite; et l'équipolience z = a/- -[- « tlt)it être
considérée comme représentant une courbe du second degré, d'après ce
que nous venons de dire. C'est qu'en effet l'intersection de cette ligne avec
une droite quelconque donne toujours deux points, confondus en un seul;
si bien qu'on doit considérer la ligne i-^Af^ -\-v, comme un cas particulier
de la courbe z = a/* -f ci -|- c, où c deviendrait nul; or, il est facile de
voir (jue cette dernière représente une parabole.
Si l'équipolience d'une courbe unicursale est donnée sous la forme
fit)
/. - — :, sans que 9 soit une fonction réelle, on déterminera le degré,
?(0
en décomposant 9 en deux facteurs : l'un correspondant à tous les fac-
teurs binômes provenant des racines réelles ou des racines imaginaires
conjuguées, l'autre aux racines imaginaires non conjuguées; on a alors
cp(/) = o,(/).9j(^). Pour rendre réel le dénominateur, il suffira de multiplier
les deux termes de . ' — par cj o^f/), puisque <pi(/) est réel; Donc, appe-
?l(0?2</)
lant m le degré de /*, [i.^ celui de 91, \j.^ celui de 9^, nous aurons dans la
nouvelle fraction m -j- \>..^ pour le degré du numérateur et jji, -j- t[i.^ pour
celui du dénominateur. C'est le plus grand de ces deux nombres qui don-
nera le degré de la courbe. Il est évident, p-i -\- [j.^ étant le degré a de 9(^j,
qu'on peut dire encore que, pour avoir le degré de la courbe, il suffit
d'ajouter à celui de /'(/) -\- (^(t) le nombre des racines imaginaires non
conjuguées de l'équation 9(/) =: 0.
3. — Première discussion d'une courbe unicursale. — L'équipolience
d'une courbe unicursale étant mise sous la forme générale (3), appelons
a, b, c . . . les racines réelles, et a, b, c . . . les racines imaginaires de
l'équation f{t) = 0; puis a', //, c'. . . les racines réelles, et a', b' g' . . . les
racines imaginaires de l'équation (^(t) = 0.
L'équipolience devient alors
__ , (t — a)(t — b)...{t — \){t — b) . . .
{t — a')[t — b').,.{t — A'){t — b')
Le coefficient k, étant constant, na pour effet que d'imprimer à la courbe
une rotation et un changement d'échelle, c'est-à-dire de la transformer en
une courbe semblable par rapport à l'origine prise pour centre de similitude.
On peut donc le supprimer sans rien particulariser, et l'on a l'équipolience
, ^ '^ — an^ -b)...[t- x)(t — B) ... ^ fit)
(t — a'){t — b'}...{l — A'){i — n')...^^{t)'
C.-A. LAISA.NT. REMARQUES SUR LES COURBES UMCURSALES 29
Pour toutes les valeurs a, b, . . . données à t, z s'annule; par suite, la
courbe passe par l'origine autant de fois; elle y passe en outre pour
/ -^ ±: 00 , si le degré du numérateur est inférieur à celui du dénominateur.
L'origine est donc un point multiple dont l'ordre de multiplicité est égal
au nombre des racines a, b, c, . . . ou à ce nombre augmenté d'une unité,
suivant que le degré de f{t) n'est pas ou est inférieur à celui de 9(/).
De même, les racines réelles a', b', c' . . . correspondent à autant de
valeurs infinies pour z. Si le degré de f{t) est supérieur à celui de oil), la
valeur / ^ riz oo donne en outre pour Z un point à l'infini. On a donc le
nombre des branches infinies de la courbe, par la considération du nombre
des racines a', b' . . . Il faut seulement remarquer que les deux valeurs
± oc donnent en général deux branches infinies, dans le sens géométrique
du mot, si le degré de f{t) est plus grand que celui de o(t).
Les branches infinies étant déterminées, ainsi que le rôle de l'origine au
point de vue de la multiplicité, on peut construire géométriquement la
courbe, point par point, d'une façon simple. Si, en effet, on désigne par
Oa, 06, . . . Oa', 06' ... les racines réelles a, 6, . . . a', b' ,. . . et par OA, . . .
OA'. . . les racines imaginaires a, . . . a', . . ., en appelant T un point va-
riable sur l'origine des inclinaisons, depuis — x jusqu'à -|- oc , on aura
flT.6T...AT.BT...
a'T.6'T...A'T.BT
expression dont la construction est très facile et donne un point Z pour
chaque position du point ï.
4, — Tangente; poàaire. — La tangente à la courbez =r — s'obtiendra
. dz nt)o{t) - fity^'d) . .',,.,
en formant 1 expression — - ; i • '-i ' *î^* représente la vitesse,
rfz
si l'on regarde t comme un temps. La courbe Zj = — , appelée hodographe
du mouvement, peut être assez commode dans certains cas pour cette
détermination de la tangente. L'hodographe est évidemment aussi une
unicursale.
La podaire relative à l'origine s'obtient, comme l'on sait, en décompo-
f^z , ^ , . , , • X . dz
sant le rapport z : — sous la forme m -+- u.i et en écrivant v = la — .
'-^ dt dt
La podaire d'une unicursale est donc aussi une unicursale.
dz
o. — Asijmpioles. — En examinant l'expression — et regardant vers
quelle direction elle tend lorsque t tend vers une valeur qui rend z de gran-
deur infinie, on a la direction asymptotique de la branche infinie corres-
30 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
pondanle. Pour dûterminer l'asymptote elle-même, le mieux est peut-être,
en général, de prendre le point correspondant de la podaire. Si ce point
est à distance finie, on a immédiatement l'asymptote; s'il s'éloigne à
l'infini, la branche considérée est parabolique.
(3. — Centre de courbure ; développée. — On sait qu'en posant
d^7. dz i d'/j
— '-:--= /-(-/./, le rayon de courbure ZR est ZR =7 — . L'équipollence
dl' dl ^ ^ Idl ^ ^
de la développée est donc
, i d'A
R =
et il s'ensuit que la développée d'une unicursale est aussi une unicursale.
7. — Courbes unicursales parement pat^aboliquefi. — Les unicursales
les plus simples à étudier sont évidemment celles oii le dénominateur cp(/)
disparaît, c'est-à-dire dont l'équipollence est de la forme
z = c,r + c,r-' + ...+c„_,i + c,,.
Elles ne présentent que deux branches infinies, correspondant aux
valeurs ±: oc de f. Si m est pair, ces deux branches ont même direction.
Si m est impair, elles ont des directions opposées. Ces deux branches sont
paraboliques ; car si nous décomposons tous les coefficients, sauf les
deux premiers, suivant les directions c^, Ci, nous pouvons écrire
z = c„(r + .,r-' + ...) + c,(r-' + ?,r-^ +,..).
La direction asymptotique des branches paraboliques est celle de c^ ; et
le coefficient de Ci tendatit vers l'infini, il en résulte que les seules
asymptotes possibles s'éloignent à l'infini.
On remarquera, d'ailleurs, que cette démonstration s'étend au cas où
plusieurs des coefficients Cj, c^, ... viendraient à s'annuler. Il suffirait de
décomposer suivant c^ et c , en appelant c le premier coefficient qui ne
s'annule pas.
En transportant l'origine en un point de la courbe, on peut toujours
supposer nul le terme c,,^. Les unicursales que nous considérons, et qu'on
peut appeler purement paraboliques, peuvent alors être engendrées par
la méthode cinématique que voici : Concevom, sur m droites rayonnantes,
0X1, 0X2, ... OX^, des points mobiles Xi, Xj, ... X^^^, animés de mouve-
ments tels que l'espace parcouru soit projwrtionnel au temps, au carré du
temps , ... à la m" puissance du temps. Le centre de gravité de ces m points
décrira une unicursale purement parabolique.
Il est clair que la direction asymptotique sera celle de la droite OX,,^.
C.-A. LAISA.NT. — liE.MARQLKS SLK I.KS COURBES UNICURSALES 31
8. — Génération géométrique ou cinématique des unicursales quel-
conques. — z =z --— étant l'équipoUence d'une unicursale quelconque,
considérons les deux unicursales purement paraboliques z^ = f{t), i^ = o{t).
OZ
On aOZ=:OK. ~. Donc Zj, Z, étant deux points correspondants de
deux unicursales purement paraboliques, et K un point fixe, on aura un
point quelconque Z de i'unicursale (Z) en formant le triangle OKZ direc-
tement semblable à OZ^Zi,
Les points correspondants à linfîni de {Z^) (ZJ donneront un point à
distance finie si le degré de (Z^) est le même que celui de (ZJ, l'origine
si le degré de (Z,) est inférieur à celui de (Z^) et un point à l'infini si le
degré de (Z,) est supérieur à celui de (Z^).
A chaque passage à l'origiiie de la courbe (Z^) correspond un point à
l'origine de I'unicursale (Z). A chaque passage à l'origine de la courbe (Z^)
correspond un point à l'infini de I'unicursale (Zj.
Lorsque le dénominateur ^{t) n'admet pas de facteurs multiples, l'uni-
•cursale z = — — peut être engendrée d'une façon assez simple par un
procédé cinématique. Si, en effet, on suppose le degré de f{t) supérieur
à celui de z>(t), et si on effectue la division de f{t) par o{t), puis la décom-
position de la fraction restante en fractions simples, on aura, si l'on
conserve les notations du n" 3 :
Le premier terme correspond à une unicursale purement parabolique ;
1'
les termes > , . . . représentent, pris isolément, des mouvements rec-
tilignes où l'espace est inversement proportionnel au temps écoulé à
p
partir d'une origine déterminée ; enfin, les termes — ' — -, .... représentent
t — A
des mouvements circulaires, transformés par inversion de mouvements
rectilignes uniformes. Si l'on prend le centre de gravité de tous les mo-
biles animés des mouvements en question, ce centre décrira I'unicursale
demandée.
Il est clair que les directions asymptotiques seront données :
1" Par celle de I'unicursale purement parabolique ■l>{t) ;
2° Par 1', y, ...
9. — Transformation des unicwsales. — Une unicursale peut être
considérée, au point de vue géométrique, comme une transformée de la
32 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
droite origine des inclinaisons, décrite par l'extrémité du paramètre t,
quand celui-ci varie de — go à -f- 20 .
Au lieu de l'origine des inclinaisons, on peut prendre une autre droite
quelconque, et supposer que l'extrémité du paramètre t décrit cette droite.
On a alors
.-M
Mais l'extrémité de la variable t décrivant une droite donnée, on a
aussi / - M/' -f N, en appelant / un paramètre réel. Donc
^ "~ ç(Mr + N) ^ cp,(0 '
Les degrés des fonctions entières t\, cpi seront respectivement les mêmes
que ceux des fonctions f, tp. Il suit de là que lorsqu'on suppose que Tex-
trémilé du paramètre t décrit une droite quelconque, au lieu de supposer
ce paramètre réel, on a toujours une unicursale, en général de même
degré.
11 y a plus ; s'il existe, entre les deux paramètres /, t' la relation
i^lt' _|_ jj^ _|_ cf -|- b = 0, et si nous supposons que l'extrémité de la va-
riable t décrive une droite, on sait que l'extrémité de /' décrit une cir-
ct' + D ^ .
conférence. Or, comme t = — —r-^, — , on aura encore une traction
kt -\- B
rationnelle en t' après la substitution, et, à moins d'exception, le degré
ne sera pas altéré. Donc, une unicursale étant donnée, si l'on suppose que
le paramètre, au lieu d'être réel, varie de telle sorte que son extrémité dé-
crive une circonférence, on aura encore une unicursale, en général de même
degî'é.
Il est d'ailleurs à peu près évident que si l'extrémité du paramètre t dé-
crit une courbe unicursale quelconque, l'équipollence z = représentera
o{t)
encore une unicursale (*).
f {t')
En effet, si l'on pose t = , le paramètre t' étant réel, on aura
z = f\-^—-r)'- ?(— *— r K ce qui donnera toujours une fonction rationnelle
en r.
iO. — Courbes bicursales. — On peut définir une unicursale une
courbe pour laquelle la variable z est donnée par l'équipollence
uz -f- v = 0,
(*) Je (lois cette intéressante remarque à M. Râteau, ingénieur des mines, qui assis/ait au Congrès
de Pau.
C.-A. LAISANT. — REMARQUES SUR LES COURBES UMCURSALES 33
u et V étant des fonctions entières d'un certain paramètre t, que l'on
suppose réel.
Si l'on considère, par extension, les courbes dont l'équipollence est
de la forme
uz'^ -f vz -f- w = 0,
u, V, w étant des fonctions entières du paramètre réel t, elles fourniront
une classe intéressante de courbes algébriques, dont la construction sera
relativement facile, puisqu'on aura chaque couple de valeurs de z répon-
dant à une valeur de t par une équipollencc du second degré. On peut
donner à ces courbes, par analogie, le nom de bicursales.
De même qu'on démontre très facilement que toutes les coniques sont
des unicursales, on établira, d'une façon analogue, que toutes les cubiques
sont des bicursales. Rappelons qu'il suffît, pour cela, de prendre l'origine
sur la courbe, et de poser - =t, ij eix étant les coordonnées cartésiennes
d'un point de la courbe.
On verrait comme ci-dessus qu'en supposant que l'extrémité du para-
mètre / décrive une droite ou une circonférence, au lieu de supposer ce
paramètre réel, on a encore une bicursale.
Un cas particulier intéressant est celui où la fonction v"' — 4u\v est le
carré parfait d'une fonction entière r. L'équipollence de la courbe peut,
en effet, s'écrire alors
(2uz -f. V — r) (2ux + V -)- r; = 0,
et Ton voit que la bicursale se décompose en ce cas en deux unicursales
que l'on peut étudier séparément.
H. — Le trifoliwn. — On pourrait appliquer à de nombreux exemples
les considérations qui précèdent, notamment en ce qui concerne les
cubiques et les quartiques. Pour nous borner, nous nous contenterons ici
d'ajouter quelques brèves remarques sur une courbe très intéressante, le
trifolium, qui a été étudiée par plusieurs auteurs, et surtout par MM. Bro-
card et de Longchamps, dans d'intéressants mémoires.
Le trifolium est une quartique unicursale à point triple, limitée de
toutes parts. Cette seule définition permet d'en trouver l'équipollence
générale z =: — -. H faut, en effet, que les fonctions /' et 9 ne surpassent
pas le 4« degré. L'équation f{t) — doit avoir trois racines réelles ; appe_
lons-les a, b, c, et soit a la racine imaginaire, en supposant que /" atteigne
le 4« degré. L'équation -^(t) = ne peut avoir aucune racine réelle, puis -
qu'il n'y a pas de branche infinie. Soient a', b', c', d' ses quatre racines.
3*
34 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
1 i « «,> sMrnassp ms le 4*^ degré, elles doivent être
Pour que la courbe ne sjrpasse pais le t e . , ^ ,
, . j «'^ct à riirp niip r' — ci a', d' "- Cl B . Eii resumc,
conjuguées deux a deux, c est-a-dire que c — tj a , u j
f{t) = L{t- a)it -b)(t- c){t - A),
<p(0 = M a - A')(< - CJA')(/ - B')(^ - CJB'),
(/_fl)(i-- 6)(; — c)(^ — Aj
et '■ = '' {t—x'){t — cjx')it — l^'){t — C]y^')
Par exemple, l'équation polaire
p = h cos (a + w) cos 2w,
donnée par M. de Longchamps pour le trifolium oblique, correspond, en
posant t = tg 03, à l'équipoUence
_ {t sin a — cos a) (t^ — i){ti + 1)
{t — COtg a)(^ — i)(^ -]-i)(t — i)
= ih sin a TjTZrrÏY
Elle rentre dans notre équipollence générale des trifoliums, en posant
a = COtg a, 6 = 1, c i^r — 1, A rz. i, a' = b' : i, K = Hl siu a.
Cette équipollence du trifolium oblique se simplifie, en supprimant le
facteur commun t — i, et en écrivant cotg a = k; elle devient alors
• ., . (t — k)it—]){t ^i)
^^"^^'^'"^ (t^ + m + h —
Les deux termes de la fraction rationnelle sont alors du 3'' degré
en / ; mais la courbe n'en est pas moins du 4« degré, parce que la racine
— i du dénominateur n"est pas accompagnée de sa conjuguée.
Dans l'équipoUence du trifolium général, aussi bien que dans celle du
trifolium oblique, nous pouvons, sans altérer la forme de la courbe, ne
pas tenir compte du coefficient constant, qui n'influe que sur la simili-
tude, et nous avons alors
^ (t — a)(t—b){t — c){t — A)
^ ^ ^ {t- A',)(t — Cj A') {t — n'){t - Cj B'j '
(1) z- jjrzfjy.
La direction de z = OZ est dans cette dernière courbe celle de t — i.
Par conséquent, les directions des trois tangentes à l'origine sont celles
C.-A. LAISANT. — REMARQUES SUR LES COURRES UNICURSALES 35
de 1 — i, — 1 — i\\ l -\- i, k — i. Dans le trifolium général, ce sont celles
de a — X, h — a, c — a.
Le trifolium régulier, qui a pour équation polaire p = cos 3aj, donne
l'équipollence
{t" + ir
1 1
Les valeurs de t qui annulent z sont x; , — ^ » -=, et il en résulte que
\/3 V^
les trois tangentes à l'origine ont pour directions l'origine des inclinai-
sons, et les droites 1 -|- ^V^» 1 — W^i c'est-à-dire trois droites également
inclinées les unes sur les autres.
Lorsque deux des racines a, h, c deviennent égales, l'une des trois
boucles du trifolium général disparaît, et on a alors un folium double.
L'équipollence (1) du trifolium général peut se simplifier, tout en con-
servant l'origine au point triple, par une transformation très simple,
consistant à écrire
(a — è)cO -\- a(b — c)
~ [a — 6)0 -f (6 — c) *
Il est évident qu'aux trois valeurs a, b, c données à t correspondent
respectivement pour les valeurs 0, 1, x) , et il en résulte qu'à un fac-
teur constant près, que nous pouvons toujours supprimer comme plus
haut, l'équipollence (1 1 devient
6(0 — i)(0 — a)
(6 — a') (0 — cj a') ((i — R'j (6 — cj b')
Naturellement, les lettres a, a', r' ne représentent plus les mêmes élé-
ments que dans l'équipollence (1).
Les tangentes à l'origine sont alors dirigées suivant lorigine des incli-
naisons et les droites a et 1 — a.
Nous ne voulons pas pousser plus loin l'étude des propriétés de ces
courbes que nous avons simplement indiquées, en terminant, à titre
d'exemples.
36 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
M. Emile LEMOOE
Ancien Élève de l'École Polytechnique, à Paris.
LA GÉOMÉTROGRAPHIE OU L'ART DES CONSTRUCTIONS GÉOMÉTRIQUES
— Séance du 16 septembre 1892 —
INTRODUCTION
Le iiK^moire que nous présentons à la \^^ Section peut sembler, à pi-emière
vue, contenir une partie des résultats que nous avons déjà donnés en 1888 au
Congrès d'Oran; mais, dans les parties de sujet commun, il n'est ni la repro-
duction ni même le complément de ce mémoire; il le corrige, et cependant le
mémoire d'Oran est exact au point de vue que nous envisagions; en effet, nous
venions d'avoir l'idée générale de la mesure de la simplicité dans les sciences
mathématiques, raisonnements et constructions; nous y avions développé l'ap-
plication à l'évaluation de la simplicité des constructions faites avec la règle et le
compas, en partant des constructions séculairement classiques adoptées comme
constructions fondamentales et nous avions appliqué notre méthode à l'évalua-
tion de leur simplicité, afin que l'on puisse adopter les symboles de ces construc-
tions pour évaluer la simplicité des solutions d'un problème quelconque. Ce
but, nous l'avons rempli en ce qui concerne les solutions classiques examinées.
Nous étions loin de soupçonner que ces constructions fondamentales étaient
pour ainsi dire toutes à réformer et à réduire, même les plus simples, comme
celle de : mener par un point donné une parallèle à une droite donnée, de sorte
qu'il faut les reprendre pour donner une base réelle aux applications de notre
théorie; c'est cette étude que nous donnons aujourd'liui en y ajoutant la notion,
|)lus importante encore que celle de la simplicité, de rexactitude des r(jns-
tructions. Dans le mémoire d'Oran, quelques-unes des construction d'applica-
tion, comme, par exemple : mener la bissectrice d'un angle dont on ne peut
prolonger les côtés jusqu'au sommet, ne sont pas les plus simples, et ce sont les
plus simples que j"aui-ais dû rechercher, mais je n'étais pas encore habitué au
maniement de la méthode qui est beaucoup plus délicate à appliquer sans
erreur que /"ex^mne simplicité de son exposition ne peut le faire pressentir:
je prenais instinctivement pour types les constructions les plus simples à
exprimer comme étant les plus simples à tracer, sans avoir encore remarqué
qu"il n'y avait aucun rapport entre cette simplicité d'expression et la simplicité
réelle de l'exécution; en dehors de ces remarques, tout ce qu'il y a de général
dans le mémoire d'Oran reste exact et nous y renvoyons pour celles des géné-
ralités qui y sont exprimées et que nous n'aurions pas répétées ici.
É. LEMOI.NP:. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 37
EXPOSITION DE LA THÉORIE DE LA SLMPLICITÉ
ET DE L'EXACTITUDE
Une construction exécutée avec la règle et le compas ne comporte que
les opérations élémentaires suivantes :
Mettre le bord de la règle en coïncidence avec un point .op. : (Ri).
Tracer la ligne droite op. : (R2).
Mettre une pointe du compas en un point déterminé . . . op. : (CJ.
Mettre une pointe du compas en un point indéterminé d'une ligne. . .
op. : (CJ.
Tracer la circonférence op. : (C3).
(Op. : est l'abrégé du mot opération, i
Nous ne tenons pas compte de la longueur tracée des lignes.
Si l'on trace, par exemple, un petit arc ou le cercle entier, c'est tou-
jours C3 ; toujours R2 pour une portion quelconque de droite tracée.
Toute construction est donc finalement représent-^^e par :
Op. : /iRi + /.,R, + //iiCi + m.,C, + /«3C3.
Nous appelons coefficient de simplicité, ou plus brièvement Simplicité
de la construction, le nombre l^ -\- 1.^ -\- m^ -\- m^-\- m.^, et coefficient
d'exactitude, ou plus brièvement Exactitude de la construction, le nombre
U + "^1 + ^2-> parce que l'on voit facilement que, en réalité, l'exactitude
dépend des opérations préparatoires l^, m^, m.^ et non des opérations de
tracé; 1^ est le nombre de droites tracées, m.^ le nombre des cercles (*).
Pour abréger l'écriture, au lieu d'écrire : la circonférence qui a pour
centre, et la longueur AB ou la longueur R pour rayon, nous écrirons :
0(ABj ou 0(Rj.
Nous ferons ici une remarque importante qui s'applique toutes les fois
que la notion générale de nombre intervient dans un problème de Géo-
métrographie, c'est que la question sort alors du domaine de la Géomé-
trographie pure et qu'il s'y mêle de l'arithmologie, comme on le verra
dans la suite de ce travail. Ainsi : Diviser une droite dans le rapport
de deux longueurs données est un problème de Géometrographie pure,
et : Diviser une droite dans le rapport de deux nombres m et n donnés
n'est point du tout dans le même cas ; il n'y a môme pas de méthode
générale purement graphique pour faire le plus simplement possible cette
(*> Nous n'avons pas été sans voir que la simplicité et lexuclilude d'une opération varient dans
le même sens que l'inverse des nombres que nous nommons : coefficient de simplicité et coefficient
d'exactitude; mais comme il n'y a aucune confusion possible et que ce ne sont que, des noms, nous
avons préféré des dénominations rappelant le but à atteindre à celles de coefficient de complication
et de coefficient d'inextictiliide plus logiques certainement.
38 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
division ; il faut étudier chaque cas particulier en ayant égard à la ques-
tion qui a fourni ces nombres. En pratique, on la ramène au cas des
longueurs en prenant sur une règle divisée des longueurs proportion-
nelles aux nombres donnés, et l'on doit faire le plus souvent ainsi, mais
en sachant bien que l'on sort de la Géométrogrophie pure qui n'autorise
l'usage que de la règle et du compas. Pour ramener la question à la
Géométrographie pure, il faudrait porter sur une ligne m -(- n fois une
longueur quelconque, etc., et cela éloignerait trop de la construction que
l'on fait pratiquement. Encore si porter m -{- n fois une longueur sur
une droite de façon à marquer les divisions m, et m -j- n est facile,
quoique long et peu pratique, il n'est nullement commode, peut-être
pas possible, d'indiquer le moyen de marquer ces divisions le plus sim-
plement possible par une méthode générale. La question revient au pro-
blème : Étant donnée une longueur, trouver une droite m fois plus longue.
Porter la longueur m fois à la suite d'elle-même sur une droite est une
solution, mais non la plus simple. En étudiant le problème, on est conduit
à une question d'arithmologie tout à fait analogue à la suivante, qui
semble fort difTicile : Combien faut-il effectuer de multiplications, au moins,
pour calculer A"", le nombre A étant donné?
La question de la multiplication de la droite par un nombre aurait,
du reste, à la rigueur, exigé un nouveau symbole pour représenter l'opé-
ration, qui consiste à fixer sur une hgne donnée la pointe d'un compas,
lorsque l'autre pointe est fixée; mais, à cause de la nature mixte des
problèmes où l'on en ferait usage et surtout parce que l'on s'éloignerait
trop de ce que l'on fait pratiquement, nous ne nous sommes pas arrêté
à cette considération.
Il est un point qui mérite aussi quelques mots d'explications, lesquelles
répondront à une objection que je m'étais faite à l'origine et qui doit
venir à l'esprit de ceux qui examinent notre méthode. Est-il légitime de
supposer identiques les opérations Cj, Cj, C3, Ri, R^, pour composer le
coefficient de simplicité et le coefficient d'exactitude? Non, évidemment,
s'il s'agissait dans la Géométrograjjhie d'une mesure absolue. Mais ce
n'est nullement le cas, et j'assimile ces opérations parce qu'elles sont
élémentaires, c'est-à-dire indécomposables en d'autres plus simples, et
que, spéculativement, elles ne sont ni plus simples ni moins simples les
tines que les autres. On peut ne pas faire cette assimilation du reste, en se
contentant du symbole complet. Le mot de mesure ne peut pas être exact
avec le sens habituel de ce mot qui s'applique à la comparaison d'une gran-
deur avec une unité de même nature; une construction n'est pas une gran-
deur et elle s'exécute au moyen d'opérations élémentaires irréductibles entre
elles. Si j'emploie l'expression mesure, c'est que je trouve qu'elle s'appliquç
mieux au but poursuivi que le mot général de comparaison.
)
É. LKMOIXE. LA GÉOMÉTROGRAPHIE 39
La rigueur absolue conduirait, dans beaucoup de cas, à rejeter toute
comparaison de simplicité relative de deux constructions. En effet, com-
ment apprécier rigoureusement si la construction 0C3 est plus ou moins
simple que 0OR2, puisque les unités C3 et R.^ sont par essence de nature
différente ; mais, en réfléchissant et aussi en pratiquant un peu la Géomé-
trographie, on reconnaîtra que les assimilations sont admissibles dans
l'ordre d'exactitude des tracés eux-mêmes; en effet, nous traçons des
lignes et la ligne n'a pas de dimensions, nous plaçons des points et le
point ne peut être marqué. En somme, notre méthode donne un critérium
spéculatif qui a des applications pratiques, et avant elle il n'en existait
pas. Ce que nous faisons n'est pas une mesure, c'est une comparaison
avec cinq unités distinctes : Rj, Rj, C^, Cj, C3, et l'on ne peut dire d'une
façon absolue que la construction A est plus simple que la construc-
tion R, que lorsque les coefficients de toutes les unités sont respecti-
vement plus petits dans A que dans R, cas très fréquent
APPLICATIONS
I. — Tracer une droite quelconque op. : (Rj).
IL — Tracer une droite par un point donné op. : (Rj -j- Rj).
IIL — Tracer une droite par deux points donnés. . . op. : ('2Ri -|- R^).
IV. — Tracer un cercle quelconque op. : (C3).
V. — Tracer un cercle quelconque dont le centime est donné, op. : (Ci-j-Cg).
VI. — Prendre avec le compas une longueur donnée AR . . op. : (2Ci),
car c'est mettre l'une des pointes en A, l'autre en R (*).
VIL — Porter sur une ligne donnée, à partir d'un point indéterminé de
cette ligne ou à partir d'un point déterminé, la longueur comprise entre
les branches du compas :
Op. : (C2 -f C3) ou op. : (C^ + C3).
(*) Il est clair que, pour mettre la première pointe en A, l'opération n'est pas la même que œlle faite
■en maintenant cette première pointe en A, et conduisant la seconde sur B, nous les désignons cepen-
dant toutes deux par G, ; nous ne croyons pas qu'il y ait un inconvénient à cela, parce que nous
ne faisons qu'une théorie idéale des opérations. Ainsi nous supposons, puisque nous ne nous occupons
pas de la question, que toutes les lignes de la figure se coupent dans les limites de l'épure, qu'il
est indifférent que ces lignes se coupent sous un angle très aigu, etc., de sorte qu'il nous paraît
fort suffisant de désigner par le symbole Ci l'opération générale qui consiste à mettre sur un point
une des pointes du compas; nous reviendrons sur ce sujet dans le cours de ce travail. Du reste, le
lecteur qui, après réllexion, ne partagerait pas notre avis, n'aurait qu'à désigner par C/ l'opération
qui consiste à mettre en un point donné la pointe mobile du compas, l'autre étant maintenue fixe.
De même, puisque nous appelons Rj l'opération qui consiste à mettre le bord de la règle en con-
tact avec un point, il est évident, à la façon dont elle s'exécute, que l'opération qui consiste à
mettre le bord de la règle en coïncidence avec deux points donnés, n'est pas exactement deux fois
l'opération R,, et Ion pourrait aussi désigner parR, -|- R/ l'opération qui consiste à faire passer le
bord; de la règle par deux points; mais si l'on pratique un peu la Géométrographie, je crois que
l'on arrivera, comme moi, à reconnaître que cette distinction serait une complication inutile.
Nous aurions pu peut-être aussi assimiler les opérations Ci et Cj et ne garder pour elles deux
qu'un même symbole Ci, mais nous ne l'avons pas fait parce que si théoriquement R, et R/ se con-
fondent effectivement. Ci et Cj sont théoriquement différents; Cj se présente du reste beaucoup plus
rarement que les autres symboles et en général avec un très petit coefficient.
40 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
VllI. — Porter une longueur donnée (à prendre avec le compas) sur une
ligne donnée à partir d'un point indéterminé de cette ligne ou à partir
d'un point déterminé de cette ligne :
Op. : (2Ci + C, 4- C3) ou op. : {SC, + C3).
Remarques. — Lorsqu'on a à porter n fois une même longueur M
sur une droite à la suite l'une de l'autre de A en B, de B en C, etc., la
construction doit être interprétée de deux façons et l'on choisira celle
qui convient au cas où l'on se trouve.
1° Les points de division intermédiaires ne doivent pas être marqués.
On prendra M entre les branches du compas (qui, dans la pratique,
sera alors à pointes sèches), op. : (âCJ ; on portera cette longueur de A
en B; on comptera : op. : (C^ -|- CJ ou op. : (2Ci) suivant que A sera
indéterminé sur la droite ou déterminé, et non: op. : (Cj-l-Cg) ou
op. : (Cl -|- C3), parce que, laissant une pointe en B, on passera en C
où l'on comptera : op. : (CJ ; puis laissant une pointe en C, on passera
en D en comptant : op. : (Cj, etc.; on aura enfin :
Op. : (« + 2)Ci + C, ou op. : (n + 3)Ci.
Nous résumons donc en op. : (Cj) les deux opérations (Cg -|~ ^i),
parce qu'elles se font ici d'un seul coup, mais ce n'est pas tout à fait l'opé-
ration (CJ telle que nous l'avons définie, l'assimilation nous paraît justi-
fiable eu égard à la question et elle évite la création d'un symbole spécial
à ce cas particulier;
2° On marque tous les points de division intermédiaires en reportant
chaque fois la pointe sèche au nouveau point marqué, etc. ; il n'y a rien
à dire de spécial et le symbole est :
Op. : [(n + 1)C, + C, + nCj ou op. : [[n + 2]C, + nC,].
IX. — Tracer un cercle quelconque passant par deux points X et B.
Je décris les deux circonférences A(AC), B(AC) de même rayon quel-
AB
conque, mais AC étant plus grand que -^; je trace C(AC)
op. : f3Ci + 3C3).
X. — Placer un point C à égale distance indéterminée de deux points
donnés A et B :
Op. : (2Ci + 2C3).
É. LEMOIXE. — LA GÉOMÉTROGRÀPHIE 41
XI. — Pa7' un point donné B sur une droite BC, tracer une seconde droite
qui fasse avec la première un angle égal à un angle donné DAE (*).
Je trace le cercle A(AE) de rayon quelconque qui coupe AD en D, AC
en E op. : (Cl 4- C3) ;
puis le cercle B(AE) qui coupe BC en F op. : (C^ -|- C3).
Je prends avec le compas la longueur DE, puis je trace le cercle F(DE).
op. : (3Ci + C3),
qui coupe B(AE) en H.
Je trace BH op. : f2Ri + R;).
Symbole de l'opération totale : op. : (2Ri -|- Rg -|- 5Ci -|- SCg); sim-
plicité 11; exactitude 7; 1 droite, 3 cercles (*'•';.
XII. — Connaissant les angles y-ef^ (dont j'appelle aussi a. et ^ les sommets)
d'un triangle, construira le tt^oisième y.
Je trace une droite quelconque AB op. : (R2).
Je trace d'un rayon quelconque R les trois circonférences a(Rj, p(R),
0(R), étant un point quelconque de AB . . op. : (2Ci -|- C^ + 3C3);
soit B le point où 0(Rj coupe AB.
Je prends la longueur de la corde CD que a intercepte sur a(R) et je la
porte en E à partir de B sur OfR) op. : (SC^ -(- C3).
Je prends la longueur de la corde FG que p intercepte sur ri(R) et je
la porte en H à partir de E (dans le sens BEj sur 0(R). op. : (BCj -|- C3).
Je trace OH op. : (SRi + R^),
l'angle HOA, A étant sur AB de l'autre côté de que B, est l'angle
cherché.
Op. : (2Ri + 2R., + 8C, + 6C3); simplicité 18; exactitude 10; 2 droites,
cercles (***j.
(*) Nous supposons toujours, dans nos conslruclions types, que la feuille sur laquelle on les exécute
ne contient que les données.
Ces données sont à part et Ion n'exécute pas la construction sur l'une d'elles, sauf quand cela
résulte de la question. Ainsi, si je veux construire une quatrième proportionnelle à trois lignes
données, je suppose que les trois longueurs sont à pnrl sur la feuille et qu'on ne fait pas la cons-
truction sur l'une d'elles. Si, au contraire, on cherche le centre de gravité d'un triangle donné, il est
clair que l'on opère sur le triangle, et il en est ainsi le plus souvent quand on applique notre
théorie à un problème déterminé ; les constructions types employées se simplifient alors en raison
des opérations qui se trouvent faites, que l'on n'a pas à compter par conséquent.
(**) Quand nous n'expliquons pas les constructions, ce sont les constructions classiques données de
tout temps dans les géométries; nous les avons prises alors dans le Traité de Géométrie de MM. Rouché
et DE COMBEROussE, Gi= édition.
(***! Je ferai remarquer ici que dans mon mémoire du Congrès d'Oran, 1S88, p. S-2, j'avais mala-
droitement dirigé cette construction à laquelle j'attribuais le symbole
op. : (4R, + 3R2 + IOC1 + 6C3) ;
en effet, j'avais tracé inutilement la droite que j'appelle ici OE et j'avais tracé en deux fois les
circonférences qui me donnaient l'angle BOE := a puis l'angle EOH = p, c'est-à-dire que j'avais fait
inutilement: op. : (2R1 -|- R2 + ^Cj). Une remarque analogue s'applique à plusieurs constructions
de ce même mémoire d'Oran et il n'est point étonnant qu'il en soit ainsi, car si la théorie de la
simplicité était faite, je ne savais pas encore l'appliquer. C'est pour cela, ainsi que je le dis
dans l'introduction, que je donne de nouveau les symboles des opérations fondamentales en les
l
42 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
XIII. — Construire un triangle connaissant un côté a et les deux angles
xoy, x'o'y' adjacents au côté a.
Je trace une droite BC et sur cette droite, à partir d'un point quel-
conque B, je prends BC = a op. : (B2 -f- 20^ + Cj + C3).
Je trace o(BC) o'(BC) C(BC) op. : (3Ci + SCg).
Sur o(BC) je prends la corde xij interceptée par l'angle xoy et je la
transporte à partir de C en C sur B(BC) qui a été tracée pour avoir C ;
je prends de même sur o'(BC) la corde x'xj' et je la transporte à partir
de BenB' sur C(BC) op. : (6C1 + -2C3).
Je joins CB', BC op. : (4R, + 2R,),
qui se coupent en A.
ABC est le triangle cherché.
En tout : op. : (4Ri -\- .SR^ + HC^ + C, + 6C3) ; simplicité 2o ; exac-
titude 16 ; 3 droites, 6 cercles.
Il est clair que si l'on fait la construction soit sur le côté donné, soit
en prenant l'un des angles donnés comme angle du triangle cherché, le
symbole de la construction sera plus simple.
Dans le premier cas, on n'aura pas besoin de prendre la longueur a,
ni de tracer une droite, ni de reporter a sur cette droite, et les cercles
tracés de 0, 0', C comme centres, le seront avec un rayon quelconque R,
mais il faudra tracer en plus B(R); le symbole sera donc :
Op. : (4R,-f2R, -^lOCi + eCa),
et, dans le second cas :
Op. : (2R, -h R. + 8C1 -f 4C3).
XIV. — Constt^uire un triangle ABC, connaissant le côté AB = c,
le côté AC = h et l'angle BAC = xoy.
Je trace une droite quelconque op. : (R^).
A partir d'un point A quelconque sur cette droite, je prends
AC = 6 op. : (2Ci + C, + C3).
simplifiant s'il y a lieu, et aussi parce que, étant loin de me douter alors que, à peu près toutes
les constructions fondamentales données depuis Eudide dans les Géométries élémentaires étaient
trop compliquées; quelquefois un peu, quelquefois de moitié; cette répétition apparente me permet
de donner des constructions plus simples qui doivent devenir logiquement les constructions clas-
siques. Il est étonnant que des questions didactiques aussi simples, placées au commencement de la
Géométrie, étaient insuffisamment étudiées après tant de générations; aussi lorsque le hasard me
conduisit à faire cette remarque, je fus très surpris, mais je me l'expliquai, parce que les géomètres,
n'ayant pas de critérium à ce sujet, ne se sont occupés que de la simplicité de l'expression, de la
liaison évidente d'un théorème avec une construction qu'ils indiquaient sans qu'ils aient systémati-
quement porté leur attention sur la partie pratique de l'exécution, et sur les conditions raisonnées
de sa simplicité.
Par exemple, dans un énoncé : joindre les pôles de deux droites, est aussi rapide à dire et forme
une phrase aussi simple que -.joindre un point donné au sommet d'un angle, et, le compas à la
main, c'est fort différent, puisqu'il faut d'abord construire les pôles, etc.
É. LEMOINE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 43
Je trace o(AC) op. : (Ci + C3).
Je prends xy et je trace C{xy) qui coupe A(AC) en B'. . op. : (3Ci -f C,) ;
je trace AB' op. ; (2Bi-f-R»)-
Je prends la longueur c que je porte en AB sur AB'. . op. : (3Ci + C3) ;
je trace CB op. : (âBj + B,).
Symbole : op. : (4B, + 3R, + 9C, + C. + iCs); simplicité 21; exac-
titude 14; 3 droites, 4 cercles,
XV. — Construire un triangle connaissant deux côtés a, et h et V angle B
opposé à l'un d'eux.
On trouve pour les deux solutions, quand la solution est possible :
Op. : (6R, + 4R, + 9Gi + C, + 4C3) ; simplicité 24 ; exactitude 16 ;
4 droites, 4 cercles.
XVI. — Construire un triangle connaissant les trois côtés.
On trouve : op. : (4Ri + 3R, -f- 8C1 + C, + 3C3); simplicité 19; exac-
titude 12; 3 droites et 3 cercles.
XVII. — Par un point A pris hoi's d'une droite BC, mener une parallèle
à cette droite.
La méthode classique donne :
Op. : (2Ri + Bj + oCi -j- 3C^); simplicité H; exactitude 7; 1 droite,
3 cercles (*).
Mais en voici deux qui donnent des résultats plus simples et qui m'ont
été indiquées par M. Tarry (Gaston) :
1° Par A je fais passer un cercle coupant BC en B et en C
op. : (Cl +C3).
Je prends BA et je trace le cercle CfBA) qui coupe le premier cercle
en D et je joins AD op. : rSRi -f R^ + 3Ci + 3C3).
Symbole : op. : (2Ri + R,, + 4Ci +2C3) ; simplicité 9 ; exactitude 6 ;
1 droite, 2 cercles.
2° Je construis un losange ABCD :
Op. : (2Ri 4- 2R2 + 3Ci -f 3C3) ; simplicité 9 ; exactitude S ; 1 droite,
3 cercles.
(•) Je profite de l'occasion pour faire une remarque ne se rapportant d'ailleurs pas directement
à notre sujet. On sait que la construction s'opère ainsi : on décrit un cercle C(CB), un cercle B(CB),
un cercle B(AC) qui coupe C(CB) en deux points D et D'; CD est parallèle à AB. .l'ai cherché le
lieu de D' quand le rayon varie. On trouve immédiatement qu'il a pour équation : ? = . C étant
le pôle, CD l'axe polaire, l la distance de C à AB,
sm —
2
44 MATHÉMATIUUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Remarque. — Ces simplifications sont importantes à cause de la fré-
quence de cette construction dans les épures.
3" Cas oii la droite BC, non tracée, est donnée par deux points B et C.
Je prends BC, je trace A(BC) op. : (3Ci + C,).
Je prends AB, je trace CfAB) op. : (3Ci + C,).
Ces deux cercles se coupent en D, je trace AD . . . op. : (2Ri -f Rj.
Symbole : op. : {tK, -\- R., + 6Ci + 2Cjj ; simplicité il ; exactitude 8;
1 droite, 2 cercles.
XVIII. — Tracer une perpendiculaire en son milieu à une droite limitée
par deux points ou placer le milieu d'une longueur donnée .
Symbole : op. : (2R, + R, + ^Ci + 2C,) ; simplicité 7 ; exactitude 4;
1 droite, 2 cercles.
XVIIF'^ — Placer le point symétrique A' d'un point A par rapport à une
droite donnée BC.
De deux points quelconques B, C, de BC, je décris les cercles B(BA)
C(CA) qui se coupent en A' :
Op. : {iC^ -\- 2C., + 2C3):, simplicité 6; exactitude 4; 2 cercles.
On peut aussi décrire A(R) qui coupe BC en B et en C ; décrire B(AB),
C(AB) qui se coupent en A' :
Op. : (3Ci + 3C3) ; simplicité 6 ; exactitude 3; 3 cercles.
Si la droite BC non tracée était donnée par deux points B et C, le sym-
bole serait :
Op. : (4C, + 2C3).
XIX. — D'écrire un cercle sur une droite donnée AB comme diamètre.
On prend le milieu de AB. . . . op. : (i2Ri + R, + 20^ + 2C3).
On prend la longueur OA, puis on décrit 0(0A). . op. : (2Ci + C3).
Symbole : op. : (2Ri -j- Rjj + 4Ci -j- SCj) ; simplicité 10 ; exactitude 6;
1 droite, 3 cercles.
XX. — Tracer par un point C une perpendiculaire à une droite AB.
1° Le point C est hors de la droite.
Méthode classique.
a) Symbole : op. : (2Rj + R., + SC^ -j- 3C3) ; simplicité 9; exacti-
tude o; 1 droite, 3 cercles.
É. LEMOINE. — LA GKOMÉTROGRAPHIE 45
Autre méthode.
b) B étant un point quelconque de AB je décris B(BCj qui coupe AB
en A op. : (C, + Cl +C3).
Je prends AC et je décris A(AC) qui coupe B(BC) en C, je trace CC .
op. : (2R, + R, + 2C, + C,).
Symbole total : op. : m, + R^ + 3C, + C, +2C3;; simplicité 9;
exactitude 6 ; 1 droite, 2 cercles.
2° Le point C est sur AB.
Méthode classique.
a) Même symbole et mêmes opérations élémentaires que si C est hors
de la droite; la méthode suivante est un peu plus simple.
b) Je place une pointe en un point arbitraire quelconque hors de
AB; je place l'autre pointe en C et je décris la circonférence 0(0C) qui
coupe aussi AB en A ; je trace AO qui coupe 0(0C; qw C .
op. : r-2Rj + R, 4- C, + C3).
Je trace ce op. : (2R, -[- R,;.
Symbole : op. : (4R, + 2R2 -{- Ci + C3); simplicité 8; exactitude o;
2 droites, 1 cercle.
Remarque. — Cette méthode h que l'on donne classiquement pour le
cas où la droite AB ne peut être prolongée au delà de A est plus simple
que la méthode a générale classique donnée lorsque C est quelconque
sur AB ; b doit donc être toujours employée et il n'y a pas à séparer le
cas où C tombe en A, A étant l'extrémité de AB lorsque cette position
est imposée par les dimensions de l'épure.
Si l'on veut élever une perpendiculaire quelconque à AB, on a alors :
Symbole : op. : (4Ri -f- 2R2 + Cj; simplicité 7; exactitude 4;
2 droites, 1 cercle.
On peut aussi, par A et R, points quelconques de AB, tracer deux
cercles quelconques; ils se coupent suivant une perpendiculaire à AB.
Op. : (2Ri -f- R, + 2C, + 2C3) ; simplicité 7 ; exactitude 4 ; 1 droite,
2 cercles.
Si l'on veut élever une pei^pendiculaire quelconque à une droite (non
tracée) donnée par deux points A et B, on décrit A (Rj, B (R'i ; R et R' étant
quelconques, l'intersection de ces deux cercles résout la question.
Op. : (2Ri + R, + 2Ci +2C3J ; simplicité 7; exactitude 4; 1 droite,
2 cercles.
Abaisser d'un point C extérieur à une droite (non tracée) donnée par
deux points A et B, une perpendiculaire sur sa direction.
On mène A(ACj, B(BC) l'intersection de ces deux cercles est la per-
pendiculaire cherchée.
46 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Op. : (2Ri + R2 + iCi + 2C3) ; simplicité 9 ; exactitude 6 ; 1 droite,.
2 cercles.
Remarque I. — Si l'on veut mener la perpendiculaire en A à une droite
AR non tracée et donnée par deux points A et R, il faut faire ainsi :
Tracer R(R), A(R) d'un même rayon R quelconque se coupant en C,
puis C(R) passant en A et R, tracer RC qui coupe C(R) en C et tracer
AC.
Op. : (4R^ -|- 2R2 + 3Ci + 3C3) ; simplicité 12 ; exactitude?; 2 droites,.
3 cercles.
Il est assez curieux de remarquer que lorsque la droite est donnée par
deux points A et R, il est plus simple de lui mener une perpendiculaire
par un point quelconque que par l'un des points donnés.
Remarque IL — Lorsque, dans une construction, on aura à élever des
perpendiculaires en n points A, R, C, D... donnés de droites données
L, M, N, P. . . il y a avantag-e, si n > S, à opérer ainsi :
Je mène une première perpendiculaire en A à M par une opération dont
la simplicité est 8 (voir XX, 9." b).
Je décris de tous les points donnés comme centres des circonférences
de même rayon ; simplicité 2n.
Je prends sur la circonférence tracée en A la corde du quadrant ; sim-
plicité 2.
Je la reporte sur toutes les autres circonférences et, par leur moyen, je
trace les perpendiculaires; simplicité 5 (n — 1).
Donc elles seront tracées par une opération de simplicité 5 + 7w, au
lieu de Sn que donnerait la construction générale. 11 y aura donc avan-
tage à la prendre si :
5 + 7n < 8« ou o < n.
XXI. — Décrire une circonférence passant par trois points donnés.
Op. : (4Ri -f 2R2 + SCi + 4C3) ; simplicité 15 ; exactitude 9; 2 droites,
4 cercles.
XXII. — Diviser un angle donné en deux parties égales.
Op. : (2Ri + R2 + 3Ci + 3C3); simplicité 9 ; exactitude 5 ; 4 droites,
3 cercles.
Si l'angle donné RÂC est déterminé par son sommet A et par deux
points R et C appartenant chacun à l'un des côtés de l'angle à diviser, le
symbole de la construction se trouverait augmenté du tracé des deux
droites AR, AC ; mais on peut économiser quelque chose et n'en tracer
qu'une en opérant comme il suit :
É. LEMOLNE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 47
Je trace AB op. : (2Ri -|- R^).
Je décris A(AC) qui coupe AB en C dans le sens AB. . .op. : (2Ci -f- C3).
Puis je décris C(AC), C'(AC) qui se coupent en D, et je trace AD. . .
op. :(2R, + R, + 2Ci + 2C3J.
AD est la bissectrice de l'angle BAC.
En tout : op. : (4Ri + 2R, + 40^ + 3C3) ; simplicité 13; exactitude 8;
2 droites, 3 cercles.
XXIII. — Divise?- un arc donné en deux parties égales.
Op. : (2Ri + R, + 2Ci + 2C3) ; simplicité 7 ; exactitude 4 ; 1 droite,
2 cercles.
Quand nous donnons un cercle ou un arc de cercle, nous supposons
toujours, comme dans cette construction, que le centre en est placé, s'il ne
l'était pas on le placerait par la construction dont le symbole est ... .
op. : (4R, + 2R, + 3C, + 3C3 )
sur la réalisation de laquelle il n'y a pas besoin d'insister.
XXIV. — Tracer la bissectrice de Vangle formé par deux droites AB, CD,
qu'on ne peut pas prolonger jusqu'à leur point d'intersection X (*;.
D'un point A quelconque de AB, je trace (R étant quelconque) A(R)
qui coupe CD en C et AB en B ; je trace C(R) qui coupe CD en D
op. : fCi + C, + 2C3I.
B et D étant tous deux du même côté de AC.
Je trace B(R) qui coupe C(R) en J, D(R) qui coupe A(R) en I
op. : (2C1+2C3)
Je trace AJ, CI op. : r4Ri + 2Rj.
Ces deux droites se coupent en M, point de la bissectrice cherchée.
Je trace un cercle quelconque M(R'; qui coupe AB en H, CD en G. . .
op. : (Cl + C3).
G et H étant les points d'intersection tels que GX = HX.
Je prends un point quelconque M' à égale distance de G et de H ; je
trace MM' op. : (2Ri + R, + 2C, + 2C3).
Op. : 6R1 + 3R, + 6Ci + C, + 7C,) ; simplicité 23; exactitude 13;
3 droites, 7 cercles.
11 y a un grand nombre de solutions simples du même problème qui
peuvent être utiles; mais je ne donne que celle-ci, qui est la plus simple
que j'aie trouvée, afin de ne pas développer outre mesure notre mémoire.
Cette observation s'applique à beaucoup d'autres problèmes traités ici.
(*) J'ai donné dans le mémoire d'Oran déjà cité, une solution de ce problème beaucoup plus
compliquée graphiquement ; je n'avais pas encore l'esprit exercé a chercher les simplifications gra-
phiques pour elles-mêmes, ainsi que je l'ai déjà dit.
48 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
M est soit le centre du cercle inscrit au triangle AGX, soit celui du cercle
ex-inscrit au même triangle tangent au côté AG, suivant que D et B sont
d'un côté ou d'un autre de AG (qu'il ne faut pas tracer). J'aurais pu
continuer la construction en cherchant le centre y. de celui des deux
cercles tangents qui n'est pas M; mais la construction eût été un peu plus
compliquée, ainsi qu'il est facile de le voir.
XXV. — Tracer par un point A pris sur une circonférence de centre
une tangente à la circonférence.
La solution classique est un peu trop compliquée, elle donne :
Op. : (6Ri -f- 3R2 -f- G, + C3); simpHcité 11; exactitude 7; 3 droites,
1 cercle.
En voici une préférable :
Je trace A(AO) qui coupe OiOA) en B, je trace B(BA) qui coupe A(AO)
en G, je trace G(CA) qui coupe B(BAj en D, je trace AD.
Op. : (2R, -f- Rj + 4G, + 3G,,); simplicité 10; exactitude 6; 1 droite,
3 cercles.
XXVI. — Tracer d'un point extérieur A les deux tangentes à un cercle
donné de centre (*i.
1° Je trace un diamètre quelconque GOD op. : (Ri -(-f'-i*-
Je prends OA et je décris G(OA), D(OA) se coupant en E, op. : (iGj -j- 2G3).
Je prends EO et je décris A(EO) qui coupe la circonférence donnée en G
et en H. op. : (3G, +G3).
Je trace AG, AH op. : (4Ri + m^).
Op. : (5Ri4-3R2 + 7Gi + 3G,5i; simplicité 18; exactitude 12; 3 droites,
3 cercles.
2° Je trace la sécante quelconque ABG (B entre A et G); je trace
G(GA) op. : (R, -f- R, + ±C, + C3).
Sur BC je prends BD = GA, D étant de l'autre côté de B que G; je
trace D(GA) qui coupe G(GAj en K op. : (2Gi + 2C,).
Il est facile de voir que AK est la moyenne [proportionnelle entre AB
et AG . Je décris A(AK) qui coupe la circonférence donnée en I et I'; je
trace AI, AI' op. : (4R, + 2B, + 2Gi + G,,)
qui sont les tangentes cherchées.
Op. : (5R, 4-3R, + 6C, +4G3) ; simplicité 18; exactitude 11;
3 droites, 4 cercles.
(*) La solution claBsique qui consiste à décrire une circonfi'Tenee sur OA comme diamètre, etc.,
donne le symbole : op. : (8Ri r AR2 — ''•Ci t- 3C3). Dans mon mémoire d'uran, j'avais mis :
op. : (6K, -'- 3R; + iCj - 3C3). Seulement, j'avais oublié de compter la droite OA qu'il faut tracer.
Les deux solutions que je donne ici sont un peu plus simples que cette solution classique.
É. LEMOINE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 49
XX VII. — Inscrire un cercle dans un triangle donné ABC.
Qu'il s'agisse d'un cercle inscrit ou d'un cercle ex-inscrit, la mé-
thode classique par les bissectrices des angles du triangle conduit au
symbole :
Op. : (6Ri-j-3R, + IIC1 -l-lOCg); simplicité 30; exactitude 17;
3 droites, 10 cercles.
Si l'on voulait tracer les trois autres cercles tangents, on aurait en plus
à ajouter : op. : (12Ri -}- OR^ + l^Ci -|- I3C3). En tout, par conséquent :
Op.:(18Ri-{-9R,-f-27Ci + 23C3);
simplicité 77 ; exactitude 45 ; 18 droi-
tes, 23 cercles.
Voici une solution plus simple,
mais qui ne se présenterait certes
point à l'esprit si l'on ne dirigeait
point l'attention vers la recherche
systématique de la simplicité de la
construction (fîg. 1).
J'appelle P, Q, R les points de
contact du cercle inscrit sur BC, CA,
AB et le centre de ce cercle.
Sur BA, dans le sens BA, je prends
AD = AC; sur B A, dans le sens BA,
je prends BE == BC op. : ( 4Ci + 2C3).
Je décris A(DEi qui coupe AB en R' (R' est dans le sens ABi, et AC
en Q' (Q' est dans le sens AC) op. : (3Ci -f C3) ;
il est évident que AR = AQ = '" ^ ~" ^ et que, par suite, R et Q sont
les milieux de AR' et de AQ'; est donc le centre du cercle circonscrit
au triangle AQ'R'.
Je trace R'(DE) qui coupe A(DE) en deux points; en joignant ces
points, j'ai un lieu de op. : (2Ri -f- R^ -j- ^ + C3I.
Je trace Q'(DEj qui coupe A(DE) en deux points; en joignant ces points,
j'ai un autre lieu de op. : (2Ri -|- R^ -}- d -f- Cg).
Je décris 0(0R) qui est le cercle cherché op. : (2Ci-f-C3'i.
Op. : (4Ri H- 2R, + ilC^ -j- 6C3) ; simplicité 23; exactitude lo ;
2 droites, 6 cercles.
En appliquant la transformation continue (voir A. F., Congrès de Mar-
seille, 1891), on arrive immédiatement à la construction qu'il faudrait
faire pour tracer un cercle ex-inscrit ; elle a le même symbole que celle
du tracé du cercle ex-inscrit.
4*
oO MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Si l'on veut tracer les quatre cercles tangents, il vaut mieux commencer
par les trois cercles ex-inscrits et finir par le cercle inscrit en joignant
AO^,.BO,„ etc.
On a :
Op.: (I8R1 -f 9R., -f 26Ci + I3C3); simplicité 66; exactitude 44;
9 droites, 13 cercles.
XXYIII. — Construire sur une droite donnée AB un segment capable
d'un angle donné ECD.
La méthode classique, conduite sans lignes inutiles, donne :
Op. : (6R1 + 3R, + lOCi + 7C3) ; simplicité 26 ; exactitude 16 ;
3 droites, 7 cercles.
Voici une construction
plus simple (fig. 2) :
Je trace Ai ABj, B(AB)
qui se coupent en P et en Q
. . . op. : (3Ci + 2C3) .
Je trace C(AB) qui coupe
CD en D, CE en E; je
prends F sur C(AB) tel que
arc EF = arc ED . . . .
. . . op. : aCi-f^iCg).
.Je prends D sur A(AB)tel
que arc BI*D = arc DEF ;
je trace BD, PQ se coupant en 0; je trace 0(0A)
op.: (iR^-f2R, + oCi + 2C3,
et l'on a le segment cherché :
Op. : (4Ri + 2R., + llCi + 6C3) ; simplicité 23; exactitude 15;
2 droites, 6 cercles.
XXIX. — Construire les tangentes communes à deux circonférences
données et 0'.
PREMIÈRE MÉTHODE
Premier cas. — Les deux circonférences sont extérieures (*j, il y a
quatre tangentes communes; soit la plus grande des deux circonfé-
rences.
Fig. 2.
(*) Pour éviter les erreurs et faciliter la formation du symbole d'une opération, j'écris ordinaire-
ment, de la façon dont je le fais dans cette première méthode, les symboles des opérations com-
posantes.
É. LEMOINE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE
51
Je trace 00'
00' coupe la circonférence en A et la
circonférence 0' en A', A et A' étant entre les
points et 0'. Je prends A'O' que je porte de
part et d'autre de A en B' et B", B' étant
porté vers le sens AO
Je trace 0(OB'j, 0(0B")
Je prends le milieu (o de 00'
Je décris (o(coO) qui coupe O(OB') en I et J
et 0(OB")en Ii et J,
01 et OJ coupent 0(0A i en 1' et J' . . . .
OIi etOJj coupent 0(0A) enl'i et J', . . . .
Je trace les perpendiculaires à 01' et à 01,'
menées respectivement par 1' et par l'i ; elles
coupent 00' en V et Vj
Je trace VJ', V^j;
Ri
R,
c,
c.
c.
2
1
3
1
4
2
1
2
2
2
1
4
"2
\
9
8
i
2
2
24
2
1^2
13
8
Op. : (24Ri + 12R, + 13Ci + 8C3) ; simplicité 37; exactitude 37;
12 droites, 8 cercles.
Si l'on n'a à tracer que les deux tangentes communes extérieures ou les
deux intérieures, on aura seulement :
Op.: {12Ri + 6R2+ lOC, + 6C3) ; simplicité 34; exactitude 22;
6 droites, 6 cercles.
Deuxième cas. — Los circonférences se coupent; il n'y a que les deux
tangentes extérieures.
On trouve :
Op. : (14Ri -1- 7R2 -f lOCi + 'JCg,) ; simplicité 37; exactitude 24;
7 droites, 6 cercles.
Troisième cas. — Les circonférences se touchent extérieurement.
On trouve :
Op. : (I6R1 -f 8R, + 12c, -f 8C3) : simplicité 44 ; exactitude 28 ;
8 droites, 8 cercles.
Remarquons qu'il faut placer B" en même temps que l'on place B' parce
que B' et B" serviront alors pour mener la perpendiculaire en AetOA qui
est une des tangentes.
Quatrième cas. — Les circonférences se touchent intérieurement.
On trace 00' et l'on mène en A la perpendiculaire à OA :
52 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Op. : (6Ri + 3R, + C, -f ^'2); simplicité il ; exactitude 7 ; 3 droites,
1 cercle.
DEUXIÈME MÉTHODE
Premier cas. — Les deux circonférences sont extérieures l'une à l'autre
(fig. 3).
FiG. 3.
Je trace 00' op. : (2Ri + R^).
Aux notations de la première méthode, j'ajoute celles-ci :
J'appelle Aj et A'^ les seconds points d'intersection de 00' avec les deux
circonférences et 0'.
Je prends sur le cercle les points a et aj tels que AO = Aa = A^a^ .
op. : ("2Ci + C3).
a et «j sont placés de part et d'autre de 00'; je prends sur le cercle 0'
un point a' du même côté de 00' que a et tel que A',0':= A[a'; je trace aa'
qui coupe 00' en V et ol^o.' qui coupe 00' en Vj
op. :(4R, + 2R, + 2C, + C3).
Il me suffit maintenant de mener de V et de V^ les tangentes soit à 0,
soit à 0' au moyen de l'une des deux solutions indiquées par la cons-
truction XXVI, et de remarquer qu'il faut en diminuer les symboles de
op. : (Ri -\- Rj), puisque nous pouvons nous servir dans la première,
comme diamètre quelconque du diamètre 00' déjà tracé, et dans la seconde
également de 00' comme de la sécante quelconque qu'il faut mener ; en
adoptant la première construction, on a :
Op. : (liRi + 'îRa + I8C1 + 8C3); simplicité 48; exactitude 32;
7 droites, 8 cercles.
En adoptant la seconde :
Op. : (14Ri + 7R, 4- I6C1 + IOC3) ; simplicité 48; exactitude 30;
7 droites, 10 cercles.
É. LEMOINE, — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 53
Si l'on n'a à tracer que deux tangentes communes, soit extérieures, soit
intérieures, on aura seulement :
Op. : (8Ri + 4R, -f- llCi + SC3J ; simplicité 28; exactitude 19;
4 droites, o cercles.
Deuxième cas. — Les circonférences se coupent.
En employant la première construction du n° XXVI, on trouve :
Op. : (8Ri + 4R2 + llCi + 5C3) ; simplicité 28 ; exactitude 19 ;
4 droites, 5 cercles.
En employant la deuxième construction, on trouve :
Op. : (8R1 + 4R, + lOCi H- 6C3) ; simplicité 28 ; exactitude 18 ;
4 droites, 6 cercles.
Troisième cas. — Les circonférences se touchent extérieurement.
En employant la première construction :
Op. : (14Ri + 7R, + 13Ci + TCg) ; simplicité il ; exactitude 27 ;
" droites, 7 cercles.
En employant la deuxième construction :
Op. : (14Ri + 7R, 4- 12Ci -f 8C3) ; simplicité 41; exactitude 26;
7 droites, 8 cercles.
Quatrième cas. — Les deux circonférences se touchent intérieurement,
comme dans la première méthode.
XXX. — Construire une droite CD qui soit n fois une longueur donnée AB':
1° sans marquer les divisions intermédiaires; 2° en marquant les divisions.
En se reportant à VIII, on trouve :
i" Op. : [R, + (n + 2)C, + Cj.
2° Op. : [R, + (n + ijC, + C, -f nC,].
Pour certaines valeurs de n, on peut avoir des constructions particuUères
plus simples.
XXXI. — Construire une droite CD qui soit la n'"« partie d'une droite
donnée AB.
Je trace deux droites quelconques OH, OL op. : (2R2).
Je porte AB en OH op. : (3Ci -f C3).
Sur OL je prends la longueur OL égale à w fois une ouverture de compas
quelconque et j'en marque les deux dernières divisions K et L . . . .
op. : (2Ci + nCg).
54 MATUKMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Par K je mène une parallèle à LH (sans tracer LHj
op.: (2R, 4- R, + 6C. + 2C3)
qui coupe OH en G; GH est la longueur cherchée.
Op. : [m, + 3R, + llCi + (n + SjCa].
Simplicité 19 +n; exactitude w -|- 10 (les C3 de OL comptent évidem-
ment ici, sauf l'avant-dernier, pour estimer l'exactitude); 3 droites, (n -|- 3j
cercles .
Remarque. — Pour certaines valeurs de n: 2,3, 4, 2p, etc. par exemple,
on peut trouver des constructions particulières plus simples.
XXXII. — Divise?' une droite AR en p parties proportionnelles à des
droites données Uj, n.^, ... n .
Je mène par R une droite RX op. : (Rj + R^) ;
Je prends sur RX, RXj = n^\ NjxN^ = n.^, . . . N ,N = w . . .
op. : [^(3Ci + C3)].
Je trace AN^ op.: (2Ri + R.,).
En chacun des points N ,, iN„_^, . . . Xj, je fais avec N R des angles
égauxà RNpA, op.: [2(;j — 1)R, + (jo — 1)R,+ (2p-f l)C, + (2/) — IjC^J.
Op. : [(ip + l)Ri + <> + 1,)R. + i5p + IjCi + (3yj - ijCj; simpli-
cité lljo -f 2' exactitude 7j9 + 2; (j? + 1) droites, (3jj — Ij cercles.
Remarque. — Si les parties n,, w^, ... n étaient trop petites ou trop
grandes pour être employées directement, on les rendrait toutes À fois
plus grandes ou 1 fois plus petites, ce que nous savons faire par les opéra-
tions XXX ou XXXI, et l'on calculerait facilement le symbole, lequel serait
alors plus compliqué.
Si plusieurs des parties Wj, w^, ... n ^ sont égales sans qu'elles le soient
toutes, et que l'on ait plusieurs compas (*), le symbole général se sim-
plifie.
(*) Nous supposons toujours, si Ton ne prévient du contraire, que l'on ne se sert que d'un seul
compas ; mais il y a des opérations où il est avantageux d'en avoir plusieurs ; cela arrive si, ayant
pris avec le compas une certaine longueur, on a encore besoin de celte même longueur dans la suite
de la co nstruction après avoir été obligé de déranger l'ouverture du compas pour prendre une autre
longueur; chaque fois que l'on n'est pas obligé de faire ce changement d'ouverture, on gagne :
op. : (2C1) . Remarquons encore que si la construction se déduit du raisonnement géométrique, l'ordre
des constructions n'a pas besoin de suivre l'ordre de ce raisonnement. Ainsi, si le raisonnement
montre à diverses parties de son développement, que l'on a à construire plusieurs cercles de même
rayon dont les centres sont déjà fixés lorsque l'on construit le premier, il faudra évidemment les
décrire tous pendant que l'on a ce rayon dans l'ouverture du compas, etc. ; aussi est-il nécessaire,
pour toute construction faite avec soin, de l'étudier à l'avance dans son ensemble, d'en faire l'étude
par une sorte de croquis raisonné pour arriver le plus simplement possible au résultat cherché ; il y
a un or< véritable des constructions géométriques dont on ne s'est jamais systématiquement préoc-
cupé ; le géomètre, comme je l'ai di'jàfait remarquer, dit aussi simplement: « Je prends la polaire de A
par rap port au cercle » qu'il dit : « Je joins les deux points A et B » et la chose exécutée est
bien différente. Le géomètre cherche la simplicité delà plirase, de la déduction, de l'idée , si l'énoncé
de la conslruction qu'il indique est simple, il dit : « La construction est simple » ; c'est de cette sim-
plicité d ont on s'est exclusivement occupé jusqu'ici. L'art de la conslruction géométrique ou Géométro-
graphie se place à un tout autre point de vue.
E. LEMOINE.
LA GEOMETROGRAPHIE
00
XXXIII. — Construire la quatrième proportionnelle X à trois droites
N . P
données 31, N, P : X = -— -- >
M
ou : Diviser une longueur P proportionnellement à deux longueurs données
M et N.
Voici la construction classique :
a) Je trace deux droites qui se coupent en A op.: (2Rj).
Sur un des côtés et dans le même sens, je prends AB = M; AD = N;
puis sur l'autre côté AC ^ P op.: (9C1 + 3C3).
Puis, par D une parallèle à BC, je mène cette parallèle (sans tracer BCj
par l'opération op.: (2Ri -1- Rj -)- 6C1 -f- SCjj.
J'ai ainsi :
Op.: (2Ri 4- 3R, + 13Ci -f- 0C3) ; simplicité 2o; exactitude 17;
3 droites, 5 cercles.
Remarquons même que si j'avais tiré BC, comme l'indiquent toutes
les constructions classiques, j'aurais eu le symbole un peu plus compli-
qué (quoique en employant la méthode simplifiée, voir XVII, pour mener
par un point D une parallèle à une droite BC) suivant :
Op. : (4Ri -f- 4R5i -f l'^Ci -j- ^Cj! ; simplicité 26; exactitude 17;
4 droites, 5 cercles.
Mais il y a d'autres constructions quHl faut employer de préférence parce
qu'elles sont plus simples.
°/
:^"
b) Je trace (fig. 4) une
droite quelconque
. ^ op. : (R,).
Je prends sur cette droite
RA=:N; RB = P . . . .
. .op.:(5Ci+C, + 2C3J.
Je construis un cercle pas-
sant par les points A et B ;
je construis R(M) qui coupe
en C le cercle passant par A
et B op.: (6C, + 4G3).
.Je trace la droite RCD (D sur le cercle passant par A et B)
op.: (2Ri+R,).
Op.: (2Ri -|- 2R, + IIC^ -f C, -j- 6C3); simplicité 22; exactitude 14;
2 droites, 6 cercles.
c) Je trace (fig. S) une circonférence d'un rayon plus grand que la moitié
de la plus grande des trois lignes M, N, P op.: (Cj).
Je prends à partir d'un poiat quelconque R de cette circonférence des
Fig. 4.
/
/
/ /
— -— Vb
-;'^"
36 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCAMQUE
cordes RA , RB, RC égales respectivement à N, P, M, op . : (8Ci + C^ + SCg).
A et B étant de part et d'autre de R, je trace AB . op. : (2Ri -f- R^).
Je prends sur la circonférence passant
par A, B, C AE = BC, E et C étant du
même côté de AB. . . op. : (8Ci -|- C3).
Je trace RE qui coupe AB en H . . .
op. : (2R, + R,).
RH est X, car les deux triangles ARH,
CRB sont semblables, etc.
Op. : (4Ri + 2R, + HC, + C, + 5C3);
F,g g, simplicité 23; exactitude 16; 2 droites,
5 cercles.
Les constructions que nous indiquons dans tout ce travail sont géné-
rales, à moins que nous n'avertissions du contraire, c'est-à-dire qu'elles
peuvent toujours s'appliquer avec n'importe quelles données, et cela est
indispensable pour l'étude générale de la simplicité d'une question donnée,
puisque ce sont des constructions fondamentales d'où l'on part pour éta-
blir le symbole d'une construction à efTectuer. Ainsi, par les constructions
N . V
a, h, c, quels que soient M, N, P, la quatrième proportionnelle peut
se construire. Il y a quelquefois des constructions plus simples que celles
que nous venons de donner, mais alors elles ne sont pas générales; par
N . P
exemple, pour tracer la quatrième proportionnelle ? on peut opérer
ainsi lorsque "S et P sont plus petits que 2M (voir Journal de Vuibert,
1881-82, p. 58).
d) Je trace d'un point quelconque le cercle 0(M); d'un point quel-
conque R du cercle, je trace R(N) qui coupe 0(M) en A
« op.: (4C, + C, + 2C3).
Je trace A(P) qui coupe 0(M) en B (R, A, B étant dans le même sens);
je trace B(P) qui coupe R(N) en A et en A'.
AA' est la quatrième proportionnelle cherchée. . .op.: (5Ci -|- 2Cj).
Op.: (8C1 -f- C2 -|- 4C3); simplicité 13; exactitude 9; 4 cercles.
Il y en a beaucoup d'autres du même genre (voir, par exemple. Journal
de Vuibert, 1881-82 p. 59j. Cette dernière est aussi indiquée dans Ma-
thesis, 1892, p. I08, mais sans que l'on y ait fait observer son défaut de
généralité.
Il est, du reste, fort intéressant de connaître les principales constructions
non générales des problèmes fondamentaux de la construction, parce
qu'on doit les appliquer à l'occasion, et aussi de connaître les solutions
générales moins simples que celles que nous donnons ici, parce que,
quand certaines lignes sont déjà tracées sur la figure, elles peuvent
É. LEMOINE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 57
devenir les plus simples; mais avant de les accepter pour établir le
symbole d'une construction, il faut : pour les premières, examiner si les
conditions restrictives qu'elles exigent sont remplies; pour les secondes,
si leur emploi simplifie effectivement la construction.
XXXIV. — Construire la troisième proportionnelle X :=
M
Si, dans les constructions du problème XXXIII, on suppose N = P, on
aura la construction cherchée.
La construction a) donnera . . . .op.: (4Ri -{- iR^ + lOCj + 4C3);
b) .) . . op. : (2R, + 2R, + OC^ + C, + 6C3),
par une modification facile, en remplaçant le cercle passant en A et
en R par un cercle tangent çn A à RA, puisque A et R se confondent.
c) donnera op : (iR^ + 2R, + oCi + C, + SC.,).
Il suffira de prendre sur le cercle tracé au commencement de la cons-
truction, corde RA = corde RR = N , A et R étant pris de part et d'autre
de R, de prendre corde RC = M, de tracer RC qui coupera AR en H,
RH est la longueur cherchée (*).
d) Construction non généi^ale puisqu'elle exige 2N -< M ; on trouve . .
op. : (6C, + C, + 4C3J.
La plus simple construction générale que je connaisse de la troisième
proportionnelle X = — , dérivée de XXXIII, se déduit donc de c par le
symbole :
Op.: (4R, + 2R, + oCi + C^ + SCg) ; simplicité 15 ; exactitude 10;
2 droites, 3 cercles.
Si Von a .• N <; 2M, en voici encore une fort simple :
Je trace R(M), R est quelconque op.: (2Ct -f C3).
A étant quelconque sur R(M), je trace A(N) . .op.: (2Ci + Cjj -f C3).
Je trace RD qui coupe A(N) en G . . . . . . . . op..- (2Ri -f- ^^2)^
on a CD = X.
Op.: (2Ri + R2 + 4Ci -4- C, + 2C3); simplicité 10; exactitude 7;
1 droite, 2 cercles.
XXXIV'"'. — Dam un triangle ARC, construire les longueurs :
6* c^ c' a' a* b^ bc ca ab
— , — , —, —, — , — , — , — _ , — .
aabbccabc
La construction pour ciiacune d'elles est plus simple que les construc-
tions générales XXXIII et XXXIV, parce qu'elle est exécutée dans un
triangle tracé.
{*) Cette construction donne le théorème suivant : Si dans un trkmyle ARC on mène du point A la
perpendiculaire au nn/on OR du cercle circonscril à ARC, celte perpendicuUnve coupera le côU; CR en un
point H el l'on aura AR2 r= RH . RC. ■
58 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Je fais l'angle BAK = C, K étant sur BC dans le sens BC.
On a : AK r^ — , BK =^^= - •
a a
Op.: (2Bi + R, + 5Ci + 3C3).
En faisant l'angle CAH = B, H étant dans le sens CB, on aurait de
hr fe*
même AH = - = AK ; CH = - •
a a
On utilise fréquemment cette construction dans la géométrie du
triangle.
XXXV. — Construire la moyenne propoi'tionnelle entre deux droites données
M et N, X'^ = M . N.
Employons d'abord les deux solutions classiques, cependant en faisant
les économies possibles de tracé que suggèrent notre méthode.
La première fondée sur la proposition :
Dans un triangle rectangle, la perpendiculaire abaissée du sommet de
V angle droit sur V hypoténuse est moyenne proportionnelle entrée les deux
segments de F hypoténuse;
La seconde sur :
La longueur de la tangente menée d'un point A à un cercle est moyenne
'proportionnelle entre les distances du point A aux points B e^ C oit une
sécante menée par A coupe le cercle.
a) Je trace une ligne AB sur laquelle je prends AB = M, BC = N. .
op.:(R, +5C, + C, + 2C3),
soit AB >• BC. Je décris un cercle sur AC comme diamètre en utilisant
pour prendre le milieu de AC la circonférence A(Mj tracée pour avoir B,
ce qui fait une économie de op.: (Ci -|- C3), il reste
op.: (2Ri + R, + 3Ci + 2C3).
Au point B, j'élève une perpendiculaire sur AC qui coupe 0(0C)
en D; je l'obtiens par le symbole . . . op.: (SRj -|- R^ -|- 2Ci -f 2C3),
si j'ai eu soin, en traçant B(1N) pour placer C, de marquer le second
point C où B(N) coupe AC. DB est la moyenne proportionnelle cherchée.
Op. : (4Ri + 3R2 + lOCi + C2 + 6C3); simplicité 24; exactitude 15;
3 droites, 6 cercles.
h) Je trace une ligne AB sur laquelle je prends AC = N, AB =: M. . .
". op.: (R, + 5Ci+C. + 2C3).
Je décris sur CB comme diamètre une circonférence en utilisant pour
trouver le milieu de CB la circonférence A(M) tracée pour trouver B; soit
le milieu de CB op.: (2Ri + R, + 3Ci + 2C3).
Sur AO comme diamètre, je décris une circonférence qui coupe 0(0C)
enD op.: (2Ri + R, + 4Ci + 3C3).
É. LEMOIM:. — LA GÉOMÉTROGRAPHIK 59
AD, qu'on n'a pas besoin de tracer, est la moyenne proportionnelle
cherchée.
Op. : (4Ri + 3R, + 12C, + C, + IC,) ; simplicité 27 ; exactitude 17;
3 droites, 7 cercles.
Note, — Si j'emploie deux compas, je puis économiser op.: (Ci -|- Cjj
en me servant, pour trouver le milieu de AO, de la circonférence A(AB),
et l'on aurait :
Op. : (4Ri + 3R, + IIC^ + C, + 6C3); simplicité ±6; exactitude 16 ,
3 droites, 6 cercles.
Ce qui montre que, au point de vue graphique, contrairement à l'obser-
vation faite généralement, les deux solutions classiques a et 6 sont bien
près d'être équivalentes (voir Rouché et de Comberousse, Traité de Géo-
métrie, l""*" partie, p. 152); elles sont d'ailleurs toutes deux très mauvake.s,
quoique nous les ayions simplifiées par des économies de lignes. Voici la
meilleure que je connaisse :
c) Soit toujours M la plus grande des deux lignes M et N, je trace une
droite AB quelconque op.: (R.j.
Je trace A(M;, A étant un point quelconque sur AB, op.: (2Ci -f-C.^ + Cj).
A(Mj coupe AB en B; je trace B(]N) qui coupe BA en C entre B et A;
je trace C(N) qui coupe B(N) en P et Q op.: (4Ci + 2C3).
Je trace PQ qui coupe A(M) en H op.: (2Ri + ^2)-
BH est la droite cherchée.
Op. : (2Ri + 2R, + fiC^ + C, + 3C3); simplicité 14 ; exactitude 9;
2 droites, 3 cercles.
Cj) On peut aussi opérer ainsi :
D'un point quelconque C je trace C(Mj.
Je trace un rayon quelconque CR qui coupe C(Mj en B
op. : (Ri + R, + 2Ci + C,).
Je décris B(N) qui coupe BC en K, entre B et C ; je trace K(N) qui coupe
B(N)enP et en Q op. : aC, + 2C3).
Je trace PQ qui coupe C(M) en A op. : (2Ri + R^).
AK ou AB est la moyenne proportionnelle cherchée, car les deux
triangles isocèles ACB, BAK sont semblables et ont AR côté commun.
Op. : (3Ri + 2R, + 6C1 + 3C3); simplicité 14 ; exactitude 9; 2 droites,
3 cercles.
On ne peut dire que cette méthode de construire une moyenne pro-
portionnelle soit foncièrement nouvelle, car, à une très légère modifica-
tion graphique près, qui donne 14 au lieu de 15 comme simplicité, on
la trouve (A^, A., 1857, p. 125), sous le nom de M. Edm.-Aug. Gouz-ij.
de Lausanne, mais énoncée sans commentaire qui en fasse ressortir
l'extrême simplicité.
Son symbole, en exécutant l'opération dans l'ordre où l'énoncé de
k
60 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
M. Gouzy l'indique, est : op. : (K^ -\- SCj -\- C.^ -f- SCg), ce qui est la
moitié de ce que serait l'opération classique exécutée, comme on le fait
ordinairement, sans les simplifications que nous avons faites, suggérées
par l'idée systématique de simplification. On n'avait du reste aucun cri-
térium positif de la simplicité ; depuis quelques années on a signalé cette
construction dans les journaux de l'enseignement et quelques professeurs
l'ont indiquée dans leurs cours, toutefois sans dire qu'elle devait rem-
placer les constructions a et b.
Je ne suis pas familiarisé avec les méthodes de la statique graphique,
mais je crois que la théorie de la Simplicité et de l'Exactitude des cons-
tructions y trouvera une large application. (C'est aussi la construction de
M. Gouzy qui se trouve indiquée dans les Leçons de Statique graphique
de M. ^. Favaro, traduction Terrier, deuxième partie, p. 68, 1885.)
Voici deux autres solutions simples — moins simples cependant que
c ou Cj — du même problème :
M
d) Je trace (fig. 6) un cercle quelconque d'un rayon OB tel que OB >> -;t
et j'y trace la corde BC égale à M. . . op. : (2Ri + R^ + 2C, -f C, + 2C3).
Sur BC je prends BK = N ; K étant
\/^ entre B et C . . . op. : (3Ci -f C3).
/ \ De K j'abaisse une perpendiculaire
. \ sur OB, sans que OB soit tracé, en
'/'i I me servant du cercle B(N) déjà tracé
/ '' ,' pour avoir k
/' ... op. : m, + R, ■■{- 2C, + Ce).
c\ ^.-,r.-.-.*-''-- -/B (vette perpendiculaire coupe en A
le cercle 0(0B).
"■~^--.,_ _,--'''' AB est la moyenne proportionnelle
^ „ cherchée.
Fig. 6.
Op.:(4R, + 2R,-f7C, + C,-f4C3);
simplicité 18 ; exactitude 12.; 2 droites, 4 cercles.
di) On peut aussi tracer BK = N comme corde d'un cercle de rayon
suffisant et de centre quelconque. . op. : (2Ri -f- R^ -|- 2Ci -f- 2C3).
Puis prendre BC = M ; C étant sur BK dans le sens BK
op. : (3Ci + C3).
Puis de C abaisser, sans tracer OB, une perpendiculaire sur OB qui
coupe le cercle 0(0B) en A op. : 2Ri + R^ -(- 2C, + C3).
AB est la droite cherchée parce que les deux triangles BCA, BKA sont
semblables et onl le côté BA commun.
d) et c?i) ont le même symbole.
e) Je signalerai encore la construction élégante que vient d'indiquer
M. Lém Colette (Mathesis, p. 192, 1892).
É. LEMOLNE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 61
Je trace (fîg. 7) un cercle quelconque 0(0A), OA étant plus grand
que M.
De A, point quelconque de ce cercle comme centre, je trace A(M) qui
coupe 0(0 A) en B et en C, puis A(N)
qui coupe 0(0A) en F et en G; les "T\"
points F, B, C, G se succédant dans / \
cet ordre, F, B, C, G
op. : 5C, + C, + 3C3). \V g/
Traçons AB, AC qui rencontrent P^n^ / \ y-' \
A(N) en D et en E ; puis DE "^^-V-dV-" -,->É:"""r'*
op. :(6R, -I-3R,) x\/ \/y
qui rencontre 0(0A) en M ; AM est la ^/V-- -'^'^^^
moyenne cherchée.
Op.:(6Bi + 3R, + 5C, + C, + 3C3):
simplicité 18 ; exactitude 12 ; 3 droites, 3 cercles.
XXXVI. — Divise?' une droite AB en moyenne et extrême raison.
a) Par la méthode classique :
Je prends le milieu oj de AB et j'élève en B une perpendiculaire à AB. .
op. :(4R,+2R, + 4C, 4-4C3).
Sur la perpendiculaire à AB menée en B, je prends Bco = BO et je trace
i)(BO) op. : (3Ci + 2C3).
Je trace Aw qui coupe oj(BO) en deux points l etm, l étant entre A et oj
op. : {m, + Rj.
Je trace A(A/) qui coupe AB en M entre A et B . . .op. : (2Ci -|- C3).
AM et BM sont les segments cherchés.
Op. : (6R1 -|- 3R2 + 9Ci -]- 7C3); simplicité 2o ; exactitude lo; 3 droites,
7 cercles.
6) Voici un moyen qui m'a été indiqué par le général Parmentier, mais
le symbole en est un peu plus compliqué.
J'élève en B une perpendiculaire à AB et je prends sur elle BC = 2AB,
la bissectrice de l'angle CAB coupe BC enD; je prends sur BA, BM = BD;
M est le point cherché.
c) La construction suivante est la plus simple que je connaisse ; elle
s'appuie sur ce théorème : Si la longueur de la tangente menée du point M
à un cercle est égale à la longueur d'une corde AB de ce cercle, corde pas-
sant par M, MA et MB sont les plus grands segments (additifs ou sous trac-
tifs) de AB divisée en moyenne et extrême raison (M, B, A se succédant dans
cet ordre).
Je décris (fg. 8) A(AB), B(ABj qui se coupent en C et C ; je décris
C(AB) op. : (4Ci +3C3).
(O
62 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCAMQUE
Je mène par A Ja tangente à C(.\lî), pour cela je décris C'(AB) qui coupe
B(AB) en D et je trace AD op. : i2Ri + R, + C, +C3).
^ C'est la tangente cherchée, elle
^ — „, \ coupe A(AI{) en E.
Je décris C(CEj
^
^^,. / op. : (2C, + C,)
'■ ~ ^\~-~ ■' quj coupe BA en M. Comme la
^ ,_ j^ ; / tangente menée de M à C(AB) a
M^K ^> ! <^ i '' '~^i -? même longueur que AE, et par
/' '* / ~ suite que AB, AM est la longueur
du plus grand segment de AB
divisé additivement en moyenne
\>.;-:'' et extrême raison.
Je décris donc A(AM) qui me
"^' ^' donne sur AB le point de divi-
sion cherché P op. : (2C, + C3I.
En tout : op. : (2Ri -|- U,^ -|- (iC, -\- (iC.,); simplicité 18 ; exactitude II :
1 droite, 6 cercles.
Remarque. — Cette construction est beaucoup plus simple que la cons-
truction classique, cependant il peut sembler, en regardant la figure 8,
qu'elle soit plus compliquée ; cette a|)parcnce tient à ce que, dans la
figure 8, nous avons tracé toiUe>i les lignes dont on se sert, tandis que,
pour la figure classique, qu'on est habitué à voir, on dit simplement : je
mène en B une perpendiculaire à AB, je porte sur cette perpendiculaire
une longueur égale à la moitié de AB, etc., mais on ne trace sur la
figure aucune des lignes auxiliaires nécessaires à ces opérations ; si on
les trace toutes, la plus grande complication du procédé classique saute
immédiatement à l'œil ; une remarque analogue s'appliquerait à presque
toutes les questions que nous traitons dans ce mémoire.
XXXVII. — Tracer par un point P une droite passant par le point de
rencontre de deux droites données que l'on ne peut prolonger Jusque-là.
Ce problème a reçu un très grand nombre de solutions. Voici celle
dont le symbole est le plus simple parmi celles que je connais :
Soient AA'A", BB'B", les deux droites données :
Je mène deux droites quelconques A'B', A"B" se coupant en I, puis
une autre droite lAB quelconque, mais passant en I. .op. : (Rj -|- 3R,J.
Je trace PA' et PB' qui coupent AIR respectivement en E et en F; puis
A"E et B"F qui se coupent en P' op. : (8R1 + 4R,).
Je trace PP' qui est la droite cherchée op. : (2Ri -|-R.).
Op. : (lIRi "|- 8R2) ; simplicité 19; exactitude 11 ; 8 droites.
K. LEMOINE. — LA GÉOMKTROGRAPHIE 63
XXXVIII. — Placer le point A' réciproque du point donné A par rapport
à un cercle donné de rayon R et de centre 0.
Deux cas à examiner :
1« 0A>?.
2
Je trace A(AO) qui coupe 0(R) en B et eu C.
Je trace B(Rj, C(R) qui se coupent en et en A .
A' est le point cherché.
Op. : (oCi -f- 3C3); simplicité 8; exactitude 5; 3 cercles.
2" OA < 2R.
Je irace OA ; je trace A(R) qui coupe 0(R; en H
op. : r2R, + R, +3(:, + C3J.
Je trace R(R) qui coupe 0(R) en D et D' ; je trace DD' qui coupe OA
en A' op. : (2R, + R, + C, + il,).
En tout : op. : (4Ri + 2R, + 4Ci + 2C3) ; simplicité 12 ; exacti-
tude 8 ; 2 cercles, 2 droites.
Ainsi, dans la recherche du symbole général d'une construction, c'est ce
dernier symbole qu'il faudra adopter pour compter la recherche du réci-
proque d'un point A par rapport à un cercle de rayon R, s'il ne résulte
T»
pas des données générales que OA >> — •
là
Voici une construction qui s'applique aussi quel que soit A, mais elle
est un peu plus compliquée.
Je trace un cercle de centre A coupant le cercle donné en B et en C.
Je trace AB, AC qui coupent le cercle donné en B' et en C
op. : i4Rt -f 2R, -|- Ci + C,).
Je trace B'C, C'B qui se coupent en A' op. : ikW^ -\- 2R.j.
Op. : (8R1 -|- 4R2 + Cl — C3;; simplicité 14 ; exactitude 9; 4 droites,
1 cercle.
XXXIX. — Tracer la polaire d'un point A par rapport à une circonférence
de centre et de rayon R.
aj Par A je mène deux droites quelconques : la première coupant la
circonférence en B et B', la seconde en C et C . . . op. : ("IW^ -j- !2R.^).
Je trace B'C et BC se coupant en D, et [iC, CB' se coupant en E.
Je trace ED, c'est la polaire cherchée.
Op. : (12R, -\- 'Riji; simplicité 19; exaclitude 12; 7 droites.
64 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
b) Je peux aussi, D étant marqué comme précédemment, abaisser une
perpendiculaire de D sur OA (sans tracer OA)
op. : (2R, + R, + 4C, + 2C3).
En tout : op. : (8R1 +5R2 + 4C1 + 2C3); simplicité 19; exactitude 12;
5 droites, 2 cercles.
Je n'ai pu trouver de construction générale de la polaire d'un point
donné A par rapport à un cercle qui soit plus simple que ces deux-là.
C'est par erreur que j'indique 15 comme Simplicité, dans ma note de
■D
Mathesis, 1888, page 222. Je n'avais pas remarqué le cas qm 0A<;— •
Il y a un grand nombre de constructions pm^ticuliéres du même problème.
r>
c) Construction non générale applicable dans le cas où l'on a : OA > -^ •
Je décris A(OA) qui coupe le cercle donné en B et en C.
Je décris B(R), C(R) qui se coupent en A' réciproque de A
\ . . op. : (5Ci + 3C3).
Je trace OC qui coupe C(R) en D; je trace DA'. . . op. : {iR^ -\- 2R2) ;
c'est la polaire cherchée.
Op. : (4Ri + 2R, + 5Ci + 3C3); simplicité 14; exactitude 9; 2 droites,
3 cercles.
Si A est extérieur au cercle donné, on peut aussi tracer un cercle sur OA
comme diamètre; l'intersection des deux cercles est la polaire cherchée; le
symbole est alors :
Op. : (6R1 + 3R2 + 4Ci + 3C3); simplicité 16 ; exactitude 10 ; 3 droites,
3 cercles.
XL. — Placer le pôle L d'une droite XY par rapport à une circonférence
donnée de centre et de rayon R.
Deux cas à considérer :
1° XY coupe le cercle 0(R) en M et en N.
Je mène la tangente en M au cercle 0(Rj (voir construction XXV i. . .
^ op. : (m, + R, + 4C, + 3C3).
Je trace le cercle N(R) qui coupe en 0' le cercle M(R) tracé pour avoir
la tangente en M . op. : (Ci + Cg).
Je trace 00' op. : (2Ri + R,) ;
00' coupe la tangente en M au pôle cherché L.
Op. : (4Ri + 2R, + SC^ -j- 4C3) ; simplicité 15 ; exactitude 9; 2 droites,
4 cercles.
2° XY ne coupe pas le cercle 0(R). (Cette solution s'applique même si
XY coupe le cercle 0(R) pourvu que la distance de à XY soit supé-
. R
rieure a —
2
K. LEMOIXK, LA GKOMÉTROGRAPHIE 65
De j'abaisse sur XY une perpendiculaire dont le pied sur XY est F et
qui coupe 0(R) en K du même côté de que F. . . . .
• OP- : (2Ri + R. + 3C, + 3C3).
Je décris F(FO) qui coupe OiR) en H ; je décris H(R) qui coupe OF en L
op. : (4C, + 2C3).
L est le pôle cherché ; car les deux triangles isocèles semblables OFH,
OHL ont le côté commun OH, donc OH^ ou R^ = OL.OF.
Op. : (2Ri + R, 4- 7Ci + 0C3J ; simplicité lo ; exactitude 9 ; 1 droite,
S cercles.
Ces deux cas constituent par leur ensemble une construction générale
de simplicité lo, car si Tune n'est pas applicable, l'autre l'est.
Il y a encore un grand nombre de constructions générales pour le même
problème, mais je n'en connais pas d'aussi simples que les deux que je
donne ici.
XLI. — Tracer F axe radical de deux circonférences données 0(R), O'(R').
Je trace deux circonférences : co(c), 0/(0') qui coupent chacune les deux
circonférences données, etc.
Op. : (lORi + oR, + ±C,); simplicité 17; exactitude 10; 5 droites,
2 cercles.
Si les circonférences se touchent, le symbole si! réduit à celui de la tan-
gente au point de contact op. : (2Ri + R, -f- 4Ci -}- 3C3).
Si elles se coupent, à op. : (2R 4- R )
XLII. — Placer le centre radical de trois circonférences Rj, R^, R^,
a) Ri, R,, R3 sont extérieures l'une à l'autre, ou bien l'une, R3, par
exemple, est tangente à l'une seulement des deux premières.
On trace les deux circonférences oj(p), w'(p') du problème précédent de
façon qu'elles coupent les trois circonférences données ; on trouve :
Op. : (I6R1 + 8R, -f- 2C3).
b) Rj et R, sont extérieures et R3 touche R^ et R,, ou elles se touchent
deux à deux.
Je trace cofp) seulement; au moyen de cofpj, je construis un point M, de
i'axe radical de R^ et R3 ; je joins K^ au point de contact Li de Rj et
de R3. Li étant placé en traçant 0^ O3. , . . op. : (SR^ + m.^ -f C3).
De même, je construis un point K, de l'axe radical de R, et R3 et je
joins K^ au point de contact L^ de R, et de R, . . . op.: (6R, + 3Rj.
En tout : Op. : MfîR, -f- 8R, -f C3).
c) Ri, Rj se coupent, R3 est extérieur.
66 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Je trace ojfpj, o/(p'); je détermine l'axe radical de R^ et de R3 ou de R.,
et de R3 qui coupe l'intersection de Ri et de R, au point cherché.
Op.: (16Ri + 8R, + -2C3J.
d) Ri, Ra se coupent, R3 touche l'une des deux premières ou toutes
les deux.
Je ne trace que w(p) et je détermine avec cette circonférence l'axe
radical de deux circonférences se touchant :
Op. : (8R1 + 4R, + C3J.
e) Rj, Rj, R3 se coupent deux à deux :
Op.: (4Ri + 2R,).
XLIII. — Placer un point M dominé par ses coordonnées cartésiennes x, y
relatives à deux axes donnés ox, oy.
Je prends Ok — x sur l'axe des a^ op. : (3Ci -f C3).
Je prends OB = y sur l'axe des ?/ op. : (3Ci + C3).
Je décris A(y) op. : (C3 + C3).
Puis, reprenant x entre les branches du compas, je décris B(ic)
op.: f3C, + C3).
A(?/) et B(ic) se coupent en M :
Op. : (lOGi -f 4C3) ; simplicité 14 ; exactitude 10 ; 4 cercles.
Si je me sers de deux compas, je n'ai pas à reprendre x, mais à me
servir du premier; j'économise ainsi 2Ci et j'ai seulement:
Op. : (8C1 + 4C3J (*j.
XLIV. — Placer les centres de similitude V et V, de deux
circonférences 0(Rj, 0'(R'j.
En se reportant à la construction XXIK (deuxième méthode), on voit
que ces points se déterminent par le symbole :
(♦) Cette question est l'une (le celles que j'ai déjà traitées (Congrès d'Oran, 18S8, p. 92, conslruc-
lion XXW, et Bulletin de la Soc. muth. de France, t. XVI, 1887-88, p. 163); mais, quelque simple
qu'elle soit, j'avais donné un symbole trop compliqué, parce que j'avais adopté une autre construc-
tion usuelle, aussi simple que celle-ci à exprimer ; mon attention n'étant pas alors fixée comme
maintenant sur les dilférences qui existent entre les diverses constructions fondamentales, j'avais
choisi et évalué la première construction classique qui m'était venue à l'esprit, la regardant, sans
examen, comme équivalente aux autres ; il y a des erreurs analogues dans beaucoup des constructions
que j'ai données jusqu'ici. Celles de ce mémoire senties plus simples ryue/ot/)« trouver, mais elles ne
sont fixées, comme les plus simples effectivement, que tant que les géomètres n'en auront pas
trouvé de préférables. C'est un petit travail expérimental qui sera fait très rapidement, parles uns el
par les autres, si la question intéresse. Il y a deux ans, j'ai eu à ce sujet une assez longue corres-
pondance avec M. G. Tarri/ et je saisis celte occasion de le remercier, car un grand nombre des
simi)lif)cations que j'ai faites ici m'ont été indiquées par lui dans celle correspondance.
K. LEMOLNE. — LA GÉOMÉTKOGRAI'HIE 67
Op. : (6Ri + 3R, + 4C, -}- 2C3) ; simplicité 15 ; exactitude 10 ;
3 droites, 2 cercles.
Un seul des deux centres se déterminerait par :
Op. : (4R, + 21Î, + 4C, + 2C,j.
XLV. — Tracer les quatre axes de similitude de trois circonférences
données 0(R), O'fR'j, 0"(R"j.
a) En déterminant les centres de similitude par la construction pré-
cédente, remarquant qu'il n'y a besoin que de placer les quatre centres
de similitude de 0(R) et 0"(R"j, de 0'(R'j et de 0"(R"j, que O'O n'est
pas utile à tracer, on a le symbole:
Op.: (20Ri + lOR, + lOCi + 6C3) ; simplicité 46; exactitude 30;
10 droites, 6 cercles.
6) On peut opérer un peu plus simplement.
Je trace 00', O'O", 00" op. : {<o\\, + 3Rj.
Par 0" je mène une parallèle à 00' . op. : (2Ri + R, + 4Ci + 2C3) ;
dans 0' et 0" et dans et 0" j'ai des diamètres parallèles.
J'ai donc les quatre centres de similitude par. . . op. : fSRi -|~ ^^^2)»
et les quatre axes alors par op. : fHRi -}- 4R.j,
En tout : op. : (2m, + 12R, + 4C, + 2C3) ; simplicité 42 ; exactitude 28 ;
12 droites, 4 cercles.
XLYI. — Deux points A ei B étant placés sur une droite, placer le conjugué
harmonique C d'un point donné C, par rapport à A et à B.
Je trace une droite quelconque CDE passant par C, puis deux droites
quelconques passant par A : l'une qui coupe CD en D, l'autre qui coupe
la même droite en E op. : i^W^ -j- SRaj.
Je trace DR, EB op. : (4Ri + 2Hj.
DR coupe AE en F, EB coupe AD en G, je trace FG qui coupe AB
en C op. : (2Ri + Rj.
En tout : op. : (OR, -{- 6R2); simplicité I0; exactitude 9; 6 droites.
Nous venons de donner, dans ce qui précède, les principales construc-
tions, c'est-à-dire celles que l'on rencontre le plus souvent pour exécuter
une solution; aussi, avec leurs symboles, tout calculés ici, il sera facile et
court de trouver le symbole total d'une construction quelconque; notons
que ces symboles fondamentaux ne devront jamais être employés sans
examen; ils pourront, le plus souvent, être simplifiés par les circonstances
particulières de l'épure que l'on exécute, à cause des lignes déjà tra-
cées, etc.
68 MATIIKMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Nous allons compléter cette étude par quelques applications prises un
peu au hasard et par quelques remarques qui î^ermettront de comprendre
mieux l'esprit et, je l'espère, l'utilité de notre méthode.
XLVII. — Les deux extrémités k et ^ du côté d'un carré étant jMcées,
placer les deux autres sommets C et D.
Je décris (fig. 9) A(AB), B(AB) qui se coupent en K; je décris K(AB)
qui coupe B(AB) en (î
_ _d/ \ op. : (4Ci + 3C3).
^^'■^^-.^ K,--" 1-~-~-~^^ I Je trace AG qui coupe A(AB
'''N / ^^^ en I. .... op. : (2Ki + B,).
\ /^ / "■ Je trace K(KI) qui coupe B(AB)
^,J<i^ / en C et A(AB) en D
, ^,.. \ / ....;.. op. : (2C, + C,).
N^î^.-'-''' i y En tout :
'^r^-- -je" Op. : ( 2Bi + B, + GC, + ^C,) ;
simplicité 13 : exactitudes ; J droite,
FiG. 9. 1 J ' '
4 cercles.
Nous tenons cette construction simple de M, Eugène Catalan, qui nous
a dit l'avoir trouvée en 1847.
En ajoutant le symbole : op. : (6B1 -|- SB,), elle pourrait servir à
construire le carré ABCD sur une base donnée, à très peu près aussi sim-
plement que par la construction ordinaire qui peut se faire — en la con-
duisant convenablement — par le symbole :
Op. : (eBi-f-SR^ + lCi-f-oCg); simplicité 21; exactitude 16; 3 droites,
5 cercles.
Par tout ce qui précède, on voit déjà qu'il y a bien un véritable art
des constructions géométriques, que nous appelons la Géométrographie,
qui, quoique n'ayant point été remarqué jusqu'ici, repose sur des prin-
cipes d'une simplicité extrême; son importance lient, non principalement
au temps qu'en le pratiquant, on peut gagner dans la construction d'une
figure, ce qui, à certain point de vue, est un détail, mais surtout à l'exac-
titude plus grande qu'il permet d'atteindre en réduisant au minimum le
nombre des opérations à efîectuer. Enfin, il présente l'avantage d'être un
critérium pour juger de la simplicité d'une construction. Le besoin de ce
critérium sera démontré quand on remarquera que la plupart des cons-
tructions célèbres par leur simplicité et leur élégance ne sont pas ordinai-
rement les plus simples à construire qui soient connues. On les a cru
simples parce qu'elles s'énonçaient simplement en faisant image et se
retenaient sans difficulté; nous citerons, par exemple, la célèbre construc-
tion de M. Chastes, pour placer les axes (en grandeur et en position) d'une
ellipse dont deux diamètres conjugués sont placés en grandeur et en
É. L1:MÛ1NK. LA GKOMKTIiOGUAI'HIE 69
position; elle n'est pas la plus simple à construire, il s'en faut; l'on en
connaissait de plus simples... sans que l'on s'en doutât.
XLVIII. — Voici cette construction telle qu'elle est donnée dans
V Aperçu historique, note 2o; j'y ajoute les lettres nécessaires à l'intelli-
gence de ce que nous avons à dire.
a) Par l'extrémité A d'un des deux demi-diamètres conjugués donnés,
on mène une droite perpendiculaire au second diamètre OB
op.: ("2R, + R, + 3C,-f3a3);
on porte sur cette perpendiculaire, à partir du point A, deux segments
AC, AD égaux à ce second diamètre op. : (3Ci + C3);
on joint le centre aux points C et D op. : (4Kj-|-2R2);
on divise en deux parties égales, par deux nouvelles droites, l'angle COD
et son supplément op. : i4Ri -f 2R.j + ^Cj + -^Cj).
Ces deux nouvelles droites seront en direction les deux axes principaux
de l'ellipse. La somme des deux premières droites OC et OD, sera le
grand axe de l'ellipse, leur différence sera égale au plus petit.
Le géomètre s'arrête là, ayant indiqué des constructions dont le sym-
bole est op.: (lORi 4- 5R, + lOCi + 8C3).
Mais voici ce qui reste à faire au constructeur pour fixer les axes à leur
place, en grandeur :
Tracer le cercle 0(ODj qui coupe OC en deux points E et F de façon à
avoir la longueur CE du petit axe et la longueur CF du grand axe ....
op. : (2C, + C3).
Diviser CE et CF en deux parties égales, ce qui, puisqu'elles ont C pour
extrémité commune, peut se faire par. op. : (iRj -|- 2R2 + 3Ci 4" SCg).
Prendre les demi-longueurs ainsi déterminées des axes et les porter cha-
cune sur l'axe convenable, choix très simple à faire, mais dont le géo-
mètre ne parle pas op. : (6C1-J-2C3).
Quand il s'est arrêté, il restait donc à construire
op. : (IRi -}- 2R, -f llCi + 6G3),
c'esl-à-dire un peu plus des deux tiers de ce qui était indiqué.
La construction totale, économiquement menée d'après nos principes, se
résume par le symbole :
Op. : (14Ri -f 7R, -j- SIC^ -f LiCj; simplicité 06; exactitude 3o;
7 droites, 14 cercles.
Il est clair qu'une des choses qui compUque l'application, à la construc-
tion particulière dont il s'agit, de l'élégant théorème du maître, c'est que
ce sont les axes qui sont trouvés par lui, et qu'il faut les demi-axes pour
la construction, puis il faut encore reporter leurs longueurs en position
sur OC et sur OD ; c'est un détail pour le géomètre spéculatif, mais point
pour celui qui trace l'épure.
70 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Nous nous proposons quelque jour de comparer les très nombreuses
solutions qui ont été données du même problème afin de déterminer
quelle est la plus simple, et de faire le même travail pour divers pro-
blèmes célèbres; en attendant, nous donnerons, de ce même problème,
une solution due à M. Mannheim, qui est beaucoup plus simple que la
solution classique de Chasles et qui se trouve dans les A'. A., 1878, p. 529.
b) Soient om, on les deux diamètres conjugués donnés.
De m j'abaisse une perpendiculaire 7nd sur on (d étant sur on), je porte
sur cette perpendiculaire (dans le sens dm) me = no
op. : m, + K, + 6Ci + 4C3).
Sur oe comme diamètre, je trace une circonférence dont le centre est i
et je trace im qui coupe cette circonférence en c et en ^
op. : im, + 3R, + 4Ci + 4C3).
Je trace oc. og, ce sont les axes en position . . . . op. : ( iRi -\- 'âR^).
Les distances me et mg (que je n'ai pas besoin de tracer) sont les lon-
gueurs des demi-axes.
.fe porte les longueurs me, mg sur les directions respectives des axes
qu'elles représentent et ces axes se trouvent placés aussi en grandeur. .
op. : (6C1 + 2C3).
En tout : op. : (12Ri -f 6R, + I6C1 + 90,,) ; simplicité 43 ; exacti-
tude 28; 6 droites, 9 cercles.
M. Mannheim n'ifvait pas indiqué, non plus, dans l'article cité, quelle
était celle des deux droites oc et og qui était le grand axe; mais il a
complété la solution (voir N. A., -1889, p. 329) en montrant que la direc-
tion du grand axe est celle de la droite qui joint à celui des deux points
c ou ^ qui limite la longueur du petit axe.
Cette solution complète est la plus simple de celles du même problème
dont nous avons évalué la simplicité, mais rien ne prouve qu'il n'y en ait
pas ou que l'on n'en trouve pas de plus simples encore.
Nous avons dit plus haut que l'art des constructions géométriques ou
Géoméf rographie reposdiït &UT des principes de la plus extrême simplicité;
la digression à propos des constructions de MM. Chasles et Mannheim nous
a fait différer l'énoncé de ces principes; les voici :
1° Da7is chaque construction, ne tracer aucune ligne inutile, c'est-à-dire
employer, quand on le jjeut, soit les lignes tracées de la figure donnée, soit
celles déjà tracées dans le cours de la construction.
Corollaire : tracer, quand cela se peut, tous les cercles d'une ouver-
ture de compas prise lorsque leurs centres sont placés, quoique le tracé de
ces cercles ne se présente que plus tard dans le développement logique
de la solution ; il faut donc, ainsi que nous l'avons déjà dit, que l'on fasse
l'étude préalable de la question par une sorte de croquis raisonné de la
construction.
É. LEMOINE. — LA GÉOMÉTROGRAPHIE 71
â" Choisir celles des solutions d'un même problème dont l'ensemble des
constructions conduit au symbole le plus simple.
3" Examiner, dans chaque problème, tous les cas particuliers de don-
nées qui peuvent se présenter et simplifier alors le symbole général pour
ces cas particuliers.
Cette discussion dans les problèmes un peu complexes, comme, par
exemple, le problème d'Apollonius icercles tangents à trois cercles donnés)
est fort délicate, et c'est le meilleur exercice de sagacité et de discussion
que l'on puisse proposer aux élèves.
4° Dans la recherche du symbole général d'une construction, n'employer
que des constructions générales, à moins que l'on démontre qu'une solution
particulière s'applique toujours au problème que l'on examine.
Ainsi, par exemple, si dans une construction générale il y a à tracer les
polaires de points par rapport à des cercles, il faudra adopter, pour le
symbole général du tracé de ces polaires soit a, soit b de la construc-
tion XXXIX, et non c qui est plus simple, mais ne s'applique que si la
distance du pôle au centre est plus grande que la moitié du rayon; à
moins, bien évidemment, que l'on ne démontre que cette circonstance
se présente toujours dans le problème général que l'on étudie.
o° Pour une construction effectuée avec des données particulières, profiter
de toutes les constructions particulières plus simples que les constj'uctions
générales qui peuvent s'appliquer dans le cas où l'on se trouve.
Il y a évidemment à faire une étude générale de procédés pour arriver
à des constructions simples; rien n'est encore fait à ce point de vue, nous
allons seulement donner ici un exemple pour faire comprendre claire-
ment notre pensée.
Examinons les deux problèmes : Prendre une droite n fois plus grande
ou une droite n fois plus petite qu'une droite donnée BC ; n étant supposé
entier.
Les constructions XXX et XXXI sont assez compliquées et surtout
donnent lieu à une grande probabilité d'erreur lorsque n est un peu considé-
rable ; il y a donc lieu de chercher si l'on ne peut trouver d'autre mode
de constructions dérivant des propriétés de certaines fig-ures ou des valeurs
du nombre n et qui donneraient un meilleur résultat pratique.
Supposons, par exemple, que nous ayions à tracer une droite qui soit
1 1
le -7- de BC et, en même temps, une droite qui soit le — de BC. Par la
10 lo
1
construction XXXI je construis B,Ci qui soit le - de BC
o
op.: (2B, +2R, + llCi + 13C,,),
1
et pour avoir le — de BC, je n'ai qu'à diviser BjCj au point N' entre Bj et Ci
7-2
de façon que
MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
\C 1 BC
' — • ]\'C, sera — - • Je peux, pour diviser BjCi dans le
1 o
BiN 2'
rapi)ort de I à 2. employer le procédé suivant plus simple que le procédé
général donné pour diviser une droite donnée dans un rapport donné.
Par Bi je mène une droite quelconque BjA' et sur B^A' je marque un
point quelconque M' en prenant ByW = M'A'
op. : (B, -f B, + C,+C, + C3j;
je, prends le symétrique A" de A' par rapport à C^ et je trace A"M' qui
coupe BiGi en ]\' op. : (4R, + 3R, + 2Ci + C3).
En tout : op. : (oRi + 3R, -f 3Ci + C, + 2C3) pour diviser Bfi, en N'
1 1
dans le rapport de 2 à i. J aurai ainsi obtenu le 7- et le — de BC par le
symbole :
Op. : (7Ri + SB., + UGi + C, + I0C3); simplicité 42 ; exactitude 22;
5 droites, 15 cercles.
Je prends BC entre les branches du compas et A
étant un point quelconque;
je trace AiBC) (ftg. 10) ;
puis d'un point C quelconque
de A(BC;, je trace C'(BCj
qui coupe A(BC; en B', et
je trace B'C qui coupe C'(BC)
en D, puis AC, AB', op. :
,GK,+3R,+2C,+C,+2C3).
Je place le milieu H de AC
et le milieu E de AB'. . .
op. : (2R, + R, -f 2C, + C3)
l-IG. 1(1.
en me servant des cercles A(BCi, C'iBC) pour avoir H, et décrivant A(AH)
pour avoir E, je trace ED coupant AC en F ; HD coupant B' en G ;
ED, GF qui se coupent en I : T)I qui coupe .\B' en K. AC en L
op.: (lOBi +oB.j;
on a KG r= -i BC, KE = ^ BC.
En tout : op. : (I8R1 4- 9R, + 4Ci + C, + SCg i ; simplicité 3o ; exac-
titude 23 : 9 droites, 3 cercles.
Soit M le point où GF coupe B'C .
11 est évident que cette figure donne bien d'autres divisions de BC,
par exemple : HF ^ GE
IH^^BC; MC
lE = FC
-^BC;
LA = ^ BC: LC = l BC; LH ^ i BC; MB'
7 < 14
Dp
BC ; FG == -= ;
V
/3
É. LKMOINK. LA r.KOMKTHUGKAl'IUK 73
HG = V BC: 1)H = ^-^ hC: DF = ^ BC: EF = ^^ BC ;
U ^ 'j b
DE = 14^ BC : KL = ^^ BC ; GI =^ IF == -^ BC, etc.. etc.
9
2v3
On voit que si, au lieu de prendre CD = BC, on prenait CD - m . BC
im étant entier ou fractionnaire», on aurait pour toutes les lignes, dont
nous venons de donner les longueurs pour le cas particulier de »j = 1,
des longueurs différentes très variées dont on pourra profiter pour cons-
truire les longueurs des formes :
/.BC. i-BC, ^.BC, L^BC. ^.BC,
/ n m n
l, ut, n étant des nombres entiers.
C'est une étude à faire pour chaque cas et qui n'est point sans présenter
certaines difficultés. Létude pourrait être faite pour le cas plus général où
le triangle AB'C ne serait plus équilatéral. Je constniis un triangle ABC
dont les côtés BC, C'A, B'A sont / . BC, m . BC. n .BC: je prends D sur
B'C tel que CD' = d . BC : je prends sur B'A, B'E = p .BC et sur
C'A, C'H = q . BC, et je mène les mêmes droites que précédemment avec
les mêmes notations et je calcule les longueurs HF, FC, etc., etc.; il me
semble que l'on pourra toujours choisir, et même dune infinité de façons,
les nombres entiers/, m. n,d, p, q, de manière à obtenir, parmi les l^n-
gueurs HF. FC, etc., toutes les expressions des formes:
^ . BC. -
-■■\\/'v ^^'
T., 8, V. étant des nombres entiers.
A cette question d'analyse indéterminée, assez imprévue à propos de
notre sujet et que je crois très difficile et fort intéressante par elle-même sans
que je puisse l'étudier en détail, s'en rattachent une foule d'autres comme
les suivantes : Parmi les nombres 1, m, n, d, p, q, combien peuvent être
choisis arbitrairement pour que Fon puisse déterminer les autres de façon
que lune des quantités HF, FC, etc., ail une valeur donnée, ou encore :
Étanl donné un triangle AB'C dont les côtés sont des nombres entiers,
peut-on toujours trouver une transversale DEF qui divise les côtés du triangle
en segments qui soient des nombres entiers, ou à quelles conditions le pro-
blème est-il possible? On ramène immédiatement, par le théorème de Méné-
laiis, cette dernière question à celle-ci : a, b, c élan/ des nombres entiers,
l'équation ayz — bzx — cxy -|- bcx — cay — abz -{- abc = 0. a-t-elle
toujours [jour x, y, z des solutions entières, positives ou négatives, dont au-
cune n'est zéro ?
74 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
La nouvelle géométrie du triangle rend encore plus évident combien il
est indispensable de s'occuper systématiquement de l'art des constructions,
car tout ce qui se rapporte à elle en fait de construction revient en dernière
analyse à la construction des points remarquables, c'est-à-dire de ceux dont
les coordonnées normales (*) présentent, exprimés en fonction des éléments
du triangle, une symétrie tournante.
Or, chaque propriété trouvée pour un point, donne une construction de
ce point plus ou moins simple, plus ou moins directe; il est donc néces-
saire de classer ces constructions, de présenter la plus simple pour
déterminer chaque point remarquable étudié dans cette géométrie et de
connaître les principales constructions parmi les autres moins simples,
mais qui pourront devenir fréquemment les plus simples dans tels ou tels
tracés d'ensemble.
7 M
A ^ ' ■
FlG. 11.
Le premier problème à résoudre dans la géométrie du triangle où les
diverses coordonnées employées doivent se traduire pour les solutions
graphiques en coordonnées normales est le suivant :
XLIX. — Placer un point M dont on connaît les coordonnées normales
proportionnelles 1, m, n, par rapport au tî'iangle de référence ABC.
Je suppose que /, m, n sont des droites (autrement il faudrait déterminer
d'abord des droites proportionnelles à ces quantités, nous en donnons plus
loin un exemple).
a) Je trace (fig. 11) trois perpendiculaires, une à chaque côté, en
(*) Je dis normales à l'exclusion de harycenlriques, parce que ces ileinières sont des coordonnées
1res utiles à la sp(^culation géométrique, mais se prêtent mai a la ronstrurlion directe qui n'utilise
immédiatement que des droites et des cercles et non des poids ou des surfaces.
^v
É. LEMOINE. — L.V GÉOMÉTROGRAPHIE /O
décrivant des sommets trois cercles d'un même rayon suffisant, mais
quelconque. Les intersections de ces cercles deux à deux donnent les trois
médiatrices, il est évident que les rayons des trois cercles n'ont pas besoin
d'être égaux pour tracer des perpendiculaires qui ne seraient pas les mé-
diatrices, mais c'est plus commode. . . op. : (6Ri -{- SR, -{- 3Ci -\- 3C3).
Sur chaque côté du triangle, BC par exemple, je prends le pied A' de
la perpendiculaire menée à ce côté et je détermine le sommet Ai opposé
à A' d'un carré A'aAia^ de côté l dont les côtés seraient dirigés suivant
A'B et la perpendiculaire à A'B menée en A'.
Je trace Aja^, j'ai ainsi fait . . . . op. : 3 [2Ri + R., + 5Ci + 3C3].
Les trois lignes A^ai, B^B^, C^y^ déterminent un triangle A.,BX, homothé-
tique à ABC ; le centre d'homothétie que j'obtiens par. . op. : (iRi + ^R.,),
est le point M cherché.
Symbole de l'opération totale : op. : (I6R1 + 8R, + I8C1 + I-2C3) ;
simplicité 54 ; exactitude 34; 8 droites, 12 cercles.
Nous avons traité la même question (Bulletin de la Soc. math., 1888,
p. 163), en nous appuyant sur le même principe géométrique (c'est-à-dire
que le point M appartient au lieu des points dont le rapport des distances
à BC et à CA est —, etc.) ;
m
Nous trouvions pour symbole : op. : (34Ri 4' ^'^î + l^C^ + '^^3) ;
smiplicité 71 ; exactitude 47 ; 17 droites, 7 cercles.
Cette construction est moins simple que la précédente ; de plus, dans
l'article cité, nous n'en avions pas même tiré le meilleur parti possible.
Je ferai remarquer à ce propos qu'il ne nous vient pas à l'idée que nous
fixons ici les symboles fondamentaux de Vart de la construction géomé-
trique, comme si nous donnions les constructions définitivement les plus
simples, car :
1" Un autre géomètre pourra trouver une meilleure interprétation
graphique de la solution que nous avons adoptée ;
2° Il pourra imaginer une autre solution conduisant à un meilleur
résultat; disons même que les constructions ne pourront jamais être
théoriquement fixées, puisqu'il n'y a aucun critérium pour reconnaître si
une solution est la plus simple qu'il soit possible et si elle est conduite
graphiquement le mieux possible; mais pratiquement la chose sera bientôt
faite quand les géomètres auront dirigé leur attention sur un sujet aussi
clair et aussi nettement défini ; il suffira d'enregistrer cbaque perfection-
nement, l'on aura rapidement les résultats effectivement définitifs.
b) Les coordonnées normales 1, m, n sont des coordonnées normales abso-
lues et Von en connaît deux, 1 et m par exemple:
1° Je prends / op. : (SCJ.
Je décris C(/) et je mène les deux perpendiculaires en C à CA et
76 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
à CB op.: (4R, + 2R, + 3C, +5C3).
Je prends m que je porte dans le sens convenable en Cjx sur la per-
pendiculaire à Câ ; ce transport n'a pas besoin d'être fait pour l qui se
trouve placé sur le cercle C(/) op- • (3Ci -|- C3).
Par les extrémités ainsi obtenues de / et de m, je mène des perpendicu-
laires aux droites qui joignent ces extrémités à C (XX 2° 6)
op. : (8R, -f 4R, + 2C, + 2C,3).
Elle se coupent au point cherché.
Op. : (12R, 4- 6R, + 12Ci + 8C3); simplicité 38; exactitude 24; 6 droites,
8 cercles.
2° Je trace un cercle passant par C au moyen duquel je trace les deux
perpendiculaires à CB et à CA menées en C (XX 2" b, en économisant
Cl + Cg puisqu'un seul cercle suffit) ... op. (8R1 + ^^i + Ci -)- C3).
Sur ces perpendiculaires, je place dans le sens convenable les coor-
données l et m op. : (OC^ -\- 2C3),
et, comme dans la construction précédente, je trace par les extrémités
ainsi obtenues des perpendiculaires aux droites qui joignent ces extrémités
à C op. : (8R. + 4H, + 2Ci + 2C3).
Op. : (1 6R, + 8 R2 + 9Ci + SC3) ; simpUcilé 38 ; exactitude 2o ; 8 droites,
o cercles.
Chaque point remarquable peut évidemment se construire quand on a
l'expression de ses coordonnées normales, mais cette construction est tou-
jours beaucoup plus compliquée que d'autres qui se déduisent des pro-
priétés du point. xNous allons en donner quelques exemples.
L. — Placer le centre de gravité d'un triangle ABC.
111
Les coordonnées du centre de gravité étant -, -7, -, pour trouver, sans
° abc
avoir égard aux propriétés de ce point, des longueurs proportionnelles à
ces quantités, le plus simple serait de les multiplier par a\ ce qui donnerait :
a' «-
«, — r ' — '
a^ , a-'
de construire : b = — — c = — ,
b • c
ce qui donnerait (construction XXXIV) une simplicité 30 et de construire
le point correspondant par la construction XLIX. En tout une sim-
plicité 84.
Voici d'autres moyens, seuls pratiques, déduits des propriétés du triangle :
É. LK.MOI.M;. — LA (iÉUMÉTUOGUAI^HlK 77
a) On utilise la propriété suivante : Si A' et B' sont les milieux de BC
et de CA, AA' et BB' se coupent au centre de gravité.
Op. : (8B, -f-i'^'^ + SCi -j-^Cjj; simplicité 18; exactitude 11; 4 droites;
3 cercles.
b) On utilise la propriété suivante :
Si l'on construit un parallélogramme CABA", AA' passe par le centre
de gravité.
Je décris les cercles B(CA) et A(CB qui se coupent en C op . : i GC, + 2Cj) .
Je trace C'B qui coupe B(CA en A' op. : i2Bi-[-R:).
Je trace CC, AA' qui se coupent au point cherché. . op. : (4Ri-|-B;).
Op. : [6^1 -f-3R, -f-^Ci -{-^2C,); simplicité 17 ; exactitude 12 ; 3 droites,
2 cercles.
C'est la construction la plus simple que nous connaissions pour avoir
le centre de gravité.
LI. — Placer le point de Lemoine K d'un triangle ABC.
Ses coordonnées normales étant immédiatement données par les côtés
du triangle, il serait placé par la construction XLIX; mais il se construit
d'un très grand nombre de façons plus simples, nous en avons étudié
six (qui pourraient, du reste, être mieux conduites que nous ne l'avons
fait alors). (Voir/. E., 1889, p. 34.)
Je donne ici seulement la plus simple :
Sur AC je prends AC = AB op. : (2Ci -(- C3);
puislaissantlapointeen A, jeprendssur AB, AB' = AC, op. : (Cj -[~ C3).
Je décris la circonférence C'(AC) dont le rayon est entre les branches
du compas op. : (Ci -|- Cj).
Je reprends la longueur AB et je décris B'(ABj. . . op. : (3Ci -f- Cj).
C'(AC) et B'(AB) se coupent en A'.
Je trace la symédiane AA' qui contient le point K. . op.: {^iK^ -f-R:).
Je trace l'autre symédiane BB' en faisant une économie de Cl
op. : (2Ri + R, + ^2Ci -f 3C3).
En tout : op. : (4Ri-f-2R2-j-13Ci -f 8C3); simplicité 27; exactitude 17 ;
2 droites, 8 cercles.
Si j'avais deux compas, je pourrais économiser. . . op.: (4Ci -j- C3)
et j'aurais pour symbole :
Op. : (4Ri -f 2R2 + 9Ci -f 7R,); simplicité 22; exactitude 13;
2 droites, 7 cercles.
On voit par ce qui précède que : Con peut tracer une symédiane par le
symbole :
Op. : (2Ri -}- R2 + "Cl + 4C3); simplicité 14 ; exactitude 9 ; 1 droite,
4 cercles.
78 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
LU. — Tfcicer la droite de Lemoine.
Je fais en A et en B, de l'autre côté de AB que le point C, les angles
BAA', ABB' égaux à C.
A' étant sur CB, B' sur CA, je trace A'B', c'est la droite cherchée.
Op. : (GRi + 3R2 4-6C1 4- 4C,); simplicité 19 ; exactitude 12 ; 3 droites;
4 cercles.
Un cas très intéressant, mais aussi beaucoup plus délicat que le problème
de trouver une construction déterminée le plus simplement possible, se
présentera très souvent dans la géométrie du triangle : c'est de comijiner
une construction qui donne le moyen le plus simple de trouver, dans un
même ensemble de constructions, plusieurs résultats dont on a également
besoin. Si le lecteur veut s'exercer à quelques cas simples, il verra rapi-
dement, s'il en doute encore, qu'il y a un a7't véritablement nouveau
des constructions géométriques. Cette recherche exige que l'on possède à
fond la géométrie du triangle, que l'on ait une grande présence d'esprit
pour choisir les constructions quand on fera le croquis de sa construc-
tion, et beaucoup de réflexion.
Il arrivera souvent que la combinaison des constructions les plus simples
pour chaque résultat isolé ne donnera pas du tout le résultat le plus
simple cherché, qui s'obtiendra par des voies différentes. Le problème se
complique rapidement et présente souvent des diflicultés que n'aurait pu
faire prévoir la théorie si simple de l'art des constructions.
Nous allons en donner brièvement un exemple des plus élémentaires.
Lin. — Placer le centre de gravité et le point de Lemoine d'un triangle ABC
en une même construction.
L'addition des constructions Ll et LU nous donnerait un symbole de
simplicité 43 qui se simplifierait évidemment un peu en utilisant dans les
constructions les cercles de même rayon a, b ou c, que l'on peut tracer
pour une des constructions et qui serviraient à l'autre lorsque leur centre
se trouverait placé sur l'épure au moment où l'on aurait la longueur conve-
nable entre les branches du compas, mais il est facile de prévoir que le
compte total dépasserait 32, car au moment où nous placerions K nous
aurions au moins 26 (puisque c'est le nombre que nous considérons comme
donné par la construction la plus simple de K;, et il resterait à trouver le
barycentre, ce qui exigerait au moins le tracé de deux droites ou six opé-
rations élémentaires, car aucune médiane n'a été tracée dans la construc-
tion de K. Les lignes qui précèdent ne sont pas une démonstration rigou-
reuse que 32 serait dépassé, mais elles le montrent suffisamment.
Nous allons donner une construction qui place ces deux points par le
symbole :
É. LEMUIM:. — l.V GKOMÉTUOGKM'HIE 79"
Op. : (12Ri + GRo + 9Ci -|- 0C3); simplicité 32 ; exactitude 21 ;
6 droites, o cercles.
Je trace les trois cercles A(Rj, R(R), C(R) de même rayon R suflisant
pour qu'ils se coupent deux à deux op. : (3G, -j- SCj).
Au moyen de deux de leurs intersections, je place les milieux A' et B'
deBCetdeCA op.: (4Ri+2R,).
Je trace AA', BB', ce qui place le barycentre . . .op. : (4Ri -{- 2R2).
Je prends sur les arcs de A(R) et de B(R) compris entre les côtés des
angles A et B du triangle les arcs qui placent les points où les arcs sont
coupés par les symédianes de A et de B (on sait que les médianes et les
symédianes d'un même angle, symétriques par rapport à la bissectrice de
cet angle, font des angles respectivement égaux avec les côtés de
l'angle • ... op. : (6C, + 2C3);
Et enfin je trace les symédianes de A et de B, ce qui place le
point K op. : (4Bi + 2R,).
Les lecteurs pourront s'exercer à la construction la plus simple pour
obtenir dans un même ensemble :
Le pont de concours des hauteurs, le centre de gravité, le point de
Lemoine ;
Le centre du cercle inscrit et celui du cercle circonscrit ;
Le point de Nagel et le point de Gergonne, etc., etc.
LIV. — Placer un point de Brocard.
Le point direct w par exemple, tel que ojAC = wCB = wBA.
Je m'appuierai sur la construction de l'angle de B)'ocard donnée par
M. Brocard {A. F., Congrès d'Alger, 1881, 10, p. 146).
Je décris les trois cercles d'un même rayon R quelconque, A(R), B(Rjr
C(R) op. : (3C, + 3C3).
Par A je mène la parallèle X'AX à BC en faisant au moyen d'arcs égaux
pris sur les cercles A(R) et C( R ), l'angle CAX' = ACB ...
• . op. : (2R, + R. + 3C, +C3).
Je fais en B (de l'autre côté de AB que le point c) l'angle ABX = ACB
op.: (2R, + R, + C, + C3).
Je trace CX op. : (2Ri + R^).
ex contient w et XCB est l'angle de Brocard.
Au moyen de l'arc qu'il intercepte sur C(R), je trace, en le reportant
sur B(R), etc., la droite Boj op. : (2R, -f- R, + 3C, -f C3).
et j'ai le point to par le symbole :
Op. : (8R1 + 4R, + lOC^ + 6C3); simplicité 28; exactitude 18;
4 droites, 6 cercles.
80 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
LV. — Placer les deux points de Brocard to et o/.
Ayant fait les mêmes constructions que précédemment, je trace deux des
droites Ao)', Bo/, Cw', au moyen de deux des circonférences A(R), B(R),
C(R) et de la corde de l'arc (que j'ai dans le compas) intercepté sur l'une
d'elles par l'angle de Brocard op. : (4Ri + 2R, + IC, + 20,).
J'ai donc placé les deux points de Brocard par une construction dont le
symbole est :
Op. : (12Ri + 6R2 + 12Ci + 8C,); simplicité 38; exactitude 24;
6 droites, 8 cercles.
Ce sont les constructions les plus simples pour obtenir les points de
Brocard, ... jusqu'à ce qu'on en ait indiqué de plus simples, s'il y en a.
L\ I. — Placer le point de Steiner.
Je me sers de la proposition suivante {Mathesis, 1889, p. 69, dans l'article
qui est la reproduction traduite du chapitre de : A Sequel to the first six
books of the Euclide, par M. J. Casey, 5*^ édition).
Des sommets A, B, C du triangle comm,e centres avec des rayons respec-
tifs a, b, c, je décris des cercles qui se coupent deux à deux sur le cercle
circonscîit en X^, B,, Ci, ; BC et BjC^ se coupent en A^; AA^ coupe le cercle
circonscrit au point de Steiner.
Je trace A(BC), B(CA), C(AB) qui se coupent deux à deux en Ai, Bi.Cj
op. : (9Ci -i- 3C3).
Je trace BiCiqui coupe BC en A2,puis je trouve AA2, op. : (41{i -f- 2R2).
Je trace CiAj qui coupe AC en B^, puis je trace BB^, op. : (4Ri + 2R.j.
AA2 et EB^ se coupent au point de Steiner qui est ainsi donné par le
symbole :
Op. : (8Bi + 4R, + 9Ci + 3C3); simplicité 24; exactitude 17; 4 droites,
3 cercles.
LVII. — Placer le point de Tarry.
Je trace le cercle circonscrit .... op. : (4Ri -|- SR^ + 5Ci + -iCg).
Je trace le cercle A(BC) qui coupe le cercle circonscrit en Bj et Ci . . .
■ op. : (3Ci + C3).
Je trace BiCi qui coupe BC en A2, je trace AA.^ qui coupe le cercle cir-
conscrit au point R de Steiner op. : (4Ri -f 2RJ.
Je trace le diamètre RO du cercle circonscrit op. : (2Ri -{- R^);
l'extrémité opposée à R est le point de Tarry.
Op. : (lORi -f oR, -}- 8C1 4- 5C3); simplicité 28; exactitude 18; 5 droites,
5 cercles.
de A' sur AB et sur AC ; on aura A^ A^ = - •
K. I.KMOI.XK. LA GÉCt.MÉTliOGKAPHIK 81
Remarquons que lorsque l'on place ainsi le point de Tarry, le point de
Steiner se trouve préalablement placé par le symbole
op. : (8R, + 4R, + 8C, + SC^),
symbole simple, mais cependant un peu moins que celui que nous venons
de donner.
S 2S
LVIII. — Construire la longueur — ou ~ dans un triannle.
Il R "^
Soit A' le pied de la hauteur abaissée de A surBC; A^ et A^' les projections
S
R
L'intersection de B(BA) et de C(CA) donnera Aj symétrique de A par
rapport à BC; traçons AAi ; on aura A'. . op. : (âRi -{- R^ -f 40^ + SC,).
L'intersection de B(BA') et de A(AA') donnera A^'^ symétrique de A'
par rapport à AB; traçons A'A^^, qui coupera AB en A^'
op. ; (2R, + R, + 4C, + 2C3).
On aura de même A^ par op. : (2Ri -f- R., -j- 4Ci -f 2C3),
S
et A^A^ (qu'il n'est pas besoin de tracer), c'est-à-dire — est obtenu par:
Op. : (6R, -I- m, + 12Ci + 6C3); simplicité '27; exactitude 18;
3 droites, 6 cercles.
2S '^S
Si l'on remarque que A' A'^ = —, on s'aperçoit que ^ peut être
Il R
g
construit plus simplement que - ; en efïet, je construis A' comme précé-
demment par . op. : (2Ri -f R^ + 4Ci -\- 2C3),
puis A^ç et A'.j, en opérant ainsi :
Je construis A(AA'j, puis B(BA') qui coupe A(AA'j en A^^,, puis C(CA')
qui coupe A(AA'j en A',,, op. : (60^ + SCg).
En tout : op. : (±]X, -f R, + lOCi + SC3) ; simplicité 18; exactitude 12;
i droite, 5 cercles.
Je ne donne cette construction LVIII que comme exemple très simple
des remarques que peut susciter l'application d'une construction, et aussi
pour montrer l'utilité qu'il y a à conserver dans la mémoire, ou de noter
la valeur d'un assez grand nombre d'éléments du triangle, afin d'abréger,
à l'occasion, les constructions.
c- • » • S ^^/l
Si je n avais pas utilisé la valeur de A[A^, je n'aurais construit j; ~ -^^
R 2R
que par un symbole beaucoup plus compliqué; il aurait fallu par exemple:
mener la hauteur partant de A, construire le cercle circonscrit pour
6*
82 MATIIÉM.VTIQIJES, ASTRONOMIK, Cl'lODKSIK KT MÉCANIQUE
avoir le dianiMro rayon 2I{, t'iiliii, cluMclicr la qiuilriùine proporlionndle
entre IIC, la liaiileur, et ïiH.
S
Dans noire pronnùre conslriiction de -, au heu de mener les perpen-
diculaires (le A SIM' WC, de A' sur AU el sur AC en plaçant leurs symé-
triques, j'aurais \n\ iMuployer la construclion classique W a, et j'aurais
obtenu la Hj-ne j- par le symbole : op. : (6K, + '^^^2 + 9C, -f Î^C,.,), de
même siuqtlii'ilc, mais exigeant plus de li^Mies; remarquons, du reste,
2S
que je n'aiiiais pu alors construire —aussi simplement que je l'ai fait.
Ll\. — Placer le point de (Iergonnk d'un des cercles tangents
(lu.r trois cnti^s d'un triniif/le.
La construction indiquée (.4. h\, Congrès de Paris, 1881), p. 213, § 7)
donne :
Op. : (lOli, + rjR, -f 9C, 4- ^U:,); simplicité 27; exactitude 19;
5 droites, 3 cercles,
pour placer un seul point, et :
Op. : (22K, 4- nu, + 9C, + SC,); sim])licité io; exactitude 31;
11 droites, 3 cercles,
pour les placer tous les quatre.
LX. — Placer le centre de gravité 1 du périmètre.
Je me sers de la première construction inili(]uée (^1. P., Congrès de
Paris, 1889, p. 20o, § 5).
Je trace B(a); puis A(a), qui coupe AC en p dans le sens de AC et AH
en Y dans le sens de AB op. : (3C, -|- 2C3).
Je prends le milieu y' de By et le milieu [i' de C[B au moyen des trois
nouveaux cercles y(«), C(a), ^(a), puiscjue B(rt) est déjà, tracé
op. ; (IR, -f- 2R, + 3C, -f 3C3).
Je trace C(Ct3') qui coupe CB en (3, dans le sens CB et B(By') qui coupe BC
en Yi dans le sens BC op. : (4Ci -j- 2CJ.
Enfin, je trace p'^,, y'y, qui se coupent en 1 . . . op. : (4Ri -}- 2BJ.
En tout: op. : (8B1 -|- 4B, -[- lOC, + 7C3); simplicité 29; exactitude 18;
4 droites, 7 cercles.
Par transformation continue en A, on placerait d'une fa(;on analogue
h -\- c c — a b — a
le pomt — ■ — > — ; — j
abc
É. LEMOI.NE. I,A GÉOMÉTROGRAPHIE 83
LXI. — Placer le point de Nagel : , etc.
a
Soit al^ f^ c.
Je trace \(a) qui coupe AC en p dans le sens AC et AB en y dans le
s«nsAB op. : (3C, +C,).
Je trace C(C8j qui coupe CB en .S, dans le sens CB et B^ B-.'j qui coupe
BC en Y, dans le sens BC op. : (4C, + 2Cj).
Je trace y^^ et vv^ qui se coupent en point de Nagel, op. : (4Bi -f- 2B,).
Op. : (4R, + 2B, + 7C, +3C31; simplicité \Q; exactitude 11 ; 2 droites,
3 cercles.
On vérifie facilement cette construction du point de Xagel, parce que
les équations de }}^ et de w, sont respectivement :
a-x — b'^y -f- cz\a — èi = 0,
— a-x + hy(c — a) -\- ez = 0,
droites qui se coupent au point de Nagel.
On placerait par une construction analogue déduite de la précédente
par transformation continue en A, en B et en C, les transformés continus :
P P — '^ P — ^
' — 7— • ; etc.. du point de NaqeL
a o "^
T vir D/ / • , ^ a^j^ + a*c^ — b^c-
LMi. — Placer le point <ï> : ■ .
etc.
>'ous avons fréquemment rencontré ce point ivoir ./. E., 1883, pro-
blème VU, p.nS; A. F., Congrès de Grenoble. 188o, § 2, p. 28; 4 F.,
Congrès de Toulouse, § 2, 3, 4% p. 23, etc. j ; c'est aussi, comme nous
l'avons montré, le centre radical des trois cercles de Neuberg. «I» est le
point où se coupent les deux brocardiennes de la droite de Lemoine par
rapport à la droite de l'infini.
-Nous le construirons en partant de la propriété suivante :
Si A' e.Ht la symétrique de A par rapport au milieu de BC, A, le pied de
la sy médiane partant de A, A'A, passe en <^.
Je place A' et C comme il suit :
Je prends AC; je trace la parallèle à AC menée par B en traçant un
losange dont le côté ait pour longueur AC, qui s'appuie sur la droite AC,
en ayant un sommet en B, les points A' et C sont ainsi placés par les
intersections de cette parallèle et du cercle BiACi qui a servi à la tracer
op. : <-2Rj + R, -j-oC, + 3C3I
Ceci exige que j'aie choisi pour B un sommet tel que AC soit plus grand
que la hauteur partant de B. Au moyen des cercles CiCC), AfAA'i, je
8i MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
prends sur les arcs qu'ils comprennent entre les côtés des angles C et A
les symétriques C" et A" de C et de A', par rapport aux bissectrices des
angles C et A, C" et A" sont sur les symédianes partant de C et de A.
Ces syinédianes coupent AB et CB en Cl et A,
op.: (4R, + 2B, + 10Ci+4C3j.
Je trace C'Ci, A'Ai op.: (4R, + !2R j.
Ces droites se coupent au point •!> obtenu ainsi par le symbole :
Op. : (lORi + 0R2 + loCi + 7C3J; simplicité 37; exactitude 2o;
5 droites, 7 cercles.
^i b'^c^
LXIII. — Placer le pobii W : , etc.
a
Ce point s'est aussi très souvent présenté à nous. {N. A., 1885, § 1,
n° 4, p. 204; i. F., Congrès de Limoges, 1890, p. 124; Congrès de Mar-
seille. 1891, p. 15o, n° 18; voir, à propos de ce dernier refert, le renvoi
indiqué à la construction b donnée plus loin, du problème qui nous
occupe.)
Je vais d'abord placer ce point en me servant des valeurs de ses coor-
données, je donnerai ensuite une autre méthode plus simple.
a) Pour réduire les coordonnées données de W à des lignes, je les divi-
serai toutes trois par une même quantité qui devra être le produit de
deux lignes. .Je choisis le produit bc de deux côtés du triangle, ce qui
me paraît permettre les plus grandes réductions possibles dans la construc-
fa' a bc\ /b^ a^ c\
tion ; ces coordonnées peuvent alors s écrire : I U ( - — T" I ) '
c* a"" 6^
a* c'^ b"^ à^ bc
, _ , — , —
b b c c a
abréger, j'appelle respectivement /j, Z,^, /3, Z^, /j.
On pourrait faire pour cela cinq fois la construction XXXIV*"*, mais
il y a des économies possibles.
i" Je n'ai, pour les cinq constructions, à tracer que trois cercles ayant
pour centres A, B, C, en les prenant d'un même rayon; cela économisera :
op. : (7C, + 7C3).
a- c*
2° Pour avoir -7-5-7-» j'ai à faire les angles A et G en B;
b b •' °
» — ? — » » » A et B en C ;
c c
» — » » l'angle C ou l'angle B en A.
fSe reporter au détail de la construction citée.)
Je ne prendrai donc entre les branches du compas qu'une fois la corde,
Il faut donc construire d'abord les lignes —■, — > —-, — > — que, pour
K. LEMOINE. — I-.V C.ÉOMÉTROGRAPHIK 85
correspondant, dans les trois cercles tracés, aux angles A, B, C, puisque
ces cercles sont tracés et que je pourrai alors utiliser, pour les constructions
des angles, la corde d'un angle au moment où je l'aurai dans les branches
du compas; j'économiserai parla: op. : (4Ci).
/ a
J'ai ramené ainsi la solution à construire le pomt : Ui - — U
(k — ^ r) ' (^2 — ^4 - ) ' n'ayant encore fait que o[2Ri + R2 + ^Ci -\- 30^]
_7C^_7C3-4Cj,ou op.: [iORi + 5R, + l^C, + 8C3].
,, , « , c b
Pour prendre les trois quatrièmes proportionnelles /i •- 5 h-f h'-'
I
que j'appelle >.i, )>2» ^3' j'opère ainsi :
Comtruction de 1. ou\.-- :
c
Je porte AB en CL sur CB dans le sens CB . . . .op. : (3Ci -f C3).
Je porte l^ en CL' sur CA dans le sens CA . . . . op. : (SC^ -\- C3) ;
puis je mènerai par B une parallèle à LL' (sans tracer LL'}, construc-
tion XVIL
I .a
3° Cette parallèle coupera CA en L" et CL" sera — ou Àj
op. : (2R. + R, + 6C, + 2C3).
c
Comtmction de X, ou\.-- :
' b
Par L', je mène une parallèle à AL fsans tracer AL)
.op. : r2R,+R, + 6C, +2C3),
qui coupe CB en N; CX sera 1^.
Construction de 1.^ ou I4 • - :
Je porle l^ sur CB en CP dans la direction CB. . .op. : {3Ci 4- C3).
Par P, je mène une parallèle à LA (sans tracer LA)
....'. op. : (2R, + R. + 6C1 + 2C3),
qui coupe CA en P'; CP' sera X3.
J'ai maintenant à construire les trois longueurs À; — 4, /g — l^, l„ — X,.
Ce que je fais en portant /^ sur Xj, X,^ sur ^3, A3 sur l, dans le sens
convenable par op. : ^BCi -j- 3C3),
et j'ai enfin trois longueurs \k^, ;j.,^, 1x3 par le symbole
op. : ( i6R, + 8R, + SOCj + 2OC3).
Il ne me restera plus, pour placer W, qu'à faire la construction XLIX
du point dont les coordonnées normales proportionnelles sont : ;xi, [j..,, [j-^,
et je l'aurai obtenu par le symbole total :
Op. : (32Hi + IGR, + OSC^ + 32C3); simplicité 148; exactitude 100;
16 droites, 32 cercles.
86 MATHÉMATIQUES, ASTROiNOMlK, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
b) Je m'appuierai, pour effectuer la seconde construction, sur le moyen
de construire le point V^ : x'x.iy';:, — z'y,), etc., connaissant les points
M' : x', y\ z' et M, : x„ y„ z^, moyen que j'ai donné au Congrès de Mar-
seille, A. F., 1891, p. 15o, n" 13 (*).
On voit que, si M' et M^ sont les points de Brocard, Yi est le point
W : , etc., dont nous nous occupons.
a
Je place les points de Brocard W et M^ par la construction LIV. . .
op. : (12R, + 6R, + 12C, + 8C3),
Comme, dans cette construction, je n'ai tracé que deux des droites
AM', BM', CM' et deux des droites AM^, BM^, CM^, je trace les deux
autres, qui me sont nécessaires ici op. : (4Ri -f" -ï^i)-
Je place le point appelé a (loco citato) op. : (4Ri -j- 2R2),
et je trace la droite Aa, qui contient W et la droite B?, qui contient
aussi W op- • (8R. + ■^^■2)'
W se trouve alors placé au moyen du symbole :
Op. : ("28Ri + 14R, + 12Ci + SC,;; simplicité 62; exactitude 40;
14 droites, 8 cercles.
Et rien ne dit, naturellement, qu'en s'appuyant sur d'autres propriétés
du point W, on ne trouverait pas mieux.
J'ai traité cette question surtout pour donner un exemple de la façon
de discuter les problèmes de construction; j'ajouterai que les constructions
tirées des théorèmes de la géométrie du triangle (comme la construction b
de ce point W) sont, pour ainsi dire, toujours beaucoup plus simples
que celles qui sont déduites simplement de la valeur des coordonnées du
point à construire, quelque soin que l'on mette d'ailleurs, comme je l'ai
fait ici, à économiser les constructions en profitant de toutes les simpli-
fications que la nature des données suggère.
Toutes ces remarques très simples qui se font vite et facilement dès
que l'on a un peu l'habitude de construire avec nos principes sont, comme
l'on voit, fort longues et assez fastidieuses à détailler, à cause même de
leur degré d'évidence; en suivant ce mémoire, un crayon à la main, on
verra qu'il se lit sans aucun effort et que presque partout la pensée du
lecteur suivra immédiatement ou même devancera notre exposition, car
les connaissances nécessitées par la théorie proprement dite de Vart des
constructions se bornent aux trois premiers livres de la Géométrie de
Legendre.
J'ai répété quelquefois diverses observations ; je ne l'ai pas fait sans
intention, car le sujet traité étant nouveau, j'ai cru bon d'insister ainsi
(*) A l'endroit cité, il y a quelques mots sautés à l'impression: page 153, ligne i, en remontant, il
a'' — Ij'-c-
faut, après points de Brocard, ajouter : V, est le pomt , etc.
K. LEMOINE. LA GÉOMÉTROGRAPHIE 87
sur certains détails lorsqu'ils se présentaient à plusieurs endroits d'une
façon naturelle, afin de ne pas obliger le lecteur à se souvenir de tout
ce qui avait été dit précédemment.
Nous n'avons pas eu pour but, dans l'étude de la Simplicité et de l'Exac-
titude des constructions, de créer quelque chose qui correspondît exactement
aux cas de la pratique ; nous croyons, du reste, la chose impossible pour
beaucoup de raisons : par exemple, on ne peut que compter également,
dans une théorie quelconque, l'intersection de deux droites, quelles
qu'elles soient, l'intersection d'un cercle et d'une droite, etc., et si, dans
une épure, l'une des droites est tout entière hors du papier, si le cercle
a un rayon considérable, si les deux droites coïncident presque, etc., etc.,
les opérations sont, en réalité, quelquefois impraticables, quelquefois
fort ditficiles; aussi l'appréciation de toutes les combinaisons diverses
qui peuvent se présenter de cette façon échappe bien évidemment à toute
mesure. De ce que nos mesures ne correspondent pas à la réalité immé-
diate, on ne peut conclure à la stérilité de la méthode, pas plus que — si
parva licet componere magnis — on ne peut dire de la mécanique ration-
nelle qu'elle est inutile parce qu'elle ne correspond point à la pratique.
Du reste, rien que ce travail, où sont simplifiées effectivement par notre
méthode les constructions fondamentales, séculairement admises, de la
géométrie, suffit pour établir son utilité, car il est difficile de croire que
si l'attention des géomètres avait été attirée de ce côté, ils eussent mis
comme à plaisir, de toute antiquité, dans les traités didactiques, des types
de construction compliqués, s'ils avaient pensé qu'il en existât de plus
simples.
Nous avons fait les hypothèses suivantes ;
Tous les cercles sont également faciles à tracer.
Toutes les droites sont également faciles à tracer.
C'est-à-dire que nous opérons sur une feuille infinie et que la grandeur
des compas et des règles est illimitée.
C'est dans le même esprit que nous avons raisonné pour donner le
même symbole C^ à l'opération qui consiste à mettre la pointe d'un compas
en un point A lorsqu'une des pointes est hbre et à l'opération qui
consiste à mettre la seconde pointe du compas en un point A lorsque la
première est maintenue en un autre point B, — opération que l'on fait
pour prendre, entre les branches du compas, la distance qui sépare les
deux points A et B. — Nous n'avons considéré que ceci : dans les deux
cas nous faisons coïncider une pointe avec un point déterminé, ne nous
occupant pas de la manœuvre à laquelle l'instrument nous oblige pour
cela ; on peut remarquer, du reste, que si la manœuvre est différente
effectivement, le soin à mettre pour faire les deux opérations est le même,
si l'on veut obtenir la plus grande exactitude possible. Dans une pareille
88 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
théorie, l'on se trouvera toujours entre la spéculation pure et les faits,
puisqu'il n'y a pas de représentation réelle du point, ce que nous consi-
dérons comme tel, étant une petite surface, soit sur l'épure, soit à la pointe
du compas, etc.
Il pourrait encore sembler nécessaire de tenir compte du nombre de fois
que la construction oblige cà changer d'instruments en quittant le compas
pour reprendre la règle et réciproquement ; on emploierait pour cela un
nouveau symbole, — la chose serait, du reste, facile — mais elle nous semble
superflue et ne se trouve pas dans le point de vue où nous nous sommes
placés; d'abord, ce changement d'instrument n'est ni une opération de pré-
paration Ri, Cl, C,, ni une opération de tracé R^, C3 qui importe au résultat ;
ensuite l'idée qui la ferait admettre, c'est le désir de tenir compte du
temps et nous ne considérons pas directement cet élément. Nous disons
que la construction A est plus simple que la construction B si A exige
moins d'opérations élémentaires théoriques que la construction B, voilà
tout.
Les positions des données amènent en pratique des impossibilités ou des
complications de tracés pour résoudre les difficultés, alors le temps serait
évidemment un élément à considérer, mais nous croyons impossible de
le faire théoriquement ; on peut objecter aussi que le temps employé à
l'étude prélim.inaire de la construction à exécuter compense celui qu'on
gagnerait à exécuter l'épure sans tant de recherches, mais d'abord un
peu d'exercice rend cet examen rapide et, surtout, nous ne considérons
pas le temps, mais nous avons en vue l'exactitude de l'épure qui est évidem-
ment d'autant plus grande qu'il y a moins d'opérations à effectuer, puisque
chacune d'elles entraîne une erreur (*).
C'est toujours en suivant la même idée théorique que nous avons
adopte l'hypothèse que les opérations élémentaires Rj, Rg. C,, C2, C3 étaient
égales pour former le coefficient de simplicité, nous les considérons comme
des éléments et une opération de simplicité n est une opération qui exige
n opérations élémentaires.
Il serait facile d'imaginer des moyens qui sembleraient évaluer les
rapports de la durée des opérations élémentaires en faisant exécuter en
même temps plusieurs constructions déterminées, par des ensembles de
bons dessinateurs, lesquels répéteraient m fois la même construction, de
marquer le temps et de déduire de là, en prenant les coefficients de Ri,
(*) A propos de l'influence du nombre des opérations sur l'exactitude finale du résultat, noussigna-
lerons une question qui nous semble fort intéressante, mais que nous n'avons pas poursuivie, parce
que sa solution dépend de spéculations avec lesquelles nous ne sommes pas très familiarisés.
J'appelle E l'erreur m(jyenne probable que l'on fait sur cbaque opération élémentaire, E,j l'erreur
probable finale d'une construction dont la simplicité est n. Cela posé, quelle est la valeur probable
E„
de — si un même résultat est recherché par deux solutions qui exigent respectivement n et n' opé-
rations élémentaires, c'est-à-dire dont les coefficients de simplicil(' sont n et n'?
K. LEMOl.NE. LA GÉOMÉTROGRAPHIE 89
Rj, etc. comme inconnues, des équations qui permettraient de déterminer
leurs rapports de durée ; mais en y réfléchissant un peu, l'on voit que
l'on n'aurait ainsi que des valeurs s'appliquant aux circonstances parti-
culières des épures adoptées pour faire cette expérience, et nullement à la
pratique générale ; la chose peut avoir cependant un intérêt de curiosité,
quoique nous ne fassions pas intervenir directement le temps dans Vcri
de la construction géométrique, et nous avons le projet de la mettre à exé-
cution, si nous trouvons des circonstances favorables pour cela.
J'ai déjà dit que les géomètres n'avaient jusqu'ici cherché que la sim^
plicité spéculative du raisonnement et de l'expression, qu'ils n'ont pas
paru soupçonner que la simplicité de la construction réelle était tout
autre.
Cela vient évidemment de ce que les géomètres construisent peu en
général, et Vart de la construction n'a pas eu jusqu'ici de place dans la
géométrie : 1" parce que les géomètres spéculatifs ne s'en sont jamais
occupé ; 2° parce que les dessinateurs de profession n'ont en général que
très peu besoin de ces subtilités dans les constructions usuelles de leur
métier; qu'ils doivent avoir l'esprit plus apphqué à la pratique propre-
ment dite qu'à des recherches théoriques (cependant utilisables par eux
et qu'ils ont adopté, sans examen et tout naturellement, les constructions
indiquées de tout temps par les géomètres dans les livres didactiques qu'ils
ont entre les mains.
Il n'est point surprenant que la simplicité du raisonnement spéculatif
ne corresponde pas très fréquemment à la simplicité de la construction :
i° Parce que le lexique géométrique permet de condenser souvent en
un mot des opérations très complexes ;
2° Parce que le raisonnement est libre de toute entrave, tandis que la
construction est assujettie à se servir de certains instruments déterminés,
la règle et le compas (-), au moyen desquels il faut que tout s'exécute.
Lorsque l'idée nous est venue de nous occuper de ces questions, nous
avions songé d'abord à une autre représentation des constructions, dont
nous allons dire quelques mots.
Avec une règle on ne peut faire autre chose, pour une construction, que :
Tracer une droite quelconque op. : (oj ;
Tracer une droite passant par un point donné op. : (cj ;
Tracer une droite passant par deux points donnés op.: (03).
Et, avec un compas, que : prendre entre les branches du compas la dis-
tance de deux points op. : (y ).
Reporter cette distance sur une ligne donnée :
(*) Nous n'avons pas considéré ici Téquerre parce qu'on ne remploie pas dans les construction.s nul
doivent être très exactes; mais, ainsi que nous l'avons montré (A. F., (1888, Congrès dOran, p. 9
et ailleurs), il est l'acile d'évaluer le symbole des opérations où Ton emploierait cet instrument.
90 MATHK.MATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Soit à partir d'un point quelconque ^ . . . op.: (y^).
Soit à partir d'un point donné op.: (y',').
Tracer un cercle d'un centre quelconque op.: (y.J.
Tracer un cercle d'un centre donné .op.: (y'g).
Tout tracé fait avec ces instruments peut donc être représenté par un
symbole de la forme :
A(pO + B(p,) + C(p3) + D(y,) + E(y;) + F(y;') + G(y,) + H(y;).
Nous y avons renoncé assez vite :
Parce que cette représentation est trop compliquée;
Parce que ces diverses opérations sont trop ditférentes entre elles pour
qu'on puisse les assimiler à aucun point de vue ;
Parce que la plupart des symboles qu'elle admet se composent d'opé-
rations irréductibles qu'il vaut mieux prendre pour points de départ;
Parce qu'elle ne met pas en évidence les opérations de préparation
Cl, Co, Ri et ne s'occupe que des tracés ;
Parce que l'on ne peut se placer à un point de vue aussi rationnel que
celui que nous avons adopté dans ce qui précède ;
Parce qu'elle ne donne pas la notion de l'évaluation de l'Exactitude,
et que, malgré le détail dans lequel elle semble entrer, elle vaut moins
que la représentation qui se conlenterait de dire : il faut pour ce tracé
tant de droites, tant de cercles.
Je désire avoir bien montré par ce mémoire qu'il existe un art des
constructions géométriques qui a ses règles propres, son élégance, sa
grande valeur didactique d'exercice de discussion, et enfin son application
pratique.
Comme achèvement des idées émises dans le mémoire du Congrès
d'Oran déjà cité, il resterait à refaire la géométrie en mettant toutes les
propositions sous la forme classique du syllogisme. Nous croyons même
que c'est la partie la plus importante du sujet, — dont ce qui précède n'est
qu'une application particulière, — parce que c'est le seul moyen démettre
en évidence et hors de contestation toutes les notions élémentaires irré-
ductibles ou axiomes expérimentaux qui servent de fondement à la
géométrie et qui sont, en somme, toujours discutés dès que l'on s'en
occupe philosophiquement; nous regrettons de ne pouvoir nous mettre,
au moins actuellement, à cette étude qui est d'un intérêt de premier ordre,
à notre avis.
J'ai dit dans le cours du travail que je viens de soumettre à votre
appréciation : Les géomètres ne se sont jamais occupé des constructions
jusqu'à leur exécution matérielle finale. Il est certain que, à la lecture de
cette phrase, il viendra à l'esprit des géomètres une protestation contre
cette assertion : mais, au contraire, c'est le but final des théorèmes et l'on
E.
LEMODiE. — LA GÉOMÉTROGR.\PHIE 91
s'en préoccupe toujours. Je ne doute pas quu cette réflexion ne soit faite,
car elle n'a jamais manqué d'être la réponse à mon affirmation quand je
la produisais en conversation. Je ne crois pas pouvoir mieux la réfuter
et prouver ma thèse qu'en citant ici (avec l'assentiment des géomètres mis
en cause), deux faits typiques :
Au mois de novembre 1891, j'avais, à une séance de la Société mathé-
matique, parlé de mes idées sur ïart des constructions géométriques, et je
causais de ce sujet avec M. Mannheim, en sortant.
Je suis Taxi de pouvoir citer M. Mannheim à cette occasion, car, pas un
géomètre n'a mieux que lui — avec une préoccupation évidente — donné
élégamment, sur les sujets qui l'ont occupé : surface de l'onde, rayons
de courbure, \'is à filets triangulaires, construction des axes dune ellipse
connaissant deux diamètres conjugués, mémoire d'optique géométrique,
géométrie cinématique, et dans ses cours à l'École Polytechnique, etc.. des
constructions finales claires et simplement exprimées.
Voici des lambeaux de notre conversation se rapportant à l'objet que
j'ai en vue :
Moi. — « ... Le géomètre appelle simple une construction synthétisée
» en quelques mots du vocabulaire géométrique ; mais, le compas à la
» main, la plus simple de deux constructions n'est pas celle qui s'ex-
i> plique avec le moins de mots; ainsi, pour la construction du pro-
» blême d'Apollonius, dont je parlais ce soir, il faut, dans la solution de
» Bobillier et Gergonne, trouver le centre radical des trois circonférences,
» ce qui exige le tracé de deux axes radicaux, etc., et il est nécessaire,
» pour savoir si la solution de Bobillier et Gergonne est la plus simple à
» tracer, de s'occuper d'abord de chercher les tracés les plus simples
» qu'elle comporte, celui de l'axe radical de deux circonférences, etc.. »
i>I. 3Iannheim. — «... Il y a plusieurs moyens très simples : je citerai,
y à première vue, la propriété de l'axe radical de passer par les milieux
» des longueurs comprises sur les tangentes communes entre les deux
» cercles... »
Le Géomètre avait raison ; pour lui, dans ses spéculations, quand on
donne deux cercles, les tangentes communes sont données, les milieux
des segments aussi, etc. ; il s'en sert dans ses raisonnements et en tire
ses énoncés de construction ; il s'arrête, sa tâche est finie dès qu'il a
ramené la question à des constructions géométriques élémentaires.
Mais le Constructeur ?
Examinons ce qu'il aurait à faire pour tracer ainsi l'axe radical, les
deux cercles tout seuls étant sur l'épure ; nous supposerons les deux cir-
conférences extérieures .
1° Tracer deux des tangentes communes aux deux cercles ;
2° Placer les points de contact ;
92 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
3° Prendre les deux milieux de la distance qui sépare les points de
contact ;
4° Enfin, joindre ces deux milieux.
Ce qui, en prenant la construction XIX, première méthode (la plus
simple dans ce cas), et en conduisant toute la construction économique-
ment, suivant nos principes, donne :
Op. : (18Ri + 9R, + 19Ci -f- I2C3); simplicité 58 (soit 58 opérations
élémentaires); exactitude 37 ; 9 droites, 12 cercles.
Et la méthode que nous avons employée (construction XLI), pour tracer
l'axe radical n'exige que :
Op. : (lORi -f- ^1^2 + 2C3); simplicité 17 (soit 17 opérations élémen-
taires); exactitude 10; 5 droites, 3 cercles.
Elle est plus de trois fois plus simple à tracer.
11 est évident que ces considérations ne seront qu'un jeu pour les
géomètres, dès que leur attention sera portée sur ce point; ainsi, ayant
fait voir à M. Mmmheim, dans la suite de notre causerie, que la cons-
truction qu'il avait citée, à première vue, comme simple était fort com-
pliquée, je fus amené à dire : « Eh bien! quel est, à votre avis, la construc-
tion la plus simple du point de Lemoine?» 11 ne répondit plus sur-le-champ
comme la première fois, mais il m'envoya, dès le lendemain matin, une
construction du point de Lemoine qui était la même que celle que je regar-
dais comme la plus simple ot que je donne ici (construction LU).
Voici le second fait que je veux citer.
En rédigeant le texte relatif à la construction LV de ce mémoire, pour
placer les points de Brocard, j'eus l'idée d'écrire à mon ami M. Brocard
en lui demandant de m'envoyer celle des constructions de ces points qu'il
croyait la plus simple, afin de la comparer avec celle que ma méthode
m'avait fait choisir.
Je copie le passage y relatif de sa réponse.
« Pour la détermination des points oj, w', il me semble que la cons-
» truction la plus rapide est la suivante, réduite au minimum de lignes.
» Soit ABC le triangle; tracer le cercle circonscrit; tracer les trois tan-
» gentes BC, CB', C'AB'; joindre BB', CC qui se coupent au point K
>■> de Lemoine. Décrire le cercle Zqui a pour diamètre la droite OK (0 contre
)) du cercle circonscrit); mener par A la droite EAD parallèle à BC; elle
» coupe BC en E, CB' en D; joindre DB, EC qui se coupent en Aj sur le
« cercle Z; les secondes intersections de ces droites DB, EC avec Z sont
» les points w et w'. »
Analysons cette construction en l'exécutant à la lettre, mais en prenant
cependant les constructions réduites de ce mémoire.
1° Je trace le cercle circonscrit (voir construction XXI)
op.: (4Ri + 2R,-f oC, + -iC3).
!■;. LKMOINE. LA GÉOMÉTROGRAIMIIK 93
2° Je trace les trois tangentes en A, en B et en C (voir construction XXV).
op. :(6Hi + 3R, + 12Ci-[-9C,).
3" Je joins BB', ce op. : (4Ri -f 2R,).
4° Je trace le cercle OK (construction XIX)
op. : (2R, -f R, + 4C,-f-3C3).
5° Je mène par A une parallèle à BC (construction XVII) en me servant
de la construction 1° et en remarquant que le cercle circonscrit déjà tracé
me permet une économie de op. : (Ci-f-Ca). op. : 2Ri-|-2R2+ 3Ci + Cg).
6° Je joins DB, EC op. : (4R, + 2R,).
En lout : op. : (22R, + ilR, + 24C, + 170,) ; simplicité 74; exac-
titude 46; 11 droites, 17 cercles.
Notre construction LV donne : simplicité 38; exactitude 24; 6 droites,
8 cercles.
Et cependant, si M. Brocard avait eu l'attention attirée sur le point de
la construction effectuée, il n'aurait pu songer qu'à la solution que nous
avons développée, car elle est, en principe, de lui. (A. F., 1881, Congrès
d'Alger, 10, p. 14(3.)
Je dois ajouter qu'en appliquant complètement notre méthode l'on peut
réduire de quelques unités le symbole de la construction qu'il nous a
envoyée; en efîet, pour tracer les trois tangentes en A, en B et en C, l'on
peut faire en A l'angle B'AC == B en utilisant les cercles de même rayon
décrits de A, B, C dans le tracé du cercle circonscrit.
On les a ainsi par op. : (GRi + 3R, -f 9Ci -f SCg).
Pour mener la parallèle en A à BC, on peut se servir des mêmes cercles
et gagner encore deux opérations élémentaires en faisant angle EAB = C,
pendant que l'on a la longueur de la corde de l'arc correspondant à C
dans le compas, pour tracer l'angle B'^^C.
On a alors cette parallèle par op. : (2Ri -f R^ + Ci + C^).
Les points w et o/ eussent ainsi été donnés par :
Op. : (18Ri + 9R, + IQCi + IIC3); simplicité 37; exactitude 37;
9 droites, H cercles.
Je n'ai pas fait ces simplifications parce qu'elles dérivent trop de l'esprit
de la méthode que nous venons d'exposer pour croire qu'un géomètre,
quelque habile qu'il soit, construisant une figure com7ne tout le monde le
fait jusqu'ici, eût eu la pensée de les introduire; mais, même ainsi simpli-
fiée, la construction reste beaucoup trop compliquée.
J'ai cité deux exemples qui me paraissent caractéristiques.
A duobus discete omnes.
Je crois que tout ce que nous venons d'exposer présente la Géométro-
graphie comme un corps de doctrine à peu près complet en ce qui concerne
la géométrie de la droite et du cercle telle que l'entendaient les Grecs,
mais il reste deux applications à faire en détail au point de vue moderne :
94 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
1° L'application à la géométrie descriptive en ajoutant l'usage de l'équerre
et d'un nouveau symbole d'opération élémentaire y relatif.
2° L'application à la statique graphique qui, outre l'équerre, admettra
l'usage de règles divisées pour éviter les difficultés provenant des ques-
tions d'arithmologie introduites par l'idée de nombre, difficultés que nous
avons signalées précédemment, par exemple: au sujet de la division d'une
longueur donnée en parties proportionnelles à des nombres donnés ou au
sujet de la construction d'une longueur qui soit m fois une longueur
donnée.
Mon ami M. Maurice iVOcagne, qui a eu l'obligeance de présenter ce
mémoire à la Section de Mathématiques, m'a écrit à son sujet une lettre
aimable dont j'extrais les lignes suivantes : «... Je crois qu'au point de
» vue de la spéculation pure, une solution pouvant se résumer dans un
» langage plus bref sera toujours préférée à une autre, quand bien même
» celle-ci serait plus simple au sens absolu que vous donnez à ce mort;
» il faut bien remarquer, en effet, que la plupart des constructions indi-
» quées en géométrie pure, sont destinées à n'être jamais réalisées effec-
» tivement, telles sont les contructions de centre de courbure pour les
» coYirbes autres que les courbes usuelles; il vaut mieux, dès lors,
» qu'elles s'expriment sous une forme plus concise, plus élégante, plutôt
» que de se traduire par une opération graphique plus expéditive. Cela
» est loin, d'ailleurs, de supprimer l'intérêt qui s'attache aux ingénieuses
« considérations que vous avez développées ; celles-ci trouvent, en etlet,
» un vaste champ d'application dans la géométrie pratique et notamment
» dans la géométrie descriptive. L'art de dresser les épures a tout à ga-
» gner à s'inspirer de. vos méthodes... Je vous fais part de ces réflexions
» que j'ai émises à nos collègues de la 1*'' Section, pour que vous puis-
» siez y répondre... »
Je remercie doublement M. d'Ocagne, et d'avoir présenté pour moi ce
travail, et de m'avoir écrit ces lignes; mais je n'ai pas à répondre,
en ce qui concerne son observation, car je suis tout à fait du même avis
que lui et je n'ai point eu l'idée de faire ou de dire quelque chose qui en
impliquât un autre ; je vais seulement profiter de l'occasion pour bien,
spécifier mon but. Je ne m'étonne nullement que ce but ne soit pas res-
sorti pour M. d'Ocagne d'une lecture de ce long mémoire, qui n'avait
pu être approfondie puisque je le lui ai remis la veille de son départ
pour Pau, et je crains surtout d'ailleurs de ne pas avoir suffisamment
mis ce but en relief.
Je ne m'occupe point de l'exposition de la géométrie; pour chaque
question, plus elle sera concise, élégante, etc., mieux cela vaudra, c'est
évident, et il n'y a rien à changer à l'idéal de perfection que le géo-
mètre doit poursuivre; je vise autre chose, car, à côté de la solution
K. I,I:M01>E. — I,\ GKOMÉTKOGKAPHIE 9o
spéculative d'une question, il y a la construction cfTectuée de cette solu-
tion, et la façon de réaliser les constructions constitue une branche par-
ticulière de la connaissance, un art dont on ne s'est jamais occupé; c'est
de lui seul dont il s'agit dans mon travail.
Je n'y prétends même pas suivre exactement la construction réelle,
puisque je prends pour hypothèse que les instruments et la feuille d'épuré
ont toutes les dimensions possibles jusqu'à l'infini, que les positions rela-
tives des données sont indifférentes, etc. C'est la construction rationnelle
que j'analyse; on ne peut, je crois, analyser d'une façon générale la cons-
truction réelle, puisque l'exécution d'une même construction est ou facile
ou pratiquement impossible suivant les grandeurs ou les positions des
données. Ainsi il est souvent facile de placer les intersections d'une droite
et d'un cercle, il sulïït de les tracer sur l'épure; mais si !e cercle a
100 mètres de rayon, comment fera-t-on?
Nous ne pouvons donc suivre la construction réellement effectuée, mais
il est clair cependant que de deux constructions d'un même problème,
évaluées toutes deux par notre méthode, celle pour laquelle on aura le
plus petit nombre d'opérations élémentaires à exécuter, sera par essence
la plus simple et que, toutes choses égales d'ailleurs, c'est elle qu'il fau-
drait rationnellement mettre en pratique plutôt que celle qui exige un
plus grand nombre d'opérations pour sa réalisation; dans le cas, très fré-
quent, où l'on compare deux constructions et que, dans l'une d'elles, tous
les coefficients de Rp R2, C^, C2, Cg sont respectivement au plus égaux
aux coefficients de l'autre, la chose n'est même pas susceptible d'être
discutée.
Il est un seul point de la lettre de M. cVOcagne sur lequel nous ne
sommes peut-être pas d'accord, c'est lorsqu'il dit que les constructions
géométriques ne sont, au fond, que spéculatives, c'est-à-dire qu'on ne les
exécute jamais. C'était vrai pour les Grecs ; s'ils traçaient des figures en
croquis sur le sable, la chose servait simplement à aider le raisonnement,
mais ce n'était pas de la construction. Cela explique qu'eux, si affinés, si
ingénieux dans leurs spéculations géométriques, n'aient point eu l'idée de
la Géométrographie qui n'avait pas d'objet puisqu'ils ne faisaient pas
d épures (*) ; nous disons, nous, une construction faite au moyen de la règle
et du compas, les Grecs disaient une solution possible avec la droite et le
cercle, notre expression indique les instruments de la construction, la
leur, les données spéculatives. L'idée si simple et si naturelle de la Géomé-
(* I Les Grecs ne faisaient pas d'épurés même pour leurs constructions d'édifices; c'est du moins l'avis
des savants qui se sont spécialement occupé de la question, de M. Choisy, par exemple, dont on
connaît les beaux travaux sur l'architectuie grecque ; toutes les dimensions étaient détermini'es par
le calcul; du reste, eussent-ils fait quelques croquis sur le sol, sur des parois de muraille, etc.,
que cel.i n'avait que peu de rapport avec nos épures et ne pouvait faire, chez eux, naître l'idée d'un
art propre de la construction géométrique.
96 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
trographie n'est pas née plus tôt, précisément parce que la géométrie
nous vient des Grecs, que nous avons naturellement suivi leurs traces,
adopté leurs méthodes, développé leurs conceptions, etc., sans imaginer
qu'à la base il se trouvait un détail auquel ils ne devaient pas avoir songé,
puisque son objet : la construction géométrique etléctive, n'existait pas
pour eux. Aujourd'hui, la Géométrographie s'impose, au contraire, car l'on
utilise pratiquement beaucoup de constructions géométriques et des plus
délicates dans les ateliers de précision, pour les machines, etc., etc. Je dois
dire d'ailleurs que ce point de vue utilitaire ne m'a pas conduit, j'ai pensé
simplement que, puisque l'on croit utile de donner des constructions qui
puissent être effectuées avec la règle et le compas, il fallait les donner les
plus simples possibles et indiquer aussi les moyens généraux de construire
le plus simplement. Montrer d'une façon complète que l'on exécute réel-
lement et de divers côtés, dans un but pratique, des tracés géométriques
d'origine spéculative, et qu'il y a même des géomètres amenés à en exé-
cuter pour leurs recherches, m'entraînerait trop loin, mais je veux cepen-
dant citer quelques exemples à l'appui de mon affirmation.
1° Au courant d'une recherche, on a souvent la présomption d'un théo-
rème ; la démonstration de son exactitude ou de son inexactitude peut
conduire soit à de très longs calculs, soit à des études d'autant plus
ennuyeuses à tenter qu'elles sont faites en pure perte si la présomp-
tion n'est pas exacte ; beaucoup de géomètres trouvent donc commode
d'économiser le temps en faisant d'abord une vérification pratique par
le trait, c'est-à-dire une construction dont le résultat ne démontrera
rien, bien évidemment, mais indiquera, ordinairement, si l'idée doit
être poursuivie ou abandonnée; j'ai eu moi-même assez souvent recours
à ce procédé.
2° Je citerai ensuite un petit travail de M. Laisant : Constructions gra-
phiques de nombres transcendants, inséré dans le livre publié à l'occasion
du centenaire de la Société philomatique, en 1888, qui obligeait à une
construction délicate pour laquelle il a dû s'adresser à un habile dessi-
nateur .
3° Des résultats spéculatifs importants ont même été découverts par le
seul moyen de constructions graphiques et démontrés postérieurement;
pourquoi les essais préalables seraient-ils impuissants entre les mains
du géomètre, quand l'arithmologue en fait un moyen ordinaire d'arriver
à la probabilité ou à la fausseté du théorème qu'il a en vue? Voici, du
reste, un cas que je cite avec détails parce que je le crois peu connu.
M. Dunesme, ancien élève de l'École des Beaux-Arts, architecte, maître
de dessin graphique à l'École normale et au ci-devant Lycée Napoléon,
mort il y a une vingtaine d'années, a découvert, le compas à la main de
très curieuses propositions ; je signale les suivantes parmi celles qu'il
K. LEMOINE. — LA GKOMÉTROGRAPHIE 97
a communiquées à l'Institut et qui sont maintenant des théorèmes
courants :
a) Toute courbe C est l'ombre d'une surface de révolution S (éclairée,
par des rayons parallèles; sur un plan perpendiculaire à l'axe de S ;
La développée de C est l'ombre d'un conoide ayant pour axe l'axe
de S, pour plan directeur le plan perpendiculaire à cet axe et pour di-
rectrice l'ombre propre de S.
b) Si l'on fait tourner une conique autour d'un axe parallèle à un
axe de figure, elle engendre une surface de révolution dont V ombre propre
projetée sur un plan perpendiculaire àVaace est une conchoide de conique.
c) Si l'on fait tourner une sinusoïde autour de la ligne des centres,
elle engendre une surface de révolution S ; si l'on éclaire cette surface pa/r
des rayons à 4o°, l'omhi'e propre de S projetée sur un plan jjerpendicu-
laire à l'axe se compose de deux cercles ; l'ombre portée sur le plan per-
pendiculaire à l'axe est une cycloïde.
M. Dunesme faisait avec un soin méticuleux des épures admirables,
déterminant les Rj et les Ci à la loupe, etc.; je tiens ces détails de mon
camarade H. Laurent, examinateur d'entrée à l'École polytechnique;
M. Dunesme était un proche parent de sa mère.
4° M. d'Ocagne lui-même a — très légèrement — ressenti l'influence de
la Géométrographie. Vers la fin de 1891, à une séance de la Société
mathématique, il nous parla d'un problème de construction géométrique
inspiré par les études de son service actuel (le iSivellement général de la
France), et en indiqua une solution; le même jour, j'exposai à ce propos
un résumé succinct des études que je faisais pour évaluer la simplicité et
l'exactitude des constructions géométriques. A une séance suivante M. Lai-
sant apporta, du même problème, une solution plus simple, et M. d'Ocagne
une modification de la première qui semblait, cependant, évidemment
moins simple à construire que celle de M. Laisant et l'était effectivement,
comme le démontrait ma méthode de comparaison. M. d'Ocagne revint
ensuite sur la même question, car il fit présenter à l'Académie des
Sciences, par M. Bouquet de la Grye, une nouvelle solution qu'il croyait,
à tort, plus simple, sans doute parce qu'elle s'énonçait plus brièvement
et qu'il n'avait point d'autre critérium.
Ayant l'intention de rédiger, comme application de ma méthode, une
note que je présenterai prochainement à la Société mathématique et dans
laquelle je comparerai toutes ces solutions du même problème au point de
vue de la simplicité et de l'exactitude de la construction, j'ai demandé à
M. dOcagne quelques détails et, dans sa réponse, il m'a envoyé une der-
nière solution que je viens d'examiner et qui, celle-là, est la plus simple
de toutes. .Je crois bien que, sans l'idée de Géométrographie, ce problème
n'eût point été traité aussi à fond, car tout géomètre qui n'aurait point eu
7*
98 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
cette préoccupation nouvelle aurait été satisfait de la première solution.
Cet exemple montre de plus que, même quand on a l'attention attirée
sur la simplicité des constructions, on ne peut pas, sans notre méthode,
juger quelles sont les plus simples, car M. d'Ocagne avait évidemment
cru que la solution présentée à l'Académie était plus simple que celle
qu'il avait exposée d'abord à la Soc. Math., et c'est le contraire qui a
lieu de la façon la plus absolue.
Sauf cette légère restriction, je ne puis que souscrire à ce qu'a dit
M. d'Ocagne, choses que j'ai, du reste, voulu indiquer en plusieurs
endroits du présent mémoire.
Il est un point qui mérite aussi quelques mots d'explications, lesquelles
répondront à une objection que je m'étais faite à l'origine et qui doit, tout
d'abord, se présenter à l'esprit de ceux qui examinent notre méthode.
Est-il légitime de supposer identiques les opérations : C,, C,, Cj, Ri,R:, dans
la composition des coefficients de Simplicité et d'Exactitude? Non, évidem-
ment, s'il s'agissait, dans la Géométrographie, d'une sorte de métrage
absolu ; mais ce n'est nullement le cas, et si j'assimile ces opérations, c'est
parce qu'elles sont élémentaires, c'est-à-dire indécomposables en d'autres
plus simples et que, spéculativement^ elles ne sont ni plus simples ni
moins simples l'une que l'autre. Le mot mesure ne peut donc pas être
rigoureusement introduit, avec le sens qu'il a habituellement, puisqu'il
s'applique à la comparaison d'une grandeur avec une autre grandeur de
même nature prise pour unité ; une construction n'est pas une grandeur
et elle s'exécute au moyen d'opérations élémentaires irréductibles entre
elles. Si j'emploie l'expression : mesures de la simplicité, etc., c'est dans
un sens imagé, parce que je trouve qu'il convient mieux à mon but que le
mot général : comparaison. Exiger la rigueur absolue ici est impossible et
serait absurde, car elle conduirait à rejeter même toute comparaison entre
les simplicités pratiques de certaines constructions ; comment, en effet,,
apprécier rigoureusement si la construction 20, est plus ou moins simple
que SOR;, puisque les unités Cj et R, sont différentes. En réfléchissant un
peu à l'essence de la question et en pratiquant la Géométrographie, on re-
connaîtra, je pense, comme nous, que nos assimilations sont admissibles
dans l'ordre d'exactitude spéculative où les tracés géométriques le sont
eux-mêmes, car nous disons : je trace une ligne, je place un point, et ni
la ligne ni le point n'ont d'existence objective. Il y a, du reste, des cas très
fréquents où même ces scrupules théoriques n'auraient point à s'appliquer;
ainsi la construction dont le symbole est : op. : (4Ri -{- 2R,-j- 8 Cj -|- 3Cj
est, à quelque point de vue que l'on se place, moins simple spéculative-
ment que celle dont le symbole est : op. : (2Ri -[- R, -f- 5Ci -f-Cj), puisque
les coefficients de toutes les opérations élémentaires, qui sont en réalité
les unités indépendantes de notre évaluation, sont plus petits dans la
É. LEMOINE. — L.V GKOMÉTROGRAPHIE 99
seconde que dans la première; ce cas se présente, par exemple, dans le
problème de M. d'Ocagnc, problème dont nous venons de parler ; enfin
notre méthode donne, en tous cas, un critérium spéculatif plus ou moins
parfait dont nous avons déjà montré dans ce mémoire des résultats pra-
tiques incontestables; avant elle, il n'existait aucun critérium.
RÉSUMÉ ANALYTIQUE PAR ORDRE DE MATIÈRES
Introduction.
Exposition de la théorie de la Simplicité et de V Exactitude.
Applications :
1. — Tracer une droite quelconque.
II. — Tracer une droite par un point donné.
III. — Tracer une droite par deux points donnés.
IV. — Tracer un cercle quelconque.
V. — Tracer un cercle quelconque dont le centre est donné.
VI. — Prendre avec le compas une longueur donnée.
VII. — Porter sur une ligne une longueur prise.
VIII. — Porter sur une ligne une longueur donnée.
IX. — Tracer un cercle passant par deux points A et B.
X. — Placer un point à égale distance de deux points donnés.
XI. — Par un point donné sur une droite, tracer une seconde droite qui fasse
avec la première un angle égal à un angle donné.
XII. — Connaissant deux angles d'un triangle, construire le troisième.
XIII. — Construire un triangle, connaissant un côté et les deux angles adjacents.
XIV. — Construire un triangle, connaissant deux côtés et Fangle compris.
XV. — Construire un triangle, connaissant deux côtés et l'angle opposé à l'un
d'eux.
XVI. — Construire un triangle, connaissant les trois côtés.
XVII. — Par un point pris hors d'une droite, mener une parallèle à cette droite.
XVIII. — Tracer une perpendiculaire en son milieu, à une droite limitée par deux
points, et placer le milieu d'une longueur tracée.
XVIII bis. — Placer le point symétrique A' d'un point A par rapport à une droite
donnée BC.
XIX. — Décrire un cercle sur une droite donnée comme diamètre.
XX. — Tracer par un point C une perpendiculaire à une droite AB.
XXI. — Décrire une circonférence passant par trois points donnés.
XXII. — Diviser un angle donné en deux parties égales.
XXIII. — Diviser un arc donné en deux parties égales.
XXIV. — Tracer la bissectrice de l'angle formé par deux droites qu'on ne peut
prolonger jusqu'à leur intersection.
XXV. — Tracer par un point A d'une circonférence une tangente à cette circon-
férence.
XXVI. — Tracer d'un point extérieur les deux tangentes à une circonférence de
centre 0.
XXVII. — Inscrire un cercle dans un triangle donné.
XXVIII. — Construire sur une droite donnée un segment capable d'un angle donné.
XXIX. — Construire les tangentes communes à deux cercles donnés.
XXX. — Construire une droite qui soit n fois une longueur donnée.
XXXI. — Construire une droite qui soit la n''"" partie d'une longueur donnée,
XXXII. — Diviser une droite en p parties proportionnelles à des droites données.
XXXIII. — Construire la quatrième proportionnelle à trois droites données.
100 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
N'
XXXIV. — Construire la troisième proportionnelle X — — •
Ij-i ,.ï p-2 f,2 f,2 If. i)ç ca ah
XXXIV 5/s. — Dans un triangle ABC, construire — » -?— »— '~'~' ~'"r' — '
" aabuccaoc
XXXV. — Construire la moyenne proportionnelle entre deux droites données.
XXXVI. — Diviser une droite en moyenne et extrêma raison.
XXXVII. — Tracer par un point donné une droite passant par le point de rencontre
de deux droites données que l'on ne peut prolonger jusque-là.
XXXVIII. — Placer le point réciproque d'un point donné, par rapport à un cercle
donné.
XXXIX. — Tracer la polaire d'un point donné, par rapport à une circonférence
donnée.
XL. — Placer le pûle d'une droite donnée, par rapport à une circonférence
donnée.
XLI. — Tracer l'axe radical de deux circonférences.
XLll. — Placer le centre radical de trois circonférences.
XLIII. — Placer un point donné par ses coordonnées cartésiennes relatives à deux
arcs donnés.
XLIV. — Placer les centres de similitude de deux circonférences données.
XLV. — Tracer les axes de similitude de trois circonférences données.
XLVI. — Étant donnés deux points A et B sur une droite, placer le conjugué
harmonique G' d'un point donné C par rapport à A et à B.
XLVII. — Les deux extrémités A et B du côté d'un carré étant placées, placer les
deux autres sommets.
XLVIII. — Placer les axes d'une ellipse dont on donne, placés, deux diamètres con-
jugués.
Principes de l'art de la construction géométrique.
XLIX. — Placer un point M dont on connaît : 1° les coordonnées normales propor-
tionnelles l, m, n par rapport à un triangle de référence; 2° deux
coordonnées normales absolues.
L. — Placer le centre de gravité d'un triangle.
LI. — Placer le point de Lemoine d'un triangle.
LU. — Tracer la droite de Lemoine.
LUI. — Placer le centre de gravité et le point de Lemoine d'un triangle en
une même construction.
LIV. — Placer un point de Brocard.
LV. — Placer les deux points de Brocard.
LVI. — Placer le point de Steiner.
LVII. — Placer le point de Tarry.
S 2S
LVIll. — Construire la longueur rr ou ^ dans un triangle.
K n
LIX. — Placer le point de Gergonne d'un des cercles tangents aux trois côtés
d'un triangle.
LX. — Placer le centre de gravité du périmètre.
p — a
LXI. — Placer le point de Nagel : etc.
a
a^b^ 4- a^c^ — 6V
LXIl. — Placer le pomt <I> : , etc.
(I
a'> b'^c-
LXIII. — Placer le point VV : ■> etc.
a
■Observations diverses sur Vart des eonxiriirlions (jéomélriques.
Note complémentaire.
É. LEMOINE. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 101
M. 1 LEMOIIE
Ancien Élève de l'École Polytechnique, à Paris.
RÉSULTATS ET THÉORÈMES DIVERS CONCERNANT LA GEOMETRIE DU TRIANGLE, ETC.
— Héanre du 16 septembre 1892 —
I. — Sur quelques groupes de trois cercles.
1. — Soient M^, M^, M^. trois cercles passant respectivement par les
sommets B et C, C et A, A et B du triangle de référence. Leurs équa-
tions en coordonnées normales sont :
^ayz + ^^ax = 0.
Un trouve facilement que /es paramètres A, B, C sont proportionnels
aux coordonnées du centre radical M des trois cercles.
A un même centre radical M(a, fi, y) correspondent une infinité de
groupes de cercles M^,, M,^, M^, représentés par les équations :
y «y-^ +^yax = 0, y 0//3 + ^^y ax = 0,
2"^^ + ^,2""^"^^'
dans lesquels À désigne un paramètre variable d'un groupe à l'autre.
Pour trouver les coordonnées du centre et le rayon du cercle M^, nous
passons aux coordonnées cartésiennes en prenant pour axes des X et des Y
CA, CB; les formules de transformation sont :
a; = X sin C, y = ^ sin C,
. z = ^S — «'^— % ^ 2R sin A sin B - X sin A - Y sin B.
102 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
La nouvelle équation du cercle M,, sera :
X^ 4- 2XY cos C + Y^ — x(a - ^) — "^(b - ^ " 7f "= ^•
On en déduit que les coordonnées normales du centre sont propor-
tionnelles à :
C cos A — cos B, C cos B — cos A, 1 + C cos C,
et que le rayon est donné par :
'^ 1 _^ C'^ -f 2C cos C
Pc
R^
(2)
2. — Cela posé, si les cercles M^^, M^, M^ ont même rayon p, on a
0,^(i _ l!\ _^ 2).a cos A + X^ rir 0,
P^(l - Q + "-^^ cos B + À^ = 0,
T^(l — ^^ + 2ÀY cos C + À^ = 0. ]
L'élimination de p et X entre ces égalités conduit à l'équation
(3)
a^ a cos A 1
'^^ P cos B 1
y^ Y cos C 1
0,
ou :
y a(p — Y^) COS A = 0.
(4)
(S)
Donc, si trois circonférences de même rayon passent cJiacune par deux
sommets différents du triangle de référence, leur centre radical décrit une
cubique représentée par l'équation (o).
Si l'on divise les lignes du déterminant (4) par a. S, y, il vient:
1 ,
a - cos A
a
1
3 - cos B
1
Y - cos C
Y
=zO.
On en déduit que la cubique (5) est le lieu des couples de points inverses
situés en ligne droite avec le centre du cercle circonscrit au triangle de
K. LEMOINE. GKOMKTRIE DU TRIANGLE 103
référence; c'est donc le lieu des foyers des coniques inscrites au triangle ABC
et dont Vaxe focal passe par (*).
3. — (**) Soient M^, M^, M^ les symétriques des cercles M^, M^, M^ par
rapport aux côtés BG, CA, AB; M' leur centre radical. Si leurs équa-
tions sont :
^ay- + x^^'^ = ^' 2""^^ + B^2
ax
0,
2^'^^" + él
ax
0,
A et A' sont les deux racines de l'équation :
1 + A'^ + 2A cos A
ou
A-4 1 - j^ j + 2A cos A + 1 = 0,
qui correspondent à une même valeur de p^. On a donc cette relation
indépendante de p^ :
1 J
— I = — 2 cos \
A ^ A' -«-us^-^.
Semblablement
11 11
^ + 37=^-2cosB, --f____2cosC.
Si l'on introduit les coordonnées absolues des points M et M^, ces con-
ditions prennent la forme :
1 1
^ + — , = — 2 cos A,
/a A a
1 1
— + —-, = — -i cos B,
X3 ' X'3'
1 1
-+ — .= - 2 COS G.
Éliminons entre ces relations les paramètres X et X'; il vient
1 1
(6)
cos A
a X
1
1
cos B
i
P'
1
1
f
cos G
Y
Y
0.
Cî)
(•) Au sujet de cette cubique, voir J. S., 1889, p. 263, et 1890, p. 63.
(**) Comparer Nieuw Archief von Wiskunde ; deel. VII, p. 78, article de M. Vanden Bertj.
104 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
De celle équation, on conclut le théorème suivant:
// existe une infinité de groupes de trois cercles M,^, M^, M^ passant respec-
tivement jtar B et C, C et A, k et B, et ayant un centre radical donné M
(c'est-à-dire se coupant deux à deux sur les droites MA, MB, MC) : le centre
radical W^de trois cercles M'^, M^, M^, symétriques jiar rapport à BC, CA,
AB (le trois cercles de l'un de ces groupes, décrit une conique représentée par
C équation (7).
Celte conique passe par A, B, C, M; c'est une hyperbole équilatère, car
l'équalion (7) admet la solution :
\ \ 1
a : |3 : Y ^^
cos A cos B cos i\
de sorte que la courbe passe par l'orthocenlre H de AIC
L'équalion (7) exprime que les inverses des points M, M' sont en ligne
droite avec le centre du cercle ABC. Par suite, si M- désigne l'inverse
de M. Vhyperhole (7) est la transformée par inversion triangulaire du dia-
mètre OM. (lu cercle ABC.
Toutefois, si M est l'orlhocentre 11, l'équation (7) devient une identité;
mais, si l'on remonte aux égalités (6j, on voit que M' coïncide aussi avec H.
De là, un théorème assez curieux.
4. — Le groupe des cercles M^,, M^,, M^ qui a pour centre radical le
point M comprend, comme cas particulier, les cercles BCM, CAM, ABM.
Les cercles M^, M.^, M^ qui leur correspondent, j)assent aussi par un
même point M , appelé \(i jumeau de M (*).
Les coordonnées de M résulleut des égalités (6). A cet eiïet, cherchons
d'abord la valeur de A en exprimant que les cercles {1') passent par le
point (a, [3, Y), ce qui donne :
X =
y/'h
On trouve ensuite
1111 1 1
-, : 1 : i, :^ ^ + 2 cos A : - + 2 cos B : - + 2 cos C;
a p Y /.a Ap Ay
donc:
a' : p' : y'
Val^Y — 2acosA^aa V^/^^j,, _2,3cos B Vaa V^,8y — SycdsC V^a
(•) Pour une i_Hude des points jumeaux, nuus ivuvuyoïis à un article de M. Schuule, dans le bulletin
de Darboiix, 1882.
K. LEMOINK. — GKOMKTRIE DU TRIANGLE lOo
Les deux faisceaux M(ABCj, .M^(ABC) étant inversement égaux (par
suite homograpliiquesj, les intersections A, H, C des couples de rayons
homologues sont sur une conique passant par M et M-, et ayant pour
centre le milieu de MM (car si l'on transporte les deux faisceaux paral-
lèlement de manière à intervertir les sommets M et M , les nouvelles
intersections des rayons homologues appartiennent à la même conique).
Autrement dit, MM est un diamètre de l'hyperbole (7).
Les inverses des points jumeaux M, M sont, comme on le sait, deux
points tripolairement associés, c'est-à-dire décrivant harmoniqucmcnt un
diamètre de la circonférence ARC.
5. — Si nous prenons pour M le centre de gravité de ABC, son inverse
sera le point de Lemoine K. Le point tripolairement associé à K, point
que nous désignons par T, est à l'intersection de la droite OK avec la
droite de Lemoine. Les coordonnées de T sont:
a(2«- — b^ — c'), etc..
et l'on a OT : KT = - cotg'^ (o, m étant l'angle de Brocard.
Le jumeau du barycentre est l'inverse de T; ses coordonnées sont
donc:
1
a[%i-' — f' — C-) " ' "
Le jumeau du centre du cercle circonscrit a pour coordonnées:
sin 2A sin 2P. sin 2C
siu 3A sin 3B ' sin 3C
Le jumeau de l'orthocentre H est un point quelconque du cercle cir-
conscrit au triangle de référence.
Le point de Aa</e/ (coordonnées normales ^^ , etc.; a pour jumeau
le point dont les coordonnées sont : -^ , etc.
2y; — 'Sa
6. — Proposons-nous de trouver trois cercles M^,, M^, M^.. passant res-
pectivement par B et C, C et A, A et B, et se coupant orthogonalement
deux à deux. Soient m^^. œ,^, m^ leurs centres, et p^^, p^, p^ leurs rayons;
soient aussi À, u, v les angles oj^JJC, oj^CA, (o^AB comptés comme positifs
ou comme négatifs suivant qu'ils sont extérieurs ou intérieurs au triangle.
On a les égalités de condition :
C + a-f pz.:!"-
A 4- ^i + V =
_ id,-^
B -f V + a :_ 1"^
d'où:
1
a+ 3 + Y r^^ droit;
106 MATHÉMATIQUES, ASTROxNOMTE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
par suite : a = A — 45°, p = H — 45«, y := C — 45°
__ a b c
^"^ ~ 2 cos (A — 45°) ' ^* ^ 2 cos f B — 45°) ' ^'- ~ 2 cos (C — 45°) *
7. — Considérons maintenant trois cercles N^,, N^, N^ passant respecti
vement par un sommet A, B ou C du triangle de référence. On peut les
représenter par les équations :
^ayz + m,y + ^,z)^ax = 0,
Vfl.î/5 4- (L^x 4" ^2^)2«^ ^- ^'
^aijz + (L,a; + M^ijj'^ax :^ 0.
Les coordonnées du centre radical vérifient les équations :
M,y + Ni^ = L,z + N,.- =z L,z + M,r/.
Pour que les circonférences N^,, N,^ se coupent sur le côté AB, on
doit avoir :
Mia + L,6 4- c == 0.
De même, la condition pour que les cercles N^ et M^ se coupent sur BC,
<est: N.ô + MgC + a =r 0.
Enfin les cercles N^, N,^ se coupent sur CA si :
LgC -|- N,rt -\- b= 0.
II. — Sur les points complémentaires.
8. — Soient x, y, z les coordonnées normales d'un point M, prenons le
point œmplémentaire normal de M M^ : 7j -\- z, z -\- x, x -]- y,
.le point complémentaire deM^. . M^:^x-\-y-\~z, x-^'iy-\-z,x-\-y-\- 2z,
Les coordonnées de M„„ sont :
|(2^»-i 4- l)a. + i (2^"- i)y + i (2-- l)z,
! (2-^n_ 1)^ ^ 2 ^^,„_, ^ ^j^ _^ 1 j2,„_ ^^j^^^
^(2^"_ 1)^ + 1 (2'^«_ 4)^ + I (2'—^ -h 1).'.
K. LEMOINE. — GKOMÉTRIK DU TRIANGLE i07
Les coordonnées de M^ni^ sont :
l (2-- 1)^ + î (-2-'+' +i)l/ + l (2^"+' + ih
l (r-"+' + \)x + l (^2-- 1)^ + 1 (2^"+^ + 1)--,
i (2^"+^ + 1).. + î (2^"+^ + i)y + ? (2^'^- 1)..
M. Vigarié (Mathesis, t. VII, 1887, p. 8) s'est occupé de la même
question, sans indiquer l'expression qui donne les coordonnées de M .
Remarque. — Les valeurs des coefficients de x, y, z qui entrent daiu
une coordonnée de Mp sont les ternies de la (p — if"" réduite de la fracdion
continue : —
9
1 + -
2
1-f -
Tous les points Mp se trouvent sur la droite : V ;(// — :;) — qui joint
le point M au centre du cercle inscrit.
Les réduites successives de la fraction continue considérée sont :
2 2 6 10 20
î' 3' H' ïï' 21' '^'■'
et l'on voit facilement par ce qui précède que la réduite de rang 2/; — 1 est ;
^(2^^-l)+l
et que la réduite de rang 2^9 est :
9. — Les dénominateurs de ces réduites se retrouvent encore dans une
question toute différente que voici :
Soit ABC un triangle; AiBiC, le triangle formé par les points de con-
tact Al, Bj, Cl du cercle inscrit à ABC; A^B^Cj le triangle formé par les
points de contact X^, Bj, C2 du cercle inscrit à AiBjCj; A^BsCg, etc. Ou
108 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
demande d'exprimer en fonction de A, B. Ç, et de rv la valeur des angles
du ti'iangle ^^^JC^.
On trouvera facilement que les angles du triangle A B^ C^^., seront
donnés par les expressions :
;r ^ ^ A 3 ""^ ^ ^ B
■71 » 71
(£ip—\ <^p—{ 2''^~^ 2"^'^~
3' ^ C
7:
û)2/)— I û)2p— 1 '
et l«es angles du triangle A B.,pC par les expressions :
3^ , A 3^ ,1^
— TT H 1 — 71 -\ 1
i^ip ' 2"^P '2,^P '±^P
- + — ;
•expressions dans lesquelles la suitedes coefficients de xestl, l,3,o, ll,etc.,
■ce qui donne bien, à partir du deuxième coefficient, la suite des déno-
minateurs des réduites de la fraction continue considérée précédemment.
On voit que, à la limite, ces droites font entre elles, deux à deux, un
angle de 60°. (Voir, au sujet de ces dernières questions, une étude très
complète et très intéressante de M. Collignon, A. F., Congrès d'Oran, 1888.
p. 4 et suivantes.)
III. — Sur QUELQUES DISTANCES DE POINTS.
10. — La distance de lorthocenlre H à l'axe antiorthique est (en
1 7,2 _j_ ^,2 4p^2
appelant d la distance Oo, d^ la distance Oo^,) : ^
r /• . , » , . „ ■ 1 ■ 1 p'* 4- ro
La distance de lorthocenlre a taxe an itort nique est: -, - — ^ — ;
111
d'où, par transformation continue en A, la distance du point : » -
abc
1 {p — af — r ,0^^
à la droite — x A- ii A- :^ -^ {) est : - • ;
^ -^ ^ 6 d„
É. LEMOINE. — DU TRIA.NGLE GÉOMÉTRIE 109
Dans tout ce travail nous posons o := 4R -]- r, B^^ r= 4R — r , etc.
La distance du centre du cercle circonscrit à l'axe antiorthiquc est :
—^ — ; par transformation continue en A, on a les distances de H et
de à la droite — x -\- y -{- z ^= Q ; elles sont :
1 (p - a)' + r„ - 4R« R(R - ,■„)
^ ^ ~^.
La distance du point de Lemol\e à l'axe antiorthlque est ■ ^— ^,
mM
d'où, par transformation continue en A, celle du point : — a, b, c à la
, ., , , ^ abc( ij — a)
droite — X -\- y -\- z. = est : ^, , m^ = a' + 6^ 4- c^
m^d^^ ' '
11. — La distance D de la droite de Lemoine à sa parallèle la droite
qui joint les points de Brocard est donnée par : D
nVm* — ;-{n*
La distance du centre du cercle circonscrit à la droite de Lemoine,
R^ni*
est donnée par la formule : D'* =r .
4fm'* — 3n*)
Cette distance, multipliée par la distance du centre du ceîxle circonscrit
à un point de Brocard, e^^ égale à R^ cos (o.
La distance D du point de Lemoine à la droite de Lemolne est donnée
ii4RS^
par la formule : D = ^ • n* = b^c'^ -j- c'a' -f- a'b^.
m'Yin* — 3n*
12. — Z étant le milieu de la distance qui joint les points de Brocard,
on a :
=^ R^r4 sin* w -f sin- w -|- 4
(Voir A. F., Congrès de Marseille, 1891, ligne 4, en remontant.)
13, — Soient d, d^, d^, d^ les distances oO, o^fi, n^O, o^O.
Soient:
d', d[^, d^, d'^ k's dislauces des points o, o^^, o^, o,. à l'axe aiiliorlliiiiiie x-\-y -\- zz=0,
^^'i' ^ia'^'iô' f^'ic » » à la droite — x-\- y-\- z = 0,
^^2' f^2a' ^26' ^2c » » » X — y-{-Z = 0,
^^'3' ^^3a' ^36' ^30 » » X-\-lJ — Z = 0.
-"';=9R'
m' R'^m*
"2 + in^ ^"''-
- 9n')
— '^i. cotg OJ.
110 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
On a : '
d .d' 3R/'
; d.d'„ =
i^^a;
rf.^; - R/-,;
f/ . (/; ^
d^. d\ ^ Rr
; da- d\a ^
3Rr„;
^a-^;.— R'V
da-d'u.=
d^.d',— Rr
d,' <a =
-Rn,;
dfd'ih^ 3Rr^;
db-d'ic =
d,..d'^ Rr;
<fc- ^C, -
-R'-a;
«^c-'^afc- R^'^;
de- <c =
Rr,.
-Rr,.
-Rr,.
3Rr,..
14. — Le triangle formé par le centre du cercle circonscnt 0, par le
'point de Nagel N et par le point de Gergonne X a pour surface :
— (b — c)(c — a)(a — b)
R + r
2/-0
Par transformation continue en A. (Voir A. F., Congrès de Marseille,
1891, p. 118), on voit que le triangle ON^X^ (N^ et X, étant les trans-
formés continus en A de N et de X) a pour surface :
(b — ç)(a 4- b}(a + c)
K — r
2r
au
15. — La distance D entre les deux points :
p — c p
a
et
h p — c p — a
b
abc
est donnée par In formule :
(Voir A. F., Congrès de Nancy, 188(3, p. 87;
D^ = -— (3^ — 3p^)
p^
Ces points sont les brocardiens du point de Gergonne ; par transformation
continue en A, on voit que la distance D^^ entre les deux points :
p — b p p — c p — c p — b
, , et 5 r :
abc a b
4,.2
p
- est donnée par :
c
ip — a)
Il ne serait peut-être pas commode d'arriver à ce dernier résultat sans
la transformation continue (ni même à celui dont il dérivej sans les for-
mules entre les éléments du triangle sur lesquelles j'ai appelé l'attention
dans presque tous les mémoires que j'ai présentés à V Association française
pendant ces dernières années.
É. LEMOINK. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 111
16. — Si, pa?' le point invet^se du point de Gergonne, on mène l'antipa-
rallèle à un côté, la surface du triangle formé par cette antiparaUéle et
les deux autres côtés est la même pour les trois côtés et éaale à : •
^ (R + Vf
La transformation continue montre que le même tliéorème a lieu poul-
ies transformés continus de l'inverse du point de Gergonne ; la surface est
SR^
IV, — Triangles triorthologiques ; un exemple de triangles a la fois
TRIORTHOLOGIQUES ET TRIHOMOLOGIQUES.
17. — Si les triangles ARC, A'R'C sont triorthologiques par permuta-
tion circulaire (Voir Congrès de Limoges, 1890, p. 111) et que les centres
d'orthologie soient o,, o^, O3, les triangles ARC, OiO^Og sont également ortho-
logiques et les centres d'orthologie sont A', R', C.
18. — Soit un triangle équilatéral ARC, de chaque sommet comme centre :
on décrit trois cercles de rayons Rj, R^, R3 (les trois cercles sont décrits
à chaque sommet j, désignant par la notation o(R) la circonférence de
centre et de rayon R; on cherche les centres radicaux L, M, N des trois
groupes A(Rij, R(Rj, CfRaj; A(R,), RiRj), C(R,); A(R3), R(Rj), C(R,j.
1° ARC ef LM>' sont trihomologiques et triorthologiques par permutation
circulaire.
2" Appelons Oi, o^, o, respectivement les centres d'homologie de ARC,
L>L\; ARCMNL; ARC,ALM; ml ml, m^ les quantités a•^—2R^'+R^+R^^
o-' + Rf — 2R^ + R^, a' + Rf + R^ — 2R:^, qui sont les coordonnées
de L; celles de M sont : m'I, m^, m^; celles de N : m^, m^ ml.
Les coordonnées de o^, o.^, O3 sont :
111 111 111
m:/ m'i m'i ml m'i mi' ml' ///^ ' mf.
"a "c "'0 "'c "'h ""a '"b
Les trois centres d'homologie et les trois centres d'orthologie de ARC el
de L>L\ forment deux triangles èquilatéraux inscrits à un même cercle
dont le centre est le centre du cercle circonscrit à ARC; leurs côtés sont
perpendiculaires deux à deux.
3° Les triangles ARC, O1O2O3 sont trihomologiques par permutation cir-
culaire. Si Von appelle o\, 0^, 0'^ les centres d'homologie de ARC, o^o^o^;
ARC, O2O3O1; ARC, 030,02, les coordonnées de oj, o^, 0'^ sont: m^, m^, m^;
K^ '«a' '"6 5 "^6' ^c' *'^aj c'est-à-dirc que o\, o^, O3 se confondent avec L.
ÎN, iM. Ce sont des points permutiens. (Poulain, Principes de la Nouvelle
Géométrie du triangle, p. 2S.)
112 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
V. — Sur quelques coniques.
19. — La co)nque inscrite Vfa"^ — bc)i /'- — passe par les points
, (a^ — bc)- ^
de Bkocauu; son point de Gergo^ne a pour cooraoïinees , etc.
20. — La conique inscrite qui a pour point de Gergonne le point de
Steiner est une parabole (puisque le point de Steiner appartient au cercle
circonscrit). Elle touche la droite de Lemoine au point : a^(b^ — c^),
b-^(c-^ — a'^j, c'^(a^ — b'-j.
Son équation est : / v/a(b-' — c'^)x = ;
.son fo!/er, le poiyit : 57^.' ^^^^-^^ '^F^^ 'P°'''^ '"""^'"^ "^^ '^''''
proque du point de Steinei'); il est sur la droite 7 a^(b^ cos B — c^ cos G) = 0.
21. — La parabole inscrite tangente à l'axe antiorthique x-\-i/'}- z -^^0,
a pour équation : N^y/aCb — c)x=l),
1
son point c?e Gergonne est : —-. , etc.
^ a(b — c)
Le point de contact avec l'axe antiorthique est a(b — c), etc., inverse de
son point de Gergonne.
Le foyer de cette parabole est le point ^, etc.
22. — La conique inscrite qui touche la droite de Lemoine et l'axe
antiorthique
1
1° A pour point de Gergonne : , etc.
2° Elle touche l'axe antiorthique à l'infini et celui-ci est une asymptote
de la courbe.
3° Le centre (c — bj(p — a), etc. est sur le cercle circonscrit.
4° Elle touche la droite de Lemoine au point a'^(b — c). etc.
5° La seconde asymptote a pour équation : \ = .
6° Cette hyperbole a pour équation: ^^\/(b — c) x = 0.
23. — Voici un théorème presque évident, mais qui sert souvent dans
la géométrie du triangle pour démontrer que six droites sont tangentes
à une conique ou que six points sont sur une conique.
É. LEMOINE. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 113
Si les six points ^coordonnées normales ou coordonnées barycenlriques)
L,. Mj, Xi; Le, Mfi, N^ sont sur une conique, les six droites :
Ux-{-M,ij-[-^,z = 0; M + M«?/ + N6^=:0
sont tangentes à une conique et réciproquement.
Exemple: Les quatre droites \^7 a? =::0 et leurs trois transformées
continues en A, en B et en C sont tangentes à l'ellipse inscrite de
Steiner (ce sont les tangentes communes à cette ellipse et au cercle des
neuf points et l'on sait que, aux points de contact de ces tangentes avec
le cercle des neuf points, elles sont aussi tangentes aux quatre cercles tan-
gents aux trois côtés du triangle).
abc
On en conclut que le point : ? ^ 7 et ses trois trans-
^ b — ce — a a — b
a b c
formés continus en A, en B, en C : r ? 1 — » , — ; — . etc., sont
c — c -\- a b -f- a
sur une conique circonscrite.
On vérifiera que cette conique est le cercle circonscrit.
24. — On sait ivoir Xouv. Corresp. Mathém., 1877, p. ol) que si
x\ y', z' ; x" . y", z" sont les coordonnées normales de deux points M', M",
les droites AM', BM', CM'; AM", BM", CM" coupant les côtés aux six
points : A', B', C ; A", B", C", ces six points sont sur la conique :
Cela posé, cette conique est une ellipse, une hyperbole ou une parabole, sui-
vant que la quantité :
^a^x'-x"-^(y'=." - z'y'r
- ^'^bcy'z.y^^'iix'!/" + y'x")(x'z" + zx") + 2x'x"(y'z" + z'y")]
est plus petite que zéro, plus grande que zéro, ou nulle.
Si M' et M" sont le barycentre et le point de Lemoine, la conique a pour
m'" -|- a^
centre le point — — , etc. déjà rencontré (voir A. F., Congrès de Mar-
seille, 1891, p. 149, et J. S., 1888, p. 2o0j. Ce point est sur la droite qui
joint le barycentre et le point de Lemoine.
25. • — Soient x, y, z les coordonnées normales d'un point M;
X, Y, Z ses coordonnées tripolaires.
On sait que les minima de ax^ -f- by'^ + cz- et de aX'^ -f- 6Y- + cZ'^
8*
I
114 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
qui sont respectivement 2.Sr et 4.RS ont lieu en même temps pour le
centre du cercle inscrit. (Boutin, /. E., 1891, p. 159.)
La transformation continue en A montre que les minima de
— ax^ -\- hif -\- cz'^ et de — aX^ -j- bT^ -f" c7J qui sont respectivement
égaux à 2Sr^ et à 4RS ont lieu en même temps pour le point o^.
Le lieu des points M tels que ; ax^ + bif + cz-'^ = C" est une ellipse de centre o.
» » —ax-'-\-bif-}-cz^ = 0^ — — 0^.
» . » aX^-|-6Y'^-|-cZ'^ = C'^ est un cercle de centre 0.
» » —aX''-{-bY^-\-cZ-' = C"^ — — o„.
26. — Si un point M appartient à la conique circonscrite qui passe par
le point de Lemoine et par le centre de gravité, la droite harmoniquement
associée au point M est parallèle à la droite de Lemoine.
27. — Une parabole dont le piaramètre p est donné, passe par deux
points fixes A e^ B dont la distance est c. Le lieu du pôle de AB par rapport
à toutes ces paraboles est la courbe représentée par l'équation :
P = 2^ sin^ c,
l'origine étant le milieu de AB et l'axe polaire étant OB.
L aire de cette courbe est ——— •
lop^
Dans un triangle ABC, les paramètres des trois paraboles de Artzt sont
inversement proportionnelles aux cubes des médianes.
28. — A e^ A' sont les extrémités du grand axe d'une ellipse. Sur A A' je
décris une circonférence ; par A je mène la droite AK'H qui coupe l'ellipse
en K', la circonférence en H.
Soit K le point du cercle tel que KK' soit perpendiculaire à AA',
H' — de l'ellipse — HH' — — AA',
K, K', H, H' étant tous les quatre d'un même côté de AA' ; alors :
1° Les trois points A', H', K sont en ligne droite,
2° Le lieu du point I où se rencontrent AH et A'K est l'ellipse:
aif -\- 6a;* = a^b.
On a un théorème analogue si A et A' sont les extrémités du petit axe.
29. — Soient les cinq ellipses :
(1) a'^y^ -{• b^x^ = a^b\
(2) (a^ + bHYY + ami + l^x^ = b''{i + l)Ha'' + bHy,
(3) [a-' — bHyif -f a''b\l — Ifx'' = b\i — Ij^a'' — bHy,
(4) 0.^6^(1 + l)Hf + {b-' + aHfx^ = a'^(l + Ifib'' + aHy,
(5) a^b^i — l)Y + (6' — aHyx^ = a\[ — lf{b^ — aHy,
et M un point de (1).
K. LEMOINE. — GÉOMÉTRIE 1>U TRIANGLE 113
1° Si la normale en M à V ellipse (1) coupe F axe des x en K et V ellipse (2)
( ' M
en (j, les points K, M, G se succédant dans cet ordre, on a : -7-r = 1.
Mh.
Le symétrique G' de G par rapport à M sera sur l'ellipse (3). Si \ = -,
(2) et (3) seront respectivement des cercles de rayons a -j- b et a — b.
2° Si la normale en M à (1) coupe l'axe des y en Kj et l'ellipse (4) en G^,
C M
G, étant dans le sens K,M, on aura: -^ = 1.
* ' MKi
Le symétrique G'^ de G, par rapport à M sera sur l'ellipse (5).
S< 1 = - (4) et (o) seront respectivement des cercles de rayons a -|- b
et a. — b.
30. — On donne une conique C de centre o et une droite L; par un
jioint A de L on mène une tangente à la conique, soit K le point oii le dia-
mètre conjugué de oA coupe cette tangente. Le lieu de K est une conique C
uya?it avec C pour diamètre commun en grandeur et en position le dia-
mètre conjugué de L et pour ce diamètre même direction de cordes conjuguées.
■Si G se compose de deux droites et que l'on appelle M e/ N les points ow L
coupe C, et ^ le milieu de MN, le lieu se compose des deux droites parallèles
à oa menées par M et par N.
Si l'équation de C est : aHf ± b^x^ q= a'^b^ = et celle de L : ^ -|- ^ = 1,
celle de C' est nH''[aHf ± b'-x^ i^ a'^b^] — [a'^nij ziz bHxY = 0, en prenant
en môme temps tous les signes supérieurs ou tous les signes inférieurs
dans les équations de C et de C
Si L est une tangente à C, le lieu se compose de L et de la tangente
à C parallèle à L ; comme le montrent immédiatement les considérations
géométriques les plus simples. »
YI. — Nouvelles remarques sur la transformation continue.
31. — On appelle première conique et deuxième conique de Simmons
{Companion to the iveekly problem papei 3 , 1888, ch. viii, pp. 163-167;
Mémoire sur le tétraèdre, Neuberg, pp. 44 et 5o) les coniques inscrites
dont les équations sont > \/x sin (60 -f- A) = et ^ \/x rAn (A — 60) ■-:— 0.
Les foyers sont, pour la première, le premier centre isogone: sin (A-)-60),
1
etc., et le premier centre isodynamique: -. , etc., et, pour la
seconde, le second centre isogone : sin (A — 60j, etc., et le second
116 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE El MÉCANIQUE
centre isodynamique: - — —,- etc. Les points: sin (A -|- 60), etc.,
sin (A — bO)
et sin (A — 60), etc., sont aussi, respectivement, le point de Gergoniie de
la première et le point de Gergoime de la seconde. Cela posé, il est facile
de voir que leurs centres respectifs sont les points : bc -\- aR\/3 et
br — aï{\/'6, tous deux sur la droite qui joint le point de Lemoine au
barycentre.
Remarquons que le point : sin (A + t)0), etc., se transforme en
sin (A — 00), etc., lorsque l'on fait la transformation continue, soit en A,
soit en li, soit eu C; d'une façon plus générale, le point : P sin A -)- Qcos A,
P' sin B -h Q' cos B, P" sin C + Q" cos C, P, P', P", Q, Q', Q" étant des
constantes, se transforme eu P sin A — Q cos A, P' sin B — Q' cos B,
P" sin C — Q" cos G, que l'on fasse la transformation continue soit en A,
soit en B, soit en C; le fait est très curieux et nous ^ne savons point
si nous avons ainsi la formule générale des coordonnées des points pour
lesquelles il se produit.
La transformation continue appliquée aux formules, aux théorèmes, aux
équations, les divise donc en quatre catégories :
1° La transformation continue en A, en B, en C reproduit le théorème
ou la formule.
„ , abc
Exemple :
sin A sin B sin C
^" La transformation continue en A, en B, en C donne des résultats
différents de la formule primitive et différents entre eux.
Exemple : ■ ^ar^r^ — 2So
donne : ar^^r^ + brr,^ + en;. = 2So^,,
Ces deux premiers cas sont de beaucoup les plus fréquents.
3" Une des transformations reproduit la formule, les deux autres la
changent, mais de même façon toutes les deux.
Exemple : La formule aiy^ = S(r^ -j- r^) se reproduit par transforma-
tion en A, par transformation en B ou en C; elle donne : mr^ = S(y; — /■).
Je nai pas rencontré de cas où une des transformations reproduisant la
formule, les deux autres la changent chacune différemment.
4° Les trois transformations en A, en B et en C donnent toutes les trois
un même résultat différent de la formule ou du théorème primitif.
K. LEMOl.NE. — r.KOMÉTRIE DU TRIANGLE 117
Exemple: La conique inscrite qui a pour équation / , y/a; sin (A -\-60)=^0
a l'un de ses foyers — le premier centre isogone — pour point de Gergonne:
c'est la première conique de Simmom.
Les trois transformations continues donnent : La conique irisante qui a
pour équation ^V-^" sin (A — (JOj ^ a /'un de ses foijers — le deuxième
centre isogone — pour point de Gergonne: c'est la deuxième conique de
Simmons.
Ajoutons aux théorèmes déjà donnés ailleurs sur la transformation
continue :
Si un point M est le foyer ou le sommet d'une conique L, le point M. trans-
formé continu en A de M sera le foyer ou le sommet de L^ transformé de L.
VII. — Quelques propriétés relatives a des cercles remarquarles
DU plan d'un triangle.
32. — Le centre du cercle de Brocard, qui est aussi le centre du pre-
mier cercle de Le.moine, est sur la droite :
^x{b^ — c^) cos (A + 0)) =
qui contient le centre de gravité et le point : «^ cos A, etc.
Les coordonnées normales du centre du cercle de Brocard peuvent se
mettre sous la forme : a[n^ — (a^ — 6^c^)l, etc.
33. — Les droites:
b cos Cx -\- c cos k . !j -\- a cos B . ^ =
c cos B . a; -f- a cos C . y -\- b cos A . ;; ^O
sont parallèles au diamètre OK du cercle de Brocard et à égale distance
de ce diamètre.
La distance D de ce diamètre à chacune d'elles est donnée par :
•TÎ2C2
1)2 ^^
m'* — '6n^
34. — La droite de Simson du point de Steiner a pour équation :
2aHb' — c')
— — — X =0»
cos (A -f- w)
35. — Étant donné un triangle ABC, il y a trois cercles tangents entre
H8 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCAMQUE
eiix deux à deux qui touchent respectivement le cercle circonscrit en k, B, C
et lui sont intérieurs; les points de contact de ces cercles deux à deux sont
sur les cercles (/'Apollomus de ABC et ils y sont tangents à ces cercles ;
si leurs centres sont respectivement lo,^, w,,, w^, les deux triangles ABC,
"a'^b^c ^^^ ^^* droite de Lemoine pour axe d'ho)nologie; le rayon Am.^du
2RS
cercle tangent en A au cercle circonscrit est : — — ; — ^^ •
^ a^ + 2S5 ■
Il y a aussi trois cercles tangents entre eux deux à deux qui touchent
respectivement le cercle circonscrit en A, B, Cet lui sont extérieurs; les
points de contact de ces cercles deux à deux sont sur les cercles A' Apol-
lonius de ABC auxquels ces cercles sont tangents ; si leurs centres sont
respectivement w^'^, w'^, co^, les deux triangles ABC, o/^^to^w^ ont la droite
de Lemoine pour axe d'homologie ; le rayon Ao)^ du cercle tangent en A
au cercle circonscrit est : tt; •
a^ — 2S
Cependant si la hauteur correspondant au plus petit côté, cpar exemple,
est plus grande que ce côté, ces trois derniers cercles ne sont pas à l'exté-
rieur du cercle circonscrit; celui qui passe par C contient le cercle
circonscrit, mais les deux autres lui sont extérieurs.
Si la hauteur correspondant au plus petit côté c est égale à ce côté,
le cercle passant par C devient la tangente en C au cercle circonscrit.
36. — Si H est V orthocentre ; v, v.^, v,., v^, le point de Nagel et ses
transformés continus en A, en B et en C, Vaxe radical des cercles décrits
sur Hvj^ et Hv^ comme diamètre a pour équation :
x{b — C) cos A — yb cos C -\- zc cos C = 0.
Par transformation continue en B, j'aurai: Vaxe radical des cercles
décrits sur Hv et Hv^ comme diamètre a pour équation :
— x{b -(- c) cos A -|- yb cos B -|- c^ cos C = 0.
Le cercle décrit sur Hv comme diamètre est le cercle étudié très com-
plètement par M. Fuhrmann. (Voir Mathesis, 1890, p. 105.)
La transformation continue donne, ainsi que je l'ai montré, les cercles
décrits sur Hv^, Hv^, Hv^ comme diamètres, lesquels jouissent de propriétés
analogues à celles du cercle décrit sur Hv comme diamètre.
37. — Vaxe radical du cercle de Brocard et du deuxième cercle de
Lemoine a pour équation :
1
^2 I ,.. _ 3^2
'■ a; = 0«
a
É. LEMOINE. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 119
38. — L'axe radical du premier cercle de Lemoine et du second cercle
de Lemoi.ne (*) a pour équation :
2^^(6-2 _|_ c-^ _ 2a2) ^ 0,
il passe par le point de Lemoine ; le premier cercle de Lemoine coupe donc
le second cercle de Lemoine suivant un diamètre.
Si y. est l'angle sous lequel ces deux cercles se coupent et m l'angle de
Brocard, on a : cos a ^ '2 sin w.
39. —Le carré de la corde interceptée sur BC par le cercle de Brocard
a'Ha'* — Wc'^)
est : — ^ ;
m*
Le cercle de Brocard ne coupe jamais les trois côtés à la fois. Il en
coupe deux : si, supposant a > 6 > c, on a : 6^ > 2ac, ce sont alors les côtés
CA et BC qu'il coupe ; si a* > 26c et 6* > 2ac, il coupe BC seulement.
En résumé, le cercle de Bi^ocard :
Ou coupe le plus grand côté seul ; il peut lui être tangent ;
Ou coupe les deux plus grands; il peut couper le plus grand et être tan-
gent au second ;
Ou ne coupe aucun côté.
40 . —La conique Aa;'- + ^if + C::^ + ^yz + Ezx + Fa;;/ — inter-
cepte sur le côté BC du triangle de référence un segment dont le carré est :
a-b^c\J)^ — 4BC)
[Bf^ + C6'- — UbcY '
cette conique touche le côté BC si l'on a D- — 4BC := 0.
Si, en même temps que D'- — 4BC = 0, m a : Bc^ + C6^ — Dbc — 0,
la conique est représentée par : x{kx + Es -|- ¥y) -{- ^^{hy ±: czY =:
et coupe BC en son milieu en un point double, c'est-à-dire qu'elle y est
tangente à BC. ou bien qu'elle a BC pour asymptote.
VIII. — Bemarques diverses.
41. — Le point : — , etc., est le point oit se coupent les deux bro-
a
Gardiennes de la droite de Lemoine (coordonnées normales) par rapport à
la droite de l'infini {A.F., 1886, Congrès de Nancy, p. 85.)
(*) Je rappelle les définitions de ces deux cercles :
Si par le point de Lemoine on mène des parallèles aux côtés, ces parallèle? coupent les côtés en
six points qui appartiennent au premier cercle de Lemoine.
Si par le point de Lemoine on mène des antiparallèles aux trois côtés, chaque antiparallèle à un
côté coupa les deux autres côtés en deux points ; les six points ainsi obtenus sont sur le second
■cercle de Lemoine,
120 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCAMQUE
l
Le point: -, etc., est le point où se coupent les deux brocar-
diennes de la droite de Brocard par rapport à la droite de l'infini.
Le point : , etc., est le j)oint où se coupent :
cl
1° Les deux brocardiennes de la dnoite de Lemoine par rapport à l'axe
antiorthique ;
2° Les deux brocardiennes de l'axe antioj^thique : x -{- y -\- z ^^ par
rapport à la droite de l'infini.
42. — La di^oite qui joint les points brocardiens par rapport à une
droite donnée L (voir A.F., Congrès de Grenoble, 1885, p. 26), d'unpointU
coupe L au même point que la polaire ttnlinéaire de M. Cas particulier :
la droite de Lemoine et la droite qui joint les points de Brocard sont pa-
rallèles.
1
43. — Soit M le point dont les coordonnées normales sont : 7, etc.,
^ a cos A
AM, BM, CM coupent BC, CA, AB en A', B', C ; si l'on fait le triangle
isocèle CAj^A', A^ étant sur CA et Aj^C étant égal à A,,A' et le triangle
isocèle BA^A', A^. étant sur BA et A^B étant égal à A^.A', on aura :
AX = A B '-"^
'»+'■
44. — Soient ABC un triangle, H V orthocentre :
1° La polaire trilinéaire de M est perpendiculaire à MH, n M appartient
à la cubique :
2.=
by{a -}- c cos B) — cz{a -\- b cos C)
0;
2° La polaire trilinéaire de M est parallèle à MH, si M appartient à la
cubique: Qabcxyz =^ ^^abœg{ax -\- by)
équation qu'on peut écrire :
Qabcxyz = (bcyz -\- cazx -\- abxy)(ax -}- by -\- cz).
45. — Soit un triangle ABC, par un point M de son plan, je mène des
parallèles à ses côtés :
La parallèle à BC coupe AC en A^, AB en A^,
r- f
:■.-:>
)) » CA « BA en B^,, BC en B,.,
;) ù AB » CB en C^, CA en C,^.
Cela posé '.
É. LEMOINE. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 121
Si M est sur la droite oG ou : ^a(b — c)x = 0, on a :
AC, + BA, + CB, = AB, + BC, + CA,.
Si M est sur la droite ; VcLr(b -[- c) = 0, on a :
AB, + AC, + BC, + BA, + CA, + CB, = 0.
Si M est sur la droite : Va(p — a)a; = 0, on a :
B.C, + C,\, + A,B, = p.
Si M est sur f hyperbole équilatére : y a'^.r^(b^ — c^) = 0, qui passe par
les centres des cercles tangents aux trois côtés, par le barycentre et a
pour centre le point de Steiner, on a :
cb; + ba; + Ac; := ca; + bc; + ab; •
Si M est sur le cercle conjugué de ABC : Vaj;"^ cos A = 0, on a :
ab; + AC; + BC^, + ba^ + ca; + cb; = b,c; + CA + a,b;.
Nous avons vu (./. E., 1884, p. 30) que :
âc:+bâ; + cb: et' âb; + bc; + câ:
sont minima respectivement pour le point direct : -, etc., et pour le point
rétrograde de Brocard.
C&l -\- ^fil + BC,5 est minimum pour le barycentre.
q}{\)'^ 4- c^) b^c"^
46. — Le point <î> : — — — — , etc. (voir A. F., Congrès de
cl
Grenoble, 1885, § 2, 3, p. 28) est sur la droite : ^ii'{h' — c^jx -^-- 0, qui
1
contient le centre de gravite et le point —, etc.
47. — Si un point M est tel que la somme de ses coordonnées normales
absolues égale la somme des coordonnées normales de son inverse W,
M et W appartiennent à la cubique circonscrite V(b — c)x(y'' — -■'') — 0.
122 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
a^ — bc,
48. — Le point qui a pour coordonnées normales : etc. , est
à V intersection des deux droites : V£ur(b + c) = O.^axfb — c) = 0.
La première passe par le point a(b — cj, etc., de Vaxe antiorthique et
2Mr le point à l'infini: , etc.; la seconde passe par le centre du
cercle inscrit o, par le centre de gravité du périmètre G^^ et par le point ©
dont les coordonnées sont : a(b -f- c), etc.
On a: —^= — ^ ,„ ^ ■ •
49. — Soit ABC un triangle, A'B'C le triangle formé par les pieds des
hauteurs ; le cercle inscrit à A'B'C touche B'C, C'A', A'B' en a, [i, y. Les
trois droites Aa, B,3, Cy se coupent au point dont les coordonnées sont :
a tg A, b tg B, c tg C.
Si l'on veut placer ce point, on trouve qu'il faut placer l'orthocentre
de ABC centre du cercle inscrit de A'B'C. op : {AR^ + 2R, + GC^ + 6C3) ;
tracer deux des côtés du triangle A'B'C, A'B', A'C par exemple, ce qui
exige qu'on trace la troisième hauteur, op : (6R1 -{- SR.^) ; déterminer les
points de contact y et [B sur A'B', A'C du cercle inscrit à A'B'C, ce qui
se fait en abaissant de l'orthocentre des perpendiculaires sur ces côtés,
op : (4Ri 4- 2R, -j- 5Ci + SC3) ; enfin tracer Bp, Cy, op : (4Ri + 2R,) ;
on a donc le symbole, op . ÇlT". + OR, + IIC^ -f- IIC3).
Simplicité 49; exactitude 29 ; 9 droites. 11 cercles.
(b — c)fc — a)(a — b)
L'aire du triangle NXK est : —
L'aire du triangle NXG est :
Z6
(b — c)(c — a)(a — b)
33
K est le point de Lemoine, N est le point de Nagel, a le point de
Gergonne.
Les distances du point K et du centre de gravité G à la droite NX sont
dans le rapport de 'S à 2.
Par transformation continue en A, on déduit les aires des triangles dont
les sommets sont N^, \^, K ^ et N^^, \, G„ on en déduit aussi que les dis-
tances du point I\, et du point G, à la droite \X^j sont dans le rapport de
111
3 à Î2 ; K et G„ sont les transformés continus en A : — a, b, c; » t ' -
abc
du point de Lemoine K et du centre de gravité G.
Le triangle qui a pour sommets N, X et l'orthocentre H a pour surface :
; (^ — <')('■ — a)(a — b) .
É. LEMOIXE. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 123
Par transformation continue en A, on voit que le triangle N^,X^,H a pour
surface : — r- {b — c){c + a){h + a).
1 1 1
Le triangle qui a pour sommets a% b"*, c''; — 'rr, • — : ^f ^^ Point de Le-
cl D' C
S(b-^ — c-;(c'- — a^jfa'- — b'^j
Moi.NE a pour surface : — 7-7— ^ ,- . ., ;-; tttt^ •
'' ' 4(p^ — ro) [(p^ — roj2 — 4S^]
On en déduit immédiatement, par transformation continue en A, celle
du triangle dont les sommets sont :
111
— a\b\c^\ ^'T^'-rî —a, b.c.
«•' ¥ C-*
111
Le triangle qui a pour sommets les points: a\ h\ c^ ; -7 j'r^'-^' ^^ ^^
3. L) C
Sfb^ — c^j(c'^ — a"-)fa'^ — b^)( p- — rS 1
ban/centre a pour surface : Krr~^ ^r: vfcTi "
"^ ^ ' 3[(p^ — ro)* — ibS^j
On en déduit immédiatement, par transformation continue en A, celle
du triangle qui a pour sommets :
111 111
— aKoKc^; ^Ti'l' '/
a^ ¥ c^ a b c
50. — Soit A' un poiut situé du même côté de BC que A et tel que A'IiC =^ A ; A'CB = B.
)) B' » » CA .) B » B'CA = B ; B'AC = C.
,) C .) )) AB » C » C'AB = C ; C'BA =^ A.
Les trois droites XX', BB', CC concourent au point V :
1 1 1
a(a^ — b"-} ' b{b' — c') ' cic"- — b^-} '
De même, soit X" un point situé, du même côté de BC que A et tel
que A"CB = A ; A"BC = C ; soit B", etc., les trois droites XX", BB", CC"
concourent au point \ y :
1 1 1
a(a' — 6''') ' b{b^ — C) ' de'' — a'')
La droite qui joint les deux points V et Vi a pour équation :
a
y » 3.
0.
Si A'^, B^, C^ sont les symétriques de A', B', C respectivemeut par rapporta BC, CA, AB ;
a;', b;, c; » ' » a", b", c" « » »
AA^, BB'^, CC^ concourent au point rétrogimde -, etc., de Brocard ;
AA" BB" ce; » » direct -, etc., »
124 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Le milieu de la droite qui joint les deux points V et Vi a pour coor-
données -, etc., c'est le centre de l'hyperbole de Kiepert.
51. — a). —J'ai donné au Congrès de Marseille, 1891, p. 13o, une con-
struction assez simple pour placer le point I : p — a,p — b, p — c. Le
théorème suivant, dû à M. Boutin (./. E., 1891, p. 223) en donne une con-
truction un peu plus simple au point de vue des opérations de préparation,
c'est-à-dire de l'exactitude. Si K, o, o^^, Oj,, o^, A', B', C sont le point de
Lemoine, les centres des cercles tangents aux trois côtés et les milieux des
côtés du triangle ABC, les droites o^A', Oj^B', o^.C', oK concourent en \.
Il suffira de tracer o^^A', o^B'.
Je détermine A' et B' au moyen des trois circonférences A{R), B(R), C(R),
R étant quelconque, etc., op. : (4Ri -f- âR.^ -J- 3Ci -|- SCj).
Au moyen de ces trois circonférences, etc., je trace les droites o^^Co^^, Ao^^
Bo^, op. : (6Ri + 3R, -\- 6Ci -j-GCa) ; puis je trace o,, A'.o^B' : op : (4Ri 4-2R j;
en tout : op. : (14Ri -f- TR^ + 9Ci -j- 9C3); simplicité 38 ; exactitude 23 ;
7 droites, 9 cercles.
Le symbole A(R) représente une circonférence de centre A et de rayon R.
b). — Le point de Tarry est sur la droite qui joint le centre de gravité
au centre du cercle de Brocard, droite dont Péquation est :
yaxic' cos C — b' cos B) = 0.
c). — Si un point M a pour coordonnées normales : x, y, z, les équations
des côtés B'C, C'A', A'B' de son triangle podaire sont :
— X(i/ -f- z cos A)(s -\- y cos A) -j- Y( ;-[-// cos X){x -\- z eus B)
-j- Z(y -\~ z cos A)(a; -f" 1/ cos C) = 0, etc.
d). — Si M est un point de la cubique qui a pour équation :
xyz{b'' — c^)(c^ — a^){a^ — ¥) -f- abc \a^yz{by — cz) cos A = 0,
et que l'on appelle M^, M^^, M^ les points où AM, BM, C.U coupent les mé-
diatrices de BC, CA, AB, les points M.^, Mj^, M^ sont en ligne droite.
Cette cubique passe par les sommets, les milieux des côtés, par le centre
du cercle circonscrit et y est tangente aux trois médiatrices.
e). La droite : Xx -|- By -|- C^ — 0, contient les quatre points :
(B-Cj, fC-Aj., (A-B),
(B + G), (C - A), - (A + Bj,
- (B -f C), (C + A), (A - B),
(B - C), - (C + A), (A + B).
É. LEMOINE. GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 125
Cette remarque évidente sert souvent dans la géométrie du triangle.
f). s/ A', B', C et A", B", C" sont respectivement les sommets du
triangle pcdal du point de Tarry et du point de Steiner, B'C, B"C" se
coupent en Ai et AAi passe par le point de Lemoine. (Voir Congrès de
Marseille, 1891. p. 1S5, n° 13.)
g). — Soit >I et W deux points d'une conique ; par M et W je mène deux
faisceaux de n droites parallèles qui coupent la conique : le premier en
A, B, C, D. . . . le second en A', B', C, D' . . .
Les deux jtobjgones ABCD . . ., A'BT/D' ... ont même surface.
h). — Si deux tangentes parallèles à une conique dont les foyers sont
F et F' coupent une autre tangente quelconque à cette conique en P et Q et
que le quadrilatère FF'PQ soit inscriptible à un cercle, les deux tangentes
parallèles sont les tangentes aux extrémités de l'axe focal. Si les deux
tangentes parallèles sont quelconques et que T soit le point oii la tangente
PQ coupe l'axe focal, le produit TP . TQ est de la forme : b* . K ou K ne
dépend que de la direction des tangentes et ou h' est le carré du demi-axe
non focal.
Si l'axe focal varie de grandeur ainsi que la direction des tangentes
parallèles, l'axe focal restant fixe ainsi que la direction PQ et le produit
TP.TQ, le lieu de P et de Q est une hyperbole équilatère qui a pour
asymptotes les axes des coniques.
i)_ — S/ A' et B' sont les points de contact du cercle inscrit sur BC
et sur CA ; A" le pôle de la perpendiculaire à BC, par rapport au
cercle de centre C et qui passe par A' et B', menée par le point de contact
sur BC du cercle ex-inscrit o^ ; B" le pôle de la perpendiculaire à AC,
par rapport au même cercle, menée par le point de contact du cercle
ex-inscrit o^.
1° Les deux cercles décrits sur A'A"e^B'B" coinme diamètres se coupent,
se touchent, ou ne se coupent pas suivant que l'on a :
a -f 6 > 3c ; a + 6 — 3c ; a -[- 6 < 3c.
2" Ces deux cercles sont respectivement les transformés par polaires
réciproques par rapport au cercle de centre C et de rayon CB' = CA' de
l'hyperbole de foyers B e< C passant en A et de l'hijperbole de foyers A et C
passant en B.
j), _ Par un point M je mène rantiparallèlc à BC qui coupe AC et AB en A^., A,^,
» ,) CA » BA et BC en B^, B„
» ■ » AB » CB et CA en C^, C^^.
Le point M pour lequel on a:
AA, + AA, = BB^, + BB, = CC, + CC„
126 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
est situé sur la droite qui joint le point de Lemoine au centre du cercle
circonscrit et il a pour coordonnées ; a -]- "^P cos A, etc.
, , , ^r. ^b + c)(c + a)fa + b)
La somme constante est : zK -n — . ^ c *
k). — Soit un triangle ABC, ti^ouver un point M tel que si par M on
mène des parallèles aux trois côtés, la somme des inverses des segments
que M forme sur cette parallèie (segments compris entre M et les côtés)
soit la même.
On trouve le point dont les coordonnées normales sont :
1
ab -f- ac — oc
1). — co est l'angle de Brocard d'un triangle, <p l'angle tel que :
tg A + tg B + tg C = tg ?
On a toujours :
12 tg <p cotg 3(0 — 3 tg > cotg ^oj — 54 tg 9 cotg to + 12 tg > + 81 < 0.
m). — Si Von prend par rapport à la droite de F infini, les points brocar-
diens direct et rétrogade (voir Congrès de Grenoble, 1883, p. 27, ligne 5,
en remontant) de tous les points de la droite de Vinfini, ils sont sur la
conique circonscrite de Steiner,
n). — Soit un triangle ABC et trois circonférences de rayons 1, m, n
et de centres A, B, C ; si M est un des deux points tels que les puissances
de M par rapport à ces trois cercles soient respectivement proportionnelles
à a*, b'*, c^ et que nous appelions X, Y, Z les côtés du triangle podaire
de M, on aura :
X^ — l^ sin^ A = Y^ — ni^ sin^ B = 7J — n'' s'm' C.
On en conclut que les triangles podaires des centres isodynamiques sont
de's triangles équilatéraux. (Sghoute, Verslagen en mededeelingen, de l'Aca-
démie d'Amsterdam, série 3, tome III, p. 89.)
o). — Dans un triangle ABC considérons le cercle symétrique, par rap-
port à la médiatrice BC, du cercle (/'Apollonius ayant son centre sur BC,
et les deux autres cercles analogues.
On sait que si le t?'iangle ABC est acutangle, les trois cercles symétriques
des cercles c?' Apollonius se coupent en deux points réels qu'on appelle les
centres isologiques {J . E., 1892, p. 70). Soient 3 leur distance et d la distance
du centre du cercle circonscrit et de Vorthocentre.
On aura : .
8R'^m^
d'
On sait d'ailleurs que d^ = 9R^
cos A cos B cos C
É. LEMOLNE. — GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 127
Les centres isologiques sont sur la droite d'Euler GH.
Les centres des trois cercles d'Apollonius sont sur la droite de Lemoine :
ceux des trois cercles symétriques par rapport aux médiatrices sont sur la
droite de Longchamps : \ a^ir := 0.
Ces deux droites se coupent au point : ¥ — c-, c'^ — a^ a"~ — b^.
La distance D des centres isodynamiques (points où se coupent les cercles
d'Apollonius) est donnée par la formule : D^ = — ^^ —^ •
Le rapprochement de cette formule avec celle du n° 33 esta noter.
Si un angle du triangle égale 120", les cercles d'Apollonius ont un de
leurs points communs sur le côté opposé.
R, m^, n^ désignent, comme d'ordinaire, le rayon du cercle ABC:
a^ _{-, fy^ -\- c\ h'-e -\- c'a'' + a'^bK
p). Soit un triangle ABC ; si l'on a : b^ -|- c^ ^ a(b -\- c) (ce qui suppose
A <^ 90), la droite joignant un sommet de la base BC au point de con-
tact du cercle inscrit sur le côté opposé et la droite Joignant l'autre sommet
de la base au point de contact du cercle ex-inscrit qui est tangent au
côté opposé, se coupent sur la médiane partant de A, et si l'on joint un
sommet B au point de contact sur AC du cercle ex-inscrit qui touche AB, et
le sommet C au point de contact sur AB du cercle ex-inscrit qui touche AC,
ces deux droites se coupent sur la symédiane partant de A. laquelle coupe^C
au point de contact du cercle inscrit.
q). — Étant donné un triangle isocèle, on peut toujours trisecter avec
la règle et le compas l'angle que forme un des côtés égaux avec ïantipa-
rallèle à ce côté.
Étant donné un triangle ABC, trouver dans son plan un point o tel que
si Co coupe AB en C et que Bo coupe AC en B', on ait :
1« Angle ACC = angle ABB' ;
2° Angle B'oC ou C'oB = a fois angle ACC.
Le problème est résoluble avec la règle et le compas si X est de la
forme : 2" — 2.
IX. — De la division de la circonférence en sept parties égales.
52. — Si dans un triangle ABC on a : A =: 2B, on aura aussi :
«2 — h{b -f C) (i) {J. E., 1883, quest. 116, M. Antomari.)
128 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Si on a en même temps : B = 2C, on aura donc aussi : 6^ = c{c 4-«)(2)
et les angles A, B, C seront : 4 . -^ > 2.-;:r-' „
180 ^ 480 180
7
Le problème sera résolu si l'on construit le triangle ABC.
Supposons c =: 1 et éliminons alors b entre (1) et (2), le résultat est :
a' — 2a^ — a + 1 = 0.
Cette équation a ses trois racines réelles, l'une négative entre — 1 et ne
peut convenir, l'autre entre et 1 ne convient pas non plus puisque a'^ c
et que c = i ; l'autre entre 2 et 3.
On calcule qu'elle est: a = 2,250. . . l'équation (2) devient b^ = 3,2o0. . .
d'où 6 = 1,80... ; c = 1.
X. — Construction des points [j. et '/ dont les coordonnées
NORMALES SONT :
x' t z--' x"^ II'- z-'-'
-, ^, - et —, ■-^, — .
X ij z œ y z
53 . — Soient M et M' les points qui ont pour cordonnées x, y, z ;
x', y' , z' et ABC le triangle de référence.
J'appelle E^, F^ les points où MA coupent respectivement BxM', CM'
» E^, F^ » MB » » CM', AM'
» E^, F,. » MC » » AM', BM'
J'appelle M^^ le point où se coupent BF^, CE^,
» 31^ » .) CFj, AEj
» M, » « AF., BE.
Les trois droites AM^, BMj^, CM^ se coupent en ^j..
Si l'on traite M' par rapport à M, comme on vient de traiter M par
rapport à M' en mettant pour cette seconde construction les mêmes
lettres que pour la première, mais accentuées, il est clair que : les trois
droites AM^, BM'j^, CM'^ se couperont en fx'.
Pour exécuter cette construction, il faut :
Tracer les six droites AM, BM, CM ; AM', BM', CM' . op : {itK, + GRJ
Placer M^ par deux droites partant de B et de C . . op : (4Ri -f- ^Rj)
» M^ » » C » A . . op : (4Ri + 2R,)
Tracer AM^, BM^ qui se coupent en p. op : (4Ri -)- 2R2)
[X est donc placé par op : (24Ri -\- 12R2)
Pour avoir M^ une nouvelle droite suffira op : (2Rj^ -|- Ra)
Ainsi que pour avoir M^^ op : (2Ri + RJ
Enfin \>.' s'obtiendra en traçant AM^, BM;; op : (4Ri -f 2R2)
É. LEMOIiNE. — GÉOMÉTRIE DU TIUAN'GLE 129
[j. et a' seront donc placés par op : (32Ki + 16K.^i lorsque M et M' sont
placés.
L'équation de ua' est : y.rx'iy'^z'^ — zh/'^fz = 0,
par conséquent [xa' se tracerait par le symbole, op : (34Ri -[- i7Rj.
En prenant pour M et M' difTérents points remarquables, on a pour y.
et a' et pour u.\t.' des constructions relativement simples de points et de
droites qu'il serait quelquefois fort long de fixer ou de tracer autrement.
Si M est le barycentre, a est le réciproque de M' ; a' est le point : ax'',
bij'-, cz'\
Si M et M' sont le barycentre et le point de Lemoine. [>. et ;J^' sont les
1
points si souvent rencontrés ^, etc., et a^ etc.
Si iM et M' sont le point x, y, z et son réciproque, ,u. et ,a' sont les deux
points réciproques a'^x^, etc., et , etc.
a^x'-'
Si M est le centre de gravité M^M', 3I^M', M^M' sont respectivement paral-
lèles à BC, CA, AB.
111
Si M et M' sont deux points inverses x, y, z ; -, -, ~ , kl ei 'j.' sont les
X y z ' '
1 1 1
deux points inverses x^, y-\ z'^ : — , — . — .
Si M et M' sont le point de Lemoine et le centre du cercle inscrit, ix et [x
sont les points a% 6% c^ et le barycentre.
Si M est le point .2 , y, z et M' un des quatre points : x' , //', :;' ou l'un de
ses trois associés : — x', y', z'; x', — y', z'; x', y', — z', u' sera le même
point, fx donnera quatre points associés.
Si l'on traite a et y.' comme on a traité M et M' on aura deux poiiUs fx , </
» ^, et ij.^ ^ » » » ^^, ,^;^
etc., l'on aura ainsi la série de points :
M et M', ;x et y.' ; a^ et y-'^ . . . ;% et i\. Les coordonnées de ix^^ seront :
;i— 1
(
X
- , etc.
(1-1
I
x'^ '
Celles de jx^j seront
,(^:
;i-l
— I
, etc.
9*
130
MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
XI. — Formules dans le triangle.
Ajoutons encore quelques formules à celles que nous avons données
aux Congrès précédents de l'Association française et dans Mathesis, 1892,
p. 81, etc.. avec leurs transformées continues en A lorsqu'elles en ont.
54.1. 2
a cos^ A := rr^
V
m'
3(R + Vf' + R'-' — p-'
a cos'^ A -j- 6 cos- B -|- c cos- C
p — a
3(R-rJ + R'^-(p
2. ^a\^^'^pm\-{-n
— ao + bl^ + cly =^ 2(p — aj(2R — r^]
3. _2«(?-„ — /')(°„ — ^0 = '^P^P" + ^' — lORr) ;
- «('a - 0(^^ + '■'') + K'-r + nO(^^c + ''a)
+ <r, + r J(o, + r,) = lip - a)[ip ~ af + r; + lOU/J .
4. 2a(r,-r)(r^-r)=4RS;
mpip' -j- r' — \mr);
ail
■ 2
('•/. - '-y + (''c - '
<'-.-rr„)j(r,+rjM-(r„-r)'^j^-4R(p-r/)[(;,-a)'^+r^Hl2Rr^
yy^fR — r)
r„ cos'^ A = c
R^
— r cos- A -|- r^ cos- B -j- r^ cos- C = o^^ -f
7. Vôc/-^^ cos A ^= /-(op- — 0^);
(P — a)H^ + rj
R'
bcr, cos A — car^ cos B — baVi^ cos C = r^j ^(p — af-
s
8. 2^a cos'^ A = —
(2R 4- r)-' + R'^ — p'
_S
R'
(2K—r^y + lV--(p — af
— (1 — 4 cos A cos B cos Cj.
li. LK.Mulm;,
GKOMKTRIE DU TRIANGLK
131
9. cos B -f cos C ~^^, d'où, par transl'orniatioii coiiliuup eu B ou eu C :
m
cos B — cos C
''c - ''l,
2K
Or
cr^ =
(b — c)/)-' (h — c)7\r
b'c
\ 1 . c;-, + br^ = f^ (a + r,) = (p - «)(o + r J ;
^h + cr^ .= yj^V:^^ _ r).
il. bc-^ 2pa = (a + c)(a + b), d'où, par transformation en A :
bc — ±\p — a)a = (a — c)(a — b)
et, par transformation en B ou en C :
bc — ±p — c)a = (C — aX.a + b).
2«« = 2(p'^ — ro r^ -f 24S'^[2B'^ — f p^— ro)]
= m^ — Sm^n'^ -f Za^H"".
13.
14. 6-5 cos B — c^' cos C =
c- — b-
2a bc
C' -\-b' — a-(b- -f- c^j
c^ — 6'^
a
n- cos ('A -)- wj
lo
16. yjr2« - yj) = r^r^^ -f- ;.^;., _ ;.^,.^,
et, par transformation continue en A, en B et en C :
P" — «' = '•''/. + ''^,. + ^'/.^'c ; (P — b)[a-i- (p — C)]
= 'c'a -f '•'•. — '■>:■ ; ' y^ — c)[a + (/; — b}] = r^r^ + ;v^, — rr,^.
17. a'^r^ -f b-'i-f^ — ch'^, = 4Rp[(7j — c) — c cos A cos B],
et, par transformation continue en A :
aV — b-r^ + c^r,^ — 4K('p — a)[(p — b) ~ c cos A cos B].
18. y a^ cos- A := /»" —
4K^
Je ne veux pas terminer sans remercier U.Neuberg de toute sa complai-
sance, des nombreux renseignements, des multiples indications que je lui
dois, qui, entre autres choses, ont transformé le n° I : Sur quelques groupes
de trois cercles.
132 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Abréviations employées daîis le cours du Mémoire :
A. F. = Association française pour l'avancement des sciences.
.T. E. = Journal de Mathématiques élémentaires, publié sous la direction de .M. de
Longcliamps.
,]. S. -= Journal de Mathématiques spéciales, publié sous la direction de M. de
Longchainps.
ERRATA
AU MÉMOIRE DU CONGRÈS DE LIMOGES, 1890, § 3, 13, P. 127.
Dans les coordonnées des quatre points communs aux deux coniques inscrites, il faut
mettre L, M, N ; V, W, N' au lieu de A, B, C ; A' B' C.
ERRATA
Al- MÉMOIRE DU CONGRÈS DE MARSEILLE, 189J.
Page 2 lignes 7, 8, 9, 17 ; remplacer a par n.
9, en remontant; au lieu de x', y', z', lire .;', //', :' .
12 ; la dernière lettre de la ligne doit être C et non B.
2 ; le dénominateur doit être élevé au carré.
11, en remontant ; au lieu de : inscrit, lisez : circonscrit.
4, en leiiiontant; au lieu de : Z, lisez : Z, et ajoutez : Z, étant le cenijc du
cercle de Rrocarrl .
18 » 6 ; la première égalité de la ligne doit être :
»
4
;j
»
10
S
»
11
»
J>
12
»
s
16
a
g' =\
»
28
»
1)
36
»
38
»
»
38
y
a
39
»
»
39
»
»
39
))
(/) - ar- -r- 5/-=^ -r lGKr„
9; au lieu de x\ y, z, lisez: x', if , z'.
8; au lieu de : A', B', C, lisez : A', B', C.
1 et 4, en remontant; au lieu de .M, lisez: JI,.
3, en remontant ; après Vi est le point, ajoutez : , etc.. ou le puinl.
1 et 5; au lieu de M, lisez: M,.
2 ; effacez le barj centre et le point de.
3 ; effacez Lemoine.
M. aaston TÂURY
Inspecteur des Contributions diverses, à .\Igcr.
FIGURATION DES SOL'JTIONS IMAGINAIRES RENCONTRÉES EN GÉOMÉTRIE ORDINAIRE *;
— Séance du 17 septembre 1892 —
192. — Ces prétendus êtres de raison qu'on qualifie d'imaginaires sont
parfaitement réels, et la géométrie possède le pouvoir de [les peindre à
ri.magipation sous des formes sensibles.
{V Voir C. R. du Congrès de Marseille, 2" partie, page 90.
G. TAURY. — SULITIONS IMAf.I.NAIHKS UN GÉOMKTRIK OHDLXAIUK 133
Le mot imaginaire devrait disparaître du langage scientifique. Mais,
pour nous conformer à l'usage, nous conserverons cette appellation ; ce
qui ne présente aucun inconvénient, pourvu qu'on s'entende.
La Géométrie pure, telle qu'on l'a conçue jusqu'cà ce jour, est essentiel-
lement restrictive, parce que son champ d'action est limité au réel.
De là, dans ses investigations, une timidité qui a toujours entravé sa
marche en avant. Un peu de hardiesse va lui permettre d'étendre sa
puissance sur le monde de l'imaginaire.
L'être primordial qui engendre tous les êtres de la Géométrie, c'est-
à-dire le point, n'a pas encore reçu sa véritable définition. Cependant, on
a coutume de dire que le point réel est un cas particulier du point ima-
ginaire, ce qui revient à admettre qu'il existe une définition plus géné-
rale du point, embrassant à la fois le point imaginaire, demeuré invi-
sible jusqu'à ce jour, et le point réel, le seul qui se soit montré aux yeux
des géomètres.
Quand la Géométrie ordinaire, que j'appellerai restrictive par compa-
raison avec la Géométrie générale, répond en langage algébrique par une
solution imaginaire à la question qui lui est posée, nous sommes préve-
nus, par cela même, que la demande formulée renferme une impos-
sibilité.
A la suite de longues études, j'ai acquis la conviction inébranlable que
la cause unique de cette impossibiUté résidait dans notre exigence à vou-
loir que la solution exacte satisfasse, par surcroît, à une condition parti-
culière, toujours la même, et dont la nature nous échappait.
Ce qui se passe dans cette circonstance extraordinaire, où l'Homme et
le Sphinx de l'imaginaire se trouvent face à face, mérite de fixer au plus
haut degré l'attention du penseur qui veut étudier les lois et la marche
du raisonnement.
Les lignes suivantes, que j'extrais de l'ouvrage de Vallès (Des fonnes
imaginaires en Algèbre, tome I, page 52), en substituant seulement le
mot Géométrie à celui d'Algèbre, décrivent avec la plus parfaite exacti-
tude la situation, telle du moins qu'elle m'est apparue :
« Il est intéressant d'étudier comment, dans ce cas, la réaction de la
» Géométrie cherche à se mettre en équilibre avec l'action égarée de
» notre intelligence ; comment elle se maintient dans le vrai, alors que
» nous voulons l'entraîner dans le faux: comment, du moins, elle refuse
» de nous suivre dans cette voie, et par quels moyens, toujours logique
» et toujours utile, tout en nous disant que nous l'avons frappée d'im-
') puissance, elle nous indique en quoi consiste l'erreur que nous n'avions
» pas même soupçonnée. »
Après dix années de méditation consacrées à rechercher la nature de
cette erreur, j'ai été amené à la conclusion suivante :
134 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
L'interprétation des solutions imaginaires en Géométrie ne peut être
obtenue qu'à la condition d'admettre la définition ci-après du point, que
j'ai adoptée.
En Géométrie générale, on appelle point l'être produit par l'union de
deux points de la Géométrie ordinaire, que Ton considère dans un ordre
déterminé, afin de les distinguer l'un de l'autre comme s'ils étaient appe-
lés à jouer un rôle difTérent dans cette création.
Cette trinité est le dogme sur lequel repose la Géométrie générale.
Les deux composantes du couple dont procède le nouvel être présentent
deux états difTérents, suivant que leurs positions sont séparées ou super-
posées.
(juand les composantes sont séparées, on a la figuration du point dont
on pressentait l'existence en le désignant sous le nom d'imaginaire.
Le point imaginaire était une âme sans corps; nous lui donnons un
corps pour le présenter dans le monde géométrique.
Dans le cas, infiniment particulier, oii les composantes sont superpo-
sées ou confondues, on a l'image du point réel.
Ainsi, tout point réel est nécessairement double.
Cette conclusion, si étrange qu'elle puisse paraître, est imposée par la
force même des choses.
Pour doter la Géométrie pure d'une puissance comparable à celle de
l'Algèbre, il fallait encore découvrir les véritables définitions de la ligne
droite, de la distance et de l'angle, éléments constitutifs de la science de
l'étendue.
Ces définitions ont été données dans mon premier Mémoire de Géo-
métrie générale, présenté au Congrès de Paris en 1889 et publié dans le
compte rendu de la session.
De nombreuses expériences m'ont confirmé dans la croyance que j'ai eu
la fortune de rencontrer la voie de la vérité.
Ma Géométrie générale anéantit le fantôme de l'imaginaire. Désormais,
toutes les solutions dites imaginaires pourront être représentées par des
images visibles.
Je serais heureux si l'exemple suivant, choisi parmi les solutions ima-
ginaires qui se prêtent à une figuration simple, pouvait faire naître chez
les amis de la vérité le désir de lire mes Mémoires de Géométrie gé-
nérale.
Dans le Journal de Mathémaliques de M. de Longchamps, j'ai proposé
en 1889 le problème suivant, dont la solution a été donnée dans le nu-
méro du mois de septembre 1892.
Quatre trains se meuvent sur des voies rectilignes avec des vitesses
uniformes. On connaît leurs positions à deux instants différents.
On demande de tracer une cinquième voie rectiligne qui puisse être
G. T.VrUtV. S(tLl TID.NS IMAGINAIRES £.\ GKUMÉÏKIK 0HDI.\A1UE 135
parcourue par un train d'un mouvement uniforme, de telle sorte que les
quatre premiers trains paraissent immobiles aux A'oyageurs du cinquième.
Ce problème est du second degré et, par conséquent, peut comporter
des solutions imaginaires.
En vertu des définitions nouvelles, données par la Géométrie générale,
le problème doit être posé sous cette forme :
Ouatre couples de trains confondus, AA, BB, CC, DD, se meuvent en
ligne droite avec des vitesses uniformes.
On demande de trouver deux voies rectilignes qui puissent être parcou-
rues avec des vitesses uniformes par deux trains P et P', de telle sorte
qu'à tout instant la ligne droite de (iéométrie générale qui passe par le
point PP' et l'un quelconque AA des quatre autres points mobiles con-
serve la même direction.
Pour que la droite mobile PP'AA de Géométrie générale conserve une
direction fixe, il faut et il suffit que le rapport des distances PA et P'A
demeure constant et que la bissectrice de l'angle variable PAP' ait une
direction fixe. (Voir pour la démonstration mon Mémoire de 1889. j
En conséquence de ce qui précède, j'affirme sans aucune hésitation que,
dans le problème primitif, la solution imaginaire présentée par la Géo-
métrie restrictive doit être interprétée comme il suit :
11 existe toujours deux trains réels qui se meuvent sur des lignes
droites avec des vitesses uniformes, de telle sorte qu'à tout instant du
mouvement : 1" les distances de ces deux trains à chacun des quatre
premiers soient respectivement dans des rapports constants ; 2° les bis-
sectrices des angles sous lesquels on voit ces deux trains de chacun des
quatre premiers conservent des directions fixes.
Cela est évident en Géométrie générale.
Quand les deux trains du couple sont constamment confondus en un
seul, et alors seulement, la Géométrie restrictive donne une solution
réelle.
On voit par cet exemple typique que la Géométrie restrictive, en pré-
sentant une solution imaginaire, nous prévient bien que la demande for-
mulée renferme une impossibilité.
Et cette impossibilité tient uniquement, non seulement dans le problème
qui nous occupe, mais toujours, à ce que nous exigeons que les deux
composantes du point demeurent superposées.
C'est en cela que, suivant l'expression de Vallès, consiste l'erreur que
nous n'avions pas même soupçonnée.
Dans l'espace réel oîi Descartes a construit les axes de sa Géométrie
analytique, toutes les places paraissent marquées d'avance pour les points
réels, dont les coordonnées sont déterminées à l'aide de nombres positifs
et négatifs.
136 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
On a été porté à croire qu'il n'en restait aucune pour les points ima-
ginaires, et, ne sachant où mettre ces êtres dont l'existence s'afTirmait
de plus en plus, on a imaginé l'hyperespace pour les y loger.
Dans ces limbes, ils ont attendu la venue d'une Géométrie générale,
qui leur a donné un corps pour leur permettre de pénétrer dans l'espace
où nous vivons.
Le spectre de l'imaginaire a disparu, et avec lui son habitation : Ihy-
perespace.
M. COCCOZ
Commandant d'Artillerie en retraite, à Paris.
DES CARRÉS DE 8 ET DE 9, MAGIQUES AUX DEUX PREMIERS DEGRES
DES CARRÉS DE MÊMES BASES EN NOMBRES TRIANGULAIRES
— Séance du 17 septembre 1892 —
La question des figures magiques, dont les mathématiciens les plus
éminents s'occupèrent avec ardeur à la fin du xvii'^ et au commencement
du xviii^ siècle, s'est enrichie tout récemment de procédés au moyen
desquels on a résolu des problèmes (*) de ce genre plus compliqués que
celui des enceintes, qui fut, par l'intermédiaire du P. Mersenne, l'objet
d'une active correspondance entre les illustres Fermât et Frenicle.
La recherche des carrés de 8 et de 9 de base, magiques aux deux pre-
miers degrés, a été précédée par d'autres. Toutes ont eu pour point de
départ un triangle équilatéral de neuf chiffres inséré dans un volume de
la Nouvelle Coj'respondance mathémathique qui nous fut communiqué par
notre ami Edouard Lucas.
Les quatre nombres de tel côté que l'on veut considérer
4 3 de ce triangle ont pour somme 20, et l'addition de ces
9 7 mêmes nombres élevés à la deuxième puissance donne pour
^ ^ *^ ^ total 126.
On fit bientôt après, avec dix-huit, puis avec vingt-sept éléments,
(*) Voir l'Appendice à lu lin du Mémoire.
COCCOZ. — DES CAHUÉS MAGIQUES 13"
une quanlité considérable de triangles satisfaisant à de semblables condi-
tions. Le 19 novembre 1888, un mémoire sur les égalités à deux degrés
fut présenté à l'Académie des Sciences par son auteur, M. le général Fro-
lov, et le Journal de Mathématiques élémentaires traita le même sujet dans
ses numéros d'août et de septembre 1889.
Ces divers travaux firent naître l'idée de former à deux constantes :
1° Des enceintes magiques ;
2" Des cercles de même rayon se coupant deux à deux, leurs circon-
férences étant divisées en parties égales avec des nombres à chaque
point de division et d'intersection ;
3" Des ensembles de lignes formant des figures géométriques comme
il y en a, mais sans double égalité, dans le chapitre Das magische Po-
lygon, du traité d'Hermann SchetTer.
Carré de 8 de base. — M. Savard a le premier arrangé soixante-quatre
nombres en un carré magique au premier degré et semi-magique au
second ; mais, c'est M. PfetTerniann qui, avant tout autre, a construit
un carré de 8 parfaitement magique à deux degrés, et quelques mois
après un de 9 réunissant les mêmes conditions. Ces carrés ont été pu-
bliés par les soins de M. Feisthamel le 6 décembre 1890 et le ^ll juin 1891.
On se rendra compte des difficultés que présentait la construction de
tels carrés en cherchant, parmi les formules connues et les notations
dues à Joseph Sauveur, celles qui pourraient aider à résoudre ce nouveau
genre de problèmes, et aussi, en considérant que les combinaisons de
huit nombres donnant la double égalité 260 et 11.180 dépassent 30.000
suivant une première approximation de M. Rilly, qui en a déjà cal-
culé 23.136.
La marche à suivre pour obtenir avec des nombres consécutifs un
carré de 8 comporte trois opérations :
1° Avec les soixante-quatre nombres former huit lignes, chacune de
huit éléments, dont la somme soit 260; faire les permutations de chiffres
nécessaires pour, sans altérer cette première égalité, en trouver une se
conde 11.180 par l'addition des nombres élevés à leur deuxième puissance.
Cette opération terminée, on a ce que nous appelons un générateur.
2° Composer un second générateur ayant les mêmes qualités que le
premier, et pouvant se conjuguer avec lui pour faire un semi-magique.
3° Par des changements de place des lignes entières, amener en dia-
gonales les nombres qui, en dotant celles-ci de la double égalité, rendent
le carré tout à fait magique.
Générateur. — Pour former chaque générateur, nous procédons par
couples égaux, et par leurs complémentaires, en nous réglant, pour com-
mencer, sur les deux rangées supérieures d'un échiquier dont les cases
seraient numérotées.
188 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Nous obtenons les cinq groupements suivants :
260 et 17 49 81 113 ^260
16 SO 82 112:^260
15 51 83 111 =3 260
13 53 85 109^^260
9 57 89 105 = 260
La première décomposition est des plus simples : il faut écrire les
nombres suivant la marche que les Grecs appelaient boustrophédon.
|0
17
49
81
113
- : 260
2"
18
48
80
114
- 2(30
;-i°
19
47
79
115
^ 260
-4"
21
45
77
117
= 260
5°
25
41
73
121
.= 260
Z*^"" groupement.
A
B
(
A
D
8
9
24 25
40
41
56
4
7
10
23 26
39
42
55
58
12
6
11
22 27
38
43
54
59
24
5
12
21 28
37
44
53
60
40
4
13
20 29
36
45
52
61
60
3
14
19 30
35
46
51
62
84
2
15
18 31
34
47
50
63
12
1
id
17 32
33
48
49
64
On a évidemment des horizontales égales, puisqu'elles se composent
toutes des couples 17 49, 81 113 — 260.
Il s'agit de leur donner la double égalité. Dans chaque colonne les
premiers nombres inscrits sont consécutifs, de la forme n et w + 1
ayant pour somme de leurs carrés 2n(n -|- 1) -f- 1. Les deux suivants
(/i — 1) et {il -\- 1) ont pour somme de leurs carrés 2n(M -|- 1) -|- ^»
quantité qui surpasse de quatre unités le résultat précédent.
En comparant ainsi chaque couple avec le premier inscrit, on trouve
les différences mises en marge du tableau. En place des nombres 0, 4,
12, 24, etc., etc., marquant des différences, on aurait pu mettre plus
simplemenl : 0, 1, 3, 6, 10, 15, 21, 28, c'est-à-dire les sept premiers
nombres triangulaires précédés de zéro. Ces différences formant une
somme 336 pour les huit couples d'une colonne, les horizontales seront
égales au second degré toutes les fois que les quatre couples de chacune
d'elles présenteront des différences ayant pour somme
336
4
= 168
En représentant chaque couple par la lettre placée en tête de sa
COCCOZ. — DES CAItUÉS MAGIQUES 139
colonne avec Je chiffre en marge pour indice, on composera des lignes
à deux constantes telles^ que les suivantes (*):
Ah.
Au2
As4
As,
A64
B40
B,2
Beo
Bc„
r.,., J)^ cVst-à-diriî (a) 1 16 20 29 38 43 55 58 i^
t:,' L),,, » (h) 1 16 20 29 39 42 54 59 '^
C40 \h « (c) 1 16 22 27 36 45 55 58 ^1
C04 D„ » fdj 2 15 18 31 40 41 56 57 [=:
r.„ \\, » l'e} 2 15 19 30 37 44 56 57 1=1
C, \\, » (f) 2 15 19 30 38 43 54 59 IH
260
11180
260
11180
260
11180
260
11180
260
11180
260
11180
Ou abrège les recherches par l'emploi des termes complémentaires.
Ainsi, ou déduit immédiatement des six lignes ci-dessus :
fa') 7 10 22 27 36 45 49 64
(c'} 7 10 20 29 38 43 49 64
i'e') 8 9 21 28 35 46 50 63
7/J 6 11 23 26 36 45 49 64
(d') 8 9 24 25 34 47 50 63
(f) 6 11 22 27 35 46 50 63
Les autres groupements ne comportent chacun que quatre lignes.
A
D
A'
B'
\y
T groupement.
7 9
24 26
40 42
55 57
8 10
23 25
39 41
56 58
16
5 11
22 28
38 44
53 59
6 12
21 27
37 43
54 60
30
3 13
20 30
36 16
51 61
4 14
19 29
35 45
52 62
48
1 15
18 32
34 48
49 63
2 16
17 31
33 47
50 64
S'^ groupement.
6 9
24 27
40 43
54 57
8 11
22 25
38 41
56 59
8
5 10
23 28
39 44
53 58
7 12
21 26
37 42
55 60
56
2 13
20 31
36 47
50 61
4 15
18 29
3i 45
52 63
80
1 14
19 32
35 43
49 62
3 16
17 30
33 46
51 64
groupement .
4 9
24 29
40 45
52 57
8 13
20 25
36 41
56 61
12
3 10
23 30
39 46
51 58
7 14
19 26
35 42
55 62
28
2 11
22 31
38 47
50 59
6 15
18 27
34 43
54 63
48
1 12
21 32
37 48
49 60
5 16
17 28
33 44
53 64
o^ groupement.
4
5
28 29
44 45
52 53
12 13
20 21
36 37
60 61
4
3
6
27 30
43 46
51 54
11 14
19 22
35 38
59 62
12
2
7
26 31
42 47
50 55
10 15
18 23
34 39
58 63
24
1
8
25 32
41 48
49 56
9 16
17 24
33 40
57 64
(*) Dans les numéros précités du Journal de Mathématiques élémentaires, le signe
employé pour exprimer une douljle égalité.
a été
140 MATHÉMATIQUES, ASTROxNOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
A laide de deux des cinq tableaux, on trouvera les lignes de deux
générateurs. Supposons les suivants d"' et 5'- groupements) :
Gi'nérateur doniiaiil, les horizontales.
Gént'raleiir ilomi;mt les verlirnle^.
1
16
22
27
39
42
52
61
4
13
23
26
38
43
49
64
2
15
21
28
40
41
51
62
o
14
24
25
37
44
50
63
5
12
18
31
35
46
56
57
8
9
19
30
34
47
53
60
6
11
17
32
36
45
55
58
7
10
20
29
33
48
54
59
1
10
2
9
3
12
4
11
8
15
7
16
6
13
5
14
28
19
27
20
26
17
25
18
29
22
30
21
31
24
32
23
43
36
44
35
41
34
42
33
46
37
45
38
48
39
47
40
50
57
49
58
52
59
51
60
55
64
56
63
53
62
54
61
Ces deux générateurs peuvent se conjuguer : la première horizontale
et la première verticale n'ont d'autre terme commun que l'unité et, en
outre, 22 et 43 sont leurs seuls termes qui se complètent pour donner
64-f-l- Il en est d'ailleurs de même des autres lignes ayant un
terme conmiun, par exemple : 2, 13, 21, 28, 40, 41, 51, 62, et 2, "i,
27, 30, 44, 4o, 49, 56; le terme commun est 2 et leurs seuls complé-
mentaires sont 21 et 44.
Après avoir arrangé dans le générateur dont les horizontales sont
exactes les nombres de manière que les verticales soient composées
comme celles de l'autre générateur, on aura un semi-magique auquel on
donnera une disposition telle qu'il soit formé de seize petits carrés dans
chacun desquels on trouve 130 exprimé en quatre nombres par 65
et 65 (fig. 5), ou par 64 et 66, 63 et 67, 61 et 69, 57 et 73, 49 et 81.
ou 33 et 97 (*) (fig. 7).
(*) On peut se dispenser de faire cet arrangement par Oo 60; mais il ji'est pas inutile de l'essayer
quand on désire former les diagonales avec d'autres couples, parce que, en cas de non-réussite des
16 petits carrés i)ar la décomposition de 130 que l'on a choisie, il n'y a pas de diagonales corres-
pondantes.
Le semi-magique figure 7 a ses carrés par 37 73. On pourrait les faire par 61 69 et aussi par .'il fiii.
Dans le premier cas, on a les quadrangles
dans le second
et dans le troisième
53
2'.
/.
33
3i
62
42
11
34
3
23
34
12
41
61
32
n
1',
V>
5o
.il
41
10
20
63
^'7
6
32
2S
^2
33
;i9
A 7
l'r
2
3.Ï
30
63
31
1S
33
/.
16
4:;
20
49
61
32
COCCdZ. — DES CARRES MAGIQUES
141
FiG. ii. — Semi-magique.
A A' B B' C C D D'
FiG. 7.
Semi-magiquc.
1
22
27
16
52
39
42 61
43
64
49
38
26
13
4 23
-16
l.j
2
21
41
62
51 '.U
50
37
44
63
3
24
25 14
46
07
56
35
31
12
5 18
8
19
3(1
9
53
3'.
47 60
55
36
45
58
6
17
32 U
29
10
7
2(»
48
59
54 33
c
c'
d
d'
1
58
36
27
53
14
24 47
15
53
46
21
59
4
26 33
22
45
55
16
34
25
3 (iO
28
35
57
2
48
23
13 54
40
31
5
62
20
43
49 10
42
17
II
52
30
37
63 8
51
12
18
41
7
64
38 29
61
6
32
.'.9
9
50
44 19
Diagonales. — En consultant une liste facile à établir des combinai-
sons de quatre couples qui donnent la constante 11.180. on trouvera
celles dont les termes disposés magiquement se prêtent aux change-
ments de position des lignes qui amènent ces termes suivant l'une des
diagonales. Il est évident que les colonnes du semi-magique (voir fig. 5)
étant interverties suivant D, C, B, A, A', B', C, D', les nombres 3 (32,
16 49, 18 4", 29 36 de l'une de ces combinaisons seront placés en
seconde diagonale, et qu'en mettant les rangées horizontales par c, h,
a, d, d', a\ b', c', o 60, 10 55, 24 41, 27 38, qui forment quatre qua-
drangles avec les précédents, pourront être pris pour la première diago-
nale (voir fig. 6).
Fig. 6.
— Magique.
D
C
B A
A' B' C
D'
5
31
56 46
57 35 12
18
c
51
41
2 28
15 21 62
40
b
42
52
27 1
22 16 39
61
a
32
60
45 55
36 58 17
U
d
54
48
7 29
10 20 59
33
d'
4
26
49 43
64 38 13
23
b'
25
3
4'. 50
37 63 24
14
c'
47
53
30 8
19 9 34
60
d'
Fig. s. — .Magique.
/
16
38
52
26
41
1
23
61
27
49
39
13
64
22
4
42
2
44
62
24
37
15
25
51
21
63
41
3
50
28
14
40
58
20
6
48
29
55
33
U
45
7
17
59
10
36
54
32
56
30
12
34
19
57
47
5
35
9
31
53
8
46
60
18
Deux autres combinaisons également par 6o 6o, 3 62, 16 49, 18 4",
29 36 et 4 61, lo oO, 17 48 et 30 3o conviennent aussi ; elles se con-
juguent avec oelles déjà indiquées. Il en résulte que si on les désigne
142 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
par a, [3, Y' 2: 01^ S'Ura six paires de diagonales, a[i, ay, aS, py, jio, yo,
qui pourront être adaptées à ce carré.
On. sait qu'un carré de 8 de base se transforme de cent quatre-vingt-
douze manières quand on déplace simultanément des bandes et des
colonnes également distantes du milieu. En supposant qu'il ne soit pas
possible de lui donner d'autres diagonales que celles par 65 65, le carré
(fuj. 6) est déjà susceptible de 6 X 19^ = l-lo2 solutions. Il en serait
de même du carré (flg. 8) auquel six paires de diagonales conviennent
également.
Cette multiplicité des diagonales, ainsi que les transformations par
échanges de groupes égaux, qu'il faut chercher pour les découvrir, s'op-
pose à la détermination exacte, a prio?'i, du nombre de carrés de 8 à
deux degrés que l'on peut construire par la méthode dont nous venons de
faire un exposé succinct. Tout ce qu'il est permis d'alfirmer, c'est que les
lignes, au nombre de trente, qui comprennent l'unité se conjuguent
cent vingt fois deux à deux, d'oii 120 carrés donnant lieu chacun à
192 solutions dérivées, c'est-à-dire 23.040 carrés différents, sans compter
les solutions en quantité assurément considérable dues aux changements
de diagonales.
CARRÉ DE 9 DE BASE MAGIQUE AUX DEUX PREMIERS DEGRÉS
Carré de 9, — Le carré de 81 éléments consécutifs se fait aussij par
deux générateurs qui se conjuguent pour former un semi-magique que
l'on dote ensuite de bonnes diagonales.
Avec la suite naturelle de 1 à 81, les constantes sont, au premier degré,
369 et, au second, 20.049.
A.vec les vingt-sept nombres dont se composent les trois premières
lignes d'un carré naturel, on forme une bande qui comprend trois petits
carrés magiques auxquels on donne la même orientation.
2
7
6
11 16 15
20 25 24
9
5
1
18 14 10
27 23 19
4
3
8
13 12 17
4 3 8
En transportant ensuite dans chaque carré deux horizontales prises
aux autres carrés, on rend égales les neuf lignes verticales.
Chaque verticale est alors formée de termes dont la somme est 42,
l'ensemble en comprend quatre paires qui présentent chacune une double
égalité et une dans la composition de laquelle entre la moyenne de 1 à 27,
c'est-à-dire 14.
COCCOZ. l)i:s C.VUKKS MAGIQUES
h r (I d' !■' 1/
143
(/ /// (I
2 7 6
11 16 15
20 25 24
18 14 10
27 23 19
9 5 1
22 21 26
4 3 8
13 12 17
Dans le tableau ci-dessus, qui présente le résultat des opérations que
nous venons d'énoncer, les lignes désignées par les mêmes lettres jouissent
de la double égalité, leurs éléments se complétant à 27 -|- 1 — 28 (*).
En agissant de même avec les nombres de 28 à 5i- des 3°. 4'' et
o'' lignes, puis avec ceux de 5o à 81 des trois dernières ligîies du carré
naturel, on arrive à des résultats analogues, savoir : deux bandes à ver-
ticales égales, des couples de ces verticales à double égalité et une ligne
où se trouve la moyenne qui pour la seconde bande est 41, et pour la
troisième bande est 68. Il ne reste, pour avoir un générateur, qu'à faire
avec les verticales partielles des verticales entières dont les nombres
élevés au carré aient pour somme 20.049.
Générateur n" i.
",
m,
«;
fc,
'■i
'',
<
(■'
1
1
2
7
6
11
J6
15
20
25
2i
18
14
10
27
23
19
9
5
1
22
21
26
4
3
8
13
12
17
42
m..
"o
"',
lu
c.
cU
u:.
(/:
c:
34
33
29
43
42
38
52
51
47
41
37
45
50
46
54
32
28
36
48
53
49
30
35
51
39
44
40
2.5
"o
(1
1
'" ,,
/^3
'-i
(!,
h'
.1
(/;
60
56
61
69
65
70
78
74
79
64
72
68
73
81
77
55
63
59
80
76
75
62
58
57
71
67
66
204
(*) Voici une autre répartilion des tronçons d'horizontales qui doniiL' l'égalité des verticales de la
|u-emière bande, et, en procédant d'une manière analogue, l'égalité dans les autres bandes.
Il
r
b
//
r
n'
(/
m
d'
2
i
6
11
15
i:;
20
2:i
21
27
r.i
19
9
o
1
18
14
1(1
13
12
17
22
21
2 G
l>
■i
S
144 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Ce tableau, en même temps qu'il montre une composition de générateur,
fait prévoir les variations qu'on peut lui appliquer, les lettres (jui, dans
une bande, ne difîèrent que par l'accent, indiquant les tiers de colonnes
qu'on peut faire permuter.
Pour faciliter la vérification de ce générateur auquel nous donnons
le n° 1, et aussi la construction d'autres générateurs en partant des mêmes
bases, voici les valeurs au second degré des différents groupes ternaires
employés :
«t
= a\
=.812
«, — 0,;" 5.267
«3
6,
=.866
6^ = b\ = 5.249
\
^i
t
= 794
c, — c^ — 5.105
c.
ds
=^^;
= 650
d.^ = d; = 5.321
^3
m.
— 686
m, ■= 5.141
61 =
c„ =
dl
m.
14.096
13.934
14.150
14.078
13.970
Nous ne pouvons produire, dans une note qui doit être succincte, les
cent quatre générateurs obtenus en orientant autrement les petits carrés
ou bien en changeant de place dans une même bande les verticales qui
peuvent se permuter. Nous mentionnerons seulement que, partagés en
(juatre classes, ceux de la seconde se font en groupant, pour former les
bandes, les lignes 1'''', 4" et 7*= du carré naturel, puis les 2% 5® et 8% et
enfin les 3°, 6^ et 9^ Ce qui fait qu'une bonne ligne de générateur,
au lieu d'être décomposée au premier degré en 4,2 -|- 123 -|- ^04 = 369,
l'est en 96+123 = 150.
La troisième classe se fait en groupant, non les horizontales, comme
Générateur n° .'■.
2
7
6
11
16
15
20
25 24
27
23
19
9
5
1
18
14 10
42
13
12
17
22
21
26
4
3 8
33
29
34
42
38
43
51
47 52
46
54
50
28
36
32
37
45 41
44
40
39
53
49
48
35
31 30
123
61
60
56
70
69
65
79
78 74
77
73
81
59
55
63
68
64 72
65
71
67
75
80
76
57
62 58
COCCOZ. — DES CARRÉS MAGIQLKS 145
nous l'avons indiqué, en établissant le générateur n" 4, mais les verti-
cales l'«. 2% 3^et 4% ù% 6^ 7% 8% 9% d'où résulte la décomposition de la
constante 369 en 114 -f- 123 -j- 132. La quatrième classe groupe les
verticales 1", 4% 7«; 2% 5% 8«; 3% 6«, 9% comme sont groupées les
horizontales de la deuxième classe ; la décomposition est par
120 + 123 + 120 = 369.
En supposant que nous ayons choisi pour horizontales d'un semi-
magique les verticales du générateur n° 1, celui qui occupe le qua-
trième rang dans le travail de M. Pfeffermann en donnerait les ver-
ticales .
SemiTinagique engendré par les générateurs a» i et n» 4.
1
2
18
22
34
41
48
60
64
80
27
4
11
50
30
43
73
62
69
* 13
20
9
39
52
32
71
78
55
* 33
37
53
56
72
76
7
14
21
46
35
42
81
58
65
23
3
16
44
51
28
67
74
63
12
25
5
61
68
75
6
10
26
29
45
49
77
57
70
19
8
15
54
31.
38
66
79
59
17
24
1
40
47
36
En se reportant à ce que nous avons expliqué au sujet de la cons-
truction des semi-magiques de 8, on aura facilement celui de 9 produit
des générateurs n° 1 et n° 4.
Diagonales. — Les lignes de deux générateurs n" 6 et n° 7 faits en
donnant une autre orientation aux petits carrés de 9 éléments dont
se composent les bandes donneront les diagonales. Veut-on placer 41
dans la cellule centrale, l'un des générateurs a dans la ligne où se
trouve ce chiffre : 6, 16, 20, 28, 54, 62, 66, 76 ; dans l'autre, 4, 12,
26, 36, 46, o6, 70, 78 sont aussi dans la ligne dont fait partie ce
même chiffre 41. Et, de plus, ces nombres sont en quadrangles.
4 62
56 76
46 16
28 12
20 78
6 2G
66 36
70 54
Voici les deux générateurs 6 et 7 qui, en outre, se peuvent conjui."uer
10*
146 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
pour engendrer un semi-magique qui, lui, emprunterait ses diagonales
aux générateurs n" 1 et n° 4.
Générateur n» 6.
4-)
23
204
4 9
2
13
18
11
22
27
20
21 23
25
3
5
7
12
14
16
17 10
15
26
19
24
8
1
6
29 31
3<}
38
40
44
47
49
54
52 48
50
34
30
32
43
39
41
42 44
37
51
53
46
33
35
28
63 06
58
72
65
67
81
74
76
77 79
75
59
61
57
68
70
66
64 69
71
73
78
80
55
60
62
Génér;Ueur ii" 7.
42
123
204
4
9
2
13
18
11
22
27 20
12
14
16
21
23
25
3
5 7
26
19
24
8
1
()
17
10 15
36
29
31
45
38
40
54
47 49
41
43
39
50
52
48
32
34 30
46
51
53
28
33
35
37
42 44
56
58
63
65
67
72
74
76 81
70
66
68
79
75
77
61
57 59
78
80
73
60
62
55
69
71 64
Si l'on mettait tout autre nombre dans la cellule centrale, on opére-
rait comme ci-dessus, de sorte que les cent quatre générateurs composés
jusqu'à ce jour donnent lieu à 48 + 36 -f 36 -f 36 = lo6 carrés types,
susceptibles de recevoir chacun quatre-vingt-un nombres différents au
centre; ce qui fait 12.636 carrés transformables par le déplacement
simultané des rangées et des colonnes également distantes du centre.
Soit un total de -2.i26.il2 dans lequel ne sont pas comprises les varia-
COCCOZ. — DES CARRÉS MAGIQUES 147
lions provenant d'échanges possibles, dans certains cas, entre des groupes
ternaires de même valeur.
A l'article suivant nous donnons un carré appartenant à la 4" classe,
le dernier de la collection (n° lo6),' avec l'unité dans la cellule cen-
trale.
sans
CARRE MAGIQUE A NOMBRES TRIANGULAIRES
n{ii -1-1) n^ii,
La tormuie — ^^ — _ _^ d un nombre triangulaire montre,
qu'il soit nécessaire de le démontrer, qu'un carié étant fait aux deux
l)remiers degrés, on en aura immédiatement un à nombres triangulaires
si l'on substitue, dans chaque cellule, au chiffre qui l'occupe le trian-
2 H- 4 3 4- t»
gulaire correspondant : à 1, 1; à 2, — ^ = S;h 3, —~^= 6; à 23,
23 -1- o29 ^„,
= 2/6, etc., etc., etc.
Par exemple, les trois lignes principales du carré suivant qui est
magique aux deux degrés, seraient composées en nombres triangulaires
comme nous l'indiquons plus bas (*) :
40 1-2 71 73 23 30 29 7 24
55 48 5 16 38 15 80 49 63
25 6 47 31 62 81 14 64 39
12 41 10 60 52 74 58 54 8
36 26 76 21 1 32 43 69 65
78 56 34 45 67 17 19 3 50
77 46 57 2 51 61 18 44 13
11 70 42 53 9 22 75 59 28
35 4 27 68 66 37 33 20 79
La somme des quatre-vingt-un premiers nombres triangulaires est
91.881 dont le neuvième est 10.209. C'est ce chiffre que l'on obtiendrait
en faisant la somme des nombres triangulaires substitués à ceux d'une
(*) M. Feisthamel, l'amateur le mieux renseigné et le plus connu de tous les polygraphistes et
TMiseurs de c;irrés, a eu l'obligeance de publier dans divers journaux, notamment le Siècle et ta France,
issitot qu'ils lui ont été communiqués, les carrés à deux degrés faits par les trois ou quatre per-
-onnes qui réussissent à en composer de réellement magiques.
148 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
ligne quelconque du carré ci-contre qui est le dernier de la collection de
M. Pfeffermann (15G).
1'^ horizonfale
820
2628
2556
2701
276
465
435
28
300:
= 10.209
1'° verticale
820
1540
325
78
666
3081
3003
66
630
= 10.209
1'° diagonale
820
117G
1128
183U
1
153
171
1770
3100 -
= 10.209
et ainsi des autres lignes.
APPENDICE
1. — Comme exemple de ces sortes de |)roblèmes, la figure 1 représente ua triangle
composé avec la suite naturelle de 1 à 18 et dont les constantes sont 69 et 871, la figure 2
un carré de 5 de base dont l'enceinte a pour constantes 65 et 1007, la figure 3 un carré
de 7 dont Fcnceinte a pour constantes 175 et 5415.
Les lignes de la figure 4 sont les développements d'autant de circonférences. On
trouve les constantes 205 et 5537 en additionnant les nombres placés sur chaque circon-
férence en des points de division ou d'intersection (ces derniers sont ceux qui sont
répétés).
l'iG. 1.
G
1 3
8 4
9 11
16 13
17 14
12 2 5 7 10 15 18
FIG. 2.
7
21
8
17
22
11
5
14
2.3
2
16
1
13
25
10
6
15
24
3
12
20
19
18
9
4
FiG. 3.
8
15
5
28
31
37
40
26
35
4
6
47
39
29
17
9
27
34
14
41
33
30
43
12
25
38
7
20
32
48
36
16
23
2
18
49
24
21
44
:}
11
46
1
42
45
22
19
13
10
FiG. /,.
I li 8 20 21 25 .32 36 M 37
I 19 8 12 22 13 28 29 33 'lU
27 30 34 12 7 13 24 2 17 39
35 38 26 4 31 10 24 5 17 15
9 18 26 6 31 16 23 36 3 37
Constantes =: 205 5537
M. IliOl.OV. — SUR LES RÉSIDUS QUADRATIQUKS 149
M, Michel EROLOV
à Genève.
SUR LES RÉSIDUS QUADRATIQUES
— Séance du 17 septembre 1892 —
i . — Dans ses Disquisitiones fuithmeticœ, Gauss appela résidus quadra-
tiques du module m les restes que l'on obtient en divisant par un nombre
quelconque m une suite de carrés consécutifs \ , 4, 9, 10 ... Il appela
non-résidus quadratiques tous les autres nombres, inférieurs à m, qui ne
se trouvent pas parmi ces restes.
La considération des résidus quadratiques révèle quelques propriétés
des nombres qui pourraient servir à la détermination de leurs facteurs
premiers.
m — 1
On sait que pour ut premier il y a — ^ — résidus et autant de non-
résidus, et que tous ces nombres sont distincts les uns des autres.
C'est là une des propriétés caractéristiques des nombres premiers.
Dans ce cas, comme l'a fait voir Gauss, le produit d'un nombre quel-
conque de résidus et de non-résidus est résidu ou non-résidu, selon que
les non-résidus sont en nombre pair ou impair.
On peut obtenir avec deux résidus quelconques, autres que l'unité, tous
les aulres résidus d'un module, par la multiplication des résidus connus,
sans recourir à la division des carrés.
Par exemple, tous les six résidus du module 13 peuvent être obtenus
avec deux résidus 4 et 9. En effet, leur produit 36 donne le résidu 10;
le produit de 4 et de 10 donne le résidu 1 ; celui de 9 et de 10 donne 12
et celui de 10 et de 12 donne 3. Tous les autres produits donneront
les mêmes résidus. Cette propriété n'appartient également qu'aux résidus
des nombres premiers.
2. — Si l'on numérote les résidus en marchant à rebours, le premier
résidu, correspondant au carré ( — ;^ — j sera égal, pour m de la forme
4/i -I- 1, à (m — h), et, pour m de la forme 4/i — 1 , à h, et le r/'"*^ résidu
150 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
sera égal, dans le premier cas, à (m — A + (f — q) et, dans le second,
à {h-\-q-'-q).
Donc la différence du {q + i)'"' et du ç"" résidu sera égale à 2g. Il
en résulte une règle très simple pour déterminer rapidement tous les
résidus, en commençant par le dernier : en l'augmentant de 2, on obtien
l'avant-dernier résidu ; en ajoutant à celui-ci 4, on obtient le résidu sui-
vant, et en continuant à ajouter 6, 8, 12, 14, etc., on obtient l'un après
l'autre tous les résidus.
Ces formules sont identiques à celles auxquelles Euler est parvenu ,
selon Legendre, par voie d'induction (art. 179 et 180 de VEssai sur la
Théorie des nombres, par Legendre, 1808). Cependant les facteurs pre-
miers des résidus quadratiques ne sont pas toujours résidus. Par exemple,
pour m=: 13, on a parmi les résidus le nombre 10, sans avoir ses fac-
teurs premiers 2 et 5; pour m — 43, on a 6, 21, 38, 35, sans avoir leurs
facteurs premiers 2, 3, o, 7, 19 (*).
3. — Pour m premier ou composé de la forme ïh — 1, il existe une
relation très simple entre les — y-^ premiers résidus et les — r — derniers
résidus, pris dans l'ordre inverse : après avoir trouvé les premiers cl
le résidu du milieu, on obtient les derniers, en renversant l'ordre des
premiers et en les augmentant respectivement de 1, 2, 3, 4, o ... Par
exemple, pour /« := i3, les dix premiers résidus sont :
1. 4, 9, 16, 2o, 36, 6. 21, 38, 14
et le résidu du milieu est 35.
Augmentons 14 de 1, 38 de 2, 21 de 3, 6 de 4, 36 de o, 25 de 6,
16 de 7, 9 de 8, 4 de 9 et 1 de 10, et nous aurons les dix derniers
résidus
15, 40, 24, 10, 41, 31. 23, 17, 13, 11.
C'est facile à démontrer, car pour m = 4A — 1, le carré du milieu est
(m A- 1\'^
égal à ( — j — j = h"^ et la différence de deux carrés également éloignés de
/^n 4- 1 X'-*
ce dernier et se trouvant à la distance 2/ l'un de l'autre, étant 1 — y f- / 1
— y- 1\ -; nd-\-l, il est évident que la différence des résidus
correspondants sera égale à / ou à la demi-différence des racines de deux
carrés, et que c'est la quantité dont il faudra augmenter un résidu de la
(*) Voir la Table des résidus à la fin de ce Mémoire.
M. FKOLOV. SUR LKS RÉSIDUS QUADRATIQUES lol
première moitié de la période, pour obtenir le résidu correspondant de sa
seconde moitié.
Si m premier ou composé est de la forme ih -\- \, on obtient les
derniers résidus en augmentant les — - — premiers résidus de
i 4
quantités
2/i + 1, th + 2, 2// + H . . . 3/î— 1, 3/t.
Par exemple, pour w= 41. après avoir écrit les dix premiers résidus
1, 4, 9, 16, 2o, 36, 8, 23, 40, 18,
augmentons 18 de 21, [40 de 22. 23 de 23, 8 de 24, 36 de 2o, 2o de 26,
16 de 27, 9 de 28, 4 de 29, 1 de 30, et nous aurons les dix derniers
résidus
39, 21, o, 32, 20, 10, 2, 37, 33, 31.
En etïet, la différence de deux carrés également éloignés du milieu de
la période étant égale à
(4/<+ !)(/— 1) + 2// +/ = m{l — \) +2/i +/,
la différence des résidus sera égale à ^h -{-l (*).
//( — 1
4. — Pour m premier de la forme 4/i -|- 1 , tous les — - — résidus se
m — 1 , , . , , . - -
répartissent en — - — couples de résidus complémentaires, dont la somme
est égale km.
Il est aisé de se convaincre que deux résidus de cette espèce corres-
pondent à deux carrés dont la somme est égale à m. ou à son multiple,
car en nommant ces résidus r et R et les carrés correspondants a;'^ et y^,
on aura a;^ = r, et i/^ = R (Mod. m.)
En additionnant ces congruences, il viendra x"- -\- if ^ r -\- 'K (Mod. m)
et en posant r -j- R = m, af- -\- \f ( >! > 1. m . — G r.n n e tout nambre
premier de la forme 4/i-|- \ est une somme de deux carrés, on peut poser
m=:a^ -\-b'^, et en multipliant les deux racines a et 6 successivement par
2, 3, 4 . . . A-, on aura des sommes de deux carrés (2a)'' -j- (^Jf, (3a)'^
-\- (36)% {kaf + (46)"^ . . . {ka)'^ -\~ (kbf, toutes multiples de m, qui corres-
pondront à autant de couples de résidus complémentaires. Si ka, kb dé-
passent m, on aura soin de les diviser par ce module et de les remplacer
(*) On obtient aussi, dans ce cas, les derniers résidus, en diminuant le I — ; — I le résidu de 1,
le 1 1 de 2. le I — -; — I de 3, et ainsi de suite.
132 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
ffl \
par des restes, et si ces derniers dépassent — - — , de les remplacer par leur
compléments km.
29 — 1
Par exemple, pour m ^ 29, on doit avoir — - — =r 7 couples de rési-
dus complémentaires et autant de couples de carrés. On a d'abord
(1) 2^ + 5^ = 29
En multipliant les racines 2 et 5 successivement par 2, 3, i, •>, on
trouve les sommes suivantes, toutes multiples de 29 :
(2) 4^ + 10^
(3) G^ + 15^ = Q' + (29 — lo)'^ = 6'^ + 14'^;
(4) 8'^ + 20^ = 8^ + (29 — 20)'^ :r_r 8^ + 9-;
(5) 12^ + 30-^ = 'l^'^ + (-'^O - -^^y =^12' + 1^
2
et en divisant i)ar 2 les racines (i et 14 de la somme (3), on a :
(6) 3^ + 7'^
Enfin, en multipliant les racines de cette somme par 6, on aura :
(7) 18-^ + 42^ = (29 — 18)'^ + (42 — 29)'^ := 11^ -f 13-.
Voilà tous les sept couples de carrés, chacun desquels correspond à un
couple de résidus complémentaires; par exemple, les carrés 11- -{- 13-'
correspondent aux résidus o et 24.
Les nombres premiers de la forme ih — 1 n'étant pas des sommes de
deux carrés, n'ont jamais de résidus complémentaires.
Quant aux nombres composés, il en est autrement.
Pour un nombre composé m de la forme 4/t + 1? 'es résidus ne se
fil 'I
répartissent en — - — couples complémentaires que si m ne contient que
des facteurs de cette forme et est égal à une somme de deux carrés,
comme 65 = 16 + ^^, 221 — 25 -|- 198, etc. Mais, si m est composé
exclusivement de facteurs de la forme \h — 1, comme 21, 77, etc., il
n'y a pas de résidus complémentaires.
Par contre, pour les nombres composés de la forme 4/i — 1, conte-
nant des facteurs premiers de la forme 4/t -j- 1 , on rencontre des résidus
complémentaires : par exemple, pour ni — lo, on a le couple et 9 ;
pour m = 87, on a les couples 6 et 81, 9 et 78, 24 et 63, etc.
5. — Signalons encore quelques autres dissemblances entre les résidus
des nombres composés et ceux des nombres premiers.
III — 1
D'abord, pour tout nombre composé m, il y a toujours moins de — - —
M. FKOLON . — SLR LKS IIKSIDUS QUADRATIQUKS 153
résidus distincts l'iiii de l'autre, et il existe toujours quelques résidus
égaux. Cette reproduction de résidus suivant une période indique précisé-
ment que le module m est un nombre composé.
En efTet, posons x^ = r et ij"^ = r (Mod. m).
En retranchant la dernière conyruence de la première, nous aurons
j;2 — if 13:: (^x -f- II) U — 1/) = 0) (Mod. m). Chacun des nombre x et y
m
étant moindre que — , leur somme {x -\- y) et leur différence {x — y) sont
inférieures à m. Jl en résulte que /// est nécessairement le produit des fac-
teurs de ces deux quantités {x -|- y) et {x — ij), et, par conséquent, il est
un nombre composé. Il s'ensuit encore que la distance {x — y), qui sépare
deux résidus égaux, a toujours un diviseur commun avec le module ut.
Par exemple, pour m = 77 = 7 x 11, on a les résidus suivants :
1, 4, 9, 16, 25, 36, 49, 64, 4, 23, 44, 67, 15, 42, 71, 2o, 58, 16, 53,
15, 56, 22, 67, 37, 9, 60, 36, 14, 71, 53, 37, 23, 11, 1, 70, 64, 60, 58.
On remarque que la distance entre deux résidus 4 est égale à 7, que celle
des résidus 23 est égale à 22, que celle des résidus 58 est égale à 21, et
que tous ces nombres ont des diviseurs communs avec 77.
En second lieu, les lois de Gauss, qui lient entre eux les résidus de tout
nombre premier n'existent pas pour des nombres composés. Ainsi, pour
ces derniers, les résidus ne sont pas toujours des produits de deux autres
résidus ; par exemple, pour tu = 15 on n'obtient ni 1 ni 4 par la multipli-
cation de deux autres résidus. Parfois un résidu est'le produit de lui-
même par un autre résidu; tel est pour tn - 15 le résidu 10 qui, étant
multiplié par 4, donne 10. Il arrive encore que le produit d'un résidu
par un non-résidu est égal à zéro, ou que le produit de deux non-résidus
est non-résidu. Ainsi, pour in = 15, en multipliant le résidu 10 par le
non-résidu 3, on a 30=^- (Mod. m); en multipliant les non-résidus 2
et 7, on obtient le non-résidu 14.
6. — Nous présenterons maintenant quelques théorèmes sur les résidus,
des nombres composés, qui ont rapport à la détermination de leurs
facteurs premiers.
Théorème I. — Les différences des résidus d'un nombre composé N et
des résidus correspondants de l'un de ses facteurs d sont divisibles par
ce facteur, et, réciproquement, un nombre N sera divisible par un autre
nombre d, si les différences de leurs résidus correspondants sont divisibles
par ce dernier.
En effet, si l'on a simultanément :
x^ = K (Mod. N) et N = (Mod. d),
on aura aussi a;'* = R (Mod. d),
154 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
et si l'on a en même temps :
x"' = r (Mod. (/),
il viendra : R — r^O (Mod. d) ;
c'est-à-dire que la différence des résidus correspondants de N et de d est
divisible par d.
Ainsi, en écrivant une suite de résidus de 77 :
1. 4, 9, 16, 2o, 36, 49, 64, 4, 23, 44, 67. 15 . . .
et au-dessous celle de résidus de 7 ;
1, 4, 2, 2, 4, 1, 0, 1, 4, 2, 2, 4, 1 ...
ou aura les difîérences :
7, 14, 21, 35, 49, 63, 0, 21, 42, 63, 14 . . .
toutes divisibles par 7.
Pour appliquer ce théorème à la recherche des facteurs premiers d'un
nombre N, il suffit de trouver un seul résidu R de ce nombre, donné par
la division d'un carré n'^ par ce nombre. Posons :
R = n'- — N et r ^ n' — Cd
où d est un facteur premier, C son coefficient et r son résidu corres-
pondant au résidu R de N.
Alors on aura :
N = Cd — (R — r),
et si (R — r) est divisible par d, X le sera aussi.
Par exemple, pour déterminer les facteurs de N = 2263 =: 48- — 41,
où 41 est le 48'"^ résidu de ce nombre, essayons le facteur 7. Le 48'"" ré-
sidu de 7 est égal k son (49 — 48) == 1®"' résidu, qui est 1 ; on a
41 — l =: 40, nombre non divisible par 7 ; donc 7 n'est pas un facteur
de 2263. Essayons 11; le 48"^*' résidu de ce facteur est le môme que son
48 — 44 = 4""^ résidu, égal à 5; on a 41 — 5 -- 36, nombre non divi-
sible par 11; donc 2263 n'a pas ce facteur. Après avoir essayé, de la
même manière, les facteurs 13, 17, 19, 23 et 29, nous arriverons à 31,
dont le 48"'^ résidu est le même que son 48 — 31 = 17""= résidu égal à
son 31 — 17 =: 14'"'' résidu qui est 10; on a 41 — 10 = 31, donc 31
divise 2263.
7. — Théorème II. — Les différences des résidus également éloignés
de deux résidus égaux sont divisibles par des facteurs du module.
M. FKOLOV. — SUK I.KS KKSIDUS QUADRATIQUES lo5
En effet, prenons deux résidus égaux R et r, correspondant aux carrés
x'^ et y% et encore deux résidus Rj et Rj situés des deux côtés de R à
la distance / de celui-ci, et deux autres résidus r, et r.^ situés de la
même manière relativement à r. On aura les quatre congruences sui-
vantes :
{^x — lf=K,; {x + iy^K,- {ij — if = r,; iy + iy' = r, fMod. N).
En retranchant les deux dernières des deux premières, il viendra :
4- 2/ fa; + y\ = R, — r, ; + ±1 [x — y) ~ R, — r, ) ^ '
En nommant d^ le facteur commun de N et de {x — /y), et d.^ celui
de N et de [x -j- y), on aura quatre nouvelles congruences :
Ri — r, = ; R, — r, = (Mod. d,),
R, — r, = ; R, — y.^ = (Mod. d.^,
qui expriment que chacune des quatre différences de résidus est divisible
par un des facteurs du module.
Par exemple, prenons dans la période de 77 deux résidus égaux à lo.
Les deux résidus situés à deux pas du premier résidu lo sont 44 et 71,
et les deux résidus situés à la même distance du deuxième résidu 13
sont 16 et 22 ; les dilférences 44 — 1(3 = 28 et 71 — 22 =; 49 sont
divisibles par 7, et les différences 44 — 22 = 22 et 71 — 16 =- 55 sont
divisibles par 11, 7 et 11 étant facteurs de 77.
8. — Avant d'aller plus loin, remarquons que, dans une période directe
d'un nombre premier ou composé, il y a d'abord une portion formée de
résidus carrés 1, 4, 9... impairs et pairs, qui se succèdent entre eux, en
augmentant graduellement jusqu'à l'arrivée d'un résidu de même parité
que le précédent et moindre que lui, et nous dirons qu'il y a là un
saut; puis quelques résidus pairs et impairs se succèdent de nouveau
jusqu'au second saut, caractérisé aussi par deux résidus contigus de
même parité, et ainsi de suite. Si nous représentons un résidu R par
la formule R := a-'^ — CN, dans laquelle C est le coefficient du nombre N,
c'est-à-dire le quotient de la division du carré x"^ par N, il est clair qu'à
chaque saut le coefiîcient C croît d'une unité. En prenant un second
résidu /• ~ y^ — cN et en le retranchant du premier, on aura la diffé-
rence de ces résidus \\ — r z=. x'^ — y'^ — (C — c)N, dans laquelle la
différence (C — c) désignera le nombre de sauts entre les résidus R et r.
Par exemple, dans la période du nombre 77 (art. 5), les sauts sont
situés entre 64 et 4, 71 et 25, 58 et 16, 53 et 15, 36 et 22, 67 et 37, 37
et 9, etc., et les résidus \, 4, 9... 64 et les résidus 15, 42 et 71 sont
séparés par deux sauts, les résidus 23 et 56 par quatre sauts, etc.
156 MATHÉMATIQUES, ASTROA'OMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Théorème III. — Si la différence de deux résidus, situes l'un de l'autre
à la distance égale à un nombre premier l et séparés par un nombre de
sauts moindre que /, mais plus grand que zéro, est divisible par /, ce der-
nier est le facteur du module.
En effet, en reprenant la formule que nous venons d'établir :
R — r = a;^ — .?/2 — (C — c)N ^ (a; + ij){x — y) — (C — c)N,
nous voyons que l = x — y, et comme nous avons supposé que R — r
est divisible par ce nombre et que le nombre de sauts (C — c) est plus
petit que /, il en résulte que / doit diviser le module N.
Par exemple, dans la période de 17, les résidus 9 et 23, situés à la
distance égale à 7, et séparés d'un saut, donnent la différence 14 divisible
par 7, donc ce dernier divise 77 ; les résidus 36 et lo situés à la même
distance 7, et séparés de deux sauts, donnent la différence 21 aussi divi-
sible par 7, etc.
9. — Théorème IV. — Si l'on prend deux résidus consécutifs R, et R.^
d'un nombre N et si, en les divisant par un facteur premier m, on obtient
les restes /\ et r.^ , qile l'on trouve, l'un à côté de l'autre parmi les résidus
de ce facteur, ce dernier divisera le nombre N.
En effet, soient x'^ et {x zt 1)^ deux carrés consécutifs qui, étant divisés
par N, donnent les résidus Rj et Rj; ainsi on aura :
Ri r= d-^ — N et R^ ~ (a? ± 1)^ — N.
D'après la supposition de l'énoncé du théorème, on a aussi :
Rj ^ 9\ et R2 ^ y-j (Mod. m)
et en nommant y^ et (y ± ]y les carrés consécutifs qui donnent, pour
le module m, les résidus ?•, et r.^ , on aura encore :
y^ = Vi et y dr l)'^ = r.^ (Mod. m).
On en déduit successivement :
n = x^ — y- N ^ (x zh 1)'^ - (y ± Ij'^
x:iz7ji =
(Mod. m).
(•* + !j) ou (x — y) étant ainsi multiple de m, x^ — y^ — - N le sera éga-
lement, c. Q. F. D.
Par exemple, prenons N = 91.471, on aura Ri = 303^ — 91.471 =338
et R2 = 301-^ — 91.471 = 945. Pour s'assurer si ce nombre 91.471 est
divisible par "23, divisons par ce facteur les résidus 338 et 9io, et nous
obtiendrons les restes 1(5 et ^ qui se trouvent, l'un à côté de l'autre,
parmi les résidus de 23. Donc, ce dernier est facteur de 91.471.
10. — Tout nombre peut être mis sous la forme N = n^ — 7' ; il est
M. KKOLO\. sri! I.KS UKSIDIS Ql'ADK ATIUIKS loT
évident qu'un nombre ne peut être divisible que par des facteurs pre-
miers m, qui contiennent parmi leurs résidus le nombre r, ou, si ce der-
nier surpasse m, le reste de la division de r par m.
Ainsi, les nombres de la forme n- — it peuvent être divisibles par
il, 13, 23, 37, 47. . ., mais non par Ij, 7, 17, lU, 31 ... de sorte qu'il est
inutile de les diviser par ces derniers facteurs. Il s'ensuit que la con-
naissance des résidus des facteurs premiers permettra d'exclure environ
la moitié de leur nombre et d'abréger d'autant les essais de la division.
Nous joignons à ce Mémoire la table des résidus des nombres premiers
de 3 à 97, qui peut faciliter sensiblement la décomposition des nombres
en leurs facteurs premiers, car la grande majorité des nombres composés
contient ces facteurs.
Théorème V. — En écrivant un nombre N sous la forme N =:: n-' — r,
si l'on trouve un nombre t, tel que la différence (n — /) ou la somme
m -{- t) ait un diviseur commun d avec l'une des différences (/• — P) ou
(/2 — r), ce diviseur commun divisera le nombre N.
En effet, si (n — t) ou (n + t) est multiple de d, (n^ — r-) le sera aussi.
Si, en outre, la différence (/• — f) est multiple de d, en la retranchant de
(n'^ _ /"-), on aura n- — r := N aussi multiple de d. Si cest [f' — r) qui
est multiple de d, en l'ajoutant à (»' — r^), on aura encore w^ — r = ^
multiple de d, c. q. f. d.
Pour appliquer ce théorème à la recherche des facteurs d'un nombre N,
il faut diminuer ou augmenter n successivement de 1, 2, 3, 4, 5. . ., en
retranchant simultanément du résidu r les carrés de ces nombres 1, 4,
9, 16, 25. . ., jusqu'à ce que l'on tombe sur deux nombres ayant un divi-
seur commun. Les exemples suivants suffiront pour expliquer cette
méthode :
1. — Prenons N = 9379 = 97^ — 30, n =: 97, r = 30.
n-t = m,9o, 94, 93, 92, 91, 90, 89, 88, 87, 8(3, 85, 8i, 83.
n^t = 98, 99, 100, 101. 102, 103. lOi, 105. 10(i. 107, 108, 109, liO, 111.
I 30 — 1 30 — 4 30 — 9 30 — 16 30 — 25
\ 29 26 21 14 5
) 30 _ 30 49 — 30 64 — 30 81 — 30 100 — 30
^(''-^''^\ u 19 34 51 70
121-30 144 — 30 169 — 30 196 — 30.
«Il 114 139 166
Les nombres 83 et 1(36 ont le conmiun diviseur 83, par conséquent ce
dernier divisera 9379.
2. — Prenons N — 12.361 — 112* -- 183, n — 112, r == 183; mais.
158 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
pour abréger, au lieu de retrancher les carrés, retranchons les nombres
impairs 1, 3, 5, 7...
n—t-^ IH. 110, 109, 108, 107, 106, 105, 104, 103, 102, 101,
100, 99, 98, 97, 96, 95, 94.
aJrt= 11"^^ lli' 11^' 11<'>' '^1^' 11^' 11^' 1"^<^' 121' 1'^-' 1^'^'
124, 123, 126, 127, 128, 129, 130.
±,;. _r-) ^ 182. 179, 174, 167, 158, 147, 134, 119, 10^2, 83, 62,
.SÇ)^ U, —13, —42, —73, —106, —141.
Les nombres 94 et 141 ont le commun diviseur 47, qui divisera néces-
sairement 12.361.
Cette méthode paraît être plus expéditive que l'ancienne méthode
d'Eratosthène.
TABLE DES RÉSIDUS QUADRATIQUES.
3 1.
3 1, 4.
7 1, 4, 2.
11 1, 4, 9, 5, 3.
13 1, 4, 9, 3, 12, 10.
17 l, 4, 9, 16, 8, 2, lo, 13.
19 1, 4, 9, 16, 6, 17, 11, 7, o.
Plus loin, les résidus carrés ne seront pas écrits.
23 2, 13, 3, 18, 12, 8, 6.
29 7, 20, 6, 23, 13, 5, 28, 24, 22.
^31 S, 18, 2, 19, 7, 28, 20, 14, 10, 8.
37 12, 27, 7, 26, 10, 33, 21, H, 3, 34, 30, 28.
41 8, 23, 40, 18, 39, 21, 3, 32, 20, 10, 2, 37, 33, 31.
43 6, 21, 38, 14, 35, 15, 40, 24, 10, 41, 31, 23, 17, 13, 11.
47 2, 17, 34, 6, 27, 3, 28, 8, 37, 21, 7, 42, 32, 24, 18, 14, 12.
nS 11, 28, 47, 13, 38, 10, 37, 13, 44, 24, 6, 43, 29, 17, 7, 52, 46, 42,
iO.
69 5, 22, 41, 3, 26, 51, 19, 48, 20, 53, 29, 7, 46, 28, 12, 57, 45, 33,
27, 21, 17, 15.
61 3, 20, 39, 60, 22, 47, 13, 42, 12, 45, 19, 56, 34, 14, 57, 41, 27, 15,
5, 58, 52, 48, 46.
67 14, 33, 54, 10, 35, 62, 24, 35, 21, 56, 26, 65, 39, 15, 60, 40, 22, 6,
39, 47, 37, 29, 23, 19, 17.
71 10, 29, 50, 2, 27, 54, 12, 43, 5, 40, 6, 45, 15, 38, 32, 8, 37, 37,
19, 3, 60, 48, 38, 30, 24, 20, 18.
73 8, 27, 48, 71, 23, 50, 6, 37, 70, 32, 69, 35, 3, 46, 18, 65, 41, 19,
72, 54, 38, 24, 12, 2, 67, 61, 37, 53.
79 2, 21, 42, 65, 11, 38, 67, 19, 52, 8, 45, 5, 46, 10, 35^ 23, 72, 44,
18, 73, 51, 31, 13, 76, 62, 30, 40, 32, 26, 22, 20.
83 17, 38, 61, 3, 30, 59, 7, 40, 75, 29, 68, 26, 69, 31, 78, 44, 12, 65,
37, 11, 70, 48, 28, 10, 77, 63, 51, 41, 33, 27, 23, 21.
BIERENS DE HAAN . CORRESPONDANCK ET OEUVRES DE C. HUYGENS 159
80 11, 32, m, 80, 18, 47, 78, 22, 57, 5, 44, 85, 39, 84, 42, 2, 53, 17,
72, 40, 10, 71, 45, 21, 88, 68, 50, 34, 20, 8, 87, 79, 73, 69, 67.
97 3, 24, 47, 72, 2, 31, 62, 95, 33, 70, 12, 53, 96, 44, 91, 43, 94, 50,
8, 65, 27, 88, 54, 22, 89, 61, 35, M, 86, 66, 48, 32, 18, 6, 93, 85,
79, 75, 73.
M. BIEEEIS DE HAAÎÎ
Professeur à l'Univcrsitt^ de Leyde.
RENSEIGNEMENTS SUR L'EDITION DE LA CORRESPONDANCE ET DES ŒUVRES
DE CHR. HUYGENS (*)
— Séance du 19 septembre 1892 —
En octobre 1882, l'Académie royale des sciences à Amsterdam institua
une Commission de dix membres pour l'édition de la correspondance et
des œuvres de Christian Huygens : à D. Bierens de Haan, le président,
principalement furent confiés l'arrangement et la rédaction de la corres-
pondance, qui bientôt fut portée à environ 2.700 lettres, tant écrites par
notre savant qu'adressées à lui, avec encore un certain nombre de lettres
qui se trouvèrent auprès de ces lettres, ou qui semblèrent nécessaires
pour éclaircir la correspondance proprement dite. Depuis, la Société
hollandaise des sciences à Harlem a entrepris de faire imprimer à ses
frais le résultat de nos recherches : il en a paru quatre tomes, le cin-
quième est en cours de publication, contiendra les années 1664 et 166o
et portera le nombre des lettres au delà de 1.500. Nous comptons qu'il
faudra neuf tomes in-quarto pour la correspondance : puis viendront les
ouvrages tant imprimés déjà qu'inédits.
Dans votre Congrès de Paris, en 1889, j'ai eu l'honneur de vous donner
quelques résultats pour les deux premiers volumes. Permettez-moi de les
compléter maintenant pour les tomes I à IV.
Le tome troisième comprend la correspondance de 1660 et 1661 et
contient 245 lettres et 24 dans un supplément; le quatrième tome comprend
les années 1662 et 1663, et contient 250 lettres et encore o dans le sup-
plément. Par suite, ces deux tomes contiennent 495 lettres et 29 dans les
suppléments, ce qui, avec les lettres des deux premiers volumes, donne
le total de 1.197 lettres et 67 dans les suppléments, ensemble 1.264 lettres.
Passons maintenant aux tables des personnes qui ont écrit à Huygens
C) Voir Comptes rendus du Congrès de Paris (1S89), 2° partie, p. 233.
160 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ETT MÉCANIQUE
OU qui ont reçu des lettres de celui-ci. Outre celles-ci, on trouve dans le
tome m 63 lettres et dans le tome IV 29 lettres qui n'appartiennent pas
à une de ces catégories. Elles font, avec les 110 de même nature qui se
trouvent dans les deux premiers tomes, une série de 202 lettres. Elles se
trouvèrent parmi la correspondance proprement dite, comme appendices,
ou bien nous les avons introduites comme étant nécessaires pour la bien
comprendre. Et nous savons que cette addition de lettres si intéressantes
pour notre but a reçu l'approbation des personnes qui se sont intéressées
à notre travail.
Les tables qui suivent ici sont arrangées de la même manière qu'aupa-
ravant, en 1889. La deuxième colonne donne le nom de la personne ; la
troisième, le nombre de lettres que Huygens lui a écrites; la quatrième,
le nombre des lettres écrites par elles à Huygens. Là, où ces colonnes
portent toutes deux un chifTre, il y a eu correspondance et la première
colonne en donne le nombre, somme des nombres des deux dernières
colonnes. Observons que la table III, qui regarde les tomes I à IV, ne
contient pas seulement dans sa première colonne les sommes des nombres
que l'on trouve dans les tables I et II de ma note de 1889, et des tables I
et II que l'on trouve ici; puisque parfois il y a correspondance dans cette
table III, où il n'y en avait pas dans les tables I et IL
Table I. Tome III.
CORRESPONDANTS de H. à H.
A. Boddens » 1
23 Ism. Boulliau 10 13
R. Bo,yle » 1
C. Brunetti » 4
H. Bruno » 2
J. Buot » 1
5 P. de Carcavy 3 2
A. Cellarius 1 »
Chanut » 1
19 J. Chapelain 5 14
A. Colvius » 1
C. Dati 1
Ph. Doublel » 3
P. de Fermât » 2
B. de Frenicle de Bessv. . » 2
4 Du Gast ' . . 1 3
4 Gregorius à St.-Vincentio . 1 3
P. Guisony » 4
10 N. Heinsius 4 6
8 J. Hevelius 4 4
19 Constantijn Huygens frère. 9 10
Lodewijk Huygens .... 12 »
G.-A. Kiiiner à Lôwenthurn » 1
10 Leopoldo de Medicis ... 5 5
21 R. Moray 6 15
Cl. Mylon « 1
M. -A. Neuraeus » 1
H. Oldenburg y> 2
Marianne Petit 1 »
P. Petit "^ 2
12? 63 104
CORRESPONDANTS de H. à H.
123 ~ 63
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3 D. Rembrandtsz van Nierop 2
M.-A. Ricci 1
C.-C. Rumphius 1
6 Fr. van Schooten .... ; 4
G. SchoU »
R.-F. de Sluse »
R. Southwell »
3 H. Stevin 1
3 A. Tacquet 2
10 M. Thèvenot 5
J. van Vliel »
3 J. Wallis 2
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12
Table II. Tome IV.
CORRESPONDANTS de H. à H.
A. Auzout » 2
Ism. Boulliau 1 7
W. Brereton » 1
\V. Brouncker » 1
A. Bruce » 3
P, de Carcavy » 1
J. Cliapelain ....... 2 2
V. Conrart » 1
Ph. Doublet « 3
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BIEUEXS DE HAAN. — CORRESPONDANCE ET OEUVRES DE C. HUYGENS 161
CORRESPONDANTS de H. à H. CORRESPONDANTS de H. à H.
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P. de Fermât. ......
G. van Gutschhoven. . . .
10 N. lleinsius
4 J. Hevelius
Th. Hobbes..
40 Constantijn Huygens, frère.
62 Lodowijk Huygens . . . .
ISusanna Huygens
2 Leopoldo de Medicis . . .
H.-L.-H. de Monmor . . .
37 R. Moray
H. Oldeuburg
10 P. Petit
4 Is. de la Peyrère
M.-A. Ricci
8 R.-F. de Sluse
S. de Sorbière
5 M. Thévenot
J. van Vliet
J. de Witt
m
Table Ul. Tomes I-IV.
CORRESPO.NDANTS de H. à H.
M. -H. van Andel 1 »
A. Auzout » 1
Fr. Aynscom 1 »
D. van Baerle 1 i-
3 E. Bartbolin 1 2
6 Ch. Bellair 2 4
A. de Bie 2 »
4 A. Boddens 1 3
76 Ism. Boulliau 30 46
R. Boyle » 1
W. Brereton » 4
W. Brouncker » 3
A. Bruce » 3
6 C. Brunetti 1 5
12 H. Bruno 4 8
.J. Buot » 1
J. van der Burch 1 »
Calthof 1 »
23 P. de Carcavy 11 12
A. Cellarius 1 »
2 A. -G. de Chambonnière . . 1 1
Chanut » 1
55 J. Chapelain 17 38
11 A. Colvius 5 6
N. Colvius » 1
2 B. Conradus 1 1
V. Conrart » 3
L. van Coppenol 1 »
S. Coster » 1
C. Dati 1 »
Ph. Doublet » 6
A. Duyck 1 "
J. Elsevier 1 »
2 Etats-Généraux 1 1
Etats de Hollande et de
West-Frise 1 »
P. van der Faes » 1
P. de Fermât s> 3
B. de Frenicle de Bessy. . » 2
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Th. Gobert 1 i,
J. Golius 2 B
31 Gregorius à St.-Vincentio . 15 16
P. Guisony » 4
10 G. van Gutschoven .... 6 4
22 N. Heinsius 9 13
2 G. Hesius 1 i
H. van Heuraet » 2
22 J. Hevelius 10 12
Th. Hobbes 2 »
2 G.-B. Hodierna 1 1
2 J. Hudde 1 1
14 Constantijn Huygens, père. 8 6
103 Constantijn Huygens, frère. 58 45
bl Lodewijk Huygens .... 80 1
Philips Huygens » 2
Susanna Huygens » 2
S. -C. Kechelius à Hollen-
stein 1 »
23 G.-A. Kinnerà Lowenthurn 10 13
D. van Leyden van Leeuwtn 1 »
5 D. Lipstorp 3 2
13 Leopoldo de Medicis ... 7 6
18 M. Mersenne 8 10
T.-B. Mocchi 2 »
4 H.-L.-H. de Monmor ... 1 3
H. du Mont 1 B
58 R. Morav 24 34
23 Cl. Mylon 8 15
M.-A. Neuraeus » 1
Lady Newcastle » 1
H. Oldenburg » 3
Chr. Otter » 1
4 R. Paget 1 3
6 Bl. Pascal 1 5
Marianne Petit 1 »
21 P. Petit 4 17
4 Is. de la Peyrère 1 3
W. Pieck 1 »
J. Reeves y> 2
6 D. Rembrandtsz van Nierop 4 2
M"" van Renesse 1 »
2 M.-A. Ricci 1 1
10 G. -P. de Roberval .... 6 4
C.-C. Rumphius 1 »
3 A -A. de Sarasa 2 1
118 Fr. van Schooten 63 55
G. Schott » 1
D. Seghers 6 »
78 R.-F. de Sluse 24 54
S. de Sorbière » 1
R. Southwell » 1
J. Stampioen » 1
3 H. Stevin 1 2
12 A. Tacquet 6 6
Tassin 2 »
15 M. Thévenot 6 9
8 J. van Vliet 1 7
J. de Vogelaer 1 »
J. van Vondel » 2
23 J. Wallis 11 12
J. Wiesel » 3
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162 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Maintenant on peut donner une statistique des lettres qui n'ont pas
eu de réponse de part et d'autre, et du nombre des personnes avec les-
quelles Huygens était en correspondance.
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164 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Pans le cours de ces années 1637-1663, on remarque beaucoup de chan-
gement parmi les correspondants. D'abord (tome 1) ce sont le père
Mersenne, Kinner à Lowenthurn, le Père Gregorius à Sanct-Vincentio
(ces deux derniers restent en relation avec Huygens encore en 1665),
Frans van Schooten, qui meurt en 1661. Dans le tome II commence la
correspondance avec R.-F. de Sluse, qui est d'abord très vive et après
devint intermittente, avec Ism. Boulliau, qui cesse dans le tome IV, à
cause du voyage et plus tard de la résidence de Chr. Huygens à Paris,
avec J. Chapelain, qui reste très vive en 1665 encore, durant les prépa-
ratifs de l'appel du roi Louis XIV pour attirer Huygens à Paris. Au
tome III, Huygens a une correspondance suivie avec R. Moray, plus tard
(tome V) avec H. Oldenburg par rapport aux expériences de la Société
royale de Londres. On y trouve la correspondance de N. Heinsius et de
J. Hevelius ; cette dernière disparaît avec le tome V. La correspondance
de P. Petit (tome IV) est principalement de son côté, et a rapport aux
horloges et aux télescopes. On y trouve M. Thévenot et A. Auzout pour
la première fois.
Ce serait hors de propos de vouloir donner ici une analyse détaillée
du contenu de ces lettres, seulement j'en glanerai quelques points.
Huygens était déjà à l'âge de dix-sept ans un expérimentateur indé-
pendant, et le resta toute sa vie : il procédait d'une expérience à l'autre,
avant que de formuler ses découvertes, que l'on trouve indiquées dans ses
Adversaires par le mot « Euryka » ; mais, dès lors, il soutint son opi-
nion contre celles d'autrui, et les observations et expériences ultérieures
lui donnaient généralement raison.
Dans sa correspondance avec M. Mersenne, il démontre qu'une corde
pendue « ne fait point une parabole, et quelle doit être la pression sur
une corde mathématique ou sans gravité pour en faire une » (lettres 14,
20, 21, 22) et Mersenne déclara ensuite que « Huygens s'est surpassé
lui-même » (lettre 14). Mersenne traite encore avec lui des centres de
percussion (lettres 23, 2o, 30), de la portée de canon, sur laquelle Mer-
senne avait fait des expériences lors de son séjour aux Pays-Bas (lettres
38, 40, 41, 42, 48, 49), de l'enflure d'une vessie dans le vide (lettre 49) ;
outre de divers autres sujets.
Huygens fut le premier qui présenta ses objections contre la quadrature
du cercle du Père Gregorius à Sanct-Vincentio, ce qui donna lieu à une
longue correspondance (lettres 173, 175, 178, 186) entre ces deux savants,
dans laquelle les controversistes ne dépassèrent jamais les bornes de la
politesse, et en sortirent toujours bons amis. A cette discussion se mêlèrent
A. Tacquet (lettres 137, 139, 142), Kinner à Lowenthurn (lettres 167, 171,
172, 174, 176, 177, 184, 188) et Xav. Aynscom (lettre 338).
Avec Gregorius à Sanct-Vincentio et Kinner à Lowenthurn, il eut
BIERENS DE HAAN . — CORRESPONDANCE ET OEUVRES DE C. HUYGENS 16o
encore une correspondance (lettres 100, 101, 102, 105, J06, 146, 160,
167) sur les corps qui surnagent à un liquide; un sujet dont il a traité
plusieurs fois.
Dans cette correspondance avec Kinner à Lôwenthurn (lettres 162,
172, 176, 177), on trouve encore une polémique sur la réfraction dans
une goutte d'eau.
Une autre correspondance avec G. van Gutschoven (lettres 135, 153)
nous donne la construction exacte des foyers principaux d'une lentille
sphérique, et une détermination exacte de l'indice de réfraction de l'eau
en l'air, en faisant usage de l'angle sous lequel on voit le rayon de l'arc-
en-ciel.
Avec Ism. Boulliau, il traite de divers sujets d'astronomie et encore
d'un horoscope que celui-ci tirerait de bonne foi pour une princesse
(lettres 692, 696, 704, 706, 707, 708, 711, 714, 716, 718, 719, 721, 724,
733, 920).
Pierre de Carcavy lui sert d'intermédiaire savant et utile pour des
questions d'analyse des nombres avec P. de Fermât, le célèbre savant
de Toulouse (lettres 372, 651, 699, 700, 727, 755, 756, 848), sujet au-
quel Huygens ne prend qu'un médiocre intérêt; et avec Bl. Pascal à
l'occasion du Problème de la Roulette (lettres 584, 585).
La correspondance très détaillée avec J. Chapelain contient toutes
sortes de sujets à Tordre du jour, et finira au tome V avec les mesures
pour faire appeler Huygens à Paris par l'intermédiaire de Colbert.
Je n'insisterai pas sur la correspondance avec l'intendant des forte-
resses P. Petit (que Huygens désigne quelquefois par le surnom de sei-
gneur du Portail), qui importune souvent l'inventeur de l'horloge et des
télescopes, mais qui, en revanche, se signale comme hôte hospitalier et
agréable, — ni sur celle avec Robert Moray et Heinrich Oldcnburg qui
lui fournissent des nouvelles intéressantes sur tout ce qui se fait dans
la Société royale de Londres, — ni sur celles avec John Wallis, qui traite
de sujets intéressants d'analyse et de géométrie, — pour passer aux deux
sujets qui, comme un fil coniinu, traversent toute cette correspondance :
l'invention des horloges, la perfection des lunettes et la découverte de
l'anneau de Saturne.
Chr. Huygens, aidé de son frère Constantijn, commença déjà en 1652
(lettre 135 à G. van Gutschoven) à s'appliquer à mouler et à polir de
bonnes lentilles afin de produire de bonnes lunettes. Il continua toujours
d'améliorer cette construction et parvint à une telle aptitude que les
verres de ses mains qui existent encore, peuvent être considérés comme
excellents.
C'est à l'aide de ses lunettes perfectionnées qu'il découvrit la lune et
l'anneau de Saturne ; dans une lettre à Col vins (lettre 217), on trouve le
466 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
premier dessin de cet anneau. 11 en donne une théorie qu'il pût maintenir
en général, nonobstant les objections et les théories différentes des sa-
vants anglais et français.
Quant à son « Horologium » à pendule qui date du 25 décembre 1636,
et dont une année plus tard il dressa un exemplaire au clocher de
Scheveningue, il y ajouta ses lames cycloïdales et ne cessait de les rendre
plus parfaites et propres à l'usage maritime ; son but, dans ce dernier
sens, étant le problème de la longitude sur mer, il y travailla avec Alex.
Bruce, le comte de Kincardin, ce qui donna lieu à des questions de
jalousie. Mais il y eut encore nombre de compétiteurs post facto dont il
écrit (lettre 722) : « C'est une chose estrange que personne devant moy
n'ait parlé de ces horloges, et qu'à ceste heure il s'en découvre tant
d'autres autheurs ». Mais il surgit un opposant plus formidable pour la
réputation de notre savant ; le prince Leopoldo de Médicis voulut main-
tenir la priorité pour Galileo Galilei. Nous avons pu rassembler toutes
les pièces du procès dans le supplément du tome III, outre les lettres 707
et 712, de Boulliau, qui se trouvent dans la correspondance elle-même.
Ism. Boulliau (lettre 609'') prend le parti de Huygens contre le prince
Leopoldo, et celui-ci (lettre 621") retira loyalement son accusation de
plagiat. Mais les documents eux-mêmes démontrent à l'évidence que
Galilei ne peut entrer en lice avec Huygens dans cette occasion.
J'ose espérer que ces remarques et indications, trop superficielles, pour-
ront amener quelqu'un de mes auditeurs à l'étude de cette correspon-
dance si intéressante de tous côtés, et j'ose prédire qu'il ne se plaindra
pas de peine perdue.
M. Eodolplie aïïIMiEAES
Officier du Génie, à Lisbonne,
SUR L'ÉVALUATION DE CERTAINES AIRES CONIQUES
— Séance du 19 septembre 1892 —
1. — Si rf, a et [3 désignent respectivement la longueur SD {^g. 1),
l'angle SED, et le demi-angle au sommet d'un cône de révolution, et
si l'on pose :
cos (a -|- p) . sin p
k
sin (a + 2J3)
R. GUnURAES. — ÉVALUATION DE CERTAINES AIRES CONIQUES 167
on aura pour la transformée d'une section plane quelconque faite dans ce
cône (*) :
d
P
ou :
1 — ±k sin-
d
2 sin ^
(1 — k) -\- k cos
to
sin ^
(1)
Si a -f- 2p < -rt, la section est une
ellipse, et les valeurs du coefficient k
seront respectivement :
FlG. 1.
4 > /t >
A-<0
si
si
SI
- + ?>!
+ ?-
Quand on fait a = ou tt, la section primitive est parabolique et A' = ^ *
Alors la relation (1) devient
(2)
d
P =
cos
(J>
2 sin p
Si a -f 2^ > TT, la section sera une hyperbole et les valeurs du coeffi-
cient k seront respectivement :
\ /**)
1>A;>2 si a + p<7r
i>/c>0 si a + p>7r
A- = 1 si a + ;i = TT.
Dans ce dernier cas, la relation (1) devient :
d
cos
0)
sin i
(3)
(*) Voyez notre note sur la Transformée des seclions planes du cône de révolution, insérée dans te
Journal de Longchamps.
(**) si a = - et ? = -? on a k — -
2 3 2
168 MATHÉMATIQUES, ASTRO>OMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
2. — Cela posé, proposons-nous d'obtenir des expressions représenta-
tives de l'aire conique comprise entre le sommet du cône et le plan de la
section. Elle est équivalente à l'aire celle qui se trouve limitée par la
transformée de la section et par les génératrices extrêmes SA et SB, for-
mant entre elles un angle w , et elle est représentée par l'expression très
connue :
1 r '
8 = 2/ p'^"^ w
3. — Considérons à part les trois espèces de sections :
1" Section elliptique
Si, dans (4) on remplace p par sa valeur (1), et si l'on fait l'intégration,
on trouvera ;
1 cP ^ 2(1-/.-)
S=Q-1 7, <-=.arcl(
2 i-^J.k]^\-<tk
k siii ( _!il )
^ ^ \2 sin 3/
(1 - A') + /icos
\siii .3/
(o)
L'égalité de l'arc AB et de la circonférence de la base donne, en dési-
gnant par / et B la génératrice et le rayon de la base :
p
d'Où: -—^ = -^ = 27:.
R sm [3
La formule (5) devient alors :
izdH\ — k)
(1 — 2A-). \/i — '2k
et si l'on remplace k par sa valeur (1), il en résulte :
sin (a -)-
S =: -KCl" .
4-;3).cosr^ / su^(7.+2;i) ^^^
sin a y sin a
71
relation qui a lieu pour a -f- ^ > ou << ;^.
R. GUIMARÂES. — SUR l'ÉVALUATION DE CERTAINES AIRES CONIQUES 169
■JT
Si a -[- ? ^ g' "^"^ ^ évidemment p = cl, et la section est circulaire.
Là
Remarques. I. — Si 3 = y, on a
4
1
S = Q ~^^ • V^cotang a (sin a -f- cos a).
(A,)
II. — Si l'on fait dans (A), î' = ;^, il vient
S = 7:rf^ cos ^a . \i cos 2(3
(A,)
formule qui exprime la surface comprise entre le sommet et le plan MP
TT
III. — Si l'on fait a -|- 23 = -, on aura
S = ^d\
cos
20
cos ''p . v/cos 2,3
(A3)
qui représente la surface comprise entre le sommet
et le plan MN.
2" Section parabolique
FiG. 2.
Quand la section est parabolique, la surface comprise entre le plan
sécant et le sommet est infinie. Cherchons la surface limitée par le plan
sécant et un plan perpendiculaire à l'axe, ou encore celle qui est déter-
minée par le plan de la section DLQ et le plan SLQ (fig. 3).
Si l'on remplace p dans (4) par sa valeur (2), il vient :
2
f cko
ou
S =
d^
d
0)
co
2 sin fi
Fir,. 3.
suivant que co — 0/ est supérieur ou inférieur à w', angle formé, sur le
170 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
plan de la planification, par les génératrices SL et SA. En développant, on
trouve, si l'on remarque que :
w«
2 sin [3
/
± -— tans: , t^—. —
6 ^ \2 sin 3
TT,
seC
co
,2 sin p
+ 2
(B)
Remarque, — Si l'intersection QL du plan sécant avec celui de la
base passe par le centre de cette base, on a :
1 X sin p
M l = - -K W OU (0 —
2
2
d'Où
2
3'^ Section hyperbolique
Comme ci-dessus, cherchons la surface comprise entre le plan sécant
MNQ et le plan SNQ (fig. 4).
On a:
Wp— 0>
do)
(1 — k)-{-kcos
O)
sin p
fto
('-'•)+''■ ««Kii^)
FlG. A.
fo^ — w
Si a -f- P <C ''^j d'où 1 — ^• > A-, il vient :
d^
2A--1 V/2A--1
1_/, , / l^v/2/c-l.tang(^)
log' '
k sin
l-v/2/.--l.lang(^^_^p
w
+
siii 3
(l-k) +km{ -
^ - \siiip
co
R. GUIMARÂES. — SUR L'ÉVALUATION DE CERTAINES AIRES CONIQUES 171
Remarque. — Si rintersection du plan sécant avec celui de la base passe
par le centre 0, on a :
1 Co' TC
M . l = -T.R ou - — - ~ -;
2 sin'p 2'
d'où :
S =
cl''
.+ log
2k-l]i-k ' y/2A_l
v/2A- -1+1
v/2A;— 1— 1
v/2A-- 1
Si a -j- |3 > TU, ou 1 — k <^ k, il résulte une expression très sem-
blable à (3).
Si a -|- P = "J^» p est exprimé par la formule (3), et il vient :
ce qui donne pour résultat :
S = — rf' tans
w
sin p
7C
Comme Wj (fig. 5) est toujours supérieur à -, on a
tang (Oj = tang
w
sin i3
)<o
et l'expression précédente est toujours
positive.
Si Wj ■< -, il faut faire l'intégration entre
les limites et w'.
3
Remarque. — Si l'on fait w. ^ -t-t:, on a :
4
0)7 = CO.R = - 71 R.
4
d'où
et par suite :
co
TT,
sin p 4 '
Fig. 5.
172 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
M. L. LECORÎfTJ
Ingénieur des Mines, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences, à Caen.
SUR LES SURFACES D'ÉGALE INCIDENCE
— Séance du 19 septembre 1892 —
On peut appeler, d'une manière générale, surface d'égale incidence
une surface qui rencontre sous un angle constant donné une famille de
courbes données. La recherche d'une pareille surface se ramène à l'inté-
gration de l'équation aux dérivées partielles du premier ordre :
(1) {ap -\-bq — cY — li^(p^ -f q--\-i) =
dans laquelle a, b, c désignent, pour un point quelconque {x, y, z) de
l'espace, les cosinus directeurs de la tangente à la courbe qui passe en ce
point, et K, le sinus de l'angle constant donné. Il y a généralement une
infinité de surfaces réelles répondant à cette équation. Lorsque K converge
vers l'unité, les surfaces d'égale incidence tendent à devenir des surfaces
trajectoires orthogonales ; mais l'on sait qu'un faisceau de courbes rem-
plissant l'espace ne peut, en général, être coupé orthogonalement par
des surfaces réelles. De là une sorte de paradoxe, que, dans un autre
travail (Bulletin des Sciences mathématiques), j'ai essayé d'expliquer. J'ai
montré que, pour des valeurs de K assez voisines de l'unité, chaque sur-
face d'égale incidence est formée par une suite de nappes dont chacune
est imaginaire, sauf à l'intérieur d'un contour fermé qui joue le rôle
d'une arête de rebroussement. L'aire de la facette réelle ainsi déterminée
tend vers zéro à mesure que K se rapproche de l'unité, de telle façon
qu'à la limite les parties réelles de la surface se réduisent à des lignes
ou à des points isolés. Ces résultats sont établis dans l'hypothèse où le
faisceau de courbes considéré n'admet pas de trajectoires orthogonales.
Bien d'autres questions peuvent être posées à propos des surfaces d'é-
gale incidence. Dans ce qui suit, je me propose surtout de déterminer
la nature des surfaces d'égale incidence relatives à un système de lignes
droites issues d'un même point A, et je m'appuierai pour cela sur des
considérations géométriques d'une grande simplicité.
L. LECORNU. SUR LE3 SURFACES d'ÉGALE INCIDENCE 173
D'abord, il est clair que les courbes d'intersection d'une pareille sur-
face par les sphères qui ont leur centre au point A sont des lignes de
courbure de cette surface : car les sphères coupent la surface sous un
angle constant. Le second système de lignes de courbure est constitué
par les trajectoires orthogonales des précédentes. Le long de l'une de ces
lignes, les normales à la surface engendrent une surface développable dont
les plans tangents sont perpendiculaires aux lignes de courbure sphérique
et passent conséquemment par le point A. La développable ne peut donc
être qu'un plan ou un cône. Si c'est un cône, les normales à la surface
cherchée passent toutes par le point A, ce qui exige que l'angle d'incidence
soit droit, et que la surface d'égale incidence se réduise à une sphère.
Dans tout autre cas, le second système de lignes de courbure est consti-
tué par des courbes planes qui rencontrent sous un même angle cons-
tant les rayons vecteurs issus du point A, c'est-à-dire par des spirales
logarithmiques égales, admettant ce point pour pôle commun. En ré-
sumé, la surface est décrite par une spirale logarithmique dont le plan
roule sur un cône fixe arbitraire, de sommet A ; c'est un cas particulier
des surfaces de Monge, à lignes de courbure planes et superposables.
Les formules d'Olinde Rodrigues fournissent une vérification de ce
résultat. En désignant par R l'un des rayons de courbure principaux
au point x, y, -, par p le rayon vecteur, par a, p, y les cosinus directeurs
de la normale, on a les relations :
da. d[3 dy 1
dx di/ dz R
«A" + Py + y- = Kp,
X' + y' + ^' = ?'-
On tire de là
ou bien :
1
- {xdx -[- ydij -\- zdz) = Kc?p ,
R
rfp(p — KR) = 0.
La solution rfp = correspond aux lignes de courbure sphériques,
La solution R = p correspond aux lignes de courbure spirales.
Il est facile d'exprimer les coordonnées x, y, z d'un point quelconque
de la surface en fonction de deux paramètres arbitraires, correspondant
aux deux systèmes de lignes de courbure. A cet effet, désignons par l une
valeur particulière du rayon vecteur et considérons la ligne de courbure (C)
située sur la sphère de rayon /. On peut évidemment considérer la surface
174 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
comme engendrée par une spirale logarithmique invariable dont le pôle
reste en A, dont un point décrit (C) et dont le plan est constamment nor-
mal à cette ligne. Soit M un point quelconque de la surface, soit m le point
oij son rayon vecteur, de longueur p, rencontre la sphère de rayon / et soit m'
le point oîi la spirale qui passe par M rencontre la ligne directrice (C). Con-
sidérons, sur la sphère de rayon /, un système de coordonnées polaires 6, «p
dont l'origine P appartienne à l'axe des z positifs. La ligne (C) est repré-
sentée par une équation (2) /"(O, <?) = qu'on doit supposer connue. Au
moyen de cette équation, on commencera par calculer l'angle w que forme,
au point m', de coordonnées 6, 9, la normale sphérique à la courbe (C)
avec le rayon vecteur sphérique 0, issu du point P. A l'aide du triangle
sphérique Pm'm, on pourra alors calculer les coordonnées 6^ et <pi du point m
en fonction : 1° des coordonnées 6, ^ du point m'; 2° de l'angle w déter-
miné comme il vient d'être dit; 3° du côté mm' = l^. Comme y est lié à
par l'équation (2j, on voit que ôj et «p^ seront des fonctions des deux variables
indépendantes 6 et jx. Si Ton passe ensuite du point m de la sphère au point M
de la surface donnée, il faut substituer au rayon vecteur / le rayon vecteur
p =1 /e\/i— K\ Finalement les coordonnées cartésiennes résulteront des for-
mules :
/ ic = p sin ôi cos (pi,
(3) ] ï/ = P sin 61 sin cpi ,
( z ^ cos Oi ,
dans lesquelles p, 91, ôj sont des fonctions connues de et de p.. Le sys-
tème (3) qui dépend de la fonction arbitraire f, introduite par l'équation (2) ,
représente l'intégrale générale de l'équation :
ijp^ + qy- ^Y - i^'ip'' + q' + ^)i^' + r + ^') = o.
On connaît la propriété remarquable que possède la spirale logarithmique
de se reproduire par une foule de transformations. La surface qui nous
occupe jouit, dans l'espace, de propriétés analogues. Par exemple :
La podaire du pôle A, les transformées par homothéde ou par rayons
vecteurs réciproques à partir du pôle A sont des surfaces de môme nature.
La surface des centres de courbure principaux (enveloppe des normales)
se compose du cône de roulement, associé à une surface d'égale incidence,
homothétique à la première.
Les rayons issus du pôle A et réfléchis ou réfractés par une surface d'é-
gale incidence se trouvent, après cette opération, normaux à une surface
d'égale incidence, homothétique à la première, etc.
Remarquons encore que si l'on décompose la surface en une suite de
L. LECORNU. — SUR LES SURFACES d'ÉGALE INCIDENCE 175
fuseaux séparés par des lignes de courbure spirales de telle manière que
deux lignes consécutives quelconques forment entre elles le même angle
infiniment petit, tous ces fuseaux peuvent être regardés comme semblables
entre eux.
Sans insister davantage pour l'instant sur les surfaces d'égale incidence
relatives aux rayons vecteurs issus d'un même point, supposons que le
pôle s'éloigne à l'infini. Les spirales logarithmiques deviennent des lignes
droites, les cônes de roulement se transforment en cylindre, et finale-
ment les surfaces d'égale incidence se réduisent à des surfaces d'égale
pente. Au sujet de ces dernières, je me bornerai à signaler un cas parti-
culier, qui me paraît assez intéressant.
Supposons qu'on cherche une surface d'égale pente telle que les seg-
ments interceptés sur les génératrices par deux plans fixes, verticaux et
rectangulaires, aient une longueur constante /. Adoptons ces deux plans
pour plans des zx, zy et prenons pour, plan des œi/, un plan horizontal
provisoirement quelconque.
Soient : x = az -\- p
y = bz -\-q
les équations de l'une des génératrices. La surface devant être dévelop-
pable, on a d'abord la relation :
(4) dpdh — dqcla = 0.
Soient respectivement x,, z^ et y^, z^ les coordonnées des traces de la
génératrice sur les deux plans zox zoy.
Les paramètres j> et q ont pour valeurs : — az^, — bz^.
La relation (4) peut donc s'écrire :
(3) b.da.dzy — a.db.dz., + {z, — z.,) da.db = 0.
En écrivant que la génératrice forme un angle constant i avec la ver-
ticale, on trouve :
(6) a^-\-b' = tgH,
d'où : "c?a -\- bdb = 0.
Enfin, pour que le segment compris entre les deux traces possède une
longueur constante /, on doit avoir :
ou bien :
(7) {z■^ - ::■.)' (a' + à' + 1) = l'
d'où ' '^i ~~" '^2 '~~~ cos i
176 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
et par suite : dz^ — dz^ =: 0.
L'équation (5) devient alors :
(a^ -f~ f^^)dzi = al cos i da
l cosi
ou : «-1 = — ; — r^ ada,
tg h
d'où l'on tire, en appelant C une constante d'intégration :
Icosi
' 2 tg H ^
On aura ensuite :
/ 6'' 1\
z, = z^ — lcost = lcosi \ç- ^-^. — 2 j + ^•
Plaçons l'origine des coordonnées de telle façon que C devienne égal
, Z cos z' , . , ,
a — : — . Il vient alors
l cos i / a'^ _[^\
2 Vtg H
/ cos i / 6^ 1
^^~ 2~lt^i + ^.
Clierchons les courbes d'intersection de la surface par les plans zox,
zoy. On a : Xi=:- o(:5i — z^ = al cos i ;
l cos i ( ^i , ^\
De même : y^ = h{z^ — ^i) = — bl cos i,
l cos i ( y-i i\
Il suit de là que la génératrice mobile est assujettie à s'appuyer sur
deux paraboles égales, situées dans les plans zox, zoy. Les paramètres de
ces paraboles ont pour valeur commune : / sin i tg i. Les axes coïncident
avec oz et sont dirigés en sens contraire. La distance des sommets est
l cos i
égale à — - — ^ c'est-à-dire à la moitié de la projection du segment cons-
tant l sur l'axe des z.
La projection du segment l sur le plan xoy est constante et égale à
l sin i. Elle enveloppe donc l'hypocycloïde à quatre rebroussements :
2 2 2
a;^ -|- 2/^ = {l sin if. L'arête de rebroussement de la surface d'égale pente
K. RITTEU. l'algèbre .NOUVELLE DE FRANÇOIS VIÈTE 177
est une hélice tracée sur le cylindre qui a pour base cette hypocycloïde.
Il est à noter que les deux paraboles ne correspondent à des parties
réelles de la surface que pour les arcs qui se projettent à l'intérieur de
rhypoQjVcloïde. Le reste de chaque parabole joue le rôle d'une ligne isolée,
intersection de deux nappes imaginaires. Il est, du reste, évident que, si
l'on cherche à déterminer une surface d'égale pente par la* condition de
rencontrer le plan des z-x suivant une parabole à axe vertical, la partie
réelle de la surface ne saurait admettre pour trace cette parabole tout
entière : dès que la tangente à la parabole forme avec l'axe des x\in angle
égal ou supérieur à l'inclinaison supposée du plan tangent sur le plan
horizontal, on ne peut mener par cette tangente aucun plan réel répon-
dant à la question.
Des circonstances analogues se produisent nécessairement, ainsi que je
l'ai fait voir dans la note précitée, chaque fois que Ton étudie les sur-
faces d'égale incidence relatives à une congruence de droites ou de
courbes non normales à une famille de surfaces (au moins quand l'angle
d'incidence difTère assez peu d'un angle droit). Dans le cas où la con-
gruence admet des surfaces trajectoires orthogonales, on ne peut rien
affirmer a priori. On sait toutefois que les surfaces d'égale pente, par
cela même qu'elles sont développables, possèdent nécessairement des
arêtes de rebroussement.
M. E. EITTEE.
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, en retraite, à l'an.
L'ALGÈBRE NOUVELLE DE FRANÇOIS VIÈTE
— Séance du 19 septembre 1892 —
L'algèbre enseignée en Europe dès le xiii® siècle par Léonard de Pise,
d'après les écrits des Arabes qui avaient emprunté cette science aux
Grecs, se réduisait à la résolution d'un petit nombre de questions condui-
sant à des équations qui ne dépassaient pas le second degré; les principes
dont on faisait usage pour découvrir les inconnues étaient fondés sur des
considérations purement géométriques où les quantités étaient représentées
•J2*
178 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
par des lignes droites; dans les calculs l'inconnue était seule désignée
par un symbole, les données étaient toujours des nombres; la langue de
cette science n'existait pas. C'est la première époque de l'algèbre, algèbre
exclusivement numérique.
François Viète, en introduisant dans l'algèbre l'usage des lettres pour
désigner les quantités connues aussi bien que celles inconnues, fit faire à la
science un pas de géant; il créait l'algèbre moderne; mais il ne faut pas
croire que son oîuvre se soit bornée à cette invention ; elle comprend la
création de la science tout entière; comme il a rejeté, à l'exemple des
al"ébristes venus avant lui, les quantités négatives et celles imaginaires,
toute son algèbre repose sur la considération des seules quantités et
racines positives .
Rapidement complétée et perfectionnée par l'introduction dans l'algèbre
des quantités négatives et imaginaires, l'œuvre de François Viète et
môme son nom sont tombés dans l'oubli, quoique à chaque page, dans
nos Traités d'algèbre, se trouve la trace des procédés imaginés par le
grand géomètre.
Cette algèbre, presque inconnue de François Viète, je vais, dans un
rapide exposé, la faire passer sous vos yeux.
François Viète définit l'Art analytique ou Algèbre nouvelle « la science
de bien trouver en mathématiques », et il la considère comme composée
de trois parties : la Zététique ou mise en équation des problèmes; laPoris-
tique ou démonstration des théorèmes ; l'Exégétique ou résolution numé-
rique des équations. 11 fait reposer toute la science sur le principe des
homogènes qui exige que dans toute équation, tous les termes soient
de même dimension, c'est-à-dire que chaque terme soit composé par le
produit du même nombre de facteurs connus ou inconnus du premier
degré.
Il représente les inconnues par les lettres majuscules voyelles A, E, U,
et les quantités connues par les consonnes B, C, D...; les puissances de
l'inconnue par la môme lettre avec un indice formé par l'addition des
exposants des puissances : quad.; carré; cub. cube, il obtient ainsi la suite:
A, A q, A c, A qq, A qc, A ce, etc.
pour X x"" x^ x^ x^ x^
mais, pour conserver dans les équations le principe de l'homogénéité, il
adopte pour les données une série avec des indices correspondant à
chaque puissance, plan, solide, piano-plan, piano-solide, solido-solide.
B, B pi, B sol, B pl.-pl, B pl.-sol, B sol. -sol.
Les signes des opérations dont il fait usage sont : pour l'addition -j-;
pour la soustraction — , lorsque le terme à soustraire est le plus petit.
F. lilTTER. t/aLGÈBRE NOUVELLE DE FRANÇOIS VIÈTE 179
= , 7ninus incertum, lorsqu'il ignore lequel des deux termes est le plus
petit; pour la multiplication, la particule in entre les deux facteurs; pour
la division, la barre séparative des termes à diviser; pour l'extraction des
racines, R ou /, suivi de l'indice de la racine à extraire.
Dans les applications numériques, l'homogénéité disparaissant, l'in-
connue et ses puissances sont représentées simplement par les indices
lA^ \Q, IC, iQQ, \QC, iCC.
Ainsi, avec ces notations, on aura pour l'équation du 3« degré exprimée
en signes algébriques :
A c -f- B k A q + C pi in A. œq D q in F
x^ -\- px"^ -\- qx =z S
Et dans les applications numériques :
16' + 10C> +14A^œql22
X' 4- lOx^ 4- 14a; = 122
Après avoir exposé les règles des quatre opérations fondamentales de
l'arithmétique en algèbre, il donne les règles générales pour la réduction
des équations à la forme canonique, c'est-à-dire à une équation ordonnée
suivant les puissances croissantes ou décroissantes de l'inconnue, de telle
sorte que la puissance la plus élevée ait pour coefficient l'unité et que le
terme connu, formant le second membre de l'équation, soit positif.
François Viète applique ensuite les principes poeés dans cette introduc-
tion (rsagoge)àla formation d'un certain nombre de formules usuelles :les
propositions énoncées sous forme géométrique dans les 2** et 9*^ Éléments
d'Euclide; la loi de formation d'une suite de quantités en proportion
continue et celle pour l'insertion d'un nombre quelconque de moyens
proportionnels entre A™ et B'" ; la loi de formation des puissances succes-
sives de la somme et de la différence de deux quantités; la formation du
type (A -f B)"* -f D (A -|- B)'"'" qui lui servira plus tard pour la résolution
numérique des équations ; enfin il donne les formules des trois côtés du
triangle rectangle en nombres, A^ -f B% A'* — B% 4AB, et, faisant suc-
cessivement l'angle à la base du triangle double, triple, etc., il obtient la
formule générale de sin mx et de cos mx en fonction de sin x et de cos x,
formule attribuée à Moivre et qui appartient à François Viète.
A la suite de ces formules f.Voto priores), Viète donne les cinq livres des
Zétetiques, recueil de problèmes généraux déterminés et indéterminés sur
les nombres, les carrés, les cubes et les triangles rectangles en nombres.
On y trouve résolues d'une manière générale les questions les plus diffi-
ciles des Arithmétiques de Diophante et l'on peut mesurer la distance
énorme qui sépare les procédés du géomètre français de ceux du géo-
■180 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
mètre grec. Ainsi, par exemple, quand Diophante propose de trouver trois
nonlbres tels qu'en les multipliant deux à deux et en ajoutant 12 à chacun
des produits, les sommes soient des carrés, il trouve pour ces nombres 2,1
l
et -: tandis que François Vièle prenant pour nombre donné b trouve les
8
trois nombres demandés, au moyen de formules en fonction de trois
indéterminées f, g, h et obtient ainsi une infinité de solutions. La Réso-
lution numérique des équations fait suite aux Zététiques ; il y arrive par
un procédé analogue à l'extraction de la racine d'un degré quelconque
d'un nombre donné. Il l'applique à dix-sept types _d'équations trinômes
jusqu'au sixième degré inclusivement. Sa méthode est générale, mais elle
devient de plus en plus laborieuse à mesure que le degré de l'équation
s'élève et que le nombre des termes devient plus grand. Les types sur
lesquels François Viète opère n'ont généralement qu'une seule racine
positive ; toutefois il donne le moyen pour l'équation du troisième
degré, lorsqu'elle a deux racines positives, de les trouver l'une après
l'autre. Lorsque les racines ne sont pas commensurables, François
Viète les trouve par approximation ; à cet effet, il transforme l'équa-
tion en une autre dont les racines sont dix fois, cent fois, mille fois
plus fortes, et après avoir trouvé la racine de cette équation, il la divise
par 10, par 100, par 1.000, par la séparation de la partie entière delà
partie décimale.
Les deux parties de son algèbre qui suivent la Résolution numérique
des équations renferment la Théorie générale des équations. La première
est consacrée à l'examen de la constitution intime des équations ; mais
cet examen est limité, sauf dans quelque cas où il s'applique aux équa-
tions d'un degré quelconque, aux équations trinômes du second et du
troisième degré, ayant une ou deux racines positives, aux relations qui
existent entre les racines, le coctlicient et le terme connu de l'équation.
Pour le cas irréductible, il fait connaître qu'il ne peut être résolu
qu'au moyen de la résolution des deux triangles isocèles dans lesquels
l'angle du premier est le triple de celui du second.
La majeure partie de ce traité est consacrée à la transformation des
équations d'un degré quelconque par altération de la racine. Les algé-
bristes venus après François Viète n'ont pas beaucoup ajouté aux règles
établies par lui.
Dans la seconde partie de la Théorie des équations, le grand géomètre
donne les règles pour corriger les vices de forme des équations et les ra-
mener à la forme canonique, en faisant disparaître un terme d'une
équation, en transformant une équation dont les racines sont fraction-
naires en une équation dont les racines sont entières ; en transformant une
équation d'un type que l'on ne sait pas résoudre numériquement en une
F. RITTEU. l'algèbre NOUVELLE DE FRANÇOIS VIÈTE 181
équation que l'on peut résoudre, en débarrassant une équation de ses
coefficients fractionnaires ou irrationnels.
Il passe ensuite à la résolution générale de l'équation du troisième et
du quatrième degré, résolution purement algébrique, qui le conduit pour
la première à la formule de Cardan, pour la seconde à la réduite du troi-
sième degré ; les formules générales qu'il donne au nombre de trois, pour
chaque degré, débarrassent l'algèbre des treize cas de VArs magna de Car-
dan pour le troisième degré, et des quarante-trois cas de Bombelli pour le
quatrième degré.
Cette partie de l'Algèbre de François Viète se termine par un grand
nombre de formules de la racine d'une équation du troisième degré, lors-
qu'il existe entre le coefficient et le nombre connu certaines relations ; je
, ne citerai que le théorème que François Viète énonce, mais seulement pour
le cas oîi toutes les racines d'une équation sont positives, de la composition
d ucoefficient et du terme connu, avec les racines de l'équation.
A l'Algèbre de François Viète se rattachent quelques applications, qui
lui ont fait attribuer l'application de l'algèbre à la géométrie.
Les Arabes et les algébristes anciens de l'Europe occidentale ont ap-
pliqué dès l'origine, l'algèbre à la résolution des problèmes de géométrie,
lorsque l'équation finale ne dépassait pas le second degré. Après l'avoir
résolue, ils construisaient la valeur de l'inconnue par le triangle rectangle.
Dans un de ses traités accessoires, François Viète montre comment on
peut construire directement avec la règle et le compas, les racines des
équations carrées et bicarrées sans résoudre l'équation, au moyen de ses
coefficients.
Dans un autre traité, il montre que lorsque la résolution d'un problème
conduit à une équation du troisième ou du quatrième degré, la résolution
ne peut plus être obtenue avec la règle et le compas, mais par une cons-
truction qui se réduit à inscrire une droite passant par un point donné
et d'une longueur donnée, soit
entre deux droites, soit entre
une droite et un cercle, soit
entre deux cercles donnés.
Nous citerons, de ce traité,
l'application que fait François
Viète des théorèmes qu'il dé-
montre, à la résolution du cas
irréductible.
Soit EBD un angle donné, si du point B, comme centre avec un
rayon BE quelconque, on trace un cercle et si on prolonge le diamètre DBC,
si, du point E, avec une règle mobile, on mène la ligne EF de manière
que FG, segment extérieur, soit égal à BE, l'angle EFA sera le tiers de
182 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
l'angle EBA, et l'on aura la relation, BA étant la base du triangle isocèle
BEA, FB^ — 3BC^FB = BC.BÂ^ relation qui correspond à l'équation
du troisième degré du type x^ — 'èp'^x = pq"^ qui comprend le cas irré-
ductible, dont on peut trouver par la trigonométrie la racine positive en
faisant BD r= cos a = -f-, d'où x ^= p cos -.
%p ^ 3
L'étude des différents théorèmes de ce livre qui conduisent aux diffé-
rents types de l'équation du troisième degré et l'application qu'il en fait
à un certain nombre de problèmes de géométrie, tels que celui des deux
moyennes proportionnelles, de la duplication du cube, etc., etc., permettent
l'interprétation géométrique des racines négatives, comme pour les racines
de l'équation du deuxième degré ; mais ces considérations me conduiraient
trop loin.
Telle est dans son ensemble, l'Algèbre de François Viète; en étudiant
cette œuvre considérable d'où est sortie l'algèbre moderne, on est étonné
que son inventeur n'ait pas été un mathématicien de profession, mais un
Maître des requêtes de l'Hôtel du roi. « Ego, écrit-il à Adrien Bomain,
qui me Mathematicum non profiteor, sed quem si quando vacat, délectant
mathematica studia. » « Moi, qui ne fais pas profession de mathématicien,
mais qui, lorsque j'en ai le temps, fais des mathématiques mes plus
chères études. »
M. FONTES
SUR LA DIVISION ARITHMÉTIQUE
(POSSIBILITÉ DE LA SUPPRESSION DE CETTE OPÉRATION)
J'ai présenté à l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de
Toulouse, dans sa séance du 2 juin 1892, un théorème sur la division
arithmétique dont je me suis réservé de développer les conséquences.
Ce sont ces conséquences que je viens exposer ici, en même temps
qu'une démonstration plus simple, tirée des congruences, du théorème
en question, que je scinderai en deux.
FONTES. — SUR LA DIVISION ARITHMÉTIQUE 183
Théorème I.
On peut toujours réduire la recherche du reste de la division d'un
nombre entier quelconque N par un autre M à la même question pour un
autre A, plus petit que lui, formé de ses éléments et dont le nombre des
chiffres, indépendant de N, ne dépend que de M.
En effet, soit iB la base du système de numération dans lequel sont
écrits N et M, ce dernier étant supposé premier avec S- On peut toujours
trouver, de différentes manières, deux entiers positifs y? et m (m <^ M) et
un entier de signe quelconque q, plus petit que -^ en valeur absolue,
tels que : J9 X M = ^0'" — q
ce que je puis écrire sous forme de congruence :
^"' = q (Mod. M)
Cela posé, soient a, b, c, . . . e, f,g, . . . i, j, k, . . . r, s,t,... les chiffres
significatifs de N, de telle sorte que dans le système de base fB, ce nombre
s'écrirait . . . tsr . . . kji . . , gfe . . . cba. Si je décompose N en tranches
de m chiffres en commençant par la droite, je pourrai écrire :
N = . . . + (. .tsr) X (^"*r + (. -m X M" + (. .gfe)
Cela posé, je considère une fonction f{x) composée avec x comme N l'est
avec 5^"*, c'est-à-dire la fonction
f(x)= ... + (..ts,^)Xoc' + {..kij)Xx' + (.'9fe}Xx'+{..cba)Xx''
de telle façon que [[gf") = N.
D'après un théorème connu, la congruence (1) a comme conséquence la
congruence : /"(iB"') = fiq) (Mod. M)
ou mieux :
(2) N = f{q) (Mod. M)
qui nous démontre le théorème énoncé, à savoir que le reste de la divi-
sion de N par M est le même que celui de la division par M d'un nombre A
composé avec q comme N l'est avec S"* de telle sorte que :
A = . . .J^{.Jsr)y< q^ + (. .kji)-Xq'-{-i. .gfé)X. Q' + {• •cba)-Xq'
q pouvant d'ailleurs recevoir un signe quelconque. Comme ce dernier
M
nombre est toujours <^— en valeur absolue on aura toujours A •< N. En
184 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
outre, si A contenait plus de m coffres, on pourrait le décomposer comme
il a été fait pour N et après un nombre très limité n d'opérations le rem-
placer par un autre nombre a"'~'^ jouissant de la même propriété, ce
qui complète le théorème énoncé.
Je ferai remarquer qu'en faisant t^ = iO et M successivement égal à
3, 9, 7, 11 et 13, on retrouve tous les critériums de divisibilité exposés
dans les traités d'arithmétique (*).
Théorème II.
La suite des calculs nécessaires pour obtenir A permet de calculer le
quotient de M par M sans effectuer d'autre division arithmétique que celle
d'un nombre de m chiffres par ce nombre, m étant << M et indépendant
de N.
En effet, la congruence (2) nous apprend que N — A est toujours divi-
sible par M. L'autre facteur peut être facilement mis en évidence.
En effet, on a toujours, pour p. entier :
LB'
r
D'où, en observant que fB"' — g = ;> X M :
Dès lors, en groupant convenablement les termes de la différence
fU'^)-f('j) ou N-A,
qui sont tous de la forme ( . . . z-xy) X { (sfY — q^ \ o" est conduit à écrire
cette différence sous la forme schématique suivante :
(3) N-A=MxpX/
+ (..fsr)X90
X
(fB"f+
+ {..kji)Xq''
+ {.Jsr)Xq'
X(5î") +
+ (gfe) :<q'
+ {..kji) Xq'
+ {.Jsr)>Cq''
X
{srf.
(*) L'observation ci-dessus est faite sans préjudice du beau travail de M. Perrin sur les caractères
de divisibilité (Congrès de Paris, 1890), notre but n'étant pas ici, surtout, de fournir un caractère
simple et pratique de divisibilité, mais de calculer le quotient sans division.
1» En faisant M = ii et m =2 on trouve g = + 1. De là se déduit immédiatement un critérium
peut-être plus simple que le procédé classique et, dans tous les cas, dispensant de l'emploi des
nombres négatifs, [)our reconnaître si un nombre est divisible paru.
2» Si on observe que 7 X 14 = 10" — 2, on est conduit pour 7 à un critérium qui, bien qu'exi-
geant quelques multiplications par 2, est plus simple que le critérium classique si N n'est pas très
grand. En tout cas, il est applicable au nombre 49 et permet de reconnaître immédiatement si un
nombre de trois chiffres est divisible par 7.
FONTES. SUR LA DIVISION ARITHMÉTIQUE 185
OÙ le second facteur différent de M est mis aussi clairement que possible
en évidence.
Le calcul des coefficients des puissances sruccessives de:fB"* dans la paren-
thèse peut s'effectuer assez facilement si on commence par la plus élevée,
c'est-à-dire par la tranche de gauche du nombre proposé, chaque coeffi-
cient pouvant se déduire du précédent en le multipliant par q"" pris avec
son signe et en ajoutant à ce produit la tranche suivante de m chiffres non
encore employée, qu'on rencontre immédiatement en s'avançant vers la
droite. A se déduit lui-même du dernier coefficient de la parenthèse par le
même procédé.
Gomme la multiplication par iB" se réduit à écrire [x zéros à la suite
du multiplicande, on voit que les colonnes du schéma (3) sont pour ainsi
dire disposées à l'avance pour les calculs, au moins quand q est positif.
Ayant fait voir qu'on peut toujours ramener A à un autre nombre a'"~^'
de m chiffres seulement jouissant des mêmes propriétés, la deuxième pro-
position énoncée se trouve ainsi justifiée.
Le procédé de division auquel conduisent, pour ainsi dire d'elles-
mêmes, les considérations ci-dessus exposées est très simple quand M est
module d'une congruence à ± 1 f ) ou à un nombre q très petit. Voici,
en regard, deux exemples de divisions (**), l'une par 09 (99 = 10^ — 1),
l'autre par 37 (37 X 2"? = 10^ - 1) :
DIVISION PAR 99
DIVISION PAR 61
Dividende : 23 54 56
78
Dividende
: 2 343 565
627
23 54
56
2 343
565
23
54
23
2
343
2
1
11
2
13 reste.
1
537
1
23 78 35
quotient
2 345 911
27
16 421 377
46 918 22
538 (reliquat, à
diviser par 37,
de trois chiffres
seulement.)
63 339 597 quotient partiel.
Le procédé appliqué au diviseur 37 me conduit au nombre A = 538
que le théorème qui va suivre me permettra de diviser sans effectuer de
division arithmétique.
(•) Je ne m'occupe plus ici que de numération décimale.
(**) Je ne donne pas ici d'exemi)le de la division type, celle par 9, dont le lecteur restituera
aisément le schéma sur le vu de celle par 99, le principe de la division par 9, que j'avais trouvée il
y a quelques années, se trouvant, à mon insu, dans l'ouvrage de M. Lucas sur la théorie des nombres,
mais sans la disposition schématique que j'indique ici.
186 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Comme exemple où q est différent de l'unité, je prendrai une division
par 499. Ici, j'observe que 499 X 2 == 10^ — 2. Je disposerai mes cal-
culs comme suit :
2 X2=^4....
(343+ 4)X2 = 694..
+ 694) X2 = 2518.
(2+ 1)X2 = 6....
Dividende 2 343 565
627
4 000
000
694
000
2
1
518
145
6
131 reste.
2 348 262
2
4 696 524 quotient.
Le calcul se fait assez rapidement, car il n'est pas nécessaire d'écrire
deux fois les produits 4, 694, 2318 et 6.
Les calculs sont un peu plus compliqués quand 10'"^ est congru à un
nombre négatif; j'en donnerai plus loin un exemple.
Le problème de la suppression de la division se trouve ainsi théori-
quement résolu par le théorème II, car on peut toujours trouver un
nombre m < M tel que 10'" = + 1 (Mod. M). Mais l'intérêt des nos opé-
rations deviendrait illusoire si m était très grand, quoique plus petit
M
même que -^. Il est plus commode de se contenter d'une petite valeur
de q si cela est possible.
Le problème de la division peut être complètement résolu sur le reli-
quat de m chiffres qui provient de l'emploi de q au lieu de ±: 1, au
moyen du théorème que je vais exposer ci-après et qui fournit le moyen
de ramener la division du nombre de m chiffres à une autre plus facile.
Théorème III
Soient N, M, S, trois entiers positifs, tels que N > M et que S ■< N — M.
On peut toujours obtenir le quotient et le reste de la division de N par M
par une série de divisions par M -j- S.
En effet, soient B et C le quotient et le reste de la division de N par
M -}- S, soient B -{- ^ et y le quotient et le reste de la division de N
par M; nous aurons :
N = B(M + S) +C;
N = (B + p)M-f y;
d'où • BS + C = pM + y ;
ce qui nous apprend que le reste de la division de N par M est le même
que le reste de la division de BS -|- C par le même nombre. En faisant
B(M +S) + C;
B'(M + S) + C';
B"(!VI+S) + C";
FONTES. — SUR LA DIVISION ARITHMÉTIQUE 187
cette seconde opération, qui nous donnera un quotient plus petit que la
première (car BS + C est plus petit que N de BM), puis une autre, et ainsi
de suite, nous serons certains d'arriver au résultat sans avoir exécuté
aucune division par M, ce qui sera très simple si nous avons su conve-
nablement déterminer S, qui est arbitraire.
Voici, du reste, comment on peut diriger le calcul :
On fait d'abord une première
opération, qui donne N :
Puis une seconde B'S + C :
Puis une troisième B'S-|-C' -
Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on
arrive à un nombre B"~^S + C""^ = B " (M -f- S) + C ;
y<M+S B^"^S + C^"^ = +T.
On aura alors, en additionnant :
N 3= (B + B' + B" + . . . + B^"-^^ + B'"^)M + y (*).
On obtient ainsi le quotient et le reste cherchés.
Je vais montrer par un exemple comment une division compliquée
peut être ainsi remplacée par un petit nombre de divisions faciles.
Soit à diviser N = 2 334 257 83o par M = 598. Ici, je fais S = 2
pour avoir M + S = 600 (diviseur très facile); j'aurai ainsi successive-
ment :
N = 2 334 2o7 83o
3 890 429 X 2 + 435
12 968 X 2 -1- 483
44x2-1- 29
N =r
3 890 429
12 968
44
390 344
quotient
X 600 -f- 435
+ 483
4- 29
117 reste.
Comme deuxième application, je donnerai la terminaison de la division
par 37, commencée à la suite du théorème II, qui se réduit à diviser le
reliquat de trois chiffres 538 par 37. Ici, je poserai S = 3, pour n'avoir
plus qu'une division par 4 à effectuer. J'aurai alors :
538
13 X 3 + 18
1 X3 + 17
13
1
U
X 40 -h 18
-1-17
-f- 20 reste.
quolionl.
(*) Y sera en général le reste; mais il pourra être intermédiaire entre M et M + S. Dans ce cas,
la parenthèse doit être augmentée d'une unité, et le reste est ^ — M.
188 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Le quotient complet cherche est donc: 63 339 507 + 14 = 63 339 611,
et le reste 20.
On voit combien ces calculs sont simples. Ils le seraient davantage si
on pouvait faire S = 1 {*).
Quoi qu'il en soit, le présent théorème résout, au moins théorique-
ment, d'une manière complète, le problème de la suppression complète
de la division arithmétique. 11 est à remarquer que si l'on fait M = 9,
S = 1, on retombe assez aisément sur le procédé de division par 9 qu'on
peut déduire des théorèmes précédents.
IV. — Conséquences et applications de ce qui précède.
Nous avons terminé, au point de vue théorique, notre étude, dont la
conséquence logique serait celle de la congruence 10'" ^ </ (Mod. M) ; mais
cette dernière nous entraînerait bien au delà des limites de notre sujet.
Nous n'avons pas à nous dissimuler que, dans beaucoup de cas, le
procédé que nous avons esquissé pour éviter la division arithmétique
pourrait devenir plus compliqué que cette opération elle-même, surtout si
nous voulions obtenir le reste exact.
Mais il n'en sera pas de même si nous voulons simplement calculer
avec des décimales, de façon à obtenir les quotients de la division, à une
unité près, d'un ordre donné. Dans ce cas, il nous suffira de faire suivre
le dividende d'autant de tranches de m zéros que nous jugerons conve-
nable. Nous supprimerons ainsi les difficultés afférentes à la recherche du
reste, les plus grandes que présente notre théorie, et nous aurons rem-
placé la division (opération fort compliquée en elle-même et qui ne nous
paraît simple que par la grande habitude que nous en avons), par des
additions, des soustractions et des multiplications.
Nous prendrons pour exemple un calcul d'intérêts au moyen d'une
balance des nombres, en supposant l'année de 365 jours, opération assez
compliquée pour qu'on recule devant elle dans la pratique, où l'on ne
compte généralement l'année que pour 360 jours.
Si nous remarquons d'abord que 365 = 73 X 5, nous voyons qu'il
conviendra d'abord de diviser le taux de l'intérêt par 5 dans la multipli-
cation de la balance des nombres par ce taux (ce qui sera généralement
très simple, le nombre qui l'exprime étant presque toujours divisible
par 5). La division par 73 s'effectuera ensuite en faisant usage de cette
remarque que :
437 X 73 = 10* -f- 1 r
(*) M. Lucas donne, dans son ouvrage sur la théorie des nombres, un procédé abrégé de division
par 19 différent de celui qui précède et qui peut être généralisé.
FOXTÈS. SLll LA. DIVISION ARITHMKTIQL'i: 189-
Nous nous servirons dès lors du schéma du théorème II, en faisant
m = A 7 = — 1, p — 137
Supposons que la balance des nombres, multipliée par le cinquième du
taux de l'intérêt ait donné 32743. Si nous voulons avoir les centimes
exacts, nous observerons que 137 >< 0,000 001 < 0,001 . Par suite; nous
ferons suivre le nombre proposé d'une seule tranche de quatre zéros.
Le calcul pourra dès lors être disposé comme suit :
3 2745 0000
3
3 2743 0003 somme des termes positifs.
3 2743 » » négatifs.
3 2741 73
/
31
3 2741 73
.9822 ol
2291 87
4 4836 11
Nous appliquons, pour la multiplication par 137, la règle d'Oughtred.
Le quotient est 448 fr. 56 c. avec les centimes exacts.
La seule petite difficulté qui puisse se présenter est le placement de la
virgule. Elle n'est pas insurmontable {^').
On voit, par cet exemple, le parti qu'on peut tirer de ce mode de
calcul quand on a besoin, soit de calculer ou de vérifier un grand nombre
de divisions par le même nombre, soit de calculer des barèmes, la divi-
sion arithmétique étant par elle-même, l'opération qui offre le plus de
chances d'erreurs.
Je m'abstiens, pour ne pas allonger indéfiniment ce petit travail, de
fournir d'autres exemples, d'autant plus volontiers que je ne prétends
nullement imposer une manière plutôt qu'une autre de disposer les
chiffres aux calculateurs de profession.
(*) Dans l'espèce, si le nombre des chiffres du dividende eût été très grand, on aurait pu faire appel,
au lieu de la congruence iO^ =— ^ (Mod. 73), à la congruence 10» = + 1 (Mod- "'3), qu'on obtient
en élevant la première au carré, ce qui eut dispensé de l'emploi des nombres négatifs, mais alors on
aurait eu pour multiplicateur, au lieu de 137, un nombre de 7 chiffres, le produits^ X il X101 X137.
190 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
M. E.EO]fTAII"EAÏÏ
Ancien Officier de marine, à Limoges.
SUR LA DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES EN ÉQUILIBRE D'ÉLASTICITÉ
— Séance du 20 septembre i892 —
1. — Je me propose d'intégrer les équations aux dérivées partielles
fxA^u + (X + 1.) ^ = 0, i.^^v + a + j.) ^ = 0,
' ' a-
auxquelles doivent satisfaire les composantes de déformation u, v, iv d'un
corps isotrope pour qu'il soit en équilibre d'élasticité, lorsqu'on suppose
qu'il n'y a pas de forces extérieures appliquées à la masse du corps. Le
problème général où cette restriction n'a pas lieu se ramène aisément,
comme on le sait, au cas particulier dont il s'agit. Dans ces conditions,
la question la plus simple à laquelle donnent lieu les équations (1) est de
déterminer les composantes de déformation u, v, w^pour tous les points du
corps élastique lorsqu'elles sont données à sa surface; c'est celle dont
je vais m'occuper presque exclusivement.
Soit qi = fi{x, y, z) = 0, l'équation en coordonnées rectangulaires de
la surface du corps élastique ; si on passe au système de coordonnées cur-
vilignes orthogonales q^, q^, q^ défini par les égalités :
(2) q, = f^{x, y, z), q^ =z f^(x, y, z), q, = ^x, y, z),
on déduira des égalités :
_ X -f [X dp _ 1 + \>- dp
^ 2(X4-2[x)dx;' ^ i-TJ .T- '
E. FONTANEAU. — SUR LA DFFORMATION DES CORPS ISOTROPES
qui satisfont généralement aux équations (1), les suivantes :
191
(4)
1 -\- a dp dx ,^ , , dv ,_ , dz.
2(x -f -2.a I dq, dq, * (/Yi ^Çi
1 -\- <j. dp
2(À + 2a I dq^
dx , , dy ,_ , dz
— - Q, — M » + -^ ( Q, — v) — -T- IV,
d(h dq^ dq^
À + a dp dx , , du .^ dz
^2(À + 2y,i rf7,3 rfg3 c^f/3 dq, '
si, pour simplifier, on pose
(5)
rfa; , dv , dz
dq, dqy dq^
M
dx , dy , dz
dq^ dq^ dq..
dx , du , dz
dq^ dq, dq.
on aura encore par les égalités (4) les trois équations de condition
dx dQi dx f/Q, dy dQ^ dy dQ^
dq^ dq.^ dq^ dq^ dq^ dq.^
j dx (/Qj dx f/Gi dy r/Q,
^ dqy dqs dq.^ dq^ rf(/i dq.^
dx diii dx dQ.1 dy dQ^
dqs dq^ dq^ dq^ dq^ dq., dq^ dq.^
dfh
dq,
dy
dq.
dù^
dq,
dy
f/Q,
dh
dq^
dh
dq-i
dN
dq^
m
dqv'
dN
dq,'
dM ,
d(h
2. — D'après cela, je considère d'abord séparément les deux dernières
équations (4) et celle des équations (6j de condition qui en résulte. Si,
conformément à la théorie des coordonnées curvilignes, on pose :
0)
S+(S)v(ê)=M, (ê)v(|;+(ê
hi
(
dx ) \dy J \dz J
hl
et que l'on désigne par a^, b^, q les angles que la normale en x, y, 5 à la
surface dont l'équation est ^i = fait avec les axes des x, des y et des z,
on aura, par une transformation facile :
(8) Q
i
div
dy
dv
dz
+ 6i
du
dz
dw'
dx
+ c,
dv
dx
du
dy.
\
192 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE^ GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
et on pourra mettre la troisième équation de condition (6) sous la forme
suivante :
(9)
a,
dy
dQ,
+ *.
dQ,
dy .
dv'
dz^
+ ^1
~du du
dz d.i
1
+ Ci
'dv
dx
du
•dy_
Dans cette égalité, qui aurait pu être immédiatement écrite en vertu des
relations :
dw dv dCî^
(lOj — = -^
dy dz dz
du dw _ dLi , d V du rfQ, _ r/Q,
ds dx dz dx dy dx dy
le second membre est l'expression du double de la composante de rotation
normale à la surface du corps élastique et le premier membre montre
comment cette composante dépend des fonctions potentielles û^, Q.^, CI3.
On peut aussi substituer aux deux dernières équations (4) les suivantes :
(À + l^)
du dx'yLQ.
dij., dq.,\dq^
1 I
dx
d(h
y X
dy
dq.
dQ,)
dq-i]
+ (X + 3-;. )
dji dx dy dx
dq^ dq,^ dq., dq^
dy
dy d\i dy dli
dq^ dq., dq^ dq^_
+ 2(X + 2;.
(ii;
dq-i
di/ ,T
^1 + ':>^ + 1^-)
+ 0^ + NyQ =
\
du
+ 2(X + %J.)
dx
\l dq., dq.,
dy dx dy dx
jlq^ dq, dq, dq^
dq.,
dQ.,
+ ^
dq.,
Q, + (À + I.
X
dy
dQ.J
dx
dq^ ~ dq.,\dq,^
dx f/K dx rfR
dq., dq, _
dq., dq, dq.i dq..
et pour les termes tout connus de ces équations, on obtient, par une trans-
formation semblable à celle dont il vient d'être question :
2a + 2a)
dq, ' dq^ '
(12)
hj\.
2(X -[- [xj
^20+^
iLjL,
[c,u — a,w] + il + aiyQ,
Cl y — h,w] — (X + ;j.)a;0.
dx ^, dx ,,
— N — — M
dq^ dq.
E. FONTANE.VU. — SUR LA DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES 193
Enfin, on a les relations suivantes :
dy d\i
+
(13)
+
dij dK
dq-i dq.^
' dij dz
jki.dq^
dx d\i
dq^ dq.,
' dx dz dx di
dq-i dq.:^
dy dz
dq., dq,\d
dx dK
dqz dq.^
dy dx dy dx~\dK
.dq.i dq^ dq^ dq^jdx
dli
1
dq.j, dq^ dq^ dq^\dz
dli
dy dx
dÇi dq^
1
■ dK
Cl a
dli
'dz
h^ha
dx
dy dx IdK
dq^dq,]dy
dK dli
dy ' dz
3. — La troisième équation (6) est une conséquence des deux dernières
équations (4) et ne donne pas une condition nouvelle qu'aient à vérifier
les trois inconnues Q,, Q^ et K. On pourra donc prendre à volonté l'une
de ces fonctions, Q^ par Q3, par exemple, et K en résultera sans difficulté
par de simples quadratures. Mais si l'on peut ainsi satisfaire d'une infinité
de manières aux deux dernières équations (4), il faut vérifier la première
et la difficulté de la question consiste à diriger le calcul de manière qu'on
puisse atteindre ce résultat.
Dans ce but, je suppose qu'on ait obtenu pour Q^, Q^ et K un système
de fonctions propre à vérifier les équations dont il s'agit. Comme ces équa-
tions sont linéaires, il est clair que, pour avoir toutes les solutions dont
elles sont susceptibles, il suffit d'ajouter au système connu la solution
générale des équations homogènes que donne la suppression des termes
tout connus. D'après cela, j'admets qu'en faisant usage du principe de
Derichlet et de la fonction de Green, ou par tout autre procédé, on ait
déterminé les fonctions potentielles d'espace qui correspondent aux fonc-
tions déterminées pour la surface par le calcul indiqué et, pour simplifier,
je les désigne encore par Q^, Q, et K. Prenant ensuite U, V, W pour les
expressions inconnues des composantes de déformation à déterminer pour
tous les points du corps élastique, je pose :
U = Qi-
to,
X+u. d
(14) l V = Q,^ + or,-^^^^-[^(Q,+
W
■^^±^^-^1^^^
et je déduis de ces formules les équations analogues à celles qui viennent
dêtre considérées. Comme U, V, W doivent, par hypothèse, se changer à
13*
194 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
la surface du corps élastique, respectivement en u, v, w, on aura pour
résultat du calcul, après avoir efTacé ce qui se détruit :
(^ + !^)
\ r ch/ dx
f/o)j
+
dy dx dy dx'
dq^ dqs dqs dq^
(15)
(^ + I-)
dii dx
dq,
doi
dx diildoi.
y- — X ■
dq^ dq^jdqs
dy dk dji dk
dq-idq^ dq^dqs_
0,
. dqa
Iq,] dq
+
dx du
C?w„
+(X+3i.)
dy dx dy dx
jlq^ dq.;, dqs dq.,_
'>\-{-Q^-\-i^)
_ dq^ dq.,]dq.,
dx dk dx dk'
dq^dq^ dq,dq.,
= 0,
dx rftoj dx diû^ dy dw^ dy dw^ „
dqs dq., dq^ dq^ "^ dq^ dq^ dq^ dq^
Quant aux équations (4), si, pour simplifier on pose :
X+ix
2(X+2f.)
(16) \ - d^ *-
_ dQ^ d\i . dx.^ \ "o n
dq,
dq, dq, dq.
dy_
dq.
dx ,
dq.
, dz dx ^ , dy . dz ^ _^
dq, dq, dq, dq.
dx dy . dz dx dy , ^^ v _ /^
dq^ dq^ ' ' dq^ dq^ dq, dq,
relations d'où on déduit immédiatement, pour la détermination de ç, -/i, C:
(17)
dx
,2 dy
, dz
h\ ^ H, •/] =r li\ -^ H, X, = h\~^;
dq, "' ■' "' dq, ' ' dq,
elles donneront comme résultat de la même substitution :
2(X + 2jx)
ddi, dw^ dk dx , dy
dx . ^ , dy dz
dq, dq, dq.
>. + IX
(18)
2(X + 2(.)
X + [x
dw, do)
x-^-\-y
1>{l + 2;x)
X
dq.
do\
dk dx dy '
1 — \~ :ï — r T- ^'^1 + x" "^2
dq., dq^ dq^ dq.
dx dy
dq., dq,
di-o, . dk . dx
_ dq,
...... ^.. „„ dy
dq, dq, dq^
dx dy
-1— ^h + -r- «ï-
dq, dq.
dq,
OJ,
E. FO?{TANEAU. — SUR LA DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES 19o
On voit que ces nouvelles équations correspondent à un problème qui
ne diffère du problème d'abord posé que par les conditions :
(19)
M = 0, N = 0,
auxquelles il y a lieu maintenant de satisfaire, la quantité L pouvant d'ail-
leurs être quelconque. La signification géométrique de ces conditions est
très simple; car, en vertu des relations (8) et (12), on voit que la compo-
sante de rotation normale à la surface du corps doit être alors nulle pour
tous les points de cette surface et que si l'équilibre d'élasticité venait à être
rompu, le déplacement d'un quelconque de ces points se ferait suivant la
normale. Réciproquement, lorsque cette dernière condition est satisfaite, il
en résulte en vertu des égalités (12) ;
M = 0, N = 0, et par suite
dq^ dqs
0.
4. — Pour arriver à la solution complète du problème proposé, il suffit
donc d'intégrer les équations (18) auxquelles on peut ajouter les suivantes
qui en résultent immédiatement, ou bien encore se déduisent en vertu des
relations (19) des équations (6) :
dx d
(O,
m { ir
dqi dq^
dx d(ù.
dx dojj dy d
Wo
dy d
co„
dq^ dqs
dx doy,
dq^ dqy dq^ dq^
dx d^i dy d(i}^
dqs dq^ dq^ dq^
dx rftoj dy doy^
~ + XT'
dq^
dq,
dy
dq.
do)^
dq.
dy
ddi^
dq^ dq^ dq., dq.^ dq^ dq^ dq^ dq^
rfH
dq^
d^
dq^
= 0,
où H a la même signification que dans les égalités (16) et (17).
De ces équations on déduit ;
dy(.m_
dq^ dq-i
dx rfH
dqz dq^
dy dU
dqs dq^
dx dH
dq.^ dqs
dx dy dx dy 1 d
dq., dq^ dqs dqjdq^
'- +
dx dy
dx dy
dqi dq
3J
di)}^
dq.
+
d
(û.
dx dy dx dy
Jqidq^ dq.idqy\dq^
' dx dy
Mi d<ïs
dx dy
dq-i dq^
dqi
dx dy
dqs dqi
dx dy
dqi dgs.
dw^
dq.,
dx dy
V dx dy
\dqi dq^ dq^ dq^_
Iq^ '
196 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
et en ayant égard à l'identité :
(21)
' dx d]!
dq^ dq,
+
dx dy'
dq, dq^,
dx dy
-+
dx dji
dqi dq^ dq^ dq^
dx dy dx dy'
dq^ dq^ dq^ dq.^^
yz 1
dz
dq^
_ dq^ "~ hjiji^ '
on aura pour déterminer les quotients difîérentiels de w^ etw^ par rapport à
(22)
d
doi.j,
dz
7 = hjijh
dx (/H dy d\\
_dq^ dq^ dq^ dq^
dx dW dx c/H'
dq^ dq^ dq^ dq^
D'ailleurs, les équations (18 supposent les suivantes :
(23)
OJ,
OJ,
2(X + 2u) dx
2(X + 2.a) di
X + ij. d
2(X 4- 2ix) Jz
Xi» y + y «2 + f^]>
et il résulte de la dernière
(24)
X
f/Wj
(/.
7 + y
d
(0„
:(X + Î.)
dy
dx'
X- î/ -7—
m
Iq,
dz
dy
dx
y-, — ^-r-
— 2(X + 2f.)!;
Les formules (22) et (24) font connaître à la surface du corps élastique
les quotients difîérentiels par rapport à z de o>i, w^ et k et comme il s'agit
de fonctions potentielles, on pourra les déterminer pour tous les points du
corps; j'admets que ce calcul ait été effectué.
Parmi les équations qui doivent être vérifiées, je considère maintenant
les deux premières équations (15) ; on peut, en revenant aux coordonnées
rectangulaires, le mettre sous la forme suivante :
(>^+I-)
dz
dq.
dis). , dio.
X- — [-y-
d
to,
dx
dy
dz
dx dy , dz
X- — ^y-r~-\-z-—
dq, dq.
dz
(25)
-(^ + 3îx) — co, + (X + .a)
dq,
dz dk
dq, dx
doi.
dz
dx dk
dq, dz_
0,
,, 1 . , dz
t/c
d
to„
d
Wo
x-
dx
dy
dz
dz
(^ + 3!^)^^-^.! + (^ + I^)
dx , dy , dz
x- — \-y-r--{-z-—
dq, dq, dq,
' dz dk dy dkl
dq, dy dq, dzj
d
0J„
dz
E. FO?«TANE.VU. — SUR LA DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES 197
et en remplaçant
d.
(/(Oj rfw^
dk
dz ' dz d.
et — par leurs expressions (22) et (24) :
«91
X
do)^
dx
do^i
ddi^ dk
+ y^ + ^-^ +
:{l + lK)hihJls
dij
d:.
J'dq^ dq,.
dy ' ~ dz ' dx
dy dH dy dii
— (X + 3ii.)(0i
dq^ dqs dq^ dq^
+y
dx
dq.
dx dH dx dM
dq^ dqs dqs dq^
- ^^ + 2^) S ^.
d:
dqy
(^ + 1-)
dwj , day^
., , C?o)2 , dk
dx '^ dy ^ dz ' dy
— (X + 3fx)t02
' dx ^dz'
dq^ dqi
dx dE dx f/H
f/^3 dq^ dq^ dq^
2(X + 2,)^C.
dv
dq.
dy dK dy rfH
dq^dq^ dq^dq^_
Ainsi on aura à la surface du corps élastique, en fonction des données
<Ju problème les expressions, des quantités :
et (X + \).
do). , d(û. , doi. , dk
dx ' "^ dy
rfto» , dM„ ,
dz ' dx
dx
dy
dz
- (X -|- 3[x)(o^
- (X + 3iJ.)Q„
et comme ce sont des fonctions potentielles, on pourra les déterminer pour
tous les points du corps; soit donc, en considérant wi, œ^, et k comme des
fonctions potentielles d'espace :
(> + î-)
(26)
do). , do). doy. dk
d'où il résulte :
dx
disi.
dy
doi.
, ^^., , dwn dk
dx ^ "^ dy dz dy
(27)
(X+3[x)a)i — (X + fx)
(X + 3îxK-(X+^.)
do3. , dk
^~i — H7-
dx dx
— (X -f- 3,a)co, r=i — IIi,
— (X -|- 3|x)a)2 = — lia;
diù, , dot,
T+y-
y-
dti)^ dk
dy dy_
substituant ces expressions dans les formules (23), il vient
d(x>y dwy
~d^'^y~dy
n, + (X + ix)
n, + (X -f ^)
lis
doi
= 2(X + 2..)^ + (X + |x)y
d
0J„
(/;
'-+xp
; dx
dx
2(X + 2^a)-o + (X + ^.)x -^ ;
198 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
par suite :
(X + [^)
(28)
ch
n, — 2(À + 2:x)^ + (X + .a
doii
dlÙy
dx dy _
- n, + 2(x + %ij.rq - a + y.)s
d:
1z
X
et on pourra déduire de l'une ou l'autre de ces égalités l'expression générale
de ^ _^. soit donc, pour tous les points du corps élastique :
dx dy
(29)
d
(0„
do)^
dx dy
On aura, par les égalités (27) et (23) :
R.
(X + 3{x)a)i — (X + [J;
diti. . dui., , dk
dx ' dx dx
n^ - (X + [x)
(30)
dz
-yR
2(X + 2îx)^,
(X + 3iJ.yo, - (X + î..)
doi
do), , c?co„ dk
x^ + y-jT + :77.
= n,
(X + [-)
(/^
dy
— xn
dy dy
2(X + 2u)-ri
f/wj C?(
w„
Si on substitue dans ces relations les valeurs obtenues pour — et -^,
on en conclura les expressions de l et de r, pour tous les points du corps
et î: résultera par la même substitution de la troisième formule (23).
On peut d'ailleurs observer que la quantité R résulte aussi plus simple-
ment de la formule :
(31) -
dx do)^ dy f/ojj dz
dqi dz dqy dz dq^
d
0>„
dx
dy _
= 0,
qui n'est autre chose que la dernière des relations (20) mise sous une autre
forme.
5. _ Par ce qui précède, on voit que l'intégration des équations aux
dérivées partielles de la déformation des corps isotropes en équilibre d'élas-
ticité, lorsqu'on a pour données les déplacements u, v, w à la surface du
corps élastique, peut être effectuée par une application de la méthode
usitée pour déterminer les conditions de l'équilibre calorifique, ou de l'at-
traction des corps dont l'action mutuelle s'exerce en raison inverse du
E. FONTANE-Vr. — SLR I.A DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES 199
carré de la distance. Cette proposition n'est démontrée que si la surface du
corps considéré appartient à un groupe de surfaces orthogonales; mais il
est à croire qu'on pourrait aussi l'appliquer à une surface quelconque, en
prenant pour système de coordonnées curvilignes une série de surfaces de
niveau parmi lesquelles soit comprise la surface du corps et les deux
groupes de surfaces qui coupent orthogonalement chacune de celles dont
se compose la première série. (Abbé Aoust, Analyse infinitésimale des
courbes dans l'espace, p. 547; Mathieu, Théorie du potentiel, i"" partie,
ch. IV, p. 103.)
Ce résultat ne paraît pas sans importance pour la théorie de l'équilibre
dès corps élastiques ; mais, au point de vue de l'application, il est à
craindre qu'on ne puisse en faire usage à raison d'une ditriculté spéciale.
Il est, en général, impossible d'obtenir par l'observation les composantes
de déformation u, v, iv à la surface; car, outre la difficulté de les déter-
miner en rapportant à sa forme primitive les modifications subies par la
surface du corps élastique, le calcul suppose infiniment petites ces quan-
tités et, si on avait un moyen quelconque de les mesurer directement, il
est à craindre que les erreurs d'observation ne fussent du même ordre
de grandeur que les quantités elles-mêmes.
C'est sans doute à cause de cette difficulté que les fondateurs de la
théorie des corps élastiques ont préféré prendre pour données à la surface
du corps, non plus les composantes de déformation u, v, te. mais les
composantes suivant les axes des coordonnées rectangulaires de la force
extérieure appliquée en chaque point de la surface d'oîi résulte la dé-
formation du corps élastique et le maintien de son équilibre. On peut,
au moins dans certains cas, arriver à la solution de ce problème nou-
veau, par la méthode précédente en s'appuyant sur une proposition que
j'ai démontrée dans les Nouvelles Annales de Mathématiques.
Si on désigne par F, G, H les composantes de la pression ou traction
rapportée à l'unité de surface qui agit en un point quelconque {x, y, z)
d'un corps en équilibre d'élasticité sur l'élément d'aire normal au rayon
vecteur p, ces composantes devront, comme on le sait, vérifier les égalités:
l Fp = X6a; -f 2[xnw -f 1\>.{y?z — -=2),
(32) \ Gp = mj + 2iJ.nv + 'l'jJzpi — xp,),
Ho = Uz -^ 2^niv -{- 2u.{xp^— yp^).
ou pi. p,, p3
désignent les composantes de la rotation élémentaire et n le
degré des fonctions m, v, iv supposées homogènes. Or, il est aisé de
s'assurer et c'est la proposition dont il s'agit que si, pour simplifier, on
désigne les premiers membres de ces égalités par ?, /, •]/ respectivement,
200 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
ces fonctions devront, en vertu des formules (1), véritîer les trois équations
aux dérivées partielles :
(33)
(3^ + 2a) A> + 2(X + !.)(n - 2) ^ =r. 0,
(3X + 2ix)A^^ + 2(X + i.)(n _ 2) ^ = 0,
m + 2i.)AV, + 2(X + a) {71 _ 2) ^ ^ 0,
dz
où T est une quantité définie par l'égalité
(34)
On a d'ailleurs :
-|+| + l = <3^ + ^^)«-
(34)
bis
dy
dz
d'\>
dx
d<]^
dz
dx
dy
1
3X + 2[j.
X
L dy
dz dx
-y-dz
dx
SI + 2;j. l dz " dx
1
dz
dx_
Ix
dx
y n(*
3X + 2a L dx dy_
+ 2[x(îi — l)p„
+ Mn - l)p
+ 2jx(n — l)p3,
25
où, comme dans les relations précédentes on admet toujours que 9, -f , /
sont des fonctions homogènes du même degré n.
De là résulte cette conséquence : il suffit, pour assurer l'équilibre
d'élasticité d'un corps isotrope dont les coefficients d'élasticité A et [x
sont connus, des forces F, G, H définies par les égalités (32) et agissant
à la surface du corps. Il en est donc de ces forces comme de celles
qui seraient appliquées, comme on le suppose d'habitude, aux éléments
superficiels du corps élastique pour le maintien de son équilibre inté-
rieur. Ni l'un ni l'autre des systèmes de forces dont il est ici question
ne peut se déduire aisément des forces effectives que l'élasticité met en
jeu aux points de contact des corps. Il semble cependant que cette
détermination serait moins facile pour le système sur lequel je crois
devoir appeler l'attention que pour celui dont on suppose habituellement
la connaissance.
Pour ce motif, je me bornerai à indiquer la méthode d'intégration
qui résulte du théorème énoncé pour le cas où le corps élastique est
une enveloppe sphérique dont le centre est à l'origine des coordonnées
rectangulaires, parce qu'alors les deux systèmes de forces extérieures
dont il vient d'être question se confondent en un seul.
E. FONTANEAU. — SUR LA DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES 201
6. — On satisfait généralement aux équations (32) en posant :
2(X + iJ.)n — X — 2fx dz
ou ûi, ^2 désignent des fonctions potentielles homogènes de degré n
et K une fonction potentielle homogène du degré n -\- i.
Conformément à cette hypothèse, 9, '\>, y ne peuvent être que des
fonctions homogènes du degré w, ce que, d'ailleurs, on ne peut constater
a priori par les données.
Mais, pour traiter d'abord ce cas simple, j'admettrai que l'on sait
d'avance tel devoir être le résultat du calcul. Si on passe des coordon-
nées rectangulaires aux coordonnées polaires en posant :
(36) a? =: p sin 8 cos v ?/ r:^ p sin 8 sin u ^ = p cos S
on n'aura qu'à faire l'application des formules démontrées plus haut en
y remplaçant X -f ;x par 2(X -f jx) {n — 2), X + 2;ji par 2(X + [x)7z — X — 2[x,
enfin X -f- Sfx par 2(X + ix)n + 2X. D'après cela, il vient par les équa-
tions (4), les suivantes :
(X + [x)(n— 2) dp
2(X 4- fx)n — X — 2;x J^
=1 sin cos f (Qj — 9) + sin sin v (û^ — •]/) — cos 5;(
(X + ^)(n-2) dp
(3") { 2(X -f- ix)ii — X — 2(x f/8
= p cos 8 cos v{Qi - o) -\- p cos 8 sin v (Q^ — ']>)-{-? sin ^x
X -f t^) (n — 2) dp
2(X + [j.)n — X — 2[x dS
z= — p sin 3 sin v{Qi — 9) + P sin û cos viQ^ — '}),
et, suivant la méthode employée, il y aura d'abord à chercher une solu-
tion particulière des deux dernières, auxqueUes il faut ajouter la suivante :
— p sin 8 sin u -1^ p cos 8 cos v ^ p sin o cos v ——
^ do dv ^ dà
^^^^ ^ , . di\ dN f/M
— p cos 8 sin V -3— = -^ -7—
' dv dà dv
41
202 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
en posant :
/3gv i N = — p sin s sin Dcp -|- p sin o cos v]»
) M = p cos Vù cos 9 -[- p cos 8 sin V'\> — p sin 3/.
On peut substituer à cette dernière équation celle-ci :
dQ
clQ^
(40)
-^ i7 + yiri + ^
d
d:
dQ,
dx
X
+ y
d'^ d/
dz dx
+
m,
d'\i d'^
dx dy
dy
d'Y
dont les deux membres se réduisent chacun à une fonction potentielle,
et par conséquent la quantité :
1
(41)
r sin
dû
dW
dv
d(f) cos f/cp
= Sm V -ri- : r COS V V"
dù sm dv
d<l cos ô . d'I dy
-+- cos V -r- : sm v -~ -{- -r:
do sm ô dv dv
on désignant par r le rayon de la surface du corps, devra être une fonc-
tion sphérique d'ordre n. On cherchera la fonction potentielle d'espace
correspondante et pour Qj, Qg deux fonctions potentielles homogènes
propres à vérifier l'équation (40). Enfin, on déterminera K pour la sur-
face de la sphère au moyen des deux dernières équations (37) et on en
déduira la fonction potentielle, homogène et du degré n -f- 1, qui corres-
pond à cette valeur de K.
7. — Après avoir ainsi déterminé un système de trois fonctions poten-
tielles Qj, Q^, K, on posera, conformément aux formules du n° 3 :
H
X-ffx)(?i — 2) d
- [xa, -f yQ, -\- K]
(42) { " 2(X 4- [x)n — À — 2 p. dp
sia cos v(Qi — 9) — sin sin v{Q^ — ■];) -|- cos 3;^,
i = sin 8 cos vE -q = sin 8 sin vR ^ := cos 8H
et les équations à intégrer deviendront :
/ (x_|_^)(,j_2)-[a;(Oi + 7/a>, + /.•]
: [2(X-1- }x)n — X — 2;j.] [sin 3 cos y (wj — ;) + sin 3 sin u(w2 — -q) — cos ZQ ,
(X + [x)(n — 2) - [XLO, + yo,, -f /.■]
(43)
= [2(X -f- |x)n — X
2a] [r cos cos fcoi -j- r cos 8 sin voi^],
d
dv
[Xi»^ + yto, + k]
[2(X + ij.)n — A — 2{ji] [ — r sin 8 sin voi^ -\-r sin 8 cos via^].
E. FOXTAKEAU. — SUR L.V DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES
On en déduit, d'après les formules (22) :
(44)
"rfj
du)^
dz
1
7' SUl
— 1
r sin
, . f/H . , (/H
cos s sin V sin ô cos v — -
dv dû
... rfH , ^ dW
sin 8 sin V \- cos o cos v — —
ao au
203
égalités dont les seconds membres devront être dans le cas actuel des
fonctions sphériques d'ordre n — 1 et il sera facile d'en déduire les
valeurs des premiers membres pour tous les points du corps élastique.
Ayant ainsi déterminé ces deux fonctions potentielles on en déduira
-j T- en faisant usage de l'équation (31) et on pourra môme obtenir
—, — r- au moyen de la formule :
dx dy "^
(4oj
-f
dx ^ dy ~J l
d^oy^ f/^o)^ rf^coj
dxdy dz"^ dx'^
d'^oi^
(/'-03i d'
0),
dxdy dy'^ dz"^
dx
dy-V
rf\Oi
f/^co„
+ T.
dzdx dzdij
dz
qui suppose seulement que w^ et w^ soient des fonctions potentielles.
Les trois fonctions l, r^, K doivent vérifier les équations aux dérivées
partielles :
(46)
(3X + 2a)A^; + 2( À -f- y.) (n — 2)-—=0,
dx
(SX + 2îx)A-r. + 2(À + y.)(n^2) ~ = 0,
(3a + 2a)A^^ + 2(X + y.) (« — 2)
dz
0,
où T est donné par l'égalité
rf; , cZ-fj , rfC
(^^) ^ = ;^ + ;7;^ + t: =
3X + 2a
dx dy dz 2(1 -\- ij.)n — a — 2a
da? dy
Ainsi, on connaît d'une part, à la surface du corps élastique, les quan-
tités ;, Tj, l et par suite des calculs qui précèdent pour tous ses points
A*;, A^Y), A"^^, et la question à résoudre se trouve ainsi ramenée à un pro-
blème dont la solution dépend du théorème de Green et de la fonction à
laquelle on a donné le nom de cet illustre géomètre.
On peut, d'ailleurs, continuer l'application de la méthode telle qu'elle
est exposée dans ce qui précède et on arrivera ainsi à déterminer, pour
tous les points de l'enveloppe sphérique, les quantités ;, v], Ç ; après quoi
204 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
on obtiendra les valeurs correspondantes de u, v, iv en faisant usage des
formules (32), (33) et (34).
Ce mode d'intégration des équations (46) se trouve en défaut dans le
cas particulier oîi l'on a :
2(X + [jL)n — X — 2fx = 0,
c'est-à-dire où le degré commun d'homogénéité des fonctions l, -q, Ç est
égal à :
W . 2(X-fix)-^ 2(X + a*
Mais alors on a :
(48) 3X-f2[x-[-2(X4-[jL)(n — 2) =
et les équations à intégrer se réduisent à :
dr dr . „^ dr
(49) A.Ç=^ A',=^ A'C=^.
où, en vertu de l'égalité (34), t désigne encore une fonction potentielle.
Par suite, on aura:
(50) Ç = |'+^l . -1=1^ + ^2 ^==^^ + ^3'
où Qj, ^2» ^^3 désignent trois fonctions potentielles, et comme le degré
commun d'homogénéité des fonctions ç, t), l, est connu, on aura à la sur-
face de la sphère :
dl _ X-f 2[x l d^ __ X -f 2ix Yi cK _ X-f2p C
(^*) Jç ~ 2(X + [x) p f/p ~ 2(X -f i^j p rfp ~ 2(X + [X) p '
ce qui permettra de calculer t et d'obtenir, pour tous les points du corps,
d'abord cette quantité, puis les trois fonctions potentielles Q.^, Q.^, Q,^; après
quoi, on aura par les égalités (oO) les expressions générales de l, -/], (^.
8. — Dans le cas où les quantités 9, «j'» X seraient quelconques, la
méthode pourrait encore être appliquée conformément aux principes qui
précèdent. La quantité:
1
/■ sin 8
•^_ (M
do dv
peut alors être développée en une série convergente de fonctions sphériques,
et pour chacune de ces fonctions, on aura à déterminer les fonctions poten-
E. FONTANEAU. — SUR LA DÉFORMATION DES CORPS ISOTROPES 205
tielles correspondantes et prendre ensuite, pour les expressions générales
de Qi, Q^, la somme des solutions obtenues. Des deux dernières équa-
tions (37), on déduira ensuite les différentes valeurs de :
(l + ^) {,1 - 2)
2(A 4- ^)ii — À ~ 2[x
P,
et de p, ce qui permettra d'obtenir K par une somme de résultats partiels,
comme on a fait pour Q^, Qa-
Après cela, on pourra calculer H, conformément à son expression déduite
de la première des égalités (16), en y remplaçant X -f- !-«• et X -f- 2[j(. respec-
tivement par 2(X -}- [J-) (n — 2) et 2(X -f jjt.)n — X — 2(x et former les équa-
tions :
(S2)
(X4-aXn-2,) d
Lu. Clù
^ ^ 2(X -h \^)n - X
sin 8 cos i)(ojj — ^) + sin 5 sin v(a)2 — •/;) — cos oS;.
^ r cos cos vto^ -j- r cos ô sin vl.^^.
(X + [x)(n
z: [^'^i + y^'z + '^-J
2(X + ij.)n — X — 2iJ, (/y
= — r sin 8 sin f Wj — r sin 8 cos î;(C2.
De ces équations on déduira, comme plus haut, les expressions de — — ^ et
dz
dio„ . d(jy„ diOf doi, , dii)„ ^
-7— et puis celles de -^ ~ et — — H — r-^. Ces expressions se rédui-
dz dx dy dx dy
ront sur la surface à des séries de fonctions sphériques et, pour chacun des
termes de ces séries, on pourra calculer les seconds termes des premiers
nombres des équations (46), ce qui permettra de déterminer les expres-
sions générales de ;, -/i, C en faisant usage du théorème de Green.
On peut aussi suivre le procédé employé au n*' 4, et déterminer d'abord
dix
— en faisant usage de la formule (24) qui, dans le cas actuel, devient :
(*3)
2à %i
X-f ,a)(n — 2) dk^
2!x d::
-2
2(X 4- ij.)n — X
(X + ;..) {n '- 2
2(X + {x)/i — X — 27.
-?,
où on peut considérer le premier terme du second membre comme une
fonction parfaitement déterminée et connue qui, sur la surface du corps
206 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉGANIQUE
élastique, se décompose en une série convergente de fonctions sphériques.
Après cela on obtiendra, d'une manière analogue, les expressions
désignées par U^, U.^ et, en faisant usage des formules correspondantes
aux égalités (30) et de la formule (53), on aura sous forme de séries les
expressions générales de c, '/;, ^.
D'après une observation faite plus haut, on pourrait craindre que le
calcul ne fût en défaut dans le cas oîi la relation (48) aurait lieu. Mais
cette objection ne peut être faite si on admet, conformément à l'usage
généralement adopté, que tous les développements en séries de fonc-
tions sphériques peuvent s'effectuer en fonctions sphériques d'ordres
entiers.
En résumé, on voit que cette méthode dépend des mêmes principes
que la méthode exposée par MM. Thomson et Tait dans leur savant
Traité de Philosophie naturelle ; mais on doit la considérer comme plus
simple, en ce qu'elle évite l'emploi de calculs à effectuer sur des fonctions
dont le degré d'homogénéité n'est jamais parfaitement défini.
La proposition qui résulte de ce travail peut être généralisée d'une
manière très simple. Il suffit, pour cela, d'observer que des équations :
u
Q,
{l) {v=a,-
w
A-\- IJ.
2(X -1- 2,u)
^ "h [^
2(X -1- 2p.)
X -|- fX
2(X + 2,.)
dp dq^ dp dq^ dp dq^
dq^ dx dq^ dx dq^ dx_
' dp dqi dp dq^ dp dq,^
_dq^ dy dq^ dy "•" dq^ dy
dp dpi dp dp 2, dp dg^
jlq^ dz dq^ dz dq^ dz ^
on conclut, pour un système quelconque, orthogonal ou non, de coor-
données curvilignes, les formules :
"2(X + 2;..)
dp
dq^
dp _ 2(X -{- 2;ji)
dq,
dp
dq.
i^) il^ =
X + fx Idq^
dx
X -|- [J"- idq
dx ,
("i
2(X + 2;.)
dx ,
X + [/. \dq.
, , dii ,^ , dz
N , f^V ,. X dz
10
Si, en effet, après avoir conservé à qi, q^, q^^) hi, h^, h, leur signi-
E. FOiNTAJNEAU. SUR LA DÉFORMATION DES COHl'S ISOTROPES 207
fication générale, on désigne par n^, n^, n.^ les normales respectives aux
trois surfaces q et que l'on pose pour simplifier :
dx ' di/ dz
(3)
|(a.-„) + |(a.-„;-%„ = A.
è(û,-«, + :^(Q,-«)-^» = A.
dx
dz
dz
on aura par les équations (1)
dp
dp
h\ -— -\- hji^ cos (rii, n^) \- hJi^co& (n^, n^) — -
dp 2(X+2[x)
dq,
dp.,
dp .dp
(4) { h.JiiCOs{n^,ni)- \-ht- \-h^hs cos {n^,n^)
dqi - dq^
dp
dq^ X -|- [A
dq^ X + [j.
Al,
A21
dp , ^^dp 2(X+2^)
h.Jii cos (n^, n^)- \-h^h.,cos{n^, n^)- [- A^ -7—=:
dq^
dq^ ^dqs a -\- [/.
Désignant ensuite par D le déterminant de ces équations et ayant égard
aux égalités :
dx , , , , . dx , , , , , dx dq^
^'^ ^ + ^^''^ '^' ^^- ''^^ ^ + ''^^'^ '^' ^^'^' ^^^ ^ =^ rf^ '
,^,, / , , , . dx . j2 dx , ^ , , . dx dq^
(3) { KK cos («„ „.) 5^ + A, _ + h,K cos („„„.)_ = _,
, (/a; , , , , . dx , ^^ dx dq^
h A cos K, n,) - + M. cos K, ^,) _ + /,3 _ = —,
et à celles qu'on en déduit en y substituant à x, successivement y et z.
on obtient :
,^ , dp ^ 2(X + 2t.) j_
^^ ^ d^i X + a 'D
Al hji^ cos (Wi, n^ hji^ cos (n^, Wg)
A., hl h^ha cos (n^, Wg)
A3 /«g/îj cos (ng, n^) ^^3
d'oîi il résulte immédiatement par les propriétés connues des détermi-
nants la première des formules (2) ; les autres se démontreraient de la
même manière.
D'après cela, il suffirait, pour déterminer les expressions générales de
u, V, w, de connaître leurs quotients différentiels par rapport à q^, </g sur
la surface ç^ = 0, car on pourrait alors faire disparaître des deux der-
nières équations (2) les termes tout connus et résoudre les trois équations
résultantes par la méthode employée.
208 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
M. E. EITTEU
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, en retraite, à Pau.
LA TRIGONOMETRIE DE FRANÇOIS VIETE
— Séance du 20 septembre 1892 —
L'invention de l'algèbre moderne n'est pas le seul titre de François
Viète à la reconnaissance de la postérité : il en a acquis un autre par ses
travaux sur la trigonométrie ; cependant les services qu'il a rendus sous ce
rapport au monde savant sont peu connus, quoique l'illustre astronome
Delambre, qui fait autorité en pareille matière, lui ait consacré un chapitre
important dans son Histowe de V Astronomie : « De tous les auteurs,
dit-il, qui ont écrit sur la trigonométrie, Viète est, sans contredit, celui
qui a montré le plus de génie, qui a fait les choses les plus difficiles et, en
même temps, les plus utiles... Peu de personnes et nous-même avons
longtemps ignoré les services éminents qu'il a rendus à la trigonométrie.
Nous pouvons donc réclamer pour "Viète le système complet de trigono-
métrie que suivent encore aujourd'hui les astronomes. »
Un rapide exposé de quelques-uns des perfectionnements qu'il a ap-
portés à la trigonométrie feront connaître une partie des services rendus
à la science par le grand géomètre.
Le premier, il a affranchi la trigonométrie de ses énoncés prolixes en
présentant sous forme de tableaux, véritables formules, les relations
entre les éléments connus et inconnus d'un triangle plan ou sphérique.
C'est lui qui a le plus contribué par ses formules, à propager l'usage des
tangentes et des sécantes, imaginées par Rheticus et dont l'invention a
été attribuée à tort pour les premières, à Rheinhold, en ISol ; pour les
secondes, à Maurolycus en iooS.
François Viète a, le premier, construit une table commode donnant en
regard les unes des autres la valeur des six lignes trigonométriques, de
minute en minute, pour un rayon égal à 100.000.
La construction de la table des sinus en était encore, sauf quelques
perfectionnements par les Arabes, aux procédés de Ptolémée pour la cons-
truction de sa table des Cordes.
F. RITTER. LA TRIGONOMÉTRIE DE FRANÇOIS VIÈTE 209
François Yiète ramena la recherche du sinus fondamental de une minute
à celle de la longueur de la circonférence par la méthode des bissections
successives donnée par Archimède.
Il établit d'abord que si P et P' sont les périmètres de deux polygones
réguliers inscrits d'un nombre de côtés égal à î\, si A est l'angle inscrit
dans le cercle dont le diamètre D = 2R correspondant au côté du poly-
gone, on a : ^
P
- /\V' coséc \\ . I> _ /Wœïg
En prenant pour point de départ le triangle équilatéral dans lequel
1
cos A = -, il calcule pour chacun des polygones obtenus par les bissec-
tions successives, par des formules, qui n'exigent qu'une seule division,
une seule extraction de racine carrée, de simples additions et soustractions,
les valeurs de coséc ^A et de cotang ^A pal- excès et par défaut.
Après dix-sept opérations il arrive aux polygones de 393.316 côtés et
il obtient pour la circonférence du cercle ayant un rayon égal à 100.000 :
314 lo9 '^'■'■> 36
Cette valeur est donnée avec cinq décimales qu'il écrit en caractères
plus petits et qu'il souligne, ou, en d'autres parties de son livre, qu'il
sépare par un petit trait vertical, premier exemple de la numération des
fractions décimales attribuée à d'autres venus après lui et qui lui appar-
tient en propre.
Pour la valeur du sinus de une minute, il s'arrête au polygone de
6.144 côtés et il obtient ainsi :
sin 1' = 29 0^3 819 :i9
avec sept décimales.
Pour la construction de ses tables, il emploie des formules expéditives
parmi lesquelles je citerai :
sin (60° + A) = sin A + sin (60° — A)
tang (45° -\- -\ =i 2 tang A -f tang (4o° — Ç\
séc A = I tang ^45° + ^) + ^ tang (^45° - fj
210 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE
Pour la résolution des triangles, je citerai encore :
1
''S sin A -j- sin B
r~ ir ~ sin A — sin B
tang^(A-B)
Le Canon mathématique avec le Livre des inspections, comprenant : le
premier, la table des lignes trigonométriques avec quelques tables acces-
soires; le second, les formules pour la résolution des triangles plans
et sphériques avec un grand nombre de résultats numériques calculés tous
avec plusieurs décimales, fut publié en 1579.
Pendant l'impression de son livre qui avait duré huit ans, François
Viète avait jeté les bases de l'Algèbre nouvelle et en 1589, il avait cons-
truit l'édifice tout entier et il avait ainsi trouvé le moyen de résoudre les
équations générales du premier degré à plusieurs inconnues. Appliquant
sa méthode à la seule formule de trigonométrie sphérique relative au
triangle sphérique quelconque donnée par Albategni cà la fin du ix'^ siècle,
qui permet de trouver les angles A, B, C, lorsque l'on connaît les côtés
a, 6, c :
cos a = cos b . ces c^ -|- si"^ ^ • ^^^ ^^ • ^^^ ^
il trouva la formule qui donne les côtés, en fonction des angles :
cos A + cos B . cos D = sin B . sin D . cos A
et toutes les autres fonnules de la trigonométrie sphérique qui permettent
de résoudre un triangle quelconque sans être obligé de le décomposer
en deux triangles rectangles.
Par la comparaison des nouvelles formules ainsi obtenues, il fut conduit
à découvrir les propriétés du triangle sphérique polaire ou supplémen-
taire qu'il désigne sous le nom de triangle réciproque et à en faire usage
lorsqu'il y a avantage à y recourir. Cette invention lui a été contestée
par Delambre qui a été induit en erreur par une faute d'impression
dans les figures du texte, erreur dans laquelle il ne serait pas tombé
s'il s'était reporté au calcul qui se trouve au bas de la page.
A la Trigonométrie de François Viète se rattache son traité des Sections
angulaires. C'est un recueil de formules qui donnent sin nx et cos nx
en fonction de sin x et de cos x, et tang nx en fonction de tang x.
Les coefficients, dans ces formules, sont facilement déterminés par des
additions successives des nombres figurés de diff'érents ordres. Il en est
F. UITTER. — LA TRIGONOMÉTRIE DE FRANÇOIS VIÈTE 211
de même dans la formule qui donne la corde C de l'arc simple en
fonction de la corde C,^ de l'arc multiple nA :
„ n _., n(n — 3) ,_,. mn — 4)(n — 5j _g
^ "~ ï ^ + 1.2 ^ TO ^ + = ^-^
que nous traduisons avec nos signes modernes. François Viète a fait
plusieurs applications de ses formules, entre autres celle pour trouver
la somme des cordes des arcs croissant en progression arithmétique,
partant de l'extrémité d'un diamètre en fonction de la première et de
la dernière de ces cordes.
Nous avons dit, dans l'exposé de l'Algèbre de François Viète, qu'il avait
donné le moyen de résoudre numériquement les équations et de trouver
la racine positive de ces équations avec un degré quelconque d'approxi-
mation exprimé en fractions décimales. La corde de l'arc du cinquième
et la corde du tiers d'un arc sont données par les formules :
corde ^a — 5 corde ^a -f- S corde a = corde Sa
3 corde a — corde ^a =z corde 3a
Il cherche, au moyen de ces relations, le sinus fondamental de une
minute. Par la division du rayon en moyenne et extrême raison, il trouve
la corde de l'arc de 36°, et par une quintusection au moyen de la pre-
mière des équations ci-dessus, la corde de l'arc 7" 12' = 2 sin 3" 36'; au
moyen de la trisection de la corde de l'arc de (30" égale au rayon, il
obtient la corde de 20°. et par une nouvelle trisection, la corde de 6° A(f
égale à 2 sin 3° 20'. Au moyen de ces sinus, il calcule cos 3° 36' et
cos 3° 20', et il trouve le sinus de leur différence ou sin 16'; enfin, par
des bissections successives, il arrive au sinus de une minute.
Je m'arrête ici dans ce rapide exposé, omettant un grand nombre de
faits intéressants ; mais il suffit pour montrer que si François Viète a été
l'inventeur de l'algèbre moderne, il a été également le réformateur de la
trigonométrie ancienne.
212
GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
M. BEEIIS
Ingénieur des Ponts et Chaussf'es, à Mont-dê-Marsan.
RACCORDEMENT PARABOLIQUE ENTRE DEUX ARCS DE CERCLE CONTIGUS
DE MÊME SENS
— Séance du 20 septembre i892 —
I
On connaît la parabole du 3« degré étudiée par Nordling (Ann. P. et
Ch., 1867) pour le raccordement d'un alignement droit et d'une courbe
circulaire de chemin de fer.
L'équation de cette parabole, qui s'étend
moitié sur l'alignement, moitié sur la
courbe, est :
y
6P
1
FlG. 1.
la courbure — en chaque point étant sensi-
K
blement proportionnelle au développement
.11
de Tare, ou pratiquement à l'abscisse — =: -x.
Noi'dling a remarqué que de B en A la parabole s'écarte autant de l'arc
de cercle déplacé, que de en F elle s'écarte de sa base OFX (ftg. /j.
Il
Je conclus de cette remarque qu'en négligeant l'inclinaison toujours
faible des éléments de l'arc de cercle, et par suite la convergence des
rayons, l'équation de la portion BC de la parabole, les abscisses étant
prises le long du cercle déplacé BA, de B en A, et les ordonnées étant
comptées normalement à l'arc, c'est-à-dire dans le plan vertical des profils
en travers, n'est autre que
y =
X''
BEHNIS. — RACCOUDEMEM PARABOLIQUE ExNTRE DEUX ARCS DE CERCLE 213
L'erreur relative, nulle pour l'ordonnée maxima AC, atteint au
maximum 1 0/0; c'est dire qu'elle est
en valeur absolue négligeable.
De là un procédé très simple de cal-
culer le déplacement latéral dans la ré-
gion AB.
On peut remarquer qu'en vertu de la
généralité de la démonstration faite par
Nordling, l'équation y
6P
,./B
représente
FiG. 2.
également l'équation de la parabole de
raccordement par rapport à l'arc de cercle au delà du 'point de tangence
dans la région BD (fig. 2).
III
Nordling a traité également le problème du raccordement parabolique
doublement osculateur de deux courbes circulaires de même sens, mais
la solution qu'il en donne est très com-
pliquée.
Voici la solution pratique très simple
qui résulte des observations ci-dessus :
Soient deux arcs de cercle de rayon R
et R' (R' < R) tangents en F'(fig. 3). Les
arcs déplacés viendraient en AB, A'B'.
Pour les raccorder par une parabole
osculatrice, je considère tout simplement
l'arc de la parabole ci-dessus, compris
entre les points où les rayons sont R
et R'.
En vertu de l'observation précitée et
sous les réserves précédemment indi-
quées, l'équation de cette parabole par rapport aux deux cercles n'est
autre que
Fig. 3.
Dans le cas où R devient infini, on retombe, comme on devait s'y
attendre, dans la parabole générale.
214 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
M. BEEÎTIS
Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Mont-de-Marsan.
SUR LES FONDATIONS A AIR COMPRIMÉ AVEC CHAMBRE EN MAÇONNERIE
SUR ROUET
— Séance du 20 septembre 1892 —
I
Dans les Annales des Ponts et Chaussées (1883), M. Séjourné a rendu
compte du système de fondations à air comprimé avec chambre en maçon-
nerie sur rouet, qu'il a appliqué à l'important viaduc de Marmande
(ligne de Marmande à Mont-de-Marsan.)
Il a fait ressortir ses avantages : économie de fer, bourrage plus parfait
sous le plafond, partant massif inférieur plus homogène, enfin prix de
revient par mètre cube notablement moins élevé, et il a conclu en expri-
mant très catégoriquement sa préférence pour ce système sur le système
ordinaire avec chambre de travail en métal.
Il
J'ai fait exécuter sept fondations de ce type pour les grands ponts à la
traversée de l'Adour, sur la ligne de Condom à Riscle, et il m'a paru que
les conclusions de M. Séjourné étaient sans doute trop générales et que
son assertion sur le prix de revient définitif demandait, par suite d'une
équivoque, à être rectifiée.
Dans le système en question :
1*" Le montage d'une chambre est une opération compliquée exigeant
la présence successive des riveurs, charpentiers, calfateurs et maçons; elle
demande un mois (au lieu de quinze jours) ; puis il faut laisser les maçon-
neries un mois au séchage, d'où gêne possible dans certaines conditions,
notamment au voisinage d'une rivière torrentielle;
2" La descente sur vérins exige un matériel plus puissant et est beau-
coup plus scabreuse;
3° Le peu de hauteur du couteau est une gêne sérieuse pour l'enlève-
ment des obstacles;
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 215
4° Le périmètre étant plus fort, la descente est plus difficile; d'autre
part, le vide de la chambre de travail relevant le centre de gravité, la
descente est moins régulière; enfin la forme elliptique du massif pro-
voque des girations, autour d'un axe vertical, très
gênantes pour l'implantation (observées à Riscle);
5° Le système ne se prête pas aux descentes brus-
ques, parfois inévitables;
6° Le massif inférieur est sur une grande hauteur
hétérogène et la répartition des pressions sur une
section horizontale s'y fait d'une façon inconnue ;
7° Enfin, si le prix de revient par mètre cube est
en effet de 10 francs environ moins élevé, il n'est
pas la mesure de l'économie du système, en raison
du cube parasite résultant pour la fondation de la forme elliptique de
plus petite section entourant la base du fût, forme motivée par la néces-
sité de résister aux poussées latérales du terrain.
En ramenant la section des fondations de Riscle à la section des cais-
sons du type ordinaire employés à Saint-Sever pour la traversée de la
même rivière l'Adour, sur la ligne de Mont-de-Marsan à Saint-Sever, le
prix de revient par mètre cube utile se relève de o4 fr. 74 c. à 63 fr. 91 c.
L'économie apparente peut donc n'être qu'une illusion.
M. le Colonel A. LATJSSELAT
Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers, à Paris.
HISTORIQUE DS L'APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS
— Séance du 2/ septembre 1892 —
Mes chers collègues,
Je vous demande pardon de vous avoir dérangés de vos travaux pour
venir voir ici la lanterne magique, mais le sujet que j'ai demandé de
traiter devant vos trois Sections réunies, quoiqu'il soit déjà bien ancien,
n'est peut-être pas, en France, aussi populaire qu'il le mérite.
J'ai donc pensé qu'il pourrait être à propos, alors qu'il nous revient de
216 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
l'étranger des symptômes multipliés de l'importance qu'on lui accorde,
d'appeler l'attention des géomètres, des ingénieurs civils et militaires,
des géographes et des voyageurs scientifiques, sur une méthode appelée
à leur rendre les plus grands services, qui en a rendu déjà à quelques-uns
d'entre eux, mais qu'il est devenu indispensable de vulgariser, dans un
intérêt à la fois scientifique, pratique et patriotique.
J'aurais pu inviter aussi la Section de Géologie, car vous avez vu hier,
pendant la brillante conférence de M. Trutat, quel parti ont déjà su tirer
de la photographie nos savants et intrépides explorateurs des Pyrénées.
Je vous montrerai, dans quelques instants, que d'autres ont fait de même
dans les Alpes, et je pourrais ajouter dans tous les pays pittoresques,
dans toutes les parties du monde ; le terrain est donc bien préparé de ce
côté.
Les topographes se montrent également, en général, fort bien disposés
presque partout ; seuls, nos topographes officiels, qui ont à leur disposition
de bonnes vieilles méthodes (i), sont demeurés réfractaires jusqu'à pré-
sent ; mais le mouvement qui se dessine et s'accentue chaque jour ne '
tardera pas à prendre des proportions qui finiront par triompher de
toutes les résistances et par les entrahier comme les autres.
Il y a, toutefois, lieu de craindre pour eux que, faute de s'y être pris à
temps pour le diriger, ils en soient réduits à voir des gens, mal préparés
à ce rôle, chercher à les remplacer et compromettre un succès qui eût
été assuré entre leurs mains.
Quant aux ingénieurs, il y a longtemps qu'ils ont recours à l.a photo-
graphie, mais seulement pour dresser, en quelque sorte, les procès-
verbaux de l'état d'avancement de leurs travaux, pour mettre en évidence
les moyens de construction, les engins qu'ils emploient, pour conserver
le souvenir de leurs chantiers, et quelquefois aussi, malheureusement,
pour représenter les accidents qui ont compromis l'existence de leurs tra-
vaux, ou même les résultats de quelque grande catastrophe.
Je devrais citer, dans le môme ordre d'idées, les architectes, les météo-
rologistes et même les hygiénistes que j'aurais dû également convier,
car les uns ont à relever, dans certains cas, nombreux aux États-Unis
où ce service fonctionne merveilleusement, les désastres produits par les
tornados, et les autres auraient un grand intérêt à provoquer la construc-
tion des cartes hypsométriques des grandes villes et des grandes agglo-
mérations, pour y étudier les questions de drainage et d'assainissement.
Puisque j'en trouve l'occasion, je dirai, à ce propos, que, dès 1851,
l'année de la première Exposition universelle, pendant un voyage de deux
ou trois mois en Angleterre, je fus très frappé de trouver, dans plusieurs
(1) Très précieuses et qui vont sans cesse en se perfectionnant, mais qui ne doivent pas en
empêcher d'autres de leur succéder en partie, ou, pour mieux dire, de les aider, de les compléter.
A. L.VUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 217
des villes que je visitais, des plans recouverts de courbes de niveau entre les
mains de médecins et de pharmaciens, membres des Conseils d'hygiène,
qui les avaient fait exécuter, souvent à leurs frais, et les appréciaient
fort. Il y a déjà bien longtemps de cela, et je ne sache pas que cet exemple
ait été beaucoup suivi chez nous.
Par contre, j'ai le plaisir de voir aujourd'hui, au nombre de mes
auditeurs, un délégué du ministre de la Marine, et j'en suis doublement
heureux, d'abord parce que la méthode dont j'ai à vous entretenir est née
à la mer, sur un bâtiment français, bien avant l'invention de la photo-
graphie, et ensuite parce que ce dernier art s'est plié, depuis un certain
temps, aux conditions si difficiles dans lesquelles se trouvent habituelle-
ment les marins et les ingénieurs hydrographes pour lever et construire
leurs plans et leurs cartes, ce qui pourra singuhèrement simplifier leur
besogne (1).
. Avant de vous montrer les documents que j'ai préparés, voulez- vous
me permettre une digression, qui sera aussi une entrée en matières.
En 1846 — veuillez bien retenir cette date, — j'avais été chargé d'étudier
la frontière des Pyrénées occidentales et le projet d'une forteresse des-
tinée à surveiller la nouvelle route de Bayonne à Pampelune. Les recon-
naissances que je fis sur toute la frontière, dans le département des
Basses-Pyrénées et dans une partie du département des Hautes-Pyrénées,
me donnèrent l'occasion de faire des croquis de paysage qui me furent
très utiles pour me rappeler ce que j'avais vu, quand j'eus à rendre
compte de ma mission.
Quant au lever de la position militaire de Cambo, par les méthodes
régulières les plus expéditives que je connusse, il ne me prit pas moins
de deux campagnes, pour l.oOO hectares au plus, si bien que l'avant-
projet d'une double tète de pont sur la Nive, présenté en septembre 1848
arriva trop tard, les événements de cette époque ayant attiré l'attention
ailleurs. On jugeait, en effet, que le danger immédiat n'était pas du côté
des Pyrénées et, au lieu de nous protéger nous-mêmes sur un point qui
était et qui est resté l'un des plus faibles de nos frontières, on tourna les
yeux du côté des Alpes, avec la généreuse pensée d'aller, au besoin, au
secours de l'Italie. J'ignore si la question a été remise à l'étude, mais je
souhaite vivement qu'elle ne soit pas négligée, car, je le répète, aucune
frontière n'est plus mauvaise que celle de nos Pyrénées occidentales.
Il faut bien croire que mes travaux topographiques avaient été appré-
(1) Je n'ai pas voulu faire allusion à l'application, si simple d'ailleurs, dans des circonstances
favorables, de la photographie au cadastre. Je n'aurais pu que faire observer, à propos d'une com-
munication écrite, lue le matin même à la Section de Géographie (et déjà parue dans le numéro de
la Reviie scientijlque du 20 août 1892), que son auteur avait omis de dire qu'il avait emprunté à des
publications faites depuis longtemps le principe delà méthode dont il veut faire usage, en essayant,
au contraire, de donner le change par l'introduction de raffinements graphiques matériels sans portée
sérieuse et plus gênants qu'utiles.
218 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
ciés, puisque, indépendamment des lettres d'éloges qu'ils m'avaient valu
de la part du ministre, je fus appelé à Paris et attaché, au Comité des
fortifications, au Service des cartes et plans. Eh bien, je n'hésite pas à
dire qu'aujourd'hui le lever de la position de Cambo, qui devrait être
beaucoup plus étendu qu'à l'époque dont je parle, pourrait être exécuté
avec une exactitude très suffisante en beaucoup moins de temps, et que
l'économie porterait principalement sur celui qu'il y aurait à passer sur
le terrain.
J'ajoute que mes reconnaissances sur la frontière eussent été infiniment
plus complètes, plus instructives et plus exactes que celles qu'il m'était
permis de faire, en parcourant le pays plus lentement que ne le font
aujourd'hui les touristes les moins pressés (i).
Je n'aurais peut-être pas autant insisté sur ce sujet, si nous n'étions
pas précisément dans les Pyrénées, où je me suis avisé, dans ma jeunesse,
de songer à chercher des méthodes topographiques plus rapides que
celles qui étaient en usage et qui sont encore les mêmes aujourd'hui, à
quelques modifications près dans la construction des appareils.
Le but à atteindre se trouvant suffisamment défini, si je ne me trompe,
examinons par quelle voie on y est parvenu.
J'ai, dans ma bibliothèque d'astronomie, un vieux poème latin de
Manilius, qui renferme quelques excellents aphorismes, au nombre des-
quels se trouve le suivant, que Montaigne n'a pas dédaigné de lui em-
prunter, et que j'ai pris moi-même pour épigraphe dans deux circonstances
oîi j'avais besoin de le recommander aux autres :
Per varias usus artem experientia fecit,
Exemplo monsirante viam.
Je n'ai jamais manqué, pour ma part, de rendre justice aux inventeurs
qui m'ont précédé, mais je trouve tout à fait naturel de souhaiter que
ceux qui sont venus après moi en fassent autant. Or, il me serait par
trop facile de prouver que plusieurs d'entre eux se sont dispensés de ce
soin, mais passons.
C'est à l'illustre hydrographe français Beautemps-Beaupré qu'appartient
l'idée féconde d'utiliser les vues pittoresques pour lever les plans. Cette
invention date exactement d'un siècle, car elle fut faite pendant la cam-
pagne de d'Entrecasteaux à la recherche de La Pérouse, de 1791 à 1794.
Il est bon de rappeler qu'avant Beautemps-Beaupré, les ingénieurs
hydrographes employaient déjà des vues de côtes, mais uniquement pour
se diriger dans les passes et entrer dans les ports.
(1) Peu de jours après la date de cette conférence, je recevais une brochure de M. le comte de
Saint-Saud, intitulée: Conlribulion à la carie des Pyrénées espagnoles, dans laquelle j'ai vu avec
plaisir que l'auteur avait commencé à se servir de ses photographies pour évaluer des angles. Je suis
bien stir qu'il continuera et ira plus loin.
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AL LEVER DES PLANS 219
L'invention du cercle à réflexion de Borda, qui permettait de mesurer
successivement un grand nombre d'angles sans revenir au zéro de la
graduation, comme il fallait faire auparavant avec le sextant, fît penser
à Beautemps-Beaupré que ces vues de côtes, prises partout où cela serait
nécessaire, pourraient servir de registres d'angles, et le succès de la
méthode absolument nouvelle fondée sur cette simple remarque ne se fit
pas attendre.
L'ouvrage que le savant ingénieur publia en 1808, et qui fut réédité
en 18H, était sans doute connu des hydrographes et des marins de tous
les pays, mais il resta à peu près ignoré, pendant quarante ans, de^
topographes et des voyageurs scientifiques, et je ne crois pas m'aven-
turer en disant que, même dans la marine, il y avait bien peu d'opéra-
teurs qui voulussent s'astreindre à dessiner des vues de côtes pour y
marquer les mesures angulaires assez multipliées que comportait le pro-
cédé de Beautemps-Beaupré, qui lavait pourtant pratiqué lui-même et
enseigné pendant un demi-siècle.
Quoi qu'il en soit, en 184(), à propos d'un voyage effectué en Abyssinie
par deux officiers d'état-major, MM. Galinier et Ferret, Beautemps-Beaupré,
alors membre de l'Académie des Sciences, se plaignit, d'une manière
générale, de ce que les itinéraires relevés par les voyageurs n'étaient
pas accompagnés de vues développées sous forme de panoramas, qui
préviendraient, disait-il avec grande raison, les erreurs si fréquentes occa-
sionnées par l'ignorance des guides, et qui pourraient être consultés utile-
ment dans tous les temps.
Arago, chargé du rapport sur les travaux d'exploration de MM. Galinier
et Ferret, mentionna cette recommandation expresse, et l'on pourrait
dire prophétique, de son confrère. Ce rapport fut publié sous forme de
notice dans V Annuaire du Bureau des longitudes pour 1846.
Vous vous souvenez que c'était précisément à cette date que j'exécu-
tais mes reconnaissances dans les Pyrénées, et vous ne serez pas surpris
que la lecture de la notice d' Arago m'ait beaucoup frappé.
Je commençai par me procurer le traité de Beautemps-Beaupré, et je
reconnus aussitôt le parti que l'on pouvait tirer de la méthode qui s'y
trouvait exposée en quelques lignes, mais de façon à ne laisser aucun
doute sur son efficacité. Je ne saurais mieux faire que de vous lire le
passage de cet ouvrage, qui en contient pour ainsi dire toute la philo-
sophie :
« Après avoir adopté, dit Beautemps-Beaupré, le cercle à réflexion
pour mesurer les distances angulaires des points remarquables des côtes,
et avoir reconnu la possibihté d'observer, au même instant, un très grand
nombre d'angles, je jugeai qu'il fallait encore chercher le moyen le plus
sûr et le plus facile de désigner les positions auxquelles appartenaient ces
220 GÉiNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
angles, soit qu'ils fussent pris d'une station à la mer ou d'une station à
terre.
» L'emploi des lettres de l'alphabet et des chiffres pour désigner les
objets qui n'avaient point encore de noms conduisait, il est vrai, au but
qu'il fallait s'efforcer d'atteindre ; mais, en se bornant à ce moyen, l'on
s'exposait à commettre des erreurs d'autant plus graves qu'il n'y avait
pas à espérer de vérification,
» Je crois avoir trouvé la manière (Véviter ces erreurs en faisant, a chaque
STATION, UNE VUE DE COTE OÙ uon Seulement on indique par des lettres
ou des chiffres les objets les plus remarquables, mais où l'on écrit les
mesures des angles observés, ainsi que les gisements des pointes relevées
les unes par les autres, l'estime des distances, etc.
» Cette manière d'opérer, que j'ai constamment suivie, m'a procuré
l'avantage d'avoir toujours sous les yeux, en construisant mes cartes, les
objets tels qu'ils s'étaient présentés lors des relèvements, et bien souvent
elle a servi à me faire reconnaître des erreurs qui s'étaient glissées dans
les observations (1) ».
L'ouvrage de Beautemps-Beaupré contient un grand nombre de planches
dont je me contenterai de vous montrer quelques spécimens pour les vues
développées en panoramas, sur lesquelles sont inscrits les angles mesurés,
mais je lui emprunterai aussi la carte de l'archipel de Santa-Cruz, levée
en quelques jours, en mai 1793, comparée, sur la même feuille, par l'au-
teur, avec celle qu'avait dressée le capitaine anglais Carteret, en 1768,
au moyen des relèvements à la boussole. On ne saurait, en effet, donner
une démonstration plus frappante de la supériorité de la nouvelle méthode
et des propriétés admirables des vues pittoresques, qui sont des témoins
irrécusables en même temps que des guides faciles à consulter.
Je n'avais guère besoin, pour ma part, d'être convaincu, et je parvien-
drais difficilement à exprimer la satisfaction que j'éprouvai en voyant
réalisée une idée qui m'avait traversé l'esprit, mais à laquelle je n'avais
pas encore donné toute l'attention nécessaire.
J'essayai aussitôt de l'appliquer en esquissant des croquis sur lesquels
j'inscrivais des angles mesurés ou évalués par un procédé analogue à
celui qu'emploient les artistes pour la mise en place des objets qu'ils ont
devant les yeux, et je me souviens d'avoir, en 1848, pris des vues, fort
médiocrement dessinées d'ailleurs, ici même, dans cette riante vallée
d'Ossau que nous devons parcourir la semaine prochaine.
Découragé, tout d'abord, par mon insuffisance artistique, je cherchai à
y suppléer en recourant à un instrument que j'avais heureusement eu
déjà entre les mains, la chambre claire de Wollaston. Un officier supé-
(1) Méthode pour la levée et la construction des caries et des plans hydrographiques. Imprimerie
impériale, 1808 et 18H.
A. LAUSSEDAT. APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS S'a!
rieur du génie, le commandant, depuis colonel Leblanc, pratiquait, à
cette éDoque, la méthode de Beautemps-Beaupré, qu'il enseigna môme à
l'École polytechnique, en 1848 ; mais il éprouvait les mêmes difficultés
que moi, et quand je lui montrai, en 1849 et I80O, les résultats que
j'obtenais avec la chambre claire, il m'encouragea beaucoup à les pour-
suivre, s'apercevant bien qu'il y avait là un puissant élément de succès
et de progrès.
Permettez-moi de vous dire qu'en elTet l'introduction d'un instrument
de dessin susceptible de précision transformait, tout d'un coup, la
méthode de Beautemps-Beaupré, en la rendant à la fois plus complète,
plus sûre et plus rigoureuse, et en dispensant l'opérateur de mesurer les
angles, en plus ou moins grand nombre.
Laissez-moi ajouter que la méthode 'photographique se trouvait vir-
tuellement créée, car il n'y a, au fond, aucune différence entre deux
perspectives prises, l'une avec la chambre claire et l'autre avec une
chambre obscure, dans des conditions géométriques identiques. La première
est nécessairement moins détaillée, moins complète, mais tout ce qu'on y
a figuré se retrouve à la même place sur l'autre. Les mesures que l'on
peut prendre sur chacune d'elles sont les mêmes, pour peu que le dessi-
nateur qui a employé la chambre claire ait opéré avec soin.
Je dois m'arrêter sur ce mot de mesures, car la nouveauté du procédé
que j'ai proposé le premier, comparé à celui de Beautemps-Beaupré, con-
siste précisément en ce qu'il n'y a plus d'angles à lire, à inscrire et plus
tard à rapporter sur les plans. Les angles ne se mesurent donc pas, à
proprement parler ; on les trace immédiatement, comme je le montrerai
tout à l'heure, et les constructions graphiques se trouvent ainsi à l'abri
de toutes les erreurs de lecture et de transcription.
Je devais présenter cette observation capitale, dès à présent, sauf à
fournir la preuve de ce que j'avance, en vous montrant les résultats
auxquels je suis parvenu depuis I80O, c'est-à-dire dès que j'eus apporté
à la construction et à la disposition de la chambre claire de Wollaston
les perfectionnements nécessaires pour la transformer en un instrument
de précision.
Les documents que j'ai réunis pour faciliter ma tâche, et qui vont être
projetés par M. Molteni (1), ont été classés, aussi méthodiquement que
possible, dans cinq catégories.
Tout d'abord, puisqu'il s'agissait de l'historique d'un art qui vient
après tant d'autres, auxquels il a recours, je devais commencer par rap-
peler les définitions relatives k celui qui vient en tête, je veux dire à la
perspective conique ou centrale, en me servant de figures élémentaires,
(I) Les dessins et les épreuves projetés par M . Molteni étaient au nombre de 90; nous ne pourrons
donner ici qu"un choix très limité des figures les plus essentielles à l'intelligence du texte.
GENIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
puis VOUS montrer les premiers appareils employés depuis le xvi^ siècle
l)Our mettre en perspective des personnages, des objets usuels, des monu-
ments et même des paysages ; viennent ensuite des exemples de construc-
tion, des perspectives de monuments à l'aide de plans et d'élévations,
d'après les règles déjà anciennes du trait perspectif; et voici aussitôt,
FiG. \. — Chambre claire de WoUaston perfectionnée.
inversement, le moyen de restituer, suivant les mêmes règles, des plans
d'édifices d'après leurs perspectives. Cet ensemble forme, en quelque
sorte, un chapitre préliminaire indispensable pour ceux qui ont besoin
d'être initiés, et je ne crois pas avoir abusé de leur patience en remettant
ces figures et ces dessins sous les yeux de ceux de mes auditeurs qui les
connaissaient déjà.
La seconde série de projections comprend les spécimens des travaux
A. LAUSSEDAT. APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 223
de Beaulemps-Beaupré et de quelques-uns de ses successeurs, c'est-à-dire
des vues de côtes dessinées à main levée et portant l'indication des angles
mesurés avec le cercle à réflexion (ou, si l'on opère à terre, avec le théo-
dolite) et, de plus, la carte de l'archipel de Santa-Cruz dressée, en 1793,
par Beaulemps-Beaupré, rapprochée de celle du même archipel dressée,
en 1768, par le navigateur anglais Carteret, compagnon de Wallis.
Vous vous souvenez de ce que j'ai déjà conclu de cette comparaison en
faveur de la méthode de Beau temps-Beaupré, et vous voyez que j'avais
raison (1).
Dans la troisième série, après la chambre claire de Wollaston perfec-
tionnée (fig. 1} (un petit niveau supprimé sur cette figure suffit pour lui
FiG. 2. — Perspective d'un édifice dessinée à la chambre claire.
Principe général de riconométrie.
donner le caractère et les propriétés d'un instrument de précision), je
vais mettre sous vos yeux quelques résultats fondamentaux sur lesquels
je ne saurais trop appeler votre attention.
Sur le tableau vertical de la figure 2, qui représente une vue du quar-
tier Panthemont, rue de Bellechasse, vous reconnaissez la ligne d'ho-
rizon LH et le point principal P de la perspective, le point de vue étant
en 0. La chambre claire qui se compose d'un prisme, dont deux des
faces produisent l'effet de miroirs à réflexion totale, ramène la vue sur
un tableau horizontal oîi il est aisé de la dessiner. La ligne d'horizon LH
(1) Nous regrettons beaucoup de ne pas pouvoir reproduire quelques vues de côtes et les deux
cartes de l'archipel de Santa-Cruz ; on les trouverait, au besoin, dans l'ouvrage de Beaulemps-
Beaupré.
224 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
et le point principal s'y déterminent rapidement, ainsi que la distance OP
du point de vue au tableau, et l'on a alors tous les élémenl.s géométriques
nécessaires pour obtenir, sur le dessin, les angles des rayons visuels réduits
à l'horizon et les hauteurs apparentes de chacun des points de la perspec-
tive. Pour tracer (et non mesurer) les premiers, il suffit de rabattre le
point de vue en 0,., de projeter les différents points que l'on veut
considérer sur la ligne d'horizon, et de joindre ces projections au
point 0,,.
La figure 3 est une réduction redressée, à l'échelle de 1/iO du dessin
exécuté avec la chambre claire dis-
posée au-dessus de la planchette, avec
une dislance du point de vue au ta-
bleau OP de 30 centimètres, distance
ordinaire de la vue distincte. En com-
parant les angles réduits à l'horizon
fi'O^b', rt'0,.c', etc., tracés, comme
ou vient de l'expliquer, avec ceux que
l'on mesurait directement au moyen
d'un cercle divisé et d'une alidade (on
s'est servi pour cela d'un excellent
instrument de la brigade topogra-
phiquej, les différences à peine sen-
sibles ont été de l'ordre des erreurs
de lecture. 11 en a été de même des
hauteurs apparentes.
Cette expérience était déjà très concluante, mais celle qui a été faite
en combinant deux perspectives, et qui est représentée sur la figure 4,
l'est encore davantage.
On y reconnaît aisément le plan de l'un des côtés du fort deVincennes
comprenant le donjon, construit au moyen de deux vues toujours des-
sinées à la chambre claire. La distance AB des deux points de vue ou
la base ayant été mesurée avec soin, les deux vues aa (1) et bb ont été
orientées très simplement et très sûrement au moyen des angles que la
direction de la base faisait alternativement avec celle d'un point remar-
quable du paysage, par exemple du paratonnerre du donjon (et ces deux
angles ont été eux-mêmes évalués, tracés à l'aide de la chambre claire).
D'un troisième point de vue C, on a pris également une vue ce dont la
ligne d'horizon seule est tracée sur la figure, et l'on a pu ainsi se pro-
curer des moyens de vérification. Mais cette épreuve a été superflue, car,
après avoir déterminé un grand nombre de points du plan par les inter-
(1) La vue aa est relevée en a'a' sur lu figure pour éviter la confusion qui résulterait de l'entre-
croisement des deux images.
p-,g_ 3. _ Redressement de la figure 2.
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 225
sections des rayons visuels projetés horizonlalement et correspondant
aux deux vues aa et bb, on a posé sur le dessin un calque du plan du
fort de Vincenues pris à la direction des fortifications et exécuté à la
;>-^
3
•a
c
o
e
o
a
c
a
3
a
bl,
même échelle par les méthodes dites rigoureuses, et l'on a constaté la
coïncidence exacte des points du calque et du dessin.
Ce dernier était donc tout aussi rigoureux que l'autre, et le problème
de la restitution des plans topographiques par des perspectives était défini-
tivement résolu. Cette expérience a été répétée avec le même succès, en
1850, sur l'un des fronts du mont Valérien (voir le Mémorial de l'officier
13*
226 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
du génie, n° 16, année 18o4) et, en 1831, en présence du rapporteur scien-
tifique du Comité des fortifications, M. le capitaine A\x génie Laurent,
sur l'un des fronts du fort de Bicêtre.
Je demande à tous les gens de bonne foi si j'ai le droit de croire que
ces résultats ouvraient une ère nouvelle à l'art des reconnaissances et
même à la topographie régulière, et j'invite ceux qui continueraient à
prétendre que la méthode généralement employée aujourd'hui en métro-
photographie n'a pas été inaugurée en France à apporter des preuves
aussi nettes que celles que je donne ici et qui sont puisées dans des
recueils imprimés dont les dates sont faciles à vérifier : Mémorial fn" 16j
de l'officier du génie, 1854 ; Comptes rendus de VAcadém^ie des Sciences,
1860; Magasin pittoresque, année 1861.
Tout ce que nous avons vu jusqu'à présent se rapporte à la planimé-
Irie, et j'ajoute, avant d'aller plus loin, que la méthode s'applique éga-
lement bien aux levers à grande ou à petite échelle.
Mais je ne m'en suis pas tenu là, et j'ai voulu voir si le nivellement
par courbes horizontales ne pourrait pas être effectué aussi facilement.
L'expérience a été faite, dès 18d1, en Angleterre, aux environs d'une
grande ville, et elle a pleinement réussi, comme on peut s'en rendre
compte sur le plan nivelé déduit des trois perspectives que je vous montre.
Je ne saurais trop insister, encore à ce propos, sur ce que les vues
géométriquement exactes sont des documents irrécusables qui permettent
de faire les vérifications que l'on désire en tout temps. Il y a quarante
ans passés que ces documents ont été recueillis ; eh bien, sauf les dégra-
dations des falaises par l'action des vagues et les nouveaux travaux d'art
qui ont pu être exécutés sur le terrain, il est certain que les vues, qui
sont la représentation fidèle de ce qui existait alors, ne s'éloignent guère
de ce qui existe encore aujourd'hui (1).
Beautemps-Beaupré n'avait pas eu à s'occuper du nivellement, et les
résultats que vous venez de voir sont les premiers de ce genre qui aient
été obtenus ; il doit donc encore m'être permis de dire qu'après avoir
donné la solution complète de la restitution des plans topographiques,
j'ai indiqué aussi le moyen le plus simple d'effectuer le nivellement à
l'aide des vues pittoresques, et je l'ai appliqué aussitôt, joignant l'exemple
au précepte, ce que négligent trop souvent ceux qui proposent des nou-
veautés, avant de s'être bien assurés qu'elles peuvent passer dans la pra-
tique et faire faire un véritable progrès à l'art qu'ils ont en vue.
Je ne quitterai pas la chambre claire avant d'avoir mis sous vos yeux
des spécimens de dessins agrandis qu'elle permet d'exécuter facilement
(1) Les difTérences que l'on constaterait pourraient, d'un autre coté, servir à en contrôler la date:
par exemple, la disparition de certains édifices, ]"état d'avancement de grands travaux publics ; et ce
cas se présente justement sur les vues dont il s'agit.
A. T.AUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 227
quand on l'associe à une lunette terrestre d'un grossissement convenable.
Voici d'abord l'appareil (fig. 5) et voici le sommet du donjon de Vin-
cennes dessiné en I80O (fig. 6), de l'une des stations d'où ont été prises
les vues de la figure 4, la station B, En comparant les deux figures, on
aura une idée des avantages que procure l'agrandissement de certains
détails, dont les dimensions réelles étant souvent connues peuvent servir
d'échelles ou de stadias pour évaluer les distances.
Nous avons fait un très grand usage de ce procédé pendant le siège de
Paris par les Allemands, et il nous a permis de relever avec beaucoup de
Fig.
Emploi combiné de la chambre claire et de la lunette terrestre.
précision les travaux d'attaque de l'ennemi, au fur et à mesure qu'il les
exécutait.
J'avais omis, comme dans d'autres cas, de donner un nom à cet appa-
reil, lorsqu'en 1868, il fut réinventé par une autre personne qui l'appela
Téléiconographe. Ce mot ne me plaisait pas plus que le procédé de Fau-
teur, et mon droit étant parfaitement établi par deux publications très
antérieures, le Mémorial de l'officier du génie de 18o4 et le Magasin pit-
toresque de 1861 (1) d'oîi est extraite la figure 6, je l'ai baptisé à mon
(1) Je saisis cette occasion pour remercier MM. Jouvet et C'°, éditeurs du Magasin pittoresque, d'avoir
bien voulu me prêter les clich^'S des figures 1, 2, i, 4 et 6 ; MM. Masson, éditeurs, et G. Tissandier,
directeur de lu Nature, de m'avoir prêté celui de la figure 5* et MM. Gauthier-Villars et fils, ceux des
ligures 7 et 8.
228 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
tour et il s'appelle plus justement et plus euphoniquement à la fois Télé-
métrographe.
Les vues dessinées au télémétrographe, par champs de lunette succes-
sifs, qui vont être projetées actuellement, proviennent de la collection de
celles qui ont été exécutées pendant le siège ; vous pouvez en constater le
très grand intérêt.
Vous savez, sans doute, qu'aujourd'hui la Tcléphotographie, d'abord
appliquée à l'étude des astres qu'elle continue à rendre si attrayante et si
fructueuse, a commencé à rendre des services analogurs à ceux qui sont
Fio. 6. — Donjon de Vincennes agrandi au moyen du tulémdtrographe.
dus au télémétrographe ; plusieurs officiers, entre autres MM. les com-
mandants Fribourg et Allotte de La Fiiye, en France, M. Paul Nadar aussi,
ont obtenu déjà de très remarquables résultats qui en font présager de
plus importants encore (1).
J'arrive à la quatrième série des projections qui se rapportent toutes à
la métrophotographie.
Avant de projeter les vues photographiées et les plans qu'elles ont
(1) Une merveilleuse épreuve du mont Blanc vu de Genève (70 kilomètres), obtenue par M. Bois-
sonaz. avec un téléobjectif de M. Dallmeyer, a éié récemment montrée et offerte par M. Janssen à la
Société française de photographie. M. Boissonaz a bien voulu, à ma demande, en offrir un exem-
plaire la galerie de photographie du Conservatoire des Arts et Métiers où elle est exposée depuis
quelques jours (Janvier i^po).
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 229
servi à construire par la méthode si simple que vous connaissez bien à
présent, je voudrais pouvoir vous montrer la première chambre obscure
très modeste, acquise sur les crédits du Comité des fortifications en 1832,
que j'avais munie de moyens de calage, d'un niveau et d'une petite bous-
sole et qui a servi de transition entre la chambre claire et les appareils
actuels beaucoup plus perfectionnés ; mais j'ignore ce qu'elle est devenue,
m'en étant séparé en I806. Tout ce que j'en puis dire, c'est qu'elle nous
a servi, à mon camarade, le capitaine Karth, depuis colonel, et à moi, à
faire de très utiles essais de restitution de plans, d'après des vues d'un
FiG. 7. — Chambre obscure photographique.
champ à la vérité fort restreint. Il fallait faire mieux, en profitant des
perfectionnements apportés à la construction des appareils, et surtout des
objectifs, et aux procédés photographiques. C'est ce à quoi je me suis
appliqué pendant plusieurs années.
Je franchis la période des tâtonnements pour arriver à la date de 1858,
où je pus entreprendre, chez l'excellent artiste Brunner, l'exécution du
projet de ce que j'appelais une chambre obscure photographique et que
les étrangers, venus beaucoup plus tard, ont appelé le théodolite photo-
graphique. Chambre obscure ou théodolite, je vous montre ce premier
modèle (fi g. 7).
Je ne crois pas avoir besoin de faire la nomenclature des organes géo-
230 GÉME CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
désiques, très reconnaissables sur la figure, ni d'indiquer la série des
opérations à faire pour la mise en station de celte chambre solide, de forme
invaîiable et à foyer constant. L'analogie de l'appareil avec un théodolite
m'en dispense. Je ne décrirai pas davantage les précautions prises pour
que la ligne d'horizon et le point principal pussent être immédiatement
tracés sur les épreuves, ni enfin le moyen très direct (retrouvé depuis
par d'autres) employé pour déterminer la distance focale. Je vous rappelle
que ce sont là les trois éléments essentiels qui m'ont servi, quand je
faisais usage des vues dessinées à la chambre claire et qu'il fallait simple-
ment retrouver sur les images photographiées, pour opérer de même. Le
Mémorial (n° 17) de l'officier du génie, qui parut tardivement, en 1864
(dix ans après le n° 16), contient d'ailleurs tous les détails que l'on pour-
rait désirer pour se rendre compte de ce qu'était cet appareil et du degré
de précision qu'il comportait. Les premiers résultats obtenus furent sou-
mis à l'Académie des Sciences en 1859, et le rapport de MM. Daussy et
Laugier fut des plus favorables et des plus concluants. (Comptes rendus
des séances de l'Académie des Sciences, 1860, t. L.)
Je vous montre actuellement un petit plan du village de Bue, près
Versailles, exécuté avec huit vues sur coUodion humide prises, en deux
ou trois heures, en mai 1861, devant les officiers de la division du génie
de la garde impériale. La réduction de ce plan à l'échelle de 1/2000 me
demanda deux jours et parut convaincre tout le monde, à cette époque,
de la simplicité et de l'efficacité de la méthode.
La métrophotographie ou, comme nous nous contentions de l'appeler,
l'application de la photographie au lever des plans, allait entrer dès lors
dans sa phase la plus active, je pourrais dire la plus brillante, dans le
corps du génie.
Après de nouvelles expériences faites par les officiers de la division de
la garde et dans les écoles régimentaires, peut-être même à l'École d'ap-
plication de Metz, le Comité des fortifications' chargeait, en 1863, M. le
capitaine Javary de poursuivre ces expériences sous son patronage et
sous ma direction.
Je vais faire défiler devant vous quelques spécimens des épreuves
prises par cet officier distingué dans les conditions de précision que vous
connaissez et rattachés à des triangulations ou à des cheminements, et, à
leur suite, les plans que ces épreuves ont servi à construire, presque tous,
l'échelle de 1/3000 et certaines reconnaissances à l'échelle de 10.000.
autour de Paris, dans les Alpes du Dauphiné et de la Savoie, aux envi-
rons de Toulon, en Alsace et dans les Vosges, enfin pendant le siège de
Paris. Certains auteurs étrangers sont portés à croire que nous nous van-
tons quand nous réclamons la priorité d'une invention dont l'utilité
s'affirme partout aujourd'hui. Je ne puis que répéter ce que j'ai dit plus
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 231
haut : que l'on nous apporte des travaux comme ceux que nous sommes
en état de montrer, avec leurs dates authentiques, comme le plan de
Bue, comme celui de Grenoble qui a été présenté en 1864 à l'Académie des
Sciences, comme celui de Faverges qui a figuré, pendant des mois, à
l'Exposition universelle de 1867, où il a été vu et étudié par tout le
monde, comme celui de Sainte-Marie-aux-^Mines, levé avant la guerre
nécessairement, et qui a été publié dans le Mémorial de l'officier du génie,
etc., et nous reconnaîtrons le droit de ceux qui les produiront. Mais
nous sommes, dès à présent, autorisés cà penser que cette démonstration
ne sera pas faite, car on ne la trouve nulle part dans les nombreuses
publications allemandes, anglaises, américaines, autrichiennes et italiennes
qui nous sont parvenues sur l'art nouveau dont il s'agit (1). La vérité,
qu'il faut bien reconnaître, en ce qui nous concerne, c'est que le Service
du génie, en dépit des expériences poursuivies avec un plein succès pen-
dant huit ans, de 1863 à 1871, par le capitaine Javary, s'est désintéressé,
sans qu'on en ait connu le motif, de cette méthode, fort maladroite-
ment, et précisément au moment où les Allemands, et un peu plus tard
les Italiens, s'en emparaient.
Alors, assez naturellement du reste, ceux qui s'avisaient de l'adopter,
tout en reconnaissant, pour la plupart, que nous étions pour quelque
chose, et même pour beaucoup, dans l'invention, ont conclu de cet abandon
de la méthode que nous n'avions pas su en tirer tout le parti dont elle
était susceptible. D'autres, mal renseignés ou moins scrupuleux, nous ont
tout simplement mis de côté et sont allés chercher des noms de savants
et d'inventeurs qui n'ont jamais essayé de résoudre le problème ou qui en
ont donné, après nous, des solutions inadmissibles dont ceux-là mêmes
qui les mettaient en avant se sont bien gardés de faire usage .
Aussi, quand deux de nos compatriotes, M. Gustave Le Bon et M. le
commandant Legros, ont publié des articles ou des ouvrages dans lesquels
ils nous rendaient justice, cela a surpris les uns et gêné les autres. Les
explications sont donc devenues nécessaires de ma part et je les ai don-
nées; je viens de les reproduire devant vous, et nous en sommes là. Mais
si j'ai énergiquement maintenu notre droit, je n'ai pas voulu non plus
méconnaître les efforts faits dans les autres pays et le mérite de ceux à
qui ils sont dus. J'ai donc cherché à me procurer les nombreuses publi-
cations faites à l'étranger (2), dans le but de rendre à chacun ce qui lui
(1) Cetartai'lé désigné sous un si grand nombre d'appellations «lue l'on n'a que 1 embarras du
choix : Photogrammelric, Bildinesskunst, photofjrapltische Messkuiist, Messhiid- Verfahren, en Allemagne
et en Autriche ; fololopografîa, en Italie. Nous nous sommes encore décid(iS à le baptiser nous-mème
et nous avons adopté le nom d'iconométrie, en général, et de métrophotorjmphie. quand les images sont
photographiées.
(2) J'ai été aidé, dans cette recherche, avec un rare dévouement, par M. le commandant Legros,
à qui j'adresse ici mes vifs remerciements. Le prince Roland Bonaparte m'a signalé, de son coté, un
traité publié au Canada sous le litre suivant : Photographie surveying, etc. By E. Deville, survejor
232 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
appartient, en même temps que de contribuer de nouveau, chez nous,
en les signalant à l'attention publique, à la propagande qui se fait partout,
en ce moment, en faveur de la photogi^aphie appliquée à l'art de lever les
plans.
Je vais faire projeter la série des appareils construits depuis 1865 jus-
qu'en 1892 en Allemagne, en Autriche et en Italie, et qui sont désignés
sous les noms de théodolites photographiques ou de photothéodolites.
Je les montre dans l'ordre où ils paraissent avoir été imaginés et réalisés.
Voici, en Allemagne, ceux de MM. Meydenbauer, Vogel, Jordan, Koppe;
en Autriche, ceux de M. Werner et de l'ingénieur en chef des chemins
de fer de l'État, M. Pollack.
Enfin, en Italie, celui de M, Paganini Pio, ingénieur géographe de
l'Institut géographique italien .
Je n'ai pas pu me procurer encore de spécimens un peu importants
des cartes ou des plans obtenus par les Allemands, soit chez eux, soit à
la suite de voyages d'exploration, comme ceux qu'ont exécutés M. Jordan
qui accompagnait Rohlf, en Lybie, en 1873-1874, M. Stolze, en Perse,
en 1878, etc. Voici, toutefois, des photographies prises dans le Harz et
quelques planches tirées de l'ouvrage de M. Koppe, publié en 1889, à
Weimar, et qui démontrent que notre méthode est employée chez nos
voisins exactement dans tous ses détails, en y ajoutant même un appareil
scientifique dont elle peut se dispenser. Voici maintenant un fragment
très intéressant de la carte des Alpes entreprise, depuis bientôt quinze
ans, sous la direction du général Ferrero, par M. Paganini Pio. Ce frag-
ment représente le massif le plus élevé des Alpes italiennes (// gran Para-
diso, dans les Alpes graïes), dont la cime atteint 4.061 mètres d'alti-
tude. La carte est exécutée à l'échelle de 1/50.000, avec des courbes de
niveau équidistantes de 50 mètres. Je vous montre, d'un autre côté, des
vues photographiées d'une netteté remarquable qui ont servi à la cons-
truction de cette carte, et je ne saurais trop applaudir à de tels résultats,
qui font beaucoup d'honneur au directeur de l'Institut géographique
italien, en même temps qu'à l'habile ingénieur qui les a obtenus.
Je ne peux pas vous montrer de spécimens des travaux de M. l'ingé-
nieur en chef Pollack ; mais il y a, au Champ de Mars, en ce moment
même, à l'Exposition universelle de photographie, des vues et des cartes
très intéressantes qui représentent encore des régions alpestres dans
gênerai of Canada, Ottawa, 1889, que j'ai fait récemment venir d'Amérique. M. Deville, dans sa pré-
face, présente un historique très exact du sujet et reconnaît expressément que j'ai été le premier à
donner, dans le Mémorial de l'officier du génie, un exposé complet de la méthode. « His work, dit-il
en parlant de mon mémoire, was sa complète Ihal liltle lias been added ta il siiice. » M. E. Deville vient
de m'envoyer quatorze feuilles d'uneadmirable carte à l'échelle de 1/40.000 de la région des Montagnes
Rocheuses traversée par le chemin de fer Pacifique-Canadien. Cette carte, sur laquelle le relief du
terrain, qui atteint 3. SOO mètres, est figuré par des sections horizontales de lOO p. en lOO p. (30°",5),
est entièrement construite à l'aide de photographies. (Janvier 1893). Avis aux sceptiques
A. LAUSSEDAT. APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 233
lesquelles tout autre procédé que celui du lever photographique présente-
rait des difïïcultés insurmontables et entraînerait de grandes pertes de
temps, sans permettre jamais d'atteindre à autant d'exactitude (l).
Les comphments que j'adresse ici à nos émules étrangers et auxquels,
j'en suis sûr, vous vous associerez, ne doivent pas vous faire oublier ce
que nous avons fait nous-mêmes, et, en particulier, les travaux de mon
excellent collaborateur M. le capitaine (aujourd'hui commandant) Javary,
qui, en huit ans, n'a pas levé moins de 72.000 hectares de terrain, la
plus grande partie à l'échelle de I/o. 000, avec des courbes de niveau à
l'équidistance de 5 mètres.
En ce qui concerne les instruments, si vous vous souvenez du premier
modèle de chambre obscure photographique qui a servi aux expériences
commencées en 1859 (fig. 7), et si vous pouviez le rapprocher, par la
pensée, de tous ceux qui sont venus après lui et que je vous ai montrés
en nommant leurs auteurs, vous reconnaîtriez la parfaite analogie qui
existe entre eux, au point de vue du choix et de la disposition générale
des organes qui accompagnent la chambre obscure. Assurément, il y a
des détails de construction fort différents, qui tiennent autant aux habi-
tudes des artistes qu'à la manière de voir des auteurs, mais il s'agit tou-
jours de photographies donnant des perspectives coniques sur tableaux
plans, et l'on n'y trouve ni perspectives projetées sur des surfaces sphé-
riques ou cylindriques, ni perspectives rayonnantes produisant des ana-
morphoses, comme celles qui ont été proposées par divers inventeurs et
que la pratique a toujours fait rejeter.
Vous avez sans doute remarqué plus particulièrement deux photothéodo-
lites dont l'axe optique de l'objectif peut être incliné au-desssus ou
au-dessous de l'horizon, celui de M. Koppe et celui de M. Paganini Pio.
Le premier est construit entièrement comme un instrument géodésique
universel, dans lequel la lunette centrale est remplacée par une chambre
obscure, et M. Koppe applique, en effet, les méthodes géodésiques les
plus élevées à toutes les mesures qu'il effectue avec les organes puissants
de son appareil et même celles qu'il prend sur ses photographies. Nous
n'avons eu et n'aurons jamais cette ambition de tout réunir dans le
même appareil, et nous considérons celui de M. Koppe comme trop délicat
pour devoir être recommandé.
Le second, celui de M. Paganini Pio, est de la même famille, quoique
d'une construction dilîérente. Tous les deux peuvent donner des photo-
graphies sur des tableaux inclinés à l'horizon, qui doivent être traités à
part, quand on en vient à construire les plans.
(1) Dans son remarquable ouvrage, M. E. Deville, en annonçant que la photographie était employée
au Canada, comme en Italie, à la construction de la carte des contrées accidentées, ajoutait mélanco-
liquement : « Jn France, where it originated, it lias been complelely abandoned, al leat ost£nsibily . »
234 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
Je ne veux vous signaler que cette particularité, qui n'existe pas dans
les autres photo théodolites, mais qui se présente, avec tous les appareils
que l'on peut avoir besoin exceptionnellement d'incliner. Tel est le cas,
par exemple, quand on fait de la photographie en ballon, et deux de nos
jeunes compatriotes, M. Arthur Batut d'abord, à la Bruguière (Tarn), et
M. Wenk, à Reims, l'ont rencontré, quand ils se sont avisés, très spiri-
tuellement, d'accrocher une chambre obscure à un cerf- volant, au moyen
duquel ils ont obtenu de très curieuses photographies à vol d'oiseau. J'ai
donné, pour la transformation de ces vues sur tableaux plans inclinés,
une solution purement géométrique, facile à appliquer et qui peut beau-
FiG. 8. — Pholothéodolite.
coup aider à faire concourir de telles vues h des reconnaissances rapides,
notamment en campagne.
Je vais vous montrer quelques belles photographies prises en ballon, et
d'autres à l'aide du cerf-volant, en commençant par celle qui a été obtenue
la première, en 1858, par Nadar, dont beaucoup d'autres, et son fils
Paul en particulier, ont perpétué la tradition en France. Je suis bien
obligé de vous faire remarquer que ce sont des Français qui, encore dans
ces de-ux cas, ont été les initiateurs.
Pour en finir avec les instruments, je mets sous vos yeux le dernier
modèle que j'ai fait construire et qui ne diffère pas essentiellement du
premier, mais dans lequel cependant j'ai mis à profit l'expérience de
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 235
M. Javary, les grands perfectionnements apportés à la construction des
objectifs et les avantages qu'offre l'emploi de l'aluminium (fiy. 8).
Vous pouvez remarquer que les organes géodésiques de cet appareil
sont exactement les mêmes que ceux du premier que je vous ai montré
par projection (fîg. 7) et qui date de trente-cinq ans.
Au lieu de donner un mouvement de bascule à la chambre obscure, ce
qui conduit à avoir des perspectives sur tableaux inclinés, vous voyez
que j'ai adopté la glissière verticale qui permet d'élever ou d'abaisser
l'axe optique de l'objectif, et de découvrir, dans un sens ou dans l'autre, le
terrain qui n'était pas compris dans le champ normal. Ce dispositif, très
répandu aujourd'hui, en particulier pour le cas où l'on est obligé de se
rapprocher d'un édifice, a été employé depuis longtemps par M. Javary.
C'est aussi cet officier qui m'a donné l'idée de séparer, au besoin, la
chambre obscure des organes géodésiques pour faire servir ces derniers
à la triangulation préalable, sans emporter un poids mort inutile.
Enfin, l'emploi de l'aluminium, en allégeant l'appareil, m'a permis de
supprimer le contrepoids que j'avais été obligé de placer sur le côté opposé
de la chambre, et que vous avez remarqué sans doute aussi sur le très
bel instrument de M. Pollack. J'ai pu me contenter, en effet, pour équi-
librer le système, d'un déclinatoire analogue à ceux qui font partie du
tachéomètre, et l'on en peut faire le même usage.
Enfin, et ce point vaut la peine d'être expliqué, certains étrangers nous
ont reproché d'avoir employé des objectifs d'un champ trop limité, et ont
été jusqu'à se faire un mérite d'avoir adopté ceux qui en donnaient
un plus considérable. J'ai déjà répondu ailleurs à cette mauvaise chicane,
en faisant remarquer que, si nous n'avions pas employé tout d'abord des
objectifs grands angulaires, c'était tout simplement parce qu'ils n'étaient
pas inventés. Loin de nous pouvoir faire un reproche de cet inconvé-
nient, on aurait dû réfléchir que c'était la meilleure preuve de l'anté-
riorité de nos travaux.
Quant aux si grands avantages que l'on prétend trouver à l'accrois-
sement indéfini du champ de l'objectif, il faut beaucoup en rabattre
dans la pratique, et il me serait facile, si nous en avions le temps, de
vous montrer que les champs de 90° et de 120° sont inadmissibles et
gênants. C'est aussi l'un des motifs, et non le seul, qui ont fait échouer
les appareils panoramiques. Il va sans dire que nous nous sommes
toujours tenus au courant des progrès de la construction des objectifs,
et M. Javary a employé, au fur et à mesure de leur apparition, les
meilleurs que l'on connaissait. Seulement, nous n'avons jamais voulu
dépasser l'amplitude de 45° pour la facilité de nos constructions.
Je ne crois pas avoir besoin d'insister sur les détails d'exécution de cet
appareil facilement démontable et décomposable qui, sans présenter les
236 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION
inconvénients du soufflet, peut se réduire à un assez petit volume. J'ai
dit, un peu plus haut, qu'une part du mérite des appareils nouveaux
désignés sous le nom général de photothéodolites revenait aux construc-
teurs Braun, Reineike, Stegemann, etc., de Berhn ; Salmoiraghi, de
Milan ; Lechner, R.-A, Goldmann, de Vienne, etc.
Je me fais un devoir, de mon côté, après avoir rappelé que le premier
modèle dont j'ai fait le projet a été exécuté par l'habile artiste Brunner, de
reconnaître que celui que vous voyez, et qui joint l'élégance à la soli-
dité, a été construit à Paris, chez MM. Ducretet et Lejeune, dont la col-
laboration m'a été très précieuse.
Tel qu'il est, notre photothéodolite peut être mis entre les mains de
presque tous les opérateurs, mais nous chercherons encore à réaliser un
modèle un peu moins volumineux et moins coûteux pour les explorateurs
qui ne peuvent pas trop alléger leur bagage (1). Je ne saurais résister à la
tentation d'exprimer le regret qu'un grand nombre de voyageurs scienti-
fiques négligent de se munir, comme l'a fait si ingénieusement M. Le Bon,
de quelques accessoires essentiels pour mettre leurs appareils en station,
de manière à se procurer, sur leurs épreuves, indépendamment de la dis-
tance focale de l'appareil, déterminée une fois pour toutes, le tracé de la
ligne d'horizon et celui du point principal, enfin l'orientation de chacune
de ces épreuves relativement aux lignes de cheminement que tous ceux
qui prétendent à la qualification de géographes ne manquent pas de
relever pour tracer leur itinéraire (2).
Je m'arrête, sans avoir la prétention d'avoir entièrement atteint mon
but et développé ma thèse, mais avec l'espoir de vous avoir ébranlés
et peut-être convaincus.
Je terminerai par la cinquième série de projections que je vous ai
annoncées et qui vous dédommageront de l'aridité de la plus grande partie
de cette conférence. Cette série s'adresse plus particulièrement aux ingé-
nieurs et aux géologues, et elle fait suite, pour ainsi dire, à celles que
M. Trutat vous a si bien expliquées hier, en vous parlant des Pyrénées.
Voici d'abord un certain nombre de vues prises dans toutes les parties
des Alpes, françaises, suisses, italiennes et autrichiennes, de 18o8 à 1868,
par M. A. Civiale, qui est à la fois un ingénieur, un géologue et un géo-
graphe, et dont l'œuvre considérable exécutée à ses frais et dans des condi-
tions beaucoup moins favorables qu'aujourd'hui, est remarquable à tous
(1) Nos habiles et courageux explorateurs du continent africain sont les meilleurs guides à suivre
dans le choix du format a adopter. M. Marcel IVlonnier, de la mission Binger, qui a rapporté des
centaines de vues saillantes, s'est servi de plaques 9-13 qui ont été amplifiées sans aucune é-formalion
et sur lesquelles on opérerait alors presque aussi rigoureusement que sur des originaux de plus grand
format.
(2) Le nombre des photographies rapportées, depuis quelques années, par les explorateurs, est
pour ainsi dire incalculable; ne voit-on pas combien il serait précieux, pour la cartographie, de
donner à ces documents le caractère de registre d'angles que Beautemps-Beaupré avait si bien
pressenti ?
A. LAUSSEDAT. — APPLICATION DE LA PHOTOGRAPHIE AU LEVER DES PLANS 237
les titres. Vous pouvez voir que les photographies qu'il obtenait sur papier
ciré sec ne le cèdent en rien aux plus belles de celles qu'obtiennent
actuellement les Italiens ou de celles que vous a montrées M. Trutat.
Voici maintenant les magnifiques photographies exécutées en Amérique
sous la direction du major Powell, dans les Montagnes Rocheuses, dans
le Colorado, dans le Yellow-Stone, et qui sont destinées à accompagner la
carte topographique et géologique des États-Unis. J'ai pris la liberté, en
passant à Washington, en 1886, de recommander au major Powell, qui
est l'un des hommes les plus dévoués à la science que je connaisse, de
donner aux photographies, qu'il continue à faire exécuter, le sacrement
qui les transformerait si facilement en éléments de mesure.
D ne me reste plus, mes chers collègues, qu'à m'excuser de la longueur
de cette communication et à vous remercier de votre patiente et bienveil-
lante attention (1).
Depuis que cette conférence a été publiée dans la Revue scientifique, j'ai reçu, par
Tentremise de mon collègue, M. É. Levasseur, une notice extraite du Questionnaire du
premier Congrès géographique italien dont l'auteur est l'ingénieur Paganini Pio. Après
avoir rendu compte des travaux de photographie entrepris en Italie et des siens en parti-
culier, enfin du jugement porté sur eux par les étrangers, M. Paganini Pio se plaint de
ce que les Français semblent les ignorer, le commandant Laussedat excepté. Mais si mes
éloges le touchent sans l'étonner, il n'en est pas de même de mes prétentions à la prio-
rité et il met en doute ce que j'ai dit dans le Paris-Photographe de son compatriote
Porro, qui aurait connu mes travaux avant de songer à appliquer la photographie au
lever des plans.
J'ai une réponse bien simple à faire à cette suspicion de ma bonne foi. Porro était à
Paris en 1854, quand mon mémoire très détaillé sur la méthode générale de la transfor-
mation des perspectives a été publié. Je pourrais ajouter que je le voyais fréquemment
et que j'ai eu l'occasion de lui rendre un sei'vice signalé ; mais M. Paganini Pio n'est pas
obligé de croire cette dernière affirmation et je ne dois invoquer que la date irrécusable
de 1854. Or, c'est à celle de 1855 seulement que les panégyristes de Porro font remonter
(1) Je recevais, tout récemment, d'un commissionnaire en librairie de Francfort, un nouvel
ouvrage sur la photogrammétrie la) de ^f. Franz SchifTner, professeur à l'École royale de niar.ne
de Pola, intitulé: Die photographische Messkuiist, et édité en 1S02 à Halle, très documenté et très
intéressant, malgré quelques vieilles redites empruntées à des brochures sans consistance (dont
quelques-unes avaient même le caractère de réclame) et quelques inadvertances qui disparaitront
sans doute dans une nouvelle édition.
Dans une sorte de posl-scriptum, l'auteur, après avoir considéré l'apparition des livres que
.M. Le Bon et le commandant Legros ont publiés dans ces derniers temps, comme une sorte de
renaissance de la métropholographie en France, dit qu'il ressortirait de ce qu'ils exposent, à
propos de l'iovenlion de cet art, qu'elle n'appartiendrait pas à M. Meydenbauer, comme on est
disposé à le croire en Allemagne (à quelques importantes exceptions près, aurait-il pu ajouter),
mais à .M. Laussedat. Il rappelle aussi que j'ai établi moi-même mon droit ae priorité dans le
Paris-Photo gniplie de P. Nadar, et il termine en disant qu'il appartient à M. .Meydenbauer de s'ex-
pliquer à son tour.
Ou je me trompe fort, ou l'habile directeur-fondateur de l'Institut photogrammétrique de Berlin,
dont le mérite, indépendant de la qualité de découvreur, ne parait contesté par personne, ne
cherchera pas à me contredire, pour peu qu'il prenne la peine de consulter les publications
imprimées que j'ai citées et que l'on doit trouver à Berlin. (Xote postérieure à la conférence.)
l'ai II e\iste déjà luute une bibliographie consacrée au uuuvtl art : en allemand, en anglais, en français et en
itaben. j
238 PHYSIQUE
ses premières études sur une chambre obscure sphérique dont ils ne se sont pas avisés de
se servir, préférant recourir à la chambre obscure topographique dont j'ai donné le pre-
mier modèle et aux photographies sur tableaux plans, comme l'ont fait tous ceux qui ont
entrepris des opérations sérieuses, M. Paganini Pio comme les autres. L'habile ingénieur
a terminé sa notice en rappelant qu'il a appartenu à la marine royale et que, pendant
deux ans (1874-1875), il a été chargé, à bord du pyroscaphe Tripoli, des vues et descrip-
tions de côtes, phares et sémaphores, destinées à la construction des cartes marines et des
portulans. Il part de là, en se récriant sur la difficulté de bien dessiner les vues, pour
conseiller d'utiliser la photographie qui fournira des vues exactes et servira à résoudre
les problèmes qui intéressent l'hydrographie.
Il me semblait impossible, en lisant ce passage, que M. Paganini Pio ne connût pas
l'ouvrage de Beauteraps-Beaupré et qu'il pût hésiter à admettre les titres de notre pays à
l'invention fondamentale, même alors qu'il fit des difficultés en ce qui me concerne. Je me
disposais donc simplement à lui faire connaître les essais de l'amiral ]\Iiot, en 1863, pour
appliquer la photographie à la reconnaissance des côtes, en le renvoyant au fac-similé de
la vue photographiée de l'une des Bei-mudes que j'ai publié dans le compte rendu de ma
conférence du 28 février dernier (1).
Mais ma surprise a été grande, en découvrant, dans un article du même auteur, intitulé
la Fototopografia in Italia, inséré dans la Bivista maritima de juin 1889 (Roma, Tipo-
grafia del Senato), le passage suivant qui fait rêver :
(Il vient de citer après moi beaucoup d'autres personnes qui se sont plus ou moins
occupées de la question.)
« Beautetnps-Beaupré ed altri aumentarono la pléiade di distinti Francesi che irat-
tarono di fototopografia. »
En vérité, il faut tirer l'échelle, car si l'intention est bonne, et l'on n'en saurait douter,
que doit-on pensar de l'érudition de l'ingénieur hydrographe et photo topographe qui
écrit ainsi l'histoire?
M. Pierre LE SAGE
Docteur es sciences. Préparateur à la Faculté des Sciences de Rennes.
ÉVAPORATION COMPARÉE DES SOLUTIONS DE NaCl, DE KCl ET DE L'EAU PURE
— Séance du il septembre 1892. —
Depuis quelque temps, j'étudie l'influence, sur les plantes, de certains
sels dont je cherche à connaître autant que possible les diverses propriétés.
C'est ainsi que j'ai été amené à me demander comment se conduisent,
au point de vue de l'évaporation, les solutions de KCl et de NaCl que
j'emploie en arrosages ou dans les liqueurs qui servent de substratum
(i) Annales du Comei-vatoire des Arts el Métiers (2°'^ série, tome IV. Paris, Gauthier-Villars et fils,
1892J.
p. LESAGE. — ÉVAPORATIOX DES èOLUTIONS DE NaCl ET KCl 239
aux végétaux que je cultive. J'ai dû faire plusieurs expériences où je met-
tais à évaporer, dans les mêmes conditions, de l'eau pure et des solutions
des deux sels, prises à la même concentration, le plus souvent à 2,o 0/0.
Des différences très appréciables se faisant attendre, j'ai eu recours à des
solutions plus concentrées de KaCl, l'une à 10 0/0, l'autre à 20 0/0,
dont j'ai suivi l'évaporation parallèlement à celle de l'eau pure dans des
cristallisoirs de mêmes dimensions. Je n'ai pas tardé à observer des diffé-
rences notables. J'ai donc suivi attentivement les expériences déjà instal-
lées ainsi que d'autres destinées à vérifier les premières. Je désire présenter
les résultats généraux qui découlent de ces nombreuses expériences.
Pour cela, étudions les deux séries d'expériences qui rendent le mieux
ces résultats.
La première comprend trois cristallisoirs de 7o millimètres de diamètre,
3o millimètres de hauteur, bien calibrés et contenant au début 110 cen-
timètres cubes d'eau pure, de solution à 10 0/0 ou à 20 0/0 de NaCl.
Ces cristallisoirs ont été placés les uns à côté des autres, dans une salle
fermée où je ne pénétrais que pour faire les observations, vers 6 heures
du soir ; les conditions de température et d'humidité de l'air restaient les
mêmes pour les trois termes de comparaison. J'ai mesuré, tous les deux
jours, les hauteurs des liquides au moyen d'une bande de papier divisée
en demi-millimètres et collée au préalable verticalement sur chaque cris-
tallisoir ; je pouvais ainsi apprécier des différences à un quart de milli-
mètre près. Je dois dire, à ce sujet, que les observations répétées, nom-
breuses, suppléent suffisamment aux légères erreurs de chacune dans la
suite d'un phénomène qui ne se produit que lentement et dont, en
somme, je ne désire posséder que l'allure générale. En retranchant de la
hauteur primitive la hauteur observée, j'avais la hauteur d'eau évaporée
depuis le commencement de l'expérience jusqu'au jour de l'observation ;
les nombres ainsi obtenus, multipliés par 4 pour rendre le dessin plus
clair, ont fourni les ordonnées de la figure 1, les abscisses mesurant les
temps avec le jour pour unité. Un thermomètre placé au voisinage me
permettait de relever les températures. Pendant les vingt-trois jours que
dura l'expérience, le maximum de température a été de 26 degrés et noté
le dixième jour ; le minimum, de 19 degrés, a été noté le deuxième jour.
La figure 1 indique ces températures; j'ai réduit le nombre de jours pour
ne pas comphquer inutilement celte figure et, d'ailleurs, sans altérer
l'allure générale du phénomène.
On voit que l'eau pure (courbe C) s'évapore plus rapidement que les
solutions salines et que, de celles-ci, la solution contenant, au début,
10 0/0 de NaCl (B), laisse évaporer, toutes conditions égales d'ailleurs,
plus d'eau que celle qui renfermait 20 0/0 de NaCl (A). La tempéra-
ture, en s'élevant, augmente l'évaporation ainsi que le montre surtout la
240 PHYSIQUE
ligne OC qui devrait être droite, à température constante, puisqu'elle
appartient k l'eau pure, et dont les inflexions correspondent assez bien
aux variations de cette température. Ceci ne modifie pas suffisamment la
marche de l'expérience pour masquer les différences essentielles.
Par suite de l'évaporation, les solutions salines se concentrent de plus
en plus ; celle qui contenait 20 0/0 de NaCl arrive bientôt à saturation
et du sel se dépose. La même chose se produit vers le quinzième jour
pour la dissolution contenant 10 0/0 de NaCl au commencement de
l'expérience. La courbe B, à partir de cette époque, tend à devenir parai-
' '
18' tO 'AO ?'ti Ht»
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29
F.ff.l.
F.
'S-
lèle à A. Le sel, en grimpant le long des parois des cristallisoirs, ne me
permit plus de mesurer exactement la quantité d'eau évaporée; mais le
résultat obtenu était suffisamment net.
Un autre point est établi par la seconde série d'expériences. J'avais pris
la même disposition que précédemment et les cristallisoirs avaient reçu
100 centimètres cubes des hqueurs : eau pure, solution de KCl à 2,5 0/0,
solution de NaCl à 2,5 0/0. Les observations, faites comme dans le pre-
mier cas, sont traduites par les courbes représentées dans la figure 2 où
l'échelle est la même que celle de la figure 1 ; ces courbes appartiennent :
A. au NaCl ; B, au KCl et C, à l'eau pure.
Tout en respectant l'allure générale, mais pour ne pas embrouiller la
p. LESAGE. — ÉVAPORATION DES SOLUTIONS DE NaCl ET KCl 241
figure, j'ai pris seulement les observations de six en six jours. La tem-
pérature a varié pendant l'expérience de 17 à 24 degrés; le minimum
correspondant au huitième jour, le maximum au dix-huitième. Les
nombres inscrits en haut de la figure donnent les températures. J'ai dû
m'arrêter après vingt-quatre jours parce que, au voisinage du fond, le
cristallisoir contenant l'eau pure ne permettait plus des observations assez
rigoureuses. Après ce temps, les solutions salines avaient une concentra-
tion d'environ 9 0/0 pour le NaCl et 11 0/0 pour le KCl. C'est ce qui
explique sur la figure 2 les faibles déviations qui, pour l'eau pure et le
NaCl, sont de l'ordre do^ celles que présente la figure 1 tout à fait au début.
On reconnaît encore la prédominance de l'évaporation de l'eau pure
sur celle des solutions salines. Mais, en plus, la solution du KCl s'évapore
plus rapidement que celle du NaCl.
Ce dernier point est encore appuyé par une autre expérience faite avec
les mêmes solutions mises à évaporer, pendant quatre mois, dans des
éprouvettes à pied de 2o millimètres de diamètre, loO millimètres de hau-
teur et graduées comme les cristallisoirs. Après ce temps, les hauteurs
d'eau évaporée diffèrent de 5 millimètres et la plus grande est celle du KCl.
En résumé, toutes choses égales d'ailleurs et dans les limites de mes
expériences :
1° U eau pure s'évapore plus rapidement que les .solutions de KCl et de NaCl;
4° Les dissolutions de KCl ont, à même concentration, une vitesse d'éva-
poration plus grande que celles de NaCl.
Ces résultats sont confirmés par l'étude des tensions de vapeur des
solutions salines. En effet, d'après les expériences de Babo et de Wûllner,
on sait « que la tension de la vapeur dégagée par une dissolution saline
est inférieure à la tension de la vapeur d'eau, à température égale » (1).
Dans les tableaux que fournit Wtillner (2) et où il donne la diminution
de tension de vapeur sur celle de l'eau pure, des dissolutions de KCl et
de NaCI, à la même température et pour des concentrations égales, on
trouve d'une façon continue des nombres plus élevés pour le NaCl que
pour le KCl. Ceci veut dire que la tension de vapeur des solutions de
NaCl est plus faible que celle des solutions de KCl, à température égale et
pour les mêmes concentrations.
Ces données permettaient de prévoir ce que j'ai tiré de mes expériences.
Cependant j'ai cru utile de faire ces expériences dont les résultats de-
vaient être suffisamment vérifiés pour m'autoriser à les appliquer aux
recherches que j'ai entreprises. C'est encore ce qui m'engage à les publier.
(i) Cours de physique de Jamin, 4" édilion, t. II, p. 231.
(2) WÙLLNER, Versuche uber die Spunnkraft des W'asserdampfes ans ivhserhjen Salzlôsungen. (Ann.
de l'orjgendorjf, 1S58, l. CIII, p. 3^2 et 543.)
16*
242
PHYSIQUE
M. IZAElî
Professeur au Lycée de Clermoat-Ferrand.
MODIFICATION DE L'APPAREIL A EXCENTRIQUES DE LISSAJOUS POUR LA COMPOSITION
DE DEUX MOUVEMENTS VIBRATOIRES RECTANGULAIRES
— Séance du n septembre 1892 —
L" appareil classique en question ne permet que la composition des Vi-
brations de même période. Par l'emploi des profils sinusoïdaux, je l'ai
transformé de façon à le faire servir à la démonstration générale.
A et B, disques à profil sinusoïdal du même nombre de dents, montés
sur le même axe qu'une manivelle met en rotation. A est fixé sur l'axe
définitivement, B peut recevoir des positions variables grâce au bouton
de serrage S circulant dans la rigole circulaire R. On fait ainsi varier la
phase à volonté.
Les lentilles sont attachées aux extrémités des bras D et D' mobiles au-
tour de G et C, la ligne ce' passant par l'axe de rotation. Ces bras por-
tent chacun un galet qui appuie constamment sur le profil correspondant,
IZARN. — MÉCANISME DES ONDES STATIONN AIRES 243
grâce à des caoutchoucs ou à des ressorts à boudin que l'on tend plus
ou moins, au moyen des clefs F F', afin d'empêcher tout sautillement.
Ces galets sont distants des points C et C d'une quantité égale au rayon
des disques.
Au système des disques AB on peut très rapidement substituer un
autre système, dans lequel les nombres de dents soient dans les rap-
ports 1/2, 1/3, 2/3, 3/4, ..., etc., et obtenir ainsi toutes les figures
connues. Il suffît pour cela de retirer les deux clefs, de rabattre en dehors
les deux bras et de soulever deux petits tourniquets qui appuient sur
l'axe en avant et en arrière. La même manivelle sert pour tous les couples
de disques.
Les disques étant assez grands, on peut obtenir un déplacement suffi-
sant des centres des lentilles, tout en ne donnant aux dents du profil
qu'une très faible profondeur, et atténuer ainsi, autant qu'on le désire,
la résistance au mouvement.
M. IZAEIf
Professeur au Lycée de Clermont-Ferraiid.
APPAREIL DÉMONTRANT LE MÉCANISME DES ONDES STATIONNAIRES
— Séance du •/? septembre 1892 —
Cet appareil est destiné à rendre tangible le mécanisme des ondes
statiounaires aux personnes peu familières avec l'interférence des ondes
lumineuses, et à leur permettre en particulier de se rendre compte du
procédé de M. Lippmann pour la photographie des couleurs. Il peut
servir naturellement aussi à faciliter la compréhension du même phéno-
mène en acoustique, et il montre d'une façon frappante les alternatives
de condensation et de dilatation aux points nodaux.
Voici le schéma du dispositif adopté :
Deux règles A, B, ù profil sinusoïdal (I), peuvent se déplacer dans le
sens de leur longueur, et le mouvement de l'une, A, en avant (rayon
direct), entraîne, par un mécanisme quelconque facile à concevoir, celui
de l'autre, B, en arrière (rayon réfléchi).
2ii PHYSIQUE
Contre les profils de ces règles s'appuient constamment, grâce à des res-
sorts (non figurés), des couples équidislants et aussi nombreux qu'on le
voudra et que le comportent les longueurs des règles, de petites ba-
guettes rr à roulettes. On a représenté seulement deux de ces couples
dans la figure I.
La figure Ip, qui est une coupe passant par la ligne MM', montre que
o
c
les extrémités antérieures des deux baguettes d'un même couple servent
d'attache aux deux sommets opposés d'un parallélogramme articulé, dont
les deux autres sommets, munis d'anneaux a, a', laissent passer libre-
ment une tige armée d'une boule P, tige qui, se recourbant en dessous,
peut glisser dans une gaine g.
La figure Ij„ représente le même couple lorsque les deux règles occu-
pent les positions relatives qu'indiquent les lignes poinlillées, et elle rend
visible que, quelles que soient ces positions relatives, la boule B doit
CH. FÉRY. — SUR UN NOUVEAU RÉFRACTOMÈTUE 245
rester immobile, le mouvement n'ayant pour effet que de déformer le
parallélogramme ; les baguettes s'avancent toujours en effet l'une vers
l'autre ou s'écartent l'une de l'autre de la même quantité en même temps.
Les figures L et I^,, se rapportent à ce qui se produit pour un couple
de baguettes situé à une distance du précédent égale à un quart de lon-
gueur d'ondulation, et représentent une coupe faite suivant la ligne KK'.
Ici on voit que le mouvement, au lieu de déterminer la déformation du
parallélogramme correspondant, se borne à le transporter latéralement à
droite et à gauche alternativement, la tige de la boule Q glissant alors
dans la gaine g.
Ces explications sont suffisantes pour établir que, par le fait de la com-
binaison des mouvements inverses des deux règles, les boules (qui repré-
sentent les molécules d'éther) seront alternativement toujours en repos
ou toujours en oscillation (nœuds et ventres fixes).
En déplaçant originairement l'une des règles par rapport à l'autre
d'une quantité quelconque, on observe l'effet produit par un changement
quelconque de la phase, par exemple celui d'une demi-longueur d'onde
qui accompagne le phénomène de la réflexion.
Dans l'appareil réel, les règles sont remplacées par deux rubans d'acier
sans fin, mis en mouvement par une manivelle et un engrenage conique, ce
qui permet, au lieu d'un mouvement intermittent, d'obtenir un mou-
vement continu, comme si les deux règles ci-dessus étaient indéfiniment
prolongées.
M. Ch. TÉRT
Préparateur à l'École municipale de Physique et de Cliimie, à Paris,
SUR UN NOUVEAU REFRACTOMETRE
— Séance du 19 leptemln-e 1892 —
I, — On a signalé depuis longtemps l'importance de la détermination
des indices de réfraction des corps et en particulier des liquides; l'indice
est en effet une caractéristique de la matière au môme titre que la densité,
le pouvoir rotatoire, etc., etc.
Dans ces dernières années, l'attention des chimistes s'est portée plus
■^46 PHYSIQUE
particulièrement de ce côté, et Gladstone, Date, Landolt, Wiillner, Haagen
et d'autres savants sont arrivés à des lois simples permettant de faire,
au moyen des indices, une véritable analyse optique des composés
organiques.
A un point de vue moins élevé, mais très intéressant également, la
détermination de cet élément peut, dans un grand nombre de cas, donner
des indications précieuses sur la pureté des corps et déceler les falsifica-
tions auxquelles un grand nombre de produits commerciaux sont soumis.
Si Ton considère que, pour une même substance, les corps frauduleux
sont généralement connus et peu nombreux, on peut, jusqu'à un certain
point, apprécier la quantité du falsifiant.
Enfin, le chimiste trouvera dans la détermination des indices, un pro-
cédé rapide de dosage des solutions au moyen de tables dressées dans ce
but; la détermination do l'indice est en effet plus rapide, plus exacte et
demande beaucoup moins de liquide que la mesure de la densité.
Diverses opérations industrielles pourront aussi être conduites sûre-
ment par des mesures successives de l'indice, l'achèvement d'une réac-
tion étant indiqué par une variation brusque dans la réfraction du liquide,
ainsi que l'auteur a pu le constater.
Il est certain que, pour ces divers emplois, il ne faut pas songer à la
méthode classique du prisme à liquides et du goniomètre, trop longue et
d'un maniement assez délicat.
Aussi plusieurs appareils d'un emploi plus facile ont-ils été imaginés ;
mais bien que la plupart reposent sur des principes très ingénieux, aucun
ne remplit encore les conditions multiples exigées. Un tel appareil doit
en effet être rapide, sensible, ne nécessiter l'application d'aucune formule,
et surtout ne demander aucun réglage ni manipulation délicate influant
sur l'exactitude du résultat; enfin ce résultat doit être exprimé en indices,
sin i
c'est-à-dire donner par une simple lecture le rapport - — , seul comparable
aux chiffres obtenus par d'autres expérimentateurs.
C'est cette lacune que j'ai cru combler en imaginant l'appareil que je
vais décrire.
II. — Le principe sur lequel repose mon appareil est très simple : il
consiste à annuler par un prisme solide d'angle variable et d'indice cons-
tant, la déviation imprimée à un rayon lumineux par un prisme creux
d'angle fixe rempli du liquide dont on veut déterminer l'indice.
L'angle que devra avoir le prisme solide permettra d'évaluer l'indice
inconnu du corps à étudier.
En effet, si nous prenons des angles prismatiques assez petits pour que
la formule approchée i
. . . - r=z n
r
247
CII. FERY. — SUR U\ NOUVEAU REFRACTOMETRE
soit applicable, quand un rayon ayant traversé l'ensemble des deux prismes
sortira parallèle à sa direction d'incidence, nous pourrons écrire :
[n
l)a = (x-i)-
(1)
égalité dans laquelle n est l'indice du prisme à angle variable, -3- l'angle
du prisme à liquide, ce qui permet de tirer x — i; x étant l'indice du
liquide inconnu, connaissant l'angle a du prisme variable.
Ce dernier prisme est constitué par
une bande de verre découpée radiale-
ment dans une lentille; dans une telle
lame l'angle varie d'une manière conti-
nue du centre optique de la lentille où
il est nul, jusqu'aux bords où il a une
valeur déterminée.
Il serait dilTicile de mesurer en chaque
point l'angle que forme le plan tangent à
la surface courbe avec la face plane; il
est plus facile de l'évaluer en fonction
de la distance qui sépare le point con-
sidéré du centre optique de la lentille.
Considérons donc une lentille plan convexe (forme employée dans l'ap-
pareil) (fig. 1). On voit que l'on a :
FlG. I .
sm a ::=
K'
d distance du point considéré à l'axe optique ;
R rayon de courbe.
Les angles ayant été supposés assez petits, on peut écrire
d
à ce degré d'approximation l'angle est donc proportionnel à la distance d
et l'égalité (1) devient :
d'où :
en posant
a; — 1 = K X c^
(3)
248 PHYSIQUE
La simple mesure du déplacement qu'il aura fallu donner à la lentille
pour compenser la déviation due au prisme
liquide permettra donc d'évaluer l'indice.
III. — Pour réaliser ces conditions d'une
manière commode, les deux faces d'un
prisme à liquides d'angle assez petit, ont
été constituées par deux lames de glace
identiques, planes à l'intérieur et convexes
extérieurement.
L'emploi des deux lames identiques
évite le déplacement latéral qui se pro-
duirait dans un système dissymétrique.
Quand la cuve est vide, le rayon sor-
tant sans déviation passe par les centres optiques et 0' des deux len-
tilles (fig. 2), car en ce point l'angle a est nul, devant satisfaire à la relation :
FiG.
#
(n — 1) X = (1
0-^
l'indice de l'air étant pris pour unité.
Si l'on introduit un liquide dans le prisme, le rayon qui passait pri-
mitivement en B est dévié en B', mais on pourra trouver un autre point
de la cuve, C par exemple, où la relation soit satisfaite. La distance des
deux points et C donne donc {x — 1).
Fig. 3.
Description de l'appareil. — L'appareil a été construit par M. Pellin,
à Paris. La figure 3 est une vue d'ensemble qui permet d'en saisir le
fonctionnement mécanique.
CH. FÉRY. — SUR UN NOUVEAU RÉFRACTOMÈTRE 249
La lumière monochromatique sodée provenant d'un brûleur D tombe
sur la fente du collimateur B; cette fent(^ qui est large, porte un réticule
vertical. L'ensemble de la fente et du réticule peut être légèrement dé-
placé pour le réglage de l'appareil, par une vis visible sur la figure.
Les rayons sortant du collimateur tombent sur la cuve et sont reçus
ensuite dans une lunette ordinaire à réticules disposés en croix de Saint-
André.
La cuve est portée par une plate-forme en verre noir et se déplace sui-
vant sa longueur, perpendiculairement à l'axe optique de l'appareil, au
moyen d'un bouton moleté placé au-dessous de la lunette.
Dans son mouvement rectiligne, la glissière portant la cuve entraîne
un vernier V qui se déplace devant une graduation fixe E donnant direc-
tement les deux premières décimales de {x — 1), le vernier au - donne
les millièmes. Chaque centième d'indice est représenté par un millimètre
environ sur la graduation de l'appareil de laboratoire.
IV. — Réglage cle Vappareil et mesure. — La cuve étant vide, on place
le vernier au zéro, puis on met au point le réticule en croix de la lunette,
au moyen de l'oculaire ; le réticule vertical de la fente est mis au point
à son tour par le tirage de la lunette, puis on l'amène sur le croisement
des fils de l'oculaire, au moyen de la vis de réglage du collimateur et
sans toucher au vernier qui doit marquer zéro quand la cuve est vide.
Si le réglage de la lunette est bien fait, le réticule se trouvera dans
le plan focal de la lunette et ne se déplacera pas par rapport au réticule
de la fente pour de légers mouvements de l'œil à l'oculaire.
De ce réglage préalable dépend beaucoup l'exactitude des mesures ; il
est d'ailleurs très facile à faire et on n'aura plus à y toucher pendant
toute une série de déterminations, si l'on a soin de replacer toujours bien
exactement la cuve contre ses butées, ce qui est facilité par le ressort R.
On met le liquide dans la cuve, l'image du réticule du collimateur dis-
paraît; on agit alors sur le bouton qui déplace la cuve et, ayant retrouvé
l'image du réticule, on rétablit la coïncidence; il ne reste plus qu'à lire
directement sur l'échelle la valeur {x — \) du liquide employé.
Il n'est pas nécessaire d'emplir la cuve complètement, il est même bon
de ne pas le faire, pour se laisser la facilité de vérifier le zéro pendant la
mesure. Dans ce cas, l'image du réticule du collimateur ne disparaît pas,
mais s'atfaiblit seulement.
La cuve peut contenir 15 centimètres cubes environ; une épaisseur de
liquide de quelques millimètres représentant 2 centimètres cubes est suf-
fisante pour voir le réticule de la fente et faire une bonne mesure ; d'ail-
leurs, la hauteur du liquide dans la cuve n'influe nullement sur le résultat.
Cette propriété de l'appareil est très précieuse dans le cas des liquides
rares dont on n'a qu'un petit échantillon.
250 PHYSIQUE
V. — Mesure de l'indice pour d'autres raies. — Tout ce qui précède se
rapporte aux mesures d'indice par rapport à la raie sodée pour laquelle
(n I)
la constante K de l'appareil 2 — -rr — est faite égale à l'unité.
An
Si on change la radiation employée, la constante renfermant n (indice
de la matière des lentilles) variera également.
Il est facile de calculer la nouvelle constante, mais on peut aussi la
déterminer expérimentalement au moyen d'un liquide dont l'indice est
connu pour la radiation employée et à la température de l'expérience.
Cette nouvelle valeur de K est d'ailleurs toujours très voisine de l'unité.
La constante pour le sodium étant 1, voici quelles seraient les va-
leurs de K pour d'autres radiations; ces chiffres se rapportent au crown
ordinaire employé en optique et à la glace de Saint-Gobain, il sont été
calculés d'après les indices de ces matières, mesurés par M. J.-B. Baille.
RAIES B C D fo F G H
Glace de Saint-Gobain . 0,992 0,994 1,000 1,007 1,0H 1,022 1,033
Crown de Feil 0,996 0,997 1,000 1,007 1,013 1,023 1,032
Après une réparation de la cuve, ou dans le cas de remplacement de
cette partie de l'appareil, il est bon de vérifier la constante au moyen
d'un liquide d'indice connu. L'eau est très convenable pour cet objet,
son indice est bien déterminé et varie très peu avec la température, de
sorte qu'une erreur sur ce facteur ne donne qu'une variation très faible
de la constante.
Dans le cas où la cuve ne renferme pas le centre optique des lentilles,
ce qui donne une plus grande sensibilité pour une même longueur de
cuve, il faut faire deux déterminations avec des liquides d'indice connu,
dans les conditions de l'expérience.
VL — L'appareil peut se prêter également à la mesure des indices des
prismes solides, dont il n'est pas besoin de connaître l'angle ; la seule
condition est que l'angle du prisme ne soit pas supérieur à celui de
la cuve.
La détermination comporte deux lectures à l'appareil :
1° Dans ce cas le prisme est supporté par une pince P à l'intérieur de
la cuve (cette pince est ajoutée à l'appareil ordinaire), l'angle tourné vers
le sommet de cette dernière, on mesure comme dans le cas des liquides
le déplacement nécessaire pour ramener l'image du réticule vertical au
croisement des réticules de l'oculaire. Soit G ce déplacement;
2" On verse dans la cuve un liquide dans lequel le cristal est insoluble
et dont on connaît l'indice. Soit / la nouvelle lecture.
CH. FÉRV. SUR UN NOUVEAU RÉFRACTOMÈTRE 251
Supposons, pour plus de généralité, que la constante ne soit pas l'unité
et qu'on ait pour le liquide d'indice N employé une déviation
K/ = (N — 1)
l = nombre lu sur l'échelle de l'appareil ;
soient enfin A l'angle de la cuve et a celui du cristal à mesurer (ces
quantités disparaissent dans le calcul).
La première lecture qui donne lieu au déplacement C doit satisfaire à
l'égalité :
CK = «(^)
X étant l'indice inconnu du cristal. — La deuxième mesure donne :.
Enfm le liquide seul a donné une déviation telle que :
IK = (N — 1).
En éliminant (N — 1), A, a, entre ces trois égalités, on trouve :
IC
X — l =
t — < C + /.)
et simplement : X — 1 = ,^ . ^ tt--, si la constante est 1.
^ ^ — [C + (iN — 1)J
VIL — Formule exacte de Vappareil. — Il est intéressant de connaître
l'erreur due à l'emploi de la formule approchée pour différentes valeurs
de l'angle A de la cuve.
Calculons donc le déplacement qu'il faut donner à une cuve d'angle A
et constituée par une matière d'indice n, pour annuler la déviation due à
un liquide d'indice x.
Ce déplacement est d = R sin a, en appelant R le rayon de la face
courbe.
Il faut donc déterminer Tanglc a.
La cuve étant symétrique de part et d'autre de la bissectrice de l'angle
intérieur, il nous suffit d'étudier la marche du rayon dans une moitié de
l'appareil.
En remplaçant la sphère par son plan tangent au point considéré, le
problème revient à trouver l'angle a d'un prisme d'indice n qui, accolé à
\
un prisme d'angle -^ et d'indice x, détruit sa déviation.
232 . PHYSIQUE
Le rayon FG étant normal à la bissectrice OM (fig. 4), le prisme à
liquide donne :
X
n
sin(- + a
sin
9
La déviation 3 du rayon au point H devant être la même que celle
produite en G, on peut écrire pour le prisme solide :
\^
1—
FiG. 4.
n
sin (a - -^
sm I a — — —
En éliminant S entre ces deux équations et
tirant a on trouve :
A
{x — 1) sin
tga
^-
. A A
v} — «■■' sm* — — cos —
qui, combinée à d = R sin a, donne le déplacement correspondant à
l'indice x.
Voici le résultat du calcul, dans lequel on a pris :
A
— 15°
n
= 1,52
R
= 39'='"84
Erreur
X — 1
d
[x — 1) - d
(X - 1) - d -
0,0000
0,0000
0,0000
+ 0,0007
0,1000
0,0996
- 0,0004
-r 0,0003
0,2000
0,1989
— 0,0011
- 0,0004
((,3000
0,2993
- 0,0007
0,0000
0,4000
0,3996
— 0,0004
-f- 0,0003
0,5000
0,5000
0,0000
4- 0,0007
0,6000
0,5997
— 0,0003
+ 0,0004
0,7000
0,6996
- 0,0004
+ 0,0003
On voit que l'erreur est toujours dans le même sens (3"^ colonne) et
aussi que cette erreur est nulle pour un liquide de même indice que celui
des lentilles. En effet, à ce moment l'angle a doit être égal à -^ et la cuve
CH. FÉRY. — SUR LN NOUVEAU RÉFRACTOMÈTRE
devient une lame homogène à faces parallèles, traversée perpendiculaire-
ment par le rayon.
La détermination pratique de la constante se faisant avec de l'eau dis-
tillée, l'erreur est alors représentée par les chiffres de la dernière colonne
du tableau, e représentant la distance séparant le centre optique de la
cuve de l'axe optique de l'instrument, quand l'appareil est au zéro.
Les erreurs sont dans ce cas plus faibles, étant tantôt positives, tantôt
négatives, il y a comme dans la colonne (x — 1) — d deux points où
l'erreur est nulle : pour un indice de 1,15 environ et pour 1,33.
YllI. — Si dans la formule :
O* rr —
{x — 1) sm —
,g a -
—
i / * A A
\/ n- — x^ sin^ -r- — cos —
2 2
nous faisons A très petit, nous retrouvons la formule approchée (1) indi-
quée précédemment :
n — 1
Si nous remarquons que, pour un angle de lo° pris comme exemple
dans le calcul numérique, les erreurs (x — 1) — d -\- z sont inférieures
à 0,001, nous voyons qu'on peut obtenir d aussi voisin de (x — 1) qu'on
le désire.
Pour une même valeur de A, la sensibilité de l'appareil ne dépend que
de la longueur de la cuve, et le rayon de courbure de la sphère des len-
tilles devra croître proportionnellement, car, pour de mêmes limites, la
valeur de a sera la même et on aura :
d d'
ï^ = ï^, = sma;
pour des applications particulières on peut n'augmenter que le rayon de
courbure en limitant la cuve à la région utilisée. L'erreur dans ce cas
sera même moins forte entre les limites considérées, et on pourra aug-
menter la sensibilité en agissant sur A.
M. Pellin, à qui est confiée la construction de l'appareil, exécute des
cuves de toutes les sensibilités et fonctionnant entre des limites quel-
conques.
Dans tous les cas, la graduation est telle que les lectures donnent dii'ec-
tement l'indice du liquide mesuré.
2o4 PHYSIQUE
Le calcul numérique pris pour exemple se rapporte à l'appareil cou-
rant de laboratoire mesurant tous les indices entre 1,33 et 1,70; le dépla-
cement de la cuve est d'environ 1 millimètre pour une unité de la
deuxième décimale. Le vernier au ^ permet d'apprécier ^ et, avec un peu
d'habitude.
10.0000
M. A. PICÏÏE
Président de la Commission météorologique des Basses-Pyrénées, à Pau.
L'ÉLECTROPHORE A ROTATION
— Séance du SI septembre 4892 --
Quoique, en qualité de simple amateur je sois fort indigne de prendre
part à vos travaux, permettez-moi de vous montrer l'électrophore à rota-
lion que j'ai inventé à Pau, en décembre I860.
Cet appareil a son importance, puisqu'il a devancé la machine Bertsch,
et servi de point de départ à la machine Carré, aujourd'hui répandue
dans tous les cabinets de physique.
Les circonstances de cette invention sont, d'ailleurs, assez singulières.
Retenu l'hiver au coin du feu par la maladie, je m'amusais à sécher des
feuilles de papier, à les frotter avec la main ou avec une brosse à habits,
et à observer les étincelles qu'on en tire et surtout les phénomènes cu-
rieux d'adhérence qu'offrent des bandes superposées, après qu'on a frotté
la bande supérieure.
En entrecroisant quatre bandes et laissant dépasser leurs bouts, deux à
deux, je pouvais suspendre un kilogramme à l'extrémité inférieure de
ces bandes, fortifiée par un petit morceau de carton collé.
En tendant sur deux cerceaux des feuilles de papier bulle, en brossant
le papier du cerceau le plus grand posé sur un tapis, et en plaçant à l'in-
térieur le cerceau le plus petit, dont le papier portait au centre une de
ces feuilles d'étain qui enveloppent les chocolats, j'avais obtenu un élec-
trophore, qui me donnait étincelle négative, puis positive, quand je sou-
levais obliquement le petit cerceau, ou que je l'abaissais de nouveau.
Ou bien encore, je plaçais mon grand cerceau électrisé sur les bras
A. PICHE. — l'ÉLECTROPHORE A ROTATION 2oO
d'un fauteuil et tenant le petit cerceau à faible distance, j'avais les deux
sortes d'étincelles, selon que j'approchais ou que j'éloignais ce dernier, et
même quand je le déplaçais latéralement.
J'en étais là de ces expériences amusantes, quand je lus dans le Cons-
titutionnel un article de M. de Parville racontant les merveilles de la ma-
chine de Holtz, qu'il avait vu fonctionner chez Ruhmkorfï, et qu'il don-
nait comme mystérieuse et inexplicable.
Mais l'explication est fort simple, me dis-je, c'est un électrophore à
rotation et je puis en faire un plus simple encore, immédiatement. Au
lieu de déplacer latéralement mes cerceaux par un mouvement de va-et-
vient, je n'ai qu'à faire tourner un disque de papier, dont la partie su-
périeure sera polarisée par une bande de papier électrisé, et à recueillir
les deux électricités du disque par deux pointes placées derrière lui, l'une
en haut, l'autre en bas ; si mes pointes sont reliées à des conducteurs
isolés, dont les extrémités rapprochées se termineront par des boules de
métal, il jaillira entre elles de petites étincelles formant ruban de feu.
Aussitôt dit, aussitôt fait ; je découpe un disque de fort papier bulle,
je le pique avec trois épingles, sur un bouchon percé dans son axe et
enfilé au bout d'un vieux tube barométrique assez épais. Je place le tube
sur les barreaux inférieurs d'une chaise, le disque de papier tourné vers
le foyer et j'appuie l'extrémité libre du tube contre une grosse bûche
dressée, afin d'empêcher mon tube d'osciller en long. J'avais ainsi un
disque de matière non conductrice, pouvant tourner sur son axe, sous
l'action de la paume de la main passée légèrement sur le tube.
Je prends un autre tube de verre, je le plante verticalement dans un
bouchon fixé sur une planchette formant pied. J'enroule, au milieu du
tube et en haut, deux spirales de fil de fer, dont une des extrémités, ap-
pointie, devait servir à recueillir les électricités contraires du disque, tandis
que l'autre extrémité, recourbée, armée des petites boules de cuivre (que
j'avais dévissées de mes pelle et pincette), formait les deux pôles entre
lesquels j'espérais voir jaillir les étincelles. Je place ce récepteur der-
rière mon disque.
Puis j 'électrisé fortement une bande de papier bien desséché ; la tenant de
la main gauche, je la présente en face de la moitié supérieure du disque,
qui la sépare ainsi de la pointe supérieure, tandis que de la main droite
je fais tourner rapidement l'axe du disque.
Aussitôt je vois jaillir, entre les boules de cuivre, une série d'étin-
celles de un millimètre ; j'avais trouvé l'électrophore à rotation sous sa
forme la plus simple.
J'ai cru devoir vous raconter cette expérience primitive, Messieurs,
parce qu'elle montre comment, en matière d'invention, on peut tirer
parti des premiers objets qu'on a sous la main.
236 PHYSIQUE
C'est ainsi qu'en jouant avec des tubes de verre, j'ai inventé, en 1872,
l'évaporomètre, si répandu aujourd'liui ; et qu'en m'amusant avec un
pulvérisateur, j'ai pu faire ces curieuses expériences sur les vents plon-
geants et ascendants, qui ont été présentées au Congrès de Toulouse
en 1887, et reproduites dans le Cosmos.
Je vous fais grâce des modifications successives apportées à ma ma-
chine et me borne à vous la présenter sous sa dernière forme, encore
inédite.
Quoique grossièrement construite, quoique la cage en bois empêche
une forte tension, je parviens à tirer d'un simple disque de papier par-
chemin séché à l'aide d'un fer à repasser, ou placé devant le feu, des
étincelles sinueuses de 5 centimètres, qui offrent tous les caractères
lumineux et bruyants d'un petit éclair.
Je suis persuadé que si la cage, le disque et la plaque à frotter, source
d'électricité, étaient en ébonite ou en celluloïd, on obtiendrait 10 centi-
mètres d'étincelles, avec un disque de 3o centimètres de diamètre.
Dans l'état actuel, la cage est une boîte rectangulaire de 40 centimètres
de hauteur, sur 32 de largeur et 15 d'épaisseur ; et le disque n'a que
2o centimètres de diamètre.
L'une des grandes faces porte à l'extérieur le mécanisme de rotation,
tandis que l'autre, ouverte et entourée d'une rainure, permet de placer
devant le disque soit une plaque de caoutchouc durci, soit même une
plaque de Holtz avec ses fenêtres et ses armatures.
La face supérieure (une des deux faces les plus petites du parallôlipipède)
est traversée par les conducteurs, bien isolés dans des colonnes d'ébonite,
qui portent les tiges à glissement armées de boules, entre lesquelles
jaillissent les étincelles, et dont on règle l'écart à volonté.
Cette forme est très commode et très avantageuse, en ce que, sous
un petit volume, on a tout sous la main et sous les yeux.
On tourne la manivelle de la main droite, pendant qu'on bat, de
temps en temps, la plaque de caoutchouc durci, avec une peau de chat
ou un foulard de soie, pour lui restituer sa tension électrique ; et la face
supérieure sert de petite table pour disposer les expériences qu'on peut
varier à l'infini, en changeant disques, boules ou pointes, en interposant
ou non des condensateurs, en faisant éclater les étincelles dans l'air ou
dans des gaz plus ou moins raréfiés, sur l'eau ou dans l'eau.
Les étincelles jaillissent sous les yeux, à bonne hauteur, et on peut les
étudier tout à son aise.
J'estime que cette machine, bien construite, serait plus démonstrative
que celle de Carré et qu'elle permettrait de faire un plus grand nombre
d 'expériences c
Enfin, si on veut se contenter d'étincelles de 5 centimètres, on pour-
L. BEDOUT. — COMPTEUR DENSI-VOLUMÉTKIQUE 257
rait la construire à si bas prix (dix francs au plus) qu'on pourrait en
doter nos écoles primaires, où tend de plus en plus à s'introduire l'ensei-
gnement scientifique par l'aspect.
Je me ferais, du reste, un plaisir d'envoyer des dessins précis à tout
constructeur qui voudrait reproduire cette machine électrique, qui est le
véritable type de l'électrophore à rotation.
M. Louis BEDOUT
à Cazaubon (Gers).
COMPTEUR DENSI-VOLUMÉTRIQUE
~ Séance du 17 septembre {892 —
I. — Jusqu'à ce jour, la science française n'avait pas établi de compteur
à alcool. Nous étions tributaires des constructeurs étrangers, principale-
ment des Allemands ou des Autrichiens.
Siemens, Dolainski, Veiser et Beschorner ont fait divers compteurs,
peu variables les uns des autres, et qui tous ont, d'ailleurs, des inconvé-
nients graves qui les ont fait écarter par l'industrie française. L'alcoomètre
métallique de Siemens n'a pas la sensibilité suffisante pour arriver à des
données mathématiquement exactes; le compteur Dolainski n'enre-^istre
lui, que le volume apparent, sans se préoccuper de la densité et de la
température. Ce sont les seuls usités.
Le compteur à alcool que j'ai l'honneur de vous décrire a subi déjà,
avec succès, des épreuves rigoureuses d'essai devant une commission
déléguée par le Ministère des Finances chez mon constructeur, 3L\L Ri-
chard frères, de Paris.
Ce compteur a pour but de mesurer automatiquement le volume d'alcool
coulant à l'éprouvette et de fournir les éléments pour déterminer la
quantité d'alcool pur produit par un alambic de distillation.
Pour cela, il donne les trois éléments essentiels : le volume la densité
et la température moyennes de l'alcool à sa sortie du serpentin.
Il s'adapte à l'origine du serpentin et se compose extérieurement d'une
caisse métallique rectangulaire de dimensions variables.
17-
258 CHIMIE
n. — Description. — Le compteur se compose de trois parties prin-
cipales (fig. 1 et ^j :
1° Un réservoir distributeur E dans lequel l'orifice plombé du serpen-
tin I déverse l'alcool ;
Fig. I. — Coupe.
2" Une balance Roberval ou Déranger, dont les deux plateaux sont
surmontés de deux vases A et B avec leurs accessoires ;
Fig. 2. — Plan.
•3* Un bassin T parfaitement isole dans l'intérieur de la boîte pour
éviter les chocs qui pourraient en modifier la contenance, soigneusement
déterminée à l'aide d'échelles fixes et que nous appellerons totalisateur.
Le réservoir distributeur E, à fond incliné vers le tuyau de sortie, est
FlG. 3
L. BEDOUT. COMPTEUR DENSI-VOLUMÉTRIQUE 259
mis en communication avec le serpentin par un tube d'amenée I muni
de brides boulonnées, susceptibles d'être scellées extérieurement au plomb
pour éviter l'introduction de substances étrangères aux pro-
duits de la distillation. L'alcool du réservoir E sort dans
le filtre D dans lequel il dépose, au moyen de tamis dis-
posés à sa partie supérieure, les parcelles solides que la
distillation a pu entraîner, et de là passe dans le vase A.
Ce vase, soigneusement jaugé, contiendra, par exemple,
dix litres. Les deux plateaux A et B, vides avec leurs ac-
cessoires, devront s'équilibrer de la façon la plus exacte.
Dès que le vase A est plein et que le liquide atteint l'ori-
fice du tuyau t, l'excédent de ce liquide s'écoule dans le plateau-vase B.
Lorsque la même quantité d'alcool est passée dans le vase B, celui-ci
s'abaisse et instantanément le coup brusque et simultané du taquet e
sur la partie gauche du fléau précipite le marteau M sur le taquet e' situé
à droite du couteau. Entraîné par ce poids supplémentaire, le plateau B
déverse précipitamment son contenu dans le récipient entomioir G qui le
conduit daus le fût.
Pendant que le plateau s'incline, le vase i reçoit le jet et le restitue
pour la prochaine pesée au plateau B qui se redresse sous le poids du
liquide resté dans le vase A toujours plein. Le plateau B, relevé, reprend
à l'aide du galet g butant sur le point fixe x aidé de son contrepoids.
Le marteau M, mobile sur son centre, fixé au support de la balance,
rencontre chaque fois qu'il s'abaisse une tige qui actionne un mouvement
d'horlogerie chargé d'enregistrer le nombre de fois que le plateau B se
vide, c'est-à-dire le nombre de pesées, dans notre espèce, de dix litres
chacune.
Le vase B est soutenu par une tige en fourche faisant corps avec le
bras droit f de la balance. Les deux bras de cette fourche sont réunis par
un axe entouré d'un manchon appartenant au vase B et participant à
son mouvement de renversement d'environ un angle de 4o degrés. Dans
cet axe, f est pratiqué un récipient rigoureusement jaugé, appelé chambre
de jauge, d'une contenance, dans notrg espèce, d'un
centilitre. Cette chambre (fm. 4] est mise en com-
munication avec le liquide du vase B par une ou-
verture pratiquée dans le manchon ; elle est pleine
au moment où le plateau bascule. En tournant de
43 degrés par rapport à l'horizon, ledit plateau B,
solidaire du manchon, ferme par celui-ci sa com-
munication avec la chambre qui, d'autre part, vient communiquer
avec le bec d'écoulement solidaire du manchon mobile. Des trous d'air
pratiqués dans le manchon permettent au liquide qui y est contenu de
ir
FlG. i.
260 CHIMIE
s'évacuer dans l'entonnoir, d'où il s'écoule par un tube dans le totali-
sateur T. Le centilitre de liquide, pris comme jauge, a la température,
la densité et le degré moyens des dix litres déversés simultanément par
le plateau B, dont il faisait partie intégrante.
Le totalisateur est un réservoir T jaugé à l'aide d'une échelle fixe qui
facilite la lecture à travers une plaque de verre placée sur la face du
compteur, au-dessous du mouvement d'horlogerie. Ce réservoir, d'une
contenance de vingt Utres, toujours dans notre espèce, renferme un
alcoomètre et un thermomètre à maxima. Dans son tuyau d'amenée est
disposé un clapet pour empêcher l'évaporation par le vide de l'alcool
contenu.
L'alcoomètre et le thermomètre combinés donnent le degré d'ensemble
des vingt litres, ayant été empruntés par quantités constantes de un cen-
tilitre à toutes les fractions de dix litres. Ce degré sera le même que celui
des vingt mille litres pesés. Si nous supposons le degré à 68, l'alambic
aura distillé 20.000 X 68 = 13.600 d'alcool pur.
Le mouvement d'horlogerie qui enregistre par dix litres le passage du
liquide devra accuser aussi vingt mille litres. On peut donc dire que ce
compteur se contrôle lui-même et conserve un témoin fidèle des opéra-
tions.
On observera que le fonctionnement de ce compteur n'est pas lié aux
quantités prises comme exemple, et que la capacité des vases A et B est
essentiellement variable. Cette capacité peut être augmentée ou diminuée
à volonté ; il en est de même pour la chambre de jauge. Il suffît, pour
arriver à des calculs sincères, de connaître le rapport entre la capacité de
la chambre de jauge et celle du plateau-vase A.
Enfin, l'appareil est complété par une double enveloppe métallique
parant aux chocs qui pourraient altérer les contenances ou le bon fonc-
tionnement. Tout danger d'explosion à l'endroit des gaz alcooliques pro-
venant de la distillation est évité par des grillages métalliques convena-
blement disposés dans l'enveloppe à doubles parois de la boîte pour éviter
l'introduction de substances étrangères à la distillation.
Des regards sont ménagés dans l'enveloppe pour suivre l'opération, et
des portes scellées donnent accès aux organes actifs dans le cas oii cela
serait nécessaire.
Tel est l'appareil que j'appellerai compteur à volume constant et à poids
variable.
Il est possible de le transformer en un compteur à poids constant el à
volume variable. Pour cela, il suffira de remplacer le vase-tare A par un
poids déterminé, dans notre espèce, dix kilogrammes par exemple. A la
suite d'une série de pesées, à la fin de la distillation, nous aurons par
le cadran le poids de l'alcool, par le totalisateur la densité moyenne.
H. HFRRENS. ALMADEN. SES MINES DE MERCURE 261
Il nous sera donc facile de connaître le volume de la distillation en al-
cool pur.
III. — Utilité de l'appareil. — Je ne m'étendrai pas sur les utilités du
compteur. Elles sont multiples.
En adaptant à un rectifîcateur industriel un compteur à l'entrée de la
chaudière et un second compteur à la sortie du serpentin, on arrive à
calculer exactement la perte de distillation.
Un industriel veut établir son prix de revient. Il prend un poids déter-
miné de matière première : betteraves, grains, pommes de terre, topi-
nambours, etc., etc. Le produit de sa distillation lui sera rigoureusement
donné par le compteur.
Enfin, son utilité la plus considérable résulterait certainement de son
application par l'État à tous les alambics ambulants ou fixes. I^s agents
de la Régie auraient en lui un aide sûr pour réprimer efficacement la
fraude chez les bouilleurs, propriétaires ou industriels. Un exercice plus
sévère, sans augmentation du personnel, serait son principal avantage.
M. ïï'^ BERREIS
Chimiste, à Gracia-Barcelone (Espagne).
ALMADEN. — SES MINES DE MERCURE ET SES DIVERS SYSTEMES DE REDUCTION
DU MINERAI
— Séance du 17 septembre t892 —
Les mines d'Almaden sont remarquables par leur antiquité et par la
richesse et l'abondance de leurs mines. Le système d'exploitation remonte
au siècle dernier, et, depuis lors les changements réalisés dans la manière
de traiter le minerai de mercure sont de peu d'importance, attendu qu'on
suit encore le système que Saavedra Barba imagina au Pérou en 1633,
lequel fut importé en Espagne par Bustamante en 1646, et dont il existe
vingt-deux exemplaires qui fonctionnent àAlmaden, sans qu'on ait trouvé
le moyen de le remplacer avantageusement, bien que plusieurs essais et
le bon vouloir n'aient pas fait défaut.
En 1806, on établit les fours de chambres qui se communiquent entre
elles comme dans l'appareil de Woolf et qui reçoivent une charge de
262 CHIMIE
vingt-quatre tonnes. La disposition générale fut copiée des appareils em-
ployés aux mines d'Idria (Aulriche) qui étaient et sont encore propriété
de l'État. Ces fours portent le nom d'Idria à cause de leur origine ; l'opé-
ration réductrice dure huit jours ; et s'ils continuent de fonctionner, ce
n'est certes pas à cause de leur mérite sur les fours Bustamante.
Il y a de cela une douzaine d'années, on construisit des fours à réver-
bère dans le but de distiller les minerais menus dont l'encombrement
était énorme, mais on dut les démolir à cause de leurs mauvaises condi-
tions ; ils furent remplacés par une paire de fours Livermoore qui furent
importés de Californie. Ils sont manœuvres par une quarantaine d'enfants,
qui sont exposés à bien des misères par suite de cet appareil malsain,
dont les pertes sont considérables.
Dans ces conditions, on a décidé d'essayer un nouveau système de
FIG. 1
réduction inventé parBerrens. Le ministre des Finances espagnol a ordonné
qu'on fît, aux frais de l'État, des essais comparatifs, entre ce four nouveau
et ceux qui sont employés en Espagne. Deux fours de Bustamante furent
choisis, parmi les meilleurs, pour les essais comparatifs.
Leur traitement est intermittent, le combustible est très énergique,
houille et coke, l'opération dure quatre jours. — Le nettoyage est très
pénible pour l'ouvrier ; il se fait sans eau, avec le balai à sec. —Les pertes
sont en raison de la température, c'est elle qui est le facteur réfrigérant,
et lorsqu'elle atteint 25 degrés centigrades au 15 mai, on plie bagage,
on éteint les feux, qu'on rallume le 15 octobre suivant. On évite ainsi
des pertes considérables qui dépassent 50 0/0, les scories sortent nettes de
tout métal ; ce résultat s'obtient par l'emploi exagéré de la houille ou du
coke, mais les pertes sont plus considérables, bien que les minerais traités
soient plus riches qu'autrefois, parce qu'à mesure qu'on approfondit l'ex-
ploitation le minerai est plus riche et plus abondant.
H. nEHHKNS. ALMADE.N. SKS MINES DE MEUClJflE 263
Le système Berrens est automatique et sa marche est continue, attendu
que le remplacement d'un four par un autre sur le foyer ne dure que
quelques minutes. Ce four mobile F (fig. 1 et 2), placé sur deux essieux
munis de quatre roues en fonte, se compose d'un cylindre en tôle garni
intérieurement de briques réfractaires. II contient une tonne de minerai
qui repose sur une grille en terre également réfractaire. Le foyer oiî le feu
est permanent est construit entre deux rails articulés sur lesquels le
véhicule susnommé vient se placer et colloquer le cylindre préalablement
chargé de sa tonne de minerai. On lute le joint avec de la terre réfractaire,
pendaut qu'on ajuste de la même façon un tube en tôle H au chapiteau qui
couvre le cylindre. Ce tube communique avec une chambre de transmis-
sion qui reçoit le premier jet des gaz et vapeurs qui proviennent du four.
Elle semble être au même niveau que le four, mais le sol est plus bas et
incliné, afin que le mercure qui s'y condense puisse s'écouler dans un tube
placé à son extrémité.
Ce tube, qui met en communication la dite chambre avec l'appareil
condenseur qui se trouve à 10 ou 12 mètres plus bas, a une longueur
relative et son diamètre est de 35 centimètres ; il est en ciment et établi
sur une assise, en fer très solide ; il joue un rôle très important dans
l'appareil condenseur, c'est par lui que le refroidissement des gaz ou
vapeurs qui circulent dans son intérieur s'effectue. Il opère de la même
façon que le col d'une cornue qui refroidit d'autant plus les vapeurs qui
partent d'un liquide en ébullition, que celui-ci (le col) est placé plus ver-
ticalement. Dans l'appareil Berrens, la chaleur, en vertu de ce principe,
ne descend pas, elle se perd, d'autant plus que les vapeurs mercurielles, en
sortant du four, suivent constamment une pente descendante.
L'appareil condenseur (fig. 3, 4 et 5) se compose de vingt-cinq compar-
timents ; la capacité de chacun
d'eux est de o à 600 litres, ils sont
formés de deux cônes soudés à
leur base avec du ciment; le cône
supérieur est en tôle et celui d'en
bas est construit en ciment dans
la terre, la communication entre
eux se fait par les cônes inférieurs
et ils se ramifient dans un quadri-
latère plein d'eau qui se renouvelle
et qui couvre les cônes en tôle ;
la pointe ou le sommet des cônes inférieurs se confond avec des rigoles en
pente pleines d'eau qui reçoivent le mercure condensé et qui le déversent
dans un puits récepteur M dont l'eau qui le remplit est à niveau de celle
des rigoles. On peut extraire le mercure du puits (qui se trouve clôturé
Fig. 3. — Plan de l'appareil condenseur.
264 CHIMIE
et fermé à clef) sans arrêter la marche des opérations ; celles-ci ne s'in-
terrompent que lorsqu'on doit faire le nettoyage de l'appareil : alors on
enlève les cônes en tôle, on ouvre la chambre de transmission et
avec de l'eau projetée et des balais on fait écouler le métal et les suies
vers le puits; ce travail se pratique sans aucune incommodité pour
l'ouvrier.
FiG. /.. — Coupe suivant AB.
Le tirage se fait au moyen d'un piston aspirateur et refouleur 0, qui est
rais en mouvement par une machine à vapeur P, la marché de ce piston
n'a pas dépassé quatre-vingts oscillations par minute, et la feuille d'or
qu'on a plusieurs fois présentée à la sortie des gaz qui soulèvent les cla-
pets de l'aspiraieur n'a jamais été salie de la moindre tache de mer-
cure; il faut dire aussi que les vapeurs, avant d'arriver à la machine
FiG. 5. — Coupe suivant CD.
aspirante, étaient obligées de traverser deux caisses remplies de charbon
végétal.
La fournée d'une tonne de minerai dure cinq heures, mais en augmen-
tant la vitesse du tirage, on pourra arriver à une diminution d'une
heure.
Quant aux pertes, la Commission scientifique dit dans son rapport
(fol. 11) qu'elles furent celles que les scories manifestèrent, et qu'on
peut évaluer à i/2 0/00, et elle ajoute qu'en réalité on ne peut constater
d'autres pertes.
H. BERREXS. ALMADEN. — SES MINES DE MERCURE 26o
Le four Berrens se recommande surtout par son coté hygiénique : toutes
les opérations, charge, décharge, nettoyage etc., se font en plein air; l'ou-
vrier est donc à l'abri de toute intoxication.
Les essais comparatifs ont été faits de la façon la plus correcte ; pour
ce qui regarde le four Berrens, au dire de la Commission technique qui
fut investie, par décret royal émané du Ministère des Finances, de facultés
suffisantes .pour établir et constater la marche des fours et le résultat
obtenu. Elle voulut que les minerais qu'on distillerait fussent exactement
ceux-là qu'on distille tous les jours, dont le litre moyen est de 11.60 0/0
(fol. 14 du Rapport), et que le rendement qu'on obtiendrait dans les fours
(système Bustamente) San Carlos et San Sébastian, qui sont considérés
comme les meilleurs de l'établissement, ne servirait de base comparable
qu'autant qu'il concordât avec la moyenne du mercure obtenu dans les
cinq années antérieures.
Le four Berrens donna un rendement de 12 0/0 de mercure ; les fours
San Carlos et San Sébastian donnèrent 12,33 0/0. Ce rendement en plus
surprit au premier abord la Commission, parce qu'elle avait constaté que
la feuille d'or placée à l'orifice de l'appareil Berrens n'avait pas présenté
à la vue la moindre tache de mercure, tandis que dans les fours opposés,
elle en avait été salie complètement; mais elle trouva bientôt la cause
de cette différence. Elle constata que les scories pesaient 83 kilos de
plus que ce qu'elles devaient peser, que le rendement en mercure
était de 35 kilos de plus que celui qu'on devait obtenir, et, de plus, elle
trouva 112 kilos de suies (dont le titre ordinaire est de 70 0/0) en plus
de ce qu'on obtient ordinairement. La Commission, dans son rapport
(fol. 16), dit avec raison « que ces données contradictoires entre elles ne
peuvent s'expliquer facilement » ; et, se renfermant dans l'indication du
décret royal, elle porta son attention sur les rendements de tous les
fours dans les cinq années antérieures, qui sont :
1886-87 1887-88 1888-89 1889-90 1890-91
Moyenne de la production . . . 9,47 9,28 9,12 8,74 8,29
soit en moyenne 8,98 0/0 de mercure ; et si on ajoute le rendement
moyen des deux fours San Carlos et San Sébastian obtenu dans les essais
comparatifs, qui est de 12,33 0/0, nous aurons une moyenne de 9,54 0/0.
Or, comme par le nouveau système, d'après le rapport de la Commission,
on a extrait de 6,000 kilos minerai le 12 0/0 de mercure, on peut dire
avec certitude qu'il y a un avantage en faveur du four Berrens de 2,46
par chaque 9,54, soit un 2o,70 0/0 sur l'ensemble, ce qui représente
266 CHIMIE
le quart en plus de la production d'une campagne réglementaire de
sept mois, qui est à peu près de 50.000 bouteilles contenant chacune
34 kil. 500 gr. ; soit 12.500 bouteilles en plus à 8 £. st. = 100.000 £.
Telles sont les conclusions qu'on peut tirer du Rapport que MM. D. Justo
Egozcue, D. Grégoire de la Régnera, inspecteurs généraux des mines, et
D. Daniel de Cortâzar, ingénieur en chef des mines, ont présenté au
ministre des Finances en janvier 1892, à Madrid. — Ce qui domine dans
ce document, c'est l'esprit de droiture et de justice. — Ces messieurs de
la Commission, en partant pour Airaaden, doutaient et ne croyaient pas
à une perfection si complète du nouveau four ; — et c'est avec une
profonde réserve qu'ils ont fait mention de certaines irrégularités inten-
tionnelles de la part de MM. les ingénieurs d'Almaden. Ils auraient voulu
trouver chez leurs collègues de meilleures dispositions pour faciliter leur
mandat. Quoi qu'il en soit, en faisant la part de conditions évidemment
erronées, comme ils disent, « le nouveau procédé se présente quand
même avec avantage sur tout ce qu'on a obtenu jusqu'à ce jour, avec des
circonstances très intéressantes « . La Commission s'est noblement conduite ;
elle aurait pu prouver, par les chiffres qui lui ont été fournis par la direc-
tion d'Almaden elle-même, que le rendement des fours est de plus en
plus déplorable. En effet, si nous consultons le tableau du mercure obtenu
pendant les cinq dernières années, on voit que le tant pour cent du
rendement diminue chaque année, alors que la teneur du minerai traité
s'enrichit tous les ans, à mesure que son extraction se fait plus profon-
dément, comme cela est démontré dans plusieurs documents.
Ce fait anormal s'explique de la sorte ; MM. les ingénieurs d'Almaden,
pour faire cesser les clameurs qui se répandaient sur les pertes énormes
que tout le monde constatait en examinant les scories riches encore de
métal, eurent l'idée d'employer des combustibles très énergiques pour
la réduction du minerai et de faire durer celle-ci vingt-quatre heures de
plus qu'auparavant. Par ce moyen empirique, les pertes furent plus consi-
dérables, mais les scories furent nettes de tout métal, et ces messieurs
en annonçant qu'ils avaient perfectionné leurs appareils : Voyez nos
scories, dirent-ils, elles sont propres. Mais cette façon d'agir, qui pro-
duit à l'État trois ou quatre millions de francs de perte, pourra bien être
perçue par le nouveau ministre des Finances.
E. BLANC. — SUR UN MODE PARTICULIER DE CUISSON DES BRIQUES
267
M. Edouard BLAIC
à Paris.
SUR UN MODE PARTICULIER DE CUISSON DES BRIQUES, USITÉ DANS CERTAINES
PARTIES DE L'ASIE CENTRALE
Séance du 20 septembre 4892
Au cours du voyage d'exploration que nous avons fait en Asie, pendant
les années 1890 et 1891, nous avons eu l'occasion d'observer un curieux
procédé employé par les indigènes de certains pays pour la fabrication des
Galerie d'accès du combustible
FiG. 1. — Plan d'un four à briques système Tarantchi.
briques. Ce procédé, très simple et peu coûteux, présente des avantages
considérables au point de vue des applications, et il donne lieu en même
temps à la constatation de phénomènes chimiques intéressants en eux-
mêmes et dont les réactions sont encore à déterminer.
Ce mode de cuisson des briques est employé dans la partie occidentale
de la Mongolie, ainsi que dans la Dzoungarie, dans une partie du bassin de
rili, et notamment par les peuplades qui portent les noms de Dounganes
-et de Tarantchis (1).
(1) On appelle Dounganes des populations de race chinoise, pratiquant la religion musulmane, parlant
chinois, et qui se sont établies dans la Dzoungarie, principalement pour y former des colonies agricoles.
Les Tarantchis sont des populations de race turco-mongole, habitant la même région, pratiquant la
même religion, mais parlant un idiome dérivé du djaggataï, et qui ont été subjuguées parles Chinois.
268
CHIMIE
Ces peuples, qui habitent la partie septentrionale et nord-ouest de l'Em-
pire chinois, c'est-à-dire les frontières de Sibérie, vivent sous un climat
qui est souvent très chaud en été, mais qui est surtout extrêmement froid
en hiver. Par conséquent, leurs constructions doivent être faites avec des
matériaux très résistants au point de vue des variations de température.
Les variations atmosphériques, dans ces contrées, sont d'autant plus sen-
sibles qu'elles sont extrêmement brusques et atteignent souvent une très
grande amplitude dans une période de temps fort courte. L'automne et
surtout le printemps présentent des alternances de gelée et de dégel plu-
sieurs fois répétées, accompagnées de variations hygrométriques considé-
rables. Les écarts de température à l'ombre peuvent dépasser 40 degrés
FiG. 2. — Coupe verticale suivant AB.
dans les vingt-quatre heures (1). En tenant compte de l'action directe du
soleil sur les surfaces qu'il frappe, dans une atmosphère très peu chargée
d'humidité, l'écart diurne peut être de 60 degrés (de — 15" à -|- 45°).
L'écart extrême dans la température annuelle est de plus de 120 degrés
(de — o0° à -f- 70°).
Dans de pareilles conditions, où presque toutes les roches naturelles se
désagrègent, on conçoit que bien peu de matériaux de construction soient
capables de résister, et les briques cuites par le procédé ordinaire s'al-
tèrent et s'effritent avec une très grande rapidité. Au contraire, les briques
préparées par le procédé que nous allons indiquer, bien que faites avec la
M) Au mois de février 1891, après une période de froid très rigoureux qui a duré jusqu'au a,
nous avons observé, le 2o, à Merw, une température qui, en quelques heures, s'est élevée de-}- 1° à
-(-26° à l'ombre. Le lendemain matin, 26 février, la température est retombée subitement à — 10°,
et ce changement a été accompagné d'une tempête de neige qui a duré pendant .trois jours, et à
la suite de laquelle la température est redescendue, pendant huit jours, jusqu'aux environs de
— 15", pour remonter ensuite rapidement, mais non pas encore d'une façon délinitive. Ces oscilla-
tions se sont répétées plusieurs fois avant l'établissement de la belle saison.
BLANC. — SUR UN MODE PARTICULIER DE CUISSON DES BRIQUES
269
même argile que les autres, résistent parfaitement aux intempéries et
présentent, en outre, une dureté et une cohésion tout à fait remarquables.
Ce résultat est obtenu simplement par l'action de la vapeur d'eau.
Le procédé dont il s'agit est intéressant à deux points de vue :
4° Avec des argiles de qualité médiocre, à peu de frais, et au moyen
d'appareils d'une grande simplicité, il permet d'obtenir des matériaux
présentant des qualités de résistance et de solidité tout à fait supé-
rieures ;
2° Son principe repose sur des réactions chimiques nouvelles pour
nous, ou du moins dont l'application n'a pas encore été faite et qu'il est
intéressant d'expliquer.
FiG. 3. — Coupe verticale suivant CD.
Description de l'appareil. — La disposition de l'appareil est la suivante :
Le four a la forme d'un cylindre vertical surmonté d'un dôme. Générale-
ment, pour plus d'économie dans la construction ainsi que pour diminuer
la perte de chaleur, la plus grande partie de la portion cylindrique (les
deux tiers environ de la hauteur) est creusée dans la terre. Le dôme est
au-dessus du sol : il est construit simplement en argile et son épaisseur
à la base est aussi considérable que possible (généralement quatre archines,
soit 2'",80); il s'amincit vers le sommet. Ce dôme, habituellement en
plein cintre, est percé à sa partie supérieure d'un trou assez large, qui
reste ouvert pendant toute la première partie de la cuisson et "qui sert à
l'échappement de la fumée et des gaz.
Pour fixer les idées, nous indiquerons les dimensions que l'on donne le
plus fréquemment à l'un de ces fours, dont le plan et la coupe sont repré-
sentés dans les figures 1, 2 et 3. On peut donner à la partie cylindrique
6 mètres de diamètre intérieur et une hauteur de 4 mètres, dont 3 mètres
au-dessous du niveau du sol et 1 mètre au-dessus. Le trou ouvert au som-
270 CHIMIE
met du dôme peut avoir 1™,50 de diamètre au début de l'opération. Au
niveau du sol est pratiquée dans la partie latérale du dôme une galerie
étroite qui sert à y introduire et à en extraire les briques : cette galerie est
bouchée pendant la cuisson. Une partie de la sole horizontale qui forme
le fond du trou est constituée par une grille faite de briques non juxta-
posées, et sous cette grille se trouve une chambre servant de foyer et où
Ton introduit le combustible par une galerie inclinée qui s'ouvre au
dehors. Trois évents ou cheminées d'appel, d'environ 2o centimètres de
Fia. 4. — Vue extérieure d'un fuur (d'après une photographie faite par M. Paul Nadar (i).
diamètre, prennent naissance à l'intérieur du four, tout à fait au bas de sa
paroi verticale, et vont s'ouvrir à l'extérieur dans le haut du dôme. Au
début de l'opération, leurs orifices supérieurs sont hermétiquement bou-
chés avec de l'argile.
Marche de l'opération. — Les briques sont placées par séries verticales
dont le plan est en éventail, de manière à rayonner autour de la partie dé
la sole qui est à claire-voie, et sous laquelle est allumé le feu. Ces briques
sont fort grosses : elles n'ont pas moins de O"",!! dans leur plus petite
(1) Le four dont l'élévation est représentée ci-dessus d'après une photographie faite sur place, n'est
pas construit tout à fait sur le plan qui vient d'être décrit. Il est non pas rond, mais quadrangu-
laire. Dans ce cas, les cheminées sont au nombre de quatre au lieu de trois, et elles sont placées
dans les tours qui renforcent les angles. Mais la forme ronde est la plus typique et la plus employée.
C'est en même temps la plus simple et celle qui donne les meilleurs résultats au point de vue de la
cuisson des briques. Le système et le mode de fonctionnement sont d'ailleurs identiques.
É. ULANC. SIR UN MODE PARTICULIER DE CUISSON DES RRIQUES 271
épaisseur, ce qui leur donne 0°S225 de largeur et 0'",46 de longueur. Des
briques aussi épaisses auraient peine à cuire jusqu'au centre par les procé-
dés ordinaires, et il serait même impossible de leur donner un degré de
cuisson homogène dans toute leur épaisseur. Un four comme celui qui
vient d'être décrit peut contenir environ 7.000 briques de cette grosseur.
On ne les accumule pas tout à fait jusqu'au haut du dôme, de manière
à réserver une chambre au sommet de celui-ci.
Les briques étant ainsi disposées, on allume le feu et on le pousse sans
interruption pendant trois jours et demi ou quatre jours. La quantité de
combustible dépensée pendant ce temps pour une fournée est de trente-
cinq charges de chameau pesant 7.000 kilogrammes (à 200''- l'une). Le
combustible employé est une plante annuelle et assez fortement lignifiée,
ïalhagi camelorum, dont la valeur calorifique est assez considérable (7.000'''
de cette plante séchée représentent environ 23.800.000 calories). Le troi-
sième jour, on rétrécit peu à peu l'ouverture supérieure du dôme avec des
mottes d'argile mouillée, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus que 0"',80 à 1 mètre
au plus de diamètre; puis après avoir laissé tomber la flamme, on bouche
hermétiquement l'ouverture avec une couverture de feutre trempée dans
l'eau. On charge cette couverture avec du sable, de manière à lui faire
fonner une sorte de poche oîi l'on verse constamment de l'eau. En même
temps, on débouche les trois évents latéraux et l'on ranime le feu que l'on
entretient très activement pendant quatre jours. Le tirage qui se faisait de
bas en haut se fait alors de haut en bas ; il doit donc subir un retourne-
ment pendant lequel la vapeur d'eau qui s'est répandue dans le four à tra-
vers la paroi de feutre, subit une surchaufl'e et atteint une pression plus
forte que la pression atmosphérique.
C'est sans doute cet excès de chaleur et de pression qui donne lieu aux
réactions chimiques caractéristiques de cette opération. Par la disposition
qui vient d'être indiquée, on donne au four une portion de paroi filtrante
qui émet sans cesse vers l'intérieur de la vapeur d'eau. Cette vapeur d'eau
passe de haut en bas à travers la masse des briques chauffées au rouge et
leur fait subir une transformation moléculaire particulière.
Par suite de cette réaction, les briques qui, à la fin du troisième jour,
étaient d'un rouge clair et d'une consistance médiocre, acquièrent une
couleur gris foncé uniforme; leur structure prend une apparence poreuse;
elles deviennent très sonores et d'une grande dureté; leur cassure est
nette et à vives arêtes, mais sans être vitreuse. Elles prennent, en somme,
l'apparence de certaines roches trachytiques. Il est probable qu'en effet
il se forme, sous l'action de la vapeur d'eau, une sorte de trachyte
artificiel.
La quantité de combustible dépensée pendant la seconde période de
cuisson est, pour une fournée, de quarante-cinq charges de chameau pe-
272 CHIMIE
sant 9.000 kilogrammes. Le combustible est le même qui a été indiqué
ci-dessus (branches d'alhagl camelorum).
Composition des matériaux employés à la fabi'ication des briques . — L'ar-
gile employée pour la fabrication de ces briques est généralement du lôss
ordinaire; cependant lorsqu'elles sont fabriquées dans des localités situées
sur les grands cônes de déjection qui s'étalent au pied des chaînes de mon-
tagnes avoisinant la frontière sibérienne, comme les Monts Tian-Chan par
exemple, elles sont faites avec des argiles d'alluvion provenant de la désa-
grégation des roches qui constituent la charpente de ces montagnes . Ces
roches sont assez variées; cependant elles appartiennent le plus souvent à
la famille des diorites ou à celle des serpentines ; ou bien encore ce sont
des roches amorphes, compactes, de couleur foncée et qui paraissent être
des argiles métamorphisées. Toutes ces substances, ainsi que les alluvions
qui en dérivent, contiennent par conséquent des sihcates d'alumine, de
magnésie, de chaux et de fer.
Nous n'entreprenons pas de donner ici la formule des réactions qui se
produisent dans cette fabrication. Nous ne pourrions le faire que d'une
façon hypothétique, et nous espérons que cette formule pourra être déter-
minée d'une façon plus certaine (lorsque le laboratoire de l'École des Ponts
et Chaussées, auquel nous avons transmis un échantillon rapporté par
nous, en aura fait l'analyse). Cependant on peut présumer, a priori, qu'il
se produit de l'oxyde salin, c'est-à-dire qu'une partie de l'oxyde de fer
contenu dans l'argile des briques se suroxyde sous l'influence de la vapeur
d'eau, aux dépens de l'autre partie du même oxyde, qui devient basique, et
qu'elle forme avec celle-ci, en présence de l'alumine et concurremment avec
d'autres bases contenues dans l'argile, un sel qui peut être un ferrosoferrate.
Applicatio7i de ce procédé aux constructions hydrauliques de Meriv. —
Nous avons observé pour la première fois la fabrication qui vient d'être
indiquée dans la partie septentrionale de la Kachgarie, c'est-à-dire dans la
région qui avoisine Kouldja. Nous avons vu ensuite des briques qui avaient
été cuites par ce procédé, dans les murailles ou dans les ruines des divers
édifices de la môme contrée. Mais nous avons plus tard constaté de nou-
veau l'emploi de ce procédé aux environs de Mer w, dans la Transcaspienne,
où il a été récemment introduit. Les ouvriers dounganes et tarantchis, au
nombre de près de deux mille, qui, après avoir quitté la Chine à la suite
de persécutions politiques et religieuses, ont trouvé un refuge sur le terri-
toire russe, et ont été enrôlés pour travailler aux ouvrages de barrage et
d'irrigation entrepris depuis peu sur le Mourg-ab, ont apporté avec eux la
connaissance de ce procédé. Celui-ci a été mis à profit avec un grand succès
et avec une grande perspicacité par les ingénieurs chargés de ces travaux
d'art, M. Paklewski et M. Sawitcha, dont le premier avait eu l'occasion
déjà auparavant d'observer ce système dans le district de Kouldja.
SIELR. MÉTÉOIIOLOGIE DU DÉPARTEMENT DES DEUX-SÊVRES 273
Dans la localité dont il s'ayit, c'est-à-dire au Yieux-Merv, l'argile em-
ployée est de l'argile d'alluvion provenant du cône de déjection du xMourg-ab.
qui apporte dans la plaine des matériaux empruntés aux montagnes d'Af-
ghanistan, c'est-à-dire à la chaîne du Paropamise, dont la constitution
géologique est à peu près la même que celle des montagnes dont il a été
question ci-dessus (1 ).
L'échantillon de brique que nous avons l'honneur de présenter à l'appui
de la présente note est fabriqué avec cette matière. On peut voir combien
l'épaisseur en est forte et la cassure tranchante. La surface est rugueuse
et fait très bien prise avec le mortier. En outre, le poids de cette matière
est remarquablement faible, ce qui est un avantage très notable dans les
constructions. Les briques ordinaires fabriquées dans la même localité
avec la même argile sont d'un rouge un peu blanchâtre; elles s'émiet-
tent facilement, et lorsqu'elles ont une épaisseur aussi forte que l'échan-
tillon en question, elles ont une consistance très inégale dans leurs di-
verses parties.
Nous pensons qu'il y aurait quelque intérêt à faire connaître cette fabri-
cation, dont les résultats ont pour eux l'épreuve de l'expérience dans des
conditions climatériques particulièrement rigoureuses, et nous crovons
qu'elle pourrait rendre des services en France, surtout pour l'exécution des
ouvrages d'art qui doivent braver les intempéries extrêmes, ainsi que dans
les grands travaux publics.
M. SIEÏÏE
Professeur au Lvcée de Niort.
MÉTÉOROLOGIE DU DÉPARTEMENT DES DEUX-SÈVRES
ET DE LA RÉGION DU SUD-OUEST
— Séance du 16 septembre 1892 —
Depuis douze ans que j'ai l'honneur de remplir les fonctions de secré-
taire de la Commission des Deux-Sèvres, j'ai recueilli, sur les conditions
météorologiques du département, une série d'observations résumées dans
la présente communication.
i\) Ce sont les terrains de transition qui domiufnl : l'axe de la chaîne est de nature granitique,
sur les versants se trouvent des placages de roches métamorphiques.
18*
214 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Je n'ai point assurément la prétention d'offrir un travail complet;
néanmoins je le considère comme ayant un réel intérêt pour la science
qui nous occupe. En effet, si un résumé semblable était fait dans chaque
département, le Bureau central, qui reçoit toutes nos communications,
pourrait peut-être en extraire des matériaux utiles pour arriver à la dé-
termination des lois qui régissent les phénomènes atmosphériques. La
connaissance de ces lois, encore inconnues, doit être le but de tous les
météorologistes qui ont accepté la mission de créer la Science du temps.
Pour donner à mon travail toute la clarté possible, j'ai laissé de côté
les détails, c'est-à-dire l'étude des phénomènes irréguliers, pour ne m'oc-
cuper que de ceux qui se reproduisent le plus fréquemment. Je me suis
principalement inspiré de la pensée du grand promoteur des études mé-
téorologiques en France, Leverrier. On sait, en effet, que l'illustre astro-
nome, directeur de l'Observatoire en 1863, recommandait, dans sa cir-
culaire aux Commissions météorologiques des départements, « de laisser
de côté les considérations théoriques, pour s'occuper de la statistique des
phénomènes ».
Au point de vue météorologique, le département des Deux-Sèvres ap-
partient au climat girondin, qui comprend tout le territoire situé entre
la Loire, les Pyrénées et l'Atlantique. Sa constitution géologique le fait
diviser en trois régions : la Gàtine, la Plaine et le Marais.
La Gàtine occupe le nord et une partie du centre. La Plaine occupe une
portion du centre, le sud et le sud- est. Le Marais commence à quelques
kilomètres au sud-ouest de Niort, et occupe une partie assez étroite de
la vallée de la Basse-Sèvre.
Une chaîne de collines, dirigées du nord-est au sud-ouest, forment le pla-
teau de Gàtine, de chaque côté duquel sont les bassins de la Sèvre-Nan-
taise, au nord, et de la Sèvre-Niortaise, au sud. Les sommets les plus
élevés de ce plateau : Saint-Martin-du-Fouilloux et l'Absie, ont une alti-
tude de 272 mètres.
Je ne m'arrêterai pas à l'examen des conditions météorologiques par-
ticulières à chaque bassin : il me suffira de faire remarquer que le bassin
de la Sèvre-Nantaise a un sous-sol granitique ou schisteux, tandis que
celui de la Sèvre-Niortaise est en partie composé de terrain jurassique.
La nature du sous-sol ayant une influence incontestable sur les phéno-
mènes météorologiques, en particulier sur la température, on comprend
qu'il existe une différence sensible entre la météorologie générale des
deux bassins. On a remarqué que des brouillards locaux se montrent
dans le bassin nord, tandis que la plaine jouit d'un brillant soleil, ou
réciproquement.
Dans l'étude qui va suivre, je ne me suis occupé que des phénomènes se
rapportant à la météorologie de l'ensemble du département.
SIEUR. — MÉTÉOROLOGIE DU DÉPARTEMENT DES DEUX-SÈVRES 275
I. — Du RÉGIME DES VENTS.
])e\i\ courants gazeux dominent sur notre département : '1° les vents
du nord-est, qui se rattachent au courant polaire ; ils sont secs et froids;
2° les vents du sud-ouest, qui dérivent du courant équatorial ; ils sont
ordinairement humides et chauds. Ces deux courants, à peu près ré"-u-
liers, ont pour caractère une certaine stabilité. On a pu remarquer, en
effet, qu'un vent sud-ouest ou nord-est bien établi persiste pendant un
long espace de temps. Ils alternent entre eux. Tous les vents ayant une
direction intermédiaire sont de courte durée. Chaque saison a ses vents
dominants : en été, nous avons parfois le vent chaud et même brûlant
du sud-est, que quelques-uns de nos collègues, dans la Commission dé-
partementale, considèrent comme la continuation du sirocco. (Il nous
paraît difïïcile d'admettre que le célèbre courant africain franchisse la
Méditerranée et les monts d'Espagne pour arriver jusqu'à nous.)
En règle générale, le vent dominant du département est celui du sud-
ouest. Les moins stables sont ceux du sud et du nord, qui ne tiennent
que quelques heures, rarement un ou deux jours.
Quelques-uns des vents qui nous visitent sont parfois violents et
soufilent en tempête : tel est le cas pour ceux du sud-ouest et de l'ouest,
quand ils forment la continuation d'une bourrasque venue de l'Atlantique.
Très rarement nos vents tournent au cyclone ; cependant, le cas se pro-
duit parfois, principalement dans le nord du département, aux environs
de la ville d'Argenton-Château. L'observateur de cette localité nous a
signalé trois trombes en dix ans.
Les bourrasques venant de l'Atlantique ont toujours une action plus ou
moins considérable sur la force et la direction des vents qui dominent
non seulement dans notre département, mais encore sur ceux de la
Vendée, de la Loire-Inférieure, du Maine-et-Loire et de la Charente-
Inférieure, qui se confondent avec les courants des Deux-Sèvres.
IL — De la TEMPÉRATURE.
Au point de vue thermique, le département des Deux-Sèvres, ne renfer-
mant point de montagnes et se trouvant près des côtes, doit avoir un
climat tempéré. Le bassin nord a une moyenne thermométrique infé-
rieure de 1° à celle du bassin sud. Je vais donner les températures s'ap-
pliquant à la station de Niort, f[ui correspond sensiblement à la movennc
générale départementale .
Nous possédons les relevés thermométriques de Niort depuis 1802 ; ils
sont consignés dans un livre du docteur Guillemeau. Le brave docteur a
276 MÉTÉOROLOGIE £T PHYSIQUE DU GLOBE
oublié de nous dire à quelle heure il faisait ses observations, quel genre
de thermomètre il employait et comment il était installé. Il nous a laissé
un amalgame de chiffres disposés sans ordre et desquels je n'ai pu tirer
que ces deux indications. Si l'on en croit Guillemeau, le maximum
absolu de température, de 1802 à 1841, s'est produit le 22 juillet 182o;
ce jour-là, le thermomètre du docteur monta à 4i'\ Le minimum ab-
solu, pendant la même période, — 17°, a été noté le 27 décembre 1829.
Je ne sais quel degré de confiance nous pouvons accorder à ces deux
extrêmes.
Dans ses études, la Commission des Deux-Sèvres a admis la division
de l'année étabhe dans le bassin de la Seine, en saison chaude et saison
froide. La première comprend les mois d'avril, mai, juin, juillet, août,
septembre et octobre ; la seconde est fournie par les mois de novembre,
décembre, janvier, février et mars.
La moyenne thermométrique de la saison chaude, calculée pour la pé-
riode 1878-1890, est de lfj°,5 ; la moyenne de la saison froide est de 5°,8 ;
soit une moyenne générale annuelle de 10", (3, que je considère comme
constituant la normale.
De 1878-1892, l'été le plus chaud a eu pour moyenne 16",! : c'est le
chiffre obtenu en 1878 et en 1886. L'hiver le plus rigoureux a été celui
de 1887-1888, dont la moyenne a été 4°,2, c'est-à-dire inférieure de
plus de 1° à la normale.
Les mois de juillet et août ont pour moyennes 19°,2 et 19°, 3. Le mois
de janvier est le plus froid de l'année, avec la moyenne 3", 6.
L'examen des chiffres ci-dessus montre que l'écart est peu considérable
entre les moyennes d'été et d'hiver. C'est là le propre d'un climat tem-
péré. Nous avons remarqué que toutes les fois que la température maxima
atteint ou dépasse 32", en été bien entendu, il se produit un changement
de temps en quelque sorte instantané. Un orage se montre immédiate-
ment. De même quand, en hiver, le thermomètre minima descend à — 12",
il y a un changement de temps prochain. Ce sont là deux observations
personnelles sur lesquelles j'ai eu occasion d'appeler l'attention de la
Commission départementale, et qui m'ont paru bonnes à être signalées au
Congrès .
En dehors de la température de l'atmosphère, je me suis occupé de
celle des sources qui alimentent le déparlement. Il résulte de mes re-
cherches que les eaux qui jaillissent du calcaire sont plus chaudes que
celles qui ont traversé le granit ou le schiste. J'ai trouvé pour moyenne
de trente-cinq sources, 11°, 1 ; la plus froide ayant 8°,2 et la plus
chaude 13". J'ai pu contrôler dans les Deux- Sèvres l'assertion de
M. Renou, qui nous dit que la température maximum des sources se ma-
nifeste k l'automne. Je ne dis rien de la composition chimique des eaux;
SIEUR. — MÉTÉOROLOGIE DU DÉPARTEMENT DES DEUX-SÈVRES 217
cette question est du domaine de la chimie ; elle fera l'objet d'une étude
qui ne peut trouver place dans la statistique purement météorologique
qui m'occupe en ce moment.
III. — De i,a pluie.
Les vents du sud-ouest apportent chaque année une certaine quantité
de pluie qui tombe sur la plaine ; les nuages bas et pluvieux ne fran-
chissent pas lahgnede faîtes dont j'ai parlé plus haut; aussi le versant
sud-ouest du plateau qui essuie ces vents reçoit-il plus d'eau que le ver-
sant nord-est. Le rapporteur de la Commission des pluies a remarqué
que la quantité de pluie tombée sur une localité voisine de la ligne de
faîtes est proportionnelle à la pente du versant. Les stations de Mazières
en Gàtine et de l'Absie occupant les sommets à altitude maximum, four-
nissent chaque année le maximum pluviom.étrique. Le minimum de
chute se trouve aux environs de Thouars, à Belleville.
La Commission départementale ne possède que depuis dix ans les
relevés de cinquante-deux stations, tandis que, pour la station de Niort,
les documents à ce sujet remontent à l'année 1862.
Voici la moyenne pluviométrique à Mort pour chaque mois :
Janvier, 71 millimètres; février, o2 millimètres; mars, o9 millimètres;
avril, 60 millimètres ; mai, 63 millimètres ; juin, 60 millimètres ; juillet,
53 millimètres ; août, 49 millimètres ; septembre, 67 millimètres ; octobre,
97 millimètres ; novembre, 84 millimètres ; décembre, 7o millimètres ;
soit une moyenne annuelle de 780 millimètres. L'année la plus pluvieuse
de 1862-1890 a été 1883, qui a fourni 1.096 millimètres, et la plus sèche,
1869, qui n'a donné que 573 millimètres. Si nous faisons la moyenne des
jours de pluie dans l'année, nous trouvons 15o à l6o. On a pu remarquer
que 1881, tout en ne comptant que 141 jours de pluie, a donné 723 mil-
limètres d'eau ; l'année 1872, avec 214 jours, a fourni 1.013 millimètres.
En somme, on voit qu'au point de vue pluviométrique comme au
point de vue thermique, notre département n'est point un climat excessif
La pluie et le beau temps se succèdent assez régulièrement pour favo-
riser la végétation. L'année 1892 fera époque par sa longue période
sèche qui comprend le printemps et l'été. La neige ne tombe abondam-
ment que dans les arrondissements de Bressuire et Parthenay. A peine
fait-elle une apparition chaque année dans la plaine sur laquelle elle ne
séjourne que très rarement.
IV. — Des ORAGES.
La Commission météorologique des Deux-Sèvres ne possède que depuis
cinq ans des documents précis sur la formation et la marche des orages.
278 MÉTÉOROLOGIt: ET PHYSIQUE DU GLOBE
Ces dernières années, notre honorable colir3gue Barillier-Bcaupré dresse
des cartes qui sont le plus bel ornement du Bulletin départemental.
L'examen de ces cartes dressées avec un soin minutieux, montre que la
route suivie le plus fréquemment par nos orages est sud-ouest-nord-est.
Quelques-uns, venant du Maine-et-Loire et s'arrètant sur les arrondisse-
ments de Parthenay et Bressuire, nous viennent du nord-ouest et s'a-
vancent dans la direction sud-est.
Le voisinage de la mer fait que les orages des Deux-Sèvres sont moins
nombreux et moins violents que ceux qui frappent les départements du
centre. Le tableau suivant indique les journées orageuses dans la période
1887-189 L En 1887, il y a eu 65 jours d'orage; en 1888, on compte
48 jours ; 33 en 1889; 43 en 1890 et 30 en 1891 ; soit, au total, ^219 pen-
dant les cinq années.
I^es mois de juin, juillet et août sont ceux où se produit le maximum
d'orages, mai et septembre viennent ensuite.
Nous ne considérons pas comme orageuse la journée où l'on a entendu
le bruit d'un coup de tonnerre dans le lointain. Ordinairement, nous appe-
lons orageuse la journée qui a vu former plusieurs orages en divers points
du département. On peut remarquer que, dans nos contrées de l'ouest,
les orages sont multiples et simultanés ; un orage est rarement isolé ; ils
ont une tendance à souffler par séries ; ils se succèdent à intervalles rap-
prochés en suivant la même trajectoire ou au moins suivant des directions
parallèles. J'ai pu observer qu'un grand nombre d'orages n'ont pas une
trajectoire nettement déterminée : après être restés quelque temps sta-
lionnaires, on les voit se diviser en deux ou trois tronçons. C'est le cas
pour tous les orages locaux qui paraissent suivre les vallées. En ce qui
concerne les orages à grande trajectoire, ils prennent naissance dans le
golfe de Gascogne, franchissent tout le département du sud au nord et
ne sont point arrêtés par les collines de la Gàtine. Cette seconde catégorie
d'orages est moins fréquente que la première ; elle paraît également moins
redoutable pour les récoltes, elle ne laisse tomber de la grêle que très
rarement. C'est principalement aux orages locaux, croyons-nous, qu'il
faut attribuer les nombreuses chutes de foudre qui causent les incendies
des habitations ou des meules de foin et de paille. Dans les Deux-Sèvres
on a signalé trente-trois accidents graves causés par la foudre en 1889 :
incendies, arbres brisés, personnes frappées, etc. En moyenne, deux ou
trois personnes sont tuées chaque année.
Les périodes orageuses sont caractérisées par une baisse barométrique
très accentuée et une élévation de température subite dans une atmo-
sphère humide. En hiver, on a remarqué quelques orages assez violents
accompagnés de grésil, ce qui semblerait justifier la théorie de Spring
sur l'origine de ces phénomènes grandioses. On sait que le savant pro-
I,_ j K(1N. — PROJET d'observatoire RÉGIONAL DE LA TOUR MONCADE 279
fesseur belge considère l'électricité des nuages orageux comme produite
par la congélation des gouttelettes d'eau.
\ _ Sur la durée de l'insolation, a Niort, pendant l'année 1891.
Depuis le l^'' janvier 1891, la Commission des Deux-Sèvres possède un
héliographe Campbell qu'elle a installé à Niort. Nous espérons tirer
quelque conclusion pratique des indications fournies par cet instrument.
Un de nos collègues attribue au grand éclairement solaire de 1892 la
bonne qualité du blé. L'intluence de la lumière, dit-il, sur la végétation
du blé dans nos campagnes est peut-être aussi importante que celle de
la chaleur. Nous aurons à examiner ce qu'il y a de fondé dans cette
assertion. En attendant, voici le relevé des indications fournies par notre
héliographe pendant l'année 1891 :
Du l*""' janvier au 31 décembre, nous avons eu, à Niort, 33 jours pen-
dant lesquels le ciel est resté sans nuage et 62 pendant lesquels le soleil
a été complètement caché. Le reste de l'année a présenté des alternances
de soleil et de nuages.
Le mois de juin a fourni le maximum d'insolation, 268 h. 17m., août
et juillet viennent après avec 2o4 h. 10 m. et 238 h. o m. C'est le mois
de février qui a fourni le déficit minimum d'insolation, 138 h. 10 m.;
le déficit maximum, 289 h. lo m., a été noté en mai.
Si le soleil n'eût pas été caché par les nuages, il aurait brillé à Niort
pendant 4.467 h. 8 m. ; il ne s'est montré que pendant 1.988 h. 38 m.,
accusant ainsi un déficit total de 2.478 h. 30 m.
M. Henry LÉOI
Président de la Sociuté do Climatologie pyrénéenne, à Pau.
PROJET D'OBSERVATOIRE RÉGIONAL DE LA TOUR MONCADE, A ORTHEZ
— Séance du 16 septembre 1892 —
La météorologie, bien longtemps réduite à des observations dont les
déductions étaient négligées, commençait à se développer avec le concours
du Bureau central météorologique de Paris, qui, dès 1864, sous la puis-
sante initiative de M. Le Verrier, établissait, grâce à l'aide de l'électricité,
Je grand réseau européen d'observations météorologiques, en vue des
280 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
avertissements de tempêtes pour les marins. Il se fondait alors des postes
d'observations dans toutes les écoles normales du territoire et l'on insti-
tuait dans chaque département des Commissions météorologiques chargées
de réunir tout ce qui. dans leur rayon particulier, avait trait aux phéno-
mènes de l'air.
Mais, jusqu'à un moment donné, rien n'était régulier et les observations
livrées à des observateurs sans méthode et sans contrôle, commencées et
suspendues, ne pouvaient former un champ d'exploration utile. Elles n'en
propageaient pas moins l'idée, et le goût du baromètre et du thermomètre
alla en grandissant, surtout lorsque, des études et des comparaisons faites,
on en vint à établir sur des bases à peu près solides la grande science de
la prévision du temps, aujourd'hui à l'ordre du jour de toutes les nations
civilisées préoccupées du temps à venir.
Quant à la climatologie, cette autre science appliquée, découlant de
la météorologie, elle n'était pas encore, pour ainsi dire, née. Elle était à
l'état théorique, embrassant l'étude de toutes les causes qui caractérisent
les divers climats, et par suite les diverses régions de la surface du globe;
mais elle n'avait en soi rien de pratique dans ce qui avait trait aux
modifications apportées dans l'organisme humain par l'influence des cli-
mats et l'on n'en avait point déterminé tout ce qui devait la rattacher
aux règles déjà connues de l'hygiène publique et privée.
Et cependant l'influence des climats sur les êtres vivants était connue
de la plus haute antiquité.
Aristote et Platon l'avaient signalée. Hippocrate lui avait consacré de
nombreux développements.
A la tradition et aux enseignements de la- logique, Arétée, Asclépiade,
Temison et Colse avaient ajouté le témoignage de Texpérience.
Le philosophe avait recherché les causes des différences qui existent
dans la constitution, le caractère, les mœurs, la manière d'être des
peuples ; le médecin avait trouvé dans l'action des climats sur l'homme
des moyens efficaces pour guérir certaines maladies. Philosophes et méde-
cins constataient la puissance et la généralité de cette ressource thérapeu-
tique; car telle est la liaison intime qui existe entre la vie morale et la
vie physique que toute diversion opérée sur la première réagit de toute
nécessité sur la seconde.
Le Congrès de climatologie et d'hydrologie qui s'est tenu à Biarritz,
le 1" octobre 1886, a été la consécration de la climatologie. Ces assises,
qui ont emprunté une "importance presque solennelle au concours de tous
les savants arrivés des divers pays d'Europe et d'Amérique, ont posé sur
des bases sérieuses la science des climats à peine ébauchée quoique depuis
longtemps énoncée en principe.
Toutefois, afin d'arriver à la propagation des idées que le Congrès avait
H. LKON. — PROJET d'oBSERVATOIUE RÉGIONAL DE LA TOUR MONCADE 281
soulevées, il fallait une société qui, grâce à une action continue, intelli-
gente et contrôlée, s'imposât la mission de poursuivre l'œuvre au delà
de ses débuts.
C'est ainsi qu'était née, s'installant à Bayonne, comme un point plus
indépendant dans la région du sud-ouest, la Société de climatologie pyré-
néenne, groupant toutes les forces vives de la contrée et dirigeant sous un
même drapeau les météorologistes du sud-ouest, depuis Arcachon et Biar-
ritz jusqu'à Bagnères-de-Bigorre, dans le but de discuter les questions
d'hygiène et de mettre en relief les stations climatériques qui pouvaient
être utiles en vue du bien-être de la vie et dans la recherche de la santé,
au moyen d'observations que la météorologie locale pouvait favoriser.
Elle vit donc arriver successivement, à son appel, avec leurs observa-
tions :
Arcachon : Société scientifique, D"" Hameau. — Bayonne : Société de
climatologie, E. Ragon. — Biarritz : Biarritz Association, Ch. Sébic. —
BiGORRE : Société Ramond, D-" Gandy. — Cambo : Établissement thermal,
D-- Juanchuto. — Dax : Société Borda, D^ Bourretère. — Pau : Observa-
toire particulier, A. Piche. — Salies : Établissement thermal, Saint-Guily.
Et pendant quatre ans ces observatoires ont envoyé à la Société de
climatologie pyrénéenne leurs observations journalières qui sont devenues,
dans le lîuUetin de cette Société, l'objet d'un tableau mensuel comparatif
avec les observations parallèles de Paris pris comme terme du nord et
de Nice pris comme terme de la région méditerranéenne, auquel s'ajou-
taient, comme complément, des résumés trimestriels et annuels.
Ces observations qui, toutefois, il faut le dire, n'avaient pas la perfection
que l'on aurait voulu leur reconnaître, établissaient d'une façon suffisam-
ment scientifique le climat de la région et venaient en aide aux écrivains
qui se donnent pour mission de placer la chmatologie au service de la
médication nouvelle, celle de l'utilisation de la nature par la vie au grand
air, pour le soulagement ou la guérison des maladies nombreuses qui, sous
• le nom d'états de santé, entravent trop souvent l'exercice naturel de
l'existence.
Et pendant que cette évolution de la météorologie se faisait, alors que
naissait l'émission du principe de la climatologie comme science appliquée,
un passionné de la météorologie, un vrai bénédictin, retiré à Saint-Martin-
de-Hinx, dans un coin du département des Landes, avoisinant le rayon
maritime du golfe de Gascogne, à 20 kilomètres de Bayonne et sur un
plateau à 100 mètres d'altitude, M. Cartier, enfermé dans son champ,
avait créé pour lui seul, sans aucune subvention ni assistance quelconque,
sans autre but que celui d'observer et de noter, un observatoire que l'on
peut qualifier de premier ordre, réunissant tous les instruments qui
servaient à inscrire les phénomènes de l'air. Ses observations, qui datent
282 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
de 1864, se sont continuées jusqu'à sa mort pendant vingt-six ans,
recueillies sans interruption, avec un dévouement, un soin et une exactitude
remarquables, publiées d'abord dans un grand nombre de brochures,
groupées ensuite régulièrement sous forme de courbes auxquelles ont été
joints des résumés mensuels depuis 1878.
Cette série peut être considérée comme une des meilleures qui existent,
établissant avec des pièces immuables les fluctuations du climat de la
région pyrénéenne.
Mais M. Cartier a cessé d'exister et le travail qu'il avait commencé est
interrompu et ne se poursuivra plus. Les essais d'union des météorolo-
gistes de la contrée n'ont pu avoir de suites : les perfectionnements que l'on
attendait dans l'installation des observatoires ne se sont pas produits,
les observateurs ont mis des négligences qui empêchaient la régularité des
publications ; il y avait parfois des lacunes, et souvent il aurait fallu
suppléer à des chiffres non établis afin de rendre complets les résumés
dont la publication avait son importance. Tout reposait sur une seule tête
dont les loisirs seuls pouvaient èlre employés à une œuvre semblable qui,
pour être continuée, devait atteindre une certaine perfection, afin de se
montrer avec une autorité incontestable .
Dans de telles conditions, il a paru convenable de réédifier sur des bases
nouvelles ce qui avait été démoli par les circonstances, et un nouveau
projet d'observatoire régional a surgi, relevant de ses cendres non éteintes
l'observatoire scientifique de M. Carlier et poursuivant l'œuvre pratique
de la Société de climatologie pyrénéenne, dont le drapeau arboré existait
toujours chez son président, M. Henry Léon.
Mais, pour énoncer ce projet, nous ne saurions faire mieux que de
reproduire sur cette question l'extrait du rapport de M. A. Piche, sur la
météorologie dans le département des Basses-Pyrénées :
« A la mort de M. Carlier, dit M- Piche, sa veuve offrit à l'État l'obser-
» yatoire de Saint-Martin-de-Hinx, instruments et propriété, à la condition
» que la longue et belle série d'observations faite par son mari serait
» continuée.
■)•> Le Bureau central étudia la question de savoir si cette proposition
» devait être acceptée.
» Après examen, il conclut à la négative, probablement par défaut
» d'élasticité dans son budget, peut-être aussi parce que Saint-Martin-
» de-Hinx, quoique près de Bayonne, est un point d'accès peu aisé et
)) n'offrirait aucune ressource aux savants chargés d'y passer leur vie
» (à moins d'en faire un pénitencier météorologique).
» Chagriné de voir cette série interrompue et cette belle collection
« d'instruments inutilisée, M. Léon, dont l'esprit est toujours en quête
» d'améliorer les observations de la région, s'est dit :
„_ , ,.-ox. PROJET d'OBSERVATOIUE liÉGIOXAL PK I.V TOUR MONCADE 283
» Devons-nous demander à M"'« Carlier de nous donner les instruments
» de son mari, pour fonder, sous son nom, un observatoire à Bayonne,
» Biarritz, Dax ou Pau? iNon, car toutes observations faites dans ces sta-
» tions hivernales ou balnéaires seront toujours soupçonnées de partialité.
» Mettons plutôt l'observatoire Carlier à Orthez, à la tour Moncade.
» Nous établirons ainsi, de façon indiscutable, le climat du sud-ouest
» et nos stations en bénéficieront, bien plus que si l'observatoire était
» dans l'une des cités.
» M. Léon me communiqua cette idée, que je combattis tout d'abord ;
» la réflexion m'amena cependant à la partager.
» Orthez est bien situé, au nord du département, à distance assez grande
» de la mer et des montagnes ; la tour Moncade se dresse sur le sommet
» d'un coteau à pentes douces. L'observatoire qu'on y établirait, relié
» optiquement et par télégraphe et téléphone à l'observatoire du Pic du
» Midi, ainsi qu'à un troisième point qui pourrait être le jardin Massy,
» de Tarbes, otîrirait une triangulation météorologique merveilleuse, sur-
» tout pour l'étude des nuages, si intéressante, mais si difficile.
» L'observatoire du Pic n'aura toute sa valeur que quand il sera com-
» piété par deux postes bien situés au pied de la chaîne, en avant de
» laquelle il se dresse.
» Au point de vue climatologique, l'observatoire d'Orthez nous ferait
» connaître les conditions atmosphériques de cette région, si belle et si
» intéressante du sud-ouest, dont le climat est vraiment spécial par sa
» douceur et son absence de vent. Enfin, les chefs de la station d'Orthez
9 vivifieraient tous les postes de la région, en contrôlant les instruments,
» inspectant les installations, en centralisant les documents et en les
» publiant.
» Cela rentrait d'ailleurs dans le plan d'organisation départementale
» soumis autrefois au Bureau central par notre Commission météorolo-
» gique.
» En effet, tant qu'il n'y aura pas dans chaque département un minimum
» de service officiel, assuré par des ^.gents rétribués, les commissions
» météorologiques vogueront à l'aventure, sans direction, sans esprit de
» de suite, sans concert.
» Assurez ce minimum de service, elles reprendront leur activité féconde
» et donneront des travaux d'une véritable valeur.
» J'encourageai donc M. Léon dans son idée et l'engageai à la trans-
» former en projet à soumettre à M. Planté, maire d'Orthez.
» Celui-ci, archéologue distingué, esprit ouvert et accueillant, vit aussitôt
» dans ce projet une occasion favorable de conserver, restaurer et utiliser
» le vieux donjon de Gaston Phœbus et promit son concours ie plus
» empressé.
284 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
» Le conseil municipal d'Orthez, sur la proposition de son chef, prenait,
» à la date du 12 février dernier, une délibération des plus favorables ;
» l'affaire est soumise au conseil général et suit son cours. Peut-être
» aboutira-t-elle au moment du Congrès? »
Aujourd'hui, avec la réorganisation de la Société pyrénéenne de climato-
logie, la création de l'observatoire d'Orthez est décidée; le maire d'Orthez
s'est mis en rapport avec le ministre pour la restauration de la tour
Moncade, classée parmi les bâtiments historiques ; un plan a été fait avec
tous les aménagements que comporte un observatoire. Trois étages et la
terrasse renfermeront les ateliers de réparation des instruments et le loge-
ment du gardien, la salle des archives et de la bibliothèque, la salle des
instruments qui n'ont pas besoin d'une exposition à l'air, la terrasse pour
tout ce qui constitue les observations à l'air libre. Les alentours seront
disposés en jardin, et une esplanade sera formée pour placer l'abri Renou,
pour les observations des instruments qu'il comporte.
Nous venons donc, au nom de la Société jnjvénéenne de climatologie, au
nom de M""^ veuve Carlier, au nom de la ville d'Orthez, au nom du dépar-
tement des Basses-Pyrénées et de la région tout entière du sud-ouest,
solliciter de V Association française pour l'avancement des sciences, réunie
en Congrès à Pau, de vouloir bien appuyer de son autorité le projet de
fondation de l'observatoire régional de la tour Moncade, à Orthez, reconnu
comme utile et complémentaire des grands observatoires établis.
M. Alfred AIGOT
Docteur es sciences, Météorologiste titulaire au Bureau central météorologique de France, ^ Paris.
SUR L'ÉTUDE DES NUAGES PAR LA PHOTOGRAPHIE
— Séance du 16 septembre 1892 —
L'étude des nuages est une des parties les plus intéressantes de la météo-
rologie. Leurs mouvements et leurs formes sont en relation certaine avec
les variations du temps et permettent souvent de les annoncer longtemps à
l'avance. D'autre part, la détermination de la hauteur et de la vitesse ab-
solue des nuages est le seul moyen que nous possédions, en dehors des
A. ANGOT. — SUR l'ÉTUDE DES NUAGES PAR LA l'IIOTOGRAPHIE 285
ascensions aérostatiques, pour connaître la direction et la vitesse des cou-
rants supérieurs de l'atmosphère.
Mais cette étude offre les plus grandes difficultés ; il est impossible, en
effet, de décrire l'aspect des nuages d'une façon assez précise pour qu'on
puisse s'en faire une idée même approchée. Le dessin est également im-
puissant à saisir ces apparences si complexes et si rapidement variables.
L'emploi de la photographie s'impose donc d'une manière absolue pour
fixer l'aspect exact du ciel à un moment donné.
Cet emploi est aussi très avantageux quand on veut déterminer la posi-
tion absolue des nuages dans l'espace. Pour faire cette détermination, on
mesure d'ordinaire simultanément au théodolite^ de deux stations suffisam-
ment éloignées, l'azimuth et la hauteur du même point d'un nuage ; on en
déduit, par les méthodes ordinaires de triangulation, la hauteur de ce
point au-dessus du sol et sa distance aux deux stations. En répétant la
même opération quelque temps après et comparant les deux positions succes-
sives occupées par ce point, on calcule aisément la direction et la vitesse du
mouvement de translation dont le nuage est animé. Cette méthode, simple
en théorie, présente dans l'application de grandes difficultés. Les deux
stations doivent être reliées par le téléphone, pour que les observateurs
puissent s'entendre sur le point exact du nuage qu'il convient d'observer;
cette entente est généralement malaisée et il peut souvent subsister quel-
ques doutes sur l'identité des points visés. En tous cas, l'opération est
longue et ne peut pas être répétée rapidement pour plusieurs points, ce
qui serait cependant indispensable; ce n'est, en effet, qu'en mesurant
presque au même instant la hauteur et la vitesse de différents points
d'un même nuage et comparant les résultats, qu'on peut apprécier le
degré d'exactitude des mesures et obtenir une moyenne méritant quelque
confiance.
L'emploi de la photographie présente, dans ce cas encore, des avantages
évidents. En photographiant simultanément de deux stations suffisamment
éloignées la même région du ciel, on obtient d'un seul coup l'image exacte
de tous les nuages que cette région comprend. On peut ensuite effectuer à
loisir sur ces plaques toutes les mesures nécessaires d'azimuth et de hau-
teur et pour autant de points que l'on veut, en prenant tous ceux qui
peuvent être identifiés d'une manière certaine sur les deux épreuves.
Toutes les fois qu'on a des nuages sombres sur un fond bleu ou blanc,
la méthode photographique ne présente aucune difficulté. On opère avec
des plaques quelconques au gélatino-bromure d'argent et avec un obtu-
rateur permettant d'obtenir des poses très courtes, entre un dixième et un
centième de seconde ou même moins. Après trois ou quatre essais, on
saura immédiatement quelle vitesse convient le mieux pour l'objectif et les
plaques que l'on emploie, ainsi que pour le degré de clarté du ciel.
286 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
J'estime qu'il est préférable, dans le doute, d'avoir plutôt un léger excès
qu'un défaut de pose. Si, après développement et fixage l'épreuve paraît
un peu trop posée, on la ramènera facilement au point voulu en la plon-
geant dans un bain d'hyposulfite de soude de 0/0 à 10 0/0, dans le-
quel on ajoute progressivement quelques gouttes d'une solution saturée
de prussiate rouge de potasse, faite peu de temps avant l'emploi. L'image
se ronge peu à peu dans ce bain, plus ou moins vite, selon la quantité
de prussiate; on suivra la diminution d'intensité avec soin; on retirera
la plaque un peu avant d'être arrivé au point voulu et on lavera ensuite
abondamment. Par ce moyen, on peut toujours tirer un bon parti de
plaques un peu trop posées, et l'on obtient, à mon avis, de meilleurs ré-
sultats qu'avec des épreuves trop peu posées qu'on essaierait ensuite de
renforcer par les procédés ordinaires.
On ne rencontre de réelles difiîcultôs que pour photographier des
nuages blancs, surtout légers, comme les cirrus et cirro-cumulus, se dé-
tachant sur un ciel bleu clair. On sait, en eiïet, que, sur les plaques ordi-
naires, le bleu agit à peu près comme le blanc, de sorte qu'on n'obtient
sur le cliché qu'un ciel uniforme ou présentant des apparences de nuages
trop faibles pour permettre des mesures et surtout des reproductions po-
sitives. Il n'y a qu'un moyen, c'est de chercher à éteindre l'action photo-
génique de la lumière du ciel, tout en conservant à celle des nuages une
intensité suffisante. On peut y arriver de plusieurs manières.
La plus simple consiste à interposer sur le trajet des rayons un écran
coloré en jaune ; la lumière bleue du ciel contenant peu ou point de
rayons de cette couleur est arrêtée presque complètement si l'écran est
suffisamment foncé ; au contraire, les nuages agissent sur la plaque sen-
sible parleur lumière jaune et produisent une impression. C'est ce procédé
qui a été employé le premier. M. Hildebrandsson, d'Upsal, a obtenu ainsi
d'assez belles épreuves : il prenait comme écran une cuve de verre à
faces parallèles contenant une dissolution de gomme-gutte additionnée
d'un peu de sulfate de quinine. Seulement, comme les plaques ordinaires
ne sont que très peu sensibles aux rayons jaunes, il faut poser très
longtemps ou employer des plaques préparées d'une façon spéciale, de
manière à augmenter leur sensibilité pour les rayons moyens du spectre
solaire. C'est ce moyen que paraît avoir aussi employé M. Garnier, de
Boulogne-sur-Seine, qui a obtenu les plus belles photographies que j'aie
vues jusqu'à ce jour. Malheureusement, M. Garnier n'a pas publié son
procédé, sous le prétexte que les tours de main auxquels il a recours sont
trop compliqués pour pouvoir être décrits d'une manière précise et appli-
qués par d'autres que par lui.
Un autre moyen, qui a permis à M. Riggenbach, professeur à l'Univer-
sité de Bâle, d'obtenir de très belles épreuves, consiste à profiter de ce que
A. A.NGOT. — SUR l'ÉTUDE DES NUAGES PAR LA PHOTOGRAPHIE 287
la lumière bleue du ciel est partiellemenl polarisée, surtout à 90 degrés du
soleil, tandis que celle des nuages ne présente pas trace de polarisation.
En regardant le ciel à travers un analyseur, que l'on tourne d'une façon
convenable, on éteint donc une partie notable des rayons émis par le ciel
bleu, sans diminuer proportionnellement l'intensité des nuages; le con-
traste est augmenté et l'on peut obtenir des épreuves de nuages très belles.
Comme analyseur on place devant l'objectif soit un prisme de Nicol, soit
une glace noire inclinée sur l'axe optique de l'objectif, d'un angle égal à
l'angle de polarisation totale, et portée par une monture qui lui permet
de tourner autour de cet axe. L'inconvénient de cette méthode est, qu'elle
n'est pas générale, le degré de polarisation de la lumière bleue du ciel
variant beaucoup suivant la direction. De plus, on ne peut guère employer
le JNicol, qui diminue trop le champ, et la glace noire placée devant
l'objectif rend l'orientation de l'appareil assez difficile. Toutefois, ce pro-
cédé peut rendre de grands services ; il a donné, entre les mains de
M. Riggenbach, de très beaux résultats, surtout quand on opère, comme
l'a fait ce savant, au sommet de hautes montagnes où le ciel est toujours
beaucoup plus foncé, ce qui augmente déjà beaucoup la différence entre les
actions photogéniques du ciel et des nuages.
Un dernier procédé qui a été également employé par M. Riggenbach
est le suivant : On n'emploie aucun artifice spécial et on photographie
simplement le ciel, mais avec un diaphragme assez petit et une durée de
pose assez courte pour que presque rien ne vienne au développement et
qu'on aperçoive seulement, après tixage, une image des nuages extrême-
ment faible, à peine apparente ; on emploie alors un renforcement
énergique. Celui qui a donné les meilleurs résultats à l'auteur est le
renforcement au mercure et au sel de Schlippe (sulfo-antimonite de
sodium). Ce renforcement s'effectue de la manière suivante : la plaque,
fixée et lavée comme d'ordinaire, est plongée quelques minutes dans une
dissolution à 1 1/2 0/0 de bichlorure de mercure, lavée abondamment,
puis immergée dans une dissolution à 2 0/0 de sel de Schlippe, où on la
laisse assez longtemps pour qu'il ne reste plus aucune place blanche sur
l'envers de la plaque. On termine par un bon lavage. Ce procédé, qui
peut donner parfois de bons résultats, ne me paraît pas absolument recom-
mandable; il est, en tous cas, très dangereux. Le sel de Schlippe est, en
effet, d'une conservation difficile et l'on risque le plus souvent de gâter
complètement ses clichés en les renforçant.
Grâce à une subvention qu'a bien voulu m'accorder V Association fran-
çaise jiour l'avancement des sciences, j'ai pu faire depuis quelques mois
de nombreux essais de photographies de nuages, et je crois que le pro-
cédé le plus sûr et en môme temps le plus simple est encore le premier,
c'est-à-dire l'emploi décrans colorés, à condition de se servir en même
288 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
temps de plaques convenables. Le plus commode de tous les écrans est
certainement un verre jaune de couleur convenable ; mais comme il faut
de nombreux essais pour trouver la meilleure sorte de verre, je crois qu'il
vaut mieux recourir aux écrans liquides, dont la composition peut toujours
être reproduite identiquement la môme. Le liquide dont je fne sers cons-
tamment est le suivant, que m'a indiqué i>L Léon Vidal, mais qui a été,
je crois, employé pour la première fois par le docteur Neuhaus :
Sulfate de cuivre 175 grammes.
Bichromate de potasse 17 —
Acide sulfurique 5 centigrammes.
Eau SOO grammes.
On peut, du reste, augmenter ou diminuer à volonté la quantité d'eau
suivant l'intensité de la teinte que l'on veut obtenir.
Ce liquide est renfermé dans une petite cuve fermée par des glaces paral-
lèles et que l'on peut fabriquer soi-même ou se procurer facilement chez
tous les fabricants d'instruments d'optique. On place cette cuve contre
l'objectif, soit en avant, soit en arrière, suivant que cela paraît plus com-
mode. Les cuves que j'emploie ont de G à 7 millimètres d'épaisseur inté-
rieure. Concurremment avec ce li(|uide, il convient de se servir, comme
plaques sensibles, de celles que fabrique la maison Lumière et qu'elle
désigne sous le nom de plaques orthochromaliques sensibles au jaune et
au vert. Ces plaques se trouvent couramment dans le commerce et sont
très employées pour faire des épreuves de paysages.
Les photographies que je présente, en même temps que cette note, ont
été obtenues par ce procédé avec un petit objectif grand-angulaire de
Prazmovvski, de 15 centimètres de foyer et de 7 millimètres d'ouverture.
Avec cet objectif, ancien et peu lumineux, il suilit d'une durée de pose
de 0%5 à 0%8, suivant le degré d'éclairement des nuages. Tous les procédés
de développement conviennent : sulfate de fer et oxalate de potasse,
hydroquinone, paramidophénol ; mais il est bon d'ajouter toujours un
peu de bromure de potassium, ce qui retarde le développement, mais
donne des images plus denses. D'une manière générale, il vaut mieux
ne pas employer un développateur très rapide, et on se tiendra plutôt
un peu en dessous qu'en dessus de la durée de pose convenable, assez
près cependant de celle-ci pour n'avoir pas besoin de renforcement. Les
clichés faibles se prêtent mieux, en effet, aux mesures que les clichés
trop intenses, et on peut en tirer des positifs très convenables à l'ombre
et sous le papier dioptrique. Je citerai, par exemple, l'épreuve de cirro-
stratus obtenue le 13 août 1892, à 3 heures du soir (15'' 0'" 7'j. Bien que
ce nuage fût très léger et le ciel un peu laiteux, ce qui a donné un cliché
A. ANGOT. ^ — SUR l'ÉTUDE DES MAGES PAR LA PHOTOGRAPHIE 289
très faible, le positif, tiré à l'ombre sous le papier dioptrique, est très
satisfaisant.
Dans toutes ces épreuves, qui comprennent de préférence les nuages
'les plus difficiles à photographier, cirrus et cirro-stratus, on a poussé
intentionnellement le tirage assez loin, de manière à montrer que l'on
peut obtenir beaucoup de contrastes : un ciel très noir et des nuages très
blancs. Il est bon d'ajouter que toutes les photographies ont été faites
près de l'horizon, au Bureau central météorologique, dans l'intérieur de
Paris, c'est-à-dire dans des conditions atmosphériques peu favorables. Les
résultats seraient certainement bien meilleurs si l'on opérait dans de bonnes
conditions, à la campagne, ou mieux encore sur les montagnes.
Je me propose de continuer ces recherches et d'essayer, au moyen de
la photographie, de mesurer la hauteur et la vitesse des nuages. Le but
de la présente communication a été surtout de faire connaître aux ama-
teurs de photographie, si nombreux aujourd'hui, qu'il existe des procédés
simples et sûrs pour réussir les photographies de nuages. J'espère que
cela pourra en décider quelques-uns à se lancer dans cette voie et que
nous pourrons bientôt réunir en France une collection de photographies
de nuages qui ne laissera rien à envier à celles que l'on réunit en ce
moment dans les observatoires de l'étranger.
Légende des planches î et II.
•pl. I. — 31 mai 1892, à 3 h. 26 m. du soir.
Cirrus et cumulus au sud. Les cirrus venaient sensiblement du sud ; ils ont pré-
cédé un orage qui a éclaté le soir même à 7 heures.
Pl. II. — 29 août 1892, à 3 h. 43 m. du soir.
Cirrus et cumulus au nord-ouest. Les cirrus venaient sensiblement du sud-ouest;
beau temps.
'Ces deux photographies ont été faites avec un objectif grand-angulaire de Prai-
mowski,de 14 cenlimètres de foyer, derrière lequel était placée une cuve con-
tenant la dissolution de bichromate de potasse et de sulfate de cuivre. On a
«mplojé des plaques orthochromatiques Lumière ; durée de pose, 0',8.
l'J'
^290 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
M. le F &AILT
Bagnères-de-Bigorre.
QUATRE ANNÉES D'OBSERVATIONS A BAGNERES-DE-BIGORRE
— Séance du i7 septembre 1892 —
La station météorologique de Bagnères-de-Bigorre, dont la création
remonte au Congrès d'hydrologie et de climatologie de Biarritz (1886), a
commencé à fonctionner à la suite du Congrès de V Association française
de Toulouse (1887).
En résumant les observations prises depuis le 1" décembre 1887 jus-
qu'au 31 août 1892, on obtient les résultats suivants :
Pression 6arome^/-içMe. — Moyenne générale : 715'""M0.
(L'altitude de la station est de 550 mètres.)
Les chifïres extrêmes observés ont été : pour le minimum, 686'"'",70, le
19 février 1892 ; pour le maximum, 730'»'",50, le 8 janvier 1888.
Le minimum du 19 février est tout à fait exceptionnel. Les minima
des années précédentes oscillent entre 691,2 (1888) et 697,0 (1891).
Cette baisse extraordinaire a fait l'objet d'une communication à la SocieVé
de Météorologie (mai 1892).
Il est à remarquer que les pressions et les dépressions extrêmes se pro-
duisent pendant les quatre mois de l'hiver, de décembre à mars, et que
les moyennes les plus basses s'observent en mars et avril, époque de pré-
dilection des bourrasques.
Températwe. — Moyenne générale : 10°,5.
Les moyennes déduites d'observations antérieures, prises avec moins de
précision, donnaient des chiffres plus élevés.
Le mois d'octobre est celui dont la moyenne se rapproche le plus de la
moyenne annuelle.
Le mois de janvier donne la moyenne la plus basse : 3°, 5.
Les mois de juillet et d'août, les moyennes les plus hautes : 17^21
et 17°,99.
La température la plus basse a été de — 15°, le 18 janvier 1891.
La température la plus haute a été de 37°, le 16 août 1892. Ce maxi-
]num est absolument exceptionnel.
H. LÉON. UN SANATORIUM DANS LES PYRÉNÉKS 291
Le thermomètre, déduction faite de ces deux chiffres, se tient entre
— 13°,8 (1890) et 32°.06 (août 1890).
Nébulosité. — Moyenne générale : 6,23.
Humidité relative. — Moyenne générale : 70,4.
Les moyennes les plus basses sont données par le mois de mars (notre
mois le plus venteux), 6i,2, et par le mois de décembre, 65,3.
Les moyennes les plus fortes sont données par les mois de juillet et
d'août, 73,1 et 72,2.
Les plus fortes sécheresses ont été observées de décembre à février : 14,
en décembre 1888 ; 19, en décembre 1889; 16, en janvier 1890 ; 8 (!) en
février 1891.
Pluviométrie. — Moyenne générale annuelle : 1.360 millimètres.
Les années extrêmes ont été : l'année 18!^8, qui a donné 1131 milli-
mètres et l'année 1889, qui a donné 1573 millimètres.
Les mois les plus secs sont les mois de décembre, février, septembre
janvier (décembre étant le plus sec). Les mois les plus pluvieux sont les
mois d'août, mai, juin.
Comme chiffres extrêmes, nous relevons un minimum de ^°"'\i en fé-
vrier 1891 ; et un maximum de 294°»'", 2 en février 1889.
II tombe plus d'eau la nuit que le jour, dans la proportion de 1/5.
Note. — Le principal intérêt de la station météorologique de Bagnères-
de-Bigorre consiste dans sa proximité de l'observatoire du Pic du Midi,,
avec une différence d'altitude de 2,327 mètres.
M. Henry LE 01
Président de la Société de Climatologie pyrénéenne, à Bayonne.
UN SANATORIUM DANS LES PYRÉNÉES. BAGNÈRES-DE-BIGORRE
ET LA FONTAINE DES FÉES
— Séarire du 17 septembre 1892 —
Il y a quelques années encore, le traitement par l'air n'avait pas été
élevé à l'état de principe. L'art de respirer pour le soulagement ou la
guérison de certaines maladies n'était pas mis en pratique et si, dans
les livres bien anciens, on en trouvait les indications, ces livres étaient
METEOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GL013E
trop recouverts de la poussière du temps pour qu'on aille en ouvrir
les feuillets. Parfois donc, les médecins vous envoyaient, dans certains
états de faiblesse anémique, au bord de la mer ou dans la montagne,
mais ils ne vous traçaient pas les règles d'une vie au grand air, selon
l'état morbide de votre santé.
Il n'en est plus ainsi maintenant et, parmi les traitements à appliquer,
le traitement par l'air occupe une grande place. Il en est découlé la science
de la climatologie, nécessaire à l'appréciation et à l'application pratique
de toutes les stations qui, en France comme à l'étranger, se sont suc-
cessivement fondées, formant, à côté des réseaux des stations thermales,
le réseau des stations climatiques.
Toutefois, les médecins n'en avaient pas formulé la théorie et quand,
il y a quelques années, nous avancions dans quelques articles, sous le
titre : La Médication par l'air^ les avantages de la vie au grand air dans
certaines des stations du sud-ouest pyrénéen, nous étions pour ainsi
dire des premiers.
Il a fallu qu'un médecin suédois, le docteur Detweiller, basant sur ce
principe le traitement des tuberculeux à Falkenstein, près de Francfort-
sur-le-Mein, tout en y joignant celui de la suralimentation, surtout par
la viande et le lait, et de la gymnastique pulmonaire, vînt synthétiser,
pour ainsi dire, ces éléments divers en une méthode sévère. Et cette
méthode, dont il a été fait grand bruit dans ces derniers temps, est venue
réveiller l'esprit de la médecine qui, et elle a eu raison, ne veut plus
rester en arrière dans la propagation des traitements de la phtisie par
l'air, et par analogie de tous ces états maladifs qui ont pour base la
faiblesse du tempérament.
De là on est donc parti, soit en France, soit à l'étranger, pour établir
les différents degrés de l'aérothérapie et l'on a aifiché des stations clima-
liques qui se sont divisées en maritimes et montagneuses, et ensuite
créer des sanatoi'ia, construisant des établissements appelant les ma-
lades et les soignant selon des règles méthodiques.
C'est ainsi qu'avec de nombreuses stations climatiques se sont peu
à peu établis en France les sanatoria marins de Berck-sur-Mer, Arca-
chon et Cap-Breton sur l'Océan ; Banyuls sur la Méditerranée, et aussi
le sanatorium de montagne du Vernet, dans les Pyrénées-Orientales, au
Ganigou, placé à 650 mètres d'altitude.
Mais les Pyrénées du sud-ouest n'ont pas encore admis ce dernier
ordre d'idées, et cependant où pourrait- on mieux, que dans certaines
situations privilégiées de ces montagnes, fonder des sanatoria qui béné-
ficieraient de tout ce qu'offrent déjà de salutaire les stations qui y ont
été installées. Et dans le nombre de ces stations, nous signalerons
Bagnères-de-Bigorre.
H. LÉON. UN SANATORIUM DANS LES PYRÉNÉES 293
Bagnères-de-Bigorre ne doit pas seulement sa renommée à la variété
de ses nombreuses sources d'eaux thermales, ayant chacune son caractère
spécial et particulier, dont l'application dirigée avec intelligence a fait
de cette ville une des grandes stations pyrénéennes; il se dislingue
encore par sa situation exceptionnelle au milieu d'une large vallée qu'en-
tourent des coteaux étages, aux sites riants et pittoresques, et des mon-
tagnes successives, d'altitudes diverses, se profilant . jusqu'aux: pics élev
de la grande chaîne, dont les massifs principaux apparaissent au loin
avec leurs cimes rocailleuses et leurs glaciers de neige. Et entre les
dWers contreforts s'ouvrent des vallées plus petites, plus étroites, cul-
tivées et boisées suivant la direction des pentes, d'oîi s'écoulent des
eaux vives et murmurantes, descendant torrentueuses, favorisant la ver-
dure et la végétation et portant partout l'air et la fraîcheur, donnant
ainsi à l'atmosphère un caractère de pureté. On peut donc dire que
Bagnères-de-Bigorre est aussi une station d'aérolhérapie, car on vient s'y
poser pour y respirer uniquement, et la valeur de son climat va chaque
jour en s'affîrmant.
Mais l'impulsion qu'elle mérite dans ce sens nouveau de la médication
par l'air ne lui a pas encore été donnée. On n'a pas profité de la
réclame que pouvait lui faire son climat, privilégié par sa fraîcheur en
été, modéré dans ses températures en hiver, pour y disposer des ins-
tallations appropriées, susceptibles d'appeler les malades et les engageant
à venir se soulager ou se guérir dans les maux qui les atteignent. Et
cependant la médecine y trouverait un aide, car, impuissante trop sou-
vent, elle ne peut modifier l'organisme sans ce grand pharmacien du
monde, la nature, qui a su, dans certains lieux et surtout fi Bigorre,
doser avec un soin tout particulier la véritable nourriture de nos pou-
mons, apportant par là une régénération dans notre sang et renforçant
nos organes atïaiblis.
La routine seule s'est poursuivie à Bigorre, laissant simplement aux
mœurs qui, en se modifiant, ont réclamé plus d'aise et de confort, le
soin de provoquer des logements mieux compris, plus exposés aux
faveurs de l'air et du soleil, au milieu de jardins ombragés et fleuris.
Le moment serait aujourd'hui venu d'aller plus loin dans le progrès de
l'art de vivre et de fonder des établissements qui serviraient à la mise
en pratique des théories préconisées depuis quelques années, pour la
recherche de la santé et la guérison des maladies oii un air léger, un
air pur est nécessaire.
Autour de Bigorre, une situation se présente d'elle-même pour y poser
un de ces établissements, c'est celle de la Fontaine des Fées. Non loin
de la ville, sur le parcours d'une des excursions les plus fréquentées par
son accès facile, le Bedat, avec une route déjtà tracée au milieu d'om-
294 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
brages qui, par les fontaines ferrugineuses, contournent le Montaliouet,
se trouve, dans le vallon qui sépare cette petite montagne de celle du
Bedat, une déclivité en pente douce, placée pour ainsi dire tout exprès
pour être le centre d'une oasis oîi s'élèverait un hôtel construit selon
les règles nouvelles du confort et de l'hygiène. A 4.000 mètres de la
ville, par les. sinuosités de la route, à 220 mètres à vol d'oiseau au-
dessus des maisons et de l'établissement des thermes, à 770 mètres d'al-
titude au-dessus de la mer, il pourrait y être favorisé un plateau dont
l'exposition serait parfaitement en rapport avec les conditions réclamées
pour un établissement sanitaire. Placé au sud-sud-est, par sa position
naturelle, garanti du sud et du sud-ouest par le Bedat, de l'ouest et du
nord par le Montaliouet, il recevrait par-devant les rayons tournants
du soleil et serait abrité par derrière des vents souvent violents et
désagréables qui apportent le mauvais temps ou provoquent le froid.
Comme pittoresque, il n'est pas de site plus ravissant. A côté se trouve
avec sa forêt naissante et conmie un paravent de verdure, le Bedat au
haut duquel plane, sur le mamelon pointu, la statue de la vierge protec-
trice du Bedat; en suivant à gauche, dans le bas, la route du fond de la
vallée à côté de laquelle se dessine le cours du torrent de l'Adour ; sur la
droite, les coteaux riants de la vallée de Campan se poursuivant jusqu'aux
hautes montagnes et laissant de côté la Monné, le Mont-Aigu et le Pic du
Midi, cachés par le Bedat, comme le doigt mis devant l'œil cacherait un
objet cent fois plus grand que lui ; au loin et au-dessus l'Arbison avec
ses cimes dentelées; plus loin encore les montagnes aux glaciers perma-
nents qui sont plus immédiatement le fond de tableau de la vallée de
Ludion, aperçue du col d'Aspin, indiquant les sommets élevés du lac d'Oo,
du port de Vénasque et de la Maladetta.
Puis devant, comme un promontoire élevé au-dessus de la vallée, le
massif de Lhéris au casque de pierre, entouré de ses pics dont les verts
pâturages sont entrecoupés de bosquets de sapins aux nuances noirâtres.
Et descendant sur la gauche, avec leur rangée d'arbres méthodiquement
espacés et se dessinant à travers les clartés du ciel, les pentes douces
des Palomières dont les coteaux s'abaissent de plus en plus et vont se
mêler aux vallonnements successifs de la plaine qui se perd peu à peu
dans l'immensité de l'espace pour se confondre à l'iiorizon avec l'im-
mensité de la voûte céleste.
Pour égayer le tableau, coquettement groupés au milieu du tapis cultivé
de la vallée, avec leurs maisons aux murs blancs et aux toits d'ardoise,
les villages d'Asté et de Gerde; se rapprochant de Bagnères, le château de
Pinse, placé comme un ornement dans le cadre riant du paysage; enfin
les maisons de la ville vues de haut, dispersées avec leurs rues et leurs
places, au milieu desquelles dominent les tours de l'horloge et de l'église.
H. LÉON. UN SANATORIUM DANS LES PYUÉNÉES 295
C'est ce point de vue changeant suivant les clartés du jour, agrandi
ou rétréci par les nébulosités de l'atmosphère, embelli par les rayons du
soleil ou rembruni par les tristesses d'un ciel pleia de nuages, que l'on
aurait constamment devant soi, avec de l'air se renouvelant en brise
légère, matin et soir, conformément au régime des courants atmosphériques
que subit la vallée, avec un espace que l'œil embrasse dans une étendue
qui n'a de borne que le lointain des montagnes et celui de la plaine.
Le moral, comme le physique, y trouverait ses remèdes, car la sédation y
serait grande pour l'élément nerveux qui fait souvent partie de la disposition
morbide de l'homme. Le corps y recevrait tout ce qui naîtrait des con-
ditions favorables de respiration dans lesquelles il vivrait et s'y régénérerait
par l'excitation qui serait la conséquence de la nourriture aériforme dont
il serait, malgré lui, rassasié.
Par un effet spécial de la configuration des vallonnements au centre
desquels s'échappe le ruisseau de la Fontaine des Fées, la route, qui les
contourne dans leurs divers replis, se trouverait horizontale avec un par-
cours qui pourrait être de près de L500 mètres, formant ainsi une pro-
menade où le malade agirait sans fatigue sous les ombrages touffus
du Montaliouet et du Bedat, entre lesquels un plateau, s'ouvrant dans
l'échancrure qui s'est faite à l'ouest, permettrait un terre-plein vaste et
également ombragé.
La végétation, qui forme les ombrages du Montaliouet et du Bedat,
se compose d'arbres, partie à feuilles caduques, partie à feuillage persis-
tant, offrant par cette variété les avantages de l'ombrage en été, sans en
exclure, en hiver, l'influence bienfaisante des rayons du soleil. Les diverses
essences qui dominent sont : d'un côté, les châtaigniers, les chênes, les
hêtres, les bouleaux; de l'autre, les sapins, les pins maritimes, les pins
sylvestres et les mélèzes. Ces dernières essences viennent, à certains mo-
ments, mêler leur senteur résineuse à la pureté de l'air.
De cette route horizontale se détachent, soit en avant, soit en arrière
de la Fontaine des Fées, des sentiers bien tracés qui s'élèvent ou qui
descendent, s'entrecroisent en lacets pour aboutir plus directement à
Bagnères ou au sommet du Bedat.
Il n'a pas été fait d'observations météorologiques sur le climat particu-
llier du vallon de la Fontaine des Fées, comparativement avec celui de
Bagnères-de-Bigorre; mais l'expérience de ceux qui aux diverses saisons
de l'année y ont été ou y ont séjourné, fait croire qu'il pourrait être tout
à l'avantage d'une station sanitaire, car son exposition au soleil, les abris
naturels dont il est entouré, sa hauteur moyenne au-dessous du Bedat.
semblent y avoir favorisé une température qui, pendant la journée médi-
cale, serait aussi modérée et peut-être plus que celle de Bagnères.
Ne participant qu'indirectement et pour en recevoir seulement les avan-
296 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
lages, du grand courant qui de la plaine va à la montagne, ce vallon béné-
ficierait en hiver de la situation exceptionnelle que sa position climatérique
a faite, profitant en été de l'altitude dont il jouit, et qui, avec l'espace au-
dessus de la vallée, amène le calme de l'air joint au calme de la nature.
Les nuages qui descendent des montagnes ne font que frôler le liant du
Bedat et ils s'arrêtent même au vallon de la Fontaine des Fées, laissant
l'atmosphère libre de l'humidité qu'ils apportent. La neige, quand elle
tombe, se répand en couche épaisse tout autour, mais elle fond sur les pentes
ensoleillées du vallon, aux premiers rayons du soleil qui succèdent vite
aux intempéries, chassant avec la sécheresse de l'air l'humidité du sol.
On pourrait reprocher à la Fontaine des Fées son peu d'altitude, les
théories qui ont été faites jusqu'à ce jour pour l'amélioration de certaines
affections morbides, et surtout pour la guérison des maladies de poitrine,
portant toutes sur les grandes altitudes. Mais ne sont-ce pas des théories
nouvelles et par suite sujettes à erreur? Ne reviendra-t-on pas, avec quelque
raison, sur l'avantage des altitudes moyennes, parce qu'avec les facilités
d'accès, on y trouvera des températures moins extrêmes et plus douces
qui n'exclueront pas la pureté de l'air, élément essentiel du traitement?
Et, dans ce cas, Bagnères-de-Bigorre pourrait devenir, dans le vallon
de la Fontaine des Fées, l'objet d'un établissement type qui, aux avan-
tages du climat et de l'air, réunirait ceux qu'il peut tirer de la médication
déjà utilisée des eaux sulfureuses de Labassère et arsenicales de Salies,
justement appréciées pour les maladies des voies respiratoires et la recons-
titution de l'organisme affaibli. Il pourrait en être fait, en la transportant
avec toutes les précautions voulues, une buvette spéciale pour les malades
qui en auraient besoin.
M. AVoqU PICÏÏE
Président de la Commission météorologique des Basses-Pyrénées, à Pau.
LE DEPERDITOMETRE
Séance du i7 septembre 1892
Ce nouvel appareil de physique n'est pas, comme le thermomètre, un
instrument météorologique, mais un instrument climatométrique.
Le thermomètre, en effet, peut bien mesurer l'état de vibration ther-
mique d'un milieu, par rapport à l'état vibratoire de l'eau distillée qui se
A. PICHE. I.E nÉPEUDnOMKTlîK 297
congèle et qui bout ; mais il ne donne aucune idée, même approchée, de
la sensation de chaleur ou de froid, éprouvée, dans ce milieu, par le
corps de l'homme, qui, vous le savez, se maintient toujours à 37 degrés.
En Sibérie, le thermomètre marque, parfois, 4o degrés au-dessous
de zéro et notre long-voyageur, M. le comte Russell, vous dira que,
malgré cette température extraordinairement basse, on n'éprouve pas de
sensation pénible, désagréable, si l'air est en repos; bien plus, on se met
aisément en nage, si on monte la moindre colline exposée aux rayons du
soleil.
Au contraire, que l'air soit un peu vif et humide, on se sent glacé, on a
les oreilles coupées, suivant l'expression vulgaire, avec o degrés au-dessus
de zéro, soit avec une température de 50 degrés plus élevée que dans le
cas précédent.
Le thermomètre n'indique donc, en aucune façon, la sensation calorique
qu'un homme bien portant (a fortiori un malade) éprouve dans une station
d'hiver ; et dire que la moyenne température hivernale, à Pau, n'est que
de 6°, 33, tandis qu'elle est de 7'^,9 à Biarritz, c'est absolument comme si
l'on ne disait rien, au point de vue climatologique.
Cette manière de voir ne m'est nullement personnelle, et c'est avec
plaisir que j'ai trouvé, dans le volume préparatoire du Congrès de Pau,
cette citation du célèbre D"" Louis :
« Ici se présente naturellement cette remarque vulgaire, que le même
» degré du thermomètre n'est pas toujours accompagné, bien s'en faut,
» du même sentiment de chaleur ou de froid ; que, dans une même jour-
» née, dans un même lieu, par une même température, on peut avoir
» alternativement froid et chaud, suivant qu'il y a du vent ou qu'il n'y
» en a pas. — D'où la possibilité d'avoir froid à Rome et chaud à Pau, par
» le même degré du thermomètre. »
C'est sous l'impression de ces idées que j'ai imaginé mon nouvel appa-
reil qui, mieux que le thermomètre, donnerait la valeur de la thermalité
d'un climat.
Comme il mesure la quantité de calories que l'air ambiant enlève, dans
un temps donné, à un vase évaporant, en faisant connaître la quantité de
calories qu'il faut produire pour maintenir ce vase à la température du
corps humain, dans un milieu donné, je l'avais d'abord appelé un calori-
soustractomètre. Le mot étant quelque peu long et désagréable à l'oreille,
je vous propose, sauf meilleur avis de votre part, de l'appeler déperdito-
mètre. Il donnerait, en effet, la mesure de la déperdition de chaleur que
le corps humain subit dans un certain milieu, en mesurant le gaz (ou l'al-
cool) brûlé, en douze ou vingt-quatre heures, pour maintenir l'équilibre
thermique de l'eau contenue dans le vase poreux ; équilibre sans cesse
troublé par la soustraction de calorique, que lui enlève l'air ambiant, et
:â98 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
qui varie sous l'action principale de cinq facteurs : la pression de l'air, sa
température, son agitation, son humidité et sa tension électrique.
L'appareil pourrait être ainsi établi ; je dis : pourrait, car, hélas ! il
n'existe encore que dans mon cerveau, à l'état un peu vague de projet
élaboré.
En voici, cependant, le dessin fait à l'intention du Congrès :
Comme vous le voyez, l'appareil se compose d'un vase poreux A. (qu'il
LEGENDE :
A. Vase poreux rempli d'eau distillée.
B. Soubassement contenant un bec de gaz.
C. Tube gradué mesurant l'eau évaporée.
D. Tube pour l'issue de l'air chaud.
E. Tube à boule plein de mercure.
F. Globule de mercure régulateur.
G. Gazomètre à cloche graduée.
H. Tube pour remplir le gazomètre.
rr. Robinets.
conviendrait peut-être de revêtir d'une membrane animale pour se rap-
procher des conditions de la peau), vase fermé, plein d'eau distillée, sur-
monté d'un tube gradué pour l'introduction de l'eau C, et pour mesurer la
quantité d'eau évaporée d'une observation à l'autre.
Ce vase monté sur un soubassement B, dans lequel brûle un petit bec de
gaz, destiné à maintenir la température de l'eau à 37 degrés, est traversé
par un tube droit, ou contourné en spirale D, pour la sortie du gaz comburé.
Il contient enfin un thermomètre plein de mercure E, dont la tige, re-
courbée à angle droit, à sa sortie du vase, plonge sa pointe effilée dans un
pli, ou coude, que forme le tube amenant le gaz au brûleur.
A. PICHK. — LE DÉPERDITOMÈTRE 299
Ce coude contient ainsi un globule de mercure F, qui l'obstrue partielle-
ment, et qui laisse passer plus ou moins de gaz, selon que l'eau du vase,
trop froide ou trop chaude, contracte ou dilate le mercure du thermo-
mètre.
Ce régulateur fort simple, que j'ai trouvé sans le chercher (tant il est
vrai que les idées nous viennent sans y songer), pourrait être remplacé
par un des régulateurs construits par M. Wiesnegg, pour étuves d'expé-
riences physiologiques, régulateurs que je ne connaissais pas alors et qu'un
chimiste ami m'a, depuis, fait connaître.
Un petit gazomètre G, relié au tube coudé, fournirait le combustible et,
par la graduation de sa cloche, donnerait la mesure du gaz brûlé.
On pourrait aussi plus simplement chauffer à l'alcool et peser l'alcool
dépensé.
Du reste, Messieurs, je n'ai pas pris de brevet; je vous livre l'idée pour
ce qu'elle vaut; M. Teisserenc de Bort, à qui je la communiquais par
lettre, me répondait que, lui aussi, avait eu cette idée ; peut-être même
en avions-nous causé au Congrès de Biarritz, de douce mémoire. Peu
importe la priorité de l'idée; honneur et gloire à qui la réalisera le
premier.
Car c'est peu de concevoir une idée nouvelle ; le mérite, c'est de vaincre
les difficultés qui s'opposent à sa réalisation ; c'est de la rendre pratique,
utile, bienfaisante, acceptable ; c'est de la faire triompher !
Supposons-la réalisée ; vous prenez deux appareils semblables, vous
les placez dans les mêmes conditions ; ils doivent marcher également.
S'ils présente^t une légère différence, faites pour l'un d'eux une table
de correction ; puis portez l'un h Biarritz ou à Nice, laissez l'autre à Pau,
mettez-les sous l'abri Renou, et j'affirme à l'avance que, bien que, l'hiver,
le thermomètre donne à Pau une moyenne inférieure de 3 degrés à celle
de Biarritz ou de Nice, le déperditomètre brûlera dans ces stations plus
de gaz que dans la cité paloise.
C'est ce qu'il fallait démontrer !
Si je ne craignais de me faire accuser par mes concitoyens de faire une
réclame indirecte pour des stations rivales, en résumant ma thèse en un
mot d'apparence trop paradoxale, je dirais que le déperditomètre est un
instrument qui a pour but de prouver de façon irréfutable qu'à Pau un
malade a chaud, même quand il y fait froid... au thermomètre.
On reprochera au nouvel instrument d'être un peu compliqué. Peut-
être pourrait-on trouver mieux : suspendre, par exemple, sous les abris
météorologiques des deux localités à comparer, une cage renfermant un
moineau de santé robuste et égale et peser, chaque jour, ce qu'il aurait
bu et mangé.
Deux écureuils comparables et comparés vaudraient peut-être mieux
300 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
encore ; car on pourrait mesurer leur travail giratoire à l'aide d'un comp-
teur adapté à la roue de leur cage.
Le comble serait enfin — risum teneatis amici? — de trouver deux ser-
gents de ville, d'égale humeur, qui consentissent à se prêter pendant trois
mois à l'expérience ! !
Cherchez, Messieurs, vous trouverez; mais surtout, expérimentez !
M. E. MEÎfDEZ
Membre de la Commission météorologique des Basses-Pyrénées, à Pau.
SUR LES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES
Séance du 17 septeinbre 1892
FAITS D OBSERVATION
Nous avons pu observer souvent de ces remous atmosphériques sou-
levant des tourbillons de poussière, sable, feuilles, etc., etc. Cet effet
d'ascension, comme d'aspiration, est très net; mais un examen attentif
nous fît voir toujours qu'il ne s'agit là que d'un seul des côtés du phéno-
mène.
Si une partie des objets entraînés avait bien une direction ascendante,
une autre partie de ces objets était au contraire portée vers le sol. H
paraissait exister deux courants : l'un ascendant, l'autre plongeant.
En réalité, et ainsi que nous avons pu le constater, les poussières et
autres objets prenaient en tourbillonnant dans les spires du remous, des
directions alternativement plongeantes et ascendantes, sous des angles
variés, selon les cas. De là les deux effets d'ascension et de chute que nous
avions observés.
Le remous nous apparut alors tel qu'il est, selon nous, constitué.
E. MENDEZ.
SIR LES REMOUS ATMOSPHERIQUES
301
II
TRAJECTOIRE DÉCRITE PAR LA VEINE d'aIR CONSTITUANT UN REMOUS. — DIVI-
SION DE CES REMOUS EN SECTEURS A COURANTS OU VENTS PLONGEANTS,
RASANTS ET ASCENDANTS.
Dans un remous, l'air qui le forme, animé d'un mouvement tourbil-
lonnaire dont le point de départ est situé à une hauteur variable selon les
remous, parvient soit seulement jusqu'à une zone de moindre altitude,
soit jusqu'au sol.
Ce mouvement n'est pas plongeant sur toute son étendue. L'angle initial
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FIG. 1,
Veine d'air constituant un remous : a, projection ; b, développement. Section de cette
veine par un plan passant par la ligne d'axe.
sous lequel s'enfonce la veine d'air constituant le remous se ferme pro-
gressivement jusqu'à se réduire à zéro. A partir de ce moment la veine
prend une direction ascendante. Elle rebondit pour ainsi dire, pendant
quelque temps, et atteint un point supérieur au delà duquel elle rebrousse
chemin vers la terre. La première spire supérieure du remous est décrite.
La suivante commence pour passer par les mêmes phases que celles
que nous venons d'indiquer, et ainsi de suite sur toute la hauteur du
remous, qui peut être formé par un nombre indéterminé de spires.
Nous avons tracé l'allure générale du phénomène en ABCDEK... (fig. 1, a),
dans le cône théorique RMS, d'un remous. En développant sur un plan
cette courbe, on obtient une ligne sinueuse, analogue à A'B'C'D'E'K'...
(fig. 1, b).
302 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Chacune des spires d'un remous est composée ainsi de deux parties:
l'une dans laquelle le mouvement giratoire, c'est-à-dire le vent, est
plongeant; l'autre dans laquelle ce mouvement est ascendant; ces deux
parties étant raccordées entre elles, aux points de rebroussement supé-
rieur et inférieur par deux arcs de faible étendue relative, où la trajec-
toire passe par des instants pendant lesquels sa tangente est parallèle au
plan de l'horizon, c'est-à-dire où il ne règne que des vents rasants ou
sensiblement rasants (fig. 2 et /, b.)
S.S.E
FiG. 2. — Figure Ihéoriqiie d'un remous vu d'un point situé sur un plan
passant par l'axe et les aires où soufflent les vents de S.-S.-E.
La même disposition existe symétriquement dans toutes les spires du
remous. Le conoïde qui le constitue est ainsi divisé sur toute sa hauteur,
en quatre secteurs déterminés par les surfaces-limites où le mouvement
giratoire prend les diverses directions plongeante, rasante et ascendante
dont il est successivement animé dans chaque spire du remous, et ayant
toutes un lieu commun, l'axe du tourbillon, qui est la ligne d'intersec-
tion entre elles de toutes ces surfaces (fig. 2).
Dans l'un de ces secteurs, et sur toute la hauteur du remous, ne
régnent que des vents plongeants. Il n'existe que des vents ascendants
dans un autre de ces secteurs, ces deux régions étant séparées entre elles
par une troisième de faible importance relative, formée par les deux
secteurs restants, et dans lest[uels on ne trouve que des vents rasants ou
sensiblement rasants (fig. 2).
E. MENDEZ. SIR LES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES 303^
III
DE QUELQUES EFFETS DIVERS QUE PEUT PRODUIRE
UN REMOUS ATMOSPHÉRIQUE
La veine d'air constituant un remous et qui est animée du mouvement
dont nous venons d'indiquer les principales lignes, peut rencontrer sur
son passage des matières qu'elle entraîne avec elle.
Ainsi qu'il arrive pour certaines trombes par exemple, ces matières
peuvent être puisées dans le nuage au milieu duquel le ou les cycles
supérieurs du tourbillon évoluent quelquefois. La vapeur condensée
constituant le nuage est saisie et entraînée vers le sol par le remous,
dans lequel elle suit tout le parcours de la trajectoire que la veine d'air
constituant ce remous décrit elle-même. Cette vapeur condensée peut
rester en cet état, et demeurer visible sur toute la hauteur du phénomène,
ou être résorbée, disparaître à des altitudes variées, selon les variations
de température qui peuvent se produire et se produisent entre les
diverses régions du tourbillon. De là, quelques-uns des aspects que pré-
sentent ces météores.
A l'inverse de ce que nous venons de dire au sujet des matières trans-
portées par le remous des hauteurs de l'atmosphère vers la terre, ce même
remous peut, lorsqu'il atteint le sol ou une nappe d'eau, y puiser par
certaines régions de sa troncature inférieure des objets qu'il conduit
jusques et y compris sa spire terminale supérieure, et qui rendent égale-
ment visibles sa forme, ses évolutions et sa marche.
Considérons un lieu situé dans le secteur des vents ascendants (fig. 2).
Les objets tels que poussière, sable, eau, et tous autres beaucoup plus
lourds et d'un volume considérable, selon l'énergie du mouvement gira-
toire, seront entraînés et prendront une direction ascendante sous un
angle variable selon le remous.
Une partie de ces objets suivra avec le vent la trajectoire hélicoïdale,
et après y avoir franchi le secteur des vents rasants au point de rebrousse-
ment supérieur de la spire, s'engagera dans le secteur des vents ])]on-
geants, pour revenir à son point de départ ou dans les environs, en
ayant parcouru ainsi toute la spire inférieure du remous, et avoir atteint
pendant ce trajet une hauteur plus ou moins grande dans l'atmosphère
selon l'amplitude des pas de Thélice.
Mais une autre partie de ces objets, portée par le mouvement dans le
voisinage ou, plutôt, sur la limite elle-même de la spire immédiatement
304 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
supérieure, pourra être saisie par celle-ci et entraînée dans cette nou-
velle spire, OÙ se produiront les phénomènes identiques à ceux que nous
venons d'indiquer pour la spire inférieure.
Les matières que le remous enlève par sa troncature inférieure pourront
être portées ainsi successivement, dans toutes les spires de ce remous,
et tourbillonner avec et dans ces spires, sur toute la hauteur du météore
qui semblera être un phénomène d'aspiration du sol vers les hauteurs de
l'atmosphère.
Dans les secteurs à vents rasants, les objets qui y auront été portés,
soit par les vents ascendants, soit à leur retour vers le sol par les vents
plongeants, auront des routes parallèles au plan de l'horizon, situées à
toutes les altitudes possibles, dans toute la hauteur du remous. Mais ces
routes auront entre elles des directions diamétralement opposées, selon
qu'elles appartiendront aux zones de rebroussement inférieur ou supérieur
des spires de l'hélice (fig. 2).
Enfin, dans le secteur des vents plongeants, l'effet constaté sera une
précipitation vers le sol sous des angles variés, selon les remous.
Si le remous est de faible envergure et de faible hauteur, comme, par
exemple, certaines trombes ; que l'on puisse l'embrasser d'un coup d'œil ;
qu'en outre ce remous se présente en situation convenable pour que la
zone de séparation des deux secteurs ascendant et plongeant passe par
l'œil de l'observateur, celui-ci verra simultanément dans le fût du
météore, deux courants juxtaposés : l'un ascendant, l'autre plongeant.
Il verra l'un des deux seulement de ces courants, si les conditions
que nous venons d'indiquer ne sont pas remplies. Selon le poste d'ob-
servation, la trombe sera alors, pour l'observateur, ascendante ou des-
cendante.
Rappelons que l'aire occupée par la troncature inférieure d'un remous
est quelquefois réduite, pour ainsi dire, à un point; que l'étendue de
«ette aire peut varier entre des limites très éloignées, ainsi que l'énergie
giratoire de ces remous, leurs envergures supérieures, la hauteur verti-
cale qu'ils occupent, et les distances qu'ils franchissent dans leur mouve-
ment de translation.
Un remous aérien qui est, dans son résultat final, un phénomène
plongeant des hauteurs de l'atmosphère vers le sol, peut donc pro-
duire tous les effets divers d'aspiration, d'arrachement, de compres-
sion, d'écrasement, de torsion, de rupture, d'enlèvement jusqu'à des
hauteurs plus ou moins fortes de l'atmosphère, de transport à des
distances qui peuvent être considérables et dans toutes les directions
possibles.
E. MENDEZ. SUR LES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES 303
IV
DÉTERMINATION APPROXIMATIVE DES AIRES SUR LESQUELLES SONT TOUJOURS
SITUÉS LES POINTS DE RERROUSSEMENT INFÉRIEUR ET SUPÉRIEUR DANS LES
SPIRES d'un grand REMOUS ATMOSPHÉRIQUE. — CLASSEMENT DES DIVERS
VENTS DE CES REMOUS, EN VENTS PLONGEANTS. ASCENDANTS ET RASANTS.
Les grands remous évoluent dans des couches atmosphériques qui
atteignent souvent une très grande puissance et au iniHeu desquelles la
pression augmente dans de fortes proportions, à mesure qu'on se rap-
proche du sol. Le mobile gazeux qui traverse ces couches et qui constitue
le remous est soumis à ces diverses pressions : de là, dans ce mobile,
des réductions de volume lorsque, dans son mouvement, il se dirige
vers la terre; des expansions au contraire, lorsqu'il s'en éloigne.
Dans la figure 1, b, nous avons tracé approximativement les variations
que subit ainsi la veine d'air constituant le remous lorsque, dans son
mouvement, elle s'enfonce et s'élève alternativement dans l'atmosphère
en décrivant les diverses spires superposées du remous. En de sem-
blables conditions, l'élévation progressive de la température dans le mobile
y accompagne tout mouvement plongeant ; au contraire, la décroissance
de la température y est liée à tout mouvement ascendant, et, dans les
mouvements horizontaux, le thermomètre demeure à un degré sensible-
ment constant.
De là, les écarts dé température souvent considérables que l'on note
entre les diverses aires d'un mouvement giratoire, c'est-à-dire entre les
divers vents d'un même remous.
Ce que nous venons de dire a pour conséquence que, dans un remous
dont les spires affectent des couches suffisamment puissantes de l'atmo-
sphère, les points de rebroussement de la trajectoire décrite par l'air
constituant le remous sont précisément désignés par ceux où l'on
constate les points de rebroussement de la colonne thermométrique.
Il est d'observation courante que la température croît dans un mouve-
ment giratoire, de l'aire du vent du nord à celle du vent du sud, en
passant par l'aire du vent d'ouest; qu'elle décroît au contraire, de l'aire
du vent du sud à celle du vent du nord, en passant par l'aire du vent
d'est.
Les points de rebroussement dans les spires de l'hélice se trouvent
donc : celui supérieur, sur l'aire du vent du nord ou dans son voisinage ;
celui inférieur, au point opposé, sur l'aire environ du vent du sud.
Nous n'avons pu faire des observations assez nombreuses et assez
20*
306 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
précises pour fixer les limites exactes des zones dans lesquelles se trouvent
ces points de rebroussement. S'il nous était permis d'émettre une opinion
basée sur quelques constatations, nous fixerions volontiers le point de
rebroussement supérieur très près de l'aire du NNE, peut-être en ce
point lui-même, et le point de rebroussement inférieur très près et
peut-être sur l'aire elle-même du SSE.
Il résulterait de là que dans les spires d'un mouvement giratoire, les
vents ascendants couvrent une aire totale moins étendue que celle cou-
verte par les vents plongeants (flg. 2).
Les vents évoluant dans un remous doivent donc être classés en :
1° Vents plongeants : ceux d'entre NNE et SSE, en passant par celui d'O.
2° Vents ascendants : ceux d'entre SSE et NNE, en passant par celui d'E.
3" Vents rasants :
o) Vent de NNE, et quelques-uns de ses voisins immédiats: point de
rebroussement supérieur de la trajectoire, dans chaque spire.
b) Vent de SSE et quelques-uns de ses voisins immédiats : point de
rebroussement inférieur (fig. 2 et 1, b).
Il est entendu que nous nous plaçons dans le cas de remous évoluant
dans l'hémisphère nord. Pcnir l'hémisphère austral, il y aurait lieu d'opérer
les transpositions que l'on connaît.
DES TEMPÉRATURES ET DES VITESSES RELATIVES DES VENTS, EVOLUANT
A DES ALTITUDES DIVERSES, DANS UN REMOUS.
Nous venons de voir les variations de température que présente la veine
•d'air constituant un remous, en décrivant une quelconque des spires
de ce remous.
D'un autre côté, cette veine, en parcourant les diverses spires de
l'hélice, s'enfonce davantage dans des couches atmosphériques de plus
•en plus rapprochées du sol, au milieu desquelles la pression est de plus
en plus forte et où, par conséquent, de plus en plus comprimée, elle
acquiert plus de chaleur.
En prenant deux points symétriques quelconques dans deux spires
d'un remous, c'est-à-dire deux points où régnent des vents de direction
égale dans ces spires, la température sera plus élevée au point situé sur
ia spire inférieure qu'au point symétrique sur la spire supérieure
(fig, 3).
En d'autres termes, les vents semblables régnant dans toutes les
spires d'un remous sont, entre eux, à des températures relatives d'autant
E. MENDEZ. — SUR LES REMOUS ATMOSPHÉIUQUES 307
plus élevées que ces vents appartiennent à des spires de l'hélice plus
rapprochées du sol, ou inversement (flg. 3).
Les variations de volume et les phénomènes connexes de variation de
température que nous venons d'indiquer dans la veine constituant un
remous ont pour facteur principal la résistance du milieu dans lequel
cette veine pénètre et évolue. Cette résistance exerce en même temps
l'autre action habituelle qui a pour effet de ralentir le mouvement.
La vitesse d'une molécule d'air, c'est-à-dire la vitesse du vent, décroît
sur toute l'étendue de la trajectoire décrite dans un remous, depuis le
N.O.
< f " ^* »— » T* *-*-
)e Spire inférieure >
~ Direction du
.^jnouvement
detrai^slation
du remous.
Déueloppement- jrcr an pian, de, la trajectoire de, l 'air daru- cCeu-x. spires ca/urecutuies
d'un remous atmosphérique- anim^ d'un maïuiemeniy de- iranshiUon,. ,
Graphique, de, l'inlensilâ' ralaUve- des- vents- £aij> divers points de- la- tryecUivre-.
Or-aphique- des de<p^ relaii/s de tempêraiicre' .
KlG. 3.
moment où cette molécule reçoit sou impulsion initiale dans les hauteurs
de l'atmosphère jusqu'à celui où elle atteint le sol.
Lorsque le remous est animé d'un mouvement de translation, la vitesse
de la veine d'air qui le constitue passe par les accélérations et les ralentis-
sements que l'on sait. Le maximum qui se produit alors dans chacune
des spires du remous, et qui s'étend environ de l'aire du NO à celle du
SO, n'est pas constant sur toute l'étendue de cette zone. — L'aire du NO,
dans une quelconque des spires d'un remous, est située à une plus jurande
altitude que celle du SO. Ce dernier vent est donc, toutes autres causes
•égales d'ailleurs, d'intensité moindre que le vent NO [fig. 3).
En résumé, tous les vents semblables régnant dans les diverses spires
d'un remous sont animés de vitesses relatives d'autant plus grandes qu'ils
appartiennent à des spires situées à une plus grande altitude, ou inver-
sement [fig. 3).
308 MÉTKOROLllGIE KT PHYSIQUE DU GLOBE
En rapprochant cette proposition de celle que nous avons émise précé-
demment sur les températures, on peut conclure qu'étant donnés dans
un remous deux vents semblables quelconques, le rapport entre leurs
vitesses est inverse à celui qui existe entre leurs températures (fig. 3).
VI
VEXTS SUPERPOSÉS SELON LA NORMALE A UN POINT DU SOL AU-DESSUS DUQUEL
PASSE UN REMOUS ATMOSPHÉRIQUE.
Un remous est composé de spires superposées en nombre variable selon
les cas, et de diamètres décroissants, en se rapprochant du sol.
Si l'axe est normal au plan de l'horizon, la veine d'air qui constitue le
remous décrira dans l'espace une route qui, pour l'observateur situé à
la surface du sol, sera une courbe en spirale ayant pour centre le point
où. l'axe vient rencontrer la terre.
Sur toute l'étendue d'un quelconque des rayons vecteurs de cette courbe,
le mouvement giratoire sera de direction égale, ou sensiblement. En d'au-
tres termes, les vents superposés normalement sur toute la hauteur du
remous seront tous de direction identique.
11 n'en est plus de même si l'axe est incliné sur le plan de l'horizon,
et cela nous a paru être un cas très fréquent.
La trajectoire décrite par l'air dans le remous se projettera alors, pour
l'observateur, en une courbe à boucles moins ou plus ouvertes, selon l'in-
clinaison plus ou moins forte de l'axe et les envergures relatives des spires.
Ces diverses spires présenteront ainsi au même instant, au zénith de
l'observateur, certaines de leurs régions dans lesquelles le mouvement
giratoire pourra n'être pas de direction semblable. En d'autres termes, les
vents régnant à diverses altitudes, au zénith, pourront être de directions
variées.
Il se produira ainsi un grand nombre de cas, selon lesquels ces direc-
tions pourront faire entre elles tous les angles compris entre zéroetlSOde-
grés, c'est-à-dire entre la limite où les vents superposés selon la normale
sont identiques et celle où ils sont diamétralement opposés.
Sur le passage d'un assez grand nombre de remous, nous avons noté
jusqu'à trois vents divergents au zénith. Enfin nous avons, il nous semble,
observé de ces vents divergents dus à la superposition de spires de deux
remous marchant à courte distance l'un de l'autre.
Dans les notes tout à fait sommaires que nous venons de transcrire, sur
cette question, nous n'avons eu, bien entendu, que le simple désir de la
mentionner.
E. MENDEZ. SLU LES REMOIS AT.MOSl'HÉHlULES 309
VII
TRANSPORTS D AIR EFFECTUÉS PAR LES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES.
DES MAXLMA ET MIMMA DE TEMPÉRATURE OBSERVÉS A LA SURFACE DU SOL
PENDANT LE PASSAGE d'uN REMOUS
De la constitution d'un remous, il résuite qu'un tleuve d'air plus ou
moins puissant, selon l'importance du remous, s'écoule vers le sol pendant
la durée du phénomène ; ce fleuve a sa source dans les hauteurs de l'at-
mosphère où le remous prend naissance, et son embouchure à la tron-
cature inférieure de ce remous. Sur toute la périphérie du conoïde, le frot-
tement retient à diverses altitudes une partie de l'air qui y circule. Cette
partie doit être considérée comme très faible, relativement à la masse que
le courant charrie vers le sol, et qu'il y dépose sur tout le parcours de la
trajectoire décrite par le remous dans son mouvement de translation.
rsous verrons bientôt qu'une notable partie de ce courant est en outre
alimentée par de l'air puisé à des altitudes encore plus grandes que celles,
quelles qu'elles soient, auxquelles évoluent les cycles terminaux supé-
rieurs des remous.
La masse d'air circulant dans ces météores, et portée vers le sol par
eux, est donc puisée dans des régions de l'atmosphère où peuvent régner
de basses températures relatives, variables selon l'altitude de ces régions
et les saisons.
Les maxima et minima de température observés à la surface du sol, sur
le passage d'un remous, ont donc pour facteurs, entre autres : les saisons
et la hauteur verticale occupée par le remous dans l'atmosphère.
VIII
SUR UN MOUVEMENT TOURBILLONNAIRE PLONGEANT
SITUÉ AU-DESSUS DES REMOUS, LES ACCOMPAGNANT DANS LEUR MARCHE
ET PRODUIT PAR EUX.
Au moment où se forme un remous, la couche atmosphérique au
milieu de laquelle il prend naissance subit une dénivellation, qui la trans-
forme en un cône creux dont le sommet est dirigé vers la terre. Il se pro-
duit ainsi un vide qui est comblé par un afllux d'air venant de régions
situées au-dessus du cycle supérieur du remous. Partie de cet afflux ainsi
appelé est entraînée dans le mouvement de giration du remous et portée
310 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
vers le sol. Delà, pour ainsi parler, une aspiration constante, exercée
par le remous et puisant dans les régions situées au-dessus de lui d'im-
portantes masses d'air.
Celles-ci se dirigent vers le remous en suivant des trajectoires courbes
Qffrant dans leur ensemble une allure tourbillonnante, et dont le point de
convergence est situé dans la direction du centre du cycle terminal supé-
rieur du remous (fig. 4).
ci.
Fig. i. — Figuro théorique d'un remous et du mouvement tourbillonnaire
secondaire situé au-dessus de lui.
Un mouvement giratoire plongeant domine donc les remous atmo-
sphériques, les alimente d'une partie de l'air qu'ils charrient vers le sol,
les accompagne dans leur mouvement de translation et est produit par
eux.
L'axe de ce mouvement secondaire est perpendiculaire au plan moyen
de la spire supérieure terminale du remous. Il est par conséquent d'autant
plus incliné sur l'horizon, que le plan moyen de la spire supérieure du
remous a lui-même une inclinaison plus forte sur ce même horizon
(fig. 4).
Pour l'observateur situé à la surface du sol, le phénomène présentera
K. MENDEZ. SUR LES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES 311
dans son ensemble la disposition de sa projection horizontale, indiquée
dans la figure 4. Les deux zones terminales supérieures du remous et du
mouvement tourbillonnaire secondaire seront limitées par deux courbes,
ONESO et O'NE'SO', formées sensiblement des mêmes éléments géo-
métriques, mais débordant l'une sur l'autre d'une quantité NESE'N d'au-
tant plus étendue que l'axe du mouvement giratoire secondaire est plus
incliné sur l'horizon.
Dans une quelconque des spires d'un remous atmosphérique, le point
de rebroussement supérieur est situé environ sur l'aire du vent du nord, et
le rebroussement inférieur sur celle environ du vent du sud. Étant donnée
la manière d'évoluer des remous dans l'hémisphère nord, les rebrousse-
ments sont donc placés au point de vue de leur orientation : celui supé-
rieur — aire vent du nord — dans les régions occidentales du remous, et
celui inférieur — aire vent du sud — dans les régions orientales.
Dans un remous atmosphérique évoluant dans l'hémisphère nord, le
plan moyen d'une quelconque de ses spires est donc incliné sur l'horizon
des régions occidentales de ce remous vers ses régions orientales. D'un
autre côté, on peut considérer en général, que la trajectoire moyenne de
translation des remous qui abordent l'Europe a une direction moyenne
de l'ouest vers l'est. C'est donc, dans la grande généralité des cas, par un
point du segment NESE'N (fig. 4), que les remous atmosphériques abor-
dent l'Europe occidentale.
Plus loin, nous tirerons de ces faits quelques conséquences.
Nous venons d'indiquer, telle que nous pensons qu'elle existe, l'allure
générale et la constitution normale du mouvement tourbillonnaire secon-
daire dominant un remous atmosphérique, et produit par ce remous. Nous
ajouterons que, par l'observation de nuages dont nous parlerons tout à
l'heure, nous avons constaté que dans ce mouvement secondaire, il se pro-
duit fréquemment des remous locaux et de faible envergure relative.
IX
HALOS ET AUTRES PHÉNOMÈiNES DE DIFFRACTION ET DE DÉCOMPOSITION DE LA
LUMIÈRE. PRÉCURSEURS DES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES, — CIRRHI. — CIRRHO-
CUMULI. — NUAGES MOUTONNÉS. FILES DE NUAGES, PARALLÈLES ET DIVER-
GENTES. — STRATUS DES HAUTES ALTITUDES.
Dès qu'un remous est formé, il se produit donc, au-dessus de lui et
vers lui, un appel de l'air situé à des altitudes beaucoup plus considé-
rables que celle, quelle qu'elle soit, à laquelle évolue le cycle terminal
supérieur de ce remous.
312 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
L'air mis ainsi en marche et puisé jusqu'à de très grandes altitudes,
peut être et est souvent à de très basses températures. Les filets de cet
air froid pénétrant dans des couches inférieures de température plus
élevée, y condensent la vapeur qui s'y trouve, et même — ce qui est le
cas, il semble, le plus fréquent — la congèlent sur leur passage, en fines
aiguilles de glace, formant comme une poussière entraînée par l'appel
d'air qui lui a donné naissance et qui la transporte vers le remous.
Toute la partie supérieure ABCD (fig. 4) couronnant le mouvement
tourbillonnaire secondaire, contient celte poussière de particules glacées.
Au milieu d'elles se produisent les halos et certains autres phénomènes
de diffraction et de décomposition de la lumière de la lune ou du soleil.
Remarquons ici que partie de cette région se projette précisément dans
le segment NESE'N (fig. 4) dont nous parlions dans le chapitre pré-
cédent, et que ce segment commence à passer au zénith avant, quelque-
fois bien avant, que la baisse du baromètre n'ait débuté, c'est-à-dire
avant que, dans le mouvement de translation du remous, la limite SEN
(fig. 4) n'arrive au zénith. Les halos, etc., peuvent donc se produire
aux approches des remous et apparaître bien avant que la baisse du baro-
mètre ait pu prévenir de l'arrivée de ces remous, dont ils sont ainsi les
précurseurs.
Dans leur mouvement convergent, les aiguilles de glace se rapprochent
de plus en plus les unes des autres, à mesure qu'elles plongent davan-
tage dans l'atmosphère. Des groupements de ces aiguilles se font plus
denses en certains points que sur d'autres. Elles se réunissent en faisceaux
plus ou moins allongés, de diamètres plus ou moins grands, et devien-
nent alors visibles.
Ces faisceaux sont rectilignes ou courbes selon l'étendue qu'ils occupent
sur la trajectoire qu'ils parcourent, et selon la courbure plus ou moins
forte de cette trajectoire. Enfin, ainsi que ces trajectoires, ils peuvent
être orientés dans toutes les directions possibles. Tous forment avec le
plan de l'horizon un angle variable, c'est-à-dire que tous plongent obli-
quement dans l'atmosphère. Ces faisceaux constituent les cirrhi, sous les
formes purement filamenteuses, plus ou moins denses, que ces nuages
affectent.
C'est en cet état que nous nommerons le deuxième stade, que, dans
leur mouvement plongeant, les aiguilles de glace apparaissent dans les
régions avoisinant le zénith de la limite SEN (fig. 4), périphérie du
cycle terminal supérieur du remous. Leur venue coïncide ainsi, à très
peu de chose près, avec le début de la baisse du baromètre.
Nous parlions tout à l'heure, en en donnant selon nous la cause, des
diverses orientations et des courbures que l'on peut remarquer dans les
cirrhi. Ces orientations et ces courbures peuvent être dues également aux
E. MENDEZ. SUR LES UEMOLS ATMOSPHÉRIQUES 343
remous d'ordre troisième qui naissent fréquemment dans le mouvement
tourbillonnaire secondaire. Ces remous tertiaires entraînent les cirrhi
dans leurs spires. C'est ainsi que l'on peut voir de ces nuages placés à
diverses altitudes et se coupant, au zénith, sous tous les angles possibles.
Dans d'autres circonstances, nous avons observé de ces cirrhi, d'une
étendue suffisante en longueur, se projetant au zénith en une courbe
sensiblement circulaire et dessinant ainsi la spire du remous tertiaire
qui les entraînait dans son évolution.
Après avoir franchi la zone où les aiguilles de glace, en se groupant,
forment les cirrhi, ces aiguilles, poursuivant leur route, pénètrent de plus
en plus profondément dans l'atmosphère. Elles y rencontrent des couches
dont la température est de plus en plus élevée, ou, si l'on veut, de moins
en moins basse.
La pointe inférieure des faisceaux cirrhi est celle qui subit la première,
dans ces nuages, la transformation due à cette influence. Cette partie se
transforme en eau et quelques instants de chute, après, en vapeur. Celle-ci,
par sa force ascensionnelle, rebrousse chemin et se condense presque
aussitôt formée, du moins en grande partie, car ce rebroussement s'ef-
fectue à la limite, pour ainsi parler, où soit la température, soit le point
de saturation, admettent l'état de vapeur.
11 se forme ainsi, à l'extrémité inférieure du cirrhus, comme un sphé-
roïde plus ou moins régulier, analogue au sphéroïde de fumée que pro-
duit une fusée lorsqu'elle éclate.
Ce troisième stade constitue les cirrho-cumuli. Isolés et en petit nombre
dans le ciel, ils se trouvent en général à de grandes altitudes encore
dans les régions CDFG (fig. 4) du mouvement tourbillonnaire secondaire.
Au-dessous de cette région, le mouvement convergent rapprochant
davantage entre eux les faisceaux -cirrhi, ceux-ci se groupent de plus en
plus et, par suite, les sphéroïdes de vapeur condensée qui peuvent se
former à leurs parties inférieures se groupent eux-mêmes. Ces sphéroïdes
constituent alors les nuages dits moutonnés, à éléments, c'est-à-dire à
cumuli plus ou moins grands, plus ou moins menus.
Dans un grand nombre de cas, ces éléments ne sont pas disposés au
hasard. Ils se présentent, au contraire, en files parallèles plus ou moins
rapprochées entre elles. Cela est surtout très net et très fréquent lors-
qu'on examine le nuage à un moment pas très éloigné de celui de sa
formation. Supposons que la pointe inférieure des faisceaux cirrhi
pénètre dans une couche qui, en outre des conditions hygrométriques
ou de température dont nous parlons plus haut, soit animée d'un mou-
vement de translation ; qu'il y règne, en un mot, un vent quelconque.
Les sphéroïdes de vapeur formés par les afflux successifs d'aiguilles de
glace plongeantes seront immédiatement entraînés, à mesure de leur for-
314 MÉTÉOUOLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
mation, par le courant, autrement dit, le vent dont ils suivront la direc-
tion. Chaque cirrhus fournira ainsi une file de sphéroïdes et toutes ces
files seront dans le lit du même vent, c'est-à-dire qu'elles seront toutes
parallèles entre elles. Si les faisceaux cirrhi ont entre eux un écartement
suffisant, l'aspect moutonné du nuage disparaît entièrement pour faire
place à une autre disposition : celle de files ou bourrelets parallèles séparés
par de larges bandes sereines.
La perspective rend ces files divergentes si le nuage a une étendue
suflîsante. Elles semblent alors jaillir toutes d'un unique point radiant.
Les nuages moutonnés sont situés dans la région FGKM (fig. 4) du
mouvement tourbillonnaire secondaire. Ceux de ces nuages présentant
la disposition en files parallèles peuvent être formés, à diverses altitudes,
par des courants régnant dans ces hauteurs de l'atmosphère. Ils sont
alors, en général, de faible étendue ou du moins, l'éloignement les fait
paraître tels. Mais ils se forment surtout, et dans de grandes propor-
tions, dans les régions inférieures du mouvement tourbillonnaire secon-
daire, où ils peuvent être en contact avec les vents évoluant à la surface
du cycle supérieur terminal du remous et où les faisceaux cirrhi arrivent
groupés en plus grand nombre.
Que ces cirrhi soient alors assez rapprochés les uns des autres, ou que
l'afflux d'aiguilles de glace qui les constitue augmente progressivement le
volume des sphéroïdes de vapeur condensée, ces sphéroïdes se pénètrent
réciproquement. Les canaux sereins des nuages moutonnés disparaissent,
sont comblés. Il en résulte une nappe continue. Elle constitue le stratus
qui est dans ce cas, et n'est d'ailleurs jamais, à ces altitudes, que le
second stade, plus ou moins prochain, du nuage moutonné.
Enfin, sous les diverses formes qu'il peut affecter, et dont nous venons
d'examiner quelques-unes, selon nous principales et auxquelles toutes
les autres peuvent se rattacher, l'afflux aqueux balayé par le mouve-
ment tourbillonnaire secondaire, arrive h la limite KM (fig. 4). Il s'y
trouve en contact avec la spire supérieure terminale du remous et peut
être saisi par elle.
X
ORDRE DANS LEQUEL DÉFILENT AU ZÉNITH LES DIVERSES CATÉGORIES DE NUAGES
APPARTENANT AU MOUVEMENT TOURBILLONNAIRE SECONDAIRE, ET LEURS SU-
PERPOSITIONS POSSIBLES SELON LA NORMALE, PENDANT LES APPROCHES, LE
PASSAGE ET LA DISPARITION d'uN REMOUS ATMOSPHÉRIQUE.
Le conoïde constituant le mouvement tourbillonnaire secondaire domi-
nant un remous peut donc être considéré comme divisé par plusieurs
sections menées, selon des plans perpendiculaires, à son axe, donnant cha-
E. MENDEZ. — SUR LES REMOUS ATMOSPHÉRIQUES 315
cune d'elles des régions tronc-coniques A'B'C'D', D'C'E'K', R'E'M'L'..., etc,
(fig. 5) de diamètres décroissants à mesure qu'elles se rapprochent du
1,
y777777777?777777777777
Périphérie du cycle supérieur
du remous, limite sur laquelle
débute la baisse du banomètre.
FiG. 0.
sommet 0' du cône auxquelles elles appartiennent, c'est-à-dire à mesure
qu'elles sont plus près du remous .
La première de ces régions A'B'C'D' [fig. S), celle qui est située à la
plus grande altitude, ne contient que des aiguilles de glace, un essaim
316 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
plus OU moins dense, mais invisibles, au milieu desquelles peuvent se
manifester les phénomènes de diffraction et de décomposition de la
lumière de la lune ou du soleil, précurseurs des remous.
Dans la région suivante, D'G'E'K', se trouvent les cirrhi filamenteux.
La troisième, K'E'M'L', contient les cirrho-cumuli épars; la quatrième,
L'3rN'P', les nuages moutonnés et ceux en files ou bourrelet s parallèles ;
enfin, la cinquième, P'N'O', les stratus.
Pour l'observateur situé à'ia surface du sol, ces diverses régions super-
posées débordent les unes sur les autres, et ces anneaux débordants sont
limités par des courbes ABA", DCD", KEK", etc. {fig. ë), inscrites les
unes dans les autres, disposées autour du point 0, sommet du conoïde
constituant le tourbillon secondaire, et d'autant plus excentriques par
rapport à ce point et entre elles, que l'axe de ce tourbillon est.plus incliné
sur le plan de l'horizon.
Ces anneaux défilent successivement au zénith pendant la marche du
remous. Successivement aussi, ils y présentent les nuages de formes
distinctes et caractéristiques des régions tronc-coniques auxquelles ces
anneaux appartiennent.
Ainsi passent d'abord les poussières d'aiguilles de glace, ensuite et
successivement apparaissent les cirrhi filamenteux, les cirrho-cumuli, les
nuages moutonnés ou ceux en files ou bourrelets parallèles, et enfin les
stratus.
A mesure que le remous approche, les diverses régions tronc-coniques
du mouvement tourbillonnaire secondaire arrivent et se superposent au
zénith. Avec elles arrivent aussi les catégories de nuages qu'elles con-
tiennent. On verra ainsi ces diverses formes de nuages, superposées selon
la normale, en nombre d'autant plus grand que, dans la marche du
remous, les régions circonvoisines du point (fig. 5) arrivent plus près
du zénith.
Au delà, et à mesure que le remous s'éloigne, les phénomènes que
nous venons d'indiquer se reproduisent symétriquement. Le nombre
des diverses catégories de nuages décroît progressivement au zénith,
d'où elles disparaissaient successivement en ordre inverse à celui de leur
arrivée.
Au point lui-même et autour de lui, à une distance variable selon
les remous, s'ouvre l'embouchure inférieure de la gaine a^yo (fig. 5),
située sur le prolongement de celle analogue du calme central qui existe
dans le remous. Autour de cette gaine, et sans y pénétrer, évolue le
mouvement tourbillonnaire secondaire ; elle est libre de nuages.
La figure 5 permet de se rendre compte aisément, pour chacune des
régions arrivant ainsi successivement au zénith, de la nature et du mode
de superposition des diverses formes de nuages qu'elles peuvent contenir.
J. HICHAllD. — NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS 317
En fait, ces formes n'y existent pas toutes toujours. Elles peuvent se
produire, et se produisent quelquefois, sans passer par un ou même
des stades intermédiaires. Selon les remous, il y a ainsi des lacunes.
11 n'est pas besoin, d'ailleurs, de faire remarquer que si, dans un
remous, tous lés types sont représentés, on doit, pour les voir défiler
tous, être placé sur la route du centre du météore ou dans le voisinage du
parcours de cette trajectoire. Ailleurs, on traversera des segments plus
ou moins étendus, ne contenant que la série plus ou moins complète.
Au passage d'un remous, et dans les éclaircies que laissent quelquefois
entre eux les nuages inférieurs charriés dans les spires de ce remous, on
aperçoit ainsi défiler au-dessus de lui, et selon le mode que nous avons
indiqué, les nuages appartenant au mouvement tourbillonnaire secon-
daire. Mais, tôt après qu'apparaissent les grands cumuli des vents de
NNO-N à NNE, les larges espaces que laissent entre eux ces cumuli
sont sereins, à moins qu'un nouveau remous suivant à courte distance,
ne montre son avant-garde de cirrhi. Le fait se produit souvent.
A ne parler que du remous qui s'éloigne et sous lequel l'observateur se
trouve encore, cet observateur y est placé alors, en effet, dans le segment
TVRZT (fig. 3), au zénith duquel le mouvement tourbillonnaire secon-
daire a achevé de passer, où il n'existe plus, et n'y a laissé, s'il en a
même laissé pour quelques instants encore, que les très rares et derniers
éléments de son arrière-garde.
M. J. RICHARD
Constructeur d'instruments de précision, à Paris.
NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS
— Séance du 17 septemlire 1892 —
Thermomètre enregistreur donnant le 100^ de degré. — Ce thermo-
mètre est fondé, comme tous les thermomètres de notre fabrication, sur
le principe des tubes à section elliptique dits « de Bourdon » roulés en
hélice et remplis d'alcool, mais dans lequel l'accouplement est fait au
318 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
moyen d'un système tout à fait nouveau qui permet à l'organe moteur
d'utiliser le maximum de force disponible en supprimant tous les frotte-
ments ayant lieu dans la transmission du mouvement au style par les
renvois de leviers ordinaires, ce qui permet de conserver au thermomètre
des indications absolument proportionnelles dans une limite de 110 degrés.
Il est bien évident que, dans la pratique, on n'a jamais besoin d'une exac-
titude pareille dans une limite aussi étendue, aussi le cylindre ne permet-il
d'enregistrer que 15 degrés. La hauteur du cylindre étant de 16 centimètres,
chaque degré est représenté par une hauteur de 10 millimètres dont le
centième, 1/10® de millimètre, représentant le 100* de degré est déjà très
appréciable à l'œil. Un de ces appareils a été demandé par une mission
au pôle Sud, et comme il devait traverser la mer Rouge, il fallait que les
indications puissent varier de — 10 à -j- 40 degrés centigrades. A cet effet, le
tube Ihermométrique était monté sur un bâti circulaire muni d'une vis
tangentielle qui permettait de ramener le style vers le milieu du cylindre
lorsque l'on prévoyait que les écarts de température pouvaient dépasser
la limite du papier.
Ces appareils sont surtout destinés aux locaux où sont installés des
appareils de haute précision et où la variation thermométrique, si faible
qu'elle soit, est importante à connaître.
La rapidité de mise au point est considérable ; elle est due à la grande
surface en contact avec l'atmosphère comparativement avec le volume du
liquide. En effet, la partie thermométrique étant composée d'un long
ruban de métal creux dont la section intérieure est de moins d'un milli-
mètre, il s'ensuit qu'aucun thermomètre en verre ne peut se mettre
aussi rapidement en équilibre avec la température.
Au sujet de l'enregistrement en général des variations de tous les phé-
nomènes, on ne saurait trop appuyer sur l'importance de l'enregistrement
par tracé continu . On a cherché à discréditer ce mode d'inscription pour
mettre en lumière des systèmes à pointage qui certainement sont la plus
mauvaise chose du monde, puisqu'ils laissent passer continuellement les
variations les plus intéressantes sans les inscrire et que forcément les
maxima et les minima ne sont jamais enregistrés exactement. La courbe
qui en résulte est une sorte de tracé moyen qui n'indique absolument
rien. Ce moyen, du reste, qui a été employé pour la construction des
premiers enregistreurs est depuis longtemps tombé en désuétude ; il était
encore compréhensible quand on n'avait pas le moyen d'écrire sans frot-
tement, mais aujourd'hui que, grâce à notre plume, l'inscription ne de-
mande aucune force, cette méthode doit fatalement disparaître. De plus,
dans ces soi-disant enregistreurs, on est obligé d'emprunter la plus grande
partie de la force du mouvement d'horlogerie pour faire mouvoir le mar-
teau pointeur. 11 s'ensuit que le réglage s'en trouve profondément altéré
J. RICHARD. NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS 31
€t quand, par suite d'usure ou de poussière, il se produit le moindre
grippement, l'appareil s'arrête tout à fait. Puis il arrive souvent, lorsque
le marteau frappe sur le godet pointeur, qu'il déplace ce dernier à droite
ou à gauche, marquant ainsi des points absolument faux et qui n'ont
que faire au milieu de la courbe. Au contraire, avec le tracé continu
aucun de ces accidents à craindre, tout est indiqué et toutes les sinuosités
accusées sont vraies. Laisserait-on même le cylindre s'arrêter par défaut
<le remontage que la plume continuerait à inscrire indiquant encore le
maxima et le minima de la période d'arrêt.
Thermomèti'e enregistreur petit modèle pour Vetwegistrement continu de la
iempérature dans les soutes à poudre, à charbon, etc. — Il est de la plus
haute importance d'être renseigné sur les écarts de température qui se
produisent dans les soutes en général. Les thermomètres à maxima et
minima ne donnent jamais que peu de résultats sujets à des erreurs pro-
FiG. 1. — Thermomètre enregistreur.
venant du déplacement des index par suite des vibrations des navires.
Aussi avons-nous construit un enregistreur qui, par son faible volume,
160 millimètres de long sur 123 millimètres de hauteur et 93 millimètres
•d'épaisseur, ainsi que son bon marché et son excellent fonctionnement,
trouvera certainement sa place dans toutes les soutes à poudre, la collec-
tion des courbes étant la meilleure garantie de surveillance aussi bien
pour le capitaine que pour celui qui est chargé de vérifier les tempé-
ratures (fig. /j.
Scrutateur électrique ou Indicateur instantané et à distance du point
d'un appareil à cadran. — On a souvent besoin de connaître à distance
■et en un seul endroit l'indication d'un ou plusieurs appareils placés dans
•des locaux divers. Nous avons construit à cet effet notre scrutateur qui
résoud ce problème avec une entière satisfaction. L'appareil se compose
d'un ou plusieurs postes transmetteurs réunis chacun par un fil élec-
trique au poste récepteur ; il suffit de mettre ce dernier en communi-
<;ation avec le fil du poste transmetteur au moyen d'une fiche et d'appuyer
320 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
sur un bouton pour qu'aussitôt le récepteur indique le même point que
l'appareil transmetteur. Quand on lâche le bouton, l'aiguille du récepteur
revient immédiatement au zéro. Cet appareil est d'une grande simplicité
de fonctionnement et sa construction particulièrement robuste permet de
le placer sans danger dans les mains les moins expérimentées. Il est
surtout indispensable dans les locaux chauffés à la vapeur ou à l'air chaud
en ce sens qu'il permet au chauffeur de prendre sans se déranger la tem-
pérature des pièces à chauffer et par suite d'en opérer le réglage. Cet
FiG. 2. — Scrutateur électrique.
appareil peut s'adapter à n'importe quel appareil à cadran, thermomètre,
hygromètre, manomètre, niveau d'eau, etc. (fig. 2).
Transmetteur électrique d'ordres à dislance. — La transmission des
ordres à distance a toujours présenté de grandes difTicultés et tous les
systèmes employés jusqu'à ce jour ont toujours présenté de nombreux
défauts qui les ont fait rejeter pour employer des systèmes à ficelles.
Nous sommes toutefois parvenus à construire un modèle qui donne
d'excellents résultats et dont le fonctionnement n'est sujet à aucun aléa
en raison même de sa simplicité et de sa solidité. Cet appareil comporte
deux postes identiques reliés au moyen de trois fils électriques ; les indi-
cations se font indifféremment dans les deux sens, il suffit de tourner la
manivelle placée au bas de l'appareil pour amener l'aiguille extérieure sur
J. lUC.HARD. — NOUVEAUX APPABEILS ENREGISTREURS ' 321
l'ordre à donner ; aussitôt une sonnette électrique avertit le mécanicien
qu'un ordre est donné et l'aiguille contrôle de son appareil lui indique
l'ordre transmis ; à son tour, au moyen
de la manivelle, il amène l'aiguille exté-
rieure en face de l'ordre donné et l'ai-
guille centrale du premier poste vient
se placer de môme sur l'ordre transmis.
La sonnerie cesse alors de sonner et
la personne qui a transmis l'ordre est
ainsi certaine d'avoir été comprise. Les
vitesses de transmission peuvent être
très rapides et permettent d'envoyer
plusieurs ordres par seconde.
Dynamomètres enregistreurs et Enre-
gistreurs électriques de la vitesse des
bateaux. — L'étude théorique et expéri-
mentale de la résistance des carènes de
navires a donné lieu à des travaux nom-
breux. Mais la méthode qui est le plus
généralement admise aujourd'hui con-
siste à aborder directement l'étude ex-
périmentale sur les navires eux-mêmes,
en enregistrant soigneusement les divers éléments de la résistance totale.
Lorsque, en novembre 1889, M. le ministre chargea M. de Mas, ingé-
FlG. 3.
Uynamomètre.
iiHiiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii lMMiiffliâ
FiG. 4. — Manomètre eniegistieur pour dyiiauioinèliu.
nieur en chef des Ponts et Chaussées, d'étudier la résistance des diverses
formes de bateaux employés par la navigation fluviale au transport des
marchandises, les expériences devant porter sur l'effort de traction aux
322 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
différentes vitesses, il était nécessaire d'avoir un dynamomètre enregis-
treur pour mesurer l'effort, et un enregistreur très précis de la vitesse
du bateau. Cette vitesse ne devait pas dépasser un maximum de quatre
à cinq mètres par seconde, et devait être mesurée à moins d'un centi-
mètre près. Chargés de la construction de ces appareils, nous avons plei-
nement réussi à donner entière satisfaction à tous les points de vue
(ftg. 3 et 4).
Le dynamomètre proprement dit était construit pour mesurer des efforts
pouvant atteindre jusqu'à douze
tonnes. Il se compose en principe
d'une cuvette circulaire creusée dans
un bloc d'acier; cette cuvette est
remplie de liquide et fermée par une
membrane en caoutchouc sur laquelle
s'appuie un piston d'un diamètre
connu ; il est bien évident que si un
effort quelconque comprime le li-
quide, la pression par centimètre carré
à lintérieur de la cuvette égalera
^ effort en kilog. . ,
P zir ; r^ — en centime-
suriace du piston
très carrés. Si nous relions la cuvette
avec un manomètre enregistreur, le
style de ce dernier se déplacera donc
en fonction de l'effort. L'expérience
a, du resle, pleinement confirmé la
théorie, car au tarage cet instrument
a été reconnu exact à moins de 1 U/0
près. Ajoutons que le grand avantage
de ce système de dynamomètre est
sa légèreté et son faible volume qui
permettent de le transporter facile-
ment et de l'installer dans toutes les
positions. Ses adaptations sont nombreuses ; il trouve notamment sa place
sur les grues d'embarquement en permettant de lire instantanément le
poids des colis embarqués.
L'enregistreur de la vitesse (fig. 5) se composait de deux parties :
1° d'un moulinet spécial tournant proportionnellement à la vitesse
du bateau et envoyant des contacts électriques à un cinémographe ou
enregistreur de la vitesse absolue. L'emploi d'un moulinet pour la me-
sure de la vitesse n'est pas nouveau, mais tous ceux employés jusqu'à
ce jour étaient fort grossiers et n'ont donné que des résultats vagues et
riG. 5. — Jlouliiiet.
J. RICHARD.
NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS
323
toujours fort entachés d'erreur. Le moulinet que nous avons employé
était fbrmé par une hélice à six ailes en aluminium de 32 centimètres
de diamètre, le pas étant d'un mètre exactement, ce moulinet faisait juste
un tour pour un mètre de chemin parcouru; un tarage minutieux fait
I ni. ij. — ■ Ciiiémoyraphe.
par les soins des Ponts et Chaussées a prouvé la parfaite proportionnalité
des indications de ce moulinet.
Le cinémographe était le même que celui que nous employons pour
mesurer la vitesse directe du vent eu mètres par seconde. Tout le monde
a vu fonctionner cet appareil à l'Exposition et peut le voir encore au
mg.
Cinémographe (vue arrière).
Bureau central météorologique de France, où il enregistre continuellement,
depuis trois ans, la vitesse du vent prise en haut de la tour Eifl'el (fuj. 6 et 7).
Loch di/l'érentiel pneumatique enregistrant continuellement la vites.se des
navires en mer (Système du D' Haro). — Avoir un bon loch indiquant et
enregistrant continuellement la vitesse du navire est certainement le rêve
de tout commandant. Depuis longtemps cette question est à l'étude ot
324
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
n'a jamais été résolue parfaitement. On a construit bien des systèmes
basés sur le tube de Pitot ou sur les hélices, mais tous avaient des défauts.
Les systèmes pneumatiques, en eau douce, donnaient quelques résultats;
mais en mer, avec le roulis et le tangage, aucune lecture n'était possible.
Les systèmes à hélice aux grandes vitesses sortent de l'eau, bondissent sur
la lame, et là encore les résultats sont erronés. Nous sommes arrivés, après
de longues recherches, et sur les indications de M. le D' Haro, à cons-
truire un système qui pare à tous ces inconvénients, qui est d'une solidité
à toute épreuve et d'une installation rapide et simple.
L'appareil se compose en principe d'un sys-
tème de deux ballons en caoutchouc, enfermés
dans un tube de métal ouvert à une extré-
mité et séparés par une cloison; le tube de
métal est fixé contre une des parois du navire,
à une profondeur telle que le roulis le plus
fort ne puisse le faire sortir de l'eau. L'extré-
mité ouverte du tube de métal est tournée vers
l'avant du navire, l'autre extrémité renfermant
le second ballon de caoutchouc est percée à sa
surface normale de plusieurs trous. Les deux
ballons de caoutchouc sont chacun en commu-
nication au moyen de tubes souples, avec un
système enregistreur et différentiel de tubes
Bourdon tel que, pour une pression égale sur
chaque ballon, l'aiguille de l'enregistreur reste
à zéro ; il est bien évident que, dans ce cas,
quel que soit le degré d'enfoncement des deux
ballons, l'aiguille de l'enregistreur restera à
zéro, et par suite ni le roulis ni le tangage
n'influenceront l'appareil. Mais, en marchant,
la vitesse du navire va déterminer une pression sur le ballon placé en avant
sans influencer le ballon d'arrière; or, il est bien évident que cette pres-
sion est fonction de la vitesse, donc l'enregistreur n'indiquant que cette
pression n'indiquera que la vitesse relative. On voit de suite l'avantage
de ce système. L'application des ballons de caoutchouc a de plus l'avan-
tage d'empêcher l'air de se dissoudre dans l'eau, ainsi qu'il arrive dans
les tubes de Pitot et autres. Les ballons sont protégés par une grille; de
plus, les tubes qui relient ces ballons avec l'appareil enregistreur étant
hermétiquement clos, en supposant une avarie, le pis qu'il puisse arriver,
c'est le remplacement des ballons, aucune voie d'eau n'étant possible.
Hjjdromètre ou IncUcaleur de niveau d'eau. — Notre hydromètre est
incomparablement supérieur à celui à cloche inventé par Decoudun.
FiG. 8. — Cloche d'hydromt'tre.
J. RICHARD. — NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS 32o
Dans notre système, la cloche (fig. 8) se trouve, au contraire, fermée en
dessous et percée de trous tout autour, et un récipient de caoutchouc
subit la pression de leau. L'avantage est celui-ci, que l'air ne pouvant être
dissous par l'eau, ni être faussé par la condensation dans le tube, puisque
c'est de l'air sec qui se trouve dans le ballon, ni sortir par suite de la
différence dans la pression atmosphérique de la cloche, on n'est plus
obligé de remettre l'appareil enregistreur ou à cadran continuellement au
point. Nous avons des appareils installés depuis trois années qui n'ont
demandé aucune réparation et dans lesquels le point est resté absolument
stable. Cet appareil sert pour le sondage ainsi que pour le relèvement
rapide du relief du fond d'un port de mer. Il sufTit, en effet, de traîner
le récipient par le moyen d'une corde, quelle que soit l'inclinaison du
Fig. 9. — Manomètre enregistreur pour hydromètre.
tube par rapport au bateau, il n'y aura que la hauteur d'eau qui sera
enregistrée. Nous établissons même un dispositif qui permet de faire
tourner le cylindre enregistreur proportionnellement au chemin par-
couru (f((j. 9).
Thermomètre fronde. — L'emploi d'un thermomètre ordinaire que l'on
fait tourner à la main au bout d'une ficelle est certainement le moyen le
plus simple, mais aussi le plus dangereux pour la conservation dudit ther-
momètre, car la corde casse au bout de peu de temps ou bien, dans son
mouvement de rotation, le thermomètre rencontre un objet quelconque ;
dans les deux cas naturellement il se brise. Cette petite opération finit en
somme par revenir fort cher. Pour remédier à cet état de chose, nous
avons été amenés à construire un support de thermomètre qui, se mon-
tant sur moulinet à engrenages, est mù à la main par une petite manivelle
qui permet d'imprimer au thermomètre un mouvement de rotation aussi
826 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
rapide que l'on désire et sans aucun danger de casse. La disposition est
telle que l'on peut disposer deux thermomètres parallèlement, ce qui
donne la facilité de prendre la température des thermomètres humides
et secs donnant le point psychrométrique et par suite le point d'humidité.
Ajoutons que tout l'appareil, y compris les deux thermomètres, se place
dans un élégant écrin de la grosseur d'un fort portefeuille permettant de
l'emporter sans gêne aux divers endroits où le point doit être relevé.
M. a. POTJCHET
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle, à Paris.
SUR LES EAUX VERTES ET BLEUES OBSERVÉES AU COURS DU VOYAGE
DE « LA MANCHE !>
— Séance du 49 septembre 189S —
On sait que la couleur des eaux de la mer est tantôt verte ou tantôt
bleue, en dehors de toutes conditions spéciales d'éclairage, de fond et d'agi-
tation. Celles-ci peuvent modifier, dans certains cas et dans une certaine
mesure, cette coloration, mais on peut toujours se mettre en dehors de leur
influence. La couleur bleue ou verte de l'eau de mer est une des propriétés
qui lui sont propres, aussi bien que le degré de salure, la température, etc..
Il est à peine nécessaire de rappeler qu'il ne s'agit pas ici des apparences
infiniment variables de la surface de la mer, mais de la couleur de l'eau
vue sous une épaisseur suffisante, dans les conditions favorables à ce genre
d'observations.
L'appréciation juste de la couleur de la mer, observée en route, exige
évidemment une certaine habitude de l'œil, mais qu'il est aisé d'acquérir.
J'en ai fait tout particulièrement l'épreuve au cours de la dernière cam-
pagne de l'aviso-transport la Manche, à Jan Mayen et au Spitzberg, sous
les ordres du commandant Bienaimé. Ayant appelé, sur un sujet qui me
préoccupe depuis 1887 (1), l'attention de M. le lieutenant de vaisseau de
Carfort, chargé à bord des observations météorologiques, entourés l'un et
l'autre d'officiers qui prirent aussitôt intérêt à un genre d'observations
H) Voyez La couleur des eaux de la mer et les pêches au filet fin. (Association française. Toulouse,.
1887. Compte rendu, 2« partie, p. 590.) — Les eaux vertes de l'Océan (Soc. de BioL, nov. 1887).
SLR LES EAUX VERTES ET BLEUES
327
G. POUCHET. --
nouveau pour eux, nous sommes vite arrivés à une uniformité suffisante
dans l'appréciation de la couleur de la mer. preuve de la base objective
de nos constatations.
Je dois dire, tout d'abord, que l'échelle chromatique de M. Forel, qui
est peut-être d'un usage pratique pour les lacs alpestres, ne nous a été,
à la mer, d'aucun secours (1). Je suis arrivé à cette conviction qu'il est
indispensable de s'en tenir, dans l'observation de la couleur de la mer, à
un nombre restreint de qualifications (2; et je me suis arrêté à trois seu-
lement, sans plus : vert, bleu, intermédiaire.
(1) Tout au moins conviendrait-il que les liquides colorés de l'échelle Forel fussent renfermés
dans des fioles à parois parallèles pour empêcher les effets de réflexion extérieure et intérieure dus
à la forme cylindrique.
(2) Je donnerai comme exemple des confusions où l'on tombe forcément en voulant trop préciser,
le tableau suivant des observations que j'avais prié un ingénieur, M. Ebelot, de recueillir au cours
d'un voyage du Havre à La Plata, dans l'automne de 1888 :
DATE
POSITION
COULEUR
11 sept.
12 sept.
13 sept.
Idem.
à 2 li.ap. midi.
U sept.
15 sept.
16 sept.
17 sept.
18 sept.
19 sept.
21 sept.
22 sept.
23 sept.
24 sept.
25 sept.
26 sept.
27 sept.
28 sept.
29 sept.
30 sept.
1<" oct.
2 oct.
3 oct.
4 oct.
5 oct.
41° 38' -N.
37» 43' N,
33° 58'.
30° Cl'.
Santa-Cruz de
Ténériffe.
Environ 21°.
13° 31'.
9° 59'.
6" 32'.
2° 59' N.
0° 59' S.
5» 04'.
8° 52'.
12° 51'.
16° 46'.
20° 09.
23° 38'.
26» 57'.
Lat.: 29» 44'. \
JLong.: 50° ll'O.^
1 Lat.: 33» 53'. /
Long.: 59° 33'. (
Vert.
Bleu cham-
bord.
Bleu tournesol
ou bleu marin.
Bleu ardoise.
B'eu.
Bleu.
Bleu.
OBSERVATIONS
Les longitudes ne sont pas indiquées, sauf à par-
tir du 50" degré de Long, occid. La route s'est
effectuée directement du Havre à TénéritTe et de
Ténériffe au largo de la province de Rio Grande
da Sol.
L'eau est déclarée verte, à l'unanimité.
\ L'expression est choisie par M°° E. Ciel pur
I sur mer moutonnée.
/ La nuance a été désignée ainsi par divers pas-
sagers : M. E., bleu glauque ; M""» E., bleu marin ;
le docteur du bord, bleu indigo ;M.L., bleu rabattu
de noir ou bleu tournesol ; M"= G., bleu acier.
Ciel couvert, mer plate.
Vert.
Bleu.
Vert.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Bleu.
Vert.
Le bleu de la mer, le long du bord, est un peu
i changé, il est devenu bleu ardoise. En allant à terre
on la voit passer au vert. Au retour, au moment
'du flot, l'eau, autour du navire, est franchement
. verte. On retrouve le bleu en prenant le large.
( Vers le soir, bleue. On est sur de hauts fonds, à
( proximité du banc où se perdit la Méduse.
Entre les îles du Cap-Vert et la côte.
On noiera la couleur verte sur les bancs de
allant du navire à terre dans la baie de Santa
( Dans la matinée, en vue du cap Saint-Tomé, au
(nord du cap Frio, teinte verdàtre.
La sonde accuse 57 mètres.
\ Le navire entre dans les eaux jaunâtres de La
/ Plata.
la Méduse et le changement de couleur sensible en
■Cruz de Ténériffe. Quant au nombie des dénomma-
328 MÉTÉOROLOGIK ET PHYSIQUE DU GLOBE
M. de Carfort avait adopté quatre termes : vert, olive, ardoise, bleu ;
les deux termes moyens correspondant à des nuances se rapprochant
davantage soit du vert, soit du bleu. Cette distinction ne me paraît pas
nécessaire et il est d'ailleurs évident qu'en passant d'une localité verte à
une localité bleue, ce qui peut avoir lieu très vite (1) si la marche du
navire est un peu rapide, il deviendra très difficile de reconnaître où la
nuance olive fait place à la nuance ardoise et réciproquement. Je crois
donc les trois termes que je propose — vert, intermédiaire, bleu — suffi-
sants et c'est eux que j'ai adoptés au cours des observations attentivement
poursuivies pendant le voyage de la Manche de Leith à .Tan Mayen. de
Jan Mayen au Spitzberg, et du Spilzberg à Tromsue. J'ai continué les
mêmes observations sur la côte de Norwège jusqu'à Drontheim.
La Manche, au cours de ce voyage, a traversé cinq localités bleues
nettement accusées et j'entends par là où la mer était aussi bleue que
la Méditerranée. Elle a également rencontré des localités vertes et enfin
a navigué, pendant la plus grande partie du temps, sur des eaux de cou-
leur intermédiaire.
Voici, d'ailleurs, le relevé de mes observations : .
Sur la côte d'Ecosse, comme toujours dans la mer du Nord, l'eau est
verte.
Le 22 juillet. — 10 heures et demie du matin, l'eau est nettement bleue (2),
le ciel est gris, c'est-à-dire que l'observation est faite dans les conditions les
plus favorables. — Midi : Latitude, CA° 03' N. Longitude, 2° (3). — A midi
et demi, l'eau est plutôt verte (4).
Le 23 juillet. — l*osilion à midi: Latitude, 64° 12'. Longitude, 1° IS' 0. —
Vers 4 heures de raprès-midi, l'eau est verte (5). — Vers 6 heures, l'eau est
lions employées par M. Ebclot, il est, en somme, des plus restreints. Au cours du voyage de la Gazelle
ivoy. t. II, Berlin, 188S, p. 4), la coloratiun de la mer fut enregistn^e journellement d'après les
Impressions subjectives du Captlicut. Bendemann. Or, on ne relève pas moins de vingt dénominations
CTiployéi'S par lui et il suffit de les énumérer pour montrer do quel faible secours elles sont pour
des comparaisons ultérieures. On remarquera que la qualification <x entfiirbt » indique toujours un
virage au vert. « Azurblau. — Tiefblau. — Dunl<ell)lau. — Hellblau. — Etwas entgefàrbt, grunlich.
» — Enlfarbt grunblau. — Grijnblau. — Blaugrau. — Schmutzig-grun. — Schwarzgrun. — Blau. —
» Dunkelblau elwas enlfarbt. — Grùnlichblau, leicbt entfârbt. — Hellblau etwas enllarbt. — Dun-
» kelblau-grun. — Dunkelgriin-blau. — Tiefblau etwas enlfarbt. — Schwartzlich griJnblau. —
» Blau leicht entfârbt. — Enlfarbt blau. » Cet exemple suffit, croyons-nous, à montrer la nécessité
do recourir aune classification beaucoup plus simple, tout à fait simple.
(1) Nous ne parlons pas des passages subits d'une couleur à fautre, comme dans la limite orientale
du Courant du Golfe.
(2) Le commandant Bienaimé m'informe qu'à 9 heures elle était plus bleue encore.
(3) Nous sommes donc encore par le travers des Shetland, à 30 milles d'elles et à 130 milles
environ de la côte de Norwège.
(4)Jerapporleen note le résultat sommairedes pèches au filet fin qui ont été faites dans les eaux tra-
versées. Le 22 juillet, pendant qu'on marche à la voile, une pêche au filet fin est pratiqui'^e en puisant
de l'eau à la mer, de l'avant du navire, au moyen de seaux : Ceratium tripes, Peridimum divergens
très abondants ; Rhizosolenia, Ceratium furca ; Dinophysis rares ; Méduses, Appendiculaircs, Copédodes
rares. Dans cette pèche, les Peridinium dominent ; c'est, en somme, une pèche essentiellement végé-
tale, une pêche d'eaux verles.
(o) Deux pêches au filet fin ont été faites. La première, comme la veille, au moyen de seaux, à
l'avant. Le procédé est essentiellement défectueux. Même en se plaçant dans les meilleures condi-
tions on pêche des détritus du navire (fragments de laine colorée, elc.) et surtout des filaments du
cordage auquel est suspendu le seau. Cette pèche donne moins de Ceratium et de Peridinium diver-
G. POLCHET. SUR LES F.AIX VERTES ET BLELES 3'29
bleue. — L'observation est très précise, faite par un ciel qui se maintient gris,
c'est-à-dire dans les meilleures con<litions. Le point oîi se produit le change-
ment d'eau verte en eau bleue est situé par 64° 30' latitude et 1° 35' longi-
tude 0. — A 7 heures l'eau est encore un peu bleue sous le ciel gi'is ; à
8 heures et demie, l'eau revient au vert sans être franchement verte.
Le 2i juillet. — Vers 6 heures et demie et 7 heures du matin, l'eau a nette-
ment viré au vert. Elle est intermédiaire, mais plutôt verte. — Je note à 9 heures :
« presque verte ». — Position à midi : Latitude. Gtj" 47'. Longitude. 2° 13' (J (1).
Le 2o juillet. — A midi la position est : Latitude, 69° '.0'. Longitude, o° 40' 0.
— Vers 9 heures du soir, l'eau semble un peu virer au bleu (2).
Le 26 juillet.— Au matin, leau est verte ; à 8 heures et demie, elle devient un
peu bleuâtre. — Position à midi : Latitude 70° 20'. Longitude o» 30' 0. (3).
Le 21 juillet. — Nous sommes au mouillage de Marie Muss (4).
Le 28 juillet. — A l heure et demie, au sud de Jan Mayen, la mer est
un peu bleuâtre ; à o heures et quart, devant le Phare, la mer est redevenue
verte (o).
Le 29 juillet. — A 9 heures, la mer est très faiblement bleuâtre. — A midi,
l'eau est bleue. Latitude 7l« 38'. Longitude 5° 17' 0. Elle l'est encore à 4 heures
trois quarts. — A 6 h. oo m., la mer est un peu bleue; à 8 heures trois quarts,
de même.
Le 30 juilld. — A midi, l'eau est toujours bleuâtre. Latitude 73° 37'. Longi-
tude I044' E. — A 1 heure, la mer est nettement bleue; à 4 heures, elle l'est
encore, mais peut-être plus faiblement. — A 8 heures du soir, la mer est
encore bleue ; elle va peut-être virer ; elle me paraît, en tous cas, moins bleue.
Le 31 juillet. — De minuit â 4 heures, l'ofiicier de quart, M. Exelmans, a vu
passer un baril, un tronc d'arbre, un orque. — A 6 heures du matin, l'eau
est verte. — A 11 heures, l'eau est verte. — Position à midi : Latitude 73° 13'.
Longitude 6° 44' E. — A 4 heures, l'eau est entre vert et bleu. — A 9 heures
l'eau est toujours bleuâtre (G).
. Le i^" août. — A 1 heure du matin, eau bleuâtre. — A 3 heures et demie,
dans le Bell Sund, elle est d'un vert sale.
gens que la veille ; Per. divergens est plus abondant que Ceralium. On trouve, en outre, des Globigérines,
des Calanus. — Une seconde pêche est faite vers J, heures pendant que le navire a stoppé, avec lappareil
Biétrix muni de son bateau. Elle est faite à quelques mètres de profondeur. Le dépôt est ronge par
l'abondance des Copédodes, On trouve Peridinium diverycns, de couleur rose très rabattue, quelques
Ceralium Iripos, grands Coscmod'SCHs; des Globigérines ; des Sagitta, etc.. La pêche est essentiel-
lement animale. Pendant qu'on fait ceUe pêche je vois passer un fragment de fucus.
(1) Une pêche est faite à la pompe : Cera(i»m <c/pos qui parait ici l'être dominant ; C. fusus: Peri-
dinium divergens de coloration rouge plus accentuée qu'hier; Chetocerus; très rares Hhizosotenia ;
quelques Radiolaires petits; quelques Coscinodiscus ; Lamellibranches. En faisant la pêche, je vois
passer deux fragments de fucus plus grands que celui de la veille.
(2) Dans une p^che au filet fin, je trouve des Sphaerozoaires.
(3) Pèche au filet fin faite avec les seaux. Celte pêche est exclusivement végétale : Ccscmcd-scus .-
Polijcysline/i ; Chetnceras : Navicules : Bhizosohnia ; débiis végétaux; quelques œufs de poissons
pélagiques; pas de Copépodes. Le soir, une pêche est faite en vue de Jan Mayen, avec l'appareil
Biétrix. Elle est également essentiellement végétale. Le dépit est jaune, mais plus fin que celui
que j'ai décrit dans les eaux des Feroe. Schizonema en abondance; Tetraspora ; Chetocerus i Diato-
mées; Navicules; quelques Tintinnidés; un seul Copédode.
(4) Une pèche au filet fin donne les mêmes résultats que celle de la veille au soir.
(o) Une pèche au filet fin est pratiquée devant la Grande lagune. Elle est essentiellement végétale :
Riiizosoknia ; Diatomées nombreuses (beaucoup sont enkystées); quelques Peridinium tripos; Radio-
laires; Globigorines; œufs de Copédodes et de poissons; un Pluleus.
(6) Le matin, une pêchi a été faite au moyen de la pompe : Sphserozaires ; Chetocerus; Cosn-
nodincus; Rhizosolenia ; Diatomées (plusieurs enkystées) ; gros Gijmnodinium vert; petit /»roto/)cri-
dinium; Appendiruhuies ; Copêpoies. Malgré la présence de ceux-ci en assez grand nombre, la
pêche peut être regardée comme essentiellement végétale. — Le même jour on constate la très
grande abondance de Tetraapora Poucheti.
330 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Le 4 août. — A 9 heures, devant le cap Lyell, l'eau est verte. — A 9 h. 3S m.,
à la sortie du Bell-Sund, elle tend à bleuir. — A 12 h. 33 m., l'eau est très
•faiblement bleue. — A 2 heures, l'eau est verte, nous sommes dans l'Isfjord (1).
Le 10 août. — Mouillage d'Advent Bay : autour du navire, l'eau est bleuâtre;
de l'autre côté d'Advent Bay, elle est nettement verte (2).
Le 41 août. — A 11 heures, par le travers du cap Staraschine, la mer est
verte. — A 12 h. 10 m., en avant de l'entrée de risfjord, elle est bleuâtre. —
A 1 h. 5 m., très bleue. — A4 heures, on ne trouve pas de Tetraspora (3). —
A 6 heures, mer bleue, très peu de Tetraspora. — A 7 heures, eau moins bleue,
un peu verdâtre.
Le 12 août. — A 2 heures et demie du matin, d'après l'officier de quart,
M. Exelmans, nous aurions traversé une localité d'eau verte. Puis l'eau est rede-
venue bleuâtre. — A 7 heures et demie, en face du cap Lyell, nous la retrou-
vons verte.
Le 45 août. — A 9 h. 20 m., en face du glacier de Scott, l'eau est verte. —
A 10 h. 50 m., elle a une tendance à bleuir, elle est cependant plutôt verte.
— A midi, l'eau est bleue. Latitude : 77° 33'. Longitude : 11° 17' E. — A 3 heures,
on ne trouve pas de Tetraspora. — A 3 h. 40 m., eau très bleue; il fait calme.
Le 46 août. — A 6 h. 55 m., mauvais temps. Eau intermédiaire, plutôt verte,
Tetraspora abondants. — A 10 h. 45 m., eau verte. — A midi, position estimée :
Latitude : 75° 45'. Longitude : 11° 31' E. — A 12 h. 40 m., eau intermédiaire,
plutôt verte (4). — A 2 heures, eau plutôt verte. — A 8 heures et demie du soir,
eau bleue. Latitude : 75° 03'. Longitude : 13* 02' E. Le commandant me dit que
peu de temps après l'eau est devenue verte (5).
Le 11 aovt. — A 6 heures, eau verte. — A 6 h. 50 m., eau intermédiaire,
plutôt verte. — A 10 h. 50 m., eau verte. — Position à midi : Latitude : 73° 17'.
Longitude : 14° 47' E. — A 2 heures, eau intermédiaire plutôt bleue (6). —
~ A 6 heures, eau intermédiaire, plutôt bleue (7). — A 9 heures, eau inter-
médiaire, plutôt bleue (8).
Le 18 août. — A 4 h. 35 m., mer bleue, beau temps (9). — A 6 h. 30 m.,
eau verte. — A 7 h. 40 m., eau verte (10). — A 9 h. 30 m., eau verte; très beau
temps (11).— A midi : Latitude : 71° 35'. Longitude 17° 30' E. — A 1 h. 15 m.,
eau verte. — A 1 h. 50 m., eau verte (12).
(1) Le 6 août, dans Sassen Bay, une pêche au filet fin donne Peridinium divergent ; Cop^podes;
Appendiculaires: Gastéropodes; Lamellibranches; pas d'algues; une grande Sagilla; Tintinnidé très
long ; un seul Ceratium tripos. La pêche est essentiellement animale. — Comp. Pouchet, Sur la faune
pélagique du iJijrefjord. {Complcs rendus Acad. des Sciences, 25 janvier 1892.)
(2) Comparez l'observation dans la baie de Sanla-Cruz de TénérifTe, ci-dessus, p. 327, note 2. —
Une pêche au filet fin, dans Advent Bay, a donné : Peridinium divergens ; Gymnodinium puivisculus,
et surtout un Cakmus (finmarchus ?) rencontré en abondance dans d'autres pèches.
(3) Les Tetraspora Poucheti sont observés simplement dans un tiers de litre environ d'eau de mer
puisée du bord avec les précautions nécessaires pour détruire le moins possible de ces organismes,
et placée dans une cuve à glaces parallèles.
(4) Tetraspora extrêmement abondants. On en compte plus de vingt dans un tiers de litre d'eau.
(5) Pendant qu'on prend à cette place des températures de fond, une pêche au filet fin est effec-
tuée: Tetraspora exlrèmemenl àhondànls; Rhizûsolenia en nombre dominant; Ceratium tripos ; nres
Peridinium divergens, Globigérincs. La pêche, malgré de nombreux Copédodes et des Tintinnidés,
est essentiellement végétale.
(6) On ne trouve pas de Tetraspora.
(7) On ne trouve pas de Telrasjyora.
(8) On ne trouve pas de Tetraspora.
(9) On no trouve pas de Tetraspora.
(10) On ne trouve pas de Tetraspora.
(11j On ne trouve pas de Tetraspora.
(12) On ne trouve pas de Tetraspora.
G. POl'CHET. SUR LES EAVX VERTES ET RLEUES 331
Les indications qui précèdent sont relevées sur notre carnet d'observa-
tions. M. de Carfort, de son côté, a noté également les couleurs de la
mer sur son journal météorologique en se servant de sa nomenclature
à quatre termes. Nos deux relevés se superposent sensiblement (1).
Nous ne pouvions malheureusement, en raison de la route du navire,
ne repassant pas par les mêmes lieux, établir — sauf en ce qui concerne
la côte et les fjords du Spitzberg — la forme et l'étendue des localités
bleues que nous avons traversées ("2). Nous nous bornerons, en consé-
quence, aux remarques suivantes :
La première localité bleue s'est offerte à nous très bas par le travers
des Shetland, entre ces îles et la côte de Norvvège. Puis en montant vers
le nord, la Manche a rencontré successivement trois autres localités
bleues. Scoresby, dont l'attention s'est portée sur presque tous les pro-
blèmes d'Océanographie qui nous préoccupent aujourd'hui, note la fré-
quence des eaux bleues sur le méridien de Greenwich; or, les quatre
localités bleues dont nous parlons ont précisément été rencontrées par
la Manche sur le méridien de Greenwich.
Deux localités nettement bleues ont été traversées de Jan Mayen au
(I) Les indications du livre météorologique de M. de Carfort sont les suivantes :
20 juillet. — 4 heures du soir, verte ; 6 heures, verte.
il juillet. — 10 heures du matin, verte. — Midi : Latitude : 38» 32'. Longitude : 3° 24' 0.— 2 heures
du soir, verte ; 6 heures, olive. ,
22 juillet. — 10 heures du matin, bleu ardoise. — Midi, olive ardoise : Latitude : 61° 03 . Longi-
tude : 2° 0. — 2 heures du soir, olive ardoise; 6 heures, olive.
23 juillet. —8 heures du matin, vert; 10 heures, olive. — Midi : Latitude : 64° 12'. Longitude :
^o^5' 0. — 2 heures du soir, vert olive ; 6 heures, ardoise opaque; 8 heures, verte.
2i juillet. — 6 heures du matin, gris olive ; 10 heures, olive. — Midi : Latitude : 66° 47'. Longitude :
2» 13' 0. — 2 heures du soir, olive ; 6 heures, vert olive. ^
25 juillet. — 2 heures du matin, vert olive ; 10 heures, vert olive. — Midi : Latitude : 68° ol . Lon-
gitude ; 3° 40' 0. — 2 heures du soir, vert olive; 6 heures, vert olive. ^
26 juillet. — 10 heures du matin, gris olive. — Midi : Latitude : 70° 31'. Longitude : 6° 40 0. —
6 heures du soir, gris olive.
27 juillet. — Baie Marie Muss. — 6 heures du soir, gris olive.
28 juillet. — Sud de Jan Mayen. — 2 heures du soir, bleu ardoise ; 6 heures, verte. ^
29 juillet. — 10 heures du matin, bleu ardoise. — Midi : Latitude : 71° 38'. Longitude : 3° 17 0. —
2 heures du soir, ardoise ; 6 heures, ardoise ; 10 heures, ardoise. ^
30 juillet. — 6 heures du matin, ardoise ; 10 heures, bleu ardoise. — Midi : Latitude : 73° 37 . Lon-
"itude ■ 1° 44' E. — 2 heures du soir, ardoise ; 6 heures, ardoise.
3/ j»i«e<. —1 heure du matin, vert; io heures, olive. — Midi : Latitude : 73° 13 . Longitude:
go 44' E. — 2 heures du soir, bleu ardoise; 6 heures, ardoise; 10 heures, bleu ardoise.
1" août. — Dans Bell Sund, vert clair.
6 août. — Dans Sassen Bay, verte.
12 août. — Sortie de l'Isfjord. — 10 heures du matin, verte; midi, ardoise ; 2 heures du soir, bleu
ardoise; 4 heures, ardoise; 6 heures, ardoise; 10 heures, olive.
42 août. — Baie de la Recherche. — 10 heures du matin, vert laiteux.
13 août. — 10 heures du matin, vert olive. .
iS août. —Midi : Latitude : 77° 33'. Longitude: 11°n'E. — 2 heures du soir, bleu ardoise;
fi heures olive
16 août. - Midi : Latitude : 75° 43'. Longitude : 11° 31' E. - 2 heures du soir, olive; 6 heures, olive,
17 août. — 4 heures du matin, olive. — Midi : Latitude : 73° 17'. Longitude : 14° 47 E. - 2 heures
du soir, ardoise; 6 heures, olive. , , a cr,;,-
18 août. — 10 heures du matin, bleue. — Midi : En vue des cotes de Norvège. - 2 heures du son.
verte; 6 heures, verte. „rôfé
(2) Il était évidemment possible, d'après noire carte, d'en relier plusieurs ; il nous a Paru pre e-
rable de ne point forcer l'observation en traçant des limites peut-être Particulièrement variables
dans l'ucèan Glacial, entre les eaux bleues et vertes, et qui échappent par cela même a tout contrôle
ultérieur.
332 MKl'KOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Spitzberg et deux autres du Spitzberg au nord de la Norwège. Peut-être
ces quatre localités bleues doivent-elles être considérées comme faisant
partie de deux bandes bleues considérables étendues de l'est à l'ouest. En
particulier, la première rencontrée au départ de Jan Mayen et la dernière
rencontrée en approchant de la Norwège se sont trouvées exactement
sur le même parallèle par 72° de latitude N. (4).
De Jan Mayen au Spitzberg, les localités nettement vertes ont été, en
somme, plus rares que les bleues. Nous en trouvons une vers la pointe
orientale de Jan Mayen ; une en allant au Spitzberg, l'autre en revenant,
toutes deux entre 75° et 76° de latitude, et pouvant être considérées
comme appartenant h une même zone verle étendue en latitude. Enfin,
une autre localité verte s'est montrée dans le sud-ouest de l'Ile de l'Ours
par 73° 30' de latitude N.
En approchant de la côte de Norwège, nous avons trouvé l'eau verte
que j'ai pu suivre le long de la côte jusqu'à Drontheim.
Autour de Jan Mayen, sauf la localité verte signalée plus haut, la mer
a présenté une coloration intermédiaire.
La couleur de la mer sur la côte et dans les fjords du Spitzberg nous a
offert une particularité intéressante. La Manche a visité Bell Sund et
Isfjord. Elle s'est avancée sur la côte jusque vers le milieu de Prince
Charles Foreland. Or, nous avons toujours trouvé, soit avant d'entrer
dans les deux fjords, soit en en sortant, la mer bleue. Dans les deux fjords,
la mer, au contraire, s'est toujours montrée à nous verte {^).
Il n'est pas douteux que, dans l'Océan Glacial en particulier, les limites
et l'étendue des localités bleues varient selon les années et peut-être
même plus fréquemment (3).
On a proposé de nombreuses explications de cette différence de colo-
ration que présentent les eaux de la mer. Il convient toutefois de dis-
tinguer ici la cause efficiente des circonstances concomitantes qui peuvent
l'accompagner dans un certain nombre ou même dans la plupart des cas.
Nous rangeons dans cette dernière catégorie les influences de la tem-
(1) Cette limite des eaux bleues et vertes dans le sens des parallèles, qu'on pourrait rapprocher
dfi celle des eaux vertes et bleues de l'Atlantique tempéré, mérite peut-être de fixer l'attention.
(2) En 1888, M. Ch. Rabot, qui avait, à ma demande, porté son attention sur la couleur de la mer
au Groenland, m'écrivait: a M. le professeur... en allant pendant la seconde quinzaine de juillet, la
B mer est restée verte de la côte d'Ecosse au 21° de longitude 0. de Greenwich, où nous trouvons
» les premières eaux bleues... Au retour, autour du cap Farewell, eaux bleues. Du 'H ° de longitude 0.
» de Greenwich au 12° 30', eau verte... Dans les fjords de la cèle occidentale du Groenland, l'eau
» était verte. » Nansen signale de même la mer bleue sur la ente orientale du Groenland : « De notic
» tente nous pouvions contemiiler la mer poussant vers l'horizon ses petites vagues bleues... »
(3) Dès le départ de la_,Manche, au mois d'avril, pour l'Islande, j'avais signalé aux olficiers l'in-
térêt des observations de la couleur des eaux. Le 4 mai, M. le D' Couteaud m'écrivait rie Rei-
kjavik : « Nous avons constaté que la mer, depuis les Feroë jusqu'à la cote sud dislande, était
j> d'une belle couleur bleucj » Même en admettant que l'expression ait été exagérée et que la
couleur de la mer fut simplement intermédiaire, le fait n'en était pas moins intéressant. En effet,
l'année précédente, 1891, en faisant, du 5 au u juillet, la route Granton, les Feroé, Reikiavik, et
du 22 au 30 août la route inverse, j'avais nettement constaté la couleur verte de la mer sur tout
ce parcours.
G. POUCHET. — SUR LKS EAUX VERTES ET BLEUES 333
pérafure et de la salure. Les eaux équinoxiales sont à la fois plus
denses et plus chaudes que les eaux des hautes latitudes. Elles sont
bleues, mais on se rond compte de suite que ni la température, ni le
degré de salure, ni la profondeur ne sont les conditions immédiatement
déterminantes de la couleur, puisque des eaux vertes peuvent se ren-
contrer sous les tropiques (1) et que, d'autre part, les localités bleues
sont fréquentes dans les mers septentrionales. Si les eaux moins profondes
paraissent être généralement vertes (2), on n'oubliera pas que l'eau est
verte sur toute la largeur de l'Atlantique tempéré vers le oO'^ degré de
latitude (3).
On n'oubliera pas, d'ailleurs, que les mêmes différences de coloration
des eaux se retrouvent dans les lacs (4), ce qui suflit à faire écarter
l'hypotlièse d'une intervention de la salure, à laquelle M. Spring attribue
cependant un rôle important.
On est ainsi conduit à rechercher, en dehors des facteurs qui viennent
d'être signalés, l'origine de la couleur verte des eaux, la couleur bleue
paraissant être la couleur naturelle de l'eau pure (o).
Scoresby d'abord, puis Robert Brown (18G7), ont les premiers compris
que la couleur des eaux de l'Océan — et nous pourrions ajouter celle de
la plupart des eaux terrestres — dépend directement de certains phéno-
mènes biologiques. Ils se trompèrent seulement en croyant que la pré-
sence ou l'absence de certains êtres vivants, animaux ou végétaux, pro-
duisait les couleurs observées. 11 est facile de s'assurer que l'eau est
bleue ou verte indépendamment de tout être vivant, même microsco-
pique, en suspension.
(1) Rappelons l'eau verte signalée p. 327, note 2, sur les bancs de la Méduse et en rade de Sanla-Cruz
de Ténéiille. Signalons encore une localité verte observée par Schlemitz, au cours du voyage d.e
la Gazelle. Le 23 août, par o" de latitude S. et 9° de longitude 0. de Greenwich, l'eau devint
verdàtre de bleue qu'elle était. On remarqua en même temps un abaissement delà densité. Voyez
Natarforscher, t. VIII, p. 59, cité par W. Spring.
(2) Fjords du Spitzberg, du Gioénland, rade de Santa-Cruz de Ténériffe, bancs sur lesquels s'est
perdue la Méduse (voyez ci-dessus, p. 327, note 2), mer du Nord, Manche, etc.
(3) M. 0. Krummel, au cours du voyage de la Gazelle, donne pour limite inférieure des eaux
vertes de l'Atlantique tempéré le A0° degré de latitude. Voyez Geograph. Jahrbuch, 1892, p. 9 et suiv.
— J'ai indiqué et ligure dans la carte que j'ai donnée pour l'été de 1887 cette limite par Ai" lati-
tude N. vers la cote d'Europe et 41° 30' du côié de l'Amérique. Voyez La couleur des eaux de la
mer el les pèches au filet fin (Ass. /•'jdnf ..Toulouse, 1887, t. II, p. 596, et carte.) Je faisais remarquer
dès cette époque que cette limite coïncidait assez bien avec celle des eau.\ de densité i,0270.
(4) M. Forel (Arch. des Sa. Phijs. et Nat., t. XXI, p. 270) indique comme ayant des eaux bleues :
les lacs Léman, de Garde, de Lucel, de Kandersleg, l'Achensee et enfin le lac d'Annecy. Pour ce
dernier, je doi-; dire qu'au cours d'un voyage fait à Annecy au mois d'avril, dans le but même d'ob-
sener la couleur du lac, j'ai constaté que ses eaux étaient nettement vertes.
(3) On trouvera un excellent résumé des travaux sur la couleur de l'eau dans l'importante étude
de VV. Spring ; De la couleur des eaux [Ciel et Terre, 3" année, n» 24; 4' année, n» i. Bulletin de
l'Acad. des Se. de Bruxelles, janvier 1883. Rev. scient., 1883, t. XXXI, p. 16I). — Nous ne saurions,
d'ailleurs, partager les vues de M. W. Spring sur l't.rigine de la couleur jaune qui viendrait se com-
biner à la couleur bleue naturelle de l'eau pour donner les eaux vertes; cette couleur jaune déri-
verait, d'après M. W. Spring, d'un précipité naissant de sels incolores (carbonate de chaux, de
magnésie, silice, silicate d'alumine) dû à une trop faible quantité d'acide carbonique pour la com-
plète dissolution des carbonates ou à une insuilisance de chlorure de sodium pour la précipitation
du silicate d'alumine.
334 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOP.E
Partant de ce fait d'observation que l'eau pure est bleue (1), j'ai admis
depuis 1887 (2) que la couleur verte des eaux devait être attribuée à la
combinaison de cette couleur bleue avec la couleur jaune d'un principe
d'origine organique qui s'y trouvait mélangé. J'admis de plus que ce
principe était la phycophœine soluble dans l'eau et dont MUIardet a
montré la singulière fixité (3).
Depuis les observations de Robert Brovvn on est unanime à reconnaître
que les végétaux monocellulaires flottants sont, d'une manière générale,
répandus en beaucoup plus grande abondance dans les eaux froides,
c'est-à-dire dans les eaux vertes (4). Il n'est pas douteux que cette quan-
tité prodigieuse d'algues, abandonne sans cesse une notable quantité de
phycophœine à l'eau de mer. J'ai insisté ailleurs (5) sur le caractère très
particulier des pêches au filet fin dans les eaux des Feroë. Le même carac-
tère essentiellement végétal du plankton s'est retrouvé autour de Jan
May en.
Dans les fjords du Spitzberg cependant, malgré l'eau verte, le plankton
s'est présenté à nous comme presque exclusivement animal (6). Mais on
remarquera que si les fucus ne poussent pas dans ces fjords au niveau
des marées, on peut voir les bas-fonds tapissés partout de Laminaires.
Les goémons fixés joueront ici, en abandonnant leur phycophœine, le
même rôle que les algues pélagiques pour la haute mer.
Peut-être pourrait-on expliquer la grande zone verte de l'Atlantique,
tempérée par la présence des Sargasses qui flottent, il est vrai, en partie
dans l'eau bleue, mais en déf)assent notablement la limite au nord et
qui laisseraient écouler en se détruisant leur phycophœine dans le sens
du déplacement des eaux vers le nord-est.
En tous cas, une question très importante resterait à résoudre : la
couleur de l'eau des parties profondes de l'Atlantique.
En partant de cette hypothèse que l'eau verte résulte de la présence
(1) Voyez W. Spring.
(2) Voyez mes diverses communications de 1887, Assoc. française, Toulouse, et ii'oc. de Biuloyie.
Cf. ci-dessus, p. 327, note 2.
(3) Il sullit, pour l'obtenir, de triturer àesfucnst dans l'eau et de filtrer. M. Forel a supposé (1889, .4n'/t.
des Sc.phijs. elnal.) que c'était l'eau des tourbières chargée d'acide humiquequi apportait le com-
posant jaune. Si cette e.xplication, à la rigueur, peut s'appliquer à certains lacs, elle ne saurait être
étendue à l'Océan pour plusieurs raisons. La couleur de ces eaux de tourbières est d'un jaune forte-
ment rabattu. On navigue sur cette eau dans certains fjords de Norvvège. On peut citer en parti-
culier le Kanenfjord. On retrouve les mêmes eaux au fond de certaines petites baies des Feroë. Mais
ce sont là des phénomènes essentiellement limités. On ne peut songer à attribuer au Saint-Laurent
l'apport du principe jaune qui donnerait naissance à la grande zone verte de l'Atlantique tempéré,
plus qu'on ne saurait, d'autre part, admettre une inllueuce des rivières de Norwège et d'Europe
agissant à contre-courant. Il est à noter, en effet, que les autres grands fleuves atlantiques (iMississipi,
Amazone, Niger), se déversent dans des eaux bleues et n'en modifient point la coloration dès que les
particules solides, qu'ils tiennent en suspension, se sont précipitées.
(4)M.O. Kriiramel signale lui-même l'abondance des Diatomées dans l'eau intermédiaire (blaulich-
griin.) du courant sud é(|uiLlorial (G<kigr. Jahrbuch, ts92, p. 9 et suivantes.) L'auteur ajoute cette
remarque à un passage des Pelerm. Miiheil. 1889, qu'il transcrit jiour le resteà peu près textuellement.
(5) Voyez Sur la jloi e pélagique du Xaahôfjord. (Comptes rendus, \\ janvier 1892.)
(6) Comp. PoucHET, Sur la faune pélagique du Dyrefjord. {Comptes rendus, 25 janvier 1892.)
G. POUCHET, SI R LES EMX VERTES ?:T BI.KLES 83d
d'une certaine quantité de phycophœine en dissolution dans l'eau naturel-
lement bleue, on pouvait se demander s'il ne serait pas possible d'éli-
miner celle-là et de rendre à celle-ci sa couleur naturelle. Quelques faits
sembleraient indiquer qu'on doit y parvenir (1).
Je ne puis indiquer ici que le résultat d'une expérience préliminaire
réalisée dans le laboratoire de Concarneau, et basée sur ce fait que le
noir animal décolore les solutions de phycophœine. La seule partie de
l'appareil instrumental nécessaire, dont je disposais, était un tube de
o mètres mesurant o centimètres de diamètre environ, muni à l'intérieur
de cinq diaphragmes circulaires et aux extrémités de deux glaces paral-
lèles. L'eau de la baie de Concarneau, convenablement fdtrée, observée
dans ces conditions sur un écran blanc, bien éclairé, à l'autre extrémité
du tube, est parfaitement transparente et d'un vert intense.
Plusieurs essais ont été faits ; je ne relaterai que les deux suivants :
1° De l'eau de la baie, passée sar un filtre de papier pour la débarrasser
des matières en suspension, est lentement filtrée une seconde fois à tra-
vers une couche de 5 à 6 centimètres de noir animal en poudre fine;
2° De l'eau de la baie, après avoir été débarrassée de même des matières
€n suspension, est laissée vingt heures environ au contact de noir
animal réduit en poudre.
Ces eaux de mer sont essayées dans le tube et donnent exactement la
même impression que l'eau distillée du commerce et que l'eau de source,
impression très bien indiquée par W. Spring. Si elles n'étaient point
bleues, elles avaient du moins subi une décoloration considérable que
l'observateur le moins prévenu pouvait constater à première vue (2).
Le temps, les appareils et les matériaux nécessaires nous manquaient
pour pousser plus loin ces recherches. L'expérience que nous rappoi'tons
démontre, en tous cas, que la coloration verte des eaux de la mer dépend
au moins pour une grande partie de la présence d'une substance que l'on
peut directement lui enlever par des moyens appropriés, et qui jouit
— comme la phycophœine — de la propriété d'être retenue par le noir
animal.
(() U. Sainle-Claire Ueville (Ann. de Chimie, t. XXIII, I8i8, p. 32; trouva que les eaux bleues
des lacs de la Suisse et du Jura, évaporées, donnaieiil des résidus incolores; tandis que les eaux
vertes, celles du Doubs et du Rhin, donnaient une quanliié de matière organique assez forte,
teignant ca jaune les sels d'evaporali'in. On peut yjouler que le précipité obtenu par l'action du
bichloruie de mercure sur les solutions de phycopliœine est de même jaune. On reconnaît au
microscope la présence d'un dépôt pulvérulent jaune (phycophœine?;.
(2) L'eau qui a séjourné sur le noir animal en particulier est déclarée par une personne surve-
nant au moment de l'expérience, dune nuance •■'■ entre veit et bleu ».
330 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
M. Léon TEISSEEEITC DE BOET
Météorologiste au Bureau central météorologique de Fiance, à Paris.
SUR LA THÉORIE DES MOUVEMENTo TOURBILLONNAIRES
— Séance du i7 septembre 1892 —
Le mécanisme des tourbillons qui se produisent, soit dans l'eau, soit
dans l'air, a été beaucoup élucide par les diverses expériences de Weyher,
Colladon, etc., faites dans ces dernières années ; aussi peut-on essayer
aujourd'hui d'en esquisser la théorie.
Le premier principe sur lequel il faut s'appuyer, c'est que dans tous
ces tourbillons le mouvement centripète ne se produit que lorsque les
surfaces isobares sont plus déprimées que les surfaces de niveau dyna-
miques.
De môme tout mouvement dans le sens vertical est dû à ce que la
variation de pression suivant la verticale n'est pas celle qui correspond à
la densité du fluide au repos. Dans l'air les variations dans la loi de
décroissance de la pression barométrique sont sensibles et intimement
liées à l'écoulement du fluide aux extrémités du tourbillon.
On peut produire expérimentalement toute une classe de tourbillons par
des différences de vitesses entre les parties du fluide considéré, soit qu'on
entraine directement le fluide comme dans les expériences de Weyher,
soit qu'on l'actionne par des courants voisins de vitesses différentes,
comme on en voit produire des tourbillons près des piles de ponts.
Le tourbillon le plus simple que nous connaissions est celui qu'on
produit en faisant tourner autour de son axe un vase cylindrique rempli
d'eau ; après quelques instants, si le mouvement est très régulier, l'eau
tourne avec le vase d'un mouvement uniforme du haut en bas, la vitesse
angulaire est réglée par celle du vase et constante pour toutes les parties
du liquide.
L'eau à sa partie supérieure est déprimée et sa surface libre est formée
par une surface de niveau dynamique, c'est-à-dire une surface perpendi-
culaire à la résultante de la gravité et de l'effet centrifuge dû à l'inertie
du fluide en rotation.
Si on arrête le vase on voit bientôt l'eau se ralentir dans la partie infé-
rieure qui frotte sur le fond du vase, la diminution de vitesse angulaire
L. TEISSEREXC DE BORT. — THÉORIE DES MOUVEMENTS TOURBlLLOî<NAlRES 337
a pour résultat de changer la forme des surfaces de niveau dynamiques
dans les parties inférieures du vase où elles deviennent moins déprimées.
Mais la transmission verticale des pressions continuant à se faire comme
précédemment, les isobares ont gardé la même forme et sont ainsi plus
creusées que les surfaces de niveau dynamiques. Il en résulte pour la partie
inférieure que le fluide est poussé de la périphérie vers l'axe parce que les
différences de pression qui existent dans le sens horizontal ne sont plus
équilibrées par l'effet centrifuge comme lorsque les courbures des iso-
bares et des surfaces de niveau dynamiques se confondent.
L'afflux de fluide vers l'axe a pour résultat d'augmenter la pression
dans les régions inférieures et de déterminer ainsi un mouvement ascen-
sionnel d'une certaine masse du liquide qui comble partiellement la
dépression existant dans les couches supérieures. Cette dépression dimi-
nuant, les isobares tendent à se rapprocher en bas de la forme des surfaces
de niveau dynamiques et l'afflux vers l'axe diminue, il s'arrête complè-
tement lorsque la vitesse de rotation est devenue uniforme dans tout le
liquide, ce qui, dans le cas présent, n'arrive que par l'arrêt de tout
mouvement. En faisant tourner régulièrement le vase qui sert d'enve-
loppe au fluide on maintient le tourbillon d'une façon permanente sans
mouvement dans le sens vertical.
On peut aussi entretenir le mouvement ascendant central en faisant
arriver par la partie inférieure du vase en rotation de l'eau qui, n'étant
pas animée d'un mouvement rotatoire comme celle du vase, afflue forcé-
ment vers l'axe en même temps qu'elle est poussée vers la partie supé-
rieure par la diflérence de pression verticale qui existe entre les couches
inférieures, oii il y a afflux, et les couches supérieures où l'eau se déverse
lorsque le vase est assez plein pour que la surface libre du liquide aftleure
à ses parois.
On arrive donc à constituer ainsi un tourbillon dont le mouvement est
du au frottement des parois du vase, et dans lequel l'afflux par la base de
liquide en repos relatif produit et maintient la différence de vitesse de
rotation entre les régions inférieures et la partie supérieure qui est néces-
saire au mouvement ascensionnel du fluide.
Lorsqu'on opère dans un milieu libre pouvant être pratiquement consi-
déré comme indéfini, on peut produire un mouvement tourbillonnaire du
même genre en imprimant à une masse de fluide un mouvement de
rotation autour d'un axe, au moyen d'un anneau vide tournant rapide-
ment autour de son centre ou au moyen d'un moulinet à palettes.
C'est le mécanisme employé pour réaliser les intéressantes expériences
de M. VVeyher et celles de M. Colladon.
Le mouvement de rotation imprimé au fluide au voisinage du moulinet
se transmet aux masses voisines situées dessous et dessus, pendant que
338 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
le fluide est rejeté latéralement en vertu de l'action de la force centrifuge,
qui n'est pas équilibrée par une différence de pression suffisante entre
le fluide en repos et le centre du tourbillon.
Dans les tourbillons aériens de Weyher, à mesure qu'on s'écarte des
tranches où se meut le moulinet, la vitesse angulaire transmise par le frot-
tement du fluide sur lui-même diminue, tandis que la différence de pres-
sion entre le centre du tourbillon et le fluide extérieur reste à peu près
constante ; on arrive ainsi à une zone où les isobares sont parallèles aux
surfaces de niveau dynamiques, dans laquelle, par conséquent, l'effet cen-
trifuge est équilibré par la différence de pression vers l'axe. En sécar-
tant encore plus, on atteint une région où la vitesse de rotation, dimi-
nuant de plus en plus, les isobares sont beaucoup plus concaves que les
surfaces de niveau dynamiques, et où il y a mouvement du fluide vers
l'axe en même temps que mouvement de rotation.
L'afflux vers l'axe diminue la concavité des isobares et détruit ainsi
l'équilibre vertical entre les régions inférieures et la partie supérieure du
tourbillon (c'est-à-dire que la décroissance de pression ne suit plus la
loi statique, mais est plus rapide qu'elle ne devrait être eu égard à la den-
sité de l'air), ce qui détermine le mouvement ascendant du fluide.
Comme on le voit, on reconstitue ainsi un tourbillon identique au
précédent, seulement le mode de communication du mouvement rotatoire
est différent, il est dû au déplacement du fluide par les palettes du mou-
linet à la partie supérieure et à l'entraînement des masses voisines par le
frottement du fluide en mouvement sur le fluide en repos.
Dans l'un comme dans l'autre de ces tourbillons, le mouvement de
rotation détermine une dénivellation des surfaces de niveau dynamiques
et par conséquent une expulsion du fluide en mouvement par la péri-
phérie, là où se trouve la vitesse maxima.
Cette dénivellation des surfaces de niveau entraîne la production d'une
dépression vers l'axe et il y a mouvement vers la périphérie, là où la
dépression est inférieure à la dénivellation des surfaces de niveau, mou-
vement circulaire là où les isobares sont parallèles aux surfaces de niveau
dynamiques, et mouvement vers l'axe là où les isobares sont plus dépri-
mées que les surfaces de niveau.
Les tourbillons formés dans un milieu libre sont plus ou moins coniques,
la partie la plus évasée étant voisine de la zone motrice, ce qui tient à ce
que le mouvement gyratoire des couches inférieures est entretenu par
le frottement des couches supérieures; comme d'ailleurs le tourbillon
frotte sur le milieu fluide qui l'entoure, la plus grande vitesse angulaire
se trouve toujours à une certaine distance des bords du tourbillon et sur
des diamètres de plus en plus petits, à mesure qu'on s'éloigne des
tranches motrices, soit en montant, soit en descendant.
L. TEISSERE.NC DE BORT. — THÉORIE DES MOUVEMENTS TOURBILLOXNAIRES 339
Tourbillom par dépression. — Quand on produit un tourbillon en
laissant écouler un fluide par un orifice inférieur, comme c'est le cas
dans les tourbillons qui se produisent par des écluses et dans le tourbillon
observé par M. CoUadon sur le barrage du Rhône, à Genève, ce phé-
nomème présente bien toujours la forme conique, mais la partie resserrée
est tournée vers la région où se produisent les plus grandes vitesses.
Ces tourbillons forment une classe spéciale et la source de leur énergie
réside dans la dépression produite par l'écoulement du fluide, naturel-
lement sous l'influence de la pesanteur ou artificiellement sous l'influence
d'une asj)iration par un orifice. Le mouvement gyratoire est une consé-
quence des inégalités de vitesses produites dans le fluide qui s'écoule au
lieu d'être la cause même du tourbillon et la cause de la dépression.
L'importance du tourbillon est donc réglée par l'intensité de la dépres-
sion ('pour le cas du vase percé d'un orifice, la valeur de la dépression
dépend surtout de la hauteur du liquide au-dessus de l'orifice) et les di-
mensions de l'orifice, qui sert à l'écoulement. Dans les autres tourbillons,
au contraire, c'est la vitesse de gyration qui produit la dépression, la-
quelle détermine ensuite le mouvement suivant l'axe. Dans le tourbillon
formé par dépression, le fluide tend toujours à se rapprocher de l'axe,
parce que la dépression est partout supérieure à la déformation des sur-
faces de niveau dynamiques.
Si cette dernière condition n'était plus satisfaite la composante verticale
du mouvement serait annulée et le tourbillon s'évanouirait. En effet, la
vitesse de rotation croît dans un tourbillon de ce genre à mesure qu'on se
rapproche de l'orifice, parce que le fluide se rapproche de l'axe, il en
résulte que la dépression des surfaces de niveau dynamiques augmente à
mesure qu'on se rapproche de l'orifice d'écoulement et avec elle la
dépression barométrique traduite par la courbure des isobares, sans que
jamais elle puisse être moindre que celle des surfaces de niveau, sous
peine de voir le fluide s'échapper latéralement, au lieu de gagner l'ori-
fice.
Dans tous ces tourbillons, il y a toujours transport du fluide vers le
siège de la cause motrice et non émission du fluide en mouvement de
la cause motrice vers les régions calmes, comme le voudraient les théories
dans lesquelles un système moteur supérieur fait pénétrer des spires des-
cendantes de fluide au milieu d'une atmosphère plus ou moins tranquille ;
cette dernière forme de tourbillon n'a encore jamais été réalisée dans les
expériences et paraît d'ailleurs incompatible avec l'existence du frottement,
parce que : 1° le mouvement descendant ne peut être produit que par
un excès de pression dans les régions supérieures qui est incompatible avec
l'aspiration latérale qui produit les gyrations motrices du tourbillon ;
2° le mouvement de concentration du fluide vers la partie inférieure du
340 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
tourbillon exige que la dépression des isobares soit plus grande que celle
des surfaces de niveau; or celle dépression des isobares étant produite par
la transmission des pressions d'en haut ne saurait être supérieure à celle
des tranches de fluide placées au-dessus, il faut donc de toute nécessité
admettre que les surfaces de niveau dynamiques sont moins déprimées en
bas qu'en haut, ce qui est incompatible avec l'augmentation de vitesse
de gyration produite par la diminution du rayon de la trajectoire de
l'air, augmentation d'énergie actuelle qui a été invoquée pour expliquer
les effets violents des trombes et des cyclones .
J'ajouterai que dans un tourbillon descendant de ce genre l'air à la
partie inférieure ne peut s'écouler que vers l'intérieur du tourbillon où il
produirait alors un mouvement ascendant marqué, ou vers l'extérieur ; et
dans ce dernier cas on doit, si tumultueux que soit le mouvement, retrou-
ver la trace de vents divergents, ce que l'observation ne montre pas pour
ime portion un peu étendue de l'aire occupée par un tourbillon atmo-
sphérique.
Ces réserves formulées sur la possibilité de l'existence de tourbillons
descendants mus par la partie supérieure (et qui s'appliqueraient dans
leurs généralités à la possibilité de réaliser des tourbillons ascendants
mus par la partie inférieure), je reprends l'étude comparée des tourbillons
produits expérimentalement et de ceux qui s'observent dans la nature.
On observe souvent que lorsque deux courants de vitesses ditiérentes
ou de directions non concordantes prennent contact l'un avec l'autre, il se
produit un tourbillon.
Ce dernier mode de création des tourbillons est particulièrement diffi-
cile à réaliser dans l'air, mais on le produit assez facilement dans l'eau.
Cependant M. Weyher est parvenu, en faisant soutïler dans l'air calme une
large buse produisant un courant d'air en nappe, à créer des différences
de vitesses qui déterminent la formation d'un tourbillon ascendant. Dans
la nature il semble que ce soit par des différences de vitesse que se pro-
duisent les tourbillons aériens.
Le mécanisme des mouvements de l'air dans la zone génératrice des
tourbillons a été peu étudié jusqu'ici. Cependant M. Lasne, dans un mé-
moire sur la théorie des mouvements tourbillonnaires, a indiqué quelle
doit être la marche de l'air dans cette zone; mais si je suis d'accord
avec lui sur le sens du mouvement de l'air, je ne saurais le suivre pour
ce qui lient à la cause de la répartition des pressions et à la transmission
de haut en bas des vitesses par frottement. Cette circonstance influe
assez sur l'ensemble de la théorie du tourbillon pour que je sois obligé
d'en faire un exposé très différent sur plusieurs points essentiels de celle
qui a été donnée par M. Lasne.
Il est hors de doute que les courants généraux latéraux étant les moteurs
L. TEIï^SERENC DE BORT. — THÉORIE DES MOUVEMENTS TOURBILLON-NAIRES 341
du système, à l'origine dans une tranche de la zone génératrice, la vitesse
linéaire maxima doit se trouver à la périphérie là où l'air est entraîné
par le courant latéral. Deux hypothèses se présentent : ou bien la vitesse
angulaire de cette sorte de disque aérien est uniforme et alors la dépression
des surfaces de niveau dynamique est une simple fonction du rayon et de
la vitesse périphérique, ou bien la vitess'e angulaire décroît à l'intérieur à
cause de l'inertie de l'air qui se présente pour remplacer celui qui a été
entraîné par le courant.
La première hypothèse, si les surfaces isobares ont une courbure
voisine de celle qui résulterait de la rotation de la masse fluide sur
elle-même, n'est pas conciliable avec le mouvement centrifuge de l'air
dans la zone supérieure, mouvement indispensable à l'existence même du
tourbillon, parce que l'air qui diverge, perdant de la vitesse à mesure
que le rayon de courbure augmente, ne pourrait remonter la pente des
isobares, puisque sa vitesse serait toujours inférieure à celle qui est
nécessaire pour faire équilibre suivant le rayon à la pression barométrique.
Il faudrait nécessairement admettre que les isobares sont moins dépri-
mées que les surfaces de niveau dynamiques. De plus, à moins de sup-
poser des vitesses périphériques énormes, si on prend pour point de départ
cette hypothèse que la vitesse linéaire en chaque point est voisine de celle
qui correspond à la vitesse angulaire constante, on trouve, dès qu'on
s'approche du centre du tourbillon, des vitesses si faibles qu'elles corres-
pondent à des gradients très petits. Ainsi, pour des vitesses assez consi-
dérables des courants supérieurs, les dépressions barométriques seraient
beaucoup moindres que celles de la nature et ne pourraient engendrer
les vents violents que nous observons près du sol.
M. Lasne admet que la vitesse linéaire ne croit pas avec le rayon,
mais qu'en partant du centre, où elle est nulle, elle passe par un maxi-
mum pour décroître ensuite. Cette hypothèse, qui est assez satisfaisante
pour expliquer la forme des isobares inférieures et la relation qui lie les
diverses vitesses entre elles, laisse tout à fait dans l'ombre le mode de
transmission du mouvement du courant générateur à la masse aérienne
qui forme la tranche aérienne supérieure en rotation. On ne comprend
pas bien, en effet, comment les courants moteurs périphériques peuvent
engendrer par frottement des vitesses supérieures à leur propre vitesse.
Au contraire, si les vitesses centrales sont dues, comme nous le pensons,
surtout à l'accélération centripète éprouvée par l'air dans la partie conver-
gente du tourbillon, on comprend qu'elles puissent être supérieures à
celles des courants généraux.
Si l'on prend en considération ce fait établi que dans un tourbillon se
produisant dans un milieu où il y a frottement, les vitesses qui seraient
obtenues par le frottement de l'air sur l'air décroissent forcément de haut
342 MÉTÉOROLOGIK ET PHYSIQUE DU GLOIîE
en bas, c'est-à-dire depuis les tranches motrices jusqu'au niveau du sol,
en sorte qu'il s'établit, comme nous l'avons vu déjà, un mouvement centri-
pète inférieur et un mouvement divergent supérieur avec une zone inter-
médiaire où le fluide tourne circulairement en montant, on reconnaît qu'en
vertu de la loi des aires il y a accélération des vitesses de la périplif-rie
vers le centre dans la région c^triprte et qu'ainsi l'air qui arrive en haut
a dans les parties centrales une vitesse plus considérable que celui qui
s'élève tout autour. 11 en résulte que l'air arrive à la zone supérieure
avec des vitesses assez grandes pour pouvoir remonter la pente des iso-
bares en vertu de l'effet centrifuge et qu'ainsi une dépression baromé-
trique assez forte peut subsister en haut sans que le mouvement centri-
fuge soit arrêté.
L'intensité de la dépression barométrique ne dépend plus directement
de la vitesse de gyration à la périphérie comme dans le tourbillon circu-
laire parfait qu'on produit dans un vase qui tourne, mais de la raréfac-
tion produite par l'aspiration latérale due à l'entraînement de l'air par les
courants généraux. Sans vouloir entrer ici dans le détail d'ailleurs fort
difficile à préciser des relations qui lient la vitesse périphérique à l'inten-
sité de l'aspiration, on conçoit que l'entraînement périphérique de l'air se
produisant sur une très grande surface par rapport à celle de la partie
centrale de tourbillon, il y ait baisse de pression en ce point; d'ailleurs
tout l'air qui est ainsi enlevé au tourbillon doit passer par la partie res-
serrée du tourbillon là où l'air tourne circulairement, on conçoit donc que
lorsque le diamètre de cette section est très petit comparé à celui de la
tranche motrice, la valeur de la dépression du baromètre soit considérable.
Le tourbillon ainsi formé n'est autre qu'un système physique, aspirant
l'air par sa périphérie à la partie supérieure et produisant ainsi un cou-
rant ascendant, lequel détermine des vents convergents inférieurs qui se
transforment en vents circulaires lorsque leur vitesse de rotation est dans
une certaine relation avec la dépression des isobares et qui se changent
plus haut en vents divergents en tourbillonnant et vont augmenter les
courants latéraux aspirateurs en se confondant avec eux.
Il est probable que, dans la nature, il existe des tourbillons dans les-
quels la vitesse la plus grande à la partie supérieure se trouve à la péri-
phérie; mais on peut penser que, dans les grands cyclones, il n'en est pas
ainsi. A cause de leur rayon étendu, on arriverait à la périphérie à des
vitesses énormes. En efîet, le vent qui souffle dans une tempête atteint sou-
vent (dans la région située en dedans de la moitié du tourbillon) 30 mètres
à la tour Eiffel. Or, en s'élevant entre 300 mètres et 6 à 8 kilomètres, où
les cirrus indiquent le mouvement divergent, l'observation des vitesses
des nuages montre que les vitesses sont au moins triplées, en sorte qu'on
arriverait facilement à des vitesses de plusieurs centaines de mètres pour
G. COTTEAU. — LA FAMILLE DES CIDARIDÉES A l'ÉPOQUE ÉOCÈXE 343
le courant supérieur périphérique, tandis que les vitesses des cirrus ne
dépassent guère 100 mètres.
En résumé, les tourbillons atmosphériques participent à la fois du tour-
billon formé dans un vase en rotation et du tourbillon par dépression,
et la théorie dont je viens d'indiquer les grands traits, tout en se basant
sur les propriétés mécaniques des mouvements tourbillonnaires reconnues
par l'expérience, permet de rendre compte des phénomènes observés dans
les tourbillons de la nature comme je l'indiquerai ultérieurement.
M. &. COTTEAU
Correspondant de l'Institut, à Paris.
LA FAMILLE DES CIDARIDÉES A L'ÉPOQUE EUGENE
— Séance du 16 septembre 1892 —
L'année dernière, au Congrès de Marseille, j'ai présenté quelque considé-
rations générales sur le groupe des Clypéastroïdes éocènes, dont je venais
de terminer la description dans la Paléontologie française. Depuis cette
époque, j'ai commencé l'étude des Échinides réguliers éocènes. Je viens
d'achever la description des genres et des espèces de la famille des Cida-
ridées, et j'ai pensé qu'il serait intéressant de vous faire connaître le
résultat de mes recherches. La famille des Cidaridées est la plus ancienne
des Échinides et se montre pour la première fois dans les mers du trias et
du terrain carbonifère ; elle poursuit son évolution à toutes les périodes
des terrains jurassique, crétacé et tertiaire, et existe encore dans les mers
actuelles, sous les latitudes les plus diverses.
Dans le terrain éocène, la famille des Cidaridées est représentée par
trois genres : Cidaris, Klein ; Rhabdocidaris, Desor, et Porocidaris, Desur.
Le genre Cidans, tel que nous avons cru devoir le circonscrire, est
parfaitement caractérisé par sa forme subcirculaire, déprimée en dessus et
en dessous; par ses aires ambulacraires étroites, plus ou moins flexueuses;
par ses pores disposés en séries linéaires, non conjugués par un sillon
et non séparés par une bande saillante ; par ses tubercules interambu-
344 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
lacraires gros, scrobiculés, pourvus ou non de crénelures, perforés ou
imperforés ; par son péristome non entamé, recouvert d'une membrane
écailleuse visible chez les espèces vivantes et sur laquelle se prolongent
les zones porifères.
Les auteurs ont établi, au détriment du genre Cidaris, plusieurs genres
ou sous-genres, qui peuvent être excellents pour la distinction des espèces,
mais qui ne nous paraissent pas suffisants pour les séparer du type. Du
reste, la plupart de ces coupes secondaires, à l'exception du Cidark
Verneuilli, dont M. Pom.el a fait le Dorocidaris VerneuiUi, n'existent pas
à l'époque éocène, et nous n'avons pas à nous en occuper ici .
Le genre Cidaris renferme, dans le terrain éocène de la France, vingt-
trois espèces, dont nous avons décrit le test ou les radioles :
Cidaris sabaratensis, Cotteau.
— nummulitica, Sismoiiita.
— Grossoîivrei, Cotteau.
— Pomeli, Cotteau.
— crateriformis, Guinbel.
— liautevUlensisi, Cotteau.
— TaramellH (Taramellii, Cotteau.
— attenuata, Cotteau.
— Lorioli, Cotteau.
— Oosteri, Laube.
— spinigera, Dames,
— Beloni, Agassiz.
Cidaris subularis, d'Arehiac.
— subscrratu, d'Arehiac.
— inlcrlincala, d'Arehiac.
— svbcylindrica, d'Arehiac.
— striatogrmiosa, d'Ai'chiac.
— ariciilaris, d'Arehiac.
— prionata, Agassiz.
— subprionata, Rouault.
— seminota, Sorignet.
— gervaisiana, Sorignet.
— matrotiensis, de Loriot.
Nous n'avons que quatre espèces dont nous connaissons le test; les
dix-neuf autres ne sont représentées que par leurs radioles ; mais ces
radioles sont tellement bien caractérisés que nous avons tout lieu de
croire qu'ils constituent des espèces particulières. Ces espèces, du reste,
étaient en grande partie déjà et depuis longtemps connues. Presque tous
nos radioles proviennent de Biarritz ; ils avaient été, en 1847 et en 1850,
décrits et figurés par d'Arehiac (1),- d'après des échanlillons recueillis par
Pratt et déposés à l'École des Mines. Grâce à l'obligeance de M. Douvillé,
nous avons pu étudier ces types précieux, bien que souvent à l'état de
fragments. Nous les avons comparés aux exemplaires plus nombreux et
plus complets rencontrés depuis dans cette localité si riche. Après avoir
discuté les espèces, nous en avons supprimé quelques-unes et nous avons
caractérisé d'une manière plus nette et plus précise celles que nous
avons cru devoir conserver.
A la suite des vingt-trois espèces recueillies en France, nous avons
(1) D'Archiac, Deso'iplion des fossiles des environs de Bayonne. (Mérn. Soc. Géol. de France
2= série, t. Il, -I8A6.) — D'Archiac, Description des fossiles du groupe nummulilique (Méin. Soc. Géol.
de France, 2° série, t. III, 1850.)
G. COTTEAU. — L.V FAMILLE DES CIDARIDÉES A l'ÉPOQUE ÈOCÈXE 345
donné la diagnose de tous les Cidaris éocènes signalés dans d'autres
contrées, au nombre de vingt-deux :
Cidaris mesjriliin. V. de Loriol.
— Mayeri, P. de Loriol.
— hungarica, Pavay.
— cervicornis, Scbaiirotli.
— spclicicnsis, Dames.
— Snmpicri, Taramelli.
— infratertiarius, Quenstod.
— veronensis, Quensted.
— Vincenfi, Cotlean.
— poreseadienais, Koch.
— Bietzi, KoL'h.
Cidaris Yilanovà, Coîtean.
— striofa, Hutton.
— Verneuilii, d'Archinc.
— hafnen^is, d'Arcliiae.
— Mortoni, Conrad.
— Janvfi, Fritsch.
— longicoliis, Fritsch.
— acanthica, Fritsch.
— lacrymuJn, Duncan et Staden.
— ovipnra, Ihincaii et. Staden.
— excelsa, Duncan et Staden.
Sur ces vingt-deux espèces, treize ont été déterminées à l'aide de leur
test et neuf seulement à l'aide de leurs radioles. Ces vingt-deux espèces,
étrangères à la France, élèvent à quarante-cinq le nombre des Cidaris
éocènes que nous connaissons. Parmi les radioles, quelques-uns, couverts
d'épines plus ou moins fortes, appartiennent probablement au genre
Rhabdocidaris. Nous ne pourrons avoir de certitude que lorsque ces
radioles auront été trouvés adhérents au test. Nous avons préféré, quant
à présent, laisser ces espèces douteuses parmi les Cidaris, où elles ont
été placées dans l'origine.
II. — Le genre Rhabdoddains, Desor, se distingue des Cidaris, dont il a été
démembré en 1837, par ses pores ambulacraires unis par un sillon sub-
flexueux et, lorsque le sillon fait défaut, par les paires de pores que
sépare transversalement un bourrelet saillant. Ce genre forme deux
groupes : Le premier comprend des espèces en général de grande taille,
remarquables par leurs tubercules fortement crénelés et perforés, par leurs
pores ambulacraires allongés, unis par un sillon subflexueux; chaque
paire de pores séparée, en outre, par un bourrelet saillant. Ce sont ces
espèces, pour la plupart jurassiques, qui ont servi de type au genre. Le
second groupe renferme des espèces de taille ordinairement plus petite :
les zones porifères sont moins larges, les pores ambulacraires sont moins
arrondis, moins allongés, moins écartés, plus arrondis et le sillon sub-
flexueux qui devrait les unir fait le plus souvent défaut ; le bourrelet qui
sépare les paires de pores persiste seul et forme alors le caractère essen-
tiel, pour ainsi dire unique, qui sépare les Rhabdocidaris des Cidaris.
Les espèces de ce second groupe, qu'elles aient les tubercules crénelés
comme ceux du /?, Pouechi, ou lisses comme ceux du Rh. Blanchefi.
sont assurément très voisines des véritables Cidaris auxquels quelques
auteurs ont cru devoir les réunir. Mais alors il faudrait rapporter
également aux Cidaris les Rhabdocidaris jurassiques du premier groupe,
346 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
et cependant quelques espèces ont un faciès bien particulier. Nous avons
préféré maintenir dans la méthode le genre Rhahdocidans, tel que nous
venons de le circonscrire.
Les deux espèces rencontrées dans le terrain eocène de la France ap-
partiennent au second groupe; la première a été recueillie, à la fois, dans
le terrain éocène moyen et le terrain éocène supérieur.
Rhabdocidaris Pouechi, Cotteau.
Rhabdocidaris Blancheti, Cotteau.
Chez le R. Pouechi, les tubercules sont fortement crénelés, ils sont
lisses chez le R. Blancheti.
Hait espèces de Rhabdocidaris ont été signalées en dehors de la France.
Rhabdocidaris pseudo-juraxsica, Laube.
— mezzoana (Laube), Cotteau.
— Itala (Laube), P. de LorioL
— Loveni, Cotteau.
Rhabdocidaris Zittcli, P. de Loriol.
— fianifco^/ Dunkan et Sladen.
— sindensis, Dunkan et Sladen .
— Navillei, Cotteau.
Ces espèces élèvent à dix le nombre des Rhabdocidaris que nous
connaissons.
III. — A la suite des Rhabdocidaris, nous plaçons le genre Porocidaris,
qui s'en distingue nettement par les sillons profonds et poriformes qui
rayonnent le plus souvent au milieu des scrobicules et ne se retrouvent
chez aucun autre Echinide. Les Porocidaris sont, en outre, caractérsés
par les cloisons épaisses qui marquent, à l'intérieur du test, la suture de
certaines plaques interambulacraires, et surtout parla forme toute particu-
lière de leurs radioles.
Deux espèces éocènes de France appartiennent à ce genre :
Porocidaris psewdoserroto (Cotteau), Dames, | Porocidaris Schmideli (Munster) Desor.
La première de ces espèces se rencontre à la fois dans l'éocène moyen
et l'éocène supérieur ; la seconde espèce paraît propre à l'éocène supérieur.
Michelin, sous le nom de P. tuberosa {Bull. Soc. géol. de France,
2« série, t. XVII, p. Ii6, pi. Il, fig. 1 , a b c d, 18o9) signale un très petit
radiole recueilli à Issy, près Paris, et qui présente au premier aspect, par
sa dentelure marginale, quelques-uns des caractères des radioles des Poro-
cidaris. Mais ce radiole est un peu roulé et ne parait pas suffisant pour
démontrer dans le bassin parisien l'existence du genre Porocidaris.
Aux deux espèces éocènes de la France, il y a lieu d'en joindre une
troisième provenant de l'Inde,
Porocidaris anomala, Duncan et Sladen.
É. RIVIÈRE. — AGE DES SQUELETTES HUMAINS DE MENTON 347
Le genre Porocidaris se montre, pour la première fois, à l'époque
éocène. Il est représenté dans les mers actuelles par une espèce : Poroci-
daris purpurata Wyville, qui, suivant M. de Loriol, est très voisine du
Porocidaris Schmidlei.
Les sillons poriformes sont remplacés par une série de petites im-
pressions servant de points d'attache aux muscles moteurs des radioles.
La famille des Cvlaridées compte à l'époque éocène cinquante-huit re-
présentants. Une seule espèce, C. Belone, s'est rencontrée dans le calcaire
grossier des environs de Paris. Quatorze espèces proviennent des falaises
de Biarritz dans lesquelles les Échinides sont si abondants.
M. É. UIYIÈEE
SUR L'AGE DES SQUELETTES HUMAINS DES GROTTES DES BAOUSSÉ-ROUSSÉ,
EN ITALIE, DITES GROTTES DE MENTON
— Séance du 17 septembre 1892 —
I
Au mois de février dernier, trois nouveaux squelettes humains ont été
découverts, absolument par hasard, dans l'une des grottes des Baoussé-
Roussé, surnommée la Barma grande.
De cette découverte, faite à la suite de fouilles entreprises au mépris
de tous mes droits de propriété, découverte contre laquelle j'ai protesté
dès le premier jour et je ne cesserai de protester jusqu'à ce que jus-
tice me soit rendue, la grotte ayant été acquise par moi, ainsi que deux
autres grottes voisines, en 1872, par acte notarié passé au consulat
français de Ventimiglia (Italie), tant de choses erronées ont été dites
ou écrites, tant d'inexactitudes ont été commises — quelques-unes sciem-
ment — sur l'époque à laquelle appartiennent les différents squelettes
trouvés aux Baoussé- Rousse depuis vingt ans, que je suis obligé de
traiter à fond, une bonne et dernière fois pour toutes, je l'espère, cette
question, afin de n'y plus revenir.
348 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
II
C'est en 1869 que j'ai pénétré pour la première fois dans ces grottes;
c'est en 1870 que j'ai commencé à les explorer, aussi méthodiquement
que possible, et je crois pouvoir ajouter aussi scientifiquement que pos-
sible, n'ayant d'autre but que d'en faire l'étude complète, d'en écrire
l'histoire, sans aucun parti pris, sans idée préconçue, enfin, n'ayant
d'autre mobile que la recherche de la vérité.
Je ne reviendrai pas sur la description de ces grottes, au nombre de
neuf, situées toutes à côté les unes des autres, sur le territoire italien, à
quelques centaines de mètres de la frontière française, au bord de la
Méditerranée. Je ne ferai pas de nouveau, non plus, l'iiistorique des
fouilles dont elles ont été l'objet avant mes propres recherches, et que
j'ai eu le soin de publier aussi complet que possible, tenant tout particu-
lièrement à laisser à chacun ce qui lui appartient (1) ; je me bornerai seu-
lement à rappeler que les sept premières — en les numérotant de l'ouest
à l'est — ont été habitées par l'homme préhistorique et que je les ai
explorées toutes, plus ou moins profondément, la septième exceptée. J'ai
même entièrement vidé la sixièm.e, qui, le jour où j'y ai commencé mes
recherches, était vierge de toutes fouilles, de telle sorte qu'il m'a été
permis d'en écrire l'histoire complète.
Les fouilles que j'y ai pratiquées ont toujours été faites par couches
de ':25 centimètres, depuis l'entrée de la grotte jusqu'au fond, en ayant
soin de laisser contre l'une des parois de la grotte que j'étudiais une
petite épaisseur de ce milieu, comme témoin de la nature du gisement.
De plus, toute la terre a été criblée, de façon qu'aucun des plus petits
objets qu'elle renfermait ne put m'échapper. C'est à ces soins que j'ai dû
de recueillir, entre autres pièces, des mandibules de chauves-souris par
exemple, des phalanges de petits oiseaux, etc.; c'est à ces soins que j'ai
dû de pouvoir constater que tout ce que cette grotte renfermait appar-
tient à wm seule et même époque géologique, et, pour le dire tout de suite,
à la fin de l'époque quaternaire, et que les hommes dont les restes ont
été découverts et la faune dont les débris y ont été trouvés étaient
contemporains, le gisement n'ayant jamais subi le moindre i-emaniement.
Et ce que je dis pour cette sixième grotte, je crois être en droit de le
dire pour les cinq autres, qui, dans les fouilles que j'y ai faites, m'ont
donné des documents semblables à ceux de la sixième grotte, du moins
dans la masse de terre que j'ai enlevée, ayant procédé de la même
façon et avec les mêmes soins pour chacune d'elles.
(I) É. Rivière, De VAntiquitc de l'homme dans les Alpes- Maritimes, p. 6-U. (1 vol. gr. in-i".
Paris, 1887.)
É. RIVIKRK. — AGE DES SQUELETTES HUMAINS DE MENTON 349
J'ai pu ainsi étudier l'homme, sa vie et ses coutumes, depuis son arrivée
aux Baoussé-Roussé jusqu'à sa disparition de la localité.
En effet, dans la sixième grotte, les premiers foyers d'habitation de ces
peuplades, c'est-à-dire les foyers les plus inférieurs, reposaient sur le
banc coquillier déposé par la mer, lequel portait les traces de l'action du
feu. J'ai même trouvé, en certains points, des ossements d'animaux brisés
de main d'homme et des pierres taillées, de la cendre et des matières
charbonneuses, intimement soudés aux coquilles elles-mêmes déposées
par les Ilots ; le tout témoignait ainsi du séjour en cet endroit des hommes
des Baoussé-Roussé peu après la formation du dépôt coquillier.
Or, à partir de ce niveau le plus inférieur jusqu'à la surface du sol de
cette grotte, absolument vierge de toutes fouilles, je le répète, le jour où
pour la première fois j'ai commencé à l'explorer, tous les objets recueillis
m'ont donné une faune constamment semblable, non seulement pour
cette grotte, et qu'il s'agisse de la partie supérieure, de la partie moyenne
ou de la partie inférieure, mais encore absolument semblable à celle des
autres grottes. Partout et toujours j'ai trouvé les mêmes animaux.
J'y ai trouvé également des squelettes humains appartenant à la même
race que les squelettes des cavernes voisines, présentant les mêmes par-
ticularités ostéologiques, enfin démontrant, par les conditions dans les-
quelles ils ont été découverts, des rites funéraires absolument semblables,
tout en restant aussi distincts sur certains points, lorsqu'il s'agissait d'a-
dultes, de ceux qui ont été appliqués aux enfants.
Enfin, l'industrie n'a présenté de différences que dans les foyers infé-
rieurs, où la matière première qui a servi à ces peuplades pour fabriquer
les^outils et les instruments de pierre, dont elles avaient journellement
besoin, n'est plus la même et où la taille de ceux-ci varie également.
En effet si, depuis la surface du sol jusqu'à la profondeur de 3", 75, je
n'ai rencontré que des silex taillés de diverses espèces et de diverses cou-
leurs (silex proprement dits, jaspes, clialcédoines, etc.), silex solutréens
et magdaléniens, auxquels se mêlaient quelques rares pointes mous-
tériennes ; si, à cette profondeur, j'ai commencé à recueillir, et sur une
épaisseur très peu considérable (quelques centimètres seulement), avec des
silex taillés, quelques grès taillés, par contre, au-dessous de cette couche,
j'ai rencontré exclusivement des grès accompagnés de quelques calcaires
— ceux-ci en petit nombre. Ces grès présentaient des dimensions beau-
coup plus grandes et affectaient de préférence le type moustérien.
Ces dilferences dans la grandeur des instruments ne tiennent qu'à la
roche à laquelle l'homme des Baoussé-Roussé empruntait la matière
première, laquelle lui permettait de donner à ses outils les dimensions
qu'il voulait, tandis que les gisements d'où il tirait les silex desquels il
détachait les éclats qu'il convertissait ensuite en outils ou instruments de
3o0 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
toutes natures (grattoirs, lames, pointes, pointerolles, etc.) ne lui four-
nissaient, sauf de très rares exceptions, que des matériaux de faibles di-
mensions. De là seulement, je le répète, les différences de grandeur que
j ai constamment observées entre le silex et le grès taillé.
Quant à la forme moustérienne des instruments trouvés dans les cou-
ches inférieures, et à peu près exclusivement réservée aux gi'ès taillés,
je le répète, et que je n'ai constatée que très rarement sur les silex,
c'est-à-dire au-dessus des foyers à grès, serait-elle, aux Baoussé-Koussé,
la caractéristique d'une époque archaïque différente? Je ne saurais me
prononcer à cet égard en toute certitude. Ce que je puis dire, c'est que
l'âge géologique est le môme dans toute la caverne, la faune des couches
les plus superficielles étant absolument identique avec celle des couches
les plus inférieures, et qu'il n'y a aucune démarcation dans les foyers
depuis la surface de la grotte jusqu'au sous-sol, c'est-à-dire jusqu'au banc
coquillier sur lequel l'homme est venu demeurer, banc coquillier — j'ai
omis tout à l'heure de le dire — qui se prolongeait jusque dans la
partie la plus profonde de la grotte.
J'ajoute encore, car je tiens plus que jamais à bien préciser les faits,
que si les habitants des Baoussé-Roussé ont commencé, dès leur arrivée
dans la région, à se servir de grès pour fabriquer leurs premiers outils,
c'est parce que n'ayant pas sous la main le silex dont ils auraient eu
besoin, ils se sont adressés aux roches les plus voisines. Mais, dès le jour
où ils ont découvert des gisements renfermant ce silex, ils ont aussitôt
abandonné la roche qu'ils avaient primitivement utilisée, i)our ne plus
tailler et fabriquer que des armes en silex, de beaucoup préférables aux
grès, même siliceux, par leur résistance plus grande au bris résultant
d'un usage journalier, et cela malgré leurs dimensions plus petites. Le
silex leur offrait également un autre avantage, celui du plaisir des yeux,
par la variété et la beauté des couleurs.
Et puisque je parle de l'industrie, je dois ici une mention spéciale
aux objets en os que j'ai trouvés dans les grottes de Menton. Le nombre
de ceux dont l'authenticité, comme pièces travaillées et finies par la main
de l'homme préhistorique et non comme simplement préparées ou ébau-
chées, ne saurait être douteuse est des plus petits, puisque, pour les six
cavernes, il arrive à peine au chiffre d'une centaine. Mais tous, un seul
excepté (1), appartiennent à l'époque paléolithique, industriellement par-
lant, qu'ils proviennent des foyers à silex ou des foyers à grès taillés.
Ceci dit touchant l'industrie, dont j'ai recueilli les produits aux Baoussé-
(•I) Il s'agit de la portion basilaire d'un bois de Cervidé, dont j'ai fait don, en 1872, au Musée
du Saint-Germain en Laye, et qui est creusée inégalement et très peu profondément dans la partie
reposant sur le merrain et porte, sur une partie de son bord externe, une série de petits coups. Cette
pièce a été trouvée à 10 ou ib centimètres de profondeur, dans la quatrième grotte.
É. RIVIÈRK. — agi: des SQUELETTES HUMAINS DE MENTON 3ol
Roussé, et réservant la question des dents et des coquilles percées, dont
je parlerai tout à l'heure en même temps que des squelettes humains,
j'aborde maintenant la question de la faune.
Le nombre des restes d'animaux (des Vertébrés) que j'ai trouvés dans
les six grottes des Baoussé-Roussé est réellement inouï, il n'est pas moindre
de huit cent mille. Je puis d'autant mieux l'ailirmer énergiquement qu'ils
ont été comptés un à un. Cette masse énorme, je ne l'ai obtenue que
grâce au nombre d'années que j 'ai consacrées à fouiller ces grottes et —
qu'il me soit permis de le dire — aux précautions que j'ai prises pour
qu'il ne fût rien perdu, pièces bonnes ou mauvaises, entières ou brisées
et notamment au criblage de la terre des foyers, pour les os des plus
petites bêtes.
De plus, cette faune n'est pas importante seulement par la quantité de
débris (os, dents, bois) qui la représentent, mais elle l'est encore par le
chiffre des diverses espèces animales qu'elle renferme, puisqu'il s'élève à
cent onze Vertébrés : soit soixante Mammifères, deux Reptiles, qua-
rante-deux Oiseaux et sept Poissons ; elle lest surtout parce qu'elle fixe
d'une façon certaine l'âge des grottes des Baoussé-Roussé.
Les premiers comprennent :
a. — Des Chéiroptères (Cliauves-souris) ;
h. — Des Insectivores (Hérisson et Taupe) :
c. — Des Carnivores (Ours, Blaireau, Canidés, Glouton, Mustéliens, Putois,
Loutre, Hyènes, Lion ou Grand Chat des cavernes, Pantlière, Lynx, jieut-étre
même le (Felis machairodus) (I).
d. — Des Rongeurs (Marmottes, xMurins, Arvicola de plusieurs espèces, Castor,
Lièvre, Lapin).
e. — Un Proboscidien (Élépliant indéterminé).
/'. — Des Pachydermes { Rhinocéros tichorhinus, divers Équidés, plusieurs
Suiiiens).
g. — Des Ruminants (Élan, Cerf du Canada, Cerf élaphe, Chevi'euil, Cerf de
Corse, Daim, Antilope, Chèvre primitive (2), Bœufs).
h. — Des Cétacés (Delphinus et Balœna).
Cette faune de Mammifères bien réellement quaternaire, ainsi que le
démontre, sans aucune contestation possible, la présence de certaines es-
pèces animales, notamment du Rhinocéros tichorhinus (dont j'ai trouvé
dents et ossements à diverses profondeurs), du Felis spelœa. de YHyœna
spelœa, de VUrsus spelœus, etc., je ne l'ai pas, seul, déterminée, mais
j'ai tenu à ce que plusieurs de mes maîtres du Muséum d'histoire natu-
relle de Paris voulussent bien vérifier mes déterminations, les priant
(1) D'après une dent canine déterminée, en 1871, par M. le professeur Albert Gaudry .
(2^ Capra primigenia déterminée, en 1872, par Paul Gervais sur les nombreuses pièces osseuses
el dentaires que je lui ai remises.
3o2 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
aussi de m'aider de leurs bienveillants conseils dans les cas douteux ou
diffi elles.
Je demande à mes Collègues la permission d'insister, car on s'est plu
à écrire tout récemment, entre autres choses erronées, que j'avais « con-
fondu la faune de toutes les grottes, en y ajoutant, ce qui est plus grave,
les débris recueillis dans un repaire plus ancien, la grotte de Grimaldi,
voisine, mais en dehors des Baoussé-Roussé ». Non seulement je proteste
contre une affirmation aussi inexacte, mais je lui donne un formel dé-
menti, et je le fais preuves en mains, je le fais avec le volume même
de notre Association de l'année 1878. Au Congrès de Paris, en effet, j'ai
eu l'honneur de lire devant vous, mes chers Collègues, dans la séance
du 29 août 1878, un travail portant pour titre : Grotte de Grimaldi en
Italie, et pour sous-titre — il suffirait à lui seul pour démontrer l'inexac-
titude de l'assertion contre laquelle je proteste de toutes mes forces —
Comparaison de la faune de cette grotte avec celle des cavernes des
Baoussé-Roussé, dites Grottes de Menton.
Or, dans ce travail, non seulement j'ai donné, sous forme de tableau,
la nomenclature complète des espèces animales qui constituent la faune
de la grotte à ossements de Grimaldi, mettant en regard de chacune
d'elles les espèces similaires ou différentes trouvées dans les cavernes des
Baoussé-Roussé habitées par l'homme quaternaire, mais j'ai cru « decoir
.siqnaler tout spécialement à votive attention les particularités qui diffé-
rencient ou rapprochent ces deux faunes l'une de l'autre » (1). De plus,
j'ai fait accompagner mon travail de deux planches (-2) reproduisant,
o-randeur naturelle, les principales espèces animales caractérisant 1 âge
de la "Totte de Grimaldi, parmi lesquelles je citerai, comme différant le
plus de celles des Baoussé-Roussé, VElephas meridlonalis, le Rhinocéros
leptorhinus, VHippopotamus major.
Enfin je terminai ma communication de 1878 par ces lignes que je
ne puis me dispenser de répéter aujourd'hui, car elles sont la confirma-
tion la plus absolue de ma parfaite véracité : « Ici finit ce que j'avais
à dire sur les faunes comparées de la grotte de Grimaldi et des cavernes
des Baoussé-Roussé ou grottes de Menton, faunes dont les caractères
principaux paraissent différencier nettement, au point de vue paléonlo-
(1) Association française pour l'avancement des sciences, Congrès de Paris, 1878.
(2) Elles sont absolument différentes de celle que l'ou a invoquée contre moi, quoiqu'elle porte
en toutes lettres Faune des Grottes de Menton. Celle-ci accompagne le mémoire quej'ai lu en I87U
au Conurés intemationui des sciences (f'ogniphiqties et qui a paru dans le compte rendu dudit Con-
grès Elle li"ure également ^planche XVi; dans mon livre sur l'Antiquité de l'homme dans les Alpcs-
'Maritimes itvre dont 1 auteur des attaques, dont je viens d'être l'objet, faisait, en 1887, dans sou
journal l'Homme, un éloge tel qu'il le considérait alors - quantum mulalus ab iWo — comme « un
modèle de monographie locale ^ (t. IV, p. 341), ajoutant que « javais tiré tout le parti possible
(les fouilles et recherches que j'avais opérées... et que surtout, pour ce qui concerne la faune, je
l'avais étudiée avec le plus grand soin ». llinsiste même, car quelques pages pUs loin (p. 343}, il.
dit de nouveau a que j'ai traité avec le plus grand soin ce qui concerne la faune ».
É. RIVIÈRE. — AGK DES SQUELETTES HUMAINS DE MEiNTOiN 353
logique, l'âge de ces dépôts. Les premiers, ceux de Grimaldi, formés par
les eaux, appartiennent soit au commencement de la période quater-
naire, soit à la fin de l'époque pliocène, c'est-à-dire immédiatement
après les marnes subapennines, parmi lesquelles je citerai celles de Biot,
près d'Antibes (France) et celles de Castel-d'Appio, près de Yentimiglia
(Italie), que j'ai fait connaître le premier, en 1872, dans mon Rapport
sur la paléontologie des Alpes-Maritimes (1) et que j'ai plus particulière-
ment étudiées dans la communication que j'ai faite, en 1879, au Congrès
de Montpellier (2). Les dépôts des grottes de Menton, au contraire, en-
tièrement formés par les hommes, dont j'ai retrouvé les restes — sque-
lettes entiers ou ossements épars — et les produits de l'industrie (silex,
grès et os taillés), appartiennent à cette période de l'époque quaternaire,
où le Rhinocéros tichorhinus, ÏUrsus spelœus, etc., en un mot, les
grandes espèces animales tendent à disparaître. Ainsi, du moins, pensai-je
pouvoir expliquer le petit nombre des pièces osseuses et dentaires de ces
animaux que j'ai trouvées dans les grottes de Menton. »
Quant aux Oiseaux, aux Reptiles et aux Poissons, j'ai également signalé
les différences existant entre les grottes des Baoussé-Roussé et celle de
Grimaldi, différences telles que, dans les premières, les Oiseaux sont si
nombreux que c'est par milliers que j'ai recueilli leurs ossements, tandis
que la grotte de Grimaldi ne m'a donné qu'une seule pièce, un humérus
de Gallinacé. Ces différences sont telles encore que, dans cette dernière, je
n'ai pas trouvé la moindre trace d'un Reptile ni d'un Poisson, alors que
les grottes des Baoussé-Roussé m'ont donné les restes de deux espèces de
Reptiles (Rana et Rufo) et de sept espèces de Poissons (Cténoïdes,
Cycloïdes et Plagiostomes).
Enfin, il n'est pas jusqu'aux invertébrés pour lesquels « la grotte de
Grimaldi », ainsi que je l'ai fait soigneusement remarquer aussi dans mon
mémoire de 1878, « forme le contraste le plus frappant avec les cavernes
des Baoussé-Roussé, où la faune des Mollusques est l'une des plus riches
que l'on ait jamais signalées dans les grottes habitées par l'homme,
puisque j'y ai recueilli plus de quarante mille coquilles marines et ter-
restres — marines surtout — appartenant à cent soixante-dix espèces
difterentes », tandis que, dans la grotte de Grimaldi, « les Invertébrés
sont représentés seulement par deux coquilles terrestres, appartenant
toutes deux à la même espèce, à V Hélix Niciensis ».
Je m'arrête ici, mes cliers collègues, convaincu d'avoir démontré avec
la plus complète évidence combien est erronée l'assertion consistant à
insinuer que j'ai ajouté à la faune des Baoussé-Roussé « les débris re-
(1)É. Rivière, Rapport au Ministre sur la Paléontologie des Alpes- Maritimes (Archives des Missions
tcienlifiques du Ministère de l' Instruction publique, 3" série, 1. 1, Paris, 1873).
(2) Association française pour l'avancement des sciences. Congrès de Montpellier. Année 1879.
23*
354 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
cueillis dans un repaire plus ancien, la grotte de Grimaldi ». Il me serait
éo'alement facile de réfuter toutes les autres inexactitudes ou insinua-
tions du même article, en contradiction absolue avec ce que son auteur
écrivait il y a cinq ans à peine ; mais ce serait abuser de votre bien-
veillante attention — ah uno disce omnes; — il me suftit, je pense, de
protester énergiquement contre elles.
Il me reste donc, avant de finir cette communication, à vous dire
quelques mots, si vous le voulez bien, des nouveaux squelettes trouvés
dans une des grottes des Baoussé-Roussé au mois de février dernier.
Je serai bref et m'abstiendrai, pour aujourd'hui, de vous faire l'his-
torique de cette découverte, me réservant de vous en faire connaître
l'an prochain, s'il y a lieu, tous les incidents, si invraisemblables
qu'ils soient. Je me bornerai à dire que ces squelettes, au nombre de
trois, sont ceux — pour deux d'entre eux — d'un vieillard et d'un
adolescent (1).
Ils ont été trouvés à 18 mètres environ de l'entrée de la cinquième
grotte des Baoussé-Roussé, dite Barma grande, profonde de 3l"\50,
avant la destruction partielle, dont elle a été indûment l'objet. Ils étaient
couchés côte à côte, en travers de la grotte, la tête appuyée, pour ainsi dire
contre la paroi Est, tandis que les squelettes, au nombre de six, trois
adultes et trois enfants, que j'ai découverts en 1872, 1873 et 187o, dans les
o-rottes voisines, étaient tous situés, dans le sens même de la grotte, mais
les uns la tête regardant l'entrée, les autres, le fond.
Le premier squelette, celui qui a été trouvé le 7 février 1892, et le
troisième, celui qui est le plus éloigné de l'entrée de la grotte, étant les
seuls à peu près mis à découvert, le 2 mars 189^2, de la terre qui les
recouvrait, sont aussi les seuls dont je puis encore parler. Le premier est
celui d'un vieillard, le troisième paraît être celui d'un adolescent, d'un
sujet de dix-huit ans environ, du moins d'après les premières constata-
tions que j'ai pu faire. En effet, certaines parties du squelette n'avaient
pas encore atteint leur parfait développement, les épiphyses de certains
os longs n'étaient pas encore soudées à la diaphyse, quand l'individu a
succombé, enfin, la dernière dent molaire ou dent de sagesse était encore
dans son alvéole.
Les individus, dont ces squelettes sont les restes, appartiennent bien
à la race des Hommes fossiles de Menton ou race de Cro-Magnon, dans
laquelle MM. de Quatrefages et Hamy les ont classés dans les Cra7iia
ethnka. Ils en représentent d'ailleurs la plupart des caractères et notam-
ment la même forme du crâne, c'est-à-dire une dolichocéphalie accusée,
(t) Autant, du moins, que j'ai pu à grand'peine m'en assurer, pendant le cours do la Mission
scientifique gratuite, dont j'ai été chargé par le Ministère de l'inslructiun publique, par arrêté en date
du 3 mars dernier, pour en faire l'étude.
É. RIVIÈRE, AGE DES SQUELETTES HUMAINS DE MENTON 3o5
ainsi que la forme rectangulaire des orbites si particulière aux Hommes
de Menton. Ils sont aussi de grande taille.
Toutes les pièces osseuses de ces trois squelettes, sans exception, pré-
sentent, comme dans les précédentes découvertes, cette coloration rouge
si curieuse, parsemée de points brillants, due au fer oligiste en poudre
transformé en peroxyde de fer, dont les cadavres — mais ceux des adultes
et des adolescents seulement — ont dû être recouverts aussitôt après la
mort des individus.
FiG. 1. — Vertèbres de poisson, percées, destinées à former des colliers
ou des bracelets (3/4 de grandeur naturelle).
Bien que ces squelettes ne fussent pas alors encore dégagés complè-
tement, cependant j'ai pu constater sur eux la présence de certaines pa-
rures consistant en colliers formés non seulement de coquillages marins
percés d'un trou pour être enfilés (1) et de dents canines de cerf, également
percées, comme sur les squelettes d'adultes précédemment trouvés, mais
encore d'un assez grand nombre de vertèbres de poissons appartenant
pour la plupart aux genres Salmo et Trutta (Saumon et Truite) (fig. 7j.
Jusqu'à présent, j'avais bien trouvé çà et là, dans les grottes des
Baoussé-Roussé, des vertèbres percées de poissons des mêmes espèces.
H) Ces coquillages sont presque tous de petites Nassa nerilea.
3o6 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
J'avais bien découvert, certain jour, dans la quatrième grotte (Barma
dou cavillou), à 7'°,90 de profondeur, c'est-à-dire à l'",3o au-dessous du
premier squelette humain d'adulte, une sorte de cachette renfermant,
avec 7.868 coquilles marines, dont 857 percées de main d'homme,
49 vertèbres de poisson également perforées intentionnellement pour
servir de parures et rougies aussi (coquilles et vertèbres) par le peroxyde
de fer. Mais je n'avais jamais constaté la présence d'aucune de ces ver-
tèbres sur les squelettes de 1872, 1873 et 1875. Tous ces coquillages,
toutes ces dents, toutes ces vertèbres de poissons, percés, présentent la
même teinte rouge que les ossements humains, fait que j'ai autrefois
signalé, l'ayant également constaté sur chacun des squelettes d'adultes
que j'ai trouvés dans les mêmes grottes.
Je dois ajouter que deux autres coquillages, deux Cyprées, étaient placés,
m'a-t-on dit, sur les tibias du vieillard, l'une à droite, l'autre à gauche,
au niveau du tiers inférieur de l'os.
Quant aux armes ou outils trouvés en contact immédiat avec les sque-
lettes, ils consistent simplement en mh silex taillé mesurant 17 centimètres
de longueur sur 0°',Û51 de largeur. Il était posé derrière la tête du
vieillard, contre l'occipital, du moins d'après ce que l'on m'a dit, car la
pièce ayant été enlevée avec les crânes du vieillard et du jeune homme,
je n'ai pas pu constater le fait (1).
J'ai vu aussi un objet en os ou mieux en bois de cerf, assez bizarre,
ayant la forme d'un double ovoïde et dont la surface présente de nom-
breuses stries assez irrégulières et irrégulièrement espacées.
Le peu de temps qu'il m'a été donné de l'examiner ne me permet pas
de garantir l'authenticité de la pièce. Je la garantis d'autant moins que
j'ai constaté depuis lors, avec M. G. d'Ault du Mesnil, qui est venu
expressément, sur ma demande, de Cannes à Menton, le 20 mars, pour
en témoigner au besoin, que de nombreux objets en os fabriqués
tout récemment avaient été vendus par le carrier, auteur de la décou-
verte des squelettes, à différentes personnes, comme des pendeloques
réellement préhistoriques, notamment à M. le baron Bruiningk, désireux
de les offrir au Musée de Riga, et qui m'a remis deux de ces pende-
loques (fig. 2 et 3). Or, ces pièces, je l'affu-me hautement ici, sont abso-
lument fausses. Il en est de même de certain fragment d'os long dont
la perforation est également des plus récentes, comme j'ai pu m'en
assurer, et dont le même individu trafique chaque jour, ainsi qu'un de
ses ouvriers, auquel je l'ai acheté, bien que le sachant faux, et ce en
(1) Un autre silex, également de très grande dimension, avait été, disait-on, découvert auprès de
l'un des deux autres squelettes. D'apri's M. Saige, archiviste de la Principauté de Monaco, le fait
serait faux, ce silex ayant été trouvé depuis plusieurs années par le carrier qui a découvert les sque-
lettes et vu par M. Saige, à cette époque, entre ses mains, c'est-à-dirç vers 1883.
FiG. 2 et 3. — Pendeloques en os
(Pièces fausses, 4/5 de grandeur
naturelle).
É. RIVIÈRE. — AGE DES SQUELETTES HUMAINS DE MENTON 3o7
présence de M. G. d'Ault du Mesnil. Et je suis si loin d'être seul, av«c
celui-ci, à considérer ces diverses pendeloques comme fausses, que les
membres de la Société d'Anthropologie de Paris auxquels je les ai mon-
trées, dans la séance du 16 juin dernier, ont été unanimes à en recon-
naître avec moi la modernité. 11 en est
de même de notre collègue, M. Emile Car-
tailhac, à qui je les ai fait voir aussi hier
et pour qui cette modernité ne fait pas
non plus le moindre doute.
J'ajouterai encore que plusieurs dents
canines de cerf, faisant partie, dit-on, des
colliers trouvés avec les squelettes, sont
également pourvues de stries dont, jusqu'à
plus ample examen, je ne saurais afifirmer
non plus l'antiquité.
Un mot encore, mes chers collègues,
si vous le voulez bien, avant de finir, car je ne puis taire certaine sur-
prise. C'est de voir M. Verneau, aide-naturaliste au Muséum et professeur
d'anthropologie de la ville de Paris, acquérir une série de ces pende-
loques comme des pièces vraies, les indiquer comme telles, contre toute
évidence, dans ses communications, notamment à l'Académie des Inscrip-
tions, où son travail a été présenté par M. le D'' Hamy, professeur
d'anthropologie au Muséum et membre de l'Institut, qui, lui aussi, les
regarde comme préhistoriques, malgré leur aspect faux si facilement
reconnaissable. C'est de voir aussi M, Verneau s'appuyer, en partie tout
au moins, sur ces pièces mêmes pour déclarer que les squelettes hu-
mains des Baoussé-Roussé sont néolithiques et non quaternaires, comme
je l'ai dit dès le jour de ma première découverte, il y a vingt ans, en
1872, et comme je l'ai constamment soutenu depuis cette époque,
preuves en mains. Ce que j'ai dit alors, je le maintiens aujourd'hui plus
que jamais si possible, n'en déplaise à mes contradicteurs, et ce, avec
les savants les plus éminents et les plus compétents, parmi lesquels j'ai
le droit de citer — pour ne dire que quelques noms — A. de Uuatre-
fages, Broca, Paul Gervais, Lyell, MM. Albert Gaudry, Pengelly, le
marquis de Nadaillac, Ernest d'Acy, etc.
Si donc je m'étais trompé, comme MM. Hamy et Verneau le prétendent,
— ce que, jusqu'à preuves sérieuses contraires, je conteste absolument, —
je l'aurais fait, en tous cas, en bonne compagnie. Néanmoins je serais
tout prêt à confesser mon erreur, s'il en était ainsi. Mais, prenant des
objets faux pour des pièces vraies, des pendeloques modernes fabriquées
tout récemment pour des bijoux préhistoriques, ils me forcent à leur
dénier toute compétence pour la démontrer. Je dis <' preuves sérieuses,
358 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
M. Verneau n'ayant fait aucune fouille aux Baoussé-Roussé, et pour cause,
mais s'étant contenté de voir les grottes, de mesurer les squelettes et
d'emporter des débris d'animaux sans aucune valeur scientifique. Ces
débris, il ne les a même pas recueillis sur place, mais ils lui ont été
confiés par un carrier naturellement ignorant, dont les recherches, pra-
tiquées sans aucune méthode, sans aucun soin, n'ont jamais eu pour
but que le lucre, que de vendre au plus offrant ce qu'il trouvait, ce
qu'il fabriquait ou ce qui sortait peut-être d'une de ces fabriques de
faux comme il en existe malheureusement tant en Italie, en France, en
Angleterre, etc., et que connaissent bien tous les anthropologistes (l).
Tels sont les faits sur lesquels j'ai cru devoir appeler votre attention,,
mes chers collègues, afin de prouver de nouveau, devant vous, que les
hommes des Baoussé-Roussé sont absolument quaternaires, c'est-à-dire
contemporains des animaux dont j'ai trouvé les restes dans ces mêmes-
grottes.
M. Emile BELLOC
à Paris.
ÉTUDE SUR L'ORIGINE, LA FORMATION ET LE COMBLEMENT DES LACS
DANS LES PYRÉNÉES
— Séance du i7 septembre i892 —
L'étude fort intéressante, mais encore très controversée, de l'origine et
de la formation des lacs supérieurs de montagne, date à peine d'une
trentaine d'années.
C'est en 1859 que l'éminent géologue anglais Ramsay publia une étude
de laquelle il résulte que les lacs des Iles Britanniques et des Alpes
doivent leur creusement à l'action érosive des glaciers. Précédemment,
(I) Je sais que M. Verneau a fait, le 7 juillet dernier, malgré ma lettre de protestation en date du 6
du même mois, à la Société d'Anthropologie, dont je fais partie, une communication sur les dé-
couvertes de février et que cette communication doit figurer dans les Mémoires de la Société,
J'attendrai, pour y répondre, si je le trouve utile, qu'elle ait paru, me bornant pour aujourd'hui à
faire à son sujet les plus expresses réserves.
É. BELLOC. — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES 3o9
la même opinion avait été formulée par le professeur américain Dana
pour expliquer la formation des fjords dans les régions du nord.
Un an plus tard, dans une note géologique relative à Palazzolo et au
lac d'Iseo, M. G. de Mortillet affirmait sa nouvelle théorie de l'affouille-
ment glaciaire, et, cette même année, Desor, en cela d'accord avec Escher
de la Linth, s'efforça de démontrer que la présence des glaciers avait
exercé une action conservatrice directe sur les cuvettes lacustres.
Trois écoles, dont les théories paraissent bien tranchées, venaient donc
de se former.
Ramsay rallia à ses idées un certain nombre d'adeptes parmi lesquels
il faut d'abord citer Tyndall, qui, non content de faire siennes les opinions
du maître et de ses disciples, les élargit jusqu'à attribuer à l'action
glaciaire le creusement des lacs et aussi celui des vallées.
Les principaux partisans de l'érosion glaciaire furent, d'abord, le
D'' Croll, A. et J. Geikie, le D"" Bôhm, et le professeur A. Peuck, de l'Uni-
versité de Vienne, lequel publia, en 1882, un travail remarquable sur les
terrains erratiques et l'origine glaciaire des lacs d'Animer et de Wurm, en
Bavière ; et en 1883 un mémoire assez étendu sur la période glaciaire dans
les Pyrénées.
M. G. de 3Iortillet et M. Gastaldi, tout en admettant les idées de
Ramsay, affirmèrent de nouveau leur doctrine de l'afTouillement glaciaire
lors de la publication de leur carte des anciens glaciers du versant italien
des Alpes,
Quant à la troisième école, dévouée aux idées de Desor, c'est-à-dire à
la conservation des cuvettes lacustres par la glace, si elle groupa des
savants de premier ordre et des géologues tels que Ch. Martins, Favre,
Omboni, Escher, Bail, Heim, Viollet-le-Duc, Charles Grad, deMojsisovics,
Jeanbernat, etc., elle n'a pas été, non plus que les deux autres, exempte
de critiques ; comme l'a démontré clairement M. l'ingénieur en chef
Bayssellance, en attribuant au passage des glaciers, la formation de
certaines petites plaines de l'intérieur des massifs montagneux et l'arase-
ment des fissures profondes, « situées sur un point de- la longueur d'une
gorge. »
A côté de ces écoles rivales et quelque peu intransigeantes, — dont
aucune n'a pu faire prévaloir ses doctrines jusqu'ici, — on voit des
glaciairistes de haute valeur, tel que M. A. Faisan, par exemple, sans
être des adversaires irréconciliables de l'un ou de l'autre système, les
admettre toutes, mais dans une mesure très restreinte, comme nous le
faisons nous-même.
L'étude scientifique, méthodique et raisonnée, des phénomènes gla-
ciaires actuels nous apprendra dans l'avenir la valeur relative de ces
savantes théories. En attendant, loin d avoir la prétention d'apporter ici
jB-éasiitar Hii'Crm£Tf!f le TPéstaaè tees saocmcl àfi* •:• - ^-"TœfflBra
ap cgms de? Tf.cb£!rcfafis îtmuMliKai amayiélW -^ r , ^. . _.. — . is rami
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Ayaut jffiLTCDiim Tnmrttes ^^ 3£s weffBis iftampri*; @t f^jwgwigfts as ia
chidne jTOrénèeraïf-, «1 fiKploré avec Ife fftiB grami soiii, â iraii& «fl ausirn-
mmil^ '£'iime ^lamâe girécisiaiL, iks fnàiiaiiiraAes 3%@Ù!iii? IkansinES >âe ces
monta^mâiv. l'ad jm i^soiEBfliir snr ^itace urne <qmatàlsê' «te ifeumniHiib ^^
fiait JmjiiirBiiile de se in^onrgr adJnemailL Ste fist «sbsbMë; iiff'iidteraialtiknis
iK; àégaat pour mai la oau^àdban qsst, •&ms ites fN^msuKes^ JT^aii^iiie âeç
laof siçiériein^ dant le? sfinîki ^antiocmfsiiHr dfsaflhniffimieiilBttein^^
dorf^ fiii place, «si cantenifiarMDe st 'd^pandante «te Ik feitiiiMlliMm (tes
vklléfif gm te TflHfermfmL
Lnraqii CIL a ^ra^ikirt a-ttentoraiiiHiit les jréçiaij* iacnalirBfe àML. de ?i6BO-
^àfliDfc. d Ardidaii. dïJateiiii, <& Penticosa. d^Oasaoi, de la partiÊ a^ptla»-
tacmak- dE CariitL, otf ., on l'actiaŒi glaciaire a laàsaé de? tmiSES iramaF-
gnatjif» de *ffi farce ^ de sa jmiaraame. il «emkile inipcHHflMle qc un •fi^nàt
iifni jiTévBim n'^warconre pa? tm nrtédBrtfinifmt ik fMBl iiiHi g niifm ite
qm jtfmi Te'^^remr ans fmnifmi- gliiciei^ gnantoc creiEiflmBilt <âe mes lacs
antuek.
An Itfîii d'iâtre iàat é. watt canse Tirirgiip-, toamme le w^sideiit les <dâfei>-
iffims &; JfsrrsioL .placiaJPB. JViricme des lacs de Tn<iiiitBggne est TnriHqpte .
lies infiufiiirîfis très dififersirtfis ^sm te mibeiL, Ik pesitliuni «éoîicajMpœ^
te accidente nroCTafihignes-nn ^flinciçiie«i- ont jïresidé a Iknir j&nmaÉBDU.
(j^iffiigiies iraifiiDples xapides vf/nl cairfinDfîr rietif cipinifiB..
Selan la docîmie de Hamfapr el dn IF l^^nck^ la ifcnrot OTfsnre d nn
-ckciflr dfviail âtre jûns conaidtaBiiie vais k partie monnamie oi ^-
gui «fin point le jrtns t'ilewt. à caise fe 3 adacni de ik peaoïfcBii: i ■•- «-^i
de œ piàucipe, te la» te ptns x'astes fit te ijitas pmffinufe AwîEaifiii^ ^
rencontrer <î&ns le iias des vallées inferieiiPïs. Mais •su "caftJI aorn ' .;.
preuve do conkraiK- «t âuiiif k ionmic poagoe te wénteffite -
ikcnstres des Pjrénées «ont cantinmées erntrr !1 .f<ï)ft fit ±.6UI) ^
{lidtiiude.
C'-£Sl aiiei ffie iï'mi troirw tes ikis asseoit ime ^s^sB^Séist ^>esp:mm
i3f) liectaF^ ismiiue te lae 'Qm^^gnniD ^i^s&s^^swa^ «iiine à :SLl^îB métrs
(â'altitnde, non Ioib de jtniitt imflnniBnit de îk •dhiâne^ snr te ipeveas mm-
âismal de jnamif cenferal deikAikftEltk; te tkc«teitœBiei(i«iBée d'JLrBn>,
attitote 1.271» mètres — jfeut-Sfte te gih» égarai «tes PçnîaiweB, — ^fit «m
vnsB\ J^âtaL dfil Sœ; ii.â(i(i mâkFis «faittlliite ^ 7f) HnÉkasis de sdf-
Kx"
•":v4:•^
O
1^;. liKLLOC. — COMBI-KMENT DES LACS DANS LES 1'YRI^;NÉES 361
face (I ); I»' lac Lanoux (Pyrénées-Orientales) (iiii s'étend sur une longueur
(le trois kilomètres et occupe une superficie d'à peu près 1 10 hectares,
à une hauteur de 2. loi métrés. Le
lac Caïllaouas, moins j^rand (jue le ^ f -g
hanoux, mérite encore dètre cité à
cause de sa profondeur qui atteint
101 mètres, bien que son plan de
surface soit à la cote 2,10o mètres ;
attendu que le lac de Séculéje (Oô),
placé à ()0o mètres plus bas, dépasse
;\ peine iu mètres de profondeur et
39 hectares de superficie.
Parmi les lacs environnant le mas-
sif de iNéouvieille, le lac d'Orédon
(1.809 mètres d'altitude, cote fournie
|)ar M. l'ingénieur en chef .F. Fontes)
donne à nos objections un appui bien
remarquable. Cette superbe nappe
d'eau, qui reçoit le lidji plein des
lacs d'Aumar (altitude 2.202 mètres),
d'Auber (altitude 2.100 mètres), des
Laqueltes (l.!>l)n mètres environ),
de Lostallat (altitude 2.172 mètres),
de Cap-de-F.ong (altitude 2.120 mè-
tres), est moins vaste et moins pro- g, ^fe^^- ,/ 26
fond que ce dernier, qui le domine
de 2.*)1 mètres ; et cependant les tra-
vaux d'endiguement ont relevé son
niveau de 2"'", 70 centimètres.
La coupe géologique ci - contre s ^- -jf.-.-t:
(^9- ^}-> passant par les lacs étages de
la région d'Oô, fera ressortir plus net-
tement encore la part très minime
que l'eau, ;i l'état de congélation, a
pu prendre au creusement de ces
excavations lacustres.
Celte coupe, orientée sud-nord, part
de la frontière franco-espagnole (alti-
UJ
.■•.■•.».•
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(ti Les liaiiles vallw< de lAran rciifennenl un noinbie considérable de lacs mentionnés pour ia
pretiiit>re fois par MM. Maurice Gourdon et le D' Jeanbernat. M. F. Scbrader, dans sa belle carte du
versant espagnol pyréntjen (feuille 5), en indique plus de 120, « sans compter les milliers de minus-
cales nappes deau qui brillent de toutes parts au milieu des rochers » (F. Schhadbr.)
362 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
tude 3.060 mètres) pour aboutir au village d'Oô (altitude 934 mètres).
La partie la plus élevée est couverte actuellement par le glacier crevassé
du Ceil-de-la-Baque, dernier débris de l'ancien glacier quaternaire qui,
d'après M, Piette, atteignait 860 mètres de puissance à son point de
jonction avec celui de la Pique, c'est-à-dire entre Cazarilh et Bagnères-
de-Luchon. Plus bas, au village de Cierp, le glacier de la Pique se
soudait à celui de la Garonne, lequel, après avoir encore englobé la
branche descendue de la vallée de Barousse, recevait le produit de tous
les affluents glacés de la vallée d'Aure, et finalement couvrait d'une
immense nappe de glace les plaines de Lannemezan, de Montréjau et de
Sainl-Gaudens.
L'examen géologique de cette coupe montre d'abord un puissant
massif granitique, entremêlé par place de grands cristaux d'orthose et de
débris de gneiss empâtés dans la masse ; il s'étend sur une longueur de
quatre kilomètres, depuis le Ceil-de-la-Baque jusqu'au bord méridional
du lac d'Espïnngo.
Ce granité porphyroïde, étudié d'abord par Charpentier, ensuite par
les professeurs Leymerie, F. Garrigou, L. Mallada et J. Caralp, n'existe pas
seulement à cet endroit, je l'ai également vu en place, du moins à peu
près semblable, à la Maladetta, au Maupas, au Couaïrat, à Montarqué, à
Espijoles, à Clarabide, etc. Du plateau d'Espïnngo, le terrain cambrien
— schistes micacés, gneiss schistoïdes, schistes maclifères et à stauro-
tides, schistes satinés contenant çà et là du quartz enfumé et constituant
les parois abruptes du vaste entonnoir au fond duquel se trouve le lac
d'Oô — s'étend jusqu'au bas du grand escarpement qui sépare le bassin
d'Oô proprement dit de celui d'Astau, où commence le terrain silurien
composé d'abord de schiste argileux noirâtre, de schiste carburé, et plus
bas, en se rapprochant du village d'Oô, de schistes ardoisiers, de
calschistes, etc.
Cette succession de terrains, dont je ne donne ici qu'une liste très
incomplète, montre néanmoins que les lacs glacés du Portillon-d'Oô
(altitude 2.6o0 mètres), le lac glacé d'Oô (altitude 2.670 mètres), le lac
d'Era couma-era-Abeca (altitude 2.360 mètres), — aux trois quarts comblé
par les avalanches, — le lac Saounzat (altitude 1.960 mètres), le lac
d'Espïnngo (altitude 1.375 mètres), et le lac d'Oô ou de Séculèje (alti-
tude 1.500 mètres), sont formés aux dépens des roches massives ou des
roches schisteuses, dures et fissiles.
En un mot, on passe graduellement du granité au cambrien, du cam-
brien au silurien, et du silurien au dévonien, représenté aux environs
du village d'Oô par des calschistes grisâtres et des schistes feuilletés,
facilement clivables, relativement tendres et peu consistants.
Ici donc, mieux que partout ailleurs, les conditions paraissaient favo-
É. BELLOC. — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES 363
rables pour confirmer les doctrines de l'érosion et de l'affouillement
glaciaire. Or, les faits eux-mêmes vont nous renseigner à cet égard.
En partant du vieux pont d'Oô, pour remonter le cours du torrent,
nous voyons que la Neste serpente, pendant plus de trois kilomètres, au
fond d'une vallée étroite qui n'acquiert une certaine largeur qu'au point
de réunion des Nestes-d'Oô, de Medassoles et d'Eskierry, c'est-à-dire aux
Granges-d'Astau. Cet accident orographique, insignifiant en apparence,
prend ici, au contraire, une importance capitale. En effet, si l'on adoptait
la théorie de Ramsay, de Tyndall et de Penck, il serait difTicile d'expliquer
comment un glacier aurait été capable de creuser en plein granité, à
une très faible distance de son point d'origine, des excavations lacustres
comme celles du bassin supérieur, en respectant, dans la même roche,
des affleurements de mille mètres d'étendue ; comment ce glacier aurait
eu le pouvoir de tailler des à-pics formidables comme les parois gigan-
tesques qui dominent les régions glacées du Portillon et d'Oô, de
Saounzat et d'Espïnngo ; d'évider au milieu des terrains cambrions un
cirque immense, en découpant une falaise de trois cents mètres de haut
et creusant à sa base un abîme de plusieurs centaines de mètres de' pro-
fondeur, comme a dû être celui du lac de Séculèje dans les temps
anciens ; et comment ce même fleuve de glace, parvenu à onze kilomètres
de son point d'origine, accru de tous les affluents rencontrés sur sa route
et des précipitations météoriques recueillies à sa surface, — ce qui devait
lui donner une force érosive infiniment plus considérable qu'au début de
sa course, — a été impuissant à se creuser un lit suffisamment large, dans
des terrains friables et délitables tels que ceux que nous voyons affleurer
dans ces parages.
On ne peut objecter que ce glacier ne renfermait pas dans son sein
les éléments actifs de l'érosion ; car, à part le poids incalculable de la
croûte glacée, il transportait une quantité prodigieuse de blocs de granité
porphyroïde, de gneiss, de schistes gneissiques, etc., provenant de la
démolition des montagnes qui forment le bassin supérieur, puisque, à
([uelques centaines de mètres plus loin, il a abandonné sur ses flancs
des milliers de blocs erratiques. Ces blocs, minutieusement étudiés dans
tous leurs détails, par le directeur du Muséum d'histoire naturelle de Tou-
louse, M. le D"- E. Trutat, avec le concours de M. Maurice Gourdon,
constituent, à l'heure actuelle, la célèbre moraine de Garin de Larboust.
En résumé, si le creusement des bassins ouverts dans des roches dures
était dû exclusivement à l'activité glaciaire, cette activité se fût aussi bien
exercée sur les saillies qu'au centre des cavités ; et, en admettant des
parties plus résistantes en certains points, l'érosion eût laissé sur ces
proéminences des sillons profonds au lieu de les avoir simplement striées
et polies.
364 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
*
* *
V Etude des causes actuelles en géologie, à laquelle le savant professeur
Stanislas Meunier a consacré un travail spécial des plus intéressants, les
récentes et très nombreuses observations faites sur les variations pério-
diques des glaciers français, par le prince Roland Bonaparte, les études
plus anciennes et fort instructives de M. E. Trutat sur les glaciers de
la Maladetta, pour comparer leur marche à celle des glaciers des Alpes,
et la plupart des recherches effectuées par les géologues et les glaciairistes,
démontrent péremptoirement que, quand le terrain est mis à nu par
l'effet du retrait d'un glacier, il ne présente aucune trace de creusement ;
au contraire, par le dépôt de la moraine frontale, il se trouve exhaussé.
L'action érosive du glacier est indéniable, et chaque fois que celui-ci
rencontre un terrain meuble ou facilement affouillable, elle peut être
considérable. Mais elle est forcément très bornée en présence des roches
dures et compactes, et les effets d'érosion produits dans ce cas par l'eau
à l'état de congélation ne sauraient être comparables au pouvoir désagré-
geant de l'eau en mouvement et à l'état liquide.
Pour se convaincre de cette vérité, il suffît de se transporter à l'origine
de l'une quelconque des vallées pyrénéennes terminées par un glacier,
tel que celui de Crabioules, par exemple. Ici le contraste est frappant.
Depuis le parc d'Enfer jusqu'à l'endroit où se trouve actuellement l'hôtel-
lerie de la vallée du Lys, le glacier a été incapable de creuser, dans le fond
de la gorge, un passage suffisamment spacieux pour le contenir, tandis
que les eaux provenant de ce même glacier ont usé et coupé à pic des
masses rocheuses compactes, comme à la rue d'Enfer, ou des cascades,
et des gouffres, comme ceux que les baigneurs de Ludion vont admirer en
foule dans cette magnifique région.
La force vive de l'eau, accrue par les débris rocheux qu'elle entraîne,
est capable de donner aux cassures terrestres des proportions considérables
et d'ouvrir des gorges superbes comme celles des Eaux-Chaudes, de Luz,
de Gavarnie, de Cauterets ou du Pont-d'Espagne, qui mettent bien en
évidence les effets irrésistibles des eaux fougueuses en présence d'obstacles
solides leur barrant le chemin.
Dans l'état actuel de nos connaissances, aucun phénomène glaciaire
n'est capable de nous fournir des preuves irrécusables de son pouvoir
érosif, comme le font journellement sous nos yeux les eaux torrentielles ;
ce qui ne veut pas dire, toutefois, que les torrents soient les seuls agents
auxquels on puisse attribuer la création des lacs supérieurs de montagnes.
Le relief de notre globe n'a pu se modeler sans que la croûte terrestre
f:. BELLOC. — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES 363
éprouvât des contractions violentes et sans qu'il en résultât des disloca-
tions, des plissements et des cassures innombrables. Et, comme le dit
M. A. de Lapparent, dans son Traité de géologie, d'une si admirable clarté
de style, « les fentes dont les parois se sont tapissées de matières minérales
et celles à travers lesquelles a eu lieu l'injection des roches éruptives
attestent que l'écorce terrestre a subi, à bien des reprises, des effets méca-
niques capables d'en déterminer la rupture » .
C'est le long de ces fentes ou lignes de rupture que les granits et les
gneiss ont surgi, en même temps qu'à côté se produisaient des ploie-
ments, des bossellements et des redressements verticaux à la base des-
quels, semblables à des voûtes privées tout à coup de leurs points d'appui,
le sol s'affaissait et produisait par cela même des cavités plus ou moins
considérables que les eaux n'ont pas tardé à envahir.
Cette « combinaison forcée des abaissements et des soulèvements de
l'écorce terrestre qui se plisse pour rester toujours appuyée sur un noyau
intérieur dont le volume diminue en raison du refroidissement » comme
le dit en termes excellents M. le D'' F. Garrigou, dans sa Monographie de
Bagnéres-de-Luchon, ne fournit-elle pas la meilleure preuve de l'origine
que nous attribuons aux lacs de montagnes ?
Élie de Beaumont n'assignait d'autre cause à la formation des lacs
des Vosges que les écroulements produits dans les cavités, situées à l'in-
térieur des montagnes. Cependant, il est fort probable que les excava-
tions lacustres n'atteignirent pas du premier coup ni les dimensions, ni
la profondeur qu'elles ont acquises par la suite.
D'un autre côté, les remarquables expériences de sir Jams Hall, de
M. Alphonse Favre, et les études synthétiques de géologie expérimen-
tale, plus récentes, plus nombreuses et plus variées de notre éminent
compatriote M. Daubrée, sur les cassures terrestres, nous révèlent la
marche des phénomènes qui ont dû présider à la formation du relief de
notre planète. « Les cassures de divers ordres de grandeur, dit M. Daubrée,
depuis de simples leptoclases jusqu'aux paraclases qui s'étendent hori-
zontalement sur des dizaines et même des centaines de kilomètres, et
pénètrent jusqu'à des profondeurs inconnues, réduisent l'écorce terrestre
en une sorte de craquelé dont les fragments sont préparés pour une dé-
molition. »
Préparée pour une démolition, l'écorce terrestre devait l'être en effet ;
aussi est-il aisé de comprendre avec quelle puissance l'action dynamique
des courants torrentiels a dû s'exercer sur d'anciens accidents orogra-
phiques aussi bien disposés. Les masses rocheuses parfois tranchées
comme un trait de burin, selon la comparaison pittoresque et exacte de
M. F. Schrader, dont on connaît les remarquables travaux ; les failles conver-
ties en ravins profonds, agrandies et déblayées, sont devenues des gorges
366 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
gigantesques que les dislocations postérieures ont encore façonnées, puis
transformées en vallées admirables, telles que celles d'Ordesa, de Niscle
ou d' Arasas, au pied du JVIont-Perdu, vallées comparables, d'après M. E. de
Margerie, à un coin du Colorado égaré au milieu des Pyrénées.
Parmi les systèmes d'investigation scientifique, l'un des plus sûrs, —
bien que ce ne soit pas l'avis de tous les savants, — et le meilleur peut-
être, est encore celui qui consiste à procéder du connu à l'inconnu.
Partant de ce principe, en voyant la force érosive des petits cours d'eau
et des cascades de l'époque actuelle, on peut se faire aisément une idée de
la puissance développée par les cataractes des anciennes périodes géolo-
giques. Il a sutTi qu'un petit ruisseau, tel que le Rummel, se trouvât en-
présence d'un de ces fendillements terrestres pour creuser un profond
ravin comme celui de Constantine. A plus forte raison, lorsque la force
hydraulique se trouve centuplée.
Par exemple, l'émissaire du lac Érié, le Niagara, après avoir précipité
ses eaux d'une hauteur de 30 mètres, et creusé un gouffre actuellement
insondable, au pied des chutes célèbres que tout le monde connaît, s'est
ouvert un passage de 11 kilomètres de longueur, avec des parois de
72 mètres de hauteur, en moyenne, avant d'atteindre Queenstown et le
lac Ontario.
Au nombre des autres agents d'érosion, qui concouren' directement à
la transformation du relief terrestre, il faut citer en première ligne l'action
chimique des eaux d'infiltration.
L'eau de pluie, renfermant 2,40 0/0 d'acide carbonique, selon les cal-
culs de Péligot; exerce une action directe sur les éléments silicates et
feldspathiques entrant dans la constitution d'un certain nombre de roches.
Cette action chimique est particulièrement appréciable aux environs du
Maupas, dans le massif pyrénéen qui limite le département de la Haute-
Garonne, sur les crêtes de séparation du val d'Arougé et des Gours-Blancs,
dans la région de Clarabide, d'Ardiden, d'Estom, de Gaube, de Penticosa,
et une infinité d'autres contrées où l'on voit des blocs granitiques, ayant
perdu leur dureté primitive, rongés par places et transformés en une es-
pèce de matière arénacée, que les montagnards, dans leur langage imagé,
désignent sous le nom caractéristique de roches pourries.
* *
En résumé, l'origine et la formation des bassins lacustres de mon-
tagnes, ouverts dans les roches vives, sont dues à trois causes principales :
1° aux accidents orograpliiques résultant des dislocations de la croûte
terrestre ; 2^ à l'action dynamique de l'élément liquide en mouvement ;
É. BELLOC. COMBLEMKNT DES L.VCS DANS LES PYRÉNÉES 367
3° aux transformations produites sur les masses rocheuses par l'action
chimique des eaux d'infiltration.
En outre, les recherches méthodiques que j'ai entreprises depuis un
certain nombre d'années, et plusieurs milliers de sondages que j'ai exé-
cutés dans les principaux lacs des Pyrénées, m'ont amené à formuler
les conclusions suivantes : La profondeur des lacs de montagnes, ouverts
dans la roche dure en place, est en raison de la hauteur et de la verticalité
des pentes qui circonscrivent leur périmètre.
Les lacs de Pouchergues, de Caïllaouas, de Gregonio (Querigûena
d'après l'ingénieur espagnol J. Mallada), etc., sont de véritables gouffres
ouverts au fond de vastes entonnoirs ; et le plus grand, en même temps
que le plus élevé des lacs en série du Port de Venasque (altitude 2.300 mè-
tres environ) que nous avons tout récemment visité, avec mon ami
M. Charles Bannelier, offre encore un exemple saisissant de ce phénomène.
Ceci explique pourquoi, — étant donné que les pentes des montagnes
se redressent dans le voisinage des sommets, — la plupart des lacs pyré-
néens se rencontrent au-dessus de la zone habitable et vers la partie la
plus élevée de la chaîne.
*
* *
En dehors des accidents orographiques produits par les contractions de
la couche terrestre et les forces dynamiques extérieures qui modifient
sans cesse son relief, d'autres causes accidentelles ont aussi concouru à
la formation de certains lacs de montagnes.
Les éruptions volcaniques qui ont occasionné la formation des lacs de
cratères, comme ceux de l'Auvergne, des îles Açores, etc., n'ont pas
laissé, dans les Pyrénées, des traces assez nettes pour qu'on ait pu les
constater, jusqu'à présent du moins.
Quant aux barrages temporaires provoqués par les éboulements et les
transports glaciaires ou torrentiels, qui sont capables, à un moment
donné, d'accumuler sur un certain point d'énormes masses de débris
rocheux, de limon et de matières arénacées, ils sont au contraire assez
fréquents vers la partie basse des montagnes. Lorsque ces endiguements,
qui peuvent entraver le cours des ruisseaux ou empêcher le libre écou-
lement des eaux pluviales, proviennent exclusivement de l'action glaciaire,
comme à Lourdes ou à Barbazan, on est convenu de les appeler des lacs
morainiques. Ils sont quelque peu en dehors du thème de cette étude qui
comprend surtout les lacs supérieurs de montagne. Je me réserve d'y
revenir plus longuement à une autre occasion.
368 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
* *
Après avoir essayé d'expliquer l'origine et la formation des lacs pyré-
néens, il me reste à faire connaître le causes déterminantes de leur com-
blement et de leur extinction finale; mais, auparavant, je parlerai très
brièvement de la conservation des lacs par la glace.
Si les opinions de Desor, d'Escher et de A. Favre, contrairement à
celles de Ramsay, Dana, Tyndall, A. Penck, de Mortillet et Gastaldi, ont
été adoptées par des hommes tels que Bail, Lyell, Rutimayer, Murchisson,
Heim, Omboni, E. Reclus, Ch. Martins, VioUet-le-Duc, Ch. Grad, de Lap-
parent, Chantre, Faisan, Credner, Mojsisovics, Jeanbernat, etc., cela tient
surtout au côté séduisant de la théorie nouvelle, d'autant plus que l'hypo-
thèse d'une calotte de glace préservant les dépressions naturelles du sol
contre l'envahissement des dépôts détritiques n'a rien d'improbable, dans
certains cas particuliers, au contraire.
Mais ce serait une grave erreur de vouloir généraliser une théorie
comme celle de la protection tutélaire des cuvettes lacustres par la glace,
ou celle de l'affouillement glaciaire; car, malgré tout, les faits matériels
observés parlent plus haut que les conceptions originales des savants géo-
logues qui les ont inventées, si ingénieuses qu'elles soient.
A la vérité, il faut reconnaître que ces éminents naturalistes n'avaient
que des données fort restreintes sur la topographie et la géologie sous-
lacustres et que les moyens d'investigation de la plupart d'entre eux ne
dépassaient pas le plan de surface des eaux.
A part les travaux remarquables de M. le professeur A. Forel, sur le
lac Léman, le lac des Quatre-Cantons, etc., quelques sondages exécutés
par Ch. Grad dans les lacs des Vosges, et un certain nombre d'autres
observations isolées, peu de personnes s'étaient données d'une manière
exclusive à l'étude méthodique des lois qui régissent les phénomènes sous-
lacustres.
Depuis quelques années, de nombreux documents hydrographiques ont
été recueillis et coordonnés avec le plus grand soin. Des recherches sous-
lacustres considérables et scientifiquement conduites ont été entreprises
par les ingénieurs du Bureau topographique fédéral suisse, sous la haute
direction de M. fingénieur Hôrnlimann. M. le professeur J. Thoulet, de la
Faculté des sciences de Nancy, le savant initiateur de V Océanographie en
France, nous a fait connaître les lacs des Vosges. M. l'ingénieur des Ponts
et Chaussées A. Delebecque, a sondé et étudié les lacs de la Haute-
Savoie, de l'Ain, de l'Isère, du Dauphiné, etc., et dressé les cartes de ces
fonds submergés qui serviront à compléter la carte du nivellement de la
É. BELLOC. — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES 369
France dans ces régions. M. le D'" Ant. Magnin a recueilli de nom-
breux documents sur la topographie, le caractère des eaux, la faune
et surtout la flore des lacs du Jura. Enfin, en ce qui me concerne,
je consacre chaque année plusieurs mois à l'étude des phénomènes la-
custres, notamment dans la chaîne des Pyrénées (1). Le champ d'obser-
vation est vaste et fertile; malgré l'étendue et les difficultés matérielles
de la tâche entreprise, j'espère la mener à bien, si mes forces me le
permettent.
Ces travaux, entrepris simultanément pour ainsi dire et sur plusieurs
points à la fois, ont fourni des résultats importants, dont quelques
hommes spéciaux ont déjà su tirer profit pour la science.
A l'aide de mes propres observations, j'ai pu contrôler la valeur
de certaines doctrines glaciaires et me convaincre de la fragilité des bases
sur lesquelles reposent, par exemple, les théories relatives à la conser-
vation des lacs par la glace, que M. Bayssellance a déjà vivement com-
battues.
Un ensemble de faits très précis et soigneusement étudiés, dont je vais
donner des exemples, m'a permis de reconnaître que : la force vive des
anciens glaciers, loin d'avoir approfondi ou protégé les cuvettes lacustres,
avait été, au contraire, un instrument actif de comblement, toutes les fois
que les courants de glace s'étaient heurtés à des affleurements abrupts de
roches dures en place.
Le lac d'Estom (vallée de Lutour, tributaire de celle de Cauterets),
dans lequel j'ai pu relever des profils en tous sens, grâce aux nombreux
sondages que j'y ai pratiqués, 148 points par 10.000 mètres carrés, me
servira à montrer par quels moyens ces comblements glaciaires s'accom-
plissent.
Si, à l'aide d'une courbe continue, on joint les différents points de
sondage se trouvant sur un même plan, dans une direction déterminée,
on obtient le profil du relief sous-lacustre, c'est-à-dire une section qui
montre clairement les mouvements altimétriques du sol submergé. C'est
ce que j'ai fait pour le lac d'Estom, dont la figure 2 ci-après représente la
coupe longitudinale (2) AF, orientée sud-nord, c'est-à-dire dans le sens
de la pente naturelle de l'écoulement des eaux.
Cette coupe nous fait voir d'abord, entre A et B, un delta sous-lacustre
(1) Pour ces études, je me sers d'un modèle réduit et facilement transportable jusqu'au som-
met des plus hautes montagnes, de l'appareil à fil d'acier — sondeur É. Belloc — que j'ai eu
l'honneur de présenter l'an dernier au Congrès de Marseille. Le grand modèle que S. A. S. le
prince Albert l" de Monaco a fait construire pour son nouveau yacht à vapeur, la Princes<!e Alice,
a été également adopté par l'École des Ponts et Chaussr-es de Paris, par la faculté de Nancy et le
Bureau topographique fédéral suisse, qui l'emploie actuellement pour sonder les lacs de l'Engadine.
C'est ce sondeur que M. l'ingénieur A. Delebecque, M. l'ingénieur HOrnlImann, M. J. Tlioulet, ainsi
que M. le baron Jules de Guerne emploient également pour leurs recherches.
(2) La longueur de la coupe ci-après — exécutée primitivement d'après une échelle unique —
ma contiaint d'adopter deux échelles différentes pour pcrmeure a'intercaler cette figure dans le texte.
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GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
dû en grande partie au transport gla-
ciaire, et composé de débris rocheux
et de matières meubles; une plaine
centrale BC, presque horizontale,
formée d'alluvions légères et d'un
dépôt vaseux excessivement fin, à l'ex-
trémité de laquelle commence une
série d'ondulations CDE, d'inégale
hauteur et s'élevant progressivement
jusqu'au seuil émergeant F, formé
par un énorme affleurement de gra-
nité en place. En examinant de près
ces petits monticules CDE. on voit
qu'ils sont constitués par des quar-
tiers anguleux de roche, entassés les
uns sur les autres, selon des lignes
un peu incurvées, et perpendicu-
laires au grand axe de la cavité,
ce qui leur donne une certaine res-
semblance avec d'énormes vagues
pétrifiées.
A première vue, on pourrait être
tenté de croire que ces blocs de pierre
proviennent directement de la démo-
lition des pentes voisines, ou qu'ils
ont été entraînés jusque-là par des
avalanches. iMais il suffit d'un simple
examen des coupes menées par le
travers du lac, pour revenir promp-
tement sur cette impression. En effet,
les cônes de déjection qui s'engouf-
frent dans le lac montrent que les
demi-cercles concentriques A A (fig. 3),
dont ils sont formés, ont leur partie
convexe tournée vers l'intérieur de la
dépression, c'est-à-dire qu'ils sont
tangents aux plans longitudinaux du
bassin, et non point parallèles aux
plans transversaux ou incurvés vers
l'extérieur, comme le sont les ondu-
lations CDE, dont la partie convexe
regarde le rivage. Ces coupes mon-
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É. BELLOC. COMBLEMENT DES LACS DANS LES l'YRÉXÉES 371
tre'nt encore que les matériaux lourds et volumineux, entraînés par les ava-
lanches, au sein de la nappe liquide, ne dépassent pas une zone qui est
bien loin d'atteindre le milieu du lac.
Ce point écarté, il reste à voir si le barrage lui-même n'a pas fourni
les éléments de ces dépôts. Ici, nous nous trouvons encore en présence
de preuves matérielles indiscutables. Si ces talus ondulés eussent été
formés aux dépens du barrage, les arrachements des débris rocheux qui
les composent seraient visibles, car ils n'auraient pu se produire qu'après
le retrait du glacier, puisque la cavité était pleine de glace, et que celle-ci
les eût empêchés d'y pénétrer.
Or, dans ce cas la partie émergeante du seuil granitique du lac, dépas-
FiG. 3. — Lac d'Estom (.Hautes-Pyrénées .
Plan schématique des dépôts détritiques sous-lacustres. — Échelle
sant à peine de quelques mètres le niveau actuel du plan de surface
des eaux, n'eût pas conservé intactes ces belles surfaces moutonnées, polies
et striées, encore très nettement visibles aujourd'hui.
D'autre part, en admettant même — ce qui est improbable — que l'émis-
saire des lacs supérieurs d'Estom-Soubiran ait charrié jusqu'au lac infé-
rieur d'Estom les blocs anguleux qui forment son delta, ce transport
n'aurait pu dépasser le point B ; parce que l'action locomotrice du cou-
rant aqueux étant progressivement amortie, au contact de la masse
liquide immobile contre laquelle il venait brusquement se heurter, ce
courant n'aurait plus eu assez de force pour tenir en suspension ces lourds
débris rocheux et les transporter au delà de la plaine centrale BC, où
ils se trouvent actuellement entassés.
Toutes ces hypothèses étant donc écartées, l'action glaciaire seule
372
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
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peut nous permettre d'expliquer
la formation de ces curieuses
ondulations.
Lorsqu'un glacier rencontre
sur sa route une dépression
lacustre, si les parois de cette
dépression ont peu d'inclinai-
son, la glace, en raison de sa
plasticité, et la pression aidant,
remonte la pente et parvient à
la franchir aisément, en l'éro-
dant plus ou moins. Mais si le
seuil est solide et fortement re-
dressé, ce qui est la règle géné-
rale pour les lacs supérieurs, le
courant glacé se comporte d'une
manière toute différente.
Supposons un bassin comme
celui du lac d'Estom, occupé par
un glacier, tel que l'indique la
figure schématique ci-contre.
Par suite de la fusion de sa face
inférieure et du mouvement de
translation oblique qui l'anime,
la masse glacée subit deux mou-
vements descendants bien dis-
tincts : l'un vertical, l'autre obli-
que ( 1 ) . Obéissant en même temps
à cette double action propulsive,
un bloc tombé accidentellement
(I) La vitesse de ces deux mouvements est
loin d'être uniforme dans toute l¥paisseur
d'un même glacier. Celte vitesse dépend de
plusieurs causes : i» de la plasticité de la
glace, 2° de la pente du terrain, 3° des frot-
tements et des pressions exercées par le fond
et les parois latérales sur lesquelles s'appuie
la masse glacée.
De ce qui précède, il résulte que la région
supérieure et médiane d'un glacier, étant ani-
mée d'un mouvement plus rapide que la
surface inférieure ou la périphérie, la trajec-
toire d'un bloc rocheux A (fig. 4), par exemple,
ne suivra pas exactement l'hypoténuse d'un
triangle rectangle, et que ce bloc tournant
constamment sur lui-même pendant le trajet,
aura perdu sa vitesse initiale et changé com-
plètement de position, en atteignant son point
d'atterrissement A''.
É. BELLOC. — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES 373
à la surface du glacier, occupera successivement les positions A, A^ A%
A^ A* (/îg. 4), qui le rapprocheront de plus en plus de la surface
inférieure A*, où il abandonnera définitivement la masse glacée pour
tomber sur le sol. Le bloc B suivra la même trajectoire, et, lorsqu'il
atteindra le point B^ il se détachera et atterrira à son tour. Mais les choses
se passeront tout différemment pour le bloc C. Celui-ci, quoique étant
entraîné au-dessous du plan de surface de l'obstacle rocheux, se trouvant
encore incorporé dans la glace, subira des effets de pression tels, dans
le voisinage de la masse rocheuse qui obstrue le passage du glacier,
qu'ils l'obligeront à remonter vers la partie supérieure C% qu'il franchira
en C^
Ceci montre clairement, je crois, que si une partie des matériaux
un peu volumineux, charriés par le glacier et incorporés dans sa masse,
arrive à franchir sans encombre les obstacles qui ralentissent la marche
de celui-ci, une autre partie, au contraire, et non pas la moins importante,
est déposée à la base de l'affleurement, où elle forme des amoncellements
d'une grande étendue.
Cet exemple, que je pourrais multiplier facilement, démontre péremp-
toirement, qu'aii lieu d'avoir cireuse ou même simplement protégé les exca-
vations lacustres, les glaciers les ont directement comblées.
*
* *
D'autres cas de comblement, encore plus curieux, m'ont été révélés
au cours de mes recherches ; les causes qui les ont produits sont multiples
et un grand nombre d'entre elles n'étaient point ignorées des anciens
pyrénéens tels que Ramond, Pasumot, Dralet, etc., qui en parlent dans
leurs écrits.
A une époque voisine de la nôtre (1874), le D^ Jeanbernat leur consacra
un chapitre spécial dans son beau travail sur les lacs pyrénéens.
Enfin, en 1887, M. J. Vallot publia également une notice très intéres-
sante sur le comblement des lacs des environs de Cauterets.
L'étude spéciale des comblements lacustres, dont je m'occupe depuis
une dizaine d'années environ, exige l'emploi de méthodes rigoureuses pour
recueillir les observations et les matériaux destinés à ce genre de recher-
ches, que je vais résumer très succinctement.
Vers le milieu de novembre et le commencement de décembre, lorsque
les surfaces lacustres commencent à se congeler et que le flanc des
montagnes se recouvre d'un épais manteau de neige, poudreuse ou
floconneuse, selon le degré de violence des rafales qui la distribuent,
comme l'a fort bien remarqué M. Lourde-Rocheblave, la neige s'accumule
374 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
dans les anfractuosités des pentes jusqu'au moment où, sollicitée par
son propre poids, elle est précipitée au pied des escarpements qui bordent
les nappes glacées; elle s'entasse sur certains points sous forme de cônes
neigeux à axe oblique, dont le sommet s'appuie directement sur le flanc
de la montagne et la base s'étale en demi-cercle sur le plan de surface des
eaux solidifiées.
Tant que la neige demeure à l'état floconneux ou poudreux, elle est
mobile et obéit à la moindre impulsion de l'air ; dans cet état, elle se
comporte comme le sable fin de nos plages marines ou du désert du
Sahara. Une partie, rejetée par le vent vers les cimes, tourbillonne et
remonte le long des pentes avant d'avoir touché le sol, jusqu'à ce qu'elle
rencontre une couche d'air immobile, ou que son propre poids l'oblige
à retomber ; l'autre, glissant sur le sol même, vient former à la base
du cône neigeux à axe oblique, un amoncellement qui grossit sans
cesse.
Sous l'action combinée du regel et de la pression exercée par sa propre
masse, la neige se tasse, et, de poudreuse et floconneuse qu'elle était,
elle devient moins molle, grenue, résistante, et ne tarde pas à se trans-
former en névé.
Dans cet état, les avalanches peuvent facilement glisser sur son pour-
tour sans la pénétrer; et, lorsque les vents du sud et la chaleur du
printemps fondront partiellement les neiges des crêtes, et que les préci-
pitations météoriques entraîneront les matières détritiques, ces matériaux
n'auront aucune peine à s'accumuler à la base des cônes de névé autour
desquels ils formeront une espèce de ceinture rocheuse plus ou moins
épaisse.
Frappée plus directement par les vents et les rayons solaires, la neige
qui recouvre la partie élevée des pentes fond la première. Plus tard, la
croûte glacée du lac, cédant à la poussée simultanée des courants
liquides qui l'envahissent, et des vents chauds qui la disloquent, craque
de toutes parts, se fendille et s'effondre. Alors, privés de leur support
provisoire, les éléments constituant la ceinture rocheuse qui entourait le
cône de névé, coulent à pic et viennent former au fond du lac des talus
immergés, séparés du rivage par une dépression en forme d'entonnoir,
que les avalanches postérieures finiront par combler à leur tour, car ces
talus dépassent très rarement la zone littorale.
Les lacs d'Oô, de Caïllaouas, d'Auber, de Cap-de-Long, d'Oncet,
d'Estom, de Naguille, etc., off'rent des exemples caractéristiques de ces
phénomènes curieux en même temps que fort intéressants pour l'étude,
encore peu pratiquée, des causes multiples des comblements dans les lacs
de montagnes.
Parmi ces causes, quelques-unes exercent leur action lentement, insen-
É. BELLOC. — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES S75
siblement, en déposant sans cesse au fond des eaux les matières alluviales
ou limoneuses longtemps tenues en suspension. D'autres, rapides et
imprévues, au contraire, amoncellent brusquement, sur un point déter-
miné, une quantité considérable de matières solides, qui provoquent tôt
ou tard l'émergence des talus, comblent les dépressions coniques, et
finissent, à la longue, par modifier le contour des rivages.
Un spécimen remarquable de ce genre d'accident est celui que l'on
voit sur la rive gauche du lac Caïllaouas, entre le torrent qui débouche
du glacier des Gours-Blancs et du Ceil-de-la-Baque, et l'entrée de la gorge
sauvage de Clarabide, dans laquelle les eaux du lac bondissent et se préci-
pitent avec un effroyable fracas. Là se trouve un formidable couloir d'ava-
lanche, par lequel dévalent, de la montagne de Courtaou, — sur la pente
opposée de laquelle se trouve le lac de Pouchergues, — d'énormes blocs de
granit, qui viennent, lorsque la surface du lac est glacée, s'entasser en
forme de talus, analogues à ceux dont il a été question plus haut, lequel
€st actuellement relié à la terre ferme par sa partie sud-est. Ce monticule
pierreux émerge en moyenne de 8 mètres au-dessus de la nappe liquide.
Sa longueur est d'environ 17 mètres, sa largeur moyenne de 2 mètres au
sommet et de 10 mètres à fleur d'eau. Son versant méridional est séparé
du rivage par une dépression ovoïdale, en forme d'entonnoir, qui mesure
SO mètres de largeur, 50 mètres de longueur et 5™, 45 de profondeur.
On comprend aisément que, dans de telles conditions et dans l'état actuel
de nos connaissances, en présence de phénomènes intermittents différant
considérablement dans leur mode de reproduction, on soit embarrassé pour
formuler une loi générale.
Cependant, en faisant la synthèse d'une très grande quantité d'obser-
vations, on peut dire que : les lacs de montagims présentent des différences
caractéristiques qui les distinguent nettement des lacs de plaines.
, Les lacs de montagnes, surtout les lacs supérieurs, sont généralement
de foime irrégulière, et leurs parois, plus ou moins redressées, montrent
des pentes latérales asymétriques.
Les lacs de plaines, plus réguliers de contours, ont une structure plus
simple, et leurs pentes latérales sont à peu près symétriques.
Une section transversale passant par le milieu du lac d'Estom (fig. 5),
fournira un exemple très net de la configuration d'un lac de montagne et
de l'asymétrie des parois opposées.
Du point A, rive droite, au point B, l'inclinaison assez régulière du
talus prolonge en quelque sorte le flanc de la montagne. Du point B au
point C règne une plaine centrale horizontale, commune à tous les lacs.
Si, prenant le profil en sens inverse, nous partons du point G, rive
gauche, nous voyons des parois lacustres infiniment plus tourmentées et
irrégulières, montrant d'abord un vallonnement prononcé en forme d'en-
376
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
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tonnoir, dont la paroi G, plonge brus-
quement sous un angle de 4o degrés
jusqu'au point F, qu'elle atteint à
4'",6o de profondeur, et à 5 mètres
de distance du bord, [ci la pente
s'adoucit jusqu'au point le plus bas E :
profondeur o''\42; distance, 10 mè-
tres du bord. Puis elle se relève sous
un angle variable de S à 16 degrés ;
s'arrondit en efïleurant presque la
surface du lac, au point B : distance
horizontale de la rive gauche, 36 mè-
tres, et finalement s'enfonce sous un
angle variant de 21 à 32 degrés,
jusqu'à la rencontre du plafond cen-
tral CB, qu'elle rencontre à 95 mètres
de la rive droite.
Cette protubérance sous-lacustre
CDE, formée d'un amas rocheux,
mesure 76 mètres de corde et 15°\40
de flèche, se trouve donc séparée du
rivage par une excavation conique
analogue à celle du lac CaïUaouas, et
dont la base a 35 mètres de diamètre.
C'est surtout par les bords que le
comblement se produit.
Dans les lacs, fort peu nombreux
du reste, de la région sous-pyré-
néenne, on retrouve, comme dans les
lacs supérieurs, une plaine centrale
sensiblement unie et des talus à faible
pente, aboutissant à une sorte de pla-
teau à peine incliné et recouvert
d'une mince couche d'eau qu'on
appelle zone littorale. La zone litto-
rale est la partie la plus tourmentée ;
elle est alternativement recouverte
par l'eau ou mise à sec, érodée par
le mouvement des vagues ou ense-
velie sous une épaisse couche de
végétations lacustres formées de Ca-
rex, Juncus, Sci?yus, Potamogeton,
É. BELLOC, — COMBLEMENT DES LACS DANS LES PYRÉNÉES 377
Nuphar, etc., qui, comme au lac de Barbazan et de Saint-Pé-d'Ardet,
défendent l'approche de la partie médiane. Ces lacs sont principalement
comblés par les matières alluviales et les apports détritiques charriés
par les eaux pluviales.
En terminant, je tiens à signaler deux phénomènes peu communs.
L'un est visible à la partie méridionale du puissant massif de Carlitt,
vaste désert pierreux, désolé et sauvage, parsemé de nappes liquides qui
reluisent au soleil comme autant de diamants jetés pêle-mêle aux quatre
coins de l'immense moraine ; vu du sommet du Carlitt, ce spectacle est
un des plus grandioses qu'offrent les Pyrénées. Au milieu de ces lacs on
distingue l'étang de Las Dougnes, qui, se trouvant exactement placé sur
la ligne de partage des eaux, a deux émissaires, l'un à l'est, qui va grossir
la rivière de la Tet, l'autre à l'ouest dont les eaux descendent à Agous-
trine et au Rio-Segre, affluent de l'Èbre.
L'autre phénomène, observé au lac de Lourdes (Hautes-Pyrénées), est
dû à l'action glaciaire. La digue formée de blocs accumulés et de ma-
tières détritiques abandonnées par le front de l'ancien glacier d'Argelès,
est tellement résistante que les eaux ont été impuissantes à la renverser
pour se frayer un passage, ce qui les oblige à rechercher une issue en
amont pour rejoindre le gave de Pau.
Ces anomalies hydrographiques ne sont pas cependant uniques dans
leur genre. Entre le plateau de Langres et le Ballon de Servance, dans
les Vosges, une petite nappe lacustre déverse à la fois ses eaux dans la
Saône et dans la Moselle.
Dans la même contrée et dans la Haute-Italie, les lacs de Gérardmer,
d"Orta et de Côme, semblables en cela à celui de Lourdes, ont aussi un
déversoir à contre-pente.
Ces exemples constituent du reste des exceptions très rares, aussi bien
dans les Vosges et les Alpes que dans les Pyrénées.
•378 GÉOLOGIE ET MINERALOGIE
M. Emile EIYIÈRE
à Paris.
DÉTERMINATION PAR L'ANALYSE CHIMIQUE DE LA CONTEMPORANÉITÉ OU DE LA NON-
CONTEMPORANÉITÉ DES OSSEMENTS HUMAINS ET DES OSSEMENTS D'ANIMAUX
TROUVÉS DANS UN MÊME GISEMENT.
— Séance du 20 septembre 1892 —
Le 28 août 1882, au Congrès de la Rochelle, j'appelais l'aitention de
la Section de Géologie sur les sablières quaternaires de Billancourt, que
M. Albert Gaudry — qui les avait visitées avec moi quelques semaines
auparavant — considérait, d'après la faune que j'y avais rencontrée,
comme appartenant à la quatrième phase des temps quaternaires ou
phase tempérée et correspondant au diluvium des bas niveaux de Gre-
nelle et de Levallois-Perret. Or, c'est dans ces bas niveaux que M. Martin
et M. Reboux avaient recueilli, entre autres animaux, le Mammouth, le
Rhinocéros à narines cloisonnées et le Renne. La faune, en effet, dont
j'avais trouvé les restes de 1875 à 1882, était également caractérisée sur-
tout par la présence de VElephas primigenius, du Rhinocéros tichorhinus
(dont j'avais trouvé, moi-même, en place un maxillaire inférieur gauche
avec ses quatre dents molaires), du Cervus megaceros, du Tarandus ran-
gifer, du Bos primigenius, etc.
Puis, je terminais ma communication par cette phrase que je crois
devoir rappeler aujourd'hui, en raison de l'hypothèse que j'émettais alors
avec la conviction qu'elle se réaliserait plus ou moins tôt, hypothèse qui
vient de recevoir, il y a six semaines à peine, la plus complète confir-
mation des recherches d'un savant bien connu, M. Adolphe Carnot, pro-
fesseur à l'École supérieure des Mines :
« Avant de terminer, disais-je^ je dois signaler encore des ossements
humains réprésentés ;
» 1° Par un crâne de femme et son maxillaire inférieur ;
» 2° Par les deux fémurs droit et gauche, probablement du même
sujet, et mesurant 0'°,40 de longueur ;
» 3° Par les deux tibias, droit et gauche, du même individu également,
longs de O'",3oo ;
» 4" Enfin par une mâchoire inférieure d'homme, plus épaisse que celle
■de la femme.
» Ces divers ossements m'ont été remis comme ayant été trouvés dans
l'une des grandes sablières qui avoisinent de très près la Seine, entre la
K. RIVIÈRE. — DES OSSEMENTS HUMAINS ET DES OSSEMENTS d'aNIMAUX 379
berge du côté droit et l'avenue des Moulineaux. Ils proviennent de deux
individus de même race que l'homme dont les restes, trouvés dans une
sablière de Grenelle, ont été donnés par M. Martin au Muséum.
» Mais je ne dois pas omettre de dire ici, tout en voulant garder
encore une certaine réserve, du moins jusqu'à plus ample information,
que l'aspect extérieur de ces ossements, ainsi que leur conlexture, leur
densité, en un mot tous leurs caractères physiques, absolument différents
de ceux des ossements d'animaux, sans aucune exception, — trouvés dans
les sablières de Billancourt — sont pour moi l'indice d'une ancienneté cer-
tainement moindre que celle de ces derniers.
» Enfin, j'ajoutais que ce fait, pour M. Albert Gaudry comme pour
moi, n'était pas unique et que l'hypothèse que j'émettais pourrait tout
aussi bien s'appliquer au crâne humain du musée Carnavalet, indiqué
comme provenant des sablières de Grenelle, qu'aux autres ossements hu-
mains de même origine, les uns et les autres présentant les mêmes diffé-
rences d'aspect et de texture que ceux de Billancourt. »
Cette hypothèse de la non-contemporanéité des ossements humains et
des os d'animaux de Billancourt fut vivement combattue par plusieurs
membres du Congrès, notamment par mon regretté maître, M. de Quatre-
fages. Néanmoins, convaincu du fait que je soutenais, je persistai dans
l'opinion que j'avais émise, et, poursuivant, les années suivantes, mes
recherches sur le même sujet, j'adressai à l'Académie des Sciences, le 12 oc-
tobre 1885, un pli cacheté, dont je me réservai de demander l'ouverture le
jour où les nouvelles études que je comptais entreprendre sur la compo-
sition chimique d'un grand nombre d'ossements humains et d'os d'ani-
maux, provenant d'autres localités et de gisements divers et un peu de
toutes les époques, me fourniraient la preuve absolue du fait que j'avais
soutenu. Malheureusement si les circonstances, en me refusant jusqu'à
présent le laboratoire dont vingt membres de l'Académie des Sciences
m'ont fait l'honneur, le 26 mars 1887, de demander au ministre de l'Ins-
truction publique .la création, ne m'ont pas encore permis d'entreprendre
•ce long travail, par contre, j'ai eu la bonne fortune de voir un professeur
■de l'École des Mines, M. Adolphe Carnot, s'occuper, en partie du moins,
de la même question, dans ses recherches sur la présence du fluor et son
dosage dans les ossements fossiles et modernes. En effet, M. Carnot étant
venu me demander certains ossements pour en faire l'analyse chimique,
j'ai mis immédiatement mes collections à sa disposition et notamment
■des pièces osseuses provenant des sablières de Billancourt.
Or, je suis heureux de pouvoir annoncer à la Section de Géologie que
les résultats de ses recherches confirment absolument la thèse que j'avais
soutenue en 1882 d'abord, en 1885 ensuite, à savoir que, par exemple,
dans le cas de doute sur la contemporanéité d'un squelette humain et
380 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
d'une faune trouvés dans un même gisement, l'analyse chimique permettra
le plus souvent de trancher la question.
En efifet, non seulement la lettre que M. Carnot m'a adressée le 29 juillet
dernier s'exprime ainsi : « L'analyse comparée des os de Billancourt est
absolument favorable à la cause que vous avez soutenue »; mais encore sa
communication à l'Académie des Sciences dans la séance du 16 du mois
dernier (16 août 189i2), entrant dans les détails de l'analyse chimique,
montre, par les chiffres suivants, les différences de composition des os
fossiles et du tibia humain provenant de Billancourt.
os d'animaux tibia humain
Matière organique 12,81 19,65
Peroxyde de fer 0,21 3,06
Acide carbonique 6,06 6,15
Acide phosphorique 34,20 28,72
Fluor 1,43 0,17
La conclusion du travail de M. Carnot est la suivante : « Il ressort de
là clairement que l'os humain, ne renfermant que la proportion de fluor
normalement contenue dans les os modernes, tandis que les os d'animaux
quaternaires en contiennent de sept à neuf fois plus, n'est pas du même
âge que ces derniers et n'a été introduit qu'à une époque beaucoup plus
récente dans les graviers anciens de la Seine (1). »
Quant au pli cacheté, dont je vous ai parlé tout à l'heure, et dont j'a
demandé l'ouverture à l'Académie des Sciences il y a huit jours, dans la
séance du 12 de ce mois, veuillez me permettre de vous en donner lec-
ture avant de terminer :
Après avoir cité le passage de ma communication de 1882, que je vous
ai rappelé tout à l'heure, je me suis exprimé ainsi :
« Depuis lors (1882) j'ai poursuivi mes recherches dans les sablières
quaternaires soit de Paris, soit des environs, et les autres ossements
humains, qui m'ont été remis ou communiqués comme provenant de ces
sablières, n'ont fait que me confirmer dans l'opinion exprimée à la Ro-
chelle, car partout et toujours, ces ossements ont une physionomie
absolument différente, sous tous les rapports, des ossements d'animaux
trouvés au même niveau et de tous sans aucune exception, à quelque espèce
animale qu'ils appartiennent.
» Ces ossements humains sont donc à mes yeux d'une antiquité beau-
coup moins reculée et je crois même pouvoir affirmer dès maintenant que,
dans les endroits où la contemporanéité de l'homme, en tant qu'ossements,
avec les animaux quaternaires des sablières de Paris ou des environs a
été soutenue, elle n'existe pas. Ce n'est pas, loin de là, que je veuille nier
en quoi que ce soit l'existence de l'homme quaternaire ; la présence incontes-
(1) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, séance du 16 août 1892.
É. RIVIÈRE. — DES OSSEMENTS HUMAINS ET DES OSSEMENTS d'aNIMAUX 381
table de silex taillés dans ces sablières et au même niveau que les restes
des espèces animales, telles que YElephas primigenius ou VElephas anti-
quus, le Rhinocéros Merckil ou le Rhinocéros tichorhinus, etc., serait là pour
me donner un démenti formel.
» Mais si l'homme de ces gisements existe certainement, en tant qu'in-
dustrie, son squelette, par contre, ne me paraît pas encore avoir été
trouvé et toutes les découvertes de Grenelle, Clichy, Billancourt, etc., ne
me semblent pas des découvertes d'hommes réellement fossiles, mais bien
d'os humains postérieurs à l'époque quaternaire.
» C'est d'ailleurs ce que j'espère pouvoir démontrer, d'ici à quelque
temps, d'une façon positive par les études que je vais entreprendre. Il
s'agit d'une longue série d'analyses chimiques comparatives de tous les
échantillons qu'il me sera possible de prélever sur des ossements humains
et sur des os d'animaux d'époques et de gisements divers.
» Mon intention est donc d'étudier successivement le même os long tel,
par exemple, que l'humérus, le fémur ou le tibia de l'homme et d'un
mammifère toujours le même, ainsi qu'un os du crâne de l'un et de l'autre,
provenant tous deux d'un même milieu, au point de vue de la composition
chimique, de la densité, etc. J'étudierai ainsi les mêmes os, à l'état frais
d'abord, puis enfouis depuis quelques siècles dans le même milieu, puis
à l'époque mérovingienne, à l'époque romaine, ensuite dans les temps
néolithiques, enfin aux époques géologiques (grottes, brèches osseuses,
sablières) .
» Les résultats que j'obtiendrai me donneront-ils raison? Je le crois
fermement ; en tout cas, je suis prêt à reconnaître mon erreur, si je me
suis trompé, entreprenant ces recherches absolument sans aucun parti pris,
sans aucun autre mobile que la passion du vrai et le désir d'apporter, si
possible, quelque document nouveau à l'histoire de la paléontologie humaine.
» Ces nouvelles études, je les entreprendrai sous les bienveillants aus-
pices de M. Alphonse Milne-Edwards qui m'a fait connaîlre, ces jours
derniers, celles qu'il a lui-même faites il y a vingt-cinq ans (1), et qui
m'a indiqué aussi celles de Delesse que j'ignorais également ( "2). »
Telle est la teneur du pli cacheté que j'ai adressé à l'Académie le
8 octobre 1885 et dont elle a bien voulu accepter le dépôt dans la séance
du 12 du même mois.
En résumé, il paraît donc aujourd'hui démontré, conformément à la
thèse que j'ai soutenue depuis 1882 :
i° Que les ossements humains de Billancourt sont beaucoup plus ré-
cents que les restes de la faune quaternaire provenant du même gisement;
(1) A. Milne-Edwards, Éludes chimiques et physiologiques sur les os (Annales des Sciences naturelles,
t. XIII, p. 113. Paris, 1S60.)
(î) Delesse, Annales des Mines, t. XVIII, 1860, et i vol. Paris, 1861.
382 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
2° Que l'analyso chimique permet le plus souvent, en cas de doute, de
résoudre le problème de la contemporanéité ou de la nou-conlemporanéité
d'ossements trouvés dans le même milieu.
J'ajoute, en terminant, que l'analyse chimique des ossements me paraît
appelée aussi à pouvoir rendre peut-être certains services en médecine
légale, en permettant de reconnaître l'époque à laquelle un cadavre aura
été inhumé, tout en tenant compte, bien entendu, de la nature du sol où il
aura été trouvé.
J'espère d'ailleurs apporter l'an prochain à la Section de Géologie de
nouveaux faits, soit que M. Ad. Carnot veuille bien continuer ses recherches
sur les pièces osseuses que j'ai trouvées dans divers gisements, soit que,
à son défaut, j'entreprenne à mon tour d'en faire l'analyse chimique
comme j'en ai toujours la ferme intention.
MM. EETT et DÏÏBÂLEI
à Mont-de-.Marsan.
SUR LA PROTUBÉRANCE CRETACEE DE SAINT-SEVER
— Séance du 20 septembre 1892 —
La protubérance de Saint-Sever est la plus importante des protubé-
rances crétacées de l'Aquitaine. On peut en effet la poursuivre de Buanes
à Saint-Aubin, dans le sens de son orientation (E. S. E.— 0. N. 0) qui est
sensiblement parallèle à la chaîne des Pyrénées, sur une longueur d'en-
viron 24 kilomètres, sa largeur pouvant atteindre 5 kilomètres, et elle
recouvre, en totalité ou en partie, le territoire de dix-huit communes
(Buanes, Fargues, Vielle, Sarraziet, Montsoué, Saint-Sever, Eyres, Coudures,
Sainte-Colombe, Horsarrieu, Dûmes, Audignon, Banos, Montant, Doazit,
Maylis, Saint-Aubin et Hauriet). Aussi ne devait-elle pas échapper aux
observateurs qui ont étudié en détail cette intéressante région.
En 1824, Ami Boue, dans son Mémoire géologique sur le sud-ouest
de la France (1), indique le terrain crétacé (craie chloritée) au N. de
Coudures, à Aires (lisez Eyres), sous la forme d'une craie chloritée durcie,
verte ou bleuâtre, surmontée de couches crayeuses riches en silex.
(I) in Annales Se. nat. V s., t. III, p. 239.
REYT ET DUBALEN. — SUR LA PROTUBÉRANCE CRÉTACÉE DE SAINT-SEVER 383
En 1847, Delbos (1) signale à Arcet, Audignon et Boulin des dolomies
qu'il rapporte, avec doute il est vrai, à la base des terrains nummu-
litiques.
En 18o3, MM. Crouzet et de Freycinet(2) n'hésitent pas à classer ces
dolomies dans la division supérieure (craie dolomilique) de leur craie
silici/ere, la division inférieure de cette cvdÀe, on craie silicif ère propre-
ment dite, étant du reste accusée aux environs de Saint- Sever par de
nombreux silex qui jonchent le sol.
L'année suivante, Delbos i3) fait descendre les dolomies d'Arcet au
niveau des calcaires d'Orthez, dans la division inférieure (calcaires et
schistes noirs) de la formation crétacée du bassin de l'Adour. La craie
supérieure ou à Ananchijtes est représentée à Audignon où il a recueilli
VO. Matheroniana,
En 1873 et 1874, MM. Jacquot et Raulin publient leur Carte géologique
et agi'onomique du département des Landes à l'échelle de ~^^, ainsi que
la première partie de la Statistique géologique et agronomique de ce
département. Pour ces auteurs, toutes les assises crétacées de la protubé-
rance appartiennent à la cy^aie blanche; une teinte jaune indique suffi-
samment sur leur carte cette uniformité de composition.
Quelques années plus tard, et principalement en 1880, M. Hébert fait
connaître le résultat de ses études sur la Craie supérieure des Pyrénées (4).
Le savant professeur classe comme suit les assises crétacées du bombe-
ment de Saint-Sever :
TuRONiEN SUPÉRIEUR. — Calcalres à silex et Ananchytes Beaumonti.
Sénonien SUPÉRIEUR. — Calcairc blanc compact avec Radiolites lumhricalis.
p. . . ( Calcaires marneux à Fem(^/îews;esLe|/men>f, O./wenaica,
UANIEN INFERIEUR. \ , /-,. , ,- ^ i •. . ,
( larva, (Jtostoma jJOnticum, Orbitotdes gensacica, etc.
Le Cénomanien existe-t-il peut-être au centre de ce bombement, comme
tendrait à le démontrer un exemplaire d'Holectgpus excisus, Desor,
espèce du Cénomanien supérieur, trouvé à Mailloc et envoyé à l'auteur
par M. Dubalen.
En 1888, paraît la deuxième partie de la Statistique géologique et agro-
nomique du département des Landes, presque entièrement rédigée par
M. Jacquot. Cet observateur reconnaît dans la protubérance de Saint-
Sever les étages cénomanien, twonien, sénonien et danien.
(1) Notice géologique sur les lerrains du bassin de l'Adour, in Bull. Soc. géol. France,'!' s., t. IV, p. 712.
(2) Élude géologique sur le bassin de VAdour, i"'» partie formation crétacée), in Annales des Mines,
5"= s., t. IV, p. 361.
(3) Essai d'une desrription géologique du bassin de l'Adour, in Mém. Soc. Sa. phys. et nat. de
Bordeaux, t. I, p. 265.
(4) Voyez surtout : Recherches sur la Craie supérieure du versant septentrional des Pyrénées, in
Comptes rendus .4c. Se. (1880), p. 7A4.
Le terrain crétacé des Pyrénées, 2" partie (Terrain crétacé supérieur;, in Bull. Soc. géol. France,
3« s., t. IX, p. 62.
384 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
L'étage cénomanien, visible seulement dans le fond de la vallée d'Au-
dignon, est composé de calcaires dolomitiques et de calcaires compacts ne
renfermant que des huîtres indéterminables et le Rqdiolites triangulatns ?
L'étage turonien qui lui succède est particulièrement net dans les
carrières de Jouansalle, où il est caractérisé par RadioUtes lumhricalis.
La dolomie de Labadie en face de l'église d'Audignon, est subordonnée
à cet étage dont elle formerait le couronnement.
Le Sénonien consiste en une alternance de calcaires marneux et de
marnes sableuses. De nombreux silex sont répandus dans la masse et les
fossiles habituels sont : Echinocorys vulgaris, Jnoceramus Goldfusianus,
Janira quinquecostata.
Le Danien débute par des marnes et des calcaires à Hemipneustes
pyrenaicus, Leymerici, 0. pyrenaica, et se termine par. des dolomies et
des marbres qui, en raison de leur position au sommet de la forma-
tion crétacée, sont assimilables aux assises garumniennes de la Haute-
Garonne.
Quelques mois après cette publication (janvier 1889), M. Jacquot nous
donne la feuille de Mont -de-Marsan (1) au bas de laquelle est la partie la
plus importante du pointement crétacé de Saint-Sever. Quatre teintes
indiquent les quatre étages de la formation crétacée supérieure. L'étage
cénomanien y occupe une place beaucoup plus importante que ne l'avait
supposé précédemment l'auteur (2).
En 1890, M. L. Reyt (3) signale à Buret-Maçon (Audignon) et à La-
bouyrie (Eyres) un horizon très fossilifère (0. flabellata, biauriculata,
Terebratula biplicata, etc.) de l'étage cénomanien, et constate la présence
de dolomies garumniennes, avec nombreuses formes tertiaires, sur le
revers S. de la ride crétacée de Saint-Sever, territoire de Montsoué.
Les explorations entreprises par nous en août 1891, poursuivies en
novembre et aux mois d'avril et d'août de cette année, nous ont donné
les résultats consignés dans le tableau ci-joint qui résume la succession
des assises crétacées de la protubérance.
Le Crétacé inférieur (Gaultj, méconnu jusqu'à ce jour, occupe une
place importante dans la protubérance ; il se présente sous la forme de
marnes avec alternances fréquentes de bancs calcaires ou siliceux, —
Hamites cf. rotundus, Sow. (4), bélemnites, etc., à la base, — échinides,
nombreux acéphales et gastéropodes à la partie supérieure, que sur-
montent des dolomies à grandes janires, Toucasia, etc.
(1) Carte géologique de la France au 1/80.000.
(2) \o\r Stalisliquegéol. elmiron. du déparleme.nt des Landes, p. 318.
3} In Actes Soc. Linn. de Bordeaux, s» s., t. IV, p. 275, et Procès-verbaux des séances de la
Soc. Linn. de Bordeaux, p. 77.
(4) Nous avons déterminé nos espèces au Laboratoire de géologie de la Faculté des Sciences de
Bordeaux, dirigé par M. le professeur Fallût, dont l'autorité est bien connue.
REYT ET DUBALEN. — SUR I.V PUOTl nÉUANCE CRÉTACKK DE SAINT-SEVER 385
Les calcaires cénomaniens à Caprinella triangulmns et les marnes à
0. flabellata, biauriculata, etc., qui leur sont étroitement liées, des-
sinent une bande limitant au S. le noyau formé par les marnes et les
dolomies ci-dessus mentionnées. Étroite dans sa partie occidentale où
l'inclinaison des couches peut atteindre 80% cette bande s'élargit consi-
dérablement vers son extrémité orientale où les strates accusent un pro-
longement faible, variant de 10 à 15°.
L'étage turonien n'était connu qu'à .Jouansalle et Larrey ; nous l'avons
retrouvé bien développé dans la vallée du Gabas, des environs du Moulin
de Marrin à Pémarie, en face du bourg d'Eyres. Il présente même ici
une assise que nous n'avons observée nulle part ailleurs, des Calcaires
marneux avec Inocérames, Oslrea, Cardium, qui, par leur position entre
les Calcaires à Badiolites himbricaliii -du Turonien supérieur et les Marnes
cénomaniennes à 0. flabellata, biauriculata, Terebratula biplicata, doivent
être regardés comme représentant le Turonien inférieur (Ligérien, Coq.).
L'étage sénonien, d'Orb., joue un rôle important dans la protubérance.
Dans sa partie inférieure et sa partie moyenne, peu exploitées, nous avons
reconnu deux horizons intéressants : Marnes à Micraster coranguinum de
Pémarie, — Calcaires marneux à Echinocorys Heberti il) du Caoup et de
Lacoumette .
L'étage garumnien qui termine la série comprend : à la base des
Dolomies et brèches dolomitiques, à la partie supérieure des Calcaires
compacts ou marmoréens et des brèches calcaires. Ces roches, considérées
jusqu'à présent comme à peu près azoïques, peuvent, dès maintenant,
grâce à de patientes et laborieuses recherches, compter parmi les plus
riches en espèces de la protubérance. La plupart de ces espèces, sinon
leur totalité, étant nouvelles, ce n'est que par la place qu'occupent ces
assises, entre les marnes et les calcaires- à Hemipneustes p/jrenaicus et
Orbitoïdes du Sénonien supérieur et les calcaires à Operculines (Operculina
Heberti) de l'étage suessonien. qu'il est permis de les paralléliser aux
couches garumniennes de la Haute-Garonne, dont la faune est entière-
ment différente, mais qui occupent exactement la même position strati-
graphique (2).
Une faille principale, se maintenant constamment au N. et à une faible
distance de la ligne anticlinale, court de l'E. vers l'O. du voisinage de
Puzacq (au N.-E. de Fargues) aux sources de la Peyradère à Saint-Aubin,
par la vallée du Pichegarie, Haut-d'Audignon, Pilo, s'incurvant légère-
ment pour aboutir aux sources de Marseillon, puis reprenant son allure
(1) Cet horizon avait été déjà signalé par M. HL-berl. {Comptes rendus de l'Académie des Sciences,
1880, p. T,i.) . „
(2) La série garumnienne typique d'Auzas est en effet comprise entre le Calcaire nanUin a «emi/)-
neusles, sur lequel est bàli ce bourg, et l'horizon à Operculina Heberti qui succède immédiatement
aux Calcaires crayeux à Micraster tercensis du Tuco.
25*
386 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
vers rO. par la source d'Haouriei, Higué et Laflou. Elle met les assises
sénoniennes du revers N. en contact avec les couches albiennes, céno-
maniennes, turoniennes et sénoniennes qui, après s'être voûtées suivant
la ligne anticlinale, plongent vers le S. sous un angle exceptionnellement
supérieur à 15° (l). A l'extrémité 0. de la protubérance, à Long, les
assises garumniennes du revers N. viennent buter à la faille, qui traverse
ici la vallée de la Gouaougue. contre les couches du même âge ou les
premiers sédiments suessoniens.
Une faille secondaire, greffée sur la précédente suivant le cours du
Pichegarie, au-dessous de Baron, se dirige vers les sources d'Arcet par
le four à chaux de Reguillem, le Moulin de Marseillon et Larrivière au S.
de Banos (2). Elle émet à l'E. de Jouancoste une bifurcation qui chemine
obliquement vers Meignos pour s'infléchir brusquement vers l'O., dans
la direction de Toulouzette. C'est entre ce bras et la faille secondaire
d'Arcet, prolongée vers l'O., que paraît s'être produit le plus grand affais-
sement de la région.
Les eaux pluviales qui tombent sur le revers N. de la protubérance
sont naturellement absorbées par ces fractures qui se gorgent encore des
eaux que leur abandonnent les rivières et les ruisseaux qui les traversent
et dont le cours peut, en quelques points, se confondre avec leur direction.
Ces failles forment ainsi un système de canaux souterrains dont les
eaux jailliront dès qu'elles rencontreront sur leur route quelque obstacle
s'opposant à un écoulement régulier, ou une issue insuffisante pour per-
mettre à la masse d'aller plus en avant.
Les remarquables sources de Marseillon, la Peyradère et Arcet n'ont
pas d'autre origine (3), et on ne peut plus les regarder, avec M. Jac-
quot (4), comme le résultat du jeu naturel de nappes artésiennes dans
les assises supérieures du terrain crétacé.
Les considérations qui précèdent nous paraissent avoir une grande
importance relativement a la question des eaux jaillissantes dans la région
comprise entre la protubérance de Saint-Sever au S. et l'alignement
crétacé Roquefort-Saint-Julien-Colègne au J\., au centre de laquelle est
bâtie la ville de Monl-de-Marsan, car elles tendraient à démontrer que,
s'il existe des eaux artésiennes dans la région ci-dessus délimitée, elles ne
peuvent venir de la protuljôrance crétacée de Saint-Sever sur laquelle
cependant, avant un examen approfondi, le géologue pourrait être tenté
de concevoir les meilleures espérances.
(1) Ce n'esl, que vers l'extrémité occidentale de la protubérance qu'on remarque des inclinaisons
beaucoup plus importantes (70 et 80°).
(2) Celle faille doit évidemment se poursuivre vers l'O.
(3) Les dépressions en face desquelles bouillonnent ces sources et l'état fragmentaire des roches
d'oïl elles sortent semblent favoriser la venue au jour de ces eaux.
(4) Voyez surtout Statistique géologique et agronomique du département des Liimie^, p.iT'i.
REYT ET DUU.VLE.N. — SUR LA PROTLBÉRANCE CRÉTACÉE DE SAIXT-SEVER 387
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388
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
M. Joseph EOÏÏSSEL
Professeur au Collège de Cosne.
SUR LE PRIMAIRE DE CAMPAGNA-DE-SAULT
Séance du 27 septembre 1892 —
Dans les environs de Campagna-de-Sault existe une importante for-
mation primaire disposée en plis anticlinaux (fig. 1 , 2 et 3).
Ouest
Sud
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\^tiiixentt de
Nord
\ Lamj^agiui' ■
eT Triais
Granité
On'y observe :
1. Schistes ardoisiers avec lentilles de calcaire et de poudingue.
2. Schistes noirs avec lentilles de calcaire à (^rthocères,du Silurien supérieur.
3. Calcaire à goniatites et schistes.
4. Dolomie, calcaire et schistes.
o. Schistes avec lentilles de calcaire amygdalin et de calcaire à Orthocères.
0. Schistes et poudingues.
Les schistes ardoisiers 1 représentent le, Silurien moyen, autrement dit
Ordovicien ou Armoricain; car, en certains points des Pyrénées, ils en
renferment la faune caractéristique.
Us alternent, à l'ardoisière de Campagna, avec de puissantes lentilles de
.1. ROUSSEL. — SUR LK PRIMAIRK DK CAMPAGNA-DE-SAULT 389
calcaire et de poudingue à galets de schiste, de quartz et de gneiss (le
granité n'y est point représenté).
L'étage 2 est fossilifère. On y trouve principalement : Orthoceras
Bohemicum, Cardiola interrwpta et Scijphocrinus elegaiis.
Les plus beaux fossiles sont sur le sentier qui longe la rive gauche du
ruisseau de Carapagna, en amont du village, près de l'ardoisière.
Le calcaire à goniatites 3 existe à ce niveau, dans les Pyrénées, en un
grand nombre de points : c'est un fait nouveau.
A Campagna, ce calcaire est bien caractérisé, dans le pli cl, sur le bord
de l'Aude et sur le chemin de Campagna à Fontanes. A 200 mètres au
sud du pic coté 1861 mètres, situé à l'ouest de celui d'Ourthizet, il est
sous forme de lentilles qui alternent avec des schistes.
L'étage 4 n'a pas une composition constante. Tantôt il se présente sous
la forme d'une dolomie noire à l'air et rude au toucher. Tantôt cette dolo-
mie passe à des schistes qu'on a de la peine à distinguer de ceux du
Silurien; car, comme ceux-ci, ils renferment des lentilles de calcaire et de
poudingue à galets de schiste et de quartz. Les dolomies et les calcaires
sont très développés sur les bords de l'Aude; mais on les voit passer, par
degrés, au schiste, lorsqu'on s'avance du côté de l'ouest; de telle sorte
qu'à Campagna, sur la rive droite du ruisseau, il n'en reste, dans l'aile
sud du pli d, que quelques lentilles pour servir de repère. Dans l'aile
nord de la ride, la dolomie se prolonge jusqu'à la rivière de Rebenty.
Les dolomies et les calcaires se remplissent de tiges d'encrines et de
fénestelles, notamment sur le chemin de Fontanes, à l'ardoisière, au
pic d'Ourthizet, au pic coté 1861 mètres, etc. Cet étage 4 représente pro-
bablement le Dévonien supérieur.
L'étage S, que j'attribue au Carbonifère, renferme de très importantes
lentilles de calcaire à goniatites et quelques lentilles de calcaire à Ortho-
cères. Ces derniers fossiles sont ordinairement empâtés et frustes.
Cependant, il existe un point où l'on peut les reconnaître; on le trouve
en suivant le sentier de la rive gauche du ruisseau de Campagna, à partir
du continent de ce ruisseau et de l'Aude, quelques pas après avoir passé
la vieille masure qui existe en ce point. Il renferme des poudingues par
endroits, notamment à Fontanes.
Les schistes 6 sont ceux qui, dans les Pyrénées, constituent la plus
grande partie du Carbonifère. Ils sont, le plus souvent, accompagnés de
poudingues à galets de schiste, de quartz et de gneiss.
Sur les bords de l'Aude, les étages 3, 4, a et 6 sont seuls visibles dans les
plis c et d. Pour trouver les étages 1 et 2, il faut aller jusqu'à Campagna.
En ce lieu, les couches dévoniennes sont fortement déviées, les plis
s'élargissent et le Silurien apparaît en masses puissantes sous le Dévonien.
390 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
M. M. &OÏÏIIDOI
Conservateur du Musée pyrénéen de Bagnères-de-Luchon.
LE MUSÉE PYRÉNÉEN DE BAGNÈRES-DE-LUCHON
— Séance du 2i septembre 1892 —
Notre époque a le goût des collections. On aime à voir, réunies et clas-
sées scientifiquement, les productions naturelles du globe. Collections
publiques ou privées, il en existe un grand nombre et partout. Luchon,
cette station thermale admirablement située au milieu de la haute chaîne
et privilégiée entre toutes, ne pouvait rester à l'écart du mouvement
général. Aussi a-t-elle son Musée, peu important encore, il est vrai, mais
qui n'en renferme pas moins déjà des choses intéressantes et uniques
pour la chaîne des Pyrénées, encore si peu connue, au point de vue géo-
logique principalement.
Au premier étage de l'aile gauche du Casino sont réunis les collections
et les plans en relief formant le Musée Lézat, ou Musée pyrénéen de Luchon.
Parmi les étrangers, baigneurs ou touristes qui, tous les ans, pendant
les beaux jours, affluent dans nos murs et vont rendre visite à l'œuvre du
regretté ingénieur Toussaint Lézat, bien peu de personnes sans doute en
connaissent l'historique et l'origine.
Il y a une quarantaine d'années environ, Lézat, qui s'occupait alors de
botanique, accomplissait la première ascension du grand pic Quairat
(3.059 mètres) au-dessus des glaciers de la vallée du Lys. Panorama d'une
beauté tellement captivante et si particulière que c'est en l'admirant, par
une belle journée d'été, que Lézat conçut le projet audacieux pour l'époque,
qu'il a si vaillamment exécuté depuis, de faire le plan en relief des mon-
tagnes de la Haute-Garonne. Chose difïïcile alors. A l'époque en effet où
il se mit à l'œuvre, les cartes de l'État-major n'étaient pas encore faites.
Il dut y suppléer et relever lui-même toute la région. Malgré les diffi-
cultés sans nombre qui, à chaque instant, dans une région aussi tour-
mentée, surgissaient sous ses pas, il ne douta jamais de la réussite. Aussi,
quels ne furent pas sa joie et son légitime orgueil, le jour où il mit la der-
nière main à ce remarquable travail!
Il représente une superficie de 25 kilomètres de large, sur 57 et demi
de long ; il est à l'échelle de j^, et forme un rectangle de S'^jSO sur
S'^jTS centimètres.
M. GOrUDON. — LE MUSKE l'YRÉXÉEN DE BAGNÈRES-DE-LUCHON 391
Les hauteurs, au contraire, sont un peu plus que doublées, pour conser-
ver à l'œil les illusions auxquelles nous nous laissons entraîner à l'aspect
des montagnes. Huit années ont été employées à sa confection, et les
dix-sept tables ou morceaux qui composent ce relief ont tour à tour été
portés à dos d'homme par ses guides, et les détails modelés par Lézat sur
le terrain même, après avoir fixé tous les points importants mathémati-
quement, à la boussole ou au graphomètre. Il n'est pas nécessaire, je sup-
pose, d'insister plus longuement sur la valeur et l'importance de l'œuvre
de l'éminent ingénieur : l'exactitude et la vérité de ses plans en relief
sont connues de tous ceux qui s'occupent de montagnes. Jamais on n'a
mieux rendu la physionomie pittoresque de nos Pyrénées.
Autour de cette œuvre capitale sont groupés les plans en relief des Pyrénées
centrales au -^^j^, de l'Aran à la vallée d'Aspe, celui des galeries souterraines
de l'établissement thermal, celui du cirque de Gavarnie et du vieux Luchon.
D'un autre côté, il convient de faire remarquer que, par sa position unique
au centre des Pyrénées de France, à proximité de celles de l'Espagne,
Luchon est un centre extrêmement important, au point de vue de la litho-
logie pyrénéenne : toutes les espèces de roches et de minéraux se trouvent
pour ainsi dire représentées dans ses montagnes. De vastes champs d'é-
tudes et de recherches y sont ouverts aux savants. Si l'exploration de ces
régions alpestres présente des difficultés, parfois même des dangers, le
naturaliste, quelles que soient ses études favorites, est toujours largement
dédommagé de ses fatigues par d'abondantes et intéressantes récoltes.
Pendant longtemps on regarda les Pyrénées centrales comme dénuées
de fossiles, surtout dans les terrains anciens. Grave erreur, dont le temps
et les recherches persévérantes devaient avoir raison tôt ou tard. Déjà,
\L Leymerie avait indiqué quelques gîtes fossilifères dans nos montagnes.
C'était un commencement. Au cours de mes excursions alpines, j'ai eu
la bonne fortune de découvrir bon nombre de nouveaux gisements fort
importants pour la détermination de l'âge des terrains anciens. Je signa-
lerai entre autres, sur le versant français, les gisements siluriens de Mon-
tauban-de Luchon, de Cazaril-Laspènes, de Montmajou et du Hont de
Barbât. Ceux de Bourg-d'Oueil, de Jurvielle, de Génost, des Honts des
Bicoulous, de Bern, de Cathervielle appartiennent au dévonien. Ces trois
derniers nous ont fourni une abondante et très précieuse série de Trilo-
bites, niveau à peu près inconnu jusqu'alors dans les Pyrénées.
En Aragon, les empreintes fossiles du plan des Étangs (base de la Mala-
detta) ont permis de rapporter enfin avec certitude au houiller moyen les
grauw^ackes micacées, du val de l'Essera, dont l'âge était si discuté. J'en
dois la détermination à M. R. Zeiller. Il fallait toute l'habileté de ce
paléontologiste pour nommer exactement ces débris assez frustes pour la
plupart. Non loin de là nous mettions la main sur des fossiles dévonien
392
GEOLOGIE ET MINERALOGIE
au pic d'Aguas-Passas, et précédemment les orthocères de la tusse des
Posets venaient fixer l'âge de cette partie du val d'Astos de Vénasque.
Grâce aux encouragements et aux conseils de mes savants collègues et
maîtres MM. de Lapparent, Ch. Barrois, de Saporta, j'ai continué mes re-
cherches. MM. Barrois et de Saporta ont bien voulu accepter la tâche difficile
d'étudier la plus grande partie de mes fossiles; et, dans ces derniers temps,
j'ai eu la satisfaction de voir plusieurs de nos localités devenir classiques.
Je ne saurais également passer sous silence M. G. Cotteau, le savant pa-
léontologiste auquel je dois l'étude très complète de la riche faune échi-
nitique de la Pobla de Roda (Aragon), absolument inconnue jusqu'alors.
Tous les ans, pendant les beaux jours principalement, le pays de Luchon
est visité non seulement par de nombreux savants, mais aussi par des
étudiants en vacances qui s'intéressent à ces questions et demandent à
voir les richesses naturelles de nos montagnes. Malheureusement, les col-
lections commencées par l'ingénieur Lézat, et auxquelles nous avons
ajouté une certaine quantité de spécimens, sont encore peu nombreuses
et mériteraient cependant d'être augmentées. Mais les ressources budgé-
taires ont fait jusqu'à présent défaut, et, malgré toute notre bonne volonté,
il n'a pas encore été possible de donner aux séries déjà commencées
toute l'importance qu'elles comporteraient. Rien, cependant, ne serait plus
facile que de faire récolter dans chacune des localités que nous venons
d'énumérer et dans bien d'autres. Mais, pour cela, il serait nécessaire que
le Musée de Luchon eût à sa disposition un budget régulier. Si nous ne
nous faisons pas illusion, les séries du Musée prendraient une importance
telle, que tout géologue, désireux de se rendre compte de la composition
des Pyrénées, serait obligé de venir de prime abord consulter les col-
lections du Musée de Bagnères-de-Luchon.
M. A. BiaOT
chargé ilc cours ;'i la Faculté des Sciences de Caen.
SUR LES TRIGCNIES JURASSIQUES DE NORMANDIE
— Séance du Si septembre 1892
Le genre Trigonia est représenté dans les assises jurassiques de Nor-
mandie par quarante-quatre espèces dont la plupart sont nouvelles ou
mal connues. Dans un travail que nous venons de terminer, nous avons
A. BIGOT. — SUR LES TRIGOMES JURASSIQUES DE .NORMANDIE 393
entrepris la revision de ces espèces, commencée par E.-E. Deslongchamps,
que la mort a empêché d'achever cette étude.
Nous avons laissé de côté les espèces portlandiennes du pays de Bray,'
bien connues grâce aux travaux de MM. de Loriol, Munier-Chalmas et
Pellat.
Les Trigonies jurassiques trouvées jusqu'ici en Normandie appartien-
nent à cinq sections : Costalœ, Undulatœ, Scmi-lœves, Scaplioideœ,
Clavellatœ.
La section des Costatœ comprend dix-neuf espèces, qui sont les sui-
vantes :
1. Triqonia bella, Lycelt, des calcaires à 4. Murchisonœ (Bajocien inlerieur).
2. T. Feuguerollensis, n. sp., du même niveau.
3. T. costata, Sow., des couches à A. subfurcatus (Bajocien supérieur). Cette
espèce, type de la section des Costatœ, est citée dans tout le Jurassique. Le type
de Sowerby provient de l'oolithe inférieure d'Angleterre et on doit restreindre
le nom de Tr. costata à l'espèce conforme aux figures données par Lycett.
4. T. lineolata, Agass., des couches à il. subfurcatus.
o. T. tenuicosta, Lycett, id.
6. T. angustula, E.-E. Desl. mss.. id.
7. T. bipartita, n. sp., id.
8. T. zonatai?) Agass. 1840 (= T. interlœvigata, Quenst., 1838;, des couches
à A. fuscus (Bathonien inférieur).
9. T. pullus, Sow., 182G (= T. Cassiope, d'Orb., 1849), des couches à .4. aspi-
doides (Bath. supérieur).
10. T. Langrunensis, E.-E. Desl., mss., des couches à A. aspidoides (Bath.
supérieur).
11. T. striatissima, E.-E. Desl., mss., des couches à A. aspidoides (Bath.
supérieur).
12. T. RanvilUana, E.-E. Desl., mss., des couches à A. aspidoides (Bath.
supérieur).
13. T. Castor, d'Orb. (= T. Cassiope, auct. non d'Orb.), des couches à
A. aspidoides (Bath. supérieur).
14. T. crista-galli, E.-E. Desl., mss., des couches à .4. aspidoides (Batli.
supérieur).
15. T. elongata, Sow., 1825 (= T. cardissa, Agass., 1840), des couches à
A. macrocephalus (Callovien) et cordalus (Villersien).
16. T. Œhlrrti, n. sp. (= T. Bachelieri, auct. non d'Orb.), des couches à
A. macrocephalus (Callovien).
17. T. Meriani, Agass., du Villersien.
18. T. Glosensis, n. sp., des couches à T. fironm (Argovien).
19. T. papillata, Agass., des couches à T. Bronni et du Ptérocérien.
La section des G/a6/-œ, d'Agassiz, doit être subdivisée en trois sections:
1« Semi-lœves, type T. Lingonemis, Dumortier, du Lias moyen ; autres
espèces: T. Beesleyam, Lyc, du Bajocien; T. Eudesi, n. sp., du Batho-
nien. — Répartition : Jurassique inférieur (Lias, Bajocien, Bathonien i.
394 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Cette section comprend des espèces à aréa étroite, assez bien délimitée,
généralement lisse, quelquefois ornée de côtes obliques, sans carène
interne, médiane ou marginale, à écusson bien délimité. Les flancs sont
lisses, sauf dans le jeune âge; dans l'adulte, ils présentent du côté anté-
rieur des côtes nombreuses, serrées, parallèles au bord palléal.
2° Gibbosœ, type T. Gibbosa, Sow., du Porllandien ; autres espèces:
T. Actœon, Mun.-Ch.; T. Edmundi,Mun.-Ch.; T. Oustaleti, Mun.-Ch.;
T. More H, Mun.-Ch.; T. Curmnntensis , de Loriol, du Jurassique supé-
rieur; T. Otnedensis, Lyc, de l'Infra-Lias d'Espagne. — Répartition: une
espèce dans l'Infra-Lias d'Espagne ; maximum dans le Jurassique supé-
rieur (Kimméridien et Portlandien). Les espèces de cette section sont
subarrondies, les crochets sont rapprochés de la ligne médiane ; l'aréa
étroite ne présente que des stries transverses ; sa séparation en deux
moitiés est généralement peu accentuée, marquée par un sillon et non
par une carène ; la carène marginale est absente ou presque effacée. Les
flancs sont quelquefois lisses, séparés par un sillon oblique, plus ou
moins marqué, en deux parties inégales, l'antérieure très large, la posté-
rieure très étroite. Les côtes qui ornent généralement les flancs sont
normalement ^wôercM^ewses; elles sont limitées à la partie antérieure des
flancs et s'arrêtent au sillon qui la sépare de la partie postérieure ; leur
direction est tantôt parallèle, tantôt fortement oblique au bord palléal .
3" Excentricœ, type: T. excentrica, Sow., du Cénomanien (= T. afji-
nis, Sow.); autres espèces: T. Boloniemis. de Loriol, du Kimméridien;
T. lœviuscula, Lyc. du Cénomanien. — Répartition : Jurassique supé-
rieur (Kimméridien) et Crétacé (Cénomanien). Les quelques espèces de cette
section que nous connaissons se distinguent des Gibbosœ par leur forme
plus allongée, leur aréa lisse, se confondant avec l'écusson, l'absence de
toute séparation entre l'aréa étroite et les flancs; les côtes qui ne sont
jamais tuberculeuses sont parallèles au bord palléal et traversent toute
la largeur des flancs, ne disparaissant que sur l'aréa qu'elles traversent
même dans le jeune âge.
Une seule de ces sections, celle des Semi-lœves, est représentée dans
les couches à A. aspidoides (Bathonien supérieur) de Normandie par une
espèce nouvelle, T. Eudesi.
Le groupe des Undulatœ est restreint aux espèces dans lesquelles les
ornements des flancs, côtes ou rangées de- tubercules, présentent dans
leur trajet une déviation brusque, produisant un angle dont le sommet
est dirigé vers le bord palléal. Ce groupe des Undulatœ est représenté
dans le Bathonien supérieur de Normandie par trois espèces :
21. T. Clytia, d'Orb.
22. T. detrita, Terq. et Jourdy.
23. T. Eugenii, n. sp.
A. BIGOT. — SUR LES TRIGONIES JURASSIQUES DE NORMANDIE 395
Dans le groupe des Scaphoideœ, restreint dans les limites proposées par
M. Choffat, se rangent:
24. T. Bathonica, Lycett, du Bathonien supérieur.
25. T. Bergeroni, n. sp., id.
26. T. Baijlei, Dollf., du Ptérocérien.
Dans la section des Clcwellatœ nous faisons rentrer, comme l'a proposé
M. Choffat, un certain nombre d'espèces, telles que la T. Painei, Lycett,
T. flecta, Morr. et Lycett, que l'on classe parfois dans les Undulatœ.
Ainsi comprises, les Clcwellatœ normandes fournissent dix-huit espèces
qui sont :
27. T. striata, Sow., des couches à A. Miircliisonœ.
28. T. formosa, Lycett, id.
29. T. Moutierensis, Lyc, des couches à A. subfurcatus.
30. r. flecta, Morr. et Lyc, du lîathonien supérieur.
Ces quatre espèces sont remarquables par leur forme subquadraugu-
laire, le développement de leur aréa, leurs rangées de tubercules très
serrées, des crêtes transversales situées entre les rangées de tubercules du
côté antérieur :
31. T. Adeli, n. sp., du Bajocien supérieur.
32. T. Painei, Lycett, du Bathonien moyen, forme intermédiaire entre les
Clavellatœ et les Undulatœ.
33. T. Scarburgensis, Lycett, du CaUovien inférieur, espèce qui existe dans
le « Cornbrash » d'Angleterre.
34. T. Bizeti, n. sp., du CaUovien inférieur.
33. T. Heberti, n. sp. (=: T. davellala, Héb. non Park. Sow.), à laquelle nous
donnons un nom nouveau dans l'impossibilité absolue où se sont trouvés les
auteurs de savoir ù ([uelle espèce doit être attribué le nom de davellata.
La T. Heberti est une espèce du Villersien.
36. T. perlata, Agassiz, du même niveau.
37. T. Woodwardi, Lycett, des couclies à Nud. scAitaius (Oxfordien sup.).
38. T. Bronni, Agass., des sables et grès coralliens et de l'Astartien.
39. T. Morieri, n. sp., des couches à N. scutatus.
40. T. Fisdieri, n. sp., id.
41. T. Jarryi, n. sp., id.
42. T. Kerfornei, n. sp., des calcaires coralliens.
43. T. Choffati, n. sp. (= T. muricata, auct. non Goldf.). Cette espèce, très
commune dans le Ptérocérien, est unanimement rapportée à T. muricata,
Goldf., dont le type est de Torre-Vedras (Portugal) ; M. Choffat ayant publié
une nombreuse série de figures de l'espèce de Goldfuss, d'après des échantillons
provenant des couches à Pholadomya Protêt du Portugal, il est facile de se con-
vaincre que la Trigonie du Havre et de Criquebeuf n'a aucun rai)port avec la
r. muricata ; nous assignons à l'espèce du Ptérocérien de Normandie le nom de
r. Choffati.
396
BOTANIQUE
Ai. T. Pellali, Miin.-Ch. Le type de cette espèce est du Portlandien moyen.
M. de Loriol la cite dans le Virgulien de la Haute-Marne ; sa présence bien
constatée au Havre et à Villerviile fait descendre l'époque de son apparition
jusqu'au Ptérocérien.
Toutes les espèces que nous venons de signaler seront figurées dans
notre travail, accompagné de dix planches in-4°.
M. Gaston BOIJIIER
Professeur à la Sorbonne, ;i Paris
LA FLORE DES PYRENEES COMPARÉE A CELLE DES ALPES FRANÇAISES
— Séance du 16 septembre IS92 —
Ayant fait des excursions botaniques, presque tous les ans, dans les
Alpes et les Pyrénées, de 1869 à 1891, j'y ai noté en un grand nombre
de points la distribution relative des espèces. Des voyages botaniques en
Scandinavie, en Suisse, dans les Alpes autrichiennes et dans les Carpathes,
m'ont permis de comparer cette distribution avec celle des plantes de
ces autres parties montagneuses de l'Europe. La question de la comparai-
son entre la flore des Pyrénées et celle des Alpes ayant été posée cette
année au Congrès de Pau, je saisis cette occasion pour exposer les résul-
tats principaux d'un travail que je prépare depuis longtemps sur ce sujet.
Ce n'est pas en superposant deux catalogues de plantes, l'un des Alpes
françaises et l'autre des Pyrénées, ni en mettant en regard le nombre des
espèces de chaque famille dans les deux flores, que l'on pourra avoir des
résultats complets et intéressants. Ainsi que je l'ai fait remarquer déjà
dans d'autres travaux, il faut observer la distribution relative de toutes les
plantes et ce sont même souvent les espèces les plus répandues qui four-
nissent les résultats les plus remarquables. Il va sans dire que la nature
géologique du sol, son exposition, et le climat général de la région, sont
partout à considérer. Mais il n'y a pas que les observations qui puissent
jouer un rôle dans cette étude comparative. Les expériences de culture
que l'on peut faire, soit en semant ou plantant les végétaux des Pyrénées
dans les Alpes ou réciproquement, soit en cultivant les mêmes espèces à
des altitudes différentes, peuvent servir à élucider certains faits que l'ob-
G. BONNIER. — FLORES DES PYRÉNÉES ET DES ALPES 39"
servation seule ne permet pas de comprendre. J'ai fait quelques essais
de cultures expérimentales tantôt dans de petits champs spéciaux, tantôt
en difîérents points de la réj^ion alpine ou de la région subalpine.
C'est le résumé des résultats que fournissent à la fois les observations
comparées et les cultures expérimentales, que je présente aujourd'hui au
Congrès .
LES DIVERSES REGIONS BOTANIQUES DANS LES ALPES ET DANS LES PYRÉNÉES
Il faut d'abord mettre à part la fraction des Alpes françaises et les parties
des Pyrénées qui sont comprises dans la région méditerranéenne ou dans
la région de l'Ouest. Dans les Alpes, le Pin maritime et le Pin d'Alep,
ainsi que la culture de l'Olivier, caractérisent suffisamment la région
méditerranéenne. Il en est de même dans les Pyrénées Orientales, où l'on
peut la considérer aussi comme caractérisée par le Chêne-liège, qui s'a-
vance jusqu'à Prades, Céret et même non loin de Montlouis.
La région occidentale, qui s'étend depuis le golfe de Gascogne jusqu'à
Tardets et Saint-Jean-Pied-de-Port, est caractérisée par le Chêne Tauzin (1)
ou, plus près de la mer, par le Chêne occidental. Une Bruyère, leDaboecia
poli fol ia, est aussi presque exclusive à cette région. Ces deux régions mises
à part, le reste de la flore des Pyrénées et des Alpes présente des caractères
communs si frappants qu'on ne saurait en déterminer les régions que
par les zones d'altitude relative. Ce sont, d'une manière générale :
1° La zone inférieure des montagnes, qu'on a appelée aussi zone des
vallées profondes ou zone des cultures, et qu'on pourrait nommer le plus
souvent zone des chênes. Le Quercus Bobur y est, en effet, répandu d'une
manière générale. Parmi les arbres, c'est aussi dans cette zone qu'on
trouve l'Aulne glutineux, le Peuplier noir, le Saule Marsault, le Saule
blanc et le Noisetier, arbres qui ne dépassent presque jamais la limite
inférieure des forêts de sapins. On peut citer parmi les espèces très ré-
pandues, limitées à cette zone à la fois dans les Alpes et dans les Pyré-
nées, les plantes suivantes :
Helleborus fœlidus, Prunus spinosa, Crotœgus Oxtjacantha, Amelanchier vulgaris,
Carlina acaulis, Scrofularia canina, Globularia nudicaulis, Buxus sempervirens et
Melica nebrodensis.
2° La zone subalpine, dont le Sapin blanc (Abies pectinata) est l'arbre
commun aux Alpes et aux Pyrénées le plus caractéristique, s'étend au-des-
sus de la région précédente jusqu'à la base des hauts pâturages alpins.
(1) Il faut excepter le petit cantonnement de Quercus Tozza qu'on trouve aux environs de Mont-
louis et dont je parlerai plus loin.
398 BOTANIQUE
C'est là que dominent le Hêtre, le Bouleau et le Pin silvestre, ainsi que
le Sureau à grappes, le Sorbier des oiseleurs, le Cerisier à grappes et
l'Orme des montagnes. On ne trouve presque plus de cultures dans cette
zone, sauf quelques rares champs de pommes de terre ou d'orge. Parfois
la zone subalpine ne peut être déterminée au moyen des arbres précé-
dents lorsqu'elle est occupée exclusivement par des prairies ou par des
rochers qui relient, en apparence d'une manière insensible, la zone infé-
rieure à la zone alpine ; c'est ce qui se produit souvent sur les versants
très abrupts ou sur ceux qui sont exposés au sud. On doit alors avoir
recours à d'autres espèces caractéristiques, qui se trouvent aussi dans les
forêts de Sapins, et parmi lesquelles on peut citer les suivantes :
Aconitum Lycoctonum, Géranium silvaticum, Epilobium spicatum, Spirœa Arun-
cus Astrantia major, Prenanthes purpurea, Cirsium monspessulanum, Campanula
palula et Veronica urticœfolia.
3° La zone alpine inférieure, qui comprend les hauts pâturages des
Alpes et qui est ordinairement caractérisée par les Rhododendrons et la
variété alpine du Genévrier. On y trouve aussi le INerprun des Alpes, le
Cotoneaster et le Chèvrefeuille des Alpes.
Tous ces arbustes sont peu élevés, plus ou moins rabougris et souvent
aplatis sur le sol. On peut citer en outre, parmi les très nombreuses plantes
caractéristiques de cette zone les espèces suivantes, communes aux Alpes
et aux Pyrénées :
Anémone alpina, Cardamine resedifolia. Silène acaulis, Trifolium alpinim, Dryas
octopetala, Alchimilla alpina, Sdxi.fraga oppositifolia, Homogyne alpina, Vuccinium
uliginosum, Primula farinosa, Pedicularis verticillala, Plantago alpina, Nigritella
angusiifolia, Juncus irifidus, Carex sempervirens, Festuca Halleri, Poa alpina et
Allosorus crispus.
4° La zone alpine supérieure, qu'on nomme aussi quelquefois zone gla-
ciale et qui s'étend à la base de la région des neiges perpétuelles, attei-
gnant parfois même jusqu'au sommet des plus hauts pics.
Cette zone est souvent difficile à limiter par rapport à la précédente:
aussi les réunit-on parfois toutes les deux simplement sous le nom général
de zone alpine.
Il n'y a plus d'arbres ni d'arbustes dans cette zone, et l'espèce qui la
caractérise le mieux, à la fois dans les deux chaînes de montagnes, est
le Ranunculus glacialis. On peut citer encore, parmi les plantes très ré-
pandues, les espèces suivantes :
Braba frigida, Cherleria sedoides, Arenaria ciliata, Artemisia nmlellina, Erige-
ron uniflorus, Androsace pubescens, Gregoria vitaliana, Luzula spicata, Poa laxa
et Oreochloa disticlia.
G. BONNIEK. — FLORES DES PYRÉNÉES ET DES VLPES 399
II
VARIATIONS DANS LA DISTRIBUTION DES PLANTES TRÈS RÉPANDUES
Les plantes dominantes, formant pour ainsi dire le fond de la végéta-
tion, peuvent être distribuées d'une manière différente dans les deux
chaînes de monta£:;nes, ou même, très répandues dans l'une d'elles et faire
complètement défaut dans l'autre.
Dans la région méditerranéenne, le Pin d'Alep, qui existe dans les
parties basses des Alpes-Maritimes, manque totalement dans les Pyrénées.
Les plantes caractéristiques de la région occidentale, telles que le Chêne
Tauzin et le Chêne occidental, si répandus dans une partie des Basses-
Pyrénées, n'existent pas, au contraire, dans les Alpes.
En dehors de ces deux régions, passons successivement en revue les
diverses zones d'altitude relative que nous avons caractérisées précé-
demment. Dans la zone inférieure des montagnes, on peut tout d'abord
signaler le Charme, comme une espèce intéressante par sa distribution.
II est très commun dans toute la chaîne des Alpes françaises, sauf dans
le sud-est. Sa limite méridionale et occidentale passe par Saint-Gervais,
Bourg-Saint-Maurice, Saint-Jean-de-Maurienne, le Bourg-d'Oisans, le sud
de Vizille et le Vercors.
Dans les Pyrénées, au contraire, le Charme est presque inconnu : on
en trouve seulement un certain nombre de pieds localisés aux environs
de Foix, de Bagnères-de-Bigorre et de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Le Buis, si répandu dans un certain nombre de vallées des Pyrénées,
où il devient même parfois presque exclusif, est au contraire peu répandu
dans les Alpes, où on le trouve rarement en abondance, comme cela se
produit au nord de Voreppe par exemple.
Le Rumex scutatwi, limité dans la région inférieure des Pyrénées, où
il est extrêmement abondant, a dans les Alpes françaises une distribution
toute autre. On l'y rencontre abondamment dans la région subalpine, et
souvent même dans la région alpine, comme dans les Alpes de Savoie.
Les différences sont encore plus grandes dans la distribution des plantes
dominantes de la zone subalpine.
Sauf YAbies peclinata et le Pinus silvestris, on peut dire que les
forêts de Conifères caractéristiques de la région des sapins sont cons-
tituées par des espèces différentes dans la chaîne des Alpes et dans celle
des Pyrénées.
L'Epicéa (Picea excelsa) est répandu dans toute la chaîne des Alpes et
c'est cet arbre qui y forme le plus souvent les forêts de sapins. II est tel-
lement disséminé dans toutes les régions des Alpes, qu'on peut dire que
la carte de sa distribution, depuis les Alpes de Nice jusqu'au lac de
400 BOTANIQUE
Genève, y représente l'étendue de la zone subalpine. Cette espèce si ca-
ractéristique fait complètement défaut dans les Pyrénées. C'est à peine si
Lapeyrouse a pu le comprendre parmi les végétaux pyrénéens, grâce aux
quelques pieds qui ont été rencontrés à la base de la Maladetta. L'admi-
nistration forestière a tenté, sans succès, par exemple aux environs de
Guchen, d'introduire l'Epicéa dans les forêts des Pyrénées.
Remarquons, à ce propos, que le fait général de l'absence de l'Epicéa
dans les Pyrénées semble fort peu connu.
La flore de Grenier et Godron l'indique à tort comme existant
dans les Pyrénées au même titre que dans les Alpes, et cette erreur est
précisée d'une manière particulière dans le récent atlas de M. Drude. Cet
auteur représente en détail la limite de l'extension de l'Epicéa, limite qui
englobe tout le Plateau central, où cet arbre n'existe pas, et comprend
toute la région pyrénéenne, où nous avons vu qu'il fait également défaut.
On ne peut s'expliquer une semblable erreur, marquant les contours dé-
taillés de la distribution d'une espèce qui n'existe pas, que par une con-
fusion avec une autre espèce. Ne serait-ce pas simplement la synonymie
des Conifères qui en fournirait l'explication, et n'a-t-on pas pris le Sapin
blanc {Abies pccf.mata DC = Pinus Picea L.) avec l'Epicéa (Abies ex-
celsa DC = Pmus Picea Duroi (nonL) = Pinus Abies L = Picea excelsa) ?
Le Mélèze (Larix eui-opœa), quoique moins répandu que l'Epicéa, cons-
titue d'importantes forêts dans les Alpes françaises, surtout dans la partie
orientale. La limite occidentale dans les Alpes passe à peu près par
Saint-Jean-de-Maurienne, le Dauphin, la Mure, Veynes, Digne, Castellane
et Puget-Théniers. Cet arbre manque absolument dans les Pyrénées.
Le Pin silvestre, y compris le Pinus uncinata, est répandu, presque
partout dans les Alpes, et si on ne tient pas compte des endroits où il a
été planté, on ne le trouve dans les Pyrénées que dans la partie tout à fait
orientale, dans les vallées d'Arreau et de Luchon, et dans la région située
au sud de Lourdes. La lutte pour l'existence paraît s'être établie entre cet
arbre et les autres d'une manière assez différente dans les deux chaînes.
Tandis qu'en Dauphiné on le rencontre à l'état spontané, souv» nt très
répandu dans la région inférieure des montagnes, dans les Pyrénées il
grimpe, au contraire, jusque dans la région alpine, bien au-dessus des
forêts de sapins, comme aux environs du lac d'Orrédon ou encore dans
les parties hautes de Moudang et du Uioumayou.
L'If (T'ixus baccata), cette Conifère qui semble actuellement en voie
de disparition et dont on n'a guère signalé que quelques pieds isolés dans
la partie méridionale des Alpes, constitue ennore quelques groupes boisés
importants dans les Pyrénées, dans la foret d'Irati ou encore entre Ga-
varnie et Panticosa.
Le Hêtre est, avec le Sapin blanc, l'espèce qui est la plus uniforme-
G. IJO.NMKll. — hL(llU:S Di;S l'VltK.NEES ET DES ALl'ES 4U 1
ment répandue dans la zone subalpine des deux chaînes de montagnes.
11 ne fait défaut dans les Alpes qu'aux environs d'Aiguilles, de Brianr-on
et de Modane. Dans les Pyrénées, il ne manque qu'au sud de Montlouis,
dans un cantonnement où il est exactement remplacé par le Chêne Tau-
zin. C'est là un exemple très net de remplacement d'espèce.
Parmi les espèces herbacées très répandues, on peut de même signaler
les quelques exemples qui suivent :
C'est ainsi que le Meconopsis cambrica, si répanrJu dans les endroits
humides ou ombreux de la zone subalpine des Pyrénées, et Vlris xij-
phioides, si fréquent dans beaucoup de prairies pyrénéennes, ou encoi'e le
Ramondia, dont les rosettes violacées abondent sur les rochers, sont dos
plantes inconnues dans la flore des Alpes.
Inversement, on peut citer dans les Alpes les Achillca dentifera et /y/(/-
croplujlla, Hieracium Jacquini. Campanula rhotiiboidalis, Gentiana asc/e-
piadea et de nombreuses autres plantes subalpines qui n'existent pas
dans les Pyrénées.
Dans la partie inférieure de la zone alpine des Pyrénées, certaines
plantes remplacent très souvent le Rhododendron. 11 suffit de voyager
une seule fois dans cette chaîne de montagnes pour être frappé par l'as-
pect de ces immenses étendues de Fougère-Aigle (Pteris aquilina) ou de
Bruyère (CaUuna vulyaris) qui couvrent la base de la zone alpine sur de
très grandes surfaces au-dessus des derniers sapins.
La Fougère-Aigle, dans les Alpes, bien loin de s'étendre ainsi dans la
région alpine, n'atteint même pas la base de la région subalpine. Lors-
qu'elle y est représentée, ses limites sont à peu près celle du Chêne. Quant
à la Bruyère, beaucoup moins fréquente dans les Alpes que dans les Py-
rénées, elle ne s'y élève que rarement à de hautes altitudes.
Le Rhododendron, qui se trouve ainsi lutter contre ces deux espèces
dans les Pyrénées, paraît parfois rejeté à des altitudes relatives moindres,
et on l'y rencontre souvent en abondance dans les forêts de sapins ; tandis
que, dans les Alpes, sauf en certains points de la chaîne du mont Blanc,
cet arbuste délimite ordinairement une sous-zone très nette.
Parmi les espèces herbacées de la région alpine, on peut prendre comme
exemple de distribution inégale le Teucrium pjjrenaicwn, rare dans les
Alpes et si comnmn dans les Pyrénées, où il descend jusque dans les
vallées profondes; ou encore Vllypericiim nummularium, comnmn sur
tous les rochers humides de la région alpine inférieure pyrénéenne, et bien
moins répandu dans les Alpes, où sa distribution en altitude est différente.
Il y a des pâturages ou des rochers de la région alpine pyrénéenne qui
sont couverts de très nombreuses espèces de Saxifrages inconnues dans
les Alpes (Saxifraga geranioides, S. ascendens, S. capitata, S. ajugœfolia,
S. longifolia, S. arctioides, etc.), tandis que, au contraire, bien des espèces
-26*
402 BOTANIQUE
du genre Androsace {A. helvelica, A. imbricata, A. lactea, A. obtusifolia,
A. septentrionalis, A. Chaixii, etc.), couvrent de leurs rosettes toufiues
beaucoup de rochers et de pâturages alpins dans les Alpes, et font défaut
dans les Pyrénées.
III
ESPÈCES QUI SE COHUESPONDENT DANS LES ALPES ET DANS LES PYRÉNÉES
Je viens de citer dans les genres Saxifraga et Androsace les espèces
spéciales aux Alpes et les espèces spéciales aux Pyrénées. Certaines de ces
plantes peuvent être considérées comme se remplaçant l'une l'autre dans
les deux chaînes de montagnes. En comparant les végétaux voisins qui ont
une distribution assez analogue, on peut mettre en regard les plantes des
Alpes françaises et celles des Pyrénées qu'on peut regarder comme corres-
pondantes :
ALPKS
Alijssmn flexicaule.
A. hulimifolium.
Viola calcarata.
Géranium aconitifolium .
G. argentemn.
Vicia sdvatica.
Potenlilla nitida.
P. frifjida.
Erynijiuin alpinum.
E. Spina-alba.
Galiam helvetictun .
G. mcgalospcrnium, etc.
Asperula longiflora.
Vuleriana ttiberosa .
Scnccio galliciis.
( 'irsiuin spinosissimum.
Bhapunticum helenifoliuni.
Genliana havurica.
G. pKiKitdu.
Veronica Allionii.
Pedicularis incariiala.
P. fasciculata.
P. gyroflexa.
Rumex arifoliiis.
Bulbocodium vernum.
Fritillaria delphinensis.
Lilium croceum.
Carex pauciflora .
PYRENEES
Alyssum Lapegrousianum.
A. pyrenaicum.
Viola corntda.
Géranium pratense.
G. cinereum.
Vicia pyrenaica.
PotentiUa alchimilloidcs.
P. pyrenaica.
Eryngiwn Bourgati.
Galiam cœspilosam.
G. cumeterrliizon, etc.
Asperula hirta.
V(dcriana globulariœfolia.
Senecio adon idifulius .
Carduas cariinoides.
Rhaponticum cynaroides.
Genliana pyrenaica.
G . Buiseri .
Veronica nummularin.
Veronica Ponœ.
Pedicularis pyrenaica.
P. comosa.
Rumex amplexicaulis.
Merendera Bulbocodiu m .
Fritillaria pyrenaica.
Lilium pijrenaicuin.
Carex pyrenaica.
A côté de ces espèces correspondantes, on pourrait mettre en regard
un très grand nombre de formes, les unes des Alpes, les autres des
G. BO.NMER. — FLORES DES PYRÉNÉES ET DES ALPES 403
Pyrénées, mais qui ne sont ordinairement considérées que comme des
variétés. 11 n'y a même parfois que de simples variations entre la plante
de l'une et de l'autre chaîne de montagnes. C'est ainsi que VAconiluni
pyrenaicum n'est qu'une forme de VA. Lijcoctonum, ou encore que V Adonis
pyrenalca, récemment découvert par M. Reverchon dans les Alpes-Mari-
times, se distingue de la plante pyrénéenne par quelques caractères tout
à fait secondaires. On pourrait citer plusieurs centaines d'exemples ana-
logues .
Si l'on considère les plantes correspondantes comme ayant une ori-
gine commune, ces variations prennent un intérêt très grand, et parmi
les espèces citées plus haut, celles appartenant aux genres Galium, Vale-
riana, Fritillaria ou Carex, sont certainement très voisines. Leurs diffé-'
rences. plus grandes que celles de simples variétés, sont cependant bien
moins grandes que celles qui séparent les autres espèces mises en regard.
D'ailleurs, la lutte pour l'existence peut s'établir aussi entre espèces
appartenant à des genres très différents. C'est ainsi que le botaniste qui
vient des Alpes, habitué à trouver sur les rochers certaines espèces telles
que ï Hedysarum obscurum, le Lepidium rotundifoUum, etc., est étonné,
en parcourant les Pyrénées, de voir à leur place le Reseda glauca, le Pa-
ronychia polygonifolia, etc. Toutefois, la liste précédente garde son inté-
rêt, car elle met en regard des formes très comparables qui sont chacune
exclusives à la chaîne de montagnes à laquelle elles appartiennent.
IV
EXPÉRIENCES DE CULTURES
Le climat de la chaîne des Pyrénées n'étant pas tout à fait le même
au point de vue de la distribution des pluies et de la température, on
peut se demander si les conditions actuelles de milieu n'agiraient pas
dune manière différente sur une même plante donnée. J'ai comparé,
dans ce but, les résultats obtenus dans les cultures expérimentales éta-
blies comparativement à diverses altitudes dans les Alpes et dans les
Pyrénées. La plupart des plantes ainsi cultivées étaient des plantes de
plaine qui tolèrent toutes les altitudes et qu'on trouve jusque dans la
région alpine supérieure, telles que : Lolus corniculalus, Taraxacum
Dens-leonis, Thymus Sevpyllum, Rubus idœus, Achillea Mille folium, Ranun-
culus acîis^ etc., etc. (Ij.
A des altitudes où la somme des températures pendant la saison est
sensiblement la même, les modifications internes et externes, anato-
(\) Voyez G. BCUNMER, Cultures expérimenlales dans les Alpes et ki Pyrénées {Revue générale de
Botanique, 1890, p. 313).
404 BOTANIQUE
iniques et physiologiques, se sont produites d'une manière très analogue.
On ne saurait donc chercher dans l'influence actuelle du milieu physique
la cause des difl"érences observées, différences qui d'ailleurs, il faut bien
le dire, sont beaucoup moins nombreuses que les ressemblances.
Dans un autre ordre d'idées, on peut se demander si des graines de
plantes transportées de l'une des chaînes dans l'autre, et venant tomber
au milieu de la végétation déjà établie, installeront facilement de nou-
velles espèces. Autrement dit, s'il était possible d'imaginer que l'on
brassât ensemble toutes les graines des plantes des Alpes avec celles des
Pyrénées, et que l'on put faire tomber ce mélange sur les deux chaînes
de montagnes recouvertes de leur végétation actuelle, les deux flores
seraient-elles rapidement uniformisées?
Les expériences suivantes semblent prouver que non. J'ai essayé, en
plusieurs points des Alpes, de naturaliser par semis, sans toucher au sol,
des plantes spéciales aux Pyrénées et qui y poussent dans des endroits
absolument analogues. J'ai essayé réciproquement de semer, en certains
points de la chaîne des Pyrénées, des plantes similaires spéciales aux
Alpes. Ni dans l'un, ni dans l'autre cas, les quelques plantes qui ont
germé ou même fleuri n'ont pris d'extension sérieuse. Elles paraissent
toutes refoulées par la végétation déjà établie, et la naturalisation d'au-
cune d'elles ne semble certaine.
C'est ainsi que le Viola cornuta, semé près d'un chalet abandonné dans
les Alpes vers 2.000 mètres d'altitude, s'est localisé dans un terrain où ne
se trouvaient pas de plantes alpines et n'a pas pu prospérer dans les
prairies alpines voisines où poussait en abondance le Viola calcaraia.
J'ai échoué plus encore dans les essais de naturalisation du Vicia pyre-
naica, du Carduus carlinoides, du Veronica nummularia et, à des altitudes
d'environ 700 mètres, du Senecio adonidifolius. Réciproquement, les semis
de graines de Galium helveticuni, de Cirsium spinosisdmum et de Lilium
croceum n'ont donné dans les Pyrénées que quelques plantes germant,
celles de la seconde espèce ayant seules donné des fleurs.
Ces résultats négatifs s'expliquent assez bien lorsqu'on réfléchit, d'une
part, que presque partout le sol est déjà préalablement occupé par les
rhizomes et les racines des plantes indigènes, et, d'autre part, que ces
plantes étant toutes vivaces, leur germination se fait le plus souvent dans
des conditions difliciles (1).
Ainsi donc, quand bien même des graines, dans le même milieu
actuel, tomberaient à la fois sur les deux chaînes de montagnes, elles
[il Pour meure en évidence ce dernier point, j'ai semé en différents endroits des Alpes et des
Ipyrénées, à des altitudes ne dépassant pos l.SOO mètres, des plantes annuelles ou bisannuelles
leUcs que : Echium vulgare, Verbctscum Thapsiis, Arenaria serpulUfolia, Poa annua, etc.; et ces
plantes, depuis 188A, se sont assez bien développées en certains endroits, en se reproduisant par
graines chaque année.
G. BONNIER. — FLORES DES PYRÉNÉES ET DES ALPES 40à
auraient à compter avec la lutte pour l'existence qui s'établirait entre
elles et les espèces déjà établies. On peut prévoir que le plus grand
nombre d'entre elles succomberaient dans celte lutte.
CONCLUSIONS
Il résulte de tout ce qui précède que la chaîne des Alpes et la chaîne
des Pyrénées présentent à leurs diverses altitudes des conditions actuelles
de milieu physique qu'on peut considérer comme identiques ; mais, qu a
côté d'un grand nombre de plantes qui offrent les mêmes caractères, il
s'en trouve beaucoup qui sont différentes; et, fait plus important encore
à noter, que les espèces identiques se distribuent souvent, dans chacune
des deux chaînes, d'une manière qui n'est pas la même.
Isolées, dans un terrain préalablement déblayé de toute culture et
convenablement sarclé chaque année, les mêmes plantes subissent dans
les deux groupes de montagnes, les mêmes modifications. Mais, placées
en lutte avec les espèces indigènes, elles s'y comportent différomment et
sont inégalement refoulées par les espèces déjà établies.
Bien que l'origine de la chaîne des Alpes soit tout autre que celle de
la chaîne des Pyrénées, la géologie nous apprend qu'à l'époque gla-
ciaire une communication a dû s'établir pendant longtemps entre les deux
chaînes. Si donc cette jonction et les conditions actuelles du milieu peu-
vent expliquer les similitudes qu'on observe entre les deux flores, ce ne
serait qu'à l'histoire différente de la lutte pour l'exi'stence dans les Alpes
et dans les Pyrénées qu'on pourrait attribuer la cause des différences. On
comprend facilement, en effet, que les espèces qui avaient été repoussées
en dehors de l'extension des glaces ont dû, en remontant peu à peu sur
ces montagnes corrodées par les érosions glaciaires, se trouver placées
pour la lutte, de part et d'autre, dans des conditions différentes.
Si l'on consulte les documents paléontologiques, on voit d'ailleurs que
les formes végétales ont bien peu varié depuis l'époque glaciaire, et que
c'est surtout leur distribution qui a été profondément modifiée.
D'après ce qui vient d'être dit, il ne serait donc même pas nécessaire
de supposer qu'il s'est créé depuis l'époque glaciaire des espèces pyré-
néennes de premier ordre, ou des espèces nouvelles spéciales aux Alpes.
Tout en admettant qu'il a pu. se produire, depuis cette époque relative-
ment récente, des changements dans les formes ou les variétés, les
conditions dans lesquelles ont dû s'établir les deux flores suffisent pour
faire comprendre comment elles ont pu se distribuer d'une manière assez
différente dans deux milieux presque identiques.
406
BOTANIQUE
MM. COSTAIfTIÏ et DUFOÏÏR
Maître de Conférences Dirertenr-adjoint du Laboraloire de Biologie
à rÉcole Normale supérieure, à Paris. de Fontainebleau (1).
OBSERVATIONS SUR |,A MOLE, CHAMPIGNON PARASITE DU CHAMPIGNON DE COUCHE
— Séance du 16 seplemhre IS92 —
Dans les carrières des environs de Paris, où il est l'objet d'une culture
en grand, le champignon de couche est fréquemment attaqué par une
maladie à laquelle les champignonnistes donnent le nom de mo/Ie. Tel est
le nom que nous avons employé dans une Note présentée à l'Académie
des Sciences (2).
M. Prillieux (3) a fait remarquer, avec juste raison, que les champignons
attaqués ne sont pas mous, et il pense que l'orthographe véritable doit
être mole, faisant dériver ce nom du latin mole.s, masse, les échantillons
malades ayant souvent, comme nous le verrons plus loin, l'aspect d'une
masse informe.
Diverses recherches bibliographiques nous ont conduit à admettre
comme très vraisemblable cette étymologie, mais à écrire ce mot môle,
seul mot qui soit dans les dictionnaires i\).
La maladie peut affecter les champignons de deux façons bien différentes.
Dans un premier cas, le champignon n'est que peu altéré dans sa
forme; on y distingue bien différenciés, pied, chapeau et lames. Celles-ci,
cependant, au lieu d'être droites, sont irrégulièrement ondulées, et à leur
surface on voit des fdaments blanchâtres qui appartiennent au parasite.
Ajoutons que la déformation peut être plus grande ; par exemple, le cha-
peau est plus irrégulier et parfois développé d'un côté seulement; le
pied est généralement plus épais et plus court.
(1) Ce travail a été fait au Laboratoire des recherches de Botanique do l'Kcole Normale supérieure
et au Laboratoire de Biologie végétale de Fontainebleau.
(2) CosTAMn' et DrFoi R, La Molle, maladie du chfiinpignon de couclie (Comptes rendus do l'Aca-
démie des Sciences, séance du 29 février 1892).
(3) Prii.ueux, Champignons ds coaclm nUaques par le Mycogone rofsea. (Bulletin de la Société Myco-
logique de France, t. vJlL p. 24. Bull, de la Soc. hot. 1892, p. 1-'i6.)
(4) Chacun connaît le sens que possède ce mot quand il est masculin : un môle est une jetée cons-
truite à l'entrée d'un porl. Au féminin, il a plusieurs sens peu connus et tout à fait spéciaux. Un de
ces sens est le suivant : sorte de masse informe que rejettent parfois les femmes. C'est ce sens qui
rappelle le mieux certains échantillons malades dont nous allons parler.
COSTANTIN ET DUFOUR. — OBSEUVATIOXS SUR LA MOLE -407
L'éludo microscopique de ce parasite des feuillets montre que l'on a
affaire à un Verticillium. L'appareil fructifère est formé d'un filament
central qui porte des séries de rameaux secondaires disposés en verticilles
et formant à leur extrémité un capitule de spores. Ces spores sont inco-
lores, lisses, cylindriques, arrondies aux deux extrémités. Unicellulaires
quand elles sont jeunes, elles acquièrent tardivement une cloison trans-
versale. Attirons l'attention sur ce fait qu'elles sont assez grandes; elles
mesurent 8 à 20 \x sur 3 a à 3,5.
Telle est la forme fructifère qui se produit au début de la maladie.
Plus tard, à cette forme sporifère s'en vient joindre une seconde. Çà et
là, à l'extrémité des ramifications se forment des spores bicellulaires
sphériques, à membrane épaisse, brunâtre, hérissée de verrues. Cette
forme fructifère est un Mycogone. Elle apparaît en très grande abondance
sur le pied et le chapeau. La coexistence des deux sortes de spores sur des
filaments en continuité les uns avec les autres ne laisse aucun doute sur
l'identité spécifique de ces deux formes.
Mais la maladie présente souvent un tout autre aspect. Le champignon
est alors complètement déformé : le chapeau est à peine développé, le pied
a l'aspect d'une masse bosselée, irrégulière, les lames existent à peine,
et enfin, dans les cas extrêmes de déformation, aucune partie du champi-
gnon ne peut plus être distinguée; il ne reste plus qu'une masse assez
semblable extérieurement à un Scléroderme et à laquelle convient spécia-
lement le nom de môle.
Sur les échantillons de ce deuxième type la maladie se révèle par une
teinte gris rosé dans les endroits occupés par le parasite. Si l'on soumet
à l'examen microscopique la moisissure produisant ces résultats, on
reconnaît encore un Verticillium. Mais celui-ci ne ressemble pas au Verli-
cillmm dont il a été parlé plus haut. Ses filaments sont beaucoup plus
grêles, ses ramifications plus courtes, ses spores beaucoup plus petites et
toujours unicellulaires. Elles ne mesurent que 4 [j. sur 2 jx.
De plus, en général, avec cette forme, pas trace de Mjjcogone.
On pourrait inférer de là qu'il s'agit de deux champignons diffé-
rents, produisant des déformations différentes. Disons de suite qu'il
n'en est rien, (^cs deux formes sont, il est vrai, le plus souvent, entiè-
rement distinctes, de sorte que quand l'on rencontre l'une, l'autre
n'existe pas.
Cependant, sur un échantillon extrêmement déformé, qui présentait au
plus haut degré les caractères extérieurs de la seconde forme de la
maladie, nous avons constaté, en continuité certaine, les filaments de la
première forme et les filaments de la seconde. L'étude microscopique a
précisé ces données en montrant toutes les transitions possibles entre le
Verticillium à petites spores et le Verticillium à grandes spores, la coexis-
4-08 BOTANIQUE
lence de ces deux formes d'arbuscules fructifères partant de filaments
mycéliens communs, et en outre l'existence du Mycogone.
11 ne saurait donc y avoir de doute. Il nous est difficile de préciser
dans quelles conditions se constituent les diverses formes fructifères, mais
elles appartiennent à une môme espèce.
La forme la plus dangereuse est le Verticillium à petites spores : il
produit des déformations bien plus considérables et l'immense quantité
de ses spores en rend la propagation très rapide.
Quel nom donner au champignon qui produit la môle ? Les Mycogone
dont il se rapproche le plus sont les M. cervina et rosea. Plus voisin de
M. cervina par sa couleur fauve il en diffère par les dimensions de ses
spores ; le M, cervina, d'ailleurs, n'a jamais été observé que sur des
Discomycètes. D'autre part, le parasite dont nous nous occupons ne possède
ni des spores de même dimension, ni la même couleur que le M. rosea.
Ce champignon nous semble donc être une espèce distincte. On sait que
Tulasne a induit de ses recherches que certains Mycogone doivent être
des formes fructifères (chlamydospores) d'Ascom ycètes du genre Hypomyces.
M. Cornu a affirmé que le Mycogone rosea appartenait à un Melanospora.
M. Magnus(l), qui a observé ce parasite du PmlUota, a supposé qu'il
appartenait à un Hypomyces, qu'il a appelé H. perniciosus. Nous pouvons
donc le désigner sous le nom de J/j/co^o«ejoermc/osa, laissant complètement
ouverte la question de savoir s'il existe ou non un Hypomyces perniciosus.
Les diverses formes fructifères du M. perniciosa sont faciles à obtenir
en cultures artificielles, sur fragments de pommes de terre, de carottes,
de navets, de champignons de couche.
En semant le Verticillium à grandes spores ou le Mycogone, on repro-
duit cette forme associée au Mycogone ou bien le Mycogone seul. En
semant le Verlicillium à petites spores, on n'obtient que lui. Nous ne sommes
pas parvenus à trouver les conditions dans lesquelles apparaît telle ou
telle forme fructifère, soit dans les carrières, soit dans les cultures sur
milieux stérilisés.
L'aspect des cultures est très différent suivant les spores que l'on a
semées. Avec le Verticillium à petites spores, la culture est toujours blanche,
elle se présente comme un gazon touffu, dense, ou bien comme une
croûte mince, sèche, lisse d'abord, puis irrégulièrement plissée. Avec
le Mycogone ou le Verticillium à grandes spores, la culture, blanche au
début, prend une teinte fauve de plus en plus foncée, et elle est consti-
tuée par un feutrage beaucoup moins serré.
(1) Voir Versnininhtng deutscher Natiirforscher tit}d Aertze in Wie^hndeiu 18S7.
/
COSTANTIN ET DUFOl'R. — OBSERVATIONS SUR I.A MOLE 409
La môle est une cause de pertes très sérieuses, car elle existe chez tous
les champignonnistes. La valeur de la production annuelle des champi-
gnons dans les environs de Paris est d'une douzaine de millions. Or, la
récolte est diminuée d'un dixième à un quart environ par suite de cette
maladie; la perte subie est donc comprise entre un et trois millions. Et
encore nous ne parlons pas de grandes épidémies; on a vu parfois dans
des carrières entières, la récolte totalement perdue.
La môle se montre peu ou môme pas du tout dans une carrière nou-
vellement employée à la culture de champignons de couche; mais, au
bout d'un petit nombre de cultures, la maladie s'étend de plus en plus et
habituellement les champignonnistes finissent par abandonner pendant
plusieurs aimées les carrières où la maladie acquiert une trop grande
intensité. Après ce long intervalle, toutes les spores ayant sans doute péri,
la carrière devient de nouveau apte à fournir des récoltes rémunératrices.
Y aurait-il des moyens de combattre la maladie ? Nous avons essayé
une série d'antiseptiques pour voir quel effet ils auraient sur les spores
du champignon : le sulfate de cuivre, l'acide borique, le bisulfite de chaux,
le lysol, l'acide sulfureux.
Nous avons opéré de trois façons différentes : 1" par immersion; 2° par
pulvérisation; 3" par fumigation.
Méthode par immersion. — Une culture artificielle du champignon est
entièrement immergée dans le liquide antiseptique. Une précaution à
prendre dans ce cas est d'agiter la culture dans le liquide afin d'être bien
sûr qu'elle est intégralement mouillée. Il va sans dire qu'avant l'im-
mersion on a fait des semis témoins au moyen de cette culture afin de
s'assurer que les spores y étaient bien vivantes. Au bout de un, deux, trois
jours, on fait des semis de la culture immergée et l'on voit après com-
bien de temps d'immersion les spores sont tuées.
Ce procédé fournit des résultats intéressants. Voici quelques données
relatives à divers antiseptiques employés. Une inmiersion de vingt-quatre
heures dans l'acide borique à 2 et 3 0/0, dans le sulfate de cuivre à 2
et à 3 0/0 ne tue pas les spores, ni do Verlicillium, ni de Mi/cogone.
Une immersion de six jours dans l'acide borique à 3 0/0, dans le sulfate
de cuivre à 1, o 0/0 est également inefficace. Mais si l'on a employé une
solution de ce dernier sel à 2 ou à 3 0/0 on n'obtient plus aucun dévelop-
pement. Le lysol a été employé aux doses de 1/2, 1,2 et 4 0/0. Cet anti-
septique paraît plus énergique que les précédents, car des semis faits au
moyen de spores prises sur une culture immergée pendant quarante-huit
heures n'ont fourni aucun développement. Une solution, même très
étendue de lysol, 1/2 0/0, fait donc périr les spores.
410 BOTANIQUE
Méthode par pulvérisation. — Au moyen d'un pulvérisateur, on projette,
en très fines gouttelettes, le liquide expérimenté sur une culture. Le
liquide s'est évaporé au bout d'un certain temps; on fait, soit à ce mo-
ment, soit plus tard, des semis au moyen de la culture. Si l'on obtient
un développement, c'est qu'il reste des spores vivantes, que l'effet de
l'opération a été sinon nul, au moins incomplet. On refait une seconde
pulvérisation, puis un second semis. On voit alors si toutes les spores
ont, cette fois, été tuées. S'il n'en est pas ainsi, on refait une troisième
opération et ainsi de suite.
D'une façon générale, on peut dire qu'avec les liquides employés, l'effet
de ces pulvérisations est fort incomplet. Il est vraisemblable que le li-
quide s'évaporant assez vite, son action n'a qu'une durée trop courte
pour être meurtrière ; de plus, les cultures sont beaucoup moins impré-
gnées de liquide que quand on emploie la première méthode. Une
pulvérisation ne mouille pas nécessairement intégralement la culture.
Des spores échappent à l'antiseptique. Cependant cela ne veut pas dire
qu'une telle méthode ne puisse pas être utile : un grand nombre de
spores périssent et le développement du parasite est beaucoup entravé.
Nous avons obtenu de très bons rési^ltats à la suite d'une seule
pulvérisation au bisulfite de chaux (à l'état liquide et au degré de
concentration sous lequel on le rencontre chez les fabricants de produits
chimiques).
L'acide borique nous a, d'ailleurs, fourni des résultats nets. Après deux
pulvérisations d'acide borique à 2 et 3 0/0, on n'obtient pas de déve-
loppement. Dans ce cas, l'action de l'acide se combine avec la dessiccation
pour entraver le développement des spores.
. L'acide borique, par sa présence, doit empêcher la germination des
spores, car en semant des spores vivantes de Verticillium ou de Mi/cor/one
sur une pomme de terre plongeant par sa base dans une solution bori-
quée à 2 et 3 0/0, on n'obtient aucune trace de développement. En opé-
rant, au contraire, d'après ce procédé avec du sulfate de cuivre, on voit
les deux formes du parasite se développer très bien, au moins au sommet
de la pomme de terre, sur la partie la plus éloignée du liquide.
Par cette méthode, le lysol a fourni des résultats différents suivant le
degré de concentration de la solution. Deux pulvérisations successives au
lysol à 1 0/0 sont insullisantes pour tuer toutes les spores d'une culture.
Elles suffisent à 2 et 3 0/0.
Dans la pratique, il ne saurait être question d'immerger les meules;
l'opération est tout simplement impossible. Mais une ou deux pulvérisations
au lysol ou à l'acide borique, alors que la maladie commence à appa-
raître, avant qu'elle n'ait acquis un grand développement, rendraient
des services certains.
COSTAMTIN ET DUFOUR. — OBSERVATIONS SUR LA MOLE 411
3° Méthode par fumigations. — Un autre antiseptique employé a été
Vacirle sulfureux. L'action de cet acide est extrêmement énergique. Dans
une salle hermétiquement close d'environ 90 mètres cubes, nous avons
brûlé 30 grammes de soufre par mètre cube. Çà et là, dans la pièce,
étaient des tubes de culture, les uns ouverts, les autres restant fermés par
leurs tampons de coton. Au bout de vingt-quatre heures, la pièce a été
ouverte, et des semis ont été faits au moyen des tubes mis en expé-
rience. Toutes les spores avaient été tuées; aucun semis n'a fourni le cham-
pignon; et cela même pour les tubes restés bouchés au coton. Le gaz-
sulfureux pénètre donc avec la plus grande facilité dans ces tubes pour
y exercer son effet.
Ce résultat est très important, car les courants d'air qui se produisent
dans une carrière à cause de l'aération habituelle, du passage des ou-
vriers, etc., disséminent les spores de toutes parts, sur les parois de la car-
rière, par exemple. Plus tard, un autre courant d'air les fait tomber sur
la meule dont elles produisent la contamination. Les pulvérisations dont
nous avons parlé plus haut ne peuvent être faites sur toutes les parois
d'une carrière. Au contraire, le gaz sulfureux pénétrera avec la plus
grande facilité dans les moindres interstices où peuvent être logées des
spores et les détruira.
Mais l'emploi de cet acide ne peut être conseillé que dans des con-
ditions bien déterminées. On ne s'avisera évidemment pas de pro-
duire du gaz sulfureux dans une carrière en pleine production, où la
maladie commence à peine à se montrer; on obtiendrait comme ré-
sultat la destruction du champignon de couche.
Mais quand une épidémie est bien déclarée, que le champignonniste
est dans l'intention d'abandonner sa carrière pour un temps plus ou moins
long, alors qu'il emploie un remède radical, qu'il enlève tout ce qui a
servi à la culture, fumier, terre à gopter, etc., et qu'il purifie complète-
ment sa carrière par l'acide sulfureux. La dépense n'est pas bien grande ;
une fois l'opération terminée, l'aération chasse complètement le gaz, et
de suite on peut réutiliser cette carrière.
Quant au gaz, on le produira en brûlant du soufre.
Sur des plateaux de fonte, disposés de distance en distance, on place du
soufre de façon à en avoir environ 300 à 600 grammes par 10 mètres cubes;
on ajoute un peu d'alcool à ce soufre, et l'on allume d'abord, les plateaux
les plus rapprochés du fond de la carrière et successivement les autres, à
mesure que, pour sortir, l'on se rapproche de l'ouverture. Tout a été
préparé d'avance pour que la fermeture se fasse rapidement. Au bout do
vingt-quatre heures, quarante-huit au plus, l'opération est terminée. On
rouvre la carrière, on procède à l'aération, et quand l'odeur a totale-
ment disparu, la carrière est susceptible de servir de nouveau.
412 BOTANIQUE
Ajoutons que diverses précautions devraient être prises, d'une manière
constante, pour éviter les chances de dissémination des spores.
L'ouvrier chargé de ramasser les môles — et il devrait y en avoir un
chargé spécialement de cette fonction — devrait se laver les mains très
fréquemment avec de l'eau boriquée à 2 0/0 ou 3 0/0, avec du lysol à
1 0/0 ou avec du bisulfite de chaux. Les môles devraient être enlevées
immédiatement et ne jamais séjourner sur les meules ou dans les sen-
tiers de la carrière.
Les ouvriers qui entrent dans une carrière, que l'on commence à ex-
ploiter devraient avoir par-dessus leurs habits des vêtements de toile
sortant de chez le blanchisseur, des souliers ou des chaussons spéciaux
pour chaque carrière; les patrons devraient exiger d'eux le lavage de
leurs mains avec les solutions précédentes.
A l'aide de l'acide sulfureux qui purifiera la carrière, et à l'aide des
précautions précédentes qui réduiront d'une manière notable les causes
de contamination nouvelle, on diminuera certainement, dans une pro-
portion considérable, le nombre des champignons atteints par la maladie,
et par cela même, les pertes matérielles; les frais, relativement faibles,
occasionnés par l'emploi de l'acide sulfureux et des divers liquides indi-
qués précédemment, seront ainsi largement compensés.
M. Emile BELLOC
à Paris.
APERÇU GÉNÉRAL DE LA VÉGÉTATION LACUSTRE DANS LES PYRÉNÉES
— Séance du 17 septembre 1892 —
Malgré le noml»re relativement considérable do bassins lacustres ren-
fermés dans la chaîne des Pyrénées, les plantes, surtout les algues micros-
copiques, vivant au sein des eaux, ont été complètement négligées par les
botanistes qui ont décrit la flore de ce beau pays.
Il est vrai de dire que l'étude des lacs pyrénéens offre souvent des dif-
cnltés sérieuses, et qu'elle exige, de la part des observateurs, des aptitudes
physiques toutes particulières, la majeure partie des cuvettes lacustres étant
reléguées entre 1 .800 et "2.700 mètres d'altitude, dans des régions inhospita-
lières et par conséquent au-dessus de la zone habitée. De plus, un outillage
spécial, encombrant, dispendieux et fort difficile à transporter au milieu
É. BKLLUC. — LA VÉGÉTATION LACUSTRE DANS LES PYKÉNÉES 413
des vallées sauvages et désolées où ces lacs sont ouverts, est indispen-
sable à quiconque désire se livrer à l'étude de ces végétations aquatiques.
De nombreuses explorations personnelles, faites régulièrement chaque
année à travers ces montagnes, m'ont permis d'accumuler une foule de
documents précieux, dont le dépouillement a fourni les résultats que je
vais exposer dans ce mémoire.
Les lacs supérieurs renferment généralement un très petit nombre d'es-
pèces de plantes phanérogames. Celles que l'on rencontre le plus commu-
nément dans les eaux profondes des lacs granitiques appartiennent aux
genres Sparcjanium, Utricidaria, ou bien à la famille des Ranunculacées.
Les Muscinées semblent plus abondantes, les Characées ne s'élèvent guère
au-dessus de la zone moyenne, et ce sont les Spirogyvées, les Desmidiées,
et surtout les Diatomées qui fournissent l'appoint le plus considérable de
la flore lacustre ou marécageuse de la haute région pyrénéenne.
Parmi les phanérogames, certains groupes préfèrent la partie inférieure
de la chaîne ; je citerai : les Nymphéacées, les Myriophyllacées, les Pota-
mogétacées, les Juncacées, les Cyperacées ; et parmi les algues : les Con-
juguées, les Conf'ervacées, les Characées et les Diatomées.
Généralement un certain nombre de ces végétations émergent, en partie,
au-dessus des eaux, forment, dans la portion littorale des lacs inférieurs,
des zones bien délimitées, composées d'abord de Phragmites, puis ensuite
le Scirpus, auxquels succèdent souvent les Nymphéa, les Potamogeton,
et plus avant, en allant vers le centre de la nappe lacustre, les Myriophyl-
lum, les Chara et les Nitella, sur lesquels les Desmidiées et les Diatomées
vivent en abondance.
Lorsque les dépressions lacustres ont une faible profondeur et que leurs
pentes latérales sont peu inclinées et recouvertes d'une épaisse couche de
limon, il se forme autour des bords intérieurs de ces dépressions une
zone mal délimitée, périodiquement découverte ou recouverte par les
eaux, selon les saisons et l'abondance plus ou moins grande des préci-
pitations météoriques. Dans cette zone, les Carex croissent parfois en
très grand nombre, mélangés aux Sphagnum, aux Mousses aquatiques ei
à quelques autres plantes (1) que j'ai cru devoir également faire figurer
dans la liste ci-dessous, en ayant soin chaque fois de signaler leur habitat.
A l'inspection de ces végétations lacustres, énumérées plus loin, on est
frappé de la rareté, — dans nos montagnes, — de certaines espèces telles
(\) Quelques plantes phanérogames, lelles que lihamnus catharlicus |iar exemple, ne figurent ici
qu'à litre de simple renseignement; je les mentionne néanmoins puisqu'elles sont citées par cer-
tains auteurs, qui les ont recueillies, probablement, dans celle zone alteinativement découverte ou
submergée, dont il vient d'être question, ou bien dans le voisinage immédiat des lacs. Cette expli-
cation suffira, je pense, pour dégager ma responsabilité, car les botanistes les discerneront aisément
des plantes exclusivement aquatiques.
414 BOTANIQUE
que : Isoetes lacuslrk, hoetes Brochoni (Molelay), Isoetes echinospora,
Subularia aqualica, Pohjtrichum strictum et Dicranum Schmderi, rencon-
trées seulement jusqu'ici dans la partie orientale de la chaîne pyrénéenne,
sauf Vhoetes lacudris, accidenlellement signalé dans la vallée d'Aran.
La configuration topographique et la nature géologique du sol jouent un
très grand rôle dans la distribution géographique des plantes aquatiques.
La composition chimique et la transparence des eaux exercent une
action directe et très importante sur leur mode de reproduction, tandis
qu'elles paraissent être beaucoup moins sensibles à l'inlluence de l'al-
titude.
Pour fixer les idées sur l'ensemble de ces végétations, je vais énumérer
successivement les Phanérogames, les Cryptogames vasculaires, les Mus-
cinées et les Algues microscopiques, qui vivent au sein des lacs pyrénéens.
PHANÉROGAMES
RANUNCULACÉES (1)
nanunculus tricophyllus, Chaix. ) Ces trois espèces se rencontrent assez
— flamula, L. [ fréquemment sur les bords marécageux
— lingua, L. ) des étangs.
Caltha palustris, L. Commune dans les eaux peu profondes.
NYMPHÉACÉES
Nymphéa Alba,, L. ) ^^^^^^ j^^ j^^.^ ^^^.^ ^^^^ iuférieures.
Nuphar httcum, bni. )
— pumilum, Sm. l'eu commune.
CRUCU'ÈRES
Subularia aquafica, L. Estany Llarch (Pyr.-Or ).
Roripa nastartioides, Sp. Eaux peu profondes de la région inférieure et mojenne
DROCÉRACÉES
Drocera rolundifolia, L. Lac d"Oô. Lac Bleu (sur les bords).
RHAMiNACÉES
Rhamilus catharlicus, L. Le D'' Jeanbeniat cite cette espèce sans indicatiou
d'habitat. (Voir la note l, page 413. j
MYRIOPHYLLACÉES ("2)
Myriophylluin spicalum, L. Très abondante dans les pièces d'eau des vallées
inférieures et moyennes.
HIPPUaiCACÉES
Hippuris vulgaris, L. Étangs et mares des basses vallées.
(1) Le nom des espèces qui n'ont pas été recueilles par moi esl toujours suivi du nom de celui
qui le