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Full text of "Compte-rendu analytique. [Atti] [Verhandlungen]"

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University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/compterenduanaly1922sema 


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SEMAINE 
D'ETHNOLOGIE  RELIGIEUSE 


Tous  droits  de  traduction,  de  reproduction  et  d'adaptation  ! 

réservés  pour  tous  pays.  [ 


SEMAINE 
D'ETHXOLOGIE  RELKiIEl  SE 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


DE  LA 


IIP  SESSION 


tenue  à  TILBOURG,  (6»14  Sept.  1922) 


MAISON  St  AUGUSTIN 

7.  Rue  des  Augustins,   ENGHIEN 
belgique 


MISSIONSHAUSStGABRIEU 

MOEDLING  BEI  WIEN 

OESTERREICH 


1923 


F 


Lettre  de  Son  Eminence  le  Cardinal   MERCIER 

au    Secrétaire    adjoint 


Archevêché  de  Malines 


Le   20   février    1923. 


Mon  Révérend  Père, 


Ainsi  que  j'ai  déjà  eu  U  plaisir  de  vous  l'écrire,  je  vous  accorde  1res 
volontiers  le  «  Nihil  obstat  »  et  «  l'Imprimatur  »  pour  la  publication 
des  travaux  d' ethnologie  religieuse  présentés  à  la  Semaine   de    Tilbowg. 

Cette  publication  fera  honneur  à  l'association  scientifique  dont  le 
R.  P.  Schmidt  et  vous-même  êtes  l'âme  ;  elle  servira,  je  n'en  doute 
point,  les  intérêts  de  l'Eglise  et  de  l'apostolat  des  missions. 

Agréez,  je  vous  prie,  mon  Révérend  Père,  avec  l' expression  renouvelée 
de  mes  vœux  les  meilleurs,  l' assurance  de  mes  sentiments  tout  dévoués. 

t  D.  ].  Card.  MERCIER, 
Arch.    de   Malines. 


AVANT-PROPOS 


Après  une  iiil<'i'iu|»l  km  de  neuf  années,  occasionnée  par  la 
grande  guei'i'e  d  par  ses  suites,  la  Semaine  cl  Ethnologie  Reli- 
giexise  a  tenu  sa  HT  session,  du  6  au  l 'i  septembre  1922,  à 
'l'ilbourg    l'Hollande) . 

J^e  lecteur  sera  heureux  de  trouver  ici  quelques  détails  sur 
raccueil  quelle  a  reçu  dans  cette  ville,  une  vue  d'ensemble 
sur  ses  travaux,  quelques  mois  d'explication  sur  la  rédaction 
du  compte   rendu. 

I.  Le  Comité  iniei'national  n'eût  pas  choisi  l'un  des  ftays  de 
l'Europe  où  le  change  est  le  plus  élefvé,  si  des  offres  excep- 
tionnelles ne  lui  avaient  été  faites.  Or,  dès  1919,  des  rensei- 
gnements sûrs  lui  faisaient  espérer,  avec  des  subsides  suffl- 
sants  pour  couvrir  les  frais  généraux,  la  gratuité  complète 
du  séjour  pour  les  Semainiers  non-hollandais.  En  1921,  les 
conférenciers  étant  déjà  engagés  et  les  invitations  sur  le  point 
d'être  lancées,  des  grèves  et  la  gêne  extrême  du  commerce 
local  engagèrent  à  différer  d'une  année.  En  1922,  les  circons- 
tances semblèrent  plus  favorables.  Les  dispositions  générales 
furent  arrêtées,  d'accord  avec  son  Eminence  le  Cardinal 
.Mercier.  Au  début  de  juillet  —  un  peu  tard  en  somme  — 
la  session  fut  otïiciellement  annoncée.  Avec  un  admirable 
dévoûment,  le  H.  P.  Gbkrts,  M.  S.  C.,  secrétaire  régional,  M.  le 
Pasteur  Sa.nders,  curé  du  Sacré-Oœur,  M.  .J.  K.  Mergx,  président 
de  la  société  0ns  Brahant,  et  les  autres  membres  du  comité 
local  se  chargèrent  de-  tous  les  préparatifs.  Les  Tilbourgeois, 
fout  en  s'excusant  de  ne  pas  fêter  leurs  hôtes  comme  ils 
Teussent  fait  en  des  Iimi)|)s  plus  ju'ospères.  dépassèrent  toutes 
les  espérances. 

Plus  de  cent  cinquante  éfran.gers,  de  tous  pays,  se  présen- 
tèrent dans  les  jiremiers  jours  de  septeml^re.  Riches  ou 
pauvres,  tous  les  habitants  qui  furent  priés  de  les  héberger 
leur    ouviirent    leurs    demeures    et    les    admirent   à    leur    table 


8  AVANT-imOF'OS 

avec  une  cordialité  exquise,  nuancée  d'un  respect  touchant, 
quand  se  présentaient  chez  eux  des  prêtres,  des  religieux,  des 
missionnaires. 

De   généreuses    subventions   affluèrent. 

Le  10  septembre,  M.  le  bourgmestre,  Mr.  Vonk  de  Both. 
assisté  des  conseillers  municipaux,  recevait  offlciellement  les 
Semainiers  à  la  maison  de  ville,  Stadhuis,  et  les  conduisait 
ensuite  en  excursion  à  Oisterwijk  :  trente-sept  autos  de  luxe. 
se  suivant  à  cinquante  mètres,  défilèrent  au  grand  ébahisse- 
ment  des  gamins. 

Plusieurs  co!'[)orations  de  la  ville  tinrent  à  manifester  leur 
sympathie.  Ce  même  jour,  10  septembre,  les  deux  sociétés 
musicales  de  Dongen  et  de  Tilbourg  offrirent  un  concert  fort 
goûté.  Le  il  au  soir,  cent  vingt  choristes  des  Vereenigdp 
Zangers,  sous  la  direction  magistrale  de  M.  Jean  Van  Leelwkn. 
remplacèrent  opi»ortunément  un  conférencier  malade.  Le  13, 
M.  Van  Puye.nbroek.  président  de  l'administration  du  Sportpark, 
et  M.  le  Rév.  Dr.  Smits,  adviseur,  réunissaient  les  Congres- 
sistes pour  un   splendide  banquet. 

On  devine  qu'en  ces  circonstances  les  orateurs  de  la  Semaine 
ont  dû  plus  d'une  fois  exprimer  la  reconnaissance  de  tous  et 
qu'ils  ont  pu  donner  carrière  à  leur  éloquence,  sans  risquer  de 
dépasser  la  vérité  :  il  semble  difticile  de  porter  plus  loin  que 
la  noble  cité  la  charité  chrétienne  et  la  pratique  de  l'hospi- 
talité. 

n.  Les  conférences  de  la  Semaine,  qu'on  trouvera  plus  loin 
groupées  dans  un  tableau  d'ensemble,  comprenaient  deux 
séries  distinctes,  celles  du  soii-  destinées  au  grand  public, 
celles  du  jour,  d'un  caractère  plus  technique,  i-éservées  aux 
Semainiers. 

Les  trois  premieis  jours  ont  été  consacrés,  comme  par  le 
passé,  aux  questions  générales  d'introduction  ;  les  cinq  autres 
à  deux  questions  spéciales  :  le  sacrifice  chez  les  différents 
I)euples,  les  rites  d'initiation.  Il  a  paru  utile,  pour  ce  dernier 
sujet,  de  rapprocher  des  mystères  de  l'antiquité  classique, 
selon  la  méthode  inaugurée  par  le  P.  Lapitau,  les  cérémonies 
usitées  chez  les  non-civilisés  dans  leurs  initiations  tribales  ou 


AVANT-PROPOS  9 

dans  leurs  sociétés  secrètes.  Pour  éviter  les  redites  et  pour 
assurer  une  étude  plus  objective,  on  a  tenu  à  examiner  les 
mj'stères  de  Tantiquité  classique  chacun  à  part,  en  eux-mêmes, 
et  à  n"abordpr  qu'en  dernier  lieu,  dans  une  conférence  plus 
synthétique,  la  question  de  leurs  rapports  avec  le  Christia- 
nisme. 

La  Semaine  n'a  pas  à  apprécier  plle-m<Mne  la  valeur  scien- 
titique  de  ses  travaux  ;  mais  elle  est  heureuse  de  consigner  ici 
le  témoignage  d'encouragement  qui  lui  est  arrivé  du  Vatican. 

Le  6  septembre,  elle  adressait  à  son  Eminence  le  Cardinal 
Gasparri,   secrétaire  d'Etat,   le   télégramme   suivant    : 

Evéqiu  de  Bois-le-Duc,  Coiuitc  international,  conférenciers,  auditeurs 
Semaine  Ethnologie  Religieu.se  i)rie,it  resiiectueusement  Votre  Eminence  offrir 
!<aint  Père  homrnuf/e  piété  filialr  et  entièrr  ohéissancf.  Imytlorcnt  bénédiction 
apostolique. 

Sa   Sainteté  a  daigné  répondre  par  la  même  voie    : 

Saint  Père  très  sensible  filial  hommage  Semaine  Ethnologie  Religieuse, 
Tilburg,  forme  vœux  pour  que  travaux  contribuent  efficacement,  pur  diffusion 
et  plus  parfaite  connaissance  religion  catholique,  au  progrès  et  triomphe 
vérité  et  comme  gage  fm-eurs  dii-ines  accorde  de  tout  cœur  bénédiction 
opostoliqiic    implorée. 

III.  Le  présent  volume  offre  au  public  une  analyse  assez 
ample  des  conférences  techniques,  dans  Tordre  où  elles  furent 
données,  avec  une  bibliographie  sommaire. 

Pour  des  raisons  d'économie  et  bien  à  regret,  on  s'est  résolu 
à  omettre  les  sommaires  des  conférences  du  soir.  On  a  fait 
toutefois  exception  pour  celle  du  R.  P.  Sch.midt,  sur  «  les 
formes  sociales  des  cycles  culturels  o,  que  le  programme 
primitif  prévoyait  pour  la  première  après-midi,  et  pour  celle 
de  M,  l'abbé  J.  Bouyssonie,  sur  «  la  technique  des  fouilles  », 
en  raison  de  l'intérêt  pratique  qu'elle  présente.  On  trouvera 
la  première  à  sa  place  normale,  sous  le  numéro  2b,  la  seconde 
sous   le  numéro    13. 

On  n'a  pas  cru  devoir  résumer,  vu  leur  caractère  plus 
intime,  les  trois  séances  de  délibération,  c<  sur  les  travaux 
scientifiques  et  les  expéditions  à  entreprendre  ».  Il  suffit 
qu'elles  aient  fourni  au  groupe  laborieux  des  Semainiers  de 
très,  utiles   suggestions. 


10 


SIOLES 


Des  comptes  rendus  assez  détaillés  ont  paru,  durant  la  session,  dans 
De  Tijd,  De  Muashorl.e,  de  plus  sommaires  dans  Bet  Nieuwsblad  (avec  por- 
traits des  principaux  conférenciers),  TiJburgsche  Post,  la  Croix  de  Paris, 
Cech   de    Piague,    etc. 

Nombre  de  journaux  et  revues  ont  consacré  un  i)eu  plus  tard  à  la  Semaine 
des  articles  plus  ou  moins  étendus.  Signalons  spécialement  —  en  1922  : 
America,  t.  XXVII,  p.  597-598  ;  Anthropos,  t.  XVI-XVII,  p.  481-486  :  Ûiviltà 
rattolica,  t.  IV,  p.  188-190  ;  El  dehate  de  Madrid,  28  octobre  :  Deutsche 
ZrAtiing  d'Olmlitz,  16  septembre  ;  Egyhdzi  Ss&mle  de  Tlmisoara  (Rovmianie)? 
1).  153-154  ;  Etudes,  t.  CLXXIII,  p.  29-41  ;  KathoHschr  Kirchen-cAtunçi  de 
.Salzbourg-,  v.  294-297  ;  K.  I.  P.  A.  de  Fribourg,  25  septembre  ;  Nasinci- 
d'Olmtitz,  15  septembre  :  Nouvelle  revue  théoloyique,  t.  XL,TX,  p.  4  9  6-506  ; 
Revue  catholique  deS  idées  et  des  faits,  n"  25,  p.  12  .sq.  ;  n»  28,  p.  14  sq.  ; 
Revue  des  jeunes,  t.  Xil,  p,  4V-61  :  Volk  de  Jaegerndorf  (Silésie),  20  septem- 
bie  :  Revue  apologétique,  t.  XXXV,  p.  153-173  ;  —  en  1923  :  Casopis  Kato- 
lického  Duchovenstva,  t.  LXIV,  p.  28-35  :  Riizôn  y  Fe,  t.  XI^V,  p.  137-157  ; 
Jai  Scuola   cattoUca,  février,   p.    169-176... 

l^es  Secrétaires  remercient  MM.  les  Rédacteins  de  leur  bienveillance  envers 
la    Semaine    et    de    Toblig-eance    (lu'ils    ont    eue    de    tiansmettre    leurs    articles. 


Sigles  employés 


AL 

Anthr 
AO 
APs 
ARW 

BZ 

CRSER 


DAGR 

DAFC 

DTC 
ERE 


Ausfuhrliches  Lexicon  de 

ROSCHER 

Anthropos 
Der  dite  Orient 
Arctiives  de  psychologie 
Archiv  fiir   Religionswis- 

senschaft 
Biblische  Zeitschrift 
Compte  rendu  de  la   Se- 
maine d'Ethnologie  re- 
lig.,    le  session.    1913   ; 

Ile  sess.,  1914. 
Dictionn.    des    antiquités 

grecques  et  romaines  de 

Daremberq  et  Saqlio 
Dictionn.  apologétique  de 

la  foi  catholique  de  A. 

d'ALÈS 

Dictionn.  de  théol.  catho- 
lique de  Vacant-Manoenot 

Encyclopœdia  of  Religion 
and  Ethics  de  Hastings 


OLZ  Orientalistische  Literatur- 
zeitung 

RB  Revue  biblique 

RECAW  Real-Encyclopddie   der 
classischen   Altertums- 
wiss.  ■  de  Pauly-Wissowa 

RFA  Revue  pratique  d'apologé- 
tique(Rev.  apologétique, 
depuis  1921) 

REPT  Realencyclopddic  fur  pro- 
testant. Théologie  '  de 
Herzoq-H.^cck 

RHR  Revue  de  V  histoire  des  reli- 
gions 

RSR  Recherches  de  science  reli- 
gieuse 

RSPT  Revue  des  sciences  philo- 
sophiques et  théologi- 
ques 


DOCUMENTS 

I.  —  Organisation  et  But 
de   la  Semaine  d'Ethnologie   Religieuse 


I.  lUT.  I.a  Semaine  d'Ethnolugi''  lieligieuse  est  fondée, 
avant  lout,  {loiir  introduire  à  l'tUude  technique  et  objective 
des  religions  non-chrétiennes. 

iSecondairenient  et  parce  que  cette  utilité  suif  de  la  pre- 
mière, elle  pourra  aussi  assumer  toute  tâche  scientifique 
regardant  l'organisation  ou  ramélioration  de  l'étude  des  reli- 
gions  chez   les   catholiques. 

Enfin,  elle  sera  un  nioj^en  lout  naturel  poui'  les  savants 
catholiques  soccupant  de  ces  questions  d'échanger  leurs  vues 
et  de  lier  des  relations. 

Elle  ne  prendra  cependant  jias  la   l'orme  d'un  congrès. 

II.  TiTHE.  —  Elle  gardera  le  titre  qui  lui  a  été  donné  à  la 
première  heure  :  "  Semaine  d'Ethnologie  Religieuse  ».  Mais  ce 
titre,  conservé  pour  plus  de  brièveté  sur  les  documents 
oiTiciels.- pourra  être  complété  et  expliqué  par  le  sous-titre  : 
«   Cours  d'introduction   à  l'étudi^  des   religions    ». 

III.  l'esprit  de  la  Semaine  est  nettement  catholique.  Per- 
suadés que  la  st-ience,  loin  d'èti'e  par  elle-même  l'ennemie  de 
la  foi,  ne  peut  (juc  servir  sa  cause,  les  organisateurs  de  la 
Semaine  visent  à  faire  progresser  l'étude  des  religions  non- 
chrétiennes  pai'  un  emploi  loyal  et  consciencieux  des  méthodes 
critiques. 

L'orienlation  (les  travaux  est  d  restera  r'f'solumenf  scien- 
tifique. 

IV.  LES  AUDITEURS,   Conformément  au  but  visé,   seront    : 

\"  les  missionnaires  de   lout  ordre,  congrégation,  société  ; 
2"  les   membres   du   clergé   séculier   et   régulier  désireux  de 


12  STATUTS    DK    LA    SEMAINE 

s'initier  aux  mêmes  études,  dans  un  liut  scientifique  ou 
apologétique  : 

3"  les  laïques  ayant  achevé  leurs  études  générales  et  pou- 
vant trouver  une  utilité  certaine  à  ces  cours. 

Y.  LES  coMFÉRENf'.iERS  Seront  choisis,  par  les  secrétaires  et 
le  Comité  International,  parmi  les  savants  et  spécialistes 
catholiques  qui  voudront  bien  accepter  ce  rôle  et  faire  profiter 
ces  étudiants  délite  de  leur  savoir  et  de  leur  expérience 
technique. 

Ils  seront  indiqués  et  présentés  par  le  Comité  International 
et   seront   définitivement   arrêtés  par  les  Secrétaires. 

VI.  LA  FORME  sous  laquelle  se  donnera  cet  enseignement  sera 
celle  qui  est  usitée  pour  les  «  Cours  de  vacances  »  en  divers  pays. 

MI.  LE  CENTRE  cheisi,  lœuA-re  étant  internationale,  pourra  être 
une  quelconque  des  grandes  villes  d'Europe.  Cependant,  pour 
ses  débuts,  et  parce  qu'elle  y  a  trouvé,  à  sa  naissance,  une 
bienveillante  et  cordiale  hospitalité,  elle  se  tiendra  de  préfé- 
rence et  plus  souvent  à  Louvain,  ville  universitaire  et  de  facile 
accès,  rendez-vous  de  nombreux  missionnaires  étudiants.  Quel 
que  soit  d'ailleurs  le  lieu  où  elle  se  tienne,  la  Semaine  garde 
toujours  vis-là-vis  des  organisations  locales  sa  pleine  auto- 
nomie. Il  lui  suffit  de  trouver  favorables  les  autorités  ecclé- 
siastiques du  lieu  où  elle  tient  ses  réunions. 

VIII.  Il  ny  a  pas  de  langue  officielle  de  la  Semaine.  On 
pourra  y  faire  des  conférences  en  allemand,  en  anglais,  ou  en 
français.  On  invitera  cependant  les  conférenciers,  dans  un  but 
tout  pratique,  à  parler  de  préférence  celle  de  ces  trois  langues 
qui  sera  la  plus  répandue  dans  le  centre  choisi.  Le  choix  de 
cette  langue  privilégiée  peut  donc  varier  à  chaque  session. 

IX.  LA  DIRECTION  de  Tceuvre  est  assurée  par  un  comité  d'une 
quinzaine  de  membres.  Ce  comité  doit  être  autant  que  possible 
représentatif  des  différents  pays  et  des  principales  institutions 
qui  ont  intérêt  au  bon  fonctionnement  de  la  Semaine.  Dans 
l'intervalle  des  réunions,  la  direction  est  remise  à  un  ou  deux 
secrétaires  généraux,  assistés  d'un  secrétaire  régional  et  d'un 
trésorier.  La  présidence  d'honneur  du  Comité  International  est 
remise  à  S.  E.  le  Cardinal  Mercier,  qui  a  bien  voulu  prendre 
l'œuvre  sous  sa  protection. 


COMITÉ  1  3 

IL  - —  Comité  International 

Président  d'honneur  :  Son  Eiiiiip'nce  lo  Caidinal    Mercier. 

Secrétaire  général  :  Schmiut  (Le  R.  P.  W'.),  S.  V.  D.,  directeur 
de  la  revue  Anthropos.  Môdling.  près  Vienne,  Autriche. 

Secrétaire  adjoint  :  Pin.vrd  de  la  Boullaye  (Le  R.  P.  H.),  S.  J., 
prof,  de  théologie   au   Scohisticat   d'Enghien,  Belgique. 

Trésorier  :  Wyels  (M.  le  Chevalier  de  .  23  boulevard  de  Tirle- 
mont,  Louvain. 

Membres  du  Comité   : 

Casartelli    (S,  (j.   Mgr.  L.),  évêque  de   Salford,  Angleterre. 

Le  Roy  (S.  G.  Mgr.  A.),  (H'êque  de  Carie,  suj)érieur  général  de 
la  Congrégation  du  St-Esprit,  30    rue  Lhomond,  Paris  (IT). 

Ladeuzb   (Mgr.   P.),  recteur  magnifique  de   lUniv.  de  Louvain. 

Bros   (M.  le  Chan.  A.  ,  super,  de   TEcole  Saint-Aspais,   Melun. 

Ehrlich  (M.  le  Dr.  L.),  prof,  à  lUniv.  de  Ljubljana,  Yougo- 
slavie. 

Gannon  (Le  R.  P.  J.i,  S.  J..  prof,  de  théologie,  Miltown  Park, 
Dublin. 

Geerts  (Le  R.  P.  G.),  M.  S.  G.,  .'supérieur  du  Scolasticat, 
Missiehuis,  Stein.  Hollande. 

Gemelli  (Le  R.  P.  A.),  O.  F.  M.,  recteur  magnifique  de  l'Uni- 
versité  du   Sacré-Cœur.    Milan. 

Grandmaisgn  (Le  R.  P.  L.  de),  S.  J.,  ancien  directeur  des  Etudes. 
directeur   des   Recherches  de   science   religieuse.    Paris. 

JoNGHE   (M.  E.  de),   prof,  d'ethnologie  à  IT'niv.  de  Louvain. 

JuNKER   (M.  le  Dr.  H.),  prof,  à  l'Université  de  Vienne. 

Lemonnyer  (Le  R.  P.  A.),  O.  P.,  régent  des  études  au  Collège 
théologique  du  Saulchoir,   Kain-lez-Tournai.   Belgique. 

Mortier  (Le  R.  P.  F.),  vice-supérieur  général  des  Mission- 
naires  de   Scheut. 

SCHRI.JNEN  (iM,  le  Dr.  J,),  prof,  de  linguistique  et  d'archéologie 
chrétienne   à  l'Université   dTTtrecht. 

Van  Crombrucjohe  (M.  le  Chanoine  C),  prof,  de  dogmatique 
générale  et   d'histoire  des  religions  à  l'Univ.  de  Louvain. 

'WuNDERLE   (M.  le  Dr.  G.),  prof,  à  lUniv.  de  Wurzbourg. 


Tableau  synoptique 


Partie    Générale 


Méthode,  Linguistique,  Sociologie.  Psychologie,  Préhistoire 


Mercredi  6  Sept. 


Jeudi  7  Sept. 


Vendredi  8  Sept. 


Le  Sacrifice 
des  peuples  incultes 


Samedi  9  Sept. 


8  h.  Messe  du  Saint- 
Esprit 

Discours  d'ouverture 

P.SchmidtS.V.D. 
P.  Pinard  S.  J. 


6) 

Culture  et  religion  des 
Indo-Européens 

Prof.    Ca/nop. 


10) 

Méthodes   de  la  psy- 
chologie religieuse 

P.  Pinard  S.  ]. 


14) 

Notions  génér  sur  le 
sacrifice  dans  les 
cycles  culturels. 

P.SchmidtS.V.D. 


2a)  j    7a) 

Tâches  anciennes    et 


nouvelles  de  la  Se- 
maine 


La  méthode  de  l'Ecole 
Sociologique 


11) 

Etudes    psychologi- 
ques sur  la  prière 


15) 


Die  Psychologie 
des  Opfers 


P.  Schmidt  S.  V.D.     Chanoine  Bros. 


P.  CemelliO.F.M.  ;,  Prof.   Wunderle. 


1 


3) 

La  méthode  hlsto- 
rlco-culturelle 


8) 

La  religion    des    an- 
ciens Basques 


Délibération  sur  les 
travaux  scientifiques 
à  entreprendre. 


P.   Pinard  S.   J.  Prof.  de  Batandiaran 


Continuation  de  la 
délibération  sur  les 
travaux  et  les  ex- 
péditions à  entre- 
prendre 


4) 

Wirtschaftsformen 

und  ethnologlsche 

KuUurkreise 

P.KoppersS.V.D. 


9) 

Afrika,  Vorderasien 
und  die  frUheste 
Vorgeschichte 

Dr.  A.  Drexel. 


12) 

Pràhistorische   Ar- 
chàologie  und 
kulturhistorlsche 
Méthode 

Prof.  Menghin. 


16) 

Das  Opfer  und  sein 
Formen  in  Afrika 

P.  Scheheila  S.  V.  D 


5) 

La   méthode  philo- 
logique 

P.  Pinard  S.  J. 


7b) 

La    religion    d'après 
l'École  Sociologique 


Délibération  sur  les 
recherches  et  les 
expéditions  à  faire 


Ch 


anoine  Bros 


17) 

Le  sacrifice  dans 
l'Inde  et  chez  les 
Indo-Européens 

Prof.  Carno^. 


I 


Ce  que  les  mission- 
naires ont  fait  pour 
l'histoire  des  reli- 
gions 

P.  Brou  S.  J. 


Gezlnsleven  en 
Chrlstendom 

Prof.  Schrijnen. 


13) 

Les  fouilles  préhisto 
riques  et  leur  tech- 1 
nique 

4bbé  J.  Bow^ssonie 


Met  offer  op  de  K( 
eilanden  iNed.IndI 


P.    Viesen  M.S.i 


Les  numéros    inscrits  à  gauche  des  cadres  indiquent  Tordre  des   conférences  dans    le    Compte   Rent 
2b  et  7b  suivant  2a  et  7a. 

Les  conférences  du  soir,  destinées  au  grand  public,  ne  sont  pas  publiées,  à  l'exception  de  2b  et   13. 


des  conférences  de  la  IIP  session 


Far  tie  Spéciale 

Le  Sacrifice 
des  peuples  antiques 

Initiation,  Sociétés 

secrètes  des  peuples 

incultes 

Mystères  des  peuples 
antiques 

Lundi  11  Sept. 

Mardi  12  Sept.            Mercredi  13  Sept 

Jeudi  14  Sept. 

- 

18) 

Das     Opfer    in     der 
Religion    der     Su- 
mero-AI<l<ader 

Prof.  Hehn. 

23) 

Initiation     tribale    et 
sociétés  secrètes  ; 
notions  générales 

P.SchimdlS.V.D. 

28) 

Mystères      astrono  ■ 
mico  -  relig.    dans 
l'Amérique  Centr. 

P.  Kreichgauer 
S.  V.  D. 

33) 

Les  mystères  païens 
et  le  mystère  chré- 
tien 

P.    de    Crandmai- 
son  S.  J. 

1 

19) 

Le  sacrifice  chez  les 
Hébreux 

Prof.  Sanda. 

24) 

Les  sociétés  secrètes 
en  Afrique 

Prof,  de  Jonghe. 

29) 

Die    Mysterien    des 
Osiris 

Prof.   Juniper. 

34) 

Discours  d'adieu 

P.SchmidtS.V.D. 
P.  Pinard  S.  J. 

20) 

Das  Opfer  bel  den 
Arabern 

Prof.  Klameth. 

25) 

Tribal  Initiation  and 
Secret  Societies  in 
Australla 

Prof.  Ehrltch. 

• 

30) 

Mystères  de  Mithra 
Prof  Van  Crombrugghe 

* 

Salut  solennel 

de 

clôture 

3 

• 

21) 

Opferriten    der   grle 
chischen   und    rô- 
mischen  Kulte 

Dr.  Andres. 

26) 

Die  Inglet-Mysterien 
auf  Ncupommern 

(Stidsee) 

P    Winlhuh  M.S.C. 

31) 

Mystères  d'Eleusis 

Prof.  .De   Caluwe. 

r 

22) 

La  religion   et  l'Etre 
suprême  chez   les 
Yagans  (Amérique 
mérid.) 

P.KoppcrsS.V.D. 

27) 

Sociétés  secrètes  des 
Marlnd  (Nouv.  Qui 
née  Néerlandaise) 

P.   Vkgtn  M.S.C. 

32) 

Mystères  d'Adonis 
et  d'Attls 

P.  Duhr  S.   J. 

\ 

4 

0 

D) 

E) 

Initiation    tribale    et 
société  secrète  chez 
les  Fuéglens 

P.KoppersS.y.D. 

2b) 

Die  sozialen  Formen 
der  einzelnen  Kul- 
turkreise 

P.SchmidtS.V.D. 

F) 

La    vie    du  mission- 
naire à  l'Alaska 

P.  Bernard  S.  J. 

Les  conférences   13,  E.  F   étaient  illustrées   de   projections.  —    D,    omise  en  raison    de   l'indisposition  du 
iférencier,   tut  remplacée  par  une  audition  musicale.  ^ 


16  SKMAIMERS 


IV.         Noms  et  adresses  des  Semainiers 


Une  pensée  de  reconnaissMnce  a  suggéré  de  joindre  an  nom  des  Semainiers 
le  nom  et  l'adresse  des  habitants  de  Tilbourg-  qui  leur  ont  accordé  une  si 
grénéreuse    hospitalité.    Ils    sont    indiqués    ici    entre    [        ]. 


Ahais  iLe  R.  P.  Dr.  H.),  Supérieur  des  missionn.  de  Mill  Hill, 
St.  Jozef-iStudiehuis.   Tongerl.   Hoefslraat    175.   Tilbourg. 

Altemoeller  (Le  R.  P.  Mathias),  S.  Y.  D.,  St.  Gabriel-Modling. 
près  Vienne,  Autriche.[M'  Veuve  Arnold,  Willem-II-straat] . 

Andres  (M.  le  Dr.  P'riedrich) ,  Privatdocent  à  lUniv.,  Kônig- 
strasse  72,  Bonn    .M.  C.  Van  Wezbl,   Bredascheweg] . 

AxTONOwicz  (M.  le  Dr.  Ignatiu-s;,  Salesianum,  Oswiecim,  Po- 
logne   [M.  J.   Pruimboom,  -Korvelscheweg   2011. 

Arts  (Le  R.  P.  Guillaume),  M.  S.  C.  Missiehuis,  Velperweg  96, 
Arnhem    -Missiehuis,   Bredascheweg   2041. 

AuzMENDi  (Le  R.  P.  Leandro),  O.  S.  B.,  Couvent  de  Lazcano, 
Espagne  ^M.  J.  Hamers,  Heuvelstraat   105]. 

Barac  (:M.  le  Dr.)  François},  prof,  à  lUniv.  de  Zagreb.  Yougo- 
slavie     yi'  Veuve   Dr.   Eigenraam,   Zwijsenstraat    24]. 

Barandiarax  (Don  J.  Miguel  de).  Seminario  Conciliai-.  Vitoria 
[Dr.  G.  E.  P.  Van  Hegk,  curé  de  St.  Denis,  Zwijsenstraat  .3]. 

Bartholomels  (Le  R.  P."».  O.  M.  C.  Langeweg,  Hollande  [Capu- 
cijnenklooster,  Korvelscheweg] . 

Bauten    (Le  R.  P.),  S.  Y.  D..  Missiehuis,   Helvoirt,   Hollande. 

Bayer  Le  R.  P.  Aegydius),  can.  reg.  S.  Aug.,  Prof.  Stift 
Kloslerneuburg,  Autriche  iM.  L.  BERiiMANS-MARSÉ.  Lange- 
straat  57]. 

Becker  (Le  R.  P.  Robert),  O.  M.  L.  Bonifatiusklooster.  Hûnt'eld 
bei   Fulda    FFranciscanessenklooster.   Zwijsenstraat    201. 

Bernard  (Le  R.  P.  Joseph),  S.  J.,  35  rue  Voltaire,  Lille.  France 
[M.     Th.    Schots-Schoenmakers,    Wilhelminapark    12]. 

Bordes    (Le  R.  P.),  S.  Y.  D.,   Missiehuis.   Helvoirt,   Hollande. 

Bouwman  (Le  R.  P.  Jucundus),  O.  F.  M.,  professeur.  Heerlen. 
Hollande. 

BouYSSONiE  (M.  l'abbé  Jean),  prof,  à  lEcole  Bossuet,  Lacabane 


ADRESSES     DES    SEMAINIERS  17 

près   Cublao,    Corrèze,    Fiance    [M.   Fr.    Mutsaers-Kerstexs. 

Poststraat  31]. 
Brandt    (Le  R.  P.  Joseph  de),  C.  SS.  R.,   03  rue  de  Tirleinont. 

Louvain    [Moederhuis,   Ouden  Dijk]. 
BrelhvER   (M.  Alexandre),  prof,  au  lycée  cathol.,  Tilbouj-g. 
Broering    (Le    R.    P.    Th-J'odore),    S.   V.    D.,    Missiehuis,    Steyl, 

Hollande    ]M.  Yan  Vechel.   \\'ilhelni-II-straat   03]. 
Bros  (M.  le  Chanoine  A.),  Super,  de  l'Ecole  St.-Aspais,  30  rue 

St. -Barthélémy,    Melun,    France    ]-AI.    \V.    Goyarts-Jaxssen's. 

Spoorlaan] . 
Brou    (Le   R.   P.   Ale.xandre),    S.   J.,    Hale's    Place,    Canlcrhiuy. 

England    [Moederhuis,  Ouden  Dijkj. 
Brouwer   (Le  R.  P.  Corn.  P.  dej,  miss,  de  Scheut,  Scheut  |irè.s 

Bruxplles    [Bredascheweg  292]. 
Broiwer   (Le  R.  P.  Dr.  P.  C.  de),  prof,  au  lycée  cathol.,  Bie- 

dascheweg   292,    Tilbourg. 
Brouwer    tLe   R.   P.   Dr.   H.   de),   prof,   au   lycée   cathol..   Bre- 
dascheweg  292,    Tilbourg. 
Brunner  (Le  R.  P.  Augustin),  S.  J.,  Ignatiuskolleg,  Valkenburg. 

Hollande    [F'ratershuis,    Gasthuisstraat    68]. 

Calewaert   (M.  l'abbé  Charles),  Collège  du  St-Esprit,  Louvain 

'Cenakel,  Koningshoeven] . 
Capart    (>L  Jean),   prof,  à  TUniv.  de  Liège,   conservateur  des 

Musées  Royaux,  8    Avenue  R.  Van  den  Driesscli.e,  Bruxelles. 
Carnoy    (M.  Albert),   prof,  à  lUniv.,   Sperrenhof,  Corbeek-Loo, 

Louvain   [M"*  J.  Pollkt,  Noordstraat   36]. 
Cerfaux   (M.  le  Chanoine  Louis  i.  prof,  au  Grand  Séminaire  de 

Tournai    [M.  J.  A.  Van  Iersel,   Hoefstraat] . 
COPPEXS    (M.    Tabbé    Joseph),    Collège     du    St-Esprit.    Louvain 

[M.  B.  de  Brouwer,  Tuinstraat  58]. 
CoRXELissEX    (M.  labbé  Fr.  J.  J.),  (Toirkestraat,  Tilbourg. 

De    C.aluwe    (M.    Tabbé     Joseph),    prof,    au     Séminaire    Saint- 
Nicolas.  Waes,  Belgique    [Cenakel,  Koningshoeven]. 

Del.vlle   (M.  le  Dr.  Johann),  Vicaire  de  la  cathédrale  de  Spa- 
lato,  Yougoslavie    [M.  J.  C.  Claesen,   Hoefstraat   196]. 

Delmutte  (M.  l'abbé  L.),  Collège  N.-D.  de  la  Tombe,  Kain-lez- 
Tournai    [M.  J.   M.  Van  Osterhout,   Poststraat    12]. 

1 


18  ADRESSES    DES  SEMAINIERS 

Dbscamps   I  m.  )p  liaron),  prof,  à  l'Univ.  de  Louvain.   159  Avpnue 

Louise.    Bruxelles      M.  Fr.    .Mitsaerts,   Spoorlaan    i:î8]. 
DiTTRiCH  (M.  le  Di'.  Adalberi;,  Religionsprof.,  Kriehnborggasse. 

12-10.  Wien   V   M.  J.  Van  Ol'denhoven.  Koverplein   20]. 
DouTRELiGNE    (M.  1  abbé   Denis),   des   Miss.   Etrangères,   rue   du 

Bac.   Paris      M.  J.   C.  Schellens,   Bredascheweg    47]. 
Drexel      .m.   le   Dr.  Albert),   Batschuns-Post   Sulz.    Vorarlberg. 

Autriche    [M.    H.   Van  Den   Iîiîekki..    Piussiraai    hook    Hemol- 

straat] . 
Duhr    (De  R.   P.  Joseph),  S.  J..  7   rue  des  Augustins.   Rnghien. 

Belgicpie    [M.   le  Recteur  J.   D.   Klijn,   Zwijsenstraat   17]. 
Dunne    [Le   R.   P.   Pierre),   S.   J..   Iniv.   of   Santa   Clara,    Santa 

Clara,    California.    U.    S.    A.      SI.    .Jnzef-Studiehuis,    Tongerl. 

Hoefstraat     175]. 
Dupont   (Le  R.  P.  François),  S.  J.,  7,   rue  des  Augustins.  En- 

ghien.   Belgique      Fratershuis.   Gapucijnenstraat,  70]. 

ECKERT    (M.    Paul),    Alexanderstrasse    36,    Bie.slau     [M"    Veuve 

WiLLEKENs,   St.   Jozefstraat    123]. 
Ehri.ich      m.    le    Dr.    Lambert),    proL    à    lUniv.    de    Ljubijana. 

Yougoslavie    [M.  le  Dr.  K.  Deelen,  Stationsstraat    22]. 
Engert    (M.   le   Dr.   .Joseph),    prof.,    (labelsbergstrasse    1.    Dii- 

lingen,    Bavière    [M.   L.   Kerssemaekers,    Langestiaat    26]. 
Eras   (Mgr.  Bernard),  de  la  Commises,  de  la  Propag.  de  la  Foi. 

Rome    [M'.  L.  de  Beer-Eras,  Wilhelminapark]. 
Eymieu    (Le  R.  P.  Antonin),  S.  J.,   41    rue   Marengo,   Marseille. 

France     M.  \V.  Broens.  Willem-IT-straat   8]. 

Fallhabei\    :M.  le  Dr.  Ludwig) ,  privatdocent.  Wûrzbui'g   TM.  F. 

Van  Nunen-Van  Eyck.  Pleinstraat  4]. 
Feltci.'VNUS    (Le   R.    P.   .    O.    M.    C,    Capucijnenklnoster,    Korvel. 

Tilbourg. 
Fischer  (Le  R.  P.  ,  O.  S.  B..  St.  Ottilien.  Bavière   ^m..  J.  Ci.aes- 

SEN.  Hoefstraat   190]. 
FiSH     '  Rev.    Thomas),    St.    Edmund's    Houso.    Cambiidae      si. 

Jozef-Studiehuis.    Tongerl.   Hoefstraat    175]. 
FOLTIN     ij,e    Rév.  ,     (iymnasialdirector     i.     R..     Ilotn.     Xiedei- 

Oesterreicli   [M.  J.  Passier,  Koestraat   45]. 


ADRESSES    DES   SEMAINIERS  19 

Fontaine    (,M.    l'abbé    Charles),    préfet    de     lEcole    St-Aspais. 

Melun.  France    ^M.  J.  Dijkmaxs,   Spoorlaan  90]. 
Frank   (Le  R.  P.  Richard),  M.  S.  C,   Missionshaus,  Oevontroit, 

Ainsberg  i.  W.    i  Missiehuis.  Bredascheweg   204]. 

Gahs    (.m.  le  Dr.  Alexander   ,  Zagreb,  Yougoslavie    [M.  J.  Ver- 

^  ooRT,   Heuvelsiraat   5]. 
Geeraerts    (Le   R.  P.  Xavier),   M.  A.,   Séminaire   de  Bouchout- 

lez-Anvers.  Belgique  [M.  F.  Teurlings,  Herstalschestraat  2]. 
(iRERTH   (Le  R.  P.  Dr.  Guillaume),  :\I.  S.  C,  Supérieur  du  Sco- 

lasticat    de    Stein,    Liml)ourg,     Hollande    [Missiehuis,     Bre- 
dascheweg  204]. 
(iEMELLi    (Le    R.    P.   Agostino),    O.    F.    M.,    Recleur    magnifique 

de  rUniv.  du  Sacré-Cœur,  Via  S.  Agnese  4.  Milan   [M.  Blom- 

jous-Kolkman,   Heuvel   14]. 
Gkmmel  (Le  R.  P.  Jacob),  S.  J.,  Jesuitenplatz  4.  Coblenz  a.  Rh. 

[M.  A.  de  Visser,  Diepenstraat   2]. 
Gervasius    (Le  R.  P.),  O.  M.  C,  prof.  d'Ecriture  Sainte,  Bois- 

le-Duc,   Hollande    :  Capucijnenklooster,   Korvelscheweg] . 
GoFFOEL   (M.  labbé  Maurice),   134    rue  Verte,  Bruxelles    [M.  H. 

SiTEUR,  Telefoonstraat  4]. 
GoLDSCHMiDT     M.  .Johannes).  Praeses  des  CoUegium  Thomeum, 

Kempen  a.  Rh.   ]M.  L.  Van  D.  Schoot,  Tuinstraat  78]. 
GoossENs    (M.  le  Dr.  'l'h.),  Rector  R.  K.  Leergangen,  Tilbourg. 
GousiE    (Le   R.   P.  Eugène),   S.  J.,   Coll.  de   Tlmm.   Conception, 

Montréal.    Canada     ;St.    .Jozef-iStudiehuis,     Tongerl.     Hoef- 

straat    175]. 
Grandmaison  (Le  R.  P.  Léonce  de),  S.  J.,  5  place  du  Président- 

Mithouard,  Paris.  VIP   'M.  .T.  Sanders,  curé  du  Sacré-Cœur, 

Noordhoeck]. 
Gysen    (Le   R.  P.),   C.  S.  Sp.,  Orphelinat  de  'Weelde,  Belgique. 

Habeht    (M.  l'abbé  Onésime),  prof,  de  philos,  à  lEcole  Saint- 

Aspais,     36      rue     St. -Barthélémy.     Melun.     France    [M.    A. 

Raaijmakers-Willemh.   Vincentiusstraat  2]. 
Habes    (Le  R.  P.  Joseph),  S.  J.,   Institut  Pontif.  SS.  Cyrille  et 

Méthode,  Velehrad,  l'chécoslovaquie   ■  Fratershuis.  Anlonius- 

straat  3]. 
H.\DLER    (Le  R.   P.   Hermann),   O.  S.  B..   prof..  Admont    (Stiff». 

Steiermark,   Oesterreich    [M.  J.   de    Low.    Markt    23]. 


20  ADP.ESSES    DK8    SEMAINIKOS 

Hakckel   ^Le  R.  P.)..  O.  r<.  B..  St.  0!tilipn,  Bavière    ^M.  .T.  Clvk- 

SKN.  Hoefstraat  196J. 
Ha.nus    ,Mgr.   Dr.   Joseph).    Uradcaiiy,    Prague    IV-58,    Tchéco- 

.'^lovaquie      .M.   le    Dr.    Th.   Verhoeven,    Xionwlandstraat    34]. 
H.wRRS      M.    le    Dr.    WilliPlm),    ])i'of.    à    ITniver.s...    Bisniai-ck- 

.strai^.se   14.  Wiirzburg. 
Hbhn    (M.    1p    Dr.   .Joseph),    piTif.    à    l'Univers.,    Sanderring    22. 

Wûrzburg  [W  Veuve  W.  Van  Arendoxk,  Goirlescheweg   19]. 
Hendrikcs    I  Le   R.    P.   .Toseph   .    S.   V.   D.,    ^lissiphuis,    Helvoirt. 

Hollande. 
Hendhiks    (Le  R.  P.  Auguste),  M.  S.  C.   Missifhuis.  Vclperweg 

96.  Arnhem.  Hollande   ]Missiehuis.  Bredasoheweg  204]. 
Hetényi      m.     le     Dr.     Julius   .    prof..    Egér,     Ungarn    'M.     Th. 

Kerstens-Swagemakeks.    Heuvel    95»]. 
HocEDEz   'Le  R.  P.  Edgai', ,  S.  .L,  11  rue  des  Réeollets.  Louvain 

..M.  .J.   Kehstexs,   SL  Jozefsiraat    124]. 
Hoss   uM.  le  Dr.  Joseph),  prof,  à  Veszpi'éni,  Ungarn      .M.  Llij- 

TEN-KuiPERS,  Willem-II-straat   78]. 

Irero    {l,e    R.    P.   .José),    S.-  J.,    Ona,    Burgos,   Espagne      .M.    P. 

ZERREos-^'A^   OosTERHOiT.  BredaschewBg  241]. 
Iiu.NYï      M.    et    M"    Uugen     von'.    Vienne    [M.    E.    Van    Dooren- 

H ERMANs.  Korvel] . 
Irsiegler   (M.  le  Dr.),  prof.,  Wiener  Xeustadt,  Autriche    [M.  N. 

Aelen-Claes.sexs,  Noordstraat  80]. 

Jansen      Le    R.    P.),    O.    P.,    Huisscn.     ])rès     Arnhem,    Hollande 

)Genakel.   Koningshoeven] . 
Janssbx   (Le  R.  P.  Hermann).  O.  M.  !..  BonifaI  iusklosler,  Hun- 

feld  bei  Fulda    )Fi'anciscanessenklooster,  Zwijsenstraat  20]. 
Janssen    (M.    J.  .     Lazariste,     Missiehuis,     Helden-Panningen. 

Linihouig.    Hollande. 
Jo-NGHE      M.    Kd.    de),^J0f.    à    l'Univ.    de    Louvain,    28    Avenuo 

Long(hanij)S.   Ucele,   Bruxelles. 
Ju.NKER      M.   le    Dr.   Hermann),    prof,   à    l'Université   de   Vienne 

[^I.  A.  Aelex-Raaymakers,  Noordstraat   151. 

Kammels   (Le  R.  P.  :\rallhias:,  S.  V.  D..   .Missiphnis,  Totorinuon, 
Hollando. 


"     ADRIÎHHES    DES    SEMAINIERS  21 

KappEiNBEHg   (Le  a.  P.  Dr.  Aloys).  8.  V.  D.,  St.  Gabi-iel-.Modling. 

bei   Wien    [M.  J.   Bua.nds-Koenders,   Koestraat    143]. 
KiRGHEU   (Le  11.   P.  Aemilius),  S.  J.,  Ignatiuskolleg,  ValkenbuPK. 

Hollande      l-'iatershuis,    Cia.sthuisstraat    08]. 
Kl.var   iLe  H.  P.  Conrad),  S.  V.  D..  Priises  Maria  Hilf,  Steinhau- 

seiuZug),  Suisse  [M.  H.  Boelaers-Rottier,  Zomersiraal  42]. 
Klameth      m.    le   Dr.   Gustav),    prof,   à   IL  niv.,   Henderg^asse    2, 

OlniiUz,    'rcliéeoslovaquie     M.      Bouwmbster.      Wilhelmina- 

])ark    35]. 
KoELMAN    (M"''    -Maryaret),   Baan   3%   Haarlem.    Hollande, 
Kuppers   (Le  R.  P.  Willielm),,  S.  V.  D..  St.  Gabriel-.Môdling.  bei 

Wien   [M'  Veuve  Pessehs-Verbunt.  Williolminapark   11]. 
KuwALSKi    (Le  R.  P.  Seweryn   ,  Prof,  (iymnasium,  Skarbowa   5, 

Poznan,  Pologne   ]^r.  Schyns.  Wilhelniinapark  3 'i  ] . 
Ko\v.\NUA    (Le    Rév.    Wilhelm    .    Koitiieratoi'.    Heldeuplatz.    Wien 

iM"'"   ZE(iEUs.  «St.   Jozefslraat    37]. 
Kraus     Le  R.  P.  J.-B.;,  S.  J.,  IgnatiuskoUeg,  Valkenburg,  Hol- 

land      M.   Aerheyen,   Lange   Nieuwstraat    03]. 
KnEiCHdAUER   ^Le  R.  p.  D.,  .  S.  V.  D..  St.  Midiael.  Steyj,   Hid lande 

[M.    Th.    V.\N    Kerkoerlb,    Vincentiusstraat    10]. 
KujAM     AL  le  Dr.   Franz),  i)rof.  de  théologie,  Kalocsa,  Ungarii 

[M.   J.    Van    Der  Valk,    'l^iinstraat    112]. 
Kubsters   (Le  R.  P.\.  0.  S.  B..  St.  Ottilien,  Bâyern   TM.  J.  Glae- 

SEN,    Hoefstraat    190]. 

Lallem\nd   (Le  R.  P.  Albert),  S.  J.,   H    rue  des  Récollets,  Lou- 

\ain      Fratershuis,  Bosseheweg] . 
Lamot      m.    l'abbé   Benoît).    9 'i    rue    d'Anvers,    Boom,   Belgique 

[M.   Haans.   Industrie.^traat    112], 
Le  Blanc    (M.   le   Di',  J.    P.),   curé    't   Goii'ke.    (ioirkestraat    72, 

Tilbourg. 
Lenz   (M.  h'  D]\  Johann),  prof..  Priesterseniinar,  Triei-   [^M.  Van 

Heeswuk,   Laarstraat   7]. 
Leys    (Le  R,  P.  Edouard),    M.  A..   Supérieur  du     Séminaire    de 

Bouchout-lez-Anvers.  Belgique   ^M.  Knegtel  Van  Loon,  Heu- 

velstraat   84]. 
Li'Tz  (Le  R.  P.  Guillaume),  S.  J..  7  rue  des  Augustins,  Enghii'ii. 

Belgique    ]jM.   Teelwen-Waiienniakers,    Heuvelstiaat   79.. 


22  ADRESSES    DES     SEMAINIERS 

IMabesoone    (M.    l'abbé     Pierre),    Collège     du     Pape.     Louvain 

[M.  Haa.ns,  Industriestraal    112]. 
Mahalx   (Le  H.  P.  Georgesj,  G.  S.  Sp..  Ecole  apostolique.  Gen- 

tinnes,  Belgique    [M.  P.  Teelingen,  -lan  Aarstenstraat    2j. 
Max    (Le  H.  P.),  S.  C.  J.    [M.  G.  Eras.   Goirkestraat  ] . 
Menghin    (M.  le  Dr.  Oswald),  prof,  à  TUniv.,  Gersthoferstrasse 

108,  Wien   18    [M.  L.  Sevink,  iStationsstraat    18]. 
Mercx    (M.  J.  K.),   ir.,  Noordstraat  99.  Tilbourg. 
Messina   (Le  R.  P.  Joseph),  S.  J.,  Rettoria  Casa  Professa,  Pa- 

lermo,  Sicilia  [M.  L.  Verheyen.  Lange  Nieuwstraat  63 j. 
Mester    (M.   le  Dr.  Johann),   Hoehschulprofessor.   VI   Ist\ân-ût 

91-93,  Budapest    [M.  Hornix.  Rozenstraat   13]. 
Meuwese  (M.  le  Dr.  AWons),  prof,  au  Grand  Séminaire.  Haaren, 

Hollande. 
Michels   (M.  le  Di-.  L.).  prof,  aux  Cours  cath.  supérieurs.  Til- 
bourg. 
MiscoNi    (M.   le    Di'.   Doniinique),    VIII    Muzeuni   lUca    3.   III.   7., 

Budapest      M.  J.   C.    Sohellens,    Bredaseheweg    i7]. 
Monxens  (Le  R.  P.  Théodore),  S.  J.,  11  rue  des  RécoUets.  Lou- 
vain   [M.  Smarius.   Kurvelscheweg   34]. 
MoRAGUEz    (Le    R.    P.    .loachim),    S.    J.,    Caspe     23,    Barcelone 

[Eerw.  Zusters  van  O.  L.  Vrouw  van  Barmhartigheid,  Kor- 

vel]. 
MoRLiON    (Le    R.    P.    Urbain),    M.    A.,    prof,    au     Séminaire     de 

Bouc  bout -lez-Anvers,  Belgique. 
Mortier    (Le  R.  P.  Florent),  C.   M.  L,  476  Chaussée  de  Ninove, 

Scheut-lez-Bruxelles,  Belgique. 
MosoNGi    (M.    le    Di-.   Léopold   .    prof,   de     théologie,    Esztergom 

(Gran)    Hongrie    [M.   A.  Leyten-Yan   Roessbl.   Hasseltstraat 

232]. 
Molterde   (Le  R.  P.  Paul),  S.  J.,  Ore  Place,  Hastings,  England 

[M.  J.  B.  Smans,  Gasthuisstraat   19]. 

Paas  (Le  R.  P.  Johann  .  M.  A.,  Trier  [M.  C.  F.  Bogaers.  Gapu- 

cijnenstraat  64]. 
Padtberg    (Le   R.   P.  August),   S.  J.,  Stimmen  der  Zeit.   Veteri- 

nàrstrasse  9.  Miinchen   [Franciscanessenklooster,  Wilhelmi- 

napark   114]. 


ADRESSES    DES     SEMAINIERS  23 

PAEERATH      Lo    K.    P.     Il  I  a  l'ci  sius  ; .    O.    F.    M..    Patierborn    i.    \V. 

:M.  a.   Boïnk.  Noordstraat   3il. 
J^EEiFFEH    Mgr.     Dr.     Nicolas,    Hlavna    -   ulica     34,     Gassovie, 

'l'rliécoslovaquie     M.  B.  Pessers.  Gaslhuisstraat  37]. 
Pinard   de    la    Bolllayb    [he    R.    P.     Henry^ .     S.   J.,    7    rue    des 

Augiistins,   Enghien,    Belgique    ^M.   le   Dr.   Schroeder.   Zavï,]- 

senstraat   9]. 
Prad.vs     Le  H.  P.  Deinetrio   .  S.  J..  Sarria.  Barcelom'    [M"  Veuve 

Dr.  Bloemen,  Gastliuisstraat    24]. 
J-'HLEMM      Le    R,    P.    Garl),    S.    J.,     Ignatiuskolleg,     Valkciiburg. 

Hollande      Fj-atershuis.    (iasthuisstraat    681. 

Rbmv    ,M.  U'  Chanoine),  prof,  à  lUniversité,   22  rue  de  Ligne, 

Héverlé-Louvain. 
RoGACS    (M.   le   Dr.   Franz   .   Szombathély,   Ungarn      M.  A.   P.   G. 

Van   Eyndhoven,    Antoniusstraat    22]. 
RuscHE   (M.  le  Dr.  Franz),  Vicaire,  Ruthen    [M.   Pessers-M.vn- 

N.^ERTs.    \\'jlli('lminai)ark] . 

Sanda     .m.  le  Di-.  Adalbert),  prof,  à  lUniv.  de  Prague   [M"  Veuve 

Pressers-Verbunt.  Wilhelminapark   11]. 
Sanders    :.Z.   Eerw.    Heer),    curé   du    Sacré-Gœui-,    Xoordhoeck, 

Tilbourg. 
Sassen     J.e   R.   P.   Dr.   J.;,   O.   P.,    prof.   d'Ecrit.   Sainte,    Domi- 

nikanei'klooster,   ZwoUe,    Hollande    [M.    Eni.   Janssens,    Koe- 

slraat    116]. 
ScHEBESTA     Le   R.  P.   Paul),  S.   V.  D.,   St.  (jabriel-Môdling.   bei 

Wien    [M.  J.  Van  De  Mortel-Houben,  St.  Jozefstraat    21]. 
ScHMiDT   (Le  R.  P.  Wilhem),  S.  V.  D.,  St.  Gabriel-Môdling,  l>ei 

Wien    [M.  J.  Van  De  .Mortel-Houben,  St.  Jozefstraat  21]. 
Soumit      M.    labbé    Léon),    j)rof.    au     Grand     Séminaire,    Metz 

]M.  L.  Van  Eyck-Petit,  Fabriekstraat   18]. 
ScHRiJNBN    (M.   le   Dr.  Joseph),   prof,   à   lUniv.,   Willemsplant- 

soen  7.  Utrecht. 
ScHVRGENs   (M.  l'abbé  Joseph).    126    Avenue  des  gloires  natio- 
nales. Bruxelles   [M.  W.  R.  Van  Boxtel.  Korvelscheweg  40]. 
Sempels   (M.  l'abbé  Victor,',  prof,  au  Grand  Séminaire.  Matines 

[M,  S,  B.  D.A.ME8,   Heuvelstraat  77]. 


24  ADRESSKS    DES    SEMAINIERS 

Si:nn   (M.  le  Dr.  Alfred),  directeur  du  Gymnase  cath.  de  Kowno, 

Litlnianie    [M.  J.    Paymans,   Goirkestraal    126]. 
Sloet   (Mgr.  D]'.  D.).  Abcoude,  Hollande. 
Synave    (Le  R.  P.   Paul),   O.   P.,   prof.  d'Ecrit.   Sainte,    Couvent 

du    Saulchoir,    Kain,    Belgique    [Dr.    J.    P.    Le     Blanc,    curé 

't  Goirke,  Goirkestraat  72]. 
SzENDY    (AI.     rabhé     l^a.szlo),    prof,   de    tliéologie,    Szoml)atht'l.v, 

Ungarn    [M.  W.   Bergmans-Neesen.  l^angestraRt   55]. 

Tchad    (Le  H.  P.  Franç-Xav.y,   S.  J.,   Hicn-Hien,   Tcheuly-sud- 

esi,  Chine   [Moederhuis,  Ouden  Dijk]. 
Teeuwen   (M.  St.  W.  J.),  Villa  End,  Tegelen,  Hollande. 
Theininger  (Le  H.  P.  Karl),  O.  S.  B.,  Stifl  Admont,  Steiermark, 

Autriche    [M*  Veuve  Van  Castbren,  Korvelschcweg  78]. 
Thoonen   (Le  R.  P.  Jean),  miss.  Mill  Hill,  Missiehuis,  Roosen- 

daal,    Hollande    [St.    Jozef-Sîudiehuii*.     Tongerl.     Ho(*-fst,raai 

175]. 
ToLL    (M.   le   Dr.  Johann    Mich.),   Doc.   Oriental.   Seniinar    der 

Univ..  Berlin    [M''  Veuve  Bruening,  Bredascheweg   37]. 
ToTH    (M.   le    Dr.   Koloman),   prof,    de    théologie,    Esztergom, 

Tingain    [M.  Th.   Van   Mierlo,  Lange   Nieuwstiaat    185]. 
TuMMERS    (Le   R.    P.   .   S.  J.,    pi'of.    de     théologie.   Tongersche- 

straat  53,  Maastricht,  Hollande  [Retraitenhuis  «  Loyola  »  te 

Vught]. 
TuRCQ  (M.  labbé  Joseph),  directeur  au  Grand  Séminaire,  2  rue 

Jean-Levasseur,  Lille  [Dr.  J.  P.  Le  Blanc,  Goirkestraat  72]. 

Unkkl    (Le    R.    P.   Johann),    S.   V.    D.,    Missiehuis,    Teteringen. 

Hollande. 
Ttsch    (Le   R.    P.   August),    S.   J.,    T,gnatiuskolleg,     Valkenburg. 

Hollande      Institut    Nazareth,   Nazarethstraat   70^]. 

Van   CitOMBHrc.ijHi':    (M.   le   Chanoine   M.  C),   prof,   à   lUniv.   de 

Lou\  'in    [Cenakel,   K'oningshoeven] . 
Van  Der  Birot    (Le  R.   P.   .   M.  A.,   Procure  des  Pères  Blancs, 

Boxiel,   Hollande     Z.  K.   H.   I^ras,   curé  de  Ste.  Anne,  Capu- 

cijnenstrrat.  271 . 
Van  Den  Deyssel     Le   R.   P.   A.),  miss.  Mill   Hill,   Rector   Mis- 


ADRESSKH    DES    SKMAINIKKS  25 

sieluii.s,  Roijscndaal,  Hollande  St.  J<i/.ef-81udiehuis,  Tongorl. 
Hoefslraat    175]. 

Van  Deïs  Oudkxryn  (Le  H.  P.  Marc.  Ant.j,  O.  V.,  i)rof.  au  Coll. 
Angelico,    Rome    [M.   L.   Bf::H(;MANS-MAHsÉ,    Langestraat    57]. 

Van  Der  Meehsch  (M.  le  Chanoine  Joseph  .  Secret,  de  l'Evêché. 
86   rue   des   Pieri'cs,   Bruges,    Belgique. 

Van  Der  Veldt  (Le  R.  P.),  O.  F.  M.,  CouMMit  de  Wychen.  Hol- 
lande. 

Van  Grinhven  (M.  l'al)bé  P.  ,,  (Trand  Séminaire,  Haaren,  Hol- 
lande. 

Van  Gils  (M.  labbé  Dr.),  Inspect.  de  renseignement  cath.  à 
Roermond.  Hollande. 

Van  Kessel  (Le  R.  P.  Conrad),  SS.  CC,  Couvent  de  Valkenburg, 
Hollande    [M.  le  Recteur  Dr.  Goossens,  Booschewegl. 

Van  Lamsweerde  (M.  Henri,  baron),  Rédacteur  au  Tijd,  Gein- 
tuurbaan  266  II,  Amstei'dan). 

Van  Lith    (Le   R.   P).,   S.  .J..   Suniafiastraat,   Katwijk,   Hollande. 

Van  Munster  (M.).  Prieslerseuiinar,  Munster  i.  W.  [M""  Th. 
et  E.  Straeter,  Zomerstraat  36]. 

^'AN  Oppenraay  (M.  le  l^r.>,  prof,  de  théol.  au  Grand  Sémi- 
naire,  Rijsenburg,   Driebergen,    Hollande. 

Van  Spaendongk   (M.  André),  prof,  au  Lycée.  Tilbourg. 

Van  Steenberghe  (M.  l'abbé  Edmond),  2  rue  -Jean-Levasseur, 
Lille    [Dr.  L.   P.  Le  Blanc,    Goirkestraat    72]. 

Van  Wely  (Le  R.  P.),  O.  P..  prof..  Zwolle,  Hollande  [^1.  A. 
Heerkens.   Nieuwiandstraat   .57]. 

ViEGEN  (Le  R.  P.  Joseph),  M.  S.  C,  Missiehuis,  Bredascheweg 
204,  Tilbourg. 

Voort   (M.  Joseph  de  ; .  Spoorlan  3.  Tilbourg. 

Walsh  (Le  R.  P.  (ierald  G.),  S.  -i .,  Campioii  Hall.  Oxford  [Fra- 
tershuis,    Capucijnenstraat    76]. 

Wanger  (M.  Tabbé  Willibald),  Gaimersheim  bei  Tngolstadf. 
Bayern    [M.  Th.  J.  de  Nus,   Heuvelstraat   79]. 

Wasilkowski  (M.  le  Dr.  L.),  Priesterseminai".  Wloclawek.  Po- 
logne   [M.  F.   MoMMERS  de   RooY,   Wilhelminapark    110]. 

Waters  (Le  R.  P.  L.),  S.  J.,  prof,  de  théologie,  Maastricht, 
Hollande    [Retraitenhuis   «  Loyola   »,   le  Vught]. 


26  ADRESSES    DBS     SEMAINIERS 

Wbber      m.   le  Dr.  Ant.),   prof,   au   lycée   de    Dillingen,   Bayern 

:;M.  m.  N.  Van  Blerk,  Smidspad  52]. 
WiEOEKHEHR    (M.    le    Dr.    Joseph),     Seminardireetor.     Kalocsa, 

liigarn    [M.  C.  Janssens-Minderop,   Stationsstiaat    17]. 
WiENANDs    (Le  R.  P.  Gérard),   M.  S.  G.,  Oeventrop,  We.stplialie 

'  Mi.ssiehuis.  Bredascheweg  204]. 
WiLLiNG   (Le  R.  P.  Joseph),  M.  S.  C.  Boppard  a.  Rh.,  Rheinland 

^Missiehuis,  Bredascheweg  204]. 
WiNTHUis   (Le  R.  P.  Joseph),  M.  S.  C.  Tûrkenstrasso    15.   Mun- 

chen    [Missiehuis.  Bredascheweg  204]. 
\\'rM)f<:nLi':     M.  le  Dr.  (ieorg.),  j)rof.  à    TUniv..    Heidingsfeldef- 

.stras.^o    32,    Wurzhurg     [M.    J.    .\.      M.    Stbinhoff.      HpuvoI- 

.straat  64]. 

Zempleni   (Le  R.  P.  Dr.  ïheodor),  O.  S.  B.,  pruf..  Gyor.  Ungarn 
[M.  Van  Oorsghot,  Ringbaan  25]. 


SOMMAIRE  DES  CONFÉRENCES 


[1]  Séance  d'ouverture 

Après  la  iiipsse  du  Saint-Esprit,  célébrée  dans  régiisf  du 
Sacré-Cœur  par  Sa  Grandeur  .Monseigneur  révêque  de  Bois-le- 
Duc,  les  Semainiers  se  rendent  à  la  Bourse  du  coniniei-ce. 
Koopwonsbeurs.  gi'acieusement  mise  à  leur  disposition  par  la 
municipalité  ci  1res  lunireusement  aménagée  |)ar  le  Comité 
local. 

Sur  Testrade  {»rennent  place  Mgr.  UiiiPEN,  M.  le  Pasteur 
Sandbrs,  le  R.  P.  Geerts  et  les  deux  Secrétaires  de  la  Semaine. 

Le  R.  P.  ScHMiDT,  Secrétaire  général,  prend  la   parole. 

Après  avoir  exprimé  à  Mgr.  Diepen,  protecteur  très  zélé  des 
missions,  la  reconnaissance  de  tous,  poui'  l'honneur  qu'il  leur 
fait  en  présidant  cette  pi-emière  réunion,  et  avoué  l'émotion 
qu'il  éprouve  à  ouvrir,  après  de  si  formidables  épreuves,  la 
irp  Session,  l'orateur  en  précise  en  ces  termes  le  but  et 
l'esprit   : 

«  Nous  sommes  réunis  ici  conune  collègues  dans  les  mêmes 
études  et  comme  enfants  de  la  même  Mère,  la  sainte  Eglise 
catholique.  Ce  double  cmlte  de  la  Science  et  de  l'Eglise  établit 
enti'e  nous  des  liens  bien  puissants.  Les  princi[)es  du  droit  et 
de  la  morale  évangélique,  que  nous  professons  tous,  le  zèle  de 
la  gloire  de  Dieu,  qui  nous  anime  et  (|ui  rcmjjorte  dans  nos 
cœurs  —  n'est-il  ftas  vrai.  .Messieurs  —  sur  tout  autre  intérêt 
personnel  ou  national,  d'un  mot  notre  commun  amour  pour 
le  Sauveur,  nous  permet  de  nous  estimer  et  de  nous  aimer. 
Persuadés  que  nous  avons  tous  à  apprendre  les  uns  des  autres, 
que  l'action  des  savants  catholiques  sefa  d'autant  plus  efficace, 
qu'elle  sera  moins  dispersée,  plus  coordonnée,  nous  nous 
efforcerons  -  et  je  suis  persuadé,  Messieurs,  que  ce  sera 
chose  facile,  quand  je  vois  les  i-eprésentants  que  chaque  pays 
nous  a  délégués  - —  de  développer  cette  sympathie,  d'affermir 
cette  union,  au  plus  grand  avantage  de  la  Science  et  de  notre 
Foi.   Charitas  Christi  urget  nos. 


28  séan(;e  d  ouverture 

Ses  reniercîmenls  s'adressent  ensuite  à  M.  le  Bourgmestre, 
aux  meiiittres  du  Comité  local  et  loul  spécialement  au  R.  P. 
(.4EE)rrs.    qui   en   fut  l'àme.   TI   ])oursuit    : 

«  Ndulilions  i)as  les  moi'ts.  Il  en  est  un  surtout  dont  nous 
senlii'ons  douloureusement  labsenc^e,  le  R.  P.  Frédéric  Bou- 
^•IER.  S.  .1.,  secrétaire  adjoint.  La  mort  qu'il  trouva  le  17  sep- 
tembre li)iG,  au  champ  d"lionneur  de  la  Somme,  près  de  Vei'- 
mandovillers,  comme  auu]ônier-'brancardier,  a  causé  une  très 
grave  perte  à  la  Semaine.  Il  fut  un  de  ses  fondateurs.  Si  j'en 
eus  moi-même  la  i)remière  idée,  que  je  lui  comuiuni(iuai.  il  la 
saisit  avec  tout  l'élan  de  sa  race  et  travailla  à  sa  réalisation 
avec  un  dévoûment  sans  liornes  et  la  ténacité  illuminée  d'un 
saint.. 

<<  Je  crois  devoir  vous  lire  ici  les  passages  suivants  de  la 
dernière  lettre  que  j'eus  la  consolation  de  recevoir  de  lui,  pen- 
ilant  la  guerre,  [tar  l'intermédiaire  d'un  pays  neutre,  en  date 
du  19  février  1915.  Seul  le  cher  défunt  aura  le  droit  de  pai'ler 
de  CCS  temps-là.  Nous  autres,  nous  nous  en  tairons  et  nous 
écouterons  avec  émotion  sa  \oix,  (pii  nous  témoignera  d'un 
fait  consolant  :  inter  arma  siluerunt  Musae.  sed  non  siluit  Cha- 
ritas. 

Mon    Révérend   et   bien    cher  Père, 

Fax   Ghristi  ! 

Il  faiU  hivti  tout  de  même  que  jv  vous  domw  siy>ie  de  vie.  Voi'ts  pouvcs 
croire  que  l'inimitié  des  nations  fait  oublier  les  anciennes  amitiés  et  taire  lu 
charité.  Oh  non  .'  On  peut  aimer  sa  patrie,  trotiver  sa  cause  juste,  se  dévouer 
pour  elle,  comme  on  le  peut,  espérer  fermement  dans  son  succès  final  — :  ce 
que  je  fais  —  et  garder  pur  dans  son  cœur  le  cuite  de   l'amitié... 

Quand  le  Bon  Dieu  aura-t-il  pitié  de  la  pauvre  Europe,  qu'il  châtie  et  qu'il 
éprotive  ?  Tous  les  peuples,  à  mon  sens,  avaient  besoin  de  cette  double  leçon 
—  châtiment,  épreuve  —  et  ce  serait  orfjueil  ou  imprudence  de  vouloir  doser 
le  mal,  appelant  le  châtiment,  on  le  bien,  appelant  l'épreuve,  en  chaque 
nation... 

Déjà  vinçjt-deux  jésuites  français  tombés  dans  cette  yucrrc  !  En  verrai-je 
la  fin  f  A  lu  garde  du  Bon  Dieu  !  S'il  hii  faut  encore  des  vies  offertes  volon- 
tiers, qu'il  prenne  la  mienne';  quand  j'aurai  fait  dans  mon  régiment  le  bien 
qu'il  me    desti/nait   à   faire. 

Je  vous  reste   bien    cordialement  ttni  in   Corde  Jesu. 

F.  Bouvier,  S.  J. 

<'  Dans  ces  lignes  se  numifcste  toute  la  noblesse,  toute  la 
rectitude  de  sa  nature  et  tout  son  esprit  de  sacrifice.  La  Semaine 
d'Ethnologie  Religieuse   conservera  toujours   la   plus   vive    mé- 


SÉANCE    D■OL■^'ERTURE  29 

moire  de  tout  ce  (|u'il  a  fait  pour  sa  fondation  et  son  déve- 
loppement.  » 

Après  quelques  mots  de  reconnaissant-e  à  l'adresse  du 
H.  P.  Pinard  de  la  Roullaye,  que  le  Comité  international,  à 
l'unanimité,  choisit  pour  succéder  au  R.  P.  Boi^vier,  le  Secré- 
taire  général   ajoute    : 

«  En  terminant,  Messieurs,  Je  (lt'\sire  excuser  votre  nouveau 
Secrétaire  et  m'excuser  moi-même. 

«  Vous  aurez  remarqué  peut-être,  en  consultant  notre  pro- 
gramme, qu'on  n'y  trouve  cette  fois  le  nom  d'aucun  béné- 
dictin, d'aucun  dominicain,  d'aucun  Père  du  Saint-Esprit... 
Je  liens  à  vous  assurer  que  nous  sommes  les  premiers  à  le 
regretter  et  que  nous  n'avons  rien  négligé  pour  qu'il  en  fût 
autrement  —  et  cela  i)Our  deux  rtiisons  :  une  raison  de  fait 
d'abord,  je  veux  dire  parce  que  ces  Congrégations  comptent 
des  savants  distingués  dont  la  colkiboration  nous  aurait  été 
fort  utile  ;  pour  une  raison  de  principe  surtout,  parce  que  nous 
souhaitons  vivement  que  la  Semaine  soit  vraiment,  non  pas 
l'œuvre  d'une  ou  de  plusieurs  Congrégations,  mais  l'œuvre 
commune  de  tous  les  bons  serviteurs  de  l'Eglise  et  de  la 
Science.  En  réalité,  seules  des  nécessités  accidentelles  ont 
empêché  les  érudits  de  ces  divers  Ordres  d'accepter  nos  invi- 
tations. Laissez-moi  citer  Sa  Grandeur  Mgr.  Le  Roy,  qui  fut 
un  de  nos  premiers  protecteurs,  le  R.  P.  'Iruxes,  son  colla- 
borateur, Dom  OGunAUD,  bénédictin  de  Farnborough.  le  R.  P. 
Mainage,  dominicain,  professeur  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  le  R.  P.  Lagrange  et  le  R.  P.  Dhorme,  professeurs  à 
l'Ecole  biblique  de  Jérusalem,  le  R.  P.  Lemonnyer,  professeur 
au  couvent  des  Pères  dominicains  de  Kain,  à  qui  nous  devons 
l'édition  si  soignée  des  conférences  de  1913...  Plusieurs 
d'entre  eux,  après  nous  avoir  promis  leur  concours,  ont  dû  se 
dédire  au  dernier  moment.  Tous  nous  ont  exprimé,  avec  leurs 
regrets,  l'espoir  d'être  des  nôtres  en  des  circonstances  plus 
favorables. 

«  Appuyé  sur  ces  sympathies  et  sur  les  vôtres.  Messieurs, 
encouragé  par  les  appréciations  flatteuses  dont  vous  avez  pu 
trouver  (pielques  exemples  en  appendice  de  notre  dernier 
Coniptp  rr}ulv  onahitique,  confiant  surtout  dans  le  Sacré-Cœur, 
à  qui  notre  œuvre  est  consacrée,  je  déclare  ouverte  la  IIP  Ses- 
sion de   la  Scniriinc.  » 


30  SÉANCE    DOUVERTURE 

Le  H.  p.  Pinard  de  la  Boullaye  est  invité  à  prendre  la 
parole. 

«  Au  discours  que  vous  venez  d'entendre,  Messieurs,  je  ne 
vois,  dit-il,  vraiment  nen  à  ajouter. 

o  Je  remeirie  vivement  le  H.  P.  Schmidt  davoii'  si  bien 
exprimé  les  sentiments  de  tous,  j'entends  surtout  notre  ardent 
désir  de  travailler  dans  une  charité  parfaite  au  progrès  de 
la  \  raie  Science  et  à  la  défense  de  notre  commune  Foi. 

«  Permettez-moi  seulement  de  rectifier  dans  cette  allocutitm 
deux  petits  détails  :  une  exagération  et  un  oubli.  L'exagération 
porte  sur  les  éloges  que  le  R.  P.  Schmidt  m'a  adressés  ;  l'oubli, 
vous  lavez  deviné,   concerne   sa  propre   personne. 

«  Pour  réparer  cet  oubli,  je  ne  veux  pas  faire  soulïrii'  sa 
modestie.  Aussi  bien  na-t-il  pas  besoin  de  mes  recomman- 
dations. (>omme  il  suffît  de  le  connaître  pour  laimer,  il  suflll 
d'avoir  lu  ses  ouvrages  pour  apprécier  leur  haute  valeur 
scientifique.  Je  serai  heureux  toutefois  d'apprendre  à  quel- 
ques-uns d'entre  vous  que  son  remarquable  tiavail.  Die  Glie- 
derung  der  aiistr  alise  lien  Sprachen.  a  reçu  de  VInstitut  de  France, 
en  1921,  le  prix  Volney.  Tous  se  réjouiront  d'une  distinction 
si   méritée. 

<(  Quant  à  celui  {|ui  succède  au  R.  P.  Bouvier,  dont  on  vient 
de  louer  si  opportunément  la  mémoire,  croyez.  Messieurs,  qu'il 
n'a  daulre  désir  que  dimiter  son  prédécesseur,  en  se  dévouant 
à  votre  service  avec  toute  son  obligeance  et  la  plus  grande 
cordialité.  >> 

Lorateur  adresse  ensuite,  au  nom  de  la  Semaine,  un  hom- 
mage de  respect  et  de  gratitude  à  Sa  Majesté  la  Reine  de 
Hollande  et  à  son  gouvernement,  les  facilités  accordées  pour 
la  délivrance  des  passeports   ayant  été  très  appréciées. 

«  Et  maintenant,  conclut-il,  mettons-nous  à  lœuvre.  unis, 
j'échaufïés,  illuminés  par  ce  foyer  de  lumière  et  damour  qu'est 
le  Sacré-Cœur  de  Notre-iSeigneur  Jésus-Christ   ». 

En  quelques  paroles  chaleureuses.  Mgr.  Diepen  souhaite  la 
bienvenue  aux  congressistes.  Il  leur  exprime  son  entière 
confiance  dans  tout  travail  scientifique  conduit  avec  prudence 
et  réglé  par  les  principes  de  la  saine  critique  ;  puis  il  bénit 
l'assemblée. 

Avant  la  première  conférence,  à  laquelle  Sa  Grandeur  tient 
à  assister,  la  séance  est  suspendue  quelques  instants. 


TACHES    DR    LA    SEMAINE  31 

[2^]  Tâches  anciennes  et  tâches  nouvelles 

de  la  «  Semaine  d'ethnologie  religieuse  », 

par  le  R.  P.  W.  ScHMiDT,  S.  V.  D. 

Si.  avpc  l'aide  de  Dieu,  nous  avons  réussi  à  reprendre  les 
sessions  de  la  Seniainc  d'Ethnologie  Religieuse,  après  un  inter- 
valle de  presque  une  dizaine  d'années,  il  semble  bien  ojjportun 
d'instituer  un  examen  l'étrospectif  de  nos  premières  sessions, 
pour  Ij'ouvei'  les  points  où  il  faut  renouer  les  fils,  et  surtout 
poui'  discerner  mieux  quelles  tâches  nouvelles  il  convient 
d'ajouter  à  nos  tâches  antérieures.  • 

I.     SITUATION    PRÉCICDANT    LA    FONDATION   DE    LA   SEMAINE 

\.  L'ancien  évolutionnisme  et  l'opposition  d'Andreir  Long.  — 
JjCs  hommes  de  pure  science  oublient  quelquefois  que  le  succès 
d'une  doctrine  ne  dépend  pas  seulement  de  sa  vérité  et  de  sa 
valeur  internes,  mais  à  un  assez  haut  degré  de  la  situation 
générale  de  l'évolution  scientifique.  Pour  ce  motif,  toute  doc- 
trine qui  plaçait  la  connaissance  d'un  Dieu  unique,  bon  et 
grand,  au  commencement  de  l'histoire  humaine,  demeura  pen- 
dant quelques  dizaines  d'années  dans  une  situation  très  défa- 
vorable. Presque  tous  les  représentants  de  la  nouvelle  science 
comparée  des  religions  étaient  totalement  dominés  par  un 
évolutionnisme  plus  ou  moins  illimité,  qui  ne  reconnaissait  de 
<•  grands  dieux  »  qu'à  la  fin  d'une  longue  évolution.  Si  les 
théories  succédèrent  aux  théories,  si  le  naturisme  fut  remplacé 
pai'  le  tnànisme  et  celui-ci  par  Vanimisme,  auquel  succéda  le 
magisme.  en  toutes  le  principe  évolutionniste  restait  prédo- 
minant. 

Ce  fut  donc  un  acte  de  bravoure,  une  hardiesse  considi'rable, 
lorsque,  en  1898.  Andrew  Lano  s'opposa  tout  seul  à  cette 
jrhaîange  et  l'arrêta  par  son  livre  célèbre,  The  Making  of  Reli- 
gion. Comme  il  s'était  ac(juis  {)ar  ses  travaux  précédents  une 
autorité  incontestable,  on  ne  pouvait  le  passer  sous  silence. 
Il  fut  donc  combattu,  et  vraiment  de  tous  côtés.  Il  ne  trouva 
presque  pas  de  partisans.  Pourtant,  parce  que  son  autorité 
restait  inébranlable  et  parce  que  sa  défense  était  plutôt  une 
attaque  continuelle,  il  léussit  à  frayer  le  chemin  :  dès  lors, 
on   put    défendre   des   thèses   anti-évolutionnistes    sans    perdre 


32  W.    SCHMIDT 

aux  yeux  des  hommes  de  science  ses  droits  civiques.  Sans 
parler  de  quelques  auteurs  de  moindre  importance,  ce  fut  le 
célèbre  indologue  Léopold  von  Schroeder,  de  l'Université  de 
Vienne,  qui  élargit  ce  chemin  par  ses  recherchés  sur  la  reli- 
gion des  peuples  indo-européens,  couronnées  par  son  gi-and 
ouvrage,  Die  arische  Religion.  Deux  volumes  seulement  sont 
publiés,  le  regretté  auteur  étant  décédé  prématurément. 

La  situation  s"était  donc*  considérablement  améliorée,  lors- 
que, en  1906,  ïAnthropos  commença  à  paraître.  Le  terrain  était 
aplani.  Nous  pouvions  cj-itiquer  de  plus  en  plus  lévolution- 
nisme  régnant.  Nos  braves  missionnaires  nous  fournissaient 
des  matériaux  plus  exacts  et  de  nieilleur  aloi,  qui  ne  man- 
quaient pas  de  seconder  nos  attaques  et  dapporter  les  fonde- 
ments des  nouvelles  théories  que  nous  essayions  de  construire. 

Vous  demanderez  quelle  fut  lissue  des  combats  acharnés 
qui  suivirent.  - —  Il  faut  distinguer.  Les  controverses  se  sont 
produites  sur  deux  terrains  ;  les  résultats  ne  sont  pas,  jusqu'à 
présent,  égaux  dans  tous  les  deux. 

2.  Changement  dans  la  sociologie.  —  Il  y  a  d'abord  le  terrain 
de  la  sociologie.  Sur  celui-ci,  on  ])eut  dire,  actuellement,  que 
la  victoire  est  gagnée  pour  nous,  la  bataille  perdue  pour  les 
autres  ;  l'ennemi  en  désordre  bat  en  retraite  ou  prend  ouver- 
tement la  fuite.  La  théorie  évolutionniste,  préparée  par  Bagho- 
FEN,  perfectionnée  par  Morgan,  continuée  par  Me  Lennan  et 
d'autres,  qui  faisait  commencer  la  société  humaine  par  la 
pi'omiscuité,  à  laquelle  aurait  succédé  le  mariage  par  groupe, 
le  matriarcat  et  la  polygamie,  théorie  qui  ne  re(*onnaît  la 
famille  individuelle  monogame  que  comme  la  dernière  phase 
d'une  longue  sci-ic  évolutive,  est  ébranlée  dans  ses  fondements. 
Quoiqu "admise  si  longtemps  par  la  plupart  des  ethnologues 
et  des  sociologues,  elle  comuience  maintenant  à  être  aban- 
tionnée  par  les  savants  les  plus  réputés  de  ces  deux  sciences. 
Ceux-ci,  en  effet,  reconnaissent  la  famille  individuelle  mono- 
game comme  le  point  de  départ  de  l'histoire  sociale  de  l'huma- 
nité. 

Je  pailerai  plus  en  détail  de  cette  modification  étonnante 
de  la  situation  dans  la  conférence  suivante  ;  mais  il  convenait 
de  relever  ce  fait  dès  à  présent.  L'évolution  culturelle  de 
l'humanité  est,   en   elTet,  douée  d'une  unité   organique.   Il   est 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  33 

vrai,  il  n"y  a  pas  égalité,  moins  encore  identité  entre  toutes  les 
phases  de  l'évolution  dans  toutes  les  branches  de  la  culture  ; 
mais  il  y  a  de  nombreux  points  de  contact  et  de  larges  analo- 
gies. Si  donc  il  pst  établi  que,  sur  le  terrain  sociologique, 
l'évolutionnisme  pur  est  éJaranlé,  il  ne  peut  rester  intact  dans 
la  science  des  religions.  Et  si  l'allure,  la  direction  de  la  véri- 
table évolution  sociale  est  tout  à  fait  le  contraire  de  ce  qu'af- 
firmaient les  anciens  évolutionnistes,  il  est  difficile  de  croire 
que,  dans  l'histoire  des  religions,  l'ancien  principe  puisse  être 
conservé  intact.  En  tout  cas,  lopposition  contre  cet  évolu- 
tionnisme  n'est  plus  seulement  tolérée  ;  elle  est  formellement 
admise  ;  on  y  fait  attention  ;  on  ne  rejette  plus  a  priori  ses 
assertions  et,  de  plus  en  plus,  elle  gagne  du  terrain  dans  la 
science  des  religions  elle-même. 

3.  Changement  dans  la  science  des  religions.  —  Il  est  vrai  que 
les  théories  évolutionnistes  ont  duré  quelque  temps.  A  la  fin 
du  premier  volume  de  mon  Ursprung  der  Gottesidee,  il  me 
fallait  encore  écrire  :  «  A  vrai  dire,  on  éprouve  une  impression 
étrange  à  comparer  la  diffusion  dont  la  théorie  magique  peut 
se  vanter  avec  celle  que  la  théorie  d'Andrew  Lang  a  obtenue 
presque  dans  le  même  espace  de  temps.  Il  faut  reconnaître 
qu'à  la  première  on  a  fait  une  réception  beaucoup  plus  facile 
et  plus  chaude  qu'à  la  seconde  )>  (t.  I,  p.  488).  J'ai  décrit,  dans 
le  même  ouvrage  (p.  105  ss.),  la  «  défiance  »  avec  laquelle 
on  accueillit  la  thèse  d'Andrew  Lang  sur  l'existence  des 
((  High  Gods  »  même  chez  les  peuples  les  plus  primitifs.  Mais, 
dès  1906,  un  des  américanistes  et  des  mythologues  allemands 
les  plus  en  vue,  P.  Ehrenreigh,  dans  son  étude,  Gôtter  und 
Heilbringer  et  plus  encore  dans  son  ouvrage  Die  allgemeinr 
Mythologie  und  ihre  allgemeinen  Gn^undlagen  (Leipzig.  19i2\ 
s'attacha  ouvertement  à  l'opinion  de  Lang. 

L'année  même  où  parut  l'édition  allemande  de  mon  Origine 
de  Vidée  de  Dieu  (1912),  James  H.  Leuba,  le  psychologue  amé- 
ri(^ain  bien  connu,  publia  son  ouvrage,  A  Psychological  Study  of 
Religion  ;  its  origin,  function  and  future  (New  York) .  Dans  ce 
livre,  il  me  fait  le  plaisir  de  m'appeler  «  a  well  informed 
person,  who  is  evidently  before  ail  else  a  priest  of  the  Roman 
Gatholic  Church  and  an  apologist  of  the  traditional  Christian 
System  »    (c.  I,  p.  10,  102),  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  recon- 

3 


34  w.  scHMint 

naître  tout  droit  «  that  Iherc  exists  among  the  most  primitive 
peuples  now  living  the  action  of  a  Great  God  high  above  ail 
others,  to  whom  is  usually  assigned  the  function  of  creator  » 
(p.  103  ss.)  ;  seulement,  il  rejette  le  terme  «  monothéisme  »  et 
donne  de  cet  être  une  explication  psychologique  spéciale. 

Deux  ans  plus  tard,  j'eus  le  plaisir  de  voir  qu'un  des  auteurs 
que  j'avais  critiqués  dans  mon  Ursprung  der  Gottesidee 
(p.  440  ss.),  K.  Th.  PREU8S,  quoique  maintenant  en  grande 
partie  ses  anciennes  théories  magistes,  faisait  cette  impor- 
tante concession,  qu'il  est  impossible  de  nier  que  les  grandes 
divinités  préanimistes  défendues  par  Andrew  Lano  et  moi  se 
trouvent  déjà  chez  les  peuples  les  plus  primitifs.  L'explica- 
tion qu'il  donne  ensuite  de  ces  Etres  Suprêmes  est,  il  est  vrai, 
loin  d'être  satisfaisante.  On  trouve  tout  cela  dans  son  ouvrage, 
Die  gcistige  Kultur  der  Naturvôlker    (Leipzig-Berlin,   p.   59   ss). 

Deux  années  plus  tard,  l'ancien  professeur  de  Leipzig,  ac- 
tuellement archevêque  (protestant)  d'Upsal,  le  Dr.  Nathan 
SôDERBLOM,  publia  son  ouvrage,  Bas  Werden  des  Gottesglaubens 
(Leipzig,  1916).  J'en  ai  fait  une  critique  détaillée  dans  VAn- 
thropos  (1915-16,  t.  X-XI,  p.  668-680),  où  j'ai  montré  en 
combien  de  points  importants  il  laisse  à  désirer,  quant  k  sa 
manières  de  caractériser  les  Etres  Suprêmes,  auxquels  il  donne 
le  nom  d'  «  Urheber  «  (auteurs).  Mais  il  est  intéressant  de 
noter  à  quelles  concessions  il  se  voit  forcé  :  «  Les  mission- 
naires, dit-il,  ont  obtenu  raison,  et  pourtant  pas  raison  tout 
à  fait.  Ainsi  va  le  monde.  Ils  n'ont  jamais  cessé  de  parler  de 
la  haute  divinité  des  peuples  primitifs.  La  science  croyait 
savoir  mieux.  On  ne  pouvait  concéder  aux  «  sauvages  »  quel- 
que chose  d'élevé.  On  croyait  que  l'évolution  devait  procéder 
du  plus  bas  au  plus  haut  »  {l.  c,  p.  376).  «  Seulement  celui 
qui  s'est  fait  esclave  de  théories  au  point  de  s'imaginer,  même 
à  l'égard  de  la  réalité,  qu'il  connaît  mieux  toutes  choses,  n'a 
pas  besoin,  même  maintenant,  de  prêter  attention  à  Bayami 
et  autres  divinités  de  ce  genre.  Tout  comme  on  ne  peut  sou- 
tenir que  celles-ci  soient  des  objets  de  la  nature,  des  âmes 
ou  des  esprits,  ainsi  l'animisme,  même  dans  la  limitation  que 
j'appelle  animatisme,  ne  peut  davantage  suffire  comme  expli- 
cation totale.  La  révision  est  chose  désagréable.  Mais  si  la 
science  ne  soumet  pas  continuellement  les  théories  existantes 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  35 

à  de  nouvelles  révisions,  on  ne  saurait  plus  longtemps  lui 
reconnaître  le  nom  de  science  »  {l.  c,  p.  378).  La  révision 
est  «  désagréable  »  :  c'est  en  effet  la  vraie  explication  psycho- 
logique de  ce  fait,  que  les  Etres  Suprêmes  des  peuples  pri- 
mitifs durent  attendre  si  longtemps,  avant  d"ètre  reconnus  par 
les  représentants  de  la  science  des  religions. 

Dans  ces  derniers  temps  cependant,  les  cas  commencent  à 
se  multiplier  où,  même  dans  ces  cercles,  on  s'incline  devant 
la  force  des  faits.  J'en  énumère  ici  quelques-uns  outre  les 
plus  importants. 

Un  des    psychologues    allemands  les  plus  réputés,  le  Dr.  K. 
Oesterreich,  professeur  à  l'université  de  Tubingue,  dans  son 
ouvrage,  KinfiïJirung  in  die  Religionspsychologie    (Berlin,    1917) 
et  un  peu  aussi  dans  un  autre  ouvrage,  Das  Weltbild  dçr  Gegen- 
wai't    (Berlin,   1920),   accepte  résolument  l'existence  des  Etres 
Suprêmes  dans  les  premières  phases  de  l'évolution  religieuse. 
Ainsi    il   dit,    à   propos   des    Pygmées,    dans    le    premier   ou- 
vrage   :   (i   En  face  de   l'état  rudimentaire  de   leur   culture,   ce 
fut  une  grande  surprise  pour  tous  les  chercheurs  qui  s'occu- 
paient plus  intimement  des  Pygmées,  de  constater  que,   sous 
le   rapport    éthique  et   religieux,   ils   se   trouvent  à   un    niveau 
beaucoup  plus  élevé  que  les  races  avoisinantes  de  haute  sta- 
ture »   {l.  c,  p.  104).  «  Il  est  surprenant,  écrit-il  ailleurs,  qu'ils 
paraissent  s'en  tenir  à  un  point  de  vue  presque  monothéiste. 
Sur  ce  terrain,  il  est  vrai,  bien  des  choses  sont  encore  obscu- 
res,  mais,   dans   rensem'ble,   on  ne  peut  se   soustraire  à  l'im- 
pression que  la  vérité  est  située  dans  la  direction  cherchée  par 
le  P.^W.  ScHNHDT  dans  sa  monographie  méritoire,  Die  Stellung 
der  Pygmàenvôlker   in  der  Entwickhingsgeschichte   des  Menschen 
(Stuttgart,  1910).  Oesterreich  reconnaît  aussi  la  grande  dif- 
fusion  de   l'existence   d'Etres   Suprêmes   de   caractère   éthique, 
chez  les  autres  peuples  primitifs  en  général   (p.  124  ss.).  Il  dit, 
visant  la  théorie  de  la  dégénérescence    :   «  Si  la  cote  ethnolo- 
gique de  la  théorie  de  la  dégénérescence  est  aujourd'hui  assez 
basse,    aucun    savant    cherchant    la    vérité    objective     ne     doit 
repousser  cette  théorie  a  limine.  L'examen  de  fait  du  problème 
de  la  dégénérescence  des  peuples  primitifs  est  encore  à  insti- 
tuer. Cette  question  fait  partie  d'un  problème  plus  général  que 
voici    :   quelle  est  la   mesure  des   changements   auxquels    les 


3  G  W.    SCHMIDT 

jieuples  primitifs  peuvent  être  soumis  au  cours  des  temps  ? 
La  foneeption  traditionnelle  de  la  stabilité  totale  des  cultures 
pi'imitives  vient  de   commencer   à   chanceler    »    {l.  c.   p.    126). 

Dans  mon  article.  Die  kvlturhistorische  Méthode  und  die 
nordamerikanische  Ethnologie  {Anthropos.  1919-20.  t.  XIV-XV. 
]..  5  47  ss.),  j'ai  attiré  Tattention  sur  rimj)ortante  Retiriim 
Addres.s.  «  Some  Anthropological  Misconceptions  »,  dans  la- 
quelle l'ancien  jjrésident  de  V  Anthropological  Society  o( 
Washington  (mai  1917),  M.  Swanton,  attaquait  avec  la  plus 
grande  verve  Tévolutionnisme  dans  l'ethnologie  et  surtout 
dans  la  sociologie  et  l'histoire  des  religions.  Il  rejette  les 
théories  de  Spencer,  Tylor  et  Frazer,  comme  s'appuyant  trop 
sur  des  phénomènes  particuliers  ;  les  différents  éléments  que 
ces  auteurs  préconisent  dans  Itmrs  théories  existent,  selon 
SwANTON,  Vun  à  côté  de  l'autre,  et  non  Vun  après  Vautre.  Il 
ajoute  :  «  Même  pour  ce  qui  regarde  notre  monothéisme  ré- 
gnant, la  question  l'este  ouverte  de  savoir  s'il  n'est  pas  en 
connexion  avec  une  croyance  à  un  dieu  des  cieux  (skygod) 
qui  remonte  jusqu'aux  plus  anciens  jours  de  la  religion  parmi 
les  hommes,  de  telle  sorte  que  le  seul  changement  qu'il  aurait 
subi  sérail  l'imjjortance  relativement  plus  grande  et  la  spiri- 
lualisation  plus  profonde  de  cette  idée  dans  les  temps  plus 
récents  ».    [American  Anthropologis t,  1917,  t.  XIX,  p.  466). 

Avant  lui,  un  autre  américaniste  célèbre,  le  Dr.  A.  L.  Kroe- 
BER,  professeur  à  1  Université  de  Californie,  avait  lui-même 
insisté  avec  grande  force  sur  l'existence  d'un  Dieu  Suprême, 
vrai  Créateur,  chez  les  tribus  de  la  Californie  Centrale,  tribus 
qu'avec  tous  les  autres  américanistes,  il  compte  parmi  les 
plus  primitives  de  toute  l'Amérique  Septentrionale.  Il  écrit  : 
«  Dans  la  Californie  Centrale,  il  y  a  toujours  une  vraie  créa- 
tion du  monde,  de  l'humanité  et  de  ses  institutions.  L'idée 
du  créateur  est  souvent  tout  à  fait  auguste  {lofty)  et  en  gé- 
néral, on  ne  raconte  de  lui  ni  aventures,  ni  défauts  ridicules. 
Souvent  il  y  a  une  antithèse  entre  ce  créateur  bienfaisant  et 
vi'aiment  divin  et  un  autre  pei'sonnage,  ordinairement  le 
Coyote,  qui  d'une  part  collabore  avec  le  Créateur,  mais  par 
ailleurs  lui  est  contraire  et  esl  responsable  de  la  mort  de 
l'homme  et  des  auti-es  imperfections  qui  existent  dans  le 
monde.  »     The  Religions  of  the  Indians  of  Califomia  :  University 


TÀCHKS     DE    LA    SEMAINE  37 

of  Galifornia  Publications  of  American  Arclieology  and  Ethno- 
logy,    1906-1907,   t.  IV,   p.   343). 

Pour  une  tribu  spéciale  de  cette  contrée,  les  Maidu,  un  troi- 
sième célèbre  américaniste,  le  Dr.  R.  Dixon.  déci-it  ces  Etres 
Suprêmes  dans  les  termes  suivants  :  «  Un  des  traits  les  plus 
caractéristiques  des  mythes  est  le  contraste  tranché  et  stable 
des  caractères  du  Créateur  et  du  Coyote.  Dans  toute  la  série, 
le  Créateur  est  uniformément  digne  et  bienveillant.  Jamais  il 
n"est  en  relation  avec  les  choses  ridicules.  Toujours  il  s'efforce 
de  rendre  la  vie  facile  pour  Thomme,  immortelle  et  heureuse. 
De  l'autre  "-ôté.  Coyote  lui  est  toujours  opposé  ;  il  s'entête  à 
rendre  la  vie  dure  et  à  vouloir  que  l'homme  souiïre  5t  meure.  « 
Bulletin  nf  tke  American  Muséum  of  Natuml  Historif.  t.  XVII. 
p.  336).  Avec  quelle  rigueur  logique  l'idée  de  la  création  est 
conçue  chez  ces  tribus,  M.  Dixon  l'expose  ainsi  :  «  Le  problème 
de  l'origine  des  choses  i»araît  avoir  grandement  préoccupé 
l'imagination  des  Maidu.  Ils  n'ont  pu  se  contenter  d'accepter 
un  monde  <léjà  créé  et  prêt  à  être  habité,  lorsque  les  ancêtres 
de  l'humanité  y  arrivèrent  après  un  séjour  en  d'auti'es  lieux, 
comme  c'est  le  cas  dans  les  mythes  du  Sud-Est  de  la  Cali- 
fornie. De  même,  la  création  chez  eux  n'est  pas  seulement  un 
épisode,  une  re-création  api'ès  un  déluge  amené  par  une  cause 
ou  par  une  autre,  comme  c'est  le  cas  dans  quelques  autres 
mythobigies.  Chez  eux.  la  création  est  un  réel  commencement  ; 
ilerrière,  beyond,  il  n'y  a  plus  rien.  Au  commencement,  il  y 
avait  uniquement  la  grande  mer  tranquille  et  illimitée,  vers 
laquelle  du  clair  ciel  le  Ci-éateur  descendit,  ou  sur  laquelle  lui 
et   Cniiott'  étaient  flottant   dans  un  canot   »  ;    [l.  c,  p.   325  ss.) . 

Cette  jiortion  de  la  religion  de  ces  tribus  de  la  Californie 
Centrale,  question  de  la  plus  haute  importance,  je  l'ai  traitée 
plus  en  détail  dans  un  article,  Die  Altstàmmf  Nord-Amerikas. 
qui  pai-aîtra  sous  peu  dans  la  Festschrift  zum  70.  Geburtstag 
E.  Seler.s.  le  célèbre  mexicaniste. 

Tout  récemment  un  autre  américaniste,  A.  A.  Goldenweiser. 
dans  son  ouvrage  important.  Early  Civilization  :  An  Introduction 
to  Anthropology  (New  York,  1922),  consacre  un  chapitre  spé- 
cial à  r  <'  AU  Father  ».  11  ne  distingue  pas  assez  les  formes 
secondaires  et  mixtes  des  formes  primaires,  attestées  chez  les 
peuples  les  plus  anciens.  En  conséquence,  sa  notion  de  l'Etre 


38  W.    SCHMIDT 

Suprême  ii"est.  pas  judicieusement  délimitée.  Mais,  quant  à  la 
question  de  fait,  il  conclut  :  «  Le  contact  de  tribus  primitives 
avec  la  civilisation  a  été  partout  assez  fréquent  ou  probable, 
pour  ne  pas  rendre  tolérable  TinterpriMation  de  1"  «  AU  Father  » 
comme  un  emprunt.  Mais  la  grande  diffusion  géographique  de 
ces  croyances  fait  pourtant  hésiter  à  accepter  cette  interpré- 
tation. Après  tout,  psychologiquement,  il  n'est  pas  impossible 
qu'une  idée  plus  ou  moins  vague  d'un  Etre  Supérieur  se  soit 
dtn^eloppée  parmi  des  tribus  primitives  à  la  même  époque  à 
peu  près  que  l'animisme,  la  magie  et  d'autres  formes  de 
croyance  primitive.  Le  problème  appelle  des  investigations 
ultérieures  »    {l.  c,  p.  214). 

Au  dernier  moment,  un  grand  ouvrage  vient  de  paraître  qui 
s'occupe  uniquement  de  l'origine  de  l'Etre  Suprême.  C'est 
l'ouvrage  de  R.  Pettazzoni,  Dio,  Formazione  e  sviluppo  del 
Monoteismo  nella  storia  délie  religioni  (Rome,  1922),  en  trois 
volumes.  Le  premier  traite  des  Etres  Suprêmes  des  peuples 
primitifs,  le  deuxième  du  Dieu  Suprême  des  peuples  poly- 
théistes, le  troisième  du  Dieu  Unique  des  religions  mono- 
théistes. C'est  la  collection  la  plus  vaste  des  faits  relatifs  à 
toute  cette  question.  On  y  trouve  la  reconnaissance  très  ré- 
solue de  l'existence  de  l'Etre  Suprême  chez  tous  les  peuples 
primitifs.  L'auteur  rejette  l'origine  animistique  et  magique  de 
cet  Etre  ;  il  le  fait  procéder  de  cette  façon  de  penser  mythique 
qui.  d'après  lui,  préside  à  toutes  les  formes  de  la  religiosité 
des  primitifs.  Ce  serait  du  ciel,  et  de  tout  l'ensemble  des 
phénomènes  célestes,  que  serait  dérivé,  par  l'effet  de  la  per- 
sonnification mythologique,  l'Etre  Suprême  ;  il  aurait  dès  lors 
toutes  les  qualités  nécessaires  pour  devenir  dieu  suprême, 
dieu  unique,  créateur  de  l'univers  et  régulateur  éthique  de 
toutes  choses.  La  faiblesse  de  cette  synthèse,  d'ailleurs  gran- 
diose, provient  de  ce  fait  que  l'auteur  a  complètement  négligé 
de  déterminer  l'âge  respectif  des  différentes  formes  d'Etres 
Suprêmes.  Il  lui  est  donc  absolument  impossible  de  déterminer 
quelles  sont  les  formes  les  plus  anciennes.  Et  pourtant,  c'est 
uniquement  par  ces  formes  plus  anciennes  que  peut  s'éclairer 
la  véritable  origine  de  l'Etre  Suprême,  les  formes  postérieures 
ne  constituant  que  des  variations  secondaires.  De  cette  façon, 
l'auteur  ne  parvient  pas  à  apprécier  de  manière  correcte  l'acti- 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  39 

vite  logique  dft  Tesprit  iiuniain,  qui  se  manifeste  dans  la  recon- 
naissance d'un  Etre  Suprême  comme  créateur  et  donc  comme 
cause  de  tous  les  êtres.  Le  livre  mérite  toutefois  d'être  étudié 
de  près  ;  je  donnerai  un  compte  fendu  détaillé  dans  ÏAnthropos 
(1921-22,   t.   XVI-XVII). 

^'ous  pouvons  encore  être  très  satisfaits  de  ce  que,  juste 
dans  ce  pays  qui  offre  à  notre  Semaine  sa  généreuse  hospita- 
lité, un  savant  de  renom,  avantageusement  connu  comme  voya- 
geur et  comme  théoricien,  le  professeur  A.  \V.  Xieu-wbnhuis. 
dans  lo  discours  solennel  qu'il  prononça  comme  Hector  magni- 
fîcus  de  l'Université  de  Leyde,  le  9  février  1920,  a  ouvertement 
proclamé  son  assentiment  aux  choses  que  nous  avions  établies. 
.\ndrew  Lang  dans  son  Making  of  Religion  et  moi-même  dans 
mon  Urspning  der  Gottesidee.  Ses  recherches  personnelles  de 
grande  valeur  l'ont  amené  aux  mêmes  résultats  que  nous.  Il 
les  a  formulés  dans  les  termes  suivants  :  «  Nous  sommes 
d'avis  que  le  Grand  Esprit  (Allgeist)  est  la  première  phase 
d'une  idée  de  Dieu  qui  s'est  réalisée  par  l'impression  que  1-e 
monde  comme  totalité  faisait  aux  origines  sur  lesprit  de 
l'homme,  dès  qu'il  commença  à  se  rendre  compte  de  ce  qui 
existait  hors  de  lui.  Avec  cette  origine  de  l'idée  du  Grand 
Esprit  s'accoi'de  ce  fait,  que  la  personnification  des  Seigneurs 
du  Jour  et  de  la  Nuit,  le  Soleil  et  la  Lune,  et  de  quelques-unes 
des  plus  importantes  étoiles  comme  divinités,  sans  interven- 
tion aucune  de  l'idée  des  esprits,  ne  se  réalisa  que  plus  tard, 
mais  déjà  chez  les  peuples  les  plus  primitifs.  A  une  époque 
ultérieure,  se  développèrent  les  idées  d'esprit,  par  suite  des 
impressions  les  plus  fortes,  exercées  par  les  objets  secon- 
daires sur  les  penseurs  parmi  les  peuples  primitifs.  Par  ce 
processus  s'explique  encore  le  phénomène  curieux  que  l'idée 
du  Grand  Esprit  et  surtout  son  culte  s'évanouirent  de  plus  en 
plus,  dans  la  mesure  où  augmentait  le  nombre  de  ces  esprits 
présidant  aux  départements  de  la  nature  qui  pour  la  masse 
du  peuple  sont  d'une  importance  plus  immédiate  dans  la  vie 
quotidienne.  »  (A.  W.  Nieuwenhuis,  De  Menach  in  de  Werkelijk- 
keit  ;  Zijne  Kenleer  in  den  heidenschen  Godsdienst,  Leiden,  1920, 
p.  30-31  ) .  J'ai  fait  un  compte  rendu  détaillé  de  cette  étude,  ainsi 
que  d'autres  ouvrages  du  savant  :iuteur,  dans  Anthropos, 
1919-20,  t.  XrV-XV,  p.  1151-1158. 


-40  W.    SCHMIDT 

A  quelles  concessions  sont  déjà  parvenus  les  représentants 
de  l'ancien  évolutionnisme,  on  peut  en  juger  par  ce  qu'écrit 
sur  les  Etres  Suprêmes  des  primitifs,  dans  ïlllustrierte  Vôlker- 
kunde  du  Dr.  Buschax  (2*  édition  récemment  parue,  Stuttgart. 
1922),  l'auteur  de  lintroduction  générale,  R.  Lasch.  Il  ne  voit 
de  refuge  que  dans  le  mystère  de  l'inconnu  :  «  Les  cas  de 
monothéisme  primitifs...  dit-il,  appartiennent,  avec  la  langue  et 
la  formation  de  la  famille,  à  ces  énigmes  des  commencements 
de  la  culture  humaine  qu'il  sera  probablement  à  jamais  impos- 
sible de  résoudre  »  (l.  c,  p.  40).  Les  rôles  paraissent  donc 
complètement  changés  :  ce  n'est  pas  nous  ;  c'est  l'évolution- 
nisme.  qui  invoque  le  mystère  de  l'insondable,  pour  échapper 
aux  conséquences  que  l'on  pourrait  déduire  d'un  monothéisme 
primitif  ! 

4.  Origine  et  développement  de  V école  historique.  —  Mais  à 
mon  avis,  un  fait  plus  important  que  tous  ces  cas,  nombreux 
mais  dispersés,  de  reconnaissance  plus  ou  moins  nette  d'Etres 
Suprêmes  au  commencement  de  l'histoire  de  la  Religion,  est 
l'invention  d'une  méthode  sûre  et  ferme  par  laquelle  il  est 
possible  d'ébranler  Tévolutionnisme  à  sa  base  même  et  de 
poser  les  fondements  d'une  nouvelle  science  des  religions. 
C'est  là  ce  qui  constitue,  parmi  les  améliorations  de  la  situa- 
tion générale  qui  se  sont  produites  au  cours  de  ces  dernières 
années,  la  troisième  et  la  plus  importante.  Dans  son  ouvrage 
Histoire  des  Religions  et  Méthode  Comparative  (Paris.  1912). 
M.  FoucART  avait  insisté  sur  le  fait  que  l'ethnologie  n'avait  à 
sa  disposition  aucun  moyen  certain  pour  établir  l'âge  histo- 
rique d'une  phase,  d'un  élément.  Il  continuait  triomphalement  : 
«  Le  plus  piquant  serait  si,  quelque  jour,  c'était  la  méthode 
historique  qui.  en  reprenant  pour  son  compte  les  données  four- 
nips  par  lenquête  ethnologique,  et  en  l'ajustant  aux  cadres 
de  ce  qu"ont  laissé  les  «  civilisés  »,  arrivait  à  présenter  les 
choses  en  bon  ordre  »  (l.  c,  p.  cvii) .  A  quoi  j'ai  fait  remarquer 
qu'il  y  avait  une  chose  encore  plus  piquante  :  à  savoir  que, 
depuis  plusieurs  années,  une  école  ethnologique  était  déjà  à 
l'œuvre  pour  employer  la  méthode  historique,  et  que  M.  Fou- 
CART  ne  s'en  était  pas  aperçu  (Anthropos.  1913,  t.  VIIT,  p.  90;. 
En  effet,  les  défauts  de  l'ancien  évolutionnisme,  qui  à  vrai 
dire    ne    possédait    aucune   méthode    proprement    dite   et   se 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  41 

contentait  d'établir  des  séries  évolutives  d'après  des  jugements 
subjectifs  de  valeni',  ces  défauts,  dis-je,  se  faisaient  sentir  de 
plus  en  plus.  Ils  ont  amené,  par  réaction,  la  création  de  la 
«  kulturhistorischr  Méthode  >>  par  Ratzel,  Frobenius,  Graebner, 
Ankermann  et  moi-même. 

'lYès  tôt,  jai  relevé  dans  VAnthropos  l'importance  capitale 
de  ces  tendances  et  je  crois  que,  de  toutes  les  revues  ethnolo- 
giques, ('"est  surtout  VAnthropos  qui  a  le  plus  efTicaceinent 
contribué  à  la  diffusion  croissante  de  ce  mouvement.  Dès  1911, 
dans  mon  article  Die  kultvrhistorische  Méthode  in  der  Ethnologie 
[Anthropos,  t.  VI,  ]i.  1010-1036  ,  j'ai  pu  appeler  l'attention  sui' 
des  mouvements  semblables  en  Angleterre  et  en  Amérique. 
Dans  un  article  tout  lécent.  Die  kulturhistorische  Méthode  und 
die  nordamerikanische  Ethnologie  Anthropos,  1919-20.  t.  XIV-XV. 
p.  546-563),  j'ai  pu  constater  que  ce  mouvement  a  gagné  du 
terrain,  et  de  façon  très  notable,  surtout  dans  l'Américanisti- 
que.  Dans  le  prochain  numéro  de  VAnthropos,  je  suis  à  même 
de  compléter  encore  ces  inriications,  en  signalant  à  l'attention 
des  ethnologues  deux  importants  ouvrages  de  célèbres  améri- 
canistes  :  Primitive  Society  par  R.  H.  Lowie  (New  York,  1920) 
et  Die  Kultur  der  kalif omise hen  Indianer  par  Fr.  Krause  (Leipzig, 
1921),  et  en  faisant  connaître  un  troisième  ouvrage  qu'on  peut 
appeler  le  pendant  américain  à  l'ouvrage  bien  connu  de 
Graebner,  Die  Méthode  der  Ethnologie  (Heidelberg,  1911).  C'est 
le  livre  Time  Perspective  in  AboriginnI  American  Cultnre,  a  Study 
in  Method.  par  E.  Sapir. 

Quand  on  considère  ces  faits,  qui  sont  du  domaine  public, 
et  (luand  on  sait,  par  voie  de  relations  personnelles,  qu'un 
nombre  toujours  croissant  de  chercheurs  plus  jeunes  se  sont 
ralliés  à  l'école  historico-culturelle,  il  n'est  pas  trop  audacieux 
de  dire  que  sur  ce  terrain  aussi  la  défaite  de  l'ancien  évolution- 
nisme  est  dès  à  présent  assurée,  et  que  sous  peu  la  méthode 
historique  dominera  dans   toute   l'ethnologie. 

'Dans  ces  circonstances,  Messieurs,  vous  comprendrez  à 
présent  d'autant  plus  vite  la  grande  importance  que  j'ai  tou- 
jours attachée  à  cette  méthode  dans  notre  Semaine. 

II.  TACHES  ANCIENNES  DE   LA  SEMAINE  d'ETHNOLOGIE 

Dès  nos  premières  sessions,  j(^  me  suis  fait  un  devoir  d'ini- 
tier ses  auditeurs  aux  règles  de  cette  méthode  et  de  leur  faire 


42  NV.    SGHMIDT 

connaître  les  résultats  obtenus  par  les  ouvrages  qui  les  appli- 
quent. Les  programmes  des  deux  premières  semaines  en 
témoignent  suffisamment.  Peut-être  ne  comprit-on  pas  partout 
pourquoi  j'attribuais  une  si  grande  importance  à  ces  études. 
Aujourd'hui,  je  crois  que  tous  m'ont  compris.  Si  la  longue 
interruption  de  nos  sessions,  de  1913  à  1922,  a  eu  certainement 
assez  de  conséquences  nuisibles,  elle  a  eu  aussi  un  avantage 
considéi-able  :  elle  nous  a  procuré  assez  de  temps  pour  laisser 
mûrir  tranquillement  les  gi-aines  que  nous  avions  semées.  Il 
me  semble  qu'elles  commencent  'à  porter  une  excellente  et 
abondante  récolte. 

Je  crois  que  nous  comprenons  tous  à  présent  combien,  en 
l'absence  d'une  vraie  méthode,  l'ethnologie  a  souffert,  a  même 
été  maltraitée  et  que,  pour  elle  comme  pour  toute  vraie  science, 
son  existence  même  et  ses  vrais  progrès  dépendent  de  ce  point  : 
si  oui  ou  non  elle  a  trouvé  sa  juste  méthode.  Or.  dans  l'Ecole 
historico-culturelle,  il  faut  distinguer  deux  choses  :  la  méthode 
historique,  qu'elle  proclame,  et  les  résultats,  surtout  la  déter- 
mination des  cycles  culturels  qu'elle  a  établis  à  l'aide  de  celte 
méthode.  Il  ne  peut  plus  être  douteux  que  la  méthode  histo- 
rique soit  la  vraie  et  seule  méthode  de  l'ethnologie  et  que  sans 
elle  ni  la  psychologie,  ni  aucune  autre  science  ne  peut  faire 
œuvre  utile  sur  son  terrain.  Naturellement,  cette  méthode  en 
est  à  ses  débuts  et  doit  être  encore  élaborée,  complétée,  cor- 
rigée dans  le  détail.  Cela  est  encore  plus  vrai  pour  les  cycles 
culturels  établis  par  cette  école.  Non  seulement  il  n'est  pas 
illicite,  mais  il  est  même  très  nécessaire  de  les  soumettre  à 
une  critique  rigoureuse,  de  les  corriger,  de  les  compléter  en 
beaucoup  de  détails.  J'ai  fait  usage  moi-même  de  ce  droit  et 
j'ai  rempli  mon  devoir  scientifique,  en  critiquant  les  autres. 
Je  suis,  naturellement,  pleinement  consentant  et  même  très 
reconnaissant,  si  les  autres  exercent  le  môme  droit  et  remplis- 
sent le  même  devoir  vis-ià-vis  de  mes  propres  travaux.  Ce  n'est 
que  par  une  critique  impartiale  et  portant  sur  tous  les  points 
que  nous  parviendrons  à  découvrir  nos  défauts,  pour  les  éli- 
miner et  faire  alors  des  progrès  solides. 

Les  progrès  considérables  que  nous  avons  faits  se  mani- 
festeront, j'en  suis  sûr,  dans  notre  troisième  Semaine.  Ils  se 
manifestent  aussi  en  deux  publications  nouvelles.  La  première 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  43 

est  l'ouvrage  en  deux  tomes  de  notre  Secrétaire  adjoint,  le 
H.  P.  Pj^ARD,  sur  Jhisto.ire  des  études^  comparatives  et  sur  les 
diverses  méthodes  qui  leur  conviennent  (1)  ;  la  seconde  est 
l'étude  do  notre  estimé  confrère,  M.  le^chanoine  Bros  (2\  sur 
rhistoire  et  les  règles  de  la  méthode  historico-culturelle  en 
général.  Si  je  vous  dis  qu'au  cours  de  cette  année,  également, 
paraîtra  la  première  partie  de  l'ouvrage  publié  par  moi  et  mon 
confrère,  le  IL^^Koppers,  Vôlker  und  Kulturen  {S- .  qui  com- 
prend l'histoire  et  la  méthode  de  l'ethnologie,  la  sociologie,  la 
vie  économique  et  l'ergologie,  vous  verrez  alors  que  nous 
serons  sous  peu  en  possession  de  trois  ouvrages  qui  seront 
pour  nous  d'importants  instruments  de  travail  et  des  sources 
de  multiples  informations. 

J'estime  surtout  favorable  que  les  deux  premiers  ouvrages 
soient  écrits  en  français,  parce  que  de  la  sorte  ils  répondent 
davantage  aux  besoins  des  pays  à  langues  romanes.  Nous 
aurions  besoin  encore  d'une  ouvrage  de  ce  genre  en  langue 
anglaise.  La  traduction  anglaise,  qui  paraîtra  sous  peu  en 
Amérique,  du  livre  bien  connu  du  R.  P.  Koppers,  Die  Anfàng^i 
des  menschlichen  Gemeinschaftslebens  im  Spiegel  der  neueren 
Vôlkerkunde  (M.  Gladbach.  1921),  pourra  remplir  provisoire- 
ment cette  lacune. 

iSi  nous  apprécions  dans  leur  ensemble  ces  importantes  amé- 
liorations de  la  situation  générale,  et  si  nous  y  ajoutons  les 
progrès  non  moins  considérables  que  nous-mêmes  avons  pu 
faire  quant  à  nos  connaissances,  nos  aptitudes  diverses  et 
notre  équipement  scientifique,  il  me  semble  en  conséquence 
que  de  nouveaux  devoirs  s'imposent  à  nous,  que  de  nouvelles 
tâches   commencent   à   se   préciser. 

Jusqu'ici,  nous  nous  sommes  bornés  pour  une  large  part  à 
taire  la  ci'itique  de  nos  adversaires,  à  prendre  note  de  l'état 
actuel  de  l'ethnologie  et  de  la  science  des  religions  et  à  le 
faire  connaître.  C'est  œuvre  plutôt  négative  et  réceptive.  Or. 
il   est  certain   qu'en  se  bornant  à  ce  genre  de  travail,   on    ne 


(1)  L'étude    comparée    des    religions,    2    in-8°,    Paris,    Beauche.sne,    t.    1,    son 
histoire,    1922  ;    t.    II,    ses    méthodes    (sous    presse). 

(2)  L'ethnologie  religieuse  :   ïntrod.  à  l'étude  comparée  des  relig.  primitives, 
in-8°,    Paris,    Bloud,    1923. 

(3)  Formant  le  t.  III  de  la  série  Der  Mensch  aller  Zeiten,  ln-4",  Regensburg. 
Habbel. 


44  W.    SCHMIDT 

parvipnt  pas  à  obtenii'  une  vraie  autorité  et  à  gagner  une 
influence  etlicace  ^^ur  le  ilpvoloppement  scientitique.  Encore 
moins  jirend-on  une  part  active  aux  efforts  des  chercheurs 
poui'  découvrir  des  trésors  nouveaux  et  pour  dégager,  par  un 
travail  consciencieux  et  assidu,  les  précieux  fruits  de  ces 
recherches.  Or,  ce  nest  que  par  cette  tidèle  collaboration  à 
dautres  vrais  savants  qu'on  obtient  le  droit  de  porter  un 
jugement  sur  les  ouvrages  parus  et  sur  les  travaux  en  voie 
d'exécution.  D'un  autre  l'ôté,  on  n'apprend  pas  une  méthode 
})Our  elle-même,  mais  pour  l'employer  pratiquement  dans  les 
recherches,  les  analyses,  les  synthèses  à  faire.  C'est  un  instru- 
ment de  travail  scientifique,  l'instrument  indispensable  pour 
obtenir  des  résultats  sûrs,  mais  aussi  un  instrument  dont  il 
est  indispensable  de  faire  usage  si,  par  ailleurs,  il  est  raison- 
nable de  s'intéresser  à  lui  et  de  vouloir  en  quelque  sorte 
l'acquérir.   . 

III. TACHES  NOUVELLES  DE  LA  SEMAINE  d' ETHNOLOGIE 

Tout  cela,  me  semble-t-il.  crée  |M)ur  uoti-c  Semainr  une 
situation  nouvelle,  situation  qui  ne  jiourra  manquer  d'avoir 
son  influence  sur  la  nature  et  la  formation  de  ses  programmes. 
Elle  doit  rester  et  elle  restera  toujours  un  moyen  d'apprendre  ; 
mais  elle  déviait  devenir,  et  plus  qu'elle  ne  le  pouvait  par  le 
passé,  un  instrument  pour  stimuler,  poui-  faciliter,  peut-être 
aussi  pour  organiser  notre  activité  sur  le  terrain  de  cette 
science.  Elle  devrait  suggérer  les  sujets  les  plus  actuels,  les 
plus  pressants  à  traiter,  les  plus  importants  à  éclairer  par  des 
recherches.  Elle  devrait  donnei'  (\o^  conseils,  non  seulement  de 
méthode  générale,  mais  de  nature  plus  spécifique  et  plus 
concrète  sur  la  manière  d'entreprendre  (;es  travaux.  Elle  de- 
vrait, selon  la  mesure  de  son  pouvoii'.  seconder  ces  travaux, 
en  procurer  les  moyens,  assurer  ou  faciliter  les'  relations 
nécessaires.  Elle  pourrait  peut-être  aussi  organiser  des  tra- 
vaux d'ensemble. 

Voilà  un  premier  aspect  de  la  situation  nouvelle  qui  se 
découvre  à  nos  yeux.  L'autre  résulte  des  multiples  occasions 
qui  sont  à  notre  disposition  d'obtenir  des  matériaux  jdus  am- 
ples, plus  détaillés  et  plus  sûrs  chez  les  peuples  civilisés  ou 
demi-civilisés.  Ici,  nous  avons  des  collaborateurs  sans  pareil. 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  45 

hors  de  pair,  clans  nos  chers  missionnaires.  Ils  ont  toujours 
rempli  leur  devoir  dans  ce  genre  de  travail,  et  depuis  l'appa- 
rition de  V Antkropos  —  qui  a  été  fondé  avant  tout  pour  faciliter 
et  diriger  cette  précieuse  activité  —  leur  zèle  et  leur  dévoue- 
ment ont  pris  un  dévelopiiement  encore  plus  grand  :  c'est  sur- 
tout au  nombre  et  à  la  richesse  des  documents  originaux  pu- 
bliés par  eux  qu'il  l'auL  ath'ibuer  la  grande  autorité  acquise 
par  celte   revue  dans  les  cercles  scientifiques. 

Cette  activité  toutefois  s'exerçait  partout  un  peu  au  hasard. 
Elle  dépendait  de  la  bonne  volonté,  du  zèle  et  de  l'Tiabileté 
occasionnels  de  tels  ou  tels  missionnaires,  dispersés  ça  et  là 
dans  le  vaste  champ  des  missions.  J'ai  acquis  naturellement 
une  certaine  expérience,  en  (iirigeant  VAnthropos.  Elle  ma 
donné  la  conviction  que  ces  hasards  continueront  toujours  à 
exercer  une  intluonce  considérable.  Mais  cette  expérience  me 
permet  également  de  croire  que  cet  état  de  choses  peut  être 
modifié  pour  une  large  part.  Et  il  me  paraîtrait  qu'une  œuvre 
comme  notre  Semaine,  fondée  et  soutenue  par  les  représen- 
tants de  tous  les  Ordres  et  Congrégations  qui  exercent  l'acti- 
vité missionnaire,  serait  l'organe  le  plus  apte  et  qui  aurait  le 
plus  d'autorité  pour  remplir  la  tâche  que  vous  entrevoyez  ici. 

Cette  nouvelle  tâche  ne  jiouvait  être  définie  avec  la  clarté  et 
l'exactitude  suffisantes  qu'à  présent,  où,  grâce  aux  travaux  de 
la  méthode  historique,  nous  sommes  à  même  de  discerner  de 
manière  plus  sûre  quels  sont  les  peuples  les  plus  anciens  et 
pour  autant  les  plus  importants,  à  même  aussi  de  reconnaître 
les  éléments  culturels  qui  présentent  le  plus  d'intérêt  pour 
les  problèmes  à  résoudre. 

Cette  nouvelle  tâche  consisterait  donc  à  désigner  plus  en 
détail  et  au  concret  telle  tribu,  tel  élément,  tel  problème  qui 
appelle  des  recherches  plus  urgentes  ou  spécialement  utiles,  à 
se  mettre  en  relation  avec  l'Ordre,  la  Congrégation  qui  aurait 
des  missions  chez  les  tribus  en  question,  en  vue  d'obtenir 
parmi  ses  missionnaires  quelqu'un  qui,  pour  un  certain  temps, 
serait  destiné  spécialement  à  entreprendre  ces  travaux,  et  à 
former  ces  travailleurs  de  manière  plus  appropriée.  En  d'au- 
tres cas,  on  pourrait  examiner  s'il  ne  serait  pas  possible 
d'envoyer  d'i(;i,  de  l'Europe,  ou  de  l'Amérique,  un  spécialiste 
muni    d'une    foimalion    technique,    (jui,    en    parfaite    harmonie 


46  W.    8CHMIDT 

avec  les  missionnaires  en  activité,  aidé  par  eux  et  les  aidant, 
pourrait  entreprendre  ou  diriger  ces  recherches. 

Il  n  y  a  personne  qui  ne  voie  combien  par  de  telles  mesures, 
par  une  telle  organisât  ion,  notre  activité  dans  le  champ  des 
recherches  ethnographiques  deviendrait,  elle  aussi,  plus  mé- 
thodique, s'étendrait  en  largeur  et  gagnerait  en  profondeur. 

Mais  si  l'ethnologie  a  fait  des  progrès  considérables,  grâce 
aux  travaux  de  l'école  historique,  ce  sont  aussi  ces  mêmes 
progrès  qui  exigent  amélioration  et  perfectionnement  dans  la 
manière  de  réunir  les  matériaux  ethnographiques.  Les  temps 
du  dilettantisme  superficiel  sont  à  présent  passés  en  ethno- 
logie, dans  la  mesure  même  où  elle  est  devenue  une  vraie 
science.  Il  ne  suffît  plus  de  lire  quelques  récits  de  voyages  et 
quelques  manuels  évolutionnistes  pour  être  ethnologue  et  pour 
écrire  des  ouvrages  ethnologiques  :  cette  science,  maintenant 
en  possession  d'une  méthode,  d'instruments  de  travail,  d'une 
abondante  littérature,  demande  une  formation  spécifique,  une 
préparation  technique,  compréhensive  et  pénétrante.  Si  donc 
nous  ne  voulons  pas  rester  en  arrière  sur  un  terrain  où,  jus- 
qu'ici, nous  pouvions  marcher  au  premier  rang,  à  la  tête,  il 
faut  nous  conformer  et  nous  adapter  aux  exigences  plus  sé- 
vères de  cette  situation  nouvelle,  si  favorable  pour  nous  à 
tant  d'égards.  Vraiment,  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de 
collaborer  de  toutes  nos  forces  à  maintenir  ces  avantages  et  à 
les  développer. 

Voilà,  Messieurs,  quelques  aperçus  sur  les  nouvelles  tâches 
qui,  à  mon  modeste  avis,  s'imposent  à  notre  Semaine.  Le  temps 
nous  a  manqué  pour  donner  à  ces  idées,  dès  à  présent,  une 
réalisation  complète  dans  le  programme  q^ue  vous  avez  sous 
les  yeux.  Aussi  bien  n'aurait-il  pas  été  prudent  d'essayer  de  le 
faire  pour  le  moment,  parce  qu'il  faut  d'abord  discuter  ces 
idées,  pour  voir  dans  quelle  proportion  elles,  seront  à  retenir 
ou  à  modifier  et  de  quelle  façon  elles  peuvent  être  réalisées 
pour  répondre  mieux  au  but  général  que  nous  poursuivons.' 

J'ai  cru  pourtant  qu'il  n'était  pas  nécessaire  de  rester  plus 
longtemps  sur  le  terrain  purement  théorique,  et  qu'il  serait  au 
contraire  plutôt  utile  de  réserver  dès  maintenant,  le  vendredi  8 
et  le  samedi  9  septembre,  trois  séances  entières  pour  discuter 
ces   idées.  Peut-être   trouverons-nous   d'autres   loisirs   encore, 


TÂCHES    DE    LA    SEMAINE  47 

au  cours  de  la  Semaine,  pour  continuer  et  compléter  ces  dis- 
cussions. 

Dans  la  première  de  ces  séances  de  délibération,  nous  discu- 
terons les  tâches  et  sujets  sur  lesquels  doit  s'exercer  l'activité 
scientifique  en  Europe  ;  dans  la  seconde,  nous  étudierons  les 
tâches  et  sujets  qui  se  rapportent  aux  missions  et  en  général 
aux  territoires  situés  hors  de  l'Europe.  Seraient  spécialement 
invités  à  ces  discussions  MM.  les  Conférenciers,  les  Mission- 
naires travaillant  dans  les  missions,  puis  tous  ceux  qui  exer- 
cent eux-mêmes  une  activité  scientifique.  Il  s'agira  toujours 
non  pas  des  besoins  apologétiques  ou  d'autres  besoins  prati- 
ques, mais  des  tâches  et  des  exigences  de  la  science  des  peu- 
ples et  des  religions  proprement  dite.  Un  court  résumé  des 
points  à  éclaircir  précédera,  pour  régler  et  délimiter  un  peu 
les  débats.  On  procéderait  ensuite  à  un  échange  de  vues   (1). 

En  terminant,  nous  essayerons  de  découvrir  la  meilleure 
manière  de  réaliser  les  idées  proposées  et  de  les  insérer  dans 
le  cadre  de  nos  futures  Semaines.  Je  ne  doute  pas  que  nous  ne 
parvenions  à  trouver  quelque  chose  de  juste  et  d'utile,  et 
qu'ainsi  la  troisième  Session  de  la  Semaine  d'Ethnologie  Reli- 
gieuse ne  marque  dans  son  histoire  :  d'une  part,  elle  aura  eu 
le  mérite  de  renouveler  son  activité  antérieure,  après  une  lon- 
gue et  dangereuse  interruption  ;  d'autre  part,  elle  nous  aura 
ouvert  de  nouveaux  horizons. 


(1)  Ces  trois  séances  générales  (voir  le  tableau  .synopticiue,  p.  14,  15),  non 
plus  que  les  délibéiation.s  par  groupes  i e.sti€int.«,  orf-ani.sée.s  au  cours  de  la 
session,    ne   sont   pas   résumées  dans   le   présent   compte    lendu. 


I.  PARTIE  GÉNÉRALE 


Introduction  à  l'étude  ethnologique, 
psychologique  et  sociologique  des  religions 


[2^]    Die  sozialen  Formen  der  einzelnen  Kulturkreise, 

von  Hochw.   P.  SCHMIDT,  S.  V.   D. 

Als  im  Jahre  1912  die  Grûndung  unserer  Semaine  d'Ethnologie 
Religieuse  stattfand,  stand  der  alte  Evolutionismus  auf  dem 
Gebiete  der  Soziologie  nichL  mehr  ganz  unangefochten.  in 
ungestôrter,  allgemeiner  Herrschaft  da.  Es  war  bereits  der 
Widerstand  gegen  ihn  aulgetreten  und  batte  sich  auch  weiter 
ausgebreitet.  A'ber  kaum  einer  von  uns  wûrde  damais  gewagt 
haben  zii  glauben,  dass  wir  bereits  nach  kaum  zehn  Jahren 
vor  dem  vôlligen  Zusammenbruch  der  Herrschaft  des  Evolu- 
tionismus auf  diesem  Gebiete  stehen  wûrden.  Die  Entwicklung 
bat  sich  in  der  Tat  so  schnell  und  kraftvoll  vollzogen  :  wir 
kônnen  wirklich  sagen,  dass  wir  bereits  jetzt  vor  einer  voll- 
kommenen  Niederlage  des  Evolutionismus  gerade  auf  dem 
Gebiet  der  Soziologie  stehen,  die  ihm  von  den  hervorragend- 
sten  Forschern  verschiedener  Lànder  bereitet  worden  ist,  so 
dass  die  wirkliehe  Wissenschaft  sich  von  ihm  abwendef. 

)Das  wird  freilich  nicht  hindern,  dass  dièse  Lehre  in  weiten 
Kreisen  des  arbeitenden  Volkes,  in  welche  sie  durch  die  Agi- 
tation der  Sozialdemokratie  verbreitet  worden  ist  und  noch 
slândig  verbreitet  wird,  blindlings  noch  eine  geraume  Zeit 
weitergeghiubt  wird.  iViber  ich  weiss,  dass  man  sie  auch  von 
manchon  Universitâtskathedern  herab  noch  eine  Zeitlang  zu 
hôren  bekommen  wird  ;  denn  manche  ihrer  Inhaber,  so  radikal 
sie  sonst  auch  gewesen  sind,  in  der  Behandlung  ihrer  ver- 
gilbten  Kollegienheifte  sind  sie  oft  merkwùrdig  konservativ. 
Dass    aber   der   Rûckzug    des    alten   Evolutionismus     auf    der 


DIE    SOZIALEN    FORMBN    DER    KCLTURKREISE  49 

ganzen  Linie  allgemein  werde  und  sich  bis  zur  vôlligen  Fliu'ht 
steigere,  dazu  werden  wir  bodputend  ii  iiwirken,  wenn  wii'  den 
wirkliehen  Stand  der  Wissenscliaft  in  dieser  Frage  guî  kennen 
und  immer  weiter  verbreiten. 

Diesen  gegenwàrtigen  Stand  der  Wissenschaft  werdf  icli  in 
Folgendem  kurz  daiiegen.  Aleine  Daiiegungen  gliedern  sich  in' 
zwei  Hauptteile,  pinon  negativen  und  einen  positiven.  Der 
négative  Teil  befasst  sich  mit  dem  Zusammenbruch  des  Evolu- 
tionismus  ;  der  positive  h^gt  dar,  wie  nun  jetzt  das  Bild  der 
gesellschaftlichen  Entwicklung  der   Menschheit   sich   gestaltet. 

1.   DER    ZUSAMMENBRUCH   DES   SOZIOLOGISCHEN    EVOLUTIONISMUS 

Fur  aile  àlteren  Soziologen  war  die  zumeist  auch  als  mono- 
g'cUVi  angenommene  Individualfamilie  der  Ausgangspunkt  der 
ganzen  sozialen  Entwicklung  ;  so  noch  Rousseau,  Gondorget. 
Herder.  Gaspari  und  selbst  Comte.  Der  erste  Anstoss  zu  einer 
radikalen  Aenderung  hierin  ging  aus  von  J.  Bachgfen's  Werk, 
Das  Mutterrecht  (1861),  in  welchem  die  Théorie  aufgestellt 
wurde,  dass  dem  Patriarchat  das  Matriarchat  vorausgegangen 
sei,  dass  aber  dièses  erst  aus  der  vôlligen  Regellosigkeit  der 
geschlechtlichen  Beziehungen,  der  sogenannten  Promiskuitat,- 
sich  entwickelt  habe.  Zur  vollen  Geltung  und  Ausgestaltung 
aber  wurde  dièse  Théorie  erst  gebracht  mit  Hil'fe  der  Ethnolo- 
gie durch  die  Werke  des  amerikanischen  Ethnologen  L.  H.  Mor- 
gan, Systems  of  Consanguinity  and  Affinity  of  the  Human  Family 
(1871)  und  Ancient  Society  (London,  1877).  In  diesem  letzteren 
(S.  384  f.,  498  f.)  stellte  er  folgende  Entwicklungsreihe  der 
menschlichen  Famille  auf   :   1.  schrankenlose  Promiskuitàt  ^- 

2.  consanguine  Famille  (nur  Ehen  zwischen  Eltern  und  Kin- 
dern  verboten) .  —  3.  Punalua-Familie  (Verbot  der  Ehe  auch 
zwisflien  Geschwistern  ;  freier  Zutritt  aller  Mânner  einer 
Stammesbàlfte  zu  allen  Frauen  der  anderen  Halfte  und  um- 
gekehrt  (Gruppenehe)  —  4.  mutterrechtliche  syndasmische 
Famille,  Anfànge  der  Individualehe  ;  Polygamie,  Unsicherhcit 
des  Vaters  —  5.  patriarchale  polygame  Familip  —  6.  mono- 
game Individualehe. 

Trotz  des  teilweisen  Widerspruches  von  J.  Mg.  Lennan, 
breitete  sich  dièse  Théorie  derartig  allgemein  unter  Ethno- 
logen und  Soziologen  aus,  dass, .wie  H.  Schurtz  bemerkte.  «  es 

4 


50  W.    SCHMUÏt 

eine  Zeitlang  schien,  als  oh  sic  auf  allgemeine  Anerkeanimg 
reehnen  dùrfe  ».  Mehr  PZrfolg  mit  ihrer  Kritik  hatten  C.  V. 
Stargke  {Die  primitive  FaniHie.  1888)  und  Westbrmahck  {The 
History  of  Human  Marriage,  1891)  ;  auch  E.  I'ylor  schloss  sich 
ihr  nicht  an,  ebensowenig  in  Deutschland  die  Leipziger  Schule 
(Peschel.  Ratzel,   Schurtz)(1). 

Unter  der  Einwirkung  dieser  Kritiken  war  es  sclion  ini  Jahre 
1907  dahin  gekommen,  dass  W.  H.  R.  Rivers,  in  deni  Dedika- 
tionsband  zum  70.  Geburtstag  des  Altmeisters  der  englischen 
Ethnologie  E.  B.  TYLOR,schreibein  konnle  :  «  Man  darf  wohl 
sagen,  dass  die  herrschende  Richtung  in  der  Ethnologie  sich 
aiigenblicklich  gegen  jedes  Schéma  richtet,  welches  die 
menschliche  Gesellschaft  ableiten  môchte  von  einem  Zustand 
der  Promiskiiitàt,  sei  es  voUendefer,  sei  es  gemâssigter,  die  man 
gewôhnlich  mit  dem  Ausdruck  Gruppenehe  bezeiehnet  »    (2). 

Dass  dièse  «  herrschende  Richtung  »  damil  aber  nooli  langsL 
nicht  diejenigc  des  Morgan"s  Evolutionsschemas  aus  dem  Felde 
verdràngt  batte,  kann  man  aus  den  Worten  sehen,  die  W. 
WuNDT  noch  1917  in  seiner  Vôlkerpsychologie  niederschrieb  : 
«  Dièse  (Morgan's)  Théorie  kann  bei  den  Anthropologen  und 
Ethnologen  gegenwartig  beinahe  als  die  herrschende  gel- 
ten  ).    (3). 

Nachdem  ich  schon  in  meinem  Pygmâenbuche  gegen  dièse 
Théorie  Stellung  genommen  und  mit  Hinweis  auf  die  bei  den 
Pygmaen  vmd  Pygmoiden  vorliegenden  Tatsachen  dargetan 
hatte,  dass  gerade  umgekehrt  die  monogame  klar  und  fest 
ausgebildete  Individualfamilie  nicht  das  Ende,  sondern  den 
Anfang  der  gesellschaft lichen  Entwicklung  des  Menschen 
bilde  (4),  erhalte  ich  die  Genugtuung,  dass  jetzt  W.  Wundt 
sich  meiner  Auffassung  vôllig  anschliesst  und  ebenfalls  gegen 
Moroan's  Théorie  auiftritt,  wovon  folgende  Sâtze  aus  seiner 
Vôlkerpsychologie  geniigend  Zeugnis  ablegen  :  «  Es  gibt  kaum 
eine  Entdeckung  im  Gebiet  der  menschlichen  Entwicklungsge- 
schichte,   die   so   ûberraschend   und   so  ûberzeugend     /Aigleicb 

(1)  Vgl.  iiuch  w.  ScHMiDT,  Ursprunp  der  Gottesldee,  S.   181  ff. 

(2)  Anthropological  Essays  presented   to  E.   B.    Tylor,  Oxfoi'd.    1907.    S.    309. 
(31    W.    Wundt,    Vôlkerpsychologie,   Bd.    VIT,    Leipzig,    1917,    S.    103. 

(4)  W.  ScHMiDT,  Die  Stelhinci  der  PygmAenv&lker,  Stuttgart.  1910,  S.  162  ft".. 
268    t. 


DIE    80ZIALEN    FORMEN    DER    KULTURKREISÊ  51 

bisher  weit  verbreitete  Meinungen  zerstôrt  hat,  wie  die  Fest- 
stellung  der  Monogamie  des  primitiven   Mensehen   »    (1). 

a  Die  Existenz  der'  (wirklich)  Primitiven  auf  der  houtigen 
Erde  ist  in  ein  neues  Stadium  durch  eine  Entdeckung  getreten, 
die  an  Wichtigkeit  den  Entdeekungen  der  pràhistorischen  An- 
thropologie niclit  nachsteht.  und  ftir  die  Vôlkerpsychologie 
jedenfalls   eine  entsclicidende  Bedeutung  besitzt    (2). 

«  Es  darf  nicht  verkannt  werden,  dass  Schmidt  hier  eine 
speziell  fiir  die  Entwicklungsgeschiohte  der  menschlichen  Ge- 
sellschaft  sehr  wichlige  Tatsache  zur  Geltung  gebracht  hat  : 
das  ist  die  durch  die  neuere  ethnologische  Forschung  bei 
verschiedenen  Pygmaen  aufgefundene  monogamistische  Ehe, 
die  in  der  Tat  die  Monogamie  als  ursprûngliche  Form  der  Ehe 
beim  Mensehen  immerhin  wahrscheinlich  macht  »   (3j. 

«  Wichtig  ist  nur,  dass  nicht  die  Kultur  die  Monogamie 
erzengt,  sondern  dass  dièse  eine  der  iirsprunglichen  Bedingung- 
en  der  Kultur  gewesen  ist  «   (4). 

«  So  bleibt  denn  keine  andere  Wahl  als  in  ihr  (der  mono- 
gamen  Individualehe)  tatsàchlich  eine  primàre  Sitte  zu  sehen, 
mit  weleher  der  Mensch  aus  der  Natur  in  den  Kulturzustand 
hiniibergetreten  ist  »    (5). 

Unterdessen  ist  aber  auch  W.  H.  Hivers,  sicherlich  einer 
der  fiihrenden  englischen  Soziologen  (6),  zu  noch  entschie- 
denerer  Gegnerschaift  gegen  die  MoRGAN'schen  Theorien  ge- 
langt  als  frûher.  In  einer  Auseinandersetzung,  in  weleher  er  die 
Verdienste  Morgan's  um  die  Entdeckung  und  erste  Darlegung 
des  klassiflkatorischen  Verwandtschaftssystems  voll  anci'- 
kennt,  lehnt  er  doch  mit  aller  Entschiedenheit'  dessen  Theorif 
von  der  Promiskuitàt  und  der  Gruppenehe  als  notwendigei- 
Anfangs-und  Durchgangsstufe  der  gesellschaftlichen  Entwick- 
lung  ab.  Er  schreibt  :  «  Unsere  jetzt  vorhandene  Kenntnis. 
oh   abgeleitet   aus    Spuren   des    klassiflkatorischen    Verwandt- 


(1)  w.  Vi^UNDT,    a.    a.    O..    S.    203   f. 

(2)  A.   a.  O.,   S.   164    ff. 

(3)  A.  a.  O.,   S.   169. 

(4)  A.   a.   O.,   S.   208. 

(5)  A.  a.  O.,  S.  192  f.  Vgl.  zu  dem  Ganzen  meinen  Voitrag-  W.  Wundt's 
Vôlkerpsychologie  VII.  und  VIII.  Band  :  die  Gesellschaft,  abgediuckt  in 
den  Mitteihinffen  der  Anthropol.  Oes.  in  Wien,  1921,  Bd.  LI,  S.  4-24. 

(6)  Lelder  i.st  er  im  Lauf  dea  .Jahres  1922,  zu  frUh  ftir  die  Wissenschaft 
gestorben. 


52  W.    SGHMIDT 

sehaftssystems  (ider  von  andoren  sozialpn  Tatsachen,  liofort  uns 
auch  nichf  einen  Fetzen  {one  shred)  eines  Beweises  zugunsten 
einps  solchen  Zustandes,  wie  er  von  Morgan  als  der  frûheste 
Zustand  dor  nienschlichon  Gesellschafl  hingpstellt  warde,  nocli 
gibt  es  irgondeinen  Beweis,  dass  eine  solehe  Proniiskuital 
irgendwann  einmal  das  herrschende  Prinzip  bei  einem  Volko 
in  irgendeiner  spateren  Phase  der  Geschichte  der  Mensehheit 
gewesen  sei    »    (1). 

Und  betreft's  der  Gruppenehe  :  «  Es  gibt  gewisse  Ziige  gerade 
in  dem  Ivlassifikatorischen  Venvandtschaiftssystem  selibst,  wel- 
cho  es  nahelegen,  dass,  wenn  dièses  System  auch  in  einem 
sexuellen  Kommunismus  begrûndet  war,  dieser  Kommunisnius 
nicht  primiliv  war,  sondern  aus  einem  Zustand  hervorging,  in 
welchem  nur  solehe  Verwandtschaftsbeziehungen  anerkannt 
wurden,  wie  sie  resuit ieren  aus  der  sozialen  Einrichtung  dei' 
(Einzel-)    Familie  »    (2). 

Die  stàrkste  Ablehnung  der  MoROANschen  Théorie  kommt 
aber  von  dem  Lande,  aus  dem  sie  hervorgangen  ist,  aus  Nord- 
amerlka. 

Schon  1917  halte  der  verdienst voile  Prasldent  der  Anthro- 
pological  Society  of  Washington,  W.  H.  Swanton  in  seiner  schonen 
Retiring  Address  Some  Anthropological  Misconceptions  (3),  sich 
mit  grôsstem  Naohdruck  gegen  den  Evolutionismus  gewendet. 
Von  seinen  soziologisohen  Theorien  urteilte  er  folgendermas- 
sen  :  «  Wenn  die  Grundtatsachen,  auf  denen  sie  ruhen,  kritisch 
geprûft  wurden,  enthûllte  sich  ein  anderes  Kartenhaus.  Es 
mussie  zugegeben  werden,  dass  die  Stufe  einer  sehrankenlosen 
Promiskuitât  heute  nirgendwo  existiert  und  eine  reine  Hypo- 
thèse bleiben  miisse,  dass  der  Falle     von    sog.  Gruppenehe    lâ- 

(1)  w.  H.  B.i\  ERS,  Kinship  and  Social  Organisation,  London,  1914,  S.  85-86,  96. 
Dièses  Btichlein  enthalt  eine  bel  aller  KUrze  doch  vortrefïliche  lichtvolle 
Elnflihrung-  in  die  Kompliziertheiten  des  klassiflkatoiischen  Verwandtschafts- 
systems  und  der  damit  zusammenhang'enden  Fragen  und  kann  auch  aus 
diesem  Grunde  nur  angelegentlich  empfohlen  werden.  Vergleiche  nieine  Be- 
sprechung   desselben,    Anthr.,   1914,   Bd.    IX,    S.    684. 

(2)  A.    a.    O.,    S.    87. 

(3)  American  Anthropologist,  N.  S.,  1917,  Bd.  IX,  S.  459-470.  —  Vgl.  auch 
îlhnliche  Urteile  tiber  den  Evolutionismus  von  anderen  hervorragenden  Ame- 
rikanisten  :  A.  Kroeber  (A.  a.  O.,  1920,  Bd.  XXII,  S.  59  i.  ;  Fr.  Boas  (A.  a.  O.. 
S.  314-318).  —  Vgl.  dazu  W.  Schmidt,  Die  kulturhistorische  Méthode  und  die 
norda^ncrikamsche  Ethnologie,   Anthr.,   1919-20,    Bd.    XIV-XV,    S.    548-563. 


DIK     SOZIALEN     FOllMEN    DER    KLLTURKRÉISE  53 

cherlich  wonige  waren,  uni  die  (.Trundlage  fiir  eine  solche 
KonstrukLion  /.u  bilden,  und  dass  Polyandrie  und  Polygamie, 
Seite  an  Seite  mit  Monogamie  existierend.  reichlich  aus  wirt- 
schaftlichen  und  sozîalen  Grûnden  erklart  werden  mussten 
und  nicht  als  aller  dargetan  werden  kônnten  als  die  Monogamie, 
die  jene  Foi-men  begleitete.  Endlich  war  es  beobachtet  worden. 
dass  Monogamie  (sogar)  schon  in  der  animalischen  Reibe 
erreicht  war,  und  dass  etwas  ganz  Aelmlirhes  bei  unseren 
naohsten  anthropoideii  Verwandten  zu  finden  ist.  Es  war  damit 
die  Schlussfolgerung  gegeben,  dass  Monogamie  wahrscbeinlicb 
immer  die  normale  Form  der  menschlieben  Elie  war,  und  dass 
andere  Formen  nur  Abirrungen  von  diescr  Norm  darstellen  ». 
(A.  a.  O.,   S.    46  i   1.) 

Eine  womoglich  noeb  starkere  und  umiassende  Ablebnung 
des  Evolutionismus  fmdet  sich  bei  einem  der  Lucbtigsten  jiin- 
geren  dortigen  Soziologen,  R.  H.  Low-ie,  der  in  seinem  Buobe 
Primitive  Society  (1)  die  weitestgehende  Abkelir  von  Morgan 
vollzieht  und  eine  fôrmlicbe  restitutio  in  integrum  der  àlteren 
Auffassung  vornimmt. 

So  urteilt  er  liber  die  «  Gruppenehe  »  :  «  Wenn  wir  die 
âussersl  geringe  Zabi  aller  der  von  Gruppenehe  angefùhrten 
P'àlle  betrachten  und  die  Ergebnisse  unserer  Analyse  des 
sexuellen  Kommunismus,  der  sich  bei  den  Dieri  und  Tscbukl- 
schen  fmden  soll,  so  haben  wir  das  Recht  zu  schliessen,  dass 
l»is  jetzt  noeb  kem  Beweis  erbracbt  worden  ist,  der  zeigen 
wùrde,  dass  irgendein  Yolk  in  der  Welt  sexuellen  Kommu- 
nismus  in  einer  Weise  geiilU  liât  te,  die  die  Individualfamilie 
zerstorle    »    (2). 

«  Sexueller  Kommunismus  als  ein  Zustand.  der  an  Stelle 
der  Individualfamilie  tràte,  existiert  nirgendwo  in  der  Ge- 
genwart  ;  und  die  Beweise  fiir  sein  friiheres  Vorkomnien  miis- 
sen  als  ungeniigend  abgewiesen  werden  »    (3). 

Das  Vorbandensein  der  Individualfamilie  nicbt  erst  auf  den 
U'Izten  Stufen  der  Entwicklung.  sondern  aucb  auf  den  friihe- 
ston  spi'icbt  er  in  folgender  Zusammenfassung  einei-  làngereii 


(1)  New    York    1920.    Auch    der    Titel    scheint    schon    Beziig-    auf    MoroanV 
Ancicnt    Society    zu    nehnien. 

(2)  Ix)wiE,   a.   a.    O.,    S.    55, 

(3)  A,    a.    O.,    S.    62. 


54  W.    SCHMIDT 

tJntersuchung  aus  :  «  Kurz,  die  bilatf^rale  (aus  Mann  unci  Weib 
nnd  ihren  Kindern  bestehende)  Famille  Ist  elne  absolut  nniver- 
salo  Einheit  der  menschliclien  Gesellschaft  »    (1). 

Hinsichflich  der  Thèse  Morgan's  von  der  Priorilàt  der  Sippe 
und  des  Stammes  gegenûber  der  Einzelifamilie  kommt  Lowie 
nach  einer  um)fassenden  Untersuchung  zu  dem  Schlusse  : 
«  Kurz,  mit  der  einen  bemerkenswerten  Ausnahme  der  Aus- 
tralier,  entbehren  die  einfachsten  KuHursiufen  der  Sippe  und 
besitzen  die  Famille,  und  auch  in  Australien  ist  kein  Beweis 
vorhanden,  dass  die  Sippe  aller  ist  als  ilir  unverànderlicher 
Begleiter    (die  Famille)    »    (2). 

«  Das  Gegenteil  der  traditlonellen  [MoRGANschenj  Reihen- 
folge  [zuerst  Sippe,  dann  Famille]  ist  eine  der  siehersfen 
Folgerungen  der  modernen  Ethnologie   »    (3). 

Wenn  Morgan  die  Vaterfolge  ûberall  erst  aus  einer  frûheren 
Mutterfolge  hervorgehen  lasst,  so  stellt  Lowie  fest  :  «  Es  gibt 
keine  feststehende  Aufeinanderfolge  von  Mutter-  und  Vater- 
folge ;  sippenlose  Stâmme  kônnen  unmittelbar  zur  Mutterfolge 
wie  zur  Vatei^folge  ûbergehen.  Wenn  die  hôehsten  Zivilisationen 
mehr  die  vaterliehe  Seite  der  Famille  betonen,  so  tun  das  auch 
mnnrhe  der  niedrigsten  ;  und  die  sozlale  Geschichte  eines 
einzelnen  Volkes  kann  nicht  aus  einem  allgemein  gûltigen 
Entwicklungsschema  rekonstruiert  werden,  sondern  einzig  im 
Liehte  seiner  bekannten  oder  wahraolieinlichen  kulturollen 
Beziehungen  zu  benachbarten  Vôlkern   «    (4). 

Eine  kaum  minder  nachdrûckliche  Ablehnung  des  Evolutio- 
nismus  flnden  wir  auch  in  Alex.  A.  Goldenweisers.  Early  Civili- 
zation   (Npm'  York.   1922).  Dort  heisst  es    : 

«  Was  ist  nun  das  Verdikt  der  modernen  Ethnologie  ûber 
dièse  Verallgemeinerung  ?  —  Die  Schlussfolgerungen  die  von 
kritischeren  Untersuchungen  abgeleitet  werden,  sind  die  fol- 
genden  :  Es  scheint  keinen  Beweis  zu  geben,  dass  ein  Zustand 
von  Promiskuitat  ûberhaupt  jemals  existierte.  Ebenso  scheint 
der  Zustand  von  Gruppen-Ehe.  weit  entfernt  davon,  ein  allge- 
meiner  Vorzustand  der  Tndividualehe  zu  sein,  in  den  seltenen 


(1)  A.  a.   O.,   S.    78. 

(2)  A  a.   O.,   S.    152.   Vgl.    156. 

(3)  A.   a.   O.,   S.    157 

(4)  A.   a.   O.,   S.   185. 


DIE    SOZIALBN    FORMEN    DER    KILTURKREISE  55 

Fàllen,  wo  er  sich  findet,  oinen  Auswuclis  oines  vorhergehenden 
Zustandps  von  Individualehe  darziistellen.  Dio  Famille  und  die 
Ort.sgrup]je  sind  universale  Formen  der  sozialon  Organisation, 
die  sich  bis  an  den  Anfang  selbst  hin  erstrecken.  In  einigen 
Stammen  entwickelt  sich  die  Clan  (Mutterrecht) -Organisation 
iiberhaupt  nienials.  In  anderen  folgt  sie  erst  auf  die  Organi- 
sation des  Familiendorifes.  In  noch  anderen  folgt  die  Gens 
(die  vaterrechtliche  Organisation)  unmittelbar  auf  dièse  frûhe 
Stufe.  Die  Entwicklung  der  Gens  aus  dem  Clan  ist  anscheinend 
niir  in  wenigen  Fàllen  ei'folgt.  Es  muss  ùberdies  beachtet 
werden,  dass  die  Familien-Dorf-Gruppierung  durch  aile  ande- 
ren Formen  der  Organisation  hindureh  fortdauert.  »  (S.  24  f.)- 

Von  so  liervorragenden  wissenschaftlichen  Autoritâten 
Deutschlands,  Englands  und  Amerikas  fallengelassen  und 
bekâmpft,  wird  die  MoRGAN'sche  Théorie  sich  nic-ht  mehr 
aufrecht  erhalten  lassen  ;  ihr  Schicksal  erseheint  damit  besie- 
gelt.  Wer  aber  die  Geschichte  der  Wissenschaift  kennt,  weiss, 
dass  nicht  nur  in  sogenannten  weiteren,  sondern  auch  in 
eigentlich  wissenschaftlichen  Kreisen  es  einer  gewissen  Zeit 
bedarf,  um  die  innere  Erledigung  aoich  ausserlich  ûberall  zur 
Geltung  zu  bringen. 

Wenn  eine  Théorie,  die  bis  vor  kurzem  noch  in  so  allge- 
meiner  Geltung  stand,  jetzt  so  rettungslos  zusammengebro- 
chen  ist.  so  ist  das  eine  sehr  lohrreiche  Mahnung  fiir  uns, 
durch  kcine  noch  so  weitgehende  Anerkennung  irgend  einer 
Théorie  selbst  in  wissenschaftlichen  Kreisen  ohne  weiteres 
uns  blenden  zu  lassen.  den  Widerstand  gegen  sie  fur  vergeblich 
zu  erklàren  oder  wejiigstens  zu  allerlei  Konzessionen  gegen  sie 
ims  herbeizulassen.  Sondern  mutig  und  entschieden  miissen 
wir  den  Kampf  aufnehmen  gegen  das.  was  wir  aus  irgend 
einem  Grunde  als  unrichfig  erkannt  haben  und  zàh  und 
bchiirriich  ihn  fortfûhren,  selbst  bei  anifànglicher  Enfolglosig- 
keit  ;  die  Wahrheit  wird  schon  zum  Siège  gelangen,  wenn  wir 
sie  nicht  àngstlich  im  Stiche  lassen. 

Mûssen  wir  also  nach  diesem  Zusammenbruch  des  Evolufio- 
nismus  auf  dem  Gebiet  der  Soziologie  einfachhin  wieder  zu 
den  âlteren  Auffassungen  zurûckkehrcn  ?  Das  nun  doch"  nicht 
so  allgemeinhin.  Die  ungeheure  Menge  neuer  Tatsachen,  die 
die  Vôlkerkunde  und  gerade  auch  die  Mitarbeit  der  Missionare 


56'  W.    SCHMIDT 

beigebracht  bat,  zeigt,  dass  die  gesellschaftliche  Entwiekkmg 
der  Menschbeii  bedpulpnd  reieber  und  mannigfaeber  und.  wii* 
b:Hignen  es  durchaus  nicht,  in  manoben  Stûcken  frenulartiger 
sich  gestaltet  bat,  als  wir  frûber  sie  uns  voi'zustellen  geneigt 
waren.  Aber  daraul'  kommt  es  an,  wobin  dièse  frenidartigen 
und  nii'dej'en  Fornion  gestellt  werden  n  ûssen.  Mit  seiner 
Behauptung,  dass  sie  aile  an  den  Anfang  geborten  und  dass 
erst  aus  diespn  niederen  Anfângen  sicb  bôhere  Fornien  ent- 
wipkolt  bâilen,  ist.  der  Evolutionisnuis  zusammengebrorben. 
Aber  mit  diesem  bloss  negativen  Résultat  kônnen  wir  uns  nicht 
zufriedengeben,  wie  es  mancbe  apologetiscben  Kreise  tun  ;  wir 
mùssen  doch  das  lebbaf teste  Intéresse  haben  und  sind  durcb 
die  .starksten  Griinde  aucb  des  praktischen  Lebens  dazu  ge- 
drangi.  den  tatsâchliehen  Verlauf  der  gesellscbaftlicben  Ent- 
wieklung  der  Menscbbeit  aucb  positiv  kennen  zu  lernen. 

Diesem  Bediirfnis  verma,g  die  neuere  kulturbistorische  Rich- 
tung  der  Ethnologie  sebon  in  hedeulendem  Unifang  entgo- 
genzukommen.  Ich  will  die  Ergehnisse  ihrer  Arbeiten  hier 
vorfûhren.  wie  ich  t^ie  in  dem  soziologischen  Teil  von  Sghmidt- 
KoppERS  Vôlker  vncl  Kulturen  (1)  dargelegt  babe.  Natûrlicb 
kann  das  hier,  bei  dem  beschrànktem  Umfang  der  Zeit,  die  uns 
zu  Gebote  stebt,  nur  in  ganz  grossen  Zûgen  geschehen.  Aber 
aucb  se  wird  dièse  Darstellung  im  Grossen  unser  Interesse 
wobl  fesseln  konnen  :  sie  bat  ja  aucb  wieder  ibre  eigenen 
Yorzûge. 

IL  —    DIE  KULTURHISTORISCHE    NEUORIENTIERUNG  DER  SOZIOLOGIE 

Es  làsst  sich  niebt  leugnen,  dass  die  gesamte  gesellsehaftli- 
cbe  Eniwicklung  in  bobern  Grade  mitbedingt  ist  durcb  die 
wirtschaflliche  Lage.  Aber  nicht  in  dem  ausschliesslicben  oder 
wenigstens  ausscblaggebenden  Masse,  wie  der  Marxismus  es 
will  ;  sondern  es  là&st  sicb  eher  sagen,  dass  vielmebr  imnier 
dor.t,  wo  die  wirtscbaftlicben  Faktoren  einen  tiberwiegpnden 
Einfluss  auf  die  gesellscbaiftlicbe  Entwicklung  genommen,  eben 
anormale,  ungiinstige  gesellscbaftlicbe  Formen  sich  herausbil- 


(1)  B-d.  III.  des  Werkes  Dei-  Mensch  aller  Zeiten,  jetzt  bei  J.  Habbel, 
Regensburg.  Eine  kurzere  Darlegung  bei  Koppers,  Die  A))/aȣ/e  des  vien- 
scliHchen  Getneinschaftslehens  im  Rniegel  der  neueren  Volkerknnde.  M.-Glad- 
bach,    A'ôlksvereinsverlaff,    1921. 


DIE    SOZIALEN     FOHMEN    DEK    KLLTURKREISE  57 

deten.  Bei  tien  eigeiitlicli  nornialen  Formen  dag-egen  sind  .es\ 
die  gesel.lscharilichen  Faktoren  seelischer  Natnr.  die  an  ihrerj 
Gestaltting  massgebenden  Einfluss  haben.  -  J 

Wir  haben  nùn  drei  grosse  Phasen  der  gesellschaftliehen 
Entwieklung  zu  unterseheiden  :  die  Urkn.lturkreise,  in  welchen 
der  Mensch  die  Natur  noch  nii-lit  Itearbeitete,  sondern  ans  ihr 
entgegennahm,  was  sie  freiwillig  ihm  bot,  wo  der  Mann  durch 
die  Jagd  die  Fleischnahrung.  die  Fraii  durch  Suchen  und  Sam- 
meln  die  Pflanzennahrung  besorgte,  beide  also  gleichârtig  zum 
Unterhalt  der  Familie  beitrugen  —  die  Primàrkulturkreise.  in 
welchen  der  Mensch  auf  drei  ganz  versohiedenen,  von  einander 
unabhàngigen  Wegen,  in  Viehzuchf.  hôherem  Jàgertum  und 
Ackerbau,  dazu  ùbergeht,  die  Natur  zu  bearbeiten  und  ihren 
Ertrag  zu  steigern  ;  drei  verschiedene  Balinen  der  gesell- 
schaftlichen  Entwieklung  tun  sich  hier  auf  —  die  Sekundàr- 
knlturkreùe,  in  welchen  die  bisher  parallel  neben  einander 
vorlaufenden  Entwicklungsbahnen  der  einzelnen  Kulturkreise 
durch  gegenseitige  Wanderungen  mit  einander  in  Beriihrung 
kommen  und  in  der  Mischung  ihrer  gesellschaftlichen  Formen 
einzelne  derselben  ausmerzen,  afidere  zu  ganz  neuen  Gestal- 
tungen  fùhren. 

1.  Die  Urkulturen.  —  Wenden  wir  uns  zunàchst  den  Urkul- 
turkreisen  zu,  so  haben  wir  es  hier  mit  drei  Kulturkreisen  zu 
tun,  dem  der  Pygmaen-(und  Pygmoiden-'^  Yolker,dem  der  altau- 
stralischen  und  dem  der  Bumerangkultur,  von  denen  letzterer 
der  jûngste  ist  und  schon  eine  stàrkere  Ueberleitung  zu  den 
folgenden  Kulturkreisen  bildet.  Es  sind  viberall  nur  kleine, 
zurûckgedràngte  Volkerreste,  die  uns  hier  entgegentreten,  aber 
soziologisch  sind  sie  uns  von  hôchstem  Werte.  Denn  gerade  auf 
dieser  Urstufe  sind  die  eigentlich"en  seelischen  KrJifte  der 
Sympathie  am  stàrksten  tàtig  geblieben.  So  finden  wir  glelch 
hier  die  monogame  Einzelfamilie  als  Regel  in  voiler,  starker 
Dauer,  Treue.  Freiheit  und  gpgenseiliger  Neigung  beider  Nuptu- 
lienten  bei  der  Heirat,  gleichreclit iicher  Stellung  von  Mann  und 
Frau.  Respekf ierung  der  Eltern  und  Liebe,  Fûrsorge  zu  den 
Kindern,  Abwesenheit  von  Kindesmord  und  âhnl.  Verbrechen. 
Der  Stamm  iind  Staat  ist  demgegenûber  nur  schwach  êntwik- 
kelt  ;  die  Macht  liegt  niclil  bei  dem  Hâuptling,  dessen  Stellung 
zumeist   nicht   erblieh   ist,    sondern   bei    der    Gesamtheit    der 


58  W.    SGHMIDT 

Familienhaupler.  E?  gibt  keineiiei  Beschràniamgen  der  Frei- 
heit,  keine  soziale  oder  wirtschaftliche  Ungleichheit,  keine 
Hôrigkeit  und  Sklaverei,  keine  Menschenfresserei  oder  àhnlichc 
Grauel  ;  der  Krie,g  ist  eine  Ausnahme.  Aber  die  korperliehe  und 
geistige  Leistungsfahigkeit  der  Mensehen  wird  auf  dieser  Stufe 
nicht  genûgend  zur  Geltung  gebracht,  der  Arbeitspflicht  nicht 
genùgt  ;   infolge  dessen  wirtschaftlicher  Stillstand. 

Wir  nehmen  von  hier  aber  die  Erkenntnis  der  wichtigen 
Tatsaehe  mit,  dass  nicht  der  Staat,  sondern  die  Familie  am 
Anfang  der  gesellschaftliehen  Entwieklung  stand,  dass  nicht 
der  Staat,  sondern  die  Familie  die  àlteren  Rechte  liât,  dass  der 
Staal  damais  gar  nur  eine  Funktion  der  Familie  war.  So  ergibt 
sicli  aus  der  Geschichte  der  menschlichen  Gesellschaft  der 
zwingende  Schluss,  dass  der  Staat  nicht  ûber  der  Familie  steht. 
ihre  Rechte  nicht  antasten,  sie  selbst  nicht  vergewaltigen  darf. 
Was  fiir  verderbliche  Folgen  aus  dem  Gegenteil  hervoi-gehen. 
wird  sich  gerade  bei  der  Betrachtung  der  folgenden  Kultur- 
kreise  zeigen. 

2.  Die  Primârkulturen.  —  Gehen  wir  jetzt  zu  den  Priniàr- 
kulturen  ûber,  so  erhalten  hier  die  wirtschaftlichen  Faktoren 
eine  weit  grôssere  Macht.  Wir  haben  es  hier  mit  drei  Kultur- 
kreisen  zu  tun.  Die  BeischafTung  der  Fleischnahruug  durcli 
den  Mann  in  der  Urzeit  entwickelt  sich  hier  einerseits  zu  der 
Viehzucht  in  dem  Kulturkreis  der  vaterrechtlichen  Nomaden, 
andrerseits  zum  totemistischen  Tierkult  in  dem  Kulturkreis 
der  gleicMalls  vaterrechtlichen  hôheren  Jàgei*.  wharend  die 
Tâtigkeit  des  Pflanzensammelns  der  Frau  in  der  Urzeit  hier  zur 
Pflanzenzuc-ht  iibergeht  in  dem  Kulturkreis  der  mutterrechtli- 
chen  Ackerbauer  oder  besser  Gartenbauer.  Dièse  drei  Kultur- 
kreise  diirfen  nicht  in  einer  geradlinigen  Reihe  auseinander 
entwickelt  werden,  <ondern  sind  selbststândig  an  ganz  ver- 
schiedenen  Teilen  der  Erde  entstanden,  haben  sich  so  getrennt 
von  einander  in  langen  Zeitrâumen  eigenartig  entwnckelt  und 
so  auch  jeder  seine  eigene  Gesellschaftsform  hervorgebracht. 

Von  dem  grossfamilial-vaterrechtlichen  Kulturkreis  der  Vieh- 
ziichternomaden  kennen  wir  am  besten  die  Entstehungsgegend. 
Es  ist  das  sûdôstliche  Sibirien,  wo  sie  wahrend  des  ganzen 
Palàolithikums  dureh  die  Vergletscherung  des  Sûdens  und 
Westens  von  der  iibrigen  Menschheit  getrennt  gehalten  wur- 


DIE    SOZIALEN    FORMBN    DER    KULTUBKBEISE  59 

den.  Zii  ihnen  gelioren  in  orster  Linie  du»  uralaltaischen 
Vôlker,  in  zweiter  die  indoeuropàisclien  und  in  dritter  Linie  die 
liamitosemitisehen  Vôlker.  Bei  ihnen  verstârkte  sieh  die  Fami- 
lie  zur  Grossffamilie,  d.  h.  dit'  heiratenden  Sôhne  bli(»bpii  unter 
der  Gewalt  des  Vaters  und  in  wirtsc-haftlicher  Abhângigkeit 
von  ihm  :  es  entwickelt  sieh  das  Patriarohat,  in  deni  die 
Freiheil  der  Kinder,  ^o  auch'  bei  Abseliluss  der  HiMrat,  be- 
sfhrânkt  oder  auch  ganz  aufgeho'ben  wird  ;  aueh  die  Stellung 
der  Frau  geht  zuriick.  Der  Erslgeborne  erhâlt  besondere  Vor- 
reehte  im  Erben  und  in  der  sozialen  Stellung.  Die  Monogamie  ist 
nofh  herrschend,  geht  aber  zu  gemâssigter  Polygamie  uber. 
weil  reicher  Kindersegen  stark  gewûnseht  wird.  Gegeniiber 
dieser  starken  Familie  tritt  der  Slaat  zurûck,  wenn  er  auch 
jiusserlieh  sieh  erweitert  duich  Zusammenfassung  von  Haupt- 
lingsschaften  unter  Oberhàuptlingen. 

In  der  Zunahme  oft  ungeheuren  Herdenbesitzes  und  der  dabei 
sieh  einstellenden  wirtseliaftlichen  Ungleichheit  geht  auch  die 
soziale  Ungleichheit  der  Individuen  wie  der  Stàmme  vielfach 
verloren  und  es  t.rplen  liMchtere  Formen  der  Hôrigkeit  auf.  Ein 
grosser  Mangel  ist  die  hochgradige  Scheu  und  Geringschâtzung 
der  kôrperlichen  Arbeit  seitens  der  Mànner. 

Geradezu  entge,gengesetzt  gestaltet  sieh  die  Stellung  von 
Familie  und  Stamm-Staat  im  vaterrechtlich-exogamen  Kultvr- 
krels  des  totcntistischen  hôheren  Jâgertums  :  der  Stamm-Staat 
tritt  in  den  Vordergrund,  die  Familie  in  den  Hintergrund.  Es 
tritt  hier  der  Totemismus  ein,  der  also  keine  Erscheinung  der 
Urzeit  ist.  jene  eigentiimliche  Anschauoing.  auf  deren  Wesen 
und  Ursprung  wir  hier  nicht  nâher  pingehen  kônnen,  kraft  derer 
eine  bestimmJe  Menschengruppe  irgendwie  sieh  verwandt 
glaubt  zunàchst  mit  piner  Tierari,  spâter  auch  mit  Pflanzen 
und  andercn  Dingen.  Schon  dadui'cb  wird  die  Aufmerksamkeit 
von  der  natûrliehen  Einzpjfamilie  auf  grôssere  Gruppen  abgp- 
lenkt.  was  durch  einc  reiche  Ausbildung  von  Abzeichen,  Bema- 
!ungen,  Tàtowierung  nocji  stai-k  unterstûtzt  wird.  Auch  wird 
dip  Familie  zerrissen  dui'ch  die  verschiedenen  Altersklassen- 
verbânde.  die  den  ganzen  Stamm  umfassen.  Die  Stellung  des 
Hâuptlings  ist  bedeutend  gefestigf.  dadurch  dass  er  zumeisi 
auch  Zauberer  ist.  Die  Stellung  der  Frau  geht  zuriick,  weil  die 
Bedeutung  der   mànnlichen   Génération  in  der   Stammesweihe 


0^0  W.    SCHMIDT 

lîait  der  Beschneidung  wie  im  ganzon  Denken  des  Stammes 
stark  betont  wird,  auch  in  rituellen  geschlecht.lichen  Zûgello- 
sigkèiten.  Aber  auch  wirtschal'tlich  hebt  sich  hier  die  Stellung 
des?  Mannes  ;  infolge  des  grôsseren  Wildreichtums  erhalf  er 
mehr  Musse  ;  es  entsteht  Handwerk  und  Kunst  und  Handei,  die 
Anfànge  einer  Art  stadtisehen  Kultur.  Aber  aur-h  der  kriege- 
rische  Sinn  scheint  sich  zu   steigern. 

Wenn  der  totemistisch-vaterrechtliche  Kullurkreis  die  Stel- 
lung des  Mannes  betont  und  hebt,  so  stellt  der  mutterrechtiirhf 
Kulturkreis  die  Frau  in  den  Vordergrund.  Sie  geht  nàmlich  hier 
dazu  liber,  das  Pflanzensammeln  der  Urzeit  zur  Pflanzenzucht 
zu  entwickeln  und  erhâlt  dadurch  ein  wirtschaftliches  Ueber- 
gewicht  ûber  den  Mann.  Denn  ihr  gehôren  die  Ertràgnisse  des 
Pflanzenbaues  und  sie  wird  die  erste  individuelle  Bodeneigen- 
tûmerin  ;  infolgedessen  muss  in  vielen  Stàmmen  bci  der  Heirat 
nicht  mehr  die  Frau  zum  Manne,  sondern  der  Mann  zur  Frau 
hiniiberziehen,  so  dass  er  im  Stamm  dann  ein  Fremder  ist.  Es 
entwiekelt  sich  hier  vielfach  ein  direktes  Matriarchat,  eine 
Gynakokratie.  wie  sie  u.  a.  P.  Lafitau  von  den  Huronen 
geschildert  hat.  Die  Familie  wird  durch  dièse  Verhaltnisse 
oft  verzerrt  und  verschoben  ;  die  Kinder  treten  zum  eige-  ' 
nen  Vater  nicht  in  ein  so  enges  Verhaltnis  wie  zum  Brudei- 
ihrer  .Mutter,  der  deren  mannlicher  Sachverwalter  ist  ;  die 
Kinder  erben  nach  der  Mutter,  nicht  nach  dem  Vater  ;  *die 
Frau  hàngt  mehr  an  ihren  Eltern  und  Verwandten  als  an  ihrem 
Manne.  Auif  spàteren  Entwicklungsstufen  verdient  der  Mann 
sich  die  Frau  durch  langjàhrige  Arbeit  ;  auf  noch  spàteren 
Stufen  wird  die  Arbeit  durch  Kaul'  abgelost.  Damit  aber  geràf 
die  Frau  in  eine  verhàngsnisvollc  Stellung  ;  sie  wird  leicht  als 
eine  kàufliche  Sache  beiraclitel,  und  je  reicher  der  Mann  ist. 
um  so  mehr  Frauen  erwirbt  er,  die  ihm  billige  Arbeitskràfte 
sind.  So  geht  hier  auf  spâten  Stufen  das  Mutterrecht  und  das 
Matriarchat  der  Frau  in  Arbeitssklaverei,  exzessive  Polygamie 
und  andere  Erniedrigungen  ûber.  Gegen  die  wirtschaftliche 
umj  soziale  Bevorrechtung  der  Frau  wâhrend  des  Matriarchats 
hatten  aber  die  Manner  sich  ein  anderes  Schutzmittel  geschaf- 
fen  in  den  Geheimgesellschaften,  die  sie  begriindeten,  von 
denen  Frauen  mit  strengsten  Strafen  ausgeschlossen  wurden 
und  durch  die  sie  mit  allerlei  Mitteln  der  Maskerade  und  des 


DU-:    SOZIALEN    FORMEN    DEH    KULTIIRKREISE  61 

Terrors  die  Frauen  in  Unterwûrtigkeit  und  ziir  Ablieferung 
reiohlieher  Pflanzennahrung  zu  bringen  suchten.  Da  sie  in 
dem  betreffenden  Stamm  nieht  heimisch  waren,  son<Jern  ans 
verschiedenen  Stammon  herkamen.  so  waren  in  diesen  Geheim- 
gesellsehaften  Organisationen  gesehaffen,  in  denen  die  Stam- 
mesgrenzen  din'chbrochen  waren  und  zum  ersten  Mal  eine 
iôrmliehe  Internationalitàt  hergestellt  wurde.  In  der  Tat 
Iraten  die  Geheimgesellschaften  den  Ifï^alen  Stammesaiiktori- 
tiiten  vielfarh  entgegen  oder  notigten  sie,  mit  ihnen  zu  paktie- 
ren.  Auch  suchten  sie  in  intensiver  Propaganda  sich  ùber  die 
Stammesgrcnzen  hinaus  zu  verbreiten,  so  dass  ihre  Interna- 
tionalitàt zu  imnier  stàrkerer  Auswirkung  gelangte. 

Es  sind  also  drei  vollig  eigenartlge  Formen  der  Gesell- 
schaft,  die  sich  in  dieser  Phase  der  Kultur  gebildet  haben.  und 
sie  bedurften,  uni  sich  in  dieser  Eigenart  entwickeln  zu  kon- 
nen,  sicherlich-  langerer  Zeitrâume,  wo  die  drei  Gruppen 
getrennt  von  einander  wohnten.  Dièses  Getrenntsein  musste 
aber  im  Laufe  der  Zeit  ein  Ende  nehmen  schon  dureh  das 
innere  Anwachsen  dei'  Stâmme,  ferner  durch  âussere  klima- 
tische  Eingriffe,  endlich  durch  die  Wanderlust  einzelner  Grup- 
pen, und  andere  Faktoren. 

3.  Die  sekundàren  Kulturen.  —  Schon  bald  scheint  die  Ver- 
mischung  des  totemistisch-vaterrechtlichen  mit  dem  agrikul- 
turell-mutterrechtlichen  Kulturkreis  eingesetzt  zu  haben,  aus 
der  eine  Verbindung  wie  von  Stadt  und  Land  hervorging. 
Soziologisch  ergab  sich  daraus  eine  Aufteilung  der  zahlreichen 
Totemclans  in  die  zwei  Hoiratsklassen  der  mutferrechtliehen 
Kultur,  die  Bildung  von  Vier-  und  Achtklassensystemen.  sowie 
die  Verbindung  des  Totemismus  mit  Mutterfolge,  die  von  denj 
àlteren  Soziologen  als  das  Urspriingliche  angesehen  wurde, 
wàhrend  sie  in  Wirjclichkeit  nur  das  spàte  Produkt  einer  Ver- 
bindung zweier  ganz  heterogener  Kulturen  ist. 

Viel  weitgehender  waren  die  Folgen,  die  aus  der  Verbin- 
dung der  grossfamilial-vaterrechtlichen  Kultur  der  Viehzûch- 
ter-Nomaden  mit  den  beiden  ûbrigen  Kulturen  sich  ergab. 
Dièse  Verbindung  (rat  zu  Beginn  des  Neolithikums  ein,  als  die 
Gletscher  schwanden,  welche  die  Nomadenvôlker  \on  den  iibri- 
gen  Vôlkern  getrennt  hielten.  Da  brachen  sie  hervor,  und  auf 
ihren  Reittieren  und  mit  ihren  Zug-  und  Lasttieren  die  Entfer- 


62  W.    8CHMIDT 

nungen  von  Raum  und  Zeit  viel  schneller  ûberwindend  als  die 
Vôlker  der  beiden  anderen  mehr  an  die  Scholle  gebundenen 
Kulturen,  auf  das  wandelnde  Kapital  ihrer  Grossherden  sich 
stûtzenden,  kriegerisclier  und  kraftiger  als  sie  wurden  sie  bald 
zu  Herren  der  ûbrigen  Vôlker.  Sie  zwangen  <lie  bis  dahin 
bestehenden  kleinen  Stadt-  und  Dorfstaaten  zusammen  zu 
Grossstaaten.  die  die  genûgenden  Grtindlagen  darboten  zu  der 
jelzt  anhebenden  Hoebkultur.  Indem  dièse  erobernden  Noma- 
denvôlker  sich  ilber  die  besieglen  Stadt-  und  Dorfbewohner 
stelUen,  fûhrten  sie  ein  neues  Prinzip,  das  der  verlikalen 
hierarchischen  Stàndegliederung  in  die  gesellschaftliche  Ent- 
wicklung  ein  :  sie  selbst  wui'den  die  Aristokratien.  aus  denen 
dann  auch  die  herrschenden  Dynastien  hervorgingen. 

Dièse  ganze  Vermisebung  iibte  in  vieler  Hinsicbt  auf  die 
soziale  Ordnung  der  Unterworfenen  einen  zersetzenden  Ein- 
fluss  aus.  Sie  liess  Totemismus  und  Mutterrecht  mit  ail  ihren 
Begleiterscheinungen  entweder  ganz  verschwinden  oder  nur  in 
kummerlichen  Resten  besteben,  und  das  ist  der  Grund,  wes- 
halb  dièse  Seltsamkeiten  in  den  jetzt  beginnenden  Hochkul- 
turen  immer  mehr  verschwinden  ;  am  starksten  blieben  sie 
erhalten  in  Aegypten,  in  Vorderindien  und  in  Peru.  Die  natûr- 
liche  Familie  wurde  wieder  mehr  zur  Tragerin  der  Gesellschafts- 
ordnung  und  die  Vaterfolge  wurde  ihr  zurûckgegeben.  die 
vaterliche  Gewalt  allerdings  auch  vielfaeh  bis  zur  rûcksichts- 
losen  Gewalt  uber  Leben  und  Tod  von  Frau  und  Kind  gestaltet. 
Die  den  Nomadenvôlkern  eigene  Monogamie  geht  aber  in  der 
anhebenden  Sittenlosigkeit  und  Rûcksichtslosigkeit  zu  einer 
vielfaeh  zûgellosen  Polygamie  und  dem  Haremwesen  der  herr- 
schenden Klassen  ûber  ;  es  ist  nicht  die  wachsende  Kultui', 
welche  im  Abendland  die  Monogamie  zur  Herrschaft  brachte. 
wie  WESTEFtMAUCK  meinl.  sondern  die  ûbergeschichtliche  Tat- 
saclip  des  Eintretens  des  Christentums  brachfp  die  Monogamie 
gegen  die  verschiedenartigsten  Widerstânde  teilweise  erst 
in  hartem  Kampfe  zur  Geltung.  \Vo  Vôlker  mit  Vaterfolge  und 
Erstgebornenvorrecht  zoisammentrafen  mit  Vôlkern  mit  aus- 
gesprochenem  Matriarcbat.  wie  das  besonders  in  Indien  beim 
Zusammentreften  von  Ariern  und  Dravida-Munda  der  Fall  war. 
da  entstand  aus  wirtschaftlichen  Griinden  die  Polyandrie,  zuerst 
als   Bruderpolyandrie,   die   also   keine   primitive    Erscheinung, 


DIB    80/.IALEN    FORMEN    DER    KULTURKREISË  63 

sondern  ein  sehr  spàtes  Mischungsprodukt  ist.  So  sind  es  einer- 
seits  wirtschaftliche,  andrerseits  sittliche  oder  vi^lmehr  un- 
sittliehe  Faktoren,  welche  in  dieser  beginnenden  Hoohkultur  die 
Famille  aufs  Tiefste  schâdigen  und  damit  eine  ihrer  wichtigsten 
Grundlagen  verhàn,gnisvoll    schwàchen. 

Eine  andere  schlimme  Schàdigung  vollzog  sieh  in  der  hie- 
rarchischen  Gliederung  der  Stànde,  die  jetzt  einsetzte.  Das 
Bedenkliche  dabei  war,  dass  sie  zum  grossen  Teil  hervorging 
aus  der  Geringschatzung  der  Besifgten  und  ans  der  Scheu  und 
Verachtung  der  Arbeit,  besonders  der  kôrperlichen,  seitens  der 
Siéger.  Die  Arbeit  wurde  den  anderen  Stànden  ûberwiesen  und 
damit  innerlich  entwûrdigt.  Die  daraui  sich  erhebende  Rang- 
ordnung  wurde  verewigt  und  damit  noch  um  so  drûckender 
gemaf'ht  durch  das  Prinzip  des  Blutes,  indem  die  Abstammung 
auch  ùber  Rang  und  Stand  entschied.  Indem  dann  statt  der 
frûheren  Exogamie  jetzt  fur  jeden  Stand  die  Endogamie  obliga- 
toriseh  wurde,  sollte  der  Vermischung  der  Rassen,  die  zugleich 
Stande  w'aren,  entgegengetrefen  werden  ;  der  Mangel  an  sittli- 
cher  Kraft  durchbrach  aber  dièse  Sehranken  und  die  Vermi- 
schung trat  im  Laufé  der  Zeit  trotzdem  ein,  auf  illegalen  und 
deshalb  vielfach  verderblichen  Wegen. 

Die  stàrkste  Ausweitung  der  hierarchischen  Stândeordnung 
vollzog  sich  nach  unten  hin  darin,  dass,  als  die  Arbeit  einerseits 
immer  verhasster  und  andrerseffs  in  immer  grôsseren  Massen 
notwendig  wurde,  schliesslich  Menschen  ihrer  persônlichen 
Rechte  gewaltsam  entkleidet  und  zu  sachlichen  Arbeitsmaschi- 
nen  degradiert  wurden  in  den  stàrkeren  Formen  der  Hôrigkeit 
und  schliesslich  der  vollen  Sklaverei,  die  also  erst  ein  Produkt 
dieser  spàten  Zeit  ist.  Wurde  hier  die  Reihe  der  menschlichen 
Rangstufen  bis  selbst  in  untermenschliche  Tiefen  hinabgesenkt, 
so  wurde  sie  andrerseits  nach  oben  hin  bis  in  ùbermenschliche 
Hôhen  hineingehoben  durch  die  Schaffung  des  absoluten  Kô- 
ntgtums.  das  in  einer  seiner  Entwieklungen  selbst  bis  zur 
vdlligen  Vergottung  des  Konigs  fortschreitot.  Das  letztere  ist 
der  Fall  bei  jener  Art  des  KÔnigtums,  wie  es  Frazer  in  seinem 
Golden  Bough  geschildert  hat,  wo,  eine  Nachwirkung  aus  dem 
totemistischen  Kulturkreise,  der  Kônig  die  Repràsentation  der 
allesbelebenden  Sonne  ist  ;  eben  deshalb  aber  muss  er,  sobald  er 
selbst  krank  und  schwaoh  und  ait  wird,  weil  das  fur  den  ganzen 


(54  \V.    SCHMIDT 

Staat.  ja  fur  die  Xatiir  von  unheilvollen  Folgen  wârp,  eines 
gewaltsamen  sei  es  fremilligen  sei  es  anfreiwilligen  Todes 
sterben.  Andrerseits  aber  haben  wir  auch  ein  Kônigtum.  das 
Frazer  gar  nicht  zu  kennen  scheint,  wo  der  Kônig  nicht  Gott 
ist.  sondern  der  Gottheit,  dem  Himmelsgott,  am  nàchsten  stehl. 
aber  auch  durch  sein  eigenes  sittliclies  Verhalten  verantwortlich 
bleibt  fur  Wohl  und  Wehe  seines  Yolkes  ;  dièses  Kônigtum  ist 
nicht  s  anderes  als  die  erhohende  Fortsetzung  des  patriarcha- 
lischen  Familienhauptes  der  Grossifamilie  der  Hirtenvôlker. 

In  diesen  beiden  àussersten  Ausweitungen  der  hierarchi- 
schen  Rangordnung,  der  untermensclHichen  Erniedrigungen 
in  Hôrigkeit  und  Sklaverei  und  der  ùbermenschlichen  Erhôhung 
zu  absolutem  und  vergottetem  Kônigtum,  ist  fast  das  Un- 
môgliche  vvirklich  gemacht  und  die  hierarchische  Gliederung 
der  Gesellsthaft  in  Weiten  ausgespannt  worden,  die  kaum 
noch  Zusammenhànge  mit  einander  zu  haben  scheinen  und 
keine  organische  Gliederung  melir  bewirken,  sondern  ein 
Auseinanderreissen  und  Entfremden  der  (îlieder  zur  Folge 
haben  miissen.  Es  war  auch  liier  wieder  ein  rûcksichtsloses 
Voranstellen  der  wirtschafts-  technischen  und  der  egoistisch- 
persônlichen  Gesichtspunkte,  die  im  Uebermass  tâtig  waren  bei 
der  neuen  Ordnung  der  Dinge.  Ein  glànzendes  Gebàude  war  es, 
das  sich  da  zu  erheben  begann  ;  aber  die  Beiseitelassung  und 
selrbst  Niedertretung  der  charakterlich-ethischen  und  gemiit- 
lich-sozialen  Interessen  schwàchte  in  bedenklichem  Masse  die 
Grundlagen,  auf  denen  es  ruhen  musste. 

Gewiss,  der  Zusammentritt  aller  l)isherigen  EinzelkuKuren. 
der  Viehzucht.  der  Handfertigkeit,  des  Ackerbaues,  wie  er  sich 
hier  vollzog,  zu  einem  Kulturkreise  lieferte  die  matérielle 
Grundlage  und  Môglichkeit  der  Ernâhrung,  Kleidung.  Wohnung 
gewaltiger  Menschenmasspn.  der  ersten  Vorbedingung  hôheren 
Kulturaufstieges.  Die  bis  in  die  hôchsten  Hôhen  hinauf  ge- 
fiihrle  stàndische  (gliederung  der  Massen  hob  eine  Anzahl 
Menschen  aus  den  gewôhnlichen  Niederiingen  des  Lebens 
empor  und  gab  ihnen  die  Schwungkraft  und  don  Mut,  ihre 
Blicke  auch  auf  feinere  und  hôhere  Ziele  zu  richten.  Bei  den 
ùbrigen  ^lenschen  mussten  sowohl  die  durch  die  Masse  ge- 
sicherten  Absatzmôglichkeiten  wie  die  Festlegung  der  Berufe, 


dif:  sozialen  formen  der  kui.tirkreise  65 

die  Rentabiltàt  der  Aiboit  und  die  Spezialisierung  derselben 
fortwàhrend  steigern  und  damit  zu  einer  stets  fortschreiten- 
den  Vervollkoniîiinung  der  einzelnen  Arbeitszweige  fûhren,  fur 
die  in  den  npu  sich  erôffnenden  Leben&bedûrfnissen,  in  dem 
gesteigerten  Lnxus.  insbesondere  der  oberen  Klassen,  eine 
immer  mannigfaltigere  Vei-wendung  sich  auftat.  Aber  die  Klufl 
zwischen  den  einzelnen  Bevôikerungsschiehten  wa-r  gleich  zu 
Beginn  zu  tief  gerissen  worden,  schon  dureh  das  Prinzip  der 
Geburt,  dann  aber  dureh  den  ùbermiichtigen  Kapitalismus  der 
herdenreic'hen  Hirtenvolker,  der  dureh  die  Okkupation  von 
Grand  und  Boden  unheilvoll  verstàrkt  wurde  und  in  automa- 
tisehem  Wege  zu  ihrer  immer  stàrkeren  Bereicherung  und  zu 
rûcksichtsloser  Ausbeutung  der  ùbrigen  Schichten  fûhrte.  In 
der  vôlligen  Entrechtung  dureh  Leibeigensehaft  und  Sklaverei 
aber  wurden  dann  Hunderltausende  und  Millionen  menschli- 
cher  Entwicklungsmoglichkeiten  mit  gewaltsamer  Hand  in  den 
niedersten  Regionen  festgehalten  oder  ganz  erstickt  und  in 
blutigen  Greueln  oft  ganze  Stàmme  mit  besonderen  nationalen 
Kultureigentûmlichkeiten  vernichtet  und  àus  der  menschli- 
chen  Gesamtentwicklung  ausgeschaltet.  Mit  brutaler  Offenheit 
legen  uns  àgyptische  und  assyro-babylonische  Gemâlde  und 
Skulpturen  mit  ihrer  trostlosen  Mannigfaltigkeit  des  Sklaven- 
lebens  dar,  in  weh-her  Weise  hier  die  Felder  bebaut,  die 
Kanàle  und  Diimme  zustande  kamen,  die  Tempel,  Pyramiden 
und  Obelisken  aufgerichtet  wurden,  und  die  feinsten  Dichter- 
und  Denkerwerke  griechischer  und  rômischer  Hochkultur  ver- 
môgen  nieht  das  gràssliche  Sklavenelend  zu  verdecken,  aus 
dem  dièse  Kultur  emporwuchs  und  ohne  welches  sie  trotz  alb^s 
ihres  Glanzes  nicht  bestehen  konnte. 

Sicherlich,  die  Zyklopenquadern  des  gewaltigen  Baues  waren 
zu  lose  und  gewaltsam  aneinandergefûgt,  und  in  der  Vergotlung 
auf  der  einen  und  der  Entmenschung  auf  der  anderen  Seite 
waren  die  Tragbôgen  z'u  rûcksichtslos  viberspannt  :  das  wai' 
kein  Bau   fur  die  Ewigkeit. 

4.  Die  sozinle  EnUcicklung  und  dir  Religion.  — -  So  etwa  war. 
in  grossen  Ziigen  gezeiehnet,  der  Stand  der  gesellsehaftlichen 
Entwicklung,  mit  welchem  die  Kultur  in  die  sog.  geschichtliclien 
Zeiten  d.  h.  in  die  Zeiten  beginnenden  Schrifttums  eintrat  und 
der  natûrlich  die  weitere  Entwicklung  derselben  aufs  Tiefgrei- 


66  W.    SCHMIDT 

fendste  beeinflusste  und  vielfach  vôllig  bestimrnte.  Was  fur 
den  weiteren  Verlauf  derselhen  aiisserdem  noch  an  Gestal- 
tungskràflen  in  Betracht  kommt,  geht  vor  allem  von  den 
grossen  Geschichts-Religionen  ans. 

Am  wenigsten  wurde  durch  dieselben  in  der  rein  inneren 
Entwieklung  in  China  geàndert  ;  Taoismus  und  Konfuzianis- 
mus  sind  beide  in  ihrer  Art  nur  Herausliebungen  und  Befesti- 
gungen  eigenkultureller  chinesischer  Kràfte.  In  Indien  bedeu- 
tel  der  Brahmanismus  mit  seinem  schroffen  Kastensystem 
nichts  anderes  als  die  religiôse  Besiegelung  der  durch  ein 
Eroberervolk  herbeigefûhrten  vertikalen  Gesellschaftsgliede- 
rung.  Der  Buddhismus  stellt  zunàchst  eine  mûde  Flucht  vor 
diesem  System  dar  ;  er  ist  auch  eine  Reaktion  der  unterwor- 
fenen  mutterrechtlichen  Kuliur  und  auch  nur  auf  ihrem  Boden 
gelangt  er  zu  dauernder  Herrsehaft  und  kann  die  Auflôsung 
der  Kasten  und  eine  leichte  Besserung  der  Lage  der  Frau 
aufreeht  halten.  Beim  Muhamedanismus  lie,gt  es  offen  zutage, 
dass  er  nichts  anderes  ist  als  die  Religion  des  angreifenden 
Nomadismus  und  die  religiôse  Rechtfertigung  seiner  Erobe- 
rungszùge  und  seiner  Alleinherrschaft, 

Nur  das  Christentum  ist  es,  das  nicht  nur  keine  blosse 
Bekràftigung  irgendwelcher  schon  bestehender  einseitig  ge- 
richteter  gesellschaftlicher  Kràfte  ist,  noch  auch  eine  blosse 
mûde  Négation  derselben  darstellt,  sondern  das  wie  von  einem 
ausserhalb  der  Strômungen  stehenden  festen  Punkte  aus  mit 
neuen  starken  Kràften  in  die  Kulturentwicklung  eingreift, 
nicht  mit  àusserer  Gewalt,  sondern  mit  Ideen  und  Impulsen, 
mit  Offenbarungen  und  Gnaden. 

Dièse  Einflûsse  sind  es,  und  nicht  irgendwelche  eigene  innere 
Hôherstrebungen,  welche  das  Bild  der  abendlàndischen  Kultur 
in  manchen  Ziigen  anders  gestaltet  haben,  als  man  es  nach 
den  blossen  Fortentwicklungen  der  ethnologisch  festgestellten 
Gesellschaftszustànde  der  beginnenden  Hochkultureri  erwarten 
konnte.  Dièse  Einwirkungen  richteten  sich  in  tiefster  Erfassung 
des  Kernproblems  vor  allem  auf  die  Famille.  Die  Monogamie, 
die  Unauflôslichkeit  der  Ehe,  die  Brandmarkung  des  Ehebru- 
ches  nicht  nur  der  Frau,  sondern  auch  des  Mannes,  die  Freiheit 
der  Eheschliessung  fur  beide  Telle,  die  Wiederherstellung  der 
Wûrde  der  Frau  wie  des  Kindes  :   das   ailes   sind  Errungen- 


MÉTHODE    HISTORIGO-CULTURELLE  67 

schaften  des  ChrisienLums  und  gehen  unmittelbar  auf  seinen 
Slifter  selbst  zuiûek.  Wenn  dieser  auch,  in  den  Worten  : 
«  Gebet,  dem  Kaiser,  was  des  Kaisers  ist  »,  die  hierarchisehe 
Ein-  imd  Unterordnung  ajjprobierte,  so  trat  er  nieht  bloss  in 
dem  g'ieieh  daraiiffolgenden  «  Gebet  Gott,  was  Gottes  ist  »  der 
Vergoltung  des  Herrschers  und  Staates  entgegen,  sondern  in 
seinem  Ausspruch  vor  Pilalus,  Konig  in  einem  Reiehe  der  Wahr- 
heit  zu  sein,  stellte  er  ein  Reich  des  Geistes  iiber  die  Reiehe 
der  Materie  und  der  àusseren  Gewalt.  Indem  er  aber  weiter 
die  Gleichheit  aller  Menschen  vor  Gott,  ihre  Kindschaft  zn 
Gott  und  damit  ihre  Brûderschaift  untereinander  proklamierte, 
gab  er  Krâfte  in  die  gesellschaftliche  Entwicklung  hinein,  die 
in  ihrer  fortschreitenden  Entfaltung  und  Auswirkung  auch  die 
Ueberschreilungendes  hierarehischen  Prinzips  bis  zur  Hôrigkeit 
und  Sklaverei  hinunter  von  innen  heraus  korrigierten.  und  was 
an  ihm  haltbar  war,  ebenfalls  auf  das  familiale  Prinzip  zurûck- 
fûhrten  und  begrundeten. 


[3]  La  méthode  historico-culturelle 

par  le  R.  P.  PiNARD  de  la  BoULLAYE,  S.  J. 

/Si  je  ne  me  trompe,  MM.,  rien  n'est  plus  étranger,  plus 
antipathique  même  aux  conférenciers  qui  auront  l'honneur  de 
vous  entretenir  durant  ces  huit  jours,  que  la  pensée  de  se  lier 
à  un  système,  de  céder  à  quelque  courant  de  la  mode,  de  vou- 
loir fonder  une  école,  au  sens  étroit  du  mot.  Cependant,  sans 
s'être  concertés,  plusieurs  d'entre  eux  se  sont  trouvés  d'accord 
pour  accepter,  dans  une  mesure  d'ailleurs  variable,  les  pro- 
cédés de  démonstration  dont  l'ensemble  constitue  la  «  méthode 
historico-culturelle  »  et  certains  au  moins  des  résultats  aux- 
quels ils  ont  conduit.  Un  bon  nombre  de  nos  séances  seraient- 
donc  à  peu  près  inintelligibles  et  bien  des  assertions  semble- 
raient absolument  gratuites,  si,  dès  l'abord,  on  ne  vous  expo- 
sait (ou  l'on  ne  vous  rappelait)  en  quoi  consiste  cette  méthode 
et   quelles  conclusions  elle  semble  autoriser. 

Tel  est  l'objet  de  la  présente  conférence. 


68  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

Vous  savez,  MM.,  par  quels  procédés  l'école  évolutionniste 
.s'efforce  de  justifier  ses  théories  :  elle  apprécie  d'ordinaire  le 
développement  intellectuel,  religieux  et  moral  des  sociétés 
humaines  par  leur  civilisation  dans  Tordre  matériel  ;  elle 
considère  comme  une  preuve  de  développement  ou  dévolution 
uniforme  luniversalité  ou  la  fréquence  de  certains  phéno- 
mènes, comme  la  magie,  lanimisme,  le  culte  des  morts,  le 
totémisme,  sans  se  soucier  d'examiner  si  conceptions  et.  rites 
sont  nés  partout  sur  le  sol  où  on  les  observe  aujourd'hui,  ou 
se  sont  au  contraire  répandus  par  voie  de  migration  ou  d'em- 
prunt ;  elle  prt'dend  établir  Tordre  chronologique  selon  lequel 
idées  et  pratiques  sont  apparues,  en  les  classant,  des  plus 
basses  aux  plus  élevées,  d'après  un  ordre  logique  et  des  pos- 
sibilités psychologiques   fort  i-ontestables. 

C'est  pour  réagir  contre  ces  abus  qu'a  été  élaborée  la  méthode 
dont  nous  allons  ])arler. 

Préparée  par  les  travaux  de  Hatzel  et  de  Frobenius,  qui 
ont  fourni  la  preuve  de  migrations  et  d'emprunts,  perfection- 
née par  Graebner  et  Ankermann,  surtout  depuis  1904,  elle  a 
été  formulée  de  façon  plus  systématique  par  Graebner,  en  191  1. 
Depuis  1908,  le  R.  P.  Schmidt  sest  appliqué  à  la  faire  connaître 
et  à  la  perfectionner  en  plusieurs  points.  En  1921,  en  modifiant 
quelques  détails,  j'en  ai  donné  moi-même  un  exposé  (1),  qui 
a  reçu  la  Idenveillante  approbation  du  Dr.  Graebner  et  du 
R.  P.  Schmidt. 

Je  le  soumets  ici,  avec  quelques  explications  nouvelles,  à 
vos  j'éiflexions  et  à  vos  critiques. 

1"  Nous  verrons  d'abord  les  caractéristiques  essentielles  de 
la  méthode  ; 

2°  nous  étudierons  ensuite  ses  procédés  : 

T  nous  essaierons  enfin  de  préciser  les  limites  de  sa  compé- 
tence. 

I. CARACTÉRISTIQUES  DE    LA  MÉTHODE 

1°  Comme  première  caractéristique  nous  pourrons  indiquer 
V exclusion  de  tout  a  priori. 

La  méthode  ne  présuppose  ni  aucun  des  postulats  de  Tévo- 
lutionnisme,  ni  aucune  thèse  historique,  philosophique  ou  théo- 


(1)   La  méthode  hiatorico-culturcllc,  dans   RUR,   1921,  t.   XI,   p.    273-305 


MÉTHODE    HISTORICO-CULTURELLE  0!» 

iogiquc  :  elle  veut  apprendi'o  uniquement  des  documents  et 
fies  faits  ce  qui  a  été. 

Avec  une  loyauté  parfaite,  le  R.  P.  Schnudt  écrivait,  il  y  a 
quelcpu'S  années  :  «  Le  [)Ostulal  unique  de  l'école  historique... 
est  celui  d'une  origine  et  d'une  souche  uniques  du  genre 
humain.  Cotte  oiigine,  à  ce  qu'il  semble,  devrait  être  cherchée 
en  Asie   »    (  i) . 

Il  ne  me  contredira  pas,  je  pense,  si  je  note  que  cet  «  unique 
postulat  »  ou  plutôt  ce  double  postulat  n'est  nullement  néces- 
saire et  qu'il  sufïit  pleinement  d'utiliser  ces  deux  idées,  d'abord 
à  titre  de  jtures  hypothèses,  pour  orienter  provisoirement  la 
recherche,  puis,  dans  la  mesure  où  elles  sont  appuyées  par  les 
sciences  connexes,  à  titre  d'indices  convergents. 

2°  Exigeant  des  arguments  positifs,  a  posteriori,  la  méthode 
historico-culturelle  les  trouve,  non  dans  les  traits  généraux 
communs  à  toutes  les  civilisations  ou  du  moins  à  plusieurs 
d'entre  elles,  mais  dans  la  correspondance  de  conceptions  ou 
de  pratiques  très  particularisées,  que  n'explique  aucune  cause 
ou  nécessité  générale.  En  pareil  cas,  en  effet,  on  est  en  droit 
d'afïirmer  une  connexion  historique  entre  les  régions  où  ces 
accords  s'observent  :  une  telle  parité  est  indice  de  parenté. 
Cette  parenté  acquiert  d'ailleurs  une  certitude  de  plus  en  plus 
fei-mc.  à  mesure  que  les  con-espondances  de  même  genre  se 
révèlent  plus  nombreuses  :  t-'est  la  preuve  par  convergence 
(ou,  comme  on  dit  plutôt  en  Allemagne,  par  accord  ou  concor- 
dance.  Vebcreinstimmuiig)    des  probabilités. 

Qu'on  veuille  bien  le  noter  :  ces  modes  de  raisonnement 
appuyés  sur  la  répétition  de  détails  topiques  sont  d'un  usage 
constant  en  linguistique,  où  ils  permettent  de  démonti'er  la 
parenté  des  langues  —  en  critique  textuelle,  où  ils  aident  à 
déterminer  la  généalogie  des  manuscrits  —  en  critique  Htté- 
l'aire.  où  ils  servent  à  identifier  les  sources  utilisées,  à  dénon- 
cer les  plagiats,  à  découvrir  les  auteurs  de  productions  ano- 
nymes —  en  histoire,  où  ils  constituent  les  seules  voies  pos- 
sibles de  démonstration...  Dans  toutes  ces  sciences,  ils  ont 
conduit  à  des  découvertes  importantes  :  ils  ont  fait  leurs 
preuves. 

(1)   RSPT,  1913,  t.   VII,   p.   2.S7   ;   cf,   1311,   t.  V.   )>.    60. 


70  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

La  méthode  historien-culturelle,  peut-on  dire,  n'est  rien 
d'autre  en  somme  que  l'application  des  mêmes  procédés  au 
domaine  de  l'ethnologie. 

Le  Dr.  Graebner  nomme  critère  de  forme  l'-argument  ou 
l'indice  isolé  que  fournit  la  répétition  exacte  d'une  particula- 
rité culturelle  en  des  régions  distinctes,  par  exemple  la  forme 
très  spéciale  et  constante  de  l'arc,  du  canot,  dos  masques  etc.. 
Il  nomme  critère  de  quantité  le  supplément  d'évidence  qu'ap- 
porte le  nombre  plus  ou  moins  considérable  des  co'incidences 
semblables,  soit  dans  le  même  objet,  soit  dans  des  objets 
diiïérents  ou  en  des  parties  diverses  des  civilisations  consi- 
dérées. Si  la  forme  de  l'arc  ou  celle  de  la  hutte,  ou  celle  du 
canot  commandait  celle  des  masques,  des  boucliers,  des  pote- 
ries, la  répétition  des  mêmes  formes  constituerait,  il  est  vrai, 
en  tout  et  pour  tout,  un  indice  unique  de  parenté  ;  il  resterait 
même  de  valeur  peu  probante,  s'il  s'agissait  d'une  vague  har- 
monie des  lignes,  comme  il  arrive  d'ordinaire  dans  un  style 
bien  défini  d'architecture  ou  d'ornementation  ;  mais  si  l'on 
entend  par  forme  des  détails  très  précis  de  la  technique  em- 
ployée, si  la  quantité  des  accords  est  relevée  en  des  éléments 
manifestement  indépendants  (pratiques  rituelles,  conceptions 
mythologiques,  organisation  sociale),  les  deux  critères  de 
forme  et  de  quantité  peuvent  fournir  une  démonstration 
convaincante  :  où  l'accord  est  constant,  la  parenté  des  civili- 
sations est  certaine. 

Comme  on  distingue  dans  l'étude  des  questions  littéraires  ou 
historiques  une  critique  interne  (celle  qui  considère  ce  que  les 
textes  disent  d'eux-mêmes  sur  eux-mêmes)  et  une  critique 
externe  (celle  qui  considère  ce  que  disent,  sur  la  valeur  de 
ces  textes,  des  témoins  ou  des  documents  différents),  on  peut 
de  même,  en  matière  d'ethnologie,  distinguer  une  critique 
interne,  à  savoir  l'étude  des  éléments  culturels  en  eux-mêmes 
(les  rapports  de  forme  ou  qualité  et  de  quantité)  et  une  cntique 
externe,  à  savoir  l'étude  des  témoignages  fournis  par  des  disci- 
plines connexes  sur  les  relations  des  peuples  considérés. 
L'anthropologie  pourra  dire,  par  exemple,  si  elle  les  estime  de 
même  race  —  la  linguistique  si  leurs  idiomes  sont  identiques 
ou  dérivés  d'une  môme  souche  —  la  mythologie  comparée  s'ils 
ont  quelques  traditions  communes  sur  leurs  relations    anfé- 


MÉTHODE    HISTORICO-CULTURCLLE  71 

rieures,  sur  des  migrations  qui  expliquent  leur  répartition 
actuelle  —  la  géographie  si  elle  peut  indiquer  les  voies  de 
communication  qu'ils  ont  suivies... 

Critique  interne  et  externe  se  contrôlent  l'une  l'autre.  Si 
les  critères  de  forme  et  de  quantité  sont  suffisamment  clairs  et 
abondants,  il  est  bien  impossible  que  les  sciences  que  nous 
ven  ns  d  énamérer  viennent  contredire  leur  témoignage  ;  elles 
peuvent  c'u  moins,  dans  certains  cas  où  elle  serait  peu  déci- 
sive, renforcer  la  preuve  fournie  par  le  nombre  des  coïnci- 
den  es  et  la  rendre  péremptoire. 

Pour  résumer  ces  premières  observations,  nous  pouvons  dé- 
gager les  caractéristiques  essentielles  de  la  méthode  historico- 
culturelle    : 

a.  elle  est  positive,  parce  qu'elle  exclut  les  a  priori,  renonce  à 
raisonner  sur  de  pures  possibilités  logiques  ou  psychologiques, 
exige  enfln  comme  point  de  départ  des  indices  concrets,  ayant 
au   mo'ns   la  valeur  de   probabilités  ; 

h.  elle  est  comparative,  parce  que  c'est  par  la  comparaison 
minutieuse  des  éléments  culturels  qu'elle  découvre  les  coïn- 
cii'ences  c'e  détail  inexplicables  par  de  pures  rencontres  ; 

c.  elle  est  historique,  parce  qu'elle  s'appuie  sur  des  faits 
historiques  dûment  constatés,  à  savoir,  selon  les  cas,  emprunts 
plus  ou  moins  nombreux  d'un  peuple  à  un  autre,  influence  plus 
ou  moins  étendue  de  telle  civilisation  sur  telle  autre,  enfin,  si 
l'accord  se  maintient  dans  toutes  les  parties  des  civilisations 
ou  du  moins  dans  leurs  éléments  les  plus  essentiels  et  les  plus 
stables,  origine  commune  des  peuples  ou  tout  au  moins  union 
archaïque  dans  une  unité  sociale  plus  ou  moins  stricte. 

II.   PROCÉDÉS   DE    LA  MÉTHODE   HISTORICO-CULTURELLE 

Nous  pouvons  maintenant  examiner  avec  plus  de  détails  les 
procédés  de  la  méthode  historico-culturelle,  en  d'autres  termes 
la  série  des  opérations  par  lesquelles  elle  se  propose  de  déter- 
miner l'histoire  des  civilisations  et  celle  des  religions  qui  en 
font  partie. 

Ces  opérations  comprennent  trois  étapes   : 
1.  distinguer  tout  d'abord  les  différents  types  de  civilisation 
{Kiilturkomplexe)    et  déterminer  leur  répartition  dans  l'espace 
{Kulturkreise)  ; 


7^  H.     PINARD     DE    LA    BOULLAYE 

■2.  préciser  ensuite  la  marche  de  révolution  culturelle  ou  la 
succession  des  civilisations  dans   le   temps  ; 

3.  discerner  enfin  les  causes  ou  les  lois  qui  président  à  la 
formation  et  à  la  transformation  des  civilisations. 

1"  Les  types  de  civilisation  et  leur  répurtitiou  géographique.  — 
Chaque  fois  que  l'on  veut  procéder  avec  rigueur  dans  les 
sciences  positives,  la  première  tâche  qui  s'impose  est  d'établir 
des  statistiques,  des  fables  ou  des  cartes  les  plus  exactes  pos- 
sible. Ainsi  dresse-t-on  des  atlas  géologiques,  où  les  couches 
isomorphes  sont  repérées  avec  soin  et  distinguées  par  des 
teintes  difl'érentes  —  des  atlas  linguistiques,  en  commençant 
par  tracer  les  lignes  d'isoglosses  ou  isoglossématiques.  qui  dé- 
limitent les  territoires  où  se  manifestent  des  particularités 
identiques,  puis  des  provinces  linguistiques  cori'es{)ondant  aux 
dialectes,  enfin  des  circonscriptions  plus  étendues,  correspon- 
dant les  unes  aux  langues  distinctes,  les  auîres  aux  Langues 
apparentées  ou  fainilles  linguistiques.  Tout  de  même  con- 
vient-il, en  matière  ethnologique  ou  éthique  (au  sens  large  du 
mot  f,Hoi  :  pratique,  coutume),  de  commencer  par  tracer  des 
lignes  iséthiques,  qui  réunissent  les  régions  où  sobserve  une 
même  particularité  culturelle.  Ces  lignes  ne  coïncident  pas 
comme  des  cercles  égaux  ou  sensiblement  concentriques.  Elles 
ne  peuvent  même  coïncider  de  cette  façon,  parce  que  les  élé- 
ments eultui'els  nont  pas  tous  la  même  stabilité  et  parce  qu"ont 
dû  se  produire,  outre  des  transplantations  en  bloc  ou  des 
migrations  de  telles  ou  telles  civilisations,  nombre  demprunts 
partiels.  Parfois  cependant,  elles  se  recouvrent  sensiblement, 
les  mêmes  coïncidences  se  répétant  exactement  en  des  régions 
très  distinctes,  pour  tous  les  éléments  (Constitutifs  d'une  civili- 
sation :  l'éginie  familial  ou  social,  régime  économique,  reli- 
gion, arts  industriels,  commerce,  etc.  C'est  un  fait.  En  de 
pareilles  circonstances,  on  se  trouve  en  présence  d'un  type  de 
civilisation  [Kulturkomple.r)  et  d'un  cercle  culture]  Kulfvr- 
kreis)  à  distinguer  par  une  teinte  uniforme  dans  l'atlas  etlmu- 
logique. 

Un  type  de  civilisation  ou  type  culturel  est  donc  un  ensemlde 
d'usages  et  de  conceptions  caractérisé  par  des  particularités 
qui  se  montrent  associées  de  façon  stable  et  qui  présente,  avant 
même  qu'on  ait  pu  préciser  les  causes  d'une  telle  association. 


MÉTHODK     HISTORICO-UILTUHELLE  73 

ce  caractère  de  répondre  à  sa  manière  à  tous  les  besoins  de  In 
vie  humaine  :  ('"est  pour  autant  un  système  éthique,  encore  inex- 
pliqué, mais  donné,  comme  un  système  linguistique  se  cons- 
tate, avant  dêtre  expliqué. 

Un  cercle  culturel  (1)  est  faire  géographique  continue  ou 
discontinue   où   ce   système   est    constaté. 

Lorsque  les  lignes  iséthiques  qui  caractérisent  un  type 
culturel  se  recouvrent  exa(,*tement,  sans  se  laisser  pénétrer 
par  celles  d'un  autre  type,  le  type  est  pur,  d^ans  le  cercle  consi- 
déré ;  il  est  mixte,  dans  le  cas  contraire  :  la  carte  révèle  des 
emprunts  plus  ou  moins  nets,  des  influences  itlus  ou  moins 
profoniies. 

Quand  la  même  carte  numifesle  en  une  région  la  presque 
totalité  des  particularités  i)ro])res  à  un  type,  on  peut  avec  une 
probabilité  plus  ou  moins  forte,  parfois  avec  une  certitude 
absolue,  affirmer  que  cette  région  a  possédé,  au  moins  autre- 
fois, le  reste  des  éléments  du  même  type  et  Ton  peut  la  ratta- 
cher au  même  cercle  culturel.  On  se  trouve  autorisé  à  le  faire 
surtout,  quand  Taccord  constaté  jusque  là  porte  sur  les  élé- 
ments culturels  les  plus  stables.  De  telles  suppléances  se  dis- 
tinguent nettement  de  celles  que  pratique  fécole  évolution- 
niste  :  celles-ci  sont  la  coTiséquence  d'un  a  priori  :  elles 
j)résupposent  l'uniformité  de  l'évolution  par  toute  la  terre  : 
celles  dont  nous  pailons  reposent  sur  une  induction  :  ainsi 
peut -on  reconstituer  avec  certitude  les  parties  manquante.^ 
d'un  squelette,  quand  on  est  sûr  (|u'il  appartient  à  une  espèce 
dont   on  possède  déj-à  des  (''chantillons  comi)lets. 

2°  Détermination  de  la  succession  des  types  culturels  dans  le 
temps.  —  La  répartition  géographique  des  types  culturels  une 
fois  établie,  il  reste  à  rechercher  dans  quel  ordre  chronolo- 
giiiue  èes  civilisations  ont   fait    leur  apparition. 

A.  Le  cas  est  relativement  simple,  s'il  s'agit  d<'  leur  appa- 
rition dans  une  région  donnée.  Supposons  que,  sur  la  carte,  une 
civilisation  en  coupe  une  autre  en  divers  tronçons,  tels  que 
ces  parties  soient  à  regarder,  non  comme  des  colonies   tardi- 


(1)  Le  mot  français  cycle,  comme  le  mot  type,  a  plutôt  un  sens  forni"! 
(on  parle  d'un  cycle  d'idées,  etc.)  :  le  mot  cercle  un  sens  territorial,  comme 
le  terme  allemand  Krcis.  Il  est  donc  préférable  de  traduire  Kultnrkrei.'^  par 
cercle   culturel,  plutôt  que   par  cycle   culturel. 


74  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYB 

vement  fondées,  mais  comme  le  résultat  d'un  sectionnement 
plus  ou  moins  violent.  Il  est  clair  que  la  civilisation  coupante 
est  plus  récente  dans  son  territoire  que  la  civilisation  qu'elle 
coupe.  —  Supposons  que  la  carte  montre  des  civilisations  éche- 
lonnées le  long  d'une  grande  vallée  ou  d'une  voie  naturelle  de 
pénétration.  Il  est  à  penser  que  les  civilisations  les  plus  an- 
ciennes, refoulées  par  des  migrations  successives,  sont  les  plus 
éloignées  de  la  porte  d'accès  ou  du  centre  probable  de  diffu- 
sion ;  on  pourra  tenir  cette  hypothèse  comme  justifiée,  si  l'on 
découvre,  le  long  de  ces  grandes  routes,  quelques  sites  abrup- 
tes, par  exemple,  où  s'observe  la  même  civilisation  que  dans 
les  territoires  extrêmes  :  il  est  en  effet  certain  que  ces  enclaves 
sont  à  interpréter,  non  comme  des  postes  d'avant-garde,  mais 
au  contraire  comme  des  postes  d'arrière-garde,  protégés  par 
des  conditions  géographiques  exceptionnelles  contre  le  flot  des 
migrations. 

B.  S'il  s'agit  de  fixer,  non  plus  l'ordre  d'apparition  dans  une 
région  déterminée,  mais  l'ordre  ^apparition  sur  terre,  tout 
simplement,  la  solution  est  encore  aisée  pour  les  civilisations 
composites  :  elles  sont  manifestement  postérieures  à  celles 
dont  elles  dérivent  ;  les  caractères  des  modifications  introduites 
dans  les  éléments  qu'elles  utilisent  peuvent  même  permettre 
de  reporter  leur  formation  à  une  période  plus  ou  moins  reculée. 

Plus  difficile  à  tous  égards  est  le  cas  des  types  purs.  Aucun 
indice  isolé  ne  permet  de  le  trancher  ;  la  seule  convergence 
d'indices  multiples,  internes,  c'est-à-dire  empruntés  aux  ca- 
ractères des  éléments  culturels  eux-mêmes,  et  externes,  c'est- 
à-dire  empruntés  aux  sciences  connexes,  peut  y  autoriser. 

Parmi  les  indices  internes  peuvent  être  considérés  comme 
manifestant  une  moindre  antiquité  les  signes  suivants  :  dans 
une  certaine  mesure,  la  complexité  des  us  et  coutumes  (comme 
sont  l'existence  de  castes  sociales  multiples,  de  classes  nom- 
breuses et  d'empêchements  raffinés  pour  le  mariage,  d'un  droit 
coutumier  très  compliqué  pour  l'élection  des  chefs,  let  contrats 
de  vente,  etc.)  —  après  une  critique  sévère,  les  traditions 
mythologiques  sur  l'origine  relativement  récente  du  peuple  et 
de  ses  institutions  —  l'abstraction  dans  le  langage  et  dans  les 
mythes  —  le  caractère  analytique  plus  accusé  des  langues 
appartenant  au  même  type  culturel  —  la  perfection  relative  des 


MÉTHODE    HISTORICO-CULTUllELLE  75 

arts  industriels,  etc.  —  Des  signes  contraires  suggéreraient 
des  conclusions  opposées. 

L'ensemble  de  ces  indices  peut  déjà  conduire,  selon  leur 
clarté  et  leur  convergence  plus  ou  moins  sûre,  soit  à  des 
probabilités   sérieuses,   soit  à   la   certitude. 

Leur  témoignage  peut  être  renforcé  par  celui  des  indices 
externes  :  tels  par  exemple  ceux  que  fournirait  la  mythologie 
comparée,  si  elle  permettait  d'établir  l'aibre  généalogique  des 
traditions  et  légendes  —  ceux  que  donnerait  l'anthropologie 
comparée  sur  l'âge  respectif  des  races  dominantes  —  ceux 
que  l'on  déduirait  de  considérations  géographiques  :  serait  à 
classer,  par  exemple,  comme  le  plus  ancien  absolument,  le  type 
culturel  qui  apparaîtrait  comme  le  plus  i  nciennement  établi 
dans  toutes  les  régions  extrêmes  où  viennent  aboutir  les 
diverses  voies  de  migration. 

Ici  donc  pourraient  être  utilisées,  à  titre  d'indices  subsidiai- 
res, les  opinions  les  plus  accréditées  qui  reportent  en  Asie  le 
berceau  des  races  humaines. 

A  titre  strictement  documentaire,  je  mets  sous  vos  yeux  un 
tableau  (1)  dressé  d'après  les  publications  du  R.  P.  Kop.^ers 
et  du  R.  P.  ScHMiDT  et  révisé  par  ce  dernier  avec  son  obligeance 
ordinaire.  En  vous  donnant  une  idée  précise  des  résultats  aux- 
quels aboutissent  les  principaux  représentants  de  l'école  histo- 
rico-culturelle,  il  éclairera  toute  la  suite  de  nos  conférences. 
Veuillez  toutefois  ne  pas  oublier  qu'il  s'agit  pour  l'instant 
des  principes  critiques  utilisés  par  ces  savanfs  et  non  de  l'appli- 
cation qu'ils  en  font. 

Poursuivons  l'examen  des  principes, 

3°  Détermination  des  causes  et  des  lois  de  révolution.  —  La 
répartition  des  cycles  et  leur  succession  une  fois  établies,  il 
reste  à  expliquer  les  causes  qui  ont  déterminé  la  formation 
des  types  de  civilisation,  celles  qui  ont  pré?-'/ii  à  leurs  combi- 
naisons et  à  leurs  transformations,  enfin,  s'il  est  possible-, 
celles  qui  ont  régi  l'évolution  générale  de  Thumcniié. 

Sans  prétendre  épuiser  le  sujet,  nous  pouvons  noter  quel- 
ques principes  sûrs. 


(1)  Voir  au  verso.  —  Dans  notre  livre,  L'étudi  comparée  des  religions,  t.   I, 
appendice,  p.   502-503,  avec  renvois  aux  explications  données  dan.',  le  texte. 


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MÉTHODE     HISTOHICO-GULTURELLE  77 

a.  El  (labord,  chaque  élément  culturel,  conception  ou  coutume, 
est  à  expliquer  dans  son  milieu,  cest-à-dire  dans  lensemble  des 
idées  et  des  usages  auquel  il  se  rattache  et  par  les  particula- 
rités géographiques,  climatériques,  économiques  e1  autres  du 
territoire  où  cet  ensemble  a  pris  naissance. 

Ainsi  la  circoncision  ne  peut-elle  être  conçue  comme  un 
sacrifice  des  prémices  de  la  vie  sexuelle,  dans  une  civilisation 
qui  ignore  le  sacrifice  de  prémices. 

Ainsi  lïdée  d'un  Maître  suprême  ne  peut-elle  être  dérivée  du 
culte  des  morts,  là  où  ce  culte  est  inexistant,  ni  d'une  influence 
sociale,  où  manque  toute  organisation  hiérarchique  bien  carac- 
térisée. 

b.  Pour  fixer  le  sens  originel  d'une  institution,  chaque  fois  qu'il 
s'agit  d'une  civilisation  dérivée,  il  faudra  remonter  jusqu'à  la 
civilisation  dont  elle  procède,  par  conséquent  reconstituer  au 
préalable  la  civilisation-souche  et  préciser  son  lieu  d'origine. 

Rappelons  en  passant  que  cette  forme  primitive  ne  peut  être 
obtenue,  ni  en  prenant  comnif  son  représentant  fidèle  la  plus 
ancienne  des  civilisations  dérivées,  parce  que  celle-ci  a  pu  évoluer 
à  part  —  ni  en  éliminant  les  divergences  propres  aux  divers 
membres  de  la  même  famille,  pour  retenir  les  seuls  traits 
communs,  parce  que  le  type  primitif  devait  avoir  ses  caracté- 
ristiques individuelles  et  parce  que  ce  qui  reste  de  commun, 
loin  d'être  primitif,  peut  être  le  résultat  d'une  évolution  paral- 
lèle ou  convergente  —  ni  en  prenant  la  moyenne  de  tous  les 
traits  tant  communs  que  divergents,  parce  que  cette  moyenne 
est  un  produit  de  calcul,  sans  correspondant  réel...  Ici,  comme 
en  mythologie  comparée,  en  linguistique  comparée'  en  critique 
textuelle  ou  historique,  la  forme  primitive  ne  peut  être  obtenue, 
qu'en  recherchant  les  particularités  que  devait  avoir  la  forme- 
souche  pour  que  l'évolution  pût  se  produire  telle  qu'on  l'ob- 
serve, en  chaque  membre  dérivé,  dans  les  conditions  qui  lui 
étaient  propres. 

c.  On  ne  peut  enfin  présenter  comme  éléments  d'une  évolution 
organique  ou  normal^  que  des  éléments  issus  en  réalité  lun  de 
Vautre. 

Ainsi  le  patriarcat  ne  peut-il  être  présenté  comme  dérivé  du 
matriarcat,  si  le  matriarcat  n'appartient  pas  au  même  type 
fulturel  ■ —  ni   le  mariage   monogame  comme  procédant   d'une 


78  H.    PINARD    DE   LA    BOULLAYE 

promiscuité  primitive,  si  la  promiscuité  est  ignorée  ou  du 
moins  n'a  pas  de  place  légale,  ofTicielle,  dans  la  même  civili- 
sation. 

Lorsque  toutes  ces  opérations  auront  été  bien  conduites, 
alors  seulement  on  pourra  essayer  de  dégager  les  lois  géné- 
rales de  révolution  morale,  religif^use  et  sociale.  Le  mot  «  loi  » 
est  au  moins  commode  pour  désigner  les  constatations  géné- 
rales auxquelles  on  pourra  aboutir.  Nous  le  retenons  à  ce 
titre.  Quelles  seront  ces  lois,  Tavenir  se  chargera  de  le  dire. 
Qu'il  ne  faille  pas  sattendre  à  les  trouver  aussi  rigides  que 
dans  l'ordre  physique,  un  peu  de  réflexion  et  quelque  connais- 
sance de  l'histoire  suffît  à  en  prévenir. 

III.   COMPÉTENCE   RESTREINTE  DE    LA   MÉTHODE 

Avant  de  conclure,  il  nous  reste  à  examiner  la  portée  de  la 
nouvelle  méthode,  c'est-à-dire  à  quels  résultats  elle  peut 
atteindre  par  elle-même,  en  vertu  des  procédés  qui  lui  sont 
propres. 

Cette  question  purement  théorique  ne  semble  pas  très  dif- 
ficile à  résoudre. 

On  concédera  sans  peine  qu'elle  peut  (en  nombre  de  cas  à 
tout  le  moins  et  pourvu  qu'au  cours  des  siècles  certaines  civi- 
lisations originellement  différentes  ne  se  soient  pas  absolu- 
ment confondues)  distinguer  des  civilisations  primitives  (au 
sens  de  plus  anciennes)  et  des  civilisations  dérivées  soit  par 
évolution  autonome,  soit  par  fusion  d'éléments  empruntés. 

C'est  déjà  un  résultat  de.  portée  considérable.  Voici  par 
contre  dauln-es  problèmes  qu'elle  est  inapte  à  trancher. 

a.  La. méthode  aboutit  bien  à  déterminer  certaines  étapes  dans 
l'histoire  des  civilisations  et  des  religions,  comme  la  géologie, 
en  distinguant  les  couches  de  l'écorce  terrestre,  arrive  à  fixer 
certaines  périodes  dans  l'histoire  de  la  terre  ;  mais  elle  ne 
fournit  en  aucune  manière  une  histoire  continue  soit  de  la  civi- 
lisation en  général,  soit  de  telle  ou  telle  civilisation  en  parti- 
culier. 

Précisons  : 

b.  La  rhéthode,  par  ses  seules  ressources,  peut  bien  établir 
certains  faits  de  grande  importance  (migrations,  colonisations, 
conquêtes)  ;  mais  elle  ne  peut  certes  déterminer  de  quels  indi- 


MÉTHODE    HISTORICO-CULTURELLE  79 

vidus  relèvent  les  initiatives  décisives  dans  l'expansion  politi- 
que ou  dans  les  transformations  culturelles  ou  religieuses.  D3 
plus,  pour  aucun  fait,  elle  ne  peut  fixer  de  date  précise,  parce 
qu'elle  n'a  aucun  moyen  d'apprécier  le  temps  requis  pour  la 
transformation  d'une  institution  ou  d'une  croyance,  par  exem- 
ple pour  le  passage  de  la  propriété  indivise  à  la  propriété 
individuelle  ou  vice  versa,  pour  le  passage  de  l'animisme  ou  du 
polythéisme  au  monothéisme  ou  vice  versa. 

c.  Elle  ne  peut  davantage,  à  elle  seule,  découvrir  les  formes 
rigoureusement  originelles   de  la  civilisation  et  de  la  religion. 

Il  serait  bien  arbitraire  dy  prétendre,  si  Ion  se  bornait  à 
interroger  les  seuls  non-civilisés  actuels,  puisque  ce  serait 
supposer  gratuitement  qu'on  peut  trouver  chez  eux  des  élé- 
ments d'information  suffisants. 

La  prétention  n'est  pas  moins  insoutenable,  même  si  l'on 
interroge  conjointement  les  documents  archéologiques  qui 
concernent  les  peuples  parvenus  à  la  civilisation  (ancêtres  des 
Indo-européens,  des  Sémito-hamites,  etc.)  et  les  documents  de 
la  préhistoire.  Supposons  en  effet,  pour  mettre  les  choses  au 
mieux,  qu'au  moyen  de  cette  méthode,  on  arrive  quelque  jour 
à  dresser  un  arbre  généalogique  de  tous  les  types  culturels 
connus  et  à  montrer  leur  dépendance  d'une  souche  unique. 
En  pareil  cas,  il  resterait  encore  possible  que  des  souches 
contemporaines  de  celles-là  aient  disparu  sans  laisser  de  tra- 
ces. En  conséquence,  l'ethnologue,  comme  le  linguiste  et  pour 
les  mêmes  raisons,  pourrait  seulement  déclarer  qu'il  ne  peut 
remonter  plus  haut. 

Allons  plus  loin.  Supposons  qu'il  soit  possible  d'exclure 
cette  hypothèse  de  souches  disparues  et  d'affirmer  qu'on  pos- 
sède des  documents  de  la  première  époque  où  la  vie  fût  possible 
sur  terre.  Ces  documents  fussent-ils  assez  nombreux  et  assez 
explicites,  faute  de  pouvoir  évaluer  quelle  fut  la  longueur  de 
cette  période  primitive  et  à  quel  moment  de  sa  durée  ces 
témoins  appartiennent,  l'ethnologue  ne  pourrait  encore  décider 
si  la  civilisation  qui  lui  apparaît  comme  la  plus  ancienne  n'est 
pas  l'aboutissement  d'une  longue  évolution  et  par  conséquent 
quel  fut  au  juste  son  premier  état. 

Le  pourrait-il  enfin,  qu'il  ne  pourrait  déterminer  quelle  est 
sa  source  de  fait,  c'est-à-dire  si  elle  est  due  aux  seules  ini- 


80  H.    PINARD    DE    LA    ROULLAYE 

tialives  de  lliomme  ou  à  quelque  intervention  surnaturelle. 
Cette  dernière  conrlusion  s'imposerait,  à  vrai  dire,  si  la  civi- 
lisation ainsi  l'pstituée  se  révélait  si  ])arfaite  qu'elle  ne  pût 
s'expliquer  par  des  causes  purement  naturelles  ;  mais  pareille 
hypothèsf  est  loin  d'être  suggérée  soil  par  la  science,  soit  par 
la  Bible.  Au  surplus.  rai)préciat ion  du  nattirel  el  ilu  ]»r'(''l(M'- 
naturel  relève  de  la   philosophie. 

d.  A  plus  forte  raison,  la  méthode  historico-culturelle,  comme 
loute  autre  méthode  positive,  n'a-1-elle,  en  tant  que  telle, 
aucune  (Compétence  pour  se  prononcer  sur  la  valeur  respective 
des  civilisations  ou  sur  la  vérité  des  croyances  qu'elles  englo- 
hent    :  c'est  aux  philosophes  d'en  juger. 

Ces  limitations,  si  je  ne  me  trompe,  ne  sont  pas  contestées 
par  les  partisans  de  la  nouvelle  méthode.  Ils  ne  songent  pas 
plus  à  résoudre  seuls  tous  les  problèmes  qui  concernent  la 
philosophie  des  religions,  qu'ils  ne  prétendent  résoudre  sans 
ie  secours  des  méthodes  philologique,  psychologique  et  histo- 
rique ceux  qui  ont  trait  à  la  seule  histoire  des  religions.  Il  leur 
suffît  de  remplacer  par  des  procédés  vraiment  critiques  ce  qu'il 
y  avait  de  contestable  dans  les  procédés  de  l'ancienne  école 
anthropologique,  trop  manifestement  influencée  par  «  le  dogme 
Iransformisie   »   et  par  la  philosophie   évolutionniste. 

Au  terme  de  cette  étude,  une  double  distinction  s'impose  : 
fout  d'abord,  entre  la  méthode  et  ses  applications  actuelles,  dont 
plusieurs  peuvent  paraître  contestables  —  ensuite,  entre  ses 
principes  essentiels  et  les  perfectionnements  de  détail,  que  ses 
initiateurs  sont  unanimes  à  déclarer  «{lossibles  et  désirables. 
Sous  bénéfice  de  ces  réserves,  n'est -il  pas  permis  de  dire  que 
la  méthode  historico-culturelle  se  recommande  par  son  objec- 
tivité —  qu'elle  marque  un  progrès  considéi'able  —  que,  dans 
la  limite  de  sa  compétence,  l'avenir  lui  appartient  ? 

Certains  esprits,  il  est  vrai,  peuvent  se  demander  i»ourquoi 
elle  est  encore  l'objet  d'objections  assez  vives  et  de  suspicions 
assez  graves.  Mais  les  raisons  suivantes  ne  peuvent-elles  ex- 
pliquer ce  fait  ?  —  Elle  est  encore  fort  mal  connue,  même  par 
ceux  qui  l'attaquent,  comme  M.  Van  Gbnnep,  dont  les  méprises 
sont  vraiment  étranges  et  la  partialité  d'ailleurs  mal  dissi- 
mulée —  elle  étonne  par  les  connexions  qu'elle  établit  entre  les 


WIRTSCHAFTSPORMEX    UND    KULTURKREISE  81 

civilisations  et  Ton  recule  devant  le  labeur  (labeur  immense, 
il  est  vrai)  exigé  par  le  contrôle  des  preuves  de  détail  qu'elle 
fournit  - —  de  plus,  elle  s'oppose  nettement  aux  procédés  de 
l'école  évolutionniste  ;  elle  a  déjà  ruiné  plusieurs  de  ses  thèses 
majeures  ;  ne  serait-ce  pas  vraiment  la  première  fois  dans 
rhistoire  qu'une  question  de  science  serait  traitée  par  des 
raisons  de  science  pure  ?  —  Enfin,  là  où  les  objections  portent. 
on  oublie  de  faire  les  distinctions  importantes  que' nous  signa- 
lions tout  à  l'heure. 

Qu'on  l'étudié,  fût-ce  pour  la  réfuter.  Il  n'est  guère  douteux 
que  l'on  ne  soit  amené  à  adopter  son  orientation  et  ses  prin- 
cipes. Si  on  les  «  met  au  point  »  par  des  précisions  nouvelles, 
avant  tous  autres,  ses  plus  chauds  partisi.ns  en  seront  fort 
reconnaissants. 


BIBL.  —  Fr.  Graebner,  Méthode  dcr  Ethnologie,  in-8«.  Heidelberg.  Winter, 
1911  —  W.  ScHMiDT,  Die  kulturhistorische  Méthode  in  der  Ethnoh,  da.ns 
Anthr.,  1911,  t.  VI,  p.  1010-1036  ;  cf.  1912,  t.  VII,  p.  1060-1062  ;  Neue  Wege 
in  der  vergl.  Rel'gions-  iind  Gesellschaftsivissenschaft,  clans  Die  Kultur,  1911. 
p.  1-25  ;  en  trad.  française,  dans  ESPT,  1511,  t.  V,  4  6-75  ;  Kulturkreisc  und 
Kulturschichten  in  [Amerika],  dans  Zeitschr.  fiir  Ethnol.,  1913,  t.  XLV, 
p.  1014-1124  ;  cf.  p.  1124-1130  ;  cf.  Anthr.,  1917-iyi8,  t.  XII-XIII,  p.  1120- 
1127  ;  1919-1920,  t.  XIV-XV,  p.  546-563  ;  1921-1922,  t.  XVI-XVII,  p.  487-519  ; 
La  nouvelle  méthode  ethnologique,  dans  CRSER,  1913,  p.  43-57  (sommaire) 
et  dans  RSPT,  1913,  t.  VII,  p.  218-245  (in  extenso)  ;  cfr.  CRSER,  1914, 
p.  49-65.  —  A  consulter  spécialement  W.  Schmidt  et  W.  Koppers,  Vôlker 
und  Kulturen,  in-4»,    Regensburg,    Habbel,    1915   sq.,   p.    63    sq. 

H.  Pin.jvrd  de  la  Boullate,  La  méthode  historico-cult.,  dans  RSR,  1921, 
t.  XI,  p.  273-305  ;  L'étude  comparée  des  relig.,  2  in-8",  Paris,  Beauchcono, 
1922-1923  ;  histoire  de  la  méthode,  t.  I,  c.  VIII  ;  discussion  critique,  t.  II. 
c.  V  ;  cf.  Essai  sur  la  convergence  des  probabilités,  dans  Revue  néo-scolas- 
tique,  1914-1919,   t.   XXI,   p.    394-418;    1920,    t.   XXII,   p.    5-36. 


[4]  Wirtschafts-    und    ergologische    Formen 

und  die  ethnologischen   Kulturkreise, 

von  Hochw.   P.   "W.   KOPPERS,  s.   V.    D. 

Das  Tliema  nieines  gegenwàrtigen  Vortrages  lautet  :  «  Wirt- 
schafts- und  ergologische  Formen  und  die  ethnologischen 
Kulturkreise.  »  Der  eigentlichen  Behandlung  des  Themas  sind 
einige  begriffliche  und  historische  Erorterungen  vorauszu- 
schicken. 


82  W.    KOPPERS 

I. BEGRIFFLICHES   UND    HISTORISCHES    ZUR    ETHNOLOGISCHEN 

WIRTSCHAFTSFORSCHUNG. 

Sehon  in  meiner  hiî^torisch-kritischen  Studie  zur  ethnolo- 
gischen  Wirtschal'tsforsohung,  verôffentlieht  im  Anthropos 
(1915-1(3,  Bd.  X-XI),  deflnierte  ich  ini  AnsclUuss  an  Heinrich 
SCHLRTz,  die  Wirtscliaft  als  dv'  mit  ziveckbewussten  Mitteln  plan- 
màssig  geiibtc  Fûrsorge  von  seiten  des  Menschen  im  Interesse 
seines  kôperlichen  Dascins.  Damit  isl  einerseits  gesagt,  dass 
die  wirtschaftliche  Arbeit  zunachst  auf  Erlialtung  des  korper- 
lichen  Lebens  (Nahrung,  Kleidung,  Wohnung;  binzielt.  wie 
anderseits,  dass  dièses  Arbeiten  beini  Menschen  ein  von  seinen 
geistigen  Fàhigkeiien  dirigiertes  ist.  Naeh  dieser  Définition 
stellt  also  das  Wirtschaiten  ein  Spezifikum  des  Menschen  dar. 

■Das  Wirtschaften  als  ein  solches  hinzustellen,  dazu  hielt 
ich  mich  berechtigt,  ja  verpfiiehtet,  weil  nach  dem  gegen- 
wartigen  Stande  der  Forschung  weder  Pràhistorik  noch  Vôlker- 
kunde  irgendwo  oder  irgendwann  von  kultur-  und  wirtschafts- 
losen  Menschen  zu  berichten  wissen.  Mit  anderen  Worten  : 
der  Mensch  tritt  immer  und  ûberall  als  wirtschaftendes,  wie 
ûbenhaupt  als  kulturbesitzendes  Wesen  auf  ;  das  Tier  aber 
wirtschaftet  nicht,  was  bel  demselben  vor  allem  deutlich  wiid 
aus  dem  Mangel  an  zwecklbewussten  Wirtschaftsmitteln.  Im 
besonderen    :   Das  Tier  verfertigt   sich   solche  nicht. 

Nach  dem  Gesagten  ist  es  klar,  dass  es  nicht  gebilligt 
werden  kann,  wenn  in  neuerer  Zeit  oft  von  einem  Wirt- 
scha/ften  im  Tierreiche  geredet  und  geschrieben  wird.  Ebenso- 
wenig  ist  es  statthaft,  den  primitivsten  Menschenkindern. 
denen,  die,  etwa  nur  mit  Pfeil  und  Bogen  ausgerûstet.  den 
Urwald  nahrungsuchend  durchstreifen,  die  Wirtschaft  abzu- 
sprechen.  Nein,  auch  sie  wirtschaften,  ùben  eine  spezifisch- 
menschliche  Lebensfûrsorge,  darum,  weil  sie  mit  zweckbe- 
wussten  Mitteln  in  diesem  Interesse  tàtig  sind. 

Es  ist  nûtzlioh,  unter  Umstânden  sogar  notwendig,  bei 
wirtschaftsgeschichtlichen  Untersuchungen  zu  unterscheiden 
zwischen  Produktion  und  Ergologie.  Wahrerid  Produktion  die 
Art  der  Lebensfûrsorge  (Jagd,  Ackerbau,  Viehzucht,  usw.) 
bezeichnet,  fallen  unter  Ergologie  die  in  diesem  Sinne  ge- 
brauchten   Werkzeuge,    Gerâte   und    Walïen.     Produktion   und 


WIRTSCHAFTSPORMEN    UND    KULTURKREISE  83 

Ergologie  stehen  also  einergeits  hier  einander  gegenûber,  ma- 
chen  aber  anderseits  zusamimen  die  Wirtschaft  im  weiteren 
Sinne  aus. 

Wir  reden  von  Wirtschaftsfonnen  und  Wirtschaftsstufen.  Die 
Wirtschaftsform  wird  bestimmt  :  1.  dureh  das,  wo-5  der 
Mensoh  an  pflanzliihen  und  tierischen  Produkten  von  der  Natur 
entgegennimmt  ;  2.  durch  die  Art  und  Weise  wie  er  das  tut. 
Ich  erlàutere  das  Gesagte  an  einem  Beispiel.  Sowohl  die  Stufe 
des  Jâgertums  als  diejenige  des  viehzûchterischen  Nomadismus 
nahrt  sich  im  allgemeinen  vorwiegend  von  tierischen  Produk- 
ten. In  bezug  auf  das,  was  hier  die  Menschen  von  der  Natur 
an  Produkten  im  Interesse  des  Lebensunterhaltes  entge- 
gennehmen,  herrscht  also  wesentliche  Uebereinstimmung.  Aber 
dennoch  sind  die  entsprechenden  Wirtschaftsformen  kei- 
neswegs  miteinander  identisch,  und"  zwar  deshalb  nicht,  weil 
in  bezug  auf  die  Art  und.  Weise,  wie  die  tierischen  Produkte 
von  der  Natur  entgegengenommen  werden,  ein  grosser  Unter- 
schied  besteht  :  in  deon  einen  Falle  (auf  der  Stufe  des  Jâger- 
tums) erjagt  man  die  wild  lebenden  Tiere  ;  in  dem  anderen 
Falle  (auf  der  Stufe  des  viehzûchterischen  Nomadismus)  zieht 
man  die  Tiere  zu  besagtem  Zwecke  auf,  man  zûchtet  sie. 

Die  Bezeichnung  «  Wirtschaftsform  »  ist  eine  neutrale,  d.  h. 
sie  bringt  nur  ein  blosses  Nebeneinander  verschiedener  Wirt- 
schaftseinheiten  zum  Ausdruck.  Die  Bezeichnung  «Wirtschafts- 
stufen »  kehrt  dazu  auch  ein  Hôher  und  Nieder  der  Wirl- 
schaftsformen,  ein  sfîi/'enmâssiges  Verhâltnis  derselben  hervor. 

Oie  beiden  Termini,  «  Wirtschaftsstufen  »  und  «  Kulturstu- 
fen  »,  werden  hàufig  promiscue  gebraucht.  Natûrlich  ist  eine 
solche  Identifizierung  nienials  genau.  Denn  selbst  bei  den  Pri- 
mitivsten  reicht  die  Kulturform  stets  bedeutend  weiter  als  die 
blosse  Wirtschaftsform. 

Die  ethnologische  Wirtschaftsforschung  war  in  der  Vergan- 
genheit  wesentlich  Wirtschaftsstufenforschung.  Bis  zum  Ins- 
daseintreten  der  historischen  Ethnologie  kônnen  wir  fûglii-h 
drpi  Perioden  in  ihrer  Geschichte  unterscheiden. 

1.  Die  Wirtschaftsstufenforschung  in  der  Zeit  des  Altertinns  bis 
zur  Mitte  des  19.  Jahrhunderts. —  Die  Wirtschaftsstufenforschung 
dieser  Période  ist  charakterisiert  durch  die  sogenannte  Drei- 
stufenlehre    :   Jâgertum    (Paradies),    Hirtentum    und    Ackerbau. 


84  W.    KOPPBRS 

Die  alten  Griechen  kannten  drei  Wirtschaftsformen  :  den 
hoheren  Ackerbau,  das  Hirtentum  und  das  Jagertiim.  Daraus 
wiude  dio  Dreistiifenlehre.  Also  ans  dem  Nebeneinander  wurdp 
kurzprhand  ein  Nach-  und.  Ausoinander  konstruiert.  Dièse 
Dreistufenlehre  blieb  vorherrschend  bis  naeb  der  Mitte  des 
19.  Jahrhunderts.  Besonders  das  evolutionistiscb  orientierte 
Denken  versohnte  sich  sehr  leicht  mit  der  Dreistufenlehre. 
Denn  dièse  Lehi'e  bedurfte  ja  nur  ein  wenig  evolutionistis(?her 
Aufmachung,  und  ohne  weiteres  si  élite  sie  sich  in  Reih  und 
Glied  mit  jenen  wohlbekannten  evolutionistischen  Entwick- 
lungsreihen,  deren  Konstruktion  als  hochstes  Forschungsziel 
so  allgeniein  den  Anthropologen  und  Ethnologen  der  letztver- 
gangenen  Jahrze'hnte  vor  Augen  sehwebte.  In  weiten  Kreisen 
herrschte  die  Dreistufenlehre  bis  in  das  20.  Jahrhundert  hinein. 

2.  Die  Wirtschaftsstufenforschung  von  der  Mittc  des  19.  Jahr- 
hunderts bis  E.  Grosse  (1896).  —  Wie  bekannt  ist,  erhielt  die 
bald  nach  1850  neu  aufblûhende  Vôlkerkunde  ein  durch  und 
durch  evolutionistisehes  Geprâge.  Intéressant  und  lehrreich  ist 
es,  dass  die  Unmôglichkeit,  auf  kultupgeschichtlichem  Gebiete 
an  dem  extremen  Evolutionsprinzip  festzuhalten,  zuerst  auf 
den  konkreten  Forschungsgebieten  der  Produktion  und  der 
Ergologie  zulage  trat.  Auf  dem  Gebiete  der  Wirtschaftsstufen- 
forschung kommt  es  infolgedessen  zu  "Koinpromissbildungen 
zwischen  der  extremen  Fassung  des  Prinzips  und  den  neuerlich 
bekannt  gewordenen  wirtschaftsgeschicht lichen  Tatsachen. 

Von  ganz  besonderer  Bedeutung  ist  in  dieser  Hinsicht  L.  H. 
AIORGANS  (1877)  fûnifstufiges  Schéma  geworden.  Morgan  unter- 
scheidet  zwei  Stufen  der  Wildheit  und  drei  Stufen  der  Barbarei. 
Die  letzte  Stufe  der  Barbarei  geht,  wie  Morgan  meint,  iiber  in 
das  Zeitalter  der  Zivilisation.  Wahrend  Morgan  fur  die  ersten 
beiden  Stufen,  fur  die  Stufen  der  Wildheit,  an  einer  streng 
evolutiven  materiell-wirtschaft lichen  Entwicklung  festhàlt,  tut 
er  das  hinsichtiich  der  folgenden  nicht  mehr.  Auf  der  untersten 
Stuife  der  Barbarei  ist  es,  wo  er  Sonderentwicklungen  eintretçn 
làsst,  welch  letztere  er  dann  auf  die  verschiedenen  lokalen 
natûrlichen  Bedingumgen  zurûckfûhrt.  So  habe  sich  um  dièse 
Zeit  auf  der  westlichen  Hemisphâre,  also  in  Amerika,  ein 
Ackerbau  ohne  Viehzucht  ausgelbildet,  wahrend  auf  der  ôstli- 


WIRTSCHAFTSFORMEN    LND    KULTURKREI8E  85 

chen,  in  Asien,  vorwiogcnd  eine  viehzûcliterisc-lie  Kultiu' 
entstand. 

Ein  Dreifaches  ist  wohl  zu  dem  MoROAN'schen  Versueh  be- 
sonders  zu  sagen  :  a.  Auf  dem  Gebiete  der  Wirtsehaftsent- 
wicklung-  das  extrem  evolutionistische  Prinzip  festzuhalten. 
scheiterte  scbon  damais  an  den  bezûglichen  Tatsachen.  h.  Da 
das  Prinzip  damit  natiirlich  ûberhaupt  durchbrochen  ist,  zeugt 
es  von  dem  ûbermàssig  starken  konstruktiven  Drang  des 
MoRGAN'scben  Geistes  —  freilich  sind  ihm  darin  niir  zu  viele 
gesinnungsverwandt  — ,  wenn  er  trotzdem  versucht,  dasselbe 
fur  die  untersten  Stufen  wenigstens  zu  retten.  c.  Soll  hier  der 
Hinweis  nicht  unterbleiben,  dass  Morgans  :\Iassnahme  nichts 
andcres  wiederspiegelt  als  Bastians  Lehre  vom  Volkergedan- 
ken,  und  zwar  vom  Vôlkergedanken  in  seiner  Verbindung  mit 
dem  Evolutionsprinzip.  genau  so,  wie  auch  Bastian  selber  das 
eine  mit  dem  anderen  verbunden  wissen  wollte.  Es  dûrfte  sich 
somit  ergeben,  dass  auch  Bastians  Vôlkergedanke  schliesslich 
aus  dem  Widerstreit  geboren  wurde,  der  vor  seinem  Geiste 
zwisclien  diesem  Prinzip  und  den  ihm  nicht  konvenienten 
Tatsachen  sich  erhob, 

Bemprkt  sei  in  diesem  Zusammenhang,  dass  Morgans  wirt- 
schaftsgeschichtliches  Schéma,  ebenso  wie  das  soziologische. 
vun  Fr.  Engfls  in  sein  bpkanntes  Elaborât  Urspriing  des  Pri- 
vateigentum.s.  d^r  Familie  und  dfs  Staates  (1884)  ohne  wesentli- 
che  Abanderung  ûbernommen  und  so  dem  sozialistischen  Glau- 
bensliekt-nntnis  oinverleibt  wurde.  Das  Gleiche  tat  A.  Bebel 
m  seinem  an  Auflagen  so  reichen  Bûche  Die  Frau.  Es  ist  dahei- 
kaum  eine  Ueberfreibung  darin  zu  sehen.  wenn  E.  Grosse  im 
Jahrc  1896  scbon  von  ^Iorgan  als  dem  «  Kirchenvater  »  des 
Sozialismus  redet, 

Relativ  gute  Ansâtze  zur  historischeyi  Behandlung  des  wirt- 
schaftsgeschichtlicben  Problems  fmden  sich  besonders  bei  dem 
bekannten  deutschen  Nationalôkonom  W.  Roscher  (bald  nach 
1850.  bei  der  Englânderin  Miss  A.  W.  Buckland  (1878).  bei 
dem  Englandor  H.  L.  Roth  (1887)  und  besonders  bei  dem 
deutschen  Wirtschaftsgeographen  E.  Hahn  (1890  ff.) .  E.  Hahn 
hat  seil  je  vor  allem  gegen  die  Dreistufenlehre  gekâmpft.  Nach 
ihm  folgt  das  Hirtentum  dem  Ackerbau.  und  nicht  umgekehrt. 
Hahns  Theorienkomplex  geht  ganz  mit   tien  bekannten  Lehrcn 


86  W.    KOPPERS 

des  Panbabylonismus.  Mit  diesen  teilt  er  eineni  absoluteri 
Evolutionismus  gegenùber  zwar  gewisse  Vorteile,  anderseits 
aber  auch  aile  dessen  (des  Panbabylonismus)  Einseitigkeiten, 
Unvullstandigkeiten  und  Sehwàchen. 

(P'ehlte  es  somii  im  ganzen  nicht  ;in  Versuclien  zii  histo- 
rischer  Behandlung  des  Problems,  so  gelangte  man  ethnolo- 
gischerseits  doch  erst  um  die  Mitte  der  neunziger  Jahre  des 
vorigen  Jahrhunderts  zu  einer  bewussten  Ablehnung  der  evo- 
lut ionistiscb   orieni ierten  Wirtschaftsstufenforschung. 

E.  (trosse  und  sein  epochemachendes  Buch  Die  Formen  der 
Familic  und  die  Formen  der  Wirtschaft  (1896)  sind  hier  zu 
nennen.  Grosse  erkennt  im  Evolutionismus  den  schlimmsten 
Feind  der  Ethnologie.  Die  evolutionistischen  Konstruktionen 
«  à  la  Morgan  »  lehnt  er  mit  aller  Bntschiedenheit  ab.  Er 
leugnet  dann  iiberhaupt  die  derzeitige  Môgliehkeit,  eine  wir- 
klieh  entwieklungsgeschichtliche  Folge  der  soziologischen.und 
wirtschaftlichen  Stufen  wiederzuge'ben.  Nur  der  Bequemlichkeit 
und  Uebersiehtliehkeit  halber  geschieht  es,  wenn  er  die  Menseh- 
heit  aufteilt  in  «  Niedere  Jàger  »,  «  Hohere  Jàger  >k  «  Vieh- 
zûchter  »,  «  Niedere  Ackerbauer  »  und  «  Hohere  Ackerbauer  ». 
Er  warnl  dann  ausdriicklich  davor,  die  Reihenfol^e  dieser  fùnf 
Stufen  etwa  historisch-chronologisch  verstehen  zu  wollen.  So 
bleibt  also  Grosse  bewusst  —  es  gereieht  das  seinem  gesunden 
Forschersinn  gewiss  zur  grôssten  Ehre  —  vor  der  Kern-  und 
Wesensfrage,  vor  der  Frage  nach  der  historischen  Folge  dei' 
Stufen  und  ihrem  kausalen  Verhàltnis  zueinander,  stehen.  Uns 
kann  das  im  ùbrigen  weiterhin  nicht  verwunderlich  erscheinen  ; 
denn  die  Losung  dieser  Frage  ist  endgûltig  nur  moglich  auf 
Grund  der  Historisierung  der  gesamten  Ethnologie. 

^^"ir  gehen  nunmehr  dazu  ûîber,  nâher  ins  Auge  zu  fassen, 
welches  Schieksal  die  Wirtschaftsstufenforschung,  wie  die 
gesamte  ethnolo'gische  Wirtschaft sforschung,  auf  dem  Boden 
der  historischen  Ethnologie  bereits  erlebt  hat  und  welche 
weitei'en   Perspektiven  wir  ihr   da   stellen  konnen. 

II. WIRTSCH^FTS-  UND    ERGOLOGISCHE    FORSCHUNG 

AUF     DEM     BODEN     DER     HISTORISCHEN     ETHNOLOGIE. 

Win  im  allgemeinen  in  den  letztverflossenen  Jahrzehnten  die 
Historisierung   der    ethnologischen   Wissenschaft  «ich   vollzog, 


WIRTSGHAFTSPORMEN    UND    KULTURKREISE  87 

kann  idi  als  bokannf  voraussetzen.  Ich  crinnere  hier  nur  daran, 
■dass  der  Ausdruck  «  Historisierung  der  Ethnologie  »  nichts 
anderes  beinhaltet,  a.ls  die  konsequente  Anwendung  des  histo- 
rischen  Prinzips  auf  ihr  Gebiet.  Das  «  Um  »  und  «  Auf  »  der 
vergleichenden  ethnologischen  Forschun'gsarbeit  besteht  dem- 
nach  darin,  den  historischen  oder  verwandtschaftlichen  Be- 
ziehungen  im  einzelnen  nachzugehen.  Das  ist  die  theoretische 
Forderung,  iilber  weh'he  zuerst  Fr.  Ratzbl  sich  klar  wurde. 
Einen  praklischen  Versuch  mauhte  er  hekaiintlich  mit  zwei 
ergologischen  Oljjekten,  mit  Bogen  und  Stàbchenpanzer.  Wir 
haben  somit  die  ebenso  intéressante  als  bedeutsame  Tatsache 
zu  registrieren,  dass  vom  ethnologischen  Zweiggebiet  der 
Ergologie  ans  die  Bahn  erôfïnet  wurde  zur  Historisierung  des 
gesamten   ethnologischen  Forschungsgebietes. 

ilm  Gegensatz  zur  Gesehichtsforschung  im  landlâuligen  Sinne 
hal  die  Ethnologie  es  fast  ausschliesslich  nur  mit  sogenannten 
«  unmittelbaren  Zeugnissen  »  zu  tun.  Die  Historisierung  des 
Gebietes  hat  daher  ihre  besonderen  Schwierigkeiten.  Das  Krite- 
rium,  das  in  dieser  Hinsicht  grundlegende  und  ausschlagge- 
bende  Bedeutung  besitzt,  ist  das  soigenannte  Formkriterium. 
Ratzel  zuerst  brachte  es  in  Anwendung  bei  der  schon  erwàhn- 
len  Erforschung  von  historisch-genetischen  Bezieliungen  be- 
stimmter  Bogen-und  Stâbchenpanzerformen.  So  steht  also  nicht 
nur  fest.  dass  die  Erforschung  der  Verwandtschaftsverhàltnisse 
bestimmter  ergologischer  Objekte  die  Historisierung  der  Eth- 
nologie einleitete,  sondern  auch,  dass  im  Bereich  desselben 
Zweiggebietes  der  Ethnologie  das  Formkriterium  seine  erste 
bewusste  Anwendung  und  Ausbildung  erlebte,  das  dann  natur- 
gemàss  eine  nicht  geringere  Bedeutung  fur  die  historische  Er- 
forschung der  gesamten  ûbrigen  Kulturerscheinungen  ethnolo- 
gischer  Vôlker  gewinnen  musste. 

iRatzel's  Formkriterium  lautet,  kurz  gefasst,  wie  folgt  :  bei 
gleichen  oder  âhnlichen  Erscheinungen,  die  jetzt  getrennt  von- 
einander  sicli  vorfinden,  ist  auf  historischen  Zusammenhang  zu 
S(.'hliessen,  wenn  Gleichheit  oder  Aehnlichkeit  weder  avis  der 
Natur  des  zugrundeliegenden  Materials,  noch  aus  dem  Zwecke, 
dem  der  Gegenstand  dient,  ertliessen.  Zur  lUustrierung  des 
Gesagten  beziehe  ich  mich  auf  den  westafrikanischen  und 
melanesischen  Bogen,  von  denen  Ratzel  selber  ja  auch  ausging. 


88  W.    KOPPERS 

Hatzkl  fand,  dass  beiderorts  der  Bogeustab  nach  aussen  flach, 
nach  innen  atoer  konvex  sei.  Als  Bogensehne  herrschte  hûben 
iind  drûben  die  Rotangsehne  vor.  Um  das  Hinaufrutschen  der 
Sehne  zu  verliùten,  waren  die  Enden  des  Bogenstabes  mit 
eineiii  aiisgesohnitzten  odei-  einem  aufgeflocbtenen  Wulst 
verseben.  Ratzel  sagte  sirh  :  Weder  das  Material,  aus  welcheni 
der  Bogen  bergesteltt  ist,  noch  der  Zweck  des  Bogens  als  sol- 
clier,  erfcrdern  gerade  dièse  Eigentùmlirbkeiten.  Die  Ueberein- 
stiminung  in  der  Forni  des  Bogens  beiderorts  niuss  also  einen 
Ijcslimmten  ausseren  Grund  haben.  Denn  da  es  praktisch  aus- 
geschlossen  ist,  dass  wir  es  hier  mit  einem  blossen  Spiel  des 
Zufalls  zu  lim  haben,  so  bleiibt  nichts  anderes  iibrig,  als  die 
Uebereinstimniung  auf  kulturgeschichtliche  Verwandtschaft 
zurùckzufùhren. 

Es  leuelitet  hier  schon  ohne  weiteres  ein,  von  welcher  Be- 
deutung  auf  dem  Boden  der  hisforischon  Ethnologie  das  Ma- 
terialsaninieln,  die  exakte  Kleinarbeit  im  Felde  ist.  Denn,  will 
ich  mit  Hilfe  des  Formkriferiums  Sicheres  und  Zuverlàssiges 
erarbeiten,  so  bildet  eine  genaue  Kenntnis  der  Formen,  also 
der  Objekte,  wie  sie  in  rerum  natura  sich  vorfinden,  die  uner- 
lassliche  Voraussetznng.  So  bedeutet  es  denn  keinerlei  Ueber- 
ti'eibung.  wenn  man  sagt  :  Die  historische  ethnologische  For- 
schung  lebt  und  stirbt  mit  dem  zuverlàssigen  Material.  speziell 
natûrlich  aueh  mit  dem  ergologischen  Material. 

Hi»^r  ist  die  Bemerkung  wohî  schon  am  Platze,  dass  einzelne 
Missionare  niclit  glauben  môgen,  es  sei  eine  minder  wichtige 
und  daher  weniger  ehi-envolle  Sache,  die  Ergologie  eines  be- 
stimmten  Gebietes  genauestens  festzulegen.  Fur  die  Historisie- 
rung  der  Ethnologie  ist  die  exakte  Beschreibung  der  ergolo- 
gischen Objekte  schliesslich  von  derselben  Bedeutung  wie  die- 
jenige  des  geistig-religifksen  Lebens.  Dass  das  Tetztgenannte 
Gebiet  inhaltlich  hôher  steht  und  fur  den  Theologen  besonders 
grossere  Anziehungskraft  besitzt,  soll  damit  keineswegs  in 
Abrede  gestellt  werden.  Aber  es  kann  nicht  zweifelhaft  sein, 
dass  zunâchst  als  notwendiges  Mittel  zum  Zweck  das  eine 
eiienso  wahrzunehmen  ist,  wie  das  andere,  und,  dass  die  Ver- 
nachlàssigung  des  einen  immer  auch  eine  Schâdigung  des 
ahderen  bedeuten  wiirde. 

Dass   das   Arbeiten  mit  dem  Formkriterium   allgemein   und 


WIRTSCHAFTSFORMBN    UND    KULTURKHEISE  89 

speziell  auch  auf  ergologischeni  Gehiet  im  gegebenen  Fall  vor 
subjekliven  Felilgi-iffen  niclit  vollstàndig  zii  bewahren  verniag, 
liegt  in  der  Natur  der  Sache  begrùndet.  Notwendig  ist  hier  das 
unablâssige  Bomiihen,  kein  ^Mittei  unbeniitzt  zu  lassen,  da^^ 
zur  Aufstellung  der  voUen  W'alirheit  verhelfen  kann.  Der 
Gefahr  des  Iri-ens  wird  man  weitmôglichst  begegnen,  wenn 
man  ailes  das,  was  Fr.  Graebner  gerade  aneh  zii  dicsem  Punkte 
jn  seiner  Méthode  der  Etlinçlogie  zusammengestellt  bal.  î-echt 
beherzigt  und   stândig   sich   vor  Augen    hait. 

So  hat  also  das  Studium  einzelner  ergologiscber  Objektc  die 
Historisierungsarbeit  der  Ethnologie  erôffnet  und  speziell  auch 
zur   AulTmdung  und   Anwendung  des   Formkriteriums   gefûhrt. 

Aber  damit  sind  die  Yerdienste  keineswegs  erschopfl.  welchc 
dem  Ge'biete  der  Ergologie  im  Sinne  der  Umgestaltung  der 
Ethnologie  in  eine  Geschichtswissenschaft  zukommen.  Es  war 
wesentlich  auch  das  ergologische  Forschungsgebiet,  von  dem 
aus  zuerst  die  schliesslich  nicdit  minder  wiclitige  Entdeckung 
von  geschlossenen  ethnologischen  KultxLrkreisen  gemacht 
wurde. 

Dass  der  erste  diesbezûgliche  Yersucb  auf  L.  Frobënius 
zurûckgeht.  ist  bekannt.  Ein  genaueres  Studium  der  ^Éthnogra- 
phie  Westal'rikas  und  bestimmter  Gebiete  der  Siidsee  offen- 
barte  ihm  nicht  nur  die  verwandtchaftliche  Beziehung  in  Bezug 
auf  das  eine  oder  andere  Objekt,  sondern  liess  ihm  eine  solche 
auch  hinsichtlich  eines  ganzen  Komplexes  von  Objekten  deut- 
lich  werden.  Die  Objekte,  welclie  Frobënius  ins  Auge  fasste, 
waren  vornehmlich  Objekte  des  ergologischen  Gebietes.  Auf 
Grund  dieser  seiner  Arbeit  wurde  Frobënius  zum  Schopfer  des 
sogenannten   QuanlUdtskrileriums   und   der   Kulturkreislehrc. 

Wie  ohne  weiteres  ersichtlich,  fusst  das  Quantitatskrilerium 
nach  Wert  und  Wesen  ganz  auf  dem  Formkriterium.  Wie  der 
Name  es  schoh  anzeigt,  slellt  es  nichts  anderes  dar.  aïs  eine 
quantitative  Erweiterung,  eine  wiederholte  Anwendung  des 
Formkriteriums.  Die  gegehenen  Tatsachen  waren  es,  die  dazu 
zwangen.  das  Formkriterium  bei  verschiedenen  Objekten 
zweierlei  Komplexe  immer  wieder  von  neuem  in  Anwendung  zu 
bringen.  Und  das  eben  fûhrte  zur  Erkenntnis,  dass  nicht  nur 
einzelne  Objekte  der  Komplexe,  sondern  die  ganzen  Komplexe 
als    solche    miteinander    historisch-genetisch    verwandt     sein 


90  W.    KOPPERS 

mûsstpn.  So  also  erweiterte  sieh  von  selbst  das  Formkriteriuni 
zum  Quantitâtskriterium,  und  ps  trat  die  Kulturkreislehre,  dio 
Lehre  von  ursprùnglich  geschlossenen,  historisch-genetisch 
zLisanimengehorigen  Kulturkomplexen,   ins  Leben. 

Die  Aufdeckung  und  Lehre  von  den  Kulturkreisen  bedeutete 
nun,  wie  nian  ohne  weiteres  sieht,  fur  den  Historisierungs- 
prozess  der  Ethnologie  eine  neue  Epoche.  Auf  dièse  Weise 
bekam  nian,  wenn  ich  midi  so  ausdj'ûcken  soll.  festeren  Boden 
unter  die  Fiisse,  konnte  ûberhaupt  zielbewusster  ans  Werk 
gehen.  Und  zielbewusst  gingen  dann  besonders,  wie  weiterhin 
lângst  bekannt  ist,  Fr.  Graebner,  B.  Ankermann,  W.  Foy  und 
P.  W.  SCHMiDT  und  neuei'dings  speziell  auf  pràhistorischem 
Gebiet  Prof.  Menghin  an  die  Arbeit. 

Man  hat  nun  gegen  dièse  Vertreter  einer  historischen  Ethno- 
logie unter  anderem  mehrfach  auch  den  Vorwurf  erhoben,  dass 
sie  bei  ihrer  Kulturkreisforschung  zu  einseitig  auf  das  ergo- 
logisehe  Material  sieh  stûtzten.  Hieraus  geht  fiir  uns  jedenfalls 
schon  hervor,  dass  dièses  Zweiggebiet  dei-  Ethnologie  bei 
ihrem  Historisierungsprozess  seine  grosse  Rolle  aurh  weiterhin 
ges})iplt  hat.  Das  ist  in  der  Tat  so  der  Fall  gewesen.  Und  ich 
bemerke  gleich,  dass  die  Herren  dabei  von  einem  ganz  guten 
Geiste  gefiihrt  worden  sind.  Und  zwar  das  aus  mehrfachen 
Grûnden. 

Zunâchst,  weiss  doch  jeder  ethnologische  Faohniann,  dass 
wir  von  \ielen  Primitiven  der  Erde  derzeit  kaum  mehr  kennen 
als  ihre  ergologischen  Kulturprodukfe.  Will  man  also  in  solcho 
Vôlkerkomplexo  uberhaui)t  schon  irgendeine  Ordnung  bringen. 
so  bleibt  keine  andere  Wahl  als  das  Studium  dièses  Gebietes. 
Dazu  kommt.  dass  unsere  ethnologischen  Minseen  vorzûglich 
mit  ergologischen  Objekten  angefûllt  sind  ;  man  kann  es  nur 
billigen,  wenn  die  Forschungsmittel,  welche  so  zur  bequemen 
Benutzung  bereit  stehen,   auch  wirklich  ausgenutzt  werden. 

Aber  es  sind  gewiss  nicht  allein  dièse  âusseren  Grûnde  dafûr 
massgebend  gewesen,  dass  in  den  ersten  Kulturkreisarbeiten 
das  ergologische  Gebiet  eine  so  vorherrschende  Rolle  spielte. 
Unbewusst.  zum  Teil  auch  bewusst,  sind  hier  auch  Grûnde 
mehr  innerer  Natur  wirksam  gewesen.  Darauf  hat  jedenfalls 
P.  W.  ScHMiDT  in  seiner  Arbeit  Kulturkreise  und  Kulturschichten 
in  Sûdamerika  schon  mit  folgenden  treffenden  Worten  hinge- 


WIRTSCHAFTSFORMEN    UND    KULTURKREISE  91 

wiesen  :  «  An  den  Gegenstanden  der  materiellcn  Kiiltur  ist  der 
Zweck  in  hôherem  Grade  festliegend,  und  festlipgender  in 
gleich  enlsprechendejn  Grade  ein  scharf  umrissener  Teil  der 
âusseren  Gestalt  dièses  Kulturgegenstandes.  Ebenso  scharf 
zeichnet  sich  ein  anderer  Teil  der  Form  dièses  Gegenstandes 
ab  durch  die  Natiir  des  Materials,  aus  dem  er  verfertigt  ist. 
Es  ist  klar,  dass  durch  dièse  beiden  Abgrenzungen  wie  von 
selbst  dann  auch  derjenige  Teil  sich  leichter  herausstellt,  der 
von  jenem  inneren  Willen  des  Verfertigers  selbst.  bedingt  ist. 
der  auch  der  eigentliche  Verursacher  und  Trâger  des  histo- 
rischen  Lebens  ist.  Damit  sieht  man  leicht,  wie  gerade  die 
Gegenstande  der  materiellen  Kultur  geeignet  sind,  die  ersten 
Zugànge  in  das  unentwirrbar  scheinende  Dickicht  der  Kul- 
turentwicklung  zu  ôffnen.  » 

,Sie  sehen,  wie  P.  W.  Schmidt  hier  der  Ansicht  ist,  dass 
Ratzels  Formkriterium  sich  zunàchst  am  zuverlassigsten  an- 
wenden  und  ausbilden  lâsst  auf  ergologischem  Gebiete,  und 
dass  daher  schon  aus  rein  taktischen  Grûnden  von  hier  aus 
der  Historisierungsprozess  der  Ethnologie  zu  beginnen  habe. 
Mit  diesem  Grundsatz  kann  ieh  wenigstens  mich  nur  ganz 
einverstanden  erklàren. 

Aber  abgesehen  hiervon,  lasst  sich  gerade  bei  den  hervor- 
ragendsten  Vertretern  der  historischen  Ethnologie  (Graebner 
und  Schmidt)  die  Reobachtung  machen,  dass  sie  bald  schon 
auch  den  ubrigen  Gebieten  des  kulturellen  Lebens  ihre  ein»- 
gehendste  Aufmerksamkeit  schenken.  Wer  die  bezuglichen 
Arbeiten  wirklich  kennt,  d.  h.  sie  gelesen  und  studiert  hat. 
weiss,  wie  daselbst  die  Gebiete  der  Soziologie,  der  Mythologie, 
der  Religion,  der  Sprache,  der  physischen  Anthropologie,  usw.. 
also  Zweiggebiete  der  Ethnologie  oder  doch  Hilfswissenschaf- 
ten  der-selben,  ihre  inimer  weitergehende  Verwertung  finden. 
Indes  hat  uns  hier  dieser  Punkt  nicht  weiter  zu  beschàftigen. 
Unsere  nàchste  Aufgabe  haben  wir  vielmehr  darin  zu  sehen, 
herauszustellen,  wie  es  denn  dem  besonderen  Schwestergebiet 
der  Ergologie,  dem  Forschungszweig  der  Produktion  auf  dem 
Boden  der  historischen  Ethnologie  ergangen  ist. 

Unter  Produktion  bzw.  Produktionsform  versteht  man,  wie 
ich  im  ersten  Teil  meines  "Vortrages  ja  schon  sagte,  die  Art 
der  Lebensmittelgewinnung,  so   wie    sie   von  irgendeiner  Men- 


92  W.    K0PPER8 

schengruppe  in  ausschliesslicher  oder  doch  vorherrschender 
Weise  geûht  wird.  Solange  die  Menschen  Menschen  sind,  d.  h. 
als  geistig-sinnliche  Wesen  iiber  die  Erde  wandeln,  bediirfen 
sie  doi-  Nahrung  aus  dem  Pflanzen-und  Tierreiche  zur  Erhal- 
tung  ilires  irdischen  Daseins.  Es  liegt  soniit  in  der  Natur  der 
Sache  begrûndet,  dass  den  einzelnen  ethnologischen  Kultiir- 
kreisen  neben  anderen  Eigentumlichkeiten  von  Haus  aus  auch 
eine  eigentûmliche  Produktionsforin  zukommt.  Das  gehôri  ja 
zur  Idée  des  geschlossenen  Kulturkreises,  und  damit  stimmen 
die  Tatsachen  auch  vollkommen  ûberein. 

iSchon  L.  FiiOBEMUS  batte  nun  der  Erforschung  der  Produk- 
tionsfoi-men  im  kulturhistorischen  Sinne  einige  Aufmerksam- 
keit  gesrhenkf.  Aber  eine  grûndlichere  Behandlung  liessen 
derselben  erst  Graebner  und  Schmidt  angedeihen.  Fur  mehrere 
Kulturkreise  arbeitete  schon  Graebner  die  eigentunilichen  Pro- 
duktionsformen  mehr  oder  minder  klar  heraus.  Wie  die  ge- 
samte  Kulturkreisforschung,  so  hat  auch  dieser  ihr  Zweig 
besondere  Forderung  dann  durch  W.  Schmidt  erfahren.  Die 
hierhergehorigen  Untersuchungen  sind  wesentlich  in  der  neuen 
Volkerkundo  niedergelegt,  die  unter  dem  Titel  Yôlker  und 
Kvlturen  im  Erscheinen  begrifïen  ist.  In  dem  speziellen  \v4rt- 
scbaftsgeschichtlicben  Teile,  den  das  VVerk  gleich  iin  ersten 
Halbbande  bringen  wird,  denke  icb  dann  selber  auch  mehrere 
der  hier  in  Rede  stehenden  Fragen  weiterer  Klârung  zugefûhrt 
zu  haben.  Erinnern  darf  ich  hier  vielleicht  auch  an  meine 
historisch-kritische  Studie  Die  ethnologische  Wirtschaftsfor- 
schumj    {Anthropos.    1915-16,  Bd.  X-XI) . 

Ich  gebe  zunàchst  in  kurzer  Zusammenfassung  einige  der 
Hau]ilergebnisse  wieder,  welche  aile  dièse  wirtschaftsge- 
schichtlichen  Untersuchungen  auf  dem  Boden  der  historisehen 
Ethnologie   gezeifigt   haben. 

iMit  neuer  Klarheit  trat  ans  Licht,  dass  auch  das  gesanilf 
Wirts<haften  des  Mensclien  im  Kerne  ein  historisches  Ge- 
schehen  darstellt.  Daraus  erfliesst  ohne  weiteres  die  Forderung. 
dass  auch  die  elhnologische  Wirtschaftsforschung,  soll  sie 
gedeihen,  zur  historisehen  Disziplin  erhoben  werden  muss.  Der 
enge  Verband  ferner.  in  welchem  in  jedem  Kulturkreise  die 
Wirtschaftsform  und  das  ûbrige  Kulturleben  naturgemàss 
stehen,   làsst   eine   VoUentwicklung   der   ethnologischen   Wirt- 


WIRTSCHAFTSFORMEN    UND    KILTURKREISE  93 

schaftsforschung  nur  erhoffen.  wenn  letztere  orfolgt  im  engsten 
Zusammenhang  mit  gesamtethnologischen  Untersuchungen. 
Die  Rpziprozitàt  indes,  welche  hier  vorwaltet,  wird  uns  weiter 
noeh  nàhcr   zu  besehàftigen  haben. 

Von  methodologischem  Werte  sind  noch  folgende  gewonne- 
nen  Gesichtspunkte.  Eine  Vôlkergruppe,  mit  einer  bestimmten 
Wirtschaftsform  ausgeriistet.  wird  bei  freiwilligen  oder  not- 
wendigeîi  Wanderungen,  im  allgemeinen  darnach  streben,  ein 
Erdgebiet  wiederzufinden,  wo  die  alte  Wirtschaftsform  beibe- 
halten  werden  kann.  Kommt  eine  Menschengruppe  dauernd  in 
ein  Erdgebiet  hinein.  wo  die  alte  Produktionsform  nicht  weiter 
zu  bestehen  vermag,  so  werden  fur  gewôhnlich  doch  die  ergo- 
logischen  Formen  grôssere  Konstanz  behaupten  ;  dièses  aus 
dem  einfachen  Grunde,  weil  eine  bestimmte  Produktionsform 
an  ganz  bestimmte  ôrtliche  Verhàltnisse  gebunden  ist.  wàhrend 
die  Ergologie  naturgomâss  einer  grôsseren  Anpassungs- 
fàhigkeit  sich  erfreut. 

Hiermit  ist,  in  einige  methodologische  Regeln  gefasst,  das 
Schicksal  angedeutet,  das  Produktions-  und  ergologische  For- 
men auf  Grund  der  ôrtlich-,geographischen  Verhàltnisse  zu 
erleben  pflegen.  Das  Schicksal,  das  dieselben  Formen  erfahren 
auf  Grund  mannigfacher  kulturhistoriseher  Ereignisse,  auf 
Grund  namentlich  der  Verbindungen  von  Vôlker-  und  Kultur- 
komplexen,  muss  selbst'redend  aus  der  Einzeluntersuchung 
gewonnen  werden.  Diesen  Einzelergçbnissen  weiter  nachzu- 
gehen,  kann  nicht  die  Aufgabe  des  gegenwàrtigen  Vortrages 
sein.  Wir  wenden  uns  vielmehr  der  Behandlung  einer  wei- 
teren  methodologischen  Frage  zu,  der  Frage  namlich  :  Was 
bedeutet  das  E.  Grosse  "sche  Prinzip  «  Erhellung  der  Gesell- 
schaftsform  durch  die  Wirtschaftsform  »  im  Bereiche  der 
historischen  Vôlkerkunde  ? 

Das  fur  aile  historische  Arbeit  grundlegende  Prinzip  :  «  Her- 
ausstellung  der  ganzen  Tatsachen  !  »  besitzt  natiirlich  voile  Gel- 
tung  auch  fur  das  Gebiet  der  ethnologischen  \\'irtschafts- 
forschung.  Und  so  ist  gar  nichts  dagegen  zu  sagen,  wenn  die 
Verireter  der  Kulturkreisforschung  erst  einmal  mit  allen 
Mitteln  darnach  strebten,  die  den  einzelnen  Kulturkreisen 
eigentûrnlichen  Produktionsformen  als  solche  môglichst  klar 
ans  Licht  zu  stellen.  Ein  Gliick  aber  auch,  dass  der  Menschon- 


94  W.    KOPPERS 

geist  sicli  auf  (We  Dauer  nicht  gerne  dabei  bernhigt,  bestimmte 
Tatsaehen  im  blossen  Nel)eneinander  vorzuflnden,  sondern, 
dass  er  stets  wieder  darnac-h  stiebt,  in  den  Kausalzusam- 
menhang  derselben  einzudringen.  kurz,  eine  Antwort  zu  erhal- 
len  auf  die  Frago   :  Warum  gerade  so  und  nieht  anders  ? 

In  der  Xeuzeit  bat  die  Erkenntnis  stets  weitere  Kreise 
gezogen,  dass  in  jedweder  menschliehen  Gesellschaft  die  Pro- 
diiktionslorm  fur  das  gesamte  iibrige  Kulturleben  von  grundle- 
gender  Bedeutung  isl.  Die  Ethnologen  speziell  haben  einsehen 
gelornt.  dass  dieser  Einfluss  ein  besonders  grosser  sein  muss 
in  allen  primitiveren  Kultuien,  aus  deni  einfachen  Grunde 
nainlii'h,  weil  die  priinitivere  Produktionsform  ihre  Leute  nicht 
nur  allgemeiner,  sondern  aueb  intensiver  in  den  Dienst  der 
Lebensmittelgewinnung  stellt.  Kein  Wunder  also,  dass  bei 
einem  so  engen  und  dauernden  Abhàngigkeitsverhàltnis  des 
gesamten  Kulturgebaudes  von  der  Produkrionsform.  dièse  in 
tiefgebender  Weise  das  ûbrige  Kulturleben  bestimmt. 

In  der  konsequenten  Verfolgung  dièses  Gedankens  liegt  das 
Gebeimnis  des  Erfolges  des  Bûches  von  E.  Grosse,  Die  Formen 
der  Familie  uiul  die  Formen  der  Wirtschaft  U896),  das  ich  in 
den  einlpitenden  Darlegungen  meines  Vortrages  schon  als 
oine  oporhemachende  Arbeit  bezeicbnete.  Die  Anwendung  des 
Prinzips  «  Erhellung  der  Gesellschaftsform  durcli  die  Wirt- 
schaftsform  »  liess  Grosse  schon  wahrhaft  herrliche  Resultate 
gewinnen.  Ein  voiler  Erfolg  freilich  konnte  ibm  noch  nicht 
bescbieden  sein,  weil  damais  eine  Historisierung  der  Ethnologie 
noch  in  \\eitem  Felde  lag.  Nacbdem  dièse  seitdem  in  weitge- 
hendem  :\Iasse  vollzogen  werden  konnte,  bat  nun  P.  W.  SCH^^DT 
nicht  versaunit,  das  Grosse  'sche  Prinzip  abermals  zur  An- 
wendung zvi  bringen,  und  das  bedeutet,  wie  ich  glauhe,  wiede- 
rum  eine  neue  Epoche,  eine  neue  Epoche  ebenso  fur  die  histo- 
riscb-etbnologiscbe  Forschung  im  allgemeinen.  wie  fur  die 
W'irtschaftsforscliung  im  besonderen. 

Zunàchst  sei  mir  hier  gestattet,  eine  metbodologische  not- 
wendige  Ergànzung  zum  GR0ssE"schen  Prinzip  wieder  in 
Erinnerung  zu  bringen,  wie  ich  sie  frûher  schon  einmal 
niedergeschrieben  habe  {Die  efhnvlogische  Wirtschaftforschnng. 
p.  1069}  :  «  Wir  halten  dafûr,  dass  das  letztere  Prinzip  in 
zweifacher  Hinsicht  eine  hôchst  fruchtbringende  Erweiterung 


WIRTSCHAPTSPORMEN  UND  KULTURKREISE  95 

erfahren  muss.  Einerseits  beleuehtet  die  Wirtschaft&form  nicht 
nur  die  Form  der  Gesellschaft  (und  der  Familie),  sondern 
auch  die  der  ganzen  Kultiir  (Religion,  Wissenschaft,  Kunst 
usw.  mitinbegriffen) .  Anderseits  gilt  das  Prinzip  auch  in  umge- 
kelirter  Fassung  :  Kultur-  nnd  Oesellschaftsform  werfen  aucli 
ihr  Licht  zurûck  aiif  die  Wirtschaftsform.  Von  welchem  Werte 
derartige  natûiiich  mit  entsprechender  Vorsiclit  genuiehten 
Rt"u'kschlu8se  fiir  die  historische  Wirtschaftsforschung  sein 
kônnen,  liegt   auf  der  Hand.  » 

Wie  und  mit  welfh  iiberrasrhenden  Ergebnissen  nun  in 
diesem  Sinne  besonders  P.  W.  Sghmidt  schon  gearbeitet  bat, 
das  darzulegen,  dafûr  geniigt  ein  kurzer  Vortrag  nicht.  Ich 
muss  hier  abermals  auf  die  schon  genannte  umfassende  Pu- 
blikation  Vôlker  und  Kulturen  verweisen,  wo  ailes  Hierher- 
gehôrige  sich  zusammenge&tellt  flndet.  Der  Illustrierung  halber 
indes  sei  das  eine  oder  andere  Beispiel  herausgegriffen  und  in 
aller  Kiirze  vorgefûhrt. 

Dass  die  im  Bereich  der  Naturvôlker  so  weit  verbreitete 
Einrichtung  der  geheimen  Mànnerbûnde  eine  Eigentûmlichkeit 
mutterrechtlicher  Ackerbaukultur  sei,  war  schon  von  Fr. 
Graebner  erkannt  worden.  P.  W.  Sghmidt  versuchte  darauf  eine 
tiefere  Durchdringung  des  Materials  und  er  stellte  sich  im 
besonderen  die  Frage  :  Warum  gerade  in  mutterrechtlicher 
Ackerbaukultur  dièse  geheimen  Mànnerbûnde  ?  Das  scharfere 
Insaugefassen  der  Produktionsform  dièses  Kulturkreises 
brachte  Licht  ins  Dunkel.  Der  hier  von  der  Frau  gepflegte 
Ackerbau(Hackbau)nâmlich  schafift  dem  weiblichen  Geschlecht 
eine  derartige  soziale  Vormachtstellung,  dass  die  Mànner- 
welt  beginnt  dagegen  Front  zu  machen  durch  den  Zusam- 
menschluss  in  geheimen  Bûnden.  Dièse  Bûnde  schliessen  das 
Frauengeschlecht  nicht  nur  grundsàtzlich  aus,  sondern  sind 
direkt  gegen  dasselbe  gerichtet.  Ihr  Ziel  erreichen  dièse  Bûnde 
meist  nur  allzugrûndlich.  Tendiert  die  mutterrechtliche  Acker- 
baukultur von  Haus  aus  zu  einer  Weiberherrschaft.  so  macht 
die  Tyrannei  der  Mànnerbûnde  sie  hier  gerade  oft  zu  Sklaven. 
Es  sind  jetzt  10  Jahre  her,  vvo  P.  Sghmidt  dièse  Erklàrung  fur 
die  geheimen  Mànnerbûnde  aufstellte.  Die  Fortschritte,  welche 
unsere  Wissenschaft  seitdem  machte,  haben  manche  neue  Be- 
stâtigungen  fur  seine  Ansicht  beigebracht. 


96  W.    KOPPERS 

Ein  anderes  Beispiel.  Sie  wissen,  welch  ein  intrikatos  vôlker- 
kundliches  Problem  die  Erscheinung  des  Totemismus  darstellt. 
Aber  anch  hier  sind  wir,  auf  Grund  der  genaueren  Erforschung 
der  wirtschaftlichen  Yerhàltnisse  in  ursprùnglich  totemisti- 
schen  Komplexeii.  bereits  auf  bestem  Wege  des  Ràtsels  Lôsung 
zu  finden.  Intéressant  und  lehrreich  musste  dem  aufmerksamen 
Beobachter  schon  langer  die  Tatsache  sein,  dass  so  hervorra- 
gende  Etlinologen  und  Totemismusforscher  wie  Haddon,  Reu- 
TERSKiôLD.  Graebner.  Ankermann,  W.  Schmidt,  immer  mehr 
schon  dazu  neigten,  den  Ursprung  des  Totemismus  im  Sozial- 
Wirtschaftlichen  zu  suehen.  Untersuchungen.  die  ich  im 
vorigen  Jahre  selber  speziell  vom  allgemein  wirtschaftsge- 
schicht lichen  Standpunkte  derselben  Sache  widmen  konnte. 
haben,  wie  ich  glaube,  neue  Beweise  in  diesem  Sinne  zu  tage 
gefordert. 

Die  Produktionsform  jenei'  Kultui',  in  welcher  der  Totemis- 
mus erstmalig  entstand,  war  ohne  Frage  ein  hôheres  Jàgertum. 
Die  kompliziertere  Wirtschaftsform  erlaubte  da  bereits  ein 
Zusammenwohnen  von  grôsseren  Menschengruppen,  als  wie 
das  niedere  Jàgertum  der  Urkulturen  das  gestattet.  Die  «  hohe- 
ren  Jâger  »  nun,  bzw.  die  einzelnen  Gruppen  eines  solchen 
Stammes,  begannen,  bestimmte  Jagdprodukte  (Tiere)  mitei- 
nander  auszutauschen.  Das  am  Ort  besonders  hàufige  Jagdtier 
kam  als  Austauschobjekt  in  erster  Linie  in  Betracht.  Das  Motiv 
fur  den  Tauschprozess  bildete  im  Anfang,  wie  es  sich  schon 
mit  grosser  Wahrscheinlichkeit  dartun  làsst,  das  Verlangen 
nach  einer  Abwechslung  ins  Menu.  Begreiflich.  dass  das  Tier, 
welches  gewissermassen  das  Tauschmittel  bildete,  sich  gros- 
ser Wertschàtzung  erlreute.  Aber  vom  Boden  des  rein  Natiir- 
lich-Sozialen  ist  est  allmâhlich  in  das  Reich  des  Mysterios- 
Mystischen  hinaufgeriickt,  zum  «  Schutzgeist  »  des  Stammes 
bzw.  Clans  erhoben  worden. 

Damit  ist  ganz  kurz  der  wahrscheinliche  Entstehungsprozess 
des  Gruppen-  oder  Glan-Totemismus  geschildert  worden.  Fiir 
ailes  Nàhere  muss  natûrlich  auf  die  angegebenen  Publikationen 
verwiesen  werden. 

Es  wûrde  zu  weit  fùhren,  wollte  ich  im  einzelnen  auch 
noch  zeigen,  was  die  vergleichende  Religiônswissenschaft  von 
einer  intensiven  ethnologischen  Wirtschaftsforschung  zu   er- 


WIRTSCHAFTSFORMEN    UND    KULTURKREISE  97 

warten  hat.  Ich  erwàhne-  beispielshalber  nur,  dass  das  Auf- 
treten  von  weiblichen  Gottheiten  in  mutterreclitlieher  Ackor- 
baukultur  seine  entsprechendste  Erklàrung  natûrlich  in  den 
Produktionsverhâltnissen  dièses  Kulturkreises  fmdet.  Auf  die 
Tatsache  ferner,  dass  die  Urvôlker  einen  Urmonotheismus  r(>- 
lativ  am  reinsten  bewahrten,  fâllt  von  der  Erforschung  urzeit- 
liclier  Wirtschaft  her  das  vortrefflicliste  Licht. 

Dièse  wenigen  Beispiele  mûssen  hier  genûgen.  Ich  denke  sie 
zeigen  Ihnen,  dass  es  keine  Uebertreibung  in  sich  schlîesst, 
wenn  ifh  sagte,  dass  die  Verpflanzung  des  Grosse  'schen  Prin- 
zips^  auf  den  Boden  dgr  historischen  Vôlker-  und  Religions- 
kunde  eine  neue  Aéra  fur  dièse  Wissenschaften  bedeutet.  Und 
nicht  niôchte  ich  es  unterlassen,  an  dieser  Stelle  darauf  hinzu- 
weisen,  ((  dass  die  so  erzielten  Resultate  natûrlich  von  einer 
neuen  Seite  her  die  faktische  und  prinzipielle  Richtigkeit  der 
Lehre  von  den  ethnologischen  Kultureinheiten  (Kulturkreisenj 
dartun.  Denn  wie  kônnte  das  eine  Elément  das  andere  so  tref- 
flich  beleuchten  und  erklàren,  wenn  sie  einzeln  nicht  Teilo 
eines  und  desselben  Kulturganzen  (Kulturkreises)  gebildet 
hàtten  ?  Abgesehen  davon,  dass  sie  vielerorts  —  es  ist  das  ja 
die  tatsàchliche  Basis,  von  der  die  Kulturkreislehre  ausgeht 
und  ausgehen  muss  ^-  noch  gegenwàrtig  in  vollerer  otier 
geringerer  Reinheit  eine  Einheit  bilden  »  {Ethnoingisrhc  Wirl- 
scfiaftsforschung,  p.  1069-70). 

Bevor  ich  schliesse,  noch  eine  Bemerkung.  Wie  es  in  den 
letzten  Jahrzehnten  auch  in  Nordamerika  und  zwar  unabhàngig 
von  der  entsprechenden  Bewegung  innerhalb  des  deutschen 
Sprachgebietes,  zur  Entwicklung  einer  historischen  Ethnologie 
gekommen  ist,  kann  ich  als  bekannt  voraussetzen.  Besonders 
intéressant  und  lehrreich  aber  ist  uns  hier  die  Tatsache,  dass 
auch  dort  wirtschaftsgeschichtliche  Studien  in  gleichem  Masse 
an  Schàtzung  und  praktischer  Pflege  gewannen. 'Zu  nennen  sind 
unter  dieser  Rùcksicht  besonders  Forscher  wie  C.  W'isslkr. 
SwANTON,  LowiE  und  Kroeber. 

Diesen  Vortrag  môchte  ich  ausklingen  lassen  in  die  Bitlo. 
dass  die  Herren  Missionàre  kùnftig .  hàufiger  und  eingehender 
noch,  wie  bisher,  sich  ergologischen  und  Produktionsstudien 
widmen.  Mir  scheint,  dort,  wo  in  dieser  Hinsicht  noch  nichts 
Grûndliches  vorliegt,  sollte  man  zunàchst  mit  diesen  Gebieten 


98  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

Jjeginnen.  Das  hal  ohne  Frage  nicht  nur  sachliche,  sondern 
HUfh  personliche  Yorteile.  So  erziehl  die  Beschaftigung  mit, 
diesen  konkreten  und  ihrer  Natur  nach  objektiveren  Gebieten 
zu.ii  methodischen  und  nûchternen  Arbeiten.  Wie  manche  iiif- 
ligr  Thoorien  auf  den  Forschungsgebieten  der  Soziologie  und 
der  Religionswissenschaft  speziell  wâren  nicht  in  die  Welt 
geselzt,  wenn  die  Herren  Forscher  den  Ochs  stalt  beim  Schwanz 
hei  den  Hôrnern  gefasst  hàtten  !  Dass  ieh  es  nicht  verkenne, 
wie  es  im  Einzelfalle  eine  Ueberwindung  kosten  mag.  sich  nich! 
gleich  auf  die  Enforschung  des  geistig-religiôsen  Lebens  stûr- 
zen  zu  konnen,  sagte  ich  ja  schon.  Abet  eine  solche  Ueberwin- 
dung hat  gewiss.  wie  jede  andere,  auch  ihren  hesonderen  Segen 
zu  gewartigen  :  oin  wenig  spàter  wird  sic  sich  ûberreichlich 
lohnen. 


BIBI^.  —  Graebner,  Méthode  der  Ethnologie,  in-S",  Heidelberg,  Winter, 
1911.  —  SCHMIDT-KOPPERS,  Volker  und  Knlturen,  in-4",  Berlin-Regensburg, 
Habbel,  1922  —  Koppers  W.,  Die  ethnologiache  Wirtschaftsforschung  ;  eine 
histoi-isch-kriiische  Studie,  im  Anthr.,  1915-16  (Sonderausgabe,  Lex.  in-S», 
Wien,  Mechitharisten-Buchdruckerei,  1917)  :  ders..  Die  Anfange  des  inensch- 
Hchen  Gemeinschaftslehens  iin  Hpiegcl  drr  ncveren  Vôlkerkwide.  in-16", 
M.    Gladbach,    Volksvereins-Verlag,    1921. 


[5]  La  méthode  philologique, 

par  le  R.   P.   PiNARD  de  la  BoULLAYE,  S.   J. 

Vous  avez  entendu  parler  des  fouilles  de  Troade,  dAssyro- 
babylonie,  de  la  Susiane.  Poussées  en  quelques  endroits  jusqu'à 
plus  de  I rente  mètres  de  profondeur,  elles  ont  ramené  au  jour 
les  décombies*  de  six  ou  sept  villes  superposées  et  des  docu- 
ments datant  de  plusieurs  milliers  d'années.  Or,  sans  sortir 
de  cette  salle,  il  est  possible  de  trouver  certains  débris  de  civi- 
lisations plus  anciennes  encore.  Dans  les  langues  diverses  dont 
nous  nous  servons,  formées  qu'elles  sont  par  les  modifica- 
tions successives  de  celles  qu'employaient  nos  lointains  aïeux, 
chaque  mot  esi  en  efïet  comme  une  pièce  de  monnaie,  usée 
par  les  siècles,  mais  qui  révèle  au  connaisseur  quelques  traces 


MÉTHODE    PHILOLOGIQUE  99 

infiniment  précieuses  des  figures  ou  des  inscriptions  qu'elle 
portait  autrefois.  Interpréter  ces  documents  et  éclairer  par 
leur  moyen  les  périodes  archaïques  de  l'histoire,  c'est  l'objet 
de  la  paléontologie  Ungmstiquf . 

On  pourrait  lui  trouver  des  précurseurs  chez  les  étymolo- 
gistes  de  l'Antiquité,  chez  les  philologues  de  la  Renaissance. 
En  fait,  sa  méthode  n'a  pris  un  caractère  scientifique  qu'après 
la  découverte  des  rapports  du  sanscrit  avec  le-  grec  et  le  latin, 
par  le  jésuite  Coelrdoux,  en  1767,  puis  par  William  Jones  et 
])ai'  la  Société  Asiatique  de  Calcutta,  découverte  qui  aboutit,  en 
1816,  à  l'admirable  Grammaire  comparée  des  langues  indo-euro- 
péennes de  Bopp  et  à  la  constitution  de  la  linguistique  comparée. 

l^es  ressources  qu'offrait  cette  science  furent  surtout  exploi- 
tées en  Allemagne,  par  Adalberf  Kihn.  en  Angleterre,  par  un 
autie  Allemand,  Max  Mueller,  en  Suisse,  par  Adolphe  Pictet, 
dans  ses  Origines  indo-européennes  ou  les  Ai'yas  Primitifs 
(1659-63).  On  crut,  à  cette  époque,  avoir  trouvé  «  la  clef  qui 
devait  ouvrir  toutes  les  serrures  ».  Il  fallut  bientôt  revenir  de 
ces  illusions.  Les  insuffisances  du  procédé  étymologique  appa- 
rurent en  effet  manifestes,  quand  on  vit  notamment  les  mem- 
bres les  plus  accrédités  de  la  nouvelle  école  interpréter  de 
manière  très  divergente  la  mythologie  des  textes  sanscrits.  Où 
Max  Mueller,  William  Gox  et  Michel  Bréal  voyaient,  avant 
tout,  la  description  de  phénomènes  solnires,  Adalbert  Kuhn 
et  Cari  Muellenhopf  croyaient  reconnaître  des  phénomènes 
météorologiques  (orages,  tempêtes,  tonnerres),  Charles  Ploix 
les  divers  aspects  du  ciel  lumineux,  Forchhammer  des  phéno- 
mènes aquatiques... 

La  réaction  qui  suivit,  comme  il  arrive  d'ordinaire,  fut  quel- 
que peu  excessive. 

.aujourd'hui,  un  revirement  se  dessine,  notamment  chez 
O.  ScHRADBR,  H.  HmT,  A.  Meillet,  linguistes  éminents  et  criti- 
ques beaucoup  plus  sévères. 

En  m'appuyant  constamment  sur  les  travaux  de  ces  maîtres, 
j'essaierai,  durant  cette  brève  conférence. 

1°  de  piéciser  les  raractéristiques  de  la  méthodr'  philolo- 
gique, 

2°  d'indiquer   les  services   qu'elle   peut   rendre, 

3"  de  signaler  les  dangers  qu'elle  présente. 


iOO  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

I.  CARACTÉRISTIQUES  DE   LA  MÉTHODE  PHILOLOGIQUE 

En  résumé,  la  méthode  philologique  (1)  étudie  les  concepls, 
les  rites  et  les  divei'ses  particularités  des  civilisations  et  des 
i-eligions  archaïques,  en  utilisant  les  traces  qu'ils  ont  laissées 
dans  les  langues  des  différents  peuples.  Elle  emploie  à  cet 
effet  deux  procédés  intimement  unis,  Vanalyse  étymologiqup  et 
la  comparaison  des  idiomes  ;  subsidiairement  mais  nécessaire- 
ment, elle  tait  appel  à  tous  les  documents  de  l'archéologie. 

a.  L'étymologie.  —  De  manière  générale.  Texamen  des  mots 
employés  par  un  peuple  permet  de  dresser  en  quelque  sorte 
linventaire  des  idées  profanes  et  religieuses  qui  avaient  cours 
chez  lui.  L'étymologie,  qui  dissèque  ces  mots,  en  procure  une 
intelligence  plus  profonde  ;  mais  les  difïicultt's  que  présente 
cette  opération  sont  extrêmes. 

Prenons  par  exemple  le  terme  composé  re-ligio.  On  Ta  dérivé 
de  re-ligo  :  la  religion  serait  ce  qui  nous  re-lie  au  monde  divin. 
Psychologiquement,  Texplication  est  acceptable  ;  étymologi- 
quement,  elle  est  inadmissible,  le  thème  du  verbe  ligo.  ligare 
pouvant  bien  donner  ligatio,  mais  non  ligio.  Plus  satisfai- 
.sante,  entre  plusieurs  autres,  l'opinion  qui  dérive  le  mot  de 
re-lego  :  la  religion  serait  ce  qui  nous  porte  à  traiter  {re-passer, 
re-specter)  avec  un  soin  spécial  certaines  catégories  de  devoirs. 
Dans  cette  explication,  les  lois  de  dérivation  sont  satisfaites, 
mais    notre    curiosité    psychologique    lest    beaucoup    moins... 

Les  mots  simples  sont  en  général  d'une  interprétation  plus 
délicate  encore.  Celui  qui  signifie  dieu  chez  les  Iroquois,  niio 
est  simplement  inintelligible  tlans  leur  langue.  L'énigme  se 
résout,  quand  on  apprend  qu'il  est  la  transcription,  accommodée 
au  génie  de  leur  idiome,  du  français  dieu,  dérivé  lui-même  du 
latin  deum.  Le  mot  grec  de  même  signification,  Beoî,  est  aussi 
obscur.  Nombre  d'auteurs  anciens  le  dérivaient  de  la  même 
racine  que  Osoj,  courir  (les  a&tres-dieux  parcourent  les  es- 
paces) ;  d'autres  de  la  même  racine  que  -.'■M,\}.u  H<Jii  (les 
dieux  étant  les  auteurs  des  dispositions  qui  apparaissent  dans 
l'univers).   Aujourd'hui,    on     hésite    entre    la     même   racine    6e 


(1)  Bien  qu'on  distingue  nettement  aujourd'liui  entre  jJ^Jologie  et  linguis- 
tique, la  qualification  de  méthode  «  philologique  »  semble  devoir  être  main- 
tenue, précisément  parce  que  la  lingiiistique  comparée  n'est  ici  qu'un  moyen 
d'arriver  à  la  connaissance  de   la  civilisation  et  de  son  histoire. 


MÉTHODK    PHILOLOGIQUE  101 

-t'Ot,;/'.,  établir,  placer)  et  la  l'acine  Oî:  i 0£7jïT0a'.,  prier)  : 
vin  (lieu  .serait  ou  celui  qui  établit  les  choses,  ou  cchii  qu'on 
prie...  Notre  science,  devenue  plus  exigeante,  élimine  bien  des 
inlerpi'étations  erronées  ;  mais  elle  aboutit  souvent  à  des  solu- 
tions j)lau8ibles  plutôt  qu'indiscutables. 

Les  difficultés  qui  Tarrétent  s'expliquent  par  le  long  usage 
ou  plutôt  jiar  l'usure  des  siècles  :  les  racines  plus  ou  moins 
modifiées  sont  devenues  telles  qu'en  bien  des  cas  on  ne  sait 
plus  au  juste  à  quelle  série  précise  de  dérivés  —  c'est  par  les 
dérivés  en  etïet  que  leur  sens  s'éclaire  —  il  convient  de  les 
rattacher.  Ainsi  les  pierres  des  formes  les  plus  diverses,  rou- 
lées sur  les  grèves  pendant  des  siècles,  arrivent-elles  à  se 
ressembler  de  telle  sorte  qu'il  devient  imj)ossible  de  déter- 
miner quelle  était  leur  forme  première. 

Si  donc,  comme  chez  les  auteurs  anciens,  elb?  appuie  ses 
interprétations  sur  de  simples  assonances,  sur  des  similitudes 
de  son  plus  ou  moins  précises,  on  comprend  que  l'étymologie 
ne  puisse  être  qu'une  combinaison  d'è-peu-près,  insipide  ou 
ingénieuse,  selon  le  talent  des  écrivains.  Si,  négligeant  les 
particularités  orthographiques  qui  distinguent  encore  les  mots, 
soit  au  sein  d'une  même  langue,  soit  en  des  langues  différentes, 
elle  réclame  le  droit  de  faire  permuter  les  lettres  les  unes  avec 
les  autres,  elle  justifiera  pleinement  la  définition  qu'en  donnait 
VoLTAmE  :  «  une  science  où  les  voyelles  ne  sont  rien  et  les 
consonnes  fort  peu  de  chose  »  ;  rien  n'empêchera  de  soutenir, 
comme  le  disait  plaisamment  le  même  Voltaire,  que  Tempe- 
rr'ur  de  Chine  Ki  est  le  roi  Atoës,  puisqu'il  suffît  pour  le  prouver 
de  changer  K  en  A  et  /  en  toës. 

Mais  il  y  a  moyen  d'éviter  pareil  .arbitraire  :  c'est  d'étudier 
de  près  les  lois  de  la  dérivation,  dans  le  corps  même  d'une 
langue,  et  les  lois  des  correspondances  phonétiques,  entre  les 
langues  apparentées.  La  linguistique  a  progressé  du  jour  et 
dans  la  mesure  où  elle  est  entrée  dans  cette  voie. 

Qu'elles  soient  dues  en  etïet  h  une  cause  climatérique,  qui 
porte  par  exemple  à  ouvrir  plus  ou  moins  la  bouche,  ou  à  une 
conformation  spéciale  des  organes,  ou  à  telle  mode  devenue 
prédominante,  ou  à  une  certaine  logique  instinctive,  les  parti- 
cularités de  langage  propres  à  une  région  portent  de  manière 
uniforme  sur  les  séries  entières  de  voyelles  ou  de  consonnes  : 


(02  H.     PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

les  mêmes  lettres  sont  modifiées  dans  le  même  sens,  partoiil 
où  elles  se  rencontrent.  Nous  pouvons  l'observer  encore  de  nos 
jours,  dans  les  patois  ou  dans  les  dialectes  modernes,  et  chez 
les  étrangers  qui  emploient  notre  piopre  langue,  mis  à  part 
les  rares  individus  qui  arrivent  à  la  parler  «  sans  accent  ». 

Pour  n'être  plus  trompé  par,  de  vagues  analogies  dans  la 
prononciation  ou  dans  l'écriture,  la  méthode  étymologique  doit 
donc  se  faire  comparative. 

h.  La  fomporaison  des  langues.  —  C'est  dire  qu'il  convient, 
avant  tout,  de  d"égager  de  la  comparaison  des  langues  appa- 
rentées les  lois  phonétiques  qui  président  à  leurs  modifica- 
tions respectives,  en  d'autres  termes  de  dresser  des  tables 
très  précises  des  correspondances  entre  leurs  diverses  conson- 
nes et  leurs  diverses  voyelles.  Lois  et  tables  acquièrent  une 
certitude  absolue,  quand  elles  sont  aj)i)uyées  sur  des  centaioés 
nu  des  milliers  de  cas.  Telles  notamment  les  tables  que  Grimm 
a  publiées  pour  l'étude  des  langues  indo-européennes. 

A  l'aide  de  ces  tables,  on  peut  voir  clairement  quelle  forme 
devait  avoir  un  même  mot.  aux  divers  stades  de  ses  transfor- 
mations —  quelle  forme  il  devrait  avoir  dans  telle  langue- 
souche,  si  réellement  il  en  dérivait,  ou  dans  telle  langue-s(eur, 
s'il  avait  avec  elle  quelque  lien  de  parenté.  La  parenté  une  fois 
établie,  on  peut  remonter  à  la  racine  commune. 

Pour  revenir  à  l'exemple  choisi,  on  reconnaîtra  que  l'italien 
dio.  l'espagnol  dios,  le  français  dieu  ont  pour  ancêtre  le  latin 
deus. 

Remontant  plus  haut,  on  constatera  l'équivalence  du  latin 
deus,  du  sanscrit  devdh.  du  zend  daêvô.  du  vieux  prussien 
deiivan.  du  vieil  islandais  ^îuar  (les  dieux),  du  gaulois  dëvo. 
du  vieil  irlandais  dla  etc. 

iDe  la  mênie  racine  est  dérivé  un  adjectif  divydh.  en  sanscrit. 
oTo:,  en  grec,  dius,  en  latin,  dëa,  en  islandais...  «  Or  ce  mol 
signifie  brillant  et  ne  saurait  être  .séparé  du  nom  du  jour,  du 
ciel  lumineux,  très  souvent  divinisé  :  sanscrit  dyauh,  ciel.  jour. 
grec    Zîk.   AiFo;,     latin,  Juppiter  »    (1). 

Arrivé  là,  on  est  sûr  de  posséder,  non  pas  «  le  concept 
archaïque   du   divin    »,    propre    au   groupe   ethnique   d'où    sont 


(1)    A.    Meillet,   Introd.    à   l'étude   compar.    des    langues   indo-européennes^^ 
vin,  p.   388. 


MlirilODB    l'HILOLOGIQUE  103 

dérivées  les  langues  nommées  plus  haut,  mais  un  l'enseigne- 
ment qui  permet  d'en  saisir  quelque,  chose. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  d'exposer  toutes  les  règles  qui  concer- 
nent ce  sujet.  Toutefois  ce  genre  d'études  est  si  séduisant  et 
nos  chers  missionnaires  y  consument  si  souvent  un  temps 
précieux,  en  pure  perte,  quil  semble  opportun  de  consigner  au 
moins  ici  deux  principes  élémentaires. 

Le  premier  ])eut  se  formuler  ainsi  :  loin  de  regarder  comme 
décisives  les  ressemblances  actuelles  plus  fi'appantes,  il  faut 
au  contraire  tenir  pour  assuré  que,  phis  les  mots  se  ressemblent 
au jnvrd'h'xi.  moins  il  est  probable  qu'ils  dérivent  d'une  môme 
souche.  Tout  de  même  peut-on  affirmer  avec  certitude,  si  deux 
individus  déjà  avancés  <'n  âge  se  ressemblent  actuellement 
«  comme  deux  gouttes  d'eau  »,  que  ce  ne  sont  pas  des  jumeaux. 
La  raison  commune  de  cette  double  assertion,  c'est  que  des 
types  originairement  identiques,  hommes,  choses  ou  vocables, 
soumis  à  des  influences  variées,  soit  quant  à  leur  nature,  soit 
quant  à  leur  seule  intensité,  en  arrivent  forcément  à  se  diffé- 
rencier de  plus  en  plus.  Où  les  différences  sont  nulles,  il  n'y  a 
donc  pas  lieu  de  supposer  une  parenté,  mais  une  rencontre 
fortuite..  Ainsi  langlais  bad  et  le  persan  bad,  le  latin  loeus 
et  le  sanscrit  lokas,  l'anglais  lohole  et  le  grec  ôXo,-,  le  français 
fi'u  et  l'allemand  Feuer,  malgré  la  similitude  de  leur  forme  et 
l'identité  de  leur  sens,  ne  sont-ils  pas  de  même  origine.  Au 
contraire,  ètiV/.o'ko;,  évèque,  vescovo.  obispo,  bishop  et  Bischof 
sont  rigoureusement  le  même  mot.  Enfin  voici  un  exemple  plus 
typique  :  l'anglais  /,  le  français  je.  le  gothique  ik.  l'allemand 
ich,  le  grec  îyo'j.  le  sansi-rit  nhàni.  le  zend  azam,  le  vieux 
perse  adam  sont  le  même  pronom  de  la  première  personne.  On 
n'en  doute  plus  ;  mais  c'est  précisément,  peut-on  dire,  parce 
que  pendant  des  siècles  on  ne  s'en  est  pas  douté  :  les  diver- 
gences qui  rendent  la  parenté  méconnaissable  aux  yeux  du 
vulgaire  sont  telles  qu'a  dû  les  produire  l'action  du  temps. 

Et  voici  le  second  principe  :  la  preuve  péremptoire  de  parenlé 
entre  les  langues  n'est  pas  à  chercher  dans  les  correspondances  de 
leur  vocabulaire,  mais  dans  leur  système  de  dérivation,  de  décli- 
naison et  de  flexion.  On  peut  en  effet,  sans  limite  aucune. 
emprunter  des  mots  à  une  langue  voisine  ;  mais  la  dernière 
chose  que  l'on  emprunte,  c'est  la  manière  d'utilis(y  ces  mots, 


104  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

de  les  modifier  par  voie  d'affîxes,  de  suffixes  ou  daltéralion 
phonétique,  de  les  construire  avec  d'autres  pour  en  former  des 
phrases,  bref  ce  sont  les  habitudes  invétérées  de  pensée  qui 
caractérisent  le  système  grammatical  de  la  langue  maternelle  (1 ,  . 

Revenons  à  la  méthode  philologique. 

c.  Rrcours  subsidiaire  aux  documents  archéologiques  et  histori- 
ques. —  Les  observations  que  nous  avons  dû  faire  plus  haut 
auront  déj'à  })ermis  d'entrevoir  que  Tétymologie,  même  appuyée 
sur  la  comi^araison  des  langues,  demeure  un  instrument  de 
recherche  insuffisant. 

En  efi'et,  elle  fournil  seulement  une  des  caractéristiques  des 
objets  désignés,  mais  elle  n"en  donne  pas  une  description  com- 
plète. Combien  vagues  demeurent  par  exemple  nos  représenta- 
tions du  javelot,  de  ràrne,  des  dieux,  quand  nous  savons  unique- 
ment que  la  racine  de  ('es  mots  exprime  respectivement  Tidée 
de  jet,  de  vent  ou  de  souffle,  de  lumineux  ou  de  brillant  ? 

En  second  lieu,  elle  indique  uniquement  le  sens  originel  des 
racines,  nullement  le  sons  pris  par  les  mots  à  l'époque  (tardive 
peut-être)  où  ils  ont  été  formés  ou  confisqués  pour  un  usage 
spécial,  encore  moins  les  nuances  successives  qui  ont  pu  modi- 
fier ce  sens  jusqu'à  le  faire  passer  du  blanc  au  noir.  Ainsi  le 
grec  rjyJ-iJxow.  génie,  et  le  zend  dâevô,  dieu,  en  sont-ils  arrivés  à 
signifier  «  démon  »... 

Enfin  l'étymologie,  à  elle  seule,  ne  renseigne  pas  sur  l'impor- 
tance relative  des  idées,  des  usages,  des  choses  dont  elle  amène 
à  constater  l'existence.  L'examen  du  vocabulaire  entier  peut,  il 
est  vrai,  y  suppléer  dans  une  certaine  mesure,  à  la  manière  d'un 
inventaire  ;  mais  cet  inventaire,  pour  autoriser  des  conclusions 
de  quelque  valeur,  devrait  être  complet  et  il  ne  peut  l'être,  cha- 
que fois  qu'il  repose  sur  le  dépouillement  d'un  petit  nombre  de 
textes  ;  de  plus,  il  devrait  être  dressé  par  époques,  et  il  ne  peut 
l'être,  à  moins  qu'on  ne  dispose  de  documents  littéraires  assez 
abondants  et  datés. 

Pour  toutes  ces  raisons,  il  est  indispensable  de  contrôler  et 
de  compléter  les  indications  que  l'étymologie  peut  procurer  par 


(1)  Pour  une  raison  analogue,  les  correspondances  lexicolog-iques  qui  por- 
tent sur  les  termes  les  plus  nécessaires  à  la  vie  (homme,  femme,  partie  du 
corps,  mangrer,  boire,  dormir,  agir),  sont  plus  probantes.  C'est  un  fonds  de 
roulement  que  possède  toute  langue  même  rudimentaire.  L'emprunt  en  ce 
domaine   est  donc  moins  probable. 


MÉTHODE    PHILOLOGIQUE  105 

l'étude  des  mythes,  des  hymnes,  des  légendes,  des  dictons  popu- 
laires, du  mobilier  cultuel,  des  ex-voto,  des  inscriptions  funé- 
raires, bref  par  tous  les  documents  historiques  dont  on  peut 
disposer.  Les  auteurs  récents  en  conviennent. 

Ayant  ainsi  caractérisé  la  méthode  comme  étymologique, 
comparative  et  historique,  essayons  d'indi([uer  avec  j)lus  de  dé- 
tails les  services  qu'elle  peut  rendre. 

II.  SERVICES  QUE  PEUT  RENDRE   LA  MÉTHODE   PHILOLOGIQUE 

Nous  nous  bornerons  à  en  signaler  trois  (1)  :  elle  permet  de 
déterminer  les  relations  de  parenté  entre  les  religions  —  elle 
éclaire  la  préhistoire  des  religions-souches  —  elle  renseigne  sur 
révolution  respective  de  celles  qui  en  dérivent. 

a.  Détermination  des  relations  de  parenté.  -'-  Nous  avons  vu  que 
la  méthode  philologique  s'appuie  sur  les  conclusions  de  la  lin- 
guistique comparée. 

La  parenté  entre  les  langues,  établie  par  cette  science,  prouve 
par  elle-même,  non  Vuiiité  de  race,  chez  les  peuples  qui  em- 
ploient le  même  idiome,  mais,  en  un  sens  assez  large,  leur 
groupement  en  une  unité  sociale  ou  ethnique  distincte  et  l'unité 
de  leur  civilisation  :  Seuls  en  effet  peuvent  conserver  une  même 
langue  les  peuples  réunis  par  une  autorité  assez  forte  ou  par 
des  intérêts  communs  assez  puissants. 

A  ce  titre,  la  parenté  des  langues  fait  prévoir  celle  des  reli- 
gions, comme  partie  intégrante  de  la  civilisation  commune, 
voire  même  comme  partie  principale,  car,  dans  l'antiquité  sur- 
tout et  de  nos  jours  encore  chez  les  non-civilisés,  la  religion 
pénètre  et  commande  pour  une  large  part  les  relations  fami- 
liales, sociales,  commerciales.  Certains  auteurs  exagèrent  ce 
rapport  des  langues,  des  civilisations  et  des  religions  ;  ils  ne 
tiennent  pas  assez  compte  de  ce  fait,  que  la  religion  est  souvent 
le  dernier  des  domaines  que  laisse  violer  une  nation  vaincue, 
même  lorsqu'elle  est  obligée  d'accepter  la  civilisation  du  vain- 
queur ;    mais,    de    toutes   manières,    la   constatation   de    Vunité 


(1)  D'un  point  de  vue  plus  général,  on  ne  saurait  trop  insister  sur  l'utilité 
que  présente  l'étude  de  la  linguistique  comparée.  Aucune  autre  science  ne 
permet  d'apprendre,  par  des  exemples  aussi  clairs  et  aussi  sûrs,  les  règles 
générales  de  la  méthode  comparative,  les  précautions  minutieuses  qu'elle  exige 
et  les  réserves  qu'elle  impose.  Voir  notamment  les  ouvrages  cités  à  la  fin  de 
cette  conférence. 


106  H.     PINARD     DE    LA     BOUl-LAYE 

ethnique  est  de  grande  importance.  La  linguistique  comparée, 
au  XIX'"  siècle,  en  apprenant  à  traiter  les  religions  par  groupes 
apparentés,  en  a  transfoimé  Tétude.  Par  l'emploi  de  la  méthode 
comparative,  elle  a  permis  de  retrouver  les  homologues  i, dieux, 
notions,  rites),  de  comprendre  bien  des  cas  obscurs  dans  lune 
ou  lauti-e  des  religions-sœurs,  de  suppléer  pour  une  ftart  au 
silence  des  do<-uments...  Ses  recherches  ont  porté  surtout  sui' 
les  langues  indo-européennes  et  les  langues  sémitiques,  mais 
voici  que  les  découvertes  du  R.  P.  Schmjdt  sur  les  relations 
des  langues  australiennes  et  sur  celles  des  langues  austriennes 
(aïK-icn  groupe  malayo-polynésien) ,  découvertes  comi)lét(''es 
par  celle  de  Conrady  sur  la  parenté  des  langues  austrieiuies 
avec  les  langues  indo-chinoises  i  tibéto-birmaniennes)  ouvrent 
à  ces   rech(M'ches  de  nouvelles  persj)eetives. 

b.  Aperçus  sur  la  préhistoire.  —  Le  rapprochement  des  lan- 
gues ai)parentées  fournit  en  outre  le  moyen  de  découvrir,  par 
la  c()iiipiirais(m  de  leur  vocabulaire,  les  concepts  et  les  usages 
religieux  que  les  peuples  possédaient  en  commun  au  temps  de 
leur  indivision,  i^es  mots  de  leur  vocabulaire  en  gardent  la 
trace.  Lélymologie  les  dissèque.  Nous  avons  noté  plus  haut 
ses  insutïisances.  Elles  peuvent  s'atténuer  toutefois,  si  l'on 
inteii'oge  les  concepts  ou  les  usages  solidaires,  pour  les  éclai- 
rer les  uns  pai"  les  autres,  bref  si  l'on  a  recours  à  la  démons- 
tration par  convergence  (1;.  Pour  être  décisive,  cette  pieuvc 
lioit  être  fournie  en  partie  double,  directe,  pai-  accumulation 
des  indices  (pii  liahissent  l'existence  d'une  idée  ou  d'une  [ira- 
tique,  indirerte,  par  l'absence  constatée  des  termes  qui  exjiri- 
meraient  des  idées  ou  des  institutions  contraires. 

Ainsi  a-t-on  pu  soutenir  la  thèse  d'un  dieu  suprême  pri- 
mitif, commun  aux  Indo-européens,  Dyàus  pita.  /.sJ;  T.i-zr^r,. 
Jupiter  (2)...  celle  d'un  dieu  suprême  commun  aux  Sémites. 
El  en  phénicien  et  en  hébreu.  Il  ou  Ihi  en  babylonien    (3). 


(1)  Voir  CRSER,  1914,  p.  115,  et  pour  plus  de  détaUs  notre  étude  citée 
p.    81. 

(2)  Dar.mesteteRj  Essais  orientaux,  in-8",  Paris,  L.évy,  1883,  p.  10.5-133  ; 
A.  Meillet,  Introduction^  p.  387-389  :  Linguistique  historique,  p.  323  sq.  : 
Van    Ginnbken,    CRSER,    1913,    p.    87-89. 

(3)  LagrangEj  Etudes  sur  les  religions  sémitiques-,  in-8",  Paris,  Lecof- 
fre,  1905,  p.  70  sq.  ;  la  thèse  est  contestée  par  le  Dr.  Heiin^,  Die  biblische  und 
die  habylonische  Gottesidee,  in-S",  Leipzig,  Hinrichs,  1913,  p.  150-200. 


MÉTHODE    PHILOLOGIQUE  107 

Ainsi  encore,  en  étudiant  les  termes  qui  indiquent  la  parenté 
chez  les  Indo-européens  et  chez  les  Sémites,  a-t-on  \m  démon- 
trer l'inanité  des  thèses  dun  matriarcat  originel,  du  moins  eu 
ce  qui  les  concerne  :  leur  vocabulaire  atteste  la  détermination 
de  la  parenté  par  la  ligne  palcjuelle   (1    . 

On  peut  éclairer,  par  la  même  voie,  les  institutions  qui  con- 
cernaient le  mariage,  les  concepts  de  propreté  et  de  pureté, 
que  certains  auteurs  prétendent  originellement  identiques,  ceux 
de  sacré  et  de  profane  etc. 

En  reconnaissant  les  services  que  cette  méthode  peut  rendre, 
il  importe  toutefois  d'éviter  certaines  exagérations. 

*Notons-le  tout  d"abord  :  elle  peut  bien  fournir  certains  ren- 
seignements sur  l'époque  où  les  nations  qui  parlent  des  lan- 
gues apparentées  étaient  encore  plus  ou  moins  associées  ;  mais 
il  serait  illusoire  d'imaginer  quelle  puisse  arriver  à  reconsti- 
tuer intégralement  leur  civilisation.  La  linguistique  comparée 
a  dès  longtemps  abandonné  la  prétention  de  <■  reconstituer  » 
leur  langue  commune  :  sauf  un  petit  nombre  de  cas,  elle  vise 
seulement  à  déterminer,  avec  une  probabilité  croissante,  la 
physionomie  que  devaient  avoir  les  éléments  du  vocabulaire 
commun,  pour  que  l'évolution  de  chaque  langue  pût  être  telle 
qu'elle  l'observe.  La  science  comparée  des  religions  est  tenue  à 
une  modestie  semblable. 

Pour  retrouver  en  effet  le  patrimoine  religieux  des  peuples 
avi  nt  leur  séparation,  elle  est  obligée,  elle  aussi,  de  retenir 
seulement  ce  qui  est  commun  à  tous  les  groupes  ou  du  moins 
ce  qui  est  attesté  chez  des  membres  assez  divers  de  la  même 
famille  pour  exiger  la  préexistence  du  concept  ou  de  lusage. 
au  temps  de  Tindivision,  sous  une  forme  ou  sous  une  autre. 
Pareille  imprécision  ne  laisse  plus  de  place  aux  détails  les 
plus  vivants,  supprime  presque  tout  relief,  et  donne,  en  fin  de 
compte,  des  esquisses  squelettiques... 

Encore  n'est-on  pas  sûr  de  pouvoir  jamais  retrouver  toutes 
les  pièces  du  squelette.  Des  institutions  ou  des  notions  ont 
pu  en  effet  s'oblitérer  dans  toutes  les  branches  de  la  famille, 
ou  subsister  seulement  dans  l'une  ou  l'autre,  les  termes  qui 
les  désignent  disparaissant  en  même  temps.  Dès  lors,  l'attri- 


(1)   A.    Meillet,    Introduction^,  p.    377    sq.   ;    Lagrange,    Relig.    sémitiques -^  ^ 
p.   114. 


108  H.     PINAHD     DE    LA     BOULLAYE 

but  ion  de  ces  usages  ou  de  ces  concepts  à  la  i^digion-souche. 
bien  que  nécessaire  en  droit,  peut  devenir  en  fait  impossible, 
faute  do  preuves  critiques  suffisantes... 

A  pln.s  forte  raison,  la  méthode  philolugiqup  ne  peut-elb' 
trancher  les  questions  dorigine,  cest-à-dire  déterminer,  non 
seulement  les  formes  archaïques  des  religions-souches,  mais 
les  formes  absolument  primitives  de  la  religion  ou  des  reli- 
gions. Pour  résoudr-e  de  tels  problèmes,  dans  la  mesure  res- 
treinte que  les  observations  faites  plus  haut  permettent  d'en- 
trevoir, il  faudrait  en  effet  pouvoir  affirmer  ou  bien  que  les 
familles  de  langues  sont  irréductibles  à  une  souche  unique 
ou  quelles  sont  réductibles.  Or,  actuellement,  on  ne  peut  se 
prononcer  ni  dans  un  sens  ni  dans  l'autre.  Si  les  réductions 
déjà  opérées  autorisent  quelques  espoirs,  il  convient  d'ajouter 
qu'on  ne  sait  si  Ton  pourra  jamais  progresser  dans  cette  voie, 
parce  qu'on  ignore  si  quelques  langues  très  anciennes,  néces- 
saires pour  établir  certains  liens  de  parenté,  n'ont  pas  totale- 
ment disparu.  Dans  lune  ou  l'autre  hypothèse  d'ailleurs,  on 
ne  pourrait  déterminer  si  les  vocables  religieux  attestés  dans 
«  la  langue  primitive  >.  ou  dans  «  les  premières  langues  » 
remontent  au  i»remier  âge  de  cjiaque  unité  ethnique  ou  snnl 
apparus  bien  plus  tard. 

Quant  au  jugement  à  porter  sur  la  vérité  et  sur  la  valeur 
de  ees  formes  religieuses  originelles,  il  relève  évidoinment  d(^ 
là  philosophie. 

Ces  questions  mises  à  part,  il  demeure  légitime  de  chercher 
à  préciser  l'évolution  plus  réi-ente  des  civilisations  et  des 
l'eligions. 

c.  Aperçu'i  sur  dévolution  respective  des  religions  apparentées. 
La  première  constatation,  en  ce  domaine,  est  celle  de  l'indé- 
pendance qui  s'affirme,  chez  les  divers  membres  d'un  même 
groupe  ethnique,  vis-à-vis  des  traditions  communes,  ou.  si  l'on 
préfère,  celle  de  l'originalité  qui  s'accuse,  chez  chacun  d'eux, 
dans  la  solution  du  problème  religieux.  En  aucune  autre  partie 
de  la  civilisation,  les  traits  communs  n'apparaissent  moins 
nombreux.  Evidemment,  n'est  pas  forcément  propre  à  une  na- 
tion et,  en  ce  sens,  original  tout  ce  qui  n'est  pas  également 
attesté  chez  tous  ou  chez  plusieurs  membres  de  la  famille  : 
certains   éléments   ont   pu   disparaître  ici   ou   là  ;   d'autres   ont 


MÉTHODE  PHILOLOGIQUK  100 

pu  ètro  empruntés  à  d'autres  souches.  De  toute  façon,  cette 
constatation  ne  laisse  pas  cependant  dètre  gênante  pour  les 
théories  d'un  évolutionnisme  rigide. 

Les  inventaires  dressés  par  la  méthode  philologique  lui  per- 
mettent en  outre  de  découvrir  certaines  transformations  inté- 
ressantes, comme  le  déclassement  des  dieux  communs  :  ainsi 
voit -elle  Odin  supplanter  Tyr,  dans  la  mythologie  Scandinave, 
Mardouk  détrôner  El  en  Babylonie.,. 

Elle  est  de  plus  qualifiée  pour  découvrir  les  confusions  de 
mots  et  les  fausses  étymologies,  qui  si  souvent  ont  amené  la 
création   ou    la   transformation   des    mythes... 

En  sappuyant  sur  des  documents  de  différents  âges,  elle 
peut  aussi  suivre  les  variations  des  vocables  religieux,  leur 
passage  du  sens  laudatif  ou  purement  descriptif  au  sens  péjo- 
ratif, comme  dans  le  français  dévot,  leurs  spécialisations, 
comme  dans  le  terme  religieux,  la  dégradation  progressive  des 
jurons,  remploi  respectueux  ou  superstitieux  de  certains  eu- 
phémismes, comme  bénir  Dieu,  pour  viaudire  Dieu,  en  hébreu  etc. 
De  ces  contributions  diverses  la  psychologie  religieuse,  notam- 
ment, peut  tirer  profit... 

III.   DANGERS  DE   LA  MÉTHODE   PHILOLOGIQUE 

Signaluns.  en  terminant,  quelques-uns  des  dangers  auxquels 
expose  l'emploi  des  procédés  que  nous  avons  décrits. 

a.  Et  dabord,  Varbitraire  des  étymologies.  —  Les  initiateurs 
de  la  méthode  philologique  n'y  ont  que  trop  cédé.  «  C'était,  dit 
ironiquement  Oldenberg,  l'âge  héroïque  de  la  linguistique  indo- 
européenne ».  Aujourd'hui,  ceux  qui  ont  suivi  des  cours  régu- 
liers ou  qui  du  moins  ont  pris  soin  de  consulter  les  ouvrages 
i'écents  sont  efficacement  prémunis  contre  ces  erreurs  ;  mais 
la  bonne  volonté  et  le  travail  le  plus  acharné  ne  peuvent  en 
préserver  des  missionnaires  qui  se  sont  formés  seuls,  avec  des 
manuels  arriérés... 

b.  Les  meilleuis  linguistes  ont  d'ailleurs  à  se  tenir  en  garde 
contre  l'obus  de  rallégorisme.  Appliquée  au  nom  des  personnages 
mythologiques  et  des  dieux,  Tétymologie  y  conduit  presque 
fatalement.  A  dessein  nous  avons  rappelé,  au  début  de  cette 
conférence,  à  quelles  interprétations  divergentes  avaient  abouti 
A.   Ki'HN,    Max   MuELLER,   Ch.   Ploix   et    leurs   émules.  Lo   même 


110  H.    PINARD    DE   LA    BOULLAYE 

procédé,  appliqué  aux  noms  des  personnages  les  mieux  connus 
de  l'histoire  grecque,  observait  Boeckh,  en  ferait  des  êtres  allé- 
goriques «  et  l'on  serait  bien  embarrassé  de  dire  comment  les 
Grecs  auraient  dû  nommer  leurs  enfants,  pour  les  soustraire 
au  danger  de  se  voir  réduits  à  l'état  de  mytbes   »... 

c.  A  ce  péril  s'ajoute  celui  de  nombreux  atMckronismes,  si  Ion 
maintient  leur  sens  originel  ou  étymologique  à  des  termes  qui 
ont  été  adoptés  pour  désigner  certains  objets  ou  (;ertaines 
fonctions,  alors  quils  avaient  été  détournés  de  leur  significa- 
tion {)rimitive  ou  spécialisés  après  un  long  usage.  Quel  joli 
roman  ne  construirait -on  pas,  par  exemple,  à  propos  des  ori- 
gines chrétiennes,  si  Ton  se  contentait  d'observer  que  les 
pontifes  sont  étymologiquement  des  pontonniers  {pontifices) ,  les 
prêtres  des  vieillards  [r.pziS'Jzspoi),  les  diacres  des  courriers 
ou  fourriers  (oiâxovoij...  que  les  temples  sont  des  espaces 
terrestres  co'i'respondant  aux  espaces  célestes  déterminés  ou 
découpés  (--Éixva))  par  le  bàlon  augurai,  les  églises  des  assem- 
blées populaires  (èy-xÂTi^'at,  el  les  basiliques  des  palais  royaux... 
L'abus  ne  serait  pas  moins  criant,  s'il  portait  sur  d'autres 
reliigions  et  sur  des  époques  plus  reculées  ;  il  serait  seule- 
ment  plus  dilïicile  à  éviter... 

d.  Il  faut  signaler  enfin  le  péril  du  minimisme,  c'est-à-dire 
celui  de  réduire  les  concepts  moraux  et  religieux  aux  carac- 
téristiques physiques  au  moyen  desquelles  on  les  exprime.  Ainsi 
se  trouve-t-on  presque  naturellement  invité  à  confondre  avec 
la  notion  d'innocence  ou  de  pureté  morale  celle  de  l'état  physi- 
que qui  sert  à  la  désigner  :  la  propreté  —  avec  la  notion  de 
désordre  moral,  la  caractéristique  plus  extérieure  ou  plus  maté- 
rielle qui  la  traduit  :  punissable,  dangereux,  interdit...  Identifier 
ces  notions,  pour  de  seules  raisons  d'étymologie,  c'est  oublier 
la  loi  essentielle  du  langage  humain,  qui  oblige  à  exprimer  le 
spirituel  par  analogie  avec  le  sensible.  Si  elle  se  fait  sentir 
même  aux  époques  tardives  de  la  spéculation  philosophique, 
combien  plus  vivement  aux  premiers  âges  de  l'humanité  ! 

Ces  explications,  si  sommaires  qu'elles  soient,  auront  du 
moins  permis  d'entrevoir  les  services  que  l'étude  étymologique 
des  vocabulaires,  appuyée  sur  les  enseignements  de  la  linguis- 
tique comparée,  contrôlée  avec  soin  par  les  documents  archéo- 
logiques et  littéraires,  peut  rendre  à  la  science  des  religions. 


MÉTHODE  PHILOLOGIQUE  1 1  I 

Ainsi  comprise,  la  méthode  philologique  n'est  qu'une  appli- 
cation spéciale  de  la  méthode  comparative  à  ces  vestiges  véné- 
rables des  temps  les  plus  reculés  que  conservent   les  langues. 

Son  avantage  le  plus  précieux  est  d'assurer,  dans  une  me- 
sure, il  est  vrai,  bien  modeste,  quelques  renseignements  sur 
la  mentalité  religieuse  des  groupes  ethniques,  avant  leur  sépa- 
ration en  nations  distinctes. 

Nous  souhaiterions  avoir  suscité  un  vif  intérêt  pour  ce 
genre  d'études...  Mais,  qu'on  nous  permette  d'ajouter,  avec  une 
t'i'anchise  toute  fraternelle,  surtout  à  l'adresse  de  nos  chers 
missionnaires  :  «  Et  maintenant,  Messieurs,  n'y  touchez  pas  ! 
Dresser  des  lexiques  soignés,  avec  une  notation  précise  des 
particularités  phonétiques,  rédiger  des  grammaires,  voilà  votre 
tâche  !  Peut-être,  telle  langue  sauvage  jusqu'ici  négligée  per- 
mettra-t-elle  d'établir  des  connexions  nouvelles  et  d'avancer 
d'un  grand  pas  dans  la  réduction  des  familles  lingiiisliques. 
Mais  ces  comparaisons,  ces  réductions,  les  reconsli-uctions  des 
temps  archaïques  doivent  être  réservées  aux  gens  du  métier. 
Se  contenter  de  faire  ce  qu'on  peut  bien  faire,  c'est  la  condition 
essentielle  pour  être  utile  ». 

BIBL.  —  Pour  l'hiatoirc  de  la  méthode  philologique,  voir  notre  ouvrage, 
L'étude  comparée  des  religioiis,  2  in-S",  Paris,  Beauchesne,  t.  I.  1922,  c.  VIII. 
p.    340-356. 

Pour  la  dincussion  des  principes,  A.  Meillet,  Introd.  à  l'étude  comparative 
des  langues  indo-eiiropéennes3  in-8",  Paris,  Hachette,  1912  (bibllogr.  cri- 
tique, p.  474  sq.)  ;  traduction  allemande  i  a,r  W.  Printz,  Einfilhrnng  in  die 
vergl.  Gramm.  der  indo-gcrm.  Sprachen,  Leipzig,  Teubner  :  Linguistique 
historique  et  linguistique  générale,  in-8",  Paris,  Champion,  1921  —  F.  de 
Saussurk,  Cours  de  linguistique  générale-  in-S",  Paris,  Payot,  1922  — 
W.    D.    Whitney,    Languuge    and    its    Studyi,  in-8",     Londre.'^.    Trûbner,     1880 

—  notre   ouvi-age.    Etude   comparée   des   relig.,   t.    II,    c.    iv. 

Pour  son  application  à  la  civilisation  indo-européenne,  voir  plii.<  loin  la 
bibliogr.   de   la  conférence   n"   6,   p.    125. 

Pour  la  classification  générale  des  langues,  J.  Vinson.  .ut.  Linguistique. 
dans  la  Grande  Encyclopédie  de  Lamirault,  t.  XXII,  p.  291-296  —  à  réformer 
par   FiNCK,  Die    8î)rach'ita.m)nc    des    E,  dkrvises-    in-S",    Leipzig,    Teubnei-,    1915 

—  à  corriger  lui-même,  dans  le  sens  indiqué  plus  haut,  p.  106,  i  ar  A\'.  Schiiidt, 
Die  Mon-Khmer  VôU^cr,  in-8",  Braunschweig,  Vie-\veg,  1906  :  traduct.  par 
M*  Marouzeau,  dans  Bulletin  de  l'Ecole  française  d'Extrême-Orient,  1907. 
p.  213-263  ;  1908,  p.  1-35  :  à  part.  Les  peuples  Mon-Khmêr,  gr.  Jn-8",  Hanoï, 
1908  — ■  du  même.  Die  Gliederung  der  anstralischcn  Sprachen,  in-4",  Vlenn»'. 
Imprimerie  des  Méchltharistes,  1919  (en  articles  dans  Anthr.,  1912  .«;q.)  — 
A.  Conrady,  dans  Aw/.sât^e  zur  Kultur-  und  Sprachforschung  E.  Kuhn  gewidmt  t, 
in-4",  Breslau,  1916  ;  sur  ce  dei-nier  ti'avall,  W.  Schaiidt,  dans  Anthr..  1917-18. 
t.  XII-XIII,   p.   702-706. 


H  2  A.   CARNOY 

[6]  Culture  et  religion  des  Indo-Européens, 

par  M.  le  Professeur  A.  CarNOY. 

Parenté  dr.s  langues'  indo-européennes.  — -  Dans  le  domaine 
matériel,  oe  qui  a  fait  le  XIX"  siècle,  oesl  l'invention  de  la  ma- 
chine h  vapeur.  D'autre  part,  le  mouvement  des  idées  et  les 
sciences  morales  durant  cette  période  ont  été  profondément 
influencés  par  la  découverte  de  la  parenté  existant  entre  les 
divers  idiomes  de  l'Europe  et  la  langue  sacrée  des  Hindous,  le 
sanscrit.  C'est  elle,  en  effet,  qui  a  permis  de  constituer  une  his- 
toire des  langues  et  des  races  de  notre  continent,  d'étudier  la 
nature  des  phénomènes  psychologiques  et  artistiques  qui  sont 
en  relation  avec  le  langage  et  l'ethnographie,  ainsi  que  d'explo- 
rer la  préhistoire  des  civilisations  et  des  croyances. 

(C'est  au  Jésuite  Coeurdoux  et,  après  lui,  à  l'anglais  W.  Jones 
et  à   l'illustre  Frédéric   Schlegel   que  nous   devons   d'avoir   eu 
Tattention  attirée  sur  la  ressemblance  frappante  existant  entre 
les  termes  du  sanscrit  et  ceux  de  nos  langues   : 
dadâmi,  je   donne    :   otôojij.t,   do. 
ti-shtâmi,   je   suis  debout  :   sto,   ang.   to  stand, 
asmi,  je  suis  :   z\<j.\,   sum,  I  am. 

La  forme  sanscrite  permet  souvent  de  mieux  apercevoir  le 
rapport  entre  les  mots  des  langues  de  l'Europe   : 
(rater,  Bruder,   bhrâtar. 
O'jyâxT/p,  Tochter,  duhitar. 
quinque,  ttév-e,   fûnf,   pauca. 

Les  premiers  philologues,  enthousiasmés  par  cette  décou- 
verte, ont  noté  toutes  ces  ressemblances,  sans  pouvoir  établir 
de  lois  fixes  pour  ces  correspondances.  Grimm,  le  premier,  a 
reconnu  l'existence  d'une  loi  de  ce  genre  présidant  aux  rapports 
entre  le  germanique  et  les  langues  de  l'Inde  et  de  la  Méditer- 
ranée :  la  fameuse  Lautverschiebung. 

Après  lui,  d'innombrables  et  patients  chercheurs  ont  établi 
le  canon  des  transformations  infligées  par  chacune  des  lan- 
gues-filles à  l'idiome  dont  elles  sont  sorties. 

De  manière  rigoureusement  scientifique,  on  a  pu  montrer 
que  tous  ces  dialectes  se  répartissent  en  quelques  grandes 
subdivisions,  se  rapportant  à  des  groupes  ethniques,  formant 


^CULTURE  ET  RELIGION  DES  INDO-EUROPÉENS  113 

tous  ensemble  la  grande  famille  indo -européenne  (on  dit  aussi, 
moins  proprement  :  «  aryenne  »  ou  «  indo-germanique  »^. 

iD'après  la  manière  dont  sont  traitées  les  consonnes  guttu- 
rales, on  divise  la  famille  tout  entière  en  deux  portions  :  les 
langues  de  centum.  et  celles  de  satem. 

La  première  comprend   : 

le  groupe  celtique  :   cêf. 

»  italique    :   centum. 

»  germanique    :   hund-ert, 

»  hellénique    :  ïv.'x-M. 

'C'est  la  njoins  conservatrice  quant  à  l'accent  et  quant  aux 
formes  de  déclinaison. 

A  la  seconde  appartiennent   : 

les  groupes  indo-iranien    {çatam-satem) , 

»  slave-lithuanien   (russ.  sto.  lith.  szimtas), 

»  thraco-arménien-albanais.  , 

Extension  des  populations  indo-européennes  et  leur  berceau.  -  •' 
Si  l'on  examine  sur  une  carte  Tespace  occupé  aujourd'hui  par 
les  populations  appartenant  à  ces  grandes  unités  ethniques,  on 
constatera  que  toute  l'Europe  en  est  recouverte,  sauf  un  petit 
coin  des  Pyrénées  où  habitent  les  Basques,  la  Finlande  où  sont, 
les  Finnois,  la  Hongrie  et  la  Turquie  où  Ion  parle  des  idiomes 
touraniens. 

En  Asie,  depuis  la  sémitisation  de  la  Syrie  et  de  la  Mésopo- 
tamie, les  Indo-Européens  qui  s'étendent  entre  le  Tigre  et  -le 
Brahmapoutre  sont  séparés  de  leurs  frères  d'Europe  par  une 
bande  de  territoire. 

Une  carte  du  même  genre  tracée  du  temps  de  Platon  eût  donné 
un  tout  autre  paysage. 

De  larges  portions  de  l'Europe  étaient  encore  occupées  par 
des  non-Aryens  :  la  majeure  partie  de  l'Espagne,  TEtrurie.  une 
partie  importante  de  l'Asie  mineure.  En  remontant  plus  haut 
encore,  grâce  à  toutes  les  données  dont  nous  disposons,  on  pouf 
même  établir  que  les  autres  Indo-Européens  de  l'Europe  méri- 
dionale et  occidentale  ont  pénétré  dans  ces  régions  à  une  époque 
pas  trop  éloignée  des  temps  historiques. 

En  Asie,  les  Iraniens  ont  recouvert  les  pays  occupés  pai'  les 
Elamites,  les  Assyriens,  les  Cassites  et  d'autres  populations 
alarodiques,  caucasiques  ou  sémitiques. 


114  A.   CARNOY 

C'est  par  le  Nord-Ouest  qu'ils  ont  pénétré  dans  l'Inde. 

L'indo-européanisation  du  monde  est  donc  un  phénomène 
plutôt  récent  et  encore  en  plein  progrès  de  développement,  de 
nos  jours. 

Il  ne  faut  pas  faire  appel  à  notre  imagination  et  nous  figurer 
l'arrivée  en  masse  d'étrangers  massacrant  tout  sur  leur  passage 
et  occupant  l'Europe. 

Il  s'est  agi  dans  la  plupart  des  cas  d'un  envahissement  gra- 
duel. Partis  de  leur  centre  de  dispersion,  les  Indo-Européens 
ont  essaimé  en  diverses  directions.  Ils  ont  fourni  de  nouveaux 
centres  d'expansion  et  ont  recouvert  partout  des  populations 
antérieures,  avec  lesquelles  ils  se  sont  fondus.  La  civilisation 
de  celles-ci,  ils  se  la  sont,  en  bien  des  cas,  assimilée  (Grèce, 
Italie,  Asie  mineure  etc.).  En  revanche,  ils  ont  formé  une  aristo- 
cratie militaire  et  politique,  qui  a  imposé  sa  langue  (Perse, 
Italie,  Grgce.  Espagne)  et  beaucoup  de  ses  croyances  et  usages. 

Le  crvtrr  dr  dispersion,  lui-même,  est  mal  connu,  en  dépit 
des  grands  efforts  faits  depuis  cent  ans  pour  le  découvrir.  On 
a  cru  d'abord  à  une  origine  asiatique,  à  cause  du  respect  dont 
on  entourait  le  sanscrit,  qu'on  considérait  comme  la  langue- 
mère,  alors  qu'il  n'est  .qu'une  forme  très  ancienne  d'une  des 
langues-ifilles.  On  parlait  du  Pamir,  le  fameux  «  Toit  du 
Monde  »,  comme  du  Haut  Plateau  duquel  les  races  indo-euro- 
péennes auraient  dévalé,  comme  autant  de  torrents  recouvrani 
les  vallées  et  les  plaines  et  venant  s'épancher  jusque  sur  les 
bords  de  l'Océan  Atlantique,  On  a  découvert,  ensuite,  que  le 
vocalisme  ancien,  ainsi  que  les  gutturales,  étaient  mieux  con- 
servés en  Europe  et  l'on  vint  à  se  demander  si,  après  tout,  ce 
ne  seraient  pas  les  gens  de  chez  nous  qui  seraient  allés  en 
Asie.  L'archéologie  du  nord  de  l'Europe  n'a  pas  révélé  de 
grands  changements  de  civilisation  et  de  race  et  l'on  en  a 
conclu  que  les  Indo-Européens  devaient  être  considérés  comme 
les  aborigènes  de  Scandinavie,  Germanie,  Lithuanie. 

Depuis  une  vingtaine  d'années,  ces  idées  sont  à  leur  tour 
battues  en  brèche.  M.  Feist,  par  exemple,  a  apporté  une  série 
d'arguments,  tendant  à  démontrer  que  les  Germains  avaient 
dû  être  indo-européanisés  à  une  certaine  époque,  ce  qui  ren- 
versait l'axiome  de  l'identité  entre  la  race  nordique  et  celle 
des  Indo-Européens.  En  réunissant  une  quantité  considérable 


CULTURE  ET  RELIGION   DEH   INDO-EUROPÉKXS  115 

d'indices  tirés  de  l'archéologie,  de  Tanthropologie,  de  l'ethno- 
graphie et  de  la  linguistique,  M.  Sghrader  a  cra  pouvoir  indi- 
quer les  régions  du  nord  de  la  Mer  Noire  comme  le  berceau 
de  la  famille.  Dans  le  petit  volume  publié  l'an  passé.  Fauteur 
de  cette  communication  a  remis  le  problème  à  l'étude,  i»i)ur  ar- 
river à  des  conclusions  assez  semblables. 

L'on  peut,  en  tout  cas,  sans  risquer  de  se  tromper,  affirmer 
que  la  vieille  patrie  se  trouvait  entre  le  Danube  et  la  région 
Caspienne  et  cette  précision  est  suffisante  à  notre  point  de  vue. 

Rappelons-nous,  en  outre,  que  l'on  ne  peut  com})iètement 
identifier  les  Indo-Européens  avec  aucune  race  physique,  m;iis 
que  tout  indique  qu'ils  étaient  en  majorité  brachycéphales,  sur- 
tout dans  leurs  plus  vieilles  couches  et  dans  celles  de  l'est,  qui 
ont  si  bien  conservé  la  langue  avec  sa  musique  (Lithuanie. 
Russie  etc.) . 

Aucune  des  civilisatit^ms  préhistoriques,  énuniérées  par  nos 
archéologues,  ne  paraît  pas  non  plus  pouvoir  être  attribuée  à 
des  couches  linguistiques  déterminées. 

La  civilisation  existant  au  Dnieper,  vers  2500  avant  J.-C. 
correspondait  toutefois  en  plus  d'un  point  avec  ce  que  nous 
savons  des  usages  des  Indo-Européens,  quant  .aux  sépultures 
et  aux  maisons.  Ces  peuples  ont,  notamment,  été  les  propaga- 
teurs de  la  crémation  et  de  la  maison  carrée  en  torchis,  avec 
portique.  Ils  se  trouvaient  à  l'époque  de  transition  entre  l'âge 
de  la  pierre  et  celui  du  bronze.  Le  miel  jouait-  un  rôle  impor- 
tant dans  leur  alimentation  comme  chez  les  peuplades  de  la 
Russie  méridionale. 

La  paléontologie  linguistique  et  la  civilisation  des  Indo-Euro- 
péens. —  Pour  en  savoir  davantage  sur  l'état  de  civilisation  des 
Indo-Européens  et  sur  l'aspect  de  leur  mère-patrie,  il  faut 
s'adresser  à  une  autre  science  que  l'archéologie  et  l'anthropo- 
logie, c'est-à-dire  à  la  paléontologie  linguistique  pour  employer 
le  terme  forgé  par  A.  Pictet,  en  1859. 

Elle  consiste  à  reconstituer  le  vocabulaire  indo-européen  piir 
une  comparaison  entre  les  langues  filles  et  à  conclure  des  mois 
aux  choses. 

iGomme  par  exemple,  les  Indo-Européens  ont  un  mot  pour  \r 
printemps  signifiant  :  «  l'humide  »  et  n'en  ont  point  pour 
l'automne,   il   est  assez  probable   qu'ils   habitaient    une    l'égion 


H  G  A.   CARNOY 

OÙ  le  printemps  était  caractérisé  par  la  pluie  et  où  Tarrière- 
saison  n'était  guère  distinguable  soit  de  rété,  soit  de  l'hiver. 

Tous  les  groupes  linguistiques  ont  le  même  nom  pour  le 
castor,  le  loup,  la  loutre,  la  grue,  l'oie  ;  donc  ces  termes  re- 
montent à  la  langue-mère  et  donc,  aussi,  ces  animaux  étaient 
connus  des  ancêtres  communs. 

On  fait  de  même  pour  les  végétaux  et,  ce  qui  est  plus  impor- 
tant au  point  de  vue  culturel,  pour  les  animaux  domestiques  et 
les  plantes  cultivées,  pour  les  villages,  les  Iiabitations,  les  vê- 
tements, les  ustensiles,  les  armes,  les  éléments  de  la  famille, 
les  moeurs  et  les  croyances. 

Cette  méthode  offre  certains  dangers  que  Pictet  et  ceux  qui 
Tont  suivi  n'ont  pu  suffisamment  conjurer.  Il  faut  se  défier  des 
étymologies  douteuses,  des  termes  à  valeur  variable,  des  mots 
voyageurs.  Heureusement,  dans  l'état  actuel  de  notre  connais- 
sance de  la  linguistique,  il  est,  dans  un  grand  nombre  de  cas, 
possible  de  s'assurer  que  ces  causes  troublantes  n'ont  pas  pu 
agir. 

On  peut  donc  dire  que  les  mots  nous  ont  laissé  la  trace  des 
choses,  de  la  même  manière  que  les  plantes  et  les  animaux  des 
âges  géologiques  ont  fixé  leur  empreinte  sur  les  roches  ;  mais 
il  est  bien  évident  que  cette  façon  de  procéder  ne  donne  que 
des  indices  qu'il  faut  toujours  vérifier,  au  moyen  de  ceux 
fournis  par  l'archéologie,  l'ethnographie,  l'histoire  etc. 

Nous  apprenons  ainsi  que  le  peuple  qui  nous  a  transmis  la 
langue  que  nous  parlons  pratiquait  l'élevage  du  mouton,  du 
bœuf,  du  cheval  et  du  chien.  Ces  gens  cultivaient  principalement 
Vorgp.  dont  ils  faisaient  un  pain  grossier.  Ils  habitaient  des 
villages  occupés  par  une  «  gens  »  ou  famille,  au  sens  large  du 
mot.  Ils  avaient  des  sortes  de  refuges  entourés  de  palissades 
pour  se  protéger  en  cas  de  guerre.     . 

Leurs  maisons  étaient  très  simples.  Elles  consistaient  en  un 
enfoncement  dans  le  sol,  au-dessus  duquel  on  élevait  un  toit  de 
chaume  soutenu  par  des  poteaux  et  des  murs  en  treillis.  Le 
toit  haut  et  incliné,  dépassait  la  hutte  de  torchis  et  formait 
une  sorte  de  portique. 

Les  hommes  étaient  vêtus  d'une  ceinture  et  d'un  manteau 
de  peau  de  bête  tombant  sur  les  épaules.  Ils  pratiquaient  déjà 
le  tissage.  Ils   avaient  de  lourds  chariots  pour  voyager  et  des 


CULTURE  ET  RET.IGION  DES  INDO-EUROPÉENS  117 

chars  légers  pour  le  L'ombat.  Ils  étaient  monogames.  La  femme 
occupait   un   rang   bien    inférieur   à    celui    de    son    mari,    mais, 
jouissait  dune  réelle  autorité  sur  la  domesticité. 

La  naissance  des  fils  était  ardemment  désirée,  afin  de  consti- 
tuer des  défenseurs  pour  la  tribu  et  des  sacrificateurs  aux  âmes 
des  ancêtres.  Les  enfants  recevaient  des  noms  à  sens  pompeux 
et  de  bon  augure,  rappelant  souvent  de  quelque  façon  celui  des 
parents  et  constitués  par  la  composition  de  deux  noms  :  Sigu- 
fried,  Brun-hilde,  Hlol-wig,  en  Germanie  —  Theo-dôros,  Mene- 
laos,  Dio-klês,  Hippo-kratês,  en  Grèce  —  Devadatta,  Zarath- 
ushtra,  Arta-farna,  dans  l'Inde  et  Tlran  —  Boduo-gnatos,  Cin- 
geto-rix,  chez  les  Gaulois. 

Les  amis  et  parents  s'adressaient,  toutefois,  à  eux  en  se  ser- 
vant du  diminutif  de  ces  appellatifs  solennels  :  Zeuxippos  : 
Zeuxis  —  Bahlirin  :  Baldo  Niképhoros  :  Nikias  —  Godfried  : 
Golo. 

Le  jeune  homme  était  soumis  à  diverses  cérémonies  et  ini- 
tiations, avant  d'être  admis  dans  le  groupe  des  hommes. 

Les  familles  étaient  réunies  en  clans  (ou  gens)  et  en  tribus 
ou  nations.  Ces  dernières  étaient  sous  l'autorité  assez  mitigée 
d'un  rex,  qui  était  le  Her-zog  en  temps  de  guerre.  Il  y  avait  un 
conseil  d'anciens  ou  notables,  gardiens  des  coutumes.  Une  des 
lois  les  plus  essentielles  était  Vobligation  de  venger  le  meurtre 
d'un  membre  de  la  tribu.  Celle-ci  créait  l'état  (Miostilité  {Fehde^ 
entre  les  clans.  On  en  sortait  par  Tacquittement  de  la  (jf-tihi'i. 
De  cet  usage  sortit  graduellement  l'ordre  juridique  tandis  que 
la  sécurité  du  voyageur  était  assurée  par  le  droit  d'hospitalité. 

Ce  tableau  très  résumé  ne  donne  qu'uw  idée  imparfaite  des 
résultats  très  remarquables  auxquels  on  est  arrivé  par  la  com- 
paraison des  langues.  La  lecture  des  ouvrages  de  MM.  Schra- 
DER,  HmT,  Feist  et  des  autres  ouvrages  déjà  mentionnés,  per- 
mel trait  de  pénétrer  plus  à  fond  dans  la  vie  de  ceux  que  nous 
pouvons  à  bien  des  points  de  vue  appeler  nos  ancêtres,  bien 
que  nos  populations  européennes  soient  le  produit  d'un  croi- 
sement entre  ces  peuples  et  ceux  qui  les  ont  précédés. 

La  religion.  —  Généralités.  —  Si  la  paléontologie  linguistique 
est  si  utile  dans  tous  les  domaines,  on  se  demande  pourquoi 
elle  serait  impuissante  à  nous  renseigner  sur  les  croyances  deè 
Indo-Européens.  Son  efficacité  sous  ce  rapport  a  pourtant  été 


118  A.   CARNOY 

mise  sth'ieusciiient  en  doute  depuis  une  trentaine  d'années. 
Vers  1850,  au  contraire,  sous  rinfluenee  de  Max  Mueller,  la 
luytliologie  et  Thiérologie  comparées  étaient  devenues  des 
brnnchcM  ext reniement  importantes  de  la  grammaire  comparée. 
On  considéi'ait,  en  effet,  celle-ci  comme  la  source  essentielle 
de  celle-là.  Max  Mllller  attribuait  Torigine  de  la  mythologie 
à  une  maladie  du  langage  consistant  à  accorder  une  réalité  per- 
sonneLlt'  à  toutes  m.étaphores  (pierre  coupante,  dent  broyeuse, 
vrille  perçante  etc.).  Le  Rig  Veda  avec  sa  poésie  imagée  fut 
regardé  comme  l'exemple  le  plus  parfait  de  la  psychologie  du 
primitif.  On  crut  y  trouver  Vétymologie  de  tous  les  noms  des 
dieux  grecs  ou  germaniques.  Malheureusement,  le  progrès  des 
études  philologiques  fit  écrouler  la  plu{)art  de  ces  construc- 
tions en  même  temps  que  le  prestige  de  llnde  s'atténuait. 

Dans  l'entre-temps,  les  recherches  des  folk-loristes.  des  eth- 
nologues, des  archéologues  etc.,  avaient  augmenté  notre  con- 
naissance des  croyances  et  des  usages  magiques  ou  religieux 
du  peujde  en  Europe  et  en  dehors  du  domaine  indo-européen. 
Ce  fui  le  commencement  de  la  période  «  anthropologique  ».  On 
se  n}it  à  étudier  les  religions  des  populations  indo-européen- 
nes, non  j)lus  à  la  lumière  des  croyances  des  nations  de 
même  langue,  mais  en  saidant  de  comparaisons  empruntées 
aux  peui)les  les  j)lus  divers  et  surtout  aux  sauvages.  On  montra 
l'origine  psychologique  de  la  plupart  des  rites,  la  survivance  de 
conceptions  à  travers  les  générations  et  les  i/.vasions.  On  crut 
donc  à  la  polygénésie  des  mythes  et  à  Vorigine  pré-aryenne  des 
rituels  et  des  conceptions. 

Il  ne  peut  être  question  de  nier  que  cette  réaction  ait  été 
salutaire.  L'école  précédente  avait  été  trop  superficielle  et  s'ap- 
puyait trop  spécialement  sur  les  données  littéraires.  On  a  bien 
fait  aussi  de  montrer  la  complication  du  problème.  C'était  du 
vrai  simplisme  de  sMmaginer  que  les  religions  des  Grecs,  des 
Romains,  des  Germains  etc..  pouvaient  s'expliquer  comme  des 
dérivés  de  celle  de  l'Inde  ancienne.  Toutefois,  on  a  fini  par 
aller  trop  loin  dans  cette  critique  négative. 

Quelque  importants  que  soient  l'apport  pré-aryen,  les 
influences  extra-aryennes  et  les  créations  sj)ontanées  des 
diverse?  tribus,  il  serait  absurde  de  se  refuser  à  rechercher 
l'élément  commun   que   l'origine   indo-européenne   a   apporté   à 


CULTURE  ET  RELIGION   DES  INDO-EUROPÉENS  119 

tous  les  peuples  de  la  famille,  alors  que  la  paléontologie  lin- 
guiste a  montré  l'importance  considérable  de  cet  élément  dans 
tous  les  autres  domaines  culturels.  C'est  d'autant  moins  admis- 
sible que  les  faits  sont  là,  pour  montrer  que,  si  l'on  s'en  tient 
aux  mythes  principaux,  aux  types  divins  les  plus  marquants,  à 
certains  usages  religieux  essentiels,  on  est  frappé  des  res- 
semblances existant  entre  les  croyances  des  peuples  qui  nous 
occupent,  11  faut,  naturellement,  renoncer  à  partir  comme 
jadis,  d'un  type  mythologique  et  religieux  exubéramment  déve- 
loppé pour  en  chercher  les  «  débris  »  dans  les  diverses  bran- 
ches de  la  famille.  C'est  le  contraire  qui  est  vrai.  Un  noyau 
assez  simple  de  conceptions  et  d'usages  s'est  précisé,  complété, 
compliqué  de  façons  diverses  chez  les  différents  peuples. 

Les  noms  des  dieux,  bien  qu'on  les  retrouve  parfois  tels 
quels  dans  plusieurs  groupes,  sont  le  plus  souvent  sujets  à  des 
variations,  par  substitution  d'épithètes,  syncrétisme,  person- 
nification des  aspects  etc.  ;  les  mythes  se  croisent,  se  répètent 
sous  des  formes  légèrement  différentes,  se  combinent  à  nou- 
veau etc. 

En  tenant  compte  de  ces  circonstances,  l'on  peut  tracer  des 
croyances  indo-européennes  le  tableau  que  voici. 

Il  y  avait  trois  types  de  conceptions,  selon  qu'il  s'agissait 
1"  du  dieu  suprêmr,  2"  des  divinités  principales,  colles  des  gran- 
des forces  de  la  nature,  3°  des  dieux  et  des  esprits  inférieurs  ou 
occasionnels  ;  le  culte  des  âmes  des  défunts  se  rattache  à  cette 
dernière  catégorie,  car  il  s'opérait  de  continuels  échanges  entre 
les  mânes  et  les  autres  esprits. 

/.'■  dieu  suprême.  —  Bien  que  la  l'eligion  indo-européenne  soit 
essentiellement  polythéistique,  on  ne  peut  nier  qu'elle  ne  ren- 
ferme un  réel  monothéisme  de  tendance,  par  suite  de  la  situation 
très  spéciale  occupée  par  le  Dieu  du  Ciel,  cest-à-dire  de  Dyéus 
parmi  les  deiwôs,  «  dieux  de  la  nature  '>.  Son  nom  se  retrouve 
un  peu  partout  :  Dydus  Pitar.  dans  l'Inde  — -  Zsj;  TraTT^p,  chez 
les   Grecs  — >  AtoTra-rupo?,  en  Illyrie  —  Juppiter,   en  Italie. 

Il  enveloppe  le  monde  de  son  manteau  et  cela  spécialement  la  iiuit 
(Ouranos,  Varuna).  De  ses  mille  yeux,  il  voit  tout  et,  comme 
tel,  il  est  le  gardien  de  la  moralité,  surtout  dans  la  personne  de 
Varuna  et  de  Mazdâh  «■  dieu  sage  ».  Il  protège  donc  ceux  qui 
n'ont  pas  d'autre  protection.  (ZcMS  est  le  défenseur  du  voyageur, 


120  A.    CARNOY 

du  mendiant  etc.).  Il  conduit  les  justes  et  les  pi'ivilégiés  dans 
l'empire  céleste,  où  il  l'ègne  <-omme  maître  et  seigneur  {asura. 
kshairhja)  de  Tordre  physique  et  de  l'ordre  moral  {rta) .  Il  est 
le  «  Père  »  par  excellence.  On  l'invoqvc  sous  la  voûte  céleste. 
spécialement  sur  le  sommet  des  montagnes.  Comme  il  ne  perd 
pas  son  caractère  plus  spécifique  de  dieu  du  ciel,  c'est  lui  qui 
envoie  la  pluie  et  la  foudre,  en  même  temps  que  toutes  les  béné- 
dictions {Bhaga-Bogu  .  On  l'adore  aus.-i  dans  le  chêne  que  la 
foudre  a  frappé.  Il  a  donc  beaucoup  d'aspects  et  reçoit  beau- 
coup de  noms  :  le  Couvreur,  le  Brillant,  celui  du  ciel,  celui  du 
chêne,  celui  qui  tonne,  le  seigneur,  le  maître  de  la  tribu,  le  très 
élevé  etc.  Beaucoup  de  ces  noms  deviennent  ceux  de  divinités  : 
Mitra  j)rotecteur  de  la  foi  jurée),  Aryaman  «  l'ami  »,  Bhaga  «  le 
distributeur  ».  Dans  l'Inde  ces  divers  aspects  sont  encore 
réunis  en  un  groupe  d'Âdilyos  ••  très  saints  ».  Dans  l'Iran, 
Ahura  Mazda,  <<  Seigneur-Science  »,  est  de  même  entouré 
d'hypostases  :  Justice.  Prudence.  Bonne  Disposition,  Royaume, 
Prospérité,  Immortalité  etc.  Chez  bien  des  peuples,  le  dieu  de 
l'orage,  celui  de  la  guerre  «te,  sont  des  divinités  spéciales 
(Thôr). 

Les  grands  dieux  d'-  la  Nature.  —  Dyêus  préside  leur  gioupe. 
Ils  représentent  les  autres  éléments  essentiels  de  la  Nature. 
Ils  sont  comme  V aristocratie  du  monde  des  dieux,  en  dessous 
de  Dyêus  et  au-dessus  des  dieux  et  génies   en  général. 

Le  culte  du  soleil,  f'e  la  lune,  de  l'aurore,  de  l'orage,  du 
vent,  du  feu,  de  la  terre  etc.,  se  retrouve  chez  tous  les  Indo- 
Eurojiéens.  mais  souvent  le  même  élément  est  représenté  plus 
d'uiit'  fois  dans  le  panthéon.  Cela  est  dû,  tout  d'abord,  à  ce  que 
des  aspects  ou  simplement  des  épithètes  ont  été  personnifiés 
(Savitar  «  viviflcateur  »,  Vishyni  «  actif  »,  Pushan  a  qui  fait 
prospérer  »,  Vivasvat  «  étalant  la  lumière  »,  aspects  de  Sûryâ 
«  Soleil  »,  dans  l'Inde) .  Ensuite,  il  arrive  constamment  qu'une 
divinité  de  la  Nature  ayant  acquis  une  personnalité  plus  com- 
plète sô  détache  de  l'astre  ou  du  phénomène  pour  former  un 
dieu  indépendant  {Apollon,  Athênâ,  Hermès  .  Comme  dieu  de 
l'élément  en  question,  il  est  donc  remplacé  par  un  nouveau 
dieu,  représentant  plus  directement  celui-ci  {Aiolos,  Hêlios, 
Selenê) . 

Il  faut,  du  reste,  noter  que  si  liés  que  soient  les  deiwôs  avec 


CULTURE  ET  RELIGION  DES  INDO-EUROPÉENS  121 

les  phénomènes  de  la  Nature,  ils  en  sont  cependant  distincts. 
Ceux-ci  sont  leur  vêtement,  leur  manifestation.  Les  dieux  sont 
des  activités  indépendantes,  présidant  aux  phénomènes. 

Après  le  Ciel,  la  divinité  la  plus  en  vue  est  le  Soleil  {Swei) . 
L'imagination  féconde  a  créé  maintes  métaphores  pour  le  re- 
présenter. Il  est  un  œil,  un  bouclier  ou  un  chaudron  d"or.  une 
roue  de  feu,  un  bateau  voguant  sur  la  mer  céleste  (Argô),  un 
bélier  (Grecs,  Slaves),  un  cerf  aux  cornes  brillantes  (paysans 
russes).  Surtout,  il  est  une  cavale  blanche  ou  un  char  tiré  par 
des  chevaux  ailés.  Il  est  la  pomme  dor  du  jardin  de  l'occident 
ou  celle  didun,  qui  rend  la  jeunesse.  Souvent,  il  est  une  déesse 
[Sûryâ  (Inde),  Sunnô  (Germains),  Saule  (Lithuaniens  *  ;  plus 
souvent  encore,  un  dieu  {Uélios  Akamas,  Sol  invictvs.  Tsar 
Solntse) .  Il  est  le  dieu  des  saisons,  le  gardien  des  voyageurs 
et  des  grandroutes,  qu'il  parcourt  chaque  jour,  le  guide  des 
morts  vers  le  séjour  de  repos,  où  il  se  retire  chaque  soir.  Il  est 
aussi,  tel  surtout  le  Sulis  Belenos  des  Celtes,  un  dieu  de  la 
fécondité,  qui  anime  de  sa  chaleur  la  terre,  la  végétation  et  les 
sources  vives. 

L'Aurore  {Ausôs)  est  la  figure  la  plus  gracieuse.  Elle  charme 
la  nature  à  son  réveil  et  sourit  aux  hommes.  Elle  danse  à  son 
arrivée  et  traverse  ensuite  le  ciel  sur  son  char  brillant.  On  la 
salue  sur  une  cime  et  Ton  danse  en  son  honneur.  Beaucoup  de 
ces  usages  se  sont  conservés  dans  les  fêtes  du  printemps  que 
l'on  célèbre  encore  sous  diverses  formes  en  Europe,  le  tout 
mêlé  évidemment  aux  usages  locaux  de  tous  genres.  On  y  célè- 
bre encore  parfois  le  mariage  sacré  de  la  fille  du  Ciel  (lith. 
deicô  duktele  —  le  soleil).  A  côté  de  la  Fille  du  Ciel,  il  y  a  les 
Fils  du  Ciel  (diwos  nepôtes) ,  deux  cavaliers  jumeaux,  qui  suivent 
le  char  du  soleil  et  courtisent  la  fille  du  Ciel.  Ce  sont  les  Aiô; 
xoûpot  grecs,  compagnons  d'Hélène.  Messagers  de  bonheur. 
dieux  protecteurs  et  sauveurs,  on  les  vénérait  surtout  dans 
l'Inde  sous  le  nom  d'Açvins  (cavaliers).  Ils  pai'aissent  être 
les  dieux  de  Vétoile  du  matin  et  du  soii'. 

La  lune  {Mens)  était  un  vase,  un  graal,  rempli  de  la  bois- 
son de  fécondité  et  d'immortalité.  Elle  répandait  partout  la 
fertilité,  idée  qui  n'est  pas  encore  déracinée  de  nos  supersti- 
tions. 

Le  dieu  de  Vorage  paraît,  comme  dieu  indépendant,  avoir  pris 


122  A.    CARNOY 

de  rimportanre  surtout  après  la  dispersion.  Chez  certains 
peuples,  ce  n'est  qu'un  aspect  de  Dyêus  Zsj;  -cpTrixÉpa'jvor. 
En  général,  pourtant,  il  a  sa  personnalité.  C'est  le  dieu  qui 
frappe  le  chêne  [Perqunos).  C'est  le  grand  Perun  des  Slaves, 
,1e  Thôr  marteleur  des  Germains,  le  Parjanya  des  Hindous.  Il 
est  le  dieu  de  la  force,  de  la  victoire  par  la  violence,  le  patron, 
par  exoellence,  des  guerriers.  Il  est  le  héros  du  mythe  de  l'orage 
que  Ton  trouve  répandu  partout  et  qui  représente  les  eaux  pri- 
sonnières (run  dragon  mais  délivrées  par  le  dieu  de  V orage,  lequel 
frappe  le  monstre  de  sa  f(»udre  (massue,  lance  etc.) .  Les  eaux 
sont  souvent  comparées  à  des  vaches.  Le  monstre  est  un  chien 
à  trois  tètes.  Divers  exploits  d'Hercule,  dune  part,  la  naissance 
d'Athenà,  de  l'autre,  sont  des  variantes  grecques  de  ce  mythe. 

Il  y  a  une  déesse  des  Eaux  et  un  petit  vieillard  très  malin  qui 
vit  dans  le  fond  des  mers  et  que  les  dieux  maltraitent  de  diver- 
ses manières  pour  obtenir  sa  sagesse  {Trita  Àptya  (Inde^i.  Miini 
(Germanie),  Halios  Gerôn  (Grèce). 

Bien  plus  important  était  le  dieu  du  Feu  \.\gnis.  Lukos' .  Le 
feu  était,  en  effet,  encore  plus  vénéré  que  les  eaux.  Son  pouvoir 
et  son  origine  étaient  entourés  de  mystère.  On  l'appelait  «  fils 
des  eaux  »  (sans.  Apdm  Napât),  parce  qu'il  sortait  de  la  nvéc 
comme  l'éclair  ;  mais  il  est  aussi  <<  fils  du  bois  »,  parce  qu'il 
est  obtenu  par  le  frottement  énergique  d'un  pivot  dans  un 
tronc  et  <>  embryon  des  jtlantes  »,  parce  qu'il  est  supposé  être 
la  force  de  vie  qui  anime  le  végétal. 

Un  mythe  répandu  partout  l'aconte  qu'il  fut  «  superbement 
volé  »  aux  dieux,  soit  par  les  héros  du  premier  âge  {Mâtariçvan. 
Prowètheus) ,  soit  par  le  dieu  du  feu  lui-même,  l'astucieux  Loki 
des  Germains,  qui  trompe  la  surveillance  des  dieux  et  s'em- 
pare du  feu  du  ciel  sous  la  forme  de  la  chevelure  d'or  de  Sif, 
des  pommes  d'or  d'Idun  et  du  brillant  collier  de  Freya. 

Le  feu  a  trois  formes  :  feu  du  ciel  (éclair,  soleil),  feu  des 
eaux  (éclair),  feu  de  la  terre  (foyer).  Celui-ci  est  le  plus 
vénéré.  Il  est  1'  «  ami  »,  le  «  premier  hôte  »  de  ceux  qui  fondent 
un  foyer.  Chez  les  Hindous,  il  est  aussi  le  messager  qui  trans- 
met les  offrandes  aux  dieux. 

Le  Vent  {Wâton)  jouait  un  rôle  beaucoup  plus  considérable 
qu'on  ne  pourrait  le  croire.  On  pensait  qu'il  apportait  la  fécon- 
dité aux  champs,   qu'il   inspirait  les  hommes  et  qu'il  emportait 


CULTURE  ET  RELIGION  DES  INDO-EUROPÉENS  123 

les  âmes.  Mais  le  vent  est  essentiellement  capricieux.  Comme 
l'Esprit,  il  souftle  où  il  lui  plaît.  Ce  caractère,  si  frappant  chez 
Apollon  et  Hekatê,  permet  de  deviner  dans  ce  dieu  si  anthropo- 
morphisé.  un  ancien  dieu  du  vent,  tour  à  tour  bienfaisant  ou 
meurtrier.  Il  est  musicien,  comme  le  vent  et  inspirateur  comme 
lui.  Wodan,  chez  les  Germains,  paraît  avoir  la  même  origine. 
C'est  un  dieu  essentiellement  voyageur  et  conducteur  d'âmes, 
terrible  et  bienfaisant,  inspirateur  et  donnant  la  victoire  à  qtii 
il  lui  plaît. 

(La  Teire  {Prthivi  (Inde),  Semelê  (Thrace),  est  la  Grande 
Mère,  comme  dans  la  croyance  de  beaucoup  d'autres  peuples. 
De  son  union  avt'C  le  Ciel  Père  est  sorti  Ir  monde.  Elle  est  la 
déesse  des  fruits  de  la  terre,  la  protectrice  des  mères  etc. 

Les  dieux  inférieurs.  —  Il  y  avait,  tout  d'abord,  les  dieux 
spéciaux,  espèces  de  forces  personnifiées  présidant  à  des  actes 
et  des  occasions  très  spécialisées  (lat.  indigetes,  ail.  Sondergôt- 
ter) .  On  trouve  un  développement  très  particulier  de  ces  numina 
chez  les  Italiotes  et  chez  les  anciens  Prussiens.  Ils  sont  un  pro- 
duit de  la  disposition  d'aspect  général  chez  les  primitifs,  les 
portant  à  interpréter  tous  les  êtres  qui  nous  entourent  comme 
animés  par  des  esprits  semblables  aux  âmes  qui  meuvent  les 
corps  des   hommes. 

'Il  y  avait  des  génies  de  la  .Nature  et  de  la  Moisson  [Faunus, 
Pales,  Flora),  les  Lares,  qui  protégeaient  les  fermes,  les  Pé- 
nates, qui  gardaient  les  mobiliers  c!  les  instruments,  Janus 
qui  tenait  la  porte.  Les  bois  et  les  champs  étaient  habités  d'es- 
prits des  arbres,  d'elfes  et  de  koboldes.  Il  y  avait  les  génies 
présidant  au  sort  des  hommes  {fata,  fravashi,  fylgja' .  Les  Grecs, 
les  Germains,  les  Slaves  parlent  de  fileuses  {Parcae,  Norne, 
Rozenicy) ,  dont  le  fll  décidait  de  la  vie  et  de  la  mort  de  chacun. 

Les  âmes  des  morts  restaient  en  communication  avec  les 
vivants,  par  exemple  en  songe  (gallo-rom.  dusii,  iran  drug, 
germ.  alp) .  Pour  apaiser  le  mort,  il  y  avait  des  observances  à 
respecter  et  notamment  un  rite  funéraire  à  suivre,  comportant 
des  complaintes,  des  ablutions,  un  repas  funèbre,  des  immo- 
lations au  mort,  des  objets  à  déposer  dans  la  tombe. 

Les  âmes  parcouraient  l'espace  en  cortège  (a.  fr.  maisnie 
d'Hellekin) ,  sous  la  direction  des  dieux  du  Vent.  Elles  s'incar- 
naient dans  des  animaux    (corbeaux,  serpents,  loups-garous) . 


124  A.    CARNOY 

Le  séjour  des  morts  était  généralpment  regardé  comme  un  lien 
radié  {fid)  p{  invisible  {Hadès),  protégé  par  un  ileuvc  (Styx). 
où  l"on  nieniiit,  une  existence  morne.  Quelques  privilégiés,  ce- 
pendant, étaient  admis  à  une  vie  meilleure  que  celle-ci.  dans 
un  grand  pré  où  les  «  liéros  »  se  repaissent  d"amhroisie  ou  des 
offrandes  (sans,  svadhà  i  pi'ésentées  par  les  vivants.  Us  festoient 
là  avec  le  dieu  des  m.orts  IWodan.  dans  la  WidhaUa  ;  Yaiiut. 
dans  Tarbre  des  pitaras  indiens)  près  de  Varbre  cosmique,  dans 
le  monde  mystérieux  de  l'Occident  où  le  soleil  se  couche. 

Conclusion.  —  La  fortunp  des  iudo-Européens  a  été  prodi- 
gieuse et  ne  fait  que  s'étendre  par  l'expansion  des  Européens 
sur  les  nouveaux  continents.  Malgré  le  mélange  aviM-  les  popu- 
lations pré-aryennes,  les  peuples  du  groupe  ont  tous  un  air  d^ 
famille,  grâce  aux  institutions  et  aux  croyances  qui  se  ressem- 
blent   quant   au   fond,   malgré   des   variations   de   formes. 

La  puissance  d'assimilation  des  Indo-Européens  réside  dans 
If'ur  grande  souplesse  d'esprit  et  la  richesse  de  leur  nature.  Us 
ont  de  la  fraîcheur  de  vision,  une  romarfiuablc  spontanéité  de 
j'éaction  psychiquo,  qui  donne  de  la  sincérité  et  de  la  vigueur  à 
leur  art.  Leur  intelligence  est  concrète  et  saine,  quoique  uioins 
dégagée  des  sentiments  que  ce  ne  semble  être  le  cas  clipz  1rs 
jieuples  plus  positifs  de  TExtrème-Orient  et  de  TAsio  anté- 
rieure. Ils  ont  luoins  de  force  de  concentration  el  de  profon- 
deui'  que  les  Sémites  :  mais  ils  sont  plus  qu'eux  capubies  d'en- 
thousiasme. Plus  que  toute  autfe  l'ace,  ils  ont  le  sentimeni 
de  Vhotnifur  et  du  loyalisme  mèl('>  ;"i  l'aversion  contre  le  despo- 
tisme. 

Au  [((dnl  de  vue  physique,  c  tM;iient  des  hc)n)iiie>  forts,  sains, 
très  prolifiques,  quoique  probaldenent  moins  enduranls  (]ue 
certairis  autres  peuples  de  l'Asie. 

Cette  richesse  de  nature  a  fait  des  Indo-Euroi)épns.  en  quel- 
que sorte,  la  «  race  d'élection  »  poui'  la  propagation  de  la  civi- 
lisation et  du  Christianisme  dans  le  monde.  La  victoire  de  la 
religion  du  Christ  a  été  favorisée  par  deux  «  causes  secondes  d  : 
sa  naissance  dans  un  milieu  oriental,  à  l'adoration  spontanée, 
à  la  pensée  profonde,  à  la  contemplation  intense,  à  la  volonté 
tenace  et,  d'autre  part,  l'acceptation  presque  immédiate  de  sa 
doctrine  par  des  peuples  indo-européens  ou  aryariisés  qui, 
avec  leur  grande  richesse  de  conception,  leur  indépendance  de 


MÉTHODE    DE   L'ÉGOLE   SOCIOLOGIQUE  125 

pensée,  (Haient  tout  désignés  pour  donner  à  la  doctrine  ses 
formes  philoso}>hiques  et,  son  aspect  pratique.  En  outre,  leur 
propension  à  l'enthousiasme,  au  loyalisme,  à  la  sentimentalité, 
autant  que  leur  mentalité  opposée  au  particularisme  et  leur 
habileté  à  organiser,  les  préparaient  à  fournir  à  la  nouvelle 
foi  des  apôtrps  intrépides  nt  infatigables   :  G'\<ita  Doi  per  Aryas  ! 

BIKI^.  —  A.  Carnoy,  Les  Indo-Européens,  in-16°,  Bruxelles,  Vroniant, 
1921  ■ — ■  S.  Fei.st,  Kvltur  iind  Herkiiiift  der  Indogermanen,  in-8°,  Berlin, 
Weidmann,  1913  —  H.  Hirt,  Die  Indogermanen,  2  in-8",  Strasbourg-,  Trilbner, 
1S05-1907  —  O.  SCHRADER,  Reallexxkon  der  indogermanischen  Altertmnsknnde . 
in-S",  ihid.,  1901-1910  (ï^  édit.  en  cours)  ;  Die  Indogermanen',  Leipzig. 
1919  :  Aryan  Religion,  ERE,  1909,  t.  II,  p.  11-57  —  L.  von  Schroeder, 
Arische  Religion,  2  in-8°,  Leipzig,  Haessel,  1914-1916  —  E.  de  Michelis, 
L'Origine  degli  Indo-Etiropei,  in-8'\  Turin,  Bocca,  1903  —  A.  Meillet,  Intro- 
duction à  l'étude  comparative  des  langues  indo-enropérnncs''i^\n-&'^,  Paris, 
Hachette,  1912  —  S.  Schrijnen,  Handleiding  MJ  de  Stadie  der  vergelijkende 
Indogermaansche  Taahvetenschap,  in-8",  I^eyde,  Sijthoft,  1917  —  G.  Dottin, 
Les  anciens  peuples  de  l'Europe,  in-lG",  Paris,  Klincksieck,  1916  ■ —  H.  H.  Ben- 
DKR.   The   Home  of  the  Indo-E tiropeans,  in-8",    Princeton,   TTniv.    Press,    1922. 


[7'^]  La  méthode  de  l'Ecole  sociologique  et  ses  postulats, 

par  M.  le  Chanoine  Bros 

On  sait  la  place  qua  prise  la  sociologie  au  XIX*"  siècle.  Depuis 
Auguste  Comte  surtout,  elle  a  pénétré  dans  tous  les  domaines 
scientifiques.  Il  n'est  pas  étonnant  que  la  religion  ait  été  parti- 
culièrement envisagée  sous  cet  aspect.  La  religion  est  en  effet 
une  source  de  vie  collective  :  elle  inspire  les  grands  idéaux 
qui  soutiennent  et  dirigent  les  sociétés.  Elle  est  en  outre  un 
lait  éminemment  social.  Elle  n'est  pas  que  cela  certes  ;  mais 
tout  un  côté  de  ses  manifestations  est  proprement  social. 
Dogmatique,  culte,  oltservances  morales  et  religieuses  sont  en 
fonction  d'une  hiéi'archie  et  d'une  société  ;  et  si  la  religion 
comporte  des  valeurs  d'ordre  intellectuel,  moral,  surnaturel, 
qui  relèvent  de  l'ànie  individuelle,  de  -Dieu,  de  la  liberté 
humaine,  il  est  certain  cependant  qu'il  n'est  pas  de  i-eligion 
à  proprement  parler  individuelle.  D'ailleurs  cette  tendance 
naturelle  à  nos  contemporains  d'envisager  la  religion  sous  son 
aspect    social,   les    n'vélaiions   (jue   l'histoire   appoi'taif    venaient 


126  A.   BR08 

la  renforcer.  Dans  les  différentes  études  historiques  sur  les  ori- 
gines du  droit,  de  la  morale,  des  constitutions  des  états  entre- 
prises en  ces  derniers  temps,  la  religion  apparaissait  comme 
créatrice  de  toutes  ces  formes  sociales.  L'histoire  des  religions 
primitives  enveloppait,  pour  ainsi  dire,  l'histoire  des  origines 
des  sciences,  des  arts  et  des  sociétés  humaines. 

Cest  sous  l'influence  de  ces  préoccupations  contemporaines 
que  TEcole  sociologique  est  apparue  avec  ses  prétentions 
exclusives  et  ses  méthodes.  La  place  qu'elle  tient  dans  le 
domaine  des  sciences  religieuses,  en  France,  paraît  considé- 
rable, si  on  s'en  rapporte  aux  chaires  qui  ont  été  attribuées 
aux  adeptes  de  cette  méthode  è  la  Sorbonne  et  si  on  lit  les 
nombreux  travaux  qu'elle  inspire.  "L'Ecole  des  Hautes  Etudes 
Religieuses  est  entre  ses  mains  et  divers  cours  de  philosophie 
(je  pense  là  ceux  de  MM.  Fauconnet,  Lévy-Bruhl  et  Bouolé)  en 
encouragent  et  en  propagent  les  doctrines.  Les  cours  de  licence 
eux-mêmes  font  appel  è  la  sociologie  et  n'est-ce  pas  un  signe 
de  la  nécessité  dans  laquelle  on  se  sent  de  lutter  contre  cette 
influence  que  le  Cours  de  sociologie  que  vient  de  créer  .Mgr. 
Baudrillart  à  la  faculté  de  philosophie  de  son  Université  ?... 
Des  ouvrages  nombreux  paraissent  sous  l'inspiration  de  cette 
doctrine  :  ils  concernent  tantôt  les  religions  proprement  dites, 
ou  l'une  ou  l'autre  de  ses  manifestations,  chez  les  Grecs,  les 
Primitifs  ;  tantôt  les  valeurs  morales.  Vous  connaissez  les 
ouvrages  de  Lévy-Bruhl  sur  La  morale  et  la  science  des  mœurs. 
sur  Les  fonctions  mentales  dans  les  sociétés  primitives,  sur  La 
mentalité  pnmitive  ;  ceux  de  M.  Bouglé  sur  Les  valeurs  morales, 
de  M.  Gernet  sur  Les  institutions  juridiques  chez  les  Grecs,  ceux 
de  M.  Fauconnet  sur  La  responsabilité,  ceux  de  Czarnow^ski 
sur  Le  culte  des  héros,  etc..  Cette  école  s'est  donnée  à  une  véri- 
table entreprise  de  reconstitution  des  autorités  sociales,  mo- 
rales, en  dehors  de  la  religion,  par  la  sociologie  ;  elle  sem- 
ble bien  adaptée  à  une  certaine  conception  de  laïcisme  auto- 
ritaire et  mystique.  Et  de  fait  des  livres  de  morale  primaire 
s'inspirent  déjà  de  leur  idéal.  «  Un  penseur  ardent  et  convaincu, 
à  la  pensée  impérieuse  et  forte,  Emile  Durkheim,  a  été  l'âme 
de  ce  mouvement  ;  autour  de  lui  toute  une  équipe  de  travail- 
leurs, de  disciples,  recueillant  les  moindres  indications  du 
maître  et    cherchant  dans  les  voies  qu'il  leur  ouvrait,  se  sont 


MÉTHODE   DE   LÉCOLE   SOCIOLOGIQUE  127 

attachés  à  une  œuvre  commune  ■).  Ils  t-onstituent  une  école. 
Un  important  recueil,  ï Année  sociologique,  qui  a  déjà  publié 
12  volumes,  représente,  avec  les  ouvrages  originaux  que  je 
signalais  tout  à  Iheure,  les  résultats  de  ce  grand  effort,  sous 
l'inspiration  et  lintransigeance  doctrinale  du   fondateur. 

Au  fond,  ridée  centrale  de  Técole  peut  se  résumer  ainsi  :  il 
est  des  impératifs  catégoriques  ;  ils  constituent  les  obligations 
morales,  les  nécessités  religieuses,  les  normes  de  la  raison 
et  les  exigences  de  la  vie  sociale.  Ces  impératifs  sont  des  faits  ; 
ni  l'Empirisme,  ni  la  Révélation,  ni  la  .Raison  ne  les  produit. 
Ils  sont  la  manifestation  de  la  conscience  sociale,  qui  se  crée 
ainsi  une  échelle  de  valeurs  correspondant  aux  besoins  de 
chaque  époque  déterminée. 

Parmi  ces  impératifs,  les  obligations  religieuses  sont  du  plus 
haut  intérêt,  car  elles  représentent  les  éléments  les  plus 
complets  de  la  vie  sociale  primitive.  La  religion  à  l'état  natif, 
c'est  la  société,  créant  ses  impératifs  sociaux  les  plus  simples. 
Aussi  l'école  sociologique  se  préoccupe-t-elle  d'étudier  la  Reli- 
gion et  surtout  les  religions  primitives  avec  grand  soin.  C'est 
sur  ce  terrain  qu'elle  porte  tout  d'abord  son  enquête. 

Afin  de  mieux  comprendre  et  discuter  le  système,  dans  une 
première  conférence,  nous  examinerons  la  méthode  de  l'école 
sociologique  ;  dans  une  deuxième  conférence,  nous  étudierons 
certaines  applications  de  cette  méthode  à  l'histoii-p  des  reli- 
gions. 

I.   —   LA   MÉTHODE   DE    l'ÉCOLE   SOCIOLOGIQUE 

L'Ecole  sociologique  se  présente  avec  une  méthode.  Durkheim 
en  a  lui-même  codifié  les  procédés  dans  son  travail  Les  règles 
de  la  méthode  sociologique  et  ses  disciples  Fauconnet  et  Mauss 
les  ont  commentés  dans  l'article  Sociologie  de  la  Grande  Ency- 
clopédie. 

Il  semble  que  l'Ecole  sociologique  se  garde  tout  d'abord  de 
réduire  le  fait  social  à  la  biologie  pure.  On  sait  que  c'était  là 
ridée  de  Comte,  qui  n'y  voyait  qu'une  différence  de  complexité. 
Pour  DiRKHEiM,  ce  n'est  pas  dans  une  science  antécédente  qu'il 
faut  rechercher  l'explication  du  fait  social.  Il  s'écarte  dos 
positivistes  en  cela.  D'autres  philosophes  ne  voient  dans  les 
faits  sociaux  qu'une  application  des  lois  de  psychologie  indi\1- 


128  A.   BROS 

duelle.  Ils  ramènent  la  psychologie  des  foules,  les  lois  sociales, 
à  des  impulsions,  à  des  imitations  dont  Torigine  et  Texplica- 
tion  sont  dans  lindividu.  Délibérément  Durkheim  écarte  cette 
manière  de  concevoir  le  fait  sociologique.  La  sociologie  est 
quelque  chose  de  particulier,  une  science  spéciale. 

1"  Quest-ce  donc  qu'un  fait  sociologique  ?  C'est  un  fait  spéci- 
fiquement distinct  de  tout  autre,  quelque  chose  de  sui  generis. 
Sans  doute,  il  s'insère  en  des  âmes  individuelles,  mais  il  n'en 
révèle  ni  les  besoins  individuels,  ni  les  sentiments  personnels. 
Ce  n'est  pas  l'addition,  ni  le  renforcement  par  imitation  et 
sympathie  de  ces  derniers.  Et  rien  ne  permet  de  conjecturer 
a  priori  dans  les  individus  ce  qu'une  société  peut  désirer  et 
]'éaliser...  Il  y  a,  du  fait  de  l'existence  sociale,  comme  un  être 
nouveau  qui  est  créé,  avec  ses  lois,  ses  exigences  et  ses  mani- 
festations extérieures.  Seule  l'observation  directe  nous  les 
révèle. 

Il  ne  faut  donc  pas  pour  les  expliquer  chercher  en  dehors 
d'eux.  «  Une  science,  dit  Durkheim,  ne  doit  jamais  faire  dispa- 
raître son  objet,  sous  prétexte  de  l'expliquer  ».  Ce  serait  le 
détruire  que  de  rechercher  en  dehors  du  fait  social  (psycho- 
logie individuelle,   biologie)    sa  raison  d'être. 

iGes  faits  sont  apparents  par  eux-mêmes  ;  mythes,  objets  de 
croyance,  tendances,  règles  sociales,  disciplines  morales,  ils 
ont  des  manifestations  extérieures,  des  monuments  écrits  ou 
figurés,  rites,  codes,  formules,  lois,  des  temples  et  des  édifices, 
des  sculptures  diverses.  C'est  cela  qu'il  faut  étudier  d'abord. 
Sans  doute,  ces  faits  n'ont  pas  une  raison  d'être  surnaturelle 
et  .mystique  dans  une  entéléchie  sociale  ;  mais  ils  sont  produits 
par  la  collectivité  en  tant  que  telle  et  par  la  société  seule. 
C'est  en  elle  que  l'on  trouve  leur  explication. 

Telle  est  l'idée  que  Durkheim  se  fait  du  social.  C'est  donc 
un  fait  spécifiquement  distinct  de  tout  autre.  Et  la  sociologie 
qui  l'étudié  revendique  une  complète  autonomie. 

2°  Il  se  présente  au  reste  avec  un  caractère  propre,  nettement 
marqué,  qui  le  fait  discerner  de  tout  autre.  Le  fait  social,  quel 
qu'il  soit  (coutume,  loi,  rite)  est  conçu  par  l'individu  comme 
obligatoire.  Il  domine  l'individu  dans  le  temps  et  dans  l'espace  ; 
il  le  contraint,  lui  préexiste  et  lui  survit.  «  L'obligation  est  la 
preuve  que  les  manières  d'agir  et  de  penser  ne  sont  pas  l'œuvre 


MÉTHODE   DE   L'ÉCOLE   SOCIOLOeTlQUE  129 

de  rinclividu.  Tout  ce  qui  est  obligatoire  a  sa  source  en  dehors 
de  lindividu  ».  {Règles  de  la  méth..  p.  129).  «  Un  fait  social  se 
reconnaît  au  pouvoir  de  coercition  externe  qu'il  exerce  ou  est 
susce])ti.ble  d"exercer  sur  des  individus  ;  et  la  présence  de  ce 
pouvoir  se  reconnaît  à  son  tour,  et  avant  tout,  à  Texisteni-e  de 
quelques  sanctions  déterminées  »  (p.  15).  «  Cette  sanction, 
de  quelque  ordre  qu'elle  soit,  matérielle,  juridique  ou  morale, 
exerce  une  pression  du  dehors  sur  les  consciences  indivi- 
duelles. C'est  donc  qu'elles  n'en  dérivent  pas  et  que  par  suite 
la  sociologie  n'est  pas  un  corollaire  de  la  psychologie  »  vp.  125,  . 
3°  Le  fait  social  établi,  puis  discerné,  il  reste  à  l'étudier.  On 
traite  souvent  le  fait  social  avec  une  méthode  défectueuse.  On 
étudie  l'essence  du  droit,  son  fondement  logique,  les  raisons 
qui  fondent  la  leligion,  le  besoin  auquel  elle  correspond,  l'ori- 
gine des  coutumes  et  leur  bien  fondé  utilitaire.  C'est  là  une 
méthode  idéologique,  contre  laquelle  Durkhbim  se  réclame  de 
la  science  positive.  11  faut  regarder  les  faits  sociaux  positivement, 
non  comme  des  idées,  mais  comme  des  choses.  La  religion  ne 
sera  pas  étudiée  dans  son  essence,  mais  dans  les  faits  qui  la 
manifestent,  croyances,  dogmes,  culte,  hiérarchie  ;  la  morale, 
non  dans  ses  obligations  et  son  fondement,  mais  dans  ses 
manifestations,  les  mœurs  et  les  institutions  qui  les  régissent  ; 
la  famille,  non  dans  l'idée  qui  la  compose  et  le  besoin  auquel 
elle  correspond,  mais  dans  ses  variations  historiques.  «  Nous 
ne  saurions  pas  du  tout  ce  qu'est  en  réalité  la  propriété  ou  la 
famille,  si  nous  en  ignorions  les  origines  ou  la  formation  his- 
torique ».  Il  faut  donc  se  dégager  de  tout  a  priori  utilitaire, 
de  toute  prénotion,  étudier  les  faits  sociaux  comme  un  phéno- 
mène biidoyique  ou  physique  dont  la  nature  nous  est  totale- 
ment inconnue,  les  décrii'e  dans  leur  constitution  externe, 
rechercher  les  conceptions  qu'on  en  a  eues,  les  croyances  qui 
les  ont  accompagnées  ou  soutenues  dans  les  sociétés  diverses 
où  elles  ont  été  intégrées,  faire  en  un  mot  une  étude  positive 
du  fait  social.  On  s'apercevra  ainsi  que  les  faits  sociaux  n'ont 
pas  toujours  loiigine  ciue  nous  leur  croyons.  Certaines  cou- 
tumes collectives  survivent  aux  raisons  qui  les  ont  créées  e! 
prolongent  pour  des  raisons  diverses  leur  existence  bien  long- 
temps après  la  disj)arition  ties  causes  qui  les  ont  inspirées. 
C'est  ainsi  par  exemple  que  la  prohil)ilion  de  l'inceste     An.  Soc. 

9 


130  A.   BROS 

1896-97)  ne  se  rattacherait  ni  à  une  émotion  sentimentale,  ni  à 
une  délicatesse  morale,  ni  à  une  raison  d'hygiène,  comme  on 
le  croit  communément  dans  notre  monde  moderne,  mais  serait  à 
l'origine  une  institution  religieuse,  analogue  aux  tabous  que  l'on 
trouve  chez  les  Australiens,  tabou  que  nous  ignorons  et  qui  ce- 
pendant se  survit  ])ar  des  institutions  dans  notre  monde  contem- 
porain, non  sans  s'être  donné  une  nouvelle  métaphysique  expli- 
cative. Il  en  est  de  même  pour  les  institutions  familiales  et 
surtout  pour  la  religion,  qui  est  le  fait  social  par  excellence.  Les 
institutions  et  les  rites  qu'elle  provoque  dans  notre  civilisation 
présente  ont  des  raisons  et  des  explications  courantes  idéologi- 
ques. C'est  la  métaphysique  actuelle  des  religions.  A  la  vérité, 
lorigine  des  diiïérents  faits  qui  la  caractérisent  est  toute  autre 
et  les  cérémonies  du  totémisme,  Vintichiuma,  qui  paraissent  si 
éloignées  des  sacrifices  et  de  la  ju'ière,  n'en  sont  pas  moins  la 
cause  historique  de  ces  grandes  formes  du  sentiment  religieux. 

Pour  étudier  positivement  un  fait  social,  l'interpréter,  il  est 
dès  lors  évident  qu'il  ne  faut  pas  rechercher  les  idées  ou  les 
opinions  ou  les  raisons  qu'on  en  a.  Il  sera  préférable  à  tous 
égards,  pour  les  rapprocher  des  vrais  faits  positifs,  de  les  obser- 
ver comme  des  faits  externes  dans  leurs  effets  visibles  et  régu- 
liers. L'art  de  l'expérimentateur  est  de  tout  noter  en  mesure  de 
quantité.  Le  sociologue  s'efforcera  de  saisir  dans  les  faits  ex- 
ternes les  causes  sociales  qui  les  produisent.  C'est  ainsi  que  les 
variations  du  droit  répressif  et  du  droit  contractuel  lui  révéle- 
ront le  passage  d'une  formule  de  solidarité  à  une  autre  ;  il 
déflnira  le  crime  par  la  peine,  ou  le  degré  de  bien  être  et  de 
malaise  social  par  le  nombre  des  suicides... 

Cette  observation  positive  révélera  des  faits  normaux  et  des 
faits  anormaux.  La  différence  entre  les  uns  et  les  autres  réside 
seulement  dans  la  plus  grande  généralité  des  premiers,  IJn 
fait  ne  peut  être  qualifié  de  pathologique  qu'en  regard  d'une 
espèce  sociale  donnée.  Le  normal  ne  se  confond  nullement  avec 
la  notion  d'utilité  directe  et  réelle.  Une  foule  de  pratiques  sont 
normales,  durent  et  se  généralisent  et  même  deviennent  les 
caractéristiques  d'une  société  donnée,  tout  simplement  parce 
qu'elles  existent.  Elles  finissent  même  par  devenir  vraiment 
utiles  indirectement,  comme  éléments  de  l'idée  d'un  groupe... 
Il  ne  faut  donc  pas,  pour  discerner  les  faits,  faire  intervenir  la 


MÉTHODE   DE  l/ÉCOLE   SOCIOLOGIQUE  131 

finalité.  «  Il  ne  faut  jamais  se  demander  à  quoi  servent  les 
institutions  sociales,  mais  d'où  elles  viennent  ».  «  Les  causes 
qui  font  être  un  fait  social  sont  indéiiendantcs  des  fins  aux- 
quelles il  sert  »   (p.  113). 

Mais  dès  lors,  si  le  normal  et  l'anormal  ne  se  distinguent 
que  par  le  critère  de  quantité,  l'anormal,  la  désobéissance  aux 
lois  est  le  crime.  Socrate  était  donc  sociologiquement  parlant 
un  criminel.  Durkheim  accepte  cette  manière  de  voir.  Au  reste. 
lanorinal  est  lui-même  en  quelque  sorte  normal  :  le  crime  a 
sa  fonction  sociale.  Il  indique  dans  la  société  la  possibilité 
dun  changement  ;  il  marque  que  l'initiative  peut  avoir  raison 
des  cadres  fixes  :  il  révèle  une  aptitude  dans  la  société  à  inno- 
ver, à  se  renouveler,  et  c'est  parfois  à  cette  aptitude  que  cer- 
taines sociétés  doivent  leur  salut.  «  Pour  que  l'originalité  de 
l'idéaliste,  qui  rêve  de  dépasser  son  siècle,  puisse  se  manifester, 
il  faut  que  celle  du  criminel,  qui  est  au-dessous  de  son  temps, 
soit  possible  »    (p.  88). 

4°  Les  faits  sociaux  objectivement  observés,  il  faut  se  re- 
connaître dans  la  multiplicité  des  données  qu'ils  révèlent.  Il 
faut  opérer  une  oeuvre  de  classification  et  de  définition.  Dans  sa 
phase  actuelle,  la  sociologie  doit  surtout  faire  œuvre  histori- 
que, essayer  de  déterminer  les  grandes  formes  sociales  et  les 
expliquer  ensuite.  C'est  Là  qu'intervient  la  méthode  compara- 
tive, qui  met  en  regard  les  diverses  sociétés.  Elle  rend  deux 
services  au  sociologue  :  d'abord,  elle  permet  de  classer  les 
faits  par  ordre  de  complexité  croissante  et  de  suivre  les  formes 
sociales  dans  les  progrès  de  leur  évolution  ;  ensuite  elle  sert  à 
comprendre  certains  détails  inintelligibles  des  sociétés  actuel- 
lement vivantes.  Il  est  à  remarquer  que  pour  Durkheim  le  type 
social  le  plus  simple,  la  horde,  le  clan,  parce  qu'il  semble 
écarter  toute  apparence  de  spécialisation,  est  regardé  comme 
le  plus  primitif  et  que,  d'autre  part,  les  autres  types  sont  tenus 
par  lui  pour  des  com;binaisons  plus  ou  moins  variables  de  ce 
type,  qu'il  s'agit  de  débrouiller. 

Sans  doute,  Durkheim  se  défend  d'établir  une  histoire  unili- 
néaire  de  l'esprit  humain  ;  les  faits  sociaux  sont  hétérogènes 
à  tous  les  autres  ;  les  sociétés  le  sont  les  unes  aux  autres  ; 
«  elles  naissent,  se  développent,  meurent,  indépendamment  les 
unes  des  autres  ».  «  Le  progrès  de  l'humanité  n'existe  pas  •>. 
{Règles,  p.  24). 


132  A.    BROS 

Il  faut  noter  iri  la  place  que  Durkheim  fait  à  l'histoire, 
science  auxiliaire  de  la  sociologie.  Elle  vient  apporter  ses 
faits  ;  elle  aide  à  on  donner  l'explication,  par  la  détermination 
des  lois  et  des  causes  ;  mais  il  en  faut  écarter  l'élément  pure- 
ment anecdotique,  qui  est  sans  utilité  ;  elle  est  témoin  du  fait 
social  qui  seul  iniiîorte.  (C'est  par  exemple  une  question  inutile 
poui'  la  sociologie  que  celle  de  la  date  de  composition  du  Rig- 
Veda  etc.  ;  la  sociologie  i-etient  les  faits,  pour  juger  des  en- 
sembles) . 

5"  Le  fait  social  défini  et  classé,  il  reste  à  Vexpliqiier.  à  en 
établir  l'origine  et  la  cause.  Ces  causes  doivent  «  toujours  être 
recherchées  dans  dautres  faits  eux-mêmes  sociaux  ».  Et  en 
effet,  qui  dit  fait  social  dit  contrainte,  obligation,  et  ce  qui  est 
obliiiatoire  n'a  pas  sa  source  dans  l'individu,  mais  au-dessus 
de  lui,  1  uisque  celle  obligation  le  domine  et  lui  survit  et  le 
précède  ».  «  Toutes  les  fois  qu'un  fait  social,  dit  Durkheim, 
est  directement  expliqué  par  un  phénomène  psychique,  on  peut 
être  assuré  que  l'explication  est  fausse  »  (p.  128).  Les  expli- 
cations psychologiques  sont  donc  à  écarter.  11  faut  écarter 
également  les  explications  par  les  races,  le  milieu,  le  climat. 
«  En  somme,  écrit-il,  quand  on  rapporte  avec  cette  rapidité  à 
des  facultés  ethniques  cong-énitales  le  caractère  artistique  de 
la  civilisation  athénienne,  on  procède  à  peu  près  comme  faisait 
le  moyen  âge,  lorsqu'il  expliquait  le  feu  par  la  phlogistique  et 
les  effets  de  l'opium  par  sa  vertu  dormitive...  On  n'a  pas  même 
essayé  si  une  explication  sociologique  des  mêmes  phénomènes 
n'était  pas  possible  et  nous  sommes  convaincus  qu'elle  pour- 
rait être  tentée  avec  succès  »  (p.  133).  «  L'origine  première 
de  tout  processus  social  de  quelque  importance  doit  donc  être 
recherchée  dans  les  constructions  du  milieu  social  interne  ». 
«  Il  faut  explique]'  les  phénomènes  qui  se  produisent  dans  le 
tout  par  les  propriétés  caractéristiques  du  tout,  le  complexe 
par  le  comjilexe,  les  faits  sociaux  par  la  société  »  {Rep.  ind., 
p.  298). 

Cette  détermination  de  la  cause  des  faits  sociaux  dans  la  so- 
ciété même  est  l'ultime  terme  de  la  méthode.  Dans  notre  seconde 
conférence,  nous  en  marquerons  quelques  applications.  Si  nous 
en  résumons  les  divers  aspects,  nous  dirons  que  Durkheim, 
après  avoir  isolé  le  fait  social  et  la  sociologie  qui  l'étudié,  après 


MÉTHODE    DE    LÉGOLE    SOCIOLOGIQUE  133 

avoir  donné  à  cfitte  dernière  son  autonomie,  grâce  à  l'observa- 
tion des  faits  soeiaux  contemporains  et  historiques,  établit  des 
types  divers,  différents  par  leur  complexité,  les  défmit,  puis  en 
détermine  l'origine  et  la  cause  dans  la  société  même.  Cette 
méthode  sociologique  est-elle  sans  reproche  ?  O^iRls  postulats 
suppose-t-elle  ?  Et  n'est-il  pas  possible  de  prévoir  à  l'avance 
les  aventures  retentissantes  qu'elle  prépare  à  ses  adeptes  ? 
C'est  ce  qu'il  nous  reste  à  examiner. 

II.  POSTULATS  ERRONÉS  DE  CETTE  MÉTHODE 

On  peut  sofcuper  de  sociologie,  croire  à  son  domaine  et  à 
ses  lois  particulières,  sans  professer  les  théories  et  la  méthode 
de  DuRKHEiM.  Certes,  il  y  a  beaucoup  à  profiter  dans  l'étude  des 
faits  sociaux  en  tant  que  tels,  et  il  faut  se  défier  des  explica- 
tions psychologiques  et  biologiques  rudimentaires.  Durkheim 
par  conséquent,  en  attirant  l'attention  des  historiens  sur  cet 
aspect  de  l'étude  des  formes  sociales  (religion,  morale  etc.) 
aurait  pu  être  utile.  Son  intlucnce  doctrinale  était  forte,  à  la 
veille  de  la  guerre.  «  Vers  lui  se  tournaient  un  grand  nombre 
d'étudiants  en  philosophie.  Ils  trouvaient  de  ce  côté  une  pensée 
ferme,  impérieuse,  sûre  d'elle-même,  et  surtout  un  programme 
de  travail  {  ositif,  ou\rant  aux  recherches  futures  de  larges 
horizons,  et  encore  une  méthode  rigoureuse  d'aspeci,  propre 
à  fournir  l'assurance  d'une  œuvre  à  la  fois  neuve  et  vraiment 
scientifique  à  entreprendre,  en  même  temps  que  les  plus 
larges  synthèses  ne  lui  étaient  pas  non  plus  interdites,  pourvu 
qu'elles  pussent  s'appuyer  sur  une  base  nettement  sociologi- 
que »  (p.  150j.  Malheureusement  cette  influence,  dont  la  cita- 
tion de  M.  Parodi  marque  les  causes,  était  viciée  dans  son  orien- 
tation métaphys;ique.  et  quelles  que  fussent  les  phrases  respec- 
tueuses dont  il  enveloppait  les  forces  essentielles  de  la  vie 
sociale  de  rhum.mité,  Duhkheim  détruisait  les  idées  qui  font 
vivre  les  hommes  et  sapait  les  fondements  historiques  et  intel- 
ligibles de  la  religion  et  de  la  société.  Il  n'y  avait  pas  à  s'y 
tromper  ;  l'œuvre  entreprise  de  légitimer  les  impératifs  des 
sociétés  ne  tendait  à  rien  moins  qu'à  donner  une  raison  so- 
ciale non-individuelle,  pour  renforcer'  laïquement  les  autorités 
civiles  et  justifier  leurs  exigences  quelles  qu'elles  fussent, 
comme   étant   l'émanation     impérieuse    des     collectivités.   Elle 


134  A.   BROS 

substitue  au  fond  au  droit  individuel  et  social,  qui  relève  de 
la  raison  et  des  traditions,  un  droit  social,  qui  a  son  fondement 
dans  la  force,  non  dans  la  force  physique  certes,  mais  dans  la 
force  du  nombre.  Et  c'est  une  autre  manière  de  tyrannie.  Nous, 
catholiques,  nous  ne  saurions  trop  nous  défier  de  cette  entre- 
prise, dont  les  tendances  nous  sont  hostiles.  Il  nous  faut  exa- 
miner quels  sont  les  vices  de  méthode  qui  se  cachent  sous  cette 
doctrine   sociologique. 

1".  Et  tout  iFabord,  ce  qui  frappe  dans  une  telle  méthode, 
c'est  sa  défiance  ^uvers  l'intelligence.  Au  fond,  la  doctrine  so- 
ciologique   est,    à   sa   base,    instinctiviste,    anti-intellectualiste. 

Cette  défiance  de  l'intelligence  apparaît  premièrement  dans 
le  souci  qu'a  Durkheim  d'étudier  le  fait  brut  comme  tel  (je 
parle  des  grands  phénomènes  religieux  :  croyance  en  Dieu, 
sacrifice  etc.)  Qu'ils  soient  économiques,  moraux  ou  religieux, 
(i'est  extérieurement,  dans  leurs  représentations  et  dans  leurs 
institutions,  qu'il  convient  exclusivement  d'observer  les  faits. 
G"est  aussi  en  les  reliant  les  uns  aux  autres  qu'on  en  rend 
compte. 

Il  en  est  des  faits  sociaux  comme  des  faits  physiques  ou 
chimiques  :  on  les  explique  en  les  rattachant  à  d'autres  faits 
sociaux.  «  Prenons  par  exemple  les  institutions  du  mariage 
et  de  la  famille,  écrit  M.  Mauss  {Grande  Encyclop..  art.  Social., 
p.  169).  Si  i-e  sont  les  phénomènes  sociaux  qu'il  s'agit  d'ex- 
pliquer, des  problèmes  précis  se  posent  :  comment  se  sont 
formés  les  différents  systèmes  matrimoniaux  et  domesti- 
ques ?  peut-on  les  rattacher  les  uns  aux  autres,  distinguer 
des  formes  postérieures  et  des  formes  antérieures,  les  pre- 
mières apparaissant  comme  le  produit  de  la  transformation 
des  secondes  ?  Si  cela  est  possible,  comment  s'expliquer  ces 
transformations,  quelles  en  sont  les  conditions  ?  Comment 
les  formations  de  l'organisation  familiale  affectent-elles  les 
organisations  politiques  et  économiques?  D'autre  part,  tel 
régime  domestique  une  fois  constitué,  comment  fonctionne- 
t-il  ?  ))  A  ces  questions,  que  répondre  ?  Les  psychologues 
parlent  de  tendances  de  l'âme  humaine  ;  l'histoire  nous  donne 
des  lions  chronologiques,  accidentels  et  arbitraires.  «  La  so- 
ciologie va  d'un  ])hénomène  social  à  un  autre.  Elle  n'établit 
de    rapports    (ju "entre    phénomènes    sociaux.    Ainsi     elle     nous 


MÉTHODE    DE  LÉCOLE   SOCIOLOGIQUE  135 

montrera  comment  les  institutions  s'engendi'ent  les  unes  les 
autres,  par  exemple  comment  le  culte  des  ancêtres  s'est  déve- 
loppé sur  le  fond  des  rites  funéraires  etc.  Les  faits  sociaux 
sont  des  causes,  parce  qu'ils  sont  des  représentations  ou  agis- 
sent sur  les  représentations.  Le  fond  intime  de  la  vie  sociale 
est  un  ensemble  de  représentations  »    (l.  c,  p.   171). 

Qu'est-ce  à  dire,  sinon  que  tous  ces  faits  s'expliquent, 
quand  on  en  a  rompris  le  mécanisme  intérieur  et  la  dépen- 
dance dans  laquelle  ils  se  trouvent  de  la  représentation  collec- 
tive qui  les  interprète  ou  les  maintient  ;  mais  ces  représenta- 
tions ou  ces  institutions,  qui  sont  une  forme  d'iutrUigible  qu'il 
n'est  pas  permis  de  ramener  à  de  l'intelligible  de  conscience 
individuelle  ou  de  raison  particulière,  ne  constituent-ils  pas 
une  sorte  tVintelligible  social  ?  Tout  irait  bien,  si  cet  intel- 
ligible était  homogène  à  l'intelligence  de  l'individu  ;  mais  il 
n'en  est  rien.  Les  faits  sociaux  ne  sont  pas  justiciables  de 
cette  intelligence.  «  La  conscience  est  un  mauvais  juge  de  ce 
qui  se  passe  au  fund  de  l'être,  parce  qu'elle  n'y  pénètre  pas  ». 
Voilà  donc  une  sorte  d'inconscient,  dont  tout  procède  :  est-ce 
un  instinct  vital,  dont  émergent  les  faits  sociaux  ?  De  toute 
manière,  ce  mysticisme  social  n'a  pas  ce  que  nous  appelons  un 
appui  rationnel.  C'est  vraiment  une  sorte  d'impulsion,  dont  il 
est  interdit  de  rechercher  la  raison. 

Telle  est  la  première  attitude  anti-intellectualiste  que  ce 
système  impose  à  la  religion.  Il  en  est  une  autre.  Les  faits 
groupés  et  indépendants  les  uns  des  autres  sont  en  connexion 
avec  une  société  déterminée,  dont  ils  expriment  les  nécessités 
temporelles  ;  ils  n'ont  en  eux-mêmes  aucune  valeur  intellec- 
tuelle durable.  La  raison  seule  exprime  le  permanent  et  le 
^ble  ;  dès  lors  que  nous  l'abandonnons,  nous  tombons  dans 
le  relatif.  Le  biologiste  faisait  la  pensée  fonction  du  cerveau 
et  la  rendait  relative  et  dépendante  de  son  organisation  et  de 
ses  dimensions.  Le  sociologue  fait  des  représentations  et  des 
institutions  sociales  quelque  chose  de  dépendant  d'un  état 
social  donné  et  par  conséquent  accepte  qu'elles  varient  avec  cet 
état  social.  Or  cela  est  particulièrement  grave,  car  il  ne  s'agit 
pas  de  faits  puérils  ou  de  coutumes  de  peu  d'importance  ;  il  ne 
?'agit  rien   moins   que   de   la   religion   et   de   la   morale,   qui   se 


136  A.    BROS 

rrclaiiicnt  de  l'absolu,  s'imposent  comme  catégoriques  et 
n'existent  vraiment  que  si  elles  sont  tenues  pour  telles.  Ce  rela- 
tivisme foncier  détruit  l'objet  même  de  la  science  sociale,  bien 
plus  que  l'explication  jisycliologique  nu  idéologique  dont  se 
détlait  avec   tant  de  soin  Durkheim. 

Le  sociologue,  il  est  vrai,  s'efforce  d'échapper  à  cette  diffi- 
culté. Ce  sont  des  phénomènes  psychiques  d'un  genre  nouveau, 
pense-t-il  ;  ils  expriment  l'état  même  de  la  société.  «  Mais 
la  société  est  quelque  chose  de  naturel  et  les  représentations 
qui  l'expriment  expiiment  la  nature  ».  «  Le  règne  social  est 
un  règne  naturel,  qui  ne  diffère  des  autres  que  par  sa  com- 
plexité plus  grande  ».  Ils  expriment  donc  des  relations  fon- 
damentales qui  existent  entre  les  choses  et  vue  de  ce  biais,  on 
peut  comi  rendre  comment  <(  chaque  religion  peut  avoir  sa 
vérité  intrinsèque   ». 

Mais  le  mot  vérité  ici  ne  doit  point  prêter  à  confusion.  Si 
la  religion  et  la  morale  résultent  comme  des  effets  naturels 
et  nécessaires  des  représentations  de  la  vie  collective,  elles  en 
dépendent  avec  une  rigoureuse  nécessité  ;  ces  dernières  sont 
les  causes  naturelles  qui  les  produisent.  Les  religions  ne  sont 
pas  vraies  jjour  autant,  car  il  n'est  point  sûr  ni  prouvé  qu'elles 
représentent  exactement  la  nature  des  choses  permanente  et 
duiTible.  M.  P.vRODi  le  remarque  justement.  Dans  le  premier 
cas.  on  explique  la  production  des  rites  ;  ceux-ci  sont  néces- 
saires :  rien  de  plus  ;  ils  ne  sont  pas  vrais  pour  cela.  L'effet 
n'est  pas  nécessairement,  n'est  pas  du  tout  l'expression  ou  la 
représentation  fidèle  de  sa  cause   (p.  153). 

Il  en  résulte  que  la  morale  ne  s'impose  pas  à  nous  avec  un 
caractère  d'ol)ligation  rationnelle.  On  lui  doit  obéissance,  j'tarce 
qu'elle  est  la  règle  et  qu'il  faut  obéir  à  la  règle,  parce  qu'elle 
est  le  produit  d'influences  collectives.  Mais  qui  justifiera  aux 
yeux  (h-  notre  ronscience,  dont  tout  relève,  que  cela  est  juste. 
Et  d'ailleurs  ces  conditions  sociales  qui  ont  créé  la  loi  morale 
se  ir.oilifient  peut-être  au  moment  où  nous  l'observons...  Elle 
n'est  plus   dès   Iru^s   obligatoire   pour  nous... 

En  religion,  même  relativisme  destructeur.  On  ramène  les 
dieux  au  totem  primitif  et  à  la  notion  de  sacré  qui  en  est  le 
tond  et  on  voudrait  ne  pas  ébranler  la  foi  du.  croyant  qui 
s'adresse  à  l'absolu   divin  et   l'invoque,   en  ramenant   le   Dieu 


METHODE   DE   LÉGOLE    SOCIOLOCHQUE  137 

auquel  il  croit  à  une  expression  de  la  vie  du  clan  primitif. 

Ni  la  morale  ni  la  religion  (ni  la  pensée  humaine),  qui 
dominent  IhoiDme  isolé  et  contraignent  ses  égoïsmes  indivi- 
duels, n"auront  de  valeur  véritable  pour  nous,  si  notre  raison 
n'en  justifie  le  fondement,  llomment  pourrions-nous  leur 
donner  notre  adhésion  et  notre  respect,  tout  en  sachant  qu'elles 
n'ont  aucune  vraie  valeur  en  soi.  Pour  les  sociologues  «  la 
découverte  d'une  illusion  ne  la  détruit  pas  ».  C'est  que  pour 
eux  les  idées  n'ont  pas  d'importance  ;  la  vérité  intelligible  cède 
le  pas  à  l'instinct  social  et  à  ses  forces  de  contrainte.  Cette 
défiance  propre  de  la  raison,  ce  relativisme  introduit  en  morale 
et  en  religion,  font  de  ces  dogmatistes  à  prétentions  rationa- 
listes et  la'icistes  des  manières  de  pragmatistes  sociaux.  Le 
premier  postulat,  le  premier  vice  du  système  est  la  défiance 
à  l'égard  de  la  raison. 

2°.  Au  fond,  les  sociologistes  sont  dupes  d'une  faussr  concep- 
tiof}  de  la  science  sociale.  Frappés  de  la  rigueur  des  sciences 
physiques,  ils  veulent  introduire  la  même  méthode  dans  l'ex- 
plication des  faits  sociaux. 

a.  Cette  tendance  avouée  se  manifeste  d'abord  dans  les 
procédés  de  la  méthode  expérimentale  appliqués  sans  discerne- 
ment aux  sciences  sociales.  Ce  sont  les  différents  moments 
des  méthodes  physico-chimiques  pour  déterminer  la  cause 
cherchée  qui  sont  marqués  par  Fauconnet  et  Mauss  dans  l'ar- 
ticle Sociologie  dont  j'ai  parlé  plus  haut.  Cette  assimilation  leur 
fait  parler  d'observation,  de  définition,  d'hypothèse,  de  systé- 
matisation des  faits,  de  recherches  causales,  tout  comme  s'il 
s'agissait  d'un  phénomène  d'ordre  physique.  Et  sans  doute  les 
procédés  de  l'esprit,  quel  que  soit  l'objet  qu'il  étudie,  sont 
uniformes  et,  dans  l'analyse  et  la  synthèse,  la  similitude  de  ses 
démarches  pour  connaître  apparaît  nettement.  Encore  est-il 
que  l'orientation  erronée  dans  les  procédés  de  détail  peut  ame- 
ner à  des  erreurs  de  fond. 

b.  De  même  la  conception  de  la  cause  sociale  et  sa  recherche 
dans  le  fait  social  sont  empruntées  à  la  conception  positiviste 
des  sciences  {tliysiques.  Pour  le  positiviste  comme  aussi  pour 
le  phénoméniste  qui  nie  toute  substance,  une  seule  succession 
constante,  une  interdépendance,  telle  est  la  causalité.  Expli- 
quer un  fait  du  point  de  vue  de  la  cause  efficiente,  c'est  au 


138  A.   BROS 

fond  le  placer  dans  un  système  d'interdépendance  de  faits. 
Les  causes  finales,  les  intelligibles  sont  naturellement  écartés  ; 
il  ne  reste  que  des  liens  de  successions  nécessaires.  N'est-ce 
pas  là  exactement  la  prétention  du  sociologiste  ?  Sortir  du  fait 
sociologique,  entrer  dans  un  autre  domaine,  c'est  au  fond  pour 
lui  réintégrer  le  flnalisme  et  la  substance. 

c.  Assimilation  encore  des  siciences  sociologiques  aux  scien- 
ces positives  que  cette  recherche  des  faits  sociaux  susceptibles 
d'être  constatés  du  dehors.  Durkheim  en  vient  à  croire  que  le 
reste  n'est  plus  que  vaines  apparences  ;  le  côté  vivant,  intel- 
ligible, réel  au  fond  du  phénomène  social  se  trouve  ainsi  pai' 
lui  écarté  de  la  sociologie. 

d.  Ai-je  besoin  d'ajouter  qu'une  telle  manière  de  traiter 
scientifiquement  les  faits  sociaux  leur  donne  une  apparence  de 
certitude  dont  ils  ne  sont  point  capables.  Il  faut,  dans  le 
domaine  social,  faire  place  aux  grandes  initiatives,  à  la  si)on- 
tanéité  des  individus,  qui  parfois  modifient  les  représentations 
et  les  institutions  d'une  époque  ou  du  moins  les  marquent 
d'une  forte  empreinte  personnelle.  Cette  spontanéité,  la  liberté 
individuelle  qui  en  est  le  fondement  et  le  signe,  sont  exorcisées, 
comme  le  miracle,  de  cette  science  nouvelle.  Pas  de  place  pour 
Dieu,  pour  les  mutations  soudaines,  i)nur  les  grands  hommes 
dans  un  tel  système  scientifique.  Cette  science  sociale  mutile  le 
donné  social.  Elle  s'est  gardée  de  le  réduire,  comme  les  positi- 
vistes, à  de  simples  phénomènes  biologiques  ;  mais  en  lui 
appliquant  la  méthode  rigoureuse  des  sciences  expérimentales 
physico-chimiques,  elle  s'est  précipitée  dans  une  erreur  ana- 
logue et  non  moins  redoutable  dans  ses  conséquences. 

r.  Au  reste,  une  grande  hypothèse,  l'hypothèse  évolution- 
niste  qui,  elle,  exerce  surtout  son  influence  sur  les  sciences 
biologiques,  a  également  fortement  imprégné  de  ses  tendances 
réformatrices  les  théories  de  Durkheim. 

Pour  expliquer  un  fait,  c'est  avant  tout  à  ce  qu'il  appelle 
le  fait  rudivientaire  qu'il  a  recours.  Dans  les  divers  types  so- 
ciaux, il  établit  une  classification  et  la  norme  de  cette  classi- 
fication est  d'aller  du  simple  au  composé,  comme  s'il  s'agissait 
de  données  de  chimie.  Trouver  le  fait  social  simple  dans  lequel 
on  verra  surgir  les  causes  à  l'état  natif,  puis  en  suivre  les 
complications  diverses  jusqu'en  nos  sociétés  contemporaines, 
telle  est  la  démarche  des  sociologistes. 


MÉTHODE  DE  L'ÉCOLE  SOCIOLOGIQUE  '  139 

C'est  pour  être  fidèle  à  cette  méthode  qu'ils  se  sont  attachés 
à  l'étude  du  totémisme,  comme  au  fait  élémentaire  dans  lequel 
on" retrouve  la  religion  à  l'état  natif  et  par  lequel  on  peut  plus 
aisément  l'expliquer  dans  ses  données  plus  complexes.  Sans 
doute,  on  se  défend  de  construire  un  évolutionnisme  progressif 
et  unilinéaire  dans  Tordre  du  temps  ;  on  se  contente  d'établir 
cette  évolution  dans  l'ordre  logique.  Mais  cette  distinction  est 
trompeuse  :  le  premier  dans  l'ordre  logique  —  étant  donné 
qu'aucune  histoire  ne  vient  ni  confirmer  ni  écarter  cette  affir- 
mation —  est  facilement  conçu  comme  le  premier  dans  l'ordre 
temporel.  Et  de  fait,  c'est  bien  l'origine  réelle,  scientifique  des 
divers  faits  sociologiques,  que  l'on  prétend  tr<tuver  dans  ces 
faits  prétendus  simples  ou  élémentaires. 

f.  Enfin,  dernière  conséquence  de  cette  confusion  du  phy- 
sique et  du  spirituel,  les  ohligations  morales  que  Von  vent 
expliquer  et  même  appuyer  sont  abolies.  C'est  le  caractère  des 
lois  physiques  de  nous  apparaître  comme  des  nécessités  de 
fait  que  nous  constatons,  mais  qui  n'obligent  pas  notre 
conscience  morale.  Les  faits  sociaux  et  les  lois  qui  les  régis- 
sent, s'ils  ne  sont  qu'une  donnée  scientifique,  n'intéresspnt  pas 
nos  consciences.  Le  conformisme  social  est  une  loi  ;  nous  pou- 
vons nous  y  prêter  ;  nous  ne  nous  y  sentons  pas  obligés  en 
conscience,  à  moins  de  nous  en  être  formé  une  justification 
intelligible.  Toutes  les  affirmations  morales  et  religieuses  ne 
sont  pour  nous  vraiment  impératives,  que  quand  elles  ne  sont 
plus  une  simple  nécessité  légale,  mais  qu'elles  représentent 
à  nos  yeux  des  valeurs  intelligibles.  En  voulant  réduire  à  un 
simple  conformisme  social  la  notion  d'ordre  essentiel  de  la  vie 
morale,  en  ramenant  à  une  discipline  sociale  les  plus  hautes 
réalités  de  l'ordre  intellectuel,  social  et  moral,  le  devoir,  le 
droit,  la  religion,  la  raison,  on  en  détruit  l'essence  même.  Et 
cela  démontre  une  fois  de  plus  que  la  méthode  employée  à 
cette  étude  est  défectueuse. 

Telle  est  la  nature  de  la  méthode  utilisée  par  l'Ecole  socio- 
logique. Par  une  curieuse  antinomie,  ces  doctrinaires  ratio- 
nalistes sont  des  pragmatistes  mystiques  inconscients  ;  ces 
sociologues,  en  réaction  violente  contre  l'assimilation  des  faits 
sociaux  aux  faits  biologiques,  appliquent  aux  données  de  leur 
science   la  méthode   des  sciences  biologiques.   Ces   tenants   de 


140  ■  A.    BROS 

Tordre,  de  la  stahilité,  des  inipt-i-atifs  ralionnel.s,  moraux  e! 
collectifs  en  font  évaporer  la  valeur  et  robligation.  On  ne 
saurait  évidemment  être  plus  malheureux.  Concluons  :  la  mé- 
thode des  sciences  suciales  doit  tenir  conijite  de  son  ohj<;t  :  les 
laits  sociaux  sont  des  faits  humains  ;  il  faut  les  traiter  comme 
tels  et  ajipliquer  Fesprit  humain  tout  entier  avec  ses  procédés 
iiabituels  de  leeherche,  à  l'étude  de  l'homme  vivant  en  société. 


[7^]         Les  affîrmations  de  l'Ecole  sociologique 
sur   la  Religion, 

par  M.   le  Chanoine  Bros 

iLes  alïirmations  de  l'Ecole  sociologique  sont  nombreuses. 
Elle  prétend  apporter  un  système  d'explication  générale  de  la 
vie  humaine,  l'cndre  compte  de  toutes  ses  valeui'S.  intellec- 
tuelles, religieusi^s,  morales,  métaphysiques,  expliquer  tous  les 
transcendentaux  ;  c'est  là  une  vaste  entrepi-ise.  Nous  pour- 
rions entrer  dans  le  détail  de  chacune  de  ces  aftirmations.  mais 
cela  nous  entraînerait  loin.  Dans  une  S^-mainp  consacrée  à  l'His- 
toire des  Religions,  nous  nous  occuperons  plus  ])articulière- 
inent  de  cette  dernière  et  de  ce  qui  s'y  rattache  directement. 
Nous  examinerons  donc  les  conclusions  auxquelles  paivient 
cette  école,  en  ce  qui  concei-ne  la  religion. 

1.    EXPOSÉ. LA,    RELIGION    d'aPRÈS    DURKHEIM. 

La  place  faite  à  la  l'eligion  par  l'Ecole  sociologique  est  de 
premier  plan.  «  P^lle  apparaît  comme  la  forme  capitale  de  la 
vie  socialo,  don'  toutes  les  autres  ne  sont  que  des  dérivations 
tardives  ».  Elle  exprime  l'essence  même  de  la  société  et  de 
Ihumanité.  Les  Economistes  étaient  préoccupés  d'une  toute 
autre  ccinception  de  la  société,  quand  ils  voyaient  dans  les 
valeurs,  la  richesse,  l'essentiel  du  social.  Pour  Durkheum.  la 
société  est  d'origine  essentiellement  religieuse.  Il  importe  donc 
de  se  bien  rendre  compte  de  ce  qu'est   la   religion. 

Tout  d'abord,  il  faut,  pense-t-il,  écarter  de  la  définition  d'une 
religion  la  notion  du  surnaturel.  La  définition  de  Max  Mueller 


LA   RELIGION      DAPRÈS    LÉCOLli    SOCIOI OOIQIE  141 

—  «  la  religion  est  un  effort  pour  concevoir  l'inconcevable, 
pour  exjirimer  rinexi)riniable,  une  aspiration  vers  l'infini  »  — 
lui  paraît  devoir  être  rejetée,  soit  parce  qu'elle  ne  serait  pas 
originelle,  soit  parce  qu'elle  est  donnée  en  fonction  du  mystère, 
qui  «  ne  tient  qu'une  petite  place  dans  un  petit  nombre  de 
religions  avancées   ». 

Il  faut  écarter  aussi  de  la  définition  de  la  religion  la  notion 
de  divinité.  Il  y  aurait,  d'après  Durkheim,  des  religions  qui 
n'honoreraient  aucun  dieu  ;  au  reste,  toute  une  partie  de  la 
religion  —  les  interdits  et  les  rites  —  seraient  conçus  en 
dehors  de  toute  idée  d'une  personnalité  religieuse.  Aussi  re- 
jette-t-il,  comme  de  fausses  interprétations  de  la  religion, 
les  systèmes  animistes  et  naturistes,  qui  se  sont  disputé  les 
théoriciens  de   l'ethnographie. 

«  Les  phénomènes  religieux,  pense  Dl'rkheim,  se  rangent 
naturellement  en  deux  catégories  fondamentales  :  les  croyan- 
ces et  les  rites.  Les  premières  sont  des  états  de  l'opinion  : 
elles  consistent  en  représentations  ;  les  secondes  sont  des 
modes  d'action  déterminés.  Entre  ces  deux  classes  de  faits  il  y 
a  toute  la  différence  qui  sépare  la  pensée  du  mouvement  » 
(p.  50). 

«  Toutes  les  croyances  religieuses...  présentent,  dit-il,  un 
même  caractère  commun  :  elles  supposent  une  classification 
des  choses  réelles  ou  idéales  que  se  représentent  les  hommes 
en  deux  classes,  en  deux  genres  opposés,  désignés  générale- 
ment par  deux  termes  distincts,  que  traduisent  assez  bien  les 
mots  :  profane,  sacré  >>  {ibid.)  Les  interdits  et  les  rites  protè- 
gent et  isolent  les  choses  sacrées  ou  leur  sont  ordonnés.  Les 
croyances  sont  toujours  communes  à  une  collectivité  déter- 
minée, qui  fait  profession  d'y  adhérer  et  de  pratiquer  les  rites 
qui  en  sont  solidaires.  Il  en  résulte  que  l'on  peut  donner  cette 
définition  de  la  religion  :  «  Un  système  solidaire  de  croyances 
et  de  pratiques  relatives  à  des  choses  sacrées,  c'est-à-dire  sépa- 
rées, interdites,  croyances  et  pratiques  qui  unissent  en  une 
même  communauté  morale  appelée  Eglise  tous  ceux  qui  y 
adhèrent    »    (p.  65) . 

Or,  pour  bien  comprendre  la  religion,  il  ne  faut  pas  la  consi- 
dérer dans  cet  aspect  complexe  qu'elle  revèl  dans  les  grandes 
systématisations   religieuses,    mais   remonter   aux   formes   élé- 


142  A.   BR08 

mentaires  de  la  vie  religieuse  où  nous  la  trouvons  à  l'état  pur. 
Et  justement  Durkheim  pense  avoir  trouvé  la  religion  tout  à 
fait  primitive  dans  le  totémisme  australien.  Le  totémisme  est 
un  système  de  coutumes,  de  pratiques  et  de  croyances  liées 
intimement  au  totem.  Le  totem  pour  le  croyant  australien 
(d'après  le  sociologiste)  est  un  nom  collectif,  un  symbole  du 
groupe  ou  de  la  tribu,  et  enfin  le  blason  même  de  ce  groupe 
et  de  cette  tribu.  «  Le  blason  est  l'occasion  d'un  certain  nombre 
de  cérémonies  ;  tout  ce  qui  exprime  sous  une  forme  ou  sous 
une  autre  lïdée  de  la  tribu  est  l'objet  de  la  pensée  et  surtout 
du  sentiment  religieux  de  cette  tribu  »  (Bélot,  ibid.,  p.  117). 
L'objet  de  la  pensée  religieuse  totémiste,  c'est  ici  la  tribu 
même  :  la  religion  est  donc  le  sentiment  de  la  communauté, 
de  l'unité  de  la  vie  collective.  Pour  Durkheim  en  effet  tout  se 
rapporte  dans  la  tribu  au  totémisme. 

Généralisant  cette  explication  religieuse,  Durkheim  affirme, 
non  seulement  que  la  religion  est  sociale  —  nous  n'en  doutons 
pas  —  mais  que  la  société  est  le  sujet  de  la  pensée  religieuse 
ou  plutôt  de  la  fon(;tion  religieuse.  «  Elle  est  comme  l'instinct 
vital  du  groupe  social...  elle  n'est  pas  en  nous  par  nous  ;  elle 
est  en  nous  par  la  collectivité  »  (Bélot,  p.  119).  La  religion 
est  également  l'objet  de  la  société.  Ce  que  le  fidèle  vénère  et 
redoute  dans  ses  dieux,  c'est  la  société  énoncée,  formulée,  sym- 
bolisée. Ces  objets,  qu'ils  soient  réels  ou  imaginaires,  ne  sont 
jamais  que  la  manière  de  transporter  à  l'extérieur,  de  rendre 
en  quelque  sorte  visible  ou  pensable  la  société.  Evidemment, 
nous  sommes  près  de  la  théorie  d'A.  Comte  sur  la  religion  de 
l'Humanité. 

Telle  est  l'idée  que  l'école  sociologique  se  fait  de  la  reli- 
gion. Durkheim  n'hésite  pas  à  rentrer  dans  le  détail  de  la 
phénoménologie  religieuse  et  à  en  expliquer  les  divers  organes 
ou  les  diverses  forces  d'après  cette  conception  sociologique. 

L'âme,  d'une  manière  générale,  n'est  pas  autre  chose  que 
le  principe  totém.ique  incarné  dans  chaque  individu.  C'est  une 
appropriation  individuelle  du  mana,  du  sacré,  de  la  force  toté- 
mique.  Le  principe,  d'abord  immanent  dans  chacun  des  mem- 
bres du  clan,  se  différencie  en  pénétrant  dans  les  consciences 
individuelles,  tout  en  conservant  son  caractère  transcendant. 
L'âme  humaine,  c'est  une  parcelle  de  la  divinité  totémique. 


LA  RELIGION    D'APRÈS   L'ÉCOLE   SOCIOLOGIQUE  143 

Les  dieux  sont  des  esprits  aneestraux,  des  entités  forgées  à 
l'image  des  âmes  individuelles,  de  la  genèse  desquelles  ils  sont 
destinés  à  rendre  compte.  L'idée  d'âme  joue  dans  leur  création 
un  rôle  important.  C'est  par  elle  que  Tidée  de  personnalité  a 
été  introduite  dans  le  domaine  religieux  ;  mais  elle  n'est  elle- 
même  qu'un  mode  du  mana,  du  principe  totémique.  La  création 
des  personnalités  mythiques  n'est  qu'une  autre  façon  de  penser 
les  forces  sociales  essentielles.  Et  le  grand  Dieu,  le  Dieu 
suprême,  c'est  le  sentiment  tribal. 

Si  des  représentations  religieuses  nous  passons  au  domaine 
des  rites  et  du  culte,  nous  nous  trouvons  faire  les  mêmes  cons- 
tatations. Dans  toutes  les  religions,  on  retrouve  le  système 
des  interdits  ;  certains  actes,  certains  objets  sont  tenus  pour 
prohibés.  Il  est  des  jours  fastes  et  néfastes,  des  tabous  qui 
concernent  certains  objets.  D'après  Durkheim,  il  ne  faut  pas 
ramener  ces  pratiques  à  une  association  d'idées,  à  une  erreur 
de  causalité,  au  sophisme  post  hoc,  crgo  propter  hoc,  comme  le 
pensent  bien  des  ethnographes.  L^s  choses,  les  objets  pren- 
nent une  valeur  religieuse,  qui  ne  leur  est  pas  inhérente,  mais 
leur  est  conférée  du  dehors.  Ce  qui  constitue  le  caractère  sacré 
de  l'objet,  «  ce  sont  les  impressions  de  réconfort  et  de  dépen- 
dance que  l'action  de  la  société  provoque  dans  les  conscien- 
ces »   (p.  462),  à  l'occasion  de  leur  perception. 

A  côté  des  interdits,  une  religion  comporte  un  culte  positif  : 
rites  mimétiques,  rites  représentatifs  et  commémoratifs,  rites 
piaculaires.  Entre  tous  les  rites  essentiels,  deux  semblent  plus 
significatifs  :  la  prière  et  le  sacrifice. 

La  prière  est  éminemment  un  phénomène  social.  «  Une  prière 
n'est  pas  seulement  l'effusion  d'une  âme,  le  cri  d'un  sentiment. 
C'est  le  fragment  d'une  religion.  On  y  entend  retentir  l'écho 
de  toute  une  immense  suite  de  formules  ;  c'est  un  morceau 
d'une  littérature  ;  c'est  le  produit  de  l'effort  accumulé  des 
hommes  et  des  générations  »  (Mauss,  p.  31).  Le  contenu  de  la 
prière  est  donc  social  ;  sa  forme  l'est  également.  «  Elle  n'existe 
pas  en  dehors  du  rituel.  Or  le  rite,  quels  qu'en  soient  la  forme 
et  le  but,  est  essentiellement  «  un  acte  traditionnel,  efficace, 
qui  porte  sur  les  choses  sacrées  »,  c'est-à-dire  un  ensemble 
de  procédés  pour  atteindre  le  mana.  La  prière  est  donc  un  rite 
religieux  oral,  portant  directement  sur  les  choses  sacrées,  une 


144  A.   BROS 

manière  d'atteindre  le  sacré  par  la  parole.  Et  voilà  justement, 
pour  en  donner  une  description  claire  dans  un  fait  élémentaire, 
un  échantillon  du  type  originel  de  la  prière  :  les  formules  de 
Vitilichiuma  de  la  vie  tribale.  La  prière  chrétienne  elleimème, 
d'après  M.  Mauss,  s'y  devrait  ramener. 

Le  sacrifice  est  un  rite  des  plus  complexes  et  qui  a  fait 
l'objet  d'une  étude  toute  particulière  de  l'Ecole  sociologique 
\^Année  sociol.,  1897-98).  Ecartons  d'ah(»i'd  les  explications 
habituelles  :  dons  et  offrandes  faites  aux  dieux  ;  celle  aussi  de 
Robertson  Smith,  qui  y  voit  une  alliance  par  le  sang.  Selon 
l'Ecole  sociologique,  «  le  sacrifice  est  un  acte  religieux  qui, 
l^ar  la  consécration  d'une  victime,  modifie  l'état  de  la  personne 
morale  qui  l'accomplit  ou  de  certains  objets  auxquels  elle 
s'intéresse  »  (p.  41).  Sous  la  diversité  des  rites,  un  même 
mécanisme  social  se  trouve  supposé.  Le  schéma  du  sacrifice 
comporte  une  «  entrée  dans  le  sacrifice  »,  qui  a  pour  but  d'in- 
troduire dans  le  sacré,  plus  ou  moins  profondément  suivant 
leur  rôle,  les  divers  participants  du  sacrifice.  Le  sacrifiant 
d'abord,  qui  se  purifie  et  se  prépare  religieusement.  «  Il  passe 
du  monde  des  hommes  dans  le  monde  des  dieux  ».  Le  sacrifica- 
teur, qui  est  l'intermédiaire  habituel  entre  la  divinité  et 
l'homme  et  qui  déjà  appartient  au  monde  sacré,  mais  qui  ac- 
complit encore  diverses  cérémonies  purificatoires,  afin  de  se 
préparer  à  sa  fonction.  Le  lieu,  les  instruments,  sont  égale- 
ment sanctifiés.  La  victime  enfin  est  introduite  dans  le  monde 
sacré  ;  on  la  baigne  ;  on  lui  fait  diverses  libations  ;  on  invoque 
les  dieux  sur  elle  ;  on  la  place  dans  une  position  et  une  orien- 
tation spéciales.  Puis  vient  l'immolation,  l'acte  essentiel  du 
sacrifice.  <(  Par  cette  destruction  de  la  victime,  l'acte  essentiel 
du  sacrifice  est  accompli.  La  victime  est  séparée  définitivement 
du  monde  profane  ;  elle  est  consacrée,  sacrifiée  dans  le  sens 
étymologique  du  mot  et  les  diverses  langues  appellent  sancti- 
fication l'acte  qui  la  met  dans  cet  état.  Elle  change  de  nature 
comme  Démophus,  comme  Achille,  comme  le  fils  du  roi  de 
Byblos,  quand  Dém.éter,  Thétis  et  Isis  consument  dans  le  feu 
leur  humanité...  Sa  mort  était  celle  du  phénix  ;  elle  renaissait 
sacrée.  Mais  le  phénomène  qui  se  passait  à  ce  moment  avait 
une  autre  face.  Si  d'une  part  l'esprit  était  dégagé,  s'il  était 
passé  complètement   «   derrière  le  voile   »,  dans   le  monde  des 


LA  RELIGION     D'aPRÈS    L'ÉCOLE   SOCIÛLOGIQUE  145 

dieux,  d'un  autre  côté,  le  corps  de  la  bête  restait  visible  et 
tangible  ;  et  lui  aussi,  par  le  fait  de  la  consécration,  était 
rempli  d'une  force  sacrée,  qui  Texcluait  du  monde  profane... 
Aussi  ses  restes  étaient-ils  entourés  d"un  religieux  respect  : 
on  lui  rendait  des  honneurs...  Ce  qui  survivait  de  Taniinal  l'tail 
ou  attribué  tout  entier  au  monde  sacré,  ou  attribué  tout  entier 
au  monde  profane,  ou  partagé  entre  l'un  et  Tautre  »  ibid.. 
p.  71).  Au  fond,  «  la  victime  est  l'intermédiaire  par  lequel  le 
courant  s'établit.  Grâce  à  elle,  tous  les  êtres  qui  se  rencontreni 
au  sacrifice  s'y  unissent.  Toutes  les  forces  qui  y  concourent 
se  confondent  »  (p.  83).  Et  en  définitive,  sous  la  diversité  des 
formes  qu'il  revêt,  le  sacrifice  est  toujours  constitué  d'un 
même  procédé.  «  Ce  procédé  consiste  à  établir  une  communi- 
cation entre  le  monde  sacré  et  le  monde  profane  par  Tinter- 
inédiaire  d'une  victime,  c'est-à-dire  d'une  chose  détruite  au 
cours  de  la  cérémonie  »  (p.  33).  Or  c'est  ta  une  fonction  émi- 
nemment sociale.  «  D'une  part,  ce  renoncement  personnel  des 
individus  ou  des  groupes  à  leurs  propriétés  alimente  les  forces 
sociales.  Non  sans  doute  que  la  société  ait  besoin  des  choses 
qui  sont  la  matière  du  sacrifice  ;  tout  se  passe  ici  dans  \o 
monde  des  idées  et  c'est  d'énergies  mentales  et  morales  qu'il 
est  question...  D'autre  part,  les  individus  trouvent  à  ce  même 
acte  leur  avantage.  Ils  se  confèrent  .à  eux  et  aux  choses  qui 
leur  tiennent  de  près  la  force  sociale  tout  entière.  Ils  revêtent 
d'une  autorité  sociale  leurs  vœux,  leurs  serments,  leurs  ma- 
riages. Ils  entourent,  comme  d'un  culte  de  sainteté  qui  les 
protège,  les  champs  qu'ils  ont  labourés,  les  maisons  qu'ils  ont 
construites.  En  même  temps,  ils  trouvent  dans  le  sacrifice  le 
moyen  de  rétablir  les  équilibres  troublés  :  par  l'expiation,  ils 
se  rachètent  de  la  malédiction  sociale,  conséquence  de  la  faute 
et  rentrent  dans  la  communauté  ;  par  le  prélèvement  qu'ils  font 
sur  les  choses  dont  la  société  a  réservé  l'usage,  ils  acquièrent 
le  droit  d'en  jouir.  La  norme  sociale  est  donc  maintenue  sans 
danger  pour  eux,  sans  diminution  pour  le  groupe.  Ainsi  la 
fonction  sociale  du  sacrifice  est  remplie  tant  pour  les  individus 
que  pour  la  collectivité.  Et  comme  la  société  est  faite  non  seu- 
lement d'hommes,  mais  de  choses  et  d'événements,  on  entrevoit 
comment  le  sacrifice  peut  suivre  et  reproduire  à  la  fois  le 
rythme  de  la  vie  humaine  et  celui  de  la  nature  ;  comment  i!  a 


146  A.   BR08 

jui  devenir  périodique  à  l'image  des  ])hénomènes  naturel?,  occa- 
sionnel comme  le.s  ])esoins  momentanés  des  hommes,  se  j)lier 
enfin  à  mille  fonctions  »    (p.  37). 

Telle  est  la  religion  jionr  l'Ecole  sociologique  :  conception 
de  forces  imaginaires  qui  aident  la  société  à  prendre  conscience 
d'elle-même,  pratiques  également  sans  objet  autre  (pie  la 
toniflcation  de  la  vie  sociale,  tout  cela  produit  i)ar  la  vie 
en  collectivité,  jiarlicipant  à  son  relativisme  intellectuel  et 
moral.  Les  forces  religieuses  ont  la  réalité  des  constructions 
sociales  auxquelles  elles  sont  liées,  mais  les  symb(iles  dans 
lesquels  elles  sont  j)ensées  et  les  figurations  rituelles  (prelles 
revêtent  sont  imparfaites  et  peuvent  être  vidées  de  tout  objet 
autre  que  le  social  même,  et  partant  laïcisées.  C'est  au  fond  la 
légitimation  d'une  certaine  religion  séculai-isée  et  athée... 

Voici  naître  l'explication  sociologique  des  saints.  C'est 
M.  CzARNOw^SKi  qui,  dans  son  ouvi'age  Le  culte  des  héros  el  ses 
conditions  sociales,  a  tenté  cette  entreprise.  S'attachant  à  saint 
Patrick,  il  le  définit  un  héros.  Qu'est-ce  qu'un  héros  pour 
l'Ecole  sociologique  ?  Le  héros  est  l'incarnation  d'une  valeur, 
c'est-à-dire  d'espoirs  et  d'idéaux  collectifs...  Le  héros  est  un 
témoin  et  un  champion  de  l'ordre  d'êtres  ou  de  choses  dont  il 
incarne  la  valeur  par  définition.  Cette  valeur  est  une  valeur 
sociale  :  il  est  le  représentant  d'un  groupe  et  d'une  chose 
sociale.  Aussi  l'héroïsation  et  la  canonisation  sont  des  actes 
publics,  analogues  à  l'institution  d'un  régime  ou  à  la  nomina- 
tion d'un  magistrat.  Le  héros  incarne  un  idéal  social,  liont  il 
est  issu  ;  généralement  ce  héros  est  un  homme  et  n'est  déclaré 
tel  qu'après  sa  mort  par  une  sorte  de  divinisation,  dont  son 
corps  garde  une  part.  Or  les  saints  sont  une  catégorie  spéciale 
de  héros,  «  ce  sont  des  héros  dont  la  notion  de  sainteté  est 
subordonnée  à  un  idéal  moral  et  religieux,  fixé  par  la  théo- 
logie... La  notion  de  sainteté  est  ainsi  propre  aux  sociétés  qui 
sont  constituées  en  églises  ou  en  sectes,  puisque  ce  sont  les 
conditions  essentielles  dans  lesquelles  une  théologie  peut  s'éla- 
borer »   (p.  28) . 

Partant  de  cette  définition  le  sociologue,  après  avoir  inven- 
torié les  textes,  met  en  rapport  la  légende  de  saint  Patrick  avec 
la  mythologie  irlandaise  des  fêtes,  puis  avec  les  représenta- 
tions  irlandaises  de   la   mort   et  des   morts.  Il   en   conclut   que 


LA  RELIGION      D'APRÈS   L'ÉCOLE   SOCIOLOGIQUE  147 

saint  Patrick  est  un  héros  du  môme  type  que  les  héros  irlan- 
dais. Ce  héros  et  le  culte  qui  l'entoure  a  été  produit  par  la 
constitution  sociale  de  Tlrlande  et  le  christianisme  et  les 
druides  ont  collaboré  à  créer  sa  légende. 

Tels  sont  brièvement  marqués  les  différents  essais  de  l'Ecole 
sociologique  dans  le  domaine  religieux  ;  on  peut  voir  qu'elle 
pense  bien  ne  laisser  aucun  des  phénoiiiènes  religieux  sans 
Texplication  sociologique  qu'il  comporte.  Après  avoir  résumé 
les  principales  positions  de  ce  système  explicatif  de  nos  croyan- 
ces, il  reste  à  examiner  les  preuves  par  lesquelles  il  se  justifie 
et  1^  valeur  qu'elles  peuvent  avoir. 

II.    CRITIQUE. 

En  résumant  le  système  qui  est  l'application  de  la  méthode 
que  nous  avons  exposée  dans  notre  première  conférence,  nous 
nous  sentions  portés  à  chaque  instant  à  accuser  le  sophisme 
fondamental  ou  les  confusions  sur  lesquelles  il  est  étayé.  Nous 
avons  préféré  en  présenter  la  critique  d'ensemble,  afin  de  ne 
pas  nuire  à  l'exposé  du  système. 

1°.  Les  options  philosophiques  du  système.  —  a.  Le  positivisme. 
—  Il  semble  bien  que,  par  derrière  les  arguments,  il  faut  voir 
d'abord  et  au  fond,  chez  Durkheim  et  son  Ecole,  l'option  philo- 
sophique primitive  déjà  signalée.  La  vie  religieuse   lui  paraît 
«  avoir  pour  objet  d'élever  l'homme  au-dessus  de  lui-même  et 
de,  lui  faire  vivre  une  vie  supérieure  à  celle  qu'il  mènerait,  s'il 
obéissait     uniquement      à     ses    spontanéités      individuelles     » 
(p.  592)   ;  la  morale  a  un  but  analogue.  Il  ne  se  peut,  pense-t-il. 
que  de  tels  impératifs  proviennent  soit  de  l'expérience  soit  de  la 
raison   individuelle,    puisqu'ils    la     dépassent  ;    il     reste    qu'ils 
soient  produits   par  la   société.  Les  jugements  de  valeur,   les 
catégories    sont    donc    pour    lui    a   priori    d'origine    sociale.    Il 
défend  cette   position  fondamentale,   en   marquant   contre    les  " 
empiristes  la  distance  qui  sépare  le  droit  du  fait,  le  nécessaire  \ 
du   contingent;   les   catégories   ne  "peuvent    dériver  de   l'expé-  ) 
rience  ;    elles    lui    sont   hétérogènes.    Soit  !    Mais    il    ajoute,    ce 
qui    est   intéressant  :    elles    ne    peuvent    dériver     de    la    raison 
a  priori,  car  il  reste  à  justifier  le  primat  de  la  raison    sur  l'ex- ^ 
périence.  Or,  on  ne  le  peut  qu'en  admettant  une  sorte  de  partiel-  \ 
pation   mystique  de   la  raison  à   la  Raison  divine,   ce   qui    est 


148  A.   BROS 

transposer  le  problème  dans  linconnaissahle...  Si  on  admet  an 
contraire  Torigine  sociale  des  catégories,  une  nouvelle  attitude 
devient  possible,  qui  permet  d'échapper  à  ces  difticultés.  La 
société  s'impose  aux  individus  ;  elle  leur  donne  des  nécessités 
qui  sont  nécessaires  à  la  vie  collective...  Et  ces  nécessités  font 
partie  de  la  nature.  Le  règne  social  est  un  règne  naturel  ». 
/  Le  primat  sociologique  est  atîirmé  ici  d'abord  sans  doutt^ 
îdans  Texplication  des  principes  mêmes  de  la  connaissance,  qui 
/ordonnent  les  grandes  valeurs  morales-  et  religieuses.  Mais 
surtout  on  écarte  la  valeur \le  la  raison,  1*  parce  qu'elle  paraît 
"trop  fixe  jiour  rendre  compte  du  sol  m'ouvant  des  faits^  et 
d'autre  part,  parce  que  2°,  en  imi)liquant  Dieu,  elle  rejet- 
terait loin  le  rationalisme  négateur  des  causes  invisibles.  Aii 
point  de  départ  de  cette  explication  des  religions,  on  trouve 
donc  la  négation  de  Dieu  et  de  la  raison  raisonnante.  C'est 
bien  raflîrmation  a  priori  de  la  doctrine  positiviste.  Pour  étu- 
dier la  religion,  c'est  un  point  de  départ  qui  évidemment  man- 
(|ue  d'impartialité  que  de  lui  dénier  a  priori  toute  valeur 
vraie.  Et  on  ne  s'étonnera  pas  des  conclusions  qu'apportera 
une  telle  disposition  d'esprit.  Car  sous  les  formules  de  bien- 
veillance, c'est  le  doctrinaire  anti-religieux  qu'il  faut  savoir 
reconnaître.  »  11  y  a  dans  la  religion  quelque  chose  d'éternel 
qui  est  destiné  à  survivre  h  tous  les  symboles...  Un  jour  viendra 
où  nos  sociétés  connaîtront  à  nouveau  des  heures  d'efferves- 
cence créatrice,  au  cours  desquelles  de  nouveaux  idéaux  sur- 

• 
giront,  de  nouvelles  formules  se  dégageront  qui  seivironl  pen- 
dant un  temps  de  guide  à  l'humanité...  Déjà  nous  avons  vu 
comment  la  Révolution  institua  tout  un  cycle  de  fêtes,  poip- 
tenir  dans  un  état  de  perpétuelle  jeunesse  les  principes  don! 
elle  s'inspirait.  Si  l'institution  périclita  vite,  c'est  que  la  foi 
révolutionnaire  ne  dura  qu'un  temps  ;  c'est  que  les  déceptions 
et  le  découragement  succédèrent  rapidement  au  premier  mo- 
ment d'enthousiasme.  Mais  quoique  l'œuvre  ait  avorté,  elle 
nous  permet  de  nous  représenter  ce  qu'elle  aurait  ])U  êli'c  dans 
d'autres  conditions  et  tout  fait  penser  qu'elle  sera  tôt  ou  tard 
reprise.  Il  n'y  a  pas  d'évangiles  qui  soient  immortels  et  il  n'y  a 
pas  de  rason  de  croire  que  l'humanité  soit  désormais  incapable 
d'en  concevoir  de  nouveaux  »  (p.  611).  —  Tel  est  le  positi- 
visme relativisfe,  destructeur  de  toute  foi  stable,  religieuse  ou 


LA  RELKilOX    D'APRÈS   LÉCOLE   SOCIOLOGIQUK  li',1 

moralp,  dont  s'inspire  cet  le  école  aux  apparences  doclrinaires 
et  absolues. 

b.  Le  primat  sociologiqui\  —  A  cette  négation  poHitiviste 
«"ajoute  le  parti  pris  de  ne  voir  dans  la  religion  que  le  social. 
«  De  toutes  les  forces  qui  environnent  Thonime,  la  force  sociale 
serait  la  seule  qui  l'ait  impressionné  et  qui  ait  suscité  dans  / 
son  esprit  des  sentiments  et  des  hypothèses  diverses.  Pourquoi, 
dit  M.  BÉLOT,  imaginer  que  la  fonction  esthétique,  que  la  fonc- 
tion intellectuelle,  le  besoin  de  comprendre  les  choses,  que 
même  les  besoins  physiques,  la  nécessité  de  l'adaptation  an 
milieu  cosmique,  que  tout  cela  n'a  pas  contribué  à  la  forma- 
tion des  religions  ?  Je  n'en  sais  pas  de  raisons  »  (Le  s<'nl.  rcl.. 
p.  121).  Pour  nous  qui  savons  mieux  que  Durkhkim  et  M.  Bélot 
ce  qu'est  une  religion,  nous  ne  pouvons  méconnaître  ce  qui  lui 
donne  poids,  autorité  :  l'élément  intellectuel.  Une  religion  qui 
n'est  point  vraie  pour  le  fidèle  a  cessé  d'être.  «  Quel  est  Thomnie 
qui  continuerait  à  prier,  dans  l'hypothèse  où  il  saurait  per- 
tinemment qu'il  ne  prie  personne  et  qu'il  s'adresse  vaguement 
à  une  collectivité  qui  ne  l'éc-oute  pas.  Quel  est  l'homme  qui 
continuerait  à  communier,  s'il  croyait  (jue  la  communion  est 
un  simple  symbole  et  qu'il  n'y  a  rien  de  réel  là-dessous  ?  » 
(BÉLOT,  ibid.) .  On  le  voit  ;  la  fonction  intellectuelle,  indivi- 
duelle doit  être  intégrée  dans  la  religion.  Elle  est  essentielle- 
ment un  organisme  de  salut  et  ce  salut  est  pensé,  senti,  re- 
cherché socialement,  parce  (in'il  l'est  tout  d'abord  individuel- 
lement. 

Ce  parti  pris  de  ne  voir  dans  la   religion  que  le  social   yic/c 
au  reste  toutes  les  démarches  analytiques  qui  doivent  suivre.  Gom- 
ment  est-elle   définie  cette  religion  ?   Des    aperçus   d'ensemble 
des  religions  humaines  se  dégage,  d'après  Durkheim.  une  défi- 
nition préalable  de  la  religion.  Cette  définition  nous  présentp/| 
la   religion   comme   reposant   sur   l'opposition  du   sacré   et    (\n  ; 
profane  et  l'étude  des  formes  élémentaires  de  la  religion  nous  ^ 
révélerait  seulement  le  sens  de  cette  opposition  et  la  véritable 
signification    du    sacré...    La    notion    du     sacré     est    religieuse 
certes  ;  mais  en  quoi  est-elle  exclusivement  sociale  ?  en  quoi 
surtout  est-elle  dégagée  de   tout  intellectualisme   qui    la    sup- 
porte ?   La   notion   du    sucré   est   secondaire   pour   l'àme     reli- 
gieuse ;    celles    ûb   vérité,    de   bien,    de   justice   lui    sont,    anté- 


150  A.   BROS 

rieures  et  c'est  par  elles  au  fond  que  le  croyant  justifie  sa  foi 
et  se  donne  des  raisons  d'y  adhérer.  Cette  définition  positiviste 
de  la  religion  vue  par  Textérieur,  par  le  côté  social,  écarte 
donc  fl  priori  des  religions  dont  on  prétend  rendre  compte  les 
éléments  essentiels  qui  les  soutiennent  et  dont  les  croyants  se 
réclament.  Tant  il  est  vrai  que,  pour  comprendre  une  religion, 
rien  ne  vaut  d'y  adhérer,  d"être  un  homme  religieux.  Mais  au 
fait  n'oublions  pas  que  l'Ecole  sociologique  n'a  point  pour  but 
de  comprendre  seuleinent  la  religion,  mais  de  lui  substituer 
un  organisme  social  disciplinaire,  qui  la  vidant  de  tout  contenu 
doctrinal  sera  la  forme  laïque  de  la  discipline  morale  et  sociale 
nécessaire   à   lère  positiviste. 

2°.  Les  notions  religieuses  n'ont  pas  une    origine    sociale.   ■ — 
a.  Cette  notion  du  sacré,  fondement  de  la  vie  religieuse,   com- 
ment  M.  DuRKHEiM  en  établit-il  la  vérité  et  l'origine  sociale  ? 
l  Tout  d'abord  par  une  affirmation.  «  D'une  manière  générale,  il 
j  n'est   ijas   douteux    qu'une    société    a    tout   ce    qu'il    faut     pour 
]  éveiller  dans  les  esprits  par  la  seule  action  qu'elle  exerce  sur 
1  eux  la  sensation  du  divin  ;  car  elle  est  à  ses  membres  ce  qu'un 
Vdieu  est  à  ses  fidèles  »   {Formes  élém.,  p.  295).  Le  Dieu  en  effet 
est    supérieur   à  l'homme   et  le   tient  dans   sa   dépendance.  La 
société  elle  aussi  entretient  en  nous  la  sensation  d'une  certaine 
dépendance.   Nous    la    révérons    comme   le   Dieu,    parce    qu'elle 
est  investie  d-'une  autorité  morale  ;  elle  suscite  des  actes  ou 
'les  inhibe,  abstraction  faite  de  toute  considération  relative  aux 
effets  utiles   ou   nuisibles   des   uns   ou   des   autres.  Justement 
parce  qu'ils  sont  élaborés  en  commun  ces  sentiments  revêtent 
ces  caractères  particuliers.  Mais  il  y  a  là  une  vraie  confusion 
verbale.   La    vie    collective    peut    fort    bien    amplifier,    grandir, 
élever  les  sentiments  humains  ;  mais  ces  sentiments  les  idéaux 
qui  les  supportent  leur  préexistent  au  moins  logiquement.  Elle 
ne  se  trouve  nullement  en  respect  devant  un  impératif  dont 
elle  ne   peut  justifier   l'origine.   C'est  une   force   qui   l'écrase  ; 
elle  ne  le  respecte  que  quand  elle  le  reconnaît  comme  une  puis- 
sance d'ordre  moral  et  quelle  voit  en  lui  quelque  reflet  de  la 
divinité.  L'inconscient  social,  pour  impératif  qu'il  soit,  ne  vaut 
pas  pour  nos  esprits  le  dieu  qui  sauve  et  commande. 

b.  Le  dieu,   ajoute  Durkheim,  est  une  autorité  ;  il   est  aussi 
une  force  sur  laquelle  nous  nous  appuyons.  Et  cette  force  est 


LA  RELIGION     D'APRÈS   L'eCOLE   SOCIOLOGIQUE  151 

sociale.  «  II  y  a,  écrit  Durkheim,  de  ces  circdnstances  où  cette 
action  réconfortante  et  vivifiante  de  la  société  est  particuliè- 
rement manifeste.  Au  sein  d'une  assemblée  qu'échauffe  une 
passion  commune,  nous  devenons  suscejitibles  de  sentiments 
et  d'actes  dont  nous  sommes  incapables,  quand  nous  sommes 
réduits  à  nos  seules  forces...  L'histoire  abonde  en  exemples 
de  ce  genre.  Il  suffit  de  penser  à  la  nuit  du  4  août,  où  une 
assemblée  fut  tout  à  coup  portée  à  un  acte  de  sacrifice  ei 
d'abnégation  auquel  chacun  de  ses  membres  se  refusait  la 
veille  et  dont  tous  furent  surpi'is  le  lendemain...  Voilà  ce  qui 
explique  l'attitude  si  particulière  de  l'homme  qui  parle  à  une 
toule,  si  du  moins  il  est  parvenu  à  entrer  en  communication 
avec  elle.  Son  langage  a  une  sorte  de  grandiloquence  qui  serait 
ridicule  dans  les  circonstances  ordinaires  ;  ses  gestes  ont  quel- 
que chose  de  dominateur  ;  sa  |)ensée  même  est  impatiente  de 
mesure  et  se  laisse  facilement  aller  à  toute  sorte  d'outrances. 
C'est  qu'il  sent  en  lui  une  pléthore  anormale  de  forces  qui  le 
débordent  et  qui  tendent  à  se  répandre  hors  de  lui  ;  il  a  même 
parfois  l'impression  qu'il  est  dominé  par  une  puissance  mo- 
rale qui  le  dépasse  et  dont  il  n'est  que  l'interprète...  »  (p.  301). 
Et  au  reste,  dans  la  vie  commune,  tout  afflux  d'énergie  nous 
vient  du  dehors.  L'homme  qui  fait  son  devoir  est  en  harmonie 
morale  avec  ses  contemporains  et  est  soutenu  par  la  sympathie 
qui  lui  donne  un  tonus  moral. 

iG'est  encore  la  même  confusion  entre  l'idéal  et  la  société. 
Il  n'est  pas  douteux  que  la  collectivité  exerce  une  action  pro- 
fonde sur  les  idéaux  des  hommes  :  olle  les  grandit  ;  elle  dé- 
cuple nos  émotions  ;  elle  leur  donne  une  stabilité  et  une  puis- 
sance incomparables  ;  mais  ces  idéaux  sont  d'abord  des  idées, 
des  représentations  conçues,  recherchées,  aimées.  Les  croi- 
sades ont  été  populaires,  parce  que  la  foi  et  les  idées  chré- 
tiennes émouvaient  la  foule.  La  Révolution  a  entraîné  les 
masses  à  raison  d'un  idéal  pseudo-évangélique  de  bonheur  so- 
cial et  de  vertu,  qui  sollicitait  les  esprits.  Il  ne  faut  pas  rétré- 
cir, en  en  faisant  des  liouleversements  inconscients  et  collec- 
tifs, ces  grands  mouvements  de  peuples  inspirés  par  des  idées. 
Et  qu'est-ce  que  ce  délire  en  commun  a  de  religieux  ?  N'est-il 
pas  plutôt  un  fait  pathologique  ? 

c.  Enfin  ilei'uière  preuve  de  l'origine  sociale  des  religions    : 


152  A.   BROS 

la  société  créerait  de  toutes  pièces  des  choses  sacrées,  «  Qu'elle 
vienne  à  s'éprendre  d"un  homme,  qu'elle  croie  découvrir  en  lui 
les  principales  aspirations  qui  la  travaillent,  ainsi  que  les 
moyens  d'y  donner  satisfaction  et  cet  homme  sera  mis  hors 
pair  et  comme  divinisé  ».  «  Tout  aussi  bien  que  des  hommes, 
la  société  consacre  des  choses,  notamment  des  idées.  Qu'unf 
croyance  soit  unanimement  partagée  par  un  peuple  et  pour 
des  raisons  que  nous  avons  exposées,  il  est  interdit  d'y  tou- 
cher, c'est-à-dire  de  la  nier,  de  la  contester  ».  Ici  encore  nous 
ne  nions  pas  le  rôle  de  la  société,  mais  nous  n'oublierons  pas 
de  marquer  que  cette  sorte  de  respect  dont  elle  entoure  les 
choses  et  les  homnîes  vient  avant  tout  de  l'idée  et  que  rien  ne 
le  prouve  mieux  que  les  essais  pour  fonder  la  religion  laïque 
et  la  vénération  des  fondateurs  de  République,  qui  n'aboutit  à 
aucune  révérence,  parce  que  l'idée  religieuse  n'est  pas  à  la 
base.  Le  culte  du  soldat  mort  pour  la  patrie  nous  émeut  reli- 
gieusement, parce  qu'il  participe  à  des  idées  de  Patrie,  de 
sacrifice,  qui  sont  en  effet  religieuses. 

Et  ici  je  pense,  avec  M.  Bélot,  qu'il  y  a  un  véritable  abus  de 
langage.  La  définition  de  la  religion  et  du  sacré,  si  elle  vient  à 
englober  tant  de  choses  ne  me  paraît  plus  convenir  à  la  reli- 
gion en  tant  que  telle.  La  religion  du  beau,  la  religion  socia- 
liste, la  religion  des  droits  de  l'homme,  la  religion  de  la  Révo- 
lution et  jusqu'à  la  religion  de  l'honnête  homme  qui  n'en  pro- 
fesse aucune,  n'est-ce  pas  là  pur  verbiage  et  vaine  rhétorique  ? 
Ou  bien  ne  prétend-on  pas  nous  duper  et  faire  évanouir  le 
concept  spécifique  de  la  religion  pour  le  fondre  dans  le  social, 
après  quoi  on  prouvera  facilement  qu'il  en  dérive.  Toutes  ces 
expériences  de  la  création  de  forces  religieuses  contemporaines 
ou  historiques  sont  donc  douteuses  et  arbitraires  ;  il  faut  nous 
réfugier  dans  une  autre  preuve  :  c'est  celle  de  la  religion 
élémentaire. 

3°.  L  argument  de  la  religion  élémentaire.  —  Le  vrai  argument 
en  forme  de  l'origine  sociologique  de  la  religion  est  un  argu- 
ment de  fait.  Or  les'  faits  contemporains,  nous  l'avons  prouvé, 
sont  contestables.  Durkheim  a  recours  à  un  fait  qui  lui  paraît 
probant  entre  tous.  La  religion  élémentaire  est  sociologique. 
On  sait  qu'il  entend  par  religion  élémentaire  la  forme  primitive 
de  la  religion,  celle  qui  est  la  plus  simple,  la  plus  rudimentaire 


LA  RELIGION     D'APRÈS   L'BCOLE    SOCIOLOGIQUE  l'53 

et  dont  toutes  les  autres  sont  des  amplifications.  Or  quelle  est 
cette  religion  élémentaire  ?  C'est  le  totémisme  et  Durkheim  dp 
décrire  la  religion  totémiste  telle  que  nous  l'avons  indiquée 
plus  haut,  religion  du  sacré,  mais  dans  laquelle  on  ne  trouve 
ni  idée  de  Dieu,  ni  idée  d"àme,  originairement  du  moins.  Et 
afin  de  montrer  comment  le  totem  est  créé  par  le  clan,  il  peint 
les  milieux  sociaux  efTervesçents  de  l'Australie,  tels  que  Spen- 
cer, GiLLEN,  Strehlow  les  ont  mentionnés,  à  l'époque  des  as- 
semblées. Alors  les  forces  du  clan  sont  pensées  sous  forme  de 
totem,  qui  sert  d'emblème  et  de  drapeau,  qui  est  le  corps  visible 
du  clan.  Alors  les  hommes  se  sentent  transposés  dans  un  monde 
spécial,  sacré  et  les  objets  animaux  ou  végétaux  auxquels  ils 
se  trouvent  mêlés  sont  imprégnés  du  mana  qui  les  anime. 

On  ne  saurait  dissimuler  les  nombreux  postulats  d'un  tel 
argument,  postulat  d'abord  de  l'évolutionnisme,  qui  fait  sortir 
du  rudiment,  par  seule  voie  de  différenciation,  tout  le  complexe 
des  sociétés  civilisées.  Il  n'y  a  pas  de  différence  de  nature  mais 
de  degré  entre  les  religions,  et  toutes  les  religions,  y  compris 
celle  de  Jésus-Christ,  sont  ramenées  au  mystère  des  churingas 
observés  chez  les  Aruntas  et  les  Kamilaroi  ;  le  sacrifice  et  la 
prière  —  celle  du  Pater  sans  doute  —  est  fonction  des  for- 
mules de  Vintichiuma  ;  l'obscure  conscience  morale  prélogique, 
dirait  M.  Léwy-Bruhl,  des  sauvages  totémisants  est  la  mesure 
et  l'explication  de  la  morale  et  de  la  Religion  de  Jésus-Chrisl. 

Cette  manière  de  concevoir  le  développement  religieux  sous 
forme  de  biologie  évolutionniste,  en  partant  d'une  cellule  pri- 
mitive, est  d'une  simplicité  déconcertante  ;  elle  transforme  le 
réel  observé.  De  fait,  pour  opérer  cette  réduction,  Durkheim 
nous  apporte  des  raisonnements  sur  un  petit  nombre  de  faits  ; 
ils  sont  «  un  effort  énergique  et  persévérant  pour  encadrer  les 
faits  dans  la  série  des  notions  qui  sont  tirées  du  postulat  ini- 
tial »   (LoiSY,  Rev.  cVhist.  et  de  littér.  relig..  1913,  p.  85). 

Mais  c'est  en,  vain.  D'abord  qui  pourrait  dans  la  cellule  pri- 
mitive d'un  être  vivant  percevoir  les  virtualités  qui!  contient  ? 
C'est  la  vie  seule  qui  les  révèle.  Ce  n'est  qu'a  posteriori  qu'on 
les  peut  découvrir.  Dans  les  sciences  sociales,  c'est  bien  plus 
compliqué  encore.  Un  fait  social  n'est  pas  un  organisme  sim^ 
pie,  qui  se  développe  spontanément  ;  c'est  chose  fort  complexe, 
sur  quoi  diverses  influences  s'exercent,  dont  il  est  difficile  de 


154  A.   BROS 

déterminer  l'essence  et  les  virtualités.  On  ne  peut  dire  en  pré- 
sence dune  religion  donnée  qu'elle  a  la  même  oi-igine  qu'une 
autre  et  que  dans  une  religion  élémentaire  on  voit  en  simple 
ce  qui  se  trouve  dans  toutes  les  religions  même  les  plus  éle- 
vées. Il  est  seulement  possible  de  remarquer  la  similitude  des 
divers  organes  religieux,  parce  qu'ils  satisfont  à  des  besoins 
semblables. 

Le  totémisme,  religion  élémentaire,  ne  peut  donc  nous  pa- 

-  raître   contenir  virtuellement  les   religions   actuellement   exis- 

1  tantes   qu'autant  qu'on  nous  aura  prouvé   1°)    que  historique- 

^    ment  elles  en  dérivent,  2°)   qu'aucune  influence  étrangère  n'es! 

venue  modifier  le  développement  spontané  du  germe  primitif. 

(    Or  cette  démonstration  est  une  fâche  manifestement  au-dessus 

des  forces  humaines. 

4°.  Les  arguments  ethnographiques  de  l'Ecole  sociologique.  — 
DuRKHEiM  a  pensé  étayer  son  système  sur  des  faits  observés 
en  Australie.  Mais  ici  nous  lui  ferons  bien  des  critiques,  au 
nom  de  l'ethnographie.  Tout  d'abord,  est-ce  bien  la  religion 
élémentaire,  la  première  forme  de  civilisation  que  nous  décrit 
E.  DuRKHEiM  sous  la  désignation  de  totémisme.  La  religion  des 
Australiens  lui  paraît  dépasser  en  simplicité  toutes  celles  qu'il 
connaît  et  lui  paraît  pouvoir  s'expliquer  sans  qu'il  soit  néces- 
saire de  se  référer  à  une  religion  antécédente.  La  primitivité 
ainsi  conçue  n'est-elle  pas  purement  conceptuelle  ?  Il  ne  s'agit 
pas  de  la  primitivité  positive  et  historique,  mais  de  l'élément 
logique  qui  lui  paraît  inclure  dans  sa  définition  l'essence  même 
des  institutions  'à  venir. 

Une  telle  façon  de  concevoir  le  développement  de  l'humanité 
ressemble  un  peu  è  un  système  philosophique  bien  construit  et 
groupé  sous  un  fait  ou  une  hypothèse  dont  la  vérification  n'a 
point  été  faite,  mais  est  supposée  et  admise  a  priori. 

Le  mot  élémentaire  (essentiel),  lorsqu'il  s'agit  de  religion, 
se  ramène  en  effet  pour  E.  Durkheim  à  ce  qu'il  conçoit  lui- 
même  comme  essentiel  dans  une  religion.  Or  il  en  exclut  les 
dieux,  y  intègre  la  magie,  la  conception  du  sacré  et  l'impératif 
social.  Le  totémisme,  sans  idée  d'âme  ni  de  Dieu,  lui  paraît 
ainsi  assez  bien  convenir  à  des  choses  sacrées.  «  Mais  si,  par 
exemple,  on  y  introduisait  les  dieux  —  ce  qui  paraît  essentiel 
à  tout  ethnographe  —  le  totémisme  du  même  coup  ne  serait 
plus  pour  Durkheim  la  religion  élémentaire. 


LA    RELIGION     D'APRÈS    l'ÉCOLE    SOCIOLOGIQUE  155 

Or  il  arrive  que  le  totémi^ine  étudié  par  les  divers  ethnogra-  } 
phes  n'apparaît  nullement  comme  une  des  premières  formes 
de  religion  ni  de  société.  Il  n'est  primitif  ni  logiquement,  ni 
de  fait.  Frazer,  van  Gennep  sont  d'accord  au  fond  sur  ce  point 
avec  le  P.  Schmidt.  «  Le  totémisme  n'est  pas  lié  par  ses  en- 
trailles à  la  Religion,  a  écrit  le  si  regretté  P.  Bouvier.  Il  peut 
se  passer  de  la  Religion  et  la  Religion  de  son  côté  peut  se 
passer  de  lui.  Elle  a  plutôt  à  souffrir  de  son  contact.  Le  toté- 
misme est  avant  tout  une  forme  spécifiée  d'organisation  so- 
ciale, où  la  Religion  peut  se  développer  bien  qu'avec  beaucoup 
plus  de  peine  qu'en  d'autres  types  de  société,  où  la  magie  au 
contraire  semble  beaucoup  plus  à  l'aise  »  {Semaine  d'ethnol.. 
1913).  Enfin  le  totémisme  n'est  pas  universel.  Les  investiga- 
tions ethnographiques  de  Durkheim  se  sont  bornées  à  l'Aus- 
tralie, qui  est  le  terrain  de  prédilection  de  cette  institution.  On 
a  trouvé  des  traces  de  totémisme  dans  les  deux  Amériques,  en 
Afrique,  chez  les  Fangs,  en  Polynésie.  C'est  une  forme  sociale 
répandue  ;  mais  beaucoup  de  non-civilisés  n'en  conservent  au- 
cune survivance  ;  il  est  donc  vain  de  vouloir  en  faire  dériver 
toute  forme  religieuse,  puisque  ces  formes  religieuses  exis- 
tent sans  cet  appui.  On  le  voit  :  le  fait  élémentaire  est  mal 
choisi  ou  plutôt  il  a  été  choisi  tout  exprès  pour  se  passer  des 
esprits   et  des   dieux  et   de   toute   métaphysique   religieuse. 

Nous  n'avons  pas  le  temps  de  suivre  une  à  une  les  diverses 
institutions  morales  et  religieuses  dont  l'Ecole  sociologique 
entreprend  l'explication  et  dp  montrer  par  le  détail  le  carac- 
tère artificiel  de  sa  construction.  L'âme,  ni  les  dieux,  la  mo- 
rale, ni  la  responsabilité,  le  sacrifice,  ni  la  prière,  les  saints 
enfin  ne  sont  pas  sortis  de  pied  on  cap  de  la  société  en  tant 
que  telle  ;  leur  origine  est  plus  simple  et  une  étude  objective 
la  révèle  aisément.  Sur  l'origine  de  ces  grandes  notions  reli- 
gieuses et  des  impératifs  moraux  la  solution  catholique  si 
simple,  si  conforme  aux  données  du  réel  s'impose  à  nous.  La 
raison  humaine  et  la  foi  révélée  concourent  avec  les  besoins 
de  la  nature  humaine  et  de  la  vie  sociale  à  les  établir.  L'indi- 
vidu préexiste  à  la  société  qu'il  constitue.  En  dehors  de  l'étude 
directe  des  consciences,  on  ne  peut  attendre  en  matière  sociale 
d'explication  véritable. 

Concluons.  Le  sociologisme  moral  n'a  pas  un  fondement  plus 


156  J.    M.    DE   BARANDIARAN 

solide  que  le  sociologisme  religieux.  Et  si  l'on  compte,  poui' 
donner  là  l'Etat  futur  une  autorite  morale  et  religieuse,  tout 
en  la  laïcisant,  sur  cette  sorte  d'impératifs  collectifs,  qui  ne 
voit  que,  sous  prétexte  de  nous  libérer  de  ce  qu'ils  appellent 
nos  vieux  préjugés  religieux,  les  doctrinaires  laïcs  vont  nous 
faire  les  esclaves  d'un  étatisme  non  justifié  ni  justifiable  et 
dont  les  arrêts  seront  infaillibles  a  priori  ? 

Le  croyant  accepte  dogme  et  autorité  religieuse  et  Se  soumet 
à  l'un  et  à  l'autre  par  raison  et  par  foi  religieuse  ;  l'adepte  de 
la  méthode  sociologique,  tout  en  pensant  que  les  concepts  et 
les  doctrines  qu'il  professe  sont  transitoires  et  sans  valeur 
intellectuelle,  devra  les  aimer  et  les  servir  aveuglément.  Ce  sera 
vraiment  le  credo  quia  ahsiirdum. 

BIBLi.  —  1.  —  Exyosé  du  système.  —  E.  Durkheim,  Les  règles  de  la 
méthode  sociologique,  in-18",  Paris,  Alcan,  1895  (5«  édit.  1910)  ;  Les  formes 
élémentaires  de  la  vie  religieuse,  in-S",  iMd.j  1912  —  M.  Mauss  et  P.  Fau- 
CONNET,  art.  Sociologie,  dans  la  Grande  Encyclopédie  de  Berthelot,  t.  XXX, 
p.  165-176  —  LÉvy-Bruhl,  La  morale  et  la  science  des  mœurs,  Paris,  Alcan, 
1903  ;  Les  fonctions  inentales  dans  les  sociétés  inférieures,  in-8",  ibid.,  1910  : 
La  mentalité  ijrimitive,  in-8°,  ibid.j  1922  —  P.  F'auconnet,  La  resi)misabi- 
lité,  Paris,  1920  —  M.  Mauss,  La  prière  (cours  non  publié)  —  S.  Czarnowski, 
Le  culte  des  héros  et  ses  conditions  sociales.  Saint  Patrick,   Paris,    1919. 

II.  —  Critique  du  système.  —  Mgr.  Deploige,  Les  conflits  de  la  morale  et 
de  la  sociologie i^in-S",  Paris,  Alcan,  1912  —  G.  Michelet,  Diett  et  l'agnos- 
tici-stne  contemporain,  in-8°,  Paris,  Lecoffre,  1912  —  D.  Parodi,  La  philoso- 
phie contemporaine  en  France,  Paris,  1919  —  G.  BÉlot,  La  concrption  socialr 
de  la  religion,  dans  Le  sentiment  religieux  à  l'heure  actuelle,  Paris,  1919  — 
D.  Parodi,  Le  problème  m.oral  et  la  pensée  contemporaine  —  A.  Bros,  L'ethno- 
logie   religieuse,   in-S",    Paris,    Bloud,    1923. 


[8]  La  religion  des  anciens  Basques, 

par  Don  J.  M.  de  Barandiaran 

L'origine  du  peuple  basque  est  tellement  entourée  de  brouil- 
lards et  l'obscurité,  que  nous  pouvons  assurer  qu'elle  sera  en- 
core pendant  longtemps  une  constante  torture  pour  les  anthro- 
pologues et  les  ethnologues. 

On  a  supposé  les  Basques  apparentés  avec  les  Phéniciens 
(Berthelon).  Eg^'ptiens.  Chaldéens,  les  Peaux-Rouges  (Yoot 
et  Charencey)  ,  avec  divers  éléments  asiatiques  (Prunner. 
Bey,  Retzius,  Charencey),  avec  les  anciens  Etrusques  (Retzius, 


RELIGION    DES    ANCIENS    BASQUES  157 

Willimii  Bethamj,  ou  même  avec  les  habitants  de  l'Atlantide 
(Bery  de  Saint-.Vincent)  .  Dans  les  derniers  temps  a  été  en 
vogue  l'opinion  de  ceux  qui  soutenaient  que  les  Basques  se- 
raient de  la  même  origine  que  les  Berbères.  Mais  aucune  de 
ces  théories  n'a  apporté  de  résultats  qui  puissent  dissiper  les 
obscurités  qui  entourent  ce  problème  si  important. 

La  même  divergencr  existe  entre  les  savants,  pour  déter- 
minei'  les  conditions  psychologiques  des  anciens  Basques,  leur 
organisation  sociale  etc. 

On  u"a  fait  encore  que  jjeu  de  recherches  sur  leur  religion, 
surtout  sur  celle  des  Basques  des  époques  antérieures  au 
Christianisme  ;  c'est  pour  cela  qu'on  n"a  encore  que  peu  de 
données  et  celles-ci  douteuses  et  très  restreintes. 

Pour  ces  raisons,  on  comprendra  qu'il  y  ait  eu  sur  les  an- 
ciens Basques  deux  opinions  absolument  opposées,  l'une  sou- 
tenant l'absence  de  toute  i-royance  religieuse  chez  ce  peuple, 
Tautre  défendant  l'existence  du  monothéisme  le  plus  absolu. 

Je  ne  prétends  pas  ajouter  une  nouvelle  théorie  à  celles  que 
nous  avons  déjà  mentionnées.  On  peut  cependant  recueillir  el 
noter  les  documents,  évidemment  très  peu  nombreux,  des  écri- 
vains grecs  et  romains  et  d'auteurs  plus  récents,  qui  se  sont 
occupés  des  Basques.  A  ces  documents  on  doit  ajouter  les 
monuments  et  les  inscriptions  anciennes.  Enfin  les  données 
folkloiiques,  soigneusement  recueillies  et  étudiées,  nous  met- 
tront au  courant  du  génie  des  générations  d'autrefois. 

'Tous  ces  moyens  jetteront  quelque  peu  de  lumière  sur  les 
problèmes  se  japportant  aux  anciens  Basques,  entre  autres 
sur  le  problème  religieux  lui-même. 

I. LA  PRÉHISTOIRE. 

Il  n'est  guère  besoin  d'examiner  les  matériaux  que  les  ré- 
cfmtes  recherches  préhistoriques  effectuées  dans  le  pays  bas- 
que nous  ont  révélés.  Ils  nous  disent  sur  leurs  croyances  à  peu 
près  ce  que  nous  savons  sur  les  autres  pays  à  ce  sujet. 

L'étude  de  la  préhistoire  basque  nous  révèle  un  fait  remar- 
quablp.  C'est  que  le  peuple  qui,  à  ces  âges,  habitait  le  pays 
basque,  avait  des  relations  culturelles  avec  ses  voisins,  rela- 
tions qui  ont  été  continuées  dans  les  temps  postérieurs.  La 
m^mo  technique,  la  même  école  artistique  qui  s'est  développée 


158  J.    M.    DE    BARANDIARAN 

au  sud-ouest  de  la  France  et  à  Santander  (Espagne)  taillait  les 
silex  et  sculptait  les  os  à  Landerbaso  (Guipuzcoa),  gravait  et 
peignait  les  parois  des  cavernes  de  Santimamine  (Biscaye)  et  à 
Isturiz  à  l'époque  magdalénienne.  Voilà  pour  la  période  paléo- 
lithique. 

Pendant  la  période  néolithique  et  l'âgp  du  bronze,  on  remar- 
que la  même  chose.  Les  monuments  appartenant  à  ces  périodes 
abondent  au  pays  basque.  Moi-même  j'ai  découvert,  dans  la 
région  du  versant  méridional  des  Pyrénées  occidentales,  plus 
de  quatre-vingts  dolmens  de  la  première  étape  de  l'âge  des  mé- 
taux. Dans  presque  tous  ces  monuments,  la  dalle  d'entrée  oc- 
cupe le  côté  oriental.  Cette  dalle  est,  en  général,  moins  haute 
que  celles  qui  composent  le  dolmen  ;  ce  qui  fait  qu'entre  elle 
et  la  pierre  de  couverture,  il  y  a  un  trou,  qui  peut-être  corres- 
pond aux  trous  ou  orifices  de  beaucoup  de  monuments  sem- 
blables qu'on  trouve  ailleurs. 

La  plupart  des  monuments  préhistoriques  étudiés  au  pays 
basque  sont  des  sépultures  à  inhumation  ;  mais  il  y  en  a  d'au- 
tres où  Ton  trouve  des  traces  de  crémation  complète  des  cada- 
vres (par  exemple,  la  nécropole  néolithique  de  Salbatierrabide, 
à  Vitoria)  et  de  crémation  incomplète,  comme  cela  arrive  à 
Okina  et  Aiies  (Alaba) . 

Dans  les  deux  cas,  on  déposait,  à  côté  des  restes  humains, 
des  armes  et  amulettes  ;  on  leur  offrait  des  comestibles  et  on 
allumait  du  feu  devant  les  sépultures.  Il  est  à  remarquer  que 
beaucoup  de  ces  amulettes  trouvées  dans  les  dolmens  sont  en- 
core aujourd'hui  en  usage,  tels  que  le  Zmginarri  (verre  ou 
pierre  de  forme  polyédrique),  dents  d'animaux,  jais,  aizkora 
(hache)    etc.. 

Il  semble  que  certains  ermitages  chrétiens  ont  quelques 
rapports  avec  ces  monuments.  En  effet,  très  souvent  on  les 
trouve  dans  les  environs  des  stations  préhistoriques  ;  quelque- 
lois  même,  ils  sont  construits  sur  un  dolmen  ou  tumulus  du 
premier  âge  des  métaux.  Il  est  donc  probable  que  par  ces  cons- 
tructions dans  de  tels  endroits  on  a  voulu  effacer  les  traces 
d'anciens  cultes  païens. 

Il  y  a  d'autres  vestiges  qui,  d'après  beaucoup  d'archéolo- 
gues, se  rapportent  au  culte  des  morts  et  des  fontaines  ;  ce 
sont  les  pierres  qui  portent  des  signes  hémisphériques.  On  en 


RELIGION    DES    ANCIENS    BASQUES  159 

trouve  plusieurs  dans  le  pays  basque  ;  telles  sont  celles  de 
Jentilarri,  à  Aralar,  celle  de  Terrano  (Navarre),  celle  d'Elosua, 
celle  de  la  fontaine  de  la  Vierge,  à  ^izkorri.  Ces  pierres  res- 
semblent à  d'autres  qui  cimservent  certaines  traces  faites, 
d'après  ce  qu'on  dit,  par  le  passage  des  saints  et  des  person- 
nages légendaires.  C'est  ainsi  qu'on  montre,  à  côté  du  sanc- 
tuaire de  St.  Antoine  (Ermua,  près  de  Llodio).  une  pierre  qui 
porte  une  trace  attribuée  au  pied  de  ce  saint.  Il  en  est  de  même 
du  rocher  qui  se  trouve  à  côté  de  la  chapelle  de  St.  Victor,  à 
Gauna  (Alaba),  ayant  la  marque  du  fer  du  cheval  de  ce  saint, 
et  celui  de  St.  Roman  de  Kanpezo,  où  l'on  voit  des  vestiges 
attribués  à  St.  Jacques  et  à  son  chien.  On  ajoute  que  la  pluie 
qui  tombe  sur  ces  dernières  inarques  ne  sèche  pas  pendant 
toute  l'année  suivante. 

Ces  vestiges  sont  généralement  l'objet  de  pratiques  supersti- 
tieuses. C'est  ce  qui  arrive  à  ceux  de  St.  Michel  à  Erenusarre 
(Biscaye),  de  St.  Pierre  à  Ibarrangelua,  de  la  Vierge  à  Lekei- 
tio.  à  Oyardo,  Plazentzia,  Irâtza  (Aralar),  de  St.  Jean  à  Bermeo. 
de  St.  Formerio,  près  de  Arminon  (Alaba),  de  St.  Fauste,  à 
Bujanda,  d'un  jcntil  (sorte  d'homme  légendaire)  à  Urdiain 
et  Motriko,  de  Roland,  à  Aralar  et  Leiza  etc.. 

Une  étude  même  sommaire  de  ces  légendes  et  des  monu- 
ments mentionnés  ci-dessus  nous  montrerait  ce  que  nous 
avons  déjà  noté,  c'est-à-dire  que  le  Basque  a  eu  constamment 
des  relations  culturelles  avec  les  peuples  voisins,  sans  pour 
cela  perdre  sa  personnalité.  Par  conséquent,  il  serait  vain  de 
prétendre  trouver  chez  les  anciens  Basques  une  religion  com- 
plètement différente  de  celles  des  autres  peuples.  Il  doit  y  avoir 
nécessairement  une  grande  communauté  de  croyances  avec 
celles  de  ses  voisins. 

II.    PROTOHISTOIRE. 

On  croit  que  Strabon  fait  allusion  aux  Basques,  quand  il 
écrit  :  «  Celtiberos  aiitem  et  qui  ad  Scptemtrionen  sunt  eorum 
vicinos,  innominatum  qvemdam  Deum,  noctu  i7i  plenilunio  ante 
portas  cum  totis  familiis  choreas  ducendo,  totamque  noctem  festani 
agcndo,  venerari  »  ;    (Lib.  III,  c.  IV.  26    . 

iSur  ce  texte  se  fondèrent  peut-être  les  partisans  du  mono- 
théisme des  Basques,  opinion  qu'ils  essayèrent  de  corroborer 


160  J.    M.    DE    BARANDIARAN 

par  des  divagations  linguistiques  sur  le  mot  Jaungoiko,  dont 
les  érudits  basques  (moins  souvent  le  peuple)  se  servent  pour 
nommei'  Dieu.  Comme  si  cleus  anonymus  ou  innominahis  signi- 
fiait de^is  uiiicus  ! 

Cependant,  il  me  semble  que,  dans  le  texte  de  Strabon,  on 
entrevoit  le  culte  de  la  lune  qui,  de  même  que  le  culte  du  soleil, 
dut  être  très  répandu  dans  l'antiquité. 

En  nous  restreignant  au  pays  basque  et  à  ses  voisins,  de 
nombreux  monuments  ornés  de  figures  de  la  lune  et  du  soleil 
nous  imposent  la  même  conclusion.  Ces  monuments  sont  des 
autels  et  des  plaques  lapidaires,  tels  que  ceux  de  Carcastillo, 
Vlaranon,  Pampelune  et  autres.  Ils  appartiennent  à  l'époque  de 
l'Empire  romain,  dont  la  culture  se  fit  sentir  sur  les  deux  ver- 
sants des  Pyrénées  occidentales. 

'Les  symboles  astronomiques  ont  continué,  même  à  l'époque 
chrétienne,  à  être  représentés  sur  les  monuments  les  plus  di- 
vers. C'est  ainsi  qu'en  parlant  des  vieilles  tombes  disco'idales 
basques,  M.  L.  Colas  a  dit,  dans  la  revue  Gure  Herria  (mars 
1922),  que  sur  beaucoup  d'entre  elles  se  rencontrent  des  sym- 
boles astraux  :  soleils,  lunes  entières  ou  en  quartier,  étoiles, 
planètes.  «  Je  crois  même,  ajoute-t-il,  avoir  trouvé  une  re- 
j)résentation  de  l'arc-en-ciel   ». 

D'autres  documents  mentionnent  aussi  l'ancien  polythéisme 
des  Basques. 

Le  poète  calagurritain  Prudence,  auteur  du  IV  siècle,  parle 
dans  son  hymne  des  SS.  Emeterio  et  Celedonio,  des  sacrifices 
humains  que  les  Basques  offraient  aux  fausses  divinités. 

D'après  une  lettre  de  lévêque  de  Saragosse,  Tajon,  à  celui 
de  Barcelone,  Quirice,  les  Basiques  qui  suivirent  Froya  dans 
sa  révolte  contre  Recesvinte  montrèrent  une  haine  féroce  pour 
les  chrétiens,  particulièrement  pour  les  ecclésiastiques,  les 
temples  et  les  objets  sacrés. 

Dans  la  Basconie  du  versant  septentrional  des  Pyrénées,  on 
pratiquait  la  sorcellerie  et  on  adorait  les  idoles,  au  VIP  siècle, 
d'après  ce  que  dit  Baudemunde,  biographe  de  St.  Amand  {Espana 
Sagr.,  t.  XXXIII,  p.   418  ;  La  Vascoiiia,  par  le  P.  Risco,  App.). 

Selon  HucBALDE,  presque  tous  les  compatriotes  de  la  sainte 
basque  Rictrudis  étaient  vautrés  dans  l'adoration  du  démon 
[Espana  Sagr.,   t.  XXXII,  p.   279).   Il    est    clair    qu'avant    cette 


RELIGION    1)I':S    ANCIENS    BASQUES  161 

époque  le  Christianisme  avait  été  introduit  dans  le  pays  bas- 
que, car  déjà  au  commencement  du  IV'  siècle,  à  Pampelune  et 
à  Galahorra,  villes  basques,  les  églises  étaient  constituées,  et 
déjà  vers  la  moitié  du  IIP  siècle,  l'Evangile  était  prêché  dans 
la  région  des  anciens  TarbcUi  d'Aquitaine.  Mais  la  conversion 
complète  fut  l'œuvre  des  temps  postérieurs.  C'est  pour  cela 
que  nous  voyons  les  anciens  cultes  subsister  en  quelques  en- 
droits jusque  bien  avant  dans  le  moyen  âge. 

Ces  documents  nous  apportent  peu  de  chose  sur  la  nature 
de  la  religion  des  anciens  Basques.  Il  existe  cependant  toute 
une  série  de  monuments  qui  confirment  ce  polythéisme  et 
renseignent  quelque  peu  sur  la  nature  de  ses  dieux. 

Il  y  a  beaucoup  de  plaques  et  d"autels  dédiés  à  des  divinités 
locales,  dont  les  noms  ont  une  teinte  basque  très  marquée. 
Tels  sont  :  Ai-balnr,  Ar)Xf\  Andarte,  Alardessis,  ou  Alandestus, 
Aherbelste.  Aebrlteso,  Abelioni,  Ageioii.  Asto  Iliuinu,  Arthc,  Alar, 
Baelisto,  Bassei.  Baigoriso  ou  Baicorrixo,  Baesserte.  Baioso,  Beisi- 
risse,  Daho,  Ele,  Erge,  Erditse,  Edelati,  Garri,  Ilubrrrixo,  Ilumbero. 
hcitto.  Idiatte.  Lelhunno.  Leheren.  Lahe.  Larrasoni.  Stelatese,  Ste- 
latise.  Saiulac   \'ini...mburu.  Tullonio.    Urnia,   Usei.   Uvarna  etc.. 

Nous  avons  donc  une  bonne  série  de  dieux  auxquels  les  an- 
ciens Basques  rendaient  un  culte,  dieux  indigènes,  d'après 
toutes  les  apparences.  .Mais  les  inscriptions  des  plaques  et 
même  celles  des  sculptures  qui  nous  restent  nous  cachent,  en 
général,  leurs  attributs.  Ainsi  la  statuette  de  bronze  trouvée  à 
Larumlto,  près  de  Pampelune,  quoiqu'elle  semble  représenter 
un  dieu  jiréromain,  ne  jette  presque  aucune  lumière  sur  le 
problème  (lui  nous  occupe.  Nous  voudrions  savoir  davantage  ; 
nous  voudrions  connaître  la  mentalité  du  peuple  basque  à  cet 
égard.  D'abord,  il  n'est  pas  probable  que  le  culte  de  ces  dieux 
soit-d"importation  romaine.  Au  contraire,  on  voit  que  la  culture 
romaine  prétend  s'approprier  tel  ou  tel  ;  c'est  ainsi  qu'on  assi- 
milait le  dieu  Lehrrren  au  dieu  Mars  [deo  Marti  L'^herren) ,  de 
même  que  Arixo,  Ergo  ou  Erce,  Lelhxinno  et  Daho.  A  la  ville 
d'Ausci  {civitas  Ausciorum  ,  on  adorait  Andosso.  qui  était  assi- 
milé à  Hercule   [EercuU  Tôle  Andosso  Invicto)  .■ 

La  déesse  Lahe  était  invoquée  contre  les  maladies  {Lahe  pro 
sahUc  dominorurn) . 

Dans  la   chapelle  de  Ste.   Madeleine  d'Aranhe,   située   sur   le 

II 


162  J.    M.    DE    BARANDIARAX 

somivief  dune  montagne  près  île  Tardets.  fut  trouvée  une  pla- 
que dédiée  à  loracle  {fana  Hercniscorrtselie.  Le  nom  de  la  divi- 
nité, dit  le  P.  FiTA,  fut  prohablenient  le  même  que  celui  de  la 
niontag-ne.  Le  culte  chrétien  de  la  Madeleine  a  remplacé  le  culte 
])aïen  yVHprmisrofitsehe  qui  est,  iieut-être.  une  divinité  fémi- 
nine   (1). 

En  plus  lies  dieux  anllii-opomorphiques.  les  Basques  ado- 
i-aient  aussi  les  montagnes,  les  fontaines,  les  arbres,  le  feu. 
les  pierres,  les  vents  etc. 

Une  plaque  porte  rette  insi-ription  :  «  Vi'ontibv.s  Afjirioni  ». 
Ageion  était  une  divinité  adorée  dans  plusieurs  localités  des 
Pyrénées  i-enti'ales.  Une  autre  plaque  est  dédiée  aux  Fontaines. 

Il  y  a,  à  Casteliiiague.  une  in.-cription  :  c  Se.v  Arhoribvs  »  et 
une  autre  «  Se.r  Arbori  deo  ». 

Une   femme   dédie   une   plaque   aux  vents    :    c<   Inycnua    ventis 

V.    s.    1.    III.     » 

Certains,  qui  ont  dédié  des  autels  et  des  plaques  à  ces  dieux, 
inscrivent  leur  nom  indigène  :  d'autres,  qui  portent  des  noms 
romains,  montrent  leur  caractère  d'indigènes,  quand  ils  men- 
tionnent Ipurs  parents  avec  leurs  noms  basques. 

On  adorait  i-es  dieux  à  ciel  ouvert,  peut-être  aussi  dans  les 
grottes,  dans  les  enceintes  sacrées  ou  dans  de  petites  chapelles, 
à  l'intérieur  des  maisons,  comme  il  arrive  généralement  chez 
les  peui)les  primitifs.  Xi  en  Crète,  ni  à  Mycènes.  ni  chez  les 
anciens  Romains,  on  ne  connaît  de  temples  proprement  dits. 
C'est  seulement  dans  quelques  villes  très  romanisées  qu'on  a 
trouvé  des  traces  de  temples. 

Peu  à  i)eu,  les  dieux  romains  s'introduisent  au  pays  basque. 
A  leur  Contact,  les  dieux  indigènes  se  nindifient  ;  on  prétend 
même  les  identifier  à  des  divinités  du  Panthéon  romain.  La  cvil- 
fure  latine  sillonne  l'Aquitaine  et  les  Yascones  péninsulaires. 
Nous  avons  des  preuves  de  ce  phénomène,  non  seulement  dans 
les  monuments  de  l'Aquitaine,  de  la  Navarre  et  de  l'Alaba.  ré- 
ginns  où  abondent  ces  vestiges,  mais  aussi  dans  les  plaques  de 
jiierre  et  dans  les  autels  quVm  a  trouvés  à  Morga  et  à  Forua 
(Bisi-aye)  et  à  Oyartzun  (Guipuzcoa}.  Cela  ne  veut  pas  dire  que 
les  Romains  parvinient  à  soumettre  le  peuple  basque,  mais  que 


(1)    Boletin    de    la   Real   Academia    de    la    Hi3torUi,    Madrid,    1893,    t.    XXII. 
p.    540. 


RELIGION    DKS    ANCIENS    BASQUES  163 

rinfluence  de  leur  culture  se  fit  sentir  dans  toute  l'étendue  de 
leur  pays. 

III.   FOLK-LORE. 

Divinités  et  croyances.  —  Vestiges  de  culte  naturiste.  —  Que 
les  Basques  antérieurs  au  Christianisme  aient  professé  une 
religion  et  quils  aient  eu  des  dieux  auxquels  ils  rendaient  un 
culte,  ce  sont  là  des  faits  hors  de  doute.  Il  y  a  chez  eux  des 
vestiges  de  paganisme,  comme  partout  ailleurs,  bien  que  peut- 
être  moins  aiiondants  ;  mais  ils  suffisent  pour  affirmer  que  le 
Basque  s'harmonisait"  bien  avec  la  civilisation  occidentale, 
quoiquen  imprimant  à  ses  éléments  des  traits  caractéristi- 
ques, qui  ne  sont  pas  toujours  faciles  à  découvrir  dans  les 
données  prises  séparément.  De  là  vient  que  certains  basqui- 
sants  ne  trouvent  d'original  chez  le  Basque  que  sa  langue. 

Actuellement,  le  Basque  donne  à  Dieu  le  nom  de  Jainko, 
Yinko.  qui  dans  les  documents  littéraires  apparaît,  en  général, 
sous  la  forme  de  Jaungoikoa  (Seigneur  d'en  haut  ou  Seigneur 
de  là  lune),  qui  peut-être  n'est  qu'une  interprétation  des  éru- 
dits  des  temps  relativement  modernes. 

A  cet  égard,  le  P.  Echalar  fait  dériver  le  composant  Yin  du 
mot  basque  des  indo-européens  Ze-Di-Yu-Dia-Diu,  ce  qui  peut- 
être  est  un  peu  hasardé. 

D'après  le  Codex  Compost elanus  d'Aymeric  Picaud,  le  Basque 
se  servait,  au  XIP  siècle,  du  mot  Urci  pour  nommer  Dieu.  Ce 
mot  semble  le  même  que  l'actuel  orz  (nuage  de  tempête), 
orzantz,  orzia  ou  orizia  (tonnerre.de  la  Basse  Navarre).  Il  entre 
comme  composant  dans  plusieurs  noms,  avec  la  signification 
de  firmament.  Ce  sont  :  orzadar,  ostilik,  ostarku  (arc-en-ciel). 
ostgarbi,  oskarbi  (ciel  limpide),  ostebi  (pluie  douce  et  abon- 
dante du  printemps),  oskia  (l'horizon),  orzegun,  ostegun  (jeudi, 
jour  du  ciel),  orziral,  ostiral  (vendredi',  urzintz   (éternuement) . 

Tout  cela  fait  penser  que  les  anciens  Basques  professaient 
une  religion  naturiste.  Ils  avaient  le  même  mot  pour  nommer 
Dieu  et  le  ciel,  ce  qu'on  observe  aussi  chez  beaucoup  de  peu- 
ples de  l'antiquité.  C'est  la  conception  primitive  indo-euro- 
péenne de  la  divinité,  parce  que  l'indo-européen  Dyàus-pitar 
était  le  ciel  personnifié,  conception  qui  se  rattache  aux  quali- 
ficatifs par  lesquels  les  peuples  désignent  généralement  le  dieu 


164  J.    -M.    Dl::    BAUANDIARAN 

su|U't'me,  même  les  peuples  les  nmins  rappi'ochés  de  nous   :  les 
Bantous.  par  exemple   (1). 

Culte  des  astres.  —  La  tradition  basque  conserve  quelques 
données  qui.  sans  doute,  nous  rap{)ellent  l'ancien  culte  sidéral, 
le  Soleil  et  la  Lune  étant  à  cet  égard  les  asti-es  les  plus  re- 
nommés. 

Le  Soleil.  —  Le  Soleil  reçoit  dans  les  pays  basques  les  noms 
do  Ekhi  i^en  Salazar) ,  Iguzki  (Irun;,  luzki  lOyartzun).  Egvzki 
(Tolosa.  Korfezubii.  Euzki   (Elduayeu;,  Eguski   (Llodio;   etc... 

D'après  une  croyance  de  Berastegi.  le  Soleil  est  l'œil  de  Dieu. 
A  Ataun.  on  appelle  aizki  la  lumière  du  Soleil  ou  du  jour,  et 
Eiizkibegi   (œil  de  la  lumière  du  jour)    le  Soleil  lui-même. 

On  doit  ]'emarqucr  que  cette  dernière  conception  de  l'astre 
du  Jour  est  semblable,  sinon  identique,  à  celle  des  anciens 
Egyi)tiens.  qui  ap]. étaient  le  Soleil  l'œil  du  soleil,  l'œil  de  Râ. 
l'a'il  (\'Hi>nis  (2).  Les  indigènes  des  Xou\ elles-Hébrides  l'ap- 
pellent  aussi   «  ceil  ou  source  du  jour  »    \3'j . 

Dans   quelques  villages  basques,   on  appliquait  au   Soleil   le 

surnom  d'nmandra    (grand'mère  ou   Madame   Mère).  C'est   ainsi 

(lue  les  camiiagnards  d'Elosua  et  de  Plazent/ia,  quand  le  Soleil 

va  se  coucher,  récitent,  même  de  nos  jours,  les  vers  suivants  : 

Euzki  anumclria  La    grand'mère    Soleil 

Badoya  amiiugami.  S'en   va   vers    la    mère. 

Biov  etorriko  du.  Elle   reviendra   demain, 

Denpora  ona  brûla.  S'il  fait    beau   temps. 

En  plus  de  ces  formulettes,  dont  nous  trouvons  les  échos 
dans  plusieurs  pays,  en  dehors  du  terintoire  basque,  des  lé- 
gendes solaires  y  existent,  semblables  à  celles  que  M.  Luzix 
a  recueillies  dans   la  Basse-Bretagne    (4). 

La  Lune.  —  La  Lune,  dans  le  pays  ba.sque,  est  appelée  Ilazki 
(à  Salazar),  Illargi  (à  Ataun),  Iratagi  (à  Elorrio  .  Iretagi  (à 
Llodio).  Idetargi   (à  Rigoitia),  Goiko   (à  Roncai:    etc. 

A  la  Lune,  de  même  qu'au  Soleil,  on  attribue  le  sexe  féminin, 
dans   j)lusieurs  villages   où   elle   est   appelée   nmondra    (grand- 


Ci)   A.    Carnoy.    La    religion    des    Perses,    dans    Huby,    Christus,    p.    293. 

(2)    J.    Capart,    La    niythol.    astrale    des    anciens    Egyptiens,    dans    CR8ER, 
1914,    p.    366. 

(3>   Mgr.   V.    DouCERÉ,   Notes   sur    les   populations   indigène.'^    des    Nouvelles- 
Hébrides,  dans   Revue   d'Ethnographie,   Paris.    1922,    p.    215. 
(4)     Contes    de    Basse-Bretagne,   t.    I,    p.    3. 


RhXIGIOX    DES    ANCIENS    BASQUES  165 

mère),  sauf  lo  cas  d'un  cnnte  ]iulilit'  \)ixr  .M.  Vinson  (1).  dans 
lequel  la  T.une  aiiiiuraît  du  sexe  masculin.  C"est  ce  qu"on  voit 
dans  les  fdinuiles  ([ue  les  enfants  d'Ataun  et  d'Ormaizteg'i 
adressent  à  la  Lune. 

■ —  Iflargi  (iin'indrfii.  —  Lune,   grand'mère, 

Zeruan  zc  b'-rri  V  O'i    y  a-t-il)de  nouveau  au  ciel? 

—  Zeruan  berri  mutl;  —  Au   ciel,   bonnps   nrum'llps, 

Oran  eta  bf'fi.  .Maintenant    et    toujours. 

Ces  foimules  sont  ti'ès  fépandues,  même  en  dehois  du  jiays 
basque.  Cependant  il  faut  obsei-ver  que  les  Basques  les  em- 
ploient aussi  en  s'adressant  à  la  coccinelle,  qui  dans  ce  seul 
cas  est  appelée  Iratargi  nmandre  cnia.  Lune  bonne  grand'mère. 
Nous  retrouvons  ces  mêmes  \eis  cbristianisés.  dans  une  chan- 
son d'Ondarroa  dédiée  à  Stf.  Glaire. 

La  coccinelle,  préside,  ilit-on,  ;i  la  dentition,  la  pluie  eti'... 
Cette  croyance,  répandue  partout,  fait  voii'  chez  le  peuple  bas- 
que le  sentiment  d"un  ancien  goùl  pour  l'art  d"auKurer.  L'écj-i- 
vain  roman  LAMPRmiLS  en  témoigne  aussi,  lorscpi'il  écrit,  dans 
la  vie  d'ALEXANDRE  SÉVÈRE,  que  i-et  empereui'  surpassa  les 
Basques  dans  Tart  d'augui'er  :  «  Vt  rt  \a!<ronfs  Hispaninruin  rt 
Pannonioruni  vicrrif  ». 

Mari.  —  On  ti'ouve  aussi  d'autres  vestiges  d'ancien  paga- 
nisme iux  [lays  l)asque.  Ce  sont  les  survivances  des  croyances 
et  cultes  qui  ont  subsi'i^té  ibms  les  légendes  et  divei'ses  prati- 
ques. 

C'est  ainsi  que  vit  encore  dans  la  pensée  populaire,  surtout 
liarnii  les  cami)agnards.  uu  étrange  personnage  féminin,  la 
maîtresse  de  la  Foudre,  du  tonnerre,  de  la  pluie  et  de  la  séche- 
resse, qui  est  en  même  temps  considérée  comme  un  oracle. 
comme  maîtresse  des   sorcières   etc..    (2) 

Il  semble  qu'on  reconnaisse  dans  cet  être  extraordinaire  une 
divinité'  de  l'ancienne  relif^iou  des  Basques.  Il  tant  néanmoins 
se   tenir   sur  la   l'éserve. 

Ses  noms  sont  divers,  selon  la  diversité  des  mojitagnes  où  on 
croit  qu'il  habite.  Voici  (pielques  noms  :  André  Mari  Mvnoki» 
(dame   Mari    de    Muno   .   Mdri   Mvrtikn    (Mari   de   Muru).   ytarijn 

(1)    Le    Fol'k-Lui(     du    Pays    hasquc,    Pai'is,    1883,    p.    ôô-ôG. 
Ci)    l>.MîAXDi.\RAN.  Contiibuciàn   al   estudio   de   la    ttiitoloçtia    i-ii.ira  ;   Mari   o   cl 
gviiio    (Il     las    tormenta.s    (sous    presse). 


i66  J.    M.    DE    BARANDIARAN 

Kobako  (Mari  de  la  caverne),  Puyako  Maya  (Maya  de  Puy  ou  do 
Puya),  Anbotoko  Damie  (Dame  de  Anboto),  Gaiztoa  (la  maligne), 
Sugàrra.  Yona  Gorri  etc..  Le  nom  do  Mari  paraît  jusqu'au- 
jourd'hui le  plus  répandu. 

De  nombreuses  localités  sont  signalées  comme  habitation  de 
ce  personnage.  Ce  sont  les  montagnes  d'Anboto,  Aizkorri,  Muru 
etc., 

Quand  Mari  se  transporte  d"une  montagne  à  une  autre,  elle 
emprunte  la  forme  d'une  faucille  ignée  ou  celle  d'un  globe  de 
feu,  comme  disent  d'autres.  Mais  ceux  qui,  selon  la  légende, 
ont  visité  ses  demeures,  assurent  qu'ils  ont  vu  Mari  en  costume 
de  femme  ou  même  (peu  souvent")  sous  forme  de  squelette 
humain. 

La  légende  ajoute  que  Mari  fut  la  fille  d'une  famille  de  labou- 
reurs de  Zegama.  Elle  désobéit  une  fois  h  sa  mère.  Alors  sn 
mère  la  maudit.  Aussitôt,  la  tille  fut  enlevée  par  la  foudre. 
Depuis  lors  elle  vit  dans  la  caverne  d'Aketegi,  au  sommet 
d'Aizkorri. 

Les  versions  de  cette  légende  sont  très  nombreuses. 
Dans  sa  demeure,  dit  la  légende,  la  dame  Mari  s'occupe  à 
filer  et  à  dévider  le  fil,  à  cuire  le  pain,  faire  la  lessive  etc.. 
Quand  elle  dévide  le  fil,  elle  emploie  un  dévidoir  spécial  :  un 
bélier.  Dans  ses  cornes  elle  arrange  l'écheveau.  Quelquefois, 
on  la  voit  filer  devant  la  caverne  où  elle  vit.  Son  mari  s'appelle 
Maju.  Quand  Mari  rejoint  son  époux,  une  furieuse  tempête  se 
déchaîne.  Elle  a  une  fille,  qui  ne  se  laisse  voir  que  le  matin  do 
la  St.  Jean. 

iMari  se  nourrit  de  la  négation,  du  noti.  Si  vous  avez  recueilli 
trente  fanègues  de  blé,  et  si,  conversant  avec  vos  amis,  vous 
déclarez  que  vous  n'en  avez  recueilli  que  vingt,  les  dix  autres, 
que  vous  n'avez  pas  avouées,  vous  seront  enlevées  par  Mari  ou 
par  ses  servantes. 

Mari  est,  de  plus,  ennemie  de  la  religion  chrétienne.  Une 
fois,  un  curé  d'Elosua  vit  Mari  assise  sur  une  pierre  nommée 
Trukarri,  qui  était  dans  un  endroit  d'Elosua  appelé  Iturriberri. 
Le  curé  tendit  sa  main  vers  la  Dame,  pour  qu'elle  la  baisât 
selon  l'habitude  d'alors.  Mais  la  Dame,  loin  de  la  baiser,  le 
menaça  d'une  terrible  tempête.  Aussitôt  dit,  aussitôt  fait  ;  elle 
déchaîna  un  horrible  orage. 


RKLIGIOX    DES    ANCIENS    BASQUES  167 

Pendant  Ifvs  leniixHes  on  la  \oit,  d"aprè.s  une  (îroyance  très 
]'épandue.  remonter  sur  les  nuages  et  diriger  les  vents.  Quel- 
quefois, elle  vole  sur  un  char  tiré  par  quatre  chevaux  ;  d'autres 
fois,  elle  traverse  i"air  sous  la  figure  liune  femme  qui  jette  le 
feu  de  toul  son  corps.  La  légende  ajoute  que  le  curé  d'isasondo 
et  les  religieux  dArantzazu  montaient  autrefois  aux  montagnes 
de  Muru  et  Alona  lespectivement,  pour  conjurei-  Mari  :  si  la 
conjuration  la  surprenait  dans  sa  caverne,  la  région  était  déli- 
vrée de  la  gj'èle  pour  sept  ans  consécutifs  ;  vents  et  nuages  de 
tempête  étaient  retenus  au  dedans.  Pour  ce  motif,  les  bergers 
et  les  laboureurs  avaient  coutume  de  faire  une  procession  à  la 
caverne  dAnboto. 

Quand  Mari,  irritée  contre  les  villages,  déchaîne  les  orages 
et  s'etforce  de  r'avager  les  champs  et  les  moissons,  reste  le 
recours  à  de  nouvelles  conjurations  nuigiques.  Ce  n'est  pas 
suffisant  dans  tous  les  cas.  Mai'i  exige  parfois,  avant  de  se  re- 
tirei'.  qu'on  lui  donne  un  hijou  en  gage,  le  soulier  du  magicien, 
par  exemple. 

Mai'i  cofinaît  l'axenir  et   le  manifeste  j)ar  ses  oi'acles. 

Le  peuple  rappelle,  de  nos  jours  encore,  certaines  légendes 
sur  les  anciens  campagnards  qui  gravissaient  autrefois  les 
montagnes  de  Mari,  pour  la  consulter  sur  divers  points  et  dif- 
ticultés  ;  on  ajoute  que  la  Dame  a  prononcé  toujoui-s  des  oracles 
infaillibles. 

11  faut  entrer  dans  le  séjour  de  Mari  avec  certaines  pré- 
i-auiions.  La  Dame  ne  permettrait  januiis  l'omission  de  for- 
n)ules  et  rites  ad  hoc,  cjue  doivent  savoir  pratiquer  tous  ceux 
qui  la  visitent.  Rap])elons  seulement  les  plus  curieux  de  ces 
rites.  Ceux  qui  veulent  la  consulter  doivent  entrer  et  sortir  de 
son  séjour  de  la  même  façon  :  celui  qui  entre  de  front,  doit 
sortir  à  reculons.  Qui  aurait  manqué  à  cette  règle  serait  retenu 
en  ca[)tivité. 

Ceux  qui  osent  voler  quelque  chose  à  Mari  reçoivent  aussitôt 
leur  châtiment    :  la  Dame  les  emporte  à  sa  demeure. 

Une  fois  Mari  s'empara  d'une  fillette  sur  la  montagne  d'Igoz- 
mendi  (Biscaye  .  Quand  elle  eut  grandi.  .Mari  lui  donna,  en 
récompense  de  ses  services,  une  poignée  de  charbon,  et  la  mil 
en  liberté.  Quand  la  jeune  tille  sortit  de  la  caverne  de  Maii.  elle 
observa  que  le  cliai'lion  s'était  converti  en  or. 


168  J-    M.    DE   BARANDIARAN 

Il  serait  trop  long  d'exposer  toutes  les  légendes  qui  ont  ti-ait 
à  Mari.  Ce  que  nous  avons  déjà  dit  sera  sufllsant  pour  se  former 
une  idée  de  ce  personnage,  vestige  peut-être  de  quelque  divi- 
nité païenne.  Qui  sait  si  elle  ne  fut  pas  autrefois  la  déesse  des 
montagnes  douée  des  caractères  ou  projjriétés  d'une  ilivinité 
atmosphérique  ou  astrale  ? 

Autres  vestiges.  —  D'autres  personnages  mythologiques  ont 
aussi  une  grande  renommée,  tels  que  Erensuge  ou  le  serpent  à 
sept  tètes,  dont  les  souvenirs  sont  encore  assez  vivants  dans 
l'imagination  des  campagnards  ;  Olentzero.  un  être  étrange, 
dont  l'image  est  portée  sur  des  brancards,  la  nuit  de  Noël  ; 
Ireltxo,  génie  railleur,  qui  apparaît  souvent  aux  voyageurs  : 
Prakagori'i,  on  génie  des  sorciers  ;  Gaucko,  un  être  nocturne, 
peut-être  un  démon,  qui  jaunit  ceux  qui  travaillent  au  clair  de 
lune. 

Il  faut  encore  rappeler  les  démons  di's  maladies  >  Gaizkinak) 
et  tous  ces  esprits  étranges  et  terribles,  rangés  autour  de 
Gaueko.  Ce  sont  Basajaun.  Basoko  Mari,  Tartalo,  Lamifiak  et  les 
fantômes   tels   que  Ipi.vtiku.   Amalauzanko,  Ebro  etc.. 

Nous  avons  vu,  à  grands  traits,  ce  que  nous  disent  l'histoire, 
l'archéologie  et  le  folk-Iore  basque  sur  notre  sujet.  J'aurais 
voulu  exposer  lirièvement  l'état  actuel  du  problème  qui  con- 
cerne la  religion  des  Basques  avant  le  Christianisme  :  je  ne 
sais  si  j'ai  réussi. 

Il  faut  avouer  que  d'épais  brouillards  couvrent  encore  la 
civilisation  primitive  des  Basques  ;  mais  il  faut  espérer  que 
les  méthodes  modernes  et  surtout  l'esprit  de  recherche,  qui  se 
développe  de  façon  surprenante  parmi  les  fils  de  ca  peuple  si 
ancien,  découvriront  de  nouveaux  horizons  et  arriveront  h 
dissiper  les  obscurités  qui  s'étendent  encore  sur  son  passé. 

BIBL.  —  Barandiaran,  Discurso  de  prehistoria  vasca,  Vitoria,  1917  ;  du 
même,  Eusko-Mitologia,  Bilbao,  1922  —  HttebneRj  Monumciita  linguae  Ihericae. 
Berlin,  1893  —  J.  Sacaze^  Inscriptions  antiques  des  Pyrénées,  Toulouse,  1892 
—  E.  UrroZj  La  religion  de  los  nascos  antes  de  la  introdn<;ciôn  del  Criatia- 
nismoj  Bilbao,    1918. 


A.   DRBXEL  169 

[9]  Afrika,  Vorderasien  und  die  friiheste  Vorgeschichie, 

von  Dr.   Albert  Drexel,    Innsbruck  (1). 

Reimsch.  dor  bedeutsanip  Hamitojoge.  hattH'  in  iler  Blûtezeil 
seiner  Forscherarbeit  den  Versuch  geinacht,  den  «  einheitlichen 
Ursprung  der  Spracben  der  alten  Welt  »  nachzuweisen.  Dièse 
Arheit  ist  ein  Versuch  geblieben.  oder  nidit  einmal  als  Versuch 
zu  einem  fca-mellen  Abschlusse  gebi-acht  worden.  Eiiic  Aeusse- 
rung  des  verdienstvollen  Forsehers,  die  er  in  dem  gemeinten 
fragmentarischen  Werke  getan  hat.  nmss  uns  aber  interessic- 
ren  :  «  Die  Menschenrassen  der  alten  Welt  (von  Europa.  Asien 
und  Afrika)  sind  Spezies  einer  einzigen  Arl,  sind  Abkômmlinge 
einer  einzigen  Famille,  welehe  ihre  ursprûngliehen  Stamnisitze 
an  den  àquatorialen  Seen  von  Afrika  inné  hatte,  von  wo  aus  die 
Nachkeimnien  dieser.  anfànglich  dem  Laufe  der  Flùsse  folgend. 
sich  nach  den  verschiedenen  Richtimgen  des  afrikanischen  Fest- 
landes  und  zuletzt  nach  Europa  und  Asien  verbreitet  hahen»  (2   . 

Worauf  es  hier  ankommt  und  was  sich  durch  die  fortschrei- 
tende  Forschung  naiiientlich  die  linguistische)  mehr  und 
mehr  als  wabr  heraustellen  wird,  ist  der  von  Reinisch  ange- 
nomniene  und  behauptete  Zusammenhang  eigentlich  afrikani- 
scher  und  vorderasiatischer  Vôlker  und  Menschen.  Was  hei 
Reinisch  irrtûmlich  gewesen  sein  mag,  ist  sein  Ausgehen  von 
Afrika.  Wenigstens  gibt  es  mehrere  starke  Indizien,  die  wir  in 
den  folgenden  Ausfûhrungen  noch  einzeln,  und  z.  T.  ausfûhr- 
lich,  berûhren  werden  und  die  dartun  kônnen,  dass  fur  grosse 
afrikanische  Vôlkerkomplexe  Asien.  und  zwar  nàherhin  Vorder- 
asien, als  unmittelhares  und  relatives  Quellgebiet  in  Betrachl 
komnit.  Geographisch  kann  dem  in  Ergànzung  beigefiigt  wer- 
den, dass  Vorderasien  den  Treffpunkt  der  Telle  der  sogenannten 
alten  Welt  bildet.  Gesehichtlieh  muss  zugesfanden  werden. 
dass  in  Vorderasien  âlteste  Kulturvolker  gesessen  haben,  ■ — 
wir  erinnern  an  Elam  und  Sumer  —  die  nicht  etwa  prst  aus 
den  Aegyptern  zu  verstàndigen  sind. 


(1)  Wegen  nicht  zeitigen  Eintreffens  der  benôtigten  Drucktypen,  war  es 
nicht  môglich  in  den  Wortbeispielen  uberall  die  phonetisohe  Schreibweise 
durchzufUhren.   —  So   bedeutet  ng  den   grutturalen,   /7   den   palatalen   Nasal. 

(2)  Der  einheitliche  Ursprung  der  Sprachen  der  alten   Welt,  Bd.  I,  s.  x. 


170  A.    DREXEL 

Nicht  aile  (iehiete  unserer  bewuhnten  Erde  sind  von  der 
nànilichen  Einfaehheit  oder  Kompliziertheit.  Yorderasien  bietet 
hinsichtiich  seiner  Vôlker  ein  unverhâltnismàssig  verworrenes 
Bild  :  nicht  bloss  die  Sprachen  zeigen  das.  sondern  ebensosehi- 
die  unkiare,  vielleicht  mehr  vprsi-hlungene  kulturgoschichtlichf 
Konstitution  der  vorderasiatischen  Vôlker.  Die  Struktur  der 
geschichtlichen  Vôlker  (im  traditionellen  Sinn  des  Wortes) 
und  ihrer  Beriihrungen  moc-hte  eine  gewisse  Bestâtigung  hie- 
liir  abgeben.  Lediglich  in  sprachlicher  Rûcksicht  darf  erwâhnt 
werden,  dass  Sumerer  und  Semiten,  Kaukasier  iind  Hottiter. 
Indogermanen  und  Elamiten  in  strenger  Scheidung  und  wieder 
m  unklarer  Wûrfelung  nebeneinander  angetroffen  werden. 
Dabei  muss  beachtet  werden,  dass  Semitisch.  Sumerisch, 
Hettitisch  Termini  sind,  die  nocb  in  neuester  Zeit  durch  ihreii 
slark  isolierenden  Charakter  der  Sprachvergleichung  bedenk- 
liche   Hindernisse   entgegenstellten. 

Man  war  bislang  gewohnt,  die  vorderasiatischen  Spi-achen 
und  vrdker  mehr  aus  sicli  selber  zu  verstàndigen  ;  oder  we- 
nigstens  griflf  man  doch  nur  auf  geographiscli  nàher  gelegene 
Vôlkei'bestânde  und  Spracherscheinungen  zur  vergleichenden 
Feslstellung  von  Beziehungen  und  Verwandtschaften.  So  aller- 
dings  vermochte  man  nicht  zu  einem  befriedigenden  Ergebnisse 
zu  gelangen.  Erst  die  Erkenntnis  von  der  Herkunft  und  der 
Anwanderung  der  mit  den  vorderasiatischen  Sprachvôlkern 
zusammenhàngenden  Sprachen  und  Vôlker  kann  ûber  die  frû- 
heste  Vorgesi-hichte  Vorderasiens  helleres  Licht  bringen.  Dièse 
Einsicht  hat  uns  selber  bewogen.  den  vorderasiatischen  Bezie- 
hungen  afrikanischer  Sprachmenschen  nachzugehen.  Einige 
wichtigste  Ergebnisse  dieser  Untersuchungen  anzugeben.  ist 
Zweck  unserer  folgenden  Darlegungen.  Wenn  wir  dabei  das 
eine  oder  andere  Mal  weiter  nach  Asien  hinûbergreifen.  dann 
geschieht  das  auch  nur,  weil  in  Afrika  selber  Spuren  zu  jpnon 
weiten  Gebieten  des  Ostens  sichtbar  geblieben  sind. 

Zur  Erledigung  unseres  Themas  werden  wir  nun  gerade  liie 
Problème  angreifen  und  herausheben.  die  bislang  noch  unge- 
lost  sind  und  ûbrigens  mit  zu  den  schwierigsten  allei-  verglei- 
chenden Sprachforschung  gerechnet  werden  miissen  :  wir  inei- 
nen  das  sunierische,  das  hettitisclie  und  das  semitische 
Problem. 


AFRIKA,    VORDERASIEN    UND    VORGESCHIOHTE  171 

I.  DAS  SUMERISCHE   PROBLEM 

Wohl  kaum  eine  Fiage  in  der  Linguistik  hat  in  den  letztpn 
Jahrzehnten  sovipI  Aufselien  erregt  imd  soviel  Voimutungen 
wachgeriifen  wie  die  sumerischc.  Dip  absolutp  Gegensàtzlich- 
keit  des  Sunierisc"hen  ziim  Semitfschpn.  im  engeren  Sinno  na- 
nientlicli  zum  Assyro-Babylonischen.  mit  deni  ps  durch  das 
aussere  Zeichen  des  gleichen  Schriftgebrauches  verbimden 
war,  ergab  sich  als  die  einzige  Erkenntnis,  die  man  nach  ail 
den  Studien  und  Meinungen  gpwonnen  zu  liaben  und  behalten 
zu  kônnen  glaubte. 

Unsere  Erforschung  des  bantuisehen  Sprachmaterials  batte 
auf  aufîallende  Aehnliohkeiten  mit  der  uns  damais  st-lion  nàher 
vertraut  gewordenen  suniprischen  Spracherscheinung  auf- 
merksam  gemacht.  Indpss  hatten  wir  immpr  der  Ueberzeugung 
nachgehangen,  es  mocbten  sich  innerhalb  des  afrikasprachli- 
chen  Gebietes  etwa  doch  nocb  engere  Parallelen  mit  dem  Su- 
merisehpn  aufflnden  lassen.  Unsere  hierauf  basierenden  Unter- 
suchungen  endigten  zunàchst  mit  der  Thèse  vom  bornu-siime- 
rischen  Zusammenhange,  wie  er  în  der  im  vorigen  Jahre 
erschienenen  Arbeit  Bomii  und  Sunier  klargelegt  werden  konnte. 
Wir  haben  an  dieser  Stalle  jener  Thèse  nichts  beizusetzen  ; 
wohl  aber  miissen  wir  auf  die  in  dem  Zusammenhange  weiter 
errungenen  Einsichten  umsomphi'  hinweisen.  als  so  das  sume- 
rische  Problem  allein  .sehon.  aueh  fur  das  Gesamtthema  der 
kultur-historischen  Sehule.  zu  einp.m  pinschneidendsten  der 
umfassendsten  Yolkerkunde  wird. 

Dièse  Einsichten  sind  vornehmlich  drei  :  1.  die  Verwandt- 
schaft  des  Rong  (Leptcha)  im  Gebiete  des  mittleren  Subhima- 
laya  ;  2.  die  engere  Verwandtheit  des  Rong  mit  dem  Sume- 
rischen  ;  3.  endlich  die  sumerische  Verwandtschaftsrichtung 
des  Baskischen.  Wir  werden  dièse  drei  Hypothesen  durch  je 
ein  Beweismoment  zu  verdeutlichen  suchen. 

1.  Was  das  Rong  vor  allem  kennzeichnet.  ist  sein  Wortbau  : 
Konsohant  +  Vokal,  —  der  aus  dem  Sumer  und  Bantu  gelàu- 
flgen  Silbenformpl  entsprpchend.  Eine  andere  lautliche  Eigen- 
tûmlichkeit  des  Rong  ist  der  konsonantische  Wortschluss 
l'zumal  durch  Li(iuida  und  Nasale).  Das  Sumerische  kennt  die 
nâmlichen  Finalen.  wàlirend  die  Bantu-iSprachen  unter  dem 
Einflusse  ganz  anders  gearteter  Sprachen,  teils  aueh  aus  gram- 


172  A.    DREXEL 

matiscli-funktionalen  Grunden.  rpgelmâssig  einen  Vf)kal  angp- 
nonimen.  bzw.  —  bei  einer  unigpkehrten  Auffa>-sung  ries  Ver- 
hâltnisses  —  die  ursprûnglichen  Vukale  nicht  vtMioi'on  haben. 
Eirif  di-itte  und  sehr  markante  Eigentùmlichkeit  des  Rong  be- 
steht  in  déni  snbstantivierenden  Yortsat/.-Vokal.  dci-  ^Irh,  in 
genauer  plionetischer  und  logisoher  Entsprechung,  im  Sume- 
rischen  wiederflndet.  Das  Bantu  hat  hier  allerdings.  liei  seiner 
systematisc-lien  und  syntakfisch-konkordalen  Anshiidung  der 
nominalen  Klassenprafixe.  die  ursprûngiich  jeilfMifalls  wirksam 
gewesene  Vorsatz-Ynkale  —  nian  denki'  an  die  bezuglichen  Bil- 
dungen  der  Bantoiden  und  der  e^vhe-v(M•^^  andten  Manfu-) 
Spraclien  —  eingebûssf  bzw.  dai'angegeben. 

Wichtiger  als  dièse  phonetischen  Monienle  sind  fiii'  uns  al)er 
die   (nominalen)  Pràfixe.  Hiei-  stellen  wir  gegeneinander  : 
banl.  mu    (-//-:      Person  rong.   mv   nq^ 

uni  Pflan/e  inn 

li  ^  Konkreta  là 

ru  Flûsse  (rd) ,  ru  jig] 

bu  Absirakta  buing) 

hv  Konkreta  :    Absirakia  ku 'ng) 

lu.    a  (Kollekliv)  ta 

Eine  ahnlich  wertvolle  Parallèle  wird  vermutlicli  nirgend- 
woher  zum  Bantu  kon.>?truier{  bzw.  aulgelumlen  wcrden  kon- 
nen.  Der  haupt^àchliche  Unter.scliied  fiingt  erst  bei  der  Plural- 
bildung  an,  indeni  das  Rong  eben  fur  den  Plural  niclit  bei  m 
System  der  Klassenprafixe  steiien  geblieben  ist.  somlern.  ilurrli 
keine  Konkordanz  nocb  dazu  gezwungen,  die  gewrthniiclie  Sufti- 
gierung  seiner  Pluralzeichen  wablte.  Dièse  Pluralzeichcn  sind 
pa{ng)  fur  Saclien  und  sa[ng)  fui-  Personen,  wobei  zu  bearhten 
kommt,  das  pa{ng    auch  als  3a  ])l.i)ron.  pers.  fungiert. 

2.  An  grammatisehpn  Parallelen  des  Rong  und  Sumer  setzpn 
wir  her    : 
gen.  rong.      -ha  suni. 


dat. 

loc. 
plur. 


rong. 

-Im 

-nuing) 

-la.    [-ra) 

-sa 

-ka 

-poing) 

-sa'jig) 

-kn. 

-w 

ni 

bant. 

ra 

bant.    ,6; 

-la 

Su, 

-es 

-ka 

-bi. 

i-ba) 

es 

AFRIKA,    VORDKP.ASIEN    UND    VORrilTSCHICHTE  173 


nuin.  ord. 

-ka 

Art    {m/n) 

adverb. 

-ra    ( 

-la) 

-va 

lidhort. 

-hu 

-go.    -{ngn 

neg. 

11(1.    III 

•  :    /(^7/// 

na.    nu  ;    nmn 

nu  m.   card. 

1    ///. 

a  Hein, 

mu- 

tu,  eins,  einzi 

.'/"' 

-c  ftrsth, 

gë 

beginning-  » 

2  m  ni-in 

3  sa -m  eà 

4  H  lim-nia/v    (  1  ) 

5  Hi/o  H  in  u-min,    (5  +  2=)  7. 
Dièse   Andeutungen   mOgen   genûgen,   uni   einen   ursprùngli- 

chen  Zusammenhang  des  Rong  mit  dem-  Sumer  b/w.  mit  dem 
Bantu  zu  erweisen.  Der  Beweis  ans  dem  Pronomen.  zumal  aus 
dem  Personalpronomen.  wûrdo  uns  zii  weit  fûhren.  so  instruk- 
tiv  er  ja  sonst  aneh  wàre.  Es  ist  nàmlich  durcbaus  moglieli. 
dass  jene  &praebvolker,  die  mit  dem  Rong  zusammenzustellen 
sind,  nicht  ganz  iind  nicht  aile  den  Weg  nach  Afiika  ûber  das 
heutige  bzw.  fiir  uns  historische  Sumergebiet  genommen  haben. 
Die  Vergleichung  der  personalpronominalen  Formen  des  Rong, 
des  Sumer  und  des  Bantu  scheinen  sogar  fiir  dièse  Annahme 
einigp  Mehrwahrscheinlichkeit  zu  ergeben.  Die  lexikogra- 
phische  Zusammengehorigkeit  des  Rong  mit  dem  Sumer  ist 
allerdings  ûber  allen  Zweifel  erhaben  und  sogar  relativ  nabe. 
wobei  noch  ins  Gewiebt  fâllt,  dass  die  Parallelen  ofters  und 
nanientlich  bei  wichtigsten  Verglpichungswortprn  im  Bornvi 
ihre  Engànzung   und  Bestàtigung  haben. 

3.  Zur  Erweisung   einer   basko-sumeriscben   Vi'rwandlschall 
nennen  wir  an  der  Stelle  lediglich  ein  paar  Wortpinallelen   : 
sum.  ad,  Vatei'  bask.  oila,  Vatei' 

es.  Haus  cce,  Haus 

or    [ur) ,   Hund  ur  {or),  Hund 

ama.    Mutter  ama,   Mutter 

gis-{om),  Mann  giz-on.  Mann 

kar.   we-gtragen  e-kar-ri.  holen,  tragcn 

vr.  vorne  :  Anfang  huru.  Kopf 

(iga.   aha.   Rùokseite  bnge.  gabr.  Hûekseitt' 

(1)    Zu  bemerken  ist,  dass  aueh   in  tib.   binn.   Idiomen  der  ZutsaUs  mu   (ma) 
belegt  iat. 


174  A.   DREXBL 

kes,  Stirne  i-kus-i,  sehen 

dini,   machen  c-din,  konnen 

gim,    tun  «  -gin,  tun 

fur.  kommen.  eintreten  c-tor.  kommen 

(ig,    tun  >'qik,   tun 
mer,   GurteT 

bai\  Umschliessung  marra,  parm,  Umgrenzung 

pI.  hell.  rein,  weiss  rlur.  Schnee 

aib,!.  Wasser  ;    (Fluss)  i-ba-i,  Wasser 

a-ri,   Samentropfen  ri.  zeugen  ;  ari,  Kind,  Junges 

bar.   ofïnen  i-bar,  Tal 

yil.  vernichten  Iiil,  verderben 

sar.    auftreten,    in    die  sar,   eintreten, 
Erscheinung  treten  geschehen 

igi,  Auge  begi.  Auge 
geirif.  Weib,   Magd 

enie.   Mutterleib  {ema-)   kxmw-a,  Weib 

dû.    idug),  halten  e-duk-i.  »  to  hold  » 

nir.  Mann.  Herr  ner-{h)abe.  Bursche 

gid.  Scham  des  Weibes  ncs-kato,  Màd'Chen 

i-d.  gehen.  kommen  bide.  Weg 

uru.  Stadt  uri.  Stadt 
.sal,  Scham.  Blôsse  d.  Weib    e-zal,  Haut,  (Nacktes) 

gir.  laufen  e-gar-o,  to  ascend,  to  pass 
gar,  yar,  einfassen:  Ort(l  >     radix  gar.  einfassen,  Ort 

yar.  Ort.  Vergl.  noch  kfiiri.  Ort. 

II.   DAS  HETTITISCHE   PROBLEM 

Robert  Bleichsteinbr.  ein  neuerer  Erforscher  der  nach  ihrer 
Entwieklung  und  Zusammengehririgkeit  noch  dunklen  kauka- 
sischen  Sprachen.  àussert  sich  zum  hettitischen  Problème  fol- 
gendermassen  :  »  Ein  weiteres  dei'  grossen  Staaten  bildenden 
kaukasischen  V(")lker  des  Altertums  sind  die  Hettiter.  die  Hatti 
der  Assurer  und  Aegypter.  die  Hittitim  der  Bibel.  Der  Kern 
ihrer  Macht  liegt  im  ("tstlichen  Kleinasien.  wo  Hugo  Winckler 
bei  dem  Dorfe  Boghaz-Koj  seit  dem  Jahre  1906  die  Trûmmei' 
der  alten  Hauptstadt  Hattu  aiifdeekte  und  unter  anderen  wirti- 

(1)  Ob  i/aran.  Strasse,  hiehor  zu  beziehen  ist,  oder  (wohl  eher)  zu  gir, 
laufen  ? 


AFRIKA,    VORDERASIEN    UND   VORGBSGHICHTE  175 

tigen  Funden  aueh  eine  grosse  Zahl  von  Schriftdenkmâlern  in 
assyrisoher  Keilsohrift  und  hettitisoher  Sprache  ausgrub.  Ueber 
die  Zugehorigkeit  der  hettitischen  Sprache  wird  noch  gestrit- 
ten  ;  in  der  letzten  Zeit  wurde  sie  fur  arisch  erklart  (Hrozny)- 
eine  Behauptung.  die  sowohl  von  indogermanistischer (Bartho- 
LOMÀ) ,  als  aueh  von  kaukasistischer  Seite  (Bork  in  der 
Orientalist.  Lif<'miurzeit.ung.  1916:  mit  Recht  auf  das  Entschie- 
denste  zurùekgewiesen  wurde.  Es  ist  liber  allen  Zwcifel  erha- 
ben,  dass  das  Volk,  dessen  Typus  uns  auf  den  Bildwerken  der 
Hettiter  entgegentritf.  ein  kaukasisches  war  B>nchte  des 
Forsch-Inst.  f.  Ost.  u.  Or..  ;i918],  Bd.  II,  S.  69).  Derselben 
Ansicht  ist  G.  Hi'esing,  der  im  Zusammenbange  mit  der  Er- 
forschung  des  Elamitischen  avith  an  das  kaukasisohe  Sprachen- 
problem  gerûhrt  bat. 

Wir  sind  durrb  die  eigene  Duicbarbeitung  der  liislang  ge- 
sicherten  Hef titer-Texte  zu  einer  Losung  aueh  dièses  Problè- 
mes gelangt,  abermals  von  Afrika  aus.  Wir  nennen  zuerst  die 
Tatsachen,  um  dann  in  einem  Schluss-Urteile  die  Bedeutung 
unserer  neuen  hierbezûglichen  Gesamterkenntnisse  zusammen- 
zufassen.  Dièse  Tatsacben  sind  :  1.  die  Nâchstverwandtbeit  des 
Hettitischen  mit  dem  Nubischen  :  2.  die  Verwandtbeit  des 
Hettito-Nubischen  mit  dem  Indogermanischen  ;  3.  die  nord- 
westafrikanischen  Auslàufer  der  bel tito-spracblichen  Bezie- 
bungen. 

1.  Lautlich  hestebt  zwiscben  dem  Hettitischen  und  Nubischen 
durchaus  Uebereinstimmung.  Der  im  Hettitischen  nicht  belegte 
Laut  /  ist  aucb  im  Sumerischen  bislang  nicht  angenommen. 
Vgl.  iibrigens  biezu  dennoch  unsere  bezûglichen  Ausfiihi'ungen 
in  Bornu  und  Suiinrr.  Im  Nubischen  selher  is(  das  /  dialektisch 
und  partial.  Rehiliv  arm  ist  das  f  aueh  in  den  mit  der  Bornu- 
Nuba-Linie  genetiscb  zusammenweisenden  Bantu-^^prachen. 
Der  dem  Heftilisclien  stark  eigenfiimlicbe  /(-Laut  isl  in  seiner 
feineren  Nuance  liberhaupt  nicht  fest/ustellen,  weil  wir  fiii- 
das  Hettitisciie  auf  die  phonetisch  immer  ungenauen  Keil- 
schrifttexte  angewiesen  sind.  Doch  sclieint  es  wohi  kaum  zwei- 
felbaft  zu  sein. dass  es  sich  um  den  sumerisclien  y-Laut  handelt. 
den  man  im  Sumerischen  bisweilen  mit  g  bezeichnet  hat.  Der 
autïallende  Ynkalwechsel  in  nàmlichen  Wortern  ist  im  Nuba 
ebenso  wie  im  Hettitischen,  oder  noch  mehr  in  Anwendung. 


176  A.   DHEXEL 

Grammatisch  verweisen  wir  vor  allem  auf  die  suhstanti- 
vischen  Woribildnei'  ;  wir  gCNvinnen  da  an  Paiallolpn   : 

hett.   -  //  nuli.   -  il 

-  iiuw  -  ar 

-  an  (na)  -  an 

-  ta,   ti  -  atfi,    itti  :    ti,    (ta) 

-  ki  -  ki.    {qi) ,   k  - 

-  in  -  i)i.      i;  . 

Aus  der  Kasuslehre  erwàlmen  wir  li.  n.  ace.  y\aj.  h.  n.  dat. 
y-,  (r)  und  loc.  h.  n.  n-,  -n,  -n-) .  Ein  genetivisches  mi  des 
Hettitisehen  vermiiten  wii  diirrhaus  :  ein  hett.  nu-.  «  von  »  ist 
belegt.  Das  Yerbum  /.eigt  wolil  die  meisten  Parallelen.  Wir 
nennen  :  1)  prâs.  /•,  2)  aor.  s,  3)  pass.  ta,  4)  hilfsverb.  ke[n). 
5}  plur.  (in,  6)  Stammerweiterung  j/v./  .  7  die  dem  Hetti- 
tisehen wie  dem  Nubischen  gleich  eigentûmlichen  nd-Fovmen. 
Das  Prononien  kennt  im  Hett.  wie  iiii  Nvib.  ein  7-  des  Personal- 
prononiens,  ebenso  einen  /-Stanini  der  3a  sing.  und  plur.  Tm 
Demonstrativ  finden  wir    : 

hett.   rad.  gr/i         dies-  nub.  rad.   kr/i 

ani,n         .jen-  nni.i). 

Dem  nuli.  Relalivpronomen  la  entspiielit  die  .  relativisclie 
Ergànzungspartikel  d<'  des   Hettitisehen. 

Von  hett.  Zahlwort  ist  sehr  wenig  bekannt.  In  hrri-ira-as 
(«  erster  »)  erkennen  wir  sofort  den  nub.  Stamm  fiir  «  eins  » 
=  ber,  {wrr) .  In  hett.  tapai  [tabali  liegt  ein  Stamm  fur  <>  zwei  » 
—  vgl.  indog.  rad.  dpi  —  und  wohl  pal  {bal)  =  sum.  pal,  born. 
fal  vor. 

Der  hett.  Advei'bialbildung  auf  Au  entspricht  die  bergnul». 
auf   ko. 

2.  Die  nubo-hettitisehen  Verwandiheilen  bzw.  Beziehungen 
des  Indo-germanischen  darzulegen,  ûbergehen  wir  deshalb. 
weil  wir  sie  an  anderer  Stelle  ausfiihrlicher  und  in  Bâlde  wer- 
den  behandeln  konnen. 

3.  AUe  unter  i  gebracliten  Vergleichungen  •  las^en  keinen 
Zweifel  darûber  bestehen,  dass  Hettiter-Verwandte  nach  Afrika 
abgezweigt  sind.  Dièse  Abzweigung  muss  vor  der  voHen  Aus- 
bildung  der  liettitischen  Sprache,  wie  sie  historisch  vor  uns 
liegt,  stattgehabt  haben.  Es  kann  sich  also  keinesfaHs  etwa 
um  eine  dureh  die  Aegypter  veranlasste  grossere  Verpflanzung 


AFRIKA,    VORDERASIEN   UND    VORGESCHICHTE  177 

von  Hettitern  in  die  historisch  bekannten  afrikanischen  Nuba- 
Gebiete  handeln.  Eine  solehe  Annahme  wiirde  iibrigens  noch 
von  anderer  Seito  widerlegt.  Unleugbare  hettilische  Verwandt- 
heiten  fmden  wir  nàmlich  z.  B.  auch  in  den  erst  spater  hami- 
tiseh  ûberlagerten  Berber-Gebieten.  Xur  ein  interessanter 
Beleg  hiefiir.  Wir  treCfen  im  Berberischen  die  Wortwurzel 
jaugu{s)  «  année  »  ;  ihr  entspricht  im  Hettitischen  ta-jaugus 
(«  zweijâhrig  ».  Nebenbei  zii  erwàhnen  wâre,  dass  also 
Hrozxy's  Spekulation  auf  lat  jugum  —  vgl.  «  Joch  Oclisen  »  — 
zunâchst  jedenfalls  als  ûberflûssig  erscheint.  Nâhere  Ausfûh- 
r'.ingen  ûber  die  berberischen  Beziehungen  des  Hettitischen 
bringen  \vir  in  unserem  grundlegenden  Werke  Gliederung 
der  afrikanischen  Sprachen. 

Die  nun  angel'iihrten  Tatsaehen  lassen  sich  zusammen  mit 
anderen,  mehr  weniger  wahrseheinlichen  Yermutnngen  unge- 
fàhr  in  der  folgenden  Weise  ausdrûcken  :  das  Hettilische 
gehort  dem  Teile  eines  gev/anderten  Yolkes  an,  das  in  drei- 
facher  Gabelung  nach  Afrika,  Europa  und  asiatisch  nordwàrts 
sich  ergossen  hat.  Das  jedenfalls,  nach  den  uns  erhalten  ge- 
bliebenen  Texten  Vorderasiens  selber  zu  schliessen.  wichtigste 
Ergebnis  unserer  Forschungen  ist  wohl  :  die  hettitische  Spra- 
che  fùhrt  uns  in  die  Zeit  und  an  den  Ort.  in  denen  die  asia- 
tischen  Anfânge  der  indogermanischen  Spracheinheit  sich  ty- 
pisch  zu  gestalten  begannen. 

Die  kaukasische  Sprachforschung  aber  mag  auf  folgende 
drei  Erkenntnisse  achthaben  :  1)  der  slavische  Zweig  des  Indo- 
germanischen ist  nach  seinem  Sondercharakter  vornehmlich 
kaukasisch  zu  verstândigen  ;  2)  die  kaukasisehen  Sprachen 
gehoren  nach  ihrem  iiberwiegenden  Wesensbestande  jener 
frûhen  vorderasiatischen  Sprachbildungsschicht  an,  aus  der 
das  Hettitische  unmittelbar  sich  indogermanisierend  abhebt, 
als  deren  sûdwestlicher  Auslâufer  ein  bedeutsani  gebliebenes 
Ferment  der  sonst  hamitiscli  gebliebenen  Sprachen  der  Berber- 
Vôlker  aufscheint  ;  3^  im  Kaukasisehen  ist  die  durch  das  Su- 
merische  gekennzeichnete  Volker-  bzw.  Sprachsc-hii-hf  als  Ein- 
fluss-Sphàre  in  deutlichen  Grenzen  wirksam  geblieben.  d.  h.  im 
Kaukasisehen  sind,  in  Absehung  vom  uralaltaischen  Vermi- 
schungsprobleme,  jedenfalls  zwei  sprachgenetische  und  darum 
auch  morphologisch  gesonderte  Glieder  nachweisbar. 


178  A.    DREXEL 

III. DAS    SEMITISCHE    PROBLEM 

W.  D.  Whitney  hat  in  ^einem  W'ei'ke  Thr  liff  and  gvuivth  uf 
language  (Lond.,  1875  ;  Uobei's  v.  Aug.  I.kskikn.  Leipzig,  1876. 
S.  272)  sich  ùber  das  semitische  Probleni  also  gfàussert  : 
((  Wir  braïK.'hen  die  Mnglichkeit  nicht  zu  lougnen,  da.ss  doch 
einmal  eine  Verwandtscliaft  zwischen  Semitisch  und  Hamitisch 
nachweisbai'  sein  konne,  wie  wir  dièse  Moglichkeit  auch  zwi- 
schen Semitisch  iind  Indngermanisch  nicht  .^eleugnet  haben  : 
hier  haben  wir  nur  zu  beacliten.  dass  l)is  jetzt  kein  genvigender 
Beweis  dafùr  erbracht  ist  und  wahrscheinlicher  Weise  auch 
nicht  gelieiei't  wii'd,  ehe  das  Ràtsel  des  semitischen  Sprach- 
baues  gelôst  ist  ».  Der  so  gekennzeichnete  Stand  der  semito- 
sprachlichen  Frage  ist  bis  heute  derselbe  gehlieben.  wenn  man 
vielleicht  davon  absieht,  dass  Aegyptologen  wie  SnrrHE.  .Junkeh 
und  Erm.\.\'  der  semitischen  Aenliclikeit  des  àgyptischen  Ver- 
bums  eine   spraehges(^hichtliche  Bedeutuug   beiuiessen. 

Die  Beschàftigung  mit  den  afrikanischen  und  innerafrika- 
uischen  Sprachen  hat  uns  auch  Licht  viber  das  Râtsel  der 
seniito-sprachlichen  Isrdierung  gebrachf.  Und  zwar  ist  es  eine 
Sprache.  die  nicht  einmal  in  genûgendem  Sinne  eine  hamitische 
genannt  werden  kann  :  das  Haussa.  Wir  wollen  hier  lediglich. 
unter  Einbeziehung  des  Aegyptischen,  zwei  Parallelen,  aus  den» 
Substantivum  und  aus  dem  Verbum.  spret-hen  lassen. 

1.  Drei  akkrescive  Elemente  sind  es  in  den  semitischen  und 
hamitischen  Sprachen  vorzûglich,  die  in  weitem  Fmfange  no- 
minalbildend  gewirkt  haben  :  ein  pràflgierendes  m.  ein  sufli- 
giertes  t  und  ein  suiTigiertes  wia).  Schon  dièse  Nominalbildner 
zeigen.  zum  Teile  wenigstens,  wie  der  sogenannte  Triradikalis- 
mus  des  Semitischen  nach  seinei'  Entstehung.  Durchbildung 
und  Erlialtung  aufzufassen  ist.  Beispielhalher  fûhren  wii'  an  : 
ass.  epehi,  tun  -  rpistu,   Tat 

daku,  tôten  -  rfîA-fw.  getotete  Schar 

àg.  mdn\  reden  -mât   {mdwt) ,  Angelegenheif 

mr.  krank  sein  -  mrf.  Krankheit 

hauss.      fdwa.   schlachlen  -fauta,  Schlâchterei 

su,  fischen  -  sunta,  Fischerei. 

ass.  sakanu,  stellen,  legen        -  maikanii,   Stàtte 

asu.  hinausgehen  -  tnusu.  Ausgang,  Abfluss 


AFRIKA,    VORDERASIEN    UND    VORGESCHICHTE 


171) 


âg.  hnk.   darbringen,   spenden 

s(l)',  iiegen,  schlafen 
hauss.     fora,  anfangen 

V'iya.    (  verj  pflegen 
âg.  dr.  begrenzt  sein 

irhm,   erzàhlen 

hauss.     tara,  versammeln 
ba[i',  geben 

2.  Deiitlicher  zeigen  uns  die  Verba  des  Semitischen  die  fur 
das  Semitische  freilich  typische  Entwicklung  des  Triradika- 
lismus.  Da  wir  dièses  ganze  Problem,  zumal  aus  dem  Verbuni, 
in  einer  separaten  und  weitergreifenden  Abhandlung  einiger- 
massen  zu  erledigen  gedenken,  so  lassen  wir  an  dieser  Stelle 
ein  paar  blosse  Beispiele  folgen  : 
ass.  tui-kasv.   abschlagen  hauss.  -  hase,  abhauen 


-  mhnk,  Beschenkter 

-  msdr,  (Schlafej ,  Ohr 

-  mafari.  Anfang 

-  maraya.    (der)   Weise 

-  drw.  Grenze. 

-  K'hnnr,  hôh.  Beamter  i.  d. 

Unigebung  dos  Konigs 

-  (nrawa,  Versammlung 

-  baiu'a.  Gabe. 


na-garu.  zimmern 
7ia->>nxu,  herausreissen, 

entfernen 
(i-qnmv.  truben,  betrùbt 

(aufgeregt) sein 
■i-bfxii.  einsehliossen, 

umhûllen 
Iaku.  liku,  nehmen 
madii,  viel   sein   od. 

werden 
rt),  roAc),  irgenwohin  laul'en 


-  gagera,  sàgen 

-  saka,  freigeben 

-  saka-ta.  herausholen 

-  gdm-tsi,    wûste    Unterhal- 
tung  (bes.  Sexuelles  belr.) 

-  békt,   sc'hwarz    (bose) 


-  Jake,  (unter  d.Arm)  nehmen 

-  mddda,  Ungenùgsamkeit, 
Habsucht 

-  l'ftse   {...ga),  aî)gehen.   ab- 
seits   gehen    (vom  Weg) . 

Die  blosse  Registrierung  dieser  Parallelen  wûrde  jedem  lie- 
ziigliehen  Linguisten  den  Weg  zum  Verstàndnisse  des  semi- 
tischen Triradikalismus  eindeutig  weisen  konnen.  Wir  woUen 
jedoch,  bei  der  weiten  Interessenssphàre  unseres  Problèmes, 
selber  ein  paar  auf  den  Sinn  des  semitischen  Triradikalismus 
gerichtete  Bemerkungen  machen. 

Die  erste  Bemerkung  betrifft  die  Tatsache  von  dem  sekun- 
dâren  Entstehungswerte  der  schwachen  dreiradikaligen  Verba 
des  Semitischen.  Durch  das  Haussa  werden  wït  auf  eine 
Sprachstufe  gefiihrt,  auf  der  viele  Verba  zweisilbig  waren  und 
die  Gestalt  Konsonant  +  Vokal,  Konsonant  +  Vokal  hatten  ;  das 


IJ^O  A.    DREXEL 

ist  aber  jene  Gestalt,  wie  sie  z.  B.  aucli  (Joui  Vci'lnim  df's  gan/eii 
bantnischon  Sprachenkompipxps  eignel. 

Als  eine  zweile  Folgei'ung  ans  unsercin  BeweisinalfM'ial 
ergibt  sich  der  goringo  Bchari'ungSNVPi-t  der  semitischen 
«  sehwachen  Konsonanzen  »  lizxv.  jenei'  Lautungen  verbalpn 
Ijautiingszusàtze  K  dip  das  urspilingiich  /.woisilhige  Verbiini 
nunmehr  als  dreiiadikalig  prscheinen  lassen.  Wir  gewahren 
nâmlich  einen  regelmàssigen  Ausfall  (Schwvmd)  der  akzpsso- 
risohen  dritten  Radikale.  sobald  dni-di  <-in  starkes  vprbales 
Bildungselement.  die  Dreiradikaligkeit  des  .semitischen  Verbums 
feststeht  bzw.  bewirkt  wird.  So  steht  eineni  bvl  dip  Form  sbt 
gegpniiber.  Dassplbp  besagt  (ias  Zurûfktreten  dpr  so  entslan- 
denen  «  drilteii  »  Radikale  oV)  dièse  nun  an  erster,  zweiter 
oder  dritfer  Stelle  steht)  in  der  verbalen  Flexion,  z.  B.  der 
Wegfall  des  primae  /(.  Ivndlicb  stimmt  ilamit  auch  ûberein, 
dass  dièse  sekiuidâren  Radikale  in  der  Aussprache  ofters  als 
gewôhnliche  Vokallautungen  auftreten  ;  so  sagt  man  z.  B.  niebf 
kowama,   kuicama.   kuwuma   o.   a.,    sonders  kvm. 

Dem  geringen  Beharrungswerte  der  semitischen  Hilfsi;idi- 
kale  —  wir  nennen  sie  sekundàr  gegenùbpr  den  eigenl lichen 
und  wesentlichen  d.  i.  tirspriingliehen  S^tanimradikalen  des 
Verbums  —  entspncbt  die  logisehe  Wertgpringheit  derselben  ; 
sic  sind  cnlwedci"  logisch  ûberhaupt  \Aertb)S  wie  z.  B.  das  v 
médium,  oder  sic  sind  lediglich  in  der  grammatologischen 
Funktion  eines  allgemeinsten  verbalen  Determinativs  zu  ver- 
stehen.  Dièse  letzicrwàhntp  Tatsachfe  findet  ihre  genaue  Bestà- 
ligung  aus  dem  Haussa  nocb  auf  einem  anderen  Wege.  Es 
finden  sich  nàmlich  im  Haussa  allgemeinp  verbale  Hilfssilben 
mit  den  Konsonanzen  ((",  y,  n.  So  werden  manche  einsilbige 
Verba  biswcilen  auch  mit  diesen  Nebenlautungen  gebrancht. 
ohne  dass  hiedurch  der  logische  oder  funkfionale  Werl  des 
Grundverbums  nach  irgendwelchcr  Richtung  alferiei-t  wûrde. 
Es  seién  etliche  solche  Beispiele  genannt  : 
I.  .st/=.v(/vrrt,  flschcn  II.  ha— baya,  geben  lU.  f/u—yana.  sehen 
1//— (//jra,  machen  so=sayH.  trinkcn         t§e=tsana,  sagen 

zo=zuwa,  kommen      ma=^maya.  besitzen        .sa^^sano.  setzen. 
Wir  kommen  zum  Schlusse  unserer  fragmentarischen  Aus- 
lùhrungen.   Welches    ist   das   Résultat,     durch     das    sich   dièse 
Ausfûhrungen  und  unser  Thcma  ûberhaupt   in  das  Ganze  der 


AFRIKA,    VORDEKASIEN    UND    X'ORGBSCHIGHTE  181 

«  Ethnologischeii  W(»clie  »  harnioniscli  und  nûtzlich  einlugen  ? 
Dièses  Résultat  ist  vornehinlich  ein  dreifachcs  :  li  Wnrdeii 
wir  zur  V^i'hindung  grosser  ru'tlicher  und  zeitlicher  Volkpi'- 
entfei'nungen  gefûhrt,  was  die  voile  Bedeutsamkeil  im  fumla- 
Rientalen  Problème  von  der  Einheil  des  Mensehengesclilechtes 
lindet  ;  2)  zeigte  sich  die  Si)i-achenkunde  als  ein  niâchtiger 
und  gerade  duri-h  soinen  empirischen  und  exakten  Charakter 
uuabweisliclier  Beweisfaktor  der  kulturhistoriseh  oi-ientierten 
Ethnologie,  brauclien  wir  ja  nur  an  die  niutlerreclillicbe  Dureb- 
setztheit  der  Bantu  und  an  das  Mutlerrecbt  der  Rongvulker.  der 
Sumerer  und  der  Basken  zu  denken  ;  3'  vcrmoebten  wir  du' 
Erkenntnis  zu  gewinnen.  dass  das  Land  der  Bibel  als  ein  mâdi- 
tigstes  geni't}s<-h'\s  Frkl  yon  Spi'aeben.  Yolkern  und  Mcnsebt'U 
gelten  kann. 

-Das  sind  ein  paar  Bausteine.  GiMkssei'e  Arbeit,  die  uns  in 
diesen  Fragen  einen  relativen  Abschluss  bringen  konnte, 
wird  nur  dann  niuglich.  wenn  mebrere  Fachleute  siidi  in  ein- 
heil licliem  und  organischem  Sinne  uni  die  Bewàltigung  der 
Aufgabe  beinûhen.  die  sieb  ein  Friedi'ieh  Max  Mueller  vor 
tûnfzig  Jahren  in  seiner  flir  seine  Zeit  genialen  AUgenieinen 
Sprachwisi<cnschajl  gestellt  bâtie.  Tnd  dièse  Arbeit  luusïf  sieb 
in  den  Bahnen  bewegen,  denen  ich  als  Sehûler  von  Wilbelni 
ScHMiDT  bis  heran  zu  folgen  suchte,  die  Alex,  von  Hi^mbolot  in 
seinen  Ansiclitm  der  Sntur'^  (I.  215")  gelegentlic-h  eines  spi'ach- 
wissenschal't lichen  Exkurses  so  angegeben  bat  :  «  Bisher  ken- 
nen  wir  die  amerikanisehen  Sprachen  zu  wenig.  als  dass  man 
bei  ihrei'  grossen  Mannigfaltigkeit  die  Hoffnung  schon  aufgeben 
konnte.  einst  ein  Idioni  zu  entdecken.  das  mit  gewissen  Modifi- 
kationen  im  Innern  von  Slidaïuerika  und  im  Innern  Asiens 
zugleich  gesproeben  wiirde,  oder  wenigstens  eine  alte  Vei-- 
wandts(diaft  ahnen  liesse.  Eine  solehe  Entdeckung  wai-e  gewiss 
eine  der  glànzendsten.die  man  in  der  Geschichte  der  Mensciiheil 
erwarten  dûi-fte.  Spi'achanalogien  verdienen  aber  erst  dann 
Vei'trauen.  wenn  sie  nieht  bei  Klangahnlicbkeiten  der  Wurzeln 
verweilen.  sondern  in  den  organischen  Bau  und  in  den  graju- 
matisohen  Formenreicbtiun.  in  das  eindringen,  was  in  den  Spra- 
chen  sich  als  Produkt  der  geisligen  Kraft  des  Menseben  ofïen- 
bart  ». 


182  H.    PINARD   DE  LA   BOULLAYE 

BIBLi.  —  Christaller  .1.  G.,  Bemerhungcn  zii  R.  Lepsiiis'  Einleitung  ilber 
die  V6lker  und  Sprachen  Afrtkas,  in  Zeitschr.  f.  afr.  Spr.,  1887-1888  — 
Drexel  a.,  Boryiu  und  Sunier,  im  Antlir.,  1919-20,  Bd.  XIV-XV,  S.  215-294  : 
ders.,  GUederung  der  afrikanischcn  Sprachen,  ebd.,  1921-22,  Bd.  XVI-XVII  ff. 
—  Meinhof  C,  Die  moderne  Rprachforschung  in  AfriTca,  Berlin,  1910  — 
Reinisch  L.,  Der  einheitliche  Ursprung  der  Sprachen  der  alten  Welt,  Wien, 
1873  —  RiNN  L.,  Les  origines  berbères,  Alger,  1889  —  Sergi  A.,  Ursprung 
und  Verbreitung  des  mittell'àndischen  Stammes,  Ubersetzt  von  A.  Byhan. 
Leipzig.    1897   —   Westermann   D.,    Die    Sudansprachen,   Hamburg,    1911. 


[10]      Les  méthodes  de  la  psychologie  religieuse, 

par  le  R.  P.  H.  PiNARD  de  la  BouLLAYE.  S.  J. 

•Nous  essaierons,  dans  les  pages  qui  vont  suivre  —  de  montrer 
brièvement  la  nécessité  des  recherches  psychologiques  —  d'en 
déterminer  les  conditions  sul)jectives  —  d'exposer  les  méthodes 
dont  elles  disposent  —  de  préciser  "nfln  les  conditions  du 
travail  critique. 

Bien  que  la  psychoiogir  empirique  ne  puiss.e  évidemment  pro- 
noncer le  dernier  mot  en  ce  domaine,  faute  de  temps,  nous 
laisserons  presque  entièrement  de  côté  ce  qui  concerne  la 
psychologie  rationnelle. 

I.    NÉCESSITÉ    DES    RECHERCHES    PSYCHOLOGIQUES 

Quant  au  premier  point,  rappelons  trois  raisons  : 
1"  La  première  se  tire  de  la  nuture  cle^  actes  religieux.  —  Que 
ces  actes  soient  ou  ne  soient  pas  exclusivement  propres  à 
l'homme,  qu'ils  soient  ou  ne  soient  point  un  produit  exclusif 
de,  l'âme  humaine,  il  est  certain  qu'ils  diffèrent  avant  tout  des 
autres  phénomènes  psychiques  par  l'intention  ou  par  l'idée 
qui  les  anime.  Formules  et  gestes  extérieurs  no  prennent  en 
effet  un  sens  religieux  que  par  les  idées  ou  les  sentiments  qui 
les  règlent  ou  les  accompagnent  :  or  ces  idées  et  ces  senti- 
ments relèvent  de   la  psychologie. 

2*  L'attention  de  cette  science  se  trouve  d'ailleurs  excitée 
au  plus  haut  point  par  une  série  de  faits  qui  posent  devant 
elle  autant  de  problèmes  ou  d'énigmes  étranges  :  c'est,  dans  la 
magie,  la  prétention  d'exercer  une  contrainte  sur  des  êtres 
surnaturels  ou  divins  ;   ce  sont,  dans  certaines  liturgies,   des 


MÉTHODKK     DE    LA     P8YCHOJ.OG1E    RELIGIEUSE  1^3 

actes,  comme  les  pro.sfitutions  sacrées,  les  j)hallo})hories,  qui 
répugnent  au  sens  moral  ;  diins  certaines  niythologies.  des 
obscénités  attribuées  aux  immortels  ;  dans  certaines  philoso- 
phies  religieuses,  comme  le  panthéisme,  lexistence  de  senti- 
ments religieux  élevés,  bien  que  Ton  y  afiirme  lidentité  entre 
Tobjet  du  culte  et  son  sujet,  en  d'autres  termes  malgré  la 
logique  abstraite  qui  semble  rendre  ces  sentiments  impossi- 
bles ;  c'est,  de  manière  plus  générale,  en  toutes  les  religions, 
l'amour  des  biens  invisibles  poussé  jusqu'au  sacrifice  plus  ou 
moins  entier  des  biens  Aisibles,  l'affirmation  du  surnaturel, 
malgré  la  science  qui  tend  à  l'exclui'e...  On  peut  invocjuer,  pour 
résoudre  ces  énigmes,  l'enfance  de  l'humanité.  l'obscuiantismo 
des  âges  de  foi,  la  force  des  traditions,  la  contagion  religieuse 
etc..  Mais  il  suffit  de  se  rappeler  les  noms  de  Platon,  d'Aais- 
TOTK,  de  Pascal  et  tie  Bossuet  par  exemple,  pour  comprendre 
que  ces  formules,  appliquées  à  l'universalité  des  ras,  dissi- 
mulent de  grosses  confusions,  beaucoup  de  paresse  ou  de  sim- 
plisme et  vraisemblablement  beaucoup  de   paiMi   pris. 

3"  Enfin,  pour  nous  catholiques,  ces  études  présentent,  en 
I)lus  d'un  intérêt  scientifique  évident,  un  intérêt  apologétique 
et  un  intérêt  apostolique  non  moindres.  Les  thèses  de  nos  doc- 
teui's,  qui  dès  longtemps  se  sont  appliqués  à  ('es  recliercîhes 
dans  une  mesure  insoupçonnée  du  grand  nombre,  nous  ont 
préparés  à  reconnaître  des  analogies  très  profondes  dans  les 
manifestations  de  la  vie  religieuse  au  sein  de  toutes  les  sectes  ; 
elles  nous  ont  habitués  aussi  à  distinguer  entre  «  le  surnaturel 
et  ses  contrefaçons  ».  La  distinction  traditionnelle  des  mer- 
veilleux (naturel,  diabolique  et  divin')  attend  d'un  examen  plus 
méthodique  des  faits  une  confii-mation  et  des  précisions  fort 
utiles.  De  ces  progrès,  nos  méthodes  de  direction  ascétique  et 
mystique  profîterimt  tout  naturellement.  Sur  ce  terrain,  comme 
sur  tous  les  auti-es.  nous  n'avons  point  de  meilleure  amie  que 
la  Science.  Elle  nous  servira  d'ailleurs  d'autant  plus  efficace- 
ment, que  nous  serons  moins  p)'es.sés  de  la  fnire  servir  à  nos 
desseins... 

II. CONDITIONS  SUBJECTIVES  DES  RECHERCHES  PSYCHOLOGIQUES 

Ces  recherches  sjx'ciales  exigent  du  ti-availleur  des  disposi- 
tions spéciales. 


184  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

1°  La  première  est  une  certaine  sympathie,  e'est-à-dire  une 
disposition  générale  à  interpréter  en  bonne  part,  chaque  fois 
qu'on  y  sera  invité  par  des  raisons  convenables.  Cette  disposi- 
tion est  nécessaire,  ici  comme  partout,  pour  con:ibattre  Tin- 
fluence  des  préventions  conscientes  ou  inconscientes.  Elle  l'est 
plus  encore,  quand  on  doit  interroger  des  témoins  vivants,  parce 
qu'aucune  ârne  ne  s'ouvre  sans  réserve,  à  moins  de  se  sentir 
invitée  à  une  entière  confiance. 

2°  La  seconde  condition  est  Vexpérience  personnelle.  Il  est 
surprenant  que  ce  point  ait  été  parfois  contesté.  Eh  quoi  !  on 
n'admet  pas  qu'un  homme  puisse  être  bon  critique  en  matière 
de  musique,  s'il  n'a  jamais  goûté  les  charmes  de  la  musique 
—  en  matière  de  peinture,  s'il  n"a  jamais  éprouvé  aucune  émo- 
tion esthétique  —  en  matière  de  romans,  s'il  n'a  quelque  con- 
naissance des  choses  de  l'amour  etc. 'De  quel  droit,  pourrait-on 
prétendre  que  la  critique  religieuse  soit  le  seul  domaine  où 
l'on  puisse  réussir  sans  initiation  et  sans  aptitudes  analogues  ? 
Pour  être  apte  à  étudier  la  folie,  objectent  tels  psychologues, 
il  n'est  pas  nécessaire  d'être  fou  !  —  D'être  fou,  c'est  sûr  ; 
mais  avoir  souffert  de  troubles  psychiques  et  en  être  bien  guéri 
assurerait  certainement  là  un  médecin  aliéniste  ou  à  un  psy- 
chiatre d'incontestables  avantages,  au  grand  bénéfice  de  ses 
clients  et  de  la  science. 

iPratiquement  d'ailleurs,  l'absence  complète  de  religiosité  ou 
de  préoccupations  morales  se  confond  avec  Tirréligiosité  et 
l'immoralité.  Pour  juger  d'une  tournure  d'esprit,  ne  posséder 
que  la  tournure  d'esprit  toute  contraire,  cela  ne  saurait  vrai- 
ment constituer  un  idéal. 

L'observation  avertit  de  plus  que  certains  sentiments  de 
l'âme  vous  introduisent  comme  dans  un  monde  nouveau  : 
telles  sont  les  nuances  qui  séparent  l'amour  chaste  de  la  vo- 
lupté banale  ;  celles  qui  distinguent  Vaurea  mediocritas  de  l'hé- 
roïsme dans  le  dévoûment  ou  dans  l'accomplissement  du  devoir. 
Les  satisfactions  goûtées  par  les  spécialistes  de  la  vertu  sont 
un  fait,  puisqu'ils  en  vivent  et  s'en  contentent.  L'inaptitude 
des  non-spécialistes  à  les  comprendre  en  est  un  autre. 

La  psychologie  rationnelle  enfin  peut  rendre  raison  de  ces 
difTérences.  Elle  explique  que,  plus  l'âme  se  dégage  des  sens, 
plus  elle  devient  capable  d'expériences  plus  spirituelles  et  que 


MÉTHODES    DE    LA    PSYCHOLOGIE    RELIGIEUSE  185 

ces  expériences  ne  se  déveloj:>})ant  pkis,  comme  les  impressions 
matérielles,  en  s' intensifiant,  mais  en  n'épurant,  naffectant  plus, 
si  l'on  peut  ainsi  f)arler.  les  parties  sensibles  ou  sensuelles  de 
l'âme,  mais  ses  parties  ou  facultés  les  plus  immatérielles,  doi- 
vent paraître  comme  d'un  autre  ordre  à  <:'eux  qui  en  bénéficient... 

Ces  constatations  et  ces  réflexions  obligent  à  accentuer  une 
troisième  condition. 

3°  C'est  la  défiance  du  facteur  personnel,  cest-à-dire  l'atten- 
tion diligente  là  tenir  compte  des  limites  de  ses  propres  facultés 
et  'à  se  mettre  en  garde  contre  les  tendances  instinctives  qui 
leur  sont  d'ordinaire  associées. 

Il  est  habituel  aux  alcooliques  de  nier  les  jouissances  des 
gourmets,  aux  «  viveurs  »  ou  libertins  de  nier  les  charmes  de 
la  vie  familiale,  aux  égoïstes  et  aux  «  bons  vivants  »  de  nier  les 
satisfactions  que  procurent  la  charité  et  le  dévoûment...  Tout 
de  même,  selon  le  degré  de  religiosité  ou  de  piété  auquel  on  est 
soi-même  parvenu,  il  est  à  redouter  que  l'on  ne  conteste  la 
réalité  d'attitudes  et  d'expériences  différentes,  qu'on  ne  les  in- 
terprète comme  des  exagérations  ou  des  illusions...  Il  est  à 
craindre  aussi  que  croyants  et  incroyants,  faute  de  comprendre 
d'autres  mentalités  que  la  leur,  ne  ^se  contentent  de  poser  des 
assertions,  d'exposer  des  évidences  personnelles,  là  où  con- 
viendraient des  analyses  méthodiques  et  des  démonstrations... 
Enfin,  parce  que  sur  la  question  religieuse,  pour  le  oui  comme 
pour  le  non,  les  uns  et  les  autres  jouent  leur  tout,  les  uns  et  les 
autres  ont  à  veiller  à  ce  que  les  intérêts  confessionnels  ou  anti- 
confessionnels n'empêchent  pas  l'examen  impartial  et  l'équi- 
table appréciation  de  tous  les  faits.  En  aucun  autre  cas,- le  vrai 
travail  scientifique  n'exige  autant  de  prudence,  de  loyauté,  de 
vraie  vertu. 

m.  PROCÉDÉS  DES  RECHERCHES  EXPÉRIMENTALES 

Dans  les  conditions  que  nous  venons  d'exposer,  le  psycho- 
logue trouve  à  sa  disposition,  pour  mener  à  bien  ses  recher- 
ches, divers  procédés.  On  peut  les  ramener  à  trois  :  lobservation 
interne  ou  introspection,  par  laquelle  il  étudie  les  phénomènes 
religieux  dans  sa  propre  conscience  —  l'observation  externe  ou 
extro.spection.  par  laquelle  il  les  étudie  dans  la  conscience 
d'autrui  —  V expérimentation,  par  laquelle  il  tente  de  varier  à 
son  gré  leurs  conditions- 


lH(i  H.    PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

1°.  L'observation  interne  a  poui'  objet  tous  les  phénomènes 
intellectuels,  aflfeetifs  ou  émotionnels  qui  se  rattachent  à  la 
vie  i-eligieuse  par  un  lien  plus  ou  moins  étroit  :  amour  rie 
ridéal,  impression  du  sublime,  du  surnaturel  ou  du  divin,  be- 
soin d'une  explication  ultime  des  choses,  angoisse  de  l'au-delà, 
fluctuations  de  la  volonté  en  faveur  ou  en  défaveur  de  la  reli- 
gion, crises  de  conversion,  prière,  impression  de  réconfort  ou 
d'abandon,  ferveur  ou  tiédeur,  remords,  scrupules,  doutes... 

L'introspection  ne  consiste  pas  exclusivement  dan.»^  la 
conscience  directe  que  Ion  peut  avoir  de  ce  qui  se  passe  en 
soi  ;  elle  comprend  aussi  et  surtout  le  retour  réfléchi  sur  ses 
états  de  conscience,  pour  les  analyser  et  les  mieux  comprendre. 
Certaines  personnes  sont  particulièrement  douées  pour  cet 
ordre  de  recherches  :  elles  savent  lire  en  elles-mêmes.  En  tous 
cas.  ce  don.  même  embryonnaire,  peut  se  développpr  par  Texer- 
cice.  Il  est  à  peine  besoin  de  dire  de  quel  profit  peuvent  être  à 
cet  égard  la  pratique  fréquente  de  Texamen  de  consciente  tel 
que  l'exige  la  vie  chrétienne  et  l'haltitude  de  la  direction 
spirituelle... 

2".  L'observation  externe  s'applique  à  scruter  lame  des  autres. 
Indispensable,  parce  que  la  conscience  individuelle  est  un 
champ  trop  étroit,  elle  peut  être  ou  directe  ou  indirecte. 

A.  Directe,  elle  examine  les  états  d'âme  en  eux-mêmes,  leurs 
caractéristiques,  leur  origine,  leur  évolution. 

Elle  a,  comme  procédés  principaux,  l'utilisation  des  statis- 
tiques, celle  des  questionnaires  oraux  ou  écrits,  celle  des  auto- 
biographies et  celle  des  traités  ascétiques  ou  mystiques. 

Poup  simples  qu'ils  paraissent,  à  première  vue,  ils  sont  en 
réalité  d'un  maniement  peu  aisé. 

a)  La  remarque  s'applique  tout  spécialement  au  procédé 
qu'on  serait  tenté  de  regarder  précisément  comme  le  plus 
objectif,  le  plus  scientifique  :  Vappel  aux  statistiques,  préconisé 
surtout  par  E.  D.  Starbuck  (1).  Après  examen  d'un  nombre  de 
cas  plus  ou  moins  considérable,  exprimer  en  chitTres  des  rap- 
ports comme  conversion  et  puberté,  religiosité  et  sénilité,  irré- 
ligion et  culture  ou  tous  autres  de  même  genre,  c'est  s'exposer 
à  traiter  par  le  calcul  des  problèmes  qui  relèvent  de  l'analyse 

(1)  The  Psychology  of  ReUaion,  an  euipirical  sti'dy^,  in-S",  Lonrlret;.  Scott, 
1901.  —  Il  y  a  heureusement  dans   le  livre  plus  que  des  calculs. 


MÉTHODES    DE    LA    PSYCHOLOGIE    RELIGIEUSE  187 

psychologique  et  de  la  critique  la  f)lus  ardue,  et  s'exposer  à 
croire  la  solution  donnée  ou  sérieusement  amorcée,  quand  la 
question  est  seulement  posée,  en  termes  d'ailleurs  discutables. 
Aucune  statistique  en  effet  n'a  de  valeur,  à  moins  que  le  total 
des  cas  obser\'és  ne  contienne,  dans  la  même  proportion  que 
l'ensemble  étudié  (soit  telle  rég-ion,  soit  l'humanité  entière^, 
des  spécimens  de  tous  les  types  et  de  toutes  leurs  variétés. 
Chacun  des  cas  enregistrés,  lorsqu'il  s'agit  de  phénomènes 
intimes,  comme  la  conversion  et  les  diverses  formes  de  l'expé- 
rience religieuse,  ne  jieut  dailleurs  être  classé,  qu'après  dis- 
cussion très  soignée  du  témoignage  qui  les  concerne  :  l'emploi 
des  statistiques,  par  là  même,  présente'  les  mêmes  difficultés 
que  l'emploi  des  deux  ordres  de  documents  dont  nous  allons 
parler  immédiatement. 

6.  c.)  En  ce  qui  concerne  les  questionnaires  (oraux  ou  écrits' 
et  les  autobiographies,  il  importe  tout  d'abord  que  les  questions 
soient  posées  et  les  biographies  empruntées  à  des  types  assez 
variés  ;  ou  plutôt  il  est  nécessaire  que  tous  les  types  religieux 
soient  représentés.  C'est  donc  une  erreur  de  s'attacher  exclusi- 
vement ou  presque  exclusivement,  comme  nombre  d'évolution- 
nistes,  aux  types  les  plus  rudimentaires  —  comme  nombre  de 
médecins,  aux  types  morbides  —  comme  nombre  d'agnosti- 
ques, dont  W.  James  lui-même,  aux  types  émotionnels  ou 
affectifs... 

Il  importe  de  plus,  quand  on  use  de  questionnaires,  que  les 
questions  soient  posées  de  telle  sorte  qu'elles  n'influencent  pas 
la  réponse... 

Enfin,  réponses  et  récits  autobiographiques  sont  d'une  inter- 
prétation très  délicate,  parce  que  les  âmes  les  plus  portées  à 
communiquer  au  public  leurs  confidences  ne  sont  pas  toujours 
les  plus  «  intérieures  »  ni  les  plus  profondes,  mais  souvent 
les  plus  suspectes  de  vantardise  —  parce  que  la  loyauté  la 
plus  entière  peut  encore  s'allier  à  des  illusions  inconscientes, 
surtout  lorsque  les  témoins  connaissent  par  leurs  entretiens 
ou  par  leurs  lectures  certaines  expériences  qu'ils  estiment 
honorables  et  souhaitables  —  parce  que.  pour  comprendre  la 
vraie  nature  de  certains  états  psychologiques,  il  faut  souvent 
pouvoir  «  suivre  le  sujet  i  pendant  un  temps  notable  —  enfin, 
parce  que,  pour  juger  correctement  ces  phénomènes  si    com- 


188  H.     PINARD     DE    LA     BOULLAYK 

plexes,  depuis  leurs  formes  les  plus  rudimentaires  ou  les  plus 
dépravées  jusqu'aux  manifestations  les  plus  hautes  des  «  myf!- 
tici  majores  »,  comme  parle  M.  Delacroix,  il  faudrait  au  psycho- 
logue une  compétence  si  spéciale  qu'elle  doit  forcément  être 
bien  rarement  atteinte. 

cl]  Les  traités  de  théologie  ascétique  on  taystique  et  les  ou- 
vrages similaires  constituent  une  autre  source  d'information, 
d'ordinaire  plus  négligée,  mais  en  fait  plus  précieuse,  surtout 
quand  ils  ont  joui  d'un  grand  crédit.  Ils  ont  au  moins  le  mérite 
de  condenseï"  en  des  foi'inules  plus  précises  les  idées  d'un 
milieu,  de  définir  plus  nettement,  pour  leur  cercle  et  pour  leur- 
temps,  le  but  de  la  vij3  religieuse,  ses  expériences  principales 
et  les  moyens  estimés  plus  propres  à  les  assurer. 

Les  difficultés  (critiques  que  nous  indiquions  fout  à  l'heure 
et  dont  jilusieurs  sont  communes  à  ce  genre  d'écrits  auront 
fait  entrevoir  la  nécessité  d'avoir  recours  à  d'autres  procédés, 
qui  permettent  do  contrôler  et  de  compléter  ceux  de  l'observa- 
tion directe. 

B.  L'observation  indirecte  peut  y  aider.  A  la  différence  de  la 
précédente,  elle  ne  porte  plus  sur  les  états  d'âme  et  sur  leurs 
caractéristiques,  mais  sur  leurs  résultats  et  sur  leurs  consé- 
quences ;  elle  s'applique  à  élucider  la  nature  des  expériences 
religieuses  par  voie  de  déduction,  comme  on  éclaire  la  nature 
des  causes  par  celle  de  leurs  effets. 

Les  elYets  de  la  vie  religieuse  peuvent  se  ramener  à  cinq 
classes  :  physiologiques,  comme  l'excitation  nerveuse,  l'étiole- 
ment  organique  ou  leurs  contraires  —  affectifs,  comme  le  déve- 
loppement du  sentimentalisme,  la  pa(îification  de  l'âme  ou  sa 
perturbation  —  moraux,  comme  raffinement  ou  l'émoussement 
du  sens  moral  —  intellectuels,  comme  l'élargissement  ou  l'ap- 
pauvrissement de  l'intelligence  - —  sociaux,  comme  la  stérilité 
ou  la  fécondité  dans  les  œuvres  philanthropiques  etc. 

L'observation  indirecte,  on  le  comprend,  présente  un  double 
avantage  :  tout  d'abord  les  efTets  dont  nous  venons  de  parler, 
étant  extérieurs  ou  du  uîoins  liés  à  des  manifestations  exté- 
rieures, sont  plus  fa  •iles  à  constater  ;  distincts  des  idées,  des 
sentiments  et  des  expériences  religieuses,  avec  lesquels  ils 
sont  pourtant  en  connexion  plus  ou  moins  intime,  ils  donnent 
le  moyen  d'apprécier  leur  orientation  véritable,  leur  dynamisme 


MÉTHODES     DE    LA    PSYCHOLOGIE    HBLIOIELISE  189 

réel,  et  par  conséquent  de  vérifier  les  assertions  des  témoins 
sur  la  paix  dont  ils  jouissent,  la  charité,  le  zèle  qui  les  animent, 
lénergie  qu'ils  disent  avoir  recouvrée  etc.  Moyennant  certaines 
précautions,  les  statistiques  (sur  la  criminalité  respective  des 
sectes,  par  exemple,  sur  leur  activité  dans  la  propagande  reli- 
gieuse, dans  la  bienfaisance,  dans  les  études  scientifiques), 
peuvent   procurer  ici  des  renseignements  fort  utiles... 

3°.  L' expérwientation  en  fournit  d'autres. 

Elle  peut  être  strictement  empirique  ;  elle  peut  aussi  avouer 
(ou  dissimuler)  des  visées  métaphysiques.  Dans  lo  premier  cas, 
elle  cherche  seulement  à  connaître  les  caractéristiques  des 
phénomènes  religieux,  leur  genèse,  leur  évolution  dans  les  indi- 
vidus ;  dans  le  second,  elle  essaie  de  contrôler  les  théories 
philosophiques  ou  théologiques  formulées  à  leur  sujet. 

De  graves  réserves  s'imposent  ici  au  nom  de  la  religion  et 
de  la  morale.  Il  est  clair  en  effet  que  Ton  ne  peut  tenter  une 
expérience  qui  porterait  atteinte  aux  droits  dun  tiers,  élever 
par  exemple  des  enfants  sans  leur  enseigner  leurs  devoirs  en- 
vers leurs  parents  ou  en  les  trompant  sur  leur  compte,  sous 
prétexte  d'étudier  la  piété  filiale,  l'instinct  congénital  ou  «  la 
voix  du  sang  ;>.  Tout  de  même,  quiconque  admet  l'existence 
de  Dieu  comme  certaine,  voire  comme  probable,  ne  peut  différer 
l'instructiun  religieuse,  ni  la  modifier  à  sa  guise,  pour  observer 
les  conséquences  de  ces  variations.  Quiconque,  sans  être  déiste 
ou  théiste,  est  au  moins  spiritualiste,  reculera  encore  devant 
l'inconvenance  qu'il  y  a  à  opérer  sur  des  âmes  humaines  comme 
on  le  fait  in  anima  vili.  Mais,  à  vrai  dire,  ces  expériences  ont 
été  instituées  par  d'autres  ou  se  sont  trouvées  accidentelle- 
ment réaliséps.  par  exemple  chez  des  personnes  aveugles,  sour- 
des et  muettes,  comme  Laura  Bridgman  et  Hélène  Keller.  Il 
suffira  donc  très  souvent  d'interroger  l'histoire... 

Pour  des  raisons  identiques,  le  psychologue  expéi'imentant 
sur  lui-même  ne  peut  ni  suspendre  toute  vie  religieuse,  ni 
commettre  le  sacrilège,  pour  étudier  le  remords... 

Ces  abus  exclus,  on  peut  distinguer  trois  formes  d'expéri- 
mentation strictement  empirique,  à  savoir  une  expérimenta- 
tion indirecte  ou  improprement  dite,  une  expérimentation  conco- 
mitante à  la  pratique  religieuse,  enfin  une  expérimentation  pure. 

A.  Dans  le  premier  cas,   sans  prétendre  poser  à  ce  moment, 


190  II.     PINARD    DE    LA    BOULLAYE 

un  acte  religieux,  le  ijsychologue  s'applique  à  susciter  ou  à 
iaire  revivre  en  lui  l'attitude  fi'àme  ou  l'état  émotionnel  dont 
s'accompagne  tel  ou  tel  acte  religieux  ;  puis  il  rapproche  les 
résultats  ainsi  obtenus  des  actes  qu'il  pose  en  pleine  convic- 
tion et  pour  de  bon... 

B.  Dans  le  second  cas,  il  se  contente  de  rester  psychologue, 
tandis  qu'il  pose  des  actes  religieux  :  il  n'agit  pas  pour  s'étu- 
dier ;  mais  il  s'étudie  tout  en  agissant.  Il  pourrait  même  (mais 
une  telle  intention  suj)pose  évidemment  qu'il  a  déjà  résolu  pour 
son  compte  le  problème  religieux)  ordonner  cette  étude  à  un 
liut  i»]'Oprement  religieux  :  varier  par  exemple  le  temps,  la 
durée,  le  mode  de  ses  prières  ou  de  certaines  pratiques  ascéti- 
ques, pour  voir  ce  qui  profite  davantage  à  sa  piété  et  pour 
régler  sa  conduite  en  conséquence.  Bien  des  maîtres  de  la  vie 
spirituelle  suggèrent  avec  raison  de  tels  essais.  Un  directeur 
d'âmes  peut  aussi  modifier  ses  méthodes  de  j)]'édication,  d'orai- 
son et  d'ascèse,  pour  trouver  les  plus  efficaces  et  régler  les 
adaptations  qu'elles  doivent  recevoir,  selon  la  diversité  des 
tempéraments.  Il  va  sans  dire  d'ailleurs  que  la  charité  et  la 
justice  l'obligent,  comme  le  médecin,  à  se  former  d'abord  par 
la  consultation  des  experts  et  des  livres. 

C.  Dans  le  dernier  cas,  l'expérimentateur  poursuit  propre- 
ment un  but  scientifique  :  il  agit  «  pour  voir  ».  Mais  alors,  la 
moindre  réflexion  suffit  à  l'avertir  que  l'attitude  adoptée  fausse 
essentiellement  les  conditions  du  phénomène  qu'il  prétend  étu- 
dier. La  chose  est  évidente,  s'il  s'agit  de  pratiques  confession- 
nelles comme  la  Gène  luthérienne  ou  calviniste  et  l'Eucharistie 
catholique,  parce  que  l'usage  normal  de  ces  rites  présuppose 
des  convictions,  une  préparation  morale  et  des  intentions  qu'on 
ne  peut  adopter  «  à  l'essai  )).  L'attitude  d'âme  étant  différente 
chez  le  fidèle  et  chez  l'expérimentateur,  les  réactions  intellec- 
tuelles et  émotionnelles  que  les  rites  peuvent  provoquer  ou 
produire,  comme  tous  autres,  de  par  leur  nature,  doivent  être 
différentes  elles  aussi  et  si,  d'une  manière  ou  d'une  autre,  quel- 
que vertu  surnaturelle  leur  est  associée,  on  ne  peut  s'attendre 
ù  la  voir  opérer  de  même  façon. 

Il  en  faut  dire  autant  de  l'expérimentation  qui  porterait  sur 
l'adoption  provisoire  de  la  »  religion  naturelle  »  nu  de  la  seule 
«  morale  nciturelle   •>,  c'est-à-dire  des  ])ratiques  religieuses  et 


MÉTHODES    DE    LA    PSYCHOLOOIE    RBLIGIKL'SE  191 

morales  que  Ton  iirésente  comme  exigées  par  la  seule  raison. 
De  tels  essais  pourront  toujours  apprendre  quelque  chose,  mais 
non  ce  qu'il  y  a  de  plus  caractéristique  ou  de  plus  intime,  parce 
que  la  résolution  teTiiporaire  de  pratiquer  la  continence  à 
lessai,  par  exemple,  contient  un  moment  les  appétits  inférieurs 
sans  transformer  le  fond  de  l'âme  -  parce  que  celle  de  servir 
Dieu  à  l'essai  n'ordonne  pas  l'âme  à  Dieu  de  manière  totale  et 
absolue.  De  quelque  façon  que  l'on  conçoive  la  religion,  la 
psychologie  commune  avertit  en  effet  suffisamment  qu'où  les 
dispositions  intimes  sont  autres,  autres  doivent  être  les  expé- 
riences. Si  on  estime,  comme  certaines  sectes  des  premiers 
siècles,  que  la  religion  est  essentiellement  une  science  des 
choses  divines,  une  gnose,  ou  comme  certains  romantiques, 
qu'elle  consiste  essentiellement  dans  une  certaine  manière  de 
sentir  le  divin,  il  manque  en  tout  cas  'h  l'expérimentateur  la 
conviction.  Si  on  juge  quelle  est  avant  tout  une  relation,  un 
hommage  d'inférieur  à  supérieur  dont  la  forme  conséquente  et 
parfaite  est  l'amour,  partant  le  don  de  soi  total  et  irrévocable 
au  moins  dans  l'intention,  il  manque  encore  à  l'expérimenta- 
teur cette  disposition  primordiale  :  aimer  pour  un  temps  et 
pour  voir  ce  qui  s'ensuivra,  dans  la  vie  religieuse  comme  dans 
la  vie  profane,  c'est  proprement  «   s'amuser  »... 

Mais,  de  manière  générale,  les  expérimentations  que  préco- 
nisent les  partisans  de  la  «  nouvelle  psychologie  »  portent  sur 
des  phénomènes  plus  élémentaires.  Elles  visent  à  déterminer 
comment  les  sujets  sont  impressionnés  par  les  différents  objets 
ou  motifs  religieux,  comment  ils  réagissent  par  manière  d'élec- 
tion, d'exécution,  d'expression  à  l'excitation  qu'ils  en  reçoi- 
vent   (1). 

De  tels  essais,  aisément  réalisables  et  profitables  quand  il 
s'agit  de  psychologie  firofane,  ne  peuvent  être  utilisés,  quand 
il  s'agit  de  psychologie  religieuse.  Avertir  des  individus  qu'on 
va  leur  proposer  de  pures  hypothèses  et  leur  demander  ensuite 
comment  ils  sont  affectés  par  l'idée  d'un  dieu  débonnaire  ou 
sévère,  d'un  enfer  terrible  ou  bénin  ou  par  des  conceptions 
similaires  ne  sert  presque  de  rien,  parce  que  l'émotion  reli- 
gieuse n'est  pas  encore  la  vie  religieuse   :  cette  vie  suppose  la 

(1)  Voir  lin  bon  sonunalre  de  ces  méthodes  chez  Ed.  Claparède,  Classifi- 
cation et  plan  des  méthodes  paychologiqves,  duni  APs,  1908,  t.  VII,  p.   321-364. 


192  H.    PINARD    DE    I.A    BOULLAYE 

conviftion  personnelle  et  le  sérieux,  éléments  qui  font  défaut 
l'un  et   l'autre  en  pareil  cas. 

M.  GiRGENSOHN  a  SU  remédier  à  ces  inconvénients,  en  propo- 
sant à  des  sujets  des  textes  religieux  (fragments  de  sermons, 
prières,  chants  liturgiques,  biographies  pieuses  etc.)  et  en  leur 
demandant  d'exprimer  comment  ils  les  appréciaient  et  pour 
quelles  raisons    (1) . 

Ce  genre  d'épreuve  exige  encore  bien  des  précautions,  qu'on 
devine  ;  il  aboutit  à  des  témoignages  beaucoup  plus  complexes, 
qu'il  reste  'à  analyser  :  mais  en  somme  il  offre  de  tout  autres 
garanties.  Ajoutons  qu'il  a  conduit  l'expérimentateur  à  des 
résultats  assez  neufs,  si  on  les  compare  à  ceux  d'autres  empi- 
ristes. 

Quant  à  l'expérimentation  à  visées  inétaphysi(iues,  bornons- 
nous  à  cette  brève  remarque  :  prise  au  sens  rigoureux  du  mot 
«  expérimentation  «,  elle  n'est  pas  admissible  en  ce  domaine, 
pour  cette  raison  que  l'expérimentation  scientifique  suppose  le 
déterminisme  des  effets  et  des  causes  et  que  les  hypothèses 
métaphysiques  qu'il  s'agirait  de  contrôler  supposent  de  leur 
côté  un  être  ou  des  êtres  transcendants,  libres  de  leurs  actes 
et  réglant  leurs  interventions  par  des  considérations  qui  peu- 
vent dépasser  nos  courtes  vues. 

En  définitive,  introspection,  extrospection.  expérimentation 
peuvent  toutes  fournir  d'utiles  renseignements.  Les  méthodes 
qui  passeraient  aisément  pour  les  plus  rigoureuses  (méthode 
des  statistiques  et  ancienne  méthode  des  tests)  sont  en  réalité 
les  moins  heureuses,  parce  qu'elles  emploient  des  procédés  de 
calcul  et  de  mensuration  que  ce  genre  d'études  ne  comporte 
pas.  Les  plus  sûres  sont  celles  qui  respectent  la  complexité  de 
la  vie  religieuse,' et  les  documents  somme  toute  les  plus  pré- 
cieux restent  les  autobiographies  et  les  traités  théoriques, 
parce  que  leurs  exposés  sont  plus  étendus  et  plus  riches  et 
parce  qu'ils  sont  rédigés  en  pleine  conviction  ;  à  condition  de 
discuter  les  assertions  et  de  les  contrôler  par  des  renseigne- 
ments sur  la  vie  des  témoins,  la  critique  est  en  "mesure  d'éta- 
blir de  manière  plus  sûre  leur  sincérité  et  leur  valeur. 

(1)  Der  seelische  Aufhau  -des  relig.  Erlcbens,  in-8",  Leipzig,  Hirzel,  1921. 
—  C'est  la  méthode  exposée  plus  loin,  p.  200  sq.,  par  le  R.  P.  Gemelli,  qtil 
se  réclame  lui  aussi   d'O.   Kuklpe  et  de  l'école   de  AVurzbourg-. 


METHODES    DE    LA    PSYCHOLOGIE    RELIGIEUSE  193 

IV.    CONDITIONS    GÉNÉRALES    DU  TRAVAIL   CRITIQUE 

Chacun  des  cas  étudiés  par  les  dilTérents  procédés  que  nous 
venons  do  passer  en  revue  vient  aboutir  à  la  rédaction  d"une 
fiche  documentaire.  Il  nous  reste  à  examiner  à  quelles  condi- 
tions ces  fiches^  pourront  préparer  un  emploi  judicieux  de  la 
inélhodc  compai'ative  et  conduire  à  des  conclusions  scientifi- 
quement acceptables. 

On  peut  dire,  ce  nous  semble,  qu'elles  doivent  être  localisées, 
rrpréscntut ive.s.  loniplrtes.  cotnparéf's  ottrp  plies  sons  tous  rapports, 
interpréléi's  par  une  psyhologie   vraiment  hinnaiiip. 

t.  En  demandant  qu'elles  soient  localisées,  nous  voulons  dire 
que  chaque  l'tat  d'àme  (toit  être  replacé  de  manière  aussi  exacte 
que  possible  dans  son  milieu  d'origine,  en  d'autres  termes  qu'il 
convient  de  noter,  en  plus  des  particularités  émotionnelles, 
affectives,  intellectuelles.  qu(Hlc  est  la  complexion  pliysique  du 
témoin,  son  caractère,  sa  condition  sociale,  sa  nationalité, 
quelles  intluences  il  a  subies,  notamment  du  fait  de  ses  lec- 
tures, quel  a  été  le  cours  ult ('rieur  de  sa  vie... 

2.  11  importe  plus  encoi'c  de  vérifiei'  dans  quelle  mesure  le 
témoin  est  représenlatif  de  la  religion  ou  de  la  secte  à  laquelle 
on  le  rattaclie  ou  dont  i!  se  réclame.  La  psyctiologie  expéri- 
mentale en  effet,  en  tant  que  telle,  ignore  si  la  religion  est 
fondée  en  raison,  quelle  est  sa  notion  exacte,  bref  sa  définition 
philosophique.  Elle  doit  donc  renoncer  à  présenter  une  psycho- 
logie de  la  religion  et  se  contenter  d'essayer  une  psychologie 
comparée  des  religions.  Or  que  vaudrait,  a  pari,  une  psychologie 
des  nations,  fût -elle  appuyée  sur  des  milliers  de  témoignages, 
si  l'on  s'abstenait  de  vérifier  la  nationalité  des  témoins  ? 

3.  Pour  la  même  raison,  la  série  des  témoins  étudiés  doit  être 
complète,  c'est-à-dire  assurer,  selon  l'étendue  des  comparai- 
sons que  l'on  a  en  vue,  des  représentant-s  authentiques  —  ou 
de  tous  les  types  psychologiques  relevant  d'une  même  école  de 
spiritualité  (affectifs,  volontaires,  intellectuels...)  —  ou  de 
toutes  les  écoles  acceptées  par  une  même  religion  —  ou  de 
toutes  les  religions  d'une  même  famille  (indo-européenne,  sé- 
mitique etc.)   —  ou  de  toutes  les  religions  d(.'  l'humanité. 

4.  11  est  plus  indispensable  qu'elles  soient  comparées  sous  tous 
rapports,  que  les  dissemblances  et  les  contrastes  par  conséquent 

13 


194  H.    PINARD     UE    LA    BOULLAYE 

aient  été  notés  et  soient  discutés  avec  autani  de  soin  que  les 
ressemblances.  A  plus  d'un  égard,  contrastes  et  dissemblances 
appellent  même  une  attention  plus  marquée,  parce  que,  légi- 
time ou  non,  ridée  générale  des  religions  (relation  avec  un 
monde  idéal  ou  surnaturel)  sulfit  à  commander  de  nombreuses 
analogies  et  parce  que  les  seules  divergences  peuvent  permettre 
de  discerner  ce  qui  serait  ou  manifestement  morbide,  ou  sim- 
plement illusoire,  ou  d'ordre  psychologique  normal,  ou  de  ca- 
ractère exceptionnel,  empiriquement  inexplicable.  En  dehors  do 
cette  considération  générale,  un  fait  d'une  gravité  exception- 
nelle rend  cette  élude  indispensable  :  c"est  que  l'Eglise  romaine 
possède  presque  seule  aujourd'hui  des  «  règles  pour  le  discer- 
nement des  esprits  »  et  une  théorie  des  «  illusions  »  ordinaires 
dans  la  vie  asc-étique  et  mystique,  qui  lui  font  rejeter  comme 
frelatées,  non  pas  certes  toutes  les  expériences  des  croyants 
séparés  d'elle,  mais  les  trois  quarts  de  celles  sur  lesquelles  se 
fdudent  nota.mnicnt  les  initiateurs  de  sectes  nouvelles.  Gela 
pose  au  moins  un  problème,  et  la  solution  ne  peut  en  être 
trouvée,  du  point  de  vue  expérimental,  que  moyennant  un 
examen  plus  consciencieux  des  divergences  et  des  nuances. 

5.  Enfin  —  qu'on  nous  passe  cette  assertion  si  banale,  puis- 
que des  abus  trop  criants  la  rendent  indispensable  —  il  est  né- 
cessaire que  chacune  des  fiches  documentaires  soit  interprétée 
en  fonction  d'une  psychologie  vraiment  humaine.  Ne  Test  pas, 
assurément,  celle  qui  considère  exclusivement  dans  la  vie  reli- 
gieuse l'élément  émotionnel,  sans  tenir  compte  des  exigences 
intellectuelles  et  du  jeu  de  toutes  les  passions  qui  gravitent 
autour  de  l'amour-propre... 

De  développer  ces  dernières  réflexions  il  ne  saurait  être  ici 
question  ;  mais  les  ex]»rimer,  c'est  déjà  faire  entrevoir  à  quelles 
difhi-ultés  vient  se  heurter  une  psychologie  purement  empiri- 
que. Réservant  par  principe  tout  problème  transcendant  (1), 
ignorant  par  conséquent  si  la  religion  est  fondée  en  raison. 
si  Ihomme  a  de  fait  un  supérieur  et  de  quelle  nature  il  est. 
elle  peut  l)ien  cf)nstater  ce  qui  est  plus  général  et  sain  (au 
moins  en  tant  quassocié  à  des  états  sains)  ;  mais,  logique- 
ment, elle  ne  peut  ni  définir  ce  qui  est  essentiel  ou  accessoire 


(1)    Sur   <e    i)iincipe    de    la    «    psychologie    nouvelle    y.,    voir    Th.    Flournot, 
APs.    1903,    t.    II,   p.    38. 


MÉTHODES    DE    LA    PSYCHOLOGIE    RELIGIEUSE  195 

à  la  vie  religieuse,  ce  qui  contribue  à  sa  perfection  ou  à  sa 
déformation  ;  elle  ne  peut  davantage  apprécier  exactement  le 
rôle  de  l'humilité,  de  l'orgueil  et  des  autres  vertus  ou  vices 
dans  l'enquête  religieuse  et  dans  l'évolution  de  la  vie  reli- 
gieuse. Isolée  de  traite  philosophie,  elle  ne  peut  même  avoir 
des  vertus  et  des  vices  aucune  notion  précise,  puisque  vertus 
ou  vices  se  définissent  par  rapport  à  ce  qui  doit  être  et  que  de 
cet  ordre  normal  la  science  empirique,  en  tant  que  telle,  ne 
sait  rien... 

On  dira  qu'en  pratique  ces  distinctions  spéculatives  impor- 
tent peu,  tout  psychologue  étant  plus  ou  moins  philosophe  et 
sachant  à  quoi  s'en  tenir.  —  Elles  importent  au  contraire  d'au- 
tant plus  qu'en  pratique,  malgré  l'exclusion  donnée  en  théorie 
aux  questions  transcendantes  (de  vérité  et  de  valeur),  la  plu- 
part des  psychologues,  parce  que  philosophes,  introduisent 
subrepticement  dans  leurs  explications  nombre  de  solutions 
hâtives  et  discutables... 

Concluons  ce  bref  examen. 

Quelque  idée  sublime  qu'on  puisse  se  faire  de  la  religion, 
d'un  point  de  vue  philosophique  ou  théologique,  on  ne  peut 
contester  le  haut  intérêt  que  présentent  les  recherches  de 
psychologie  expérimentale.  Les  thèses  traditionnelles  de  la 
théologie  catholique  sur  la  grâce  (qui  élève  la  nature  et  utilise 
son  jeu  normal),  sur  l'action  de  Dieu  dans  toutes  les  âmes, 
sur  les  illusions  fréquentes  qui  s'introduisent  non  seulement 
dans  le  commun  des  fidèles  et  chez  les  faux  mystiques,  mais 
chez  les  mystiques  les  plus  authentiques,  toutes  ces  thèses  nous 
invitent  à  les  favoriser.  Si  nous  devons  protester  contre  telles 
ou  telles  théories  modernes,  c'est  au  nom  de  l'histoire,  parce 
qu'elles  négligent  des  phénomènes  psychiques  dûment  attestés, 
et  au  nom  de  la  saine  critique,  dont  elles  oublient  les  règles. 

Ces  règles,  nous  n'avons  pas  à  les  forger  pour  les  besoins 
de  notre  cause.  Ce  sont  celles  qui  s'imposent  notamment  dans 
toutes  les  <(  sciences  comparées  »  et  que  le  conflit  des  systèmes 
contribue  à  dégager  de  plus  en  plus  nettement.  Entre  les  plus 
importantes,  qu'il  suffise  de  signaler  les  suivantes  :  avant  tout, 
observation  scrupuleuse  des  faits  —  soin  constant  de  distin- 
guer ce  qui  relève  de  l'expérience    (observation  et  explication 


J96  H.     PINARD     DK    LA     BOIJLLAYE 

f.mpiriqiiei  el  f-e  qui  n'iève  de  la  spéculai  i(in  philosophique 
—  attention  diligente  à  lenir  compte  des  divergences  et  des 
cunti'astcs.  I>"agnosticisnie  moderne  et  lindifférentisme  reli- 
gieux, entre  autres  causes  I),  ont  entraîné  n(unbre  d'esprils. 
même  distingués,  à  nobsi^rver  fpie  les  seules  analogies  :  les 
(puvres  de  psychologie  (/énérallsatrici^  abondent  :  lune  des  tâches 
b'S  plus  urgentes  esl  de  constiluer.  (tans  le  sens  des  travaux 
inaugurés   pai'  Stern,   la  psycholof/ir  (Ufféroitirlle    (2)  . 

BIBL.  —  Outre  les  travaux  cités  ilan.s  le  texte,  voir  spécialement  : 
1".  })our  l'exposé  et  la  discussion  des  principes  et  des  méthodes  de  la 
«  notivelU  psychologie  »  :  Th.  Flournot,  Les  principes  de  la  psychologie 
religieuse,  dans  APs,  1903,  t.  II,  p.  33-57  —  H.  Hoffdixg,  Problèmes  et 
méthode  de  la  psychol.  de  la  rclig.,  dans  VI'  Congrès  de  psychol.,  publié  par 
Ed.  Claparkpe,  in-8",  (lenO-ve.  Kundig,  1910,  p.  106-117  —  J.  L.EUBA,  Psychol. 
des  phénomtnes  rclig.,  ibid.,  p.  118-137  —  O.  Kuelpe,  Znr  Psychol.  der 
Gefiihle,  ibid.,  p.  183-196,  avec  la  discussion  résumée  p.  137-182  —  J.  Mark- 
OHAL,  S.  J.,  Science  cmpiriqne  et  psychologie  relig..  dans  RSR,  1912,  t.  II, 
p.    1-62. 

2".  conime  iutroditctions  générales  :  H.  Faber,  ])(i'i  Wesen  der  Religions- 
psychologie,  in-8",  Tubingue,  Mohi-,  1913,  pp.  xiii-164  —  G.  Wunderle, 
Aiifgaben  und  Methoden  der  modernen  Religionspsychnlogie,  in-8",  Bichstatt. 
Verlag  der  «  Christlichen  Schule  »,  1913,  pp.  102  ;  Einfiihrnng  i»-  die  moderne 
Religionspsychol.,  pet.  in-S",  Kempten,  Kosel,  1923,  pp.  140  —  .J.  Froebes, 
S.  J.,  Lehrbnch  d;r  experimentellen  Psychologie,  2  in-8",  Fribourg-en-Br., 
Herder.  1915-1920,  t.  11,  p.  476-509  —  de  Grand.maison,  GR8ER,  1914, 
p.  189-200  • —  de  Munntnck,  O.  P.,  ibid.,  p.  201-214  (sommaire)  et  RSPT, 
1914,  t.  VIII,  p.  5-50  an  extenso)  —  .J.  Maréchal,  S.  J.,  CRSER^  1914, 
p  2l5-21  —  R.  H.  Thouless,  An  Introd.  to  the  Psychol.  of  Relig.,  in-8", 
Cambridge,  Univ.  l'i-ess,  1923  —  H.  P:narb,  L'étude  comparée  des  relig., 
t    I,   c.  IX,   histoire   des  théories  :   t.    II,    c.   vi,  étude   des   méthodes. 

3°.  pour  une  bibliographie  pins  complète  :  H.  I-'aber,  op.  cit.,  p.  vii-xii  — 
Li.  H.  Jordan,  Com,pa.rative  Religion  :  its  udjuncts  and  allies,  in-8",  Londres, 
Milford,  1915,  p.  136-162  —  G.  Berguer,  Psychologit  religieuse,  dans  .APs, 
1914,  t.  XIV,  p.  1-91  :  à  part,  in-S",  Genève,  Kundig,  1914  —  H.  Pinard, 
à  la  suite  de  l'article  Expérience  relig.,  dans  DTC,  1912,  t.  X,  col.  1864-1868 
—  pour  la  littératui-e  récente,  les  Archives  de  psychol.,  Genève,  1902  sq., 
VArchiv  fiir  Religionspsychologie,  Tubingue,  1914  sq.,  l.i  Revue  d'ascétique  et 
d(     mystique,    Paris,    1920    sq. 


(1)  Voir  sur  ce  point,  E.  Doumergue,  Les  étapes  du  fidéisme,  pet.  in-8", 
Paris,  Fischbacher,  [1906],  et  notre  étude,  La  théorie  de  l'expérience  relig. 
de  Luther  à  W.  James,  dans  Revue  d'hist.  e.cclés.,  1921,  t.  XVII,  p.  63-83, 
306-348,    547-574. 

(2)  Die  différentielle  Psychol.,  in-8".  Leipzig,  Barth,  1911  :  sui-  les  mé- 
thodes,   p.    1,    p.    30-148. 


LA    PRIÈRE  107 

[11]  La  Psychologie  de  la  Prière   M). 

par  le    R.    P.    GemELLI,   O.    F.    M. 

T.  -  J^a  psyrlidliigie  religieuse  a  ('in]tloyé.  jusque  dans  ces 
dernières  années,  des  méthodes  qui  en  ont  faussé  les  résultats. 
Le  dessein  de  diriger  les  recherches  de  psychologie  religieuse 
en  usant  d"une  luétiiode  objective,  a  déterminé  à  étudier  le  fait 
psychidogique  en  le  considérant  exclusivement  d'après  ses  coef- 
licients  et  ses  éléments  extérieui's  (physiques,  physiologiques, 
historico-sociaux;  .  Nous  avons  vu  se  produire,  en  conséquence, 
les  interprétations  suivantes   : 

1.  itilcrpréfatioii  biologu/iic  (LiiUBA),  qui  réduit  le  fait  reli- 
gieux à  ses  facteurs  historiques  dans  révolution  humaine  ; 

2.  inlerprrfiifinv  p.syc  li  o  -  ph  ys  i  ologique  (Guimaraens.  Murisier)  . 
(]ui  rt'duit  le  fait  religieux  à  ses  ('oelficients  })liysiologiques  ; 

3.  (lodrinr  pnl liofogique,  qui  explique  le  fait  religieux  en  fonc- 
tion i\e^  cas  itathologiques  (doctrine  de  la  névrose'  de  Janet) 
ou  la  j'éduit  à  la  t  l'ansformation  ou  sublimation  de  l'instinct 
sexuel    (Freud)  ; 

4.  dnctrinr  de  V cxpéricnçi'  religii'use.  qui  intei'pi'ète  le  phénci- 
mène  religieux,  titut  en  reconnaissant  son  irréductibilité, 
comme  une  fonction  de  la  volonté  (doctrine  volontariste  de 
James),  ou  bien  qui  l'intcrpiète.  eu  donnant  une  importance 
exclusive  à  son  contenu  émotif  (Wundt,  Flournoy)   ; 

5.  doctrine  historigve.  qui  a  interprété  le  phénomène  religieux, 
en  se  servant  s^^ulemenf  des  données  offertes  par  la  biographie 
ou  par  les  conversions  mêmes  (Heiner),  reconstruisant  ainsi 
ai'titb-iellement  le  développement  de  la  conscience  religieuse  ; 

G.  doctrine  sociologique,  qui  a  interprété  le  fait  religieux,  en 
se  servant  de  l'étude  comparative  des  manifestations  extérieu- 
]'es.  surtout  chez  les  primitifs  (Lévy-Bruhl.  Durkheim).  ou 
bien  en  ti-nuvant.  dans  lexamen  comparatif  des  documents 
ridigieux,   l'histoire   {\\\   di-veloppement   Au    mythe    (Wundt)  ; 

(1)  Ces  pages  sont  un  résuiné  très  bref  de  la  communication  faite  à  la 
^'(■mainc  de  Tilbourg.  I^'étude  complète  du  sujet  est  encore  en  préparation, 
car  il  est  nécessaire  de  faire  d'autres  recherches  expérimentales,  pour  illustrer 
fiuelques  points  secondaires.  Elle  sera  publiée,  dans  le  coui'ant  de  l'année, 
dans  les  Puhhlicazioni  lUW  Vniveisità  cattolUd  dtl  Sacro  Cuore,  série  terza, 
Psicologia.  —  L'étude  a  été  faite  en  collaboration  avec   le  Docteur  A.   Canesi. 


198  A.    GEMELLI 

7.  doctrine  de  la  subconscience,  qui  interprète  le  fait  religieux 
comme  un  exposant  de  la  subconsoience   (Delacroix,  Second)  . 

Dans  toutes  ces  interprétations,  nous  avons  l'influence  d'un 
des  préjugés  suivants   : 

a.  positiviste,  d'après  lequel,  en  voulant  interpréter  tous  les 
phénomènes  par  la  science,  le  fait  religieux  lui-même  a  été 
réduit  à  ses  coefficients  historiques  (méthode  sociologique)  ou 
physiques  (méthode  psycho-physiologique  et  méthode  physio- 
logique etc.)  ; 

b.  idéaliste,  qui,  en  développant  la  dialectique  de  la  vie  spiri- 
tuelle et  en  englobant  cette  dialectique  dans  la  conscience 
religieuse,  enlève  à  la  "vie  religieuse  toute  son  importance  et 
la  réduit  à  l'étude  du  développement  de  la  pensée  humaine,  en 
niant,  par  cela  même,  la  possibilité  d'une  psychologie  du  fait 
religieux. 

Ainsi  les  interprétations  psychologiques  erronées  du  fait  re- 
ligieux, au  lieu  de  nous  donner  une  psychologie  des  faits  reli- 
gieux, nous  ont-elles  apporté  des  systèmes  de  philosophie  de 
la  religion. 

n.  —  Devant  ces  insuccès,  nous  pensons  devoir  reprendre 
les  recherches  d'un  point  de  vue  purement  psychologique,  c'est- 
à-dire  en  faisant  abstraction  de  toute  préoccupation  philoso- 
phique ou  religieuse. 

Un  mouvement  remarquable  dans  ce  sens  s'est  déjà  dessiné 
dans  les  dernières  années.  Il  nous  a  donné  de  bonnes  études  de 
Staehlin,  Kofka,  'WuNDERi.E,  GiRGENSCHN  etc.  Nos  rechcTches  se 
rattachent  à  celles  qui  ont  été  faites  par  ces  psychologues. 

'La  méthode  que  nous  avons  suivie  présente  les  caractères 
suivants  : 

1.  Méthode  objective,  c'est-à-dire  que  nous  faisons  abstrac- 
tion de  tout  jugement  de  valeur  sur  le  fait  religieux,  objet  de 
notre  étude.  —  Deux  précautions  s'imposent  toutefois  : 

a.  Nous  prenons  le  fait  religieux  dans  sa  totalité,  tel  qu'il  se 
présente  à  nous.  —  Si  une  âme  affirme  l'origine  surnaturelle 
de  sa  vie  religieuse,  nous  considérons  cette  assertion  comme  un 
fait  —  d'une  part  sans  l'exclure,  parce  qu'elle  fait  appel  au 
surnaturel,  d'autre  part  sans  prononcer  un  jugement  de  vérité. 
Cette  intégralité  d'observation  du  fait  religieux  nous  permet 
d'être  réellement  objectifs. 


PSYCHOLOGIE    DE    LA    PRIÈRE  199 

h.  Nous  nous  niellons  sur  le  terrain  exact  des  faits,  ce  qui 
ne  veut  pas  dire  que  nous  voulions  barrer  la  route  à  toute 
conclusion  d'ordre  philosophique.  Cela  serait  injusfo  et  impos- 
sible, car  il  n'est  pas  possible  de  séparer  nettement  la  science 
de  la  philosophie,  et  encore  moins  la  philosophie  de  la  psycho- 
logie, qui  par  rapport  à  la  philosophie  se  trouve  dans  une 
position  particulière,  à  cause  de  la  nature  de  son  objet. 

2.  Méthode  introspective.  —  Nous  pensons  que  Tétude  du  fait 
religieux  ne  peut  être  faite  que  par  l'introspection,  qui  est  la 
seule  méthode  pour  étudier  le  fait  psychique  directement.  Ce- 
pendant, ici  encore,  nous  prenons  quelques  précautions   : 

a.  Nous  reconnaissons  que  la  recherche  historique  ne  peut 
pas  nous  donner  un  matériel  sûr,  des  documents  incontestables 
de  la  vie  intérieure  ;  c'est  à  la  faiblesse  de  la  méthode  histo- 
rique qu'il  faut  attribuer  bien  des  constructions  artificielles. 
]>9.v  exemple  sur  la  conversion  ;  Heixer,  Mainage)  ;  toutefois 
nous  pensons  que.  par  quelques  éléments  et  dans  certains  cas, 
elle  peut  servir  de  contrôle. 

h.  Nous  reconnaissons  aussi  que  la  biographie  et  l'autobio- 
graphie peuvent  êti'e  d'un  grand  secours,  surtout  comme  con- 
ti'ôle  des  données  tirées  de  l'introspection.  Dans  ce  sens,  on 
jieut  utiliser  d'autres  éléments  comme  la  prière,  les  soliloques, 
les  confessions  etc...  Mais  nous  estimons  que  ces  éléments 
doivent  être  interprétés  avec  beaucoup  de  précaution. 

c.  Nous  reconnaissons  même  la  valeur  des  questionnaires. 
S'ils  sont  bien  dressés  et  si  les  questions  sont  bien  posées,  ils 
peuvent  servir  de  complément  utile  ;  mais  nous  doutons  un  peu 
de  la  sincérité  de  ces  documents. 

d.  Les  déviations  pathologiques  peuvent  présenter  à  l'étaf 
exagéré  quelques  élt'mcnts  de  la  vie  psychique  normale  ;  pour 
ce  motif,  la  méthode  pathologique  peut  être  employée  utile- 
ment, pour  interpréter  quelques  données  obscures.  Dans  ce 
sens,  on  peut  utiliser  aussi  la  psycho-analyse    (Freud). 

e.  Enfin  on  peut  tirer  des  données  utiles,  pour  l'interprétation 
de  la  vie  psychique,  même  de  ses  corrélatifs  psycho-physiologi- 
ques :  mais  ces  éléments  sont  toujours  corrélatifs  et  non  pas 
essentiels. 

3.  Méthod''  expériiv'ntale.  — -  L'introspection  purement  occa- 
sionnelle, même  faite  par  des  personnes  habiles,  peut  amener 


200  A.   GEMELLI 

à  attribuer  de  riruportanee  à  des  éléments  qui  sont  au  contraire 
secondaires.  Un  exeniple  nous  est  donné  par  Jawbs  qui.  malgré 
ses  aperçus  pénétrants,  a  parfois  attribué  une  valeur  essen- 
tielle à  des  éléments  secondaires. 

L'introspection  doit  être  systématique,  méthodique,  c'est-à- 
dire  ap})liquée  d'après  les  principes  et  les  méthodes  formulés 
par  récol*^  de  Wur/.Iiourg   (Kuelpe)  . 

III.  —  Une  autre  cause  d'insuccès  doit  êti'e  cherchée  dans 
1  imprécision  de  l'objet  de  ces  études. 

La  grande  variété  de  la  vie  religieuse  nous  donne  une  physio- 
nomie différente  i)our  chacune  de  ses  manifestations.  De  là 
vient  qu'on  a  pu  voir  certains  auteurs  présenter  comme  des 
caractères  communs  de  la  vie  religieuse  tels  états  vagues  et 
confus  comme  ceux  de  la  religiosité,  dans  le  sens  strict  du 
mot.  c'est-à-dire  des  manifestations,  des  états  jiropres  aux  re- 
ligions primitives. 

a.  Nous  pensons  qu'il  est  nécessaire  de  limiter  le  champ  des 
observations  et  de  préciser  l'objet  de  la  recherciie  ;  il  sera  pos- 
sible de  [tasser  ainsi  à  une  étude  couiparative.  Nous  avons 
choisi  pour  h-  moment  l'étude  expérimentale  (c'est-à-dire  par 
l'introspection  provoquée)  de  la  prière,  dans  des  sujets  qu' 
pratiqupui  la  religion  catiioli(iue.  Nous  nous  proposons  toute- 
fois d'étendre  plus  tard  le  champ  de  nos  recherches. 

b.  Nous  excluons  aussi  l'étude  de  la  prière  dans  des  condi- 
tions singulières,  ccst-à-dire  dans  les  états  mystiques,  car 
dans  ce  cas  nous  nous  trouvons  vis-à-vis  d'expériences  qui 
méritent  d'être  étudiées  à  part. 

IV.  —  Plan  de  nos  recherches.  —  On  choisit  et  on  dressa  des 
sujets  capables  de  faire  des  introspections.  A  ces  personnes  on 
présenta  différents  textes  de  prières,  d'invocations,  de  frag- 
ments religieux,  en  leur  demandant  de  les  lire,  de  s'appliquer 
à  en  comprendre  le  sens,  pour  se  mettre  dans  l'état  d'âme 
inspiré  par  le  fragment  proposé,  de  manière  à  obtenir  qu'elles 
s'adressent  à  Dieu  par  la  prière.  Ce  résultat  une  fois  atteint,  le 
sujet  était  invité,  d'après  les  méthodes  et  avec  les  précautions 
indiquées  par  l'école  de  Kuelpe,  à  rapporter  très  exactement 
toutes  les  expériences  [Erlehnis)  qu'il  avait  eues.  On  rédigeait 
ensuite  un  compte  rendu   (protocole)   très  Adèle. 

Pour  compléter  cette  recherche,  on  a  étudié  soigneusement 


PSYCHOLOGIE  DE  LA   PRIÈRE  201 

la  vie  religieuse  des  différents  sujets  et  on  a  cherché,  par  des 
questions  habiles,  à  mettre  en  lumière  le  type  de  vie  religieuse 
de  chacun  d'eux.  Six  sujets  furent  ainsi  insti-uits  et  utilisés. 
On  rédigea  de  plus  un  questionnaire,  qui  fut  envoyé  à  plusieurs 
personnes.  L'examen  diligenl  des  réponses  permit  d'éclaircir  et 
de   contrôler  quelques   points  encore   obscurs. 

V.  Résultats  obtenus.  —  a.  Etats  ou  phasps  de  la  prièrr. 

1.  Etat  de  recueUlcuicut.  caractérisé  surtout  par  des  éléments 
affectifs,  dérivé^  de  la  comparaison  établie  par  le  sujet  entre 
lui  et  la  personnali  !('■  di\ine  sentiments  dindigniti'.  de  pau- 
M'eté,  d'insuffisance  t^iv.   . 

2.  Etat  d'aspiratidfi.  caractérisé  i)ar  la  considération  intel- 
lectuelle de  la  pei'sonnalité  divine.  Le  sujet  cependant  a  tou- 
jours présente,  comme  dans  un  second  plan,  sa  propre  person- 
nalité. Dans  cet  état  percent  déjà,  de  façon  plus  ou  moins  nette, 
certaines  tentatives  de  formuler  une  prière  avec  ses  pensées. 

3.  Réalisation  de  la  prière  Cette  phase  est  atteinte  seulement 
quand  le  sujet  réussit  à  se  rendre  la  divinité  présentr.  Cette  pré- 
sentation n'est  pas  cependant  isolée,  mais  en  relation  avec  son 
moi.  Les  modes  de  ces  j'apports  sont  tout  à  fait  différents  selon 
les  sujets  et  caraclérisent  les  types  de  la  prière. 

4.  Réalisation  de  la  formation  de  la  prière.  Cet  état  peut 
même  manquei'  ou  mieux  encore  il  peut  être  inclus  dans  le 
précédent.  Dans  cet  état  nous  avons  entre  la  divinité  et  le  sujet 
un  échange  de  prières,  d'afïections,  dont  le  résultat  est  que  le 
sujet  transforme  sa  persttnnalité  et  vit  en  lui-même  des  élé- 
ment <  qu'il  a  reçus  de  la  divinité. 

Cet  état  peut  avoir  différentes  formes  :  soliloque  -  colloque 
—  ahamlon  ;  leur  différence  n'est  pas  foncière,  mais  senlemenf 
aci-identelle  :  c'est  toujouj's  Dieu  présent  dans  le  sujet. 

b.  Elém^'uts  psychiques  qui  enfi'ent   dans  la  prière. 

Xous  notons  les  suivants   : 

1.  Eléments  affectifs  qui  se  révèlent  surtout  dans  la  conscienc(> 
de  la  nullité,  imlignité.  infériorité  vis-à-vis  de  la  majesté  île 
Dieu,  avec  accompagnement  de  plaisir  ou  de  peine  (Lust  und 
Vnlust  .  selon  le  contenu  de  la  prière  même. 

De  toute  façon,  il  est  possible  d'exclure  d'une  manière  abso- 
lue que.  comme  fondement  de  la  vie  religieuse  et  de  la  prière, 
il   y  ait   un  état   affectif  unique,   fondamental.  Ainsi   ces  expé- 


202  A.   GEMELLI 

riences  viennent -elles  démentir  la  théorie  émotionnaliste  du 
fait  religieux.  Les  états  affectifs  ont  une  valeur  seulement 
comme  éléments  corrélatifs  ;  il;?  colorent  les  différents  conte- 
nus de  conscience,  en  rendant  leur  jeu  plus  vif  et  plus  intense, 
mais  sans  avoir  aucune  fonction  plus  importante. 

2.  Représentations.  —  D'ordinaire,  le  jeu  des  images  est  très 
vif.  Mais,  tandis  (juc  la  doctrine  associationniste  expliquait 
toute  la  vie  psychique  par  les  représentations,  leurs  liens  et 
leurs  répétitions,  nous  avons  remarqué,  même  dans  l'état  de  la 
prière,  que  le  jeu  des  représentations  ne  sert  pas  à  expliquer 
la  vie  j)sychique.  Celle-ci  ne  présente  pas  seulement  des  conte- 
nus, mais  des  fonctions,  c'est-à-dire  non  seulement  des  images, 
mais  surtout  une  activité  (|ui,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
est  celle  du  moi.  De  toute  façon,  le  jeu  des  représentations  na 
pas  d'importance  :  il  est  toujours  guidé  par  des  pensées,  qui 
peuvent  transform"r  aussi  la  valeui'  de  cette  mèiiH^  représen- 
tation, en  lui  donnant  une  valeur  symholique. 

3.  Processus  volitifs.  —  Ceux-ci  n'ont  pas  une  activité  domi- 
nante dans  la  vie  religieuse.  Ils  sont  |ilutôt  le  produit  et  les 
conséquences  dernières  que  des  éléments  déterminants.  Nous 
pouvons  donc,  sur  la  base  des  faits,  mettre  de  côté  les  thèses 
volontaristes  :  les  processus  volitifs  ont  une  importance  secon- 
daire pour  expliquer  la  vie  religieuse.  Au  contraire,  la  vie  reli- 
gieuse a  une  large  influence  sur  les  motifs  (valeurs'  des  déter- 
minations volontaires. 

4.  Les  éléments  intellectuels  on!  au  contraire  une  importance 
remar(iuahle  et  générale  :  ils  sont  l'élément  fondamental  de  la 
prière.  Ce  sont  des  pensées  qui  la  dirigent  et  qui  coordonnent 
les  éléments  psychiques  qui  lui  appartiennent.  Nous  nous  trou- 
vons en  présence  d'une  véritable  actuation  de  pensée  productive 
et  créatrice,  qui  aboutit  à  mettre  l'individu  en  face  de  la  divi- 
nité, lui  fait  reconnaître  sa  dépendance  et  par  là  donne  à  la 
personnalité  une  plus  grande  activité,  une  plus  sûre  précision 
de  caractère.  Nous  constatons  donc  une  véritable  fonction  du 
moi,  qui  se  met  en  communication  avec  la  divinité.  Nous  avons 
vu  plus  haut  les  différentes  modalités  de  t-e  rapport.  Il  nous 
suffît  ici  de  relever  que  l'élément  central  de  la  prière,  au  point 
de  vue  de  la  psychologie,  est  la  ti'ansformation  et  l'activité  de 
la  personnalité  de  celui  qui  prie. 


PRÀHIST.  ARCHÀOLOGIB  UND  KLLTURHIST.  METHODE     203 

^'I.  Les  conclusions  auxquelles  nous  sommes  arrivé  par  notre 
élude,  sont  les  suivantes. 

La  prière  n"est  pas  le  produit  dim  état  émotif  (théorie  émo- 
tionnelle). Il  ne  faut  même  pas  la  reléguer  exclusivement  dans 
le  domaine  de  la  volonté  (théorie  volontariste).  L'élément  que 
nous  avons  relevé  comme  le  jilus  important,  c'est  la  pensée. 
Dans  la  prière  chrétienne,  la  personnalité  acquiert  une  plus 
grande  décision  et  précision,  une  activité  plus  vigoureuse,  qui 
est  affirmée  en  face  de  Dieu. 

Ce  fait  n'est  qu'une  condition  de  la  prière  :  c'est-à-dire  qu'il 
est  l'état  psychique  qui  en  permet  la  réalisation. 

La  prière  se  produit,  quand  il  y  a,  entre  la  personnalité  de 
celui  qui  prie  et  celle  à  laquelle  il  s'adresse,  un  échange  de 
pensées  et  d'affections,  dont  la  conséquence  est  que  la  person- 
nalité de  celui  qui  prie  est  renforcée  et  rendue  plus  active,  et 
réalise,  dans  sa  première  élévation,  la  présence  de  Dieu  dans 
l'individu  même.  Il  n'est  pas  nécessaire  d'insister  pour  montrer 
comment  ces  données,  démontrées  expérimentalement,  contre- 
disent d'une  part  les  interprétations  sentimentalistes  et  volon- 
taristes du  fait  religieux  et  comment  elles  viennent  d'autre  pari 
confirmer  cette  doctrine  scolastique  de  la  prière  qui  semblait 
être  le  fruit  de  l'abstraction  et  qui  est  le  fruit  d'une  psychologie 
mûre  et  élaborée,  bien  que  ceux  qui  l'ont  proposée  n'aient  pas 
employé  cette  rigueur  de  langage  que  la  psychologie  moderne 
a  adoptée. 


[12]  Prâhistorische   Archàologie 

und    kulturhistorische   Méthode, 

von  Dr.  Oswald  Menghin,  o.  6.  Professor  fiir  Urgeschichte 
des  Menschen  an  der  Universitât  Wien. 

Auf  dem  (Tcbipte  der  Pràhistoi'isclien  Archàologie  wird  der 
Kultui-kreisgedanke  schon  làngst  liorûcksichtigt  und  steht  in 
neupstcr  Zeit  geradezu  im  [Nlittelpunktc  des  Intéresses.  Die 
Verbindung  zwischen  den  ethnographischen  und  den  àltoi'en 
archàologischen  Kulturkreisen  ist  hingegen  von  Seitc  der 
Pràhistoiiker  nuch  so  gut  wie  gar  nicht  versucht  worden.  Ihr 
sind  die  folgenden  Ausfûhrungen  gewidmet.  Sic  konnen  in  dem 
zugewiesenen  Raume  nur  einen  knappen  Auszug  des  Vortrages 


204  O.    MENGHIN 

bieten.  Auf  die  Beweisfûhrung  hinsichtlich  vieler  Ei'nzelheiten 
mus.s  hier  verzichtet  wei'den.  Man  wird  sie  in  einem  lângeren 
Aufsal/.e  im  Anthropox  iiaclilesen  kùnnen. 

I. DAS  ALTPALAOLITHIKUM. 

Dus  AltpaldnliUiikuni  kann  nacli  den  neuesLen  Foi'selmngs- 
ei'gehnissen  Obermaibrs  auf  deni  JBoden  Europas  in  zwei  Kul- 
tiirkreise  goschieden  wei'den. 

1.  Drr  ivrsteuropâific/it'  Kultiirkn-is  ih-s  Altyaldolithilxintis  al- 
tère FaustkeilkuHur,  Pradielléen  bis  Altacheuléen.^ —  Chai'akle- 
iMsIisches  Werkzeiig  ist  der  zweiseitig  bearheitete  Faustkeil. 
l)ie  l\leinindu.<li'ie  ist  alypisch.  Knochenartefakte  fehlen.  Der 
G]'o:?.st('il  dei'  (TPi'ate  hesland  olî'enbar  ans  Holz.  Die  Wohnung 
l:ig  wahi'cnd  dei'  warnicn  Cbt'dleszeit  ini  Freien,  wàhrend  der 
vii'l  kaltcreti  Acheuli.eriode  id'l  aiu-h  in  Hohlen.  Der  Gesamt- 
kulliirsland  ist  ein  niede7:e]'  Jàgernomadismus.  Vei-breitet  ist 
die  rclile  altiialaolifhisehe  Faustkeilkiiltiir  in  Westeuropa 
l'Fi'anki'i'icli.  Spanien,  l-:ngland.  Italien},  in  .Mitteleuropa  — 
ddcli  liier  nu r  insular  iind  arlieiilzeitlich  — ,  in  Nordafrika  und 
in  Asien.  wolier  sie  wohl  iiberAfrika  nach  Europa  eindrang. 
Die  Piiysis  der  Faiistkeilinenschen  ist  unhi'kannt.  da  aile 
Neandertalskelette  dem  nâchsfen  Knltui-kreise  angehoren. 

2.  Drr  o.stmropdischf  Kulliirltreis  (1rs  Altpalàolifhiku tus  Hand- 
spitzeiikultur'.  Pi-iiiiioustérien  liis  AIuusl érien) .  • —  Faustkeil  und 
zweiseitige  Bearbeitung  felilen  ganzlidi.  Leittorinen  sind  Hand- 
spitze,  Sehaber.  Klinge  aus  Stein  :  im  Pi'ânioustérien  sinil  sie 
kaum  ausgebildet.  D^jis  Vorkoninien  vnn  Knoohenartefakten 
steht  ausser  Frage.  Als  Wobnung  dienf  schon  in  ôcv  Warmzeif 
Holile  und  Abri.  Dass  in  Krapina  Kannibalisnuis  hei'rschte.  ist 
niehl  gesiehert.  Es  dai'f  wenigstens  die  Vennutung  geàussert 
werdcn.  dass  es  sicli  in  Kraj)ina  uni  eine  Brandbestattung 
gehandelt  bat.  Skelettbestattungen  in  HTihlen  sind  aus  dem 
klassisr-hen  Moustérien  (altère  Klingenkultur  zur  Genûge 
bekannt.  Aurh  dièse  Kultur  darf  als  niederer  Jàgernomadismus 
bezeichnet  werden.  Das  Pràmoustérien  ist  in  Deutschiand,  in 
der  Schweiz,  sowie  in  den  Lândern  dei'  ehemaligen  oesterrei- 
ebisch-ungarischen  Monarchie  verbreitet.  Es  ist  gleichzeitig 
mit  dem  Chelléen  und  Aeheuléen  in  Westeuropa.  Das  Mousté- 
rien flndet    sieh  von  Ungarn  bis  Frankreich  ;   in  Spanien    und 


PRÂHÏST.    ARGHAOLOfJIF:    IND    KULTLRHIST.    METHODE  205 

Enghuid  ist  es  unUPulhcli.  Anssereuropâische  Fiinde  kônnen 
nicht  siflifr  zugfiwiosen  werdon.  Dei'  Mensch  dièses  Kulturkrei- 
ses  ist  dor  Homo  primigmius  (Neandertalrasse; .  Der  osteuro- 
pàisehe  Kulturkreis  hat  denigemàss  in  Deutschland  und  Frank- 
roieh  den  westeuropàischen  tiberdeckt  und  /.uni  Voi'schwinden 
geitraelit.  Jungacheuléen,  Levallois.  La  Micoque  und  Altmous- 
Lérien  sind  ais  Misclikulturen  der  Ijeiden  Kreise  anzusehen. 

Xon  den  durcli  W.  Schmidt  aufgestellten  IJrkultui'en  der  re- 
zenten  Primitiven  deekt  sich  dei'  <^.ro{/am-f/esfhlechtstolf'niistiscfif^ 
{lasmanisr/ic  Kulturkreis  zipmlieh  auffallig  mit  unserem  ost- 
euro[)aisclien.  Das  lithische  Inventar  ist  identisch.  (Dio  Beliaup- 
tung,  dass  unter  den  tasmanischen  Steingeràten  Faustkeile 
viu'komnien.  ist  l'alschj .  Da  die  Tasnianier  Leichenvi'rbrennung 
kennen,  wàre  der  Paiallelnacliweis  fur  Kra])ina  vun  grossier 
Wichligkeit.  Widersprechend*»  Zûge  finden  sieli  keine.  Der 
cxogaui-ylcirlirprlitlic/ii'  Kulturkreis  {Bumcrangkultur  ist  niogli- 
clierweise  mit  dern  westeuropàischen  zu  identifizieren.  Dass  der 
Faustkeil  ihm  angehôrt,  wird  von  den  Ethnographen  zwar  nicht 
Iterichtet  ;  aber  von  archàologischer  Seite  lâsst  sich  dartun, 
dass  der  liumcrang  in  Ivulturkomplexcn  auttritt,  die  in  irgend 
einem  Zusammenhange  mit  Faustkeilkulluren  stehen  (Gampi- 
gnien.  altàgyptische  und  altsumerische  Kultur).  Der  alithische 
exogani  -  m  onogaui  isi  i  se  lie  Ku  It  urkreis  {Pygmàenkultu  r.  HolzkUl- 
lur),  der  nach  Schmidt  vielleitdif  am  Beginne  dei'  gesamten 
Kultureniwicklung  steht  und  sich  durch  den  Besitz  des  Bogens 
auszeichnel.  ist  na(di  deni  gegcnwaidigen  Stande  der  archâolo- 
gisclien  Forschung  unmittelbar  nicht  nachzuweisen.  Auf  afri- 
kanischcm  Hodcn  schcint  cr  allerdings  aus  einer  jungpalâoli- 
thischen  Scliichl   prs(dilipssbar  zu  sein.  Darûbei'  spàter. 

II.  DAS  JUNGPALAOLITHIKUM. 

Im  .Juugpalâolithikuo)  kann  man  bereits  eine  ganze  Anzahl  von 
Kulturkreisen  unterscdieidcn,  da  nichi  nur  mehr  oder  weniger 
geradiinige  En.twicklungen  aus  den  l'rkulturen,  sondci-n  aucti 
Mischungen  verschiedenster'  Art  in  Frage  kommen. 

1.  Der  ivesteuropaiscJie  Kulturkreis  des  Jungpalàolithikuius 
(mittlere  Klingenkiiitur,  Aui'ignacien) .  ■ —  Die  lithische  Technik 
ist   durch   ausnaiimshis   einseitige  Bearbeitung  und   durcli    die 


206  O.    MENGHIN 

Steilrptusche  gekennzeichnpt.  Genetischer  Zusammenhang  mit 
dem  Moustérien  wird  ziemlich  allgemein  angenommen.  An  For- 
men  erscheinen  Klingen,  Spitzen,  Bohrer,  Schaber,  Kratzer, 
Mikrolithen,  die  zur  Fell-imd  Knoehenbearbeitung,  aïs  Messer, 
Sâgen,  Dolche,  Lanzen  nnd  dergleichen  gedient  haben.  Die 
Knocheiiindnstrip  erzeugt  Spitzen,  Messer.  Schaber.  Zwingen 
nnd  dergl.  Aile  Keulen  nnd  keilartigen  Instrumente  fehlen.  Pfeil 
und  Bogen  waren  aller  Wahrseheinliehkeit  nach  unbekannt.  Die 
Kunst  des  Aurignaeienmensehen  war  eine  derbnaturalistische 
Schnitzplastik  in  Elfenbein  nnd  Knochen,  seltener  in  Stein  und 
Ton.  Gegenstand  der  Darstellung  waren  vnr  allem  nackte 
Frauen,  aber  auch  Mànner  nnd  Tiere.  Die  «  Ephebenfignr  » 
von  Laussel  ist  mit  einem  Giirtel  bekleidet  ;  eine  Frauengestalt 
trâgt  ein  Trinkhorn.  Die  franco-fantabrische  Parietalkunst  des 
Altamirastiles  gehort  zu  einem  guten  Teile  bereits  ins  Aurigna- 
cien.  Ihr  nur  einen  geringen  Bruchteil  des  westeuropàischen 
Kulturkreises  nmfassendes  Verbreitungsgebiet  macht  es  so  gnt 
wie  sicher,  dass  sie  ihre  Entstehung  Anregungen  ans  dem  be- 
nachbarten  inediterranen  Kulturkreise  verdankt.^  Dem  Aurigna- 
cien  gehi'iren  auch  Abbildungen  verstiimmelter  Hànde  an.  Die 
Ornamentik  ist  gering  entwickelt  und  geradlinig.  Die  Wohnung 
des  Aurignaeienmensehen  war  die  Hohle,  das  Felsdach  und  das 
otTene  Land.  Herdlocher  sind  nachgewiesen,  primitive  Hùtton 
wahrscheinlich.  Erdbostattungen  in  und  ausser  Hohlen  sind 
gesichert  ;  Zweistufigkeit  der  Beisotzung  und  Roibemalung  dei 
Skelette  wurde  oft  behauptet,  steht  aber  nicht  fest.  Die  rituelle 
Beigabe  von  Ocker,  Rotel,  Musehelschmuck  und  anderen  Dingen 
kann  hingege-n  nicht  bestritten  werden.  Das  Aurignacien  ist 
von  Nordspanien  bis  Bulgarien  nachgewiesen  und  flndet  sich 
auch  wieder  in  Syrien.  Dièse  Kultur  ist  wahrscheinlich  iiber  den 
Balkan  eingewandert  und  muss  als  hoherer  Jâgernomadismus 
bezeichnet  werden. 

2.  Der  osfeumpàische  Kulturkreis  des  Jnngpalâolithikums 
(mittlere  Faustkeilkultur,  Protosolutréen).  -  Dieser  Kulturkreis 
ist  leider  nur  am  Ostrande  des  erforschten  Gebietes  greifbar 
und  erscheint  weiter  westlich  nur  in  Mischungen  mit  der  wesl- 
europàischen  Kultur. Das  in  ungarischen  Hohlen  nachgewiesene, 
dem  Jungaurignacien  ungefàhr  gleichzeitige  Protosolutréen 
enthâlt   als  wichtigste  Leitform   beiderseitig  bearbeitete   Keil- 


PRAHIST.    ARCHAOLOGIE    LND    KULTURHIST.    METHODE  207 

chpn  aus  Silex,  deren  Zusammenhang  mit  der  Faustkeilkultur, 
insbesondere  mit  dem  ?ogenannten  Ostacheiiléen  Obermaiers 
évident  isf.  Aus  ihnen  hat  sich  durch  Einfluss  der  Aurignac- 
kultur  die  Frûh-  und  Hochsolutréenlorbeerblattspitze  ent- 
wiekelt.  Das  Protosolutréen  .stammt  wahrscheinlirh  aus  den 
russisch-sibirisehen  Steppen.  wo  die  Forsehung  beinahe  vôllig 
versagt.  Immertiin  treten  schon  in  den  sogenannten  Aurigna- 
cienstationen  der  T'kraina  Eigenheiten  an  den  ïag,  die  nicht 
allzuschwer  mit  dem  Einflusse  des  osteuropaischen  Kultur- 
kreises  in  Verbindung  gesetzt  werden  kônnen.  Hierher  gehôrt 
vor  allem  die  schematisehe  Figuralkunst  und  die  hochent- 
wickelte  Ornamentik  dieser  Fundplâtze  (Kiew,  Mezine).  Sie 
leiten  zum  Geometrismus  einiger  Frûhsolutréenarbeiten  binû- 
ber.  Die  iibrigen  Elemente  dièses  Kulturkreises  mûssen  aus  den 
spateren  Miscbkulturen  abgeleitet  werden.  Klar  wird  aber  aus 
diesen  Yerhàltnissen,  dass  die  in  Frankreicb  gewonnene  Chro- 
nologie des  Jungpalâolithikunis  fur  Osteuropa  ebenso  wenig 
gilt  wie  fur  das  Mediterrangebiet.  weil  es  sieh  hier  zum  Telle 
um  andere  Kulturen  dreht. 

3.  Der  ostciiropàische  Mischkulfiirkreis  des  Jiingpalàolithikums 
(Lorbeerblattkultur,  Solutréen).-  Seine  auffallendste  Form  sind 
lorbeer-.  auch  weidenblattfôrmige  Feuersteinlamellen  von  vor- 
zûglicher  beiderseitiger  Arbeit.  Sie  entwiekeln  sich  aus  einer 
ungleieh  roheren  Friihsolutréenform.  die  sieh  unmittelbar  an 
den  Protosolutréenkeil  anschliesst.  Es  ist  hezeichnend,  dass 
der  letztere  gegen  Westen  nicht  ûber  Ungarn,  der  erstere  nicht 
ûber  Wurttemberg  hinausgeht.  wogegen  das  klassische  Hochso- 
lutréenblatt  von  Nordspanien  bis  Ungarn  sich  findet.  Es  war 
wohl  sicher  ein  Dolch.  Die  dicken  Frûhsolutréenblàtter  hinge- 
gen  durften,  wenigstens  zum  Teil.  wohl  noch  anders  verwendet 
worden  sein,  vielleicht  in  Zweigschlinge  gesehàftet  als  Schlag- 
wafTen.  Dièse  ganze  Wandlung  zeigt  deutlich  den  Einfluss  des 
dolch-  und  lanzenreichen  Aiungnacien  auf  eine  andere  Kultur. 
der  dièse  Dinge,  wenigstens  aus  Stein  gefertigt.  unbekannt 
waren.  Das  Frùhsolutréen  ist  aber  auch  durch  eigentliche  Keu- 
len  aus  Stein  und  Knochen  (Briinn,  Predmost)  ausgezeichnet  ; 
man  darf  sie  wohl  unbedenklich  auf  den  Kulturstrom  des  Pro- 
tosolutréen zurûckfûhren.  Desgleichen  gewisse  seltene  Typen 
und  technische  Fortsehritte  des  mâhrischen  Frùhsolutréen,  die 


208  O.    MENGHIN 

Hacken.  Gaheln  und  lirillpnfoi'nngen  Beingeràte,  das  Durch- 
bohren  und  Glafton  des  Steins.  Das  Silpxgerat  tiagt  dagegen 
hauptsàchlich  AurignacienrharaklPi'. 

In  der  Kunst  dos  Frûlisolutrôen  lindeu  sich  naturalistisrlie 
und  geometrischo  Arlieiten.  gorad-  und  kruiiiinlinige  Verzio- 
rungen  —  unter  dieson  besonders  konzonlrisclu'  Kreise  —  ne- 
lieneinander,  also  dio  Stile  beider  Kulturgruppen.  Von  beson- 
dereni  Interesse  sind  kb^'ine  Hockei'figuren  aus  Knocben,  dit 
wohi  mit  Unrecht  als  scbwangere  Frauen  angescben  werden. 
Es  sind  ganz  schematische  Arbeiten. 

Der  Solutréeninenscb  leblo  in  einer  selu-  kalten  Zeit  und  be- 
vorzugte  daber  HrdibMiwolinungen.  Es  fobb'n  aber  auch  nicht 
Freilandstationen.  Grosse  Anbiiufungen  von  Mahlzeitresten  be- 
weisen  eine  ge\Nisse  Sessbafligkeil  Prcdinost,  Solutn''  .  Grâber 
oes  Solutréen  kennt  man  nur  aus  Màhron  :  eine  Hot-kerbestat- 
lung  (Brùnn  und  ein  Massengrab  (Predniost'.  Schmuck-  und 
Fleischbeigabon  steben  fur  beide  t'est.  Das  Friibsolutn'en  felilL 
in  Westouropa  ganz.  das  Hochsolutréen  ist  zwar  dort  voidian- 
den,  iiberspi'ingt  aber  gewisse  Gebiete,  so  Nordfrankreicli  und 
die  Pyreniien.  Dass  sich  dio  Solutréeniriis(dikultur  von  Oston 
nacb  Westen  verbreitet  liât,  liogt  nacb  ail  dem  Gesagton  auf 
der  Hand. 

l.  Der  westcui'opai.sc/if'  Misrhl.iill iirkrei.s  des  Jungpalàolithilni ms 
(JLingere  Klingenkultur.  Magdalénien).  -  Die  engen  Beziebungen 
in  der  Silexindustrio  und  in  dei'  Kunst.  die  das  Magdalénien  mit 
dem  Aurignacien  vei'binden,  macben  es  klar,  dass  es  Gebiete 
gegeben  haben  -muss.  in  denen  sich  dièse  Entwicklung,  von 
Solutréeneintlûssen  im  grossen  und  ganzen  unbehelligt. 
vollzogen  liaben  kann.  Doiiei  Môglichkeiten  bat  die  allzu 
schematische  Chronologie  bisher  zu  wenig  beacbtet,  so  dass 
ihr  selbst  auf  dem  Boden  Frankreichs  nicht  allgemeine 
Berechtigung  zukommt.  Es  miissen  gewisse  Ubergangsphasen 
vom  Aurignacien  zum  Magdalénien  mit  dem  franzôsischen 
Solutréen  gleichzeitig  sein.  Beweise  dafiir  bat  denn  auch 
neuestens  Battaglia  orbracht.  Die  Feuersteinindustrie  des 
Magdalénien  stehf  tief  unter  doni  Niveau  des  Solutréen  und  ist 
auch  dem  Aurignacien  gegeniiber  degeneriert.  Nur  wo  es  sich 
um  Werkzeuge  fur  die  Knochenbearbeitung  drebt.  sind  neue 
und  feinore  Typen  zu  bemerken.  also  vor  allern  unter  don  Bobr- 


PRAHIST.  ARGHAOLOGIE  UND  KULTURHIST.  METHODE     209 

und  Schabinstrnmentpn.  Auf  ausserordentlich  hoher  Stufe 
steht  dag-egen  die  Knorhen-  und  Hornindustrie.  die  mannig- 
fache  Typen  hervorbringt.  Hieher  gehoren  unter  anderem  ein- 
iind  zweireihige  Harpunen,  Lanzenspitzen  mit  abgesohrâgter 
und  gespaltener  Basis.  Speersehieudern  und  Sehaftstrecker, 
Dolche,  geôhrte  und  ungeôhrte  Nadeln,  Nadelbûchschen,  Kom- 
mando-  oder  Zauberstàbe,  Knochenpfeifchen.  Schàdelbecher.  Es 
ist  ausgesf'hlossen,  dass  aile  dièse  Formen  im  Magdalénien  neu 
erfunden  worden  sind,  obwohl  nur  wenige  von  ihnen  Vorfahren 
in  àlteren  Stufen  besitzen.  ^lan  darf  unbedenklich  annehmen, 
dass  die  meisten  von  ihnen  schon  friiher  da  waren,  aber  aus 
Holz  angefertigt  wurden.  Dass  der  Grossteil  von  ihnen  aus  dem 
Aurignacien  stammt,  ist  bei  der  sonstigen  Beschaffenheit  des 
Magdalénien  von  vorneherein  wahrscheinlich.  Es  fràgt  sich  nur 
ob  man  sie  von  jenen,  die  gegebenenfalls  aus  dem  Solutréen 
herstammen,  trennen  kann.  Nachdem  wir  das  Aurignacien  als 
eine  ausgesprochene  Kiingen-  und  Spitzen-,  das  Protosolutréen 
aber  als  eine  Keulenkultur  erkannt  haben,  dùrfte  wohl  kaum  ein 
Zweifel  darûber  bestehen,  dass  ailes  was  mit  Lanze,  Dolch  und 
Nadel  zusammenhângt,  dem  erstgenannten  Kuiturkreise  zuzu- 
weisen  ist.  Daraus  ergibt  sich  aber  nicht,  dass  die  ûbrigblei- 
benden  Typen  dem  zweiten  Kreise  zugehoren.  Das  lâsst  sich 
lediglich  fur  den  Schàdelbecher  vermuten,  da  fur  diesen  natiir- 
lich  Holzvorbilder  nicht  in  Betracht  kommen.  Sie  mûssten  dem- 
gemàss  eigentlich  schon  im  Aurignacien  erscheinen,  wenn  es 
sie  gegeben  batte.  Dass  wir  sie  auch  aus  den  beiden  osteuro- 
pâischen  Kulturkreisen  des  Jungpalàolithikums  nicht  haben, 
kann  durch  unsere  mangelhafte  Kenntnis  dieser  Kulturen  er- 
klârt  werden.  Pfeil  und  Bogen  war  dem  Magdalénienmenschen 
wahrscheinlich  bekannt,  aber  wohl  nur  im  sùdwestlichen  Telle 
des  Kulturgebietes  als  Gabe  des  Mediterranenkreises,  der  dièse 
Waflfe  vom  Anfange  an  besass.  Fiir  den  dem  Magdalénien  zu- 
fallenden  Teil  der  Alperakunst  gilt,  was  oben  fûrs  Aurignacien 
gesagt  wurde.  Auch  die  plastisc-he  und  zeichnerische  Kleinkunst 
dieser  iStufe  zeigt  Einflûsse  vom  Mediterrangebiete  her.  Unter 
den  Sujets  sind  die  Darstellungen  von  Menschen  mit  Tiermas- 
kon  am  interessantesten.  Sie  beweisen  die  Existenz  von  kul- 
tischen  Tànzen.  Die  Ornamentik  der  Magdalénienkunst  ist  zum 
Telle  krummlinig  und  hat  somit  wohl  Solutréeneintlusse  abbe- 


210  0.    MEXGHIN 

kommen.  Die  Konntiiis  dcv  Vifliziiclil  làsst  sir-h  fiirs  Magdalé- 
nien nicht  erweisen.  Dagegen  liât  man  lien  Ahrenbildern  zu 
wenig  Beachtung  gcschpnkt.  In  Vorhindvmg  mit  den  Getreide- 
kurnern  vim  .Mas  d'Azil,  die  siidi  niclU  sd  oline  weiteres  abtun 
lassen  und  wohl  kaum  von  Mâiisen  eingeschleppt  sein  kônnen, 
maciien  sic  primitivon  Getreidebau  fiirs  Magdalénien  durchaus 
glaubhaft.  Ev  muss  natûrliçh  in  anderer  Umwelt  entstanden 
sein.  Und  da  liegt  es  wieder  sehr  nahe.  dièses  Elément  aufs 
Piotosolutréen  zuri'u'kzufùhren.  da  die  àltesten  Ackerbaukul- 
turen,  die  wir  kennen,  das  Gampignien,  die  altàgyptisebe  und 
altsumeriscbe  Kultur,  gleidi  wie  dièses  mit  der  Faustkeilreihe 
zusammenhàngen.  Der  Magdalénienmenseb  wohnie  aller  Wahr- 
scheinlichkeit  nach  oft  in  Hûlten,  liebte  aber  auch  die  Hôhlen. 
Wenigstens  fur  gewisse  franzosische  Liandstriche  darf  man  mit 
einer  Art  Sesshaftigkeit  rechnen.  Die  Bestattiingen.  meist 
Hoe'ker,  àlineln  jeiien  i\i'>  Aurignacien.  Die  Verbreitung  des 
Magdalénien  ej-streckt  sieb  in  stark  abnehmender  Dichtigkeil 
von  Nordspanien  bis  Ungarn  ;  die  jûngeren  Stufen  feblen  im 
Osten.  Seine  Heimat  ist  zweifellos  Frankreich. 

Nach  ail  dem  Gesagten  ist  es  nicht  mehi-  angàngig,  das  ge- 
samte  Jungpalâolithikum  als  hoheres  Jagernomadentum  zu 
bezeichnen.  Es  dreht  sich  bei  den  drei  letztbehandelten  Kulturen 
vielmehr  walirscheinlich  uin  hackbautreihende  Halbnomaden. 

5.  Drr  nipditerraur  Kullurkrpis  d^s  Jinigpaldolithiknms  (Caj)- 
sien.  —  Dieser  Kulturkreis  ist  noch  \v(mig  bekannt,  da  sein 
HaupLgebiet  in  Nordafrika  liegt.  und  in  Europa  ihm  nur  der 
grussere  'i'eil  der  iberischen  Halbinsel  und  vermutlich  auch 
Italiens  angehort.  Die  drei  Stufen  Alt-.  Jung-  und  Endcapsien 
siellen  gewiss  nur  scheinbar  eine  innere  Evolution  dar  ;  in 
Wirklichkeit  dreht  es  sich  zweifellos  auch  hier  um  die  Ergeb- 
nisse  komplizierter  Mischungsvorgànge,  die  umso  sohwieriger 
zu  enthùllen  sind.  als  ibre  Komponenten  vermutlich  zum  Telle 
aus  den  uns  archâologisch  unbekannten  Gebieten  Afrikas  und 
Asiens  herstammen.  Demgemass  wird  dieser  Kulturkreis  spàter 
in  mehrere  zu  zerlegen  sein.  Fest  stehl  bislang  so  viel,  dass 
das  Alteapsien  dem  Aurignaoien  sehr  nahe  steht  und  im 
gi'ossen  und  ganzen  als  ein  Ableger  desselben  anzusehen  ist.  Da 
sich  aber  zvvischen  den  beiden  Kulturen  dooh  deutliche  Unter- 
schiede  bemerkbar  zuni  machen  seheinen.  kann  die  Entstehung 


PRAHIST.    ARCHAOLOGIE   UND    KULTl'RHIST.    METHODE  21  1 

des  Altcapsien  vorderhand  wohl  nur  so  erklàrt  werden,  dass 
sich  in  seinem  Umkreise  das  Aurignacien  liber  eine  fremdar- 
tige  Unterlage  ergossen  hat,  durch  die  es  von  Anfang  an 
wesentlich  modifizierl  wiirde,  iim  sich  im  Jung-  und  Endcapsien 
zn  einer  Mischkultur  ganz  selbstàndigen  (îeprages  auszu- 
waehsen.  Dièse  Bntwicklung  ist  durch  dpn  allmàhligen  Uber- 
gang  zu  einer  ausgesprochenen  Mikrolithik  charakterisiert. 
Arbeiten  aus  Strausseneisi-hale  (Perlen,  Gefasse)  sind  hàuflg. 
Ein  wesentliches  Merknial  des  Capsienkulturkreises  ist  fer- 
ner  die  N'drliebe  fur  Felszeichnungen  und  Felsmalereien.  wie 
wir  sie  am  besten  aus  Ostspanien  kennen.  Dièse  machen  den 
Weg  von  einem  primitiven  expressionistischen  Naturalismus 
zu  eineni  extremen  Schematismus,  der  etwa  fûrs  Endcapsien 
angesetzt  werden  darf.  Aus  den  âlteren  Wandbildern,  die  Tânze, 
Kàmpfe  und  Jagden  darstellen,  konnen  wir  die  wichtige  Tatsa- 
che  entnehmen,  dass  den  Gapsienleuten  Pfeil  und  Bogen,  aber 
keine  Schilde  und  wohl  auch  keine  Koclier  bekannt  waren.  Die 
Mànner  gingen  nackt,  jedoch  nicht  ohne  Schmuck,  die  Frauen 
Irugen  bei  Tânzen  kurze  Rfjckchen.  Die  Beziehungen  zur  re- 
zenten  Buschniannkultur  sind  auiïallend  und  es  kann  ein  ge- 
netischer  Zusamnienhang  kaum  bezweifelt  werden.  Vielleicht. 
darf  man  sich  die  Sache  so  vorstellen,  dass  sich  das  Aurigna- 
cien irgendwo  in  Afrika  mit  einer  den  Bogen  fûhrenden  Jàger- 
kultur  altpalàolithischen  Gepràges  gekreuzt  hat.  deren  Trâger 
Pygmoide  waren,  und  dass  von  dieser  Mischung  einerseits  die 
Buschmannkultur.  andererseits  das  Capsien  abzuleiten  ist.  Das 
Capsien.  das.  wie  es  scheint,  gross-  und  kleinwùchsige  Rassen- 
elemente  in  sich  vereinigte,  ist  als  huherer  Jâgernomadisnius 
zu  bezeichnen.  Ob  der  Einmarsch  des  Aurignacien  nach  Afrika 
ûbcr  Spanien  oder  ûber  Suez  erfolgte.  lâsst  sich  heute  noch 
nicht  cnfscheiden  ;  walirscheinlicher  ist  das  erstere.  Dagegen 
steht  es  ausser  Zweifel,  dass  das  Endcapsien.  das  vielleicht  den 
Haushund  kannte.  plutzlich  uber  die  alte  Kulturgrenze  in  Spa- 
nien  hiniiber  nach  Frankreich.  England  und  Deutschland  ein- 
brach,  wo  es  als  Tardenoisien  (auch  Tourassien)  bezeichnet 
wird.  Dadurch  entstanden  neue  Mischkulturen. 

G.  Der  u'esti'uropàischf  Mischkulturkrris  des  Endpalàolithikums 
(Azilien).  —  Dièse  Kultur  ist  nichts  anderes  als  die  Mischung 
eines  degenerierten  Magdaléniens  mit  dem  Tardenoisien.  Dem- 


212  O.    MENGHIN 

gemàss  sind  in  ihin  Elomente  aller  drei  Hauplknllnrkreise  des 
Jungpalàolithikums  zu  erwarten.  Voni  Endcapsien  l'ûhren  die 
geometrischen  Silices,  die  Mikrolithlk  nnd.  wie  Obermaier 
nachgewiesen  hat.  die  schematischen  ZeiclKni  auf  den  Azilien- 
kieseln  her  ;  ans  der  Reihe  Aurignacien- Magdalénien  stammen 
die  Harpimen  wné  manche  Feuersteinformen  ;  aus  der  Solu- 
tréenahnenschaft  der  durch  Kornerfunde  \vahrseheinlich  ge- 
marlîte  Pflanzenbau  und  wohl  auch  die  iSr-hadelsepulturen.  Das 
GerôUbeil  ist  in  der  Azilienausprâgung  gewiss  ein  Produkt 
dièses  Kulturkreises  ;  seine  entfernlere  HerkunfL  steht  vor- 
dei'hand  dahin.  Die  Verbreitung  des  Azilien  ist  eine  be- 
schrànkte  und  uinfasst  Nordspanien,  Frankreieh.  England. 
SùddeutS'Chland  und  ilie  Sehweiz.  Entstanden  ist  es  zweifellos 
iiu  Sûdwesten  dièses  Gebietes.  Wie  ja  auch  die  anderen  Misch- 
kulturkreise  braucht  es  in  seiner  Zusammensetzung  nicht  ganz 
lioniogen  gewesen  zu  sein. 

7.  Dpi'  nordeuropàiscke  Kultnrkrris  ilrs  Endpalnolithikiims 
(Maglemosekultur).-  Dièse  Kultur  ist  deutlich  eine  Vermengung 
eines  spezialisierten  Spâtmagdalénien  mit  Tardenoisien.  Arte- 
faktformen  und  Kunst  erweisen  es  mil  aller  Deutlichkeit. 
Bezeichnend  ist  auch  das  Auftreten  des  Haushundes  in  diesem 
Kulturkreise,  der  ausserdem  von  den  crslen  Vorlàufern  des 
nordischen  Friihneolithikums  (Campignienj  erreicht  wird. 
Seine  Verbreitung  ist  zwar  noch  nicht  im  entferntesten  bekannt, 
doch  umfasste  er  wahrscheinlich  in  ziemlich  dichter  Besie- 
delung  ganz  Norddeutschland.  Danemark  und  die  Insein. 

Es  liegt  auf  der  Hand,  dass  die  jungpalâolithischen  Kultur- 
kreise den  Tiefkulturen  W.  Sghmidts  entsprechen.  Von  diesen 
decki  sich  der  crogam-vatcrrechtliche  (fotemistischc'}  Kulturkreis 
in  besonders  auffallender  Weise  mit  unserer  Aurignackultur. 
Sie  haben  —  um  nur  Gesichertes  anzufuhren  —  gemein  :  das 
l'ehlen  der  Schlagwaflfen,  das  Herrsche'n  der  Dolche  umi  Speere, 
den  Mànnergûrtel,  die  Schnitzplastik,  die  geradlinige  Orna- 
mentik  ;  von  den  erst  im  Magdalénien  auftretenden  Typen  :  die 
Harpune.  die  Speerschleuder.  Widersprechendes  findet  sicli 
eigentlioh  nichts.  VS'ir  konnen  also  ruhig  behaupten,  dass  der 
westeui'opàische  Kulturkreis  des  Jungpalàolithikums  mit  dem 
totemistischen  der  Ethnographie  zu  identifizieren  ist.  Demge- 


PRÀHIST.  ARGHAOLOGIB  LND  KULTCRHIST.  METHODE     213 

miiss  kunnen  wii-  ihni  audi  dessen  ûbrigen  Eleniente  vindizie- 
ren  :  den  Mangel  an  Schilden,  Plattformbostattnng.  Circum- 
cisio  und  Ineisio.  vor  allem  den  Toteniismus  selbst.  - —  In  enge- 
rpn  Zusammenhang  muss  der  totemistische  Kultuikreis  auch 
mil  dor  Alicapsienkultur  gebi'acht  werden,  nur  tlass  er  hier 
in  Mis(;hung  mit  einer  Urkultur,  wohl  oinem  Ableger  der 
ScHMiDT'seben  PygmàenkuUur  voiiiegt.  Dieser  Mischkultnrkreis 
erscheint  im  'ScHMioTsclien  Système  nicht.  Wenn  man  bedenkt, 
dass  ziemlich  bald  nach  Ablauf  des  Jungpalanljthikums  gcrade 
in  Nordafrika  jene  ^■olker  greifbar  werden.  die  \\\v  mit  dem 
Nanien  Hamiten  zusammenzufassen  pflegen.  und  dass  diesen 
neben  anderen  Elementen  zahlreiche  wesentlicbe  Ziige  der  to- 
Lemistischen  Kultur  eignen,  dann  kann  kaum  ein  Zweilel  darii- 
ber  obwalten,  dass  wir  die  Gapsienkultur  im  grossen  und 
ganzen  als  protohamitiscb  bczeichaien  dûrfen. 

Dqt  f^xogam  -  m  uitfrrcchtUch  r  Kiiltv  l'kre  is  (  Zwei  kl  a  s  s  enku  1  tu  r  ) 
weist  zablr'ciclie  Zûge  auf,  die  es  niebt  allzu  gewagt  erscbeinen 
lassen,  ihn  mit  dem  osteuropàisehen  Kulturkreise  des  Jungpa- 
liiolitliikums,  wie  wir  ihn  aus  dem  Protosolutréen  und  den 
Mischkulturen  erfassen  kTtnnen,  zu  identitiziei'en.  Solehc  Kul- 
turolemente  sind  :  das  Fehlen  von  Stichwaffen,  wotur  Hieb-  und 
Schlagwafîen  eintrelen,  das  Maanderornament.  krummlinige 
Ornamente,  konzentrische  Kreise,  Hackbau  und  Gartenbau. 
Schâdelkult  und  die  damit  zusammenbàngenden  Hockerfiguren. 
Maskentanze.  Das  SolutréeTi  ist  demnach  als  eine  INIischung  der 
Zw'eikiassenkultur  mit  der  totemistiscben  unter  Yorwiegon  der 
ersteren,  das  Magdab'uien  eine  analoge  Misehung  unter  Yor- 
wiegen  der  letzteren  aufzufassen.  Beide  Kulturen  haben  gieich 
wie  die  noch  komplizierter  zusammengesetzten  endpalàoli- 
tliischen  (Azilien  und  Maglemosekultur)  nur  rein  europâisehe 
Bedeutung.  Ausserhalb  unseres  Kontinentes  sind  nur  analoge, 
nicht  identisrhe  Mischungen  zu  erwarten.  Hingewiesen  werden 
muss  aber  noeh  auf  die  Tatsache,  dass  das  von  ethnogra- 
phiseher  Seite  supponierte  Yerwandtschaftsverhâlinis  zwischen 
tasmaniscliem  und  totemistischem  Kulturkreise  einerseits, 
Bumorangkultur  un<l  Zweikiassenkultur  andererseits  durch  die 
ganz  unabhângig  davdu  auffindbaren  genetischen  Beziehungen 
zwiselu^n  den  Fauslkeilkulturen    (Chelléen,   Acheuléen,    Proto- 


214  O.    MENGHIN 

solutréen)  einerseits.  den  Klingenkulturen  (Pi'àmoustërien, 
Moustérien,  Aurignaeien)  andererseits  vollkoiuinen  paralleli- 
siert  wird. 

III. DAS    FRUHNEOLITHIKUM. 

Das  FriikneoUthikum.  ist  eine  verhaltnismàssig  noch  selir 
dunkle  Kulturperiode.  Immerhin  gestattet  das  Material  einige 
Gruppen  zu  unterscheiden. 

i.  Der  nordisch-mediternmc  Kulturkri'is  des  Friilineolithikums 
(jiingere  Faustkeilkultur.  'Campignien) .  -  •Gemeinsam  ist  dieser 
Kiiltur  die  Kenntnis  deutlich  axtformiger  mid  ûberhaupl  grus- 
ser  zweiseitig  bearheiteler  Silexgerâte,  insbesundere  aucli  des 
Faustkeiles,  ferner  des  Bogens  iind  Pfeiles,  der  Keramik,  des 
Ackerbaues  und  einer  viel  hoheren  Sesshaftigkeit  als  sie  irgend 
einer  jungpalàolithischen  Gruppe  eignete.  Sie  tritt  in  mehreren 
Varianten  auf,  von  denen  eine  mcditerrane  und  zwei  nordische 
Bedeutung  besitzen.  Von  der  niediterranen,  dem  Siidcompignien 
ist  reifhes  Feuersteinmaterial,  aber  sonst  nur  sehr  wenig 
bekannt.  Vor  allem  ihr  Verliàltnis  zur  altàgyptischen  Kultur  ist 
noch  reeht  dunkel,  obwohl  kaum  ein'Zweifel  darùber  bestehen 
kann,  dass  sie  eine  Komponente  derselben  bildete.  Ihre  Verbrei- 
tung  ist  fur  Syrien,  das  ostlichc  Nordafrika  und  Italien  gesi- 
chert.  Es  ist  sehr  gut  moglich,  sogar  wahrscheinlich,  dass  sie 
in  Vorderasien  hoheres  Alter  besitzt  als  die  verwandten  Kultu- 
ren  in  Europa  und  Afrika.  Von  den  nordischen  Gruppen  ist  das 
eigentliche  Campignien  oder  Westcanipignien  durch  zahlreiche 
Fu'nde  belegt,  aber  im  einzelnen  wenig  gut  studiert.  Seine  Kera- 
mik steht  auf  ni(;ht  unbedeutender  Entwicklungsstufe  und 
sogar  die  Bekanntschaft  mit  dem  Hausrinde  wird  ihm  zu- 
geschrieben.  Doch  wissen  wir  noch  nicht,  ob  es  sich  da  nicht 
um  chronologische  Difïerenzen  handelt  und  hinter  der  uns 
bekannten  wohlentwickelten  eine  altère  primitivere  Fazies  steht. 
Die  Verbreitung  des  Westi-ampignien  liai  ihre  Zentren  in 
Belgien  und  im  mittleren  Frankreich.  Ihm  ist  wohl  das  nord- 
spanische  Asturien,  das  besonders  rohe  Steinartefakte  aufweist 
und  in  den  alteren  Schichten  der  Keramik  entbehrt,  als  ein 
verkommener  Sprossling  anzugliedern.  Auch  auf  britischem 
Boden  fehlt  dem  Campignien  zumeist  die  Keramik,  obwohl  die 
Steinformen  annàhernd  die  gleichen  bleiben.   Hier  maclit  sich 


PRÂHIST.    ARCHAOLO(^.lK    IND    KULTURHIST.    METHODE  215 

hezt>iehnond('r\veise  aurli  cin  starkfi'  Tardenoisioncinschlag 
geltend,  der  sonst  dem  Westr-ampignien  boinahe  ganz  fehlt. 
Weitaus  am  besten  erforsoht  isf  das  yordcainpignirn.  gewolm- 
lit'h  Kôkkpnnioddinger-  oder  Ertebollekultur  genannt.  Aus  ihr 
kennen  wir  domgemâss  am  meisten  Einzeltypen.  HierluM'  gebort 
zum  Beispiel  dpr  Kaiiuii.  die  quei'sclineidige  Plpi!s})itze,  dpr 
Bunierang.  Die  Fuini  niamher  binnenlândischer  Abfallshaufen 
spricbt  selir  dafûr.  dass  das  .Nordcanipignien  die  Pfahl- 
baiisiedlungswei.se  —  aucb  den  Festlandspfahlbau  - —  kannte. 
Die  genannten  Kuliuifornien  erscheinen  nun  aber  auch  iin 
vor-  und  fi  ûbgesebicbtlichen  Aeg^'pten  ;  man  darf  sie  daher 
zienilich  uubedenklicb  dem  ganzen  nordischmediterranen  Kul- 
turkreise   des   Fi'ùhneolitbikums    zusehreiben. 

Nui'  Jene  Dinge.  ilit  mit  der  einseitigen  Entwicklung 
(\ç:V  Ertebollekultur  zusummenliàngen.  wird  man  als  Sonder- 
erseheinungen  (Jicser  l'ntergruppe  zu  werten  haben.  wie  z.  B. 
den  Muschelabfallhaufen  selbst.  der  untei'  gegebenen  Bedin- 
gungen  in  Jfder  Kultur  entsteben  kann.  Das  Nordeampignien 
ist  am  reiilisten  in  Danemark  und  Sûdschweden  entfaltet,  aber 
auch  in  Norddeutschland  vei'treten.  Wahrseheinlicli  sind  ihm 
auch  die  frubneolitbischen  Binnenlandfunde  in  Deutschland 
zuzuzâhlen.'  Im  ferneren  Skandinavien  erscbeinen  Sondèrent - 
wicklungen  dieser  Kultur  (Nôstvetkultur,  Lihultkultur) .  Zum 
mindesten  die  erstere  làsst  sich  am  besten  dureb  Eintluss  vom 
arktischen  Kulturkreis  lier  erklâren.  Frûbneolithische  Dinge 
sind  auch  aus  d(^n  liait iscben  Gebieten  Russlands  bekannt. 
Wabrscheinlicb  stellen  sie  als  Ostcanipignien  eine  dem  Nord- 
campignien  nâher  verwandte  (iruppe  dar.  Gemeinsam  ist  ihnen 
anf  aile  Fàlle  der  Hund.  Ans  dem  ferneren  Osten  Russlands 
kennen  \vir  zwar  vie!  Silexgeràt.  aber  nichts  sicher  Frûhneo- 
lithisches  ;  das  beweist  in  diesen  so  schlecbt  erforschten  Làn- 
flern  aber  wenig.  Ebenso  mangelt  hisher  aus  dem  eigentliehen 
Mitteleuropa.  insbesondere  aus  dem  Dunaugebiete  aind  vom 
Balkan  der  Nachweis  frûhneolithisciier  Besiedlung,  Aber  wie 
einzelnc  ungarische  Faustkeilfunde.  die  als  nachpalâolithisch 
angesehen  werden.  zu  lieweisen  scbeinen.  daj i'  man  aucb  hier 
noch  auf  neue  Entdcckungen  liofïen.  Da  nun  aucb  Spanien.  vom 
âussersten  Nordeu  abgesehen,  bishei-  gai-  keine  Spuren  campi- 
gnienartiger   \>'er-kzeuge    ergeben   bal.    ist     die     Fi'age,   wo   die 


216  O.     MENGHIN 

Verbindungen  zwit^chen  dein  nordischen  und  deni  meditei-ranen 
Zweige  dieser  Kultur  liegen,  sehr  schwer  zu  beantworten.  Die 
Wahrscheinlichkeit  spricht  fiir  das  Donaugebiet.  Evident  ist 
dagegen  der  genetisclie  Zusammenhang  dièses  Kulturkreises 
mit  den  palàolitbischen  Faustkeilkulturon. 

2.  Der  osteuropàische  Kulturkreis  des  Frûhneolitkikunis . -  Dieser 
kann  nur  hypothetisch  angesetzt  werden.  Im  spàteren  Verlaufe 
des  Neolithikums  gehoren  nàmlich  das  nordliche  Skandinavien, 
Finnland,  Ostbaltikum,  Russiand  bis  tief  in  die  sûdlichen  Step- 
pen  und  Westsibirien  offenbar  dem  gewaltigen  sogcnannten 
kammkeramischen  Kulturkreise  an,  der,  wo  er  uns  rein  oiit- 
gegentritt,  ûberall  von  einem  Jâger-  und  Fischervolke  getra- 
gen  scheint.  Gut  bekannt  ist  davon  nur  jene  Untergnippe, 
die  man  als  die  arktiscbe  Sohieferkultur  bezeichnet.  Sie  umfasst 
im  Wesentlichen  das  nordliche  Skandinavien  und  Finnland.  Es 
ist  aber  auch  fur  dièse  Kulturgruppe  noch  umstritten,  ob  ihre 
Anfange  bis  in  die  Kokkenmôddingerzeit  hinaufreichen.  Ein- 
zelne  Funde,  insbesondere  aber  Erscheinungen  wie  die  Nostvet- 
kultur  machen  das  allerdings  wahrseheinlich.  Aber  wenn  dies 
nun  auch  gesichert  wâre,  so  steht  es  doch  wieder  nicht  fest, 
ob  dièse  protoarktische  Kultur  schon  in  genetischem  Zusam- 
menhange  mit  dem  kammkeramischen  Kulturkreise  stand,  wie 
es  mir  selbst  wahrseheinlich  vorkommt,  oder  ob  sie  erst  spàter 
in  dessen  Entwicklung  hineingerissen  wurde,  wie  wohl  jene 
annehmen  mûssen,  die  die  arktiscbe  Schieferkultur  von  der 
Maglemosekultur  ableiten.  Auf  aile  Fâlle  steht  fest,  dass  sich 
wàhrend  des  Neolithikums  eine  reine  Fischer-  und  Jàgerkultur 
jungsteinzeitlichen  Gepràges  liber  die  Ebenen  Russlands  aus- 
gebreitet  bat,  deren  Wurzeln  wohl  im  nordlichen  Asien  zu 
suchen  sind.  Sie  kann  mit  keiner  der  ûbrigen  europàischen 
Kulturen  in  unmittelbare  genetische  Verbindung  gesetzt  wer- 
den und  berechligt  uns  dadurch  wenigstens,  einen  osteuro- 
pàischen  Kulturkreis  des  Neolithikums  aufzustellen.  von  dem 
immerhin  vermutet  werden  darf,  dass  er  schon  im  Frûhneoli- 
thikum  beginnt.  Was  seine  Ahnenreihe  anlangt,  so  lâsst  er  sich 
mit  den  Faustkeilkulturen  ganz  geUiss  nicht  in  Verbindung 
bringen,  eher  mit  den  Klingenkulturen  ;  es  ist  aber  auch  mo- 
glich,  dass  er  einem  uns  noch  unbekannten  rein  asiatisehen 
Zweige  des  Palâolithikums  entstammt. 


PRÂHIST.    ARCHAOLOGIE    U-ND    KILTURHIST.    METHODE  L' 1  7 

3.  Der  westeiiropaische  Kulturkreis  des  Friihneolithikvms  (epi- 
palàolithische  Kultur).-  So  wenig  von  ihm  bekannt  ist,  so  sicher 
kann  nian  ihn  ansetzen.  Auf  der  iberischen  Halbinsel  vor  alleni, 
aber  auch  in  gewissen  Strieben  Frankreicbs  und  in  England 
hat  das  Palâolithikum  und  zwar  bauptsàchlich  ein  ziemlich 
reines  Endcapsien  (Tardenoisien; ,  ein  niebr  odér  weniger 
ungestortes  Fortleben  gefunden,  das  er.st  im  Vollneolithikum 
unterbrochen  worden  ist.  Auf  dièse  Art  sind  Erscbeinnngen  wie 
das  Asturien  und  das  englische  Ganipignien  zu  erkiàren  :  es 
sind  in  fremdes  Gebiet  geratene,  zunàchst  isoliert  gebliebene 
Splitter  einer  neu  eindringenden  Kulturwelle,  die  naturgeiiiass 
verarmen  und  degenerieren  uiussten. 

Von  den  auf  ethnographiscber  Seite  gewunncnen  Kuituren 
ist. der  /rrimutterrecktlichr  Kulturkreis  (Bogenkultur)  mit  un- 
serem  nordiscli-mediferranen  unschwer  in  Bezicbung  zu  seLzen. 
Von  den  Elementen  des  ei'stercn  konnten  wii-  im  Campignien 
gewisse  Kenntnisse  dos  Ai-kerbaues  und  der  Viehzufbt.  den 
Kamm,  den  Bogcn,  die  Tupferei  sicher,  den  Pfalilbau  mit 
WahrsL'heiiilichkeit  nacbweisen.  Zweifellos  wird  genauero  Un- 
tersuchung  nocb  manebes  andere  ei'geben.  Widersprecbendes 
erscheint  ûberbaupt  nirbt.  Dagegen  ergibt  sich  aucli  hiei"  wic- 
der  die  Parallèle  in  der  Deszendenz  :  die  EtIinogra]jben  erk^nnen 
eine  engere  Verwandtscbaft  zwiscben  Zweiklassen-  und  Bogen- 
kultur.  wie  zwiscben  mittlerer  und  jûngerer  Faustkeilkultur. 
Ein  Gegonstùck  fur  den  osteui'dpàisrben  Kulturkreis  ist  von 
den  Ethnograpben  nocb  nicbt  entsprecbend  lierausgearbeitet 
worden,  wie  denn  das  nordliebe  Asien  in  dieser  Hinsicbt  iiber- 
baupt  nocb  wenig  Beacbtung  gefunden  hat.  Immerbin  entsprâ- 
clie  er,  wenn  man  gewisse  speziftsch  neolitbist-be  Errungen- 
scbaften  (Keraniik.  Steinschlifï)  abziebt,  ungefâbr  jener  Kul- 
tur, von  der  V^'.  Schmidt^  viehzûchtcrischcr  Nomadismus  seinen 
Ausgang  genommen  baben  mûsste. 

Aus  dem  ganzen  er-gibl  sich  Folgendes.  1.  Die  Arcbâologic 
kann  nui'  bestatigen,  ja  iiberbaupt  in  keiner  Weise  bezwcifeln. 
dass  sich  die  Kulturcntwicklung  der  Menschbeit  tatsàchlich  in 
der  For-m  von  Kulturkreisen  abgespielt  hat.  2.  Die  von  etb- 
nographischer  Seite  aufgestellten  Kulturkreise  lassen  sich  obne 
bes(jndere  Scbwierigkeit  mit  den  durcb  die  pràbistorische  Ar- 
cbàologie  aufïindbaren  zui-  Deckung  bringen.  3.  Es  weiden  da- 


218  J.    BOUYSSONIE 

dui'ch  auch  die  von  dcn  Kullurkreisetlinologen  angewendeten 
Metiiuden  und  die  damit  ei'ziellpn  Ergebnisso  iin  gro.'rsen  und 
ganzen  als  richtig  erwiesen. 


BIBL.  —  R.  Battaglia,  Studi  sul  paleolitico  superiore,  Riv.  di  antropologia, 
1919,  Bd.  XXIII  —  H.  Breuil,  Les  subdivisions  d?t  paléolithique  supérieur  et 
leur  signification,  Congr.  Intern.  d'Anthrop.  et  d'Archéol.  préhist.,  Genève, 
1912.  —  B.  HiLLEBRAND,  Das  Palaeolithikum  in  Ungarn,  Wiener  Praehistorische 
Zeitschrift,  1919,  Bd.  VI  —  H.  Obermaier,  Los  derroteros  del  paleolitico  anti- 
guo  en  Enropa,  Boletin  de  la  Real  Acad.  de  la  Historia,  1920,  Bd.  LXXVI  ; 
ders.,  Das  Palaf'OlitMknm   und  Epipalnrolithikuni  Spaniens,  im  Anthr.,  1919-20. 


[13]  Les  fouilles  préhistoriques  et  leur  technique, 

par  M.  l'abbé  J.  BoUYSSONIE,  correspondant  du  Muséum. 

Llioniine  étant  e.s.senlielicmeni  un  organisjiie  vivant,  muni 
d"un('  ànir  intelligente  et  religieuse,  laissera  derrière  lui  des 
manifestations  jdus  ou  moins  tangililes  et  durables  de  ces  di- 
verses qualités.  Les  touilles  préhistoriques  ont  pour  but  de 
faire  jaillir  du  sol  les  spécimens  les  plus  anciens  de  ces  mani- 
festations. Il  en  est  qui  tfont  tellement  vieux  qu'ils  sont  fossi- 
lisés ;  d'autres  sont  moins  vénérables  ;  et  la  préhistture  s'ar- 
rête quand  réci'itui'e  apparaît. 

En  quoi  consistent  ces  spécimens  ?  'l'out  d'abord  ce  sont  des 
ossements.  Ceux-ci  se  conservent  mal  dans  les  sols  siliceux  ; 
ils  durent  pour  ainsi  dire  indéfiniment  dans  un  terrain  argilo- 
calcaire.  Les  plus  importants  sont  évidemment  les  restes  des 
squelettes  humains  eux-mêmes  :  très  rares  sont  les  plus  an- 
ciens, mais  combien  précieux  et  suggestifs.  A  côté  d'eux  pour- 
ront apparaître  des  débris  osseux  d'êtres  insolites,  à  physio- 
momie  simienne  ;  celui  qui  a  foi  en  la  vérité  et  en  Dieu  ne 
craindra  pas  de  les  exhumer,  pour  les  livrer  à  une  étude  sé- 
rieuse et  pondérée.  Ces  créatures  ont  leur  raison  d'être,  même 
si  celle-ci  ne  nous  apparaît  pas  clairement. 

D'autres  os  proviendront  des  restes  de  repas  :  ce  sei'a  une 
indication  intéressante  de  la  faune  ccuiiestible  qui  vivait  à 
répoque.  La  plupart  de  ces  os  sont  brisés.  L'intelligence  indus- 
trieuse de  l'homme  a  su  employer  ces  fragments  d'os,  ainsi  que 


FOUILLES    PRÉHISTORIQUES  219 

l'ivoire  du  niaininouth,  la  ramure  du  renne  ou  du  cerf  :  de  cette 
matière  il  a  fait  des  outils  et  des  armes  ;  mieux  encore,  une 
autre  faculté  s"est  exercée  :  ces  objets  jiortent  des  dessins, 
parfois  fort  artistiques. 

Les  restes  les  plus  abondants,  parce  que  les  plus  inaltérables, 
sont  les  pierres  :  silex  et  roches  dures,  taillés  ou  polis,  ont 
été  utilisés  sous  de  multiples  formes,  dont  la  description  se 
trouve  dans  les  manuels.  Il  y  a  lieu  de  remarquer  que  parfois 
des  agents  naturels  ont  pu  produire  des  effets  analogues  à  ceux 
d'un  être  intelligent.  La  pierre,  mais  plutôt  alors  le  calcaire, 
a  servi  aussi  de  support  à  des  gravures,  sculptures,  peintures. 

Plus  tard  les  métaux  apparurent  :  Tor  et  le  cuivre  se  conser- 
vent ;  mais  le  fer  s"oxyde  et  tombe  vite  en  poussière.  En  re- 
vanche, les  poteries  subsistent  comme  la  pierre  elle-même. 
Plus  exceptionnellement  se  retrouvent  (dans  la  tourbe  ou  la 
vase  des  lacs,  i)ar  exemple)  le  bois,  la  corne,  les  graines  des 
^)lantes,  voire  les  tissus. 

Tous  ces  objets  nont  pas  seulement  un  intérêt  de  curiosité  : 
il  serait  désastreux  de  les  recueillir  pour  faire  une  simple  col- 
lection d'amateur.  Il  faut  les  interpréter  ;  faire  revivre  le  corps 
et  surtout  l'âme  de  ceux  qui  les  laissèrent. 

Il  est  important  aussi  de  les  dater,  d'établir  une  chronologie 
au  moins  relative. 

Comment  déterminer  cette  chronologie  ?  Un  terrain  a  sa  place 
dans  les  cadres  établis  par  la  géologie.  Cette  date  géologique 
sera  surtout  fixée  par  les  fossiles,  faune  ou  flore  ;  ceux-ci  peu- 
vent être  terrestres,  ou  d'eau  douce  ou  d'eau  salée,  ce  qui  indi- 
quera l'origine  })hysique  du  terrain  ;  ils  peuvent,  d'autre  part, 
permettre  de  connaître  le  climat  qui  régnait  au  cours  de  sa 
formation,  glacial,  tempéré  ou  chaud. 

'Dans  ce  terrain  on  peut  trouver  plusieurs  industries  :  pour 
déterminer  leur  ordre  d'ancienneté,  on  aura  recours  à  la  mé- 
thode stratigraphique  ;  et  l'on  comparera  les  résultats  fournis 
par  les  divers  gisements. 

Il  est  évident  que,  si  rien  n'a  dérangé  les  couches  de  terrains 
sédimentaires  superposés,  quelle  que  soit  leur  origine,  les 
objets  trouvi's  le  plus  bas  sont  plus  anciennement  déposés  que 
ceux  que  Vnn  trouve  en  haut. 


220 


J.    BOUYSSOME 


Les  choses  sont  bien  en  placo,  si  Ion  ne  voit  pas  trace  de 
remaniement,  de  bouleversement,  soit  par  les  eaux  courantes, 
soit  par  les  animaux  fouisseurs,  soit  par  riiomme  lui-même. 
Ce  dernier  cas  a  lieu,  quand  l'homme  a  creusé  une  fosse  pour 
inhumei-  un  de  ses  semblables.  C'est  pourquoi  on  ne  saurait 
s'entourer  de  trop  de  précautions  pour  déterminer  l'âge  et  les 
conditions  de  dépôt  d'un  squelette  préhistorique.  Il  est  bon,  si 
cela  est  possible,  de  faire  appel  à  des  savants  compétents.  En 
tout  cas  il  faut  observer  la  coupe  du  terrain  autour  de  ce  pré- 
cieux reste  :  est-il  là  comme  abandonné  sur  place  ou  entraîné 
par  les  eaux,  au  même  titre  que  les  sédiments  où  il  se  trouve, 
ou  bien  a-t-il  été  protégé  et  inhumé  dans  une  fosse  plus  ou 
moins  pi-ofonde,  creusée  dans  un  sol  plus  ancien  ?  Dans  ce 
dernier  ras,  le  squelette  sera  au  moins  aussi  récent  que  les 
objets  les  plus  récents  trouvés  à  son  voisinage,  et  qui  provien- 
nent du  remblayage  de  la  fosse.  Il  est  arrivé  aussi  que  les 
hommes  ont  enterré  un  des  leurs  sous  leurs  propres  pieds, 
continuant  à  habiter,  à  allumer  du  feu  sur  place  :  notre  sque- 
lette sera  au  moins  aussi  ancien  que  le  foyer. 

FiG.  1.  —  Coupe  de  la  grotte  des  Enfants 

d'après    l'ouvragt'    Les    Grottes    âc    GnmnJdi,    Monaco. 


(Epaisseur  totale  des 
dépôts  10  ni.  environ). 

IjCS  traits  noirs  sont 
les  lignes  de  foyers  : 

de  A  à  I,  aitrigna- 
ciens  (faune  du  renne^  ; 

on  K  et  Ij,  plutôt 
moustérinns  (rhinocé- 
ros de  Merck,  hyène). 

L.es  X  indiquent  les 
points  de  sépultuie  : 

en  J,  les  squelettes 
négi'oïdes.  dans  une 
fosse  : 

en  H  et  B.  ceux  de 
la  race  de  Cro-magnon. 

TjBS  enfants  (de  la 
même  race)  trouvés 
par  Rivière  provien- 
nent du   niveau   C. 

On  voit  les  restes 
d'im  plafond  tombé  sur 
le  toyer  F. 


Les  gisements  des  grottes  et  abris  sous  roche  sont  en  gé- 
néral simples  et  assez  faciles  à  comprendre.  Des  familles  ve- 
naient se  mettre   là  à   l'abri,   y   accumulaient   leurs   débris   de 


FOUILLES   PRÉHISTORIQUBS 


221 


cuisine  et  dp  mohilifr.  en  couches  plus  nu  moins  épaisses  ;  puis 
ils  partaient,  chassés  souvent  par  la  chute  du  plafond,  ou  pour 
queilqu'autre  cause  inconnue  de  nous  ;  des  éboulis  stériles  re- 
couvraient ce  premier  dépôt  et  povir  ainsi  dire  le  scellaient. 
(Pig.  1).  Mais  les  mêmes  besoins  se  faisant  sentir  à  tous  les 
âges,  il  est  arrivé  souvent  qu'un,  même  abri  a  servi  à  des 
peuplades  successives  :  on  aura  ainsi  des  niveaux  de  plus  en 
plus  récents. 

Les  formations  alluviales  sont  beaucoup  plus  complexes  et 
délicates  à  interpréter.  On  peut  en  distinguer  deux  sortes.  Les 
unes  sont  en  superposition,  forniées  généralement  de  couches  de 
graviers  et  de  limons,  déposés,  les  premiers  quand  le  courant 
était  rapide,  les  seconds  quand  il  était  lent.  Il  faut  remarquer 
par  ailleurs  que  d'autres  limons  ont  pu  venir  de  ruissellement 
sur  les  pentes,  que  des  amas  de  silex  ont  pu  se  former  sur  place 
par  dissolution  de  la  craie  etc.  La  coupe  de  ces  dépôts  est  mise 
au  jour  dans  les  grandes  ballastières  (Fig.  2)  et  Ion  s  y  rend 
compte  que  des  remaniements  complexes  s'y  sont  produits 
souvent. 


FiQ.  2.  —  Coupe  schématique 
des  alluvions  de  Saint- Acheul, 

A.  Terre  végétale  (7iéolithique  et  mo- 
derne). 

B.  Terre  à  brique  (solutréo-magdalénien  ) . 

C.  Ergeron  ou  limon  récent  (à  la  partie 
supéi'ieure,  aurignacien  —  dans  les  lits 
de  callloutis  moyen  et  inférieur,  mous- 
térien  —  Le  renne  existe  en  B  et  C, 
disparaît   au-dessous). 

D.  E.  Limon  rouge  et  gris  (acheuléen  su- 

périeur :    limandes). 

F.  Sables  meubles  et  sable.s  bruns  {achev- 
léen  inférieur)  :  de  D  à  F,  faune  ;i 
mammouth  et  éléphant  antique. 

G.  Graviers  inférieiu's  (cheUéen  :  faune  à 
hippopotame).  — ■  H.  Craie. 

Epai.-^sc'ur   totale  :    8   m.   envijon. 


En  particulier,  des  crues  ont  pu  enlever  un  premier  dépôt, 
au  moins  partiellement,  .se  creuser  un  lit  plus  profond  entre 
des  berges  surélevées  :  ainsi  apparaît  une  seconde  catégorie 
d'alluvions,  celles  qui  sont  disposées  en  terrasses  juxtaposées, 
particulièrement  nettes  dans  les  formations  glaciaires  (Fig.  3), 


2 2 2  .T.    BOUYSSONIE 

Dans  ce  ras,  la  loi  de  la  stratigraphie  est  inversée  :  ce  sont  les 
terrasses  les  plus  élevées  qui  sont  les  plus  anciennes. 

FiG.  3.    —  Coupe  très   schématisée    de   la   vallée  de  la  Qaronne» 

en  amont  de  Toulouse,  et  de  ses  terrasses  glaciaires  à  gi'avieis  et  galets, 
d'après   les   travaux   de   MM.    Obermaier,    Boule    et   Breuil. 

En  A,  plateau  de  Lannemezan.  —  B,  1''''  terrasse  d'Obermaier  (glaciation 
de  Gunz).  —  C,  2«  terr.  (glaciation  de  Mindel).  —  D,  S""  terr.  recouverte  du 
lœss  (glac.  de  Riss).  —  E,  4''  terr.  (g-lac.  de  Wiirm).  —  F,  vallée  actuelle.  — 
G,    la  Garonne.  ■ —  M.   Boule  ne   distingue  pas   B   et  C. 

Lies  quai-tzites  taillés  se  trouvent  en  surface  de  B  et  de  C  ;  on  en  trouve 
aussi   de   roulés   dans  les   graviers   E. 

Al       B 


oauui.\^oi3<aaaou 


Si  des  silex  sont  ramassés  en  surface  d'une  couche  d'allu- 
vioAS  ou  d'une  terrasse,  on  conclura  qu'ils  sont  postérieurs  à 
sa  formation  ou  tout  au  plus  contemporains.  Quand  ils  sont 
recueillis  en  pleine  couche,  par  exemple  au  sein  d'un  gravier 
homogène,  deux  cas  extrêmes  sont  possibles.  Ou  bien  leurs 
arêtes  sont  restées  vives  :  ils  dateront  alors  de  la  formation  du 
gravier  et  celui-ci  n'aura  jjas  été  remanié.  Ou  bien  les  arêtes 
sont  émoussées  et  usées  :  c'est  qu'ils  ont  été  roulés  par  les 
eaux,  donc  entraînés  de  plus  haut,  venus  peut-être  de  la  ter- 
rasse supérieure. 

Mais  on  ne  saurait  trouver,  même  dans  les  gisements  les  plus 
riches,  les  plus  complets,  toutes  les  industries  humaines  super- 
posées. On  comparera  ce  qui  est  trouvé  en  différents  points, 
soit  dans  les  grottes,  soit  dans  les  alluvions  ;  il  arrive  que  l'on 
trouve  un  niveau  identique  tant  comme  mobilier  que  comme 
faune.  On  a  ainsi  des  points  de  repère  ;  on  peut  combler  les 
lacunes  et  établir  une  succession  parfois  remarquablement 
complète  et  détaillée  des  industries  préhistoriques,  avec  leurs 
rapports  évolutifs,  leurs  transformations  etc.  On  a  obtenu  des 
résultats  de  ce  genre  pour  l'Europe  occidentale.  Mais  l'on  ne 
saurait  être  trop  prudent,  si  on  veut  les  généraliser  et  les 
étendre  à  d'autres  contrées.  Pour  ne  prendre  qu'un  exemple,  des 
outillages  quasi  identiques  de  pierre  peuvent   très  bien  n'être 


FOUILLES   PRÉHlSTORIorioS  223 

pas  synchi'ôniques,  s'ils  sont  trouvés  en  Europe  ou  en  Afrique, 
ou,  à  plus  forte  raison,  en  Océanie. 

Si  donc  les  études  et  les  fouilles  de  détail  sont  relativement 
aisées,  souvent  fructueuses  et  attachantes,  si  elles  donnent  des 
résultats  tangibles  et  certains,  les  comparaisons  sur  une  grande 
échelle,  les  vues  d"ensemhle.  les  synthèses  s'étendant  à  tout  un 
continent,  à  plus  forte  raison  à  toute  la  terre,  soni  d'un  ordre 
très  hypothétique  ;  c'est  une  voie  où  il  ne  faut  s'engager 
qu'avec  réserve,  si  l'on  ne  veut  pas  faire  du  roman. 

Quand  de  nombreux  missionnaires  en  des  pays  divers  auront 
aidé  à  soulever  chacun  quelques  pages  du  passé,  et  ce  sera 
pour  eux  un  nouveau  titre  de  gloire,  un  esprit  puissant  pourra 
peut-être  ici-bas  reconstituer  le  livre  de  l'humanité  primitive, 
du  moins  dans  ses  grandes  lignes. 

Mais  où  fouiller  et  comvirul  fouiUrr  ?  Pour  trouver,  le  simple 
bon  sens  le  dit,  il  faut  chercher  :  il  faut  avoir  l'espi-it  attentif, 
l'œil  vif  et  ouvert  aux  moindres  indices.  Nombreux  sont  les  cas 
où  le  hasard  —  disons  mieux  la  Providence  —  a  servi  à  souhait 
et  d'une  façon  inopinée  un  esprit  chercheur.  Il  y  a  cependant 
un  principe  tout  indiqué  :  c'est  de  porter  ses  investigations  aux 
points  où  l'homme  a  pu  ou  dû  habiter,  où  il  a  été  enseveli. 

Si  le  climat  est  chaud,  comme  dans  une  période  intergla- 
ciaire, l'homme  vivra  de  cueillette  et  de  chasse,  le  long  des 
fleuves  :  il  pourra  même  séjourner  sur  certains  points  et  y 
accumuler  des  débris  de  cuisine,  comme  dans  les  escargotières 
d'Algérie.  Si  le  climat  se  refroidit,  l'homme  se  réfugie  dans  des 
abris  naturels,  comme  les  cavernes.  Plus  tard,  avec  un  climat 
tempéré  viendra  une  nouvelle  civilisation  plutôt  agricole  et 
industrielle,  qui  saura  se  conslruire  des  habitations  dans  les 
contrées  fertiles,  élever  des  tombeaux  etc. 

Parlons  d'abord  plus  spécialement  des  recherches  sur 
l'hcmme  paléolithique. 

Etes-vous  dans  un  pays  de  plaines,  comme  les  Flandres,  ou 
de  plateaux  plus  vallonnés,  comme  en  Picardie,  ou  bien  dans 
une  vallée  de  fleuve  comn\e  la  haute  Garonne,  sur  les  flancs 
de  laquelle  se  devinent  des  terrasses  horizontales,  en  larges 
marches  d'escalier,  il  est  tout  naturel  de  chercher  en  surface. 
Piomenez-vous  après  la  pluie  dans  les  champs  labourés  :  si  la 
chaiTue  a  mis  au  jour  des  silex  taillés,  leurs  facettes  laA'ées  de 


224  J.    BOUYSSONIE 

frais  miroitent  au  soleil.  Que  si,  sur  un  faible  espace,  vous 
en  ramassiez  un  grand  nombre,  vous  avez  toute  chance  d'être 
sur  un  point  qui  a  été  habité  ;  un  sondage  indiquera  si  le  gise- 
ment se  continue  au-dessous  de  la  terre  aj-ahle  ou  s"il  est 
simplement  superficiel  :  dans  ce  dernier  cas,  il  est  à  craindre 
qu'il  y  ait  eu  mélange  d'industries. 

Pour  les  gisements  de  profondeur,  on  profitera  de  toutes  les 
occasions  qui  peuvent  les  déceler  :  exploitation  industrielle 
des  graviers,  sables  ou  limons,  tranchées  ouvertes  pour  les 
chemins  de  fer,  les  routes,  les  canaux.  On  peut  obtenir  ainsi 
à  peu  de  frais  des  coupes  de  terrain  bien  nettes.  D'autre  part 
les  ouvriers  se  prêtent  en  général  volontiers  à  la  récolte  des 
pièces,  voire  à  leur  vente  ;  mais  dans  ce  dernier  cas  il  faut  être 
très  prudent,  pour  ne  pas  dire  méfiant. 

Au  lieu  d'un  pays  plat,  vous  vous  trouvez  dans  une  région 
Cfilcaire  comme  la  province  de  Namur,  le  Périgord  ou  les  Pyré- 
nées, dans  un  pays  de  grès  comme  au  sud  de  Brive,  où  les  eaux 
ont  creusé  des  vallées  avec  surplombs  rocheux  ou  même  des 
cavités  souterraines  plus  ou  moins  profondes.  Voici  un  abri 
sous  roche  qui  se  devine  dans  la  verdure,  bien  exposé  au  soleil, 
placé  à  proximité  d"une  source,  facile  d'accès  et  aussi  de  dé- 
fense ;  au  pied  de  Téboulis  qui  couvre  le  sol,  dans  un  coin 
raviné  par  les  eaux  courantes,  dans  un  chemin  creux,  furetez, 
au  besoin  donnez  un  coup  de  pioche  pénétrant  sous  la  terre 
végétale.  Si  vous  voyez  des  débris  d'os  ou  des  silex  taillés,  sur- 
tout dans  une  région  qui  n'en  contient  pas  à  l'état  naturel,  vous 
y  êtes,  c'est  une  station  préhistorique  ! 

Un  sondage  approfondi,  si  possible  poussé  jusqu'au  sol  ro- 
cheux, vous  indiquera  Timportance  du  gisement  ;  mais  désor- 
mais allez  méthodiquement  et  prudemment.  Tant  que  l'on  est 
dans  la  couche  stérile,  on  peut  déblayer  à  la  pelle  et  à  la  pioche. 
Mais  nous  voilà  à  un  niveau, de  couleur  noirâtre  ou  rougeâtre. 
indice  de  terre  b-rûlée,  de  foyer  ;  apparaissent  en  place  des  silex, 
des  os  etc.,  g'^néralement  les  plus  belles  pièces  disposées  autour 
du  foyer  :  c"est  une  couche  archéologique.  Mettons-nous  au 
large  autant  que  possible,  avec  un  front  de  fouille  bien  tranché 
et  maintenu  aussi  net  et  aussi  dégagé  que  les  circonstances  le 
permettront  ;  puis  entamons  sans  trop  de  hâte.  On  se  sert  à 
cet  effet  d'une  pioche  légère,  ou  mieux,   quand  les  os  fragiles 


FOUILLES    PRÉHISTORIQUES  225 

abondenf,  d'un  simplp  rroi-het  fait  d'un  fort  fil  d"acier  recourbé 
et  appointi,  avecTeqiiel  on  peut  dégager  délicatement  les  objets, 
dès  qiron  les  entrevoit.  Malgré  toutes  les  précautions,  on  peut 
casser  un  harpon,  ou  une  aiguille  ;  l'essentiel  est  d'en  retrouver 
tous  les  fragments.  Si  la  nature  du  sol  s'y  prête,  il  sera  bon 
pour  cela,  et  pour  recueillir  jusqu'aux  moindres  débris,  de  ta- 
miser la   terre  avant  de  la  jeter  aux  déblais. 

Rien  ne  doit  être  négligé  ;  il  faut  tenir  un  journal  de  fouilles 
détailh'.  noter  toutes  les  particularités  que  sait  reconnaître 
un  œil  observateur,  prendre  des  croquis,  relever  les  plans  et 
les  coupes  avec  leurs  dimensions.  S'il  y  a  plusieurs  niveaux,  il 
faut   classer  à  part  ce  qui  vient  de  i-hacun  d'eux. 

N'hésitons  pas  à  ramasser  dans  une  première  récolte  tout 
ce  qui  paraît  avoir  un  intérêt  même  minime  :  objets  travaillés 
au  utilisés,  pierres  gravées,  débris  de  faune  reconnaissable  (en 
particulier  les  dents),  quitte  à  faire  ensuite  un  choix  plus 
sévère,  pour  procéder  enfin  à  un  classement  méthodique  ;  les 
comparaisons  sont  rendues  très  faciles,  si  les  pièces  sont  mises 
en  séries. 

Ce  n'est  piis  tout  d'observer  ainsi  les  couches  et  leur  contenu; 
il  faul  examinei"  si  le  remplissage  ne  cachait  pas,  en  les  proté- 
geant, des  gravures  ou  même  des  hauts-reliefs  inscrits  sur  le 
rocher.  S'ouvre-t-il  dans  le  voisinage  des  couloirs  profonds  : 
ne  ci'aignez  pas  d'y  pénétrer,  en  rampant  si  c'est  nécessaire. 
Nos  ancêtres  n'avaient  pour  s'éclairer  que  de  misérables  lam- 
pions de  suif  portés  dans  un  godet  et  sur  une  pierre  plate  et 
longue  ;  nous  avons  des  lampes  à  acétylène,  tout  au  moins  des 
bougies  ;  les  risques  sont  minimes,  en  prenant  quelques  pré- 
cautions ;  et  si  le  chemin  est  parfois  rude,  on  a  des  chances 
d'être  récompensé  par  la  découverte  d'une  merveille,  cachée 
systématiquement  par  un  sorcier  antique. 

Tout  en  avançant,  observer  le  sol,  qui  peut  encore  porter 
des  empreintes  ou  receler  des  objets,  et  regarder  les  parois. 
Les  traces  d'une  peinture,  comme  celle-ci  est  presque  toujours 
rouge  ou  noire,  se  remarquent  vite.  Les  gravures  au  trait 
apparaissent,  si  on  éclaire  le  rocher  qui  les  porte,  en  lumière 
frisante,  d'un  seul  côté.  Si  la  ligne  gravée  fait  des  contours, 
il  est  nécessaire  pour  la  suivre  de  promener  la  lumière  le  long 
du  trait,  et  l'on  peut  saisir  l'ensemble  de  la  figure.  Mais  parfois 

15 


22()  •'•    BOIYSSONIE 

ces  dessins  prc'liisf oriques  ont  été  tracés  les  uns  sur  les  au- 
li'es  :  jMUir  les  lire,  même  paitiellement.  il  faut  une  attentinn 
et  une  patience  extraordinaires. 

T/abbé  Breuil  s'est  fait  une  sjx'cialité  de  relever  ces  gravures 
et  peintures,  en  Europe  occidentale,  et  cela  avec  une  sincérité, 
une  babileté  et  parf(us  une  énergie  au-dessus  de  tout  éloge. 
AJdutons  qu'il  a  décal(|ué  aussi  beaucoup  de  dessins  et  de  pein- 
tui'cs  consei'vt''S  sur  des  rochers  en  plein  aii',  en  diverses  régions 
de  TEspagne.  el  qui.  en  grande  partie  du  moins,  sont  préhisto- 
riques. Mais   heauc<n,ip   sont    simplement    piotohisl  oriques. 

Et  ceci  nous  amène  sui'  le  terrain  des  néoJithiquPs.  La  vie,  le 
mobilier,  les  relations  de  l'homme  de  cette  époque  sont  bien 
moins  simples  que  ceux  de  ses  prédécesseurs  paléolithiques  : 
les  fduilles  et  recherches  le  concernant  seront  également  moins 
simples,  comme  aussi  les  résultats  plus  complexes,  les  lignes 
de  son  histoire  plus  confuses. 

Le  climat  s'est  réchauft'é  ;  les  nouvelles  i)oi)ulations  qui  utili- 
sent encore  le  silex  taillé,  mais  bientôt  savent  le  polir,  quittent 
les  grottes  naluielles  :  ils  sauront  se  construire  des  cabanes 
solides  en  pierres  sèches  ou  en  torchis.  Ils  choisissent  souvent 
})0ur  s'établir,  un  plateau  aux  bords  escarpés,  ou  un  éperon 
plus  ou  moins  enfermé  dans  la  boucle  d'une  rivière  et  qu'ils 
défemleni  du  côté  de  la  terre  ferme  par  un  retranchement  : 
c'est  leui-  lieu  de  refuge,  et  pour  ainsi  dire  leur  habitat  mili- 
taire. La  fouille  de  ces  camps  se  fait  d'une  façon  un  peu  aléa- 
toii-e,  en  creusant  des  tranchées  au  voisinage  du  l'etranche- 
meut,  ou  près  des  sources,  s'il  y  en  a. 

Ils  avaient  aussi  des  habitations  simplement  civiles  ou  agri- 
coles, élevées  sur  un  tertre  artificiel,  dans' les  plaines  fertiles  : 
naturellement  de  pareils  établissements  ont  toutes  chances 
d'avoii'  disparu,  nivelés  par  la  culture.  On  l'encontre  cependant 
parfois  des  fonds  de  cabanes  qui  livrent  des  oltjets  très  inté- 
i-essants.  Ailleurs,  se  retrouvent  encore  des  amas  ])lus  ou 
moins  importants  de  <<  débris  de  cuisine  »,  généralement  le  long 
des  l'ivages  de  la  mer.  celle-ci  fournissant   le  manger. 

Enfui  le  néolitliiqur  a  été  aussi  industriel  :  il  avait  ses  puit> 
de  mine  ;  il  allait  cliei-clier  au  sein  de  la  terre  le  silex  de  bonne 
qualité  et  facile  à  travailler,  ayant  encore  son  eau  de  carrière  ; 
ailleurs,  il  extraira  des  blocs  d'autres  roches  dures,  pour  faire 


FOl'ILI.ES    PRÉHISTORIQUES  227 

ses  haches  polies.  Un  peu  |j1us  fard,  il  exploitera  des  filons 
de  cuivre,  d'étain,  enfin  de  fer.  On  a  retrouvé  des  galeries  avec 
les  oui  ils  en  bois  de  cerf,  parfois  avec  l'ouvrier  lui-même  pris 
sous  un  éboulement. 

D'autres  populations  choisirent  des  procédés  divers  pour  se 
mettre  en  sûreté  :  certains  étendaient  sur  un  marécage  un 
solidi^  plancher  de  clayonnage  sur  lequel  ils  dressaient  leurs 
huttes  ;  plusieurs  faisaient  reposer  ce  plancher  sur  la  tête  de 
pilotis  enfoncés  dans  les  eaux  d'un  lac  peu  profond.  Que,  à 
notre  époque,  le  niveau  du  lac  baisse  notablement,  et  voilà  nos 
archéologues  en  joie,  car  la  tourbe  et  la  vase  recèlent  des 
trésors. 

On  rencontre  aussi  dès  cette  date  les  premiers  silos  :  cham- 
bres souterraines  artificielles,  qui  ont  pu  abriter  des  récoltes, 
mais  dont  l'âge  reste  le  plus  souvent  incertain,  faute  de  restes 
caractéristiques. 

Remarquons  que  ces  silos  et  aussi  les  camps  retranchés  dont 
nous  parlions  plus  haut  ont  pu  être  utilisés  à  des  époques  ulté- 
rieures. De  nouvelles  levées  de  terre  ont  pu  être  édifiées  au 
détriment  des  habitations  plus  anciennes  :  on  observera  donc 
dans  une  fouille  si  celles-ci  n'ont  pas  été  entamées,  et,  dans 
laftirmative.  ses  objets  mobiliers  pourront  se  trouver  dans  les 
remblais  du  retranchement.  Au  reste,  même  les  grottes  ont  pu 
être  vidées  et  leur  contenu  préhistorique  jeté  devant  l'ouverture. 

On  sait  que  les  paléolithiques  enterraient  leurs  morts  ;  mais 
jusqu'ici,  avec  les  néolithiques  seulement, apparaissent  les  mo- 
numents funéraires  :  ce  sont  les  tumulus,  dolmens  etc.  Les 
tumulus.  amas  de  terre  mélangées  de  pierres,  de  dimensions 
variables,  se  reconnaissent  à  un  bombement  régulier  du  sol. 
souvent  léger,  et  qui  a  subsisté  généralement  dans  des  coins  où 
la  terre  a  été  peu  cultivée.  Tantôt  ils  avaient  au  centre  une 
seule  chambre  limitée  par  des  pierres  plates  dressées,  avec  ou 
sans  couvercle  ;  tantôt  ils  contiennent  des  sépultures  multiples 
et  dispersées.  Le  fouilleur  creusera  des  tranchées  en  croix,  qu'il 
élargira,  si  cela  lui  paraît  utile  ;  il  notera  la  position  et  l'orien- 
tation des  cadavres,  et  si  les  os  sont  dans  leur  ordre  naturel  : 
car  il  arrivera  par  exemple  qu'un  fémur  droit  se  trouve  du  côté 
gauche  du  bassin  ;  cela  peut  indiquer  une  sépulture  faite  après 
décharnement  ;  ou,  plus  simplement,  cest  que  les  os  dérangés 


228  •!•    BOIYSSONIE 

au  cours  d  uno  sépultuip  nouvelle  furent  remis  en  place  par  un 
fossoyeur  do  lépoquo  qui  ne  se  préoccupait  guère  de  la  dispo- 
silidu  anatomiquf.  Il  y  a  lieu  naturellement,  de  recueillir  les 
objets  qui  accompagnent  le  corps  :  parures  diverses,  oci'es. 
ar-nies.  outils,  vases  et  leur  contenu,  s"il  en  reste,  en  notant  la 
disposition  de  ce  mobilier. 

Les  dolmens  et  allées  couvertes,  souvent  placés  au  moins 
primitivement  sous  un  tumulus,  servaient  généralement  de  lieu 
do  sépultures  succossivos  ot  devenaient  en  somme  des  ossuai- 
res. On  relèvera  leur  orientation,  la  dimension  des  dalles  ;  on 
prendra  des  photographies  ;  on  observera  si  les  dalles  portent 
des  dessins,  des  cupules,  des  perforations.  A  côté  des  dolmens, 
contentons-nous  de  nommer  les  cistes  qui  leur  sont  fort  ana- 
logues. 

Les  squelettes  trouvés  dans  ces  différentes  sépultures  n'ont 
en  général  qu'un  faible  intérêt,  on  comparaison  des  squelettes 
fossiles  les  plus  anciens.  Toutefois  on  notera  leur  forme,  leur 
indice  céphalique  ;  les  spécialistes  pourront  eflfectuer  des  men- 
surations plus  complètes  et  étudier  les  cas  pathologiques  :  on 
sait   que  les  exemples  de  trépanation  ne  sont  pas  rares. 

Pour  en  revenir  aux  monuments  mégalithiques,  rappelons 
qu'il  ne  faut  pas  négliger  les  menhirs  ou  pierres  placées  debout, 
soit  isolées,  sftit  alignées,  les  stèles  avec  figurations  humaines 
ou  autres  ;  leur  rôle  reste  encore  obscur  ;  des  recherches  nou- 
velles pourraient  jeter  des  lumières  à  leur-  sujet. 

Citons  enfin  les  srrottes  funéraires  artificielles,  creusées  dans 
les  roches  tendres,  grès  ou  craie,  comprenant  une  ou  plusieurs 
chambres.  Sur  leurs  parois  ont  été  fréquemment  figurés  des 
signes  cultuels,  la  hache,  la  silhouette  féminine  etc. 

Mais  nous  marchons  à  grands  pas  vers  les  civilisations  qui 
nous  toucliont  de  |)tus  près  :  à  l'âge  du  fer,  ce  ne  seront  plus 
seulement  des  tumulus  isolés,  mais  des  cimetières,  de  vérita- 
bles nécropolos,  voisines  de  véritables  villes  :  nous  sommes  au 
seuil  (\p  ]'ar-ch(''ologie  classique.  Et  ceci  c'est  une  autre  histoire. 

BIBL.  —  DÉCHELETTE,  Manuel  d'Archéologie  préhistorique  et  protohisto- 
rique,  4  vol.  in-8",  Paris,  Aug.  Picard,  1910-1914  —  H.  Breuil,  A.  et  J. 
BOUYSSONIE,  LHommi-  préhistorique,  dans  DAFC,  1911,  t.  II,  col.  462-492  — 
KxTEENs,  La  Préhistoire  à  la  portée  de  t07is,  in-8",  Bruxelles,  1913  —  Pey- 
RONY,  Eléments  de  Préhistoire,  in-S",  Ussel,  Kyboulet,  1914  ■ —  Boule,  Les 
Hommes   fossiles,    in-8",    Paris,    Masson,    1921. 


II.  PARTIE  SPÉCIALE 


1''  Section  :  Le  sacrifice  chez  les  peuples  incultes 
et  chez  les  peuples  antiques 


[14]  Notions  générales  sur   le   sacrifice 

dans  les  cycles  culturels, 

par  le  R.  P.  G.  ScHMIDT,  S.  V.  D. 
I.   INTRODUCTION.  HISTOIRE  DU   PROBLKME. 

Il  uy  a  peut-être  pas  de  matière  puur  laquelle  rutîlité, 
voire  la  nécessité  de  la  méthode  historique  soit  plus  immé- 
diatement évidente  que  le  saeriflee.  11  n"en  est  })as  non  i)lus 
au  sujet  de  laquelle  révolutionnismo  ait  (•diislruit  lant  de 
théories  arhitraires   et   aventureuses. 

La  moins  aventureuse  relativement  est  encrire  celle  de  E.  B. 
Tylor  il).  Pour  lui,  le  sacrifice  n'est  autre  chose  qu"un  don 
intéressé  de  l'homme  à  la  divinité,  en  vue  d'obtenir  de  celle-ci 
d'autres  dons.  C'est  donc  la  théorie  du  do  ut  des.  Plus  tard 
seulement,  le  sacrifice  aurait  pris  le  caractère  d'un  hommage 
cl  plu,-  fard  encore  celui  <le  l'abnégation.  Poui'  faire  parvenir 
le  don  à  la  divinité,  l'animisme  entrait  en  jeu  :  par  la  destruc- 
tion, l'incinération  etc.  de  la  \ictime.  son  âme,  croyait-on,  tMait 
lihér-ée  et  pouvait  dès  lors  être  transmise  à  la  divinité. 

Des  idées  presque  identiques  sont  préconisées  par  G.  A. 
W'n.KEN  '2)  ;  seulement  il  insiste  spécialement  sur  la  con- 
nexion étroite  du  saci'iflce  avec  les  repas  de  noui'i'itui  c  otïerts 
aux  morts. 

Robertsitn   Snuth,    pour   explit|uer    l'nriyine   du    sacritice,    ex- 

(1)  Pnmitivr    Ctiltitir.    London,    1891,    vol.    Il,    p.    340-871. 

(2)  Eene  nieuxce  thfotif:  ovcr  den  oompiong  dcr  offcrs,  Indische  (Jid.s. 
Nr.  9,  1891,  p.  1-99  ;  léimprimé  dans  G.  A.  Wilkbn,  Versin-eidr  (rrachiiftiii . 
s'GravenhaKO,    lftl2,    Decl    IV,    p.    ir^'-^îtô.  ■ 


230  W.    SCHMIDT 

ploite  le  totémisme.  Dans  le  repas  rituel,  l'animal  totémitiue, 
tué  et  mangé  par  les  membres  du  clan  totémique,  aurait  re- 
nouvelé Tunité  du  sang  entre  eux  et  le  dieu-totem.  De  cette 
«  communion  »  totémique  le  sacrifice  se  serait  formé,  quand 
les  dieux-animaux  se  seraient  développés  en  dieux-personnels 
et  après  que  les  animaux,  par  l'élevage  du  bétail,  seraient 
devenus  la  propriété  de  l'homme  ;  par  le  sacrifice,  celui-ci  les 
offrait  à  la  divinité   (1). 

Avec  certaines  variations,  cette  théorie  fut  défendue  encore 
par  F.  B.  Jkvons  (2),  Salomon  Reinach  (3),,  E.  Durkheim  (4). 
Ce  dernier  n'ose  cependant  pas  affirmer  que  toutes  les  espèces 
du  sacrifice  soient  dérivées  du  repas  communiel  totémique. 
J.  G.  Frazer,  lui,  s'oppose  radicalement  à  cette  théorie  ;  il  fait 
remarquer  que  sa  base  est  beaucoup  trop  chancelante  et  trop 
étroite,  puisque,  dans  toute  la  vaste  littérature  totémique,  on 
ne  saurait  trouver  que  trois  ou  quatre  cas  d'une  espèce  de 
communion  totémique. 

Dans  leur  Essai  sur  la  nature  et  la  fonction  du  sacrifice  (5), 
H.  Hubert  et  M.  Mauss  se  déclarent  amenés,  à  reconnaître  que 
le  sacrifice  est  un  mécanisme  trop  compliqué  pour  être  un  rite 
primitif.  A  les  entendre,  il  n'aurait  pu  se  développer  qu'après 
le  don  rituel  et  tout  le  système  des  lustrations  et  purifica- 
tions. Cette  prétendue  «  découverte  »  s'explique  par  cette 
double  raison  que  les  deux  auteurs  ont  fait  porter  surtout 
leurs  recherches  sur  les  sacrifices  réellement  évolués  des 
Indiens  et  des  Hébreux  et  qu'ils  ne  reconnaissent  comme 
sacrifice   que  le   sacrifice  par  destruction. 

Une  théorie  longue  et  compliquée  a  été  élaborée  par 
W.  Wi"NDT    (6).  Elle  est  en  intime  connexion  avec  sa  théorie 


(1)  Article    Sacrifice,    clans    Encyclopaedia    Britannica    et    Lectures    on    the 
Religion   of  the  Sémites,  London,   1"  éd.    1889  ;    2^  éd.    1894. 

(2)  Introduction   to   the   History    of  Religion,    London,    l''«   éd.    1896  :    2'"   éd. 
1904  ;   Conf.  W.   Schmidt,   Ursprung  der  Gottesidee,  t.   I,  p.    25   ss. 

(3)  Cxbltes,    Mythes    et    Religions,    3    vol.,    Paris,    1905-1906  ;    cf.    Schmidt, 
?.   c,   p.    35   ss. 

(4)  Les  formes  élémentaires   de   la   vie  religieuse,  in-8°,    Paris,    Alcan,    1912, 
p.    486-500. 

(5)  L'Année   Sociologique,  t.   II,    1898,   p.    29-138  ;    réimprimé    dans    Mélanges 
d'Histoire    des    Religions,    Paris,    1909,    p.    i-xxvii,    1-130. 

(6)  Volkerpsychologie,  vol.   II,    «    Mythus  und  Religion   »,    3   parties,   Leipzig, 
1905-1906-1909.   Voir  surtout   P.   II,   p.    341   ss.  ;    P.    III,   p.    465   ss. 


LE  SACRIFICE  DANS  LKS  CYCLES     CULTURELS  231 

générale  sur  rurigine  de  la  religion  (1),  qu"il  serait  trop  long 
de  discuter  ici.  D'après  cet  auteur,  le  sacrifice  ne  se  serait 
formé  que  dans  le  troisième  stade  de  la  religion,  celui  des 
dieux  personnels  :  il  serait  di'i'ivé  des  repas  offerts  aux  morts, 
puis  des  idées  du  tahou  et  des  lusli'ations  :  sacrifice  expia- 
toire ;  enfin  du  culte  des  végétaux  :  «  Bitt-  und  Dankopfer  »  ; 
ridée  fondamentale  du  sacrifice  serait  toujours  celle  de  la 
magie.  Toute  cette  théoi-ie,  dans  presque  tous  ses  détails,  est 
renversée  et  détruite  de  fond  en  comble  par  les  résultats  des 
recherches  historiques. 

ÎL'ouvrage  d"A.  l.oisY  a  bien  la  prétention  de  s"appuyer  sur 
l'histoire,  puisqu'il  s'intitule  Essai  historique  sur  le  sacri- 
fice (2),  mais  en  véi'ité,  il  ne  contient  que  le  plus  pur  évolu- 
tionnisme  :  ap])réciations  subjectives  par  des  jugements  de 
valeur  sur  la  «  primitivité  .>  et  la  «  bassesse  »  des  formes, 
formation  de  séries  logiques  qui,  de  suite,  se  changent  en 
séries  historiques,  reliées  par  une  causalité  réelle.  La.  docu- 
mentation ethnographique  étant  le  plus  souvent  de  seconde 
main  et  la  connaissance  de  l'ethnologie  générale  fort  modi- 
que, la  valeur  de  cet  ouvrage  est  assez  modique   (3~  . 

D'après  Loisv,  le  sacrifice  dérive  de  l'union  de  rites  magi- 
ques avec  le  don  rituel  tel  qu'il  se  présente  dans  les  offrandes 
faites  aux  morts.  Ce  qui  caractérise  cette  publication,  c'est  un 
effort  excessif,  partout  sensible,  pour  mettre  en  relation  avec 
les  rites  magiques  tous  les  détails,  toutes  les  rubriques,  toutes 
les  oi'aisons  du  sacrifice  et  de  la  communion  catholiques,  que 
l'auteu!'  a  pu  si  bien  connaître  dans  un  passé  meilleur.  Par 
là.  comme  par  tes  appréciations  extrêmement  tendaïioieuses 
qui  apparaissent  en  toutes  ses  parties,  on  voit  clairement  que 
lifs  impulsions  non-scientifiques  ont  grandement  contribué  à 
la  rédaction  de  cet  ouvrage.  Ce  fut  une  hardiesse  remarquable 
de  la  ]»art  de  M.  Loisy  d'aboi-der  avec  si  peu  de  formation 
ethnologique  un  sujet  si  ditficile  :  il  a  eu  le  malheur  d'ignorer 
totalement  les  j)rogrès  obtenus  par  la  vraie  méthode  histori- 
que dans  les  dix  dernières  années  :  «  Ecce  pedes  corum  qui 
ftppelirruni  viruin   tuuin  ad  ostium.  et  efferent  le.   »    (Act.,  v,   9). 


(1)  Conf.    SCHMIDT,    /.     C,    p.     4  4    .s.S. 

(2)  In-8",    Paris,    Nourry.    1920. 

(3)  .J'(?n    !ii    donné    un<>   ti-ittque     plu.<    détaillôe    dans    la    Hiviic    dis    Sciriui.s 
philOKophUiur.s    et    thi'oUiaiiiHcs.    U'    Saulclmir,     Kain,    1922, 


232  W.    SCHMIDT 

II.   LES   CYCLES   CULTURELS   PRIMITIFS. 

Si  maintenant,  de  ces  constructions  «  en  l'air  n  nous  pas- 
sons à  la  réalité,  il  est  avant  tout  important  d'établir,  par  des 
moyens  sûrs  et  objectifs,  l'âge  respectif  des  faits  ethnolo- 
giques, tâche  que  la  grande  majorité  des  anciens  théoriciens 
ont  complètement  omise.  L'école  historique,  au  contraire,  s'y 
est  spécialement  appliquée.  Laissant  de  côté  ces  faciles  éva- 
luations subjectives  sur  le  degré  de  primitivité  de  tel  ou  tel 
élément  pris  isolément  ou  de  tel  peuple  particulier,  elle  prend 
en  considération  soigneuse  la  totalité  d'une  culture  dans  tous 
ses  éléments  et  par  un  procédé  sûr,  pas  h  pas,  elle  parvient 
enfin  à  découvrir  de  grands  cycles  culturels  qui  embrassent  la 
totalité  d'une  culture  déterminée,  indépendante.  D'après  les 
mêmes  procédés,  maintenant  appliqués  en  plus  grand  style, 
elle  s'est  trouvée  à  même  de  préciser  l'ordre  chronologique 
suivant  lequel  ces  grands  cycles  se  sont  succédé. 

Pour  connaître  maintenant  l'âge  ethnologique  d'une  espèce 
de  sacrifice,  on  ne  se  borne  plus  à  évaluer  ses  caractères  in- 
ternes —  évaluation  fortement  exposée  au  péril  de  subjecti- 
visme  —  ;  mais  on  cherche  à  préciser  de  quel  cycle  culturel 
cette  forme  fait  partie  intégrante.  Si  le  cycle  culturel  auquel 
elle  appartient  exclusivement  est  lui-même  relativement  ré- 
cent, non  primaire,  mais  secondaire,  il  est  clair  qu'également 
cette  forme  de  sacrifice  ne  peut  être  primitive,  ni  d'une  haute 
antiquité  ethnologique. 

Or,  il  est  de  la  plus  grande  importance,  pour  déterminer  la 
vraie  nature  et  la  dernière  origine  du  sacrifice,  d'avoir  égard 
à  la  division  des  cycles  culturels  en  deux  grands  groupes  : 
le  groupe  dit  de  VUrkultur  ou  culture  archaïque  et  le  groupe  dit 
cultures  primaires.  Les  Urkulturen  ou  civilisations  archaïques, 
primitives  au  moins  en  ce  sens  qu'on  ne  leur  connaît  pas  de 
devancières,  sont  celles  où  l'homme  n'exerce  pas  de  travail 
sur  la  nature,  pour  augmenter  sa  production,  mais  se  con- 
tente de  ce  qu'elle  lui  offre  spontanément  :  par  la  chasse  il 
se  procure  la  nourriture  carnée  ;  par  la  cueillette  des  plantes, 
des  racines,  des  fruits,  la  femme  procure  la  nourriture  végé- 
tale. Les  cultures  primaires,  au  sens  où  primaire  est  distingué 
de    primitif,    Urkulturen,    comme    nous    venons    de    l'expliquer. 


LE  SACRIFICE  DANS  LES  CYCLES  CULTURELS  233 

sont  ccliles  OÙ,  par  Télevage  du  bétail,  par  \e  perfectionnemeni 
de  la  chasse  ou  par  ragrioulture  primitive,  rhomme  et  la 
femme  se  procurent  une  noui'i'iture  animale  et  végétale  plus 
alxmdante  et  plus  stal)le. 

Considérons  d'abord  la  nature  sjjécitique  des  sacrifices  dans 
les   Urkulturen  ou   civilisations  archaïques. 

1.  Notons  tout  de  suite  ce  point  :  dans  les  plus  anciennes 
cultures,  il  y  a  de  vrais  sacrifices.  11  ne  faut  donc  pas  attendre 
les  phases  f)lus  récentes  de  l'histoire  pour  en  rencontrer.  Or, 
ces  civilisations  archaïques  sont  précisément  celles  chez  les- 
quelles il  n'y  a  pas  encore  de  culte  religieux  des  morts  ;  il  est 
donc  clair  que  le  sacrifice  n'a  pas  pris  son  origine  dans  les 
rppas  olïerts  aux  défunts.  De  même,  dans  ces  civilisations,  la 
magie  n'occupe  pas  une  place  prépondérante  ;  il  est  donc 
évident  aussi  que  ce  n'est  pas  elle  tiui  a  produit  le  sacrifice, 
surtout  si  celui-ci  n'a  rien  de  magique  en  soi  et  accuse  plutôt 
des  caractères  opposés.  Ce  sont  enfin  des  cultures  où  il  n'y  a 
absolument  pas  trace  de  totémismie  :  d'où  il  apparaît  encore 
nettement  que,  môme  si  les  communions  totémistes  étaient 
plus  fréquentes  qu'elles  ne  le  sont,  elles  ne  pourraient  être 
regardées  comme  la  source  du  vrai   sacrifice. 

2.  Ces  premières  conclusions  se  trouvent  encore  confii'mées 
par  le  caractère  spécial  du  sacrifice  à  ce  stade  de  civilisation. 
Dans  tout  le  cycle  exogamo-monogame  des  Pygmées.  on  ne 
rencontre  pour  tout  sacrifice  que  celui  des  prémices..  On  le 
trouve  chez  toutes  les  tribus  des  Pygmées  pour  lesquelles  nous 
avons  des  renseignements  suffisants.  Dans  une  tribu  seule- 
ment, celle  des  Semangs,  dans  l'île  de  Malacca.  nous  ne  ren- 
controns pas  le  sacrifice  des  prémices,  irais  le  sacrifice  ex- 
piatoire :  dans  une  tempête,  pour  se  conciliei' *Xa/'/.  leur  Eti'c 
suprême,  ils  se  font  une  blessure  au  genou,  en  tirent  un  peu 
de  sang,  qu'ils  mêlent  avec  de  l'eau,  pour  jeter  alors  le  tout 
vers  le  ciel.  Chez  les  Andamanais,  il  y  a  un  sacrifice  des  pré- 
mices négatif  :  il  y  est  distendu  de  niianger  les  premiers  fruits 
des  Yams  et  d'autres  jilantes  dans  la  })remièi'e  moitié  de  la 
saison  des   pluies  ;    ils   restent    réservés   à   l'Etre   suprènu^    (1). 

3.  Toutes  les  part  icularitt's  du  sacrifice  des  |)i'(''mices 
montrent    qu'il    est    avant    tout  un  hommage  à  l'Etre  suprême, 


(1)  Pour  le  détail,  Schmidt,  Die  titelluny  dcr  Py(/in'àcnvôlker  in  dcr 
Entwicklungsgeschichte,  in-8»,  Stuttgart,  Strecker,  1910,  p.  145,  198  ss.,  230, 
232    ss.,    264   ss   ;    cfr.    Anthr.,   1921-22,    t.    XVI-XVII.    p.    978-1005. 


234  W.    SCHMIDT 

pour  reconnaître  ?a  suprême  domination  et  expi'imer  la  jjrati- 
tuile  envers  celui  qui  a  donné  la  vie  et  procure  des  vivres  pour 
lentretenir.  Qu'il  soif  vj'aiment  conçu  comme  un  acte  d'hom- 
mage spirituel  envers  lElre  suprême  et  non  un  moyen  d'ob- 
tenir ses  faveui's,  en  lui  fournissant  des  vivres  (pi'il  emploie- 
rait pour,  lui-même,  cela  se  manifeste  dans  ce  fait  que  la 
quantité  des  vivres  offerts  est  toujours  si  peu  considérable 
qu'elle  ne  peut  évidemment  rassassier  la  faim  de  qui  que  ce 
soit.  En  outre,  dans  ce  cycle  culturel,  on  professe  ouverte- 
ment qu'il  est  superflu  de  vouloir  nourrir  l'Etre  suprême, 
parce  qu'il  est  le  propriétaire  souverain  de  tous  les  animaux 
et  de  toutes  les  plantes.  Chez  les  Andamanais,  il  est  vrai,  la 
totalité  des  premiers  fi'uits  reste  réservée  à  l'Etre  suprême. 
On  pourrait  donc  croii-e  que.  chez  eux.  ces  fruits  sont  destinés 
à  sa  subsistance,  d'autant  i)lus  que,  d'après  tel  de  leurs 
mythes,  Puluga  est  censé  descendre  des  cieux  dans  ce  temps, 
pour  sapproprier  ces  fruits.  Mais  l'authenticité  de  ce  mythe 
est  douteuse.  Du  reste,  même  dans  ce  cas.  par  l'observation 
fidèle  de  cette  loi.  i)ar  le  renoncemvnt  volontaire  à  une  telle 
quantité  de  vivres,  on  témoigne  qu'on  reconnaît  un  Etre  su- 
prême, et  cela  de  manière  d'autant  plus  expressive  que  la 
(inantitc   sacritlée  est  si  considérable. 

4.  Si  j'ai  dit  que,  dans  le  cycle  culturel  desPygmées,  nous 
ne  trouvions'  que  le  sacrifice  des  prémices  (et  un  sacrifice 
expiatoire),  je  ne  voudrais  plus  l'afïirmer  aussi  catégorique- 
ment pour  d'autres  cycles  appartenant  au  même  stade  de 
civilisation.  Les  Pygmées  ne  se  trouvant  que  dans  la  moitié 
méridionale  de  notre  globe,  il  est  impossible  qu'ils  soient  les 
ancêtres  de  peuples  d'une  constitution  physique  toute  diffé- 
rente qui  habitent  l'hémisphère  septentrional.  A  ces  peuples 
primaires  (Urvôlker)  appartiennent  les  Ainos  du  Japon  et  les 
riilyaks  de  Sakhaline,  puis  d'autres  peuples  paléo-asiatiques, 
comme  les  Tchuktches,  les  Koryaks  (et  les  Itàlmes).  Tous 
croient  en  un  Etre  suprême,  auquel  ils  offrent  des  sacrifices  : 
il  est  sûr  que  ce  ne  sont  pas  exclusivement  des  sacrifices  de 
\)rémices    (1). 


(1)  J.  B.\TCHELOït,  The  Ainu  and  their  Folk-Lorc.  London,  19ol.  p.  576- 
585,  100,  116  ;  M.  A.  Czaplicka,  Aboriginals  of  Sibii-ia,  Oxford,  1914,  p.  271, 
257,  291,  261  ss.,  294,  269  .<*.  :  D.  Ki.ement.s,  ERE,  1913,  t.  VI,  p.  225-226  ; 
P.   Radin,  ibid.,  1912,   t.    V,   p.    394. 


LE   SACRIFICE   DANS   LES   CYCLES   CULTURELS  235 

5.  Par  contre,  f"osl  un  lait  étrange  mais  certain  :  jusqu'ici, 
nous  n'avons  pas  de  l'enseignements  sur  l'existence  du  sacri- 
fice dans  lAusti-alie  entière.  Peut-être  pouvons-nous  donner 
de  ce  phénomène  une  explication  au  moins  partielle.  Dans 
presque  toute  l'Australie,  le  cercle  culturel  dit  du  bouinerang, 
là  même  où  se  superposent  des  couches  culturelles  plus  jeu- 
nes, continue  à  exercer  pourtant  une  grande  influence.  Or.  dans 
ce  cycle  culturel,  l'Etre  suprême  commence  à  se  confondre 
avec  l'ancêtre  primaire  de  la  tribu  ou  plutôt  de  l'humanité, 
el  le  sacrifice  à  l'Etre  supi'ôme  cesse  totalement  ou  devient 
tj'ès  rare.  Nous  avons  des  preuves  directes  de  cet  état  de 
choses  dans  les  l'égions  africaines  qui  apjnirtiennent  à  ce 
cycle  culturel  ;  par  exemple,  chez  les  Hottentots,  les  Oafres  et 
les  Bétchouanes  (1),  les  Schilluk  et  les  Dinka  (2)  et  d'autres 
peuplades  hamito'ides  et   nilotiques    (3). 

Mais  même  si  le  sacrifice  faisait  complètement  défaut  dans 
le  cycle  culturel  du  boumerang.  ■ —  ce  qui  n'est  pas,  car  il 
devient  seulement  plus  rare  —  ce  n'est  pas  ce  cycle  culturel 
qui  est  le  plus  ancien,  mais  celirt  des  Pygmées  et  là,  nous 
l'avons  vu,  l'f'xistonce  du  sacrifice  est  j)arfaitement  et  large- 
ment assurée,  sous  la  forme  du  sacrifice  des  prémices.  Nous 
avons  pu  reconnaître  sa  nature  relativement  très  élevée  et 
spirituelle,  l^ar  ce  fait  important,  toutes  les  théories  évolu- 
tionnistes  sur  l'origine  du  sacrifice  se  trouvent  déjà  l'éfutées 
el  ruinées  par  la  base. 

Cependant  une  grave  objection  se  dresse  contre  nous.  Les 
offrandes  de  prémices  dans  ces  cycles  culturels  plus  anciens 
constituent-elles  de  vrais  sacrifices  ?  Ne  sont-elles  pas  de 
pures  oblations,  de  telle  sorte  qu'il  leur  manquerait  le  trait 
essentiel   du   sacrifice,   la  destruction  ? 

En  j'épondant  à  cette   objection,   nous   louchei-ons   à   la    plus 


(1)  W.  Schneider,  Div  Religion  dir  afrikanischen  Naturvolkvv.  Mlinster 
i.  W.,  A.schendorff,  1891,  p.  .53-88  :  Th.  Hahn,  Tsnni-Goam,  Thr  fSupremr 
Being  of  the  Khoi-Khoi,  London,  1861  ;  G.  Fritsch,  Die  Eingeborenen 
Siidafrikas,  Breslau,  1872,  p.  336-342,  352-357  ;  H.  A.  Junod,  The  Life  of  a 
f^outh    Afrivan    Trihe,    Neuchatel,    1913,    t.    II,    p.    346-411. 

(2)  W.  HoFWAYER,  Anthr.,  1911.  t.  VI,  p.  120,  122  :  D.  Westermann.  The 
fihilluk  People,  Philadelphia-Berlln,  1912,  p.  171  ;  Seligman,  ERE.  t.  IV, 
1).    707-708. 

(3)  Voir  la  littératui-c  chez  Schmidt,  Ethnolofiiselu  Remrrkunfjen  zn  thro- 
logischen    Opfertheorien,   MOdling,    1922,    p.    23. 


236  W.    SCHMIDT 

profonde  différence  qui  sépare  dans  ce  sujet  les  plus  anciens 
cycles  culturels,  ceux  de  la  cueillette,  des  plus  récents,  les 
cycles  primaires,  dans  lesquels  l'homme  augmente  la  produc- 
tion de  la  nature  par  l'élevage  du  bétail  et  par  l'agriculture  ; 
nous  nous  trouvons  en  même  tcm])S  amenés  à  la  question  de 
lessence  m'ème  du  sacrifice. 

Est-ce  cpie  la  destruction  aj){iartient  réellement  à  cette  es- 
sence ?  La  grande  majorité  des  théologiens  répond  affirmati- 
vement. Les  ethnologues  et  les  hiérologues,  les  théoriciens  de 
la  science  comparée  des  religions,  outre  M.  Mauss  et  H.  Hubert, 
qui  seront  sans  doute  étonnés  de  se  voir  en  société  pres^que 
exclusivement  théologique,  ne  le  nient  ni  ne  l'affirment,  et  par 
cela  ils  le  nient.  En  effet,  Tylor,  Wilkbn,  "Wundt  et  d'autres 
n'hésitent  pas  à  énumérer  aussi  l'ohlation  parmi  les  différentes 
espèces  du  sacrifice. 

Pour  ce  qui  regarde  les  théologiens,  il  leur  importe  de  voir 
netteîuent  le  dilemme  devant  lequel  ils  se  trouvent  placés  :  ou 
ils  affirment  que  la  destruction  est  de  l'essence  même  du  sacri- 
fice,  et  alors  ils  ne  peuvent  plus  soutenir  «l'universalité  du 
sacrifice  dans  toutes  les  religions  du  monde  (car  dans  tous  les 
cycles  culturels  les  plus  anciens,  ceux  de  la  cueillette,  il  n'y  a 
pas  de  destruction)  —  ou  ils  admettent  qu'il  peut  y  avoir  un 
vrai  sacrifice  sans  destruction,  et  alors  l'universalité  du  sacri- 
fice dans  les  religions  de  tous  les  temps  et,  en  général,  de  tous 
les  pays  est  sauvée.  Pour  saisir  la  justesse  de  ces  observa- 
tions et  comprendre  toute  leur  portée,  il  nous  faut  étudier  d'un 
j;^-u  plus  près  d'abord  le  sacrifice  des  Urkulturen.  puis  celui  des 
cycles  primaires. 

'Dans  les  sacrifices  des  cycles  de  la  cueillette,  sont  toujours 
oflTei'ts  les  premiers  produits  de  la  nature  nés  spontanément. 
Dans  les  sacrifices  d'animaux,  considérons  avant  tout  la  ma- 
nière de  sacrifier.  C'est  un  fait  capital,  ici  :  l'acte  de  tuer  l'ani- 
mal, la  «  destruction  >>,  n'appartient  absi dûment  pas  au  sacri- 
fice comme  tel.  L'action  de  tuer  est  un  acte  totalement  profane. 
Un  homme  à  la  chasse  l'accomplit  dans  l'intention  tout  à  fait 
profane  et  prosaïque  de  se  procurer  de  la  nourriture.  Cette 
action  de  tuer  correspond  tout  simplement  à  l'action  exercée 
par  la  femme  qui  cueille  des  fruits  ou  déterre  des  racines  pour 
se  procurer  la  nourriture  végétale.  Le  sacrifice  proprement  dit 


LE  SACRIFICE  DANS  LES  CYCLES    CULTURELS  237 

ne  conimenrera  que  par  l'oblation  de  certaines  parties  de  l'ani- 
mal tué  à  la  chasse  ou  de  certaines  plantes  obtenues  par  la 
cueillette.  Si  Ton  veuf  absolument  parler  encore  ici  de  des- 
truction, la  destruction  ne  peut  être  trouvée  qu'en  ceci  :  telle 
partie  de  la  nourriture  est  soustraite  à  l'usage  humain  et 
parfois  jetée,  abandonnée.  Si.  quelquefois.  Toblation  est  brûlée, 
il  semble  que  cela  doive  être  attribué  à  une  influence  posté- 
rieure de  Tanimisnie,  qui  porte  à  affranchir  1"  «  àme  »  de  Tobjet 
sacrifié,   pour   la   faire   pcirvenir   à  la   divinité    (1). 

De  même  que  lacté  de  tuer  précédant  Toblation  est  purement 
profane  et  ne  fait  pas  partie  du  sacrifice  lui-même,  de 
même  le  repas  qui  suit  le  sacritice  nest  nécessairement  ni 
une  partie  du  sacrifice,  ni  davantage  un  repas  communiel 
auquel  participent  le  dieu  à  qui  on  a  sacrifié  et  le  sacrifiant 
lui-même.  Car  ce  repas  est,  ici  également,  un  acte  purement 
profane  ;  on  consom'mè  la  nouiriture  qu'on  s"est  i)rocurée  à 
la  chasse  ou  par  la  cueillette  des  plantes.  En  sacrifiant 
d"abord  une  j^artie  minime  de  cette  nourriture  à  l'Etre  su- 
prême, on  a  l'intention  de  reconnaître  qu'il  est  le  maître  et  le 
créateur  de  tout,  sans  estimer  le  moins  du  monde  qu'il  ait 
lui-miême   besoin  de   cette  nourriture. 

in.  LE  SACRIFICE  DANS  LES  CULTURES  PRIMAIRES. 

•La  situation  change  profondément  dans  les  cycles  cultu- 
rels où  l'homme  commence  à  travailler  la  nature,  pour  accroî- 
tre et  assurer  l'abondance  de  ses  produits.  La  grande  diffé- 
retijce  qui  s'est  effectuée  se  voit  le  plus  clairement  dans  le 
sacrifice  du  bétail. 

En  pareil  cas.  il  n'est  pas  l)esoin  de  tuer  l'animal  pour  s'en 
emparer,  comme  cela  était  nécessaire  à  la  chasse,  dans  les 
anciens  cycles  culturels.  L'animal,  fruit  de  l'élevage,  se  trouve 
déjià  dans  la  possession  de  l'homme.  Mais  il  faut  bien  tuer 
l'animal  pour  pouvoir  le  manger.  Par  là  même,  ici  encore, 
l'action  de  tuer  pouvait  demeurer  purement  profane,  sans 
appartenir  proj>remenl  au  sacrifice.  La  chose  est  |)articuliè- 
rement  claire  dans  le  cas  d'un  animal  unique  dont  une  partie 
seulement  devait  être  offerte  en  sacrifice.  Mais  s'il  s'agissait 
de  plusieurs  victimes  parmi  lesquelles  un  animal  entier  devait 


(1)    Voir   plus   haut,    p.    229. 


238  W.    SCHMIDT 

être  sacrifié,  et  surtout  si  eel  animal  se  trouvait  d'avance 
désigné  pour  le  sacrifice,  comme  il  arrivait  par  exemple  pour 
l'animal  premier-né,  alors  la  croyance  pouvait  naître  et  se 
développer  que,  dans  ce  cas,  Faction  de  tuer  elle-même  appar- 
tenait déjià  au  sacrifice.  Pareille  conception  se  présentait 
d'autant  plus  facilement,  si  Ton  croyait  que  l'Etre  suprême 
n'avait  pas  besoin  de  nourriture  ;  car  alors  on  pouvait  s-e 
demander  dans  quel  luit  on  sacrifiait  à  Dieu.  Il  pouvait  aussi 
venir  à  l'esprit  que  la  fin  propi'e  et  l'élément  le  plus  intime 
du  sacrifice  était  de  reconnaître  le  domaine  suprême  de 
Dieu  sur  la  vie  et  la  mort,  en  faisant  passer  un  être  vivant 
de  la  vie  à  la  mort.  Que  de  telles  idées  soient  absolument 
étrangères  au  saciifice  des  temps  les  plus  anciens,  cela  ré- 
sulte clairement  de  tout  ce  que  nous  avons  dit  de  sa  forme 
extérieure  et  de  sa  nature  interne. 

Mais  si  nous  nions  que  la  destruction  de  la  vie  appartienne 
à  Tessence  du  sacrifice,  nous  sommes  probablement  les  pre- 
miers à  relever  ce  fait,  qu'il  y  a  une  relation  intime  et  ]>ro- 
fonde,  positive,  du  sacrifice  à  l'idée  de  la  vie.  Jusqu'ici,  on 
n"a  pas  sulïisamment  considéré,  ce  nous  semble,  que  tout  vrai 
sacrifice,  et  surtout  que  les  sacriifices  les  plus  anciens  por- 
tent uniquement  sur  des  vivres,  ce  qui  veut  dire  des  nxoijcns 
de  vivre,  des  moyens  propres  à  assurer  la  vie.  Et  puisque,  dans 
les  mêmes  cycles  (mlturels,  il  est  reconnu  que  l'Etre  suprême 
a  créé  l'homme  et  lui  a  donné  j)our  la  première  fois  la  vie. 
l'idée  du  sacrifice  des  prémices  et  des  vivres  en  général  re- 
vient à  celle-ci  :  <.  Seigneur,  vous  m'avez  donné  la  vie  pour  la 
première  fois  ;  par  le  sacrifice  que  je  vous  offre  à  présent,  je 
reconnais  solennellement  que  c'est  de  nouveau  vous,  et  vous 
seul,  qui  me  donnez  les  vivres,  les  moyens  de  continuer  cette 
vie  que  je  tiens  de  vous.  »  C'est  donc  par  un  noble  geste 
positif  que  l'idée  de  la  vie  est  liée  ici  avec  celle  du  sacrifice, 
ou  plutôt  la  reconnaissance  solennelle  de  Dieu  comme  maître 
suprême  de  la  vie  est  l'idée  centrale  du  sacrifice,  déjà  et  sur- 
tout dans  les  plus  anciens  cycles  culturels. 

Si  dans  les  Urkulturen  on  n'offrait  que  des  vivres,  un  corol- 
laire important  s'en  déduira  facilement  :  il  ne  pouvait  y 
avoir  de  sacrifices  humains  sous  aucune  forme,  parce  que  sous 
aucuni'  forme  la  chair  humaine  ne  constituait  alors  une  nour- 


LE   SACIUFK.K   HANS   LhS   CYCI.KS    nCLTURELS        "  239 

riture  ;  dans  cos  oycles  les  plus  anoiens,  il  n"y  avait  pas 
d'anthropophagie. 

Avpc  les  cycles  culturels  qui  travaillent  la  nature,  tout 
change  sous  de  multiples  rapports,  que  nous  pouvons  seule- 
ment brièvement  indiquer  ici. 

Le  moins  favorable  au  développement  du  sacrifice  est  le 
cyclf  cultvvcJ  totémiste.  car  il  est  pénétré  par  la  magie.  Tandis 
que  le  sacrifice  est  offert  à  la  persomuiliié  la  plus  haute,  dans 
un  esprit  de  déférence,  d"hommage,  de  révérence  et  de  sup- 
plication, la  magie  accuse  des  tendances  toutes  opposées.  Elle 
s'adresse  aux  choses,  pour  connaître  et  capter  leurs  forces 
mystérieuses,  et  refuse  de  sMncliner  devant  l'Etre  suprême. 
Au  contraire,  par  ses  formules  et  ses  passes,  elle  s'efforce  de 
contraindre  la  divinité  elle-même.  L'hommage  plus  ou  moins 
explicite  exprimé  par  le  sacrifice  se  change  ici  en  violence, 
que  l'on  cherche  à  exercer  par  l'intermédiaire  de  rites  magi- 
ques précis. 

Dans  le  cycle  >natt'iarcal,  c'est  le  sacrifice  aux  morts  qui 
obtient  une  i)lace  prépondérante.  Et  parce  qu'on  offre  aussi 
aux  morts  leurs  armes  et  ustensiles,  c'est  par  cette  voie  en- 
core que  d'autres  choses  que  des  vivres  se  sont  introduites 
dans  les  sacrifices  offerts  aux  dieux. 

Lorsque  plus  tard,  après  le  mélange  du  cycle  culturel  des 
nomades  avec  les  autres,  l'esclavage  eût  commencé,  on  sa- 
crifia aussi  les  esclaves  et  les  femmes  du  défunt,  afin  qui,ls 
raccompagnent  dans  l'autre  monde.  Ce  fut  encore  une  des 
causes  qui  donnèrent  occasion  aux  sacrifices  humains.  Une 
autre  cause  se  rencontra  dans  le  cycle  matriarcal  lui-même. 
à  savoir  l'anthropophagie,  qui  se  développa  surtout  dans  ce 
cycle,  à  tel  point  que  la  chair  humaine  devint,  dans  quelques 
tribus,  une  noui-riture  habituelle.  Cette  chair  pouvait  donc 
aussi  être  offerte  aux  dieux  et  aux  esprits  :  on  leur  ménageait 
ainsi  l'aliment  le  plus  précieux.  Une  troisième  cause  enfin  fut 
1p  mélange  intei'vcnu  entre  le  cycle  totémiste-magique  avec 
le  cycle  matriarcal  agriculturel  :  comme  on  employait  les 
hommes  pour  représenter  les  dieux  de  la  fécondité  animale 
et  de  la  ffMMilité  végétale,  on  les  tua  aussi,  pour  se  procurer 
leur'  chair  et  leur  sang,  dans  le  but  de  féconder  les  hommes. 
les   animaux  et   les   champs. 


240  W.    SCHMIDT 

Les  sacrifices  humains,  ayant  pris  naissance  de  ces  diverses 
manières,  se  développèrent  dans  une  direction  particulière 
dans  le  cycle  culturel  des  nomades  ou  plutôt  dans  les  cycles 
fortement  pénétrés  pai'  la  civilisation  des  nomades.  Chez  ceux- 
ci.  l'enfant  premier-né  était  privilégié  quant  à  l'héritage  et 
quant  à  sa  position  sociale.  Or,  il  semhle  que,  des  prémices 
des  animaux  qu'on  sacrifiait  chez  eux.  on  commença,  à  une 
certaine  période,  à  tirer  par  analogie  des  conclusions  rela- 
tives aux  premiers-nés  des  hommes  et  à  les  sacrifier  égale- 
ment. Mais  cette  espèce  de  sacrifice  n'était  pas  propre  au 
génie  des  nomades,  puisque  chez  eux.  il  n'y  avait  pas  d'anthro- 
pophagie. L'immolation  des  victimes  humaines,  et  donc  celle 
des  premiers-nés,  ne  pouvait  se  développer  chez  eux  que  sous 
l'influence   de  cycles  culturels   étrangers. 

IV.    LE  SACRIFICE   EXPIATOIRE. 

Nous  nous  sommes  appliqué  jusqu'ici  à  éclairer  l'origine 
et  la  nature  de  toute  une  série  de  sacrifices.  Il  en  reste  encore 
une  espèce  spécialement  intéressante,  mais  aussi  assez  dif- 
ficile à  traiter  du  point  de  vue  ethnologique".  C'est  le  sacrifice 
expiatoire. 

Nous  nous  rappelons  que,  selon  Wlndt,  le  sacrifice  expia- 
toire aurait  été  la  plus  ancienne  espèce  de  sacrifice  ;  elle  se 
serait  développée  selon  lui  des  rites  lustratoires  magiques. 
Or,  il  est  certain  que  les  lustrations  magiques  n'étaient  aucu- 
nement nécessaires  pour  rendre  possihle  l'origine  du  sacrifice 
expiatoire.  En  un  lion  nomhre  de  cas,  au  contraire,  un  sacri- 
fice expiatoire,  par  influence  de  la  magie  du  cycle  culturel 
totémiste,  a  pu  se  transformer  en  rite  lustratoire  auquel  on 
attribuait   une   force    contraignante. 

D'un  autre  côté,  nous  trouvons  du  moins  un  cas  de  sacrifice 
expiatoire,  dès  le  plus  ancien  cycle  culturel,  celui  des  Pyg- 
mées.  C'est  chez  les  iSemangs  (1).  Il  est  certainement  remar- 
quable que,  dans  l'unique  sacrifice  expiatoire  de  ce  cycle  cul- 
turel que  nous  connaissions,  il  y  ait  effusion  du  sang  et  du 
sang  humain,  quoique  dans  le  sacrifice  de  cette  période  en 
général,  comme  nous  l'avons  vu,  l'acte  de  tuer  et  l'effusion 
du    sang   n'appartiennent  pas    à   l'essence   même  du   sacrifice. 


(1)    Voir   plus  haut,  p.    233. 


LE  SACRIFICE  DANS  LES  CYCLES  CULTURELS   ,      241 

Un  autre  cas  de  sacriflec  expiatoire,  avec  intercession  de 
raneètre  divinisé,   se   trouve   chez   les  'Schilluk. 

Plus  nombi'eux  sont  'les  cas  de  ces  sacrifices  chez  les  peu- 
ples noniade.s.  Ainsi  chez  les  Galla  (1),  les  Baria  \2) ,  les 
Batutsi  (3).  Mais  en  général,  il  faut  Tavouer,  le  sacrifice 
oxi)ial(iire  est  de  léaucoup  moins  fréquent  chez  les  peuples 
non-civilisés  que  les  autres  espèces  de  sacrifice.  Il  serait  bien 
désirable  que  les  missionnaires  fissent  des  recherches  spé- 
ciales sui'  ce  point  ;  il  serait  surtout  important  d'examiner  si 
l'offense  pour  laquelle  le  sacrifice  est  offert  est  vraiment  une 
faute  morale  ou  seulement  une  faute  rituelle. 

Dans  les  religions  des  peuples  civilisés,  les  sacrifices  ex- 
piatoires deviennent  plus  nombreux.  On  en  trouve  la  biblio- 
graphie étendue  dans  Hastings  {ERE,  art.  Expiation  and  Atone- 
ment.  vol.  V,  p.  625-671).  Un  fait  caractéristique  se  manifeste 
ici  :  il  y  a  deux  religions  dans  lesquelles  l'idée  du  sacrifice 
expiatoire  n'a  pas  pris  racine  ou  n'a  obtenu  aucun  dévelop- 
pement considérable  :  la  religion  égyptienne,  parce  que  c'est 
un  panthéisme  magique  solaire,  et  le  bouddhisme,  parce  que 
c'est,  au  moins  dans  ses  formes  pures,  un  athéisme. 

^^i  la  question  du  sacrifice  expiatoire  en  général  a  ses  dif- 
ficultés, cplles-ci  deviennent  encore  plus  grandes,  quand  il 
s'agit  du  sacrifice  ex])iatoire  par  substitution  isteUvertr  étende  s 
Sïihnopfpr) .  Dans  le  vol.  VI  de  son  Golden  Bougl'..  auquel  il  a 
donné  le  titre  spécial  JAc  Srapeyoat.  Fr.\zer  a  voulu  faire 
dériver  cette  espèce  de  saci'itice,  et  surtout  le  sacrifice  expia- 
toire de  notre  Sauveur  sur  la  croix,  des  formes  grossières  et 
basses  du  rite  du  srape-goat  [râper  e^nis.sai'iu^.  bouc  émissaire). 
C'est  un  rite  pai-  lequel  les  péchés  d'une  communauté  sont 
transférés  sur  un  animal  (ou  un  homme),  qui,  chargé  alors 
de  CCS  péchés,  est  expulsé  hors  de  la  communauté,  ou  \w\  si 
c'est  un  homme.  Getle  théorie  évolutionniste  se  fonde  sur  ce 
firincipe,  éi'igé  en  thèse  par  Frazer  :  «  The  idca  of  sin  is  nul 
primitive  ».  ^lalheureusement.  il  l'a  laissi'  coniplèfeinent  sans 
preuves,  bien  qu'il  lui  soit  facile  et  si  tainilicr  d  T'ciiic  de  gros 
vnlumcs   en   ib'd'ense  de   ses  opinions. 


(1)  Salviac,  Vu  pcnph   (intiqur  au  pays  de  MrnrUk   ;  les  Galla,  )).   12S. 

(2)  A.    PoLLERA,    /    BarUt    r    i    Kunavui,    ji.    90-91. 

(3)  P.    LOUPIAS,    Anthropos,    1908,    C    IH,    p.    2-6. 


242  ^v.  si;nMiDT 

Si  nous  examinons  cette  théorie  d'un  ])eu  plus  de  près,  nous 
li'ouvons  d'abord  que  rexpulsiou  de  Tanimal  est  précédée 
d'une  énuniération  «u  récitation  des  péclu's,  par  laquelle  ils 
sont  transférés  sur  lui.  Mais  ici  un  problème  se  pose  : 
ces  péchés  sont-ils  confessés,  énumérés  en  quelque  sorte 
mali-riciltunenl  sur  le  dos  de  cet  animal;  afin  qu'il  en  soit 
comme  chargé,  ou  bien  cette  confession  des  péchés  est-elle 
dirigée  en  premier  lieu  vei-s  un  flieu,  vers  l'Etre  suprême,  et 
seulement  en  second  lieu  vei's  l'iniinial  ?  Il  y  a  certainement 
des  cas  qui  appariieunent  à  celte  dernière  catégorie,  par 
exemi)le  chez  les  Athkan,  les  Badaga  el  puis  les  Hébreux  (1). 
Mais  il  y  a  un  cas  spécialement  intéressant  chez  les  Wakuhve 
(Afrique  orientale)  (2) .  Il  se  fait  d'abord  une  confession  dé- 
taillée des  péchés  ;  quand  on  arrive  aux  dernières  paroles, 
ci^iui  qui  s'accuse  jette  d'un  \an.  qu'il  tient  à  la  main,  des 
débris  de  bois  et  de  paille  en  l'aii',  en  ajoutant  :  «  Tous  mes 
péchés  s'en  sont  allés  avec  le  vent.  »  On  voit  que  cette  céré- 
monie n'est  autre  chose  qu'un  rite  symbolique,  accompagnant 
la  cfuifession  ;  celle-ci  est  le  principal,  le  réel,  la  cérémonie 
est  l'ajoute,  le  symbole.  Cette  conclusion  ressort  avec  évidence 
de  ce  que,  dans  certains  cas,  par  exemple  avant  de  fi'anchii" 
une  rivière,  il  y  a  confession,  ])arce  que  l'usage  l'exige,  mais 
le  rite  du  van  est  omis.  Pareillement,  dirons-nous  donc,  l'ex- 
pulsion du  liouc  émissaire  n'est  autre  chose  qu'une  cérémonie 
solennelle,  accompagnant  la  confession  des  péchés. 

En  outre  —  et  déjà  Westermarck  l'avait  noté  dans  sa  cri- 
tique de  Frazer  (3)  —  le  caprr  eniissarius  n'est  jamais  la 
victime  expiatoire  elle-même  ;  c'est  un  autre  animal  qui  est 
saci-iflé  comme  tel.  Nous  le  constatons  aussi  chez  les  Hébreux. 
.Mais  si  le  cnprr  emissarivs,  ou  l'animal  qui  en  fait  f(^ncfion, 
après  avoir  été  expulsé,  est  de  plus  mis  à  mort  j)lus  tard, 
c'est  uniquement  pour  symboliser  d'autant  plus  fortement 
l'élimination  des  péchés  :  en  jiareil  cas,  les  fautes  sont  trans- 
portées de  ce  monde  terrestre  dans  l'au-delà. 

Il  serait  trop  long  de  nous  occuper  ici  encore  des  sacrifices 
expiatoires  de  substitution,  dans  lesquels  un  homme  est  chargé 


(1)  V.    Has^tings,   EEE,    t.    III,    pp.    829    ss. 

(2)  Anthropos,    1900.    t.    IV,    p.    307-312. 

(3)  Westermarck,   Thf  Origin  and  Develop.   of  Moral  Ideas"-.    t.   I,  p.   61   ss. 


LE  SACRIFICE  DANS  I.E-S  i;YCLES    CULTURELS  243 

des  péchés  de  toute  une  communauté  quïl  représente  ;  il  suf- 
fira de  constater  que  c'est  là  certainement  une  forme  assez 
tardive. 

Par  ce  court  résumé  de  la  position  et  du  développement  du 
sacrifice  chez  les  différents  peuples  et  dans  les  différents 
cycles  culturels,  vous  avez  eu  l'occasion  de  voir  déjà  quel  rôle 
important  le  sacrifice  joue  dans   l'histoire  des  religions. 

Dans  son  ouvrage  Bas  Gebet  (1),  Fr.  Heiler  fait  les  deux 
remarques  suivantes  :  «  La  prière  est  une  des  racines  du 
sacrifice  ;  elle  est  sans  doute  plus  ancienne  que  ce  dernier... 
A  l'origine,  le  sacrifice  était  tout  au  service  de  la  prière  ». 
Et  ailleurs  :  «  Où  le  sacriffce  domine,  un  abaissement  du 
niveau  de  la  religion  est  inévitable  »,  C'est  son  inclination  vers 
le  protestantisme  qui  a  conduit  l'auteur  à  ces  jugements    (2). 

Il  résulte  de  notre  enquête  que  la  première  de  ces  proposi- 
tions n'est  pas  exacte  :  le  sacrifice  se  trouve  déjà  dans  les  plus 
anciennes  couches  de  l'histoire  des  religions,  et  il  n'y  a  pas 
de  raison  pour  dire  que  la  prière  soit  plus  ancienne,  encore 
moins-  que  la  prière  soit  une  des  racines  du  sacrifice.  Prière 
et  sacrifice  sont  des  formes  indépendantes  et  sui  generis  du 
culte  ;  tous  deux  ont  leur  valeur  propre  ;  tous  deux  sont  indis- 
pensables pour  une  religion  vraie  et  vive.  On  voit  par  là 
combien  erroné  est  aussi  le  deuxième  jugement  de  Heiler,  que 
la  prédominance  du  sacrifice  entraîne  avec  elle  un  abaisse- 
ment du  niveau  religieux.  S'il  fallait  donner  une  courte  carac- 
téristique de  ces  deux  éléments,  je  serais  tenté  de  dire  que  la 
prière  représente  plutôt  l'élément  passif  et  réceptif,  tandis 
que  le  sacrifice  satisfait  au  besoin  actif  et  donatif  de  l'homme. 
Mais  précisément,  dans  la  première  forme  de  sacrifice  que 
nous  connaissions,  dans  le  sacrifice  des  prémices,  l'homme 
professe  solennellement  que.  même  ce  qu'il  donne  à  Dieu  en 
sacrifice,  il  l'a  reçu  de  sa  providence. 

Dans  les  conférences  qui  suivront,  de  savants  spécialistes, 
en  vous  introduisant  dans  les  détails  des  sacrifices  de  peuples 
déterminés,  mettront  encore  en  meilleure  lumière  la  grande 
importance  de  ce  rite.  Mais  ils  vous  donneront  aussi  l'occa- 
sion de  constater  combien  de  recherches  restent  à  faire  pour 


(1)  In-S»,  MUnchen,   Reinhardt,   1918,   p.   59. 

(2)  Voir  ma  critique    détaillée,    Anthr.,    1917-193  8,    t.    XII-XIII,    p.    723    m. 


24  4  G.    WUNDKULE 

i''luci(l('f  tani  ilo  jioiiils  (tlisriiTs.  J'csp^ro  (luc  ces  (-(jn lYTences 
ndus  a  (Tccl  i((nn(M'nnl  plus  i-ncdrc  que  par  le  ])assr'  à  \ini'  (pu^s- 
1i(»7i  (pii  |i!'(''s('iilc  poui'  nniis.  catlioliinics.  un  inlfu'èl  toul 
jia  ri  iculicr,  cl  (pic  des  sa\anls  cal  li()li(pics  appdri  crunt  non 
sculcincnl  assez  i\o  (|(''\iiuciricnl  pouj'  en!  ii'pi'oudrç  les  Ifavaux 
iK'ccs.saires.  mais  aussi  tnulcs  les  cpialil(''s  l'cquises  pour  p«''- 
ut'li'cr  la  nalurc  inliiiic  cl  i''luciilcr  Diisloirc  coinplcx(i  i\o  ces 
r  i  I  c  s . 


[15]  Zur    Psychologie   des   Opfers, 

von  Professor  Dr.  Geoig    WuNDERLE  in  Wiii'zburg. 

I.  ZUR  METHODE. 

Es  gclKU'l  /wcifclids  zu  lien  grossleu  und  scliwicrigslen 
Tliemen  dci'  iniMlerncn  Religionsgescliiclil c,  die  EnUvicklung 
des  Opl'cj's  in  dcr  Religion  der  Menschlicil  darzustellen.  Einzelne 
Vei'suche  dazu  sind  bcreils  geniacld  woi'ilcu,  alter  das  .ganze 
ÎMatenal  naeli  seineni  ideengescliiclitli(dicn  und  tatsacliengc- 
scliichl  licluMi  Zusammcnhange  vorzuriiiiren.  isl.  Itis  heiite  noeli 
ni(dil  gelungcn.  \'i(dlciclit  licgi  ilas  niclit  zuhdzi  auch  daran, 
dass  einc  psycliologische  Dui'chdi'ingung  des  gewalligenSloffes 
niidit  einsllicl)  in  Angrilï  genoinmen  worden  isi.  -Sie  miissfe  im 
(iiuudc  ddcli  die  ricliligc  Deulung,  Eiu-  und  ZusainTnt'n(U'dniing 
dvv  unzaliligen  Oi)l'ertatsae]ien  ermoglichen.  Nun  ist  die  Psy- 
(dujlogie  des  Opfers  fur  sich  genommen  eine  sclion  melhodiseh 
ausserordcnt  I  icli  dnmcnvidle  Aulgalie.  l>e|  laclilcl  man  sie 
nanilieh  genau  Vdiii  ciii])irischcn  Standpunkte  aus,  so  ersclicint 
es  als  vollkoninien  undurciifuhrljar,  Jene  Handlungen,  die  etwa 
iu  irgcndcinci'  Hidigion  als  bcsiiniiule,  konkrele  Einzelopfor 
gesetzl  wei'dcn.  je  in  ilii'cr  ])syeliisclien  Bestimnil  heii  zu  unter- 
suchen.  Der  Untefsuchungsgegensland  wài-e  heispifdswcise  hier 
noeli  viel  weillàufiger  und  umfassendei'  als  bei  der  (ein]>i- 
risehen)  Psychologie  des  Gebeles.  Und  doch  kann  keine  Psy- 
chologie davon  altsiehen.  bestimmte  EinzelvoT'gânge^des  (reli- 
gi(")sen;)  Lebcns  zu  erforschen.  weil  sie  doch  'J'aisachenwissen- 
sehafl  und  nieht  i)hantastisehe  Kdnsli'uklion  sein  will.  Die 
cinj)irisciio   (irundlage    darf   also    auch     hier    in     keinem    Falle 


ZLK  psy(;holO(_;ie  di:s  opfeiîs  245 

f'nlin'liii  w  t'i'ilcii.  S(i  sicliff  fl;is  ist,  so  sclnvicrigor  wii'd  ilic 
Lr)suiig  (Ici'  psycliologisclien  Aufgalie  in  iinsereiii  Falie,  \\pA\ 
wii'  in  (l('i'  .ycgf'nwai'figon  (iostalf  nnscics  religiriscn  l->rl('lH'ns 
kcinc  U[)C('rtat  saclii'  nidir  lialn'u.  dir  doin  Opfei'  ini  luM'l^rmini- 
liclion  Siiuii'.  (I.  11.  (Ii'in  riliidl  licsl  imniten  Opft'r  licr  Yorzeit 
vullig  /u  vorglcirlicn  wiiie.  Xiclil  einnial  das  Mcssujjt'cr  ini 
katlinlis(dii'n  Clll•i^l  cntiini  kann  dalici  (dîne  wcilorcs  in  r>(dra(diL 
koninion  ;  (dnciscils  wogrn  dm'  heule  noidi  iinnicr  UTnkanipltcu 
Frage.  wnrin  i\onu  ilcr  oigentliche  OjilVndiai'akl  cr  dcssidlicu 
lioge.  anderseils  wfil  l's  JiMlcnfalis  Ix'i'fdls  su  ins  Geisligo 
gt'liolit'n  ist.  dass  dir  X'cridndnng  yon  Uprci'gcdankc  und  Opl'er- 
aiisfûlnaing  ni(dit  ganz  Itdidit  iind  si(diei'  verstândlicdi  ist.  Mit 
cincni  W'oi'li'.  fiir  dii'  (  ipl'i'i'psyidKdùgif  l'idill  nns  iiis  zu  einoni 
gcwisscn  (îiadr  das  rigrnc  suhjckt  iv(3  Erlcbcn.  von  dcni  ans  und 
dur(di  das  wir  ini  Stande  sind.  die  vergangenen,  von  diM'  RpH- 
gii;insgos(dii(ddi'  li('fi(d)toton  OpTcrtat sarlien  in  voiler  Einfuh- 
lung  zu  deuten. 

Bringt  also  s(dion  der  notwcndige  ^'(M•zi(dlt  aul'  die  psyclio- 
logisidie  I)niclifors(dning  de.-^  ganzen  ges(dii(dili(dien  iMaterial.s 
eine  wiclitige  J'jnsidu'iinkung.  so  ist  der  Mangel  personlichen 
l']i!(d)ens  no(di  eine  enipnndIi(dH'T'e  Heniniung.  Wir  kônnrn  uns 
iiictlnidisih  tiirhl  lunlrrs  Inlfi'ii  nl.s  diuhti'rli,  dass  icir  typisrli  vcr- 
scli  if'drxr  Tdl  '<<iflifn  und  Ttits'icln'nkoni  pb'.rc^  die  (ils  «  (Jpfrr  » 
(/'■mi'iiil  und  (ds  sidr/n'  (inrrluinnl  sind.  ziini  Stndinni  aiisnu'Uih'u. 
und  mil  d'-n  MilIrJn  drr  rinf i'i lilfnd>'n  H''<>lHii-htun<j  und  Drufung 
dos  liriuHiszu findrii  stridicn.  wus  si''  ycradc  als  «  Opfcr  »  chanik- 
Irrisicrl  und  ron  ((ndrrm  rrliç/idscn  Hnndlungen.  etiva  vont  Geb(H 
unfrrsc/iridrt ,  Dadundi  ^•e|■nl(■■|gen  \vir  dann  ein  psychologiscli 
ziiIretVfnides,  d.  li.  aus  wii'kliiduMi  I.clienslatsachen  gewonnenes 
Bild  der  spczilisi  lien  0|iiVridei'  und  der  speziflsi'hen  Opfer- 
ni(ili\c    zu    ge^vinnen. 

Alli'nlings  ist  dainil  ]ii(dit  rein  eni])ii'isidi(>  Arlieit  g-eleistot. 
lalls  iiian  diese  nui'  als  gciuiuc  i'iinzidfiu'sidiung  gelten  là.ssl. 
^lan  inag  vicdliMclit  auf  dir  eben  besidirieheiie  .Méthode  den 
Ausiliandc  «  ]di;inonienolog  is(dii'  Psvidiologie  »  an\\(nide,n. 
Ktwas  Hiidiligi's  und  nieincs  iM-aidit  l'iis  aiudi  niM-e(dil  igtes  ist 
daiaii.  weii  n,L;li'i(di  hier  die  ^  Inluilioii  .>.  dii^  .1  W'eseiissidiau  » 
bel  lier  l'jrmilllung  des  psy(diidogis(dien  CharakI  erisi  ikuins 
aller  (_)])rurhandlungen  ni(diL  idnliudiiiin  in  der   liedeutung  ef.wa 


246  G.    WUNDEBLE 

der  HussERL'schen  Phànomenologie.  verstanden  werden  darf. 
Ich  mochte  nicht  verfehlen,  bei  der  psychologischen  Unter- 
suchung  des  Opfermaterials  der  Religionsgeschichte  die  zer- 
gliedernde  Analyse  sowie  die  zusammenstellende  Vergleichung 
der  seelischen  (irundakte  und  Grundeinstellungen,  die  hier 
mitspielen,  zu  betonen.  l'nd  beide  sind  nicht  Sache  der 
unmittelbaren  «  Schauung  »  :  sie  sind  das  Ergebnis  vermittel- 
ten  Erkennens.  Dass  natùrlich  auch  solche  diirch  aile  môgii- 
chen  Stadien  hindurchfortschreitende  Forschungstâtigkeit 
iliren  Ausgangspunkt  von  élément  ai'en  Einsichten  und  Ein- 
fiihlungen  unmittelbarer  Art  - —  mag  man  sie  nun  «  Intui- 
tionen  »  heissen  oder  nichf  —  nehmen  miiss,  bedarf  keinor 
Hervorhobung.  Die  neum-e  phànomenologische  Psychologie  isi 
damit  allerdings  nicht  zufrieden. 

Es  ist  mm  klar,  dass  eine  so  zu  verstehende  Psychologie 
immerhin  noch  am  erspriessliehsien  sein  muss,  wenn  die 
Tatsachen,  an  denen  sie  geûbt  wird,  aus  einfacher  naiv-kind- 
licher  Gesinnung  entspringen  und  in  ihrem  Ausdruck  noch 
wenig  verwickelt  sind,  so  dass  ihre  Bedeutui)g  —  wenigstens 
dem  Kerne  nach  —  ofîe.n  zutage  liegt.  Man  wird  infolgedessen 
wohl  nicht  mit  der  Bearbeitung  der  Opfer  bei  den  rituell  reich 
entwickeUen  Religionen  anfangen,  sondern  darnach  trachten 
miisson,  moglichst  prin)itives  Material  zn  erhalten.  Glûckli- 
cherweise  bat  uns  die  moderne  Ethnologie  in  den  Stand  gc- 
setzt,  eine  Reihe  von  wichtigen  Tatsachen  zu  untersuchen,  die 
eine  wertvolle  psychologische  Ausbeute  liefern.  Der  inhaUs- 
reiche  Vorlrag,  den  P.  Wilhelm  Schmidt  S.  V.  D.  uns  soeben 
iiber  das  Opfer  in  den  verschiedenen  Kulturkreisen..  namentlich 
bei  den  primitivsten  Volkern  gehaltcn  bat,  war  doshalb  fur  die 
Psychologie  nicbi  bloss  intéressant,  sondern  geradezu  grund- 
legend,  da  das  hierin  gebotene  Material  wie  kaum  ein  anderes 
zur  psychologischen  Durchforschung  geeignet  ist.  Die  seelische 
Grundeinstellung  des  Opfernde.n,  also  seine  Gesinnung  und 
seine  Motive  beim  Opfer  sind  wenn  irgendwo  so  hier  mit  hoher 
Wahrscheinlichkeit  zu  erfassen. 

II.  DIE  SEELISCHEN  ELEMENTE  ALLER  OPFERGESINNUNG. 

Die  Frage,  ob  das  Opfer  sich  auf  der  ersten  Stufe  mcnsch- 
licher  Kultur  mit  Recht  vermuten  lâsst,  nachdem  geschichtliche 


ZL'R    PSYCHOLOGIE  DES    OPFERS  247 

Bekniidiingen  im  gewi'ilmlichen  Siniii^  dafui'  nicht  v(>rlipgon. 
diJrftt'  mit  Hûcksicht  aiif  die  (Muwandfreifn  Zeugnisse  der 
Ethnologie  wohl  enlscliieden  sfin.  Die  Ethnologie  weisi  bei  den 
primitivslen  Vrdkern  Handlungen  und  Gebràuche  nach.  dorcn 
Charakter  als  Opfer  ausser  allem  Zweifei  steht.  Icli  Itrauehe 
nur  an  die  Primitialopfer  bei  den  Pygmâen  zu  erinnein.  von 
denen  uns  P.  Schmidt  voidiin  beriditet  hat.  Diesen  FestsIeUun- 
gen  gegenùber  spielt  es  eine  unwesenlliche  RoUe,  oh  nebeu 
deni  Opfer  noch  andere  religiose  Riten  auf  der  Urstufe  ge- 
brâuchlich  waren,  ob  insbesondere  das  Gebet  in  ritueller  Form 
bereits  iiblich  war.  in  welchem  zeitliehen  Verhàltnis  iiberhaupt 
das  (iebet  zum  Opfer  stand.  Friedrich  Heiler  tritt  mit  Eifer 
dafiir  ein,  dass  das  Gebet  nicht  bloss  der  Mittelpunkt,  sondern 
avn-h  lier  Anfang  ailes  religiosen  Ei'lebens  gewesen  sei.  Mit 
welchen  Mitteln  will  man  aber  dièse  Problème  entscheiden  ? 
Sieht  man  sie  rein  psychologisch  an  —  was  doeli  mangels 
anderer  Beweisart  schliesslich  auf  jeden  Fall  geschehen  muss 
—  se  stôsst  man  auf  die  allgemeine  Frage  :  Liegt  der  Sprach- 
ausdruck  der  religiosen  Gesinnung  dem  Menschen  nâher  als 
der  Handlungsausdruek  ?  Darauf  wird  wohl  keine  unbedingt 
giltige  Antwort  moglieh  sein.  Dem  stark  aftektiv  lebenden 
Urmenschen  diirfte  die  Gesamtauswirkung  seines  Inneren  in 
Geberde,  Sprache  und  Handlung  das  natûrtichste  gewesen  sein, 
so  dass  Gebet  und  Opfer,  obzwar  nicht  dem  gleichen  seelischen 
Motiv  entsprungen,  zusammen  an  den  Anfang  aller  Religion 
zu  set  zen  wâren.  Beide  mûssen  tatsàchlich  als  Grundausdrucks- 
weisen  der  elementarsten  religiosen  Gesinnung  gelten.  Und 
zweifellos  ist  unter  diesem  Gesichtspunkte  betrachtet  das 
Opfer  die  vollkommenere  Weise,  weil  es  nicht  bloss  den  ganzen 
Menschen.  d.  h.  sein  Innenleben  und  sein  âusseres  Handeln  in 
Anspruch  nimmt,  sondern  auch  in  der  Darbringung  der  Opfer- 
gabe  die  Naturgiiter  religiôs  wertet  und  verwendet.  Die  reli- 
giose Meinung  und  Symbolisierung  erstreekt  sich  demnach 
beim  Opferakt  viel  weiter  und  viel  tiefer  als  beim  Gebet.  Frei- 
lich  ist  dabei  nui'  jene  Opferhandlung  ins  Auge  gefasst,  bei 
welcher  das  âussero  l'un  als  .\usdruck  der  inneren  Absicht 
bewusst  und  gewolll  wii-d.  Die  blosse  S^tznng  der  rituellen 
âusseren  Handlung  olme  die  entsprechende  innere  Gesinnung 
ist    ehen    leer(>    Symiiolik,    vergleichbar    einein     T.eichnam.    der 


248  Ct  wtnderle 

dem  lebendigen  Menschen  eigentlit-li  nur  inelir  âlinlich  ist. 
Solche  Entseelung  kann  erst  das  Ergcbnis  eines  Niedergangps 
sein,  tier  psychologisch  gui  begreiflicli  ist  ;  der  Beginn  dof 
Entwicklung  indes  iduss  als  Einheit  von  Gesinnung  und 
Ausdruck  prscheinen. 

Wclclies  sind  iiun  die  inirrlns.slicJu'u  Br.siunclteilc  drr  charalxtcri- 
stisckcn  Opfenft'sininnui  ?  Koiikrel-psychologisch  kf'mnen  wii' 
dièse  Frage  gleich  so  slcIlfMi  :  Was  gehoi't  zu  jener  seelischen 
Verfassung,  die  sclion  Imim  oint'achen  Primitialopfer  etwa  dei' 
Pygmàen  als  wesentlicln'  Opfergesinnung  aus  dem  ganzen 
Opfergebaliren  zu  erschliessen  ist  ?  Die  Aniwort  daraut'  liisst 
sich  aus  ilen  etlinologisohen  Tatsachen  ermitteln. 

Das  Kernhafte  des  Opferaktes  (verstariden  als  Einheit  von 
Opfergesinnung  und  Opferhandiung)  ist  zweifelsohne  in  dem 
Glauben  an  ein  hôchsies  Wesen  zu  findcn.  Es  ist  von  grôsstem 
Belang,  diesen  Glauben  auf  ein  einfaehes,  kindliches  Wissen 
von  eineni  ûberragenden  Horrn  der  IMensrhen  und  der  Natur 
gebaut  zu  sehen,  der  nicht  selten  narh  Art  eines  kinderzeu- 
genden  und  fiir  die  Kinder  sorgenden  Vaters  vorgestellt  wird. 
In  diesem  Bilde  bekundet  sich  ganz  klar  und  anschaulicb,  dass 
sich  der  Primitive  das  Leben  letztlicb  nur  als  Wirkung  eines 
obersten,  ailes  «  machenden  »  Lebendigen  zu  erklâren  vermag. 
dem  naturgemàss  die  samtlichen  Wesen  untertan  sein  mûssen. 
die  von  ihm  stammen.  Der  Begriff  des  «  Gehorens  »  ist  in 
solcher  Uberzeugung  ebenso  scharf  und  deutlich  ausgepràgt 
wie  bei  unseren  Kindern,  wenn  sie  sagen,  dass  sie  ihrem  Vater, 
ihrer  Mutter  «  gehoren  ».  So  erscheint  tatsachlich  der  primi- 
tive Vater-  Gott  als  der  hochste  Eigentûmer  und  als  der  oberste 
Herr  der  Menschen  und  der  Welt.  eben  der  Welt,  die  von  dem 
Kenntnis-  und  Macbtbereiche  des  Primitiven  umgrenzt  wird. 
Das  BcAvusstsein  der  Abhàngigkeit  von  dem  ùber  den  Menschen 
thronenden  Herrscher  bi-ingt  der  Naturmensch  aucb  allenthal- 
ben  zum  Ausdruck.  Er  sieht  in  dem  beherrschenden  Gott  frei- 
lich  nicht  den  Tyrannen,  der  nichts  fur  ibn  tut  und  bloss  von 
ihm  fordert.  scndern  eben  den  im  (rrunde  gùtigen  Vater,  dem 
seine  Kinder  nie  gleichgiltig  werden.  Daraus  entstebt  auf  seiten 
der  sich  als  Kinder  fuhlenden  Menschen  das  Streben,  mit  dem 
Vater-Gott  die  Familiengemeinschaft  zu  pflegen.  Man  mag 
dièses  Moment  der  religiôsen  Urgesinnung  vielleicht  noch  nicht 


ZLii  i>syi;h<)l(jgii:  DES  opfers  249 

rjiit  dein  Nainen  «  J>ir'lip  .>  sclimùcken  ;  dpr  Anlang  ilazu  ist  es 
geMiss.  Es  gibt  aucli  hciin  Primitiven  kpinon  i-eligi<"ison  Akt. 
bel  dem  niclit  irgcndwio  dit-  Abhàngigkeit  von  (W»tf  iind  das 
Zusti'phen  avil  (u\\\  prlebt  uiid  ausgpdrûi-kt  wûrdp.  .Xalurlicb 
konnen  dièse  iieidcn  rpligiospii  Elpiiipntai'prlebuisse  dem  Ir- 
mensehen  nie  in  solrb  alistrakter  Reinlifit  bewusst  sein  ;  eben- 
sowpnitj  sind  lieidp  m  glpiclicj'  Sl;lrkp  cntwickplt.  Je  iincli  rb-ni 
Khu'IiPitsgradp  und  dcr  Kraft  dps  cinzelnen  .MxiMiciitt-:.-.  winl  sirh 
in  dpr  Rpgel  aindi  dii'  iiussprp  Aiisdi'uck  bpiiipsspii.  so  dass  das 
Symbolbal'lp  dessellipii  jiMlriilalls  auf  dpr  nntprstpn  SIhIp  idiiip 
Gpfabi'  wpspuflirhpr   .M  i^sdi'iii  nng   zu  dui'cdiscbauen  isl. 

Ini  luiniilixpn  Uplfrakt  unil  spiner  Synibolik  Irill  nun  als 
i'berragendps  hprMw  das  Bewusstsein  dpi'  Abbàngigkeit  von 
Gott  (behalten  wir  dièse  gelanfigste  Bezeichnung  des  hoehsten 
Wesens  in  Zukunft  bei}  und  die  damit  verknûpfte  Aner-kennung 
der  gôttliohen  Herrseliaft  ùber  den  Menschcn  und  dpsspii 
samfliebe  Gûter.  Dei'  ^^pns(•ll  erscbeint  mil  albMn.  was  ibm  zur 
Verfûgung  stebt.  als  (•n\\  [itlichtig.  Das  Rpchl  (b's  Herrscbers 
verlangt  Erfûllung  in  dpr  Abgabe  menschlirbcn  IJpsitzPs  au 
den  obersten  Besilzei-.  Dieser  will  und  kann  dip  ir(]isrbpn  (TÛter 
nieht  fiir  sicb  gebraucdien  ;  ('v  bat  sip  ja  tvir  die  Menschen, 
seiup  Kinder  wa(dispn  und  gpdpiben  hissen  zur  Erbaltung  ibres 
Lebens.  Also  kann  die  Hingabe  derselben  an  (Tott,  wpdei-  den 
Xicbtgebrauch  noeli  vipl  weniger  die  Vprnirbtung  in  si(di 
Sf'bliesspn.  Die  Hingabe  ist  nur  als  symbolisfdie  Handliing  ge- 
nipint.  durrli  webdie  die  oliprstp  Herrscbaft  Gottes  anerkannt 
wpnjpu  Mil!.  Dip  Ersflingp  dps  X'iebes  und  der  Frûchte  sind 
glpicbsam  dei-  InlipgiifT  und  die  Yertretiuig  allps  desspn.  was 
Lelten  bekiumnl.  uni  s.'llist  dpm  Leben  des  Mpns(dien  zu  dipnpn. 
Ob  in  dPi-  ■'  ()j)tpiung  ..  dprsplbpn  bloss  eine  piufacdit^  Hingabp 
als  Ausdrui-k  >]>']■  hlci^rx-iiafi  sanprkpnnung  zu  prbii(d<pn  ist,  odei- 
ob  der  fiefpre  (ieiianke  daiiei  s(  luui  anklingt,  dass  mit  den 
Erstlingpn  aile  andpren  (Uitpi'  (iolt  als  dpm  eigentlicdipn  i>p- 
sitzpi'  von  dpin  dainil  IipHpIipiipu  .Mpusidipn  wipdcr  zuriu-kci-- 
stattet  werdpu  snllcn.  làssl  si(di  auf  (irund  des  etbnologiscdipn 
Materials  nicdit  mil  Si(diprbpil  beslimmen.  in  den  Opfprn  der 
sogenannien  Kuitnri'pliyionpn  kann  dipse  IiIpp  da  und  durl 
gefunden  wprdpu  ;  dass  sie  als  seelisclips  Elempul  berpits  in 
der  Urreligion  anzutrelTen  sei,  moge  uiebt  liebauptel  sein.  Ji'- 


250  G.    WLNDERLE 

(.lent'alls  ist  die  Ut'opfergc.simttnig  in  dcr  Absichf  brschlossen.  Gotf 
als  d''nt  H'-rri)  allrs  Lchnis  mit  d>'r  Darbringung  der  L'^bnuerstlingr 
zu  huldigcn.  Damit  kann  sich  ganz  wohl.  wie  spàtcr  zu  zeigen 
isf,  die  Bitte  vorbinden  ;  aber  oline  Huldigung  (in  irgendwelclier 
Foi'iii)  ist  kein  Opfer  moglicb.  Wo  sie  mit  bewusster  Aiis- 
schliesslichkeit  bekundét  werden  soll,  mag  man  fûglich  von 
einein  Huldigungs-  oder  Anbetungsopfer  sprechen.  Das  Prinii- 
lialopl'fr  der  Pygmâen  srbeini  diesem  Idéal  recht  nahe  zu 
konirnon. 

III.     —   ZUR    PSYCHOL.    ENTWICKLUNG    DER    OPFERGESINNUNG. 

Darcli  die  i».sychologisehe  Beti'aclitung  der  ethnologischen 
Tatsat.dien  fiiedigen  sich  von  selbst  jene  Opfertheorien,  die  das 
Opifer  und  damit  die  Opfergesinnung  nicht  fiir  etwas  Ursprûng- 
liches  lialton,  sondern  in  ilim  nur  das  Ergebnis  einer  Ent- 
wickliing  enfdeeken  wollen,  an  deren  Ausgangspunkt  vollig 
andeie  Ideen  zu  set  zen  seien.  Ist  das  Opfer  als  eine  Huldigung 
(und  als  eine  Bitte)  in  den  Religionen  der  Primitiven  stdion 
voi"handf'n.  datm  hat  es  eben  keinerbM  Sinn.und  Berochtigung 
melir.  das  Opter  aus  der  Alinensjjeisung  entstehen  zu  lassen, 
oder  es  als  den  Versucli  zu  deuten,  den  der  Menseli  zur  Stârkung 
des  manu'-i  der  Ootter  und  (ieister  unternahm,  oder  gar  naeh 
Robert  son  Smith's  Vorbild  das  tutemistische  SpeisesakranienI 
zur  Quelle  des  Opfers  zu  machen.  Die  letztere  Ansicht  ist  — 
ganz  abgesehen  von  gewiehtigen  speziellen  Einwànden  —  aus 
dem  allgemeinen  Grunde  unhaltbar,  weil  die  Magie  nie  uud 
nimrner  der  Mutterboden  fur  die  Religion  sein  kann.  Ein  ina- 
gisfher  Ritus  ist  seinem  Wesen  nach  anders  gemeint  als  irgend 
eine  religiose  Obung.  Der  Magie  ist  die  innere  Anerkennung 
der  schlechthinigen  Ubermaelit  des  Oott lichen  frenid  ;  sie  sucht 
im  Gegenteil  lias  (iottliche  in  die  (iewalt  des  Menschen  zu 
bringen,  um  es  zu  seinen  selbstsûchtigen  Zwecken  auszubeuten. 
In  aller  Magie  wirft  sich  der  Mensch  mittelbar  oder  unmittelbai' 
zum  Herrscher  iiber  das  Oôitliche  avif.  Magische  Riten  und 
Handlungen  also.  die  âusserlich  wie  Gebete  oder  Opfer  sich 
daistellen.  sind  in  Wahrheit  seelisch  ganz  anders  beschaffen 
als  Gebete  und  Opfer  im  religiôsen  Sinn,  bei  denen  doch  die 
Grundeinstellung  in  dem  Bewusstsein  der  Gottgehurigkeit  und 
Gottpflichtigkeit  wurzelt.  Der  dièses  Gefûhl  verneinende  Egois- 


ZUR  PSYCHOLOGIE  DBS  OPFERS  251 

mus  làsst  koine  wahre  Religion  aufkorninen.  Die  spatere  Ent- 
wicklung  hat  ja  wohl  die  Magie  in  weitem  Umfange  gerade  in 
das  Opferwesen  eingefûhrt  (als  typische  Beispiele  seien  nur 
die  indischen  Bralimailas  und  das  chinesische  Liki  genanni)  ; 
aber  durch  solche  Vormischung  und  Entartung  ist  die  ursprûng- 
liche  Opferidee  und  Opfergesinnung  in  verhangnisvoller  Weise 
verdunkelt  worden.  Vorsehub  liât  diesem  Prozesse  sicherlich 
die  Betonung  des  Âusseiiichen,  Rituellen  geleistet,  wodurch 
die  Wichtigkeit  und  der  Wert  der  seelischen  Verfassung,  die 
zuni  Opfer  hâtte  notwendig  vorhanden  sein  mûssen,  gesrhmà- 
lert  wurde.  Das  Àusserliche,  Rituelle  war  als  sichtbares  Werk 
das  Eindrucksvollere.  das  schliesslich  âuch  in  der  Schàtzung 
den  Ausschlag  gab.  Es  dràngte  sich  als  die  Hauptleistung  beim 
Opfer  vor,  und  se  wurde  denn  Gott  die  Gabe  nicht  mehr  de- 
mûlig  dargebracht,  sondern  selbstbewusst  vorgelegt,  damit  er 
in  entsprechendeiu  Tauschhandel  das  von  ihm  Gewùnschte 
dafûr  spende,  Aus  deni  rein  magischen  Versuch,  durch  Zwang 
Gott  zu  iiberwàltigen,  entwickelte  sich  das  Streben.  ihn  durch 
lockende  Gaben  zu  einem  dem  Menschen  vorteilhaften  Ge- 
schâfte  zu  bewegen.  Auf  der  letzten  Stufe  konnte  ailerdings  das 
Abhàngigkeitsbewusstsein  und  die  Anerkennung  der  gôttlichen 
Cbermaeht  noch  eine  Stelle  finden  ;  aber  als  das  durchschla- 
gende  Motiv  beim  Opfer  vermochte  sie  nimmer  zu  wirken.  Sn 
verstehen  wir  den  von  religiôsen  Erneuerern  in  gar  manchen 
vorchristliehen  Religionen  erhobenen  Ruf  nach  Vergeistigung 
und  Verinnerlichung  des  Opferwesens.  Es  ist  als  ob  die  Erin- 
nerung  aus  der  àltesten  Zeit  wieder  lebendig  wurde.  uni  den 
ins  Àusserliche  verfallenen,  mit  der  gôttlichen  Macht  frevelnden 
Menschen  an  Kindesgesinnung  und  Ernst  zugleich  zu  gemah- 
nen.  Erschûtternd  tont  dièse  Predigt  aus  dem  Munde  der  israe- 
litischen  Propheten  ;  den  prâgnanten  Ausdruck  hat  ihr  der 
Psalmist  gegeben,  wenn  er  erklârt  {Psabn  50)  :  «  Holocaustif; 
non  delectaberis  :  sacrificium  Deo  spiritus  contribulatus  ;  cor  con- 
fritviit  pt  humiliatum.  Deus,  non  despicies  ». 

In  diesem  Zusammenhange  muss  noch  auf  ein  psychologisch 
bedeutsames  Moment  aufmerksam  gemacht  werden.  Es  ist 
unverkennbar,  dass  die  Entwicklung  des  Ritus  einerseits  ailer- 
dings die  Gefahr  der  Verâusserlichung  und  Entseelung  mit 
sich  brachte,  vornehmlich  durch  die  Vei'bindung  mit  der  Magie, 


2o2  O.    WIXDERLE 

das8  sie  ah^r  anderseits  audi  zur  Differenzierung  und  Entfal- 
tun^  dcr  Ojjl'ergesinnung  vii'l  licitrug.  Diesps  Gegenspiel  dor 
Yei'aussei-lichungstendonz  und  des  Differenziprungsmomentes 
kiinni'ii  wir  ansdiaulicli  l'Iwa  m  ilcr  scIkui  ei'w iihnten  Opferent- 
wirkluiig  Jndii'iis  hcoliacliti'ii.  Die  UpIVrtei-hnik  liât  sich  dori 
zur  Zeit  dci'  Bialnnanas  trirnilich  zu  (Miier  Opferphilosophie 
ausgestaltol.  dir  ;iu(di  psydioldgiscli  nianclies  Intéressante 
biptol.  ^^'(Mt(M■lliIl  diiiflc  gcraili'  ilir  Bevorzugung  des  Ritualis- 
inus.  die  in  cincr-  lloihc  \(in  ivulturreligionen  auftritt,  und  ihr 
gegcnuhcr  die  ebenfalls  zu  benu*rkende  Zurûcksetzung  des- 
snllien  nii-lit  bloss  die  Verschiedenlieit  lins  geschichtliclifii 
Enf\vi(d^hingsstandes  zeigen.  sondein  aurli  in  rassen-  und 
v<dkerjisyrli(d()gi.s(dier  Hinsi(dit  auffailig  sdn.  Bel  iler  Be- 
I  rafdilung  lier  (gewiss  niclif  leiidit  ûl)erscluiul)aren)  Bpdingun- 
gen  zur  ViM-geistigung  des  Ojjfers  und  der  gesamten  Religion 
miissen  dièse  Umsfânde  und  aile  von  ihnen  beeintlussten  Ge- 
sinnungs-  und  Vfandlungskomplexe  s<diwer  ins  Gewieht  fallon. 
Wie  die  Rpligionspsychologie  ùberhaupl.  so  wird  dio  Optci'- 
psyciiologie  ini  lie.^ondpion  (dne  ergiehigc  Quelle  fur  dip 
Erkenntnis  der  spezitisidn-n  sccjischen  P>osi-]iafÏpnhi'il  pin/.idnci' 
^Ienscliengrup[)en   sein. 

IV. UBERBLICK.   UBER   DIE   GESAMTE   OPFERPSYCHOLOGIE. 

Kelu-cn  wir  mm  zu  unsi-riM'  psyiliiddgischen  Hauptaurgalu; 
zuriifk  I  Wir  salicn  (dn-n  bci  diT  t.rliiuterung  des  Pi'imitial- 
opfers  der  Pygmaen,  dass  das  Wesentlidio  und  (iiundlegende 
der  (inneren  und  àusser.e.n)  Opferliandlung  die  Huldigung  ist. 
Die  Form  derselben  isl  bei  diesem  ganz  primitiven  Opfer  zudeni 
sa  vollkoninien.  nian  nnudite  fast  sagen  so  geistig.  dass  nian 
anfangli(di  darûlier  befi-emdel  ist.  insbosondere  wenn  man  die 
Srlialen  des  Kvrdvitionisnuis  nodi  nidit  ganz  abgestreift  bat. 
Das  ;\b'rk\\i"irdige  daian  ist  die  Tatsacbe,  dass  wenigstens  bei 
der  Âusseiamg  der  Opfergesinnung,  also  beim  siditbaiM'n 
Oiifei'akt  von  einer  Bitte  niehts  zu  gewaliren  ist.  Immerhin  ist 
dainil  der  vidlige  Mangel  (M'npr  solrbpn  niidit  ûbfM'  jpden  Z^veifpl 
erlialien.  Es  kann  wolil  sein,  dass  zuglcicb  mit  dpr  liuldigenden 
Dailiringung  der  Erst linge  unausgesproehen,  mebr  oder  we- 
nigei-  unltpwusst  die  Bitle  um  das  Gedeihen  der  fur  das  Lebon 


7A:\\    PSVCirOLOGIE  DES    OPFRRS  253 

nrifigon  Fj'iirlitc  nnd  (iiilcr  gpincini  ist.  IJas  wûrde  ein  Egois- 
mus  sf>in.  dcr  \nn  dcr  Religion  iiiclit  ausgeschlossen  ist  und 
auidi  iiiclil  aiisg('S(diI()ssen  wordfMi  will  ;  qv  ist  von  ganz  anderer 
Art  als  i\<'r  in  dor  .Magie  vorwii'kliidit  e.  Psychologiscli  imichte 
es  t'asi  si-lu'inen.  als  ob  der  lia tiirlirhe,  selhstverstiindliehe 
Egdisiiius  kaiini  \(in  dciii  Eist  lingsopfer  geirennt  werden 
konnc  :  vielleiidit  gewinnon  wir  ans  nrilieren  Beobachlungen 
diT  Missioiiare  anch  liitM'iihcr  norli  genauere  Aufschliisse. 
Iinnieiliiii  liai  dcr  Ilinweis  Tyi.ors  etwas  fiir  sieh,  dass  die 
Priniitivon  opfV-rn.  wie  die  Kinder  gehen  ;  sie  geben  ohne  Hin- 
tei'gedanken.  ans  Freude  ani  (ieben.  Ich  wiirde  indes  nicht 
wagen.  diesen  Salz  zu  vei-allgemeinern.  Ist  es  wirklieh  die 
kindliidie  EigiMiai't.  briin  -^rlieiikcn  nui'  sclienken  zu  wnllen  ? 
l)as  eindringende  Studium  des  kindlicben  Lebens  dûpfte  dies 
moines  P^raiditens  nicht  \(dlaiif  bestàtigen.  Aber  sei  dem  wie 
iliiii  \\(dlè.  aucli  die  mil  dci'  Huldigung  unmittelbar  verbundene 
Bitte  vermindert  und  entwûrdigt  den  echten  Opfereharakter  der 
pygmàischen  Erst lingsopfer  dureliaus  nicht.  Solange  ijberhaupt 
die  Bille  im  strengen  Sinnc  als  solche  bestehen  bleibt,  wird 
damit  doch  mit  aller  Deutlichkeit  die  Abliàngigkeit  von  Gott 
und  das  Angewiesensein  auf  ihn  ausgedrûckt.  Das  ist  besan- 
ders  bei  jenen  (Uilern  der  Fall.  deren  Existenz  V(in  (4ottcs  Macht 
am  sichlbarsten  tiedingt  ist,  bei  den  Lebensmitteln.  In  der  Bitte 
licgt  also  stets  eine  Anerkennung  dor  gottlichen  Herrschaft 
und  Gijie  zugleii-li  :  und  deswegen  ist  zweifellos  das  ausgespvo- 
cheiir  Biltopfcr  fin  icalircs  Opfcr.  wonn  auch  in  der  Opferge- 
sinnung  ni(dit  aussschliesslich  (iott  als  Ziel  vors('h\vebt.  Die 
Richtung  ficj'  ()pfcial)sicht  S(diweift  eben  nicht  einfach  von 
Gott  ab  zum  Mmsidien.  sondern  geht  durch  Gottes  Gûte  gleich- 
sam  hindurch  zu  i\f'\\  (liei'ocditigten  Interessen  des  Opl'erers. 
Sellisf  der  oi-lit  mens(diliclio  Beigeschmack.  Golt  wie  oinen 
rii'(is-(Mi  der  W'ell  zuerst  durch  ein  Geschenk  zu  ehren.  um  ihn 
daduiMdi  fur  die  l'.ittc  giinstig  zu  slimmen.  konnte  die  Opfer- 
gesinnung  uiclil  ins  .Mark  hincin  vei'gifien,  weil  die  .Vnerken- 
nuiig  diM'  gr.lt  lichen  l^'i'cihcil  damit  immei-  nocli  nicht  erlolet 
wiii'dc.  \(tn  dcm  .\tibriicli.  i\ry  liici'durch  der  religiiison  (und 
sillli(dii'n  Vcrdicnsllirbkeil  L^escliiehl.  sidl  in  unseriMii  Zusam- 
menhang  nicht  die  Hede  sein.  Das  Ausschlaggebende  in  der 
Bourleilung    bhjihl    die    Frage.    ob     die     Opferabsicht    und    die 


25  4  G.    WUNDERLE 

Opfersymbolisierung  eindeutig  und  einseitig  im  magischen 
Sinne  bestimmt  ist  oder  nicht.  Durch  ailes  was  hierin  wie 
Zwang  odtT  wio  Veisiuli  zuni  Zwange  hervortritt,  wird  der 
Charakter  einer  Darbringung  als  Opfo.r  gestôrl.  Solange  die 
Bittp  als  Bitte  irgendwie  gpmoint  und  ausgedriickt  ist,  ist  das 
Wesentlichf  des  Bittopfers  iinbestreitbar  vorhanden.  Die 
selbstverstàndliche  psyehologische  Folgerung  mag  noch  eigen.s 
beigefûgl  sein,  dass  das  Bittopfer  dem  blossen  Bittgebet  ge- 
geniiber  natûrlich  eine  Betonung  der  Bitte  und  eine  Stàrkung 
des  Vertrauens  auf  Er.hôrung  bedeutet.  Der  «  Einsaiz  »  ist  eben 
beim  Opfer  jederzeit  grôsser  als  beim  Gebet.  Und  dieser  Einsatz 
sihliesst  einen  Verzicht  in  sich,  der  nicht  selten  um  so  schmerz- 
licher  wirkt,  je  klarer  das  Bewusstsein  darùber  ist,  dass  er 
immerhin  von  Gott  zurûckgewiesen  oder  wenigstens  anders 
gewertet  werden  kann,  als  es  in  der  Meinung  des  Opfernden 
liegt.  Empfindet  demnach  der  Opfernde  seinen  Veriticht  und 
seine  Hingabe  wie  eine  nicht  wertlose  Tat  seiner  Freiheit.  so 
bleibt  er  sich  doch  gerade  als  Opfernder  bewusst,  dass  Gottes 
Freiheit  in  der  Gewâhrung  oder  Nichtgewâhfung  des  Opferbitte 
das  Hôhere  ist.  Und  doch  fiihlt  er  sich  nicht  schlechthin 
c<  preisgegeben  »,  sondern  mitsanit  seiner  Opfergabe  geborgen 
in  der  Gnade  dessen,  dem  er  in  der  Opfergesinnung  ailes 
anheimgestellt  bat. 

Die  tatsâchlich  ertullte  0{)ferbitte,  der  Empfang  des  erflehten 
gôttlichen  Gnadenerweises  spornt  von  selbst  zum  Danke  an. 
Auch  der  Primitive  ist  dieser  echt  menschlichen  Regung  nicht 
bar,  wie  die  Beobachtung  hinlânglich  bestâtigt  bat.  Nun  ist 
es  natûrlich,  dass  er  nicht  die  erhaltene  Gabe  selbst  wieder 
opfernd  zurûckerstattet,  sondern  neben  dem  Dankgebet  seine 
Erkenntlichkeit  durch  Verzicht  auf  irgend  einen  anderen  Werf 
bekundet.  Psychologisoh  ist  es  freilich  vornehmlich  beim  Dank- 
opfer  verstandlich,  dass  die  dankbare  Gesinnung  schliesslich 
vorschlàgt  und  don  âusseren  Ausdruck  in  ritueller  Gabendar- 
bringung  zurùckdrângt.  Dankbarkeit  geht  zudem  am  leichtesten 
in  Liebe  ûber  ;  sie  wird,  wie  der  Mensch  nun  einmal  tatsâchlich 
ist,  zu  einem  der  dauerndsten  Motive  der  Anhânglichkeit  an 
Gott.  die  im  ganzen  Beten  und  Leben,  keinesfalls  bloss  im  Opfer 
Gestalt  geW'innt.  Es  ist  dabci  nicht  zuerst  die  Macht,  sondern 
die  Gûte  Gottes,  die  das  Bewusstsein  der  Hingegebenheit  und 


ZUR  PSYCHOLOGIE  DES  UPFERS  255 

Aufgehohenheit  erzeugt  und  dadurch  sowohl  die  Stimmung  als 
den  Ausdruck  der  Dankbarkeit  schafft.  Ich  halte  dafur,  dass 
gerade  (iie  aus  dpr  Dankbarkeit  geborene  Liebe  einer  der 
kiirzeslen  un4  sichersten  Wege  ist,  auf  deni  der  religiôse 
Merîsch  von  einer  Cherscliàtzung  àusserer,  durch  den  ûber- 
lieferten  Rit  us  gebimdener  Fornien  und  Begehungen  abkommt 
und  mil  Gott  allein.  im  Innersten  seines  Herzens  verkehrt,  uni 
in  der  Dankbarkeit  seinen  Egoismus  und  Eigendûnkel  zu 
opfern.  So  wird  das  Rituelle  beim  Dankopfrr  durch  das  Wachs- 
tum  der  dankbaren  Liebe  sicherlich  auf  das  richtige  Mass 
zurùekgefûhrt,  ja  naeh  und  nach  vielleicht  ûberhaupt  als 
nebensâchlich  behandelt  und  schliesslich  wohl  ganz  ausge- 
schaltei.  In  allen  Religionen,  in  denen  die  Liebe  und  die  ihr 
entspreehende  Geistes-  und  Gemùtseinstellung  betont  wird. 
schwindet  von  selbst  die  Hauflgkeit  der  sichtbaren  Opferhand- 
lungen.  Das  Ghristentum  als  Religion  der  Liebe  schlechthin. 
hat  aile  0]>ferhandlungen  in  dem  Messopfer  zentralisiert. 

Yor  die  grossten  Schwierigkeiten  ist  sowohl  geschiehtlieh 
als  aurh  psychologisch  die  Erklàrung  des  Siihnopfers  gestellt. 
Es  setzt  auch  in  seiner  primitivsten  Art  das  Bewusstsein  der 
Sunde  und  der  dadurch  erwachsenen  Sehuld  voraus.  Gegen  das 
Vorhandensein  einer  solchen  seelisehen  Verfassung  wendet 
sich  die  evolutionistischè  Ethnologie  mit  grôsstem  Eifer  ;  denn 
damif  wûrde  eine  Gottesvorstellung  schon  auf  der  Urstufe 
anerkannt  werden  mûssen,  und  das  wâre  der  gewaltigste 
Verstoss  gegen  das  evolutionistischè  Grunddogma.  Trofz  aller 
Ableugnung  von  dieser  Seite  her  kann  es  fur  den  unvoreinge- 
nommenen  Forscher  nicht  mehr  zweifelhaft  sein,  dass  wenig- 
slens  bei  einer  Reihe  von  Primifiven  das  Sûnden-  und  Schuld- 
bewusstsein  sicher  erwiesen  ist.  Und  zwar  ist  es  nicht  bloss 
die  Erkenntnis  der  SchuldhafI  igkeit  gegen  das  gottgegebene 
religiose  Herkommen  mit  seinen  versehiedenen  festgelegten 
I^iauchen,  sondern  auch  die  Einsicht  der  Vergehen  gegen  die 
Gebote  der  sittlichen  Lebensordnung.  Gerade  das  Schuld- 
bewusstsein  in  letzterer  Beziehung  erscheint  manchmal  mit 
erstaunlicher  Klarheit.  Die  sittliche  Erkenntnis  erstreckt  sich 
freilich  nidif  auf  viele  Einzelvorschriften  ;  dafur  aber  ist  sie 
hinsichtlicli  der  Grundauffassungen  des  individuellen  und 
kleingemeinschaftlichen  Lebens   umso  packender.  Bei  Verfeh- 


25G  o.  \vi:ndbhli3 

liingen  dagegcn  wiid  iialurgoitias.s  des  Schuldbewusstsein  ini 
(TOwiss(Mi  Ipltcudig  :  nnd  wimiii  es  sclion  doni  Kindc  éigcu  isl. 
wpnigci'  iiur  don  (  li'wissciisvdiwiii  i'  /.u  aclih^n  als  naoh  Sùhnp 
fiir  (las  hcgangcnti  riii-(M-lil  /.u  sti'cbiMi,  uni  don  lieleidigte» 
wiodcr  y.u  hosanill  igcn.  s(i  wird  dir  Psy(dudogie  aui'h  in  dnr 
voi-sicht  igsl  t'i)  Dcnlung  des  /.wr  Zcit  vofliegendon  Materials  su 
wcil  m'IifMi  diu'rcii.  zii  sagcn.  dass  aucli  der  Primilivo  —  abge- 
si'Immi  \  on  dcr  Sliii'ko  seines  Gew  isscnsvoi'wuid'es  —  in  irgend 
oiiit'i'  \\"(Msi>  h'achlel.  dcn  licleidigl  en  (u)\\  wiedoi'  /.u  ver- 
sdlmen.  I)a  sowolil  das  JrJewussI  sein  dvv  Altliangiglieil  von  der 
gidlliclien  .MiKdil  als  audi  die  Erfaliriuig  der  gottlichen  GûI.p 
in  ilini  wacli  isl.  wird  lieue-  und  Sûhnemoliv  jeweils  verschie- 
den  hedingl  seiii.  Jedenfalls  liite  nian  den  Tatsaclien  und  ilirer 
nal  lirliclien  i)sych(d()gis('lien  Ausdeutuug  Grewalt  an.  wenn  nian 
sie  ausscliliesslicli  ini  Sinne  iler  Furclitreue  verstehen  wollte. 
Dass  schon  das  einfachsie  und  kindlichste  Verlangen  nach 
(sûhnenderi  Besànftigung  des  erzùi'nfen  Gottes  die  Darbrin- 
gung  einer'  Gabe  bezielt  und  in  dcm  darin  verwirklichten  Ver- 
ziidit  irgendeine  Bûhne  oi'blitdvt.  tlùrl'te  kauni  zu  bezweifeln  sein. 
Ich  glaube,  dass  inan  (iiese  allgenieine  Einslellung  auch  doni 
prinutivslen  Sûbnopfer  zusprecben  muss.  l-:twas  anderes  ist  es 
allei'dings.  nun  weiteidiin  die  Kragen  zu  entscheiden,  ob  schon 
beiin  Siihnopfei-  des  Priniitiven  dei'  \"ersuidi.  sieh  personlirh 
durcli  das  Siilinopfei'  isilMicb  und  l'eligiùsj  zu  reinigen  und  zu 
rrlusiii  si(di  zeige  ;  ol)  hei  der  iJai'liringung  der  Opfei'gnbe  eine 
moral isclio  Abwertung  von  Sehuld  und  Sùhne  beabsichtigt  sei  ; 
oli  das  Bewusstsein  dor  Annabme  des  Siihnopfers  dureh  Goti 
die  Anerkennung  der  giUtlicIien  Gnade  deullich  genug  ein- 
scliliesse  ;  ob  die  Notwendigkeit  einer  weileren  Busse  und  Ge- 
nugtuung  enipt'unden  werde.  Es  sind  Problème,  die  von  dor 
Psyoindogio  lipule  sioher  nioht  endgiltig  gol(')st  werden  kônnon. 
Die  Bemiihungon  doi-  Missionare,  die  dureh  den  nahen  Yerkehr 
mil  den  Primilivon  dooh  am  tiefsten  in  deren  Seele  zu  sohauen 
verinfigon.  niiisson  darein  erst  mehr  Lichl  bringen.  Besonders 
sohwer  wii'd  es  vor  allom  bozuglioh  der  beiden  letzten  Fragen 
soin,  zu  ermitteln,  inwiewoit  die  Magie  schon  eingewirkt  und 
das  Bewussisoin  des  Sûhnewertes  dor  Opfergabe  und  dor 
Opforhandlung  ungebuhrlich  gesteigert  hat.  Dass  in  jedeni 
Sûhnopfer  das  Streben,  die  Gemeinschaft  mit  dem  beleidigten 


ZUR    PSYCHOLOGIE  DES   01>FERS  2o  < 

Gott  wieder  zu  erwerben,  irgendwie  aiLklingen  muss,  liegt  auf 
der  Hand  ;  wenn  es  wie  in  den  Sûhnopfern  der  monotheistisfhen 
Religionen  zuni  beherrschenden  Motiv  aufsteigt,  dann  hort  man 
daiau.s  oft  ergrfMfend  klar  den  Riii  der  Liebe  zu  Goti,  deni 
absolut  Reinen  und    Heiligen. 

Kann  man  also  das  Schuldbewusstsein  und  daniit  die  Sûhn()[)- 
feridee  auf  der  primitiven  KulturstU'fe  in  elementarster  Form 
psychologisch  ganz  wohl  annehmen,  so  ist  das  stellvertretendp 
Siihnopfer  ganz  gewiss  spâteren  Ursprungs.  Die  seelische  Ver- 
fassung  isl  hierbei  wesentlich  verwiekelter.  Das  Gharakteris- 
tische  ist  nunmehr  das  Vorwiegen  der  Gerechtigkeit.  Der  Ge- 
danke  eines  Ausgleichs  zwisehen  Schuld  und  Sûhne  zur  Abwen- 
dung  der  girafe  konnte  nur  entstehen,  wenn  durch  deutliehere 
Empfindung  der  ûbei'ragenden  Macht  Gottes  die  Schàtzung  der 
Schuidgrosse  sich  entwickelte  und  sozusagen  genauer  und 
peinlicher  wurde.  Die  Auflehnung  gegen  den  gôttlichen  Herrn 
musste  von  rechtswegen  das  Leben  des  Obeltaters  verwirken, 
da  er  durch  die  Sûnde  frevlerisich  den  Zusammenhang  mit  dem 
obersten  Lebensspender  abgesohnitten  batte.  Der  sûndige 
Mensch  war  Gott  im  pràgnanten  Sinne  <.<.  verfallen  ».  Als 
stellvertretender  Ersatz  konnte  —  im  Verfolg  der  Gerecbtig- 
keitsidee  —  nur  ein  Mensch  angeboten  werden.  Dièse  Ober- 
zeugung  fùhrte  zu  der  grausamen  Stellvertretung  von  Mensch 
durch  Mensch  beim  Siihnopfer  wohl  schon  vor  dem  Aufkommen 
des  Bewusstseins,  dass  fur  Gott  nur  der  Mensch  das  wûrdigste 
Opferobjekt  sei.  Bei  der  letzteren  Anschauung  konnte  an  und 
fur  sich  der  Sûhnegedanke  gânzlich  ausgeschaltet  sein.  Men- 
schenopfer  sind  demnach  durchaus  nicht  ohne  weiteres  als 
Sùhneopfer  aufzufassen.  Die  Empfindung  der  Grausamkeit 
diirfte  es  wohl  vor  anderen  sittlichen  Beweggriinden  gewesen 
sein,  welche  zur  Abschafîung  der  Menschenopfer  beitrug.  Immer 
aber  blieb  das  Bewusstsein  rege,  dass  in  der  Sûnde  das  Leben 
verwirkt  sei,  und  darum  waren  die  nâchsten  Stellvertreter  des 
Menschen  die  ihm  âhnlichsten  Lebewesen,  die  Tiere,  deren  Blut 
sowohl  als  <(  entspjechendes  »  (weil  lebentragendes)  Sûhne- 
mittel  wie  auch  als  einzig  »  krâftiges  »  Reinigungsmittel  galt. 
Die  Sehnsucht  nach  Erlôsung  vom  Bosen  und  das  Verlangen 
nach  der  heiligenden  Gottverbindung  schuf  sich  in  den  blutigen 
Sûhnopfern  oft  einèn  nierkw\ir<iig  drastischen,  uns  heutige 
Menschen  nicht  selten  abslossenden  Ausdruck. 

17 


258  P.  SCHEBESTA 

Dio  unblutige  Erneiierung  des  Kreuzopfprs  Christi  in  der 
lieiligen  Messe  liât  Opfergesinuung  und  Opferhandlung  aufs 
hôcliste  veredelt  und  damif  allen  religidsen  Regungen  eine 
aottliehe  Weilie  verliehen. 


[16]  Das  Opfer  in  Afrika, 

von  Hochvv.  P.  P.  Paul  ScHEBESTA,  S.  V.  D. 

Das  niir  zur  Beliandlung  (ibertragene  Thenia  laulel  <>  Die 
Foi'men  des  Opfers  und  i^eïnc  Verhreitung  in  Afrika  ».  Sie 
diirfen  aicht  glaulien,  dass  ich  llmen  hier  ein  vollstàndiges 
Bild  dièses  (iegenstandes  werde  entwerfen  konnen.  Das  ist 
nnnioglicli.  Das  Gebiet  ist  einmal  zu  weit  und  das  Malerial  nocli 
zu  lûckenhaft  vorhanden.  \\'enn  auch  die  Religionen  Afrikas  in 
den  letzten  zwei  Jahrzelmten  ziemlich  viol  behandelt  wurden, 
und  nian  sich  nicht  inimer  daniit  hegnùgte  zu  sagen,  dass 
«  dièses  ein  religionsloses  Volk  »,  und  jenes  «  ohne  jede  Reli- 
gion sei  »,  oder  wie  auch  immer  die  lakonisèhen  Bemerkungen 
iiber  den  Gegenstand  heissen  mrigen,  so  ist  dem  Opfer  lange 
noch  nicht  die  Beachtung  geworden.  wie  es  hàtte  sein  mùssen. 
Man  versleifle  sich  darauf,  theoretisch-psynhologisch  im  evo- 
luticnistischen  Sinne,  die  Religionen  der  (MUzelnen  Vôlker  zu 
ergrûnden  un(i  ûbersah  nur  zu  oft,  dass  zumal  aus  deni  Kultus 
die  Religion  am  liesten  zu  verstehen  ist. 

Im  jetzigen  Yortrage  werde  icii  einen  Ausschnitl  aus  dem 
Thema  vorfûhren,  der  jedoch  gross  und  wichtig  genug  ist,  dass 
er  als  etwas  Ganzes  aufgefasst  werde.  Man  kann  das  Opfer 
betrachten  unier  der  dreifachen  Rûcksicht  :  l^Vni,  Wos  und 
Wie  es  dargebracht  wird.  Ich  spreche  ûber  das  Opfer  nur  unter 
der  ersien  Rûcksicht,  nàmlicli  icem  geopfert  wird,  dem  trrminvs 
nd  quem. 

Afrika  ist  weder  in  linguistischer,  nocli  in  ethnologisclier 
Hinsicht  ein  so  einheitlicher  Kontinent,  wie  man  bislang 
gewohnt  war  es  anzunehmen.  Das  zeigt  auch  die  Verbreitung 
des  Opfers.  Wenn  ich  hier  vom  Opfer  spreche,  so  meine  ich 
das  Opfer  im  weiteren  Sinne  und  lege  ihm  durchaus  nicht  den 
theologischen   Begriff   unter.   Auch    Afrika^orscher    haben    die 


DAfi    OPFER    IK    AFRIKA  259 

Opfer  dièses  Kontinentes  verschiedentlich  beurteilt,  je  nach- 
dem  sie  den  einen  oder  andpren  Bestandteil  als  zum  Opfei- 
gehôrig  ansahen.  Von  diesen  Ansirhten  wollen  wir  absehen  und 
unhefangpii  dip  verschiedenen  afrikanischpn  Opfer  betrachten. 

I.    DIE   OPFERARTEN. 

1.  —  Das  manistischc  Opfer.  —  Den  ganzen  Kontinent  ûber- 
lagert  eine  einheitlicbe  Schicht,  das  manistische  Opfer.  Yom 
Kap  bis  zur  Sahara  allûberall  die  eine  Schicht.  Davon  ausge- 
nommen  sind  die  Buschniànner  (Hottentotten) ,  vielleicht  aucii 
aile  Pygmâenvolker  und  d'as  Osthorn.  Nur  die  Galla  zeigen  sicli 
manistisch  beeinflusst,  doch  konnte  der  P]infliiss  vielleicht  auch 
nicht  afrikanisch  sein.  Gerade  bei  den  Hamiten  ist  die  Grenze 
eine  seiir  fliessende,  was  aber  nur  beweist,  dass  die  Mischung 
dort  eine  recht  rege  gewesen  ist  ;  doch  steht  es  iiber  allem 
Zweifel.  dass  die  hamitische  Religion  von  Haus  aus  keine  rna- 
nistischen  Opfer  kennt. 

Das  manistische  Opfer,  welches  ich  als  Bantuopfer  bezeichnen 
môchte,  besteht  in  der  Darbringung  von  Naturprodukten  an  die 
Verstorbenen.  Das  schlichte  Bantuopfer,  welches  ich  typisch  in 
Sûdostafrika  vorfinde,  besteht  darin,  dass  man  den  Verstor- 
benen Speise  und  Trank  als  da  sind  Mehl,  Fleisch,  Bier, 
Palmwein  und  Tabak  auf  das  Grab  niederlegt  oder  an  einen 
bestimmten  Ort,   im   Glauhen,  dass   sie  davon  geniessen. 

Wenn  bei  manchen  afrikanischen  Vôlkern  an  Stelle  dieser 
Speiseopfer  Schlachtopfer  treten,  indem  Ziegen,  Schafe  oder 
Rinder  am  Grabe  geschlachtet  werden,  so  mochte  ich  dies  als 
spâtere  Einwirkung  einer  anderen  Kultur  ansehen.  deren 
Hau'ptnahrungsmittel  das  Fleisch  der  Haustiere  gewesen  ist. 

Auch  Scheinopfer  an  die  Verstorbenen  sind  nicht  selten.  Sie 
sollen  wenigstens  den  guten  Willen  dessen  bekunden,  der  nicht 
in  der  Lage  ist,  Opfer  darzubringen.  Wenn  ein  ThongahàupUing 
(iS.  Ost  Afrika)  in  grosse  Not  und  Drangsal  geràt,  so  dass  er 
von  allem  beraubt  ist,  so  opfert  er  seinen  Speichel.  Er  bekundet 
sein  Elend  dadurch,  dass  er  sein  Haupt  traui*ig  auf  die  Seite 
neigt.  Er  hoft't,  dass  die  Geister,  durch  dièse  Jammergestalt 
bewogen,  sich  seiner  erbarnien  werden,  auch  wenn  er  gar  nicht» 
opfern  kann. 

Wenn  der  Moschi    (Kilimandscharo)    nichts   hat,  was  er  den 


200  P.    SC.HKBESTA 


Seinen  al.s  (lalie  uiifein  krmnfp.  so  borgt  or  sich  otwas  Eleu- 
sinokoin  \un  ilinon.  d.  i.  Im'iIp.  die  pi-  aufliebl  mit  don  Worton  : 
((  Hi(M'  ist  Eleusinekoi'ii  :  es  ist  eucr  Eigfnliim.  das  ii-li  von 
oucli  Icihc.  l>is  icli  anderes  wirkliches  erlange  und  cucli  sponde. 
Erluii'ct.  oilKH'ct,  ()  Wunderbare...  Erhaltet  mit'  das  Leben  umi 
sclienkt  mir  (ipsundlieit.  Oder  wie  soll  ich  es  denn  machen,  nach 
curer  Meiniing.  HabI  (Tedubi  ;  ich  will  (Iras  sclineiden,  bis  icli 
oine  Ziege  als  Futterlolin  eidialh'.  dii^  werde  ich  eiich  spenden. 
Wenn  ihi'  mich  so  liedrangl.  wcidel  ihi'  dann  etwas  ei'halten  ? 
Unjm(")giich.  IIit'  werdel  von  euresgb^iciien  aiisg-elaelit  werden. 
So  behiitet  micli  denn,  dann  vverdet  ihi'  das  eurige  erhalten  »  (1  i . 

Der  Bewpggrund  des  nianistischen  Opfers  ist  in  ersler  Linie 
die  FurchI  vor  i\('n  Verstoi'lienen,  wpniger  die  Pielàt.  Jeder 
Traum,  jede  Krankheit,  jeder  Ungliicksfall  ist  ein  Zeiehen 
dafùr.  (iass  ein  Cieist   unzufrieden  ist  und  ein  Opfer  erheischt. 

D(M'  Soebi-nglaube  der  Afrikaner  ist  l)is  lieute  noch  nirht 
geniigend  aufgeklail.  Immerhin  stejit  es  t'est,  dass  viele  Volker 
jedem  Dinge  eine  oder  mehrere  Seelen  znschreiben.  Auch 
])eim  Opfer  miissen  wir  dièse  Anschauung  iin  Auge  behalten. 
Der  (ieist  des  Verstorbenen  isst  niclif  das  Sinnf'âllige  des  Opfers, 
sondern  niir  die  Seele  desselhen.  Darum  kann  das  Opfer  von 
den  l'mstehenden  genossen  werden.  «  Wir  Lebenden  geniessen 
das  ganze  Fleisdi  samt  dem  Blut.  Was  aber  die  Geister  anbe- 
trifft,  so  ist  deren  Teil  das  Leben  dei'  Ziege,  das  ein  Sfhatien  ist. 
das  gelangl  /u  ibnen  liin  und  stellt  die  ilinen  entsprechende 
Ziege  dar  »  [2j ,  sagt  der  Moschi  von  Kilimandscharo.  In  Kamerun 
bei'rscht  die  gleiclie  Anschauung.  Die  Gi'di  lassen  die  Opfei'- 
galien  luir  kurze  Zeit  am  Gi'abe  stelien  ;  dann  aber  kommen  sic. 
uni  sic  zu  geniessen.  So  halten  es  auch  andere  Stâninie.  Das 
dlirfte  jedoch  nicht  die  urspriingliche  Anscliauung  sein,  viel- 
mehr  winl  die  altère  auch  die  des  Sùd-Oslens  sein.  Hier  gili 
die  Opfergabe  als  sacrosanct  und  darf  von  niemandem.  in 
wenigcn  Fàllen  nur  vom  Xjarumbi  (Totengi'aber^  genossen 
werden.  der  schon  zn  Eebzeiten  mil  dem  Verstorbenen  in  ein 
besonderes  Verhàltnis  gelreten  wai'. 

Dièse  Schicht  kennt  auch  die  Menschenopfer  niclit.  Sie  finden 


(1)  Raum,    Die    Reliffion    drr    Landschaft    Mosc]ii    ani     KUimandschai-o,    ini 
Archiv    fiir    Religionstoissenschaftj    1911,    s.    159. 

(2)  Kbenda. 


DAS    OPFER    IN    AFRIKA  '  261 

sicli  niclit  im  ganzen  Gel)i(Me.  Dor  Siidoslon.  >\eA'  Osten  bis 
zuni  Kdiigo  ist  t'ast  ganz  frei  davon.  Soweit  sicli  Menschon- 
opfer  vortinden,  iiiiissen  sie  als  Iiiipoi't,  einer  l'rcindcn  Scliichtc 
angeselien  werden.  iJié  nianistische  S<diichle  kciint  aainlidi 
aucli  die  Sklavorei  niciif.  Als  jodot-h  jene  Kultur  sidi  in  Affika 
aus'zubrfiten  begann,  web-he  die  Skhivei-ei  mit  sich  i'ubi'tr. 
und  aucb  .\lenschenoi»l>r  in  ihi'er  Ai't  iibte.  sicli  dann  mit  dem 
Mani.smus  vereinigie,  da  wurden  die  Mensi-benoplcr  l)eim 
Begràbnis  und  bei  den  Totenfeierlichkeiten  geùlit.  So  ist  es  zii 
erklâi'en.  dass  cin  (ii'ossteil  det'  <iebiete  mit  manistisrben 
Opfei'u  l'i'ei  isl  \nn  .Menscbenopfern,  st)\veit  namlicli  als  sie 
frei  biielion  ^(ln  (b-m  J-Mnfliisse  jener  KuHur.  \Vo  sie  abiM' 
berrsciiend  geworden  ist,  da  niûssen  die  F]-aiien  un<l  Sklaven 
ihrem  Heri'n  ins  Jenseifs  folgen,  weil  er  drultcn  ibi'cr  gc- 
brauciit.  Sie  werden  darum  entwe(ku'  lei)eiulig  mil  ilim  iicgra- 
ben.  oder  an  seineni  Orabe  gelidet.  Das  Cenirum  diescr  Mens- 
chenopfer  sebeint  das  >'igergel)iet  zu  sein.  Aucb  der  Kongu  ist 
slark  davon  lieherrscht.  Ausstrabhmgen  gingen  und  gelien  bis 
zum  Sambesi.  wo  im  ait  en  Monantofapave'wh  viele  Mensebenopfer 
dargebraebt  wurden.  Sie  sind  mil  der  Mcuki nmtiipaknMur  beute 
V(")llig  versebwunden,  ein  weiterer  Beleg  dafiir,  dass  dièse 
Kultur.  welcbe  das  Mensebenopfer  mitbracble,  eben  eine  fremde 
war  und  keine  Wurzel  gefasst  batte. 

Noeb  ein  weileres  geht  aus  dem  numisliscben  Opfer  berxor. 
Es  ist  saltsam  bekanni,  dass  die  Hanlu  irgcndeinen  Begritî  von 
Oott  baben.  Dass  dieser  liott  versebieden  ist  von  den  Mancn 
wird  dadureh  deutlicher,  dass  ilmi,  mag  er  Mulwigu,  .\zoinbi 
oilei'  Li'Zd  lieissen,  niemals  geopfert  wird,  wàbrend  docb  allen 
anderen  Geisiern  reiebliche  Opfer  dargebraebt  werden.  Er  isl 
eben  niebt  wie  die  Geistei'  auf  die  Menseben  bose  ;  er  schadet 
nieniandem,  denn  er  ist  gut.  Er  kiimnierl  sich  aucili  kaum  je  um 
•  die  Well.  Wai'um  ibm  dann  opfern,  er  braucbt  ja  niebt  be- 
sr'hwiehtigt  werden.  Wo  aber  dem  boebsten  Wesen  dennoc'.i 
geopfert  wii-d.  da  liabcp  wir  einen  anderen  G<itt  als  den  Banlu- 
gotf  vor  uns. 

Beim  manistischeu  Opfer  liegl  keine  Teiideiiz  voi'  die  Ojifer- 
gabe  zu  zersiru-en  ;  sie  ist  wesentlicb  eine  Speise,  maiicbmal 
aucb  ein  (lebraucbsgegenstand  fur  den  Toten.  Brandopfei'  im 
ciaentlichen    Sinne   komnien   ini   Suden   und   Osten   kaum     vor. 


262  P.  SCHEBESTA 

Wohl  werden  gerôstete  Speisen  dargebracht  und  manehmal 
wird  aiich  gesagt.  dass  der  Opferduft  den  Geistern  wohlgefàllig 
sei. 

Auch  der  Kanibalismus  scheint  mit  diesem  Opfer  nichi 
zusammenzuhàngen. 

Nicht  selten  sind  auch  die  Erstlingsopfer,  welche  den  Ahnen 
dargebracht  werden,  so  toei  den  Baila,  Sulu  und  Thonga  im  Sûden. 
Die  Ahnen,  welche  die  ersten  Besitzer  der  F&lder  gewesen  sind. 
sollen  auch  zuerst  von  der  Ernte  geniessen. 

iDie  Opfer,  welche  privât  und  offentlich  sein  kônnen,  werden 
im  Siiden  und  Osten  vom  Hausvater  oder  vom  Hâuptling  dar- 
gebracht. In  Westafrika  tritt  jedoch  (wohl  nicht  ursprûnglich) 
auch  ein  Priester  an  seine  Stelle. 

2.  —  Das  animistischc  Opfer.  —  Dièse  Schichte  bat  ihr  Ver- 
breitungsgebiet  in  Westafrika.  Sie  ist  nicht  gemeinafrikanisch. 
Der  ganze  Sûden,  die  grossten  Telle  des  Ostens,  das  Osthorn, 
sind  frei  von  diesem  Einfluss.  Die  westafrikanische  Schichte 
des  Opfers,  welche  ich  die  animistischc  nennen  mochte,  hat 
scheinbar  ihr  Zentrum  am  Niger.  Sie  ist  aber  stârker  vertreten 
westlich  davon  als  ostlich,  wo  sie  am  Kongo  aber  immerhin 
noch  die  herrscihende  ist  ;  Auslâufer  des  animistischen  Opfers 
reichen  bis  zum  Viktoria  Nyansa  (Uganda)  im  Norden,  und  in 
sudôstlicher  Richtung  bis  zur  Siidspitze  des  Nyassasees  und 
zum  Sambesidelta. 

Animistisch  nenne  ich  dièses  Opfer.  weil  es  Geistern  darge- 
bracht wird  und  zwar  im  IJnterschiede  von  den  vorhergehenden 
nur  Naturgeistern.  Es  sind  freie  Geister,  welche  in  beliebigen 
Gegenstânden  ihren  Aufenthalt  aufschlagen  kônnen.  Es  sind 
Berg-,  Baum-,  Wald-,  Wassergeister,  welche  im  Meere.  in  den 
Fliissen  und  in  den  Qnellen  hausen.  Sie  ûben  verschiedene 
Funklionen  dem  Menschen  gegenûber  aus.  Der  eine  ist  Herr 
iiber  Tod  und  Leben  ;  der  andere  schickt  die  Krankheiten  ;  ein 
dritter  ist  der  Erntegeist,  Kriegsgeist  u.  s.  w.  Mit  dem  Manismus 
geht  der  Animismus  die  Verbindung  ein.  dass  die  Ahnenseelen 
Geister  zweiter  Ordnung  werden. 

Meistenteils.  ich  mochte  sagen  gewôhnlich,  ist  die  An- 
schauung  verbreitet,  dass  ûber  den  Geistern  ein  Geist  herrscht. 
von  dem  sie  abhângen,  nâmlich  Gott,  der  gut  ist.  der  sicb  aber 
um  die  Welt  nicht  kûmmert.  Also  die  gleiche  Anschauung  wio 


DAS    OPPER    IN    AFRIKA  263 

im  .Maiiisiniis.  Wolil  und  Wehe  der  Menschen  liegt  allein  in  ilen 
Hànden  der  (ieister.  Da  sie  jedoch  dem  Mensclien  fcindlieli 
gegenûhpr  stelien,  so  sieht  sicli  der  Eingeboi'ene  genotigt, 
ihnen  zu  0])rern.  uni  sie  gûnstig  zu  stinunen.  sie  zu  versôhnen. 
Das  gelit  oft  so  weit.  dass  er  sein  Hab  und  Gut  fur  dièse  AngQ- 
legenlipil  iiergibt.  Nieht  Verehrung  und  Dankbarkeit  ist  der 
Bcweggrund  dazu,  sondern  Scheu  und  Furcbt  und  die  Suchf 
sie  sich  genehni  zu  stimnien.  Dabei  werden  ol't  die  holieren 
gegen  die  niederen  Geister  ausgespieli. 

Ein  Priestertum  reguliert  die  Opfei-  dieser  Gruppe,  die  soge- 
nannlen  Fetiselipriester.  Sie  geben  an,  was  l'iir  ein  0[)fer  der 
ninzelne  (ieist  verlangt,  wann  und  wo  es  dargebraclit  werden 
soll. 

Die  Blutopfer  und  zumal  die  Menselienopfer  sind  bier  gerade 
zuhausp.  Dabei  sebeint  ein  besonderes  Gewicbt  darauf  gelegl 
zu  wpi'den.  dass  das  Opler  grausam  gequàlt  und  zu  Tode  gemar- 
tert  werde.  In  besonderer  Gefabr  bringen  die  Aschantl  der 
Schutzgoftbeit  der  Stadt  ein  neugeborenes  Kind  zuni  Opfer. 
indem  ibiu  Glied  t'iir  Glied  abgerissen  und  versireut  wii'd. 

Die  r.sr/u'vfdker  bringen  Menschenopfer  den  Flussgeistern 
dar.  Ein  Mann  und  eine  Frau  werden  ani  Ufer  enfhauptet  und 
das  Fleiscb  den  gebeiligten  Krokodilen  zum  Frasse  binge- 
woi'fen. 

Zur  Zeit  grosser  Dùrre  wird  ein  .Mann  dem  Regengotte  und 
zui'  Zeit  ûhermàssiigen  Regens  dem  Sonnengotte  eine  Frau 
geopf  ert. 

Dio  Opfer  werden  gewiilinlieb  derartig  vollfiilirt,  dass  man 
das  Elut  ûbor  den  Gotzen,  oder  was  aucb  immer  Sitz  des  Geistes 
ist,  fliessen  lâsst.  Oft  werden  Sclmitte  hinein  gemacbt,  wie 
z.  B.  in  einen  Baum,  damit  er  das  Blut  besser  aufsaugen  kimne. 
Yiélfach  wird  das  Blut  ûber  ibn  geschmiert.  Die  Speise  wird 
ibm  in  den  geotïneten  Miind  gestopft  cxler  auch  vorgesetzt. 
Es  sind  recht  blutdiirstige  (reister.  Blut  ist  eben  der  Sitz  und 
Tràger  der  Seele.  Die  Geister  geniessen  nàmlich  nicbt  das 
Matérielle,  das  Siditbare,  sondern  nur  die  Seele,  welche  im 
Blute  wohnl  ;  daruni  muss  soviel  Blut  tliessen.  (Wir  haben 
bereit.s  erwâhnt,  dass  dièse  Anschauung  auch  in  einzelne  Ge- 
biete  des  manistis<'hen  Opfers  eingedrungen  ist).  Es  ist  eine 
zu  beachtende  Tatsaehe,  dass   Speiseopfer  in  dieser  Schiohte 


264  P.    SCHEBESTA 

stark  ziirùcktrelen.  Sie  koninien  wohl  vor.  Aueh  Tieropfer  sind 
recht  zahlreich,  aber  am  meislen  geschàtzt  sind  dio  Monschen- 
opfer.  Wie  sich  ein  Gewâhrsmann  àussert,  stfllen  dio  ver- 
schiedenen  Arten  vorschiedene  Abstufungen  dar.  Je  nach  dor 
Wichtig-keit  der  Sache  muss  auch  das  Opfer  beschaffen  sein. 
Dem  von  uns  so  vprabsoheuten  Menseiienopfer  liegt  hier  eine 
hohe  Idée  unter,  nàmlich  die,  dass  der  Gottheit  das  Hnehste 
geopt'ert  wird,  was  es  gibt,  der  Mensch.  In  besonders  wichtigen 
Angelegenheiten  opfert,  der  Hàuptling  sein  eigenes  Kind. 
nianchmal  wird  er  auch  selber  geopfert. 

Die  Entstehung  des  Mensohenopfers  legen  wir  begrûndeter 
Weise  in  die  Schiclite  des  Animismus  und  nicht  des  Manismus. 
Der  Animismus  mag  vielleicht  ûber  das  Sûhnopfer,  welehes  in 
dieser  Sehichte  vorkommt,  zum  Menschenopfer  gekommen  sein. 
Bestimmte  Vergehen  werden  mit  dem  Tode  gesiihnt.  Der 
Sehuldige  muss  selber  den  Tod  erleiden  nder  er  muss  fur 
einen  Ersatz  sorgen,  zumeist  einen  Sklaven  ;  in  gewissen  Fàllnn 
geniigt  jedoch  auch  ein  Tier. 

Hier  ist  der  Ort,  uni  etwas  ûber  den  Fetisehismus  zu  sagen. 
Seine  Verhreitung  deckt  sich  wesentlich  mit  dem  animistischen 
Opfer.  Der  eigentlirhe  Fetisehismus  geht  der  Kùste  entlang 
vom  Sénégal  an.  Er  bedeckt  das  Nigerdelta  und  breitet  sieh 
zwischen  Kongo,  Kwango  und  Kassai  aus.  Er  verflûchtigt  sich 
dann  immermehr  zumal  nach  dem  Siidosten.  wo  er  sozusagen 
fast  verschwindet,  obwohl  wir  dort  anim'istische  Opfer  noch 
antretïen.  Das  Gebiet  des  letzteren  ist  darum  weiter  als  das  des 
Fetisehismus.  Darum  zumal  mochte  ich  die  beiden.  obwohl  sie 
zumeist  ineinander  verwachsen  auftreten.  als  zwei  getrennte 
ErscheiniTngen  betrachten. 

Welchfes  Opfer  dem  Fetisehismus  zukommt,  (es  scheinen 
vprschiedene  Zauberopfer  ihm  eigen  zu  sein,  zumal  jene.  welche 
in  den  Geheimgesellschaften  gevibt  werden),  kann  ich  heute 
nicht  ausmachen.  Bisher  wurden  in  den  Publikationen  der 
Animismus  und  der  Fetisehismus  nicht  geniigend  auseinander- 
gehalten,  sondern  meistens  als  eines  aufgefassf.  Doch  giaube 
ich  den  Unterschied  betonen  zu  mussen.  Auch  der  Einge- 
borne  hait  sie  auseinander.  Der  Fetisehismus  ist  iiberhaupt 
keinc  Religion,  da  die  Verehrung  eines  persônlichen  Wesens 
fehlt.  Vielmehr.  und  das  ist  fur  die  Aufassung  des  Fetisehismus 


DAS    OPFER    IN    AFRIKA  '  265 

von  Bedeutung,  wird  einpm  beliebigrn  Grgenstandp  urul  Wesen 
durck  hestirninte  SpriUhe  und  Formeln  Zaubprkraft  eingeimpft . 
Somit  ist  das  Fetischopler,  soweit  es  vorkoninil,  kein  Opfpr. 
sondern  ein  Zauberritus. 

3.  —  Das  Gottesopfer.  —  Ein  vollig  anderes  (jtepràge  tragt  das 
afrikanische  Gottfsopfer.  Im  Gegensatz  zu  den  animistisohen 
und  auch  manistiischen  wird  os  nicht  aus  Furcht  geboren.  Es 
ist  kein  Abwehropfer,  sondern  Bitt-  und  Dankopfer  aus  fMUPr 
Ai't  Pifliciht-  oder  Verbindlichkeitsgefiihl  berausgewarhsen.  Wii- 
mûssen   mehrere   Gruppen  unterscheiden. 

Das  Ahncv -Gottesopfer.  —  Ici»  seize  dièses  Opfer  an  dit» 
erste  Stelle,  weil  es  eine  Verwandtschaft  mit  dem  mandstischpn 
Opfer  aufwfisf.  Dem  Uhrabnen,  welpher  aile  Zn^e  der  Bantu- 
gottheit  tràgt.  werden  Opfer  dargebracht.  Dies  Opfer  haben  im 
Sûden  die  Kaffernstàmnie,  zumal  die  Sulv  mil  ihrem  Unkulu- 
kulu.  und  im  Nilgebiet  die  Dhika  und  Schilluksiamme.  Von  da 
aus  taucht  es  weiter  im  Sûden  am  Viktoria  Nyanza,  z.  B.  bei 
den  Wagamla  auf,  aber  verrankt  mit  anderen  Opfererschei- 
nungen.  Dièse  Gottlieiten  oder  gottliche  Ahnen  sind  die  Urvâter 
der  Kônige,  des  Stammes  ûberhaupt.  Bei  manchen  Stammen, 
z.  B.  den  Dinka,  ist  ûber  diesem  Uralmen  nocb  eine  Gottbeit  zu 
beobachteri,  welche  aber  nicht  verehrt  wird. 

Das  Hamitev-Gottesopfer.  —  Ein  reeht  typisches  Gottesopfer 
fur  Aifrika  ist  jenes  der  Hamitenvôlker  und  Hamitoiden.  wie 
es  bei  den  Galla.  Turkana.  Siik.  Massai  u.  a.  anzutreffen  ist. 
Auch  sûdlich  gelegene  Stamme,  wie  die  Baila  und  Hottentotten 
scheinen  es  zu  kennen.  Andere  Stamme  des  Sûdens  stehen  unter 
dem  Eintluss  des  Hamitenopifers. 

Zur  Charakteristik  dièses  Opfers  sei  folgendes  bemerkf.  Der 
Hamite  opfert  von  seinen  Frûohten  und  seinen  Herden.  indem 
er  Mehl  ausstreut,  Honig,  Bier  und  Blut  ausgiesst.  Fleisch  in 
aile  Richtungen  verstreut.  Wenn  ein  Vogel  ein  solches  Fleisoh- 
slùck  in  die  Lûfte  wegfûhrt,  glauben  z.  B.  die  Galla.  dass  er 
hinfliege.  uni  es  Gott  zu  zeigen. 

iDie  Brandopfer  sind  hier  /.ahlreifh.  Honig,  Fleischstûcke 
und  Fett  werdnn  auf  glûhenden  Kohlen  verbrannt,  damit  ihr 
Duft  zum  Himimel  emporsteige  und  Gottes  Aufmerksamkeit  auf 
die  Opfernden  lenke.  Er  sehaut  dann  herab  auf  sie  und  wenn 
der  Raueh  gut  war,  (d.  h.  die  Opfer  gross  genug),  so  ma<'iil 
er  deren  Leiden  ein  Ende   {Elgeyo) . 


266  P.    SCHEBRSTA 

Die  Wandorobbo-Fri\uen  bitten  derart  um  Kinder,  dass  sie  sich 
um  ein  Feuer  herumhocken,  in  welches  sie  Reste  von  Honigbier 
hineinwerfen,  die  zumeist  aus  Wachsteilen  bestehen,  damit  der 
Duft  zu  Gott  emporsteige. 

Die  Akikuiu  legen  das  Opifertier  an  den  Fuss  eines  hohen 
Baumes  nieder.  Man  glaubt,  dass  sich  Gott  wie  ein  Affe  von 
oben  herablàsst,  um  das  Opfer  zu  geniessen.  Ein  aller  Mann, 
der  als  Priester  fungiert,  horcht  am  Stamme,  ob  er  nicht  im 
Rauschen  des  Baumes  Gottes  Stimme  vernehme. 

Um  nicht  zu  ermiiden,  nur  noch  einen  kurzen  Beleg  von  den 
Baila  oder  Mashukulumbe.  Wenn  in  Familienmitglied  erkrankt, 
so  betet  der  Hausvater  zu  Leza,  er  môchte  das  Kind  vprscho- 
nen  :  ((  Leavc  Thy  ihild.  that  he  must  trust  Thee.  Etenial  Onr  ! 
We  pray  to  Tfire  :  Thou  art  the  grcat  Chief  !  »  Dann  fui  11  fM- 
seinen  Mund  mit  Wasser  und  spritzt  es  als  Opfi^i-  auf  deti 
Boden    (1). 

Die  ErsMingsopfer  sind  dieser  Schichte  eigen.  Die  Ma.ssai- 
frau  opfert  bei  jedem  Gebet  ein  wenig  Milch,  die  Galla  die 
Erstlinge  von  den  Feldfrûchten  und  Herden.  Der  //omann  blàst 
die  orsten  Rauchwolken  seiner  Pfeife  in  die  Luft  als  Optci- 
an  Gott,  zum  Danke  fur  verliehene  Gesundheit,  indem  er  zu- 
gleich  flelit   :  «  Gib  mir  viel  Gluok  dies-en  Tag  ». 

Opfer  an  die  Sonne.  —  {Wakindiga  und  benachbartp  Stâmmo 
im  Ahtlusslosen  Gebiete).  Der  Sonnengottheit  wird  nach  Erlo- 
gung  eines  Wildes  geopfert.  «  Nach  Altpr  und  Geschlecht  in 
Gruppen  geteilt,  hocken  die  Mânner,  die  Jûnglinge,  Weiber 
und  Màdclien  um  das  erbeutete  Wild  herum.  Der  Kampâlteste 
zerlegt  das  Tier,  schneidet  alsdann  fingerdicke,  etwa  zehn  bis 
zwanzig  Zentimeter  lange  SIreifen  vom  besten  Fleische  ab, 
wendet  sich  gegen  Osten  und  spricht  ein  lângeres  Dankgebct  : 
«  Ishoie  !  Jeden  Morgen  kommst  Du  von  dort  her  zu  uns.  Deinen 
M^akindiga.  Du  behiitest  und  beschiitzest  uns  vor  grossen  Ge- 
fahren  und  hast  uns  heute  viel,  viel  Fleisch  bescheert.  Nimin 
vom  Besten  eine  Probe  und  bewahre  uns  deine  Huld  auch  fiir 
die  Zukunft  ».  Nach  diesen  Worten  wirft  pr  einige  dei'  Streifen 
Fleisch  nach  Osten  in  den  Busch,  Nvendet  sich  dann  nach 
West^en,  spricht  ein  ahnliches  Gebet,   und  wirft   auch   hier  die 


(1)    Munay    Dale.    Thr  Ila-St>fakin(i   Proplis   of   Northrru    Rhodr.^ia.  London, 
1920. 


DAS    OPFER    IN    AFRIKA  267 

Dankgaben  fiir  Ishoip  liin.  Nach  piner  kurzen  Pause  ergreift 
er  ahenmals  das  Wort.  uni  auch  die  Stammesmutter  aller 
Wakindiga,  die  Hibaako.  uin  tatkràftigen  Schutz  und  Hiilfp 
anzurufen.  Aut-h  ihr  wird  eine.  Hand  voll  Fleiscli  dargebracht  (1  ) . 

Das  Gottesopffr  in  Westafrika.  —  Im  Westen  finden  wir  eine 
weitere  Gruppe  von  Gottesopfern  an  de]-  Guineakûste  entlang 
bis  zum  Kongo  hinab.  Im  inneren  Kongogebiet  scheint  es  sich 
nicht  mehr  vorzuflnden,  vielmehr  ist  liier  das  manistische 
hochste  Wesen  heimisch.  Wàhrend  nun  im  Osten  das  Hamiten- 
gottesopfer  derart  in  den  Vnrdergrund  tritt,  dass  es  das 
herrschende  wird,  su  tritt  das  Gottesopfer  an  der  Westkûste 
gegen  die  anderen  stark  zurûck,  dass  es  vielen  Beobachtern 
entgeht.  Es  besteht  in  Libationen.  Speise-  und  Blutopfern. 
Menschenopfer  scheinen  vollkommen  zu  feblen.  [n  Togo  heissf 
das  hochste  Wesen  Mavn.  Nicht  jedermann  opfert  ihm.  sondern 
nur  der  3/aDMpriester.  Ehe  er  isst  oder  trinkt,  gibt  er  zuvor  Goft 
seine  Gabe. 

Das  Pygmâcnopfer.  —  Als  die  letzte  Scihiclite  der  afrikanischon 
Gottesopfer  mûssen  wir  noch  jene  der  Zwergvolker  streifen. 
Die  Pygmàen  ziehen  sich  in  Gruppen  quer  durch  Afrika.  Sie 
bewohnen  den  vegetationsreichen  'ït'U.  Sie  betinden  sich 
zurûckgedrangt  auf  das  Seengebiet  und  die  undurchdringlichen 
Urwàlder  des  Kongo.  Die  Buscbmanner  der  Kalahari  zahlen 
wir  zu  ihnen. 

Uber  das  Opfer  der  letzteren  ist  leider  nichts  zuveriâssiges 
bekannt. 

Das  Pygmaenopfer  ist  ein  Gottesopfer.  Viele  Autoren  betonen 
es  geradezu,  dass  bei  ihnen  von  Animismus  oder  Manismus 
keinp  Spur  zu  finden  sei.  Eine  zweifache  Art  dps  Opferns  ist 
den  Pygmàen  eigen.  Entweder  werden  die  Opfergegenslàndo  an 
einem  Orte  unter  einem  Baume  liegen  gelassen.  odei'  sie  wcrdpii 
vcrbrannt. 

Ein  Boiig-Vygmae  erzâhlte  :  «  Wpnn  ich  einen  Buffel  pi'lego. 
so  Ipge  ich  ein  Stùck  Fleis(^h  aufs  ï'euer.  Ein  Teil  verbrennf. 
der  ist  fiir  WakaiGoit^,  den  anderen  esse  ich  selbst  »  (Le  Roy)  . 
Ich  glaube  nicht,  dass  die  d>'strurtio  rci  in  diesem  Falle  inten- 
diert  sei  ;  vielmehr  liegt  wohl  der  Gedanke  nahe,  dass  der 
Opferrauch  zu  Gott  emporsteigen  soll. 


(1)  Rechk,    Xki-    Ethnographie    dru    Abflusslosen    Gebietrs,    Hamburg,    1914. 


268  P.    SGHBBESTA 

Powell  CoTTON  erzàhll  \un  einem  Pygmàenst anime,  dass  er 
heiii)  \\'et'hseln  eines  Jagdgiunde.s  Speisen  tûr  den  hôchsten 
Geist  hinterlassen  habe,  indern  ein  jeder  ein  solches  Packchen 
niederlegte.  damit  er  ilinen  aiieh  auf  dem  anderen  Grundc 
Gliick  verleihen  nuk-hte. 

Somit  stellf  .sich  uns  dat^  Pyginapiiopl'er  dar  als  die  Darbrin- 
gung  von  lion  Erti  àgnissen.  voni  Sammeln  der  Fleisch-  und 
Pflanzpnnahrung.  Oft  liiingt  nian  die   Hrstlinge  Gott  dar. 

Da.s  Siifinopfcf.  —  Wenn  ich  es  nun  unternehnie  das  Siihn- 
opfei'  in  Afrika  zu  skizzieren,  so  geschieht  es,  weil  gerade  ihni 
eine  besonders  wichtige  Stellung  zukommt. 

Es  ist  mir  wohl  bekannt.  dass  nian  die  verseliie<l('nen  Opfer- 
arten  als  da  sind,  Bilt-.  Dank-  und  Bûlinopfer  fur  Afrika  niehl 
gelteii  lassen  will.  Der  Neger  bit  tel  nur,  dass  das  Unheil  vun 
ihni  abgowendet  weide,  sagt  nian.  Dennoch  entspricht  dièse 
Anschauung  nicht  den  Tatsachen.  Gewiss  steht  das  Bittopfer 
im  Vordpigiunde.  Ziimal  das  aninnstich-manistische  ist  ein 
soh'lies.  vielleicbt  wiirde  es  liezeichnender  Preventivopfer  ge- 
nannt.  «  Daniil  Du  mir  niidits  antuesl.  iipfere  ich  Dir  dies  uml 
je  nés  ». 

Trot.zdeni  ist  auch  das  Dankopfer  gut  belegt.  Naeh  der  Jagd, 
nach  einer  gewonnenen  Sohlactit  werden  Dankopfer  darge- 
Jiracht.  .Vui-h  die  zahlieic-lien  Erstlingsopfer  Iragen  Dankes- 
fharakter.  Das  Sûlinopfer  ist  gbMchfalls  belegt  und  zwar  am 
meisten  ini  Nigerdelta  und  westlicli  davon.  Hier  tritt  es  oft  in 
dor  .\il  des  Sûndenbockes  auf.  In  Togo  wird  z.  1^.  ein  Bockchen 
mil  Erde  l)eschmiert,  zum  Sinnbild,  dass  ihm  die  .Sûnden  auf- 
geladen  werden.  Es  wird  nicht  getotet,  sondern  bleibt  sicli 
selbst  iiberlassen.  .Ahnliche  Opfer  haben  die  Wagmida,  die 
Makalalia  sùdlich  \  om  Sambesi,  die  Uaussu  uml  die  VOlker  arii 
Scharifluss  im  Norden. 

Yom  Opferkult  der  .lA/vmpger  wird  geradezu  gesagt,  dass 
ihm  vornehmiich  die  Idée  zugrunde  liège,  dass  durch  das  Opfer, 
mag  es  blutig  oder  unblutig  st^in,  ein  Siihncakt  vollzogen 
werden  soll.  wodurch  (Mnerseits  Unrecht  und  Siinde  gesûhnt  und 
andereiseits  der  daraufruhende  Fluch  mit  seinem  Unheil  und 
Yerderben  weggewischt  werden  sollen.  In  schwercn  Fàllen  wird 
jedoch  Blut  als  Suhne  gefordert.  Die  Yoruba  bringen  von  Zeit 
zu  Zpii  Mensehenopfer  fur  das  ganze  Volk  dar.  Vor  dem 
Hinschlachten  werden  solchen  aile  Annelimlichkeiten  gewàhrt. 


DAS    OPFER    IN    AFRIKA  269 

Zum  Opfprplatz  werden  sie  im  Triumph  durch  die  Strassen 
gpfûhrt.  Beim  Vnrheigphen  trot  en  die  Menschen  ans  den  Hûtlen, 
legen  ilire  Hande  auf  das  Haupt  des  Opfers,  «  thaï  they  may 
ti'ansf''r  tu  hini  theiv  sin.  (fuHl.  troiibir  ami  dmth  >  (l).  (Stell- 
vert  retendes  Sùhnopfer) . 

Âhnlich  werden  Inic-h  Tiere  als  Siilinopfcr  dargehrarhl.  Bei 
den  Bavili  nordlich  des  Kongo  herrscht  die  Sitte,  d'ass  wenn 
jt^mand  pin  todeswùrdiges  Verbrechen  begangen  hat,  er  sterben 
inLi>s.  ^ur  wpnn  jemand  gegen  dessen  Tôtung  protesiiert,  so 
kann   an   seiner  Statt  eine   Zipgp   geopfert  werden. 

Ein  typisf'hes  Sùhnopfer  wii-d  von  den  Baila  berichtet.  Bei 
Gelegenheit  eines  Mordes  werden  von  den  als  Busse  zu  zahlen- 
dpn  Rindern  einzelne  dem  Skimvnenga  (Almherrn  i  geopfert, 
da  der  .Mord  gegen  ihn  gerichtet  war.  Sliimunenga  wiederum 
bringt  die  Sehattenseele  des  Opfers  Lrza  dar  als  Sûhne,  denn 
Shimurifyign  ist  irgendwie  bei  Lcza  fur  seine  Leute  verant- 
wortlicl). 

Dei-  Massai  opfert  an  der  Stelle,  wn  er  eine  schwangere  Frau 
geft'tfet  liait e.  ein  schwarzes  tràchtiges  Schaf,  indem  er  vorher 
spini'  Siindc  liekennt  und  um  Vei-gehung  bittet.  Das  Opfei-tier 
làssi   er  an  Ort  und  Stelle  liegen. 

Bisfhoif  Hennemann  ])ezei('hnet  die  Jùnglingsweihe  in  Ka- 
niprun  als  den  Kern  einer  Sûhnezeremonie  (5o-Rifus).  Dieser 
Ritus  wird  von  jenen  Hàuptlingen  veranstaltet,  bei  welchen  die 
meisten  Ungliicksfàlle  iin  Jahre  vorgefallen  sind,  die  man  als 
Strafp  fur  bewusste  und  unbewusste  Gesetzesûbertretungon 
ansieht.  Die  Jûnglingsvvpihe  bildef  den  Mittelpunkt.  Die  Jung- 
linge  werden  dem  Tode  geweiht,  jedoeh  wird  an  ihrer  Stelle 
eine  Ziege  geopfprt,  die  man  S(^  (eine  Antilopenart j   nennt   (2). 

Aus  dieser  sporadischen  Verbreitung  des  Sùhnopfers  mag 
riigliciii  (\ev  SpIiIuss  gezogen  wei'den,  dass  es  weiter  verbreitpl 
ist  ;  doch  die  Quellen  schweigen  davon. 

Die  Manisten  sdieinen  das  Siihnopfer  gar  nirlit  zu  kennen. 
Auct)  bpi  den  Pyginâen  ist  es  in  keiner  Weise  belegt.  Aus  den 
wenigen  Xacbriphten.  die  ûber  das  Siihnitpfpr  reden,  gehorte 
es  der  liamitisciien  und  der  westafrikanisclu^n  Schichte  an  und 
zwar  soweit  das  (3rotteso])fer  reioht. 


(1)  Deknet,  At  the  hack  of  thc  hlack  Man's  mi>id,  Liondon.  1906,  p.   263. 

(2)  Hknne.mann,    Die    religioaen     VorstcUmigen     der    heidnischen    Bewohner 
aUd-Kameruns,   Frelburg-,    1920. 


270  P-    SCHEBESTA 

Es  will  mir  scheinen..  und  die  meisten  Zeugnisse  deuten  es 
an,  dass  es  sich  in  diesen  Pallen  nur  um  die  Sûhne  irgend  eines 
sozialen  Vergehens  handelt. 

II.  DAS  ALTER  DER  OPFER. 

Wenn  \vir  nach  dem  Alter  der  versohiedpnen  Opferschichten 
fragen,  so  werden  wir  am  ehesten  durch  das  Kartenbild  dariiber 
belehrt:  wir  brauehen  nur  die  Kriterien  anzuwenden,  welche  uns 
die  kulturhistorische  Méthode  in  der  Ethnologie  an  die  Hand 
gibt  (1). 

Von  den  drei  Opferarten,  welche  die  grossten  Gebiete  in 
Afrika  einnehmen,  muss  die  manistis-che  die  àlteste  sein,  nicht 
etwa  deswegen,  weil  sie  die  grossie  Verbreiitung  aufweist, 
sondern  weil  sie  sowohl  im  Osten  von  der  Hamitenschichte  und 
zLirnal  im  Westen  von  der  animistischen  teilweise  ùberlagert 
resp.  verdunkelt,  verdràngt  wird.  Das  Oberlagerte  ist  aber 
iinmer  àlter  als  das  ûberlagernde. 

Ob  weiterhin  das  animistische,  oder  das  Hamitenopfer  aller 
ist  làsst  .<ich  ans  unserer  Sludie  nicht  erschlieàsen,  weil  beide 
zwei  gelrennte  Gebiete  bedecken  :  doch  will  mir  scheinen,  als 
ob  das  Hamitenopfer  sich  friiher  in  einem  Làngsslreifen  den 
Seen  entlang  nach  Sûdweslen  verbreitet  bal  und  ersl  spâter 
dureh  das  animistische,  von  N.  Westen  kommende.  durchbro- 
chen  wurde. 

Als  aller  aber  als  die  drei  eben  genannten  grossen  Schichten 
mûssen  wii'  die  sonst  noch  besprochenen  Opfer  ansehen.  Sie 
bilden  Enklaven,  oft  und  oft  durchbrocben,  zuruckgedràngt 
und  ver.><treuf.  Welches  jedoch  von  ihnen  das  àlteste  ist,  muss 
dahingestellt  bleiben.  Das  eine  geht  jedoch  mit  ziemlicher 
Deutlichkeit  hervor.  dass  das  Opfer  an  den  Urahnen  eine  woite 
Verbrcitung  in  Afrika  batte. 

Zusammenfassend  glaube  ich  als  Résultat  der  Studie  sagen 
zu  konnen,  dass  das  Pygmâen-Gottesopfer,  das  Opfer  an  die 
Sonnengottheit,  jenes  an  den  Urahnen,  der  die  Zûge  der  Gottheit 


(1)  Der  Voiti-agr  ist  an  der  Hand  einer  dafûr  ausgearbeiteten  Karte 
gehalten  worden,  welche  die  Verteilung  der  verschiedenen  Opfer  durch  entspre- 
chende  Schattierungen  zuni  Ausdruck  brachte.  Die  Kattenskizzen,  sowohl 
wie  die   nôtigen  Belege,  konnten   dem   Vortrage   hier  niclit   beigegeben    werden. 


DAS    OPPER    IN    AFRIKA  271 

angenommen  hat,  die  âltesten  sind.  Das  jûngste  Opfer  in  Afrika 
ist  jedoch  das  von  Mpnsclienhlut  triefende  animistische  der 
Westkiiste. 

Die  Frage  nach  denr  Sinnp  des  afrikanischen  Opfers.  dem 
Ursprunge  desselben,  kann  voni  afrikanischen  Standpunkte 
allein  sicherlieh  nielit  heantwortet  werden.  Zu  diesem  Zwecke 
Tiiùsste  der  Vergleich  des  Opfers  aller  Priimitiven  herangezogen 
werden.  Imniprliin  ist  die  Frage  nach  dem  Sinne  der  afrika- 
nischen Opfer  herechtigi. 

Die  Beantwortung  der  Frage  ist  uns  dadurch  wesentlich 
erleichterl,  dass  wir  auf  historischeni  Wege  das  àlteste  afrika- 
nische  Opfer  erschiossen  haben.  Die  ersten  Opfer  kônnen  nur 
allein  in  Frage  kommen. 

Als  echt  afrikaniseh  sehe  ich  das  manistische  Opfer  an, 
wenn  auch  noch  vor  ihni  anderc  Opfer  liegen,  die  wir  aber  nur 
als  kleine  Enklavcn  kennen. 

Der  Grundgedanke  des  afrikanischen  Opfers  ist  das  Darbrin- 
gen  einer  Gabe  von  seiner  eigenen  Habe  an  ein  ûbermenschli- 
ches  (aussermenS'Chliches)  Wesen,  ans  den  verschiedensten 
Motivcn.  Bei  den  Pygmâen  scheint  es  die  Anerkennung  der 
OlterhoheiL  des  hOchsten  Wesens  zu  sein,  vielleichf  besser  die 
Zahlung  der  Nutznùtzungsgebùlir  fur  Frûchte  und  Wild.  Dièses 
kommt  im  Erstlingsopfer  zweifellos  zum  Ausdruck.  Demselben 
Gedanken  begegnen  wir  bei  den  Manisten  in  dem  einen  Falle, 
da  Erstlinge  der  Felder  den  ersten  Besitzern  derselben,  auch 
wenn  sie  stammfremd  waren,  dargebracht  werden. 

Sonst  aber  ist  das  Motiv  des  manistischen  Opfers  die  Furcht. 
Die  Verstorbenen  wachen  dariiber,  dass  die  Uberlebenden  ihre 
Bediirfnisse  im  Jenseits  befriedigen.  Sie  drohen  mit  ihrer 
Rache,  wenn  es  nicht  geschieht  ;  und  einer  solchen  Rache  geht 
der  Eingeborene  aus  dem  Wege,  indem  er  den  Manen  Opfer 
darbringt    (1). 


(1)  Die  Idée  des  afiikaniscJien  Opfers  wiid  jedoch  eiist  (lann  kluTca- 
hervortreten,  wenn  das  Opfer  in  seiner  Gesamtheit  (auch  das  Was  und  Wic 
des    Opfers)    erforscht    vor    uns    liegt. 


272  A.-J.   GARNOY 

[17]    Le  sacrifice  dans  l'Inde  et  les  Indo-Européens, 

par  M.  A.-J.  Carnoy,  professeur  à  l'Université  de  Louvain. 

Lf  sacrifirr  indo-i'uropéen .  —  Le  monunipnt  littéraire  le  plus 
ancien  des  peuples  de  noti-e  famille  linguistique  est  le  Rig-Veda, 
celte  admirable  collection  de  plus  de  mille  hymnes  que  le 
Biahmanisme  nous  a  transmise  comme  son  livre  sacré. 

.\u  moment  de  faire  une  enquête  sur  les  usages  et  les  idées 
aes  Indo-Européens.  par  rapport  au  sacrifice,  il  serait  bien 
naturel  (jue  nous  nous  adressions  dès  l'abord  à  ce  document 
imposant  tant  par  son  âge  (plus  de  trois  mille  ans)  que  par 
son  étendue.  Cela  s'indiquerait  d'autant  mieux,  que  beaucoup 
de  ces  poèmes  étaient  destinés  à  être  chantés  pendant  les 
sacrifices  et  qu'ils  font  de  nombreuses  allusions  à  ces  céré- 
monies. 

Toutefois,  Timportam^e  même  jouée  par  les  rites  de  l'of- 
frande dans  l'Inde  a  contribué  à  en  compliquer  le  rituel  et  à 
l'éloigner  de  la  simplicité  primitive.  Force  nous  est  donc  de 
consulter  d'abord  des  sources  moins  anciennes,  mais  reprodui- 
sant des  si.Luations  moins  complexes.  Le  texte  le  plus  intéres- 
sant est  celui  dans  lequel  Hérodote  décrit  le  sacrifice  des 
Perses  (I,  132).  «  Quand  quelqu'un  veut  offrir  un  sacrifice, 
dit-il,  il  conduit  l'animal  à  un  lieu  exempt  d'impuretés,  invoque 
la  divinité,  ayant  sur  la  tête  une  tiare  et  des  branches  de 
myrte.  Après  avoir  coupé  la  victime  en  morceaux  et  cuit  la 
viande,  il  étend  une  jonchée  d'herbe  tendre,  généralement  du 
trèfle.  Il  dépose  sur  elle  la  viande.  Dès  que  tout  est  prêt,  un 
mage  se  présente  et  entonne  une  «  théogonie  »  (comme  ils 
disent  pour  un  texte  magique'.  Sans  mag^e,  Ton  ne  peut  faire 
l'offrande.  Quelque  temps  après,  le  sacrifiant  reprend  la  viande 
et  s'en  sert  à  discrétion  ».  On  a  des  raisons  de  croire  (1)  que 
les  Scythes  procédaient  de  même  façon. 

Les  Germains  sacrifiaient  également  sans  feu  sacrificiel.  Le 
sang  de  la  victime  était  recueilli  dans  un  chaudron.  On  en 
aspergeait  les  idoles  et  les  parois  du  temple.  Ensuite,  on  cuisait 
la  viande   et   on  la  consommait    en  commun    (2)    en   priant   le 

(1)  HÉRODOTE,    IV,     60. 

(2)  MoGK,  Germ.   Myth.,  p.   165  —   RcaUex.,  III,    307. 


LE    SACRIFICE    ET    LES    INDO- EUROPÉENS  273 

dieu  d'accorder  ce  qui  était  en  son  pouvoir  :  la  victoire  s'il 
s"agissait  de  Wodan.  la  paix  et  la  fécondité,  si  Ton  s'adressait 
à  Njoerdh  ou  à  Frry.  Parfois,  cette  cérémonie  s'accompagnait 
de  danses. 

Tacite  rapporte  que  les  Germains  pendaient  à  des  arbres  la 
chair  ou.  tout  au  moins,  la  tète  des  animaux  immolés   (1). 

'Les  Russes  agissaient  plus  ou  moins  de  même  façon.  Ils 
passaient  un  licou  à  la  victime  et  la  suspendaient  à  un  arbre 
jusqu'à  ce  qu'elle  cessât  de  respirer   (2). 

Les  Slaves  et  les  Lithuaniens,  une  fois  la  victime  abattue  ou 
étranglée,  étalaient  aussi  les  chairs  cuites  sur  un  tapis  de  foin 
ou  les  plaçaient  dans  tous  les  coins  de  la  maison,  en  invitant 
le  dieu  à  en  profiter. 

iCertains  termes  se  rapportant  à  ces  rites  se  retrouvent  dans 
des  langues  assez  éloignées.  L'allemand  weihen,  par  exemple, 
est  de  la  miême  racine  que  le  latin  victima.  Celle  du  grec 
à'Yio;,  «  sacré  »  se  rattache  à  celle  du  sanscrit  yajna,  zend, 
yasna,  «  sacrifice  ».  Le  zend  spenta,  «  sacré,  saint  »,  se  retrouve 
avec  le  même  sens  que  le  lithuanien  szventas.  La  racine  qui 
exprime  l'acte  d'invoquer  (3)  désigne,  d'une  part,  le  prêtre 
des  Hindous  {hotar)  et  des  Iraniens  {zaotar)  et,  de  l'autre,  la 
divinité  à   qui   on   s'adresse    (anglais  God) . 

Ces  co'incidences  nous  permettent  de  croire  que  tous  les 
traits  essentiels  du  sacrifice  étaient  déjà  bien  fixés,  avant  la 
dispersion. 

La  liturgie  était  visiblement  assez  élémentaire,  mais  elle 
comprenait  tous  les  traits  essentiels  de  l'offrande  chez  les 
divers  peuples.  Le  désir  de  présenter  aux  dieux  un  repas  était 
clairement  exprimé.  On  se  servait  de  préférence  de  viande.  Il 
n'est  point  nécessaire  d'expliquer  ce  fait  par  des  considéra- 
tions quelque  peu  totémistiques. 

La  viande  du  cheval  ou  du  bœuf  constituait,  en  effet,  la 
nourriture  essentielle  de  l'Indo-Européen,  à  une  date  ancienne. 
Si  on  cuisait  celle-ci,  cela  signifiait,  semble-t-il,  tout  simple- 
ment qu'on  devait  la  préparer  pour  la  divinité,  aussi  bien  qu'on 
l'aurait  fait  pour  un  repas  normal.  Pour  celui-ci,  en  effet,  on 


(1)  Annales,  I,   101. 

(2)  SciiRADER,   Renllcxtkon,  s.   v.    Opfcr. 

(3)  Sanscrit  juhoti,    «   il   crie,   il   invoque  ». 


27  'l  A.-J.   GARXOY 

rôtissait  de  grands  morceaux  de  viande,  à  la  broche,  au-dessus 
d'un  feu  vif.  L'emploi  de  formules,  prières  ou  hymnes,  pour 
inviter  le  dieu  à  profiter  do  Toffrande,  à  l'agréer,  à  se  montrer 
généreux  en  retour,  date,  également,  de  cette  époque  lointaine. 

On  voit,  aussi,  que  la  victime  devenait  sacrée  par  Topération, 
ce  qui  signifie  dans  un  sens  favorable  que  son  contact  était 
bienfaisant  ;  de  là  l'aspersion  des  murs  chez  les  Germains. 
D'autre  part,  on  peut  se  demander  si  cela  n'impliquait  pas 
égalen  ent  le  désir  de  faire  disparaître  celle-ci  après  la  céré- 
monie. Le  repas  en  commun  répondait  à  ces  deux  besoins  et 
réalisait  également  une  certaine  fraternisation  avec  le  dieu, 
quelle  que  soif,  du  reste,  la  forme  que  cette  conception  ou 
cet...  instintt   prenait   dans  la  conscience  de  ces  gens. 

La  boisson  cnivraiitr  dans  le  sacrifice.  —  Il  est  certain  que  les 
Indo-Européens  connaissaient  déjià  d'autres  sacrifices  que  celui 
que  nous  venons  de  décrire.  En  effet,  il  n'y  avait  pas  de  repas 
complet  pour  eux  sans  la  boisson  enivrante,  Khydromel,  dont 
se  repaisspint  les  héros  ici-bas,  en  attendant  de  le  faire  soit 
dans  le  Walhalla,  attablés  avec  Wodan,  soit  dans  l'arbre  de 
Yama.  La  boisson  jouait,  donc,  (certainement  un  rôle  dans  l'of- 
frande, d'autant  plus  que  l'on  savait  les  dieux  célestes  très 
friands  du  breuvage  d'immortalité  (à,a3po7i.'a)  contenu  dans  le 
merveilleux  graal  du  ciel  :  la  lune  qu'ils  vidaient  tous  les  mois, 
mais  qui  se  remplissait  toujours  à  nouveau. 

iLes  Grecs  racontaient  encore  que  Kronos  s'était  enivré  d'hy- 
dromel. Toutefois,  ce  liquide  fut  remplacé  chez  les  divers  peuples 
par  leur  lioisson  favorite  :  le  vin  en  Italie  et  en  Grèce  (celui-ci 
continuant  du  reste  à  s'appeler  ijàH-j  —  ail.  Met,  «  hydromel  »), 
la  bière  en  Germanie  ;  «  eos  sacrificium  profanum  litare  velle, 
vasque  magnum  quod  v'ulgo  cupam  vacant,  quod  viginti  et  sex 
modios  aiiiplius  minusve  capiebat,  cerevisia  plénum  in  medio 
habebant  posituiii.  Ad  quod  vir  Dei  accessit  et  sciscitatur  quid  de 
illo  fieri  vellml  ?  Illi  aitinl  :  deo  suo  Wodano,  quem,  Mercurium 
vacant  alii,  se  velle  litare  »    (1). 

Les  Perses  et  les  Hindous  emploient  le  soyna  (=  zend  : 
haoma),  dont  l'identité  botanique  est  inconnue,  car  aujourd'hui 
l'on  se  sert  sous  ce  nom  de  plantes  diverses  (le  nom  signifie 
simplement   :   «  jus  distillé   »),  mais   que  dans  les  plus  vieux 


(1)    COLUMBANUS,  citê  par  Grimm,  Mythol.,  t.   I   (S*^  éd.),   p.   49. 


LE    SACRIFICE    ET    LES    INDO-ëUROPÉENS  275 

textes  on  appelle  encore  parfois  madhu,  «  hydromel  »  (1),  bien 
que  le  terme  de  madliu,  chez  les  Hindous,  s'applique  plus  pro- 
prement à  la  boisson  même  tirée  du  miel,  qui  continua  long- 
temps à  jouer  ce  rôle  dans  le  culte  populaire,  à  l'époque  où  le 
sacrifice  officiel  et  principal  des  Brahmanes  et  des  riches  pré- 
férait le  soma.  Le  Rig-Veda  parle  en  tous  cas  d'une  offrande  de 
madhu  aux  Açvins,  divinités  correspondant  aux  Dioscures. 

Le  so7na  paraît  avoir  été  souvent  extrait  d'une  plante  des 
montagnes  appelée  par  les  botanistes  sarcostemma  acidum. 

Le  rôle  du  feu.  —  On  se  rappelle  que  Tabsence  de  feu  sacri- 
ficiel était  le  trait  le  plus  remarquable  de  l'antique  rituel  des 
Indo-iEuropéens,  si  on  le  compare  à  celui,  non  seulement  des 
peuples  méditerranéens,  mais  des  Hindous.  Le  feu,  en  effet, 
avons-nous  vu,  ne  jouait  d'autre  rôle  dans  l'oblation  que  de 
préparer  le  repas  des  dieux,  comme  on  eût  procédé  pour  celui 
des  hommes. 

Il  y  avait  toutefois  des  circonstances  où  la  combustion  avait 
une  signification  plus  directement  religieuse.  Dès  les  temps  les 
plus  anciens,  semble-t-il,  on  faisait  des  offrandes  au  feu  lui- 
même. 

On  sait  que  le  feu  était  l'objet  d'une  vénération  spéciale,  et, 
en  particulier,  celui  du  foyer,  VHestia  des  Grecs,  que  les  Li- 
thuaniens appellent  Vgnis  Sventd.  Ces  derniers  y  voyaient  la 
«  maîtresse  du  logis  ».  Ce  terme  est  également  employé  par 
les  Indiens  (grliapati) ,  qui  s'adressent  à  leur  agiii  (=  lith. 
ugnis  —  lat.  ignis)  comme  à  1'  «  ami  »  {atithi) ,  le  «  protecteur 
do  la  maison  »,  1'  «  ancêtre  ».  11  est  comme  la  vie  de  la  famille, 
qui  se  continue  sans  interruption  à  travers  les  générations.  Il 
est  une  des  plus  mervei'lleuses  manifestations  do  la  vie  ou  force 
divine  qui  anime  le  monde. 

Dans  toutes  les  occasions  mémorables  de  Texistence,  on 
invoquait  cet  «  ami  »,  notamment  lors  d'un  mariage.  Les  grains 
d'orge  que  l'époux  mettait  dans  les  mains  de  sa  femme  avaient 
d'abord  passé  au  feu,  ce  qui  assurait  une  union  plus  complète 
des  jeunes  mariés.  Le  dixième  jour  après  la  naissance  d'un 
enfant,  on  sacrifiait  à  Agni.  On  répandait  sur  lui  du  beurre  pour 


(1^    Sciiî'.ADEn,    L('xikon_    s.    v.    Opj  r     r.     602. 


270  A.-.I.  CAR.XOY 

le  faire  crépiter  en  disant  :  «  Comme  un  père  protège  son  tils, 
garde,  ô  Agni,  cet  enfant  »    (1). 

Agni,  comme  source  de  vie,  devait  faire  prospérer  le  bétail  et 
les  cultures. 

De  même  que  les  Hindous,  les  Germains  nourrissaient  le 
feu,  notamment  le  jour  de  Noël  (2).  On  jetait  dans  le  foyer 
une  portion  de  tout  ce  que  l'on  mangeait,  en  criant  :  «  Vois, 
feu,  tu  as  mangé  avec  nous  ;  sois-nous  fidèle  durant  Tannée  !  >> 

En  Bohême,  les  miettes  des  repas  appartiennent  au  feu  et 
il  est  impie  de  cracher  sur  celui-ci.  Dans  le  Telemarken.  on 
jette  un  peu  de  cr-ème  de  lait  dans  le  feu  en  criant  :  «  Loki  !  »  (3). 

De  même  qu'il  y  avait  des  foyers  de  famille,  il  y  en  avait 
pour  les  villages  et  les  tribus,  entourés  d'une  vénération  et, 
probablement  déjà  chez  les  Indo-Européens,  d'une  attention 
spéciale.  Ce  que  les  Vestales  de  Rome  devaient  garder,  c'était 
en  somme  le  foyer  de  la  ville. 

Il  semble  que  les  Indo-Iraniens  aient  encore  donné  plus 
d'importance  à  ce  culte  du  feu.  On  sait  notamment  que  les 
Mazidéens  ont  reçu  le  nom  d"  «  adorateurs  du  feu  »,  à  cause 
de  la  grande  importance  que  ce  culte  occupait  parmi  eux.  Il 
était  l'élément  par  excellence,  la  plus  belle  manifestation 
d'Ahiira.  D'après  les  aspects  qu'il  revêtait,  on  le  nommait 
successivement  :  «  l'ami  »  qui  entretient  la  chaleur  du  corps, 
<c  l'admirable  »  qui  fait  vivre  les  plantes  et  s'échappe  d'elles 
sous  forme  de  flamme  par  friction,  u  l'excellent  »,  c'est-à-dire 
réclair  qui  purifie  le  ciel,  le  «  très  saint  »,  qui  brille  en  pré- 
sence d'Ahura  Mazda. 

Or,  dans  l'Iran  et  dans  l'Inde,  les  Atharvan  ou  «  prêtres  du 
feu  »  deviennent  les  prêtres  par  excellence.  Ce  sont  eux  qui, 
à  l'époque  védique,  apparaissent  comme  les  officiants  normaux 
du  sacrifice. 

Cette  seule  circonstance  pourrait  suffire  à  expliquer  qu'une 
combinaison  se  soit  produite  entre  le  sacrifice  carné  et  celui 
du  feu.  C;^lle-ci  avait,  du  reste,  d'autant  plus  de  chance  de  se 
réaliser  que  le  feu   intervenait  déjià  : 

1°  comme  moyen  de  préparer  le  repas  divin, 


(1)  Oldenberg,   Die   Religion   des    Veda,   p.    131. 

(2)  Von'  ScHROEDER,   Arische    Religion,   t.    II,    p.    577. 

(3)  lUd.,   t.    II,    p.    549. 


LE    SACRIFICE    ET    LES    INDO-EUROPÉENS  277 

2°  comme  deslraicfeur  des  aliments  devenus  sacrés  par  la 
cérémonie, 

3"  comme  conjurateur  des  forces  mauvaises  qui  eussent  pu 
empêcher  l'efficacité  de  l'opération.  De  tout  temps  le  feu  a  été 
employé  comme  un  moyen  d'éloigner  les  bêtes  sauvages  et 
tous  les  ennemis. 

Li's  sarrificps  indiens.  —  Le  sacrifice  indien,  tel  qu'il  nous 
apparaît,  déjà  fort  complexe  >k  Tépoque  védique  et,  bien  plus 
encore,  dans  la  période  suivante,  est  donc  né  d'une  combinaison 
des  rites  très  simples  du  sacrifice  sanglant  des  Indo-Européens 
avec  ceux  qui  se  rapportaient  au  culte  du  breuvage  de  vie  et 
à  celui  du  feu,  d'autre  part.  Les  Indiens  connaissaient,  toute- 
fois, un  grand  nomltre  d'espèces  de  sacrifices,  parmi  lesquels 
celui  du  soma  jouait  le  rôle  principal. 

On  distinguait  des  sacrifices  privés,  qui  se  faisaient  sur  le 
feu  du  foyer,  et  des  sacrifices  publics.  Les  premiers  compre- 
naient les  partages  de  nourriture  du  type  ancien,  déjà  décrit, 
et  des  offrandes  aux  mânes  des  ancêtres  {çrâddlia') .  Les  sacri- 
fices publics  étaient  beaucoup  plus  solennels.  Ils  nécessitaient 
généralement  la  présence  de  trois  feux.  L'un  s'appelait  gàrha- 
patya.  «  feu  du  maître  de  la  maison  »,  et  représentait  l'ancien 
feu  du  foyer  :  le  second,  le  âhavaniya,  était  plus  proprement 
celui  des  offrandes,  celui  des  dieux,  par  lequel  ces  derniers 
recevaient  l'offrande  ;  le  troisième,  le  anvâhâryapacana.  était 
pour  les  mânes.  Il  devait  conlenffM-  i-e^i  derniers  et  éloigner  les 
mauvais  esprits. 

On  distinguait  pai'mi  c&s  gi'ands  sacrifices  :  le  liaviryajnn. 
qui  consistait  en  une  oblation  de  lait  et  de  beurre,  le  sacrifice 
du  cheval  et  celui  du  soma. 

Du  premier  type  était  notamment  la  cérémonie  qui  se  célé- 
brait à  la  pleine  lune  et  à  la  nouvelle  lune  (darsha-pûrnamâsa) . 
On  s'y  préparait   \\i\v  le  jeûne  et  la  continence. 

A  l'aurore  du  jour  choisi,  on  s'acquittait  comme  de  coutume 
du  agnihotra  ou  petite  offrande  de  beurre,  présentée  matin  et 
soir  au  feu.  On  préparait  un  gâteau  de  ri/,  et  d'orge  ;  on  élevait 
1  autel  {vf'di)  ;  on  consacrait  le  bois  ;  on  allumait  le  bûcher  et 
l'ftn  priait.  Suivaient  cinq  offrandes  de  beurre  et  la  présenta- 
tion de  deux  gâteaux.  Le  brouet  formé  de  ces  éléments  était 
cuit  dans  le  feu  igih'liapalya)  et  partagé  entre  les  divers  prêtres 


278  A.-J.   GARNOY 

et  les  sacrificateurs.  On  récitait  encore  des  litanies  ;  on  faisait 
des  pas  devant  le  feu  et  la  cérémonie  se  terminait. 

Le  «  sacrifice  du  cheval  »  était  le  principal  des  sacrifu-es 
sanglants.  Il  avait  conservé  un  caractère  bien  populaire  ;  le 
roi  y  prenait  part  avec  tout  le  peuple.  On  suppliait  les  dieux 
de  rendre  le  prince  victorieux.  Avec  le  temps  cette  cérémonie 
prit  des  proportions  considérables  et  s'accompagna  de  réjouis- 
sances populaires  et  de  récitations  épiques,  vm  peu  comme  dans 
les  centres  de  pèlerinage  du  moyen  âge. 

L'offravdr  du  sonia.  —  Le  sacrifice  par  excellence,  pourtant. 
celui  que  voulaient  s'accorder,  pour  se  régénérer,  ceux  qui  pou- 
vaient se  permettre  ce  luxe,  c'était  celui  du  soma.  Les  frais 
qu"il  occasionnait  ne  permettaient  pas  au  peuple  d'y  participer 
autrement  que  comme  témoin  ;  mais  il  constituait  la  res- 
source principale  des  prêtres,  qui  tenaient  à  on  répandre 
l'usage  parmi  les  gens  opulents. 

La  pratique  d'extraire  le  suc  de  quelques  branches  de  la 
plante  sacrée,  en  les  pilant  dans  un  mortier,  de  l'offrir  aux 
divinités  du  ciel,  d'en  prendre  une  partie. et  de  verser  le  reste 
sur  l'autel  du  feu,  remonte,  avons-nous  vu,  à  l'époque  indo- 
iranienne, car  les  peuples  de  l'ancienne  Perse  agissaient  de  Iti 
sorte.  Touteifois,  dans  ce  dernier  pays,  le  sacrifice  du  haoma, 
que  ZoROASTRE  essaya  du  reste  de  bannir,  ne  devint  jamais  le 
rite  essentiel  du  culte.  Au  contraire,  dans  l'Inde,  dès  l'époque 
védique,  et  plus  encore  dans  celle  qui  la  suivit,  il  se  développa 
au  point  de  constituer  sous  le  nom  d'agnistoma,  une  liturgie 
compliquée,  dans  laquelle  lieaucoup  de  pratiques,  d'origines 
diverses,  furent  absorbées. 

MM.  Caland  et  Henry  en  ont  donné  une  description  très 
complète  qui  peut  se  résumer  comme  suit. 

Après  quatre  journées  préparatoires,  le  sacrifice  s'accom- 
plissait en  un  jour,  une  fois  l'an,  vers  le  printemps.  Outre  le 
sacrifiant  et  sa  femme,  opéraient  seize  à  dix-huit  prêtres, 
parmi  lesquels  se  trouvaient  le  brahmane,  présidant  la  céré- 
monie et  veillant  è  ce  que  rites  'et  formules  ne  fussent  pas 
rendus   inefficaces   par   quelque   erreur. 

Tl  réparait  immédiatement  toute  faute  commise.  Le  hofar 
récitait  les  hymnes  ;  Yudgàtar  dirigeait  les  choeurs  ;  Vadhvaryu 
était  l'ofïiciant  le  plus  actif. On  choisissait  le  terrain  et  Ton  éle- 


LE    SACRIFICE    ET    LES    1ND0-EI"R0PÉENS  279 

vait  une  çaki.«  hutte  )>(!),  aver  une  ouverture  aux  quatre  points 
cardinaux.  On  apportait  le  nécessaire  :  peau  et  corne  d'antilope 
n')ire,  beurre  frais,  bâton  de  figuier,  gobelet,  pot  etc.  A  son 
ari'ivt'e  au  lieu  de  TotTrande,  le  sacrifiant  était  consacré  par  la 
cérémonie  de  la  dilisha.  On  lui  coupait  les  ongles  et  on  le  bai- 
gnait. Ensuite,-  on  oignait  son  corps  et  ses  yeux  avec  des 
parfums  destinés  à  conjurer  les  puissances  mauvaises. 

Le  sacrifiant  se  revêtait  ensuite  de  la  peau  d"antilope  noire 
el  prenait  en  main  le  bâton  de  figuier.  Son  épouse  recevait 
écralement  les  attributs  qui  lui  revenaient.  Le  prêtre  leur  faisait 
ali'rs  à  tous  les  deux  les  recommandations  nécessaires  à  la 
bonne  réussite  des  rites. 

L'adhvaryu  aspergeait  ensuite  la  joue  droite  du  sacrifiant  en 
criant  :  «  Que  les  eaux,  arrosent  pour  la  vie.  la  longue  vie.  la 
santé  ».  On  enfonçait  dans  sa  barbe  des  fétus  de  darhha  (.plante 
servant  à  faire  la  litière  destinée  à  recevoir  les  dieux  qui  ve- 
naient au  sacrifice)   ;  puis  Thomme  était  rasé. 

A  la  suite  de  ce  traitement,  le  sacrifiant  était  consacré,  mais 
devait  prendre  des  précautions  extraordinaires,  pour  ne  pas 
redevenir  impur.  Il  devait  même  réduire  sa  nourriture  au 
minimum. 

On  attendait  ainsi  le  jour  du  sacrifice.  Les  prêtres  prépa- 
raient celui-ci  par  l'achat  de  nombreux  accessoires  et  d'une 
vache  destinée  à  être  échangée  contre  la  plante  merveilleuse. 

Quand  on  s'était  procuré  le  soma,  on  débarrassait  celui-ci 
des  briniilles  étrangères  qui  s'attachaient  à  ses  feuilles. 
On  le  chargeait  sur  un  chariot  attelé  de  deux  bœufs,  en  pro- 
nonçant ces  paroles  :  «  Levé  avec  la  vie,  la  bonne  vie,  levé 
avec  le  suc  des  plantes,  levé  avec  la  vigueur  de  Parjanya  (dieu 
de  l'orage  et  de  la  pluie),  je  me  suis  levé  à.  la  suite  des  immor- 
tels ». 

'A  l'endroit  du  sacrifice,  on  faisait  gonfler  le  soma  en  l'as- 
pergeant d'eau  chaude.  On  convoquait  ensuite  tous  les  dieux  et 
déesses  à  la  cérémonie  du  |)ressurage  et  on  achevait  la  consé- 
cration du  sacrifiant  qui,  le  cinquième  jour',  complètement  pu- 
rifié, pouvait  s'acquitter  des  rites  sacrés. 

Ceux-ci  commençaient  le  cinquième  jour. 

Les  tiges  de  souki.  arrosées  d'eau   lustrale,  étaient  frappées 


(1)   Le  mot  est  étymologiciuemcnt  le  nu'me  que  l'anglais  haU. 


280  A.-J.   CARNOY 

avec  des  pierres,  tant  qu'il  en  sortait  du  suc.  La  liqueur  obtenue 
de  la  sorte  était  filtrée,  avec  accompagnement  de  prières  et 
d'hymnes.  Ceux-ci  étaient  pleins  des  louanges  du  soma  ou  des 
divinités  auxquelles  on  adressait  le  sacrifice.  Les  gouttes  de 
soma  tombant  sous  le  coup  des  pierres  étaient  comparées  aux 
eaux  du  ciel  et  aux  grandes  forces  de  la  nature. 

On  sait,  en  effet,  que  le  soma  de  la  terre  n'était  qu'une  incar- 
nation de  celui  du  ciel,  et  que  le  sacrifice  notamment  avait 
pour  but  d'assurer  la  prospérité  du  sacrifiant,  laquelle  dans 
l'Jnde  dépend   toujours  grandement  de  la  pluie. 

Les  trois  feux,  les  ornements  des  prêtres,  les  nombreiix 
ustensiles,  l'autel,  l'extraction  du  suc  du  soma,  les  prières  et 
les  chœurs  contribuaient  à  donner  à  tout  ce  cérémonial  un 
caractère  assez  grandiose. 

But  pt  inspiration  du  sacrifice  indien.  —  Quant  à  l'efTicacité  et 
au  but  du  sacrifice,  il  ne  semble  pas,  en  dépit  des  théories  cou- 
rantes, que  les  Indiens  de  l'époque  ancienne  aient  donné  une 
valeur  magique  à  leur  offrande. 

L'intention  le  plus  souvent  et  le  plus  neitement  marquée 
était  de  régaler  les  dieux,  en  leur  offrant  nourriture,  boisson, 
parfum  et  un  bon  siège.  Les  paroles  qui  accompagnaient  les 
rites  étaient  des  invitations  et  des  louanges.  Ce  qu'on  cherchait, 
c'était  la  faveur  du  dieu  ;  c'était  son  amitié. 

Mais  de  même  qu'on  ne  fête  et  flatte  les  puissants  de  la 
terre  que  par  espoir  d'être  aussi  bien  traité  par  eux.  ainsi 
également,  tout  en  engageant  les  dieux  à  profiter  de  l'aubaine. 
on  leur  disait  clairement  qu'on  espérait  la  réciprocité  :  «  dehi 
me;  dadâmi  te;  donne-moi  comme  je  te  donne  ».  «  Bois,  fortifie- 
toi  ;  ce  soma  que  l'on  presse  est  pour  toi,  Indra,  maintenant  et 
toujours.  De  même  que  tu  as  bu  l'antique  snma,  ô  Indra,  bois 
aussi  le  nouveau,  toi  que  nous  louons...  Mais,  allons  !  personne 
ne  t'empêchera  !  Nous  te  connaissons,  toi  le  maîti'e  des  trésors, 
Indra,  accorde-nous  ton  bienfait  le  plus  grand,  Seigneur,  des 
cavales  fauves  »  (1).  Plus  clair  et  plus  bref  encore  est  cet 
appel  :  «  Goûte  donc  ce  soma  ;  apaise  ton  désir  et  ensuite  que 
ce  soit  ton  bon  plaisir  de  répandre  tes  trésors  «    (2). 

(1)  RV,  III.  36,   39.   (Oldenberg,  o.  c,  p.   309). 

(2)  RV,   J,    54,    9. 


LE    SACRIFICE    ET    LES    INUO-EUROPBENS  281 

A  côté  lie  cette  recherche  de  biens  matériels,  on  trouve  fré- 
quemment aussi  l'espoir  de  donner  satisfaction  pour  une  faute 
(sacrifice  d"expiation). 

Peu  à  peu,  on  voit  prévaloir  une  conception  plus  mécanique, 
plus  magique  de  l'action  du  sacrifice.  Un  prêtre,  par  exemple, 
dit  à  Iticira  :  «  Qu'un  autre  ne  s'empare  pas  de  toi  comme  un 
oiseleur  d'un  oiseau  !   »    (1). 

Ces  textes  sont  toutefois  assez  rares  dans  le  Vedn.  où  l'on  voit 
pourtant  s'ébaucher  la  conception  qui  fait  du  sacrifice  un  mo- 
teur des  dieux  et  du  monde  et  le  centre  même  de  toute  religion. 

Les  [>lus  anciens  hj-mnes  sont  encore  souvent  adressés  à 
Varuna,  à  Mitra  ou  à  d'autres  divinités,  jouant  un  rôle  plus  im- 
portant dans  les  croyances  que  dans  le  rituel;  mais  on  s'aperçoit 
que,  de  plus  en  plus,  les  prières  s'adressent  au  soma  person- 
nifié, à  Agiii,  «  le  feu  »,  qui  apparaît  dès  lors  avant  tout  comme 
le  «  Messager  »,  à  l'slias,  «  l'Aurore  »,  dans  sa  fonction  de 
donneuse  du  signal  pour  le  sacrifice. 

Indra,  le  dieu  fort  et  guerrier,  qui  l'emporte  au  ciel  dans  la 
lutte  contre  les  dragons,  retenant  les  eaux  prisonnières  et  qui 
accorde  sur  terre  la  victoire  à  ses  fidèles,  est  le  dieu  par  excel- 
lence de  cette  nouvelle  période  et  celui  auquel  on  offre  le  plus 
grand  nombre  de  sacrifices,  parce  que  c'est  le  favori  de  la 
classe  des  princes,  qui  faisaient  les  frais  des  grandes  cérémo- 
nies que  nous  avons  décrites.  Indra,  du  reste,  c'est  le  grand 
buveur  de  soma.  Il  s'est  abreuvé  pour  augmenter  sa  force. 
Quand  il  est  ivre,  il  tue  les  démons  par  milliers.  Le  sacrifice 
du  soma,  c'est  donc,  bien  souvent  et  bien  naturellement,  celui 
d'Indra.  Le  védisme  est  donc  une  sorte  de  polythéisme  ritua- 
liste.  Dans  les  Brdhmanas,  cela  devient  du  ritualisme  cosmique. 
En  effet,  on  se  représente  désormais  le  sacrifice  comme  néces- 
saire aux  dieux,  pour  qu'ils  puissent  remplir  les  fonctions  que 
cette  opération  les  oblige,  d'autre  part,  fatalement  à  exécuter. 
Qui  otlicie  selon  toutes  les  règles  lie  le  dieu.  Mais  si  les  dieux 
ne  sont  plus  que  les  agents  d'une  activité  dépendant  du  sacri- 
fice, ils  deviennent  superflus  :  l'acte  rituel  peut  tout.  On  le 
considère  comme  mettant  le  monde  entier  en  mouvement, 
comme  le  pivot  de  l'univers. 

(1)  Jbid,  45,  1. 


282  A.-J.   CARNOY 

Le  sarrificc  à  l'époque  brahmanique.  —  Les  exagérations  du 
rituel  I  osl-védique  et  son  caractère  trop  nettement  aristocra- 
tique amenèrent  sa  décadence  et  sa  disparition.  Il  ne  fut  toute- 
fois jamais  aboli  ;  le  Veda  continue  encore,  en  théorie,  à  être 
la  règle,  le  livre  sacré.  En  conséquence,  l'excellence  du  sacri- 
fice des  trois  feux  et  du  sorna  est  toujours  proclamée,  de  nos 
jours  comme  à  la  grande  époque  ;  mais,  en  pratique,  seuls 
quelques  enthousiastes  ont  de  temps  à  autre  essayé  de  ressusci- 
ter ces  rites. 

Naturelle'iient.  cette  disparition  fut  graduelle.  Il  est  assez 
curieux  qu'elle  ait  été  favorisée  par  l'augmentation  même  du 
pouvcML'  des  prêtres.  En  effet,  ceux-ci,  qui  d'abord  n'él:u''Ut 
indispensables  que  pour  les  grands  sacrifices,  imposèrent  leur 
présence  à  toutes  les  cérémonies  dir  culte  domestique. Ce  dernier 
leur  assura  donc  également  des  revenus,  qui  leur  permirent  de 
renoncer  peu  à  peu  aux  pratiques  par  trop  coûteuses  du  grand 
sacrifice.  Dans  la  littérature  post-védique  apparaissent  les 
gr  .  hya  sùlras,  où  Ton  donne  les  règles  et  les  formules  pour 
douze  cérémonies  remontant  à  des  usage-s  fort  anciens  et  que 
l'on  n(jmme  ■■saniskûras.  Ils  tiennent  dans  la  vie  de  l'Indien. 
mutatis  mutandis,  plus  ou  moins,  la  place  de  nos  sacrements. 

'Ge  sont  des  cérémonies  et  des  offrandes  que  Ton  fait  à  la 
naissî.nce,  à  l'imposition  du  nom,  à  la  puberté,  au  début  de 
l'initiation  aux  doctrines  religieuses,  au  mariage  etc.  Il  faut  y 
joindre  les  rites  funéraires  et  les  sacrifices  aux  ancêtres. 

Chaque  caste  est  astreinte,  dans  des  proportions  et  sous  des 
f(UMues  différentes,  à  accomplir  ces  rites,  qui  constituent  la 
condition  sine  qua  non  de  l'appartenance  à  ces  classes  à  la  fois 
religieuses  et  sociales. 

'Ce  formalisme  est  aussi  rigoureux  que  la  pensée  et  la  dévo- 
tion même  sont  libres,  car  il  n"est  pas  rare  que,  tout  en  restant 
dans  sa  caste,  en  en  pratiquant  les  ol)ligations,  on  soit  spirituel- 
lement l'adhérent  d'une  secte  hindouiste.  Le  caractère  pan- 
théiste et  avatârique  du  brahmanisme  se  prête  en  effet  à  bien 
des  combinaisons. 

Ce  qui  importe,  pour  rester  orthodoxe,  c'est  de  recourir  pour 
le  culte  à  l'office  des  Brahmanes,  de  reconnaître  leur  supré- 
matie sociale  et  d'admettre  en  principe  que  le  Veda  est  suprême. 
C'est  parce   qu'ils   refusent   expressément  de   s'incliner   devanl 


LE    SACRIFICE    ET    LES    INDO-EUROPÉENS  283 

ces  dcxgnies  essentieLs  que  les  bouiddhistes  et  les  jaïnisLes  ^sont 
hérétiques,  tandis  que  les  çivaïtes  et  les  vishnouïsles  sont 
orthodoxes. 

Ces  deux  dernières  sectes  comptent  aujourcriiui  un  très 
grand  nnnil)re  d'adhérents  parmi  les  fidèles. du  brahmanisme. 
Ils  admettent  du  reste  les  conceptions  essentielles  de  la  reli- 
gion de  rinde,  avec  son  pessimisme,  sa  foi  dans  la  métempsy- 
cose et  le  karma,  l'aspiration  vers  le  détachement  des  désirs  et 
de  Texistence  personnelle  ;  mais  leur  culte  est  simplifié  et 
s'adresse  de  préférence  à  une  divinité  déterminée  Çiva  ou 
Viskriu,  dans  laquelle  actuellement  les  Brahmes  voient  une 
incarnation  de  la  divinité  panthéistique. 

La  rite  des  offrandes  est,  dans  ce  culte,  réduit  à  très  peu  de 
chose  :  on  dépose  des  fleurs,  des  mets  ou  d'autres  présents 
devant  les  images  des  dieux.  On  se  contente  même  souvent  de 
simulacres  d'animaux   (comme  nous  faisons  pour  les  cx-votn) . 

Rôle  du  sacerdoce  dans  Vlndr  et  VIran.  —  Dans  cette  histoire 
du  sacrifice  chez  les  Hindous,  on  est  i)articulièrement  frappé 
de  l'importance  jouée  par  le  sacerdoce  ;  celle-ci  atteint  son 
maximum  à  l'époque  post-védique,  quand  les  princes  eurent 
chacun  leur  'pui'oliita  ou  chapelain,  qui  exerçait  une  influence 
considérable  sur  le  gouvernement. 

iCe  résultat  fut  l'aboutissement  d'une  évolution  qu'on  voit  se 
dessiner  dans  le  Yeda.  Au  fur  et  à  mesure  que  les  hymnes  à 
Agni,  Indra  et  Soma  augmentent  en  nombre,  on  voit  les  préten- 
tions des  brahmanes  s'affirmer.  Ils  revendiquent  une  origine 
divine  et  leur  présence  aux  sacrifices  devient  d'autant  plus 
nécessaire  que  ceux-ci  deviennent  plus  traditionnels  et  com- 
pliqués. Gomme  le  sacrifice  est  suprême,  eux  aussi  sont  tout 
puissants,  dit  le  Yeda  (1),  mais  en  termes  voilés.  «  Je  te  de- 
mande où  sont  les  extrémités  de  la  terre,  où  est  son  centre,  où 
est  la  semence  de  Tétalon?  Je  te  demande  où  est  le  ciel  suprême 
de  la  parole  ?  »,  ce  qui  signifie  :  «  Cet  autel  est  l'extrémité 
du  inonde  ;  ce  sacrifice  est  le  centre  de  l'univers  ;  ce  soma  est 
la  semence  de  l'étalon  ;  ce  Brahmane  (qui  ollicie)  est  le  cîel 
sujjrême.  » 

Si  le  rôle  des  |  rêtres  n'a  cessé  d'augmenl(M'  en   importance 

(1)   RV,   I,    164,    34,    35. 


284  A.-J.   CARNOY 

à  réi)oque  post-védique,  les  origines  de  leur  pouvoir  sont  non 
seulement  védiques,  mais  pré-védiques,  car  la  présence  de 
Vafharvan  (prêtre  du  feu)  au  sacrifice  est,  avons-nous  vu, 
signalée  aussi  loin  que  nous  pouvons  remonter  dans  l'histoire 
à  la  fuis  de  riraij  et  de  l'Inde.  Hérodotk  ne  nous  dit-il  pas 
qu'ils  doivent  lire  une  «  théogonie  »,  pour  que  la  cérémonie 
soit  eflicaoe  ?  Il  s'agissait  sans  doute  d'un  yasht.  c'est-à-dire 
d'un  hymne  adressé  à  quelque  divinité,  ou  plutôt  de  quelque 
récit  se  l'apportant  aux  sacrificateurs  mythiques  :  Yima  ou 
Thraêtaona.  Le  rôlf^  du  pr-ètre  est  dcmc  avant  tout  de  pro- 
noncer dos  mantras.  Le  sens  de  ce,  mot  oscille  sans  cesse  entre 
celui  de  «  prière  »  et  de  «  formule  magique  ».  Si  le  R'm- 
Vr'da  est  surtout  un  recueil  de  prières,  VAtkarva-Veda  est  on 
grande  partie  une  collection  de  textes  à  vertu  magique  et  ces 
deux  aspects  de  l'attitude  de  l'homme  envers  le  surnaturel  ou 
le  préternaturel  ne  cessent  d'exister  côte  à  côte. 

Chez  les  Iraniens,  le  prêtre  en  général  s'appelle  «  prêtre  du 
feu  »,  comme  dans  l'Inde  {atharvan) ,  ce  qui  s'explique  par 
l'importance  si  considérahle  jouée  par  le  culte  du  feu  dans  ces 
deux  religions.  Mais  on  dit  aussi  «  brahmane  »  dans  l'Inde  et 
«  mage  »  dans  l'Iran.  Le  sens  primitif  du  premiier  de  ces  termes 
peut  se  deviner  par  la  comparaison  avec  l'irlandais  bricht  et 
le  Scandinave  brag,  qui  désignent  l'art  de  composer  des  vers  à 
force  mystérieuse,  des  énigmes,  des  prières  efficaces.  Wodan 
par  exemple,  comne  dieu  du  vent,  est  dit  être  le  premier  de 
tous  les  chantres  et  inventer  sans  cesse  de  nouveaux  brags  tout- 
puissants.  Nous  savons,  depuis  des  découvertes  récentes,  que 
k's  prêtres  (ie  la  Sogdiane  s'appelaient  aussi  «  réciteurs  de 
brags  »  {balysa).  tout  comme  ceux  de  l'Inde  brahman.  c'est-à- 
dire  ceux  qui  prononcent  le  brahman.  «  prière,  formule  ». 

L'étymologie  du  mot  mogu,  «  mage  »,  est  moins  claire.  Il  y 
a  quelques  années,  l'auteur  de  cette  communication  s'est  efforcé 
de  démontrer  que  ce  nom  était  parent  de  celui  du  médecin 
mythique   grec  Ma/iwv    et  du   mot  :j.T,/avT,    «   procédé   ». 

Il  est  en  tout  i-as  de  fait  que  les  anciens  décrivent  le  mage 
comme  pratiquant  sur  une  grande  échelle  la  magie  autant  que 
le  culte. 

Sacerdoce  indo-eiiropiéeii.  —  Si  nous  consultons  la  termino- 
logie des  autres  peuples,  nous  constatons  que  le  prêtre  y  appa- 


LE    SACRIFICE    ET    LES    INDO-El'ROPÉENS  285 

raît  avant  tout  comme  celui  qui  a  une  science  spéciale.  De 
même  que  l'Inde  a  son  Vrda  et  l'Iran  son  Avpsta,  mots  dérivés 
de  la  racine  de  néeii.  weten,  ail.  wissen,  les  magiciens  de  l'an- 
cienne Prusse  étaient  des  Waidler.  les  sorciers  russes  étaient  des 
vedunu,  les  prêtres  des  Celtes  étaient  des  dru-wida.  «  druides  », 
c'est-ià-dire  des  gens  d'un  grand  savoir.  Ceci  nous  fait  re- 
monter, au  moins  en  imagination,  à  une  époque  où  les  Indo- 
Européens  avaient,  comme  les  autres  peuples  de  l'Asie  cen- 
trale, des  sortes  de  chamanes,  détenteurs  d'un  savoir  tradition- 
nel et  professionnel  d'un  caractère  magico-religieux.  Une 
correspondance  assez  frappante  entre  le  rythme  des  vers  du 
Veda,  celui  des  formules  de  la  Sogdiane  et,  dans  son  "principe 
au  moins,  la  versification  grecque  permet  de  croire  que  cette 
«  science  »  se  composait  de  formules  versifiées,  se  transmettant 
oralement  du  maître  au  disciple,  comme  l'art  de  bien  sacrifier. 
Les  anciens  nous  disent  que  les  prêtres  gètes  professaient  une 
doctrine  sur  l'immortalité,  et  que  leur  enseignement  rappelait, 
comme  celui  des  druideç,  les  idées  de  Pythagore.  Les  mages 
de  l'Iran  mettaient  l'idée  de  résurrection  fort  en  évidence  et 
s'occupaient  de  la  formation  du  monde.  La  correspondance 
entre  ces  divers  enseignements  sacrés  et  mystérieux  ne  doit 
pas  nous  entraîner  toutefois  à  croire  à  la  transmission  depuis 
l'époque  indo-européenne  d'idées  élevées,  par  un  sacerdoce  bien 
constitué. 

D'autre  part,  il  ne  faut  pas  non  plus  négliger  complètement 
cet  indice.  Il  est  de  fait  que,  dès  l'an  2000  av.  J.-G.  environ,  les 
Indo-Iraniens  avaient  déjà  des  familles  de  prêtres  transmettant 
un  enseignement,  et  parmi  lesquelles  se  sont  recrutés  non  seu- 
lement les  brahmanes,  mais  les  divers  réformateurs  de  l'Inde 
et  notamment  Zoroastre.  Sans  doute,  les  anciens  chamanes 
de  la  tribu  indo-européenne  formaient-ils  déjà,  avant  la  dis- 
persion, une  profession  héréditaire,  se  transmettant  une  science 
mystérieuse  mais  très  élémentaire  sur  ce  que  deviennent  les 
morts  et  sur  la  manière  de  s'assurer  la  faveur  ou  la  puissance 
des  dieux  ou  des  esprits,  ainsi  que  des  remèdes  et  des  incan- 
tations. Le  culte  proprement  dit  était  indépendant  de  ces  «  hom- 
mes de  science  ».  C'était  le  père  de  famille,  le  chef  de  la  tribu 
qui  faisait  le  sacrifice  et  les  prières.  Le  culte  grec  et  romain, 
par  exemple,  est  resté  plus  indépendant  du  sacerdoce  profes- 


286  A.-J.  CARNOY 

sionnel,  bien  qu'il  connût  également  des  collèges  cVArvales  et 
de  Salii,  à  Rome,  des  servants  de  certains  cultes  déterminés, 
en  Grèce,  tels  que  les  Sellai  de  Dodone  et  les  Euniolpùlai  d'Eleu- 
sis, semblables  aux  Gode  des  Germains  et  aux  Gutuatri  des 
Celtes.  Dans  d'autres  régions,  au  contraire,  au  fur  et  à  mesure 
que  le  culte  devenait  moins  simple  et  moins  spontané,  on 
recourait,  comme  dans  l'Inde  et  en  Perse,  aux  services  des 
professionnels. 

Ici  encore,  nous  voyons  que  le  caractère  réellement  religieux, 
sincère,  spontané  du  culte  et  de  la  prière  peut  dégénérer  dans 
le  sens  de  la  magie,  non  seulement  par  suite  de  l'état  d'esprit 
animiste,  mais  par  le  formalisme  qui  guette  tout  culte  qui  a 
une  histoire. 

En  dépit  des  différences  de  civilisation,  l'àmo  humaine  reste 
toujours  trop  semblable  à  elle-même  pour  que  les  diverses 
attitudes  avec  lesquelles  elle  se  tourne  vers  la  divinité  ne 
coexistent  point  en  quelque  manière  et  ne  puissent  reprendre 
le  dessus  d'après  les  circonstances  et  les  milieux,  dans  des 
p]  oportions  et  des  formes  différentes.  Le  pire  polythéiste,  pé- 
n;'tré  d'animisme,  sous  le  coup  de  certaines  émotions,  s'adres- 
sera à  un  dieu  suprême  comme  nous  pourrions  le  faire,  tandis 
que  beaucoup  de  nos  frères  et  contemporains  ont  par  moments 
de  la  religion  une  conception,  sinon  magique,  du  moins  méca- 
nique et  formaliste  qui  aboutit  à  des  gestes  et  des  actes  fort 
semblables  à  ceux  des  primitifs.  Ce  qui  caractérise  les  périodes 
de  pensée  religieuse,  c'est  la  prévalence  relative,  mais  seule- 
ment relative  de  certaines  attitudes.  Les  étages  de  ce  qu'on 
appelle  l'évolution  religieuse  se  trouvent,  en  réalité,  dans  la 
psyché  de  chacun  d'entre  nous. 

BIBL.  —  A.  Barth,  Les  religions  dr  l'Inde  (Encyclopédie  des  Sciences  reli- 
gieuses de  LiciiTENBERGER,  1879,  t.  VI,  p.  512-649  ;  traduct.  anglaise  par  Wood, 
5^  édit,  Londres,  Routledge,  1922  ;  réédit.  française  dans  A.  Barth,  Quarante 
ems  d'Indianisme,  in-S",  Paris,  Leroux,  1914,  t.  I,  p.  1-255  —  H.  Oldenberg, 
Die  Religion  des  Veda,  in-S",  Berlin,  Hertz,  1894  ;  2»  édit.,  Stuttgart,  Cotta, 
1917  ;  trad.  française  par  V.  Henry,  Paris,  1903  —  E.  W.  Hopkins,  The 
Religions  of  India,  in-S»,  Boston,  Ginn,  1895  ;  Londres,  Arnold.  1896  — 
W.  Caland  et  V.  Henry,  L'Agnistoma,  2  in-8'',  Paris,  Leroux,  1906-1907  — 
E.  Hardy-,  Die  Vedisch-hrahmanische  Période  der  Relig.  des  alten  Indien», 
in-8».  Munster  i.  W.,  Aschendorff,  1893  —  A.  Hillebrandt,  Rituallitteratur  ; 
Vedische    Opfer   und    Zauber,    ln-8»,    Strasbourg-,    Trlibner,    1897    —    L.    de    la 


DAS    UPPER    BEI    DEX    SIJMEHO-AKKADERN  287 

Vallée-Poussin,  Le  Védisme,  ln-16,  Paris,  Bloud,  1909  —  J.  H.  Moulton, 
The  Treasure  of  the  Magi,  in-S»,  Oxford,  Milford,  1917  ■ —  M.  A.  Macdonell, 
Vcdic  Mythology,  in-S",  Strasbourg,  Triibner,  1897  —  A.-J.  Carnot  et  A.  B. 
Keith,  Indian    and   Iraniun    Mythology,   In-S",   Boston.    Marschall    Jones,    1917! 


[18]  Das  Opfer  bel  den  Sumero-Akkadern, 

von  Professer  Dr.  Johannes  Hehn  in  Wurzburg. 

Wenn  ich  das  gesumte  keilinscliriftliche  Malerial  und  aile 
sich  daran  anschliessenden  Fragen  hier  erùrtern  woilte,  so 
wûrden  niehrere  Stunden  rrforderlich  sein.  Denn  das  Opfer 
sleht,  wie  in  anderen  Religionen,  so  auch  bei  den  Sumerern 
und  Akkadern.  von  den  àltesten  Zeiten  an  im  Mitteipunkt  des 
religiosen  Lebens  und  beherrscht  den  gesamten  Kult  dieser 
VûlkerJ^ine  Définition  des  sumerisch-akkadischen  Opferbegrif- 
fes  ist  kaum  zu  geben.  Ueber  das  Wesen  des  Opfers  gaben  sich 
jene  Vulker  selbst  kaum  Rechenschaft.  Opfer,  Priester  und 
Tempel  gehùren  von  den  àltesten  Zeiten  an  zusammen.  Und 
wenn  ich  mit  einem  Satze  aussprechen  sollte,  was  jene  Leute 
mit  dem  Opfer  erstrebten,  so  wûrde  ieh  schwerlifh  alien  Bezie- 
hungen  gerecht  w-erden,  die  das  Opfer  in  sich  schliesst,  denn 
ûberall,  wo  man  in  Yerkehr  mit  den  Clotlern  triti,  seien  es  freu- 
dige  oder  traurige.ôflfent'liche  oder  private  Anlâsse,werden  Opfer 
dargebracht.  So  weit  wir  in  die  Jahrtausende  der  Geschichte 
des  Zweistromlandes  zurûckblicken  kônnen,  immer  und  ûberall 
bestanden  bei  jenen  Volkern  Tempel,  Priester  und  Opfer.  Was 
nûlzt  dem  Gotte  ein  sehones  Haus,  wenn  er  nicht  verehrt  wird 
und  wenn  er  nichts  zu  essen  bat  !  Das  Opfer  bedarf  so  wenig 
'einer  Begrûndung  wie  das  Gebet.  Wie  es  selbstverstàndlich 
i.'^t,  dass  man  einen  Gott  verehrt  und  anbetet,  so  ist  es  auch 
selbstverstàndlich,  dass  man  einen  so  màchtigen  Herrn  um 
seine  Hilfe  antleht  und  dass  man  ihn  durch  entsprechend» 
Geschenke  in  guter  Stimmung  erhàlt  oder  ihm  fur  seine  Hilfo 
dankt.  Dass  auch  in  dor  persischen  Zeit  das  Opferwesen  in 
Babel  noch  blûhte,  wussten  wir  schon  vor  der  Entzifferung  dei- 
Keilschrift  aus  dem  Bûche  Daniel,  das  erzâhlt,  dass  dem  baby- 
lonischen  Gotte  Bel  tàglich  zwulf  Malter  Weizenmehl,  vierzig 
Schafe  und  sechs  Krùge  Wein  dargebracht  wurden  {Daniel,  XW, 
2).  Wir  ersehen  aus  jenem  Berichte,  dass  das  Opfer  als  Speise 


288  J.    HEHN 

fi'ir  die  Gottlieit  dienen  sollte  und  das  stimmi  zu  den  Nachrich- 
Icn,  die  wir  aus  den  verschiedenen  Zeiten  der  sumerisehen 
Llnd  habyloniseli-assyrisc'hen  Gesehichte  haben.  «  Akalsu  akul, 
nigasu  muhunna  ;  iss  seine  Speise  ;  ni^mm  doch  an  sein  Opfer  », 
betet  der  Priester  am  Bette  des  Kranken  (IV  R  17,  54-55). 
Schon  in  den  altesten  Zeiten  war  man  darauf  bedacht,  der 
Gottheit  wurdige  Opfer  darzubringen,  durch  rrichliche  und 
kosfhare  Gaben  sie  freundlich  zu  slimmen;  dagegen  waren  Theo- 
rien  und  Système  jenen  Men&chen  fremd.  Wenn  wir  die  Fûlle 
der  Gaben  lesen,  die  Gudba,  der  Fiirst  von  Lagas  am  Neujahrs- 
tage  als  Vermàhlungsgesiohenke  fur  die  Gôtt-in  Bau  dar- 
brachte,  so  will  er  sich  seines  religiôsen  Eifers  rûhmen,  aber 
eine  Opferlheorie  ist  daraus  nicht  abzuleiten.  Um  Sie  mitten 
in  die  Gedankenwelt  der  Sumerer  bineinzufùhren,  will  ich  Ibnen 
hier  die  Gaben  anfûhren  deren  Darbringung  Gudea  der  bewun- 
dernden  Nachwelt  bericlitet.  Im  alten  Tempel  waren  die  Ver- 
màlilungsgeschenke  :  1  fetter  Ochse,  1  gemàsteter  Hammel, 
3  fette  Hammel,  6  mànnliche  Schafe,  2  Làmmer,  7  Kôrbe 
Datteln,  7  Tôpfe  Butter,  7  Palmmarke,  7  ...Feigen,  7  (Frucht)- 
Kuehen,  1  ...Gans,  7  Enten,  15  Hûhner,  60  ^urteltauben  (verteilt 
in)  15...,  60...  suhur -F ini-he,  (verteilt  inj  30...,  30  Talente..., 
7  Talente...,  60  Talente  e/'u-HoIz,  das  waren  die  Vermàhlungs- 
geschenke  der  Bau  im  alten  Tempel  frûher  (1).  Gudea  be- 
riclitet nun  genau,  wie  er  dièse  Gaben  vermehrt  hat.  Statt 
clncs  fetten  Ochsen  spendet  er  zwei  ;  statt  eines  gemàsteten 
Hammels  zwei  u.  s.  w.  Es  sind  dieselben  Gaben,  nur  in  grôsserer 
Menge,  ein  Beweis  dafûr,  dass  man  sehon  in  der  sumerisehen 
Zeit  glaubte,  durch  môglichst  reiclie  Opfer  die  Gottheit  zu 
verherrlichen  und  sich  ihr  Wohlgeifallen  zu  erwerben. 

Die  babylonischen  und  assyrischen  Konige  fûhren  unter  ihren 
Friedenswerken  vor  allem  ihre  Tempel-  und  Palastbauten  auf 
und  werden  nicht  miide  hervorzuheben,  wie  herrlich  sie  die 
Tempel  ausgeschmûckt  haben.  In  diesem  Zusammenhang  ver- 
gessen  sic  nicht,  zu  erzâhlen,  dass  sie  die  Opfer  fur  die  Gôtter 
mit  koniglicher  Freigebigkeit  dargebracht  oder  gegen  friiher 
vermehrt  haben.  So  sagt  z.  B.  Nabuchodonossor  auf  einem  in 
Babylon  gefundenen  Tonzylinder    :    «  Seine    [iMarduks]    fetten, 


(1)    Gudea  Statue  G.   3,  8-4,   20,   vg-1.  Thureau-Dangin,  Die  sumerisehen  und 
akkadisc]t.en  Konigsinschriften  (Vorderasiatische  Bibliothek,   I,   1),   S.   84  f. 


DAS    OPFER    BEI   DEN    SUMERO-AKKADERN  289 

beslàndigen  0})fer,  seine  reinen  Brotopfer  (1)  steigerte  ich 
noch  gegen  friiher  :  fur  jeden  Tag  einen  fetten  Grosstier,  ein 
feh'leiiosps  Rind,  reine  Opfertiere  enlsprechend  den  Gôttern  von 
Esagila  und  den  G(")ttern  von  Babel,  Fische,  Geflûgel,  rote  (?) 
Zwiebeln  (?),  den  Schmuck  des  Rohrdiclîichts,  Honig,  Sahne, 
iVIilch,  feinstes  ÔI,  Sesaniwein,  sûssen  Rahm,  Rauschtrank  der 
Berge,  fiinkelnden  Wein,  Wein  von  Tzalla,  Tu'immu,  Simmini. 
Hilbunim,  Aranabanim.  SuJuim,  Bitkubatim  und  Bifatim,  gleich 
dem  Wasser  des  Flusses  ohne  Zahl  auf  der  Tafel  Marduks  und 
Sarpanits,  meiner  Herrn,  liess  ich  strotzen  »  (2).  An  einer 
anderen  Stelle  desselben  Zylinders  (3)  zâhlt  er  fast  mit  den 
gleichen  Worten  die  Gaben  fiir  Nebo  und  Nanâ  auf,  die  mit 
denen  fur  Marduk  und  Sarpanit  erwàhnten  in  der  Hauptsache 
identisch  sind.  Er  fûgt  dann  bei,  dass  er  fur  die  Todesgôtter 
Nergal  und  Lâz  pro  Tag  8  Schafe  als  teste  Abgabe  bestimmt 
und  die  festen  Abgaben  fur  die  grossen  Gotter  gegen  friiher 
erhôht  habe  (4).  Auch  sonst  riihmt  sich  Nabuchodonossor 
ebenso  wie  andere  babylonisclie  Kunige  gern  seiner  Frômmig- 
keit  und  tlirht  zum  Nachweis  dafiir  ausfuhrliche  Aufzàhlungen 
der  Opifergaben  in  die  Berichte  ùber  seine  Kriegs-  und  Friedens- 
taten  ein  (5).  Besonders  ausfuhrlieh  erwahnt  er  die  Wiederein- 
richtung  der  Frschopfer  (6).  Kultufgeschichtlieh  sind  dièse 
Opferlisten  insofern  wertvoll,  als  sie  uns  in  die  Lebenshaltung 
der  Priester  Einblic'k  gewâhren. 

Die  Stimmung  eines  babylonisçhen  Opferfestes  gibt  uns  der 
Hymnus  IV  R  20  kund,  der  die  Zurûckfûhrung  Marduks  aus 
Elam  nach  Babel  feiert.  Naeh  der  Schilderung  des  Etends  und 
der  Trauer,  die  herrsehte,  als  der  Gott  durch  die  feindliche 
Macht  fortgefûhrt  war  und  im  Feindesland  weilte,  wird  daran 
erinnert,  dass  der  Konig  unaufhorlich  und  inbrùnstig  flehte, 
dass  der  Gott  wiederkehren  môge.  Marduk  erhort  seine  seuf- 
zervollen,  Tag  fiir  Tag  fortgesetzten  Bitten  ;  sein  Herz  fasste 
Erbarmen    und    er    wandfe  seinen    Nar-ken    der    heiligen    Stadt 


(1)  Zu    dieser   Uebersetzung    von   nidbu,   vgl.    Jensen,  KetlinschriftHche   Bi- 
bliothek,  VI,   I,   S.   380. 

(2)  I  R  65,  I,   13-28,  vgl.   Vordrrasidtischc  Bibliothvk,  4.  Stuck,  S.   90  f. 

(3)  Col.    II,    26-35. 

(4)  II,    36-39. 

(5)  Inschrift  von  Wadi-Brisa,   iv,  23 — v,  18. 

(6)  "VVadi-Brisa,  iv,  .58— v,   18. 

19 


290 


.T.    HEHN 


(Babel)  wieder  zii.  Unier  Juhpl  iind  Jauchzen  wird  er  zurûck- 
gefiihrt.  Nun  heisst  es  woitlich  weiter  :  «  Es  gewahrten  die 
LpliIp  lies  Landes  sein  liohes  Bild,  den  wiirdigen  Herrseher  ; 
sie  strahlten,  frohlockten  ;  sie  aile  sehauten  auf  ihn.  Er  hielt 
seinen  Einzug,  sehlug  auf  seine  friedliche  Wohnung.  Das  Tor 
dor  Herrliclikeit,  die  Wohnkammer  seiner  Herrsehaft  erglânzte, 
wai'  voM  von  Frohlocken.  Die  Hinimel  bringen  i.hren  Ueberfluss, 
dii'  i'ii'de  ihre  Fûlle,  das  Meer  seine  Gebiihr,  das  Gebirge  seinen 
Ertrag,  ihre 'Spenden  ohne  Gleiehen,  so  viel  nur  Zungen  meldon 
ki'mnen,  ihre  schwere  Last  bi'ingen  sie  dar  dem  Herrn  der 
HorTon.  W'ild  wird  in  Menge  geschlachtet,  massenhaft  worden 
Grdsstieie  dargehracht,  die  Opfer  werden  riesig  gemacht.  auf- 
gefiilll    wii-d   das    Rauchwerk.   Wolilgeriiche   gehen     ans,    Di'iftc 


i.  FteLsck 


3.  Opfer 


A.  KMskopf 


5.  G-dtpeide. 


dufti'n.  Sfi'otzend'e  (?)  Opfer  o])fei'f  nian,  voll  ists  von  Jiibel... 
ein  Festniahl  wird  veranstaltet...  Himnîel  imd  Erde  schauen 
geseiimiickt  den  Helden  Mardiik.  »  Tn  der  Fiille  der  Opfergaben 
flndet  die  freudige  Begeisierung  der  Verehrer  Marduks  ihren 
Ausdruck.  Wir  sehen  auch  hier,  dass  hinsichîlich  der  Gaben 
keine  Einschrànkung  bestehi  :  das  Beste,  was  der  Himmel,  die 
Erde  und  fias  Meer  spenden,  legt  nian  in  Freude  und  Dank- 
bai'koil  dem  GoHe  zu  Fûssen. 

Trotzdem  miissen  von  Amfang  an  fiir  das  eigentliehe  Opifer 
gewisse  Gaben  bevoi'zugt  worden  sein.  Weiche  es  waren.  kon- 
nen  wir  wohl  noch  ans  dem  Schriftzeirhen  fur  «  Opfer  » 
erseliliessen.  Das  Keilsehriftzeichen  fiir  «  Opfer  »  sieht  so  aus 
(siebe  oben  Nr.  1).  Das  Zeichen  bedeutet  :  «  Opfer  »  allgemein 
und  speziell  «  Opferlamm  ».  In  den  àltesten  archaischen  Texten 
3-iOOO  Jahre  v.  Ghr.  bat  das  Zeichen  folgende  Form    (Nr.   3). 


t»AS   OPFER    BEI   DEN    SUMERO-AKKADERX  29 1 

Dièses  Zeichen  hesteht  ans  z^ei  Bestandteilon  :  die  àussere 
Umrahmung  (Nr.  4)  stellt  urspriingilifli  einen  'Kalbskopf  vor 
iind  hedeutet  junger  Sfier  oder  junges  Rind,  die  acht  ein- 
geschriehenen  \\'inkeiliacken  aher  (Nr.  5)  stellen  ursprûnglich 
eine  Aehre  dar  und  sind  das  Schrift.zeifhen  fiir  «  Getreide  »  (1) 
d.  h.  um  den  Gedanken  des  Opfrrs  grapliisch  darzustellen 
zéichnelen  die  Smnerer  einen  Kalbskopf  und  fûgten  dazii  das 
Zeielien  fiir  Getreide.  Daraus  ersehen  wir  ganz  klar,  welches 
ûie  Hauptgegenstànde  des  Opfers  waren  :  junge  Tiere,  speziell 
Rinder  und  Getreide.  Aber  dasselbe  Zeichen  bedeutet  auoh 
«  Opferlamm  ».  Neben  dem  jungen  Sliere  und  dem  Getreide 
gehort  denigemàss  das  Lamm  urspriinglicli  und  in  erster  Linie 
zum  Opfer.  Also  schon  in  dem  àltesten  Schriftzeiehen  fiir  Opfer 
ist  der  Gedanke  an  das  blutige  und  unblutige  Opfer  vereinigt, 
ebenso  wie  nach  der  aittestament lichen  Erzàhlung  der  Hirle 
und  der  Aeker})auer  mit  ihren  Opfergaben  sich  das  Wohl- 
gefallen  Gottes  siehern  wollten.  Im  Babylonisch-assyrischen 
bedeutet  das  oben  angegebene  Zeichen  fiir  Opfer  auch  niqû, 
das  etymologisch  das  Trankopfer.  die  Libation  bezeichnet  (von 
7iaqû  ausgiessen,  libieren),  dann  aber  fiir  Opifer  iiberhaupt  und 
(mit  Vorsetzung  des  Determinativs  fur  Lamm)  speziell  fiir  das 
Opff'i'lamm  gebraucht  wurde.  Das  Lamm  war  eben  das  haupt- 
sâchlichste  Opfertier  der  Sumero-Akkader.  Beachtenswert  ist, 
dass  dasselbe  Zeichen  fiir  0})fer  doppelt  geschrieben  karàbu 
«  widilgeneigt  sein  >>,  «  Huld  erweisen  »,  «  segnen  »  bedeutet, 
wenn  es  vom  Hoheren  gegeniiber  dem  Niedereren,  dagegen 
«  huldigen  »,  wenn  es  vom  Niedereren  gegeniiber  dem  Hoheren 
.geliraucht  wird.  Das  Opfer  ist  eine  Hiildigung,  die  der  Mensch 
der  (iottheit  darbringt.  'Das  nÈimliche  Wort  karâbu  bedeutet 
auch  «  beten  ».  Die  Huldigung  schliesst  zugleich  eine  Bitte  in 
sich.  Das  Zeichen  fiir  Opfer  wird  von  den  Sumero-Akkadern 
auch  erklart  als  :  tëmîqu,  lênitiu,  suppû.  teslltum.  lauter  Aus- 
driicke  fiir  «  Gebet  »,  «  Flehen  ».  «  inbriinstiges  Gebet  »  ;  das 
gleiche  Zeichen  fiir  Opfer  bedeutet  ferner  miltliu  «  beruhigen  ». 
<(   vers('dinen   »    (2'i.  Opfer  und   Geliet    habcn  nach   sunierisch- 


(1)  Vgl.  A.  DeimeLj  Liste  der  archaischen  KeUschriftzcichcn  von  Fara 
(40.  WissenschaftHche  Veroeffentlichung  der  deutschen  OHentgesellschaft) 
Leipzig-,    1922,    Nr.    267    und    268. 

(2)  Vgl.  Friedr.  Delitzsch,  Suinerisches  Glossar,  unter  ziir,  S.  227.  und 
sifiisse,  S.  243  ;  fiir  die  Bedeutung  von  karahu  finùet  .sich  das  Nahrre  in 
Delitzschs  Assyiischem  Handwoerterliuch,  s.  v.  karahu,  S.  350  ff. 


202  •'•    HKHN 

akkaiiisciicr  Auffassimg  dipselhe  Grundidee.  Karâbu  bedeutet 
auch  «  darbringen  »,  der  (inltbeit  ftwas  weihen,  davon  dann 
kurbannu  oder  kurbâmi.  «  Darhiingung  »,  «  Gabp  ».  das  an  das 
hebràische  qorbân  PiiniiPil.  abcr  etymologiscb  von  ihm  wolil 
zu  h'f'nnen  ist.  ])im'  Mensrb  ei'fabrt  die  Hiild  der  Gottbeit,  die 
ibiii  lias  (Tpti-pide,  das  Vieil.  i\i'n  Wein,  das  Oel  n.  s.  n\-.  spendet 
uriii  liibll  sich  darum  verplliditpt  ib-n  (Tuftei'n  duiT-h  Darbrin- 
gung  der  Ojilprgalipn  seine  Huldigiing  und  seinen  Dank  zu 
bezeigen  und  nui  wpitere  (iunst  zu  liillen.  Das  Opfer  weist 
darum  aul'  pin  noiinales,  frpundlicln's  Verhàltnis  zur  Gottbeit 
bin.  Isl  die  «Gottbeit  piv.ûint.  wip  /..  B.  ain  sipbenten  Tage,  der 
ein  bdser  Tag  ist,  so  darf  der  Kunig  eine  Opferspende  nicbt 
ausgiessen.  Die  Ausgiessung  der  Opferspende  wàre  eine  Ein- 
ladung  an  die  Gottbeit  zur  Teilnahme  am  Mable  und  dessen 
Fi'eutbm,  sie  wâre  der  Ausdruck  des  gliicklicben  Vprbàltnisses 
des  Menschen  zu  Gott,  seiner  froben,  dankbarpn  Stimnumg 
beim  Genusse  der  gottlichen  (iaben  und  passt  desbalb  nicbt 
zum  finsteren  Cliarakter  des  siehenten  Tagps,  an  (b'in  die 
Gottbeit  zûrnt   (1) . 

Hâufig  werden  die  R()Stbrote  odpr  Brotnpl'pi-  (2)  erwiihnl.  die 
der  Gottin  lètar  als  Spenderin  des  (ietreides  dargebraclit  wur- 
den.  In  einem  Hymnus  an  Istar  als  Gottin  der  Pflanzenfrucht- 
barkeit  (Gusêa)  beisst  es  :  «  Obne  dicb  wird  kpin  Einkonimpn, 
kein  Anteil.  kein  Opfer  und  keine  Brolsppn.le  gesebenkt  »  (3). 
Das  erinnert  an  die  bekannte  Stplle  beim  Propbeten  Jpre- 
mias  \ii,  17  il".,  \vo  Jaliwe  darûber  entriistet  ist,  dass  nian  in 
Juda  und  Jérusalem  der  HimmelskTinigin  Kueben  backt  und 
frpmden  GTittern  Trankopfer  spendet.  und  an  Jer.  xliv,  15  fï., 
wo  die  lipidniscb  gpsinnten  Weilipr  dpi'  Judàer  es  ablebnen  auf 
den  Pro])liPten  zu  bTiren  mit  der  Begriindung,  sie  bâtten  da- 
mais, als  sie  der  HimmelskTinigin  ràucberten  und  ilir  Trank- 
opfer spendeten.  Brot  genug  geliald  und  sicb  wobl  befunden. 
seitdem  sie  aber  aufgebr)rt  batten,  der  Himmplskonigin  zu 
raucbern   und   ibr   Trankopfer   zu    spenden,   bâtten   sie    Mangel 


(1)  Vgl.  J.  Hehn,  SiPbcnzahl  und  Sabbat  bei  dm  Babyloniern  und  im  Alten 
Testament,  S.    107. 

(2)  Nmdubû,  gewôhnlich  ûbersetzt    «    fieiw  11  liges   Opfer   »  ;   vgl.    dazn   oben, 
S.  289,  Anm.  1   ;  sumerisch  suku  im)-nin7iige,   «   Brot  der  Istar  ». 

(3)  K  2001  Vs.  I,  18. 


DAS    OPFER    BEI    DEX    SUMERO-AKKAUERN  293 

an  allpm  und  wûrden  durch  das  Schwert  und  den  Hunger  auf- 
^ericbon.  Niclit  bloss  in  Babylonien,  sondern  in  ganz  Vorder- 
asien  oijferte  nian  der  Islar  oder  Astai'te  Kuchen  und  Brote, 
um  sie  als  Spenderin  des  Gelreides  zu  verehren.  Sie  ist  ja  als 
Muttergottin  die  Schûtzerin  der  aniinalischen  und  vegetabi- 
lischen  Fniclitbarkeil. 

Die  Begrûndung  der  Tempel  und  Opfer  wird  von  den  Baby- 
loniern  verschiedenen  Gottheiten  zugesehrieben  ;  so  heisst  z.  B. 
der  Mondgot.t  Sin  gelegentlich  «  Einsetzer  der  Brotopfer  »   (1). 

Dass  bei  der  grossen  Zabi  der  Gotter,  Tempel  und  Priesfer 
auch  das  Opfer  sehr  niannigfaltige  Ausgestaltung  bei  den  Ba- 
byloniern  fand.  wird  uns  niclil  ûberraschen.  Es  gibt  eine  selir 
ausgebreitete  Terminologie,  uni  dii'  verschiedenen  Opferarten 
zu  kennzeichnen.  Teilweise  wurden  die  Namen  schon  genannt. 
7Abu  i?t  ili"  aUgemeinste  Benennung  des  «  Opfers  »,  noeh 
allgemeiner  ist  eigentlicb  akàlu,  «  Essen  »,  Speise  im  Sinne  von 
Opfersjjeise.  ebenso  sagi  l<urbanini  oder  kurbânu,  «  Gabe,  Dar- 
bringung  »,  nicbts  Spezifisches  iiber  das  Opfer  aus  ;  )iindabû 
wurde  bereits  erwàbnl  ;  kiirmatu  oder  kiirumatu  ist  Brot,  Back- 
werk,  dann  aucb  Speise,  Kost.  ,surkîitu  Giess-  oder  Scbûttopfr'r. 
Au(di  die  nicht  zu  erschopfende  Fûlle  der  Opfergaben  ist  uns 
bereits  begegnet.  Im  Opferrifual  werden  besonders  aufgefûhrt  : 
Honiig,  Butter,  Milch.  Oel.  FtMnid  [sannni  tâbu).  Datteln,  Salz(2). 
Auch  d'as  Weinopfer  und  Rausclitrankopfer  [sikani)  sollen 
nicht  vergessen  werden. 

Auf  der  sog.  Knltustafel  von  Sippar  \'à',  wird  die  W'ieder- 
herstellung  des  Kultus  des  Sonnongottes  von  Sippai'  durch  den 
bal)yl<)nischen  Kônig  Nabupaliddin  (885-852)  berichtet.  Infolge 
einer  Beriràngnis  durch  die  Feinde  und  einei-  Hungersnot  hatten 
die  Opfer  aufgehr)rl.  Es  wird  ausfiihi'lich  dargelegf,  wie  der 
K(Vnig  die  Stiftung  fiir  den  Gott  erneuerte  und  was  an  Speise, 
Wein  und  Fleisch  an  die  Priester  verabreicht  wurde.  Auch  ein 
Baumgarten  wird  deni  Gott  geschenkt.  Die  regelmàssigen  oder 


(1)  IV  R  i),  33.  Bei  den  Aegyptern  war  Thot-Hermes  tler  Begiiinder  dei' 
Tempel  und  Opfer,  vgi.   P.   Boylan,  Thot,  thr  Hermès  of  Efnipt,  1922.   S.   88   ff. 

(2)  Vgl.  H.  ZiMMERNj  Beitraege  zur  Kenntnis  dry  babylonischen  Religion 
(BBR),    S.    95. 

(3)  Veroffentlicht  V  R  60  f.  Vebersetzt  und  erklâi't  von  Johannes  Jere.mias, 
Dissertation,  Leipzig,  1889.  Auch  erschienen  in  Beitracuf  zur  Assyriologie, 
Bd,  I,  jedoch  ohne  den  Anhang  liber  das  Opfer  bei  den  Babyloniern,   S.   25-32. 


294  J.    HEHN 

Sfiftungsopfer  {safvkkii)  und  die  Gerechtsame  des  Gottes 
[ginû]  werden  genau  festgeselzt.  Bei  der  Einweihung  des 
Bildes  des  Sonnengottes  opt'erte  der  Konig  «  gewaltige  Gross- 
tiere,  fette,  reine,  grosse  Làmnier  und  liess  die  Tûrverschliïssp 
Yon  Honig,  Wein  und  Feinmehl  st  rot  zen  ».  Im  Folgenden 
werden  die  von  den  Priestern  ans  der  Stiftung  bezogenen  Ein- 
kûnfte  bis  ins  Emzelne  bestimmt.  Xaheres  Eingehen  rlarauf 
wih'de  zu  weit  fûliren.  Aueh  liier  sprieht  wieder  ans  der 
ganzen  Stiftung  des  Kunigs,  dass  man  bei  den  Geschenken  an 
die  Gottheit  nicht  kleinlich  sein  darf,  sondern  nur  nacb  jedor 
Richtung  bin  tadelloses  Material  in  reieber  Fûlle  spenden  muss, 
daniit  sicb  die  Gottbeit  der  Hubiigung  aueh  wirklieh  freuen 
kann  und  sicb  entsprecbend  gnâdig  erweist. 

Die  erzùrnten  Gotter  sollten  durch  das  Opfer  versôhnt  wer- 
den. Beim  Beten  machte  man  dem  Gotte,  an  den  sicb  das 
Gebet  riobtete,  Versprecben  und  Gelûbde,  um  seine  Hilfe  zu 
erlangen.  So  bit t et  z.  B.  der  Bescliwiirungspriester  fur  einon 
kranken  Siinder  (1)   : 

«  Xinini  enfgegen  sein  Gesclienk.  nimm  an  seine  Gabe, 

an  dei"  Stàtte  des  Heils  mnge  er  vor  dir  wandeln  ! 

Mit  Reichtum  und  Ueberfluss  fûlle  er  dein  Heiligtuni  an. 

in  deinem   Hause   sei   seine   Fulle   bestàndig  ! 
Mit  Oel    lasse    er  deine  Verschliisse         wie  mit  Wasser  ûber- 
mit  Oel  in  Fûlle        lasse  er  deine  Scbwellen  triefen.        [giessen, 
Er  lege  bin  fur  dich...  von  Zedern. 
vorziigliehe  Woblgerûche....  von  Weizen  !  « 

Das  Opfer  reinigt  den  Menschen  :  «  Durch  ein  Opfer  der 
Gnade,  des  Heils  moge  der  Besessene  wie  glânzende  Bronze 
(Kupfer  ?)  glanzend  gemacht  werden.  Diesen  Mensrben  moge 
Srhamas  gesund  macben  ;  Marduk.  erstgeborener  Sobn  der 
Wassertiefe.  Erleuohtung  und  Reinbeit  ist  bei  dir  »    (2). 

Der  Besf'hworungs-  und  Sûbnepriester  beisst  bei  den  Baby- 
loniern  âsipu.  Seine  Tâtigkeit  war  sebr  ausgebreitet,  da  man 
eine  Fûlle  magiscber  Riten  anwendete,  um  von  Tod  und 
Krankbeit   befreit   zu  werden    (3).   Dabei   mûssen    regelmàssig 


(1)  IV   R    54    Xr    1,    47    ff.     —    H.    Zi.m.merx,    Bahylonische     Hymnen    und 
Gehete  in  Ausivahl  (AO.  VII,   3),   S.   27. 

(2)  II  R  18  b,  53  ft.  :  Delitzscii,  Assy7ische  Lesestilcke,  3  Aufl.,  S.   133. 

(3)  Naheres  Uber  den  asipu  s.  bei  H.  Zimmern,  BBR,  91  ff. 


DAS    OPFf:R    BEI    DEX    SUMERO-AKKADERX  295 

auch  gewisse  Opfer  vollzogen  werden.  Neuerdings  haben  die 
Untersuchungen  von  ïhureau-Dangin  (1)  auch  Licht  iiber  die 
P\inlvtionen  des  K^a/ii-Priesters  verbreitet.  Er  batte  die  Aufgabe 
durch  (Tpsang  und  Scblagen  einer  Pauke  das  Herz  der  (iotter 
zu  versidinen.  Die  l^aiit,  die  zur  Herstellung  der  Pauke  ver- 
wendet  wurde,  durfte  nur  von  eineni  Rinde  genommen  werden. 
das  scinvarz  wie  Erdha4:z.  vollkomnien  tleckenlos.  von  einem 
besoniJeren  Kenner  gppriift  und  nirht  von  einer  Peitsidie  oder 
Rute  beriilirt  wordcn  war.  l'nter  versehieilenen  Opfern  und 
Zeremonien  wurde  das  'Fier  in  das  bU-mumniu,  «  das  Weis.heifs- 
haus  »  gefiihrt,  \vo  ilun  eine  Beschworung  mittels  einer  Pfeife 
aus  wohlriecliendem  Rolir  in  das  recbte  und  eine  andere  in 
das  linke  Ohr  g'emurmelt  wurden.  Es  folgtc  die  Besprengung 
mit  Zedernessenz,  Reinigung  mit  Ràucherungen.  lieiliger  Ge- 
sang  und  zum  Scliluss  die  Opferung.  Die  Pauke  wird  als  Gott 
Lilix.su  den  Guttern  der  Magie  und  Weissagung  hinzugefùgt. 

p]in  sebr  betràchtlicher  Teil  der  bahylonisch-assyrischen 
Literatiir  lipfasst  sicb  mit  der  Erforschung  der  Zukunft.  Man 
suciite  die  Ratschlûsse  der  Gr)tter  aus  den  Sternen  zu  lesen, 
weslu^lli  die  Astrologie  in  Baliel  zu  hochster  Blute  gelangte. 
Bei  der  Besehw(»rung  der  Dânionen  und  der  Voraussagung  der 
Zukunft  wurden  regelmàssig  auch  Opfer  gebracht.  Auch  hier 
zeigt  die  Sprache  einen  merkwiirdigen  Zusammenhang  an  : 
Dasselbe  Scbi-iftzpichen  (siehe  ohen  S.  290  Nr.  2}  und  dasselbe 
Wort  (Hni)  bedeutet  «  Fleisch  »  und  «  Orakel  »,  «  Vorzei- 
chen  »,  «  Omen  »,  gottliche  UnterweLsung  mittels  «  Yorzei- 
cbens  ».  Das  erklàrt  sicli  daiaus,  dass  die  Vorzeichen  haupt- 
sàclilich  aus  dem  Fleische  der  Opfertiere  mittels  Ôpfer.schau 
gewonnen  wurden.  Darum  setzte  man  vor  das  Wort  fur  Vor- 
zeichen (tërtu)  das  Deutewort  sîru,  «  Fleisfh  ».  Mit  dem  Opfer 
verbindet  sicb  die  Opferschau,  die  Deutung  der  Zukunft  aus 
der  Beschatïenheit  des  Opferfleisches.  Die  sumero-akkadische 
Ominaliteratur  ist  so  umfassend,  weil  die  Bewohner  des 
Zweistromlandes  aile  moglichen  Naturerscheinungen  ausdeu- 
teten,  um  die  Zukunft  vorauszubestimmen.  Bei  der  Darbringung 
des  Opfers  glaubte  man  sich  der  Gottlieit  besonders  nahe  und 


(1)  Revue  d'Assyriolofjic,  XVI,  n"  2,  p.  53  ss.  —  Ich  beiichte  hier  nach  dem 
Referate  von  P.  Dhorme  in  der  Revue  Biblique,  1921,  t.  XXX,  p.  62.')  s.,  da  mil- 
der  betreffende  Jahrgang  der  Revue   d'Assyriologie   nicht   zugangiich   ist. 


296  J.    HEHN 

hielt  sie  fur  gnàdig  gestimml  und  gcneigt.  Weisungen  fùv  dip 
Zukunft  zLi  geben.  Man  hatte  die  Deutnng'swisseiischaft  sehr 
sorfaltig  ausgpbildet,  um  aus  jeder  auiïâlligen  Erscheinimg  ani 
Opfertier  die  richtige  Voraussage  ahzulesen.  Besonders  wurden 
die  Eingeweide  und  unter  diesen  wiederum  die  Leher  genau 
untersut'ht.  Die  Leber  galt  als  Sitz  des  Lebens,  der  Seele  ; 
darum  ghiuhte  man  aus  ihr  den  Willen  der  Gottheit,  der  sie 
dureh  das  Opifer  geweiht  war,  am  ersten  erseben  zu  konnen. 
Ein  Eingehen  auf  die  Leberschau  oder  Hepatoskopie,  tlie  die 
Assyriologen  eingehend  erforscbt  haben  (1),  wurde  uns  bier 
zu  weit  fûbren  ;  nur  das  Eine  nioehte  ieb  bemerken,  dass 
auch  bier  das  in  der  Magie  berrsehende  Gesetz  der  Entspre- 
chung  Anwendung  fand  in  dem  Sinne,  dass  die  Leber  als  ein 
Mikrokosmos  galt,  in  dem  sich  der  Makrokosmos  wiederspie- 
gelt,  sodass  man  aus  dem  Mikrokosmos  die  Yorgânge  im  Makro- 
kosmos wie  aus  einem  Spiegel  ablesen  zu  konnen  glaubte.  Es 
sind  uns  zahlreiche  Leberscbau-Omina  ûberliefert  und  selbst 
mehrere  aus  Ton  gebildete  Modelle  von  Lebern  erhallen.  bei 
denen  die  Leber  in  verschiedene  Abteilungen  zerlegt  ist.  Auf 
jedem  Teil  ist  eingetragen,  was  er  bedeutet.  Die  Terminologie 
lâsst  die  Leber  als  ein  geheimnissvolles  Wabrsagebuch  er- 
seheinen.  Die  Leberschau  als  Wahrsagemittel  der  Babylonier 
ist  auch  beim  Propheten  Ezechiel  xxi,  26  erwâhnt. 

Die  babylonischen  Priester  verfûgten  ûber  Rituale,  in  denen 
bis  ins  Kleinste  der  Vollzug  der  Opfer  geregelt  war.  Auch  solclie 
sind  bereits  veroflfentlicht  und  ûbersetzt  (2).  Die  wiohtigsten 
Gegenstànde,  die  zu  einer  Opferzuriistung  gehoren,  sind  das 
Râucherbecken,  auf  dem  das  Râucherwerk  verbrannt  wurde. 
der  Opfertisch  oder  die  Opferschûssel,  d.  h.  ein  Tisch  mit  darin 
beflndlicber  Schûssel,  auf  den  die  Speiseopfer  gelegt  wurden, 
Und  das  Waschbecken,  eine  Art  Urne  auf  hobem  Gestell,  in 
der  sich  das  geweibte  Wasser  fur  die  Waschungen  und  Be- 
sprengungen  befand    (3). 

Zum  Opfer   gehort  notwendig   das   Feuer.   Der   Rauch    steigt 


(1)  Vgl.  die  ausfûhrliche  Behandlung  des  Gegenstandes  bei  M.  Jastrow, 
Religion  Babyloniens  und  Assyriens,  II,  i,  S.  213  ff.  ;  Ernst  G.  Klauber, 
Politisch  religiocse   Texte  ans  der  Sargonidenzeit,  Leipzig,   1913,   S.  XXXII   ff. 

(2)  ZIMMERN,    BBR,    S.    81    ff. 

(3)  ZiMMERN,  BBR,  S.   94. 


DA3    OPFER    BEI    DEN    SUMERO-AKKAUERN  297 

als  Wohlgeruch  zii  dcn  Gottern  empor.  Girru-Nuskii,  der  Feuer- 
gott,  der  selbst  die  Personifikation  des  Feiiers  ist,  entfaltet 
desfialb  beim  Opfer  oine  bedeutsame  Wirksamkeit  und  erscheint 
als  der  Vermittler  zwischen  den  Mensehen  und  den  Gottern. 
Er  wird  genannt  «  dor  Spender  des  Schuttopfers,  der  die  Brot- 
opfci'  r(i!?tet  [fiir  aile  Gôtter]  »  (1).  Yon  ihm  heisst  es,  dass 
oj'  «  den  Gottern  die  Opfer  s-pendet  »  (2)  ;  er  ist  «  der  Hutej' 
der  Opfer  aller  Igig.  Begriinder  der  Stàdte,  Erneuerer  der  Hei- 
ligtûmer  »  (3)  ;  «  olme  dich,  heisst  es,  wird  kein  Festmahl  ini 
Tenipel  bereitet,  olme  dich  riechen  die  Gotter  keinen  Opfer- 
dnft  »    (i).  Oder  die  heilige  Feuertlamme  wird  angeredet   (5)   : 

((  Du  bist  gut,  die  du  ani  reinen  Orte  geboren  bist, 

fiir  die  Gastniahle  der  grossen  Gôtter  hat  dich  Ellil  bestimmt  ; 

Ohne  dich  wird  keine  Mahlzeit  im  Tempel  gehalten, 

Olme  dich  geniesst  kein  (iott,  Konig,Herr  oder  Fûrst  Oi)ferdufl.)) 

Beim  Opferduft  denken  wir  an  die  oft  zitierte  Stelle  der 
bahylonischen  Sinttlutei'zalilung,  wo  der  Sinttlutheld  Ut-napis- 
tim  sein  Opfer  folgenderniassen  beschreibt  :  «  Ich  brachte  ein 
Lanimopfer  dar.  bercitete  ein  Schûttopifer  auf  dem  hôchsten 
Gipfel  des  Borges,  sieben  und  sieben  Adagur-Gefàsse  stellte 
ich  hin,  sohûttete  unter  ihnen  Kalmusrohr,  Zedernholz  und 
Myrte  hin.  Die  G()tter  roclien  den  Duft,  die  G(Jtter  rochen  don 
lieiblichen  Duft,  die  G/Utei'  sammelten  sich  wie  Fliegen  um  den 
Opferer  »  (6).  In  dem  iSchamas-Hymnus  IV  R  19  Nr.  2,  55  fî.) 
wird  aïs  Wirkung  des  Sonnenlichtes  gepriesen.  dass  nun  die 
Gotter  Opferduft  zu  riechen  und  reine  Opferspeise  zu  genies- 
sen  bekonimen,  die  die  ûber  das  Licht  des  Sonnengottes  freudig 
gestiinmten  Mensehen  darbringen  :  «  Es  blicken  auf  dich  und 
freuen  sich  die  zahlreichen  Mensehen  ;  die  grossen  Gotter 
riechen  das  Ràueherwerk,  reine  Himmelsspeise.  funkelnden 
Sesamwein  [...],  den  eine  Hand  nicht  beriihrt  hat  [...],  essen 
sie.  » 

Voni  Blut  des  Opfertieres  wird  fast  nie  gesprochen,  obwohl 
man  erwarten  sollte,  dass  ihm  eine  besondere  sûiinende  Kraft 


(1)K  9143,  Vs.  6    [James  A.   Craig,  Religions  Tcxts,  1,  p.   35]. 

(2)  Maqlu    2.    126. 

(3)  Maqlu    2,    2    f. 

(4)  Maqlu  2,   9-11. 

(5)  Maqlu    6,   93-96. 

(6)  Gilgamcs  Epos,  Taf.  XI,   156-162. 


298  J.    HEHN 

zugescliriebpn  worden  wàre.  An  einer  Stelle  des  babylonischen 
Sùhnerituals  srheint  gesagt  zu  sein,  dass  der  Sûhnepriester, 
«  am  Tore  des  Palastes  ein  Opferlamm  darbringen  und  mit 
dem  Blute  dièses  Lammes  die  Oberschwellen...  und  die  Pfosten 
i^eebts  und  links  vom  Tore  des  Palastes...  »  bes})rengen  soll  (1). 
Leider  ist  die  Stelle  nicht  vollstàndig  erhalten.  Wie  aus  dem  im 
Folgenden  angefûhrten  Falle  zu  erselien  ist,  wird  auch  das 
Blut  des  stellvertretenden  Schweines  (und  Lammes  ?)  an  die 
Seite  des  Bettes  des  Kranken  geistriehen  oder  gesprengt. 

Obwohl  die  Idée  der  Stellvertretung  der  babylonischen  Reli- 
gion sebr  gelàufig  war.  so  tritt  sie  doeh  beim  Opfer  auffallend 
zurûck.  Das  Bild  vertiitt  die  Person  (2).  Desbalb  fertigt  die 
Hexe  oder  der  Hexenmeister  ein  Bild  der  Person,  an  der  der 
Zauber  volll'iilii't  werden  soll.  Ailes  was  man  nun  dem  Bilde 
antut.  das  isl  ilrr  dargestellten  Person  angetan.  Umgekehrt. 
wenn  man  sicli  das  Bild  der  Hexe  oder  des  Hexenmeisters 
verschafft,  kann  man  diesen  ailes  antun,  was  man  ihnen 
wûnsr-lit.  Man  kann  sie  verbrennen,  zertreten  oder  sonstwie 
misshandeln  und  vernichten.  Aueh  vmi  den  Kranken,  die  nach 
babylonischei'  Anscliauung  von  den  Dàmonen  besessen  sind. 
fertigte  man  Bilder,  mit  der  Absiebt.  den  bosen  Dàmon  auf  das 
Bild  zu  lenken,  wàhrend  der  Kranke  verscliont  bleiben  sollte. 
Man  zeichnetc  aucii  ein  Bild  des  Kranken  von  Mehl.  auf  das 
sich  die  bosen  Dàmonen  stûrzen  sollten.  In  den  Briefen  aus 
der  Sargonidenzeil  wïvd  verschieileutlicb  von  einem  sarru  pfihi. 
einem  Bild-  oder  Ersatzkonig  gesprochen,  der  einige  Zeit  die 
kr)niglichen  Insignien  trâgt,  dann  aber  dem  Tode  ûberantwortet 
wird.  Ebenso  macbt  man  einen  Ei'satzmensclu'n  {aniêl  pù/ii  . 
der  fiir  den  Kronprinzen  Asurbanipal  der  Unterweltsgôttin 
Ereskigal  geopfert  wird.  Oder  man  nirnmt  ein  Rohr.  genau  von 
der  Grosse  des  Kranken.  ^ollziebt  daran  gewisse  Zeremonien 
und  zerbricht  es  dann  :  es  wird  ausdriicklich  bemerkt,  das  Rohr 
sei  Ersatz  oder  Substitut  des  Menschen  (3) .  Es  nimmt  gewisser- 
massen  die  Kranklieit  des  Menschen  auf  sich,  wird  vei'nichtct 
und  damit  is't  die  Krankheit  auch  aus  der  Weit  geschatTt. 


(1)  ZiMMERN,  BBR,  N".   26,   III,   19-21   ;   vgl.    S.   92. 

(2)  Vgl.  hierzu  meinen  Beitrag  zur  Festschrift  fiir  Eduartl   Sach.\u   (Berlin, 
1915)   :   Zum   Terminus  Bild   Gottes,  S.   46  f. 

(3)  Der  Text  GT    XVII,   15,   20  ff.   ;   vgl.   C.   Frank,  Bahyloni.schc    Bvsvhwov- 
rungsreliefs,  S.   69   ;   P.   Dhorme,  La  religion   assyro-habylo)iicnnr,  p.   273. 


DAS  OPFER  BEI  DEX  SUMERU-AKKADEHN  299 

Aurh  ilin  Stellvertretung  des  Mensohen  diirrh  ein  Tier  isl 
der  suuiciisch-akkadischen  Rpligion  nicht  unbpkannt.  Ein 
Beschwôriingsritual  (1)  schreibt  vor,  ein  Schwein  zu  toten.  das 
Herz  herauszureissen,  ■  sein  Blut  an  die  Seite  des  Bettes  des 
Ki'anken  zu  [streichen  ?] .  Das  Schwein  ist  dann  zu  zerlegen 
und  die  einzelnen  Teile  sind  ûber  dem  Krankon  auszubreiten. 
Darauf  wird  er  mit  geweihteni  Wasser  besprengt  und  gereinigt, 
ein  Kohlenbecken  und  eine  Fackel  sind  neben  ihn  zu  stellen. 
Vor  der  verschlossenen  Tiire  sind  zweimal  sieben  gesàuerte 
Brote  niederzulegen.  Nun  wird  dazu  erklàrt  :  «  Das  Schwein 
als  seinen  (des  Menscheni'Stellverfreter  gib  hin.  Fleisch  anstatt 
seines  Fleisehes,  Blut  anstatt  seines  Blutes  gib  hin  :  dièses 
sollen  sie  (die  Dâmonen)  nehmen.  Das  Herz,  das  du  an  das 
Kopifende  des  Bettes  gelegt  hast,  anstatt  seines  Herzens  gib 
hin  :  das  sollen  sie  (die  Dâmonen^  nehmen  ».  Es  handelt  sidi 
hier  eigentlieh  nicht  um  ein  Opfer  im  Sinne  einer  Gabe,  einer 
Darbringung,  sondern  um  einpn  magischen  Ritus.  Die  bôsen 
Dànionen  haben  sieh  auf  einen  ^lenschen  gestiirzt  und  quàlen 
ihn  :  um  sie  abzulenken  und  zu  befriedigen,  bietet  man  ihnen 
ein  Schwein  als  Ersatz  fiir  den  Menschen  an,  damit  sie  ihre 
Gier  daran  sàttigen  und  der  Mensch  befreit  wird. 

Aehnliche  Zeremonien  werden  mit  einem  Lamme  vorge- 
nommen,  dessen  Hauptteile  fiir  die  entsprechenden  Kôrperteile 
des  Menschen  hingegeben  werden.  Dazu  wird  bemerkt  (2)  : 
«  Das  Lamm  ist  Ersatz  fiir  don  Menschen  ;  das  La  mm  soll  er 
fur  sein  Lelien  hingeben  ;  den  Kopf  des  Lammes  soll  er  fur 
den  Kopf  des  Menschen  hingeben  ;  den  Hais  des  Lammes 
soll  er  fiir  den  Hais  des  Menschen  hingeben  ;  die  Brust  des 
Lammes  soll  er  fur  die  Brust  des  Menschen  hingeben.  » 

Ein  besonderer  Fall  ist.  dass  auch  zur  Bekràftigung  des 
Eides  beim  Abschluss  des  Vertrags  zwischen  dem  Assyrerkônig 
Asurnirâri  und  dem  Fûrsten  Mati'ilu  von  Arpad  ein  Bock 
gesclihiclifct  wird.  dessen  einzelne  Teile  als  Stellvertreter  des 
Mati"ilu  bezeichnni  wei'dcn,  wcnn  er  den  YoTirag  In'icht.  Dor 
Bock   ist   also   Symbol   iIps    ^lalTilu    :    «    Dieser   Kopf   isl    nichl 


(1)  CT   XVII,    5,    44    ff.  ;    vgl.    C.    P'rank,    a.    a.    O.    S.    58    ff.  ;    P.    Dhok.me, 
a.    a.   O.   p.   273. 

(2)  CT   XVII,    37,    Tabl.    Z.    Col.    B.  ;    Frank,   a.    a.    O.,    S.    60    f.   ;    Diior.me, 
a.  a.  O.,  p.  274. 


300  J.    HCHN 

der  Kopf  des  Schafhockes...,  der  Kopf  dos  ;\Iati"ilu  ist  es.  der 
Kopf  seiner  Sohne,  seiner  Grossen,  der  Leute  seines  Landes. 
Wenn  Mati'ilu  dièse  Vertrâge  [bricht],  gleichwie  der  Kopf 
dièses  Bockes  abgeschiagen  ist,...  so  wird  der  Kopf  des  -Mati"ilu 
abgeschlagpn...  »  Ebenso  wird  die  Rechte  des  BoL-kes  abge- 
schnitten  als  Symbol  der  Rei-hten  des  Mati"ihi,  seiner  Sohne. 
seiner  Grossen,  der  Leute  seines  Landes.  Dem  Kontrahenten 
wird  demgemàss  sehr  deutlich  seine  Strafe  ini  Faite  eines  Ver- 
tragsbriudies  vor  Augen  gefûhrt. 

Menschenopfer  scheint  die  siimerisch-akkadische  Retigion 
nieht  zu  kennen.  Es  werden  zwar  Faite  erwàhnt,  dass  nian  einen 
Sohn.  eine  Tochter,  einen  Sklaven  einem  Gotte  darbringt.  Dabei 
ist  aber  nieht  an  eine  Hinschtachtung  gedacht,  sondern  die 
befreflFende  Person  wird  dem  Dienste  des  Gottes  geweitit. 

Die  Bewolmer  der  babytonischen  Tiefebene  glaubten,  wip  oben 
dargelegt  wurde,  durch  die  Menge  imd  ausgezeichnete  Besi-haf- 
fenheit  ihrer  Gaben  die  Gotter  zu  erfreuen  und  giinslig  zu 
stimmen.  Aber  wir  vernehmen  doch  auch  eine  Stimme,  die  das 
Opfer  in  Verbindung  mit  der  sitf lichen  Gesinnnng  uni!  Hand- 
lungsweise  hringt,  also  eine  sitttiche  Grundtage  dafur  fordert. 
Wir  erinnern  uns  dabei  der  Potemik  der  Propbeten  gegen  die 
Opfer,  Feste  und  d^n  ganzen  àusseren  Kutt.  durr-h  den  das  Yotk 
Israël  seine  Pflichten  gegen  seinen  Gott  erfiillt  zu  haben 
glaubte.  wâhrend  die  Prophet^n  den  Kutt  fur  werttos  erktàren. 
wenn  die  Rechtsrluiffenheit  fplilt.  In  eineiii  Lehrgedicht  tînden 
wir  unter  anderen  fotgende  Malinungen   vl)   : 

«  \'erleumde  nietit,  rede  freumlticli, 

Brtses  sprieh  nictit,  sage  Gutes  ! 

Wer  verleumdet,  Bôses  redet,  [trarhten. 

Zur  Vergettung   daiur   wii'd   Schamas   itini     nadi     i'"rii     Haujde 

Tàglic-ti  bring  dar  deinem  Gotte 

Opfer  und  Gebet,  was  an  Ràucherwerk  sieh  geh(»rt  ; 

Zu  deinem  Gotte  mogest  du  Herzenszuneigung  liaben. 

chis  ist  es,  was  der  Gottheit  zukommt. 

Beten.  Flehen  und  Xiederwpi'fpn  aufs  Antlitz 


(1)   ZijVimerNj  Babylonische  Hymnen  und  Geiete  in  Auswahl  (AO,  XIII,    1). 
S.  27  ff.  ;  Ungnad  bei  Gressm.ann^  Altorientaïische  Texte  und  BUder,  S.   98  f. 


DAS  OPPER  BEI  DEN  ARABEHN  301 

sollsl    (lu   niorgons    ilsm   ilai'hi'ingr'n.      dann    wii'd    ^r   dir   reiche 

[FûUe  gehen 
und  ini  Ueberniasse  wirst  du  mil   (îott  Gflingpn  hahen. 
Willst  du  vorsfàndig  wpimIpr.  so  hlick  aiif  die  Tafid  : 
[Gottes]  fur(dit  gebiert  Huld, 
Opfer  macht  das  Leben  libprlang, 
und  Gebet  ]ns\  Sûndenscbuld.  » 

'Hier  baut  ein  odler  Geist  seine  Religion  auf  reinen  ethischen 
Grundsiitzen  auf  und  macht  sie  so  wert-  und  bedeutungsvoll 
auch  fur  spàtere  Zeiten. 


[19]  Le  sacrifice  chez  les  Hébreux, 

par  M.  le  Prof.   Dr.  Sanda. 

Le  conférencier  n"a  pu  livrer  à  temps  son  manuscrit.  —  On 
trouvera  l'exposé  de  ses  solutions  personnelles  dans  le  livre 
(ju'il  doit  faire  paraître  prochainement,  Moses  und  der  Penta- 
teuch. 


[20]  Das  Opfer  bei  den  Arabern, 

von  Prof.  G.  Klameth,  Olmijtz  (1  ). 

In  den  naehfolgenden  Ausfûhrungen  kann  ledigli(di  das  We- 
sen  des  Opfers  bei  den  allen  vorislamischen  nomadischen 
Arabern  (Beduinen)  beleuchtet  werden,  das  ja  auch  unser 
besonderes  Interesse  verdient.  Gehôrten  doch  die  Vorfahren 
der  Hebrâer,  als  viehzùchterische  Nomaden,  demselben  grossen 
Kulturkreise  an  wie  jene.  Ausserdem  lebten  die  Hebrâer  selbst 
noch  eine  Zcit  lang  als  Nomaden  und  mitten  unter  solchen,  uni 
dann  spàter  als  Nachbaren  im  Osten  an  dieselben  anzugrenzen, 
weshalb  Zusammenhànge  zwischen  den  kulturellen  und  kul- 
tischen,  also  namenilich  auch  den  Opfergepflogenheiten  der 
Hebrâer  und  Araber  auf  der  Hand  liegen.  Leider  ist  man  ûber 
das  Wesen  des  altarabischen  Opfers  selbst  noch  immer  nicht 
einig.   Schon    J.   Wellhausen    (2)    betont     beim     altarabischen 


(].)  Wegen  niclit  lechtzeltigen  F:inti'effens  der  benotigten  Drucktypen  war  es 
nicht  mog-lich,  in  den  arabischen  Wortern  die  phonetisrhe  Schreibweiso  gcnau 
durchzufijhren. 

(2)    Eeste   arabischen   Hcidrntiinis.    in-8",   Berlin,    Ri-irncr,    1897,   S.    124. 


302  G.  KLAMBTH 

Opfer  stark  (las  Opfermahl,  ans  welchem  sich  die  Opfpridee  dnr 
Vej'brûderung  oder  der  Bundesschliessung  mit  der  Gottheit  so 
F^'ht  ahhebe.  Fiir  R.  Smith  (1),  der  von  der  ganz  verfehlten 
Voraiissetzung  des  Tolemismus  hei  dpn  Seniilen  und  oiner 
vcdlig  irrtûin lichen  Auffassiing  des  bekannten  Sarazenenopfcrs 
bei  NiLUS  (2)  ausgeht,  besteht  das  Wesen  des  altarabischen 
O^pfers  lediglicb  nurmehr  im  totemistisch  gedachten  Opfer- 
mahle,  der  Konimunion  der  Opferteilnehmer  und  der  Gottheit 
dui'ch  den  Genuss  des  theandrischen  Totenitleiscbes.  Demge- 
geniiber  làsst  S.  I.  Gurtiss  (3),  der  das  Wesen  des  sehieehthin 
als  arabisch  bezeiehneten  Opfers  ans  jenen  Resten  altsemi- 
tischer  Opfergepflogenheiten  zu  fekonstruieren  sueht,  die  sieh 
unter  einer  seliwaehen  Obersebiehi  von  islamischen  und  christ- 
lichen  Vorstellungen  bis  zum  heutigen  Tage  erhalten  haben. 
dasselbe  in  der  Schlachtung  und  dem  Hervortreten  des  Blutes 
gipfeln.  wâhrend  er  die  Opferniahlzeit  als  Accessorium  behan- 
delt.  Die  richtige  Ansehauung  venficht  da  wohl  P.  Lagrange  (4). 
da  er  im  Verlaufe  seiner  gegen  Smith"s  ûpfertheorie  gerich- 
teten  Ausifûhrungen  beides,  die  Sehlachtung  nichi  minder  als 
das  Opfermahl,  als  wesentlich  fur  das  altarabische  Opfer 
voraussetzt. 

Fur  dièse  Ansiclit  lasst  sich  nun  ein  zwar  nur  indirekter, 
aber  trolzdem  schlagender  Beweis  erbringen  aus  den  allerdings 
unmiitelbar  wohl  nur  auf  das  neuarabische  -Opfer  bezugneh- 
menden,  aber  mittelbar  auch  fur  das  altarabische  Opfer  ver- 
wertljaren  Forschungsergebnissen  A.  Musils  (5),  aus  Arabia 
Petraea,  und  den  noch  ergiebigeren  Opferstudien  A.  Jaus- 
SENS  (6),  aus  Moab.  Beide  Forscher  bieten  da  als  geschultc 
Theologen  und  Philologen  zugleich  ein  viel  wertvolleres  und 
verlàsslicheres  Yergleichsmaterial,   als   es   Gurtiss   zur  Yerfû- 


(1)  Die  Religion  der  Semiten.   Deutsche  Uebersetzung-  von   R.    Stuebe,  in-8", 
Freiburg  i.  B.,  Mohr,   1899,  S.   96  ff.,   215  ff.,   262   ff. 

(2)  MiGNE,  PG,   t.   L.XXIX,   col.    611   ff. 

(3)  Urseniitische    Religion    im    Volskleben    des    heutigen    Orients.    Deutsche 
Ausgabe  von  M^  TV'.  Baudissin,  in-8",  L,eipzig:,  Hinilchs,  1903,  S.  252  ff. 

(4)  Et)tdes    sur     les     Religions     sémitiques  ?,  in-8",    Paris,     Lecoffi-e,      1905, 
S.   252   ff. 

(5)  Arahia  Petraea  III.  Ethnologischer  Reisehericht,  gr.   in-8",  Wien,  Hôlfler, 
1908.  —  Sigl.  =  AP. 

(6)  Coutumes  des  Arabes  au  p«i/s  de  Moah,   gr.   in-8",   Paris,   Lecoffre,   1908. 
—   Sigl.   =   AM. 


DAS  OPFER  BEI  DEX  ARABEHN  303 

giing  stand,  schalTen  damit  aber  aucli  l'ine  gesichorte  Basis, 
von  der  ans  man  —  die  mitigé  Einsicht  vorausgesetzt  —  auf 
das  Wesen  des  altarabisclien  Ofjfers  zuriicksfhliessen  kann, 
fiir  wolches  ehen  direkie  Qnellen  immer  noch  zii  spàiiieh 
fliessen.  leh  lasse  ziiniichst  eine  gedrângte  Zusammenstellung 
der  heutigen  arabisciien  Opfer  in  Moab  bezw.  Edom  folgen, 
web-lie  sich  bel  don  genannten  (Tplehrten  verzeichnet    finden    : 

1.  Erstlingsopfcr  : 

a.  Opfer  von  den  Tiererstlingen  (Erstgel)urt  der  Ziegen  und 
Schafe)   (1)   ; 

b.  das  Se)nàt-0\)ier  (Primiziahipfcr  von  Milch  und  Buftei-, 
Korn  und  Linsen)   (2)   ; 

c.  das  Opfer  bei  der  nienscblirben  Erstgeburt    (3     ; 
cl.  das  Erstlingsopfer  bei  der  Mahlzeit   (4)   ; 

2.  Alitienopfer   (5"'    : 

a.  an  den  Héros  eponynios  der  einzelnen  Stàmme   (6)   ; 

b.  an  andere  besonders  gefeierte  Almen   (7)   ; 

c.  die  jàhrlichen  Ahnenopfer   (8). 

3.  Totenopfer  : 

a.  die  Opfer  am  Sterbetag  (9)  ;  b.  das  Trostopfer  am  8. 
Tage   (10)  ;  c.  Gedenktagsopfer  (H  i  ;  d.  das  dahijje-Opîer   (12). 

4.  Veliopfer  : 

o.  dii'ekle  an  den  Yeli  (13)  ;  b.  an  dip  lieiligen  Baume  (14)  ; 
c.  das  Opfer  beim  .Mazâr   (15). 

5.  Ginnopfer  : 

a.  das  Opfer  bei  Aulstellung  eines  neuen  Zeltes  (16)  ;  b.  bei 
Yergrr)sserung  des  Zeltes  [dliabihet  cl  wâset)  (17)  ;  c.  beim  Auf- 
spannen  der  neuen  Zeltwand  {dhabihet  er-rûag)  (18)  ;  d.  das 
Opfer  bei  Vollendung  der  MauerwTilbung  (19)  ;  p.  bei  Einfiigung 
der  Oberselnvelle  (20)  ;  /'.  nach  Vollendung  des  Hanses  (21)  ; 
(j.  beim  Gerinnen  der  INIileh  im  '^vhVàuvhf^  [dhabihet  rs  saga)  {22)  ; 
/(.  fiii'  die  neu  angekaufte  Stufe   (23)  ;  ('.  fur  das  neu  geworfene 


(1)  AM,  366  ;  AP,  286.  —  (2)  .4.1/,  864  ;  .4/',  287.  —  (3)  .4.1/,  367.  — 
(4)  AM,  319.  —  (.5)  AM,  316  ff.  In  AP  unter  dem  Titel  «  Heiligenverehrung:  », 
S.  329  s.  —  (6)  AM,  317.  —  (7)  AP,  329  fi.  —  (8)  AP,  4.50  ff.  —  (9)  AM,  352  ; 
AP,  4.51-453.  —  (10)  AM,  351  ff.  —  (11)  AP,  451-53.  —  (12)  AM,  371  ff.  : 
AP,  451  ff.  —  (13)  AM,  296  ff.  —  (14)  AM,  331  ff.  —  (15)  AM,  358.  —  (16)  AM, 
339.  —  (17)  AM,  340.  —  (18)  AM,  340.  —  (19)  A.M,  341.  —  (20)  .4.1/,  342. 
—  (21)   AM,  342  ff.  —  (22)    AM,  353.  —  (23)    AM,  354. 


30  i  G.  KLAMETH 

Stutenfi'illen  (1)  ;  k.  das  Opfer  im  Heilbad  (2)  ;  l.  das  Opfer 
vor  dem  Erstdrusfhe    (3)   :  m.  das  Erstraubopfer   (4). 

6.  Sonstige  Opfer  : 

a.  die  Opfer  nadi  der  Geburt  eines  Kindes  (5)  ;  b.  fiir  einen 
verstorbenen  Sàugling  (6)  ;  r.  bei  der  Beschneidung  (7)  ; 
cl.  das  Opfer  cs-sefdh  zur  Festigung  des  Verlobungskontrak- 
tes  (8i  ;  e.  das  Ojjfei'  zur  Sicherung  der  Verlobung  mit  einer 
Minderjâhrigen  (9;  ;  /'.  das  Hennaopîev  (10;>  ;  g.  das  Hochzeits- 
opfer  (11)  ;  li.  das  Of)fer  zur  Aufhebung  der  Seheidung  (12)  ; 
/.  bei  Aufnahnie  in  den  Stamm  (13)  ;  j.  das  Opfer  fur  den 
Gast  (14)  ;  k.  an  die  «  Mutter  des  Regens  »  (15)  ;  L  gelobte 
(versprochene)  Opfer  (16)  ;  m.  Beuteopfer  (17;  ;  n.  Fedu' = 
(Praeventiv)  Opfer  (18)  ;  o.  das  Opfer  an  den  Fagîr  (19)  ; 
p.  Haaropfer  (20) . 

Es  ist  nun  wohl  selbstverstândlieh,  dass  nicbt  allen  diesen 
Opfern  dieselbe  religiose  Bedeutung  zukommt  und  dass  sie  nicht 
so  ohne  weiteres  als  getreuliches  Spiegelbild  der  altarabischen 
Opfer  im  Allgemeinen  und  noch  weniger  derjenigen  der  arabi- 
schen  Viehzûchternomaden  im  besonderen -betrachtet  werden 
dûrfen.  Vor  allem  sind  mehrere  der  angefiihrten  Opfer  z.  B.  das 
Wôlbungs-,  Oberschwellen-  und  Hausbauopfer  ansgesproc-hene 
Fellâhîn-.  hzw.  andere  auch  Halbfellâhînbràuche,  die  natûrlicli 
weder  jetzt  noeh  frûher  dem  nomadischen  Araber  eigen  waren. 
Dann  springen  zwei  weitere  Tatsachen  in  die  Augen  :  die 
Ueberwucherung  des  ursprûnglichen  Himmelsgottglaubens  der 
viehzuchfcerischen  Nomaden  (21)  durth  eine  Unmenge  mani- 
stischer  und  animistiseher  niederer  Religionsvorstellungen,  die 
ersteren  auf  das  Niveau  des  Ahnen-,  Toten-  und  Geisterglau- 
bens  herabdrûfkten,  das  durch  die  Aufnahme  vereinzelter 
christlicher  und  islamiseher  Heiliger  nicht  besonders  gehoben 
wurde.  Die  zweite  Tatsache  ergibt  sich  als  Folge  der  ersten   : 


(1)  AM,,  355.  —  (2)  AM,  359  ;  AP,  416  ff.  —  (3)  AM,  353  ;  AP,  301.  — 
(4)  AP,  396.  —  (5)  AP,  215  ff.  (sabû,  tulû,  mrûga,  hdhûl-Opfer).  —  (6)  AP, 
219  (MusiLS  agîga  =  Opfer).  —  (7)  AM,  351  ;  AP,  222.  —  (8)  AM,  344  ff.  — 
(9)  AM,  345.  —  (10)  AM,  346.  —  (11)  AM,  347  ;  AP,  195.  —  (12)  AM,  347  ff. 
—  (13)  AM,  358.  —  (14)  AM,  348  ff.  —  (15)  AM,  326  ff.  :  AP,  8  f .  —  (16)  .4.)/, 
355  f.  —  (17)  AM,  355  ;  AP,  395.  —  (18)  AM,  361  f.  ;  AP .  216.  396.  — 
(19)    AM,  360.  —  (20)    AP,  396. 

(21)  P.  W.  KoppERS,  Die  Anfaenge  des  nirnschlichen  Gemeinschaftslehcns, 
.in-16",  Munchen-Gladbach,  Volksvereins-Verlag,  1921,  S.  178. 


DAS  OPFER  BEI  DEN  ARABERN    •  305 

mit  dem  Eindringen  des  Ahnen-,  Toten-  und  Geisterglaiibens 
erwuchs  die  Notwendigkeit  neben  dem  Himmelsgotte  oder  auch 
an  seiner  Stella  sich  aile  dièse  hoheren  Wesen  durch  irgend- 
welche  Geschenke  oder  Opfer  geneigt,  oder  besser  gosagt, 
gefûgig  zu  maeben.  Der  eine  alte  Himmelsgott  musstc  sich  in 
die  Opfer  mit  den  neuen  Gotterwesen  teilen.  Dadurch  sank 
aber  das  Opfer  zum  Geister  bezwingenden  Zauberritus  herab. 
welcher,  da  man  Geistern  auf  Schritt  und  Tritt  gegenûberstand. 
immer  unentbebrlicher  wurde  und  darum  auch  an  Zahl  immer 
mehr  und  mehr  zunahm.  Wann  dièse  Ueberwucherung  des 
Himmelsgottglaubens,  die  sich  natiirlich  an  der  Peripherie  der 
von  viehzûchterischen  Nomaden  bewohnten  Gebiete  stârker 
fûhlbar  machte  als  gegen  Innerarabien  zu.  einsetzte.  làsst  sich 
nicht  bestimmen.  Jedenfalls  war  sie  gegen  Ende  des  Neolithi- 
kums  (2500-2000)  bereits  weit  fortgeschritten,  wie  die  riesen- 
haften  Dolmennekropolen  Moabs  als  Zeugen  eines  imposanten 
Totenkultes  dartun. 

Immerhin  sind  dièse  neuarabischen  Opfer  von  grosser  reli- 
gionswissenschaftlicher  Bedeutung,  da  sie  uns  wichtige 
Schlussfolgerungen  auf  das  altarabische  Opfer  gestatten, 
dossen  Erforschung  noch  vieles  zu  wûnschen  ûbrig  lâsst.  Aile 
die  angefuhrten  Opfer,  môge  ihr  Empifànger  Allah,  ein  Ahne, 
ein  Veli  oder  Ginn  sein,  môgen  sie  —  und  dies  ist  besonders 
bezeichnend  —  von  bereits  ansàssigen  oder  nomadischen  Ara- 
bern  berichtet  werden,  weisen  bei  aller  Verschiedenheit  als 
O'pfergabe  schlechthin  eine  dhabihe  ein  Schlachttier  aus  der 
Mitte  der  Herde  und  nur  in  wenigen  Fâllen  eine  unblutige  Gabe, 
namlicb  das  Ertrâgnis  dieser  Tiere,  Milch,  Butter  und  als  deren 
Ersatz  Oel  oder  wohl  auch  ein  Scheinopfer  (Butter  mit  Henna 
gefârbt)  auf.  - —  sie  zeigen  ferner  sâmtlich  denselben  charakte- 
ristischon  Opferritus,  die  Schlachtung  des  Opfertieres  (der 
dhabihe)  vermittels  Durchbohrung  der  Kehle  und  das  damit 
verbundene  Hervorstromenlassen  des  Blutes,  sowie  endlich  den 
Genuss  des  Opferfleisches,  die  Opfermahlzeit,  so  dass  wir  wohl 
nichi  fehlgehen,  wenn  wir  dièse  immer  von  neuem  sich  wieder- 
holenden  Eigentûmlichkeiten,  die  Schlachtung  des  Opfertieres 
sowie  die  Opfermahlzeit,  geradezu  als  wesenhaft  fur  das  neu- 
arabische  Opfer  betrachten.  Dièses  Konstante,  Bleibende. 
Unverànderliche   in   dem  Rituale   bei   Opfern,   diezeitlich   und 

20 


SOC)  G.  KLAMETH 

ortlich  durch  gewaltige  Zwischenràunie  getrenni  sind,  bei  den 
Beduinen  und  den  Fellâhîn.  dio  làngst  die  Viehzueht  mit  dem 
Ackerbau  vertauschten,  sclieint  mir  aber  ein  vollgiltiger  Bewpis 
dafûr,  dass  jene  cbarakteristischen  Zûge  nur  die  organische 
Fortsetzung  der  don  Arabern  ursprlinglich  eigenen.  altber- 
gebrafhten  primitiven  Opferpraxis  sind,  und  dass  dariini  das 
altarabisclie  Opfer  seinem  Wesen  nach  sicb  mit  dem  neuara- 
biscben  decke,  d.  h.  dass  auch  das  altarabisohe  Opfer  als  Opfer- 
gabe  ein  Opfertier  voraussetze  sowie  auch  die  Schlarhtung  und 
die  Opfermahlzeit  bedinge.  Dièse  Folgerung  ist  um  su  bereoli- 
tigter,  als  eine  ganze  Anzahl  neuarabischer  Opfer  augenschein- 
lieh  genaue  Entsiireehungen  altarabiseher  Opfer  sind,  vor  allem 
die  eigentlichen  Tiererstlingsopfer  und  das  Beufeopfer,  denen 
wir  ja  bereits  in  altarabiseher  Zeit  als  fara-  (1)  und  nagîa- 
opfer  (2)  begegnen.  Desgleichen  ist  naoh  Wellhausen  das  an 
Inatiationsbràuehe  gemahnende  aglgaopîcr  vom  Islam  bereits 
aus  altarabiseher  Zeit  ûbernommen  worden  (3)  ;  wir  finden  es 
wieder  in  dem  Mrùgaopîer  z.  B.  der  Azdzme  und  der  Saidijjîn  (4) . 
Ebenso  gestatten  die  Ansâb  (Opfersteine).  um  einzelne  altara- 
bisohe Heldengrâber  (5)  die  Folgerung,  dass  wohl  aueb  man- 
ches der  oben  erwâhnten  Ahnenopfer  in  di  ■  vurislamische  Zeit 
hineinrage,  wie  ja  sogar  das  bekannfe  Kamidoplfr  des  grossen 
Dahijje-  Totenfestes  auf  altarabische  Kamelschlachtungeii  am 
Grab  des  Toten  zurûckzufûhren  ist  (6),  weshalb  wir  jedenfalls 
berechtigl  sind  das  Wesen  des  altara])ischen  Opfers  aus  diesen 
und  àhnlichen  neuarabischen  Opferbrauchen  herauszuschâlen. 
Inwieweit   lassen  sich  nun  dièse    indirekt    gewonnenen  Er- 


(1)  Wellhausen,  Reste,  S.  121  ;  Smith,  Rel.  d.  Sem.,  S.  172.  Auch  die 
atdïr-Opfev  des  Monats  ragab  durften  ursprunglich  Primizialopfer  gewesen 
sein  ;  s.  Smith,  a.  a.  O. 

(2)  Wellhausen,  Reste,  S.   121   ;   Smith,  Rel.  der  Sem.,  S.   310. 

(3)  Wellhausen,  Reste,  S.  121,  174.  Es  flndet  statt  am  8.  Tage  nach  der 
Gebiirt  eines  Knaben.  Mit  dem  Blute  des  Opfertieres  wird  der  Scheitel  des 
Kindes  bestrichen,  dessen  Haare  zuvor  abgeschnitten  wurden. 

(4)  Das  Datum  schwankt  allerdings  bereits  zwischen  dem  8.  und  4.  Tage 
nach  der  Geburt  ;  daftir  wird  die  Blutstreichung  am  Scheitel  des  Knaben 
von  MusiL,  AP,  216  ausdrûcklich  bei  den  Su'îdijjîn  bezeugt,  wâlirend  er  vom 
Abschneiden  der  Haupthaare  schweigt.  Dieser  letztere  Brauch  mochte  ja  nach 
Verlegung  der  agiga  zum  Geburtstag  hin  (s.  Smith,  Rel.  der  Sein.,  S.  252), 
bald  uberfliissig  erscheinen.  Der  Ausdruck  agîga  existiert  auch  heute  noch, 
bezeichnet  aber  jetzt  nach  Musil,  AP,  S.   219  das  Opfer  fiir  einen  Saugling. 

(ô)    Wellhausen,   Reste,  S.    184.   —  "(6)    Ehenda,   S.    184   ff. 


DAS  OPFER  BEI  DEN  ARABERX  307 

kenntnisse   ûher   das    Wesen    des     altarabisclien   Opfers    auch 
talsàchlich  konkref  lif>legen  ? 

I.    —   DIE   DHABÎHE 

Yor  allem  war  auch  das  Hauptopfer  der  altarabisclien  Vieh- 
ziichtornomaden  pin  Schlachtnpfer,  eine  dhahlhe.  In  der  Auswahl 
der  Opfergaben  ist  ja  von  Vornherein  ein  grosser  Unterschied 
zwischen  einst  und  jetzt  niclit  wahrscheinlich,  da  die  Opfer- 
moglichkeit  der  alten  Araber  so  ziemlich  auf  dieselben  Gaben 
besehrànkt  war,  wie  die  ihrer  heutigen  Xaehkommen  und 
Namenstrager.  Der  Viehzùchternomade  Arabiens  konnte,  bevor 
er  sieh  sesshaft  inachte,  eben  nur  ein  Tier  seiner  Herde 
und  ihr  Etrâgnis  als  Opfergabe  weihen,  eine  Tatsache,  die 
sieh  plastiseh  in  der  altsemitischen  Erzahlung  von  Kain 
und  Abel  abspiegelt,  von  denen  der  Viehzûchternomade  Abel 
die  Erstlinge  seiner  Schafe  (als  dhabihe)  (1)  und  ihrer  Milch 
(als  semât)  (2),  der  bereits  ansâssig  gewordene  Fellah  Kain 
die  Erstlinge  der  Feldfrûchte  opfert.  Jener  Voraussetzung 
entspricht  auch  die  vorislamisehe  Opferiiberlieferung.  Ich  ver- 
weise  zu  diesem  Zweeke  auf  die  bereits  angefuhrten  altarabi- 
sehen  Opfer,  die  sàmtlich  Schlachtopfer  sind,  also  eine  dhabihe 
voraussetzen,  ausserdem  aber  auch  noch  auf  die  Kamelopfer 
der  Sarazenen,  von  denen  Nilus,  und  der  Pharaniten,  von  denen 
DiODORUs  (III,  42  bis  43)  (3)  berichtet.  Gazellen  waren  bloss 
ein  Notersatz  fur  Schafe  (4).  In  schroffem  Gegensatz  zu  den 
genannten  Steppen-  und  Wûstenopfern  viehzûchterischer  No- 
maden  steht  die  grosse  Rolle,  die  das  Rind  bzw.  der  Stier  als 
Opfert ier  vornehmlich  in  den  fruchtbaren  Kulturgebieten  Sûd- 
arabiens    (5)    und  einzelnen  Oasen    (6)    spielte.  Die  unblutigen 


(1)  Als   Schlachtopfer,   nicht  als   Brandopfer  ! 

(2)  Urspiung-llch  jedenfalls  arab.  hardb,  hebr.  châlâb,  Milch  statt  arab.  chllb, 
hebr.  chêleb,  Fetten.  Dass  dem  gottwohlgefalligen  Abel  geiade  das  Tieropfer 
zugeteilt  wird,  ist  auch  bezeichnend  flir  das  Milieu,  in  welchem  jene  Erzah- 
lung'  iiberliefert  wurde. 

(3)  S.  dariiber  B.  MoritZj  Der  Sinai'kHlt  in  heidnischer  Zcit,  in-8",  Berlin, 
Weidmann,   1916,   S.   35   ff. 

(4)  Wellhausen,  Reste,   S.   115. 

(5)  D.  NiELSEN,  Die  altnrahischc  Mondreligion  und  die  mosaisehe  Ueher- 
Ueferung,  in-S",  Strassburg-,  Tri'ibner,  1904,  S.  110  ff.  ;  s.  auch  z.  B.  die  himyar. 
Inschriften   im   CIS,  80-82. 

(6)  Sicher  bezeugt  durch  den  Stierkopf  auf  der  Stèle  von  Tcima  ;  IjAGRange, 
Religions   sé^niticjucs^,    p.    502. 


308  G.  ia,AMETH 

OpfiM'  Iraten  aiich  im  vorislamischen  Opferritiial  dpr  vieh- 
zùchterischen  Arabernomadpn  v('illig'  in  den  Hintergrund.  Die 
Rauchopfer  waren  wie  die  Stieropfer  spezifisch  typische 
Erscheinungen  des  sudarabischen  Kultes.  Dass  bei  dieser 
Auswahl  dei"  altarabis(^hen  Opfergaben  der  Primizialgedanke 
von  Aussfhlag  geliender  Bedeutung  war,  ergiht  sieli  daraus. 
dass  neben  den  Erstlingen  der  Herdentiere  iind  ibrer  Produkie 
friihe  aucb  die  Erstlinge  der  Feblfriichte  (l),  der  Beiite  und 
der  Mablzeit  tret.en   (2). 

II.   SCHLACHTUNG  UND   BLUTSPENDE 

Ebenso  lasst  sich  der  fur  das  neuarabisehe  Opfer  so  eliarak- 
teristische  Ritus.  die  Seblacbtung  und  das  Ausstrômenlassen 
des  Blutes  (Blutsj)en(ie)  al.s  liereits  dem  altarabischen  Opl'er 
eigentumlich  erweisen.  Der  beste  Zeuge  dafùr  ist  der  Spracb- 
gebrauch.  Dhabaha,  schlacbten,  war  dem  Viehzuciiternoniaden 
Arabiens  schon  in  aller  Zeit  gleiebbedeutend  mit  opfern,  wie 
ja  aucii  der  Ort  der  Opferung  «  madhbah  »  eigenllieb  Scblacbt- 
stàtte  lieisst.  Altàre  kennt  der  vorislaniiscbe  Beduin  sowenig 
wie  der  moderne.  Zur  Opferstâtte  geniigt  bis  heute  ein  Fels- 
stein  oder  ein  Steinliaufen  (3).  auf  den  das  Blnt  heraus.strfunt, 
oder  neben  bzw.  unter  welchem  dassellie  in  einer  (irube 
gesammeît  wird  (4).  Einen  Beieg  zum  allarabiscben  Opferritus 
der  Schlacbtung  bietet  selbst  in  seiner  l^ntartung  nocb  das 
Sarazenenopfer  bei  NiLUS  ;  auch  an  gelegentlichen  Mitteilungen 
iiber  die  Blulspende  fehlt  esnichi  bei  arabischen  Autoren  (5). 
Von  diesem  altarabiseben  Opferbraueh  fàllt  Licht  auf  die 
SI  elle  I  Sam.,  xiv,  32,  woselbst  Saul  d'en  Auftrag  gibt,  einen 
Steinblock  herbeizuwàlzen.darauf  die  Seblaebtung  vorzunebmen 
und  so  das  Blut  ausstrc'unen  zu  lassen.  bevor  die  .Juden  von  dem 
Opferfleisf'li  geniessen. 

Die  TOtung  des  Opfertieres,  seine  vollige  Destruktion  ist 
demnach,  wie  fiir  die  iibrigen  semitischen  Religionen  aucb  fur 
das  arabische  Opferrifual  charakteristisch. 


(1)  Vergleiche  Sure   VI,    v.    137. 

(2)  Ueber  das  Opfer  dev  mensclilichen  Erstgeburt  bei  den  Viehzuchternoma- 
den  vgrl.  P.  W.  Schmidt,  Ethnologische  Bemerknngen  zu  kathol.  Opfertheorien, 
im  Jahrlfiich  des  Missionshauses  S.   Gabriel,  1922,   Jahrg-.   I,   19   ff. 

(.3)   Vg-1.   Gcn.,  XXXI,   51-54. 

(4)  ^yELLHAUSEN^  Reste,  S.    103. 

(5)  Ebenda  :   Smith,  Rel.  der  Sem.,  S.   262   ff. 


DAS  OPFER  BEI  DEX  ARABERN  309 

Mit  dieser  Destruktion  der  Opfergabe  bzw.  der  Schlachtung 
der  (Ihabihe  ist  beim  neuarabischen  Opfer  als  HOhepunkt  der 
Opferhandlung  das  Hervorbrechen  des  Blutes  oder  die  Blut- 
spende  Nerbunden.  Dass  aucb  das  altarabische  Opfer  in  dieser 
Blutausgiessung  gipfelte.  bezeugt  der  alte  Ausdruck  nasaka, 
ausgiessen,  der  geradeso  wie  die  Bezeifhnung  (Ihabaha  zum  kul- 
tischen  Terminus  technicus  fiir  opfern  [nv.skvyi  =  Opfer  i  gewor- 
den  ist.  Wie  die  Opferhandliing  in  der  Blutspende  kulniinierte, 
so  knnzentrierte  sich  aueh  die  Idée  der  Destruktion  —  die 
Zuriickstellung  des  Lebens  an  Gott.  den  Urbeber  des  Lebens,  — 
in  diesem  Ritus,  da  ja  das  ausstnuiiende  Blut  als  Lebens-  und 
Seelentrager  die  Hingabe  oder  Rùckstellung  des  bochsten  Gutes, 
des  Lebens.  an  den  Herrn  des  Lebens  und  damit  die  Aner- 
kennung  seiner  Souveranitàt  glànzend  versinnbildete.  Der  Tabu- 
cliarakter  des  Blutes  und  das  Verbot  seines  Genusses  sind 
selbsfversliindliebe  Begleiterselieinungen.  Leider  wussten  ani- 
mistische  Spekulationen  dièse  hehren  Blutriten  voUig  umzu- 
deuten.  Man  sah,  wie  das  Blut  vom  Opferstein  aufgesogen. 
gleichsam  entgegengenommen  wurde,  und  zogerte  nieht  den 
Schlachtstein  mit  der  dûrstenden  Gottheit  zu  vêrmengen  und 
der  Vorstelhmg  platzzugeben,  man  konnte  durch  Bestreichen 
des  Opfersteines  mit  dem  Blute  oder  wenigstens  durcb  Be- 
sprengung  desselben  das  Opferblut  der  Gottheit  selber  applizie- 
ren  (i).  Neben  dieser  Bestreichung  des  Gottessteines  treten 
dann  die  Bestreichung  bzw.  die  Besprengung  von  Personen. 
ïieren  und  Sa(dien  mit  dem  Opferblute  auf.  Alter  und  Deutung 
dieser  Riten  sind  noch  strittig.  Jedenfalls  sollten  sie  mit  der 
Zeit  die  Wirkung  des  Opfers  sichern.  Doch  vermoehte  der  kom- 
pliziertere  Ritus  den  Niedergang  der  ursprûnglich  so  hohen 
Opferidee  nieht  aufzuhalten.  Ein  indii-ektes  Zeugnis  fiir  die 
Entartung  der  altehi'wûrdigen  Opfersehlacbtung  und  der  Blut- 


(1)  Die  Vorstelking  eines  Zeus  Madbachos  und  Bomos  sowie  dei-  verschicde- 
nen  arabischen  Steinidole  lâsst  sich  von  hieraus  gut  begieifen,  ebenso  der 
moderne,  von  Musil,  AP,  S.  286,  fiir  Kerak  bezeugte  Sprachgebrauch,  die 
Er.<;tgeburt  des  Kleinvielis  «  vor  Cliuder  oder  Schêch  Salâch  hlnstellen 
(vaQfjdfu)  »,  d.  h.  die  Erstlinge  zu  dem  heiligen  Opferstein  in  dem  Veli  hinbiin- 
gen.  Es  zeigt  sicli  dièse  Anschauung  eng  verwandt  mit  derjenigen,  die  ans  der 
Aufforderung  des  Lev.,  lY,  4  u.  a.  O.  spi'icht,  die  Tieropfer  «  vor  das  .^ngesiclit 
Jahves  »  zu  bringen  und  dort  im  Tempel  zu  schlacliten.  Mit  der  Phrase  «  voi- 
dem  Angesichte  Jahves  »  opfern,  ist  zu  vergleiclien  z.  B.  die  Aufforderung 
zum  Fcdu-Opter  bei  Jaussen,  AM,  362  :  «  Lasst  uns  ein  Frilu-Ovtev  dar- 
bringen,   vor  dem  Angesichte  Allahs  !    » 


310  G.  KLAMETH 

spende  bietet  Lev.,  xvii.  1-7.  Selbst  nach  Sireichung  aller  lext- 
kritisch  beanstandeter  Stellen,  setzt  der  Text  die  Zeit  des 
Wûstenaufenthaltes  voraus.  Offenbar  ist  es  ein  Reformgesetz 
gegen  gotzendienerisehe  Missbràuche,  die  sich  wàlirend  des 
Wûstenaufenthaltes  der  Israeliten  eingeschlielien  hatten  (1). 
Ausdrûcklich  fordert  es  kiinftighin  aile  Selilachtungen  fur 
Jahve  an.  Wer  schlachtet,  muss  es  am  Eingang  des  heiligen 
Zeltes  tun.  um  Jahves  Anteil,  die  Blutspende.  sicherzustellen. 
Wer  anders  handelt,  soll  des  Todes  sterhen.  Dieser  feierliche 
Protest  gegen  Opferhinterziehungen  zuni  Schaden  Jahves  sowie 
das  wiederholt  eingefûgte  Verbot,  das  Blut,  das  als  Lebens- 
element  der  Gottheit  heilig  ist,  zu  geniessen,  lâsst  den  Zusam- 
menhang  ahnen.  Zweifellos  hatte  die  Opferpraxis  der  sinai- 
tischen  Beduinen,  unter  denen  die  Israeliten  wahrend  ihres 
Wûstenaufenthaltes  lebten,  Sehule  gemacht.  Die  letzteren 
hatten  die  Opferschlachtungen  zu  Ehren  versehiedener  Gotzen, 
Totengeister  und  Ginnen,  sowie  aui-h  den  Genuss  rohen,  blu- 
tigen  Opferfleisehes,  wie  ihn  das  gleich  naher  zu  behandelnde 
Sarazenenopfer  bei  Nilus,  2000  Jahre  spàter.  bezeichnender 
Weise  als  Brauch  ebenderselben  sinaitisehen  Nonladen  bezeugt, 
kennengelernt,  daran  Gefallen  gefunden  und  dann  auch  bald 
selbst  bei  ihren  privaten  Sehlafhtungen  nachgeahmt.  Diesem 
Missbrauch  ^Yollte  nun  wohl  Lev.,  xvu,  1  lï.  einen  Riegei  vor- 
sehieben  :  aile  Sehlachtungen  sollten  Jahve-,  nieht  Dàmonen- 
opfer,  wie  bei  den  Arabern,  sein  und  das  Blut  sollte  als 
Blutspende  fur  Jahv(^  ausgegossen  und  nieht  mit  dem  rohen 
Fleische  genossen  werden. 

III.  DIE  OPFERMAHLZEIT 

Aber  auch  die  Opfermahlzeit  eignete  als  konstitutiver  Be- 
standteil  bereits  dem  altarabischen  Opfer.  Allerdings  gibt  ge- 
rade  das  Beispiel,  auf  welclies  Smith  seine  Théorie  vom  alta- 
rabischen Opfer  als  einem  totemistisehen  Opfermahle  aufbaute, 
ein  vcVllig  sehiefes  Bild  des  arabischen  Opfermaliles,  sodass 
wir  hier  in  Ermangelung  besserer  vorislamischer  Nachrichten 
am  meisten  auf  den  Analogieschluss  vom  neuarabischen  Opfer 
aus  angewùesen  sind.  Wenn    sich    die  Sarazenen  voU  Blutgior 


(1)   "W.    Engelkemper,    Heiligtmn     und    Opferstnetten    in    den    Oesetzen    des 
Pentateuch,  in-S",    Paderborn,    Schoning-h,    1908,    S.    103. 


DAS  OPFER  BEI  DEN  ARABERN  311 

auf  <ias  der  heidnisclien  Uzzà  geweihte  Beutekamel  stûrzen,  ihm 
die  Kehlc  durehsclineiden  iind  das  hervorquellpnde  Bkit 
schlurfen.  um  sich  dann  auf  den  nocli  /.ui-konden  Kadaver  de? 
ïieres  zu  werfen  und  das  rohe,  blutige  FleLseh  zu  verselilingen, 
so  bietet  jener  Beiichl  des  Nilus  keineswegs  die  alfeste  Form 
der  altarahisehen  0[ifcrinahlzeit,  wie  Smith  behaiiptcl  (1),  die 
spâter,  da  man  das  Blut  nieht  mebr  genoss,  zum  Ausgiessen 
des  Opferblutes  auf  dem  Gottesstein  verblasst  sei.  sondern  nur 
ein  trnuriges  Zerrltibl  des  arabiseben  Opfernialiles.  das  den 
Stemj)el  religioser  Yerrohung  und  sittlichen  Verfalles  augen- 
scbeinlirb  an  sich  tràgt  und  das  an  die  bereits  vor  2000  Jah- 
ren  auf  Sinai  heiniisclie  und  von  Moses  bekiimpfte  Kniartung 
der  dortigen  Opferbràuche,  narnentlidi  den  Genuss  rohen 
Opferfleisches,  erinnort  (2).  Immerliin  lâssi  der  Nilusbericht 
die  Opfei-malilzeit  als  sob-be  als  stàndige  Opfergepflogenheit 
der  vorisiamiscben  Beduinen  geniigcnd  erkennen,  wie  dies  ja 
auch  Lev.,  xvu,  1-7  deutlicb  voraussetzt  (3).  F'iir  den  ecbt 
ar'abiscben  Cliarakter  der  Opferniablzeit  spricbt  wobl  nicbt 
zuletzt  aucb  der  Umstand,  dass  wir  sie  genau  so  wie  im  prunk- 
losen  Kulle  der  viebzûchteriseben  Beduinen  in  dem  reicben 
Opferrituale  der  Minàer,  Sabàer  und  Nabatiier  wiedertinden. 
Dabin  deutet  die  minàiscbe  Bezeiehnung  fur  weiben,  hassala, 
eigentlicb  Opferfleiscb  kocben  (vgl.  Ez..  xlvi,  23),  bzw.  das 
sabâisebe  mahsaJ.  den  Ort,  an  dem  das  0[tferfleiscb  gekocbt 
wird(4'  ;  iliren  gewaltigsten  Ausdruek  und  ihre  grr)sste  Entfal- 
tung  tind(^t  die  Idée  des  Opfermables  in  den  mâcbtigen  Trikli- 
nien.  Biklinien  und  Stibadien  Peiraas..  die  zur  Aufnabme  der  Op- 
ferteilnebmer  und  zur  Feier  des  OpfermalUes  dienfen(5) .  Jeden- 
falls  mûsste  derjpnige,  weleher  die  Zugeborigkeit  der  Opfer- 
mahlzeit  zum  altaraluschen  Opfer  leugnet,  zuerst  eine  genû- 
gende  Erklàrung  dafûr  geben,  wie  sieli  dann  dieser  Brauch 
untei'  dem  opferfeindlicben  Islam  seine  Bedeutung  fur  das 
neuarabisc'he  Oi>fer  f>rringen  konnte. 


(1)  Rcl.    der   Sem.,   S.    262,    266    ff. 

(2)  Wellhausen,  Reste,  S.    120,   macht   auch   noch  auf  ein   2.   Beispiel   eines 
solchen    Kannibalismus    aufmerksam. 

(3)  Auch    Gen.,  xxxi,    54    u.   Ex.,  xviii,    12    scheint   dor    Gedanke   der   Opfer- 
mahlzeit  zu  Grunde   zu  lieg:en.   An   letzterer  Stelle  ist  olà   zu   streichen. 

(4)  F.  HoMMEL,  Griindriss  der  Geschichtc  und  Gcographiv  des  alten  Orients, 
Bd.   I,   gi-.    8»,   Munchen,   Beck,    1904,    S.    144. 

(5)  G.  Dalman,  Petra,  Leipzig,  Ilinriclis,  1908,  S.  89-92. 


312  G.  KLAMETH 

Wenn  Gurtiss  (1)  gegen  die  Opfpriuahlzeit  als  Wesens- 
hestandteil  des  altarabischen  Opfers  die  atàïr-Opîcr  bei  Mina 
ins  Feld  fiihrt,  die  angeblich  nicht  genossen,  sondern  vergraben 
oder  den  Beduinen  und  wilden  Tieren  ûberlassen  wurden,  so 
irrt  er.  Das  Fleisch  dieser  Opfer,  die  in  islamischer  Zeit  als 
Totenopfer  gelten  (2),  darf  eben  nicht  vom  Opfernden  allein 
verzehrt  werden,  vielmehr  geniessen,  wie  beim  Dahijje-Toien- 
opfer  (3),  davon  sâmtliche  Anwesenden  ;  zu  diesen  gehoren  nun 
auch  jene  bereits  auf  das  Opferfleisch  wartenden  Beduinen. 
Uebrigens  ergibt  sich  ans  der  Sitte  des  Tasriq  in  Mina,  das 
geschlachiete  Fleisoh,  das  man  nieht  geniessen  konnte,  in 
Streifen  zu  sohneiden  und  es  zu  troci^nen,  dass  auch  die 
Opfernden  selbst  von  dem  Fleische  assen  (4).  Die  weitere 
Ansicht,  dass  man  jene  Opfer  Tieren  ûberlassen  habe.  dûrfte 
wohl  darauf  zuruckzufûhren  sein,  dass  man  gewisse  Telle 
wegwarf,  wie  z.  B.  beim  DaJtijje-Opîer  die  Eingeweide  und  die 
Fusse  (5).  Dass  man  schliesslich  ganze  Schafe  in  ein  Loch 
vergraben  hâtte,  beruht  wohl  auf  einem  Missverstândnis  oder 
einer  Uebertreibung  (6). 

Darauf,  dass  das  gesamte  Fleisch  nach  der  Blutspende.  zum 
mindesten  in  der  Regel,  genossen  wurde,  deutet  ûbrigens  auch 
das  auffallende  Schweigen  der  arabischen  Quéllen  ûber  Brand- 
opfer  und  Brandopferaltàre  ;  daher  ja  auch  Dalmans  Zweifel 
am  Vorhandensein  von  Brandopferaltâren  in  Petra  (7).  Die 
dhabihe  wurde  eben  nach  Darbringung  der  Blutspende  verzehrt, 
nicht  verbrannt,  die  sûdarabischen  Kulfe  wahrscheinlich  nicht 


(1)  Vrsem.  Rclig..  S.   198,  256. 

(2)  Wellhausen,  Reste,  S.  183. 

(.3)  Jaussen,  am,  372.  Nach  Seite  309  musste  auch  das  Fleisch,  das  man 
einem  Veli  opferte,  den  Armen  oder  Anwesenden  Uberlassen  werden.  Es  darf 
nichts  wegg-etragen  werden.  Vielleicht  g-ibt  dièses  Verbot  auch  die  Erklârung 
zu  der  sonderbaren  Notiz  bei  Sprengkr,  Das  Lehen  Mohavivieds,  m,  457,  dass 
gelegentlich  das  Fleisch  von  100  Stieropfern  den  wilden  Tieren  tiberlassen 
wurde. 

(4)    Wellhausen,    Reste,    S.    80,     119. 

(.5)    Jaussen,  am,  382. 

(6)  Damit  steht  keineswegs  die  Môglichkeit  im  Widers;  ruch,  dass  man 
in  bestimmten  Fallen  auf  die  Teilnahme  an  der  Opfermahlzeit  verzichtete  ; 
vgl.  Wellhausen,  Reste,  S.  116  :  Smith,  Rel.  der  Sem.,  S.  171,  mag-  auch 
Recht  haben,  wenn  er  besonders  feierliche  Siihnopfer  von  der  allgemeinen 
Regel   des   Opfei-mahles   ausnimmt. 

(7)  Petra  56  (gegenUber  Curtiss,  Vrsem.  Rel,  S.   311   ff.). 


DAS  OPFBR  BEI  DEN  ARABERN  313 

ausgenommen.  Der  Titel  des  minaischen  Obprpriesters  sauivû. 
làsst  sich  ja  ebenso  leicht  in  Beziehiing  zu  dpn  zalillosen  unblu- 
tigen  Feiier-  oder  Rauchproiifprn  set  zen,  von  denen  uns  die 
sijdarabisclien  Funde  berichten  (Ij,  oder  auch  mit  dem  mabsal- 
Feuer,  in  dem  die  Opferspeise  zubereitet  wurde.  Ebensowenig 
braucht  sich  ar.  salla,  beten,  ans  sala,  kochfu.  unter  dei' 
Einwirkungdes  Tierbrandopfers  als  eines  Kultaktes  difïerenziert 
zu  haben(2)  ;  war  doch  aucli  das  Raueheropfer  oder  das  Kochen 
des  Opferfleisches  ein  fromnier  Kultakt.  ein  Gebet.  Yielleieht 
darf  man  aber  dem  hebràisehen  selem-Opîer  naeh  zu  urteilen. 
dessen  Namen  Moses  wohl  aus  dem  minâischen  Kult  entlehnte. 
und  bei  dem  einzelne  Teib^  der  dliablhe  verbrannt  wurden.  einen 
àhnlifhen  Yorgang  bei  den  Minàern  annehmen.  Man  wird  da  an 
jene  Teile  zu  denken  haben,  welche  die  Beduinen  draussen  in 
der  ^^'ûstp  einfach  wegwaifen  (s.  oben  S.  312).  wahrend  sie  in 
dem  hohpr  entwickeltpn  Kult  der  Minaer  durch  Feuer  vernichtet 
wurden. 

Die  Bedeutung  der  Oiifermahlzeit  ist  ersiehtlich.  Wie  die 
Totennialilzeiten  die  Verbindung  mit  dem  Toten  aufrecht 
erhalten  sollten,  so  wollten  die  Opfermahlzeiten  die  Verbindung 
zwisclien  dem  Opfernden  und  der  Gottheit  festigen.  Wahrend 
bei  der  Blutspende  der  Opfernde  seine  Gabe  an  die  Gottlieit 
heranbraehte.  ist  es  bei  der  Opfermahlzeit  der  Empfànger  der 
Gabe,  der  die  Annaherung  vollzieht.  Die  Gottheit  ûbernimmt 
naeh  echt  afahisrher  Sitte  die  Rolle  des  Gastgebers  und  der 
Opfernde  ist  ihr  Gast,  der  sich  mit  ihr  verbrûdert  und  verbindet. 

Tatsàfhlich  besitzt  also  das  altarabische  Opfer  die  charak- 
teristischen  Ziige  des  neuarabischen  :  als  Opfergabp  die  dhabilu', 
die  Schlachtung  derselben  und  die  Opfermahlzeit.  Die  Ein- 
wirkung  dièses  Opfers  auf  das  hebrâische  zeharh-  od?r  srlem- 
Opfer  mit  der  nachfolgenden  Opfermahlzeit  liegt  da  wohl  auf 
der  Hand.  Sowohl  in  den  Kultausdrûcken,  als  auch  im  Ritual 
verrat  sich  unleugbar  arabischer  Einfluss. 

Noch  einige  Worte  ûber  die  einzelnen  Arten  tier  Opfer.  Die 
bereits  geausserfe  Annahme,  dass  die  Araber  die  Verbrennung 
der  Opfergaben  nicht  praktizierten,  schliesst  das  Holocaustum 
aus.   Ausgenommen   sind   die   Mensclieno]ifer,    fur  welche   man 


(1)  NiELSEN,  Altarab.  Mondreligion,  S.   103,   131. 

(2)  L.AGRANGE,  Etudes,  S.    262. 


314  G.  KLAMETH 

die  Verbrennung  eingefûhrt  batte,  wie  die  Erzàhlung  des  Nilus 
und  die  von  Wellhausen  (1),  Smith  (2)  und  Mader  (3)  zusam- 
mengestellfen  Nachrichten  ûber  das  Mensebenopfer  bei  den 
Arabern  beweisen. 

Was  den  Zweck  des  Opfers  anhelangt,  hebt  sich  bei  den 
Arabern  die  urspriingliche  Bedeutung  des  Opfers  aïs  Huldigung, 
Lobpreis  und  Dank  klar  in  den  Primizialopfern  ab.  Das  Opfer 
war  in  erster  Linie  uberall  und  i'iinicr  eine  Huldigungsgabe, 
ddrli  konnte  es  als  Gal)e  an  die  Gottbeit  leicbt  den  Zweck 
verfolgen,  die  beleidigte  Gottbeit  zu  versôhnen,  womit  das 
Sûhnopfer  gegeben  war,  ohne  dass  das  Opl'er  von  der  Sûhnidee 
batte  seinen  Ausgang  nebmen  mûssen  i4),  wie  es  namentlich 
Smith  (5)  su  sebr  lietont.  Aueb  die  Blutspende  ist  i)riiaitiv 
keine  Sûbne.  sondern  die  symbolisebe  Hingabe  des  Lebens  an 
Gott.  kann  aliei'  natûrlich  zur  Siibne  werden,  wenn  der  Mensch 
den  beleidigten  Gott  mit  sicli  versôhnen  will,  ein  Gedanke,  den 
Lev.,  XVII,  11,  so  sfbon  zuni  Ausdruck  gebracbt  liât  mit  den 
Worten  :  o  Das  Leben  des  Fleisclies  ist  im  Blut  und  ich  habe 
os  eucli  fiir  den  Altar  gegeben  zum  Zweek  der  Sûhnung  fur 
eure  Seelen,  denn  das  Blut  scbafft  Sûbne  durcb  das  Leben  ». 
Ein  solclies  Sûhnopfer  ist  wobl  bei  den  heutigen  Arabern  das 
dahijje-0\)fer  in  dem  bestiinmien  Falle,  dass  es  nicbt  als 
Totenopfer,  sondern  zur  Tilgung  der  Sûnde  dargebracbt 
wird  (6).  Bezeichnender  Weise  muss  dann  ailes,  auch  die  Beine 
und  die  Eingeweide,  die  docb  wieder  we'ggewoffen  werden, 
zuerst  «  dur(di  das  Feuor  geben  ».  Aueb  das  Fedn-  (7)  und 
das  gelobte  Opfer  darf  wobl  in  vielen  Fàllen  als  wirkliches 
Sûhnopfer  bezeichnet  werden,  insow-eit  die  abzuwendende  Strafe, 
das  gefûrchtete  Verhângnis  als  Folge  einer  Sûnde  oder  mora- 
lischen  Verfeblung  erscbeint.  In  diesen  Fàllen  wird  man  wobl 


(1)  Reste,  S.  113. 

(2)  Rel.  (fer  Sem.,  S.  276  ff.,  283  ff. 

(3)  E.  M.\DER,  Die  Menschenopfer  der  alten  Hehraeer  und  der  bi  nuchhartrn 
Voelker  ;  in  Bibl.  Stud.,  XIV,  5-6  (Freiburg  i.  B.  Herder,  1909),  S.  64  ff. 

(4)  SCHMiDT,  Ethnol.  Bem.,  S.  48  ff. 
(.5)    ReJ.   der  Sem.,  S.    304   fï. 

(6)  Jaussen,    AM,    372. 

(7)  S.  MusiL,  AP,  396,  wo  das  Beuteopfer  dargebracht  wird  mit  den 
Worten  :  «  Dies  ist  das  Slihnopfer  flir  tmser  Heil  (hôdhi  fedn  salâmetna)  ': 
mit  aeinem  Blute  werden  dann  die  RUcken  der  Schafe  und  Tiere  bestrichen. 
Aehniich  heisst  es  beim  sabû-  oder  tulû-Optev  am  7.  Tage  nach  der 
Geburt  :   «  Das  ist  das  Loseopfer  (/edi:,'"   ^ur  Gott  (/«  îtir/Zi  allâh)   !   »   (S.  216'). 


OPFBRRITEN  DER  GRIECH.    UMD  ROM.  KULTB  315 

aiich  den  stellvertretenden  Gharakter  des  blutigen  Opfertieres 
nic-lit  gui  leugnen  dûrfen.  Bezûglicli  der  Sûhnopfer  bei  den 
ait  en  Arabern  sind  wir,  soweit  sie  sieh  nicht  mit  den  obigen 
decken,  auf  die  bekannten  vier  sûdarabischen  Reueurkunden 
dei'  Wiener  Staats])ibliothek  angewiesen  (1).  Die  dort  ange- 
fùhrten  und  gesûhnten  Vergehen  :  Geschlecbtsverkehr  mit 
ciner  menstruierenden  Frau  und  im  Zustand  der  Unreinigkeit, 
Verweilen  in  unreinen  Kleidern,  Berûhrung  einer  Menstruieren- 
den, Befleckung  der  Klcider  durch  Samenerguss  erinnern  stark 
an  das  levitische  Sûndopfor  fiir  rein  rituelle  Verfeblungen. 

Die  alten  Araber  kannten  auch  Menschenopfer  (2)  ;  doch  sind 
dieselben  jedenfalls  erst  als  eine  Begleiterscheinung  des  spâ- 
leren  arabischen  Heidentums  einzuwerten  (3),  wozu  die  Er- 
SL-heinung  stimmt.  dass  die  arabischen  Menschenopfer  vor- 
nelimlieh  an  der  Peripherie  der  Halbinsel,  besonders  im 
Nordosten  und  Sûdwesten  derselben  grassierlen. 


[21  ]  Opferriten  der  griechischen  und  rômischen  Kulte, 

von  Dr.  Fr.  Andres. 

Zu  anstrengende  Beschàftigungen  und  auch  schlechter 
Gesundsheitszustand  verhinderten  den  Verfasser  sein  Manus- 
kript  bei  Zeiten  einzusenden  ;  deswegen  geben  wir  hier  nur  die 
von  ihm  eingesandte  Bibliographie  an. 

Er  wii'd  den  Gegenstand  in  einer  eigenen  Schrift,  Dir  Frofj'' 
der  Bupho}\ien.   im  Anthropos  behandeln. 


BIBL,.  —  P.  Stengel,  Die  griech.  Kidtii-raltertumer,  In-S",  Miinchen,  Beck, 
1020  ;  ders.,  Opferhraeuche  der  Griechen,  in-S",  Leipzig,  Teubnei-,  1910  — 
L.  R.  Farnrll,  The  Cuits  of  the  Greek  States,  -5  in-S",  Oxford,  Clarendon 
Press,  1896-1909  ;  ders..  Sacrifice  (.Greek),  ERE,  1920,  Bd.  XI,  S.  12-18  : 
ders.,  Greek  Religion,  ebd.,  1913,  Bd.  VI,  392-425  —  G.  V\'Issowa,  Reliff.  und 
KuUus  der  Roemer,  in-8",  Miinchen,  BeclC;  1912  —  S.  Eitrem,  Opferritus  nnd 
Voropfer  der  Griechen  und  Roemer,  Kristonia,  191-5  —  S.  Wide,  Griech.  Reli- 
gion ;   Altroeni.  Religion.   Bearb.   von   M.   P.   Nilsson   (Einlritnng  in   die  Alter- 


(1)  M.    Hart.m,\nn,    Der    islamischc    Oiient,    Bd.     II,     in-8",    Leipzig',     Aupt. 
1909,  S.   208   ff. 

(2)  S.   oben,    S.    314. 

(3)  ScHMiDT^  Ethnolog.   Bcinerkungen,  S.    34    f. 


316  W.    KOPPERS 


tumsiviss.  3.  hrsg.  von  A.  Gercke  und  Ed.  NordeNj  in-8",  Leipzig,  Teubner, 
1922,  Bd.  II,  S.  215-316)  —  Fr.  Andres,  Daimon,  bei  RECAW,  III,  Supple- 
mentheft,  S.  267-322  ;  speziell  ApotroiHiisch-kathartischer  Kultus,  ebd., 
S.  278  ff.  —  Fr.  Pfistbr^  Kultus,  ebd.,  1922,  Bd.  XI,  S.  2106-92  —  Tromp, 
De  Romanoruni  piaculis  ;  dissert  phil.,  Amsterdam,  1921  —  E.  AusT,  Die 
Relig.  der  Boemer,  in-8».  Munster  i.  W.,  Aschendorff,  1899  —  J.  Marquardt, 
Roern.  Staatsverwaltung,  in-8",  Leipzig,  1885,  S.  121  ff.,  169  ff.  —  W.  "W. 
FOWLER,  Roman   Religion,  in  ERE,  1918,    Bd.   X,    S.    820-847. 


[22]  La  Religion  et  l'Etre  Suprême 

chez  les  Yagans  (Tribu  Fuégienne)   (1). 

par  le  R.  P.  KopPERS.  S.  V.  D. 

Les  Yagans,  comme  on  sait,  sont  les  hommes  qui  habitent 
l'extrême  pointe  de  l'Amérique  du  Sud  et  donc  la  partie  la  plus 
méridionale  de  la  terre.  Ils  peuplent  la  contrée  du  canal  Beagle 
et  les  îles  situées  au  sud  et  au  sud-ou&st  de  ce  canal.  Comptant 
environ  deux  mille  cintj  cents  âmes,  il  y  a  cinquante  ans,  la 
tribu  se  trouve  réduite  aujourd'hui  à  soixante-dix  membres  de 
race  pure.  Le  contact  avec  la  civilisation  moderne  a,  comme 
ailleurs,  apporté  la  mort  et  la  ruine  à  ce  peuple  primitif.  Les 
maladies  contractées,  rintluenza,  la  petite  vérole  et  la  rou- 
geole, et  aussi  l'action  de  l'alcool,  ont  décimé  le  petit  peuple 
en  quelques  dizaines  d'années. 

C'est  Darwin  qui  a  introduit  les  Yagans  dans  la  littérature 
scientifique  de  l'ethnologie  religieuse.  Se  basant  sur  un  contact 
de  peu  de  durée  qu'il  eut  avec  eux  pendant  son  tour  du  monde, 
il  y  a  quatre-vingt-dix  ans.  il  les  représenta  comme  des  anthro- 
pophages, ignorant  toute  divinité,  toute  religion. 

Vers  la  moitié  du  siècle  dernier,  la  mission  anglaise  protes- 
tante commença  à  travailler  parmi  les  Yagans.  Le  missionnaire 
Th.  Bridges  s'est  adonné  à  l'étude  de  leur  langue  et  de  leurs 
mceurs.  non  sans  résultat.  Lui-même  et  ses  compagnons  ne 
furent  pas  longs  à  reconnaître  que  la  réputation  de  canniba- 
lisme était  fausse.  Mais  la  question  de  la  religion  de  cette  tribu 
restait  un  })roblème.  Les  missionnaires,  d'accord  avec  Darwin 
et  d'autres  explorateurs  })Ostérieurs,  rapportaient  toujours 
qu'ils  n'avaient  rencontré  chez  ce  peuple  aucune  idée  supé- 
rieure,  et  le  témoignage   de   gens   qui   travaillaient   sur  place 


LA    RE-LIGION    CHEZ    LES    YAOANS  317 

depuis  des  dizaines  d'années  avait  naturellement  beaucoup 
plus  de  valeur  que  l'observation  superficielle  de  Darw^in  durant 
son  court  passage.  Néanmoins,  le  professionnel  d'ethnographie 
pouvait  constater  bien  vite,  dans  les  écrits  des  niissiormaires, 
qu'ils  n'avaient  pas  même  réussi  à  réaliser  des  recherches 
approfondies.  Ils  avaient  appris,  par  exemple,  que  les  Yagans 
connaissaient  l'inilialion  secrète  de  la  jeunesse  ;  mais  ils  sa- 
vaient seulement  que  la  chose  existait,  et  en  ignoraient  tous 
les  détails,  môme  le  nom  indigène  de  la  cérémonie. 

'Ce  sont  ces  constatations  qui  ont  amené  les  trois  expéditions, 
organisées  en  19i9,  1920  et  1922,  en  terre  fuégienne,  spécia- 
lement chez  les  Yagans,  par  le  R.  P.  M.  Gusinde,  S.  V  D.,  vice- 
directeur  du  Musée  rthnologique  de  Santiago  (Chili).  J'ai  eu  le 
])onhenr  d'être  son  compagnon  dans  le  dernier  voyage,  géné- 
reusement payé  par  Son  Exe.  Mgr  l'archevêque  de  Santiago. 
Nous  croyons  pouvoir  dire  sans  exagération  que  la  tribu  des 
Yagans  a  été  cette  fois  explorée  en  conscience.  Nous  avions 
entièrement  gagné  leur  confiance,  condition  indispensable  d'une 
étude  sérieuse.  La  preuve  en  sera  fournie  sans  doute  par  le 
fait  que,  tous  les  deux,  nous  avons  reçu  l'initiation  et  qu'ainsi, 
nous  avons  été  vraiment  adoptés  par  la  tribu.  Désormais,  nous 
étions  considérés  comme  des  frères,  pour  qui  il  n'y  a  plus  de 
secrets. 

L'on  sait  depuis  bien  longtemps  que  les  Yaga^ns  sont  restés  à 
un  étal  de  civilisatio,n  matérielle  très  rudimentaire.  Ils  appar- 
tiennent à  la  classe  des  chasseurs  inférieurs,  c'est-à-dire  qu'ils 
ne  se  livrent  ni  à  l'agriculture,  ni  à  l'élevage,  mais  à  la  chasse. 
à  la  pêche  et  à  la  cueillette  des  fruits  et  des  plantes.  Les  armes 
dont  ils  se  servent  à  la  chasse  sont  de  la  première  simplicité  : 
ce  sont  la  lance,  le  harpon  et  la  fronde.  Déjè  donc  au  point  de 
vue  purement  extérieur,  les  Yagans  peuvent  se  ranger  parmi 
les  peuples  les  plus  anciens  ;  ils  api)ar(iennent  à  l'humanité 
primitive.  Les  recherches  approfondies  que  nous  avons  pu  faire 
cnnjfirment  cette  opinion  bien  établie  depuis  longtemps.  Mais, 
de  plus,  grâce  à  la  nouvelle  école  historico-culturelle,  leur 
position  ethnologique  est  précisée  avec  une  clarté  beaucoup 
plus  grande. 

Les  Yagans  apj)arfiennent  donc,  sans  le  moindre  doute,  au 
groupe  des  peu|>les  primitifs,  c'est-à-dire  aux  peuples  qui,  dans 


318  W.    KOPPERS 

ranoien  monde  ainsi  que  dans  l'Amérique  du  Nord,  sont  re- 
gardés commp  prétoténiiques  et  prématriarraux.  Mais  ni  leur 
physique  ni  leur  culture  ne  nous  permettent  de  les  identifier 
avec  le  type  «  pygmée  »  des  anciens  continents.  L'anthropologie 
physique  les  classe  plutôt  jiarmi  les  pygmoïdes.  On  y  rencontre 
plus  ou  moins  tous  les  élérnents  des  trois  civilisations  primi- 
tives. Xous  trouvons  ainsi  confirmée  la  remarque  que  mon 
vénéré  guide  et  maître,  le  R.  P.  (t.  Schmidt.  avait  déjà  faite,  en 
1913,  dans  son  travail  Ktdturkreise  und  Kulturschichten  in 
Sndamerika.  Après  avoir  comparé  les  matériaux  dont  il  pouvait 
alors  disposer,  il  concluait   : 

«  Dans  l'Amérique  du  Sud,  il  serait  difficile  de  rencontrer  les 
«  cultures  primitives  conservées  dans  leur  pureté  originelle. 
<(  Partout  où  elles  existent,  il  y  a  mélange  plus  ou  moins 
«   riche   des   trois   premières    civilisations   ». 

Toutefois,  notre  enquête  méthodique  chez  les  Yagans  nous 
monti-e  que  ce  peuple  fait  certainement  partie  de  la  civilisa- 
tion primitive.  Aussi,  tout  ce  qui  est  particulier  à  cette  trihu 
a-t-il  une  valeur  historico-culturelle  inappréciable.  Dans  cette 
brève  conférence,  je  me  propose  de  vous  communiquer  les 
résultats  principaux  de  nos  recherches,  spécialement  en  ce  qui 
concerne  l'idée  de  Dieu  et  la  religion  chez  les  Yagans. 

En  1920,  lors  de  sa  seconde  visite  chez  les  Yagans,  le 
R.  P.  GusiNDE  entendit  parler  d"une  grande  inondation  qui,  un 
Jour,  avait  submergé  la  contrée  tout  entière.  Il  demanda  aux 
hiuiimes  présents  :  «  Qui  vous  a  envoyé  cette  inondation  ?  » 
Un  des  assistants  de  répondre:  «  Vafanineuva  !  (1)  —  Mais  qui 
doinc  est  ce  Vafauiveuva  ?  »  Silence  général.  —  Enfin,  l'un  d'eux 
se  lève  et  dit  :  «  Vatauineuva  est  le  même  que  le  Dieu  des  chré- 
tiens. »  Le  P.  Gi'siNDE  dut  se  contenter  de  cette  réponse  ;  impos- 
sible d"en  savoir  plus  long  cette  fois-là. 

Lorsque,  vers  la  fin  de  janvier  1922,  le  P.  Gusixde  et  moi- 
même,  nous  demandions  à  des  vieilles  femmes  yaganes  de  nous 
dire  quelques  contes  du  pays,  voilà  que  tout  à  coup  le  nom  de 
Vataui)iei(i:a  fut  de  nouveau  prononcé.  Aussitôt  nous  interrom- 
pons :  «  Qui  est  donc  ce  Vatauineuva  ?  »  Même  silence.  A  la  fm, 


(1)  L'impi'imerie  ne  possédant  pas  tous  les  caractères  de  l'alphabet  Anthro- 
jjos,  la  transcription  phonétique  des  mots  indigènes,  telle  qu'on  la  trouvera  ici, 
n'est  pas  toujours  rigoureusement  exacte. 


LA    RE-LIGION    CHEZ    LES    YAOANS  3 1  9 

une  femme  s'enhardissant,  dil  :  «  Vatanineuva  like  God,  like 
Christian  God  !  »  Nous  insistoins,  et  Ton  nous  ai)prend  qu'à  la 
mort  d"un  enfant,  on  dit  commvmément  :  «  Valaiiineuva  punishrs 
him  )>,  c'est-è-dire  que  la  mort  de  cet  enfant  est  considérée 
comme  une  punition,  envoyée  aux  parents  par  Vatanineuva. 
Nous  n'avons  pu  obtenir  autre  chose  ce  jour-là  ;  mais  nous  ne 
cachions  pas  notre  désir  d"en  apprendre  davantage  au  sujet  de 
Vatanineuva  ;  é\idemment,  ce  nom  recelait  bien  d'autres  mys- 
tères. 

Deux  ou  trois  jours  s'écoulèrent,  et  deux  femmes  se  présen- 
tèrent en  nous  disant  :  «  Eh  bien,  nous  voulons  toutes  deux 
vous  raconter  tout  de  Vofauitienva.  Car  il  ne  nous  a  pas  punies  ; 
il  n'a  pas  fait  mourir  nos  enfants  :  nous  ne  sommes  donc  pas 
confuses  quand,  en  notre  présence,  on  parle  de  lui.  Aux  autres 
femmes,  il  a  pris  des  enfants  ou  de  proches  parents  ;  voilà 
pourquoi  avant -hier,  nous  ne  pouvions  pas  et  ne  voulions  pas 
parler  de  Vatanineuva  en  leur  présence.  Gela  leur  aurait  fait 
trop  de  peine  et  les  aurait  confondues.  » 

Très  inti'igués,  inutile  de  le  dire,  nous  attendions  les  révé- 
lations promises.  Les  deux  femmes  nous  énumérèrent  de  suite 
les  noms  principaux  de  l'Etre  suprême  chez  les  Yagans.  On 
nous  communiqua,  à  plusieurs  reprises  évidemment,  plus  de 
soixante  prières  et  formules  dont  les  Yagans  se  servent  pour 
invoquer  cet  Etre.  Nous  avons  recueilli  ces  formules  dans  le 
texte  original  accompagnées  d'une  traduction  aussi  fidèle  que 
possible.  Avec  une  surprise  toujours  croissante,  nous  avons 
constaté  que  les  Yagans,  réputés  sans  religion,  professent  un 
monothéisme  non  seulement  relativement  pur,  mais  encore 
vivant, 

La  signification  extraordinaire  de  cette  découverte  nous  fut 
bientôt  évidente,  et  nous  nous  sommes  efforcés  de  tirer  l'af- 
faire complètement  au  clair.  L'hypothèse  d'une  influence  chré- 
tienne se  présentait  tout  naturellement  à  l'esprit.  Mais  la  déné- 
gation absolue  de  tous  les  indigènes  âgés  s'y  opposait.  Un  autre 
fait  caractéristique,  c'est  qu'aucun  des  noms  donnés  à  l'Etre 
Suprême,  aucune  des  formules  (prières)  notées,  ne  rappelle  les 
noms  chrétiens.  L'opinion  du  vieux  missionnaire  anglais  pro- 
testant J.  Laurence,  qui  a  vécu  pendant  cinquante-trois  années 
dans  le  pays  des  Yagans,  est  également  dr-favorable  à  l'hypo- 


320  W.    KOPPERS 

tlièsr»  d'une  infiltration  chrétienne.  Nous  avons  revu  avec  lui 
mot  à  mot  toutes  nos  notes  au  sujet  de  l'Etre  Suprême.  Le  bon 
vieillard  regrettait  fort,  il  est  vrai,  de  ne  pas  s'être  soucié 
suftlsamment  de  ces  choses  autrefois  et  de  ne  pas  les  avoir 
apprises  ;  mais,  à  son  avis,  leur  véracité  était  incontestable.  Il 
s'enquit  lui-même  auprès  des  indigènes  et  nous  félicita  de  nos 
résultats  en  disant  :  «  Je  dois  reconnaître  que,  quand  bien  même 
je  vivrais  ici  encore  cinquante  ou  môme  cent  ans,  jamais  les 
gens  rie  nraccorderaient  la  confiance  qu'ils  ont  montrée  à  votre 
égard.  « 

Nous  n'avons  pas  manqué  de  demander  aux  anciens  de  la 
tribu  :  «  Comment  est-il  donc  possible  que  les  missionnaires 
n'aient  jamais  rien  appris  de  vos  idées  sur  Vafnuineuva  ?  »  Ce 
furent  toujours  les  mêmes  réponses.  «  D'abord,  les  mission- 
naires ne  nous  ont  jamais  rien  demandé.  Et  puis,  ils  commen- 
çaient toujours  par  dire  :  Ce  ne  sont  que  des  mensonges  que 
vous  avez  Là  ;  il  faut  tout  oublier  pour  accepter  notre  doc- 
trine. »  «  Et  cependant,  ajoutaient  ceux  qui  avaient  eu  plus  de 
relations  avec  la  mission,  nous  nous  sommes  aperçus  bien  vite 
qu'au  fond,  le  Dieu  des  chrétiens  est  le  même  que  notre  Vataui- 
neuva.  » 

Hélas  !  les  fautes  commises  en  ce  pays  par  ces  missionnaires 
n'ont  pas  été  les  premières,  ni  les  seules  de  leur  espèce,  fautes 
doublement  regrettables  au  point  de  vue  de  la  science  et  au 
point  de  vue  de  la  foi.  Un  des  résultats  de  la  Semnin>^  d'ethno- 
logie religieuse  doit  être  de  supprimer  pareils  malentendus, 
autant  que  faire  se  peut. 

Les  noms  que  les  Yagans  donnciut  à  l'Etre  Suprême  sont  aussi 
intéressants  qu'instructifs.  Vatauineuva  signifie  :  VEternel,  «  le 
très  Vieux  ».  Un  autre  nom  très  usité  est  Hitapuxw,  littéralement 
<(  mon  Père  ».  On  se  sert  dans  le  même  sens,  mais  plus  rare- 
ment, du  mot  hauimun.  Une  autre  appellation  est  monauanakin, 
c'est-à-dire  <«  le  Très  Haut  »,  puis  obailakin  «  le  Tout-Puis- 
sant »,  enfin,  kaJniexon,  «  le  bon  Vieux  ».  Vatauineuva-esakv 
signifie  :  Yatniiineuva  le  cruel.  Il  est  ainsi  nommé,  parce  qu'il 
fait  mourir  les  hommes.  Quand  ils  sont  irrités,  ils  s'oublient 
jusqu'à  parler  du  iwlopatôx-sef,  c'est-à-dire  du  «  meurtrier 
dans  le  ciel  là-haut   ». 

Les  discours  et  les  prières  adressés  au  Seigneur  du  ciel  jouent 


LA    RELIGION    CHEZ    LES    YAGAXS  321 

un  grand  rôle  dans  la  vie  journalière  des  Yagans.  En  toutes 
firconstances,  on  s'adresse  à  TEtre  Suprême.  Désire-t-on  du 
beau  temps,  un  enfant  est-il  malade,  est-on  menacé  de  quelque 
danger,  on  implore  le  secours  du  grand  Vatauineuva.  Pour  ces 
discours  ei  ces  prières  à  l'Etre  Suprême,  on  se  sert  de  termes 
choisis  spontanément  ou  bien  de  vieilles  formules  stéréotypées, 
transmises  d'une  génération  à  l'autre.  Voici  quelques  exem- 
ples. 

i°  Pour  demander  du  beau  temps,  on  dit  :  «  Hitapudn  niriui 
Jiaia  ivetvteki.  Mon  Père,  de  bon  temps  me  fais  voii'.  » 

iSi  le  temps  a  été  vraiment  beau,  on  remercie  en  ces  termes  : 
c(  Asar  hitapvari.  katuvtu.r  iiirna.  Merci,  mon  Père,  tu  as  fait  de 
bon  temps.  » 

2"  Quand  un  Yagan  prend  congé  des  siens  pour  un  certain 
temps,  il  dit  :  <<  Halla  yôlla.  Je  m'en  vais  maintenant  pour  long- 
lemps.  ))  On  lui  répond  :  «  Cla  yôlla  haindcpan  Vatauimmvo  katô- 
lakana  kiirvana  hibikaia.  Oui,  ce  sera  le  congé  éternel,  si  dans 
l'intervalle  il  plaît  à  Vatauineuva  d'enlever  quelqu'un  de  nous.  » 

3°  Lorsqu'en  pleine  mer,  le  canot  menace  de  faire  naufrage, 
ils  prient  :  «  Uxaia  môtawaku  hitapuan  tôkamatu  anen  !  Je  vous 
en  prie,  ayez  pitié,  mon  Père  ;  conduisez  la  barque  à  terre  !  » 
Ils  n'oublient  pas  de  rendre  grâce,  s'ils  atteignent  la  terre 
ferme  :  «  Annu  hibikaia  komostekude  hitapuan  »,  etc.,  littérale- 
ment :  «  Grâce  à  toi,  mon  Père,  tu  as  été  bon  pour  nous  :  tu  as 
conduit  notre  barque  à  terre  ;  nous  sommes  très  contents  de 
toi  !  » 

A"  Une  mère  dont  l'enfant  est  mort  adresse  ce  reproche  au 
ciel  :  «  Kônjuicia  haia  via  kupa  vinanudc  hitapuan  !  Malheur  à 
moi,  d'en  haut  il  a  furtivement  repris  mon  enfant,  lui,  mon 
Père  !   » 

Les  propriétés  de  l'Etre  Suprême  chez  les  Yagans  sont  sur- 
tout les  suivantes  :  Vatauineuva  est  l'Eternel,  celui  qui  a  été 
toujours.  Il  est  le  Tout-Puissant  ;  il  peut  guérir  les  maladies, 
sauver  des  dangers  ;  il  est  avant  tout  le  maître  de  la  vie  et  de  la 
mort.  Il  est  le  propriétaire  de  toutes  choses.  L'expression  Vataui- 
veuvasir  signifie  la  même  chose  que  chez  nous,  don  de  Dieu. 
Vatauineuva  est  Vesprit  suprême  et  invisible.  11  a  sa  demeure 
dans  le  ciel  ;  ainsi  on  dit  :  Vatauineuvasef.  Vatauineuva  au  ciel. 

Vataiiinevra,    dans    leur   croyance,   n'est  pas    marié.   J'ai    mis 

21 


322  W.    KOPPERS 

plus  d'une  fois  là  Téin'euve  les  gens  en  demandant  d'un  air 
indifférent  avec  qui  Vatauinruva  était  marié.  Gomme  réponse, 
c'était  toujours  la  même  expression  typique  de  surprise  qui  se 
manifestait  eliaque  fois  que  nous  posions  une  question  bien 
sotte  là  leurs  yeux.  Vataiiinrura  marié,  voilà  une  ctiose  dont  ils 
entendaient  parler  pour  la  première  fois  de  leur  vie  ! 

\atauineuva  voit  et  sait  tout.  Cette  vérité  est  inculquée  avec 
un  soin  particulier  à  la  jeunesse.  Nul  ne  doit  croire  qu'il  peut 
transgresser  en  secret  certaines  prescriptions  de  la  tribu.  Bien 
que  les  borames  ne  voient  pas  les  coupables,  X'atauinruva  les 
voit  toujours  et  les  punira,  le  cas  échéant.  Vatauineuva  de  sa 
nature  est  bo7i  et  généreux  ;  c'est  pourquoi  on  lui  demande 
toutes  sortes  de  bienfaits.  Mais  étant  celui  qui  fait  mourir  les 
hommes,  il  est  aussi  l'inexorable,  «  ,1e  meurtrier  du  ciel  ». 

Un  culte  extérieur  rendu  à  Vatauineuva  est  inconnu  aux 
Yagans.  Nous  n'avons  pas  constaté  non  plus  chez  eux  de 
sacrifice,  pas  même  celui  des  prémices,  caractéristique  des 
plus  primitifs  (les  Pygmées).  Ils  n'ont  que  le  sacrifice  person- 
nel (jeûnes,  renonciation  à  certaines  choses  en  faveur  d'autrui). 

Nous  n'avons  pas  pu  constater  avec  certitude  si  autrefois 
le  sacrifice  des  prémices  a  été  en  usage.  Les  Yagans  connais- 
sent une  prescription  ancienne,  en  vertu  de  laquelle  celui  qui 
trouve  un  terrain  où  il  y  a  des  autaini  mûrs  (espèce  de  baies 
ressemblant  à  nos  myrtilles),  ne  peut  j^as  en  manger  avant 
d'avoir  fait  connaître  sa  découverte  aux  autres.  Il  ne  lui  est 
pas  permis  de  profiter  seul  de  sa  trouvaille  ;  mais,  par  soli- 
darité, il  doit  inviter  les  autres  à  y  prendre  part.  Or,  il  y  avait 
une  femme,  dit  un  conte  yagan,  qui  n'observa  pas  cette  pres- 
cripti(Ui  ;  elle  prit  d'abord  des  baies  et  n'en  dit  rien  aux 
autres.  Comme  plie  retournait  le  lendemain,  elle  trouva  le 
terrain  tout  changé  et,  de  baies,  il  n'y  avait  plus  trace.  C'est 
Yatauineuva  qui  avait  causé  ce  changement.  Ceci  rappelle  beau- 
coup l'oblation  des  prémices  des  Andamanais.  De  certains 
fruits,  les  premiers  qui  mûrissent  sont  réservés  à  l'Etre  Su- 
prême. Malgré  tous  nos  efforts,  nous  n'avons  pu  décider  si, 
à  la  base  du  conte  en  question,  on  trouve  la  même  conception 
ou  une  autre  idée  semblable.  Notons  encore  que  l'absence  de 
sacrifice,  relevée  chez  les  Yagans,  se  retrouve  dans  la  masse 
des   indigènes  sud-américains.  Abstraction  faite  de   l'influence 


LA    RELIGION     CHEZ    LES    YAGANS  323 

des  civilisations  plus  avancées  dans  les  Andes,  aucune  des 
tribus  indiennes  de  l'Amérique  du  iSud  ne  connaît  le  sacrifice. 

Il  est  hors  de  doute  que  les  Yagans  admettent  une  certaine 
itnmortalité  pour  l'âme  humaine.  Selon  une  opinion  ancienne, 
les  âmes  des  morts  s'en  vont  vers  l'Orient  et,  de  Là,  elles  re- 
viennent souvent  pendant  la  nuit  au  canal  Beaigle.  Il  n'y  a  que 
les  médecins  qui  peuvent  voir  s'envoler  les  esprits.  Mais  quel 
est  le  sort  des  âmes  défuntes  ?  Sont-elles  heureuses  ou  malheu- 
reuses ?  Sont-elles  chez  Vatauineuva  ?  Ont-elles  des  relations 
entre  elles  et  peuvent-elles  se  parler  ?  Ont-elles  un  sort  diffé- 
rent après  la  mort?  Les  unes  sont-elles  mieux  partagées  que  les 
autres.  ?•  Voilà  des  questions  auxquelles  le  Yagan  ne  peut  pas 
donner  une  réponse  décisive.  >(  C'est  précisément,  nous  répé- 
taient-ils à  plusieurs  reprises,  parce  que  nous  ne  savons  même 
pas  ce  qui  arrive  après  la  mort,  que  nous  sommes  si  tristes  à  la 
mort  d'un  des  nôtres.  » 

Quand  nous  demandions  si  les  bons  et  les  méchants  avaient 
le  même  sort,  ils  réj)ondaient  de  nouveau  :  «  Nous  n'en  savons 
rien.  Mais  ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'un  méchant  ne  restera  pas 
impuni.  Le  méchant  ne  vivra  pas  dans  une  paix  complète  jusque 
dans  un  âge  avancé.  Vatauineuva  le  punira  certainement  sur  la 
terre,  surtout  en  lui  envoyant  une  mort  prématurée.  » 

Autrefois,  chez  les  Yagans,  la  crémation  des  morts  était 
usitée.  D'abord  ils  manquaient  d'instruments  pour  creuser 
suffisamment  le  sol  ;  puis  il  leur  répugnait  d'exposer  un  cadavre 
humain  à  être  mangé  par  des  renards,  des  rats  ou  d'autres 
animaux.  En  même  temps  que  le  mort,  sa  cabane  et  ses  instru- 
ments étaient  livrés  aux  flammes.  C'est  que  la  vue  et  l'usage  de 
ces  objets  auraient  rendu  les  parents  trop  tristes,  en  leur 
rappelant  toujours  le  mort  chéri.  Parfois  cependant,  nous 
faisaient-ils  remarquer,  on  négligeait  de  tout  brûler.  On  échan- 
geait alors  ces  objets  (par  exemple,  harpons,  lances  etc.)  contre 
d'autres  et  l'on  conservait  ainsi  les  instruments  en  bon  état. 

Comme  la^mort  de  ses  parents  aimés  frappe  profondément 
le  Y^agan,  les  manifestations  de  deuil  sont  nombreuses  et  variées  ; 
elles  sont  privées,  et  aussi  puhliques. 

Le  deuil  privé  s'appelle  le  plus  souvent  talauvaia.  Pour  ex- 
primer leur  douleur,  les  gens  «e  peignent  le  visage  d'une  cer- 
taine manière.  A  la  mort  des  enfants,  les  parents  se  déchiraient 


324  \\.  KOPj>ERs 

souvent  la  poitrine  jusqu'à  ce  que  le  sang  coulât  à  flot.  En 
signe  (le  deuil  et  de  resiject,  tous  ceux  qui  pdi'tent  le  nom  du 
mort  le  changent  en  un  autre.  Ainsi  quelques  vieillards  en  sont 
déjà  à  leui'  troisième  ou  quatrième  nom.  Une  manifestation 
S|;éciale  du  deuil  privé  est  le  chant  talaiivaia  (chant  funèbre). 
Ce  chant  est  monotone  et  simple.  Tandis  qu'un  chanteur  l'exé- 
cute, un  autre  se  lamente,  jjleure  et  se  plaint  surtout  de 
Vataviurvva.  qui  a  laissé  mourir  les  êtres  chéris  et  a  mis  la, 
tristesse  d^ns  le  c(('ur.  Nous  avons  pu  inscrire  deux  fois  ce 
chant  sur  le  luuleau  d'un  phonographe.  Une  femme  chantait, 
tandis  qu'une  autre  parlait  en  même  temps  dans  l'appareil. 
Voici  quelques-unes  de  ces  paroles  : 

«  Oh  !  comme  nous  sommes  malheureux,  parce  que  ces  deux 
(les  RR.  PP.  GusiNDE  et  Koppers)  nous  forcent  à  chanter 
lalauvaia  (le  chant  funèbre).  Eux,  ils  viennent  d'un  peuple  très 
nombreux  et  nous  sommes  en  si  petit  nombre.  Les  survivants 
sont  comme  quelques  petits  oiseaux  échappés  au  chasseur.  Et 
Vatauineuva  nous  a  enlevé  les  meilleurs...  Il  m'a  jiris  mes 
enfants,  toute  ma  famille.  Et  les  deux  enfants  qui  me  restent, 
ils  devront  s'en  aller  bientôt  par  le  même  chemin  que  les 
autres.  Ma  cousine  a  perdu  aussi  beaucouji  de  ses  parents  ; 
mais  elle  a  encore  un  frère  qui  possède  une  tainille  prospère. 
Moi,  cependant,  je  suis  toute  seule,  et  je  n'ai  qu'une  parente 
éloignée.  Mais  notre  parenté  remonte  à  bien  loin.  Hélas, 
hélas  !  num  Père,  tu  me  fais  beaucoup  souffrir  ;  tu  m'as 
sévèrement  punie.  O,  que  de  gens  y  avait-il  autrefois  à  l'ouest  ! 
[La  femme  vient  de  ce  côté-lià].  Maintenant,  il  n'en  reste  plus 
que  lieux  ou  trois  tout  au  plus.  A  moi,  il  n'a  laissé  qu'une 
parente,  pour  me  l'arracher  aussi  !   » 

NoTubreuses  sont  les  vieilles  formules,  que  les  personnes  en 
deuil  adi'essent  en  guise  de  plainte  et  de  reproche  à  l'Etre  Su- 
prême. Ainsi  une  femme  dont  l'enfant  est  mort,  s'écriera 
continuellement   ; 

<(  Kônjuicia  hnia  uln  kupa  nuitauwuxrnutakude  hitapuan  talau- 
vaia  !  »  c'est-(à-dire  littéralement  :  «  Ah  !  ah  !  pour  cela  m'a 
donné  d'en  haut,  mon  Père,  ô  deuil  !  »  ;  ce  qui  doit  signifier  : 
«  Voilà,  mon  Père  d'en  haut  m'a  donné  mon  enfant,  pour  me 
le   reprendre,  ô  deuil  !   » 


LA     IlELKilON     CHEZ    LES    YAOANS  325 

La  nianife?^tation  publique  et  générale  du  deuil  s'appelle 
Yamalasemôina.  Elle  esl  surtout  célébrée  en  souvenir  d'une 
mort  violeuie.  causée  soit  par  homicide  volontaire,  soit  par 
accident.  Ceux  qui  participent  à  cette  cérémonie  se  peignent 
d"abord  le  visage.  Les  hommes  prennent  ensuite  une  massue, 
les  femmes  une  de  leurs  rames.  On  forme  deux  groupes  égaux, 
chacun  comprenant  des  hoimmes  aussi  bien  que  des  femmes. 
Alors  s'engage  entre  les  deux  groupes  un  combat  simulé.  Tous 
bondissent  et  brandissent  leurs  armes,  comme  s'ils  voulaient 
fi'apper  de  toutes  leurs  forces.  En  réalité,  personne  ne  se 
touche.  Ils  se  rapj)ellent  la  mémoire  des  morts  aimés  et  se 
reprochent  pour  ainsi  dire  mutuellement  leur  malheur.  Nous 
étions  vraiment  impressionnés  de  voir  de  quelle  manière 
saisissante  ces  Sud-Américains  les  plus  primitifs  savent  ma- 
nifester leurs  sentiments  de  douleur.  Ici  comme  ailleurs,  l'on 
voit  combien  leur  attachement  à  leurs  morts  est  sincère  ;  toute 
cette   cérémonie  était   loin  d'être  une   simple  parade. 

Si  l'on  considère  que  les  Yagans  sont  au  fond  certainement 
un  peuple  primitif,  l'idée  qu'ils  ont  de  l'esprit  e'st  relativement 
bien  développée.  Esprit  se  dit  chez  eux  Kôspik.  Pour  expliquer 
l'idée  de  l'esprit,  ils  partent  de  l'idée  de  venf.  Les  esprits  sont 
subtils,  invisibles,  et  se  meuvent  aisément  dans  l'air.  L'esprit 
suprême  est  Vatauineuva.  Il  est,  en  tout  cas,  remarquable  que 
ces  primitifs  se  représentent  précisément  l'Etre  Suprême 
comme  un  esprit.  Les  Yagans  connaissent  en  outre  de  bons  et 
de  mauvais  esprits.  Un  bon  esprit  est  par  exemple  la  lexakipa, 
un  esprit  lutéiaire  féminin  de  la  maison  Kina.  Kina  est  le 
second  degré  de  la  fête  de  l'initiation  de  la  jeunesse.  Jeteite  ou 
Tanauva,  c'est-à-dire  le  grand  diable  de  la  terre,  est  le  plus 
méchant   des   mauvais   esprits. 

Dans  la  Maison-Kina,  déjà  nommée,  on  organise  systéma- 
tiquement In  culte  des  esprits.  Cela  s'explique  simplement  par 
le  fait  que  cette  fête  s"est  trouvée  faire  partie  des  cérémonies 
des  sociétés  secrètes,  telles  ([u'on  les  rencontre  dans  les  cycles 
cultuipjs  matriarcaux.  Ici  comme  \k,  l'évocation  des  esprits 
joue  un  giand  lôlr.  !;ei)endant,  d'après  les  Yagans,  tout  le 
monde  ne  peut  pas  indistinctement  enlr(>r  (mi  commerce  avec 
cette  espèce  d'esprits.  Ceux  qui  fréquentent  librement  l'empire 
des   esprits,  ce   sont    les   médecins   ou   docteurs,   comme   disent 


326  W.    KOPPERS       , 

les  Yagans.  Et  nous  entrons  ainsi  sur  le  terrain  de  la  sorcel- 
lerie et  des  sorciers. 

Nous  avons  été  à  même  de  nous  renseigner  à  fond  sur  les 
faits  et  gestes  des  médecins  yagans.  On  avait  jadis  organisé 
des  cours  du  soir  pour  les  futurs  médecins,  dont  une  Ecole 
de  viédecinc.  l'n  vétéran  de  la  profession  y  présidait.  Mais 
voilà  bientôt  quinze  ans  que  la  dernière  réunion  a  eu  lieu.  On 
enseignait  aux  candidats  (jeunes  gens  et  jeunes  hommes), 
tout  ce  qui  est  censé  relever  de  la  compétence  du  médecin,  par 
exemple  le  traitement  des  maladies,  les  relations  avec  les 
esprits,  et  les  pratiques  de  la  sorcellerie.  Mais  l'enseignement 
seul  ne  fait  pas  le  vrai  médecin  ;  il  y  faut  un  appel  intérieur. 
Ainsi  nous  pouvons  trouver  aussi  des  femmes  qui,  sans  avoir 
jamais  fréquenté  l'école,  sont  regardées  comme  médecins  vé- 
ritables. Actuellement,  il  y  a  deux  ou  trois  vieilles  qui  sont 
dans  ce  cas. 

Ce  ne  fut  pas  sans  surprise  que  nous  avons  recueilli  les 
détails  concernant  la  vocation  médicale.  Nous  nous  croyions 
transportés  ail  temps  des  Prophètes. 

La  vocal i(in  des  médecins  yagans  se  manifeste  par  des 
appels  subits,  par  des  visions  et  des  songes.  Quelques-uns,  ou 
mieux  quelques-unes  en  sont  si  fortement  affectées  que  leur 
vie  est  en  danger.  Dans  cette  exaltation  religieuse,  il  leur  faut 
composer  au  moins  un  chant  qui  leur  soit  personnel.  Nous 
avons  eu  l'occasion  de  fixer  plusieurs  de  ces  chants  s.ur  le 
rouleau  du  phonographe. 

L'influence  des  médecins  est  d'ailleurs  peu  considérable  dans 
la  vie  quotidienne.  Il  faut  remarquer,  par  exemple,  qu'à  la  f'He 
du  premier  degré  de  l'initiation,  appelée  Ciexaus.  ils  ne  jouent 
aucun  rôle.  Les  anciens  qui  s'y  entendent  le  mieux  s'en  cli;!!- 
gent.  Il  n'est  pas  spécialement  requis  que  le  président  de  la 
cérémonie  soit  un  médecin.  Ainsi  dans  l'institution  la  plus 
importante  de  la  vie  de  la  tribu,  le  médecin  n'a,  en  somme, 
aucune  fonction  :  il  n'a  rien  à  dire,  rien  à  faire.  La  chose  se 
passe  bien  autrement,  dès  qu'il  s'agit  du  Kina,  le  second  degré 
de  l'initiation.  Puisque  les  esprits  sont  ici  de  la  partie,  les 
médecins  ne  pourraient  rester  absents.  Mais  comme,  par  ail- 
leurs, il  est  évident  que  cette  cérémonie  est  d'un  caractère 
secondaire   et   de   moindre    importance   aux    yeux  des   Yagans, 


LA     RELiniON     CHEZ    LES     YAGAXS  327 

rintluence  du  médecin  est,  par  suite,  peu  considérable  dans  les 
grandes  questions  qui  intéressent  la  tribu. 

L'attitude  du  médecin  yagan  vis-è-vis  de  l'Etre  Suprême  nous 
permet  de  le  comparer  vraiment  aux  propbètes  de  l'Ancien 
Testament.  Ses  idées  religieuses,  d'ailleurs,  ne  diffèrent  pas  de 
celles  des  autres  membres  de  la  tribu.  On  ne  l'a  jamais  vu 
s'opposer  en  vertu  de  son  rôle,  d'aucune  façon,  à  l'Etre  Supiême. 

Bien  au  contraire,  quand  il  exerce  son  art  auprès  d'un  ma- 
lade, il  ne  manquera  pas  d'implorer  le  secours  de  Vafauineuva. 
Si  Vatmiinruva  ne  veut  i)as  venir  au  secours  du  malade,  il  le 
supplie  au  moins  de  le  faire  en  sa  faveur,  afin  que  sa  réputation 
de  docteur  soit  sauvegardée. 

Si  les  médecins  croient  pouvoir  exercer  une  certaine  influence 
sur  les  esprits  inférieurs  par  leurs  chants  ou  certaines  mani- 
pulations, jamais,  par  ailleurs,  on  ne  les  voit  s'arroger  un 
pouvoir  quelconque  sur  l'Etre  Suprême,  sur  Yatauineuva.  Pour 
autant  que  nous  l'avons  pu  observer  et  constater,  l'Etre  Su- 
prême était  toujours  étranger  à  leurs  pratiques  superstitieu- 
ses. On  invoque  Yatauineuva,  on  demande  son  secours  ;  mais 
jamais  on  ne  se  figure  pouvoir  lui  arracher  la  i-éalisation  d'une 
prière  par  des  pratiques  spéciales. 

Les  Yagans  ne  seraient  pas  des  hommes  véritables,  s'ils 
échappaient  entièrement  aux  superstitions.  Mais  ces  mauvaises 
herbes  ne  poussent  pas  aussi  nombreuses  chez  eux  que  chez 
les  peuples  de  civilisation  plus  avancée.  Une  comparaison  serait 
tout  à  leur  avantage.  Ce  fait,  d'ailleurs,  s'explique  naturelle- 
ment. Comme  la  croyance  à  un  Etre  Suprême  est  si  claire  et  si 
nette  qu'en  toutes  circonstances  on  a  recours  à  lui,  le  terrain 
de  la  superstition  est  forcément  très  restreint. 

Les  idées  et  les  coutumes  superstitieuses  se  manifestent 
surtout  dans  les  deux  événements  capitaux  de  la  vie  :  la  nais- 
sance et  la  mort. 

Le  père  d'un  nouveau-né  se  gardera  bien  de  briser  la  patte 
d'un  oiseau  qu'il  aurait  tué  ;  cela  porterait  malheur  au  petit. 
Le  cri  de  certains  oiseaux,  surtout  celui  du  liibou.  est  un 
présage  d'assassinat  ou  de  meurtre.  Quand  un  enfant  perd  sa 
pi'einière  dent,  il  s'en  va  au  bord  de  la  mer,  y  jette  la  dent  qui 
vient  de  se  détacher  et  supplie  instamment  un  certain  animal 
marin  de  lui  en  procurer  une  autre  plus  solide.  Les  deux  der- 


328  W.    KOPPERS 

nières  foixiies  de  superstition  trouvent  leurs  équivalents  dans 
nos  contrées...  , 

Je  n'ai  pu  que  résumer  brièvement  les  nombreux  documents 
recueillis  sur  place.  Plaise  à  Dieu  que,  bientôt,  nous  puissions 
publier  tous  les  résultats  de  nos  recherches. 

Mais  le  peu  qu'il  m'a  été  i)0ssible  d'en  ilire  suffira,  sans 
doute,  pour  nous  convaincre  combien  c'est  à  tort  que  l'on  a  vu, 
depuis  Darwin,  dans  les  Yaigans  des  gens  sans  Dieu  et  sans 
religion. 

Déjà  les  missionnaires  les  ont  lavés  de  la  tache  d'anthropo- 
phagie. Mais  leur  religion  restait  toujours  un  problème.  Et 
voici  que  déjà  à  demi  descendus  dans  la  tombe,  il  leur  est  provi- 
dentiellement permis  de  proclamer  devant  l'univers  leur  foi  au 
Maître  Suprême  d'en  haut  !* 

N'est-ce  pas  comme  un  dernier  cri  de  martyrs  :  Morituri  te 
salutant  ?  Martyrs,  c'est-à-dire  témoins  de  Dieu,  ils  le  sont  ; 
car  à  travers  toutes  leurs  migrations,  malgré  leurs,  conditions 
de  vie  si  pénibles,  malgré  toutes  les  civilisations  corrompues 
qui  les  ont  envahis,  malgré  les  préjugés  et  les  accusations 
injustes  dont  ils  ont  été  victimes,  ils  ont  conservé  au  fond  de 
leur  cœur  l'héritage  de  la  foi  que  leurs  ancêtTes  leur  avaient 
transmise.  Aussi  vous  trouverez  toute  naturelle  notre  affection 
pour  ces  pauvres  gens  qui  nous  ont  ouvert  leur  tribu.  Et  nous 
sommes  heureux  d'avoir  été  choisis  comme  les  interprètes 
officiels  de  leurs  sentiments  les  plus  intimes  et  de  leurs  der- 
nières volontés. 

Pendant  plus  de  trois  mois,  nous  avons  vécu  parmi  les 
Indiens  comme  des  Indiens.  Cette  vie  comportait  bien  des  sacri- 
fices ;  mais  les  résultats  de  notre  travail  nous  rendaient  tout 
supportahle.  Chaque  fois  que  le  Seigneur  d'en  haut  exauce  la 
prière  des  Yagans,  ils  lui  rendent  grâce  par  ces  mots  :  «  Asar 
hitapuan  !  »  «  Je  te  remercie,  mon  Père  !  »  En  face  d'un  succès 
qui  dépasse  tout  ce  que  nous  aurions  osé  espérer,  il  ne  nous 
reste  plus  qu'un  sentiment  de  reconnaissance  envers  la  même 
Providence  divine,  et,  avec  nos  chers  Yagans,  nous  nous  écrie- 
rons :  «  Asar  hitapuan  !  Je  te  remercie  !  mon  Père  !  » 


2^  Section  :  Initiations  tribales  et  sociétés  secrètes 
chez  les  non-civilisés 

Mystères  des  peuples  antiques 


[23]         initiations  tribales  et  sociétés  secrètes. 
Notions  générales, 

par  le  R.   P.  G.  ScHMiDT,  S.  V.  D. 

La  profonde  distinction  qui  sépare  initiation  triliale  et  so- 
ciété set-rèle  n'a  pas  toujours  été  prise  en  considération  par 
les  observateurs  imiTiédiats.  Dans  certaines  formes  intermé- 
diaires, il  est  vrai,  il  est  difficile  de  saisir  leur  nature  propre  ; 
mais  cela  n'empêche  pas  que,  dans  un  assez  grand  nombre  de 
cas,  la  distinction  ne  soit  pas  trop  difficile  à  établir,  et  qu'une 
analyse  })lus  profonde  ne  puisse  parvenir  le  {«lus  souvent  à 
une  séparation  nette  des  deux  formes. 

Presque  tous  les  théoriciens  de  l'ethnologie  reconnaissent 
aujourd'hui  cette  distinction.  Us  la  déterminent  à  peu  près 
comme  il  suit    : 

1.  L'initiation  tribale  est  obligatoire  pour  tous  les  (jeunes'' 
membres  d'une  tribu  ;  la  société  secrète  fait  un  choix  parmi  la 
totalité.  Mais  cette  distinction  est  quelquefois  effacée  si.  d'un 
côté,  l'initiation  tribale  est  en  état  de  décadence  et  n'attire 
plus  tous  les  jeunes  gens,  et  d'autre  côté,  si  une  société 
secrète  est  tellement  en  vogue,  que  tous  ou  presque  tous  les 
membres  d'une  tribu  s'efforcent  d'y  entrer. 

2.  L'initiation  tribale  introduit  le  jeune  homme  dans  la 
totalité  (limitée)  des  facultés  et  des  droits  des  adultes,  la 
totalité  de  la  vie  tribale  ;  la  société  secrète  introduit  dans  les 
secrets   magiques,   religieux,    sociaux   d'une   corporation   orga- 


330  W.    SCHMIDT 

nisée  en  dehors  de  la  tribu,  parfois  même  contre  elle.  Mais  il 
y  a  des  cas  où  l'organisation  de  la  société  secrète  a  fait  sa  paix 
avec  les  autorités  de  la  tribu  et  s"est  même  confédérée  avec 
elles. 

3.  L'initiation  tribale  en  général  concerne  seulement  des 
jeunes  gens,  ceux  qui  passent  de  l'enfance  à  l'âge  plus  mûr, 
tandis  que  les  candidats  de  la  société  secrète  peuvent  être 
très  divers,  deiiuis  les  enfants  les  pins  i)etits  jusqu'aux  hon)- 
mes  adultes.  Cette  différence  elle  aussi  est  souvent  diminuée, 
parce  que  l'initiation  tribale  ne  se  fait  parfois  qu'après  une 
série  d'années  ;  en  pareil  cas,  les  candidats  sont  de  différents 
âges  ;   ce  sont  même  quelquefois  des  gens  mariés. 

4.  Dans  les  sociétés  secrètes,  il  y  a  presque  toujours  des 
déguisements,  le  plus  souvent  avec  des  masques.  Ces  usages 
appartiennent  à  l'essence  même  de  ces  sociétés.  Dans  les  ini- 
tiations, on  emploie  quelquefois  des  déguisements  pour  cer- 
taines personnes,   mais  très  rarement  des  masques. 

Si  la  difféi'ence  entre  initiation  et  société  secrète  en  général 
el  en  pj'incipe  est  reconnue  par  les  ethnologues,  même  quand 
ils  n'ajqtarl iennent  pas  à  l'école  historique,  ils  ne  sont  pas 
d'accord  cependant  sur  l'âge  respectif  des  différentes  formes. 
Tous  (ou  presque  tous)  reconnaissent  bien  que  l'initiation 
ti'ibale  est  plus  ancienne  que  la  société  secrète,  mais  ils  diffè- 
rent d'avis,  quant  à  la  position  des  confraternités  magico- 
religieuses  et  des  clubs.  Tandis  que  Sghurtz,  dans  son  ouvrage 
Altersklaasen  unil  Mànnerhunde  (p.  218-437),  place  ces  confra- 
ternités et  clubs  entre  les  initiations  tribales  et  les  sociétés 
secrètes,  Hutton  Webster,  dans  son  ouvrage  Primitive  Secret 
Societi'fi  (p.  7  4-190),  les  range  apj'ès  les  sociétés  secrètes. 
C'est  en  etï'et  leur  vraie  position.  Presque  tous  les  écrivains 
(jui  ont  traité  cette  matière,  donnent  de  la  suite  de  ces  insti- 
tutions enti'c  elles  des  explications  plus  ou  moins  évolution- 
nistes  :  société  secrète  et  confraternité  magico-religieuse  ne 
sont  pour  eux  que  le  produit  d'une  décomposition  plus  ou 
moins  avancée  de  l'initiation  tribale.  Ils  alTirment  donc  une 
évolution,  variable,  il  est  vrai,  dans  ses  formes,  mais  au  fond 
rectiligne,  comme  le  fait  en  général  toute  doctrine  évolution- 
niste. 

L'opposition  de   l'école   historique   contre  ces   théories   et   le 


INITIATIONS    TRIBALES   ET    SOCIÉTÉS    SECRÈTES  331 

grand  mérite  qu'elle  s'y  est  acquis,  porte  sur  trois  points 
capitaux  :  1.  elle  montre  qu'il  y  a  des  différences  essentielles 
entre  les  diverses  formes  de  l'initiation  tribale  et  que  ces 
différences  dépendent  de  la  nature  des  cycles  culturels  aux- 
quels ces  rites  appartiennent  ;  2.  elle  fait  voir  les  causes 
concrètes  qui,  dans  un  cercle  culturel  déterminé,  ont  conduit 
à  cette  décomposition  de  l'initiation  tribale  qui  donne  origine 
aux  sociétés  secrètes  ;  3.  elle  indique  les  différentes  voies  de 
mélange  entre  certaines  formes  d'initiations  et  de  sociétés 
secrètes,  par  lesquelles  se  sont  formées  les  confraternités 
magico-religieuses,   les  clubs  et   les  organisations   semblables. 

I.    FORMES   On'ERSES   DES   INITIATIONS  TRIBALES 

Puisque  l'initiation  tribale  veut  introduire  le  candidat  dan? 
la  possession  totale  des  droits  et  l'exercice  toi  al  des  obliga- 
tions propres  à  la  tribu,  on  's'explique  facilement  qu'elle  re- 
flète en  elle-même  exactement  la  nature  même  du  cycle 
culturel   auquel   elle   appartient. 

Dans  le  plus  ancien  cycle  culturel,  celui  des  Pygméos,  c'est 
la  famille,  individuelle,  monogame  et  fortement  constituée,  qui 
domine,  tandis  que  l'organisation  de  la  tribu  comme  telle, 
l'Etat   naissant,  ne  joue  pas  encore  un  rôle  important. 

Mais  précisém.ent  dans  l'initiation,  la  tribu  se  manifeste 
]nibliquement.  cai-  l'initiation  est  faite  toujours  par  tribu  et 
non  par  famille.  Cependant  l'initiation  tribale  même  ne  con- 
siste en  rien  d'autre  que  dans  l'admission  aux  droits  et  aux 
devoirs  de  la  famille.  Cette  forme  d'initiation  ne  connaît  pas 
de  secrets  :  les  bommes  prennent  part  aux  initiations  des 
jeunes  filles,  et  les  femimes  à  celles  des  garçons.  Tel  est  le 
cas  chez  les  Andamanais.  Dans  l'Australie  du  Sud-Est.  HownTT 
avait  déjà  vu  que  chez  les  Kurnai,  tribu  la  plus  ancienne,  les 
femmes  prennent  part  à  une  partie  considérable  de  l'initia- 
tion tribale.  Comme  je  l'ai  montré  dans  un  travail  spécial.  Dir 
Qphpimf  Jûnglinysiveihr  eincs  anstrnlischen  Urstammrs  (Pader- 
born,  1923),  le  rôle  que  la  famille  et  les  femmes  y  jouent,  est 
encore  plus  im])ortant  que  Howitt  ne  l'a  vu.  Dernièrement, 
mon  confrère,  le  R.  P.  Koppers,  a  découvert  cette  même  forme 
d'initiation,    où   garçons   et   filles   sont    initiés   dans   la    même 


332  W.    SCHMIDT 

solennilé,  chez  la  tribu  la  plus  ancienne  de  l'Amérique,  les 
Yaniana,  une  des  tribus  des  Fuégiens.  Chez  les  Andamanais, 
il  n'y  a  presque  pas  de  déguisements  et  de  représentations 
mystérieuses.  Chez  les  Kurnai,  on  en  trouve  quelque  rudiment  : 
le  couple  des  ancêtres  y  est  représenté  par  deux  «  bull  roa- 
rers  »  ;  mais  Tautorité  suprême  réside  dans  l'Etre  Suprême 
qui  a  institué  l'initiation,  et  les  candidats  reçoivent  une  ins- 
tr'uction  qui  porte  sur  la  religion,  rbisluire.  les  devoirs  sociaux 
de  la  tribu.  Enfin,  il  n'y  a  pas  de  déformation  corporelle  comme 
signe  de  l'initiation  reçue. 

Chez  les  Yuin.  voisins  des  Kurnai,  qui  représentent  dans 
leur  initiation  le  type  du  cycle  culturel  suivant,  celui  du 
boumerang,  un  changement  considérable  s'est  produit.  Le  dé- 
guisement est  plus  complet  ;  des  représentations  mythiques 
multiples  et  des  danses  rythmiques  ont  lieu.  On  ne  trouve  plus 
le  couple  des  ancêtres,  mais  seulement  l'ancêtre  masculin,  le 
premier  mortel,  représenté  sous  la  forme  mythique  de  la  lune 
décroissante  et  renaissante,  avec  laquelle  aussi  l'Etre  suprême 
s'est  conjoint.  En  connexion  intime  avec  ces  rites  d'initiation, 
on  rencontre  la  déformation  corporelle,  l'excision  des  dents. 
Il  est  sévèrement  interdit  aux  femmes  de  prendre  part  à 
aucune  partie  des  cérémonies,  et  l'on  ne  voit  pas  qu'il  y  ait 
une  initiation  des  jeunes  filles.  Ici  la  tribu  commence  à  pré- 
valoir sur  la  famille. 

Telle  est  la  condition  de  l'initiation  dans  les  trois  plus  anciens 
cycles  rvltureh.  qui  répondent  au  régime  économique  de  la 
cueillette.  En  aucun  de  ces  cycles  il  n'y  a  encore  de  société 
secrète.  Il  faut  cependant  faire  l'cmarquer  que  les  formes 
spécifiques  de  ces  cycles,  on  tant  qu'ils  se  trouvent  dans 
l'Africjue  et  l'Amérique,  ne  nous  sont  que  peu  connues  jus- 
qu'ici. En  Aimérique  du  Nord,  chez  les  Selish  et  les  tribus  du 
Nord-Ouest  de  la  Californie,  oij  le  totémisme  individuel  esl 
fortement  développé,  il  paraît  que  l'initiation  même  des  gar- 
çons consiste  dans  la  retraite  individuelle  du  garçon  (et  de  la 
jeune  fille)  dans  la  solitude,  pour  obtenir,  par  le  jeûne  et  par 
les   songes,    son   totem   individuel. 

Si  nous  passons  maintenant  aux  cycles  culturels  où  l'homme 
travaille  la  nature  pour  augmenter  sa  production,  la  condition 


INITIATIONS    TRIBALES   KT    SOCIÉTÉS    SECRÈTES  333 

de  rinitiation  dans  les  uns  et  les  autres  est  tout  à  fait  diffé- 
rente. Dans  le  cycle  des  nomcules,  e'iile  disparaît  presque  com- 
plètement. Le  fait  s'explique  parce  que  fimpoi'tance  de  la  tribu 
est  ici  encore  plus  affaildie,  tandis  que  la  famille  a  gagné 
économiquement  et  socialement;  elle  s"ost  en  effet  élargie 
pour  devenir,  sous  l'autorité  des  grands  parents,  la  grande 
famille,  Gro.s.sfainilie.  C'est  seulement  plus  tard  que,  chez  quel- 
ques peuples  de  ce  cycle,  le  jeune  homme  est  initié,  par  une 
cérémonie  rudimentaire,  à  la  tradition   des   armes. 

Tout  à  fait  contraire  est  la  condition  de  l'initiation  dans  le 
cycle  culturel  totémiste.  Ici,  la  tribu,  l'Etat  joue  un  rôle  tou- 
jours croissant,  tandis  que  la  famille  perd  en  importance. 
L'initiation,  qui  donne  la  plénitude  des  droits  tribaux,  est  donc 
ici  d'une  importance  capitale.  EHe  marque  profondément  dans 
la  vie  de  l'individu,  et  elle  forme  le  noyau  de  toute  une  série 
de  classes  d'âge  qui  la  précèdent  et  la  suivent.  En  elle-même, 
cette  initiation  n'est  faite  que  chez  les  garçons,  et  la  maturité 
sexuelle  de  l'homme  en  forme  l'objet  prépondérant.  Gela  se 
manifeste  surtout  dans  la  circoncision,  dont  la  signification 
s'explique  donc  par  sa  relation  à  ce  cycle  culturel.  Mais  chez 
plusieurs  peuples  nomades  qui  ont  accepté  la  circoncision  et 
où  elle  est  faite  déjà  aux  petits  en.fants,  elle  a  pris  plutôt  le 
caractère  d"un  sacrifice  de  prémices,  qui  est  grandement  en 
vogue  chez  ces  peuptes.  En  général,  le  thème  fondamental  de 
l'initiation  dans  ce  cycle  est  d'assimiler  les  garçons  au  jeune 
soleil  de  matin,  beau  et  vigoureux,  qui  est  ici  l'ancêtre  et  le 
dieu  principal  ;  cette  assimilation  se  produit  par  l'épilation 
du  duvet  capillaire  et  par  la  coloration  du  corps  en  rouge. 
Après  l'initiation,  une  période  de  licence  sexuelle  suit  ordi- 
nairement. 

ToutCiS  les  cérémonies  ont  lieu  sans  aucune  participation 
des  femmes,  qui,  i)ar  les  plus  sévères  défenses,  en  sont  tenues 
éloignées.  Chez  quelques  tribus,  soit  par  un  reste  d'influence 
des  cycles  plus  anciens  avec  initiation  parallèle  des  deux 
sexes,  soit  par  suite  de  l'influence  exercée  par  des  tribus 
matriarcales,  une  initial  ion  des  jeunes  filles  a  lieu,  mais,  le 
plus  souvent,  séparée  de  celle  des  garçons.  Chez  plusieurs  de 
ces  ti'ibus,  une  mutilation  corpruvdlc,  con-espondanf  à  la  cir- 
concision, est  aloi's  exercée  sur  les  filles. 


33  4  ^V.    SCHMIDT 

Une  niodification  toute  différente  s'esl  produite  dans  le  cycle 
matriarcaJ.  Là,  par  l'invention  de  l'agriculture,  ou  plutôt  de 
riiorticulture  {Eackhau) ,  la  femme  est  devenue  la  première  et 
seule  propriétaire  du  sol  ;  elle  s'est  acquis  sur  l'homme  une 
prépondérance  économique  et  sociale  considérable  ;  un  vrai 
matriarcat  s'est  établi.  En  conséquence,  la  position  de  l'homme 
a  beaucoup  perdu  de  sa  signification  ;  aussi  n'apparaît-il  plus 
important  de  célébrer,  par  des  cérémonies  déterminées,  l'en- 
trée du  jeune  homme  dans  la  condition  de  l'adulte.  C'est  alors 
Lin  fait  caractéristique  que,  dans  les  tribus  matriarcales,  l'ini- 
tiation tribale  des  garçons  glisse  dans  un  état  de  décadence 
ou  disparaît  même  complètement.  La  prépondérance  économi- 
que et  sociale  de  la  femme,  qui  s'est  établie  ici,  demanderait 
qu'au  contraire  l'initiation  de  la  jeune  fille  gagne  en  impor- 
tance et  soit  marquée  par  une  série  de  rites  significatifs.  Mais 
il  y  a  deux  causes  qui  empêchent  que  ces  rites  deviennent, 
dans  la  grande  majorité  des  cas,  des  initiations  tribales  pro- 
prement dites,  c'est-à-dire  collectives.  C'est  d'abord,  comme 
ScHURTZ  l'a  bien  vu,  la  nature  psychique  de  la  femme,  qui  la 
dispose  moins  pour  la  vie  de  la  tribu  et  de  l'Etat  que  pour 
celle  de  la  famille  individuelle.  C'est  d'un  autre  côté  la  nature 
physique  de  la  femme,  chez  laquelle  le  début  de  la  maturité 
sexuelle  est  marquée  plus  distinctement,  et  par  cela  plus 
individuellement,  par  la  première  menstruation.  Ces  deux 
causes  ensemble  ont  pour  résultat  que,  dans  la  grande  majo- 
rité des  cas,  parmi  les  tribus  matriarcales,  l'initiation  des 
jeunes  filles  est  bien  célébrée  par  des  rites  déterminés,  à 
savoir  par  une  réclusion  loin  de  Vaspect  du  soleil,  par  certains 
jeûnes,  des  lustrations,  des  fumigations  —  non  pas  par  des 
mutilations  corporelles  —  ;  mais  tout  cela  se  passe  individuel- 
lement pour  chaque  fille  et  dans  le  sein  de  sa  propre  famille  ; 
ainsi  la  cérémonie  ne  devient-elle  pas  une  affaire  de  la  tribu. 

II.   ORIGINE  DES  SOCIÉTÉS  SECRETES 

Outre  la  prépondérance  économique  de  la  femme,  qui  s'est 
effectuée  dans  les  tribus  matriarcales,  il  y  a  encore  un  autre 
facteur  qui  tend  à  diminuer  la  position  de  l'homme.  Puisque 
la  femme,  en  un  tel  milieu,  est  devenue  la  propriétaire  du  sol, 
c'est   elle   qui   forme  à  présent  l'élément   stable,   et  l'exogamie 


INITIATIONS   TRIBALES   ET    SOCIÉTÉS    SECRÈTES        ,  335 

locale,  qui  demandait  jusqu'ici  que  dans  la  conclusion  du 
mariage  la  femme  quitte  son  habitat,  ])our  suivre  Thomme 
dans  le  sien,  se  tourne  dans  le  sens  inverse,  pour  demander 
que  riidinme  adopte  la  résidence  et  j)asse  dans  la  tribu  de  la 
femme.  Dans  la  première  phase  de  l'évolution,  l'homme  ne  le 
fait  pas  encore  ;  mais  de  son  côté  la  femme  reste  chez  elle  ; 
dans  ce  cas,  le  mariage  lonclu  nentiaîne  pas  communauté 
de  logis  entre  les  deux  mariés  ;  il  amène  seulement  des  visites 
j)lus  ou  moins  longues  de  l'homme  à  sa  femme  dans  la  tribu 
de  cellc-fi.  On  voit  que,  dans  une  telle  situation,  l'homme  est 
plutôt  un  étranger,  un  hôte  dans  la  tribu  de  sa  femme.  Dans 
la  deuxième  phase,  l'homme  quitte,  en  effet,  sa  propre  tribu  et 
prend  son  logement  définitif  dans  l'habitation  de  sa  femme. 
Déraciné  de  sa  propre  tribu,  il  ne  s'enracine  pas  non  plus  dans 
celle  de  sa  femme  ;  il  y  reste  un  étranger  et  continue  à 
occuper  une  position  inférieure,  relativement  à  la  prépondé- 
rance économique  et  sociale  de  sa  femme.  Le  culte  officiel 
des  esprits  et  divinités  tutélaires  de  la  tribu,  divinités  dont  la 
principale  est  ici  de  sexe  féminin,  la  lune,  regardée  comme 
ancêtre,  est  exercé  par  la  femme  ou  par  son  frère  aîné.  Si 
nous  ajoutons  que  ces  hommes  étrangers  à  la  vie  tribale 
proviennent  de  leur  côté  de  différentes  tribus,  il  s'ensuit  éga- 
lement qu'entre  eux  ils  n'ont  pas  de  lien  commun,  social, 
organique. 

Avec  tout  cela,  nous  avons  réuni  tous  les  facteurs  qui  con- 
duisirent à  la  création  des  sociétés  secrètes  par  les  hommes. 
Ce  n'est  donc  que  dans  le  cercle  matriarcal  qu'elle  s'est  pro- 
duite. Elle  n'est  pas  le  résultat  direct  d'une  décomposition  de 
l'initiation  tribale  des  garçons  ;  elle  résulte  de  l'opposition  des 
hommes  contre  la  prépondérance  des  femmes,  dans  le  cercle 
matriarcal,  et  de  la  tendance  des  hommes  à  se  créer,  pour  s'en 
affranchir,  une  organisation  propre,  assez  forte  pour  main- 
tenir leur  indépendance  et  pour  réduire  les  femmes  dans  un 
état  de  soumission. 

Par  là  s'explique  l'emploi  du  secret  et  de  la  terreur.  Pour 
assurci'  la  stabilité  et  le  bon  fonctionnement  de  cette  institu- 
tion, il  devint  nécessaire  de  soumettre  les  candidats  à  des 
épreuves,  souvent  assez  graves,  par  exemple  par  le  meurtre 
d'un  proche  parent,  voire  même  de  la  propre  mère  (au  Congo). 


336  ^  W.    SCHMIDT 

Lorsque  l'autorité  de  la  société  commença  à  s'étendre  et  que 
1p  nombre  des  candidats  devint  toujours  plus  grand,  la  néces- 
sitié  s'imposa  de  créer  des  grades  différents,  pour  préserver 
intacts  les  secrets  plus  importants. 

Puisque  les  hommes  mariés,  dans  une  tribu  matriarcale, 
pouvaient  appartenir  à  des  tribus  différentes,  en  formant  leur 
nouvelle  société  secrète,  ils  ne  la  mettaient  pas  en  relation 
avec  la  vie  tribale  oiïîcielle  ;  mais  ils  la  tenaient  hors  de 
celle-ci  et  assez  souvent  contre  elle.  Par  là  même,  la  société 
secrète  acquit  aussi  une  tendance  innée  à  se  répandre  au-delà 
des  frontières  de  la  tribu  où  elle  avait  été  fijndée  et  à  créer 
ainsi  une  vie  intertribale,  i)récurseur  de  la  vie  internationale, 
nourrie  souvent  par  une  propagande  directe  très  intense. 

Le  même  fait  de  Torigine  différente  des  hommes  réunis  en 
société  secrète  entraîna  des  conséquences  spéciales  pour  ce 
qui  concernait  la  vie  religieuse.  Puisqu'ils  n'avaient  pas  d'an- 
cêtre commun,  puisque  le  culte  de  l'ancêtre  tribale  était  exercé 
par  les  femmes  et  s'adressait  à  un  être  féminin,  les  hommes 
se  mirent  à  honorer  des  ancêtres  individuels  masculins,  et 
peut-être  plus  tard  les  morts  en  général.  Ainsi  élaboraient-ils 
l'idée  de  la  vie  et  de  la  mort  et  de  la  vie  après  la  mort,  qui 
avait  déjà  dominé  l'initiation  dans  le  cycle  du  boumerang. 
Puisque  le  culte  commença  ainsi  à  s'adresser  aux  ancêtres 
individuels,  l'idée  de  la  vie  spirituelle,  non-corporelle,  des 
âmes  individuelles,  séparées  après  la  mort,  s'y  affirma  et  se 
développa  ;  l'animisme  trouva  ici  son  plein  épanouissement. 
Dans  les  danses  et  cérémonies  de  ces  sociétés  secrètes,  on 
représentait  le  mort  par  le  crâne  du  défunt.  Plus  tard,  il  fut 
remplacé  par  un  masque. 

ni.    DIFFÉRENTES    FORMES    DE    MÉLANGE 

Juisqu'ici  nous  avons  décrit  les  différentes  formes  de  l'ini- 
tiation tribale,  puis  l'origine  et  la  forme  primitive  de  la  société 
secrète.  Toutes  ces  institutions  se  développèrent  indépendam- 
ment l'une  de  l'autre,  au  cours  d'un  long  espace  de  temps.  Il 
importe  de  connaître  exactement  ces  éléments  primaires  et 
■  leur  nature  intime,  car  autrement  il  est  impossible  de  démêler 
les  coml)inaisons  multiples  qui,  plus  tard,  commencèrent  à  se 
produire,  surtout  par  suite  de  la  diffusion  des  sociétés  secrètes 


INITIATIONS    TRIBALES   ET    SOCIÉTÉS    SECRÈTES  337 

d'une  part,  et  de  l'autre  par  suite  de  )"irruption  des  peuples 
nomades  dans  les  régions  des  peuples  à  civilisation  totémiste 
et  matriarcale. 

Ces  produits  de  mélange  ne  sont  pas  seulement  nombreux, 
mais  aussi  extrêmement  variés,  de  telle  sorte  qu'il  est  impos- 
sible de  fixer  à  leur  suj.et  des  règles  et  lois  générales.  En  efîet, 
même  lorsque  les  éléments  constitutifs  sont  identiques,  le 
degré  de  force  et  d'intensité  dans  lequel  ils  se  combinent  est 
sujet  à  des  variations  infinies.  Il  faut  donc  faire  des  recherches 
de  détail  pour  chaque  cas  concret,  et  c'est  surtout  ici  que  la 
méthode  historique  est  indispensable.  Du  reste,  les  temps 
dans  lesquels  ces  mélanges  se  produisirent,  appartiennent 
déjà,  dans  beaucoup  de  cas,  à  ces  périodes  que  nous  appelons 
historiques,  dans  le  sens  plus  étroit  du'  mot,  c'est-à-dire  à 
celles  011  les  documents  écrits  commencent  à  s'offrir.  Dans 
les  conférences  qui  suivront  selon  le  programme  de  notre 
Semaine,  notamment  dans  celles  qui  ont  trait  aux  mystères 
des  peuples  antiques,  vous  rencontrerez  plusieurs  types  de 
ces  mélanges.  Par  suite,  je  puis  me  borner  ici  à  indiquer  seu- 
lem^ent  par  quelques  lignes  générales  les  directions  dans  les- 
quelles ces  mélanges  se  sont  effectués. 

iGonsidérons  d'abord  le  cas  d'un  mélange  du  cycle  nomade, 
éleveur  de  bétail,  patriarcal,  avec  le  cycle  horticulturiste  ma- 
triarcal ;  dans  ce  mélange,  l'horticulture  {Hackbau)  de  la 
femme  se  change  très  souvent  en  agriculture  des  céréales,  à 
l'aide  de  la  charrue  tirée  par  le  bétail.  Ici,  le  culte,  officiel, 
matriarcal,  d'une  déesse  lunaire,  protégeant  le  travail  du  sol, 
se  change  en  culte  de  la  Terra  Mater,  ArjorjTTjp,  sous  des  formes 
multiples.  A  cette  Terra  Mater  le  culte  des  nomades  associe 
très  souvent  celui  du  Ciel-Père,  qui  deviendra  alors  l'époux 
de  la  Terre.  Selon  l'importance  attribuée  soit  à  l'élément  mas- 
culin, soit  à  l'élément  féminin,  c'est  ou  le  Ciel-Père  ou  la 
Terre-Mère  qui  domine  plutôt  dans  ce  culte.  Ainsi  en  Chine, 
dans  l'Afrique  occidentale  et  dans  différents  cultes  méditer- 
ranéens. Ces  cultes  sont  d'abord  officiels,  publics  pour  toute 
une  tribu,  une  ville,  un  groupe  de  villages  ;  mais,  par  la  pro- 
pagande qu'ils  exercent,  ils  se  répandent  et  deviennent  ailleurs 
des  cultes  plus  ou  moins  ésotériques. 

Autre  est  le  mélange  du   cycle  totémiste   patriarcal    avec   le 

22 


338  W.    SGHMIDT 

cycle  hortii-ulturiste  matriarcal.  C'est  plutôt  le  Soleil-Père  du 
cycle  totémiste  qui  est  associé  ici  à  la  Terre-Mère  ;  l'idée  de 
la  génération  humaine  active,  dérivée  du  premier  cycle,  s'y 
affirme  dans  les  rites  phalliques  agraires  ;  les  cérémonies  de 
fertilisation  des  champs  prennent  là  leur  origine.  Ainsi  en 
va-l-il  dans  les  îles  Moluques  et  dans  l'Inde  Occidentale.  Si 
à  ce  mélange  se  superpose  encore  le  culte  propre  aux  nomades, 
il  en  résulte  un  vague  flottement  entre  le  Ciel-Père  et  le 
Soleil-Père,  tel  qu'on  peut  l'observer  dans  la  figure  de 
Zanahari,  être  suprême  des  Malgaches.  Là  encore,  les  cultes 
ne  sont  pas  en  eux-mêmes  secrets,  mais  plutôt  officiels,  pu- 
blii's  ;  ils  ne  deviennent  ésotériques  que  secondairement,  là 
où  ils  s'implantent  par  voie  de  propagande. 

'Toute  autre  est  la -situation,  si  le  mélange  a  lieu  soit  entre 
le  cycle  des  ncmiades,  soit  entre  le  cycle  totémiste  d'une  part, 
et  les  sociétés  S'Ccrètes  du  cycle  matriarcal  d'autre  part.  Con- 
sidérons d'abord  le  cas  d'un  mélange  du  cycle  des  nomades 
avec  les  sociétés  secrètes  du  cycle  matriarcal.  A  vrai  dire,  il 
ne  semble  pas  avoir  été  très  fréquent.  Le  cycle  des  nomades, 
en  efîet.  représente  presque  toujours  dans  le  mélange  culturel 
l'élément  régnant,  aristocratique,  voire  même  dynastique  ;  il 
s'oppose  par  le  au  caractère  plutôt  démocratique  et  plouto- 
cratique  des  sociétés  secrètes.  C'est  un  peu  ce  qui  se  présente. 
à  notre  époque,  dans  Topposition  instinctive  entre  les  aristo- 
craties et  les  dynasties  d'un  côté  et  les  franc-maçonneries 
d'autre  côté  :  les  partis  se  sentent  rivaux,  et  s'il  y  a  des 
compromis,  c'est  presque  partout  la  société  secrète  qui  en  tire 
profit.  De  là  vient  aussi  que  les  peuples  qui  se  rattachent  au 
cycle  des  nomades,  très  souvent  n'aiment  pas  à  entrer  dan? 
les  sociétés  secrètes.  C'est  le  cas  des  Watutsi,  pasteurs  aris- 
tocrates, par  rapport  à  la  société  secrète  des  Imandv^ra,  chez 
les  Nègres  Bantous,  agriculteurs  de  l'Afrique  Orientale.  Mais 
pourtant  le  mélange  se  produit,  surtout  à  mesure  que  les  so- 
ciétés secrètes  perdent  leur  caractère  social  et  politique  et  se 
transforment  en  iTinfraternités  i)lus  ou  moins  religieuses.  Dans 
ce  cas,  l'intelligence  plus  vaste  et  plus  prompte  des  nomades 
commence  à  idéaliser  et  à  rationaliser  ces  cultes  secrets.  Alors 
piennent  naissance  les  mythologies  systématiques  et  compli- 
quées et  plus  tard  les  prenaiers  germes  des  philosophies,  plus 


INITIATIONS    TRIBALES   ET    SOCIÉTÉS    SECRÈTES  339 

OU  moins  ésotériques  à  leurs  débuts,  comme  on  le  voit  en 
Chine,  dans  l'Inde,  en  Perse,  en  Grèce. 

Beaucoup  plus  fréquents  sont  les  cas  de  mélange  du  cycle 
totémiste  avec  les  sociétés  secrètes  du  cycle  matriarcal.  L'es- 
pèce de  mystère  dans  lequel  s'effectuent  Tinitiation  totémiste 
et  l'initiation  à  la  société  secrète  donne  déjà  quelque  chose 
de  ciimmun  à  ces  deux  formations  sociales.  En  second  lieu, 
leur  caractère  forcément  masculin  établit  entre  elles  une  affi- 
nité interne  très  notabie. 

Il  y  a  surtout  deux  choses  importantes  qui,  dans  le  mélange 
de  ces  deux  formations,  s'entrechangent  et  s'entrecroisent. 

D'abord,  le  culte  des  ancêtres  humains  masculins  des  so- 
ciétés secrètes  s'unit  au  culte  des  ancêtres  totémiques,  plutôt 
masculins  dans  la  grande  majorité  des  tribus  ;  aux  crânes 
humains  et  à  d'autres  parties  du  corps  humain,  employées 
dans  les  cérémonies  des  sociétés  secrètes,  s'ajoutent  des 
crânes  d"animaux  et 'plus  souvent  d'autres  parties,  griffes,  becs, 
plumes  des  animaux  employés  dans  les  rites  totémiques  ;  aux 
masques  et  affublements  représentant  les  ancêtres  humains 
dans  les  sociétés  secrètes,  à  leurs  danses  et  cérémonies  expri- 
mant l'apparition  et  la  disparition  de  ces  ancêtres  s'ajoutent 
les  masques,  affublements,  danses  et  cérémonies  représentant 
dans  les  rites  totémiques  les  animaux  dans  les  formes  mul- 
tiples de  leur  vie.  C'est  ce  qu'on  observe  dans  l'Amérique  du 
Nord,  chez  les  tribus  du  Nord-Ouest  et  autour  des  grands  Lacs. 

Deuxièmement,  è  l'animisme  exubérant  des  sociétés  secrètes 
et  du  cycle  matriarcal  en  général,  s'associe  la  magie  qui  do- 
mine le  cycle  totémiste  dans  une  infinité  de  ses  rites  et  céré- 
monies. Ce  sont  alors  les  confraternités  magico-religieuses 
qui  prennent  leur  origine  surtout  dans  ce  milieu,  comme  on 
peut  le  constater  en  A^frique  Occidentale,  au  Congo,  au  Mexi- 
que. Si  le  cycle  des  nomades  se  superpose  encore  à  ce  mélange, 
la  complexité  devient  encore  beaucoup  plus  grande  ;  mais  ici 
encore  l'intelligence  plus  claire  et  plus  pure  des  peuples  no- 
)nades  réussit  à  systématiser  ces  conglomérats  et,  en  nombre 
de  cas,  à  les  idéaliser,  à  les  purifier,  pour  parvenir  ainsi  à 
d'autres  philosophies,  plus  panthéistes  et  évolutionnistes  que 
dans  les  cas  cités  plus  liauf,  où  l'on  A'oit  plutôt  l'idée  de  dieux 
personnels  et  créateui's  occujter'  une  place  lui'piuKh'ranle. 


3iÛ  E.   DE  JOXGHE 


IV. CONCLUSION 


Il  sera  bon  de  faire  halte  ici  et  de  conclure.  La  multiplicité 
et  la  complexité  des  formes  qui  se  produisent  à  ce  stade  (soit 
par  propagation,  soit  par  fusion  tle  sociétés  anciennes,  soit 
pai'  création  de  sociétés  nouvelles,  qui  retiennent  toujours  au 
moins  quelques  traits  des  types  préexistants),  deviennent 
telles  en  effet  qu'elles  défient  toute  exposition  générale.  Il  faut 
entrer  dans  les  détails  pour  rester  vrai  et  juste.  Par  les  brèves 
explications  qui  précèdent,  j'espère  du  moins  avoir  rendu  bien 
clairs  deux  points  principaux. 

1°  Il  n'y  a  pas  d'espoir  de  démêler  les  phénomènes  compli- 
qués des  mystères  et  des  sociétés  secrètes  des  peuples  antiques 
et  d'autres  peuples  plus  évolués,  si  l'on  ne  connaît  pas  exac- 
tement les  formes  originelles  des  initiations  et  des  sociétés 
secrètes  chez  les  peuples  primitifs.  De  ces  formes  originelles 
pro'viennent  en  effet  les  éléments  fondamentaux  qui  entrent 
en  composition  ;  c'est  donc  par  elles  qu'il  convient  d'éclairer 
les  formes  plus  récentes  ou  actuelles  et  non  vire  versa. 

2°  Ce  n"est  pas  en  suivant  les  règles  d'un  vague  évolution- 
nisme,  mais  par  la  voie  sobre  et  patiente  do  recherches  histo- 
riques, que  nous  parviendrons  à  débrouiller  les  mélanges 
multiformes  qui  se  sont  produits  en  ce  domaine  et  à  discerner 
aussi,  le  cas  échéant,  avec  la  rigueur  scientifique  qui  convient, 
des  éléments  hors  de  toute  origine  et  évolution  naturelles, 
comme  est  dans  son  ensemble  le  phénomène  du  Christianisme, 
avec  ses  idées,  ses  rites  et  ses  sacrements. 


[24]  Les  Sociétés  secrètes  en  Afrique, 

par  M.  Ed.  De  Jonche,  prof,  à  l'Univ.  de  Louvain. 

Les  sociétés  secrètes  indigènes  sont  des  sociétés  fermées 
plutôt  que  des  sociétés  vraiment  secrètes.  Les  profanes  con- 
naissent les  adeptes  ;  ils  savent  où  et  quand  ceux-ci  se  réu- 
nissent ;  mais  ils  ignorent  ce  qui  se  dit  et  ce  qui  se  fait  dans 
les  réunions. 

Ces  sociétés  se  forment  à  l'intérieur  de  sociétés  plus  géné- 
rales (peuplade,  tribu,  clan  ou  village)  et  groupent  des  individus 


LES  SOCIÉTÉS  SECRÈTES  EN  AFRIQUE  341 

qui  se  sentont  tenus  par  des  liens  de  solidarité.  Cette  solidarité 
résultant  de  leur  initiation  aux  mêmes  mystères,  se  manifeste 
I»ar  des  fêtes,  des  réunions,  des  gestes,  des  mots  de  passe  et 
quelquefois   par  une    langue   spéciale. 

iCertaines  sociétés  secrètes  indigènes  admettent  des  hom- 
mes seulement  ;  d'autres  des  femm&s  seulement  ;  dans  quel- 
ques-unes les  sexes  .sont  mélangés. 

Des  ethnologues  ont  rattaché  à  Tétude  des  sociétés  secrètes 
les  initiations  qui,  chez  certaines  peuplades,  marquent  le  pas- 
sage de  Tenfance  à  l'adolescence.  Quoique  ces  initiations  soient 
souvent  secrètes,  elles  ne  peuvent  être  confondues  avec  les 
initiations  aux  sociétés  secrètes.  Elles  ont  pour  hut  de  faire 
participer  les  candidats,  qui  sont  toujours  des  enfants,  aux 
droits  politiques  et  religieux  de  leur  groupe. 

'L(à  oîi  les  groupements  secrets  des  hommes  sont  puissants,  il 
y  a  souvent  de  la  part  de  ceux-ci  une  tendance  à  prendre  la 
direction  des  initiations  de  la  puberté.  Celles-ci  peuvent  de- 
venir le  premier  stade  de  l'initiation  à  la  société  secrète. 

Il  existe  donc  un  rapport  assez  étroit  entre  les  deux  institu- 
tions, qu'il  est  quelquefois  difficile  de  distinguer  l'une  de  l'autre. 

Nous  examinerons  successivement  les  rites  de  la  puberté, 
les  sociétés  secrètes  et  les  théories  qui  ont  été  émises  i)0ur 
expliquer  ces  deux  institutions. 

I.   —   LES  RITES   DE    LA   PUBERTÉ. 

Chez  tiius  les  ])euples,  c'est  la  mère  qui  s'occupe  des  enfants 
en  bas  âge.  Il  arrive  un  moment  où  l'enfant  est  enlevé  à  la 
tutelle  de  sa  mère  pour  entrer  dans  la  catégorie  des  hommes 
et  être  mis  dans  les  conditions  requises  pour  fonder  un  nou- 
veau foyer. 

Les  rites  qui  opèrent  ce  passage  portent  divers  noms  :  ini- 
tiations tribales,  écoles  de  sauvages,  bush  schools,  écoles  de 
féticlu'urs,  Mannharkeitsfeste,  fêtes  ou  cérémonies  de  la  puberté. 
Nous  préférons  l'expression  rites  de  la  puberté.  C'est  en  effet 
vers  l'époque  de  la  puberté  que  l'initiation  se  pratique.  Le  mot 
«  puberté  »  ne  doit  [las  être  ju'is  ici  dans  le  sens  strictement 
physiologique.  Ce  n'est  pas  au  moment  précis  où  le  garçon 
devient  pubère,  mais  \ers  l'époque  de  la  [Miberlé,  que  ces  rites 
s'accomplissent.  Que  ces  fêtes  aient  lieu  une  fois  tous  les  ans 


3  42  E.    DE  JO-NOHE 

OU  seulement  tous  les  deux  ou  trois  ans,  elles  groupent  fatu- 
Ipnient  des  enfants  d"àge  différent,  mais  jugés  capables  de  subir 
rinitiation. 

]^os  filles  n'échappent  pas  à  ces  pratiques.  Chez  elles,  la 
])uberié  se  l'ecimnaît  plus  facilement.  C'est  généralement  à 
l'occasion  de  la  première  menstruation  qu'elles  sont  isolées  et 
soumises  à  un  régime  spécial.  Leur  initiation  a  un  caractère 
sexuel  bien  marqué,  d'intérêt  plus  individuel  que  social.  Comme 
elle  intéresse  beaucoup  moins  que  celle  des  garçons  l'organi- 
sation des  sociétés  secrètes,  nous  ne  l'examinerons  pas  ici. 

L'étude  des  rites  de  la  puberté  chez  les  garçons  révèle  une 
grande  diversité  de  formes.  De  l'examen  de  celles-ci,  nous  dé- 
gageons la  tlescription  schématique  suivante. 

liOrsqu'un  certain  nombre  de  jeunes  gens  sont  en  âge  d'être 
admis  à  l'initiation,  on  fixe  le  jour  -de  l'ouverture  des  cérémo- 
nies. Les  garçons,  dont  l'âge  sera  de  10  à  18  ans,  sont  réunis 
et  conduits  dans  un  campement  provisoire,  construit  en  dehors 
du  village,  sous  la  conduite  d'un  vieillard.  Ils  doivent  y  subir 
virilement  certaines  épreuves,  telles  que  fustigations,  tatoua- 
ges, circoncision,  limage  ou  ablation  des  incisives.  Ils  vivent, 
mangent,  chantent,  dansent,  dorment  à  l'abri  des  regards  des 
profanes.  Ils  apprennent  ce  qui  est  permis  ou  défendu,  pren- 
nent connaissance  des  traditions  et  des  intérêts  de  leur  groupe 
social  et  politique.  Ils  sont  peints  d'argile  blanche  ou  rouge. 
sont  soumis  à  tout  un  système  d'interdictions,  reçoivent  un 
nouveau  nom.  Ils  sont  morts  et  devront  ressusciter.  Tout  cela 
dure  quelques  semaines,  quelques  mois,  parfois  deux  ou  trois 
ans.  Cette  retraite  se  termine  par  des  festivités  :  bains,  pro- 
cessions, cadeaux,  danses,  festins. 

Parmi  Iqs  épreuves  qui  caractérisent  chez  un  grand  nombre 
de  non-civilisés  le  passage  des  enfants  dans  la  classe  des 
hommes,  la  circoncision  paraît  la  plus  importante. 

En  vue  d'établir  les  rapports  qui  existent  entre  la  circonci- 
sion et  les  rites  de  la  puberté,  nous  avons  groupé  les  peuplades 
suivant  qu'elles  pratiquent  la  circoncision  vers  l'époque  de  la 
puberté,  ou  dans  le  très  bas  âge,  ou  qu'elles  ne  pratiquent  pas 
cette  opération.  Nous  avons  constaté  à  cette  occasion  que  notre 
ctmnaissance  des  faits  est  encore  très  incomplète.  La  carte  de 
la  dispersion  de  la  circoncision  en  Afrique  présente  de  grandes 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES:;     EX    AFRIQUE  34  3 

lacunes.  >'ous   avons   voulu  compléter   par   des   enquêtes   per- 
sonnelles    les    données    de   la   carte   dANKERMANN,   notamment 
pour  ce  qui  rf^garde  Tàge  auquel  se  pratique  la  circoncision  au 
Congo  belge.  Cette  enquête  n'est  pas  tout  à  fait  achevée. 
>'ous  résumons  les  principales  constatations   faites. 

1.  Parmi  les  peuf)lades  non-circoncises,  il  s'en  trouve  qui 
n'ont  pas  de  rites  de  la  puberté.  Il  y  en  a  aussi  chez  lesquelles 
ces  rites  existent  sous  une  forme  très  rudimentaire.  par  exem- 
ple le  simjjle  changement  de  nom  du  jfune  homme  (Bam- 
bala}  (1),  l'obligation  des  jeunes  gens  de  passer  la  nuit  dans 
des  dortoirs  communs  (Tanganika  occidental)  (2).  peinture 
corporelle,  à  l'occasion  de  la  première  participation  aux  danses 
du  village  (Kasai)  {3),  passage  du  jeune  homme  du  village 
paternel  dans  celui  de  son  oncle  maternel,  chez  certaines  peu- 
plades   dites  matriarcales  etc. 

2.  Les  mêmes  phénomènes  peuvent  se  présenter  chez  les 
peuplades  qui  pratiquent  la  circoncision  sur  l'enfant  en  bas 
âge,  telles  que  Bateke,  Kundu,  Wangata,  Bangala  etc. 

Chez  les  Ababua.  quand  pour  quelque  raison  la  circoncision 
n'a  pas  été  pratiquée  en  bas  âge,  le  jeune  homme  se  soumet  à 
l'opération  plus  tard  ;  celle-ci  a  lieu  individuellement  et  sans 
aucune  initiation.  Pendant  la  période  de  la  cicatrisation,  le 
jeune  Ababua  porte  un  cerceau  en  jonc,  suspendu  aux  épaules 
par  deux  cordes,  et  auquel  sont  fixées  des  feuilles  de  bananier 
effrangées. 

Au  Mayomlje.  comme  ciiez  les  Golah  (4)  de  Sierra  Leone,  il 
arrive  aussi  que  des  jeunes  gens  n'ont  pu  être  circoncis  en 
bas  âge  ;  ils  le  sont  alors  éventuellement,  pendant  la  retraite 
du  type  bush  school  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

Les  Babali,  au  Nord  de  Stanleyville.  ont  une  initiation  géné- 
rale de  la  puberté,  caractérisée  par  des  fustigations.  Cette  ini- 
tiation, tout  à  fait  indépendante  de  la  circoncision,  s'appelle 
dans  leur  langue  mouibcla  :  elle  se  complète  par  l'initiation  dans 
une  société  secrète.  Le  rite  principal  de  celle-ci  est  l'opération 
du  tatouage  de  l'ibis,  pendant  laquelle  on  imite  le  cri  de  l'oi- 
seau, à  l'aide  de  la  planchette  sonore  ou  rhombe   (5). 

Les   Herrero   sont    circoncis   vers   l'âge   de  cinq   mois.  Leurs 


(1)   L,es  chiffres  lenvoii'nt  aux  nnméios  de  la  bibliogiaphie  ;  infro,  p.   355. 


344  E.    DE  JONGHE 

rites  de  la  pulierté,  très  développés,  consistent  à  enlever  les 
incisives  de  la  mâchoire  inférieure  et  à  limer  en  triangle  les 
bords  internes  des  incisives  médianes  de  la  mâchoire  supé- 
rieure. L"opération  a  lieu  entre  10  et  15  ans.  quand  les  dents 
permanentes  sont  complètement  formées.  Les  garçons  et  les 
filles  sont  réunis  pour  la  subir  au  nombre  de  20  à  40.  Par 
raison  d'économie,  ces  opérations,  accompagnées  de  cérémo- 
nies religieuses  et  de  fêtes,  n'ont  pas  lieu  tous  les  ans.  Après 
avoir  subi  ces  déformations  dentaires,  les  garçons  jouissent 
de  tous  les  droits  des  hommes  ;  les  filles  peuvent  se  marier. 

Chose  curieuse,  quand  les  Herrero  font  subir  cette  opéra- 
tion à  leurs  prisonniers  Hottentofs  ou  Bushmen  (incirconcis), 
ils  pratiquent  sur  eux  la  circoncision,  dix  jours  à  un  mois  après 
les  déformations  dentaires,  c'est-à-dire  après  la  guérison  com- 
plète des  mâchoires   (6). 

Chez  les  Bakuba  du  Kasaï.  qui  pratiquent  la  circoncision  vers 
le  premier  mois  après  la  naissan(.'e,  l'initiation  de  la  puberté 
présente  deux  formes  :  le  tuki  mbula.  qui  a  lieu  quand  le  fils 
du  chef  atteint  l'âge  de  8  à  10  ans,  et  dure  9  jours,  et  le  nkanda, 
qui  a  cessé  d'exister,  et  qui  visait  à  former  la  jeunesse  à  la 
discipline  par  un  code  de  morale  pratique  et  par  des  épreuves. 
Les  initiations  de  la  puberté  ont  ici  un  caractère  essentielle- 
ment social  et  politique  :  les  chefs  s'en  servaient  pour  le  recen- 
sement de  la  population    (7). 

3.  C'est  dans  la  catégorie  des  peuplades  qui  pratiquent  la 
circoncision  à  l'époque  de  la  puberté  que  nous  trouvons  les 
formes  d'initiation  les  plus  compliquées. 

La  circoncision  est  une  opération  anodine,  (luand  elle  est 
pratiquée  sur  un  petit  enfant.  Elle  devient  une  opération  dan- 
gereuse, quand  elle  est  faite  avec  des  instruments  primitifs 
par  des  opérateurs  inexpérimentés  sur  des  adultes.  Les  acci- 
dents graves  ne  sont  pas  rares.  Aussi  chez  certaines  peuplades, 
tels  que  les  Songo  du  Congo  portugais,  rend-on  l'opérateur 
responsable,  en  cas  de  suite  funeste  de  l'opération  (8). 

On  comprend  aisément,  que,  dans  ces  conditions,  les  peu- 
plades aient  recours  à  un  homme  expérimenté,  que  les  jeunes 
gens  soient  réunis  pour  subir  l'opération,  que  la  période  de 
guérison.  qui  dure  généralement  près  d'un  mois,  soit  occupée 
par  des  soins  d'ordre  médico-magique,  que  les  jeunes  circoncis 


LES  SOCIÉTÉS  SECRÈTES  EN  AFRIQUE  345 

soient  soumis  à  un  régime  sévère  {rinterdictions,  qu'ils  soient 
considérés  comme  impurs  et  placés  sous  la  protection  spéciale 
de  certains  esprits,  que  des  cérémonies  de  purification  et  des 
festivités  aient  lieu,  quand  ils  rentrent  dans  la  vie  normale. 

Un  examen  des  diverses  formes  montre  que  là  où  les  céré- 
monies de  la  puberté  ne  durent  qu'un  mois  environ,  celles-ci 
sont  réduites  aux  soins  médicaux  et  aux  rites  magiques  qui 
tendent  à  favoriser  la  cicatrisation  de  la  plaie.  Ce  cas  se  pré- 
sente chez  les  Bayaka,  les  Baluba,  les  Baholoholo,  les  Bakumu. 
les  Bakele,  les  Topoke,  les  Barumbu,  les  Bangelima,  les  Warega 
des  environs  de  Stanle^-A'ille,  les  Mangbetu  de  TUele,  les  Mandja 
du  Nord  de  l'Ubangi  etc.  Pour  favoriser  la  guérison,  les  jeunes 
circoncis  restent  autant  que  possible  immobiles  et  non  vêtus. 
Quand  ils  sortent,  ils  se  protègent  à  l'aide  d'un  petit  bouclier 
(Baluba)  (9).  ou  mettent  le  costume  spécial  dont  nous  avons 
déjà  parlé  :  un  cerceau  avec  franges  d'herbes  flottantes  (Aba- 
bua,  Bakumu,  Fang  etc.). 

Partout  la  circoncision  n'est  pas  entourée  de  mystère.  Cer- 
taines peuplades  la  pratiquent  en  public.  C'est  que  le  jeune 
homme  doit  faire  preuve  de  virilité,  de  sto'icisme.  Ce  caractère 
d'épreuve  à  suliir  en  public  se  retrouve  notamment  chez  les 
Bakota  du  Congo  français  (10),  les  Basonge  du  Congo  belge, 
les  Akikuyu  (11),  les  Amwinde  (12),  Meru,  Bageshu  (13)  de 
l'Afrique  orientale. 

Chez  ces  peuplades,  la  circoncision  acquiert  une  grande  im- 
portance politique  et  militaire.  Le  même  phénomène  peut  s'ob- 
server chez  des  peuplades  qui  entourent  la  circoncision  d'un 
certain  mystère.  Les  jeunes  gens  cafres,  basuto  et  betshuana 
qui  ont  terminé  leurs  épreuves  de  la  puberté  forment  une 
sorte  de  régiment  (Mopato)  (14) .  Les  MaS'Sai,  après  leur  cir- 
concision, entrent  de  })lain  pied  tlans  la  classe  des  guer- 
riers  (15). 

Dans  tous  les  cas,  les  rites  de  la  puberté  ressemblent  plus  à 
l'entrée  dans  une  classe  d'âge  qu'à  une  véritable  initiation  à 
la  vie  du  clan  ou  de  la  tribu. 

Dans  beaucoup  de  cas,  le  jeune  homme  circoncis  est  soumis 
à  une  longue  retraite  :  il  acquiert  non  seulement  les  droits 
politiques  et  militaires,  mais  aussi  et  surtout  les  droits  reli- 
gieux du  citoyen.  Il  est  spécialement  instruit  des  mystères  reli- 
gieux. 


346  E.    DE   JONGHE 

Cest  le  type  de  la  «  bush  school  ».  que  nous  trouvons  sous 
des  formes  différentes  dans  l'Afrique  du  Sud  et  à  la  côte 
occidentale. 

Chez  les  Gafres  Ama-Xosa  (16)  les  jeunes  gens  sont  cir- 
concis au  début  de  Técolage... 

A  la  côte  occidentale,  le  caractère  magico-religieux  et  même 
Tinféodation  à  quelque  confrérie  magico-religieuse  s'accentue... 

Contrairement  à  l'usage  des  Gafres,  la  circoncision  ne  se 
pratique  pas  au  commencement,  mais  vers  la  fin.  Elle  est  une 
épreuve  accessoire  et  non  essentielle. 

A  ce  type  se  rattachent  les  Bakimba  du  Mayombe,  qui  ont 
été  magistralement  étudiés  par  le  R.  P.  Bittremieux  (17).  Ces 
Bakimba  représentent,  à  notre  avis,  une  forme  de  transition  : 
les  jeunes  gens  sont  consacrés  à  Mbumba  Loango,  esprit  de 
l'arc-en-ciel,  conçu  sous  la  forme  d'un  serpent.  11  est  repré- 
senté pendant  les  cérémonies  par  deux  figurines  sculptées  dos 
à  dos  sur  un  bâton,  le  Thafu  Maluungu  ;  Tune  des  figurines  s'ap- 
pelle Matundu,  l'autre  Malanda.  Quant  aux  cérémonies,  elles 
combinent  les  rites  de  la  puberté  avec  les  rites  d'initiation  à 
une  fraternité  religieuse,  à  une  société  secrète.  Plus  au  Sud, 
à  Kionzo.  près  de  Matadi,  les  Bakimba  se  rapprochent  davan- 
tage des  rites  de  la  puberté  (18)  :  les  femmes  n'y  sont  pas 
admises  ;  la  circoncision  s'y  pratique  plus  souvent  ;  les  adeptes 
ne  sont  pas  consacrés  officiellement  au  gérlie  de  l'arc-en-ciel  ; 
mais  l'institution  a  cependant  un  caractère  religieux  assez 
prononcé.  Dans  le  même  groupe  ethnique,  chez  les  Bakongo 
orientaux,  nous  trouvons  dissocié  ce  qui  est  combiné  chez  les 
Bakimba  :  le  nzo  longo  est  une  véritable  initiation  de  la  puberté 
à  base  de  circoncision  (19),  et  le  kimpasi  est  une  initiation  à 
une  secte  religieuse  secrète   (20). 

Signalons  aussi  que,  chez  les  Bambara  du  haut  Xiger.  les 
rites  de  la  puberté  existent  à  peine  sous  la  forme  d'une  initia- 
tion générale  :  la  circoncision  opère  le  passage  d'une  classa 
d'âge  à  une  autre  classe  d'âge,  suivi  de  l'initiation  à  une 
confrérie  religieuse  secrète  (21). 

En  résumé,  nous  constatons  que  le  passage  de  l'enfance  à 
l'adolescence  est  marqué  par  certaines  pratiques,  tantôt  sim- 
ples, tantôt  compliquées,  aussi  bien  chez  des  peuplades  non- 
circoncises  que  chez  des  peuplades  circoncises,  tant  chez  celles 


LES  SOCIÉTÉS  SEGRÈTBS  EX  AFRIQUE  347 

qui  pratiquent  la  circoncision  sur  le  petit  enfant,  que  chez 
celles  qui  la  pratiquent  vers  l'époque  de  la  puberté. 

La  circoncision  n'est  donc  pas  l'élément  essentiel  et  indis- 
pensable des  rites  de  la  puberté. 

D'autre  part  les  rites  de  la  puberté  ne  sont  pas  partout 
l'initial  ion  à  la  vie  tribale  (-omme  telle  ;  ils  sont  parfois  l'ini- 
tiation à  la  classe  dos  guerriers  ou  à  une  classe  d'âge,  ou 
même  l'initiation  à  des  mystères  religieux  et  le  premier  stade 
du  passage  dans  une  société  secrète. 

iNous  avons  voulu  rechercher  aussi  si  les  rites  de  la  puberté 
accompagnent  toujours  certaines  formes  d'organisation  éco- 
nomique ou  sociale. 

Notre  enquête  démontre  que  ces  pratiques  se  rencontrent 
aussi  bien  chez  des  peuplades  pastorales,  que  chez  des  peu- 
pladeis  qui  se  livrent  à  la  culture  à  la  houe,  aussi  bien  chez 
les  peuplades  des  savanes  que  chez  celles  de  la  forêt,  aussi 
bien  chez  les  peuplades  dont  la  famille  est  organisée  d'après 
la  filiation  utérine  que  chez  celles  oîi  la  filiation  est  masculine. 

II.   LES   SOCIÉTÉS  SECRÈTES. 

Les  sociétés  secrètes  sont  tout  aussi  répandues  en  Afrique 
que  les  rites  de  la  puberté.  Gomme  ceux-ci,  elles  présentent 
les  formes  les  plus  variées,  et  répondent  aux  buts  les  plus 
divers. 

Elles  se  trouvent  si)oradiquement  dans  l'Afrique  orientale 
et  dans  l'Afrique  du  Sud.  Mais  elles  pullulent  dans  certaines 
régions  du  Congo  et  de  l'Afrique  occidentale. 

Commençons  par  l'examen  des  formes  les  plus  typiques  des 
sociétés  secrètes  du  Congo  belge. 

Au  Bas  Congo,  nous  avons  déjà  signalé  le  kimposi.  qui  so 
rapproche  du  ndevibo.  et  qui  est  une  secte  religieuse  secrète. 
L'initiation  très  longue  rappelle  par  beaucoup  de  points  les 
rites  de  la  puberté.  On  s'y  consacre  à  certains  esprits  et  on 
s'y  livre  à  des  pratiques  magiques. 

Au  Kasa'i,  les  mûri,  décrits  comme  une  société  secrèle  des 
Bimbala  par  Torday,  sont  plutôt  une  caste,  une  aristocratie 
qu'une  vérital)le  société  secrète.  Ce  qui  semble  l'indiquer,  c'est 
qu'on  acquiert  la  qualité  de  membre  par  héritage  et  non  par 
des  rites  d'initiation  secrète  (22). 


348  E,    DE  JONGHE 

*Les  babende  des  Bakuba  sont  décrits  comme  une  société  se- 
crète en  pleine  décadence.  Autrefois,  ils  auraient  surtout  pra- 
tiqué le  cannibalisme.  Aujourd'hui,  ils  ne  se  manifestent  plus 
que  pai'  des  danses  masquées  et  le  tambour  à  friction  {ngoy  na 
buli  =  léopard  de  village),  qui  tient  la  place  de,  la  planchette 
sonore  ou  rhombe,  instrument  de  terrorisation  des  profanes. 
L'initiation  rappellerait  celle  de  la  nkanda  (23). 

Il  faut  arriver  aux  Baluba  et  aux  abords  du  Tanganika  pour 
trouver  des  sociétés  secrètes  nombreuses  et  en  pleine  efflo- 
rescence.  Ici,  il  est  rare  qu"un  habitant  ne  soit  pas  affilié  à 
quelque  secte.  Le  désir  de  participer  à  des  danses,  de  recevoir 
une  part  des  libations  communes,  la  facilité  de  s'y  livrer  impu- 
nément à  l'immoralité  sexuelle,  et  surtout  l'assurance  de  se 
voir  initié  à  la  confection  de  talismans  et  de  remèdes  et  à 
divers  secrets  que  chaque  secte  prétend  posséder,  voilà,  d'après 
le  P,  Colle  qui  a  décrit  en  détail  l'organisation  de  ces  socié- 
tés (2  4),  les  principaux  mobiles  qui  pousseraient  les  noirs  à 
en  faire  partie.  Et,  si  quelqu'un  montrait  peu  d'emipresse- 
ment  à  se  ^faire  initier,  il  se  trouverait  des  sorciers  pour  le 
forcer,  en  le  menaçant  de  la   vengeance  des  génies. 

Parmi  ces  sociétés  secrètes,  le  bvlwa  (25)  est  peut-être  le 
plus  répandu.  11  se  rencontre  au  Nyassa,  au  Bangwelo,  au 
Moero  et  au  Tanganika.  Le  butwa  du  Bangwelo  a  été  étudié 
par  le  Rév.  Dugald  Campbell  (26),  dans  une  peuplade  pygmée 
de  Batwa,  qui  aurait  donné  son  nom  à  la  secte.  Des  hommes 
et  des  femmes  sont  admis  comme  membres.  Contrairement  à 
la  tendance  de  beaucoup  de  sociétés  secrètes,  le  butwa  n'ins- 
pire ni  crainte  ni  répulsion  ;  il  ne  terrorise  pas  par  les  malé- 
fices. 11  établit  au  contraire  entre  les  membres  une  solidarité 
contre  les  maléfices  et  leur  procure  le  plaisir  sensuel.  L'initia- 
tion est  à  trois  degrés,  dont  le  premier  rappelle  l'initiation 
générale  à  la  puberté. 

Les  sociétés  secrètes  du  Tanganika  ont  souvent  un  caractère 
politique  et  social  ;  mais  le  caractère  magique  l'emporte  :  pra- 
tiques de  vampires,  initiation  à  la  magie,  protection  contre 
les  maléfices,  hiérarchie,  prosélytisme,  immoralité,  voilà  les 
traits  qui  dominent. 

Au  Nord  du  Tanganika,  chez  les  Baniabungu,  existe  la  so- 
ciété secrète  des  Imandwa,  fort  répandue  aussi  dans  le  Ruanda. 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    RX    AFRIQUE  349 

Elle  a  un  caractère  religieux  très  prononcé.  Le  but  est  d'assurer 
aux  inifiés  contre  les  Bazinm.  ou  mauvais  esprits  la  protection 
do  Lyangombe.  favori  de  l'Etre  suprême  et  gvnie  tutélaire  de 
la  société.  On  entre  dans  la  société  par  ordre  du  sorcier  ou 
par  tradition  de  famille,  pour  s'enrii-liir,  pour  obtenir  la  fécon- 
dité etc.  Les  rites  qui  sont  intéressants  au  point  de  vue  du 
culte  ont  été  minutieusement  étudiés  par  le  P.  Arnoux.  Le  roi 
de  Ruanda  est  maître  (le  l'association  ;  c'est  lui  qui  nomme 
le  grand  pontife  et  qui  lui  donne  ses  pouvoirs    (27). 

Les  Buami  ont  été  décrits  par  Delhaise  comme  une  société 
secrète  des  Warega,  è  l'est  de  Stanleyville.  Ils  sont  dirigés  par 
les  chefs  indigènes.  Les  riches  seuls  peuvent  atteindi^e  les 
degrés  les  plus  élevés  de  la  hiérarchie.  Cette  société  a  un  carac- 
tère politique  nettement  prononcé    (28). 

La  société  secrète  peut-être  la  plus  puissante  et  la  plus 
dangereuse  du  Congo  belge  est  le  nebili  (29),  qui  paraît  origi- 
naire du  pays  des  Mayogo  et  qui  étend  aujourd'hui  ses  rami- 
fications chez  les  Mangbetu,  Bari,  Mangbele,  Abarambo,  Makere, 
Ababua.  Elle  a  une  tendance  à  se  propager  vers  le  Nord-Est, 
chez  les  Azande,  et  vers  l'Ouest,  au  pays  des  Bangala,  et  dans 
rUbangi, 

Les  nebilistes  ont,  en  plein  cœur  de  la  forêt,  un  temple  qui 
ressemble  è.  celui  du  butwa  du  Tanganika. 

Il  est  de  règle  que  l'initiation  soit  précédée  d'une  période 
de  retraite  pendant  laquelle  le  candidat  ne  peut  communiquer 
qu'avec  le  gaduma,  sorcier  du  nebili.  Pour  lui  faire  oublier  le 
passé,  le  sorcier  lui  frappe  souvent  la  tête  avec  sa  flûte  ma- 
gique ifilili) .  Avant  d'être  introduit  dans  la  salle  commune, 
le  candidat  doit  avaler  une  boisson  répugnante.  Dans  le  temple, 
le  chef  sorcier  le  saisit  par  la  nuque  et  l'incline  au-dessus  du 
foyer.  Lorsqu'il  est  à  moitié  suffoqué,  on  l'enduit  de  la  méde- 
cine de  force  {dawa) ,  composée  de  sperme  humain,  de  ngula 
et  de  nzuda.  On  annonce  alors  au  candidat  ses  devoirs  vis-à-vis 
de  ses  confrères,  les  châtiments  qui  l'attendent  en  cas  de  trahi- 
son. Les  cérémonies  se  clôturent  par  des  danses  licencieuses. 

Comme  le  bufwa,  le  nebili  est  une  société  secrète  intertribale  ; 
on  peut  comparer  les  deux  sociétés  au  point  de  vue  de  l'ini- 
tialiiin  générale  qui  précède  l'initiation  proprement  dite,  au 
point  de  vue  do  leur  temple,  de  la  boisson  magique  que    doit 


350  E.    DE  JONOHE 

avalfM^  le  candidat  et  au  point  de  vue  de  l'immoralité  qui  y 
règne. 

A  côté  de  ces  sociétés  secrètes  relativement  anciennes,  nous 
rencontrons  des  sociétés  secrètes  de  formation  toute  récente. 
lu'indongo  de  TEquateur  en  est  un  exemple  (30).  Elle  s'est  ré- 
pandue très  rapidement,  grâce  à  un  moyen  bien  simple  :  tout 
village  qui  s'affilie  a  Tobligation  d'initier  un  nouveau  village, 
sinon  l'esprit  futolaire  de  la  secte  tuerait  le,s  enfants  dans  le 
sein  de  leur  mère.  Les  indongo  sont  répartis  en  cinq  classes 
d'âge.  A  l'intérieur  de  chaque  classe  règne  le  communisme 
parfait,  même  celui  des  femmes.  Pour  entrer  dans  la  société, 
il  faat  se  laisser  frotter  de  la  poudre  rouge  de  ngiila.  qui  a  été 
déposée  pendant  quelque  temps  sur  une  tombe. 

Des  sociétés  secrètes  nouvelles  peuvent  se  former,  et  se  for- 
ment presque  fatalement,  pour  réagir  contre  l'intluence  du 
blanc.  L'histoire  de  la  colonisation  montre  qu'il  suffit  quel- 
quefois d'une  faute  commise  par  le  colonisateur  ou  même  d'un 
simple  accident,  pour  faire  surgir  des  sociétés  secrètes.  Et  il 
se  trouve  toujours  quelque  féticheur  pour  faire  croire  aux 
populations  mécontentes  tju'il  a  découvert  le  moyen  magique 
pour  protéger  les  adeptes  contre  les  armes  à  feu  du  blanc. 

Nous  avons  parlé  l'e  l'initiation  à  la  société  secrète  du 
)ii(>mbela  chez  les  Babali.  Cette  société  secrète  est-elle  en  rap- 
port avec  les  Aniota's,  individus  qui  se  travestissent  en  léo- 
pards, pour  tuer  leurs  ennemis  ?  L'état  de  notre  documenta- 
tion ne  permet  pas  de  résoudre  cette  question.  Toutefois,  il  est 
probable  que  les  fomenteurs  des  sociétés  secrètes  exploitent 
une  croyance  fort  répandue  en  Afrique,  d'après  laquelle  cer- 
taines personnes,  des  sorciers  notamment,  peuvent  prendre 
possession  momentanément  d'un  léopard  et  diriger  son  acti- 
vité. Il  est  même  vraisemblable  que  les  chefs  de  sociétés  se- 
crètes'ont  à  leur  solde  des  hommes-léopards  chargés  d'exécuter 
leurs  sentences   (3ri. 

Des  sociétés  secrètes  de  léopards  sont  signalées  aussi  en 
beaucoup  d'endroits  de  la  côte  occidentale  d'Afrique   (32). 

Là,  comme  chez  les  Babali.  il  est  souvent  impossible  de  dire 
si  l'on  se  trouve  en  présence  d'une  association  de  sorciers 
criminels,  ou  en  présence  de  certains  chefs  de  sociétés  se- 
crètes qui.   exploitant  la   crédulité  populaire,  utilisent  les  ser- 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    EN    AFRIQUE  351 

vices  d'hommps-léopards.  C'est  le  cas,  par  exemple,  pour  la 
société  secrète  du  ,si>/,  chez  les  Bambara.  Les  souba.  dont  parle 
le  P.  Henry,  pourraient  bien  être  de  simples  sorciers  ou  des 
exécuteurs  de  certains  chefs  sorciers. 

Le  cadre  limité  de  ce  travail  ne  nous  permet  pas  d'examiner 
la  variété  des  innombrables  sociétés  secrètes  qui  existent  à  la 
côte  occidentale,  depuis  le  Sénégal  jusqu'au  Congo. 

(Le  tj^pe  prédominant  semble  être  celui  de  la  fraternité  reli- 
gieuse secrète  avec,  comme  esprit  éponyme  et  tutélaire,  géné- 
ralement un  génie  de  la  forêt,  qui  fait  des  apparitions  dans 
les  villages  à  la  grande  terreur  des  profanes.  Quand  l'esprit 
dort,  il  est  précédé  d'éclaireurs  qui  produisent  des  sons  lugu- 
bres, à  l'aide  d'un  instrument  primitif  qu'ils  brandissent  comme 
une  fronde.  C'est  le  bnll  roarer,  le  Srhwirrholz.  la  planchette 
sonore  ou  rhombe,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

Ce  n'est  évidemment  pas  par  amour  de  la  musique  que  les 
adeptes  brandissent  cet  instrument.  Si  la  société  secrète  me- 
nace d'amende  ou  de  mort  le  profane  qui  ne  se  cache  pas  à 
l'approche  de  l'homme  masqué,  c'est  qu'elle  veut  pratiquer  un 
système  de  terrorisation  ;  elle  veut  dominer,  tyranniser.  Et 
etïeetivement  presque  partout  ces  sectes  sont  parvenues  à  ac- 
caparer le  gouvernement.  En  beaucoup  d'endroits,  elles  sont 
devenues  des  rouages  politiques  importants,  qui  rendent  la 
justice,  qui  font  la  police  des  marchés,  qui  règlent  même  le 
prix  des  marchandises  et  ne  reculent  pas  devant  le  boycot- 
tage, ni  même  devant  les  meurtres,  pour  faire  observer  leurs 
règlements.  L'homme  masqué  qui  représente  le  génie  éponyme. 
comme   l'homme    travesti   en   léopard,   y   trouvent    leur   emploi. 

En  résumé,  les  sociétés  secrètes  se  manifestent  en  Afrique 
sous  les  formes  les  plus  diverses  et  avec  les  tendances  les 
plus  variées.  Nous  en  avons  vu  qui  ressemblent  à  des  castes  ; 
nous  en  avons  trouvé  qui  se  consacrent  au  culte  de  certains 
esprits  ;  il  y  en  a  qui  se  greffent  sur  l'initiation  générale  de 
la  puberté  ;  d'autres  poursuivent  des  buts  politiques  et  so- 
ciaux ;  un  grand  nombre  sont  franchement  immorales  :  la  plu- 
part exploitent  des  croyances  magico-religieuses,  en  vue  de 
dominer  et  de  tyranniser.  Ce  n'est  pas  exagérer  que  de  les 
considérer  comme  une  des  grandes  plaies  de  l'Afrique. 

Pas  plus  que  les  rites  de  la  puberté,  les  sociétés  secrètes  ne 


352  Ë.   DE  JONCHE 

nous  apparaissent  comme  déterminées  par  certaines  formes 
d'organisation  économique  ou  sociale.  Nous  les  avons  trouvées 
chez  des  populations  de  types  culturels  bien  différents.  Quel- 
ques-unes sont  de  date  très  ancienne.  D'autres  se  forment  sous 
nos  yeux. 

III.   CRITIQUE  DES    THÉORIES    EXPLICATIVES. 

La  synthèse  des  rites  de  la  puberté  et  des  sociétés  secrètes 
émise  par  Sghurtz  (33)  a  eu  un  succès  énorme.  Elle  fut  ac- 
ceptée dans  ses  grandes  lignes  par  Wundt,  Lasgh,  Ed.  Meyer, 
Mbtnhof,  Weule,  Passarge  ;  Webster  l'a  reprise  en  partie  pour 
son  compte  (34) . 

Sghurtz  est  parti  de  deux  types  de  groupements  originels  : 
l'un,  naturel,  basé  sur  Tinstinct  sexuel  ;  l'autre,  artificiel,  basé 
sur  l'instinct  grégaire.  Ce  dernier  produisit  les  classes  d'âge  ; 
les  rites  de  la  puberté  commencèrent  par  être  le  passage  des 
enfants  dans  la  classe  des  hommes  et  donnèrent  naissance, 
par  suite  d'apports  religieux,  économiques  et  politiques,  aux 
sociétés  secrètes. 

iNous  renvoyons  à  la  critique  que  nous  avons  faite  de  ce 
système  en  1907  (35).  Nous  continuons  à  penser  qu'il  n'est 
pas  possible,  sans  les  déformer,  de  faire  entrer  les  faits  dans 
le  cadre  logique  imaginé  par  Sghurtz.  Les  classes  d'âge  ne 
sont  pas  précisément  l'indice  d'une  très  grande  primitivité. 
Les  Massai,  les  Gafres,  les  Bakuba  ont  une  organisation  poli- 
tique très  développée.  Et  Vindongo  de  l'Equateur  ne  crée-t-elle 
pas  sous  nos  yeux  et  de  toutes  pièces  des  classes  d'âge,  en  vue 
de  réglementer  un  communisme  qu'elle  met  à  la  mode  ?  Enfin 
Sghurtz  exagère  Tefficacité  de  l'instinct  grégaire  et  l'opposi- 
tion de  celui-ci  à  l'instinct  sexuel  ;  cet  instinct  grégaire  ne 
suffit  pas  à  expliquer  la  diversité  des  formes  des  institutions 
que  nous  envisageons. 

A  la  place  d'explications  sociales,  Frazer  met  des  explica- 
tions religieuses.  Les  rites  de  la  puberté,  et  spécialement  le 
simulacre  de  mort  et  de  résurrection,  auraient  pour  but  d'as- 
similer complètement  le  jeune  homme  au  totem  de  son  clan. 

'Cette  explication  ne  serait  plausible  que  pour  les  initiations 
qui  marquent  rentrée  dans  un  monde  organisé  d'après  les 
règles    du    totémisme.   Or    l'organisation     en    véritables    clans 


LES  SOCIÉTÉS  SECRÈTES  EN  AFRIQUE  353 

totémiques  n'est  pas  aussi  répandue  que  certains  se  plaisent 
à  le  croire. 

iC'est  dans  le  mànisrne  ou  culte  des  ancêtres  et  accessoire- 
ment dans  un  culte  solaire  que  Frobenius  (36)  a  cru  trouver 
Texplication  des  rites  de  puberté  et  des  sociétés  secrètes.  L"in- 
lluence  du  culte  des  ancêtres  dans  certaines  de  ces  institutions 
n"est  pas  contestée.  Mais  la  thèse  de  Frobenius  est  trop  abso- 
lue. Il  a  tort  de  poursuivre  cette  influence  dans  les  moindres 
détails.  Beaucoup  de  ses  interprétations  relèvent  simplement 
de  rimagination. 

Yap  Gennep  (37)  a  analysé  avec  une  grande  sagacité  les 
rites  d'initiation  et  la  séquence  de  ces  rites.  Il  a  mis  bien  en 
relief  l'idée  de  passage,  et  distingué  à  juste  titre  les  rites 
d'initiation  suivant  le  groupe  dans  lequel  ils  introduisent  le 
candidat  :  groupe  totémique,  classe  d'âge,  fraternité  magico- 
religieuse  ou  société  secrète.  Sa  classification,  peut-être  trop 
subtile,  des  rites  est  un  guide  précieux  pour  les  recherches. 
Mais  elle  ne  saurait  fournir  une  explication  réelle. 

Les  théories  que  nous  venons  de  rappeler  appartiennent  aux 
écoles  anthropologique  et  sociologique.  Les  explications  pro- 
posées  sont  psychologiques   ou   simplement   nominalistes. 

La  théorie  de  l'école  historico-culturelle  mérite  un  examen 
plus  approfondi,  parce  qu'elle  peut  se  réclamer  d'une  méthode 
plus  objective  et  plus  rigoureuse. 

D'après  cette  école,  les  rites  de  la  puberté,  avec  simulacre 
de  mort  et  de  résurrection  et  brisement  des  dents,  appartient 
au  cycle  du  houmerang.  Ils  s'expliquent  par  la  mythologie  lu- 
naire de  ce  cycle.  La  dent  brisée  représente  le  jeune  croissant 
de  la  lune.  —  Les  rites  de  la  puberté  avec  circoncision  se  sont 
développés  dans  le  cycle  totémique  patriarcal.  Ils  s'expliquent 
par  la  mythologie  solaire.  Les  gens  célèbrent  par  des  rites 
phalliques  la  fécondité  humaine,  qui  est  mise  en  rapport  avec 
la  fécondation  de  la  terre  par  le  soleil.  —  Les  sociétés  secrètes, 
avec  leurs  danses  masquées  et  leur  culte  des  morts,  sont  nées 
dans  le  cycle  matriarcal  à  deux  classes  matrimoniales.  Elles 
s'expliquent  par  la  mythologie  lunaire  de  ce  cycle,  dans  lequel 
elles  sont  le  succédané  de  l'initiation  tribale,  si  fortement  enra- 
cinée dans  les  civilisations  patriarcales. 

C'est  une  étude  minutieuse  des  populations  océaniennes  qui 

23 


35  i  K.    DE    .TOXfiHE 

a  pei'iilis  crétablir  ces  eoinjjlexes  de  civilisation  qu'on  appelle 
cycles  culturels.  Mais  il  est  permis  de  craindre  qu'à  vouloir 
retrouver  ces  cycles  culturels  dans  toutes  les  parties  du  monde, 
on  ne  pèche  par  excès  de  généralisation. 

On  concède  qu'en  Afrique  les  cycles  culturels  ne  se  trouvent 
qu'à  rétal  de  mélange.  C'est  assez  dire  que  les  critères  ordi- 
naires de  forme  et  de  quantité  doivent  être  employés  avec  une 
extrême  prudence,  si  l'on  veut  cviter  les  illusions,  l'arbitraire, 
l'esprit  de  système.  ]^a  méthode  strictement  inductive  conseille 
d'analyser,  sans  idée  préc(mçue,  les  civilisations  des  diverses 
peuplades,  de  comparer  entre  eux  les  résultats  de  ces  analyses, 
de  porter  ceux-ci  sur  caries  et  de  tracer,  comme  Graebner  l'a 
fait  pour  TOcéanie,  des  provinces  ethnographiques  caractéri- 
sées par  un  ensemble  de  phénomènes  culturels  et  de  chercher 
enfin  à  déterminer  l'antiquité  relative  de  ces  ensembles  cul- 
turels. 

A  certain  stade  de  ce  travail  délicat,  qui  est  soumis  aux  règles 
de  la  méthode  historico-culturelle,  il  est  utile  de  mettre  à 
profit  les  découvertes  ethnologiques  faites  dans  d'autres  parties 
du  monde,  mais  il  serait  dangereux  de  substituer  la  déduction 
à  l'inducition.  i. 

L'extension  au  monde  entier  des  cycles  culturels  océaniens 
supposerait  qu'il  n'existe  qu'un  nombre  très  limité  de  types 
culturels  et  que  toutes  les  civilisations  actuelles  seraient  dé- 
rivées de  ceux-ci  par  simple  contact,  mélange  ou  combinaison. 
Cependant  les  types  culturels  isolés  ne  sont  pas  immuables. 
A  côté  de  l'emprunt  et  du  contact,  il  y  a  place  pour  une  certaine 
évolution  interne. 

Notre  enquête  sur  les  sociétés  secrètes  en  Afrique  a  montré 
que  ces  institutions  se  sont  développées  dans  les  sociétés  les 
plus  diverses.  Le  simple  fait  que  certaines  pratiques  sont  im- 
posées aux  enfants  pour  leur  admission  dans  la  société  des 
hommes  n'a  pas  besoin  d'être  expliqué  par  l'emprunt  ou  le 
contact  avec  un  groupe  culturel  différent.  Il  nous  apparaît 
comme  universellement  humain  et  nullement  caractéristique 
de  certains  groupements  culturels.  Mais  les  formes  que  revê- 
tent ces  institutions  doivent  être  étudiées  dans  le  milieu  oii 
elles  se  présentent,  et,  pour  les  expliquer,  il  faudra  souvent 
recoui-ir  à  l'iiypothèse  d'un  emprunt  ou  d'un  mélange. 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    EX    AFRIQUE  355 

Le  but  immédiat  de  l'ethnologie  est  moins  de  construire  un 
système  d'histoire  universelle  des  civilisations  et  de  recons- 
tituer les  formes  originelles  de  la  société  humaine,  que  de 
comprendre  et  d'expliquer  les  complexes  culturels  que  nous 
trouvons  à  l'heure  actuelle  sur  la  terre. 

BIBL.  —  1.  ToRDAY  et  Joyce,  Journal  of  the  Anthrop.  Instituts,  19(55, 
t.   XXXXV,  p.   412.  —  2.   Delhaise,  La  Belgique  coloniale,  1905,   t.  XI,   p.   105. 

—  Ae.mani,  Dieci  otto  mesi  al  Congo,  p.  167.  —  3.  Van  den  Bon,  Bij  de  Kasai 
sicarten,  dans  Onze  Congo,  1913-14,  t.  IV,  p.  203-205.  —  4.  J.  M.  Ceston,  Le 
gree-gree  Bush  chez  les  nègres  Golah,  dans  Anthropos,  1911,  t.  VI,  p.  729  sq.  — 
5.  Bernard,  Le  Mombela,  dans  Congo,  t.  III,  octobre  1922.  —  6.  Virchow, 
Zahmverstilmmeïung  der  Herreros,  dans  Zeitschrift  filr  Ethnologie,  1908,  p.  930. 

—  7.  Tordat  et  Joyce,  Les  Bushongo,  dans  Annales  du  Musée  de  Tervueren, 
p.  811  sq.  —  8.  POGGE,  Irn  Reiche  des  Mwata-Yamvo,  Berlin,  1880,  p.  39.  ■ — 
9.  Van  der  Meiren,  La  circoncision  chez  les  Baluba-Hem'ba,  dans  Revue  congo- 
laise, 1911,  t.  II,  p.  71.  —  10.  Berthelot  du  Chesnat,  Bull,  de  la  Soc.  Gêogr. 
comm.  Paris,  1903,  t.  XXV,  p.  219.  —  11.  Bugeau,  La  circoncisioti  au  Kikuyu, 
dans  Anthropos,  1911,  t.  VI,  p.  616-627.  —  12.  Brown,  Circumcision  among  the 
Amwinde,  dans  Man,  1913,  t.  XIII,  n"  79.  —  13.  Brown,  Circumcision  among 
the  Bageshu,  dans  Man,  1910,  t.  X,  n"  60.  ■ —  14.  Passarge,  Das  Okaivango- 
sumpfland  und  seine  Bewohner,  dans  Zeitschrift  filr  Ethnologie,  1905, 
t.  XXXVII,  p.  706-709.  —  15.  Merker,  Die  Musai,  Berlin,  1904,  p.  50-60  ; 
A.  HoLLis,  The  Masai,  Oxford,  1905,  p.  294-295.  —  16.  Schweiger,  Der  Ritus 
der  Beschneidung  unter  den  Amaxosa  und  Amafingo  in  der  Kaffraria,  dans 
Anthropos,  t.  IX,  p..  53-65.  —  17.  Bittremieux,  De  Geheime  sekte  der  Bakhim- 
has,  1912.  • — -  18.  A.  D.  Lxjdder,  Bakimhas  te  Kionzo,  dans  Onze  Kongo,  t.  III, 
p.  352-.j8  ;  t.  IV,  p.  71-76.  ■ —  19.  Van  Wing,  Nzo  longo,  ou  les  rites  de  la  puberté 
chez  les  Bakongo,  Extr.  de  Congo,  1921.  —  20.  Van  Wing,  De  geheime  sekte 
van  't  Kimpasi,  Congo-Bibliotheçk,  Brussel,  Goemaere,  1921.  —  J.  Henry,  Les 
Bambara,  Bibliothèque  Anthropos,  Munster,  1910,  p.  175-19£.  —  22.  Tordat 
et  Joyce,  Notes  on  the  Ethnogruphy  of  the  Bambala,  Bxti-.  du  Journal  of  the 
Anthrop.  Institute,  London,  1905,  p.  409.  —  23.  Tordat  et  Joyce,  Les  Bushongo, 
dans  Annales  du  Musée  de  Tervueren,  p.  87  ss.  —  24.  Colle,  Les  Baluba,  dans 
Collection  de  monographies  ethnograpliiques,  t.  XI,  p.  517-625.  —  25.  Colle,  Le 
Butiva,  dans  Revue  Congolaise,  t.  III,  novembre  1912.  —  26.  Dugald  Campbell, 
A  few  notes  on  butwa  :  an  african  secret  society,  dans  Man,  1914,  n"  38.  — 
27.  Arnoux,  Le  culte  de  la  société  secrète  des  Iniandioa  an  Ruanda,  dans 
Anthrojyos,  t.  VII,  1912,  et  t.  VIII,  1913.  —  28.  Delhaise,  Les  Warega,  Collec- 
tion de  monogr.  ethnogr.,  t.  V,  p.  227-239.  —  29.  de  Calonne,  Les  Ababua,  dans 
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De  JoNGHE,  Congo,  1920,  t.  I,  p.  469-470.  —  30.  Al.  De  Witte,  Indongo,  dans 
Onze  Kongo,  t.  III,  p.  57-74.  —  31.  Maes,  Les  Aniota  des  Mobali,  dans  Revue 
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—  32.  Mary  H.  Kingsley,  Travels  in  West  Africa,  London,  1904.  —  Henry,  Les 
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biinde,  Berlin,  Reimer,  1902.  —  34.  Webster,  Primitive  Secret  Societies,  New- 
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Paris,   Nourry,    1909. 


35G  L.    EHRLICH 

[25]  Tribal  Initiation  and  Secret  Societies  in  Australia, 

by  Dr.  L.  Ehrlich,  prof,  of  Ljubljana  University. 

Australia  is  (lie  L'iassical  land  of  initiation  cérémonies. 
x\lthough  the  poor  Australian  natives  liave  no  stone  monu- 
mpnts.  no  writings  by  whieh  Ihey  can  hand  down  to  future 
générations  their  ideas  on  the  problems  of  life,  they  possess 
a  living  monument  of  the  past  which  immortalizes,  like  an 
unwritten  saered  book,  their  most  cherished  traditions  and 
enshrines  llieir  pliilosophy  of  morals,  religion,  and  human 
Society. 

This  monument  is  the  initiation  ceremony  at  the  âge  of 
puhei'ty,  practised  by  ail  tribes  known  till  now  througliout 
Australia. 

In  order  io  be  able  to  fmd  ont  the  principal  features  of 
Australian  religions  and  moral  ideas.  we  shall  consider  some 
characteristic  types  of  Australian  initiations  and  compare  them 
with  one  other.  For  this  purpose  I  choose  the  initiations  of 
the  1.  Kurnai,  2.  Yuin,  3.  Kamilaro'i-Euahlayi,  4.  Queensland 
tribes.  5.  Arunta  and  neighbouring  tribes  in  Gentral  Australia. 

I.   DIFFERENT   TYPES   OF    INITIATION 

1.  Dyerail.  tli<'  initiation  of  the  Kurnai  (Ij.  —  Dyerail  means 
((  bushy,  of  the  bush  ».  It  is  the  ceremony  in  the  secrecy  of 
the  bush.  The  chief  of  a  local  group  sends  a  messenger  with 
a  buUroarer  to  the  neighbourijig  groups  and  summons  them 
to  the  ceremony.  Whem  the  différent  groups  are  assembled, 
the  Tutnurring  (novices)  are  brought  td  the  cérémonial  ground. 
The  first  ceremony  is  an  ofTering  of  the  youth  to  the  heavens, 
viz  :  the  guardians  hoist  them  on  to  their  shoulders,  while  the 
boys  must  lift  their  hands  skyward.  Then  they  are  laid  to  sleep 
on  the  ground  and  during  this  night  Ihey  are  not  allowed  to 
utter  a  word.  'l'hey  may  manifest  needs  and  wishes  only  by 
gestures.  Throughout  the  night  the  men  and  women  sing  of 
the  maie  sex-tidem   (the  little  emu  wi-en). 

At    a   given    moment  during   the   night   the   bullroarers    are 


(1)  A:  W.  HowiTTj  The  Native  Tribes  of  South  East  Australia,  London,  1904, 
p.  501  sq.  ;  W.  Schmidt,  Die  geheinie  Jiigendiveihe  eincs  austi-alischen  Vrstam- 
mes,  Paderborn,  1921. 


INITIATIO.X     AND     SECRET     SOCIETIES    IN    ALSTRALIA  357 

sounded  ;  (lie  boys  must  rise  to  their  feet  and  look  toward  the 
sky,  the  old  men  saying  to  tliem  the  while  :  «  Look  there,  look 
tliere  »  and  thon  explaining  to  them  the  doctrine  of  the  Su- 
prême Being  Mungangaua   as   follows    : 

«  There  lived  in  olden  tinies  a  great  being  who  taughf  the 
Kurnai  the  arts.  His  son  is  Tundun,  the  aneestor  of  the  Kurnai. 
Tundun's  wife  is  called  Rukut. 

«  The  precepts  of  .Mungangaua  are  : 

To  listen  to  and  obey  the  old  men, 
To  share  everything  vvith  one's  friend, 
To  live  peaeeably  with  ones  friend, 
Xot  to  molest  girls  or  married  women, 
To  nbey  the  food  restrictions.  » 

The  same  day  the  secret  of  the  bullroarer  is  revealed  to  them. 
A  larger  bullroarer  is  shown  to  them  with  the  words  :  «  That 
is  Tundun,  your  grandfather.  »  A  smaller  one  is  supposed  to 
be  Rukut,  Tundun"s  wife. 

2.  Kuiinyal.  thr  initiafion  of  thf  Yuin  (1).  —  Kuvingal  means, 
like  Dyerail,  «  of  tlie  busli,  the  ceremony  in  the  bush  ».  Tlic 
chief  of  une  local  group  sends  the  message  to  the  other  groups. 
A  inudthi  (bullroarer)  takes  the  place  of  the  credential  letters, 
fur  the  niudthi  «  was  given  to  our  fathers  by  that  great  Biam- 
ban    (Lord,    Master)    »,    as    Howitt   was    told   by    the    natives. 

When  the  tribes  summoned  bave  arrived.  the  leader  of  the 
ceremony  goes  round  the  différent  camps  ;  halting  at  each 
camp,  he  raises  a  boomerang  to  the  sky  with  one  hand,  with 
the  other  he  points  to  the  earth.  Then  the  women  know  that 
the  great  Biamban  wiil  initiale  their  boys. 

In  the  meantime  the  cérémonial  ground  bas  been  prepared, 
on  which  are  eut  out  symbolic  représentations  of  the  rising 
tu  new'  life  :  —  a  grave,  a  spiny  ant-eater  etc.  There  is 
also  a  life-sized  earthen  image  of  Daramulun.  the  Suprême 
Being  of  the  Yuin. 

The  guardians  bring  the  boys  on  their  shoulders  to  a  circle 
in  the  midst  of  whicli  a  sacred  fire  is  lit.  First  the  boys  are  laid 
for  from  ten  to  twelve  minutes  near  the  fire  «  to  be  roasted  ». 
Aftciwards   thev  are  brought  to  a   smaller  circle   to   bave   one 


(1)   Howitt,  op.   cit.,  p.    517  sq. 


358  L.     EHRLICH 

upper  ineisor  knocked  out  ;  but  prior  to  this  men  surround  tho 
women  and,  pointing  with  tlieir  boomerangs  to  the  sky,  bid 
them  leave  the  sacred  place.  They  are  supposed  to  be  pointing 
to  Daramulun  in  heaven.  Then  the  boys  are  led  to  the  figure 
of  Daramulun  and  are  instrueted  in  a  very  impressive  way  in 
the  secret  traditions  concerning  Daramulun,  as  follows  : 
«  Daramulun  of  old  created  the  Murring  (collective  name  for 
the  coastal  tril)es)  ;  now  he  lives  beyond  the  sky  and  looks 
upon  them.  He  is  the  great  Biamban  who  can  do  anything  and 
go  everyw'here  and  who  gave  the  tribal  laws  to  our  fathers. 
The  Sound  of  the  bullroarer  is  the  thunder  and  as  sueh  tho 
voice'  of  Daramulun  ».  Detailed  moral  instruction  is  also  im- 
part&d  to  the  boys  by  the  dramatic  device  of  representing  in 
pantomime  and  commanding  immoral  actions  and  then  uttering 
an  emphatic  «  No  !  » 

Tlie  boys  are  invesled  with  the  men's  belt  and  tlieir  com- 
plète change  is  im])ressed  upon  their  minds  by  a  last  and  very 
dramatic  ceremony  :  a  man,  lying  in  a  real  grave,  apparently 
resuscilaied  by  the  tune  of  an  old  song  and  the  mysterious 
influence  of  a  medicine  man  who  is  chant ing  an  invocation  to 
Daramulun,  rises  before  the  eyes  of  the  astonished  youths. 

The  boys  are  then  brought  to  the  bush,  where  they  pass 
through  a  period  of  discipline  and  fnod  restrictions  under  the 
control  of  their  tutors. 

3.  Bora,  the  initiation  of  Ihc  Kaniilaroi-Euahlayi.  —  The 
Kuringal  type  of  initiation  was  practised  by  the  tribes  who 
inhabited  the  eastern  coast  from  Twofold-Bay  to  Port  Macqa- 
rie,  which  means  practically  the  coast  of  New  South  Wales  (1). 
The  inland  tribes  to  the  west  practise  initiations  which  are 
more  elaborate,  —  those  of  the  further  north  being  the  more 
complicated  as  a  rule.  As  a  typical  example  we  shall  consider* 
the  Born  of  the  Kamilaroi  and  Euahlayi    (2). 

When  the  elders  hâve  decidcd  to  hold  a  Bora,  messengers  are 
sent  out  to  neighbouring  tribes  for  hundre-ds  of  miles  around 
to  summon  them  to  take  part  in  it. 


(1)  HowiTT,   op.    cit.,   p.    593. 

(2)  K.  Lang-loh  Parker,  The  Euahlayi  Tribe,  London,  1905,  p.  62  sq.  ; 
H.  Mathews,  The  Bora  or  Initiation  Cérémonies  of  the  Kamilaroi  Trihe,  Journal 
of  the  Anthropogical  Jnstitute,  London,  1895,  p.   411  s. 


INITIATION    A.XD     SECRET    SUCIETIES    I.\    AUSTRALIA  359 

-  y 

In  the  meantime  the  sacred  grounds  are  prepared  :  two 
Boracirclps  are  made,  a  larger  and  a  snialler  one  with  a  path 
l'unuing  between  theni,  Along  the  path  various  designs  are 
eut  out  in  the  bark  df  trees  or  made  of  earth.  Among  some 
forty  designs  of  the  Kamilaroi  Bora  let  us  note  a  huge  figure 
of  Bayame,  the  Suprême  Being,  of  his  wife  Gunanbeely,  of 
Boobardy  and  Numbardy,  the  pair  of  original  hunian  ances- 
tors,  a  speared  emu  and  an  eaglehawk"s  nest.  The  Bora  ground 
is  supposed  to  represent  Bayame's  camp  and  tlie  designs  refer 
to  the  events  at  tlie  first  Bora,  which  Bayame  himself  con- 
dueted. 

Every  night  the  bullroarer  is  sounded,  which  is  supposed 
to  be  the  voice  of  Daramulun  of  Gayandi,  an  evil  «pirit  who 
rules  the  night.  According  to  some  native  legends  he  was 
ordered  by  Bayame  to  initiate  the  boys,  but  he  devoured  them 
instead.  Bayame  transformed  him  into  a  porcupine  and  he 
had  to  shape  the  buUroarers  for  the  Bora  himself.  In  the  first 
days  of  the  Bora  women  take  a  certain  part  in  the  cérémonies. 
They  accompany  the  boys  to  the  Bora  ground,  and  assist  at 
several  corrobborees.  But  at  a  given  moment  the  men  hoist 
the  boys  on  to  their  shoulders  and  carry  them  off,  whilst  the 
women  hâve  to  leave  the  Bora  ground.  A  period  of  serions 
discipline  now  begins  for  the  boys.  They  are  obliged  to  keep 
the  eyes  downcast  and  are  strictly  forbidden  to  speak  or  to 
laugh.  Under  thèse  conditions  they  hâve  to  undergo  several 
trials  to  give  proof  of  their  manly  spirit.  One  night  they  are 
laid  to  sleep  in  order  to  rise  as  men  :  the  Bora  spirit  is 
supposed  to  corne  over  them  and  make  them  into  men. 

Amongst  the  Kamilaroi  pantomimic  représentations,  ob- 
scenities  are  shown  to  the  boys  for  the  purpose  of  teaching 
them  to  abstain  from  the  «  abominations  of  the  cities  of  the 
Plain  ».  Some  tribes  practise  at  the  Bora  the  custnm  of 
knocking  out  a  front  tooth  ;  others  do  not. 

The  boys  are  then  brought  to  the  camp  to  show  themselves 
to  the  women.  On  the  way  thither  the  bullroarer  secret  is  reveal- 
ed  to  them  and  they  may  take  the  bullroarers  in  their  hands. 
After  the  women  -bave  welcomed  their  boys  with  shrieks  of 
joy  because  they  bave  borne  the  tests,  the  boys  retire  for  two 
months  with  their  tutors  into  the  bush  to  be  instructed.  There 


360  L.     EHRLICH 

are  three  points  on  which  sava.ge  moral  instruction  lays 
spécial  stress  :  the  avoiding  of  murder,  the  abduction  of  wonien 
within  the  forbidden  degrees,  and  lying  to  the  elders.  After 
their  relurn  to  the  main  camp  the  boys  are  «  smoked  «  several 
times  :  green  bushes  are  laid  on  the  burning  logs  and  the  boys 
hâve  to  lie  for  some  minutes  on  this  uncomfortable  resting 
place. 

Bayame  controls  the  conduct  of  the  Bora  and  the  medicine 
men  pray  him  at  the  initiation  to  grant  long  life  to  the  blacks, 
as  they  keep  rigorously  to  the  Bora. 

4.  Initiation  in  Northtvestern  Queensland  (1).  —  The  initiation 
is  not  any  more  one  single  comprehensive  ceremony  which 
always  follows  the  same  program,  but  a  séries  of  four  diffé- 
rent rites  between  which  years  may  elapse  :  a  man  may  become 
greyheaded  before  he  is  admitted  to  the  last  degree.  The 
différent  degrees  bave  their  proper  rights,  dress  and  names. 
Only  the  first  two  degrees,  circumcision  and  subincision,  are 
compulsory  on  ail  members  of  the  tribe  ;  the  higher  degrees 
of  initiation  are  reserved  to  a  limited  number  of  tribesmen  and 
shrouded  in  mystery,  so  that  Europeans  are  rarely  allow-ed 
to  know  anything  about  them.  This  clearly  reminds  us  of  secret 
societies, 

lAt  the  first  sign  of  puberly  the  boys  are  seized  by  the  men  and 
borne  on  their  shoulders  to  the  cérémonial  ground.  There  is 
no  solemn  summonin^g  of  the  neighbouring  tribes  and  the 
boys  are  initiated  one  by  one.  The  women  assist  at  the  intro- 
ductory  cérémonies  and.  in  accord  with  ancient  custom,  before 
they  retire,  they  even  take  the  weapons  of  the  men  and  adorn 
themselves  as  fighting  amazons.  as  a  symbolic  protest  against 
the  withdrawal  of  the  boys  from  their  control. 

The  Mitakoodi  now  lay  their  boys  down  to  sleep.  For  a 
whole  night  they  are  forbidden  to  move,  to  speak  or  even  to 
scratch  themselves.  Amongst  the  Pitta-Pitta  the  youth  are  laid 
down  on  the  earth  and  the  men  step  over  them,  and  cover  them 
with  sprinkled  blood  from  the  cicatrix  of  their  subincised 
pénis,  after  which  ceremony  they  are  adorned  with  man's  attire. 
The  men  then  lift  the  boys  on  their  arms  and  swing  them  for  a 
while  to  and  fro  in  the  air. 


(1)   W.   E.  RoTH,  Ethnographical  Studies   among   the  NortMoestern  Central 
Queensland   Aborigines,   London,    1897,    p.    169    sq. 


INITIATION    AND     SECRET     SOCIETIES    IN    AUSTRALIA  361 

The  following  day  is  devoted  to  the  principal  ceremony,  the 
ciroumcision.  Half  an  hour  before  sunrise  the  boy  must  turn 
his  face  towards  the  East  and  at  the  moment  the  sun  begins 
to  show  above  the  horizon  he  is  circumcised.  Two  bullroarers, 
a  large  and  a  small  one,  are  sounded  as  a  token  that  the  opéra- 
tion has  been  performed.  A  flre  ceremony  ends  this  stage  of 
initiation.  The  men  bring  the  boys  on  their  shoulders  near  the 
flre,  and  stooping,  hold  them  over  it,  as  if  they  intended  to  place 
them  there  in  earnest. 

The  subincision  takes  place  three  or  four  months  after  the 
circumcision.  Of  course  the  women  must  be  absent,  but  after 
the  opération  the  women,  at  a  given  moment,  are  alloweil 
to  approach  the  sacred  circle  and  to  strike  their  men  with  a 
fighting  pôle  in  revenge  for  evil  treatment. 

Mulkali,  a  supernatural  being,  has  introduced  the  opéra- 
tions. He  is  supposed  to  be  a  good,  beneficent  person  and 
never  kills  anyone   (1). 

The  knocking  eut  of  the  tooth  is  practised  as  a  mère  sport 
indiscriminately  by  mon  and  women  alike  and  has  no  connec- 
tion with  the  initiation. 

The  third  and  fourth  degrees  are  little  known  ;  they  are 
symbolised  by  a  particular  pattern  of  a  yellow  design,  a  fore- 
head  net,  and  the  exclusive  use  of  a  sign  language. 

5.  Initiation  in  Central  Australia  (2).  —  The  initiation  céré- 
monies, as  practised  l)y  the  triljes  inhabiting  the  country  from 
Lake  Eyre  to  Coburg  Peninsula,  reveal  to  us  a  mentality  diffé- 
rent from  that  found  in  East  Australia.  As  a  typical  example 
we  take  the  Arunta  initiation.  It  comprises  four  distinct  degrees 
which  are  gradually  imparted  to  the  boys  at  différent  âges  from 
ten  to  thirty  :  Alkirakiivuna  (throwing  to  the  sky)  -  Lartna  (cir- 
cumcision) -  Ariltha  (subincision)   -  Engivurra  (tire  ceremony) . 

At  the  first  ceremony  men  toss  the  boy  several  times  in  the 
air,  while  the  women  dance  round  the  performers.  Some  years 
later  the  same  boy,  having  reached  puberty,  is  seized  by 
men  of  his  totemic  group  and  brought  to  the  Apiila  (cérémonial 
ground),  where  he  is  put  behind  a  brake,  whence  he  dare  not 


(1)  RoTH,  o.   c,  p.    153. 

(2)  B.  Spencer,  F.  Gillen,  The  Native  Tribcs  of  Central  Australia,  London, 
1899,  p.   212   sq. 


362  L.     EHRLICH 

move.  but  bas  to  remain  in  perfect  silence  with  eyes  cast  down. 
His  future  motlier-in-law  bands  bim  a  burning  firestick.  telling 
bini  always  to  bold  fast  to  bis  own  fire  and  not  to  interfère 
with  otber  women.  Tbere  is  furtber  a  symbolic  flght  between 
men  and  wornen  for  tbe  boys.  Tbe  women,  r-arrying  sbields. 
dance  around  !be  Apula  and  even  earry  tbe  boys  away  :  tbe  men 
must  ff'trb  tbem  back  again. 

Now  a  séries  of  peculiar  totemic  cérémonies  begins,  wbicb 
vary  from  clan  to  clan  and  wbicb  women  are  never  allowed 
to  walcb.  Thèse  cérémonies  are  a  mimic  présentation  of  tbe 
heroic  deeds  of  totemic  ancestors,  wliich  tbe  latter  are  believed 
to  bave  performed  in  a  far-off  time,  called  Alcheringa.  tbe 
golden  âge  of  tbe  Arunta.  At  a  certain  day  tbe  wbizzing  sound 
of  tbe  bullroarer  announces  tbe  rite  of  circumcision.  After 
tbe  opération  tbe  secret  of  tbe  bullroarer  (called  churinga)  is 
revealed  to  tbe  novice.  The  men  band  tbe  boy  a  bundle  of  thèse 
cliuringas.  telling  him  solemnly  :  «  Thèse  churinga  you  should 
call  Twanyirika  »  (  1  "» .  The  boys  of  tbe  Unmatiera  tribe  are  told 
after  subincision  :  «  That  is  tbe  churinga  wbicb  your  spirit 
bad  in  tbe  Alcheringa  »  (2).  The  novice  is  supposed  to  be  tbe 
reincarnation  of  a  legendary  mythical  ancestor  wbo  gave  tbe 
totem  to  tbe  clan. 

Tbe  subincision  (opening  of  tbe  urethra  from  below)  takes 
place  five  or  six  weeks  after  circumcision,  and  now  tbe  boy  is 
considered  to  be  a  man. 

The  girls  are  initiated  in  a  similar  manner  ;  their  breasts 
are  rubbed  with  fat  and  red  ocbre  and  subincision  (opening  of 
tbe  vagina)   is  performed  on  tbem. 

Tbo  Engu'urra  (flre  ceremony)  is  an  intertribal  ceremony,  to 
wbicb  tbe  neigbbouring  tribes  are  summoned.  The  Engiourra  is 
concerned  with  a  long  séries  of  totemic  presentments,  referring 
to  tbe  Alcheringa,  and  is  supposed  to  make  tbe  boys  «  ertwa, 
murra,  oknirra  »  —  good,  great  and  strong.  In  thèse  cérémonies 
certain  bead  dresses  are  used  which  remind  one  of  masks. 

At  the  end  tbe  novices  are  placed  at  full  length  on  a  flre  wbicb 


(1)  M.  LiEONHARDi-C.   Strehlow,  Mytluti,  Sagen   und  Maerchen   des  Aranda- 
Stammes,  Frankfurt,   1907,  p.   102. 

(2)  B.  Spencer-F.  GilleNj  The  Northern  Tribes  of  Central  Australia,  London, 
1904,  p.    340  sq. 


INITIATION    AND     SECRET    SOCIETIES    IN    AUSTRALIA  363 

is  covered  with  greon  l)oughs  and  the  same  ceremony  is  repeated 
in  the  women's  camp. 

The  knoeking  out  of  tlic  fdoth  is  practised  in  Central  Austra- 
lia  i)]-ivately,  as  a  mattor  of  individual  laste.  for  the  iinpro- 
vement  of  one's  personal  appearance. 

II.    COMPARISON  OF   THE   DIFFERENT   TYPES 

WITH   THE   CULTURAL   CYCLES 

« 

Tho  historicd-cultural  scliool  proposes  to  reconstnict,  by 
distinguishing  différent  cullural  cycles,  a  relative  chronology 
and  history  of  the  so  called  «  aJustoric  »,  or  primitive  peoples  ; 
hence  the  analysis  of  tlie  initiation  rites  which  embody  the 
cliief  religions,  moral  and  social  ideas  of  the  savage  and  are, 
so  to  speak,  his  cnltural  repository,  must  prove  to  be  a  most 
valuable  check  npon  its  théories. 

The  ahove  descrilied  types  of  initiations  represent  a  very 
complex  combination  of  disparate  tides  of  culture  which  hâve 
come  into  touch  one  with  another  and  hâve  either  dispossessed 
one  another  or  becomc  amalgamated  into  a  new  one. 

1.  Two  main  cultvral  arras.  —  At  the  first  survey,  two  main 
divisions  of  initiations  may  be  observed  :  —  Central  and  Eas- 
tern  Australia.  A  line  drawn  from  Encounter  Bay-Adelaide  to 
Cape  York  indicates  roughly  the  frontier  between  them  (1).  In 
Central  Australia  the  characteristic  feature  of  the  initiation  is 
the  rite  of  circumoision  with  subséquent  subincision  ;  in  the 
eastei-n  région,  another  opération  is  practised,  by  numerous 
tribes  :  the  knoeking  out  of  the  tooth.  Thèse  two  cérémonies  are 
so  exclusive  of  each  other  that  only  on  the  margin  between  the 
areas  in  question  wc  find  tribes  with  both  initiatory  rites,  viz., 
the  Dieri  and  some  of  the  Itchmundi  tribes  (Wilya  and 
Kongait)  (2). 

There  are  clear  signs  that  the  initiation  with  fhe  tooth  cere- 
mony is  older.  and  that  in  earlier  periods  it  extended  aller  ovci- 
Australia.  In  some  régions  of  the  circumcision-initiation  tlic 
breaking  out  of  the  tooth  bas  fallen  into  disuse  and  is  practised 
as  a  mère  whim  or  embellishment,  e.g.,  in  noi'thwestern  Queens- 
land  and  in  Central  Austi'alia.  On  the  olher  liand  ttie  ceremony 


(1)  HowiTT,  o.   c,  p.    642. 

(2)  HowiTT,    o.    c,    p.    655-675. 


364  L.     EHRLICH 

reappears  at  the  initiation  on  fhe  extrême  western  coast,  viz., 
in  the  Kiniljerley  district    (1). 

We  may  safely  conclude  that  the  cultural  cycle  with  the  tooth 
ceremony  was  diviiied  in  Iwo  parts  by  the  later  culture  of 
circumcision,  and  in  some  régions  only  obscured. 

A  second  striking  différence  between  the  two  main  divisions 
is  the  foliowing  fact  :  in  the  East  the  initiations  centre  round  a 
Suprême  Being,  to  whom  generally  the  institution  of  the  initia-, 
tion  cérémonies  is  ascribed  and  who  watches  carefully  that  the 
initiation  is  conducted  in  due  form    (2). 

On  the  other  hand  the  cérémonies  of  the  central  area  are 
principally  concerned  with  an  entirely  difTerent  trend  of  ideas. 
There  is  a  new  world  of  totemic  ancestors  with  whom  the 
youth  are  hère  made  acquainted.  They  are  told  that  they  descend 
from  certain  anthropomorphic  beings  who  lived  in  the  Alchc- 
ringa,  a  legendary  golden  âge.  and  that  they  are  the  reincarna- 
tion of  them,  whereas  in  the  East  the  boys  are  told  tluit  Mun- 
gangaua,  Daramulun,  Bayame  created  the  first  men. 

The  geographical  stratification  of  the  two  cultures  suggests 
that  the  Suprême  Being  culture  is  prior  to  the  Alcheringa  cultxire, 
since  the  latter  extends  over  the  territory  from  Garpentaria  Gulf 
to  Lake  Eyre,  whereas  the  former  seems  to  be  pushed  back  to 
the  south  east  corner  of  the  continent.  There  still  survive  some 
few  traces  of  Suprême  Beings  in  the  Alcheringa  area  which 
attest  the  fact  that  at  one  time  the  Suprême  Beings  reigned'  also 
in  Central  Australia  and  were  obscured  by  the  Aic/ie?'m</a-ideas. 
The  Arunta  (3)  possess  the  «  good  and  eternal  Altjira  »,  who  is 
called  «  iUinka  »,  emu-legged,  evidently  identical  with  the  emu- 
legged  Bayame  of  the  Wiradjuri  (4).  The  Atnatu  of  the  Kaitish 
reminds  us  somewhat  of  Bayame  and  Daramulun,  since  he 
watches  that  the  bullroarer  is  properly  sounded  at  the  initiation. 

Two  other  considérations  attest  likewise  the  greater  âge  of 
the  eastern  type. 

a.  The  ceremony  of  lifting  the  boys  skyward  is  spread  under 


(1)  Hutton  Webster,  Primitive  Stcret  Societies,  New- York,   1908,   p.   85. 

(2)  HowiTT,  o.  c,  p.  488   sq. 

(3)  Leonhardi-Strehlow,   Mytlien,   Sagen    und   Macrchcn    des    Arandastcnn- 
mes,  Frankfurt,    1907,    p.    1    sq. 

(4)  W.  ScHMiDT,  Ursin'ung  der  Gottcsidee,  p.   369. 


INITIATION    AND     SEORET    SOCIETIES    IN    AUSTRALIA  365 

one  or  the  other  fnrm  ail  over  Australia.  The  Kurnai  raise  their 
boys  to  the  sky  and  (he  lalter  must  also  lifL  their  hands  upward. 
In  tho  night  the  men  point  with  the  spearthrower  to  the  sky 
and  (he  boys  niust  raise  their  eyes.  The  Yuin  point  several 
times  with  their  boomerangs  to  the  sky  and  carry  their  boys 
on  their  shoulders  to  the  Knringal.  The  same  rite  is  observed 
by  the  Euahlayi  and  the  Queensland  tribes.  The  central  tribes 
toss  the  boys  skj^vard,  and  this  rite  is  practised  as  far  north 
as  Port  Darwin  and  tho  Melville-Bathurst  Islands  (1).  The  mis- 
sionary  F.  Kristen  reports  that  the  MuUock-iMullock  on  the 
Daly  River  start  the  initiation  with  the  «  Dalvagaitma  »  cere- 
mony  which  means  «  throwing  to  the  sky  ».  As  this  oeremony 
seems  to  be  spread  over  the  whole  continent,  it  was  evi- 
dently  not  brought  to  Australia  by  the  Alcheringa  culture  (2). 
On  the  other  hand  it  is  closely  connected  with  the  ideas 
centering  round  the  Suprême  Being,  and  only  in  this  setting 
does  it  flnd  a  satisfactory  explanation.  The  gesture  itself 
implies  a  connection  between  the  initiation  and  the  heavens. 
HowiTT  remarks  explicitly  that  the  Yuin  point  with  their  boome- 
rangs to  the  great  Biamban  in  the  skies.  Stil!  more  telling  in 
this  respect  is  the  solemn  rite  at  the  Kurnai  initiation,  where 
the  boys  during  the  night  must  look  toward  the  sky,  while  the 
men  say  to  them  :  «  Look  there,  look  there  »,  and  then  explain 
to  them  the  doctrine  of  Mungangaua. 

The  central  tribes  bave  evidently  lost  the  original  signifl- 
cance  of  this  ceremony,  but  it  must  hâve  been  so  intimately 
linked  with  the  beginning  of  the  ceremony  that  they  preserved 
it  as  an  introductory  formality. 

b.  Analogous  is  the  case  of  the  bullroarer.  Whereas  it  is  a 
disparate  and  strange  élément  in  the  cérémonies  of  Queensland 
and  Central  Australia,  it  flnds  an  adéquate  explanation  and  fits 
in  logically  with  the  culture  of  the  Suprême  Beings. 

Ail  over  the  continent  the  sound  of  the  bullroarer  is  ascribed 
to  a  supernatural  being  —  to  Tundun  (Kurnai),  Daramulun 
(Wiradjuri),  (layandi   (Euahlayi),  Tnmana  (Kaitish)  etc.  —  wlio 


(1)  B.  Spencer,  Native  Tribes  of  the  Northern   Tcrritory  of  Australia,   191  1, 
p.    93    sq. 

(2)  Unpublished  manusciipt  on  the  aboriginals  of  the  Daly  River,  Innsbinrk, 
1902. 


366  L.    EHRLIGH 

is  supposée!  by  the  women.  to  initiale  the  boys.  Still  more 
striking  is  the  fact  that  two  buUroarers  are  known  ail  over  the 
continent  :  in  the  South-East  (Kulin,  Kurnai,  Wiradjuri,  Ghe- 
parra-Turnbal,  Parnkalla,  Tongaranka),  in  Queensland  (Yar- 
roinga,  Underebekina,  Pitta-Pitta),  in  Central  Australia(Arunl  a, 
Worgaia),  and  on  the  western  coast    (Kariera) . 

It  fs  tlie  Kui'nai  initiation  that  explains  to  us  the  meaning  of 
thèse  two  bullroarers.  They  represent  Tundun  and  his  wife 
Rukut,  the  original  ancestral  pair  of  mankind,  who  were  madc 
by  the  Suprême  Being  and  entrusted  by  him  with  the  initiation 
of  their  posterity.  A  réminiscence  of  this  is  still  preserved 
amongst  the  Wiradjuri,  where  Daramulun  and  his  wife  Muni- 
bear  are  symbolised  by  two  buMroarers  (1)  ;  and  amongst  the 
Kamilaroi  where  the  images  of  an  ancestral  pair  —  Boobardy, 
((  our  father  »,  and  Numbardy,  «  our  mother  »  —  are  eut  out  on 
tlie  cérémonial  ground. 

In  Central  Australia  this  bullroarer  belief  has  been  very 
quaintly  transformed.  Like  everything  else,  the  bullroarer  belief 
also  has  been  «  totemised  »  and  thus  drawn  into  the  Alchcringa 
mythology.  The  bullroarer  is  called  churinga,  i.  e.  it  is  sacred  on 
account  of  its  connection  with  the  Alcheringa  ancestors.  The 
bullroarer  clniringa  is  handed  to  the  boy  after  circumcision  with 
the  following  words  :  «  Thèse  churinga  you  should  call  Tivanyi- 
rika  ».  A  legend  (2)  tells  that  the  bullroarers  are  the  children 
of  Twanyirika.  On  the  other  hand  thèse  churingas  are  also  the 
boys  themselves  (3),  having  entered  their  mothers  in  the  form 
of  child-germs.i 

Thus  Twanyirika  is  the  Alchcringa  ancestor  of  the  Arunta 
children.  There  exist  also  cliuringa  bullroarers  for  the  girls, 
but  the  latter  never  see  them.  The  bullroarer  symbol,  as 
representing  a  pair  of  original  ancestors,  was  therefore  evi- 
dently  common  to  the  whole  of  Australia,  but  in  the  Centre  its 
original  meaning  was  obscured. 

On  the  other  hand  this  symbol  is  closely  connected  with  the 
Suprême  Being.  It  is  the  voice  of  Daramulun  ;  it  «  was  given  by 


(1)  W.    SCHMIDT,    0.    c,   p.    358. 

(2)  Leonhardi-Strehlow,    o.    c,   p.    102. 

(3)  Spencer-Gillen,   Nat.   Trib.   of  the  North.    Tcrritory,  p.   263. 


INITIATION     AND     SR^HET     i^OCIETIES    IN    AUSTRALIA  367 

the  great  Biamban  »  (1)  ;  it  represents  Tundun,  the  «  son  »  of 
Mungangaiia  ;  it  was  mado  hy  Bayame  (2). 

Thus  we  may  conelude  that  thèse  éléments  :  iSupreme  Being, 
knocking  out  of  the  tôoth,  lifting  to  the  sky,  and  bullroarer 
belong  to  and  older  eultural  cycle  than  the  Alcheringa-hehef 
with  the  circumcision. 

2.  The  différent  character  of  the  lu'o  cultures.  —  The  eastern 
initiation  is  a  solemn  intertribal  festivity,  a  kind  of  Australian 
Olympia  or  Sinai,  to  which  ail  trihes  of  the  nation  are  invited 
and  during  which  a  Freuga  Dei  reigiis.  This  initiation  is  the 
great  renewal  uf  the  Iribes.  They  perpetuate  their  covenant 
with  the  Suprême  Being  who  governs  the  tribes,  hy  con^^ecrat- 
ing  their  youths  to  Iiim  and  hy  impressing  bis  precepts  on 
their  minds.  Two  moral  ideas  reecho  throughout  the  céré- 
monial grounds  of  ail  Australia,  however  complicated  and 
manifold  the  rites  may  be  :  1.  not  to  interfère  with  otlier  women 
nor  commit  immoral  actions  aigainst  nature  ;  2.  respect  towards 
the  authority  of  the  eliders  ;  in  other  words.  the  two  fundamental 
ideas  of  family  and  statr.  Thèse  two  moral  obligations  are  placed 
under  the  sanction  of  the  Suprême  Being,  This  initiation  was 
obligatory  for  every  member  of  the  tribe  and  was  the  perma- 
nent  source  from  whidi  the  tribe  derived  its  moral  hackbone. 

The  more  we  approach  Central  and  Northern  Australia,  the 
more  the  initiation  lose^s  its  grand  style  and  its  simple,  compre- 
hensive,  international  character.  It  dissolves  into  a  séries  of 
incohérent  stages  of  rites  which  become  more  and  more  myste- 
rious  and  phantastic.  Some  higher  degrees  are  reserved  for  an 
inner  circle  of  sélect  men  ;  it  is  not  any  more  a  simple  question 
of  «  making  boys  into  men  »,  in  which  the  whole  tribe  takes 
a  natural  interest,  but  concerns  an  esoteric  community  with 
spécial  marks,  e.  g.  in  Queensland,  This  recalls  secret  societies. 

iSome  relies  of  the  Arunta  initiation  still  remind  us  of  the 
old  style.  If  we  take  the  flrst  ceremony  (tossing  the  boys 
skyward)  and  the  last,  —  the  Engivurra  — ,  to  which  ail  the 
tribes  are  summoned  and  whereby  the  boy  is  supposed  to 
become  «  good,  great  and  strong  »,  we  flnd  the  analogy  witli 
the   East.   Between   Ihese,    there    were    interpolated    two    new 


(1)  HowiTT,  0.  c,  p.   517,  538. 

(2)  Langloh  Parker,  o.   c,  p.   67. 


368  L.     EHRLICH 

strange  rites.,  eircumcision  and  subincision,  and  many  to- 
femic  rites  which  were  evidently  initiatory  rites  oî  the  clan. 
One  or  two  boys  are  seized  and  it  is  wholly  the  affair  of  the 
élan  to  perform  the  opérations  upon  them,  after  which  they 
are  initiated  into  the  mysteries  of  the  clan  and  the  cérémonies 
of  ifs  own  totem.  This  initiation  recalls  to  us  a  culture,  whose 
outlook  is  limited  by  the  niaterial,  without  reaching  out  to  a 
Suprême  Being.  a  culture  which  was  concerned  in  the  first  place 
with  the  quest  of  food  and  the  sexual  problem  of  life.  It  is  the 
provision  of  food  which  dominâtes  the  numberless  Intichiuma 
cérémonies  (fertility  cuits)  (1)  of  Central  Australia.  It  is  the 
purely  sexual  life  to  which  eircumcision  and  subincision 
initiate  the  youth.  Observance  of  thèse  cérémonies  confers 
tlie  right  to  marriage,  or  at  least  they  are  a  conditio  sine  qua  non 
for  marriage.  The  parallel  ceremony  performed  on  girls  in 
Queensland  and  Central  Australia  {dilatatio  vaginae)  is  meant 
to  facilitate  copulation.  The  stepping  over  the  boy  by  ail  the 
men  and  covering  of  him  with  the  blood  from  his  subincised 
pénis  (practised  by  the  Queensland  tribes)  shows  quite  unmis- 
takably  the  sexual  import  of  the  ensuing  eircumcision. 

Where  this  new,  materialistic  culture  wâth  its  emphasis  upon 
//te  sexual  and  totemic  initiation  within  the  clan  has  corne  in 
contact  with  the  older  forms  of  initiation,  it  has  added  its  own 
as  second  and  third  stages,  so  that  initiation  began  to  fall  into 
degrees  or  âge  classes.  Thèse  degrees  are  traces  of  différent 
cultures. 

3.  Différent  cultural  cycles  in  the  région  of  the  Suprême  Being. 
—  If  we  compare  the  Kuringal  of  the  Yuin  with  the  Bora  of  the 
Kamilaroi  we  observe  a  certain  hostility  between  their  respec- 
tive Suprême  Beings  (2).  Daramulun,  who  in  the  Kuringal  «  can 
do  everything  and  go  everywhere  »,  is  degraded  in  the  région 
of  Bayame  to  «  one  of  Bayame"s  people  »,  even  an  «  enemy  of 
Bayame  ».  Bayame  charges  himself  to  conduct  the  Bora,  since 
Daramulun  is  said  to  hâve  devoured  the  boys.  This  hostility 
also  appears  in  the  eaglehawk  —  and  emu  —  myths  of  the 
Bayame  région.  An  image  of  the  emu,  the  sacred  bird  of  Bayame, 


(1)  L.    Ehrlich,    07-igin    of    Aiistralian     Belle f s,     St.    Gabriel,    Anthropos- 
Aclministration,   1922,   p.   9. 

(2)  ^y.  ScHMiDT,  o.   c,  p.   357   sq. 


INITIATION    AND     SECRET     SOCIRTIES    IX    AUSTRALIA  369 

appears  at  the  Bora  pierced  by  Daramulun's  spear  ;  and  the 
eaglehawk,  representing  Daramulun,  is  persecuted  and  burned 
by  Bayame  (1).  This  mythological  contrast  can  be  best  explain- 
ed  by  the  collision  and  amalgamation,  of  two  différent  ciiltu- 
i-es,  the  Bayame  culture  pressing  from  the  North  and  dis- 
possessing  gradually  the  Daramulun  culture.  This  assumption 
is  conflrmed  by  the  tact  tliat  the  tooth  ceremony,  which  is  so 
characteristic  of  the  Daramulun  région,  disappears  towards  the 
North. 

A  third  tide  of  the  Suprême  Being  culture  is  represented  by 
the  Kurnai  initiation  in  the  Soutli.  On  the  one  hand  the  tooth 
ceremony  of  the  Yuin  is  wanting  ;  on  the  other  the  idea  of 
a  pair  of  anccsto7's,  who  are  represented  by  two  bullroarers,  is 
a  cardinal  one  for  tlie  Kurnai,  whereas  tiie  Yuin  use  only  one 
bullroarer.  This  idea  is  symbolised  also  by  the  sex-totem.  The 
maie  sex-totem  (emu-wren)  is  invoked  for  the  boys  ail  night 
as  préparation  for  the  révélation  of  the  Tundun  secret.  Since 
totemic  animais  represent  ancestors,  the  double  totem,  one  for 
the  maie,  the  other  for  the  female  sex,  implies  clearly  an  ances- 
tral  pair. 

Tt  seems  to  me,  that  the  two  bullroarers  symbolise  the  bodies, 
the  sex-totems  (birds),  the  spirits  of  the  ancestors  (2) .  Although 
two  bullroarers.  as  mentioned  above,  are  used  by  many  tribes 
throughout  the  continent  and  the  sex-totem  is  known  by  ail  the 
tribes  of  Victoria  and  the  neighbouring  tribes  of  New  South 
Wales.  the  Kurnai  only  bave  preserved  a  clear  explanation  of 
both,  viz  :  the  Suprême  Being  created  a  pair  of  ancestors  and 
chariged  them  to  initiate  their  descendents  into  bis  comand- 
ments.  Mungangaua,  moreover,  appears  superior  to  Daramulun 
and  Bayame  in  that  he  bas  neither  wife  nor  children,  while 
Daramulun  has  a  wife  or  a  mother  Ngalabal  (3),  and  Bayame 
bas  two  wives  and  several  sons. 

4.  Différent  rultural  cycles  in  the  région  of  the  clan  initiation.  — 
In  an  analogous  way  we  can  distinguish  three  successive  cul- 
tural  tides  in  the  région  of  the  totemic  and  sexual  initiation  of 
the  clan.  First  a  purely  totemic  culture  without  opération  which 
has  spread  ail  over  Australia  and  affected  also  the  initiations 


(1)  \V'.    SCITMIDT,   o.    c,   p.    365. 

(2)  SCHMIDT,  O.   C,  p.   348,    359. 

(3)  HowiTT,  o.  c,  p.   546,   560. 

24 


370  L-     I-HRLHIFI 

in  llie  Sui)reme  Boing  area.  with  the  exreption  of  the  Kurnai 
initiation.  A  lotcr  cvllure  with  the  sexunJ  i^iitiation  by  opération. 
sinee  it  covers  a  far  smalier  area  than  the  totemic,  viz  :  Central 
and  West  Australia,  but  did  not  reach  tlie  coast  fringes,  —  a 
clear  sign  of  itis  later  coming  !  Tlnis  tlie  trihes  on  soutli  western 
coasi  from  Cape  Arid,  (in  the  (Ireat  Australian  Biglit,  to  North 
Wesl  Cape  (1),  the  Kariera  Irihe  on  tlie  western  coast,  the 
ti'ibes  in  the  far  Noi'tli-Melville-Bathnrst  Tslands  and  the 
Kakadu  trihes  on  the  Alligatoi'  Rivei'S  (2)  practise  no  opérations. 

But  sinee  we  haVe  in  the' Northern  Territory  a  strip  of  land 
on  which  is  pratïsed  only  circumeision  (Punuurlu.  Warrai,  Wul- 
wullan.  Djauan,  NuUakun)  and  likewise  in  the  South  (Nar- 
ranga,  Bulaili,  Wilya,  Kongait),  we  must  conclude  that  the 
initiation  with  suhincision  was  the  latest  phase  of  Australian 
culture. 

One  Ausiralian  trilic,  tlie  Dieri,  who  inhahit  the  région  of 
Lake  Eyre,  where  ail  Australian  cullures  must  hâve  corne  in 
contact  with  each  other,  seems  to  hâve  preserved  in  its  initia- 
-tion-'degrees  the  traces  of  ail  of  Ihem.  The  degrees  are  :  intro- 
ductory  initiation  with  the  septum  piercpd,  after  some  years 
extraction  of  the  tooth,  then  successively  circumeision.  secret 
totemistie  cérémonies,  fmally  suhincision    (3). 

5.  First  fruits  offerings.  —  In  most  of  the  Australian  initia- 
tions a  fire-ceremony  t-akes  place.  The  Yuin  and  Wotjobaluk 
«  roast  »  the  boys  ;  the  Kamilaroi  «  smoke  »  their  boys  ;  the 
trihes  of  Central  Australia  bave  a  spécial  fire-ceremony.  the 
Engirurru.  t'nquestionably  the  fire-ceremony  is  the  symbolic 
figure  of  burning  the  boys.  May  I  venture  to  sug-gest  an  idea  ? 
If  I  compare  the  fire-ceremony  with  the  otïering  of  the  boys  to 
the  sky  and  with  the  synxbolic  burial  of  them,  might  it  not  be 
that  the  fundamental  idea,  underlying  the  original  Australian 
initiation,  was  that  of  offering  the  boys  to  the  Suprême  Being  ? 
Perhaps  atso  the  knocking  (jut  of  the  toolh  might  flnd  its 
explanation  in  this  connection.  The  boys  must  offer  a  tooth,  re- 
presenting  their  soûl,  as  a  substitute  for  themselves.  Thus  we 
could  explain  the  surj»rising  fact  that  in  Australia  no  other  rite 

(1)  Hutton  Webster,  o.   o.,  p.   191   sq. 

(2)  Spencer,  Nat.    Trib.  of  the  North.   Terr.,  p.   21,   89. 

(3)  Hi:tton  Webster,  o.  c,  p.   84. 


INITIATION'    AND     SECRET     SOCIETIES    IN    AUSTRALIA  371 

of  sacrifice  can  be  found,  since  the  novices  io  be  initiated  figur- 
ed  as  a  flrst fruits  oft'ering. 

CONCLUSION. 

Our  analysis  of  tlie  initiation  rites  conflrms  the  théories  of 
the  historico-cultural  s(  hool  of  (tRaebner  and  Schmidt,  who 
establish  for  Australia  several  cultiiral  cycles,  as  the  Tasma- 
nian,  boomerang,  totemic  and  dual  culture.  We  hâve  detected 
difïf'rent  types  of  initiations,  of  which  the  Kurnai  initiation 
would  fit  in  with  the  Tasmanian  i-ulture,  the  Kuringal  of  the 
Yuin  with  the  boomerang,  the  Arunta  initiation  with  the 
totemic.  But  there  is  no  initiation  in  Australia  which  would 
be  fypical  of  the  matrilineal  dual  culture,  as  described  by 
Graebne{1'  and  SGH^nDT  (Secret  societies  of  men  with  the  use 
of  masks,  initiation  of  girls  having  dispossessed  that  of  the 
boys).  Apparently  the  matrilineal  culture  could  never  develop 
itself  to  ils  full  estent.  There  is  .in  many  parts  of  the  conti- 
nent a  certain  compétition  between  men  and  women  at  the 
cérémonies,  but  their  importance  in  économie  life  is  nol  so 
great  as  to  dispossess  the  men. 

On  the  whole,  the  study  of  Australian  initiation  rites  proves 
the  scientific  value  of  the  historico-cultural  method,  although 
it  is  possible  to  entertain  more  than  one  view  in  assigning 
various  détails  to  one  or  the  other  type  of  initiation. 

BIBL.  —  A.  W.  HowiTT,  The  Native  Trihes  of  South-East  Australia,  ln-8", 
London,  1904  —  Hutton  Webster,  Primitive  Secret  Societies,  in-12»,  New- 
York,  1908  —  M.  Leonhardi-C.  Strehlow,  Mythen,  Sagen  und  Maerchen  des 
Aranda-Stammes,  in-4»,  Frankfurt,  1907  —  H.  Mathews,  The  Bora  or  Initia- 
tion cérémonies  of  the  Kamilaroi  Tribe,  Journal  of  the  Roy,  Anthrop.  Institute, 
London,  p.  411  —  Lang-loh  Parker,  The  Euahlayi  Tribe,  in-8°,  Liondon.  1905  — 
W.  E.  RoTH,  Ethnographicul  Studies  among  the  North.-West.-Central-Queens- 
land  Aborigines,  in-8",  Brisbane-London,  1897 —  B.  Spencer  and  F.  Gillen,  TTie 
Native  Tribes  of  Central  Australia,  in-8°,  London,  1899  :  The  Northern  Tnbes 
of  Central  Australia,  in-8",  London,  1904  —  B.  Spencer,  Native  Tribes  of  the 
Northern  Territory,  in-8",  London,  1914  —  W.  Schmidt,  Der  Vrsprung  der 
Gottesidee,  in-8°,  Miinster,  Aschendorff,  1912  :  Die  geheime  Jugcndioeihe  eines 
australischen    Vrstavlmes,  Paderborn,    Schoningh,   1923. 


372  'T-     WINTHl'tS 

[26]         Die  Ingiet-Mysterien  auf  Neupommern, 

von  Hochw.  P.  WiNTHUIS,  M.  S.  C. 

Kuiz  vor  meiner  Ahreise  nach  der  Sùdsee,  im  Jahre  1902, 
ging  die  Kunde  von  einem  Mord,  den  Sûdseeinsiilaner  von  der 
Insel  Xeupommern  am  Bismark-Archi])el  an  einer'  deiitschen 
Mut t or  und  ihrem  Kinde  verûbt  hatten  durch  die  deutsche 
Presse.  Auf  dem  Schauplalz  der  Tat  in  Neupommern  selbst 
angeknmmen,  erfuhr  ich,  dass  dieser  Mord  auf  einer  Zusam- 
menkunft  der  Mitiglieder  des  Ingiet-Bundes  beschlossen  wor- 
den  war.  Dieser  Bund  war  damais  mit  noch  so  viel  Geheim- 
nisvollem  umgeben,  dass  ich  beschloss,  so  habj  die  Sprach- 
kenntnisse  es  mir  gestatteten,  in  dièse  Geheimnisse  einzu- 
dringen.  Es  dauerte  indess  liald  zwei  Jahre,  bis  ich  nàheres 
dariiber  erfahren  konnte.  Nur  mit  grosster  Muhe  gelang  es 
mir,  einige  Mitglieder  des  Bundes  zu  bewegen,  mir  die  Geheim- 
nisse ihrer  tTesellschaft  aufzuderken.  Ich  bereitete  damais 
eine  Anzahl  von  sehwarzen  Katechumenen  auf  den  Empfang 
der  hil.  Taufe  vor.  Da  ich  eingesehen  hatte,  dass  ich  die  Preis- 
gabe  der  zurzeit  ganz  unsittilichen  Ingiet-Gebràuche  von  den 
Mitgliedern  des  Ingiet-Bundes  vor  dem  Empfang  der  hl.  Taufe 
unbedingt  verlangen  musste.  es  aber  anderseits  kein  dureh- 
greifendes  Mitiel  zur  Erreichung  dièses  Zieles  gab,  als  die 
oflfentliehe  Bekanntgabe  dieser  Geheimnisse,  so  deckte  ich  sie 
im  ôffentlichen  Unterricht  vor  den  Mânnern  sowohl,  als  auch 
vor  d-en  Frauen  auf.  Daraufliin  beschlossen  auf  einer  Ingiet- 
versammlung  vier  Ingietmitglieder  mich  in  der  Nacht  mit 
Lanzen  zu  tJden  zur  Strafe  dafûr.  dass  ich  die  Geheimnisse 
dièses  Bundes  verraten  hatte. 

Als  die  Eingeborenen  jedoch  bald  darauf  ihren  Mordplan 
entdeckt  sahen.  willigten  sie  seilbst  ein,  die  Dickichte,  in  denen 
sie  ihre  unsittlichen  Ingietyersammlungen  abhielten.  nieder- 
zulegen  und  den  Ingietgebràuehen  zu  entsagen.  Nach  dem  nun 
die  Geheimnisse  der  Ingietbundes  zum  Teil  bereits  verraten 
waren  und  selbst  Schulkinder  ûber  dièse  Gebrâuche  spotteten. 
eines  Tages  braehten  mir  zwei  von  ihnen  sogar  eine  berûchtigte 
weit  und  breit  gefiirchtete  Ingietfigur  herbei,  und  nachdem  gar 
ein  Tngipfnltmeister  «ich  nicht  scheute  auf  meinen  Wunsch  hin 


DIE    INGIET-xMYSTERIEX    AUF    NELPOMMERN  373 

Ingiettànze  (jfïentlich  z\i  tanzen,  ward  es  mir  leicht,  den 
Schleier  dor  dièse  Mysterien  einhûllte  vullig  zu  liiften.  (Nàheres 
hieriiher  in  meineni  Buch  :  Heidniscfn'  Greuel  und  christl.  Liebn. 
2.  Kapitel  :  Warum  die  Wilden  mieh  toten  wollten.  —  Ich  ver- 
gass  dipse  Scdirift  bei  der  Ingiet-Literatur  anzugeben). 

Ydii  diespn  Mysterien  miu-hte  idi  nun  des  Nàheren  zu  Ilmen 
reden. 

I.  DEFINITION,   URSPRUNG  UND  ZWECK  DER  INGIET-MYSTERIEN. 

Was  ist  zûnàchst  der  Ingiet-Bund  ?  Es  ist  kurz  gesagt  eine 
Geseliselicift  von  mânnliehen  Personen,  kleinen  und  grossen, 
die  sich  mit  allerlei  Oeheimnisvollem  umgeben,  von  gewissen 
Fleischspeisen  sieh  enthaiten  mûssen  und  zum  Teil  besonders 
der  Zauber-  und  Tanzkunst  huldigen.  Ich  sage  von  mânnliehen 
Personen  ;  es  sollen  auch  ausnahmsweise  Frauen  von  HâupU 
lingen  in  den  Bund  aufgenommen  worden  sein. 

Woher  nun  der  Ingiet  ? 

Man  geht  wohl  nicht  fehl,  wenn  man  sagt,  dass  der  Ingiet- 
Bund  im  Ahnenkult  einerseits  und  anderseits  im  Geisterglau- 
ben  und  in  der  Zauberkunst  seinen  Ursprung  hat.  Ich  nenne 
da  als  Gewàhrsmann  vor  alleni  meinen  Konfrater,  den  Hochv^^ 
P.  Jus.  Meier,  m.  s.  g.,  mit  dem  ich  hinge  Jahre  auf  Neupommern 
gemeinschaftlich  spraclien-  und  vulkerkundliche  Studienbetrieb 
und  der  zur  Zeit  wohl  der  beste  Kenner  der  Gebrâuche  der 
Eingeborenen  des  Nordoststammes  der  Gazelle-Halbinsel  ist, 
auf  dessen  gediegene  Ingiet-Artikel  im  Anthropos  (Jahrgang 
1910,  1911  und  1913)  und  im  Jahresbericht  des  Muséum  fil^^ 
Lancier-  und  Yôlkerkurule  (Stuttgart,  1911)  die  fo'lgenden  Aus- 
fùlirungen  zu  einem  grossen  Teil  fussen. 

Der  Ingiet-Bund  war  urspriinglich  — -  so  schreibt  Pater  Meier 
- —  ein  Bund  einiger  kunstbeflissener  Eingeborenen,  die  "zum 
Andenken  an  ihre  Verstorbenen  Bilder  aus  Stein  anfertigten. 
Wie  die  Eingeborenen  iiberhaupt  das  Andenken  ihrer  verstor- 
benen Verwandten  lebendig  zu  erhalten  suchten  durch  ôfïent- 
liche  Trauer,  Enthaltung  von  Friichten  u.  s.  w.,  so  suchten  dièse 
kunstbeflissenen  Zunftgenossen  dièses  Andenken  an  ihre  Ahnen 
zu  bewahi'pn  dui-ch  die  Enthaltung  von  Schweine-Kànguruh-  und 
Kaliku-iSi'hlangenfleisch  einerseits,  und  anderseits  vor  allem 
durch  die  Anfertigung  von  Bildern  der   Verstorbenen,   wie    ja 


374  J.    WINTHUIS 

ùberhaiipt  aile  urspi'ùngiirhon  Ingiet-iSteinbildor  nicliis  anderes 
darstellen,  als  verstorbene  Ingietmânner.  (Von  diesen  Ingiet- 
Steinbildern  wird  nachher  noeh  die  Rede  sein).  So  fusst  der 
Ingiet  auf  dem  Ahnenkult  und  dem  Geisterglauben,  er  fusst 
aber  aueh  auf  der  Zauberkunst.  Niemand  wurde  und  wird  auch 
heu'te  noeh  ohne  Grund  in  den  Ingiet-Bund  aufgenommen.Dieser 
Grund  ist  immer  eine  Krankheit  und  gewôhnlich  eine  schwere 
Krankheit,  da  die  sogenannte  Ingiet-Zauberei  gewôhnlich  erst 
dann  angewandt  wird,  wenn  die  anderen  Zaubereien  versagt 
haben. 

Wenn  irh  die  Eingeborenen  fragte,  welcher  Oebrauch,  ob 
Zauberei  oder  Ingiet  zu.erst  aufgekommen  sei.  antworteten  sie 
mir  :  «  A  papait  ma  a  ingiet  ma  a  malira  dital  na  tavua  varu- 
runq.  Die  pai^ait -Zauberkunst  und  der  Ingiet  und  der  ;\îalira 
Liebeszauber  sind  zusamnipn  aufgekommen.  »  «  Di  na  vaki 
avet  me.  Man  bat  uns  damit  geboren.  »  Drang  ich  in  sie,  mir 
zu  sagen,  weleher  Gebrauch  von  den  dreien  aber  wohl  der 
erste  gewesen  sei,  so  zuckten  sie  mit  den  Achseln  und  sagten  : 
((  Pa  ave  nnnure.  Wir  wissen  es  nicht.  »  Sie  wissen  nur,  dass 
keiner  in  den  Ingiet-Bund  aufgenommen  wurde.  ûber  den  nicht 
vorher  die  Varvamba-Zauberei  -  eine  Ingietzauberei  -  gemacht 
wurde.  Weshalb  mir  ein  Eingeborener  sagte  :  «  A  ingiet  ia 
rangala  na  papait.  Der  Ingiet  ist  die  grosse  Zauberei.  » 

Aus  diesen  Ausfûhrungen  geht  hervbr,  dass  der  Ingiet-Bund 
sowohl  im  Ahnenkult  und  Geisterglauben,  wie  auch  in  der  Zau- 
bei'kunst  seinen  Ursprung  bat.  Wie  ist  das  zu  erklâren  ?  Ich 
meine  folgendermassen  :  Die  anfangs  wenigen  kunstbeflissenen 
Zunftbriider.  die  ihre  Ahnen  dadurch  ehrten,  dass  sie  durch  die 
Anfertigung  von  Steinbildern  die  Erinnerung  an  ihre  Tôt  en  im 
Gedâchtnis  der  Ueberlebenden  lebendig  zu  erhalten  suchten, 
erregten  durch  das  Geheimnisvolle,  womit  sie  die  Anfertigung 
und  Schaustellung  dieser  Bilder,  in  denen  die  Geister  der  Ver- 
storbenen  noeh  leben  sollten,  umgaben,  die  Bewunderung  ihrer 
Zeitgenossen.  Sie  wurden  als  in  enger  Verbindung  mit  den 
Geistern  der  Verstorbenen  stehend  angesehen,  von  denen  sie 
leicht  Hilfe  in  allen  ihren  physischen  und  psycliischen  Noten 
erlangen  konnten. 

So  wurden  dièse  Zunftbriider,  denen  ja  die  Geister  der  Ver- 


:::  ixoiet-mysterien  alt  neupommern  375 

storbenen  gleichsam  ihre  Krafte  liehen,  zu  hoehangesehenen 
Zauberern,  wie  es  ja  tatsâchlich  auch  hente  kaum  einen 
erwachsenen  Anhànger  der  Ingiet  gibt.  der  niclif  zugleicli  Zau- 
berer  wâre.  Wurde  dann  der  Kranke  durcb  den  Ingiel-Zauber- 
meister  geheilt,  so  wurden  Freudenfeste  gefeiert,  die  sich  zu 
den  liputigen  Ingietfestliehkeiten  auswuchsen.  So  ist  der  Ingiet- 
Geheimbund  ans  Ahnenkult,  Geisterglaube  und  Zaubereikunst 
entstanden.  Dass  der  Ahnenkult  dem  Geisterglauben  und  der 
Geisterglaube  der  Zaubi'rerkunst  vorausging,  wili'p  deninacli 
auch  wohl  zu  denken. 

Nat-hdem  ich  so  im  ersten  Teil  meines  Yot rages  Ursprung  und 
Ziel  des  Ingiet-Bundes  gesrhildert  habe.komnie  ich  zum  II.  Teil  : 

II.  AUFNAHME    IN   DEN   INGIET-BUND.  VARVABA-ZAUBEREI.    DAS 

TUNTUAN.     INGIETSTEINBILDER.    E-MANGIT    UND  TUTANA-VURAKIT. 

Wegen  der  kurz  bemessenon  Yortragsfrist  kann  ii'h  das  ailes 
nur  ganz  kurz  beriihren. 

Wurde  jemand  schwer  krank,  sei  es  ein  Kind  oder  ein 
Erwachsener  —  auch  Personen  weiblirhen  Geschlechles  —  und 
vermutete  man,  dass  die  Krankheit  von  Ingietgeistprn  herrûhre, 
deren  Zorn  der  Kranke  durch  Unchrprhietigkeit  ihnen  gegeniibor 
hervorgerufen  batte,  sei  es,  dass  er  einen  Ingietplatz  betreten 
oder  iiberhaupt  mit  irgend  etwas.  was  dem  Ingipt  gehort.  und 
wàre  es  auch  nur  ein  Blatt  oder  Zweig,  von  einem  im  Ingiet- 
platz siehenden  Baume  oder  eine  Feder  von  einem  Ingiettânzer 
oder  etwas  Ingietkalkstauti  in  Berûhrung  gekommen  war,  so 
wurde  bpj^chlossen.  den  Kranken  in  einem  geheinien  Ingieti)latz 
der  im  Dirkicht  eines  Waldes  lag,  hinabzutragen,  damit  der 
Ingietzaubermeister  ihn  bezanbere  und  den  prziirnfen  Geist,  der 
dip  Ki'aukheit  verursacht  batte,  besrhwnre  und  wipder  besânf- 
tige.  Von  dem  Hinabtragen  des  Kranken  kommt  der  Name 
«  varvaba  di  Vaba  ia.  Man  triigt  ihn  hinab.  »  —  Der  Eingeborene 
sagt  niclU  in  den  Bu.'^i-h  Iiineingehen,  sondei-n  binabgeben.  — 
Mit  dieser  f«/'t!a6«-Zaubprei  ist  fur  den  Krankpn  mann'.ichen 
Geschlei-htes  immer  die  Aufnahme  in  den  Ingiet-Bund  verbun- 
den,  also  auch  der  Verzirht  auf  den  Genuss  von  Sclnveinefleisch. 

Am  festgeseizien  Tage  wird  der  Kranke  von  vei-wandten 
Mànnprn  und  Frauen  in  den  Ingietplatz  hinabgetragen.  Am 
Saume  des   hl.   Haines   wi'.ii    Hait    gemacht.    Upr   Zaubermeister 


376  J.    WINTHUIS 

dringt  allein  ins  Dickicht  vor,  uni  die  darin  hausenden  Ingiet- 
geister  zu  beschworen  uriid  aile  Gefahren.  die  durch  das  Betre- 
ten  des   hl.    Haines    entstehen    kônnen,   wegzuràumen.   In    der 
linken  Hand  tragt  er  feinen  Kalkstaub,  den  er  also  verhext   : 
«   A  kambang  tcratcre   (wird  immer  dreimal  gesagt). 
Vue  ta  pulung  na  iniet 
A  kambang  teratere 
Y  lie  ta  puhing  na  vup  »  u.  s.  w. 
«  Das  ist  der  Kalkstaiih  ;  er  hannl  jeden  ûblen  Einfluss  von 
dnm  in  den  Lûften  wirbelnden  Ingietfarbstoff.  » 

«  Das  ist  der  Zauberkalk  ;  er  banni  jeden  ûblcn  Einfluss  von 
umhertliegenden  Ingietflaunifedern.  » 

«  Das  ist  der  Zauberkalk  ;  er  bannt  jeden  ûblen  Einfluss  von 
den  Spinnengeweben,  die  einer  beim  Gange  zu  den  Ingiet- 
plàtzen  berûhren  kann  »    (1)   u.  s.  w. 

©er  Zaubermeister  beschwôrt  so  adle  Gegenstânde,  mit  denen 
die  in  den  Ingietplatz  Eintretenden  in  Beriihrung  kommen,  und 
von  denen  sie  dadurch  Schaden  nehmen  kônnten.  Ist  der  Zau- 
berspruch  gesprorlien  und  sind  die  Ingietgeister  und  aile  Ingiet- 
gegenstànde  beschworen,  diirfen  die  draussen  harrenden  Kran- 
kentràger  mit  dem  Kranken  eintreten,  jedoch  nur  die  mànnli- 
chen  ;  den  Frauen  ist  der  Eintritt  strengstens  untersagt.  Sobald 
aile  auf  den  Va/'vaba-Platz  angekommen  sind,  beflehlt  der  Zau- 
bermeister :  «  Breitet  die  notigen  Blàtter  aus,  damit  der  Kranke 
sich  darauf  seize.  »  Ist  das  geschelien,  so  befielili  der  Zauberer 
einem  seiner  Gehilfen  :  «  Bringe  ein  getrockneies  Kokosblatt 
herbei  ;  faite  es  und  lege  es  dori  hin.  »  Es  geschieht.  «  Und  nun 
brèche  ein  Karogonblait  - —  ein  schwarzes  Lom-Blaii  ab  und 
zwei  Qualipa-Zu-eige  ab  und  lege  siie  auf  das  Kokosblatt.  » 
Darauf  nimmi  der  Zauberer  die  Zweige  und  bcwegt  sie  wie 
beim  Tanze  hin  und  her,  dabei  die  Elaeler-Zauberei  spreehend 
und  Kalksiaub  verhexend  : 

.  «   A  kambang  elaeler 
Vue  ta.  va-tultuluva 
A  kambang  elaeler 
Vue  ta  pa-tultuluva  »  u.  s.  w. 


(1)    Slehe  Pater  Meier,  Jahr ester icht  fur  Handelsgeographie,  Stuttgart,  1911, 
S.   43    ff. 


DIK    IXGIET-MYSTERIEN    AUF    XEUPOMMEHN  377 

Zu  deutsch  :  «  Das  ist  der  Kalkstaub  fur  die  Elaeler-Zauberei; 
or  soll  bannen  jede  Krankhedt,  wo  der  Mensch  daliegt,  das 
Gesicht  vor  Weh  imd  Schmerz  an  die  Erde  gedrûckt.  » 

«  Das  ist  der  Kalkstaub  fiir  die  Elaeler-Zauberei.  Er  soll 
l)annen  jegliche  Krankheit,  die  den  Menschen  zwingt,  gebûckt 
und  gebrochen  einher  zu  schleichen.  » 

«  Das  ist  der  Kalkstaub  fur  die  Elaeler-Zauberei.  Er  soll 
verhiiten  jeden  dunklen  Schmutzifleoken  am  Korper  des  Kran- 
ken  »  u.  s.  w. 

Bei  den  letzten  Zauberworten  blâst  der  Zauberer  den  verhex- 
ten  Kalkstaub,  den  er  bei  Beginn  der  Formel  zwischen  Daumen 
und  Zeigefinger  der  rechten  Hand  genommen  batte,  auf  die  vor 
ihm  liegenden  Zweige.  Dann  umkreist  er  zweimal  den  Kranken, 
der  auf  Blàttern  ausgestreckt  vor  ihm  liegt.  Dabei  sc-huttelt  er 
die  Zweige  ûber  den  Kranken  vom  Kopfe  ange;fangen  bis  hinunter 
zu  den  Fûssen,  das  heisst,  er  bewegt  se^hr  schnell  zu  gleicher 
Zeit  seine  Arme  ûber  dem  Kranken  vom  Kopf  bis  zu  den  Fûssen 
indem  er  dabei,  wie  beim  Tanze,  trippelt.  Dann  wirft  er  die 
Zweige  weg.  Und  nun  blàst  er  den  verhexten  Kalk  gegen  den 
Kranken  und  zieht  mit  diesem  Kalk  Striche  ûber  den  ganzen 
Korper  des  Kranken.  Dann  nimmt  er  das  vor  ihm  liegende 
Kokosblatt  vom  Boden  auf,  bezaubert  und  ûbergibt  es  seinem 
Gehilfen  mit  den  Worten  :  «  Nimm  eine  brennende  Holzkohle, 
und  zûnde  das  Kokosnussblatt  damit  an.  »  Schon  brennt  es.  Er 
befiehlt  weiter  :  »  Erwàrme  jetzt  den  Kranken,  seine  Beine, 
seine  Huften,  seinen  Hais  und  sein  Gesicht.  »  So  gesrhiehts.  Der 
Gehilfe  ràuehert  den  Kranken  gleiehsam  von  allen  Seiten  ein 
und  wirft  naeh  vollendeter  Prozedur  auf  das  Geheiss  des  Zau- 
bermeisters  das  Kokosblatt  weg.  Dieser  nimmt  das  Karogon- 
blatt,  bezaubert  es  und  iihergibt  es  seinem  Gehilfen  mit  den 
Worten  :  «  Erwàrme  es  am  Feuer  und  erwârme  den  Kranken 
damit.  »  So  geschiehts,  und  der  Gehilfe  wirft  das  Karongonblatt 
weg  in  den  Busch. 

Der  Kranke  darf  nun  nicht  vergessen  dureh  sein  âusseres 
Gebahren  die  vortrefflirhe  Wirkung  des  Zaubers  den  Umstehen- 
den  zu  bestâtigen.  Er  schlàgt  die  Augen  auf  und  bewegt  sich  : 
<(  Ja  tnua  ann  ik  a  papait  go  i  laun  fana  u.  s.  w.  Potztausend, 
sagen  die  Umstohenden.  was  so  eine  Zauberei  nicht  ailes  fertig 
bringt  !  Ganz  kurz  zuvor  lag  er  daheim  noch  so  elend  da  ;  wir 


378  J.    WINTHUIS 

mussten  ihn  halten  imd  stûtzen,  wenn  er  sich  nur  ein  bischcn 
aufriehten  wollte  und  hier  auf  dem  Maravot-P\n[ze  kann  er  sich 
ganz  allein,  von  selbst  schon  aufriehten.  » 

Die  Vorwandten  des  Kranken  beeilen  sich  nun  den  Zauber- 
meister  und  seine  Gehilfen  mit  Muschelgeld  zu  bezahlen.  Ein 
Stûckchen  Muschelgeld  - —  a  )iir''il  palina  ka.  sechs  Schàlchen 
nur  —  hricht  er  von  dem  erhaltenen  Klafter  ah  und  wirft  es  in 
den  Busch  fur  die  Tiirangini-iU'ï^tt'w  d.  h.  fur  die  Seelen  der 
Verstortoenen.  denen  in  ihrem  Lelien  d^i-  \'aytY/6rt-Piatz  gehoide. 
Er  sprieht  dahei  die  Worte  :  «  Hier  ist  etwas  Muschelgehl  fur 
euch,  TurcDKjan-Gei^ter.  »  Darauf  l)eschliesst  das  iibliche  Betel- 
nusskauen  den  ganzen  Zauberakt. 

Nun  heisst  es  den  heiligen  Hain  wieder  verlassen.  Angst 
erfûllt  die  Kanakenseelen.  Sie  befûrchten  beim  Verlassen  des 
Platzes  mit  irgend  einern  Gegenstand  der  Ingietgeister  in  Be- 
riihrung  zu  kommen.  Darum  bitten  sie  den  Zaubermeister  um 
verhexten  Kalkstaub.  Der  Zaubermeister  murmelt  ûber  den 
Kalkstaub  sein  Spriichlein  und  reirlit  ihn  den  Umstehenden. 
Dièse  greifen  mit  grosser  Gier  darnach  :  «  O  bitte,  bitte  mir 
auch  eiii  wenig,  mir  auch,  mir  auch.  »  Alsdann  bemalen  sie  sich 
noch  den  Korper  mit  dem  Kalk  genau  wie  es  der  Zaubermeister 
beim  Kranken  getan  und  rufen  ein  langgezogenes.  grosses  ff/;-/ 
Darauf  spricht  der  Zaubermeister  mit  ungeheurer  Schnelligkeit 
einen  Ingietzauberspruch,  der  a  tata  vnrakt  (ununterbroehener 
Redefluss)   oder  auch  a  vinaheo  (Vogelruf)   genannt  wird. 

Die  wunderbare  Zauberkraft  des  To  Matikomkom  wird  jede 
Gefalir  beseitigen,  die  uns  droht  von  Seiten  aller  bôsen  Geister, 
von  den  Turangan  sowohl  wie  von  den  Ingiet  u.  s.  w.  u.  s.  \v. 
Dann  ruft  die  ganze  Versammlung  :  «  Aia  uap  I  »  Und  nun 
entfernen  sich  aile  beruhigt  und  tragen  den  Kranken  in  sein 
Gehoft  zurùck.  Dort  bitten  zurûckgebliebene  Frauen.  die  wàh- 
rend  der  Abwesenheit  des  Kranken  in  ihrem  Gehoft  verbliebon 
sind.  um  seine  Seele  festzuhalten,  den  Zaubermeister  ebenfalls 
um  etwas  Kalk,  womit  sie  sich  dann  die  hauptsàchlichslen 
und  wichtigsten  Zauberstellen  des  Kôrpers  wie  Ohren,  Brust, 
und  Nabel  bestreichen, 

Damit  ist  die  Vart'amèa-Zauberei  zu  Ende.  Darauf  folgt  das 
Tuntnon.  ein  weiteres  Zauberheilverfahren,  das  unmittelbar  nur 
einige  Stunden  nach  der   Varyamôa-Zauberei   an  dem  Kranken 


DIE    INGIBT-MYSTERIEN    ALT    NEUPOMMEUN  379 

ausgeiiht  wird.  E.s  geschipht  dièse  Cérémonie  besonders  aus  dem 
Grunde,  um  deni  Kranken,  der  dureh  die  Varvamba-ZsLXiherei  in 
den  Ingietbund  aufgenonimen  wurde,  beizubringen,  dass  er  nun 
tûr  immer  auf  den  Genuss  von  Sehweinefleisch  verziehten  muss. 
Er  wird  wie  bei  der  Vort)a»(6a-Zauberei  auf  einen  gebeimen 
Ingietplatz  getragen.  Dort  werden  zunàchst  dieselben  Zaube- 
reien  wie  beim  Varvamba  an  ibni  vorgenommen.  Dann  wird  ihm 
unter  verschiedenen  Paketen  eines  iiberreicht  mit  den  Worten  : 
«  0  r'amii  ik  a  borui  go  !  Hier  hast  du  Schweinefleiseh.  Zum 
letzten  mal  darfst  du  es  geniessen  ;  nie  und  nimmermehr  wirst 
du  es  verkosten  ;  mit  dem  Schweinefleisi-bessen  ist  es  nun  aus 
fiir  dich  fur  immer.  » 

Der  Kranke  greift  begierig  nach  dem  Bûndel  und  macht  es 
auf.  Wie  ist  er  enttauseht.  Naehdem  er  die  Hiille  entfernt,  hait 
er  nur  einen  abgenagfen  Schweinekopf  in  den  Hànden.  Der 
Zaubermeister  tut  dabei  ganz  entrûstet,  ebenso  bei  den  anderen 
Paketen, die  auch  nur  Ungeniessbares  enthalten.Er  weiss  jedocli 
ganz  genau,  dass  das  ailes  nur  Lug  und  Trug  ist.  Naehdem  der 
Kranke  die  Pakete  aile  aufgemacht  und  sich  von  dem  Betrug 
ûberzpugt  hat,  nimmt  der  Zaubermeister  sie  und  wirft  sie  in 
den  Busch. 

Dann  spricht  der  Zaubermeister  mit  den  anwesenden  Ingiet- 
miinnern  ein  Tata-vurakH,  wie  beim  Varvcnnbo,  und  darauf  wird 
dem  Kranken  ein  geheimnisvolles  Ingietsteinbild  gezeigt. 

Dièse  Ingietsteinbilder  kumen  urspriinglich  aus  Nakanai,  wo 
die  Bewohnei'  des  Nordostteiles  der  Gazelle  Halbinsel  das 
Muschelgeld  herbolten.  Sjtiiter  wurden  aus  Parstava,  Vairiki 
und  Tananaikiki  Ingietsteinbilder  hergestellt.  Aber  die  Einge- 
borenen  lachten  ûber  dièse  neueren  Stw'ke,  weil  sie  aus  papapn 
porôsem  Sandstein  liergestellt  waren.  Dièse  Ingietsteinbilder 
sfcllten  zunàchst  nur  Verstorbene  aus  der  Sippe  der  Zunft- 
biûder  dar.  Da  jedoch  spâter  beruchtigte  Ingiet  vorgaben,  sie 
konnten  sic!)  in  E-tnangit  in  ausserordentliche  Dinge  verwandeln, 
in  Frauen,  a  Vavina-tabdhib  aran,  in  Weibsteufel,  und  sie  ver- 
mochten  ibre  Seele  im  Sdilafe  in  Tiere  wie  in  Kàngui'uh.  Hunde, 
S(-hweine,  Raubvogcl  u.  s.  w.  hineinzuschicken  ;  so  verfertigten 
sie  in  der  Folge  auch  Ingietsteinliilder  die  Frauen  und  Tiere 
darstellend  und  in  ail  diesnn  Ingiefsteinbildern  sollten  sich  nach 
ihrer  Anschauung  die  Geister  der  Yerstorbenen  Ingiet  aufhalten. 


380  J.    WINTHUIS 

Dann  auch  in  den  sog.  Ingiet  oder  E-mangit-Tieren  vermuten 
sie  die  Eigcnschaftcn,  die  Maelit  uml  Gewalt  persunlicher  Geis- 
ter.  Sie  sind  ilinen  dalier  lieiliig  nnd  dalier  verfertigen  sie  die 
steinernen  Tierfiguren  und  erweisen  ihnen  und  den  in  ihnen 
wolmenden  (ieistern  Hochachtung  und  Ehrfurcht. 

Wenn  schon  die  gewohnliclien  Eingeborenen  mit  Sclirecken 
vor  den  niàchtigen  Ingietzaubererin  erfùUt  sind,  so  jagen  ihnen 
die  berik'htigten  B-?/io**^/f-Zauberer,  die  wohl  einen  zweiten 
h()heren  G]'ad  im  Ingietbunde  darstellen,  geradezu  Grauscn  und 
Ent.setzen  ein.  Und  mit  Reclit,  denn  die  E-mangit  gehen  mit 
unerlifirter  (T]■au^^amkeit  gegen  ihre  Feinde  vor.  Wenn  einer 
plotzlich  stirbt,  heisst  es  gewr)hnli('h  :  «  Das  E-tnangit  liât  ihn 
umgebraclit  »,  d.  h.  ein  Turangan-Geist.  Es  war  aber  der 
schlaue  £'-A/((//';//ï-Zauberer,  der  mit  seinem  Holiuspokus,  seinem 
aberglàubiscben  Getue  und  seinen  grosssprecheriselien  Wor- 
ten,  dass  er  mit  màehtigen  Geistern  in  Verbindung  stànde,  auf 
die  Dummheit  der  Masse  und  ihre  so  leicht  erregbare  Phanta- 
sie  und  ibr  aberglaubisehes  Geifûlil  spekuliert  und  aile  Mord- 
taten  den  Turangan-Geistern  zusehreibt,  in  Wirkliebkeit  aber 
selbsi  mit  Hûlfe  von  Helfershelfern  seinem  Feinde  den  Garaus 
marbt,  indem  er  tien  Niehtsahnenden  plotzlich  hinterrûcks  ûber- 
fâllt,  ihm  von  hinten  einen  spitzen  Stock  oder  ein  abgebrocbe- 
nes  Messer  in  den  I.eib  stosst,  ihm  den  Hais  umdreht  und  ihm 
wuchtige  iSchlàge  auf  die  Gurgel  versetzt,  so  dass  er  nicht 
ni'dir  si)rechen  kann.  Mit  vieler  ^Mûhe  eiTeicht  der  so  schwer 
verwundele  sein  Gehoft,  legt  sicli  dort  auf  seine  Matte  und 
stirbl.  Blut  ist  ihm  aus  Mund  und  Hais  gequollen  und  die  Leuto 
sagen  :  «  A  E-maiigit  i  innbia.  Das  E-maiigit  hat  ihn  umge- 
bracht.  » 

Bevor  ich  den  2.  Teil  meines  Vortrages  beendige,  muss  ich 
noch  ein  Wort  iiber  den  Tutnna  curakit  sagen,  der  mich  gleich 
zum  3.  und  letzten  Teil  meines  Vortrages,  dem  Varvanira  fûhrt. 

Ist  die  Vnrvamba-  und  ri//*fwo»-Ceremonie  geschehen,  so  neh- 
men  die  neuen  Ingietkandidaten  6-8  Wochen  Aufenthalt  in 
einer  abseits  gelegenen  Hiïtte,  \vo  sie  sich  verbergen  und  im 
ûbrigen  nichts  tuen.  Niemand  darf  sie  selien.  Sieht  sie  jemand, 
muss  der  Betreffende  eine  Muschelgeldstrafe  zahlen.  Nur  die 
alten  Ingietleute  dûrfen  sich  ihnen  nâhern.  Ja,  es  herrscht  die 
Sitte,   dass   die  àlteren  Ingietleute  die  jungen    Kandidaten  in 


DTK    IXGIET-MYSTERIEN    AUF    NEUPOMMËRN  381 

ihrer  Wartezeit  vor  den  Ingietfesten  manchmal  des  Nachts 
ûberfallen  und  sie  mit  Frûchten,  Steinen  und  Knûppeln  hewer- 
fen.  Sohnell  miissen  sieh  die  so  Bedrohten  auf  das  im  Ingiet- 
platz  errichtete  Kletterhaus  flûehten.  Wehe  dem,  der  diesen 
Zufluchtsort  nicht  erreicht.  Er  wird  zuni  Tutana-vurakit,  zum 
wilden  Waldmensclien,  zum  ewigen  Juden.  (S.  Anthmpos.  Y.  Bd., 
1910,  S.  109  ff.) 

Ich  komme  zum  dritten  und  letzten  Teil,  dem.  sog.  varvanira, 
zn  dr>n  eigpntliclipn  Ingietfeierlirlikpiten. 

III.    DIE   INGIETFEIERLICHKEITEN.      DAS    VARVANIRA. 

Fur  dièse  von  Kanakon  der  nordôstl.  Gazelle-Halbinsel  Neu- 
pommerns  sehr  liegehiien  Festliehkeiten  wurde  immer  die 
schune  Jahreszeit,  d.  h.  die  Zeit  des  Siidostmonsuns,  die  von 
Mai  bis  Oktober-November  dauert,  ahgewartet.  Mittlerweile 
bemiihten  sich  auch  die  Verwandten  der  neuen  Ingietkandidaten 
grosse  Pflanzimgen  anzulegen,  um  dureh  den  Yerkauf  und 
Erlôs  der  Feldfrûchte  das  fur  die  Aufnahme  ihrer  Familien- 
mitglieder  nôtige  Muschelgeld  zu  erwerben.  Denn  gar  viele 
Klafter  Muschelgeld  sind  dazu  von  Noten. 

War  dann  die  schdne  Jahreszeit  herangeriiokt,  wurde  in 
Erw  artung  der  grossen  Festliehkeiten  der  Jubel  allgemein.  Der 
Kriegslàrm  verstummte,  die  Feindseligkeiten  zwischen  den  ein- 
zelnen  Dorfen  und  Stâmmen  hôrten  auf.  wenn  es  auch  vorkam, 
dass  plutzlich  inmitten  der  grossen  Festliehkeiten  die  wilden 
alten  Fehden  wieder  losbrachen  und  dabei  oft  eine  Anzahl  von 
Menschen  getotet  wurden.  Parkinson  erzâhlt,  in  seinem  Bûche 
Drrissig  Jahre  in  der  Sûdsee,  von  solehen  bei  Ingietfeierlichkeiten 
plôtzlich  hervorgerufenen  Mordszenen,  wobei  einmal  ûber 
100  Menschen  erschlagen  wurden  (1). 

Aber  im  allgemeinen  ruhten  die  Wafïen.  und  woit  und  breit 
bereiteten  sich  die  Eingeborenen  auf  die  so  sehnlichst  er- 
wartefen  Festliehkeiten  vor.  Besonders  grossen  Fleiss  ver- 
wendeten  sie  schon  Monate  vor  ihrem  Beginn  Tag  und  Nacht 
mit  der  Einûbung  ihrer  Tânze.  Die  Mana  (Uneingeweihten)  wid- 
meten  sich  der  Tanzkunst  auf  freien  Plàtzen,  auf  denen  jeder- 
mann    zuschauen   konnte,    wâhrend   die    Ingietmitglieder     ihre 


(1)    Parkixson,    Dreissig    Jahrc    in    d(r    Sudsrr^    S.    609.    Auch    P.    .1.    Meier 
oiNvahnt   einen   soichen   Vorfall,   Anthr.,  Bd.  VII.   S.   839. 


382  ,  .1.    WINTHUIS 

Tànze  im  Dickicht  (1er  Wàlder  auf  ihren  geheimen  Ingiptplaf  zen 
einûbten,  zu  denen  Nichtmitglieder  keinen  Zutritt  hatten. 

Lange  Tage  vor  den  Festlichkeiten  wurden  grosse  Mengen 
von  Esswaren,  wie  Kokosnùsse,  Tare,  Yam,  Bananen  vor  allem 
zu  Bereitung  ihres  Nationalgericlites,  des  Pynvj)iir.  in  die 
Geliôfte  geschleppt.  Borstentràger  wurden  eingefangen  und  am 
Tag  vor  Beginn  der  Feierlichkeiten  gesclilaehtet  und  mit  Be- 
malungen  gesehmûekt. 

War  endlich  der  grosse  Tag  erschienen,  dann  st.romte  ailes 
in  jenen  Distrikt,  der  in  deni  Jahr  zuni  Scliauplatz  der  grossen 
Ingietfeste  auserselien  war.  Es  fanden  namlich  dièse  Feste 
abwechselnd  jedes  Jalir  in  dem  einen  oder  anderen  Distrikte 
statt.  Was  keine  Sitte  vermoehte,  das  brachte  der  Ingiet  zu 
Wege.  Die  sonst  einander  so  feindlicli  gesinnten  Angehôrigen 
der  einzelnen  Dôrfer  und  Sippen  kamen  zusammen,  tausende 
und  abertausende.  Der  Ingiet  war  das  einzige  sie  einigende 
Band.  Sie  sehienen  dann  gleichsam  zu  erkennen,  dass  sie  docb 
Angehôrige  eines  Volkes  seien,  die  Blutfeindsehaft  ruhte  und 
die  erbitterstein  Feinde  tanzten  friedlieh  nebeneinander,  reich- 
ten  sich  die  Betelnuss  und  waren  auf  einmal  Freunde  geworden. 

Ans  dem  bisber  Gesagten  ersieht  man,  dass  an  den  eigent li- 
chen Ingietfeierlichkeiten  das  ganze  Volk  teilnahm.  Wir  konnen 
aber  bei  diesen  Mysteriensehlussfeiern  zwei  Telle  unterschei- 
den,  einen  rjffpntliphen.  an  dem  aueh  die  Nichtmitglieder,  die 
sog.  mava,  aucli  Frauen  und  Kinder  teilnahmen  und  einen  gehei- 
mem  Teil,  der  aus  den  geheimen  Ingietversammlungen,  die  auf 
dem  Maramoro-  oder  Maravot-Plàtzen  im  dunklen  Dickiebi  der 
Wàlder  unter  Ausschluss  jeglicher  Zuschauer  stattfanden, 
bestand. 

Auf  einem  dieser  Geheimplàtze  wurde  die  Einweihung  der 
Kandidaten  durch  Vorzeigen  von  Steinbildern  u  varvanira  »  vor- 
genommen.  Darauf  erhielten  sie  einen  neuen  Namen,  den  sog. 
Ingietnamen.  Dadureh  bekamen  sie  eine  hohere  Weibe  un-d 
Wûrde  und  wurden  sie  endgiiltig  in  dem  Bund  aufgenommen. 
Nach  der  Einweihung  machte  der  Zauberer  eine  Zauberei  an 
ihnen,  indem  er  ihnen  mit  verhextem  Kalkstaub  den  Bauch, 
Ohr,  Stirne,  Ellenbogen  und  Kniegelenkbestrich  und  sie  mit 
einem  weissen  und  roten  von  Sehulter  zu  Schulter  ûber  die 
Briisl    hinl;nif(>n  bui  Stricli  bemalte.  Dann  verhexte  er  Ingwer- 


ni.lî    IMilET-MYSTERlEN    AFF    .\Erin)MMErvX  383 

strâucher  mit  folgenden  Worten  :  <(  Ingwer,  der  vertreibt, 
Ingwer,  der  vertreibt  jeden  bosen  Einfluss  des  Ingietgeistes, 
jeden  bô^artigen  Moderstaub,  jeden  Fieberschauer,  jedes  Zit- 
tern,  jeden  Schûttelfrost.  »  Hierauf  reichte  der  Iniataltmeister 
den  umstehenden  Inielmànnern  verhexte  Ingwerknollclien,  biess 
sie  sie  kauen  und  damil  die  Kandidaten  auf  Brust.  Kniescbeibe, 
Sehulter  and  Rûcken  anspeien... 

Jetzt  fàrbten  sieb  die  Kandidaten  ibr  Haupthaar  rot  und 
sfhmïK'kten  sieb  mit  Federbuscb  und  zierlichen  Bast-  und 
Muschelringen.  Dann  niarschierten  sie  im  Gànsemarsch  ans 
dem  Ingietbezirk  fort,  binant  in  die  Gebôfle  zu  den  Frauen  und 
Uneingeweibten.  • 

Dort  erôffneten  zwei  aile  Frauen  von  den  beiden  versebiede- 
nen  ;Stâmmen  den  Tanz.  Dièse  beiden  Yertreterinnen  des 
Menschengesrblecbtes  gaben  die  neuen  Ingietmànner,  die  dureh 
die  Ingietweibe  abgesondert  worden  waren.  gleidisani  ibrom 
Yolke  wieder  zurûck.   {Anthr.,  Bd.  YI,  S.  861  ff.) 

An  den  folgenden  Tagen,  fûbrten  die  alten  Ingietmànner 
zusammen  mit  den  Neuaufgenommenen  in  den  geheimen  Ingiet- 
plâtzen  ibre  Ingiettanze,  auch  Varvagira-Ta.nze  genannt,  auf. 
Dabei  ist  besonders  bervorzubeben,  dass  hoch  oben  auf  einem 
Baume,  auf  einem  Gerûst,  das  in  Form  eines  Kabnes  erbaut 
war.  einige  der  Ingielmitglieder  tanzten.  Parkinson,  der  auch 
von  einem  solehen  Tanze  erzàblt  {1.  c,  S.  607),  wusste  wohl 
nicht,  dass  der  Kahn  das  Bild  ist,  dessen  die  Eingeborenen  des 
Nordoststammes  der  Gazelle  Halbinsel  sich  bedienen,  um  die 
genitalia  mulieris  darzustellen.  Im  ubrigen  bebt  aucb  Parkin- 
SON  hervor,  dass  bei  Gelegenheit  der  Varvagira-Tanze  die  Ver- 
sammlung  der  Ingiet  in  wilde  Orgien  ausarteten  {l.  c,  S.  609). 
Wenn  der  Tanz  der  Ingiet  zu  Ende  und  ibr  Schreien  und  Toben 
in  Raserei  aus,g,eartet  war,  sicbrie  der  Anfûbrer  :  «  Mânner 
sprecbt  es  aile  :  Blut  eines  Ermordeten  !  »  Wie  die  bescssenen 
Teufel  sprangen  sie  dann  auf  und  nieder,  dass  die  Erde 
erdrohnte  und  sie  sclu'ieen  in  wildem  Cborus  :  «  A  gass  na  virua  ! 
Blut  eines  Ermordeten  !  » 

Dann  leitete  der  Anfûbrer  durcli  Worte  und  Geberden  zu 
unzûehtigen  Dingen,  Sodomiterei  u.  s.  w.  ùber. 

Darauf  kam  der  Schlussakt  :  Das  Festessen.  dessen  Bestand- 
teib-.  wie   tluhner,  Taros,  Bananen,  Yams  und  Kokosnusse   sie 


384  -î.    VIROEN 

sich  von  den  Mana,  rien  Uneingeweihten,  dem  Ingiethund  nicht 
angehiirenden  ofi  znsamniengoi'auht  liatten.  Dièse  sind  wie 
hypnotisiert,  wenn  die  Ingiet  mit  wildem  Geschrei  in  ihre 
GeliTjfte  und  Pllanzungen  eindringen  und  dort  rauben  und  pliin- 
dorn  was  ihnen  gefàllt.  Niemals  wiirde  so  ein  Mann  den  Mut- 
haben,  gegen  die  mit  allen  Teufeln,  —  wie  sie  walinen  — 
verbiindeten,  in  der  Zauberei  erfahrenen  Ingiet  aufzutreten. 

Aiich  in  dieser  wûsten  Raub-  iind  Plûnderkist  zeigt  sich,  dass 
der  Ingiet  die  Hochburg  des  Kanal^entums,  d.  h.  die  Hochburg 
des  kanakischen  Heidentums  ist.  Ueberhaupt  offenbaren  die 
Ingietmysterien  das  ganze  tSeelenleben  der  Eingeborenen,  vor 
allem  wie  ilire  ûppige  Plianta&'te  sich  in  den  bizarrsten  Yorstel- 
lungen  ergeht,  und  wie  besonders  auch  ihr  an  Wahnsinn  gren- 
zender  iStolz,  iiire  Habsucht  und  ihre  Sinnlichkeit  auf  ihre 
Reohnung  kommen. 


[27]  Les  sociétés  secrètes  des  Marind, 

par  le  R.  P.  ViEGEN,  M.  S.  C. 

Le  peuple  marind  est  établi  sur  la  côte  sud  de  la  Nouvelle 
Guinée  hollandaise,  entre  le  tleuve  Jower  (Fly  River  des  cartes 
anglaises)   et  le  Digoel. 

Tout,  dans  ses  usages,  jusqu'aux  moindres  détails,  a  une 
signification  sacrée.  L'explication  en  est  tenue  rigoureusement 
cachée,  les  plus  terribles  vengeances  des  ancêtres  étant  à  re- 
douter dans  le  cas  où  elle  serait  divulguée.  La  crainte  rend 
donc  les  indigènes  muets  sur  ces  questions  (1),  et  l'on  doit  peu 
attendre  des  confidences  personnelles.  Mais  ayant  pu  assister  à 
leurs  cérémonies,  répétées  à  des  dates  fixes,  à  l'intérieur  d'un 
cycle  d'années  bien  déterminé,  je  suis  arrivé  è  penser  que 
tout  leur  culte  exprime  l'origine  et  vise  à  assurer  la  conserva- 
tion de  leur  tribu.  Je  découvris  surtout  la  clef  de  leurs  mys- 
tères, quand  je  fus  amené  à  reconnaître  dans  quelles  relations 
étroites  ils  se  trouvent  avec  la  configuration  de  leur  pays.  On 
en  conviendra,   ce  me  semble,   si  l'on  examine  avec   attention. 


(1)  Je  vis  un  jour  un  vieillard  se  jeter  dans  mes  bras  et  me  supplier  avec 
larmes  de  ne  pas  révéler  un  secret  que  j'étais  parvenu  à  saisir  :  les  arbres,  les 
cocotiers  et   la   nat   rc   cllemême,    disait-il,    seraient   frappés   de   stérilité. 


LES    SOCIÉTÉS    SE<]RÈTES    DES    MARIND 


385 


au  terme  de  cet  entretien,  la  carte  que  je  mets  ici  sous  les  yeux 
du  lecteur. 


Di^L 


Afiaiti- 
Bi'Pcek 
VIendo 
,  Bahor 

JroLU/êtIe  0Lilnée  koll.  ^^ 

Cote  sud  ,,  ç,j^ 


Exposer  comment  le  pays  des  Marind  est  l'image  du  mystère 
marind,  tel  sera  l'objet  de  la  présente  conférence. 

Je  diviserai  mon  sujet  comme  il  suit   : 

1°  If  nom  de  Marind  et  sa  signification  ; 

2°   la  vie  sociale,  familiale  et  religieuse  des   Marind  ; 

3°  les  quatre  sociétés  secrètes  Sosom,  Harapa,  Imo  et  Majo. 

Après  avoir  étudié  ces  divers  points,  je  dégagerai  les  conclu- 
sions. 

I.  LE  NOM  DE  MARIND  ;  SA  SIGNIFICATION. 

Le  Marind  est  un  coupeur  de  têtes,  c'est-à-dire  qu'il  fait  la 
chasse  à  son  semblable  pour  lui  couper  la  tête.  Si  vous  lui 
demandez  pourquoi  il  se  livre  à  cette  besogne  affreuse,  il  vous 
dira,  sans  vergogne,  que  c'est  pour  avoir  à  donner  des  noms  à 
ses  enfants.  De  fait,  le  dernier  cri  que  lance  leur  victime  sert 
comme  tel. 

On  ne  connaissait  d'abord  d'autre  nom  de  la  population  que 
celui  de  Toegeri.  Mais  lui-même,  le  Marind,  déclare  ne  connaître 
d'autre  dénomination  que  celle  de  Marind.  Cependant,  inter- 
rogé de  manière  plus  pressante,  il  finit  par  répondre,  avec  une 
certaine  hésitation  :  «  Soit  dit  entre  nous,  Toegeri  ou  plutôt 
Toeger  est  notre  nom  officieux,  tandis  que  Marind  est  notre  nom 
ofiiciel  ». 

25 


386  J.    VIEGEN 

Ainsi  déjià,  avec  le  nom.  nous  entrons  dans  le  rèigno  du  mys- 
térieux. 

On  dit  aussi  du  pays  qu'il  est  marind.  Tout  de  suite  les  Marind 
vous  diront  qu'eux  forment  le  centre  (în  =  milieu) ,  eux  le  rœur 
{bëkai)  du  pays,  que  c'est  eux  qui  en  sont  le  noyau,  l'intérieur 
{korma) .  Ils  se  croient  donc  autorisés  à  s'adjuger  le  nom  de 
marhui-ha,  qui  veut  dire  «  vrai  Marind   ». 

Quelle  est  maintenant  la  signification  du  mot  Marind  ? 

tJne  nuil  j'étais  lallé  assister  aux  fêtes  de  la  tribu.  Dans  les 
lueurs  rousses  des  feux,  se  trouvaient  réunis  50  à  60  hommes, 
qui  représentaient  des  «  Esiprits  »  et  qui,  en  cette  qualité,  de- 
vaient administrer  aux  jeunes  candidats  le  baptême  d'admission 
dans  la  société  des  Majo's.  Tandis  que  je  passais  la  longue 
ligne  des  Esprits,  sans  me  doutei'  de  quoi  que  ce  soit,  voilà  que 
tout  à  coup  un  rassemblement  se  fit.  Un  petit  groupe  de  femmes 
s'en  vint,  toutes  consternées  et  ahuries,  se  presser  autour  des 
«  Esprits  »,  f^n  criant  :  «  I.e  Somb-Anrm  de  Jêi  (une  tribu  de 
l'intérieur)  et  la  Maro-sav  sont-ils  présents  ?  »  Pas  une  d'elles 
assurément  ne  doutait  de  la  présence  des  personnes  nommées  ; 
mais  elles  agissiaient  ainsi  parce  que  c'est  honorer  grandement 
quelqu'un  que  de  paraître  s'intéresser  à  lui.  L'incident  m'apprit 
quels  «  Esprits  »  remplissent  le  rôle  principal  dans  ces  réu- 
nions :  le  vieillard  ou  Grand  Seigneur  de  Jêi  et  la  femme  [sav  : 
femme  mariée)  nommée  Maro.  Ma  première  pensée  fut  celle-ci  : 
alors  Marind  ne  peut  signifier  autre  chose  que  «  les  descendants 
de  la  concubine  ».  Je  dirai  plus  tard,  en  parlant  du  mystère,  de 
quel  droit  je  fais  dériver  Marixd  du  nom  de  «  Maro  »,  qui  est 
un  mot  mélanésien. 

II.  VIE  SOCIALE,   FAMILIALE    ET   RELIGIEUSE  DES   MARIND. 

Si  jamais  l'adage  <*  Nomen  est  omni  »  a  été  vrai,  c'est  bien 
dans  le  cas  présent.  Le  Marind  est  le  fameux  coupeur  de  têtes  et 
descend  de  la  prostituée  ;  sa  vie  sociale,  familiale  et  religieuse 
en  porte  clairement  le  cachet. 

Les  têtes  qu'il  a  capturées  dans  ses  chasses  à  l'homme,  il 
les  suspend  au  faîte  des  maisons  des  hommes.  Si  les  n>âchoires 
s'en  détachent  et  tombent  à  terre,  il  les  enfile  à  une  lance,  qu'il 
plante  en  terj'e  dans  l'enclos  devant  sa  hutte.  Les  vieilles  têtes 
et  crânes,  il  les  suspend  en  grappes  à  l'arrière  façade.  Il  les 
consacre  à  l'Etre  suprême  ;  elles  sont  donc  tabou. 


LRS    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    DES    MARIND  387 

Pour  la  même  raison,  il  se  glorifie  de  ce  que  la  tribu,  la 
société,  voire  même  la  fainille  ne  reconnaissent  pas  de  chef, 
du  moins  offîciellement.  Je  dis  :  même  la  famille.  Nulle  part 
en  effet  t)n  ne  rencontre  ce  maisons  destinées  à  une  seule 
famille  ;  ce  sont  partout  des  habitations  communes,  soit  aux 
hommes,  soit  aux  femmes  ;  jamais  d'habitations  mixtes. 

Tant  que  les  enfants  sont  jeunes,  ils  habitent  les  maisons 
destinées  aux  femmes.  Mais  une  fois  arrivé  à  Tâge  de  dix  ou 
douze  ans,  le  garçon  doit  se  séquestrer  avec  les  jeunes  gens, 
le  jour  dans  les  endos  et  plantations  à  eux  destinés,  hors  du 
village,  la  nuit  dans  la  maison  des  hommes,  où  ceux-ci  vont 
dormir. 

Quand  le  jeune  homme  a  atteint  l'âge  nubile  {miakîm) ,  il  peut 
non  seulement  participer  à  la  vie  ordinaire  du  village,  mais  il  a 
aussi  droit  de  parole  dans  les  délibérations  publiques.  Car  chez 
les  Marind  tout  se  décide  dans  'le  conseil  municipal,  où  Ton  ne 
reconnaît  pas  de  chef  ou  président. 

Assez  souvent  l'homme  marié  [amwcDiggib)  a  la  parole  ;  en 
fait  cependant,  si  Ton  connaît  quelque  peu  la  langue  et  si  l'on 
observe  de  plus  près,  on  s'aperçoit  vite  que  ces  jeunes  gens  ne 
sont  que  les  i)orte-voix,  les  aides  parlementaires  des  anciens 
de  leurs  familles. 

Le  Marind  reconnaît  le  mariage,  bien  que  la  vie  publique 
semble  le  réduire  à  bien  peu.  Il  reconnaît  même  un  double  ma- 
riage, ique  nous  distinguons  en  mariage  de  droit  privé  et  mariage 
de  droit  public.  Le  mariage  de  droit  privé  est  celui  où  l'on  peut 
se  connaître  mutuellement,  mais  sous  la  condition  que  le  ma- 
riage reste  sans  enfants.  —  iGe  mariage  est  monogame  et  l'on 
veille  sévèrement  à  ce  qu'il  le  soit  réellement.  Le  mariage  privé 
devient  de  droit  public,  non  pas  lorsqu'il  est  offîciellement  re- 
connu comme  tel,  mais  lorsque  la  femme,  qui  s'appellera  dès 
lors  iiôh  sav,  c'est-à-dire  Uduvellement  mariée,  devient  comme 
'le  bien  public  des  hommes,  donc  une  prostituée,  et  le  nouveau 
marié,  le  nôh  asav,  le  mari  commun  des  femmes  ;  dans  les  deux 
cas  cependant  certaines  prescriptions  fixes  seront  à  observer. 
Pour  deux  ou  trois  ans  encore,  il  ne  leur  sera  pas  pei'mis 
d'avoir  d'enfants  et  ce  ne  sera  que  lorsque  la  femme  aura  été 
incor])orée  dans  la  société  secrète  de  Sosom,  que  i;e  droit  lui 
sera  octroyé.  C'est  alors  f]ue  le  Marind  i)ai'li'ra  de  la  fiUe- 
enceinte,  mes-iwage. 


388  J.  VIËGEK 

Dans  le  mariage  privé  devenu  de  droit  public,  ce  que  l'on 
honore,  c'est  'la  virilité  de  l'homme.  Comme  preuve  de  ce  que 
je  dis,  je  pourrais  citer  le  culte  de  l'esprit  Kovci-Mit.  Cet  esprit 
est  mâle,  mais  censé  en  état  de  grossesse.  A  la  partie  extrême 
de  ses  parties  sexuelles  on  donne  le  nom  de  «  tête  renversée  ». 
—  Tête  renversée  :  voilé  qui  nous  dit  l'origine  et  l'objet  du 
mystère  qui  enveloppe  la  vie  religieuse  du  Marind. 

Essayons  d'éclairer  ce  point. 

1°  Les  origwcs.  —  Il  y  a  bien  longtemps,  disent  les  Marind, 
la  vie  en  ce  bas  monde  était  bien  autrement  facile  et  agréable. 
Malheureusement,  tout  fut  bouleversé.  Depuis,  le  bien,  le  beau, 
le  vrai  furent  comme  submergés  ;  le  mal,  le  laid,  le  mensonge 
surnagèrent  seuls.  Un  jour,  une  vieille  amie  me  fit  des  plaintes 
amères  :  «  A  cette  révolution,  me  dit-elle,  le  règne  de  la  Belle 
Fille  prit  fin  et  cette  révolution  également  exerça  des  effets 
désastreux  sur  la  tradition,  les  mœurs  et  la  langue  ». 

C'est  à  la  «  Belle  Fillf  »  (jue  vont  toujours  leurs  désirs  les 
plus  intimes  et  quiconque  entend  leurs  complaintes  touchantes 
craindrait  de  mettre  en  doute  la  sincérité  de  leur  douleur,  s'il 
n'était  mieux  renseigné.  Cette  «  Belle  Fille  »  est  pour  nous 
l'Antigone  de  'la  mère  des  Marind,  qu'ils  désignent  du  nom  de 
«  co-épouse,  concubine  ». 

La  tradition  subit,  elle  aussi,  une  transformation.  Est-ce  de 
cette  époque  que  date  la  distinction  entre  tradition  et  révélation 
(les  Marind  possèdent  en  effet  des  mots  différents  pour  dési- 
gner ces  deux  idées)  et  que  fut  établie  comme  gardienne  de  la 
révélation  la  caste  brawa-anem  ? 

Autrefois,  disent-ils  encore,  les  mœurs  étaient  pures  et  notre 
nation  la  plus  noble  et  la  plus  charmante  qui  fut  au  monde. 
Malheureusement,  cet  état  paradisiaque  n'a  pas  duré.  Aujour- 
d'hui, les  coutumes  sont  dépravées. 

La  langue  elle  aussi  aurait  été  transformée.  Le  vocabulaire 
primitif,  comme  les  Marind  me  l'ont  assuré  maintes  fois,  se 
composait  exclusivement  de  termes  polis  ;  aujourd'hui  il  abonde 
en  injures  grossières.  Les  nobles  Gebsê  seuls  ont  conservé  quel- 
que chose  de  cette  distinction  originelle  du  langage.  Aussi  leur 
chef,  nommé  Sami,  porte-t-il  encore  toujours  le  nom  de  «  fils 
de  la  belle  fille  ». 

Le  caractère  du  peuple   est  dissimulé.  On   aurait   tort  de   se 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    DES    MARLND  389 

fier  purement  et  simplement  même  aux  paroles  des  Gebsê.  Non 
seulement  ils  s'expriment  en  métaphores,  comme  tous  les  au- 
tres, ce  qui  prête  à  Téquivoqup,  mais  aussi  ils  disent  souvent  le 
contraire  de  ce  qu"ils  pensent.  Le  langage  des  Gehsê  d'ailleurs 
est  rauque  et  guttural,  comme  celui  des  autres  tribus,  et  ne 
révèle  aucun  trait  plus  primitif. 

Pour  donner  une  idée  du  secret  des  Marind,  je  n'ai  présenté 
jusqu'ici  que  quelques  données,  recueillies  de  leur  propre  bou- 
che. Qu'il  me  soit  permis  d'ajouter  une  conjecture  personnelle. 

Où  cette  révolution  a-t-elle  commencé  ?  —  Au  Koembe.  Si  nous 
passons  cette  rivière,  surtout  si  nous  poussons  nos  investiga- 
tions jusqu' h Sangase,  un  fait  nous  frappe  de  prime  abord  :  c'est 
le  nombre  considérable  de  mots,  inversions  fidèles  de  l'idiome 
qu'on  parle  de  l'autre  côté  de  la  rivière.  Une  fois  ce  fait  cons- 
taté, je  me  demandai  :  cette  confusion  de  langue  n'aurait-elle 
pas  été  provoquée  à  dessein,  et  alors  la  langue  primitive  ne 
serait-elle  pas  devenue  la  langue  sacrée*  défendue  ?  Le  fait 
qu'un  nombre  considérable  d'objets  sacrés  portent  des  noms 
purement  mélanésiens  a  amené  cette  supposition.  M'appuyant 
sur  ce  fait,  je  me  crois  en  droit  de  donner  une  signification 
mélanésienne  au  mot  maroe,  comme  je  vous  ai  dit  en  donnant 
son  étymologie. 

§°  Objet  du  mystère.  —  Le  Marind  n"est  pas  peu  fier  du  grand 
nombre  des  'langues  qu'on  parle  dans  son  pays.  Un  jour  je  de- 
mandai à  mon  ami  .Jangger  la  raison  de  cette  grande  diversité 
de  dialectes.  «  OvVk  boivcw  me  en  »,  répondit-il.  Cela  veut  dire  : 
la  langue  est  le  totem,  la  part  {boan)  du  membre  viril,  en  d'au- 
termes  termes  :  seminare  est  loqui.  Qu'on  songe  à  ce  que  nous 
avons  dit  plus  liaut  (p.  388)   sur  la  tiête  renver-sée. 

Autre  question  :  d'où  vient  l'idée  de  la  tête  renversée  ?  Nous 
ne  saurions  mieux  expli(iuer  ceci,  qu'en  étudiant  quelques  dé- 
tails des  conceptions  religieuses  propres  aux  Marind. 

Le  Marind  croit  à  un  Etre  suprême,  unique  comme  le  soleil, 
subsistant  par  lui-même,  immensément  riche,  créateur  de  tou- 
tes choses  et  maître  de  l'univers.  Le  nom  de  cet  Etre  suprême 
est  :  Gèbe.  Nous  dérivons  ce  mot  du  mélanésien  :  gaivai,  gawe, 
qui  signifie  «  faire  »,  et  (jui  est  vraisemblablement  analogue 
au  mot  marind  koivu,  koive,  oge.  à  signification  identique.  Le 
Marind  se  présente  Gèbe  comme  un  être  colossal,  dont  la  tête 


390  J.    VIEGEN 

s'élève  iinmensurahlement  au-dessus  du  soleil  et  dont  les  pieds 
s'enfoncent  à  égale  distance  au-dessous  de  la  terre,  qui  forme 
son  nombril.  Un  bras  s"étend  jusqu'à 'rextréme  Sud,  l'autre  jus- 
qu'à Textrênie  Nord.  Si  le  Marind  prétend  que  Gèbe  a  deux 
femmes,  ces  femmes  sont  ses  deux  bras. 

Un  jour  Gèbe  fut  décapité.  Des  garçons  s'amusaient  aux 
bords  de  la  mer  là  chasser  des  poissons  avec  leurs  flèches.  Un 
jour,  quelques-uns  manquaient  à  l'apipel  et,  comme  il  en  dis- 
paraissait une  seconde  et  une  troisième  fois,  on  résolut  de  les 
surveiller.  Ainsi  fut  fait.  On  vit  apparaître  quelqu'un  et  on  lui 
donna  la  chasse.  Il  s'enfuit  dans  l'intérieur  du  pays  et  on  Ty 
poursuivit.  On  le  saisit  enfin...  Koema.  Nous  demandons  ce  que 
ce  Koema  signifie  ici.  La  réponse  est  :  «  Koema,  mais  cela  veut 
dire  Koema.  »  Nous  voilà  en  présence  d'un  mot  mystérieux, 
qu'on  retrouve  à  chaque  pas  dans  la  vie  du  Marind.  Il  signifie  : 
<(  en,  dans,  intérieur,  centre  »  et  puis  «  caché,  confldentiel, 
secret  »,  mais  il  désigne  aussi  les  parties  secrètes  de  la  femme. 
Nous  traduisons  ici  le  mot  par  :  «  fosse  », 

A  leur  grande  stupéfaction,  les  hommes  découvrent  qu'ils  oiu 
capturé  Gèbe  et  ils  hésitent  à  le  tuer.  Mais  'les  femmes  insistent, 
en  promettant  d'apporter  de  l'eau  dans  des  tuyaux  de  bambou  ; 
les  hommes  n'auront  qu'à  la  verser  dans  la  fosse.  D'abord  l'eau 
ne  voulait  pas  monter  dans  la  fosse,  bien  qu'on  en  eût  déjà 
versé  une  quantité  considérable  ;  enfin  elle  monta,  au  point  de 
remplir  la  fosse  jusqu'aux  bords.  Mais  Gèbe  tenait  toujours  la 
tête  au-dessus  de  l'eau,  de  sorte  que  l'on  ne  parvenait  pas  à  le 
noyer.  On  résolut  alors  de  lui  couper  la  tète.  La  tête  de  Gèbe 
fut  préparée  et  ornée.  On  la  plaça  sur  un  échafaudage  de  bam- 
bou, autour  duquel  on  dansa  toute  la  nuit.  Mais  à  l'aube  du 
jour,  chose  merveilleuse,  la  tête  se  leva  et  accompagnée  de  deux 
jeunes  filles  s'envola  vers  l'Orient.  Elle  s'envola  loin,  loin, 
loin  et...  maintenant  elle  est  le  soleil  dans  le  firmament. 

Longtemps,  la  légende  se  termina  ainsi  pour  moi.  Mais  un 
jour  de  jeunes  garçons  s'oublièrent  à  ajouter  :  «  On  se  partagea 
ensuite  le  tronc  et  de  ce  tronc  sont  provenus  les  autres, 
les  autres  et  les  autres  Marind  »,  c'est-à-dire  les  différentes 
tribus  qui  composent  le  peuple  marind. 

L'image  de  Gèbe  se  retrouve  dans  la  représentation  que   le 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    DES    MARIND  391 

IMarind  se  fait  de  son  pays  ;  c'est  l'image  de  Gèbe  décapité  (1). 

J'ai  nièiiie  ])U  constater  que  le  partaige  du  corps  de  Gèbe, 
et  conséquemnient  celui  du  pays  des  ;\larind,  a  été  opéré  d'après 
un  certain  plan,  un  certain  système. 

Voici  les  règles  qui  ont  présidé  au  partage  : 

On  découpa  d'abord  dans  le  corj)s  une  pai'tio  supérieure. 
moyenne  et  inférieure,  dont  on  destina  la  première,  c'est-à-dire 
la  tête  et  le  cou,  aux  ancêtres  ;  l'autre,  à  savoir  la  taille  et  le 
bas-ventre,  aux  pères  (habitants  actuels),  et  enfin  la  dernière,  à 
savoir  la  cuisse  et  la  partie  inférieui  (>  de  la  jambe,  aux  descen- 
dants. - —  Dans  chacune  de  ces  trois  imrties  on  distingua  ensuite 
une  partie  supérieure,  qui  fut  attrilmée  aux  membres  mascu- 
lins'des  trois  catégories  susdites,  ei  une  partie  inférieure,  qui 
forma  la  part  des  membres  féminin-  de  ces  mêmes  classes.  — 
Aux  ancêtres  échut  ainsi  la  tète  {pa-ha),  aux  descendants  les 
pieds,  qu'on  désigne  aussi  sous  le  nom  de  «  tête  opposée  », 
{akap  pa) ,  aux  pères  actuels,  l"s  propagateurs  du  peuple,  le 
membre  viril,  dont  Textrémité  est  désignée  toujours  par  le  nom 
pa  h'awa  raivetok,  la  tête  renversée.  —  Le  Marind-ho  —  et  il 
insiste  sur  ce  point  —  forme  le  centre,  le  nr)yau,  le  cœur  du 
Marind  :  il  doit  donc  être  rangé  parmi  les  pères  actuels,  aux- 
quels la  propagation  de  l'espèce  a  été  donnée  en  partage.  A  lui 
appartient  par  conséquisnt  le  membre  viril  à  la  tête  renversée. 

Il  importe  beaucoui.  ide  voir  comment  le  pays  a  été  divisé 
d'après  l'image  de  Gèbe.  Le  territoire  marind  est  Gebsé  en  effet. 

Le  pays  de  Marind  n'a  pas  de  chef,  pour  cette  raison  que 
l'Ancêtre  mâle  ne  peut  faire  valoir  aucun  droit 'sur  un  lopin 
de  terre.  C'est  le  privilège  exclusif  de  l'Ancêtre  féminin,  dont 
le  territoire  s'étend  de  la  pointe  de  l'Est,  jusqu'à  la  rivière  du 
Jower. 

C'est  là  que  commence  le  territoire  des  pères  actuels,  qui  ont 
la  partie  moyenne  en  partage.  Il  s'étend  jusqu'à  la  rivière 
Notcare.  Depuis  cette  rivière  jusqu'à  la  frontière  occidentale  du 
pays  marind.  s'étend  le  territoire  des  descendants.  Pour  les 
subdivisions  du  pays  marind.  nous  devons  nous  borner  au  ter- 


(1)  Cette  idée  se  retrouve  peut-être  encore  dans  cet  autre  dicton  :  «  makun, 
)ii(ikun-rikr  Gebse  ».  Cela  veut  dire  :  «  la  terre  et  tout  ce  qui  est  terrestre  fait 
partie  de  Gèbe  »  ou  «  est  .semblable  à  Gcbe  »  ;  les  deux  traductions  me 
semblent  justifiables. 


392  J.    VIEGEN 

ritoire  des  Marind-ha.  Nous  avons  déjà  observé,  au  commence- 
ment, que  le  Marind-ha  demeure  entre  le  Digoel  et  le  Jower. 
Nous  n'avons  pas  encore  parlé  du  Digoel  comme  frontière.  La 
raison  de  ce  silence  est  que  cette  rivière  entre  seulement  en 
ligne  de  compte  dans  la  division  de  la  partie  moyenne  en  part 
masculine  et  féminine.  La  partie  orientale  de  la  partie  moyenne, 
celle  qui  s'étend  du  Jower  jusqu'au  Digoel,  appartient  à  l'habi- 
tant actuel  mâle  et  la  partie  occidentale  du  Jower,  jusqu'au 
Nowarep,  appartient  à  la  femme. 

Notre  Marind-ha  représente  donc  Thahitant  mâle  et  ce    n'est 
pas  sans  raison  qu'il  vénère  le  membre  viril- 
Voici  l'assertion.  Clierclions-en  la  preuve. 

Le  Marind-ha  dit  que  le  Jaba-anem,  qui  demeure  près  du 
Diigoel  et  du  détroit  de  Moeri,  ne  va  que  clopin-clopant.  Ces  gens 
ne  sont  donc  pas  encore  des  hommes  parfaits.  Ils  ne  seront 
parfaits  que  dans  la  mère-patrie  avoisinante.  J'ai  dit  à  dessein 
«  mère-patrie  ».  Car,  chose  remarquable,  dans  l'intérieur  de 
cette  contrée,  aux  bords  d'un  aftluent  de  la  rivière  Dikbuik,  j'ai 
découvert  l'image  (grandeur  naturelle)  à'Anoep-Anoem,  la  fille- 
mère,  qui  porte  dans  son  sein  le  semen  virile. 

Le  territoire  de  la  femme  est  désigné  par  le  Marind  sous  le 
nom  de  «  part  méridionale  ».  Nous  ne  comprenions  pas  d'abord 
cette  dénomination.  A  première  vue,  il  semble  qu'il  faut  dire 
«  pays  occidental-oriental  ».  Mais  on  me  fit  observer  que  ce 
n'était  qu'une  façon  de  parler  et  que  la  côte  était  un  pays 
féminin,  tout  à  fait  à  part.  Après  un  peu  de  réflexion,  la  lumière 
se  fit  :  Marind-ha  est  le  bras  de  l'image  de  Gèbe.  Du  même  coup, 
nous  comprîmes  pourquoi  on  nous  avait  répété  si  souvent  que 
Marind-ha  ne  devait  pas  être  considéré  comme  la  côte,  qu'on 
se  figure  située  dans  le  territoire  des  Jêi.  Marind-ha  est  donc  la 
mer.  disions-nous.  —  Mais  non,  répondait-on.  —  La  terre 
alors  ?  —  Ni  terre,  ni  mer  ;  le  Marind-ha  vit  sur  des  vaisseaux. 
Et  en  effet,  nomment-ils  vaisseaux  [Jaivun)  les  planchers  qu'ils 
forment  dans  leurs  jardins  et  qui  sont  entourés  d'eau. 

Ajoutons  en  confirmation  le  trait  suivant  :  Sanggasé  fut  un 
jour  puni  pour  avoir  fait  la  chasse  à  l'homme.  Or,  en  fouillant 
les  cases,  on  trouva  non  seulement  des  têtes  nouvellement  cap- 
turées, mais  aussi  un  bras  gauche.  Si  Marind-ha  est  le  bras  de 
Gèbe,  ce  ne  peut  être  que  le  bras  gauche.  Est-ce  simple  hasard 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    DES    MARIND  393 

encore,  que  le  Marind-ha,  qui  se  défendait  d'abord  d'être  anthro- 
pophage, m'avoua  plus  tard  qu'il  préférait  le  bras  à  tout  autre 
morceau  ?  —  C"est  ce  Marind-ha,  le  bras  gauche  de  Gèhe,  qui 
porte  le  nom  de  Tanger. 

Passons  maintenant  à  la  division  du  pays  des  Toeger,  d'après 
la  formule  proposée. 

Le  pays  des  Toeger  est  divisé  d'aboi'd  en  une  partie  septen- 
trionale et  une  partie  méridionale.  La  première  s'étend  vers 
l'Est,  la  seconde  vers  l'Ouest.  Elles  sont  séparées  par  le  fleuve 
Koembe.  Chaque  partie  pnsuite  est  divisée  en  deux  départe- 
ments, à  savoir  la  partie  méridionale  en  un  département  de 
l'Est  et  un  département  du  Sud  ;  la  partie  septentrionale  en  un 
département  du  Nord  et  un  département  de  l'Ouest.  Le  dépar- 
tement de  l'Est  va  du  Joivcr  au  Toerasi,  le  département  du  Sud 
du  Toerasi  au  Maro,  le  département  du  Nord  du  Koembe  au 
Bonlaha  et  enfin  le  département  de  l'Ouest  du  Boulaka  au  détroit 
de  Moeri. 

Vous  aurez  remarqué,  Messieurs,  que  je  n'ai  pas  mentionné 
la  partie  de  la  côte,  qui  se  trouve  entre  le  Maro  et  le  Konnbe.  Ce 
n'est  pas  un  oubli.  Je  suis  simplement  l'exemple  de  nos  Marind, 
qui  prétendent  l'ignorer,  quoiqu'elle  soit  pour  eux,  les  initiés, 
de  la  plus  haute  importance.  Et  en  effet  ce  département  du 
Centre,  comme  ils  l'appellent,  est  pour  eux  le  pays  le  Toeger  ou 
Marind-ha,  ce  que  ce  pays  lui-même  est  pour  tout  Marind,  à 
savoir  le  centre,  le  noyau,  le  cœur.  Vous  saisirez  mieux  ma 
pensée,  une  fois  que  j'aurai  assigné  à  chacun  des  départements 
les  sociétés  secrètes  qui  leur  sont  propres,  avec  les  personnages 
qui  y  sont  vénérés. 

III.  LES  QUATRE  SOCIÉTÉS  SECRÈTES. 

Les  sociétés  secrètes  des  Marind  sont  au  nombre  de  quatre,  à 
savoir  la  société  de  Sosom,  celle  des  Harapa,  des  Imo  et  des 
Majo-anem.  Mentionnons  seulement  les  points  qu'il  importe  de 
connaître  pour  le  but  que  nous  nous  proposons. 

1°  La  société  secrète  de  Sosom.  —  La  pépinière  de  ces  sociétés 
se  trouve  dans  le  département  de  l'Est  et  le  personnage  qu'on  y 
vénère  est  un  jeune  homme  à  l'âge  nubile  {miakem) ,  de  pro- 
portions gigantesques,  appelé  Sosom  ou  Tepo-anem.  Sosom  a  sa 
demeure  dans  les    eaux    souterraines  de  Mamhoedanam.  Mam~ 


394  J.    VIEGEN 

bocdcuuun  est  un  rocher  qui  se  trouve  sur  la  rive  droite  du 
Wèrihoeë,  à  son  embouchure.  Il  est  immense  et  monte  jusque 
dans  les  nues.  «  Non,  dit  notre  témoin,  je  me  trompe,  ce  n'est 
pas  le  rocher  qui  monte  jusque  dans  les  nues,  mais  une  co- 
lonne de  fumée,  qui  s"élève  de  son  centre  massif.  »  Pour  le  dire 
en  passant,  ni  Tun  ni  l'autre  n'est  vrai.  Le  rocher  peut  mesurer 
une  centaine  de  mètres  ;  jamais  fumée  n'en  est  montée.  Mais 
écoutons  de  nouveau  notre  indigène.  Chaque  année,  le  jeune 
homme  quitte  sa  demeure  humide  et  en  triomphateur  parcourt 
le  pays,  portant  la  fécondité  aux  hommes  et  au  sol.  Les  hommes 
de  son  distrirt  l'escortent  jusqu'aux  confins  de  leurs  terres. 
Là,  les  voisins  l'accueillent  et  l'accompagnent  à  leur  tour.  C'est 
ainsi  (|ue  So.soni  atteint  Hauiram,  dans  le  département  du  centre, 
d'où  il  regagne  ses  pénates,  dans  le  département  de  l'Est,  en 
passant  secrètement  par  l'intérieur  du  pays.  C'est  ce  que  d'au- 
cuns disent  ;  mais  d'autres  prétendent  que,  secrètement,  il  fait 
le  tour  du  département  du  Nord,  siège  de  la  so.-iété  secrète  des 
Imo,  pour  regagner  de  nouveau  la  côte  et  continuer  sa  marche 
triomphale.  Il  ne  s'arrête  que  peu  de  temps  dans  chaque  dis- 
trict. Cependant,  s'il  y  a  de  nouveaux  membres  à  admettre  dans 
la  société,  son  séjour  se  prolonge  jusqu'à  cinq  jours.  Dans  ce 
but  une  grande  maison  est  construite  d'avance.  Encore  une 
exagération  —  soit  dit  en  passant  —  la  fameuse  maison  n'étant 
autre  chose  qu'un  toit  monté  sur  de  hauts  poteaux.  Sosom  est 
censé  s'y  établir  à  son  arrivée.  Au  jour  convenu  pour  la  récep- 
tion, des  centaines  d'hommes  du  district  et  au  moins  autant 
des  districts  avoisinants  s'assemblent  autour  de  cette  maison, 
oi^i  les  nouveaux  adeptes  ont  déjà  pris  place.  Ces  derniers  sont 
admis  —  c'est  ainsi  qu'ils  s'expriment  —  dans  le  sein  de  Sosom, 
le  géant.  Un  vieillard  monte  alors  sur  l'échaffaudage.  Cet  homme 
est  aflfublé  comme  Sosom  :  une  couronne  de  longues  plumes  de 
casuar  lui  couvre  la  tête,  sa  gauche  tient,  appuyé  contre 
l'épaule,  un  bâton  en  bois  de  palme  et  sa  droite  une  énorme 
dent  en  bois,  tandis  qu'un  chapelet  de  têtes  coupées  lui  pend 
de  l'épaule  gauche.  Une  fois  monté,  cet  homme  resle  accroupi, 
jusqu'à  ce  que  la  lune  Webc  (Août),  qui  se  trouve  dans  le 
quartier  Hei-ti-Webe,  ait  atteint  une  certaine  hauteur.  Alors,  il 
se  lève  et  son  ombre  allongée  tombe  sur  les  hommes  assemblés. 
Cette  ombre  représente  le  géant  Sosom,  qui  répand  ses  béné- 
dictions  sur  la  multitude. 


LES    SOCIÉTÉS    SECRÈTES    DBS    MAUIND  395 

Entre  autres  particularités  intéressantes,  il  nous  faut  noter 
quelles  sont  les  personnes  aptes  à  'être  admises  dans  la  Société 
de  Sosom.  —  Au  vu  et  su  de  tout  le  monde,  ce  sont  seulement 
les  garçons,  mais  de  fait  les  femmes  sont  admises  également, 
quand  elles  ont  atteint  l'âge  oîi  la  coutume  leur  permet  d'avoir 
des  enfants. 

Une  autre  chose  que  je  tiens  à  relever  de  nouveau,  c'est  que 
dans  sa  marche  triomphale  par  le  pays,  Sosojji  n'atteint  offî- 
cielilement  que  le  dernier  quartier  du  département  du  Centre. 

2°  Passons  à  la  Sociélé  du  Harapa.  —  Elle  trouve  son  origine 
à  Kondo,  dans  le  département  voisin,  à  savoir  le  département  du 
Sud. 

Tous  les  Marind-ha  sont  seesés  originaires  de  Kondo  ;  c'est 
le  lieu  saint  par  excellence,  le  siège  de  la  caste  sacerdotale 
Brau'a-anein.  Ils  doivent  donc  être  enfants  de  Ka)iis-iwage,  la 
Belle  jeune  fille,  qui  y  est  vénérée  sous  l'image  d'un  feu  im- 
mense, duquel  s'élèvent  sans  cesse  en  tournoyant  des  pierres 
énormes,  pour  retomber  aussitôt  avec  un  fracas  de  tonnerre. 

L'approche  de  ce  goulfre  ardent  n'est  permis  à  personne,  ex- 
cepté aux  Braiva-anem. 

Harapa,  le  nom  de  la  société,  signifie  feu. 

De  Kauis-iwage  on  conte  encore  qu'elle  donna  spontanément 
le  jour  à  un  homme  fait. 

Les  cérémonies  des  Harapa-anem.  sont  peu  connues  et  je  ne 
puis  pas  dire  non  plus  avec  certitude  quels  sont  les  membres 
de  cette  société.  Au  dire  général,  hommes  et  femmes  indiffé- 
remment peuvent  y  être  admis.  Comme  on  ajoute  que  la  femme 
est  pour  le  Harapa  ce  que  l'homme  est  pour  l'/mo,  il  n'est  pas 
téméraire  de  conclure  que  la  femme  y  occupe  la  première  place. 

3°  Société  secrète  des  Imo.  —  Descendant  le  long  de  la  côte, 
nous  arrivons  au  département  du  Centre.  Nous  ne  nous  y  arrê- 
tons pas  maintenant,  car  il  n'a  donné  naissance  à  aucune 
société  secrète  ;  mais  nous  aurons  tout  lieu  d'y  revenir,  après 
avoir  fait  la  connaissance  des  deux  sociétés  qui  restent.  Nous 
continuons  dune  notre  route  dans  le  département  du  Nord.  Ici 
c'est  Sangyasè  spécialement  qui  nous  intéresse,  comme  lieu 
d'origine  de  la  Société  des  Imo. 

A  propos  de  la  Société  de  Sosom.  j'ai  fait  remarquci'  que  les 
hommes  en  font  partie  au  vu  et  su  de  tout  le  monde,  tandis  que 
la  présence  des  femmes  est  tenue  secrète. 


396  J.    VIEGEN 

Je  constate  la  même  chose  pour  la  Société  des  Imn,  me  basant 
non  sur  mon  expérience  personnelle,  mais  sur  le  témoignage 
indigène.  Du  reste  ce  point  ne  tire  pas  à  conséquence  pour  la 
question  qui  nous  occupe  actuellement  :  nous  sommes  inté- 
ressés surtout  au  caractèi'e  de  la  personne  vénérée.  Ce  person- 
nage est  ici  Anoep-aiioern,  qu'on  nous  présente  comme  une  fille- 
mère,  portant  dans  son  sein  ouvert  le  fruit  du  cocos,  pinang  et 
du  sagou.  Anoep-anoem  est  donc  enceinte. 

Nous  pouvons  passer  maintenant  au  département  de  l'Ouest, 
lieu  d'origine  de  la  dernière  société  secrète. 

i°  Société  des  Majo-anrm.  —  Ici,  nous  approchons  du  point 
cardinal  de  nos  développements.  Vous  trouverez  donc  naturel 
que  je  m'attarde  davantage.  -• 

La  Société  des  Majo-amnn  compte  officiellement  parmi  ses 
membres  des  personnes  des  deux  sexes.  L'admission  a  ordi- 
naiment  lieu  entre  la  dixième  et  la  vingt-cinquième  année. 
Pourquoi  cette  grande  difïérence  d'âge  ?  Cela  vient,  Messieurs, 
de  ce  que  la  cérémonie  se  fait  à  des  époques  fixes. 

L'admission  est  précédée  d'une  espèce  de  noviciat,  plus  ou 
moins  long  selon  les  districts.  Dans  l'un  il  durera  six  mois, 
dans  un  autre  neuf,  dans  un  troisième  un  an  entier  ou  plus 
longtemps  encore.  Pendant  tout  ce  temps,  les  novices  vivent  à 
part  et  ne  doivent  pas  communiquer  avec  le  dehors.  Le  jour  se 
passe  dans  un  enclos  établi  dans  la  forêt,  et  la  nuit  dans  un 
enclos  semblable,  préparé  au  rivage.  Dans  ces  enclos  se  trouve 
une  cabane  spacieuse,  dont  l'intérieur  forme  plusieurs  cham- 
bres, séparées  par  des  cloisons.  Garçons  et  filles,  vivent  à  part, 
chacun  et  chacune  avec  ceux  de  sa  tribu,  tout  comme  les  indi- 
gènes font  dans  leur  village.  Les  membres  accrédités  de  la 
Société  ont  seuls  accès  dans  l'enclos.  Si  quelque  novice  doit 
s'en  éloigner,  il  manifeste  sa  présence  par  le  son  de  la  flûte  ou 
de  la  conque  marine,  et  il  est  de  règle  que  le  profane,  s'il  s'en 
trouve  dans  les  environs,  s'éloigne  au  plus  vite.  Contrevenir  à 
cette  loi  serait  risquer  sa  vie...  Le  jour  où  ils  ont  subi  leur 
dernière  épreuve,  les  novices  reçoivent  l'ordre  de  se  placer  sur 
une  seule  ligne.  Soudain,  un  certain  nombre  d'individus  se  pré- 
cipitent le  long  de  la  ligne,  frappant  le  sol  avec  des  tiges  de  la 
feuille  du  cocotier,  en  criant  :  «  Bientôt  vous  serez  adoptés 
comme  enfants  du  cocotier  »,  c'est-à-dire  de  Gèhe,  l'être  su- 


LES    SOCIÉTÉS    SEnRÈTES    DES    MARIXD  397 

prême  à  qui  le  cocotier  est  consacré.  Puis  on  leur  présente  le 
bout  de  la  tige  de  feuille  de  cocotier  avec  ordre  d'aller  se  cou- 
cher et  de  se  servir  de  ce  bout  de  bois  en  guise  d'oreiller.  La 
nuit  est  avancée  déjà,  quand  le  signe  du  réveil  retentit.  Aussitôt, 
les  novices  se  lèvent  et  frappent  la  terre  de  leur  tige  de  feuille 
de  corotier.  Ce  bruit  fait  accourir  les  autres  adeptes,  qui,  à 
leur  tour,  font  entendre  le  son  particulier  à  leurs  totems  res- 
pectifs. Tout  ceci  est  fait,  paraît-il,  pour  évoquer  les  esprits 
des  ancêtres,  qui  se  trouvent  au  sein  de  la  terre.  Sur  ces  entre- 
faites, un  cortège  se  forme  et  l'on  procèd'e  d'un  pas  lent  vers 
Teau  sacrée.  Le  soleil  se  lève,  quand  on  arrive  au  terme.  Quel- 
ques dizaines  d"hommes,  couverts  des  insignes  qu'on  attribue 
aux  Esprits,  se  trouvent  déjà  dans  l'eau  et  forment  une  ligne 
unique.  Un  écuyer  principal,  représentant  de  Gèbe,  c'est-à-dire 
du  père  commun,  occupe  la  place  du  milieu  ;  deux  autres 
écuyers  sont  placés  chacun  à  un  bout  de  la  ligne.  Cei)endant  les 
novices  reçoivent  Tordre  de  s'agenouiller  au  bord  de  l'eau. 
Beaucoup  hésitent  ;  ils  craignent  ces  hommes,  qu'ils  tiennent 
pour  de  véritables  esprits.  Leurs  parents  les  encouragent  et 
bientôt  tous  sont  à  genoux.  Les  Esprits  exécutont  alors  une 
danse  courte  mais  solennelle,  durant  laquelle  ils  frappent  adroi- 
tement la  surface  de  l'eau  avec  leurs  pieds,  de  façon  que  l'eau 
rejaillisse  sur  les  novices.  Se  tournant  alors,  en  dansant  tou- 
jours, ils  frappent  l'eau  avec  les  talons,  et  une  nouvelle  asper- 
sion descend  sur  les  novices.  Un  autre  mouvement  gracieux 
remet  les  Esprits  face  à  face  avec  les  novices.  Ceux-ci  reçoi- 
vent l'ordre  de  les  saisir  par  la  parure.  Nouvelles  craintes, 
nouvelles  hésitations,  mais  aussi  nouveaux  encouragements. 
On  les  informe  que  ces  esprits  sont  leurs  ancêtres.  Cette  idée 
les  calme  ;  ils  exécutent  Tordre  reçu  et  tous  ensemble  font  le 
plongeon.  Le  baptême  est  fini  ;  autant  de  nouveaux  adeptes  de 
Majo  ;  autant  de  Mitôwar,  comme  ils  disent,  mot  que  je  rendrais 
volontiers  par  <-  incorporé  à  la  mère-ancêtre  ». 

En  résumé,  nous  avons  constaté  : 

1.  qu'il  existe  quatre  sociétés  secrètes  chez  1*^8  Marind, 

2.  que  chaque  société  vénère  un  personnage  spécial, 

3.  qu'un  de  ces  personnages  se  déplace  chaque  année,  tandis 
qu'un  autre  ne  le  fait  qu'après  un  nombre  d'années  fixe,  mais 
tous  les  deux  vers  le  département  du  Contre. 


398  J.   VIEGËN 

Donc  trois  données.  A  quoi  nous   mènent-elles  ? 

Voici.  Sosom  est  un  jeune  homme  nubile,  qui  chaque  année 
rend  visite  au  département  du  Centre.  Après  cette  visite, 
le  Marind  observe  le  soleil  et  remarque  qu'il  se  tient  juste  au 
milieu  ou,  comme  il  dit,  au  centre,  entre  les  deux  solstices.  Se 
tenir  au  milieu  ou  au  centre  veut  dire  chez  les  Marind  :  ré- 
pandre la  bénédiction  ou  encore  si'ininare.  A  vrai  dire,  Sosom 
n'est,  pas  Gèbe,  le  soleil,  mais  il  est  son  frère.  Gomme  ils 
représentent  le  soleil,  planant  une  fois  sur  le  milieu  de  Thémis- 
phère  sud  et  une  autre  fois  sur  Thémisphère  nord,  ainsi  ils  se 
représentent  Sosom  visitant  et  bénissant  deux  fois. 

Je  ne  m'étonnerais  pas.  Messieurs,  si  vous  voyiez  une  diffi- 
culté dans  la  double  visite.  Voici  ce  qui  peut  vous  aider.  Le 
Toeger  admet,  comme  nous  lavons  dit  auparavant,  un  double 
mariage,  l'un  de  droit  privé  ou  mariage  secret,  pendant  lequel 
la  femme  ne  doit  pas  avoir  denfants,  l'autre  de  droit  public, 
après  l&quel  seulement  la  maternité  rentre  dans  ses  droits. 
Tournons-nous  vers  la  société  secrète  des  Majo,  que  nous  avons 
vue  se  rendre  au  département  du  Centre  à  des  époques  fixes.  Je 
répète  la  question  déjà  posée  une  fois  :  quelles  sont  ces  épo- 
ques ?  Je  vais  essayer  de  lui  trouver  une  réponse  satisfaisante. 
Le  Marind  du  département  du  Centre  a  coutume  d'évacuer  ses 
vieux  cimetières  à  des  temps  fixes  et  d'en  faire  de  nouveaux. 
Sur  les  anciens  cimetières,  il  construira  plus  tard  sa  cabane. 
J'ai  eu  l'occasion  de  constater  que  ceci  avait  lieu  l'année  qui 
précède  celle  où  Vénus  réapparaît  pour  la  première  fois  dans 
l'Est,  durant  la  lune  de  Mai.  L'observation  était  aisée,  parce 
que,  l'année  d'après,  le  cycle  nouveau  fut  célébré  par  des  fêtes 
extraordinaires.  Or  nous  savons  que  la  réapparition  de  Vénus 
dans  l'Est  à  la  lune  de  Mai  a  lieu  tous  les  dix-neuf  ans. 

Le  Marind  pour  sa  part  admet  que  le  soleil  se  tient  au  milieu 
de  l'hémisphère  deux  fois  par  an. 

Nous  supposons  la  même  chose  pour  Vénus  et  alors  Majo 
apparaîtra  dans  le  département  du  Centre,  tous  les  huit-neuf 
ans,  ce  qui  semble  s'accorder  avec  la  réalité. 

Nous  concluons  donc  ainsi  :  Majo  est  une  personne  du  sexe 
qui,  tous  les  neuf  ans,  se  rencontre  avec  l'homme  dans  le 
département  du  Centre. 

L'hypothèse  est-elle  exacte  ?  —  Nous  ne  pouvons  le  dire  avec 


MYSTÈRES    ASTROXOMIOUF.S    DANS    L'AMÉRIQUE    CENTRALE       399 

certituile.  Nous  Tavons  construite  sur  des  données  recueillies 
à  roccasion.  Mais  voici  encoi'e  une  légende  qui  peut  la  corro- 
borer. Une  vierge-mère  alla  un  jour  de  Borem  à  Karawdè,  por- 
tant sur  la  tête  une  corbeille.  Borem  se  trouve  à  l'Est  du  Maro, 
Karawdè  tout  près  de  la  rivière  Koembe,  dans  le  département 
du  Centre.  A  son  arrivée,  il  faisait  déj'à  nuit.  Elle  suspendit 
donc  sa  corbeille  à  un  cocotier  et  se  coucha  au  pied  de  l'arbre. 
Durant  la  nuit,  un  serpent  monta  sur  le  cocotier  et  s'enroula 
au4-our  de  la  corbeille.  Il  en  frappa  le  bord,  mais  rien  n'en 
sortit.  Il  en  frappa  le  fimd  ;  rien  n'en  sortit.  Il  en  frappa  les 
parois,  et  voilà  qu'il  en  soi'tit  un  jpune  homme  fout  effaré,  qui 
s'enfuit  dans  la  cime  de  l'arbre.  A  l'aube  du  jour,  le  jeune 
homme  vit  les  jeunes  filles  de  l'autre  côté  du  Koembe  s'en  aller 
à  la  pêche,  deux  à  deux,  avec  leurs  filets.  Aussitôt,  il  descendit 
de  sa  cachette,  fondit  sur  elles  et  ravit  la  fille  la  plus  grande  et 
la  plus  belle  qu'il  amena  aussitôt  par  le  bras  chez  sa  mère  à 
Borem...  <<  Amener  par  le  bi'as  »  est  un  terme  qui  exprime 
«  mariage  ».  C'est  le  roman  de  Poeno  ou  Vénus-étoile  du  soir  et 
Maja  ou  Vénus-étoile  du  soir.  L'union  en  mariage  de  droit  privé 
entre  un  jeune  homme  du  Sud  et  une  jeune  fille  du  Nord,  avec 
allusion  au  développement  de  l'organe  viril,  voilà  à  notre  avis 
ce  qUB  nous  trouvons  comme  fond  des  quatre  sociétés  secrètes 
des  Marind. 


[28]  IVlystères  astronomico-religieux 

dans  l'Amérique  Centrale, 

par  le  R.  P.  Kreichgauer,  s.  V.  D. 

Les  mystères  se  développent  facilement  parmi  les  peuples 
qui  sont  divisés  en  différentes  classes,  ou  bien  là  où  les  élé- 
ments d'une  tribu  mêlée  ne  se  sont  pas  encore  tout  à  fait 
fusionnés  les  uns  avec  les  autres,  enfin  chez  les  peuples  de 
culture  matriarcale.  Toutes  ces  conditions  se  trouvent  en  Amé- 
rique Centrale.  La  couche  régnante  était  encore  distinctement 
séparée  ;  les  «  princes  »  et  le  bas  peuple  n'avaient  ni  les 
mêmes  droits,  ni  les  mêmes  habitudes  et  besoins  scientifiques 
et  religieux.  La  dilTérence,  —  peu  marquée,  au  seizième  siècle. 


400  D.     KREICHGAUER 

en  quelques  lieux,  —  était  originairement  considérable,  car  elle, 
était  fondée  sur  une  différence  de  cycle  culturel. 

Ces  circonstances  nous  invitent  à  faire  au  préalable  quel- 
ques remarques  sur  l'origine  des  tribus  en  question. 

Toute  la  population  de  rAmérique  est  venue  de  TAsie.  Des 
arguments  assez  nombreux  parlent  pour  cette  origine,  aucun 
indice  sérieux  pour  une  autre. 

Xous  pouvons,  dans  la  revue  présente,  considérer  ces  asiates 
comme  premiers  habitants.  A  la  culture  de  TAmérique  Centrale 
ils  n'ont  contribué  pour  rien  de  certain,  quoiqu'ils  aient  été 
pour  la  plus  grande  partie  absorbés  par  des  immigrants  posté- 
rieurs. Le  reste  fut  repoussé  dans  des  contrées  inhospitalières. 

Dans  un  temps  très  reculé,  les  premiers  totémistes  arrivè- 
rent par  le  détroit  de  Bering,  puis  par  la  route  terrestre.  Peu  à 
peu,  ils  se  dispersèrent  presque  sur  toute  l'Amérique  Septen- 
trionale et  occupèrent  également  des  parties  considérables  au 
nord  de  l'Amérique  du  Sud.  On  ne  saurait  évaluer  combien  de 
millénaires  cette  immigration  dura.  On  ne  peut  davantage  indi- 
quer le  temps  de  l'envahissement  suivant,  celui  d'un  peuple 
appartenant  au  cycle  culturel  matriarcal.  Selon  toute  appa- 
rence, ce  dernier  vint  de  même  par  le  détroit  de  Bering.  Il 
colonisa  assez  pacifiquement  le  territoire,  faiblement  habité,  et 
occupa  les  environs  de  la  porte  d'entrée,  au  nord-ouest  du 
continent,  après  avoir  chassé  ceux  qui  l'y  avaient  précédé.  Nous 
y  trouvons  ses  restes  encore  aujourd'hui. 

Les  représentants  de  la  culture  matriarcale-libre  (1)  ont 
pénétré  les  derniers  en  Amérique  Centrale,  et,  conformément  à 
leurs  capacités  nautiques,  de  préférence  par  la  voie  de  mer.  De 
même  préférèrent-ils  la  voie  fluviale  ou  maritime,  pour  se  pro- 
pager à  l'intérieur  du  pays  et  vers  le  Midi.  Ils  n'ont  laissé  dans 
le  Canada  aucune  trace,  tandis  que  leur  présence  plus  au  Midi 
est  facile  à  prouver.  Ils  s'érigèrent  partout  en  maîtres  sur  les 
masses  du  peuple  antérieur  ;  mais  on  reconnaît  souvent  un 
mélange  progressif  des  civilisations. 

Les  colonies  ainsi  fondées  étaient  déjà  inégales  entre  elles,  à 
cause  des  circonstances  accidentelles  de  leur  civilisation.  Dans 
le  cours  du  temps,  celles-ci  fondèrent  à  leur  tour  des  colonies 


(1)   Freimutterrechtlicher  Kultiirkreis,   cycle    G   du   tableau    ci-dessu.s,   p. 
cycle  H  de  l'appendice  ci-dessous. 


MYSTÈRES    ASTRONOMIQUES    DANS    l' AMÉRIQUE   CENTRALE       401 

secomiaires.    et   parfois    elles    réformèrent    à    fond    les    centres 
culturels  primaires  de  leurs  maîtres. 

Au  commencement  les  colonisateurs,  qui  étaient  mobiles  et 
actifs,  visaient  particulièrement  les  côtes.  Par  conséquent  la 
Vera-'Cruz,  Tabasco  et  le  Yukatan  atteignirent  une  civilisation 
plus  considérable,  car  en  ces  endroits  le  progrès  pouvait  se 
concentrer. 

Les  plus  anciens  porteurs  de  la  civilisation  dont  on  se  sou- 
vînt encore  en  Amérique  Centrale,  peut-être  véritablement  les 
plus  anciens,  furent  les  Toltèques.  Les  écrits  et  les  monuments 
formés  sous  leur  influence  nous  montrent  distinctement  l'ori- 
gine matriarcale  prédominante  de  leur  culture.  Elle  se  mani- 
feste entre  autres  dans  l'agriculture,  dans  la  mythologie  de  la 
lune,  la.  grande  influence  de  la  déesse  de  la  terre,  le  culte  du 
dragon,  des  cavernes  et  des  montagnes.  Au  temps  de  leur  pros- 
périté, la  manière  de  vivre  était  déjà  imprégnée  de  l'influence 
totémistique.  Des  marques  caractéristiques  findiquent,  comme 
le  culte  croissant  du  soleil  et  de  l'étoile  du  matin,  les  armes, 
par  exemple  les  lance-flèches  et  les  poignards  des  anciens  dieux 
toltèques.  l'administration  des  affaires  publiques  par  les  hom- 
mes seuls,  les  divinités  tutélaires  des  artisans  etc. 

Les  Toltèques,  si  capables  et  énergiques  pendant  des  siècles, 
perdirent  d'abord  leur  position  prédominante  sur  le  plateau  du 
Mexique.  Les  tribus  Nahua,  qui  selon  toute  apparence  s'avan- 
çaient du  Nord,  recueillirent  ici  leur  succession.  Parmi  eux,  les 
Aztèques  se  montrèrent  les  plus  capables,  au  moins  au  quin- 
zième siècle.  A  la  suite  de  cette  invasion  et  probablement  en- 
core pour  d'autres  raisons,  survinrent,  en  d'autres  parties  de 
l'Amérique  Centrale,  des  mouvements  de  peuples,  dont  la  plu- 
part étaient  plus  ou  moins  dépendants  de  la  culture  toltèque. 

Malgré  la  diversité  foncière  des  civilisations  originelles, 
nous  trouvons  dans  cette  mosaïque  de  tribus  un  fait  commun, 
marqué  et  instructif,  qui  est  indépendant  de  la  culture  matriar- 
cale ou  patriarcale,  à  savoir  tous  se  vantaient  de  la  même 
patrie  primitive,  celle  des  Toltèques  les  plus  anciens  :  «  le  pays 
des  sept  cavernes  »  et  Tamoanchan  ou  «  lieu  de  naissance  », 
tous  les  deux  à  l'Oiiesl.  Nous  allons  voir  que  ces  endroits  sont 
étroitemenl  joints  à  la  mythologie  de  la  lune  croissante,  et  en 
conséquence  au  cycle  matriarcal. 

26 


402  D.   KREIOHOAUER 

De  cet  accord  remarquable  dans  le  mythe  d'origine,  nous  ne 
saurions  conclure  autre  chose  que  Taspiration  des  maîtres  des 
divers  pays  —  disciples  directs  ou  indirects  des  Toltèques  — 
à  se  faire  passer  pour  les  successeurs  de  ces  hommes  célèbres 
entre  tous.  Ils  profitaient  de  la  tradition  de  la  noblesse  primi- 
tive, pour  se  procurer  plus  d"autorité  et  d'influence.  Avec  cela, 
ces  éléments  déjà  fortement  mêlés,  ne  reniaient  pas  entière- 
ment leur  propre  tradition.  La  fraction  fort  totémistique  des 
Aztèques,  par  exemple,  mettait  snn  histoire  a.ussi  bien  en  rela- 
tion avec  le  soleil  qu'avec  la  terre  et  la  lune.  La  patrie  de 
Fastre  diurne,  s"il  en  a,  est  évidemment  l'Orient.  Mais  la  pré- 
pondérance historique  de  l'Ouest  devant  être  gardée,  on  faisait 
naître  le  héros  solaire  Uitzilopochtli  à  l'Occident  ;  sa  mère  était 
une  déesse  de  la  terre,  qui  est  habituellement  la  patronne  de  la 
lune  croissante. 

Nous  avons  ainsi  sondé  le  sol  sur  lequel  poussaient  les 
mystères.   Il   est  apparemment  favorable. 

Les  mystères  étaient  de  deux  espèces  bien  différentes,  l'une 
plus  scientifique  et  l'autre  plus  religieuse.  Les  premiers  com- 
prenaient surtout  des  éléments  astronomiques  et  calendriques. 
Leur  développement  était  dû  presque  exclusivement  à  cer- 
taines classes  de  prêtres.  Le  second  genre  de  mystères  se  rap- 
portait à  la  miythologie  et  au  culte  des  dieux.  Ceux-ci  étaient 
radicalement  différents  auprès  des  sanctuaires  des  différentes 
classes.  Cependant  les  partis,  qui  vivaient  la  plupart  du  temps 
en  bonne  intelligence,  ne  dédaignaient  pas  la  participation  aux 
fêtes  de  dieux  qui  leur  étaient  au  fond  étrangers.  On  voit  au- 
jourd'hui  le  même  phénomène  en  Chine. 

Parlons  tout  d'abord  de  la  science  astronomique  occulte.  Tout 
naturellement,  elle  fut  cultivée  surtout  aux  sanctuaires  de 
QuetzaI coati,  le  héros  national  des  Toltèques,  en  second  lieu 
dans  les  temples  de  la  déesse  de  la  terre.  La  tâche  scientifique 
de  leurs  prêtres  était  partout  combinée  avec  celle  de  la  divi- 
nation, une  divination  bien  compliquée.  Le  sort  de  chaque  indi- 
vidu était  lié  surtout  au  calendrier,  mais  aussi  aux  astres.  S'il 
était  défavorable,  il  pouvait  être  amélioré,  comme  presque  par- 
tout, par  des  sacrifices  et  des  mortifications.  On  voit  que  l'étude 
des  corps  célestes  s'imposait  aux  prêtres,  quand  ils  voulaient 
grandir  leur  renom  et  leur  influence.  Regardons  donc  d'un  peu 
plus  près  cette  partie  importante  de  leur  charge,  leur  science 


MYSTÈRES    ASTROXOMTQI-ES     DANS    L'AMÉRIQrE    CENTRALE       403 

astronomique.  Elle  fut  aussi  bien  cultivée  pendant  le  règne  des 
vrais  Toltèques,  qu"après  leur  décadence. 

Les  résultats  des  observations  astronomiques  notés  dans  les 
livres  des  prêtres  n'étaient  {xiint  connus  du  peuple.  Aucun 
étranger  n'aurait  même  pu  en  pénétrer  le  secret,  en  examinant 
ces  livres.  C'est  que  l'écriture  fut  si  Inen  chifïrée,  au  moyen 
d"arlifices  variés,  et  d'ailleurs  cachés  entre  un  grand  nombre 
de  figures  mythologiques,  qu'après  la  conquête  du  Mexique, 
pendatnt  des  siècles,  l'astronomie  de  ces  peuples  ne  fut  pas 
même  soupçonnée.  Il  fallut  la  redécouvrir  dans  les  livres  sauvés, 
malheureusement  peu  nombreux,  au  prix  d'un  travail  pénible. 

Bien  que  le  peuple  ne  fût  pas  initié  à  cette  science,  il  l'esti- 
mait fort.  On  vantait  certains  prêtres  qui  ne  se  trompaient  pa=5 
d'un  seul  jour  en  annonçant  la  première  apparition  de  l'étoile 
du  matin.  Aujourd'hui,  il  nous  est  facile  de  constater,  par  les 
livres  en  partie  déchiffrés,  combien  cet  éloge  était  mérité. 

Le  secret  des  connaissances  astronomiques  n'était  pas  gardé 
partout  avec  le  même  soin.  On  a  le  plus  parfaitement  réussi, 
là  où  il  n'y  avait  que  peu  à  cacher.  C'était  au  territoire  de  la 
plus  jeune  civilisation,  qui  était  en  plein  développement,  dans 
la  capitale  de  Mexico.  Ici  les  livres  divinatoires,  fondés  sur  le 
calendrier,  suffisaient  complètement  pour  noter  en  forme  con- 
cise tous  les  résultats  astronomiques  importants.  Les  notices 
entremêlées  ne  se  faisaient  pas  du  tout  remarquer,  puisque 
les  livres  ne  semblaient  contenir  que  des  dates  du  calendrier 
et  leur  interprétation  divinatoire  et  mythologique.  L'astronome 
n'avait  nul  besoin  de  recourir,  pour  cacher  sa  science,  à  des 
interprétations  arbitraires  et  forcées,  s'il  était  interrogé  par 
un  collègue  ou  un  élève  sur  le  sens  des  dessins,  parce  que  de 
toutes  les  parties  qui  sautaient  aux  yeux  il  pouvait  rendre 
compte  dune  manière  satisfaisante  et  convenable. 

La  notation  secrète,  dans  les  manuscrits  du  groupe  du 
codex  «  Borgia  ».  coniposés  dans  le  territoire  des  Zapotèques, 
était  un  pp'u  plus  diflicile,  car  les  connaissances  astronomiques 
y  étaient  déjà  plus  copieuses.  Pour  ce  motif,  ces  notions  furent 
séparées  du  Tomdamafl  (c'est  le  calendrier  fondamental)  et  de 
ses  accessoires,  et  transcrites  dans  des  livres  en  apparence 
purement  mythologiques.  Les  signes  calondriques  et  les  chif- 
fres, cachant  les  résultats  astronomiques,  n'y  étaient  pas  pré- 


404  D.     KREICHOAUER 

Gisement  très  frappants  ;  mais  comme  la  jeunesse  distinguée 
élait  partout  initiée  à  la  science  calemlrique  et  fréquentait 
les  écoles  bien  dirigées,  en  montrant  un  livre  à  ces  étudiants, 
les  astronomes  s'exposaient  facilement  à  des  demandes  d'in- 
terprétation. Ils  devaient  alors  donner  des  explications  forcées, 
et  par  cela  diminuer  les  grandes  idées  des  profanes  sur  la 
valeur  des  livres. 

Les  indications  astronomiques  dans  le  troisième  groupe  de 
manuscrits,  celui  du  grand  co(l''x  de  Vienne,  étaient  beaucoup 
plus  ricbes.  Ces  manuscrits  provenaient  du  pays  des  Totona- 
ques.  Chez  eux  l'astronomie  a  été  le  but  unique  de  certains 
livi'cs.  Peut-être  l'illustration' du  texte,  souvent  surabondante 
et  pou]-  autant  i)eu  cohérente,  était-elle  devenue  une  espèce 
de  sport.  Par  là  s'expliquent  du  moins  les  répétitions  nom- 
breuses et  le  remplissage  insignifiant  qui  s'y  intercale.  Un 
observateur  même  na'if  aurai!  pu  s'apercevoir  iiu'il  ne  lui  était 
pas  permis  de  tout  savoir.  D'autre  part,  même  l'élève  d'une 
école  supérieure  n'était  pas  en  état  de  pénétrer  la  véritable 
valeur  de  l'écriture  sans  initiation. 

Il  y  avait  encore  une  classe  supérieure  d'astronomes  ;  ceux-ci 
appartenaient  aux  grands  temples  du  territoire  des  Mayas. Leurs 
connaissances  extraordinaires  ne  nous  sont  conservées  que 
dans  un  seul  des  trois  livres  mayas,  dans  le  mamiscrit  de  Drrsde. 
Son  contenu  aussi  est  basé  entièrement  sur  le  fondement  toltè- 
que  ;  mais  les  prêtres  ne  se  donnaient  guère  plus  la  peine  de 
cacher  leurs  résultats.  "Sans  doute,  ils  s'inquiétaient  peu  que 
l'une  ou  l'autre  des  notices  savantes  fût  comprise  par  des  pro- 
fanes, car  la  plupart  des  problèmes  ne  se  comprenaient  qu'au 
prix  d'une  explication  détaillée  et  par  une  étude  sérieuse,  d'au- 
tant plus  que  l'arithmétique  seule  et  la  forme  de  l'écriture 
étaient  déjà  un  art  peu  commun. 

On  aura  par  là  une  idée  toute  générale  de  l'appareil  secret 
des   astronomes  ;   le  détail  suivra  à  l'instant. 

L'astronomie  secrète  des  Toltèques  était,  comme  toute 
science  en  relation  avec  la  vie  publique,  un  facteur  puissant 
pour  l'influence  de  ceux  qui  en  étaient  instruits.  Ceux-ci  se 
recrutaient  parmi  les  meilleurs  élèves  des  écoles,  dont  la  plu- 
part appartenaient  à  la  classe  régnante.  On  peut  discuter  si 
cette   institution   est  un   reste   des   sociétés    secrètes   du    cycle 


MYSTÈRES    ASTRONOMIQUES     DANS    l"AMÉRIQUE    CENTRALE       405 

matriarcal,  mais  en  tout  cas  elle  a  le  même  but  :  gagner  de 
l'influence  par  la  possession  de  secrets  utiles  ou  terribles. 

Un  exemple  pris  entre  les  dates  astronumiqups  du  soniplueux 
Codex  Borbo))irus  suffira  pour  faire  connaître  la  manière  la  plus 
primitive,  mais  aussi  la  plus  imparfaite  de  la  fixation  chiffrée. 
La  première  partie  d'une  page  de  ce  manuscrit  contient  tou- 
jours une  des  périodes  de  treize  jours  du  calendrier  fondamen- 
tal, et  à  côté  les  dieux  tutélaires  correspondants,  avec  les 
symboles  employés  pour  la  divination.  A  la  marge  de  la  page  18, 
on  voit  le  premier  signe  du  calendrier,  qui  est  le  plus  consi- 
déré. Il  peut  servir  de  nom  propi'e  pour  un  dieu  ou  pour  un 
homme  et  de  symbole  divinatoire.  C'est  pourquoi  il  pouvait  ne 
pas  attirer  l'attention  d'un  spectateur  profane,  d'autant  plus 
qu'il  n'est  pas  par  lui-même  un  caractère  astronomique.  Aus- 
sitôt ([u'on  le  met  en  combinaison  avec  le  pi'emier  jour  de  la 
semaine  (de  treize  jours)  qui  est  représentée  sur  la  même  page, 
il  en  résulte  un  intervalle  de  quarante  jours.  Ces  jours  n'ont 
pas  davantage  une  valeur  astronomique.  Ils  désignent  plutôt  les 
quarante  années  sacerdotales,  si  sduvenf  notées  dans  les  ma- 
nuscrits. Pendant  ce  temps-là,  la  planète  Mercure,  soigneu«^e- 
ment  observée  par  les  astronomes,  passe  devant  le  soleil  cent 
vingt-six  fois,  et  la  planète  Vénus  vingt-cinq  fois.  Le  premier 
intervalle  est  strictement  exact,  pour  le  deuxième  il  y  a  un 
déficit  de  deux  jours.  Pour  les  désigner  eux  aussi,  l'auteur  ne 
colorait  pas  le  signe  du  deuxième  jour  sur  cette  page.  Une 
autre  fois,  où  il  note  deux  fois  quarante  années,  il  laisse  en 
conséquence  le  quatrième  jour  sans  couleur  et  celui-ci  seul.  Un 
manuscrit  provenant  du  Sud-Est  de  l'empire  a  noté  ces  deux 
jours  manquants  sur  quarante  années,  en  dessinant  un  arbre 
chargé  de  fruits,  dont  deux  sont  tombés  à  terre.  —  En  passant, 
je  tiens  à  faire  observer  la  méthode  excellente  et  vraiment 
astronomique  de  réduire  un  nombre  entier  de  révolutions  d'une 
planète  à  un  nombre  entier  d'années.  Celte  méthode  étai!  toulo 
usuelle  en  Amérique  Centrale. 

Il  est  probable  que  les  deux  intervalles  de  40  ans  moins  deux 
jours  et  de  80  ans  moins  quatre  jours  appartiennent  aux  plus 
anciens  résultats  des  Mexicains.  Il  faut  même  conclure  du 
système  de  leur  clii'onologie  que  la  planète  ^'énus  a  été  déjà 
observée    systénutliqucment    au   XXI''   siècle   av.  .J.-C.   Il   reste 


406  D.     KKEICHGAUER 

incertain  si  de  telles  observai  ions  ont  été  faites  en  Amérique, 
ou  peut-être  en  Asie  par  les  ancêtres  des  Toltèques. 

Quant  au  nombre  de  40  du  Codex  Burbonicus,  l'auteur  avait 
eu  soin  que  lui-même  et  ses  confrères  fussent  obligés  de  lïn- 
terpréter  en  années  et  non  pas  en  jours.  Il  avait  mis,  à  côté  du 
dit  signe  calendrique,  le  hiéroglyphe  pour  «  année  ». 

iCei'te  manière  de  voiler  la  notation  ne  se  trouve  que  deux 
fois  dans  le  Coder  Borbonirus  ;  autreir.ent  elle  n"aurait  plus  été 
assez  sûre.  Dans  d'autres  cas,  on  n'inscrivait  pas  séparément 
sur  la  page  le  signe  du  calendrier  inditjuant  le  terme  de  l'inter- 
valle, mais  on  Tembusquait  dans  un  objet  plus  grand,  par 
exemple  comme  blason,  comme  nom  d'une  déité,  comme  partie 
d'un  vase  etc.  Mais  toujours  ces  d(Uinées  dérobées  à  Tattention 
devaient  être  combinées,  pour  donner  un  résultat  astronomi- 
que, avec  le  premier  jour  de  la  semaine  noté  à  la  même  page. 
Moyennant  ces  calculs,  jamais  difficulté  ne  reste. 

Sur  quelques-unes  des  pages  du  Codex,  il  n'y  a  pas  de  don- 
nées astronomiques.  Pour  indiquer  au  lecttmr  les  pages  impor- 
tantes, on  y  mettait  une  araigm^e  ;  par  ce  signe  il  était  avisé 
qu'il  lui  fallait   chercher  une  note  cachée. 

€e  mode  de  notation  bien  imparfait  ne  pouvait  suffire  aux 
astronomes  les  plus  fameux  des  Mayas.  Le  mamiscrif  de  Dresde 
par  exemple  contient  un  exposé  pour  calculer  les  éclipses  du 
soleil  et  de  la  lune.  L'astronome  y  avait  mis  plus  de  trois  cents 
nombres  et  signes  du  calendrier.  Il  est  évident  qu'il  était 
impossible  de  cacher  tout  cela  entre  des  gravures  et  des  sym- 
boles. Tout  examinateur  quelque  peu  instruit  devait  s'aperce- 
voir qu'il  s'agissait  là  d'arithmétique  et  d'astronomie.  Les  neuf 
gravures  intercalées,  de  dimension  modérée,  ne  pouvaient  pas 
détourner  l'intérêt.  Mies  n'y  étaient  mises  que  pour  se  confor- 
mer à  l'habitude  des  auteurs. 

Plus  importants  pour  l'ethnologie  que  les  secrets  astronomi- 
ques sont  les  mystères  proprement  dits,  c'est-à-dire  les  idées 
religieuses,  exprimées  par  les  mythes,  les  symboles  ou  les 
fêtes.  On  ne  peut  pas,  cela  va  sans  dire,  s'attendre  à  trouver 
dans  ces  idées  un  système  logique  même  médiocrement  pro- 
noncé ;  une  telle  unité  manque  à  toutes  les  religions  natu- 
relles ;  elle  fait  défaut  chez  les  peuples  ou  classiques  ou 
obscurs,  Grecs,  Babyloniens,  Egyptiens  ou  Tsiganes.  Dans  les 


MYSTÈRES    ASTRONOMIQUES    DANS    L'AMÉRIQUE   CENTRALE       407 

environs  de  la  capitale,  les  idées  religieuses  accusaient  déjà 
entre  elles  de  telles  différences,  retenues  avec  une  telle  obsti- 
nation, que  leurs  divers  adhérents  en  venaient  aux  cheveux.  En 
un  point  seulement,  tout  le  monde  était  d'accord  :  dans  la  sup- 
position que  les  puissances  de  la  terre,  les  plus  fortes  entre 
toutes,  devaient  être  réconciliées,  pour  rendre  aux  hommes  le 
soleil,  la  lune  et  les  étoiles.  Tous  ces  astres,  pensait-on,  ('talent 
vaincus, emprisonnés  même  —  en  ce  qui  concerne  la  lune, mis  en 
pièces  —  au  temps  de  leur  coucher  ou  des  éclipses.  Les  milliers 
de  sacrifices  humains,  pendant  les  fêtes,  avaient  pour  but  prin- 
(?ipa'l  la  réconciliation.  Ils  devaient  aider  le  soleil  à  passer  la 
porte,  à  se  lever  là  l'Orient  vers  le  ciel,  et  c'était  par  le  moyen 
de  la  magie  dite  «  analogique  ».  Comme  on  nommait  le  soleil 
«  le  cœur  du  jour  ou  du  ciel  »,  le  rapport  mystérieux  entre  le 
cœur,  tiré  du  fond  de  la  poitrine  de  l'homme  sacrifié  et  le  cœur 
du  ciel,  montant  du  sein  de  la  terre,  était  à  la  portée  de  l'ima- 
gination de  chacun. 

Les  Mexicains  visaient  donc  par  ces  sacrifices  —  si  on  peut 
les  nommer  ainsi  — -  la  délivrance  des  corps  célestes  mêmes, 
celle  de  leur  être  naturel  et  matériel,  et  non  pas  le  salut  de 
leurs  protecteurs,  de  leurs  habitants  ou  de  leurs  maîtres.  Ces 
astres  ne  causaient  aux  Aztèques,  vu  leur  caractère  prépondé- 
rant de  totémistes.  qu'une  imi)ression  secondaire.  Un  dieu  de 
la  lune  n"êtait  nullement  vénéré  par  la  masse  du  peuple.  Dans 
les  mythes  de  certaines  compagnies  de  prêtres  qui  s'estimaient 
les  successeurs  de  QwtzalcoatJ,  la  lune  jouait  bien  un  certain 
rôle,  mais  même  chez  eux  cette  figure  était  celle  d'une  personne 
prudente  et  avisée,  plutôt  que  brave  et  puissante.  Les  Aztèques 
vénéraient,  —  à  côté  du  vrai  et  unique  dieu,  qu'ils  invoquaient 
dans  leur  détresse  et  en  certaines  occasions  solennelles  ■ —  prin- 
cipalement le  dieu  de  la  guerre.  Uitzilopockfli.  un  prétendu  an- 
cien chef  de  tribu  ;  celui-ci  possédait  aussi,  il  est  vrai,  certains 
traits  d'un  héros  solaire. 

Passons  des  sacrifices  aux  fêtes  les  plus  caractéristiques. 
Elles  nous  révèlent  pour  leur  compte  des  idées  semblables. 
La  plupart  des  fêtes  vraiment  religieuses  avaient,  au  temps 
historique,  un  but  avant  tout  |)ratique,  savoir  :  imi)loi'er  des 
(•(tnditions  météorologiques  favoi'ables  pour  le  développement 
du  maïs.  Mais  toujours  elles  étaient  remplies  d'idées  mytholo- 


408  D.     KHEICHGAUER 

giques,  et  leurs  cérémonies  étaient  fortement  reliées  au  l'ôle 
des  portes  imaginaires  à  l'Orient  et  à  rOceirlent,  surtout  à 
roccasion  des  fêtes  de  la  déesse  de  la  terre  et  de  sa  parenté. 
CeLle-fi  était  bien  la  maîtresse  des  portes.  De  ces  deux  portes, 
celle  de  l'Ouest  jouait  partout  le  rôle  d'une  force  bienfaisante. 
Elle  donnait  au  ciel,  après  la  nouvelle  lune,  le  croissant  occi- 
denlal,  les  enfants,  mais  aussi  la  moisson  et  presque  tous  les 
biens  temporels  ;  même,  les  auteurs  de  la  race  provenaient  de  là. 

L'extrême  Occident  n'était  pas  seulement  la  partie  la  plus 
importante  du  domaine  de  la  déesse  terrestre,  mais  aussi  son 
pays  d'origine.  A  cet  endroit  se  rendaient,  après  la  mort,  les' 
femmes  valeureuses  aztèques,  pour  recevoir  la  récompense  de 
leurs  mérites.  Et  voilà  pourquoi  on  nommait  l'Occident  com- 
munément ((  Ja  région  des  femmes  ».  Le  paradis  des  hommes 
braves  était  situé  à  l'Orient,  pays  du  soleil  ;  ce  détail  illustre 
l'influence  totémistique  des  successeurs  des  anciens  Toltèques. 

Dans  les  .livres  toltèques,  l'Orient  était  en  premier  lieu  un 
pays  d'affliction  et  de  deuil.  Là  se  trouvaient  les  Symplégades 
proprement  dites,  au  sens  des  Grecs  ou  plutôt  des  Pela sges. Pour 
la  noblesse  primordiale  indienne  avec  sa  mytliologie  lunaii'c, 
un  drame  lugubre  se  déroule  à  l'Orient.  Sa  favorite,  la  char- 
mante lune  dorée,  est  dans  ce  pays  lointain,  à  l'approche  de  la 
dernière  phase  décroissante,  vaincue,  mise  en  pièces  et  privée 
de  sa  toison  d'or.  D'après  certains  mythes,  elle  y  était  encore 
incinérée  (par  le  feu  du  soleil  ?)  et  elle  ressuscitait  seulement 
après  trois  jours,  à  l'Ouest.  En  complète  correspondance  avec 
cette  foi,  on  caractérisait  l'Orient,  dans  les  manuscrits  mytho- 
logiques, par  des  cruches  et  des  coupes  cassées,  par  des  usten- 
siles mis  en  pièces,  des  membres  humains  séparés,  par  des 
momies,  par  des  ossements  et  des  crânes  sinistres. 

Quand  les  totémistes,  avec  leur  culte  du  soleil  et  de  l'Orient, 
en  vinrent  lentement  à  prendre  rang  dans  la  couche  régnante. 
on  ajouta  à  ces  symboles,  consacrés  par  une  tradition  ancienn,'^ 
le  soleil,  l'or  et  le  paradis  des  braves.  Ainsi  se  comprend  la 
juxtaposition  des  deux  sortes  de  symboles  de  l'Orient,  si  diffé- 
rentes entre  elles. 

Une  brève  comparaison  avec  le  mythe  grec  correspondant, 
comparaison  dont  le  détail  ne  peut  trouver  place  dans  ce  bref 
sommaire,  permettrait  de  mettre  ces  idées  dans  une  lumière 
plus  complète. 


MYSTÈRES    ASTRONOMIQUES   DANS    l"AMÉRIQUE   CENTRALE       409 

Nous  revenons  aux  fêtes  des  Aztèques,  pour  analyser  encore 
une  de  leurs  particularités  frappantes.  Pendant  la  fête  de  la 
déesse  de  la  terre,  on  célébrait,  au  cours  du  sacrifice,  certaines 
cérémonies  dans  lesquelles  IXhnologue  peut  encore  constater 
une  relation  évidente  avec  le  mythe  lunaire  ;  de  cette  relation, 
selon  toute  apparence,  le  peuple  n'avait  plus  conscience.  On 
choisissait  pour  le  sacrifice  une  femme  richement  parée.  Elle 
était  traitée  d'une  manière  inusitée  à  d'autres  occasions.  Elle 
n'était  pas  étendue  sur  la  pierre  sacriflcatoire  et  le  cœur  n'était 
pas  retiré.  On  posait  plutôt  la  femme  sur  le  dos  d'un  officiant 
subalterne,  et  dans  cette  position  on  lui  coupait  la  tète.  Celle-ci 
était  alors  traitée  d'après  la  coutume  ordinaire  ;  elle  était  re- 
gardée comme  un  trophée  ;  le  sacrificateur  la  portait  par  les 
cheveux  pendant  la  danse.  Cette  dernière  cérémonie  est  usuelle 
chez  certains  ])eupTes  du  cyfle  culturel  matriarcal. 

Un  détail  singulier  intéressera  les  savants  qui  s'occupent  du 
sacrifice  des  Grecs  :  pendant  une  fête  correspondant  à  la  pré- 
sente, on  dépouillait  la  femme  de  sa  peau.  Par  le  sacrifice  cette 
peau  était  devenue  chose  sacrée  ;  elle  possédait  des  vertus  spé- 
ciales pour  la  guérison  de  certaines  maladies.  Un  fort  gaillard 
s'en  habillait  et  attaquait  les  jeunes  hommes. 

La  décapitation,  le  dépouillement  et  le  démembrement  en 
général  sont  des  usages  pratiqués  ou  du  moins  connus  dans 
toutes  les  parties  de  la  terre  ;  nos  enfants  civilisés  eux-mêmes 
les  connaissent  par  les  contes.  Leur  sens  est  clair  pour  tous 
les  mythologues  modernes.  Ils  les  rapportent  à  la  décroissance 
de  la  lune.  Pour  le  Mexique,  on  peut  confirmer  ce  rapport  par 
les  manuscrits  des  Indiens  et  par  les  récits  des  premiers  mis- 
sionnaires. On  y  apprend  que  la  déesse  de  la  terre,  à  la  première 
guerre  des  dieux,  avait  été  vaincue  et  décapitée. 

Si  ce  mythe  appartenait  rigoureusement  au  cycle  matriarcal. 
on  devrait  sans  doute  remplacer  la  déesse  de  la  terre  par  celle 
de  la  lune.  C'est  d'autant  plus  permis,  que  bien  souvent  la 
môme  personne  cumule  des  honneurs  lunaires  et  terrestres.  ■ — 
Pour  la  lune  décroissante  nous  voyons  réellement  disparaître 
une  partie  après  l'autre.  Si  l'on  prend  pour  la  tête  la  partie  de 
la  lune  qui  regarde  vers  le  haut,  comme  il  est  convenable, 
alors  c'est  la  tête  que  la  lune  perd  d'abord.  Cependant, 
pour    le    Mexique,  une    autre    interprétation    se    recommande 


/jlO  D.     KREICHUAUER 

davantage.  Quaml  un  peuple  —  avec  des  mythes  solaires  par 
exemple  —  assujettit  un  peuple  matriarcal,  il  transforme  faci- 
lement sa  propre  victoire  en  celle  de  "son  dieu  solaire.  C'est  ce 
qui  est  arrivé  en  Babylonie.  Là  le  dieu  solaire  Mardouk  tua  la 
déesse  présémitique  Tiamat  et  la  coupa  en  deux.  Une  cir- 
constance remarquable  augmente  la  vraisemblance  de  la  pa- 
renté des  deux  mythes,  à  savoir  qu'un  dragon  était  le  symbole 
de  Tiamat,  comme  de  la  déesse  mexicaine  de  la  terre.  De  même 
Apollon  vainquit  et  tua  le  dragon  de  Delphes,  Typhon,  et  occupa 
le  sanctuaire  après  les  épreuves  qui  lui  furent  imposées  en 
expiation  de  son  meurtre. 

De  telles  connexions  se  rencontrent  si  souvent,  qu'il  semble 
oj)portun' d'intercaler  ici  quelques  remarques  générales  sur  les 
mythes. 

On  diiit  considérer  comme  les  plus  puissants  représentants 
de  la  poésie  cosmique  les  éleveurs  de  bestiaux,  les  nomades 
du  centre  de  l'Asie.  Il  se  peut  que  cela  dépende  de  leur  état  de 
pasteurs,  qui  les  obligeait  à  rester  pendant  la  nuit  en  plein  air. 
De  cette  manière,  ils  pouvaient  acquérir  sans  peine  une  bonne 
connaissance  du  ciel  étoile.  Leurs  mythes  ne  sont  plus  connus 
immédiatement  ;  mais  ils  se  développaient  chez  les  Indo-Euro- 
péens,  les  Sémites  et  les  Ohinois.  Ce  qui  est  semblable  entro 
ces  trois  groupes  différemment  mêlés  peut  être  regardé  comme 
appartenant  aux  idées  des  nomades  préhistoriques. 

La  voûte  céleste  impressionnait  les  nomades  avant  tout. 
Mais  ni  le  soleil,  ni  la  lune  ou  les  étoiles  séparément  ne  pre- 
naient par  le  mythe  une  importance  religieuse.  Même  en  Grèce, 
le  soleil  n'était  attribué  à  Apollon  qu'accidentellement.  Ce  dieu 
favori  gardait  surtout  un  caractère  nomade  :  il  était  pasteur, 
possesseur  de  troupeaux  et  protecteur  contre  les  bêtes  de  proie. 
En  l'honneur  d'Hélios,  son  alter  ego,  on  entretenait  des  trou- 
peaux sacrés.  Tous  les  deux  étaient  en  outre  protecteurs  de  la 
jeunesse,  fonction  qui  convient  au  pasteur  patriarcal,  nulle- 
ment au  soleil. 

Fort  peu  d'éléments  du.  cycle  des  nomades  se  propagèrent,  et 
encore  indirectement,  au  Mexique.  Ils  étaient  difficiles  à  cons- 
tater, à  cause  de  leur  transformation.  .11  n"y  a  pas  longtemps  que 
Fr.  RoEOK  a  exposé  cette  question  dans  YAnthropos. 

Les  totémistes   n'avaient   pas   grand   intérêt  pour   la    poésie 


MYSTÈRES    ASTRONOMIQUES    DANS    L'AMÉRIQUE    CENTRALE       411 

cosmique."  Leurs  idées  se  dirigeaient  plutôt  vers  la  chasse  et  le 
gibier  ;  leurs  mythes,  pour  cette  raison,  n'exercèrent  que  peu 
d'influence  sur  leur  conception  des  dieux.  Dans  la  masse  du 
peuple  mexicain  prédominait  le  caractère  totémistique.  Le  soleil 
et  surtout  l'étoile  du  matin  et  du  soir  obtenaient  une  certaine 
importance.  L'un  et  l'autre  sont  assez  souvent  représentés 
comme  chasseurs.  L'étoile  du  matin,  qui  brille  si  gracieuse- 
ment, pour  certains  peuples,  était  pour  les  Aztèques  un  tyran 
cruel,  terrible  au  tersips  de  son  apparition,  faisant  la  chasse, 
no'n  seulement  aux  hommes,  mais  aussi  aux  dieux  et  aux  ani- 
maux mythiques.  Pour  les  Toltèques,  elle  était  la  lune  ressusci- 
tée  après   son  incinération  à  l'Orient. 

Une  grande  indépendance  des  figures  astrales  était  com- 
mune aux  nomades  et  aux  totémistes.  Leurs  dieux  célestes  pou- 
vaient jouir  de  leurs  forces  surnaturelles,  presque  sans  réserve, 
au  milieu  de  leurs  collègues.  Cela  change  radicalement  et  typi- 
quement, lorsque  nous  entrons  dans  le  cycle  matriarcal.  Pour 
les  peuples-  appartenant  à  ce  cycle,  une  seule  puissance  règne 
en  souveraine  :  c'est  la  déesse  de  la  terre  et  sa  parenté.  Les 
dieux  célestes  ne  semblent  exister  que  pour  être  vaincus.  Le 
soleil,  la  lune  et  les  étoiles  sont  représentés  comme  voyageurs. 
Seule  la  pérégrination  près  des  portes  de  l'Orient  et  de  l'Occi- 
dent excite  un  haut  intérêt,  quand  les  astres  voyageurs  entrent 
dans  le  domaine  de  la  déesse  de  la  terre.  Ils  sont  alors  empri- 
sonnés, questionnés,  raillés,  mis  à  l'épreuve  par  des  énigmes 
impossibles  à  deviner,  maltraités  et  même  dévorés.  Les  céré- 
monies usitées  pendant  l'initiation  des  jeunes  gens  rappellent 
un  peu  ce  traitement  sévère. 

Pour  des  raisons  déjà  indiquées,  le  plus  triste  sort  était 
réservé  à  la  lune.  Elle  était  dépecée  et  privée  de  sa  toison  d'or. 
Le  soleil  même,  qu'on  dirait  né  maître,  ne  pouvait  s'échapper 
de  sa  prison  par  sa  force  supérieure,  mais  plutôt  par  sa  cir- 
conspection. Dès  qu'on  trouve  ces  traits  saillants  (hms  une 
mythologie  encore  mal  connue,  on  doit  aller  à  la  recherche 
d'autres  indices  du  cyole  matriarcal. 

Pour  permettre  de  mieux  pénétrer  sa  vraii"  natui'c.  je  ferai 
ici  voir  quelques  symboles  religieux  de  la  culture  toltèque.  Hs 
nous  conduisent  sur  un  chemin  qui  mène  dans  le  dom^iine  reli- 


412 


D.     KREICHGAUER 


gieux  préUislorique  plus  loin  que  toutes  les  autres  voies,  plus 
loin  du  moins  que  ne  l'ont  fait  jusqu'ici  les  voies  directes. 


I  Mexique,  il  Asie  Centrale,  m  Cliine,  iv  Alpes. 

iSur  les  images  des  Toltèques,  les  articulations  et  les  cavités 
du  corps  de  Thomme  et  des  animaux  (les  jarrets,  la  bouche,  les 
yeux  etc.)  sont  très  fréquemment  garnis  de  signes  symboliques. 
De  ces  mêmes  signes  symboliques  sont  parées  chez  eux  des 
cavernes  sacrées,  des  portes  et  des  barrières  magiques.  Le 
soleil,  la  lune,  Tétoile  du  matin  par  exemple,  sortent  d'une  ca- 
verne, ou,  si  vous  voulez,  d'une  poi'te  magique  à  l'horizon,  ou 
d'une  cruche,  toutes  garnies  de  ces  symboles.  En  outre  leurs 
coupes  et  leurs  vases  rituels  portent  ces  mêmes  signes. 

J'insiste  sur  ce  détail  :  le  symbole  de  la  pointe  recourbée 
et.  d'autres  symboles  se  trouvent  aussi  bien  sur  les  cavernes 
saintes  à  l'horizon,  (jue  sur  les  vases  sacrés,  sur  les  ouvertures 
du  corps,  qui  rappellent  les  cavernes,  et  sur  les  articulations. 
qui  font  penser  aux  portes  s'ouvrant  et  se  fermant,  c'est-à-dii'e 
aux  Symplégades  fameuses  à  Kolchis.  Nous  devons  en  conclure 
que,  partout  où  se  ti'ouvent  ces  signes,  on  a  voulu  faire  allusion 
au  même  mystère  :  à  l'entrée  et  à  la  sortie  des  corps  célestes 
à  l'horizon,  au  début  ou  au  terme  de  leur  course. 

Pour  les  articu'lati(jns,  la  ressemlilance  avec  les  cavernes  à 
riiorizon  devient  d'autant  pilus  marquée,  que  les  membres  soni 
plus  coudés.  Ainsi  dans  leurs  danses  sacrées,  les  indigènes, 
leurs  héros  et  même  leurs  divinités,  tiennent  les  jambes  et  les 
bras  plies,  souvent  autant  qu'il  leur  est  possible.  Dans  cette 
attitude  on  danse,  et  sur  la  terre  et  dans  le  paradis.' La  môme 
idée  se  fait  remarquer  à  la  fête  anniversaire  des  braves,  tués  à 
l'ennemi.  A  cette  occasion,  les  images  montrent  les  guerriei'S 
valeureux,  accroupis  {Hocker) .  Aussi  certaines  divinités  res- 
semblent-elles tout  à  fait   aux  momies  accroupies  et  emmail- 


MYSTÈRES    ASTRONOMIQUES    DANS    l'aMÉRIQUE   CENTRALE       413 

lottées  des  braves  guerriers,  quoiqu'elles  soient  assises  sur  des 
trônes,  dans  l'attitude  de  la  domination  el  de  la  vie. 

De  tous  ces  faits  on  ne  peut  tirer  que  cette  unique  déduc- 
tion :  la  position  accroupie  avait  quelque  chose  de  sacré  ;  elle 
faisait  partie  du  culte  religieux  ;  par  elle  on  honorait  les  divi- 
nités, surtout  celle  de  la  terre,  car  elle  faisait  se  souvenir  du 
mystère  principal  de  tous  les  peuples  du  cycle  toltèque.  Elle 
faisait  penser  à  l'entrée  si  redoutée  dans  le  Tartare,  mais  aussi 
à  son  lieureuse  sortie  ;  elle  rappelait  la  mort  et  la  résurrec- 
tion des  dieux  et  des  hommes. 

La  juxtaposition  d'un  passage  caractéristiqup  de  la  doctrine 
du  grand  sage  chinois  Laotse  nous  laisse  ici  entrevoir  un  fait 
intéressant.  Selon  lui  le  premier  principe,  quMl  appelle  Dao, 
est  la  mère  de  toutes  choses.  Cependant  il  compare  ce  principe 
à  un  portail,  par  lequel  entrent  tous  les  êtres  qui  reçoivent  la 
vie.  Le  dao  est  la  po/•^■  de  tous  les  mystères,  la  mère  et  le  pre-' 
mier  père  de  tous  les  êtres  (faisons  attention  à  la  position  mère 
d'abord  et  puis  père).  Mais  il  est  aussi  un  abîme,  un  gouffre 
sans  fond,  que  tous  les  fleuves  ne  peuvent  remplir.  Voilà  le 
gouffre  de  la  terre  dans  VEclda  islandais,  la  gueule  du  loup  Fenris, 
dont  une  lèvre  touche  le  ciel  et  l'autre  la  terre.  N'avons-nous 
pas  ici  un  nouveau  vestige  de  l'invasion  très  ancienne  du  cycle 
matriarcad  en  Cliine,  invasion  admise  par  certains  sinologues  ? 

Je  reviens  aux  signes  représentés  sur  les  articulations.  Le 
principal  d'entre  eux  est  la  «  pointe  courbée  ».  Elle  se  trouve  en 
Chine  aussi  bien  qu'au  Mexique.  La  dissémination  de  ce  signe 
symbolique  s'étend  jusqu'au  lac  Ba'ikal,  jusque  dans  la  Crète 
pélasgique,  jusqu'à  HaMstadt,  où  les  Celtes  s'en  sont  servis 
raille  ans  av.  J.-C 

Notons  pour  finir  deux  petits  faits.  Dans  l'art  populaire  chi- 
nois, on  voit  distinctement  que  les  personnes  représentées  ont 
les  genoux  un  peu  plies  tout  en  marchant  ;  cependant  la  vraie 
marche  des  Chinois  ne  se  distingue  pas  de  celle  d'autres  peu- 
ples. Second  fait  :  les  Grecs,  parlant  des  choses  à  venir,  s'ex- 
priment symboliquement  :  «  Ces  choses  se  trouvent  dans  les 
genoux  des  dieux  ».  Il  y  a  donc  aussi  pour  les  Grecs  un  mystère 
dans  les  genoux.  On  entrevoit  ici  une  influence  pélasgique 
peut-être,  car  les  Romains  n'emploient  pas  cette  imago. 

Dans  l'histoire  culturelle,  nous  avançons  encore  d'un  derniei- 


414  H.   JUNKEH 

grand  pas  vers  le  berceau  de  rhumanité.  A  l'époque  paléolithi- 
que, nous  voyons  un  genre  singulier  d'enterrement.  Il  d"evint 
plus  tard  usuel.  C'est  l'ensevelissement  où  les  morts  sont 
accroupis  :  les  jambes  et  les  bras  sont  repliés  sur  le  corps 
{Hacker).  Cet  usage  est  en  Europe  plus  antique  que  la  culture 
matriarcale  ;  il  remonte  aux  vrais  primiitifs  du  temps  acheu- 
léen  ;  pour  cette  cause  il  s"étend  encore  de  nos  jours  sur  tant 
de  cycles  culturels. 

Tirons  la  conclusion.  Selon  toute  apparence,  le  plus  impor- 
lant  des  mystères  au  Mexique,  à  savoir  le  culte  de  toutes  les 
portes,  surtout  des  portes  aux  confins  de  la  terre,  se  trouve  déjà 
à  peu  près  au  commencement  de  la  culture  humaine.  Mais 
jusqu'à  présent  c'est  uniquement  au  Mexique  qu'il  a  été  pos- 
sible de  montrer  l'influence  exercée  par  ce  grand  mystère  sur 
la  conduite  des  vivants  et  sur  les  soins  qu'on  applique  aux 
morts. 

L'ethnologue  étudiant  les  Primitifs  peut  sans  doute  suivre 
l'exemple  du  sage  Laotse,  qui  savait  combiner  l'idée  d'un  lieu 
sacré  aux  limites  de  la  terre  avec  l'idée  d'un  règne  du  vrai  Dieu. 

BIBL.  —  E.  Seler,  Gesainmeïte  Ahhandlungen  sur  amerikanischen  Sprach- 
itnrt  Altertumskunde,  5  in-8",  Berlin,  1902-1923  —  D.  Krbichgauer,  Die 
Klwpptore  am  Rande  der  Erde  in  der  altmexikanischen  Mythologie^  dans 
Anthr.,  1917-18,  t.  XII-XIII,  p.  272-312  ;  Studien  sum  aztekischen  Codex  Bor- 
honicus,  ibid.,  p.  497-512  —  B.  Fischer,  Die  Pelasger,  dans  Anthr.,  1914, 
t.  IX,  p.  774-780  —  M.  Neubert,  Dorische  Wanderung,  Stuttgart,   1920. 


[29]  Die  Mysterien  des  Osiris, 

von  Prof.  Dr.  Hermann  JuNKER,  Wien. 

Die  Mysterien,  die  einst  in  den  meisten  grosseren  Heiligtû- 
mern  Aegyptens  zu  Ehren  des  Gottes  Osiris  gefeiert  wurden, 
liegen  heute  entschleiert  vor  uns  ;  ihr  Geheimnis  ist  preis- 
gegeben  ;  wir  vermôchten  sie,  in  den  wesent-lichen  Punkten  ge- 
treu,  wieder  aufzufiihren.  Es  sind  vor  allem  die  Tempel  von 
Dendera  und  Philâ,  die  uns  aus  den  ehedem  unzugânglichen 
Osiriskammern  ein  reiches  Material  liefern  ;  ihre  Darstellun- 
gen  und  Sprûche,  einst  vor  jedem  Laien  sorgsam  be^hutet,  stehen 
nun  allen  Aeigyptologen  zur  "Verfûgung. 


DIE   MYSTERIEN    RES    OSIRIS  415 

Wir  sind  da  in  einer  unverg-leichlich  besseren  Lage  als  bei 
den  anderen  Mj'sterienkiilten  des  Altertums,  bei  denen  meist 
nur  eine  ungefâhre  Rekonstruktion  aus  gelegentiichen.  oft 
dunkeln  Andeutungen  und  auf  Grund  wenig  verratender  sceni- 
scher  Darstellungen  môglicb  ist.  Was  sich  in  den  Osirismys- 
terien  an  Problemen  flndet,  bezieht  sich  zum  geringeren  Teil 
auf  den  tatsàchlirhen  Hergang  ;  nur  die  Fragen  riach  der  Ent- 
sfehung.  den  Elementen  des  Aufbaues,  der  historischen  Enf- 
wieklung  und  der  tieferen  Bedeutung  mancher  Vorgânge  be- 
dûrfen  noch  weiterer  Klârung,  ob  zwar  auch  liier  die  wesen- 
tlichen  Richtlinien  sclutn  festliegen  dûrften. 

I.  DIE  NATUR  DES  GOTTES. 

Fur  die  Auffassung  der  Mysterien  ist  es  von  grundlegender 
Bedeutung  zu  wissen,  was  die  eigentliche  Natur  des  Gottes 
ist,  dem  zu  Ehren  sie  gefeiert  werden. 

Osiris  ist  nicht  einfach  der  Gott  der  Toten,  wie  es  die  popu- 
lâre  Aufîassung  wiltl  ;  er  ist  das  erst  geworden  und  zwar  relativ 
spàt  und  zum  Teil  auf  Umwegen  und  unter  Angleiehung  an 
eine  andere  Gottheit.  Wir  mûssen  vielniehr  bei  ihm  zwei  Ele- 
mente  als  wesentlich  ansehen  :  er  ist  Naturgott  und  Kônigsgott, 

1.  Als  ersterer  erscheint  er  einmal  als  die  fruchtbare  Erde, 
die  in  ewigem  Wechsel  stirbt  und  zu  neuem  Leben  erblûht,  die 
in  Aegypten  alljâhrlich  in  den  Fluten  der  Nilûberschwemmung 
ertrinkt,  aus  ihnen  aber  inimer  wieder  verjûngt  emportauchf, 
die  verdorrt,  um  von  neuem  zu  griinen. 

Oder  es  erscheint  Osiris  als  Verkôrperung  der  ewig  lebendi- 
gen  Kraft  der  Natur,  die  die  Fruoht  auf  den  Feldern  spriessen 
làsst,  die  welken  Baume  wieder  grûnen  raacht,  den  segenspen- 
denden  Nil  zu  seiner  Zeit  herheibringt,  Endlich  erkennt  man  in 
ihm  auch  den  Nil  selbst,  der  sich  ûber  das  Land  ergiesst,  es 
befruchtet  und  dann  versiecht  ;  den  Baum  selbst,  der  in  der 
Hitze  dorrt  und  dann  von  neuem  griiiit  und  blûht  ;  das  Getreide, 
das  in  die  Erde  gelegt,  zu  neuer  reicher  Frucht  emporwâchst. 

2.  Viel  bekannter  ist  Osiris  als  Kônigsgott,  und  es  geniigt, 
seine  Schicksale  kurz  zu  skizzieren.  Er  herrschte  in  grauer 
Vorzpit  als  KTjnig  Aegyptens,  siegreich  und  ruhmvoll.  Soin 
Bruder  Seth,  der  Kônigsgott  Oberâgyptens,  stellte  ihm  nadi  und 
ti'Uete  ihn.  Da  zog  seine  treue  Gemahlin  Isis  klagend  dui'cli  die 
Gaue  des  Landes,   iliron  toten  Gatten  sucliond.  Es   gelang  ihr, 


416  H.   JUNKER 

aile  Telle  des  zerfallenen  oder  vnn  Seth  in  Stûeke  gerissenen 
Leichnains  aufzufinden  ;  der  Totengott  Aniiltis  fûgte  sie  zusani- 
men  imd  balsaniierte  sie.  Es  erwachte  der  Gott  zu  neuem  Leben  ; 
Isis  liess  sich  als  Falkin  auf  ihn  nifMler,  empfing  von  ihni  uni! 
gebar  ihm  seinen  Sohn  Horus,  der  herangewachsen  Seth  im 
Kampfo  ûberwand  und  als  Nachfolger  seines  Yaîers  fur  ewig 
den  Thron  Aegyptens  bestieg,  wâhrend  Osiris  die  Herrscdiaft 
iTi)  Reiche  der  Toten  antrat. 

3.  Es  fragt  sich  nun,  wie  wir  dièse  beiden  Elemente  in  der 
Xahir  des  Gottes  zu  vereinigrn  haben.  Liegt  bloss  eine  Um- 
setzung  des  Nàturgeschehens  in  Mensehenschicksale  vor,  oder 
benutzte  man  es  zum  symbolischen  Ausdrurk  geschichtlicher 
Ereignis.se?  Ich  stehe  nirht  an,  das  letztere  als  .gesirhert 
anzunehmen. 

Den  besten  Fingerzeig  gibt  uns  hier  eine  ahnliehe  Yerbindung 
von  Naturvorgângen  und  Geschichte  im  Mythus  vom  Auge  des 
Horus,  der  mit  dem  Osirismythus  in  Zusammenhang  gebracht 
wurde. 

Das  Schwinden  und  Wiederkehren  des  Mondes  wird  in  ihm 
also  aufgefasst.  Der  Gott  Seth  raubt  dem  Himmelsgott  Horus 
dessen  linkes  Auge,  den  Mond,  muss  es  aber  besiegt  und  verur- 
teilt,  zurûckgeben.  Hier  ist  der  historische  Hintergrund  klar. 
Yiele  Jahrhunderte  vor  Menés  (ca.  4200)  kâmpften  die  Horus- 
konige  von  Unteràgypten  mit  den  Oheragyptern  um  die  Hégé- 
monie ;  der  Kamp  endete  mit  dem  Siège  des  Horus,  der  das 
verlorene  Auge  wiedergewann,  das  entrissene  Diadem  wieder- 
aufsetzte. 

Noch  viel  weiter  hinauf  reichen  andere  Kàmpfe  um  das  glei- 
che  Ziel.  Damais  fûhrte  in  Unteràgypten  der  Gau  von  Busiris, 
dem  Hauptkultorte  des  Osiris,  und  dehnte  seine  Herrschaft 
nar-h  Oberàgypten  aus,  um  aber  scihliess'lich  dem  Angriff  des 
Sùdens  zu  unterliegen.  Doch  Horus  von  Buto  erkàmpfte  die 
Hégémonie  des  Nordens  von  neuem  und  machte  Heliopolis  zur 
Métropole  des  geeinten  Reiches  ;  Busiris  freilich  batte  fur 
immer  seine  politische  Bedeutung  verloren.  Das  ist  der  ge- 
schichtliche  Hintergrund  der  Osirislegende.  Darauf  weisen  u.  a. 
folgende  Erwâgungen  hin.  Der  Osiriskult  ist  sicher  im  Delta 
zuhause  und  von  hier  —  gewiss  unter  politischem  Einfluss  — 
nach  Oberiigypten  verpflanzt  worden  ;  ebenso  steht  fest,  dass  die 


DIE   MYSTERIEN    DES    OSIRIS  417 

Identifizierunjg  des  Gottes  mit  dem  toten  Konig  Aegyptens  das 
Ursprûngliche  ist  und  die  anderen  Yerstorbenen  erst  sekundâr 
als  Osiris  erscheinen  ;  dann  zeigen  die  Diadème  des  Gottes, 
dass  sein  Mac-htbereich  ursprûnglich  Unteràgypten  war  —  es 
iàsst  sich  noch  eine  besondere  Yerbindung  mit  den  libysehen 
Stàmmen  im  Westen  erkennen  —  und  dass  dann  die  Konige  unter 
seiner  Fûhrung  die  Krone  des  Sûdens  ei'oberten  ;  lerner  wird 
nur  so  die  enge  Yerbindung  des  Mythus  mit  der  Horuslegende 
verstàndiich,  und  endlich  erklàrt  es  sich  jelzt  warum  der  Osi- 
riskult  erst  relativ  spàt  in  der  Religion  des  von  Menés  geeinten 
Reiches  zum  Durchbrueh  kommt  :  er  ist  unteràgyptisch.  und 
erst  mit  dem  Wiedererstarken  des  heliopolitanischen  Einflusses 
in  der  âgyptischen  Théologie  besonders  wâhrend  der  V.  Dynastie 
konnte  er,  indem  die  Siéger  des  Deltas  weiterlebten,  in  einem 
Reiche  zur  Geltung  kommen,  das  von  Oberâgypten  aus  geeint 
und  gefûhrt  war. 

Wenn  nun  auch  in  der  historisehen  Ausdeutung  der  einzelnen 
Zûge  im  Mythus  die  grosste  Yorsicht  obwalten  muss,  so  kann 
an  der  Treue  der  wesentlichen  Zûge  wohl  nicht  gezweifelt  wer- 
den.  Es  war  iibrigens  ein  bewundernswerter  Gedanke,  das 
Gedâchtnis  an  die  grossen  Oeschioke  des  T,andes  in  dem  Leben 
der  Natur  zu  verankern.  Das  Sterben  und  Erwachen  der  Yege- 
tation,  und  das  Sehwinden  und  \Yiederkehren  des  Mondes 
erhielt  die  Erinnerung  an  die  beiden  grossen  Epochen  der 
âgyptischen  Urgeschichte  besser  lebendig,  als  Denkmâler  und 
Berichte  es  vermocht  hâtten.  Und  darnit  dièse  Yerbindung 
zwischen  Naturgeschehen  und  Geschichte  ihren  stàndigen  sicht- 
baren  Ausdruck  flnde,  feierte  man  die  Mysterien  des  Osiris  in 
der  nun  zu  beschreibenden  Weise,  wie  man  im  selben  Sinne  zu 
Heliopolis  die  geheimen  Feiern  des  heiligen  Mondauges  beging. 

II.   DER  VERLAUF  DER  MYSTERIEN. 

1.  Die  ôffeiitlirhcn  Spifle.  —  Wir  scheiden  bel  der  Bespre- 
chung  der  Mysterien  fùglich  aile  Feiern  aus,  die  in  der  OefTent- 
lichkeit  und  unter  ^litwirkung  zahlreicher  Laien  abgehalten 
wurden.  Es  waren  das  prunkvoUe  Aufzûge,  Wasserfahrten, 
Kampfspiele  u.  à.,  die  meist  in  enger  Yerbindung  mit  den  Ge- 
heimriten  stattfanden,  und  sich  zu  diesen  ebenso  verhielten.  wie 
Prozessionen  und  Sidele  sich  um  den  inneren  Temi)elkult  ranken. 

27 


418  H.   JUXKER 

Es  kommpn  im  Ralimen  unseres  Themas  nur  solche  Riten  in 
Betraclit,  die  unter  Ausschluss  von  Laien  diirch  oingeweihte 
PriestPi'  und  Priesterinnen  vollzogen  wurden,  resp.  nur  ihnon 
bekannt  und  zugângilich  waren  und  meist  an  Orten  stattfanden, 
die  kein  Unberufener  betreten  durfle. 

2.  Die  eigentlicken  Mysterien.  —  Wir  unterscheiden  dabei  drei 
Arten  der  Darstellung  der  Sc-hicksale  des  Gottes    : 

a.  Einmal  sind  die  Ràume,  die  denn  Mysterienkult  geweilit 
waren  mit  zahlreichen  Reliefs  geschmiickt,  welche  die  verschie- 
cienen  Phasen  im  Tode  und  Erstehen  des  Gottes  darstellen. 

'Da  wird  Osiris  auf  der  Bahre  liegend  von  Isis  und  Nephthys 
beklagt  ;  Anubis  kommt  und  balsamiert  die  Leiche  ;  Horus 
reinigt  sie  ;  seine  vier  Sohne  tragen  sie  zum  Grahe  ;  die  mu- 
mienfi'n-mige  Gestalt  wird  mit  Wasser  besprengt.  und  Grûn 
sprosst  aus  ihr  hervor  ;  Isis  làsst  sich  als  Falkin  auf  den  Gott 
nieder.  Dann  wird  er  durch  Horus  oder  die  Fitticihe  der  Isis 
emporgehoben  ;  der  heilige  Pfeiler  wird  aufgerichtet  ;  trium- 
phierend  erbebt  sic-h  der  Gott  im  Grûn  des  Baumes  ;  die  Schutz- 
gôtter  vernichlen  seine  Feinde  ;  Osiris  besteigt  den  Thron  und 
die  Gotter  huldigen  ihm  ;  Horus  wird  zum  Herrscher  der  Le- 
bendigen  eingesetzt. 

Wenn  auch  dièse  Reliefs  zum  grossen  Teil  eine  bildliche  Wie- 
dergabe  der  beiden  unten  zu  besprechenden  Arten  der  Myste- 
rien sind,  so  dûrfen  sie  doch  nicht  einfach  als  eine  entspre- 
chende  Wandverzierung  angesprocben  werden  ;  sie  sind  auch 
nicht  allein  zur  Untei^veisung  oder  gar  zur  Erbauung  ange- 
bracht  ;  sie  haben  vielmehr  auch  ein  Leben  fur  sich  :  Osiris 
und  seine  Begleitgotter  kommen  und  beseelen  die  Bilder,  sodass 
in  ihnen  sich  seine  Schicksale  wirklich  wiederholen.  Das  ist 
eine  Auffassung  der  Reliefs,  die  sich  hier  wie  in  den  anderen 
Tempeldarstellungen  der  Spàtzeit  klar  ausgesprochen  fmdet, 
und  die  auf  uralte  Ideen  zurûckgeht  :  sie  findet  sii'h  entspre- 
chend  schon  in  den  Grabreliefs  des  Alten  Reiches. 

b.  An  zweiter  Stelle  stehen  die  Figurenspiele  :  Das  ganze 
Draima  vom  Tode,  Wiedererstehen  und  Triumphieren  des  Gottes 
wurde  mit  kostbaren  Rundplastiken  aus  Gold,  Silber  und  Holz 
dargestellt.  Wir  mûssen  uns  das  wohl  so  vorstellen,  dass  die 
einzelnen  Gruppen  an  bestimmten  Tagen  unter  Beobachtung 
entsprechender  Ceremonien  zusammengestellt  wurden.  Yon  den 


DIE   MYSTERIEN    DES    OSIRIS  419 

zahlreichen  Scenen  sei  eine  kleine  Auswahl  angefûhrt  : 

Da  ruht  eine  Figur  des  Sokaris-Osiris  von  5  Spannen  :^  Fin- 
gern  aiif  der  Bahre,  danebeu  ein  Bild  des  Anubis  mit  Salbe  und 
Binden  zum  Einbalsamieren  der  Leiehe.  —  Ein  Osiris  von  einer 
Elle,  einer  Spanne  und  einem  Fiiiger  liegt  da,  die  eine  Hand 
vor  das  Gesieht  hait  end,  Isis  zu  Hàupten,  Nephthys  zu  Fûssen. 
—  Eine  Falkinnenfigur  ans  Gold  làsst  sich  bel  einer  dritten 
Gruppe  auf  die  àVIumie  des  Gottes  nieder.  Dann  das  Erwachen  : 
Honis  sLeht  vor  der  Bahre  seines  Vaters  und  hait  seine  Hand 
an  dessen  Haupt  ;  die  Figur  des  Osiris,  der  sich  von  der  Balire 
zu  erheben  scheint,  misst  1  Elle,  2  Spannen,  3  Finger  und  ist 
aus  Gold  gefertigt  ;  ihre  Augen  sind  eingelegt,  Szepter  und 
Geissel  aus  Gold.  --  In  einer  andei'en  Grui)pe  fâchelt  eine. 
goldene  Isis.flgur  von  1  Elle,  2  Spannen,  der  beinahe  vôllig 
aufgerichteten  Osii'ismumie  mit  den  Flûgeln  Wind  zu. 

Grossere  Figuren  von  2  Ellen  aus  bemaltem  Holz  und  mit 
eingelegten  Augen  zeigen  den  Osiris-Konig  von  Horus  voll  aul'- 
gerichtet  ;  Isis  und  Nephthys  begriissen  den  Wiedererstande- 
nen  ;  zur  Seite  steht  aufgerichtet  der  heilige  Pfoiler  von  Busiris. 

iSo  zieht  die  ganze  GeschichLe  des  Osiris  an  uns  vorûber,  und 
auch  liier  mùssen  wir  uns  die  Bildwerke  als  vom  Gotte  beseelt 
vorsl ellen,  ganz  entsprechend  wie  die  Kultbilder,  die  im  Naos 
des  Tempels  verehrt  wurden. 

c.  Die  dritte  Art  der  Feiern  ist  die  bekanntcre  und  verdient 
erst  den  Namen  Mysterien  im  eigentlichen  Sinne.  Aus  be- 
stimmten  Elément  en  werden  Figuren  des  Gottes  zusammenge- 
setzt,  und  an  ihnen  wird  von  Priestern  und  Priesterinnen  ailes 
vollzogen,  was  einst  an  Osiris  selbst  geschehen  war.  Wir  un- 
tersc'heiden  dabei  2  Gruppen   : 

In  der  Mitte  der  einen  steht  eine  Figur  des  «  Osiris  des 
Fiirsten  der  Westlichen  »  d.  i.  der  Toten,  die  auch  durch  eine 
âhnliche  Lokalgestalt  des  Gottes  ersetzt  oder  neben  dieser 
geformt  werden  kann.  Sie  wird  aus  Sand  und  Frurhtkornern 
gebildet,  befeuchtet  und  dadurch  zum  grùnen  gebracht.  spâter 
balsamiert  und  begraben. 

Zunàchst  wird  dor  Acker  des  Osiris  bestellt  :  vorn  mit  Gerste 
fijr  die  Osirisfigur,  in  der  Mitte  mit  Flachs  fur  die  Mumien- 
binden,  riickwârts  mit  Spelt  fiir  die  Kefenu-Formen  der  Gottes- 
glieder.  Zwei  schwarze  Rinder  wer'den  an  einen  Pflug  aus  Taina- 


420  H.   JUNKER 

riskenliolz  gespannt,  dessen  Sc>har  aus  schwarzem  Eisen 
geschimiedet  ist.  Der  Pflûger  tràgt  ein  besonderos  Gewand  und 
eine  Binde  um  den  Kopf  ;  die  Saat  wirft  ein  Kind  aus..  im  Pest- 
gewand,  mit  der  Jugendloelie  an  der  Stirn,  wâlirend  der  Vor- 
lesepriester  die  Sprûche  vom  Bestellen  des  Feldes  rezitiert.  Die 
feierliche  Ernte  der  Gerste  findet  am  sog.Schefbedet-Feste  statt. 

Am  12.  Choiak  beginnen  die  eigentlicihen  Feierlichkeiten.  In 
der  vierten  Morgenstunde  fiilirt  man  Isis  zum  Sitze  des  Erd- 
hackens  und  tragt  die  Frachtkôrner  vor  ihr  her.  Man  lassf  die 
Guttin  sieh  ohne  Gewànder  auf  einem  Ruhebett  niederkauern 
Lind  seliûttet  die  Kurner  auf  ein  Tuch  vor  ihr  aus  ;  daneben 
wird  die  Wage  aufgestellt.  Dann  misst  man  2  Mass  ab  und 
teilt  sie  in  vier  gleiohe  ïeile  zu  je  1/2  Mass.  In  gleicher  Weise 
nimmt  man  2  Mi  Mass  vom  Wasser  des  heiligen  Sees,  teilt,  es 
in  4  gleiehe  Teile,  und  mischt  je  einen  Teil  Gerste  und  Wasser 
in  vier  silbernen  Behàltern  und  versieht  dièse  mit  der  Auf- 
sclu'ift  der  vier  unten  zu  liesprec'henden  Hailbformen.  Dann 
bildet  man  4  Teile  aus  2  Mass  gesiebteim  Sand,  tut  je  1/2  Mass 
Wasser  liinzu,  gibt  sie  in  die  genannten  4  silbernen  Behâlter 
und  mischt  in  ihnen  Korner  und  Sand  durcheinander.  Jetzt 
werden  die  Formen  herbeigebracht  :  die  Form  des  Osiris  des 
«  Fûrsten  der  Westliohen  »  ist  aus  Gold  und  misst  eine  Elle 
in  der  Lange  bei  2  Spannen  Breite  in  der  Mitte  ;  sie  stellt  den 
Gott  als  Mumie  mit  Menschengesicht  dar,  die  oberàgyptische 
Krone.  auf  dem  Haupte  ;  auf  der  Brust  ist  die  Kônigstitulatur 
des  Gottes  eingraviert.  Die  Ganzform  besteht  aus  einer  rechten 
und  linken  Hàlfte;  in  die  der  Inhalt  je  eines  der  oben  genannten 
Behâlter  gefûllt  wird. 

Die  zwei  ubriigen  Gefâsse  sind  fiir  die  lieiden  Halbformon 
des  OsiriS-Sepj  bestimmt.  Dièse  P'orm  misst  3  Spannen  3  Fin- 
ger  im  Geviert  und  ist  eine  Spanne  hoch.  Sie  besteht  aus 
scihwarzem  Metall  und  bat  16  Abteilungen,  den  16  Gliedern  des 
Gottes  enfsprechend.  Ihr  Inhalt  entspricht  in  Materie  und  Volu- 
men  genau  dem  der  Osirisfigur,  und  als  Aufschrift  tràgt  sie  : 
«  Osiris,  P'iirst  der  Westlichen  ».  Ilire  Verwendung  dûrfte  norli 
auf  die  àlteste  Form  der  Naturmysterien  des  Osiris  hinweisen. 

Beides  nun,  die  beiden  Hâlften  der  Figur  und  des  Behàlters 
der  Gottesglieder  legt  man  in  den  sogenannten  «  Beet  «-Behâl- 
ter   {Hf'sep) .   Dieser   missL    1    Elle   2   Spannen   im   Geviert   und 


DIE   MYSTERIEX    DES    OSIRIS  421 

3  Spannen  i  Finger  in  der  Holie.  Er  ist  ans  Basait  gelianen  und 
ruht  aiif  4  Stûtzen  ;  in  dpr  Mitfp  des  Bodens  ist  ein  I.och  zum 
Abfluss  der  Fliissigkeilen.  die  von  einem  daruntersteiienden 
Bassin  ans  Granit..  7  X  7  Spannen  gross,  aufgefangen  werden. 
Die  Formen  mit  ihrem  Inlialt  l'uhon  in  dem  Hcsep-Bfiha,]ier  auf 
Zweigpn  und  sind  mit  Zweigen  bedeekt  und  werden  tâglioh  mit 
Wasser  begossen,  9  Tage  lang. 

Am  21 .  Choiak  nimmt  man  den  festgewordenen  Inhalt  aus  den 
beiden  Halbformen,  legt  die  beiden  Telle  diolit  nebeneinander, 
schnûrt  sie  mit  4  Baststreifen  zusammen,  und  legt  die  so 
entstandene  Osirisfigur  in  die  Sonne.  Ahnlich  verbindet  man  die 
beiden  Hàlften  des  Osiris-Sepj  und  legt  sie  zu  Haupten  des 
«  Fûrsten  der  Westlir-lien  ». 

Am  22i.  Choiak  wird  eine  festliche  Wasserfahrt  unternommen, 
wobei  die  Barken  mit  den  Osirisfiguren  von  zahlreichen  Gôt- 
tprn  begleitet  werden  ;  34  Srhiffe  zahlt  der  Zug,  auf  denen 
insgesamt  365  Liehter  brennen.  Darnach  wird  der  Gott  zur 
«  oberen  Schetjt  »  gebracht,  die  aucb  «  obère  Duat  »  (Toten- 
reich)  genannt  wird,  ein  Steinbau,  in  dem  er  bis  zum  folgenden 
Jahre  ruht.  —  Parallel  mit  der  Herstellung  dieser  Figuren  geht 
das  Formen  des  OsH'is-Sokaris.  Hier  wird  wiederum  eine  Form 
aus  Gold,  eine  Elle  lang,  benûtzt  ;  sie  zeigt  den  Gott  in  Mumien. 
form  mit  der  «  Gottesifrisur  »  ;  die  auf  der  Brust  liegenden 
Hànde  tragen  Szepter  und  Geissel.  Die  Form  besteht  diesmal 
aus  einer  oberen  und  unteren  Halbform.  Die  Zusammensetzung 
des  Inhalts  ist  eine  wesentlich  andere  ;  sie  soll  wohi  an  Osiris 
als  Erdgott  erinnern.  in  dem  aile  Sehâtze,  die  der  Boden 
sehenkt,  verborgen  sind  :  Es  sind  7  Tngredienzien,  nâmlich 
7  Mass  Erde  von  der  heiligen  Stàtte,  dazu  2/3  von  7  Mass 
Fruchtkf'jrner.  1/3  trockene  Myrrhen,  1/4  frisoher  Weihrauch, 
1/6  Pulver  aus  12  Arten  wohlriechender  Kràuter.  1/42  Pulver 
aus  24  Arten  Edelgestein  ;  dazu  kommt  Wasser  aus  dem  heili- 
gen See.  Das  Material  wird  auf  14  kleine  Behâlter  verfeilt, 
welche  die  Gestalt  der  14  Glieder  des  Gottes  haben  und  aus 
Gold.  Silhei-  und  schwarze.m  Metall  verfertigt  sind.  Sie  haben 
aile  ihren  bestimmten  Tnhalt  und  ergeben  zusammen  das  Volu- 
men  der  Sokarisfigur.  Die  Masse  wird  durcheinandergeknetet, 
in  eine  goldene  Schale  getan.  und  um  dièse  wesden  Sykomo- 
renzweige  gelegt. 


422  H.   JUNKER 

Ani  16.  Clioiak  in  der  dritten  Morgenstunde  bi'ingt  man  die 
Giittin  ((  die  die  Gotter  gebar  »  ;  vor  ilir  sitzt  auf  einer  Palm- 
bastmalte  der  Feketij-Priester,  das  Pantherfell  um  die  Schul- 
tern,  eine  Locke  von  LaY)islazuli  am  Kopfe.  Er  nimmt  die  gol- 
dene  Schale  in  seine  Hànde  nnd  sprieht  zur  Gôttin  :  «  leli  bin 
Horus,  der  zu  dir  kommt  ;  ich  bringe  dièse  Dinge  meines 
Vaters  ».  Mit  diesen  Worten  legt  er  sie  auf  den  Schoss  der 
Gôttin.  Nun  bringt  man  die  beiden  Halltformen,  salbt  sii^  und 
fûllt  sie  mit  der  Masse  ;  die  obère  legt  man  auf  eino  Matto  auf 
die  Erde  ;  die  untere  legt  man  darauif.  Dann  bringt  man  die 
Form  mit  Inhalt  auf  eine  goldene  Bahre  von  1  Elle,  2  Spannen, 
deren  Yorderteil  nach  Norden  schaut  ;  sie  steht  in  dem  sog. 
«  Henket  »  (Gemach  der  Bahre  o.  à.),  das  aus  Ebenholz  gebaut 
und  mit  Gold  eingelegt  ist  ;  es  ist  3  EMen  lang,  2  Ellen  breit 
und  2  V2  Ellen  hoeh.  Dies  kleine  Gemach  wiederum  steht  in  der 
((  Festhalle  »,  die  aus  Cedernholz  konsfruiert  ist  :  14  Stangen, 
am  Fusse  and  an  der  Spitze  mit  Bronze  beschlagen.  werden  in 
die  Erde  gesteckt.  Das  Dach  bildcn  Matten  aus  Papyrus  und 
Henep-Pflanzen  ;  im  Innern  ist  sie  mit  Tuch  ausgeschlagen. 
Hier  ruht  liie  Mumie  unter  dem  Schutze  besonderer  Gotter  bis 
zum  19.  Choiak.  —  An  diesem  Tage  nimmt  man  die  Masse  aus 
den  Halbformen  und  legt  die  nun  gewonnene  Sokarisfigur  auf 
einen  goldenen  T^ntersatz,  làsst  sie  von  der  Sonne  bescheinon 
und  saltbt  sie  tàglich  bis  zum  23.  mit  Myrrhe  und  Wasser. 

Am  23.  Choiak  legt  man  den  Gott  auf  einen  Untersatz  von 
Granit  und  bemalt  ihn  ;  so  die  Kinnbarken  griin.  die  Haare  blau, 
Geissel  und  Scepter  erhalten  rlie  Farbe  verschiedener  Bdelsteine. 

Am  24.  Choiok  bringt  man  ihn  zur  oberen  Schetjt,  wo  schon  die 
Figur  des  Ftirsten  der  Westlichen  ruht.  Mit  dem  Einzug  der 
beiden  neuen  Figuren  in  die  obère  Duat  mussen  die  Figuren 
des  Vorjahres,  die  wàhrend  der  ganzen  Zeit  hier  geruht  hatten, 
ihre  Stâtte  verlassen  und  man  schreitet  zu  ihreni  Begrâbnis. 

So  nimmt  man  den  Fursten  der  Westlichen  am  22.  Ghoiak 
heraus,  salbt  ihn  und  nimmt  die  Mumiflzierung  am  24.  in  der 
sog.  Webet,  der  «  reinen  Halle  »  vor,  wo  auch  die  Totenwachen 
abgehalten  werden.  Dann  legt  man  die  balsamierte  Leiche  auf 
Sykomorenzweige  aussen  vor  die  «  obère  Schetjt  »  und  lâsst  sie 
dort  7  Tage  liegen  zum  Andenken  an  die  7  Monate.  die  Osiris 
im  Leibe  seiner  Mutter  war. 


DIB   MYSTERIEN    DES    OSIRIS  423 

Am  letzten  Ghoiak  wird  das  Begrâhnis  vnrgpnomiiicn.  Auf 
einpm  3  \'>  Ellen  langen  Si-hiffo  mit  Traggostcll  ruht  rlfi-  G  ift 
in  einer  Kajûto  ans  goldeingelegteni  Hulz,  1  Elle  2  Spannen 
lang,  3  Spaniiea  2  Finger  breil.  3  Spannon  tief.  Auf  deni  Ober- 
teil  liegt  die  Schakalsgestalt  des  Anubis.  In  feierlicher  Pro- 
zpssion  wird  er  so  zur  Begràbnisstàtte  gefûlirt.  Dort  ist  die 
«  Huhle  iinter  den  Isrhpd-Wàwmen  »,  die  «  untere  Dval  »  an  der 
«  Stâlte  der  (>*) /jp/z-Ptlanzen  »  errirhtet,  ein  Steinban  von 
16  X  12  Eli  en,  der  7  Tore  wie  die  wirkliche  Unterwelt  besitzt  ; 
in  seiner  Mit  te  liegen  7  Ellen  Sand  im  Geviert.  Nun  legt  man 
den  Gott  in  einen  Sarg  ans  Sykomorenbolz  in  Mumienform,  auf 
den  die  Titulatur  des  Gottes  eingraviert  ist.  Man  tritt  dann 
durch  das  westliehe  Eingangstor  ein,  legt  den  Sarg  auf  den 
Sand  nieder  und  geht  durch  das  ostliebe  Tor  liinaus.  Zusam- 
men  mit  dem  «  Fûrsten  der  Westlirhen  »  wii'd  Osiris-Sepj  in 
eigener  Kajûte  zum  Begràbnisplatz  gefûhrt  und  neben  ihm 
bestattet.  Aueh  Osiris-iSokaris  findet  an  diesem  Tage,  in  der 
neunten  Stunde  der  Nacht,  hier  seine  Ruhestalt. 

Der  Ort  an  dem  der  Gott  ruhte  war  wâhrend  des  Jahres  der 
Schauplatz  manigfacher  Geremonien.  Hier,  im  heiligen  Hain, 
den  keines  Laien  Fuss  betreten,  dessen  Stille  kein  Singen  und 
Musizieren  storen  durfte,  in  dessen  Umkreis  Jagd  und  Fisebfang 
verboten  war,  wurden  die  Totenopfer  dargebracht  :  unter  den 
Bàumen  lagen  365  Altàre  fiir  die  laglieben  Spenden  ;  jede 
Dekade  fuhr  Isis  zu  besonderem  Opfer  zu  ihrem  Gemabl  :  'an 
bestimmten  Tagen  bewegten  sicb  feiprliche  Prozessionen 
hierher.  Hierbin  brachte  man  aucb  die  Seele  des  Gottps.  mit 
Vogelleib  und  Menschenkopf.  und  setzte  sie  in  die  Zweige  der 
Baume,  die  das  Grab,  bescbat teten. 

III.   DIE   BEDEUTUNG  DER  MYSTERIEN. 

1.  Dit'  grscliichtUrlw  Entwirklung.  — -  Die  voraufgegangene 
Scliilderung  der  Osirismysterien  ist  Texten  und  Darstellungpn 
der  Spiitzeit  entnommen,  und  es  ist  keine  Frage,  dass  sie  in 
dieser  Form  niclit  scbon  von  Anifang  an  gefpipi'l  wui'iIph.  wpiin 
aueh  der  Kern  uralt  ist.  Manehe  wesentlichpn  Punkte  lassen 
sicli  2000  Jahre  weiter  hinauf  bis  in  das  Mil!  1ère  Reieh  verfoU 
geii  ;  der  crste  Anfang  diirfle  norli  einige  Jalu'l  ausende  weiter 
anzusetzen  sein. 


424  H.    JUNKER 

Wir  werden  als  Ausgangspunkt  wohl  eine  Fpier  mit  rein 
naturmythologischem  Hintergrund  anzunehmen  halien.  die  das 
Welken  und  Wiedererblûhen  der  Erde  ziim  (xegenstande  hatte. 
Ein  weiteres  wesentliohes  Moment  kam  tiinzn,  als  sich  in  Osiris 
die  Verbindung  von  Naturgott  und  Konigsgott  vollzogen  liatte. 
und  nun  auch  die  Geschicke  des  Gottes  als  Herrsrher  auf  Erdon 
zum  Ausdruek  gebracht  werden  sollten.  Dabei  \vurden  manche 
Elemente  aus  dem  Konigskult  ûbernommen.  Osiris  war  daim 
allmàhlich  zum  Gott  der  Toten  geworden.  und  wie  der  Toten- 
kult  dureh  ihn  stark  beeinflusst  wurde,  so  wurde  anderer- 
seits  vieles  in  seinem  Kult  und  seinem  Mysterien  den  Begràb- 
nisriten  entliehen. 

Das  dûrften  im  Wesentliehen  die  Komponenten  des  Myste- 
rienkultes  sein,  wenn  wir  von  bestimmten  lokalen  Zutaten 
verschiedener  Herkunft  abseben  ;  bei  diesen  besondei'on  Tradi- 
tionen  einzelner  Heiligtûmer  sind  ausser  Busiris.  der  Urkul.t- 
statte.  und  Abydos,  dem  zweitwichtigsten  Kultort,  vor  allem 
Sais.  Memphis,  Letopolis,  das  nordlicbe  Behedet  und  spâter 
Philâ  zu  nennen. 

2.  Die  GeheimliaJtvvg  vnd  ihre  Bedrvtunçj.  —  Wenn  wir  nun 
nach  der  Bedeulung  der  Mysterien  suclu'n,  drângt  sich  zunàchst 
die  Frage  nach  dem  Grund  der  Geheimhaltung  dieser  Feiern 
auf.  Es  war  in  Aegypten  im  allgemeinen  auch  der  Tempelkult 
der  Gottheiten  nicht  offentlich  ;  man  verwahrte  das  Kulfbild  in 
dunkler,  unzugânglicher  Cella  ;  nur  Priester  warteten  es  und 
opferten  ihm,  und  allein  bei  besonderen  Festlichkeiten  wurde 
es  vor  der  Menge  entsehleiert.  Es  spricht  daraus  die  Ehrfurcbt 
vor  der  Gottbeit,  die  Scheu  vor  Profanierung  des  Kultes.  Die- 
selben  Motive  sind  natiirlich  auch  im  Osiriskult  zu  berûcksich- 
{igen  ;  aber  hier  wird  das  Geheime  in  ganz  aulïâlliger  und 
besonderer  Weise  betont.  Die  Mysterien  werden  die  «  Geheim- 
nisse  »  genannt,  «  die  Geheimnisise,  die  niemand  kennt  «  ;  bei 
einer  Zeremonie  wird  besonders  betont  :  <(  sie  ist  zweimal 
geheim  »  ;  ein  andermal  werden  die  Anweisungen  eingeleitet 
mit  :  «  Verzeichnen  der  Geheimnisse.  die  man  nicht  sieht  und 
nicht  hoi't,  die  der  Vater  seinem  Sohn  uberliefert  »  ;  —  die 
Gôtterfigur  der  Mysterien  wird  in  dem  «  geheimen  Gemach  » 
gebildet  ;  die-Kajiite  des  Gottes  heisst  «  der  geheime  Behàlter  »; 
die  Statte,   an  der  der   Gott  zur  Ruhe   gebracht  wird,   ist  das 


DIB   MYSTERIEN    DBS    OSIRIS  425 

<(  Abaton  »,  das  zu  betreten  als  schwere  VfM'fphlung  galt. 

Es  muss  darum  hier  aiich  ein  ganz  besonderer  Grund  fur  den 
so  geheimen  Gliarakter  dieser  Riten  voiiiegen,  nnd  icb  glaiibp, 
dass  er  loicht  festzustellen  ist    : 

In  den  Osirismysterien  wird  einmal  das  geheimnisvolle  We- 
ben  der  Natnr  dargesteilt  ;  hier  werden  die  unsiehtbaren  Krâfte 
verehrt,  die  ans  dem  Tode  immer  wieder  neues  Leben  schaffen. 
Dazu  kommt  die  Verbindung  mit  der  anderen  Natur  des  Gottes  : 
in  den  Riten  wiederholt  sich  das  dûstere  Geschick  des  Osiris, 
sein  Tod,  den  man  auch  in  den  Insi-hriften  zu  erwâhnen  sich 
scheut  ;  —  und  dann  wieder  das  Geheimnis  seiner  Wiederbe- 
lebung  kraft  irnsicht-baren  Zaubers  ;  —  das  Mysterium  des 
Lebens  und  Sterbens  wurde  hier  gefeiert  :  das  durfte  sich  nicht 
vor  der  Menge  vollziehen,  sondern  nur  im  Kreis  der  Gotter,  die 
eimst  Zeugen  und  Mitwirkende  des  Urdramas  waren  und  deren 
Stella  die  Priester  und  Priesterinnen  vertreten,  in  dercn  Gewand 
sie  sich  kleiden. 

3.  Der  Si)ni  der  Feiern.  —  Im  Uranfang.  als  die  Feiern  noch 
Osiris  dem  Erd-  und  Vegetationsgott  galten,  lag  ihnen  gewiss 
der  Gedanke  zugrunde,  die  Naturgewalt,  die  jahrlich  dem  Lande 
Fruchtbarkeit  und  Segen  spendete,  gleichsam  zu  lokalisioren, 
um  ilir  eine  besondere  rituelle  Verehrung  bezeugen  zu  konnen. 
Dann  wollte  man  wohl  auch  dureh  dièse  Fnrmeln,  Riten  und 
Opfer  auf  die  Krâfte  der  Natur  einwirken,  sie  auf  magische 
Weise  zwingen,  Wachstum  und  Gedeihen  beeinflusson. 

Durch  die  Erkenntnis,  dass  mit  den  Geschicken  des  Naturgot- 
tes  historische  Ereignisse  verkniipft  wurden,  erhalten  wir  eine 
neue,  sekundàre  Bedeutung  der  Mysterien,  die  nun  auch  allmâli- 
lich  âusserlicb  sich  umzugestalten  begannen  :  sie  wurden  zu 
7^>innerungsfeiern  an  die  Kâmpfe,  die  Unterâgypten  in  der 
Urzeit  unter  der  Fiihrung  des  Osiris  zu  bestehen  hafto,  an  diè 
glorrcichen  Siège,  die  zeitweilige  Niederlage  und  den  endgiltigcn 
Triumph  unter  den  Horuskonigen,  den  Nachfolgern  des  Osiris. 

Aber  auch  jetzt  behauptet  sich  die  Urbedeutung  mindestens 
ebenso  stark  danebcn  ;  so  einmal  in  den  Riten  :  in  der  Art  der 
Zusammensetzung  der  Figuren,  im  Sprossen  der  Korner,  im 
Baum  am  Sargc,  dem  Ha  in  am  Grabe  usw.  _  dann  aber  auch  in 
der  Gesamtauffassung  der  Vorgange  :  die  Mysterien.  die  sich 
in  den  Wandreliefs  und  den  szenischen  Darstellungen  mittels 


426  H.    JUNKER 

Rundplasfiken  aus  Holz,  Gold  und  Silber  vollzogen,  sind,  wie 
u-ir  salien,  so  gedacht,  dass  die  Gottlieit  die  Bilder  beseelt, 
ilass  die  Szenen  gieichsam  Leben  und  Wirkliehkeit  annehmen. 
Ein  gleicbes  mûssen  wir  analog  auch  fur  unsere  Mysterien 
fordern.  Wenn  aber  der  Gott  wirklich  erblûht  und  welkt.  ersteht 
und  wieder  begraben  wird,  so  kann  es  sich  nicht  um  blosse 
Erinnerungsfeiern  handeln  ;  die  Riten  haben  nur  dann  ihren 
rechten  Sinn,  wenn  auch  hinter  dem  Kônig  Osiris  und  den 
Riten  die  nur  diesem  zu  gelten  scheinon,  noch  immer  der  alte 
Naturgott  stelit,  an  dem  sich  in  Wirkliehkeit  Jahr  fur  Jahr  das 
Mysterium  des  Sterbens  und  Erstehens  wiedorholt.  Die  Ver- 
scliiebung  der  politisi-hen  Ver'hâlfnisse  in  Aegyi)ten  batte  ûbri- 
gens  bald  eine  Umdeutimg  der  urspriingliehen  Parteien  im 
Kampfe  mit  sich  gebracht  und  Hand  in  Hand  damit  ging  das 
Uebergreifen  in  das  Gebiet  des  Ethischen.  Osiris  ist  der  guie 
und  gprechte  Konig  ;  seine  Gegner  sind  die  Bosen  geworden.  die 
den  Unscliuldigen  verfolgen  und  ttUen,  die  dann  a'ber  die  ge- 
rechte  Strafe  ernten.  Damit  erballen  die  Mysterien  auch  oinen 
tiefercn  Sinn  :  sie  stellen  gleichsam  das  Ringen  zwischen  Gut 
und  Bos  dar,  das  zeitweilige  Unterliegen  der  Unschuld  und 
iliren  schliesslichen  Triumph.  Aber  wir  diirfen  in  dieser  Ausdeu- 
tung  niclit  zu  weit  gehen  ;  iiber  die  ersten  Ansàtze  einer  solchen 
Auffassung  gehen  die  Mysterien  gewiss  nicht  hinaus  ;  sie  zei- 
gon  auch  in  der  Spàtzeit  im  WesenI lichen  nur  die  Verbindung 
von  Naturmythus  mit  historischer  Erinnerung. 

Vollends  die  Beziehung  des  Geschehens  zum  personlichen 
Erleben  vermissen  wir  ganz  ;  sie  fmdet  sich  in  keinem  Ritus. 
keinem  Sjiruch  oder  Gebet.  Auch  erscheint  Osiris  hier  nicht 
als  Vorbild  des  sterbenden  und  zum  Leben  im  Jenseits  erste- 
henden  Menschen,  aïs  das  er  uns  im  Totenkult  entgegentritt, 
viel  weniger  noch  als  ethisches  Yorbild.  Das  darf  nicht  ver- 
gessen  werden,  wenn  wir  seinen  Kult  mit  den  Mysterien  andei'er 
Volker  vergleichen. 


BIBL.  —  H.  SCHAEFERj  Die  Osirismystcrien  in  Abydos,  1904  —  A.  Moret, 
Mystères  égyptiens,  1913  —  H.  Junker,  Die  Stundentvachen  in  den  Osirisviyste- 
rien,  Wien,  1910  ;  ders.,  Das  Gôttcrdekrct  ilber  das  Ahaton,  Wien,  1913. 


C.  VAN  CROMBRUGGHE  42"]^ 

[30]  Les  Mystères  de  Mithra, 

par  M.  le  Chan.  Van  Crombrugghe,  prof,  à  l'Univ.  de  Louvain. 

I.  DIFFUSION  DES  MYSTÈRES  DE  MITHRA. 

L'on  a  dit  du  .Mithriacisme  qu'il  a  pu  balancer  la  fortune 
du  Christianisme  ;  que,  pour  devenir  la  religion  du  monde  ci- 
vilisé, il  lui  manqua  seulement  la  faveur  du  dieu  Mars  ;  et  que, 
((  si  le  Ohristianisme  eût  été  arrêté  dans  sa  croissance  par  quel- 
que maladie  mortelle,  le  monde  eût  été  mithriaste  »    (1). 

Il  faut  le  reconnaître,  des  événements  d'ordre  militaire  ont 
pu,  au  cours  du  IV*  siècle  de  notre  ère,  affaiblir  le  paganisme 
officiel  qui,  à  certains  moments,  ne  se  distinguait  guère  du 
Mitliriacisme  el.  par  contre-coup,  seconder  la  propagande  chré- 
tienne. Ce  fut  le  cas,  lorsqu'en  312,  les  légions  de  Constantin 
défirent  celles  de  Maxence  ;  ce  fut  le  cas  aussi,  lorsqu'en  363, 
Tempereur,  qui  aimait  à  se  dire  le  flls  et  le  lieutenant  de  Mithra, 
entreprit,  pour  conquérir  la  patrie  de  son  dieu,  cette  lointaine 
expédition  dont  il  ne  devait  pas  revenir  ;  ce  fut  le  cas,  une  troi- 
sième fois,  lorsque  l'empereur  Théodose  vainquit  le  porte- 
drapeau  du  paganisme,  l'usurpateur  Eugène. 

Mais  il  reste  à  voir  si  ces  événements  ont  fait  autre  chose  que 
de  hâter  un  dénouement  qui  était  devenu  inévitable.  Pour  ré- 
soudre cette  question,  demandons-nous  :  quelle  était  au  IV  siè- 
cle rimportance  du  Mithriacisme  ?  tiuels  ont  été  les  facteurs 
de  la  propagande  mithriaque  ? 

Et  d"abord,  quelle  était  l'importance  du  Mithriacisme  ? 

Un  simple  coup  d'œil  jeté  sur  la  carte  de  la  diffusion  des 
Mystères  de  Mithra  suggère  les  deux  réflexions  suivantes. 

La  première,  c'est  que  Mithra  n'a  pu  prendre  pied  dans  les 
pays  de  culture  hellénistique  :  la  Grèce,  la  Macédoine,  la' 
Thrace,  la  Bithynie.  la  Syrie,  la  Palestine  et  l'Egypte  —  à  l'ex- 
ception de  quelques  villes  maritimes  —  sont  restées  imper- 
méables à  son  influence.  Le  fait  s'explique,  pour  une  part.  i)ar 
la  haine  séculaire  que  les  Grecs  ont  nourrie  contre  les  Perses 
et  par  le  succès  de  la  propagande  chrétienne  dans  les  pays  en 
question  ;  il  n"en  est  pas  moins  significatif  et  M.  Harn.ack  a 
raison    de    dire    qu'il  suffit  à  l'histoi'ien    (h>   le  constater,   pour 


(1)   Renan,  Marc  Aurcle  2,  ln-8",    Paris,  C.   Lévy,    1882,   p.    579. 


428 


G.  VAN  CROMBRUGGHE 


comprendre  aussitôl,  que  le  sort  du  Mithriacismo  était  de  mou- 
rir  (1). 

Lia  seconde,  c'est  que  le  Mithriacisme  ne  s'est  répandu  que 
très  inégalement  dans  les  diverses  parties  de  l'Empire  romain. 
Com.me  on  l'a  fait  remarquer,  la  carte  de  la  diffusion  des  Mys- 
tères de  Mithra  présente  «  l'image  d'une  gigantesque  araignée, 
blottie  dans  Rome  et  agissant  par  ses  fils  aux  extrémités  »  (2). 
Les  mithréums  et  autres  monuments  mithriaques  se  retrouvent 
abondants  dans  la  capitale  de  l'Empire  et  dans  l'Italie  ;  ils  se 
rencontrent,  nombreux  aussi,  tout  le  long  d'une  ligne  qui  re- 
joindrait le  Pont-Euxin  à  la  région  située  au  nord  de  Cologne, 
en  passant  par  la  Mésie,  la  Dacie,  la  Pannomie,  la  Norique  et 
les  contrées  rhénanes  ;  ils  existent,  assez  nombreux,  dans  les 
vallées  du  Rhône,  de  la  Saône  et  de  la  Moselle,  c'est-à-dire  près, 
des  voies  de  communication  établies  entre  le  Rhin  et  la  Médi- 
terranée ;  il  s'en  trouve,  enfin,  en  Angleterre,  notamment  à 
Deva,  à  Eboracum  et  à  Isca,  oii  des  postes  militaires  se  trou- 
vaient établis.  Par  contre,  l'Afrique  —  le  littoral  mis  à  part  • — , 
l'Espagne  méridionale,  la  Gaule  occidentale,  et  de  vastes  con- 
trées, assez  rapprochées  cependant  de  la  capitale  de  l'Empire, 
n'ont  guère  laissé  de  traces  d'un  culte  rendu  à  Mithra. 

•Ce  simple  relevé  des  centres  de  culte  mithriaque  montre  que, 
pour  l'ensemble  des  provinces  de  l'Empire  romain  et  abstrac- 
tion faite  de  quelques  milieux  à  population'  cosmopolite,  une 
corrélation  a  existé  entre  la  diffusion  du  Mithriacisme  et  l'occu- 
pation militaire. 

La  conclusion  est  confirmée  par  l'examen  de  la  condition 
sociale  des  adeptes  de  la  religion  mithriaque.  Les  fidèles  qui 
ont,  par  des  bas-reliefs,  des  ex-voto,  des  offrandes,  attesté  leur 
jlévotion  à  Mithra,  appartiennent  pour  la  plupart  soit  à  l'ar- 
mée, soit  au  gouvernement  et  à  l'administration  de  l'Empire. 
Nous  savons  de  plus  que  de  nombreux  mithréums  ont  été  cons- 
truits ou  restaurés  par  la  main  d'œuvre  militaire. 

«  Au  contraire,  comme  l'observe  M.  Toutain,  le  rôle  de  la 
bourgeoisie  semble  avoir  été  des  plus  effacés  dans  la  diffusion 


(1)  Mission  und  Aushreitnno   des   Christentuvis  2.  2   In-S",   Leipzig,    Hinrichs, 
1906,  t.   II,  p.   271. 

(2)  D'Alès,  art.  Mithra,  dans  DAFC,  1918,  t.  III,  col.  582. 


MYSTÈRES    DE    MITHRA  429 

du  culte  de  Milhra.  On  ne  connaît  à  l'heure  actuelle  qu'une 
seule  cité  qui  ait  pris  part,  en  tant  qu"organe  collectif,  à  lédi- 
fication  ou  à  rornementation  dun  temple.  Encore  nest-il  point 
certain  qu'il  sagisse.dans  ce  cas  de  Mithra  »   (1). 

Quels  ont  été  les  facteurs  de  la  propagande  mithriaque  ? 

Sans  compter  le  mutuel  appui  que  se  prêtèrent  les  religions  f 
païennes  de  l'Empire  romain,  ces  facteurs  furent  au  nombre  ' 
de  trois  :  l'armée,  la  faveur  impériale,  la  Diaspora  mithriaque. 

La  première  place,  on  l'a  déjà  compris,  revient  à  l'armée. 
D'importants  contingents  des  troupes  auxiliaires  de  l'Empire 
avaient  été  recrutés  ou  avaient  séjourné  en  Asie  et  professaient 
la  religion  de  Mithra  ;  transportés  sur  les  bords  du  Danube  et 
du  Rhin,  ils  y  gardèrent  et  y  propagèrent  leur  culte. 

Un  deuxième  facteur  fut  la  protection  impériale.  Cette  pro- 
tection se  manifesta  franchement  à  partir  du  règne  de  Corn- 
mode  ;  elle  atteignit  son  point  culminant  dans  l'espace  de  temps 
qui  sépare  lavènernent  de  Dioclétien  de  Tédit  de  Milan,  et  sous 
le  règne  de  .Julien  l'Apostat.  Parmi  les  empereurs  qui  ont 
favorisé  le  Mithriacisme,  d'aucuns  ne  visaient  qu'à  se  concilier 
les  sympathies  de  l'armée  ;  d'autres  estimaient  que  le  culte  de 
Mithra  aurait  pu  se  fusionner  avec  le  culte  solaire,  dont  ils 
rêvaient  de  faire  la  religion  de  l'Etat,  et  rendre  populaire  le 
culte  de  la  divinité  impériale  ;  d'autres,  enfin,  se  laissaient 
guider  par  la  confiance  que  leur  inspirait  le  dieu  iranien. 

Le  troisième  facteur  fut  la  Diaspora  mithriaque,  qui  com- 
prenait des  marchands  et  des  esclaves,  sans  compter  les  sol- 
dats. A  partir  de  la  fin  du  l"  siècle  de  l'ère  chrétienne,  les 
«  Syriens  »  vinrent  s'établir  dans  les  ports  de  la  Méditerranée  ; 
plus  tard,  ils  se  répandirent  à  l'intérieur  des  provinces  de 
l'Empire  ;  en  Gaule  notamment,  de  Lyon  et  de  Bordeaux,  ils 
remontèrent  jusqu'à  Trêves,  la  capitale  du  Nord.  En  même 
temps  qu'ils  fondaient  des  comptoirs  de  commerce,  ils  pre- 
naient soin  d'organiser  leurs  cultes  nationaux.  Or,  un  grand 
nombre  d'entre  eux  étaient  des  serviteurs  de  Mithra  :  ces  misé- 
rables restèrent,  pour  la  plupart,  fidèles  à  leur  dieu,  d'autant 
plus  volontiers  que  le  Mithriacisme  ne  faisait  [toint  de  dis- 
tinction entre  esclaves  et  hommes  libres. 


(1)   Les  cultes  païens   dans   l'Empire   romain,    3    irj-8".    Paris.    Leroux,    1917- 
1920,  t.    II,  p.   163   ss. 


430  C.  VAN  CROMBRUGGHE 

Telles  sont  les  principales  données  dont  dispose  l'historien 
pour  évaluer  l'importance  que  les  Mystères  de  Mithra  avaient 
prise  et  pour  supputer  les  chances  de  succès  qu'ils  ont  pu 
avoir.  Ces  données  pourraient,  d'ailleurs,  être  complétées. 
Contentons-nous  de  rappeler  que  le  Mithriacisme  a  été  essen- 
tiellement un  culte  de  confrérie,  céilébré  par  et  pour  les  seuls 
initiés  ;  que,  si  les  sanctuaires  affectés  à  ce  culte  ont  été  rela- 
tivement nombreux,  par  contre,  l'exiguité  de  leurs  dimensions 
est  telle  qu'ils  n'ont  pas  dû,  en  moyenne,  contenir  plus  de  cent 
personnes  ;  et  que,  après  les  défaites  subies  par  les  défenseurs 
de  Mithra,  les  missionnaires  chrétiens  n'ont  pas,  autant  qu'on 
en  peut  juger,  trouvé  devant  eux  des  mithriasfes  nombreux  ou 
difficiles  à  convertir. 

Notre  conclusion  est  que,  dans  l'ensemble  des  provinces  de 
l'Empire  romain,  le  Mithriacisme  a  été  un  culte  étranger,  im- 
porté par  des  Orientaux,  et  qu'il  n'a  pas  rencontré,  auprès  des 
populations  occidentales,  un  succès  considérable.  A  Rome  et 
dans  l'Italie,  l'exemple  des  empereurs  et  de  leur  cour  a  pu 
valoir  à  Mithra  un  nombre  d^adeptes  assez  considérable  ;  il  n'a 
pas  réussi  à  faire  du  Mithriacisme  un  rival  dangereux  du 
Christianisme. 

II.   ÉCONOMIE  DES  MYSTÈRES  DE  MITHRA. 

Le  Mithriacisme  a  été  une  religion  à  mystères  :  l'ensemble 
de  ses  doctrines  et  plus  spécialement  le  mythe  du  salut  étaient 
révélés  aux  adeptes  de  la  secte  comme  une  gnose,  qu'ils  de- 
vaient s'engager  par  serment  à  ne  pas  divulguer  ;  l'ensemble 
de  ses  rites  comprenait,  outre  les  cérémonies  du  culte  divin, 
des  pratiques  dinitiatjon,  qui  signifiaient  et  qui  étaient  censées 
produire  l'assimilation  des  mêmes  adeptes  à  leur  dieu  sauveur. 

1°  La  doctrine  mithriaque.  Le  Mythe  du  salut. 

A.  Une  imagerie  religieuse  se  retrouve,  sensiblement  la  môme, 
dans  de  nombreux  mithréums  des  diverses  parties  de  l'Empire 
romain.  L'interprétation  de  cette  imagerie,  que  peu  de  docu- 
ments littéraires  nous  aident  à  comprendre,  ne  va  pas  sans 
dilTicultés  ;  cependant,  les  historiens  sont  j)i'ès  de  s'accorder  sur 
les  points  suivants  : 

a.  Les  mithriastes  se  sont  représenté  l'origine  des  êtres  per- 
manents   sous     forme    de   théogonie.   Le     dieu     souverain,    c'est 


MYSTÈRES    DE    MITHRA  431 

Zervan  Akarana.  Il  est  figuré,  dans  les  mithréums,  sous  les 
traits  (J"un  personnage  léontocéphale  :  un  forps  humain  que 
surmonte  une  tète  de  lion  à  gueule  ouverte  ;  un  serpent  enlace, 
des  pieds  à  la  tête,  le  mystérieux  personnage  ;  celui-ci  porte, 
attachées  aux  épaules,  des  ailes,  d'ordinaire  au  nombre  de 
quatre  et  dirigées  en  sens  opposés  ;  ses  attributs  sont  le 
sceptre,  le  foudre  et  deux  cl&fs.  D'après  Tinterprétation  que 
M.  GuMONT  a  fait  prévaloir  (1),  le  personnage  léontocéphale 
représente  le  Temps  infini  et  dévorant  ;  le  serpent,  qui  de  ses 
replis  enveloppe  le  Temps,  symbolise  le  cours  sinueux  du  soleil 
sur  récliptique  ;  les  clefs,  le  foudre  et  le  sceptre  sont  les 
emblèmes  du  pouvoir  suprême.  —  Du  Temps  infini  lui-même, 
ou  du  moins  dépendamment  de  ce  Temps,  procède  «  la  triade 
mithriaque  »,  qui  comprend  un  couple  familial,  le  Ciel  et  la 
Terre,  et  l'enfant  né  de  leur  union,  l'Océan.  Puis,  toute  une 
série  de  générations  divines  donne  naissance  aux  dieux  de 
l'Olympe,  aux  quatre  éléments,  au  soleil  et  à  la  lune,  aux  pla- 
nètes, aux  signes  du  zodiaque. 

b.  Les  relations  qui  existent  entre  les  diverses  catégories 
d'êtres,  affectent,  dans  la  doctrine  mithriaque,  le  caractère  d'un 
antagonisme  irréductible  :  le  dualisme  est  une  autre  caractéris- 
tique de  cette  doctrine.  Au  couple  divin,  du  Ciel  et  de  la  Terre, 
les  mithriastes  en  opposent  un  autre,  qui  procède  lui  aussi  du 
Temps  infini,  Ahriman  et  son  épouse  Hécate,  et  ils  subordonnent 
à  l'un  ou  à  l'autre  de  ces  deux  couples,  tous  les  êtres,  d'après 
qu'ils  les  considèrent  comme  bienfaisants  ou  comme  malfai- 
sants. S'agit-il  de  déterminer  l'activité  créatrice  de  la  Divinité, 
c'est  encore  sous  la  forme  d'une  lutte  qu'ils  se  la  représentent  : 
des  bas-reliefs  nous  montrent  le  dieu  du  ciel  cui  se  jette  sur 
les  anti-dieux,  égorge  les  monstres  et  foudroie  les  géants.  Il 
n'est  pas  jusqu'aux  êtres  divins  eux-mêmes  qui  ne  s'opposent 
l'un  à  l'autre.  Tel  est,  en  particulier,  le  cas  des  éléments  : 
sur  de  nombreux  bas-reliefs  l'on  voit  un  serpent,  symbole  de  la 
terre,  et  un  lion,  symbole  du  feu,  se  disputer  la  possession  d'un 
cratère  rem])li  du  princii)e  humide. 

c.  A  ce  dualisme  s'ajoute  et  se  superpose  un  déterminisme 
astrologique   :  les    événements    du    monde  terrestre  sont  préfi- 


(1)    Textes  et  monumi  nts  figurés  relatifs  aux  mpstf-res  d<-   Mithra,   2    in-4", 
Bruxelles,  Lamertin,  1896-1899,  t.  I,  p.   76  ss. 


432  C.  VAN  GROMBRUGGHE 

gurés  par  les  événements  du  monde  astral  et  le  monde  astral 
obéit  à  des  lois  inflexibles. 

B.  L'on  comprend,  dès  lors,  combien  grands  sont  le  malheur 
et  rimpuissance  de  Thomme,  condamné  à  vivre  parmi  toutes  ces 
luttes  qui  mettent  aux  prises,  les  uns  avec  les  autres,  des  êtres 
surhumains,  et  exposé  à  devenir  le  jouet  d'un  aveugle  destin  ; 
cambien  intenses  son  besoin  et  son  désir  d'un  dieu  sauveur. 

Ce  dieu  sauveur,  c'est  Mithra.  Plus  que  les  autres  dieux, 
Mithra  est  secourable  à  l'homme  :  dieu  solaire,  il  est  au  sens 
physique  du  mot,  le  médiateur,  le  «  mésitês  «,  et  l'auteur  de  la 
vie  ;  guerrier  invincible  et  ami  Adèle,  il  entoure  l«s  siens  de  sa 
toute-puissante  protei-tion  ;  juge  des  morts  et  détenteur  du 
pouvoir  des  clefs,  il  assure  à  ses  dévols  une  bienheureuse 
immortalité. 

C'est  naturellement  Mithra  qui  occupe  la  première  place  dans 
la  doctrine  mithriaque  et  dans  les  mithréums  :  de  nombreuses 
représentations  figurées  prouvent  que  le  dieu  avait  sa  légende, 
riche  et  compliquée,  et  que,  malgré  qu'il  fût  un  dieu  solaire,  il 
était  devenu  un  dieu  à  biographie. 

Trois  épisodes  de  la  carrière  mythique  de  Mithra  ont  été, 
plus  souvent  que  d'autres,  représentés  et  glorifiés  :  la  nais- 
sance du  dieu  ;  sa  rencontre  et  ses  relations  avec  un  autre  dieu 
solaire  ;  sa  lutte  avec  le  taureau  primordial,  lutte  qui  se  ter- 
mina par  l'immolation  du  taureau. 

Mithra  naquit  d'un  rocher  :  dans  les  mithréums  on  vénérait 
une  pierre  conique  d'où  émergeait  un  enfant  nu  et  coiffé  du 
bonnet  phrygien.  Cette  conception  s'explique  :  à  un  groupe  de 
mithriastes  le  soleil  apparaissait  tous  les  matins  sortant  de  la 
montagne  Hara  herczaita  ;  le  nom  de  cette  montagne  étant  du 
féminin,  on  en  vint  à  parler  de  la  «  Pierre  génératrice  ».  Après 
sa  naissance,  l'enfant  divin  fut  l'objet  d'hommages  religieux 
de  la  part  des  bergers  :  ceux-ci  lui  apportèrent  les  prémices  de 
leur  troupeau  et  de  leur  récolte.  Telle  est  du  moins  la  significa- 
tion que  la  plupart  des  historiens  attribuent  à  certains  emblè- 
mes sculptés.  Ce  thème,  s'il  est  vraiment  représenté,  a  de  quoi 
surprendre  :  il  n'est  pas  en  situation,  puisque  la  naissance  du 
dieu  précède  la  création  de  l'homme  ;  djailleurs,  comme  il  n'est 
que  rarement  figuré,  il  n'est  probablement  pas  primitif  ;  dans 


MYSTÈRES    DR    MITHRA  433 

ces  conditions,  l'hypothèse  d'un  emprunt  fait  au  Christianisme 
doit  être  prise  en  considération. 

La  présence,  sur  les  documents  mithriaciues,  d'un  second 
dieu  solaire,  est  elle  aussi  assez  énigmatique.  Pour  en  rendre 
compte,  on  pourrait  songer  à  un  dédoublement  de  personnalité, 
répondant  à  une  pluralité  de  fonctions.  L'iiistoire  des  religions 
connaît  de  nombreux  exemples  d'un  semblable  dédoublement  ; 
Ton  en  rencontre  môme  dans  les  mithréums.  Ainsi,  les  deux 
dadoi)hores,  Gautès  et  Giautopatès,  que  l'on  voit  figurer  d'ordi- 
naii-e  aux  deux  côtés  de  Mithra,  portant  l'un  une  torche  droite 
et  l'autre  une  torche  renversée,  sont  un  dédoublement  du  dieu 
solairf?  :  ils  personnifient  les  vicissitudes  de  la  lumière,  le  soleil 
levant  ou  printanier,  d'une  part,  et  de  l'autre,  le  soleil  couchant 
ou  automnal  ;  aussi  le  pseudo-DENYS  l'Aréopagite  donne-t-il 
le  nom  de  «  triple  Mithra  »  au  groupement  hiératique  composé 
des  trois  personnages  en  question    {Epist.  vu). 

Ici  toutefois,  la  figuration  d'un  second  dieu  solaire  se  pré- 
sente tout  autrement.  L'on  voit  les  deux  dieux  s'attabler  devant 
une  table  servie  et  contracter  entre  eux  une  alliance  ;  l'on  voit 
Mithra  qui  pose  une  couronne  radiée  sur  la  tête  de  son  collègue, 
et  ce  dernier  qui  conduit  le  char  solaire.  Tout  porte  à  croire 
que  le  second  dieu  solaire  des  documents  mithriaques  est 
Shamash-Sol  ;  que  Mithra  rencontra  ce  compétiteur  en  Babylo- 
nie  et  dans  l'Empire  romain,  et  qu'il  finit  par  conclure  avec  lui 
un  pacte  d'alliance,  aux  termes  duquel  Shamash-Sol  serait  la 
lumière  matérielle  du  monde,  pendant  que  lui-même,  Mithra, 
en  serait  la  lumière  morale. 

La  lutte  de  Mithra  avec  le  taureau  constitue  l'objet  du  Mythe 
du  salut.  Il  existe  de  cette  lutte  deux  représentations  distinctes. 
La  première  nous  montre  Mithra  qui  se  met  à  la  poursuite  d'un 
taurean  sauvage  ;  le  dieu  finit  par  rejoindre  l'anima'l  et  par 
l'entraîner,  à  reculons,  dans  la  caverne  où  il  habite  ;  cet  exploit 
prend  le  nom  de  «  Transitiis  ».  La  seconde  nous  montre  le 
corbeau,  l'oiseau  messager  du  Soleil,  qui  apporte  à  Mithra 
l'ordre  de  sacrifier  le  taureau  ;  le  dieu  plonge  le  couteau  du 
sacrifice  aux  flancs  ou  <lans  le  poitraii  de  l'animal  ;  du  corps  de 
la  vicliiiie  naissent  les  plantes  el  les  herbes,  et  de  sa  moelle 
épinière,  le  blé  ;  les  bêtes  ahrimaniennes,  notamment  le  scor- 
pion, la  fourmi  et  le  serpent,  s'éverluent  en  v.iin  'i    ii-capaier  à 

28 


434  f"-  VAN  CROMBRUGGHR 

leur   profit   ou  (rem}»oisonner  coite   source  de  vie.   Qu'est-ce  à 
dire  ? 

Nous  sommes  en  présence  d'un  syncrétisme  assez  compliqué. 
La  traditi|0n  avestique  attribuait  au  sacrifice  du  taureau  pi'i- 
moj-dial  rorigine  de  la  vie  dans  ie  monde.  Le  taureau,  créé  par 
Ormuzd,  avait  été  immolé  ;  du  corps  de  l'animal  était  sortie  la 
végélalion  ;  de  sa  semence,  recueillie  par  la  lune,  toutes  les 
espèces  d'animaux  utiles  à  Thomme  ;  l'âme  de  l'animal,  montée 
au  ciel  el  divinisée,  était  devenue  le  génie  protecteur  des 
troupeaux.  En  réalité,  le  taureau  primordial  représentait  le 
principe  de  vie  ou,  si  Ton  veut,  la  Nature  nourricière  ;  l'animal 
devait  être  sacrifié,  parce  que  le  sacrifice  assure  la  fertilité  et 
la  fécondité  de  la  Nature. 

D'autj'o  part,  Mithra,  dieu  solaire  et,  à  ce  titre,  principe  de 
fertilité  et  de  fécondité,  avait  lui  aussi  rendu,  dans  le  passé, 
comme  il  continuait  de  remli'e,  dans  le  présent,  dans  le  même 
ordre  de  choses,  d'importants  services  :  il  convenait  que  son 
nom  fût  associé   à  celui   du   taureau   primordial. 

C'est  cet  ensemble  d'idées  qu'exprime  la  lutte  de  Mithra  avec 
le  taur'cau.  Pendant  l'hiver,  la  Nature,  devenue  sauvage,  a  cessé 
de  nourrir  l'homme  ;  la  tâche  ardu'e  de  la  forcer  à  reprendre 
son  service  nouri'icier  incombe  au  héros  solaire,  à  Mithra  ;  le 
dieu  ramène  le  taureau,  symbole  de  la  Nature,  dans  sa  caverne  ; 
que  le  taureau  soit  ramené  dans  la  caverne  de  Mithra,  cela 
signifie,  semble-t-il,  que  la  Nature  va  être  fertilisée  et  fécon- 
dée par  le  soleil.  Ainsi  donc,  dans  la  première  représentation, 
Mithra  a  gardé  son  caractère  de  principe  naturiste.  Dans  la 
seconde  représentation,  ce  caractère  s'efi'ace,  et  Mithra  exerce 
les  fonctions  de  sacrificateur  :  il  est  devenu  le  dieu  tauroctone. 

Comme  on  voit,  il  s'agit  de  représenter,  en  langage  de  mys- 
tères, l'origine  de  la  vie  et  sa  réapparition  au  printemps.  Mais 
tout  porte  à  croire  que,  dans  les  Mystères  de  Mithra,  le  sens 
religieux  du  mythe  s'était  notablement  élargi  et  que  l'exploit 
du  dieu  tauroctone  était  considéré  comme  la  source  de  tous  les 
biens  qui  sont  nécessaires  au  bonheur  de  l'homme.  « 

Les  mithriastes  croyaient,  d'ailleurs,  que  le  sacrifice  d'un 
autre  taureau  merveilleux,  à  immoler  par  Mithra  à  la  fin  des 
temps,    devait    inaugurer    le    régime     de     la    vie     éternelle   des 


MYSTÈRES    DE    MITHRA  435 

bienheureux.  Ils  établissaient  ainsi  un  rapport  de  conformité 
entre  le  commencement  et  la  fm  des  temps  et  faisaient  reposer 
SUT  le  sacrifice  du  taureau  sacré  toute  l'économie  du  salut. 

2°  Le  culte  mithriaque.  Les  cérémonies  de  l'initiation. 

Le  sanctuaire  où  se  réunissaient  les  adeptes  de  Mithra  et 
que  nous  appelons  mithréum.  était  une  grotte  naturelle,  ou  un 
cirque  e.ntouré  de  rochers,  ou  encore,  une  cave  précédée  d'un 
parvis.  Il  était  régulièrement  voûté  :  au  témoignage  de  Por- 
phyre, il  symbolisait  l'univers. 

La  partie  centrale  du  mithréum  était  réservée  aux  officiants  ; 
les  fidèles  prenaient  place,  le  long  des  murs  latéraux,  sur  des 
bancs  de  maçonnerie.  Un  feu  perpétuel  brûlait  sur  lautel  des- 
tiné aux  offrandes  ;  sur  ou  devant  l'autel,  se  trouvait  placée  une 
image  de  Mithra  tauroctone  ;  d'autres  emblèmes  hiératiques  et 
des  symboles  astronomiques  encadraient  la  sainte  image. 

Il  y  a  lieu  de  distinguer  dans  le  culte  de  Mithra  :  1°  les  rites 
accoutumés  des  cultes  païens  en  général,  accomplis  par  les 
membres  du  clergé  ;  2°  les  rites  spécifiquement  mithriaques, 
célébrés  par  les  mystes  ou  avec  leur  participation  active,  et 
dont  l'ensemble  porte  le  nom  de  «  mystères  ». 

A  la  première  catégorie  appartiennent  les  sacrifices,  les  lus- 
trations,  un  certain  nombre  de  prières.  A  raison  de  leur  utili- 
sation en  l'honneur  d'un  dieu  particulier,  ces  pratiques  avaient 
pris  une  forme  spéciale.  Trois  fois  par  jour,  le  clergé  adressait 
une  prière  à  son  dieu  solaire  ;  en  l'honneur  de  ce  même  dieu,  il 
sanctifiait  le  dimanche,  cependant  qu'il  consacrait  les  six 
autres  jours  de  la  semaine  à  autant  de  planètes  ;  il  célébrait,  à 
la  date  du  25  décembre,  la  fête  de  la  renaissance  du  soleil  {dics 
natalis  Salis  invicti) ,  et,  vers  l'équinoxe  du  printemps,  une  autre 
fête,  à  l'occasion  de  laquelle  se  faisaient  les  initiations. 

L'initiation  mithriaque  comportait  sept  degrés,  que  St.  .Jé- 
rôme énumère  dans  l'ordre  suivant  :  le  Conbeau  {corax) ,  l'Oc- 
culte {rnjphius) ,  le  Soldat  {miles),  le  Lion  {leo) ,  le  Perse  {per- 
ses), l'Héliodrome  ou  Courrier  du  Soleil  {heliodromus) ,  le  Père 
ipater) .  A  l'orcasidn  des  principales  solennités  du  culte,  les 
initiés  s'affublaient  des  insignes  appropriés  à  leur  grade,  et  se 
comportaient  qui  en  corbeau,  en  croassant,  qui  en  lion,  en 
rugissant,  etc.  —  Tâchons  de  fournir-  quelques  précisions. 

Au  sujet  des  deux  premiers  grades,  nous  so.  imes  peu  ren- 


436  n.  VAX  CROMBRUGOHE 

seignés.  Les  Corbeaux  sont  appelés  des  «  auxiliaires  »,  et  le 
grade  de  Corbeau  paraît  avoir  été  conféré  à  des  enfants.  Les 
Occultes,  sans  doute  parce  qu'ils  sont  tels,  ne  paraissent  pas 
sur  les  monuments  figurés  ;  la  cérémonie  qui  concerne  soit  leur 
entrée  dans  la  classe  qu'ils  constituent,  soit  leur  sortie  de  cette 
classa,  porte  le  nom  de  «  ostpnsio  >■>  ou  «  traditio  cryphionun  ». 

Le  Soldat  était  un  membre  actif  de  la  milice  sainte.  A  son 
initiation  on  lui  présentait,  sans  doute  en  récompense  de  la 
bravoure  qu'il  venait  de  manifester  au  cours  d'une  épreuve  pré- 
jiaratoire,  une  couronne  sur  une  épée  ;  de  la  main  tendue  il 
repoussait  cette  récompense  en  disani  :  «  Mithra  est  ma  cou- 
ronne !  »  On  lui  imprimait  aussi  la  sphvagis  :  de  même  que, 
dans  l'armée  romaine,  les  recrues,  au  moment  de  prononcer  le 
sacramentum  ou  serment  de  fidélité,  étaient  marquées  du  signe  de 
l'empereur  régnant,  ainsi  le  Soldat  de  Mithra,  au  moment  d'être 
incorporé  dans  l'armée  du  bien  et  de  prendre  l'engagement 
solennel  de  ne  point  divulguer  les  saints  mystères,  était  mar- 
qué du  signe  de  son  dieu.  C'est  au  front  qu'on  le  marquait,  et 
des  trois  façons  de  marquer  qui  furent  en  usage  dans  l'anti- 
quité, c'est-à-dire  du  tatouage,  de  la  scarification  et  de  la  cau- 
térisation, cette  dernière  seule  paraît  avoir  été  employée. 

Au  sujet  des  deux  grades  suivants,  les  grades  de  Lion  et  de 
Perse,  les  sources  d'information  sont  peu  nombreuses.  Le  prin- 
cipal renseignement  qu'elles  nous  fournissent,  concerne  l'usage 
du  miel,  dans  l'initiation  léontique  et  dans  l'initiation  persique. 
Porphyre  rai)porte  qu'on  répandait  du  miel  sur  les  mains, 
qu'on  enduisait  de  miel  la  langue  du  candidat-Lion,  et  qu'on 
présentait  du  miel  au  candidat-Perse.  La  pratique  se  ratta- 
cherait à  la  double  vertu  qui  est  propre  au  miel,  à  sa  vertu 
purifiante  et  à  sa  vertu  de  con&ervation.  Le  miel  purifiant,  dit 
en  substance  le  philosophe  néoplatonicien,  convient  à  l'initia- 
tion léontique  :  le  lion,  en  effet,  est  le  symbole  du  feu.  qui  est 
l'élément  pur  par  excellence  ;  c'est  pourquoi,  en  même  temps 
qu'on  invitait  le  candidat-Lion  à  mener  une  vie  sans  tache,  on 
le  purifiait  de  ses  fautes  et,  la  purification  ne  pouvant  se  fain» 
avec  de  l'eau,  élément  hostile  au  feu,  on  la  faisait  avec  du  miel. 
Le  miel,  purifiant,  ajoute-t-il,  convient  à  l'initiation  persique, 
le  Perse  étant  «  gardien  des  fruits   ». 

En   pressant   un   peu   les    termes     employés     par    Porphyrk, 


MYSTÈRES    DE    MITHRA  437 

UsENER  (1)  a  été  amené  à  conclure  qu'on  donnait  au  Lion  du 
miel  à  goûler,  et  au  Perse  du  miel  à  manger.  Le  inème  savant 
fait  remarquer  que,  chez  de  nombreux  peuples  de  ]"anf iquitt'. 
les  nouveau-nés,  en  goûtant  du  miel,  acquéraient  di'oit  à  la 
vie,  et  que,  de  plus,  le  miel  était  considéré  comme  la  nourriture 
des  bienheureux.  D'a{)rès  cela,  l'initiation  léontique  aurait  fait 
du  fidèle  un  myste,  au  sens  strict  du  mot,  c'est-è-dire  un  homme 
appelé  à  prendre  une  part  active  à  la  célébration  des  mys- 
tères ;  et  l"initiati(»n  j)ersique  aurait  donné  au  myste,  sous  le 
symbolp  expressif  d'une  nourriture  divine,  une  garantie  de 
bienheureuse  immortalité. 

L'Héliodrome  était  un  membre  de  la  confrérie,  au  service  du 
Soleil,  ou  même  un  associé  du  Soleil,  et  connaissait  sans  doute. 
en  cette  qualité,  le  chemin  qui  mène  au  ciel. 

Enfin,  le  Père  était  le  lieutenant  de  Mithra  luL-mème,  en  tout 
ce  qui  concernait  l'administration  de  la  confrérie  ;  comme  nous 
l'apprend  Tertullien,  c'est  à  lui  qu'il  appartenait  de  préparer 
les  initiations  ;  c'est  pourquoi  on  l'appelait  aussi  «  Pater  sacro- 
ru  m  ».  A  la  tête  des  Pères,  q;ii  dirigeaient  les  communautés 
particulières,  se  trouvait  le  Père  des  Pères,  pater  pafrum,  ou 
patcr  patratus,  qui  paraît  avoir  été  le  chef  spirituel  de  toute  la 
communauté. 

'Parmi  les  rites  proprement  dits,  les  textes  signalent  —  à  l'ôté 
de  la  sphraçjis  et  de  l'emploi  du  miel,  dont  il  a  été  question  — 
un  baptême  et  un  repas  sacré. 

Le  repas  sacré  des  Mithriastes  pose  à  l'historien  d'impor- 
tantes questions  ;  nous  devons  nous  y  arrêter  un  moment. 

M.  CuMONT  a  formulé,  à  ce  sujet,  les  conclusions  suivantes  : 
«  Il  existait,  chez  Mithra,  un  banquet  mystique  ou  repas  sacra- 
mentel. Ce  repas  comportait  une  oblation  de  pain  et  d'eau,  mêlée 
sans  doute  de  vin.  fd  sur  laquelle  un  |)rètre  prononçait  les 
formules  sacrées.  Il  est  probable  que  seuls  les  initiés  qui 
avaient  atteint  le  grade  de  Lion  y  étaient  admis  et  que  c'est  le 
motif  qui  leur  faisait  donner  le  nom  de  Participants.  Ces  agapes 
étaient  évidemment  la  commémoration  rituelle  d'un  festin  que 
Milhra  avait  célébré  avec  Sol  avant  son  ascension.  On  attendait 
de  ce  banquet  mystique,  surtout  du  vin  consacré,  des  effets 
surnaturels  :  la  liqueur  enivrante  ne  donnait  pas  seulement  la 
vigueur  du  corps  et  la  {)rosi)éi'ité  maft'rielle,  mais  la  sagesse  de 


(1)   Kleine  Schriftcn,  in-8",  Leipzig,  Teubner,  1913,  p.   399  ss. 


438  C.  VAN  CROMBRUGGHE 

l'esprit  ;  elle  communiquait  au  néophyte  la  force  de  combattre 
les  esprits  malfaisants  ;  bien  plus,  elle  lui  conférait,  comme  à 
son  dieu,  une  immortalité  bienheureuse  »    (1). 

De  son  côté,  M.  Loisy  i  ose  en  thèse  que  Mithra  était  un 
dieu  souffrant,  le  sacrifice  du  taureau  étant,  en  réalité,  Timmo- 
lation  du  dieu  lui-même,  et  que  la  cène  mitliriaque  était  un  rite 
de  communion  à  la  substance  spirituelle  du  dieu  immolé  (2). 
A  l'appui  de  celte  thèse,  il  invoque  le  témoignage  de  S.  Justin 
et  de  Tertullien.  Afin  de  rendre  compte  de  la  ressemblance 
qu'ils  avaient  remarquée  entre  la  cène  mithriaque  et  l'Eucha- 
ristie chrétienne,  les  deux  apologistes  chrétiens,  dit-il,  n'ont 
rien  trouvé  de  plus  expédient  que  d'imputer  aux  démons  l'imi- 
tation anticipée  du  sacrement  chrétien  en  faveur  de  Mithra.  ■ — - 
Que   faut-il   penser   de   tout   cela  ? 

Nous  nous  sommes  arrêté  aux  conclusions  suivantes. 

1°  Les  documents  archéologiques  et  littéraires  prouvent 
l'existence,  dans  les  Mystères  de  Mithra,  d'un  repas  sacré.  Ainsi, 
pour  ne  retenir  que  le  témoignage  de  la  seule  archéologie,  assez 
régulièrement  Vnn  trouve  dans  les  mitliréums  deux  bancs  de 
maçonnerie,  s'étendant  le  long  des  murs  latéraux,  et  dont  la 
surface,  large  d'environ  1  m.  50,  est  inclinée  vers  le  mur. 
Gomme  Ta  établi  J.-B.  de  Rossi,  ces  bancs  ont  servi  aux 
mithriastes  de  lits  triclinaires  pour  leur  repas  sacré. 

2"  Ce  repas  comportait  du  pain  et  de  l'eau,  sur  lesquels  on 
prononçait  une  formule  sacrée.  Qu'il  y  ait  eu  aussi,  comme 
élément  de  ce  repas,  du  vin,  rien  ne  le  prouve  ;  et  que  ce  même 
repas  ait  été  la  commémoration  rituelle  du  festin  que,  avani 
son  ascension,  IMithra  avait  célébré  avec  Sol,  c'est  une  chose 
possible  ;  ce  n'est  pas  un  fait  établi.  Il  est  bien  vrai  que  des 
bas-reliefs  représentent  Mithra  et  Sol,  ou,  à  la  place  de  ces 
dieux,  des  mystes,  assis  devant  une  table  qui  porte  des  pains  et 
une  corne  à  boire.  Mais  l'interprétation  de  ces  scènes  figurées 
reste  douteuse.  Ainsi,  il  n'est  pas  probable  que  le  fameux  bas- 
relief  de  Konjica  représente  la  cène  mithriaque.  En  effet,  parmi 
les  convives  masqués  qui,  d'après  ce  document,  ont  pris  place 


(1)  Les  Mystères  de  Mithra  3,  In-S",  Bruxelles,  Lamertin,  1913,  p.  163  ss. 

(2)  Revue  d'histoire  et  de  littérature  religieuses,  1913,  t.  IV,  p.  529  ss. 


MYSTÈRES    DE    MITHRA  430 

autour  do  la  table,  figurent  aussi  le  Soldat  ot  le  Corbeau.  Or. 
M.  Clmont  lui-même  en  convient,  il  est  certain  que  le  Corbeau 
et  il  est  probable  que  le  Soldat  n'appartenaient  pas  à  la  ca'é  - 
gorie  des  Participants,  qui  étaient  admis  à  la  communion 
mithriaque.  C'est  pourquoi  M.  Lietzmann  interprète  le  document 
en  question  comme  figurant  le  repas  céleste  des  bienheureux  (1) 
et  cette  interprétation  paraît  assez  plausible. 

3°  Il  est  invraisemblable  que  la  cène  mithriaque  ait  été  prati- 
quée comme  un  rite  de  communion  à  la  substance  spirituelle  de 
Mithra.  Des  trois  afïîrmations  que  comporte  la  théorie  de 
M.  LoiSY  (à  savoir  :  les  éléments  de  la  cène  mithriaque  étaient 
censés  contenir  la  substance  spirituelle  du  taureau  primordial  ; 
Mithra  a  été  identifié  à  ce  taureau  ;  la  mort  du  taureau  repré- 
sente la  passion  salutaire  du  dieu),  aucune  ne  trouve  d'attesta- 
tion formelle  dans  les  documents  de  l'antiquité. 

L'on  pourrait  avec  un  semblant  de  raison  soutenir  que  le 
pain,  fait  du  blé  qui  était  sorti  du  corps  du  taureau  immolé, 
contenait  la  substance  spirituelle  de  ce  dernier.  Mais  on  ne  voit 
pas  que  la  même  chose  puisse  être  dite  de  l'eau,  qui  était,  elle 
aussi,  un  élément  de  la  cène  mithriaque.  D'ailleurs,  si  les 
éléments  de  cette  cène  avaient  été  considérés  comme  contenant 
la  substance  de  l'animal  divin,  pour  cette  raison  que,  d'après 
le  mythe,  toute  la  végétation  était  sortie  de  lui,  il  semble  que 
ces  mêmes  éléments  auraient  dû  nécessairement  et  toujours 
contenir  cette  substance  et  qu'on  n'aurait  pas  eu  à  en  changer 
la  nature  par  une  formule  sacramentelle.  D'autre  part,  Mithra 
et  le  taureau  sont,  autant  qu'on  peut  en  juger,  des  êtres  dis- 
tincts, et  les  deux  scènes  où  on  les  voit  rapprochés  l'un  de 
l'autre  s'expliquent  complètement,  nous  l'avons  dit.  sans  qu'il 
,  soit  besoin  de  les  identifier  l'un  à  l'autre.  Enfin,  pour  ce  qui  est 
de  la  passion  salutaire  de  ]\Iithra,  on  n'en  trouve  de  trace  nulle 
part,  à  moins  que.  avec  Wixdt  (2\  on  n'entende  par  Icà  la 
fatigue  qu'a  valup  au  dieu  sa  lutte  avec  le  taureau  ;  mais  mèmn 
dans  cette  iiypothèse.  il  serait  hors  de  propos  de  parler  de  la 
passion  du  dieu  mourant  ou  immolé. 

Il  reste,  il  est  vrai,  les  déclarations  de  S.  Justin  et  de  Ter- 


ci  )  Cf.  p.  'W'ENDLAND,  Die  hcllcnisti.sch-roemischr  Kuliiir  lu  ihrer  Bezirhungcn 
zu  Juch  ntum  und  Christcntiivi  i,  m-S",  Tlibingen,  Mohr,  1912,  p.  432  sa. 
(2)  Mythus  und   Religion^.  in-S",  Leipzig,   Krôner,   1915,    p.    243. 


440  C.  VAN  GROMBRUGGHE 

TULLiEN.  Mais  ne  suflit-il  pas,  pour  en  rendre  compte,  d'ad- 
mettre que  la  cène  mithriaque  ait  été  un  repas  sacramentel  ? 
Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  deux  apologi'stes  ont  cru  trouver 
chez  Mithra  d'autres  contrefaçons  diaboliques  du  Christia- 
nisme, Là  où  nous  ne  voyons  qu'une  vague  ressemblance. 
S.  Justin  considère  comme  un  plagiat,  commis  au  détriment  du 
Christianisme,  que  Mithra  ait  été  honoré  comme  «  le  dieu  né  de 
la  pierre  »  et  que  les  mithriastes  aient  pratiqué  leurs  initiations 
dans  une  grotte.  Tbrtullien  de  même,  dénonce  comme  une 
contrefaçon  des  rites  chrétiens,  que,  dans  les  Mystères  de 
Mithra,  le  diable  «  apporte  une  image  de  la  résurrection,  et 
sous  le  glaive  rachète  la  couronne  ». 

4°  Si  cependant  S.  Justin  avait  voulu  dire  que  les  Mystères  de 
Mitihra  ont  ressemblé  aux  Mystères  chrétiens  en  ceci  également 
qu'ils  étaient  censés  contenir  la  substance  du  dieu,  il  y  aurait 
lieu  de  considérer  la  cène  mithriaque  comme  une  imitation  de 
l'Eucharistie  chrétienne,  et  non  pas  comme  une  imitation  anti- 
cipée, inspirée  des  prophéties,  mais  comme  une  imitation  de  la 
pratique  existante.  C'est  bien  ainsi,  quoi  qu'en  pense  M.  Loisy, 
que  l'entendait  S.  Justin,  qui  parlait  de  la  pratique  eucharis- 
tique de  son  temps,  telle  que,  au  rapport  des  Mémoires  des 
Apôtres  ou  Evangiles,  le  Christ  l'avait  instituée  et  qui  compor- 
tait, non  seulement  une  offrande  de  pains,  mais  aussi  une 
formule  de  consécration,  dont  on  chercherait  vainement  le  type 
dans  l'Ancien  Testament.  En  faveur  de  l'hypothèse  de  l'emprunl, 
MM.  RoBSK  et  Harnack  font  justement  remarquer  que.  depui« 
qu'il  pénétra  en  Babylonie,  le  Mithriacisme  n'a  pas  cessé  de 
prendre  à  d'autres  religions  les  pratiques  qui  pouvaient 
servir  sa  propagande,  et,  qu'an  surplus,  les  repas  théophagi- 
ques  sont  étrangers  à  la  tradition  de  l'Iran  comme  à  celle  de 
la  Chaldée   (1). 


BIBL.  —  F.  CuMONT,  Textes  et  Monuments  figurés  relatifs  aux  Mystères  de 
Mithra,  2  ln-4",  Bruxelles,  Lamertin,  1896-1899  ;  Les  Mystères  de  Mithra  3. 
in-S",  ihid,  1913  —  A.  Dieterich,  Eine  Mithraslitnrgie  ?  In-S",  Leipzig^,  Teub- 
ner,  1910  ;  Kleine  Schriften,  in-8»,  ibid.,  1911,  p.  252-271  —  J.  Grill,  Das 
persische  Mysterienwesen  im  r'ômischen  Reich,  in-8°,  Tiibingen,  Mohr,  1903  — 
J.   TouTAiN,  Les  cultes  païens  dans  l'Empire   Romain,   3    in-8°,    Paris,   Leroux, 


(1)   Cfr.  A.  Harnack,  l.  c. 


MYSTÈRES   D" ELEUSIS  441 

1907-20.  t.  II,  p.  121-177  ;  La  légende  de  Mithra,  dans  RHR,  1902,  t.  LXVI, 
p.  141  ss.  —  A.  LoiST,  Mithra,  dans  la  Revue  d'hist.  et  de  littér.  relig.,  1913, 
Nouv.  Série,  t.  IV,  p.  497-537  —  C.  Martindale,  dans  J.  Hxjbt,  Christus^^ 
in-16",  Pazis,  Beauchesne,  1921,  p.  519-534  —  Lr  Patterson,  Mithraism  and 
Christianity,   in-S",    Cambridge,    University   Press,    1921. 


[31  ]  Les  Mystères  d'Eleusis, 

par  M.   l'Abbé   De   Caluwe. 

C'est  vers  le  VP  siècle  avant  notre  ère  que  les  [Mystères 
d'Eleusis  ont  acquis  leur  organisation  à  peu  près  définitive. 
Celle-ci  est  en  rapport  avec  un  compromis  survenu  entre  Athè- 
nes et  Eleusis,  après  de  longues  luttes  entre  les  deux  villes. 
Déjà,  avant  ces  luttes,  Athènes  avait  fondé  des  Mystères  chez 
elle,  en  imitation  et  probahlement  en  concurrence  avec  ceux 
d"Eleusis  ;  après  avoir  remporté  la  victoire,  elle  songea  à  les 
enlever  à  son  ancienne  rivale.  Mais,  d"après  la  tradition,  Dé- 
méter,  la  grande  Déesse  de  la  végétation  et  de  l'agriculture, 
'avait  établi  les  Mystères  à  Eleusis  même  et  c'est  probablement 
pour  ce  motif  d'ordre  religieux  que  l'entreprise  d'Athènes  ne 
put  réussir.  Il  fut  donc  convenu  que  les  Mystères  seraient  sou- 
mis au  contrôle  de  l'Etat  athénien,  mais  qu'ils  resteraient  défi- 
nitivement à  Eleusis.  On  les  appellera  désormais  les  Grands 
Mystères.  D'autre  part,  les  Mystères  d'Athènes  constitueront  à 
l'avenir,  sous  le  nom  de  Petits  Mystères,  une  sorte  de  prépara- 
tion obligatoire  à  ceux  d'Eleusis. 

Ce  compromis,  tout  en  consacrant  le  caractère  local  des 
Mystères,  avait  aussi  comme  conséquence  de  les  rendre  acces- 
sibles aux  étrangers  :  originairement  réservés  aux  familles 
éleusiniennes,  ils  étaient  à  présent  ouverts  à  tous  les  habitants 
de  l'Attique.  pour  devenir  bientôt  des  Mystères  destinés  à  tous 
les  Grecs.  Seuls  les  Barbares  restaient  exclus  ;  mais,  à  l'époque 
Gréco-Romaine,  cette  dernière  restriction  tend  à  disparaîti-e. 
Le  succès  des  Mystères  n'en  devint  que  plus  considérable. 
Cbaque  année  Eleusis  voit  les  foules  afïluer  vers  son  célèbre 
sanctuaire  ;  les  plus  hauts  personnages,  des  empereurs  romains 
eux-mêmes  se  font  initier  et  les  familles  sacerdotales  d'Eleusis 
acquièrent   des   avantages   de   plus   en   plus    importants.   Si     le 


442  J.  DE  GALUWB 

prestige  qu'Athènes  continua  toujours  à  exercer    était  pour  une 
part  dans  ce  succès,  la  raison  principale  en  était  ailleurs. 

D'après  les  renseignements  transmis  par  Homère,  les  Grecs 
croyaient  que  l'immortalité  bienheureuse  était  l'apanage  exclu- 
sif des  dieux  et  que  les  morts  se  rendaient  tous  dans  rHadès, 
où  ils  continuaient  à  traîner  une  même  existence  vague  et 
triste.  Bientôt  cependant  des  conceptions  plus  élevées  se  font 
jour,  qui  répondaient  mieux  à  Tune  des  aspirations  les  plus 
fondamentales  du  cœur  humain.  Sans  doute,  les  dieux  seuls 
avaient  droit  au  bonheur  éterne'l.  Mais  n'était-il  pas  en  leur 
pouvoir  souverain  d'admettre  les  hommes  à  partager  leur  pri- 
vilège, en  étendant  au-delà  de  la  mort  la  protection  bienveil- 
lante qu'ils  leur  accordent  ici-bas  ?  A  cette  question  Eleusis 
croyMit  pouvoir  donner  une  réponse  affirmative.  Les  Mystères, 
en  effet,  se  présentaient  comme  voulus  et  établis  par  la  divi- 
nilé  elle-même  et  soutenaient  la  prétention  de  sauver  les  hom- 
mes de  l'Hadès  et  de  les  faire  entrer,  après  la  mort,  dans  le 
séjour  des  Immortels.  Ce  qui  ne  contribuait  pas  peu  à  en 
rehausser  l'attrait,  c'est  que  les  Mystères  constituaient  un 
culte  secret,  auquel  on  accédait  par  un  choix  libre  et  personnel. 
La  loi  menaçait  des  peines  les  plus  rigoureuses  la  moindre 
indiscriétion  comme  la  moindre  irrévérence  et  les  procès  reten- 
tissants de  l'orateur  Andocide,  d'EscHYLE  et  d'ALCiBL\DE,  mon- 
trent assez  que  c^ette  menace  n'était  pas  qu'un  vain  mot.  Alors 
même  qu'à  l'époque  gréco-romaine,  l'application  des  peines 
temporelles  était  tombée  en  désuétude,  la  seule  crainte  d'of- 
fenser la  déesse  offrait  encore  une  garantie  suffisante  pour 
faire  réfléchir  les  imprudents  et  empêcher  ce  qui  était  consi- 
déré comme  la  plus  grave  des  impiétés.  On  pouvait,  certes, 
librement  vanter  les  avantages  que  l'initiation  procurait  dans 
ce  monde  et  dans  l'autre,  mais  sur  les  moyens  employés  pour 
les  réaliser,  les  rites  et  les  cérémonies  qui  engageaient  les 
mystes  aux  deux  déesses,  là-dessus,  dit  M.  Foucart,  le  silence 
le  plus  complet  était  de  rigueur.  On  comprend  dès  lors  l'ex- 
trême réserve  que  gardent  les  auteurs  païens  en  parlant  des 
cérémonies  secrèt'es  des  Mystères.  Seuls  les  auteurs  chrétiens, 
qui  n'avaient  pas  les  mêmes  scrupules  de  se  taire,  fournissent, 
à  l'occasion  de  leurs  polémiques  avec  les  païens,  des  rensei- 
gnements plus  détaillés,  quoique  pas  toujours  exempts  d'er- 
reur ni  de  partialité. 


MYSTÈRES   D'BLEUSIS  443 

I.  ÉCONOMIE  DES  MYSTERES 

Le  mythe  de  Déméter  rt  de  Coré-Perséphonr.  —  Le  mythe 
forme  le  sujet  de  l'hymne  homérique  à  Déméter.  Cet  hymne 
n'est  pas  authentique.  Il  est  toutefois  antérieur  à  la  réunion 
d'Eleusis  à  Athènes  et  constitue  le  témoignage  le  plus  ancien 
qui  se  rapporte  aux  Mystères. 

L'auteur  raronte  comment  Perséphone,  la  fille  de  Déméter. 
fut  enlevée  par  Harlès,  le  roi  des  Enfers,  au  moment  où  elle 
cueillait  des  fleurs  dans  la  plaine  sacrée  de  Nysa.  Aux  cris 
poussés  par  sa  fille.  Démêler  descend  de  l'Olympe  et  se  met  à 
sa  reclherche,  en  parcourant  la  terre.  Dans  sa  douleur,  elle 
frappe  la  terre  de  stérilité  et  fait  disparaître  toute  végétation. 
La  déesse  courroucée  demeure  inéhranlable  jusqu'à  ce  qu'enfin 
Hadès,  cédant  aux  instances  de  Zeus,  consent  à  restituer  la  fille 
à  sa  mère.  La  végétation  renaît  aussitôt.  Mais  Perséj)lione  a 
commis  l'imprudence  d'accepter  une  grenade  que  lui  offrait 
son  ravisseur.  Il  en  résulte  que  chaque  année  elle  devra  re- 
tourner près  de  son  éjioux,  à  l'approche  de  l'hiver,  et  demeurer 
près  de  lui  jusqu'à  l'apparition  du  printemps.  A  cette  légendo 
qui  a  pour  objet  d'expliquer  la  disparition  et  le  retour  annuel 
de  la  végétation,  est  rattaché  le  séjour  de  Déméter  à  Eleusis 
et  l'institution  des  Mystères.  Pendant  ses  courses  errantes,  la 
déesse  s'était  arrêtée  non  loin  de  la  petite  ville  ;  les  filles  du 
roi  Céléos  la  trouvent  déguisée  en  vieille  femme,  assise  sur  la 
«  pierre  triste  »,  et  l'invitent  à  les  accompagner  au  palais  de 
leur  père.  Elle  refuse  d'abord,  en  signe  de  deuil,  la  nourriture 
qu'on  lui  présente,  mais  rassérénée  bientôt  par  les  plaisante- 
ries grossières  de  Jambe,  la  servante  du  roi,  elle  finit  par 
accei)ter  du  «  cycéon  »,  breuvage  composé  d'eau  de  farine  et  de 
menthe  sauvage.  Surprise  pendant  qu'elle  tenait  le  fils  du  roi 
au-dpssus  du  feu,  pnur  le  rendre  immortel,  la  déesse  se  fait 
enfin  réconnaître.  Mais  avant  de  reprendre  ses  courses  dou- 
loureusps,  elle  révèle  au  roi  et  aux  membres  de  son  entourage 
les  Saints  Mystères,  promettant  à  tous  ceux  qui  s'y  feront 
initier,  sa  protection  pendant  cette  vie  et  le  bonheur  dans 
l'autre. 

Culte  primitif  de  Déméter.  —  Toute  cette  légende  n'est  en 
réalité   qu'une   explication,   inspirée   par   la   foi.   des   différents 


444  J.  DE  CALUWE 

rites  qui  constituent,  les  Mystères.  Or  la  plupart  de  ces  rites,  si 
non  tous,  étaient  primitivement  ordonnés  en  vue  d'assurer  aux 
hahilants  d'Eleusis,  non  pas  un  bonheur  supraterrestre,  mais 
le  bien  des  récoltes  et  la  fécondité  des  animaux.  Le  culte  de 
Déméter  était,  à  l'origtine,  un  culte  exclusivement  agraire  et  ce 
doit  être  seulement  vers  le  VIP  siècle,  avant  la  composition  de 
l'hymne  homérique,  qu'il  a  pris  une  signification  eschatologi- 
que.  Ce  culte  était  pratiqué,  non  seulement  à  Eleusis,  mais  en 
beaucoup  d'autres  endroits  de  la  Grèce,  depuis  les  temps  les 
plus  reculés.  Hérodote  nous  apprend  que  les  Doriens  essayè- 
ren(  vainement  de  le  proscrire  dans  le  Péiloponèse.  On  peut 
conjecturer  que  les  tribus  henéniques,  dhassées  par  les  en- 
vahisseurs doriens,  le  transiportèrent  en  Attique  et,  plus  tard, 
le  répandirent  dans  les  Cydades  et  dans  leurs  colonies  d'Asie- 
Mineure,  oïl  on  en  a  trouvé  des  traces  assez  nombreuses.  Il  se 
caractérise  par  une  série  de  fêtes,  parmi  lesquelles  les  plus 
connues  et,  probablement,  les  plus  anciennes,  sont  les  Haloa 
et  les  Thesmophoria.  Celles-ci  comprennent,  outre  des  sacrifices, 
un  ensemble  de  cérémonies  secrètes,  spécialement  réservées 
aux  femmes,  et  caractérisées  par  l'emploi  d'emblèmes  phalli- 
ques et  d'autres  emblèmes  de  la  fécondité.  Il  convient  de  remar- 
quer que  dans  les  Mystères  d'Eleusis  même  on  retrouve  des 
traces  de  cette  ancienne  suprématie  féminine.  En  efîet,  parmi 
le  personnel  des  Mystères  se  rencontre  une  prêtresse  de  Dé- 
méter que  plusieurs  indices  permettent  de  considérer  comme 
l'ancienne  présidente  du  culte  de  la  déesse,  tel  qu'il  se  prati- 
quait à  Eleusis,  avant  sa  transformation  en  Mystères  propre- 
ment dits. 

Principaux  dignitaires  des  Mystères.  —  La  haute  direction  des 
Mystères  appartient  aux  hommes  et  plus  spécialement  aux 
membres  des  deux  grandes  familles  sacerdotales  :  les  Eumol- 
pides  et  les  Kéryces.  Parmi  les  Eumolpides  était  choisi  le  chef 
du  culte  apjielé  «  hiérophante  »,  parce  que  sa  fonction  princi- 
pale consistait  à  montrer  aux  initiés  les  hiéra  ou  objets  sacrés. 
Deux  femmes,  appelées  «  hiérophantides  »,  l'assistaient  dans 
les  cérémonies  de  l'initiation.  Elles  étaient,  comme  lui,  choi- 
sies dans  la  famille  des  Eumolpides.  Le  personnage  principal 
après  l'hiérophante  était  le  «  dadouque  »  ou  porteur  de  torche, 
nommé  à  vie  comme  l'hiérophante,  mais  choisi  dans  la  famille 


MYSTÈRES   d'kLEUSIS  445 

des  Kéryces.  A  la  même  famille  appartenait  le  «  hiérokéryx  » 
ou  héraut  sacré,  auquel  il  appartenait  de  faire  les  proclama- 
tions nécessaires  et  d'imposer  l'obligation  du  secret. 

■Les  Eumolpides  se  faisaient  descendre  d'EuMOLPOS.  Héros 
éponyme  et  probablement  Mgendaire,  il  est  cité  dans  l'hymne 
homérique  comme  un  des  chefs  éleusiniens  à  qui  Déméter 
confia  les  Saints  Mystères.  Les  Kéryces,  peut-être  par  esprit 
de  rivalité,  se  prévalaient  d'une  origine  bien  plus  glorieuse 
encore.  En  réalité,  les  Kéryces  sont  d'origine  athénienne  et  i'I 
semble  bien  qu"ils  aient  été  associés  aux  Mystères,  lors  de 
l'annexion  d'Eleusis  à  Athènes.  A  leur  arrivée,  ils  trouvèrent 
diéjià  les  Eumolpides  en  possession  des  Mystères.  Pausanias  rap- 
porte une  tradition  suivant  laquelle  Eumolpos  était  un  Thrace. 
Venu  à  Eleusis,  il  aurait,  d"après  cette  même  tradition,  dirigé 
la  guerre  contre  Athènes  et  conclu  avec  la  capitale  victorieuse 
le  pacte  qui  devait  assurer  le  maintien  définitif  des  Mystères  à 
Eleusis.  La  question  de  l'origine  des  Eumolpides  n'est  pas  sans 
présenter  quelque  intérêt,  puisque  plusieurs  savants  sont  assez 
tentés  d'admettre  que  leur  arrivée  coïncide  précisément  avec 
l'orientation  nouvelle  du  culte  éleusinien,  si  même  ils  n'en  sont 
pas  les  véritables  auteurs.  M.  Folcart,  qui  d'ailleurs  conclut 
en  faveur  de  l'origine  éleusinienne  des  Eumolpides,  met  le  mot 
z'j[t.rjlT.o::  {Mit.  celui  qui  cihante  bien)  en  rapport  avec  le  mol 
égyptien  mak-  kroou  —  juste  de  voix.  On  sait  qu'en  Egypte  les 
formules  à  prononcer  soit  par  les  magiciens,  soit  par  ceux  qui 
se  rendaient  aux  champs  de  Jalou,  étaient  censées  n'obtenir 
leur  plein  effet  qu'à  la  condition  d'être  dites  avec  une  intona- 
tion spéciale  de  la  voix.  Il  en  aurait  été  de  même  à  Eleusis  : 
l'hiérophante,  au  cours  de  l'initiation,  aurait  eu  à  enseigner 
aux  candidats  non  seulement  les  formules  secrètes  qui  de- 
vaient les  conduire  après  leur  mort  aux  Champs-Elysées,  mais 
encore  la  manière  exacte  de  les  prononcer.  C'est  pourquoi  il 
devait  être  «  juste  de  voix  »  ou  eumolpide.  De  plus,  parmi  les 
candidats  exclus  des  Mystères,  figurent  ceux  qui  sont  «  de  voix 
inintelligible  ».  On  entend  communément  cette  expression  des 
Barbares  ignorant  le  grec,  mais,  d'après  M.  Fougart,  il  s'agi- 
rait de  ceux  qui  sont  incapables  de  donner  à  leur  voix  la  mo(hi- 
lation  rituelle  nécessaire.  Cette  interpi'(Malion,  loule  ingf'niensc 
qu'elle  est,  ne  s'impose  nullement  ;  encore  moins  i)ourrail-clli' 


440  J.  DE  CALUWE 

être  alléguée  en  faveur  de  l'origine  égyptienne  des  Mystères, 
d'autant  plu.'^  que  les  exigences  relatives  à  la  justesse  de  la 
voix  se  retrouvent   encore  ailleurs  qu'en  Egypte. 

Conditions  d'admission.  —  On  ne  connaît  avec  certitude  que 
deux  catégories  de  i)ersonnes  qui  étaient  exclues  des  Mystères  : 
celles  qui  étaient  de  voix  inintelligible  et  celles  dont  les  mains 
étaient  souillées  de  sang.  Encore  ces  dernières  pouvaient-elles 
pi'obablen\ent  se  débarrasser  de  leurs  souillures  en  se  soumet- 
tant à  des  purifications  spiéciales.  Tous  les  candidats,  d'ail- 
leurs, devaient,  avant  l'initiation,  être  convenablement  instruits 
et  purifiés.  Les  instructions  se  rapportaient  essentiellement 
aux  actes  rituels  auxquels  les  mystes  étaient  appelés  à  parti- 
ciper et  aux  diverses  obligations  qu'ils  avaient  à  accomplir 
pendant  la  célébration  des  Mystères.  Les  purifications  consis- 
tent en  ablutions,  lustrations,  fumigations  et  autres  pratiques 
spéciales,  qu'on  trouve  souvent  représentées  sur  des  vases 
peints.  Elles  ne  se  confondent  nullement  avec  l'initiation,  et  la 
pureté  qu'elles  confèrent  est  d'ordre  purement  rituel. 

Cérémonies  des  Mystères.  —  Les  petits  Mystères  se  célébraient 
à  Agra,  faubourg  d'Athènes,  le  20  et  le  21  Anthestérion.  De 
même  que  les  Grands,  ils  étaient  précédés  et  suivis  d'une  trêve 
de  55  jours,  que  des  spondosphores  allaient  annoncer  dans 
toutes  les  cités  helléniques  et  qui  garantissait  la  sécurité  de 
tous  ceux  qui  voulaient  s'y  rendre.  Les  Petits  Mystères  sont 
très  peu  connus.  On  sait  seulement  qu'ils  étaient  dédiés  à  Gorè, 
qu'ils  comportaient  une  série  d'instructions  et  une  purification 
générale  dans  l'Ilissos.  L'initiation  comprenait  très  probable- 
ment une  mise  en  action  partielle  de  la  légende  de  Dionysos. 
Il  fallait  avoir  passé  par  les  Petits  Mystères  pour  avoir  accès 
aux  Grands  ;  mais  pour  éviter,  à  ceux  qui  venaient  de  loin,  un 
double  voyage,  on  en  renouvelait  la  célébration  à  proximité  des 
Grands  Mystères.  Ceux-ci  avaient  lieu  du  20  au  23  Boedro- 
mion  ;  mais  déjà  à  partir  du  13  commençait  une  série  de  fêtes 
et  de  cérémonies  préparatoires.  C'est  la  partie  publique  des 
Mystères.  Le  programme  de  ces  fêtes  est  assez  bien  connu. 

Le  13,  les  éphèbes  athéniens  se  rendent  à  Eleusis,  pour  y 
chercher  les  «  hiéra  »,  qui  le  lendemain  sont  transportés  solen- 
nellement à  Athènes.  C'est  probablement  pendant  ce  trajet  que 
se  place  un  usage  très  curieux  :  arrivé  près  de  la  ville,  au  pont 


MYSTÈRES   d"eLEI:S1S  447 

du  Céphise,  le  cortège  était  accueilli  par  des  injures  obscènes, 
appelées  géphyinsmes.  Cet  usage  rappelle  el  Taischrologie  de% 
Haioa  et  des  Thesmophoria,  et  d'autres  pratiques  analogues 
usitées  dans  nombre  de  cultes  agraires. 

Le  15,  les  luystes  sont  rassemblés  (à-'opy.o'c)  et  les  candidats 
proclamés    i7:poppT,cr'.;}. 

Le  16  est  le  jour  de  la  purification  générale.  Les  candidats  se 
rendent  à  la  mer,  chacun  traînant  derrière  soi  un  petit  porc.  Au 
commandement  :  «  "Aà^oe,  'j/j^-.t.'.  '.'*  ils  se  plongent  tous  dans  les 
flots,  pour  s'y  purifier.  On  sait  qu'en  diverses  circonstances  les 
Grecs  immolaient  des  porcs,  dans  un  but  de  purification,  et 
qu  ils  les  brûlaient  ensuite.  Mais  un  texte  d"ARisTOPHANE  permet 
de  supposer  que  les  petits  porcs,  au  lieu  d'être  brûlés,  étaient 
rôtis  et  mangés  rituellement.  Cependant,  il  n'y  a  aucune  raison 
pour  attribuer  à  ce  repas  la  même  signification  mystique  qu'on 
a  coutume  d'attribuer  à  l'omophagie  dionysiaque.  Sans  doute 
le  porc  est  l'animal  favori  de  Déméter  ;  mais  nulle  part  il  n'ap- 
paraît comme  son  incarnation  vivante.  Ajoutons  qu'aux  Thes- 
mophories,  les  porcs  ofTerts  en  sacrifice  ne  faisaient  pas  l'objet 
d'un  repas,  mais  étaient  jetés  dans  des  cavités  sacrées,  où  ils 
restaient  pendant  un  an,  jusqu'à  ce  que  les  débris  corrompus 
en  fussent  retirés  pour  être  brûlés  et  que  les  cendres  en  fus- 
sent mélangées  aux  semences,  dont  ils  devaient  assurer  ainsi  la 
force  germinative. 

Le  17  et  le  18.  ont  lieu  les  Epidauria.  Ces  fêtes  furent  intro- 
duites à  Athènes,  à  la  suite  d'une  peste,  pendant  la  seconde 
moitié  du  V*  siècle.  Pendant  ces  jours  avaient  lieu  des  purifica- 
tions supplémentaires,  à  l'intention  de  ceux  qui  étaient  arrivés 
en  retard  aux  Mystères. 

Le  19,  avait  lieu  la  grande  procession  qui  ramenait  les 
«  biéra  »  à  Eleusis,  par  la  "Voie  Sacrée,  longue  de  20  kilomè- 
tres. Cette  procession,  de  mêmie  que  la  journée  entière,  portait 
le  nom  de  "Itj/o^.  Ce  mot  dérive  du  cri  rituel  «  io  !  in  !  »  (de  là  le 
verbe  lau/stv),  qu'on  poussait  sous  l'empire  d'un  enthousiasme 
religieux.  Le  phénomène  lui-même  fut  attribué  à  un  être  divin, 
qui  prit  le  même  nom.  Ce  dernier  se  ti'ouva  être  tout  natu- 
rellement le  dieu  du  vin,  Dionysos. 

A  partir  du  20,  nous  rencontrons  l'initiation  propinnent  dite. 
Elle  forme  la  partie  secrète  des  Mystères  et  comprend,  au  moins 
à  partir  du  V"  siècle,  deux  degrés  :  l'initiation  commune  (jrJT^Tt;) 


448  J.  DE  CALUWË 

et  l'initiation  supérieure  (£ro--£Îa).  Toutes  deux  se  célébraient 
dans  une  même  salle  appelée  télestérion.  La  première  avait  lieu 
dans  la  nuit  qui  précède  le  21  Boédromion. 

fl  est  admis  qu'à  cette  première  initiation  appartient  la  mise 
en  action  de  la  légende  de  Déméter.  Le  rapt  de  Corè,  les  courses 
douloureuses  de  sa  mère  et  la  réunion  des  deux  déesses,  telles 
sont  les  scènes  principales  qu'on  peut  attribuer  avec  quelque 
certitude  à  ce  drame  sacré.,  Tbutefois  un  texte  d'IsocRATE,  si- 
gnalé par  M.  FoucART,  semble  insinuer  qu'on  y  ajoutait  la 
représentation  de  l'arrivée  de  Déméter  à  Eleusis,  ce  qui,  du 
reste,  n'a  rien  que  de  vraisemblable. 

\G(LBMENT  d'Alexandrie  rapporte  deux  rites,  qui  ont  dû  faire 
partie  intégrante  du  drame  sacré  lui-même.  Il  place  en  effet 
dans  la  bouche  des  initiés  la  célèbre  formule  que  voici  :  «  J'ai 
jeûné  ;  j'ai  bu  le  cycéon  ;  j'ai  pris  dans  la  ciste,  et,  après  avoir 
((  accompli  »,  j'ai  remis  dans  le  calathos  ;  ensuite  j'ai  repris 
dans  le  calathos  et  mis  dans  la  ciste  ».  Le  sens  de  la  première 
partie  est  clair  :  le  myste  jeûne  comme  Déméter,  en  signe  de 
deuil,  et  à  son  exemple  il  boit  le  cycéon.  On  discute  beaucoup 
sur  le  sens  de  la  seconde.  Il  n'y  a  pas  lieu,  semble-t-il,  d'aban- 
donner la  leçon  du  manuscrit,  qui  présente,  en  effet,  un  sens 
très  satisfaisant.  D'après  cette  leçon,  les  mystes  auraient  voulu 
signifier  qu'ils  avaient  accompli  le  geste  prescrit  par  le  rituel, 
au  moyen  de  certains  objets  contenus  dans  la  ciste.  Il  est  à 
présumer  que  ces  objets  comprenaient  divers  emblèmes  phal- 
liques, ce  qui  expliquerait  pourquoi  Clément  se  scandalise  de 
la  formule,  comme  si  elle  contenait  une  obscénité. 

Plusieurs  auteurs,  à  la  suite  de  M.  Fougart,  sont  d'avis  que 
l'initiation  du  1"  degré  comprenait  en  outre  une  cérémonie 
essentiellement  distincte,  consistant  dans  ce  qu'on  a  appelé 
un  cours  de  géographie  infernale.  Suivant  cette  théorie,  on 
aurait  représenté  dans  le  télestérion  les  Enfers  et  les  Champs- 
Elysées,  de  même  que  les  routes  qui  y  conduisent.  Et  en  effet, 
il  semble  bien  qu'il  faille  voir  une  allusion  à  ce  voyage  au 
Monde  Infernal  dans  un  texte  célèbre  de  Plutarque,  où  cet 
auteur  compare  l'état  où  se  trouve  l'âme  au  moment  de  la 
mort  avec  l'état  d'esprit  des  initiés.  Ce  même  texte  insinue 
aussi  que  ces  cérémonies  se  terminaient  par  l'exhibition  solen- 
nelle des  «  hiéra  »  faite  par  l'hiérophante.  On  ne  possède  sur 


MYSTÈRES   D'eLEUSIS  449 

ces  objets  sacrés  aucune  indication  précise  ;  mais  on  peut 
admettre  comme  certain  que  parmi  eux  figuraient  les  images 
sacrées  des  deux  déesses. 

La  nuit  suivante  avait  lieu  l'époptie.  Celle-ci  n'était  pas 
nécessaire  au  salut  et  beaucoup  s'en  passaient.  Il  fallait  d'ail- 
leurs attendre  une  année,  avant  d'y  être  admis.  On  lit,  dans  les 
Philusophoumena,  qu'on  montrait  aux  époptes  «  un  épi  mois- 
sonné en  silence  ».  C'est  le  seul  rite  attriliué  explicitement  à 
l'époptie.  Cependant  il  n'est  pas  douteux  que  cet  épi  servait  à 
symboliser  l'enfant  divin  dont,  d'après  le  m^ême  passage  des 
Pliilusophoumena,  l'hiérophante  annonçait  la  naissance,  en 
s'écriaht  :  «  La  divine  Brimo  a  enfanté  Brimos  ».  D'autre  part, 
cette  formule  suppose  qu'un  mariage  -venait  de  s'accomplir 
et,  de  fait,  plusieurs  auteurs  chrétiens  parlent  d'un  mariage 
sacré  qui  avait  lieu  aux  Mystères  d'Eleusis,  entre  l'hiéro- 
phante et  la  prêtresse  de  Déméter,  et  qui,  d'après  un  scoliaste 
chrétien  du  Gorgias,  mettait  en  action  la  légende  de  l'union  de 
Déméter  avec  Zeus.  Ce  mariage  aurait  donc  fait  partie  de 
l'époptie  et  se  serait  clôturé  par  la  proclamation  de  la  nais- 
sance de  l'enfant  divin  et  la  présentation  de  l'épi  de  blé. 

Les  Pkilosophoumena  signalent  une  dernière  formule  rituelle 
consistant  dans  ces  deux  petits  mots  :  «  us,  x'k  ».  On  peut 
admettre,  avec  un  grand  nombre  d'auteurs,  qu'elle  était  pro- 
noncée par  les  époptes,  au  moment  où  le  mariage  sacré  s'ac- 
complissait dans  un  réduit  secret  du  télestérion. 

Telle  est,  en  résumé,  la  physionomie  externe  des  rites  de  l'ini- 
tiation éleusinienne.  Il  s'agit  maintenant  d'en  définir  la  portée. 

Interprétation  des  Mystères.  —  M.  Fougart  est  d'avis  que  les 
deux  drames  sacrés  ne  se  rapportent  qu'indirectement  à  l'ini- 
tiation. Au  «lieu  de  servir  principalement  aux  mystes,  ils  étaient 
avani  tout  destinés  à  agir  sur  les  divinités  dont  ils  repro- 
duisaient les  actions  passées.  Sans  cette  reproduction,  ces  ac- 
tions auraient  perdu  leur  vertu  et  leur  eftîcacité  primitive.  Au 
contraire,  reproduire  ces  actes,  dans  les  conditions  minutieu- 
sement réglées  par  le  rituei,  c'était  au  moment  critique  les 
faire  accomplir  de  nouveau  dans  le  ciel,  avec  toutes  leurs 
conséquences  favorables  à  la  terre.  Par  l'effet  des  deux  drames 
mystiques,  les  divinités  refont  chaque  année  ce  qu'elles 
avaient  fait  aux  temps  mythologiques.  Ainsi   l'hiérogamie  de- 

29 


450  .T.  DE  CALUWE 

vieni  un  rite  grâce  auquel  Zeus  et  Déméter  renouvellent,  dans 
le  ciel,  leur  action  bienfaisante  et  accordent  à  la  terre  de  TAt- 
tique  une  nouvelle  année  d'abondance  et  de  prospérité.  D'autre 
part,  le  drame  de  Corè  a  pour  résultat  de  remettre  en  vigueui' 
la  fondation  des  Mystères  et  le  pacte  conclu  avec  Eleusis. 

A  rencontre  de  cette  théorie,  basée  d'ailleurs  sur  l'origine 
égyptienne  des  Mystères,  nous  pensons  que  l'initiation,  par 
quoi  les  mystes  recevaient  l'assurance  de  leur  salut,  se  ratta- 
che d'une  façon  très  étroite  aux  deux  drames  dont  il  est  ques- 
tion. Ceux-ci  en  effet  ne  pouvaient  avoir  d'autre  but  que  df^ 
réaliser  et  de  signifier  l'union,  l'agrégation  des  mystes  à 
Déméter  et  à  Corè,  et  c'est  précisément  dans  cette  agrégation 
que  l'initiation  devait  consister.  La  chose  semble  en  tout  cas 
manifeste  pour  le  mariage  sacré.  Et  d'abord  n'est-on  pas  en 
droit  de  supposer  que  l'hiérophante,  s'unissant  avec  Déméter 
représentée  par  sa  prêtresse,  n'agissait  pas  seulement  en  son 
propre  nom,  mais  au  nom  de  tous  les  mystes  dont  il  était 
devenu  comme  l'intermédiaire  avec  la  divinité.  ?  On  sait  d'ail- 
leurs que  l'union  la  plus  intinie  entre  l'homme  et  la  divinité 
est,  dans  un  grand  nombre  de  religions,  symbolisée  par  un 
simulacre  d'union  sexuelle,  —  d'où  l'emploi  fréquent  de  rites 
phalliques  dans  les  mêmes  religions,  —  et  dès  lors,  ne  semble- 
t-il  pas  rationnel  de  supposer  à  Eleusis,  puisque  mariage 
sacré  il  y  avait,  que  celui-ci  était  adapté  au  même  but.  Sans 
doute,  ce  rite  était  originairement  une  partie  essentielle  du 
culte  primitif  de  Déméter,  tel  qu'il  se  pratiquait  à  Eleusis,  el 
servait  alors  exclusivement  à  assurer  la  fécondité  de  la  terre, 
des  troupeaux  et  des  hommes.  Mais  on  comprend  aisément 
que,  de  nouvelles  préoccupations  s'étant  fait  jour,  on  ait  été 
amené  à  y  trouver  la  valeur  d'un  symbole  d'union  intime  avec 
Déméter,  union  qui  devenait  la  garantie  suprême  d'une  parti- 
cipation à  sa  bienheureuse  immortalité.  De  même,  l'épi  de  blé. 
qui  à  l'origine  était  censé  le  fruit  du  mariage  divin  en  vue 
de  la  fécondité  des  champs,  symbolisera,  après  le  change- 
ment de  direction  dans  les  Mystères,  l'efficacité  et  la  vertu 
mystique  des  initiés.  Ainsi  l'initiation  supérieure  consistait 
avant  tout  dans  un  simulacre  d'union  sexuelle,  qui  symbolisait 
l'union  spirituelle  des  mystes  avec  Déméter.  Il  en  est  de  même, 
dans   un   degré   moindre,    de   l'initiation   commune.  Les   objets 


MYSTÈRES   D'eLEUSIS  451 

p}ialli(iues.  au  moyen  desquels  s'esquissait  un  geste  d'union 
sacrée  sexuelle,  ne  pouvaient  servir  qu'à  réaliser  cette  même 
union  au  bénéfice  de  chaque  initié.  A  ce  rite  se  juxtaposait,  entre 
autres,  l'absorption  du  cycéon,  qui  non  seulement  imitait  le 
geste  de  Déméter,  mais  introduisait  le  myste  dans  Tintimité  et 
comme  dans  la  convivance  de  la  (Grande  déesse  et  comme 
d'autre  part,  à  ce  qu'il  semble,  ces  deux  rites  faisaient  partie 
intégrante  du  drame  sacré,  celui-ci  prenait  tout  entier  une 
direction  dans  le  sens  de  l'agrégation  mystique  à  Déméter. 
Quelques  auteurs,  qui  n'ont  pas  vu  ([u'aux  anciens  rites  agrai- 
res s'est  suj)erposée  une  nouvelle  intention  dans  le  sens  que 
nous  v.-nons  d'indiquer,  ont  senti  le  besoin  d"'ajouter  aux  deux 
drames  saci'és,  des  rites  osiriens,  destinés  à  introduire  les 
mystes  dans  la  connaissance,  ou  plutôt  dans  la  possession 
anticipée  du  bonheur  de  l'au-delà.  Nous  ne  songeons  nulle- 
ment à  mettre  en  doute  la  présen'-e  d'éléments  égyptiens  dans 
les  Mystères  ;  mais,  abstraction  faite  de  ces  éléments,  les 
anciens  rites  garantissaient  à  sufTisance  une  survie  bienheu- 
reuse. On  pourrait  se  demander  de  quelle  utilité  pouvait  être 
encore  l'époptie  dans  l'interprétation  proposée.  La  réponse  est 
facile  :  réj)optie  n'était  [)as  nécessaire,  nuiis  elle  pouvait  don- 
ner, dans  un  renouvellement  de  la  communion  avec  Déméter. 
un  surcroît  de  garantie  à  ceux  qui  revenaient.  Ceux-ci  d'ail- 
leurs n'étaient  pas  fort  nombreux  et  beaucoup  se  contentaient 
de  la  première  initiation,  par  laquelle  ils  appartenaient  doré- 
navant pour  toujours,  dans  cette  vie  et  dans  l'autre,  aux  divi- 
nités protectrices  des  Mystères. 

II.      ORIGINE     DES     MYSTÈRES 

1°  Origine  du  culte  agraire.  —  Trois  tluNUMes  sont  en  pré- 
sence. 

ai  Origine  égyptienne.  —  Elle  est  défendue  par-  M.  Foi.'C.\ht. 
qui  la  résume  à  peu  près  dans  ces  termes. 

A  une  épo(iue  contemporaine  des  Pharaons  de  la  XVIII"  dy- 
nastie, des  colons  égyptiens  s'établirent  en  Argolide.  puis  en 
Attique.  Ils  apportèrent,  avec  la  vigne  et  les  céréales,  h»  culte 
d'Isis  et  d'Osiris.  Les  Pélasges  firent  bon  accueil  aux  dieux  de 
CCS  étrangers,  qui  leur  étaient  supéi'ieurs  |iar  les  rites  et  la 
civilisation.  Mais  au  lieu  de  les  dt'signer  jjai'  leur  nom  ('gyplicii, 


452  J.  DE  CALUWE 

ils  les  nommèrent  simplement  «  le  Dieu  ef  la  Déesse  ».  Plusieurs 
inscriptions,  découvertes  à  Eleusis,  mentionnent  en  effet  un 
couple  divin,  appelé  «  le  Dieu  et  la  Déesse  »,  couple  à  qui  il  faut 
reconnaître  —  et  M.  Foucart  le  prouve  abondamment  ■ —  une 
existence  distincte  de  celle  des  autres  divinités  honorées  à 
Eleusis.  Or  ces  divinités  sont  anonymes  et  cet  anonymat  serait 
à  expliquer  surtout  par  la  raision  tirée  des  idées  égyptiennes, 
attestées  d'ailleurs  dès  la  plus  haute  antiquité,  sur  le  nom 
secret  des  dieux  et  sur  le  danger  qu'il  y  avait  pour  ceux-ci  à 
le  laisser  connaître  au  pi'ofane.  Ce  couple  anonyme  aurait 
conservé  ses  honneurs  jusqu'à  l'époque  impériale  ;  mais,  de 
bonne  heure,  il  aurait  été  éclipsé  et  relégué  dans  l'ombre  par 
l'apparition  de  nouvelles  divinités,  qui  remplissaient  les 
mêmes  fonctions  protectrices  de  l'agriculture.  Ces  nouvelles 
divinités  n'auraient  été  autres  que  Dionysos  et  Déméter  dont, 
en  réalité,  on  constate  déjà  l'existence  en  Attique,  avant  l'épo- 
que des  invasions  doriennes,  au  XI"  siècle. 

b)  Origine  babylonienne.  —  Tel  est  notamment  l'avis  de 
.M.  Jeremias.  D'après  ce  savant,  les  Mystères  de  Déméter 
étaient  censés  destinés,  dès  l'origine,  non  seulement  à  assurer 
la  réussite  des  récoltes,  mais  aussi  à  apporter  aux  individus 
qui  les  célébraient  le  bonheur  dans  la  vie  d'outre-tombe  et  un 
bien-être  exceptionnel  sur  cette  terre.  On  remarquera  le  rap- 
prochement établi  par  M.  Jiîrkmias  entre  le  bonheur  supra- 
terrestre,  symbolisé  par  l'or,  et  la  vie  d'outre-tombe.  L'or,  en 
effet,  a  été  pour  l'Antiquité  toute  entière  un  élément  rapproché 
de  l'Hadès.  C'est  l'élément  même  de  l'Hadès.  Cela  étant,  l'au- 
teur croit  pouvoir  affirmer  qu'on  se  trouve  en  présence  d'un 
ensemble  d'idées  spécifiquement  orientales  :  le  sacrifice  du 
porc  offert  à  Corè,  déesse  des  morts,  serait  à  expliquer  comme 
une  infiltration  de  rites  accomplis  en  l'honneur  de  Tammouz- 
Adonis  et  les  relations  établies  entre  Corè  et  Déméter  trouve- 
raient un  parallèle  et  leur  explication  dans  la  légende  d'Aphro- 
dite et  d'Adonis. 

c)  Origine  autochtone.  —  Au  lieu  d'y  voir  une  influence 
étrangère,  cette  opinion  considère  les  éléments  essentiels  du 
culte  agraire  comme  des  institutions  ayant  appartenu  à  l'un 
des  groupes,  si  pas  à  tous,  qui  constituent  la  grande  famille 
Indo-Européenne. 


MYSTÈRES   D'BLEUSIS  453 

A  un  moment  donné  de  la  pT'éhistoire  de  ces  groupes,  la  vie 
agricole  s^e  développe  au  point  de  devenir  la  condition  indis- 
pensable de  leur  existence.  Dès  lors,  la  végétation  et  la  réus- 
site des  récoltes  ne  pouvaient  manquer  de  devenir  pour  eux 
une  source  de  préoccupations.  Tout  naturellement,  ils  en  ar- 
rivèrent à  personnifier  la  force  germinative  du  hlé  et  à  voir 
dans  la  Terre  la  Mère  Nourricière  des  hommes.  C'est  de  la 
personnification  de  ces  deux  choses  que  sont  sorties  les  di- 
verses conceptions  et  institutions  qui  ont  abouti  à  la  constitu- 
tion du  culte  agraire  en  général.  Grâce  aux  études  de 
Mannhardt.  complétées  par  celles  de  Lang,  de  Dietrich  et  de 
Frazer,  un  connaît  à  présent  les  j^rincipales  lignes  de  ce 
développement.  L"esprit  de  la  Végétation  devint  TEsprit  du 
Grain,  que  Ihomme  s'attache  à  conserver,  en  le  dégageant  de 
ce  qui  reste  de  la  récolte  précédente,  pour  en  faire  le  principe 
d'une  récolte  nouvelle,  après  l'avoir  rajeuni  et  raffermi.  On 
commença  le  plus  souvent  par  dédoubler  le  principe,  vu  le 
besoin  de  distinguer  la  récolte  qu'on  finissait  d'utiliser  et  la 
nouvelle  récolte  dont  on  désirait  s'assurer  le  bénéfice.  Ce 
dédoublement  se  concrétisa  en  ileux  figures  parallèles,  conçues 
l'une  sous  forme  de  Mère  et  l'autre  sous  forme  de  Fille  ou 
d'Enfant.  Le  même  esprit,  qui  vivait  dans  la  mère,  renaissait 
dans  lenfant  et  pour  assurer  cette  renaissance,  divers  pro- 
cédés étaient  utilisés.  Ainsi,  en  admettant  que  l'esprit  s'était 
réfugié  dans  la  dernière  gerbe,  on  brûlait  la  gerbe  pour  en 
mélanger  les  cendres  aux  semences  ou  pour  les  déverser  dans 
les  sillons.  Ainsi  aussi,  sous  l'influence  de  cette  croyance  po- 
pulaire qu'un  esprit,  mis  en  liberté,  cherche  à  s'introduire 
d.ins  le  premier  corps  vivant  qu'il  rpncontre,  divers  moyens 
étaient  employés  pour  le  rajeunir  et  le  raffermir  dans  l'habi- 
tacle qu'il  venait  de  se  choisir.  Un  animal  venait-il  à  passer 
au  moment  oii  la  dernière  gerbe  se  trouvait  encore  debout, 
on  l'immolait  et,  encore  une  fois,  ses  cendres  étaient  utilisées 
à  l'époque  des  semailles.  Si,  au  contraire,  l'esprit  passait  dans 
le  corps  de  la  moissonneuse  qui  avait  fauché  les  derniers 
épis,  il  n'y  avait  plus  qu'un  simulacre  d'immolation  ;  mais  en 
revanche  cette  dernière  devait  simuler  les  douleurs  de  l'en- 
fantement qui  aideraient  l'effort  de  la  Nature  à  produire  la 
nouvelle  récolte.  Souvent  aussi  un  mariage  est  simulé  où  l'on 


454  J.   DE   GALUWE 

voit  intervenir  un  enfant  ci  mime  emblème  d'union  féconde.  — 
Par  ailleurs,  TEsprit  de  la  Végétation  tendit  de  plus  en  plus 
à  devenir  un  principe  capable  de  subsister  indépendamment 
de  la  Nature  où  il  était  jusqu'à  présent  censé  résider.  Ce  pro- 
cédé de  sublimisatipn,  joint  à  d'autres  causes,  fit  prendre  à 
ce  principe  forme  et  qualité  d'être  divin.  Cet  être  divin  ou 
plutôt  les  deux  êtres  divins,  la  Mère  et  la  Fille,  iirendront 
place  parmi  les  autres  divinités  :  celle  qui  pendant  Tliiver  est 
censée  résider  dans  le  Monde  souteri'ain  deviendra  la  déesse 
des  Enfers  ;  l'autre  au  contraire  se  retirera  au  Ciel,  d'où  elle 
veillera  comme  patronne  de  l'Agriculture  et  bienfaitrice  des 
hommes.  Par  le  fait  même,  les  rites  agraires  ne  seront  plus 
simplement  un  moyen  tendant  à  assurer  la  conservation  et  le 
rajeunissement  de  rEs})rit  de  vie,  mais  deviendront  une  insti- 
tution plus  manifestement  religieuse,  dont  l'efTicacité  sera 
attribuée  à  l'intervention  rlun  dieu  personnel.  ■ —  Appliquée  à 
la  Grèce  préhistorique,  cette  théorie  nous  donne  une  expli- 
cation acceptable  et  rationnelle  du  culte  agraire  de  Déméter 
et  de  Coi'è.  Après  cela,  nous  ne  contesterons  pas  que  d'autres 
concejitions  similaires,  reprises  soit  à  l'Egypte,  soit  à  l'Orient, 
aient  pu  exercer  une  influence  et  apporter  certains  traits 
nouveaux.  Nous  ne  voyons  pas  que  les  arguments  dont  font 
état  M.  FOUCART  et   M.  Jeremias    prouvent  autre  chose. 

2°  Origine  du  culte  esrhatnlogique .  —  Nous  avons  à  nous  de- 
mander maintenant  dans  quelles  conditions  les  rites  agraires 
ont  pris  à  Eleusis  une  signification  eschatologique.  Y  a-t-il 
lieu  d'admettre  que  ce  passage  s'est  opéré  naturellement,  par 
évolution  interne,  sous  la  pression  de  préoecupations  escha- 
tologiques,  ayant  pris  corps  che^z  ceux  qui  n'avaient  vu  jus- 
qu'à présent  dans  le  culte  de  Déméter  qu'un  moyen  d'assurer 
la  récolte  ?  Il  ne  semble  pas.  Sans  doute,  ces  préoccupations 
se  font  jour,  nous  le  savons  positivement,  à  une  date  très 
ancienne,  et  naturellement  on  a  songé  à  la  déesse  de  la  Végé- 
tation comme  à  une  divinité  capable  d'assurer  à  l'homme  une 
immortalité  bienheureuse.  Mais  si  ce  rapprochement  aurait  pu 
donner  lieu  à  un  culte  de  Déméter,  considérée  comme  patronne 
et  protectrice  des  morts,  l'on  ne  voit  pas  comment  il  aurait 
pu  engendrer  les  Mystères  de  Déméter,  considérés  dans  la 
forme  concrète  qu'ils  ont  au  moment  où  ils  émergent  à  l'his- 


MYSTÈRES    d'adonis    ET    D'ATTIS  455 

t<)ir(\  A  no(re  avis,  tout  «"explique  d'une  façon  satisfaisante, 
si  l'on  admet  que  les  Eumolpides  ont  introduit  l'élément 
esc'hatologique  et  qu'ainsi,  sous  leur  influence,  les  rites 
agraires  se  S(mt  convertis  en  Mystères  proprement  dits.  Une 
tradition  fait  venir  Eumoilpos  de  la  Thraee  et  nous  savons  par 
ailleurs  que  la  Thraee  avait  organisé  autour  de  Dionysos  un 
ensemble  de  rites  qui  étaient  censés  procurer  aux  individus 
une  immortalité  bienlieureuse.  Si  les  Eumolpides  ont  pu  faire 
admettre  par  Eleusis  leur  culte  à  eux,  on  comprend  que  l'an- 
cien sacerdoce  féminin  ait  cédé  la  place  à  ces  nouveaux  venus, 
qui  amenaient  avec  eux  des  idées  et  peut-être  des  pratiques 
plus  élevées.  On  comprend  de  même  la  place  faite  à  Dionysos 
flans  les  Mystères,  primitivement  organisés  en  dehors  de  lui  : 
l'élément  thraee  est  celui  qui  regarde  l'obtention  du  salut 
d'outi'e-tombe  ;  on  comprendra  qu'il  ait,  j)ar  contact,  orienté 
les  rites  agraires  dans  un  sens  escliatologique. 

BIBLi.  • —  CtOBLET  d^Aviella,  Eleusinia,  in-S",  Paris,  1903  — -  P.  Foucart,  Les 
Mystères  d'Eleusis,  in-S",  Paris,  Picard,  1914  —  A.  Jeremias,  Allgenieine 
Religions  g  escMchte,  ln-8",  Munchen,  Pipei-,  1918  —  A.  Loisy,  Les  Mystères 
païens  et  le  Mystère  chrétien,  in-8",  Paris,  Nourry,  1919  —  M.-.T.  Lagrange, 
Le  Mystère  d'Eleusis  et  le  Christianisme,  Revue  biblique,  1919  —  M.  Brillant, 
Les  Mystères  d'Eleusis,  in-12°,  Paris,  Renaissance  du  Livre,  1920  —  E.  Rhode, 
Psyché  ■    in-S",  Tubingen,   Mohi',   1921. 


[32]  Mystères  d'Adonis  et  d'Attis, 

par  le  R.  P.  DuHR,  S.  J. 

Le  ciini'éi'encier  n'ayant  pu  livrer  à  temps  son  manuscrit, 
nous  donnons  seulement  la  bibliographie  qu'il  avait  indiquée. 

BIBL.  —  1".  Sur  Attis  :  H.  Hepding,  Attis.  seinr  Mythen  und  sein  Kult, 
in-8»,  Giessen,  Ricker,  1903  —  J.  Toutain,  Les  cultes  paiens  dans  l'Empire 
romain,  .3  in-8",  Paris,  Leroux,  1907-1920  —  O.  Gruppe,  Griech.  Mythologie, 
in-S",  Mtinclien,  Beck,  1906,  p.  1521-155.5  —  Fr.  Cumont,  Les  religions  orien- 
tales dans  le  paganisme  romain  2,  in-16",  Paris,  Leroux,  1909  (trad.  allemande 
par  G.  Gehrich,  2'  édit,  in-8",  Leipzig,  Teubner,  1914  —  anglaise  par 
G.  Showermann,  in-12",  Chicago,  Open  Court  Publ.  C",  1911  —  italienne  par 
L.  Salvatorelli,  in-S'»,  Pari,  Laterza,  1913)  ;  du  même,  art.  Attis,  dans 
RECAW,  1896,  t.  II,  col.  2247-2252  et  Supplém.,  col.  225  —  H.  Graillot,  Le 
culte  de  Cyhèle,  in-8",  Paris,  Fontemolng,  1912-1916  —  Lagrange,  O.  P.,  Attis 
et  le  Christianisme,  dans  RB,  1919,  t.  XVI,  p.  419-180  —  Voir  en  outre  les 
art.  Adonis,  Attis,  Cybèle  etc.,  dans  DAGR,  ERE... 

2".  Sur  Adonis  :  W.  von  Baudissin,  Adonis  und  Esmun,  in-8",  Leipzig, 
Hinrichs,  1911  ;  cf.  REPT,  1907.  t.  XIX,  p.  334-375  ;  1913.  t.  XXIV,  p.  559... 


456  L.    DE    GRANDMAISON 

[33]     Les  Mystères  païens  et  le  Mystère  chrétien, 

par  le  R.  P.  de  GRANDMA.iSON,  S.  J. 

€"est  là  i^lutôt  le  titre  d'un  livre  (1  ,  et  il  serait  tout  à  fait 
vain  de  prétendre  traiter,  dans  les  limites  forcément  étroites 
d'une  conférence,  cette  immense  matière.  L'effort  d'at'tention  ré- 
clamé des  auditeurs  de  la  Semaine  sera-t-il,  pour  autant,  inu- 
tile ?  —  C'est  demander  s'il  est  inutile  de  réunir  en  une  carte 
d'assemblage,  simplifiée,  schématisée,  nécessairement  som- 
maire, les  cartes  détaillées  des  diverses  provinces  d'un  grand 
pays.  Il  n'est  personne  qui  n'éprouve  le  besoin  de  synthétiser. 
dans  un  rapport  d'ensemble,  les  particularités  éparses  dans 
des  mémoires  détachés.  Il  n'est  personne  qui  n'aime  à  do- 
miner, en  vue  cavalière  et  de  haut,  une  région  explorée  d'abord 
champ  par  champ,  hameau  par  hameau. 

Sous  le  bénéfice  de  cette  observation,  abordons  sans  tarder 
notre  sujet  pour  constater  qu'il  est,  dans  son  énoncé  même, 
un  peu  vague,  et,  dans  son  tracé,  assez  mal  défini. 

Des  deux  termes  de  la  comparaison,  le  second  (le  mystère 
chrétien)  nous  est  suffisamment  connu.  On  entend  sous  ce 
nom  le  christianisme  primitif,  et,  en  particulier,  les  croyances 
et  les  rites  où  s'expriment  les  plus  intimes,  les  plus  profonds 
des  enseignements  révélés  :  parenté  et  communion  entre  Dieu 
et  l'homme  ;  incorporation  au  Christ  Jésus  ouverte  à  tous 
par  l'initiation  baptismale  et  la  participation  à  la  Cène  eucha- 
ristique :  lions,  témoignage  et  inhabilation  de  l'Esprit-Sainf. 
bref,  la  substance  même  de  la  religion  en  esprit  et  en  vérité. 

>Si  nous  voulons  préciser,  par  contre,  le  premier  terme  de  la 
comparaison,  les  mystères  païens,  nous  nous  trouvons  en  face 
d'une  sorte  de  nébuleuse,  d'une  matière  diffuse,  hétérogène, 
indéfinie.  Des  historiens  libéraux  y  ont  fait  rentrer  peu  à 
peu,  avec  tout  riiellénisme,  les  religions  de  l'Egypte,  les  reli- 
gions orientales,  depuis  l'assyro-'babylonienne  jusqu'aux  cultes 
orgiastiques  de  la  Phrygie,  et  les  religions  de  l'Iran.  Tour  à  tour 
ou  tous  ensemble,  ces  témoins  si  divers  ont  été  sommés  de 
fournir  des  analogies,  des  précédents,  des  sources  d'inspiration, 
au  mystère  chrétien. 


(1)    C'est  le  titre  même  de  Touvrage  de  M.  A.  Loist,  in-8°,  Paris,  Nourry,  1919. 


LES   MYSTÈRES  PAÏENS   ET    LE    MYSTÈHB    CHRÉTIEN  457 

Un  dos  plus  ardents  chasseurs  de  similitudes,  R.  Reit- 
ZENSTEiN,  après  avoir  dénoncé  longtemps,  dans  l'hermétisme 
égyptien,  le  point  de  départ  des  plus  importantes  croyances 
chrétiennes,  a  traversé  tout  l'hellénisme  dans  sa  course  fié- 
vreuse. Il  Fa  déhordé^enfm,  pour  trouver  le  «  Royaume  de  Dieu  » 
dans  des  textes  iraniens  de  basse  époque,  déjè  contaminés  de 
manichéisme  (1). 

D'auti'es  érudits,  procédant  (à  l'inverse,  partent  d'une  notion 
authentiquement  chrétienne,  et  lui  cherchent  des  équivalents  ou 
des  répondants  dans  le  syncrétisme  hellénique.  Naturellement, 
ils  les  trouvent.  C'est  ainsi  que,  fldè.le  à  l'esprit  de  son  maître, 
le  brillant  et  aventuj'eux  auteur  de  Kyrios  Christos,  feu  W.  Bous- 
set,  le  Suédois  Gillis  P.  Wetter  assigne  comme  prototype  au 
Fils  de  Dieu,  tel  que  le  décrit  notre  quatrième  évangile,  des 
«  fils  de  Dif'U.  révélateurs,  docteurs  et  rédempteurs  »,  dont  il 
prétend  discerner  les  traits  épars  dans  les  religions  de  la 
Grèce  (2).  C'est  le  Saint-Esprit  qui  fournit  la  cellule-mère  aux 
hypothèses,  un  peu  moins  téméraires,  de  H.  Leisegang  (3'i. 
Attendrons-nous  longtemps  1p  «  comparatiste  »  qui  partira  du 
Père  céleste  ? 

Le  caractère  hâtif  de  ces  recherches,  les  facilités  excessives 
que  s'accordent  certains  savants  par  rapport  à  la  terminologie. 
à  la  chronologie,  la  façon  surtout  dont  des  analogies,  arrachées 
à  des  milieux  différents,  empruntées  à  des  documents  d'âge 
douteux,  séparées  des  contextes  indispensables,  sont  groupées 
dans  une  synthèse  facile  et  artificielle  :  autant  de  mauvais 
indices  pour  la  vérité  de  l'explication  proposée.  Ce  sont  là 
«  jardins  d'Adonis  »,  qui  fleurissent  durant  une  saison  critique, 
pour  s'ensevelir  ensuite  dans  la  nécropole  des  Bibliographirs  et 
des  Jahrrsbrrichte. 

Sans  insister  présentement  sur  ce  côté  du  sujet,  essayons  de 
préciser  brièvement  l'importance  de  la  question  en  jeu,  et  la 
façon  dont.  histori(iuement.  elle  a  été  amenée  à  se  poser.  Nous 
snuligneriins  ensuite  quelques-unes  des  erreurs  de  méthode  qui 


(1)  Dus  irnnische  Erloisungsmysterium,  in-8",  Bonn,  Marcus,  1921. 

(2)  Der  Sohn  Gottes,  Vandenhoeck,  Gôttlngen,  in-8",  1916.  M.  G.  P.  W'kttkr 
a  multiplié  ses  nnémoires  sur  des  sujets  analogues.  Les  dernier.'!  ont  trait  aux 
sources    de    l'ancienne    litu!'gie    chrétienne. 

(3)  Der  heiligc  Geist,  t.  I,  p.  1,  in-8",  Leipzig,  Teubner,  1919  :  Pnenvia 
hagion,  ln-8",   Leipzig,   Hinrichs,    1922. 


458  L.    DE    GRANDMAISON 

ont  vicié  beaucoup  ûe  travaux  consacrés  à  son  étude,  pour 
énoncer  finalement  la  solution  qui  ressort,  dès  à  présent,  quant 
au  fond  du  problème. 

I.  ■ LA  QUESTION  :   SON    IMPORTANCE   ;   SON   HISTOIRE. 

C'est  bien  roriginalité  du  christianisme,  comme  religion,  qui 
est  mise  en  question  par  ces  recherches.  Les  ressemblances  et 
dépendances  signalées  par  les  exégètes  radicaux  ne  portent  pas 
seulement  sur  des  détails  de  cérémonial,  sur  Tadoption  de 
certains  types  artistiques,  sur  des  points  librement  discutables 
entre  fidèles.  Ce  sont  les  doctrines  fondamentales  de  la  Trinité. 
de  rincarnation,  les  faits  dogmatiques  les  plus  graves  (mort 
oxpiatrice  et  résurrection  du  Christ),  les  rites  les  plus  indis- 
pensables (baptême  et  eucharistie),  dont  l'origine  païenne  est 
proclamée  ou  insinuée.  Il  y  va  de  toute  notre  religion. 

Ces  imputations  ne  sont  pas,  d'ailleurs,  nouvelles.  Il  y  a  cent 
ans  —  pour  ne  pas  remonter  plus  haut  (H  —  que  Gh.-Fr.  Du- 
puis,  dans  son  livre  aussi  célèbre  que  peu  lu  :  l'Origine  de  tous 
l"s  cultes  (2),  expliquait  toute  «  la  Fable  »,  dans  laquelle  il 
fîiisait  rentrer  le  christianisme,  par  l'astrolâtrie.  Ce  radicalisme 
ne  compte  plus  que  peu  d'adhérents.  L'opinion  qui  prévaut  chez 
nos  adversaires  présents  peut  se  résumer,  avec  un  peu  de  sim- 
plification pédagogique,  mais  sans  déformation  essentielle,  dans 
les  thèses  suivantes  : 

Tout  en  conservant,  de  ses  origines  juives  et  de  l'enseigne- 
ment personnel  de  .Jésus  de  Nazareth,  quelques  traits  distinc- 
tifs,  le  christianisme  aurait  beaucoup  emprunté,  dès  le  temps 
de  saint  Paul  (second  tiers  du  premier  siècle),  aux  religions 
parmi  lesquelles  il  se  frayait,  laborieusement,  sa  voie.  Em- 
prunts souvent  inaperçus,  plutôt  subis  qu'acceptés.  On  peut 
leur  assigner,  en  gros,  une  double  source  :  le  syncrétisme  d'ori- 
gine babylonienne,  persane,  syrienne,  égyptienne,  hellénique, 
déjà  entré,  et  partiellement  assimilé,  dans  le  judaïsme  contem- 
porain :  le  sjTicrétisme  encore  tout  cru  et  païen,  rencontré  par 
la  nouvelle  religion  au  cours  de  sa  première  expansion.  Dans 


(1)  On  trouvera  les  précédents  étudiés  à  fond  dans  le  livre  considérable  de 
H.  PiXARD  de  là  BouLLAYE,  L'Etude  comparée  des  religions,  t.  I,  in-S»,  Paris, 
Beauchesne,  1922,  qui  complète,  et  on  peut  presque  dire  annule,  les  travaux 
antérieurs  parus  sur  le  sujet. 

(2)  Paris,    an   III    (1795). 


LES  MYSTÈRES  PAÏENS   ET    LE    MYSTBFiE    CHRÉTIEN  459 

ce  fleuve  trovible,  alimenté  par  des  affluents  très  divers,  on 
signale,  comme  sources  d'inspiration  chrétienne,  les  religions 
dites  «  à  mystères  »,  possédant  des  croyances  ésotériques 
ti'ansmises  par  voie-  d'initiation  :  grands  et  petits  mystères 
grecs,  cultes  isiaque  et  oi'phique.  cultes  syriens  et  phrygiens 
de  la  Grande  Mère  et  de  ses  j)aràdj'es.  culte  syro-i)ersan  de 
Mithra.  On  fait  également  état  des  écrits  herméti(iues  égyptiens 
et  des  spéculations  helléniques,  notamment  des  philosophies 
stoïcienne  et  alesandrine    (1). 

L'idée  même  d'uno  monarchie  divine,  n'excluant  pas  la  plu- 
ralité des  sujets  divins,  mais  transcendante  j)ar  rapport  à  tous, 
et  pouvant,  par  conséquent,  mettre  sur  la  voie  dun  culte  unique 
el  universel,  aurait  eu,  d'après  les  mêmes  auteurs,  et  dès  le 
premier  siècle,  des  préfigui-ations  etlicaces.  On- cherche  celles-ci 
dans  les  vues  hénothéistes  de  certains  philosophes  grecs  ;  dans 
le  syncrétisme  à  Dieu  principal  de  quelques  mythographes  ; 
surtout  dans  le  culte  rendu  par  tout  l'Empire  au  génie  des 
Césars  et  à  la  déesse  Rome. 

Depuis  une  trentaine  d'années,  sous  des  formes  diverses  et 
à  dose  très  inégale,  ces  vues  sont  acceptées  par  les  érudits  qui 
cherchent,  au  fcfit  chrétien,  une  explication  intégralement  natu- 
relle. Dosage  très  inégal,  puisqu'il  va  des  affirmations  massives 
d'un  P.  Jensen,  d'un  Otto  Pfleiderer,  d'un  T.-K.  Gheyne,  aux 
synthèses  plus  nuancées  d'un  Edwin  Hatch,  d'un  Paul  Wend- 
LAND,  d'un  Wilhelm  Bousset,  d'un  Johann  'Weiss,  en  traversant 
les  travaux  aventureux  et  érudits  d'un  Hermann  Gunkel,  d'un 
Percy  'Gardner,  d'un  R.  Reitzenstein,  d'un  Kirsopp  Lake.  d'un 
Alfred  Loisy,  et  de  vingt  autres  moins  notoires. 

Ces  vues  sont,  disons-nous,  acceptées  par  ces  historiens.  Il 
faut  aller  plus  loin  et  dire  qu'à  Tes  prendre  en  général,  elles 
s'imposent  à  eux.  Elles  sont,  en  effet,  le  postulat  de  la  philoso- 
pliie,  exclusive  de  toute  intervention  divine  particulière,  dont 
ils  font  profession. 'C'est  ce  que  rappelait  hier,  avec  une  louable 
franchise,  l'un  des  plus  qualifiés.  «  A  cette  religion  des  mystères 

(1)  On  résume  ici  les  conclusions  des  «  comparatistes  »  les  plus  modérés, 
d'après  l'ouvrage  de  Johann  Weiss  sur  «  les  tâches  présentes  de  la  science 
néo-testamentaii-e  »,  Gottingen,  Vandenhoeck,  1908,  conclusions  reprises  dans 
le  grand  ouvrage,  en  partie  posthume,  du  même  auteur,  Das  VrchristentHin, 
in-S",  Oôttingen,  Vandenhoeck,  1914-1917.  Voir  le  mémoire  très  nourri  de 
K.  Jacquier,  Les  Mystères  pdiens  et  Saint  Paul,  dans  DAFC,  1920,  t.  III, 
col.    964-1014. 


460  L.    DE    GRANDMAISON 

obscurs  —  écrit  M.  Salomon  Reinach  —  se  rattache  le  chris- 
tianisme ;  alors  même  que  nous  n'aurions  aucun  indice  pour 
rendre  cette  hypothèse  vraisemblable,  il  faudrait  y  recourir 
pour  établir,  en  dehors  de  toute  intervention  transcendante,  la 
continuité  des  faits  religieux  (1)   ». 

A  la  bonne  heure  !  Mais  aux  historiens  libres  de  ces  pos- 
tulats, la  question  apjiaraît  autrement.  Elle  peut  se  discuter  sur 
textes  et  en  toute  indépendance  d'esprit.  On  aime  à  citer  parmi 
ces  écrivains,  avec  ceux  de  nos  maîtres  catholiques  qui  ont 
étudié  récemment  ces  problèmes  (un  Lagrange.  un  Batiffol, 
un  Delehaye,  un  Lebreton,  un  Doelger)  ,  des  protestants  comme 
G.  Anrich,  Cari  Clemex,  .J.  C.  Machen,  des  anglicans  tels  que 
A.  A.  Kennedy.  Sir  William  Ramsay,  Y.  H.  Stanton.  Il  ne  serait 
pas  injuste  de  mentionner  à  côté  de  ces  savants,  des  critiques 
libéraux  d'esprit  plus  rassis,  comme  Test  souvent  M.  Franz 
CuMONT,  et.  presque  toujours,  M.  Jules  Toutain. 

II.    ERREURS   DE   MÉTHODE   CHEZ  NOS   ADVERSAIRES. 

Avant  daborder  directement  le  fond  du  débat,  il  importe  de 
signaler  chez  beaucoup  de  «  comparatistes  »,  notamment  chez 
les  plus  intransigeants,  de  singulières  erreurs  de  méthode, 
qu'un  parti  pris  explique  seul  chez  des  schniars  aussi  bien 
formés. 

C'est  par  exemple  un  grave  défaut  de  fonder  des  rapproche- 
ments, poussés  jusqu'à  la  dépendance  ou  à  l'emprunt,  sur  des 
indices  de  simple  présence,  en  négligeant  pratiquement  les 
indices  d'absence,  ou  de  concomitance,  qui  déterminent  les 
premiers. 

Or  nous  constatons  trop  souvent  l'emploi  de  ce  procédé  som- 
maire dans  les  ouvrages  de  maint  critique  libéral.  Entraînés 
par  la  richesse  de  leur  érudition,  séduits  par  l'ingéniosité  de 
leurs  exégèses  et  victimes,  on  peut  le  dire,  de  leur  virtuosité  à 
manier  textes  et  faits,  on  les  voit  sans  cesse  rapprocher  de 
doctrines  ou  institutions  chrétiennes  des  traits  pa'iens  vague- 
ment analogues.  Il  peut  y  avoir  là  d'intéressantes  suggestions, 
et  une  invitation  à  pousser  plus  loin,  mais  avant  de  conclure 
à  une   identité   d'origine,    ou   à  une   imitation,   il    serait    indis- 


(1)    Revue  archéologique  de  juillet  1920,  p.   loû,  citée  dans   la  Revue  biblique 
de   juillet    1922. 


LES   MYSTÈRES  PAÏENS   ET    LE    MYSTÈRE    CHRÉTIEN  461 

pensable  de  vérifier  si  le  texte  ou  le  trait  allégué  n'est  pas 
engagé  dans  un  contexte  cultuel  ou  doctrinal,  qui  ne  permet  pas 
un  rapprochement  réel  avec  le  mystère  chrétien.  Dans  ce  cas, 
le  caractère  original,  autoclitone,  de  ce  dernier,  resterait  intact. 
Cette  précaution  élémentaire  semble  échapper  cependant  à  des 
erudits"  nombreux,  et  non  pas  seulement  à  des  vulgarisateurs, 
mais  à  des  savants  comme  Ed.  Meyer,  J.  G.  Frazer  ou  A.  Loisy. 

Exemple  :  on  fait  souvent  état,  à  propos  de  la  mort  et  de  la 
résurrection  du  Christ,  d'antécédents  tirés  des  jeunes  dieux 
Osiris,  Adonis,  Attis,  dieux  morts,  dit -on,  et  ressuscites.  Jusque 
dans  des  manuels  destinés  au  grand  public,  et  point  dépourvus 
de  valeur  objective,  on  nous  parle  couramment  du  «  drame 
sombre  de  la  mort  et  de  la  résurrection  dAttis  »,  de  «  la  passion 
d'Osiris  »,  de  son  «  ascension  vers  les  cieux  »,  etc.  (1).  Je 
n'ai  pas  à  entrer  ici  dans  le  détail  de  ces  analogies  ;  mais  il 
est  un  trait  général,  immédiatement  visible,  qui  disqualitie 
d'abord  les  comparaisons  ainsi  suggérées.  C'est  la  présence, 
dans  tous  ces  mythes,  dès  l'abord,  au-dessus  du  héros  ou  du 
jeune  dieu,  d'une  déesse,  qui  tient  le  rôle  principal.  Au  vrai, 
Osiris,  Attis,  Adonis  ne  sont  que  les  partenaires,  les  parèdres 
d'une  grande  déesse,  dans  le  cycle  religieux  de  laquelle  leur 
aventure  forme  épisode.  Ce  trait  est  fort  naturel  dans  un  culte 
où  les  protagonistes  sont  au  fond,  les  grandes  Forces  anonymes 
et  amorales  de  la  nature  vivante  et  féconde,  présentées  à  l'état 
pathétique,  et  aiithropomorphisées.  Mais  aussi  négliger  ce  trait 
—  dont  la  mention  ne  permet,  avec  la  mort  et  la  résurrection 
du  Christ  historique,  qu'une  analogie  infiniment  lointaine  et 
inopérante  —  modifie  tout  à  fait  l'atmosphère  et  le  sens  du 
mythe. 

Faute  de  se  rappeler  ceci,  on  en  ai-rive  à  défigurer  complè- 
tement, par  voie  de  sublimation,  un  des  termes  de  la  compa- 
raison, c'est-à-dire  l'ensemble  des  mystères  pa'iens.  On  en 
arrive,  avec  M.  Alfred  Loisy,  à  soutenir  que  «  l'idée  fonda- 
nipntale  des  mystères  »  est  «  celle  d'une  mort  ilont  la  vertu 
salutaire  s'étend  à  tous  les  hommes  de  tous  les  temps...  »   (2). 


(1)  Etudes  sur  Vorigine  et  le  développement  de  la  vie  religieuse,  par  Richard 
Kreglinger,  t.  II,  la  Religion  chez  les  Grecs  rf  Ifi  Roniniiis,  in-S",  Bruxelles, 
Lamertin.    1920,    p.    242,    243. 

(2)  Les  Mystères  païens  et   le  Mystère  chrétien,  Paris,  Xoiiny,    1919,   p.    351. 


462  L.    DE    GRANDMAISON 

Description  inexacte  dans  ce  qu'elle  affirme,  plus  inexacte  dans 
ce  qu'elle  exclut.  Car  pour  les  neuf  dixièmes  de  la  matière  à 
définir,  elle  ne  s'applique  manifestement  pas,  et  pour  le  dernier 
dixième,  elle  est,  le  Père  Lagrange  Ta  parfaitement  démon- 
tré (1),  très  contestable.  Lidée  fondamentale  des  mystères 
païens  est  bien  autre  !  Dans  un  fragment  publié  seulement  cetf(> 
année,  mais  de  rédaction  ancienne,  le  pénétrant  philosophe  que 
fui  Félix  Ravaisson  Ta  résumée  en  ces  termes   : 

«  Le  second  caractère  sous  lequel  la  religion  païenne  devait  envisager  [les 
choses]  et  les  adorer,  c'est  celui  qui  constitue  proprement  la  nature,  c'est  la 
vie  ;  ce  n'est  plus  simplement  l'être  considéré  en  lui-même,  mais  le  principe 
qui  le  reproduit,  le  conserve  et  le  perpétue.  Et  la  religion  païenne  adore 
effectivement  en  toutes  choses  le  secret  de  la  génération  et  de  la  naissance. 
C'est  le  fond  des  religions  d'où  elle  était  sortie,  c'est  celui  des  mystères,  dépôt 
de  ses  rites  et  de  ses  croyances  les  plus  antiques  et  les  plus  vénérées.  Le 
culte  de  la  puissance  génératrice  et  du  désir  qui  la  provoque  tenait  le  premier 
rang,  dans  l'Inde,  en  Egypte,  en  Asie-Mineure  ;  il  subsiste  vénéré  dans  les 
cérémonies  symboliques  de  l'Ida,  de  Pessinunte,  de  Gnosse,  de  Samothrace, 
d'Eleusis  :  il  respire  dans  les  fables  des  poètes...  Ainsi  donc,  en  toute  chose 
et  partout,  dans  le  monde  païen  sur  lequel  semble  planer  l'Esprit,  la  nature, 
soit  par  la  terreur,  soit  par  le  désir  et  la  passion,  enveloppe,  enchaîne,  opprime 
l'intelligence  et  l'âme   »    (2). 

On  np  saurait  mieux  dire,  et  après  M.  F.  Gumont,  M.  Loisy  1p 
reconnaît  souvent,  quand  il  sort  de  sa  préoccupation  conti'c- 
apologétique  pour  étudier  le  détail  des  cultes  à  mystères. 

tTne  autre  erreur  de  méthode  consiste  à  chercher  très  loin, 
très  haut  dans  les  âges  antérieurs  ou  très  bas  dans  des  docu- 
ments dont  on  se  plaît  à  vieillir  les  sources,  des  antécédents 
aux  dogmes  ou  aux  institutions  du  christianisme.  Cependant,  on 
délaisse  de  parti  pris  des  sources  d'inspiration  infiniment  plus 
proches,  et  des  explications  beaucoup  plus  vraisemblables. 

Un  exemple  typique  de  cet  abus,  c'est  la  façon  dont  on  s'in- 
génie à  trouver  depuis  peu  (c'est  Reitzenstein  qui  a  ouvert  la 
voie)  des  répondants  païens  à  la  notion  d'Esprit  qui,  très  véri- 
tablement, domine  les  origines  chrétiennes.  Cette  conception, 
telle  qu'elle  se  développe  magnifiquement  dans  la  théologie 
paulinienne  et  johannique,  a  ses  racines  authentiques  dans  la 
révélation  biblique.  Presque  tous  les  rôles  de  l'Esprit    (et  Dieu 


(1)  Revue  bibliqiie,  juillet  1920,  p.   420-446. 

(2)  Hellénisme,   Juda'isme    et    Christianisnir  ;    fragment     rédigé    en    1850    et 
publié  dans  la  Nouvelle  Journée  du  10  avril  1922,  p.   250. 


LES   MYSTÈRES  PAÏENS   ET    LE    MYSTÈRE    CHRÉTIEN  463 

sait  s'ils  sont  divers  et  nuancés)  que  la  génération  apostolique 
a  distingués,  ont  leurs  antéeédenls  et  leur  préfiguration  dans 
les  Ecritures.  Il  est  certain  d'autre  part  que  Paul,  Jean  et  les 
autres  apôtres  connaissaient  ces  textes  el  ces  doctrines,  qu"ils 
citent  et  commentent  à  mainte  reprise    (1). 

Au  contraire,  en  dehors  de  la  notion  stoïcienne  de  -vî'j;j.a, 
conception  encore  à  demi  physiologique  et  enserrée  dans  sa 
gaine  matérialiste,  la  notion  d'Esprit  et  celles  qui  s'y  appa- 
rentent dans  le  Nouveau  Testament  se  trouvent  rarement  dans 
les  textes  religieux  des  païens.  Reitzenstein  en  apporte  avec 
peine  quelques  exemples,  puisés  dans  des  papyrus  magiques 
d'époque  incertaine    (2). 

Nonohstant  ces  indications  claires,  on  s'efforcera,  avec  une 
ingéniosité  digne  d'un  meilleur  emploi,  de  rapporter  à  l'hellé- 
nisn.e,  ou  directement,  ou  indirectement, à  travers  la  notion  plii- 
lonienne(3),  les  origines  de  la  (•(inro])lion  cliréliennc  de  l'Esprit. 

A  côté  de  ces  graves  fautes  de  méthode,  celle  qui  consiste 
dans  l'ahus  de  la  terminologie  chrétienne  peut  paraître  vénielle. 
Et  il  est  sûr  que  bien  des  auteurs  n'y  voient  d'abord,  selon 
l'expression  de  M.  Franz  Cumont,  qu'  <<  un  artifice  de  style  pour 
faire  saillir  un  rapprochement  et  établir  vivement  et  approxi- 
mativement un  parallèle.  Un  mot  —  ajoute  ce  savant  —  n'est 
pas  une  démonstration,  et  il  ne  faut  pas  se  hâter  de  conclure 
d'une  analogie  à  une  influence  »  (4).  Paroles  exemplaires,  à 
graver  en  lettres  d'or  au  fronton  du  temple  consacré  à  l'étude 
comparée  des  religions  !  Mais  combien  d'autres  «  historiens  » 
passent  des  mots  aux  réalités  qu'ils  désignent  et  quelles  vagues 
similitudes  leur  suffisent  pour  se  croire  autorisés  à  désigner 
d'un  mot  identique  et  à  présenter  comme  dépendants  rites 
païens  et  rites  chrétiens   (5)   ! 


(1)  Voir  là-dessus  J.  Lebreton,  Les  origines  du  dogme  de  la  Trinité*. 
in-8",  Paris,  Beauchesne,  1919,  p.  74-98  ;  100-110  ;  141-147  ;  389-408  ;  484-49.')  ; 
et  F.  Prat,  La  théologie  de  saint  Paul,  t.  II,  in-8",  ibid.,  1912,  p.  108  sqq. 

(2)  Ces  exemples  ont  été  discutés  en  détail  par  le  regretté  professeur 
E.  Mangenot,  dans  quelques-uns  de  ses  derniers  articles,  parus  en  1913  dans 
la  Revue  du  clergé  français  et  la  Revue  pratique  d'apologêtiquv.  Voir,  on 
particulier,  la  Langue  de  saint  Paul  et  celle  des  mystères  païens,  dans  la  Reviir 
du  clergé  français,  vol.   LXXV,   p.    129   sqq. 

(3)  C'est  la  thèse  de  H.  Leisegang.  —  Voir  i)lus  liMut,  p.   457,   note  3. 

(4)  Les  Religions   orientales'^-  in-16,    Paris,   Leroux,    1909,    p.   xiii. 

(5)  La  Revue  biblique  (avril  1922,  p.  309  sqq.)  en  signale  \n  exemple 
piquant  et  tout  à  fait  récent  chez  M.  Loisy. 


464  L.    DE    GRANDMAISON 

III.   AUTONOMIE   DU  CHRISTIANISME  PRIMITIF. 

Laissant,  non  faute  de  matière,  mais  faute  de  loisir,  la  ques- 
tion de  méthode,  venons-en  au  fait  lui-même. 

Il  ne  s'agit  pas  —  est-il  besoin  de  le  rappeler  ?  — •  de  niei' 
foute  ressemblance  entre  notre  mystère  chrétien  et  les  mys- 
tères païens,  ou  d'exclure  toute  influence  de  ceux-ci  sur  celui-là. 
Les  emprunts,  certes,  ne  furent  pas  tous  du  même  côté,  et  les 
I)i'incij)aux  ne  sont  pas  le  fait  de  l'Eglise  chrétienne.  Les  seuls 
qu"on  puisse  mettre  sûrement  à  son  compte  portent  sur  l'adop- 
tion de  types  artistiques,  tels  ceux  de  l'Hermès  criophore,  d'Or- 
phée, de  Psyché  ;  et  de  symboles,  comme  celui  du  poisson  — 
touchant  lequel  nous  possédons  à  présent  l'exhaustive  mono- 
graphie de  F.-.J.  DoELGER  (1).  Ajoutez  des  détails  de  rites,  de 
calendrier,  de  vocabulaire. 

Ce  n'est  pas  rien.  Les  analogies  vont  toutefois  bien  plus  loin, 
et  plus  profondément,  que  les  emprunts. 

Ici  et  là  s'orientent  dans  le  même  sens  les  sentiments  éter- 
nels de  l'âme  religieuse,  avide  de  purification,  de  lumière  et  de 
certitude,  ou  criant  sa  misère,  et  cherchant  des  intercesseurs 
auprès  de  la  majesté  de  Dieu,  trop  haute,  et  de  sa  justice,  trop 
exacte.  Que  les  apôtres  du  Christ  aient  «  annoncé  »  ce  que  les 
meilleurs  des  pa'iens  «  adoraient  à  leur  insu  »  (2)  ;  qu'ils  aient 
montré  présent  à  tout  homme,  et  immanent  en  nous,  Celui  dont 
beaucoup  cherchaient,  en  tâtonnant,  la  présence  sensible  à 
travers  les  rites  des  mystères,  ou  la  connaissance  sensible  au 
moyen  de  la  méditation  (3)  ;  qu'ils  aient  décrit,  dressant  sa 
tente  parmi  les  hommes,  pour  faire  de  ses  fidèles,  sans  dis- 
tinction d'origine,  des  fils  de  Dieu,  le  Verbe  vivant  dès  le  prin- 
cipe au  sein  du  Père  (4),  c'est  ce  que  Paul  et  Jean  disent 
ouvertement.  Qu'ils  aient  voulu,  par  là,  montrer  l'offre  divine 
répondant  à  la  demande  humaine,  et  le  mystère  chrétien  com- 
Itlant  l'immense  espérance  qui,  à  leur  époque  — -  le  fait  est 
démontrable  et  accomplissait  une  prophétie  —  traversait  la 
terre,  c'^st  l'évidence  même  (5).  Ceux  qui,  les  premiers,  sur  le 


(1)  Ichthys,    Dus    Fischsymhol    in    frilchri^tlicher    Zeit,    t.    II,    Aschendorff, 
Munster,  in-S»,  1922. 

(2)  Actes  des  apôtres,  xvii,  23.  —  (3)  Ihid.,  xvii,  27.  —  (4)  Joa.,  1,  2,  9-14. 
(5)   Voir   A.    d'ALKs,   Lumen    Vitae,   l'Esjiérance  du   salut   au    début    de    l'ère 

chrétienne,  in-8",  Paris,  Beauciiesne,  1916.  Les  Pères  anciens  ont  tous  relevé 
ces  analogies  fondamentales.  Voir  H.  Pinard,  l'Etude  comparée  des  religions, 
t.   I,    Paris,   1922,   p.    43-98. 


LES   MYSTÈRES  PAÏENS   ET    LE    MYSTÈRE    CHRÉTIEN  465 

fondement  de  la  personne  et  de  l'enseignement  du  Christ,  ont 
jeté  les  bases  du  système  sacramentel  de  l'Eglise,  ont  assuré- 
ment connu  les  aspirations  de  leurs  contemporains,  et  se  sont 
préoccupés  de  les  satisfaire. 

Mais  il  n"est  pas  moins  certain  pai-  Thistoire  que,  dans  Tac- 
complissement  de  cette  tâche,  ils  ont  délibérément  tenu  en 
suspicion  —  c'est  trop  peu  dire  :  en  abomination  —  les  sources 
impures  des  mystères  des  Gentils.  Juifs  d'origine,  et.  s"il  s"agit 
de  Paul,  Pharisien  de  l'espèce  la  plus  intransigeante,  ils  ont 
regardé  ces  cultes  d'idolâtrie,  non  avec  la  liberté  d"esprit  qu'un 
chrétien  de  nos  jours  peut  avoir,  maintenant  que  ces  mystères 
ne  sont  plus  qu'un  objet  d'archéologie  et  d'étude  sereine,  mais 
comme  «  les  œuvres  du  diable  que  le  Fils  de  Dieu  est  venu 
détruire  »  (1),  comme  les  «  mystères  des  démons  ».  non  de  ces 
génies,  bons  ou  sans  caractère  moral  accusé,  auxquels  les  attri- 
buait un  Plutarque,  mais  de  dénions  malins,  princes  de  ce 
monde  pervers,  et  ennemis  de  Dieu. 

Qu'on  relise,  par  exemple,  cette  page  d(>  la  IP  épître  aux 
Corinthiens,  que  nous  rappelons  ici  en  quelques  mots  : 

«  Ne  formez  pas  avec  les  infidèles  d'attelage  disparate.  Car  quelle  société 
pourrait-il  y  avoii'  de  la  justice  avec  l'iniquité  ?  Que  peut  bien  avoir  de 
commun  la  lumière  avec  les  ténèbres  ?  Quelle  paît  le  fidèle  peut-il  avoir  avec 
l'infidèle  ?    »... 

Passons,  pour  faire  court,  sur  les  textes  parallèles  :  «  Vous 
ne  pouvez  boire  le  calice  du  Seigneur  et  le  calice  des  démons. 
Vous  ne  pouvez  participer  à  la  table  du  Seigneur  et  à  la  table 
des  démons  »  (2)...  Il  reste  à  montrer  que  ces  emprunts,  si  les 
dirigeants  du  christianisme  antique  n'ont  pas  voulu  les  faire", 
ils  ne  les  ont  pas  subis  par  une  sorte  d'infiltration  semi- 
C(jnsciente  ou  d'endosmose.  Car,  en  dépit  des  ressemblance.-; 
superficielles  et  des  orientations  générales,  nécessaij'ernent 
communes,  une  différence  irréductible  éclate  à  (|ui  étudie  1(\^ 
deux  groupes  de  mystères. 

Sur  les  personnes  que  ces  cultes  mettent  en  scèno.  nous  avons 
déjà  noté  qu'à  l'exception  de  Mithra,  dieu  indo-iranien,  tous 
les  personnages  de  religions  païennes  dites  «  à  mystères  ». 
sont  des  couples,   où  la  pai'tie   fiMninine   tient    le   lole   primitif. 


(1)  I  loa.,  ui,  8.  _ 

(2)  I    Cor.,  X,   21. 

30 


466  L-    DE    GRANDMAISON 

et  principal.  Mais,  de  plus,  l'étoffe  de  ces  personnages,  y  com- 
pris cette  fois  Mithra,  est  d'espèce  mythique,  et  par  conséquent 
légendaire,  symbolique,  variable,  «  taillable  et  corvéable  à 
merci  ».  Nul  fait  constant,  nulle  arête  vive,  nulle  précision  de 
date  historique.  C'est  à  ce  point  qu'au  quatrième  siècle  (c'est- 
à-dire  après  une  longue  élaboration  dans  le  sens  unitaire,  pro- 
voquée en  partie  par  l'expansion  du  christianisme),  Firmicus 
Maternl's,  pour  faire  rentrer  les  protagonistes  des  mystères 
dans  ses  cadres  évehméristes,  a  dû  concrétiser  et  simplifier  une 
foule  de  traits.  Fallût-il  mettre  à  l'origine  de  l'une  ou  l'autre  de 
ces  légendes  un  homme  véritable,  un  héros  divinisé,  il  est  bien 
impossible  de  l'assigner  à  aucune  époque  vérifiable.  Les  mythes 
sont  dans  un  état  constant  de  devenir,  fixés  par  les  rites  beau- 
coup plus  que  leur  imposant  leurs  traits,  malléables  aux  mains 
des  prêtres,  dies  philosophes,  voire  des  politiques.  Leurs  ori- 
gines naturistes,  sous  un  voile  plus  ou  moins  léger,  sont  aisé- 
ment reconnaissables  ;  les  détails  de  cérémonial,  qu'il  s'agisse 
de  fêtes  publiquement  célébrées  ou  d'initiation  plus  ésotérique, 
sont,  par  rapport  au  personnage  dont  on  commémore  l'aven- 
ture, variables  jusqu'à  la  contradiction. 

Attis,  dans  les  formes  anciennes  de  sa  légende,  ne  meurt 
pas  ;  et  Osiris  n'est  ressuscité  (au  sens  propre  du  mot,  si 
étranger  aux  idées  helléniques)  que  par  les  auteurs  chrétiens 
en  quête  d'analogies.  Quant  au  héros  des  mystères  orphiques, 
Dionysos  Zagreus,  il  faut  n'avoir  lu  qu'un  seul  texte  ancien  sur 
ses  jouets,  ses  toupies,  sa  funeste  aventure  et  le  chevreau  que 
le  jeune  chasseur  symbolise,  ou  tue,  ou  délivre,  pour  se  flatter 
d'en  avoir  une  idée  nette.  Dès  le  second,  on  s'aperçoit  que 
chaque  mythographe  possède,  à  son  sujet,  des  informations  ou 
des  conjectures  particulières,  souvent  inconciliables  avec  celles 
des  autres. 

En  face  de  cette  matière  fluente,  en  regard  de  ces  figures 
divines  évanescentes,  où  chaque  collège  sacerdotal,  chaque 
confrérie,  chaque  commentateur  ajoute,  retranche,  modifie, 
interprète  à  sa  guise,  voici  le  fait  chrétien.  Entre  53  et  56, 
c'est-'à-dire  un  quart  de  siècle  après  l'événement  —  le  temps 
qui  nous  sépare  de  la  fin  du  pontificat  de  Léon  XIII  —  Paul 
de  Tarse,  écrivant  aux  chrétiens  de  Corinthe,  leur  «  rappelle 
ce  qu'il  a  lui-même  reçu  par  tradition  »,  à  savoir  que  Jésus  de 


LES  MYSTÈRES  PAÏENS  ET  LE  MYSTÈRE  CHRÉTIEN       \61 

Nazareth,  homme  de  chair  et  d'os,  ayant  souffert  sous  Ponce 
Pilate,  est  ressuscité  le  troisième  jour  et  a  été,  dans  cet  état, 
vu  par  Céphas,  par  Jacques,  par  les  Douze,  par  plus  de  cinq 
cents  frères  en  une  fois,  et  par  lui-même.  Les  témoins,  pour  la 
plupart,  sont  vivants  ;  on  peut  les  interroger. 

Il  écrit  aux  mêmes  Corinthiens  que,  «  la  nuit  qu'il  fut  livré, 
le  Seigneur  Jésus  prit  du  pain,  et  après  avoir  rendu  grâce,  le 
rompit  en  disant  :  Ceci  est  mon  corps,  livré  pour  vous.  Faites 
cela  en  mémoire  de  moi.  » 

Quarante  ans  plus  tard,  le  dernier  des  témoins  apostoliques 
résumait  son  message  en  ces  termes,  non  autour  d'une  notion, 
d'une  doctrine,  mais  autour  d'un  homme  et  d'un  fait  : 

«  Ce  que  nous  avons  entendu,  ce  que  nous  avons  vu  de  nos  yeux,  ce  que  nous 
avons  contemplé  à  loisii-  et  que  nos  mains  ont  touché  du  Verbe  de  vie,  —  car 
la  vie  a  été  manifestée  et  nous  l'aVons  vue,  et  nous  lui  rendons  témoignage...  — 
ce  que  nous  avons  vu  et  entendu,  nous  vous  l'annonçons  »   (I  Joa.,   i,  1-3). 

De  bonne  foi,  se  peut-il,  entre  deux  ensembles  religieux 
contemporains,  disparate  plus  criant  ?  Chaos  magnum  firmatum 
est... 

•Si  des  personnes  nous  passons  aux  rites,  et  abstraction  faite 
des  grandes  orientations,  nécessairement  identiques,  de  l'âme 
religieuse,  nous  ne  trouverons  guère  plus  de  ressemblances 
réelles  entre  les  mystères  du  paganisme  et  le  mystère  chrétien. 
On  le  conteste  pourtant.  Les  fureurs  dionysiaques  et  l'omo- 
phagie  des  Bacchanales,  les  tauroboles  du  culte  de  Cybèle  et 
d'Attis.  —  ces  rites  enfin  dont  Plutarque  (1),  païen  modéré, 
philosophe  et  initié  d'Eleusis,  déclare  qu'à  les  prendre  pour 
des  réalités,  il  faut  redire  le  vers  d'EscHYLE  :  «  Crache  dessus 
et  rince-toi  la  bouche  !  »  —  ces  rites  sont  couramment  rap- 
prochés par  «  les  comparatistes  »  de  la  communion  eucharis- 
tique, des  rites  de  l'initiation  baptismale  et  des  transports  de 
l'union  mystique.  Nous  n'avons  pas  à  souligner  l'inconvenance 
de  ces  rapprochements  :  nous  parlons  ici  en  historiens,  et  nous 
savons  qu'un  sentiment  religieux  sincère  peut  se  frayer  sa  voie 
à  travers  une  forêt  de  symboles  impurs.  Ce  que  nous  nions, 
comme  historiens,  c'est  la  parenté  réelle  qu'on  s'efforce  d'éta- 
blir entre  des  cultes  que  leurs  caractères  spécifiques  séparent, 


(1)   De  Isidc  et  Osiride,  u,  20. 


/iC)8  L.    DE    (iRANDMAISON 

OU  même  opposent.  S'il  sagit  de  rEucharislie,  par  exemple,  la 
fractio  panis  chrétienne  s'écarte  absolument,  même  dans  sa 
lettre,  des  scènes  «  d'abattoir  et  de  mauvais  lieu  »  —  j'emprunte 
ces  expressions  au  R.  P.  Lagrange  —  qu'on  évoque  à  son 
propos.  Mais  combien  plus  ilans  son  esprit  ! 

Dans  les  mystères  de  Dionysos  Zagreus.  on  représentait  le 
triste  épisode,  au  cours  duquel  le  jeune  dieu  chasseur  (image 
peut-être  du  déchirement  produit  dans  l'unité  originelle  par 
l'émanation  du  multiple)  était  déchiré  et  dépecé.  Ce  qui  suivait 
dans  le  mystère,  en  particulier  la  manducation  de  la  chair  crue 
du  taureau,  était  un  signe  de  la  folie,  et,  pour  ainsi  dire,  de  la 
possession  divine  qui  s'emparait  alors  de  l'initié,  sous  l'in- 
fluence de  Dionysos.  Ce  détail  affreux  n'était  ni  un  rite  d'initia- 
tion ni  un  rite  d'union  des  fidèles  avec  leur  dieu  ou  entre  eux. 

Le  taurobole  des  sectateurs  de  Cybèle  est  une  cérémonie 
expiatoire,  un  bain  de  sang,  consacré  le  plus  souvent  à  la 
Grande  Déesse.  Atti.s  y  figure  au  second  rang,  avec  le  rite  plus 
modeste  du  criobole.  Le  taureau  sacré  ni  ne  représente  ni 
n'incarne  le  dieu.  «  Il  est  donc  très  arbitraire  et  contraire  au 
sens  avéré  des  rites  de  voir  dans  le  taurobole  l'union  à  Attis 
mort  et  ressuscité  »   (1). 

Que  si  les  rites  païens  ne  s'accordent  avec  les  chrétiens  que 
génériquement,  sur  les  notions  universelles  d'expiation,  de  pu- 
rification, d'union  à  la  divinité,  ou  encore  sur  das  détails  de 
cérémonial  ou  de  formulaire,  ils  s'en  séparent  de  la  façon  la 
plus  abrupte  sur  le  terrain  capital  des  dispositions  morales. 

«  Sans  doute,  dit  excellemment  M.  Vexard,  il  y  avait  des  âmes  d'élite  qui 
cherchaient  dans  la  mystique  païenne  la  satisfaction  d'aspirations  élevées. 
Mais  sans  parler  même  de  l'immoralité  de  certains  rites,  il  faut  reconnaître 
que,  en  général,  on  attendait  de  l'initiation  aux  mystères  une  pureté  rituelle, 
obtenue  par  des  procédés  presque  magiques,  et  sans  lien  direct  avec  la  pratique 
de  la  vertu,  plutôt  qu'une  véritable  purification  morale.  La  mystique  chré- 
tienne, au  contraire,  vise  à  changer  les  âmes,  elle  tend  à  la  réforme  de  tout 
l'homme,  à  la  création  d'un  homme  nouveau,  en  qui  l'action  de  l'Esprit  divin 
se  manifeste  dans  la  sainteté  de  la  vie  et  des  œuvres.  »   (2) 


(1)  Lagrange,  Revue  biblique,  1919,  p.  459.  Il  va  sans  dire  qu'on  ne  prétend 
pas,  par  ces  rappels  sommaires,  décider  la  question  de  fait,  qu'on  trouvera 
fort  bien  traitée  dans  les  mémoires  auxquels  nous  renvoyons. 

(2)  L.  Venard,  Les  Origines  chrétiennes,  iv  ;  dans  J.  Bricout,  Où  en  est 
l'histoire  des  religions,  2   in-S",  Paiis,  Letouzey,   11)11-1912,  t.   II,  p.   226. 


LES   MYSTERES   PAÏENS    ET    LE    MYSTÈRE    CHRÉTIEN  469 

Il  y  a  là,  qu"on  y  prenne  garde,  une  différence  majeure,  qui 
change  absolument  Tatmosphère  religieuse  des  termes  qu'on 
prétend  comparer  et,  pour  une  grande  part,  assimiler.  Le 
contexte  moral,  commandé  lui-même  par  la  foi  en  un  Dieu  Père, 
tout-puissant,  mais  aussi  très  saint,  visible  aux  seuls  purs  de 
cœur,  agit  sur  le  geste  et  la  formule  chrétienne,  à  la  façon  de 
ces  signes  déterminatifs  qui  assurent  à  un  mot,  dans  plusieurs 
langues  anciennes,  une  signification  particulière,  réservée,  su- 
périeure, divine  ou  royale.  Toute  contamination  des  pratiques 
anciennes  de  magie  et  de  contrainte,  de  captation  ou  de  sur- 
prise des  forces  divines,  est  exclue  par  le  fait  même. 

Il  n'en  allait  pas  ainsi  dans  les  mystères  païens,  même  dans 
ceux  qui  étaient,  de  l'aveu  général,  les  plus  élevés,  ceux  d'Eleu- 
sis. M.  Paul  FouGART,  avec  l'autorité  que  lui  donne  une  vie 
consacrée  à  l'étude  des  Eleusinia,  l'affirme  ainsi  dans  son  der- 
nier ouvrage  :  «  Parmi  les  témoignages  qui  nnus  sont  parvenus 
sur  la  préparation  aux  mystères,  il  n'y  a  pas  trace  d'instruction 
ou  de  purification  morale,  pas  de  prescription  pour  expier  ou 
réparer  les  fautes  commises,  pas  d'exhortation  à  les  éviter  à 
l'avenir.  La  tâche  des  mystagogues  consiste  à  débarrasser  leurs 
disciples  de  toutes  leurs  souillures  matérielles  et  à  les  main- 
tenir en  cet  état  de  pureté  jusqu'à  l'initiation  »   (1). 

Ouvrons  maintenant  nos  livres  chrétiens  ;  étudions  ce  que 
Jean,  ce  que  Paul  ont  appris  à  Técole  du  Ohrist,  et  ce  qu'ils 
nous  répètent  non  seulement  dans  leurs  catéchèses  aux  sim- 
ples, mais  quand  «  ils  parlent  sagesse  entre  initiés  »,  comme 
dit  magnifiquement  saint  Paul.  C'est  manifestement  un  autre 
monde,  l'Esprit  après  la  cliair,  la  science  de  Dieu  après  les 
rudiments  du  monde,  la  lumière  après  les  ténèbres,  la  vie  après 
la  mort,  le  réel  après  la  figure.  Assurément,  ce  que  le  mystère 
chrétien  révèle,  c'est  bien  ce  que  prétendaient  révéler  les  mys- 
tères païens,  la  partie  secrète,  réservée,  naturellement  inacces- 
sible, des  choses  divines.  C'est,  pour  reprendre  un  mot  employé' 
à  ce  propos  par  des  païens  et  des  chrétiens,  l'aventure  pathéti- 
que de  la  divinité.  Mais,  au  lieu  de  fables  grossières,   filles  de 


(1)    Les  Miis((i(S  d'f\lcusis,  in-8",   Paris,  Pieaitl,   1914,   p.   289,  290.  Voir  aus.si 
les   pénétrantes   réflexions   de   Maurice   Bkill\nt,   dans   ses  Mystères   d'Elr  isis, 
Paris.    Renaissance  du    livre,    [1920],  p.    172   sqq.  ;    184   sqq. 


470  L.    DE    GRAXDMAISON 

conceptions  naturistes  tournées  en  mime  ou  en  histoire,  et 
mères  d'épisodes  luxuriants,  aux  contours  njal  définis,  nous 
avons  un  point  de  départ  net,  daté,  sobre,  pleinement  histori- 
que, le  fait  du  Christ  Jésus  de  Nazareth.  Au  lieu  de  pratiques 
violentes,  excitantes  ou  amorales,  au  lieu  d'une  purification 
toute  rituelle  et  d'un  espoir  d'immortalité  sans  gage  certain, 
nous  avons  une  fontaine  de  pureté,  un  principe  nouveau  et  les 
arrhes  données  par  l'Esprit  de  la  vie  qui  ne  finira  pas. 

De  cette  puissante  nouveauté,  les  prédicateurs  du  Christ  ont 
pleinement  conscience,  et  leurs  disciples,  venus  de  la  gentilité, 
tout  autant.  Après  l'énumération  de  crimes  capitaux  ":  impudi- 
cité,  idolâtrie,  adultère,  mollesse,  sodomie,  vol,  calomnie  et 
crapule,  on  peut  leur  dire  :  «  Et  voilà  ce  que  vous  étiez  », 
encore  que  non  pas  tous.  Mais  c'est  pour  ajouter  :  «  Mais  vous 
avez  été  purifiés,  sanctifiés,  justifiés  par  le  nom  du  Seigneur 
Jésus-Christ  et  par  l'Esprit  de  notre  Dieu  »  (I  Cor.,  vi,  9-12). 
Plus  brièvement,  et  l'on  ne  saurait  mieux  finir  cette  étude  que 
par  un  mot  qui  en  résume  Tessentiel  :  «  N'ayez  rien  de  commun 
avec  eux.  Jadis  vous  étiez  ténèbres,  mais  vous  voici  devenus 
lumière  dans  le  Seigneur.  Vivez  donc  en  fils  de  lumière.  Le  fruit 
de  la  lumière  consiste  en  tout  ce  qui  est  bon,  juste  et  vrai. 
Discernez  ce  qui  plaît  au  Seigneur.  N'ayez  aucune  part  aux 
œuvres  stériles  des  ténèbres.  Prenez,  au  contraire,  parti  contre 
elles.  Car  ce  qui  se  fait  en  secret  par  ces  gens-là,  c'est  une 
honte  d'en  parler  seulement   »    {Ephes..  V,  8-13). 

BIBL.  —  Outre  les  leçons  précédentes,  dans  CRSER,  B.  Allô,  L'Evangile  en 
lace  du  syncrétisme  païen,  in-12",  Paris,  Bloud,  1910  ;  L'Apocalypse,  in-8°, 
Paris,  Gabalda,  1921  —  E.  de  Backer,  Sacramentum,  in-8",  Paris,  Picard,  1911 
—  Alb.  Valensin,  Jésus-Christ  et  l'histoire  comparée  des  religioris,  in-12 °, 
Paris,  Lecoffre,  1912  —  E.  Krebs,  Das  religionsgesch.  Probletn  des  Vrchris- 
tentumSj  in-S",  Miinster  i.  W.,  Aschendorff,  1913  —  M.-J.  Lagrange,  Mélanges 
d'histoire  religieuse,  ln-12'>,  Paris,  Lecoffre,  1915  ;  et  Rfi,  1919,  t.  XVI, 
p.  157-217  ;  419-480  ;  1920,  t.  XVII,  p.  420-446  —  E.  Jacquier,  Mystères  paiens, 
dans  DAPC,  1920,  t.  III,  col.  964-1014  —  F.  J.  Doelger,  Sol  Salutis,  in-S», 
Miinster  i.  W.,  Aschendorff,  1920  ;  Ichthys,  in-8»,  Freiburg  i.  B.,  Herder, 
t.  I,  1910,  MUnster  1.  W.,  Aschendorff,  t.  II  et  III,  1922.  —  Bibliographie  plus 
complète  et  indication  des  auteurs  non  catholiques,  dans  BZ,  RSPT,  Siblica, 
ERE  (1918,  t.  IX,  s.  V.  Mysteries)  et  dans  Harvard  Theological  Revieic,  octobre 
1921.  t.  XIV,  p.  287-367  (G.  Krueger)    ;  avril  1922,  t.  XV,  p.  196-216   (H.  ^VIX- 

DISCH). 


Séance  de  clôture 

Pour  la  dernière  séance,  prennent  place  sur  Testrade 
M.  Mr.  Von K- de  Both,  bourgmestre,  M.  Sanders,  curé  du  Sacré- 
Cœur,  M.  Mbrcx,  président  de  la  Société  0ns  Brabant. 

Les  premières  chaises  sont  occupées  par  MM.  les   échevins. 

Le  R.  P.  ScHMiDT,  en  une  brillante  improvisation,  constate  le 
succès  complet  de  la  Semaijie  et  remercie  tous  ceux  qui  ont 
contribué  à  l'assurer,  organisateurs,  conférenciers,  auditeurs, 
sans  oublier  les  dames  de  la  ville  qui  dirigeaient  le  service  du 
buffet.  Les  cigares  exquis  qu'elles  offraient,  leur  discrète  affa- 
bilité, observe-t-il,  n'ont  pas  été  sans  contribuer  à  la  cordialité 
des  relations.  On  applaudit. 

«  La  renommée  de  Tilbourg,  conclut-il.  faisant  allusion  au 
caractère  cosmopolite  de  l'assemblée,  se  trouvera  bientôt  portée 
jusqu'aux  extrémités  de  la  terre.  » 

Un  jésuite  du  Tche-ly  Sud-Est,  le  R.  P.  Tchad,  en  quelques 
phrases  chinoises  —  qu'il  a  l'obligeance  de  traduire  ■ —  en 
confirme  pour  sa  part  la  promesse  au  grand  mandarin  du  lieu. 

M.  Mercx  dit  l'impression  profonde  produite  sur  ses  conci- 
toyens par  l'effort  scientifique  dont  ils  ont  été  témoins,  le 
réconfort  que  leur  ont  apporté  certaines  solutions  aussi  sim- 
ples que  solides,  et  promet  en  leur  nom  d'appuyer  par  la  prière 
l'œuvre  si  méritoire  des  savants  qu'ils  ont  admirés. 

Le  R.  P.  Pinard  de  la  Boullaye  communique  ensuite  aux 
Semainiers  les  suggestions  et  les  décisions  du  Comité  interna- 
tional qui  peuvent  les  intéresser. 

«  Bien  que  votre  patience,  au  cours  de  ces  laborieuses  jour- 
nées, ait  été  inlassable,  MM.,  et  votre  bienveillance  à  l'égard 
des  conférenciers  vraiment  sans  limites,  j'essaierai  de  ne  pas 
abuser  de  l'une  et  de  l'autre  en  ces  derniers  instants. 

«  FJ  d'abord,  vous  savez  heui'eux  d'apprendre  que  le  Comité 


472  SÉANCE     DE     CLOTURE 

diredeur  s'est  agrégé  cinq  conseillers  dont  vous  avez  pu  apprc- 
ciei'  la  haute  com})étenee  :  pour  l'Allemagne,  M.  le  Professeur 
Dr.  (i,  WuNDERLE  —  ])our  TAutriclie,  M.  le  Professeur  Dr. 
Jr.NKER  —  jtoiir  la  Fiance,  le  R.  P.  de  Grandmaison  —  iiour 
l'Italie,  le  R.  P.  Gbmelli,  recteur  de  l'Université  de  Milan  — 
j)our  la  Yougoslavie,   M.  le  Professeur  Dr.  Ehrlich. 

«  Quant,  au  lieu  de  la  prochaine  session,  que  l'on  espère 
tenir  dans  deux  ou  trois  ans,  le  Comité  a  jugé  imprudent,  en 
raison  de  la  situation  internationale  et  avant  d'avoir  pris  des 
informations  plus  précises,  de  fixer  d'ores  et  déjà  son  choix 
ent*re  les  diverses  villes  qui  lui  ont  adressé  des  invitations. 

«  Gomme  matière  d'étude,  pour  la  partie  spéciale  des  cours, 
il  lui  a  paru  ojiporlun  d'adojiter  1"  le  sentiment  de  la  culpabilité 
[das  Schuldbeivusslsein) ,  2°  l'idée  de  rédemption  {der  Erlô- 
surigsgedmihe) ,  3°  les  mystères  [die  Myslcrienreligionen) .  Les 
trois  questions  ont  entre  elles  des  rapports  étroits  et  sont,  à 
quelques  égards,  au  premier  plan  des  préoccupations  actuelles. 
Bien  que  la  troisième  ait  été  déjà  abordée  dans  la  présente 
session,  il  ne  sera  pas  sans  utilité  d'y  revenir,  pour  compléter 
l'enquête  et  approfondir  les  solutions. 

«  En  ce  qui  concerne  l'organisation  malérielle,  on  a  décidé  de 
diminuer  le  nombi'e  des  conférences,  pour  laisser  plus  de  temps 
aux  consultations  privées  d'étudiants  à  professeurs  et  aux  déli- 
bérations en  groupes.  On  a  aussi  l'intention  de  faire  une  place 
plus  large  aux  conférences  pratiques,  dont  vous  avez  applaudi 
un  modèle  dans  la  i-ommunication  de  M.  Bouyssonie  sur  la 
technique  des  iouilles. 

«  Bon  nombre  de  Semainiers  ayant  exprimé  ce  désir  que  les 
Secrétaires  leur  fournissent  à  l'occasion  les  conseils  et  les 
renseignements  utiles  à  leurs  travaux,  ceux-ci  se  mettent  vo- 
lontiers à  leur  disposition,  dans  les  limites  de  leur  compétence. 

«  Quant  aux  suggestions  que  le  Comité  croit  devoir  vous 
adresser,  MM.,  elles  se  résument  dans  ces  cpielques  mots  : 
favoriser  de  toutes  vos  forces  le  travail  scientiftque. 

«  La  nécessité  de  cette  conduite  est  évidente,  pour  l'honneur 
de  l'Eglise  catholique  d'abord,  qui  doit  continuer  à  avoir  des 
représentants  de  premier  rang  dans  toutes  les  branches  du 
savoir  —  et  dans  l'intérêt  des  âmes  ensuite,  parce  que  la  science 
qui  se  constituera   sans  nous    infailliblement    sera    exploitée 


SÉANCE    DE   CLÔTURE  47  3 

contre  nous,  faute  d'hommes  qui  imposent  à  l'attention  certains 
faits  trop  liai^ituellement  négligés  ou  ignorés  par  d'autres  sa- 
vants, qui  répondent  aux  objections  de  nos  adversaires  avec  une 
autorité  suflisante  et  qui  puissent  donner  à  notre  jeunesse  cette 
pi'emière  initiation  dont  Tintluence  est  souvent  décisive.  Dieu 
nous  garde  de  déprécier  l'apostolat  pratique  !  Il  est  indispen- 
sable et  nous  lui  devons,  n'est-il  pas  vrai,  au  milieu  de  nos 
études  arides,  les  consolations  les  plus  profondes  de  notre  vie. 
Mais  vous  n'avez  pas  besoin  qu'on'  vous  démontre  combien 
funeste  serait  cette  tactique  —  ou  plutôt  cette,  absence  totale 
de  tactique  —  qui  consisterait  à  déclamer  contre  les  erreurs, 
loin  de  ceux  qui  les  propagent,  et  à  réconcilier  avec  l'Eglise, 
comme  au  hasard  des  circonstances,  les  gens  fatigués  des 
vains  plaisirs  ou  lassés  par  la  fausse  science,  sans  porter 
jamais  d'attaques  au  plein  centre  et  à  la  tête  des  forces  adver- 
ses. De  cette  défensive  timide,  de  ces  escarmouches  d'arrière- 
garde,  de  ces  conversions  de  traînards,  quel  effet  puissant  pour- 
rions-nous attendre  !  I.e  seul  moyen  de  ruiner  la  fausse  science, 
de  désabuser  ceux  qu'elle  fascine,  c'est  de  promouvoir  la  vraie, 
la  plus  impartiale,  la  plus  objective,  la  seule  qui  s'impose  et 
qui  dure.  Si  l'on  nous  accuse  de  faire  en  cela  de  l'apologétique, 
laissons  dire.  Puisque  nous  voulons  la  science  la  plus  sévère, 
ceux-là  seuls  se  sentiront  visés  par  nos  ambitions  qui  auront 
conscience  de  viser  eux-mêmes  autre  chose  que  la  Science  pure 
et  de  faire  par  conséquent,  pour  leur  compte,  une  autre  apolo- 
gétique et  moins  avouable.  Si  nous  ne  demandons  rien  de  plus 
que  l'application  des  règles  critiques  admises  en  tout  autre 
domaine,  qui  peut  d'ailleurs  nous  reprendre  de  vouloir  que  la 
Science  serve  non  seulement  à  gorger  les  esprits  de  savoir, 
mais  encore  à  les  conduire  à  Dieu  ? 

«  Par  quoi  doit  se  ti'aduire  l'application  de  cette  tactique  ? 

«  —  Par  le  travail  sérieux,  pour  tous  ceux  d'entre  nous  qui 
publient  ou  qui  enseignent  :  faire  lentement  pour  faire  bien. 
Tous  les  vrais  apôtres,  peut -on  dire,  ont  soutenu  leur  courage 
[lar  cette  devise  :  «  une  âme  vaut  une'vie  ».  Puisque  ce  sont  les 
bons  livres  qui  décident  du  progrès  de  la  vraie  science,  est -il 
exagéré  pour  nous,  hommes  d'étude,  de  la  traduire  à  noire  usage 
par  celle-ci  :  «  un  bon  'ivre  vaut  une  vie  »  ? 

«  Ceux  qui  n'ont  pas  cette  vocation  spéciale  doivent  au  moins 


474  SÉANCE   DE   CLÔTURE 

aider  au  bon  travail.  Un  moyen  à  la  portée  de  tous  est  d'attirer 
de  généreuses  subventions  aux  érudits  et  aux  revues  catholi- 
ques. Parmi  ces  dernières,  il  me  sera  bien  permis,  MM.,  — -  je 
parle  ici  en  mon  nom  personnel,  mais  je  suis  sûr  d'avoir 
l'approbation  du  Comité  et  la  vôtre  —  de  nommer  au  premier 
rang  YAnthropos.  Tel  directeur  d'une  revue  rivale  la  nomme 
<(  une  revue  de  missionnaires  ».  Pour  dédaigneuse  qu'elle  soit 
dans  la  pensée  de  celui  qui  l'emploie,  l'expression  ne  nous 
déplaît  pas,  car  c'est  assurément  dans  une  large  mesure  aux 
contributions  si  soignées  et  si  documentées  des  missionnaires 
qu'elle  doit  le  témoignage  que  lui  rendait  récemment  un  biblio- 
graphe éminent  :  «  dans  son  domaine,  elle  n'a  point  de  supé- 
rieur 1)  (1).  (Applaudissements).  Laissez-moi  citer  encore  la 
Revue  des  sciences  philosophiques  et  théologiques,  dont  vous  avez 
pu  apprécier  les  excellents  bulletins,  les  Recherches  de  science 
religieuse  et  la  dernière  venue,  la  Revue  d'ascétique  et  de  mysti- 
que, indispensable  pour  les  études  de  psychologie  religieuse. 

«  Enfin,  MM.,  puisque  nous  parlons  des  œuvres  que  peut 
subventionner  utilement  la  charité  catholique,  ne  convient -il 
pas  de  nommer  la  Semaine  d'ethnologie  religieuse  ?  Elle  est  loin 
de  se  croire  la  plus  importante  ;  mais  vous  savez  si  son  initia- 
tive est  utile.  Oj',  elle  est  plus  riche  de  bonnes  intentions  que  de 
rentes  et  elle  ne  peut  espérer  rencontrer  à  chaque  session,  pour 
subvenir  à  ses  besoins,  des  Tilbourgeois  !  Ne  se  trouverait -il 
pas,  si  on  éclairait  sa  générosité,  quelque  millionnaire  qui 
vouliit  attacher  son  nom  à  sa  fondation,  comme  l'ont  fait  en 
d'autres  cas  les  Carnegie,  les  Nobel  et  tant  d'autres  ?... 

«  Il  ne  me  reste  plus,  MM.,  qu'à  remplir  un  devoir  de  recon- 
naissance. 

«  Tout  à  rijeui'e,  avec  une  conviction  et  une  chaleur  que 
vous  partagiez  tous,  le  R.  P.  SCHMmT  a  exprimé  notre  gratitude 
envers  tous  ceux  qui  nous  ont  secondés.  D'accord  avec  lui,  je 
vous  invite  à  la  faire  monter  plus  ardente  vers  le  premier  de 
nos  bienfaiteurs,  Celui  qui  a  dit  :  «  Aimez-vous,  comme  je  vous 
ai  aimés  »,  dont  la  charité  rayonne  sur  tmites  les  nations  sans 
distinction  et  qui  pria,  à  la  veille  de  sa  mort,  pour  que  toutes 


(1)  «  Within  Us  own  sphère,  and  as  supplying  scientific  expositions  of  the 
culture  distinctive  of  primitive  peoples,  it  lias  no  superior  »  ;  L.  H.  Jordan^ 
Coviparativc  Religion,  in-S",  Londres,  Milford,  1915,  p.  472 


SÉANCE   DE   CLÔTURE  475 

les  âmes  ne  fissent  qu'une  âme,  comme  son  Père  et  lui  ne  font 
qu'un,  «  ut  sint  unum,  sicut  ego  et  tu  unum  sumus  ». 

«  Vos  Secrétaires,  MM.,  dans  la  préparation  de  la  Semaine. 
ont  cherché  à  assurer  avant  tout  ce  point  capital  :  que  tous 
les  travailleurs,  séculiers  et  réguliers,  que  toutes  les  congré- 
gations religieuses,  que  toutes  les  nations  puss^ent  se  sentir  ici 
dans  une  atmosphère  de  paix  et  de  charité.  Mais  que  pç^uvent  les 
efforts  de  l'homme  sans  la  bénédiction  du  ciel  ! 

«  C'est  le  secours  sensible  du  Dieu  d'amour  qui  a  écarté  de 
nous  les  perturbateurs  conscients  et  inconscients,  qui  a  inspiré 
à  chacun  les  procédés  les  plus  délicats,  qui  a  marqué  enfin  notre 
Semaine  du  sceau  des  œuvres  divines  :  «  in  hoc  cognoscent  quia 
discipuli  mei  estis,  si  diligitis  invicem  ». 

«  Vous  avez  tous  admiré,  près  d'ici,  cette  belle  statue  du 
Sacré-Cœur,  sur  le  socle  de  laquelle  sont  gravés  en  lettres  d'or 
ces  trois  mots  :  Régi  sud  cives.  Vous  avez  applaudi  à  cet  acte  de 
foi  et  de  piété.  Mais  nos  chers  amis,  les  catholiques  de  Tilbourg. 
savent  bien  que  leur  roi  est  notre  roi.  C'est  d'ailleurs  ce  qui  leur 
a  permis  de  nous  aimer,  avant  même  de  nous  connaître.  C'est 
aussi  ce  qui  nous  permet  de  nous  aimer,  malgré  les  divergences 
de  vues  qui  peuvent  subsister  entre  nous. 

«  Daigne  ce  roi  bien  aimé  nous  remplir  de  science  et  d'amour, 
pour  que  nous  puissions  gagner  à  son  royaume  les  nations  de 
la  terre  et  les  réunir  toutes,  non  pas  dans  un  intprnationalisme 
laïque,  lamentable  utopie,  mais  dans  la  charité  chrétienne,  ut 
sit  Deus  omnia  in  omnibus  !  » 

Cette  péroraison  est  longuement  applaudie. 

M.  le  Bourgmestre  de  Tilbourg,  qui  préside,  se  lève  alors. 
Dans  les  termes  les  plus  cordiaux,  il  remercie  la  Semaine  de 
l'honneur  qu'elle  a  fait  à  la  cité,  s'excuse  encore  une  fois  de 
n'avoir  pu  la  fêter  comme  il  l'aurait  souhaité  et  termine  en 
formulant  l'espoir  qu'elle  reprendra  dans  quelques  années  le 
chemin  de  la  Hollande.  Au  nom  de  Tilbourg,  le  dernier  mot  qu'il 
lui  adresse  est  un  chaleureux  «  au  revoir  !  » 

Les  Semainiers  se  rendent  ensuite  à  l'église  du  Sacré-Cœur, 
pour  le  salut  solennel  de  clôture,  donné  par  M.  Sanders. 

La  cérémonie  achevée,  quand  les  orgues  se  sont  tues,  ils 
récitent  trois  Pater,  trois  Ave  et  le  De  profundis  pour  le 
R.  P.  Bouvier  et  pour  tous  les  membres  décédés  depuis  la  der- 


476  ÉPILOGUE 

\ 

nière  session.  Le  R.  P.  Schmidt  en  avait  suggéré  l'idée,  dans  son 
allocution  inaugurale.  «  Enfants  de  différentes  nations,  avait-il 
dit,  mais  fils  d'une  même  Mère,  l'Eglise  catholique,  nous  réali- 
serons au  cours  de  nos  séances  ce  qu'écrivait  le  bon  Père  Bou- 
vier, en  tête  de  sa  dernière  lettre  :  Pax  Christi  !  Nous  le  réalise- 
rons *une  dernière  fois,  avant  de  nous  séparer  ». 
La  Semaine  se  termine  par  cet  acte  de  charité. 

Epilogue 

Mis  au  courant  des  publications  qui  se  groupent  autour  de 
VAnthropos  et  des  travaux  de  la  Semaine  d'ethnologie,  le  Souve- 
rain Pontife  a  fait  exprimer  au  R.  P.  Schmidt,  par  l'entremise 
de  Mgr.  Marchetti,  ancien  Nonce  apostolique  à  Vienne,  actuel- 
lement Secrétaire  de  la  Propagande,  son  désir  d'être  informé 
directement  par  lui  de  ces  divers  sujets.  Par  deux  fois,  le  23  et 
le  25  avril  de  l'année  courante,  le  R.  P.  Schmidt  a  été  reçu  en 
audience  privée. 

Au  cours  de  ces  entretiens.  Sa  Sainteté  a  manifesté  plusieurs 
fois  le  vif  intérêt  qu'elle  portait  aux  recherches  scientifiques 
concernant  l'histoire  des  religions.  De  manière  toute  spéciale, 
elle  a  insisté  s,ur  la  nécessité  urgente  d'étudier  de  près  certains 
groupes  de  non-civilisés  voués  à  une  disparition  prochaine. 
Parlant  de  la  Semaine,  «  l'œuvre  n'est  pas  seulement  utile, 
a_t-elle  dit  ;  elle  est  nécessaire,  aux  temps  présents.  »  Elle  a 
daigné  enfin  confirmer  expressément  son  désir  de  voir  tenir  la 
prochaine  session  à  Milan,  dans  cette  Université  du  Sacré-Cœur 
qu'elle  a  fondée,  avant  son  élection  au  Souverain  Pontificat. 
L'idée  que  lui  soumit  le  R.  P.  Schmidt  de  faire  coïncider  la 
session  avec  le  Jubilé  de  1925  et  avec  l'Exposition  des  Missions, 
qui  doit  s'ouvrir  à  Rome  la  même  anuée,  reçut  sa  pleine  appro- 
bation. 

Le  Comité  international  ne  peut  que  déférer  avec  empresse- 
ment et  gratitude  aux  voeux  de  Sa  Sainteté.  Les  offres  géné- 
reuses du  R.  P.  Gemelli,  Recteur  magnifique  de  la  dite  Univer- 
sité, et  son  industrieuse  activité  lui  donnent  d'ailleurs  d'ores  et 
déjà  le  meilleur  espoir  de  pouvoir  tout  organiser  pour  la  plus 
grande  commodité  des  Semainiers. 

Dieu  aidant,  la  IV^  session  aura  donc  lieu,  en  1925.  proba- 
blement en  septembre,  à  Milan. 


APPENDICE 


Les  cercles  culturels 

Un  tableau  publié  à  Moedling-,  en  juillet  1923,  sur  le  plan  de  celui  qu'on 
trouvera  plus  haut,  p.  76,  introduit  un  type  nouveau  (G)  et  précise  la  pensée 
du  R.  P.   SCHMIDT  sur  quelques  points. 

Nous  en  reproduisons  ici  les  données,  en  distinguant  ce  qui  concerne  le 
régime  économique  (Ec),  l'organisation  sociale  (Soc),  la  religion  (Rel.),  l'aire 
de  diffusion  (Diff.). 

Les  minuscules  n,  b,  c,  d,  f,  f,  désignent  les  cercles  établis  par  MM.  Gr.^ebner, 
Ankermann  et  FoY  ;  voir  plus  haut,  p.   76. 

Les  chiffres  renvoient  aux  pages  du  présent  compte  rendu.  Ces  références 
sont  à  compléter  par  celles  que  donnent  les  tables  alphabétiques  pour  chaque 
fraction  de  territoire  ou  chaque  institution  appartenant  au  même  cercle.  Elles 
ne  sauraient  toutefois,  même  par  leur  ensemble,  suppléer  à  un  exposé  métho- 
dique du  sujet,  qu'on  devra  naturellement  demander  aux  ouvrages  récents  : 
Fr.  Graebner,  Ethnologie,  (dans  P.  Hinneberg,  Die  KulUir  der  Gegenwart, 
p.  III,  sect.  V,  Anthropologie),  in-S",  Leipzig,  Teubner,  1923,  p.  447-521  ; 
W.  ScHMiDT  et  W.  KoppERS,  Voclker  und  Kulturen,  in-4",  Regensburg,  Habbel 
(en  cours  de  publication),  p.   I,  c.  ii,  p.   79  sq.   ;  p.   Il,  c.  m,  p.   158   sq. 

A  Exogam-monogamistischer  Kulturkreis 

I.  Urkulturen.       i      B  ==  a   Exogam-geschlechtstotemistischer   Kulturkreis 

/      C  =  b   Exogam-gleichrechtlicher   Kulturkreis 

•       D  =  c  Exogam-vaterrechtlichei-    Kultuikreis 

II.  Prlmïrkult.  E  =  rf  Exogam-mutterrechtlicher   Kulturkreis 

/      F  Vateri'echtlich-grossfamilialer   Kultui-kreis 

(       G  Totemistisch-mutterrechtliche    Mischkultur 

m.  Sekundârknit.  /      H  =  r  Freimutterrechtlicher  Kulturkreis 
/      I    =  /    Freivaterrechtliche    Kulturen 

Pour  la  distinction  des  civilisations  urchaïqties,  «  primitives,  au  moins  au 
sens  qu'on  ne  leur  connaît  pas  de  devancières  s,  primaires,  secondaires,  voir 
plus  haut,  p.   57,  232-233. 

A.  —  Cercle   cxngamo-monoc/amc. 
Ec.   —  Petite   chasse. 

Soc.  —  Monogamie  ;   exogamie  locale. 
Rel.   —  Monothéisme. 
Diff.  —  Pygmées  et  pygmoïdes. 

Cf.  :  généralités,  57-8  :   formes  préhist,  205,   213  (208-10)   ;  croyances,  97,   233   : 
sacrifices,   233-5,   238-9,   240-1,   247-50. 

B.  —  Cercle  exogame  à  totémisme  de  sexe   [ou  tasmanien]. 
Ec.  —  Petite  chasse. 

Soc.  —  Monogamie  :   exogainiq  locale. 
Rel.  —  Monothéisme. 

Diff.  - —  Tasmanle,   fractions  du   S.-E.  australien. 

Cf.  :   généralités,   57-8   :   formes  préhist,   205  ;   croyances,   97  ;   saci-ifices,    233-5, 
238-9   ;   initiations   tribales,    331-2,   371   (356-7,   363-70). 

C.  —  Cercle  exogame  à  droit  paritaire   [ou  du  honmcrang^. 
Ec.  —  Petite  chasse. 

Soc.  —  Droits  égaux  de  l'homme  et  de  !a  femme  ;  exogamie  locale. 


478  APPENDICE 

Rel.    —   L'ancêtre    tribal   conçu    comme    Etre    Suprême  ;    mythologie    lunaire    à 

orientation  masculine. 
Diff.   —  Fi-actions   de   l'Australie,  régions    des   sources   du   Nil,    Inde,   Amérique 

mérid.   et  septentr. 
Cf.  :    généralités,    57-8,    318,    332  ;    préhist,    205  ;    croyances,    332  ;    sacrifices, 

233-5,  238-9,  270-1  ;  initiât.,  332,  371  (357-8,   363-70),  353. 

D.  —  Cercle  patriarcal-exogame    [ou  totêmistel. 
Ec.   —  Grande  chasse. 

Soc.  —  Clans  totémistes  exogames  ;  droit  paternel  ;  classes  d'âge. 

Rel.  —  Etre  Suprême,  le  Soleil  (masculin)    ;  adoration  de  la  Nature  et  magie. 

Diff.  —  Certains  territoires  de  l'Océanie,  de  l'Inde,  de  l'Afrique,  de  l'Amérique 

et  de   l'Europe  (préhistorique). 
Cf.  :  généralités,  58,  59,  60  ;  préhist.,  212  (205,  206)    ;  totémisme,  96  ;  sacriflees, 

238  ;   initiât,   333,   371    (363-70),   353. 

E.  —  Cercle  matriarcal-exogame   [ou  mutriarcal'i. 
Ec.  —  Petite  agriculture. 

Soc.    —    Deux    classes    de   mariage    exogames  ;    droit   maternel  ;    soc.    secrètes 

d'hommes. 
Rel.  —  Etre  Suprême,  la  Lune  (féminine)    ;  animisme  ;  culte  des  ancêtres. 
Diff.  —  Spécialement,  certains  territoires  de  l'Océanie  et  de  l'Amérique  sept. 
Cf.  :  généralités,  58,   60-1  ;   préhist.,   213   (206,   207)    ;  croyances,   97  ;   sacrifices, 

238  ;  initiât,  334,   371  ;  soc.  secrètes,   95,   334-6,   353-4. 

F.  —  Cercle  patriarcal  à  grandes  familles  [ou  des  nomades}. 
Ec.  —  Elevage  du  bétail  ;  vie  nomade. 

Soc.  —  Grandes  familles  patriarc.  ;  droit  paternel  renforcé  ;   droit  d'aînesse. 
Rel.  —  Etre  Suprême,  le  Ciel  (souvent  avec  dieux  subalternes). 
Diff.  —  Asie  intérieure,  Turco-tartares,  Indo-européens,  Sémito-hamîtes. 
Cf.  :  généralités,  58-9  ;  sacrifices,  239-40,  241,  305. 

G.  —  Civilisation  mixte  totémistico-matriarcale. 

Ec.  —  Produit  de  D  -\-  E  —  Mélange  de  la  petite  agriculture  et  de  la  grande 

chasse. 
Soc.  —  I*rédominance  du  droit  soit  paternel,  soit  maternel  ;  fratries. 
Rel.  —  Etre  suprême,  le  Soleil.  Ancêtre  ti'ibal  (masc.  ou  fémin.),  la  Lune. 
Diff.  —  Mer  du  Sud,  Australie,  Amérique  du  Nord,  etc. 
Cf.  :  général.,   61  ;   croyances,   339  ;   sacrif.,   239  ;  soc.   secrètes,    337-8,   339. 

H.  —  Cercle  matriarcal  anexogame. 
Ec.  —  Produit  de  E  +  F.  Etage  supérieur  de  la  petite  culture.  Construction  sur 

pilotis. 
Soc.  —  Droit  maternel,  sans  classes  de  mariage  ;   droit  maternel  libre  ;  chasse 

aux    têtes  ;    couvade. 
Rel.  —  Etre  Suprême,  le  Ciel,  époux  de  la  Terre,  qu'il  féconde  au  printemps. 
Diff.  —  Asie  mérid..  Mer  du  Sud,  Afrique  occid.,  etc. 
Cf.  :    généralités,    61-5   ;    préhist.,    217    (214-16)   ;    croyances,    337  ;    sacrifices, 

239-40  ;    soc.    secrètes,    337,    338-9. 

I.  —  Civilisations  paternelles  anexogames. 
Ec.  —  Produit  de  D  [-{-  E}  -\-  F  ;  alliance  de  l'élevage  du  bétail  en  grand  et  de 

l'agriculture  ;  emploi  de  la  charrue. 
Soc.  —  Droit  paternel  libre,  sans  exogamie  de  clan. 
Rel.  —  Etre  Suprême,  le  Soleil,  époux  de  la  Terre,  qu'il  féconde. 
Diff.    —   Asie    mérid.    et    orient.,    Polynésie,    Soudan,    les    grandes    civilisations 

(Eg>'pte,  Babylone),  à  leurs  débuts,  etc. 
Cf.  :  généralités,   61-5  :  sacrifices,   239-40. 


TABLES  ALPHABÉTIQUES 


!.  Auteurs  cités 

On  a  ajouté  aux  noms  des  auteurs  ceux  de  quelques  personnalités 
en    rapport    avec    la    Semaine. 

Les   chiffres  gras   signalent   les   conférences   des   auteurs    nommés. 


Aies    A.    d',    428.    464 

AUo   B.,    470 

Andres    F.,-  15,    16,316 

AnkermannB.,  41,  68,  76,  90,  96,  343. 

Anrich    G.,    460 

Aristophane,    447 

Aristote,    183 

Armani,  355 

Arnoux  A.,    349,    355 

Aust    E.,    316 

Bachofen   J.    J.,    32,    49 

Backer   E.    de,    470 

Barandiaran,    J.    M.    de,  156-68,     14, 

16,    165,    168 
Barth    A.,    286 
Bartholomae   Chr.,    175 
Bastian  A.,   85 
Batiffol,   Mgr.    P.,    460 
Battaglia   R.,    218 
Baudemunde,   160 
Baudissin    W.    von,    302,    455 
Baudrillart,    S.    G.    Mgr.    A.,    126 
Bauwens,    355 
Bebel   A.,   85 

Belot   G.,    142,    149,    152,   156 
Bender   H.,    125 
Berguer   G.,    196 
Bernard,    355 
Bernard    J.,    15,    16 
Berthelon,    156 
Berthelot   du   Chesnay,    355 
Bery    de    Saint-Vincent,    157 
Betham    W.,    15  7 
Bey,  156 

Bittremieux,   346,   355 
Bleichsteiner   R.,    174 
Boeckh  A.,   110 
Bopp   Fr.,    99 
Bork,   175 
Bossuet,    183 
Bougie,    126 


Boule   M.,   222,   228 

Bousset  W.,   457,   459 

Bouvier  Fr.,   28,  29,   30,   155,   475,   476 

Bouyssonle   A.,    228 

Bouyssonie  J.,  218-28,  9,    14,    16,   228, 

472 
Boylan   P.,   293 
Bréal   M.,    99 

Breuil  H.,   218,   222,   226,   228 
Bricout    J.,    468 
Bridges  Th.,    316 
Brillant   M.,    455,    469 
Bros  A.,   13,    14,   17,   43,125-56,     156 
Brou  A.,    14,    17 
Brown,    355 
Buckland    A.    W.,    85 
Bugeau,    355 
Buschan  G.,    40 
Byhan   A.,    182 
Caland    W.,    278,    286 
Galonné,    de,    355 
Campbell   D.,    348,    355 
Canesi  A.,   197 
Capart    J.,    164 
Carnegie,    474 
Carnoy    A.-J.,   112-25,  272-86,14,     17, 

115,    125,    164,    287 
Casartelli,    S.    G.    Mgr.    L.,   13 
Caspari  O.,   49 
Ceston  J.   M.,   355 
Charencey,    H.    de,    156 
Cheyne  T.   K.,    459 
Christaller   J.    G.,   182 
Claparède   E.,    191,    196 
Clemen   C.    460 
Clément    d'Alexandrie.    418 
Cœurdoux    G.    L..,    99.    112 
Colas   L..,    160 
Colle   F.,    348.    355 
Columbanus,  274 
Comte    Aug.,    49,    125,    142 


i80 


I.   AUTEURS    CITÉS 


Condorcet,    49 

Conrady   A.,    106,    111 

Cotton  P.,   268 

Cox  W-,   99 

Craig    A.,    297 

Cumont   Fr.,    431.    437,   438,    439,    440, 

455,  460,   462,   463 
Curtiss   S.  I.,   302,   312 
Czainowski   S.,    126,    146,    156 
Dale    M.,    260 
Dalman    G.,    311,    312 
Darmesteter    J.,    106 
Darwin   Ch.   R.,   316,    317,    328 
De  Caluwe   J.,  441-55,  15,    17 
Déchelette    J..    228 
Deimel   A.,    291 
De    Jonghe    E.,   340-55,352,    355,    13, 

15,    20 
Delacroix    H.,    188,    198 
Delehaye   H.,    460 
Delhaise,    349.    355 
Delitzsch  Fr.,    291,    294 
Dennett    R.    E.,    269 
Denys   l'Aréopagite,    433 
Deploige,   Mgr.   S.,   156 
De   Witte   Al.,    355 
Dhorme    P.,    29.    295,    298,    299 
Diepen,    S.    G.    Mgr.,    9,    30 
Dieterich    A.,     440,     453 
Dlodore,   307 
Dixon     R.,     37 

Doelger   F.    J..    460,    464,   470 
Dottin   G.,    125 
Douceré   V.,    164 
Doumergue   E.,    196 
Drexel    A., 169-82,    14.     18,     171,     175, 

176,    177.    182 
Duhr   J..  455,  15,    18 
Dupuis    Ch.    Fr.,    458 
Durkhelm  E.,   126,   127,   128,   129,   131, 

132,    133.    134,    136.    138,    140,    141, 

142.    143,    147,    148,    149,    150,    151. 

152,   153,    154.    155.    156,    197,    230 
Echalar,    163 
Ehrenreich    P.,    33 
Ehrlich   I..,  356-71,    13,    15,     18,     368, 

472 
Eitrem  S.,   315 
Engelkemper    W.,    310 
Engels    Fr.,    85 
Erman    A.,    178 
Eschyle,    467,    442 
Exteens,    228 


Faber   H.,    196 

Farnell   L.    R.,    315 

Fauconnet  P.,    126,    127,    137,    156 

Felst   S.,    114,    117,    125 

Finck   Fr.   N.,    111 

Firmicus    Maternus,    4  66 

Fischer   B.,   144 

Fita,    162 

Flournoy    Th.,    194,    196,    197 

Forchhammer    P.    W.,    99 

Foucart  G.,  40 

Foucart    P.,    442,    445,    448,    449,    451, 

452-4,    455.    459 
Fowler  W.   W.,    316 
Foy    W.,    76.    96  . 
Frank    C.    298,   299 
Frazer    J.    G.,    36,    63,    64,    155,    230, 

241,    242,    352,    453,    461 
Freud    S.,    197,    199 
Fritsch   G.,    235 

Frobenius  L,..   41.   68,   89,   92,  353,   355 
Froebes    J.,    196 
Gannon  J.,  13 
Gardner    P.,   459 
Gasparri,   S.    E.    le   Gard.,   9 
Geerts    G.,    7,    13,    19,    27,    28 
Gehrich    G.,    455 
Gemelli   A.,  197-203,    13,    14,    19.    192. 

197.    472,    476 
Gernet,  126 

Gillen  F.,  153,  361.  366,  371 
Girgensohn  K.,   192,   198 
Goblet   d'Alviella   E.,    455 
Goldenweiser  A.   A.,    37,    54 
Gougaud,   29 
Graebner   Fr.,    41,    68,    70,    76,    81,    89. 

90.   91,   92,   95,   96,   98,   354,   371,   477 
Graillot  H..   455 
Grandmaison,    L.    de,  456-70,    13,    15, 

19,    196,    472 
Gressmann    H.,    300 
Grill   J.,    440 
Grimm,    112,    274 
Grosse   E.,    84,    85,    86,   93,    94,    97 
Gruppe   O.,    455 
Guimaraens,  F.  da  Costa,   197 
Gunkel    H.,    459 
Gusinde  M.,    317,    318,    324 
Haddon  A.    C,    96 
Hahn    E.,    85 
Hahn   Th.,    235 
Hardy    E.,    286 
Harnack  A.,   427.   428,   440 


I.   AUTEURS    CITES 


481 


Hartmann    M.,    315 

Hatch    E.,    459 

Hehn    J.,  287-301,  15,    20,    166,    292 

Heiler  Fr.,  243,   247 

Heiner   Fr.,    197,   199 

Hennemann,    269 

Henry   J.,   351,    355 

Henry  V.,  278,   286 

Hepcling  H.,    455 

Herder,    J.    G.    von,    49 

Hérodote,   272,   284,  444 

Hillebrand  E.,    218 

Hillebrandt   A.,    286  . 

Hippolyte   (saint),   449 

Hirt   H.,    99,    117.    125 

Hôffding   H.,    196 

Hofmayer   W.,    235 

Hollis  A.,    355 

Homère,  442,  443,   444,  445 

Hommel    Fr.,    311 

Hopkins   E.    W.,    286 

Howitt    A.     W.,     331,     356,    357,     358, 

363,    364,   365,   367,   369,   371 
Hrozny   Fr.,    175,    177 
Hubert   H.,    230,    236 
Huby   J.,    441 
Hucbalde,    160 
Huebner,    168 
Huesing    G.,    175 
Humboldt,  A.  von,   181 
Husserl    E.    G.,    246 
Isocrate,   448 
Jacquier  E.,   459,   470 
James    W..    197,    200 
Janet   P.,    197 
Jastrow   M.,    296 
Jaussen    A.,    302,    303,    304,    309,    312, 

314 
Jean   (saint),   462,   463,   464,   465,   467, 

469 
Jensen    P.,    289,    459 
Jeremias    A.,    452-4,    455 
Jeremias   J.,   293 
Jérôme    (saint),    435 
Jevons  F.  B.,   230 
Jones   W.,    99,   112 
Jordan  L.    H.,   196,   474 
Joyce,    355 
Junker    H.,  414-26,     13,    15.    20,    178, 

426.    472 
Junod   H.    A.,    235 
Justin   (saint),    438,    439,    440 
Keith   A.    B.,    287 


Kennedy    A.    A.,    4  60 

Kingsley    M.    H.,    355 

Klameth   G., 301-15,  15.    21 

Klauber   B.    G.,    296 

Koffka  K.,   198 

Koppers   W..  81-98,  316-28,14.    15,    21, 

43,    56,    75,    81,    82,    92,    94,.  96,    97, 

98,    304,    324,    331,    477 
Krause  Fr.,   41 
Krebs  E.,   470 
Kreglinger  R.,    461 

Kreichgauer  D.,  399-414,  15,   21,   414 
Kristen   F.,    365 
Kroeber  A.   L.,    36,    52,    97 
Krueger    G.,    470 
Kuelpe  O.,    192,    196,    200 
Kuhn    Ad.,    99,    109,    111 
Ladeuze,    Mgr.    P.,    13 
Lafltau    Fr.,    8,    60 
Lagrange    M.-J.,    29,    106,    302,     307, 

313,   455,   459,   462,   468,   470 
Lake  K.,    459 
Lampridius,  165 
Lang  A.,    31,   33,    34,    39,   453 
Laotse,    413,    414 
Lasch   R.,    40,    352 
Laurence    J.,    319 
Lebreton   J..    460,   463 
I^eisegang  H.,   457,   463 
Lemonnyer   A.,    13,    29 
Leonhardi,  M.  von,   362,  364,   366,  371 
Lepsius  R.,   182 

Le  Roy,  S.   Gr.   Mgr.,   13,   29,   267 
Lesquien   A.,    178 
Leuba  J.  H.,  33,  196,   197 
Lévy-Bruhl  L.,    126,   153,    156,   197 
Lietzmann  H.,    439 
Loisy    A.,     153,    231,     438,    439,    440, 

441,    455,    456,   459,    461,    462,   463 
Loupias,    241 

Lowie  R.   H.,   41,  53,   54,   97 
Luzel.   164 

Macdonell  A.   A..   287 
Machen   J.    G..    460 
Mader  E..    314 
Mac  Lennan   J.   F..    32,   49 
Maes.    355 

Mainage   Th..    29.    199 
Mangenot  E.,   463 
Mannhardt    W..    453 
Marchetti.    Mgr..    476 
Maréchal    J..    196 
Marquardt  J..  316 


31 


i82 


I.    AUTEURS    CITES 


Marrevec,   355 

Martindale   C,   441 

Mathews    H.,    358,    371 

Mauss    M.,    127.    134,    135,     137,    143, 

144,   145,  156,  230,  236 
Meier  J.,   373,    376,   381 
Meillet  A.,   99,   102,  106,   107,   111,  125 
Meinhof  C,   182,    352 
Menghin    O.,  203-18,    U,    22,   90 
Mercier,   S.   E.   le   Card.,   5,    12,   13 
Mercx   J.   K.,    7,    22,    471 
Merker   M.,    355 
Meyer   Ed..    352.    461 
Michelet    G.,    156 
Michelis,    E.    de.    125 
Mogk  E-,    272 
Moret  A.,   426 
Morgan  L.   H..    32,   49,    50,   51,   52,   53. 

54.    55.    84.    85,    86 
Moritz   B.,    307 
Mortier  F..    13,   22 
Moulton  J.   H..   287 
Muellenhoff   C.    99 

Mueller    Max.    99,    109,    118,    140.    181 
Munnynck,    M. -P.    de,    196 
Murisier   E.,    197 

Musil  A.,   302,  303,   304,   306,   309.   314 
Nielsen   D..    307,    313 
Nieuwenhuis  A.  W..   39 
Nil    (saint),    302,    307.    308,    310,    311, 

314 
Nilsson    M.    P.,    3Î5 
Nobel,    474 
Norden   Ed.,    316 
Obermaier  H.,   204.   218,   222 
Oesterreich   K.,   35 
Oldenberg  H.,   109,   276.    280.   286 
Parker  K.    L.,    358,    367 
Parkinson    R.,    381,    383 
Parodi   D..   133.    136.    156 
Pascal   Bl.,    183 
Passarg-e.   352 
Patterson  L...   441 
Paul   (saint).    458,   459,   462.    463,    464. 

465,    466,    467.    469.    470 
Pausanias.   445 
Peschel    O..    50 
Pettazzoni  R..    38 
Peyrony,    228 
Pfister  Fr.,   316 
Pfleiderer  O.,    459 
Philon   d'Alexandrie,    463 
Picaud  A.,   163 


Pictet  Ad.,   99,   115,  116 

Pie  XI,    Sa   Sainteté,    9,    476 

Pinard    de   la   Boullaye    H.,  67-81, 

98-111.    182-96,  7,  13,  14.  15.  23.  29. 

30.     43.     68,     75,     81,    106,    111,     196, 

458,    464,    471 
Platon,    183 
Ploix   Ch.,    99,    109 
Plutarque,    448,   465,    467 
Pogge,    355 
Pollera  A..   241 
Porphyre.    435,    436 
Prat   F.,    463 
Preuss  K.  Th.,   34 
Prudence,    160 
Prunner,    156 
Pythagore,    2S5 
Ramsay    W.,    460 
Ratzel  Fr.,   41,    50,   68,   87,    88 
Raum.   260 
Ravaisson  F.,    462 
Reche,    267 
Reinach    S.,    230,    460 
Reinisch    L.,    169,    182 
Reitzenstein   R.,    457,    459,    462,    463 
Renan   E.,    427 
Reuterskiold    E.,    96 
Rhode  E.,    455 
Rinn  L,.,    182 
Risco,    160 

Rivers  W.   H.   R.,    50,    51,    52 
Roeck  Fr.,    410 
Roese,    440 
Roscher   W.,    85 
Rossi,  J.-B.  de,   438 
Roth   H.-L.,    85 
Roth  W.    E.,   360.    361.    371 
Rousseau    .T.-J..    49 
Sacaze    J..    168 
Sachau   E.,    298 
Salvatorelli    E..    455 
Salviac,    241 
Sanda   A.,    301,    15,    23 
Sanders,    23,    27,    471,    475 
Sapir    E..    41 
.Saussure.    F.    de,    111 
Schaefer    H.,    42  6 
Schebesta    P., 258-71,  14,    23 
Schlegel    Fr.,    112 
Schmidt    W.,    31-47,    48-67,    229-44, 

329-40,  5,    9,    13,   14,   15,   23,    27.    30. 

35,    43,    51,    52.    56,    68.    69,    75,    76, 

81.     90,     91,     92,      94,      95,     98,     106, 


I.    AUTEURS    GITES 


483 


111.  155,  181,  205,  212,  213,  217, 
230.  231.  233.  235,  243,  246, 
247.  308,  314,  315,  318,  331.  356, 
364,  366,  368,  369,  371,  .  471,  474, 
476,    477 

Schneider    W.,    235 

Schrader  O.,  99,  115,  117,  125,  272, 
273,   275 

Schrijnen    J.,    13,    14,   23 

Schrijnen  S.,  125 

Schroeder,   L.   von,   32,   125,    276 

Schurtz  H.,  49,  50,  82,  330,  334,  352, 
355 

Schweizer,    355 

Segond    J.,    198 

Seler  E.,   37,   414 

Seli&man   Ch.    G.,    235 

Sergi   A..    182 

Sethe,   178 

Showermann    G.,    455 

Smith  Rob..  144.  229,  250,  302,  306. 
308,    310,    311,    314 

Smits,    8 

Sôderblom    N.,    34 

Spencer  B.,  153,  361,  365,  366,  370, 
371 

Spencer   H..    36 

Spenger,    312 

Staehlin    W..    198 

Stanton    V.    H.,    460 

Starbuck  E.   D.,   186 

Starcke    C.    V.,    50 

Stengel    P.,    315 

Stern    W..    196 

Strabon.   159,    160 

Strehlow    C.    153,    362,    364,    366,    371 

Stuebe  R..   302 

Swanton   W.    H.,    36,    52,    97 

Tacite,   273 

Tchao    F.-X.,    471 

Tertullien,    437,    438,    439,    440,    441 

Thouless    R.    H.,    196 

Thureau-Dangin   Fr.,    288,    295 

Torday,    347,    355 

Toutain  J.,  428,   429,  440,  455,   460 

Trilles    H.,     29 

Tromp.  316 


Tylor    E.    B..    36,    50,    229,    236,    253 

Ungnad   A.,    300 

Urroz   E.,    168 

Usener  H.,    437 

Valensin   Alb.,    470 

Vallée   Poussin,   L.   de   la,    287 

Van  Crombrugghe  C,  427-41,  13,  15,   24 

Van   den  Bon,   355 

Van   der   Meiren,    355 

A'an   Gennep  A.,   80,   155,   353,   355 

Van  Ginneken  J.,   106 

Van  Leeuwen  J.,  S 

Van   Puyenbroeck,   8 

Van   Wing,    355 

Vénard   L.,    468 

Viegen  J.,  384-99,  14,    15,    25 

Vinson  J.,   111,   165 

Virchow.    355 

Vogt,    156 

Voltaire,    101 

Vonck  de  Both,   8.   471,   475 

"Webster   H.,    330,    352,    355,    364,    370,  ' 

371 
Weiss    J.,    459 
"VVellhausen    J.,    301,      306,    307,    308, 

311,    312 
Wendland   P.,    439,    459 
Westermann   D.,    182,    235 
Westermarck   Ed.,   50,    62,   242 
Wetter   G.    P.,    457 
Weule  K.,   352 
\\Tiitney  W.   D.,    111,   178 
Wide    S.,    315 
Wilken  G.  A.,   229,   236 
Winckler  H.,   174 
Windisch   H..    470 
Winthuis    J.,  372-84,  15,    26 
Wissler   C,    97 
Wood,   286 
Wunderle  G.,  244-58,     13.  14,  26,  196, 

198,   472 
Wundt    W.,    50,     197,    230,    231,     236, 

240,    352,    439 
AVyels,    de,    13 

Zimmern   H.,    293,    294,    296,   298,   ,300 
Zoi-oastre,   278,   285 


II    Dieux  et  Héros 


Abelioni,    161 
Açvlns,   121,   275 


Adityas,  120 
Adonis,   452,   455,   461 


II.    DIEUX    ET    HEROS 


Ageion,   161,    162 
Agni.    275,    276,    281,    283 
Aherbelste,   161 
Ahriman,    431 
Ahura    Mazda,    120,    276 
Aiolos,    120 
Alandestus,   161 
Alar,    Alardessis,    161 
Altjira,    364 
Andarte,    161 
Andosso,    161 
Anubis,   416,   418,  419 
Aphrodite,    452 
Apollon,   120.  123,   410 
Arbalax,    161 
Arixe,    161 
Arthe,   161 
Astarté,    293 
Asto  Ilunno,   161 
Athèna,    120,    122 
Atnatu,    364 

.Attis,    455,    461,    466.    468 
Ausôs,  121 
Baelisto,    161 
Baesserte,   161 
Baigoriso,   Baicon-ixo,   161 
Baioso,    161 
Bassei,   161 
Bau,   288 

Bayame,    34,    359,    360,    364,    367,    368, 
369 

Beisirisse,   161 

Biamban,    357,    358,    365,   367 

Bomos,   309 

Boobardy,    359,    366 

Brinio,   449 

Çiva.    283 

Coré,    443,    446,    448,    452,    454 

Coyote,    36,    37 

Cybèle,    455,    467,    468 

Daho,    161 

Daramulum,    357,    358,    364.    365,    366, 
368,    369 

Déméter.    337,    441,    443-4,    448,    449, 
450,    451,    452,    454 

Dionysos,  446.  447,   452,  455,   466,   468 

Dioscures    (les),    121,    275 

Dyâus   pitar,    106.    119-20.    122,    163 

Erdelati,    161 

El,   106,   109 

Ele,  161 

Ellil    (Enlil),    297 

Erditse,    161 

Erensuge,    168 


Erge,   161 

Ereskigal,    298 

Esmoun,    455 

Faunus,    123 

Flora.    123 

Frey,   273 

Garri,    161 

Gaueko,    168 

Gayandi,    365 

Girru-Nouskou,    297 

Gunanbeely,    359 

Halios   Gerôn,    122 

Hécate,   123.   431 

Hélios,   120,    121,   410 

Herauscorrtsehe,    162 

Hercule,  122,  161 

Hermès,   120.   293.    464 

Hestia.    275 

Horus,  164,   416,   417,  418,   419 

lauchos,    44  7 

Idiatte,    161 

Iluberrixo,    161 

Ilumbero,    161 

Indra.    280.    281.    283 

Ireltxo,   168 

Iscitto,    161 

Ishtar.    292,    293 

Ishoie,    266 

Isis,   415,   416,  418,  419,   420,  422,  423, 
451-2,    467 

Jahvé,    309.    310 

Jainko.    163 

Janus,    123 

Jaungoiko,   160,   163 

Jupiter,  102,  106,  119 

Kari,    233 

Lahe,  161 

Lares    (dieux),    123 

Larrasoni,   161 

Laz,    289 

Leheren,   161 

Lelhunno.    161 

Leza.    261,    266,    269 

Liilissu,    295 

Lukos,    122 

Mardouk,  109,   288,  289,   290,  294,   410 

Mari,    165-8 

Mars.    161 

Mazdâh,   119 

Mavu,    267 

Mimi,    122  -      ' 

Mithra,  120,  281  —  ses  mystères, 
427-41  —  influence  prétendue  sur 
le   Christianisme,    459sq.,    465,    466 


II.    DIEUX    ET   HÉROS 


485 


Mulkali,    361 

Mnlungii,   261 

Mungangaua,    357,    364,    365,    367,    369 

Mimibear,   366 

Nana,   289 

Nebo.   289 

N'ephthys,    418,    419 

Nergal,    289 

Ngnis,   122 

Njoerdh,    273 

Ng-alabal,    369 

Numbarcly,   359,   366 

Nzambi,    261 

Odin,    109 

Olentzero,   168 

Ormuzd,    434 

Orphée,    464 

Osiris    —    sa    nature,     415-7    —    ses 

mystères,    417-26,    451-2,    461,    466, 

467 
Ouranos,    119 
Pales,   123 
Parjanya,   122 
Parques    (les),    123 
Patrick    (saint),    146,    147 
Pénates   (les),    123 
Perqunos,  122 
Perséphone    —   v.    Corè 
Perun,   122 
Prométhée,    122 
Prthivi,    123 
Prakagorri,    168 
Psyché,    464 
Puluga,    234 
Pushan,   120 
Quetzalcoatl,   402,   407 
Rukut,    357,    366 
Sandae,  161 
Sarpanit,    289 
Saule,   120 
Savitar,    120 


Schamasch   (Shamash),   294,   300,   433 

Selenê,   120 

Sémèlè,    123 

Seth   (Set,    Sit),    415,    416 

Shimunenga,    269 

Sol,    433,    435,    438 

Sosom,   393-5,   398 

Stelatese,   Stelatise,   161 

Sulis   Belenos,    121 

Sunnô,   120 

Sûryâ,    120,    121 

Thôr,   120,   122 

Thot,    293 

Tiamat,    410 

Trita   Aptya,    122 

Tsuni-Goam,   235 

Tullonio,    161 

Tumana,    365 

Tundun,    357.    365,    366,    367,    369 

Twanyirika,   366 

Tyr,   109 

UitziloFOchtli,    402,   407 

[Jnkulukulu,   265 

Urci,    163 

[Jrnia,  161 

Usai,   161 

Ushas,    281 

Uvarna,   161 

Varuna,    119,    281 

Vatauineuva,    318-328 

Vishnu,    120,    283 

Vivasvat,   120 

Wodan,  123,  124,  273,  274,  284 

Yama,  124 

Ynko,   163 

Zanahari,   338 

Zervan  Akarana,    431 

Zeus  —  étymologie,  102,  106  — 
dieux  parallèles,  119  —  fonctions, 
119  —  mythologie,   443,   449-50 

Zeus    Madbachos,    309 


!ll.  Peuples  et  tribus. 


Ababua,    343,    345,    355 
Ainos,    234 
Akikuyu,   345 
Akra,   268 
Amaflnga,    355 
Ama-Xosa,    346,    355 


Amwinde,    345,    355 

Andamanais,   233,   234,   322,   331,   332 

Arabes  (préislam.),   301-316 

Aranda,    362,    364,    366,    371 

Arurtta,    153,    361,    364,    366,    367,    371 

Aryens,   113  —  v.  Indoeuropéens 


'i.S6 


III.   PEUPLES   ET  TRIBUS 


Aschantl,  263 

Athkan,   242 

Aztèques,   401,   402,   407,   409,   411,   414 

Babali,   343,   350 

Badaga,    242 

Bageshu,    345,    355 

Baholoholo,    345 

Balla,    262.    265,    266,    269 

Bakele,    345 

Bakimba,    346,   355 

Bakong-o,    346,    355 

Bakota,    345 

Bakuba,    344,    348,    352 

Bakumu,    345 

Saluba,    345,    348,    355 

Bambala,   343,   347,   355 

Bambaia,    346,    351,    355 

Bangala,    343 

Bangellma,   345 

Baniabangu,    348 

Bantous,  338  —  relations  de  leurs 
langues  avec  le  sumérien,  171-3, 
175  —  Etre  suprême,  261  —  ma- 
triarcat,   181    —    sacrifices,    259-65 

Baria,    241 

Barumbu,    345 

Basonge,    345 

Basques  —  relations  de  leur  langue 
avec  le  sumérien,  173,  174,  181 
—   religion   et   mythologie,    15  6-68 

Basuto,    345 

Bateke,    343  * 

Batutsi,   241 

Bavili,    269 

Bayaka,    345 

Bédouins   —  v.   Arabes 

Berbères    (langue    des),    177,    182 

Bétchouanas,    235,    34  5 

Bong,   2  67 

Boschimans,  259,  267 

Bulalll.    370 

Bushongo,    355 

Cafres,    235,    265,    345,    346,    352 

Californiens,   36,  37,  41,  332 

Celtes,    286,    413 

Cheparra-Turrbal,    366 

Chilouks,    235,    241,    265 

Chinois,   66,   337,   413 

Dieri,    53,    270 

DInka.   235,   265 

DJauan,    370 

Doriens,    444,    452 

Dravidiens,    62 

Edomites,    303 


Elamites,  170 

Euahlayi,    358-60,    365,    371 

Fang.    155,    345 

Fuégiens,   332  — -  r.   Yagans 

Galla,    241,    259,   265,    266 

Gân,    260 

Germains,   272,   273,   276,   286 

Gètes,    285 

Gilyaks,    234 

Golah,   343,   355 

Grecs,  273,  274,  285,  286,  315,  316. 
413,  427  —  V.  Attis,  Eleusis,  Sa- 
crifice 

Hamites  —  civilisât.  76,  478,  59.  313 
—  langues,  177,  178-80  —  sacrifi- 
ces,   259,    265-7,    269,    270 

Haussa  —  langue,  178-80  —  sacrif., 
268 

Hébreux,   241-2,   301,   308,   310 

Herrero,  343,   344,   355 

Hétéens  —  v.   Hittites 

Hindous,    274,    275 

Hittites,    170,    175-177 

Hottentots,    235,    259,    265 

Hurons,    60 

Indo-européens,  59,  62,  76,  125  — 
dieu  suprême,  106,  119-20  —  pa- 
triarcat, 107  —  habitat  primitif  et 
migrations,  113-15  —  civilisation 
et  croyances,  116-24  —  caractère 
et  destinée,  124-5  —  v.  Initiations, 
Indoeuropéennes  (langues),  Sacer- 
doce,  Sacrifice 

Iraniens,    113 

Israélites  —  v.  Hébreux 

Italmes.    234 

Itchmundi,   363 

Jêi.    386 

Kabadu,   370 

Kaitish,    364,    365 

Kamilaroi,  153,  358-60,  366,  368,  370, 
371 

Kariera,    366,   370 

Khoi-Khoi   ^   v.    Hottentots 

Kongait,    363,    370 

Koryaks,   234 

Kulin,    366 

Kunama,   241 

Kundu,    343 

Kurnai,  331,  332,  356,  357,  365,  366. 
369,    370,    371 

Lithuaniens,   273 

Maidu,   37 

Makalaka,   268 


III.    PEUPLES    ET    TRIBUS 


487 


Malgaches,    338 

Mandja,    345 

Mangbetu,    345 

Marind,   384-399 

Maskukulumbe,    265 

Massai.    265,    266,    269,    345,    352 

Mayas,   403,   406 

Meru,    345 

Minéens,    311,    312 

Mitakoodi,    360 

Moabites.    303,   305 

Mobali,    355 

Moschi,   259,   260,   261 

Mounda,    62 

Miillock-Mullock,    365 

Nabatéens,    311 

Nahua,    401 

Narranga,  370 

Nullakun,    370 

Papous,    76 

Parnkalla,    366 

Pélasges,   408,   413,    414 

Perses,    272,    274,    276,    278 

Pitta-Pitta,   306,   366 

Punuurlu,    370 

Pygmées  —  v.   Tdhle  IV 

Romains,    273,    274,    276,    285,    315-6 

Russes,    2  73 

Sabéens,   311 

Sarazins,    302,    307,    308,    310 

Schilluk   —  V.    Chilouks 

Scythes,   272 

Selish,    332 

Semangs,   233,   240 

Sémites,     59,     76,     478,     124,     302    - 

V.    Langues,   Sacrifice 
Slaves,    273 
Songo,    344 


Suk,    265 

Sumériens,  170  —  v.  Langues,  Sa- 
crifice 

Tartares,    59,    76,    478 

Tchouktches,    53,   234 

Thraces,    445,   455 

Toegeri  —  v.    Marind 

Toltèques,  400,  402,  404,  406,  408, 
411,    412,    413 

Tongaranka,   366 

Tongha.   259,   262 

Toi.oke,    34  5 

Totonaques,    4  03 

Tschi,    263 

Turco-tartares,   59,   76,   478 

Turkana,    265 

t'nderebekina,    366 

VVaganda,    265,    268 

Waka.    2  67 

Wakindiga,    266 

Wakuhve,    242 

Wandorobbo,    266 

Wangata,   343 

Warega,    345,   349,    355 

"Warrai,    370 

Watutsi,   338 

V/i!ya,   363,    370 

Wiradjuri,    364,   365 

Worgala,    366 

Wotjobali'k,    370 

Wulwullan,    370 

Yarroinga,    366 

Yagans,    Yamanas,    316-328,    332 

Yoruba,    268 

Yuin,  332,  357,  358,  365,  368,  369, 
360,    371 

Zapotèques,    403 

Zoulous,    262,    265 


IV.  Sujets  traités. 


Afrique  —  civilisations  régnantes,  76, 
477-8,  259,  262,  337,  338,  339,  353 
langues,  177,  182  —  îeurs  relations 
avec  celles  de  l'Asie,  169-82  —  v. 
Animisme,  Mânismc,  Initiations, 
Sacrifices... 

Agnistoma,    278-80,    286 

Allégorisme  —  ses  fantaisies,   109-10 

Ail   Father  —  v.   Etres   SMpj-è«ics. 

Mcheringa,    362,    364,    365,    366,    367 


Ame  —  d'après  Durkheim,  142,  143 
—  chez  les  Yagans,   325 

Amérique  —  civilisations  régnantes, 
318,    339,    400,   414,    76,    477-8 

Analogies  invoquées  contre  l'origi- 
nalité du  Christianisme,  45$  ;  v. 
Cène,  Mystères,  Syncrétisnie,  Théo- 
phagie 

Ancêtres  divinisés,  en  Australie,  357, 
359,    366,    369    —   en    Afrique,    265, 


IV.    SUJETS    TRAITÉS 


267,    269,    270    —    v.    Mânisme 

Animisme  —  origine  prétendue  de  la 
religion,  31,  229  —  critique,  34,  38, 
39,  141  —  son  développement  dans 
le  cercle  matriarcal,  336  —  en 
Afrique,  260,  262-5,  267,  268,  270, 
347-51  ;  cf.  Mânisme  —  chez  les 
Indoeuropéens,  123  - —  Arabes,  303, 
304,  305,  309,  310  —  Yagans,  325 
—  influence  sur  l'évolution  du  sa- 
crifice, 237,  286,  305,  309  —  de 
l'idée  de  Dieu,    39 

-Vnimatisme,    34 

Aniota,    350-5 

Anthropologie  —  critère  subsidiaire, 
70,    75 

Anthropophagie  —  prétendue  des 
Yagans,  316  —  des  Marind,  393  — 
non   primitive,    58 

Asie  —  civilisations,  76,  477-8  — 
berceau    de   l'humanité.    69,    75 

Astrologie  mexicaine,  402-6  ;  cf.  Di- 
vination. 

Atharva  Veda,    284 

.Aurore   divinisée,    281 

.Australie  —  civilisations,  76,  477-8, 
363-71  —  langues,  106,  111  — 
V.  Ancêti-es,  Circoncision,  Initia- 
tions, Sociétés  secrètes.  Totémisme 

.Austriennes    (langues),    106,    111 

Austronésie,  76 

Autobiographies,  en  psychol.  relig., 
187,    188,    192,    199 

Avesta,    285 

Babylone  —  civilisât.,  478  —  idée 
de  Dieu,  106  —  exorcismes,  298  — 
poème  de  Gilgamès,  297  —  v.  i)i- 
vination,    Relig.,    Sabhat,    Sacrifice 

Bantou    (langues)    — •   v.    Table   III 

Basque  (langue)  —  relation  avc  le 
sumérien,    173,    174,    181 

Berbères    (langues),    177,    182 

Bornou    (langues),   171,    182 

Bouddhisme,   66 

Boumerang    (cercle    du)    —   v.    Cercle 

Bouphonies,    315 

Brahmanisme,    66,   281-3,    286 

Bull  roarer,  332,  343,  348,  351,  356, 
357,  359,  361,  362,  364,  365,  366, 
367,   369 

Bush  schools,  341  s.,  343,  346.  358, 
359-60,   332 

Californie  —  croyances,    36,    37,   41 

Cameroun  —  religion,   269 


Cannibalisme,   262,   311,  348 
Castes   sociales,    63,    64,    66,    282 
Cathartique   —  origine    du    sacrifice, 
d'après  Wundt,  240  —  en  Grèce  et 
à  Rome,   316,  446  —  Inde,   279 
Caucase   (langues  du)   —  170,   177 
Cène  chrétienne  et  mithriaque,  437-40 

—  V.    Théophagic 

Cercles  culturels  —  notion,  71-73  — 
classification,  caractéristiques  res- 
pectives, 57  s.,  76,  477-8  —  rela- 
tions avec  la  préhistoire,  203-18  — 
la  protohistoire,  181,  169  s.  —  con- 
ti'ôle  des  cercles  australiens,  356-71 
v.  Initiation,  Sacrifices,  Sociétés 
secrètes 

Churinga  —  v.   Bull  roarer 

Ciel  —  adoré  par  les  primitifs,  36, 
38,  163-4,  304,  305  —  hommage  au 
Ciel,  dans  les  initiations  australien- 
nes, 356-7,  365,  367,  370  —  culte 
des  Indoeuropéens,  123,  106,  163  ; 
\.  Dyàus  —  Basques,  Bantous, 
163-4 

Circoncision,  60,  77  —  dans  le  cercle 
totémiste,  333,  353  —  Europe 
préhistorique,    213    —    Arabes,    304 

—  Afrique,      342-7     —     Australie, 
360-6,    367,    368,    370 

Civilisation  originelle  —  inconnais- 
sable,   79,    80 

Christianisme  —  influence  sur  l'évo- 
lution des  formes  sociales,  66,  67 
• —  lutte  contre  le  Mithriacisme, 
437-30  —  prétendus  emprunts  aux 
religions  païennes,  45  6-70  —  v. 
Analogies,  Cène,  Esprit-Saint,  Hel- 
lénisme, Hermétisme,  Mystères,  Zo- 
roastrisme 

Clans   indoeuropéens  —   117 

Classes  d'âge,   59,   352,  368 

Classes  de  mariage  —  système  à 
deux  classes,  dans  le  cercle  ma- 
triarcal, 60,  447-8,  353  —  à  quatre 
et  huit,  dans  les  civilis.  secondai- 
res,   61 

Communion  —  totémique,  230,  233  — 
chrétienne   et   mithriaque  :  v.    Gène. 

Communisme  sexuel,  52,  53,  350,  352, 
387 

Confucianisme,    66 

Congo  —  sociétés  secrètes,  335,  339, 
347,    349    —   sacriflces,    262 

Convergence      de      probabilités      (dé- 


IV.    SUJETS    TRAITES 


489 


monstration  par),   69-71,  74,  81,  91, 

106 
Crânes   (usage   rituel),    213,    339,    386, 

394 
Création    —    chez     les     Californiens, 

36-7  —  Marind,  389' —  Austi'aliens, 

358 
Crémation  —  v.  Séjnilture 
Criobole  —  468 
Critères  —   de   forme  et  de   quantité, 

70,    87-91    —   internes    et    externes, 

70,    71,    74 
Cultes     agraires,    338,     425-6,      443-4, 

450-4 
Cycles   culturels   —   v.    Cercles 
Danses    —    préhistoriques,    209,    211, 

213  —  en  Germanie,  273  —  Afri- 
que,   3  42,    348    —    Mexique,    409-12 

—  Nouvelle-Poméranie,    373,    381-3 

—  Australie,  361,  332 
Déformations  corporelles  —  332,  333, 

334  ■ —  V.  Circoncision,  Dents,  Sn- 
bincision 

Dégénérescence    (thèse   de    la),    35 

Déguisements  —  dans  les  fêtes  d'ini- 
tiation et  dans  les  sociétés  secrètes 
en  général,  330  —  civilisât,  archaï- 
ques, 3  32  —  civilisât,  secondaires, 
339  —  chez  les  Marind,  386,  394, 
396-7   —  V.   Masques 

Dents  (ablation  des)  —  initiations 
africaines,  342,  344,  353  —  austra- 
liennes, 332,  353,  358,  359,  361,  362, 
363,    364,    367,   369,    370 

Destin  —  divinités  présidant  au,   123 

—  recherche  du  :  v.  Divination 
Deuil,   chez  les  Yagans,   323-5 

Dieu  —  étymologie  du  mot,  100-2  — 
origine  des  dieux,  d'après  Dur- 
kheim,  143,  150  —  idée  babylon.  et 
idée  biblique,  106  — -  v.  Etres  su- 
prêmes.  Monothéisme 

Divination    —    assyrobabylon.,    295-6 

—  mexicaine,    402-6 
Eaux  (divinités  des),   122 

Ecole  historico-culturelle  —  origines, 
40,  41,  68,  87-98  —  méthode  :  v. 
Méth.  historico-cult.  —  thèses  : 
v.    Cercles   culturels 

—  philologique    —   v.    Méth.    philol. 

—  sociologique    —    origines,    125    sq. 

—  méthode  :  v.  Méth.  sociol.  — 
thèses  :    v.     Dieu,     Héros,    Morale, 


Prière,  Rcliciion,  Sacrifice,  Toté- 
misme 

—  de   féticheurs  ;   v.   Bush  schools 

Economie  (régime  éconoinique)  —  dé- 
finition, 82-3 — ^  théories  sur  ses  sta- 
des d'évolution,  83-97  —  influence 
sur  l'ensemble  de  la  civilisation, 
56-65,  86-97  —  formes  diverses 
dans  les  cercles  culturels,  5  6-67,  76, 
477-8 

Egypte  —  v.    Mystères,   Osiris 

Elementargedanke   —   v.    Bastian    A. 

Eleusis  —  V.   Mystères 

Endogamie,    63 

Ergologie  —  définition,  82,  83  —  im- 
portance  du    sujet,    87-91,   97-8 

Esclavage,  58,  60,  63,  64,  65,  67,  95, 
261 

Esprits  —  v.  Animatisme,  Animisme, 
Mânisme 

Esprit-Saint  —  l'idée  chrétienne  et 
ses    sources,    457,    462-3 

Ethnologie  —  histoire  et  critique  de 
ses  méthodes  ;  v.  Economie,  Evolu- 
tionnisme.    Méthode 

Etres  suprêmes  —  des  Indoeurop., 
119-20  ;  v.  Dyâus  —  Sémites;  v.  El 

—  non  civilisés  :  la  question  de- 
puis Lang,  31-40  —  leur  concept, 
34-40,  248,  249  —  en  Afrique,  261 
(Bantous),  235,  265  (Zoulous, 
Dinka,  Chilouks,  Waganda),  235 
(Hottentots,  Cafres,  Bétchouanas), 
267   (Togoland),   35,   271   (Pygmées) 

—  Asie,  233  (Semangs),  234  (Ai- 
nos,  Gilyaks,  Tchouktches  etc.).  — 
Amérique,  36-7  (Californiens),  318- 
28  (Yagans)  —  Australie,  233-4 
(Andamanais),  332,  357,  366-9 
(Kurnai),  359-60,  364,  365,  367-9 
(Kamilaroi),  332,  357,  358-9  (Yuin), 
361  (Queensland)...  —  Océanie,  389 
(Marind   ;    v.    Oèbe)... 

Etymologie  —  difficulté,  100-2,  118, 
119  —  ses  principes,  102-5,  112  — 
V.  Méthode  philologique 
Eumolpides  — ■  286,  444-6,  455 
Evolutionnisme  —  recul  récent  de 
ses  thèses,  31-40,  48-56,  83-97  • — 
erreurs  de  méthode,  40,  41,  68.  73, 
83-6,  139,  258,  459-64  —  v.  Ecole 
sociologique.  Animisme,  Mânisme, 
Mystères,  Prière,  Sacrifice,  Toté- 
viisme... 


490 


IV.    SUJETS    TRAITES 


Evolution  des  peuples  —  signes  d'in- 
dépendance, 108,  109  —  esquisse  de 
l'évolution  des  formes  sociales  et 
relig\,    48-67  ;    v.    Cercles    culturels 

—  recherche  de  ses  causes,  75,  76  ; 
V.  Economie,  Ergologie,  Production 

Exogamie    —    63,    76,    334,    335,    478 

—  V.    Classes  de   mariage 
Expérimentation,    en    psychol.    relig., 

185,   186,    189-93,    199-201 

Extrospection,  en  psychol.  relig., 
185-9,    199 

Ewhe   (langues)    —   172 

Fétichisme,    262,    264,  265 

Feu  — -  dieux  du  feu,  chez  les  Indo- 
européens, 120  ;  V.  Agni,  Hestia, 
Loki,  Lukos,  Ngnis  —  chez  les 
Assyrobabyl.  ;  v.  Girru-Nnsku  ■ — 
chez  les  Basques,  162  —  culte  du 
feu,  chez  les  Indoeurop.,  122,  275-7, 
284  —  épreuve  du  feu,  dans  les 
initiations  austral.,  357,  360,  361, 
362,    367,    370  ;    v.    Fumigations 

Fontaines  (culte  des),  chez  les  Bas- 
ques,   158,    162 

Fouilles  préhistoriques  —  leur  tech- 
nique,   218-28 

Fumigations  —  en  Australie,  360, 
361  —  à  Eleusis,    446  —  v.   Feu 

Fustigations,   en  Afrique,    342 

Géographie  —  critère  subsidiaire,  70, 
74,   75 

Hamitiques  (langues)  —  v.  Table  III. 

Haussa    (langue),    178-80 

Hellénisme  —  influence  prétendue 
sur    le    Christianisme,    457-70 

Hermétisme  —  influence  prétendue 
sur  le  Christianisme  ;  v.  Reitzen- 
stein  R. 

Héros  (culte  des),  d'après  l'école  so- 
ciologique,    126,     146,     156 

Hiérogamie  —   v.    Mariage   mystique 

Hittite  (langue)  —  relation  contes- 
tée avec  l'indoeuropéen,  175  — 
avec   le  nubien,    175-7 

Hocker  —  v.  Sépulture 

Inde  —  civilisations,  62,  66.  76,  358, 
478  —  religions,  286 

Indochinoises    (langues),    106,   111 

Indoeuropéennes  (langues)  • —  leur 
parenté,  99,  111,  112,  113  —  v. 
Hittite 

Indonésie   —   civilisation,    76,   478 

Ingiet  —  origine  et  rites,   372-84 


Initiations  tribales  —  distinguées  de 
celles   des   sociétés   secrètes,    329-30 

—  relations  avec  ces  dernières, 
330-31  —  formes  diverses,  269, 
331-34    —    Afrique,    341-47,    352-57 

—  Inde,  282  —  Indoeuropéens,  117 

—  Australie,  356-71  —  Amérique 
méridionale   (Yagans),    325,    326 

Interdits  ou  tabous  —  source  des 
observances  morales  et  religieuses, 
d'après  l'école  sociologique,  129, 
130,  141,  143  —  du  sacrifice,  d'après 
A.  Loisy,  231  —  interdits  alimen- 
taires, chez  les  Arabes,  309,  311  — 
en  Nouvelle  Poméranie,  373,  375 
— •  divers  en  Afrique,  342,  345  — 
en    Australie,    357,    358 

Introspection,  en  psychologie  reli- 
gieuse,  185,   186,  199,  200 

Intichiuma,   130,   153,   368 

Karma,  283 

Kulturhistorische  Méthode  —  v.  Mé- 
thode   historico-culturcUe 

Kulturkomplex,    71,    72 

Kulturkreislehre  —  v.  Ecole  histo- 
rico-culturelle 

JLiangues  — -  origine  commune  indé- 
montrable, 108  —  classification, 
111  —  relations  avec  les  races,  ci- 
vilisations, religions,  105,  106  — 
rôle  comme  critère  subsidiaire,  en 
ethnologie,  70,  74,  169-182  ;  v.  Mé- 
thode philologique,  Paléontologie 
linguistique. 

Les  langues  particulières  sont 
classées  selon  leur  nom  :  indo- 
européennes,   rong,    sumérien... 

Leptcha  —  v.   Rong 

Léopards  (hommes-léopards)  —  v. 
Aniota 

Lune  (culte  de  la),  chez  les  primi- 
tifs, 39  —  dans  le  cycle  matriar- 
cal, 335,  401  —  chez  les  Indoeuro- 
péens. 120.  121  —  Arabes,  307  — 
Basques,  160,  163,  164,  165  —  Amé- 
rique centrale,  401,  402,  407,  408, 
409,    411,    412 

Mage   —   sens    du   mot,    284 

Magie  —  d'après  l'évolutionnisme, 
origine  dQ  la  religion,  31,  38  —  et 
du  sacrifice,  231,  250-2,  256  —  en 
fait,  peu  développée  dans  les  civili- 
sations archa'iques  (Urkulturen), 
233    —    beaucoup    dans    les    civilis. 


IV.    SUJETS    TRAITES 


491 


j/ostérieures,  239,  339  - —  non  pré- 
pondérante dans  le  sacrifice  de 
l'Inde  ancienne,  280 — d'importance 
croissante  plus  tard.'  281,  284,  286 
- —  de  même  chez  les  Arabes,  305 
—  très  développée  chez  les  Su- 
méro-accadiens,  294,  295,  296,  298, 
299  —  en  Nouvelle-Poméranie, 
373-84  —  magie  analogique  ou 
sympathique,  en  Amérique  cen- 
trale, 407  —  en  Egypte,  425,  426 
V.  Divination,  Cultes  agraires 

Mahomet   (biographie),    312 

Mahométisme,    66 

Malayo-polynésiennes  (langues),  106, 
111 

Mana   —   142,    143,    153,    250 

Mânisme  —  d'après  l'évolutionnisme, 
source  de  la  religion,  31,  135  —  et 
du  sacrifice,  229,  231  —  en  fait, 
n'existe  pas  dans  îles  cercles  les 
plus  anciens,  233,  250,  77  —  de- 
vient prépondérant  dans  le  cercle 
matriarcal,  239,  336,  339  —  et 
dans  les  civilisations  postérieures, 
339  —  attesté  pour  les  Indoeurop., 
123  —  l'Inde  védique.  277,  et  brah- 
manique, 282  —  très  développé 
dans  une  partie  de  l'Afrique,  259- 
62,  265,  268,  269,  270-1  —  ne  sau- 
rait être  l'origine  des  rites  d'Ini- 
tiation et  des  sociétés  secrètes, 
353  —  attesté  chez  les  Arabes,  303 

—  et  développé  surtout  aux  épo- 
ques plus  récentes,  304,  305,  306, 
312,  313,  314  —  d'où  les  lois  du 
Lévitlque.  310,  314  — culte  des  pre- 
miers ancêtres  en  Australie  cen- 
trale. 357,  359,  364,  366,  369  —  au 
Mexique,  402,  407  —  culte  des 
morts  en  Nouvelle-Poméranie,  373, 
374,  375  —  esprits  des  ancêtres  en 
Nouvelle-Guinée,    397,    386 

Mannbarlteltsfeste   —   v.   Initiations 
Mariages   —    thèses     évolutlonnlstes, 
32,   49   —  réaction   croissante,    50-5 

—  formes  du  m.  dans  les  divers 
cercles  culturels.  57-67,  76,  477-8  — 
en  Nouvelle-Guinée,  387-8,  398  — 
rituel  indoeuropéen,  275  —  arabe, 
304  —  mariage  mystique  à  Eleu- 
sis, 449-51,  453-4  —  v.  Commu- 
nis7ne  sexuel,  Matriarcat,  Monoga- 
mie,  Patriarcat 


Masques,  chez  les  primitifs  —  leur 
origine  dans  le  cycle  matriarcal, 
60,  213,  330  —  leur  emploi  dans 
l'Europe  préhistorique,  209,  213  — 
dans  les  civilisations  secondaires, 
339  —  e'n  Afrique,  355,  348  — 
usages  similaires  en  Australie, 
362,    371 

Matriarcat  —  thèses  évolutionnistes, 
32,  49,  54,  55,  77  —  réfutation  : 
V.  Mariage,  Cercles  cultit-rels  (c. 
matriarcal) 

Médecins,  chez  les  Yagans,  325-7  — 
en  Australie,  360 

Mélanésie,   76 

Méthode  —  anthropologique,  68,  11$ 
— ■  V.    E volntionnisme 

—  comparative,  71,  105,  111,  131, 
193-6 

— •  historique,  en  Angleterre,  Améri- 
que, 41,  97  ;  cf.  36,  37  —  Allema- 
gne ;  V.  inéth.   historico-cu.lt. 

—  historico-culturelle  —  origine  et 
progrès,  40,  41,  68,  87-98  —  carac- 
téristiques, 68-71  —  procédés,  71-8, 
232,  270-1  —  compétence  restreinte, 
78-80  —  objections,  80-1  —  dan- 
gers, 353-4  —  perfectionnements 
possibles,  42,  80  —  sommaire  de 
ses  conclusions,  76,  477-8  ;  v.  Cer- 
cles  culturels 

—  philologique    —   origines,    99,    112 

—  caractéristiques,  100-5  —  utilité, 
105-9,  111,  181  —  application  aux 
langues  indoeuropéennes,  115-25  — 
africaines     et     asiatiques,     169-181 

—  dangers,    109-11,    116 

—  psychologique  —  182-96,  197-203. 
244-6 

— ■  sociologique  —  exposé,  127-33  — 
règles,   156  —  postulats,   133-40 

Mexique  —  v.  Astrologie,  Divination, 
Mythologie,   Sacrifice 

Mon-kmêr    (langues),    111 

Monogamie  —  primitive,  32,  50,  51, 
53,  57,  76,  477-8  —  dans  les  civili- 
sations primaires,  59,  117  —  se- 
condaires, 62  —  restaurée  par  le 
Christianisme,  62,  66  —  tempo- 
raire, chez  les  Marlnd,  387  — 
V.    Mariage 

Monothéisme  —  prétendu  des  Bas- 
ques, 159,  160  —  chez  les  Indo- 
européens,   les    non   civilisés,    etc.  ; 


i92 


IV.    SUJETS    TR.\ITES 


V.  Etres  suprêmes  —  origine 
païenne  du  monothéisme  t  hi-étien, 
d'après   révolutionnisme,    45a 

Morale  —  non  primitive,  d'après 
Fi-azer.  241  —  origine  sociale, 
d'acres  l'école  sociologique,  128-Ô  . 
139  —  critique,  147-56  —  chez  les 
Indoeuropéens,  119-20  —  Suméro- 
."ccadiens.  300-1  —  dans  les  ini- 
tiations australiennes,  357,  358, 
359,  360.  367  —  inattestée  dans  les 
sacrifices  africains,  270  — -  et  dans 
les  mystères  êleusiniens,  446.  469 
—  vagniement  amorcée  dans  ceux 
dOsiris.  426  —  pi-épondérante  dans 
le  mystère  chrétien.  46S-70  —  v. 
Prière,  Sacrifice 

Morts  —  V.  Deuil,  Monisme,  Sépul- 
ture, Tic   fvtnre 

Mystères  —  dans  l'Amérique  cen- 
trale, 402-14  —  d'Osiris,  en  Egyp- 
te. 414-26.  451,  454  —  de  Déméter. 
en  Grèce,  441-55  —  d'Adonis,  Tam- 
mouz,  Cjbèle  et  Attis.  455  —  re- 
lations des  mystères  païens  avec 
le  niystèi-e  chrétien,  456-70  —  leurs 
analogies  avec  les  rites  des  pri- 
mitifs entre\Ties  par  L.afitau.  S  : 
V.  Cultes  agraires.  Initiations,  So- 
ciétés secrètes  —  question  à  re- 
prendre.   472 

M\"thologie  —  origine,  d'après  M. 
Mueller,  118  —  rôle  de  critère 
subsidiaire,  70,  74,  75  —  mythol. 
lunaire  du  c  matriarcal,  353,  409. 
411,  478  —  solaire  du  c;  totémiste, 
411.  478  —  des  nomades,  410  —  in- 
dienne et  iranienne,  287  —  basque. 
163-S  —  égyptienne,  164  —  incon- 
sistance générale  de  ses  données. 
466 

Xaturisme  —  système  démodé.  31, 
141  —  adoration  de  la  Xature. 
chez  les  primitifs,  39  —  Indo- 
européens. 120-3  —  Basques,  163-5 
en  Egypte.  415-7,  424-6  —  à  Eleu- 
sis, 443-4  —  dans  le  culte  de 
Mithra,  433-4...  v.  Ciel,  Lune,  So- 
leil,  Terre... 

Xomades    (cercle   des),    478 

Xormal  et  anormal,  d'après  Dur- 
kheim,  130,   131 

Xouvelle-Guinée  —  v.  Mariage,  So- 
ciétés secrètes 


Xouvelles-Hébrides,   164 

Xouvelle-Poméranie  —  v.  Sociétés  se- 
crètes 

Xubien  —  parenté  avec  le  hittite  et 
les  langues  indoeuropéennes,  175-7, 
181 

Orage  (dieux  indoeurop.  de  1'),  121-2 

Paléontologie  linguistique  —  99,  115  : 
v.  Méthode  philologique 

Pan'-ibylonisme,   86 

Parenté  (systèmes  de)  —  v.  Mariage, 
Matriarcat,  Patriarcat 

Passage   (rites  de)   —  v.  Initiation 

Pathologie  religieuse  —  197,  199 

Patriarcat  —  thèses  évolutionnistes, 
32,  49,  51,  54,  77  —  dans  les  civi- 
lisations primaires,  59,  107  :  cf.  76. 
477-S  —  secondaires,  62.  64  —  v. 
Mariage,  Matriarcat,  Monogamie 

Pérou  — ■  civilisation,    62 

Phalliques  (rites)  —  338.  353,  444, 
448,    450 

Poisson,   dans  l'art  chrétien.   464.   470 

Polyandrie,    62-3 

Polygamie,    59,    60,    62 

Polynésie.   76.  478 

I*réhistoire  —  v.  Fouilles  —  compa- 
raison de  leurs  résultats  avec  la 
théorie  des  cercles  culturels  ;  v. 
Cercles  —  étude  par  les  langues  : 
V.  Paléontologie  linguistique  —  par 
le  symbolisme  mythologique,  410-4 
— -  V.  Basques,  Indoeuropéens 

Prière  —  d'après  l'école  sociologique, 
143,  144  —  étude  expérimentale, 
198-203  —  relation  avec  le  sacri- 
fice :  V.  Sacrifice  —  pr.  chez  les 
Tagans.   320-1 

Primitifs  —  mentalité,  d'après  l'éco- 
le sociologique,  126  —  sacrifices, 
248-50.  255-58  :  cf.  Pygmées  — 
V.  Etre^  suprêmes.  Monogamie, 
Morale,  Sacrifices,  etc. 

Production  (régime  de  la)  —  distin- 
gué de  l'ergologie,  82,  83  —  son  im- 
portance comme  facteur  d'évolu- 
tion,  91-8.    56-65  ;   cf.    76,    477-S 

Promiscuité  primitive  —  v.  Mariage 
(thèses   évolutionnistes) 

Psychologie  religieuse  —  intérêt,  182. 
183  —  conditions  subjectives,  183-5 
—  théories  diverses,  197-8  —  v. 
Méthode  psychoh.  Prière,  Sacrifice 

Puberté  (rites  de  la)  —  v.  Initiations 


IV.    SUJETS    TRAITES 


i93 


Purifications  rituelles  —  v.  Cathar- 
tique 

Pj-gmées,  76,  4  77  —  conceptions  re- 
ligieuses. 35  —  monogamie,  50,  51, 
57  —  organisation  sociale,  57-8  — 
sacrifices,  233-5,  240-1,  248-50,  252, 
255.  259,  267-9,  270,  271  —  initia- 
tions, 331  —  société  secrète  afri- 
caine, 348  —  civilisation  mixte,  213 

Queensland  (tribus  du),  360-1,  365, 
366,    367,    368,    371 

Questionnaires,  en  psychologie  reli- 
gieuse —  187,   188 

Races  —  ne  correspondent  pas  aux 
langues,  105,  115 

Religion  —  étymologies  douteuses  du 
mot,  100  —  distincte  de  la  mytho- 
logie, 118  —  origine  et  nature, 
d'après  l'école  sociologique,  129-30, 
139.  140-7  —  critique,  147-56  — 
ses  formes  originelles  actuellement 
inconnaissables,  79,  80,  108  —  r. 
des  Indoeuropéens,  117-25  —  de 
l'Inde,  286,  287  —  sémitiques,  106, 
302  (et  les  ouvrages  cités,  p.  301- 
15)  —  assyi'obabylonienne,  292, 
293,  294,  296,  298  (et  les  ouvrages 
cités,  p.  292-301)  —  grecque  et 
romaine,  315,  316,  461  —  orienta- 
les, dans  le  paganisme  romain,  455 
—  des  anciens  Basques,  156-68  — 
des   Yagans,   316-28 

Rig  Veda  —  118,  272,  275,  280,  281, 
282.    283.    284 

Rong  —  relation  avec  le  suinérien. 
171-3,    181 

Royauté  absolue  —  origines,   63-4 

Sabbat,  babylonien  et  biblique,   292 

Sacerdoce  —  en  Afrique,  262,  263, 
266  —  dans  l'Inde  et  en  Perse, 
272,  273,  276,  277,  .278,  282-4  — 
sac.  indoeuropéen.  284-6  —  sumé- 
ro-accadien.  294,  295,  296  —  mi- 
thriaque,  435-7  —  égri^ptien  :  v. 
Osiris  (mystères)  —  éleusinien, 
444-5  ;    cf.    Eumolpides 

Sacrifice  —  thèses  évolutionnistes, 
144-5,  229-31,  240,  241  —  ses  for- 
mes dans  les  cercles  culturels,  en 
général,  232-44  —  en  Afrique,  258- 
71  —  Inde  et  Indoeuropéens,  251, 
252,  272-87  —  Suméroaccadiens, 
287-301  —  Arabes,  301-16  —  Hé- 
breux   et    Israélites,    301.    308,    309, 


310,  313,  314,  315  —  Minéens,  Na- 
batéens,  Sabéens,  311,  312,  313  — 
Grecs  et  Romains,  315-6.  409  —  au 
Mexique,  407  —  absence,  dans 
l'Amérique  méridionale,  322  —  et 
.^n  Australie,  325.  cf.  370-1  —  es- 
sence. 236-9.  248,  287,  288  —  psy- 
chologie, 24  4-58  —  relation  avec  la 
prière,   243,   247-50,  252-5,   284 

—  aux  mânes  —  en  Afrique,  259-62, 
265,   271  —  Arabie,   303.   304-5,  306 

—  de   vivres    (son   sens).    238 

—  de  prémices  —  chez  les  Pygmées, 
233-4,  267-8  —  manque  chez  les 
Tagans  (pygmoïdes),  322  —  at- 
testé chez  les  Ainos,  Gilyaks, 
Tohouktches  etc.,  234  —  Arabes, 
303,  306,  307,  308,  309,  314  —  en 
Afrique.  266,  267-8  —  on  l'y  trouve 
adressé  aux  ancêtres,  262  —  aux 
ancêtres  divinisés,  265  —  en  Aus- 
tralie. 370-1  —  sa  psychologie,  238. 
247-50,    252,    253,   271 

—  humain  —  absent  des  cercles  les 
plus  anciens,  238-40  —  et  chez  les 
Suméroaccad.,  300  —  usité  chez 
les  Arabes,  les  Hébreux  et  leurs 
voisins.  313-4,  315  —  en  Afrique, 
260-1,  263,  264.  267  —  où  il  appa- 
raît plus  récent.  271  —  sa  psycho- 
logie.   257 

—  expiatoire  —  dérivé  des  rites  ca- 
thartiques.  d'après  Wundt.  240  — 
manque,  en  général,  chez  les  Pyg- 
mées, 240-1,  233  —  attesté  chez  les 
nomades,  en  général,  241  —  les 
Arabes,  312.  314,  315  —  en  .Afri- 
que, 264,  268-70  —  les  civilisés,  à 
l'exception  de  la  relg.  égyptienne  et 
du  bouddhisme,  241  —  dans  l'Inde, 
28 1  — •  chez  les  suméroaccadiens, 
294,  297-8  —  sa  psychologie,   255-7 

—  expiatoire  par  substitution  (stoll- 
vertretendes  SUhnopfer),  241-3  — 
en  Afrique,  268-70  —  à  Babylone, 
298-300  —  d'apparition  tardive, 
243.  257  —  sa  psychologie,   257-8 

—  communiel.  chez  les  Arabes  — 
302.  305.  306,  310-3  ;  v.  Cène,  Com- 
munion   totcmiquc,  Thcophagie 

Saints  —  origine  'de  leur  culte, 
d'après  l'école  sociologique,  146  — 
substitués  aux  dieux  païens,  158, 
162  —  légendes  basques,  159 


494 


IV.    SUJETS    TRAITÉS 


Sargonides,    296 

Science  des  religions  —  recul  des 
thèses  évolutionnistes,   33-41 

Sémitiques  (langues)  —  relations  de 
parenté,    171-4,    178-82 

Sept  (le  nombre),  à  Babylone  et  dans 
la   Bible,    292 

Sépulture  —  chez  les  Basques,  15  8 
— •  les  Yagans,  323  —  en  position 
accroupie  (Hocker),  210  ;  cf.   412-4 

Sociétés  secrètes  —  distinguées  des 
initiations  tribales,  329,  330,  341  — 
manquent  dans  les  Urkulturen,  332 
—  leur  origine  dans  le  cercle  ma- 
triarcal, 334-6,  95,  60-1,  353  — 
plutôt  absentes  en  Australie,  oïl  la 
civilisation  matriarcale  est  peu  dé- 
veloppée, 360,  367,  371  —  formes 
dans  les  cercles  mixtes,  336-40  — 
Afrique,  347-52  —  Mexique,  339, 
402  s.  —  Nouvelle-Poméranie,  372- 
84  —  Nouvelle-Guinée,  393-9  — 
théories  explicatives,  330,  352-5  — 
question   de   méthode,    340,    354-5 

Sociologie  — •  recul  des  thèses  évolu- 
tionnistes, 32-3,  48-56,  83-6  —  nou- 
velle orientation  (historique),  40-1, 
86-98  —  régime  social  des  divers 
cercles  culturels,    56-67,  477-8 

Soleil  —  sa  divinisation  non  primi- 
tive, 39  —  dans  le  cycle  totémiste 
et  les  civilisations  qui  en  dérivent, 
338,  477-8  —  chez  les  Indoeuro- 
péens, 120,  121  —  Basques,  160, 
164  —  au  Mexique,  407,  412  — 
sacrifice  au  soleil,  en  Afrique,  266 
■ — ■  dieux  du  soleil  :  v.  Gèbe,  Héllos, 
Mithra,  Shamasli,  Sol,  Sûryâ,  Vit- 
zilopotchli... 

Sondergôtter,  123 

Soudan  —  civilisation,  76  —  langues, 
182 

Statistiques,  en  psychologie  reli- 
gieuse,   186,    187 

Subincision  —  dans  l'Europe  préhis- 
torique, 213  —  en  Australie,  360, 
36],   362,    363,    368,    370 

Surhérien  —  affinités  avec  le  rong  et 
le    basque,    171-3,    175,    181 

Superstition  —  peu  développée  chez 
les  Yagans,   327 

Suppléances  légitimes  et  illégitimes, 
73 

Syricrêtisme  ■ —  v.  Christianisme 


Tabous  —  V.   Interdits 

Taoïsme,    66 

Tatouage  —  dans  le  cercle  toté- 
miste,  59  —  en  Afrique,  342,  343 

Taurobole,   468 

Terre  (culte  de  la)  —  dans  les  civi- 
lisations secondaires,  337,  338, 
477-8  —  au  Mexique,  402,  407, 
408,  409,  410,  411,  413  —  dans  la 
théogonie  mlthriaque,  431  —  éleu- 
sienne,  453  ;  v.  Déméter  —  indo- 
européenne,  121,  123 

Théophagie  —  dionysiaque  et  éleu- 
sinienne,  447,  467,  468  —  mitliria- 
que,  437-40  —  v.  Sacrifice  com- 
muniel 

Théos  —  étymologies,  100-1 

Tibéto-birmaniennes  (langues),  106, 
111 

Totémisme  —  notion,  59  —  forme 
première  de  la  religion,  d'après 
Durkheim,  142-3,  130,  136,  139  — 
critique,  153-5  —  non  primitif,  59, 
155,  233  —  cercle  d'origine,  59,  96, 
477-8  —  fusion  tardive  avec  la 
culture  matriarcale,  61  —  dispari- 
tion,, 62  —  présence  dans  l'Europe 
et  l'Afrique  préhistoriques,  212, 
213  —  chez  les  Sémites,  302  — 
Amérique  du  Nord  et  Californie, 
332  —  Australie,  153-5,  356,  361, 
362,  364,  366,  368,  369,  370,  371  — 
Mexique,  401,  402,  407,  411  —  ne 
saurait  être  l'origine  commune  de 
toutes    les    initiations,    352 

Uebereinstimmung  (der  Ueberreste) 
V.    Convergence 

Urheber  (thèse  de  Sôdei-blom),  34 

Urkulturen,  477-8  —  v.  Cercles 

Véda,  285,  286  ;  cf.  Atharva  Veda, 
Rig  Veda 

Védisme,   276,   281,   286,   287 

Vent    (dieux    du),    120,    122,    123,    162 

Vie  future  —  croyances  des  Indo- 
européens, 123-4  —  Indoiraniens, 
285  —  notions  imprécises  des 
Yagans,  323  —  idées  éleusiniennes, 
442,  448-52  —  mithriaques,  432, 
434-5 

Wirtschaft,  Wirtschaftsformen,  Wirt- 
schaftsstufen  ;    v.    Economie 

Zoroastrisme,  287  —  influence  pré- 
tendiie  sur  le  Christianisme,  457, 
458 


TABLE  ANALYTIQUE 


Lettre  de  Son  Eminence  le  Cardina-1  Mercier 5 

La  III'"  session  ;  ses  travauTf  ;  son  compte  rendu  ....  7 

DOCUMENTS 

Organisation  et  but  de  la  Semaine  d'ethnologie  religieuse  .  II 

Comité  international 13 

Tableau  synoptique  des  conférences 14 

Noms  et  adresses  des  auditeurs  de  la  III"  session  ...  16 

SOMMAIRE  DES  CONFÉRENCES 

1.      Discours  douverture. 27 

2a.    Tâches  anciennes  et  tâches  nouvelles  de  la  Semaine, 

par  le  R.  P.  Schmidt 31 

I.|—  PARTIE  GÉNÉRALE 

Introduction  à  l'étude  ethnologique,  historique, 
psychologique,  sociologique  des  religions. 

2b.    Die  sozialen  Formen  der  einzelnen  Kulturkreise,  von 

Hochw.  P.  Schmidt 48 

3.  La  méthode  historico-culturelle,  par  le  R.  P.  Pinard 

de   la   BouLLAYE 67 

4.  Wirtschafts-    und     ergologische     Formen     und     die 

Kulturkreise,  von  Hochw.  P.  Koppers 81 

5.  La  méthode  philologique,  par  le  R.  P.  Pinard  de  la 

Boullaye 98 

6.  Culture  et  religion    des    Indo-européens,   par    M.  le 

Prof.  Carnoy 112 

7a.    La   méthode  de  l'école   sociologique,  par   M.   le  Cha- 
noine Bros. 1 25 

-7b.   Les  affirmations  de  Técole  sociologique  sur  la  reli- 
gion, par  le  même 140 

8.  La  religion  des  anciens  Basques,  par  Don  J.  M.  de 

Barandiaran 156 

9,  Afrika,  Vorderasien  und  die  friiheste  Vorgeschichte. 

von  Herrn  Dr.  Drexel 169 

10.  Les    méthodes   de   la   psychologie    religieuse,    ])ar    le 

R.   P.  Pinard  de  la  Boullaye 182 

11.  La  psychologie  de  la  prière,  par  le  R.  P.  Gbmelli  .      .      197 

12.  Pràhistorische     Archâologie     und     kulturhistorische 

Méthode,  von  Herrn  Prof.  Dr.  Menghin  ....      203 

13.  Les   fouilles   pi'éhisloriques    et   leur    teclinique.   par 

TAbbé  J.  Bouyssgnie 218 


IL   —  PARTIE  SPÉCIALE 

1"  SECTION   :   Le  sacrifice 
chez  les  peuples  incultes  et  chez  les  peuples  antiques. 

14.  Notions   générales   sur   le   sacrifice    dans   les     cycles 

culturels,  par  le  R.  P.  Sghmidt 229 

15.  Zur   Psychologie   des   Opfers,   von    Herrn.   Prof.   Dr. 

WUNDERLE 244 

16.  Das  Opfer  in  Afrika,  von  Hochw.  P.  Schebesta  .      .      .      258 

17.  Le   sacrifice  dans   Tlnde   et  les   Indo-européens,   par 

M.  le  Prof.  A.  Garnoy 272 

18.  Das  Opfer  bei  den  Sumero-Akkadern,  von  Herrn  Prof. 

Dr.  Hehn 287 

19.  Le  sacrifice  chez  les  Hébreux,  par  M.  le  Prof.  Sanda  .  301 

20.  Das  Opfer  bei  den  Arabern,  von  H.  Prof.  Dr.  Klameth.  301 

21.  Opferriten  der  griechischen    und    romischen  Kulte, 

von  Herrn  Dr.  Andres 315 

22.  La  religion  et   l'Etre  Suprême  chez  les  Yagans,  par 

le  R.  P.  KOPPERS 316 

2"  SECTION   :  initiation  tribale  et  sociétés  secrètes 
chez   les  non-civilisés  ;    mystères  des  peuples  antiques. 

23.  Notions  générales  sur  l'initiation  tribale  et  les  socié- 

tés  secrètes,   par  le   R.   P.   Sghmidt 329 

24.  Les  sociétés  secrètes  en  Afrique,  par  M.  le  Prof.  Ed. 

De    Jonghe     .     ., V     ....      340 

25.  Tribal  Initiation   and   Secret   Societies   in  Australia, 

by  Dr.  L.  Ehrligh 356 

26.  Die  Ingiet-Mysterien  auf  Neupommern,  von  Hochw. 

P.  WiNTHUIS 372 

27.  Sociétés  secrètes  des  Marind,  par  le  R.  P.  Viegen  .     .     384 

28.  Mystères     astronomico-religieux     dans     l'Amérique 

Centrale,  par  le  R.  P.  Kreighgauer 399 

29.  Die  Mysterien  des  Osiris,  von  Herrn  Prof.  Dr.  JuNKER.     414 

30.  Les    mystères    de    Mithra,    p,ar    M.    le    Chanoine   Van 

Crombrugghe 427 

31.  Les  mystèi-es  d'Eleusis,   par  M.  l'Abbé  De  Caluwe  .     441 

32.  Les  mystères  d'Adonis  et  d'Attis,  par  le  R.  P.  Duhr  .      455 

33.  Les  mystères  païens  et  le  mystère  chrétien,  par  le 

R.  P.  de  Grandmaison i 456 

34.  Séance   de   clôture   et   discours   d'adieu 471 

Epilogue.  —  La  prochaine  session 476 

Appendice.  —  Les  cercles  culturels 477 

Tables  alphabétiquesi 479 

l'able  des  'Sigles 10 


Etablissements  d'imprimerie    J.    Dupuis,   Marcinelle   (Belgique). 


(O 


BL 
21 

1922 


Semaine  internationale 
d'ethnologie  religieuse 
Compte-rendu  arialytique 


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