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ACADEMIE
DES
INSCRIPTIONS & BELLES-LETTRES
ANNEE 1912
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
flrik**) ACADÉMIE
DES
INSCRIPTIONS & BELLES-LETTRES
COMPTES RENDUS
DES
SEANCES DE L'ANNEE
1 9 1 2
1>A1US
LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS,
AUGUSTE PICARD, SUCCESSEUR
I.IBKAIRE DES ARCHIVES NATIONALES ET IlE LA SOCIETE DE L ECOLE 1>ES CHARTES
82, BUE BONAPARTE, 8*2
M D CCCC XII
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COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 5 JANVIER
PRESIDENCE DE MM. HENRI OMONT ET LOUIS LEGER.
M . Omont, président sortant, prononce l'allocution suivante :
« Messieurs,
« En quittant le fauteuil de la présidence et avant de reprendre
place clans vos rangs, permettez-moi de vous renouveler l'expres-
sion de ma très vive gratitude et de vous remercier du concours
bienveillant que je n'ai cessé de trouver auprès de chacun de
vous.
« Ce n'était pas sans crainte que je m'étais vu appelé à l'hon-
neur de présider nos séances et nos nombreuses commissions ;
et cependant cette année s'est vite écoulée, car votre indulgente
amitié et l'expérience de notre cher Secrétaire perpétuel m'ont
rendu la tâche facile. Votre nouvel élu a bientôt repris confiance,
tout au plaisir d'apprendre à mieux connaître dans le détail, par
une collaboration plus intime, la variété des travaux et l'impor-
1912. 1
2 SÉANCE Dl 5 JANVIER 1912
tance dans le mouvement scientifique du rôle de notre Aca-
démie.
« Ce plaisir, que je vous dois et dont je garderai toujours le
souvenir, eût été sans mélange si des pertes cruelles et répétées
n'avaient frappé l'an dernier, et il y a quelques jours encore,
notre Compagnie. Puisse mon successeur être un de ces prési-
dents heureux, dont la magistrature n'est assombrie par aucun
deuil! Puisse-t-il n'avoir à revêtir l'habit vert et à porter l'épée
qu'aux jours de fête !
« Je remets en bonnes mains les pouvoirs que vous m'aviez
momentanément confiés, en priant M. Léger de bien vouloir
prendre possession du fauteuil de la présidence et notre nou-
veau vice-président, M. Valois, de s'asseoir à ses côtés. »
M. Léger, en prenant le fauteuil de la présidence, prononce
l'allocution suivante :
« Mes chers Confrères,
« Au temps où j'étais candidat et où je faisais les visites
qu'impose l'étiquette académique, un de nos confrères aujour-
d'hui disparu ' me tint un langage qui m'est souvent revenu à
l'esprit :
« Nous sommes à l'Institut, disait-i), un certain nombre de
« savants qui travaillons au fond d'un puits ; nous nous appli-
« quons de notre mieux à en extraire les matériaux que nous
« croyons les plus précieux ou les plus utiles, mais nous en sor-
« tons bien rarement pour jeter un coup d'œil sur le monde
« extérieur, et nous ne savons guère ce qui se passe dans le puits
« du voisin. »
« Ceux que nos suffrages appellent à l'honneur de siéger au
bureau sont bien obligés de sortir de leur puits, au moins pour
deux ans, et de s'intéresser, non seulement aux travaux de tous
Les confrères qui nous apportent le résultat de leurs recherches,
mais aussi à ceux des Écoles que l'Académie patronne, à ceux
des érudils, français ou étrangers, qui de tous côtés envoient
leurs œuvres à nos concours. Leur devoir est aussi de rechercher
en province ou au delà de nos frontières, les hommes éminents
qui peuvent figurer un jour sur notre Annuaire.
i . Le docteur Hamy.
SÉANCE DU 5 .[ANVIER 1012 3
« Chacun d'entre nous est naturellement porté à prêcher pour
son saint, autrement dit pour sa spécialité.
« Le devoir de vos délégués est de planer au-dessus des ten-
dances individuelles, de maintenir l'équilibre entre les diverses
disciplines, et les nations, grandes ou petites, qui se partagent
le vaste domaine de la science.
« Evidemment vos élus regrettent parfois les loisirs d'un
labeur solitaire et aussi les entretiens intimes de leurs confrères
ou de leurs amis.
« Mais au fond ils vous sont reconnaissants de la tâche que
vous leur avez imposée. En s'appliquant à la remplir le mieux
possible, ils se rendent à eux-mêmes un véritable service. Je ne
serai certainement pas démenti par le docte et sympathique
confrère auquel j'ai l'honneur de succéder aujourd'hui.
« En le remerciant du zèle avec lequel il a rempli ses fonc-
tions, je suis assuré d'être votre interprète. Il a mis au service
de la Compagnie les trésors d'une inépuisable érudition et l'expé-
rience d'un administrateur consommé. Si je ne siège plus désor-
mais auprès de lui, je lui demande dès maintenant la permission
de recourir quelquefois à ses conseils.
« Je sais d'ailleurs que je puis compter sur le zèle et l'amitié de
notre excellent Secrétaire perpétuel qui est pour moi un vieil
ami.
« Le 12 novembre 191*2, nous célébrerons le quatre-vingtième
anniversaire de ce vaillant académicien qui nous donne à tous
l'exemple du labeur continu et de la perpétuelle jeunesse, qui,
l'autre jour encore, ajoutait à son « Histoire de l'Art dans l'anti-
quité » un nouveau volume dont nous avons tous salué avec joie
l'apparition. Nous n'avons pas coutume de fêter ici les octogé-
naires— ils sont trop nombreux — ; pour une fois, cependant,
je vous demanderai la permission de déroger à notre discrétion
habituelle.
« C'est avec une profonde sympathie que j'appelle M. Noël
Valois à siéger à côté de moi. Nous nous sommes naguère liés
d'amitié sur le champ de bataille, à l'époque où nous nous dispu-
tions ardemment vos suffrages. Nous mettrons celte année la
même ardeur à rivaliser de zèle pour servir de notre mieux les
intérêts de la Science et de l'Académie. »
4 SÉANCE DU O JANVIER 1912
Le Président du Congrès international d'anthropologie et
d'archéologie préhistoriques qui doit se tenir à Genève, au mois
de septembre prochain, invite l'Académie à se faire représenter
à cette réunion.
M. Salomon Rbinach est désigné.
M. Henri Coruier est également désigné pour représenter
l'Académie au Congrès international des Américanistes qui doit
se tenir à Londres au mois de mai prochain.
M. Coruier informe l'Académie que si la vie du docteur
Legendre et de ses compagnons est sauve, tous les matériaux
amassés par la mission sont perdus.
Il est procédé à la suite des nominations des Commissions de
prix. Sont élus :
Commission du prix Stanislas Julien : MM. Senart, Barth,
Chavannes, Cordier.
Commission du prix Delalande-Guérineau : MM. Alfred Croiset,
Bouché-Leclercq, Châtelain, Haussoullier.
Commission du prix de La Grange : MM. Paul Meyer, É. Picot,
Thomas, Morel-Fatio.
Commission de la fondation du duc de Loubat (en faveur des
savants privés de ressources matérielles pour continuer leurs
travaux) : MM. Heuzey, Senart, P. Meyer, Schlumberger.
Commission du prix Saintour : MM. Senart, Clermont-Gan-
neau, Ph. Berger, Barth.
Commission du prix Estrade-Delcros : MM. Heuzey, Senart,
Alfred Croiset, de Lasteyrie, Philippe Berger, Babelon, Châte-
lain, Elie Berger, Maurice Prou.
Commission du prix Prost : MM. Collignon, Omonl, Elie
Berger, le P. Scheil.
Commission de la médaille Paul Blanchet : MM. Héron de
Villefosse, Philippe Berger, Gagnai, Babelon.
M. le comte Paul Dubrieu communique la liste des ouvrages
déposée puur le prix Gober t.
SÉANCE DU 5 JANVIER 4912 0
Le Secrétaire perpétuel fait connaître ainsi qu'il suit la situa-
tion des Concours de l'Académie pour 1912 :
Prix ordinaire {Etude relative au Turkeslan oriental),
1 mémoire;
Antiquités de la France : 24 concurrents ;
Prix Duchalais (numismatique du moyen âge) : 2 concurrents;
Prix Gobert : 3 concurrents;
Prix Bordin (moyen âge) : 7 concurrents ;
Prix Fould : 8 concurrents ;
Prix Brunet : 15 concurrents;
Prix Stanislas Julien : 3 concurrents ;
Prix Delalande-Guérineau : 6 concurrents;
Prix de La Grange : 1 concurrent;
Prix Saintour (au meilleur ouvrage relatif à l'Orient) : 11 con-
currents;
Prix Estrade-Delcros : 2 concurrents ;
Prix Auguste Prost : 7 concurrents.
Le P. Scheil fait une communication sur les formules chrono-
logiques dont se servaient les Babyloniens pour dénommer les
années sans les dénombrer. Au moyen d'un texte inédit, ilcom-
plète et classe la série des 43 fragments du règne de Hammou-
rabi .
M. Edouard Cuo signale l'intérêt que présente pour l'histoire
du droit babylonien un passage de la tablette publiée et commentée
par le P. Scheil. Le fait, qui sert à désigner la quarantième année
de Mammourabi (agrandissement du temple de Nergal à Kutha),
est visé dans le prologue du Code de Mammourabi (Face, col. III,
4-6). Ce Code est donc postérieur à cette date : sa rédaction se
place entre l'année 40 et l'année 43, dernière du règne. Cette
conclusion est d'accord avec l'opinion déjà émise par MM. King,
Schorr, E. Meyer, et d'après laquelle le Code n'est pas antérieur
à la 31e année, date de la conquête d'Our et.de Larsa.
6 SÉANCE DU 5 JANVIER 1912
La fixation de cette date est importante pour apprécier le
caractère de l'œuvre législative de Hammourabi. Ce n'est pas,
comme on l'avait cru tout d'abord, une simple codification des
coutumes antérieures : c'est le résultat de quarante années
d'efforts consacrés par ce prince à améliorer l'administration de
la justice. 11 faut dès lors se garder d'assimiler l'œuvre de
Hammourabi à celle qui fut accomplie par Justinien au début de
son règne, ou par Bonaparte au commencement du xix° siècle.
Hammourabi ne s'est pas, dès son avènement, posé en réforma-
teur du droit. C'est l'expérience d'un long règne qui lui a mon-
tré l'utilité de perfectionner le droit, et aussi de l'unifier lorsqu'il
eut soumis à son autorité toute la Babylonie.
Une autre conséquence du fait observé par le P. Scheil a trait
à l'interprétation des contrats datés du règne de Hammourabi.
Certains assyriologues avaient remarqué qu'ils révèlent parfois
un droit différent de celui qui est consacré par le Code; ils en
avaient conclu que Hammourabi n'avait pas réussi à faire accep-
ter par la pratique plusieurs des règles qu'il avait établies. Cette
conclusion ne peut plus être admise dans sa généralité, main-
tenant que l'on sait que le Code n'a été promulgué qu'à la fin
du règne. L'unification du droit n'exclut pas d'ailleurs le main-
tien de certaines coutumes locales.
M. Holleaux, directeur de l'Ecole française d'Athènes, rend
compte des fouilles exécutées cette année, à Délos, aux frais de
M. le duc de Loubat.
LIVRES OFFERTS
M. Salomon Reinach offre un volume qu'il vient de publier,
intitulé : Eulalie ou le grec sans larmes (Paris, 1911, in-12).
M. Omont a la parole pour un hommage :
» J'ai l'honneur île déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
de noire nouveau correspondant étranger, M. F. G. Kenvon, diree-
SÉANCE DU 12 JANVIER 1912 7
teur du Musée Britannique, un pelit volume récemment présenté,
lorsqu'il a pris sa retraite, à l'un des hauts fonctionnaires de ce
grand établissement, Sir George Warner, conservateur du Dépar-
tement des Manuscrits, par ses collègues et ses nombreux amis
d'Angleterre et du Continent.
« C'est' la reproduction, très artistiquement faite, des quarante et
une miniatures ou encadrements, qui ornent un petit livre d'Heures
flamand, exécuté sans doute à Bruges par le célèbre miniaturiste
Simon Bening, au début du xvic siècle, et aujourd'hui conservé au
Musée Britannique (Miniatures and bordera from a flemish Ilorae ;
British Muséum Add. ms. 2i09S, early sivteenth centary, reproduced
in honour of Sir George Warner. Printed for the subscribers,
7 october 1911. ln-8°, 17 pages et 43 planches en phototypie, dont
2 en couleurs, avec portrait). La notice qui précède la reproduction
de ces miniatures est due aux soins de M. J. A. Herbert, du Musée
Britannique.
« Le choix des belles peintures de ce manuscrit a été un délicat
hommage rendu au mérite de Sir George Warner, l'un des direc-
teurs de la Palaeor/raphical Society, auquel sont dues de nom-
breuses et importantes publications relatives à l'histoire de l'écri-
ture et à l'histoire de l'art. »
SÉANCE DU 12 JANVIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. le comte Paul Durrieu l'ait, à propos de la correspondance,
la communication suivante :
« Au mois de février de Tannée dernière, je lisais devant
l'Académie un mémoire où il était question du peintre milanais
Michelino da Besozzo. Je vous rappelais que ce peintre, qui fut
très célèbre dans le premier tiers du xv° siècle, était particuliè-
rement renommé pour la supériorité avec laquelle il savait trai-
ter les ligures d'animaux. Je disais, d'autre part, que j'avais
retrouvé depuis longtemps la preuve documentaire que cet
artiste, si bon animalier, avait exécuté des travaux rentrant
8 SÉANCE DU 12 JANVIER 1912
dans la catégorie des miniatures, pour le duc de Milan, Filippo
Maria Visconti; et je citais devant vous un très beau livre
d'Heures peint précisément pour ce duc, qui est conservé dans
la famille du baron de Landau, et qui pouvait peut-être contenir
des pages de la main de Michelino.
« Les circonstances, comme j'en exprimais le regret, ne me
permettaient pas de vous montrer des reproductions du susdit
livre d'Heures, et je ne connaissais alors aucun autre manuscrit
ou fragment de manuscrit qui relevât exactement du même art.
La situation s'est modifiée pour moi. Dans une vente faite le
4 décembre 1911, à Leipzig, par le libraire Boerner, a passé un
feuillet enluminé détaché jadis d'un Missel, dont j'ignore où se
trouve le reste, mais que ses caractères paléographiques auto-
risent à considérer sûrement comme exécuté dans la région
milanaise pendant la première moitié du xve siècle. Or, sur ce
feuillet, que j'ai le plaisir de pouvoir présenter à l'Académie,
apparaissent les mêmes caractères typiques que dans le livre
d'Heures de Filippo Maria Visconti. On y remarque surtout,
comme éléments décoratifs, placées au bas de la page illustrée,
deux figures de cerfs accroupis, de la plus remarquable exécu-
tion, et qui annoncent déjà l'art de Pisanello. »
M. Clermont-Ganneau donne communication à l'Académie de
la lettre suivante de M. Henry Hyvernat, professeur à l'Uni-
versité catholique d'Amérique (Washington D. G.), en date du
11 janvier 191 '2 :
A Monsieur le Président de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de signaler à l'Académie une découverte d'un inté-
rêt peu commun pour les études orientales.
Il s'agit d'une collection de cinquante manuscrits coptes pro-
venant des ruines du monastère de Saint-Michel, au Fayoum. Ces
manuscrits sont tous en dialecte sahidique, sauf deux qui sont en
fayoumique et un seul en bohaïrique. Chose rare, ils sont à peu
près tous complets, plusieurs même ont conservé leur reliure origi-
nale. Aucun ne semble être plus récent que le xe siècle de notre ère.
SÉANCE DU 12 JANVIER 1912 9
Un bon nombre sont datés du ixe siècle el nous offrent les dates les
plus anciennes de la paléographie copte. Quelques-uns, qui ne sont
pas datés, sont probablement plus anciens encore. Tous sont plus
ou moins décorés d'enluminures dans les marges et autour des titres
principaux, et une dizaine renferment de véritables miniatures,
exception unique pour ainsi dire dans les manuscrits coptes anté-
rieurs au xie siècle. Tous sont sur parchemin.
L'ensemble de la collection nous donne une idée de ce que pou-
vait être une bibliothèque monastique à cette époque reculée. Sans
m'étendre sur le contenu de ces précieux manuscrits dont un cata-
logue détaillé paraîtra prochainement, je puis signaler dès main-
tenant plusieurs manuscrits bibliques contenant les trois derniers
livres du Pentateuque, les deux premiers livres des Rois, le livre
dTsaïe, les quatre Évangiles, les quatorze Épitres de saint Paul, les
deux de saint Pierre et les trois de saint Jean. Or de ces trois livres
qui, à l'exception des livres d'Isaïe et de l'Évangile de saint Luc,
sont ici absolument complets, nous n'avions jusqu'à ce jour que des
fragments plus ou moins étendus, de provenances et d'âges diffé-
rents.
11 faut encore signaler trois manuscrits liturgiques absolument
uniques et de la plus grande valeur; plusieurs renfermant des apo-
cryphes tant de l'Ancien que du Nouveau Testament; d'autres
contenant des documents hagiographiques (Vies des Pères du désert,
Actes des Martyrs, etc.) et des homélies pour toutes les fêtes de
l'année liturgique, bref toute une bibliothèque ecclésiastique parfai-
tement homogène de provenance et de date, et incomparablement
plus complète et plus importante que celle qu'on pourrait constituer
en réunissant toutes les collections, connues jusqu'ici, de manuscrits
sahidiques.
Les colophons de ces manuscrits, généralement rédigés dans le
dialecte local, sont du plus grand intérêt pour l'étude du fayoumique
encore si peu connu. De plus, ils contiennent une foule de données
tout à fait neuves pour l'histoire monastique et la topographie du
Fayoum.
En dehors de sa valeur intrinsèque, cette collection de documents
à peu près tous complets nous permettra sans doute d'identifier un
grand nombre des feuillets détaches dont se composent en grande
partie les principales collections do l'Europe.
Echappée comme par miracle au morcellement barbare auquel
les indigènes avaient déjà commencé à la soumettre suivant leur
vieille habitude, cette magnifique collection était après tout menacée
d'être dispersée aux quatre coins du monde, à cause de la difficulté
10 SÉANCE DU 12 JANVIER 1912
de trouver une bibliothèque ou un musée qui disposât des ressources
nécessaires pour l'acquérir.
Grâce ;i l'intelligente libéralité du grand mécène américain
M. J. Pierpont Morgan, ce danger n'est plus à craindre. La collection
tout entière est maintenant un des joyaux de la superbe bibliothèque
où depuis quelques années il a réuni tant de rares et précieux
manuscrits. Et M. Morgan, qui ne l'ait jamais les choses à moitié, a
déjà pris les mesures nécessaires pour assurer à bref délai la publi-
cation de ce trésor de littérature orientale.
Veuillez agréer, etc.
M. Holleaux achève la lecture de son rapport sur les fouilles
exécutées, cette année, à Délos, par les soins de l'École, française
d'Athènes, aux frais de M. le duc de Loubat.
Les fouilles ont porté sur cinq points principaux : 1° Y Hêrawn,
où fut retrouvé le sanctuaire primitif, renfermant une admirable
collection de vases archaïques; 2° la vallée de Vlnopos, dont le
réservoir supérieur et le réservoir inférieur (celui-ci en forme de
fontaine, où l'on accédait par un escalier de 22 marches) ont été
presque complètement déblayés; 3° le Gymnase, dont le plan a
été exactement établi et qui a livré, outre de nombreux mor-
ceaux d'architecture, de très précieuses inscriptions; 4° la
région située au Sud et au Sud-Ouest du Théâtre, exploration
qui a amené la découverte de deux temples, entouré chacun de
son péribole, et d'un portique; 5° du sanctuaire, provisoirement
appelé Nouveau Sarapieion, dont la ruine a été découverte un
peu à TOuest du réservoir inférieur de l'Inopos.
Les trouvailles archéologiques appartiennent aux périodes les
plus diverses de l'histoire de l'art antique : il faut signaler, outre
le merveilleux amas de céramiques (vases et masques) exhumé
du sous-sol de l'Héraion, deux statuettes représentant des per-
sonnages assis, largement drapés, d'un style qui rappelle singu-
lièrement celui des ligures de l'avenue des Branchides.
Les monuments épigraphiques. déjà en partie présentés à
l'Académie, ont un intérêt exceptionnel. La première place doit
ihc occupée par le sénatus-consulle de l'an 166 av. J.-C. trouvé
au Nouveau Sarapieion ; les ruines du gymnase ont livré une
liste, infiniment précieuse, de gymnasiarques de Délos, pendant
quarante-six années à partir du rétablissement de la domination
SÉANCE DU 12 JANVIER 1912 11
athénienne (1G6 av. J.-C); du gymnase aussi provient la dédi-
cace d'une porte monumentale par le roi d'Egypte Ptolémée
Soter II ; plusieurs textes trouvés dans le Nouveau Sarapieion
apportent des renseignements nouveaux sur les cultes égyptiens
de Délos ; on a signalé précédemment l'inscription imprécatoire
contre les voleurs d'esclaves, déterrée près du théâtre; il faut
mentionner de façon très spéciale les fort anciennes dédicaces en
dialecte ionien gravées sur les vases de l'Héraion.
Le Président adresse à M. Holleaux les félicitations de l'Aca-
démie.
M. René Gagnât fait une communication intitulée : « La
frontière romaine de la Tripolitaine. »
L'Académie décide qu'il y a lieu de pourvoir au rempla-
cement de M. Saglio, membre libre, décédé. L'exposé des titres
des candidats au fauteuil de M. Saglio est fixé au vendredi
16 février et l'élection au vendredi suivant.
M. IL Omont rappelle que le manuscrit des Fables de Phèdre,
conservé jadis dans l'abbaye de Saint-Remi de Reims et qui a
péri dans l'incendie de 1771, n'est plus connu que par le calque
de l'une de ses pages conservé, depuis quelques années, à la
Bibliothèque nationale (n. a. lat. 717). Toutefois, au début du
xvn'" siècle, Nicolas Rigault, dans sa seconde édition des Fables
de Phèdre (1617, in-4°), avait utilisé un certain nombre de
variantes de ce manuscrit relevées à son intention par Jacques
Sirmond. Mais on était imparfaitement renseigné sur les variantes
ainsi notées par Sirmond d'après la première édition de Rigault
(1599 ou 1600, in-12). Elles nous ont été heureusement conser-
vées, transcrites de sa main, sur une petite feuille de papier,
restée jusqu'ici ignorée et qui avait été recueillie au xvnp ou
xviii1' siècle, comme tant d'autres documents précieux, par
lialu/.e dans sa collection, aujourd'hui à la Bibliothèque natio-
nale (volume 141, fol. -211).
12
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau :
1° Le fascicule du mois d'octobre 1911 des Comptes rendus des
séances de l'Académie (Paris, 1911, in-8°) ;
2° Histoire d'une famille de la Haute-Auvergne. Les Serre del
Saguès, par M. Paul-Adolphe Serre (Paris et Montevideo, 1911, in-8°).
M. C. Julijan a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de l'auteur,
M. Cayeux, le premier fascicule de la Description géographique de
l'île de Délos, parue sous le patronage et la direction de l'École
française d'Athènes (Paris, 1911, gr. in-4°). Car notre grande École, se
conformant à une tradition séculaire de la science française, a voulu
que l'étude de Délos fût une étude intégrale, recourant à toutes les
disciplines de travail, fournissant des matériaux à tous les ordres de
recherches. M. Cayeux s'est réservé la partie géologique et géogra-
phique. Il l'a fait avec cette sûreté de diagnostic scientifique qui fait
de lui un des maîtres de notre nouvelle école géologique. Je dis
nouvelle école, parce que les résultats qu'il apporte diffèrent des
théories régnantes. M. Cayeux ne croit guère à des vicissitudes de
contour et de structure dans l'île de Délos depuis les temps histo-
riques. Et de même, lorsqu'il a bien voulu étudier avec moi le litto-
ral français, il m'a plus d'une fois montré que dès le temps de
César il était déjà constitué avec sa forme actuelle. De telles
recherches sont précieuses pour l'histoire. Et c'est vraiment, au point
de vue scientifique, une initiative généreuse et bienfaisante que celle
({u'a prise l'École d'Athènes en confiant à M. Cayeux les premières
assises de l'œuvre monumentale de Délos. »
M. Emile Picot offre à l'Académie, de la part de M. Seymour de
Ricci, un important ouvrage de bibliographie, le Catalogue raisonné
des premières impressions de Mai/ence (1445-1467), publié par la
Société Gutenberg. Au moment où l'étude des incunables attire de
plus on plus les érudits, il était indispensable d'être fixé sur le point
de départ de cette étude. Quelles sont les impressions que l'on peut
attribuera Gutenberg, à ses associés ou à ses premiers successeurs?
Où en trouve-t-on des exemplaires? M. de Ricci a répondu à ces
difficiles questions avec une précision, une abondance de renseigne-
LIVRES OFFERTS 13
ments surprenante. Son livre est l'un des plus importants et des
plus utiles qu'ait publiés la Gutenberg-Gesellschaft, Société dans
laquelle les Français sont malheureusement bien peu nombreux.
Deux facsimilés de lettres d'indulgences de 1402 et de 1480 com-
plètent ce beau volume sur lequel M. Picot croit devoir attirer
l'attention des bibliographes.
M. Emile Picot dépose en outre sur le bureau, en son propre nom,
une brochure intitulée : Arlus Fillon, chanoine d'Evreux et de Rouen,
puis évèc/ue de Senlis (Évreux, 1911, in-8°).
M. Héron de Villekosse ofï're à l'Académie, au nom du R. P.
Delattre, correspondant de l'Académie, conservateur du Musée
Lavigerie, les travaux suivants :
1° Sceau du pape Honorius Iev, trouvé a Carthaye en 1911.
Le P. Delattre a recueilli à Garthage, entre les mains d'un
Bédouin, une bulle de plomb qui n'est autre que l'empreinte du
sceau du pape Honorius Ier, remontant au premier tiers du vnc siècle.
Cette bulle, très bien conservée, a été trouvée près des anciens
ports; notre zélé correspondant en donne un dessin accompagné
d'intéressantes explications. La publication du P. Delattre coïncide
avec celle que notre confrère, M. Gustave Schlumberger, vient de
faire paraître, dans les Comptes rendus de notre Académie, d'un
instrument en fer destiné à fabriquer des sceaux de plomb, un boullo-
lirion provenant d'Asie Mineure.
2° Les dépendances de la basilique de Damous-el-Karila A Car-
thaye (exlr. des Comptes rendus de VAcadémie, 1911).
M. Héhon de Villefosse dépose ensuite sur le bureau, au nom de
l'auteur, M. le commandant Emile Espérandieu, correspondant de
l'Académie, le t. IV du Recueil général des bas-reliefs, statues et
bustes de la Gaule romaine, comprenant la deuxième partie de la
province lyonnaise, nos 27:i6 à 3G.C>0 (Paris, Impr. nat., 1911, in-4°).
14
SÉANCE DU 19 JANVIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
MM. le chanoine Ulysse Chevalier, Bayet et le Dr Capitan
écrivent à l'Académie pour se porter candidats à la place de
membre libre laissée vacante par la mort de M. Saglio.
L'Académie, sur la proposition de la Commission de la Fon-
dation Benoît Garnier, vote une subvention de 12.000 francs à
M. le capitaine Tiiho, à l'effet d'étudier les anciennes communi-
cations entre le lac Tchad et le Nil.
M. Maurice Prou lit un mémoire sur des dalles de marbre
provenant d'une clôture de chœur de l'église de Schœnnis (can-
ton de Saint-Gall) et ornées d'entrelacs Par comparaison avec
une série de monuments du même genre conservés en Italie ou
en France, il en fixe la date au ixe siècle.
M. Cagnat achève sa communication sur la frontière romaine
de la Tripolitaine. A cette époque, la province de Tripolitaine,
annexe de la province d'Afrique, était entourée d'une ceinture
de postes fortifiés qui ont été en partie retrouvés par les explo-
rateurs français et par les officiers des Affaires indigènes du Sud
tunisien. La série des fortins qui joignait la pointe méridionale
du massif des Matmatas à Tripoli et à Lebda, l'ancienne Leptis
Magna, est encore mal connue ; quelques points seulement ont
pu être identifiés. Mais dans le massif lui-même on a découvert
et même fouillé un certain nombre de castella : Dehibat, Remada,
Tlalet près de Tatahouine,Benia des Ouled-Mahdi, Ksar-Tarcine,
Khanefi, Benia-Ceder, Henchir-Remtia, Telmin. A côté de deux
de ces ouvrages, les deux Benia, on a même relevé la trace d'un
mur de pierre précédé d'un fossé qui indiquait la limite du terri-
toire romain de ce côté. Dans ce mur était ouverte une porte
par où les indigènes pouvaient le franchir, sous la surveillance
de postes militaires. En outre, le long des routes qui de la fron-
LIVRES OFFERTS 45
lière se dirigeaient vers l'intérieur du pays étaient échelonnés
des bordjs fortifiés : à Ghadamès, à Gharia-el-Garbia,à Bondjem,
à Siaoun, au S. du massif des Matmatas, à Ksar-Ghelane à 10.;
enfin, dans l'intérieur même du massif, on a trouvé la trace soit
de fortins qui gardaient les passages importants, soit de fermes
fortifiées.
LIVRES OFFERTS,
M. Théodore Reinach dépose sur le bureau le tome cinquième
des Œuvres complètes de Flavius Josèphe, traduites en français
sous sa direction : Guerre des Juifs, livres I— III , traduction de
M. René Harmand (Paris, 1912, in-8°).
Le P. Scheil a la parole pour un hommage :
« Au nom de la Commission du Corpus Inscriptionum Serniticarum,
j'ai l'honneur de présentera l'Académie le 1er fascicule du tome II
des Inscriptions sabéo-himyarites. Ce fascicule, œuvre de notre
dévoué auxiliaire, M. Mayer Lambert, ne déparera pas une série que
vos confrères, de scientifique mémoire, Joseph et Hartwig Deren-
bourg, ont inaugurée et où, par un labeur heureusement fécond,
tous deux se sont illustrés.
« Vous remarquerez dans l'exécution du présent fascicule deux
innovations.
« La première se rapporte au classement des inscriptions de même
idiome. L'expérience a montré qu'un principe de classement par
l'origine des monuments était défectueux. Que de textes, en effet,
qui ne renseignent ni directement ni indirectement sur leur pro-
venance!... Les indications d'un marchand d'antiquités méritent ici
peu de crédit, et les témoignages des explorateurs ne sont pas tou-
jours décisifs — puisque certains monuments ont pu être déplacés
au cours des siècles et transportés de leur lieu naturel là où les
explorateurs les ont découverts. Dans une littérature habituelle-
ment religieuse, le principe d'un classement par le nom des divinités
invoquées ou mentionnées parut donc plus rationnel et fut adopté
sur la fin par Hartwig Dereubourg lui-même. C'est ainsi que le
nouveau fascicule contient exclusivement des inscriptions consacrées
à Ihnaqah ou abusives à ce dieu.
16 [IVRES OFFERTS
« L'autre innovation est d'ordre matériel et se justifie par le
développement même d'une œuvre si considérable.
« A l'éternel Proslal apud Klincksieck qui ornait maigrement la
dernière page de la couverture, nous avons substitué, avec l'assenti-
ment de la Commission, un tableau synoptique des diverses parties
du Corpus Inscriptionum Serniticarum déjà publiées. Il sera utile,
agréable à tous, initiés et profanes, de pouvoir mesurer ainsi d'un
coup d'œil l'état de nos travaux et suivre les progrès d'une entre-
prise dont le terme, j'espère, reculera toujours comme un mirage
oriental, par le fait d'incessantes découvertes. »
M. Collignon fait hommage à l'Académie, au nom de la Commis-
sion de publication des fouilles de Delphes, d'un nouveau fascicule
du tome III des Fouilles de Delphes. Epiyraphie. Premier fascicule
(suite) (Paris, Fontemoing, 1911), par M. Emile Bourguet :
<( M. Bourguet poursuit avec la plus louable activité la partie de la
publication épigraphique qui lui a été confiée. Il a entrepris tout
d'abord de donner le recueil des textes découverts sur le parcours
de la Voie sacrée, depuis l'entrée du sanctuaire jusqu'au Trésor des
Athéniens, dont M. Colin a commencé à publier les inscriptions.
Déjà, dans un fascicule précédent, qui a paru en 1910, M. Bourguet
avait conduit son enquête jusqu'à la muraille qui longe la Voie
sacrée à droite, après la base des Etoliens, et sur laquelle sont gravés
des décrets pour les Mégariens. Ce nouveau fascicule contient une
série d'inscriptions particulièrement importantes, celles du Trésor
des Siphniens et du Trésor des Cnidiens. Sans discuter à fond la
question si controversée de l'identification des deux Trésors,
M. Bourguet a cependant réuni un ensemble de remarques d'ordre
technique qui l'ont conduit à prendre parti et à donner ses raisons.
Il faudra en tenir grand compte dans l'étude ultérieure des deux
monuments. Une fois de plus, je tiens à remercier M. Bourguet du
concours si actif et si utile qu'il apporte à la publication des inscrip-
tions, du zèle avec lequel il a rempli les missions dont il a été
chargé, et à le féliciter d'avoir si promptement, et sans rien sacrifier
aux exigences scientifiques, donné une suite à son précédent
travail. »
17
SÉANCE DU 26 JANVIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
MM. Radel et Adrien Blanehet écrivent à TAcadémie pour se
porter candidats à la place de membre libre laissée vacante par
la mort de M. Saglio.
M. Jullian communique de la part de M. le docteur Gaston
Lalanne, de Bordeaux, une ligure en relief, en pierre, trouvée
dans ses fouilles de Laussel. Elle remonte aux temps auri-
gnaciens. Elle représente une femme stéatipygique, nue, tenant
à la main une corne de bison. Sculpture rude, vigoureuse,
antérieure sans doute aux peintures et sculptures zoomorphiques
des temps magdaléniens, et lune des plus anciennes, et peut-être
la plus ancienne figure humaine laissée par le travail des
hommes.
Laussel est près des Eyzies (Dordogne).
M. J. Loth fait une communication intitulée : Le Cornwall et
le roman de Tristan.
Le roman de Tristan, tel que nous le connaissons par les
poètes français du xne siècle, trahit la collaboration de gens de
langue anglaise, française et celtique. Le berceau idéal du
roman serait un pays où les trois langues eussent été parlées
couramment et concurremment. Ce pays existe. M. Loth
montre que c'est le Cornwall.
M. Loth retrouve en Cornwall la plupart des noms de lieu
les plus importants du roman : la demeure du roi Marc, Lancïen,
est aujourd'hui un village en Golant, après avoir été un manoir
important; son église, Saint-Sampson, est tout simplement la
chapellenie de Saint-Samson en Golant devenue paroisse sous le
vocable du saint. L'île où a lieu le combat entre le Morholt
et Tristan paraît être Looe Island, à 9 milles à l'Est de Lanoïen.
Le Mal Pas nu « mauvais passage » est sur la rivière de Truro.
La Blanche Lande où eut lieu le jugement d'Yseult est sur la rive
19)2. 2
18 SÉANCE DU 2G JANVIER 1912
droite: il faut traverser le Mal Pas (aujourd'hui Malpas) pour
y arriver ; etc.
M. le Dr Gapitau fait une communication sur : Les caracté-
ristiques de V architecture maya ancienne (Sud du Mexique).
Les caractéristiques de toute architecture sont fort complexes.
Ou peut y reconnaître l'influence : 1° des facteurs locaux :
météorologiques ^conditions climatiques) ou encore géologiques
(matériaux de construction) ; 2°des facteurs historiques, ethniques
et religieux; 3° des facteurs technologiques.
M. le Dr Gapitan, dans la communication actuelle, ne consi-
dère que deux des caractéristiques de l'architecture maya,
jusqu'ici méconnues, et qui sont les suivantes :
a) Tous les grands monuments mayas (temples et palais) sont
placés sur des élévations artificielles plus ou moins hautes;
b) L'étude soigneuse des façades de divers monuments mayas
montre une reproduction très nette, en pierre, de prototypes en
bois.
Quelles peuvent être les origines de ces particularités?
Si l'on étudie les vieux manuscrits mexicains, on constate
dans le texte et les figures que, d'après les traditions, les Mexi-
cains primitifs, durant leur vie nomade, ont construit, pour y
placer leurs idoles, de petits temples en bois (et non en pierre, à
cause de la pénurie de cette matière).
D'autre part, ces temples, dès l'origine, étaient placés sur des
élévations artificielles de terrain (en général pour les protéger
contre les inondations; d'autre part, pour les rendre visibles de
loin et en même temps les rapprocher de la divinité).
Le développement progressif de ces deux particularités a
amené, par des transitions qu'on peut reconnaître dans l'archéo-
logie mexicaine, au très haut monticule artificiel (soit à sommet
terminé par une plate-forme, soit couronné par un temple ou un
palais) qui est de règle durant la belle civilisation maya.
Quant à la construction primitive en bois, elle s'est perfec-
tionnée peu à peu et s'est ornée de sculptures. Puis ce prototype
a été copié en pierre. L'étude de nombre de façades, surtout
dans les ruines des villes antiques d'Uxmal et de Chichen (Yuca-
tan , permet de reconnaître aisément tous les éléments de l'ar-
RAPPORT SUR LA FONDATION l'IOT 10
chitecture en bois, traduite en pierre (piles de bois, poutres avec
extrémités souvent sculptées, chevrons décorés, marqueterie,
motifs décoratifs ajourés, etc.). Ces divers points sont démon-
trés par le Dr Capitan au moyen de nombreuses projections
représentant des figures de manuscrits et des monuments mayas
antiques, d'après les clichés qu'il a pris au Mexique ou rapportés
du Yucatan et qu'il fait passer devant les yeux de l'Académie en
les accompagnant des explications nécessaires.
M. le comte Dlrrieu lit en comité secret son rapport sur les
travaux exécutés ou encouragés à l'aide des arrérages de la
Fondation Piot pendant l'année 1911 ' .
APPENDICE
RAPPORT SUR LES TRAVAUX EXECUTES OU ENCOURAGES
A L'AIDE DES ARRÉRAGES DE LA FONDATION PIOT,
LU DANS LA SÉANCE DU 26 JANVIER 1912
PAR M. LE COMTE DURRIEU, MEMBRE DE L 'ACADÉMIE.
Messieurs,
J'ai l'honneur de vous soumettre, au nom de la Commis-
sion de la Fondation Piot, le rapport annuel sur l'emploi
des arrérages de ladite fondation en 191 1 .
I. — La part faite pendant Tannée 1911, aux Fouilles,
Explorations et Missions a dû être forcément maintenue
dans des limites plus restreintes que précédemment. Au
cours de l'année 1910, la Commission avait répondu à
d'assez nombreux appels venant d'érudits dignes d'encou-
ragement. Il en est résulté que, les fonds ayant été large-
l . Voir ci-après.
20 RAPPORT SLR LA FONDATION PIOT
ment employés, nous avons débuté dans Tannée 1911 avec
un reliquat disponible sur l'année précédente se montant
seulement à 3700 francs, tandis que l'année antérieure,
c'est-à-dire au 1er janvier 1910, le reliquat était de 8260
francs.
Cette situation devait évidemment peser sur l'exercice.
Cependant les demandes de subventions pour fouilles, tra-
vaux et missions n'ont cessé de se produire. Pour quel-
ques-unes de ces demandes, particulièrement intéressantes,
la Commission a recouru à l'Académie qui a trouvé le
moyen de tout concilier en prenant le nécessaire sur
d'autres revenus que ceux de la Fondation Piot. Pour
d'autres requêtes, la décision a été ajournée. Néanmoins,
notre Commission a encore exercé son rôle avec ampleur ;
mais le résultat au point de vue financier, c'est que le
report d'une année à l'autre, constituant une sorte de fonds
de réserve qu'il est très utile de maintenir, après être
tombé entre 1910 et 1911 de 8260 francs à 3700, se
serait encore abaissé entre 1911 et 1 ouverture de l'exer-
cice 1912, de 3700 à 2590 francs, s'il ne s'était pas pro-
duit au dernier moment un remboursement, non prévu,
d'une somme de 1500 francs inemployée (par M. Homo).
Il y a là un état de choses qui a justement préoccupé les
membres de la Commission. Ils se sont rappelé que notre
illustre confrère disparu, Léopold Delisle, qui fut membre
de la commission dès sa création, insistait toujours pour
qu'après les périodes de grandes dépenses on s'efforçât de
reconstituer une encaisse de quelque importance, par le jeu
des rentrées successives des arrérages de la rente. Il peut,
en effet, se présenter tel cas urgent qui rendrait préju-
diciable le défaut d'existence d'une certaine disponibilité
immédiate.
En conséquence, sur la proposition de M. Pottier, dont
l'avisa été partagé par l'unanimité des membres présents,
la Commission Piot a décidé de s'imposer à elle-même, au
RAPPORT SLR LA FONDATION PIOT 21
moins pendant quelques mois, la règle d'une très grande
économie afin de relever la situation budgétaire. L'Aca-
démie comprendra certainement les raisons de prudence
qui ont inspiré cette décision.
Il est aussi un autre côté de la question que notre Com-
mission ne doit, je dirai même ne peut pas perdre de vue.
C'est cette considération que les allocations individuelles ne
sont pas faites seulement en faveur des bénéficiaires, mais
qu'elles entraînent pour ceux-ci l'obligation d'en tirer un
profit scientifique, directement, pour l'Académie elle-même.
Il faut que celle-ci soit tenue la première au courant des
résultats obtenus et des découvertes faites.
Je me hâte d'ajouter qne cette sorte d'engagement synal-
lagmatique a généralement reçu son exécution. Vous avez
entendu, dans vos séances de 1911, deux des érudits qui
avaient reçu des subventions l'année précédente, MM. Louis
Châtelain et le Dr Carton, venir vous donner de nouveaux
détails sur les fouilles qu'ils ont exécutées, le premier à
Mactar en Tunisie (Comptes rendus, 1911 , p. 505), le second
sur l'emplacement de Bulla Regia (Comptes rendus,
p. 595) ; ceci sans parler des communications renouvelées
de M. Merlin sur la merveilleuse trouvaille de Mahdia
(Comptes rendus, p. 556).
Nous ne doutons pas que les bénéficiaires du legs Piot
ne tiennent toujours à honneur de remplir ainsi leur devoir
vis-à-vis de l'Académie.
Les subventions accordées au cours de 1911 ont été les
suivantes :
M. Gabriel Leroux a reçu la seconde moitié d'un crédit
total de 2000 francs qui lui avait été alloué en 1910, ainsi
que vous l'annonçait le rapport de l'an dernier, à l'effet de
préparer en Espagne un catalogue des vases grecs du Musée
archéologique national et du Musée du Prado. Je vous
parlerai dans un moment du résultat de cette mission.
Une subvention de 500 francs a été régularisée cette
22 RAPPORT SUR LA FONDATION PIOT
année en faveur de M. F. -P. Thiers pour ses fouilles dans
le voisinage de Castel-Roussillon, sur l'emplacement de
l'antique cité de Ruscino. M. Héron de Villefosse vous
a donné lecture, le 3 février dernier, d'une note de M. F. -P.
Thiers qui fait ressortir l'intérêt de ces fouilles (Comptes
rendus, p. 145). Une subvention de 2000 francs a été
accordée à M. le capitaine Raymond Weill en vue d'aller
en Egypte étudier un terrain de fouilles à entreprendre.
Une communication faite dans votre séance du 27 janvier
1911 vous a montré ce que l'on peut espérer d'un travail-
leur tel que M. Raymond Weill (Comptes rendus, pp. 49
et 268).
Une subvention de 1500 francs avait été aussi votée à
M. Homo pour un travail à poursuivre en Italie. Il n'a
pas pu utiliser cette allocation et l'a reversée.
Un cas analogue s'est présenté pour M. Georges Seure
dont vous parlait votre rapporteur de l'an dernier et qui,
par suite de certaines questions indépendantes de sa volonté,
a dû ajourner les fouilles qu'il projetait de faire dans la
nécropole de Périnthe en Thrace.
II. — Ouvrages subventionnés.
Je vous ai dit que M. Gabriel Leroux avait obtenu le
concours de la Commission pour aller préparer en Espagne
un catalogue de vases grecs.
La préparation scientifique de l'ouvrage étant achevée, il
s agit de le publier. La Commission a alloué dans ce but
une nouvelle subvention de 2000 francs payable par moitié
sur l'exercice de 1911 et par moitié sur l'exercice 1912.
Grâce à cette subvention, M. Gabriel Leroux va pouvoir
nous donner son livre qui aura été ainsi doublement
facilité par la Commission Piot, d'abord dans son élabo-
ration et plus tard dans son impression.
L'éditeur Leroux a reçu 0000 francs pour le tome XYIII
des Monuments et Mémoires de la Fondation Piot, dont les
deux fascicules vous ont été distribués au cours de Tannée
RAPPORT SUR LA FONDATION PIOT 23
dernière (31 mars et 20 octobre). C'est un recueil de neuf
articles et de XXI planches. Vous y retrouvez, parmi les
signatures d'articles, les noms de nos confrères MM. Paul
Foucart et Charles Diehl.
Une somme de 1150 francs a été payée, afférente à la
publication du Recueil général des monnaies grecques d'Asie
Mineure commencé par Waddington et continué par nos
confrères MM. Babelon et Théodore Reinach. Le 3e fasci-
cule du tome I de ce recueil vous a été distribué le 21 jan-
vier 1911.
En 1910, vous aviez reçu la première livraison des Nou-
velles Fouilles de Tello par le Commandant Gaston Gros,
publiées avec le concours de Léon Heuzey et François Thu-
reau-Dangin. La seconde livraison vous a été distribuée le
13 février 1911. Cette œuvre, vous le savez, fait partie des
publications de la Mission française de C lia Idée. Qu'il me
soit permis de rappeler l'honneur si mérité auquel l'Acadé-
mie a été heureuse de s'associer et qui a été rendu récem-
ment à l'éminent confrère qui dirige les travaux de la Mis-
sion de Chaldée, M. Léon Heuzey.
Dans la séance du 6 octobre 1911, vous receviez un
nouveau témoignage de l'activité de la Mission avec la
deuxième partie du tome II de Y Inventaire des Tablettes de
Tello conservées au Musée Impérial de Çonstantinople
[Texte de V époque dWgadé et de ! époque d'Ur) publié par
M. Henri de Genouillac.
C'est encore vers les régions de l'Assyrie que nous
reporte un autre ouvrage qui vous a été distribué le 21
avril 1911, V Inventaire des cylindres orientaux et des
cachets assyro-baby Ioniens, perses et sy ro-cappadociens du
Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, par
M. Louis Delaporte.
L'an dernier, nous vous indiquions que la Commission
avait affecté une somme de 1800 francs à la publication,
par l'éditeur Leroux, d'un ouvrage de notre confrère M. Col-
24 LIVRES OFFERTS
lig-non intitulé : Les Statues funéraires dans Varl grec. Vous
avez reçu ce beau livre au mois de mars. Je n'ai pas à
vous en faire l'éloge ; le nom de l'auteur suffit à tout dire.
Je terminerai par une heureuse annonce. Un autre de
nos confrères, M. de Lasteyrie, a préparé un livre ample-
ment illustré sur Y Architecture religieuse en France à
l'époque romane. La Commission Piot a voté une souscrip-
tion de 2.000 francs pour cet ouvrage, qui vient de paraître,
et dont vous pourrez apprécier toute l'importance.
Nous vous demandons, Messieurs, de vouloir bien approu-
ver ce compte rendu de l'emploi des fonds au cours de
Tannée qui vient de finir.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau de l'Académie :
1° U architecture religieuse en France à Vépoque romane, par M. de
Lasteyrie, membre de l'Institut (ouvrage publié avec le concours de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, sur les arrérages de la
Fondation Piot) (Paris, 1912, in-4°);
2° Le n° janvier-juin 1911 du Bulletin de l'Ecole française
d'Extrême-Orient (Hanoï, 1911, in-8°).
M. Héron de Yillefosse offre à l'Académie, au nom de M. C.
Mauss, ai'chitecte honoraire du Gouvernement, un travail intitulé :
L'Eglise du Saint-Sépulcre à Jérusalem (Paris, 1911, in-8°).
« L'historien arabe Edrisi rapporte qu'en 11b i l'église du Saint-
Sépulcre avait à l'Ouest deux entrées, la Porte Occidentale et la
Porte Sainte-Marie. La première conduisait clans la galerie supérieure
de la rotonde, la seconde s'ouvrait sur un escalier de trente marches
qui donnait accès dans les parties basses de l'édifice.
« Pendant longtemps chargé de veiller, comme architecte du Minis-
tère des affaires étrangères, à la conservation des églises de Terre
Sainte, M. Mauss les a étudiées d'une manière spéciale. Le texte
d'Edrisi lui fournissait une occasion de rechercher les documents
LIVRES OFFERTS 2>r)
anciens, notes des voyageurs ou travaux des archéologues, relatifs à
ces édifices. Un plan de Bernardino Amico, daté de 1590, lui a permis
de faire une adaptation graphique du texte arabe et il a pu démon-
trer que la portion du grand escalier à ciel ouvert, indique sur ce
plan, existait encore à la fin du xvnr siècle et même en 1817,
époque du voyage du comte de Forbin. Malheureusement la politique
étroite qui s'agite autour du Saint-Sépulcre a toujours été un obstacle
à la restauration de ce magnifique monument.
« La première partie du mémoire est accompagnée de plusieurs
relevés intéressants et, en particulier, d'un plan de l'ancienne
chapelle des Patriarches, en partie démolie en 1807.
« La seconde partie est consacrée à la recherche de la mesure
ouvrière de la rotonde du Saint-Sépulcre, travail qui vient s'ajouter
à tous ceux que M. Mauss a déjà publiés sur le système métrique de
l'antiquité. »
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 2 FÉVRIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
MM. le comte de Laborde et le commandant Espérandieu
écrivent à l'Académie pour se porter candidats au fauteuil de
M. Saglio.
M. Loth achève la lecture de sa communication sur le Cornwall
et le roman de Tristan.
M. Paul Meyer présente quelques observations.
M. Gagnât fait la seconde lecture de son mémoire sur la
frontière romaine de la Tripolitaine.
M. Jules Martha présente le résultat des recherches qu' il a
entreprises sur la langue étrusque; cette langue, dont on a de
nombreux textes, est restée jusqu'ici inintelligible. M. Martha a
reconnu qu'elle a des affinités d'origine avec le hongrois, le
linnois et les idiomes congénères. En se servant de ces langues,
il a réussi à traduire les textes. Il fait devant l'Académie l'épreuve
28 LIVRES OFFERTS
de sa méthode en traduisant et en commentant diverses inscrip-
tions, notamment une sentence arbitrale et une consultation faite
à un dieu guérisseur avec la réponse du dieu.
LIVRES OFFERTS
M. Havet offre de la part de M. l'abbé Paul Lejay son édition des
Satires d'Horace, édition extrêmement soignée en ce qui touche la
critique, avec classement spécial des manuscrits, fait en vue des
satires, et avec vérification d'un grand nombre de leçons manu-
scrites.
Cette édition est accompagnée d'un commentaire qu'on doit consi-
dérer comme le plus complet, le plus approfondi et le plus mûri qui
existe. L'ampleur des recherches faites par M. Lejay ressortira de
quelques chiffres. L'introduction générale contient cent vingt pages
grand in-8°, et deux cent vingt pages sont occupées par les dix-huit
introductions particulières placées devant chacune des dix-huit
satires. Le commentaire est d'une telle richesse que le texte d'Horace
est imprimé à raison de cinq vers et demi par page en moyenne. Si
l'on songe que, dans ce qui est de son œuvre personnelle, M. Lejay
n'a rien admis qui ne fût instructif, et que son style est remarqua-
blement serré, on se fera une idée du labeur — labeur aussi judi-
cieux qu'énorme — qu'a dû coûter un pareil monument.
Tous les travaux qui intéressent les satires de près ou de loin
ont été dépouillés; toutes les questions sont traitées avec la même
conscience, qu'elles concernent la prosodie, les institutions, la
topographie ou l'identification des espèces végétales. Et comme on
peut s'y attendre, M. Lejay a tiré grand parti de sa rare familiarité
avec la syntaxe, qu'il envisage toujours dans son histoire.
Tout d'ailleurs est vu ici historiquement; l'esprit historique, qui
est l'esprit même de M. Lejay, domine les notes comme les intro-
ductions diverses. Peu de commentateurs savent éclairer chaque
détail si complètement par toutes les lumières et toutes les lueurs
du dehors. Peu savent si bien situer l'ensemble d'un morceau par
rapport à son ambiance romaine et à ses antécédents grecs. Là est
l'intérêt capital des vastes introductions mises en tête de chaque
SÉANCE DU 9 FÉVRIER 1912 29
satire, et qui constituent la nouveauté la plus saillante delà nou-
velle publication.
M. Gagnât offre de la part de MM. Besnier et Lantier les Tables
générales de VAnnée êpigrâphiqtie de 1901 à 1910.
SÉANCE DU 9 FÉVRIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Gagnât, à propos de la correspondance, s'exprime ainsi :
« L'Académie a renvoyé à mon examen un rapport communi-
qué par M. le général Moinier, commandant en chef les troupes
débarquées au Maroc. Ce rapport est dû à M. le capitaine
Venet, du 6e bataillon colonial de marche, chargé par son com-
mandant M. le chef de bataillon Michelangeli d'explorer des
ruines romaines situées sur l'Oued-Sebou, qui portent le nom
de Sidi-Ali-bou-Djenoun. Ces ruines ont été signalées depuis
longtemps par Tissot ' et M. La Martinière. Ce sont celles
d'une station importante de la voie romaine de Lixus à Sala,
qui se nommait Colonia Banasa; c'est ce que nous apprend une
inscription latine que M. le capitaine Venet a retrouvée à l'en-
droit où l'avaient vue ses prédécesseurs2. Cet officier a fait des
sondages dans les ruines et mis à nu quelques murs, autrefois
revêtus de plaques de marbre. M. le général Moinier a l'inten-
tion de faire continuer les fouilles, qui seront assurément fruc-
tueuses. Une fois de plus, nos officiers d'Afrique auront bien
mérité de l'archéologie. »
MM. Omont et N. Valois sont élus membres de la Commis-
sion de publication des Chartes et Diplômes, en remplacement
de MM. Delisle et Longnon, décédés.
1. Recherches sur la géographie comparée de la Maurélanie Tingitane,
p. 277.
2. Tissot, loc. cil., p. 279; C.I.L., VIII. 21819.
30 RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
M. Jules Martha termine sa lecture sur l'interprétation de la
langue étrusque. Il montre, par des exemples tirés du texte de
la momie d'Agram, comment on peut analyser les divers élé-
ments d'un texte étrusque, comment on reconnaît les verbes, les
substantifs, comment s'ordonnent les mots dans la phrase et
comment les phrases se groupent. Il finit en donnant la traduc-
tion des passages les mieux conservés de la momie d'Agram.
Ces passages sont des fragments d'un rituel de prières mêlé de
conseils pratiques à l'usage des navigateurs.
M. Théodore Reinacii demande à M. Martha si sa théorie
s'accorde avec les 18 mots étrusques environ dont le sens
nous est donné par les anciens.
M. Martha montre que sa théorie se vérifie pour deux au
moins des mots en question.
M. Bréal rend hommage aux recherches de M. Martha et
désire que son travail soit contrôlé par des savants spécialisés
dans les langues que M. Martha a utilisées pour établir ses
résultats.
L'Académie se forme en comité secret pour entendre la
lecture du rapport du Secrétaire perpétuel sur les travaux des
Commissions de publication pendant le second semestre de
1911 '.
APPENDICE
Rapport du secrétaire perpétuel de l'académie des inscriptions
ET BELLES-LETTRES SUR LES TRAVAUX DES COMMISSIONS DE PUBLI-
CATION DE CETTE ACADÉMIE PENDANT LE SECOND SEMESTRE DE 1911,
LU DANS LA SÉANCE DU 9 FÉVRIER 1912.
Mes chers Confrères,
Depuis le rapport sur les travaux et les publications de l'Aca-
démie que je vous ai présenté dans la séance du 4 août 1911,
il aurait dû paraître au moins un volume des publications
1 . Voir ci-après.
RAPPORT Df SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 31
réglementaires de l'Académie, le tome XXXVIII de nos Mémoires.
Le titre et la table en ont été remis à l'Imprimerie nationale
depuis le commencement de janvier. Nous attendons toujours
les exemplaires.
De ce volume ont été distribués les tirages à part dont les
titres suivent :
C'1' Durrieu, Michelino da Besozzo et les relations entre l'art
italien et l'art français à l'époque du règne de Charles VI.
Théodore Reinach, L'anarchie monétaire chez les anciens
Grecs.
Dieulafoy, Le Mausolée d' liai icarnasse et le Trophée d'Au-
guste.
Le tome XXXIX est en préparation. Il en a déjà été distribué
un tirage à part :
Morel-Fatio, Une Histoire inédite de Charles-Quint, par un
fourrier de sa cour.
Pour ce même volume, il a été envoyé à l'imprimerie un
article de M. Dieulafoy intitulé : La bataille d'Issus.
Du tome XII des Mémoires des savants étrangers ont été
distribués deux tirages à part :
Sidersky, Etude sur l'origine astronomique de la chronolo-
gie juive.
Henri Viollel, Fouilles à Samara en Mésopotamie ; un Palais
musulman au IXe siècle.
Voici l'état du tome XXXIV de l'Histoire littéraire de la
France :
Les feuilles 1 à 43 sont tirées. Elles contiennent des articles
sur Guillaume de Mandagout, Bérenger Frédol, par M. Viollet,
sur Jacques de Thérines, Jean de Pouilli, Jean Bigaud, Guil-
laume de Sanqueville, Hervé Nédelec, par M. Noël Valois. Tous
ces auteurs sont des canonistes ou des théologiens du commen-
cement du xiv" siècle.
En bon à tirer, la feuille 44, qui contient la fin de la notice
d'Hervé Nédelec.
Des placards, qui donneront les feuilles 45 à 47, renferment la
32 RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
notice d'Etienne Maleu, chroniqueur du commencement du
xive siècle, par M. A. Thomas, et les Bestiaires en français, du
XIIIe au XIVe siècle, par M. Paul Meyer.
M. Valois lit en ce moment à la Commission une notice très
développée sur le pape Jean XXII.
Pour la série des Chartes et Diplômes, l'Académie a attribué
à M. Prou la direction de la publication des actes royaux caro-
lingiens et de ceux des trois premiers capétiens, Hugues Gapet,
Robert et Henri.
L'impression du Recueil des actes de Louis IV, dont la
rédaction a été confiée à M. Philippe Lauer, se poursuit clans
des conditions normales. Depuis qu'a été présenté mon dernier
rapport, il a été donné le bon à tirer de trois feuilles. Les huit
premières feuilles sont ainsi corrigées ou en pages. Les pla-
cards 31 à 50, qui complètent le volume, sauf l'introduction et
les tables, corrigés en seconde épreuve, sont prêts à être mis en
pages.
Le manuscrit du Recueil des actes des rois de Provence,
rédigé par M. René Poupardin, a été entièrement composé. H
forme 55 placards, dont 22, qui comprennent les actes de Charles
et Boson, ont été corrigés.
M. Élie Berger s'est attaché, comme à un pieux devoir, à
l'achèvement de ce Recueil des actes de Henri II, roi d'Angle-
terre et duc de Normandie (1154-1189) dont la préparation
avait occupé les dernières années de M. Léopold Delisle. Actuel-
lement, les textes sont presque tous en état; mais il reste encore
à procéder à la recherche et à la transcription de quelques
pièces qui ont pu échapper à M. Delisle. M. Berger a aussi à
faire une révision générale des dates et des indications biblio-
graphiques, ainsi qu'à rédiger un grand nombre de notes. Il
espère pouvoir apporter à l'Académie , vers le commencement
de l'été, le manuscrit d'un premier volume de textes. Il emploie-
rait le reste de l'année à achever la préparation du second
volume de textes.
En même temps qu'il consacre toutes les heures dont il peut
RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 33
disposer à ce travail qui est un legs de son maître, M. Berger se
préoccupe de faire aboutir les autres recueils de la même série
dont la direction lui a été confiée, et voici les nouvelles qu'il
m'en donne :
Actes de Philippe Auguste, 1180-1 -223.
M. François Delaborde pousse très activement son travail. Il
espère terminer pour la fin de l'année 1912 le tome Ier de ce
grand recueil qui comptera en tout cinq volumes. Les volumes
suivants pourront être mis sur pied plus rapidement, M. Dela-
borde ayant entièrement acbevé ses dépouillements et pris des
photographies de presque toutes les pièces originales.
Actes de saint Louis, 1226-1270, recueil confié à MM. Georges
Daumet et Henri Stein.
M. Daumet dépouille en ce moment les cartulaires pour y
relever tous les actes de saint Louis qui s'y trouvent contenus.
Il a également commencé à dépouiller divers fonds des Archives
nationales. On ne peut pas encore savoir quelle sera l'impor-
tance numérique de cette collection, ni de combien de volumes
elle se composera.
Actes de Louis VIL M. Halphen, qui en est chargé, n'a,
depuis l'été dernier, fourni à M. Berger aucun nouveau rensei-
gnement sur l'état d'avancement du travail qui lui est confié.
Pour ce qui est de cette publication des Pouillés et des Obi-
luaires dont notre regretté confrère M. Longnon s'occupait avec
tant de zèle et avec toutes les ressources de connaissances très
spéciales qu'il était seul à posséder, si nous ne voyons pas encore
par qui et dans quelles conditions la suite de ces recueils
pourra être continuée, tout au moins savons-nous que rien ne
sera perdu du travail que M. Longnon a poursuivi jusqu'au jour
où la maladie lui a fait tomber la plume des mains. C'est ce
que j'apprends par M. Omont, qui a bien voulu se charger de
faire les constatations nécessaires.
Pouillés. Le texte du tome Y (province de Trêves) a été com-
plètement imprimé, ainsi que la table, par M. Longnon. Pour
terminer le volume, il ne reste plus qu'à écrire l'introduction.
La rédaction de cette introduction a été confiée par l'Académie,
sous la direction de notre confrère M. Maurice Prou, à M. l'abbé
1912. 3
3i RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
l
Victor Carrière, que M. Longnon avait déjà choisi comme
collaborateur pour celte tâche.
Le tome VI province de Reims) forme deux volumes entiè-
rement terminés et dont tous les bons à tirer ont été envoyés à
l'Imprimerie nationale. Quelques jours avant de nous être
enlevé, M. Longnon avait reçu la mise en pages de l'introduc-
tion. Notre 'confrère M. Henri Omont a pris soin de revoir les
dernières épreuves de celte1 introduction et les deux volumes
pourront être prochainement mis en distribution.
Le tome VII (province de Bourges) en est resté au point où il
était en juillet dernier. Les placards 1 à 36 en étaient alors
entre les mains de M. Longnon et, depuis ce moment, il n'avait
pas eu le loisir de pousser plus loin la rédaction de ce volume,
pour laquelle il n'a pas laissé de matériaux réunis et classés. La
Commission des Historiens de France aura à se préoccuper dé
la continuation et de l'achèvement de ce volume.
Ohiluaires. Du tome IV (province de Sens) les feuilles 1 à 40
sont tirées. Les feuilles 41 à 45, que M. Longnon ai encore pu
corriger dans les derniers jours de sa vie, sont en bon à tirer.
La suite est composée (placards 164 à 240). M. Omont a bien
voulu se charger de revoir ces placards et de corrigerles épreuves!
Grâce à ce concours, dont l'Académie sera reconnaissante â
notre confrère, le volume pourra être achevé dans le courant de
cette année. L'Académie aura ensuite à décider si elle reprend
et continue la publication des Pouillés et Ohiluaires.
M. Charles Kohler travaille à réunir les matériaux du volume
des Historiens occidentaux' des Croisades dont la préparation
lui a été confiée. Il serait bon, je crois,' que la Commission spé-
ciale à laquelle il avait communiqué son plan le convoquât un
de ces jours afin de s'entendre avec lui, dune manière définitive,
sur la composition du volume et le format qui sera adopté.
La préparation du Corpus Inscriptionum Semitica.ru m n'est
pas interrompue: elle se continue sur presque toute la ligne. Le
.") fascicule qui terminera le tome II de là' partie I ou partie
phénicienne est sur chantier. La première partie de ce fascicule
RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 3o
est à l'impression. Kile comprend les grandes inscriptions dédi-
catoires découvertes depuis le commencement de la publication
et les inscriptions funéraires. La fin du fascicule sera formée par
les inscriptions peintes, les grailites et toute la snpellex varia.
Pour la partie II, Inscriptions araméennes, la copie du pre-
mier fascicule des Inscriptions palmyréniennes a été envoyée à
l'imprimerie. Le reste de ce fascicule, dont la rédaction est
terminée, y sera expédié très prochainement. Il ne reste qu'à
compléter quelques indications bibliographiques.
De la partie III, Inscriptions hébraïques, aucune nouvelle.
Pour la partie IV, le P. Scheil a présenté à l'Académie, dans sa
séance du 25 janvier, le premierfascicule du tome II des Inscrip-
tions hinry antiques. Il aurait pu, sans les lenteurs de l'impri-
merie, paraître en décembre. La préparation du fascicule sui-
vant est déjà assez avancée.
Quant au Répertoire ci épigraphie sémitique, M. l'abbé Chabot
compte remettre très prochainement à l'impression la copie
d'un nouveau fascicule annoncé depuis longtemps et qui a
nécessité de bien longues recherches.
Les publications subventionnées par l'Académie sur les reve-
nus des fondations se poursuivent plus rapidement que celles
qui s'exécutent sur les fonds du budget et par les moyens de
l'Imprimerie nationale.
Des lnscriptiones grsecse ad res 7'omanas pertinentes, le fasci-
cule VII du tome I a paru.
On a distribué le tome VII du Catalogue de la collection
De Clercq. Il contient les bijoux et les pierres gravées. Il a
pour rédacteur, comme les volumes précédents, M. de Pudder,
qui a travaillé sous la direction d'un comité que composaient
MM. de Vogué, Babelon et Pottier. Le recueil est complet. Il ne
reste plus à imprimer que les tables. L'an prochain, l'Académie
disposera des ressources de la fondation De Clercq pour les
employer, comme l'a ordonné le testateur, à la publication de
36 RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
recherches et d'ouvrages qui concerneraient les antiquités
orientales.
Après avoir achevé la publication de ïlnvenlaire des mo-
saïques de la Gaule et de V Afrique, M. Cagnat a donné la
première livraison de Y Album qui doit accompagner cet inven-
taire. Cette livraison, consacrée aux mosaïques de la Narbon-
naise et de V Aquitaine, renferme trente planches dont l'exécu-
tion a paru très satisfaisante. Quelques-unes sont en couleur.
Des Monuments et Mémoires, il a paru le premier fascicule du
tome XIX.
Avec le concours du même fonds Piot, il a été publié, comme
suite à la Mission française de Ghaldée, Y Inventaire des tablettes
de Tello conservées au Musée impérial ottoman.
L'Académie n'a pas oublié le concours qu'elle a accepté de
prêter, pour la publication des Inscriptions de Délos, à la
grande entreprise du nouveau Corpus Inscriptionum Grœcarum
que poursuit avec tant d'activité l'Académie de Berlin. Nommée
dans la séance" du 27 mai 1910, la Commission que préside notre
confrère M. Foucart a adressé au mois d'avril 1911 la première
partie du manuscrit de M. Dûrrbach à l'Académie de Berlin.
L'impression a commencé presque aussitôt, et au mois d'octobre
1911 quatre feuilles étaient tirées. A la date du 3 février 1912,
neuf feuilles sont tirées et de nombreux placards soûl composés.
Le manuscrit et toutes les épreuves passent sous les yeux de
MM. Foucart, Homolle, Théodore Beinach, Haussoullier, qui
rendent le meilleur témoignage au zèle et à la compétence
de M. Dûrrbach, auquel l'Académie a confié la rédaction de la
partie du Corpus dont elle a pris la responsabilité. En somme,
dans l'espace d'une année, du mois d'avril 1911 au mois d'avril
1912, la Commission aura produit plus de dix feuilles, peut-être
douze. Nous serions heureux de voir toutes nos entreprises
académiques marcher de ce pas.
37
LIVRES OFFERTS
M. Cagnat offre à l'Académie un nouveau fascicule des Musées de
l'Algérie et de lu Tunisie intitulé : Le Musée de Sfax. Le texte de ce
fascicule a été rédigé par M. Massigli, membre de l'École française
de Rome, qui a été passer un mois en 1911 à Sfax même et qui s'est
tiré à son honneur de ce travail. M. Gagnai remercie l'École française
de Rome de l'aide qu'elle a prêté une fois de plus à la publication des
antiquités africaines.
SÉANCE DU 1(5 FÉVRIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
L'Académie se l'orme en comité secret pour entendre 1 exposé
des titres des candidats au fauteuil de M. Saglio.
LIVRES OFFERTS
Le P. Scheil a la parole pour un hommage : . •
" J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie au nom de M. Revillout,
conservateur honoraire des Musées nationaux, toute la collection de
la Revue égyptologique et en particulier le XIII0 volume (184 p. in-4°)
qui vient d'en paraître. Ce volume contient, entre autres, des études
renouvelées sur des textes démotiques (le chacal koufi, le roman de
Setme . sur des textes bilingues (décrets de Rosette, Philâ), sur la
vocalisation en égyptien et dans les langues sémitiques, etc.
« Du même auteur, voici les trois premiers fascicules d'un recueil
intitulé Contrats égyptiens (438 p. in-8° autogr.). Ce sont i8 pièces
dessinées, transcrites, traduites, les plus anciens documents démo-
38 LIVRES OFFERTS
tiques connus, allant de Bocchoris, par les rois éthiopiens, par
Psammétique et ses successeurs, jusqu'au fils <1 Amasis inclusivement
(733-527 . La suite comprendra les contrats de l'époque perse.
« Une fois de plus, ici comme dans l'ensemble de ses précédents
travaux, M. Revillout montre un savoir presque encyclopédique,
s'étendant à tous les domaines de l'orientalisme et au delà, qu'il
s'agisse de philologie, d'histoire, de droit, de religion, de métrolo-
gie, etc. Cependant, quoi qu'il fasse, il apparaît toujours que son
vrai terrain, le lot où il excelle, c'est le démotique, écriture, langue,
littérature, ce démotique qui lui a permis de fonder la science du
droit égyptien de basse époque.
« Une fois de plus, ici comme dans l'ensemble de ses précédents
travaux, on pourra regretter l'absence d'un certain art dans la com-
position et le mode de publication. Sans aller jusqu'à appliquer à
l'auteur pour cette mise négligée le mot de Cicéron négligeas diligen-
lia, je le soupçonne de n'en être pas assez fâché. Cependant vous
lui en ferez un moindre grief si, ne regardant que le fond des choses,
vous remarquez que personne à notre époque n'a au même point la
science et l'expérience du démotique.
« La bonne grâce avec laquelle M. Revillout offre aujourd'hui à
l'Académie des inscriptions et belles-lettres quelques-uns de ses
ouvrages nous autorise à exprimer le vœu qu'il édite, comme il l'a
promis, en bonne et due forme, un Syllabaire, une Grammaire et un
Dictionnaire démotiques. D'une maitrise non pareille dans cette
spécialité, il pourra apporter à ce travail une sérénité exempte
d'esprit polémique. Ainsi, tout en se faisant grandement honneur
comme savant, il se survivra comme chef d'école dans l'ensei-
gnement d'une discipline qui compte peu d'adeptes. »
M. Foocart présente un livre de M. Michel, professeur à l'Univer-
sité de Liège, correspondant de l'Académie. L'auteur a publié en 1900
un Recueil d'inscriptions grecques qui a mis à la disposition de
ceux qui étudient l'histoire et les antiquités grecques, les text<-
épigraphiques les plus intéressants. M. Michel a voulu compléter
son œuvre en publiant un Supplémeut, qui comprendra surtout les
documents découverts dans ces dernières années. Le premier fasci-
cule est conservé aux inscriptions athéniennes; il réunit 137 numé-
ros, revus sur les estampages ou d'après les travaux les plus récents,
et pourvus d'une bibliographie liés complète.
39
SÉANCE DU 23 FÉVRIER
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts
informe l'Académie que M. Holleaux, directeur de l'École fran-
çaise d'Athènes, lui a adressé sa démission qu'il a acceptée. Il
prie l'Académie de lui faire parvenir, conformément aux dispo-
sitions du décret du 26 novembre 1874, une liste de présenta-
tions pour les fonctions de directeur de l'École française
d'Athènes.
Renvoi à la Commission des Écoles d'Athènes et de Home
pour dresser la liste de présentations.
M. Cagnat a la parole :
.. M. Alfred Le Chatelier, mon collègue au Collège de France,
me prie d'appeler l'attention de l'Académie sur des découvertes
archéologiques faites aux environs de Tanger par deux membres
de la Mission scientifique du Maroc. Le résultat de leurs
recherches vient de paraître clans le 18'' volume des Archives
marocaines.
» MM. Biarnay et Pérétié ont commencé des fouilles sur le
plateau du Marchan, à l'Ouest de Tanger. Ils y ont déblayé des
sépultures creusées dans le roc. L'une d'entre elles contenait un
sarcophage de plomb et les restes de sarcophages en bois où
avaient été enterrés des enfants; une autre a donné une épitaphe
chrétienne, datée de 345 ap. J.-C.
m Des fouilles ont été entreprises à 20 kilomètres au Sud-
Ouest de Tanger, au lieu dit Aïn-el-IIammam. Il y avait là un
établissement thermal dont plusieurs piscines ont été mises au
jour. On y a recueilli des monnaies du n". du m'' et du iV siècle
et un mascaron de bronze par où l'eau s'échappait jadis pour
tomber dans la piscine.
« Enfin M. Biarnay a commencé à explorer une grotte pré-
historique dite «grotte des Idoles », au Sud du Cap Spartel.
il) SÉANCE DU 23 FÉVRIER 1912
« Il faut souhaiter que ces recherches se poursuivent et
s'étendent dans cette région, voisine de Tanger, où nos officiers
n'auront pas l'occasion d'exercer leur activité archéologique. »
M. Edouard Cnj lit une note sur le sénatus-consulte récem-
ment trouvé à Délos et relatif à un différend survenu entre les
Déliens et le curateur du temple de Sara pis. Le décret du Sénat,
dont le texte grec nous est seul parvenu, contient une clause
prohibitive qui, contrairement à l'usage, est dépourvue de sanc-
tion. M. Edouard Cuq recherche la cause de cette omission,
puis la forme sous laquelle la défense était édictée dans l'original
rédigé en latin. Il signale l'intérêt que présente l'inscription de
Délos pour l'explication des lois prohibitives que les Romains
qualifient imparfaites, comme la loi Cincia sur les donations.
Le R. P. Scheil fait une seconde lecture de son mémoire sur
la chronologie du règne de Hammourabi.
M. Maurice Prou donne une seconde lecture de son mémoire
sur des dalles de marbre provenant de l'église de Schaennis
i canton de Saint-Gall) et ornées d'entrelacs.
M. Dieulafoy présente quelques observations :
« Au nombre des motifs de décoration étudiés par M. Prou se
trouvent les entrelacs et le cep de vigne contourné en sinusoïde,
garni de ses feuilles, de ses pampres et de raisins. Ce rameau
adopté de bonne heure par les chrétiens fut, semblc-t-il, emprunté
par eux à l'Orient païen. Du moins, il se trouve dans la forme
classique sur les frises du palais d'Hatra. Or, Hatra existait au
i"1 siècle de notre ère puisque la place fut assiégée par Trajan
en l'an 116 et l'ut mise à sac à la fin du siècle pour ne se plus
relever jamais. Ce motif et l'entrelac qui apparaissent encore au
palais de Rabbal Amman furent reproduits par les Coptes et
transportés en Italie et en Espagne. Je ne saurais fixer l'époque,
en tout cas ancienne, où ils apparurent en Italie; mais en
Espagne il- existent sur des pilastres et sur des linteaux de
pierre découverts a Mérida et provenant d'édifices ruinés à la
suite soit de la prise de la ville par Mousa en 713 soit du pillage
et de la destruction méthodique effectuée par les chrétiens en
835. Les fragments, quelle que soit leur origine, sont donc anté-
rieur- au iV siècle.
LIVRES OFFERTS 41
« Ce renseignement est précieux, il n'est pas unique.
« Les mêmes motifs apparaissent, en effet, sur des dalles tom-
bales antérieures comme date à l'invasion arabe et conservés à
la Càmara Santa et au Musée d'Oviedo et aussi sur un appui
d'autel à Santa Cristina de Lena. Dans ce dernier monument,
ils revêtent exactement la forme de cœur et portent le cernage
en creux signalé par M. Prou comme caractéristique de l'orne-
ment. Ils sont accompagnés d'une inscription qui, à défaut
d'autres renseignements, témoigne qu'ils remontent au ix'' siècle.
« Enfin, bien que la reproduction y soit moins fidèle, il est
intéressant de citer les sabres ibériques d'Almenedilla, d'une
époque antérieure à l'occupation de l'Espagne par les Yisigoths,
et dont la poignée est ornée d'une sinusoïde florale de style
oriental très accusé et ayant des analogies certaines avec les
rinceaux du palais d'Hatra. »
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau le fascicule du mois
de novembre 1911 des Comptes rendus des séances de l'Académie
Taris, 19H, in-8°).
M. Camille Jullian présente le facsimilé de la Gaule dans la Table
de Peutinger (Bordeaux et Paris, in-8° ; exlr. de la « Revue des études
anciennes »).
M. C. Jullian dépose, en outre, sur le bureau le nu LUI de ses
Notes gallo-romaines (Bordeaux et Paris. in-8°; extr. de la même
Revue).
M. Cagnat olfre à l'Académie, de la part de M. Merlin, le dernier
fascicule de Y Enquête sur les travaux hydrauliques romains i-n Tuni-
sie. Ainsi se termine l'œuvre entreprise il y a longtemps déjà par
l'initiative du regretté P. Gauckler et qui restait en suspens depuis
son départ de Tunis. Les documents publiés dans ce fascicule ont
été réunis par M. L. Drappier, attaché à la Direction des Antiquités
de la Tunisie.
42 LIVRES OFFERTS
M. H. Omont dépose sur le bureau, au nom de M. le Dr V. Leblond,
président de la Société académique de l'Oise, un volume qu'il vient
de publier, intitulé : Six inventaires et. testaments Beauvaisins (1391-
I i.'il) (Beauvais, 1911, in-8°, 89 pages .
De ces six inventaires et testaments, quatre, tirés des archives du
tribunal de Beauvais, ont précédemment paru dans le Bulletin d'ar-
chéologie du Comité des travaux historiques; les deux autres sont
publiés d'après les originaux conservés aux Archives départementales
de rOise. Tous sont également curieux pour les détails qu'ils
donnent à profusion sur le mobilier de riches chanoines des xive et
xve siècles.
Le Gérant, A. Picard.
MAÇON, l'HOT4T FRERES, IMPRIMEURS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SEANCE DU 1er MARS
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Henri Cordier a reçu deux lettres de M. de Gironcourt
datées de Tombouctou, du 17 et du 20 janvier. Les prétendus
saints réputés « Echabas », enterrés clan» la région du Djenné,
n'ont été que des marabouts indigènes d'époque postérieure et
étrangers à cette première infiltration musulmane en Afrique
occidentale dont M. de Gironcourt a rapporté la tradition à
l'Académie : il a trouvé un manuscrit précisant sa parenté avec
les groupements peuls. M. de Gironcourt a recueilli quelques
traditions de cette ville de Dia qui serait vieille de mille années
et garde quelques témoins de cet art spécial de sculpture sur
bois encore en bonneur de nos jours dans les pays sarakollés.
Les échantillons de Dia tirent leur valeur de leur âge, car
depuis l'époque reculée à laquelle les reporte la tradition locale
(xie siècle) ces objets ne semblent plus avoir été fabriqués dans
cette ville. Il y a danger de confusion sur les mots malimkè
que l'on applique à Djenné à la race dite marka ou sarakollé,
1912. i
£4 SÉANCE DU 1er MABS 1912
s'étendant de Dia à Bakol sur le Sénégal, fort différente de la
race de langue dite ailleurs malin ké ou bambara. Enfin M. de
Gironcourt envoie 73 copies de manuscrits recueillis à Djenné
et dans le Macina qui, sans aucun doute, jetteront un jour nou-
veau sur l'histoire peu connue de ces régions. M. de Gironcourt
devait quitter Tombouctou le 21 janvier pour se rendre à Gao,
Kidal, Es-Souk, Talaya, pour remplir le principal objet de sa
mission : l'étude des nécropoles, qui le retiendra surtout entre
Bamba et Bentia, et sans doute aussi entre Kidad et Talava.
Il est donné lecture d'une lettre par laquelle M. Radet retire
sa candidature au fauteuil de M. Saglio.
L'Académie procède ensuite à l'élection d'un membre libre,
en remplacement de M. Saglio, décédé.
Le Président rappelle les noms des candidats qui sont :
MM. Bayet, Adrien Blanchet, le D1 Gapitan, Ulysse Chevalier,
Espérandieu, le comte A. de Laborde.
Il y a 44 votants ; majorité 23.
Au premier tour de scrutin, M. Bayet obtient 15 suffrages;
M. Blanchet, 10; M. Ulysse Chevalier, 9; M. le comte de
Laborde, 4; MM. le Dr Capitan et Espérandieu, chacun 3.
Au deuxième tour de scrutin, il y a 45 votants; majorité 23.
M. Bayet obtient 16 suffrages; M. Ulysse Chevalier, 14;
M. Blanchet, 7; M. le Dl Capitan, 4; MM. Espérandieu et le
comte de Laborde, chacun 2.
Au troisième tour de scrutin, M. Ulysse Chevalier obtient
22 suffrages; M. Bayet, 18; MM. Espérandieu et Blanchet,
chacun 2; M. le comte de Laborde, 1.
Au quatrième tour de scrutin, M. Ulysse Chevalier obtient
25 suffrages; M. Bayet, 19; M. Blanchet, 1.
En conséquence, M. Ulysse Chevalier, ayant réuni la majorité
absolue des suffrages, est proclamé élu par le Président. Son
élection sera soumise à l'approbation de M. le Président de la
République.
A la suite d'un comité secret, le Président annonce que
l'Académie a décidé de présenter à M. le Ministre de l'instruc-
tion publique pour la place de Directeur de l'Ecole française
d'Athènes, en remplacement de M. Ilolleaux, démissionnaire :
LIVRES OFFERTS i5
en 1'"° ligne, M. Homolle, à l'unanimité moins '2 voix; en
•2e ligne, M. Pierre Paris, par 17 voix contre 14 données à
M. Radet.
L'Académie a décerné le prix Estrade-Delcros, de la valeur
de 8.000 francs, à Mme veuve Auguste Longnon, pour l'ensemble
des travaux de son mari et pour honorer sa mémoire.
LIVRES OFFERTS
M. Gagnât offre à l'Académie de la part de M. Monceaux, profes-
seur au Collège de France, le quatrième volume de son Histoire
littéraire de l'Afrique chrétienne. Ce volume est intitulé « Le Dona-
tisme ». C'est un travail du plus grand intérêt et d'une véritable
nouveauté. «Ce vaste domaine, dit avec raison l'auteur, a été
presque complètement délaissé par la critique moderne. Les histo-
riens des lettres latines n'y ont vu sans doute que matière à théolo-
gie ou documents d'histoire; la plupart ne mentionnent même pas
celte littérature; ils omettent jusqu'aux noms des principaux polé-
mistes. Les vieux historiens de l'Église ont été plus clairvoyants ;
mais leurs solides travaux, peu familiers aux philologues et aux
lettrés, n'ont pas réussi à faire entrer dans l'histoire littéraire les
pamphlets donatistes ou antidonatistes. » Le livre de M. Monceaux y
réussira assurément. On y trouvera une histoire très complète du
schisme donatiste, de son développement, de son existence, de son
rôle et des luttes qu'il engendra; et aussi, dans la seconde partie,
une étude approfondie des documents relatifs au donatisme (actes de
conciles, libelles, etc.) et même de l'épigraphie donatiste, qui s'est
trouvée, à l'examen, beaucoup plus riche qu'on ne pouvait le croire à
première vue.
Les historiens du christianisme, ceux de l'Afrique et les savants
qui s'occupent de littérature latine devront vivement remercier
M. Monceaux du travail auquel il s'est livré avec tant de courage et
de bonheur, et <jràce auquel dans ce volume, plus encore (pue dans
les précédents, il est arrivé à éclairer les questions les plus obscures
et les plus embrouillées de la littérature africaine au iv'' et au
ve siècle.
46 LIVRES OFFERTS
M. Paul Fournier a la parole pour deux hommages :
« J'ai l'honneur de présenter à l'Académie de la part de M. Robert
Parisot, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Nancy,
la Table alphabétique et méthodique des Annales de l'Est pour la
période qui s'étend entre 1897 et 1909. Pendant les années 1897 à
1904, cette revue fut dirigée exclusivement par l'Université de Nancy ;
de 1905 à 1909, elle parut sous le titre d'Annales de l'Est et du Nord
et fut l'œuvre commune des Universités de Nancy et de Lille.
Depuis 1910, chacune de ces Universités a repris sa liberté d'action :
celle de Nancy publie une nouvelle série des Annales de l'Est, celle
de Lille publie la Revue du Nord.
«J'ai l'honneur de présenter ensuite à l'Académie, au nom de mon
collègue M. Garet, professeur à la Faculté de droit de l'Université de
Nancy, le Diarium Universitatis Mussipontanx 1572-1764), journal de
l'Université de Pont-à-Mousson publié en 1911 sous les auspices et
aux frais de l'Université de Nancy. C'est un registre tenu par le
P. Jésuite recteur de l'Université, ou au moins sous sa direction. Ce
document est du plus haut intérêt. On y rencontre, notés au jour le
jour, par ordre chronologique, les événements qui intéressent la vie
scolaire de l'Université et des Facultés, à l'exception des deux
Facultés laïques de droit et de médecine. On le consultera avec fruit
sur l'organisation générale de l'Université, les matières et la réparti-
tion de l'enseignement, la collation des gracies, les attributions des
diverses autorités universitaires, les conflits du Recteur avec le
Droit et la Médecine. On y trouvera les noms et la mention de la
promotion des professeurs, le Curriculum vitse scolaire des étudiants
fréquentant les Facultés de théologie et des arts, les noms des étu-
diants en droit et en médecine. Y sont aussi relatés les cérémonies
universitaires, les incidents relatifs à l'histoire du pays, malheurs de
la guerre de Trente Ans, visites des princes de la Maison de Lorraine,
les conflits de préséance et tous les événements qui ont attiré
l'attention du Recteur. Le texte a été publié avec soin par M. Garet,
d'après un manuscrit unique qui lui appartient. Il serait heureu-
sement complété par une introduction et des notes explicatives :
puissent-elles former bientôt la matière d'un second volume ! »
47
SÉANCE DU 8 MARS
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
Il est donné lecture :
1° d'une lettre de M. le Ministre de l'instruction publique et
des beaux-arts demandant les noms des membres de l'Académie
qui désireraient se rendre au Congrès international d'archéolo-
gie qui aura lieu à Rome du 9 au 16 octobre prochain;
2° d'un décret, en date du 4 mars, approuvant l'élection de
M. Ulysse Chevalier à la place d'académicien libre laissée
vacante par la mort de M. Saglio;
3° d'un télégramme de M. Ulysse Chevalier, retenu à Hyères
par une indisposition, s'excusant de ne pouvoir assister à la
séance, ainsi que d'une lettre qu'il adresse à l'Académie pour la
remercier de l'honneur qu'elle lui a fait en le nommant membre
libre;
4° de la lettre suivante que le capitaine 11. Weill adresse au
Secrétaire perpétuel :
Camp de Tounah (Egypte), 23 février 1912.
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Je suis heureux de pouvoir vous informer que la campagne de
fouilles que je poursuis dans la région de Tounah a donné des résul-
tats satisfaisants. Commencés au début du mois de janvier, les tra-
vaux ont eu pour objet la reconnaissance et l'exploration de diverses
nécropoles d'époque grecque et d'époque pharaonique, où furent
recueillis des objets eu grand nombre, sarcophages, statuettes,
vases, pierres inscrites, qui forment des séries archéologiques inté-
ressantes et sont souvent remarquables par leurs caractères artis-
tiques.
Particulièrement intéressante au point de vue historique est la
rencontre de nombreux vestiges d'un temple d'Aménolhès IV, dont
la présence nous rappelle qu'en ce lieu de Tounah nous sommes à
la limite nord du grand domaine de Tell El-Amarna que le «roi
48 SÉANCE DU 8 MARS 1912
hérétique » avait découpé dans le territoire des nomes environnants
pour en faire l'apanage du Disque rayonnant, le dieu pour lequel il
entendait détrôner le vieil Amon de Thèbes. On sait que l'innovation
fut malheureuse. Après la mort du Pharaon révolutionnaire, son
nom fut martelé, ses temples solaires détruits, et quant à celui de
Tounah, décoré de beaux hiéroglyphes sculptés et peints, ses murs
fournirent des matériaux aux tombeaux de la nécropole ramesside.
Parmi les objets les plus importants trouvés dans cette nécropole
du Nouvel Empire, je mentionnerai particulièrement un grand sarco-
phage en granité noir de la bonne époque thébaine (vers loOO av.
J.-C), à couvercle anthropoïde, décoré de figures et d'inscriptions
sur toute la surface du couvercle et de la cuve. Il appartenait à une
dame Nashouiou, « supérieure du harem de Thot d'Hermopolis »,
c'est-à-dire régente de la maison des courtisanes sacrées, épouses du
dieu, dont l'administration faisait partie des services du grand sanc-
tuaire. Ce sarcophage est une pièce très belle que j'espère réussir à
transporter jusqu'en France, malgré son poids considérable et les
difficultés résultant de sa position au fond d'une chambre étroite, au
bas d'un puits profond de 7 mètres ; pour l'extraction et le transport,
il faut des engins de levage puissants et du matériel de roulement
spécialement organisé, mais des opérations analogues ont été
effectuées souvent dans ce pays, et je ne pense pas y rencontrer
d'obstacles de nature exceptionnelle.
M. Salomon Reixach a la parole pour une communication :
« J'ai l'honneur d'annoncer à l'Académie qu'au mois de
décembre dernier M. Henri Viollet a relevé, à Bagdad, tous les
détails d'une intéressante construction arabe du xme siècle,
ancienne école fondée par le khalife abasside Mustansir vers
1 "23*2 et servant actuellement de douane. Malgré l'extrême état
de dégradation de l'édifice, M. Viollet a pu photographier ou
dessiner les riches décorations qui subsistent en partie sous les
plâtrages et dont le caractère essentiel est leur harmonie, leur
liaison intime avec les grandes lignes de la construction. Le
style rappelle, d'autre part, celui des portes sculptées en bois
que l'on trouve en Egypte; ces boiseries se divisent, comme les
compositions en briques de Bagdad, en carrés, en polygones, en
étoiles, en figures à côtés multiples. Le même art se manifeste
dans toute la Mésopotamie depuis le début du xme siècle; la
couleur n'y joue aucun rôle, l'architecte n'ayant cherché d'effets
décoratifs que dans les jeux de l'ombre et de la lumière. »
SÉANCE DU 8 MARS 1912 49
M. Pottier montre les aquarelles de quatre vases à fond
blanc et à décor polychrome, appartenant au Musée du Bardo
et au Musée Saint-Louis de Carthage à Tunis. Ces aquarelles ont
été faites pour M. Pierre Paris, de la Faculté des lettres de Bor-
deaux, qui les communique à l'Académie avec une courte note
décrivant les poteries et indiquant leur provenance. Elles ont
été trouvées dans des tombeaux puniques dff Carthage.
M. Pottier ajoute quelques observations sur cette catégorie
encore peu nombreuse qui mériterait une étude spéciale. Les
exemplaires en sont dispersés en Italie, en Grèce, en Asie
Mineure, en Crimée, en Tunisie et même en Gaule. On a indi-
qué Canosa comme centre de fabrication ; mais il y a eu sans
doute plus d'un atelier pour les faire. Ces vases sont comme une
renaissance de l'ancienne et célèbre fabrication des lécylhes
attiques à fond blanc et à décor polychrome. Comme eux, ils
s'inspirent de la technique à fresque contemporaine et con-
tiennent en germe le décor que nous appelons pompéien, mais
dont les origines remontent jusqu'au ive siècle et qui s'est
développé pendant toute la période hellénistique. Les maisons
de Délos récemment découvertes et étudiées par l'Ecole française
d'Athènes offrent un système analogue de technique et d'orne-
mentation. Par les fouilles d'Antinoé, en Egypte, on constate
que cette céramique existait encore au IIe siècle ap. J.-C. Par
conséquent on a continué à faire des vases peints beaucoup plus
longtemps qu'on ne pensait.
MM. Perrot, Salomon Reinach et Clermont-Ganneau pré-
sentent à ce sujet quelques observations.
M. Psichari l'ait une communication intitulée : Lame il el
Lambda.
MM. Théodore Reinach et Clermont-Ganneau ajoutent
quelques observations.
so
LIVRES OFFERTS
M. Babelon offre un ouvrage intitulé: Les médailles historiques du
règne de Xapoléon ftnpereur et roi, publié par lui sous les auspices
de la Société de Numismatique de New-York (Paris, 1912, in-folio).
M. le comte Durrieu offre le tirage à part, dédié à la mémoire de
Léopold Delisle, d'un mémoire qu'il a publié dans la Bibliothèque
de l'École des Chartes sous le titre suivant : Un des plus importants
lirres d'Heures du roi Charles V: les Heures de Savoie, ou « Très belles
grandes Heures» du roi (Paris, 1911, in-8°).
M. IIeuzey a la parole pourun hommage :
« J'ai reçu, pour l'Académie, une brochure qui donne des détails
très intéressants sur des fouilles exécutées à Langaza, près de
Salonique, dans un de ces tertres funéraires qui sont si nombreux
en Macédoine. Un effondrement s'étant produit dans le tumulus, la
Direction des Antiquités de Constantinople envoya un de ses fonc-
tionnaires, M. Macridy, pour y pratiquer des tranchées régulières. Le
monticule contenait en effet une chambre voûtée, avec vestibule, tout
à fait du même type que les tombeaux que j'ai moi-même explorés
jadis à Pydna et à Palatitza, avec mon très cher et très regretté ami,
Daumet.
« La construction funéraire de Langaza présente cependant des
variantes intéressantes à noter. La façade était décorée d'un fronton,
soutenu par quatre demi-colonnes ioniques d'un style élégant. Les
portes à doubles battants notaient pas toutes les deux en marbre.
De la première, qui devait être en bois, il ne restait que la décoration
et la monture, puissantes têtes de boulons et autres ornements en
bronze doré. Les battants en marbre de la porte intérieure avaient,
au contraire, leurs boulons sculptés dans la masse, mais revêtus
aussi de dorure. Les autres pièces de bronze doré appliquées sur les
deux portes, masques de Méduse, gueules de lions, tenant les
anneaux mobiles pour tirer les battants, sont d'un travail remar-
quable. Je signalerai surtout un magnifique épispastère, formé de
deux palmettes redoublées, montrant le parti original que les déco-
rateurs grecs savaient tirer des motifs les plus rebattus.
Le mécanisme des gonds et pivots qui faisaient tourner ces lourds
vantaux ;i été retrouvé au complet, sauf la serrure. C'est le même
LIVRES OFFERTS 51
système, aussi ingénieux et aussi pratique, que celui que nous avons
fait connaître dans notre Mission de Macédoine. Edem-bey, archi-
tecte du Musée de Constanlinople, le fds de notre regretté corres-
pondant Hamdy-bey, a illustré par des dessins et des coupes très
bien étudiées tous ces détails architectoniques de la construction,
pour la plus grande valeur de l'excellent travail de M. Macridy.
« Seulement, la chambre sépulcrale n'était pas meublée de beaux
lits funèbres, pour y coucher les morts, comme à Pydna et à Pala-
titza. Le mode de sépulture était différent et ne consistait qu'en un
grand sarcophage de forme très simple.
« Quant aux offrandes, on n'en a retrouvé que de faibles débris, la
voûte ayant été défoncée et le tombeau pillé antérieurement, peut-
être dès l'antiquité. Mais la porte de marbre et tous les bronzes
recueillis sont maintenant au Musée de Constantinople, où ils con-
firment le caractère constant de ces riches tombeaux macédoniens.»
M. le marquis de Vogué fait hommage à l'Académie du dernier
fascicule du Catalogue de la collection De Clercq rédigé par M. de
Ridder (Paris, 1912, in-4°). Ce fascicule contient les Tables de tout
le catalogue comprenant deux volumes, publiés du vivant de M. De
Clercq sous la direction de M. Menant, et cinq volumes qui sont
l'œuvre personnelle de M. de Ridder sous la haute direction de la
Commission nommée par l'Académie. M. de Ridder a apporté à
l'exécution de ce dernier travail le soin, la compétence, la préci-
sion qui distinguent tout l'ouvrage ; des tables nombreuses, distri-
buées sous des rubriques différentes, répondant aux besoins les
plus variés, permettront l'utilisation la plus complète et la plus facile
des documents accumulés dans l'ouvrage. Ainsi se trouve achevée,
de la manière la plus satisfaisante, l'œuvre entreprise par l'Acadé-
mie ; ainsi se trouvent accomplies les généreuses intentions du
regretté M. De Clercq ; il a voulu que la belle collection formée par
ses efforts éclairés et ses sacrifices profitât à la science : ce vœu est
pleinement satisfait par l'excellent instrument de travail exécuté
par M. de Ridder sous les auspices de l'Académie.
o2
SÉANCE DU 15 MARS
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Homolle, dans une lettre qu'il adresse au Secrétaire perpé-
tuel, remercie ses confrères de l'honneur qu'ils lui ont fait en
le désignant, par un vote unanime, au choix du Gouvernement
pour le poste de directeur de l'Ecole française d'Athènes.
Mme veuve Auguste Long-non, à qui l'Académie a attribué
récemment le prix Estrade-Delcros, adresse au Président une
lettre de remerciement.
M. Henri Cordier a reçu du Dr Legendre une lettre en date
de Hong-Kong le 13 février. Le Dr Legendre confirme les détails
de l'agression dont il a été l'objet ; il allait gagner le Tong-King
et de là le Yun-nan, si la situation permettait d'y travailler.
M. Héron de Villefosse informe l'Académie, que M. le cha-
noine Leynaud, curé de Sousse, grâce à une subvention de la
Société française des fouilles archéologiques, est en mesure de
reprendre l'exploration des grandes catacombes d'Hadrumète.
De son côté, notre dévoué confrère, M. le duc de Loubat, avec
la délicatesse qui le caractérise et la discrétion qu'il sait appor-
ter dans ses libéralités, a fait parvenir à M. le chanoine Leynaud
une généreuse contribution personnelle. La continuation de
l'œuvre à laquelle M. Leynaud s'est consacré et dont l'Acadé-
mie avait encouragé les débuts se trouve ainsi assurée à peu
près pour une année.
Ce zélé fouilleur me prie d'annoncer à l'Académie qu'il vient
de découvrir une plaque de marbre blanc, portant l'épitaphe
d'un centurion de la IIe légion Parthique. Le tombeau de ce
centurion a été ouvert le 2 mars dernier, en présence de six
officiers de la garnison de Sousse qui avaient tenu à honneur de
venir saluer « un ancien»; il était creusé dans la paroi d'une
galerie. On rencontra tout d'abord un petit mur en pierre;
SÉANCE DU 1S MARS 1912 53
derrière le mur se trouvait une sorte d'auge creusée dans le tuf
et profonde de 0m 30. Au fond de L'auge était déposé le corps
du défunt, recouvert d'une couche de plâtre très blanc ; aucun
objet n'avait été placé près du corps.
Le squelette bien conservé mesure lm 72 de longueur; la tête
est petite, relativement allongée, le front très bas. Le tombeau
fait suite à dés loculi ordinaires. La galerie où il a été découvert
est parallèle à une autre galerie où sept épitaphes sur plaques
de marbre ont été déjà recueillies.
Le texte qui indiquait la place de cette sépulture est bien
gravé ; il est ainsi conçu :
Q.- PAPlO • Q/F • SATVRNINO-
IVLIANO" CENT VR ION I"
LEG-îl-PART-VIX-ANN|X;
PAPIA- VICTORIA -SOROR •
P 1 1 S S I M A • FRATRI ■ S V O '
FECIT
On remarquera l'absence de la formule Diis manibus sacrum.
Cette inscription ne peut être antérieure au règne de Septime
Sévère auquel on doit la création des trois légions parthiques.
Elle fournit donc une date importante à retenir pour l'histoire
de ces catacombes.
On ne possède aucun témoignage sur un séjour des légions
parthiques en Afrique. Aussi il paraît probable que ce Q. Papius
Saturninus, mort à Hadrumète à l'âge de 60 ans, était venu
finir ses jours dans sa patrie auprès de sa sœur, Papia Victoria,
qui prit soin de sa sépulture. Il ne s'agit pas d'un cénotaphe
puisque le corps du défunt a été retrouvé, mais d'une véritable
sépulture. On a relevé à Lambèse les épitaphes de deux cen-
turions de la III0 légion Parthique, morts l'un à 70 ans, l'autre
à 54 ans, dont la présence dans le cimetière de Lambèse ne
peut s'expliquer que par des motifs analogues.
M. Babelon donne lecture du rapport suivant :
« La Commission du prix Duchalais (numismatique du
54 SÉANCE DU 18 MARS 1912
moven âge) a décidé de partager le prix par parties égales entre
M. Jules Sambon pour son ouvrage intitulé : Répertoria géné-
rale délie monete coniate in Italia (1 vol. in-4° avec planches),
et M. Antoine Sabatier pour sa Sigillographie historique des
administrations fiscales, communautés ouvrières et institutions
diverses. Plombs historiés de la Saône et de la Seine [\ vol.
gr. in-8° avec planches).
M. Proi- fait le rapport suivant :
« La Commission du prix Bordin (moyen âge et Renaissance)
décerne :
<( 1° un prix de 1.500 francs à M. Ferdinand Ghalandon pour
son histoire de Jean II Comnène et Manuel Comnène ;
« 2° trois récompenses de 500 francs chacune : au Père
Frédegaud Callaey, pour son livre intitulé : L'idéalisme fran-
ciscain spirituel au XIVe siècle. Étude sur Uhertin de Casale ;
— à M. Jean Longnon, pour son édition de la Chronique de
Morée; — à Dom Antonio Staerk, pour son livre intitulé : Les
manuscrits latins du Ve au XIIIe siècle conservés à la Biblio-
thèque impériale de Sainl-Pétershourg . »
M. le comte Durrif.u, pour rendre hommage à la mémoire
d'un érudit disparu avant l'âge, M. Joseph Delaville Le Roulx,
lauréat du grand prix Gobert en 1905, signale une série de
précieux documents historiques dont M. Delaville Le Roulx
avait réuni des copies, sans que la mort lui ait laissé le temps de
pouvoir les publier.
Parmi ces documents se rencontrent : une correspondance en
langue grecque échangée, vers la fin du xve siècle, entre le
sultan et le grand-maître de l'Ordre des Hospitaliers, à cette
époque installé à Rhodes ; une lettre en français écrite de Rome
par le frère du sultan Bajazet, le fameux Djem ou «Zizim»,
alors que ce prince ottoman à l'existence romanesque se trouvait
retenu au château Saint-Ange par le pape Alexandre VI Borgia;
enfin d'autres lettres relatives à l'expédition de Charles VIII en
Italie, dans lesquelles il est nettement indiqué qu'en partant
pour l'Italie ce roi de France se proposait en réalité d'aller
délivrer la Grèce du joug des Turcs et conquérir Constanti-
nople. Dans une de ces lettres datant de 1495, trait digne d'être
SÉANCE DU 15 MAKS 1912 55
l'élevé pour une époque relativement aussi ancienne, est déjà
formulée cette idée que, parmi les nations de l'Occident, ce sont
spécialement les Français qui sont « les vrais imitateurs » de la
civilisation et de la culture intellectuelle de l'Athènes antique.
M. le Dr Lalanne, de Bordeaux, présente à l'Académie trois
bas-reliefs provenant de ses fouilles de Laussel (Dordogne).
Dans ce gisement, des couches remontant aux plus anciens âges
de pierre se sont accumulées durant de longs millénaires. C'est
dans l'une d'elles, remontant au plus ancien âge du Renne
(époque aurignacienne supérieure), que ces bas-reliefs ont été
rencontrés. Ils figurent deux femmes et un homme. Le plus
important de ces documents représente une femme de 16 centi-
mètres de haut, sculptée en haut-relief avec des traces de pein-
ture rouge qui indiquent qu'elle était entièrement peinte. La
tète n'est malheureusement pas détaillée, mais le corps dénote
de la part de l'artiste un très grand sentiment du réalisme des
formes et une très grande habileté sculpturale. Cette femme est
entièrement nue et figurée de face. Le bras droit relevé tient
une corne de bison ornée d'entailles symétriques, sans doute
destinée à boire ou à faire des libations. L'autre bras est replié
légèrement, la main ramenée sur l'épigastre. Le modelé des
seins et de la poitrine est harmonieux, ainsi que celui du
ventre. Il dénote une femme bien développée et très grasse.
La région des hanches et des cuisses présente un très grand
développement charnu, sous forme de deux convexités bien
distinctes rappelant complètement les caractères physiques de
certaines races sud-africaines (Boschimans). Les jambes sont un
peu courtes, quoique bien prises, mais légèrement cagneuses.
Cette figure est la plus complète, la plus belle et la plus grande
de toutes les représentations humaines de la période quater-
naire découvertes jusqu'à ce jour. Elle évoque d'ailleurs le sou-
venir des petites figurines d'ivoire ou de pierre, trop souvent
fracturées, découvertes dans divers gisements du même âge.
La seconde sculpture féminine, malheureusement privée de
ses membres inférieurs, se distingue de la première par la
représentation des cheveux sous forme d'un quadrillé formé de
lignes parallèles soutenues par un bandeau, et par un plus grand
56 SÉANCE DU 15 MARS 1912
développement des seins. Elle porte aussi des traces de pein-
ture.
De même que la femme a été représentée par l'artiste quater-
naire sous la perspective de la fécondité et de la maternité,
l'homme que nous représente le troisième bas-relief a été figuré
dans une posture qui évoque son rôle de pourvoyeur et de
chasseur. Également nu, sauf une ceinture et une sorte de ban-
delette sur l'épaule, svelte et bien musclé comme il convient à
celui qui doit poursuivre et atteindre le gibier prompt à s'en-
fuir, il paraît ligure dans l'acte de décocher une flèche. Les bras,
malheureusement fracturés, semblent bien, l'un, le gauche, pro-
jeté en avant, soutenir l'arc, et le droit, ramené en arrière,
tendre la corde. Le torse, soigneusement modelé, la taille élé-
gante, les reins cambrés, tout cela indique chez le sculpteur un
sentiment esthétique déjà très raffiné.
Cette découverte de nombreuses figurations humaines relati-
vement très complètes à une époque très reculée jette un jour
inattendu sur les problèmes relatifs à l'origine de l'art, nous
oblige à reculer jusque dans un passé plus ancien encore ces
premiers balbutiements. On est saisi de découvrir dans la
psychologie d'un chasseur de renne et de mammouth un senti-
ment et une éducation esthétiques aussi développés et aussi
proches des sentiments et de l'éducation des civilisations supé-
rieures. Grâce à la fidélité évidente de ces représentations, on
peut aussi se faire une idée plus exacte des populations qui ont
vécu sur notre sol, qui y ont lutté pour l'existence, et nous ne
sommes pas trop loin de la vérité en les supposant analogues
aux peuplades également artistes qui peuplaient avant l'arrivée
des grands nègres et des Européens les régions méridionales de
l'Afrique jBoschimans).
M. Dieuxafoy présente quelques observations.
MM. Salomon Reinach et Maurice Pruu posent plusieurs
questions à M. le Dr Lalanne.
M. Jean Psichari continue et achève sa communication inti-
tulée : Lamed et lambda. Dans cette communication, M. Jean
Psichari, en partant des formes actuelles du nom de cette lettre
LIVRES OFFERTS 57
en grec moderne, c'est-à-dire dans le grec le plus populaire de
nos jours, a essayé de déterminer la véritable forme ancienne,
laquelle, d'après lui, serait Xâ/Boa, non point Xàu-fioa. Puis, cette
forme acquise et bien établie, il tâcbe de remonter à la forme
phénicienne primitive, qui serait Inmcl. Il exclut l'origine ara-
méenne, et, s'engageant dans les récents débats soulevés au
sujet des origines de l'alphabet grec lui-même, conclut énergi-
quement aux origines phéniciennes de l'alphabet grec, ce dont
il voit la preuve dans la monographie minutieuse relative au
Xâ^Sx. Il montre, en cours de route, tous les secours que le grec
ancien peut tirer ainsi de l'étude méthodique du grec moderne.
M. Edouard Guq fait une seconde lecture de son mémoire sur
le Sénatus-consulte de Délos de l'an 160 avant notre ère.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau le fascicule 4 du
tome IV des Jnscriptiones Graecae ad res romanas pertinentes (Paris,
1912, in-8°).
M. Louis ILvvet, de la part de l'auteur, présente un opuscule inti-
tulé : Étude sur le choix des mots dans les discours de Cicéron, par
Louis Delaruelle, professeur adjoint à la Faculté des lettres de l'Uni-
versité de Toulouse. Fascicule provisoire (Toulouse, 1911, vin-101-
pages in-8°) :
« M. Delaruelle a entrepris d'étudier la langue de Cicéron à un
point de vue intéressant et nouveau. Il étudie le vocabulaire oratoire
de Cicéron non par comparaison avec celui d'un autre auteur,
comme serait César ou Tacite, mais par comparaison avec Cicéron
lui-même. Par quelques exemples parfois saisissants, il fait voir que
le vocabulaire des discours ne coïncide pas exactement avec celui
des traités philosophiques. Itidem par exemple est admis dans les
traités, exclu dans les discours. Aiujere figure dans vingt-six
exemples des traités, dans quatre exemples seulement des discours;
encore un des quatre, comme M. Delaruelle l'a reconnu avec beau-
coup de sagacité, esl-il apocryphe.
58 SÉANCE DU 22 MARS 1912
«Ces menus faits, qui semblent un peu décousus au premier abord,
dépendent en réalité de certaines tendances générales qui caracté-
risent la langue propre de l'éloquence. Ils se laissent déjà, ils se
laisseront de mieux en mieux classer d'une façon qui parle vérita-
blement à l'esprit. Très sagement, M. Delaruelle se borne à nous
entrouvrir quelques aperçus qui se dégagent de ses premières
recherches, et qu'il se réserve de préciser et de coordonner à mesure
que son œuvre avancera. »
M. Héron de Villefosse offre à l'Académie, au nom du R. P.
Delattre,un mémoire intitulé : Marques céramiques grecques trouvées
à Carlhage, nouvelle série (extr. de la Revue tunisienne, 1912).
Au nom de l'auteur, M. Henry Vignaud, président de la Société
des Américanistes de Paris, M. Henri Cordier offre à l'Académie un
travail intitulé : Henri/ Harrisse, Élude biographique et morale, dans
lequel est étudiée la personnalité de l'auteur de la Bibliotheca Ame-
ricana Vetustissima et sont énumérées les publications nombreuses
de ce bibliographe et géographe, né à Paris, mais citoyen des Etats-
Unis.
SÉANCE DU 22 MARS
PRESIDENCE DE M. LOl'lS LEGER.
A propos du procès-verbal. M. Jullian répond, ainsi qu'il suit,
aux doutes qui ont pu se manifester sur les bas-reliefs de
l'époque quaternaire présentés par M. Lalanne :
« Cette sculpture stéatopygique est conforme à tous les autres
vestiges de l'art aurignacien.
« Elle n'a pu être faite que par des instruments de pierre :
aucun objet de métal ne l'a touchée.
« L'identité de patine de la surface brute et de la surface
taillée indique une très longue antiquité du travail. — Il y a
trace, sur la surface, de concrétions stalagmitiques. postérieures
à la sculpture.
SÉANCE DU 22 MARS 1912 59
« La sculpture a été trouvée in silu, c'est-à-dire là où elle a
été travaillée, enfoncée dans un gisement aurignacien, c'est-à-
dire contemporain de la date qu'on lui assigne. Elle est sans
doute sculptée sur un roc éboulé, mais l'éboulement est anté-
rieur au travail de la sculpture. Et il y a par-dessus tout le gise-
ment 3 '" '20 de couche stérile.
« La découverte a été faite, comme l'exploration, dans des
conditions de probité et de publicité qui éloignent tout soupçon
d'ordre personnel. »
Le P. Sciieil a la parole pour une communication :
« J'ai l'honneur de communicpaer à l'Académie une décou-
verte supplémentaire que j'ai faite sur la tablette royale dont je
l'ai entretenue récemment et dont l'importance est si considé-
rable pour l'établissement des listes dynastiques du Sumer-
Accad. On se rappelle que dans ce document il restait une lacune
portant sur les 2e, 3e, 4e, 5° rois de la dynastie d'Agadê. Cette
lacune avait été grossièrement comblée par un fragment de
tablette mathématique qui n'avait aucun rapport avec les listes
royales. J'ai pu revoir l'original avant son exode de France, et
m'étant permis de soulever une pellicule de l'enduit qui avait
servi à cette fausse restauration, j'ai lu distinctement les deux
premiers signes du 5e roi d'Agadê : Sar-g[a] La restitution
Sargani ëarri s'impose comme étant le nom bien connu, par les
fouilles de Telloh et Niffer, d'un roi d'Agadê.
« Dès lors, plus de confusion possible entre Sarrukin,
premier roi de la dynastie, et Sargani sarri . Dès lors, les rois
d'Agadê se doivent sérier ainsi, comme je l'ai proposé en 1908
(Mémoires, X, 4) : Sarrukin..., Narâm Sin, Sargani sarri, et
non pas comme on l'a voulu sans raison suffisante : Sarrukin...,
Sargani sarri, Narâm Sin. Dès lors, Naràm Sin peut donc
bien être descendant direct de Sarrukin, comme le disaient les
scribes babyloniens, — nullement de Sargani sarri qui a régné
après lui. C'est gratuitement qu'on a attribué à ces scribes une
confusion, sur ce point, entre deux noms à consonance légè-
rement semblable. »
M. Colugnon communique une note de MM. Charles Picard
et A.-J. Reinach, membres de l'Ecole française d'Athènes, expo-
1912. s
GO SÉANCE DU 22 MARS 1912
sant les résultats des fouilles qu'ils ont entreprises à Thasos en
1911. Ils ont porté leurs recherches sur des points différents.
M. Charles Picard, secondé par M. Avezou, membre de l'École,
s'est attaché à étudier une partie de l'enceinte hellénique et le
temple voisin de l'Acropole.
Des fouilles très fructueuses lui ont permis d"abord de déga-
ger complètement deux portes déjà signalées par ses devanciers
et offrant cette particularité curieuse que les montants étaient
décorés de bas-reliefs dont plusieurs ont été retrouvés. D après
les sujets de ces bas-reliefs, M. Picard les désigne sous le nom
de Porte de Zeus et de Porte d'Iféraklès et de Dionysos. Il a
de plus découvert une autre porte percée obliquement dans le
mur d'enceinte; c'est la Porte oblique ou du Silène au Canthare.
Un des côtés était formé par un monolithe de marbre où est
sculptée en relief une remarquable figure de Silène tenant un
canthare. œuvre de stvle ionien du vie siècle. Son rôle est celui
qu'une inscription attribue à l'Héraklès et au Dionysos repré-
sentés sur les bas-reliefs de la porte voisine; il est le << gardien
de la ville >>. La découverte est d'autant plus précieuse que les
portes de ville ornées de reliefs sont fort rares en Grèce.
Les recherches de M. Picard ont complètement renouvelé
l'étude du temple de l'Acropole qui est aujourd'hui identifié. Il
était consacré à Apollon Pythios. C'est un temple de style
archaïque dépourvu de colonnade extérieure . offrant le type
d un sécos à trois divisions. Il est de très grandes dimensions et
une étude attentive du monument soulèvera certainement d'in-
téressants problèmes d'architecture. Les fouilles ont mis au jour,
de ce côté, des sculptures dignes d'attention, notamment un joli
bas-relief ionien rappelant celui qu'a rapporté .Miller et qui est
conservé au Louvre. Enfin M. Picard a dégagé une porte
triomphale romaine, érigée sous le règne de Caracalla, et que
flanquaient des statues dont les bases ont été retrouvées.
M. A.-.I. Reinach s'était proposé d'explorer le téménos d'Arté-
mis IIojÀu) dans le voisinage duquel ont été découvertes des
statues dont l'une porte la signature de Philiskos de Rhodes.
Si les fouilles n'ont pas donné de résultats décisifs, elles ont
permis à M. A.-.I. Heinach d'étudier de plus près la terrasse du
téménos et la fontaine qui avait sans doute désigné cet empla-
LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE 61
cernent pour un lieu de culte. Des sondages ont fait découvrir les
vestiges d'un monastère byzantin { .
M. Mayer Lambert fait une communication sur le genre
clans les noms de nombre en sémitique2.
COMMUNICATION
LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SEMITIQUE,
PAR M. MAYER LAMBERT.
Parmi les particularités que présentent les noms de
nombre en sémitique, il en est une très curieuse, à savoir
que les nombres de trois à dix prennent la forme féminine
quand ils se rapportent à des noms masculins et la forme
masculine quand ils se rapportent à des noms féminins.
En effet, en sémitique, les masculins singuliers présentent
le radical simple, sans terminaison, tandis que les féminins
singuliers prennent une terminaison /, u[t) ou ny. Or, les
noms de nombre de trois à dix présentent, au masculin, la
terminaison t ou at et sont dépourvus, au féminin, de
toute terminaison. On dit : selâsa ou selôsèt banîm «trois
fils», et êaloè banôt «trois filles ». Les grammairiens se
sont évertués à expliquer ce phénomène surprenant, et nous
allons reproduire quelques-unes des explications qui en
ont été données avant d'en proposer nous-même une nou-
velle.
Des philologues de premier ordre, comme Gesenius3 et
1 . Voir mi prochain cahier.
2. Voir ci-après.
3. Nous avons sous les yeux la onzième édition (1834), p. L81.
62 LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE
Fleischer1, ont admis que les nombres ont pris une forme
opposée à celle que possèdent les autres noms afin de ne
pas se confondre avec ceux-ci. Ils auraient ainsi affirmé
leur nature spéciale, et, pour ne pas être traités comme des
noms ordinaires, ils en auraient pris le contre-pied. Il est à
peine utile de chercher à réfuter cette théorie, et il suffit
de remarquer que l'adjectif, le pronom et le verbe s'accor-
dant avec le substantif, il n'y a pas de raison pour que les
nombres soient plus indépendants.
D'autres linguistes, écartant cette vague psychologie des
catégories grammaticales, ont supposé que l'une des deux
formes du nombre avait existé seule à l'origine pour les
deux genres et que l'autre a été créée plus tard pour des
raisons qu'ils ont cherché à deviner ou à établir. Mais ils
ne sont pas d'accord sur la question de savoir laquelle était
la forme primitive, celle qui a une terminaison, ou celle
qui n'en a pas. Les uns, parmi eux2, ont pensé que la
forme primitive devait être la forme dite masculine, celle
qui n'a pas de terminaison ; mais, cette forme ayant été
ensuite réservée aux féminins, il a fallu, par contraste,
donner la forme féminine aux masculins. Mais on ne com-
prend pas pourquoi la forme primitive a été, à un moment
donné, spécialisée pour les féminins, alors qu'elle avait
la forme masculine, et il est difficile de croire qu'en vertu du
contraste, et en dépit de l'analogie, les nombres masculins
aient pris la terminaison caractéristique du féminin.
D'autres grammairiens 3 ont admis que la forme féminine,
celle qui aune terminaison, était la plus ancienne, parce que
le féminin marque l'abstraction et que le nombre est par lui-
même un abstrait. Les nombres, après avoir été des substan-
1. Kleine Schriften, II, p. 46.
2. Voir, p. c, Stade, Hebriiische Grummatik, 1870. § Ml h.
3. E. Kônig, Lehrgebâude der hebrâischen Sprache, II, 1805, p. 210-211.
Voir aussi Gesenius-Kautzsch, Hebriiische Grammaiik, 28e édition, 009,
p. 207.
LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE 03
tifs, ont été employés adjectivement. Il a fallu alors créer
une forme pour chaque genre. La forme première avec
terminaison est restée usitée pour le masculin, parce que
c'est le g-enre a potiori ou parce que les hommes sont plutôt
comptés que les femmes, et, par contraste, la forme servant
aux noms féminins a été privée de terminaison et a pris
une apparence masculine.
Cette solution du problème est plus étudiée que la pré-
cédente ; elle essaye de faire comprendre pourquoi le
masculin a la forme féminine. Néanmoins elle prête le flanc
a plus d'une critique. Tout d'abord il n'est pas exact que
le féminin marque l'abstraction. Dans les langues sémi-
tiques, il y a une grande quantité de noms abstraits qui sont
du masculin. Par exemple, «grandeur», «beauté» se
rendent en hébreu par les masculins ffodèl, ycfî . Il n'est
pas non plus démontré que les nombres aient été considé-
rés par les anciens Sémites comme des abstraits, quand ils
se rapportent à des objets concrets. Enfin il est difficile de
croire que, lorsqu'on a distingué les deux genres, on a
réservé au masculin la forme terminée par l, alors que les
autres masculins n'ont pas de terminaison, et qu'on a donné
aux féminins la forme masculine. La tendance à l'opposi-
tion des genres aurait eu là des conséquences vraiment
extraordinaires.
M. Reckendorf * a cherché à résoudre le problème non
plus au moyen d'un pur raisonnement, mais en prenant
pour point de départ un fait, qui est le suivant : Le nombre
dix, dans les nombres composés d'une unité et d'une dizaine,
a la forme féminine pour les nombres féminins, ainsi en
arabe thalàtha laêrata, en hébreu seloê lèsré « treize ».
M. Reckendorf suppose que les nombres simples avaient
à l'origine, pour les deux genres, la forme sans terminaison,
parce que c'étaient des concrets. Dans les nombres compo-
i. Dit syntàctischen Verh<nisse des Arabischen, II. p. 265 etsuiv.
64 LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE
ses, il y a, selon lui, un rapport de génitif entre l'unité et
la dizaine : treize, ou du moins le nombre sémitique qui le
signifie, voudrait dire « trois de dix, trois qui appartient à
la dizaine», de sorte que dans de tels nombres l'unité était
concrète et la dizaine abstraite. Plus tard, cette relation
entre l'unité et la dizaine a été méconnue et l'on a cru que
treize voulait dire trois et dix. Or, une fois oublié le carac-
tère abstrait de la dizaine dans le nombre composé, on a
cru que ce nombre, à cause de sa terminaison féminine, ne
pouvait convenir qu'au féminin, et en vertu du contraste
l'on a créé pour le masculin des nombres composés une
forme inverse, où l'unité a pris la terminaison féminine et
où la dizaine l'a perdue. Puis on a reporté sur les nombres
simples la distinction de genre qui existait dans les nombres
composés, et c'est ainsi que les nombres trois à dix ont pris
la terminaison féminine au masculin et sont restés sans
terminaison au féminin.
Cette théorie est aussi compliquée que peu vraisemblable.
Tout d'abord on comprend difficilement que dans « trois de
dix », trois soit concret et dix abstrait, outre que cette inter-
prétation de <( treize » par « trois de dix » est passablement
forcée. D'ailleurs, en hébreu et en araméen, on emploie
le premier de ces mots à l'état absolu et non pas à l'état
construit. Ensuite, pourquoi, dans le nombre composé, a-t-il
fallu donner à l'unité une terminaison féminine pour le
masculin, alors surtout que les deux nombres, unité et
dizaine, étaient étroitement liés et que, par conséquent,
c'est la forme du dernier seulement qu'il y aurait eu lieu de
diversifier pour marquer la distinction du genre? On com-
prend que la terminaison du premier mot tombe devant le
second comme cela est arrivé en elfet en syriaque, mais
non pas qu'on l'introduise là où elle n'existait pas, de
manière à séparer ce qui était et devait être joint. La thèse
du contraste prend chez M. Reckendorf une extension encore
plus grande que chez ses prédécesseurs. Il n'est pas, enfin,
LE GENRE DANS LES NOMS DE NOM BUE EN SÉMITIQUE 6.')
naturel que les nombres simples aient subi l'analogie des
nombres composés, alors que ceux-ci, dans les temps pri-
mitifs, étaient certainement beaucoup moins employés que
les nombres simples.
En dernier lieu, M. Barth, professeur à Berlin, rejetant
toutes les explications antérieures, a tenté d'en trouver une
autre, en faveur de laquelle il invoque plusieurs faits lin-
guistiques [. Le principal de ces faits est qu'en éthiopien la
terminaison des nombres masculins est tu. Or tu est en
éthiopien une terminaison masculine qui, dans les pronoms,
s'oppose au suffixe féminin II (les nombres féminins de 3 à
10 en éthiopien ne présentent pas d'ailleurs la terminaison
//', mais sont, comme dans les autres langues sémitiques,
sans terminaison). M. Barth suppose donc que le sufiixe tu
a été ajouté au nombre en sémitique, non pas pour marquer
le genre masculin, car pour lui, comme pour M. Reckendorf,
le nombre, à l'origine, servait pour les deux genres et n'avait
pas de terminaison, mais pour indiquer la détermination;
tu aurait été à ce moment un article. Mais, comme tu était
dans les pronoms un masculin, on a oublié que dans les
nombres c'était un simple déterminatif, et le nombre ter-
miné en tu est devenu par là même un masculin. Par suite,
en vertu de la loi du contraste, la forme sans terminaison
est devenue féminine. Dans toutes les langues sémitiques
tu s'est abrégé en /, mais s'est maintenu en éthiopien. Le
caractère déterminatif du suffixe t s'est conservé en arabe
dans le nombre abstrait. P. e., dans la phrase si t ta tu dif'u
tint lut luit h « six est le double de trois », on emploie les
nombres avec terminaison. De même, ta est resté employé
en syriaque dans le nombre déterminé sans distinction de
genres. De même encore en syropalestinien, où l'on peut
employer aussi ti comme en judéo-galiléen. Pour ce qui
1. Sprachvoissenschaftliche Uniersuchungen zum Semitischen, II, 1911,
p. 1-12.
66 LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE
concerne les nombres composés, on a réuni l'unité indéter-
minée (donc sans suffixe) avec la dizaine déterminée.
Celle-ci étant au génitif (trois de dix) a reçu la terminai-
son ta. Ce suffixe a été pris pour la marque du féminin et,
toujours grâce à la loi de contraste, le masculin a pris les
formes inverses : l'unité a reçu la terminaison et la dizaine
l'a perdue.
Cette thèse ne le cède pas en complication à celle de
M. Reckendorf et n'a pas beaucoup plus de vraisemblance.
M. Reckendorf lui-même1 y a fait des objections dont
voici les principales. La supposition que tu aurait servi
comme article déterminatif ne s'appuie sur rien. Nulle part
dans les langues sémitiques on ne voit cette particule
démonstrative jouer un tel rôle. De plus, en éthiopien, il est
vraisemblable que la terminaison tu qui se trouve dans les
nombres trois à dix est fondée sur l'analogie des deux
premiers nombres, dans lesquels le suffixe masculin tu est
opposé au suffixe féminin ti, et ces deux nombres ont
reçu leurs terminaisons par analogie avec les pronoms.
Maison ne doit pas supposer que le suffixe tu ait existé dans
toutes les langues sémitiques, alors que celles-ci n'en ont
pas conservé trace.
Nous ajouterons que, en ce qui concerne les nombres
composés, M. Barth admet que l'unité était indéterminée et
la dizaine déterminée. Or, dans les langues sémitiques, le
nom construit est déterminé si son complément (le nom au
génitif) est déterminé. Donc, le premier nombre aurait dû,
lui aussi, avoir la terminaison tu.
D'autre part, si M. Barth, comme M. Reckendorf, a
admis que treize, en sémitique, voulait dire à l'origine
« trois de dix ». c'est qu'il a cru que la terminaison ta, que
la dizaine présente en arabe, devait être le génitif. Mais ce
1. Voir Zeilschrifl der dentschen morgenliimlischen Gesellschaft, LXV
1911), p. 550-55-.
LE GENRE DANS LES NOMS DR NOMBRE EN SÉMITIQUE 67
peut être tout aussi bien l'accusatif, et ce cas paraît avoir
été employé ici comme il l'est dans certains pronoms, tels
que le démonstratif arabe cl h a, hébreu zè, à l'exclusion des
autres cas. En effet, les nombres, comme l'a remarqué
M. Reckendorf1, ont un caractère pronominal, et ce sont
surtout les nombres composés qui ont ce caractère, tandis
que les nombres simples ont conservé dans leur flexion leur
nature primitive de noms communs, comme on le verra
plus loin.
Enfin il paraît étrange que les dialectes araméens mo-
dernes, sur lesquels M. Barth s'appuie, aient conservé le
sens déterminatif primordial des suffixes tu, ta, ti, alors
que, d'après le système de M. Barth, les langues sémi-
tiques les plus anciennes avaient déjà pris ces suffixes pour
la marque du genre. Il est donc plus naturel de penser que
l'emploi de ces suffixes dans le nombre à l'état déterminé,
sans distinction de genre, est un phénomène relativement
récent. La raison de ce phénomène nous paraît être qu'on a
voulu distinguer ce que j'appellerai les nombres normaux
des nombres accidentels. En français, comme dans bien
d'autres langues, on emploie quelquefois les substantifs spé-
ciaux tels que trio, quatuor, dizaine, douzaine pour les
nombres normaux, opposés à trois, quatre, dix, douze, qui
sont des nombres accidentels. En hébreu, cette distinction
paraît être exprimée par l'emploi de l'état absolu et de
l'état construit. Par exemple, dans la phrase : « Pendant
six jours tu travailleras » 2, six est en hébreu à l'état cons-
truit, parce que la semaine comprend six jours ouvrables ;
c'est donc un nombre normal. Mais dans la phrase : « J'ai
enfanté six fils »:i, le nombre est à l'état absolu, parce qu'il
est accidentel. Dans quelques dialectes araméens, on a pu
1. Voir Zëitschrift der deatschen morgenlândischen Gesellschaft, LXV
l'.MI . p. 554.
2. Exode, xx, 9.
;(. Genèse, xxx, 20.
(>S LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE
se servir, pour faire la même distinction, du suffixe ta ou ti,
qu'on a employé pour les nombres normaux, en suppri-
mant la distinction de genre. Et il est naturel qu'on ne
trouve ce suffixe qu'en cas de détermination, parce que c'est
surtout alors que le nombre est un nombre normal, p. e.
lorsqu'on dit : « les douze apôtres». En hébreu également,
c'est surtout lorsque le substantif est déterminé que l'on
emploie l'état construit. Donc l'emploi des suffixes avec les
nombres à l'état déterminé est vraisemblablement un fait
secondaire, qui ne peut être invoqué pour le proto-sémi-
tique, et le système de M. Barth n'est pas plus solidement
établi que les précédents.
Tous ces systèmes ont, selon nous, le défaut qu'ils
visent à expliquer l'anomalie du nombre par le nombre
lui-même, isolé des autres noms. Les grammairiens men-
tionnés ci-dessus ne se sont pas demandé si l'anomalie
qu'ils cherchaient à expliquer ne se retrouvait pas ailleurs
que dans les nombres. Or, le fait que le masculin a une
terminaison t et que le féminin n'a pas de terminaison
n'est pas particulier aux nombres. En arabe, la plupart des
noms féminins perdent leur terminaison féminine au plu-
riel, p e. firkat, pluriel firak. Les noms appelés « noms
d'unité » ont une terminaison que n'ont pas les noms
collectifs correspondants : êadjar « arbres » est le collectif de
sadjarat. Inversement, les noms masculins arabes, quand
ils désignent des hommes, prennent généralement une
terminaison féminine at ou à, p. e. katabaf, pluriel de kâlib
« écrivain», asrâ, pluriel de asir « prisonnier » . Il en est
de même en éthiopien et en himyarite. En hébreu, beau-
coup de substantifs masculins ont au pluriel la terminai-
son féminine, p. e. abôt, « pères ».
Or, que sont les nombres trois a dix dans les langues
sémitiques? Ce sont évidemment des collectifs, car le
moindre désigne trois êtres. S'il en est ainsi, il est tout
naturel que les nombres ne suivent pas la règle des singu-
LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMTîRE EN SÉMITIQUE 09
liers, mais celle des pluriels. Ce sont donc les masculins
qui prennent la terminaison t, et les féminins qui ne la
prennent pas. C'est l'inverse qui serait illogique et con-
traire aux règles de la grammaire.
Il est à noter que l'on retrouve ailleurs l'emploi d'un
suffixe féminin singulier servant au masculin pluriel. Le
suffixe de la 2e personne féminin singulier du futur îna est
aussi le suffixe du cas oblique des noms masculins. D'autre
part, le féminin pluriel dans les verbes se forme du mas-
culin singulier et non pas du féminin singulier, p. e. yaqr~
tulna de yaqtul et non pas de taqtul.
Nous avions exposé cette thèse depuis de longues années
devant nos élèves et nous l'avions insérée dans notre
grammaire hébraïque, encore inédite, lorsque nous avons
pris connaissance des considérations que M. Meinhof 1 a
émises récemment à propos d'un ouvrage sur les langues
africaines2, et qui se rapprochent beaucoup de notre thèse.
En fui, le pluriel des noms désignant des personnes prend
le même préfixe que le singulier des noms de choses et réci-
proquement. Pour expliquer ce fait, M. Meinhof admet
qu'un groupe d'hommes n'est plus considéré comme une
personne, mais comme une chose : le soldat p. e. devient une
armée. Inversement, un groupe de choses est traité comme
une personne. M. Meinhof appelle ce phénomène « pola-
rité » ; on pourrait le nommer « croisement ». Or, selon ce
linguiste, la distinction de personne et de chose, qui existe
dans la langue fui, correspond a la distinction du mas-
culin et du féminin dans les langues chamitiques et sémi-
tiques, et il retrouve dans ces deux groupes de langues des
faits qui corroborent sa théorie de la « polarité ». En
somali, tout collectif formé d'un nom masculin devient
un féminin et réciproquement. En hébreu et en arabe, le
1. Zeitschrift derdeutschen morgenlâ,ndischenGesellschift, LXV ^l'-'il),
p. 201, 205, 207, '-Mis.
2. Westermann, Handbuch der Fui Sprache (Berlin, H>09).
70 LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE
substantif masculin est accompagné d'un nombre au fémi-
nin, le substantif féminin d'un nombre au masculin. Le
plus masculin des masculins, le mot « père » a la terminaison
féminine au pluriel, et le plus féminin des féminins, le
mot « femme » a la terminaison masculine. En arabe, le
pluriel brisé même des masculins est du genre féminin. De
même en nama, le féminin a aussi la fonction d'un pluriel
collectif pour le masculin.
11 y aurait quelques réserves à émettre sur les faits invo-
qués par M. Meinhof, mais nous ne voulons pas nous y arrê-
ter. Sur la question qui nous intéresse, celle du genre des
nombres, M. Meinhof s'exprime d'une manière peu claire.
Il veut dire, croyons-nous, qu'un nom masculin pluriel est
traité comme un féminin, et que, de même, un féminin plu-
riel est accompagné d'un nombre au masculin. C'est là que
M. Meinhof voit un phénomène de polarité. Pour nous, nous
envisageons cette question d'une autre façon ; car, même
si les nombres sont isolés, ils auront la forme féminine
quand ils se rapportent à des noms masculins et récipro-
quement. C/est le nombre lui-même qui est un collectif et
par conséquent doit être traité pour ce qui concerne le
genre à l'inverse du singulier. C'est dans la forme du
nombre lui-même que nous trouvons le phénomène du
croisement.
Est-il exact que les langues primitives aient considéré
réellement le masculin pluriel comme un féminin et le
féminin pluriel comme un masculin ? C'est possible. Et il
est possible aussi que la distinction des genres masculin
et féminin dérive d'une distinction plus ancienne de per-
sonne et de chose, comme le croit M. Meinhof. Nous-
même avons souvent pensé que les distinctions de genre,
de nombre, de cas, de mode se ramènent à une distinction
primordiale d'indépendance et de dépendance. Le masculin,
le singulier, le nominatif, l'indicatif se rattacheraient à
l'indépendant, le féminin, le pluriel, le subjonctif et le
LE GENRE DANS LES NOMS DE NOMBRE EN SÉMITIQUE 71
conditionnel, l'accusatif et le génitif au dépendant. Mais
ce sont des hypothèses de grammaire préhistorique dans
lesquelles nous ne vouions pas entrer ici. En restant dans
le domaine des faits grammaticaux que présentent les
langues sémitiques dans la période littéraire, nous cons-
tatons que le pluriel masculin présente souvent les mêmes
formes que le féminin singulier, et le féminin pluriel les
mêmes formes que le masculin singulier. Nous voyons un
cas particulier de ce phénomène dans les nombres, qui pré-
sentent une forme de genre opposée à celle des noms singu-
liers, parce que ce sont des collectifs.
M. Meinhof est arrivé dune manière tout à fait indépen-
dante à des conclusions qui s'accordent avec notre thèse,
et cet accord nous porte à croire que cette thèse est juste.
Une des énigmes de la grammaire sémitique se résout
ainsi avec une simplicité qui peut, elle aussi, servir d'argu-
ment en faveur de la solution que nous avons proposée.
Il reste à dire un mot au sujet des nombres composés.
D'où vient que dans ceux-ci la dizaine a la terminaison fémi-
nine pour les féminins et n'a pas de terminaison dans les
masculins, tandis que la dizaine simple, comme les autres
unités, présente les formes inverses ? Il n'y a pas là de
contradiction, car on ne peut comparer les nombres com-
posés aux nombres simples. Ceux-ci sont d'anciens noms
communs, signifiant chaîne, accouplement, cercle, etc.,
et qui dans la suite ont pris une acception numérale précise :
trois, quatre, cinq, etc. Ils n'ont pas perdu leur caractère
de noms, tandis que les nombres composés signifiant onze,
douze, n'ont jamais eu le caractère de substantifs, et c'est
ce qui explique les particularités qui les distinguent, à savoir
qu'ils ne se mettent pas à l'état construit et qu'en arabe
ils sont, à part le duel illuiàni[, indéclinables. On ne les
1. Le duel dos pronoms indéclinables est déclinable; p. e. hadhà, duel
nominatif, h&dhâni, génitif-accusatif hàdhayni; alladhl, duel n. nlla-
dhàni, g. a. alladhayni.
72 LIVRES OFFERTS
traite plus comme des noms collectifs, mais comme des
mots spéciaux, qu'on peut assimiler à des pronoms. Il n'est
donc pas étonnant que la dizaine ait alors au masculin la
forme masculine et au féminin la forme féminine. D'autre
part, on doit remarquer que déjà dans le nombre simple,
il v avait une différence de radical entre le masculin et le
féminin pour le nombre dix. Le radical du masculin est
'asa/', avec deux voyelles, celui du féminin est 'as/* avec
une seule voyelle. Cette différence subsiste dans le nombre
composé. De la sorte, alors même que la terminaison
change, le genre reste marqué par un indice interne de la
forme rappelant le phénomène du pluriel brisé. La diffé-
rence externe n'a donc pas la même importance pour le
nombre dix que pour les autres, et l'6n pouvait sans incon-
vénient y intervertir le rôle de la terminaison, suivant
que le nombre était simple ou composé.
On nous permettra de conclure cette étude d'un point
particulier de la linguistique en observant que les notions
grammaticales ne doivent pas être envisagées pour les
temps anciens avec la rigidité que nous sommes habitués à
leur reconnaître. Les idées de genre, de nombre, etc. ont
dû être assez fluides dans l'antiquité. Par suite, les formes
qui expriment ces idées sont elles-mêmes d'un emploi plus
élastique que dans les langues modernes. En tenant compte
de ce fait, on arrive plus facilement à résoudre les contra-
dictions apparentes que l'on rencontre dans les phéno-
mènes grammaticaux.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire peiîpktien offre au nom de son confrère, M. Maxime
Collignon, et au nom des éditeurs, le fascicule 7 de la grande publi-
cation intitulée : Le Parthênon.
LIVRES OFFERTS 73
Le Secrétaire perpétuel dépose en outre sur le bureau le l9r fasci-
cule du tome XIXe des Monuments et Mémoires publiés par l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres sur les revenus de la fondation
Eugène Piot (Paris, 1011, in-4°, n° 35 de la collection).
M. Bouché-Leclercq a la parole pour un hommage :
<( J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de notre corres-
pondant, M. Franz Cumont, un volume intitulé : Aslroloyy and
Religion among the Greeks and Romans (New-York, 1911, xxvn-
208 pp. in-8°).
« C'est l'édition anglaise de six lectures ou conférences qu'il a
faites aux États-Unis, d'octobre à décembre 1911, sur invitation de
1' u American Commiltee for Lectures on the Ilistory of Religions ».
Ce que M. Cumont étudie dans ces conférences, c'est l'action exercée
par l'astrologie orientale sur les croyances et les cultes du monde
gréco-romain. Sur un pareil sujet, il est peut-être plus facile d'écrire
de gros livres que d'amener à l'état d'exposé à la fois concis et
limpide, abordable à tous les esprits cultivés, un pareil enchevê-
trement d'idées complexes, de sentiments et de logique, de piété et
de fatalisme ; de démêler et de suivre sans le rompre le fd ténu qui
assemble et barmonise toutes ces données contradictoires. Nul n'était
mieux préparé à cette tàcbe de vulgarisation scientifique que*
M. Cumont, et l'on peut dire qu'il s'en est acquitté avec une véritable
maîtrise.
« Le principe générateur de l'astrologie est la foi en la divinité
des astres et leur action sur l'homme : une foi qui cherche à se
démontrer comme une science exacte. Auprès de ces dieux éclatants
de lumière, de ces astres intelligents, éternels, >< catholiques »,
c'est-à-dire régissant l'univers entier, les dieux anthropomorphes de
la Grèce paraissent bien mesquins, à une époque surtout où ils sont
relégués hors du monde par l'épicurisme et disqualifiés par l'évhé-
mérisme. Les doctrines orientales pénètrent dans les écoles philo-
sophiques et s'associent intimement au panthéisme stoïcien, qui
leur sert de véhicule. Les religions finit une place de plus en plus
large aux divinités sidérales, groupées hiérarebiquement autour du
Soleil, centre du monde visible, peu à peu subordonné lui-même à
un Être suprême, un Dieu intelligible (votjto's). Ainsi, transformant
l'admiration en piété, s'imposanl même au vulgaire par le renom de
sa prescience divinatoire, la tbéologie astrale propage une concep-
tion nouvelle de la solidarité el de l'harmonie dans le Cosmos. La
destinée de l'homme — du microcosme — s'en trouve anoblie :
l'étincelle qui l'anime, descendue des astres, doit y remonter, et
74 LIVRES OFFERTS
d'autant plus haut qu'elle se sera, par la pratique de la vertu, plus
complètement dégagée de la matière. Plus d'enfer souterrain ni de
proscription éternelle : les âmes encore alourdies, ballottées dans
l'atmosphère sublunaire, s'y purifieront par la souffrance jusqu'à ce
qu'elles acquièrent la légèreté spécifique qui leur permettra d'at-
teindre le séjour ou les séjours de la félicité, félicité toute spirituelle
et contemplative pour les âmes d'élite. Sous l'influence des spécula-
tions astrologiques, la pensée antique allait pour ainsi dire au
devant du christianisme et en préparait l'avènement.
« Mais cette eschatologie, qui suppose l'homme capable de vertu
et de vice, est en contradiction avec le fatalisme astrologique. Sans
doute, en tant que science « mathématique », l'astrologie est rigou-
reusement déterministe ; mais sa théologie n'est pas plus fataliste
que les philosophies et religions qui placent dans la pensée divine
le plan éternellement préconçu et infailliblement réalisé de la
Destinée. Toutes ont fait de la résignation une vertu, — la vertu par
excellence dans l'Islam; — aucune n'a poussé la logique jusqu'à
renoncer à agir par la prière sur des volontés dites immuables. Le
fatalisme absolu aboutirait à la négation de la liberté divine aussi
bien que de la liberté humaine. La religion astrologique se prêtait
même mieux que le pur monothéisme aux accommodements. Ses
'dieux, êtres raisonnables et sensibles, peuvent non pas dérégler
leur marche, mais modifier leur action sur l'homme. Un des cha-
pitres les plus neufs dans le livre de M. Cumont est celui où il nous
montre le « mysticisme astral » apportant de l'Orient le remède au
fatalisme : des recettes nouvelles pour entrer en relations avec les
dieux, des incantations magiques et des cérémonies mystérieuses,
enfin des moyens plus forts, proportionnés à une tâche plus ardue et
plus lointaine, à laquelle les anciens rites ne suffisaient plus.
« M. Franz Cumont nous fait espérer (p. v) la publication d'un
ouvrage dont cette brillante esquisse n'est que le cadre ou la pré-
face. Souhaitons-la prochaine, et, en attendant, remercions le savant
auteur de ce qu'il nous donne aujourd'hui ».
M. Collignon offre à l'Académie l'ouvrage suivant : Fouilles de
Delphes, tome III, Épiçjraphie, deuxième fascicule (suite), par M. G.
Colin, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Caen
(Paris, Fontemoing, 1911) :
« J'ai l'honneur de présenter à l'Académie, au nom de la Commis-
sion de publication des fouilles de Delphes, un nouveau fascicule
épigraphique dont l'auteur est M. G. Colin. Il suit d'assez près celui
qu'a donné, à la fin de l'année dernière, M. Emile Bourguet, témoi-
SÉANCE DU 29 MARS 1912 75
gnant ainsi de l'activité avec laquelle se poursuit la publication des
inscriptions de Delphes. M. Colin a déjà consacré deux fascicules,
publiés en 1909 et en 1911, aux textes épigraphiques relevés sur le
Trésor des Athéniens. Il complète aujourd'hui son travail. Aux textes
provenant du monument proprement dit, il a ajouté ceux qui sont gra-
vés sur des cippes dont il a reconnu la place, et qui s'alignaient, reliés
par un couronnement, sur la terrasse du Trésor. Ce sont des actes
d'affranchissement et des décrets de proxénie. Parmi les inscrip-
tions du Trésor, il y a lieu de mentionner un procès-verbal de bor-
nage entre Delphes et deux villes voisines, Ambryssos et Phlygo-
nion, dont M. Colin a dû, par des recherches topographiques, iden-
tifier remplacement, et un décret amphyetionique donnant cours
forcé aux létradrachmes attiques, document dont M. Th. Reinach a
fait ressortir l'importance dans sa récente étude sur Y Anarchie
monétaire. M. Th. Reinach a bien voulu se charger de commenter
deux inscriptions célèbres, les deux hymnes à Apollon, dont on sait
qu'il a restitué la transcription en notes musicales, alors que notre
regretté confrère M. Henri Weil en reconstiluait le texte poétique.
La Commission le remercie d'avoir prêté à M. Colin son obligeant
concours pour la publication définitive de ces textes, dont il a été le
premier à montrer tout ce qu'ils ajoutent à notre connaissance de
l'art musical des Grecs. En faisant hommage de ce travail à l'Acadé-
mie, je tiens à rappeler que depuis l'année 1909 il n'a pas paru
moins de six fascicules, dont cinq sont relatifs à l'épigraphie. Deux
autres sont déjà en préparation. C'est assez dire que MM. Bourguet
et Colin font preuve du zèle le plus louable, et qu'il est permis
d'espérer que la publication épigraphique sera promptement menée
à bonne fin. »
SÉANCE DU 29 MARS
PRÉSIDENCE DU M. LOUIS LEGER.
le président prononce l'allocution suivante :
Mes chers Confrères,
Lorsque nous nous sommes séparés vendredi dernier, nul d'entre
nous n'aurait pu prévoir le deuil qui devait nous frapper si brusque-
1912. ,;
76 SÉANCE DU 29 MARS 1912
ment. Notre excellent confrère, M. Philippe Berger, n'avait point
assisté à la séance : mais nous ne savions même pas qu'il fût souf-
frant et nous supposions qu'il avait été retenu au Sénat par son
devoir de parlementaire. Atteint d'une très légère indisposition, il
avait dû garder la chambre et rien ne donnait lieu de craindre une
issue fatale. Dimanche matin, il n'était plus. La mort avait fondu
soudain sur lui et mis fin en quelques instants à cette belle vie. Il a
été enlevé en pleine vigueur, et le coup qui frappe une famille déjà
si souvent éprouvée nous est d'autant plus douloureux qu'il atteint
au cœur un de nos confrères, M. Élie Berger. Je lui adresse, j'envoie
à tous les siens l'expression de nos condoléances les plus affec-
tueuses, et mon émotion est d'autant plus profonde que je perds en
Philippe Berger un compagnon de ma jeunesse, un ami de quarante
ans.
Vous savez combien il était attaché à notre Compagnie, combien il
y était aimé. Avant de faire partie de l'Académie, il lui avait déjà
rendu de signalés services, comme bibliothécaire de l'Institut et
comme auxiliaire de la Commission du Corpus des Inscriptions
sémitiques. Successeur de Benan à l'Académie et au Collège de
France, il avait justifié ce double honneur par la probité de son
érudition, par son infatigable ardeur au travail. Dans ces dernières
années, la politique l'avait disputé à la science, mais il nous donnait
tous les loisirs qu'elle lui laissait, et nous lui en étions reconnaissants.
Vous vous l'appelez avec quel empressement, je dirais avec quelle
allégresse il se hâtait de nous apporter les trouvailles les plus
récentes de l'archéologie et de la philologie sémitiques. Il ne comp-
tait parmi nous que des amis.
Il repose aujourd'hui dans sa chère Alsace. Nous ne le reverrons
plus, mais son nom reviendra bien souvent dans nos entretiens, cl
bien longtemps encore nos yeux le chercheront à cette place qu'il a
occupée pendant tant d'années. Nous n'entendrons plus cette parole
ardente, mais longtemps encore elle résonnera dans notre souve-
nir.
Les funérailles avant été célébrées mercredi dernier, les traditions
de l'Académie ne nous permettent pas de lever la séance. La meil-
leure manière d'honorer la mémoire de notre laborieux confrère,
c'est d'imiter son exemple. Bemettons-nous au travail.
La Société Orientale Américaine annonce, dans une circu-
laire, qu'elle tiendra sa 124e Assemblée annuelle les 9, 10 et 11
avril à la Columbia L'niversity de New-York.
SÉANCE DU 29 MARS 1912 77
M. Pierre Paris, correspondant, adresse a l'Académie un
exemplaire de son rapport sur les travaux des membres de
l'École française d'Espagne en 1910-1911.
M. Ciiavannes, au nom de la Commission du Prix ordinaire
et de la Commission du Prix Stanislas Julien, donne lecture
des rapports suivants :
1°PRI.\ ORDINAIRE (2000.fr.)
« Le sujet proposé au concours était une étude sur le Turkes-
tan Oriental. Les membres de la Commission, après avoir pris
connaissance du seul mémoire qui avait été déposé, l'ont jugé
à l'unanimité insuffisant. Ils ont décidé de ne pas décerner le
prix et d'accorder une récompense de 1500 francs à M. Gautbiot
pour ses travaux sur le dialecte iranien connu sous le nom de
langue soghdienne. »
2° prix Stanislas jilien(1500 fr.).
« La Commission a décerné un prix de 1000 francs à M. Saviua
pour son Dictionnaire Tay- Annamite-français, et deux récom-
penses de 500 francs chacune, l'une à M. Doré pour ses
Recherches sur les superstitions en Chine, l'autre à M. Raphaël
Petrucci pour sa Philosophie de la nature dans l'art d'Extrême-
Orient. »
M. Auguste Audollent, professeur à l'Université de Clermont-
Ferrand, fait la communication suivante :
« Le village des Martres-de-Veyre, situé à 14 kilomètres au
Sud de Clermont-Ferrand, sur la rive gauche de l'Allier, est bien
connu des archéologues. On a fait à plusieurs reprises sur son
territoire des découvertes qui intéressent les époques les plus
diverses, depuis les temps paléolithiques jusqu'au in8 ou iv8 siècle
de l'ère chrétienne. C'était un centre de fabrication céramique
assez important; de nombreuses poteries y ont été exhumées à
coté des fours où on les cuisait. La plupart de ces trouvailles ont
eu lieu au Sud du bourg, au territoire du Lau (ou Lad). La plus
remarquable est celle d'un groupe de sépultures dégagées dans
deux champs tout voisins, en 1851 et en 1893. Une partie seule-
ment de leur mobilier a pu être transportée au .Musée de Cler-
monl. L'étude de ces pièces, complétée par quelques renseigne-
ments contemporains des fouilles, nous révèle le caractère très
particulier de ces tombes.
78 SÉANCE DU 29 MARS 1912
« Elles sont au nombre de six, une à incinération, cinq à
inhumation, profondément enfouies dans le sol et consistant en
une caisse de bois, qui renfermait, outre les cendres ou le corps,
toute une série d'objets. Un seul des défunts gisait à même la
terre. La conservation de l'ensemble est si complète que ces morts
sont apparus, sinon tels qu'on les avait déposés là, du moins assez
peu altérés pour qu'on pût encore presque distinguer leurs
traits, avant que l'air en pénétrant ne les eût fait tomber en
poussière. On reconnut un homme pourvu d'une longue barbe,
trois femmes de vingt à quarante ans aux cheveux nattés, et une
toute jeune enfant entourée de ses jouets. Us reposaient sur des
étoffes, les unes fines, les autres épaisses et grossières, entière-
ment vêtus, chaussures aux pieds, munis d'ailleurs de la nourri-
ture qui pouvait leur être nécessaire pour la vie d'outre-tombe
et des objets qui leur étaient familiers dans celle dont ils
sortaient.
« Ces six tombes ont fourni en quantité presque égale des
matières minérales, des matières végétales et des matières ani-
males. Leur contenu se répartit donc naturellement en trois
catégories.
« Dans la première, il faut ranger d'abord les terres cuites; ce
qu'on en a recueilli ne représente qu'une faible partie de celles
qui les garnissaient : vases à panse de terre_ fine blanche sans
couverte ou déterre noirâtre, écuelles grises, blanches ou noires,
assiettes de terre noire et un joli bol rouge clair. Le verre est
représenté surtout par une gracieuse carafe bleu pâle et deux
minuscules bouteilles, l'une bleue, l'autre jaune, restes probables
d'un w ménage de poupée ». Notons la rareté des pièces métal-
liques; un grand anneau de meuble, un bracelet, une clochette,
sont les seules à signaler.
« Les matières végétales abondent. Un unique fragment subsiste
des cercueils, chêne ou châtaignier, d'un travail rudimentaire.
Cinq petites boîtes à couvercle, de forme tantôt ovoïde, tantôt
cylindrique, témoignent d'une réelle habileté de main chez
l'ouvrier qui les tourna. Un peigne d'un bois fin, analogue au
buis, une quenouille garnie encore de sa touffe de laine blanche,
rentrent dans cette même catégorie du bois ouvré. Deux corbeilles
d'osier rondes représentent le travail du vannier, l'une très
SÉANCE DU 29 MARS 1912 79
endommagée, l'autre à peu près intacte, spécimen rare d'une
industrie qui devait être florissante dans la Gaule romaine.
« Beaucoup des récipients que j'ai énumérés contenaient en
abondance des produits végétaux comestibles, graines de
coriandre dont les fruits s'employaient jadis comme condiment,
pommes, noix, grappes de raisin, et surtout noisettes d'une fraî-
cheur surprenante. Une petite masse noire a souvent intrigué
ceux qui l'ont examinée : il s'agit d'une sorte de confiture ou de
compote, faite avec des fruits écrasés, et qui s'est moulée en
forme de tartelette dans le vase de terre grossière où elle a été
cuite.
« Parmi les matières animales, il y a lieu de mettre à part les
restes des défunts, qui ne comprennent aujourd'hui qu'un cubi-
tus mutilé et trois chevelures, deux blondes et une châtain foncé,
encore très souples et brillantes. Viennent ensuite les vêtements :
en première ligne, quatre paires de chaussures, dont deux entiè-
rement de cuir fort, à semelle garnie de clous pointus, la troi-
sième de cuir plus souple avec une épaisse semelle de liège, une
dernière formée d'un simple patin de bois intérieurement fourré
de laine et retenant le pied par des courroies placées de biais ;
puis les étoffes, les unes d'un usage évident, les autres sans des-
tination bien certaine; au premier groupe appartiennent une
ample tunique de nuance marron foncé, d'une seule pièce sauf
les manches, une longue ceinture en forme d'étroite écharpe ter-
minée par des franges, des bas de laine brune feutrée qui mon-
taient jusqu'à la cuisse, des chaussons également feutrés qui
rappellent la peau de daim, enfin une dizaine d'échantillons plus
ou moins détériorés, mais qui fournissent tous d'utiles indications
sur la technique du tissage à l'époque romaine. On y constate
l'emploi exclusif de la laine et son choix judicieux suivant l'usage
auquel le tissu était réservé, la structure relativement perfec-
tionnée du fil, la teinture avant le travail du métier, l'introduc-
tion du peigne dans les montages. On en peut déduire sans hésiter
que la fabrication des tissus était très avancée en Gaule à
l'époque qui nous occupe, c'est-à-dire, selon toute vraisem-
blance, au commencement du ne siècle de l'ère chrétienne.
« Pour obtenir cette date approximative, nous avons une
donnée assez précise: c'est la présence dans la main des défunts
80 SÉANCE DU 29 MARS 1912
ou tout près d'eux, au même niveau archéologique, de monnaies
appartenant au ior siècle ou à la première moitié du ne. La
forme des vases est plutôt favorable à cette conclusion. Quant
au reste, on n'y découvre pas de caractères assez précis pour en
tirer argument en faveur de l'hypothèse ou contre elle. Ni les
vêtements, ni la disposition en nattes des chevelures ne révèlent
la mode d'un temps déterminé. Et quand même ils l'indiqueraient,
on sent assez combien il serait téméraire d'invoquer à propos
d'un modeste village arverne une preuve valable tout au plus
pour les élégantes des villes.
« Car nous avons à faire ici à des personnes de condition
ordinaire. Leur famille les a pourvues abondamment de ce qu'elle
croyait utile dans un tombeau; elle n'a pu leur donner, comme
gage de son affection et de ses regrets, que ce qu'elle possédait
elle-même, de la vaisselle sans ornements, des vêtements
modestes, des aliments communs. Ce par quoi se distinguent les
sépultures des Martres-de-Veyre, ce n'est donc pas l'élégance et
la richesse du mobilier , mais son extraordinaire état de conser-
vation : les matières putrescibles, fruits, tissus, chevelures, etc.,
ont résisté, au lieu que celles qui souvent durent, comme les
ossements, sont ici en grande partie détruites. D'où vient cette
anomalie ?
« A l'ouverture des cercueils, on vit pendant quelques minutes
les traits des défunts, tandis qu'une odeur infecte s'échappait de
la caisse; quand les corps se furent désagrégés sous l'action de
l'air introduit, l'odeur disparut. D'autre part, pour deux des cer-
cueils, l'un de chêne, l'autre de sapin, exhumés en 1893, le bois
n'avait subi presque aucune altération; au contraire, les clous qui
maintenaient les planches étaient complètement oxydés. En
rapprochant ces deux faits, on pourrait être tenté de conclure que
la cause préservatrice existait uniquement à l'intérieur des cer-
cueils. Influencé par elle sur une de ses faces, le bois en aurait
éprouvé l'effet salutaire dans toutes ses parties; les clous, ne
subissant que l'action des agents extérieurs, n'auraient pu échap-
per a l'oxydation. Mais la caisse de sapin était complètement
enveloppée d'une épaisse couche d'argile plastique, par consé-
quent garantie, du moins apparemment, de toute pénétration de
l'air, de toute infiltration de l'eau. Par suite, les clous étant aussi
SÉANCE DU 29 MARS 1912 81
protégés n'auraient pas dû être attaqués, eux non plus. On ne
nous dit pas du reste que la même précaution ait été prise pour
les autres tombes. Cherchons donc une explication à la fois plus
logique et plus générale.
« 11 faut exclure l'idée d'un embaumement. J^a disparition
même des corps prouve bien qu'on n'avait pas employé d'aro-
mates comme en Egypte.
« Invoquerons-nous la nature du terrain? Il ne s'agit pas ici
d'une argile compacte, comme celle dont les bancs sont exploités
plus loin, sur ce même terroir du Lau, mais d'une couche de
sable grisâtre, que les gaz et l'eau semblent pouvoir aisément
traverser; terre non argileuse, sans carbonate de chaux, et qui
ne paraît propre en aucune façon à défendre contre la destruc-
tion les objets qu'on lui a confiés.
« Reste une hypothèse que j'ai entendu parfois exprimer. La
région située au Sud des Martres-de-Veyre abonde en sources
minérales chargées d'acide carbonique; le quartier compris dans
la boucle de l'Allier, en aval du pont de Longue, en a même
reçu un nom significatif, les Saladis. Mais ce gaz conserva-
teur se trouve aussi plus près du lieu de nos sépultures. En face
d'elles, à 150 m. environ, un fort bouillonnement se manifeste
dans l'eau de la rivière, annonçant un dégagement de sources
gazeuses. Sur place même, pendant les fouilles de 1893, les
ouvriers se plaignaient, dit-on, d'être incommodés par les éma-
nations du gaz. Il est donc permis de supposer que l'acide car-
bonique, s'étant introduit dans les cercueils, en avait chassé l'air
plus léger que lui, arrêtant les fermentations selon son rôle
ordinaire. Les germes une fois détruits, on s'expliquerait dès lors
sans peine comment toutes ces matières végétales et animales ne
se sont pas décomposées dans le sol et ne s'altèrent plus dans
les vitrines du Musée de Glermont, où elles sont exposées depuis
de longues années, sans qu'on ait été obligé de prendre aucune
précaution particulière pour les préserver.
« Je livre cette explication à l'examen des savants com-
pétents, seuls qualifiés pour dire si elle a quelque valeur.
Peut-être sauront-ils lui en substituer une autre plus satisfai-
sante pour rendre compte des faits complexes que je viens
d'exposer. »
82 SÉANCE DU 29 MARS 1912
M. Joseph Déchelette, correspondant de l'Académie, donne
lecture d'un mémoire relatif au vase dit « des Moissonneurs »
d'IIaghia Triada, l'un des principaux ouvrages de l'art crétois
minoen. Il montre que le bas-relief ornant ce vase, objet de
diverses interprétations, représente, en réalité, une procession
solennelle de sacrificateurs se rendant à l'autel sous la conduite
d'un prêtre. C'est une des plus anciennes figurations des céré-
monies rituelles qui précédaient l'hécatombe homérique '.
MM. Salomon Reixach, Pottier, Foicart, Helzev, Dieulafoy
et Perrot présentent à ce sujet quelques observations.
M. le marquis de Vogié a la parole pour un hommage :
« Les PP. Jaussen et Savignac offrent à l'Académie, pour le
Corpus Inscriplionum Semitiearum, environ 220 estampages,
se décomposant ainsi : 32 inscriptions minéennes dont 20 iné-
dites; 52 graffites minéens, presque tous inédits, 49 inscriptions
lihyanites dont 27 inédites; 79 graffites lihyanites inédits; enfin
quelques estampages nabatéens et hébreux, en très petit nombre
et de peu d'importance.
« C'est le fruit de leur deuxième mission en Arabie, dans la
région de El Ela, Hereibeh et MedaXn Saleh. »
M. Dieulafoy ajoute :
« L'Académie a pu juger, d'après l'exposé qui vient d'être fait
par notre confrère M. le marquis de Yogiié, de l'importance épi-
graphique de la mission que viennent d'accomplir les Pères Domi-
nicains de Jérusalem. Je demande la permission de rappeler que
cette seconde mission, comme la première, a été accomplie sous
les auspices de la Société française des fouilles archéologiques
et subventionnée par elle. »
1. Voir ci-après.
83
COMMUNICATION
LES BROCHES PROCESSIONNELLES
ET LE VASE DIT « DES MOISSONNEURS )) d'iIAGIIIA TR1ADA,
PAR M. JOSEPH DÉCHELETTE,
CORRESPONDANT DE l' ACADÉMIE.
L'interprétation de la scène figurée sur le célèbre vase
en stéatite d'Haghia Triada, dit le <c vase des moisson-
neurs » (Monum. antichi, XIII, i, pi. I— III), a fait l'objet
de nombreux commentaires. Aucune des explications
proposées n'a paru pleinement satisfaisante. Je crois être
en mesure d'apporter, à l'aide de nouveaux rapprochements,
la solution du problème qu'un autre avant moi avait,
d'ailleurs, partiellement entrevue.
Dans un récent mémoire (Bévue numismatique, 1911,
p. l-o9), j'ai montré que les Gaulois du ive siècle avaient
emprunté aux Étrusques et, à leur exemple, déposé dans
leurs sépultures des faisceaux de broches à rôtir. Ces fais-
ceaux se composent de minces tiges métalliques à section
rectangulaire, réunies au moyen d'une goupille qui traverse
l'une de leurs extrémités (fig. 1-2). De plus, ils sont munis
d'une poignée mobile, fixée à cette cheville d'assemblage.
Les broches ou obélisques ayant été utilisées comme com-
mune mesure dans les transactions commerciales, avant
l'invention de la monnaie, ainsi que l'attestent le témoi-
gnage des textes et les trouvailles du temple d'Héra, à
Argos, j'en concluais que ces poignées d'oboles avaient dû
représenter les drachmes primitives. Le mot drachme se
rattache au radical cpi;, poignée, de l'avis de tous les
étymologistes.
En second lieu, je proposais d'identifier les pempobola
homériques avec ces ustensiles, où le nombre des broches,
8i
LE VASE D IIAflHIA TRIADA
iMifil'lH'"
2s ( <*>
A
i
pig. |_ _ Faisceaux de broches en bronze. — Type représente dans les
sépultures étrusques des vm'-vi' siècles. — 1. Provenance inconnue.
Musée de Rouen. — 2. Région d'Ancône ' . (Environ 1/8 gr. nat.)
1. Joseph Déchelette, Les origines de la drachme et de V obole (extr. de
l& Revue Numismatique, 1911, p. M).
LE VASE D IIAC.IIIA TRIADA
fe'V
85
Fi^r. '2. — Faisceau de sept broches en fer. — Type représenté dans les
sépultures gallo-étrusques et gauloises des v*-iv' siècles, (Lit «le la
Saône, à Chalon. — Collection Millon, à Dijon. — Environ l 7 gr. nat.)1.
l .liiscpli Déchelette, Les origines de l& drachme et de V obole, p. 39.
8(5
LK VASE D HAGHIA TRIA1U
tout en étant le plus souvent de six, est cependant variable.
Les pempobola, ustensiles à cinq broches servant à la cuis-
son des entrailles des victimes, sont portés par les jeunes
gens qui assistent le prêtre dans la célébration du sacrifice.
Depuis la publication de cet article, un document m'est
tombé sous les yeux, qui confirme pleinement mes hypo-
thèses en ce qui concerne le rapprochement de ces fais-
ceaux de broches avec ceux dont on faisait usage en Grèce
dans le cérémonial des immolations rituelles : sur un vase
peint, publié jadis par Gerhard, sont figurés les apprêts
d'un sacrifice (fig. 3) *. Des animaux sont conduits à l'autel.
Fig. 3. — Cortège de sacrificateurs, d'après un vase grec.
Immédiatement derrière le serviteur qui porte dans ses
bras l'une des victimes, s'avance un sacrificateur. Or celui-
ci, qui tient de la main gauche un maillet appuyé sur son
épaule, porte précisément de l'autre main, outre un cou-
teau, un faisceau de broches absolument semblable à ceux
des sépultures gauloises et étrusques que j'ai publiés. Le
dessin en est assez net et assez détaillé pour ne laisser
place à aucun doute : on y distingue non seulement les
tiges parallèles des broches, mais encore leur cheville
1. Gerhard, Antike Bildwerhe, pi. LXX: Sa^lio et Pottier, Dict. des
Antiquités, art. Sacrificium, par Legrand, p. 965, fig. r><><>i.
LE VASE d'hAGHIA TRIADA 87
d'assemblage et la poignée insérée sur cette barre trans-
versale.
Ces ustensiles se rencontrent, comme je l'ai montré,
associés à tout le mobilier du foyer, chenets, landiers,
pinces k feu, dans des sépultures dont les plus anciennes
remontent au vnc ou au vic siècle, les plus récentes à la
lin du ivc. Ils devaient servir alors aux cérémonies du culte
domestique et funéraire.
Mais, d'autre part, une des plus riches tombes à fosse
de Vétulonia, explorée en 1902, a livré un objet de bronze
dont la forme est celle d'une fourche munie de trois longues
dents démontables. La tombe a reçu du fait de cette trou-
vaille la dénomination de « Circolo del Tridente ». Il suffît
de comparer le dit trident (lîg. 4) aux faisceaux de broches
précédents pour constater qu'il répond absolument à la
même destination, avec cette seule dill'érence que c'est
un objet professionnel. En elfet, les broches, au nombre
de trois, s'emboîtent d'un côté dans les créneaux d'un
manche à douille. On a trouvé des fragments de la hampe
en bois qui portait ce manche, ainsi que son talon métal-
lique. Une goupille à chaînette, traversant à la fois les
extrémités des broches et les créneaux, consolide l'assem-
blage, tout en permettant de démonter aisément l'usten-
sile.
Ayant eu connaissance de mon mémoire M. Schilî-Gior-
gini, du Musée de Florence, voulut bien appeler mon
attention sur ce curieux trident ; frappé de sa ressemblance
avec les broches que je venais de publier, il m'informait
que cet objet était figuré et commenté dans le recueil de
M. Milani, Studi e materia.li di archeologia e nuniisrna-
tica, III, p. 8.*) (cf. Nolizie degli Scavi, 1908, p. 426, et
Montelius, La Civilisation primitive en Italie, Italie Cen-
trale, texte, I col. 871-872, lig. c et d).
En elfet, M. Milani avait eu l'idée d'utiliser cette décou-
verte pour expliquer la représentation du vase dllaghia
88
LE VASE D IIAGHIA TRIADA
^<
©
Fig. 4. _ Faisceau de broches processionnel, trouvé dans une sépulture
étrusque à Vétulonia. A gauche, une broche ordinaire, provenant de
la même tombe. (Environ In gr. nat .
le vase d'iiaghia triada 89
Triada. Il avait montré ([vie l'instrument énigmalique que
portent sur l'épaule gauche les personnages composant la
plus grande partie du cortège (fîg. 5) correspondait bien par
ses caractères essentiels au trident vétulonien. Il constata,
d'autre part, que les tiges du trident étaient tout à fait sem-
blables aux broches représentées, en nombre varié et sous
diverses formes, dans les tombes de Vétulonia, associées à
des chenets, à des pinces et à des pelles a feu et offrant un
caractère rituel. Jusque là, M. Milani demeurait dans le
vrai. Je m'étonne même, qu'engagé dans cette voie, il n'ait
pas été conduit tout naturellement à la découverte de la
vérité intégrale, en ce qui concerne le vase d'Haghia Triada.
Il semble qu'il se soit en quelque sorte égaré dans les
sentiers d'une érudition trop toulfue. Une explication
simple se présentait à l'esprit : les broches, instruments de
cuisine dans la vie domestique, jouaient un rôle important
dans les sacrifices de l'ancienne Grèce, comme en témoignent
les descriptions de l'Iliade et de l'Odyssée. Le sacrifice étant
précédé de pompes religieuses à grands cortèges, on s'ex-
plique aisément que pour rehausser l'apparat de ces proces-
sions, on y ait fait figurer, avec les instruments d'immola-
tion, les jeux de broches métalliques en bronze ou en acier
étincelant.
L'érudit archéologue florentin n'a pas songé à cette inter-
prétation pourtant si logique. A ses yeux, les broches
deviennent dans les mains de ceux qui les portent des virgae
d' honore, tiirgae mistiche, virgae dattilichc, raggi solari, etc.
Inutile cependant de recourir ici à un symbolisme obscur.
Nous sommes dans le domaine du plus pur réalisme. Les
moindres détails de la scène s'expliquent sans peine, si l'on
y voit tout simplement un cortège processionnel de sacri-
ficateurs. En tête marche un prêtre, richement vêtu, por-
tant le bâton sacerdotal, souvent mentionné dans Homère.
Ce prêtre a les cheveux longs, suivant un ancien usage
dont fait déjà foi un texte d'Hérodote (II, 36), il a la tète
90 LE VASE d'hâGHIA TR1ADA
nue, conformément à un rite qui demeurera traditionnel
chez les Grecs.
Détail éminemment caractéristique et sur lequel a glissé
M. Milani, la hache-marteau, l'instrument qui, dans le
cérémonial du sacrifice homérique, sert à abattre la victime,
est associée aux broches. Celles-ci, au nombre de trois,
sont simplement attachées au sommet du manche de la
hache. Le modeleur a pris soin d'indiquer nettement les
ligatures (voir fig. a). Ce n'est pas encore le faisceau per-
fectionné de Yétulonia, mais c'est bien le prototype de ce
trident à tiges flexibles, démontables. Les jeunes servants
qui suivent le prêtre portent donc ici les mêmes instru-
ments que le victimaire figuré sur le vase publié par
Gerhard; la forme seule de ces instruments a évolué. Trois
chanteurs, accompagnés d'un joueur de sistre, marchent
entre les deux escouades des porte-broches. Il est inutile
de rappeler combien leur présence est justifiée dans une
scène de ce genre. Je me borne à noter en passant que le
sistre est conforme non point au modèle égyptien, mais à
deux exemplaires de l'âge du bronze occidental, dont l'un
a été découvert dans une palafitte du lac de Xeufchàtel '.
Ainsi le vase d'Haghia Triada. dans son état actuel, met
pour la première fois sous nos yeux une partie de la pro-
cession solennelle qui précédait un sacrifice public à
l'époque minoenne. Le sculpteur a voulu évidemment com-
mémorer le souvenir d'une importante hécatombe, comme
l'indique le nombre considérable des victimaires. Quant aux
victimes, taureaux ou autres animaux, on peut se deman-
der si elles fiçmraient sur les registres inférieurs de la scène,
registres disparus avec la partie manquante du vase. Il est
plus vraisemblable que celui-ci avait un pendant et que,
comme sur les gobelets d'or de Vaphio, le sujet se complé-
tait par les représentations de ce second récipient.
1. Joseph Dêchelette, Manuel d'archéologie préhistorique. celli([ue et
gallo-romaine, II. I. p. 3u 1. note 3.
LÉ VASE D'iIAGllU TIUADA
91
1912
92
LE VASE D IIAGH1A ÏRTADA
J'ajoute que le choix du sujet ne saurait surprendre, étant
donnée l'importance des scènes empruntées aux cérémonies
cultuelles dans l'art minoen. Celles qui ornent le sarco-
phage en pierre peinte d'Haghia Triada nous font connaître,
comme on le sait, d'autres épisodes du rituel sacrificiel.
Il est très intéressant de rapprocher du vase crétois un
autre monument bien connu : je veux parler de la célèbre
situle historiée dite Zannoni, découverte à la Gertosa de
Fig. 6. — Personnages figurés sur la situle de la Certosa de Bologne.
Bologne et souvent publiée. On y trouve également la
représentation d'un cortège sacrificiel. Un des personnages
de la seconde zone, celui qui marche derrière les prêtres et
les victimes (fig. 6), porte lui aussi sur l'épaule gauche
un ou plusieurs faisceaux de broches (du type de Montefor-
tino) ; de la main droite il tient une hache ou plutôt une
palette à feu. La situle de la Gertosa est un produit de
l'art vénéto-grec du vie siècle, art qui interprète dans un
LIVRES OFFERTS (J3
style barbare mais très naturaliste les modèles ioniens de
l'époque archaïque, introduits par le commerce dans l'Adria-
tique .
Il resterait à reprendre dans ses détails l'examen de la
scène représentée sur le vase d'Hagia Triada pour en com-
menter quelques particularités accessoires. Il y aurait lieu
également de compléter sous certains rapports, à l'aide de
ce nouveau document, 1 étude des rites sacrificiels minoens,
comparés à ceux de la Grèce classique. Ces recherches
appelleraient de plus amples développements.
Mais, en me réservant d'y revenir, j'ai cru devoir com-
muniquer à l'Académie ces premières indications relatives
à la détermination du sujet. Elles me paraissent suffisantes
pour démontrer l'exactitude de mon interprétation.
LIVRES OFFERTS
Le Secuét.uue peupétuel dépose sur le bureau le fascicule de
décembre 1011 des Comptes rendus des séances de l'Académie
(Paris, 1911, in-8°).
M. IIavet offre à l'Académie, de la part de l'auteur, deux opuscules
de M. .1. Lotb, professeur au Collège de France. Le premier est
intitulé : Remarques et additions à /'Introduction to early Wolsb </<■
Strachnn (Paris, Champion, 191 1 ; 113 pages in-8°). Feu John Stra-
chan avait laissé en préparation une Introduction to early Welsh
c'était surtout une grammaire) qui a été publiée après sa mort à
Manchester en 1909. Plusieurs érudits avaient contribué à mettre au
point cet ouvrage et à le compléter par des tables et index. M. Loth,
dans ses Remar(/ues et additions, le commente page par page ; son
commentaire est à la fois une critique méthodique du livre et un
recueil d'errata et d'addenda. Un tel commentaire rendra évidem-
ment de grands services, mais, par sa nature môme, il est clair qu'il
échappe à l'analyse.
94 LIVRES OFFERTS
L'autre opuscule de M. Loth, a pour titre : Questions de grammaire
et de linguistique brittonique ; fascicule I, la particule verbale ro
dans les langues brittoniques (Paris, Champion, 1911, 164 pages in-8°).
La particule ro- a été surtout étudiée en irlandais; M. Loth la consi-
dère dans l'autre branche du celtique, le brittonique, c'est-à-dire
l'ensemble du gallois, du comique et du breton d'Armorique. Elle
prend des formes diverses; la forme galloise ordinaire est ry; en
breton, on a la forme ra, vannetais re, employée seulement ou surtout
dans des formules optatives (ra virin, que je garde, du verbe mirout,
garder). Ro, étymologiquement, correspond au pro des langues
classiques. Il sert de préfixe nominal, il figure aussi dans des formes
ou locutions composées appartenant à la conjugaison. Il exprime des
nuances de sens très différents, au moins en apparence, et on a beau-
coup discuté la définition de ces significations diverses et le lien
historique qui les rattache l'un à l'autre. Le travail de M. Loth a
pour objet essentiel de préciser quel a été l'usage particulier de
chaque dialecte brittonique et de chaque âge linguistique ou litté-
raire. De ses constatations, et des réflexions qui en découlent natu-
rellement, il tire sur l'enchaînement des sons des conclusions inté-
ressantes. Outre les sens fondamentaux d'antériorité et de supério-
rité, qu'explique assez la parenté avec/»ro, il met en lumière un sens
de pure affirmation, comme dans le français oui, je pense ou l'anglais
/ do think; grâce à ce sens, le ry gallois peut faire d'une proposition
la réponse à une négation non exprimée.
M. Schlumberger a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, de la
part de l'auteur M. Nikos Wees, un exemplaire de son récent
mémoire sur ses découvertes paléographiques et artistiques aux
fameux monastères des Météores en Thessalie. Ce mémoire est inti-
tulé : "EzOeat? -aXatoypacpf/.ôjv xaï Tê/vizfov Êpeovwv Iv taïç piovat; twv
MeTswpwv xarà xà ïzi\ 1908 xaî 1909.
ce M. Wees a passé dix-huit mois aux Météores dans le courant
des années 1908 et 1909. « On croyait généralement, dit-il, qu'il
n'existait plus de manuscrits dans ces monastères. On l'a écrit et
dit maintes fois. » Cependant les recherches de M. Wees en ont fait
retrouver 1124, la plupart contenus dans des cachettes ignorées des
moines eux-mêmes. Ces découvertes sont particulièrement pré-
cieuses pour la paléographie grecque, car, parmi ces 1124 manuscrits,
il on est, paraît-il, 611 qui appartiennent au ixe siècle. Le plus impor-
tant de tous ceux-ci est le manuscrit 861,2, le plus ancien manu-
scrit daté de la Grèce et de tout l'Orient. Parmi les autres, M. Wees
. LIVRES OFFERTS !).",
dit avoir retrouvé de nouveaux manuscrits d'Homère, d'Hésiode,
de Sophocle, d'Aristote, d'Aristide le Rhéteur, de Thémistius le
Sophiste, de Synésius, d'une foule d'autres, des œuvres aussi d'Hip-
polyte de Rome, un commentaire sur l'Apocalypse par Origène
d'Alexandrie et Clément d'Alexandrie, d'autres œuvres encore de
philologie chrétienne des premiers siècles. Ce sont surtout, en
somme, des textes hyzantins et néo-grecs inédits, quelques-uns avec
miniatures et ornements.
« M. Wees a rédigé de tous ces manuscrits un catalogue très
détaillé. Il en a en même temps copié un grand nombre parmi les
inédits. Il les publiera bientôt. Il en a collationné d'autres.
< M. Wees a encore eu la bonne fortune de découvrir aux Météores
de nombreux chrysobulles des empereurs byzantins, des souverains
serbes, des despotes, des patriarches, textes importants principale-
ment pour l'histoire des xme et xive siècles. Il a étudié également
l'architecture et la peinture développées dans ces monastères sous
l'influence de la suzeraineté serbe en Thessalie. Les portraits des
princes serbes suzerains, des archevêques, des fondateurs des cou-
vents abondent dans les fresques de ces églises des Météores. Dans
les trésors de ces monastères, M. Wees a fait aussi des découvertes
très importantes, celle entre autres du portrait de la princesse
Marie-Ange Paléologuine, suzeraine de Janina d'Épire au xive siècle. »
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 3 AVRIL
(Séance avancée au mercredi, à cause du Vendredi saint.
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Paul Girard revient sur la communication faite à la der-
nière séance par M. Déchelette, correspondant de l'Académie.
Un examen attentif du fragment de vase de Ilaghia Triada, dit
« vase des moissonneurs », dont M. Girard présente un mou-
lage, paraît autoriser les conclusions suivantes :
lù Les personnages figurés en relief sur le pourtour de ce
vase en constituaient l'unique décoration. Il n'y avait pas de
zone inférieure faisant allusion à un sacrifice qui eût précisé le
caractère du défilé représenté au-dessus ; c'est ce qui ressort,
notamment, avec évidence d'un essai de restauration du vase
tenté par le peintre Gilliéron, d'Athènes, et publié par M. G.
Karo dans un article récent '.
2° Le réalisme familier avec lequel la scène a été traitée fait
1. Minoische Rhyta Jahrbuch, XXVI, 1911, p. 26S-269, fig. 17 el 18 .
08 SÉANCE DU 3 AVRIL 1012
plutôt songer à un divertissement rustique qu'à une procession
quelque peu solennelle de sacrificateurs. La restauration de
M. Gilliëron, fondée sur une observation minutieuse du mou-
vement des jambes des personnages, montre clairement ceux-ci
exécutant une sorte de danse marcbée, que rythme la voix des
quatre chanteurs massés à peu près au centre du cortège, et
dont l'un est muni d'un sistre. Cette danse est très animée, et,
aux derniers rangs, un accident se produit : un homme tombe et
crie, comme le prouve sa bouche grande ouverte ; celui qui le
précède, et qu'il a heurté, se retourne brusquement, et crie lui
aussi. L'artiste, évidemment, s'est amusé à ce détail, peu com-
patible avec la figuration d'un acte religieux.
3° Le personnage à la longue chevelure qui conduit le cortège
n'a rien qui dénote particulièrement un prêtre. Tout ce qu'on
peut dire de lui, — la remarque a probablement été faite déjà, —
c'est qu'il est vêtu d'une casaque de peau non tannée, bordée
sans doute d'une frange de cuir ; certains produits de la céra-
mique crétoise et de celle des îles recourent à des imbrications
analogues, tracées au pinceau, pour rendre la robe des grands
ruminants l.
4° Quant à l'objet que portent sur l'épaule gauche les vingt et
un individus — si l'on défalque l'homme tombé — qui suivent
le chef, sa nature reste incertaine. Une chose, pourtant, est hors
de doute : l'espèce de coin, légèrement recourbé, qu'on distingue
vers le haut de la hampe, fait partie intégrante de l'instrument.
Vraisemblablement, cette hampe et les trois tiges qui la ter-
minent sont de bois; les liens qui fixent à la partie supérieure
les tiges de droite et de gauche, et ceux qui, plus haut, les
rattachent à la tige médiane, sont des lanières de cuir sem-
blables à celles qui réunissaient l'une à l'autre les deux pièces
de l'hermine'tte égyptienne. L'objet, dans son ensemble, demeure
énigmatique, et seules, à ce qu'il semble, de nouvelles décou-
vertes pourront en faire connaître la véritable destination.
M. Salomon Rejnach fait une communication sur le nom de
Monaco.
1. Maraghjannis cl Karo, Aniiq. crët.. 2e Série, pi. XXI taureau de
terre cuite provenant des fouilles de Mochlos); G. Karo, art. cité, p. 259
et 261, fig. Il et 12 rhytons de Rhodes en forme de tète de taureau .
SÉANCE DU 3 AVRIL 1912 99
Le plus ancien historien grec qui mentionne Monaco est
Hécatée : il l'appelle Monoikos et dit que c'est une ville ligure.
Plus tard, il est question du temple d'IJéraklcs Monoikos, qui
s'élevait au-dessus du port (Strab., IV, 6, 3). Ammien Marcellin
connaît par Timagène une tradition sur le séjour d'Héraklès à
Monaco, au cours de la campagne contre Géryon (XV, 9. 10).
Servius commentant VJÊnéide (VI, 830), hésite sur l'explication
du mot Monoikos : Hercule fut-il surnommé ainsi parce que,
avant chassé tout le monde, il habita seul en ce lieu, ou parce
que, dans le temple qui lui était consacré, aucune autre divinité
n'était admise?
Parmi les savants modernes, les uns ont accepté la seconde
explication proposée par Servius et pensé que Monaco devait
son nom à l'Héraklès phénicien, adoré seul dans son temple;
les autres, à la suite de l'abbé Barges, ont supposé que Monoi-
kos était une corruption de Menouakh, épithète de Melqart
signifiant «qui donne repos ou asile». Le nom de la ville
d'IIeraklea Minoa en Sicile était, dans cette hypothèse, le pen-
dant exact de celui de Monaco.
Ces deux étymologies sont inadmissibles. D'abord, Monoikos
n'existe pas comme épithète divine, en dehors du seul exemple
de VHéraklès Monoikos de Monaco; l'hésitation de l'auteur grec
suivi par Servius prouve assez que le sens attribué à Monoikos
n'était autorisé par aucun usage. Quant à l'hypothèse phéni-
cienne, elle est d'autant plus à rejeter que l'étymologie popu-
laire, s'exerçant sur un mot comme Menouakh, n'aurait jamais
créé un mot insolite comme Monoikos.
Les villes antiques portent et gardent généralement le nom
des tribus dont elles ont été le centre. Paris est la ville des
Parisii, comme Soissons celle des Suessiones et Reims celle des
liemi. Or, nous connaissons, au Nord de Marseille, une tribu
ligure des Albioeci, dont les guerriers sont représentés sur l'arc
d'Orange. Dans ces noms, -oect ou -oecos est la désinence corres-
pondant lettre-pour lettre au grec -otxoç; nous avons donc tout
lieu de supposer que la tribu ligure dont Monaco était le centre
s'appelait du nom de Mon-oeci, au singulier Mon-oecos.
Les Grecs, transcrivant Monoecos dans leur langue, obtinrent
le mot fidvoixoç, qui signitie « celui qui habite seul » ; ils essayèrent
100 SÉANCE DU 3 AVRIL 1912
de l'expliquer comme épithète du dieu local, celui de la tribu
(qui était un Hercule ligure, et non phénicien). Les modernes
ont eu le tort de prendre au sérieux un de leurs essais d'expli-
cation.
Cet Hercule ligure a une légende que nous connaissons sur-
tout par Apollodore. Entre autres adversaires, il combat en
Ligurie un héros nommé Alebion ou Albion, dont un frère se
serait appelé Ligus. Gela suffit à prouver que le nom d'Albion
est ligure; le fait que deux villes de Ligurie s'appellent Albium
Ingaunum et Albium Intemelium vient à l'appui de cette conclu-
sion qui n'est pas nouvelle.
La tribu ligure des Albi-oeci porte un nom de même origine,
où le premier élément a peut-être le même sens qaalbus en
latin. Je ne saurais expliquer le premier élément du nom de la
tribu des Mon-oeci, mais je dois signaler, en terminant, une
analogie curieuse, qui peut être tout autre chose qu'une coïnci-
dence : à ces noms des Albi-oeci et des Mon-oeci correspondent,
dans les îles britanniques qu'ont fréquentées les Ligures ', ceux
des îles d'Albion et deMona.
M. le comte Henry de Castries fait une communication sur
le protocole des lettres émanant des sultans du Maroc2.
M. Babelon fait une communication sur une importante trou-
vaille de monnaies grecques archaïques, qui a été faite à
Tarente, au mois de juin 1911, par des ouvriers qui travaillaient
aux fondations d'une usine, à 300 mètres du port. Ce trésor
comprenait environ 600 monnaies du vie siècle avant notre ère;
elles se répartissent entre les différents centres commerciaux des
côtes de la Méditerranée depuis Phocée, Chios, les grands ports
de la Thrace et de la Macédoine, Athènes, Égine, les Cyclades,
Corinthe, Corcyre et Cyrène, jusqu'aux villes de la Sicile et de
l'Italie méridionale. Un certain nombre de monnaies de la trou-
vaille sont nouvelles ; elles se trouvaient mélangées avec des
lingots estampillés et des broches ou baguettes en argent qui
1. Voir JuUian, Histoire de la Gaule, t. I, p. 321.
2. Voir un des prochains cahiers.
L1YRKS OFFERTS
101
rappellent les obeliskoi offerts par Phidon clans l'Héraion
d'Argos. L'enfouissement paraît avoir été effectué à peu près
au temps de la destruction de Sybaris par les Crotoniates en
5fO avant notre ère (voir Revue Numismatique, 1912).
LIVRES OFFERTS
Le P. Scheil présente, au nom de l'auteur, l'ouvrage suivant :
Papyrus funéraires de la XXIe dynastie. Le Papyrus hiérogly-r
phique de Kamara, le Papyrus hiératique de Nesikkonsou, par
Edouard Naville, associé étranger de l'Institut. Introd. XXX planches
in-4° :
« M. Éd. Naville me prie de vous offrir en son nom un volume inti-
tulé : Papyrus funéraires de la XXIe dynastie Pour votre associé
que le Congrès des Orientalistes de 1874 chargea officiellement de
préparer la grande édition critique du Livre des Morts théhain (parue
en 1886), c'aura été un jeu et une joie d'ajouter aux recensions des
18e, 19e, 20e dynasties quelques recensions de la 21° dynastie. — Les
deux papyrus nouveaux proviennent en effet de la cachette de Deïr
el Bahrî, d'où M. Grébaut exhuma en 1890 les momies des prêtres-
rois. — Hiéroglyphique, celui de Kamara femme de Pinot'mou I;
l'autre, celui de Nesikhonsou, nièce et femme de Pinot'mou II, est
hiératique. — Ce laps de deux ou trois générations est précisément
l'époque où l'écriture hiératique commence à remplacer l'écriture
hiéroglyphique, dans le Livre des Morts.
« Nous y gagnons un texte plus correct et plus intelligible, à cause
même de la proximité de la première rédaction hiératique, et parce
que les copistes toujours savaient lire l'hiératique, non pas l'hiéro-
glyphique.
« M. Naville se plaît à aborder, à l'occasion, diverses questions
d'intérêt universel annexes à son sujet. Ailleurs, la solidarité des
sciences historiques et des sciences naturelles, l'origine d'une race,
le commerce de l'ancienne Egypte avec les autres nations ; ici, cer-
tain côté technique de l'écriture pharaonique, ont éveillé sa curiosité.
« En général, les signes hiéroglyphiques étant picturaux de choses
connues, on pouvait sans inconvénient varier, d'un texte à l'autre,
eur direction de droite à gauche ou inversement. Employés surtout
102 SÉANCE DU 12 AVRIL 1912
dans le style lapidaire, ils supportaient la colonne verticale aussi
bien que la colonne horizontale.
« Les signes hiératiques, issus des précédents, n'étant plus pictu-
raux, ne devaient avoir, pour être lisibles, qu'une seule et même direc-
tion, dans tous les cas. Employés surtout sur peau et papyrus, on les
écrivit de droite à gauche, parce que le scribe égyptien, comme notre
kateb arabe, tenant sa surface entre les mains, ne pouvait opérer
commodément que de cette manière. Point de colonnes verti-
cales !... En avançant de droite à gauche, il se fût exposé à dégrader
son propre travail.
« Pour le Livre des Morts en particulier, les exemplaires hiérogly-
phiques anciens sont orientés comme la marche du soleil, image de
la vie et de la mort de l'homme, de gauche à droite ; — en colonnes
verticales, parce que destinés à couvrir les murs de la tombe, le
graveur sur son échelle était naturellement amené à préférer cette
disposition.
« Les exemplaires hiératiques allèrent en sens inverse, de droite
à gauche, et en colonnes horizontales, pour les raisons d'ordre tech-
nique que je viens de dire. Mais les vignettes gardèrent quelque
temps encore lorientation mystique, de gauche à droite.
« On ne peut rien écrire de plus judicieux que l'Introduction de
M. Éd. Naville aux XXX planches phototypiques des Papyrus de
Kamara et Nesikhonsou. »
Le P. Scheil dépose, en outre, au nom de M. E. Revillout, un
nouveau fascicule de sa publication intitulée : Contrats égyptiens
archaïques, démotiques, aramêens. 4e fascicule : Les Persans (Paris,
1912, in-8°).
SÉANCE DU 12 AVRIL
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts
écrit au Secrétaire perpétuel pour lui faire savoir que, par
arrêté du G février dernier, les crédits disponibles par suite du
décès de M. Longnon, professeur de géographie historique de la
SÉANCE DU 12 AVRIL 1912 103
France au Collège de France, ont été affectés à un enseignement
et à des études relatifs à YHistoîre de V Afrique du Nord. —
M. le Ministre invite l'Académie des inscriptions et belles-
lettres à procéder à la désignation de deux candidats à cette
chaire, et il joint à sa lettre le procès-verbal de la délibération
de l'Assemblée des professeurs du Collège de France contenant
ses présentations ainsi que les votes émis par cette Assemblée
et l'exposé des titres des candidats.
L'Académie procédera à cette désignation dans sa prochaine
séance.
Il est donné communication d'une lettre par laquelle M. Roll,
président de la Société nationale des beaux-arts, informe le
Président de l'Institut que les membres de l'Institut pourront
entrer, sur la présentation de leur médaille, au Salon de cette
Société qui aura lieu au Grand Palais du 14 avril au 30 juin.
M. Henri Cordier a reçu deux lettres de M. de Gironcourt,
datées l'une de Bamba, le 30 janvier, et l'autre de Gao, le
10 février. A la première sont jointes sept copies de manuscrits
arabes; elle renferme une seconde pièce relative aux origines
peules. Dans la seconde, M. de Gironcourt annonce que ses
recherches ont été menées activement dès son arrivée dans le
cercle de Gao, grâce aux bienveillantes dispositions du capi-
taine Lamoureux qui avait fort utilement prévenu tous les chefs
de sa venue et du but de ses recherches. M. de Gironcourt
avait pris à cette date 311 estampages d'inscriptions qui sont
localisées dans un certain nombre de nécropoles qu'il a inven-
toriées et qu'il a pu relever à quelque distance du Niger, le
long de sa rive gauche, principalement entre Bourem et Gao.
11 s'agit, pour la plupart, non de stèles de grande taille comme
à Bentia, à gros caractères, sauf pour quelques unités estampées
auprès de Gao même, mais d'objets fort anciens (polissoirs,
mortiers, pilons) de pierre polie (quartz, gneiss et granités) qui
portent, gravées, des écritures souvent fines et témoignant d'un
art assez précieux. Certaines de ces inscriptions, malgré la faible
dimension du support (0U1 30, <>'" 40, etc.), sont amples et
copieuses; de minuscules échantillons sont joints. Ces objets, à
cause de leur facile mobilité, ont été pour la plupart, sinon
104 SÉANCE DU 12 AVRIL 1912
pour la totalité, détournés de la destination et de l'emplacement
pour lesquels la gravure avait eu lieu, et employés dans les
temps modernes à la parure des sépultures actuelles des tribus
maraboutiques touareg Kel es Souk et Gheriffen nomadisant
dans ces régions. Vraisemblablement, il doit s'agir ici d'une
« coulée épigraphique » descendue de l'Adrar, dont M. de
Gironcourt allait suivre la trace en remontant vers Kidal et
Es Souk. M. de Gironcourt ajoute : « Me voici en partance pour
ces points, dès mon convoi formé, pour lequel la sécheresse
exceptionnelle de l'été précédent, qui a pu démunir bon nombre
de points d'eau de la zone désertique, m'oblige à de particu-
lières précautions. » Outre les estampages, cette dernière lettre
renfermait sept autres copies de manuscrits. On ne saurait trop
louer M. de Gironcourt de son activité.
M. Paul Girard signale la découverte, dans les ruines de
Pagasae, près de Volo, de deux nouveaux dépôts de stèles peintes.
Cette découverte est due à M. Arvanitopoullos, éphore des
antiquités de Thessalie et de Phthiotide, qui a fait, dans la
Grèce du Nord, tant d'intéressantes trouvailles, et auquel le
Musée de Volo est redevable, notamment, de la riche collection
de stèles peintes qu'il possède déjà.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture, au nom de M. R.
Vallois, d'une note sur les Attiques déh'ens '.
M. Jérôme Carcopino, professeur agrégé d'histoire au lycée
du Havre, fait une communication sur le rôle d'Ostie dans
YEnéide. Ce rôle est considérable. Dans V Enéide, Lavinium n'a
rien à voir avec l'histoire d'Enée ; c'est la ville des Laurentes et
de Latinus. La ville que fonda Enée, c'est Troja, aux bouches du
Tibre, sur l'emplacement de la future Ostie. Les prédictions et
les miracles que la tradition courante rapporte à Lavinium se
réfèrent dans YEnéide à cette Troja ostienne et s'expliquent,
notamment l'apparition et le sacrifice de la laie pleine au livre 8,
non pas, comme on l'admet généralement, en fonction du culte
lavinien des Pénates, mais en fonction du culte ostien de Volkà-
1. Voir ci-après.
ATTIQUES DÉLIENS 105
nus, dieu du Tibre, et de Maia, la parèdre de ce Volkanus pri-
mitif. Si Virgile a conféré au site d'Ostie le prestige dont la tra-
dition environne Lavinium, c'est pour plusieurs raisons : d'abord
le poète pouvait mettre ainsi les projets de création d'un port à
Ostie, que méditait Auguste, sous la tutelle de ces grands sou-
venirs légendaires. Ensuite, grâce à cette Troja, élevée près du
[lavus... Thybns, équivalents latins du Xanthos et du Thymbris
son affluent de Phrvgie, non seulement il effaçait toute contra-
diction entre son poème et la prophétie d'Homère sur Enée qui
« rèffne sur Troie », mais il semblait faire sortir VEnéide de
Ylliade en vertu d'une espèce de préfiguration mystique.
MM. G. Perrot, Cagnat et Salomon Reinach présentent
quelques observations à la suite de cette communication.
COMMUNICATION
ATTIQUES DÉLTENS, PAR M. R. VALLOIS.
Les architectes modernes donnent le nom à'attiquc à
un ordre de faible hauteur placé dans la partie supérieure
d'un édifice. Pline appelle les colonnes de section carrée
columnae atticae1. La suite de cet article montrera que les
Grecs de l'époque hellénistique ont superposé fréquemment
à Tordre principal un second ordre composé uniquement de
supports de section quadrangulaire et sensiblement moins
élevé que le premier.
Ces supports étaient connus, comme les antes, sous le
nom de parasladrs2. Ils ressemblent, en effet, à des antes
1. Plin., //. A'., XXXVI, 23, :><i.
2. Cf. H. C. IL, XXXII, p. 8:5, a0 21, 1. 1!»: ibid., p. 285. Je ne crois pas
(pie les parastades de l'&noXajjLîtaç aient été en bois : l'entrepreneur, Ctési-
plion, est un marbrier. Au reste, l'identification proposée par M. G.
Leroux {Explor. Arch. de Délos, II, p. 51) de la aroà :>{ Jtpôç rût IIos;-
Seîtot avec la Salle hypostyle parait de plus en plus vraisemblable.
106 ATTIQUES DÉLIENS
détachées du mur. Ils sont composés d'un fût lisse et d'un
chapiteau orné, suivant les cas, d'un kymation dorique ou
ionique : ils se dressent directement sur le stylobate ou sur
l'assise qui en tient lieu, sans intervention de base moulu-
rée. Parfois l'ordre à parastades n'est pas superposé, mais
simplement juxtaposé à l'ordre principal, et l'on sait par
l'exemple du monument de Thrasyllos qu'il peut aussi être
employé seul. Je lui conserverai dans ses diverses applica-
tions le nom d'attique.
Doit-on, comme ce terme semble l'impliquer, en attri-
buer l'invention, ou tout au moins la vulgarisation, aux
Athéniens 1 ? Je ne crois pas, en tout cas, à en juger par les
stoai à deux étages d'Athènes (stoa d'Attale et stoa de
l'Asclepieion), dont l'ordre supérieur était composé de
colonnes elliptiques ou circulaires, qu'il ait obtenu dans
cette ville un succès aussi exclusif qu'à Délos.
Toutes les observations qui précèdent sont fondées sur
l'étude des édifices de l'île sainte. Grâce aux fouilles entre-
tenues par la générosité de M. le duc de Loubat, on peut
aujourd'hui esquisser l'histoire locale des attiques déliens
pendant deux siècles.
Il faut distinguer deux types. Dans l'un, que j'appellerai
Yattique rectangulaire, les parastades courantes ont une
section oblongue, dont le côté le plus large est placé en
profondeur; seules les parastades d!angle sont, par néces-
sité, carrées. Dans l'autre, Yattique carré, tous les supports
indifféremment ont quatre faces égales.
A la première catégorie appartiennent les attiques qui for-
maient colonnade à l'étage de deux grands portiques, la
stoa coudée de l'Agora, et \a.stoa tétragone des Italiens. Les
témoignages épigraphiques permettent de placer la con-
I. La façade de la eella du temple d'Athéna Niké est formée d'un
al tique ionique. M. Courby a reconnu un emploi analogue de l'attique
dorique dans le pronaos du temple des Athéniens à Délos. Cf. Comptes
rendus, 1908, p. 179.
ATTIQUES DÉL1ENS ll»7
struction de la stoa coudée vers le milieu de la première
moitié du n° siècle av. J.-C. l. Ces conclusions s'accordent
avec les indices tirés de la technique. On se rendra compte
par la figure ci-jointe (fîg. 1) de la manière dont les deux
ordres sont superposés. Voici les dimensions principales de
l'ordre inférieur, dorique : hauteur totale, i '" 775 environ
(colonne, 3m85-f-; entablement, 0 '" 925); largeur moyenne
des travées, 2m05. Les poutres reposaient directement sur
l'épistyle, le plancher affleurant au bord supérieur de la
corniche. Sur l'assise horizontale formée par celle-ci se
dressaient sans intermédiaire les parastades ioniques, pla-
cées dans Taxe des colonnes (hauteur, chapiteau compris,
2'" 735; section du fût à la base, 0ni 33 xOm 51). Elles
étaient reliées par une balustrade haute de 1 mètre. L'enta-
blement à denticules (hauteur, 0m 885) comprend une
frise lisse (hauteur, 0m 255), moins élevée que l'épistyle
(hauteur, 0m328). La hauteur totale de l'attique était de
3 '" 62.
La figure 2 donne l'élévation d'une travée de la Stoa des
Italiens. Il résulte des inscriptions dédicatoires que ce
monument a été bâti dans les dix dernières années du
IIe siècle av. J.-C. 2. Le travail, souvent pauvre ou négligé,
fait un singulier contraste avec celui de l'édifice précédent.
Le parement postérieur de l'attique ne porte pas de mou-
lures. Celles des chapiteaux sont arrêtées sur les faces
latérales à 0m 20 environ du parement antérieur; la suite
en a été laissée a l'état de simple épannelage. Enfin, un
bandeau saillant tient la place des denticules. Il reste évi-
dent malgré tout que la façade de la stoa tétragone a été
copiée sur celle du portique coudé. Les ordres sont, dans le
1. Communication de M. P. Koussel. — M. G. Leroux a le premier noté
la présence d'un attique à L'étage du portique coudé.
2. Communication de M. J. Hatzfeld. —L'ordre dorique de la stoa et
l'entablement ionique ont été reconstitués par M. J. Replat et M. J.
Paris.
1912. 8
Pig. 1. — Délos. — Stoa coudée (détail).
(Dessin de M. A. Gabriel.
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o 1 2 3 m.
Fig_ 2, — Délos. — Stoa tics Italiens (détail).
(Dessin de M. Sven Risom.
110 ATTIQUES DÉLIENS
nouvel édifice, superposés de la même manière que dans
l'ancien ; ils y ont presque les mêmes dimensions : hauteur
de l'ordre dorique, 5m 08 environ (colonne, 4 m 15 + ; enta-
blement, 0m 93o) ; hauteur de l'attique, 3m 76 environ (paras-
tades, 2m86 ±: entablement, 0m905); largeur moyenne
des travées, 2m 105. Mais les proportions sont un peu plus
grêles. On s'en rendra compte par le tableau suivant, établi
en prenant pour unité de mesure la largeur des parastades
à la base (0 ra 33 dans le portique coudé, 0m 32 environ
dans la stoa des Italiens) :
Agora. Stoa des Italiens.
Haut, de l'ordre dorique 14 1/2 15 7/8
Haut, de l'attique 11 11 3/4
Larg. des travées 61/4 6 5/8
Il n'est pas sans intérêt de trouver un emploi de l'attique
tout différent de celui qui précède dans un monument qui,
par la technique, appartient à la première moitié du
me siècle av. J.-C, le temple des taureaux[. Une sorte de
lanterneau. composé de parastades ioniques, se dressait de
trois côtés , sur l'entablement des murs extérieurs , au
pourtour de la salle Nord. Il était porté au Sud par deux
poutres de marbre rampantes, arc-boutées à leur som-
met et dont l'extrémité inférieure reposait sur deux épis-
tyles jetés de part et d'autre entre les murs et les
pilastres à protomes de taureaux. Au-dessous de ce lanter-
neau, dont la fig. 3 reproduit un détail, l'entablement
dorique occupait, par exception, toute la profondeur du
mur ; la face postérieure en est parée. Le larmier est doublé
de fausses tuiles sur lesquelles s'adaptaient de faux couvre-
joints à antéfixes. Une assise de parpaings placée sur la
corniche, et de même épaisseur qu'elle (0m 33), servait de
stylobate aux parastades.
1. Cf. Homolle, B. C. 11., VIII, p. 417 et suiv., pi. XIX.
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Fig. 3. — Délos. — Temple des Taureaux.
Détail de la salle Nord. (Dessin de M. Gerh. Poulsen
112 ATTIQLES DÉLIENS
Celles-ci ont la même forme, et, au moins quant a la
section du fût (0m 355 X 0 m 54), les mêmes proportions
que dans le portique coudé. L'aspect du chapiteau est
presque identique. Les dissemblances s'expliquent assez par
le caractère différent des deux monuments. Ainsi dans
l'attique du temple, l'entrecolonnement, plus étroit (1 m 83),
est imposé par l'ordre dorique, lequel, conformément à
l'esthétique des édifices religieux, ne comprend qu'un tri-
glvphe entier par travée, et la frise ionique, plus haute
(0m 49) que l'épistyle (0m 44), est ornée de bas-reliefs.
Mais cet attique paraît bien, au total, avoir été le proto-
type de celui du portique coudé.
Il faut encore noter que l'entablement inférieur du
temple reposait, de chaque côté de la salle médiane, sur
une rangée ininterrompue de parastades doriques, reliées,
tantôt par des cloisons pleines, tantôt par des fenêtres à
meneaux. J'ai constaté la présence de fenêtres analogues
entre les colonnes du prodomos et entre les supports du
lanterneau. La composition générale de l'édifice, qui peut
sembler à première vue complexe et singulière, porte en
fait la marque d'une intime unité. Les deux attiques se
font réciproquement équilibre et gardent, malgré les diffé-
rences d'étendue et de disposition, la même et unique fonc-
tion utile, qui est d'éclairer les salles qu'ils entourent '.
Peut-être est-ce là le rôle primitif de cet ordre, au moins à
Délos, et ne faut-il pas attribuer au simple hasard le fait
qu'on ne le rencontre que cinquante ou cent ans après
dans celui d'une véritable colonnade 2.
1. On trouve un emploi analogue de l'attique dans un monument con-
temporain du temple des taureaux, l'édifiée circulaire de Samothrace
dédié par Arsinoé. Cf. Arch. Unlersuch. aaf Samothrake, p. 80-83, pi. i.iv-
i.v et i.xi.
2. Le portique qui entoure sur trois côtés la skéné du théâtre de Dél<>>
semble bien avoir été composé de parastades rectangulaires. Cf. B.C. H.,
XX, p. 283. Peut-être est-il un peu plus récent que le proskéninn 250 av.
J.-C. . Aucun morceau de l'élévation n';i été jusqu'ici retrouvé.
ATTIQUES DÉLIENS 113
La transformation ne s'est pas faite d'un seul coup. Elle
s'annonce dès le milieu du ni0 siècle, dans un monument
d'architecture privée, le péristyle de la maison « de Ker-
don ' ». La galerie supérieure en était, comme celle des por-
tiques, composée de parastades rectangulaires, reposant
directement sur la corniche (elles sont ici taillées dans du
tuf et couronnées de chapiteaux doriques en marbre). Mais
une cloison fermait les entrecolonnements sur la plus
grande partie de leur hauteur; peut-être même atteignait-
elle jusqu'au niveau de l'épistyle, et était-elle, en ce cas,
percée de fenêtres. Par ce dernier trait l'attique de la mai-
son « de Kerdon » se rapproche de celui du temple. Les
deux monuments sont voisins, et on ne peut guère douter
qu'il n'y ait eu imitation de l'un à l'autre. L'exemple n'a pas
dû rester stérile; et si l'on exhume jamais d'autres habita-
tions riches aussi anciennes que la maison « de Kerdon »,
on y rencontrera sans doute une utilisation analogue de la
parastade rectangulaire 2.
L'attique carré paraît, a Délos, plus récent et plus rare.
On a découvert dans quelques maisons du 11e siècle où
l'ordonnance de la cour était aréostyle, et en particulier
dans celle du Dionysos, plusieurs chapiteaux répondant à
ce type. Mais c'est, comme pour le précédent, dans la
construction d'un lanterneau, qu'on en rencontre la pre-
mière application. Il suit, en effet, d'une découverte récente,
que le lanterneau dont M. Leroux a établi par déduction la
présence sur le toit de la Salle hypostyle 3 était composé de
1. M. Chamonard a bien voulu me signaler les habitations où il a cons-
tate la présence, et rétabli la disposition de l'attique. Le péristyle de la
maison « de Kerdon » me paraît avoir été construit par les mêmes ouvriers
que le Portique d'Antigone.
2. A noter, dans le quartier du théâtre, i parastades de marbre, avec
chapiteaux, d'origine inconnue (sect. super., 0m 25 X 0m 505; haut, totale,
2m53). Deux scellements sont visibles sur les faces latérales, à 0m 35 e(
lm 35 de la base.
:<. Explor. arch. de lh:los, II. p. 10-42.
1 I 4 ATTIQUES DÉLIENS
huit parastades carrées en marbre, couronnées de chapi-
teaux ioniques d'un profil vigoureux et implantées à même
sur l'abaque des huit colonnes centrales. La distance entre
axes de ces parastades est, comme celle des colonnes, de
5 m 50; leur largeur maxima, de 0m 44 seulement. Cet
exemple confirme le lien indiqué plus haut entre les sup-
ports quadrangulaires à faces égales et l'ordonnance aréo-
style. Il laisse entrevoir dans l'emploi de l'attique carré
l'évolution que j'ai déjà signalée à propos de l'attique rectan-
gulaire.
Elle s'explique aisément. L'attique est plus souple que
la colonnade. Il permet d'obtenir, sur un plan donné, des
baies à la fois moins hautes et plus larges, sans enfreindre
les lois de la modulation. La hauteur effective des paras-
tades de la Salle hypostyle n'excédait pas 3™ 35. La lar-
geur de l'épistyle était de 0m 47. Le calcul montre que, pour
un entablement égal, des colonnes ioniques n'auraient pas
eu moins de 4 mètres de haut. La latitude est plus grande
encore avec les parastades de section oblongue. En effet,
on l'a vu par l'exemple du portique de l'agora, il peut y
avoir une relation modulaire normale entre leur hauteur et
leur largeur d'une part (2 m 735 : 0 1U 33 == 81/4), et, de
l'autre, entre leur profondeur et les dimensions de l'enta-
blement. Des colonnes n'offriraient pas les mêmes facilités.
L'aspect de la Stoa d'Attale à Pergame fera saisir, par
contraste, le dessein de l'architecte délien, ou du premier
qui songea à généraliser l'emploi de l'attique en le détour-
nant de ses origines.
Comme l'ante, la parastade n'est qu'une portion de mur
mise en relief et dotée d'un couronnement. Elle prend
d'abord timidement place entre deux antes, à titre de
jambage unique ou double, ou bien elle recoupe une
fenêtre à la manière d'un meneau. Dans le groupe de
fenêtres composées en édicule qui constitue le lanterneau,
l'attique s'affranchit et se prépare au rôle de péristasis et
SÉANCE DU 10 AVRIL 1912 115
de colonnade d'étage. On peut suivre à Délos même toutes
les phases de cette évolution. Mais l'état de mes recherches
ne m'a permis d'en signaler avec quelques détails que les
deux étapes les plus marquantes.
SÉANCE DU 19 AVRIL
PRÉSIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRÉSIDENT.
M. Cagnat donne lecture à l'Académie', de la part de M. Mer-
lin, directeur des antiquités et des arts à Tunis, de la note sui-
vante :
« J'ai déjà eu l'occasion de signaler ailleurs i les découvertes
très intéressantes récemment faites par MM. le capitaine Vau-
bourdolle et le lieutenant Haack à Souk El-Abiod, L'ancienne
Pupput, dans les ruines d'un monument vulgairement connu
sous le nom de Capitole. Au pied de l'escalier qui donne accès à
l'édifice, ces ofliciers viennent d'effectuer une nouvelle trouvaille
importante. Ils ont mis au jour une base honorifique en deux
morceaux, qui ont été recueillis, à un mois environ d'intervalle,
aux deux extrémités opposées des marches ; la tranche supé-
rieure présente deux trous pour le scellement de la statue ; sur
la face antérieure, on lit (lettres 0'" 065 — 0U1 045) :
D • N • ARCADIO ■ INCLY
TO • PIO • FELICI • AVGVSTO
ADMINISTRANTE V S ■ FL
MACROBIO • M A X I M I A N O
5 . V • C • P • O • C • A G • V I C • P ■ P • ET • FL • S Y
N ESI O FI LO////////////1 O • Y • C
CONS'PROV F L • V A L ■ B Y Z
FL • CALBINYS • V • D • FL • P • P ■
C V R • R E I P • N V M I N I ■ MA
io. IESTATIQ.VE ■ E I V S ■ S E M
P E R • D I C A T I S S I M Y S ;
1 . Communication faite le 12 avril 1912 au Congrès des Sociétés savantes.
116 SÉANCE DU 19 AVRIL 1912
« La base est coupée entre les lignes 6 et 7 et, à ces lignes,
quelques lettres, surtout dans la partie droite, sont incom-
plètes, mais les caractères ne sont pas douteux. Seul, le surnom
qui suit Synesio est trop endommagé pour être entièrement
déchiffré ; après Filo, il y a place pour trois lettres dont on ne
voit que des traces très vagues ; car la pierre est rongée à cet
endroit; j'avais songé à Filo mat]io, mais cette restitution est
tout hypothétique.
D[omino) n(ostro) Arcadio, inclyto, pio, felici Augusto,
administrantihus Fl(avio) Macrohio Maximiano, v(iro) c{laris-
simo), p(rimi) o(rdinis) c(omite), ag{ente) vic(es) p(rae fecti)
p raetorio) et Fl(avio) Synesio Filo\mat]io (??), v(iro) cflaris-
simo), cons(ulari) prov(inciae) Fl(aviae) Val(eriae) Byzïacenae),
Flavius) Calbinus [pour Calvinus], v(ir) d(evotissimus '), fl(a-
men) p(er)p(etuus) , cur{alor) reip{uhlicae} , numini majesla-
lique ejus semper dicatissimus.
« Ni Flavius Macrobius ni Flavius Synesius ne sont respecti-
vement connus comme vicaire d'Afrique et eonsulans de Byza-
cène ; l'inscription de Pupput enrichit donc les Fastes de
l'Afrique romaine de deux noms sous le règne d'Arcadius, qui
fut associé à l'empire avec le titre d'Auguste le 16 janvier 383
et mourut en 408. C'est la première fois qu'en Afrique, on ren-
contre une dédicace à Arcadius seul, qui, depuis 395, eut le
gouvernement de l'Orient, tandis qu'Honorius avait celui de
l'Occident et de l'Afrique.
« Notre base est aussi curieuse au point de vue géographique.
La présence du vicaire d'Afrique2 et du consularis de Byzacène
nous indique que Pupput, vers l'an 400, était en Byzacène.
Cent ans après environ, la Notitia épiscopale de 484 3, seul
document qui nous fixait jusqu'ici sur la province dont la ville
faisait partie, place celle-ci en Proconsulaire; aussi supposait-on
1. Cf. Hirschfeld, Die Rangtitel der rômischen Kaiserzeit, dans Sitzimgs-
her. Berliner Akademie, 1901, p. 607.
2. Cf. Pallu de Lessert, Mém. des Antiquaires de France, LX, p. 20.
3. Cf. Capial. Les limites de V Afrique proconsulaire et de la Byzacène,
dans Klit>. 1902, p. T.'i-Tii: <:orj>. inscr. latin., t. VIII, p. 2437.
SÉANCE DU 19 AVRIL 1912 117
que la frontière entre les deux provinces passait au Sud vers
Ksar-Menara * . La découverte de MxM. Vaubourdolle et Haack
renouvelle et complicpie la question : il faut admettre mainte-
nant ou bien que l'un des deux témoignages est erroné, ou bien
que la limite a varié au cours du Ve siècle, hypothèse qui semble
préférable. Vers la fin du ive siècle, la frontière aboutissait sur
la mer entre Neapolis (aujourd'hui Nabeul, à 16 kilomètres au
Nord-Est de Souk El-Abiod), qui était, au temps d'IIonorius et
d'Arcadius, en Proconsulaire 2, et Puppul, que notre base nous
montre à cette même date en Byzacène ; plus tard, la limite fut
remaniée et descendue au Sud de cette dernière ville qui fut
englobée dans la Proconsulaire.
« Enfin l'inscription de Puppul nous permet de préciser, par
comparaison, le sens de certaines sigles sur un texte de la loca-
lité peu éloignée de Vina3. Cette base, copiée par Guérin, est
ainsi conçue :
ADMINIsIrdH
TIBVS D
VC AMP PR
ET ALEXANDro. .
5. POC AC VPPI. . . .
NVS F PP EX
R P AD
THERMARYM
PO.SV xi
« Si la ligne 3 est assez facile à compléter et s'il est clair qu'il
s'agit du proconsul d'Afrique, on a été jusqu'ici fort embar-
rassé pour expliquer la ligne 5. Wilmanns, après avoir revu
l'original avec grand soin, a noté au Corpus '' qu'on pouvait lire
au début POC ou ROC et que les deux C de POC et de AC
pouvaient être des G, mais il ajoutait : « in POC quid lateat
« nescimus ; ROC si fuit, possis cogitare de [rijro c\laris$imd\.
« Litteras singulares quae sequuntur non magis expedivimus;
1. Cf. Cagnat, toc. cit., p. 78.
2. Corp. inscr. Int., t. VIII, n" <m date de 100-ioi).
3. //){'</., n" <.>t>2 et 12110.
1. Ihid.. n" 962.
118 SÉANCE DU 19 AVRIL 1912
« de ag(enfe) v{ices) piraefectorum) p(raetorio) quanquam cogi-
« tavimus, obstabat quod vicarius Africae vix recte componitur
« cum proconsule ejus. » Au Supplément du Corpus ', Schmidt,
après avoir collationné l'estampage pris par Wilmanns, écri-
vait : o 5 in. videtur esse R, ut sit [p] || roc{uratore) A(ugusti),
« deinde, ut monet Mommsen, Cuppit[ia] \\ nus, etc. » M. Pallu
de Lessert, dans ses Fastes des provinces africaines 2, range
Alexander parmi les vicaires incertains. Avec notre inscription
de Pupput, celle de Vina devient compréhensible; la ligne 5
contient une série d'abréviations : p(rimi) o(i-dinis) c(omite),
agi ente) v(ices) p(raefecti) p(raetorio). Bien que nous soyons en
Proconsulaire, le vicaire apparaît indiscutablement ici à côté
du proconsul, ce qui n'est pas d'ailleurs sans exemple3 et ce qui
se justifie, semble-t-il, par des circonstances exceptionnelles où
le vicaire, par délégation extraordinaire, était investi, à titre
momentané, de la juridiction générale sur toutes les provinces
africaines, même sur la Proconsulaire '.
« Parmi les vicaires d'Afrique, outre Macrobius et Alexander,
Claudius Avitianus a le titre de cornes primi ordinis:'.
« Il convient de signaler la formule agens vices praefecti prae-
torio. A l'époque d'Arcadius ce titre est anormal; il est cons-
tamment, sauf en un cas, remplacé par celui de vicarius 6 vers
la fin du ivc siècle. »
1. Corp. inscr. lat., t. VIII, n° 12440.
2. II, p. 230, cf. p. 151.
3. On trouve en Proconsulaire le vicaire Antonius Dracontius associe de
même au proconsul sur une inscription de Ilenchir Msa'adin, l'ancienne
Furnos minus (Corp. inscr. latin., t. VIII, n° 10609 = 14752, cf. Pallu de
Lessert, op. cit., III, p. 196 et suiv.).
4. Pallu de Lessert, op. cit., II, p. 197 et 217. — Par un phénomène
inverse créant une situation pareille, la compétence du proconsul débor-
dait parfois d'une façon tout à fait anormale en dehors de la Proconsulaire
sur la Numidie, la Byzacène, la Tripolitaine et les Maurétanies (Corp.
inscr. lat.. t. VI, n°« 1690, 1691 ; t. VIII, n° 24521 = Gagnât, Année épicjra-
phique, 1898, n" 8; cf. Pallu de Lessert, op. cit., II, p. 42 et suiv., p. 182,
p. 197. — Voir en outre Pallu de Lessert, op. cit., II, p. 189).
5. Corp. inscr. lat., t. VIII, n0' 7037 et 7038: cf. Pallu de Lessert, op.
cil .. II, p. 192-193. — Sur les comités primi ordinis, cf. Grossi-Gondi, dans
De Ruggiero, Dizion. epigr., II, p. 476 et suiv.
6. Pallu de Lessert, op. cit., II, p. 153-151, p. 193, p. 217.
SÉANCE DU 19 AVRIL 1912 119
L'Académie procède à la désignation de deux candidats pour
la chaire de V Histoire de V Afrique du Nord créée au Collège
de France par arrêté du G février dernier.
M. Gsell est désigné en première ligne par 20 suffrages sur
23 votants contre 2 bulletins blancs marqués d'une croix et
une voix à M. Besnier.
M. Besnier est présenté en seconde ligne par 18 suffrages sur
18 votants.
M. Pichon fait une communication sur l'épisode d'Amata
dans l'Enéide. Après avoir relevé clans le récit de Virgile
quelques anomalies et obscurités, il essaie de les expliquer
en recherchant les traditions religieuses auxquelles le poète a
t'ait des emprunts. Il pense que Virgile a voulu représenter dans
la fuite extatique d'Amata le rite des fêtes de Liber, le Bacchus
latin ; que, d'autre part, Amata est le prototype des Vestales ;
mais qu'il a dû y avoir à l'origine une association entre le culte
de Liber et celui de Vesta.
M. l'abbé Lejay étudie l'origine d'une préposition latine,
absque. Elle se rencontre à partir du milieu du n" siècle de l'ère
chrétienne. Mais dans Plaute et clans Térence, on a huit fois une
expression absque, clans une phrase comme : « Nam absque
led esset, hodie numquam ad solem occasum uiuerem » (Plaute,
Ménechmes, 1022). La proposition absque ted esset est, d'après
M. Lejay, une explication introduite comme entre parenthèses;
absque s'y décompose en ahs et que, conjonction: « Et loin de
toi (sans toi), cela serait arrivé. » Certains passages ont pu
suggérer à Fronton l'idée d'une préposition absque, par exemple
Ga.pt., 752 ; quod, précédant absque, paraissait y avoir le sens
conditionnel qu'il a quelquefois clans l'ancienne langue. L'inno-
vation de Fronton est remarquable, parce qu'elle est due à une
mode littéraire, l'imitation de la langue archaïque par les
auteurs du IIe siècle, et que, néanmoins, elle a eu assez de succès
pour pénétrer dans la langue populaire (lombard asca).
M. IIavkt présente une correction pour un vers de Catulle
(68, 3(J). Au lieu île ralde, il propose d'y lire alpe, une alpe,
une prairie de montagne. Ce passage serait le seul de toute la
littérature latine où se lirait alpis employé comme nom commun.
120 LIVRES OFFERTS
Il est d'ailleurs tout naturel que ce mot, essentiellement local, ait
été essayé en poésie par un auteur natif de Vérone, et par con-
séquent voisin des Alpes qui ont imposé leur nom à une grande
chaîne de montagnes.
LIVRES OFFERTS
M. Babelon a la parole :
« M. Victor Tourneur, conservateur adjoint au Cabinet des
Médailles de la Bibliothèque royale de Belgique et secrétaire de la
Société royale de numismatique, m'a chargé d'offrir en son nom à
l'Académie ses plus récentes publications dont voici rénumération :
« 1° Catalogue des médailles du royaume de Belgique, par Victor Tour-
neur. Tome Ier (1830-1847), 1 vol. in-8° de 256 pages et 34 planches.
Ce catalogue est précédé d'une introduction développée dans laquelle
l'auteur s'est efforcé de démontrer que l'art de la médaille dans la
Belgique contemporaine, tout en ayant son originalité propre, est
d'importation et d'inspiration française. Cette étude de M. Tourneur
n'est donc pas seulement une nomenclature métallique intéressante
pour l'histoire de la Belgique ; elle est une contribution utile et ori-
ginale à l'histoire de l'art français au xixe siècle et à son rayon-
nement au dehors.
« 2° Catalogue du Salon international de la médaille à l'Exposition
internationale de Bruxelles en 1910.
« 3° Quatre brochures qui portent pour titre : La médaille en Bel-
gique en 1008, en 1909, en 1910 et en 1911; elles sont aussi plus
qu'une nomenclature des productions des graveurs belges contem-
porains, par la critique judicieuse sur laquelle M. Tourneur a su
asseoir ses jugements.
« 4° Enfin M. Tourneur offre à l'Académie l'important volume des
Procès-verbaux et Mémoires du Congrès international de numisma-
tique et d'art de la médaille, tenu à Bruxelles en 1910, ouvrage publié
par les soins de MM. Alphonse de Witte et Victor Tourneur, et qui
compte 886 pages suivies de 36 planches. On sait que ce Congrès de
numismatique a été particulièrement intéressant; le volume de ses
travaux nous en apporte la preuve par l'importance des mémoires
qui ont été présentés par des savants de tous pays et qui se rap-
portent à tous les chapitres de la numismatique grecque, romaine,
médiévale et contemporaine. Je ne puis énumérer ces dissertations
variées; il me suffira de citer les noms de quelques-uns des collabo-
rateurs: MM. Imhoof-Blumer, Macdonald, Simonelti, Yakountchikoff,
SÉANCE DU 26 AVRIL 1912 121
Dieudonné, Haeberlin, Blanchet, Dattari, Jules Maurice, A. de
MarkolT, Edm. Gohl, Pappadopoli, Ilauberg, de Castellane, de Jongbe,
de Witte, G. Habich, etc. Ces noms sont un sûr garant de l'impor-
tance scientifique de ce recueil digne, on le voit, d'occuper une
place bonorable dans les productions de l'érudition contemporaine.»
SÉANCE DU 26 AVRIL
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Prou communique une lettre de M. Lucien Lambeau,
secrétaire de la Commission du Vieux Paris, contenant la
transcription de l'épilaphe d'un ancien « secrétaire commis » de
l'Académie des inscriptions, appuyée contre le mur du cime-
tière de Vaugirard (rue Lecourbe, nu 310) :
ICI REPOSE
ESPRIT LOUIS ROUSSET,
ANCIEN SECRÉTAIRE COMMIS
DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES,
DÉCÉDÉ LE 23 NOVEMBRE 1809,
DANS SA 80e ANNÉE.
il fut honnête homme,
fonctionnaire public
intègre, ami sur et fidèle,
bon époux, ses rares
qualités lui méritèrent
l'estime et l'affection
des gens de bien.
cette pierre consacrée
a sa mémoire sera un
monument, et de la tendresse
dic sa veuve affligée,
et de la reconnaissance
de baron, ex-juge de paix
A TAKIS, A OUI IL n'a CESSÉ DE
DONNER DES PREUVES D'AMITIÉ.
122 SÉANCE DU 26 AVRIL 1912
M. Lambeau a pensé avec raison que cette inscription inté-
resserait l'Académie qui aime garder et honorer le souvenir de
tous ceux qui l'ont servie et l'ont aidée dans ses travaux.
Le P. Scheil donne une première lecture d'un mémoire
intitulé : Visite chez un armurier susien de l'an 3000 avant
notre ère.
MM. Heizey et Pottier ajoutent quelques observations et
signalent deux monuments qui représentent des objets mention
nés par la tablette étudiée.
M. Châtelain, au nom de la Commission du prix Brunet, fait
le rapport suivant :
« La Commission du prix Brunet, vu le grand nombre des
concurrents, n'a pas décerné le prix de 3.000 francs, mais elle a
attribué, sur les revenus de la fondation, les récompenses sui-
vantes :
« 1.500 francs à M. Vicaire, Manuel de l'amateur de livres
du XIXe siècle. 7 vol. in-8°.
« 1.000 francs à M. Georges Lépreux, Gallia typographica.
4 vol. in-8°.
« 1.000 francs à M. Hubert Pernot, Bibliographie ionienne.
2 vol. in-8° (œuvre d'Emile Legrand complétée par M. Pernot).
« 500 francs à M. Etienne Deville, Index du Mercure de
France. 1 vol. in-4°.
« 500 francs à M. Charles Beaulieux, Catalogue des livres de
la Réserve (xvie siècle) de la Bibliothèque de l'Université de
Paris. 1 vol. in-8°.
« 500 francs à M. Albert Maire, L'œuvre scientifique de
Pascal. Bibliographie critique et analyse de tous les travaux
qui s'y l'apportent. 1 vol. in-8°.
« Mentions très honorables :
« A M. Pierre Bliard, Bibliographie de la Compagnie de
Jésus. T. X. Tables. I vol. in-4° ;
« Et à M. J. Baudrier, Bibliographie Lyonnaise. 9 vol. in-8°. »
M. Paul Foucart commence la lecture du mémoire qu'il a
rédigé en collaboration avec M. Georges Foucart, professeur à
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 123
la Faculté des lettres d'ALx-Marseille, sur les cérémonies qu'on
appelle les drames mystiques d'Eleusis '.
L'Académie procède à la désignation de son délégué au Con-
seil supérieur de l'instruction publique.
Par 25 voix sur 27 votants, M. le comte Robert de Lasleyrie
est réélu.
COMMUNICATION
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS,
PAR M. PAUL FOL'CART, MEMBRE DE l'iNSTITUT.
L'expression de mystères (f/.u<r:r,pia) est la plus générale et
comprend toutes les cérémonies secrètes qui étaient célé-
brées, dans l'enceinte sacrée d'Eleusis, du 20 au 23 Boé-
dromion. L'initiation avait pris une telle importance et
acquis une si grande réputation que l'on croit généra-
lement qu'elle était l'objet unique des Grands Mystères.
C'est une erreur. La fête comprenait d'autres parties, égale-
ment secrètes, qui n'avaient pas un rapport direct avec l'ini-
tiation et qui étaient peut-être plus essentielles. La distinc-
tion apparaît assez nette dans une lettre qu'un empereur, pro-
bablement l'un des Antonins, adressa aux Eumolpides, qui
lavaient nommé archonte de la famille : «. J'accepte le titre
d'archonte, comme vous m'en avez prié, afin que les cérémo-
nies secrètes de l'initiation qui a lieu pendant les mystères
(-à âicéppYjTa tyjç *a-:i xà [Auar^pia teXeTYjç) soient célébrées, en
l'honneur des Deux Déesses, avec plus d'éclat et de majesté,
si du moins il est possible d'y ajouter quelque chose2. >s
1 . Voir ci-après.
2. 'Ava)au.pàv'w o'i xaî tïjv tou ap^ovcoç 7tpoa7|yopîav xaO' a T)Çic5<jaT6, w;
~i -î à7tOppï)Ta ifjç 7.%-X Tï [XUOTTJpia TcÀiTTÏ; ÈvSoÇoTEpOV TE Xaî ffejJLVOTEpOV,
EÏ ye xtva npoaOrjy.riV ir.'.oi/oi-o, roïv Weoïv a-oooOiîï] /.ai oix rov Kpy^oVTO tou
t<3v EùjioXjtiBâSv yévouî, 8v npoey^êtpt'oaaOE. Athen. MilleiL. 1894, p. 172.=
Dittemberger, Sylloye, a. 108.
1912. 0
124 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
Il y a donc lieu de distinguer, dans les actes qui consti-
tuent les Grands Mystères, d'un côté les rites de l'initia-
tion, dont je ne parlerai pas ici ; de l'autre, ce qu'on a
appelé, d'après l'expression empruntée à Clément d'Alexan-
drie, les drames mystiques1.
Un de ces drames, l'Enlèvement de Coré, est connu
depuis longtemps. Je crois avoir été le premier à signaler
l'existence d'un autre, la Hiérogamie de Zeus et de Démé-
ter2. Seuls, les auteurs chrétiens en ont fait mention, et,
pour ce motif, il sera nécessaire d'examiner avec soin la
valeur de leurs témoignages.
Un commentateur de Platon dit, à propos d'un passage
du Gorgias : « Les mystères étaient célébrés en l'honneur
de Déo et de Coré, parce que celle-ci avait été enlevée par
Pluton et parce que Zeus s'était uni a Déo3. » Il s'y passait,
ajoute-t-il, beaucoup de choses honteuses ; et il termine par
une erreur, en attribuant à Eleusis une formule que nous
savons appartenir aux mystères de Cybèle. J'aurai à parler
plus loin des attaques des chrétiens contre la moralité des
mystères. La confusion au sujet de la formule montre que
l'érudition du scholiaste n'était pas toujours puisée k des
sources très pures. Mais je ne vois pas de motif de contes-
ter l'exactitude de son information, lorsqu'il dit nettement
et avec simplicité qu'il y avait deux légendes distinctes
dans les mystères d'Eleusis : l'enlèvement de Coré, l'union
de Zeus et de Déo. Pour la première, elle fournissait le
1. Le terme de opxu.a auair/.ov se rencontre seulement dans Clément
d'Alexandrie Protrept., IV. 27); les modernes l'ont employé, faute de
mieux, pour la commodité du langage. Mais ce prétendu drame ne res-
semble nullement à une pièce de théâtre. Le mot opâ;j.a est plutôt l'équi-
valent de rà Spcôiieva, les choses mises en action, par opposition à celles
qui étaient montrées aux initiés. :à BstxvujiEVO, ou qui leur étaient révélées
par la parole, là ),£yo;j.£va.
2. P. Foueart, liecherches sur Vorîgiiie et la nature des mystères
rf'h'leusis, 1M»;>, p. 48.
3. 'EtsXeïto Tajxa xaî \rtor. /.a! Kopï] 8xt 7xJTr,v ;j.;v QXoutcov ■n.^-.i'zi'.i.
Ar,oï oi p.tyetT] Zsj;. Schol. ad Gorgiam, p. 497 c.
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 125
sujet du drame mystique auquel assistaient les initiés du
premier degré; j'ai supposé qu'on avait tiré de la seconde
la hiérogamie, qui était peut-être réservée aux époptes ou
initiés du second degré.
Du reste, le témoignage du scholiaste n'est pas isolé. Il
est confirmé par un passage de Tertullien : »< Pourquoi la
prêtresse de Cérès est-elle entraînée de force, si Cérès n'a
pas subi un pareil traitement '? » L'enlèvement de Déméter
n'étant pas connu d'autre part, il était assez naturel de
supposer que Tertullien avait confondu la mère et la fille.
Il n'en est rien. L'auteur n'a pas commis une erreur, il a
rappelé un fait mythologique que nous ignorions, ou plutôt
que nous n'avions pas reconnu par le rapprochement avec
d'autres textes qui parlent du même épisode. L'organisation
du sacerdoce éleusinien confirme aussi l'exactitude de Ter-
tullien. Il n'y avait pas de prêtresse de Goré, mais seulement
une prêtresse de Déméter, qui était l'éponyme du temple.
Le texte d'Astérius, cité plus loin, prouve aussi qu'il s'agit
ici de la prêtresse et non de la hiérophantide de Déméter,
avec laquelle on l'a souvent confondue. Voici ce qu'a voulu
dire Tertullien. L'histoire des dieux païens est pleine de
choses honteuses. Par exemple, Déméter a été victime
d'une violence. La preuve en est que, dans la représentation
des scènes de sa vie, la prêtresse de Déméter qui n'est plus
en ce moment une personne humaine, mais la déesse
elle-même, est enlevée avec violence. Rapitur pourrait
être une expression un peu forcée, suggérée à Tertullien
par le souvenir du rapt de Goré, mais plutôt, elle rappelle
que la première forme du ■ mariage fut le rapt, d'abord
réel, puis simulé.
Nous trouverons, sur la reproduction de cet épisode
devant les époptes, des détails plus explicites et plus précis
l. Cur rapitur sacerdos dereris, si non Laie Ceres passa est? (Tertutt.,
Ad Gentes. II, 7).
126 LES DRAMES SACRÉS D ELEUSIS
dans une homélie d'Astérius, évêque d'Amasia, contempo-
rain de Julien. Il est bon de citer ou d'analvser le morceau
tout entier, pour mieux se rendre compte de la valeur des
renseignements qu'il contient. Les païens accusaient le
christianisme de diviniser des hommes en adorant les
martyrs. L'évèque commence par répondre à cette attaque
et rétablit la doctrine de l'Eglise. « Nous n'adorons pas les
martyrs, dit-il, mais nous les honorons comme de vrais
adorateurs de Dieu. » Puis prenant l'offensive contre les
accusateurs et mettant à profit l'évhémérisme qui était en
crédit chez les penseurs païens autant que le symbolisme, il
reproche aux Grecs d'adorer comme des dieux des centaines
d hommes qui sont morts. « N'est-ce pas toi, s'écrie-t-il, qui,
dans ta folie, as divinisé Déméter et Coré? n'as-tu pas bâti
des temples pour deux femmes ? ne leur offres-tu pas des
sacrifices et ne les adores-tu pas par des cérémonies
variées? Les mystères d'Eleusis' ne sont-ils pas la partie la
plus importante de ton culte ? le peuple athénien et la Grèce
tout entière n'y courent-ils pas pour célébrer de vaines céré-
monies? N'est-ce pas là qu'est cette retraite ténébreuse et
ce respectable tète-à-tête du hiérophante et de la prêtresse,
seul à seule? Les flambeaux ne sont-ils pas éteints et une
foule innombrable n'attend-elle pas son salut de ce qui se
passe dans l'obscurité entre les deux personnages?»1.
L'exactitude des détails sur la rencontre de la prêtresse et
du hiérophante me paraît difficile à contester, à cause de
leur précision et aussi, en raison du temps où fut composée
l'homélie d'Astérius. A l'époque de Julien, la polémique
entre païens et chrétiens témoigne, de part et d'autre,
d une connaissance sérieuse des croyances de l'adversaire.
Les partisans de l'ancienne religion étaient au courant des
1. O'jx bcet ~'j XŒTOtpâaiov to ixoteivov /.ai ai -rj.vai tco Espoaxfvrou rtpos
Tr,v Upeiav ■jjvT'j/ia'., [J.dvou npoç [iovr|v; oj/ ai /.aa-ao;; ;;:wjïti: ; /ai ô
itoXùç /.ai xvapî0(JLT)TOç of,y.o; tîjv tKOTT)pîav Kurôv siva: yop-iÇouai Ta Êv TÔî
ixoto) napà rûv 84o -saTToasva; Asterius, 'EY'-w^iov «;:,, p. 113 b.
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 127
honneurs que les chrétiens rendaient aux martyrs. Il semble
naturel que les Pères de l'Eglise aient pris soin de se
mettre au courant des superstitions qu'ils combattaient,
surtout des mystères d'Eleusis, encore florissants, qui
étaient devenus la plus forte citadelle du paganisme menacé.
Leurs attaques auraient été vaines si elles n'avaient eu
pour soutien des assertions incontestables. Supposons en
effet qu'aux questions pressantes et redoublées, que pose
l'évêque d'Amasia, les païens initiés aient pu répondre que
les faits étaient faux ou rapportés inexactement, toute l'ar-
gumentation s'écroulait. Astérius devait être bien certain de
la sûreté de ses informations pour défier son adversaire d'y
opposer une négation. J'userai donc avec confiance de ses
paroles. L'union de Zeus et de Coré était donnée en spec-
tacle aux époptes, elle était représentée par la prêtresse
de Déméter et le hiérophante. Ceux-ci ne doivent pas être
considérés comme des acteurs jouant un rôle ; ils accom-
plissaient un acte de leurs fonctions et incarnaient les
divinités dont ils avaient revêtu le costume. Pour les spec-
tateurs, c'étaient les dieux eux-mêmes vivant et agissant, et
les choses se passaient comme elles avaient eu lieu aux
temps mythologiques. Zeus entraînant violemment Démé-
ter descendait dans une retraite obscure '. Les torches alors
étaient éteintes et l'union des deux divinités se consommait
dans l'obscurité, au milieu de l'attente anxieuse des assis-
tants.
La découverte des Philosophoumena a complété de la
façon la plus intéressante les renseignements d'Astérius, en
y ajoutant l'épilogue de la scène, ainsi que les précautions
prises pour transformer en simulacre la répétition du
mariage sacré. « Le hiérophante, qui n'est pas mutilé
1. On a vainement cherché le /.aTat3aaiov dans les ruines d'Eleusis.
M. Svoronos a cru le retrouver dans une excavation taillée dans la grotte
du Plutonion, hypothèse assez séduisante, mais qui a L'inconvénient de
transporter la scène en dehors du télcslérion
128 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
comme Attis. mais qui s'est réduit à l'impuissance en
buvant de la ciguë et qui a renoncé à toute union char-
nelle, la nuit, à Eleusis, au milieu des feux, accomplissant
les grands et ineffables mvstères, s'écrie d'une voix forte :
a La divine Brimo a enfanté Brimos l'enfant sacré, c'est-
à-dire la Forte a enfanté le Fort1. » Ce dénouement fait
suite, sans interruption, k la partie de la scène résumée
par Astérius. Les feux au milieu desquels paraît l'hiéro-
phante sont ceux des flambeaux, rallumés à l'instant où
il sort du jwca^aoriov. L'enfant sacré dont il proclame la
naissance est très probablement Plutus. L'auteur d'un sko-
lion. cité par Athénée, chantait Déméter, l'Olympienne,
mère de Plutus2. Dans l'invocation des femmes, à la fête
des Thesmophories, Aristophane a nommé Plutus parmi
les divinités éleusiniennes, après Déméter et Coré, et avant
Kalligéneia 3. Plus anciennement, la Théogonie d'Hésiode
avait admis la même généalogie, mais sous la forme de la
légende Cretoise ; c'était le héros Iasion qui s'était uni à
Déméter4. Dans les derniers vers de l'hymne homérique
(v. 488-9), le poète promet à celui qu'aimeront les deux
Déesses qu'elles enverront dans sa demeure Plutus, qui
apporte la richesse aux mortels.
En dépit des précautions et des atténuations, la repré-
sentation de l'union charnelle d'un dieu et d'une déesse,
figurés par des personnages vivants, provoquait à bon droit
les attaques des écrivains chrétiens. C'est évidemment k
cette scène que fait allusion l'invective de Clément
1. O ':i'.ozi/~rl: oùx XJtoxsxoujiivoç [lèv, wç 6 "AtTiç, ï'-ivov/ullÉvoç Se ô'.i
xwvefou xaî nàsav -a^r^dvo: rrjv uapxtXTjv y^veciv, vuxtoç h 'JËXeuaïvi lito
JtoXXû rcopî têXoîv :a [iSYOtXà xaî xzzt-t. •j.-j'j-rly.7. poa xaî JcÉxparye Àivrov-
'Iepôv ï-v/.i -oTv.a xoûpôv Bo;;j.':) Bpip-ôv, tojt' i-j-r/ îaj^upà ïayupdv.
Hippolyt. 4>tXoaoçoû}i. V. 1.
2. nXoJTOj pjTsp '( kupcîav -l-J.o,,, A^ar^sa. Athen., XV, 50.
3. IvJ'/î^0= -7.r.-/ ©E<j[j.OŒ>ôp(nv, tt] Arî;j.r,Tv. xaî rr; Ko'sr, xaî r<3 IJXoutcij
xaî ~ft KaXXtyeveia. Aristoph., Thesmofih. v. 295.
i. Hesiod., Theoff., v. 969 et suiv.
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 129
d'Alexandrie ; on y sent une indignation sincère, encore
bien qu'elle ne soit pas exempte de déclamation et de sub-
tilité. '< Jadis, la modestie portait les hommes à étendre le
voile de la nuit silencieuse sur leurs plaisirs ; actuellement
c'est la nuit sacrée qui parle aux hommes d'incontinence,
et le feu que porte le dadouque accuse ces faiblesses.
Éteins cette flamme, ô hiérophante; dadouque, respecte tes
(lambeaux..., permets de cacher de telles cérémonies1. »
Évidemment, les apologistes chrétiens avaient raison de
blâmer, d'attaquer un culte qui admettait de tels spec-
tacles et de flétrir comme une indécence tout ce qui rappe-
lait si crûment l'union des deux sexes. Mais c'était aller
trop loin que d'accuser les mystères d'immoralité. Gomme
on l'a judicieusement remarqué, ni la hiérogamie, ni l'em-
ploi, comme emblèmes, de simulacres des organes sexuels
n'éveillaient chez les initiés les idées licencieuses qu'elles
provoqueraient chez les modernes. Les Grecs y voyaient
surtout l'image de la fécondité due à la protection de leurs
dieux, et ces rites, par trop réalistes, étaient acceptés
comme perpétuant les usages des ancêtres, usages d'un
temps primitif, où l'on exprimait les choses avec une sim-
plicité souvent grossière, sans qu'il y eût pour cela corrup-
tion dans les mœurs.
Ces réserves faites sur ce qu'il y a d'exagéré dans les
attaques passionnées des auteurs chrétiens contre cette
partie des mystères, il n'y a pas lieu de révoquer en doute
leurs affirmations sur la scène de hiérogamie. On peut même
trouver une confirmation indirecte de leurs assertions dans
un auteur païen. Lucien raconte que le faux prophète
Alexandros, pour faire croire à sa mission, avait imaginé
1. QaXat ulv àv6po&7COtç scofpovoueiv Ï-.v/.ïa'j'X'j.h f(oovr[; vjÇ r,v tHa>7tco|XÉVY],
vuwi os toi; uu)oU[jivoiç f, Uoa -f,; axpaataç v6Ç eoti XaXoup.ê'vT] /.xi -o jc3p
èXÉy/st Ta -âOr, 8a8ou^oûji.EVOv. 'Aîedapedov, d> Upoçivta, to nup' 3tî8éa8r,Tt,
m SdSouye, -%; Àaanioaç È7«Tp6<J»ôv »toxp&j«at -x opywt. Clouions
A!,-\., Protrept., 97.
130 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
d'instituer une initiation qui était, en plusieurs de ses par-
ties, copiée sur les Grands Mystères. Comme à Athènes, la
fête débutait par une ïcpéppïjaiç pour interdire l'accès aux
indigènes ; Alexandros avait institué des charges de hiéro-
phante et de dadouque, des Eumolpides et des Kéryces de
Paphlagonie. L'intention de l'auteur de marquer l'imitation
d'Eleusis ressort de ces détails, sur lesquels il insiste.
L'épisode final paraît aussi emprunté à Eleusis. C'était
également une hiérogamie : l'union de Séléné et d'Endy-
mion, qui donnait naissance à un nouvel Asclépios. Les
deux personnages divins étaient figurés par les ministres
du nouveau culte, Alexandros et sa maîtresse, la belle
Rutilia, femme d'un procurateur romain1. Il faut attribuer
à l'impudence du charlatan ou à l'invention satirique de
Lucien, l'audace de la scène décrite dans le Pseudomantis.
Il est évident qu'à Eleusis, quoi que laissent entendre les
chrétiens, la hiérogamie n'était et ne pouvait être qu'un
simulacre.
Malgré tout, la figuration par des personnages vivants
de l'union de Zeus et de Déo a dû choquer les païens éclai-
rés, et elle provoquait, de la part des chrétiens, des attaques
capables de faire impression sur les esprits qui cherchaient
la vérité. Pour quelle raison le sacerdoce éleusinien a-t-il
persisté jusqu'à la fin du paganisme, à reproduire une
scène d'un réalisme aussi grossier, de préférence aux autres
parties de la légende de Déméter ? Etait-ce parce qu'elle
révélait un acte de l'histoire divine, inconnu des profanes,
l'union des deux divinités qui donnaient la fécondité aux
biens de la terre, la naissance du jeune dieu qui distribuait
aux mortels l'abondance avec la richesse? Ou encore, le
1. Kaï T£À£jTarov 2eXr{v7)ç xa;. 'AXeÇàvBpou ïyoz xat nxTO{jivï] tou 'Poj-
itXXiavou r, Y'jvr[. 'E8a8otSyei 8è xaî Upoçàvxei o 'EvSojiitov 'AXiÇavBpoç
Mi-x (iixpôv 8è rcàXiv È<ri)6i IspoçctVTixtoç àaxEuaapivoç èv icoXXfj Tf aunn^ xal
tj-.'j; uièv £/.:-;'£ ii6Y«XT| Tfi tptov^' ïf, rXuxwv. Lucian. Pseudomantis, 39;
cf. 38.
131
LES DRAMES SACRES D ELEUSIS
renouvellement du drame liturgique avait-il, par lui-même,
une vertu religieuse incomparable et produisait-il des effets
auxquels aucune autre cérémonie n'aurait pu suppléer?
Les savants qui étudient la religion grecque ne paraissent
pas avoir songé a se poser la question. Nous devons savoir
gré à M. S. Reinach d'en avoir aperçu l'importance et
d'avoir essayé d'expliquer la hiérogamie ainsi que l'exal-
tation de l'Épi de Blé, par laquelle se terminait l'époptie.
Je regrette seulement que l'auteur ait cherché la solution
dans les théories de l'ancienne école ethnologique. Celle-ci
dispose d'un certain nombre d'axiomes et de formules qui
font disparaître toutes les difficultés. Qu'on l'interroge sur
l'origine et la nature de Déméter, ou sur son rôle, ou sur les
pratiques de son culte, il se trouvera toujours un totem,
un tabou, une coutume du folklore ou quelque recette de
sorcier sauvage, qui fournira la réponse. Dans le cas pré-
sent, c'est à la magie sympathique que M. Reinach a eu
recours. « Tout rituel primitif est, à l'origine, magique,
c'est-à-dire qu'il prétend exercer une douce contrainte, une
contrainte sympathique sur les forces latentes de la
nature... Il s'agit de promouvoir et de stimuler la fécon-
dité du sol par le simulacre d'une union qui doit donner
naissance à la vie. Le culte familial des Eumolpides...
comprend comme acte principal une hiérogamie, le mariage
de la Mère du Blé avec le Père du Blé, et, comme dernier
terme, l'exaltation d'un épi de blé, image en raccourci de
toute une moisson. Cet épi, solennellement montré aux
iidèles, témoignait que l'union avait été féconde et que le
drame magique, proposé en exemple aux forces du ciel et
de la terre, avait été joué jusqu'au bout *. »
L'explication de M. Reinach, comme on le voit, s'appuie
sur la théorie de Frazer que la magie est antérieure à la
religion ; qu'elle exerce directement et sans aucun intermé-
l. Salomon Reinach, Revue des éludes grecques, 1906, p. 344-5.
132 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEISIS
diaire mythique, une action contraignante sur la nature,
comme celles que l'ingénieur, le chimiste peuvent exercer.
Cette théorie a été répétée tant de fois et sous tant de
formes qu'on s'est presque habitué à accepter comme
choses intelligibles le rituel magique, la magie sympa-
thique, la contrainte exercée sur les forces latentes de la
nature, la fécondité humaine stimulant la fécondité du sol.
Mais si l'on écarte toute cette phraséologie, vide de réalité,
et qu'on essaie de la traduire en faits positifs et précis,
voici comment auraient procédé les primitfs. 11 n'avait pas
fallu une longue expérience pour constater que la terre
produisait, seulement si elle était imprégnée d'une humi-
dité suffisante. La pluie est donc désirable, indispensable;
il faut l'obtenir. Et les hommes se seraient avisés que
s'ils simulaient, encore mieux s'ils réalisaient l'union des
deux sexes, l'exemple de cette union ferait tomber la pluie
et pousser la moisson. Une telle incohérence est incompa-
tible avec la méthode suivie par la magie, surtout dans
ses commencements ; elle s'est appliquée à agir d'une
manière raisonnée, notamment à établir un lien, un
rapport apparent entre l'effet cherché et le moyen employé,
et c'est ce qui manque dans l'explication de M. Reinach,
comme dans la théorie de Frazer. On aurait plus de chances
d'aboutir dans cette voie en acceptant sur la magie une
thèse tout opposée, à l'appui de laquelle on a pu citer
l'exemple de la plus ancienne magie égyptienne et des
grandes opérations, comme la divinisation du roi et des
morts, qu'elle se flattait de mener à bonne fin. L'auteur
arrive à cette conclusion que religion, magie et science
rudimentaire sont nées en même temps, et que l'homme
les a employées toutes à la fois pour mettre la main sur
la nature, et en tirer les ressources nécessaires aux besoins
de la vie. Avec la religion, à laquelle elle est intimement
unie, et par des moyens analogues, la magie vient à l'aide
de l'homme pour lui assurer la coopération des êtres de
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 133
toute catégorie, des plus humbles aux plus émineuts, qui
vivent dans la nature et qui disposent de ses forces ] .
Si l'on applique à la Grèce primitive cette conception
plus rationnelle de la magie, on pourra se figurer avec
moins d'invraisemblance par quelle série de faits et d'idées
le drame rituel du Mariage Sacré s'introduisit dans les
Mystères. Les Pélasges ne considéraient pas la pluie et la
croissance des moissons comme des phénomènes réguliers,
naturels, n'ayant aucune idée de la nature et encore moins
de ses lois. Dans leurs croyances, un être supérieur, invi-
sible, vivait et agissait dans les nuages amoncelés ; à son
gré, il retenait les eaux du ciel ou les précipitait sur le sol.
La terre aussi était le domaine d'un autre esprit, dont la
volonté capricieuse faisait germer ou sécher les semences2.
Les travaux de l'homme demeuraient inutiles, sans le
concours favorable de ces deux personnalités divines ;
c'était d'elles seules que dépendait le succès des récoltes.
Malheureusement, les Pélasges ignoraient la nature et le
caractère de ces deux êtres tout-puissants ; c'était le temps,
suivant la tradition que les prêtres de Dodone racontèrent
à Hérodote3, où ils ne connaissaient ni les noms, ni les
épithètes des dieux ; par suite, ils ne pouvaient entrer en
relations avec eux et agir sur leur volonté. Leur ignorance
et l'impuissance qui en résultait, durèrent jusqu'au jour
où des étrangers mieux instruits (ils vinrent d'Egypte, si
Ton en croit les prêtres de Dodone) leur apprirent ces
noms et, en même temps, les moyens d'en faire usage pour
le culte. Des sages aussi, dont les ancêtres avaient eu com-
merce avec les dieux, révélèrent à des familles privilégiées
la connaissance des choses sacrées et les rites, mêlés de
religion et de magie, propres à provoquer l'intervention
1. George Foucart, Histoire des religions et méthode comparative.
Alphonse Picard, 1912. Chapitre de la Magie, p. 176-211.
2. In Gererem, v. 306 et suiv.
S. Herodot., II, 51 .
13i LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
favorable de la divinité, à exercer même sur ses actes une
influence décisive et presque une contrainte. C'est ainsi
que les Pélasges auraient appris, non pas que le commerce
des sexes, en général, entre personnages quelconques, mais
que l'union de deux divinités déterminées, maîtresses du
ciel et de la terre, était la cause qui provoquait la produc-
tion des moissons.
Il était bon de montrer les côtés faibles de l'explication
empruntée à la théorie de Frazer pour faire comprendre
l'origine de la Hiérogamie et, par contre, d'indiquer la
marche plus vraisemblable qu'a suivie la magie : elle n'es-
sayait pas d'agir directement sur les forces de la nature,
elle s'adressait aux personnalités divines qui en dispo-
saient souverainement. Mais les spéculations sur ce qu'ont
pensé et cru les primitifs ne conduiront jamais à des con-
clusions certaines; on n'en peut espérer que des conjec-
tures plus ou moins acceptables. Le plus intéressant pour
nous serait de savoir pour quelle raison les Eumolpides
avaient jugé indispensable pour le culte la reproduction
annuelle du Mariage sacré et le Rapt de Goré, quels effets
ils en attendaient et par quels moyens ceux-ci étaient pro-
duits. J'ai dit plus haut que les cérémonies des Mystères
pouvaient se partager en deux classes. Examinons de près
les caractères distinctifs de chacune d'elles et à quelle
fin particulière tendaient l'une et l'autre.
Le voyage aux enfers, la vue des objets sacrés, les actes
rituels des mystes étaient les moyens employés pour trans-
former des profanes en serviteurs des Deux Déesses, pour
leur révéler les secrets du monde souterrain, leur fournir
les moyens d'arriver sûrement à la vie bienheureuse qui
leur était promise. C'était en vue des initiés et à leur profit
que toutes ces cérémonies s'accomplissaient.
Il n'en va pas de même des drames mystiques dans les-
quels on représentait ce que Déméter et Coré avaient fait
ou souffert pendant leur séjour sur la terre; ils n'avaient
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 135
qu'un rapport indirect avec l'initiation. Instruire les mystes,
les émouvoir, les édifier, fut un effet secondaire et acces-
soire de ce double spectacle. Ce rite n'avait pas été institué
pour eux; il fut, dès l'origine, la partie essentielle, cons-
titutive du culte de Déméter, culte secret, accessible seu-
lement aux membres des familles privilégiées et, plus tard,
à ceux que l'initiation leur assimila. Les drames sacrés
d'Eleusis n'avaient rien de commun avec l'art scénique ; les
personnages n'étaient pas des acteurs jouant un rôle, mais
des prêtres qui officiaient. Les représentations étaient des
actes liturgiques, immuables, parce qu'ils étaient d'institu-
tion divine ', reproduits sans changement, à la date, au
lieu fixé par la Déesse. Et dès le commencement, il en fut
ainsi. Avant que les familles d'Eleusis eussent ouvert à des
étrangers l'accès de leurs mystères, elles n'en avaient pas
moins la stricte obligation de recommencer chaque année
à mettre en action l'union de Zeus et de Déméter, le rapt
de Goré, les courses et la douleur de Déméter, son arrivée
a Eleusis, son triomphe, la réunion de la mère et de la fille.
Mais enfin, que se proposaient les prêtres par la répétition
annuelle de ces deux épisodes de la vie divine ? Pour le
comprendre, il sera bon de se rappeler une vérité fort
simple, évidente par elle-même, qu'on semble avoir trop
oubliée en cette occasion. Le culte est fait pour les dieux,
non pour les hommes, bien que ceux-ci en soient les
ministres nécessaires ; les rites sont destinés à agir sur les
dieux et pour eux, les hommes n'en éprouvent les effets
1. L'hymne homérique qui s'est inspiré de la doctrine du temple revient
à deux reprises sur ce caractère. Aux vers 27 i-5, Déméter promet aux
habitants d'Eleusis de leur enseigner les cérémonies qu'ils devront fidè-
lement célébrer pour lui être agréables. Avant de quitter la terre pour
l'Olympe, elle révèle aux chefs du peuple la manière d'accomplir les choses
sacrées et les vénérables cérémonies dont il n'est pas permis de s'écarter,
qu'on ne doit ai scruter ai divulguer. Les prêtres d'Eleusis et les familles
sacrées n'auraient pu admettre le moindre changement dans un rituel
li\é par la Déesse.
136 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
que par contre-coup. Ils peuvent prendre part aux cérémo-
nies comme officiants, être admis par faveur à voir ou à
entendre des secrets divins, profiter indirectement des
résultats obtenus. Mais avant tout, c'est pour la gloire ou
le plaisir des dieux, pour leurs besoins ou leurs intérêts que
les victimes sont immolées et que les rites s'accomplissent.
Cela revient à se demander quels avantages la représenta-
tion régulière des drames mystiques procurait aux divi-
nités éleusiniennes et quelles conséquences heureuses les
fidèles en espéraient pour eux-mêmes. A cette question,
qui se pose nécessairement, la Grèce ne fournit aucune
réponse. J'aurais dû renoncera poursuivre cette recherche,
si M. George Foucart, professeur de l'Histoire des religions
à l'Université d'Aix-Marseille, ne m'avait suggéré un rap-
prochement avec des cérémonies égyptiennes, qui donnera
peut-être la solution du problème. Il a rédigé, à ma
demande, sur cette matière difficile, une note dans laquelle
il expose un de ces drames liturgiques de l'Egypte, et l'in-
terprétation à laquelle l'ont conduit ses recherches person-
nelles. Le lecteur aura donc les moyens de juger par lui-
même de la valeur du rapprochement, puisqu'il aura sous
les yeux, dans les pages qui suivent, l'opinion d'un égyp-
tologue compétent.
« Entre le ciel et la terre, à ce que croyaient les Egyp-
tiens, a lieu un échange incessant d'actions et d'influences.
D'après l'idée la plus répandue et probablement la plus
ancienne, ils se représentaient le ciel, à l'image de leur
propre terre, arrosé par un Nil céleste et coupé de canaux.
Là demeurent les grands dieux, déjà distincts des esprits,
génies et démons locaux qui habitent dans les eaux, dans
les montagnes ou dans les promontoires de la vallée du Nil
terrestre. La vie de ces grands dieux ressemble à celle des
hommes. Ils voyagent dans des barques sur les eaux
célestes ; ils chassent et entassent les provisions pour leur
nourriture ; surtout, ils se combattent et se dévorent entre
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 137
eux. La lutte est continuelle et se renouvelle sans fin. Le
vainqueur gouverne le monde ou la province terrestre qui
correspond à la région du ciel dont il s'est rendu le maître ;
c'est lui qui met en mouvement les forces qui agissent à
la surface du sol, dispense les biens dont il dispose. Cons-
tatant que l'ordre se maintenait dans les choses du monde,
les Egyptiens en avaient conclu que la victoire était restée
jusqu'ici aux dieux amis de la lumière, de l'eau, de tout ce
qui fait la nature propice à l'homme. Mais les dieux des
ténèbres, de la sécheresse, destructeurs de l'ordre, ne se
résignaient pas à la défaite ; vaincus, ils réparaient leurs
forces, et le combat recommençait1. Du résultat dépendait
le sort des humains. Aussi, un peu partout, ceux-ci ont-ils
tenté d'intervenir. On a constaté ce mouvement presque
instinctif chez nombre de sauvages ou de barbares. Se pro-
duit-il une éclipse de lune ou de soleil, ils s'amassent,
s'empressent au secours de l'astre ; ils essaient d'effrayer
le monstre qui le dévore et de le mettre en fuite par leurs
cris et le tapage de leurs instruments. Les Egyptiens avaient
trouvé mieux que ces expédients rudimentaires ; ils procé-
daient d'une manière qu'on pourrait presque appeler scien-
tifique. En observant la position des astres, demeures ou
aspects visibles des principaux dieux, ils avaient appris en
quels temps se produisaient les diverses péripéties de la
lutte, et ils connaissaient d'avance le moment où il fallait
intervenir. D'autre part, la corrélation sympathique qu'ils
avaient déterminée entre tel point de la terre et tel point du
firmament leur permettait de fixer exactement la partie
du monde où se faisait sentir le contre-coup du combat
engagé entre les puissances bonnes et les puissances mau-
vaises du ciel. Toutes ces connaissances étaient consignées
I. De même, les Copies croient que saint Miehaïl et saint (ïobran, avec
leurs anges, livrent chaque nuit une bataille victorieuse contre les
dénions; mais la victoire n'a d'effet que pour un jour, et. la nuit sui-
vante, ils recommencent à guerroyer.
138 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
dans les calendriers des temples, dont de nombreux frag-
ments nous sont parvenus. Ainsi avertis à l'avance, les
prêtres pouvaient mettre en œuvre les ressources de leur
magie. Elles étaient infinies et mettaient presque à leur
discrétion les êtres supérieurs. En façonnant une image à
la ressemblance d'un être, homme ou dieu, une des âmes
ou des doubles de celui-ci y était attiré par la force irré-
sistible de la ressemblance ; au besoin, des incantations
contraignaient les esprits récalcitrants à s'incorporer dans
leurs effigies. Chacun de ces exemplaires nouveaux d'un
être était tenu pour vivant et incarnait toute la personna-
lité de celui qu'il représentait. De plus, il était regardé
comme certain qu'à l'aide de cérémonies et des accessoires
magiques, un homme qui revêtait le costume exact d'un
dieu, qui répétait, dans le même temps et dans le même
lieu, les gestes et les actes que celui-ci avait faits autrefois,
s'identifiait avec ce dieu et l'incorporait tout le temps qu'il
remplissait les mêmes conditions de ressemblance.
(c Mettant en œuvre ces ressources, la magie des temples
jouait de véritables drames, dans lesquels on simulait sur
la terre les principaux épisodes de la lutte de là-haut. Les
rixes de Paprémis, dont Hérodote fut le témoin, sans en com-
prendre la signification religieuse, étaient l'une de ces recons-
titutions terrestres des combats célestes. Il y en avait bien
d'autres. Edfou voyait, une fois l'an, la troupe des figu-
rants du nome et celle d'Esneh percer à coups de lance et
tailler en pièces les crocodiles et les serpents de cire ou
d'argile, images vivantes des ennemis de l'Horus du Sud.
« Ainsi périssent les ennemis d'Horus » , s'écriaient les
prêtres en les frappant. Depuis Bouto dans le Delta jus-
qu'à El-Kab dans le Saïd, chaque ville avait son jour ou
ses jours où l'on « détruit les maudits », où l'on « anéantit
les enfants de la Révolte », où l'on a immole les ennemis
du dieu Ra », où l'on tue le serpent « Rerek », « le grand
serpent Apôpi », « le serpent Debko » et vingt autres
ijis duamks sacrés d Eleusis 130
monstres, figures des esprits des Ténèbres, ennemis du
Soleil ou de ses alliés, les dieux bienfaisants. On « livrait
au billot », <( à l'anéantissement » tous ces malfaisants,
soit en des batailles entre figurants comme à Paprémis ou
à Edfou, soit en tailladant ou en perçant de coups des
images de sauriens, de reptiles ou d'hippopotames (peut-
être, au début, avait-on détruit des animaux véritables)
incarnant les dieux ou les démons hostiles. Les textes de
ce genre, réunis dans le Dictionnaire géographique de
Brugsch, ne sont qu'une partie de ce que la vieille Egypte
a laissé sur ce sujet. Ils suffisent néanmoins à montrer
que le propre du temps des temples égyptiens consistait,
en grande partie, dans la reconstitution de ces drames
magiques et que la vallée du Nil était remplie de sanc-
tuaires ou d'emplacements consacrés par la tradition sacer-
dotale comme les lieux où ils devaient se jouer.
« Un des plus importants, parmi ces combats rituels, se
renouvelait chaque année pendant les fêtes d'Osiris à Aby-
dos. Il n'est pas encore possible de le présenter au com-
plet, les détails sont dispersés dans des inscriptions où le
mort rappelle comme un titre à la faveur des dieux la part
qu'il a prise à ces offices ' ; d'autres se trouveront dans de
nombreuses stèles encore inédites. Mais, dès maintenant,
on peut extraire des textes déjà publiés assez de rensei-
gnements pour donner une idée de la cérémonie, de sa
nature et de son efficacité au point de vue religieux.
« Les actes successifs du drame se jouaient dans les
divers sanctuaires échelonnés depuis le temple d'Osiris et
d'Anubis jusqu'à la Bouche de la Fente, par où passaient
les morts osiriens, à l'entrée du désert. Lors donc que le
calendrier du temple marquait le temps où, dans l'autre
monde, le dieu d'Abydos devait de nouveau lutter contre
1. La stèle principale est celle de Berlin, publiée par H. Schœfer, Die
Mysterien des Osiris in Abydos, 1904, clans Untersuchungen zvr Geschichte
und Alterthumskunde ASgyptens, IV, J.
1912. H,
140 LES DRAMES SACRÉS d'éLEUSIS
les ennemis qui l'assaillaient périodiquement, les prêtres
avaient à mettre sur pied la troupe de ses adversaires et
celle de ses partisans. La barque d'Osiris, la Xashmit,
était remise à neuf chaque année par les soins du grand
prêtre, ornée par la libéralité des riches dévots attachés
aux corporations d'Abydos, et armée en guerre. Le moment
venu, on accrochait, à la proue « la couronne de la voix
juste » ; celui qui la possédait à son bord se rappelait sans
retard et prononçait canoniquement les formules toutes-
puissantes qui mettaient les ennemis à sa merci. Le dieu
lui-même est muni de ses armes magiques, plumes d'au-
truche ou bandelettes, talismans qui l'ont fait jadis sortir
victorieux de ces épreuves.
« Partant de l'Osireion, la barque divine et son cor-
tège s'avançaient vers le lac sur lequel on représentait ce
que les textes appellent « la première sortie ». Le vieil
Anubis Ouap-Ouaïtou, avec les siens, venait se joindre
aux défenseurs d'Osiris. Le grand-prêtre et les principaux
dignitaires taillaient en pièces des monstres façonnés
en cire, en corde ou en toile peinte, figurant les ennemis
éternels du dieu, et « les mettaient sous ses pieds ». Une
nouvelle et décisive bataille, appelée « la grande sortie »,
s'engageait sur les eaux du lac de Nadit. Encore une
fois, les défenseurs d'Osiris jouaient de la lance et ven-
geaient le Dieu bon en précipitant tous ses ennemis dans
les eaux du lac. C'est peut-être cette nuit dont parle le
Livre des Morts, nuit en laquelle « fut défait le serpent Seba
en Abydos ». Le vainqueur rentrait alors dans son châ-
teau de Pagar, aux acclamations de ses partisans.
« Une inscription de Berlin parle « de la joie des habitants
de l'Est et des habitants de l'Ouest à la vue d'Osiris ren-
trant en son château de Pagar dans toute sa beauté », et on
est un peu surpris de l'allégresse qui fait tressaillir l'Egypte
entière pour l'accomplissement d'une cérémonie religieuse.
C'est qu'il ne s'agit pas simplement de la commémoration
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS 141
réussie d'un acte de la vie d'Osiris. La victoire simulée du
dieu dans l'enceinte d'Abydos est une victoire réelle qu'il
remporte dans le ciel ; ce ne sont pas des figurants jouant
une pièce de théâtre, ce sont de vrais combattants. Les coups
qui percent ou lacèrent les images des adversaires d'Osiris,
les mauvais, dans l'autre monde, les reçoivent réellement
et ils saignent de toutes les blessures qui déchirent, à Aby-
dos, leurs corps de cire ou de terre. L'action a été minutieu-
sement réglée ; elle reproduit fidèlement les péripéties de la
lutte où jadis les défenseurs du « Dieu Bon » triomphèrent
de ses ennemis ; c'est donc la défaite des mauvais certaine
dans l'enceinte du temple et, par répercussion, certaine
dans l'autre monde pour une nouvelle période ; l'une
entraîne l'autre et devient pour l'Egypte le gage assuré des
prospérités qui seront la conséquence du triomphe d'Ouôn-
nofir, »
Les faits exposés et expliqués par M. George Foucart
mettent en lumière l'idée que les Egyptiens se faisaient du
drame liturgique d'Osiris. En apparence, c'était une repré-
sentation commémorative de la victoire « du Dieu Bon » sur
ses ennemis ; en réalité, c'était une victoire effectivement
renouvelée, et, avec elle, la prospérité de l'Egypte, ce qui
explique pourquoi le pays tout entier tressaille de joie. La
fête d'Osiris est une application locale du principe général
qui présidait à tous les drames liturgiques : refaire périodi-
quement ce que les dieux ont fait aux temps passés. Leur
action, lorsqu'elle fut accomplie pour la première fois,
avait assuré dans la vallée du Nil un état de stabilité , le
règne de la lumière, l'ordre et l'abondance. Mais rien ne
durait indéfiniment, même dans le monde des dieux. Leurs
forces s'épuiseraient si elles n'étaient pas ranimées par la
nourriture des sacrifices ; de même aussi les effets heureux
de leurs actes allaient s' affaiblissant et s'évanouissaient
après un laps de temps plus ou moins long ; le terme en
est d'ordinaire fixé à la révolution de l'année. Reproduire
\i2 LES BRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
ces actes dans les conditions minutieusement réglées par le
rituel et à l'heure marquée par le calendrier, c'était, au
moment critique, les faire s'accomplir de nouveau dans le
ciel, avec toutes leurs conséquences favorables pour la
terre.
Telle était la théorie égyptienne, fruit d'une longue éla-
boration sacerdotale, mélange d'éléments divers, tirés de la
religion nationale. Que les prêtres d'Eleusis soient arrivés
par eux-mêmes à un résultat identique, la chose est fort
douteuse, pour ne pas dire improbable. Je crois plutôt
que, tout en laissant de côté les spéculations théologiques,
auxquels les Grecs restèrent toujours étrangers, ceux qui
organisèrent les mystères d'Eleusis, avaient simplement
emprunté à 1 Egypte le rite des drames liturgiques et la
connaissance des effets heureux qu'entraîne pour les humains
la reproduction des épisodes décisifs de la vie divine. Cette
croyance à un lien établi par les cérémonies du culte entre
les rénovations périodiques des actions des dieux et le sort
actuel des mortels, pénétra dans la religion des mystères
assez profondément pour qu'un écho s'en fasse encore
entendre au ive siècle après notre ère. De quelle autre
manière, en effet, expliquer la phrase d'Astérius, citée
plus haut? Après avoir parlé de l'union de Zeus et de
Déméter, figurée par le hiérophante et la prêtresse, qui
descendent dans une retraite obscure, il termine par ces
mots : « Les flambeaux ne sont-ils pas éteints et un
peuple innombrable n' attend-il pas son salut (ttjv ŒWTvjpiav)
de ce qui se passe entre eux dans les ténèbres? » N'est-ce
pas, dans le drame d'Eleusis, l'application du même principe
que dans les drames liturgiques des temples égyptiens?
L'Égvpte se croyait sauvée si Osiris sortait victorieux de la
lutte feinte où étaient reproduits les combats que jadis il
avait soutenus contre les mauvais ; nous voyons à Eleusis
le peuple attendre son salut de l'union féconde de Zeus et
de Déméter, dont la rencontre du hiérophante et de la
LES DRAMES SACRÉS d'ÉLBUSIS 143
prêtresse simulait chaque année le renouvellement. A
Eleusis comme à Abydos, des membres du sacerdoce jouaient
le rôle des divinités, s'identifiaient avec elles et s'ils répé-
taient fidèlement ce qu'elles avaient fait autrefois, on
comptait sur les mêmes résultats que leur action avait pro-
duits la première fois. Et l'on comprend ainsi pourquoi la
foule faisait dépendre son salut de l'exécution canonique de
la cérémonie. Toutes les prescriptions du rituel réglant le
costume, les gestes, les paroles, les mouvements du hiéro-
phante et de la prêtresse, avaient-elles été exactement
observées, les acteurs humains n'existaient plus pour les
fidèles assemblés; c'était Zeus, croyaient-ils, qui venait
réellement de s'unir à Déméter, et leur union assurait, pour
une période nouvelle, les avantages que les hommes en
avaient jadis recueillis, au temps de leur première ren-
contre. Ce résultat attendu avec anxiété des assistants,
proclamé par le hiérophante, n'était autre que la naissance
de l'enfant divin. Appelé dans la formule du nom mystique
de Brimos, connu des profanes sous le nom significatif de
Ploutos, ce fils de Déméter allait réaliser les promesses
exprimées dans l'hymne homérique et répandre la richesse
parmi les fidèles de la déesse. Ainsi compris, le drame
représenté dans l'époptie était plus qu'un spectacle, plus
qu'une cérémonie imposante ; il faut y voir un rite puissant,
grâce auquel le couple divin, renouvelant son action bien-
faisante, accordait à la terre de l'Attique une nouvelle
année d'abondance et de prospérité.
J'ajouterai ici, mais avec réserve, un détail qui peut être
rattaché à la Hiérogamie : les cris mystiques de ue, Jtùe, que
nous connaissons à la fois par saint Hippolyte et par le
païen Proclus1. Mais ni l'un ni l'autre n'a marqué à
1. Totko iaT;. to [«y« **'- 3tppï)TOV 'EÀsuaivîcov irjaTrjpiov "Ye, xiie.
(«l'iÀoaoç., V, I, p. 171. éd. Ouice). 'Ev toi; 'EXcuatv-oiç Upoïç :î; [16V tov
ôùp'dtvôv à-o[5)-£'}avTî; l{;<jt-rr Se, xa7a[îX£'}avTs; 8ï rfç TT|V yr,v ' ''•''■>* ■ Procl.,
in Tim., 293 c.
144 LES DRAMES SACRÉS d'ÉLEUSIS
quel moment des mystères et à quelle occasion ils étaient
proférés. Ce sont, à ce qu'il me semble, des acclamations
poussées par les époptes, alors qu'ils se tenaient rassemblés
devant la chambre souterraine où se préparait la naissance
de l'enfant divin. De même que les Egyptiens s'associaient
aux luttes de leurs dieux, les fidèles, à Eleusis, coopéraient
au succès du mystère qui renouvelait, à leur profit, l'an-
tique mariage du maître du ciel et de la déesse des mois-
sons. Si les cris de Se, xiie semblent faire appel au phéno-
mène physique, c'est que l'union féconde du couple divin
se réalisait en cette forme, que rappellent les vers de
Virgile [Géorçj., II, 325) :
Tum pater omnipotens fecundis imbribus .Ëther
Conjugis in gremium lœtae descendit.
Appliquons le même mode d'interprétation à l'autre
drame mystique d'Eleusis ; il reprendra sa physionomie
véritable et laissera voir toutes les conséquences heureuses
de sa représentation. L'enlèvement de Coré et les courses
errantes de Déméter cesseront de paraître la mise en scène
d'une légende, spectacle instructif ou édifiant. L'action qui
s'y passe est une action véritable ; les déesses vivent et
agissent réellement, incarnées dans leurs statues ou dans les
personnes humaines qui les représentent: elles refont
chaque année ce qu'elles ont fait une première fois au
temps, de leurs aventures mythologiques. Si, dans cet épi-
sode, une partie est douloureuse, il y a aussi une partie
triomphante : Déméter impose sa volonté au maître des
dieux, et sa fille lui est rendue. Et en même temps que
recommence l'histoire divine, les mortels sont remis en
possession des biens dont elle a été la source, en particu-
lier pour Eleusis. De nouveau, Déméter errante est bien
accueillie par les habitants, et, en récompense, elle désigne
leur ville comme siège de son culte ; c'est là qu'elle résidera
LES DRAMES SACRÉS d'éLEUSIS 1 £S
de préférence et qu'elle recevra les sacrifices des humains.
De nouveau, elle révèle aux chefs du peuple les augustes
cérémonies dont ils auront le dépôt, et elle promet dans
l'autre monde un sort bienheureux à ceux qui viendront en
son temple se faire initier. Le résultat du drame de Déméter
et de Goré est de remettre en vigueur la fondation des
mystères et le pacte conclu avec Eleusis.
Voici donc, à mon avis, le sens et la portée qu'il convient
d'attribuer aux drames mystiques que le sacerdoce d'Eleusis
faisait représenter dans les veillées sacrées. Ils renouvellent
en toute réalité les deux événements les plus marquants de
la vie de Déméter, et, par là, ils perpétuent les deux grands
bienfaits de la déesse : l'agriculture et l'initiation. Mais, les
effets de l'action divine s'épuisant dans l'espace d'une année,
il est indispensable de les ranimer par une rénovation
périodique. Les deux drames étaient les rites essentiels,
constitutifs des mystères ; leur abandon ou la négligence
dans leur célébration aurait entraîné la défaillance de
l'action divine et, avec elle, se seraient évanouis tous les
avantages dont Déméter avait gratifié Eleusis, et par l'in-
termédiaire d'Eleusis, la Grèce et le genre humain. Aussi
n'est-il pas surprenant que, malgré leur forme surannée ou
leur réalisme choquant, le sanctuaire des Deux Déesses ait
vu, pendant des siècles et jusqu'aux derniers jours du paga-
nisme, jouer chaque année les deux drames liturgiques de
l'Enlèvement de Goré et de l'Union de Zeus avec Déméter.
1 46
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel offre à l'Académie, au nom de l'auteur,
M. Eugène Revillout, conservateur honoraire des Musées nationaux,
un ouvrage intitulé : Les origines égyptiennes du droit civil romain
(Paris, 1912, in-8°).
Le Gérant, A. Picard.
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 3 MAI
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
Le Président de la Commission de publication de I' « Encyclo-
pédie de l'Islam », dans une lettre qu'il adresse au Secrétaire
perpétuel, prie l'Académie d'intervenir auprès de M. le Ministre
de l'instruction publique pour que le Gouvernement français
accorde une subvention à cette publication.
L'Académie autorise le Secrétaire perpétuel à l'aire la dé-
marche.
Il est procédé au vote sur la déclaration de vacance d'une
place de membre ordinaire par suite du décès de M. Philippe
Berger.
La vacance est déclarée.
L'élection est ajournée sine die.
M. Franz Cumont, correspondant étranger, commente une
épilaphe métrique récemment découverte à Madaureen .Afrique '.
1. Voir ci-dessous.
1912. Il
\ÏH SÉANCE DU 3 MAI 1912
Le P. Sciii-iL a la parole pour une communication :
« J'ai l'honneur (rapprendre à l'Académie que, grâce aux
indications de mon savant confrère et ami M. Schlumberg-er,
j'ai pu retrouver la tablette inédite qui contient le plan descriptif
du grand temple Ésagil de Babylone.
« Celte tablette avait passé un instant sous les yeux de
G. Smith, lors de son dernier voyage en Orient, et une relation
sommaire sans aucune transcription en avait paru peu après, le
12 février 1876, dans VAthenaeum. On devine tout ce qui man-
quait aux assyriologues, dans un sujet qui les intéresse au
suprême degré, pour être en état de tirer un plein parti dune
telle aubaine. Aussi bien les essais de restitution du plan du
temple restaient-ils tous entachés d'incertitude.
« Après trente-six ans d'éclipsé, voici de nouveau l'original
tant regretté. Cette tablette cuite, en argile brun clair, a 0 m 18
de haut sur 0111 08 de large, avec 36 lignes de face et 15 de
revers. Neuf paragraphes, sur onze, contiennent la superficie des
cours et sanctuaires, le nombre, les noms, l'orientation des portes
et chapelles, et enfin les trois dimensions de chacun des étages
de la tour à degrés (à l'exception de celles de l'avant-dernier
ou sixième étage, et cette lacune signalée déjà par G. Smith
prouve que c'est bien la même tablette qu'il a examinée).
« Au point de vue bibliographique, nous avons affaire à une
copie faite à Ourouk, par le scribe Ea bêlsunu, d'après un exem-
plaire de Borsippa. On sait assez par Pline (H. iV., VI, 30) et
Strabon (XVI, 1) que les derniers foyers d'études en Chaldée
furent précisément Babylone, Sippar, Ourouk et Borsippa. Le
temple d'Ésagil, si fastueusement achevé par Nabuchodonosor,
menaçant ruine depuis Xerxès, un scribe archéologue de Ourouk
voulut posséder le relevé des mesures et la description complète
du monument, et les confrères de Borsippa lui en fournirent le
moyen ; ce fut en l'année 83 de l'ère séleucide, sous Séleucus
Callinicos) roi.
« Mieux qu'aucune fouille, cette tablette permettra enfin une
restitution scientilique du plan d'un des édifices les plus célèbres
du inonde. »
M. Antoine Thomas, d'après une communication de M. le D1
B. L. G. Ritchie, maître de conférences à l'Université d'Ldim-
SÉANCE DU 3 MAI 1912 149
bourg, informe l'Académie de la découverte faite par Miss Bor-
land, dans la Bibliothèque universitaire de cette ville, de
deux feuillets de parchemin ayant servi de reliure, qui con-
tiennent deux fragments d'un poème en langue d'oïl sur Philippe-
Auguste, inconnu jusqu'ici des historiens. Les feuillets ne se
suivent pas : le premier est relatif aux suites immédiates de la
bataille de Bouvines ; le second raconte les événements qui
amenèrent Louis, tils de Philippe-Auguste, à renoncer définiti-
vement à la couronne d'Angleterre. Les vers, au nombre de 256,
sont des octosyllabes à rimes plates.
M. Ritchie a établi que, pour la plus grande partie, ces deux
fragments ne sont qu'une versification servile de la chronique
latine en prose de Guillaume le Breton. Mais M. Thomas fait
remarquer que les conclusions de M. Ritchie ne s'appliquent pas
à la fin du deuxième fragment, où le poète parle des relations
personnelles de Philippe-Auguste avec le régent d'Angleterre,
Guillaume le Maréchal, d'une manière tout à fait indépendante
de sa source ordinaire et de toutes les sources connues. Cette
constatation, qui augmente l'intérêt de la trouvaille faite à
Edimbourg, ne peut qu'aviver les regrets que cause la dispari-
tion du poème entier.
M. Camille Jullian, au nom de la Commission des Antiquités
de la France, communique ainsi qu'il suit les résultats du con-
cours de cette année :
lre médaille (1.500 fr.) à MM. Jadart. Demaisoh et Givelet
pour leur Répertoire archéologique de V arrondissement de
Reims (in-8°);
2e médaille (1.000 fr.) à M. Victor Mortet, Recueil de textes
relatifs à l'histoire de l'architecture et à la condition des archi-
tectes en France au moyen âge Paris, 1911, in-8°
3e médaille (500 fr.) à M. R.-N. Sauvage, Lahbaye de Saint-
Martin de Troarn au diocèse de Ray eux, des origines au
XVIe siècle (Caen, 1911, ih-4°).
Vu l'importance du concours, il sera demandé à M. le Ministre
une i' médaille en faveur de M. l'abbé Vidal, pour son ouvrage
intitulé: Benoit XIII (1334-1342). Lettres communes analysées
d'après les registres dits d'Avignon et du Vatican Paris, 1910,
'1 vol. in-4 .
150 SÉANCE DU 3 MAI 1912
La Commission a accordé, en outre, les mentions suivantes :
1"' mention, à M. Chappée et M. l'abbé Denis, Archives du
Cogner (publication de la Société des archives historiques du
Maine), séries E et H (4 vol. in-8°) ;
2e mention, à M. Gadave, Documents sur l'histoire de VUni-
versité de Toulouse (in-8°);
3e mention, à M. Artonne, Le mouvement de 1314 et les
chartes provinciales de 1315 (in-8°);
4e mention, à M. Verlaguet, Carlulaire de l abbaye de Silva-
nès (Rodez, 1910, in-8°) ;
5e mention, à M. Henri Legras, Le bourgage de Caen (Paris,
1911, in-8°).
M. Collignom, au nom de la Commission du prix Auguste
Prost destiné à récompenser les travaux historiques sur Metz et
les pays voisins, annonce que la Commission a partagé le prix
de la façon suivante :
1° 500 francs à M. Gavet, pour le Diarium Universitatis
Mussipontanae (1522-1764);
2° 500 francs à la Bibliographie lorraine publiée par les
Annales de VEst, organe de la Faculté des lettres de Nancy,
sous la direction de M. Robert Parisot (Nancy, 1910, in-8°) ;
3° 200 francs à la Revue intitulée le Pays lorrain et à la
Revue lorraine illustrée, publiées sous la direction de M. Ch.
Sadoul.
M. Paul Foucart achève la lecture du mémoire qu'il a rédigé
en collaboration avec M. George Foucart, professeur à la
Faculté des lettres d'Aix-Marseille, sur les drames mystiques
d'Kleusis ' .
MM. Salomon Rkinach, Maurice Croiset et Bouché-Leclercq,
à la suite de cette lecture, présentent quelques observations.
1. Voir ci- dessus, p. 123.
1S4
COMMUNICATION
UNE KP1TAPIIR MÉTRIQUE DE MADAURE,
PAR M. FRANZ CUMONT, CORRESPONDANT DE L ACADÉMIE.
Le Musée du Cinquantenaire de Bruxelles a reçu récem-
ment en don du Gouvernement général de l'Algérie une
inscription métrique provenant de Mdaourouch, l'ancienne
Madaure, la patrie d'Apulée. Cette épitaphe a été publiée
en 1906 dans le Recueil de la Société d'archéologie de
Constantine1 sans aucune note ni transcription. Je ne sais
si cette absence de commentaire indique (pie son éditeur l'a
jugée immédiatement intelligible à tous. Pour moi, je ne
suis pas certain d'en pénétrer exactement le sens, mais si
je la comprends bien, elle fait une allusion curieuse à une
croyance antique et mérite de retenir quelques instants
notre attention.
Le texte est gravé sur une plaque de calcaire ((1. 0m 92,
h. 0 '" 74) décorée aux coins de deux patères, dont une
seule subsiste, et de deux aiguières, dont il ne reste que
l'extrémité supérieure. Au milieu est gravée au trait une
couronne. Motif fréquent dans la décoration des tombeaux,
la couronne a commencé par être une représentation de
celle dont on entourait la tête du mort et a lini par devenir
un symbole d'immortalité2.
Dans la couronne est inscrite l'épitaphe :
D(is) m(anibus) s(acrum)
Inclyte sacroru\m cultor secure quies\cis.
1. T. XL (1906). p. 422, n° 110. Je dois cette indication à l'obligeance de
M. Cagnat.
2. Cf. mon article VAigle funéraire des Syriens Revue de l'Histoire des
religions, XLII 1910), p. 1 13 ss. .
152 ÉPITAPHE MÉTRIQUE DE MADAL'RE
Hic iùvenis quem tell\us habet^quem Tarlariis \ ipse,
Qu(a)ere piam sedem \ : hic enim scpulti decumbunt.
il avius) Xatalis Yeturianiis v(ixit) a{nnos) L. \ H{ic)
s itus) e{st).
On traduira littéralement :
« Aux dieux mânes. Illustre sectateur d'un culte sacré,
tu reposes en sécurité. Toi, jeune homme que la terre, que
le Tartare même contient, cherche (gagne) un pieux séjour :
car c'est ici que les défunts se couchent. »
La langue est barbare et les vers sont boiteux. Comme
Commodien, cet « épitaphiste » ne connaît la quantité des
vovelles que quand elle est marquée par l'orthographe. Il
ne prend pas de moindres libertés avec la grammaire
qu'avec la métrique. Hic devant iuvenis est une cheville :
le modèle dont s'inspire ce versificateur maladroit donnait
sans doute une expression comme Digne scnex[ ... Au
vers 3, au lieu de hic on s'attendrait à illic, mais cet adverbe
avait une syllabe de trop. Le sens est ainsi devenu obscur.
Mais l'ambiguïté de la dernière phrase est peut-être inten-
tionnelle.
Le début semble prouver, en etîet, que Flavius Natalis
était initié à des mystères auxquels on applique volontiers
le nom de sacra. Nous pouvons déterminer lesquels, au
moins avec une grande probabilité. Deux inscriptions de
1. Je dois cette remarque à M. Louis Havet. — On pourrai! traduire
aussi en opposant le premier hic, pris comme un adverbe, au second.
« Jeune homme, que la terre contient.., cherche ici un séjour pieux, car
c'est ici que reposent les défunts. » Mais le sens est peu satisfaisant, car
]° le mort devrait chercher un lieu où il se trouve déj'i; 2° on ne voit
pas quels sont les autres morts enterrés avec lui, et il est douteux qu'il y
en eût; 3° les passages cités plus bas montrent que la pia seiles ne peut
être que les Champs Elvsées.
ÉPITAPHE MÉTRIQUE DE MADAUKE
153
3
y.
ce
C3
154 ÉPITAPHE MÉTRIQUE DE MADAURE
Madaure mentionnent des prêtres de Liber pater ', et deux
autres dans la ville voisine de Thibursicum nomment un
prêtre et une prêtresse du même dieu2. Les bacchanales
étaient donc célébrées avec ferveur dans cette région de la
Numidie.
Sa piété a valu à Flavius Natalis de reposer en sécurité,
sans être tourmenté dans l'au-delà, ni subir les châtiments
d'outre-tombe. Telle est certainement la signification du
premier vers. La même idée est exprimée en termes ana-
logues, mais d'une manière plus explicite, dans une inscrip-
tion de Rome3 :
Umhrarum secura quies animaeq(ue) piorum
laudatae, colitis quae loca sancta Erebi,
sedes insontem Maynillam ducite vestras
per nemora et campos protinus Elysios.
Le mort, qui est descendu jusqu'au Tartare, doit gagner
de là (( un pieux séjour », ou, pour mieux dire, le séjour des
âmes pieuses, car c'est ainsi qu'il faut entendre pia sedes.
Une épitaphe, trouvée à Madaure même, emploie une expres-
sion semblable à propos d'une femme4, mais l'éclaircit
davantage :
Hic sita, sed sedes meruit penetrare piorum,
Elysios célébrai caro coniuncta marito.
Reste le dernier hémistiche qui est le plus embarrassant.
Sa métrique tout à fait fautive nous montre que ce n'est
1. C.I.L., VIII, 4681: Lenaei patris cultor felixque sacerdos ; 1682 :
C. Iulius Laetus sacerdos Liheri Palris : cf. Année épigraphique. 1907,
n° 24 : Lihero Augusto. Le culte de la Magna Mater avait aussi pénétré à
Madaure, Bull, archèol. du Comité des Travaux historiques, 1896, p. 273,
n° 202.
2. C.I.L., VIII. 1883. 1887.
3. C.I.L., VI, 21846 = Bi'icheler, Carm. Epigr., 1165.
4. Recueil de Consiantine, XLI (1907 , p. 2 18. Cf. le texte cité plus liant
et C.I.L., VI, 23295 = Bi'icheler, Carm. Epigr.. 393 : Elysios precor ut
possis invadere campos... Dilemque preceris det sedes ut [honora]tas... III,
1759 = Bi'icheler, 1311: Mens aeterna prof'eclo pro merilis potitur sedi-
busElysiis, etc. = Kaibel, Epigr . 551 : M;-.' eùaefjéwv 8'sau.èv Iv 'HXuaûo.
ÉPITAPHE MÉTRIQUE DE MADAl'RE 155
pas un emprunt à quelque recueil de modèles, mais une
addition propre de l'auteur africain , qui pour affirmer ses
croyances a fait outrageusement violence à la prosodie. Ces
croyances répondent peut-être simplement à l'idée que les
poètes se faisaient du bonheur dans les Champs Elysées.
Une épitaphe en vers qui, comme la nôtre, a été décou-
verte en Afrique ] le décrit en ces termes :
Profuit, en tibi, quod fana coluisti deorum —
Nunc campos colis Elysios herbasq(ue) viren/es,
florihus asparsus iaces ex pratalibus arvis.
On se figurait donc parfois les bienheureux étendus
mollement au milieu des fleurs dans les prés verdoyants
des Champs Élysées. Mais je pense que l'auteur de nos
trois vers croyait à un autre genre de béatitude, et le mot
decumbere paraît ne pas avoir été choisi sans intention.
Decumhere ne veut pas dire seulement « se coucher »,
mais aussi « se mettre à table ». Le mot est souvent
employé absolument dans ce sens. Ainsi Suétone-, pour
montrer combien Claude était amateur de bonne chère,
rapporte qu'un jour, l'empereur rendant la justice au forum
d'Auguste, son odorat fut agréablement chatouillé par le
fumet d'un repas qu'on préparait pour les Saliens dans le
temple voisin de Mars; il quitta aussitôt son tribunal,
monta chez les prêtres et se mit à table avec eux : unaque
decubuit. On pourrait multiplier les exemples3. Or les
mystères de Bacchus, qui, nous l'avons dit, étaient pratiqués
;i Madaure, enseignaient que le tidèle devait être admis dans
l'autre monde au festin des dieux pour s'y réjouir éternel-
ment avec eux dans une douce ébriété, et une quantité de
*
1. C.I.L., VIII, Suppl. 15569= Bûcheler, 525 non procul ab Agbia cl
Aunobari .
2. Suét., Cliiutl.. 33; cf. aussi 39 : Paulo poslquam in triclinio decubuit,
el zYero, 48.
:t. Cl*. Thésaurus linguae lalinne, s. v., col. 221.
156 LIVRES OFFERTS
bas-reliefs attestent la popularité de cette croyance dans le
monde romain1. Des fresques célèbres, qui, dans les cata-
combes de Prétextât, décorent le tombeau d'un prêtre de
Sabazius, nous montrent la défunte Vibia menée dans les
enfers par Mercure au tribunal de Pluton, puis introduite
au banquet des bienheureux auquel prennent part sept
convives, les bonorum iudicio iudicati. C'est, je crois, une
crovance religieuse analogue qui est exprimée discrètement
dans notre épitaphe de Madame, et je traduirais volontiers
le dernier vers : « Gagne le séjour des âmes pieuses, car
c'est ici que les défunts festoient. » Nous trouverions donc
dans notre épitaphe une preuve nouvelle de la diffusion
des idées eschatologiques répandues dans le monde romain
par les mystères de Bacchus.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau le fascicule de jan-
vier-février 1912 des Comptes rendus des séances de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres (Paris, 1912, in-8°).
M. Héhon de Villekosse offre à l'Académie, au nom du docteur
Louis Reutter, un ouvrage intitulé : L'embaumement avant el après
Jésus-Christ, avec analyses des masses résineuses ayant servi à la
conservation des corps chez les anciens Egyptiens et les Carthaginois,
173 p., 8 fig. dans le texte et 1 pi. en couleurs (Paris-Neuchâtel,
1912, in-8°).
L'auteur a dédié son ouvrage à notre confrère M. Maspero et au
R. P. Delaltre, correspondant de l'Académie à Carthage. Il a voulu
témoigner ainsi à ces deux savants sa reconnaissance pour les ren-
seignements importants qu'il avait reçus d'eux et qui ont donné a
son travail un intérêt particulier.
I. Cf. mon article sur Sabazius, C. H. de VAcad. <Ies inscr., 1906, p. 76,
el Schroder, Bonner Jahrbûcher, GVIU 1902), p. GO ss.
LIVRES OFFERTS 157
C'est surtout depuis l'expédition d'Egypte que la question de
l'embaumement chez les Égyptiens a préoccupé les chimistes et les
médecins. On s'est livré à de nombreuses analyses des compositions
recueillies dans les sarcophages, mais l'étude des corps résineux
présente des difficultés assez graves. Les analyses n'ont pas tou-
jours abouti à des conclusions parfaitement claires.
M. le docteur Louis Reiitter, pharmacien chimiste à Neuchâtel
(Suisse), a repris ces analyses suivant une méthode qui lui est
propre. Après avoir énuméré et décrit les différentes drogues consi-
dérées comme ayant servi à former la masse résineuse de l'embau-
mement, il a exposé les recherches auxquelles il s'est livré et qu'il a
poursuivies avec une ténacité remarquable. Pour l'Egypte, *1 a étudié
la résine utilisée pour l'embaumement de la momie de llekan-
M-Saf, commandant de la flotte royale (XXXe dynastie) ; ses conclu-
sions ont été présentées à l'Académie des sciences le 2a septembre
1911. Il a aussi examiné très minutieusement une résine employée
pour embaumer un ibis dont la momie est conservée au Musée
historique de la ville de Neuchâtel. Ses recherches ont eu également
pour objet une résine provenant d'un vase funéraire du Musée
ethnographique de Berlin.
Il était intéressant de savoir si les Carthaginois avaient employé
les mêmes procédés d'embaumement (pie les Egyptiens. Les décou-
vertes du P. Delattre en ont fourni l'occasion au docteur Reuller.
Les sarcophages trouvés-dans les puits funéraires de Cartilage con-
tenaient aussi des masses résineuses qui ont été, de sa part, l'objet
d'analyses rigoureuses dont il publie les résultats. Je n'ai pas la
compétence nécessaire pour apprécier l'importance des conclusions
auxquelles le docteur Reutter est arrivé dans la partie chimique de
son travail, mais je puis dire qu'il a reçu les encouragements de
savants éminents et qu'il a étudié la question de l'embaumement
avec une passion véritable. Son livre intéressera les archéologues
que préoccupent les usages funéraires de l'antiquité : ils y trouve-
ront une bibliographie du sujet traité, ainsi que des renseignements
sur la manière dont l'embaumement fut pratiqué non seulement chez
les différents peuples de l'antiquité, mais aussi pendant le moyen
âge et même dans les temps modernes.
M. Clermont-Ganneau offre à l'Académie, de la part des éditeurs,
MM. Eetouzey et Ané, le fascicule XXXVH1 du Dictionnaire de la
Bible publié sous la direction de M. l'abbé Yigouroux. Ce fascicule
va du mot Temple au mol Tuteur.
158
SÉANCE DU 10 MAI
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Henri Cordier a reçu de M. de Gironcourt une lettre
datée de Kidal, Adrar des Iforas, 2 mars 1912 :
« Dans ma dernière lettre, je vous exposais mon intention de
suivre vers F Adrar, d'où elle peut provenir, cette « coulée »
épigraphique dont mes dernières recherches dans le pays de
Gao ont amené la mise à jour de si nombreux témoins.
« Dans ce but, et afin de permettre peut-être de juger de
l'aire d'extension des inscriptions citées, j'ai procédé tout
d'abord à l'exploration du Tilemsi et de son rebord occidental.
« Dans cette large et sèche vallée, j'ai relevé trois nécropoles
possédant quelques-unes des pierres que nous étudions, de
matière et de gravure analogues à celles des types du Niger,
mais de perfection moins grande dans la forme des caractères et
d'usure superficielle plus profonde.
« A l'Ouest, zone peu favorisée de la nature, en apparence
et relativement, car les troupeaux des nomades y trouvent
d'abondants pâturages secs, où les puits sont rares, j'ai encore
trouvé quelques pierres gravées, mais de matériaux et de facture
plus grossiers (latérites).
« Plus au Nord, les grès du crétacé supérieur assez tendres
(Asserar), m'ont fourni sur des sépultures à enceinte ovalaire
quelques stèles semblant bien en place, dont les légendes sont
copieuses.
« Ces mêmes grès m'ont présenté, sur le rebord d'un plateau,
formé de blocs tabulaires disjoints, sur une surface d'une ving-
taine de mètres carrés, un fouillis très dense de dessins et écri-
tures en tifinar, dont les estampages pourront représenter — à
défaut, comme je le crois, d'une grande importance historique —
du moins un témoin curieux de l'art épigraphique des Touareg
d'autrefois.
« Mes renseignements signalent quelques points intéressants
au rebord oriental de ce Tilemsi. Je ne manquerai pas de les
visiter au retour.
SÉANCE DU 10 MAI 1912 159
« Me voici maintenant auprès de ces « entassements » singu-
liers de masses nucléaires de granit, épandues sur les vastes
surfaces de l'Adrar. Au point de vue épigraphique, ce « monde
rocheux » ne va m'oll'rir, je le présume, que des dessins d'ani-
maux et légendes en tiiinar sans grand intérêt. Mais j'espère
découvrir clans les thalwegs sablonneux et au bord de ces
masses de pierres quelques nécropoles du genre de celles que
je dois rechercher.
« Ma première journée à Adrar m'a permis déjà de relever
une douzaine de stèles assez grossièrement gravées, non loin du
puits de Gounane.
« Un arrêt au poste-magasin de la section méhariste (Kidal)
où j'attends des guides touaregs I foras pour continuer ma route
me permet de vous écrire, ce que je ne pouvais faire sous ma
modeste tente targhi, le vent violent de cette saison desséchant
même sous cet abri l'encre de la plume en deux ou trois mots
tracés.
<( Tout, d'ailleurs, se passe au mieux pour la bonne marche
de ma petite caravane, malgré ces ouragans de sable et de cette
poussière argileuse qui, m'assaillant dans le Telemsi, m'a obligé
parfois à faire halte sans plus rien voir autour de nous ; la prise
d'estampages, dans ces conditions, était particulièrement pénible
à Asserar. »
M. Morel-Fatio, au nom de la Commission du prix de La
Grange, annonce qu'il n'y a pas lieu de décerner le prix cette
année.
Le P. Scheil a la parole pour une communication :
« M. Stephen Langdon, professeur d'assyriologie à Oxford, au
cours d'une mission scientifique au Musée de Gonstantinople, a
découvert, dans le butin des fouilles de Xi/fer, une tablette en
terre cuite contenant une section importante du Code de
Ilammurabi, paragraphe 145 au paragraphe 180, toutes lois se
référant à la constitution de la famille.
« Ce nouveau texte présente, parait -il, des variantes intéres-
santes, par exemple e-PI-su pour e-mi-su avec une glose PI =
nu, § 15!)- i<>; awelim pour miiêkinim,§ 170-78; ce qui est plus
grave, le paragraphe 1 47 est omis, etc.
160 SÉANCE DU 10 MAI 1912
« Comme il s'agit d'une suite, il y avait lieu de numéroter le
document et nous lisons en suscriplion :
im gid-da 1 kam-ma
é-nu Anu-um §i-i-ru-ma
« Quatrième grande tablette du texte Inu Anum sîruma. »
(Ces derniers mots sont le titre même et la première ligne du
Code.
« La date de la copie tenait ensuite clans cette formule mal
conservée :
ud(?) dingir En-lil-lal... [du b]- ha- me
al-gub-ba
luf/al Ha-am-m.u-ra.-bi
« Époque où en l'honneur du dieu Ellil (les tables de lois) il
érigea, lui le roi Hammurabi. » (La restitution de dubba « tables a
est douteuse.)
« Enfin le scribe responsable de la transcription porte le vieux
nom de Ur Marduk :
Igi-kar
ur [dingir) Marduk
« Alors que d'autres modestes fragments, duplicata que nous
connaissions, étaient d'époque tardive et que nous les devions
au dilettantisme littéraire d'Assurbanipal, — l'objet de la trou-
vaille de M. Langdon n'est rien moins que contemporain du
législateur lui-même et fournit une preuve palpable que l'on
savait pourvoir par l'argile à la diffusion du Code, afin que tout
Babylonien pût être censé connaître la loi. »
M. François Thureau-Dangin lit la traduction d'une inscrip-
tion cunéiforme qui relate l'expulsion des Gouti, peuple qui,
d'après un texte précédemment communiqué par le P. Scheil,
avait envahi la Babvlonie vers le milieu du troisième millénaire.
Le libérateur de la Babylonie a nom Outou-khegal : il capture le
roi des Gouti, Tirigam, et fonde une dynastie dont le siège est
Erech. Cette nouvelle dynastie prend rang avant la dynastie
SÉANCE Dl 10 MAI 1912 161
d'Our et comble une lacune clans la série des dynasties babylo-
niennes. »
M. Pottier lit une note de" M. Albertini, membre de l'École
des Hautes Études hispaniques, sur un lion ibérique conservé
au Musée de Madrid et trouvé dans la province de Cordoue.
Cette note l'ait ressortir le caractère héraldique et oriental
d'une sculpture qui ajoute un document nouveau à la série déjà
connue des monuments de l'Espagne préromaine, étudiés par
M. Pierre Paris dans son ouvrage sur Y Espagne primitive ' .
M. Dieulafoy signale des monuments du même genre qu'il a
vus en Espagne.
M. Adrien Blanchet, bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque
nationale, expose, avec des aperçus nouveaux, les événements
militaires qui amenèrent la proclamation de Postume, fonda-
teur, en 258 de notre ère, d'un empire gaulois qui eut seize années
d'existence et donna à la Gaule une renaissance temporaire.
Postume avait été salué empereur par ses soldats à la suite
d'une victoire remportée par les Francs, qui venaient de piller
plusieurs villes romaines des bords du Rhin. Cette révolte mili-
taire se produisit lorsque Postume harangua ses troupes au sujet
du butin qui était réclamé par Silvanus, gouverneur de Cologne,
au nom de Gallien, empereur à Rome. Des médaillons de bronze
de Postume, inexpliqués jusqu'à ce jour, représentent la scène
de l'allocution de Postume. Ces pièces, importantes pour l'his-
toire de la (iaule, peuvent être considérées aussi comme les
premiers monuments relatifs aux Francs, qui venaient de
paraître dans l'histoire.
M. Louis IIavi.t traite du mot pu tus, petit garçon, qui est
connu par des glossaires et que Scaliger a restitué dans un vers
du Catalepton virgilien. Il restitue lui-môme ce mot dans le pro-
logue des Ménechmes de Piaule, vers 40 (puto au lieu de huic),
et son diminutif dans un vers des Silves de Stace (putulos au
lieu de pumilos).
MM. Morel-Fatio et Thomas présentent quelques observa-
tions.
I. Voir ci-après.
162
COMMUNICATION
LION IBÉRIQUE DE BAEXA,
PAR M. EUGÈNE ALBERTIM.
Le Cerro del Minguillar, près de Baena (province de
Cordoue), est remplacement d'une ville antique, vraisem-
blablement Iponoba ou Iponuba.Les fouilles de M. Yalverde
y Perales, il y a quelques années, ont exhumé de cette
colline toute une série de statues romaines, qui sont aujour-
d'hui au Musée archéologique de Madrid (voir Boletin de
la Real Academia de la Historia, XL, p. 254 ; XLIII,
p. 521-525).
Ces statues ne se distinguent pas des productions ordi-
naires de l'époque romaine. Mais le Cerro del Minguillar a
donné en outre une sculpture préromaine : c'est celle dont
la photographie est jointe à cette note. Acquise par l'Etat
en 1910, elle est aussi au Musée archéologique de Madrid
(n° 20327). Je la crois inédite.
Les dimensions de cette ligure sont les suivantes : hau-
teur. 0m 53; longueur, 1 '" 07; largeur, 0m 38. Elle est
taillée dans un calcaire blanc, tendre, dont la surface était
soigneusement polie. Elle représente un lion accroupi sur
une plinthe. L'extrémité antérieure de la plinthe a disparu,
avec les pattes de devant, qui étaient allongées et non
repliées; le mufle manque; la tète et tout le côté gauche
de la statue sont en très mauvais état ; il semble qu'on se
soit acharné sur le monument à coups de bêche ou de
pioche.
Telle quelle, cette image est intéressante. Elle frappe à
première vue par une espèce de stylisation héraldique, qui
accentue la cambrure du ventre et traduit les formes du
corps par des plans ou par des surfaces courbes régulières
et lisses. Les pattes de derrière, allongées sur la plinthe,
LION IBÉRIQUE DE BAENA 163
sont sillonnées à la face supérieure par trois rainures qui
ne servent pas seulement à marquer les doigts, puisqu'elles
c
03
se prolongent jusqu'à la cuisse; en outre, une rainure gravée
sur la face extérieure parcourt toute la longueur de la
1912. 12
164 LIVRES OFFERTS
cuisse et de la patte. La queue passe sous le ventre et
revient sur la patte postérieure de droite. Les testicules
sont nettement marqués ; la verge était appliquée contre le
ventre. Sur le cou, une sorte de guillochage compliqué,
divisé en bandes verticales, représente la crinière.
L'art ibérique a produit plusieurs œuvres analogues à
celle-ci : le rapprochement s'impose particulièrement entre
le lion de Baena et le «sphinx de Bocairente », conservé
au Musée de Valence (P. Paris, Essai sur l'Art et l'Indus-
trie de V Espagne primitive, I, p. 131 sqq., et pi. V); le
caractère oriental est plus apparent encore dans le premier
que dans le second. D'autre part, on connaissait déjà une
sculpture ibérique provenant des environs de Baena : c'est
la statue d'un personnage drapé, reproduite par M. Paris
(Essai, I, fig. 309, p. 322). Le lion de Baena est doublement
instructif, par l'enrichissement qu'il apporte à la série des
figures animales dans l'art ibérique, et par la donnée com-
plémentaire qu'il fournit sur l'extension de cet art en
Bétique.
LIVRES OFFERTS
M. Maurice Ckoiset fait hommage à l'Académie, de la part de
l'auteur, d'une édition nouvelle de VHisloire Lausiaque de Palladius,
texte grec, introduction et traduction française, par M. l'abbé Lucot,
aumônier des Chartreux à Dijon. L'Histoire Lausiaque, composée
vers le milieu du Ve siècle de notre ère par l'évèque Palladius et
dédiée par lui à Lausus, grand chambellan de Théodose II, est,
comme on le sait, un des documents les plus importants pour
l'histoire du monachisme en Orient. C'est un recueil biographique
sans valeur littéraire, mais où sont racontées sommairement les vies
d'un certain nombre de moines et de martyrs chrétiens; et ces bio-
graphies sont riches en détails de mœurs, et en faits de tout genre
d'un grand intérêt pour la connaissance des sentiments, des idées et
des croyances qui régnaient dans la société chrétienne du Ve siècle.
L'édition nouvelle l'ait partie de la (Collection de textes et documents
pour l'étude historique du christianisme publiés sous la direction de
LIVRES OFFERTS I !'>.">
MM. Hemmer et Lejay. Elle reproduit à peu près, pour ce qui est du
texte, celle de Dom Butler, si justement estimée, et elle lui a fait
aussi de larges emprunts pour l'annotation. M. l'abbé Lucot n'a pas
cru devoir reprendre à nouveau les nombreuses et délicates questions
critiques qui se posent à propos de l'ouvrage disparate qu'il voulait
mettre à la portée d'un plus grand nombre de lecteurs. Il s'est
attaché surtout à l'élucider par un commentaire précis et par une
traduction fidèle. Le volume qu'il publie répond parfaitement à sa
destination et figurera très dignement dans une collection dont le
mérite reconnu a pour garantie le nom de ses directeurs.
M. II. Omont dépose sur le bureau un exemplaire de la seconde
édition des Listes des recueils de facsimilés et des reproductions de
manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale, 2r édition (Paris,
1912, in-10, 291 pages; extrait, avec additions, du Bulletin de la
Société française de reproductions de manuscrits à peintures, lre année
(1911), n08 1 et 2).
M. PorniîR présente à l'Académie un ouvrage de M. L. Francbet
sur la Céramique primitive (Introduction à l'étude de la technologie).
( Test une série de leçons professées à l'École d'antbropologie. Le livre
est illustré de figures qui éclairent tous les détails de la fabrication
des poteries, l'emploi et la structure du tour, la cuisson, les diffé-
rents systèmes de fours. De plus en plus, l'archéologie réclame la
collaboration des techniciens. Beaucoup de problèmes et des plus
importants ne peuvent se résoudre qu'avec l'aide d'un céramiste,
d'un chimiste, d'un métallurgiste. Le travail de M. Francbet nous est
à cet égard précieux. C'est l'œuvre d'un homme qui connaît bien
la pratique du métier et qui, depuis longtemps, l'applique à la
recherche des procédés usités dans l'antiquité. Tour à tour il exa-
mine le rôle des pâtes céramiques et leur composition, la fabrication
des poteries façonnées à la main ou par moulage, la découverte du
tournage, l'évolution des formes et du décor, les modes de cuisson.
Il compare les ingrédients et les ustensiles employés dans les
diverses régions du monde et en montre la parenté nécessaire. Il
peut donc rétablir sur cette base et au moyen des survivances encore
visibles un peu partout la façon dont les peuples primitifs et ceux de
l'antiquité ont dû fabriquer leurs poteries. Les conclusions chrono-
logiques sont présentées avec beaucoup de prudence. M. Francbet
estime (p. 149 (pie dans l'élude des formes on doit se borner actuel-
lement à constater les fails acquis, à les considérer comme des faits
particuliers à telle région, sans chercher à les généraliser, comme
le font trop souvent certains archéologues.
166
SÉANCE DU 17 MAI
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
Le Secrétaire perpétuel annonce que M11'' Lanloine (Louise-
Bérangère-Marthe) a, en mémoire de M. Henri-Eugène Lantoine,
son frère, en son vivant professeur honoraire à la Faculté des
lettres de Paris, fait donation entre vifs à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres d'une somme de cinq cents francs pour
être attribuée par l'Académie, sous forme d'un prix une fois
donné, à l'auteur d'un travail sur Virgile (étude ou édition)
écrit de préférence en latin, quelle que soit la nationalité de
l'auteur. Ce prix portera le nom de « Prix Henri Lantoine ».
L'Académie, par un vote, accepte provisoirement la donation
de M"e Lantoine.
Le Recteur et le Sénat de l'Université de Lemberg adressent à
l'Académie un message en langue latine pour lui annoncer que
cette Université célébrera le 250e anniversaire de sa fondation
en 1661 par Jean-Casimir, roi de Pologne.
M. Senart communique une lettre de M. René Basset, corres-
pondant de l'Académie, qui fait connaître les résolutions adop-
tées par la Commission de l'Encyclopédie de l'Islam, clans sa
réunion tenue récemment à Athènes. Cette Encyclopédie com-
portera une édition française.
Dans une communication sur Pline, ses procédés de composi-
tion et ses interprètes, M. Charles Joret montre quelle méthode
singulière Pline a suivie dans la composition de son Histoire
Naturelle et quelles difficultés il a par là préparé aux commen-
tateurs, en particulier à ceux qui traitent de la botanique. Pui-
sant à toutes les sources connues ou inconnues, passant parfois
sans transition de la description inachevée d'une plante à celle
d'une autre plante toute différente, sauf à revenir plus loin à la
première, désignée maintenant sous un autre nom, il semble
SÉANCE DU 17 MAI 1912 107
avoir pris plaisir à dérouter ses interprètes. Deux exemples
mettront le fait en évidence.
Au chapitre 61 du livre XXI, il donne d'après Théophraste la
description abrégée de la Lappn, la bardane, description si
obscure que plusieurs botanistes ont cru qu'il s'agissait du
gratteron. Littré lui-même s'y est trompé. Au chap. 116 du
livre XXIV, Pline indique d'abord une propriété médicinale
curieuse d'une plante qu'il appelle philanthropos , puis il s'in-
terrompt brusquement pour exposer d'après une source incon-
nue l'emploi dans le traitement du cancer et dans les maladies
des porcs de la Lappa Canaria, plante qui n'est autre sans doute
que la bardane, mais que les commentateurs ont prise les uns
pour une espèce de galiel, les autres pour une ombellifère,
d'autres même pour le chiendent. Kevenant ensuite, au livre
XXVII, chap. 15, à la plante philanthropos qu'il appelle main-
tenant aparine, il en fait cette fois d'après Dioscoride une
description détaillée assez claire qui nous montre que cette
plante au double nom n'est autre que le gratteron. On voit par
ces exemples qu'il faut lire Pline avec défiance et ne se pronon-
cer sur l'identité des plantes dont il parle qu'après avoir com-
paré les descriptions trop souvent fragmentaires qu'il en donne
et les noms parfois si divers qu'il leur attribue.
M. le comte Durrieu, au nom de la Commission du prix
Fould (au meilleur ouvrage sur Vhistoire des arts du dessin, en
s' arrêtant à la fin du XVIe siècle), annonce que le prix a été
partagé ainsi :
3.000 francs à M. Georges Durand pour son ouvrage: L'église
abbatiale de Saint-Biquier;
1.000 francs à M. Ph. Lauer : Le palais de Lalran ;
SOO francs à M. Paul Denis pour son ouvrage sur Ligier
Riehier ;
800 francs à M. Morin-Jean pour son volume : Le dessin des
animaux en (irèce d'après les vases peints ;
500 francs à M. Louis Hourticq pour son Histoire généra le
de l'art français.
M. Colugnon donne lecture d'une étude sur l'ancien Parthé-
non. Les fouilles poursuivies sur l'Acropole, de 188.r> à 1888, les
168 SÉANCE DU 17 MAI 1912
travaux de M. Doerpfeld et, plus récemment, les recherches de
M. Hill ont résolu une question longtemps discutée, et per-
mettent de prendre une idée plus exacte du temple dont les
premières assises ont occupé, entre les deux guerres médiques,
l'emplacement du Parthénon actuel. C'est celui qu'on peut
appeler le second Parthénon primitif. Le premier est le temple
projeté au temps de Clisthènes et pour lequel a été construit
le stéréobate en pôros qui sert de base au Parthénon actuel.
Le second Parthénon, commencé avant la bataille de Mara-
thon, devait être un temple en marbre. On sait aujourd'hui que
les dimensions en étaient plus petites que celles qui avaient été
prévues pour le premier temple, lequel devait être construit en
pierre calcaire, ou pôros. Les recherches de M. Hill ont permis
d'en déterminer l'aire et le plan. Le temple devait être dorique
périptère, avec six colonnes sur les deux façades et seize sur les
longs côtés. Le sécos était amphiprostyle, avec quatre colonnes
détachées en avant du pronaos et de l'opisthodome. Les divi-
sions étaient déjà celles du temple actuel.
Les dimensions sont données exactement par une assise en
pierre de Kara qui formait le degré inférieur de la crépis, et qui
est encore en place sur la face sud, derrière le degré inférieur du
Parthénon de Périclès. Des sondages exécutés sous le dallage du
Parthénon ont mis à découvert un pilastre d'ante en marbre,
inachevé, portant des rainures pour des pattes de scellement qui
n'ont pas été posées. On connaissait déjà, depuis les fouilles de
1888, des tambours de colonnes en marbre également inachevés
et où les cannelures avaient été seulement amorcées. On peut
ainsi se rendre compte de l'état des travaux au moment de l'in-
vasion des Perses en 480. Le soubassement était en place. On
travaillait en chantier aux assises du mur du sécos et aux
colonnes de la péristasis. Quand les Perses pénétrèrent sur
l'Acropole, ils allumèrent un bûcher avec les bois des échafau-
dages et le soubassement calciné par les flammes resta désert
jusqu'au temps où les travaux furent repris, en 447, pour la
construction d'un nouveau Parthénon, celui d'Ictinos et de
Phidias.
169
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau la 2'' partie du
lome XXXVIII des Mémoires de V Académie des inscriptions et belles-
lettres (Paris, 1912, in-4°).
SÉANCE DU 24 MAI
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. le comte Paul Durrieu soumet à l'Académie, de la part de
M. Louis Karl, docteur es lettres, professeur à l'Université de
Budapest, une étude dans laquelle M. Karl recherche comment
la figure de sainte Elisabeth était représentée, d'après les don-
nées de l'imagination populaire, aux xve et xvie siècles, en Alle-
magne et dans les pays flamands. Cette étude est accompagnée
de photographies reproduisant des miniatures prises sur trois
manuscrits du Musée Britannique (Mss. addit. 18851, 19416 et
:2il53).
Le P. Scueil communique les résultats du concours pour le
prix Saintour.
La Commission a ainsi partagé les arrérages de la fondation :
1.000 francs à M. l'abbé Nau pour ses publications sur Jean
il'Anlioche et Nestorius ;
500 francs à M. Clément Huart pour ses Textes persans rela-
tifs à la secte des Ilorou/is;
500 francs à M. Emile Amar pour sa traduction du Fakhri ;
500 francs à M. Joseph llaléw pour son Précis d'allographie
assyro- babylonien ne ;
.")ii(l francs à M. Ed. Huber pour l'ensemble de ses travaux
d'archéologie et de philologie indo-chinoises.
M. Morel-Fatio entretient l'Académie d'une lettre inédite de
Marguerite d'York, tante dc^ enfants d'Edouard IV, clandesti-
170 SÉANCE DU 2i MAI 1912
uement mis à mort sur l'ordre de leur oncle le duc de Gloucester,
le futur Richard III.
Cette curieuse lettre recommande à la reine Isabelle de
Castille un célèbre imposteur du nom de Perkin Warbeck, qui
s'était fait passer pour le deuxième fils d'Edouard et qui tint ce
rôle jusqu'en 1499 où il fut condamné et pendu.
La lettre en question prouve que Marguerite, si elle n'inventa
pas cet aventurier, eut une part prépondérante dans cette mysti-
fication qui occupa toute l'Europe et que la complicité de divers
souverains, tels que l'empereur Maximilien et le roi Jacques
d'Ecosse, contribua à faire durer pendant dix ans.
M. Maurice Prou est nommé membre de la Commission des
Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, en remplacement de
M. Homolle nommé directeur de l'Ecole d'Athènes.
M. Gustave Glotz appelle l'attention sur l'indice chronologique
que peuvent fournir dans l'histoire grecque les prix de certaines
denrées, particulièrement des métaux. Il prend pour exemple le
plomb.
Le cours ordinaire de ce métal est de 2 drachmes par talent
(5 fr. 40 les 100 kilogs). Cependant à deux reprises on constate
une hausse de 100 à 150 0/0 : dans les comptes de l'Erechtheion
à Athènes (5 drachmes) et dans ceux de la Tholos à Epidaure
(4 drachmes 2 oboles). Un prix anormal s'explique facilement
l'année de l'Erechtheion (409-408) : depuis l'occupation de
Décélie par les Spartiates et la fuite des esclaves, les mines de
Laurion étaient fermées ; le plomb se fait rare, comme l'argent,
et la hausse du plomb annonce ainsi le monnayage exceptionnel
de l'or en 407 et du bronze en 406. La hausse que signalent les
comptes de la Tholos vient brusquement après une série de
cours bas : elle tient également à une catastrophe politique
d'Athènes et s'accompagne aussi d'une frappe d'or. La seule date
qui puisse convenir, c'est l'année de Chéronée (338-337). Or, la
hausse du plomb s'est produite vers la 21e année des travaux de
la Tholos, en tout cas neuf ans avant leur achèvement. Ces
travaux viennent donc se placer entre 358-357 et 329-328.
M. Théodore Reinach confirme les observations de M. Glotz
et ajoute quelques indications sur la monnaie d'or d'Athènes.
171
LIVRES OFFERTS
M. Héron de Villefosse offre à l'Académie los brochures sui-
vantes dont il est l'auteur :
1° Les récipients en pierre en usage pour les sépultures à incinéra-
tion; note sur une communication de M. Maurice Hénault extr. du
Bulletin archéologique du Comité, 1909);
2° Statue de femme trouvée à Ci/ rêne. Musée du Louvre (extr. du
Bulletin archéologique du Comité, 1910);
3° Deux enfants de Vaison. Sex. Afranius Burrus et L. Duvius
Avitus (extr. du Congrès archéologique de France, LXXVIe session
tenue à Avignon en 1909);
4° Un moulage ancien de la Vénus d'Arles, avec 2 pi. et 5 fi^.
(extr. de la Bévue de l'art ancien et moderne, février 1912).
Il offre en son nom et au nom de M. Etienne Michon, conservateur-
adjoint au Musée du Louvre :
1° XIII. Musée du Louvre. Département des antiquités grecques et
romaines. Acquisitions de Vannée 1 909 (extr. du Bulletin de la Société
nationale des Antiquaires de France, 1909);
2° XIV. Musée du Louvre. Département des antiquités grecques et
romaines. Acquisitions de Vannée 1910 (extr. du Bulletin de la
Société nationale des Antiquaires de France, 1910).
M. Héron de Villefosse présente ensuite, au nom de M. le baron
de Baye, un volume ayant pour titre : Smolensk ; les origines; Vépo-
pée de Smolensk en 1812 d'après des docu/nents inédits, avec
XXIV gravures (Paris, 1912, in-K°) :
« M. le baron de Baye est bien connu de l'Académie par ses
nombreux voyages en Russie et par des missions fructueuses dans
ce pays. Dans ce nouveau volume il expose les origines et l'histoire
de Smolensk. Parvenu à l'époque où Napoléon apparut avec la
Grande Armée devant cette forteresse, considérée par les Russes
comme le boulevard et le palladium de leur empire, il en profile
pour retracer en détail le drame tragique de la prise de Smolensk.
Au moment où les Français pénétrèrent dans la ville, les Russes y
avaient allumé partout l'incendie et ne laissaient derrière eux que
des ruines; ce n'était plus qu'un vaste bûcher parsemé de morts et
de mourants. L'auteur a largement puisé dans les documents russes
afin d'apporter de nouveaux éclaircissements à l'histoire de ers
172 LIVRES OFFERTS
journées des 16, 17 et 18 août. C'est à Smolensk, dans l'enivrement
même de la victoire, que les fautes commises par Napoléon devinrent
irréparables. Au lieu d'y établir ses quartiers d'hiver et d'y préparer
une seconde campagne, l'empereur se laissa entraîner par sa fortune
et poursuivit l'armée russe jusque sur la route de Moscou. On sait
quelle fut la conséquence désastreuse de cette résolution. »
M. Valois a la parole pour un hommage :
<( Je suis chargé par notre confrère, M. le chanoine Ulysse Cheva-
lier, d'offrir à l'Académie un fascicule, dont il est l'auteur, intitulé :
Chartes de Saint-Maurice de Vienne, de l'abbaye de Léoncel et de
Véglise de Valence. Ce recueil contient un certain nombre d'actes du
xne et du xme siècle transcrits d'après deux manuscrits du fonds
Gaignières ou d'après des originaux subsistant dans une collection
particulière, celle de M. Vital Bérthin, à Beaurepaire-d'Isère. Ce
sont d'utiles compléments au tome XVI de la Gallia chrisliana et
aux publications antérieures de M. Ulysse Chevalier. »
M. Dieiil a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de présenter à l'Académie de la part des auteurs,
MM. E. Hébrard, architecte, ancien pensionnaire de l'Académie de
France à Rome, et J. Zeiller, ancien membre de l'École française de
Rome, professeur à l'Université de Fribourg (Suisse), l'important
ouvrage intitulé : Spalato, le palais de Dioclétien.
« Tout le monde sait l'intérêt extrême qu'offre ce remarquable
monument. Bâti au rivage oriental de l'Adriatique, sur les confins
du monde oriental et du monde occidental, il tient dans l'histoire de
l'art une place essentielle. Encore classique par certains traits, déjà
pénétré par ailleurs d'influences nettement orientales, évoquant par
les formes de son architecture, par ses coupoles, ses sculptures, ses
mosaïques, le souvenir indiscutable des monuments syriens, le palais
de Dioclétien apparaît comme le premier monument d'un art renou-
velé.
« Aussi a-t-il de bonne heure attiré l'attention des voyageurs, des
savants, des artistes. Au xvmc siècle déjà, Robert Adam, architecte
anglais, en donnait une restauration célèbre. Pourtant c'est tout
récemment qu'à été entreprise l'étude vraiment scientifique du
monument, depuis le jour surtout où notre savant correspondant
Mgr Bulic s'est attaché à la conservation des monuments de Spalato;
et il n'est pas inutile de rappeler que c'est grâce à sa libérale bien-
veillance que MM. Hébrard et Zeiller ont pu en grande partie prépa-
rer le présent ouvrage.
SÉANCE DU 31 MAI 1912 173
« Grâce à une exploration attentive, souvent pénible et difficile,
des restes du palais impérial, MM. Hébrard et Zeiller, pour la
première fois, nous en apportent une restauration complète et cer-
taine, notablement différente de la disposition qu'on imaginait
jusqu'ici. Non seulement les monuments encore debout ont été étu-
diés avec un soin minutieux ; mais, en relevant toutes les traces
éparses, les auteurs ont retrouvé avec précision le plan même des
appartements impériaux. De ces campagnes successives est sortie la
belle restauration du palais qui, au Salon de 1910, valut à M. Hébrard
la médaille d'honneur. De là vient le présent livre, qui s'ajoute
dignement à la belle série des études où un architecte s'est associé
à un archéologue. Vous connaissez les monographies consacrées
ainsi à Olympie, à Kpidaure, à Delphes, à Pergame, à Sélinonte.
Le livre de MM. Hébrard et Zeiller, par les planches qui l'illustrent et
le texte qui les accompagne, fait bonne figure h côté de ses devan-
ciers et il justifie pleinement le concours bienveillant qu'à plusieurs
reprises, vous le savez, l'Académie a apporté aux recherches de
MM. /.ciller et Hébrard. »
SÉANCE DU 31 MAI
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Babelon donne communication d'une lettre de M. J. Tou-
tain qui annonce de nouvelles découvertes archéologiques faites
sur le plateau d'Alise-Sainte-Reine par la Société des sciences de
Semur. On vient de mettre au jour un hypocauste dont tous les
appareils sont conservés, une habitation gallo-romaine avec des
débris de toute sorte, et surtout des substructions gauloises sur
lesquelles s'est élevée la ville gallo-romaine. Ces substructions
achèvent de démontrer qu'un oppidum gaulois existait sur le
plateau d'Alesia avant la conquête de Jules César.
M. Omont communique à l'Académie une note sur un petit
manuscrit, orné de miniatures, récemment offert à la Biblio-
thèque nationale par M. le baron de Faviers. C'est un résumé
174 SÉANCE DU 34 MAI 1912
politique de l'histoire des rois de France, de Pharamond à
Louis XII, composé aux environs de l'an 1500 pour justifier
l'avènement de ce dernier prince à la couronne *.
M. Haussoullier annonce que la Commission du prix Dela-
lande-Guérineau a réparti comme il suit le revenu de la fonda-
tion :
800 francs à M. Maurice Brillant pour son ouvrage intitulé :
Les Secrétaires athéniens;
400 francs à M. François Sagot, auteur de l'ouvrage intitulé :
La Bretagne romaine.
M. le comte Paul Durrieu entretient l'Académie d'un livre
d'Heures de la Bibliothèque nationale (ms. latin 1156 A) qui a
appartenu au bon roi Bené. Le corps de ce volume est orné de
miniatures remarquables. M. Durrieu établit que celles-ci ont dû
être exécutées entre 1434 et 1438. Il indique d'autre part que
ces miniatures sortent du même atelier que les peintures de
plusieurs autres très beaux manuscrits tels que les Grandes
Heures de Rohan (ms. latin 9471 de la Bibliothèque nationale)
et les Heures à l'usage d'Angers de l'ancienne collection
Hamilton possédées aujourd'hui par M. Martin Le Boy. Enfin
M. Durrieu expose que l'atelier en question a dû avoir son prin-
cipal siège d'activité à Angers, mais travaillait aussi pour Troyes
en Champagne, et qu'il est vraisemblable que parmi ses chefs se
trouvaient des peintres-enlumineurs du nom de Lescuier, peut-
être d'origine parisienne, que l'on sait avoir opéré simultané-
ment à Angers et à Troyes, et dont le plus brillant représentant
fut Adenot Lescuier, enlumineur en titre de la reine Jeanne
de Laval, seconde femme du roi Bené.
M. Maurice Prou donne lecture d'une note de M. Joseph
Poux, archiviste du département de l'Aude, sur une vue de
Carcassonne faussement attribuée à l'an 1467 -.
M. Pottier lit une étude sur les Therielea vasa, qui paraîtra
dans le 47e fascicule du Dictionnaire des antiquités de M. Saglio.
1. Voir ci-après.
2. Voir ci-après.
RÉSUMÉ POLITIQUE DE L'HISTOIRE DES ROIS DE FRANCE 17o
Cette question assez obscure a déjà fait l'objet de nombreuses
dissertations, dont la plus ancienne a été présentée à l'Académie
des inscriptions par Larcher, en novembre 1778, il y a cent trente-
quatre ans. Sa notice a été imprimée en 1786, dans le tome XLIII
des Mémoires de l'Académie. Le texte d'Athénée sur le Théri-
kleios est assez développé (XI, p. 470 à 472) et contient de nom-
breux passages d'auteurs, tous postérieurs à la date où Ton
place le potier Thériclès, contemporain d'Aristophane. Il n'y a
pas de raisons de douter des innovations dues à ce céramiste
dans le décor des vases, encore plus que dans la forme, car les
descriptions faites s'appliquent fort bien à une série assez nom-
breuse de vases attiques de la fin du ve et du ive siècle, qui ont
pour caractère commun de laisser de côté les tableaux à person-
nages, de couvrir la poterie presque tout entière d'un vernis
noir brillant et de l'orner parfois d'une guirlande de feuillages
peints ou dorés. Athénée dit qu'il n'y avait pas seulement des
coupes, mais aussi des cratères théricléens; c'est ce que l'on
constate encore dans la réalité. En somme, l'invention de Théri-
clès correspond à une évolution de la céramique grecque qui
nous est connue maintenant par de nombreux spécimens conser-
vés dans les musées. On tendait de plus en plus à imiter la
vaisselle de métal et ses modes de décoration.
MM. Héron de Villefosse et Omont sont nommés membres
de la Commission des comptes.
COMMUNICATIONS
UN RESUME POLITIQUE DE L HISTOIRE DES ROIS DE FRANCE
ALT TEMPS DE LOUIS XII.
NOTE DE M. OMONT, MEMBRE DE L'ACADÉMIE.
La Bibliothèque nationale vient de recevoir d'un géné-
reux donateur, M. le baron de Faviers, un petit manuscrit,
dont l'Académie me permettra de lui signaler l'intérêt pour
176 RÉSUMÉ POLITIQUE DE l'iIJSTOIRE DES ROIS DE FRANCE
notre histoire. C'est un résumé de l'histoire des rois de
France, depuis Pharamond jusqu'à Louis XII, rédigé sans
doute au lendemain de l'avènement de ce dernier prince
et pour justifier son accession à la couronne.
Un opuscule composé dans le même but, Y Abrégé des
chroniques de France, dédié à Anne de France, duchesse
de Bourbon, par Regnault Havard, a été offert en 1733 à la
Bibliothèque du roi par un de nos anciens confrères, Antoine
Lancelot1. Le petit volume donné ces jours derniers par
M. le baron de Faviers paraît bien lui aussi avoir été exé-
cuté pour un prince ou une princesse de la maison de
France. Il ne porte aucun nom, ni aucune dédicace, mais la
présence des armes de France, peintes au bas du fol. v,
ainsi que l'élégance de son exécution permettent de lui
attribuer une semblable origine 2.
L'auteur anonyme de ce petit volume s'est appliqué à
donner pour la suite des rois de France de courtes notices,
rédigées invariablement sur le même plan. Après avoir
rappelé le nom du roi et celui de son père, il ajoute les
dates de son avènement et de sa mort, puis donne en une
page la caractéristique et le résumé des événements princi-
1. Ms. 4517 des nouvelles acquisitions du fonds français. Dérobé à nos
collections nationales dans la première moitié du xix° siècle, ce volume est
du nombre de ceux dont on doit le retour aux habiles et persévérants
efforts de notre regretté confrère L. Delisle; voir Catalogue des manu-
scrits des fonds Libri et Barrois (1888, p. 253-254). — Un petit résumé histo-
rique du même genre, offert par Jean de Candida à Charles VIII, encore
sous la régence de sa sœur, Anne de France, dame de Beaujeu, est
conservé à la Bibliothèque nationale sous le n° 10909 du fonds latin.
2. Ms. 11.119 des nouvelles acquisitions du fonds français. Parchemin,
xlviii feuillets. 146 mill. sur 100. Rel. anc. maroquin rouge, avec fleurs de
lis au dos. Ex-libris impr. du baron de Lambert.
Miniatures avec encadrement : Fol. 1. Couronnement de Pharamond. —
Fol. 5. Baptême de Clovis: S. Liénard [Léonard de Noblat] y est figuré,
contrairement à la légende, tenant Clovis sur les fonts. — Fol. xxxi v".
S. Louis servant les pauvres à table. — Fol. xliii v". Louis XII avec
le sceptre et la main de justice. — Aux fol. xlv-xlviii est une table, avec ce
titre: « Les noms des Roys de la trescrestienne maison de France. »
RÉSUMÉ POLITIQUE DE L'HISTOIRE DES ROIS DE FRANCE 177
paux de chaque règne. A Pharamond il rapporte l'institu-
tion de la loi salique ; pour Dagobert Ier, il ne rappelle que
ses donations à l'abbaye de Saint-Denys ; en Charlemagne
il ne voit que « le bras droit de l'Eglise », auquel les papes
ont concédé de nombreux privilèges, et en saint Louis que
le constructeur de la Sainte-Chapelle, où ce roi dépose les
reliques de la Passion. On n'y trouve aucune allusion à la
folie de Charles VI, et le nom de Jeanne d'Arc n'est pas cité
dans la notice, cependant très précise, consacrée au règne
de Charles VII.
Il suffira, pour faire apprécier le caractère et l'intérêt de
ce petit volume, de reproduire ici les quelques extraits sui-
vants, relatifs aux règnes de Pharamond, Clovis Ier, Dago-
bert Ier, Charlemagne, Philippe II Auguste, Louis IX,
Charles V et ses successeurs.
Pharamon. (Fol. i.)
Pharamon, filz de Marchomires, duc el seigneur des François,
l'ut esleu roy de France l'an imc xix. et deceda, payen, comme
son père, le XIe an de son règne Tan imc xxx.
Ledit roy Pharamon fut preux et vaillant en armes et gou-
verna moult noblement le royaume selon la loy qu'il tenoit. Il
se tint en Germanie et abaissa fort la domination et force des
Romains, qu'ilz avoient en France. Soubz luy commencèrent
les Françoys a ordonner et user de loix pour juger les causes
des questions et debatz qui sourvenoient entre eulx et ordon-
nèrent quatre nobles saiges barons François, qui instituèrent la
loy salicque et des lors fut ordonné que jamais lille ne succedc-
roit ou règne ne ou royaulme.
Clovis premier. (Fol. v.)
Clovis, tilz du roy Childeric, fut le premier roy chreslien
l'an iiij'' m" iiij. et deceda le xxx*' an de son règne, l'an cinq
cens xmj.
Ledit roy Clovis estant lors payen ot bataille à l'encontre des
178 RÉSUMÉ POLITIQUE DE l'hISTOIRE DES ROIS DE FRANCE
Alemans et luy voyant qu'il estoit le plus foible et désespérant
de la victoire avoir, commença a invocquer et requérir le Dieu
que la royne Clote, sa compaigne, crovoit et adoroit, luy pro-
mettant que s'il luy aidoit, qu'il se feroit chrestien. Et ce dit,
Xostre Seigneur Jhesu Christ exaulsa sa prière et luy donna
victoire à l'encontre desdits Alemans, qui s'enfouyrent après ce
que leur roy fut occis. Et au retour de ladite bataille il fut
baptizié, le xve an de son règne, l'an iiijc mj" xix, par saint
Remy, arcevesque de Reins; et en le baptizant le saint Esperit,
en semblance de coulon, apporta en son bec la saincte onction
du ciel, dont il fut enoinct. Il fonda à Paris l'église de saint
Pierre et saint Pol, a présent appelée sainte Geneviefve.
Dagobert premier. Fol. IX.)
Dagobert premier de ce nom, filz du roy Clotaire ije, fut roy
l'an vie xxxj et deceda le xiiije an de son règne, l'an vic xlv.
Ledit roy Dagobert feist lever de terre le corps de saint Denis
et ses compaignons Ruth et Eleuthere, qui lors estoient en
l'église de saint Denis de l'Estrée en France, et feist construire
l'église et abbaye ou ils sont de présent, qui y furent mis et
transportez a grande solennité, laquelle Xostre Seigneur dédia
en personne. Il feist faire par saint Eloy, evesque de Xoyon,
une croix d'or, qui est de sumptueulx et riche ouvraige, qu'il
donna a ladicte église, et la fonda et dota de plusieurs bonnes
rentes, revenues et possessions.
Charlemaine. (Fol. XVII v°.)
Charleniaine, filz du roy Pépin, fut roy l'an vijc lxvnj. et
empereur l'an vnjc, et deceda le xlvje an de son règne, l'an vujc
xnij. et de son empire le xmje, en l'aaige de lxxij. ans.
Ledit roy Charlemaine a tousjours esté le bras dextre de
l'Eglise et en son temps feist quatre voyaiges a Homme pour la
conservation des droictures de l'Eglise et pour donner ayde et
secours aux sainctz Pères en leurs neccessitez et tribulations. Et
y fut couronné empereur le jour de la Nativité Xostre Seigneur,
l'an vnjc par le pape Léon nje, qu'il remisl en son siège papal.
RÉSUMÉ POLITKjlE DE L'HISTOIRE DES ROIS DE FRANCE 479
dont il avoit esté desmis. Et furent donnez audit Charlemaine
plusieurs beaulx previleiges, dont ses successeurs roys jouyssent.
PlIELIl'PE DlEUDONNÉ. (Fol. XXIX V°.)
Phelippe deuxième de ce nom, dit Dieudonné Auguste et le
conquérant, fdz du roy Loys le pileux, fut coronné roy du
vivant de son père Tau mil cent lxxix. et deceda le xlmj'' an de
son règne mil ijc xxiij.
Ledit roy Phelippe fut fort chevalereux; il eut victoire au
pont a Bovines en Flandres, a rencontre de Othon, lors privé de
l'Empire, et Ferrant, conte dudit pays de Flandres. Il y feist de
grandes vaillances de sa personne et se mist tout le premier ou
front de la bataille, et fut abatu par terre de dessus son cheval
par les gens de pie et depuis remonté sur ung destrier fort
legierement. 11 feist amener ledit Ferrant prisonnier en la grosse
tour du Louvre à Paris, ou il fut xmj. ans en une chappe de
plomb. Pour mémoire de laquelle victoire, et aussi de celle que
son filz ainsné Loys ot en Anjou, ce mesme jour, a l'encontre
du roy Jehau d'Angleterre, ledit roy Phelippe fonda l'abbaye de
la Victoire près Senlis.
Sainct Loys. (Fol. xxxi v°.)
Sainct Loys, fils du roy Loys dit Léon, fut roy mil ijc xxvj.
et deceda le xlmje an de son règne mil ijc lxx.
Ledit sainct Loys acomplist en son temps toutes les euvres de
miséricorde et feist faire la Saincte Chappelle en son palais à
Paris pour y mettre la saincte couronne, dont Nostre Seigneur
fut couronné, et autres sainctes relicques de sa passion, qu'il
pourchassa et désengagea envers l'empereur Baudouyn de
Constantinoble, qui estoit venu devers luy pour avoir secours
pour la deffence de la Terre saincte.
Charles le quint. (Fol. xxxvm.)
Charles cinquiesme de ce nom, dit le saige, filz aisné du roy
Jehan, fut roy l'an mil nj° lxmj. et deceda le xvij8 an de son
règne l'an mil iijc mj".
1912. |3
180 RÉSUMÉ POLITIQUE DE L'HISTOIRE DES 110IS DE FRANCE
Ledit roy Charles, par sa grant prudence et conduicte bien
ordonnée, feist en son temps six choses particulières, dignes de
mémoire. Il acquesta, ediffîa, fonda son demaine, deschargea,
batailla et thesauriza au prouffit et honneur de la couronne de
la treschrestienne maison de France. Et est celuy dont le roy
d'Angleterre, Kddouart de Widesore, son ennemy, disoit souvent
ces motz : « Il n'y ot oncques mais roy qui moins se armast, et
si n'y ot oncques roy qui tant de peine me donnast. » Il disoit
vray, car par sa grant prudence et bonne chevalerie il le chassa
du tout hors du royaulme de France.
Charles VIe. (Fol. xxxix.)
Charles vje de ce nom , cl i t le bien aymé. filz aisné du roy
Charles le quint, fut roy mil iijc iiijvx. et deceda le xlnje an de
son règne mil iijc xxij.
Ledit roy Charles vje, a la prière et requeste de son cousin
Loys, conte de Flandres, alla a grant ost oudit pays de Flandres
pour la rébellion que les Flamens faisoient audit conté et y
porta rauritlambe, dont avoit la charge messire Pierre de
Villiers, laquelle il feist desployer sur lesdits Flamens a Rose-
becque, et incontinant le temps qui avoit es^é v. ou vj. jours
fort trouble et obscur devint bel et cler, si que les batailles se
entreveirént et s'approchèrent, ou il y ot dure bataille et aspre,
et furent lesdits Flamens desconfitz et leur cappitaine Jacques
d'Artevelle mort, et y en demoura au champ quarante mille
Flamens mors et occis.
Charles vije. (Fol. xL)
Charles vije de ce nom, dit le bien servy, filz du roy Charles \ y ',
fut roy mil mjc xxij. et deceda le xxixe an de son règne
mil mjc lxj.
Ledit roy Charles vije trouva son royaulme bien empeschié de
ses anciens ennemys les Angloys, mais par l'ayde divin et de sa
bonne chevalerie il les en chassa dehors et a diverses foiz en
feist grande occision, et entre autres ou siège d'Orléans a la
journée de Patay, ou Talbol fut prins, ou siège de Laigny sur
RÉSUMÉ POLITIQUE DU L'HISTOIRE DES ROIS DU FRANCE 181
Marne, à Gerberoy, ;i la prinse et reducion de sa bonne ville
et cité de Paris, ou siège de Pontoise, a la conqueste du pays et
duchié de Normandie, a Fremigny, a la conqueste de Guyenne
première et seconde, a la journée de Castillon et a maintes
autres prinses de villes, places, forteresses et cbasteaulx, et
tellement qu'il laissa a son decés son royaulme en aussi bonne
paix, justice et tranquilité qu'il l'eust depuis le roy Glovis
premier chrestien.
LOYS LE VICTORIEUX. (Fol. XLI.)
Loys, dit le victorieux, filz du roy Gliarles vij'', fut roy
mil mjc lxj. et deceda le xxiij8 an de son règne mil cccc hij"" m.
Ledit roy Loys par sa grant prudence se deffendit de la plus
part des prjnces et seigneurs de France, qui en l'an mil iiij( lxv.
se esleverent a l'encontre de lui et le vindrent assiéger dedans
sa bonne ville et cité de Paris, capital de son royaulme, ou ilz
furent longuement a grande et merveilleuse puissance, et telle-
ment qu'ilz s'en allèrent et retournèrent chacun en son pays a
grant perte et dommaige de leurs gens. Et aussi chassa les
Angloys qui estoient descenduz en son pays de Picardie et s'en
retournèrent sans y mal faire en Angleterre.
Charles viij". (Fol. xlii.)
Charles viij1' de ce nom, lilz du roy Loys le victorieux, fut roy
mil ni]1' iiijxv trois, et deceda le xve an de son règne l'an mil
iiij'- [II]" XVI] .
Ledit roy Charles a par son bon conseil regy et gouverne'' son
royaulme et ses subgetz en bonne paix et a chassie les Anglois
descenduz en son royaulme près Bouloigne sur la mer, et aussi
a passé les monts, a grande chevalerie et puissance d'armes, et
a conquis et mis en son obéissance son royaulme de Cecille,
puis retourné en France par Lombardie et résisté à tous ses
ennemys estans en grant nombre, luy empeschanl passai ge.
Puis alla remereyer le glorieux appostre de France monseigneur
saint Denis et remettre les corps sainclz de lui et de ses compai-
gnons en leurs anciens lieux, donl il/, avoient esté ostez et
182 VUE DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A LAN 1467
apportez sur le grant autel du cuer de l'église durant son
voyaige de la les mons.
Loys d'Orléans régnant. (Fol. xliii v°.)
Loys d'Orléans, lilz de Charles, duc d'Orléans, descendu de
père a lîlz du roy Charles le quint, fut roy l'an mil injc iiij"'xyij.
et règne a présent.
UNE VUE DE CARCASSONNE FAUSSEMENT ATTRIBUÉE A L'AN 1467,
PAR M. JOSEPH POUX.
Le Département des Estampes de la Bibliothèque natio-
nale conserve, sous la cote Va 17, fol. 26 *, un dessin à la
plume relevé d'un « coloriage lavé à la colle » 2 représen-
tant une vue perspective des deux consulats de Garcas-
sonne (Cité et Bourg) et le Moulin du Roi. construit sur la
rivière d'Aude, au pied du talus occidental de la Cité.
Mahul, qui fait figurer la pièce dans la nomenclature des
titres relatifs au moulin, lui assigne pour date l'année 1467
et reproduit la rubrique inscrite au dos de la pièce : Le
moulin de Carcassonne en figure. Il ajoute que la suite de
la « légende », tracée « en caractères de l'époque », expose
que le 18 mai 1467. le procureur et l'avocat du roi se
transportèrent au moulin pour faire procéder à la rédaction
d'un état de réparations des bâtiments.
Vingt et un ans avant l'apparition du tome V du Cartu-
laire d'où sont extraits les détails ci-dessus, Cros-Mavre-
vieille.avait donné une copie en réduction de la pièce (1846).
La publication avait à cette époque tout l'attrait de l'inédit,
car l'excellent archéologue venait de découvrir l'original du
Cabinet des Estampes et en avait le premier relevé la cote
1. Topographie de la France : Aude.
2. Mahul, Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse et de
l'arrondissement administratif de Carcassonne, Paris, 1867, t. V. p. Toi.
VUE DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A l'an 1 4T)7 183
sur les anciens inventaires, où il figurait sous le n° 7402,
fol. 40. La planche insérée en tête du tome Ier de Y Histoire
du comté et de la vicomte de Carcassonnc 1 est une litho-
graphie signée par Certain, de Carcassonne. Elle mesure
2g5 mm (je largeur sur lS3mm de hauteur'2, et mentionne
dans le coin inférieur, à gauche, un peu au-dessous du
double fdet de l'encadrement, le numéro d'inscription du
modèle au dépôt d'origine 3. La planche est accompagnée
d'une légende tracée dans le champ de la marge inférieure :
La Cité et le Bourg de Carcassonne en MCCCCLXVII.
Cette reproduction n'est pas, à proprement parler, un fac-
similé. Son développement est égal au tiers à peine de la
surface totale de l'original. Limitée en outre aux détails
essentiels, elle n'est, à vrai dire, qu'un simple croquis au
trait, sans ombres ni hachures, donnant la silhouette géné-
rale, les contours apparents des ouvrages et édifices.
Ce qui laisse à supposer que Mahul avait reconnu les
lacunes de cette édition, c'est qu'il confia à un second
artiste carcassonnais, Ch. Falip, le soin d'exécuter une
nouvelle planche lithographique pour la 2e partie du tome VI
de son Cartulaire, éditée en 1883 par V. Didron et Dumou-
lin 4. Falip adopta pour son œuvre une échelle correspon-
dant, à peu de chose près, à la moitié des dimensions de
la feuille du Cabinet des Estampes •"'. Dans l'exécution, il
1. Paris, J.-B. Dumoulin, 1846, in-8°.
2. Ces mesures sont prises sur l'encadrement : avec les marges, la
planche mesure 31" X 237 ,nm.
3. Bibliothèque Royale; Estampes, n° 7402, f° 40. — M. l'abbé Sabarthès
reproduit cette cote en substituant par erreur lig. 4 à f ° 40 (Bibliographie de
VAude, n° 879, dans Bulletin de lu Commission archéologique de Narbonne,
t. XII, 1912-1013, p. 94).
4. Cette planche est encartée entre les pages 364 et 365. — Un nouveau
tirage de la planche établie par Falip est placé en tête de l'ouvrage de
Louis Fédié, Histoire de Carcassonne, Ville basse et Cité (Carcassonne,
F. Pomiès, s. d., in-8°).
5. Soit 363 X 190""", mesures prises sur le premier filet de l'encadrement
intérieur; la feuille, marges comprises, a 120 sur 26i""n.
184 VUE DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A LAN 1 4G7
prit soin d'accentuer le relief de l'image par l'emploi de
hachures et de menus traits qui expriment les ondulations
du sol, la fuite des eaux courantes ; il distingua au moyen
de légers quadrillés les ombres des jours, et différencia par
un procédé analogue les surfaces en toiture du corps des
édifices.
On ne saurait regarder comme une troisième édition la
minuscule vignette qui illustre le double tirage du livre de
M. Victor Boyer1. Ce n'est qu'un extrait, assez fidèlement
emprunté par M. G. Plauzolles, à la planche de Ch. Falip 2.
Malheureusement le tirage typographique a aggravé certains
défauts du modèle, en sorte que ce dessin n'offre plus
qu'une assez lointaine ressemblance avec le prototype pari-
sien.
Ainsi diversement tronqué, voire défiguré, le plan de la
Bibliothèque nationale, connu uniquement par les éditions
que je viens d'énumérer, n'en a pas moins constitué, de
4846 à nos jours, l'une des pierres d'assise des discussions
nombreuses auxquelles l'étude de la Cité a donné lieu.
Récemment encore, le service des Monuments historiques
s'est formellement autorisé de cette pièce pour rétablir dans
le soi-disant style du xme siècle la couverture des tours de
l'enceinte extérieure3. Les protestations élevées de tous
1. La Cité de Carcassonne, Paris, Georges Chamerot, 1884, in-8°; —
Carcassonne, E. Roudière, 1902, in-8°. Le dessin (p. 26 de la lre édition,
p. 28 de la seconde) n'a que 140 sur 65""".
2. L'extrait comprend seulement la Cité, le Pont et le Moulin du Roi. La
légende est ainsi conçue : Cité et Pont. D'après un plan, dessin de 1467.
.'5. Cf. à ce sujet les déclarations faites à la Société des arls et sciences
de Carcassonne, le 2 mai 1909, par M. Vassas, architecte délégué par le
Gouvernement à la surveillance des travaux de la Cité. Au cours de la
séance, M. Rouiïet s'exprima clans les termes suivants sur le dessin en
question : « S'il est un document peu probant et d'une valeur tout au moins
douteuse, c'est bien ce plan de 1467, qui n'est qu'une image dont l'auteur
n'avait peut-être bien jamais vu notre Cité. Toutes les tours y sont repré-
sentées avec des toits pointus, et, chose bizarre, la basilique de Saint -
Nazaire est couverte en dôme, ce qui, on peul L'affirmer, est de pure fan-
taisie. » Mémoires de la Société des arls et sciences de Carcassonne,
2" série, t. VI, L910, p. I*.
VUE DE CARCASSONNE ATTHIHl'ÉE A l'an 1 107 185
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186 VUE DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A l'an 1467
les côtés contre cette nouvelle hardiesse des architectes
ne pouvaient manquer d'aboutir à une enquête approfondie
sur la date et les origines d'un document auquel on atta-
chait, dans les milieux officiels, une si haute valeur pro-
bante. Des recherches ont été effectuées à Paris, non sans
succès, par M. Pierre Embry, auquel MM. les fonction-
naires de la Bibliothèque nationale ont prêté leur concours
bienveillant et empressé ' ; en voici les résultats.
Le dessin qui nous occupe s'étale sur toute la surface
dune feuille rectangulaire dont la largeur (820 mm) atteint
presque le double de la hauteur (422 nim) (%. 1) 2.
Cette feuille est collée sur une garde moderne en papier
fort, dans laquelle on a pris soin de ménager une échan-
crure3 pour démasquer l'inscription suivante tracée, au
verso, à même la feuille de dessin : Le moulin de Car™
en figure. Le calque que j'ai sous les yeux ne permet
pas d'assigner à cette rubrique une époque antérieure à
l'extrême fin du xvie siècle ni postérieure au second tiers
du xviie (fig. 2)4. C'est aussi au xvir9 siècle qu'appar-
tiennent le millésime 1462 en chiffres arabes qui se lit dans le
coin supérieur gauche du recto, ainsi que le mot Carcassonne
qui fait pendant au millésime dans l'angle supérieur droit.
Dans un espace libre, au bas et à droite de la feuille, l'œil
est attiré par huit lignes d'écriture :\ tracées indubitable-
ment par un scribe du xve siècle (fig. 3) :
Le XXVIIIe jour de may mil CCCCLXII, messires les
seneschal, trésorier, advocat et procureur du Roy, juge
1. Je suis personnellement heureux de remercier ici mes très obligeants
confrères MM. Courboin, conservateur, Aubert, bibliothécaire au dépar-
tement des estampes, et Couderc, conservateur adjoint au département
des manuscrits.
2. La planche n'a pas de marges.
3. LYchanorure, en forme de rectangle barlong. a 125""" de long sur 26"""
de haut.
4. C'est aussi l'opinion de M. Couderc.
b. Cursive menue et régulière.
VUE DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A LAN 1407
187
ordinaire et autres de la seneschaucée de Garcassonne,
acompaignez des maistres des euvres et autres ouvriers de
lad. seneschaucée, se transportèrent au molin du Koy
assiz dessoub/. la cité de Garcassonne en la rivière d'Aude,
! *
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près et devant le boluart du chastel d'icelle cité, pour
veoir et visiter lesd. molin s, afin de savoir les reparacions
qui y sont neccessaires. Lesquelz maistres, tout veu et
visité, ont dit et rapporté esd. niolins estre neccessaire à
faire les reparacions qui s'ensuivent.
188 VUE DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A LAN 1467
Dès les premiers mots, on s'étonne de l'obstination
malheureuse qui, dans deux éditions consécutives et à près
de quarante ans d'intervalle, a fait substituer indûment à
la date exprimée la date erronée de 1467, car en admettant
que Cros-Mayrevieille et Mahul aient commis l'imprudence
de s'en rapporter sur ce point au témoignage de tiers médio-
crement instruits de la paléographie du moyen âge, ceux-ci,
du moins, ne pouvaient éprouver aucun embarras à lire la
date 1 462, inscrite en chiffres modernes au recto de l'ori-
ginal.
Autre remarque. Il convient assurément de se montrer
indulgent pour la seconde erreur où tombe Mahul quand il
laisse entendre * que l'inscription du verso et « le reste de
la légende » sont de la même main; pourtant, on est
bien forcé de taxer cet auteur d'imprécision, lorsque, au
cours de l'analvse de la relation consacrée à la visite du
moulin, il omet de mentionner, aux côtés du procureur et
de l'avocat du roi, deux autres dignitaires : le trésorier et
le juge ordinaire, plus les maîtres d'oeuvres, leurs compa-
gnons, et le sénéchal lui-même qui n'était cependant pas,
dans l'espèce, le plus mince personnage-.
Toutefois ces critiques de détail n'entraîneraient pas la
condamnation définitive de Cros-Mayrevieille et Mahul, si
un fait irrécusable ne venait attester qu'en attribuant au
XVe siècle une œuvre qui appartient manifestement au
xvne, les deux érudits se sont mépris entièrement. L'erreur
est même si brutale qu'elle ne peut être, à mon sentiment,
1. Mahul n'est pas strictement affirmât if, mais voici comment il
s'exprime : « On trouve la vue perspective du Moulin du Roy à cette date
[1 «67] avec cette légende : « Le moulin de Carcassonne en figure. » Le reste
de la légende, en caractères de l'époque, dit etc. » Cartulaire, t. V, p. 734.
2. A en juger par le tour de la rédaction. Mahul pourrait bien n'avoir
oumu le texte en question qu'à travers une analyse ancienne et tronquée :
« ... il y eut, dit-il. transport du procureur et de l'advocat du Roy,... afin
de savoir les réparations qui y sont nécessitées... •> C'est là un style
bizarre et incontestablement archaïque. Ne Berions-nous pas en présence
d'une simple transcription décote.'
VUE' DE CARCASSONNE ATTRIBUÉE A LAN 1 407 189
que le résultat d'une mystification. Avec tout le respect
qui s'attache à la réputation de probité des deux auteurs,
je crois pouvoir affirmer que ni l'un ni l'autre n'a eu en
mains l'original qu'il croyait de bonne foi reproduire'.
Qu'on veuille bien se reporter à la légende du verso et à
la double inscription de la partie supérieure du recto. J'ai
déjà dit que les caractères de l'écriture inclinaient l'obser-
vateur à dater le document du xvne siècle. Cette impression
n'est pas détruite par l'examen de la pseudo-légende du
28 mai 1462. Etrange légende, en vérité, ce préambule qui
s'interrompt brusquement sur l'annonce d'une suite : Les-
quels maistres, tout veu et visité, ont dit et rapporté esd.
molins estre neccessaire à faire les reparacions qui s'en-
suivent Et effectivement, nous nous trouvons en présence
d'un lambeau de texte détaché à coups de ciseaux d'un acte
étranger et appliqué, sans plus d'apprêt, contre l'image.
La superposition apparaît très nettement sur le facsimilé
photographique de M. Pierre Embry. On n'a pas de peine à
suivre des yeux, sur les quatre côtés, la bordure de la bande
rectangulaire du xv° siècle habilement collée ; on observe,
au-dessous du champ de l'inscription, l'interruption anor-
male de la surface coloriée avec les points de raccord; on
distingue enfin le grain différent des papiers.
Une surcharge aussi manifeste ne saurait, en bonne cri-
tique, passer pour un certificat d'origine, d'autant que par
ailleurs, la provenance du dessin peut être précisée. Déjà,
eu 1883, Mahul avait expressément indiqué le fonds Gai-
ernières2. En 1891, M. Henri Bouchot a confirmé cette ori-
gine. Sous le n° o 0 7 i et la désignation : Le moulin de
Carcassonne en figure [aquarelle), la planche 26 du recueil
1. J'ai La certitude, d'autre part, que Cros-Mayrevieille et Mahul ont
souvent utilisé les services île copistes â gages.
2. « Voir, dit-il, Bibliothèque impériale. Cabinet des Estampes, fonds
Gaignères sic . n° 7402, f" io. ., Cartalaire, t. V, p. 7ji, et t. VI, •>* partie,
p. 357.
190 VUE DE CARCASSOXNE ATTRIBUÉE A l'an 1467
Va 17 est mentionnée dans YInventaire des dessins exécutés
pour Roger de Gaiffnières et conservés aux Départements
des Estampes et des Manuscrits ^."fca 'formation des collec-
tions de R. de Gaignières se plaçant approximativement
entre les années 1670 et 1711 2, l'époque probable du dessin
qui nous occupe se trouve à peu près circonscrite, et la
tentative pour avancer cette époque de deux cents ans, à la
faveur d'un assez grossier maquillage, ne saurait tenir
devant la contradiction flagrante qui résulte de la triple
inscription du xvne siècle, consignée sur les deux faces de
l'original 3.
On objectera que la planche du xvne siècle peut être la
copie d'un dessin plus ancien ; mais, dans cette hypothèse,
il resterait à établir l'existence d'un modèle primitif : c'est
élargir, sans plus, le domaine des conjectures.
En attendant la découverte décisive qui permettra de
fixer la date certaine de la pièce qui fait l'objet de la pré-
sente note, on est en droit, semble-t-il, d'imputer, dès main-
tenant, à la charge des premiers éditeurs, une grosse erreur
de méthode. Des divers éléments susceptibles d'éclairer
leur critique, ils ont délibérément retenu les plus incer-
tains; je persiste à juger plus prudent de n'admettre en
compte, pour le moment, que ceux précisément qu'ils ont
dédaignés.
1. Paris, Plon-Nourrit, 1891.
2. C'est en 1711 que Roger de Gaignières fit don de ses collections au
Cabinet du roi; il mourut en 1715.
3. En outre, M. Pierre Embry, mon correspondant et ami. a été frappé
de la fraîcheur du dessin et de la couleur : il estime ce détail assez peu
compatible avec l'époque reculée qu'on s'accordait jusqu'à ce jour à assi-
gner à l'œuvre.
191
LIVRES OFFERTS
M. Bernard Haussoullieh a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de l'auteur M. Georges
P. Oikonomos, éphore des antiquités, une série d'articles sur les
fouilles qu'il dirige dans l'ancienne Agora d'Athènes, au Nord du
temple connu sous le nom de Théseion.
« Les fouilles sur l'Agora ont été entreprises par la Société archéo-
logique d'Athènes, dès 1907, mais ce qui rend les dernières cam-
pagnes particulièrement intéressantes, c'est que, à en juger par les
inscriptions découvertes et par d'autres indices, elles se poursuivent
dans le voisinage du Mêtrôon, ou temple de la Mère des Dieux, qui
renfermait les archives athéniennes.
« M. Georges P. Oikonomos se borne aujourd'hui à publier les
inscriptions mises au jour par M. Kavvadias ou par lui-même. Il le
fait avec grand soin et sa publication ne mérite que des éloges. »
M. Pottier offre à l'Académie le tome XIII des Mémoires de la
Délégation en Perse. Il s'excuse de parler d'un ouvrage dont il est en
grande partie l'auteur, mais il ne veut pas laisser à d'autres le soin
de dire l'admiration et la gratitude que lui inspirent les découvertes
de Suse. Depuis que M. et Mme Dieulafoy ont pris possession de cet
emplacement, la France s'est enrichie d'une façon inespérée, soit par
les fouilles de ces premiers explorateurs, soit par celles de leurs
continuateurs. Grâce à eux, le Louvre a pu remplir quatre grandes
salles des monuments les plus précieux pour l'histoire de la civilisa-
tion orientale. On ne saurait dire à quel point ils ont transformé nos
collections et décuplé nos richesses. Le nouveau volume, qui est le
treizième de la série et qui atteste avec quelle rapidité la Mission de
Morgan publie ses trouvailles, est consacré en particulier à la céra-
mique. Elle se présente, dans les couches les plus profondes du tell,
sous l'aspect inattendu d'une poterie extrêmement fine et soignée,
décorée avec un art savant et ingénieux, où non seulement les com-
binaisons linéaires, mais la stylisation des animaux joue un rôle
important. On y constate deux périodes différentes, une de perfec-
tion, l'autre de décadence, qui attestent la longévité de cet art et la
durée homogène de la puissance proto-élamile, déjà représentée dans
les textes comme la rivale redoutée de la Chaldée. Rapprochée des
petits monuments archaïques, recueillis dans les mêmes tranchées,
192 LIVRES OFFERTS
et en particulier de curieuses sculptures taillées dans une matière
noire et bitumineuse, cette céramique permet d'établir approxima-
tivement la date de cette civilisation si ancienne, contemporaine
dans sa décadence des patésis de Tello, et par conséquent antérieure
dans sa maturité à l'art sumérien des cités avoisinant le Golfe per-
sique. Elle ne peut guère être postérieure à l'an 3000, dans les
évolutions les plus modérées. En outre, cette poterie peinte permet
d'envisager sous un jour tout nouveau de graves questions histo-
riques, comme celle des rapports anciens de l'Egypte avec la Méso-
potamie et l'Elam, celle des relations du monde égéen.avec l'Asie.
Surtout elle affirme l'existence en Orient d'une peinture de vases,
dont on ne soupçonnait pas la valeur, et dont on découvre les rami-
fications dans uneaire très étendue, qui englobe la région transcas-
pienne, l'Assyrie, l'Arménie, toute l'Asie Mineure, la Palestine. Il y
a peut-être, en Orient, autant de fabriques de vases peints que dans
les pays grecs, ce qui fait entrevoir un champ d'études indéfinies
pour l'avenir.
Nous devons donc exprimer notre vive reconnaissance à M. de
Morgan et à ses collaborateurs pour de si belles et de si neuves
découvertes. M. Pottier remercie, en outre, les savants qui ont
bien voulu collaborer avec lui à ce volume et lui apporter une aide
précieuse pour l'explication -des monuments: M. de Morgan par sa
préface et son chapitre d'introduction; M. de Mecquenem par son
catalogue des vases exposés au Louvre; M. Le Chatelier, de l'Acadé-
démie des sciences, par son analyse de la matière bitumineuse;
M. Granger et M. Couyat-Barthoux par leur examen des pâtes argi-
leuses, des couleurs et des procédés de fabrication; M. Lecaisne par
sa note sur les tissus, probablement les plus anciennement connus,
qui adhèrent encore à quelques haches en cuivre recueillies dans la
nécropole; M. Bondoux par les excellentes aquarelles qu'il a faites
de plusieurs poteries reproduites dans des planches en couleurs ;
M. Maurice Pézard qui a bien voulu surveiller l'impression et revoir
de son côté les épreuves.
193
APPENDICE
LES FOUILLES DL' THASOS (1"' PARTIE),
PAR M. CHAULES PICARD.
Reprenant une lointaine tradition ', l'Ecole Française,
d'accord avec le Musée impérial ottoman '-', a commencé,
en 1911, des recherches archéologiques dans l'île de Thasos,
à Liménas, sur l'emplacement de l'antique capitale (fig. 1).
Vers la fin de l'année 1910, à la suite d'un voyage fait en
compagnie de M. A.-J. Heinach à travers la Ghersonèse et
l'Archipel thrace 3, j'avais signalé à M. Holleaux, directeur
de l'Ecole Française, l'intérêt qu'il y aurait à commencer
à Thasos une exploration méthodique. L'abondance et la
richesse artistique des documents mis au jour presque
chaque année dans l'île, par les fouilles clandestines ou les
trouvailles fortuites 4, faisaient souhaiter un effort svstéma-
1. A la suite de M. Perrot, qui fut le premier explorateur de l'île (1856),
les voyageurs français sont revenus fréquemment à Thasos ; on sait de
quels précieux documents les Touilles de Miller (1863) ont enrichi le Louvre.
Plus récemment, MM. S. Reinach (1882), A. de Ridder (1892), G. Mendel
('894) ont ouvert la voie, et prouvé, par le succès de leurs recherches, la
nécessité d'une exploration. Il faut joindre à cette liste le nom de M. W.
Déonna, membre de la section étrangère (1907-1909). On trouvera mention
de ces voyages dans la bibliographie que donne l'Introduction des /. G.,
XII, 8, p. 82-3, et Suppl.', p. vin ; ajoutez Déonna, 'EçYia.àpy ., 1909,
p. 1 et suiv.
2. Nous adressons ici tous nos remerciements à S. E. Halil-Bey, direc-
teur du Musée Impérial, et à M. Mendel, conservateur, qui, après nous
avoir facilité l'obtention du firman, ont contribué à apaiser, par leur
intervention, les difficultés inévitables dans toute entreprise à ses débuts.
3. Cf., /)'n//. corr. hell., XXXVI. 1912, p. 275 et suiv. (pour la première
partie).
4. Cf., pour les derniers temps seulement : Sit te, Thasische Anii7cen,dans
les Wiener J&hreshef te, XI, 1908, p. 212 et suiv.; (i. Mendel, lier, de (Art
une. cl mod., XX, vu. 1910, p. loi et suiv.
194 FOUILLES DE THASOS
tique, qui arrêtât au moins la dispersion des inscriptions et
des œuvres d'art, souvent perdues pour la science, faute de
provenance contrôlée. On pouvait espérer aussi qu'une
recherche régulière amènerait des découvertes nouvelles,
là où le hasard s'était montré prodigue. M. Holleaux voulut
bien s'associer à ces vues, et encourager nos projets. Malgré
les difficultés de l'entreprise1, les résultats n'ont point
trompé l'attente.
Le firman autorisant les travaux nous a été accordé en
avril 1911. Le i mai, assisté de M. Ch. Avezou, j'ai ouvert
à l'Acropole le premier chantier, cependant que M. Ad.-J.
Reinach commençait des recherches dans la plaine, près
du téménos d'Artémis Pôlô 2 nouvellement découvert. Les
fouilles et le relevé des travaux ont occupé deux mois.
M. Avezou m'a prêté constamment son concours. Les
photographies jointes à ce compte rendu sont notre œuvre
commune. Les résultats ici exposés doivent être considérés
comme dus à notre collaboration.
Le plan arrêté pour la première campagne comportait
l'étude d'une partie de l'enceinte hellénique et du temple
voisin de l'Acropole. C'est ce programme qui a été suivi.
Nos recherches, près de l'enceinte hellénique, nous ont
1. L'île de Thasos, peuplée presque uniquement de Grecs, a été reprise
en 1902 par le gouvernement ottoman à l'administration égyptienne, mais
les Wakoufs khédiviaux. constitués par l'héritage de Méhémet-Ali, à qui
la Porte avait fait présent de l'île, en occupent une partie. S. H. le Khédive
a bien voulu nous autoriser éventuellement à fouiller ces terrains ; nous
l'en remercions très vivement. Les couvents de l'Athos (Vatopédi. Panto-
kratôrj, sont aussi possesseurs de nombreuses propriétés. Le champ d'où
l'on a exhumé l'Arc de triomphe de Garacalla appartient notamment au
Vatopédi. Après négociation, le couvent a bien voulu autoriser nos
recherches. Il faut ajouter, parmi les causes qui rendent difficile la tâche
des archéologues à Thasos, le morcellement de la propriété, l'envahisse-
ment des maisons, la cherté de la main-d'œuvre.
2. Le nom de la déesse doit être donné sous cette forme, et non avec
l'orthographe Polos, que j'avais à tort adoptée Eéviot do Jubilé de V Univers
d'Athènes, 1912, 8eoi btiçaveïç, p. 67 et suiv.), d'après VArch. Anzeiger,
1910, p. 1 il. a« 3.
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196 FOUILLES DE TllASOS
amené seulement k joindre à la fouille l'étude de la porte
romaine dite ci-après : Arc de triomphe de Caracalla.
I. l'enceinte hellénique.
Nous commencerons par là le compte rendu sommaire de
nos travaux. Quelques sondages au Nord, où la direction
générale de la muraille était déjà repérée, ont dégagé un
quai fortiiié '. D'après l'appareil, on rapporterait cet
ouvrage, sur lequel nous ne pouvons insister ici, à la
reconstruction de l'enceinte commencée en 412-411, au
moment de la révolution des oligarques 2. Les travaux
seront poursuivis.
A l'Ouest, à quelque distance de la tour dite de Sonaç
Eùrcôpou, reconstituée au IIe siècle avant J.-C. 3, l'existence
d'une autre tour a été pressentie par un sondage, qui a
amené la découverte d'une centaine d'anses d'amphores
timbrées 4, de terres cuites hellénistiques, et d'un bas-
relief funéraire romain assez grossier.
J'ai déblayé complètement la première porte qu'on ren-
contre ensuite vers le Sud. Elle était signalée par la pré-
sence d'une stèle sculptée (fig. 2, a), que, dans un article
documenté, M. G. Mendel a fait connaître 5. Contrairement
à l'avis de M. Mendel, je ne pense pas que le bas-relief
représente Déméter associée à une divinité féminine. Le
1. Un plan général est en préparation. Provisoirement, on pourra se
reporter à celui, malheureusement assez sommaire, et même, en quelques
points, inexact, qu'a donné M. J. Baker-Penoyre, dans le Journ. of hall.
Sludies, XXIX 1009), pi. XIV.
2. Thucydide, VIII, 6i. A propos de l'inscription n" 262 des /. G., XII, 8,
qui a trait à cette révolution, j'ai proposé, dans une note de la Rev. de
philol., XXXVI (1012), quelques corrections; cf. cette note au sujet de
l'enceinte Nord.
a. I.G., XII8, n- 301.
i. M. Avezou doit les publier prochainement. La plupart offrent des types
cl des noms nouveaux.
:>. Bull, corr. hall., XXIV (1900 , p. 560 et suiv., pi. XIV-XV.
Fouilles de Thasos.
Fig. 2. - Porte de /eus (après La fouille).
A. Pilier du relief Zeus et iris.
B,C, 1>, E. Piliers d'angle des deux corps de garde.
Flèche X. Fondations des Propylées (remblayées .
19S FOUILLES DE THASOS
personnage principal est Zeus, de qui une Iris ailée attend
les ordres ; c'est ce que mont prouvé, outre un nouvel
examen de la figure, diverses comparaisons avec des docu-
ments connus ou inédits, dont quelques-uns sont de Thasos
même '. La date de la sculpture ne semble pas non plus
celle que proposait le premier éditeur. Le caractère con-
ventionnel des draperies et des gestes, comme l'habileté un
peu superficielle du travail, mais surtout les détails de la
représentation, dont quelques-uns ne peuvent être très
anciens, tout atteste qu'il s'agit d'un relief plutôt archaïsant
que vraiment archaïque. La fouille a vérifié ce qui n'eût
été sans doute qu'une présomption. Les constatations archi-
tecturales incitent à dater tout l'ensemble de la porte des
dernières années du vc siècle, et, fort vraisemblablement,
de l'année 412-1, qui vit aussi la construction du quai du
Nord 2.
L'entrée (3m 61) est comprise entre deux corps de garde
en forme de tours carrées, en marbre, conservés pour les
fondations, et même, en partie, pour l'élévation (fîg. 2).
Ces corps de garde ouvrent, par deux portes, vers l'intérieur
de la ville. Une nécessité stratégique facile à comprendre3
a fait protéger les pans de ces tours, sauf à l'angle exté-
rieur, du côté des champs, par des piliers monolithes (b, c,
d, e), analogues à celui où figure le bas-relief Zeus et Iris4.
Du côté du passage, la largeur de l'entrée, entre ces piliers,
est un peu réduite, l'entrée intérieure étant la plus large.
On a trouvé, sur trois des monolithes a, c, d, des dessins à
1. J'expliquerai prochainement les raisons de mon avis dans un article
de la Revue archéologique, 1912.
2. C'est aussi l'avis de M. C. Fredrich, éditeur des I.G., XII, 8; cf. Alh .
Milt., XXXIII (1908), p. 219. L'interprétation de M. Fredrich (Athéna, et
pour la petite figurine placée sous le siège : Marsyas ramassant les flûtes du
Tritonis), me semble d'ailleurs inacceptable.
3. Vitruve, I, 5. 5.
î. Le pilier symétrique n'a point été retrouvé; il n'est pas sûr qu'il ait
été décoré de sculptures.
FOUILLES DE THASOS
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201) FOUILLES DE TIIASOS
la pointe, des graflites anciens, noms d'homme et de femme,
avec une inscription injurieuse. La disposition la plus
curieuse est celle qui s'est révélée en avant même de la
porte. Des deux extrémités des corps de garde partent en
effet, dans la direction de l'extérieur, deux murs de marbre
parallèles flèche x), longs de 7 "'70, qui font retour à angle
droit en avant de la porte, et laissent là, entre eux, un pas-
sage égal à celui qui est compris entre les piliers a et b. Ces
murs, conservés seulement en fondation, sont épais de
1 m 43 au toichobatc; ils comportaient un appareil soigné,
scellé par de petits crampons droits, et composé de par-
paings et de carreaux, les carreaux formant, comme à
Assos *, deux parements à vide intermédiaire. On peut
reconstituer l'aménagement de l'avant-porte. De ce côté en
effet, j'ai trouvé dans la baie même du passage, un bloc
d'épisti/lc montrant la moitié environ d'une régula de tri-
glvphes. Les scellements et les joints prouvent que ce bloc
était encastré dans un mur. Il faut vraisemblablement
supposer l'existence d'un fronton disparu, ou d'un mur
crénelé2. Ce sont, on le voit, des Propylées rudiment aires,
d'un caractère à la fois défensif et ornemental.
Après la porte de Zeus, la muraille est conservée en assez
bon état jusqu'à l'entrée dite Porte d'Héraklès et de Dio-
nysos :i. J'ai dégagé cette porte, dont le plan n'avait pas
été dressé jusqu'ici de façon exacte. Le passage s'élargit
assez sensiblement vers l'intérieur de 4m55à i"'(i7.i. Du
côté de la ville, font saillie deux grands bastions de marbre
plein. (A, iig. 3 . Ils donnent à cette porte un caractère
monumental dont les autres entrées sont dépourvues.
M. Déonna a bien vu l'arrangement du côté Est. et il a
suggéré une mise en place vraisemblable des bas-reliefs (B)
1. Perrot, Hist. de LArl. VII. p. 333. fig. 157.
2. (If. L'arrangement de la porte sur le Vase François, dans Furtv aengler-
Reichold, Griech. Vasenmal., I. pi. I etsuiv.
Plan de M. Baker-Penoyre, l. I., pi. XIV, lettre A.
FOUILLES DE THASOS 201
ou inscriptions qui y ont été trouvés autrefois '. La fouille a
révélé que le côté Ouest était organisé à peu près de même
sorte. Sur le socle conservé, j'ai trouvé même rempla-
cement dune inscription martelée, vraisemblablement
archaïque, symétrique à celle qui désignait, comme gar-
diens de la ville, « les enfants de Zeus, de Sémélé, et
d'Alcmène au long- péplos » (G)2. De ce coté devait être
placé le cortège dionysiaque, aujourd'hui perdu, qui a été
dessiné par Christidès :î. Pour l'ensemble, la porte n'a subi
que fort peu de remaniements, et, dans son état originel,
elle semble contemporaine des bas-reliefs qui y ont été
découverts en 186G'1. Elle doit avoir fait partie de l'en-
ceinte qui fut détruite, — mais non pas entièrement, — sur
l'ordre de Darius, en 492 '.
Dans le passage, on a découvert les vestiges d'un dallage,
avec des cuvettes de gonds (D), qui semblent avoir servi à
la mise en place d'une double herse (xàtappax'CYjç). Sous ce
dallage, ont été retrouvées des conduites d'argile (E), en
excellent état, emboîtées les unes dans les autres, et qui
servaient à l'adduction des eaux de source. Elles rappellent,
particulièrement, quoiqu'un peu plus petites, les conduites
installées à Samos, par Eupalinos de Mégare, sur l'ordre
de Polvkrate fi.
C'est à partir de la porte d'Héraklès et de Dionysos qu'on
rencontre surtout, dans la muraille, l'assise de gneiss gris-
noir, interrompant les assises de marbre. A l'endroit où
1. Cf. Rev. Arch., XI (1908 , p. 25 et suiv. Pour l'inscription relative au
v.y-.'j; d'Héraklès, qui Fui placée là au ive s., cf. ma note, dans le Huit.
corr. kcll.. XXXVI (1912 . p. :>io et suiv.
2. I.G.. XII. 8, n" 330.
3. Chron. d'Orient. I, p. loti.
i. Vers le Sud-Est, la muraille avance de i " 1T, déterminant ainsi une
fausse tour, qui exposait l'assaillant, du côté droit, aux coups des défen-
seurs de la ville.
5. Cf. Hérodote, VI. 18.
6. Cf. Fabrieius. Altert. ans der Insel Sumos, I: die Wasserleitung des
Eupalinos, dans les Mh. Mit/., IX, lssi. p. 165-191, pi. VIII.
202
FOUILLES DE TIIASnS
Fouilles de Thasos.
Fig. ». — « Silène au Canthare » de la Porte oblique.
FOUILLES DE TIIASOS 203
passe actuellement une des routes de Liménas à Panaghia1,
une porte, dont l'existence n'était pas soupçonnée, a été
découverte, un peu à l'Ouest du chemin. Cette porte que nous
avons appelée Porte oblique ou du Silène au Canlharc a été
une des plus heureuses trouvailles de la campagne. C'est
une simple coupure oblique, large de 2m55, perçant l'en-
ceinte, et orientée dans la direction de l'Acropole 2. Le côté
o-auche de cette porte était formé par un énorme marbre
monolithe, trouvé en place, et mesurant 2m54 de hauteur,
sur 1 "' 70 de largeur, et 0 '" 65 d'épaisseur 3. Entièrement
enfoncé dans le sol, ce marbre a été garanti de la destruc-
tion, bien que la figure sculptée qu'il porte ait été mutilée,
aux débuts de l'ère chrétienne, semble-t-il. Cette figure est
celle d'un Silène en haut relief, dont la taille atteint 2m42
(fig. 4). Il est représenté entrant dans la ville et tenant de la
main droite un canthare. L'avant-bras gauche est horizontal,
la main tendue en avant comme pour saisir quelque objet.
Le rythme de la marche est celui qui sera appelé « poly-
clétéen ». La tète, malheureusement assez mutilée, ne laisse
reconnaître qu'une crinière k longues torsades, qui retombe
à l'arrière jusqu'aux reins, un nez camard, une barbe
épaisse, en « coin », qui, de sa pointe, touche l'avant-bras.
Le corps est plutôt gras que musclé. La queue chevaline est
bien conservée. Le monstre, quoique mutilé, laisse voir sa
nature ithyphallique ; les jambes sont humaines. Un détail
rare et très curieux est celui de la chaussure '', dont l'extré-
mité est recourbée « à la poulaine ». Le type du canthare
est le modèle ionien, dont les volutes surplombent le calice,
1 . Point H du plan de M. Haker-Penovre, l. I.
2. Je ne trouve à rapprocher, pour cette obliquité, qu'une porte de
Pleuron ; cf. YVoodhouse, Aïtolia,, 1S97, p. 118 et fig,
3. Ce enté seul de l'entrée «'lait sculpté.
4. Il a été impossible, à cause de l'étroitesse de la porte, de photographier
présentement dans toute sa hauteur un relief aux dimensions si insolites.
Le dégagement sera tenté lors de la prochaine campagne. I. étude île la
porte sera eu niénie temps complétée.
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FOUILLES DE THASOS 205
et sont réunies latéralement, au corps du vase, par deux
petites attaches horizontales. On compte, dans une publica-
tion moins sommaire, revenir sur le rôle de ce Silène, sur
son importance à la fois prophylactique et, pourrait-on dire,
héraldique. Une niche peu profonde disposée à côté de lui,
vers l'intérieur de la ville, prouve, semble-t-il, que c'était
une coutume de déposer au passage quelque offrande en
faveur du joyeux et emblématique gardien de la porte.
J'indiquerai seulement ici la comparaison nécessaire avec
les tvpes des monnaies de la ville '. Ce Silène n'est en effet
qu'un personnage isolé du groupe Nymphe et Silène, qui
paraît sur les plus anciennes pièces d'argent thasiennes. De
là certaines particularités qu'on risquerait d'interpréter à
faux ; ainsi, le geste de la main tendue, qui n'est pas celui
de Yabominatio, comme on pourrait le croire d'abord,
mais un mouvement de convoitise hardie, dont la raison,
dans le cas d'une tigure détachée, n'apparaît plus. L'œuvre
est ionienne par le style, comme par tous ses détails ; on
a là un monument du dernier quart du VIe siècle, à rappro-
cher de l'Héraklès de la porte précédemment étudiée ; il
est fort heureux et un peu étrange qu'il ait échappé à la
destruction dont Darius donna l'ordre'2.
A deux mètres vers le Sud-Est de la Porte oblique, en
dehors de la muraille contre laquelle il pose sans raccord,
nous avons dégagé un petit bâtiment en marbre, mesurant
7 '" 50 sur () m 80. Il est dallé, percé d'une porte assez
étroite, mais de deux fenêtres à larges baies. Isolé,
semble-t-il. du côté de la nécropole, et trop ouvert sur
l'extérieur, il ne paraît pas avoir eu une utilité défensive
très marquée. Sa date n'est pas antérieure à la seconde
moitié du IVe siècle (lig. 5).
Les recherches entreprises à l'entour de cette construction
1. Cf. Gardner, Types of Greek Coins, pi. III. L-2.
•2. Cf. p. l'u i. note .">.
206 FOUILLES DE THASOS
nous réservaient une heureuse trouvaille : celle des multiples
débris d'une nécropole, appartenant à la fin du ve et au
début du ive siècle. Les stèles n'ont point été découvertes
in situ. Il semble qu'elles aient été une première fois
déplacées, lorsqu'on ménagea l'aire de la construction ci-
dessus décrite. Les quelques sépultures non violées que
nous avons ouvertes étaient de date plus tardive. Les bases
funéraires et les fragments de stèles se sont rencontrés en
assez grande abondance. Les bases, dans lesquelles la stèle
s'encastrait à la mode archaïque 1 , portent en général des
inscriptions. Une seule présente un relief, assez fin, qui
date des débuts du ive siècle. La forme des stèles est
instructive. Les plus anciennes, sans couronnement, rap-
pellent la stèle ionienne dite d'Abdère2. Les autres montrent
l'évolution du type des couronnements, jusqu'à l'apparition
du décor en feuille d'acanthe3. Plusieurs devaient être
peintes. Vingt-trois inscriptions, assez courtes, ont été
découvertes en ce seul endroit. Une des plus étendues
semble l'épitaphe métrique d'un poète thasien, des débuts
du ive siècle, qui composait des chœurs pour les fêtes dio-
nysiaques. Les autres ajoutent de curieux noms thraces
aux listes de TomaschekA
L'étude de l'enceinte n'a pas été poussée plus loin vers le
Sud-Est dans la première campagne.
IL LE TEMPLE DE l'aCROPOLE .
Les fouilles ont complètement renouvelé l'étude de ce
temple, à propos duquel les voyageurs n'avaient pu don-
1. Cf. Brûckner, Ornam. und Form der altisch. Grabstelen, 1886, pi. I,
n° 1 Stèle d'Antiphanès) .
2. Perrot, Hist. de VArt, t. VIII, p. 354, fig. 157.
3. Briickner, /. /.. p. I fin du v* siècle .
4. Die allen Thraker, dans les Sitzungsber, d. Wiener Ahad., vol.
CXXV1II, CXXX. CXXXI.
FOUILLAS DE THASOS
207
ner que des indications par trop sommaires, ou même
inexactes '.
Le temple a été identifié : c'est celui de l'Apollon Pythios,
dont le culte avait été vraisemblablement introduit dans
l'île par les colons pariens, compagnons de Télésiklès. C'est
ce qu'a prouvé, d'abord, la découverte d'un intéressant
décret de proxénie, malheureusement assez mutilé, qui porte
mention d'une inscription légale, faite par office des Oswpci
et des «tcôXoyoi, sur les niurs du temple, et d'une amende
de mille statères levée au profit d'Apollon Pythios contre
les orateurs qui proposeraient une motion contraire 2.
A cette première preuve, écartant les autres identifica-
tions proposées 3, sont venues s'ajouter quelques trouvailles
de sculptures archaïques (fig. 6), du type des Kouroi pri-
mitifs. Ces fragments auraient appartenu ici sans doute à
des Apollons proprement dits 4.
1. Pour M. Perrot, Mémoire, p. 80 et suiv., les dimensions étaient
28°im x 16 (en réalité 37™ 10 x 15 ■" 80). Le chifl're 28 doit être une erreur
typographique pour 38. M. Fredrich, dans les Ath. MM., I. L, p. 225
et suiv., donnait les chiffres de 38m x 16"', pour le "stylobate" sic). On
rapprochera de cette mesure, assez exacte, celle de M. Baker-Penoyre,
Journ. ofhell. Studies, l. L, p. 215, note 2i: 37 "'30 x 13m80. Le chiffre 13
n'est en effet sans doute qu'une erreur de carnet. Tous les voyageurs
ont cru apercevoir le « stylobate », quelques-uns même « les traces du
scellement des colonnes». En réalité, leurs mesures, comme les miennes,
déterminent seulement L'sù8uVT7ipîa, qui est la plus haute assise visible,
encore qu'elle ne soit pas partout conservée. Les blocs aperçus sur la face
Nord, et qu'a dessinés M. Baker-Penoyre (p. 215, fig. 6), posant direc-
tement sur le stéréobate, ne sont évidemment pas en place, et n'ont
même aucun rapport avec L'édifice, comme le prouve la forme tardive de
leurs scellements à canaux de coulée. Tous les calculs faits sur l'entraxe
des colonnes, d'après ces données, sont donc sans valeur.
2. Pour les textes analogues déjà connus, et dont l'appartenance se trouve
ainsi prouvée, cf. ma note de la Rev. de Philol.. mentionnée p. 196, note 2.
3. M. Perrot songeait à un temple d'IIéraklès ; cf. Mém., p. 80 et suiv. ;
voiries observations de Conze, Heine, p. 17 et note 1; M. Fredrich a pro-
posé, à tort, le nom d'Athéna ; cf. I. I., p. 226. Le temple d'Athéna devait
être dans l'Acropole même, où j'espère le retrouver.
1. Je montrerai ailleurs que le Kouros thasien du Musée de Constanti-
nople, dit Kouros d'Aliki, a été trouvé aussi au temple de l'Acropole. Cf.
Dénnna. Les ApollOTU arch.. p. 226, n" 127.
208 FOUILLES DE THASOS
Le temple, à l'Ouest et au Nord, est entouré dune vaste
terrasse, destinée à racheter la déclivité du roc, et située à
103 m 08 + au-dessus du niveau de la mer1. 20 assises sont
conservées au Nord-Ouest, où l'on domine, d'une hauteur
Fouilles do Thasos,
Fig, h. — Fragment d'une tète d'Apollon archaïque.
de 10 m45, un sauvage ravin planté d'oliviers (iîg\ 7). Les
assises sont parallèles, mais inégales. Par une disposition
qui rappelle celle des fondations du côté Sud du Parthénon,
I. Cote altimétrique à l'angle N.-O. Il faudrait ajouter la hauteur de
3 assises, conservées à L'Ouest, au-dessus de ce niveau. La distance delà
terrasse au temple, du coté N. (7'"9), est égale exactement à la moitié de la
largeur du temple.
FOUILLKS DE TllASOS
209
Ffc
Fouilles de Thasos.
Terrasse du temple d'Apollon Pythios et ravin.
210 FOUILLES DE THASOS
les o assises supérieures de la terrasse ont été refouillées,
et bordées d'un listel en léger retrait.
A l'intérieur de cette terrasse, vers l'angle N.-O. encore,
j'ai découvert, au niveau le plus bas, le reste d'une construc-
tion circulaire précédée d'un dromos. Du côté Est, en avant
du temple, les vestiges d'une fondation prise à tort par les
précédents voyageurs pour celle d'une partie du mur de
ville, se sont révélés comme le soutènement d'un grand
autel à sacrifices, posé obliquement par rapport à l'axe du
temple, et mesurant, au stéréobate, 15 m 65 X 5 m40 '.
Entre cet autel et le temple, comme dans les tranchées
menées au long des murs de terrasse, les découvertes ont été
assez abondantes, bien que cette partie du téménos ait été
occupée, ainsi que toute la croupe rocheuse de l'Acropole,
par un village des débuts du xixe siècle, construit en cette
haute position au temps des pirateries. Les petites maisons,
fondées sur le roc même, ont employé pour leurs murs les
débris du temple, réduits en menus morceaux. Le sous-sol
de la terrasse a été un peu partout bouleversé. Des marbres
ont dû être jetés au ravin. Malgré cette dévastation, les
fouilles ont livré encore maints objets. C'est, d'abord, une
intéressante série de terres cuites pré-ioniennes, dont les
types sont apparentés de très près à ceux de la statuaire
d'Asie Mineure ; nombreuses sont les femmes assises, du
modèle dit des Branchides, les figurines à front fuyant, a
grands pendants d'oreilles et à polos élevé, comme en ont
produit Rhodes, la côte d'Anatolie, et, sans doute aussi les
îles thraces "2. Une statuette plus archaïque est celle d'une
joueuse de lyre 3.
1. On remarquera que la longueur est à peu près celle des petits côtés du
temple .
2. Cf. Athen. Milt.. XXXI. 1906. p. 241 et suiv. : pi. à lap. 64, n° 2i, et
pi. VIII. I. 2, 3.
'.. Il serait au moins prématuré de conclure, de la prédominance des
types féminins, à l'existence d'un temple antérieur à celui d'Apollon
Pythies, et qui aurait été celui d'une déesse. La question demande étude.
FOUILLES DE THASOS 21 1
Les tessons de vases peints ne sont pas de moindre intérêt.
Ils appartiennent, en majeure partie, à une céramique du
viu siècle, ionienne, mais mélangée de nombreux éléments
« éoliens ». Plusieurs fragments. rentrent dans la catégorie
dite lesbo-éolienne, qu'a déterminée M. Bôhlau '. Leurs orne-
ments, de style orientalisant, se détachent en partie sur un
fond noir ou brun-noir. Des molettes en relief sont décorées
de grecques. Les animaux sont des sirènes ailées, en zones,
des lions à grosse tête, des daims ; un vase est décoré d une
tête plastique. L'usage d'un engobe jaune-crémeux sur une
argile rouge et mélangée de mica, la présence des incisions
dans les figures, peintes en rouge violacé et en noir, sont
les indices principaux qui ont permis le classement. A côté
de cette série, d'autres tessons font penser à une fabrique
d'Asie Mineure, apparentée à celle qui est dite de Klazo-
mène 2. Des plats à décor polychrome, où les incisions
n'apparaissent pas, par leurs ornements, rosaces, torsades,
boutons de lotus, rappellent à la fois les plats rhodiens et
certains sarcophages de Klazomène:!. Ce sont là les caté-
gories les mieux représentées ; il suffira de mentionner les
autres, parmi lesquelles Naukratis4 et Korinthe se dis-
tinguent, et qui vont jusqu'aux figures noires attiques,
même jusqu'aux coupes à décor miniaturesque dites « des
petits maîtres ». On ne peut s'attarder à montrer l'intérêt
historique de ces fragments, grâce auxquels est constitué le
premier fond connu de céramique thasienne .
L'aire du temple a été déblayée"'. Cette fouille a permis
le levé d'un plan, malheureusement réduit aux éléments
1. Ans ionischen and ilalischen Nekropolen, p. 86etsuiv.
2. R.Zahn, Vasenscherben ans Klazomenai, dans les Ath. Milt., XXIII,
L898, p. 38-70, pi. XI.
3. Cf. principalement, Antike Denlan., pi. XLIV.
i. Surtout les séries C, D. d'après le classement de II. Prinz, Funde aas
Naukratis, Klio, VII. Beiheft.
."). Nous avons réservé l'emplacement de quelques oliviers qui s'étaient
installés là .
1912. i;,
2['2 FOUILLES DE TI1ASOS
les plus simples; car, ainsi que nous le mentionnions plus
haut, rien n'est en place au-dessus de l'eùOuvxYjpîa. Les fon-
dations, entièrement de marbre, sont assemblées soigneu-
sement par des crampons longs, en double T. Elles posent
au Sud et à l'Ouest sur le roc, entaillé à vif, et qui affleure,
artificiellement égalisé, jusqu'au milieu du vaoç. Du côté du
Nord et de l'Est, le soutènement, qui a été complètement
mis à nu, va chercher le roc, et compte jusqu'à 9 assises
parallèles, mais de hauteur inégale, à face brute. Nulle trace
d'un escalier n'est visible à l'Est, les fondations ayant dû
être autrefois remblayées jusqu'à l'eùGuvTYjpta. Les dimensions
sont, à ce niveau, 37m40 sur 15 m 80 '. L'orientation est
presque strictement d'Est en Ouest'2 (fig. 8).
Sur les longs côtés de la fondation, à hauteur de l's'jQuvnfjpia,
une rainure de réglage, très marquée (xy), apparaît sur le
marbre. Gomme elle existe, pour chaque fondation, des
deux côtés, et détermine, partout où on la constate, au Nord
et au Sud du moins, une largeur de 1 m 40, on est fondé à
admettre que l'assise la plus haute du soutènement servait
de toichobate. Le temple n'était donc pas périptère, mais
offrait le type archaïque d'un sékos à murs pleins, divisé
an pronaos, naos, et adyton. D'autre part, le temple n'était
pas non plus amphiprostyle, il suffit pour l'affirmer que, à
l'Ouest seulement, la rainure de réglage soit visible, et
détermine une largeur de 1 m 725, égale à celle du mur de
Y adyton, dont l'amorce est visible au Nord. Ce mur rejoint,
au Nord comme au Sud, la ligne de fondations des longs
côtés ; il en est exactement de même pour le mur du pronaos
(P). C'est là une preuve certaine de ce que j'ai déjà avancé
plus haut sur le type archaïque du temple, dépourvu de
J. C'est d'après un renseignement inexact que, dans un compte rendu
sommaire. M. Dawkins a écrit à propos du temple: « A building about
tlie size of the Parthenon » ; cf. Journ. of hell. Studies, XXXI 1911),
l'. L'angle noté par la boussole déclinatoire est de ? degrés seulement.
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21 i FOUILLES DE TIIASOS
colonnade extérieure. Les murs étaient faits de ces par-
paings de marbre, dont plusieurs, couverts d'inscriptions,
ont été retrouvés, et semblent avoir eu une hauteur uniforme
de 0 m 50 [ . Ils étaient vraisemblablement couronnés tout
en haut d'une simple corniche à gorge, égyptisante. C'est ce
qui explique pourquoi on n'a découvert ni colonne, ni pièces
d'entablement.
On dérive aujourd'hui les temples de cette sorte du
megaron prédorique'2. Mais aucun « temple mégarisant »
n'atteignait jusqu'ici les dimensions du temple de Thasos,
un peu plus grand que l'Héphaistieion d'Athènes. Cette
étendue insolite pose un problème : avec le système de char-
pente archaïque, par empilage, la portée des poutres ne
peut guère dépasser une moyenne de 10 mètres. Or le sékos
du temple d'Apollon Pythios mesurait intérieurement une
largeur de 13 mètres. Il fallait donc une ou plusieurs colon-
nades intérieures ; on songe difficilement à proposer l'hypo-
thèse de trois nefs, pour des dimensions qui sont, malgré
tout, assez restreintes. D'ailleurs, du côté Nord, on voit
commencer, dans le sékos, un gril de lambourdes axé à
l'Est, tandis qu'aucune fondation de colonnade n'apparaît.
On est conduit à admettre qu'il existait seulement une
colonnade médiane disparue, comme dans le megaron de
Locres, dans un des temples de Paestum, dans Yoikos des
Naxiens, à Délos, — ou, — pour prendre un exemple à la
fois plus voisin et d'une utilité historique plus directe, dans
le temple de Néandria:i.
Les seuls débris d'architecture retrouvés ont été ceux
d'une très belle décoration en terre cuite peinte, apparte-
1. /.G., XII, 8, nos 26 i, 267, 268 . Le marbre qui porte le décret de proxé-
nie cité ici même est brisé à la partie supérieure, el ne mesure que
0" 42 de hauteur.
2. Il y en a des exemples dans la série architecturale de Sélinonte : cf.
Fougères-Hulot, Sélinonle, p. 272 et suiv.
H. Cf. Koldewev, Neandria, dans le 51' Progr&mm zum Winckelmanns-
feste, 1891, p. 22, fig. 52.
FOUILLES DR THASOS 21 §
nant à la cimaise. De caractère archaïque et ionien, elle
figure des fleurs de lotus épanouies, à deux pétales et haut
pistil central. On a découvert aussi des fragments de tuiles
faîtières, et d'antéfixes, à décor de palmettes sur double
volute, avec les vestiges d'une polychromie rouge et noire,
bien conservée.
Les inscriptions sont restées rares. Cinq seulement, de
peu d'intérêt, ont été trouvées en cette partie de la fouille.
Par contre, la sculpture nous a dédommagés. Outre les
trouvailles archaïques mentionnées plus haut1, je citerai
une belle tête de femme du iv° siècle, malheureusement
mutilée, qui rappelle la tète funéraire thasienne publiée
par H. Sitte 2 ; un grand torse drapé, d'époque un peu
postérieure, et surtout le joli bas-relief ionien que reproduit
la figure 9 3 .
De prochaines campagnes nous ramèneront, pour un
temps encore, à l'Acropole et au temple. On n'attend donc
point ici de nous des conclusions définitives ; disons, pour
la date du temple, que toutes les constatations matérielles
jusqu'ici faites — forme des crampons du soutènement, type
du sékos, caractère de la décoration en terre cuite, —
désignent le premier quart du Ve siècle comme terminus
ante quem .
III. PORTE ROMAINE DE CARACAELA.
Pendant les recherches poursuivies à l'enceinte hellé-
nique, j'ai été amené, par les nécessités de l'organisation des
chantiers, à fouiller complètement l'arc de triomphe romain
déjà reconnu antérieurement, lors des fouilles superti-
1. C'est aussi du temple d'Apollon que proviennent les lions archaïques
du Louvre, rapportés par Miller, et trouvés encastrés dans les murailles
de l'Acropole génoise.
■1. Cf. Collignon, Les statuex funéraires, fig. 96, p. 105.
3. Ce bas-relief sera publié en 1912, dans les Mon. el Méin. de la Fonda-
tion l'int.
216
FOULEES DE THASOS
FOUILLES DE THASOS 217
cielles de Bent 1 (fîg. 10). Faute d'un dégagement complet,
aucun plan n'en avait été dressé ; les inscriptions, dont un
estampage seulement était connu, passaient pour perdues.
Le sol avait tout recouvert.
Cette porte triomphale est d'un plan fort simple. La baie
centrale, large de 4"' £5, était voûtée en berceau, et flanquée
de deux passages également voûtés, mesurant seulement
2 m 09 de largeur. L'édifice portait sur un pavement en
marbre (A). Quatre pylônes, déterminant les trois entrées,
ont été retrouvés in situ. Ils sont plus ou moins conservés
en élévation. Les deux pylônes extérieurs (B), rectangu-
laires, ne comportaient à la base qu'une moulure corin-
thienne, à double tore encadrant une scotie. Celui de l'Est
n'a pas été achevé 2. Les deux pylônes centraux (C), plus
petits, avaient une forme plus rapprochée du carré. Un
seul montre un profil achevé, à l'Ouest. Celui de l'Est a été
retrouvé complet en hauteur. Il mesure 2m91, au-dessus
du piédestal, jusqu'à la naissance du chapiteau. Du côté
de l'entrée, il porte, sur toute sa longueur, deux bandes
sculptées, ornées de fins rinceaux de feuilles d'acanthe,
rappelant de très près certaines pièces qui décorent l'arc
de Trajan, à Rome :f . On ne sait si les pylônes extérieurs
avaient reçu pareille ornementation. Des fragments de cha-
piteaux corinthiens ont été découverts, en assez grand
nombre pour qu'on puisse distinguer, au moins pour les
dimensions, deux séries'1; les décors sont partout des rin-
1. Cf. Journ. of liell. Studies, VIII (1887;,, p. 137-8 ; S. Reinach, Chron.
d'Or., I. p. ils. Les inscriptions ont été publiées par Ilicks, et figurent
maintenant aux I.G., XII. 8, n°" 382-387-9. C'est de cet arc, on le sait, que
provient aussi la grande statue de femme n° 189 du musée de Constanti-
nople.
2. Il est curieux de noter que tout l'édifice porte des (races d'inachève-
ment, el même, vers l'Est, de graves négligences. Ainsi, l'implantation des
bases de pylônes u'esl pas rigoureusement l'aile selon l'axe du passage.
3. Cl', la frise du Latran, trouvée près de l'arc de Trajan : Dur m, Handb.
il. Archiiektur, II. fig. 179, à la page 426.
1. Les plus grands mesurent 0m61 de hauteur; le- plus petits 0 15 seu
lemenl
Fouilles de Thasos.
Fiji'. 10. — Arc de triomphe de Caracalla pendant les fouilles)
A. Soutènement en marbre.
B. Pylône extérieur de l'Ouest.
C. Pylône central de l'Ouest.
1). Piédestal de la base de ^À. Oùstjita ZaSHtva.
FOUILLES DL TIIASOS 2H>
ceaux d'acanthe, et des volutes, entre un coussinet plat
et une zone d'oves avec fers de lance. Sur ces chapiteaux
prenaient appui les voussoirs, larges de toute l'épaisseur de
la porte; la mouluration de l'archivolte, à trois fasces,
rappelle celle d'une architrave corinthienne. Les blocs
retrouvés appartiennent aussi à deux systèmes de propor-
tions différents1. Il est évident que les plus forts voussoirs
devaient se trouver au-dessus de la baie médiane; on est
donc conduit à restituer aussi sur les pylônes centraux les
chapiteaux du plus grand module. L'entablement était
d'ordre corinthien. On en a retrouvé de nombreuses pièces,
parmi lesquelles deux longs fragments de l'inscription dédi-
catoire 2. Cette inscription, qui nomme Garacalla, Julia
Douma et Septime-Sévère, permet de dater l'arc de triomphe;
il a été élevé entre la fin de l'année 213 apr. J.-C, date à
laquelle M. Antoninus Garacalla prit le nom de Germanicus
Maximus, et le mois d'avril de l'année 217, époque à laquelle
cet empereur fut assassiné 3. La position des blocs, au
moment de la trouvaille, m'a prouvé que l'inscription devait
être tournée du côté de la ville. Si ces prévisions sont
exactes, la porte de Garacalla devait se dresser à l'avant du
temple de Rome et d'Auguste, signalé par les inscriptions 4,
et dont l'emplacement était un peu au Sud du côté de l'en-
ceinte hellénique5.
La frise est décorée de hauts godrons plats, au-dessus
desquels prend place un bandeau d'oves et de fers de lance.
Elle fait pièce avec l'architrave. Les éléments retrouvés,
1. ii"' 56 de hauteur, el 0m i'2.
2. Cf. T. G., XII, 8, n°382.
3. Cf. Rohden, dans la Real-Encycl. de Pauly-Wissowa, II, 2, -l i 17 :
Dittenberger, Syll., 2, n° ilG. On sait qu'en 214, Caracalla avaii visité la
Thrace Rohden, p. .'ils ; peut-être vint-il à Thasus; on peut penser du
moins qu'il mérita par quelque bienfait les remerciements de la ville.
4. I.(}., XII. 8, n .580.
fj. J'espère l'exhumer, ainsi (lue 1 ' Asklepieion tout voisin, dans une pro-
chaine campagne.
221) FOUILLES DE T11ASOS
pour cette partie de l'entablement, se classent aussi en deux
séries, d'après les dimensions '. Les éléments les plus forts
sont les seuls qui portent inscription. Il est aisé de con-
clure qu'ils devaient prendre place au milieu de l'arc, au-
dessus du passage central 2. Les pièces d'entablement les
moins hautes surplombaient chacun des passages latéraux.
Des différences analogues caractérisent les éléments de cor-
niche qui ont été retrouvés \ Sur tous, le décor est le même,
et. pareillement, d'ordre corinthien. Un de ces blocs, du
plus fort module, laisse voir, au lit d'attente, une large
mortaise et une partie simplement piquetée, qui ne devait
point être visible. On restitue à cette place, assez vraisem-
blablement, le groupe colossal qui dominait la porte, et
dont les morceaux, trouvés par Bent, semblent perdus
aujourd'hui ''.
De chaque côté du passage médian, quatre hautes bases,
surmontées de statues, flanquaient l'arc de triomphe. Trois
de leurs piédestaux ont été retrouvés en place. On a décou-
vert également, presque complète, une grande base pyrami-
dante, portant dédicace de la yzpooaia. de Thasos à «I>a.
OÙ£t(3ia Sa^eiva5. Elle peut être restituée sûrement au N.-O.
de l'entrée, du côté de la ville (D). En face, également au
Nord, on a exhumé du sol, presque in situ, la base de Ms;.i[ua
BeXXijïa 'AXd;avopa, que devait couronner, très vraisembla-
blement, la grande statue drapée n° 189 du Musée de Cons-
tantinople, prise sans raison pour l'impératrice Sabine,
1. Haut. 0ra735 et 0 ■" 60.
2. Les deux pièces inscrites retrouvées, inégales en longueur, mesurent
5m64, pour l'ensemble. L'inscription complète devait avoir environ 7".
3. Haut. 0™ 42 et 0™ 35.
i. Groupe d'Héraklès (Caracalla; luttant contre le lion: peut-être aussi
faut-il restituer à cette place, au-dessus d'un des passages latéraux, le torse
colossal d'empereur qui a été publié par M. G. Mendel ; cf. Bull. corr.
hcll.. XXVI, 1902. p. 478. Il n'est pas sûr que ce personnage soit Caracalla,
ou Septime-Sévère.
j. I.G.. XII, s. n" 389. La base se raccorde avec le fragment encore en
place sur le piédestal.
FOUILLES DE THASOS 221
femme d'Hadrien, et restituée à tort au-dessus de l'édifice.
De la statue de <I»a. Ojî$i<x Sajtefva, le torse, tout à fait ana-
logue à celui de la statue de Constantinople, a été retrouvé.
Du côté Sud, tournées vers l'enceinte hellénique, et,
comme je crois, vers le temple de Rome et d'Auguste, se
dressaient deux bases symétriques, dont l'une seulement a
été rendue par la fouille, encore qu'en partie brisée. C'est
celle du Sud-Ouest, qui portait une effigie de l'hiérophante
'IoûXtoç Àa(3épwç Maxeoûv 1 ; l'effigie, du moins, a été heu-
reusement retrouvée, presque complète, en même temps
qu'un fragment d'inscription de la base ~. Reste donc seu-
lement anonyme le personnage de la quatrième base ; il
devait être aussi masculin, à en juger par un torse de statue
drapée qui paraît avoir été le sien .
Nous omettons ici les petites trouvailles accessoires. Par
l'abondance des fragments de sculpture et d'architecture
qu'il a livrés, ce monument prend une valeur que ne suffi-
rait peut-être pas à lui acquérir son style tardif et quelque
peu négligé. Bien daté, il peut permettre une étude précise
de l'art romain, pour une époque où les documents restent
rares .
Les recherches poursuivies dans l'île, indépendamment
de ces travaux, tant en 1910 qu'en 1911, ont permis de
recueillir environ 00 textes épigraphiques, qui doivent
s'ajouter au recensement, tout récent, des I.G., XII8.
Dans la prochaine campagne, on espère compléter les résul-
tats acquis en divers points, — dégager l'Asklépieion et le
temple de Rome, — et, pour une autre partie de la ville,
retrouver, s'il se peut, puis fouiller complètement le Oswpiov,
d'où Miller, au bénéfice du Musée du Louvre, a déjà tiré,
et des inscriptions, et des sculptures,
«
1. (»n remarquera que tous les personnages honorés autour de la porte
riaient des prêtres ; les deux femmes avaient le titre d'àpyiepstat.
2. I. G., XII. s. n ;;s7. La transcription de Hicks doit être corrigée pour
quelques dél ail-
222
LES FOUILLES DE TIIASOS
(2e paktie),
PAR M. AD.-.I. REINACH.
T'ne des principales raisons qui nous donnaient lieu de
bien augurer de fouilles à Thasos était la retentissante
découverte qui venait d'y être faite lors de notre première
visite à l'île, en juillet 19101. Dans un terrain naguère planté
d'oliviers, situé au bas de la pente N.-O. de l'Acropole, le
propriétaire, Abd-ul-Féda, garde forestier égyptien, avait,
en le défrichant, trouvé six statues de femmes drapées,
de grandeur naturelle. Le Musée impérial ottoman averti
envoya sur les lieux Th. Makridy-Bey. Celui-ci ne se borna
pas à enlever les statues; il en trouva une septième, déga-
gea les bases au pied desquelles elles étaient tombées et
le mur de soutènement devant lequel ces bases étaient
alignées.
Deux de ces bases, par leur dédicace, apprenaient que
les statues qu'elles portaient avaient été consacrées à
Artémis Pôlô. Il était donc permis de supposer que la
paroi contre laquelle elles étaient dressées formait le mur
de fond d'un téménos de cette déesse. Sur son pourtour
d'autres statues ou d'autres bases pouvaient se rencontrer.
On comprend que nous n'ayons pu manquer à établir un de
nos chantiers autour de la tranchée laissée ouverte par
Makridy-Bey.
Nos espérances n'ont pas été réalisées. Les tranchées,
poussées en tous sens, jusqu'au sol vierge, n'ont révélé ni
temple, ni portique, car l'on ne peut rien conclure des
1. Cetle découverte n'a clé jusqu'ici annoncée qu'en quelques lignes de
\.\nzeiger de VArch. Jahrbnch, XXV 1910), p. 111. Depuis que cette
communication rédigée en février 1912 a été présentée à l'Institut.
Th. Makridy-Bey a l'ait paraître une description détaillée des bases et des
statues dans le Lr fasc. de L912 du J&hrbach distribué à la fin d'avril).
Nous n'avons rien cru devoir changer à la présente note.
FOUILLES DK THASOS
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221 FOUILLÉS DE THASOS
faibles restes de deux fondations dont l'une courait à
5 mètres du mur des bases et l'autre formait angle droit
avec elle au N.-O. Tout ce qu'elles ont permis, c'est de se
rendre un compte plus exact de l'état des lieux dans l'anti-
quité et de découvrir la raison d'être probable d'un culte
en ce lieu — une source calcifiante — et, peut-être, le lieu
de ce culte, un autel dans une sorte de chapelle ouverte.
Tout ce qu'elles ont livré, en dehors des figurines hellénis-
tiques et gréco-romaines qui n'y ont été sans doute amenées
que par les déblais de terrasses supérieures, ce sont de
menus fragments de statues, une colonnette et deux bases
inscrites1, quelques bases anépigraphes et de rares pièces
des bases en place. Ces bases ont été reconstituées autant
que possible et leur emplacement a été complètement
nettoyé (fig. 11).
Aussi bien nous ne pouvons songer à donner ici une
description complète de ces bases et de leurs statues. La
priorité de leur publication appartient à Makridy-Bey et
nous ne saurions anticiper sur le mémoire qu'il prépare
depuis sa belle découverte. Sans nous occuper des statues
que, de son côté, M. Mendel doit faire connaître incessam-
ment dans son Catalogue des sculptures du Musée de Con-
siantinople, nous nous bornerons aux indications néces-
saires à faire comprendre comment notre fouille a pu
1. On y a aussi trouvé parmi les décombres une colonnette funéraire :
Zwa;|;j.o; Zto|ffî[iOU I "irjpcoç. Mais elle duit appartenir, non aux monu-
ments de l'esplanade, mais aux matériaux divers qui l'ont comblée. Il doit
en être de même de deux fragments d'épitaphes, l'une se rapportant à un
ephèbe, l'autre contenant des restes de cinq noms, fragments qu'on nous a
présentés comme venant de la fouille de Makridy-Bey ou des recherches
poursuivies avant et après par le propriétaire du terrain. Cette provenance
paraît authentique pour une petite base qu'on nous a également affirmé
y avoir été trouvée : 'Iepeùç Aïo; Ee6aor | oB AuXoç IIo-.tXX[t] \oq Mpaaioc; rrjv
ffuvjïtov 'Eptxio'vrjv ' Apye j Xaou npoji'jaTtv, | ©eàv ijtiçavî). Cette Déesse Epi-
phane est-elle Artémis Polo? (Cf. la note que Ch. Picard lui consacre dans
l'Annuaire international publié par l'Université d'Athènes (1912). M. Picard
m'a informé en mai, de Thasos, (pie les pluiesd'hiver avaient révélé sur une
dalle de ce téménos un graffite à Artémis Polo.
FOUILLES DE THASOS -2')
compléter ce qu'un heureux hasard avait livré à notre
devancier.
La terrasse que nous avons déblayée est constituée par
un des derniers degrés naturels que le rocher de l'Acropole
forme à son pied en s'étalant vers la mer. Large d'une
quinzaine de mètres (N.-S.), elle s'allonge sur 35 mètres
environ en une esplanade que deux éperons rocheux limitent
à l'O. et à l'E., tandis qu'un troisième, pointant à l'E. du
rocher d'où coule la source, divise l'esplanade en deux
parties : à l'O. celle que caractérise l'alignement des bases,
à l'E. celle où s'élevait sans doute l'autel.
Cette disposition explique que l'esplanade n'ait conservé
des restes de ses monuments qu'au S., tout contre les murs
de soutènement construits autant pour suppléer à la hau-
teur insuffisante de la paroi rocheuse que pour en voiler les
irrégularités. Ces murs diffèrent par l'appareil et, sans doute,
par l'époque. Au S.-O. du mur dégagé par Makridy-Bey, on
a retrouvé de grands blocs dont l'aspect cyclopéen rappelle
celui de la partie la plus ancienne de l'enceinte de la ville ;
à l'E. le mur paraît hâtivement édifié en petits moellons de
schiste de toute taille; par contre, le mur, long de 15 m 45,
qui servait de fond aux statues, doit à cette fonction d'avoir
été construit avec le plus grand soin. Sur un soubassement en
blocs moins exactement parementés , s'élèvent encore à
1 "' 75 quatre assises de beaux parallélipipèdes allongés (en
moyenne, 0. 70 X 0. 45) en marbre local (les assises décrois-
sent légèrement de bas en haut : 0'" il, 0 '" 39, 0'»38,
I) '" 36;, biseautés à la face interne pour mieux s'adapter aux
anfractuosités du rocher dont des moellons et de la chaux
remplissaient les vides, smillés soigneusement a la face
externe. Malgré la perfection de ce piquetage au marteau
que met encore en valeur une légère anathyrose, il ne paraît
pas avoir été fait pour être vu ; le smillage était destiné à
mieux retenir le plâtre très tin dont de larges plaques y
tiennent encore par endroits; le même plâtre remplissait
226 FOUILLES DE THASOS
les interstices des pierres, interstices la plupart très minces,
les blocs étant parfaitement jointoyés. Ce mur devait com-
porter encore au moins trois assises; les blocs qui les
composaient se sont retrouvés, en grand nombre, dans
les déblais. Ces assises dépassant le roc ont été, lors de
l'abandon de Thasos, entraînées et dispersées avec toute
sorte de débris venant des terrasses supérieures ; en s'effon-
drant dans la poche naturelle que formait notre terrasse,
ils ont dû achever la ruine de ses monuments commencée par
les tailleurs de marbre. Ceux-ci n'avaient respecté que sept
des images adossées contre ce mur qui n'était qu'une sorte
de parement fait au rocher. Une fois jetées à terre plus ou
moins loin par la violence du choc, les statues ont pu y
rester à l'abri, enfouies dans ce terre-plein de décombres
bientôt ombragé d'arbres, jusqu'à ce que la pioche du
défricheur, devançant celle du fouilleur, soit venue les
ramener au jour.
Les sept statues de femmes drapées qu'on a ainsi retrou-
vées ne représentent pas la totalité de celles qui ont dû se
détacher sur le mur du fond, au 11e siècle de notre ère,
lorsqu'un remaniement, qui a laissé des traces certaines,
porta à huit le nombre des bases. Si l'une (7) et peut-être
une deuxième (2) d'entre elles ont dû porter des statues
moins grandes, une autre (3) en a certainement supporté
trois et une autre encore (6) a pu en recevoir deux. Passons
succinctement ces bases en revue d'Ouest en Est.
1 . Base formée de trois orlhostates dressées sur une plinthe
à corniche. Au haut de la face antérieure, on lit :
'Avtmbôîv E'jo'j(j.:v;oo,j
t'v xii-o-j 'J.r-.ïzx
"Ac7]V NiwVOÇ 'ApTE(Xl8« riwÀot
$iXîaxoç rio/.jy stpjiou
'l'oo'.o; ÈnoÎTjaev
FOUILLES DE TIIASOS 227
Un Eupufjtevt8V)ç 'Avcwfffflviroç est connu |);ir une liste de théores
du début du Ier siècle av. '. Si l'on y reconnaît le père de
notre Antiphon, Philiskos de Rhodes viendrait se placer au
milieu de ce. siècle, ce qui conviendrait au peu que Ton sait de
ce sculpteur. On pourrait voir sou père dans le Polycharmos
dont Pline mentionne une Vénus dans le Portique d'Octavie où se
trouvaient l'Apollon et les Muses de Philiskos-. Par la simplicité
de ses lignes et l'élégance sobre de son inscription, cette base de
Philiskos donne l'impression d'être lapins ancienne, impression
que confirme par sa délicatesse la statue qu'elle supportait.
'_'. Petite hase circulaire (diam. 0 '" 60 . Il n'en subsiste que la
plinthe moulurée. Elle paraît avoir été intercalée après coup,
en même temps que la hase 3. Celle-ci pouvant descendre
jusqu'à l'époque des Antonins, on pourrait rapprocher de cette
plinthe une colonnette ronde, recueillie dans la fouille qui porte
une dédicace de cette époque : AÏXta Bp7)|<iet; rov Éauxîj? uijov
$a6ptxiov j QdnXiov rov | v.i Ko'vitov (pour Kofvxov, Qnintus) eùjvotaçxaï
T£t|;jLf,; Tr,; jîc i|ajTov ivr/.Ev. La colonnette n'ayant vraisemblable-
ment pas appartenu à la hase, on en rapproche seulement cette
inscription pour indiquer que l'aménagement définitif du péri-
h( île descend jusqu'en plein n" s. ap., après avoir commencé
sans doute à la fin du ne av. notre ère.
3. Base monolithe à plinthe et encadrement richement mou-
lurés (larg. 0 "' 7<S à la plinthe; 0m 66 à l'inscr. . Les caractères
très ornés reportent à l'époque des Antonins :
'O 07J;j.o; | KXeo7ca~pav | 'AvTiàvaxxoç | vovaïxa xô<j|lu.:ov ts xai auicpoova
x|pET% Ëvexa | rcaaris.
4. De cette base il ne reste en place que la grande plaque de
marbre qui formait plinthe. On pourrait songer à y replacer un
1. /G., XII, s, 312.
2. Pline cite de Philiskos un Apollon avec Latone, 1 tiane el 1rs Muscs, et
un autre Apollon nu (XXXVI, 34) au milieu d'autres sculptures de la fin
du n s.: quant à la Vénus debout de Polycharmos, il semble la mettre en
pendant de la Vénus au bain de Doidalsès XXXVI, 35 qu'on croit pouvoir
placer vers 1j0.
1912. 16
228 FOUILLES DE THASOS
bloc presque cubique (haut. 0m 62, larg. 0 m 65, long. 0m 71)
recueilli dans d'anciens déblais dont la face supérieure porte les
empreintes dune statue et la face antérieure des restes d'une
inscription très effacée. On ne peut reconnaître avec quelque
certitude que deux noms, l'un qui appartiendrait à celui qui fait
la dédicace : ^JsîSmTcofç, l'autre à celle qui en est l'objet :
[Ip]oovîx[oa (? son père?); les deux noms sont connus à Thasos
aux deux derniers siècles avant notre ère auxquels reporte
l'épigraphie.
5. Base formée de trois orthostates dressées sur une plinthe
garnie d'une rangée d'oves (long. lm 75, dont 0m 30 pour la
plinthe ; haut. 0m 90 dont 0 m 30 pour la plinthe). Au haut de la
face antérieure, on lit :
<ï>tX<:ov <ï>avo'X£ra>ç
ttjv âauTOu yjvaïxa
KoOlV A^OVJTOOliJpOU
'ApT£;j.t8t n[wX]oï
Les quatre noms se retrouvent dans les listes de théores (dans
le seul autre exemple qu'on en ait, /.G., XII, 8, 278, 69, KdSi;
est un nom masculin tandis que Koooî est féminin, /. G., XII,
5, 189); mais aucune identification ne s'impose. Les caractères
paraissent légèrement postérieurs à ceux de la base de Philis-
kos.
6. Base dont il ne reste que la plinthe, grande plaque de
marbre de 2m 10 sur lm 20. Elle a pu porter deux statues.
7. Contre la grande base 8, base anépigraphe, se trouvait
appuyée une simple plinthelisse. Les dimensions et les scellements
ont permis d'y replacer une petite base recueillie clans les débris;
elle est faite d'un bloc parallélipipédique en marbre Çlong. 0m 62,
larg. 0m 54, haut. 0m 35) pourvu au bas et au haut d'une légère
moulure et présentant une dépression dont les dimensions
indiquent qu'elle était destinée à une statue moitié grandeur
naturelle. La fouille a précisément donné une portion de bras
nu qui pourrait provenir d'une pareille statue.
8. Grande base qui, au lieu d'être formée d'un seul bloc de
marbre, comme les précédentes, comprend deux assises, l'infé-
FOUILLES DE THÀSOS 229
rieure formée de quatre plaques, la supérieure de trois (l'inf,
mesure 5 ni 57 débordant la sup. de 0m 03 aux deux extrémités).
La plaque centrale de l'assise sup. et le tiers contigu des deux
autres portent la trace dune inscription martelée. On ne distingue
plus que KOT à la fin de ce qui devait être la lre ligne, sans
doute Ko'tu;, en caractères un peu antérieurs à ceux de la base
de Philiskos. On peut s'expliquer ce martelage depuis que la
fouille a fait connaître une grande plinthe, brisée en trois (long.
lm 80, larg. 0Q1 93), pourvue d'une dépression sensiblement
elliptique destinée à recevoir la statue (0m 70 sur 0m 51). Sur la
tranche antérieure, on lit :
<I*]iXd<pp<ov SaTÛpou Xpua[r)îoa KÀjiavopiSou
tt]v Éauxou yuvaïx.a Ttàcnrjç apETï); xai
aaxppoaûvYi; Ivexev
Tout concorde à établir que cette plinthe était placée sur celle
des trois plaques de notre base qui est le plus à l'Est; ainsi posée, à
l'O.elle est travaillée à joint, à l'E. elle offre une face polie que
surmontait sans doute un léger balustre destiné à séparer la
statue de la fontaine dont il sera question plus loin. Le balustre
n'a pas imposé respect à tous les passants ; car c'est probablement
l'un d'eux qui a gravé en caractères d'assez basse époque au pied
de la statue : Zoaîur,; [sic) 'ArcoXkofdv... Après avoir, à la lin du
ue siècle av., reçu sans doute un seul groupe, cette grande
base aurait été remaniée un siècle plus tard pour abriter les
trois statues recueillies à ses pieds. On peut dire abriter, car on
a retrouvé toute la partie 0., parfaitement conservée, et une
portion mutilée de l'angle E. d'une grande corniche en marbre
à moulures, denticules et têtes de lion formant gargouille, cor-
niche qui a dû former comme un auvent au-dessus de cette
grande base.
A l'époque où cette modification fut faite , dix ou onze
statues de femmes ont donc dû s'aligner contre ce mur de
fond. Que d'autres monuments s'élevassent dans le péribole,
c'est ce qu'attestent une dizaine de pièces, retrouvées dans
230 fouilles dl ÎHasoS
la fouille, qui appartiennent à leurs bases. Deux de ces pièces
sont inscrites: la colonnette, déjà citée, que Briséisa élevée
à son fils, et une base, réemployée dans les murs de l'église
voisine, sur laquelle 'Hpw Aswîijjuv-c; remercie son petit-fils
'Apyekxoç QavxpaTiSou; une demi-douzaine consiste en socles
ou plinthes monolithes de formes diverses; la seule qui
nous intéresse ici est un de ces blocs à qui l'on donne l'as-
pect conventionnel d'un rocher où, dans l'art antique,
viennent souvent s'asseoir ou s'appuyer Apollon et les
Muses.
Cette indication est la seule qu'on puisse ajouter, pour
chercher le nom qu'a pu porter ce péribole, à celle que
fournissent les deux dédicaces à 'ApHiuç IIwX.ï). Elle n'y
contredit point. Apollon qui régnait à Thasos, sous le vocable
de Pythios à l'Acropole, sous celui de Nymphégétès peut-
être au Théorion, a pu être associé à sa sœur Artémis dont
des monnaies thasiennes portent la tète à partir de 146 av.
J. -G. Si le vocable de celle-ci est nouveau, il n'a rien de sur-
prenant à Thasos : de nombreux monuments attestent qu'une
déesse cavalière a été adorée par les Thraco-Phrygiens à
côté du dieu cavalier. Ce sont ses monuments qui ont pu
faire croire dans les Balkans à une extension du culte
gallo-romain d'Epona ; c'est cette déesse équestre et ses
fidèles qui, en Phrygie, ont donné naissance aux légendes
des Amazones '. Nous espérions qu'en un lieu où Artémis
avait été adorée comme « pouliche » il nous serait donné de
retrouver des ex-voto rentrant dans cette variété des figura-
tions dites d' << Artémis ailée » où la déesse tient de chaque
main un cheval bondissant, variété à laquelle le nom d' Arté-
mis Pôlô pourra être attaché désormais. Il n'en a rien été et
la centaine de figurines recueillies appartient à ces types que
livre la fouille de toute ville hellénistique : délicieuses
]. Celte hypothèse que j'ai déjà Indiquée ailleurs vient de recevoir
l'assentiment de G". Seure dans son étude Sur quelques types du cnvalier
thrace [Rev. d Et. «me, 1912, p. 1 47;.
FOUILLES DE THASOS 231
têtes de jeunes femmes, dont les modèles se retrouvent
tous à Myrina ou à Tanagra, éphèbes au pétase, masques
grotesques; comme animaux, un lion, un bœuf, un coq, un
pigeon. Ce sont là des bibelots d'étagère et, comme ils ont
été retrouvés au milieu de lampes gréco-romaines et de
pesons de fuseau, de fragments de poterie à figures rouges
ou à reliefs et de tessons grossiers, il semble évident que
toutes ces terres cuites n'ont rien à faire originairement
avec le téménos, mais sont également tombées sur notre
esplanade avec les déblais de terrasses supérieures garnies
de maisons. Des couches archaïques de l'Acropole même
ont dû glisser un aryballe corinthien et une portion de gor-
goneion.
Si rien n'est donc venu confirmer l'attribution à Artémis
Pôlô de ce péribole, la fontaine, à laquelle il a déjà été fait
allusion, peut expliquer pourquoi, sur cette terrasse, s'est
développé un lieu de culte. L'association de cette déesse
(( pouliche » avec une source n'aurait rien qui doive étonner :
on la retrouve constamment pour sa sœur Epona ; le génie
d'une source jaillissante a été aussi souvent conçu sous la
forme d'une cavale que les vagues bondissantes ont évoqué
L'idée de coursiers écumants. Dans VArtémision, la fontaine
ne coule plus. Mais ses eaux calcaires ont laissé leur trace
sur la face du rocher en deux sillons ; ils forment comme
une double gouttière naturelle qui, à défaut de la source
tarie, n'a pas cessé de servir à l'écoulement des eaux de pluie.
Au pied du pan de roche, à 2 mètres environ de l'orifice par
où la fontaine sourdait à sa surface, s'ouvre en terre la faille
où elle disparaissait. Que cette faille ait eu la valeur d'un
véritable chasma, que la source entière ait eu un caractère
sacré, c'est ce qu'on peut induire du fait que le rocher n'a
pas été travaillé, qu'on l'a laissé s'avancer sur L'alignement
du mur de terrasse tel que la nature l'avait disposé. L'amé-
nagement semble avoir été réduit au minimum : le prolon-
gement de l'éperon rocheux formait à L'Est un mur naturel;
232 FOUILLES DE THASOS
il suffît de construire un petit mur bas (1 mètre env.)
parallèle, en moellons de marbre, qui le sépare de la base 8
et, au Nord, de le relier par une margelle semblable au
prolongement rocheux ; on obtint ainsi un petit bassin où l'on
pouvait puiser l'eau miraculeuse plus commodément que
s'il eût fallu la recueillir le long de la paroi rocheuse.
Devant ce bassin paraît s'être étendue une aire dallée,
limitée à l'Est par le rocher et par un mur qui, à en juger
d'après les soubassements qui en subsistent, devait le pro-
longer au Nord sur 8 mètres1.
A l'Est du prolongement rocheux, une butte formée
surtout de tessons et d'ossements noyés dans une glaise
encore grasse s'étendait entre cet éperon et un éperon
parallèle qui avançait de même à 12 mètres plus à l'Est.
Cette butte de déblais noyait au S. un mur de soutène-
ment reliant ces deux éperons dont elle avait recouvert la
crête. En dégageant ce mur, la fouille atteignit, à 2 mètres
de son couronnement actuel, un ensemble qui, bien qu'il
ait été totalement dégagé, reste assez mystérieux. Tout ce
qu'on en peut dire ici, c'est qu'il forme une sorte de soubas-
sement naturel taillé dans le roc ; du côté du mur ce sou-
bassement est bordé par une double assise en pièces de
marbre à smillage; avec la 3e assise qu'elle devait suppor-
ter, ce soubassement atteignait environ \ mètre de hauteur
en face du mur de soutènement dont il n'était séparé que
par une étroite ruelle. Que supportait ce soubassement?
Sans doute un édicule à colonnes puisque deux colonnes
cannelées en marbre ont été retrouvées gisantes a sa sur-
face (la seule qui soit complète a 0m 36 de diam. sup.,
0m 39 de diam. inf. sur une hauteur de 1 m 70 ; 20 canne-
1. Un gros bloc en tuf calcaire a été retrouvé près de la source, portant
l'empreinte de feuilles calcifiées. MM. Matruchot et Friedel que j'ai con-
sultés pour l'identification de ces feuilles hésitent entre le charme et
l'aune : ces deux arbres, considérés par les anciens comme funéraires,
conviendraient au bois sacré d'une Artémis Hécate.
FOUILLES DE THASOS 233
lures) et que trois des plaques schisteuses qui semblent
avoir fait partie du dallage du soubassement montrent de
légères dépressions circulaires : colonnes et dépressions
présentent des diamètres variant entre 0m 39 et 0m 45;
mais il est ditïicile de trouver une combinaison architectu-
rale qui leur convienne. Peut-être faut-il supposer qu'aux
angles du soubassement quatre colonnes supportaient un
toit pour protéger un antique autel dont proviendrait un
bloc cubique en tuf trouvé entre deux des plaques à dépres-
sion circulaire.
Quoi qu'il en soit, cet édicule que la fouille a révélé à
l'Est de l'Esplanade des bases étant au même niveau que
celle-ci et le bord Sud de son soubassement présentant le
même appareil que le « mura smillage », il doit appartenir
au même ensemble. Il n'en est sans doute pas ainsi des
deux grandes fondations dégagées au S.-O. du mur à
smillage. Elles appartiennent à la terrasse supérieure, celle
que le mur à smillage servait à supporter : l'une d'elles
qui court parallèlement, à 1 m 50 en arrière et au-dessus,
est probablement la base d'un mur de soutènement anté-
rieur à celui-ci : ce n'est guère, en effet, après le vc siècle
que, pour constituer un mur pareil, on eût aligné les blocs
énormes, à peine dégrossis, dont le peu qui reste — 3 assises
hautes respectivement de 0m 40, 0m 70 et 0m 60 (l'un des
blocs s'allonge sur 1 m 80) — conserve un aspect cyclopéen.
L'autre fondation, qui vient couper l'extrémité 0. de la
précédente, doit être, au contraire, assez récente : ce qu'on
en a dégagé se présente à peu près comme les trois côtés
d'une enceinte rectangulaire en moellons de marbre ou
gneiss et plaques de schiste liés par un mortier à tuile et
brique qui peut être byzantin; de la maison que cette
enceinte a dû contenir il ne reste qu'un petit puits circulaire
et des amas de tuiles et de tessons. Ainsi, immédiatement
au-dessus du mur des bases, commençaient les maisons
dont les décombres l'ont protégé.
234 FOUILLES DE THASOS
La fouille n'a pas été poursuivie de ce côté où elle sem-
blait ne rien promettre, mais une série de sondages a été
poussée au N.-E. dans une prairie appartenant au couvent
Pantokrator, un champ communal, un vignoble et un pré
de Nicolas Valma, tils du Valma qui. en 1863, indiqua à
Miller l'emplacement du Théorion. C'est cet édifice qu'on
cherchait k retrouver. Ici encore nos espérances n'ont pas
été réalisées.
En suivant le mur de soutènement qui part à l'Est du
rocher surplombant la fontaine, on est arrivé, au bout d'une
vingtaine de mètres, au haut d'un escalier; une douzaine
de grandes marches en schiste (longues de 3 mètres env.)
suivies par une rampe dallée ont mené aux arasements d'un
monastère byzantin. Seule, au milieu des bâtiments con-
ventuels, l'église — du type classique avec narthex, katho-
likon et hiéron, — a pu être entièrement dégagée; autour
de la table de l'autel resté en place, les murs de l'abside
s'élevaient encore k près de 2 mètres; malheureusement le
fouilleur n'a trouvé dans ce travail rendu particulièrement
ingrat par la mauvaise construction des murs aucune des
deux récompenses qu'il pouvait espérer : pas une de ces
sculptures byzantines dont les bas-reliefs — une scène de
chasse et Daniel dans la fosse aux lions — rapportés par
Makridy-Bey k Constantinople (bas-reliefs qu'on disait venir
de là) pouvaient donner l'espoir, et, parmi les marbres réem-
ployés, deux inscriptions seulement1. Le principal intérêt
de cette fouille demeure le fait même de. la découverte de
ce monastère qui doit être celui qu'une charte de 1392
nomme entre autres biens possédés à Thasos par le cou-
vent Pantokrator de l'Athos 2.
1. La dédicace déjà citée de Hérô à son petit-fils Archélaos, et une autre
base qui portail un ex-voto offert à Pan par 6 ippoupoî, le prêtre de
Dionysos et le piètre d'Aphrodite. Celle-ci est en lettres du iv siècle comme
la base d'une statue offerte LTavî xaï 'Aç:oÇ:t7, IG., XII, 8, 368) sur
L'Acropole où l'on connaît depuis longtemps une grotte de Pan.
2. Miklosisch et Muller. Acta et diplomata graeea medii aevi, II, n. 169;
L. Petit, Actes de VAthos, II (1903), p. 10.
FOUILLES DE TIIASOS 2o0
Des sondages faits au Nord du monastère ont révélé un
grand puits comblé et une canalisation en partie intacte
(larg. du canal rectangulaire 0 '" 72, haut. 0 '" 65), aqueduc
ou égout, qui peut remonter à l'époque hellénistique.
Enfin, après quelques autres sondages, une tranchée a
été ouverte à L'Est du monastère, au pied même de la mon-
tée de l'Acropole, dans un pré de Valma où l'on prétendait
que s'étendait un grand dallage de marbre et que de nom-
breuses sculptures avaient été trouvées : la seule d'entre
elles qu'on nous ait montrée, un ex-voto à Asklépios Épé-
kôos1, permettait de supposer que c'était l'Asklépieion qui
se serait élevé dans cette position dominante, et un soubas-
sement de marbre, long de 35 mètres N.-S. avec retour
d'angle, dégagé d'abord, avait laissé espérer qu'on tenait
le péribole d'un sanctuaire. Il s'est trouvé que ce n'était
que le pied d'un grand mur de soutènement précédé d'un
dallage en gneiss formant une sorte de place avec puits
et canal ouvert pour les eaux ; sur la terrasse que suppor-
tait ce mur, une rue montante d'O. en E., large de 1 '" 50, a
été déblayée ; mais les maisons qui la bordaient se sont mon-
trées trop ruinées et leur mobilier trop pauvre pour qu'il y
eût lieu à poursuivre cette exploration. Pourtant, par leur
résultat négatif même, toutes ces recherches n'auront pas
été vaines. Sachant maintenant où ne sont pas l'Asklépieion
et le Théorion, leur localisation s'est, par là-même, limitée.
Dans un dernier sondage, en quête du Théorion, poussé
dans le chemin qui passe au Nord du vignoble Valma, un
fragment de vase est venu an jour portant ce vœu où nous
voudrions voir un augure : 1vj-j-/(o:.
1. I.G., XII, s, 306. En la faisant dégager, on a constaté que c'était une
stcle à pied mouluré avec un petit Télesphoros sculpté sons la dédicace.
Le Gérant, A. Picard.
MACOK, PI»OT\T FRRRES, IMPRIMEURS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGEH
SÉANCE DU 7 JUIN
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Henri Gordier annonce à l'Académie le retour de la
mission en Chine du Dr Legendre.
L'Académie procède au vote pour l'attribution des deux prix
Gobert.
Le premier prix est décerné par 24 voix à M. Ferdinand Brunot
pour son Histoire de la, langue française, des origines à 1900
(Paris, 3 vol. in-8°).
Le second prix est décerné par 25 voix à M. Pierre de
Yaissière pour son ouvrage intitulé : Récits du temps des Irouhles
au XVIe siècle. De quelques assassins (Paris, 1912, in-8°).
M. de Mély, étudiant les influences italiennes qu'on voit dans
les Très riches Heures du duc de Berry de Chantilly, a montré
naguère une vue de Sienne dans la miniature de V Adoration des
Mages de ce manuscrit, signée Filippus. qu'on peut identifier
191 -2. 17
238 SÉANCE DU 7 JUIN 1912
avec un certain Filippo di Francesco, miniaturiste connu de
cette époque à Sienne. Aujourd'hui, il étudie la merveilleuse
page qui représente les signes du zodiaque dessinés sur deux
corps féminins d'une facture essentiellement italienne. Mûntz
les pensait inspirés par des statues antiques ; mais il n'avait pu
en découvrir le modèle. M. de Mély les rapproche du célèbre
groupe des Grâces de la Librairie du Dôme de Sienne. Deux des
Grâces, sur trois, ont seules conservé leurs têtes. M. de Mély
découpe dans la photographie leurs corps et les superpose
comme elles le sont dans le Zodiaque. On voit alors que celte
belle page est une copie des plus exactes, des plus précises
de cet admirable groupe, déjà connu au commencement du
xve siècle. C'est une nouvelle preuve de la présence d'ouvriers
italiens à la cour du duc de Berry, car la technique des deux
femmes aux corps d'éphèbes est complètement différente de
l'idéal flamand de cette époque.
L'étude des différents groupes des Grâces a fait découvrir à
M. de Mély un type inconnu des Trois Grâces, de face, aux
bras tombants, sur une médaille de Tranquillina, femme de
Gordien III.
M. le comte Durrieu présente quelques observations et fait
quelques réserves à propos d'une assertion antérieure de M. de
Mély qui a cru retrouver une vue de Sienne dans les Très riches
Heures du duc de Berry.
MM. Perrot et Salomon Reinacii présentent également
quelques observations.
M. Eugène Gavaignac fait une communication à propos d'une
édition récente de Xénophon '.
1. Voir ci-dessous.
231)
COMMUNICATION
a propos d'une édition récente de xénopiion,
par m. eugène cavaignac.
La dernière édition savante de Xénophon [Bibl. Teuhner.,
Xcnophontis scripta min., éd. Ruehl, 1912) consacre une
correction de Koechly et Riïstow au texte de la AaxsSai^ovûov
TuoXixsia (XI, 4), correction qui doit, je crois, être considé-
rée comme malheureuse :
èx ce TOÔTtoV T(ov [jLOpôv cià icapeYYU^vetDç /.aOiataviat tczï [xèv
etç sva at lyw[/.OTtai, tots Se etç xpsîç, tcts ce e!ç e|.
On sait que tous les manuscrits, confirmés par une cita-
tion de Stobée, portent :
av. ce tc'Jtwv tôv [/.opûv Sià TcapeYY^^swÇ xaGiaravcat tot-è p.èv
eîç ivco^c-aa?, tcts es sic tpeîç, TOTà cà etç è'Ç1.
La phrase a gêné depuis long-temps les philologues par
son tour trop elliptique. M. Pierleoni (Studi ita.1. <li filol.
classica, 1905, p. 57) propose de corriger ainsi :
. . ./.aOiaxavTai elç èvwjJi.O'Ciaç, tots p.èv eîç Tpeïç, tots ce etç ïz.
De telles variantes n'importent qu'au point de vue paléo-
graphique ou philologique, tandis que le changement de
Koechly porte sur le fond même des choses : la phrase
de Xénophon vise-t-elle la constitution des énomoties
(escouades) en files, sur le terrain, ou la constitution des
hommes en énomoties? On comprend que la première idée
1. Remarquons pointant que Zeunius, qui avait collalionné tous les
manuscrits (1778 ), et dont l'éditeur Haase ^1833) dit : « qui vir si studio
laudabili par ingenium adjunxisset, optime de his libris meritus foret »,
avait cru lire : totè [jùv et; âvoi;j.OT''a; rpetç, -ozi o\ a; gÇ,
240 UNE ÉDITION RÉCENTE DE XÉNOPHON
se soit présentée à l'esprit d'écrivains habitués aux récits de
batailles de Xénophon. Mais, outre que le renseignement
donné serait alors inexact, la phrase serait mal placée dans
le chapitre de la [ïoXrceia : or, la suite de notre exposition
montrera, j'espère, que ce chapitre est très logiquement
ordonné.
Pour bien comprendre cette phrase, telle que la donnent
nos manuscrits, il faut avoir présents à l'esprit certains faits
mis en lumière ici même (1908), dans un mémoire de
M. Dieulafoy. Le but de l'organisation Spartiate était la
constitution d'une phalange homogène dans le sens de la
longueur, hétérogène en profondeur. Au premier rang, on
mettait par exemple des hommes de 30 à 40 ans (Hellén.,
III, iv, 23; IV, v, 16, etc.); en serre-file, des hommes plus
mûrs, de 40 à 50 ans (Anah . . VI, v, 4); au milieu, des
conscrits et des vétérans.
Mais cette formation de combat, pour être prise instanta-
nément (comme il arriva à Mantinée 418), devait être pré-
parée soigneusement dans les unités militaires. C'est ce qui
avait lieu en effet, et c'est à quoi fait allusion Xénophon
dans le passage qui nous intéresse. C'est ce point que je vais
tâcher de mettre en lumière.
Considérons la classe des Pairs qui, à Sparte, est seule
astreinte tout entière au service militaire entre les limites
d'âge de 20 et de 60 ans. A l'époque où écrit Xénophon (début
du ivc siècle), il ne faut guère évaluer à plus de 1.500 le
nombre des hommes inscrits dans les mores, la garde royale,
les cavaliers, etc., étant à part. Au reste, nous ne prenons ce
chiffre qu'à titre d'exemple : si l'on croyait devoir le modi-
fier, il n'y aurait qu'à modifier proportionnellement tous
ceux qui vont suivre.
Ces hommes sont divisés en 8 bans, de 5 en 5 ans, dont
nous calculerons la force respective d'après les statistiques
françaises : il va de soi que celles-ci peuvent ne pas s'ap-
pliquer rigoureusement, mais, encore une fois, les chiffres
250
h.
210
200
+
200
180
—
165
150
+
150
—
UNE ÉDITION RÉCENTE DE XÉNOPHON 2il
suivants ne sont pris qu'à titre d'exemples. L'analogie
donne :
20-25 ans
25-30
30-35
35-40
40-45
45-50
50-55
50-55
1 . 505
Ces hommes sont divisés en 6 mores, mais non pas pêle-
mêle : dans chaque more, les bans sont proportionnellement
représentés. La lre more par exemple comprend :
lor ban
2"
3e
4e
5e
6e
8e
250
et ainsi des autres. Ce travail de répartition une fois fait,
il est très simple de le tenir au courant, puisqu'il est exécuté
à loisir : naturellement, le hasard des disparitions ne permet
pas toujours une égalisation aussi rigoureuse que celle que
nous avons indiquée.
En cas de mobilisation, les éphores indiquent d'abord les
limites d'âge dans lesquelles les hommes sont appelés.
Supposons, à titre d'exemple, qu'ils appellent les hommes
de 30 à 45 ans. La première more, par exemple, sera
représentée par
40
35
h.
+
35
—
30
30
+
30
—
25
25
+
242 UNE ÉDITION RÉCENTE DE XÉNOPHON
3e ban 35 h. +
4e ban 30 h. +
5e ban 30 h.
100 h.
et ainsi des autres. On divise alors chaque more en énomo-
ties, 1 , 3 ou 6, — dans l'espèce, 3 probablement, — mais
toujours de façon que chaque ban appelé soit représente
proportionnellement dans les énomoties. La lre énomotie par-
exemple comprendra :
3e ban 11-12 h.
4e ban 10-11 h.
5e ban 10 h.
32 h;
et ainsi des autres. Ce travail serait très long, s'il n'était
préparé dans les mores ; mais, étant préparé, il peut
s'exécuter très rapidement au moment de la mobilisation,
par les polémarques et par les énomotarques, otà wape-fY^-
ffStoÇ '.
L'énomotie constituée, l'énomotarque commence par la
mettre en ordre de combat ; dans l'espèce, il mettra les
hommes de 30 à 35 ans au 1er rang-, ceux de 40 à 45 ans en
serre-file, ceux de 35 à 40 ans au milieu. Puis il égalisera
les files en mettant, par exemple, les hommes sur 4 rangs
(l'ordre par 4 est commode pour les revues et pour la
route) :
1er rang * * * * - * * « * , h. du 3e ban
2P « x x x ... . . , h . du 4° ban
3e || | , h . du 5e ban
4e I I I I I 1 I |
Il pourra alors faire doubler et même quadrupler les files,
l. TtapeYyuav = faire passer V ordre dans les rangs, ensuite ordonner
L. Gautier, La langue de Xénophon. Genève, l(.»ir.
UNE ÉDITION RÉCENTE DE XÉNOPIKIN 243
et surtout faire reconnaître le chef de file par chaque
homme, ce qui est le point essentiel, l'opération décisive
du dressage militaire, celle où se révèle l'excellent entraî-
nement du Spartiate. Cela fait, on peut exécuter les divers
mouvements que Xénophon, dans le chapitre qui nous
intéresse, énumère dans l'ordre le plus naturel :
mettre l'énomotie en marche par le flanc :
si l'ennemi paraît en tête, faire faire à gauche en ligne;
si alors on est attaqué par derrière, faire une contre-
marche par files ;
si l'ennemi paraît à droite, faire front à droite;
de même à gauche, etc.
Pourquoi, maintenant, les énomoties de Spartiates étant
au plus au nombre de 6 par more, les cadres de la more
comprennent-ils 16 énomotarques? C'est qu'aux Spartiates
sont adjoints les Périèques.
Ceux-ci sont levés comme les Spartiates, sauf que, étant
plus nombreux, on peut opérer parmi eux une sélection
Une fois levés, ils sont constitués en énomoties comme les
Spartiates : devant combattre avec ceux-ci « épaule contre
épaule », il ne faut pas que leurs escouades rompent l'homo-
généité de la phalange lacédémonienne. La question de
savoir si, quand on ne lève que 3 énomoties de Spartiates,
on lève 5 ou 13 énomoties de Périèques, ne me paraît pas
facilement soluble avec nos textes (en tout cas M. Busolt,
Hermès, 1905, exagère certainement la proportion de
l'érièques à Leuctres).
Quand les énomoties de Périèques ont rejoint, on groupe
2 énomoties en 1 pentékostys, 2 pentékostys (ou 4) en
1 loche. Le loche est l'unité tactique par excellence.
Théoriquement, quand la levée est complète, 2 loches (ou i)
doivent reconstituer la more, unité de recrutement ; mais
dans ce cas seulement. Si la levée n'est pas complète, il est
évident qu'on n'a pas 2 (ou 4) loches par more; il peut
24 i LIVRES OFFERTS
alors rester un surplus qu'on groupera en un ou plusieurs
loches séparés (comme à Mantinée 418).
Au reste, le mode de groupement des unités a pu varier,
et ces variations sont d'importance secondaire. On a eu
tort, je crois, de porter sur ce point tout l'effort de la discus-
sion .
Ce qui est essentiel, ce sont les principes exposés ci-
dessus, principes qui ont toujours présidé à l'organisation
de la phalange Spartiate, avec ses trois degrés :
la more, unité de recrutement ;
l'énomotie, unité de mobilisation,'
le loche, unité tactique.
Ces principes étaient appliqués aussi ailleurs qu'à Sparte,
mais avec la gêne qu'imposait la division en tribus, main-
tenue à l'armée. A Sparte, tout était subordonné aux
considérations purement militaires , avec une rigueur qui
explique la longue supériorité de l'armée lacédémonienne.
LIVRES OFFERTS
M. Héron de Villefosse offre à l'Académie, au nom de M. Eugène
Lefèvre-Pontalis, directeur de la Société française d'archéologie, les
Comptes rendus du LXXVHe Congrès archéologique de France, tenu
à Angers et à Saumur en 1910; t. I-II (Paris-Caen, in-8°, avec
251 planches ou figures).
« Depuis plusieurs années cette publication, qui remonte à l'année
1834, a été complètement transformée : le choix des articles et une
abondante illustration phototypique lui ont donné une importance
exceptionnelle. Les comptes rendus de chaque congrès forment
maintenant deux volumes dont le premier comprend le Guide du
Congrès tandis que le second est réservé aux Procès-verbaux et aux
Mémoires.
« Le Guide archéologique du Congrès d'Angers et de Saumur a
éU- rédigé par MM. André Rhein, le chanoine Urseau, R. Triger et
LIVRES OFFERTS 245
G. Fleury. Son intérêt est très agréablement varié : on y trouve la
description de tous les édifices civils ou religieux que le Congrès se
proposait de visiter. A Saumur, les églises, le château, l'hôtel de
ville, les remparts et les maisons anciennes; au bourg de Candes où
mourut saint Martin, une grande église des xne et xme siècles; à
Fontevrault, la célèbre abbaye dont l'église, par les soins éclairés de
M. Magne, vient d'être rétablie dans son état primitif; à Asniôres,au
Puy-Notre-Dame, à Montreuil-Bellay, à Oiron, à Saint-Jouin-de-
Marncs, à Airvault, à Gennes, à Angers et au Mans, partout dans cette
région privilégiée, de nombreux et grands édifices religieux, civils
ou militaires s'offraient à l'attention. Indépendamment des explica-
cations orales, données sur place, en visitant les monuments, par le
directeur de la Société, il suffisait d'ouvrir ce premier volume pour
y trouver les renseignementsles plus complets sur chacun des monu-
ments visités. Cent quarante planches ou figures mettaient sous les
yeux des congressistes les plans, les statues, les tombeaux, les
peintures, la décoration architecturale, les portails, les chapiteaux,
en un mot tout ce qui pouvait présenter pour les recherches un
intérêt artistique ou archéologique. Il est difficile de composer un
guide plus pratique : c'est en même temps un répertoire très sûr et
scientifiquement rédigé.
« Le second volume renferme les mémoires présentés au Congrès.
Il sera particulièrement utile pour l'étude des églises de l'Anjou, pour
celle des œuvres d'art qui y sont conservées, pour celle des pein-
tures du moyen âge qui en décorent les murs. Les influences ange-
vines en Vendée, en Blésois et en Vendômois y sont l'objet de
remarques ingénieuses. On y trouvera un travail de M. Louis de
Grandmaison, ancien archiviste départemental d'Indre-et-Loire, sur
un document de la plus haute importance. Jusqu'à ce jour on ne
connaissait aucun compte de la construction du château d'Amboise.
M. de Grandmaison a trouvé dans les archives du château de Coulaine,
près de Chinon, un manuscrit qui contient le compte des années 149*i-
1496; il en publie le texte précédé d'un commentaire fort instructif.
Ce compte fournit une précieuse contribution à l'histoire de l'art à
la fin du xve siècle; il montre la grande influence que le chantier
d'Amboise, peut-être le plus considérable de la fin du xve siècle, eut
sur toutes les constructions élevées au début du xvr. Celte influence
se fit particulièrement sentira Gaillon,où l'on retrouve plus tard, avec
un rôle important, certains des maçons qui travaillèrent à Amboise.
J'insiste sur l'abondance et l'intérêt des reproductions qui accom-
pagnent ces deux volumes : deux cent cinquante et une planches ou
figures, exécutées d'après les meilleurs et les plus récents procédés
246 LIVRES OFFERTS
leur donnent une physionomie tout à fait vivante ; elles contribuent
fort efficacement à démontrer la richesse et la variété des monuments
M. Héron de Villefosse présente ensuite à l'Académie, de la part
de l'auteur, le fascicule V des Notes et documents publiés par la
Direction des antiquités et des arts. Forum et églises de Sufetula, par
Alfred Merlin, directeur des antiquités et des arts de la régence de
Tunis, 1912.
« Ce fascicule est entièrement consacré aux ruines de Sbeïtla,
l'antique Sufetula, ruines connues depuis longtemps, mais à la con-
servation et au déblaiement desquelles la Direction des antiquités
n'a pu veiller d'une manière pratique que depuis la création de la
voie ferrée d'Henchir-Souatir. Le principal objectif du Directeur des
antiquités a été le dégagement complet du forum de l'ancienne cité,
qui s'étend devant les temples du Capitole et où l'on pénètre par
une porte triomphale de l'époque d'Antonin. Ce forum était orné de
portiques et de statues nombreuses dont tous les socles avaient été
déplacés; les statues n'ont pas été retrouvées, mais leurs piédestaux
indiquent qu'elles représentaient des dieux, des empereurs ou de
riches particuliers, bienfaiteurs de la cité. L'amphithéâtre, situé en
dehors de la ville et dont on ne distingue plus aujourd'hui que les
contours, avait été fouillé dès 1884 par le lieutenant Boyé, aux
recherches duquel on doit un bon nombre de textes épigraphiques.
« Les fouilles, poursuivies de 1906 à 1911, ont amené, outre le
déblaiement du forum, la découverte et le dégagement de deux
églises, la basilique du prêtre Servus, flanquée sur la nef latérale
droite d'un baptistère carré, et la basilique de l'évêque Bellator. En
1908 une chapelle chrétienne, dite de l'évêque Jucundus, a été
découverte à droite de cette seconde basilique. On a encore constaté
à Sbeïtla la présence d'autres églises dont les ruines ne sont pas
entièrement explorées. L'existence de tous ces édifices religieux qui
renferment des inscriptions et des morceaux décoratifs intéressants
suffirait à attester la grande importance, à l'époque chrétienne
d'une ville dont le patrice Grégoire devait faire sa capitale vers le
milieu du vne siècle.
« L'étude des monuments de Sufetula est singulièrement facilitée
par les documents réunis dans ce fascicule. Des notes nombreuses
renvoient aux travaux déjà publiés et une grande carte donne l'état
(lt^ ruines à la fin de 1911. Un plan du forum, ceux des deux
grandes basiliques, des vues d'ensemble et de détail, notamment
pour le forum et les basiliques, permettent d'apprécier l'importance
SÉANCE DU 11 JUIN 1912 247
des Lravaux exécutés par le service des antiquités. Dans Un texte
net et précis, M. Alfred Merlin a exposé avec une parfaite clarté l'in-
térêt de ces grandes ruines. »
M. Emile Picot a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie un volume que je viens de
publier : le tome IV du Catalogue de la Bibliothèque James de
Rothschild. Ce volume contient la description très détaillée de plu-
sieurs centaines d'articles acquis depuis IS1)^. La collection est
devenue une des plus importantes qui existent pour l'étude de la
poésie française au xve siècle et à l'époque de la Renaissance. Elle
est même plus complète à cet égard que ne l'est la Bibliothèque du
Musée de Coudé à Chantilly. »
SÉANCE DU 14 JUIN
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Adam,, maire de Boulogne-sur-Mer, invite l'Académie à se
faire représenter à l'inauguration, qui aura lieu dans cette ville,
le 30 juin prochain, du monument élevé à la mémoire du pro-
fesseur E.-T. Hamy.
L'Académie délègue M. Henri Gordier.
M. G. Jullian donne lecture du rapport de la Commission des
antiquités nationales sur le concours de cette année '.
M. Héron de Villefosse présente à l'Académie, au nom du
H. P. Jalabert, professeur à l'Université de Beyrouth, une note
sur une inscription latine récemment découverte dans cette ville.
Ce texte concerne un tribun de la légion VII Claudia, C. Yale-
rius Rufus, originaire de Beyrouth, qui fut envoyé en Chypre
avec un détachement de cette légion pour participer à la
répression d'une révolte des Juifs si nombreux dans l'île. Cette
révolte était la conséquence de soulèvements analogues qui
I . Voir ci-dessi >us, p. 2 jT.
248 UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE
venaient de se produire en Cyrénaïque et en Egypte, En 116-
117, les Juifs de Chypre, sous la conduite d'Artémion, avaient
mis tout le pays à feu et à sang. La ville de Salamine fut entiè-
rement saccagée parles insurgés. La nouvelle inscription apporte
un renseignement précieux pour l'histoire de cette insurrection
en nous faisant connaître le nom et la carrière d'un des officiers
qui contribuèrent à l'étouffer1.
M. Bernard Haussoullier communique à l'Académie une
inscription inédite de Delphes. C'est un traité d'assistance judi-
ciaire conclu au me siècle avant J.-C. entre Delphes et Pellana,
ville d'Achaïe, le seul qui ait été retrouvé de ces traités qui
étaient si nombreux à Delphes et qui avaient pour objet d'assu-
rer la justice aux citoyens des deux villes contractantes dans
l'une et l'autre ville. M. Bernard Haussoullier restitue au
tableau deux fragments relatifs à la formation des tribunaux.
Dans une seconde lecture, il montrera l'originalité de plusieurs
des articles du traité.
COMMUNICATION
UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE,
PAR LE R. P. JALABERT.
L'inscription que j'ai l'honneur de présenter à l'Acadé-
mie a été découverte tout récemment, à une centaine de
mètres de l'établissement des Sœurs de la Charité de Ras
Beyrouth. La pierre gisait, à une faible profondeur, sous
une couche de sable rouge ; elle a été exhumée par des
terrassiers occupés à creuser les fondations d'une maison.
Après examen, il n'a pas semblé opportun de pousser la
fouille ; car le roc vif, rencontré, sur plusieurs points, très
près du sol actuel, ne laissait pas l'espoir de découvertes
l. Voir ci-dessous.
UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE 249
nouvelles, d'autant que le bloc n'était visiblement plus in
situ. Transporté sans doute d'ailleurs, il a été anciennement
remployé comme seuil ou jambage de porte : c'est du moins
ce qu'on peut conclure des entailles profondes qu'il porte
sur le flanc droit. On a trouvé, au même endroit, un mor-
ceau d'entablement mouluré, retaillé lui aussi.
Le cippe, sans moulures, mesure 1 m 12 de hauteur et a
une section de 0 m 47 X 0 m 40 ; la pierre, un calcaire à
grain très fin, n'est sûrement pas locale. L'inscription, gra-
vée en caractères de 0m (H et 0m 035 (sauf la première ligne,
dont les lettres ont 0m 07) est d'une belle écriture du
ne siècle; les lettres, grêles et très serrées, sont très nettes, à
la réserve des E F I L I , dont les branches fort courtes prêtent
à quelques confusions. On notera, comme particularité
graphique, un trait oblique dans l'interligne qui surmonte
partout l'O final1. Le lapicide prolonge volontiers l'X ;
même remarque pour Y et pour I dans Imp(erator).
Aucune difficulté de lecture :
C. Valerio, T. f., Fab{ia tribu), Rufo, honor(ibus) decu-
rionalih{us) orn(ato) dec(urionum) dec(reto), praef(ecto)
coh(ortis) VI praetor(iae), tr(ihuno) mil(itum) leg(ionis) VII
Cl{audiae) P(iae) F(idelis), rnisso cum vexillo ah Imp{era-
tore) Nei-va Traiano Optumo Aug(usto) Ger(manico) Dacico
Parth(ico) Cyprum in expeditionem, praef(ecto) alae Gaetu-
lor(um), praef(ecto) Imp(eratoris) Caesaris Trani (sic)
Hadriani Aug[usti) P{atris) P(atriac) (duum)virali potcs-
tate, L. Careius Adicctus Sedatianus oh mérita.
Le monument est intéressant et mérite quelques lignes de
commentaire.
1. Cet accent pourrait jouer le rôle d'apex, puisque aussi bien l'apex se
rencontre sur Vo final, v. f. CIL, III, 1206" : CaésiA, honô; il semble
cependant devoir en être distingué, car on trouve, simultanément dans le
même texte, ces deux particularités graphiques, trait oblique cl apex de
forme normale, v. g. CIL, VI, 2731.
i Ai
lit mWmim
m
; v
iVSûi fS
Vu\AN
^mifiH^iM
wm
\l I -•
K
wmmm
WÊ I
■■
Inscription trouvée à Beyrouth Syrie).
UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE 251
Signalons d'abord une anomalie assez grave : la mention
praef(ectus) coh(ortis) VI practor(iac) se heurte à une
double difficulté, le titre lui-même et le rang qu'il occupe-
rait dans la carrière de Valerius Rufus. S'il s'agissait d'un
commandement de cohorte prétorienne, nous devrions lire
trib(uno) et non praef(ecto) : la substitution que nous ren-
controns ici serait — du moins, je le crois — sans précé-
dent1. Une objection non moins grave se présente du fait
que ce commandement de prétoriens, en cette place, trou-
blerait l'ordre bien connu des trois militiae équestres 2. Cet
ordre, par contre, — praef. coll., trib. mil. leg., praef.
alae — subsiste si nous admettons une légère inadvertance
du lapicide. Sur ce point, il faut bien en venir aux conjec-
tures, mais il sera préférable de ne pas trop y insister : le
graveur avait-il à transcrire coh. VI Petraeor(um)3, coh. VI,
ou V//4 Raetor(um)bc! S'agissait-il, au contraire, tout sim-
1. Cf. Daremberg et Saglio, s. v. Praetoriae Cohortes ; A. v. Domaszewski,
Die Rangordnung des rômischen Heeres (Heft 1 17 des Bonner Jahrhiicher,
1008), p. 115, 137, 111. On ne peut faire état de l'inscription de Vérone
(CIL. V, 3356), car la mention praef. coh. II pr. vise évidemment la pré-
fecture d'une cohorte auxiliaire, comme l'a reconnu Cichorius (Pauly-
Wissowa, s. v. Cohors, col. 325j.
2. Voir surtout Domaszewski, Rangordnung, p. 122 et suiv.
3. La coh. VI Petraeorum nous est connue par le diplôme de Fik
(I). CIX, CIL, III, p. 2328'°); elle se trouvait en Syria Palaestina en 139.
Sur les cohortes Petraeorum, cf. Cichorius, col. 324-325, on remarquera
que les coh. I, IV, V et VI sont signalées par des inscriptions relatives
aux auxilia de Syrie, D. CIX (en 139), CX (en 157), CIL, III, 600, cf. 1 42033S
— Dessau, 2725. Bormann a proposé (Jahresheftc de Vienne, III, 1000,
Beihlatt, col. 25 et 30) d'attribuer le commandement de Lollianus, men-
tionné dans CIL, III, 600, à la campagne de Lucius Verusen Mésopotamie :
mais Dessau (loc. cit.), après Cichorius (col. 325), le rapporte à la guerre
de Trajan. S'ils ont raison contre Bormann, nous serions assurés de la
présence de la coh. V Petreorum et de la 1 Ulp. Petreorum en Orient à la
date où nous reporte le texte nouveau de Beyrouth.
4. Pour lire VII Raelor(um), il faudrait supposer que le graveur a trans-
formé en P la dernière unité du numéro de la cohorte; paléographique-
ment, cette lecture serait, somme toute, assez satisfaisante.
5. Les deux cohortes VI et VII Raetorum sont connues (cf. Cichorius,
col. 327-328) ; elles étaient cantonnées toutes deux en Germanie.
252 UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE
plement d'une coh. praetoria ', dont le nom serait tombé et
que nous ne connaîtrions pas par ailleurs? Le champ reste
ouvert aux hypothèses'2; en tout cas, il ne semble pas
qu'on puisse maintenir, sans réserve, la lecture matérielle
coh. VI praetor(iae):i, en entendant par là une cohorte de
prétoriens 4.
Quoi qu'il en soit de cette incorrection ou de cette diffi-
culté, la carrière de Valerius garde un double intérêt. Elle
apporte une précision nouvelle à l'histoire de la Legio VII
Claudia et nous fait connaître un détail assez important
pour l'histoire de Chypre.
Tribun de la Legio VII Claudia p[ia) f(idelis)b, il semble
certain que Valerius Rufus dut prendre part à la guerre
parthique de Trajan, car la VII* Claudia fournit, comme
1. Cf. la coh. I Augusta praeloria Lusilanorum. Cichorius ne donne pas
d'autre exemple de cohors praetoria car les deux mentions de coh. II Pr.
et III Pr. (col. 325) sont douteuses.
2. Une autre correction, possible et à la rigueur satisfaisante, donnerait
praef. coh. {Ul)p. Raetor(um) ; mais il ne semble pas que les cohortes
Raetorum aient reçu le nom de Trajan.
3. Praetoria est généralement abrégé pr.; mais on rencontre également
prêt, praeto. (y. g. CIL, VI, 2638) etpraetor. (v. g. CIL, VI, 2590).
4. [Il est probable que le titre de l'officier était praef(ecto) coh ortis)
Ulp(iae) Raetor(um). Le modèle devait porter :
COHVLP RAETOR
dont le graveur à fait: COHVIPRAETOR en transformant VL en
VI, et en rapprochant le P du R.j
5. La lecture parait certaine et il ne semble pas que le trait oblique qui
coupe la barre horizontale surmontant le numéro de la légion soit une
correction du graveur. — Sur la Legio VII Claudia pia fidelis, cf. Darem-
berg et Saglio, s. v. Legiones, p. 1083; W. Pfitzner, Geschichte der rôm.
Kaiserlegionen, p. 242-243; E. De Ruggiero, Dizionario Epigrafico, s. v.
Claudia, p. 281-285 ; Mm' V. Vaschide, Histoire de la conquête romaine de
la Dacie et des corps d'armée qui y ont pris part, 1903, p. 145 et suiv.;
Bogdan Filow, Die Legionen der Provinz Moesia von Auguslus bis auf
Diokletian (Rlio, sechstes Beiheft, 1906), passim. — Le nom de C. Valerius
Rufus est à ajouter à la liste des tribuns dressée par M"" Vaschide, op.
cit., p. 151-152; on y joindra de même ceux de M. Fabius Paternus
\nnce épigr., 1901, n" 15) et de L. Clodius Ingenuus [ibid., 1906, n° 104.)
UNE INSCRIPTION INÉDITE DK BÉRYTE 253
les autres de Mésie, un détachement à cette campagne l. Je
ne crois pas que le fait puisse être contesté ; d'ailleurs, s'il
restait un doute sur ce point 2, il serait levé par notre inscrip-
tion, car c'est visiblement à la fin de la guerre parthique,
qui l'avait fait appeler en Orient, que Valerius fut envoyé
en Chypre avec un détachement, vexillum ■}.
1. Cf. Bogdan Filow, op. cit., p. 68 et 71. Il semble, en effet, que c'est
comme centurion de la leg. VII Claudia que G. Nummius Constans (CIL,
X, 3733 = Dessau 20S3) fut décoré (oh hélium Parlhicnm) par Trajan,
tandis que les autres décorations qu'il reçut d'Hadrien (oh hélium
Iudaicum) correspondraient à son centurionat dans la leg. III Cyrenaica.
Suivant Pfitzner (op. cit., p. 188), Mma Vaschidc (op. cit., p. 150) et Chapot
(La Frontièrede VEnphrate, p. 80 ; lire non pas CIL, V, 3733, mais X, 3773),
l'inscription de Nummius témoignerait delà participation d'une vexillation
de la legio VII Claudia à la guerre juive d'Hadrien. La conclusion ne paraît
pas justifiée, l'explication de B. Filow est beaucoup plus naturelle, et l'on
peut affirmer qu'il n'y a pas trace de détachements de cette légion dans la
guerre de 132-135; cf. Schùrer, Geschichle des Iùdischen Volkes, I, p. 687,
note 116.
On peut, je crois, rattacher au passage en Syrie de ce détachement de
la legio VII, lors de la guerre parthique de Trajan, les inscriptions d'Alep
CIL, III, 192), de Cyrrhus (CIL, III, 194, 195) et d'Aintab (F. Cumont,
Inscriptions latines dès Armées de l'Euphrale, dans le Bulletin de
VAcad. roy. de Belgique, classe des Lettres, 1907, p. 577). M. Cumont a
revu CIL, III, 191, et donné de ces différents textes une explication qui ne
laisse rien à désirer. Il n'est cependant pas assez aflirmatif (p. 578), à mon
sens, sur la participation de la legio VII Claudia à la guerre parthique de
Trajan : c'est un fait nettement établi.
2. V. Chapot (Frontière de l Euphrate, p. 80) ne compte pas la legio VII
parmi les renforts venus de l'extérieur pour la guerre parthique de Trajan.
Cependant (p. iOl) l'inscription relevée par M. Cumont à Aintab l'a amené
à accepter que « cette légion fut temporairement en Orient, peut-être
pour la guerre parthique de Trajan ».
3. Ces unités militaires spéciales, détachements fournis soit par des
légions soit par des troupes auxiliaires, sont dites tantôt vexillaliones et
tantôt vcrilla. Ve.rillatio n'appartient pas à la langue de Tacite vMarquard,
et Mommsen, Manuel, t. XI : L'organisation militaire chez les Romains,
p. 185, n. 4); mais, par contre, se trouve très fréquemment dans les
inscriptions, peut-être même à l'exclusion de vexillum, bien que les
diverses abréviations (vex., vexil.) laissent parfois le lecteur incertain du
supplément.
De l'usage épi graphique de vexillum je ne connais que deux exemples,
tous deux douteux, CIL, VI, 3505 et CIL, III, 143962). Dans le premier
1912. 18
•):')ï UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE
De quelles opérations militaires s'agit-il ? L'hésitation
n'est pas possible : il ne peut être question ici que de la
répression de la révolte des Juifs, si nombreux dans l'île ',
qui, sous la conduite d'Artémion, auraient, en 1 16-117, mis
tout le pays à feu et à sang. Dion Cassius, qui est le seul à
nous faire connaître avec quelque détail cette insurrection,
contrecoup ou prolongement du soulèvement de Gyrène,
parle de 240.000 habitants massacrés par les Juifs et d'une
ville, Salamine, saccagée par les révoltés'2. De la répression
nous ne savions rien en dehors des dispositifs du bannis-
sement prononcé contre les Juifs 3 ; le texte nouvellement
découvert vient donc combler une lacune dans l'histoire de
cette sanglante tragédie. On se convaincra facilement de la
corrélation entre la révolte et l'envoi du renfort commandé
par Valerius Rufus 4 par un simple rapprochement de dates :
la révolte aurait éclaté en 116 ou 117 ; or l'expédition d'un
vexillum en Chypre est précisément de la même année,
texte, on complète généralement: ad vexilla[tiones deducendas], et cette
restitution est justifiée par plus d'une formule analogue, v. g. CIL, IX,
2457: cependant la lecture ad vexilla [deducenda?] demeure, à la rigueur,
possible. Quant à l'inscription des carrières d'Enesh, on pourrait peut-
être reconnaître, à la seconde ligne (CVMVEXILLO SK¥ . la mention
d'un détachement, vexillum, légionnaire. Je sais bien que cette lecture se
heurte à de sérieuses objections et qu'il est peut-être plus sûr de s'en
tenir à celle que propose M. Cumont : siglnifer leg[ionis) [IV] Scyt hicae)
cum vexillo (Inscriptions latines des Armées de VEuphrate, p. 565, n° 10).
Dans ce cas, vexillum ne désignerait plus que le drapeau.
Sur les vexillationes en général, voir Marquardt et Mommsen, Organisa-
tion militaire, p. 184-189; Domaszewski, Rangordnung, passim, etc., et
surtout la dissertation de C. Tschauschncr, Kriegsvexillalionen von Clau-
dius his Hadrian, 1907. Les textes de Tacite relatifs aux vexilla ont été
étudiés dans le travail si savant et si judicieux d'A. v. Domaszewski, Die
Fahnen im rômischen Heere, 1885, p. 24-28.
1. Sur les Juifs en Chypre, voir Schiirer, Geschichte des jùdischen
Yolkes, III4, p. 4, 5, 56, 140: The Jewish Encyclopédie, IV, s. v. Cyprus.
2. Dio Cassius, LXVIII, 32.
3. Ihid. Voir les autres textes dans Schiirer. I'-'1, p. 666, note 53.
4. Une inscription de Knodara [CIL, III, 215; mentionne la coll. VII
Breucorum c. R. equilala: il est probable qu'elle coopéra à la répression
de l'insurrection juive : cf. Cichorius, art. Cohors, col. 260.
UNE INSCRIPTION INÉDITE \)K BÉRYTE 255
comme l'indique la titulature de Trajan1. D'ailleurs, l'his-
toire de Chypre ne présente, entre 114 et 117, aucun autre
événement qui ait pu nécessiter l'intervention dans l'île d'un
commandant extraordinaire, missus in e.vpcdifionem2.
La campagne de Valerius Rufus en Chypre ne lut qu'un
épisode dans son stage de tribun légionnaire. Il ne fut même
pas décoré. Après ce tribunat, sur lequel s'était greffé un
mandat de chef de vexillum, il fut promu au commande-
ment d'une aile de cavalerie, Yala GaetulorumK Là s'arrête
sa carrière militaire. Rentré à Béryte, — peut-être sa patrie
d'origine, et où, en tout cas, il jouissait d'une particulière
estime'1, — il obtint l'honneur enviable d'être désigné
comme substitut d'Hadrien, choisi comme duumvir par la
colonie, prac(fectus) Imp [duum)virali potestate-\
1. C'est en 116, avant le 29 août, que Trajan reçut officiellement le titre
de Parthicus. On le rencontre cependant, dès 114, dans de rares inscrip-
tions; cf. Dessau, 297, n. 1 ; Cagnat-, Cours dépigraphie latine3, p. 188.
1. Cf. electus a divo Hadria.no et missus in expeditionem Britannicam
'CIL, XI, 56321 ; missus a divo Ha.dria.no in expeditione ludaica ad vexilla-
[liones '.' deducendas'.'} {CIL, VI, 3505); missus in Parthiam (Silzungsbe-
richle de Berlin, 1903, p. 817 : inscription de Velius Rufus à Ba'albek). Je
ne puis me dispenser de citer les études, si pénétrantes et concordantes
sur bien des points, dont ce dernier texte a été l'objet de la part d'E.
Ritterling {Jahreshefle de. Vienne, 1904, Beihlalt, col. 23-35) et d'A. v.
Domaszewski (Philologus, LXVI, 1907, p 164-170;. — Sur ces commande-
ments extraordinaires, cf. Domaszewski, liangordnung, p. 135-136.
3. On connaît deux ailes de ce nom, VAla Gaetulorum veterana et V .Ma I
Flavia Gaelulorum. La première prit part à la guerre juive de Vcspasien
{CIL, V, 7007) ; elle était encore en Judée en 86 {CIL, III, D. XIV), puis
on perd sa trace. L'Ala I Fia via Gaelulorum semble être toujours demeu-
rée en Mésie et Pannonie inférieure (Pauly-YVissowa, s. v. Ala, col. 1243).
Nous n'avons pas d'indice positif pour guider notre choix ; j'estime
cependant probable que c'est VAla Gaelulorum (velerana) que Valerius
Rufus commanda. Le texte de Beyrouth viendrait donc ajouter une donnée
nouvelle à l'histoire de ce corps. Nous ignorons son cantonnement après 86.
Resta-t-il en Orient? On ne saurait l'affirmer.
1. Il y avait déjà reçu les honneurs décurionaux.
5. On connaît, à Béryte, un duumvir quinquennalis, praefectus Imp.
Vespasiani Waddington, 1841 (f== CIL, III, 170). Les exemples analogues
sont fort nombreux, cf. W. Liebcnam, Stadtevertralluiui. p. 261, n. i:
Pauly-Wissowa, s. v. Duoviri, col. 1819-1820.
2o6 UNE INSCRIPTION INÉDITE DE BÉRYTE
Gomme il est vraisemblable que l'inscription de Valerius
a été gravée à l'occasion de quelque service rendu dans
l'exercice de sa charge, Hadrien, à s'en tenir à la rédaction
du texte, portait déjà le titre de Pius, quand Valerius fut
appelé à prendre sa place en qualité de duumvir de Béryte.
Ainsi ce détail de titulature impériale fournirait pour la
magistrature municipale de Valerius sinon une date pré-
cise, du moins un terminus a quo. On sait, en effet, que
c'est en 128 qu'Hadrien reçut le surnom de Pius1. C'est
donc postérieurement à cette année que l'empereur aurait
reçu de Béryte les honneurs du duumvirat. Pour cet évé-
nement, marquant dans l'histoire d'une colonie, une date
semble s'imposer, celle du grand voyage que fît Hadrien à
travers la Coelésyrie, la Palestine et l'Arabie (129-130) 2.
Passa-t-il alors par Béryte? On en doutait jusqu'à présent3;
il n'est peut-être pas imprudent d'admettre que le texte
que nous publions apporte un fait nouveau qui donne une
probabilité de plus4 à un séjour de l'empereur à Béryte.
Le nom de dédicant n'appelle aucune remarque spéciale 5 :
comme C. Valerius Rufus lui-même, L. Careius Adiectus
Sedatianus ne nous est pas connu par ailleurs .
1. On s'accorde sur l'année, mais il y a des divergences sur la date
exacte. Goyau (Chronologie, p. 197) et Cagnat, dubitativement (Cours
dÉpig. lat.*, p. 189), indiquent le 21 avril; la même date est donnée
comme « vraisemblable » par l'auteur de la notice d'Hadrien dans Pauly-
YVissowa, s. v. Aelîus, col. 508). W. Weber (Untersuchungen zur
Geschichte des Kaisers Ha.dria.nus, note 710) pencherait pour le 11 août. —
Il faut d'ailleurs observer que ce titre se rencontre quelquefois (Gagnât}, ou
môme souvent (Pauly-Wissowa avant cette date dans les inscriptions.
2. Cf. J. Dùrr, Die Reisen des Kaisers Hadrian, p. 60 et suiv.; W. Weber,
Untersuchungen...., p. 235-240.
3. Cf. Dùrr, note 351 et p. "1 ; Weber, p. 238.
4. Je fais allusion à la dédicace de la Col. lui. Aug. Fel. Be[rytus] en
l'honneur d'Hadrien (CIL. III, 165 et 1438s , trouvée en double exemplaire
à Deir el-Qal'a. Sans être une preuve décisive, elle constitue un indice
assez probant en faveur d'un passage d'Hadrien par Béryte.
5. Cf. Thésaurus Linguae Latinae, Supplementum : Nomina propria
latina. s. v. Careius. — Le cognomen Sedatianus est assez rare; on le ren-
contre au moins deux fois comme nom de potier, CIL, VII, 1336 ,0I8 ;
XII, 5686
257
APPENDICE
RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES,
PAR M. CAMILLE JULLIAN, MEMBRE DE l/ ACADÉMIE '
LU DANS LA SÉANCE DU 14 JUIN 1912.
L'œuvre à laquelle nous donnons la première médaille,
le Répertoire archéologique de V arrondissement de Reims \
est une œuvre de très longue haleine. Il y aura bientôt trente
ans qu'en 1885 en parut le premier fascicule, et les auteurs
étaient si modestes, si peu confiants dans leur entreprise,
qu'ils ne le tirèrent qu'à cent exemplaires. Il s'épuisa
bien vite, fut réimprimé en 1891. Et voici maintenant le
grand ouvrage s'étendant sur quinze fascicules, qui sont
chacun un vrai volume, d'un texte copieux, garni de
figures, renforcé de tables, tous mine inépuisable à qui
cherche bien. Des trois collaborateurs qui s'étaient consa-
crés à la tâche, un déjà a disparu, M. Charles Givelet,
mort doven de l'Académie de Reims en 19032. M. Givelet
s'était occupé de réunir les matériaux ; les deux autres
auteurs, en outre, poursuivaient la rédaction. Les voilà à
peu près à lin d'œuvre, bien vivants, toujours actifs, encore
prêts, s'il le faut, à tout recommencer sur frais nouveaux.
L'un est M. Demaison, notre correspondant à Reims, ancien
1. Publié sous les auspices de l'Académie de Reims.
2. Voyez sur l'œuvre de M. Gh. Givelet, l'allocution de M. A. Brissart,
dans le t. GXV des Travaux de l'Académie de Reims, p. 87 et suiv. ; et, en
outre, l'introduction qu'a donnée M. Jadart à une œuvre posthume de
M. Givelet, L'ancien cimetière de $uint-Pierre-le-Yieil (Iteims, L905; tirage
à part de ce même t. GXV).
258 RAPPOHT SLR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES
élève de l'École des Chartes, l'autre est M. Jadart, secré-
taire général de l'Académie, qui, tous deux, l'un aux
Archives, l'autre au Musée et à la Bibliothèque, sont les
deux plus admirables conservateurs d'antiquités nationales
qu'on puisse rêver. Conserver ne leur a pas suffi. Ils ont
voulu publier, ce qui est du reste une autre manière de
conserver. Leurs quinze volumes ' seront une description
minutieuse de tout ce qui, dans l'arrondissement de Reims,
est œuvre de pierre ou de métal ou de terre cuite, j'en-
tends œuvre pouvant présenter quelque intérêt historique.
On a même dit qu'il y avait clans ces milliers de pages trop
de choses, par exemple des inscriptions modernes, toutes
voisines de nous. Le fait est que si l'ouvrage était intitulé
Répertoire monumental et non Répertoire archéologique,
le titre en donnerait mieux l'idée. C'est un peu une statis-
tique, comme on entendait ce genre de travail il y a cent
ans (je parle des meilleurs). Mais trop de richesse ne nuit
pas. Que le temps passe, et ces inscriptions aujourd'hui
banales auront leur prix. C'est à la postérité et non pas à
nous de dire ce que vaut un document de l'heure présente.
Notre devoir n'est que de le conserver. MM. Demaison et
Jadart ont fait leur devoir en toute conscience. Et comme
il s'agit de Reims, du pays rémois, de la région où il y a,
aux trois grandes époques du passé, les trois plus beaux
gîtes historiques, les tombes gauloises de la Marne, les
souvenirs romains de Durocortorum, et la cathédrale
métropolitaine et ses filleules, vous voyez ce que le travail
nous apporte. Et ce n'est pas tout. Il nous permettra, après
lui, de trouver encore. Les auteurs ont noté tous les
endroits où l'on pouvait faire des fouilles, huttes, mottes
ou cavaliers, tous les lieux dits qui par leur nom pouvaient
1 . Premier fascicule : Communes rurales des cantons de Reims : du 2' au
8' : Ville de Reims: 9' Aï/: 10e Reine: 11' Bourgogne; 12e Ch&tillon-sur-
tfarne ; 13e Fismes : 1 i" Verzy; 15' Yillc-en-Tardenois.
RAPPORT SIR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES 259
révéler le souvenir dune ruine, pierres de fées, gros cail-
loux, gargasses ou autres. Et cela fait un répertoire
idéal, où rien du passé n'est oublié, et où se prépare le bon
travail de l'avenir.
Le travail de M. Victor Mortet, bibliothécaire à la Sor-
bonne, se présente à nous sous le plus modeste des titres :
Recueil de textes relatifs à Vhistoire de l'architecture et de
la condition des architectes en France, au moyen âge, XIe-
XIIe siècles. Mais ce titre dissimule un immense labeur de
recherches, un effort intellectuel continu et heureux. Il a
fallu lire tous les textes de ces deux siècles, pièces
d'archives et récits d'historiens; il a fallu ensuite en
extraire tout ce qui concernait l'art monumental ; et enfin,
le passage choisi, il a fallu le comprendre, l'expliquer, le
publier. Tout cela, pour me servir d'une expression qui
plaira à M. Mortet, est fait par un excellent maître d'œuvre.
Si le document présentait quelque incertitude, l'auteur
a vérifié le manuscrit. La bibliographie est substantielle et
sobre. De bons résumés, qui définissent le sens général
du morceau, en précèdent la description. Un nombre suffi-
sant de notes au bas des pages, aucune d'inutile. Un
index copieux, de tous genres, peut-être un peu toulfu
(ce qui semble la conséquence des mille formes de l'art
médiéval). Une préface de près de cent pages met en exploi-
tation les documents disséminés dans le volume, et n'est
rien de moins que le tableau des conditions matérielles ou
morales au milieu desquelles a vécu l'architecture d'avant
le xme siècle. — Pour se rendre compte des services que
rendra ce recueil aux érudits et aux archéologues, il suffit
de prendre, dans la table, un mot caractéristique, comme
celui de Donjon. On y lit « donjon de bois », « de pierre »,
donjon « avec chemise de bois », « avec pont de
bois », « avec tours d'enceinte », « avec chemise percée
d'archères » : c'est-à-dire que, tout compte fait, vous pour-
2G0 RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES
rez, avec ce livre, retrouver les formes et façons essen-
tielles du donjon. — Mais il n'y a pas que l'archéologie
du moyen âge qui trouve ici son bénéfice. Il y a aussi
la connaissance de sa vie intellectuelle. Voyez au mot de
César : la popularité du grand dictateur, qu'on rattache si
souvent, et à tort, à la Renaissance, y apparaît, dès le
xie siècle, dans la mention des tombeaux de Venouse, attri-
bués aux temps de sa gloire. — Et il n'y a pas que la
science du moyen âge pour récolter en ce recueil ; il y a
aussi celle de l'antiquité pour y glaner. Voici quantité de
mentions de monuments antiques, préhistoriques même,
menhirs et dolmens, par exemple lapides quosclam ingentes
in medio montis positos. — Le livre ressemble à M. Mortet,
bibliothécaire : il se met au service de tous ceux qui tra-
vaillent. La commission lui a accordé avec joie et recon-
naissance la seconde médaille.
L'ouvrage de M. Sauvage, qui a obtenu la troisième
médaille, est de nature toute différente. Ce n'est pas un
recueil de textes sur l'archéologie, c'est un livre d'his-
toire, celle de l'abbaye de Saint-Martin de Troarn en Nor-
mandie. Il la prend à ses débuts, il l'arrête au xvie siècle,
il la suit patiemment, lentement, dans les rapports des
moines avec le Saint-Siège, les rois d'Angleterre et de
Fiance, l'évêque de Bayeux, les abbayes rivales. Puis,
avec plus de complaisance encore pour son sujet, il montre
le développement matériel de l'abbaye, ses richesses, la
façon dont elle exploitait ses domaines. Quand on songe
que Saint-Martin de Troarn fut la plus riche du pays après
Saint-Étienne de Caen, que la Normandie et sa vie agri-
cole est un des sujets les plus passionnants de l'histoire
économique au moyen âge, on voit tout de suite que de
cette monographie M. Sauvage pouvait aisément s'élever
à des faits d'ordre général. Ce en quoi d'ailleurs il a réussi,
ajoutant bien des pages nouvelles aux études fameuses de
RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES 261
ses devanciers. Et cela annonce en lui, absolument, l'étoffe
d'un historien de bonne espèce, curieux, soucieux du détail
exact, habile à grouper les choses similaires, réfléchissant
sur ses textes, faisant à leur endroit l'effort qui en tire la
vérité. D'autre part, une liste d'abbés, quarante pièces, des
tables un peu trop minutieuses peut-être, montrent aussi
chez notre jeune auteur le goût de l'inventaire, des statis-
tiques, des répertoires, de tous ces matériaux solides dont
il ne faut pas que l'historien éloigne sa pensée et son
œuvre. — J'ai prononcé le mot de jeune à propos de
M. Sauvage. On voit qu'il l'est encore, à certains lapsus
qui viennent d'un tempérament trop prompt, à des procédés
de composition un peu rudimentaires : pourquoi intercaler
des documents latins au beau milieu de son exposé? pour-
quoi alourdir le récit de textes qu'on aurait pu rejeter en
note? Il eût fallu, l'ouvrage fini de cette manière, le rema-
nier en un dispositif plus clair, plus léger, plus harmonieux.
Mais M. Sauvage est jeune : ce qui explique qu'il a eu un
peu trop de hâte en composant, et ce qui nous fait espérer
qu'il arrivera bientôt à bâtir des édifices, non pas plus
solides, mais plus souples, plus finement élaborés.
L'œuvre de M. l'abbé Vidal *, à laquelle revient la qua-
trième et dernière médaille, a été fort discutée, non pas à
cause de son haut mérite, sur lequel nous avons tous été
d'accord, mais à cause de sa nature. Elle concerne
Benoît XII, qui fut pape de 1334 à 1342. Mais il s'agit ici,
en majeure partie, de documents, et ensuite, de docu-
ments concernant surtout ou la chancellerie ou la diplo-
matique pontificales ou les cours d'Angleterre et de
Naples. A quoi on a répondu que ces documents étaient
précédés d'une préface de sérieuse valeur historique,
que beaucoup de ces pièces concernaient la France, que
l. Benoit XII, etc., Lettres communes d'après les registres dits d'Avi-
gnon et du Vatican. 2 vol. in- i.
262 RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES
Benoît XII siégeait en Avignon, et qu'il était Français. Et
nous n'avons plus hésité, sans autre ennui qu'un retard
dans l'unanimité, k admettre l'œuvre et le sujet au bénéfice
de nos Antiquités Nationales. L'œuvre est énorme, trois
volumes in-folio de la grande série de la Bibliothèque de
l'École de Rome, illustrée déjà par plusieurs des nôtres.
Elle est digne de ses devancières dans la collection. Outre
l'intérêt de tous ces documents, le soin apporté à leurs
transcriptions, voici, en tète, une préface d'une minutie,
d'une érudition exceptionnelles sur la diplomatique et
la chancellerie des papes d'Avignon, les faits reconnus mis
en une nouvelle lumière, de nouveaux faits sur les bureaux,
sur la procédure de l'enregistrement et de l'expédition,
partout une belle clarté et un ordre d'exposition remar-
quables, qui sont la note propre du travail érudit chez
M. Vidal.
Avec les Archives du Cogner ' , nous abordons les men-
tions. — Cet ouvrage, auquel la première est décernée, nous
met en présence de quelque chose, non pas d'exceptionnel,
mais d'excellent et de rare, le dévouement de M. Chappée
à la cause de l'histoire, à la science du passé. Depuis trente-
cinq ans, M. Chappée, à l'affût de toutes pièces d'archives,
les saisit et les conserve. Mais ne l'appelons pas collec-
tionneur, c'est un sauveteur, d'un dévouement absolu. Et
il n'y a pas que les documents qui l'intéressent, il y a les
monuments, et surtout ces édifices religieux que l'incurie
de notre temps voue si souvent à la mort ou à une restau-
ration parfois pire. Je ne citerai qu'un exemple de ces
beaux actes de sauvetage archéologique. En 1866, on aban-
donna l'église paroissiale d'Artins dans le Loir-et-Cher. La
ruine arriva aussitôt pour la pauvre épave. Mais M. Chappée
est intervenu, a acheté l'église, a arrêté ses malheurs et
1 . 1" série II : 2° série E 3 vol.) : 3° série H et Cartulaire de V abbaye
île Saint-Sanveur-de- Villeloin.
RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES 263
conservé ses peintures, qu'on vient de publier. C'est un
peu pour cela, et par acte de respectueuse gratitude, que
nous tenons à placer le nom de M. Chappée en tête de
cette seconde série de récompenses. — Ce n'est pas seule-
ment à cause de cela. Sous ce titre, Archives du Cogner,
M. Chappée et son collaborateur, M. l'abbé Denis, ont
réuni quantité de pièces concernant la France entière, mais
surtout le Maine, l'Anjou et les provinces voisines. Ce nom
du Cogner (je le dis pour ceux qui ne connaissent pas
M. Chappée) est celui du manoir qui abrite ses richesses.
La collection imprimée renferme présentement cinq volumes,
le premier datant de 1903, les autres se succédant par unité
tous les deux ans. Il en viendra, nous l'espérons, beaucoup
encore. La Société des Archives historiques du Maine leur a
offert son patronage. Elle a bien fait. La publication est
bonne, les documents intéressants, peu de fautes de lectures,
les péchés minuscules inévitables dans ces gros monuments,
et, par-dessus tout, l'exquise bonne grâce de M. Chappée
à mettre sous les yeux des travailleurs tout ce qu'il découvre
et tout ce qu'il amasse.
C'est encore un recueil de documents que nous récom-
pensons, en décernant une seconde mention à l'œuvre de
M. Gadave, les Documents sur lliistoire de V Université de
Toulouse et spécialement de sa Faculté de droit civil et
canonique {1229- 1789). — On a été souvent injuste pour nos
anciennes Universités et la gloire ou les espérances de leurs
filles modernes ne doivent pas nous faire oublier les ser-
vices qu'elles nous ont rendus. Les beaux travaux de
MM. Deloume et Rodier, Mobilier ou Fournier ont depuis
longtemps rappelé au public érudit ce qu avait été l'Uni-
versité de Toulouse, maintenant à la vieille cité du Capi-
tule ce renom de Palladienne que lui donnaient déjà les
contemporains de Domitien. Cependant, même après ces
recherches, il y avait encore beaucoup à faire : M. Gadave
264 RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES
l'a montré. Son livre n'est pas un cartulaire, mais il en
tient lieu, en ce sens qu'il a rassemblé en un seul corps des
documents épars dans vingt bibliothèques ou archives : il
les a publiés avec conscience, sans se méprendre sur le
sens. Nous n'avons qu'un regret, c'est qu'il ait trouvé trop
peu de pièces anciennes, et que la plupart de ces actes soient
précisément de l'époque où l'Université de Toulouse,
comme toutes les autres, était en pleine décadence. Une
introduction, d'ordre surtout bibliographique et critique,
sert d'utile avant-corps à cet utile volume.
Vient ensuite, pour la troisième mention, l'ouvrage,
encore tout nouveau et déjà signalé avec éloge *, de
M. Artonne sur le mouvement de 131*2 et les chartes pro-
vinciales de 1315 ~. Quel dommage que l'apparence du
volume ne fasse pas toujours valoir son réel mérite et le
vif intérêt du sujet ! Les pièces ne sont point très bien
publiées, et il y a, dans la rédaction, ce que l'on appelle
aujourd'hui des écarts d'écriture. Mettons ces erreurs sur
le compte de la typographie ; mais pour un érudit, est-ce
que la correction typographique n'est pas un devoir de tout
premier ordre, envers le lecteur, envers soi-même, et je
dirais volontiers envers les documents du passé ? Avec les
renseignements nouveaux qu'il nous apporte, avec son intel-
ligence historique, M. Artonne eût pu devenir l'auteur
d'un beau livre, comme tel grand seigneur du temps de
Louis XIV fût devenu un parfait gentilhomme, s'il avait
pris le temps de soigner sa mise. Le fond, dans cet ouvrage
est en effet de solide valeur. Je regrette seulement, comme
d'autres l'ont fait avant moi, qu'il n'y soit point question
des séditions, des esquisses de jacquerie, des grondements
1. Article de M. Ch.-V. Langlois, Jou mal des Savants, 1912, p. 1(57 et s.
2. Ce volume t'ait partie de la Bibliothèque de la Faculté des Lettres de
V Université de Paris, t. XXIX.
RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES 2()')
populaires ou provinciaux qui accompagnèrent les œuvres
des réformateurs : on ne pourrait guère raconter la Consti-
tuante sans écouter de très près les bruits de la rue. Mais
enfin le sujet principal du livre, cet étrange mouvement de
liberté qui caractérise le règne de Louis X, est bien vu, bien
analysé, et il est si plein d'intérêt pour nous ! M. Artonne
nous donne, sur plus d'un point, des choses nouvelles, sur
le rôle de Charles de Valois, sur celui, jusqu'ici méconnu,
du futur Philippe V, alors comte de Poitiers, sur l'incohé-
rence et les jalousies des réformateurs, plus désireux des
prérogatives chacun pour soi que de liberté pour tous. Et
cela s'est vu en d'autres temps.
Nous voici de nouveau en face de documents avec
l'ouvrage qui reçoit la quatrième mention, celui de
M. l'abbé Verlaguet, Cartulaire de l'abbaye de Silvanès
en Roue rime : cartulaire fait d'abord d'un vieux recueil du
xue siècle, et ensuite de pièces rapportées. Ce sont ces
documents qui donnent au livre son principal intérêt. Ils
constituent un ensemble presque vivant (si on peut parler
ainsi à propos d'un cartulaire) ; on y voit comment le
monastère s'est fondé, comment il a agrandi son temporel,
et comment, sous son action, l'agreste territoire s'est trans-
formé. Ce qui aide à comprendre ces faits historiques, à
s'y intéresser, c'est que les documents sont fort bien
publiés. C'est plaisir que de lire des pièces aussi bien pré-
sentées, sans faute d'impression, bien ponctuées, bien ana-
lysées, avec les seules corrections nécessaires. Il y aurait
peut-être quelques critiques à faire à l'introduction. Mais
M. Verlaguet a tellement facilité la tâche de ceux qui
commenteront ses documents, qu'on ne peut lui en vou-
loir de la leur avoir laissée.
Enfin une cinquième mention est échue à l'œuvre de
M. Legras sur le Bourgaye de Caen, tenure à cens et Lenure
266 RAPPORT SLR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES
à rente, XIe-XVé siècles. M. Legras est un érudit du plus
haut mérite. Sa thèse sur les Tables latines d'Héraclée fit
sensation il y a quelques années. Elle lançait une hypo-
thèse hardie qui a été fort attaquée et à laquelle nous
sommes encore quelques-uns à ne pas vouloir adhérer1. Il
y a moins d'audace peut-être en ce volume : Fauteur est
devenu moins entreprenant avec l'âge. Mais il s'y trouve,
comme dans l'autre, abondance d'observations très fines,
un sens aigu du droit médiéval. Qu'il s'occupe du droit
administratif romain ou du formulaire des chartes, M. Legras
se montre un esprit juridique de valeur2. Et quiconque
voudra désormais étudier les vicissitudes de la propriété au
moyen âge, devra recourir à ce livre et réfléchir avec son aide.
Mais l'auteur ne voudra-t-il pas reconnaître avec nous que
son ouvrage a été, non pas pensé, mais composé trop vite?
M. Legras, j'en ai peur, n'a pas eu le temps d'abréger son
livre. Il eût pu, s'il avait su se procurer quelques loisirs
dans ses journées laborieuses, supprimer quelques digres-
sions, biffer des phrases allemandes qui viennent encom-
brer son texte français. Il eût pu, surtout, dégager son
style, le débarrasser de locutions inutiles qui s'y pressent.
Que n'a-t-il préféré une manière d'écrire conforme à sa
manière de penser, qui est nette et vigoureuse ?
Voilà donc neuf ouvrages couronnés ou récompensés.
Cela ne veut pas dire que tous les autres ne méritassent
point de l'être. Mais la plupart portaient en eux un vice
rédhibitoire : le sujet ne rentrait pas dans le cadre de ce
concours. — Il faudrait bien pourtant que nos correspon-
dants, ou, si l'on préfère, les auteurs désireux de devenir
nos justiciables, cessassent de nous adresser des volumes,
1. Voyez L'article de M. Besnier dans la Revue des Études anciennes de
1912.
2. Ce livre vient de recevoir le prix de thèse à la Faculté de Droit de
Paris.
RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES 267
si bons qu'ils fussent, sur les approches de la Révolution ou
sur les temps des quatre derniers Bourbons. Henri IV une
fois mort, il est entendu que s'arrête notre juridiction aca-
démique. Voilà pourquoi, sur 2i auteurs qui sont venus
à nous, 9 seulement ont été élus, et beaucoup même n'ont
pas été appelés.
Parmi les ouvrages écartés du concours, deux méritent
une mention à part, a cause des conditions où ils se sont
présentés à nous. — L'un est celui de M. Laurent, tome
second du Cartulaire de Vabhaye de MolesmcK Comme
cartulaire, vraiment, c'est un travail parfait, un modèle
du genre, fait par un érudit de bonne trempe et de fine
intelligence. Mais le premier volume a eu la seconde
médaille au concours de 1908. Nous ne pouvons donc
aujourd'hui faire qu'une chose, et nous le faisons avec
empressement : rappeler cette médaille, et le talent de
l'auteur. — L'autre ouvrage ou plutôt les autres (car il y
en a une majestueuse série), c'est l'ensemble des Inven-
taires présentés par notre vaillant archiviste des Hautes-
Alpes, M. l'abbé Guillaume! Que de pièces analysées! que
de zèle dans les préfaces auxquelles l'archéologie romaine
devra elle-même recourir! Mais ces livres, ce sont inven-
taires administratifs d'Archives Départementales et Commu-
nales. Et votre Commission s'est fait une loi, aussi dure
d'ailleurs pour elle que pour les concurrents, de ne point
accepter des publications de ce genre.
De ces 9 ouvrages couronnés, tous, absolument, traitent
du moyen âge. Il demeure le principal favori du Concours
des Antiquités. Cela tient en grande partie à la façon
supérieure dont l'étude en est organisée à l'Ecole des
Chartes. Les premiers lauréats en proviennent sans excep-
tion. C'est de plus en plus un honneur, comme le disait
1. Voyez le Rapport de M. Valois, Comptes rendus île L90fr, \>. 3!"7-8.
268 LIVRES OFFERTS
hier un de nos confrères et maîtres ', que de lui avoir appar-
tenu.
Qu'il me soit cependant permis de regretter que l'Anti-
quité n'ait pas revendiqué plus vigoureusement sa place
dans le concours. Elle a produit, dans ces derniers mois,
des œuvres excellentes. Par modestie ou timidité, les
auteurs les ont tenues à l'écart de nous. J'aurais voulu que
nous eussions le droit d'aller les chercher. Pour que ce
concours rendit le maximum de services, il faudrait qu'il
fût, chaque année, le résumé de ce qui s'est fait de bien sur
l'ancienne France, depuis les origines lointaines jusqu'à
l'aube des temps modernes.
LIVRES OFFERTS
M. II. Omont dépose sur le bureau de l'Académie, au nom de
Madame Paul Tannery, le premier volume des Mémoires scientifiques
de Paul Tannery, publiés par MM.J.-L. Heiberg et II. -G. Zeutben
^ Toulouse et Paris, 1912, petit in-4°, xix-166 pages et portrait).
« Les Mémoires scientifiques du regretté Paul Tannery, réunis avec
un soin pieux par sa veuve, formeront une dizaine de volumes; ils
comprendront la série des articles donnés par lui à des revues et qui
n'ont pas été, par la suite, remaniés et insérés dans quelques-uns de
- ouvrages. Ce premier tome de la section relative aux Sciences
exactes dans l'antiquité qui formera trois volumes) contient la
réimpression de vingt-neuf articles, publiés de 1876 à 1884 par Paul
Tannery sur les œuvres de différents mathématiciens grecs : Apol-
lonius de Perge, Archimède, Aristarque de Samos, Didyme d'Alexan-
drie, Diopbante, Héron d'Alexandrie, etc., et sur divers points de
l'histoire des sciences mathématiques chez les Grecs.
« Celle publication, dont le premier volume paraît aujourd'hui par
les soins d'un savant danois, M. le Dr J.-L. Heiberg, professeur à
1. M. Héron de Villefosse, lors de l'hommage qui lui a été rendu, à
l'occasion du 25« anniversaire de son élection à l'Académie 13 juin 1912).
LIVRES OFFERTS
269
l'Université de Copenhague, bien connu par ses nombreux travaux
sur les mathématiciens grecs, mettra en pleine lumière L'importance,
la variété et en même temps la belle unité <le l'œuvre du regretté
Paul Tannei v.
M. l'abbé Thedenàt offre à l'Académie, de la part «le l'auteur,
M. Pierre Gusman, une brochure intitulée : Un incunable et son
histoire (extrait de la Gazette des Iie;iu.r-arls).
« Sous ce titre, M. Pierre Gusman a restitué son véritable carac-
tère à une planche en cuivre que M. Bouchot croyait destinée à un
gaufrage à chaud1. Cette planche, au moment où M. Bouchot s'en
est occupé, faisait partie de la collection de M. Gay. M. Pierre
Gusman l'a retrouvée au Musée du Louvre. Archéologue expérimenté
et, eu même temps, connaissant à fond tous les procédés de la gra-
vure ancienne et moderne, art dont il est un des maîtres, M. P.
Gusman a été amené à cette constatation très intéressante et com-
plètement nouvelle que ce cuivre est une planche incunable en
relief, admirablement conservée et dépassant en beauté tous les
incunables connus et toutes les planches typographiques des xv° et
xvic siècles. »
M. Pottieu présente à l'Académie le 46e fascicule du Dictionnaire
des antiquités grecques et romaines. C'est la première fois (pie la
livraison n'est pas offerte par celui qui pendant quarante ans environ
a travaillé à cette uuivre considérable. Elle contient une notice où
est inséré le discours prononcé par M. Omont aux obsèques de
M. Saglio et une biographie qui rappelle surtout la part prise par le
regretté savant à l'organisation et à la publication du Dictionnaire;
il n'était pas inutile de dire combien cette part fut grande dans une
œuvre surtout connue sous le nom de Daremberg, qui mourut en
1S72 avant d'avoir vu paraître le premier fascicule de l'ouvrage.
Comme le faisait M.Saglio, M. Potlier remercie ceux de ses confrères
qui continuent à prêter au Dictionnaire leur précieux concours et
les savants qui, avec eux, collaborent à la publication. Ce fascicule
contient les articles qui vont de Tabella à Textrinum. M. G. I.alave.
professeur à la Sorbonne, gendre de M. Saglio, a bien voulu assumer
avec M. Potlier le soin d'achever le travail que nous aurions tant
désiré voir terminer par celui qui l'a commencé.
I. Les deux cents incunables xylographiques <//; Département des
Estampes, n° >t, p. 210.
1913. p.»
270
SÉANCE DU 21 JUIN
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux
invite l'Académie à se faire représenter aux fêtes par lesquelles
cette Académie, fondée en 1712, célébrera son bi-centenaire les
11 et 12 novembre prochain.
L'Académie désigne pour la représenter MM. Camille Jullian,
Edouard Cuq et Dieulafoy.
M. Théodore Reinach communique au nom de M. Arthur Hunt
professeur à Oxford, une très intéressante primeur : la moitié
d'un drame satyrique de Sophocle, les Dépisteurs (ichneutai),
retrouvée récemment dans un papyrus d'Oxyrhynchus (Egypte).
Le sujet est tiré du mythe de l'enfance d'Hermès : le vol des
vaches d'Apollon, l'invention de la lyre en fournissent les prin-
cipaux épisodes. A côté des deux divinités on y voit apparaître
la nymphe Kylléné, nourrice d'Hermès, les Satyres, qui forment
le chœur, lancés à la poursuite du voleur divin, enfin leur père,
le vieux Silène. Les 400 vers conservés offrent, en même temps
que bien des énigmes, des beautés de premier ordre; citons les
scènes comiques où s'ébattent les Satyres « limiers », puis leur
dialogue, en vers alternés, avec la nymphe, où la lyre est
décrite sous la forme d'une devinette dont s'est peut-être inspiré
Euripide. Le texte complet doit paraître incessamment à Oxford ;
nous nous ferions un reproche de déflorer aujourd'hui cette
publication par une analyse plus développée.
271
LIVRES OFFERTS
M. Noël Valois a la parole pour un hommage :
■ Aussitôt après la mort de Léopokl Delisle, son frère, M. Xavier
Delisle, s'est occupé, vous le savez, de réunir et de publier sa cor-
respondance. C'est un troisième fascicule de ce recueil que je suis
chargé d'offrir à l'Académie de la part de notre confrère M. le cha
noine Chevalier; il contient, en effet, les nombreuses lettres adres-
sées par Léopokl Delisle à M. Ulysse Chevalier pendant près d'un
demi-siècle.
« Que toutes présentent un intérêt égal pour la postérité, je
n'irai pas jusqu'à le prétendre. Mais aux renseignements bibliogra-
phiques et historiques de tous genres s'y mêlent parfois de tou-
chantes confidences.
« Nous retrouvons là le travailleur qui ne se donna jamais de
relâche, l'administrateur toujours à l'affût des occasions favorables à
l'enrichissement de sa Bibliothèque, le critique si bienveillant, l'ami
si obligeant que nous avons connu. Nous assistons aux explosions de
joie attendrie que provoquait chez lui, par exemple, l'acquisition
d'un évangile grec en onciales d'or sur parchemin pourpré : « J'ai cru
rêver, écrit- il, en voyant cette merveille nous arriver providentiel-
lement ! » Nous découvrons aussi un Delisle voyageur, alpiniste même
à sa façon, mais que le mauvais temps dispense, durant ses séjours
en Suisse, de s'attarder dans la contemplation des montagnes et des
lacs, et qui se retrouve plus à son aise au milieu des manuscrits de
Berne, de Zurich et de Saint-Call. Jaloux de maintenir la pureté et
la simplicité de la langue, il s'insurge à plusieurs reprises, avec une
amusante humeur, contre les expressions de « regeste » ou de
«corpus», entachées, suivant lui, de néologisme et de pédantisme,
et qu'on substitue bien inutilement aux vieux mots, dont se conten-
taient nos pères : «recueil », « registre » ou « catalogue ». En 1904, il
s'aperçoit avec stupeur qu'il met en œuvre, pour un de ses derniers
travaux, des matériaux recueillis par lui jadis à la « Bibliothèque
royale » et aux « Archives du royaume » : nouvelle preuve de l'admi-
rable unité de cette vie et de la persévérance avec laquelle il savait
mener à bien la plupart de ses entreprises. Il gémit, en 1907, sur le
sort ede prêtres studieux brutalement expulsés dY-\ reliés ou de
séminaires où ils pouvaient espérer terminer leurs jouis et assistant
272 LIVRES OFFERTS
à la spoliation des bibliothèques dont ils avaient réuni eux-mêmes
les plus importants éléments ». Enfin, en 1908, il définit lui-même
assez exactement l'attitude réservée et digne que nous l'avons vu
toujours garder dans les élections académiques : « Je n'ai rien,
écrit-il, de ce qui est nécessaire pour diriger une campagne électo-
rale; cela n'est pas dans mon tempérament : j'ai été longtemps trop
ieune, et maintenant je suis trop vieux. Je me rappelle que mon
meilleur ami à l'Académie, le plus sage des académiciens, Natalis de
Wailly, arrivé à l'âge de 70 ans, s'était fait une loi de se tenir sur
une absolue réserve quand il y avait une élection à faire, ce qui
n'empêchait pas que tout le monde à l'Académie connût son opinion
et que beaucoup en tinssent compte, même en dehors de ses intimes.
Je n'ai pas l'autorité dont il jouissait, mais je voudrais pouvoir imi-
ter sa sagesse. »
u Nous savons tous de quelle autorité, en fait, jouissait ici Léopold
Delisle, et sa sagesse nous fait envie non moins que celle de Natalis
de Wailly. Son souvenir surtout nous est cher, et la nouvelle liasse
de lettres qui le fait ainsi revivre ne saurait manquer de recevoir
parmi nous un favorable accueil. »
M. Emile Picot a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de la Société fran-
çaise de reproduction des manuscrits à peintures, un beau volume
qui vient de paraître sous ce titre : Les Heures à l'usage d'Angers de
la collection Martin Le Roy. Ce volume, précédé d'une savante intro-
duction due à notre confrère M. le comte Durrieu, nous fait con-
naître un superbe manuscrit qui paraît avoir été exécuté dans un
atelier angevin avant le milieu du xve siècle. Rien ne nous en
indique le premier propriétaire. Nous savons seulement qu'au
xvie siècle, il fit partie de la bibliothèque de Claude d'Urfé; qu'au
xvme siècle, les descendants de Claude le cédèrent au cardinal de
Soubise; qu'il fut compris en 1789 dans la vente des livres du maré-
chal de Soubise ; qu'il fut alors acheté par Chardin et cédé par celui-ci
au duc de Hamilton. 11 a figuré, en mai 1889, à la vente des manu-
scrits de la collection Hamilton remis aux enchères par le Musée de
Berlin qui les avait acquis en bloc. C'est là que M. Martin Le Roy
s'en est rendu adjudicataire. Les Heures, qui sont de grand format,
sont ornées de très belles peintures, en particulier d'une suite des
douze apôtres qui peut être considérée comme un monument impor-
tant de l'art français au xve siècle. M. Durrieu établit que l'on doit
en faire honneur à l'atelier d'où sont sorties les grandes Heures de
Rohan conservées à la Bibliothèque nationale sous le n° 9471 du fonds
latin.
séance Dr 28 juin 1912 273
(( On trouvera dans le présent volume la reproduction des vingt
et une plus belles miniatures du manuscrit. M. Martin Le Roy a
généreusement fait les frais de la publication ; nous espérons que
son exemple sera suivi par d'autres amateurs qui ont compris le
haut intérêt qui s'attache à l'œuvre poursuivie par la nouvelle
Société. »
SÉANCE DU 28 JUIN
PRÉSIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
M. Homo, chargé du cours d'antiquités grecques et romaines
à la Faculté des lettres de Lyon, fait une communication sur la
topographie urbaine et l'indication du domicile dans la Rome
ancienne. L'indication précise du domicile était une nécessité
absolue pour les grandes villes de l'antiquité, comme elle l'est
aujourd'hui pour nos grandes villes modernes. Gomment le
problème a-t-il été résolu clans la ville d'un million d'habitants
qu'était la Rome impériale? Différents documents nous ren-
seignent à cet égard, particulièrement les colliers d'esclaves
fugitifs. Les indications les plus constantes sont la mention de la
région, qui correspondait à Rome aux arrondissements de
nos grandes villes, et surtout du vicus, le quartier. Les rues ne
portaient pas de plaques indicatrices ; les maisons n'étaient pas
numérotées. On comblait ces lacunes par l'emploi de divers
expédients : calcul du nombre des maisons, indication d'un
signe caractéristique quelconque ou du nom du propriétaire, etc.
Les quartiers étant beaucoup plus petits et moins peuplés que
dans le Paris actuel, l'identification des habitants se faisait plus
facilement ; la mention du domicile pouvait donc se présenter
sous une forme plus sommaire.
MM. Maurice Croiset, Cagnat et R. IIaissoulliér présentent
quelques observations.
M. le baron W. de Gruneisen étudie le nimbe rectangulaire
27 i LIVRES OFFERTS
bien connu en Italie. Il en trouve l'origine en Egypte dans les
peintures de Saqqarah et de Baouït. L'apa Jérémie y porte deux
nimbes, l'un carré, l'autre rond. Ce double nimbe s'explique par
les représentations funéraires de l'Egypte gréco-romaine. On
figurait le défunt sous l'aspect d'un vivant devant un pylône,
puis sous l'aspect d'Osiris avec un nimbe circulaire. Le pylône
simplifié devint une simple planchette derrière les momies et
fut ensuite transporté dans la peinture murale.
LIVRES OFFERTS
M. Gustave Schlumberger présente à l'Académie le beau livre du
Dr Holzhausen, de Bonn, sur l'histoire et le rôle des contingents
allemands à la Grande Armée de 1812 ; Die Deutschen in Russland.
I SI 2. LeLen und Leiden auf der Moskauer Heerfahrt. Près de
deux cent mille soldats de race germanique ont suivi le grand
empereur en Russie. Leur histoire non sans gloire n'avait jamais été
racontée, sauf dans des monographies. A l'aide d'innombrables docu-
ments d'archives publiques et privées, le Dr Holzhausen a redit les
hauts faits de ces Bavarois, de ces Souabes, de ces Suisses à Polotsk,
à Borodino, à Smolensk, à la Bérésina. Il a redit aussi les affreuses
souffrances de la retraite et de la captivité dont un si petit nombre
devait revenir. Bien des années après 1812, des milliers de familles
allemandes attendaient encore dans les larmes leurs fils, leurs frères
disparus sans nouvelles. Le livre du Dr Holzhausen est un document
très nouveau et très important pour la connaissance de la terrible
campagne de Russie.
M. Senart présente les ouvrages suivants :
Publications de l'École française d'Extrême-Orient : — Henri Cor-
el ier, Bihliotheca indosinica. t. I; — Lunet de Lajonquière, Inventaire
descriptif des monuments du Cambodge, t. III.
« C'est pour moi un véritable plaisir d'être chargé de faire hom-
ma"e à l'Académie et de recommander à son meilleur accueil les deux
publications que je dépose sur le bureau. Elles émanent lune et
l'autre de l'École française d'Extrême-Orient et lui font le plus grand
honneur. L'une est un commencement, l'autre un achèvement.
est d'abord le premier volume de la Bihliotheca indosinica, ou
LIVRES OFFERTS 275
recueil bibliographique destiné à s'étendre à toutes les régions de
l'Indo-Chine. L'auteur est notre confrère M.Cordier, dont le nom est
la meilleure garantie de savoir et d'exactitude. Je ne veux insister
(jue pour le remercier de donner à sa grande Bibliotheca sinica ce
complément d'autant plus précieux qu'il s'agit en général de publi-
cations très dispersées, rédigées en beaucoup de langues et réparties
en de nombreux recueils. Il s'occupe pour celte fois de la Birmanie,
de l'Assam,du Siam et du Laos. Nous sommes assurés qu'entre ses
mains l'ouvrage sera mené avec la promptitude qui est dans les
vœux de tous les travailleurs.
a Le second ouvrage est le tome troisième et dernier de l'Inven-
taire archéologique du Cambodge que le commandant Lunet de
Lajonquière poursuit depuis nombre d'années avec une ardeur, une
exactitude, une science dignes de tous les suffrages. Grâce au traité
de 1907, les monuments les plus importants de la civilisation khmère
ont fait retour à l'unité cambodgienne sous le protectorat de la
France; c'est à ces monuments, et tout particulièrement au groupe
fameux d'Angkor, qu'est consacrée cette dernière partie d'une œuvre
vraiment considérable et poursuivie toujours avec une fermeté, une
netteté de vues qui ne laissent à aucun moment apparaître la moindre
négligence ni la moindre fatigue. C'est certainement un grand hon-
neur que notre pays doit à l'École d'Extrême-Orient, et surtout à
M. de Lajonquière, de s'être montrés capables de dresser si rapide-
ment et si parfaitement le tableau d'ensemble de tant de richesses
si dispersées et dans des régions souvent si peu accessibles. On ne
saurait, dans une tache toujours minutieuse et si souvent accablante,
porter plus de dévouement et plus de clarté que n'a fait l'auteur. Il a
fait son apprentissage d'archéologue en vue de l'entreprise que lui
rendait chère son attachement à notre colonie, et tout son travail
n'est pas moins solide qu'affranchi de pédantisme. Cet immense
catalogue est amplement illustré de dessins et de plans qui
l'éclairent et l'animent; il est partout si bien pénétré par la sympa-
thie que l'on sent à l'auteur pour son sujet, par son souci toujours
sensible d'établir les rapprochements instructifs, que la sécheresse
inévitable en est singulièrement tempérée et comme rafraîchie. La
modestie et la bonne humeur du ton y font par endroits passer quelque
chose d'un agrément personnel. Je suis heureux d'offrir à l'Acadé-
mie cette conclusion d'une tâche si heureusement conduite, si
vaillamment achevée, et dont je suis certain qu'elle me permettra de
féliciter l'auteur en son nom. ».
277
APPENDICES
FOUILLES DANS L ILOT DE L AMIRAL A CARTHAGE,
PAR M. ALFRED MERLUS1.
Avec la bienveillante autorisation de M. le général
Pistor, commandant la division d'occupation de Tunisie,
M. le capitaine Chardenet, du 4e régiment de tirailleurs algé-
riens, assisté de M. le lieutenant Simonnet, a continué en
1910 les fouilles que M. le capitaine Desmazes avait com-
mencées en 1908 dans l'îlot de TAmiral2, qui occupe le
centre de la lagune septentrionale des ports de Carthage et
où Beulé avait effectué à la fin de 18o9 des recherches
assez approfondies3. Les travaux ont duré du 21 mars au
13 septembre avec une interruption du 19 au 29 mai seule-
ment 4.
Lors des fouilles de 1908, on avait visé un double but :
traverser l'île de bout en bout par une tranchée dirigée du
Nord au Sud, assez large pour permettre de déterminer les
édifices ou substructions qui s'y trouveraient; reconnaître
les murs de quai circulaires qui avaient déjà été signalés à
son pourtour. En 1910, on s'est proposé d'étendre le
1. Voir les domptes rendus de 1911, pp. 194 el 213. Le manuscrit de
cette communication, qui était resté entre les mains du tics regretté
Pli. Berger, a été retrouvé clans ses papiers.
2. Cf. Merlin, Bull, arch. du Comité, 1909, p. 51-53, pi. VI; Schulten,
Arch. Anzei<jei\ 1010, col. 25â-2.M>.
3. Fouilles ù Carthage, p. 98 et suiv., pi. IV et V : cf. Tissot, Geo.gr.
comp.. I, p. <)0»-605; Perrot et Chipiez, llist. de Vart dans Vantiquiié, III,
p. 3X5 et 386. D'autres fouilles en cet endroit ont été faites en l900(Gauck-
ler, liull. arch. du Comité, 1900, p. cxlviu el cixxi).
4. Cf. Schulten, Arch. Anzeiger, 191 1, col. 2i:( el suiv.. fig. 1.
278 FOUILLES DANS l'ÎLOT DE L'AMIRAL A CARTIIAliE
déblaiement opéré jusque là et de dégager méthodiquement
la partie sud-ouest de l'île.
Au cours de ces deux campagnes, des constatations du
plus vif intérêt ont été faites, qui ont permis de vérifier
l'exactitude des renseignements fournis par Beulé et de les
préciser dans le détail.
L'île était entourée, comme Beulé l'avait déjà constaté,
de deux murs, ayant une forme presque circulaire et une
épaisseur variant de 0m 70 à 0m 90, distants d'environ
7 m .vi0 et dont le premier, à compter de l'extérieur, a envi-
ron 56 mètres de rayon ' .
La première enceinte, celle du dehors, est munie sur
certains points de massifs en blocage, placés comme pour
lui servir de contreforts tantôt sur sa face externe , tantôt
du côté interne, et qui parfois revêtent un aspect assez
confus.
Entre cette enceinte et la seconde qui est de ci de là
reliée à la première par des murs transversaux plus ou
moins ruinés et qui semblent rajoutés, mais cependant plus
près de la deuxième muraille que de la première, il existe
des piliers en blocage isolés, espacés à peu près réguliè-
rement (distance entre eux : 2 à 3 mètres) ; ces piliers
devaient être à l'origine de section sensiblement carrée,
mais aujourd'hui la plupart d'entre eux sont fort endom-
magés et nous n'en possédons plus que le noyau. Trois
citernes rectangulaires, dont l'une est divisée en quatre
compartiments égaux2 par deux cloisons se coupant à angle
droit, sont juxtaposées à la face externe de la seconde
1. Dans le Bull. arch. du Comité 1909 . j'ai parlé de trois murs concen-
triques ; mais l'existence du troisième, qui aurait été situé en dehors de
celui-ci et aurait eu 63 mètres de rayon, n'a encore été constatée que d'une
façon très problématique, et il vaut mieux rester sur la réserve à cet
égard jusqu'à plus ample informé.
2. L'un d'eux, celui du Sud-Ouest, est en partie occupé par un puits
circulaire servant à prendre l'eau.
FOUILLES DANS l'ÎLOT DE l' AMIRAL A CàRTflAGÉ 279
muraille, contre laquelle vient également s'accoler à Tinté-
rieur un bassin rectangulaire.
Cette seconde enceinte ne se poursuit pas sur tout le
pourtour de l'îlot. Au Sud, elle cesse brusquement à un
endroit où se voit une énorme masse de blocage actuel-
lement informe l et le mur se replie deux fois à angle
droit sur lui-même ; seule la ligne des piliers qui le précède
se continue vers l'Ouest.
Ces deux murs ne sont pas appareillés ; ils sont consti-
tués de moellons agglomérés pêle-mêle avec du mortier et
ils présentent l'aspect irrégulier d'une maçonnerie coulée
grossièrement dans une tranchée et qui ne devait pas être
visible; ce sont des murs destinés à soutenir le terre-plein
du quai; cette plate-forme était composée pour la majeure
partie de terre2 remplissant l'intervalle entre les deux murs
et devait avoir un peu moins de 10 mètres de largeur
totale 3. Beulé attribuait ces constructions à l'époque
romaine4 et il semble bien qu'il avait raison. Des vestiges
puniques incontestables dont il sera question plus loin n'ont
en aucune manière l'apparence de ceux-ci ; les uns et les
autres ne sont sûrement pas contemporains °.
A l'intérieur de ces enceintes concentriques, la disposi-
tion des restes antiques n'est pas aussi claire, dans son état
de destruction, qu'on le souhaiterait. Presque au centre,
une abside demi-circulaire en blocage, ayant 9 "' 20 de
diamètre, s'ouvre vers le Sud ; tout près gisent une grosse
1. Ce massif de blocage semble avoir déjà été vu par Beulé (p. 100), qui
le considérait comme les restes d'un embarcadère.
2. M. Sehulten {Arch. Ànzeiger, 1910, c. 2:>:>-256) les a rapprochés fort
justement des murs des camps édifiés par les Romains lors du siège de
Numance.
3. Beulé b. 99) l'avait estimée à 9,n 35.
i. P. 101.
5. Certains blocs de grès jaunâtre, ayant appartenu aux constructions
de l'époque punique, ont été employés dans quelques-uns des piliers qui,
comme les murs circulaires, ne sont pas appareillés.
280 FOUILLES DAKS l'ÎLOT DE l' AMIRAL A CARTHAGE
colonne en marbre numidique, mesurant 0m 90 de dia-
mètre, brisée en trois tronçons (haut, environ 6 mètres),
et des fragments d'autres colonnes analogues ' ; une petite
canalisation d'eau aboutit à cette abside, mais sans être
située exactement dans son axe. Trois citernes, l'une ellip-
tique, la seconde rectangulaire, la troisième carrée (celle-ci
offrant dans ses parois de nombreux morceaux de granit
employés comme matériaux), sont en bon état de conser-
vation ; de deux autres il ne subsiste que Taire soigneuse-
ment cimentée qui en constituait le fond. Quelques pans de
murs et quelques piliers isolés sont bien conservés, mais
d'autres masses de blocage ont maintenant des contours si
indistincts qu'il ne paraît pas possible de leur assigner une
destination quelconque.
Cependant certains vestiges méritent d'attirer l'attention
d'une façon tout à fait particulière ; ce sont des piliers
rectangulaires formés de blocs de grès jaunâtre bien taillés,
comptant en moyenne 1 m 50 à t m 60 de long sur une
hauteur de 0m 70 à 0m 80 et une largeur de 0m 80 à 0m 95,
superposés sans mortier; ces piliers, qui sont séparés les
uns des autres par un intervalle d'environ 1 m 20 à 1 m 50
et qui comprennent aujourd'hui un plus ou moins grand
nombre d'assises, sont répartis en plusieurs lignes dirigées
Est-Ouest, mais sans être rigoureusement parallèles entre
elles. Trois de ces rangées ont été déblayées dans la région
nord, et six, plus ou moins nettes et complètes, dans la
région sud. La première et la seconde ligne de la région
nord sont limitées à l'Est, au moins dans l'état actuel du
déblaiement, par des murs dirigés Nord-Sud, dont il ne
subsiste que les assises inférieures et qui sont constitués,
1. Cf. Beulé. p. 105. Des colonnes du même grenre ont été extraites de
l'île par M. le capitaine Pascaud et transportées voici un certain temps sur
la route aboutissant au lazaret de Carlhagc (Delattre, La nécropole des
rais, prêtres et prêtresses de Cartilage, troisième année des fouilles, p. 1 ,
n. 1, tin-. 4 et 5).
FOUILLES DANS l'ÎLOT DE LAMIKAL A CARTHAGE 281
eux aussi, de gros blocs de grès jaunâtre1, mais disposés
d'une façon continue 2.
Ces piliers, dont l'alignement ne correspond pas à celui
des constructions voisines des ports, rattachées à la centu-
riation générale de la Carthage romaine, sont d'époque
punique, et il convient d'y voir les fondations, malheureu-
sement fort ruinées, des édifices qui s'élevaient dans l'île,
notamment du pavillon de l'Amiral décrit par Appien. Sur
certains des blocs de grès qui les composent, on relève en
effet, tracés à la couleur rouge, le symbole de Tanit ou une
palme ; sur d'autres, gravés en creux, des signes qui sont
peut-être des marques de carrière ou d'appareillage (lettres
puniques, étoile à six branches, croix à huit branches).
Voici la description de ces blocs 3 :
N° 1. — Signe de Tanit peint en rouge entre deux lettres
puniques semblables gravées : tj .
N° 2. — Signe de Tanit peint. — Sur le bloc qui est au-
dessus de celui-ci et qui a les mêmes dimensions se voient
dans l'angle inférieur droit des traces d'un sujet peint en
rouge, peut-être un petit signe de Tanit (?), placé horizon-
talement la tête à gauche.
N° 3. — Signe de Tanit peint; sur une des grandes faces,
dans l'angle supérieur droit et dans l'angle adjacent de la
face latérale, quarts de cercle peints ; sur le dessus du
bloc, l'angle adjacent à l'angle supérieur gauche de la face
antérieure est peint de même.
N° 3 bis. — Le bloc situé au-dessous de celui-ci est par-
tiellement enterré ; il ne porte rien sur une de ses longues
1. Le mur le plus septentrional est visible sur 12 '" de long- (larg.. 1 *" iO),
l'autre sur 8 à Kl mètres (larg\ 1 mètre).
2. C'est sans doute un de ces murs que Heulé (p. 103) a désigné sous le
nom de « mur principal » [cf. pi. IV); il parle aussi au même endroit
d'assises rectangulaires qui sont évidemment des blocs semblables à ceux
qui forment les piliers.
3. Nous négligeons les marques peintes dont on n'aperçoit plus que des
traces indistinctes.
282 FOUILLES DANS L'ÎLOT DE l'aMLKAL A CAKTUAGE
faces mais sur la face opposée, on discerne un signe de
Tanii pareil à celui du bloc supérieur, et, à droite de ce sym-
bole, une circonférence de 0m 13 de diamètre, également
peinte.
Le bloc inférieur est moins long1 que le bloc supérieur
(1 m 35 contre 1 m 48), mais plus large (1 mètre contre
0m 77) ; sur la partie saillante, qui est tout entière par
derrière, la table supérieure a ses deux angles, les seuls
visibles, marqués de quarts de cercle qui sont figurés en
rouge.
N° 4. — Deux étoiles, l'une à six, l'autre à huit branches,
gravées ; dans l'angle gauche en haut, quart de circonfé-
rence peint.
N° 5. — Sur un des longs côtés, étoile à huit branches
gravée ; dans l'angle supérieur gauche d'une des grandes
faces et dans l'angle qui lui est adjacent sur la face laté-
rale, quart de circonférence peint.
Sur la face longue opposée, signe de Tanit peint. Sur le
bloc sous-jacent, dont tout le bas n'est pas visible, deux
lettres puniques gravées : Q A.
N° 6. — Sur une des longues faces, signe de Tanit la
tête en bas, palme, croix de saint André, quarts de circon-
férence dans l'angle supérieur gauche et dans l'angle qui lui
est adjacent sur la face latérale, tous peints; encoche gravée
et peinte qui se répète symétriquement sur la face opposée.
Le bloc placé sous celui-ci est plus long ; des deux angles
de la tranche supérieure de ce bloc qui sont apparents, à
gauche si l'on regarde la face aux peintures, l'un est
endommagé, l'autre porte un quart de cercle peint.
N° 7. — Sur une des longues faces, deux lettres puniques
gravées : 4i V
Sur la face opposée, signe de Tanit renversé peint; à
droite, deux lettres puniques gravées: |_ h-
N° 8. — Gros bloc dont on ne voit que la tranche supé-
rieure, ayant trois angles ornés de quarts de cercle peints.
FOUILLES DANS l'ÎLOT DE l'a.UIKAL A CARTHAGE 283
N° 9. — Bloc incomplet. Sur la seule face latérale con-
servée, vers le milieu, en haut, une petite encoche en creux,
comme celles du n° 6, peinte.
Deux des angles, les seuls visibles, du bloc sous-jacent
ont des quarts de cercle peints.
Sur 1 un de ces blocs, dans la région nord, repose le pied
d'une colonne engagée (base et amorce du fût portant dix
cannelures, diam. 0m 50) , recouvert d'un enduit stuqué et
se détachant sur un fond peint en rouge. Est-il en place? Je
n'oserais l'affirmer; toujours devons-nous noter que la base de
cette colonne comprend deux tores séparés parune scotie • et
qu'un fragment de fût également stuqué, recueilli à quelque
distance, appartient a cette même colonne, ainsi qu'un cha-
piteau2; celui-ci, malgré les mutilations qu'il a subies, est
sûrement un chapiteau ionique; les deux coussinets se voient
sur les côtés sans aucun doute. Or Appien nous dit que
sur la façade de chacune des cales qui entouraient l'île
se dressaient deux colonnes ioniques qui lui donnaient
l'aspect d'un portique circulaire3. Si nous ne sommes pas
en droit d'identifier nécessairement notre colonne avec
une de celles des cales, il est du moins certain qu'elle se
rattache à la décoration générale de l'île à l'époque
punique ''. Remontent également à cette période des débris
d'architrave stuquée, aux profils massifs, pareils à ceux que
Beulé avait découverts et qu'il avait avec raison considérés
1. Le tore inférieur mesure 0™ 11 ; la scotie y compris les filets, 0'° 09 ; le
tore supérieur, 0 m 07 .
2. La base, avec l'amorce de la colonne qui la surmonte, compte 0m 50
de haut; le fragment de fût, 1"' 55; le chapiteau, avec le haut de la
colonne qui y adhère, 0 "' Î9.
3. Pun., 95 ; cf. Audollent, Ca.rtha.ge romaine, p. 201-202.
i. Cf. Beulé, p. los et pi. V, fig. s et 9 (le fragment de colonne repré-
senté n'a que huit cannelures : je suppose qu'il y a là une erreur, car la
corde des cannelures, qui est de 0m063, est exactement la même pour le
fragment de Beulé p. 109; et le nôtre, et l'épaisseur des baguettes qui les
séparent, donnée par Beulé comme étant de 0m01 3, est dans notre cas de
0"'0I7 1. — La base, les débris de fût et le chapiteau ont été transportés au
Musée du Bardo, où ils ont été exposés dans la salle I.
284 FOUILLES DANS l'ÎLOT DE LAMIRAL A CARTHAGE
comme « des fragments d'architecture carthaginoise i » ;
l'un de nos tronçons, assez bien conservé, a lm4o de long.
La couche supérieure des déblais a fourni diverses sépul-
tures de date assez basse, un tombeau en forme de cuve
oblongue maçonné au-dessus d'une des citernes et une
jarre en terre cuite contenant les ossements d'un enfant.
Les objets exhumés sont relativement peu nombreux;
ce sont presque exclusivement des stèles puniques et des
lampes chrétiennes.
En 1908, on avait découvert quarante-quatre ex-voto à
Baal-Hammon et à Tanit, dont vingt-quatre offrant des
dédicaces2 ; en 1910, on en a trouvé vingt-six, dont dix-
neuf avec inscription, quatre avec représentations figurées
et trois sans aucune ornementation3. La plupart d'entre eux
ont été recueillis le long de la paroi interne de la seconde
enceinte ; ils étaient pêle-mêle, sans ordre apparent, le plus
souvent leur face antérieure tournée en dessous, comme
s'ils avaient été jetés au rebut contre le mur. Etant donné
qu'il est peu probable que toutes ces stèles aient été appor-
tées dans l'île, une fois désaffectées, il est fort vraisemblable
qu'elles proviennent d'un petit sanctuaire qui était situé à
l'époque punique au milieu du port militaire et dont les
ex-voto ont été pillés par les Romains.
Les lampes chrétiennes sont à sujets communs : chrisme
Constantin ien. monogramme bouclé à droite, croix, rosace ;
cerf, lièvre, sanglier, colombe, dauphin, mouton, cheval,
J . P. 103 et suiv. — On a trouvé aussi en 1910 deux tronçons de colonnes
cannelées haut. 0m65 et 0m4ô : diam. 0m4o), présentant dix-huit cannelures
corde 0m0<36 ; baguette entre elles 0m009 séparées en deux groupes égaux
par une bande plate, non excavée, de la largeur d'une cannelure.
2. Cf. Berger, Bull. arch. du Comité, 1908, p. ccxlv ; Corp. inscr.
semit., pars 1. 1. II, nos 300" à 3030, pi. LXII.
3. Beulé avait déjà mis au jour dans l'île deux fragments de stèles (p. 106;
pi. V. fig. 6 et 7 ; Bourgade en signale également deux (Toison d'or de la
langue phénicienne. 2" édit., |>. 11-12 ef 17. pi. C, a et h: cf. Corp. inscr.
semit.. pars I. 1. 1. p. 277 et n°' 4*3-1» 1 .
FOUILLES DANS l'ÎLOT DE L'AMIRAL A CARTHAGE '2c\'\
paon, lion galopant, coq, poisson ; palmier, etc. La plus
curieuse représente les trois Hébreux devant Nabuchodono-
sorqui veut les contraindre k adorer son image*'
Il faut réserver une mention spéciale à un moule de lampe
chrétienneen terre cuite (long. 0m 14), le premier objet de
ce genre qu'on ait rencontré en Tunisie, où ces ustensiles
sont généralement en plâtre impur'. Il se compose de deux
pièces indépendantes, portant encore à l'extérieur les traces
des coups de l'ébauchoir avec lequel elles ont été façon-
nées ; la pièce qui était destinée k mouler le dessus de la
lampe montre très distinctement les motifs dont elle devait
réaliser l'empreinte : trois cœurs avec, au pourtour, des
cœurs, des carrés et des palmes; à la naissance du bec, une
croix k branches égales cantonnées de triangles ; ces orne-
ments ici ne devaient donc point être appliqués en pastillage
et faisaient corps avec la lampe elle-même ; la pièce desti-
née k mouler le dessous présente simplement un ovale en
creux qui doit donner naissance k un bourrelet formant le
pied de la lampe. La superposition exacte des deux parties
du moule est assurée par des signes en creux tracés à
l'extérieur : de simples traits sur le bec et la queue ; sur le
côté droit, un signe plus compliqué ressemblant k un E
majuscule.
Outre les stèles puniques et les lampes chrétiennes, on a
1/ Hautecœur, dans Catalogue du Musée Alaoui, Supplément, p. 211,
n° 1401, pi. XCVII, n° 8; cf. Delattre, Musée Lavigerie, p. 32, n° 2, pi. VIII
n° 2. Des lampes chrétiennes trouvées en 1908 figurent clans le Supplément
du Catalogue du Musée Alaoui, p. 242 et suiv., n08 1Î09, 1 i 10, 1123, 145;.
1458,1459, 1483, 1499, 1511, 1515, 1518, 1520, 1522, 1531, 1557, 157], 1577, 1601,
1612, 1626, 1632, 1641, 1651, 1654, 1655, 1667, 1668, 1669, 171 1, 1715, 1719. 1721
1726, 1730.
2. Cf. La Blanchere et Gauckler, Catalogue du Musée Alaoui, p. 253
nos 396 et 397 ; Hautecœur, dans Catalogue du Musée Alaoui, Supplément
p. 230, n08 1287 et suiv., notamment n° 129»» ; Gauckler, Compte vendu de
la marche du Service en 1901, p. 19.
1912. 20
2SG TROTOCOLE DES LETTUES DES SULTANS DU MAROC
recueilli quelques paquets de monnaies en bronze agglo-
mérées et indéchiffrables, un tesson de poterie couvert de
graffites latins ', deux tètes de figurines en terre cuite, des
épingles en os, quelques vases en terre cuite ou en verre.
La Direction des Antiquités compte faire poursuivre ces
fouilles qui amènent notamment, comme on le voit, le
dégagement de vestiges et d'objets puniques d'un haut
intérêt2.
LE PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC,
PAR M. LE COMTE HENRY DE CASTRIES 3.
La dynastie saadienne est au Maroc la huitième dans
l'ordre chronologique. C'est en 1530 qu'elle réussit à sup-
planter celle des Béni Ouattas (branche des Béni Merin). Au
milieu des vicissitudes qui marquent l'histoire troublée du
Maghreb el-Aksa, cette arrivée des chérifs sur le trône ber-
bère du Maroc constitue une révolution dont les consé-
quences se font encore sentir aujourd'hui. Ce furent les
tribus du Sud. celles de l'oued Draa, qui préparèrent cet
avènement. Il manquait aux sultans des dynasties précé-
dentes, pour dominer la confédération berbère, le prestige
religieux, l'autorité spirituelle ; ils ne représentaient que
l'autorité temporelle, ce qui dans un Etat musulman est
toujours insuffisant. Leurs sujets étaient en continuelle effer-
vescence. Ne pouvant trouver cette double autorité dans
un souverain de leur propre race, ils eurent l'idée de deman-
1. Cf. linll. arch. du Comité. 190s. p. cclîi; Hautecœur, dans Cata-
logue du Musée Alaoui, Supplément, p. 324, n *19. Ces graffites sont ana-
logues à ceux que portent les tessons trouvés au même endroit en 1011
ignal el Merlin, Journal des Savants, 1911, p. 511 et suiv. .
Sur les Fouilles exécutées postérieurement à la rédaction de cette note,
cf. Merlin. Bail. arch. du Comité, 1911, procès-verbaux de la Commission
de l'Afrique du Nord, décembre.
3. Voir plus haut. p. 100.
PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC 287
der à l'Arabie un chérif authentique ; ils l'implantèrent chez
eux, l'entourèrent du respect dû à un descendant du Pro-
phète, et, après quatre générations, quand cette famille
venue des confins de l'IIedjaz fut en quelque sorte natura-
lisée, ils l'élevèrent au pouvoir.
Après ces quelques mots d'introduction historique,
j'aborde l'objet de cette communication.
On peut reconnaître, dans une lettre chérifienne rédigée
selon les règles de Fart, treize parties constitutives qui se
succèdent habituellement dans l'ordre suivant :
1° Invocation. — Placée tout à la partie supérieure du
document et à droite, l'invocation est séparée du texte de
la lettre par un espace blanc qui atteint parfois la moitié ,
voire les deux tiers de la feuille de papier. Cet intervalle
démesuré rappelle la disposition des anciens rouleaux de
papyrus dont le premier feuillet était occupé en entier par
une marque distinctive appelée tiraz.
Les deux invocations usitées dans le protocole saadien
sont la hamdala et la hesmala.
La hamdala, appelée aussi tahmid, se compose de la for-
mule : Louange au Dieu unique!
Son usage remonte à l'émir almohade Yakoub el-Man-
sour qui régna de 1185 à 1199.
La formule de la hesmala dont l'usage est moins fréquent
est : Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
En dehors delà hamdala et de la besmala, quelques lettres
missives des chérifs saadiens n'ont comme invocation que
le simple mot Houa : Lui !
2° Invocation symétrique. - - Une seconde formule pieuse
est placée symétriquement à la hamdala sur la même ligne
que celle-ci et à gauche de la feuille. Cette invocation, que
je nomme « invocation symétrique », pour la distinguer
de la première, s'appelle une teshiha si elle est encore con-
sacrée à la glorification de la Divinité, et une teslia si c'est
une prière de propitiation en faveur du Prophète et des
288 PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC
siens. Lorsque 1 invocation symétrique, séparée de la ham-
dala par un intervalle plus ou moins long, ne peut tenir
sur l'extrémité gauche de la ligne, il est de style d'écrire
les derniers mots en les superposant.
3° Signe de validation . — La place de ce signe a, aux
yeux de la chancellerie, une très grande importance, car
elle règle une question de préséance. Si l'auteur de la mis-
sive veut affirmer sa prééminence sur le destinataire, le
signe de validation est apposé en tête du message, au-des-
sous de l'invocation ; dans le cas contraire, il est placé au
bas. Inutile d'ajouter que, dans la correspondance des ché-
rifs avec les princes chrétiens, le signe de validation se
voit toujours en tête de la lettre.
Les chérifs n'ont jamais fait usage de la signature per-
sonnelle pour valider leurs écrits et je n'ai rencontré aucune
lettre missive portant une souscription arabe authentique.
Je signalerai cependant, à titre de curiosité, et non à titre
d'exception, un document conservé à la Bibliothèque natio-
nale : c'est une lettre de Moulay Abd el-Malek à Charles IX,
datée du 25 mai 1574, écrite en italien et portant la signa-
ture autographe de ce chérif dans l'alphabet latin. Cette
souscription est probablement unique dans son genre.
Les lettres missives des chérifs saadiens sont authenti-
quées soit par un seing manuel appelé aalama, soit au moyen
d'une empreinte (thaba) obtenue avec une sorte de timbre
humide. Le sceau (khatem) apposé sur de la cire avec un
anneau gravé (annulus siynatorius) semble n'avoir été
employé qu'exceptionnellement par les Saadiens.
La terminologie arabe n'est d'ailleurs pas plus précise en
cette matière que celle des autres langues, et les mots thaba
et khatem servent abusivement à désigner à la fois la matrice
de pierre ou de métal et l'empreinte obtenue avec cette
matrice.
Je laisserai de côté dans cette communication le khatem,
pour ne m 'occuper que du timbre et surtout de Y aalama, ce
PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC 2NÎI
seing- manuel n'ayant pas encore été étudié, faute de docu-
ments.
L'aalama était en usage dans le Maghreb, bien avant
l'arrivée des chérifs, car Ibn Khaldoun en fait mention dans
ses Prolégomènes. « Quelquefois, dit-il, on trace au
commencement ou à la fin du document, en guise de sceau,
une hamdala dans laquelle on introduit le nom du
sultan, auteur de la lettre. Le monogramme ainsi obtenu
valide le document. Dans le langage administratif, ce mono-
gramme se nomme aalama, mais on l'appelle aussi k ha te m
(sceau), parce qu'on l'assimile à l'empreinte laissée par le
cachet qui se porte au doigt. »
Avant l'avènement de Moulay Ahmed el-Mansour qui
régna de 1578 à 1603, le signe de validation des Saadiens
est un timbre de grande dimension, de forme circulaire ou
ovale, dont le motif central, le type, est une invocation
monogrammatique dont je parlerai tout à l'heure. La légende
de ce timbre portait les noms et titres du chérif, suivis de
quelque pieuse formule. Le type et la légende s'imprimaient
en blanc ou en noir, suivant que le champ était en relief ou
en creux.
Sous le règne de Moulay Ahmed el-Mansour, la chan-
cellerie saadienne commence à faire usage de l'aalama, et le
seing manuel adopté est précisément l'invocation qui figurait
au centre des timbres des précédents chérifs, à laquelle les
calligraphies ont donné de grandes proportions et qu'ils
tracent en traits larges et pleins, d'une façon qui rappelle
la toghra, en usage chez les Turcs et les Persans. Cette
formule sert à la fois d'invocation et de signe de validation,
et il était tout naturel de réunir dans un même signe deux
éléments du protocole qui devaient, d'après les règles de
la chancellerie, se trouver juxtaposés. On voit que, si le
nom de « seing manuel » s'applique à ce signe de validation
tracé ù la main, celui d' « invocation monogrammatique »
lui convient encore mieux.
2(.MI PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC
Quelle est la formule de l'aalama des chérifs saadiens ?
Par voie de conjecture et aidé du déchiffrement de quelques
caractères, j'y avais reconnu une invocation. Mais tous mes
efforts pour obtenir un déchiffrement rationnel et complet
de ce monogramme étaient restés pendant sept ans sans
résultat. Les lettrés de Fez, interrogés à ce sujet, m'avaient
fait répondre que cette griffe n'avait aucune signification
et qu'elle était une simple fantaisie de calligraphe. Enfin,
tout récemment, au mois de décembre 1911, M. Trenga,
officier interprète détaché à Fez, m'a proposé pour ce
déchiffrement une explication ingénieuse : il voit dans ce
monogramme la réunion des deux invocations hamdala et
hesmala, le mot Allah étant commun aux deux parties. Ce
déchiffrement comporte encore quelques desiderata, mais il
fournit pour certains groupes de caractères une lecture
acceptable. J'ai tout lieu d'espérer que, dans un prochain
voyage à Fez, en utilisant ces premières données, j'arriverai
à faire la lumière complète sur ce signe de validation.
4° Suscription". — La suscription est la désignation du
personnage au nom duquel est rédigée la lettre, énoncia-
tion suivie de la titulature et des formules de souhaits.
Cette partie du protocole exigerait de grands développe-
ments et m'amènerait à parler de l'onomastique arabe,
matière très ardue. Je dirai seulement à ce sujet que l'ex-
pression billah « par Dieu », qui entre dans la formation
de certains surnoms protocolaires comme « le puissant
par Dieu, le vainqueur par Dieu » etc., correspond assez
exactement au Dei gratia de notre ancien protocole. Cette
formule est employée avec l'intention de faire remonter
jusqu'à la Divinité les éloges et les mérites du Chérif :
il n'est puissant, il n'est vainqueur que par la grâce de
Dieu. Le billah du protocole arabe peut donc être appelé
« formule d'humilité », nom que M. Prou a très justement
appliqué au Dei gratia.
La désignation du chérif se fait dans les lettres missives
PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC 291
de trois manières différentes que j'ai appelées respective-
ment : énonciation nominative, énonciation adjective et
énonciation généalogique.
1° L'énonciation est nominative, quand le chérif est
désigné soit par son nom, soit par l'un de ses nombreux
surnoms. Le goût inné de l'Arabe pour un certain ésoté-
risme fait que ce mode de désignation, qui semble le plus
rationnel, n'est que très rarement employé.
2° L'énonciation est adjective, quand le chérif est désigné
par un adjectif dérivé de son nom ou de son surnom et inséré
— on pourrait presque dire dissimulé — dans le flot des
épithètes protocolaires. Cet adjectif est appliqué par hypal-
lage non à la personne du chérif, mais au document lui-
même. En voici des exemples :
Émane ce message auguste, sublime, imamien, mou-
louyen, sulfanien, khalifien, ahmédien, mansourien, haché-
mien, hassénien, de la haute autorité du puissant chérif —
que Dieu le rende victorieux !
Moulay Ahmed el-Mansour est le chérif désigné par les
épithètes ahmédien, mansourien.
De même, dans une lettre émanant de Moulay Zidân, le
message sera qualifié de zidanien.
Cette énonciation adjective n'est pas toujours aussi
transparente. Quand l'adjectif est dérivé du surnom pater-
nel du chérif, de ces surnoms en Abou qui, perdant tout
sens de paternité, sont devenus des noms de corroboration,
il faut résoudre une double difficulté : 1° passer de l'adjec-
tif au nom de corroboration, et 2° passer du nom de corro-
boration au véritable nom du sultan. L'illustre Sylvestre de
Sacy, qui ne connaissait pas cette désignation par énon-
ciation adjective, s'est trouvé fort embarrassé pour identi-
tifier l'auteur d'une lettre chéritienne adressée à Louis XIII
le 2 novembre 1630. « L'empereur du Maroc, écrit-il dans
sa Chrestomathie, au nom duquel cette lettre est rédigée,
292 PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC
n'y est pas désigné par son nom. » Puis, après un examen
critique des données chronologiques, le savant orientaliste
conclut : « Comme j'ignore à quelle époque de l'année 1630
est mort Moulay Zidân, je ne puis assurer positivement si
cette lettre a été écrite sous son règne ou sous celui d'Abd
el Malek ». Avec renonciation adjective il ne subsiste
aucun doute.: on trouve en effet dans les épithètes proto-
colaires le qualificatif « merouanien » dérivé de Abou
Merouan, surnom paternel du khalife ommeiade Abd el-
Malek et qui, dans la suite, est devenu un surnom de corro-
boration pour le nom d'Abd el-Malek.
3° L'énonciation est généalogique quand, sans nommer
le chérif, on exprime qu'il est fds ou petit-fils Ou arrière-
petit-tils soit d'un chérif dont le règne a marqué, soit du
fondateur de la dynastie.
Voici, à titre de spécimen, deux suscriptions. La pre-
mière est celle d'une lettre adressée en avril 1588 au pré-
tendant D. Antonio par Moulay Ahmed el Mansour.
De la part du serviteur de Dieu Très-Haut, le combat-
tant dans la voie de Dieu, Vimam, le victorieux par la
grâce de Dieu, le Commandeur des Croyants, fils du Com-
mandeur des Croyants, fils du Commandeur des Croyants,
le chérif Hassénien. Que Dieu, de son puissant appui, affer-
misse son autorité ! Qu'il fasse triompher ses armées ! Qull
perpétue son illustre renommée et qu'après la gloire de
ce monde, il lui fasse atteindre la gloire dans l'autre.'
La suscription suivante est tirée d'une lettre de Moulay
Zidân au duc de Medina-Sidonia datée du 14 Moharrem 1023
— 24 février 1614. Adoptée vers cette date par la chancel-
lerie saadienne, cette formule a été rigoureusement conser-
vée depuis par les souverains de cette dynastie.
Emane ce message auguste, imamien, noble, victo-
rieux, triomphant, zidanien, hassénien, fatimicn, haché-
mien, sultanien, de V autorité prophétique du chérif aala-
PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC 293
oui auquel les royaumes musulmans ont voué une reli-
gieuse obéissance, a la cause chéri fienne duquel se son/
ralliés tous les pays du Maghreb, devant les ordres duquel
s'inclinent les puissants monarques des pays du Soudan
tant proches qu'éloignés.
5° Adresse intérieure. — J'ai été obligé de donner ce
nom assez gauche à cette partie du protocole pour la dis-
tinguer de ce qu'on entend communément par adresse.
L'adresse intérieure est la désignation de la personne à
qui la lettre est destinée. Dans les lettres missives adres-
sées par les chérifs aux princes chrétiens, la suscription
est toujours placée avant l'adresse intérieure et, par là,
comme par l'apposition du timbre ou le tracé de l'aalama
en tête du document, la chancellerie marocaine entend
affirmer la prééminence de tout prince musulman sur les
souverains chrétiens.
Bien qu'il y ait beaucoup d'intéressantes remarques à
faire sur cette partie du protocole, je me contenterai de
citer deux adresses intérieures.
La première est tirée d'une lettre de Moulay Ahmed el-
Mansour à la reine Elisabeth, datée du 12 Ramadan 1008
- 27 mars 1000.
A la noble princesse qui jouit dans les pays chrétiens
d'un prestige considérable, dont la haute autorité repose
sur de solides assises, l'altesse illustre dont la gloire est
connue de ses peuples proches ou éloignés, la sultane de
noble extraction et de haut lignage, l 'excellente , la célèbre,
la distinguée et considérable reine Elisabeth. Puisse son
prestige dominer /es peuples chrétiens du liant des sommets
de sa j)uissance sommerai ne !
Voici une seconde adresse intérieure tirée d'une lettre
de Moulay Zidân à Philippe II, datée de juillet 1G08 :
Au roi dont se glorifien-t et s'enorgueillissent les princes
de la chrétienté, qui ne cesse de marcher dans la voie que
294 PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC
lui ont tracée ses ancêtres, les grands chefs de l'idolâtrie,
au souverain du plus puissant des empires chrétiens, du
royaume pour la gloire duquel ont rivalisé les Alphonse
d'Espagne ; à la majesté du sultan le plus grand, le plus
honoré, le plus illustre, le plus vénéré, le plus considérable
et dont la ferme autorité impose le respect, à celui qui est
issu des grands sultans, célèbres par leiws mérites émi-
nents et les hauts faits dont ils ont laissé la trace, gloire de
V humanité et de la Croix, héritier de cette famille élevée
au sommet des grandeurs.
Vous remarquerez dans cette adresse si redondante l'em-
ploi de l'expression V i~d\ ljaJ\3WJ les Alphonse d'Es-
pagne. Le nom d'Alphonse était regardé par les Arabes
comme le titre héréditaire des rois d'Espagne.
6° Salut initial. — Il se rencontre rarement dans les lettres
adressées par les chérifs à des princes chrétiens, et. quand
il s'y trouve, il est toujours accompagné de la réserve assez
insolente : Salut sur celui qui suit la vraie direction (c'est-
à-dire l'islamisme).
Cette restriction rappelle d'ailleurs le si obedierint que
la chancellerie pontificale ajoutait à la formule de la béné-
diction apostolique dans les lettres adressées à des infi-
dèles et à des hérétiques.
Quand ils écrivaient à des princes mulsumans, les chérifs
faisaient usage, pour le salut initial, de cette formule très
ancienne dans l'islamisme :
Le salut sur vous ainsi que la miséricorde de Dieu Très-
Haut et sa bénédiction.
Ce salut est généralement suivi de souhaits de durée
dans l'expression desquels l'imagination des secrétaires-
rédacteurs se donne libre cours. Voici quelques exemples
de ces poétiques formules de pérennité :
Le salut sur vous ... etc. . . tant que roucoulera la
colombe, tant que le mueddin appellera à la prière.
PROTOCOLE DES LETTRES DES SULTANS DU MAROC 295
Le salut sur vous ... etc. . . tant que souriront les par-
terres, tant que pleureront les jiuages.
7° Doxologie. — J'ai appelé ainsi cette partie du protocole
qui est consacrée à la glorification de Dieu et du prophète.
Voici la doxologie d'une lettre adressée en juillet 1559
par Moulay Abdallah el Ghalib à Antoine de Bourbon, roi
de Navarre :
Louange à Dieu Très-Haut, digne de toute louange. Il est
unique dans son empire ; 77 ri a point d'associé, point d'égal;
Il est trop élevé pour avoir une épouse et un fils : Il ne peut
se passer dans son empire aucun fait contraire à sa volonté.
Il a clos la série des Envoyés par le prophète hacliémien et
arabe, notre seigneur et notre maître Mohammed, Moham-
med élu parmi les descendants cl Adam, supérieur aux
hommes des temps présents comme à ceux des temps passés,
le dernier des Envoyés de Dieu ; Mohammed chargé par
Dieu d'une mission auprès de toutes ses créatures, Moham-
med dont la doctrine abrogea toutes les lois et toutes les
religions qui existaient avant lui. Dieu le bénisse ainsi que
tous les autres prophètes et envoyés ; qu'il leur accorde à
tous sa miséricorde jusqu'au jour de sa rétribution !
Quelquefois la doxologie perd son caractère d'oraison et
devient un préambule où sont développées des considéra-
tions générales sur les devoirs des rois. En voici un
exemple :
Gloire à Dieu qui a établi entre les souverains de la terre,
malgré la diversité des religions, une solidarité en ce qui
concerne les règles de la politique et l'exercice du pouvoir,
solidarité dont doivent tenir compte les rois, les princes et
les grands de la terre dans foutes leurs relations — qu'il
s'agisse de paroles ou d'écrits — ainsi ({lie dans les affaires
qui réclament attention et considération . . .
Cet exorde sur la solidarité des trônes est tiré d'une
296 LARMIIŒ AU TEMPS DE NARAM SIN
lettre de Moulay Zidàn au duc de Medina-Sidonia, datée
du 14 Meharrem 1023 — 24 février 1614.
Il me resterait à traiter des autres parties du protocole
épistolaire : l'exposé, l'apprécation, le salut final, la for-
mule de clôture, la date et l'adresse, ainsi qu'à étudier les
caractères extérieurs des lettres chérifiennes, leur langue
et leur style. Ces développements prendraient la proportion
d'un manuel de diplomatique.
Si les documents que j'ai recueillis ne permettent pas
encore de formuler une doctrine, j'espère que l'Académie
voudra bien les considérer comme les jalons posés dans un
champ jusqu'ici inexploré. Je serais heureux si elle recon-
naissait qu'il était utile de dégager de ces textes les cons-
tatations fondamentales sur lesquelles pourra s'appuyer
ultérieurement une critique diplomatique approfondie et
définitive.
L ARMURE AUX TEMPS DE NARAM SUN,
D'APRÈS UNE TAIÎUETTE DE COMPTABILITÉ TROUVÉE A SUSE,
PAR LE P. SCHEIL, MEMBRE DE l'aCADÉMLE '.
Une tablette susienne de l'an 2800 connaît des casques
[kubsu) de cuir, des casques de bronze et des casques d'ar-
gent.
Dans la confection des casques de peau ou cuir entrait,
outre le cuir qui formait la bombe, de la laine et du che-
vreau. La laine était propre à garnir l'intérieur; le chevreau
doublait une matière rude et rigide, afin d'adoucir le contact
sur le pourtour de la tête — et servait peut-être à former
couvre-nuque, oreillettes.
La quantité de cuir requise apparaît, à première vue,
considérable. Notre scribe compte en effet une peau entière
de bœuf par pièce; et il arrive qu'on y consacre encore
l . Voir ci-dessus, p. 122.
l'armure au temps de narâm sjn 2117
additionnellement une peau entière de chevreau. Pour
expliquer la disproportion flagrante entre la matière
employée et le rendement, disproportion que nous ne retrou-
vons pas dans l'emploi du bronze, dvi cuivre et de l'argent,
ce n'est pas assez de supposer que bœufs et chevreaux
domestiques étaient alors d'assez petite race (les grosses
races ont été obtenues par croisement) ; que, dans leur
cuir, l'homme du métier taillait au meilleur endroit, dans
la croupe, et non dans le ventre qui est généralement dépré-
cié, la quantité nécessaire pour un casque, et qu'il négli-
geait le reste !... Il est probable qu'il s'agit, dans cette
estimation, de peaux brutes. Les sources de revenus de la
Cour et des temples comprenaient surtout des objets en
nature, produits de la terre, des bergeries et des étables.
Convertir les matières premières en armes, vêtements, etc.,
était le fait d'artisans concessionnaires.. Une livraison de
casques, par exemple, s'effectuait contre la remise d'autant
de peaux de bœuf et de peaux de chevreau. L'improducti-
vité de cette denrée pendant l'apprêtage était compensée, le
salaire du corroyeur, le gain de l'armurier lui-même étaient
procurés, par l'excédent escompté du cuir, dans la fabrica-
tion des casques.
Quant à la bourre en laine, elle figure chaque fois dans
la proportion d'un tiers de mine. En évaluant, comme au
temps de Dungi (roi d'Ur, vers 2400), dont nous avons les
propres poids, la mine de GO sicïes à 500 grammes, c'est
une quantité de 167 grammes de laine aiïectée à chaque
coiiTure. La déperdition qui se calcule aujourd'hui à 30 0/0
dans le désuintage, était sans doute moindre à cette époque,
L'addition suivante de quantités normales vérifiées :
700 grammes de cuir de bœuf;
1 30 gr. de laine dégraissée ;
1. Le poids d'une peau tannée, pour un bœuf moyen, sciait d'environ
20 kilogr. Il est douteux que les procédés de nettoyage des peaux brutes
et de tannage fussent aussi perfectionnés que maintenant ; c'est mie ques-
tion qui ne peut guère être résolue. Une quantité de t>00 à 7oo grammes
de cuir suffit, de nos jours, par casque.
298 l'armure au temps de narâm sin
80 gr. de chevreau (1 demi-peau) ;
donne au total, pour le poids du casque de cette espèce, un
peu plus de 900 grammes.
Nous arrivons au casque de bronze. Une mine et deux
tiers de ce métal, soit 832 grammes environ, suffisent par
pièce à l'armurier élamite. Excessive s'il ne fallait figurer
qu'une simple insigne, cette quantité est au contraire suffi-
sante pour constituer la bombe entière d'un casque. Il est
probablement sous-entendu que la garniture de laine avait
le même poids que dans l'espèce précédente, et qu'un peu
de cuir n'en était pas exclu. Le poids total était donc de 832
grammes de métal, plus 130 grammes environ de laine,
plus 80 grammes de chevreau, soit 1 kil. 042. Le casque de
dragon de l'armée française, à bombe plus développée, tout
en cuivre, pèse 1 kil. 350 ; le même avec bombe en alumi-
nium, cimier et jugulaires en cuivre, pèse encore 750
grammes.
Enfin on mentionne des casques d'argent. Le métal
employé chaque fois pèse 10 sicles, soit environ 84 grammes.
Il ne peut être question d'une bombe d'argent, mais seu-
lement d'une surface argentée. Habiles à fondre et à allier
les métaux, nos Tubalcaïns connaissaient aussi la dorure et
l'argenture. Dans le cas particulier, je crois à la présence
d'un insigne déterminé, serti en évidence sur le devant
d'un casque de bronze. Le texte renseigne heureusement,
bien qu'il soit en mauvais état, sur la nature de cet insigne :
c'est Yaigle, symbole de force et de domination (on écrivait
son nom à musen, Y « oiseau de force », et on l'appelait êrû
ou nasru). Le même idéogramme désigne aussi, à l'occasion
et par inversion, la force de l'oiseau, c'est-à-dire les ailes.
L'arme le plus souvent nommée à la suite est une arme
offensive : le DA nagar. soit le DA de charpentier, monté
sur un manche de bois (gis 77) '. L'instrument principal
1. Je propose cette interprétation sous réserves.
l'armuke au temps de narâm sin 299
du charpentier et le plus ancien outil taillant, a en juger
par les nombreux échantillons en silex que nous a transmis
l'âge de pierre, est la hache 1. A l'époque d'Agadé, c'était
l'arme commune à tous, archers, piquiers et porte-enseigne.
Celle de Narâm-Sin, sur la Stèle de Victoire, est en bronze,
à pointe et tranchant très étroits, emmanchée à angle droit
sur un bois plus long que l'avant-bras. D'autres y sont à
talon concave, d'autres encore sans talon. Bien que les
masses d'armes simples ou façonnées, usuelles ou votives,
d'époque plus récente, trouvées dans les fouilles, soient
toutes de pierre, il faut croire que les haches des guerriers
de Narâm-Sin et celles qui sont dénombrées dans notre
texte sont de bronze, sans qu'on puisse expliquer ici l'ab-
sence d'évaluation de la quantité de ce métal. On estime
en revanche l'emploi d'argent, pour chaque hache entière,
à 5 sicles ou 42 grammes environ, et pour un manche seul,
à une ou deux minettes, (la petite mine ou minette pèse
2 gr. 90). — Ne vaut-il pas mieux penser que la différence
(soit 36 grammes) servait plutôt à décorer le talon ou le
plat d'une hache de bronze qu'à orner une pierre taillée ?
Il est manifeste, par la Stèle de Narâm-Sin, que les hampes
de lance avaient quelquefois à la base une boule (métal-
lique?) (Reg. I, pers. 1, fugitif 2) et que le plat de la
pointe pouvait être historié, comme dans la lance votive
de Telloh.
Une troisième arme, assez rarement nommée dans les
textes (RTC. 220. 222) ou figurée dans les reliefs de Basse-
Mésopotamie, s'appelait qaëtu, c'est-à-dire l'arc (idéo-
graphie giê Lan). Il en existait de grands et de petits,
à cordes de fibre et de vrai boyau, à ornements d'or
et d'argent : Narâm-Sin tient un arc à double courbure,
alors que celui d'un de ses éclaireurs est plus simple. La
matière en était sans doute la corne et le bois ; ceux de
300 l'armure au temps de narâm SIN
bronze trouvés à Suse ne peuvent être que des objets votifs.
Dans notre texte, le scribe abstrait de tout cela et ne tient
compte, encore un coup, que d'un détail de prix, en mar-
quant pour chaque pièce l'emploi de un sicle, soit 8 gr. 33
à" argent. Le point tout indiqué pour recevoir une légère
garniture métallique aura été ou les deux extrémités de
l'arc, ou, comme de nos jours encore chez quelques Afri-
cains, près du milieu, là où, en décochant, s'appuie la
main gauche.
Deux livraisons de carquois, si notre restitution est bonne,
(il manque deux signes sur Les trois qui composent l'idéo-
gramme è mur urù) ont lieu au nombre de 3 et 22 pièces.
On emploie à tout coup une demi-peau de bœuf, et 1 0 sicles,
soit 83 gr. 33 de laine.
Les archers ne pouvaient être en même temps piquiers,
non plus que les piquiers être en même temps archers. Sur
la Stèle de Narâm-Sin, les guerriers accadiens portent soit
arc et hache, soit lance et hache, soit étendard et hache.
Une nouvelle fourniture qui se présente intéresse la
deuxième catégorie. Voici la petite lance ou pique, idéo-
graphiée gis gid-da iur « bois long de petite dimension ».
La matière de la hampe n'est pas indiquée, mais il est
probable qu'elle était en solide roseau.
Quant au métal qui constituait l'arme proprement dite
et s'adaptait sur le bois qu'il terminait sans doute en
feuille de laurier, comme dans la Stèle de Naràm-Sin, nous
avons vu, dans un autre texte communiqué au début de
cette étude, que c'était généralement le cuivre. Il n'en est
pas autrement ici, et la quantité nécessaire pour chaque
lance s'élève à 15 sicles, soit 125 grammes, ce qui, abso-
lument parlant, n'a rien que de normal. Pour la lance
ordinaire, on employait, d'après un texte inédit, 27 i
grammes de bronze, par unité.
RAPPORT SUR L'EMPLOI DES FONDS DE CLERCQ. 301
Eniin, notre tablette mentionne le vêtement. Sur la Stèle
du Narâm-Sin, le roi porte une robe étroite collante, avec
une tunique croisée sur la poitrine ; deux longs plis tombent
jusqu'au-dessus des g-enoux. Mais ses compagnons n'ont
qu'une jupe, serrée à la taille, descendant jusqu'aux genoux.
La laine estimée nécessaire pour ce nig lai nig su se monte
à dix mines, soit 5 kilogrammes. C'est beaucoup pour un
aussi modeste vêtement. Il est probable qu'il s'agit encore
de laine brute qui, dégraissée à la potasse comme on savait
le faire à cette époque, se réduisait à i kilogrammes, quan-
tité suffisante pour une jupe de bure ou de tartan. Rien
n'empêche même de croire que, comme la peau de bœuf
pour le casque, ces 5 kilogrammes représentent une quan-
tité forfaitaire.
RAI'l'OKT SUR L EMPLOI DES FONDS DE CLERCQ,
PAU M. EDMOND POTTIER, MEMBRE DE L ACADÉMIE.
La nouvelle Commission, nommée pour l'emploi des
fonds De Clercq après l'achèvement du Catalogue de cette
collection, s'est réunie pour la première fois le vendredi
2i mai, et elle a pensé qu'elle devait d'abord à l'Académie
un bref historique sur la gestion ancienne des sommes pro-
venant de la donation, avant de lui soumettre ses projets
pour l'avenir.
M. Louis De Clercq, dont notre confrère M. Babelon a
retracé la carrière et loué la bienfaisante générosité, dans
l'Introduction au Catalogue de la Collection , mourut en
décembre 1901, laissant un projet de testament qui, outre
une donation importante à l'Académie des inscriptions,
réglait le sort de ses collections de manière à en rendre
l'Etat propriétaire, tout en réservant l'usufruit à ses héri-
tiers directs. Mais par suite de certain vice de forme consis-
302 rapport sur l'emploi des fonds de clercq
tant en une erreur de date, ce projet de testament, qui n'avait
d'ailleurs pas reçu de forme définitive, ne put pas être rendu
exécutoire. Heureusement les intentions si libérales du
testateur ne devaient pas être perdues pour nous, grâce à
l'intervention de ses héritiers. Mmc Louis De Clercq et M. le
comte Louis de Boisgelin décidèrent de constituer en faveur
de l'Académie une donation en règle qui permît d'assurer
l'exécution des volontés de leur mari et de leur oncle. Par
acte notarié du 16 juin 1902, don était fait à l'Académie
des inscriptions et belles-lettres de huit actions de la
Société des Mines de Dourges (Pas-de-Calais) , représen-
tant un capital de 200.000 francs et une rente annuelle
variable de 7 à 9.000 francs environ. Cette somme devait
être consacrée d'abord à l'achèvement du Catalogue de la
collection, commencé par M. De Clercq lui-même avec la
collaboration de M. Menant, membre libre de l'Académie,
et dont deux volumes avaient déjà paru.
Cette publication devait être terminée dans un délai de
dix ans et faite sous le contrôle d'une commission de
trois membres de l'Académie. Après l'achèvement du Cata-
logue et après l'expiration du délai, les revenus des biens
seront employés, dit le texte de la donation, « à faire
« et à subventionner des publications relatives à l'archéo-
« logie orientale qui porteront pour premier titre : Fonda-
« tion Louis De Clercq. A défaut de publication, l'Académie
« pourra faire entreprendre avec ces mêmes revenus des
« fouilles archéologiques en Orient. L'Académie ne sera
« pas tenue de dépenser tous les revenus chaque année;
« elle pourra accumuler lesdits revenus et les administrer
« comme elle le jugera utile pour le bien de la science,
« mais toujours cependant aux mêmes lins correspondant
« aux intentions de M. Louis De Clercq. »
L'Académie peut se rendre cette justice qu'elle a scrupu-
leusement rempli les conditions prescrites par les dona-
teurs. La rédaction du Catalogue, confiée à M. André de
RAPPORT SFR L'EMPLOI DES FONDS DE CLERCQ 303
Ridder, ancien membre de l'École d'Athènes, conservateur
adjoint au Musée du Louvre, sous le contrôle d'une com-
mission de trois membres nommée en 1903 et composée de
MM. de Vogué, Babelon et Pottier, a duré un peu moins
de dix ans. Cette œuvre considérable, qui s'ajoute aux
deux volumes antérieurement publiés par M. De Glercq et
M. Menant, se compose de cinq volumes in-4°, en huit
fascicules, y compris les tables générales récemment parues.
Elle représente un total d'environ 2.500 pages, 74 planches
en héliogravure, 132 planches en phototypie ou simili-
gravure. Elle a coûté 72.614 fr. 50.
L'Académie, dans une de ses dernières séances, a décidé,
sur la proposition de la Commission, de féliciter M. de
lîidder pour la diligence et le soin avec lequel il avait mené
à bon terme cette lourde tâche, et elle a nommé une com-
mission nouvelle de cinq membres pour gérer à l'avenir les
fonds De Clercq suivant les intentions exprimées par les
donateurs : ces membres sont MM. de Vogué, Heuzey.
Uabelon, Pottier et Scheil.
Le Gérant, A. Picard»
MAÇON, PROTET FRFRES, IMPRIMEURS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 5 JUILLET
PRESIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel communique la lettre suivante, que
M. Eugène Al. Dalleggio lui a envoyée de Constantinople :
S'il y a un monument byzantin des plus intéressants et des moins
connus de nos jours, c'est bien le grand Palais impérial de Constanti-
nople. Sur son emplacement où, comme le dit M. Charles Diehl, il ne
reste pas une pierre, « de petites maisons turques dessinent des rues
tortueuses, se pressent, s'insinuent les unes sur les autres sur le ter-
rain habité par les anciens maîtres de Constantinople ' ». Seuls, Sainte-
Sophie et l'At-Meïdan, l'ancien Hippodrome, déterminent en gros les
limites de remplacement que couvrait la résidence impériale. Et en
attendant des fouilles qui se feront un jour ou jamais dans la moderne
Constantinople, c'est d'après le témoignage des seuls écrivains qu'on
peut tenter la restitution de ces édifices disparus-'.
1. J. Ebersold, Le grand palais impérial, L910.
•J. Cli. Diehl, Journal îles Délits. 1910.
1 9 i 2 . '-il
306
SÉANCE DU O JUILLET 1912
Sous l'ancien régime, il était impossible d'obtenir une autorisa-
tion pour entreprendre des fouilles dans la capitale. Il était aussi
très difficile aux savants de pénétrer dans les maisons particu-
lières pour voir quelques ruines. Et d'ailleurs ces maisons étaient
construites de telle sorte qu'elles ne laissaient rien apercevoir
du dehors. Aussi était-on privé pour toujours des éclaircissements
que pouvaient même donner ces quelques restes sur ce très impor-
tant sujet. Mais aujourd'hui de grandes difficultés sont surmontées.
D'abord le grand incendie du 3 juin 1912 a consumé plusieurs
quartiers, laissant déblayée la place d'une grande partie des 400.000
Fig. 1. — Constantinople. — Substructions de l'Hippodrome.
mètres carrés dont se composait l'étendue du terrain sur lequel
s'élevaient autrefois les constructions du Palais impérial. Des
vestiges se montrent de dislance en distance, et de très intéressants.
Voici un aperçu rapide des ruines que j'ai rencontrées. Pendant
qu'on creusait la terre autour d'une maison, en face de la mosquée
d'Ahmed, j'aperçus un chapiteau. Sur chacune de ses quatre faces
avait été sculptée une croix avec, autour, des feuilles d'acanthe ; il y
avait aussi d'autres morceaux de marbre brisés.
SÉANCE DU 5 JUILLET 1912
307
Un mur long d'une dizaine de mètres élevé jusqu'au niveau du sol
de l'autre côté de la rue, et à sa droite une bâtisse carrée séparée
de ce mur par un étroit corridor qui, au sommet, réunit le mur à la
bâtisse, présente une chambre haute percée de fenêtres et une entrée
dont la moitié est enfouie dans le sol.
Au quartier dit Baïram-Fouroun el, près d'Ak-Biyik, deux vestiges.
Le premier est composé d'un mur, long d'une vingtaine de mètres,
formé d'arcades aveugles; il soutient les terres d'un jardin. L'autre
lui fait vis-à-vis dans la rue opposée, à une trentaine de mètres de
P
Fig.2.
Constaniinople. — Vue prise derrière la mosquée d'Ahmed.
dislance. Deux murs formant équerre et, au bout de l'un d'eux, une
construction carrée enfouie sous terre, laissant voir la calotte qui la
recouvre et, sur une paroi, un volet de fer et une entrée toute petite
par où un homme peut à peine passer.
Les murs de la partie ronde de l'Hippodrome (la Sphendoné) ont
été également dégagés parla destruction de quelques maisons, ainsi
que les substruclions du palais de Justinien. Le Gouvernement otto-
man ayant l'intention de faire reconstruire les maisons incendiées
308 SÉANCE DU O JUILLET 1912
par souscription d'État, il serait temps, croyons-nous, avant qu'au-
cune décision définitive ne soit prise, de voir quelques savants s'in-
téresser à ces ruines que j'ai voulu décrire pour en indiquer tout
l'intérêt : des fouilles de ce genre ne manqueraient pas, si elles étaient
faites, de donner de bons résultats. Pour ce qui est de l'autorisation
du Gouvernement ottoman, nous pensons que celui-ci ne pourrait la
refuser, vu les idées de progrès qui animent les dirigeants de la
Jeune-Turquie.
M. Antoine Thomas signale la découverte, dans le manuscrit
302 d'Orléans sur lequel le professeur Lindsay, de l'Université
de St Andrews, a attiré l'attention de M. J. Loth, professeur au
Collège de France, de neuf gloses bretonnes inédites, que
M. Loth doit publier et commenter dans un prochain article. Le
manuscrit, qui contient les œuvres de Sedulius et remonte au
vme siècle, offre quelques autres gloses dont l'apparentement
linguistique reste à déterminer, par exemple anonesos ou
anomesos, qui explique le latin fomes, et pifrifia, qui explique
tirocinium. Il écrit crox. pour crux, ce qui concorde avec les
formes diverses des idiomes celtiques qui remontent toutes à
un o et non à un u.
M. Heuzey a la parole pour une communication sur Pline et
les astrologues chaldéens. Pline l'Ancien donne les noms de trois
collèges ou sectes astrologiques de l'ancienne Chaldée. Ces noms,
d'apparence grecque, sont de l'époque des Séleucides; mais leur
forme hétéroclite, due en partie au mauvais état des manuscrits,
les rend difficilement explicables. M. Heuzey propose, sous
toutes réserves, plusieurs corrections, qui tendraient à les
rattacher à divers systèmes d'orientation adoptés par les astro-
logues chaldéens, certaines sectes se tournant vers le midi et
obtenant ainsi l'Orient moyen, d'autres vers le soleil levant qui
leur donnait un Orient variable et journalier, d'autres enfin
établissant leur orientation par des calculs et des tracés gra-
phiques '.
MM. Perrot, Bouciié-Leclerccj et Dieulafoy présentent
quelques observations.
I. Voir le prochain cahier.
AGES PROTOHISTORIQUES DANS L'EUROPE BARBARE 3l>!>
M. Joulin lit un mémoire sur les âges protohistoriques dans
l'Europe barbare *.
M. Salomon Reinach demande quekpies explications à M. Jou-
lin. Il insiste sur les caractères très particuliers de la civilisation
de la Tène.
M. Pottier fait observer qu'il y a un art ibérique que paraît
nier M. Joulin.
MM. Perrot et Dieulafov présentent aussi quelques obser-
vations.
COMMUNICATION
LES AGES PROTOHISTORIOUES DANS L'EUROPE RARISARE,
PAR M. LÉON JOULIN.
Nous avons fait connaître à l'Académie, dès 1903, nos
découvertes sur les établissements protohistoriques de la
région de Toulouse et du Sud de la France ?. Ces études
complétées par les fouilles importantes exécutées ces der-
nières années en Espagne, a Ampurias, à Villaricos et à
Numance, nous conduisaient aux conclusions suivantes .
Comme dans l'Europe centrale, les âges protohistoriques
se trouvent représentés dans les deux contrées par des
périodes de civilisation répondant chronologiquement à
celles de Hallstatt et de la Tène. Mais si des objets carac-
téristiques de Tune et de l'autre de ces dernières civilisa-
1. Voir ci-aprés.
2. L. Joulin. Les sépultures des ài/es protohistoriques dans le Sud-Ouest
de la France (lier. arch.. 1912) ; — Les âges protohistoriques dans le Sud-
Ouesl de la France (Mém. de VAcad. des sciences, inscriptions et helles-
lettres de Toulouse (1911). — Les Ages protohistoriques dans le Sud de la
France et dans la Péninsule hispanique lier, arch., 1910 cl 191 I .
310 ACES PROTOHISTORIQUES DANS L'EUROPE RARRARE
tions se rencontrent dans ces contrées, de nombreux pro-
duits, des décorations et des monuments figurés forment
un ensemble qui en diffère entièrement. C'est ce qui a fait
admettre jusqu'ici qu'il s'était développé dans ces pays des
civilisations du fer particulières, sous des influences qu'en
Espagne du moins, on faisait remonter aux temps égéens.
Nous avions donc à déterminer les caractéristiques encore
imparfaitement connues de ces civilisations particulières ; ou
bien, à rechercher si les vestiges recueillis dans les contrées
classiques de Hallstatt et de la Tène et dans les pays où
ces deux civilisations ne se manifestaient que par de rares
objets, pouvaient être compris dans des cadres plus larges
que ceux tracés il y a trente ans. C'est ainsi que l'on a été
amené à étudier les vestiges de l'époque protohistorique,
non seulement dans les contrées où les industries de Hall-
statt et de la Tène étaient représentées à des degrés divers,
mais même en Orient où l'influence hellénique que nous
retrouvions dans le Sud de la France et en Espagne avait
été si grande parmi les populations scythiques du littoral de
la mer Noire.
Les limites des divisions chronologiques suivant les-
quelles nous présentons les observations faites dans les
différentes contrées ne sont, bien entendu, que des approxi-
mations, ainsi, du reste qu'elles ont été données par leurs
auteurs, Tischler et Montelius.
Aux viue et vne siècles, l'industrie métallique divise
l'Europe barbare en deux parties. En Orient, les Scythes
emploient le fer ; mais en raison de l'état nomade de ces
peuples, leur civilisation est peu avancée. C'est cependant
avec ces moyens rudimentaires qu'au vne siècle, sous des
conducteurs restés inconnus, ils ont pu ravager pendant
trente ans presque toutes les parties de l'empire assyrien en
décadence. 11 y a là un phénomène semblable aux invasions
des Barbares dans l'empire romain et à celles des Arabes
AGES PROTOHISTORIQUES DANS l' EUROPE HARliARE 311
dans l'Orient méditerranéen et le Sud de l'Europe. En
Occident, à l'exception de l'Italie méridionale et centrale
en contact avec les Grecs et de la Cispadane, le seul métal
employé est le bronze. Il s'en faut toutefois que la civilisa-
tion des différents peuples ait conservé l'unité qu'elle avait
dans les premières périodes de l'âge du bronze. En Scandi-
navie et en Hongrie, l'industrie du bronze a acquis un grand
degré de perfection et la décoration des objets s'inspire
parfois de motifs mycéniens. Aucun événement politique
n'est du reste révélé par l'archéologie, si l'on excepte les
relations commerciales de l'Italie avec les contrées au Nord
et à l'Ouest des Alpes.
Aux VIe et vc siècles, la constitution politique des cités
grecques est terminée et leurs populations augmentées se
répandent sur le littoral du Pont-Euxin et de la Méditer-
ranée que les Phéniciens presque seuls avaient visité jus-
qu'alors. La prise de Tyr par les Assyriens porte un coup
fatal au commerce phénicien. Les Perses tentent d'asservir
les colonies grecques d'Asie et la Grèce elle-même ; tous
leurs efforts viennent échouer contre le patriotisme éclairé
des peuples grecs.
De grands événements se passent également dans le
monde barbare. A la fin du VIe siècle, Darius a conduit une
expédition jusqu'au centre de la Scythie ; mais les habitudes
des peuples nomades n'ont pas été modifiées. Seules, les
mœurs des populations agricoles du littoral de la mer Noire
sont influencées par les colonies grecques voisines. — Les
Ombriens de la Cispadane ont adopté les habitudes des
Etrusques qui les dominent. Ils emploient le fer à de
nombreux usages et créent de nouveaux types d'armes,
de parures et d'ustensiles, en même temps que les influences
orientale et hellénique se manifestent de plus en plus dans
la décoration des objets et par des importations. — Poul-
ies autres parties de l'Europe barbare, on admettait jus-
312 AGES PROTOHISTORIQUES DANS L'EUROPE BARRARE
qu'ici quatre grands groupes de civilisations. 1° Le bronze
était encore le seul métal employé dans l'Allemagne du
Nord, la Scandinavie et les Iles bretonnes. 2° Dans toutes les
régions de l'Allemagne du Sud, une civilisation dite de Hall-
statt avait créé, avec le fer et le bronze, des types nouveaux
d'armes, de parures et d'ustensiles, tandis que certains objets
étaient imités de l'industrie de la Cispadane et de l'Etrurie.
Les usages funéraires étaient ceux de la période précédente :
des tumulus. avec les deux rites en proportion variable.
3° En Vénétie et dans le Nord de l'Illvrie, on avait décrit
une civilisation dont l'industrie paraissait empruntée à la
fois à celle de l'Italie centrale et à celle de Hallstatt ; les
usages funéraires variaient du reste, comme rite et dispo-
sitions, d'une région à l'autre. 4° Dans les autres contrées
à l'Est et à l'Ouest des Alpes (Hongrie, Bosnie, Gaule et
Espagne) le commerce avait lentement développé des
industries du fer encore mal connues, parmi lesquelles
apparaissaient quelques objets hallstattiens.
Or les nouvelles découvertes montrent que dans la France
du Sud et en Espagne, on rencontre de nombreux objets
métalliques, semblables à ceux de l'Allemagne du Sud. Ces
types communs sont mélangés avec d'autres éléments qui
varient du reste d'une région à l'autre. Les usages funéraires
diffèrent également ; comme dans la période précédente, le
rite de l'incinération est exclusivement employé et les dis-
positions de la sépulture reproduisent toutes les variétés
signalées dans l'Italie centrale et septentrionale à la même
époque. D'autre part, contrairement aux observations anté-
rieures, on constate que les stations et les lieux de trou-
vailles sont aussi nombreux dans les pays à l'Ouest et à l'Est
des Alpes que dans l'Allemagne du Sud. De plus, dans cha-
cune des contrées, les établissements avec vestiges hallstat-
tiens paraissent distribués géographiquement de manière à
assurer la domination des diverses régions et l'exploitation
de leurs productions naturelles. Il faut remarquer aussi
AGFS PROTOHISTORIQUES DANS LEIROPE I5AKBARE 313
que pendant deux siècles, les types métalliques de l'indus-
trie hallstattienne sont restés partout les mêmes, malgré
des relations commerciales continues avec les peuples de
civilisation supérieure. On observe enfin que la civilisation
de Hallstatt apparaît au moment où la colonisation hellé-
nique atteint son plus grand développement dans toutes
les parties du littoral du Pont-Euxin et de la Méditerranée.
Nous avons conclu de tous ces faits que les Celtes qui
habitaient l' Allemagne du Sud, où la colonisation de Hall-
statt est vraisemblablement née, ont dominé aux vic et
vc siècles toute l'Europe centrale et occidentale. Ces
conquêtes sont dues non seulement à l'armement supérieur
d'un peuple guerrier, mais encore à une direction politique
qui a créé de nombreux éléments de prospérité dans des
pays où ils n'existaient pas encore. On peut rapporter
à l'initiative de chefs ambitieux un changement de civi-
lisation qui devait assurer à leur peuple la conquête
des pays de la civilisation du bronze. C'est du reste à une
invasion partie du Nord des Alpes ou du Danube moyen
que les stations hallstattiennes de la Transpadane ont été
déjà attribuées. L'archéologie fournit donc aujourd'hui une
puissante contribution à la thèse de d'Arbois de Jubain-
ville sur l'étendue de l'Empire celtique aux VIe et Ve siècles.
Elle rétablit la concordance entre des textes qui parais-
saient se contredire. Au Ve siècle, Hécatée et Hérodote
parlent des Celtes qui dominaient la Gaule et l'Espagne,
tandis que neuf siècles après, Aviénus mentionne seulement
les races qui les occupaient.
Il y a une trentaine d'années, l'archéologie a fait con-
naître qu'à la fin du Ve siècle, ou au commencement du IVe,
il s'est produit dans la Gaule de l'Est et dans les régions
voisines de l'Allemagne du Sud-Ouest, une civilisation dite
de la Tène, caractérisée par des types nouveaux d'armes,
314 AGES PROTOHTSTORIQUES DANS L* EUROPE BARRARE
de parures et d'ustensiles et quelques autres inspirés de
ceux de Hallstatt. Dans la décoration des objets, on
retrouve des motifs de l'art hellénique. La monnaie est
inconnue. Les rites funéraires diffèrent de ceux de Hallstatt
dans les mêmes contrées. Des vestiges semblables décou-
verts dans l'Italie du Nord et dans l'Allemagne du Sud ont
été rapportés aux Gaulois qui se sont établis dans ces
pays au commencement du iv° siècle. Quant aux rares
objets de la Tène signalés dans quelques régions à l'Est
et au Sud- Ouest des Alpes, on les attribuait à une diffusion
par le commerce de certains éléments de cette civilisation.
Les découvertes de la Gaule du Sud et de l'Espagne
permettent d'envisager d'une tout autre manière les
vestiges de la civilisation de la Tène des diverses contrées
de l'Europe centrale et occidentale. Elles montrent d'abord
que partout les stations sont aussi nombreuses que dans
les régions où elles avaient été primitivement observées,
à la condition d'élargir le cadre des caractères de la
civilisation de la Tène. La transformation de l'industrie
de Hallstatt s'est produite presque partout à la même
époque. La nouvelle civilisation est toujours caractérisée
par des types uniformes d'armes, de parures et d'usten-
siles ; mais d'autres types industriels varient d'une région
à l'autre, ainsi que les emprunts de diverse nature qu'elle
fait aux civilisations supérieures et en particulier à la civili-
sation hellénique. C'est ainsi que la monnaie est adoptée
dès le 111e siècle en Espagne et dans le Sud de la Gaule qui
ont déjà reçu des alphabets grecs. D'autre part, de nom-
breux monuments figurés de la Péninsule témoignent que
les mœurs des Barbares de certaines régions voisines des
colonies grecques, se sont modifiées, non seulement en
adoptant des types de l'industrie hellénique, mais encore
clans l'installation des villes, des décorations architecto-
niques et même des œuvres plastiques. Des divinités
helléniques sont honorées par les indigènes. C'est un effet
AGES PK0TOHTST0R1QUES DANS l/EUROPE RARBARE 315
semblable à celui produit dès le vi° siècle chez les Scythes
sédentaires du littoral de la mer Noire et qui s'est encore
accru aux iv° et me siècles.
On s'accorde généralement à placer dans le Nord-Est de
la Gaule l'origine de la civilisation de la Tène. Les peuples
belliqueux de ces régions obéissaient alors au roi des
Bituriges, Ambigat. Il est permis de supposer que la
transformation de l'armement hallstattien par l'adoption
du bouclier, de l'épée courte et de la lance, a été faite pour
préparer les expéditions des Gaulois contre les peuples
armés à la grecque de l'Italie et de la Péninsule balkanique.
Des reliefs du Sud de l'Espagne où l'on voit des guerriers,
les uns avec les armes de la Tène, les autres avec des
armes et des costumes imités de ceux des Grecs, appuient
cette opinion. La nouvelle industrie s'est répandue rapi-
dement dans toutes les contrées hallstattiennes. Partout
également certains types de l'industrie indigène se sont
modifiés aux 11e et Ier siècles. La monnaie a été adoptée à
partir du 11e siècle dans les contrées où elle n'était pas
employée jusqu'alors. Enfin, les usages funéraires de la
période précédente, particuliers à chaque pays, sont restés
les mêmes, sous réserve d'une proportion croissante de
l'incinération dans les régions où l'on rencontre les deux
rites.
Au commencement du ne siècle, la conquête de l'Italie par
les Romains se termine avec la soumission définitive de la
Cisalpine. La conquête de l'Espagne commence aussitôt;
elle dure soixante-dix ans et elle est suivie de celle de la
Gaule. Les vestiges de ces deux contrées montrent aujour-
d'hui les moyens mis en œuvre par les Barbares pour
défendre leur indépendance. Les fortifications sont emprun-
tées à diverses périodes de la civilisation hellénique, depuis
les enceintes en matériaux quadrangulaires du Nord-Est de
l'Espagne jusqu'aux murs mycéniens de pierre et de terre
316 AfiES PROTOHÎSTORIQUES DANS L'EUROPE BARBARE
consolidés par des charpentes de bois des forteresses gau-
loises. D'autres observations font connaître les effets écono-
miques de la conquête. Dans les deux contrées, les oppida
abandonnés sont remplacés par des villes fondées dans les
plaines voisines ; l'industrie et le commerce se transforment
par L'importation des produits italiques et l'imitation des
tvpes gréco-romains qui fait disparaître les industries
ibéro-grecques et celto-grecques. Au contraire, les cou-
tumes funéraires se conservent jusqu'à l'établissement de
l'empire. Nous ajoutons que l'influence romaine avait
pénétré avant la conquête dans les régions de la Gaule limi-
trophes de la Province ; c'est ce dont témoignent les vestiges
du Mont-Beuvray comme ceux de l'Aquitaine.
Les découvertes archéologiques faites ces dix dernières
années dans le Sud de la France et en Espagne apportent
donc de nouvelles précisions sur les civilisations qui se sont
succédé dans les diverses contrées de l'Europe barbare.
Elles étendent considérablement le domaine de certaines
d'entre elles, en même temps qu'elles révèlent des évé-
nements importants que les textes ne mentionnaient pas.
C'est ainsi qu'elles éclairent la grande lutte de la civilisa-
tion pendant la longue période qui s'est écoulée depuis les
premiers renseignements recueillis par les Grecs jusqu'à
la fondation de l'Empire romain.
LIVRES OFFERTS
M. le comte Paul Durrieu présente de la part de l'auteur, M. Louis
Batiiïol, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, une importante
étude sur Les Travaux du Louvre sous Henri IV, qui a récemment
paru en deux articles dans la Gazette des Beaux- Art s. L'histoire des
constructions du Louvre, au temps de Henri IV, était restée fort
SÉANCE DU 12 JUILLET 1912 317
obscure. M. Louis Batiffol a su l'éclairer d'une vive lumière, en
mettant à profit des documents non encore utilisés, notamment une
précieuse série de devis et de marchés retrouvés par lui dans le minu-
tier d'un notaire de Paris. Il est ainsi arrivé à faire ressortir le grand
rôle qu'avait eu, dans la direction supérieure des travaux, Jean de
Fourcy, intendant à partir de 1594, et sur la fin de sa carrière, surin-
tendant des bâtiments. Établie sur des témoignages commentés avec
beaucoup d'esprit critique, l'étude de M. Batiffol est une excellente
contribution à l'historique de ce Louvre où l'Académie des inscrip-
tions a tenu ses séances sous l'ancien régime et jusqu'en 1793.
M. Omont dépose sur le bureau de l'Académie, au nom de M. A.
Vidier, un volume d'Extraits de comptes royaux concernant Paris. —
I. Journal du Trésor (1298-1301) (Paris, 1912, in-8»; extr. du Bul-
letin de la Société de /' histoire de Paris, t. XXXVIII, 1911).
« Les comptes royaux constituent une source historique de premier
ordre ; aussi plusieurs ont-ils été insérés dans les derniers volumes
du Recueil des historiens de France, publiés par l'Académie ; d'autres
ont récemment paru dans la Collection de documents inédits sur
l'histoire de France. M. Vidier a tiré de l'un des plus anciens de ces
comptes, resté encore inédit, un Journal du Trésor de Philippe le
Bel, conservé aujourdhui à la Bibliothèque nationale (ms. latin 9783),
une série de notes particulièrement intéressantes pour l'histoire de
Paris, qu'il a publiées en les classant sous différentes rubriques :
Finances, Œuvres et travaux, Université et collèges, Églises et cou-
vents, Orfèvrerie et joyaux, etc. »
SÉANCE DU 12 JUILLET
PRESIDENCE DE M. CAGNAT, ANCIEN PRESIDENT.
M. Dieulakoy donne connaissance à l'Académie d'un mémoire du
R. P. Jerphanion relatif aux églises souterraines de Cappadoce '.
Ce mémoire, d'une importance capitale pour l'étude d'un art
entrevu, mais mal défini avant la mission que le P. Jerphanion a
laite en Cappadoce sous les auspices de la Société française des
I . Voir ci-après.
318 SÉANCE DU 12 JUILLET 1912
Fouilles archéologiques, est accompagné d'une magnifique suite
de photographies. Elles sont toutes l'œuvre du savant voyageur
et se rapportent aux peintures qui décorent les murs des édifices.
M. G. Millet, à qui la parole est donnée après que M. Dieu-
lafov a terminé sa lecture, étudie les peintures qui se répar-
tissent du ixe au xie siècle et y trouve la preuve qu'il s'était
développé en Cappadoce une école d'origine asiatique dont
l'influence fut considérable sur les écoles de peinture euro-
péennes ' .
M. Millet, reprend M. Dieulafoy, reconnaît dans les peintures
murales, dont les photographies ont été exécutées par le P. Jer-
phanion, la manifestation d'un artlocal qu'il rattache comme ori-
gine à l'Asie occidentale. De son côté, M. Dieulafoy a étudié les
monuments décorés de peintures et arrive à une conclusion ana-
logue. Les églises souterraines de Cappadoce présentent, en effet,
les caractères asiatiques des plus vieilles églises de la Syrie cen-
trale, de la Gilicie et de la Lycaonie. Ces dernièresont été décrites
par Miss Gertrude Bell et appartiennent à cette curieuse agglomé-
ration d'édifices religieux connue sous le nom de Bin Bir Kilisse
(Mille et Une Églises). Les unes comme les autres présentent
des absides en arc outrepassé, des voussures également outre-
passées, des frises décorées de fenêtrages aveugles, des coupoles
sur gousset d'angle. Or tous ces motifs d'architecture ou de
décoration sont nettement d'origine chaldéo-iranienne, ont été
propagés par les architectes perses de la période sassanide et
apparaissent en Cappadoce mêlés à des motifs où l'on reconnaît
l'interprétation byzantine de thèmes constructifs empruntés à
l'Asie occidentale. La copie est d'autant plus flagrante que les
églises cappadociennes, ayant été creusées dans le roc, ont été
exécutées sans que leurs architectes aient eu à se préoccuper de
leur statique. 11 n'y a aucune relation de cause à effet que l'on
puisse invoquer pour expliquer les ressemblances signalées avec
les édifices syrano-syriens.
Quant aux peintures, elles doivent être mises en parallèle, mal-
gré des différences essentielles, avec les fresques du Kosséïr
Amra remontant au vin8 ou au ixe siècle. D'autre part, ces der-
1. Voir ci-après.
SÉANCE DU 12 JUILLET 1912 319
nières sont la manifestation d'une école de dessin qui a son
équivalent exact dans l'école de sculpture sassanide.
Dans les fresques du Kosséïr Amra, comme dans les bas-reliefs
rupestres où sont représentés les exploits des Ghapour et des
Khosrvès, se décèle, en elfet, l'iniluence dominatrice des arts
romains, mais le style est plus lourd, plus solennel et aussi plus
puissant que celui des modèles.
Or, si l'on considère, d'une part, les peintures de l'école cappa-
docienne primitive et, de l'autre, les peintures du Kosséïr Amra,
on saisit de suite les liens de parenté qui les unissent aux
fresques découvertes tout récemment à l'Alhambra et aux plus
vieilles miniatures persanes, c'est-à-dire à celles où ne se mani-
feste guère encore l'iniluence de la Chine.
En résumé, si, d'une part, l'accord est complet entre l'archi-
tecture et les peintures des églises souterraines de Cappadoce, de
l'autre, les peintures aident à remonter aux origines de la
miniature persane jusqu'ici un peu confuses. Maintenant, on
voit que le peintre miniaturiste persan aurait d'abord été l'héri-
tier du peintre miniaturiste de l'époque sassanide dont les
œuvres sont citées par Maçoudi et l'auteur du Modjmal el tewa-
rikh ; puis il se serait inspiré des peintures de l'école byzantine
ou plutôt de l'école cappadocienne en raison des affinités
artistiques constatées entre les deux pays et leur aurait
emprunté sans doute le modèle des anges figurés avec les
emblèmes des quatre évangélistes. En dernier lieu, il aurait
subi l'iniluence des écoles chinoises, au contact indirect des-
quelles le style lourd et un peu fruste se serait affiné et
aurait pris une élégance et une délicatesse inconnues aupa-
ravant.
M. Chavannes étudie divers documents historiques que M.
Jacques Bacot a rapportés de ses deux missions de 1907 et de 1909
aux conlins de la Chine et du Tibet. Une chronique manuscrite
des chefs indigènes de Li-kiang, à l'extrême Ouest du Yun-nan,
permet de reconstituer l'histoire de cette lignée de princes locaux
depuis le xin'' siècle de notre ère jusqu'à la fin du xviu1' siècle.
Deux inscriptions chinoises, l'une de 1548, l'autre de 1561 , qui
ont été photographiées par M. Bacot à Che-kou, au pied occi-
320 LES ÉGLISES UE CAPPADOCE
dental de la boucle que le Kin cha kiang forme au Nord de Li-
kiang, célèbrent les victoires des chefs indigènes de Li-kiang sur
les Tibétains. En analysant ces documents, M. Ghavannes montre
comment les Chinois s'y sont pris pour mener à bien leur poli-
tique d'assimilation à l'égard des populations non chinoises du
Yun-nan.
M. Gagnât lit une note de M. Basset, correspondant de l'Aca-
démie à Alger, sur une mission accomplie dans la Grande
Kabylie par M. Boulifa, répétiteur de berbère à la Faculté des
lettres d'Alger4.
COMMUNICATIONS
LES ÉGLISES DE CAPPADOCE,
PAR LE R. P. G. DE JERPHANION.
Au commencement de 1908, j'ai fait connaître à l'Aca-
démie les résultats d'un voyage aux églises souterraines de
Gueurémé et Soghanle en Cappadoce 2. Je demande la per-
mission d'exposer ceux d'une nouvelle expédition qui a
occupé la fin de l'été et l'automne de 1911.
Cette tournée, facilitée par l'appui généreux de la Société
des Fouilles archéologiques et de la Société de Géographie,
avait pour objet de compléter ma documentation qu'une
première visite avait nécessairement laissée en défaut sur
plusieurs points. Elle était destinée à préparer la publica-
tion intégrale des peintures de Cappadoce que j'ai promise
depuis longtemps. Mais, je me hâte de le dire, je ne me
suis pas borné à visiter à nouveau et de façon plus com-
plète des monuments déjà connus : par un rare bonheur,
il m'a été donné d'en découvrir un grand nombre d'autres,
1. Voir ci-après.
2. Cf. Comptes Rendus. 1909, p. 7-21-,
LES ÉGLISES DE CAPPADOCE 321
et parmi ces derniers, plusieurs, on le verra, ont une impor-
tance capitale.
Quelques chiffres montreront la proportion de l'inédit
dans les documents rapportés de ma dernière campagne.
A Gueurémé, qui est le centre principal, nous ne connais-
sions que six grandes chapelles à décoration complète (je
laisse de côté les petits oratoires). Ce groupe avait été
exploré avec le plus grand soin en 1907, tant par moi que
par M. Grégoire et par MM. Michel et Rott. Nous pensions
— avec quelque apparence de vérité — que rien ne nous
avait échappé. Cependant, outre plusieurs petits oratoires,
j'ai encore trouvé cette année, à Gueurémé même, deux
chapelles présentant un cycle iconographique développé et,
dans le voisinage, à Tchaouch-In, une vaste église avec une
décoration d'une richesse remarquable. Celle-ci est datée
de façon précise par une inscription aux noms de Nicéphore
et Théophano, ce qui lui donne une grande importance.
Autour de Gueurémé, j'ai découvert de nouveaux groupes
de chapelles peintes à Orta-Hissar et à Babayan. A Zilvé,
j'ai visité deux chapelles déjà vues par le P. Gransault,
mais encore inédites. Elles sont intéressantes, l'une par une
grande inscription funéraire ', l'autre par une série de scènes
empruntées à l'histoire de saint Siméon Stylite qu'accom-
pagnent de longs textes tirés de la vie du saint.
Aux environs de Sinassos, M. Grégoire avait signalé et
décrit sommairement deux chapelles, celle des Douze-
Apùtres et celle de Timios Stavros. Je n'ai pu retrouver
cette dernière dont j'aurais voulu vérifier la curieuse inscrip-
tion au sujet de laquelle M. Millet a fait à l'Académie, en
1910, une si intéressante communication sur « les Icono-
clastes et la croix » 2. Par contre, j'ai étudié, en détail
1. C'est l'épi taphe d'un certain moine Siméon dont j'ai retrouvé des
invocations et des inscriptions sentencieuses sur les rochers voisins.
■2. Publiée dans le Bull, de <:<>rr. Hell . L910, p. ï)6-10<>.
1913 l'-J
322 LES ÉGLISES DE CAPPADOCE
l'église des Douze Apôtres, j'ai reconnu plusieurs scènes
dont le sens avait échappé à mon devancier; et j'ai trouvé
de nouvelles chapelles dans le voisinage, aux lieux dits
Djilg-ori et Hagia Maria.
Plus au Sud, j'ai visité et décrit les églises de Djémil
déjà vues par le P. Gransault ; les peintures de la plus
importante sont malheureusement tellement enfumées
qu'il est impossible d'en tirer de bonnes photographies.
Continuant ma route vers Soghanle, j'ai découvert des cha-
pelles inconnues à Qarleq, à Taghar, à Damsa, à Souvech.
A Souvech, le martyre des Quarante soldats de Sébaste
occupe toute une voûte : c'est la seule représentation de
cette scène que je connaisse dans la région1. A Taghar, il
y a une vaste église, la plus grande de toutes celles de
Gappadoce, d'une forme qui mérite d'être notée. C'est une
croix grecque avec trois absides terminant la tête et les
deux bras nord et sud ; au centre, une coupole élevée sur
un tambour, autour duquel règne une galerie creusée au-
dessus des absides et de la nef. Sauf la galerie, c'est le
plan tréflé de l'église en pierres d'Orta Keuy 2 ; mais ici le
tout a été taillé dans un cône de grandes dimensions. Les
peintures de cette église sont également d'un style qui
tranche sur les autres et, par le modelé des chairs aux tons
verdâtres, elles paraissent appartenir à une époque un peu
plus tardive.
A Soghanle, la part des découvertes s'est bornée à
quelques oratoires sans importance. Mais dans les environs,
près de Mavroudjan, j'ai trouvé une chapelle malheureuse-
ment très dégradée, qui m'a paru, sans aucun doute, la plus
archaïque de toute la région. Le collobium qui couvre le Christ
dans la peinture du crucifiement, les proportions ramassées
des personnages, les têtes larges, les épaules épaisses, les
1. A Toqal kilissé, il y a les portraits des Quarante Martyrs, mais ils
s. mt isolés et distribués dans les différentes parties de la décoration.
2. Cf. Bull. Corr. llell., 1909, p. 112 (II. Grégoire).
LES ÉGLISES DE CAPPADOCE 323
attitudes et les types rappelant les miniatures des plus
anciens manuscrits tels que l'évangéliaire de Sinope, tout
me porte à attribuer ces peintures à une époque reculée,
le vinc siècle environ.
Par ces quelques indications, on voit combien s'est
accrue, du fait de mon dernier voyage, la liste actuellement
connue des églises à peintures de Cappadoce. Mais là n'est
pas limitée la part de l'inédit. Même dans les monuments
visités par les trois groupes d'explorateurs de 1907, j'ai
trouvé à glaner. C'est ainsi que la grande église de Toquale
a livré une inscription nouvelle. Peinte en lettres vertes
très pâles sur un des maîtres-piliers, elle nous avait échappé
à tous, il y a cinq ans. C'est un texte semblable à celui que
M. Grégoire avait lu dans la chapelle latérale '. Comme
celui-ci, il donne la date de l'achèvement de l'édifice; mais
comme lui aussi, il se contente d'indiquer le jour et le mois,
15 juin, sans mentionner l'année, la seule chose que nous
aurions voulu savoir. Ailleurs, je me suis trouvé en face de
textes sur la lecture desquels planait encore quelque incer-
titude. Ils avaient été publiés par M. Rott ; puis, M. Grégoire
survenant avait corrigé les lectures de son devancier. J'ai
pu comparer sur place ; et si plusieurs de ces corrections
doivent être acceptées, d'autres, par contre, seront à rejeter.
Un de mes principaux soucis a été d'obtenir des repro-
ductions photographiques aussi parfaites et aussi complètes
que possible. En 1907, nous n'avions guère rapporté que
des spécimens choisis dans les différentes églises : faute de
temps et faute d'appareils appropriés, aucun des explora-
teurs de cette époque n'avait pu faire de reproductions
intégrales. Cette fois, connaissant les conditions dans les-
quelles j'aurais à opérer, je m'étais muni de tout l'outillage
nécessaire, et je crois pouvoir dire que le succès a pleine-
ment répondu à mes espérances. L'Académie en jugera par
les quelques exemplaires ici présentés.
1. Cf. lUdl. Corr. Ilell., 1909. p. M.
324 LES ÉGLISES DE CAPPADOCE
Il était urgent de faire ce travail. Depuis mon précédent
voyage, les dégradations s'étaient multipliées. Les églises
sont abandonnées ; y entre qui veut. Les bergers et les
paysans, les enfants surtout, prennent plaisir à détériorer
les peintures ; et il semble que l'attention même dont ces
monuments commencent à être l'objet de la part des voya-
geurs, en y attirant aussi les indigènes, les menace d'une
plus prompte destruction.
L'étude et la comparaison des fresques m'a permis d'éta-
blir certains groupements qui serviront de base à un clas-
sement chronologique. C'est ainsi qu'à Gueurémé, parmi
les églises à décoration complète, je distingue trois séries
appartenant à trois périodes bien tranchées. A Sinassos,
j'ai reconnu que l'église des Douze- Apôtres reproduit en
partie les mêmes modèles qu'une des églises de Gueurémé.
Dans la grande église de Toqale, je crois avoir établi la
véritable succession des deux parties de la décoration —
succession qui avait été méconnue jusqu'à ce jour — et
prouvé que les peintures les plus importantes datent du
règne de Nicéphore Phocas. J'ai présenté au XVIe Congrès
des Orientalistes, à Athènes, les détails de cette preuve qui
repose sur l'examen du monument et sur la comparaison de
ses fresques avec celles de Tchaouch In '.
Je termine en attirant l'attention de l'Académie sur cette
église de Toqale. Les peintures qui en décorent la princi-
pale partie sont de beaucoup les plus remarquables de toute
la Cappadoce. Là, vraiment, on sent la main d'un artiste. Le
dessin est correct, et s'il y a un peu de monotonie dans les
attitudes, elles sont du moins naturelles et vivantes. Il y a
de belles poses, des gestes nobles, comme ceux du Christ
appelant les apôtres dans leur barque ou de saint Pierre
imposant les mains aux premiers diacres. Les nus sont
1. A mon sens, la découverte de Tchaouch In, dont j'ai parlé tout à
l'heure, n'a toute sa valeur que par le fait qu'elle permet de dater Toqale.
LES ÉGLISES DE CAPPADOCE 328
traités avec habileté : dans le Baptême, par exemple, le corps
du Christ bien modelé et de proportions justes fait penser
à la belle mosaïque de Ravenne. Les visages aux touches
fortes, au relief saisissant, ont une remarquable expression
de vie : on en a un exemple dans le médaillon de saint
Sakerdon. Les compositions sont harmonieuses : dans la
scène de l'Ordination, les deux groupes des apôtres et des
diacres — dilférenciés par le costume et l'attitude — s'équi-
librent de part et d'autre du personnage principal. La Pré-
sentation n'est pas moins remarquable : l'enfant Jésus qui
passe des mains de la Vierge à celles de Siméon forme le
centre de la composition, autour duquel se groupent les
quatre autres personnages : leurs regards, leurs gestes,
leurs poses, et jusqu'aux plis enveloppants des draperies,
tout converge vers ce point central. Il y a là un souci
de l'ordonnance tout à fait exceptionnel en Gappadoce.
J'ajoute que le peintre de Toqale est capable d'invention;
beaucoup de ses compositions semblent originales : il me
suffira de signaler le Crucifiement où l'habile groupement
des personnages, la présence du décor figurant, d'une
part, les rochers qui se fendent, de l'autre, le voile du
temple qui se déchire, produisent un si heureux elfet.
Par la tonalité de ses couleurs, la décoration de Toqale
ne tranche pas moins sur les autres. Bien qu'une partie des
fresques soient aujourd'hui très tournées au noir, de l'en-
semble ne se dégage pas moins un charme pénétrant. Sur
un fond d'un beau bleu, les personnages défilent, drapés
dans des costumes où dominent le gris et le bleu avec
quelques touches de rouge — mais d'un rouge qui tire sur
le brun ou le violet el n'a rien d'éclatant. Ce sont les mêmes
teintes neutres dans le décor de rochers ou d'architectures.
Dans toute cette décoration, rien de heurté; pas de tons
violents, mais des harmonies sourdes qui se fondent dans
le bleu velouté du fond.
Pour me résumer, je ne craindrai pas de dire que les
326 ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES
fresques de Toqale peuvent être mises en parallèle avec
les œuvres les plus célèbres de l'art byzantin.
Plus que toutes les autres peintures de Cappadoce, elles
méritaient d'être étudiées et publiées en détail. Or, d une
part, l'obscurité de l'église, la teinte des couleurs, la grande
hauteur où les scènes se déroulent et, de l'autre, le manque
de matériel et d'éclairage approprié, firent qu'en 1907 aucun
des explorateurs de cette église ne put prendre autre chose
que des photographies d'ensemble. Et c'est la même vue
générale, plusieurs fois reproduite, mais très insuffisante,
qui peut seule jusqu'à présent donner une idée des pein-
tures de Toqale.
Je me suis appliqué à combler des lacunes regrettables.
Ayant décidé de faire, dans la publication des églises de
Cappadoce, une place à part à celle de Toqale, je l'ai étudiée
avec un soin particulier. Je n'ai rien négligé non plus pour en
obtenir de bonnes photographies. La tâche était difficile à
cause de la teinte même des couleurs. Je crois néanmoins
avoir réussi dans la mesure du possible. Je rapporte donc
la série complète des fresques de Toqale, et quand mon der-
nier voyage n'aurait produit que ce résultat, j'ose espérer
qu'il ne serait pas jugé inutile par les amis de l'art byzantin.
REMARQUES SLR i/lCONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES,
PAR M G. MILLET.
Je n'ai pas à insister sur l'admirable effort accompli par
le P. de Jerphanion, ni sur le succès obtenu. Vous per-
mettrez pourtant à un homme qui connaît par expérience
la difficulté d'un tel travail, de vous dire la joie profonde
qu'il a ressentie en recevant ces belles photographies, nettes
et précises, ces riches albums qui apprennent tant de
ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES 327
choses nouvelles, après Rott, après Grégoire, après la pre-
mière mission de l'auteur lui-même.
Un des maîtres de nos études (Diehl, Manuel, p. 534 sq.)
a déjà mis en lumière les caractères essentiels des pein-
tures cappadociennes. Il voudra bien me permettre d'ajouter
quelques observations, qui peut-être feront plus vivement
ressortir l'importance de ces documents. Dans cet art popu-
laire, nous ne verrons pas seulement « les reflets affaiblis de
ce qui fut un grand art » ; nous y trouverons aussi des
données nouvelles, peut-être décisives pour éclairer le pro-
blème que vous savez : Orient ou Byzance.
Quelques mots d'abord sur les dates. Les récentes décou-
vertes, dont vous avez entendu le rapport, nous fourniront
désormais une base svire. Le transept de Toqale fut peint
sous Nicéphore Phocas. La nef est beaucoup plus ancienne.
A l'origine, elle constituait l'église a elle seule. C'était une
de ces petites basiliques à nef unique, très simple, comme
il y en a tant. Or chacune de ces parties bien distinctes de
l'édifice : nef et transept, comprend un cycle évangélique
qui se suffit à lui-même. Dans la nef, il est simple et
archaïque ; dans le transept, complexe et élégant. Il y a
deux époques, deux écoles.
En fait, dans l'ensemble des fresques cappadociennes,
on distinguera deux groupes. L'un archaïque, sans date,
étroitement apparenté à la nef de Toqale, peut remonter
au ixc siècle ou à la première moitié du xe siècle. Nous y
comprendrons bon nombre de petites chapelles ', surtout
Hemsbey Klissé, une des dernières du groupe, et Balleq
Klissé qui pourrait être une copie postérieure de ces vieux
modèles. L'autre plus récent : transept de Toqale et
Tchaouch In, sous Nicéphore Phocas ; Sainte-Barbe, sous
1. Le P. de Jerphanion m'indique les Douze-Apùtrcs de Sinassos, la
Théotokos, Saint-Georges et Saint-Jean-lîapliste de Gueuièmé, ainsi que
plusieurs autres petites chapelles encore inédites, El Nazar entre Matehan
et Gueurémé. Zilvé, etc.
328 ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES
Basile II ; Oarabach Klissé, en 1061 ; Elmale, Quaranleq
Tcharegle, qui pourraient appartenir aussi à la seconde
moitié du xie siècle.
Le premier groupe est nettement oriental. Il suit l'ico-
nographie syrienne du vie siècle. Le second subit l'influence
grandissante de Constantinople, mais conserve toujours
des traits qui le distinguent des monuments proprement
byzantins. Ce changement paraît correspondre à un
grand fait historique : Nicéphore Phocas, en 96 i, recon-
quiert la Cilicie, Anarzabus, Tarse, au Sud de la Cappadoce ;
en 968, la Syrie depuis Antioche jusqu'à l'Euphrate. En
974, Tzimiscès prend Amida. La puissance de Constanti-
nople entoure donc la Cappadoce de tous côtés. Puis elle y
pénètre plus intimement. Sous Basile II, les puissants
feudataires asiatiques sont vaincus. Enfin, en 1021, les
Seldjoukides apparaissent sur le sol de l'Arménie : Basile
étend la suzeraineté de l'empire jusqu'au lac de Van et à
Ani. On ne s'étonnera donc pas de rencontrer alors le
nom des empereurs dans les dédicaces et les caractères
byzantins, dans les compositions.
Nous voudrions, par quelques exemples, illustrer un des
faits qui dominent l'histoire de l'art byzantin. Dès le VIe
siècle et durant tout le moyen âge, deux traditions se
trouvent en présence : la tradition antique, que nous appel-
lerons hellénistique, cherche la noblesse ; la tradition
orientale cherche l'expression et la vie. La tradition hellé-
nistique appartient aux grandes cités, telles qu' Antioche
et Alexandrie. Constantinople l'a reçue d'elles avec la
culture littéraire. Naturellement, suivant les époques, elle
la plus ou moins bien comprise et suivie.
Or, en étudiant les thèmes iconographiques, on peut dis-
tinguer les deux traditions. Les fresques de Cappadoce
nous y aideront puissamment.
D'abord elles nous permettront de rattacher à un domaine
précis les monuments où ce caractère réaliste s'affirme
ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES 329
clairement. Je nommerai, au vie siècle, les sculptures des
colonnes de Saint-Marc, encore presque antiques; les Evan-
giles de Rossano et de Sinope, qui sont au contraire admi-
rables par la sincérité et l'expression ; au vup ou vinc,
l'Evangile de Saint-Pétersbourg (n° 21) non moins vigoureux,
mais déjà plus fruste; au ixe, le Codex Hamilton(n° 246) et
surtout les Psautiers à illustrations marginales : Ghludov,
Pantocrator 61, Paris 20, peints avec aisance et fantaisie.
Nous formerons ainsi un groupe compact, varié et nuancé,
qui se relie au manuscrit syriaque de Rabula, aux ampoules
palestiniennes, aux encensoirs mésopotamiens, et qui s'op-
pose d'une part, au vi° siècle, aux mosaïques de Ravenne,
de l'autre, au xie, à l'ensemble des monuments bvzantins.
7 7 J
Nous ne savons pas toujours au juste ce qu'a fait Byzance
dans l'intervalle. Mais nous constaterons que, d'ordinaire,
les thèmes du xie siècle se rattachent à ceux de Ravenne.
Voilà déjà un fait notable. Il peut encore n'intéresser
que les byzantinistes ; mais nous le signalerons aux histo-
riens de l'art occidental et nous leur dirons que, s'ils
veulent remonter aux sources de l'iconographie latine, en
Italie et en Allemagne, ils les trouveront bien souvent en
Syrie et en Gappadoce. Quant aux Slaves, il est naturel
qu'ils aient beaucoup reçu par la Volga, la Crimée ou le
Danube.
Pour appuyer ces conclusions, nous examinerons quelques
thèmes iconographiques.
Voici d'abord qui nous montrera le caractère très parti-
culier, nettement oriental, de l'iconographie cappadocienne,
et en même temps son étroite parenté avec les colonnes de
Saint-Marc. L'art du vi° siècle a souvent représenté les
Mages observant ou suivant l'étoile. Ils sont debout, lèvent
la tète, gesticulent dans des poses variées. A Venise, l'un
d'eux examine la sphère céleste posée sur une table, l'autre
déploie un rouleau, le troisième lève le bras vers l'astre que
lui montre un ange. On lit : « Scrutatio Prophétie pro
330 ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES
Stella ». Dans le transept de Toqale, ils regardent l'étoile;
deux d'entre eux tiennent aussi un rouleau. On lit : si Mavoi
«rrpoXoYOtJvTeç. La prophétie qu'ils examinent est évidem-
ment celle de Balaam : « Un astre se lèvera de Jacob. >> Saint
Basile, qui était cappadocien, rapporte qu'elle fut recueillie
en Perse et qu'on se la transmettait de génération en géné-
ration. Les Mages astronomes observent donc le lever de
l'astre nouveau. L'image qui illustre cette légende a dû se
former parmi les chrétiens de Mésopotamie. En passant
par la Palestine et par les milieux hellénistiques, ce trait
s'efface. On voulut faire de Jérusalem le centre de l'épisode.
On figura les Mages conduits par l'étoile.
Nous allons maintenant mettre en présence, d'une part,
Ravenne et Byzance ; de l'autre, le groupe syrien et
cappadocien.
Prenons trois épisodes de la Passion : Cène, Baiser de
Judas, Jugement de Pilate. D'abord la Cène. A Byzance,
Judas, assis au milieu des apôtres, saisit le poisson dans
un plat. Sur la colonne de Saint-Marc, en Cappadoce et
dans le Psautier Chludov, il est au bout de la table, sans
nimbe, désigné par son nom, ou par sa grimace, le bras
tendu droit vers Jésus ; la main interroge.
Que signifie cette différence ? L'art hellénistique, à
Ravenne, conçut d'abord une composition idéale où Jésus
seul agit, où Judas ne se distingue pas des autres. Puis on
serra plus près le récit de Mathieu. On voulut faire com-
prendre que Jésus dénonçait le traître. 11 dit : « Celui qui a
plongé avec moi la main dans le plat me trahira » (v. 23).
Judas demande : « Est-ce moi, Seigneur ? » Jésus répond:
« Tu l'as dit » (v. 25). Dans ce passage, la tradition byzantine
n'a retenu que l'allusion ; elle ne la rend pas à la lettre, car
jamais Judas ne plonge la main en même temps que Jésus ;
mais elle a dessiné au contraire un geste symbolique : le
traître ose toucher au poisson. La tradition orientale saisit
ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOf.IEINNES 331
sur le vif son attitude au moment dramatique où Jésus le
dénonce.
Le type byzantin se trouve constitué dans ses grands
traits au vip siècle dans l'Evangile de Rossano, qui, sur ce
point, se sépare de notre groupe cappadocien. Il est clair
qu'il appartenait dès celte époque à la tradition de
Gonstantinople.
Venons aux deux autres thèmes. Cette fois, nous saurons
comment Gonstantinople, au vic siècle, les a compris. La
description des Saints-Apôtres nous le montrera.
La Trahison : à Ravenne, aux Saints-Apôtres selon toute
vraisemblance, et dans presque tous les monuments byzan-
tins, Judas vient de gauche ; toujours les soldats se mêlent
aux Pharisiens et au peuple ; le tribun (Xo*/avi;) les entraîne,
l'épée nue. Pierre, à Ravenne, tire discrètement l'épée ; aux
Saints-Apôtres et partout ailleurs, il tranche l'oreille à
Malchus. En Cappadoce, dans l'Evangile de Rabula et le
Psautier du Pantocrator, Judas vient de droite ; des hommes
en courtes tuniques, nommés ((Juifs » ou «Hébreux», en-
tourent Jésus ; ils tiennent des bâtons et des torches, non
des épées ; Pierre et Malchus manquent.
Cette fois encore, nous saisirons deux conceptions diver-
gentes. L'une s'attache au texte canonique, qui, dans ces
épisodes et dans les autres, place les soldats ; l'autre au
texte apocryphe, qui, racontant le jugement, les humilia-
tions et le supplice, ne met en scène que les Juifs.
Ces différences s'accusent plus fortement, si nous exami-
nons le Jugement de Pilate, qui remplit le récit apocryphe
de ses incidents merveilleux et de ses péripéties sans fin.
L'idéalisme antique n'a retenu de Mathieu que le geste
symbolique. Sur les sarcophages, à Ravenne, Pilate est
simplement assis sur un des côtés de la composition et se
lave les mains. Au contraire, la colonne de Saint-Marc et
l'Evangile de Rossano représentent le prétoire, avec tout
l'appareil de la puissance romaine : Pilate siège derrière
332 ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENÎŒS
une table massive, entre les enseignes, entouré par des
satellites et des secrétaires. A Saint-Marc, nous suivons
presque pas à pas les Gesta Pilati. Pilate interroge Jésus
accusé par les prêtres; le cursor étend son faciale sous les
pieds du Sauveur ; les signa paraissent s'incliner devant
lui ; puis le juge, indigné contre les Juifs, a quitté son trône
avec colère, voulant fuir loin d'eux, et se lave les mains,
debout devant le peuple. Là s'arrête l'image; nous savons
qu'il retournera ensuite s'asseoir sur son trône pour rendre
la sentence.
Dans l'Evangile syriaque de Rabula, on simplifiera la
composition ; en Gappadoce, à Hemsbey Klissé, Pilate se
lave les mains, comme à Ravenne ; mais toujours se dres-
sera à ses pieds la table du juge. Nous retrouverons même
à Hemsbev Klissé un trait singulier de la colonne de Saint-
Marc : la femme de Pilate au-dessus de lui, passant la tête
dans une lucarne. La table devant Pilate sera le signe de
l'iconographie orientale ; elle manquera dans les monu-
ments byzantins, par exemple à Samari au xne siècle, au
Mont-Athos au xvic ; elle reparaîtra dans les monuments
serbes, qui doivent beaucoup à la Gappadoce et à la Pales-
tine.
Le Jugement de Pilate ne se voyait pas aux Saints-
Apôtres. Le récit de la Passion finissait, semble-t-il, par le
reniement de Pierre et le suicide de Judas. Un sentiment
de réserve tout antique avait écarté de parti pris les
épisodes douloureux, justement ceux que la légende pales-
tinienne développe avec tant de complaisance. Cette
réserve nous paraîtra remarquable dans un monument où
les textes de Mathieu et de Jean se trouvaient illustrés
avec précision et vérité. L'influence apocryphe se fait
sentir, sous la plume de Ghoricius, à Gaza. Elle n'a point
atteint Constantinople.
Revenons à la Gappadoce. Les types orientaux de la Gène
et de Judas se rencontrent ensemble dans le groupe ar-
ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES 333
chaïque à Balleq-Klissé, dans la nef de Toqale, à Ilemsbey
Klissé. Mais ensuite Byzance reprend l'avantage. A Toqale
même, dans le transept, la Cène est byzantine ; nous ne
pouvons juger de la Trahison qui a disparu. Vers le milieu
du XIe siècle, nous trouvons la Cène byzantine, la Trahison
avec Judas à droite, mais avec Pierre et Malchus, et la foule
mélangée. Visiblement on hésite. La tradition locale est
encore forte. Plus loin, aux extrémités de la Cappadoce, à
Mélitène, en 10.j7, dans un manuscrit arménien (Macler,
Rapport, Nouv. Archives, 1909, extrait, p. 41), on peint
dans la Cène Judas au bout de la table, comme autrefois;
et dans le jardin des Oliviers, à gauche, suivant la manière
byzantine.
Posons maintenant le troisième terme : l'Occident. En
Occident, on sait que Judas, dans la Cène, se tient en avant
de la table. Ce trait apparaît d'abord dans le Pétersbourg
21, variante du type cappadocien. Dans la Trahison, le plus
souvent, il vient de droite comme en Cappadoce. En outre,
il est violemment saisi par les bras. Ce geste vulgaire eût
répugné au goût byzantin. C'est l'Orient qui l'a conçu.
Dans le Psautier du Pantocrator, David, ligure de Jésus,
subit ce traitement grossier. Au xue siècle, un manuscrit
syriaque du British Muséum et notre Copte 13 le montrent
appliqué à Jésus.
Le Baptême nous suggérera les mêmes remarques. Dans
l'art hellénistique à Ravenne, à Constantinople, au vie siècle,
sur une colonne de Tchnili-kiosk, Jésus se tient de face,
les deux bras pendants. Dans l'art syrien et cappadocien,
la main gauche ou même parfois les deux mains masquent
son sexe. L'Occident copie ce geste naïf, mais plus tard, au
XIe siècle, en France. Haselolf, ayant relevé bien des traits
byzantins dans les miniatures de Thuringe et de Saxe, vers
le début du xin1' siècle, déclare celui-ci purement occidental.
Assurément il ne saurait être byzantin. Il vient d'Orient.
Voici un autre trait typique. L'art hellénistique, l'art
334 ICONOGRAPHIE DES PEINTURES CAPPADOCIENNES
syrien du VIe siècle représentent Jésus à demi plongé dans
le fleuve, qui coule aux pieds de Jean. En Cappadoce, le
Sauveur se tient presque au même niveau que le Baptiste.
L'eau monte vers lui et forme autour du corps une sorte de
dôme aux contours rigides, se détachant sur le fond, sans
aucune trace de rocher. Ce procédé est commun en Occident.
Ici encore, le transept deToqale nous montrera le progrès
de Byzance. Le Baptême y est hellénistique. Jésus de face,
les deux bras pendants, soulève à peine la main droite pour
bénir les eaux. L'eau atteint les épaules de façon naturelle
entre deux rives ; l'allégorie du Jourdain assise au fond est
estompée par les ondulations. Les artistes byzantins du
xie siècle ne font que reproduire ce modèle, en le déformant
plus ou moins.
Ainsi vers la fin du xe et au xie siècle, Byzance étend sur
l'Asie à la fois la puissance de ses armes et l'influence de
son art. Mais la vieille iconographie ne meurt pas. Elle
prend de nouvelles forces au xive siècle et contribue à ra-
jeunir les formules byzantines usées. Une obscure bourgade
de Laconie, un modeste monastère basilien d'Italie conser-
vent jusqu'en ce temps les types primitifs, tels qu'ils sont
sortis du texte ou de la légende. En voyant à Mistra le gra-
cieux berger couronné de feuillage et charmant ses moutons
au son de sa flûte, comme l'antique Daphnis, on pensera
aux lettrés, qui inspiraient les artistes sous les Paléologues.
Mais les lettrés ne l'ont point inventé. Ils ont revêtu d'une
grâce antique le lourdaud des fresques cappadociennes. Or
ce lourdaud nous conduit aux sources, car on lit près de lui
un extrait de ces beaux chants d'église composés vers le
ixe siècle par les mélodes palestiniens : « Arrêtant le chant
des flûtes pastorales, l'armée angélique s'écriait : Cessez
de passer la nuit dans les champs, vous les conducteurs des
troupeaux. »
Ces quelques observations suffiront peut-être pour
attirer votre attention sur ces précieux monuments. Vous
MISSION DE M. BOULIFA EN HAUTE KABYLIE 335
avez apprécié les qualités éminentes déployées au cours de
sa mission par le P. de Jerphanion. Je serais heureux si les
résultats vous paraissaient dignes de l'effort. Il me semble
que, désormais, grâce au courageux explorateur, nous pour-
rons nous former une conception plus pénétrante, non seu-
lement de l'art byzantin, mais aussi en quelque mesure de
tout l'art médiéval.
NOTE SUR LA MISSION DE M. BOULIFA
EN HAUTE KABYLIE,
PAR M. RENÉ BASSET, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE.
J'ai l'honneur de communiquer à l'Académie les résul-
tats obtenus par M. Boulifa, répétiteur de berbère à la
Faculté des lettres d'Alger, pendant sa troisième mission
en Kabylie, au mois d'avril et de mai 1912, pour laquelle
il avait obtenu des subsides du Ministère de l'instruction
publique et de l'Université d'Alger.
Cette troisième mission n'a pas été moins fructueuse que
les précédentes ; elle a eu pour théâtre les deux communes
mixtes de la Mizrana et d'Azeffoun. En voici sommaire-
ment les principaux résultats :
Sur le pic de Makouda ', à Ichqien où existait un poste
militaire, un rocher brut, appelé par les habitants Ad'rar
Ousendouq (pierre du marché), porte ce fragment d'inscrip-
tion :
ECOFISK?) NA
LLON
A 2 kil. au Sud du rocher de Makouda, près de la ferme
Oumechqàn (leTimechkanine de Gsell, op. laud., feuille 6,
n° 31), dans la vallée du ruisseau Thasifth Isthithen, à
1. Cf. Gsell, Allas aicln:t>lo(jique de V Algérie, feuille ti, n° 30.
336 MISSION DE M. BOULIFA EN HAUTE KABYLIE
l'endroit appelé Aguerroudj Ouhidja, une pierre de l"1 50
de long sur 0"' 50 de large, porte cette inscription :
DMSIM ALTA NIS
FILEX VIET VIXITAN
NIS LXXXXI LXXXXV
Elle n'a que trois lignes ; les caractères manquants ont
été martelés par les bergers kabyles. En redescendant sur
Tigzirt par le plateau d'Agouni gouran, M. Boulifa releva
un certain nombre de petits postes romains a quelque dis-
tance les uns des autres.
Entre Tigzirt et Azeffoun, à 29 kil. 200, entre les deux
portes Hartar, se trouve, sur un rocher brut, l'inscription
FLRES, et au même point, sur le rocher appelé If ri boua-
dhou (grotte du vent), un dessin gravé au fond d'une grotte
et nommé par les bergers « tête à quatre yeux » représen-
tant deux volutes affrontées.
En regagnant la crête des Ait Jennad, par le chemin de
la côte, M. Boulifa signale un nombre assez considérable
de postes romains ; un cimetière à Sidi Khâled, où se trouve
une quantité de sarcophages; à Thaourirth Zouaoua, un fût
de colonne surmonté d'un chapiteau à feuille d'acanthe,
chez l'instituteur du village.
A Azeffoun kabyle, M. Boulifa a trouvé une pierre sans
inscription, mais avec ornementation (instrument de sacri-
fice, tête de taureau?); une stèle placée en corniche sur la
lucarne d'une maison, lni 20 de long sur 0m 38 de large :
elle est surmontée d'un croissant et divisée en caissons
dont l'un porte l'inscription suivante :
CVILONIVS
MEDICVS
H- SE
Un fragment encastré dans le mur d'un gourbi hors du
village (inscription peu lisible) :
MISSION DE M. HOULIFA EN HAUTE KAKYLIE 337
Un autre, également incomplet, sur le seuil de la mai-
son d'Arezki ben Mohand, dit Bouzian, et où on lit :
VRRIV* E
ANIBVSIIC
RSB DEFVN
IV v XX
Une mosaïque en trois couleurs : blanc, noir, gris,
déblayée en 1911 et mesurant près de 3 mètres carrés.
M. Boulifa a également étudié la conduite d'eau d'Azeffoun,
déjà signalée par Devaux et Vigneral ', et, contrairement au
doute exprimé par M. Gsell-, il estime, l'ayant suivie dans
toute sa longueur, qu'elle venait du Tliamgout. Sur une
étendue de deux mètres, entre Ih'amziouen et Azeffoun,
elle se compose d'une série de blocs perforés à l'intérieur,
emboîtés les uns dans les autres et portant sur les faces
latérales les sigles suivants : GFMS- NH PV, SIM, CFMX,
MDC, TPF, ddl, K€MZ, SPI^Sa/ Dl|, et un groupe qui
paraît libyque ADIO. De la source du Thamgout 3, jusqu'à
Ih'amziouen, le système de canalisation paraît différent.
Des traces de maçonnerie en pierres et en briques cimen-
tées, existent au col de Thala 'Aei (source d'Ali) et de
Thaouint iqouran (la source tarie) près du village d'El
Qala'a.
C'est à l'Ouest de ce village, sur le flanc nord du Tham-
gout', à l'endroit appelé Aijounilhad (plateau du dimanche),
que M. Boulifa a découvert une nouvelle stèle libyque,
représentant un personnage debout, levant les bras en signe
d'adoration. Elle est gravée sur une dalle de grès dur, de
couleur grisâtre, mesure 0m72 sur I)1" 54 de largeur etOm 19
de profondeur. Les traits du visage, visibles encore il y a
1. Cf. Gsell, Les monuments antiques de l'Algérie, t. I, p. 2â7.
2. Allas archéoloifique, feuille 6, n0' 70-71 .
3. AtlAi nrchéolotjique, feuille •>, n" i:\.
1912. 23
338 LIVRES OFFERTS
une dizaine d'années, ont été mutilés par les bergers.
L'image est entourée, à droite et à gauche, d'une double
inscription qui paraît incomplète d'en haut.
V9 C?) y
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II
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Si Ton songe que ces recherches ont duré quatre semaines
et qu'elles ont été interrompues par le mauvais temps et
des accès de fièvre, on reconnaîtra que M. Boulifa a de
nouveau bien mérité des études africaines.
LIVRES OFFERTS
M. Paul Foucart a la parole pour un hommage :
<( J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie le premier fascicule des Ins-
criptions de Dclos, dont l'auteur est M. Félix Diïrrbach , ancien
membre de l'École d'Athènes, professeur à l'Université de Tou-
louse.
« La publication de ce recueil a été faite en exécution d'une con-
vention, déjà ancienne, conclue avec l'Académie des Sciences de
Berlin. Nous sommes heureux de constater que cette convention n'a
suscité aucune difficulté sérieuse ; toutes les questions ont été réso-
lues facilement, grâce à l'esprit d'équité scientifique et de concilia-
tion dont ont fait preuve les commissaires de l'Académie de Berlin,
M.deWilamovil/.-Moellcndorff,que vous avez élu votre associé étran-
ger, et M. Ililler de Gaertringen, qui a publié plusieurs volumes du
Corpus. Ainsi qu'il était convenu, la commission que vous avez
nommée a examiné le manuscrit, surveillé la correction des épreuves,
et c'est son président qui a régulièrement donné le bon à tirer.
LIVRES OFFERTS 339
Comme vous le verrez, un double titre, imprimé sur deux pages en
regard l'une de l'autre, constate, d'une part, que le volume de Délos
fait partie du Corpus des Inscriptions grecques publié par l'Acadé-
mie de Berlin; de l'autre, qu'il parait sous la direction de notre
Académie et que le présent fascicule est l'œuvre de M. Diirrbach.
« L'impression a commencé en juin 1911 cl douze mois ont suffi
pour achever ces vingt feuilles, singulièrement pleines et denses. Ce
résultai fait grand honneur à M. Dûrrbach, dont le zèle ne s'est pas
ralenti un moment. Votre commission est unanime à signaler d'autres
qualités, qui recommandent son travail. Le plus vif souci de l'exacti-
tude, la plus grande prudence dans rétablissement du texte, la plus
juste mesure dans la rédaction des commentaires s'y joignent à une
connaissance approfondie des inscriptions déliennes. Nos confrères
de Berlin, M. de Wilamowitz-Moellendorff et M. Hillér de Gaertrin-
gen, qui ont activement collaboré à l'amélioration du texte et à
la correction des épreuves, sont d'accord avec nous pour rendre jus-
tice ;'i l'auteur.
« Vous savez ce qu'est le rôle du secrétaire dans une commission.
Je crois être votre interprète en adressant nos plus vifs remerciements
à notre confrère. M. B. Ilaussoullier. Les savants apprécieront les heu-
reuses correcliôns et restitutions qu'il a apportées au texte des
inscriptions ; nous tenons à dire ici combien la rapidité de l'exécu-
tion a dû à son inlassable activité et à la correspondance presque
quotidienne qu'il a entretenue avec l'auteur et les membres des deux
commissions.
« L'aide que nous a donnée l'Imprimerie impériale de Berlin ne
saurait être passée sous silence. Vous pourrez apprécier par vous-
mêmes l'exécution typographique et la correction du volume. Nous
avons eu à nous féliciter de la rapidité et de la régularité avec les-
quelles les envois nous ont été faits et de l'intelligence avec
laquelle les corrections ont été exécutées.
<< Le présent fascicule renferme la première série des comptes et
des inventaires déliens, de 314 à 2)j0. datant de la période où Délos
était indépendante. C'étaienl les textes les plus originaux et les plus
impatiemment attendus. — Pour la rentrée prochaine, tandis que
M. Diirrbach mettra la dernière main à la seconde série des inven-
taires, M. Louis Roussel, actuellement en mission à Délos, doit nous
remettre la collection des décrets, dont l'impression commencera
en novembre 1912.
« L'Académie a entendu bien des promesses au sujet des volumes
de Délos ; elle se réjouira de voir enfin un commencement de réali-
sation. Elle fera, je l'espère, bon accueil à ce premier fascicule, et
340 SÉANCE DU 19 JUILLET 1912
voudra en témoigner sa satisfaction à M. Diïrrbach, qui a si bien
commencé une publication faite par nos soins et sous notre patro-
nage ».
Le Président se fait l'interprète de la satisfaction de l'Académie
et renouvelle, en son nom, les remerciements exprimés par M. Fou-
cart.
M. Heuzey a la parole pour un hommage :
i< J'ai l'honneur de présenter à l'Académie le dernier fascicule des
Découvertes en Chaldêe. La présentation est faite avant tout en
mémoire du grand initiateur de ces fouilles, Ernest de Sarzec, dont
le portrait est reproduit dès les premières pages. Sur les titres
figurent aussi les noms des deux savants assyriologues qui ont
dirigé la partie êpigraphique de l'ouvrage, le regretté Arthur Amiaud
et M. François Thureau-Dangin.
« Ernest de Sarzec n'ayant décrit personnellement que quatre de
ses campagnes, j'ai dû rendre compte des sept dernières, d'après
les photographies et les plans de la Mission. C'est l'objet d'une
étude complémentaire, placée en appendice et intitulée : Les Cons-
tructions de Tello.
« L'heureuse fin de ces travaux est le meilleur remerciement que je
puisse adresser à l'Académie pour la sympathie particulière qu'elle a
bien voulu témoigner, il y a quelques mois, au plus ancien de ses
membres ordinaires. »
SÉANCE DU 19 JUILLET
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
Le Président entretient l'Académie d'une série de manuscrits
qu'il a observés clans la bibliothèque de Sofia, manuscrits en
langues orientales qui proviennent de la bibliothèque du célèbre
Pasvan-Oglou, pacha de Widdin. Il y a près de 3000 de ces
manuscrits.
M. II. Cordikr lit une note sur les dernières recherches
relatives à l'Amérique communiquées au Congrès des América-
nistes récemment tenu à Londres.
SÉANCE DU 19 JUILLET 1912 341
M. Héron de Villefossiî aiiDODce à l'Académie une intéres-
sante découverte épigraphique qui vient d'être faite sur le terri-
toire de Bourbon-Lancy, au lieu dit Saint-Martin. Il en doit la
communication à M. Max. Boirot, correspondant de la Société
des Antiquaires de France.
Dans une tranchée ouverte près du chevet de l'église de Saint-
Martin, on a mis au jour les débris d'une plaque votive en
marbre blanc qui était très probablement consacrée à Borvo et
à Damona, les dieux de la source bienfaisante. On sait tout
l'intérêt du nom divin Borvo, d'origine gauloise ; ce dieu
préside aux sources thermales en Gaule. Les noms de lieu
actuels Bourbon-Lancy, Bourbon-l'Archambault, Bourbonne-
les-Bains, etc., dérivent de ce nom Borvo; le nom de la
maison royale de Bourbon en dérive également. L'inscription
malheureusement est incomplète. En attendant un meilleur
texte promis par M. Boirot, on peut dire que cet intéressant
ex-voto a pour auteur un Gaulois appelé Suadorix auquel
les divinités étaient vraisemblablement apparues en songe. Ce
nom propre gaulois a été déjà rencontré sous la forme Sua-
durix qu'on lit sur un couteau trouvé à Besançon. Cette
variante a engendré Suaduriffius, nom d'homme inscrit sur une
pierre de Bessas (Ardèche).
M. Anziani, membre de l'École française de Borne, fait une
communication sur une amphore corinthienne sortie de la
nécropole de Bordj-Djedid à Carthage :
« J'ai l'honneur de présenter à l'Académie deux photogra-
phies d'une amphore corinthienne trouvée dans la nécropole de
Bordj-Djedid à Carthage. Ce vase appartient à M. Chavance,
directeur des abattoirs de la Goulette, qui l'a découvert par
hasard il y a cinq ans. Se promenant sur le liane sud de la col-
line qui domine les thermes d'Antonin, il remarqua qu'un des
puits d'accès, au fond duquel le P. Delattre avait déblayé un
caveau funéraire, présentait une cavité latérale à mi-hauteur.
Celte cavité était encore obstruée par des pierres noyées dans de
l'argile; toutefois les pluies avaient entraîné au fond du puits
une partie de cette espèce de mortier. M. Chavance réussit à
dégager complètement l'entrée, et pénétra dans un caveau rec-
tangulaire où il découvrit un cadavre inhumé, les pieds vers la
342 SÉANCE DU 19 JUILLET 1912
porte. Dans ce caveau furent recueillis : un morceau d'oeuf
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d'autruche avec un oeil peint, une lampe punique en forme
de coquille plissée, enfin notre vase.
SÉANCE DU 19 JUILLET 1912 343
« C'est une amphore de 0 m 35 de hauteur, à anse double, à
pause large, au pied court. La terre est grisâtre. Le bord, assez
épais, n'est pas parfaitement horizontal, mais présente une sorte
d'ondulation irrégulière. Le pied est en partie brisé. Le vase
reposait incliné sur le flanc; la partie qui s'enfonçait dans l'argile
humide est entièrement décolorée, mais les traits incisés restent
nettement visibles. Sur tout le vase, d'ailleurs, les couleurs sont
loin d'être bien conservées : le fond rouge est devenu jaunâtre
ou gris sale ; le vernis noir, presque intact par endroits, a géné-
ralement passé au brun verdalre.
«La panse est décorée de trois zones d'animaux incisés. La zone
supérieure, coupée en deux moitiés par les attaches des anses,
présente de part et d'autre deux lionnes affrontées, séparées d'un
côté par un aigle posé, de l'autre par une fleur de lotus renver-
sée. L'aigle a la tête retournée en arrière; de plus, il est placé
verticalement, sans doute parce que le céramiste, ayant mal
calculé ses proportions, s'est trouvé disposer entre les deux
lionnes d'une place insuffisante. La seconde zone présente : d'une
part, un bélier paissant. tourné vers la gauche, entre deux lionnes;
d'autre part, un cygne et une lionne tournés vers la droite et un
bélier paissant tourné vers la gauche. La zone inférieure res-
semble à la précédente, sauf qu'au lieu du second bélier on
trouve un bouquetin, également paissant et tourné de même. La
tète du bouquetin et les corps tout entiers de la lionne et du
cygne précédents sont dans la partie qui a été décolorée par
l'humidité ; le dessin seul en est visible. Les zones sont séparées
par de larges bandes noires.
« Les animaux présentent les caractères ordinaires du style
corinthien archaïque : allongement du corps et minceur des
pattes ; les lionnes ont toutes le dos cambré, la tète de face et
la queue relevée. Les intervalles sont remplis de rosaces, de
palmetles et de points, en nombre considérable ; plus peut-être
que n'importe quelle poterie corinthienne, ce vase est caractérisé
par ce qu'on a appelé V « horreur du vide». Celte décoration
surchargée trahit d'ailleurs une exécution hâtive : sur plus d'une
rosace, le vernis ne suit pas les axes marqués parles incisions.
« La céramique corinthienne n'est représentée, tant au Musée
Alaoui qu'au Musée Saint-Louis de Carthage, que par des ary-
344 LIVRES OFFERTS
bulles, ala bas très, skyphoi, coupes ou plats n'excédant pas 0ml*2
de hauteur. A ses mérites propres le vase de M. Chavance joint
celui d'être unique en son genre à Garthage. Par là surtout il
est intéressant : c'est la seule pièce de dimensions considérables
qu'ait livrée le sol carthaginois. Or les nécropoles de Carthage
ont été explorées en majeure partie; plus particulièrement, les
cimetières archaïques de Dermech et de Bordj-Djedid ont été
minutieusement fouillés. Qu'on n'y ait trouvé que cette seule
amphore, c'est un fait remarquable, d'autant que le mobilier
du caveau qui la contenait n'avait rien de luxueux. Aux yeux
des Carthaginois, elle devait paraître moins un objet de prix
qu'une curiosité exotique.
« La partie de la nécropole de Bordj-Djedid d'où provient ce
vase ne peut pas être antérieure au vie siècle. C'est d'ailleurs au
vie siècle que la céramique corinthienne a dû se répandre à Car-
thage : j'espère le montrer prochainement dans une étude d'en-
semble sur la céramique d'importation dans les nécropoles
carthaginoises. Aujourd'hui, j'ai voulu seulement faire connaître
un monument curieux sorti du sol de l'Afrique française et
demeuré jusqu'ici inédit. »
M. Perrot ajoute quelques observations.
M. René Pichon discute et commente quelques textes latins
de Tite Live, de Suétone et de Juvénal, relatifs à l'histoire de
l'atellane.
MM. Perrot, Salomon Reinach et Alfred Croiset présentent
quelques observations.
LIVRES OFFERTS
M. Salomon Reinach offre trois livraisons d'un ouvrage de M. d'Ah-
bois i>e Jubajnville: TAin B6 Cûalnge. Enlèvement du taureau divin,
et des vaches de Cooley, Ui plus: ancienne épopée de FEurope occiden-
LIVRES OFFERTS 345
taie. Traduction par II. d'Arbois de Jurainvili.k, membre de l'Ins-
titut. lre, 2e et 3° livraisons (Paris, 1907, 1900 et 1912, in-8°).
M. IIiiHON de Vili.efosse offre à l'Académie, au nom de l'auteur,
M. le docteur D. Goldschmidl, un travail intitule : Correspondance
inédite du professeur J. C. Schweighaeuser arec la préfecture du
Bas-Rhin au sujet de ses recherches archéologiques (Strasbourg, 1912,
in-8° ; extr. du Bulletin de la Société des sciences, agriculture et arts
de lu Basse-Alsace, mars-avril 1912) :
« A la suite de la circulaire envoyée en 1819 par l'Académie des
inscriptions afin de recommander aux préfets de provoquer des
recherches archéologiques dans les départements, Jean Geoffroy
Schweighaeuser qui avait succédé à son père, l'illustre helléniste
Jean Schweighaeuser, comme professeur de littérature grecque à la
Faculté des lettres de Strasbourg et professeur de littérature latine
au Séminaire protestant, qui avait été placé, aussi comme son père,
à la tête de la Bibliothèque municipale où se trouvait alors la collec-
tion d'antiquités réunie par Schoepflin, sentit naître et se développer
en lui cette grande passion pour les monuments antiques de l'Alsace
qui devait l'absorber pendant le reste de sa vie. L'Académie avait
annoncé qu'elle récompenserait par une médaille d'or les trois meil-
leurs mémoires envoyés en réponse à sa circulaire; elle fondait ainsi
notre important concours des Antiquités nationales qui, depuis près
d'un siècle, a provoqué tant de recherches et qui a donné en France
aux études historiques un développement si éclatant. Les deux pre-
miers mémoires de J. G. Schweighaeuser furent jugés les plus com-
plets et les meilleurs ; il obtint la récompense promise et ne tarda
pas à recevoir, en outre, le titre de correspondant de l'Institut.
« Malheureusement, en 1824, le Ministre de l'intérieur, M. de
Corbière, jugea bon d'arrêter les recherches archéologiques qui se
poursuivaient en France sous le patronage de notre Académie; dans
une pensée d'économie ridicule et bien mal comprise, il supprima les
trois médailles d'or que décernait chaque année notre Compagnie.
M. de Martignac, son successeur, les rétablit en 1828.
<< M. le docteur Goldschmidt a découvert aux Archives départe-
mentales du Bas-Rhin cinq mémoires de Schweigliaeuser ainsi que
les lettres échangées entre l'archéologue el le préfet. On y reconnaît
le plan que suivit Schweighaeuser pour répondre aux questions
posées par l'Académie, et on peut ainsi se rendre compte des diffi-
cultés qu'il eut à surmonter pour arriver au but. Plus de 400 dessins
inédits de Schweighaeuser ont été détruits en 1870 pendant le siège
de Strasbourg, lor,s de l'incendie de la Bibliothèque municipale, avec
0*46 SÉANCE DU 26 JUILLET 1912
les nombreux trésors littéraires et artistiques qui étaient accumulés
dans cet établissement. Il serait fort intéressant d'en faire connaître
les duplicata, conservés peut-être dans les archives de notre Acadé-
mie. Notre confrère M. Maurice Prou a commencé des recherches
dans ce sens; elles promettent d'être fructueuses.
« En appendice (p. 30-77), on trouvera deux documents rédigés par
Schweighaeuser : 1° Rapport sur le travail relatif aux antiquités du
département du Bas-Rhin, fait à la /in du mois de janvier 1821. Il
contient des détails précieux sur les voies romaines de la contrée et
surtout une liste importante, avec description sommaire, de toutes
les anciennes abbayes, de tous les anciens châteaux dont Schwei-
ghaeuser plaçait la construction entre le commencement du xe et la
fin du xive siècles ; des dessins des édifices suffisamment conservés
accompagnaient ces indications; 2° Eglises et chapelles du départe-
ment du Bas-Rhin qui m'ont paru offrir un intérêt monumental. Ces
deux documents sont intégralement reproduits. »
M. Léger présente au nom de Fauteur, M. Tolkouchine, un ouvrage
intitulé : Glorieuses Annales, ouvrage publié à l'occasion du Cente-
naire de 1812 (Odessa, 1912, in-8°).
SÉANCE DU 26 JUILLET
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Alfred Merlin, directeur des antiquités de la Tunisie, expose
à l'Académie des découvertes récemment survenues à Thuhurbo
Ma jus '.
M. Dieiie lit une courte notice sur une princesse de Trébi-
zonde qui vivait au xve siècle. Depuis Ducange, on la désigne
sous le prénom de Catherine, et sans doute ce prénom lui est
venu du titre mal compris sous lequel les contemporains la men-
tionnent: Despina Kaloun (la princesse). En réalité, elle se nom-
i. v
on' ci-après.
DÉCOUVERTES A THUBURBO MA.ÏUS 317
mait, d'un prénom bien plus byzantin, Théodora Comnène. — Et
ceci montre combien, dans l'histoire byzantine, pour les grandes
comme pour les petites choses, bien des points demeurent encore
obscurs et mal compris.
L'Académie se l'orme en comité secret pour entendre la lec-
ture du Rapport du Secrétaire perpétuel sur les travaux des
Commissions de publication de l'Académie pendant le premier
semestre de 1912 '.
COMMUNICATION
DÉCOUVERTES A THUBURBO MA JUS,
PAR M. ALFBED MERLIN,
DIRECTEUR DES ANTIQUITÉS DE LA TUNISIE.
Le Service des Antiquités de la Tunisie a fait exécuter au
printemps dernier, sous la direction de M. Louis Drappier,
quelques fouilles à Henchir Kasbat, près de Pont-du-Fahs,
sur l'emplacement de l'ancienne colonia Julia Aurélia
Conimodn Thuburbo Ma jus.
Ces travaux ont été effectués dans les deux monuments
les plus voisins de l'arc de triomple situé à l'Est de la ville,
aux points désignés par les lettres F et G sur le plan qui
accompagne la notice explicative de Y Atlas archéologique
de la Tunisie, feuille de Zag'houane.
L'édifice G, bâti sur une éminence qui domine la ville2,
était jusqu'ici regardé comme un réduit fortifié byzantin.
1. Voir ci-après.
■2. C'est à ce monument que Guérin fait allusion l 'oy. arc/i. en Tunisie,
II, p. 3ii7 quand, décrivant les ruines de Thuburbo Af&jns, il parle des subs-
tructions d'un vaste édifice renversé île fond en comble et situé sur une
colline.
348 DÉCOUVERTES A THUBURBO MAJUS
En réalité, les sondages nous ont montré que c'était un
temple consacré à Saturne, remplaçant ici, comme en tant
d'autres hauts lieux de l'Afrique romaine, le Baal punique ;
au pied de la façade, on a en effet retrouvé la dédicace sui-
vante (lettres : 0ni 07 à la ligne 1, 0 m 04 aux autres), gravée
avec soin sur un beau bloc de marbre long de 0m 90,
haut de 0m36, large de 0m85 et entourée d'une baguette
plate en saillie:
S AT V R N O ■ A w G • S A C R-
DIOPHANTVSBASSISERISFOMNI
BVS-HONORIBVSTN CIVITATE • SVA- FWC
TVS • SIGN VM • MARMOREVM ■ S • P' P- IDEMQ.- DED-P- D ■
Le dieu, dans la statue de Diophantus, se présentait sans
doute avec l'attitude qui lui est habituelle : assis, vêtu d'un
grand manteau qui couvre le bas du corps et qui est ramené
sur les cheveux, tenant de la main droite un attribut,
faucille ou couteau, la main gauche levée et rapprochée de
la tête '.
Du temple, qui a été remanié à basse époque, il subsiste
le stylobate en grand appareil ; sa partie postérieure s'ar-
rondit en une abside dont la courbe à son sommet fait
place extérieurement à une paroi saillante rectiligne. Le
sanctuaire était entouré d'une area ceinte de murs qui
apparaissent par endroits hors du sol actuel ; on a reconnu
également la présence d'une citerne 2.
L'autre édifice, au point F du plan que nous avons cité,
distant du premier de 120 à 150 mètres à l'Ouest-Sud-Ouest,
a été exploré plus complètement. Il offre un intérêt parti-
1. Voir par exemple Gsell, Musée de Tébessa. pi. I. n" 2 (p. 16): pi. I,
n° 4 (p. 14 : pi. I, n° 6 (p. 18 : pi. XI et p. sO-81 ; Gauckler, Bull, de lu Soc.
ilrs Antiquaires de France, 1898, p. 282.
2. Comme dans bon nombre des temples de tradition orientale connus
en Afrique (Merlin, Le sanctuaire de Baal el de Tanit près de Siagu, p. 38,
n. ."> .
MHI Constructions romaines
1: ' j:.: l m chrétiennes.
DALLEE
I
I
•T«£t>e ' p*l* L Dr^jiuu
Fiji. l. — Plan du temple-église de Thuburbo Majus.
350 DÉCOUVERTES A TIIUBURBO MAJL'S
culier : c'est un temple de Baal-Saturne et de Tanit-Cérès,
qui, au temps du christianisme, a été transformé en église
Primitivement, le monument se composait dune cour,
large d'une trentaine de mètres, un peu moins profonde,
entourée sur trois côtés1 de portiques dont un certain nombre
de bases sont encore en place ; au fond de la cour s'ouvrait
une petite chambre sensiblement carrée (6m X 6m), la cella
du sanctuaire. Sur la façade régnait peut-être un por-
tique, qui donnait sur une place; l'entrée se faisait par
deux portes en face des galeries latérales du péristyle inté-
rieur ; la place allant en s'inclinant du Sud au Nord, la
porte de gauche était de plain-pied avec elle, tandis que
celle de droite était précédée d'un escalier. Une citerne
en forme de carafe était ménagée dans la partie antérieure
de la cour.
La disposition générale de la construction nous incline à
y voir un temple réservé à un culte d'origine orientale,
comme ceux de Saturne-Baal à Dougga ou d'Apollon-Baal
à Bulla Recjia; il fut bâti ou plutôt réparé à l'époque
romaine : sur la tranche supérieure de deux des bases de
la colonnade gauche (a), la première et la cinquième à
compter de la place, on lit en lettres d'environ 0m 05
la marque d'atelier LVCEI assez sommairement gravée.
A quelle divinité était-il consacré ? Au Sud de l'édifice,
un peu en dehors, on a découvert deux ex-voto, malheu-
reusement mutilés, dont l'un remonte à l'époque punique,
dont l'autre date de la période romaine.
Le premier, qui est le plus curieux, affecte la forme d'un
petit temple (haut. 1 '" 17 ; larg. max. 0m 48; épaisseur
0m 50) ; un socle mouluré porte un édicule que surmonte une
haute corniche (fig.2). Sur le stylobate, en avant, était gra-
vée une inscription punique de deux lignes au moins, trois au
l. Il ne parait pus y avoir eu de péristyle adossé au mur de façade.
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60
3o2 DÉCOUVERTES A THÛBURBO MA JUS
plus, qui est aujourd'hui presque totalement perdue, la
surface de la pierre étant écaillée, et dont il ne subsiste plus
que quatre à cinq lettres, les trois premières, à droite, de
la ligne 1 et les deux premières de la ligne 2.
La disparition de ce texte est profondément regrettable 5
ce qui en est sauvegardé nous indique que l'inscription
commençait par une invocation en l'honneur d\in dieu,
sans doute Baal, dont le nom était peut-être suivi de celui
de Tanit '.
Au-dessus du socle, s'élève en retrait la cella, qui était
jadis précédée de deux colonnettes. Tandis que tout le reste
du monument est sculpté dans un même bloc de calcaire
tendre, les colonnettes avaient été façonnées à part ; elles
se sont détachées, mais les deux scellements au plomb qui
servaient à en assujettir le pied sont encore visibles en
avant dé Pédicule . Nous n'avons retrouvé que le haut d'une
de ces colonnettes (haut. 0m 20 ; diam. 0m 065), qui étaient
fort élégantes, avaient vingt cannelures et étaient surmon-
tées d'un chapiteau ionique enrichi à sa base d'un collier de
palmettes2. Lacera est flanquée, à chacun de ses angles
antérieurs, d'un ante à quatre cannelures, dont le chapiteau
est décoré par devant de deux rosaces juxtaposées; aux
angles postérieurs, elle est rehaussée, sur les faces latérales
seulement, d'un pilastre non cannelé, qui est terminé au
sommet par une volute « punique » avec fleur de lotus.
Sur le devant, au milieu, un peu en arrière des colonnes,
se creuse une cavité assez grande, aux contours irréguliers,
où sont encore adhérents des débris de mortier ayant été
employé sans doute pour un scellement, et, entre les deux
antes, est pratiquée une niche à fond plat, large de 0m 14,
1. Cf. une autre stèle punique précédemment découverte à Thubnrbo
Majus (Ph. Berger, Bull, archêol. du Comité, 1910, p. cçxxm).
2. Ce chapiteau rappelle ceux des colonnes de l'Erechteion (par exemple
Puchstein, Das ionische Capilell, p. 2 5, fig. 16 ; Benoît, L'architecture,
Antiquité, p. 362, fig. 244 ; Noack, Die Baukunst des Altertums, pi. 43, a;
cf. pi. 38 à 40).
DÉCOUVERTES A THUBURBO MAJÙS 353
haute deOm 27o, profonde de 0"' 11, arrondie à la partie
supérieure, représentant la porte de la cella, qui, elle, n'a
pas été évidée. Sur le bandeau qui demeure libre au-
dessous, un porc marchant à gauche; au-dessus, dans le
tvmpan d'un fronton, une Heur de lotus renversée et deux
dauphins se regardant ; dans chacun des angles au-dessus
du fronton, une fleur de lotus.
La corniche, qui repose directement sur les deux colonnes
ioniques, est rehaussée en dessous de huit caissons répartis
sur deux rangs et comprend quatre lignes d'ornements
séparées par des listels : de bas en haut, denticules, rais de
cœur sous une rangée de perles, oves, chapelets de perles
rondes alternant avec deux perles plates; au sommet, une
moulure rappelle la gorge égyptienne.
Cette petite chapelle, si remarquable, montre un curieux
assemblage de conceptions helléniques et orientales : tout
d'abord, il s'y manifeste le même mélange de formes
grecques et de motifs orientaux que par exemple dans le
mausolée libveo-punique de Dougga1, dont elle nous semble
sensiblement contemporaine. Il faut en rapprocher ces nom-
breuses stèles puniques ou de tradition punique sur les-
quelles un temple est reproduit non plus, comme dans notre
cas, en proportions réduites, mais plus ou moins schémati-
quement, gravé à la pointe ou sculpté en bas-relief. A cet
égard, les pièces de comparaison les plus caractéristiques
sont les stèles de la Ghorfa, conservées au Musée du Bardo2,
où est figuré souvent un temple, flanqué de colonnes et
surmonté d'un fronton; les caissons qui décorent le plafond
1. Cf. L. Poinssot, Comptes rendus de VAcad. des inscr., 1010, p. "80 et
suiv.. où l'on a aussi des colonnes à chapiteaux ioniques (p. 784 , des
pilastres à volutes (p. 785, n. 2 : p. 787, il. 3 . des gorges égyptiennes (p. 78 i-
785).
2. La Blanchère, dans Bibliothèque d'archéologie africaine, I. p. 31 et
suiv.; La Blanchère el Gauckler, Cat. du Musée Alaoui, p. 62, n01 "il à 752.
Sur la provenance '1rs stèles, cf. L, Poinssot, Bull, archéol. du Comité,
1905, p. •">!•."> el suiv.
1912. 24
:YM découvertes a thurcrro m a jus
du pronaos sont indiqués en projection verticale entre les
colonnes et le fronton, au-dessous duquel s'alignent des
rangées de perles, d'oves, de denticules ou de rais de cœur ;
on rencontre parfois soit au faîte de la stèle, soit au-
dessous du temple deux dauphins affrontés'. — Au point
de vue religieux, les conceptions puniques et grecques se
trouvent associées de même qu'au point de vue décoratif:
le dauphin 2, la fleur de lotus sont fréquents sur les ex-voto
puniques de Carthage en l'honneur de Tanit. Quant au
porc, c'était l'animal sacré et la victime préférée de
Déméter-Cérès 3, à laquelle Tanit était parfois assimilée '* ;
il est vraisemblable qu'il est sur notre monument en qualité
de victime, de même que le taureau sur les stèles d'Aïn-
Tounga et de la Ghorfa.
Quelques jours avant d'avoir exhumé cet édieule, on
avait mis au jour, le 3 mai, un petit piédestal en calcaire
qui avait été remployé dans une construction et portait
1. La Blanchère, op. cit.. pi. IV, n° 50; pi. V, n°5i: La Blanclière cl
Gauckler, op. cit., nos 7 14 et 748.
2. Berger, Gazette archéologique, 1877, p. 25. cf. p. 86.
3. Lcnormant, dans Daremberg et Saglio, Dict. des Antiquités gr. et
rom., I, p. 1068. A U tique, on a recueilli un bas-relief représentant une
truie parée pour le sacrifice, avec une dédicace aux Cereres (Gauckler, Bull.
de la Soc. des Antiquaires de France. 1902, p. 2 10-211). Ici, il s'ajjit d'un
verrat dont le sexe a été fortement accusé par le sculpteur.
1. Sur les affinités de Tanit avec le couple Dcméter-Perséphoné et plus
lard Gérés ou les Cereres, cf. Clermont-Ganneau, Éludes d'archéologie
orientale, I, p. 149 et suiv.; Recueil d'archéologie orientale, III, p. 180 et
suiv.; Toutain, Cultes païens dans l'empire romain, I, 1. p. 373-378:
Audollent, Carthage romaine, p. 3!»4 : Association française pour l'avance-
ment des sciences. Congrès de Carthage, 1896, p. 802 et suiv. — A Bulla
Regia, nous avons un exemple caractéristique de l'assimilation de Gérés à
Tanit (Merlin, Le temple d'Apollon à Bulla Regia, p. 24-25 . comme ailleurs
lorsque nous rencontrons Gérés associée à Saturnc-Baal peut-être C.I.L.,
VIII. IN3S. cf. :0i>>8; voirGsell. Mél. de Rome. 1896, p. 148) ou à Esculapc-
Eschmoun (C./JL, VIII, 14447), unie à Caelestis (Carton, Dec. épigr. et
archéol., p. 216, n° 405, cf. Cagnat et Gauckler. Les monuments antiques
de la Tunisie. I, p. 30; Gauckler, Bull, archéol. du Comité. 1903, p. 502-
503, n°' 13 et 11 , honorée dans des sanctuaires d'une l'orme toul orientale
Cagnal el Gauckler, op.c'it., p. -">5. 37: cf. Cagnat, Bull, archéol. du Comité,
1892, p. 186- 1*7 .
DÉCOUVERTES A THUBURBO MAJUS 355
encore des traces de mortier sur toutes ses faces (haut.
0m 65 ; larg. max. en bas 0ni 26). Il montre une inscription
gravée avec soin (lettres : 0 m 032-0 m 022); sa partie supé-
rieure est endommagée par devant et la cassure a enlevé
du texte la première ligne entière, une partie de la seconde
et le haut des dernières lettres de la troisième :
A V G • S : A cr
diopanThs
c i t t i n • d i o
phanti. fil- fa
B E R • V • S • L • A •
ET-SATVRNO
PALMAARG
*X X V • S • P • F •
A la ligne 3, il y a sans doute une erreur du lapicide,
qui a transposé F H après le T au lieu de le mettre après le
P et qui a omis le V ; il faut lire Diop[h\ant<^h J>[t/Js.
Sur le côté droit, une aiguière ; sur le gauche, une
patère; au-dessous de la moulure supérieure, un chapelet
de perles.
L'offrande d'une palme à Saturne (palma(m) arg(entearn)
à la ligne 8) rentre dans la catégorie des présents qui
étaient faits d'ordinaire à ce dieu '.
Il est fâcheux que le nom de la divinité à qui l'autel était
dédié ait disparu, mais la présence sur l'autre monument
déterré au même endroit d'un animal qui fait songer à
Déméter nous autorise peut-être à conjecturer que la ligne
aujourd'hui anéantie en tête portait la mention Cereri ou
Ccreribus 2. Les deux ex-voto auraient été ainsi offerts aux
mêmes divinités, honorées sous leur forme punique ou
romanisée ; le sanctuaire était apparemment dédié a Baal et
1. Toutain, De Saturai dei in Af'rica romand cultu, p. 100 et suiv.
2. Nous avons peut-être un autre argument en faveur de cette hypo-
thèse : on a exhumé, au cours des fouilles, des restes d'une petite chapelle
356 DÉCOUVERTES A THUBURBO 5IAJUS
k Tanit, vénérés, aux temps romains, sous les noms de
Saturne et de Gérés.
A basse époque, sans doute vers le début du vie siècle, le
monument fut profondément remanié ; un mur coupa en
deux sa cour de l'Ouest à l'Est, et dans la moitié méridio-
nale de Yarea et du péristyle fut installée une église ',
orientée en sens inverse du temple, son preshyterium sui-
vant l'usage au levant ; la travée gauche du portique
devint ainsi la nef droite de la basilique et une seconde
rangée de colonnes fut disposée entre la nef principale et la
nef gauche ; des portes furent percées dans certains murs ;
la partie inutilisée du temple devint un lieu d'inhumation ?.
Cette église, qui subit elle-même des modifications, n'a
pas de particularités notables. Les trois nefs étaient sépa-
rées par des cancels appuyés aux colonnes ; elles étaient
pavées de mosaïques géométriques, en cubes de marbre,
presque entièrement détruites ; quelques dalles de calcaire
(on en compte trois), portant des épitaphes, sont encastrées
dans le sol (B), recouvrant des sépultures; ces épitaphes
sont banales ; la formule fidelis in pace qui se lit sur deux
d'entre elles (la troisième est très abîmée) permet de les
dater du vie siècle. Les colonnes, hautes de 3m 45, étaient en
calcaire noirâtre; toutes les bases sont encore en place.
L'autel s'érigeait au milieu du vaisseau central; il était
isolé par des cancels barrant transversalement la nef; le
qui semble avoir été érigée dans le sanctuaire, notamment la partie droite
dune architrave (long. 0m80; haut. 0 m 25) sur laquelle on voit une cor.
beille de fruits et une torche allumée, attributs qui conviendraient bien à
Cércs.
J. A Thuburho Ma jus, le temple de Mercure fut peut-être, lui aussi,
transformé en église (Schmidt, dans C.I.L., VIII, au n° 12372). — Sur les
évoques de cette ville, cf. C.I.L, VIII, p. 106: Mesnage, L'Afrique chré-
tienne, p. 90-91.
2. Il est relativement rare que des sanctuaires chrétiens aient été installés
en Afrique dans des édifices d'une époque antérieure (Gsell, Monuments
antiques de V Algérie, II, p. 121). A Carthage, le temple de Caelestis fut
converti en église le jour de Pâques 399 Gagnât et Gauckler, op. cit., p. 24-
25).
DÉCOUVERTES A THUBL'RBO MAJUS 'M')l
preshyterium ne semble pas avoir été flanqué de sacristies.
Il y avait deux entrées, peut-être trois : l'une dans l'axe
de la nef principale ; l'autre, donnant dans la nef latérale
droite ; la troisième, douteuse, s* ouvrant au fond de cette
nef, là où se trouvait précédemment une des portes du
sanctuaire de Tanit.
Les matériaux de remploi sont nombreux ; devant le
presbylerium notamment, un bandeau de pierre, au niveau
du sol, était constitué par deux grands blocs juxtaposés :
l'un était une corniche, dont le dessus seul était apparent ;
l'autre (G), long- de 2m 05 ', large de 0"' 50, montre une ins-
cription qui avait été placée horizontalement et dont le
milieu a été plus ou moins usé par les pas (lettres : 0 "' 08 à
la ligne 1 ; 0 '" 07 aux autres) :
SALVTE IMP CAES M AVRELI SEVERL ANTONINI VU f cl ici s
.PART MAX BRIT MAX GERM MAX P M ... IMP II COS-IIII-P-P/>/w<w.<
! E DOMNAE AVG PIAE FEL MATR is. . . . TOTIVSQDIVDOMV^ corn,
/VLAVRCOMTHVBMAIVSEXCEPTORIA....I.IANAA SOLOPP/«r;
L'inscription2 est certainement postérieure au mois d'oc-
tobre 213 où Garacalla, cas. iiii depuis le 1er janvier, prit le
surnom de Germanicus ma.xim.us et sa troisième salutation
impériale3; on observera qu'ici, bien que l'empereur soit
qualifié de Germanicus maximus, il est dit seulement imp.
1. Incomplet aux deux extrémités.
2. Entre PM et IMP II, il manque 5 à 6 lettres : Ir. p. . . .; entre MATR et
TOTIVSQ, il y a place pour 20 lettres : c'est soit en totalité avec des
abréviations, soit en partie la formule Auffusti et castrorum el senatus el
patriae; entre RIA et IANA, il faut restituer à peu prés 7 lettres; au bout
des lignes 2, 3, et i. après les lettres que nous donnons, la pierre est
écaillée.
3. Von Rohden, dans Pauly-Wissowa, Real-Encyçlopâdie, [I, col. 2i.'57
et 2138.
358 DÉCOUVERTES A THUBERBO MAJUS
ii '. Les noms portés par le prince sont fréquents, surtout
en Afrique, entre 212 et 217 ~.
On ne connaît dans l'épigraphie africaine que deux
exemples du mot exceptorium," qui désigne un endroit où
l'eau était mise en réserve ; à une distance assez minime de
l'église, existent de grands bassins publics 4 ; peut-être ce
linteau vient-il de cet édifice et se rapporte-t-il à la dédi-
cace de ce vaste monument 5.
En dehors de l'église au Sud-Ouest, s'étendent des
dépendances d'un aspect assez confus. Je n'y signalerai
que deux lignes d'auges, quatre par rangées, dont la plu-
part ont une paroi percée d'un œillet ; ces auges (long.
O"1 65 à 0m 75; larg. 0m 40; prof. 0m 20) sont à 0m 75-
0m 85 du sol; elles ressemblent à celles de la basilique de
Tébessa6, qu'on a considérées d'abord comme des man-
geoires pour chevaux, opinion plausible, mais non cer-
taine.
Devant la porte située dans l'axe de l'église, on a dégagé
quatre bases de colonnes disposées en carré ; au milieu de
l'espace circonscrit par elles (D), on a trouvé à lm 50 de
profondeur un tombeau long de 2ni 05, large de 0m 55,
haut de 0m 50, qui était construit et couvert en dalles de
calcaire ; il renfermait le corps d'une femme qui avait été
inhumée, les pieds vers la porte de l'église, dans un cercueil
en bois. Cette femme avait été enterrée avec ses bijoux :
1. Bien que cette partie de la pierre soit usée, le chiffre des salutations
impériales n'est certainement pas III, mais seulement II.
2. Von Rohden, dans Pauly-Wissowa, loc. cit., col. 2436.
3. C.I.L., VIII, 4291 et 5335.
4. Babelon, Gagnât et S. Reinach, Allas archéol. de la Tunisie, feuille de
Zaghouane, lettre H du plan de Thuhurho ma jus; Installations hydrau
liques romaines en Tunisie, I, p. 169.
5. A la dernière ligne, après exceploria,je propose de lire [anton]i[n]iana,
qui comble bien la lacune; on aurait exceptoria unloniniana, comme
ailleurs aqua alexandriana, thermae antoninianae, halneum aurelianum.
6. Gsell, Monuments Antiques de l'Algérie, II. p. 285 à 287.
DÉCOUVERTES A THUBURBO MAJUS
359
un collier fait de pendentifs en or ' et de perles en verre ;
une large bague en bronze ; deux fibules en or à ardillon de
bronze et surtout deux très beaux pendants d'oreilles en
or (0m063) ; à un anneau formé d'un simple jonc sans orne-
Fig. 3. Rijoux trouves dans une tombe chrétienne.
1. Ce sont de minces plaquettes pyramidales, dont les bords sont décou-
pés en gradins; par derrière, deux petits tubes sont soudés un en haut, un
en bas. pour qu'on puisse les enfiler; on en a recueilli vingt-trois.
360 DÉCOUVERTES A THUBURBO MAJUS
ment est attaché par un crochet un cabochon en pâte de
verre serti dans une monture de métal ; celle-ci est munie
en dessous d'une protubérance piriforme, d'où pend un fil
d'or dans lequel sont passées deux petites perles en même
matière et, plus bas, une grosse perle ovale en améthyste *
(fig. 3).
Quelle que soit la valeur de ces découvertes relatives à
l'époque chrétienne, elle est surpassée, à notre avis, par
l'intérêt que présentent les documents concernant le sanc-
tuaire païen qui a préexisté à l'église. Non seulement ils
nous fournissent un nouveau témoignage de l'assimilation
qui s'est produite entre les dieux puniques et romains, mais
encore ils nous permettent de pénétrer un peu dans la vie
de la cité. Bien que Thuburbo Majus soit devenue, sans
doute dans les premières années du règne d'Auguste,
avant 27 -, colonia Julia 3 et ait été, comme telle, un des
points où s'appuya de bonne heure la romanisation dans la
vallée inférieure de l'Oued Miliane4, il semble que l'élément
indigène continua d'y tenir une place importante : les
anciens cultes y restèrent en grande faveur sous des éti-
quettes différentes5 et leurs fidèles demeurèrent, à en juger
par leurs noms, assez étrangers à la civilisation latine 6.
1. Comparer un tombeau chrétien de Sbeitla Merlin. Forum et églises
deSufetula. p. 34-35).
2. La colonie ne porte que le surnom de Julia, et non de Julia Augusta.
3. C.I.L.. VIII, 848, 12366 et notre inscription à Caracalla; cf. Pline,
Nat. hist., V, 29; Pallu de Lessert. Mém. de la Soc. des Antiquaires de
France, LXXI. p. 75.
4. Cf. Merlin, Bull, archéol. du Comité. 1909. p. cxcii. — M. F.-G. de
Pachtère a relevé à Thuburbo Majus une inscription à Vesta, la première
dédicace africaine à cette divinité essentiellement latine Bull, archéol.
du Comité, 1911, 3e fasc, sous presse).
5. Cf. C.I.L.. VIII. 12362.
G. Cf. C.I.L.. VIII, 12362.
361
APPENDICE
Rapport du secrétaire perpétuel de l'académie des inscriptions
ET RELLES-LETTRES SUR LES TRAVAUX DES COMMISSIONS DE PUBLI-
CATION DE CETTE ACADÉMIE PENDANT LE PREMIER SEMESTRE DE 191 '2 ;
LU DANS LA SÉANCE DU 26 JUILLET 1912.
Mes chers confrères,
Depuis le rapport sur les travaux et publications de l'Acadé-
mie que je vous ai présenté dans la séance du 9 février 1912,
nous avons reçu de l'Imprimerie nationale la deuxième partie
du tome XXXVIII de nos Mémoires, qui se trouve ainsi com-
plet.
Du tome XXXIX, sont imprimés et seront distribués d'un jour
à l'autre, sous forme de tirages à part, les articles dont voici les
titres :
La bataille d'Issus, par M. Marcel Dieulafoy.
La chronologie rectifiée du règne de Hammourabi, par le
P. Scheil.
La frontière militaire de la Tripolitaine à l'époque romaine,
par M. René Gagnât.
Le sénatus-consulle de Délos de Van 166 avant notre ère,
par M. Edouard Cuq.
Le chancel carolingien orné d'entrelacs à Schaennis, par
M. Maurice Prou.
La citerne de Ramleh, par M. le marquis de Vogué.
Pour le tome XII des Mémoires des savants étrangers, il a été
envoyé à l'impression :
Quelques caractéristiques de V architecture maya dans le
Yucatan ancien, par M. le docteur Qapitan.
Le portrait d1 Apa-Jérèmie . Note à propos du soi-disànl nimbe
rectangulaire, par M. W. de Gruneisen.
362 RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
Voici l'état du tome XXIV de V Histoire littéraire de la France:
Les feuilles 1 à 43 sont tirées.
Les feuilles 44 à 49 sont en pages. Ces feuilles contiennent la
fin de l'article sur Hervé Nédelec, général des frères prêcheurs,
par M. Hauréau, un article sur Etienne Malen, chanoine de
Saint-Junien, chroniqueur, et le commencement des Bestiaires,
par M. Paul Meyer.
Il y a encore, comme composition, environ 40 placards, qui
contiennent la fin des Bestiaires et la première moitié de larticle
Jean XXII, par M. Noël Valois. La copie de la fin est à l'Impri-
merie nationale. Cet article de M. Valois fera environ 20 feuilles.
Pour la partie de la série des Chartes et diplômes dont la
direction a été confiée à M. Prou, l'impression des actes royaux
carolingiens s'est poursuivie, mais avec moins de rapidité qu'on
ne l'espérait. C'est que les collaborateurs de M. Prou ne peuvent
donner à cette publication que la part de loisir qui leur est lais-
sée par l'accomplissement de nombreux devoirs professionnels.
Cependant l'impression du Becueil des actes de Louis IV, par
M. Philippe Lauer, touche à sa fin. Il ne reste plus à composer
que l'introduction et les tables. Le texte des actes est entièrement
mis en pages. Le bon à tirer pourra en être donné dans le cou-
rant du mois d'août.
En ce qui concerne le Becueil des actes des rois de Provence,
dont la rédaction a été confiée à M. Poupardin, le texte des
actes, entièrement composé, comprend 55 placards. Les 22 pre-
miers sont en seconde épreuve; mais la seconde épreuve des
placards 23 à 55 ne sera demandée que dans quelques jours.
M. Labande travaille avec activité à réunir les éléments du
Becueil des actes d'Eudes, de Bohert et de Baoul. Il a visité à
cet effet les Archives départementales de la Vienne, de la Haute-
Vienne et de Saône-et-Loire.
M. Martin-Chabot travaille à la collation des actes des pre-
miers Capétiens ; il a commencé à en dresser le texte.
Pour le xue siècle, auquel préside M. Elie Berger, il n'y a que
deux recueils dont la publication s'annonce comme très pro-
chaine. Voici la situation de ces recueils :
RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 363
Actes de Henri II, roi. d'Angleterre et duc de Normandie
(1154-1189), par M. Léopold Delisle.
M. Berger s'est chargé d'achever l'ouvrage entrepris par son
maître, de procurer le texte qui fera suite au volume d'intro-
duction paru en 1909.
Ces documents doivent remplir deux volumes, dont chacun
comprendra de quatre à cinq cents pièces.
M. Berger a achevé de mettre en état les copies des textes. Il
s'occupe en ce moment à vérifier les dates, dont beaucoup
devront être modifiées. Il espère que la mise au net de ces nom-
breuses chartes sera complètement achevée à la fin de l'année
1912 et qu'il pourra remettre le manuscrit au commencement
de l'année 1913.
C'est à M. François Delaborde que l'Académie a confié le
soin de publier, sous la direction de M. Berger, les Actes de
Philippe Auguste (1180-1223).
Ce recueil doit comprendre environ cinq volumes.
Le travail est très avancé. M. Delaborde compte remettre à
l'Académie le manuscrit de son premier volume au mois de jan-
vier 1913. Tous les matériaux étant dès maintenant réunis, il
y a lieu d'espérer que cette publication marchera rapidement.
Pouillés et obiluaires. Le texte et les tables du tome V des
Fouillés (province de Trêves) avaient été entièrement imprimés
par notre regretté confrère Auguste Longnon. M. l'abbé Victor
Carrière, qui avait prêté son concours à M. Longnon pour la
rédaction de ce volume, prépare activement, sous la direction
de notre confrère M. Prou, l'introduction qui complétera ce
volume. Il compte être en mesure de l'achever pour la fin de
cette année.
Dans mon précédent rapport, je vous annonçais aussi que les
derniers bons à tirer des deux parties du tome VI des Pouillés
(province de Beims), presque complètement terminées lorsque
M. Longnon nous a été enlevé, m'avaient été remis par
notre confrère M. Omont, et je vous faisais espérer la distribu-
tion prochaine de ces deux volumes. Malgré nos réclamations,
nous n'avons rien reçu de l'Imprimerie nationale.
364 RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
L'impression du tome IV des Obituaires (province de Sens)
se continue. La Commission des historiens de France, qui s'est
réunie dernièrement, cherche les moyens de continuer l'œuvre
intéressante interrompue parla mort de notre confrère.
M. Charles Kohler a reçu de la commission spéciale nommée
à cette fin les instructions qui lui permettront de procurer le
volume des Historiens occidentaux des Croisades dont la rédac-
tion lui a été confiée.
La mort imprévue et prématurée de notre regretté confrère
M. Philippe Berger est venue retarder encore les travaux de pré-
paration du Corpus inscriptionum semiticarum, travaux dont
les lenteurs sont, pour votre Secrétaire perpétuel, depuis plu-
sieurs années, un sujet de graves préoccupations. La partie I ou
partie phénicienne, à laquelle présidait M. Berger, reste en
suspens, avec un fascicule dont, m'avait-on dit au mois de
janvier, les premiers matériaux avaient été envoyés à l'impri-
merie. Dans la partie II, Inscriptions araméennes, M. l'abbé Cha-
bot, sous la direction de M. de Vogué, a commencé l'impression
du volume qui doit comprendre les inscriptions palmyréniennes.
— Des inscriptions hébraïques, aucune nouvelle.
Pour la partie IV, les Inscriptions himyari tiques, le P.
Scheil n'a rien donné à l'impression depuis qu'il nous a présenté,
au mois de janvier, le premier fascicule du tome II de cette
partie. Il espère pourtant mettre un nouveau fascicule sous
presse avant la fin de l'année.
L'impression du Répertoire d'épigraphie sémitique se pour-
suit activement par les soins de M. l'abbé Chabot. L'imprimerie
a livré 45 placards qui termineront le tome II. La suite formera
la première livraison du tome III.
Je demanderai à la Commission du Corpus, après les vacances,
de se réunir et d'adopter les mesures nécessaires pour que soit
repris, dans des conditions nouvelles, le travail de la partie
phénicienne, qui touchait à sa fin. Il serait fâcheux, pour le bon
renom de l'Académie, qu'elle laissât languir et peut-être avorter
la belle entreprise scientifique qui est pour elle un legs de notre
illustre confrère Ernest Renan.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 365
Les publications subventionnées par l'Académie sur les revenus
des fondations continuent à se poursuivre plus rapidement que
celles qui s'exécutent sur les fonds du budget et par les moyens
de l'Imprimerie nationale.
Inscriptiones greeca? ad res romanas pertinentes. La première
feuille du fascicule V du tome IV est tirée. La publication est
arrêtée par la nécessité qui s'impose à M. Lafaye d'aller en
Autriche pour comparer ses fiches à celles de l'Académie de
Vienne, ce qu'il compte l'aire à l'automme.
Mosaïques de la Gaule et de V Afrique. M. Gagnât nous avait
déjà donné, à la fin de l'année dernière, la première livraison de
l'album qui devait accompagner l'inventaire dont il avait dirigé
la publication. Le tirage des planches du deuxième fascicule de
cet album est à peu près terminé (fin de la Gaule narbonnaise).
M. Gagnât vient de faire prendre toutes les photographies en
couleur qui serviront à l'illustration des mosaïques de Tunisie
(vingt mosaïques).
Le quatrième fascicule du tome I du Recueil général des
monnaies grecques de V Asie Mineure, publié par MM. E. Babe-
lon et Th. Reinach, a été distribué. Il comprend la i\\\ des
monnaies de Bithynie. Un cinquième fascicule, en préparation,
achèvera le tome I. Ce fascicule comprendra une Introduction
générale, un Supplément et les tables du volume.
En même temps que ce cinquième fascicule, nos confrères
préparent la mise à l'impression du tome deuxième, qui com-
prendra les Monnaies de Galatie et de la Cappadoce. Ils se sont
adjoint comme auxiliaire, dans la préparation de ce nouveau
volume, M. Seymour de Ricci, chargé particulièrement d'aller, à
Moscou et à Saint-Pétersbourg, faire sur place la description
des monnaies conservées dans les médailliers publics des deux
capitales russes.
La publication du Catalogue général de la collection De
Clercq s'est achevée par un volume qui renferme les Tables
générales de I à III.
Des ouvrages qui se publient ainsi grâce au concours de l'Aca-
démie ont encore paru :
366 LIVRES OFFERTS
Mémoires et monuments (fondation Piot), t. XIX, fasc. I.
L'architecture religieuse en France à V époque romane; ses
origines et son développement, par M. R. de Lasteyrie.
Le tome III de Y Inventaire des tablettes de Tello conservées
au Musée impérial ottoman, par M. Henri de Genouillac.
Il manquerait quelque chose à ce rapport si nous n'y men-
tionnions pas la collaboration que prête l'Académie à l'Académie
royale de Berlin pour la grande entreprise du nouveau Corpus
inscriplionum grsecarum. Notre Compagnie s'est chargée de
publier dans ce recueil les inscriptions de Délos, et le travail se
poursuit avec activité, sous la surveillance d'une Commission qui
a pour président M. Foucart et pour secrétaire M. Haussoul-
lier. M. Foucart a déjà présenté à l'Académie une livraison qui
porte ce titre :
Inscriptiones Deli. Fasciculus II. Pars I.
Inscripliones Deli libéras. Tabulée archontum. Tabula? hier o-
poeorum annorum 314-250. L'éditeur de ces textes est
M. Félix Durrbach, ancien membre de l'École d'Athènes, profes-
seur à la Faculté des lettres de Toulouse, qui a rempli avec
beaucoup d'activité, de science et de conscience la tâche que lui
avait confiée l'Académie. Le second fascicule est déjà sous
presse.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire Perpétuel dépose sur le bureau : 1° le fascicule
du mois de mai 1912 des Comptes rendus de l'Académie (Paris, 1912,
in-8°); 2° les publications de la Délégation en Perse: I. Mémoires
publiés sous la direction de M. J. de Morgan, t. XII et XIII (Paris,
1911 et 1912, 2 vol. in-4°); II. Annales d'histoire naturelle, t. I
(2e partie); III. Bulletin de la Délégation en Perse, fasc. II (Paris,
1911, in-8°).
M. Babelon offre à l'Académie le nouveau volume qu'il vient de
publier de ses Mélanges numismatiques, 4e série, accompagnée de 26
planches (Paris, 1912, in-8°).
LIVRES OFFERTS 367
M. Bernard IIaussoullieu a la parole pour un hommage.
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie au nom de M. Jean Lesquier,
membre de l'Institut français d'archéologie orientale, et de M. Pierre
Jouguet, directeur de l'Institut papyrologique de Lille, le tome II
(fascicules II, III, IV) des Papyrus de Lille
« Il est entièrement consacré à une seconde édition des Papyrus
de Maydôla et a pour auteur M. Jean Lesquier.
<( Les papyrus de Magdôla, village du nome arsinoïte, méritaient
cet honneur. C'est une série de 41 pétitions (êvTEÛjjeiç), qui proviennent
des archives du stratège de Grocodilopolis et qui, mises au rebut, ont
été employées dans les cartonnages de momies de Médinet en Nahas.
MM. P. Jouguet et G. Lefebvre les ont découvertes et publiées pour
la première fois dans le Bulletin de Correspondance hellénique (1902
et 1903).
<( Ces 41 pétitions, qui se répartissent sur un petit nombre d'années
du troisième siècle avant notre ère, de 222 à 218, nous fournissent le
tableau le plus animé de la vie quotidienne dans un bourg rural du
nome arsinoïte. Cultivateurs, tenanciers, bergers, prêteurs et
emprunteurs, courtisanes, barbiers, garçons de bains, tout ce petit
monde s'agite, se plaint ou donne lieu à des plaintes qui sont singu-
lièrement intéressantes, encore que l'objet en soit de peu d'impor-
tance : inexécution de contrats, violences, vol d'animaux ou de
vêtements, etc.
« Tous ces papyrus sont déposés à Lille où M. Jean Lesquier les a
étudiés avec le plus grand soin. Le texte en est établi avec toute la
rigueur désirable et l'éditeur a gardé la plus juste mesure dans les
restitutions1. Il a pris la peine de traduire toutes ces pièces, à
l'exception de quelques fragments trop mutilés. Des notes, riches
en rapprochements, sont jointes à la traduction : l'auteur y fait
preuve du même esprit de mesure que dans les restitutions; il sait
ignorer et avouer son ignorance ou son incertitude.
« Dans ïlnlroduclion, il faut noter deux études importantes. L'une
est consacrée à l'exercice du droit de pétition, depuis le jour où la
plainte est rédigée dans le village du demandeur et adressée au stratège
jusqu'au jour où celui-ci la renvoie, d'ordinaire, à l'épislate qui fera
fonctions de juge de paix, — jusqu'au jour enfin où, l'épislate ayant
échoué, le stratège la recevra de nouveau et en saisira le tribunal
compétent. L'autre étude, plus difficile, aborde quelques-uns des
problèmes de chronologie que soulèvent les dates inscrites dans les
1. Douze planches sont jointes au recueil et permettent de contrôler les
lectures admises.
368 LIVRES OFFERTS
apostilles et au verso des pétitions. Laissant de côté la question de
la relation entre les années régnales et les années fiscales, M. Les-
quier insiste sur les correspondances fournies par les papyrus de
Magdôla entre le calendrier macédonien et le calendrier égyptien :
il le fait avec précision et netteté et aboutit à un résultat appré-
ciable.
« En somme, avec ses traductions et ses notes, c'est un recueil
modèle, une partie d'excellent manuel, que nous donne M. Jean
Lesquier. Il contribuera au développement des études de papyrologie
en France, et à coup sûr il a bien mérité de l'Institut de Lille et de
son directeur dont l'Académie a déjà entendu l'éloge (Comptes ren-
dus, 1907, p.623elsuiv.).»
M. Bouciié-Leclercq a la parole pour un hommage :
.( J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de l'auteur, M.Jean
Lesquier, un ouvrage intitulé : Les Institutions militaires de VEgypte
sous les Lagides (Paris, Leroux, 191I,xviii-381 pp. in-8°).Je nesaurais
trop louer la méthode sagace et prudente de l'auteur de cette mono-
graphie, l'étendue de son information, la précision des statistiques
sur lesquelles il appuie ses inductions, la sûreté de son sens critique
et la trame serrée de ses arguments. Sans disposer de documents
inédits, il a pleinement utilisé tous ceux qui ont été publiés. Sur des
questions complexes, intéressant le droit civil autant et plus que
l'organisation tactique de l'armée, il apporte des solutions neuves,
fortement motivées, toutes plausibles et dont quelques-unes ont la
valeur d'une démonstration définitive.
« C'est ainsi qu'il a tranché un problème qui a beaucoup préoc-
cupé ses devanciers : le rapport, logiquement présumé, mais obscurci
par toutes espèces d'exceptions apparentes, entre la condition des
bénéficiers ou « clérouques » et leurs obligations militaires. M. Les-
quier a montré — et, à mon sens, démontré — que tous les clérouques
étaient redevables du service militaire en échange de leur fief, et que,
agriculteurs en temps de paix, ils restaient indéfiniment disponibles
en temps de guerre. Cette idée avait bien pris place parmi les hypo-
thèses formulées jusqu'ici, mais on jugeait le système purement
théorique, ou en tout cas, trop simple pour rendre raison de tous les
faits constatés. On y mêlait ou même mettait au premier plan le souci
de la colonisation transformant en agriculteurs non plus des recrues
inscrites dans les cadres, mais des vétérans, dispensés, pour eux et
leurs descendants, du service militaire. M. Lesquier maintient stric-
tement l'obligation réelle attachée au /Xrjpo;, et il y trouve l'explica-
tion d'une énigme imparfaitement débrouillée avant lui : la condi-
LIVRES OFFERTS 369
lion des fils de clérouques, appelés, le cas échéant, à remplacer
leur père, de son vivant ou après sa mort. Ceux-ci sont assujettis à
une période de préparation militaire, analogue à l'éphébie altique :
ils sont dits liziyovoi durant leur temps de service, et ttî; èwiyov^ç
quand ils sont rentrés dans la condition civile après avoir accompli
ce devoir. Par ce système, les Lagides ont assuré dans la popula-
tion rurale une large base au recrutement de l'armée nationale
(Ilelléno-Macédoniens et p.ây tjj.ot égyptiens), soigneusement distin-
guée des corps de mercenaires.
« Une autre solution, que M. Lesquier a le mérite d'avoir précisée,
— en tenant compte des variations introduites au cours des siècles,
— c'est le rapport entre la contenance des lots et le grade des béné-
ficiers, suivant l'arme dans laquelle ils ont été incorporés. Enfin, en
étudiant la condition juridique du xXfjfio;, l'auteur enseigne que, en
dépit des usurpations des clérouques et des concessions faites à
l'usage par l'État, celui-ci a toujours maintenu, en principe, le carac-
tère précaire des allocations et n*a pas laissé la possession se conver-
tir en propriété. Il a gardé un droit de contrôle et d'autorisation sur
les successions, mutations et aliénations desdits bénéfices.
« En somme, le travail de M. Lesquier fait disparaître l'inco-
hérence, l'absence de plan suivi, le flottement entre la théorie et la
pratique, que l'on avait cru remarquer dans l'institution des clé-
rouchies. Il introduit dans l'histoire des institutions militaires, si
intimement associées au droit privé, une logique interne qui parais-
sait trop souvent démentie par des faits insuffisamment analysés.
A ce point de vue, son livre est de ceux qui font époque, comme
marquant un progrès décisif dans un ordre donné de connaissances,
et renouvellent pour ainsi dire le sujet traité.»
Le Gérant, A. Picard.
MAt:ON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 2 AOUT
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
L'Académie fixe au 15 novembre la date de sa séance publique.
M. Fournies est désigné pour faire à cette séance une lecture
dont le litre sera : Le dauphin llumhert II.
M. Edouard Cuq fait une communication sur une inscription
récemment découverte à Souk El-Abiod en Tunisie '.
M. Bernard IIaussoullier montre, dans une seconde lecture,
l'originalité et la nouveauté du traité inédit entre Delphes et
Pellana qu'il a précédemment communicjué à l'Académie. Il
insiste sur un certain nombre de termes de droit nouveaux.
M. Gagnât lit une note de M. Gonstans, élève de l'Ecole Nor-
male supérieure, sur les puissances tribuniciennes de l'empe-
reur Néron "-.
1 . Voir ci-après.
2. Voir ci-après.
1912. •_>:.
372
COMMUNICATIONS
UN NOUVEAU VICE-PREFET DU PRETOIRE.
PAR M. EDOUARD CUQ, MEMBRE DE L'ACADÉMIE.
L'inscription, qui fait l'objet de cette étude, a été récem-
ment découverte à Souk El-Abiod, en Tunisie. Elle a été
communiquée à l'Académie par M. Cagnat et publiée dans
les Comptes rendus des séances (avril 1912, p. 115), avec
une note du directeur des Antiquités et des Arts à Tunis.
M. Merlin a très bien fait ressortir l'intérêt de cette inscrip-
tion au double point de vue géographique et épigraphique.
Je voudrais l'examiner sous un autre aspect, et montrer
l'intérêt qu'elle présente pour 1 histoire de la préfecture du
prétoire au Bas-Empire.
I
L'un des administrateurs cités dans l'inscription porte
le titre AG(ens) VlC(es) P(rœfectorum) P(ra?/or/o), ce qui
veut dire : faisant fonction de préfet du prétoire. Ce titre
ne se rencontre pas souvent dans les documents qui nous
sont parvenus sur les fonctionnaires de l'Empire romain.
Au tome X des OE livres de Borghesi que l'Académie a
publié, il y a quinze ans, et que j'ai rédigé sous la direction
de MM. Waddington et Héron de Villefosse, j'ai recueilli,
suivant le plan tracé par l'illustre épigraphiste, les textes
mentionnant les préfets du prétoire et leurs suppléants. La
liste de ces derniers est assez courte ' ; elle s'est accrue de
l. Cf. Edouard Cuq, Les vice-préfets du prétoire Noav. lier, histor. de
droit. 1899), p. 303.
UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE 373
quelques unités depuis 1897. L'inscription de Souk El-Abiod
porte le nombre total à 29, dont 23 pour le Bas-Empire.
Ce chilïre est bien faible à côté de celui des préfets qui
dépasse 550.
Quelle est la fonction désignée par l'expression ar/e?is
vices prœfectorum prœtorio ? La question est depuis long-
temps discutée. Aussi la découverte d'un nouveau document
ne saurait-elle passer inaperçue. Elle m'a fourni l'occasion
de réviser et de compléter la liste que j'ai publiée dans le
tome X de Borghesi, et de déterminer, d'une manière plus
précise qu'on ne l'a fait jusqu'ici, les cas où l'on avait
recours à la nomination d'un vice-préfet.
Au xvne siècle, alors que le titre daf/ens vices n'était
guère connu que par l'adresse de quelques constitutions du
Code Théodosien, J. Godefroy l'a identifié avec celui de
vicarius. Mais, à mesure que les inscriptions relatives à cette
fonction se sont multipliées, l'identification a paru de plus
en plus douteuse. Elle a été combattue par Borg-hesi. Et en
elfet, elle n'est pas admissible pour l'époque antérieure à
Dioclétien ; il n'y avait pas encore de vicaire, et cependant
Yaifcns vices se rencontre au temps de S. Sévère et de Gor-
dien *. Pour l'époque ultérieure, la distinction de Yagens
vices et du vicaire est attestée par un grammairien du
Ve siècle, Cledonius 2. Sénateur romain, puis professeur à
Constantinople, Cledonius était bien placé pour connaître
la valeur des termes employés par la chancellerie impériale
dans les deux parties de l'Empire. On a souvent demandé,
dit-il, si l'on doit appeler vicaire celui à qui les préfets ont
donné mandat de les remplacer dans un cas particulier.
1. Borjdiesi, X, 86 ; 129.
■2. Keil. Grammatici latini, t. V, 13, 1. '2!> : Sxpe qusesitum est utrum
vicarius dici debeat etiam is cui magnificentissimi prsefecti vices sans in
speciali c;ins;i mandaverunt. Nequaquam : vicarius dicitur qui online
codicillornm vices agit amplissimse preefecturae. IUevero, cui vices man-
dantur propter absentiam praefectorum, non vicarius sed vices agens, non
prsefecturse sed preefeclorum, dicilur laulTim,
374 IN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE
Nullement : on appelle vicaire celui qui participe aux tra-
vaux de la préfecture en vertu d'une nomination en règle.
Celui au contraire à qui les préfets confient le soin de les
suppléer pendant leur absence, celui-là n'est pas un vicaire
de la préfecture : il fait fonction de préfet.
Ainsi, d'après Cledonius, le vicaire exerce une fonction
permanente, et l'on sait que chaque préfecture a ses vicaires
chargés de l'administration d'un diocèse. C'est aussi une
fonction ordinaire : le vicaire reçoit un brevet de nomina-
tion extrait du registre officiel (laterculum). La chancelle-
rie impériale lui envoie les codicilles portant extérieure-
ment les insignes ', intérieurement le titre de sa charge 2.
Enfin le vicaire est un sous-ordre, un subordonné du pré-
fet : agens vicariam prsefecturam 3. 11 n'en est pas de
même de Yagens vices : sa mission est exceptionnelle et
temporaire ; il est chargé par un mandat spécial de faire
fonction de préfet. Il a les pouvoirs d'un préfet, sans avoir
de pouvoir propre 4.
Le témoignage de Cledonius est confirmé par une série
d'inscriptions des me et ive siècles et par divers exemples
rapportés par les historiens du Bas-Empire.
1° Les inscriptions citent les unes le vicarius prœfecto-
rum prœtorio 5, les autres Y agens vices. On ne saurait
prétendre que agens vices fut d'abord le titre officiel rem-
placé plus tard par celui de vicarius : les deux titres ont
coexisté ; donc ils désignent des fonctions différentes.
2° L 'agens vices a des pouvoirs plus étendus que ceux du
vicaire. Ce n'est pas un fonctionnaire en sous-ordre : c'est
un vice-préfet. Lorsque, par exemple, le gouverneur de la
1. Constantin, Cod. Theod., VI, 22, 1 : snperna impressio.
2. Joh. Chrysost., in Isaïam Homil. 2, S 2 : xo auuSoÀov ttjç àp//,;.
3. Cod. Theod., IX, 34, 3 de l'an 320 . C.I.L., VIII, 783 et 12234 : agens
vicariam pr(aefecturae) prœtorio.
4. Cassiod., VI, ep. 15 : Splendet muluato lamine; proprii non hahel
jura fu l< /oris.
a. Boi'ghesi, X, 509.
UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE 37.*)
Proconsulaire fait fonction de préfet, il a autorité sur les
provinces qui forment le diocèse soumis au vicaire '. Réci-
proquement, lorsque le vicaire fait fonction de préfet, il a
autorité sur la Proconsulaire 2. Le vice-préfet n'est pas
nécessairement un envoyé spécial : la mission de suppléer
le préfet peut être confiée à un magistrat local qui est
momentanément investi des pouvoirs du préfet.
3° D'après Gledonius, on nommait un vice-préfet en cas
d'absence du préfet. Ammien Marcellin en donne des
exemples : lorsqu'en 361 le préfet des Gaules Nebridius
se retira en Toscane à la suite d'un désaccord avec Julien,
Germanianus fut chargé de le suppléer jusqu'à l'arrivée de
son successeur3. L'année suivante, Germanianus suppléa le
préfet d* Orient Saturninus Secundus qui avait accompagné
l'empereur dans son expédition contre les Parthes4. De
même, en 394, Fabius Pasiphilus suppléa les préfets du
prétoire et de la ville après la victoire de Théodose sur
Eugène, en attendant que les fonctionnaires rebelles eussent
été remplacés0.
On nommait également un vice-préfet lorsque, pour
mieux faire sentir l'autorité suprême dans une région éloi-
gnée du siège de la préfecture, on jugeait nécessaire de
confier à un délégué spécial ou à un fonctionnaire local les
pouvoirs d'un préfet. Sur 23 vice-préfets du Bas-Empire,
neuf ont été nommés pour les provinces africaines, par le
préfet d'Italie résidant à Milan, trois pour les provinces
espagnoles, par le préfet des Gaules résidant à Trêves. Dans
le dernier quart du IVe siècle et au début du Ve, on préféra
1. Boiyhcsi, X. 506. C.I.L.. VIII. 21521.
2. Borghesi, X, 537. Inscription trouvée dans la province proconsulaire
d'Afrique, à Ilenchir-el-Msaadin : proconsiulalu) [./ ni ii Festi, i'{iri)
c lurissimi simul cum Antonio Dracontio v ira c[larissinio ag ente
v(ires p(raefectoram p raetorio ■
3. Amni. Marcell., XXVI. 5, 5.
1. Ibid., XXIII. 5, 6.
:>. Borghesi, X, 569.
376 UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE
souvent en pareil cas, nommer un second préfet qui restait
en charge plus ou moins longtemps. Mais, lorsque pour
des raisons particulières, il y avait un préfet unique, il était
suppléé en cas de besoin par un vice-préfet : dans l'espace
de quelques années, de 394 à 408, on compte cinq vice-
préfets1. Cette conjecture que j'avais émise en 1903, dans
une étude publiée dans les Mélanges Boissier'2, est confir-
mée par l'inscription de Souk El-Abiod.
Il
Cette inscription n'est pas datée, mais elle offre une par-
ticularité qui permet d'en fixer la date d'une manière très
approchée. Elle contient une dédicace à l'empereur d'Orient,
Arcadius ; elle ne mentionne pas l'empereur d'Occident,
Honorius3, bien qu'elle soit gravée sur un monument
érig*é dans une province comprise dans son empire. Il y
a des raisons de penser que cette omission a été inten-
tionnelle '', et que l'inscription appartient à l'époque où le
1. Fabius Pasiphilus en 394: FI. Macrobius Maximianus en 39":
Umbonius Juvas, vers 397-398; Macrobius en 399 ; Hilarius entre 408 et
423.
2. Edouard Cuq, Les préfets du préLoire régionaux, p. 147.
3. D(omino) n(ostro) Arcadio, inclylo. pio, felici, auguslo, administran-
tihus FI avio Maerobio Maximiano, v(iro c larissimo), p rimi o rdinis)
c(omite), agiente vicies) p rœfeati] p raetorio . et FI avio Synexio Filo...io,
v iro c larissimo), consulari) prov incise) FI avise Yal(erîse) Byz(acense),
Flavius) Calbinns, (vir) d evotissimus) fl(amen p er)p eluus cur ator
reip(uhlicœ), numini majestatique ejus semper dicatissimus .
4. On pourrait objecter que le curateur de la cité a peut-être l'ait ériger
deux monuments dédiés respectivement à chacun des empereurs et qu'un
seul d'entre eux nous est parvenu. Le t'ait d'une double dédicace n'est pas
sans précédent : mon savant confrère M. Cagnat m'en a signalé un exemple
du temps de Marc-Aurèle et Verus. Mais à cette époque l'empire n'était
pas divisé, comme il le fut après la mort de Théodose Ier. Depuis la fin du
iv siècle, les cités africaines, désireuses d'ériger un monument à leur
empereur, n'avaient pas de motif d'en dédier un second à l'empereur
d'Orient qui n'avait pas autorité sur elles et dont elles n'avaient rien à
espérer. Pour être en règle avec le protocole, il leur suffisait de faire figu-
UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE 377
ministre, qui gouvernait sous le nom d' Arcadius, préten-
dait faire rentrer l'Afrique dans la sphère d'influence de
l'Empire d'Orient. Le fait est confirmé par le témoignage
de Zosime ' : en droit, Arcadius n'avait pas autorité sur
l'Afrique ; en fait, cette région lui a été soumise pendant
une courte période, de 397 à 398. Ce fut le résultat des
intrigues d'Eutrope avec le chef de l'armée d'Afrique,
Gildon ; un épisode de la rivalité entre Eutrope et Stilichon
qui administraient chacun des empires au nom des princes
que leur jeune âge laissait sous leur dépendance. Il en fut
de même pour l'Illyrie : Olympiodore affirme qu'elle fut
réunie à l'empire d'Occident au début du règne d'Honorius-,
et cependant le Gode Théodosien rapporte trois constitu-
tions des années 397 et 398 adressées de Gonstantinople au
préfet d'Illyrie, Anatolius !. L'Illyrie, comme l'Afrique, fut,
pendant ces deux années, gouvernée en fait par Arcadius.
Que cet empereur ait imposé son autorité par la force,
on le comprendrait sans peine ; mais l'inscription de Souk
El-Abiod nous révèle un fait qui a de quoi nous sur-
prendre : l'empressement des magistrats municipaux à
témoigner leur dévouement à l'empereur d'Orient en lui
dédiant des monuments publics. Comment Eutrope a-t-il
réussi à leur persuader d'exclure de leurs dédicaces l'em-
pereur d'Occident? Il y en a, à mon avis, une raison d'ordre
juridique qui explique très simplement comment les admi-
nistrateurs du pays purent, sans manquer à leur serment de
fidélité, autoriser l'érection de ces monuments: à la mort de
Théodose, ses deux fils avaient l'un dix-huit ans, l'autre dix
ans. L'aîné seul, Arcadius, avait la capacité de droit et de
rer son nom sur le monument dédié à L'empereur d'Occident. Notre ins-
cription présente donc uni' singularité qu'il est difficile de considérer
comme fortuite.
i. /..s.. v, ii.
■2. Fraff. histor. greec, IV, 58, :>.
3. ('.ml. Theod., XVI, s. 12: XI, li. :\.. IV, il, s.
378 UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE
fait; le second, Honorius, étant impubère, était en fait
incapable. Gildon a pu soutenir, à l'instigation d'Eutrope,
qu'il n'v avait pas lieu de faire figurer sur les monuments
publics le nom d'un incaj^able, et faire partager cette
manière de voir aux agents du pouvoir en Afrique. Mais ce
n'était qu'un prétexte : les fonctionnaires de l'empereur
d'Occident ne tardèrent pas à comprendre où l'on voulait
les conduire, lorsque Gildon se révolta ouvertement contre
l'autorité d'Honorius.
L'inscription de Souk El-Abiod a donc été gravée en 397
ou 398. C'est au cours d'une de ces deux années que
F] . Macrobius Maximianus fit fonction de préfet dans les
provinces africaines l. Cette conclusion est confirmée par
l'observation suivante : si l'on parcourt la liste des vice-
préfets du prétoire, on constate que le seul cas où l'on a
recours à ces suppléants est celui où il y a un préfet unique.
Lorsqu'il y a deux préfets pour une même préfecture, celui
qui est empêché est remplacé par l'autre. Cette observation
se vérifie pour notre vice-préfet. En 395-396, la préfecture
d'Italie eut deux titulaires, Eusebius et Hilarius 2, de même
que celle d'Orient où, après la mort de Rufinus, il y eut
deux préfets, Caesarius et Eutychianus 3. Mais, dès le
30 janvier 397, la préfecture d'Italie n'a plus qu'un seul
titulaire, FI. Mallius Theodorus4. C'est alors que le préfet
se fit suppléer en Afrique par des vice-préfets, au nombre
desquels figure Macrobius. La situation s'étant aggravée en
398 par suite de la révolte de Gildon, on nomma un second
1. On peut prouver d'une autre manière que Macrobius fut vice-préfet
d'Afrique avant 399 et après 395 : en janvier 399, il était suppléant du pré-
fet des Gaules en Espagne et fut destitué l'année suivante. Il a donc été
vice-préfet d'Afrique à une date antérieure à 399 et postérieure à l'avène-
ment d'Honorius en 395.
2. Borphesi, X, 571, 572.
3. Ihid.. X, 279.
4. Ibid., X, 572.
DIS NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE 379
préfet d'Italie, Rufius Valerius Messala, qui était en charge
en février 399 *.
Cette observation nous donne l'explication d'un fait qui
depuis longtemps a attiré l'attention des historiens du Bas-
Empire 2 : la présence simultanée à certaines époques de
deux préfets dans une même préfecture. On nomme un
second préfet lorsqu'on prévoit qu'un titulaire unique ne
peut sullîre aux devoirs de sa charge pendant un temps
indéterminé. Au contraire, on nomme un vice-préfet pour
une suppléance momentanée que les circonstances rendent
nécessaire, particulièrement dans une région éloignée du
siège de la préfecture. C'est ce qui eut lieu en Illyrie, en
364. L'Illvrie était alors réunie à l'Italie et administrée par
un préfet unique, Mamertinus. Sex. Petronius Probus y fut
envoyé comme vice-préfet pour assurer le fonctionnement
de l'institution des defensores civitatis qui venait d'être
introduite dans cette région 3. A la fin de l'année suivante,
après la révocation du préfet Mamertinus, llllyrie fut
détachée de l'Italie et forma une préfecture indépendante :
le vice-préfet en devint le préfet.
J'ai établi que FI. Macrobius Maximianus fut vice-préfet
en Afrique, au cours des années 397-398. De ces deux dates,
la première doit, à mon avis, être préférée. Macrobe fut
vice-préfet en 397 vers le milieu de l'année, entre le mois de
mars et le mois de novembre. En mars 397, il ne semble
pas qu'il y ait eu dans la province proconsulaire une auto-
rité supérieure à celle du gouverneur; il y a, au Code
Théodosien, une constitution du 17 mars adressée directe-
ment au proconsul Probinus'1. D'autre port, Claudien nous
apprend, dans son poème de bello Gildonico ', que la
1. Borghesi, X, 577, n. 1.
2. Cf. Tillemont, Hist. des Empereurs, 1. V, p. 71*, 720, "22, 735, "75.
3. Edouard Cuq, Les préfets du prétoire riu/ionaux, p. 150.
i. Cod. Theod.,XlI, 5.3.
5. Claudien. I. iïti.
380 UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE
révolte de Gildon eut lieu à la fin de l'automne 397. Si
Macrobe avait pris parti pour Gildon, il aurait été proscrit
avec lui et son nom aurait été martelé sur les monuments
publics. Tout au contraire, Macrobe conserva la confiance
de l'empereur d'Occident et fut bientôt après chargé d'une
mission analogue dans une autre région.
III
Le vice-préfet Macrobe peut-il être identifié avec l'un des
personnages du même nom qui nous sont déjà connus?
J'exclurai tout d'abord un de ses contemporains, dont le
nom figure dans la correspondance de Symmaque et dans
une inscription de Rome, celui qui fut préfet d'Italie de 406
à 408 ' : son surnom Longinianus, au lieu de Maximianus,
son cursus honorum permettent aisément de le distinguer
de notre vice-préfet.
J'exclurai aussi le proconsul d'Afrique de 410, cité au
Code Théodosien 2. Il est peu vraisemblable qu'après avoir
été vice-préfet de toutes les provinces africaines en 397, il
soit retourné en Afrique treize ans plus tard comme gouver-
neur de la Proconsulaire. Nous verrons d'ailleurs que sa
carrière administrative fut interrompue en 400.
Je crois également qu'il va lieu de le distinguer d'un homo-
nyme qui, vingt-cinq ans plus tard, fut grand chambellan
de Théodose le jeune'. Il est peu probable que la révocation
motivée dont il fut l'objet dans l'Empire d'Occident lui ait
servi de recommandation pour obtenir une des plus hautes
charges de l'Empire d'Orient.
Très certainement on ne le confondra pas avec l'auteur
des Saturnales4. Sur ce point, l'inscription de Souk El-
1. Borghesi, X, &82.
2. Cod. Theod., XI. 28, <i.
3. Cod. Theod., VI, s, I.
1. Cf. Teuffel, Geschichte der rôm. Lilteratur*,§ lii.
UN NOUVEAU VICE-PRÉFET IiU PRÉTOIRE 381
Ahiod tranche une controverse sur la carrière administra-
tive de l'écrivain latin : celui-ci s'appelait Aurelius Ambro-
sius et non Flavius Maximianus.
Mais Ya<jens vices de notre inscription doit être le même
qui fut vice-préfet en Espagne à la iin de janvier 399. Il
est mentionné dans une constitution ' adressée à Macrobius
préfet du prétoire d'Espagne et à Probianus vicaire des cinq
provinces. Le titre de préfet d'Espagne est insolite et Gode-
froy a eu raison de dire que les sigles PPO désignent, non
pas un préfet du prétoire, mais une personne faisant fonc-
tion de préfet. Suivant lui, ce serait un vicaire, mais il est
inadmissible que, dans la même adresse, on ait qualifié
deux fonctions identiques par des termes différents.
Macrobius fut vice-préfet d'Espagne au commencement
de 399. La préfecture des Gaules avait alors un titulaire
unique, FI. Vincentius 2, l'ami de saint Martin de Tours :i.
Les inscriptions nous font connaître trois autres vice-préfets
de cette région : Septimius Acindynus et Q. ^Eclanius
Hermias, sous le règne de Constantin '', et un anonyme '.
Macrobe fut destitué au cours de l'année 400, pour avoir
contrevenu au règlement qui défendait, même au préfet du
prétoire, de délivrer des permis d'user de la poste publique,
sauf dans les cas de nécessité °. Honorius le constate dans
un rescrit adressé au préfet des Gaules, FI. Vincentius7. Il
ajoute : ( pour que le fait ne se renouvelle pas à l'avenir,
veuillez avertir les vicaires et leurs bureaux de ne pas com-
mettre une pareille usurpation de pouvoirs. » Il ne faut pas
conclure de ce passage que Macrobe était lui-même un
vicaire ; le vice-préfet étant révoqué, c'est aux vicaires en
1. Cod. Theod., XVI, LO, 11.
2. Borghesi, X, 713.
:?. //ni/., 71 1, n. i.
i. Jbiil.. X, 675, <>76.
ô. Tbid., X, 764.
ti. Cod. Theod., VIII, 5. <).
7. Ibid., VIII, 5, tu.
382 IN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE
charge dans tous les diocèses des Gaules que le préfet
devait transmettre les instructions de l'empereur.
IV
La liste des vice-préfets du prétoire, actuellement con-
nus, peut être ainsi établie :
1° Sex. Varius Marcellus ', vice prœff. pr. et nrbi functo,
sous S. Sévère (?), entre 197 et 218.
2° Valerius Valens 2, prsef. vigil. v. a. prxff. prœt. e. e.
m. ?n. v. v. sous Gordien, en 241 \
3° Septimius Valentio 4, a. v. prœff. prœtt. ce. t'y.,
sous Maximien, en 295.
4° Aurelius Agricolanus •", agens vicem prsefectorum
prœtorio, en Afrique, sous Maximien, vers 298.
5° L. Domitius Alexander ,J, tôtcov ïr.iyiv/ -zï j-âoy: j -ft:
y.j/.r,; Iv Ax6ùrt -/.xOsTTay.svsç, sous Maxence, vers 308.
6° C. Attius Alcimus Felicianus ", vice prseff. prœt., en
Afrique, vers la fin du ine siècle.
7° Dionysius8, vice prsefectorum agéns, sous Constantin
et Licinius, en 314.
8° Septimius Acindynus •', agens per Hispanias vie.
p(ra?fectoru/7i), vice sacra cognoscens, sous Constantin.
9° Q. ^clanius Hermias"1, a. v. prœf. prœt. et judex
sacrarum cognitionum, en Espagne, sous Constantin.
1. Borghesi, X, 86.
2. Ihid.. 129.
3. 11 faut peut-être intercaler ici Bassus qui, d'après une inscription de
Miliana dont on n'a que des copies imparfaites C.I.L.. VIII, !>6J I , fut
vice prie f'ectorum], l'an 205 de la province de Mauritanie, c'est-à-dire l'an
24 1 de notre ère.
4. Borghesi. X. J50.
5. Ihid. . 151.
6. lbid., 156, n. 1.
7. Ibid., 159 et 783.
8. Ihid., 489.
9. lbid., 675: cf. p. 205, n. 2.
L0. Ibid., 676.
UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIKE 383
10° Helpidius1, agens vicem p. p., sous Constantin,
en 321.
11° Dracilianus 3, agens vices p. p., en Orient, sous
Constantin, en 325-326.
12° L. Aradius Valerius Proculus :!, judicio sacro per
provinciam proconsularcm et Numidiam, Byzacium ac
Tripolim, itemque Mauretaniam Sitifensem et Caisariensem
perfunctus o/ficio prœfecturœ prœtorio, sous Constantin.
13° L. Crepereius Madalianus 4, agens vicem p. p., sous
Constance, en 341.
14° Germanianus •"', jussus vicem tueri Nebridii, dans les
Gaules, sous Julien, en 361.
15° Germanianus (i, [a. v.] p. po., en Orient, sous Julien,
en 362.
16° Claudius Avitianus 7, cornes primi ordinis, agens pro
pra{efe]ctis, en Afrique, sous Julien, vers 362.
17° Sex. Petronius Probus 8, [a. v.} p. po., en Illyrie,
sous Valentinien, en 364.
18° Antoninus Dracontius 9, ag. v. p.p., ou [vices agens
p)er A f ricanas [provincias], en Afrique, sous Valentinien,
vers 366.
19° gerens vices inlustris prœfecturœ 10, en Illyrie,
sous Gratien, en 376.
20° Placidus Severus11, a. v. prœf. prset., en Orient,
sous Valens.
1. Borghesi, X, 498.
2. Ibid.. X, L94.
3. Ibid., 506.
i. Ibid., 76 i.
5. Am. Marcel., XXVI, 5, 5. Cf. Edouard Cuq, Mélanges Boissier, p. 153.
6. Borghesi, X, 223. Cf. Edouard Cuq, loc. cit.
7. IbÙ., X. 531.
8. Cod. Theod., I, 29, 1. Cf. Edouard Cuq, Mélanges Boissier, p. 150.
9. Borghesi, X. 537.
10. Ibid., 799.
11. Corp. inscr.lat., VIII, 21521.
384 UN NOUVEAU VICE-PRÉFET DU PRÉTOIRE
21° Valerius Anthidius 4, a. v. prœf. praet., en Italie,
sous Gratien.
22" Fabius Pasiphilus "'. agis (sic) vicem pr&fectorum
prœtorio et urbi, en Italie, sous Théodose Ier, en 394.
23" FI. Macrobius Maximianus 3, p. o. c.,ag. vie. p. p.,
en Afrique, sous Honorais.
2 1" Umbonius Juvas 4 agens per Africain pro pr se-
fectis], sous Honorius.
25° [FI.] Macrobius [Maximianus] ■>. [a. v.] p. po. His-
paniarum, sous Honorius, en 399.
26° Alexander6, p. o. c a;/, v. p. p., en Afrique.
27° Hilarius "(?), vices agens p. p. (?), en Afrique, sous
Honorius, entre 408 et 423.
28° ... agens vie. iminentiu m prsefectorum prœtorio] 8,
en Illvrie. sous Théodose II et Valentinien III, en 424-42*'».
29° Bassus 9, ïzr/wv ïov ïotzov 'ïwàvvou t;j hdoh,oxixou
ï-iy/yj îcpatTwptwv, en Orient, sous Justinien. en 541.
Incertains.
1° .... [prœfecjto annonce, v. a.prfeff., en Italie1".
2° ag. vie. prœf., en Espagne M.
3° ... agens ibi vice [praeff.prœt]or., en Afrique12.
1. Borghesi, X. 550.
2. Ihid.. 569.
3. Comptes rendus de l'Acad. des inscr., 1912. p. 115.
4. Borghesi. X. 575.
5. Cod. Theod., XVI, 10, 11.
6. Corp. inscr. lat., VU]. 12440. Cf. Edouard Cuq, Les vice-préfets <lu
prétoire, p. 398 : Merlin. Comptes rendus de l'Acad. des inscr.. 1912.
p. 117.
7. Corp. inscr. lat., VIII, 1358 inexactement corrigé, p. 938).
8. Borghesi. X. 470.
9. Ihid.. 415.
10. Ihid.. 763.
11. Ihid.. 764.
12. Ihid.. 764.
385
LES PUISSANCES TRIBUNICIENNES DE NÉRON,
PAR M. L. CONSTANS.
La chronologie du règne de Néron présente de sérieuses
difficultés. De l'année 54 à l'année GO de notre ère, les puis-
sances tribuniciennes de cet empereur paraissent se comp-
ter normalement à partir du jour de son avènement au
trône (13 octobre 5.4) l, — à une exception près, que nous
étudierons tout à l'heure. Mais deux documents de l'année
60 interrompent la suite régulière de cette chronologie. Les
actes des Frères Arvales pour l'année 60 portent à
deux reprises : trib. pot. VII, imp. VII, cos. IIII~. Un
diplôme militaire du 2 juillet 60 porte également : trib.
pot. VII, cos. III I 3. Or, si l'on date la première tribuni-
cienne de Néron du 13 oct. 54, c'est trib. pot. VI, et non
VII, que l'on doit compter entre le 13 octobre 50 et le
13 octobre 60.
Ces documents, dont on ne peut révoquer en doute le
témoignage'', donnent tout naturellement à penser qu'à
partir de l'année 60 les puissances tribuniciennes de Néron
furent comptées d'après un nouveau système. Ce nouveau
mode de numération s'applique d'une façon fort vraisem-
blable aux inscriptions des années suivantes •'.
1. C./.L.,II, 183; 111,346; VI, 2011 ; VII, L2 ; IX, 4115; XII, 5450, 5469,
5471, 5473. 3171, 3175: Cagnat, Année épigraphique, 1007, n° 104; Cagnat
et Lafaye, Inscriptiones graecne ad res Romanas pertinentes. III, 985;
Ann. épigr., 1807, n° 90 (ces deux dernières fort incomplètes .
2. C.I.L., VI, 2042.
3. C.I.L., III, p. «43.
1. Stobbe, Philologus, XXXII 1873 . p. 27 sq. croyait que les Aclo des
Frères Arvales étaient mal écrits, et que le diplôme militaire devail être
attribué à une autre année (pie l'année 60. Mommsen, Droit public romain,
V, p. 62, note 2. déclare avec raison cette opinion inadmissible.
5. C.l.l... II, 1888 : 6123 publiée! nouveaudans VAnn. épigr., 1900, n°90 :
III, 1.7 11 et D7 12: XI. 1331; Ann.èpigr., 1904, n° 227: Insc, gr.adres Rom.
386 LES PUISSANCES TRIBUNICIL'NNES DE NÉRON
Les inscriptions du règne de Xéron se répartissent
donc, au point de vue chronologique, en deux groupes :
1° Jusqu'à l'année 60, les années tribuniciennes se
suivent régulièrement à partir du 13 octobre 54.
2° A partir de Tannée 60, Xéron compte une puissance
tribunicienne de plus qu'il ne devrait le faire normale-
ment : Ir'ib pot. VI devient trih. pot. VII, trih. pot. VII
devient trih. pot. VIII, et ainsi de suite.
Cependant, cette répartition n'est pas absolue.
1° Trois bornes milliaires de la route d'Emerita à Sala-
manque portent : trih. pot. V imp. IIII1. Cette dernière
indication, si l'on admet comme exact le chiffre indiqué,
nous donne incontestablement la date de 08. Or, d'après
le premier mode de numération, l'année 58 est celle de
la 4e puissance tribunicienne 2. Il y a donc dès l'année 68
des inscriptions qui sont rédigées d'après le second sys-
tème.
pert., III. 9S6 incomplète, attribuée à Xéron). Le C.I.L.. II, 4888 est daté
à tort, au Corpus, 62/63. C'est 60/61 qu'il faudrait trih. pot. VJII. imp. IX).
M. Stuart Jones [Revue archéologique, 190», I. p. 263 sq.> propose de la
dater 61/62, en voyant'dans trib.pot. VIII une survivance de l'ancien mode
de supputation, ou dans imp. IX une erreur du lapicide. C'est bien inutile,
la date proposée par M. Maynial Rev. arch.. 1901, II, p. 16Ssq.) pour la 9e
salutation étant très satisfaisante été de 61 : Corbulon chasse Vologèse
d Arménie, Tacite, Ann. XV, 1-6 . — Dans le C.I.L., III. 67 il et 6742. on
trouve associés : trih. pot. XI, imp. VIIII. Si l'on admet avec M. Stuart
Jones {toc. cit., p. 271 que la conspiration pisoniennc a été l'occasion de la
10° salutation impériale, il faut que trib. pot. XI désigne l'année 64, et
non l'année 65. Dans ce cas. ces inscriptions seraient certainement datées
d'après le second mode de numération, et devaient être jointes aux Actes
des Frères Arvales et au diplôme militaire du 2 juillet. Les autres inscrip-
tions, à qui le second système s'applique fort bien, pourraient, :i vrai dire,
s'accommoder aussi du premier.
1. C.I.L.. II, 4652, 4657. 4683. — 4657 porte IMP III.
2. On trouve trih. pot. IIII associé à imp. IIII sur les bornes milliaires
de la route d'Aix à Fréjus : C.I.L.. XII. 5469 (par restitution . 5471. 5473.
5474. 5475. L'inscription bilingue de Sarikaïa, C.I.L., III, 346, donne même
trih. pot. IIII. imp. V.
LES PUISSANCES TR1BUNICIENNES DE NÉRON 387
2° Deux monnaies, citées par Cohen1, portent la men-
tion : tr. p. VI, cos. IIII. Le 4e consulat de Néron datant
du 1er janvier 60, il faut admettre que le premier système
de numération est encore en vigueur au moins au début de
l'année 60.
Pour résoudre ces difficultés, Mommsen a proposé l'ex-
plication suivante'2. Néron aurait décidé, dans le cours de
l'année 60, que l'on compterait sa première année tribuni-
cienne du 13 octobre 54 au 10 décembre de la même année ;
de la sorte, la trih. pot. VII s'étendrait du 10 décembre 59
au 10 décembre 60. Le nouveau système de numération
devrait être appliqué, par effet rétroactif, aux inscriptions
qui restaient encore à graver. Les médailles de Cohen,
datées d'après le premier système, auraient été frappées
avant que le décret eût paru. D'autre part, on aurait
rédigé suivant le second système, bien que portant des
dates antérieures au décret, des inscriptions qui ne furent
gravées que postérieurement à ce décret : tels les actes des
Frères Arvales, telles les trois bornes milliaires d'Espagne.
Cette explication de Mommsen est loin d'être satisfai-
sante. On imagine malaisément qu'un empereur insère dans
la suite de ses puissances tribuniciennes une puissance tri-
bunicienne fictive. Si Néron, dans le cours de l'année 60,
avait eu l'idée de changer le point de départ de l'année tri-
bunicienne, pour le fixer définitivement au 10 décembre,
date de l'entrée en charge des tribuns sous la République,
il aurait tout naturellement attendu le 10 décembre 60 pour
prendre une 8e puissance tribunice. Remarquons d'ailleurs
qu'il est fort peu probable que Néron ait accompli cette
réforme. Car pourquoi ses successeurs ne se seraient-ils pas
1. Cohen. Description des monnaies frappées sous VEmpire romain, II.
u ^9 et 30.
•2. Mommsen, Droit public romain. V, p. 62, note 2. M. Cagnat a suivi
le système de Mommsen dans son Cours d'épigraphie latine 3' éilit..
p. 183 .
1912. 26
38S LES PUISSANCES TRIBUNICIENNES DE NÉRON
conformés à une règle sage et utile, et pourquoi les voyons-
nous, jusqu'à Nerva, continuer à prendre leur (lies prirtci-
patus comme premier jour de leur année tribunicienne ? Si
l'on suppose, au contraire, que Néron eut, dans le cours
de l'année 60, pour quelque raison personnelle et qui nous
échappe, le désir impérieux de prendre une puissance tri-
bunicienne nouvelle, il Ta évidemment fait sur-le-champ,
et sa nouvelle année tribunicienne data du jour de son
caprice.
De toute façon, Néron ne peut avoir décidé qu'il lui fût
compté fictivement et rétrospectivement une puissance tri-
bunicienne de plus à la date du 10 décembre 54.
Mais cette hypothèse, si peuvraisembable en elle-même,
a-t-elle du moins l'avantage de bien rendre compte des faits
qu'elle a dessein d'expliquer ?
1° 11 est tout à fait inutile de supposer un décret à effet
rétroactif pour expliquer que les actes des Frères Arvales
portent trib. pot. VII, aux dates du 1er et du 3 janvier 60. Les
actes de l'année précédente portent en effet, pour le 3 jan-
vier, la mention Cos. III, design. II II. Or, à cette date,
Néron n'était pas encore consul désigné pour l'année sui-
vante '. Nous devons en conclure que lorsqu'on gravait, à
la fin de chaque année, la liste des sacrifices offerts par la
confrérie des Arvales, pour ne pas répéter plusieurs fois
tous les titres de l'empereur, on faisait suivre son nom, la
première fois qu'on le nommait, des indications qui s'appli-
quaient à la plus grande partie de l'année, quand même
elles n'auraient pas été exactes pour les premiers jours ou
même pour les premiers mois.
2° Pour les bornes milliaires d'Espagne, Mommsen
paraît supposer, bien qu'il ne le dise pas expressément,
qu'elles ont été rédigées en 58, et gravées seulement en 60 ;
1. Les mêmes actes des Frères Arvales pour l'année 59 [CIL., VI, 2401^
mentionnent à la date du 4 mars un sacrifice offert au Capitule oh comi-
tia consularia Neronis.
LES PUISSANCES TRLBUNICIENNES DE NÉRON 389
qu'à cette époque, pour se conformer au décret de Néron,
on a corrigé trih. pot. III en trib. pot. V. Mais nous
sommes en droit de nous étonner que l'on n'ait pas profité
de l'occasion pour mettre également au courant l'indica-
tion des salutations impériales. Néron en reçut au moins
deux dans le cours de l'année 58 : imp. IIII et imp. V1.
11 serait naturel qu'en rédigeant à nouveau les inscriptions
de 58, on eût choisi pour les salutations impériales de
cette année-là le chiiïre le plus élevé possible.
Si ces bornes milliaires ont été rédigées et gravées en 58,
nous sommes forcés de conclure, ou bien que le rédacteur
des inscriptions s'est trompé, ou bien qu'il y avait dès cette
époque une raison d'écrire trib. pot. V.
Si l'on adopte cette dernière hypothèse, voici l'explication
qui nous paraît la plus vraisemblable.
Néron aurait reçu, du vivant de Claude, la puissance
tribunicienne, le 25 janvier"2. Il aurait pris de nouveau la
1. M. Stuart Jones {loc. cil., p. 266-269) attribue encore à l'année 58 la
trib. pot. VI: la prise d'Artaxata aurait eu lieu en 58, et c'est à cette
occasion que Néron aurait été salué imperator pour la 6e fois. Mais pour
modifier la chronologie solidement établie par Eyli (Feîdzùge in Arménien
von 41-62 n. Chr.), et d'après laquelle la prise d'Artaxata aurait eu lieu
seulement au printemps de 59, M. Stuart Jones ne s'appuie que sur un seul
document : c'est le protocole des Frères Arvales pourj'année 59, qui porte,
à la date du 3 janvier : TRIB POT V IMP VI COS III DESIGN IIII. Or
nous avons vu que les actes des Frères Arvales sont rédigés d'une façon
particulière qui admet l'anticipation : elle est manifeste, dans ce document
même, pour DESIGN IIII. Nous préférons donc compter les 6e et 7° salu-
tations impériales de la façon suivante :
imp. VI : printemps de 59, prise d'Artaxata.
imp. VII : été de 60, établissement de Tigrane sur le trône d'Arménie
(Tacite, Ann., XIV, 26).
2. C'est la date où commence l'année tribunicienne de Claude. Les
exemples d'Auguste et de Vespasien, et les conclusions qu'en a tirées
Mommsen (o/>. cit., V, p. 63) nous invitent à penser que si Claude a conféré
à Néron la puissance tribunicienne. il l'a l'ait le jour où il renouvelait la
sienne. Quant à l'hypothèse même d'une puissance tribunicienne conférée
à Néron du vivant de Claude, bien qu'aucun texte ne l'autorise, elle est
très vraisemblable cl. Tacite, Ann., XII, 25 ; XII. il: XIII, 21). Mom-
msen s'y est arrêté quelque temps ■Heriiu-s, II. |>. :>7 sq.).
390 ' LES PUISSANCES TRIBUN ICLENNES DE NÉRON
puissance tribunicienne le jour de son avènement à l'em-
pire (13 octobre 54), et, désireux d'effacer autant que pos-
sible ce qui rappelait la mémoire de Claude, il aurait
ordonné qu'on datât de ce jour seulement sa première
année tribunicienne. Le graveur d'Espagne aurait ignoré
le décret, et aurait compté les années tribuniciennes de
Néron à partir du 25 janvier 54. Le 25 janvier 60, Néron
aurait décidé que sa 7e puissance tribunicienne lui serait
comptée à partir de cette date, au lieu de ne commencer
que le 13 octobre 60.
En faisant mourir sa mère, il avait brisé le seul lien qui,
avec l'adoption de Claude, le rattachait à la famille d'Au-
guste : inquiet du mouvement des esprits en faveur de
Rubellius Plautus, qui avait de par sa naissance des droits
à l'empire ', il aurait voulu faire valoir la supériorité des
siens en rappelant de quels honneurs il avait été revêtu
par Claude.
Dans ce cas, on devra considérer les monnaies 29 et 30 de
Cohen (tr. p. VI., cos. IIII) comme ayant été frappées
entre le 1er et le 25 janvier 60.
Mais il est assez difficile d'admettre qu'un décret de
l'empereur relatif à la chronologie de son règne ait été
ignoré en Espagne. Nous préférerions croire à une erreur de
rédaction. Il faut en effet remarquer :
1° Que ces trois inscriptions proviennent toutes de la
même route, celle d'Emerita à Sala manque, et peuvent
donc très vraisemblablement être l'œuvre du même auteur.
2° Que l'inscription 4657 porte IMP III, ce qui ne peut
s'expliquer autrement que par une erreur : d'où 1 on pourrait
conclure aisément que le groupe d'inscriptions auquel elle
appartient a été rédigé sans soin.
Si donc il est permis de ne pas tenir compte de ces trois
bornes milliaires d'Espagne, on doit considérer que Néron
1. Tacite. .Win.. XIV. 'li.
LES PUISSANCES TRIBUNÏCIENNES DE NÉRON 39i
eut la fantaisie, dans les premiers mois de l'année 60 j, de
prendre une puissance tribunicienne nouvelle. Il resterait a
expliquer cette « fantaisie ». Ne s'est-il rien produit, dans
le cours de l'année 60, qui fût de nature à la provoquer?
Voici ce que nous proposons, à titre de pure hypothèse :
Tacite nous apprend que, sous le 4e consulat de Néron
(60), une comète brilla dans le ciel, et quelle effraya beau-
coup l'empereur, parce que la superstition populaire voyait
dans ce phénomène l'annonce d'un changement de règne 2.
D'autre part, Suétone nous dit que Néron consulta au sujet
de cette comète un astrologue nommé Balbillus : la réponse
fut qu'il devait détourner de sa tête les malheurs qui le
menaçaient en mettant à mort quelques personnages de
rang illustre 3. Ne pouvons-nous pas supposer qu'un autre
astrologue, ou quelque courtisan, ou Néron lui-même, ait
cherché le moyen d'opérer à peu de frais le changement de
règne exigé par la comète? Et l'idée suivante pouvait aisé-
ment germer dans le cerveau de quelque flatteur, aisément
se développer dans l'imagination d'un monarque supersti-
tieux : que l'empereur prît une puissance tribunicienne
nouvelle, ce serait comme l'inauguration d'un nouveau
règne, et Néron aurait donné raison à la comète sans se
faire tort à lui-même.
Sénèque nous apprend que cette comète resta visible
pendant six mois 4. Comme d'ailleurs Tacite, après avoir
parlé de la comète, entreprend au chapitre suivant de
raconter la campagne d'Arménie de l'année 59, nous
1. Aucune détermination plus précise n'est possible actuellement : » dans
les premiers mois de l'année 60 », c'est-à-dire assez tard dans l'année pour
que la chose ait été ignorée de ceux qui frappèrent les monnaies 29 et 30 de
Cohen ; assez tôt pour qu'elle ait été connue de ceux qui, le 2 juillet tiO.
rédigèrent l'inscription C./.L., III, p. s '..">; assez tôt encore pour qu'on ait
pu, dans les actes des Frères Arvales, appliquer à l'ensemble de l'année 60
la mention trib. pot. VIL. sans trop d'inexactitude.
2. Tacite, Ann., XIV, 22.
3. Suétone, Néron, 36.
1. Sénèque, Questions naturelles. VII, 21. 2.
392 LIVRES OFFERTS
sommes autorisés à croire que cet astre brilla pendant l'hi-
ver de 59 à 60, ce qui permet de placer la décision de
Néron dans les premiers mois de l'année 60.
Voici comment, en définitive, nous dresserions le tableau
des puissances tribuniciennes de Néron.
13 octobre .Vt trib. pot. I
— 55 //
56 ///
_57 — ////
— 58 V
— 59 — VI
Dans les premiers mois de l'année 60 — W/
_ 61 — " . VIII
— 62 IX
— 63 — X
_6i — XI
_ 65 — XII
66 XIII
_ 67 — XIV
— 68 — XV
LIVRES OFFERTS
M. Viollet présente, do la part de l'auteur, un volume intitulé : His-
toire de la dîme ecclésiastique dans le royaume de France aux XIIe et
XIIIe siècles, par M. Paul Viard (Paris, 1912, in-8°).
« Un professeur à la Faculté libre de droit de Lille, M. Viard, à qui
nous devons une étude sur la dîme jusqu'au Décret de Gratien, étude
(jui a paru en 1909, publie aujourd'hui une Histoire de la dîme ecclé-
siastique aux XIIR et XIIIe siècles.
« Pendant cette période, la dîme, perçue originairement par et pour
le clergé, tend à se confondre avec les autres redevances seigneu
riales. Absorbée par le régime féodal, elle est maintenant inler-
SÉANCE DU î) AOUT 1912 393
chano-eable avec les rentes et les droits utiles les plus divers. En
un mot, « la redevance de la créature au créateur, dit excellemment
M. Viard, est devenue celle du tenancier au propriétaire » (p. 177).
« L'Ésrlise s'efforce à lutter contre cette transformation, mais les
mœurs et la coutume l'emportent facilement sur la doctrine et sur les
principes. Un éminent canoniste justifie cette déroute des principes
en termes fort remarquables : les règles écrites, proclame-t-il, doivent
être interprétées par la coutume, qux> optima est legum interpres.
Alias totus mundus fere esset in damnntione (p. 145).
<( Telle est, ce me semble, la notion générale et fondamentale qui
se dégage de cette étude minutieuse dont je ne puis suivre aujour-
d'hui tous les détails et les curieuses ramifications. »
SEANCE DU 9 AOUT
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
Le Président prononce l'allocution suivante:
« Mes chers Confrères,
« Un nouveau deuil vient de frapper l'Académie. J'ai le regret
de vous annoncer le décès de notre correspondant M. Albert
Martin, professeur de langue et de littérature grecque à l'Uni-
versité de Nancy, doyen honoraire de la Faculté des Lettres. Il
nous appartenait depuis douze ans. Il était âgé de 58 ans.
« Originaire de Béziers, il avait été élève de l'Ecole des Hautes
Études, de la Sorbonne et de l'Kcolede Home. Il s'était spécialisé
dans les études helléniques. Vous vous rappelez ses études sur
l'Ostracisme, sur les Cavaliers grecs, sur les manuscrits d' Iso-
craie et les scolies d'Aristophane. Il avait édité les notices de
Charles Graux sur les manuscrits grecs de Suède. Il avait colla-
boré au dictionnaire de MM. Daremberg et Saglio. Il était assidu
à nos séances quand il venait à Paris, et l'an dernier encore (le
2 juin), presque à pareille époque, il nous lisait un travail sur
quelques corrections du texte de VÉlectre d'Euripide, Il s'était
39 i NOTE SUR UN DIPLOME MILITAIRE
présenté à nos suffrages pour un fauteuil de membre libre et il
avait rencontré des sympathies qui l'avaient engagé à renouveler
sa candidature. Il fût sans doute devenu des nôtres sans la
cruelle maladie qui a mis fin à ses jours par une mort préma-
turée.
« A sa famille et à ses collègues l'Académie adresse l'expres-
sion de sa bien cordiale sympathie. »
M. Léon Dorez lit une note sur un manuscrit contenant des
poésies et un beau portrait, sans nul doute exécuté à Rome ou
à Viterbe en 1472, de l'humaniste véronais Leonardo Montagna,
secrétaire apostolique sous Calixte III, mort en 1485'.
M. Mispoulet donne lecture d'une note sur un diplôme mili-
taire découvert en Thrace, concernant la flotte de Misène, du
9 février 71 2.
COMMUNICATION
NOTE SLR UN DIPLÔME MILITAIRE DÉCOUVERT EN THRACE,
CONCERNANT LA FLOTTE DE MISÈNE. DU 9 FÉVRIER 71,
PAR M. J.-B. MISPOULET.
Au début de 1911, deux nouveaux diplômes militaires,
trouvés tous les deux en Thrace, ont été publiés l'un ' par
M. Dobruskv. l'autre par M. Vassis 4, ce qui porte à 12(1 le
nombre de ces monuments actuellement connus, en comp-
1 . Voir un prochain cahier.
2. Voir ci-après.
3. Jahreshefte des rester, areh. Instituts in Wien, XIV 1911 . p. 130:
Bas ersle Militârdiplom des K. Maximinus. Il a été publié ensuite par
L. Cantarelli Bullet. délia Comin. archeol. coin, di Roma, 1911. fasc. IV)
qui lui donne le n° 119 parce qu'il ne connaît pas encore le suivant.
i. 'AOv.và, 1911, p. \'i'j.
NOTE SUR IN DIPLOME MILITAIRE 39o
tant le petit fragment do Vienne ' et le Diptyque de Phila-
delphie 2 dont la seconde partie peut maintenant être con-
sidérée comme rentrant dans cette catégorie.
Le diplôme publié par M. Dobrusky avec une excellente
reproduction photographique se compose de la première
tablette seule du diptyque. Ainsi que le fait remarquer
l'éditeur, c'est le premier qui émane de l'empereur Maximin
le Thrace ; il est du 7 janvier de l'année 237 et il nous
révèle, comme le fait justement observer M. L. Cantarelli,
le prénom Lucius, ignoré jusqu'ici, du consul de cette
année, Marius Perpetuus. Il a été délivré à un eques sin-
ffùlaris, M. Aurelius Zerula, fils de Mucatralis, originaire
d'Ulpia Serdica ex Thracia.
Nous n'avions qu'un seul diplôme concernant ces cavaliers
de la garde personnelle de l'empereur : celui d'Alexandre
Sévère, daté du 7 janvier 230 3. Par un hasard singulier,
les deux textes ne concordaient pas : à l'intérieur se trouvait
la formule usitée pour les troupes auxiliaires avant la
réforme opérée par Antonin le Pieux entre les années 139
et lia, tandis que le texte extérieur contenait la formule
adoptée pour ces mêmes troupes à partir de 145. Le nou-
veau diplôme tranche définitivement la question : il porte
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur le même texte, et c'est
celui de la scriptura e.rfcrior du diplôme de 230. Il montre
en même temps que cette date du 7 janvier était alors cons-
tante, aussi bien pour les équités sinqulares que pour les
gardes prétoriens.
1. Jahrbuch fur Allertumskunde, IV loi 0), p. I90h. Publié par
W. Kubitschek.
•2. Voyez C.R. de l'Ac. des inscript., Ji»I0, p. 793.— Depuis cette époque,
H. Dessau a proposé une nouvelle lecture du texte trib. pot. VIII. imp.
X VI) qui fixe à l'année 83-89 la date de ledit de Domitien. Il en résulte que
la seconde partie relative aux soldats de la Légion X Fretensis, qui porte
la date du 28 février 93, est distincte de cel édil et constitue un diplôme
militaire. Dessau, V.n dem neuen aegyptischen Militàrdiplom, dans Zeit-
schrift der Savigny-Stiftung, Util, p. 384.
3. (.'. /./.., III, n. LXXXVII.
396 NOTE SUR ON DIPLÔME MILITAIRE
I
Mais c'est surtout sur le second diplôme que je voudrais
insister, d'autant plus qu'il soulève des problèmes nou-
veaux d'un grand intérêt et qu'il paraît avoir échappé jus-
qu'à ce jour à l'attention des épigraphistes '. Toutefois je
tiens dès le début à faire mes réserves sur le texte, n'ayant
eu sous les veux qu'une simple transcription, car M. Vassis
n'en a donné, contrairement à la règle généralement suivie
depuis plus de vingt ans, ni la photographie ni un fac-
similé.
Ce diplôme concerne un centurion de la flotte de Misène,
Hesbenus (ou Hezbenus), tils de Dulazenus, de Sappa 2, en
Thrace, et son fils, Dolès. Il est daté du 9 février 71. De
la même année nous possédions déjà deux constitutions
jumelles 3 — c'est l'expression de Mommsen — et presque
identiques concernant l'une, la flotte de Ravenne, et l'autre,
celle de Misène. Une troisième 4, malheureusement incom-
plète, dont la date se place entre le 14 et le 30 avril de la
même année, ne nous fait pas connaître le nom de la flotte
à laquelle elle est adressée, mais qui est très probablement,
comme le suppose Mommsen, celle de Ravenne.
Du nouveau diplôme, la seconde tablette seule nous est
parvenue. Voici le texte qu'elle porte sur ses deux faces :
1. Il n'a été ni reproduit, ni même signalé dans aucun périodique : Dessau,
à qui il a été communiqué par l'éditeur, est le seul auteur qui l'ait men-
tionné jusqu'ici.
2. Appien mentionne, en Thrace, les Corpili et les Sapaei. B.C., IV, 87:
■:à utevà r<3v KopjctXeov /.ai Sarcatojv; lo2: i~A tôv EaTatwv irevôv.
3. C.I.L., III, n°» VIII et IX.
i. Ihid.. n. X.
NOTE SUR UN DIPLÔME MILITAIRE 397
Face extérieure
IMP.CAESAR VESPASIANVS AVG. PONT. MAX
TRIB.POT. II IMP. VI P.P. COS. III
VETERANIS QVI MILITA VERVNT IN CLAS
SE MISENENSE QVI SENA ET VICENA STI
PENDIA AVT PLVRA MERVERVNT ET SVNT
DEDVCTI PAESTI QVORVM NOMINA SVB
SCRIPTA SVNT IPSIS LIBERIS POSTERISQ
EORVM CIVITATEM DEDIT ET CONVBIVM
CVM VXORIBVS QVAS TVNC HABV1SSENT
CVM EST CIVITAS IS DATA AVT SI QVI CAE
LIBES ESSENT CVM IS QVAS POSTEA DV
XISSENT DVM TAXAT SIMGVLI SING
VLAS. P. A . D . V . ID. FEBR.IMP. CAES
AVG. III. M. COC. NER. COS.
HESBENVS DVLAZENI F. SAPP.
ET DOLES F. EIVS
DESCRIPTVM ET RECOGNITVM EX TABVLA
AENEA QVAE FIXA EST ROMAE IN CA
PITOLIO AD ARAM GENTIS IVL.IN PODIO
PARTE EXTERIORE TAB.I
Face intérieure
AVT SI QVI CAELIBES ESSENT CVM IS QVAS
POSTEA DV XI S SENT DVMTAXAT SIMGVLI
SINQVLAS, POS.A.D. VID. FEBR.
IMP. CAESAR VESP.AVG.III.M.COCCEIO NERVAE.COS.
CENT.HEZBENVS DVLAZENI SAPPA
ET
DOLES F. EIVS
DESCRIPTVM ET RECOGNITVM EX TABVLA
AENEA QVAE FIXA EST ROMAE IN CAPITOL
AD ARAM GENTIS IVLIAE IN PODIO PARTE
EXTERIORE TAB.I
398 NOTE SUR UN DIPLÔME MILITAIRE
Nous avons donc, sur la face intérieure, la fin du texte
formant la scriptura interior et, sur la face extérieure, la
scriptura exterior, c'est-à-dire le texte complet de la cons-
titution. Tel n'est pas, on le sait, l'ordre habituel. En géné-
ral, la scriptura exterior se trouve sur la face extérieure de
la première tablette (page 1), et, à la place qu'elle occupe
ici (page 4), sont les cachets et les noms des témoins.
M. H. Dessau fait justement remarquer que deux autres
diplômes, celui de Salone, actuellement au Musée de Berlin,
qui est de la même année que le nôtre et qui a trait à la
flotte de Ravenne (n° VIII), et celui de Stannington,de 124
(n° XLIII), offrent le même dispositif exceptionnel.
Jusqu'ici on ne s'était guère préoccupé de cette singu-
larité ; aussi n'avait-on pas tenté de l'expliquer. M. Dessau.
le premier, a attiré l'attention des savants sur cette ques-
tion, et voici la solution qu'il propose. Il pense que ce dis-
positif, qui parait constituer, au premier abord, une ano-
malie, est, au contraire, tout à fait logique, si l'on consi-
dère l'époque à laquelle appartiennent les documents où
on l'emploie. En effet, on a constaté depuis longtemps
que, jusqu'au règne de Domitien, le texte intérieur des
diplômes est assez soigné ; c'est seulement dans la période
suivante qu'on le néglige de plus en plus et qu'on le
relègue au second plan. Il est donc rationnel, d'après
M. Dessau, qu'aussi longtemps que le texte intérieur fut
considéré comme principal et l'extérieur comme secondaire,
c'est-à-dire jusqu'au règne de Domitien, on ait placé ce
dernier à la quatrième page, et que, plus tard, lorsqu'il est
devenu la partie principale, on l'ait transporté à la pre-
mière.
Je ne puis, pour ma part, me rallier à cette opinion. A
mon avis, M. Dessau confond une question de principe avec
une question de fait. Le principe qu'il rappelle n'a jamais
varié : au second et même au troisième siècle, comme au
premier, c'est toujours le texte intérieur qui, seul, fail foi
NOTE SIR UN DIPLÔME MILITAIRE 399
et est par conséquent le principal. Le témoignage formel
du jurisconsulte Paul ' prouve que, de son temps, ce prin-
cipe est toujours en vigueur.
Ce qui a changé avec le temps, ce n'est donc pas le prin-
cipe, c'est la pratique seule. Et on s'explique d'ailleurs
qu'en ce qui touche les diplômes militaires, le texte exté-
rieur soit devenu bien vite le principal, si l'on songe qu'é-
tant gravé sur bronze, il était pour ainsi dire indélébile et
offrait dès lors, contre la fraude, des garanties qu'on ne
trouvait ni dans les tablettes de cire ni dans les tablettes
écrites à l'encre.
D'autre part, si la règle posée par M. Dessau avait été
réellement appliquée, on ne voit pas pourquoi on n'en trou-
verait que deux exemples dans les diplômes de cette pé-
riode, et surtout pourquoi il en existerait un à la date de
124.
Les faits connus attestent ainsi d'une façon certaine que
nous nous trouvons en présence d'une anomalie. Comment
l'expliquer? Je ne veux pas entreprendre ici une démons-
tration en règle de la solution à laquelle m'ont conduit mes
recherches; je me contenterai de l'indiquer en quelques
mots. Pour moi, les trois exceptions connues jusqu'ici s'ex-
pliquent facilement par une erreur commise par celui qui
était chargé de confectionner le diplôme. Chaque tablette
était gravée séparément et, souvent, sinon toujours, on
gravait le texte intérieur avant le texte extérieur. Pour
gagner du temps, il devait arriver fréquemment que cette
seconde opération se fît en présence des témoins appelés
au dernier moment, c'est-à-dire lorsque les deux tablettes
étaient déjà assemblées et rattachées par le triple lil de fer.
Si l'on admet que telle était la manière de procéder habi-
tuelle (que justifient certaines particularités que j'ai rele-
vées dans les diplômes), il sera facile de comprendre qu'on
1. Seul., V, 25, 6: ut exteriori scripturae fidem interior servet.
400 NOTE SUK OH DIPLÔ.MK MILITAIRE
ait pu confondre, k toutes les époques, la page i avec la
page 1 et mettre le texte extérieur à la place généralement
occupée par les cachets des témoins.
C'est par une erreur analogue qu'il faut, je crois, expli-
quer la singularité que présente le Diptyque en bois de Phila-
delphie. Conformément à la règle en usage pour les actes
privés, ce diptyque porte, sur la face extérieure, les cachets
des témoins et le commencement du texte extérieur; mais,
contrairement à cette règle, il contient sur la face inté-
rieure, non pas le commencement, mais la fin du texte ex-
térieur. L'erreur s'explique tout naturellement, si l'on
suppose que le texte intérieur a été écrit, et les deux
tablettes assemblées et attachées avant la rédaction du
texte extérieur1. Elle n'avait d'ailleurs aucun inconvénient
au point de vue pratique, car, pour réparer le mal, il suffi-
sait, lorsqu'on ouvrait le diptyque, de placer la première
tablette sous la seconde au lieu de la mettre au-dessus.
II
Si nous abordons maintenant le texte, nous relevons un
certain nombre de particularités : 1° des fautes d'ortho-
graphe qu'on ne rencontre nulle part ailleurs : simguli, sin-
qulas,et des abréviations insolites : Coc. Ner. ; 2° le nom
du bénéficiaire au nominatif et non au datif comme c'est la
régie, et, sans sa qualité, dans le texte extérieur, tandis que,
dans le texte intérieur, son nom Hezbenus (Hesbenus à
1. Dessau, dans l'article déjà cité (p. 305 n. 1 . propose une autre expli-
cation : la tablette du diptyque conservée serait, non pas la première,
mais la seconde. Son raisonnement est fondé sur cette idée que le
diptyque, étant un diplôme militaire, devait en avoir adopté le dispo-
sitif habituel. Je persiste à croire, étant donnés surtout la matière dont on
s'est servi et le caractère privé de l'écrit, qu'il était composé sur le
modèle des actes privés dont le dispositif, ainsi que le montrent les dip-
tyques de Transylvanie et du Caire, était très différent de celui des
diplômes.
NOTE SUR UN DIPLÔME MILITAIRE 401
l'extérieur; Dulazeni Sappa(eus) est précédé de son grade,
cent(urio) ; 3° l'indication du locus, tab{ula) l, où se trou-
vait, sur la table de bronze affichée à Home, le nom du
vétéran, mention qui ne se rencontre que sur quatre autres
dipl
ornes
M
Mais il y a deux remarques plus importantes à faire sur
ce texte : elles sont relatives à une omission grave d'un
côté et, de l'autre, à une addition dont on ne connaît pas
d'autre exemple.
Ce qui est omis, ce n'est rien moins que le nom du com-
mandant de la flotte de Misène. Dans tous les diplômes con-
cernant soit les classiarii soit les troupes auxiliaires, on
ne manque jamais de mettre le nom du commandant de
la flotte ou de l'aile ou de la cohorte à laquelle appar-
tient le titulaire. Faut-il attribuer cette omission à une dis-
traction du copiste ? Ce n'est pas impossible ; cependant on
peut supposer également que c'est volontairement que la
constitution a passé sous silence le nom du préfet de la
flotte. Nous étudierons cette question un peu plus loin après
avoir indiqué le rôle politique des flottes italiennes dans la
lutte entre Vespasien et Vitellius.
L'autre observation a trait à l'addition, dans le texte
extérieur, de la lettre P, avant la date : a(nte) d(iem) V
id(us) febr(uaria.&). Jamais, dans aucun diplôme, il n'y a
ni un mot ni une lettre entre la fin de la constitution et
la date. On serait donc tenté de supposer que le graveur
s'est trompé en gravant cette lettre et qu'il a oublié ensuite
de l'effacer. Malheureusement, dans le texte intérieur, la
même lettre revient et, cette fois, accompagnée de deux
autres, os, ce qui prouve bien que le graveur a certainement
I. Dipl. n. III, pag. m, kap, xvi — nu VI : lab. II. pag. v,loc. XVIII —
îi" Vllrtab. II. pag. v, loc. XXXXVI — n" VIII : lab. II, pag. a,
loc. XXXXVI. — Nous retrouvons inra gentis Juline comme lieu d'affi-
chage dans les Dipl. IV-VI, de t>s. el dans les ir VII-X, de Tu el 71,
il)2 NOTE SLR UN DIPLÔME MILITAIRE
voulu ajouter quelque chose. Mais que signifie l'abrévia-
tion P. ou POS ?
Le premier éditeur du diplôme croit qu'on doit lire
pos[ita) en sous-entendant tabula. Il s'agirait donc de la
publication ; mais, en ce cas, posita se rapporterait cer-
tainement à la constitution elle-même et non à la table de
bronze.
Il n'est pas douteux que l'on trouve d'autres exemples
de la mention, soit de l'émission, soit de la publication des
constitutions impériales : le premier acte est exprimé par le
mot data, et le second par celui de proposita. Or il paraît
bien difficile de découvrir l'un de ces termes dans l'abrévia-
tion pos. D'autre part, jamais aucune de ces mentions,
comme nous l'avons déjà dit, ne se trouve dans les autres
diplômes, et cela se comprend très bien puisqu'ils se ter-
minent tous par la déclaration que la copie qu'ils contien-
nent a été prise sur le texte officiel de la table de bronze
affichée à Rome. Il était dès lors superflu de mentionner à
nouveau l'affichage sur la copie, à supposer même qu'il en
fût ainsi sur l'original. Mais, à notre avis, la date qui se
trouve sur l'original se réfère plutôt à l'émission de la cons-
titution et. si cet acte y était mentionné, c'est par la lettre
D l plutôt que par la lettre P qu'il devait être indiqué. La
date de l'émission a toujours été considérée comme un des
éléments essentiels de la validité des constitutions impé-
riales ; on comprend donc qu'elle ne manque dans aucun
diplôme ; mais il a. sans doute, paru inutile de la faire
précéder du mot data dans celles qui concédaient des privi-
lèges aux militaires parce qu'elles étaient rendues pu-
bliques avec la même solennité que les. leges proprement
dites où cette mention n'a jamais été constatée.
Puisque l'original ne mentionnait certainement ni la pro-
1. Exemple. Epislula Domitismi ad Falerienses où on lit, à lu fin :
D(ata) XI K alendas) Au(gustasj in Albano. Bruns, Fontes, 1" éd., n. 82.
NOTE SUK UN DIPLÔME MILITAIRE 403
positio ni très vraisemblablement la datio, il faut supposer
que le graveur a pris sur lui d'ajouter, avant la date, un
mot qui traduisait son interprétation personnelle de celle-ci
et qui d'ailleurs était impropre à rendre la pensée qu'il
voulait exprimer.
III
Ainsi qu'on l'a vu plus haut, nous avions déjà un
diplôme du 5 avril 71 (n° IX) concernant la flotte de Misène.
Entre son texte et celui du diplôme du 9 février, outre les
variantes qui viennent d'être énumérées et qui sont impu-
tables au graveur, on relève des différences importantes sur
deux points.
On s'attendrait à voir Vespasien porter exactement les
mêmes titres sur ces deux documents ayant presque la
même date ; or, il y a une dilférence en ce qui touche
le consulat : dans le diplôme du 5 avril, on lit : Cos. III,
desiff. IIII, tandis que la désignation manque dans notre
diplôme. Mais cette dilférence s'explique tout naturelle-
ment si l'on admet que la désignation a eu lieu après le 9
février. C'est précisément l'opinion de Chambalu1, généra-
lement adoptée actuellement, qui a tixé au mois de mars la
date des comices consulaires de Vespasien depuis l'année
71. Notre diplôme confirme définitivement son opinion.
La seconde dilférence a trait à l'omission, dans notre
diplôme, ainsi que nous l'avons dit plus haut, du nom du
commandant de la flotte. Dans les deux diplômes du 5
avril, on lit le nom de Sex. Lucilius Bassus.
Cette singulière omission, ainsi que nous l'avons déjà
l'ait remarquer, peut être le résultat d'une erreur matérielle ;
mais, comme on n'en connaît pas d'autre exemple, on peut
aussi se demander si elle n'a pas été voulue. Pour qu'il en fût
l. De m&g istralibus Fluvioram, L881, p. 17 et -1 ; Wynand, Realencycl.,
VI". 2636.
1911!. 27
404 NOTE SUR UN DIPLOME MILITAIRE
ainsi, il faudrait montrer qu'il y avait des motifs sérieux de
passer sous silence le nom du préfet de la flotte de
Misène.
Malheureusement le récit, pourtant si complet, que nous
a laissé Tacite des événements de Tannée 69, manque
de clarté et de précision en ce qui touche la situation
exacte des commandants des flottes de Misène et de
Ravenne et l'ordre dans lequel ils se sont succédé. Il en
nomme quatre : Lucilius Bassus, mis à la tète des deux
flottes par Vitellius1, qui, après sa défection, est remplacé
par Cornélius Fuscus que les équipages de Ravenne
prennent pour chef; Claudius Apollinaris et Claudius
Julianus qui commandent successivement la flotte de
Misène jusqu'au moment où L. Vitellius, après leur tra-
hison, fut nommé par son frère chef des forces de terre et
de mer dans cette région. Ces quatre amiraux passèrent
tous du côté des Flaviens : Lucilius Bassus et Cornélius
Fuscus furent largement récompensés par Vespasien ;
Julianus fut mis à mort après la prise de Terracine, et on
ignore ce que devint, par la suite. Apollinaris. qui avait
pu s'échapper par mer.
Tant que nous ne possédions que le diplôme VIII relatif à
la flotte de Ravenne, on pouvait croire, malgré le texte de
Tacite, que Lucilius Bassus ne commandait que cette flotte ;
mais le diplôme découvert à Pompéi, en 1874, prouva qu'il
commandait aussi celle de Misène. Pourquoi, dans ces deux
documents, n'est-il question d'aucun des trois autres ami-
raux ? Mommsen, dans son commentaire de ce dernier
diplôme2, en donna cette raison que Vespasien n'avait
reconnu comme légitime que le titre de Bassus, le premier
1. Hisl.. 11. loo: Lucilius Bassus, posl praefecturam ;ilue, Ruvennuti
sirniil ne Misenensi classibus ;t Vilellio praeposilus. Il est vrai que Tacite
ne parle que de ses actes à Ravenne nu dans la région et qu'il l'appelle
même III, 12 : classis Ravennulis prsefeclus.
-. Ephemeris epigr., II, p. 457.
NOTE SUK ON DIPLÔME MILITAIRE LOS
des chefs italiques qui, d'après Tacite, s'était rallié à son
parti.
Cette explication est encore généralement acceptée ', bien
que Mommsen, dans le Corpus, l'ait abandonnée pour la
suivante : Lucilius Bassus a été replacé par Vespasien à la
tête des deux flottes ; il y est encore le 5 avril, date des
deux diplômes, et c'est pour ce motif que son nom ligure
dans l'un et dans l'autre.
Mais est-il vraisemblable que Bassus , après les services
qu'il avait rendus, se soit contenté d'un poste que déjà,
sous Vitellius, il jugeait inférieur à son mérite? Ce poste est
d'ailleurs incompatible avec la mission de confiance dont il
fut chargé en Campa nie par Vespasien après la mort de
Vitellius ; et à la fin de 70 ou au début de 71, Bassus
devait déjà exercer ses fonctions de légat de Judée '-'.
Enfin il y a une raison plus décisive encore pour rejeter
la seconde explication de Mommsen, c'est qu'elle repose
sur une fausse interprétation du texte des deux diplômes
du o avril. Il n'a pas pris garde que ce texte vise non le
présent, mais le passé : veteranis qui militaverunt sub Sex.
Lucilio Basso... qui dcducti sunt Pacstum, c'est-à-dire « les
vétérans qui, lorsqu'ils servaient, étaient sous l'autorité de
Bassus et qui, après leur congé, ont été transplantés dans
la colonie de Paestum ». Le sens de cette formule ne sau-
rait être douteux, surtout si on la rapproche de la formule
habituelle qui vise le présent : qui sunt suh, etc., ou, en
parlant de la flotte3, quae est suh, etc.
Il faut donc en revenir à la première explication et recon-
naître que c'est bien du commandant des deux flottes de 09
qu'il s'agit dans les deux diplômes du •"> avril. Seulement
1. Erm. Ferrero, Nuove iscrizioni, 1899, p. 121; V. Chapot, La flotte de
Misène, 1896, p. 150.
2. Sur la carrière de Bassus, voy. Prosop. imp, rom., Il, p. 302, et Fer-
rero, loc. cit.
3. Dipl. I, XIII, XLIV, XLV, etc.
406 NOTE SUR UN DIPLÔME MILITAIRE
je proposerai d'y ajouter un correctif. A mon avis, si aucun
des trois autres amiraux n'est nommé dans ces documents,
ce n'est nullement, comme le pensait Mommsen, pour
récompenser Bassus d'avoir été le premier, parmi les chefs
italiques, à se rallier à son parti ; c'est uniquement parce
que sa nomination était antérieure à celle des autres pré-
fets et qu'on ne pouvait nommer, dans les documents rela-
tifs à 69, aucun de ceux-ci sans déposséder Bassus du
titre de chef des deux flottes qui lui appartenait par droit
d'ancienneté1. En résumé, les deux diplômes du 5 avril 71
sont une confirmation éclatante du témoignage de Tacite
relativement à la double charge exercée par Bassus en 69.
Après cette démonstration, il est facile de comprendre
que notre diplôme du 9 février, contenant la même formule
que les deux autres et se référant par conséquent aux
mêmes événements, ne pouvait que porter, lui aussi, le
nom de l'amiral en chef de cette époque. Si nous ne l'y
trouvons pas, la faute en est sans aucun doute au graveur
dont nous avons eu à signaler déjà la singulière incurie.
Telles sont, en attendant la publication d'une reproduc-
tion photographique ou d'un facsimilé, les observations
que j'avais à présenter au sujet de ce diplôme, le troisième,
et même très probablement le quatrième délivré aux flottes
italiennes, en 71, par Vespasien, pour les récompenser
des services rendus à sa cause, en 69. Il est à peu près
certain qu'il y a eu d'autres contitutions analogues émises
les années suivantes en leur faveur par lui et par ses
fils. Le diplôme contenu dans le diptyque de Phila-
delphie, qui accorde des privilèges de même nature,
le 28 décembre 93, aux soldats de la légion X Fretensis,
enrôlés en 68 et en 69, et qui par conséquent avaient par-
I. Il suffit doue, pour èclaircir le récit de Tacite, d'admettre que la
Humiliation de Claudius Apollinaris à Misène est postérieure à celle de
Bassus, car il est clair qu'à Ravenne, Cornélius Fuscus est venu après son
départ.
SÉANCE Di: 16 AGIT 1912 107
ticipé à la fois a la prise de Jérusalem et à la proclamation
de Vespasien en Judée, fournit une sérieuse présomption à
l'appui de cette thèse. Cet ensemble de documents prouve
en outre que les diplômes militaires étaient un moyen de
récompenser les services politiques aussi bien que les ser-
vices militaires.
SÉANCE DU 16 AOUT
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Henri Cordier donne des extraits des lettres qu'il a reçues
de M. de Gironcourt, en mission dans la boucle du Nij,rer:
Puits d'Aguellou, Adrar des Iforas, 18 mars 1912.
Ma dernière lettre, datée de Kidal, voua exposait mon dessein d'entrer
en communication avec Haye, le « Saint » réputé érudit de l'Adrar.
Ma tentative n'est pas restée infructueuse. Je viens de réussira approcher
le marabout invisible, vénéré du Hoggar au Niger, et avec lequel aucun
Européen n'avait encore pu prendre contact.
J'ai cause longuement avec lui et continue depuis une huitaine de jours
la conversation commencée : car si j'ai déjà obtenu de lui 22 notes repré-
sentant 4<i pages 1H/22'-™ de texte sur l'histoire de ces régions (touareg,
Adrar, Oualata, Tichit, etc. . je voudrais, en outre de l'inventaire que j'ai
pu dresser d'une « charge de chameau » de ses anciens manuscrits, avoir en
main certains écrits que je le suppose détenir.
Sous son manteau de bure dont le capuchon se dresse rigide à la mode
marocaine, Haye ne laisse voir de son visage, dissimulé sous de multiples
replis de guinée bleue, qu'un peu de peau foncée autour d'un œil au regard
jeune et doux, qu'il masque d'ailleurs soigneusement après le premier
abord, en relevant ses étoffes dès qu'il s'est assis, hé> soucieux de cette
invisibilité si liée à son prestige.
Il tend, sans la découvrir sous ses voiles bleus, une petite main maigre
et nerveuse, dont l'étreinte ferme et prolongée veut marquer la décision et
ÏON SÉANCE DU 16 AOUT 1912
la sincérité. Au demeurant, cette mince forme trahit bientôt, sous les épais
tissus drapés, un petit homme très alerte sous une grande onction et très
volontaire sous une ostensible humilité.
Après un long silence, quelques sons faillies, comme plaintifs, sortent
des voiles. L'entourage, recueilli, se penche, plein de dévotion : le saint va
parler. Il parle en effet : il parle d'une voix menue et fluette, mais claire.
agréable, presque chantante. Les paroles s'égrènent, ponctuées, découpées,
faciles et nettes. Les phrases tombent successivement, morcelées en petits
lambeaux très expressifs, en mots pesés, explicites, circonstanciés, ne lais-
sant place à nulle ambiguïté. Quelqu'un de l'entourage, en un commentaire
émis, dépasse-t-il l'idée ? Baye rectifie, marque du mot convenable la
limite de sa pensée. Quelque doute apparaît-il sur la version de son lan-
gage arabe? Baye interrompt brusquement le traducteur. et, vivement, pré-
cise, dans le tamaehèque le plus aisé, le sens exact de ce qu'il a voulu dire.
Certes, les assurances qu'il donne tout d'abord relèvent des habituelles
protestations arabes : « dire tout ce qu'on sait, et dans l'ignorance, éviter
d'improviser, par crainte de Dieu. » Mais le vif du sujet abordé, je recon-
nais avoir rarement trouvé autant d'apparente bonne volonté chez un
marabout de ces régions.
Comme toujours en cas similaires, un de mes meilleurs effets s'escompte
des documents que je possède déjà. La vue de mes manuscrits pique vive-
ment la curiosité de Baye. Il tend une main impatiente, il veut voir de ses
yeux ces généalogies de chérifs qui sont entre mes mains.
La sainteté et l'érudition de Baye n'ont d'égale, parait-il, que sa sensibi-
lité, son effroi devant les divins desseins. Par deux fois, au cours de ce
premier entretien, il relève son manteau de bure et s'abîme dans une atti-
tude prostrée, pour verser — m'a-t-on dit — d'abondantes larmes. Cette
double émotion lui est procurée d'une part par la vue de mes estampages.
et d'autre part, par l'examen de ce numéro du Bulletin de l'Académie
où figurent en planches — déchiffrées par Baye à haute voix avec une
incroyable célérité, dates comprises— nos inscriptions de Bentia !
Dès que paraîtra atteinte la limite de ce qui peut résulter d'utile de ce
premier contact avec le célèbre marabout kounta. je me dirigerai sur Es-
Souk, Telaya, et même, s'il le faut, Tessalit, afin de juger quelle limite
septentrionale peut ou non comporter l'aire d'extension des monuments
épigraphiques étudiés
Me voici campé, pendant ces pourparlers, sur les porphyres roses d'Adrar,
au sommet d'une montagnette d'où le regard suit le lit sinueux et semé
d'arbres verts d'un oued asséché eau à 8 ■ de profondeur). Cette situation
pittoresque ne me fait pas échapper aux tourmentes de sable m'obligeant
à baisser jusqu'à terre, tout autour de moi, le toit de peau de ma modeste
tente targhie sous laquelle se concentre la chaleur déjà forte de ces jour-
née- de mars.
SÉANCE DU M» AOUT 1912 £09
II
Gao, 17 avril 1912.
Ma dernière lettre vous laissait à mes pourparlers avec le marabout Baye
de l'Adrar. En vous retraçant ma rencontre avec lui, je pensais satisfaire
peut-être la curiosité qu'excite depuis longtemps l'attitude de ce chef reli-
gieux qui a toujours fui notre approche, mais dont l'influence ne nous fut
jamais hostile.
Nous obtenons de ce premier contact 28 écrits (138 pages) dont une très
belle copie d'un tarikh dit « Fatachokor » (77 pages) écrit par El Bertili de
Oualala, traitant de l'histoire ancienne de Tombouctou, Oualata, Tichit,
etc. (l'expression Tokoror (jjy£>) étant, d'après Baye, l'ancien nom,
aujourd'hui tombé en désuétude, de la région comprise entre l'Adrar,
Araouan, Tombouctou, etc.
L'entremise du célèbre marabout m'a procuré un manuscrit (550 pages)
qui serait le « Tarikh Tarait' » ayant eu pour auteur le Cheik Sidi
Mohammed '.
Je conserve encore un peu de temps ces documents avec moi, afin d'en
faire état prochainement devant Mohammed Ouguinatt, chef des Kcl-es-
Souk, lequel a, lui aussi, une bibliothèque réputée.
En ce qui concerne l'épigraphie, j'ai recueilli, aux alentours de la ville
ruinée d'Es-Souk environ deux cents inscriptions réparties sur huit empla-
cements de nécropoles, et, entre l'Adrar et le Niger, une centaine d'autres,
éparses en sept nécropoles.
D'une part, à grand rayon autour d'Es-Souk, je n'ai plus trouvé que des
tombes à enceinte ovalaire sans inscriptions; d'autre part, mes renseigne-
ments n'indiquaient plus, pour le Nord, que ces dessins et inscriptions en
tifinar assez communs sur les rochers, ne répondant plus au but du
« Corpus » en constitution, et dont figurent d'ailleurs en mes carnets un
grand nombre de spécimens.
En conséquence, je n'ai pas cru devoir pousser dans l'Adrar mes inves-
tigations au delà de Teleya, et mon retour s'est effectué suivant le pro-
gramme que je vous avais exposé, par L'exploration épigraphique du
rebord oriental du Tilemsi, après laquelle me voici arrivant de nouveau à
Gao.
J'ai eu le plaisir de rencontrer île façon inattendue, dans le Tilemsi, le
capitaine Cortier venant d'Algérie par Achourat, semblant en parfaite
santé et se disposant à remonter, sans atteindre le fleuve, vers le Nord
pour rejoindre la mission transafricaine.
1. Malgré les assurances reçues, le fait d'avoir pu obtenir l'original pour
l'envoi en France me mel en défiance vis-à-vis de cet ouvrage donl la
Lecture est difficile.
410 SÉANCE DU 16 AOUT 1912
Les constatations qui résultent à première vue de mes recherches sont
que les inscriptions d'Es-Souk, toutes sur des porphyres plus dégradés par
l'action éolienne, paraissent avoir été gravées en général avec moins de
soin que celles des bords du Niger où a fleuri, particulièrement sur les
objets de pierre polie (pierres à broyer, pilons, polissoirs, haches de silex,
etc.), un art épigraphique vraiment digne de retenir l'attention, ne fût-ce
même que par l'élégance des proportions et le tini de la forme.
Il me reste à terminer, en aval de Gao, l'exploration des rives du Niger,
qui, probablement jusqu'au parallèle de Dounzou, peut encore se pour-
suivre fruc tu e use.
III
Mare de Fombalgo
(région dite des mares, sommet de la boucle du Niger,
40 k. S. O. du fleuve vers Ansongo.)
Ainsi que je vous l'ai dit, j'ai cru fort utile.au lieu de vous envoyer,
comme précédemment, la série de mes manuscrits récemment acquis (dont
le répertoire comporte aujourd'hui le n° 130), de les conserver avec moi,
afin d'en pouvoir faire montre aux marabouts avec qui je prends contact.
Le bruit qui s'est répandu, parmi les indigènes, de mes longs entretiens
avec le célèbre Baye, me donne dans ces régions un crédit dont j'ai le devoir
de tirer le meilleur parti, en vue de forcer les portes, si possible, de cer-
taines bibliothèques tenues jusqu'ici fort cachées.
Réussirai-je au gré de mon désir? Je n'ose encore être aflirmatif, malgré
les deux notes de 40 et 20 pages sur l'histoire des Touareg et des Souraïs
obtenues hier de Mohammed Ouguinatt. chef des Kel es-Souk, et que je
ne voudrais considérer que comme une entrée en matière.
Je suis donc de nouveau sous la tente targhie et m'en excuse, la lourde
chaleur de mai, qui traverse la peau de bœuf de ma toiture basse, n'encou-
rageant pas aux longues écritures.
D'autre part, si affables que soient devenus les Touareg, ils se tiennent
toujours sur la réserve en ce qui concerne les documents à communiquer,
et à ces longs pourparlers et patientes conversations, je préfère, à vous dire
vrai, comme de résultats plus immédiats, mon travail avec ... les pierres.
Celui-ci, de Gao à Ansongo, m'a amené à relever et estamper soixante
stèles. D'autre part, mes renseignements signalent d'assez multiples empla-
cements vers Ben la, Fafa, etc.
Enfin, j'ai recueilli sur les tombeaux à inscriptions de Gossi des rensei-
gnements que je m'empresse d'envoyer d'urgence par un cavalier au capi-
taine Mangeot, de Hombori, qui s'occupe pour nous de la prise de ces
estampages.
Ils confirment et complètent par ailleurs ceux que vous avez bien voulu
m'autorisera présenter à l'Académie, relalifs à l'Echahaba qui se serait
nommé Halid Aggalou alid.
SÉANCE DU 16 AOUT 1912 ïll
IV
Labzenga, 1» juin L912
(Aval de Bentia).
Ma dernière lettre mentionnait mes travaux de copie chez les Kel es-
Souk, descendants actuels de certains de nus écrivains sur pierre. En outre
de ce que j'ai déjà signalé, j'ai obtenu une vingtaine de généalogies remon-
tant à vingt ou même quarante générations, semblant conservées avec
précision par cette tribu. Leurs indications pourront corroborer utilement
celles de l'épi^rapliie.
De même que pour le marabout Haye de l'Adrar, je n'ai pas quitté ces
intéressants Kel es-Souk s;ms établir avec eux la possibilité de continuer
les rapports créés, en vue des renseignements complémentaires ultérieurs.
De retour au fleuve, ,jai abordé l'étude des nécropoles de Bentia qui
m'ont fourni un gros travail, m'ayant permis de mettre au jour, pour Henlia
seulement, un ensemble de 165 stèles gravées.
Ayant étendu mes recherches aux traces (je ne puis appeler ces vestiges
» ruines ») de l'ancienne ville de Koukya (on prononce dans ce pays
« Kotia », mot plus conforme au vocabulaire songhoï .j'ai trouvé un grand
vase-grenier en terre cuite, ce qui le différencie de tous les greniers de
l'époque actuelle, des fragments de collier en os. cuivre, verroterie, et une
pointe de llèche en fer.
Voyant se limiter ici la zone de nos inscriptions, j'ai soumis à M. le Gou-
verneur par intérim Henry ', du Haut-Sénégal et Niger, mes préoccupa-
tions de soustraire m;i collection d'estampages à l'humidité excessive des
régions où je vais bientôt entrer en saison de pluie. Par une attention char-
mante, M. le Gouverneur Henry ;i bien voulu prendre soin lui-même de leur
envoi en France. En conséquence, j'ai remis, suivant ses instructions, à
l'administration de la colonie, deux caisses préalablement recouvertes de
peaux cousues toit de lente targhie qui vont être acheminées vers l'Aca-
démie. Je préviens par lettre de ce jour M. le Secrétaire Perpétuel de cet
envoi, en le sollicitant de vouloir bien en prendre réception à l'arrivée,
l'adresse étant : « Mission de Gironcourt. Académie des Inscriptions.
Pai'is. . . »
Mon désir de vous envoyer les manuscrits acquis qui dépassent de beau-
coup, je crois, en importance ceux précédemment envoyés, doit céder,
pour le moment, à mon intention de les utiliser encore auprès de mara-
bouts. D'une part, ils représentent pour moi une sorte tic capital à faire
travailler; d'autre part, je tiens à suivre, peut-être jusqu'au Sokoto, vers
lequel je vais sans doute me diriger, quelques pistes de livres.
Les deux caisses ne contiennent pas moins de 805 estampages
et des échantillons épigraphiques.
1. M, Clozel faisant l'intérim de M. le Gouverneur général Ponty.
412 SÉANCE Dl 16 AOUT 1912
M. Gagnât donne lecture de la note suivante de M. Philippe
Fabia sur l'exploration archéologique de Fourvière et sur les
premiers résultats de la campagne d'été de 1912 :
« Après avoir, l'hiver dernier, mis à découvert dans le clos de
la rue du Juge de Paix, n" 24, une vaste salle souterraine dont
le remblai a fourni une grande quantité de débris intéressants,
et en attendant que la saison nous permette de continuer l'explo-
ration de ce terrain cultivé et d'entreprendre, vers l'entrée de
la même rue, aux abords du Forum, celle d'un jardin d'agré-
ment qui sera laissé à notre disposition l'hiver prochain, nous
avons pu travailler depuis le 30 avril, avec l'autorisation du
Conseil général du Rhône, dans l'ancien clos des Minimes,
aujourd'hui propriété départementale.
« Il y avait là tout d'abord un point de topographie à fixer.
Le sol de ce clos, limité au Sud par la lig-ne des fortifications
actuelles qui devait être aussi, vu la configuration du terrain,
celle de l'enceinte romaine et séparé au Nord du Forum par
d'autres clos renfermant les ruines de l'amphithéâtre et du
théâtre, était-il garni de bâtisses dans l'antiquité? La première
tranchée, ouverte dans la partie la plus élevée du clos, le plus
près possible des fortifications, a remis au jour les vestiges d'un
édifice romain. Les sondages faits ensuite ont déjà prouvé qu'il
n'était pas isolé, et nos fouilles semblent devoir apporter la
preuve que toute la pente du terrain entre les ruines du théâtre
au Nord, l'enceinte moderne au Sud et la place actuelle des
Minimes à l'Est, était bâtie à l'époque gallo-romaine. Ce quartier
comprenait-il quelque édifice public? Les vestiges retrouvés
jusqu'ici ne sont que ceux de maisons privées. Les murs ont
une épaisseur moyenne ; le remblai donne surtout des morceaux
de peintures murales aux couleurs admirablement variées,
vives et fraîches, avec des tessons de poterie grossière ou fine,
particulièrement de poterie rouge sigillée.
« Parmi les vestiges du premier édifice exploré, il faut signaler
le sol de deux salles eontiguës, dont l'une, la plus grande, avait
un pavé en mosaïque, l'autre, en contre-bas d'un mètre environ,
un pavé en marbre. On peut facilement reconstituer le dessin de
ce dernier pavé, grâce aux débris subsistants et aux empreintes
des plaques absentes sur le béton de tuileau qui les supportait.
SÉANCE DU 16 AOUT 1912
113
ïlï SÉANCE DU 16 AOUT 1912
Il y avait au centre six caissons carrés multicolores — un de ces
caissons subsiste presque en entier — et autour, un dallage rec-
tangulaire. La salle pavée en mosaïque mesurait plus de
50 mètres carrés. Son pavement, conservé en très grande partie,
se composait d'une large bordure blanche en très gros cubes et
d'une mosaïque proprement dite de 25 mètres carrés ou peu
s'en faut (5m X 4m 75). Voici la description sommaire de cette
mosaïque, inférieure de beaucoup, en tant qu*œuvre d'art, à la
mosaïque de Bacchus et des Saisons, découverte l'été dernier,
mais fort curieuse néanmoins et qui ne peut manquer d'inté-
resser les archéologues.
« Sur le fond, blanc comme la bordure grossière, se détachent,
en allant du dehors au dedans, une bande noire, puis une tor-
sade noire, blanche et rouge, puis une double ligne de carrés
bordés dé noir et posés en damier, les uns rouges, les autres
blancs, tout cela servant de cadre à deux rectangles sensible-
ment concentriques et que sépare un mince filet noir. Dans
l'espace par lequel le grand rectangle excède le petit — 0m83 en
bas et à droite, 0 m 90 en haut, 0'"94 à gauche — huit animaux
sont rangés — un sanglier qu'un chien serre de près, un ours
affronté avec un taureau, une gazelle qui fuit devant un léopard,
un lion à la poursuite d'un cheval. Quatre de ces bêtes, figurées
en noir avec des lignes de cubes blancs pour indiquer les reliefs,
sont intactes ou presque: le chien, l'ours, le taureau et la gazelle;
les autres sont plus ou moins mutilées. Dans le rectangle central
— 1 '" '25 de largeur et 1 U1 05 de hauteur — , qui est très endom-
magé, un personnage difforme, bossu devant et derrière, un croc
à la main droite, chevauche un éléphant nain. Les contours de
ce cavalier bizarre sont grossièrement dessinés par une simple
ligne de cubes noirs sur le fond blanc; il est vêtu d'un subliga-
culum blanc et vert; sur son mollet droit, une bande de cubes
blancs et verts, posés en damier comme ceux du caleçon, ligure
le bord supérieur de sa chaussure. Il regarde à droite. Son nom
était écrit de part et d'autre de sa tète ; il en subsiste quelques
lettres, S Y G, les seules lettres qui fussent écrites à gauche ;
une barre horizontale qui pouvait être celle d'un L, un point
qui pouvait être la base d'un l, et une moitié inférieure de B, à
droite, où la place était beaucoup plus considérable. On songe à
SÉANCE DU 23 AOUT 1912 il.")
lire SYG LIBYS (ou L1BYCYS), Syg étant le nom barbare du
personnage et Libys ou Libyens la désignation de sa patrie.
Nous avons sans doute là le portrait ou la caricature d'un bes-
tiaire contemporain, d'une célébrité de l'amphithéâtre, comme
on voit souvent, sur les médaillons des poteries gallo-romaines,
les figures et les noms des gladiateurs et des auriges en vogue.
Parmi les très nombreuses mosaïques de la Gaule et de l'Afrique
décrites dans l'Inventaire publié sous les auspices de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres, il n'en est aucune, croyons-
nous, qui présente un sujet identique ou même analogue à ce
curieux tableau central. »
SÉANCE DU 23 AOUT
PRESIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel signale, dans la correspondance, une
note de M. le comte Begouen sur une grotte ornée de gravures
et de peintures préhistoriques qu'il a découverte à Montesquieu-
Avantès (Ariège). — Cette note est renvoyée à l'examen de
M. Salomon Reinach.
M. Élie Berger entretient l'Académie d'un document relatif
à des affranchissements de serfs par la régente Blanche de Cas-
tille, vers 1250 ou 125*2. C'est dans ses domaines particuliers,
dans la châtellenie de Pierret'onds, que Blanche a procédé à
cette mesure ; elle nous est connue par un cahier inséré dans
un des registres de Philippe Auguste qui est conservé au Tré-
sor des Chartes. L'acte de Blanche a été, après sa mort, ratilié
par saint Louis. Il se rattache à tout un ensemble de faits ana-
logues mentionnés par .loin ville et par divers documents du
temps.
416 SÉANCE DU 23 AOUT 1912
MM. Perrot, Viollet, Babelon el Gagnât échangent au sujet
de cette communication diverses observations.
M. Pognon, consul général de France, donne lecture de la
note suivante :
« Le P. Scheil a publié et traduit en 1911, dans les Comptes
rendus de l'Académie1, une tablette assyrienne extrêmement
intéressante pour l'histoire des anciennes dynasties de la
Babylonie.
« D'après une note finale, qui se trouve au bas du verso, cette
tablette a été écrite le 30e jour du mois de Siwan ; mais le scribe,
cpii ne se doutait pas que son œuvre parviendrait à la postérité,
a complètement oublié d'indiquer l'année. Si l'on en juge par la
forme des caractères, elle a dû être écrite sous un des rois de
la première dynastie de Babylone.
« La tablette publiée parle P. Scheil contient une liste des rois
des très anciennes dynasties d'Opis, de Kich, d'Ourouk, d'Ak-
kadou, et de la seconde dynastie d'Ourouk.
« Le premier roi de la dynastie d'Akkadou, fut, d'après ce
document, le fameux Sargon, plus connu sous le nom de Sar-
g-on l'ancien, qui, si Ton en croit un texte de Nabonide, aurait
été le père de Naram-Sin et aurait vécu au xxxviri8 siècle avant
notre ère. Cette dynastie compta douze rois et dura 197 ans; le
dernier roi, qui régna 15 ans, est appelé par le P. Scheil
Chouqarhib.
« Je viens de retrouver dans mes papiers la copie, prise jadis
par moi lorsque j'étais consul de France à Bagdad, d'une inscrip-
tion écrite sous ce roi et qui le mentionne.
« Cette inscription était gravée sur un petit disque en pierre
percé d'un trou au milieu. Un marchand d'antiquités me l'avait
un jour présentée en me demandant un prix tellement exagéré
que je ne l'avais pas achetée, mais je l'avais copiée en reprodui-
sant aussi exactement que possible la forme des caractères. En
voici la traduction :
« Au dieu Xergal, pour la prospérité? de Choudourkib, roi
« de la ville d'Akkadou, Labaléchoum, devin du palais, a
« consacré. »
1 . 1'. 606 cl suiv.
FOUILLES A ALTHIBUROS 417
« Le nom du dernierroi.de là dynastie d'Akkadoy n'était donc
pas Chouqarkib, comme l'a cru le P. Scheil, mais Choudourkib.
Dans Técrilure de l'époque de Hammourabi, les caractères dour
et qar se ressemblent tellement qu'il est parfois prescjue iinpos-
sible de les distinguer l'un de l'autre, mais il n'en était pas de
même à une époque plus ancienne. L'inscription copiée par moi
à Bagdad est écrite en caractères extrêmement arebaïques, et le
second des trois caractères du nom propre en question est cer-
tainement dour ou lonr et non pas qar. Du reste, Choudourkip
ne peut pas plus, selon moi, être un nom d'homme que Chou-
luirki]>; il est très probable cpie les trois caractères chou dour
kip doivent être lus idéographiquement, et il m'est impossible
d'indiquer comment se prononçait en réalité le nom du dernier
roi de la dynastie de Sargon l'ancien. »
M. Alfred Merlin, directeur des antiquités de Tunisie, donne
lecture d'une note sur les fouilles exécutées à Allhiburos
(Medeina) '.
MM. Valois et Perrot présentent quelques observations.
COMMUNICATION
FOUILLES A ALTHIBUROS (MEDEINA),
PAK M. ALFRED MERLIN,
DIliECTEl R DES ANTIQUITÉS DE LA TUNISIE.
La Direction des Antiquités de Tunisie a repris, au
printemps dernier, les fouilles de Medeina, l'ancienne
Althiburos, commencées en 1908 et interrompues depuis
quatre ans. Je résume ci-après les principaux résultats
obtenus soit à la lin de la précédente campagne, postérieu-
rement au rapport que j'ai en L'honneur de présenter à la
I . Voir ci-après.
418 FOUILLES A ALTHIBUROS
Commission de l'Afrique du Nord, le 7 juillet 1908 •, soit
cette année même.
Le déblaiement du forum, qui avait été réalisé en bonne
partie, a été poursuivi; on a dégagé le côté nord-ouest de
la place, qui était bordé d'une série d'édicules rectangu-
laires ouvrant sur le portique ; la plupart sont assez dégra-
dés ; cependant trois sont facilement reconnaissables au
Nord. Le plus grand (5 ,n 60 de profondeur comme les
autres, 6m 40 de largeur); le second à compter de l'angle
septentrional, était un petit sanctuaire de Minerve. En
saillie contre le mur du fond, au milieu de la chapelle,
s'élevait une base, dont le noyau était en blocage, avec
parement extérieur en grand appareil, et au pied de
laquelle on a mis au jour une statue en marbre blanc
(haut. 2m), sommairement sculptée par derrière et faite
pour être adossée ; les bras et la tête manquent, la partie
inférieure est endommagée. La déesse, vêtue d'une longue
tunique et d'un manteau dont elle semble retenir les plis
de la main gauche contre sa hanche, porte l'égide passée
en sautoir sur l'épaule droite et sous le sein gauche, avec la
tête de Méduse entre les deux seins.
Au Sud-Ouest, le portique du forum est longé par une
rue en contre-bas, qui le sépare du Capitole et qui se conti-
nue vers le Sud-Est. Cette rue, entre le forum et le Capi-
tole, offre un certain nombre d'escaliers proéminents, deux
d'un côté, de quatre marches, mais de dimensions inégales,
permettant de monter à la place ; deux de l'autre, de
trois degrés, faisant vis-à-vis aux premiers et donnant
accès l'un au parvis qui s'étend devant le Capitole, le
second à une construction contiguë au Capitole vers le Nord-
Ouest et non encore déblayée. A chaque bout de la rue,
une porte monumentale à une baie, dont la partie infé-
I. Ilull. nrchéol. du Comité. L908, p. ccxxix et suiv.; cf. Comptes rendus
de VAcad. îles inscr., 1909, p. '.»i et suiv.
FOUILLES A ALTHIBUROS 419
rieure subsiste seule ; celle du Nord-Ouest, écroulée sur sa
base, richement décorée à en juger par les nombreux élé-
ments qui gisent sur le sol, était flanquée, sur chacune des
faces de ses pieds-droits, d'une colonne engagée, comme
l'arc de triomphe encore debout à une des extrémités de la
ville.
Sur l'attique de cette porte triomphale, érigée au cœur
de la cité, se trouvait une inscription dont trois fragments
(nos 2, 3, 4) ont été recueillis dans le voisinage, au Sud-
Ouest et au Nord-Ouest, et se rattachent à un autre
(n° t) qui figure déjà au Corpus K Gomme il y a, entre eux,
quelques différences dans la hauteur des lettres, bien que
le caractère de la gravure soit le même, je suppose qu'il y
avait deux textes se développant de part et d'autre de
l'attique 2 et je restitue ainsi :
1° Haut, des lettres, ligne 1 : 0"1 185-0"' 19; 2 : 0m 16;
haut, de la pierre 0m 43 ; épaiss. 0m 37.
mp. caes. divi Iraiani parlhici f. divi nervJAE NTRAIAN© • HM/r/V/lNOTÀVG^
ont.max.lrib.pot. . ..imp. . .ros. ...p.p.condiltor I MVNICIPI -y-DWp.
I long. 1'" 20 [0'"3^ 0'» 72
2° Haut, des lettres, ligne 1 : 0m 15; 2 : incomplètes;
haut, de la pierre incomplète; épaiss. 0m 50.
m
p. caes. divi traiam parlhici /.(DIVI NE/ rvac n. Iraiauo hadrimw avg.
wnt. max. trib.pot... imp... cos... p. (P'COW itori municipi d.d. p.p.
long. 0"' 65
1. Corp. inscr. Inlin., t. VIII, n° 1825.
2. Le n° 1, vu par Wilmanns, n'a pas été retrouvé ; il serait utile de le
revoir pour vérifier l'exactitude de l'hypothèse par laquelle je le rapproche
du n" 2; en effet, au Corpus, il est donné comme ayant 0m 34 de haut au
lieu de 0,n 43), et comme ayant à la seconde ligne des lettres de 0'" 11
(au lieu de 0m J6); peut-être sont-ce là simplement deux fautes d im-
pression, ou des erreurs qui s'expliqueraient facilement.
1912. 28
420 FOUILLES A ALTII115LROS
Cette porte monumentale, aux chapiteaux et aux cor-
niches fouillés avec soin, a donc été élevée par la ville
reconnaissante en l'honneur de l'empereur Hadrien, qui lui
avait octroyé le titre de municipe1.
Au même endroit que les fragments nos 3 et 4, au Sud-
Ouest de lare, on a découvert également un nouveau
morceau d une autre inscription importante, la dédicace du
Capitole-. Voici ce morceau3 :
'ON! regina'
un III mil II III
VNIA SVA- KAi
CVLTV DEDI1
D'après une révision sur l'original, le texte se présente
maintenant dans son ensemble de la façon suivante
(haut. 0'» 58; épaiss. 0m 60; lettres : 1, 0"1 11; 2, 0m 09 ;
3-4, 0m 085). (Voir p. 421.)
L'inscription doit avoir été dédiée à Commode entre 1 85
et 191 \
Au début de la ligne 3, je complète Hadrianum Augus-
tum sur la foi d'une base honorifique (haut. 1 m ; larg.
0m57; épaiss. 0 m 52 ; lettres 0 m 055), découverte le 25
juin, remployée dans un mur au Sud-Est du forum. Tout
1. De même à Avitta Bibha (Bou-Ftis), dédicace en 13" à Hadrien, fon-
dateur du municipe, gravée sur l'attique d'un arc de triomphe Corp.
inscr. latin., t. VIII. n° 799 : cf. n° 12266 . Voir l'article de Frothingham, De
la véritable signification des monuments romains qu'on appelle » arcs de
triomphe ». dans la Revue archéol. , 1905, II. p. 217 et 219 en particulier.
2. Cagnat et Gauckler, Les monuments antiques de la Tunisie, I. p. 9.
Sous l'arc de triomphe lui-même, on a exhumé une tète d'aigle en calcaire-
ayant 0m 08 de haut.
3. A la ligne 1, la majeure partie de l'N et l'A sunl sur deux petits éclats
qui se raccordent exactement au bloc principal: à la ligne î. un acci-
dent superficiel de la pierre a fait disparaître le bas de EDI.
4. Autre inscription à Commode Gauckler, Bull, archéol. du Comité,
1897, p. 122. ii° 17! : cf. 1896, p. 2"!'. n 221 .
r'-o
M
* >
u
Cj ci
~*
•ex.
*,
iO
422 FOUILLES A ALTHIBUROS
le haut de la bas,e est mutilé par devant ; on lit seule-
ment les dernières lignes (lettres 0"' 055) :
/ / / M V n i c i p i u m ae
L I V M TTÏ| D R I A N V M
AVG ALTHIB DEVOTVM
nu MINI MAIESTA
TI Q EIYS DDPP
Les lettres M de Hum, DRI de hadrianum, LTH de
althib(uritanum) sont très peu distinctes. RI de DRIA-
NVM, VM de DEVOTVM sont liés.
Althiburos étant municipe d'Hadrien, la titulature offi-
cielle complète de la cité comportait les surnoms Aelium
Hadrianum Awjustum, comme celles d'Utique *, de Zama2
et de Bulla Rerfia 3, qui avaient reçu du même empereur
la dignité de colonies.
Il est regrettable que le nom de l'empereur ait disparu ;
nous aurions sans cela un terminus post quem pour la
transformation de la ville en colonie de droit italique4.
Toutefois, à cause de la formule devotum [nu]mini /naiesta-
tiq(ue) ejus, l'inscription date au plus tôt du règne de
Sévère Alexandre et nous pouvons affirmer, par suite,
qu Althiburos est resté municipe au moins jusque sous ce
prince.
Tout près de l'escalier de trois marches qui mène à l'édi-
fice non encore dégagé qui est contigu au Capitole, on a
déterré la partie supérieure d'un piédestal, retaillé à basse
époque, qui avait été dédié à Caracalla en 197, et qui pro-
1. Corp. inscr. latin., t. VIII, n° 1181: Aulu-Gelle, Noct. ut tic, XVI,
13, 4.
2. Corp. inscr. lutin.. 1. VI, n° 1686; cf. t. VIII, p. 211 et 1210.
3. Merlin. Comptes rendus de l'Acad. des inscr., 1906, p. 365, n " 2 :
cf. Le temple d'Apollon à Huila llerjia, p. 12.
i. Bull, archèol. du Comité. 1008, p. ccx.wi : Comptes rendus de l'Acad.
des inscr., ÎOO'J, p. 92.
FOUILLES A ALTHTRUROS i23
vient sans doute du forum (haut. 0m 30 ; larg. 0m GO ; épaiss.
0m 42 ; lettres 0 m 055 ; en haut et sur les côtés, une mou-
lure plate plus ou moins intacte) :
MAVrgLIOANTONINO-
c aesari-lmp. destina to •
prinCipiIvventvtis-
Ce piédestal n'est pas le seul qui, à Medeina, porte le
nom de Caracalla ; deux fragments qui se rajustent ont
appartenu à un autre socle consacré à ce prince (haut, des
lettres 0'" 055-0 m 05) :
o atitonino
co maxinio
gcrman. niax.
Dans PARTHI, TH sont liés.
Une troisième inscription a été gravée en l'honneur de
cet empereur. Elle est en dehors du forum ' et est déjà
connue, mais comme elle a été assez mal publiée2, il ne
sera pas inutile de la redonner ici (haut, du linteau, 0m 55;
larg. 0™ 55; épaiss. 0"'i0; lettres, ligne 4: 0m06;
2 : 0ni 05 ; autres : 0m 04; au-dessous de la ligne 5, une
moulure arasée. Nous avons la partie droite du linteau,
à en juger d'après le sofïite ; la pierre est seulement un peu
abîmée à l'extrémité) :
vicloricie brittannic-ae germh N IC A E A V
pro sainte imp. caes. m. aureli se y E R I • ANTON ru*
piïfel. aug. par th. max. brittannicijhX XSIMI GER • MAXimi
p . m . p . p . et iuïiac domnae auguslae »i ATRIS • AY 'G -ET SENATht
et caslrorum et patrïae iotiusque IDOMVS- DIVIN A"7//y/
1. A 400 mètres environ à l'Est du Capitule, dans la grande boucle de
l'Oued Medeina. à la limite des plantations de cactus.
2. Bull, archéol. du Comité, 1896, p. 279, n° 223.
i24 FOUILLES A ALTHIBUROS
Aux diverses lignes, à la fin et au début de la partie con
servée, les lettres sont plus ou moins endommagées.
Au Sud-Est, par delà le mur continu, en petit appareil
avec, de distance en distance, des harpes de grosses pierres,
qui forme le fond du forum, on a déblayé une rue longée,
semble-t-il, par des boutiques, mais le tout d'un aspect très
confus. Près de l'angle sud du forum, on a recueilli une
épitaphe chrétienne, gravée sur une dalle ayant 0,n 52 de
haut et 0m 36 de large ; lettres : 0 m 05 ; les lignes sont sépa-
rées par des traits horizontaux, et l'inscription est entourée
d'un cadre • :
CLOTSIAN V
S DVLCIS IN
PA C E VIXITA
N IS LU. MEN
SES I' DIES XI>
A l'angle ouest du forum, en dehors, on a trouvé un
débris d'inscription ainsi conçu 2 :
(e R i • ci
|/////QV AE[
Ce fragment, par ses dimensions (haut. 0m 50, mais
endommagé au bas; épaiss. 0m 75; lettres, ligne 1 ; 0 m 21 ;
ligne 2 : 0m 13) se rattache à deux autres (haut. 01" 55)
remployés dans le temple tétrastyle qui fait face au Capi-
1. La formule dulcis in pace, fréquente sur les inscriptions chrétiennes
de Tabarka, est rare dans le reste de l'Afrique.
2. A la ligne 1, après ERI, amorce d'une lettre ronde ; les caractère^ de
la ligne '2 sont abîmés en lias.
FOUILLES A ALTH1BUROS i25
tole et qui, en 4908, a fourni une inscription bilingue, néo-
punique et latine, et une base honorifique érigée à l'empe-
reur Antonin par M. Valerius, M. fil., Quir., Quadratus,
quaest. desig. '
9
V S N E R 1 •
LERIVS-M] /////Q.V AI
long. 0m 52 0"' 55
01//////,
ESIGN///J
0'" 50
Il semble bien que le dédicant soit le même M. Valerius
Quadratus et que la seconde ligne doive être restituée
ainsi : M. Va]lerius, M. [fil., Quir., Quadratus] quae[stor
d]esk/n[atus ]. A la première ligne, si l'inscription se
rapporte au temple tétrastyle, où deux de ses débris étaient
encastrés, on a sans doute des noms divins : [Cer]eri
ou [Ven]eri
Au delà du forum, vers le Sud-Est, la rue qui passe entre
cette place et le Gapitole est fortement remaniée. Elle
paraît avoir été rétrécie à basse époque, et dans les murs
qui la bordent on voit des bases ou des tronçons de
colonnes, des frag-ments d'inscriptions, des morceaux de
corniches. A 30 mètres environ de l'angle sud du forum,
à un carrefour, on rencontre un grand monument qu'on est
en train d'exhumer. Bâti en pierres de taille minutieuse-
ment appareillées, il présente sur deux de ses faces adja-
centes, les seules actuellement visibles, deux niches flan-
quées chacune en avant, sur les côtés, de deux piédestaux
carrés, ayant dû supporter des statues comme la niche en
contenait une. A la base du monument, sur ces deux
faces, mais sur ces deux faces seulement, a été aménagé
1. Bull, archéol. du Comité, 1908, p. ccxxxui.
2. Dans a, après VS, amorce d'un M ou d'un N ; a et c ont été mis an
jour eu 1908.
426
LIVRES OFFERTS
un bassin qui se replie à angle droit et empiète largement
sur les rues ; il est fait de dalles de pierres dressées sur
champ et soutenues par des piliers carrés; l'eau passait par
une encoche ménagée sur le dessus d'un des petits côtés
dans un autre bassin très plat, placé latéralement, d'où
elle s'échappait sur le sol d'une rue perpendiculaire à celle
qui mène vers le forum et le Capitole. Il est probable que
ce grand monument est un château d'eau.
LIVRES OFFERTS
M. Diehl a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de l'auteur,
M. Jean Maspero, membre de l'École française d'archéologie orien-
tale du Caire, un nouveau fascicule — le deuxième du tome I — de
son ouvrage intitulé : Papijrus grecs d'époque byzantine (Le Caire,
19H).
« Tout le monde sait ce que les papyrus d'Egypte nous ont rendu
dans le domaine de l'antiquité classique. L'histoire byzantine ne leur
doit pas moins. S'il est possible aujourd'hui de tracer avec quelque
précision le tableau de l'administration et de la vie sociale dans une
province byzantine du vie et du vne siècle, c'est à ces documents
qu'on le devra essentiellement. C'est dire tout l'intérêt qui s'attache
à la publication de M. Jean Maspero, où il fait connaître les nombreux
monuments de cette sorte conservés au Musée du Caire. Dans un
premier fascicule, paru en 1910, il avait édité toute une série de
pièces, tout à fait intéressantes, relatives à l'administration de la
ville d"AcppoôtT7jç Kwuyj et du duché de Thébaïde, de curieux docu-
ments relatifs à l'administration financière, et commencé la publica-
tion des documents d'ordre privé provenant du même fonds d'ar-
chives. C'est cette dernière série qu'achève le présent fascicule, et
les documents qu'il renferme pi'ésentent un vif intérêt aussi pour
l'histoire du droit privé. On y trouve des actes de donation, des con-
trats de vente, des actes de location de terrain ou de transfert de taxa-
tion, un contrat de divorce, etc., dont plusieurs apportent des infor-
mations toutes nouvelles, et cette simple énumération suffirait déjà
SÉANCE DU 30 AOIT 1912 427
à marquer l'importance de la publication. Mais ce qu'il faut dire en
outre, c'est la façon magistrale dont M. .1. Maspero, dans ce fascicule
comme dans les précédents, a édité les documents qu'il nous fait
connaître : établissement rigoureux du texte, commentaire sobre
et précis, rien n'y manque. Et le volume se complète d'une part par
une série d'additions et de corrections aux textes antérieurement
publiés, d'autre part par des Uildes excellentes, index des noms de
personne, index géographique, table des fonctions civiles, index poul-
ies questions religieuses, militaires, financières, table des abrévia-
tions, index des mots enfin, tous établis avec un soin minutieux, et
qui rendent plus précieux encore ce volume. Il ne reste plus qu'à
achever cette publication excellente. Dès maintenant, le premier
fascicule du tome II a paru et le second est prêt à paraître, et l'on
peut compter qu'avant peu M. Jean Maspero terminera une œuvre
qui lui fera le plus grand honneur, et rendra aux études byzantines
le service le plus signalé. »
SÉANCE DU 30 AOUT
PRESIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
M. Georges Radet, correspondant de l'Académie, adresse au
Secrétaire Perpétuel la note suivante :
« Les interminables caravanes de pèlerins qui, en cette sai-
son, montent de Lourdes à Gavarnie, longent, après avoir
dépassé Saint-Sauveur, un éperon de montagne dont la base
est ornée d'un curieux monument.
« Il s'agit d'une inscription qui n'arrête guère les yeux des
voyageurs empilés dans les autocars, mais qui n'en mérite pas
moins d'être communiquée à l'Académie.
« Elle se trouve à un demi-kilomètre en amont du Pont
Napoléon. Llle est gravée sur une grande pierre rectangulaire,
encastrée et scellée dans le rocher. A cet endroit, la roule
s'étrangle, dominée, d'un côté, par les derniers contreforts du
Hergons et surplombant, de l'autre, une gorge abrupte au fond
de laquelle bouillonne le gave de Pau.
428 SÉANCE DU 30 AOUT 1912
m La construction d'une voie carrossable en ce lieu a néces-
sité des travaux longs et difficiles. C'est à quoi fait allusion
notre texte. Je le transcris, en respectant sa disposition et son
orthographe :
Hommage rendu à Messieurs les officiers municipaux
de la vallée de Barège par M. de saint Amans
et M. Dusaulx de lacademie des inscriptions et
belles lettres de Paris le 11 juillet 1788
CONTEMPLE
ICI
du haut de ces monts sourcilleux
jusqu'au fonds de l'abime
les prodiges de l'art
et ceux de la forte nature.
adouci par l'industrie humaine
le fier génie de ces montagnes
défend
d'y trembler désormais
Brisée en 1793 cette pierre a été restituée
en 1852 aux frais de qeulqeus habitans de Luz
partisants de la conservation des monuments
historiques a quelque ordre d'idées qu'ils
appartiennent.
cabarrou fils hoc fecit
« Il est intéressant de voir le nom de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres évoqué, à la veille de la B évolution, dans
cette région lointaine et sauvage. Il ne l'est pas moins de noter,
tout proche de nous, un de ces exemples de réfection de monu-
ments épigraphiques comme l'antiquité nous en offre tant
d'autres. »
M. Henri Cordier donne communication de nouvelles lettres
de M. de Gironcourt, envoyé par l'Académie en mission dans le
centre de l'Afrique:
SÉANCE DI 30 AOUT 1912 429
Sinder (Niger)
22 Juin lit 12
Sur de nouveaux renseignements, j'ai l'ait retour en arrière pour com-
pléter mon enquête, pratiquer quelques nouvelles touilles à lîcntia1, et
surtout acquérir la conviction d'avoir, en fait d'épigraphie, recueilli vrai-
ment tout le possible: de t'ait, dix journées d'investigations nouvelles
(aidé de cavaliers, etc.) dans ce pays, ne m'ont pas amené à découvrir
plus de deux stèles gravées, et de dimensions faibles.
Considérant dès lors comme clos le chapitre des pierres, du moins au
Niger (il y aurait quelques tombes gravées au Sokoto), j'ai rouvert celui
des écrits sur les pistes dont vous entretenait ma dernière lettre, et mes
recherches — je vous l'avoue, aussi ardues qu'assidues (le peu d'inclina-
tion des marabouts musulmans à communiquer leurs livres vous est
connu) — viennent heureusement d'aboutir.
J'ai mis la main, en effet, sur une importante bibliothèque, qui, depuis
trois semaines, ne m'a pas livré moins de vingt manuscrits de 30 à
400 pages, que j'ai tout lieu de croire intéressants au plus haut point (livre
des Askias, histoires du Soudan, des pays haoussas, Histoire des Penh .
Cette bibliothèque est celle du marabout songhoï, Isuii Alilou, dont j'ai
obtenu la confiance à Sinder (Niger, non loin de Jillabéry, lieu où se réfu-
gièrent les songhoïs fuyant de Gao et de Kotia (Koukya).
Isuii Alilou a, pendant sept années, recueilli et copié de nombreux écrits
historiques au Sokoto, et notamment les œuvres des célèbres marabouts
peuls Ousman et Abdullahy-Fodia 2.
C'est pendant que commençait de s'effectuer la copie de ces ouvrages que
j'ai procédé, remontant jusqu'à Bentia, au supplément d'enquête cité.
Revenu ici, je me suis attaché à l'examen sévère des copies faites > ; j'ai
obtenu de nouveaux écrits; j'en obtiendrai, je crois, d'autres encore : bref,
je De quitterai Sinder, suivant ma méthode habituelle, que tout le possible
réalisé.
Alors qu'au début j'avais réussi à grouper autour d'Isuti une quinzaine
de copistes, ce marabout désirant maintenant ne pas communiquer à
d'autres les livres qu'il me présente actuellement, je ne puis aller très vite,
et dois me contenter du travail continu de quatre copistes, Isufi, et moi-
même.
En ce qui concerne mes nouvelles personnelles, je n'en ai à vous donner
que d'excellentes: les premières pluies, ayant rafraîchi l'atmosphère, per-
mettent plus de courage au travail.
Je passe sous silence les menus incidents de route rentrant dans les
possibilités prévues : tel un naufrage de ma pirogue d'acier dans les rapides
du fleuve, n'ayant entraîné que la perte d'objets matériels (mes brosses
d'estampage, heureusement devenues inutiles), la collection d'estampages
1. fragments de colliers en terre cuite.
2. Dont j'entendais le nom depuis si longtemps, sans pouvoir les obtenir.
3. Vu l'importance des manuscrits.
430
SÉANCE DU 30 AOUT 1912
Grotte du Tue d'Audouberl ;'i Montesquieu-Avantès (Ariègc
Fig. 1. — Bison.
SÉANCE DU 30 AOUT 1912
431
! \
Grotte du Tue d'Audouberl à Montesquieu-Avantès (Ariège
Fig. '2. — Cheval.
432 SÉANCE DU 30 AODT 1912
étant expédiée antérieurement, et tous nos écrits et documents ayant été,
bien entendu, débarqués au préalable pour ce passage.
Niamey, le 9 Juillet 1912.
Nous allons, de ce pas, à Say où, parait-il. se trouvent d'utiles écrits,
détenus malheureusement par des Peuls nettement hostiles.
Tant que des pistes se dessinent encore, je ne me sens pas le droit de les
rompre. Au moment précis où elles paraissent fructueuses au delà de toute
prévision, le devoir me tient de les suivre jusqu'au bout, fût-ce même
encore au Sokoto, ce que j'apprécierai de Say, et si, le cas échéant, ce
genou malencontreusement atteint me permet de remonter à cheval, ce
que je ne puis faire actuellement, ne pouvant encore même marcher.
Il y a si peu d'eau dans cette partie du fleuve que les embarcations sont
traînées sur de longs parcours, sur le fond rocheux qui troue les coques et
amène des voies d'eau.
M. Salomon Reinach entre dans quelques détails sur la nou-
velle grotte ornée de gravures et de peintures préhistoriques qui
a été découverte par M. le comte Begouen à Montesquieu-
A vantés (Ariège). Les animaux figurés sont le bison, le cheval,
le renne, peut-être un carnassier. Il y a des images de petit?
chevaux avec des flèches gravées sur leurs flancs, procédé
magique dont on connaît déjà des exemples et qui avait pour
objet d'assurer une chasse heureuse. Les dessins de la nouvelle
grotte présentent des particularités de style qui ne s'étaient pas
encore rencontrées. (Voir p. 430 et 431.)
M. Reinach annonce ensuite à l'Académie qu'il vient de ter-
miner un recueil de gravures au trait d'après toutes les œuvres
d'art connues de l'âge du renne. Il en soumet quelques spécimens
à ses confrères.
M. Joseph Déchelette, correspondant de l'Académie, expose
les résultats des fouilles poursuivies par M. le marquis de
Gerralbo dans les nécropoles celtibériques de Torralba
Espagne] '.
M. Emile Châtelain, au nom de la commission du prix Brunet.
donne lecture du rapport sur le concours de cette année2.
1 . Voir ci-après.
2, Voir ci-après.
LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO i •'>.'»
M. le Dr Capitan lit, en son propre nom et en celui de
M. Peyrony, une note sur trois nouveaux squelettes humains
découverts à la Ferrassie et au Cap Blanc (Dordogne) '.
COMMUNICATION
LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALRO,
PAR M. JOSEPH DÉCHELETTE, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE.
Des trouvailles archéologiques d'une importance consi-
dérable ont été faites pendant ces dernières années sur le
sol ibérique par M. le marquis de Cerralbo.
Jusqu'à ce jour, nos connaissances sur les premiers
âges du fer en Espag-ne étaient encore bien incomplètes.
Voici que ces récentes découvertes nous procurent une
abondante moisson de matériaux pour l'étude de cette
période, dans une région située entre Sarag-osse et Madrid.
Je ne parlerai pas ici de celles des trouvailles du même
explorateur qui se rattachent aux temps quaternaires. A
Torralba (province de Soria), au moyen d'énormes excava-
tions, il a mis à jour un campement de chasseurs d'élé-
phants, appelé à compter parmi les stations les plus célèbres
comme aussi parmi les plus reculées de cet âge primitif.
Des débris osseux et d'énormes défenses d'éléphants plus
anciens que le mammouth, s'y sont rencontrés en nombre
exceptionnellement abondant, associés à de grandes haches
taillées du type chelléen 2.
Les découvertes de l'âge du fer, dont je désirerais entre-
tenir rapidement l'Académie, datent de ces dernières
années et se poursuivent à l'heure actuelle. Elles sont
1 . Voir ci-après.
2. Voir sur ces trouvailles le mémoire de M. le marquis de < lerralbo : /'.'/
Alto Jalon, descubrimientos arqueologicos [Madrid, 1909 .
434 LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO
encore inédites. M. le marquis de Cerralbo se propose d'en
publier le compte rendu détaillé. Il a bien voulu néanmoins
m'inviter à visiter ses chantiers et à étudier ses collections,
conservées en son château de Santa Maria de Huerta, près
de Torralba ; il m'a même autorisé gracieusement à commu-
niquer à l'Académie les notes prises au cours de ce voyage.
Les explorations ont porté principalement sur trois
nécropoles celtibériques et sur une ville fortifiée que l'in-
venteur identifie avec Arcobriga (Ptolémée, II, 6, 57). La
plus importante et la plus ancienne des nécropoles est celle
d'Aguilar de Anguita, située dans la province de Guadala-
jara (Gastille), près des sources du Jalon (ancien Salon),
dont la fertile vallée relie le bassin de l'Ebre à ceux du
Tage et du Douro. Plus de 2.200 sépultures y ont été mises
au jour. La seconde, celle de Luzaga, se trouve à dix kilo-
mètres au Sud-Est de la précédente. En 1911, elle avait
livré 1813 sépultures à urnes. La troisième est celle d' Ar-
cobriga (300 tombes), ville dont remplacement a été d'ail-
leurs déblayé.
De tels chiffres me dispensent d'insister sur l'étendue des
fouilles. Bien rares à coup sûr sont dans les annales de
l'archéologie les travaux de cette importance, parmi ceux
qui sont dus à une initiative tout individuelle. Ces résultats
sont cependant l'œuvre de quelques années de recherches.
La générosité patriotique et le zèle éclairé du Marquis de
Cerralbo pour la science permettent d'ajouter que ces
découvertes ne sont sans doute que le prélude de nouvelles
trouvailles, sur un sol particulièrement riche en vestiges
antiques de toutes les époques.
Dans cette note succincte, je parlerai surtout des sépul-
tures d'Aguilar de Anguita.
Toutes sont à incinération, comme celles de Luzaga et
d' Arcobriga.
Les tombes étaient alignées sur plusieurs rangs et sur-
montées chacune non d'un tertre, mais d'une stèle en pierre
LES FOUILLES DL MARQUIS L>E CERRALBO î-35
brute. L'ensemble devait former de véritables allées paral-
lèles '. Au-dessous de la stèle, actuellement renversée et
enfouie dans le sol, on rencontre l'urne funéraire contenant
les cendres et aussi, pour les sépultures de femmes, des
objets de parure de bronze. A côté, sont rassemblés les
objets de fer plus volumineux. Le mobilier avait été par-
fois brûlé sur le bûcher avec le cadavre ; dans certaines
tombes, il ne paraît pas avoir subi l'action du feu.
Les sépultures viriles renferment souvent l'équipement
complet d'un guerrier : un poignard à antennes, tout en fer,
avec son fourreau de même métal, muni de boucles de sus-
pension et d'une bouterolle, deux lances de différentes
grandeurs, ordinairement minces et effilées, parfois un de
ces javelots d'une seule tige de fer, hampe et pointe, sem-
blables à ceux des sépultures pyrénéennes découverts par
Piette : j'avais reconnu précédemment dans cette arme le
javelot èXôfffêïjpeç que les auteurs grecs et latins signalent
chez les peuples ibériques 2. Les armes défensives sont
représentées dans quelques tombes par un bouclier — le
petit bouclier des Ibères — dont il reste l'umbo de fer circu-
laire ajouré et les boucles de suspension, ornées de pièces
d'applique en forme d'S. On peut ranger aussi, soit parmi
les pièces défensives, soit parmi les parures, des plaques
circulaires en tôle de bronze, réunies par paires au moyen
de bretelles métalliques, l'un des disques s'appliquant sur
la poitrine, l'autre sur le dos. Ils mesurent environ 0 m 20
de diamètre et sont délicatement ornés au repoussé de
1. Aristote a parlé des obélisques funéraires des Ibères Politique, IV,
ii, 6). Mais, suivauL le philosophe grec, on plantait autour de la tombe
d'un guerrier autant d'obélisques qu'il avait immolé d'ennemis. A Aguilar
de Anguita, il n'y a qu'une stèle par tombe. Toutes sont brutes, saut une
seule, qui porte un grossier bas-relief représentant un cheval et une figure
humaine.
2. Voir J. Déehelette, Lejavelot des Ibères, dans la « Revue des Études
anciennes ■. l'.'i I . p. 153.
1912 29
436 LUS FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO
motifs géométriques très simples, disposés en cercles
concentriques, ou même de simples filets.
Les sépultures féminines contiennent des bracelets de
bronze souvent filiformes et réunis en nombre pour former
une armille, des plaques de ceinture en bronze mince
estampé, semblables à celles des sépultures hallstattiennes
de l'Europe centrale et de la France orientale. L'objet le
plus curieux est une pièce de fer en forme de collier cylin-
drique, qui porte, entée à sa partie médiane, une mince tige
de fer bifurquée à son extrémité libre et haute de 0 '" 30 à
OmiO. Le marquis de Cerralbo y voit — sans doute avec
raison — l'armature singulière qui, au dire d'Artémidore,
soutenait les hautes coiffures portées par les femmes
ibères1. C'est là une découverte tout à fait nouvelle. Il en
est d'autres qui ne manqueront pas de susciter de nom-
breux commentaires, notamment celles qui ont rapport au
harnachement des chevaux.
Les pièces de cette série comprennent de nombreux mors
en fer, plus lourds et plus compliqués que ceux des Celtes.
Les chevaux des guerriers d'Aguilar étaient d'ailleurs
montés et non attelés : je n'ai remarqué aucun débris
de roue, aucun reste de char rappelant les trouvailles des
nécropoles de l'Italie du Sud, de l'Etrurie et des pays cel-
tiques aux vie-ive siècles. Strabon a insisté sur l'habileté
consommée des Ibères dans Fart de l'équitation. Leurs che-
vaux étaient dressés à gravir les montagnes et même
formés à des exercices de haute école, par exemple à fléchir
les genoux, sur un signal donné 2. Or parmi le matériel de
harnachement des sépultures d'Aguilar de Anguita se
trouvent précisément de curieux caveçons d'un type qui
me semble absolument nouveau.
Il est intéressant de rappeler à ce sujet qu'un tesson de
l Artémidore, ap. Strabon, III. iv. 17.
2. Strabon, III. iv, 15 el ls. Justin [XLIV, i et n), parle aussi des che-
vaux excellents de la Péninsule ibérique.
LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO 437
poterie peinte ibérique découvert récemment à Numance,
c'est-à-dire dans la même région, représente le dressage
d'un cheval : l'animal évolue autour d'un palefrenier qui
le maintient au moyen d'une longe fixée à un appareil agis-
sant sur les naseaux '.
Enfin, découverte plus imprévue, le marquis de Cerralbo
a recueilli dans la nécropole d'Aguilar de Anguita jusqu'à
neuf fers à cheval en différents endroits et toujours près
des sépultures (un à 0 m 00 de profondeur, tous les autres de
! '" à 1 '" 50 et même exceptionnellement à 1 "' 80). On sait
combien de discussions a soulevées depuis long-temps la
question de la ferrure dans l'antiquité. A l'heure actuelle,
on admet généralement que les plus anciens fers à clous
ne seraient pas antérieurs à une phase déjà avancée de
l'époque romaine ; quelques archéologues abaissent même
leur origine jusqu'à l'époque mérovingienne.
Les fers d'Aguilar appartiennent-ils vraiment au mobilier
des sépultures? Le marquis de Cerralbo n'hésite pas à le
croire ; mais avant d'examiner son opinion, il convient
d'attendre la publication du compte rendu de ses fouilles.
J'ajouterai que je suis frappé, de mon côté, par certaines
considérations favorables à cette solution, si imprévue,
je serais tenté de dire si invraisemblable qu'elle puisse
paraître au premier abord.
Le sol rocheux des plateaux qui dominent la vallée du
Jalon est extrêmement dur. D'autre part, cette rég-ion était,
à l'époque ibérique, un pays d'élevage et de dressage des
chevaux, en même temps qu'un centre d'industrie sidérur-
gique. Singulière coïncidence, au moment même où le
marquis de Cerralbo me signalait la trouvaille de ses pre-
miers fers, un archéologue lorrain, M. le comte Beaupré,
sans connaître aucunement les découvertes d'Aguilar, m'in-
formait qu'en fouillant un camp hallstattien des environs
l. Voir Institut d'estudis catalans, Aiuuui. L908, p. 562-563, fig. --'5.
438 LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO
de Nancy, appelé le Camp d'Afrique, il avait rencontré, à
sa grande surprise, un fer à cheval dans un fond de cabane
du premier âge de fer. Le sol qui avait livré des vestiges
typiques de cette époque ne lui paraissait présenter aucune
trace de remaniement ultérieur. C'était, d'ailleurs, la seconde
trouvaille de cette nature faite dans un milieu hallstattien
par le même archéologue. D'autre part, on ne saurait
oublier qu'un fer à clous, en bronze, a été reconnu, au dire
d'un archéologue américain, M. Bâtes, dans une sépulture
étrusque à Corneto '. Cette trouvaille paraît avoir frappé
M. Salomon Reinach, si peu disposé qu'il soit à admettre
la haute antiquité de la ferrure à clous. On est tenté —
écrivait-il dans le compte rendu de ce mémoire — d'ac-
cepter, malgré le silence des textes, les conclusions de
M. Bâtes -\
Si les fers à clous étaient connus des Celtes et des
Celtibères plusieurs siècles avant notre ère, il est à coup
sûr singulier que ni dans les oppida, ni dans les nombreuses
sépultures à char de l'époque de La Tène, on n'en ait
recueilli aucun spécimen bien authentique. Devrons-nous
admettre qu'avant de se généraliser, ce mode de ferrure
aurait été pratiqué pendant une période assez longue par
un petit nombre de peuples, dans des régions réunissant les
conditions qu'offrent les plateaux ibériques : un sol rocheux,
des minerais de fer abondants et des forgerons particuliè-
rement habiles? Les trouvailles d'Aguilar et de la Lorraine
vont donner aux débats sur les origines d% la ferrure une
nouvelle actualité. J'ajouterai que les fers d'Aguilar sont
de grandes dimensions, comme les mors des sépultures, et
que le métal présente le même aspect. Ils n'ont pas les
bords ondulés de certains fers considérés comme très
1. Société des Antiquaires île Cambridge, Procecdings. a" XLIII, 1903,
p. 249-258.
2. Salomon Reinach, Reçue archéol., 1903. I, p. 281-285.
LES FOUILLES DU MARQUIS DR CERRALBO i39
anciens, mais un spécialiste auquel ils ont été soumis leur
reconnaît des caractères archaïques.
La nécropole n'est distante que de quelque cinquante
kilomètres à vol d'oiseau de l'emplacement de Bilbilis, la
patrie de Martial *. Le poète, qui se plaît à célébrer les
charmes et les ressources variées de sa ville natale, la dit
renommée par ses chevaux et par ses eaux 2. Les décou-
vertes du marquis de Cerralbo nous montrent combien cette
réputation était justifiée. Elles établissent que dans cette
région de l'Espagne, dont les vallées sont riches en pâtu-
rages, l'élevage et le dressage des chevaux avaient atteint
en effet, et cela dès le milieu du dernier millénaire avant
notre ère, un degré remarquable de perfectionnement.
Il en était de même pour l'industrie du fer et en particu-
lier pour l'armurerie. Martial vante à plusieurs reprises
l'excellence du fer de Bilbilis et la qualité des eaux de
Salon (Jalon) pour la trempe des armes 3. Pline cite Bilbilis,
avec Turiasson en Espagne et Côme en Italie, parmi les
localités célèbres pour cette préparation du métal 4 et,
d'après Justin, on n'estimait point une arme qui n'eût été
plongée dans le Salon ou dans le Chalvbs 5.
Ainsi les auteurs anciens sont unanimes à vanter l'habi-
leté des forgerons de cette région et à attester la supériorité
de leurs produits.
Les trouvailles de la vallée du Jalon et des régions immé-
diatement voisines confirment entièrement ces témoignages.
La quantité d'objets de fer, glaives courts à antennes,
lances, mors, couteaux, etc., retirés des tombes d'Aguilar
de Anguita est considérable. Le métal, d'excellente qua-
1. Aujourd'hui Bambola, près Catalayud.
2. Les éditions portent ordinairement aquis et armià, mais on sait que la
leçon equis parait être la meilleure (Pauly et Wissowa, Real-Eneyclo-
piidie, v. Bilbilis .
3. Martial, I. 50, IV, 55, XII. 18.
i. Pline, XXXIV, 41.
5. Justin, XLIV, III
L40 LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO
lité, s'est remarquablement conservé. Je n'insisterai pas
sur les épées à antennes : elles appartiennent au même
tvpe que celles des tombes pyrénéennes fouillées jadis par
Piette et par le général Pothier. Il en est de même des
lances, des javelots, des couteaux, et d'une façon générale,
des objets métalliques. Evidemment les populations celti-
bériques occupant alors le bassin de lEbre étaient étroi-
tement apparentées par leur civilisation à celles de l'Aqui-
taine.
De part et d'autre, les morts étaient incinérés, mais le
tumulus pyrénéen fait défaut dans la vallée du Jalon et,
d'autre part, les tombes aquitaniques renferment des
objets de fer moins nombreux et moins variés.
Des deux cùtés des Pyrénées, on faisait usage du javelot
tout en fer.
Le problème chronologique que présente l'étude de ces
nécropoles ne pourra être traité à fond avant la publication
du compte rendu détaillé des fouilles. Toutefois, en raison
de l'analogie des découvertes avec celles d'Avezac-Prat et
du plateau de Ger, il est permis de formuler, d'ores et déjà,
quelques indications approximatives.
Certains types d'armes et de parure, s'ils provenaient de
l'Allemagne du Sud et de la Gaule orientale, seraient clas-
sés au premier âge du 1er (vne-vie siècles avant notre ère).
Mais on ne saurait conclure ici de ces analogies à un véri-
table synchronisme.
Je n'ai rencontré dans les riches collections du château de
Santa Maria de Huerta aucun des objets importés dans les
pays celtiques aux vne-vc siècles, stamnoi. trépieds, chau-
drons et œnochoés de bronze, de fabrique hellénique, situles
coniques et cistes à cordons de même métal, mais d'origine
italique, amphores et vases peints en argile; aucun vestige
non plus des vases campaniens si abondants aux in°-
11e siècles sur le littoral de la Gaule méridionale, de l'Es-
pagne orientale et de l'Afrique du Nord. Lu région est déjà
LES FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO i \ I
assez distante du cours intérieur de l'Ebre. Sans doute les
habitants, malgré leur éloignement des côtes, recevaient
quelques-uns des produits industriels importés à Empo-
rium parle commerce grec, mais ils ne les ont pas déposés
dans leurs sépultures. On n'y trouve, semble-t-il, que des
spécimens de l'industrie locale.
L'ensemble des mobiliers funéraires d'Aguilar de Anguita
et des nécropoles correspondantes des Pyrénées, bien que
présentant à certains égards le faciès des produits de
l'époque de Ilallstatt, paraît appartenir à une période un
peu plus basse. Les objets de fer attestent une technique
très avancée, une industrie en pleine possession de ses
moyens et ayant dépassé depuis longtemps les premiers
stades de son développement. Deux des armes caractéris-
tiques, l'épée courte et le javelot tout en fer, étaient encore
en usage, selon le témoignage des auteurs, au second
siècle avant notre ère. On ne saurait s'écarter beaucoup
de la vérité en plaçant vers le ivc siècle le groupe principal
des sépultures d'Aguilar de Anguita et aux siècles suivants
les nécropoles plus récentes de Luzaga ' et d'Arcobriga,
où apparaissent un plus grand nombre d'épées et autres
objets du type de La Tène.
J'ai, d'ailleurs, remarqué dans une des tombes d'Aguilar
une épée et une fibule de La Tène I, associée a divers objets
(umbo de bouclier ajouré, lance, fusaïoles) qui se retrouvent
dans les tombes à antennes. Parmi les types de fibules
représentés à Aguilar, on peut signaler des tibules annu-
laires et des fibules hallstatliennes de type hispanique 2.
1. La nécropole de Luzaga qui contenait moins d'armes que les deux
autres a livré des fibules de La Tène 1 et II et une anse de vase en bronze,
d'un type à double crochet, toul à l'ait caractéristique pour L'époque de
La Tène III. Voir .1. Déeheletle, Les fouilles du Beurra;/, de 1891 à 1901,
p. 17-J et pi. xxvi, 3.
2. Cf. .1. Déchelette, Kssui sur lu chronol. préhist. de lu Péninsule ibé-
rique, p. "'i.
H2 IFS FOUILLES DU MARQUIS DE CERRALBO
Des fibules de La Tène I à queue retroussée en forme de
tête de canard se sont rencontrées sur d'autres points '.
En définitive, ces nécropoles où les types hallstattiens se
trouvent associés à des formes plus récentes me semblent
appartenir toutes au second âge du fer.
La civilisation ibérique qui nous est révélée par ces belles
découvertes du marquis de Cerralbo présente des traits
d'originalité incontestables. Une étude approfondie de
chacun des objets recueillis les mettrait en évidence. Mon
but, dans cette note préliminaire, est simplement de faire
connaître l'importance de l'ensemble des trouvailles et d'en
dégager les caractères essentiels.
Sans méconnaître l'originalité de la culture ibérique, je
crois que dans sa formation on doit attribuer aux influences
helléniques une part considérable.
Ma conviction, c'est que les modèles des principaux types
industriels de la civilisation d'Aguilar de Anguita, épées,
ornements corporels et céramique, devront être recherchés
sur le territoire hellénique et particulièrement dans les
colonies de l'Italie méridionale. On commence à connaître
assez bien le faciès du premier âge du fer dans ces régions.
Une des nécropoles les plus intéressantes est celle d'Alfe-
dena (l'ancienne Aufîdena), située sur le territoire osco-
samnite 2. Les tombes y sont à inhumation et non à inci-
nération, mais les analogies que présentent les objets de
parure et d'ornement avec ceux d'Aguilar d'Anguita sont
très caractéristiques : non seulement, de part et d'autre, on
faisait usage du glaive court à antennes que les Celtes
avaient également adopté, mais il y a dans le costume des
guerriers des traits de similitude vraiment suggestifs, par
exemple les disques de cuivre appliqués sur le dos et sur la
poitrine et rattachés par des bretelles. De leur côté, les
femmes celtibères, comme les femmes osco-samnites, por-
1. Général Pothier, Les lumulus du plateau de Ger, p. 61, fig. 24.
2. Voir Mariani, Aufidena, clans les « Monum. antichi », X, p. 226.
RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX BRUNËT S43
taient de grandes parures ornées de doubles spirales en
bronze. Enfin l'étude de la céramique donne lieu à des
rapprochements semblables.
Les produits industriels de la Grande Grèce et de la Cam-
panie ont dû se répandre dans la colonie d'Emporium. De
la ils ont gagné l'hinterland ibérique, où les ateliers indi-
gènes les ont imités. Ces conclusions me semblent d'autant
plus vraisemblables qu'à Emporium, dont j'ai visité égale-
ment les fouilles ', les débris des vases campaniens des
iiie-ne siècles avant notre ère jonchent le sol sur l'emplace-
ment de la ville, à un certain étage des stratifications.
Enfin, dans une nécropole de la même époque découverte
depuis longtemps aux environs de Barcelone, à Cabrera de
Mataro, les mêmes vases campaniens forment un groupe
nombreux à côté de la céramique indigène.
Ainsi, au fur et à mesure que nos connaissances sur les
peuples barbares de l'Europe occidentale et centrale se pré-
cisent et s'étendent, nous sommes conduits à faire une
part de plus en plus large aux emprunts helléniques dans
les éléments de leur civilisation, surtout à partir du
VIe siècle, c'est-à-dire immédiatement après le grand mou-
vement de la colonisation grecque.
APPENDICE
RAPPORT SIR LE CONCOURS DU PIîlX BRUNET,
PAR M. EMILE CHATELAIN, MEMBRE DE I.' ACADÉMIE ;
LU DANS LA SÉANCE DU 3() AOUT 1912.
La Commission du prix Brunef s'est trouvée fort embar-
rassée en présence des ouvrages adressés par quinze con-
currents. Ce prix étant triennal, il s'y présente presque
1. Ces fouilles sont poursuivies au frais de 1 Institut des études c;it;t-
lanes, sous la direction de M. Puig y Cadafalch, aidé-de M. Manuel Cazurro.
444 RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PIUX ItRUNET
toujours plus de livres méritants qu'on n'en peut récompen-
ser, et, d'autre part, outre les volumes envo}rés au concours,
les membres de la Commission auraient désiré en couron-
ner d'autres dont les mérites sont éclatants, quoiqu'ils
n'aient rien demandé à l'Académie.
La Commission a écarté d'abord quelques ouvrages qui
ne rentraient pas dans le programme du prix, et ensuite,
quoique avec regret, plusieurs autres encore inachevés, avec
l'espoir de les récompenser un jour. Si elle n'a décerné le
prix Brunet intégralement à personne, ce n'est pas qu'elle
n'ait jugé aucun concurrent digne de le recevoir; quelques-
uns d'entre eux, au contraire, semblaient mériter absolu-
ment le titre de lauréat ; mais elle s'est efforcée de recon-
naître la valeur de tous les candidats et de leur donner une
part proportionnée du prix. Elle a même éprouvé la conso-
lation de constater que les arrérages du prix permettaient,
cette année, de distribuer une somme de 5.000 francs, au
lieu du prix de 3.000 francs, montant statutaire de la fonda-
tion triennale. Voici la répartition que la Commission, après
un examen consciencieux des ouvrages, a cru devoir pro-
poser à l'Académie1.
Le Manuel des amateurs de Livres du XIX siècle (1801-
1893)2 de M. Georges Vicaire, dont le septième et dernier
volume a été achevé en 1910, est un ouvrage de premier
ordre, auquel l'auteur a consacré vingt années de travail.
Pour étudier les œuvres de nos grands littérateurs, de nos
artistes, pour connaître en détail le contenu des principales
collections publiées par les libraires et les sociétés, c'est un
monument qui restera. On est étonné de voir combien de
livres parus de notre temps sont déjà introuvables.
M. Vicaire a dû souvent recourir aux collections particu-
lières pour décrire des volumes qui manquent à nos biblio-
1. Voir ci-dessus, p. 122.
2. Paris, A. Rouquette, 1894-1910.
RAPPORT SUR LE CONCOURS DT P1UX BRUKET \ i-">
thèques publiques. L'Académie avait accordé, en 1900, une
faible part du prix Brunet à cette belle entreprise ; elle est
heureuse aujourd'hui, en regrettant de ne pouvoir lui décer-
ner entièrement le prix, de lui attribuer une récompense
de 1.500 francs, plus en rapport avec la valeur du travail.
M. Georges Lépreux donne tous ses soins à une œuvre
considérable qui doit former une vingtaine de volumes dont
quatre ont déjà paru. C'est la Gallia typographica ou Réper-
toire biographique et chronologique de tous les imprimeurs
de France depuis les origines de V imprimerie jusqu'à la
Révolution '. Dans la série départementale, le tome I (1909)
est consacré à la Flandre, l'Artois, la Picardie; le tome II
(1911), aux provinces de Champagne et de Barrois. De la
série parisienne (Paris et l'Ile-de-France), nous avons déjà
le tome I en 2 parties (1911) contenant le Livre d'or des
imprimeurs du roi; 1° chronologie et biographie; 2° docu-
ments et tables. En ne négligeant aucune source d'infor-
mation, M. Lépreux a rectifié bien des erreurs courantes et
fait connaître une foule de renseignements inconnus sur
nos vieux imprimeurs. C'est un travail auquel le fondateur
du prix aurait porté le plus vif intérêt. La Commission a
accordé à M. Lépreux une récompense de 1.000 francs.
La Bibliographie Ionienne, description raisonnée des
ouvrages publiés par les Grecs des Sept-îles ou concernant
ces iles, du XVe siècle à l'année 1900, est une œuvre pos-
thume du regretté Emile Legrand, complétée et publiée
par un de ses meilleurs élèves, M. Hubert Pernot, docteur
es lettres et répétiteur a l'Ecole des Langues orientales
vivantes. Cette Bibliographie, qui forme deux volumes2
et ne compte pas moins de i-.0i:{ articles, est rédigée avec
la méthode et l'exactitude scrupuleuse qui caractérisent les
I. Paris, II. Champion Suppléments I. II, III, V à la Revue des Biblio-
thèques .
•2. Publications de VÉeole des Langues orientales vivantes, 5* série, l. VI-
VII Paris, Leroux .
446 RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX BRDNET
publications d'Emile Legrand ; et ce n'est pas sans raison
qu'il lavait entreprise, bien quelle pût, au premier abord,
sembler un peu spéciale. Les Sept-iles ont en effet conservé
la civilisation néo-hellénique, battue en brèche par les
Turcs, et la Bibliographie Ionienne offre le tableau de l'ac-
tivité intellectuelle des Grecs modernes dans un de ses
centres les plus vivants et les plus importants. C'est en
toute conscience que la Commission, qui apprécie d'ailleurs
les travaux linguistiques de M. Hubert Pernot, lui a ac-
cordé une récompense de 1.000 francs.
La Commission a tenu à témoigner sa satisfaction à la
publication de M. Etienne Deville, intitulée Index du Mer-
cure de France, 1672-1832. donnant l'indication, par ordre
alphabétique, de toutes les notices, mentions, annonces»
planches, etc. concernant les beaux-arts et l'archéologie1.
Ce volume de xl-268 pages in-4° fait partie des Publications
pour faciliter les études d'art en France, entreprises aux
frais d'un généreux mécène, M. Jacques Doucet, le fonda-
teur de la bibliothèque de la rue Spontini, où trouvent tant
de ressources les savants qui s'occupent d'art et d'archéo-
logie. On sait combien étaient pénibles les recherches dans
ces innombrables petits volumes du Mercure ; l'Index de
M. Deville les a rendues faciles à tous et, en lui attribuant
une récompense de 500 francs, la Commission a voulu à la
fois reconnaître l'utilité de son travail et adresser l'expres-
sion de sa reconnaissance à M. Doucet.
M. Charles Beaulieux a publié, avec beaucoup de soin,
le Catalogue de la Réserve — XVIe siècle (1501-1540) — de
la Bibliothèque de l'Université de Paris'2 (324 pages in- 8°
et 19 reproductions de marques typographiques). Les incu-
nables de presque toutes les collections françaises et
étrangères sont aujourd'hui connus et décrits avec soin :
1. Paris, Jean Schemit, 1910.
2. Paris, II. Champion, 1910; exlrail de la Revue des BilAiothùnues.
KAPPOKT SLR LE CONCOURS DU PRIX BRUNET 447
les livres de lo première partie du xvi° siècle le sont
beaucoup moins, et, sauf les mentions insuffisantes de
Panzer, on ne trouvait guère de guides pour cette période.
En décrivant le Cabinet des livres de Chantilly (Imprimés
antérieurs au milieu du xvic siècle, Paris, Pion, 1905),
notre regretté confrère Léopold Delisle a montré la voie
que M. Beaulieux s'est elforcé de suivre. On regrette qu'il
n'ait pas compris dans son inventaire les livres publiés de
1541 à 1550, mais c'est une lacune qu'il comblera certai-
nement un jour. En attendant, son travail minutieux
rendra de grands services aux bibliographes, et la Com-
mission a voulu reconnaître son excellente méthode en
lui accordant une récompense de 500 francs.
L'œuvre scientifique de Biaise Pascal; bibliographie cri-
tique et analyse de tous les travaux qui s'y rapportent l
(xxxi-184 pages in-8°) atteste un effort très méritoire de la
part de M. Albert Maire. Outre de nombreuses recherches
dans les collections publiques et privées pour y découvrir
les éditions des œuvres de Pascal, il a pris la peine de
dépouiller une centaine de périodiques français et étrangers,
afin d'en extraire les articles relatifs aux publications scien-
tifiques de notre grand écrivain. On trouve dans ce volume
une foule de renseignements inattendus. Du reste, M. Pierre
Duhem, le savant correspondant de l'Académie des sciences,
a bien voulu l'orner d'une Préface qui se termine par ces
mots : « Ceux qui désireront, à l'avenir, suivre les démarches
par lesquelles le génie de Pascal est parvenu à ses inven-
tions scientifiques, ceux qui voudront retracer les péripéties
par lesquelles ces découvertes ont passé jusqu'au jour où
elles furent communément reçues, ceux-là ne connaîtront
plus semblable anxiété; grâce à M. Maire, ils sauront très
exactement quels livres il leur faut lire, ils sauront où ces
livres se peuvent trouver. » La Commission a, pour ces
motifs, accordé à M. Maire une récompense de 500 francs.
1. Paris, Hermann, L912.
418 RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX BRUNET
La nouvelle édition de la Bibliothèque de la Compagnie
de Jésus, des PP. Augustin et Aloys De Backer, a été
publiée par le P. Carlos Sommervogel, en neuf volumes
in-i°, de 1890 à 1900. Le P. Pierre Bliard l'a complétée en
1 909 par une table méthodique, qui forme un dixième
volume et rentre seul dans les conditions du concours.
Rédigée avec le plus grand soin par le P. Bliard, cette
table méthodique mérite les mêmes éloges que la Biblio-
thèque, dans laquelle elle facilitera singulièrement les
recherches et dont il a semblé impossible de la séparer.
Aussi la Commission a-t-elle été unanime à placer hors
concours la Bibliographie de la Compagnie de Jésus, Tune
des œuvres les plus considérables et les plus utiles de
bibliographie savante publiées au siècle dernier, en lui
attribuant une mention très honorable.
C'est avec la même unanimité que la Commission a
décerné une mention très honorable à M. Julien Baudrier,
qui ne s'était pas présenté au concours. On sait que la
Bibliographie Lyonnaise (Recherches sur les imprimeurs,
libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lvon au
xvie siècle) 1, entreprise par le Président Baudrier, n'a pu
voirie jour qu après sa mort, grâce aux soins de son fils,
héritier du goût paternel et passionné, comme son père,
pour les vieilles impressions lyonnaises. Neuf volumes
in-8°, accompagnés de reproductions en facsimilé ont
été publiés de 1895 à 1912. L'Académie a accordé à ce
magnifique ouvrage une part du prix Brunet en 1900, mais
c'est un devoir pour la Commission de témoigner de nou-
veau sa haute estime à un savant désintéressé, qui poursuit
avec une énergie qui ne se dément pas une publication que
l'on peut ranger parmi les chefs-d'œuvre bibliographiques.
1. Lyon, Louis Brun, et Paris, Alphonse Picard, 1895-1912.
449
COMMUNICATION
TROIS NOUVEAUX SQUELETTES HUMAINS FOSSILES,
l'Ait LE D1' CAPITAN ET M. PEYRONY.
I. — LA FERRASSIE.
Depuis plusieurs années déjà, nous fouillons le gisement
préhistorique paléolithique de la Ferrassie, à trois kilomètres
du Bugue, sur la ligne de Périgueux à Agen (Dordogne).
Nous y avons, à deux reprises, trouvé des ossements
humains quaternaires anciens, d'abord un squelette presque
complet, puis un second, très incomplet, mais qui, par la
bonne conservation de ses membres inférieurs, pourra
rendre de précieux services dans l'étude anatomique des
hommes primitifs.
L'Académie, a laquelle nous avons toujours tenu à don-
ner la primeur de ces découvertes, se souvient peut-être
que ces ossements humains g-isent tout à fait à la base des
couches archéologiques, dans la zone inférieure du niveau
moustérien, et qu'au-dessus, successivement, on rencontre
5 mètres de dépôts variés, comprenant, de haut en bas,
2m50 de pierrailles et gros blocs de pierre éboulés, puis
une couche aurignacienne supérieure, une moyenne et
une inférieure, puis les foyers moustériens à la base.
Chaque couche a sa coloration propre, qui permet de
les distinguer de loin l'une de l'autre. De plus, chaque
niveau correspond à l'habitat d'une population spéciale, à
outillage caractéristique, accompagné d'une faune spéciale
aussi. C'est sous cet épais linceul, absolument intact,
que, le 8 août dernier, nous avons pu, à la base du Mous-
térien, reconnaître l'existence de deux petites fosses mesu-
rant 0,70 de largeur sur 0,30 à 0,40 cent, de hauteur, très
exactement creusées (en forme demi-sphérique) dans le
450 TROIS NOUVEAUX SQUELETTES HUMAINS
gravier argileux acheuléen sous-jacent, et remplies d'un
mélange, à peu près par parties égales, de la terre noire du
foyer moustérien placé au-dessus et du gravier sous-jacent.
L'existence de fosses artificiellement creusées et remplies
ensuite était d'une évidence absolue.
Dans la première de ces fosses, nous pûmes, en dégageant
avec d'infinies précautions, apercevoir en bas deux os longs
non épiphysés (à extrémités non encore soudées, ce qui
indique le jeune âge du sujet) du membre supérieur; au-
dessus, les os de la main ; plus haut encore, un os assez
volumineux non épiphysé du membre inférieur, et tout à
fait en haut, en arrière, un fragment de crâne.
L'autre fosse, distante de la première de 0,40 seulement,
se présenta exactement dans les mêmes conditions. Nous
nous arrêtâmes après avoir constaté la présence d'os aussi
fragiles que dans l'autre fosse, et paraissant également
appartenir à un sujet de même âge, soit 3 à o ans au maxi-
mum.
Les photographies que nous présentons montrent bien
l'aspect d'une des fosses. Nous présentons également à
l'Académie quelques-uns des très beaux silex taillés carac-
téristiques (pointes et racloirs) que nous avons recueillis
dans le foyer moustérien, juste au-dessus des fosses et à
leur surface.
Alors, successivement, pour chaque fosse, nous la cir-
conscrivîmes par un sillon assez profond. Plusieurs couches
de plâtre avec étoupe furent placées sur le bloc ainsi formé.
Puis le sillon ayant été prolongé en dessous, nous en cou-
lâmes aussi tout autour. Nous pûmes alors faire basculer
toute la masse du foyer ainsi recouverte de plâtre, puis la
retourner. Nous enduisîmes également le dessous d'une
couche épaisse de plâtre et nous obtînmes un gros ovoïde
recouvert de sa carapace de plâtre, le tout mesurant 0,70
au grand axe avec 0,10 au petit et renfermant tout le foyer
et son contenu osseux.
TROIS NOUVEAUX SQUELETTES III MAINS 451
Les deux ovoïdes ainsi préparés ont été enlevés. Ils seront
envoyés au laboratoire de paléontologie du Muséum, où
M. le professeur Boule, auquel nous les donnons (comme
nos précédents squelettes) pour les galeries de paléontolo-
gie humaine du Muséum, les fera dégager et les étudiera.
En somme, la découverte de ces deux petits squelettes
nous a permis de démontrer de façon irréfutable l'exis-
tence de fosses creusées artificiellement pour y placer les
morts. Ces fosses furent ensuite recouvertes de la terre
extraite en les creusant. Il y a donc là, de la façon la plus
nette, la preuve d'un rite funéraire1.
Ce point était en somme discuté jusqu'ici. Nos fouilles
l'établissent dune façon qui ne peut laisser aucun doute.
On comprend qu'au point de vue de l'évolution sociale et
ethnographique de ces très anciennes populations, le fait
a un réel intérêt.
C'est pour cela que nous avons tenu à donner immédia-
tement à l'Académie la primeur de ces toutes nouvelles
observations.
n. — CAP BLANC.
Il y a deux ans environ, le D1' Lalanne, de Bordeaux,
reconnut, au lieu dit le Cap Blanc, près de Lausselle, à 8
kilomètres au N.-E. des Eyzies (Dordogne), l'existence d'un
gisement magdalénien ancien, occupant un assez vaste
abri sur les flancs abrupts de la Beune, petit affluent de la
Vézère. Avec l'assentiment du propriétaire, M. Grimaud,
il fouilla cet abri, qui lui fournit une fort belle série
d'une industrie magdalénienne ancienne, à harpons sans
aiguilles.
1. Plusieurs savants, dont quelques-uns sont des préhistoriens forf
connus et très compétents, assistaient à nos fouilles et ont constaté très
nettement ce fait. Ils ont consigné leurs observations dans un procès-
verbal rédigé par M. l'abbé Breuil et signé par lui-même et MM. lîouys-
sonie, Obertnaier, Pierre Paris, le baron Blanc et le comte Begouen.
L912. 30
452 TROIS NOUVEAUX SQUELETTES HUMAINS
Parmi ces séries, il existait, à côté des silex taillés mag-
daléniens classiques (grattoirs sur bouts de lames fines,
burins abondants, perçoirs, etc.), toute une série de pièces,
en général beaucoup plus volumineuses et plus grossières,
les unes prismatiques et taillées à grands coups, d'autres
présentant des pointes épaisses bien retouchées, d'autres
constituant de très gros burins, et d'autres enfin plates,
avec une sorte d'épais tranchant, formant comme de puis-
sants racloirs. Ces pièces, qu'on ne rencontre générale-
ment pas dans le Magdalénien, avaient leur raison d'être
au Gap Blanc, comme on put s'en assurer lorsque la paroi
de l'abri eut été débarrassée de la terre constituant les
couches archéologiques qui la recouvraient. On vit alors
apparaître, profondément entaillée dans la paroi du fond de
cet abri, une véritable frise, composée de six images de
chevaux en ronde bosse et presque de grandeur naturelle.
Cette belle frise, la seule connue jusqu'à ce jour, a été
publiée par M. Lalanne et par l'abbé Breuil (Anthro-
pologie, tome XXII). La bande photographique mesu-
rant 1 m25, que nous avons l'honneur de présenter à l'Aca-
démie, a été exécutée par l'un de nous (Gapitan). Elle
donne beaucoup mieux qu'on n'avait pu le faire jusqu'ici
(et malgré de grandes difficultés d'exécution) l'aspect très
exact de ces images.
Or, si l'on examine ces belles et grandes figures, rondes
bosses à contours profondément creusés dans la roche
(et non pas seulement saillies du rocher aménagées), on
comprend immédiatement que, pour exécuter un pareil
travail, il a fallu un solide outillage, combiné pour cet
usage particulier, et alors l'existence et l'emploi des gros-
siers outils dont nous parlions plus haut se comprend aisé-
ment. Ils sont en effet parfaitement adaptés à cet emploi
spécial d'outils à perforer, racler, gratter, inciser et même
écraser la pierre (craie assez résistante) des parois de l'abri
(nous montrons une série de ces pièces à l'Académie).
TROIS NOUVEAUX SQUELETTES HUMAINS 153
Les fouilles de l'abri du Cap Blanc étaient considérées
comme complètement terminées, lorsque, M. Grimaud
ayant autorisé le classement de ces précieuses œuvres d'art
quaternaire, L'administration des Beaux-Arts, conformé-
ment à l'avis de la section préhistorique de la Commission
des Monuments historiques, fit édilîer devant l'abri une
petite construction destinée à le protéger et à le clore.
Dans le cours de ces travaux, alors qu'on était en train
d'abaisser le niveau du terrain pour rendre plus visible la
frise, les ouvriers aperçurent un crâne humain. Les tra-
vaux furent immédiatement suspendus, et le Ministre, puis
le propriétaire avisés.
Alors, a la demande de M. Léon, chef de division des
Monuments historiques, et de M. Grimaud, nous procé-
dâmes à l'extraction du squelette. Celle-ci fut très délicate
et très pénible ; elle nous demanda trois jours entiers de
travail.
Le squelette, en effet, gisait tout à fait à la base du
dépôt archéologique ; les fouilles s étaient arrêtées juste au
moment de Fatteindre.
Il était enterré au milieu de pierrailles. Trois assez
grosses pierres avaient été placées au-dessus de lui, une
sur la tête ; d'autres, volumineuses, se trouvaient aux
pieds. Il gisait à 2 m 30 de la paroi sculptée du fond de
l'abri, et à 0m60 seulement au-dessous du bas des pattes
du grand cheval. Ces particularités sont très visibles sur
les photographies que nous faisons passer devant les yeux
de l'Académie.
Le squelette avait été placé, couché sur le côté gauche,
le bras gauche replié et relevé, le bras droit avec le coude
posé sur le genou droit et la main sur la face ; les jambes
avaient été repliées au maximum et serrées l'une contre
l'autre ; les talons arrivaient presque au contact du bassin,
le crâne avait subi le mouvement de rotation très fréquent
dans ces cas, la face venant s'appliquer contre le haut de
la poitrine et sensiblement tournée vers la gauche.
454 TROIS NOUVEAUX SQUELETTES HUMAINS
Dans ces conditions, l'espace occupé par le squelette
était très petit, puisqu'il ne mesurait que 1 mètre environ
de longueur sur 0 m 60 environ de largeur.
Cette attitude du squelette prouvait de la façon la plus
nette qu'il avait été placé ainsi volontairement, de façon à
occuper le plus petit espace possible. Cette position d'ail-
leurs se retrouve dans beaucoup de sépultures antiques,
depuis les tombes préhistoriques d'Egypte jusqu'à celles de
Gaule et de Scandinavie.
Il ne nous a pas été possible de savoir s'il avait été placé
dans une fosse, ou simplement recouvert de pierres et d'un
peu de terre. Autour de ce squelette, nous n'avons trouvé
absolument aucun objet façonné ou en pierre ou en os.
Immédiatement au-dessus se trouvait le foyer des Mag-
daléniens, qui avaient vécu au-dessus de cette vraie sépul-
ture.
En présence de ce seul squelette trouvé dans ce gisement,
devant la curieuse et imposante production artistique qu'est
la frise des chevaux, on peut émettre tout au moins l'hy-
pothèse que ce squelette est celui du ou d'un des scul-
pteurs magdaléniens, fort remarquables d'ailleurs, qui ont
vécu dans cet asile et l'ont décoré.
En tout cas, toutes les constatations nécessaires devaient
être soigneusement faites. C'est ce à quoi nous nous sommes
employés. Nous avons aussi désiré en aviser l'Académie
en premier lieu, même avant l'étude du squelette, qui sera
remonté. et soigneusement décrit alors avec le concours de
M. le professeur Boule, du Muséum d'Histoire Naturelle.
Il s'agit en elfet là d'une découverte assez spéciale et qui
correspond probablement à des rites particuliers.
C'est pour cela que nous avons tenu à communiquer
tout d'abord ces faits nouveaux à l'Académie.
5,53
LIVRES OFFERTS
M. Héron de Villefosse présente, au nom de M. Rem'- Fage,
une brochure ayant pour litre : La maison natale d'Etienne Baluze
(Tulle, 1912, in-8°) :
« L'emplacement de la maison où, le 23 novembre 1030, naquit
le savant historien do Tulle, le grand érudit Etienne Baluze, était
demeuré incertain. On se demandait si celte maison n'avait pas été
démolie et on n'était pas encore arrivé à fixer le point de la ville de
Tulle qu'elle occupait. La question étudiée par le regretté Clément
Simon restait sans solution précise. M. René Fage a été assez heu-
reux pour établir que cette maison familiale se trouvait sur la
paroisse Saint-Julien, qu'elle était désignée dans les actes sous le
nom de maison de Séguy et qu'en réalité elle occupait le nn 1 de la
rue Rédole Peyre. Cependant il est probable qu'au xvne siècle la
vieille demeure de Séguy devenue celle de Baluze, incommode et
délabrée, fut rebâtie, mais conserva son entrée d'autrefois; sa vieille
cour et son portail sculpté existent encore. »
M. Héron de Villefosse offre ensuite à l'Académie, au nom de
MM. le baron de Raye et le marquis de Girardin, une publication
intitulée : A propos du bî-centenaire. Karamzin et Jean-Jacc/wx
Rousseau (Paris, 1912):
« Le célèbre historien russe Karamzin (1766-1826) dont, le 23 juillet
dernier, on a inauguré le monument à Ostiafiéro où s'écoulèrent les
meilleures années de sa vie, était un admirateur fervent de J.-J.
Rousseau. En 1789, il se rendit en Suisse afin de visiter en pèlerin, en
lisant « les Confessions », tous les endroits fréquentés par le philo-
sophe ; l'année suivante, il vint en France pour contempler à Erme-
nonville, dans le domaine consacré par le marquis de Girardin aux
beautés de la nature, le lieu où Rousseau trouva la mort. Les lettres
qu'il écrivait pendant ces deux voyages, en rendant compte de ses
impressions, débordent d'enthousiasme. Dans une description
d'Ermenonville, datée de juin 1790, il évoque à chaque ligne le sou-
venir de Rousseau. MM. le baron de Raye el le marquis de Girardin
ont reproduit une partie de celte intéressante correspondance. Ils
456 LIVRES OFFERTS
ont jugé utile d'y joindre plusieurs extraits d'un mémoire de Karamzin
intitulé Quelques jnots sur la science, sur Varl et sur l'instruction,
mémoire écrit en 1794, contenant des appréciations critiques de
l'œuvre de Rousseau et marquant bien l'évolution qui s'était produite
clans l'esprit de Karamzin après 1793. »
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
M. Valois prononce l'éloge funèbre de M. Théodore Gom-
perz, correspondant de l'Académie, dans les termes suivants :
« J'ai le regret d'annoncer à l'Académie la perte d'un de ses
correspondants les plus illustres.
« M.Théodore Gomperz, qui nous appartenait depuis dix-neuf
ans, s'est éteint la semaine dernière, le 29 août, aux environs de
Vienne, dans sa cSle année.
« Il n'est point besoin d'être helléniste, ni philologue, pour
connaître ce nom fameux entre tous ceux des savants qui ont le
plus contribué à mieux faire apprécier la littérature et la pensée
des Grecs.
» Né h Brunri le 29 mars 18:*2 et élève du gymnase de cette
ville, Théodore Gomperz se rendit bientôt à l'Université de
Vienne, où il eut pour maître le philologue Ilermann Bonitz
et où il devait devenir lui-même, en 1869, professeur exlraor-
i.">8 SÉANCE Di: 6 SEPTEMBRE 1912
dinaire, puis, en 1873, professeur ordinaire de philologie clas-
sique. L'Académie de Vienne lui ouvrit ses portes en 188'2.
« Vous n'attendez pas de moi, Messieurs, une énumération
même sommaire des brochures, des articles et des livres qui ont
illustré Gomperz. Laissez-moi seulement vous rappeler l'origi-
nalité de son esprit et l'orientation si personnelle qu'il sut
donner à ses études.
« De la critique des textes, le philologue s'éleva bientôt à
l'histoire de la littérature et des idées, particulièrement des
idées philosophiques.
« Aux études sur Démosthène homme d'État, sur des frag-
ments d'Epicure, sur Hérodote, sur la poétique d'Aristote, sur
les Caractères de Théophraste, succéda l'ouvrage capital des
Penseurs Grecs, qui eut l'honneur d'être édité plusieurs fois et
d'être traduit en français, traduction couronnée par l'Académie
française et précédée d'une préface dont l'auteur est notre con-
frère M. Alfred Groiset.
« Je crois me faire l'interprète des sentiments unanimes de
l'Académie en exprimant les regrets que nous cause la dispari-
tion d'un savant considérable dont nous étions fiers de voir
figurer le nom sur la liste de nos correspondants. »
M. Héron de Villefosse communique, au nom du R. P.
Delattre, correspondant à Carthage, un très intéressant rapport
sur l'exploration des dépendances de la grande basilique de
Damous-el-Karita. Ces dépendances comprenaient deux cha-
pelles et plusieurs chambres occupées par des sépultures. Le
P. Delattre y a découvert des sarcophages, plusieurs inscriptions
chrétiennes, des mosaïques et divers objets. Dans une tranchée
creusée à l'opposé du chemin de Sidi-bou-Saïd, il a trouvé un
édifice circulaire de 9 à 15 mètres de diamètre dans lequel il put
pénétrer par la partie supérieure. La suite des fouilles lui montra
bientôt la disposition de cette rotonde souterraine, pavée en
mosaïque, formant une salle exactement ronde, entourée jadis
de seize colonnes de granit. Entre les colonnes se trouvaient de
hautes niches descendant jusqu'à la mosaïque. Cet important
monument est aujourd'hui une des principales curiosités de Car-
thage : il paraît avoir été d'abord un baptistère, converti plus
tard en chapelle avec une destination différente.
SÉANCE DU ^ SEPTEMBRE 1D12
459
A la fin de son rapport, le P. Delattre signale la découverte
d'une curieuse lampe chrétienne, ornée d'un poisson dans sa
partie centrale sur laquelle il est nécessaire d'appeler l'attention
de l'Académie. Les bords de cette lampe portent des lettres en
relief, disposées circulairemenl et se présentant à l'envers, dont
l'explication ne paraît pas facile. On lit d'un côté : +AX-BVCTA'
Lampe chrétienne recueillie dans la rotonde souterraine
de Danioiis-el-Karila.
De l'autre enté -R-ÇSL- *, ces dernières lettres sont suivies de
quatre caractères qui semblent appartenir à l'écriture néo-
punique. Il est intéressant de publier un dessin de cette lampe
que le P. Delattre a conliée à M. Héron de Villefosse pour
être offerte, en son nom, au Musée du Louvre et qui parait
remonterai! vie siècle de notre ère. Il y a là une petite énigme à
résoudre ' .
1. Voir ci-après,
460 FOUILLES DE DAMOUS-EL-KARITA
M. Séymour de Ricci communique les résultats de ses
recherches sur les feuillets manquants d'un manuscrit de
Léonard de Vinci relatif au vol des oiseaux, et dérobé par Libri,
vers 1840, à la Bibliothèque de l'Institut. Ce manuscrit se com-
posait de dix-huit feuillets dont treize furent vendus par Libri au
comte Manzoni et donnés récemment par un savant russe à
S. M. le roi d'Italie. M. de Ricci, à l'aide de catalogues anglais
faisant partie de sa collection, retrace l'histoire des cinq feuillets
manquants dont il a retrouvé plusieurs chez des collectionneurs
anglais.
COMMUNICATION
FOUILLES DE DAMOUS-EL-KARITA.
RAPPORT DU R. P. DELATTRE, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE.
Dans un précédent rapport sur l'exploration des dépen-
dances de la basilique de Damous-el-Karita, je signalais la
découverte d'une partie des bâtiments, longue de 40 mètres
et large de 20. Dans le mur opposé au chemin qui passe
entre nos ruines, s'ouvrait une série de chapelles. Nous
en avons d'abord déblayé deux, l'une et l'autre situées à
l'extrémité du mur en question.
Entre ces deux chapelles, il existait plusieurs petites
salles que nous avons entièrement explorées. Une d'elles
était occupée par une citerne qui a été défoncée pour
être transformée en puits. Une autre salle renfermait deux
sarcophages de marbre qui méritent d'être décrits avec
leur contenu.
A. — Sarcophage de marbre, long de 2m 11, large de
0m63, à face ornée de deux rangées de strigiles. Il était
encore muni de son couvercle avec scellements de plomb
aux deux extrémités. Ce couvercle est entièrement sculpté
en forme de toit; mais c'est un couvercle de fortune. Sur
un de ses grands côtés, il a été entaillé pour s'adapter à
FOUILLES DE DAMOUS-EL-KATUTA
461
la largeur de la cuve. Tel quel, il paraît bien conservé.
Mais lorsqu'il s'agit de le lever, nous constatons que le
marbre n'a plus de consistance. Il part en lambeaux,
surtout dans les parties moins épaisses.
Cependant, aucune infiltra lion n'a pénétré dans la cuve
Carlhnye. — Damous-el-Karila.
Aspect des fouilles : couvercle du sarcophage A.
cl un squelette aux ossements fortement brunis par le
temps apparaît à nos veux. Le cadavre semble avoir été
couché sur le flanc droit, les jambes assez fortement pliées.
Le crâne est complètement aplati. Lu désordre inexplicable
se montre dans la position des vertèbres et des entes. Le
sacrum apparaît à la hauteur du cou. Le trou triangulaire
162
K0UI1.LES DE DAMOUS-EL-KARITA
du bassin semble révéler le squelette d'une femme. Une
sorte de formation calcaire ou résidu d'aromates a conservé
l'empreinte d'une étoffe. La tête était du côté de la ville,
et les pieds du côté de la grande basilique.
B. — Le second sarcophage, également de marbre, est
long de 2m 25, large de 0m 61, haut de 0m 52. La face est
m
%
Carthage. — Damous-el-Karita.
Vue des fouilles : ù droite, les cellae.
aussi ornée de strigiles. La cuve, arrondie à ses extrémités,
mesure intérieurement I m8S de longueur, 0"' 47 de largeur
et 0 '" 42 de profondeur. Elle était complètement remplie
de terre mêlée à une quantité considérable de petits
morceaux de marbre de diverses couleurs, provenant d'un
pavement ou d'un parement de muraille. Au fond reposait
FOUILLES DE DAMOUS-EL-KAR1TA
i-63
la dépouille d'une personne de complexion délicate. Le
crâne est petit, la mâchoire bien arrondie. Les dents, très
fines, sont au nombre de 28 ; les dents de sagesse n'ont pas
évolué. Les os des bras et des jambes l'ont penser à un
sujet adolescent; cependant le sternum est solidifié.
D'après le D* Bertholon, qui a bien voulu étudier les
restes de ce squelette, les ossements ont appartenu à une
Carthage. — Da.mous-el-Ka.rila.
\ ue des cellae.
jeune fille d'environ vingt ans. ayant I '" io de taille, d'un
type fin et d'une complexion très délicate'.
l. Un autre médecin, le 1)' Vidal, à qui je montrai la mâchoire et
l'humérus de ce squelette, les Mllril.ua au corps d'une jeune fille de in à
25 an>.
lli'l FOUILLES DE DAMOlS-EL-KAltlTA
Près de la main droite étendue le long du corps, nous
recueillons, dans une matière brune ressemblant à de la
terre d'ombre, une grande quantité de fil d'or. Il devait y
avoir là un document, peut-être un parchemin, renfermé
dans un sachet de drap d'or.
Les deux sarcophages semblent bien avoir contenu les
restes de femmes ou de jeunes filles. Il ne faut pas oublier
que nous sommes dans la partie des dépendances de la
basilique où nous avons trouvé les épitaphes des religieuses
EVTITIA et COBVL, ainsi que les fragments des épitaphes
de plusieurs autres vierges consacrées à Dieu.
A quoi servaient les différentes cellae qui s'ouvraient
sur la grande salle dont nous avons donné plus haut les
dimensions ? Il n'est pas facile de le déterminer. On sait
qu'autour des basiliques, il y avait nombre de chambres,
habitées par les employés ou destinées au mobilier litur-
gique, à la conservation des livres, etc.
L'extrémité de la grande salle qui nous amène à une
distance de 200 mètres de l'absidiole au fond de l'atrium
demi-circulaire de la vaste basilique, marque, le long du
chemin, la limite du terrain que j'ai exploré jusqu'à pré-
sent. Le terrain continu, également situé contre le chemin
de Sidi-bou-Saïd, appartient à un Arabe qui, en 1897, l'a
consciencieusement exploité pour en extraire des maté-
riaux de construction.
C'est là que les chercheurs de pierre avaient découvert,
au-dessus de très curieuses sépultures chrétiennes, une
mosaïque portant une inscription particulièrement intéres-
sante :
FLAVIVS
VALENS SENIOR
SODALICI MEMO
RIA HAC FECIT
SIC SEMPER
FOUILLES DK DA \K M S-EL-KA1UTA
i65
Sous cette mosaïque, se trouvait un hypogée formé d un
couloir sur un des côtés duquel s'ouvraient deux rangées de
niches, voûtées en berceau et revêtues intérieurement
d'une couche de plâtre très blanc. Au fond d'une de ces
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d Ce Ccwe&u .
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Carthage. — Damous-el-Karita.
Caveau funéraire avec escalier d'accès.
niches, je me souviens avoir vu, tracé à la pointe, le signe
du Christ dans une couronne. J'obtins du propriétaire de ce
terrain l'autorisation d'y déposer les déblais de nies
fouilles.
ifi() FOUILLES DE DAMOUS-EL-KAR1TA
Mais avant de le recouvrir d'une épaisse couche de terre,
malgré le peu d'espoir d'y rencontrer quelque chose
d'inédit, je voulus l'explorer encore. Je pensais au moins
retrouver l'hypogée que j'avais vu en 1897. Hélas ! il avait
entièrement disparu sous la pioche des Arabes. J'aurais été
heureux de revoir cette sépulture chrétienne qui avait
mérité l'honneur d'un facsimilé pour l'Exposition univer-
selle de Paris. Temps et argent ne lurent cependant pas
complètement perdus.
En effet, nous rencontrâmes encore plusieurs tombes1,
des mosaïques, des morceaux de sculptures et d'inscrip-
tions. Mais la découverte la plus intéressante fut celle, au
milieu du champ, d'un caveau funéraire, qui avait échappé
aux chercheurs de pierre. Il est situé au milieu du terrain,,
à 25 mètres de la grande salle, dans le prolongement de
la ligne de piliers opposée au chemin.
Il se compose d'une chambre voûtée en plein cintre,
longue de im30, large de 1 m 95. On eût pu la prendre
pour une citerne. Mais, en la déblayant, on découvrit un
escalier d'accès dans l'angle est du monument. Cette
chambre fut partagée d'abord en sept auges par des cloisons
en maçonnerie. Les deux compartiments du fond étaient
surmontés d'une autre sépulture. Ces deux tombes ont été
détruites ; toutefois, leurs dalles de fermeture qui étaient
encastrées dans les parois du caveau, ont laissé l'indica-
tion de leur place par des rainures très nettes traversant
l'enduit, comme on peut le voir sur la photographie
ci-jointe.
Dans ce caveau, on découvrit une dalle de calcaire gris,
haute de 0 m 32, longue de 0m 93 portant l'inscription sui-
vante :
MICCE FIDELIS IN PACE DP SU IDVSI VNIA
1. Une tombe en pleine terre, formée de grandes dalles, dont une pour
le fond; elle renfermait, avec le squelette, quelques clous de fer cl un pen-
dant d'oreille, petit anneau en or.
FOUILLES DE l)AU( >l S-KL-KA ISI I A
i(i7
Les lettres ont 0 ni 055. L'inscription suit le bord supé-
rieur de la dalle. Les deux lettres DP, après IN PACE, sont
chacune traversées par une barre oblique.
Avec cette dalle funéraire, qui paraît entière, on trouva
un fragment d'une autre épitaphe également gravée sur
Ca.riha.ge. — Damous-el-Karita.
Chambre funéraire : rue des auges <lu fond.
calcaire gris. Le morceau, à revers lisse, épais de 0m035,
haut de 0 '" 33 el large de 0 m 27, porte :
/////AVRELIA/////
Les Lettrés <>nt I) '" 07 de hauteur. La lettre I est beau-
coup moins grande que les autres.
I '.i l :> .
31
i68
FOUILLES DE DAMOUS-EL-KARITA
En déblayant les auges et en tamisant la terre, on
recueillit quatre bracelets en pâte de verre, de couleur
noire, des fragments de vases en verre, un objet en
bronze, plusieurs grains de collier, des morceaux de corail
et des coquilles percés d'un trou de suspension. Parmi les
Carthaye. — Damous-el-Karita.
Pièces d'an collier recueillies dans les auyes de la chambre funéraire.
éléments de collier, il convient de signaler encore diverses
pièces en os et en ivoire : personnages grotesques, corne
très finement travaillée, main droite tenant une palme, et
enfin un poisson. A part ce dernier objet, tout le reste n'offre
rien de chrétien et je suis à me demander si cette décou-
verte ne nous conduit pas à la limite des dépendances de la
Basilique.
FOUILLES DK DAMOUS-EL-KARITA
m
Cependant vers l'angle est du terrain, on avait rencontré
quantité de débris de marbres sculptés ; entre autres, des
morceaux de chapiteaux décorés de têtes de bélier et de
chouettes, des débris de chancels ajourés représentant
divers animaux symboliques : paon, colombe, poisson,
enfin plusieurs fragments dune inscription sortant des
formules ordinaires et dont voici la description :
Angle supérieur d'une dalle de marbre, haut de 0 '" 28,
large de 0m21, et fragment haut de 0m 18 et large de
II1" 10, appartenant aux deux premières lignes.
Ca.rtha.ge. — Damous-el-Karita.
Pièces recueillies iluns les auges delà chambre funéraire.
+HIC H ////////////
C VI VSPO /////////
H VNC //////////////
E /////////////////////
/////OR/////
///OBIT///
Hauteur des Lettres 0 "' 05.
470 FOUIELES DE DAMOUS-EL-KAIUTA
Dans le morceau a, à la troisième ligne, après C, amorce
pouvant convenir à un V ; à la quatrième ligne, amorce
appartenant peut-être à un T. Dans le fragment />, R est
suivi dune amorce convenant à un A. Deux autres frag-
ments appartiennent aux dernières lignes de l'inscription.
Fragment c mesurant 0m loo de hauteur et 0m 13 de lar-
geur
/////// XOI////
///VLOPI////
Fragment d, haut de 0 '" 10 et large de 0 m 07 :
cl
/////// VS|
Ce sont les deux dernières lettres par lesquelles se ter-
minait l'inscription.
La dalle est plus épaisse à la partie supérieure qu'à la
partie inférieure. La découverte de ce texte me décida à
creuser une tranchée à l'opposé du chemin dans le talus
servant de limite aux deux terrains. Après avoir rencontré
une portion de mur circulaire, on ne tarda pas à atteindre
une construction importante, énorme calotte qui fit d'abord
penser à une vaste citerne. On entreprit de la contourner.
Mais en dénudant cette coupole, on constata qu'elle était
décalottée, et c'est par un orifice de huit mètres de dia-
mètre qu'on se mit à la déblayer.
Arrivés a la naissance de la voûte, nous pouvions cons-
tater que nous étions dans un édifice circulaire de 9 m 15 de
diamètre. Bientôt apparut le sommet d'une colonne encore
en place entre deux niches peu profondes. Il était dès lors
facile de deviner que niches et colonnes devaient se répéter
tout autour du monument.
En continuant le déblaiement, on se trouva devant un
FOUILLES DE DAMolS-KI.-KARITA
'«71
chaos de tronçons de colonnes tombées et brisées. Les
fouilles fournissaient en même temps des fragments d'ar-
chitecture identiques à ceux que j'ai déjà signalés :
têtes, cornes et pattes de bélier; corps, têtes et ailes de
chouettes, feuilles épineuses de chapiteaux, de consoles,
etc.
Un débris d'inscription donnait :
SITA ANNUE/7/////
Ca.rtha.ge. — Da.mons-el-Ka.rUa.
Vue de la rotonde souterraine.
On découvrit dans cette salle deux baies d'accès, situées
vis-à-vis l'une de l'autre, et, entre ces deux entrées, trois
soupiraux destinés à laisser pénétrer un peu de lumière
dans la construction souterraine.
Enfin, à !> mètres de profondeur, on parvint au pavage de
172
FOUILLES DE DAMOUS-EL-KARITA
la salle, mosaïque de bonne époque, malheureusement
assez mal conservée. Au centre, une portion de cette
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Carthage. — Rotonde de Damous-el-Karita.
Plan supérieur.
FOUILLES DE DAMOUS-EL-KARTTA *73
mosaïque, circulaire, do deux mètres de diamètre, est
entourée de dalles larges de 0'» 60. Cette zone devait porter
un chancel ou un ciborium.
Carthage. — Rotonde de D'amous-el-Karita.
Rotonde ; plan à demi-ha,uteur de la tour.
La suite des fouilles nous a montré la disposition com-
plète de cette rotonde souterraine et de ses dépendances.
\lk
FOUILLES DE DAMOrS-EL-KARlTA
Dans l'angle sud du terrain voisin, nous avons trouvé,
comme à Ycsf, une portion de mur circulaire à très grand
rayon,. Chacun de ces murs est percé d'une baie donnant
accès dans une petite salle, puis dans un corridor qui
aboutit à la rotonde. Les deux corridors sont symétriques.
Voici la description de celui de gauche qui est le mieux
conservé.
De la salle située derrière le mur en section de cercle,
on descend dans un corridor long- de 40 m 40. Il s'enfonce
dans le sol par quatre séries de trois degrés, séparées l'une
de l'autre au moyen d'un palier en mosaïque. Après le
-.■quel .. .
Carlhac/e. — Rotonde de Damous-el-Karita.
Coupe verticale sur l'axe des entrées.
le quatrième groupe de marches, le corridor tourne à angle
droit pour aboutir, par un escalier de neuf marches, à
lentrée de la rotonde. Le palier d'angle de ce couloir sou-
terrain était orné de colonnettes dont les bases ont été
retrouvées en place. Si maintenant nous pénétrons dans le
monument, nous nous trouvons dans une salle exactement
ronde, entourée jadis de seize colonnes de granit, hautes
de 3 m 45, distantes l'une de l'autre de lm 60 d'axe en axe.
Entre les colonnes se trouvent de hautes niches descendant
jusqu'à la mosaïque.
FOUILLES DE DAMOIS-EL-KAH1TA 475
Une seule des colonnes était demeurée intacte et debout.
Nous avons pu en reconstituer neuf autres et les redresser
à leur place. Ces dix colonnes se profilent contre un mur en
appareil régulier formé de petites pierres de taille aujour-
d'hui rongées par le temps.
La mosaïque n'offre aucun symbole permettant d'assigner
à cette rotonde sa véritable destination.
Sur la zone de dalles qui entoure la partie centrale de la
mosaïque, se dressaient sans doute des colonnes de moyen
module dont nous avons retrouvé des morceaux. Ces
colonnes étaient en marbre numidique.
Jim.» a o y
f;*r?y;wtygwM'/p
Carthage. — Rotonde de Damous-el-Rarita.
Coupe longitudinale sur la galerie ; côté de rentrée.
Sous une des dalles qui portaient le chancel ou le cibo-
rium, nous avons trouvé, à la fin des fouilles, une curieuse
lampe chrétienne en terre grisâtre à l'emblème du Poisson,
entouré de lettres d'une forme bizarre (voir p. £59).
Des deux escaliers symétriques communiquant avec la
rotonde, le premier découvert, c'est-à-dire celui qui se
présente à gauche, semble avoir été le corridor d'accès,
tandis que l'autre paraît avoir été destiné à la sortie. Je
base cette conclusion sur ce fait, que le second couloir à
son extrémité supérieure, près du mur courbe où il aboutit,
est pavé d'une mosaïque dont l'ornementation symbolique,
composée d'un grand calice portant une large fleur rouge
476 LIVRES OFFERTS
et entouré de divers oiseaux, se présente dans son vrai
sens pour celui qui montait de la rotonde.
Ce curieux monument semble avoir été d'abord un
baptistère, converti plus tard en chapelle avec une autre
destination.
Avec ses dix colonnes relevées, notre rotonde souter-
raine forme aujourd'hui une des principales curiosités
archéologiques de Cartilage. Les plans de ce curieux édi-
fice joints à notre rapport et qui en constituent le meilleur
commentaire, sont l'œuvre de M. A. Thouverev, chef du
bureau du dessin à la Direction générale des travaux
publics de Tunis. C'est aussi à sa parfaite obligeance que
nous devons les coupes de la rotonde et d'un des escaliers
qui la desservent. Nous lui en adressons nos plus chaleu-
reux remercîments.
LIVRES OFFERTS
M. Héron de Villefosse offre à l'Académie, au nom de l'auteur,
M. Emile Chénon, professeur à la Faculté de droit, une brochure
intitulée : Xotice nécrologique sur Henri d'Arbois de Jubainville
(Paris, 1912: extr. du Bulletin de la Soc. nat. des Antiq. de France,
1912) :
« La notice que M. Chénon vient de publier sur la vie de notre
regretté confrère d*Arbois de Jubainville qu'il n'avait pourtant pas
connu personnellement est charmante, agréable à lire, pleine de
simplicité et dé cœur ; les pensées et les faits s'y enchaînent d'une
manière attachante et tout à fait naturelle. Il nous montre le jeune
archiviste devenu tour à tour historien, philologue, juriste, archéo-
logue, s'imposant à l'attention de tous par la valeur de ses travaux et
l'originalité de sa nature. Ces pages n'ont qu'un défaut, c'est d'être
trop courtes : elles seront lues avec plaisir et même avec émotion
par les confrères, les disciples et les amis de d'Arbois. La notice de
M. Chénon est accompagnée d'un index bibliographique des ouvrages,
mémoires et articles de notre confrère, comprenant 422 numéros,
classés suivant l'ordre chronologique; cet index permet de se faire
une idée complète de l'œuvre à la fois si étendue et si variée qui
perpétuera la mémoire de d'Arbois de Jubainville. »
477
SÉANCE DU 13 SEPTEMIUŒ
PRESIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PHESIDENT .
Le P. Scheil présente un poids babylonien, de tous le plus
ancien, puisqu'il est daté du roi Ouroukaghina (vers 2800
av. J.-C). C'est un poids de 15 sicles, soit d'un quart de mine.
Au peser, il représente 1 19 gr. .S0, soit pour la mine entière le
total de 477 gr. '20 ■ .
M. Gagnât communique une note dans laquelle M. Merlin,
directeur des antiquités de la Tunisie, étudie et discute cer-
taines opinions récemment émises sur l'emplacement du champ
de bataille de Zama. Dans des ouvrages parus dernièrement, on
a proposé de fixer le lieu de cette rencontre fameuse soit au Sud
de Sidi Youssef, sur la frontière tuniso-algérienne, soit aux
environs du Kef. M. Merlin démontre tout ce que ces théories
ont d'hypothétique et conclut qu'en réalité, dans l'état actuel de
notre documentation, il ne semble pas possible de localiser
exactement l'endroit où s'est produit ce combat qui marqua, par
la défaite d'IIannibal, la lin de la seconde guerre punique, en
'20'2 avant Jésus-Christ.
M. Clermont-Ganneau présente quelques observations.
M. Noël Valois donne lecture d'une étude sur les sermons
prêches par le pape Jean XXII devant le collège des cardinaux.
I . Voir ci-après.
178
COMMUNICATION
UN POIDS BABYLONIEN,
PAR LE P. SCHEIL, MEMBRE DE L'ACADÉMIE.
J'ai l'honneur de présenter à l'Académie un poids baby-
lonien — de tous les poids babyloniens le plus ancien
connu, que j'ai eu la chance de rencontrer récemment et
d'acquérir.
Au lieu que l'ensemble de ceux dûment datés, décou-
verts jusqu'à ce jour, remontaient, comme au plus haut,
à Dungi, roi d'Ur, vers 2500, — notre nouveau spécimen
dépasse cette limite de trois siècles au moins, puisqu'il
appartient au temps de Urukagina. On sait que ce prince de
Telloh est antérieur à Sarrukin et contemporain de la
lro dynastie d'Uruk, vers 2800.
UN POIDS IîABYLONIEN
479
Les poids babyloniens affectent volontiers la forme
d'olive, ou encore (on ne sait pour quelle raison) la forme
vague de canard au long cou replié sur le dos ; celui-ci se
montre comme un fuseau de 0"' 005 de hauteur sur 0'" 04
de diamètre au milieu, taillé dans un galet de calcaire
nummulitique, bien conservé, sans aucune perte de
substance.
L'inscription compte quatre lignes ou cases :
15 (n. \
dingir) Nin-gir-su
Uni ka-gi-na
lugal Gir-su-ki
C'est-à-dire en traduction :
(Ceci sont) 15 sicles
du dieu Nin girsu,
(par le fait) de Urukagina
roi de Girsu
( le poids représente donc un quart de mine, et à la
balance de précision donne net 119 gr. 30; d'où pour la
mine entière à cette époque, le total de 477 gr. 20.
Il est fort possible que de cette mine si ancienne soient
issues par développement les variétés de mines que nous
rencontrerons plus tard, et qui ont pu coexister avec
elle.
En ajoutant à la mine de Urukagina son 1/36, vous
obtenez 190 gr. 45 dont approche un poids de date incer-
taine, mais assez ancien (au nom d'un inconnu GAL(an) IGI-
MA-na), et permettant d'évaluer la mine à i89 gr. 60'. A
cette catégorie appartiendrait aussi le poids de Dungï imité
l. Zeitschr. </. ileutsch. Morgenl. Gesellsch., LXI, p. 397, n- 12
(Weissbach).
i80 un poids babylonien
par Nabuchodonosor II (605-562), et indiquant pour la
mine &89 gr. 15 1.
En ajoutant à la mine d'Urukagina son 1/21, vous obte-
nez 497 gr. 08, poids presque identique à celui d'une autre
mine de Dungi, évaluée tantôt à 496 gr. et tantôt à
497 gr. 50.
Enfin, en y ajoutant son 1/20, vous obtenez 501 gr. 06,
qui n'en doivent guère à la mine de Gimil Sin évaluée ù
502 gr. 195 2.
Quoi qu'il en soit de l'origine de ces diverses unités et des
rapports possibles entre elles, la découverte d'un poids de
l'époque de Urukagina, bien conservé et fixant la mine
à 477 gr. 20, est un fait important.
Notre exemplaire est revêtu de la signature souveraine
et constituait une pièce officiellement contrôlée, dont la
valeur se trouvait garantie, au nom de Ningirsu, dieu pro-
tecteur de la cité, par le roi lui-même.
Urukagina fut un prince ami de la justice, ennemi de la
fraude, qui se glorifie en diverses inscriptions d'avoir
réformé les abus, aboli les exactions des grands, réglé le
tarif de certaines fonctions. L'on peut croire que, porté du
même sentiment, il surveilla les poids et mesures, et en
établit les normes ; il le fît sous les auspices de la divinité,
en disant à son peuple, longtemps dès avant Salomon :
« La balance et les plateaux justes sont de Dieu et toutes
les pierres du sac (les poids ) sont son œuvre ! » (Prov..
xvi, 11.)
1. Zeilschr., vol. et p. cit., n" 10.
2. Lehmann applique ces mêmes formes de développement à une mine
« normale •> présumée de 491 gr. 2 [Ibid., LXV, p. 19, d'après W, .
481
SÉANCE DU 20 SEPTEMBRE
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Héron de Villefosse communique une lettre du comman-
dant Espérandieu, correspondant de l'Académie, relative à la
découverte d'une clôture en pierres sèches ayant l'aspect d'un
retranchement, au lieu-dit la Croix-Saint-Charles, à Alise-
Sainte-Reine :
« 20 septembre 191 '2.
« Je vous serais reconnaissant d'annoncer à l'Académie la
découverte que nous venons de faire, M. le docteur Epery et
moi, de ce qui nous paraît être l'ouvrage de défense dont il est
question dans cette phrase des Commentaires, relative au siège
(VA les ia :
« Sub muro, quae pars eollis ad orientent solem spectabat,
hune omnem lùcum copiae Gallornm compleverant fossamque
et maceriam sex in altitudinem pedum praeduxerant. »
(Livre VII, ch. 69.)
« La maeeria, dont la hauteur, en certains endroits, est
encore de près d'un mètre, a l'apparence d'un mur néolithique.
Elle est construite de pierres brutes et mesure de 5 à 6 mètres
d'épaisseur. Le fossé qui la précède, creusé dans un sol rou-
geâtre, est aujourd'hui reconnaissable à la couleur noire de la
terre qui le remplit.
« L'obstacle n'avait pas moins de i à .") mètres de hauteur. Il
s'étendait, d'un escarpement à l'autre, sur les pentes orientales
du Mont Auxois, et barrait complètement l'accès du plateau,
suivant une direction à peu près perpendiculaire à la voie gau-
loise trouvée l'an dernier.
« Cette découverte, qui confirme nos prévisions, a, croyons-
nous, de l'importance, non seulement parce qu'elle démontre
l'exactitude du récit de César, mais aussi parce qu'elle permet,
autrement que par hypothèse, de fixer l'emplacement du camp
gaulois. »
ï-82 SÉANCE UL 20 SEPTEMI5KE 1912
M. Héron dé Villefosse fait ressortir l'intérêt capital de celte
constatation et rappelle qu'au dernier congrès des Sociétés
savantes, M. le docteur Eperv avait émis des hypothèses qui se
trouvent ainsi confirmées.
Maintenant il s'agit de rechercher les murs d'Alésia sur la
crête supérieure de la montagne. Dans une conférence faite
récemment à l'assemblée générale de la Société française des
fouilles archéologiques, AI. J. Toutain a clairement résumé tout
ce qu'on sait jusqu'ici des murailles gauloises d'Alise. 11 a
rappelé qu'aux deux extrémités du plateau on avait retrouvé les
traces de murs de travail gaulois sans aucun doute. Ces traces
rencontrées les unes à l'Ouest, les autres à l'Est du Mont-Auxois
appartiennent-elles au même ensemble et datent-elles de la
même époque? C'est une question qu'il serait intéressant
d'éclaircir aujourd'hui. Pour dégager ce vénérable ensemble
d'une manière complète, le travail sera colossal, mais les
résultats seront certainement fructueux.
En ce qui concerne la nouvelle découverte, les premières
recherches dans la partie du fossé, actuellement déblayée,
ont amené la trouvaille de poteries grossières, mal cuites, de
l'époque gauloise, de cornes de bovidés dont l'extrémité a été
coupée et polie, de fibules, d'une monnaie gauloise en argent,
probablement des Helvètes, et de quelques ossements humains.
M. Charles Dieiil fait une communication sur le « Trésor de
Poltava » :
« Il y a quelques semaines, près d'un village du gouverne-
ment de Poltava (Russie méridionale), deux jeunes garçons
découvraient par hasard, enfoui peu profondément dans la
terre, un trésor d'objets précieux, vases d'argent et d'or, armes,
bijoux, etc., comprenant plus d'une centaine d'objets, et qui
constitue une des plus belles collections d'orfèvrerie ancienne
qui aient été retrouvées. Abandonné d'abord à l'ignorance des
paysans, qui fort heureusement prirent l'or pour du cuivre et
l'argent pour de l'élain, qui pourtant détournèrent aussi ou
mirent en pièces une partie des objets découverts, le trésor de
Poltava a été sauvé enfin par les soins de la Commission archéo-
logique impériale, et il ne tardera pas à entrer au Musée de
l'Ermitage.
SÉANCE DU 20 SEPTEMBRE 1 (J 1 2 483
« M. Diehl fait brièvement connaître les pièces principales
qui composent ce trésor, vases et coupes d'or et d'argent relevés
de sculptures en relief, vaisselle précieuse, bijoux, armes et har-
nachements de chevaux, plaques d'or non travaillé. Parmi ces
objets, les uns se rattachent à l'art chrétien, et certains peuvent
remonter au ive et au ve siècle ; le plus grand nombre est d'art
sassanide, par exemple la magnifique coupe d'argent au centre
de laquelle figure un roi perse à cheval. Aucune pièce ne semble
postérieure au milieu du vne siècle ; des monnaies d'or trouvées
avec le trésor portent l'effigie de l'empereur Iléraclius et de ses
fds, Constantin et Iléracléonas (638-641). Il est donc probable
que ce trésor provient de quelqu'un de ces chefs de peuples
nomades, Bulgares ou Avars, qui erraient alors dans les steppes
de la Russie du Sud, et qui plus d'une fois se mirent au service
de l'empire perse pour ravager le pays byzantin. »
M. Ravmond Weill fait une communication sur les fouilles
qu'il a exécutées à Tounali et à Zarouiét El-Maietin (Moyenne-
Egypte) ■ .
M. Seymour de Ricci communique les photographies d'une
collection fort précieuse de tapisseries gothiques récemment
acquise en bloc par M. Pierpont-Morgan. Ces tapisseries
n'avaient pas quitté, depuis quatre siècles, le château de Knole,
au comlé de Kent, qui appartint jadis aux archevêques de
Canterbury et aux rois d'Angleterre. Elles datent de l'âge d'or
de la tapisserie flamande, de 1480 à 1520; grâce à l'étude des
coiffures féminines, M. de Ricci a pu préciser l'époque probable
de chaque panneau. Certaines, tissées d'or et d'argent, comptent
parmi les plus beaux exemples connus de la tapisserie flamande.
On y reconnaît des scènes sacrées et profanes, YEcce Homo,
sainte Véronique présentant la sainte face à l'empereur Vespa-
sien, un miracle, Enée et Didon, le Jugement d'Othon, des
scènes de romans médiévaux.
Du reste, les Parisiens pourront, dans quelques jours, les
admirer à loisir, M. Seligmann ayant obtenu de M. Pierpont-
Morgan l'autorisation de les exposer à Paris, pendant un mois,
l. Voir ci-après.
uni'. 32
184 FOUILLES A TOUNAH ET A ZAOUIÉT EL-MAIETIN
au bénéfice de la Société des Amis du Louvre. On verra expo-
sées en même temps deux autres superbes tentures, récemment
acquises par le même amateur américain, un Credo du
xve siècle et la Crucifixion du palais des ducs d'Albe, adjugée
300.000 francs, il y a quelques mois, à la vente Jean Dollfus.
Cette dernière tapisserie provient de la même suite qu'un splen-
dide Portement de Croix légué à l'Institut par M""' Edouard
André.
COMMUNICATION
FOUILLES A TOUNAH ET A ZAOUIÉT EL-MA1ETUN (MOYENNE-EGYPTE),
PAR M. RAYMOND WEILL.
Les travaux que j'ai exécutés en Egypte au cours de la
campagne du précédent hiver ont porté sur deux localités
de la Moyenne-Egypte, sises dans la province de Minieh,
à 300 kilomètres environ au-dessus du Caire, et distantes
l'une de l'autre d'une quarantaine de kilomètres. Le premier
champ de fouilles fut celui de Tounah. Au voisinage du
village moderne qui porte ce nom, s'étend la nécropole de
l'ancienne ville d'Hermopolis, une des résidences principales
de Thot, le dieu savant que les Grecs avaient identifié avec
leur Hermès, ville d'une ancienneté immémoriale, très
importante à toute époque de l'antiquité, et dont les buttes
de décombres, très élevées au-dessus de la plaine, couvrent
aujourd'hui encore une étendue de plusieurs kilomètres. La
nécropole est à une quinzaine de kilomètres de distance dans
l'Ouest, largement développée sur un glacis désertique qui
monte, en pente douce, du bord des champs cultivés
jusqu'à la base d'escarpements montagneux qui commencent
à 2 ou 3 kilomètres en arrière. Ce champ funéraire très
vaste a été fouillé, antérieurement, en une foule de points
FOUILLES A TOUNAH ET A ZAOUIÉT EL-MA1ET1N 185
et par des mains très diverses ; on y a toujours trouvé, en
abondance, des personnages de la ville de Thot, surtout des
fonctionnaires sacerdotaux, des gens attachés au service du
grand sanctuaire. On ne connaît pas encore ceux des
époques les plus lointaines de l'histoire ; les groupes funé-
raires jusqu'ici reconnus à Tounah comprennent une nécro-
pole de la XVIIIe dynastie, une nécropole de la période
saïte, plusieurs nécropoles gréco-romaines et encore d'autres
de la période copte.
Pour la première campagne, j'ai porté l'effort sur une
zone déjà visitée et considérablement exploitée, avant moi,
par les fouilleurs clandestins, mais dans laquelle de beaux
puits, faciles à reconnaître sous le sable du revêtement
superficiel, donnaient lieu d'attendre de grands tombeaux
et des sépultures intéressantes. Quelques-uns de ces puits,
vidés complètement, fournirent une quantité d'objets
oubliés ou négligés par les voleurs, et il apparut alors que
nous nous trouvions dans les limites de la nécropole du
Nouvel Empire. N'ayant ni le temps ni les moyens de
procéder immédiatement au déblaiement intégral, je m'im-
posai de faire au moins une exploration méthodique de cette
nécropole, de manière à déterminer ses limites, et de vider
complètement des tombeaux répartis sur toute sa surface,
en assez grand nombre pour que la chronologie et les
caractères généraux de l'ensemble fussent déterminés avec
certitude.
Il apparut ainsi que ce cimetière couvre plus d'un kilo-
mètre dans tous les sens, et que sa période est celle même du
Nouvel Empire thébain, de la XVIII0 dynastie à la XXe (du
xvie au xue siècle av. J.-C). Le champ funéraire, au temps
où il était en usage, présentait l'aspect d'un rassemblement
innombrable d'édicules de pierre, qiuulrangulaires, de
quelques mètres d'étendue chacun et séparés par d'étroites
ruelles sans régularité ni alignement. Toutes ces super-
structures ont péri, par la main des hommes et par le jeu
486 FOUILLES A TOUNAH ET A ZAOU1ÉT EL-MAIETIN
des forces naturelles, et chaque tombeau ne se présente plus,
aujourd'hui, que sous la forme d'une excavation rectangu-
laire, taillée dans le rocher, et que le sable descendu du
désert dissimule sous une couche uniforme. Le puits, large
en moyenne de 2 mètres sur 1 mètre — ce qu'il faut pour
laisser passer un grand sarcophage présenté horizontale-
ment — descend à une profondeur qui varie de 6 à 12 mètres ;
au fond, on trouve une porte, qui donne accès dans un
système de chambres plus ou moins développé, et dont le
type central comprend trois chambres, une à gauche, une
au fond et une à droite. Cet appartement souterrain est
souvent revêtu d'un parement de maçonnerie que la mau-
vaise qualité du roc rend nécessaire, ou bien, lorsque le
roc est suffisamment solide, il est seulement enduit de
mortier. Dans nombre de cas, les chambres sont décorées,
sur le parement des blocs ou sur l'enduit.
On trouve, dans ces tombeaux, les pièces habituelles du
mobilier funéraire du Nouvel Empire, de grands cercueils
de pierre du type anthropoïde, en granité ou en calcaire,
parfois des cercueils en terre cuite peints, des vases en
terre cuite, intéressants par leur forme et souvent par les
délicates peintures qui les couvrent, enfin des figurines
funéraires, en bois, en pierre, en terre cuite peinte ou
' émaillée, de ces serviteurs magiques ou « répondants » que
le défunt emportait avec lui pour travailler à sa place dans
l'autre monde. La quantité de ces figurines est prodigieuse ;
un seul tombeau, déjà pillé antérieurement, nous en a livré
plus de 400. Par contre, les inscriptions proprement histo-
riques sont très rares ; presque toutes celles qu on ren-
contre sont fournies par les débris d'un beau temple
d'Aménothès IV, le célèbre réformateur religieux de la
XVIIIe dynastie, lequel temple, après la disparition du roi
hérétique, fut démoli par représailles, de même que ses
autres édifices en Haute-Egypte, et fournit des matériaux
aux constructions de la période immédiatement suivante ;
FOUILLES A TOUNAH ET A ZAOUIÉT EL-MATETIN 487
à Tounah, ces constructions furent les tombeaux de la XIXe
et de la XXe dynastie.
Plus particuliers, plus localement intéressants sont les
renseignements que nous apportent les inscriptions des
figurines funèbres, au nom de leurs propriétaires, et les
inscriptions plus rares des grands sarcophages. Ces derniers
sont quelquefois très beaux. J'ai eu la fortune d'en rencon-
trer un, du type anthropoïde, en granité noir, qui est un
produit des plus remarquables de la sculpture du temps de
la XVI 11° dynastie. La cuve, entièrement décorée et
inscrite, est intacte ; le couvercle est brisé en deux, mais
sans dommage pour les éléments principaux de cette repré-
sentation du corps humain dans les bandelettes, beaucoup
plus grande que nature, mais curieusement stylisée, sim-
plifiée, à la demande de la forme de l'objet et comme
l'exige l'extrême dureté de la matière. La face est d'un
aspect saisissant par la simple et brutale énergie des traits
que l'artiste lui a imposés. Le propriétaire du sarcophage
était un otîicier du sanctuaire de Thot nommé Na-shouiou,
dont la fonction était celle de chef du harem du dieu, sans
doute administrateur de la maison des courtisanes sacrées
du sanctuaire.
Ce sarcophage pèse 4.000 kilogr., 3.000 pour la cuve et
1.000 pour le couvercle. Ce fut un assez gros travail que
de l'extraire de sa chambre, l'amener dans l'axe du puits,
à 8 mètres de profondeur, le faire arriver à la surface du
sol, le conduire au bord du fleuve, ensuite, à travers une
étendue de 6 kilomètres de désert et de terres cultivées, le
descendre sur chaland et l'amener, par des voies variées,
jusqu'au Caire ; du Caire, il a été rapporté à Paris en
même temps que les autres objets abandonnés par le
Service des Antiquités de l'Egypte.
Je ne dirai rien de travaux moins importants exécutés
dans les limites de la nécropole saïte de Tounah, et dans
celles d'une nécropole d'époque grecque située à quelque
4SS FOUILLES A ÏOUNAIl ET A ZAOUIÉT EL-MAIETIN
distance au Nord, — ces dernières fouilles, cependant, ont
fourni d'assez bons cercueils anthropoïdes, en bois stuqué
peint, et des momies à gaines peintes et masque doré, —
et je viendrai immédiatement aux fouilles entreprises,
après celles de Tounah, dans le deuxième site dont j'ai
commencé l'exploitation, celui de Zaouiét El-Maietin.
Les fouilles de Zaouiét El-Maietin, d'un tout autre carac-
tère que les précédentes, ont pour théâtre non une nécro-
pole, mais le site d'une ville antique, à peu de distance de
la ville actuelle de Minieh, une grande butte dont les ondu-
lations rougeâtres dominent la berge même du fleuve, au
pied des pentes de la montagne toute proche. Cette montagne
est celle des beaux hypogées de l'Ancien Empire que
Lepsius releva en 1850. D'autres nécropoles, principale-
ment gréco-romaines ou coptes, s'étagent sur les pentes ou
remplissent la plaine qui s'élargit à partir du promontoire,
et dans la montagne en arrière se rencontrent, jusqu'à
grande distance dans l'intérieur, des carrières antiques très
nombreuses et de très beau travail, qui auront besoin
d'être explorées attentivement. Quant à la ville des bords
du fleuve, elle est d'époque romaine, et très remarquable
par l'architecture soignée de ses maisons, aux murs de
briques épais et droits, aux chambres voûtées en briques, si
bien conservées que la plupart du temps les étages inférieurs
n'ont pas été envahis par les décombres. J'ai dégagé et
exploré un certain nombre de ces maisons ; mais l'effort
principal a porté sur un édifice en pierre, enfoui sous des
masses énormes de briques et de décombres, et dont
l'existence m'avait été révélée, au cours de ma reconnais-
sance d'avril 1911, par l'affleurement d'un angle de maçon-
nerie en beaux blocs parementés.
Au dégagement, il est apparu que l'édifice était une
pyramide, de petites dimensions, mais de construction très
parfaite, établie sur plan rigoureusement carré, et bâtie
selon le mode des édifices appelés pyramides à degrés, qui
FOUILLES A TOUNAH ET A ZAOUIÉT EL-MAIETIN 489
sont formés d'épaisses tranches de maçonnerie non verti-
cales, mais légèrement inclinées vers le centre, et ainsi,
puissamment butées par la pesanteur Tune contre la sui-
vante. Les tranches sont de hauteur progressivement
décroissante à partir du centre, et il en résulte l'image,
d'ailleurs trompeuse au point de vue strictement technique,
d'une construction établie par grandes assises rentrantes en
gradins. Il est d'un haut intérêt, pour les déterminations
historiques à faire dans le cas actuel, de noter que les
pyramides à degrés sont de l'époque memphite la plus
ancienne, celle des IIe et IIIe dynasties; les plus connues
sont la pyramide à degrés de Saqqarah, qui fut la sépulture
du roi Zeser (Tosorthros), et la grande pyramide de
Zaouiét El-Aryân, déblayée et étudiée en dernier lieu au
cours des vastes travaux de l'Université de New-York.
Tout porte à croire qu'à la même période appartient la
nouvelle pyramide de Zaouiét El-Maietin, dont les ana-
logies de construction avec la pyramide de Zeser et avec
celle de Zaouiét El-Aryân sont frappantes.
Une nécropole de l'Ancien Empire ou du temps des
premières dynasties est à chercher autour de la pyramide ;
mais tout le terrain environnant est couvert par les
décombres et les murs de la ville romaine, qui ont sub-
mergé le grand édifice complètement. Je l'ai dégagé entiè-
rement sur les aires supérieures et à l'extérieur, sur les
quatre faces, jusqu'au niveau des fondations; mais il m'a
été impossible d'étendre assez la fouille pour découvrir le
puits extérieur ou le couloir incliné qui donne accès aux
chambres. Cette recherche nécessaire n'ira pas sans déblaie-
ments étendus, mais certainement rémunérateurs à tous
points de vue.
La pyramide n'est d'ailleurs pas la seule place intéres-
sante de ce champ de fouilles très instructif et divers. En
plusieurs points des ruines se sont rencontrés des blocs
sculptés provenant d'un édifice de la XVIII0 dynastie, avec
490 FOUILLES A TOUNAII ET AZAOUIÉT EL-MAIETIN
les noms d'Aménothès III, et au cours de l'exploration
d'un quartier de maisons, dans la partie nord des buttes,
j'ai mis à découvert les vestiges d'une large rampe
à parapets en pierre de taille, dont la ligne conduit forcé-
ment à quelque temple.
Au cours de la campagne de l'hiver prochain, il convien-
dra de chercher et mettre à découvert ce temple, mais,
avant toute chose, d'ouvrir la pyramide, dont la sépulture,
protégée depuis l'époque grecque par les constructions de
la ville, paraît avoir des chances sérieuses d'être intacte.
Le travail de dégagement des abords amènera, en outre,
la mise à nu de tout ou partie de la nécropole contempo-
raine de la pyramide. Tel est le programme du travail
à Zaouiét El-Maietin. A Tounah, d'autre part, il s'imposera
de poursuivre les explorations de tombeaux dans la grande
nécropole ; je pense, après le travail de l'hiver passé,
pouvoir attaquer fructueusement une zone vierge, de pré-
férence celle des tombeaux de l'époque saïte, dont le
groupe est contigu au cimetière, maintenant connu, de la
période thébaine. Je crois pouvoir dire, enfin, que j'espère
commencer la fouille d'un site nouveau, une nécropole de
l'Ancien Empire (vers 3000 av. J.-C), ignorée jusqu'à ces
derniers temps et dans laquelle on rencontre des édifices à
superstructure entièrement conservée, massive et parfois
de grandes dimensions, noyés dans un épais flot de sable
descendu du désert. Il y a toutes chances pour que des
efforts méthodiques et suffisamment puissants, à cette
place, fassent sortir du sol des résultats d'un grand
intérêt.
J'annoncerai à l'Académie, pour terminer, que les objets
rapportés d'Egypte à la suite de la précédente campagne,
doivent être prochainement exposés au Musée Guimet :
j'ai l'espoir d'ouvrir cette exposition vers la lin du mois
d'octobre.
491
SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. LOl'IS LECKli.
Madame Gomperz, dans une lettre qu'elle adresse au Prési-
dent, remercie l'Académie de la lettre de condoléance qui lui a
été écrite par le Secrétaire perpétuel à l'occasion de la mort de
son mari, M. Théodore Gomperz, correspondant étranger.
M. Pottier lit une lettre de M. Homolle qui annonce d'im-
portantes découvertes à Délos.
M. Seymour de Ricci, chargé par l'Académie d'une mission à
Saint-Pétersbourg, afin d'y étudier les séries numismatiques de
l'Asie Mineure, écrit de Berlin pour signaler deux documents
intéressants : 1° Au Cabinet des médailles, un bronze autrefois
attribué à Cius en Bithynie et qui est, en réalité, d'un prince
galate inconnu, Bitokix ; '1° Dans la collection de photographies
du Musée des arts décoratifs, une tenture de Beaune portant
les initiales de Nicolas Bolin et de Guigonne de Salins, qui ne
paraît pas avoir encore été signalée '.
M. Salomon Reinach présente des photographies et un fac-
similé en cuivre, exécuté à Saint-Germain par M. Champion,
d'un bracelet en or pesant 1100 grammes, qui a été acheté à
Madrid par M. Ignace de Bauer. 11 fait ressortir les difficultés
techniques vaincues par l'orfèvre ibérique et insiste sur l'ana-
logie entre le style de ce bijou et les couvre-oreilles de la dame
d'Elché. Ces objets paraissent appartenir à la fin du premier âge
du fer, c'est-à-dire au Ve siècle avant l'ère chrétienne ou au
début du siècle suivant.
Le P. Sciieil communique un nouveau texte babylonien de
2400 av. J.-C. qui lui permet de conclure :
l . Voir ci-après.
492 SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE 1912
1° quil existait en Mésopotamie, à cette époque, de grandes
palmeraies de 12 hectares environ;
2° qu'on en évaluait volontiers la superficie non par mesures
agraires, mais par chiffres d'arbres ;
3" qu'on employait la fécondation artificielle du dattier
femelle, et que les pieds mâles étaient cultivés à part;
4° que l'évaluation du rendement se faisait par séries d'arbres,
non pas au. poids, mais au volume des fruits;
5° que le maximum du rendement allait pour certains pieds
à 105 kilogrammes ou 141 litres environ ;
6° enfin, que la comptabilité en cette matière était tenue avec
rigueur et précision, selon les procédés les plus rationnels (au
xxve siècle avant notre ère).
M. Maspero donne lecture d'un mémoire de M. Perdrizet
intitulé : I n type nouveau de Vimagerie grecque : Alexandre à
l'égide.
Le type dont il s'agit représentait Alexandre debout, nu-
tête, la face levée, la main droite appuyée à la lance, l'autre
main portant une image de Niké ; le corps était nu sous une
grande égide en forme de longue chlamyde. L'égide rappelait
qu'Alexandre était né de Zeus; elle était de forme longue, c'est-
à-dire de forme macédonienne, pour rappeler qu'Alexandre était
Macédonien. Tous les exemplaires de ce type ont été trouvés
en Egypte, à une date assez récente ; ils proviennent probable-
ment d'un sanctuaire voué au dieu Alexandre, à Alexandrie ou
à Memphis, par les soldats macédoniens au service des Lagides.
Ces exemplaires sont actuellement au nombre de sept : trois
statues petite nature, en pierre, mutilées, au Musée d'Alexan-
drie ; une statue de taille semblable, en marbre, qui de la collec-
tion Dattari a passé naguère au Musée du Louvre ; un fragment
de petit bronze à l'Antiquarium de Berlin; une statuette de
pierre dans la collection Fouquet; et, finalement, dans la
même collection, une grande statuette de bronze, d'une con-
servation excellente. L'original dont ces divers monuments
sont des répliques plus ou moins heureuses peut fort bien
remonter à Lysippe.
493
COMMUNICATION
LETTRE DE M. SEYMOUR DE RICCI.
I. IN NOUVEAU ROI DE GALAT1E.
La mission que l'Académie a bien voulu me confier m'a
amené à examiner de nouveau au Musée de Berlin les
séries numismatiques d'Asie Mineure, déjà étudiées il y a
une dizaine d'années par M. Babelon, quand il préparait la
publication du recueil de Wadding-ton.
L'acquisition récente de la collection Imhoof-Blumer et
des 28.000 monnaies réunies par M. Arthur Lobbecke de
Brunswick, a enrichi d'une façon prodigieuse le Cabinet
des médailles de Berlin; j y ai trouvé un bon nombre de
pièces nouvelles à ajouter au recueil de Wadding-ton et
notamment la monnaie fort remarquable qui fait l'objet de
cette note; la pièce provient de la collection Lobbecke et
l'ancien possesseur en avait parfaitement reconnu l'impor-
tance. Je remercie tout particulièrement M. Dressel et
M. Reg-ling- de m avoir fait connaître cette importante
médaille.
Parmi les monnaies décrites dans le recueil de Wad-
ding-ton au chapitre de dus en Paphlagonie (p. 315), fig-ure
une monnaie en bronze, connue jusqu'ici par un seul
exemplaire en médiocre état, conservé au British Muséum
[Catalogue of greek coins, Pondis, etc., p. 132, n. 27, et
pi. XXVIII. fig-. 15). M. Wroth avait cru y distinguer au
revers, sous une lettre E douteuse, les trois lig-nes sui-
vantes :
BnO APfY I POTAMIAII nPOYHE
49 ï LETTRE DE M. SEYMOL'R DE RICCI
Se fondant sur sa lecture de la dernière ligne, M. Wroth
attribua cette pièce à la ville de Cius qui s'appela à
l'époque hellénistique Prusias-sur-mer.
L'acquisition de la riche collection Lôbbecke a apporté
en 1906 au Musée de Berlin un bien plus bel exemplaire
de la même médaille : on y voit au droit une tête jeune
d'Héraclès à droite, la peau de lion nouée autour du cou,
et au revers, au-dessous du monogramme BA en ligature,
une massue couchée avec cette inscription :
BITOKIZAPrY
^OTAMIAI
ETOYIIE
La cinquième lettre de la première ligne est douteuse et
on pourrait songer à un P . On aurait alors la lecture
Bi-opi; apv'j[p]cTa[j.'.a; stcuç le.
On voit qu'il n'est plus question de Prusias (Ilpoucue)
mais de l'an quinze (stouc te) d'un dynaste dont le nom
semble se lire Bitoki.r ou Bitorix (cette dernière lecture
est moins vraisemblable que la première) K
La monnaie en question n'a donc aucun droit à figurer
dans le chapitre de Cius. Comme le prouve la consonance
celtique du nom Bitokix, nous sommes en présence d'une
pièce d'un roi de Galatie comme Brogitarus et Dejotarus,
inconnu jusqu'ici, vivant un siècle environ avant l'ère
chrétienne et qui régna au moins quinze ans, si c'est à son
règne que se rapporte la date ï~ov: û.
Il faut bien se garder de rapprocher cette monnaie des
bronzes à la légende BITOYIOC ou BITOYKOC, autrefois
attribuées à la Galatie et qui sont aujourd'hui données avec
certitude à un principicule gaulois de la Narbonnaise. Le
stvle en est tout différent.
J
I. MM. Babelon et Th. Reinach avaient déjà soupçonné dans BflO- • •
le début BITO d'un nom celtique.
LETTRE DE M. SEYMOUB UK RICCI i95
Si on était tenté de donner aux Gantois occidentaux la
monnaie de Bitokix ou Bitorix, le mot àpyupoTajjiaç devrait
suffire à en attester l'origine orientale. Quant au mono-
gramme BA, n'est-il pas tentant d'y lire B(itoxiÇ) i(p-("jps-a-
II. TAPISSERIES FRANÇAISES DU XVe SIÈCLE.
Les collections de photographies du Kunstgewerbemu-
scum de Berlin, si elles sont moins riches que les albums
formés par Jules Maciet à notre Musée des Arts décoratifs,
ne sont pas moins intéressantes à consulter pour l'historien
de l'art. Un dépouillement rapide des cartons consacrés
aux tapisseries gothiques m'a permis d'y découvrir trois
panneaux français fort précieux du xve siècle que je ne me
rappelle avoir trouvé cités dans aucun des ouvrages récents
sur la matière.
Tout d'abord, c'est une de ces tentures décoratives du
milieu du xvc siècle qui ne portent d'autres ornements
qu'un semis de monogrammes, de devises et d'armoiries.
Les armoiries portent trois clefs et une tour ; la devise se lit
« saille » et le monogramme présente les lettres NG entre-
lacées. Gomme le panneau en question a été photographié
à l'Hôpital de Beaune, il ne fallait pas être grand clerc
pour y reconnaître les armes et le chiffre des fondateurs
N(icolas liolin) et G{uigonne de Salins). Où ce curieux
morceau a-t-il été publié ?
La seconde tapisserie ne m'était pas totalement incon-
nue: c'est une merveilleuse tenture conservée à Rome
dans les appartements privés du palais Doria et représen-
tant les épisodes de la vie d'Alexandre le Grand. Elle
est semblable en tous points aux célèbres tapisseries de
chasse du château de Hardwicke, conservées longtemps
au Musée de Kensington et qui sont la propriété du duc
de Devonshire. C'est un chef-d'œuvre de l'art français
4<JG LIVRES OFFERTS
sous le règne de Charles VII. Dès 1887, cette tenture a
été photographiée, lors d'une exposition de l'art textile
a Rome, où elle figurait sous le nom du duc d'Avigliano;
tout récemment, à ce que m'a appris Mmc Strong, M. Ali-
nari en a pris un grand cliché.
Chose singulière, les albums du Musée de Berlin m'ont
fourni encore une tapisserie inconnue, de même style et
de même époque : un admirable panneau rectangulaire,
conservé au Rathaus de Ratisbonne et représentant, comme
les tentures du duc de Devonshire, des scènes de chasse.
Il v a bien d'autres choses dans ces cartons : la photo-
graphie d'un Jugement dernier, autrefois à Rome dans la
collection Heseltine ' et identique aux exemplaires du
Louvre et de la collection Schùtz ; la photographie d'une
Messe de saint Grégoire au Musée national de Nuremberg.
datée de i4% et qui fournit ainsi un point de repère
précieux pour l'historien de la tapisserie flamande : elle
est contemporaine de ÏEcce Homo ainsi que du Jugement
d'Othon de la collection Pierpont-Morgan et confirme,
avec une heureuse précision, les dates conjecturales que
l'examen des costumes m'avait porté à indiquer pour ces
deux panneaux.
LIVRES OFFERTS
Lk Secrétaire: perpétuel dépose sur le bureau le fascicule du
mois de juin des Comptes rendus des séances de l'Académie pen-
dant l'année 1912 (Paris, 1912, in-8°).
M. Léger présente de la part de M. L. K. Gœtz, professeur à l'Uni-
versité de Bonn, le troisième volume de ses études sur l'ancienne
1. Serait-ce l'exemplaire qui appartenait il y a un demi-siècle à la
Basilique de Saint-Pierre, selon Barbier de Montault, Annules archéolo-
gique», t. XV 1855), ]>. 241 ?
PLINE L'ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS 497
législation russe (« Das Russische Recht, Russkaja Pravda»). Il y étu-
die la troisième rédaction de ce texte célèbre. On retrouve dans ce
travail, qui marque une étape intéressante de la science allemande,
toutes les qualités des volumes antérieurs, qualités que M. Léger a
eu occasion de signaler à diverses reprises dans les Comptes rendus
et dans des articles du Journal des savants (voir notamment année
1905, p. 70; 1006, p. 21!), etc.).
APPENDICE
PLINE L ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS,
PAU M. LÉON HEUZEY, MEMBRE DE L' ACADÉMIE '.
Si nombreux que soient aujourd'hui les textes en écriture
cunéiforme qui nous apportent à tout instant des rensei-
gnements nouveaux sur l'ancienne civilisation chaldéo-
babylonienne, nous ne devons pas négliger pour cela les
trop rares informations qui nous sont fournies par les auteurs
grecs et romains. Elles proviennent d'hommes éclairés,
suffisamment avertis des choses de la science et de l'his-
toire : les uns, comme Bérose, étant des Orientaux hellé-
nisés en mesure de consulter directement les documents
babyloniens, et de les vulgariser en languie grecque ; les
autres, comme Epigènes de Byzance, qualifié de (/ravis
auctor, étant des Grecs, qui, depuis la conquête du pays par
Alexandre et l'établissement du royaume des Séleucides,
avaient eu aussi le moyen de se renseigner dans les
milieux où se conservaient les archives et les traditions
de l'antique Babylonie.
Parmi les questions qui sont l'objet d'une vive curiosité,
de la part des savants, se place celle de connaître l'origine
l. Lecture fuite à la séance du ô juillet L912 voir ci-dessus, p. 308).
498 pline l'ancien ET LES astrologues chaldéens
et la formation des collèges de prêtres, magiciens et astro-
logues, qui, sous le nom de Chaldéens, ont joui d'une si
longue réputation, bien au delà des limites mêmes de l'an-
tiquité. Sans doute, l'énorme stock des tablettes d'argile,
sans cesse accru par les travaux de nos explorateurs et
par les fouilles clandestines des Arabes, a fourni déjà aux
assyriologues une grande quantité, je dirai presque une
surabondance, de détails sur ces opérations divinatoires.
11 n'y a presque pas d'année qui ne voie paraître quelque
nouveau livre sur la magie, sur la science de l'avenir, sur
l'astrologie ou l'astronomie chez les Babyloniens. Cepen-
dant, l'organisation de ces écoles, leurs règles hiérarchiques,
leur répartition dans le pays, les systèmes différents qui
prévalaient dans chacune d'elles, ne sont que très impar-
faitement connus.
L'indécision qui, dans l'étude des langues écrites en
caractères cunéiformes, règne encore sur le sens tout à fait
précis de certains mots, surtout pour les termes tech-
niques, laisse naturellement beaucoup de vague autour des
indications de ce genre.
Strabon, qui avait consulté les écrivains spéciaux, nous
apprend, en effet, que d'une ville à l'autre, ils n'avaient pas
les mêmes principes (cô-(\>.(x-a) et qu'ils se distinguaient par
des opinions (aipiaeiç) divergentes1. N'est-il pas curieux de
voir de pareils mots déjà employés, à peu de chose près,
dans le même sens où ils le seront plus tard par les polé-
mistes chrétiens?
Le premier livre de Daniel2 nous donne bien une divi-
sion ou plusieurs classes des Chaldéens ou Casdim atta-
chés à la cour du roi Nabuchodonosor : astrologues (f/az-
rim), conjurateurs (kartoumim), guérisseurs [hakamim],
devins (nsaphirn) ; mais c'est là, comme on le voit, une
1 . Strabon, p. 739.
2. Daniel, II. 2.
PUNI'] L'ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS 499
classification toute professionnelle ; elle ne vise en rien le
caractère des différentes écoles qui se partageaient le pays
et y occupaient des centres distincts.
On pouvait s'attendre à trouver sur ce point quelque
lumière dans le sixième livre de Pline l'Ancien, dont la
teneur est toute géographique1. Décrivant, en effet, la
Mésopotamie, ses limites, ses divisions, ses cours d'eau, ses
villes principales, il ne peut parler de Sippara (Hippare-
nam) et de Babylone sans faire allusion aux fameux col-
lèges des Chaldéens dont la renommée illustrait alors ces
deux villes non moins que leur passé historique :
Hipparenum, Chakheorum doctrina clarum, et hoc sicut
Babylonii.
Continuant sa route vers le Sud et passant par la ville
d'Orchoé (Erech), il n'y voit même plus que ses magiciens :
Orcfieni f/uoquc, terlia Chaldseorum doctrina, in codent
si fn Iççantur, ad meridiem versi.
Enfin il arrive à la Chaldée méridionale, à ce pays de
Sumer, qui a pris un si puissant intérêt par nos fouilles
françaises de Tello, par celles des Américains à Niffer, par
les ruines importantes d'Erech, de Larsam, d'Our et d'Eri-
dou. Il passe auprès de cette ville de Lag-ash ou Sirpourla,
dont nous aimerions tant lire le nom en grec ou en latin.
Mais maintenant il n'a plus aucun souci de la géographie :
les collèges chaldéens lui restent seuls dans l'esprit ;
encore, par la terrible concision de son style et par le mau-
vais état de ses manuscrits, nous laisse-t-il dans le plus
cruel embarras.
Voici la phrase par laquelle, après avoir parlé des
Orchoéniens, il termine sa description :
Ab lus, Notifie et Orlhophantse et Grseciochantae.
Comme on le voit, il ne s'agit plus du tout du pays, mais
seulement de trois sectes chaldéennes, et cela sans aucune
I. Hist. nul.. VI, 30, 6.
1912. si
S0P PLINE L'ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS
indication des villes où chacune d'elles pouvait avoir son
siège.
Ces trois noms, d'apparence hétéroclite, sont-ils cepen-
dant de nature à nous apprendre quelque chose ? N'ayant
rien de plus, nous sommes réduits à en tirer ce qu'ils
peuvent contenir. Ils sont, les deux premiers surtout, de
forme grecque, et Pline les tient certainement de quelque
écrivain grec de l'époque des Séleucides, traduisant ou
interprétant de son mieux les anciens noms babyloniens.
Gela n'a rien qui doive nous étonner, quand nous voyons,
vers le même temps, le dynaste gréco-syrien Adadnadi-
nakhès, sur les briques de son palais de Tello, estamper
son propre nom à la fois en araméen et en grec.
Commençons par les Notitse. Le mot vient évidem-
ment de voxoç, qui veut dire Sud. Ces adeptes de l'une
des sectes chaldéennes se seraient-ils appelés simplement
les Méridionaux, ce qui n'est pas en contradiction avec la
direction suivie par l'auteur? Seulement, en bon grec, il
faudrait Nôtioi, en latin Notii. NoTi-nqç ne se trouve pas dans
les dictionnaires. D'ailleurs la terminaison en -itïjç n'in-
dique pas simplement l'habitation, mais l'usage habituel
et professionnel : ts^vit/jç est celui qui fait profession d'un
art et d'un métier, ôt:Xitv)ç, le soldat qui s'astreint à porter
l'armure complète ; tîsX'Ity]^ n'est pas seulement l'habitant
d'une ville, mais le citoyen qui en partage les droits et les
privilèges ; Ios^îtyjç ne désigne pas tout homme qui vit
dans le désert, mais celui qui s'en impose la solitude.
Dans ces conditions, les Notitse sont ceux qui font usage
du Sud, c est-à-dire qui se tournent vers le Sud dans leurs
observations astronomiques ou astrologiques.
L'explication est d'autant plus vraisemblable que, dans
un autre livre de son Histoire naturelle1, le même Pline,
enseignant aux cultivateurs un moyen simple et pratique
1. Hisl. nal., XVIII, 7<i.
PLINE L'ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS 501
de s'orienter et d'établir l'orientation de leurs champs, leur
commande de se tourner d'abord vers le Sud. Au moment
où le soleil approche du point le plus élevé de sa course,
l'observateur commence par se tourner exactement dans la
direction de l'astre, c'est-à-dire vers le midi. Puis, faisant
volte-face, il regarde l'ombre projetée et, juste au moment
où elle est le plus courte, il trace sur le sol une ligne dans
l'axe de cette ombre. Il a ainsi la direction du Sud au Nord,
et, en tirant une ligne transversale, il obtient celles de
l'Est et de l'Ouest.
Ce procédé, si primitif qu'il paraisse, avait l'avantage de
donner l'Orient moyen et non pas l'Orient variable et jour-
nalier qu'indiquerait le soleil à son lever. La position exacte
des astres, et particulièrement du soleil, dans le ciel ayant
une grande importance dans les déterminations de l'astro-
logie chaldéenne, on comprend que cette méthode d'orien-
tation ait été adoptée par certains astrologues comme base
de leurs opérations.
Venons maintenant aux Orthophantse. Le mot, bien qu'il
ne figure pas non plus dans les lexiques grecs, est très
régulièrement formé sur des modèles comme cpôscoroç et
(spoçivTYjç. Il donne un sens très admissible et tout naturel:
celui d'une secte qui prétendait à une sorte d'orthodoxie ;
qui se vantait de conserver seule, au milieu des différentes
atpéaeiÇj la tradition ancienne et authentique, le véritable
ob'{[j.x. Ce nom, ainsi compris, appartient, il est vrai, à une
loul autre catégorie que celui de Notitœ, et il ne nous
apprendrait rien de spécial sur la nature même de la doc-
Irine.
Il en serait autrement si, à ce nom, nous ajoutions une
seule lettre et si, au lieu de Orthophantse, nous lisions
Orthrophântœ.
"OpBpor, c'est le « point du jour », moment particulière-
ment favorable pour les observations astronomiques, sur-
tout lorsqu'il s'agit de guetter le lever du soleil et d'établir
."(02 l-LINE L ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDEENS
sa position par rapport aux astres de la nuit. Or Epigènes
nous apprend que, des milliers d'années avant lui, les
anciens Babyloniens, sur leurs briquettes d'argile (coctilihus
latcrculis), enregistraient spécialement les '(levers d'astres »
(ortus siderum)1. En effet, sur les nombreuses tablettes
astrologiques aujourd'hui retrouvées, l'état du soleil à son
lever est un des thèmes dont les indications sont étudiées
avec une attention particulière2.
Il est vrai que cette observation ne connaît pas, comme
la méthode que nous avons attribuée aux Xotitœ, une
orientation fixe, mais une orientation qui se modifiait sen-
siblement chaque jour, avec la déclinaison du soleil. L'autre
système était plus rigoureux, on peut même dire plus
scientifique ; mais celui-ci était plus en rapport avec les
spéculations de ce que nous appelons l'astrologie judiciaire,
héritière en ligne directe des superstitions chaldéennes.
Pour tirer un horoscope ou pour prédire les suites d'un
événement, ce sont justement ces variations journalières
dans la situation des astres entre eux ou par rapport à
l'horizon qui forment l'un des principaux éléments de
l'opération.
La méthode plus simple, plus primitive des Orthro-
phantes, en opposition avec celle des Notites, aurait donc
été d'établir leurs révélations d'après le lever réel et quoti-
dien du soleil. Cette oscillation dans l'axe du templum,
(pour employer le terme consacré par l'haruspicine étrusco-
romaine), pourrait même expliquer certaines variations
relevées par les explorateurs dans l'orientation de quelques
édifices chaldéens.
On sait depuis longtemps que, contrairement à ce que
1. D'après Pline, Hist. nat., VII, ô7.
2. Voir, par exemple, les tablettes récemment traduites et classées par
Jastrow, Die Religion Babyloniens und Assyriens, p. 577 et suiv. Cf. du
même auteur Babylonian Orientation, dans Zeitschr. f. Assyr., XXIII,
p. 196 et suiv.
PLINE L'ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS 503
l'on observe pour les monuments égyptiens, les monuments
babyloniens étaient orientés, non par leurs faces, mais par
leurs angles. Que l'on prenne, par exemple, un plan des
constructions de Tello et l'on sera frappé de les voir ainsi
toutes alignées dans un sens oblique par rapport à la rose
des vents. Cependant, si l'on y regarde de près, cette
orientation générale subit, dans quelques cas, des dévia-
tions assez sensibles. L'exemple le plus énigmatique est
celui que présente le très antique édifice découvert au-
dessous de la « Maison-des-fruits » du roi Our-Nina '. Cette
petite construction rectangulaire a été encastrée après
coup dans un autre rectangle de maçonnerie, destiné,
semble-t-il, à renforcer l'épaisseur des murailles, à les
rendre plus impénétrables, plus solides, mieux en état
peut-être de soutenir un étage supérieur. Ce qui est curieux,
c'est que l'orientation des deux constructions ainsi emboî-
tées l'une dans l'autre, tout en visant approximativement
les mêmes points cardinaux, présente cependant, dans la
direction exacte de leurs angles, une différence trop sen-
sible pour être accidentelle.
Si les Chaldéens, en arrêtant sur le terrain le plan d'un
nouvel édifice, tiraient en quelque sorte son horoscope
d'après la position réelle du soleil levant, ces variations
s'expliquent facilement ; elles résultent de la méthode
même caractérisée par le nom à'Orthrophantes. C'est que
les constructions, comme les hommes, ont leurs desti-
nées, habent sua fata, et l'astrologie chaldéenne les faisait
dépendre des dispositions sidérales observées le jour même
de la naissance ou de la fondation.
Reste enfin la dernière secte, dont le nom présente dans
les manuscrits plusieurs variantes plus invraisemblables les
unes que les autres.
La leçon Grœciochantœ paraît d'autant plus impossible,
1. De Sarzec et Ileuzey, Villa royale chaldéenne, p. 49 et pi. 2; cf.
Découvertes en Chaldèe, plan ('., p. 111, el suvtoul p. 132, note 1.
504 PLiNE l'ancien et les astrologues chaldéens
dans un nom composé à la grecque, que c'étaient les Latins
qui appelaient Grecs les Hellènes. A Rome seulement, on
avait pu fabriquer des termes hybrides comme Grœcostasis,
pour désigner le lieu du Forum où se tenaient les ambas-
sadeurs étrangers. Sans doute, tout à fait au Sud de la
Chaldée, dans la région dominée par la colonie grecque
de Charax et par ses dynastes hellénisés, nous savons par
les monnaies et même par nos briques bilingues gréco-
araméennes du palais de Tello, que la langue grecque
était d'un usage courant. Les astrologues chaldéens de la
Characène auraient très bien pu employer le grec dans
leurs communications, et les auteurs latins du même temps
désigner cette secte par le nom de Grœcophantœ. Mais,
en somme, le pays était sous la protection des Parthes,
qui se disaient philhellènes, et les Romains n'y ont jamais
exercé qu'une influence très passagère. Par analogie avec
les dénominations précédentes, je serais assez porté à pro-
poser la correction Graphiophantse, du mot grec YP^sefov,
désignant le style, le poinçon qui servait justement à écrire
et à dessiner sur les plaquettes d'argile. Il s'agirait alors
d'une école qui aurait employé des tracés graphiques, pour
établir ses orientations sidérales et les déductions qu'elle
en tirait. Seulement, pour les savants qui scrutent de près
les leçons des manuscrits, phanlœ ne rend peut-être pas
suffisamment compte de l'inexplicable terminaison chantai.
Ce qui augmente le doute sur ce point, c'est la curieuse
variante Gnesiochartœ, donnée par un des plus anciens
textes, le Vaticanus latinus du xie siècle. Nous avons
encore là un composé de forme grecque, mais qui, à pre-
mière vue, nous étonne pour le moins autant que les précé-
dents. Ces Chaldéens, comme les soi-disant Orthophantes,
auraient prétendu, pour les documents qu'ils possédaient, à
une authenticité particulière ; mais leurs documents, au
lieu d'être conservés sur des tablettes d'argile, suivant la
tradition que de nombreux exemples nous montrent encore
PLINE L'ANCIEN ET LES ASTROLOGUES CHALDÉENS 505
en usage sous la domination des Séleucides, auraient déjà
été transcrits sur des rouleaux de papyrus (èv yapxaiç). Le
fait ne s'accorde guère, il faut le dire, avec l'idée de haute
antiquité que donne à entendre l'épithète yvVjswç. D'ailleurs
Le mot F^Giôy^p-ai s'appliquerait seulement aux docu-
ments mêmes ; mais, pour désigner la secte qui les em-
ployait, il y manquerait une terminaison en -t<nat ou quelque
autre de même valeur.
Aux causes d'hésitation et de doute provoquées par le
sens du mot grec ^àpTâi vient encore s'ajouter l'existence
d'un mot khartoumim, employé dans le livre de Daniel
pour indiquer la classe des magiciens-conjurateurs '.
D'après les indications de M. Thureau-Dangin, ce mot,
d'origine inconnue, n'est pas babylonien, mais il se trouve
déjà dans la Genèse, où il désigne les devins étrangers et
particulièrement ceux de l'Egypte-. Il n'est certes pas
impossible, pour cette dernière secte chaldéenne mention-
née par Pline, (pie, sous un nom d'apparence grecque, se
cache un très ancien terme appartenant aux langues de
l'Orient.
On voit combien délicats et minutieux sont les pro-
blèmes contenus dans une seule phrase de l'écrivain latin.
En les abordant, je n'ai pas eu du tout la prétention de les
résoudre : j'ai tenu seulement à les soulever, dans l'espoir
que le progrès incessant des découvertes orientales et,
d'autre part, la méthode pénétrante des savants qui s'oc-
cupent d'amender les anciens textes classiques Uniraient
par tirer de celui-ci quelque lumière.
1. Daniel, verset cité,
2. (ion. XLI.G.
Le Gérant, A. Picard.
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
COMPTES RENDUS DES, SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU 4 OCTOBRE
PRESIDENCE DE M. HENRI OMONT, ANCIEN PRESIDENT.
M. Maspero rend compte des travaux exécutés dans la der-
nière campagne par le Service des antiquités d'Egypte :
« Deux événements dominent tous les événements archéolo-
giques de cette année : l'achèvement des travaux de relèvement
du barrage d'Assouân, la promulgation d'une nouvelle loi pour
la protection des monuments antiques de l'Egypte. Ce n'est pas
que nous n'ayons déployé une activité égale pour le moins à
celle dont je vous exposai les résultats pendant les années pré-
cédentes : nous avons continué la restauration de Karnak,
achevé celle de Deir el-Médinèh et poussé Tort loin celle du
temple de Hibib, terminé le déblaiement du pronaos d'Esnèh,
poussé rapidement le dégagement des portions méridionales du
téménos d'Edfnu ; mais ces travaux, qui rentrent dans le cadre
de nos devoirs habituels, le cèdent en importance aux deux faits
que je viens de signaler.
« La surélévation du barrage avait été décidée en 1907;
1912. 34
508 SÉANCE DU 4 OCTOBRE 1912
l'inauguration des parties surhaussées a eu lieu en septembre
dernier. Je n'ai pas à, porter un jugement sur l'utilité que cette
entreprise peut présenter pour l'Egypte agricole : je me borne à
constater avec gratitude que le Gouvernement égyptien a tenu
fidèlement les engagements qu'il avait pris vis-à-vis du Service
des antiquités, et que nous avons eu tout l'argent que j'avais
demandé pour essayer de défendre contre les attaques de l'eau
les monuments menacés de submersion totale ou partielle. Ils
sont prêts depuis deux ans à recevoir l'assaut, et la publication
de leurs inscriptions et de leurs bas-reliefs est en bonne voie
d'exécution. Reste à savoir quelle force de résistance ils oppose-
ront et combien de temps ils pourront la soutenir avant de flé-
chir. J'ai bon espoir pour les uns, peur pour les autres; j'espère
pourtant que même ces derniers dureront sans trop de dommage
jusqu'au jour où les gouvernants de l'Egypte reconnaîtront le
danger que présente pour le pays l'emmagasinement dans un
seul bassin, qu'une mauvaise chance peut vider soudain, d'une
masse d'eau aussi considérable.
« Que la loi qui a régi les antiquités pendant les quinze der-
nières années fût insuffisante de tout point, aucune des per-
sonnes qui connaissent la question n'a songé à le nier un seul
instant, mais beaucoup voyaient dans le régime des Capitula-
tions un obstacle insurmontable à la mise en vigueur d'une loi
plus efficace. Il m'avait paru pourtant, dès mon retour en 1899,
qu'il était possible d'améliorer grandement la situation si le
Gouvernement égyptien se décidait à publier une loi dont les
dispositions s'appliqueraient d'abord exclusivement à ses seuls
nationaux, sauf à les étendre plus tard aux étrangers, avec l'ap-
probation des puissances, s'il se pouvait. Je compilai donc en
1900 et 1901 un projet de loi qui, revu et amendé par le Con-
tentieux de l'État, nous donnait à peu près satisfaction. Lord
Cromer, qui, au début, s'était proposé de le recommander au
Ministère égyptien pour servir seulement contre les indigènes,
ne put malheureusement donner suite à ses bonnes intentions,
et, en 1903, le projet fut soumis aux dix-huit puissances qui
avaient alors des représentants accrédités auprès de la personne
du Khédive. Je l'ai vu partir, et naturellement il n'est pas
revenu, mais je n'en ai pas moins continué patiemment mes
SÉANCE DU \ OCTOBRE 1912 509
efforts auprès de Lord Cromer, puis auprès de Sir Eldon Gorst,
et enfin auprès de Lord Kitchener. Les difficultés antérieures
paraissant avoir disparu, Lord Kitchener a obtenu du Ministère
que mon projet de 1903 lût repris, élargi, mis en ordre par le
Contentieux et soumis au Conseil législatif, qui l'adopta : la loi a
été publiée au Journal Officiel le 16 juin dernier, et elle ne vaut
jusqu'à présent que pour les Egyptiens. Je me rends compte du
grand sacrifice que le Conseil législatif a fait en consentant à
admettre des dispositions pénales auxquelles échappe une por-
tion considérable de la population établie sur le sol de la patrie,
et j'agirai de mon mieux pour que cette inégalité de traitement
soit corrigée au plus tôt. Je pense avoir trouvé un moyen d'y
réussir que je mettrai en œuvre dès mon arrivée au Caire. Il
exigera des négociations parfois délicates avec les puissances ;
mais comme le principe des Capitulations n'en est pas atteint,
je ne désespère pas de les voir aboutir heureusement.
« Je ne vous en énoncerai pas le détail. Dès que les règle-
ments complémentaires que j'ai dû rédiger pour les permissions
de fouilles, la vente, le transport, l'exportation des antiquités
auront été examinés par le Contentieux et approuvés par le
Ministre des travaux publics de qui je dépends, je vous trans-
mettrai des exemplaires de la brochure qui contiendra le tout.
11 va de soi que l'application n'ira pas sans de grosses diffi-
cultés ; il y a trop d'abus criants et trop d'intérêts commerciaux
en jeu, tant du côté européen que du côté indigène, que la lutte
sera vive entre nous et les voleurs de toute espèce. Si j'avais
encore devant moi douze ou quinze années de séjour assurées à
la tète du Service, je pense que je parviendrais à réduire beau-
coup la fraude et la destruction ; mais je suis atteint dans quatre
ans par l'âge de la retraite, et j'aurai le regret de léguer au
Français qui me remplacera une succession lourde, de ce côté
du moins. Je suis convaincu pourtant qu'avec un peu de téna-
cité patiente et douce il réussira aussi pleinement que j'espère
que je l'aurais fait. »
510
SÉANCE DU 11 OCTOBRE
PRESIDENCE DE M. HENRI OMONT, ANCIEN PRESIDENT.
M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts
écrit au Secrétaire perpétuel pour lui annoncer qu'il vient
d'allouer à M. Basset, doyen de la Faculté des lettres de l'Uni-
versité d'Alger, membre de la Commission internationale de
publication de l'Enyclopédie de l'Islam, une indemnité de
1500 francs, dont le montant devra être affecté aux dépenses qui
sont à la charge du Comité de publication.
M. Henri Cordier a reçu une lettre de M. de Gironcourt,
écrite de Calabar, 8 septembre, après une descente complète du
Niger jusqu à ses bouches et une navigation de seize jours
depuis notre frontière jusqu'à la mer. Il est à peu près rétabli
de l'accident qui lui est arrivé il y a quelques semaines et sera à
Paris dans peu de temps.
M. Homolle communique à l'Académie une lettre par laquelle
M. Avezou annonce la découverte à Délos, dans la Vieille
Palestre explorée par M. Picard et par lui, d'une tête de bronze
représentant un personnage romain.
Le monument, d'une construction excellente et rare à Délos,
avait de longue date frappé les voyageurs ; il figure sur les
cartes de Spon et de Tournefort sous le nom des « Ecoles »; on
lui a donné depuis celui de palestre, sans que les fouilles en
aient encore définitivement démontré la justesse.
La tête a été trouvée dans la salle de l'angle sud-ouest.
« C'est, dit M. Avezou, la tète énergique et fine d'un Romain
d'une quarantaine d'années. Le modelé du visage est large et
puissant. Pas la moindre trace de recherche exagérée ou d'affé-
terie. La valeur technique n'est pas moindre : on peut suivre
dans le détail le travail du fondeur, depuis le noyau de plâtre
sur armature de bois, dont les traces sont encore visibles, jus-
qu'à l'émail des yeux et aux cils découpés. »
LIVRES OFFERTS
511
M. Homolle insiste sur la rare valeur de cette œuvre vivante,
si bien faite pour justifier le renom des sculpteurs gréco-romains
comme portraitistes. Elle date, semble-t-il, du début du premier
siècle avant notre ère.
Le Président, en se réjouissant de cette belle trouvaille, digne
fruit de la libéralité infatigable de M. le duc de Loubat, prie
M. Homolle de transmettre à MM. Picard et Avezou les félicita-
tions de l'Académie
L'Académie procède à l'élection de deux Commissions qui
seront chargées de proposer les sujets ou les programmes de
prix : 1° pour le prix ordinaire à décerner en 1915, dans l'ordre
des études de l'Orient; 2° pour le prix Delalande-Guérineau à
décerner en 1914 et pour le prix extraordinaire Bordin à décer-
ner en 1915. Sont élus :
Pour le prix ordinaire : MM. Senart, Barth, Chavannes,
Cordier.
Pour le prix extraordinaire Bordin et pour le prix Delalande-
Guérineau : MM. Senart, Barth, Clermont-Ganneau, Chavannes,
Scheil, Cordier.
M. Salomon Beinach fait une communication intitulée : Le
h:) Ion de Teyjat et les ratapas à Vâge du renne.
M. Moïse Schwab fait une communication sur une encyclo-
pédie rabbinique du xme siècle.
LIVRES OFFEBTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur lo bureau de l'Académie
VAnnuaire général de ï 'Indo-Chine , 1912 (Hanoï-Haïphong, 1912,
in-8°).
M. Salomon Reinach a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à L'Académie, de la part de M. James Loeb,
ancien élève de l'Université de Harvard, les premiers volumes d'une
512 SÉANCE DU 18 OCTOBRE 1912
collection d'auteurs grecs et latins édités avec traductions anglaises,
dans un format de poche très commode et avec une élégance du
meilleur aloi. Il y a quelques années, j'eus l'occasion d'appeler l'at-
tention de M. Loeb, qui est un ami éclairé des études anciennes, sur
l'utilité qu'offrirait une pareille collection dans les pays de langue
anglaise, où l'on n'a encore publié rien de semblable, à une époque
surtout où le désir de connaître les textes classiques survit souvent,
même chez les hommes instruits, à la faculté de les lire sans secours.
M. Loeb, qui fait les frais de cette grande entreprise, a nommé
d'abord un comité consultatif international, où la France est repré-
sentée par M. Maurice Croiset, M. Legrand (de Lyon) et moi-même;
puis il a confié la direction à deux excellents humanistes anglais,
MM. Page et Rouse, qui ont groupé autour d'eux un grand nombre
de collaborateurs. Les auteurs publiés jusqu'à présent sont les Pères
apostoliques (t. I), saint Augustin (les Confessions, t. I et II), Euri-
pide (t. I), Philostrate (Vie d'Apollonius, t. I et II), Properce et
Térence (t. I). Avant la fin de l'année courante, vingt volumes auront
vu le jour ; quarante autres sont en préparation. Si l'intérêt du public
répond à la généreuse initiative de M. Loeb, nous pouvons compter
sur une bibliothèque d'au moins 200 volumes qui, sous le titre de
Loeb Classical Library, sera le plus bel hommage rendu aux lettres
grecques et latines par la libéralité d'un disciple reconnaissant. »
SÉANCE DU 18 OCTOBRE
PRÉSIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
Le Président donne de meilleures nouvelles de la santé de
M. Léger.
Les deux prochaines séances sont avancées aux mercredis
•23 et 30 octobre, la première à cause de la séance publique
annuelle des cinq Académies fixée au vendredi "25 octobre, la
seconde, à cause de la tète de la Toussaint qui tombe le ven-
dredi 1er novembre.
L'Académie fixe à la séance du 22 novembre l'exposition des
titres des candidats au fauteuil de M. Philippe Berger.
SÉANCE DU 18 OCTOBRE 1912 513
M. II. ( )mont communique à l'Académie les photographies d'un
manuscrit grec du xn'' siècle récemment entré à la Bibliothèque
nationale, grâce à une nouvelle libéralité de M. Maurice Fenaille,
auquel nos musées et nos bibliothèques sont redevables déjà de
nombreux dons '.
M. Morel-Fatio fait une communication sur la « Véritable
histoire de la conquête de la Nouvelle Espagne » de Bernai Diaz
del Caslillo a.
M. E. Babelon fait une communication sur le mot Moneta,
monnaie, et ses origines. Il démontre que' Moneta était primitive-
ment le nom d'une vieille divinité italiote appelée aussi Junon
Moneta, qui avait son temple dans l'ara; ou la citadelle du Gapi-
tole à Borne. Cette divinité rustique avait l'oie pour symbole
et on élevait des oies dans une dépendance de son sanctuaire.
Ce sont ces oies dont les cris éveillèrent l'attention de Manlius,
dont la maison était contiguë, lorsqu'en 390 avant J.-G. les
Gaulois, qui avaient pris Borne, voulurent escalader le Capitole.
En 345 avant J.-G., en exécution d'un vœu du dictateur Camille,
on agrandit le temple de Junon Moneta; mais ce fut seulement
long-temps après, en 269 avant J.-C., qu'on installa, sur l'empla-
cement de la maison de Manlius démolie, l'atelier monétaire qui
frappa les premiers deniers d'argent. Cet atelier était une annexe
du temple, et il fut placé en cet endroit et mis sous la protection
de Junon Moneta, la déesse aux oies, parce que c'était là, dans
le trésor du temple, à l'abri des murs de la citadelle, qu'on avait
amoncelé les trésors en argent de la Bépublique, rapportés de la
prise de Tarente et de la conquête de l'Italie méridionale. C'est
ainsi que le nom de la déesse Moneta passa, dans le langage
populaire, à l'atelier monétaire, placé sous sa protection, puis
aux produits de cet atelier, la monnaie.
1. Voir ci-après.
2. Voir ci-après.
514
COMMUNICATIONS
UN NOUVEAU MANUSCRIT GREC DES ÉVANGILES
ET DU PSAUTIER ILLUSTRÉ.
NOTE DE H. H. OMONT, MEMBRE DE L'ACADÉMIE.
L'illustration des Evangiles et du Psautier dans les
manuscrits du moyen âge a été l'objet, en ces dernières
années, de nombreux et importants travaux, parmi lesquels
il faut particulièrement citer ceux de MM. A. Springer,
N. Kondakoff et J. J. Tikkanen • ; une récente libéralité
de M. Maurice Fenaille, dont les dons à nos musées et à
nos bibliothèques ne sont plus à compter, vient de faire
entrer dans nos collections nationales un précieux manus-
crit grec orné de peintures. On peut fixer la date de ce
volume au xne siècle et il apporte sur l'illustration du
Psautier de nouveaux éléments d'étude.
Ce manuscrit, qui a reçu lé n° 1335 dans le supplément
du fonds grec de la Bibliothèque nationale, compte 334
feuillets de parchemin, mesurant 204 millimètres en hau-
teur sur 152 en largeur; son ancienne reliure, dont il ne
subsiste plus que les tranches peintes, a disparu et a été
remplacée par une reliure moderne en maroquin. Il con-
tient le texte du Nouveau Testament (moins l'Apocalypse),
avec des indications liturgiques et quelques gloses, et pré-
sente les livres saints dans l'ordre suivant : les quatre
Evangiles, les Actes et Epîtres des apôtres, les Epîtres
1. A. Springer, Die Psalier-IUustralionen im friihen Mittelalter Leip-
zig, 1880, gv. in-8°: extr. du t. VIII des Ahhandlnngen der phil.-hist. Cl.
der k. Siichs. Gesells. der Wissenschaflen, n° II). — N. Kondakoff, Histoire
de l'art byzantin, trad. M. Trawinski Paris, 1886,in-4°), 1. 1, p. 166 et suiv.
— J. J. Tikkanen. Die Psallerillustration im Mittelaller (Helsingfors, 1895
et suiv., in-i°; extr, <lc> Acla Societatis scientiarum Fennicae).
Comptes rendus, octobre 19 12.
PI. I.
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^TTr ( TÇ o V arrro cr>.A.0 ' ' u >^" ' É V\Ê X "^ ' "" "l,lJ-f £ *Tn ■^J" -tJ-a ' ^ ' ^ I
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S \l\ I PlERIlE.
Afa. Snppl. grec 1S85, fol. 173 r.
Comptes rendus, octobre 191 2.
PI. II.
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âsouersO^^ |pou«-><*^ouC4JxiJu«'rTrE'-TTA" çy*> •"-&-*-"< • }<«* ^
S.VI V! .Il \\.
.I/n. Suppl. grec 1335, fol. 179 r".
Comptes rendus, octobre 191 2.
PI. III.
Le prophète David.
Ms. Ni;/////, grec 1335, fol 258 v .
Comptes rendus, octobre 191 2.
PI. IV.
* j.» V-.. I
Daviu 1 1 Abisao .
Ms. Suppl. grec 1385, fui. £59.
Comptes rendus, octobre 19 12.
PI. V
i-Ço^pH-TH <ileL-«iV
Nathak et D wm.
Ms. Slip pi. (in-,- 13S5, /ul. 282 v.
Comptes rendus, octobre 191 2.
PI. VI.
^<ne\4» **w7ii$-*ro <^\\Zu..^<L^ H<weo-
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j»-rauo-. xam2ïi a^+(.qcr flu0 ai)
Marie, si i i r de Moïse.
l/.s Nu/,/./ grrec /'.'.■;.•,. /',>/. .;:';.
ÉVANGILES ET PSAUTIER GRECS ILLUSTRÉS 515
de saint Paul, qui sont suivis des Psaumes de David, avec
les Cantiques. Le volume, en plus des quatre premiers
feuillets peints des Canons des Évangiles, est orné de
trente et une miniatures, dont voici rénumération :
I. — Illustration des Evangiles.
1 (fol. 6 v°). Moïse debout, recevant de l'Eternel la Loi
sur le mont Sinaï.
2 (fol. 7). Le Christ, en buste, entouré de chérubins,
avec les symboles des quatre Evangélistes.
3 (fol. 8 v°). Saint Matthieu, assis et écrivant.
4 (fol. 9). Le Christ, en buste, dans un encadrement
ornementé de fleurs et d'oiseaux.
5 (fol. 43 v°). Saint Marc, assis et écrivant.
0 (fol. 67 v°). Saint Luc, assis et écrivant.
7 (fol. 104). Tête du Christ, jeune, dans un encadrement
ornementé. - - Un feuillet, précédant celui-ci et qui a sans
doute été enlevé, devait offrir l'image de saint Jean.
8 (fol. 131 v). Saint Luc, auteur des Actes des apôtres.
9 (fol. 132). Le Christ, en buste, dans un encadrement
ornementé.
10 (fol. 109 v°). Saint Jacques, debout.
11 (fol. 173 v°). Saint Pierre, figuré à mi-corps.
12 (fol. 179 v°). Saint Jean, figuré à mi-corps.
13 (fol. 184 v°). Saint Jude, debout.
14 (fol. 187 v°). Saint Paul, debout.
IL — Illustration du Psautier.
15 (fol. 258 v°). David, assis sur son trône, jouant d'une
sorte de violon, entre deux autres musiciens également
assis.
10 (fol. 259). David regarde, parla fenêtre d'une tour de
son palais, Abisag, dont la figure paraît à la portière d'une
litière, posée sur quatre bœufs conduits par un serviteur.
516 ÉVANGILES ET PSAUTIER GRECS ILLUSTRÉS
17 (fol. 260 v°). David, assis sur son trône, jouant d'une
sorte de violon, entre deux édifices.
18 (fol. 261). Le Christ, debout, dans un encadrement
ornementé de fleurs et d'oiseaux.
19 (fol. 282 v°). Le prophète Nathan, debout, adressant
des reproches à David, assis sur son trône; un ange,
tenant une lance, paraît au ciel.
20 (fol. 296 v°). Jésus, debout, adresse la parole à un
groupe d'Israélites, se tenant à la porte d'une ville (Psaume
77).
21 (fol. 325). Combat de David et de Goliath (Psaume
151).
22 (fol. 326 v°). A la voix de l'Éternel, Moïse partage les
eaux de la Mer Rouge et conduit les Israélites hors de
l'Egypte (Exode, xiv, 1 et suiv.).
23 (fol. 327). Marie, sœur de Moïse, danse avec deux
femmes d'Israël (Exode, xv, 20-21).
24 (fol. 328). Moïse, debout, les bras étendus, entre
deux montagnes (Deutéronome, xxxn, 1-43).
25 (fol. 329 v°). Anne, mère de Samuel, debout, le corps
incliné, les mains ouvertes, dans l'attitude de la prière,
devant un petit édifice (/ Rois, n, 1-10).
26 (fol. 330). Le prophète Habacuc, debout, le corps
incliné, les mains ouvertes, dans l'attitude de la prière, sur
une montagne (Habacuc, m, 1-19).
27 (fol. 331). Le prophète Isaïe, dans la même attitude
(Isaïe, xxvi, 9-20).
28 (fol. 331 v°). Le prophète Jonas sort, dans l'attitude
de la prière, de la gueule d'un poisson, dont le corps est
agrémenté de deux pieds et d'une paire d'ailes (Jonas, n,
3-10).
29 (fol. 332). Les trois Enfants, disposés en rang, le
corps incliné et dans l'attitude de la prière (Daniel, m. 26-
90).
:!(> (fol. 333 v°). Les trois Enfants, figurés à mi-corps
ÉVANGILES ET PSAUTIER GRECS ILLUSTRÉS 517
dans une fournaise couverte et au-dessus desquels un ange
étend ses ailes (Daniel, m, 57-88).
31 (fol. 334). La Mère de Dieu, debout, le corps droit,
les mains ouvertes, dans l'attitude de la prière, devant un
petit édifice.
Cette illustration du Psautier et des Cantiques qui le
suivent n'est pas celle qui s'est développée à Byzance au
IXe siècle, dont l'un des plus remarquables représentants est
le ms. grec 139 de la Bibliothèque nationale et qui
offre d'admirables spécimens de l'antique symbolisme chré-
tien. D'un caractère plus réaliste, d'une technique moins
savante, on peut la rapprocher de l'illustration d'un Psau-
tier, du milieu du xi° siècle, conservé sous le n° 752 du
fonds grec de la bibliothèque du Vatican et qui a été en
dernier lieu étudié par M. J. J. Tikkanen [. Des nombreuses
peintures de ce Psautier du Vatican on pourra rapprocher
entre autres les deux miniatures du Psautier de Paris, où
est figuré David jouant d'une sorte de violon, ou bien
encore celle qui représente Marie, sœur de Moïse, dansant
avec deux femmes d'Israël 2. Mais si le costume de ces
dernières offre des analogies certaines, notamment pour la
forme des manches, avec les peintures du Psautier du
Vatican, la composition, l'art avec lequel les ligures ont
été traitées semblent tout à l'avantage du nouveau Psautier
de Paris.
1. Die Psidterillustralion im Mittelalter, Bd. I, II. H, p. 136-141.
2. Ibid., fig. 134.
••518
LA « VÉRITABLE HISTOIRE DE LA CONQUÊTE
DE LA NOUVELLE ESPAGNE »
DE BERNAL DIAZ DEL CASTILLO,
PAR M. MOREL-FATIO, MEMBRE DE L'ACADÉMIE.
Tous les Américanistes, tous ceux qui de près ou de loin
s'intéressent à l'histoire de la découverte du Nouveau
Monde savent ce que représente la Véridique histoire de la
conquête de la Nouvelle Espagne par Bernai Diaz del Cas-
tillo, l'un des compagnons de Gortès. Ils savent aussi que
le glorieux poète et excellent érudit, José Maria de Here-
dia, a pour toujours attaché son nom à ces commentaires
soldatesques par la traduction qu'il en a donnée et qui est
une vraie œuvre d'art. Si cette traduction ne se recom-
mandait que par des qualités exclusivement littéraires, il
n'y aurait pas lieu d'en parler ici. L'Académie française a
la garde de la gloire littéraire de ses membres et s'acquitte
fort bien de ce soin. Nous n'avons à nous occuper que de
l'érudit. Or l'érudition d'Heredia — à laquelle beaucoup
de savants compétents se plurent à rendre hommage — a
été assez récemment méconnue et dans des circonstances
qu'il paraît utile de signaler, afin de revendiquer pour notre
illustre confrère le mérite d'une de ses plus heureuses trou-
vailles.
Les Commentaires de Bernai furent publiés à Madrid en
1632 par un Père de la Merci, appelé Alonso Remon, et
son édition, souvent reproduite jusqu'à nos jours, faisait
foi, quoique certains critiques du xvne siècle eussent élevé
quelques doutes sur la qualité du travail de ce religieux.
Heredia, qui avait appris à l'Ecole des Chartes, dont il fut
l'élève appliqué pendant trois années, à respecter les textes
authentiques et à les publier avec exactitude, fut frappé, au
fur et à mesure qu'il traduisait, de certaines particula-
HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DE LA NOUVELLE ESPAGNE 519
rites qui l'étonnèrent et l'inquiétèrent. Il se demanda bien-
tôt si le texte de son auteur n'avait pas été par endroits
volontairement altéré et s'il n'y avait pas moyen de remé-
dier à ces altérations. Le moyen, c'était de recourir au
manuscrit original qu'on savait être conservé dans la famille
du conquistador au Guatemala, où Bernai s'était établi
après sa période active et où il avait reçu un fief de la cou-
ronne d'Espagne. Mais comment atteindre ce manuscrit et
s'en procurer une copie fidèle ? Heredia s'adressa à un ami,
planteur de café à Costa Grande, qu'il chargea de se mettre
en rapport avec les descendants de Bernai, de chercher le
manuscrit et de l'examiner pour voir ce qu'on en pourrait
faire. Il me parla bien souvent de cette longue, laborieuse
et coûteuse négociation dont les détails ne me sont plus
très présents ; aussi ai-je tenu à nie rafraîchir la mémoire
en demandant à Madame de Heredia communication des
lettres du planteur. Elle me les a gracieusement prêtées et
j'y ai trouvé la confirmation très complète et très précise
de ce que je savais déjà en gros. Heredia est le premier
érudit qui ait reconnu la valeur exceptionnelle du manu-
scrit autographe de la Véridique histoire et il est le pre-
mier qui ait donné au public le facsimilé fort bien exécuté
d'un de ses feuillets, lequel permet de se rendre compte des
remaniements vraiment extraordinaires que le texte de Ber-
nai a subis dans l'édition de 1632. Ce facsimilé orne le
quatrième volume de sa traduction paru en 1887. Dans un
appendice intitulé : Le manuscrit de la Véridique histoire,
Heredia a raconté en quelques mots comment il s'était pro-
curé cette pièce si précieuse.
Il serait long d'exposer pourquoi Heredia ne put pas
faire exécuter une copie du manuscrit. Les prétentions du
propriétaire, un nommé Domingo Gastillo, descendant de
Bernai, furent très élevées. Il aurait fallu l'appui d'un
Mécène qui ne s'offrit point. D'ailleurs, le mandataire
d' Heredia comprit bien vile qu'une copie exéeutée sans le
;;,20 HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DE LA NOUVELLE ESPAGNE
contrôle d'une personne compétente et en mesure de colla-
tionner la copie ne présenterait pas de garanties sérieuses
d'exactitude, vu certaines difficultés de lecture et la dété-
rioration de quelques feuillets. Il estima que seule une repro-
duction photographique répondrait aux désirs du traducteur
de Bernai. Mais en ce cas les frais de six cents clichés
environ — le manuscrit ayant 297 feuillets — par un pho-
tographe du Guatemala se seraient montés à une somme
imposante que l'auteur des Trophées n'avait pas à sa dispo-
sition. La négociation fut donc rompue — le dossier en
témoigne — et Heredia dut se contenter de faire part au
public de sa tentative et de lui fournir un facsimilé excel-
lent, répétons-le, qui lui assura la reconnaissance des
Américanistes et un droit incontestable de priorité sur tous
ceux qui se sont occupés du fameux manuscrit.
Vingt ans se passèrent depuis les démarches, couronnées
d'un demi-succès, d'Heredia, et enfin le gouvernement du
Guatemala comprit qu'il ne pouvait laisser perdre un tel
trésor. Il acquit du propriétaire le manuscrit de Bernai et
eut l'idée intelligente d'en faire exécuter une reproduction
photographique dont un exemplaire fut donné par cette
république de l'Amérique centrale à sa sœur mexicaine, et
c'est à Mexico, par les soins d'un érudit local. M. Genaro
Garcia, et aux frais du gouvernement, que parut en 1904
la première édition de la Véridique histoire conforme au
texte du manuscrit original. Lorsque je reçus l'exemplaire
que je m'étais fait envoyer d'Espagne, j'allai, il m'en sou-
vient, le porter à Heredia, alors administrateur de l'Arse-
nal. Il fut a la fois joyeux et attristé de voir les deux
volumes que je lui mis sous les yeux. Joyeux, parce
qu'une partie au moins de son rêve se réalisait — ou du
moins était réalisé par un autre, — attristé, parce que
déjà malade et fatigué, il ne se sentait plus la force de
refaire sa traduction. Je suppose qu'il ne lut pas la préface
de l'éditeur, qui l'aurait à juste titre chagriné. M. Garcia, en
HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DE LA NOUVELLE ESPAGNE 521
effet, s'est arrangé à passer entièrement sous silence tous
les efforts d'Heredia pour mettre, vingt ans avant lui, en
valeur, le manuscrit de Bernai et le rendre accessible au
public lettré. Plus exactement : il s'est borné dans une note
à relever une légère erreur de L'ami qu'Heredia avait
chargé d'examiner le manuscrit, erreur bien excusable de
la part de quelqu'un qui n'eut en mains le volume que pen-
dant k peine quelques heures.
Je ne veux pas me livrer ici à la critique du travail de
M. Garcia, me réservant de le faire dans un article que je
destine au Journal des Savants. Aujourd'hui, je veux sim-
plement revendiquer pour Heredia l'honneur et le mérite
que M. Garcia lui conteste indirectement en ne parlant pas
des investigations de notre confrère et en ne soufflant mot
non plus du facsimilé qui révéla au monde érudit la
valeur du manuscrit de Bernai. Or, détail assez piquant,
le facsimilé d'Heredia nous permet de contrôler pour
une .page au moins l'exactitude de l'édition Garcia, et
de ce contrôle résulte que celui-ci a commis quatre
fautes, dont trois, il est vrai, purement orthographiques et
sans grande importance. De toutes façons, ce facsimilé n'est
pas si négligeable que le pensait M. Garcia, puisqu'il nous
fournit le moyen de rectifier son propre travail.
Mais pourquoi, me demandera-t-on, introduire mainte-
nant cette revendication, pourquoi ne pas l'avoir présentée
plus tôt, ou pourquoi ne pas attendre l'examen critique
de l'édition Garcia ? Je la présente aujourd'hui parce que
j'ai été ces temps derniers averti par notre confrère M.
Cordier de la publication toute récente dans la Hakluyt
Society d'une traduction anglaise de Bernai, d'après l'édition
Garcia, par M. Alfred Percival Maudslay. Deux volumes
de cette traduction anglaise ont paru, dans le premier des-
quels a été reproduite la préface de M. Garcia sans aucune
atténuation ou rectification pour ce qui concerne Heredia.
Reste à paraître un troisième volume. M. Maudslay est un
522 HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DE LA NOUVELLE ESPAGNE
savant de grand mérite, fort compétent en matière d'his-
toire mexicaine et d'américanisme. J'espère qu'il voudra
bien tenir compte des observations qui viennent de vous
être présentées et rendre à Heredia ce qui lui appartient.
Un mot encore. Cette question du texte de la Véridique
histoire a réellement une grande importance. Outre que la
divulgation du manuscrit autographe nous apporte des mor-
ceaux inédits, l'un de contenu autobiographique du plus
vif intérêt et qui permet de compléter ce que nous savions
de la vie de l'auteur, cette divulgation substitue au texte
complètement refait du P. Remon le seul texte authentique
du fameux conquistador. Je ne crois pas qu'il existe dans
l'histoire littéraire un autre exemple d'un pareil rifaci-
rnento, comme disent les Italiens, rifacimento ou refonte
très intentionnée. Le P. Remon n'a pas seulement falsifié,
le mot n'est pas trop fort, le récit de Bernai en y introdui-
sant des passages relatifs aux religieux de son ordre et au
rôle qu'ils auraient joué dans la conversion des Indiens
du Mexique, il n'a pas seulement supprimé de son chef
des phrases visant des personnalités qu'il estimait pru-
dent de ménager : il a complètement dénaturé par places
le style si primesautier de Bernai, en substituant des
expressions de son goût et presque toujours plates et
banales au verbe incorrect souvent, mais vigoureux,
expressif et personnel du conquistador. On se prend par-
fois à regretter qu'Heredia ait pris tant de peine pour
traduire en un langage digne de Montluc le Bernai refait
par un Père de la Merci au xvne siècle ; on regrette surtout
que le Destin ne lui ait pas laissé le temps de reprendre
sa traduction et de la retravailler à l'aide du manuscrit dont
il avait avec tant de perspicacité deviné la valeur et qui
lui doit d'être aujourd'hui remis en pleine lumière.
523
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau de l'Académie le
fascicule du mois de juillet, 1912 des Comptes rendus des séances de
l'Académie (Paris, 1912, in-8°).
Le P. Scheii présente à l'Académie, au nom de l'auteur M. Ch.
Brus ton, doyen honoraire de Faculté, un ouvrage intitulé: Le* plus
anciens cantiques chrétiens. Les Odes de Salomon, traduites sur la
seconde édition du texte syriaque (Genève et Paris, 1912, in-8°).
M. Yioi.let offre une étude du comte H.-Fr. Delaborde sur Le texte
primitif des Enseignements de saint Louis à son /ils (extr. de la
« Bibliothèque de l'École des Chartes », année 1912 :
<( Le texte des Enseignements de saint Louis à son fds fui, il y a
quarante ans, l'objet de lectures et de discussions au sein de l'Aca-
démie. La question débattue était celle-ci : quelques passages de ces
Enseignements qui figurent dans les Grandes chroniques et dans
Joinville et manquent dans d'autres sources sont-ils authentiques'?
ont-ils été écrits par saint Louis? Notre éminent et regretté confrère
Natalis de Wailly croyait à l'authenticité de ces divers passages. Il
voulut bien m'autoriser à soutenir ici la thèse contraire.
« Le silence s'était fait depuis lors. Mais voici qu'une thèse nouvel!--
apparaît. Jusqu'à ce jour, tous les historiens et tous les critiques
étaient d'accord sur ce point : un certain texte des Enseignements,
qu'on trouve pour la première fois dans la Vie de saint Louis par
Geoffroy de Beaulieu, son confesseur, n'est autre chose qu'un
abrégé du vrai texte, abrégé exécuté par Geoffroy de Beaulieu lui-
même.
« M. le comte François Delaborde, professeur à l'École des Chartes,
me charge aujourd'hui d'offrir à l'Académie une étude intitulée : /.'■
texte primitif <les Enseignements de suint Louis à son fils. Le comte
Delaborde soutient que le texte bref de Geoffroy de Beaulieu n'es!
nullement un abrégé dû à cet historien, mais un texte des Ensei-
gnements émané directement de saint Louis comme le grand texte
parallèle, et destiné à être communiqué à tous s. -s enfants. Cette dis-
sertation est écrite avec talent et révèle une parfaite connaissance de
toutes les sources; l'exposition est claire et facile.
1912. ^
.">2't LIVRES OFFERTS
« Je no puis ajouter que l'auteur ail réussi à me convaincre; mais
je me plais à rendre hommage aux rares mérites de cette étude. Elle
est suivie d'une édition très soignée des deux Enseignements de
saint Louis à son fils et de ses Enseignements à sa fille Isabelle. »
M. Omont a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
du comité formé par la Société historique et archéologique de
l'I >rne, sous la présidence de M. II. Tournouër, pour l'érection d'un
monument à la mémoire de l'historien normand Orderic Vital, un
volume intitulé : Orderic Yilal et l'abbaye de Saint-Evroul. Notices et
travaux publiés en l'honneur de l'historien normand, moine de cette
abbaye. Fêtes du 27 août 1012 (Alençon, Imprimerie alençonnaise,
1912, gr. in-8°. xxn-212 pages et 24 planches hors texte).
« Les noms de trois de nos confrères sont indissolublement liés
;i celui d'Orderic Vital : c'est à Auguste Le Prévost, à Benjamin Gué-
raid et à Léopold Delisle qu'est due la magistrale édition du vieil
historien normand publiée, il y a cinquante-cinq ans. pour la Société
de l'histoire de France. Le volume que la Société historique et
archéologique de l'Orne offre en hommage à l'Académie conservera
le souvenir des belles fêtes du 27 août dernier. Il contient les
articles suivants, tous relatifs à Orderic Vital et à l'antique abbaye
de Saint-Evroul :
1. Notice sur Orderic Vital, par Léopold Delisle; réimpression de
la notice publiée en 18:17 en tète du dernier volume de l'édition de
l,i Société de l'hisloire de France, avec quelques extraits de lettres
de L. Delisle à L. de La Sicolière relatives à cette édition.
2. Liste des abbés de Saint-Evroul, par M. Emile Picot.
3. Notes d'histoire et d'archéologie sur l'abbaye de Saint-Evroul,
par VI. René Gobillot.
i. ].<■* <>l,j,'ts d'art de Saint-Evroul, par M. Gaétan Guillot.
5. Iconographie et sigillographie de Saint-Evroul, par M. Henri
Tournouër.
6. Essai de bibliographie de l'abbaye de Saint-Evroul, par M.
Etienne Deville.
M. Héron m: Villefossb offre, au nom de M. le docteur Carton,
correspondant del'Académie, un petit livre intitulé : Le Nord-Ouest
'/-' la Tunisie; ruines romaines, forêts, montagnes, colonisation. Ce
petit guide illustré, publié par le Comité d'initiative du N.-O. Tuni-
i. esl destiné à faire connaître aux touristes une région intéres-
sante qui, à coté des merveilleux terrains de chasse et des admi-
SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1912 525
râbles sites forestiers de la Kroumirie, renferme de très belles
ruines comme celles de Bulla Regia, comme celles de Chemtou où se
trouvent les anciennes carrières du marbre numidique. Une carte de
la région, des plans de villes et de nombreuses pbototypies illustrent
ce guide.
M. Héron de Villefosse présente ensuite, au nom de M. René
Fage, un important mémoire : L'église de Lubersac (Corrèze), extr.
du Bulletin monumental, 1912. Après avoir retracé l'bistoire de
cette église, l'auteur en donne une description accompagnée d'un
plan, d'une coupe et de dessins. Le chœur et l'abside possèdent de
beaux chapiteaux romans dont les sujets sont presque tous emprun-
tés au Nouveau Testament. Reconstruite de fond en comble au
milieu du xii*1 siècle, l'église de Lubersac reçut d'importantes modifi-
cations et subit une véritable transformation vers la fin du xne et au
commencement du \in° siècle. L'effort des constructeurs s'épuisa à
cette époque sur le chevet et le transept. Au xive siècle seulement, la
voûte fut allongée de deux travées. La voûte d'ogives du croisillon
du Nord date du premier quart du xvie siècle.
SÉANCE DU 23 OCTOBRE
(Séance avancée au mercredi,
à cause de la Séance publique annuelle des cincj Académies.
PRESIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
M. le marquis de Gerralbo, membre de l'Académie de Madrid,
fait une communication sur ses découvertes archéologiques
récentes en Espagne :
« Depuis quelques années, j'ai pratiqué au centre de l'Es-
pagne, en pleine Geltibérie, des fouilles qui ont porté sur cin-
quante-deux stations. Pour épargner les moments que l'Aca-
démie veut bien m'accorder, je ne parlerai que des plus impor-
tantes.
« Torralhn. - - Ce gisement préhistorique est situé à 111*2
mètres d'altitude, dans la province de Soria. C'est un plateau
526 SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1912
au-dessous duquel s'éteudait autrefois un grand lac, où venaient
boire les grands animaux de l'époque quaternaire. J'ai eu la
bonne fortune d'y rencontrer un amas extraordinaire de têtes,
de dents et de défenses d'éléphants, dans un état parfait de
conservation. L'éléphant de Torralba n'est pas le mammouth ;
il appartient à deux espèces plus anciennes de la base du qua-
ternaire, Yantiquus et le meridionialis. En contact avec les
défenses et dents de ces grands pachydermes, il y avait des
pierres taillées que l'on rapporte aujourd'hui au type le plus
ancien de Chelles, et même au type dit pré-chelléen. Parmi les
vingt-six défenses, j'en compte trois dont la longueur dépasse
3 mètres et une qui mesure 3 m 29 ; ce sont des pièces uniques.
D'autres ossements, recueillis au même endroit, appartiennent
à un équidé voisin de Vequus Stenonis et au rhinocéros étrusque.
« Pourquoi les chasseurs de ces temps reculés ont-ils pris la
peine de transporter sur le plateau ces lourdes défenses ? Ils
n'ont pas dépecé les animaux sur place, car on ne trouve pas
d'os longs ; ils n'ont pas travaillé l'ivoire, car il n'y a pas d'ob-
jets ouvrés de cette matière. On est donc tenté de croire à l'in-
fluence d'un motif religieux ou magique.
« Dans l'état actuel de nos connaissances, Torralba est la
plus ancienne station humaine dont la chronologie relative
puisse être fixée avec certitude, et le type même des stations
du quaternaire primitif. Les autres phases des temps quater-
naires n'y sont pas représentées.
« Nécropole ibérique dWguilar de Angui ta. — M. Déchelette
a déjà parlé de cette nécropole à l'Académie ; mais je peux lui
présenter aujourd'hui des photographies qui ne lui ont pas été
soumises encore et donner quelques détails complémentaires.
« La nécropole en question est dans la province de Guadala-
jara, sur les confins de celle de Soria, à 25 kil. de Segontia et à
10 de Torralba. Le village est perché sur une colline. La nécro-
pole, dans la plaine, est divisée en deux parties presque égales.
Elle forme de longues allées de stèles et de pierres brutes dont
quelques-unes atteignent 3 mètres de haut ; j'ai compté ïi ran-
gées >\c 60-100 pierres chacune, qui font songer aux alignements
île ( larnac.
SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1912 527
« Mes fouilles ont porté sur 2264 sépultures, appartenant
à la troisième phase du premier Age du fer (Hallstatt III).
« A côté de chaque pierre ou stèle se trouve toujours une
urne très simple, mal cuite, recouverte d'une dalle brute et
pleine de cendres.
« Dans les sépultures riches, les pierres, hautes d'1 à 3 mètres,
sont lichées verticalement en terre ; devant la stèle est l'urne
cinéraire; le mobilier était généralement au-dessous de la stèle
et trop souvent écrasé par son poids.
« Les sépultures de guerriers renferment parfois un équipe-
ment complet : poignard à antennes de fer, avec fourreau de fer ;
deux pointes de lance de grandeur inégale ; un javelot d'une
seule tige de fer forgé ; un mors de cheval, souvent un mors
et un filet ; deux ou trois couteaux. Les armes défensives sont
représentées dans quelques tombes par des umhos circulaires
et ajourés de boucliers et par des boucles de suspension avec
ornements en S. Quelques tombes très riches m'ont fourni deux
disques en tôle de bronze ornés au repoussé, reliés par d'autres
plus petits.
« Dans les tombes de femmes, j'ai recueilli des plaques de
ceinture, des bracelets formés de fils de métal, des boucles
d'oreille avec clochettes, des épingles ornées de boules d'ambre
jaune, de riches ornements de poitrine et de tète, ainsi que
beaucoup d'objets tous en bronze. Les fibules sont rares et
appartiennent, les unes au type dit ibérique, les autres au type
de Hallstatt III.
« Presque toutes les urnes funéraires, tant d'hommes que de
femmes, contenaient une ou deux fusaïoles en argile, ou bien
une fusaïole et une petite boule. Ce sont les seuls objets en
contact avec ce qui reste du défunt; le mobilier riche est tou-
jours en dehors de l'urne. Il en résulte avec évidence que
fusaïoles et boules ont une signification symbolique à déter-
miner.
« Les épées ou poignards à antennes, du type de Hallstatt III,
identiques à celles qu'on a trouvées dans les Pyrénées fran-
çaises, à Avezac-Prat, constituent la plus riche collection
d'armes de ce genre que l'on connaisse. Les poignées, très
petites, ne pouvaient laisser place pour la main ; elles devaient
être maniées comme la navaja espagnole moderne.
528 SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1912
« Les deux lances que Strabon attribue aux Celtibères se
trouvent dans nos tombes, l'une pour combattre à cheval,
l'autre pour le corps à corps. Les couteaux affectent la double
courbure de ceux de l'âge du bronze. Les umbos de boucliers
sont encore uniques dans leur genre. La superbe série de mors
et de pièces de bride attestent l'importance de l'élevage du
cheval de guerre dans cette région et continuent l'éloge que
fait Strabon de la cavalerie ibérique.
« Une autre nouveauté sont les caveçons ou appareils de dres-
sage, dont j'ai recueilli plusieurs spécimens. Mais ce qu'il y a de
plus surprenant est une série de fers à cheval, dont plusieurs
munis de dix clous. Ces fers ont été recueillis au voisinage
immédiat des tombes ; on n'a découvert, sur cet emplacement,
aucun objet d'époque postérieure. Je n'ai pas l'intention de
reprendre devant l'Académie la discussion toujours pendante
sur la ferrure des chevaux ; mais tout incline à penser que les
fers découverts par moi appartenaient bien à des chevaux con-
temporains des guerriers, et peut-être sacrifiés sur leurs tombes.
« Je cite encore un casque unique, en bronze, d'une forme
toute différente des casques figurés, plus d'un siècle après, sur
les plus anciennes monnaies ibériques, dont la série commence
vers l'an '2'20 avant notre ère.
« La perfection de la technique à l'époque de notre nécropole
apparaît surtout dans les grands disques de bronze qui ornaient
la poitrine et le dos des guerriers ; l'un d'eux était richement
plaqué d'argent.
« Cinq tombes m'ont fourni, pour tout contenu, neuf pièces de
bronze, peut-être des ornements de coiffure, dont les pareilles
n'ont pas encore été signalées ailleurs.
« J'ajoute enfin que Bilbilis, située à moins de 50 kil. d'Agui-
lar, était célèbre dans l'antiquité par la trempe des armes de
fer ; nous sommes clans une région où l'habileté métallurgique
s'est fait apprécier de bonne heure et l'a été pendant des siècles.
On peut donc admettre, a priori, l'influence des fabriques de la
région d'Aguilar sur celles de la Gaule et de l'Italie.
« Nécropole Celtibérienne de Luzaga. — Elle est située à
10 kil. d'Aguilar et offre les mêmes caractères : un parallé-
SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1912 529
logramme de 100 X 50 mètres, formé d'allées de pierres dres-
sées. J'y ai exploré près de 2000 tombes et recueilli un millier
d'urnes; le mobilier métallique, moins abondant qu'à Aguilar,
m'a fourni pourtant la plus belle fibule qui ait été trouvée en
Espagne, représentant un cavalier.
« Les urnes présentent une grande variété de formes ; les plus
curieuses sont munies, sur le bord, d'un petit appendice en
forme de vase ; c'est un type nouveau. Une autre variété
intéressante est représentée par des tessons dans lesquels sont
incrustés des anneaux en ambre.
« Les fusaïoles contenues dans les urnes sont très ornées,
alors que les vases ne le sont pas.
« Nécropole ibérique (iArcohriçfa (?). — Après avoir exploré
la ville ibérique que je propose d'identifier à Arcobriga, j'ai
découvert la nécropole sur un terrain en pente, peu propice à
la conservation des objets. Ce qu'elle m'a fourni de plus nou-
veau sont des tombes que je croirais volontiers celles des prê-
tresses. J'y ai rencontré plusieurs fois les cercles de fer sur-
montés de corbeaux qui, au dire d'Artémidore cité par Strabon,
servaient de support aux manteaux et aux hautes chevelures
des femmes d'Ibérie ; ce sont des objets que l'on rencontre pour
la première fois et qui expliquent les ornements de tète
observés dans les sculptures d'Ëlche et du Cerro de los Santos.
Chose singulière, les Espagnoles d'aujourd'hui se servent encore,
pour supporter leurs mantilles, de hauts peignes en écaille :
la matière a changé, mais non la mode.
« Quelques-unes de ces tombes contenaient quatre plaquettes
de bronze, peut-être les revêtements de coffrets, où l'on dis-
tingue très clairement, en repoussé, la représentation du soleil
avec des rayons. C'est une des raisons qui me portent à
désigner ces tombes sous le nom de lombes de prêtresses.
« Les armes de fer d'Arcobriga sont des poignards à antennes
plus courts que ceux d'Aguilar. Les épées sont presque toutes
du second âge du fer (type de La Tène), qui est encore très peu
connu en Espagne. Les lances sont plus rares que les épées;
la forme des pointes est singulière : ce sont de minces lames
avec douille finissant en feuille de saule et longues de 30 à
1)0 centimètres.
530 SÉANCE DU 30 OCTOBRE 1912
« Les fibules, assez nombreuses, appartiennent pour la plupart
au type de La Tène, mais il y en a de types plus anciens ; une
d'elles est ornée d'une tête humaine, d'autres de têtes d'ani-
maux (ours, oiseaux, chevaux).
« Je ne veux pas allonger cette description sommaire de trou-
vailles qui s'étendent depuis les temps les plus reculés jusqu'au
me siècle de notre ère. J'ai voulu seulement, puisque l'occasion
m'en était offerte, appeler l'attention bienveillante d'une Société
illustre, où les recherches archéologiques sont en honneur
depuis plus de deux siècles, sur les résultats assez nouveaux
et peut-être assez instructifs pour la science, qui sont les fruits
de mes modestes efforts. »
M. Salomon Reinach insiste sur l'importance des découvertes
faites par M. le marquis de Cerralbo.
SÉANCE DU 30 OCTOBRE
(Séance avancée au mercredi, à cause des fêtes de la Toussaint.
PRESIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
L'Académie propose pour le prix ordinaire (prix du budget)
à décerner en 1915, le sujet suivant :
Le genre épistolaire chez les Assyro-babyloniens, depuis les
origines.
Dépôt des mémoires au Secrétariat de l'Institut avant le
1er janvier 1915.
L'Académie décide, en outre, que le prix Delalande-Guéri-
neau, en 1914, et le prix extraordinaire Bordin, en 1915, seront
décernés à un ouvrage imprimé relatif aux études orientales.
Dépôt des ouvrages imprimés, en deux exemplaires, au Secré-
tariat de l'Institut, avant le 1er janvier de l'année du concours.
M. Edouard Guq lit un mémoire sur une Novelle inédite de
Justinien. Cette Novelle, que vient de faire connaître un papy-
SÉANCE DIT 30 OCTOBRE 1012 534
rus gréco-égyptien du Musée du Caire, publié par M. Jean
Maspero, est relative à une très ancienne institution de la Grèce,
sur laquelle on ne savait rien de précis, L'aTrox^puSliç. Le père de
famille avait, chez les Grecs, le droit de chasser de sa maison
l'enfant rebelle à son autorité et de l'exhéréder. Cette institu-
tion, qui n'était pas en harmonie avec l'organisation de la
puissance paternelle romaine sous l'Empire, fut proscrite par
Dioclétien. Elle persista néanmoins dans les pays de civilisation
grecque. Justinien essaya vainement de remettre en vigueur le
rescrit de Dioclétien; la coutume fut plus forte que la loi, et
l'empereur se résigna à réglementer une institution qu'il n'avait
pu supprimer.
Le papyrus du Caire contient un acte d'àTtox^puSjjç, rédigé
conformément à la Novelle_ de Justinien. L'acte devait être
motivé et soumis à l'homologation du gouverneur de la pro-
vince, après une enquête faite par le défenseur de la x<o[xï]. Il
était ensuite notifié au public par le héraut et affiché pendant
sept jours sur la place publique. L'acte était irrévocable; ses
effets s'étendaient aux héritiers éventuels de l'enfant exclu de
la famille.
M. Théodore Reinacii présente quelques observations.
M. le comte Bégouen fait une communication sur les statues
d'argile préhistoriques de la caverne du Tue d'Audoubert
(Ariège) '.
M. Salomon Reinacii fait valoir l'intérêt de la découverte et
indique dans quelles conditions on peut assurer, par des copies
exactes, la conservation de ces monuments.
M. Babelon continue la lecture de son mémoire sur Junon
Moneta. Après avoir démontré que cette déesse était, primiti-
vement, une divinité italiole à laquelle les oies du Capilole
étaient consacrées, il réfute l'opinion récemment émise, suivant
laquelle le mol Moneta serait la déformation, par les Romains,
d'un nom carthaginois. C'est, au contraire, la vieille déesse ita-
liole, Junon Moneta, qui donna son nom à la monnaie parce
que l'atelier monétaire de Rome était installé dans une dépen-
dance de son temple.
i . Voir ci-après.
532
COMMUNICATION
LES STATUES d'aRGILE PRÉHISTORIQUES
DE LA CAVERNE DU TUC d'aUDOUBERT (aRIÈGe),
PAR M. LE COMTE BÉGOUEN.
L'art quaternaire nous a réservé bien des surprises.
Depuis la découverte des premiers os gravés, successive-
ment sont venus au jour les dessins et les sculptures sur
os et ivoire, les dessins et les peintures pariétales, derniè-
rement enfin les sculptures sur pierre. On apprenait peu à
peu que les hommes de cette époque connaissaient et
pratiquaient toutes les branches de l'art représentatif.
Puisqu'ils travaillaient des matières aussi dures que
l'ivoire, la corne, la pierre, on pouvait bien penser qu'ils
pouvaient et devaient même se servir de matières plus
faciles, comme le bois, l'argile. Mais la fragilité même de
ces matières et leur constitution plus périssable semblaient
nous interdire tout espoir de jamais trouver, au cours de
fouilles préhistoriques, des objets d'une conservation aussi
difficile. Nous avons encore une lacune en ce qui concerne
le travail du bois; mais la découverte faite par mes fils, le
10 octobre 1912, me permet de venir vous montrer aujour-
d'hui que les Magdaléniens sculptaient non seulement l'os
et la pierre, mais qu'ils modelaient aussi l'argile.
Dans une note qui vous a été lue cet été par M. Salo-
mon Reinach, je vous annonçais la découverte, sur le terri-
toire de la commune de Montesquieu- A vantés (Ariège),
d'une caverne du Tue d'Audoubert, absolument inconnue
dans le pays et que nous étions les premiers depuis des
siècles à explorer. De très beaux dessins d'animaux gravés
sur les parois avaient motivé cette communication. Je
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STATUES D'ARGILE PRÉHISTORIQUES 533
vous signalais un couloir d'un accès trop difficile et trop
étroit pour que j'aie pu alors y pénétrer. Il avait fallu l'au-
dace et la souplesse de la jeunesse pour que mes fils se
soient aventurés dans cette galerie s'ouvrant à 42 mètres 50
au-dessus du sol de la caverne, au haut d'une cheminée en
spirale qu'il faut escalader presque à la force du poignet,
et ce n'est que le commencement d'une série de passages
accidentés et étroits qui, sur une longueur de deux cents
mètres environ, rendent cette exploration des plus pénibles.
A ce point, le couloir, étroit et très bas de plafond, sem-
blait complètement bouché par d'épais piliers de stalac-
tites allant de la voûte au plancher. Cependant, derrière ce
rideau de calcaire, on voyait le couloir se prolonger. Mes
fils n'hésitèrent pas à briser ces colonnes et à pratiquer, sur
une longueur d'un mètre cinquante, une chatière mesurant
28 cent, de haut sur 76 de large. C'est par là que nous
sommes passés en rampant. Le trou est élargi maintenant,
il mesure 35 cent, et a permis à MM. Cartailhac et Breuil
de visiter les salles suivantes.
C'est tout au fond de cette galerie, à plus de 700 mètres
de l'entrée de la caverne, que se trouvent appuyées, contre
des quartiers de roches tombés de la voûte au milieu de la
salle, deux statuettes d'argile mesurant 61 et 63 centi-
mètres de longueur et représentant des bisons. Elles sont
à peu près intactes. L'argile, en se desséchant un peu,
quoique l'air de la salle soit très humide, les a fissurées,
et les fentes traversent parfois les animaux de part en
part ; mais comme ils sont collés sur le rocher, tout est
resté en place. Seuls, le bout de la corne droite de la
femelle et sa queue sont tombés. Celle-ci, intacte, gît à
ses pieds.
Quand on arrive, on voit les deux bisons par derrière;
ils semblent fuir devant vous. C'est un mâle suivant une
femelle. Ils ne sont pas exactement l'un derrière l'autre, le
mâle étant un peu plus sur la gauche, ce qui contredirait
534 statues d'argile préhistoriques
l'idée de saillie que la position du mâle un peu dressé,
semble-t-il. sur les pattes de derrière, pourrait suggérer.
L'artiste, qui a traité ces bètes avec un certain réalisme
et un grand sens d'observation, a très nettement marqué
les caractères physiques extérieurs différenciant les sexes.
La tête du mâle est plus trapue, le chignon est plus gros-
sier, la bosse surtout est plus volumineuse; tout cela, joint
à d'autres remarques faites sur la femelle, permet cette
attribution de sexe à ces deux animaux. Le mâle n'est pas
aussi achevé : ses pieds se tixent sur le sol sans sabots,
tandis que sa compagne a les pieds terminés. Chez elle
également, les deux pattes de devant sont marquées. Entre
elles passe la barbe qui ne s'achève que sous le ventre et
dont les longs poils sont indiqués par des stries faites avec
une spatule de bois ou d'os, tandis que pour la crinière plus
laineuse et plus grossière, l'artiste s'est servi de son pouce.
Les oreilles et les cornes très recourbées se détachent en
relief; l'œil est fait d'une boule, avec un trou pour marquer
le regard, ce qui donne plus de vie à cet animal, tandis
que le mâle a l'air morne et atone, avec le mamelon qui
lui sert d'oeil. Il est à remarquer que ce procédé d'indiquer
la pupille par un trou se retrouve sur plusieurs sculptures
préhistoriques, tandis qu'il a complètement disparu à la
période classique et qu il faut arriver à une époque relati-
vement moderne pour le trouver employé à nouveau.
Le modelage de ces statues est bon ; il y a un certain
relief, quoiqu'on ne puisse pas dire que l'animal soit traité
en ronde bosse absolue, avec l'épaisseur réelle de son corps.
Ce sont, en somme, plutôt des bas-reliefs semblables en
beaucoup plus grand aux figurines sculptées en bois de
renne de la même époque. Mais pour ces dernières on pou-
vait s'expliquer que la minceur de la matière employée
obligeât L'artiste à réduire une de ses proportions. Ici, ce
c'est pas le cas, la matière était abondante sur place.
G'est volontairement qu'il a traité son sujet en relief. Un
STATUES D'ARGILE PRÉHISTORIQUES 535
seul côté, le droit, est terminé. Celui qui est collé contre le
rocher est à peine ébauché. On voit sur l'argile les traces
laissées par le modelage et le lissage avec la main. L'avant-
train seul du mâle s'appuie contre la pierre tombée du pla-
fond ; pour le maintenir droit, on l'a calé avec des pierres et
des blocs d'argile, et on en a fait de même pour le mufle de
la femelle qui s'appuie sur un bloc enrobé dans de l'argile.
Quelques petits graviers tombés de la voûte se sont fixés
sur la surface des statuettes ou y ont fait des trous ; de
petits animaux, rongeurs ou chauves-souris, les ont aussi
éraflées de leurs griffes.
Par terre, entre les deux animaux, des boulettes de terre-
glaise portent des empreintes de doigts.
En avant du rocher, nous avons, lors de nos dernières
explorations, trouvé une autre petite statuette très gros-
sière et informe. Elle n'a probablement jamais été qu'une
ébauche, mais plus petite que les autres (13 cent, seule-
ment), et n'étant pas fixée au sol, elle a beaucoup souffert.
Sa forme est caractéristique : on voit bien la silhouette d'un
bison, le ventre et les pattes de derrière sont séparées par
un profond sillon d'une masse de terre qui devait lui ser-
vir de support, car cette statuette devait être posée pour
être vue sous les deux faces. Mais là encore l'artiste n'a pas
vu en largeur. On dirait que son œil ne voyait qu'en
ilhouette. Cependant la forte tête du bison l'avait frappé
quand il l'avait regardée de face, car il avait conservé pour
le faire une grosse masse de terre qui contraste avec la min-
ceur de l'arrière-train. Je sais bien que telle est la conforma-
tion du bison, mais l'artiste a exagéré.
Ce qui nous frappe sur cette ébauche, c'est qu'elle semble
équarrie comme s'il se fût agi d'un morceau de bois ou de
pierre et non d'une matière aussi plastique que l'argile.
C'est en enlevant de la matière que sculptaient les Magda-
léniens et non en en ajoutant ; une ébauche préparée que
nous avons trouvée sur le sol nous confirme dans cette
hypothèse.
o36 STATUES DARGILE PRÉHISTORIQUES
En avant du rocher, un bison de il centimètres est des-
siné sur l'argile ; la tête en était déjà modelée, la corne en
relief, mais une pierre détachée du plafond est tombée juste
en cet endroit et l'a écrasée. La silhouette de l'animal est
indiquée par un sillon de 2 centimètres de profondeur fait,
semble-t-il, avec le doigt.
La préparation commencée de cette statuette me fait
penser que c'est ainsi que les artistes d'alors travaillaient :
après avoir découpé l'animal à représenter, ils enlevaient
la terre tout autour, puis soulevaient la galette ainsi cons-
tituée, et la finissaient sur place. Deux constatations
appuient cette hypothèse : les corps des deux statuettes
ne sont pas de la même épaisseur sur toute leur étendue ;
ils présentent l'aspect d'un grand paquet de terre qu'on
arrache du sol, et enfin nous avons trouvé sur le sol, près
d'elles, des espèces de cuvettes provenant d'un enlèvement
de terre où se voient encore des traces de doigts.
Et ce ne sont pas les seules empreintes humaines que
nous avons relevées dans cette caverne qui semble avoir été
fermée pendant des millénaires par les blancs scellés de
stalactites que nous avons brisés.
Avant d'arriver au sanctuaire du fond, il faut traverser
de. vastes salles dont le sol est formé d'une argile tantôt
découverte et tantôt recouverte d'une pellicule stalagmi-
tique qui a protégé, sans les effacer, des traces qui s'y trou-
vaient. C'est par milliers qu'on remarque les griffades
faites en se promenant par les ours des cavernes qui sont
venus mourir là et dont les larges pattes se sont imprimées
sur la terre humide. Leurs squelettes gisent sur le sol,
fixés parfois par une légère concrétion calcaire. Leurs os
sont en tas, mais ils ne sont pourtant plus en connexion
anatomique ; ils ont été dérangés par des hommes qui ont
brisé les mâchoires pour en arracher les canines. Autour
de ces ossements, les empreintes de pieds humains sont
fréquentes. Près d'eux aussi, nous avons relevé, à même le
STATUES D'ARGILE PRÉHISTORIQUES 537
sol, des silex de forme caractéristique du Magdalénien (1
grattoir, 1 grattoir-burin, 3 éclats usagés et une dent
percée).
Mais là où les empreintes humaines sont surtout nom-
breuses, c'est dans une petite salle située quelques mètres
avant d'arriver aux statuettes. Elle est en contre-bas, au
fond d'une falaise d'argile où les ours, en glissant, ont
laissé de longues griffades et l'empreinte de leurs poils. On
voit que là aussi l'homme a enlevé de la terre en assez
grande quantité, comme dans une carrière. Il a même roulé
l'argile en petits boudins qui gisent par terre.
Le plafond est bas, on. ne peut se tenir debout. Le sol
est très uni ; un lacis incompréhensible de courbes parcourt
toute la surface, sur laquelle se voit l'empreinte très pro-
fonde d'une quarantaine de talons, sans que nous ayons
vu jusqu'ici aucune empreinte de doigts de pied. Une très
léerère couche de calcaire s'écaillant facilement s'est formée
sur cette argile, moulant avec finesse la trace de ces talons,
au point de nous montrer les callosités de la peau. Mais
pourquoi n'y a-t-il que le talon? A cela je ne vois guère
qu'une réponse possible, et c'est a l'ethnographie que nous
allons la demander. Dans bien des cérémonies magiques en
Australie, les initiés prennent des positions spéciales,
marchent selon des prescriptions rituelles bien déterminées.
Ne pourrait-on supposer que nous voyons ici les traces
d'une habitude analogue ?
Ce n'est certainement pas pour obéir à une préoccupation
artistique que l'on fit jadis, au plus profond de cette caverne,
les statuettes d'argile que Ton plaça ensuite sur cette sorte
d'autel que forme le rocher au milieu de la salle. Il faut
y voir un autre mobile, sans aucun doute religieux ou
magique. Cet antre obscur et mystérieux ne fut d'ailleurs
pas très fréquenté. Il ne dut pas servir d'habitation, et les
vestiges que nous y rencontrons n'indiquent pas qu'il y
eut jamais foule. Ce fut quelque sanctuaire, quelque antre
538 LIVRES OFFERTS
de sorciers, où, la veille d'une chasse, une tribu anxieuse
d'échapper à la famine vint se livrer à quelques incanta-
tions. Je noterai cependant que nous n'avons trouvé sur
ces statuettes aucune de ces flèches, aucun de ces signes
magiques relevés sur tant de peintures ou de gravures, et
dont la galerie inférieure du Tue d'Audoubert nous pré-
sente de si curieux spécimens.
LIVRES OFFERTS
M. H. Omont a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
de l'auteur, M. Ernest Coyecque, une brochure intitulée : Vieilles
archives notariules ; comment les classer et les inventorier ; conseils et
exemples (Paris, 1912, in-8°, 52 pages; extr. du Bulletin de la Société
de l'histoire de Paris, t. XXXIX).
« Ce n'est pas la première fois que M. Coyecque signale l'impor-
tance historique des archives notariales et montre l'utilité qu'il y a
à en assurer la conservation et à en faciliter la consultation. Aujour-
d'hui, il joint l'exemple au précepte, en donnant des conseils
simples et pratiques pour le classement de ces archives, trop sou-
vent délaissées, et en y joignant l'inventaire de deux minutiers
parisiens, l'état numérique des archives anciennes de l'étude Cher-
rier (1482-1811) et de l'étude Duhau (1459-an II). Il faut souhaiter
que M. Coyecque trouve des imitateurs et que l'on ait bientôt des
états numériques semblables des archives anciennes de tous les
notaires parisiens. >>
M. Collignon présente à l'Académie, au nom de l'auteur, l'ou-
vrage suivant : Vases grecs et Halo-grecs du Musée archéologique
de Madrid, par G. Leroux, ancien membre de l'École française
d'Athènes et de l'École des Hautes Etudes hispaniques (Bordeaux,
Feret, et Paris, Fontemoing, 1912. Fascicule XVI de la Bibliothèque
des Universités du Midi, xx-330 pages et 52 planches en similigra-
vure) :
« Ce livre forme le XVI' fascicule de la Bibliothèque des Univer-
sités du Midi; niais il est en réalité la première publication d'en-
LIVRES OFFERTS 539
semble faite par l'Ecole des Hautes Etudes hispaniques instituée à
Madrid, grâce à l'initiative de l'Université de Bordeaux. En prêtant
son concours à l'aide des ressources de la Fondation Piot, l'Acadé-
mie a voulu témoigner de l'intérêt qu'elle porte à l'École française
d'Espagne. Il était juste que le nom du fondateur et du directeur
actuel de l'Ecole, M. Pierre Paris, fût inscrit à la première page du
livre, comme un hommage rendu au savant qui, par ses travaux, a
Frayé la voie à notre jeune colonie scientifique de Madrid.
« Ancien membre de l'Ecole française d'Athènes, où il a été un
des collaborateurs les plus actifs des fouilles de Délos, M. G. Leroux
élait mieux (pie personne préparé à entreprendre la description
méthodique et raisonnée de la nombreuse série de vases grecs et
italo-grecs conservés au Musée archéologique de Madrid. Cette col-
lection, dont il a écrit l'historique en tète de son volume, et que le
fonds Salamanca a surtout contribué à enrichir, était jusqu'ici fort
peu connue, n'ayant encore fait l'objet d'aucune publication d'en-
semble. On en jugera par la bibliographie donnée par l'auteur. Elle
est fort courte, et ne contient que des travaux partiels, avec l'indi-
cation du petit guide écrit par M. Ossorio pour le Musée de Madrid.
M. Leroux apporte donc une très utile et importante contribution
aux études céramographiques en publiant ce catalogue scientifique
qui comprend 641 numéros. Riche surtout en vases de l'Italie méri-
dionale, la collection possède cependant une série nombreuse de
vases attiques, parmi lesquels figurent de très remarquables spé-
cimens du style sévère à figures rouges, ainsi la grande amphore
d'Andokidès, l'amphore attique représentant le Combat d'Hèraklès
contre les fils d'Eurytos, et la kvlix des Exploits de Thésée qui porte
la signature d' Ai son. Parmi les lécythes à fond blanc, je signalerai
quatre grands lécythes à polychromie picturale, d'un type assez
rare, dont j'ai publié un exemplaire dans les Monuments Piot. C'est
aussi à la collection de Madrid qu'appartient le célèbre cratère
d'Asstéas représentant Iléraklès furieux, le plus beau spécimen de
cette fabrique, dite de Paeslum, d'où sont sortis les vases signés par
Asstéas et par Python.
« Il était donc nécessaire que cette collection pût être connue
autrement que par une visite au Musée archéologique de Madrid.
C'est à cette lâche que M. Leroux s'est employé avec succès Le
classement adopté par lui est le classement chronologique par séries,
et ses descriptions ont l'exactitude scientifique qu'on était en droit
d'attendre de lui. Après les travaux de notre confrère M. Pot lier, il
ne pouvait songer à reprendre dans ce volume les questions géné-
rales qui sont traitées dans le Catalogue des vases du Louvre. Mais
540 LIVRES OFFERTS
soucieux de rendre service aux lecteurs qui utiliseront ce livre sur
place, il a écrit, pour chaque série, un court préambule résumant les
notions essentielles et renvoyant à une bibliographie spéciale. Le
livre est complété par un index, une table de concordance, et un
choix de reproductions en similigravure formant cinquante-deux
planches. Cette publication inaugure très heureusement les travaux
de FÉcole française de Madrid, et permet d'apprécier toutes les res-
sources que peut offrir à son activité une enquête poursuivie dans
les collections publiques ou privées d'Espagne. »
Le Gérant. A. Picakd.
MAÇON. PHOTAT FRÈttES, IMPR1MEUKS.
COMPTES RENDUS DES SEANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGER
SÉANCE DU H NOVEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. NOËL VALOIS, VICE-PRESIDENT.
M. Henri Gordier annonce le retour de M. de Gironcourt, qui
avait reçu de l'Académie, sur la fondation Benoît Garnier, une
mission dans le Centre africain. M. de Gironcourt présentera
prochainement son rapport.
L'Académie procède à la nomination de deux commissions
qui seront chargées de présenter des listes de candidats aux
places vacantes parmi les correspondants étrangers et parmi les
correspondants français. Sont nommés :
Commission des correspondants étrangers : MM. Senart, Paul
Meyer, Alfred Croisel, Collignon ;
Commission des correspondants français : MM. Paul Meyer,
Héron de Villefosse, Salomon Reinach, Antoine Thomas.
M. IIomolle communique à l'Académie une lettre de M. Replat,
architecte de l'École française d'Athènes, annonçant la décou-
1912. 36
Fouilles «le Delphes.
Statue archaïque, dite <U' la Victoire.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1912 543
verte, à Delphes, sur remplacement du temple d'Athéna Pronaia,
dune statue archaïque, dite de la Victoire.
La trouvaille, advenue à l'ouverture des hostilités en Orient,
a eu un grand retentissement à Athènes et dans toute la Grèce,
comme une coïncidence de bon augure.
Elle n'est pas sans intérêt archéologique : la ligure qui garde
encore, dans l'attitude et la draperie, quelque chose de la rai-
deur archaïque, rappelle, à part les différences du style, l'Iris
du fronton oriental du Parthénon. C'est comme un exemplaire
du même type, antérieur d'environ une génération.
M. Jullian communique, au nom de MM. Germain de Mon-
tauzan et Fabia, professeurs à la Faculté des lettres de Lyon, le
texte et le commentaire dune inscription récemment découverte
à Fourvières. Datée de "207 ap. J.-C., elle nous fait connaître un
vétéran de la 30e légion et un procurateur impérial. C'est la
dédicace d'un petit autel placé dans un local de la caserne
romaine, la se ho la ou salle de réunion des optiones ou adju-
dants.
M. Bocciié-Leclerq lit un mémoire intitulé : La mort d\\n-
liochus III le Grand et la fin oVAntiochns IV Epiphane.
M. Théodore Reinach présente quelques observations.
M. J. Toutain, directeur d'études à l'École des Hautes Etudes,
membre de la commission des fouilles d'Alésia, expose les nou-
veaux résultats des fouilles exécutées sur le Mont Auxois par la
Société des Sciences de Semur. Ces fouilles, que dirige M. V.
Pernet, l'ancien collaborateur de Stoffel, ont mis à jour, en sep-
tembre 1912, une construction tout à fait originale, composée
d'une salle rectangulaire terminée par une cella et renfermant
une sépulture de caractère dolménique, sépulture qui fut pro-
bablement transformée en lieu de culte à la fin de l'époque gau-
loise et sous l'empire romain. Dans un angle de cette construc-
tion, tout près de la sépulture dolménique, M. V. Pernet a décou-
vert une tête en bronze représentant une déesse, Junon proba-
blement, de caractère et de style hellénique ; un buste en bronze,
portrait d'une Gallo-Romaine du i'1' siècle de l'ère chrétienne, à
la coiffure très curieuse; une jambe en bronze d'un modelé
544 LIVRES OFFERTS
charmant ; dans une autre partie de la salle rectangulaire a été
trouvé un fragment de draperie en bronze, provenant d'une sta-
tue de grandeur naturelle. Ces bronzes, principalement la tête
de déesse et le portrait, sont clans un remarquable état de con-
servation ; ils peuvent soutenir la comparaison avec les plus
beaux spécimens, aujourd'hui connus, de l'art du bronze dans la
Gaule romaine. Ces découvertes démontrent combien l'œuvre
entreprise et poursuivie sur l'emplacement d'Alésia par la
Société des sciences de Semur est importante pour l'histoire de
nos origines nationales, quels résultats on peut en attendre et à
quel point cette œuvre mérite d'être encouragée et soutenue.
MM. Héron de Villefosse, Salomon Reinach et Collignon
présentent des observations.
LIVRES OFFERTS
M. Perrot offre à l'Académie, au nom de Mlle Gauckler, un
volume de Paul Gauckler, intitulé : Le sanctuaire syrien du Janicule
(in-8°, ix-307 pages, LXVII planches, nombreuses figures dans le
texte, Paris, Picard, 1912 :
« Ce recueil d'essais est un monument élevé par la piété d'une
sœur à la mémoire d'un savant qui, malgré sa mauvaise santé et sa
fin prématurée, a eu le temps, en une vingtaine d'années, de beaucoup
faire pour la science et pour l'art. Sa trace restera marquée dans
toutes les études qui touchent à l'histoire de l'Afrique punique et
romaine, aussi bien que dans celles qui concernent l'archéologie
monumentale de Rome même et l'histoire des différents cultes, les
cultes propres à l'Occident et les cultes d'origine orientale qui, au
temps de l'empire, avant le triomphe du christianisme, se dispu-
tèrent des âmes auxquelles ne suffisaient plus les antiques croyances.
« Les éditeurs, dans la courte et discrète préface qu'ils ont mise
en tête du volume, nous promettent le recueil des articles qui ont
trait aux travaux que Gauckler a entrepris et menés à bonne fin en
Afrique, comme directeur du Service des fouilles et antiquités. Ce
que l'on nous donne aujourd'hui, c'est la réunion des rapports par
LIVRES OFFERTS 545
lesquels Gauckler a fait connaître à l'Académie des inscriptions cl
au monde savant les intéressants résultats des fouilles que, pendant
les dernières années de sa vie, passant Ions ses hivers à Home, il
avait instituées sur le Janicule et qu'il a poursuivies, avec une per-
sévérance singulière, au milieu des difficultés «le toute sorte que
lui suscitait sans relâche le formalisme de l'administration italienne.
Lorsque Ton relit ces comptes rendus écrits au jour le jour, on ne
peut se défendre d'admirer ce que leur auteur a mis de sagacité
pénétrante dans les conclusions qu'il a tirées des observations que
lui suggéraient les découvertes faites par lui en ce coin de terre. On
a peine à se consoler qu'il ne lui ait pas été donné de tirer des maté-
riaux qu'il avait réunis une étude d'ensemble où il aurait porté l'art
de composition et le talent d'écrivain qu'il devait aux qualités
natives de son esprit et à son éducation d'excellent élève de l'Ecole
normale.
« A la fin du volume, on trouvera quelques autres essais qu'avait
dictés à Gauckler le désir qu'il avait éprouvé de donner son avis
sur d'autres problèmes de l'histoire de l'art qui, pendant ses séjours
en Italie, avaient été posés devant les archéologues par des trou-
vailles récentes. On lira surtout, avec un vif intérêt, les deux dis-
sertations qui ont pour titre : La Niobide des jardins de Sallusle et
la Prêtresse (TAnzio. »
M. Maurice Ciioiset fait hommage à l'Académie d'un ouvrage sur
/.■.s Apologistes grecs du IIe siècle de notre ère, qui a pour auteur
M. Puech, professeur à la Faculté des lettres de Paris :
« Les Apologistes grecs de l'époque des Antonins, dont les rouvres
ont une si grande importance pour l'histoire primitive du christia-
nisme, ont été jusqu'ici moins étudiés en France qu'à l'étranger.
M. Puech était particulièrement bien préparé par ses travaux anté-
rieurs sur la littérature grecque chrétienne à traiter avec compé-
tence les questions, souvent délicates et complexes, qui se posent à
propos de chacun d'eux. Il ne s'est pas proposé toutefois d'écrire
une histoire complète de l'Apologétique chrétienne au temps des
Antonins. Laissant volontairement au second plan la polémique
contre le paganisme, — qui n'offre d'ailleurs, il faut l'avouer, qu'un
intérêt médiocre — , M. Puech s'est attaché surtout aux exposés de
doctrine, où se révèlent mieux la valeur intellectuelle et la culture
de chacun des apologistes. lia voulu déterminer autant que possible
la croyance personnelle de chacun d'eux, ses emprunts à la philoso-
phie platonicienne ou stoïcienne), et la part qu'il avait pu prendre
au développement des idées essentielles du Christianisme. Etudianl
546 LIVRES OFFERTS
successivement à ce point de vue Aristide, Justin, Tatien, Alhéna-
gore, Théophile d'Antioche et les apologies apocryphes ou ano-
nymes, il s'est appliqué à distinguer ce qui provenait, chez chacun
des auteurs, des sources helléniques et ce qui avait son origine dans
les premières spéculations chrétiennes, notamment dans le prologue
du IVe Évangile. Il fallait, pour mener à bien cette difficile entre-
prise, une connaissance très précise des théories élaborées et discu-
tées dans les diverses écoles, une intelligence sûre et pénétrante des
explications souvent subtiles qu'elles avaient fait prévaloir, un sens
délicat des tendances et des sentiments propres au christanisme, et
enfin le don de découvrir, dans des œuvres très imparfaites, des
personnalités intéressantes. Aucune de ces qualités essentielles n'a
manqué à M. Puech. Helléniste consommé, il a su éclaircir des pen-
sées obscures, tout en évitant, comme il le dit fort bien, de donner
aux apologistes plus d'esprit qu'ils n'en avaient. Son livre, digne
d'être étudié de près par les spécialistes, sera lu avec plaisir et pro-
fit par tous ceux qui s'intéressent aux origines du christianisme. »
M. le comte Paul Durrieu offre à l'Académie les deux brochures
suivantes dont il est l'auteur :
1° Le Musée Jacquemart- André. — Les manuscrits à peintures
(extr. de la Gazette des Beaux-Arts, août 1912 ;
2° Le maître des Grandes Heures de Rohan et les Lescuier d'An-
gers (extr. de la Bévue de VArt ancien et moderne, août et septembre
1912).
M. H. Omont a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
du R. P. Hippolyte Delehaye, Bollandiste, un volume intitulé : Les
origines du culte des martgrs Bruxelles, 1912, in-8°, vm-o03 pages).
« Le nom du P. H. Delehaye est bien connu de l'Académie, qui a
eu la primeur de l'un de ses récents travaux, les Légendes grecques
des saints militaires, et en a patronné la publication. Une autre œuvre
du P. Delehaye, qui a obtenu le plus légitime succès, les Légendes
hagiographiques, a jeté une lumière nouvelle, particulièrement au
point de vue littéraire, sur les origines du culte des saints dans
le monde antique, en Orient et en Occident.
« Le meilleur éloge qu'on puisse faire de ce nouveau livre est de
dire qu'on y retrouve, et à un degré éminent, les mêmes qualités qui
distinguent les deux ouvrages dont je viens de rappeler les tifres :
une information aussi étendue qu'exacte, une méthode rigoureuse-
ment scientifique, jointes à un style élégant et clair, dont l'agrément
ne nuit nullement à la solidité du fond.
LIVRES OFFERTS 547
« Le volume est dédié à notre regretté correspondant, le P. De
Smedt, et à l'un de ses plus érudits collaborateurs, le P. Poncelet,
trop tôt enlevé aux études historiques. »
M. Pottieu présente, de la part de M. René Dussaud, conservateur
adjoint du Musée du Louvre, un nouveau Catalogue fait pour le
Département des antiquités orientales et intitulé : Les Monuments
Palestiniens et Judaïques. M. Dussaud est entré au Louvre depuis
deux ans seulement et, dans ce court espace de temps, il a réussi à
faire un nouvel inventaire complet et à publier dans cet excellent
livre la série (pie contient la salle judaïque. Déjà, en 1876, M. Héron
de Villefosse avait rédigé une Notice des Monuments provenant de la
Palestine qui est restée la base des travaux de ce genre et qui eut
plusieurs rééditions. Mais, depuis cette époque, nombre de pièces
étaient entrées au Musée, l'agencement de la salle avait été modifié,
et le besoin se faisait sentir d'un nouveau catalogue.
C'est naturellement la stèle de Mésa, rapportée par M. Clermont-
Ganneau, qui occupe la première place dans cette élude. Avec l'as-
sentiment de notre confrère, M. Dussaud a pu donner, pour la pre-
mière fois, dans ses dimensions intégrales, la belle planche qui avait
été faite par les soins de l'Académie et qui reproduit, de la façon
la plus fidèle, ce monument célèbre. Pour les autres antiquités, la
plupart sont reproduites dans de nombreuses figures placées dans le
texte. Il y a 80 gravures. Les descriptions et la bibliographie sont
rédigées avec toute l'autorité scientifique qui s'attache au nom de
l'auteur.
548
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DU VENDREDI 15 NOVEMBRE 1912
PRÉSIDÉE PAR
M. LOUIS LEGER
DISCOURS DU PRÉSIDENT
Mes ciiers confrères.
Le jour où l'Académie a l'occasion de couronner ses
lauréats et de constater les progrès de la science serait
pour nous un jour de fête et de joie sans mélange s'il
n'était aussi celui où nous devons rappeler nos deuils et
rendre hommage à la mémoire de nos confrères disparus.
Presque au lendemain de notre dernière séance solen-
nelle, aux premiers jours de décembre 1911, la mort nous
enlevait un de nos plus anciens confrères, M. Edmond
Saglio. Il siégeait à l'Académie en qualité de membre libre
depuis trente-quatre ans. Passionné pour les questions
d'art et d'archéologie, il avait été attaché au Musée du
Louvre et avait dirigé pendant de longues années le Musée
de Cluny. Depuis plus de quarante ans, il avait consacré
toute son activité à ce beau Dictionnaire des Antiquités
grecques et romaines qui est l'honneur de l'érudition et de
la librairie françaises. Il n'a pu le mener à bonne fin. Mais
depuis longtemps il s'était associé notre docte et laborieux
confrère, M. Edmond Pottier, qui aura l'honneur d'achever
l'œuvre colossale. Très assidu à nos séances, d'une égalité
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 549
d'humeur et d'une courtoisie exquises, M. Saglio ne comp-
tait parmi nous que des amis et des admirateurs. Il avait
atteint l'âge de quatre-vingt-trois ans, et si la vieillesse
avait courbé sa taille, elle n'avait rien ôté à la lucidité de
sa belle intelligence.
Il est mort plein de jours. La perte de M. Philippe Berger
nous a été d'autant plus cruelle qu'elle était plus préma-
turée et tout à fait imprévue. Il nous a été enlevé soudai-
nement à l'âge de soixante-quatre ans. La mort lui a été
douce, mais le coup terriblement dur pour sa famille et
pour ses amis, dont nous étions. Il nous a atteints double-
ment puisqu'il a frappé notre sympathique confrère M. Elie
Berger.
Le nom de Philippe Berger est désormais inséparable
de celui de Renan, dont il fut l'élève préféré et auquel il
avait succédé au Collège de France et à l'Institut. Le sou-
venir de notre confrère reste attaché à ce Corpus inscrip-
tionum semiticarum, à la rédaction duquel il a pris une si
grande part. Dans ces dernières années, la politique l'avait
disputé à la science. Mais il nous restait fidèle, autant que
le permettaient ses nouveaux devoirs, et nous espérions
pouvoir compter longtemps encore sur sa curiosité tou-
jours en éveil, sur son infatigable activité.
Nous avons eu encore à déplorer la perte de deux de nos
correspondants. Le premier est M. Paul Gauckler, naguère
directeur des Antiquités de la Tunisie. Il avait accompli
dans cette région des fouilles très fructueuses. Ses services
et ses travaux avaient appelé l'attention de l'Académie,
qui l'avait nommé correspondant à l'âge de trente-trois ans.
C'était un archéologue d'une merveilleuse perspicacité et
un travailleur infatigable. Le second est M. Albert Martin,
professeur à l'Université de Nancy, doyen honoraire de la
Faculté des Lettres, auquel on doit de belles études d'his-
toire et d'archéologie grecques. Il s'était récemment pré-
senté à nos suffrages pour un fauteuil de membre libre et
ooO SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
avait reçu des encouragements qui lui permettaient d'espé-
rer un prochain succès.
Je ne sais s'il est encore de mode de médire des Acadé-
mies. Ce que je sais, c'est que jamais nos voix n'ont été
plus ardemment disputées par des candidats de plus en
plus nombreux. MM. Long-non et Saglio ont eu pour suc-
cesseurs M. Cuq et M. le chanoine Ulysse Chevalier.
M. Cuq honorait depuis de longues années la Faculté de
Droit de Paris, et je n'insisterai pas sur ses mérites, puis-
qu'il est ici présent parmi nous. M. Ulysse Chevalier nous
appartenait en qualité de correspondant depuis 1887. Dans
une modeste ville de province, il a su rendre à notre his-
toire des services que lui envierait plus d'un érudit pari-
sien. D'après notre règlement, sur dix membres libres,
quatre peuvent appartenir à la province. L'Académie a
pendant quelque temps négligé cette tradition. Il faut la
féliciter d'y être revenue.
M. Gauckler a été remplacé comme correspondant par
M. Déchelette, directeur du Musée de Roanne, dont on
connaît les beaux travaux sur la préhistoire et l'archéo-
logie nationale.
M. Théodore Gomperz, décédé aux environs de Vienne
le 29 août dernier, était l'un de nos plus anciens corres-
pondants étrangers. Il enseignait la philosophie classique
à l'Université de Vienne ; il était depuis 1 882 membre de
l'Académie impériale. Vous connaissez tous les importants
travaux qu'il a consacrés à la philologie hellénique. Vous
vous rappelez que son livre sur les Penseurs de la Grèce a
été traduit en notre langue et honoré d'une nréface de notre
confrère M. Alfred Croiset. En 1901, Gomperz était venu
a Paris prendre part au Congrès international des Aca-
démies, et tous nous avons gardé le meilleur souvenir de
ce cordial et zélé visiteur.
Les nombreux prix dont dispose l'Académie ne sont pas
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 55 1
moins disputés que ses fauteuils. Nous sommes reconnais-
sants des ressources que la générosité de nos Mécènes
met à la disposition des lauréats. Cependant il nous arrive
parfois de regretter que nos mains soient liées par des pro-
grammes trop étroits, que nous n'ayons pas à notre dispo-
sition des libéralités qui nous permettraient de subvenir à
tel besoin immédiat de la science, sans avoir à nous préoc-
cuper des termes restrictifs de la donation. Ce que nous
demandons aux amis des hautes études et des bonnes
lettres, c'est, quand ils penseront à nous, de mettre à
notre service des ressources qui pourront être employées
en toute liberté pour le profit de la science et des savants.
C'est à cet ordre de libéralités qu'appartiennent les deux
fondations de notre confrère M. le duc de Loubat. Grâce à
lui, six mille francs ont pu être consacrés cette année à
venir en aide a des savants momentanément arrêtés dans
leurs travaux par la gêne ou la maladie. Pour des raisons
que vous comprenez tous, nous nous sommes fait une loi
de ne pas publier les noms des bénéficiaires de cette fon-
dation.
Parmi les divers concours, celui qui provoque générale-
ment la plus vive émulation, c'est celui qui a pour objet
les Antiquités nationales. Les ouvrages présentés sont
l'objet de longues et nombreuses discussions dont le résul-
tat est consigné dans un rapport publié par nos Comptes
rendus.
Le programme prévoyait trois médailles. Vu l'intérêt
des publications présentées, l'Académie a cru devoir ajou-
ter une quatrième médaille de 500 francs.
La première (1.500 fr.) a été décernée à trois érudits
rémois, MM. Jadart, Demaison et Givelet, pour leur Réper-
toire archéologique de l'arrondissement de Reims. C'est
une œuvre de longue haleine, commencée en 1885 et pour-
suivie depuis avec une persévérance digne de tous les
éloges. Les auteurs ont tout noté, tout relevé. C'est, nous
552 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
dit notre rapporteur, un répertoire idéal où rien du passé
n'est oublié et où se prépare le bon travail de l'avenir. Le
titulaire de la seconde médaille (1.000 fr.), M. Victor
Mortet, nous présente un ensemble de Textes relatifs à
l histoire de V architecture et à la condition des architectes
en France au moyen âge. Il y a là un immense labeur de
recherches. Le livre, dit notre rapporteur, ressemble au
bibliothécaire qu'est M. Mortet : il se met au service de
tous ceux qui travaillent. Le titulaire de la troisième
médaille (500 fr.) est M. Sauvage, pour une monographie
de l'Ahhaye de Saint-Martin-de-Troarn, au diocèse de
Bayeux, des origines au XVIe siècle. Une médaille sup-
plémentaire '500 fr.) a été décernée à M. l'abbé Vidal
(Benoit XII, 1384-434%. Lettres communes, analysées
d'après les registres dits d'Avignon et du Vatican). Des
mentions honorables ont été attribuées, en outre, aux
ouvrages suivants :
lre mention. — MM, Chappée et l'abbé Denis : Archives
du Cogner, publiées par la Société des Archives historiques
du Maine ;
2e mention. — M. Gadave, Documents sur l'histoire de
V Université de Toulouse ;
3e mention. — M. Artonne, Le mouvement de 1314 et les
chartes provinciales de 4315;
4e mention. — ■ M. Verlaguet, Cartulaire de V abbaye de
Silvanès ;
5° mention. — M. Henri Legras, Le bourg âge de Caen.
Nous avons dû, non sans regret, écarter du concours
des ouvrages relatifs à la période moderne qui sont du
ressort d'une autre Académie. Nous avons dû également
laisser de coté des inventaires d'archives qui ne rentrent
pas dans le programme du concours. Le Cartulaire de l'ab-
baye de M oies me, par M. Laurent, a déjà été récompensé
en 1908, et nous ne pouvons aujourd'hui que rappeler le
talent de l'auteur et la médaille qui lui a été décernée.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 553
Le prix de La Grange, fondé en faveur de la publication
du texte d'un poème inédit des anciens poètes de la
France, n'a pas été décerné cette année.
Le prix Duchalais (1.000 fr.), réservé au meilleur
ouvrage de numismatique du moyen âge, a été partagé
entre M. Jules Sambon pour l'ouvrage intitulé : Réper-
torie) générale délie monete coniatc in Italia, et notre com-
patriote M. Antoine Sabatier, pour sa Sigillographie histo-
rique des administrations fiscales, communautés ouvrières
et institutions diverses. Plombs historiés de la Saône et de
la Seine.
Le prix Bordin, d'une valeur de trois mille francs,
est attribué pour la moitié (1.500 fr.) à M. Ghalandon,
auteur d'une sérieuse étude d'histoire byzantine : Jean II
Comnène et Manuel Comnène. Des récompenses de 500
francs sont allouées au P. Frédégand Callaey (/' Idéa-
lisme franciscain au XIV1 siècle, étude sur Ubertin de
Casale), à dom Antonio Staerk, pour son ouvrage sur les
Manuscrits latins du V'' au XIIIe siècle, conservés à la
Bibliothèque de Saint-Pétersbourçj , et à M.Jean Longnon,
pour son édition de la Chronique de Morée.
«
Le prix Fould, relatif à l'histoire des arts du dessin
antérieurement au xvie siècle, est décerné par un jury
mixte où figurent deux membres de l'Académie des beaux-
arts. Je tiens à remercier mes excellents confrères
MM. Bernier et Guiffrey de l'aide qu'ils ont bien voulu
nous prêter. Nos deux Académies ont, notamment à Rome
et à Athènes, plus d'un point de contact, et deux des
nôtres s'honorent d'appartenir à l'Académie des beaux-
arts.
Le prix, un des plus considérables dont nous disposions,
est d'une valeur de cinq mille francs. La plus forte partie
de cette somme (3.000 fr.) a été attribuée, à notre corres-
554 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
pondant M. Georges Durand, d'Amiens, pour sa belle
monographie de l'Eglise abbatiale de Saint-Biquier, une
des merveilles de la Picardie. On ne saurait louer ce
bel ouvrage, édité par la Société des Antiquaires de Picar-
die, sans la féliciter de la magnifique illustration dont il
est accompagné.
Sur le montant et les arrérages antérieurs du prix Fould,
des récompenses ont été attribuées à M. Lauer | 1.000 fr.),
pour son ouvrage sur le Palais de Latran ; à M. Paul Denys
(800 fr.). pour sa monographie du grand artiste lorrain
Ligier Bichicr: à M. Morin-Jean (800 fr. également), pour
son étude sur le Dessin des animaux en Grèce; à M. Hour-
ticq enfin (500 fr.), pour son utile et agréable Histoire
générale de l'art français.
De très nombreux ouvrages ont été présentés au con-
cours du prix Brunet qui récompense les travaux de biblio-
graphie savante publiés en France dans les trois dernières
années. Le montant du prix a été réparti entre M. Georges
Vicaire (1.500 fr.) pour son Manuel de l'amateur de livres
du XIXe siècle, M. Georges Lépreux (1.000 fr.) pour sa
Gallia typjographica, M. Hubert Pernot (1.000 fr.) pour sa
Bibliographie ionienne. 500 francs ont été alloués à
M. Etienne Deville pour son Index du Mercure de France,
500 francs à M. Ch. Beaulieux pour son Catalogue des
livres de la Réserve (XVIe siècle) de la Bibliothèque de
l Université de Paris, 500 francs à M. Albert Maire pour
l'Œuvre scientifique de Pascal, bibliographie et analyse
de tous les travaux qui s'y rapportent.
Des mentions très honorables sont décernées à M. P.
Bliard pour ses Tables de la Bibliothèque de la Compagnie
de Jésus et à M. Baudrier pour sa Bibliographie lyonnaise.
Le prix Delalande-Guérineau, réservé au meilleur
ouvrage relatif à l'antiquité classique, est partagé entre
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 555
M. Maurice Brillant, pour son livre sur les Secrétaires
athéniens (800 fr.). et M. François Sagot, pour son Essai
sur la Bretagne romaine (100 fr.).
Pour le prix ordinaire à décerner en 1912, l'Académie
avait proposé la question suivante : Etude historique
relative au Turkestan oriental. Il n'y a pas eu lieu de
décerner le prix. L'Académie a accordé une récompense de
L.500 francs à M. Robert Gauthiot, pour ses ingénieuses
recherches sur la langue soghdienne.
Le prix institué par feu Stanislas Julien pour le meilleur
ouvrage relatif à la Chine est réparti entre M. Savina,
pour son Dictionnaire tay-annamite-français (1.000 fr.),
M. Doré, pour ses liecherches sur les superstitions en
Chine, et M. Raphaël Petrucci, pour sa Philosophie de la
nature dans l'art de V Extrême-Orient.
Le prix Saintour, affecté cette année aux études orien-
tales, a été partagé de la façon suivante : 1.000 francs
a M. l'abbé Nau, pour ses recherches sur Jean d'Antioche
et Nestorius; 500 francs à M. E. Amar, pour sa traduction
du Fakkri ; 500 francs k l'un des dovens de l'orientalisme,
M, Joseph Halévy, pour son Précis d'allographic assyro-
baby Ionienne; 500 francs à M. Huber, pour l'ensemble de
ses travaux d'archéologie et de philologie indo-chinoises,
et 500 francs à M. le professeur Clément Huart, pour ses
Textes persans relatifs à la secte des Horoufîs. Notons, en
passant, que ces textes ont été publiés aux frais de la fon-
dation anglaise dite Gibb Mémorial, destinée à encourager
les recherches sur l'histoire, la littérature, la religion des
peuples musulmans. C'est la première fois que le nom
d'un savant fiançais paraît dans cette collection anglaise, à
Laquelle avait aussi collaboré notre illustre confrère hollan-
dais M. l)i' ( roeie.
556 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
Comme vous le voyez, nous sommes obligés de fraction-
ner nos prix presque à l'infini, pour donner satisfaction
aux ambitions légitimes qui se les disputent. Sommes-nous
bien dans l'esprit des fondateurs, en agissant ainsi? Nous
le croyons; mais, s'il y a quelque part un ami de la
science qui désire perpétuer son nom en instituant quelque
prix nouveau, s'il estime que nous avons tort d'émietter
les libéralités dont nous sommes les dispensateurs, qu'il
nous fasse connaître nettement ses intentions : nous n'hési-
terons pas à les exécuter.
Un remords me prend, je l'avoue, à citer tant de noms
de bienfaiteurs sur lesquels nous savons si peu de chose.
Si le temps et l'espace ne m'étaient mesurés, j'aimerais à
m'étendre plus longuement sur leur munificence que sur
l'œuvre de nos lauréats. Nos lauréats, ils sont dans la
bataille de la vie, ils ont déjà fait ou ils feront leur che-
min. Il en est pour qui telle récompense aujourd'hui
décernée marque la première étape de la voie qui mène à
l'Institut. Mais nos donateurs ? Plus nous avançons dans
le temps, plus l'ombre s'épaissit sur leurs noms. Il faudra
bien quelque jour, comme on l'a fait dans une Académie
voisine, que nous songions à célébrer leur mémoire sous
la coupole.
Ce jour- là, nous rendrons un hommage particulièrement
ému à Gabriel- Auguste Prost, qui nous a légué une rente
de 1.200 francs pour récompenser l'auteur français — vous
entendez bien — du meilleur travail historique sur Metz et
les pays voisins.
Né à Metz en 1817, mort à Paris en 1896, Prost fit
partie du Conseil municipal de sa ville natale pendant
cette période douloureuse qui devait arracher sa patrie
lorraine à la France. Cette patrie, à laquelle il avait consa-
cré de savantes études, il a voulu la servir et la glorifier
même après sa mort. Fidèles exécuteurs de ses intentions,
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 557
nous avons partagé, cette fois, le revenu de la fondation
Prost entre le Journal de I 'Université de Pont-à- Mousson
{1522-1764), édité par M. Gavet (500 fr.), la Bibliogra-
phie lorraine, publiée à Nancy sous la direction de
M. Robert Parisot (500 fr.), et deux périodiques : Le pays
lorrain et la Revue lorraine illustrée, édités par M. Sadoul,
auquel l'Académie a déjà témoigné sa sympathie.
Le plus important de nos legs est, cette année, celui
qui porte le nom du baron Gobert. Nous l'avons attribué
sans hésitation k M. Ferdinand Brunot, professeur à la
Sorbonne, pour son Histoire de la langue française. Dans
ce bel ouvrage, l'auteur a développé le résumé qu'il avait
donné naguère à V Histoire de la littérature française de
Petit de Julie ville, résumé à propos duquel Gaston Paris
écrivait : «En acceptant une pareille tâche, M. Brunot
a montré un courage devant lequel on doit s'incliner. Ce
courage, il l'a justifié par le savoir et le talent avec lequel
il a exécuté sa difïicile entreprise. 11 a doté la littérature
scientifique d'une œuvre qui lui manquait. »
Gaston Paris se serait certainement associé de grand
cœur à la consécration que nous donnons aujourd'hui k
l'œuvre de M. Brunot. Par son enseignement à la Sor-
bonne, par le concours assidu qu'il a prêté k l'Alliance
française, dont il a organisé et dirigé pendant de longues
années les cours de vacances, M. Brunot a bien mérité de
notre langue et de notre littérature, dont celle-ci est l'or-
gane. L'Académie est heureuse de pouvoir l'en remercier.
Le deuxième prix Gobert est accordé à un ouvrage dont
le titre semble, k première vue, quelque peu romanesque :
Récits du temps des troubles au XVIe siècle ; de c/uelqucs
assassins, par M. Pierre de Vqissière. Mais ces assassins
ne sont pas les premiers venus : c'est Poltrot de Méré,
1912. :î7
558 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
c'est Jacques Clément, ce sont les meurtriers de Coligny.
Les récits de M. de Vaissière, où l'on ne sait qu'admirer
le plus, du talent ou de l'érudition, eussent certainement
ravi notre confrère Mérimée, auteur de la Chronique de
Charles IX. Je dis notre confrère, au sens le plus acadé-
mique du mot : avant d'appartenir à l'Académie française,
Mérimée était membre libre de la nôtre.
Le prix Estrade-Delcros f d'une valeur de 8.000 francs)
est, de même que le prix Jean Reynaud, décerné alternati-
vement par chacune des Académies. 11 nous revient cette
année. D'après la tradition qui s'est établie chez nous, il a
pour objet, non pas de récompenser un travail spécial sur
un sujet donné, mais d'honorer la carrière d'un savant dis-
tingué. Il constitue comme une invite discrète à une can-
didature qui a chance d'être couronnée de succès. Je pour-
rais vous citer les noms de trois de nos confrères qui en
ont été tour à tour titulaires. Cette année, nous avons
estimé qu'il y avait lieu de l'employer à honorer la mémoire
d'un académicien trop tôt enlevé à notre estime et à notre
affection.
En décernant le prix Estrade-Delcros à la veuve d'Au-
guste Longnon, l'Académie a voulu témoigner sa recon-
naissance à ce savant, qui lui a fait tant d'honneur et qui
lui appartenait depuis tant d'années. Mon prédécesseur
M. Omont vous disait, au lendemain de sa mort : « L'Aca-
démie, pour qui le deuil est profond et la perte irréparable,
conservera pieusement la mémoire de cet homme de bien,
de ce bon Français, de ce savant modeste et laborieux. »
Mais que peuvent ces regrets auprès du déchirement que
le père de famille laisse à son foyer?
A cette famille désolée, l'Académie a voulu donner une
dernière marque de sympathie. En allouant le prix Estrade-
Delcros à M""' Auguste Longnon, elle est assurée de ren-
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE .">.")!»
contrer l'approbation de tous ceux qui ont admiré chez ce
grand érudit
L'accord d'un beau talent et d'un beau caractère.
11 ne me reste qu'à vous dire un mot des Ecoles qui,
sous le patronage de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, continuent, par leurs vaillantes investigations, à
doter de nouveaux trésors la science philologique, histo-
rique et archéologique, et, du même coup, entretiennent au
loin le bon renom de l'érudition française.
A Home, les travaux de M. Anziani sur le monde
étrusque, ceux de M. Massigli sur l'établissement du Canon
des Ecritures, ceux de M. de Boùard sur le régime poli-
tique et administratif de la capitale du monde chrétien
au moyen âge, ceux de M. Lucien Romier sur Henri II
et VItalie, ceux enfin de M. Charles Hirschauer sur la
politique de saint Pie V en France durant les guerres
de religion et à la veille de la Saint-Barthélémy, repré-
sentent une masse exceptionnelle de recherches, con-
duites avec ardeur, coordonnées avec talent, couronnées
généralement de succès : les résultats en sont considé-
rables. L'Académie en a eu la primeur; le public lettré ne
tardera pas à les apprécier à son tour, car plusieurs des
mémoires qui nous ont été adressés se présentent déjà
sous la forme d'ouvrages rédigés qui n'attendent qu'une
dernière retouche pour être livrés à l'impression.
A Athènes, où notre confrère M. Homolle a repris en
main le gouvernail précédemment tenu par M. Ilolleaux,
à qui l'Académie exprime ici publiquement sa reconnais-
sance pour la science et le dévouement avec lesquels il a
dirigé tant d'équipes successives de travailleurs, les
fouilles et les découvertes se poursuivent heureusement.
L'île de Délos, principalement, où les ressources abondent
grâce à l'inépuisable libéralité de notre confrère M. le duc
de Loubat, continue d'être le plus favorable champ de
.^60 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
manœuvre^ de nos jeunes archéologues, et le plus merveil-
leux terrain d'exploitation scientifique. Trop long serait
d'énumérer toutes les trouvailles des campagnes dernières.
Je me bornerai à citer le savant mémoire envoyé cette
année par M. Yallois sur un des édifices les plus remar-
quables de Délos, le temple dit des Taureaux, et la com-
munication que le même archéologue a faite à l'Académie
au sujet des Attiques déliens.
Tout au Nord de l'Archipel, la grande île turque de
Thasos a été explorée méthodiquement par MM. Avezou,
Adolphe-Joseph Reinach et Charles Picard ; ce dernier, à
peine remis d une grave maladie contractée au cours de sa
campagne, a rédigé, sur l'Enceinte hellénique, un très
intéressant mémoire.
Enfin, tandis que M. Hatzfeld explorait l'île de Chypre,
que M. Ad. Reinach faisait des fouilles en Crète, sur le
continent, en Acarnanie, MM. Picard et Avezou relevaient
les ruines du temple de Stratos : à Delphes, M. Plassart
commençait une campagne épigraphique, et à Tégée, en
Arcadie, le temple d'Athéna Aléa était, de la part de
M. Charles Dugas, l'objet d'une étude minutieuse dont
nous avons les résultats consignés dans un important
mémoire.
Il n'est pas jusqu'à l'Extrême-Orient où le patronage de
lAcadémie ne s'étende sur une école florissante et où l'ac-
tivité scientifique de nos compatriotes ne se traduise, cette
année encore, par des publications telles que le tome III
de 1 Inventaire descriptif des monuments du Camhodyc du
commandant Lunet de Lajonquière, ou le tome Ier de la
Bihliotheca Indosinica de notre confrère M. Henri Cordier.
Tout récemment, en utilisant les arrérages de la fon-
dation Benoît Garnier, l'Académie chargeait M. Robert
Gauthiot d'aller étudier dans le Turkestan les dialectes ira-
niens de la vallée du Yagnob. Et grâce aux mêmes fonds,
M. de Gironcourt a pu accomplir une mission en Afrique,
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 564
dans la région de la Boucle du Niger, d'où il revient
actuellement, rapportant 800 estampages d'inscriptions
arabes et plus de 200 originaux ou copies de manuscrits.
C'est ainsi que dans les diverses parties du monde, et
dans toutes les provinces de l'érudition, la récolte de
l'année s'est montrée fructueuse. L'Académie des inscrip-
tions est heureuse aujourd'hui de proclamer des résultats
que ses exemples et ses encouragements ont contribué à
faire atteindre.
362 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
II. JUGEMENT DES CONCOURS
PRIX DU BUDGET (2.000 fr.)
L'Académie avait proposé, pour Tannée 1912, le sujet suivant :
Étude historique relative au Turkeslan oriental.
Le seul mémoire adressé au concours ayant été jugé insuffisant,
l'Académie n'a pas décerné de prix. Elle a accordé une récompense
de quinze cents francs à M. Gauthiot, pour ses travaux sur le dia-
lecte iranien connu sous le nom de langue soghdienne.
ANTIQUITÉS DE LA FRANCE
La Commission des Antiquités de la France a attribué :
La lre médaille (1.500 fr.) à MM. Jadart, Demaison et Givelet pour
leur Répertoire archéologique de l arrondissement de Reims in-8°) ;
La 2e médaille (1.000 fr.) à M. Victor Mortet, Recueil de textes
relatifs à l'histoire de l'architecture et à la Condition des architectes
en France au moyen âge (Paris, 1911, in-8°);
La 3e médaille (500 fr.) à -M. R.-N. Sauvage. Vahhaye de Saint-
Martin de Troarn au diocèse de Rayeux, des origines au XVIe siècle
(Caen, 1911, in-4°).
Vu l'importance du concours, il a été demandé à M. le Ministre
une 4e médaille en faveur de M. l'abbé Vidal, pour son ouvrage
intitulé : Renoît XII (1334-1342 ). Lettres communes analysées d'après
les registres dits d'Avignon et du Vatican (Paris. 1909-1911, 3 vol.
in-4°).
La Commission a accordé, en outre, les mentions suivantes :
La lre mention à M. Chappée et M. l'abbé Denis, Archives du
Cogner publication de la Société des Archives historiques du Maine .
séries E et H (4 vol. in-8°);
La 2e mention à M. Gadave, Documents sur l'histoire de l'Univer-
sité de Toulouse (in-8°);
La 3« mention à M. Autonne, Le mouvement de 131 A et les chartes
provinciale» <!<> 1315 (in-8°);
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 563
La 4e mention à M. Verlaguet, Cartulairè de l'abbaye de Silvanès
(Rodez, 1910, in-8°);
La 5e mention à M. Henri Legras, Le bourgage de Caen Taris,
1911, in-8°).
PRIX DE NUMISMATIQUE DUCHALAIS f 1.000 fr.)
Le prix de numismatique fondé par Mme veuve Duchalais, en
faveur du meilleur ouvrage de numismatique du moyen Age, a été
partagé, par parties égales, entre M. Jules Samhon pour son ouvrage
intitulé: Bepertorio générale délie monete coniate in Ilalia (t vol.
in-4° avec planches', et M. Antoine Sabatièb pour sa Sigillographie
historique des administrations fiscales, communautés ouvrières et
institutions diverses. Plombs historiés de la Sa<>ne et de la Seine
(1 vol. gr. in-8° avec planches).
PRIX FONDÉ PAR LE BARON GOBERT (10.000 fl".)
Pour le travail le plus savant et le plus profond sur l'histoire
de France et les études qui s';/ rattachent.
L'Académie a décerné le premier prix à M. Ferdinand Brunot
pour son Histoire de la langue française, des origines à 1900 (Paris,
3 vol. in-8°).
Le second prix a été décerné à M. Pierre de Vaissière pour son
ouvrage intitulé : Récits du temps des troubles au XVIe siècle. De
quelques assassins (Paris, 1912, in-8°).
prix bobdin (3.000 fr.)
La Commission du prix Bordin (moyen âge et Renaissance) a
décerné :
1° Un prix de mille cinq cents francs à M. Ferdinand Ciiaeandon
pour son histoire de Jean II Comnène et Manuel Comnène ;
2° Trois récompenses de cinq cents francs chacune : au Père Fré-
dégand Callaey, pour son livre intitulé : L'idéalisme franciscain spi-
rituel au XIVe siècle ; étude sur Ubertin de Casale ; — à M.Jean
Longnon, pour son édition de la Chronique de Morée ; — à dom
Antonio Staerk, pour son livre intitulé : Les manuscrits latins du
Ve au XIIIe siècle conservés à la Bibliothèque impériale de Sainl-
Pétersbour;/.
prix louis fould 5.000 fr.)
La Commission «lu prix Fould au meilleur ouvrage sur l'histoire
564 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
des arts du dessin, en s'arrêtent à la fin du XVIe siècle) a partagé le
prix ainsi :
Trois mille francs à M. Georges Durand pour son ouvrage :
L'église abbatiale de Saint-Biquier ;
Mille francs à M. Ph. Lauer : Le palais de Latran ;
Huit cents francs à M. Paul Denis pour son ouvrage sur Ligier
Bichier ;
Huit cents francs à M. Morin-Jean pour son volume : Le dessin
des animaux en Grèce d'après les vases peints ;
Cinq cents francs à M. Louis Holrticq pour son Histoire générale
de l'art français.
PRIX BRUNET (3.000 fr.
La Commission du prix Brlnet, vu le grand nombre des concur-
rents, n'a pas décerné le prix de 3.000 francs, mais elle a attribué,
sur les revenus de la fondation, les récompenses suivantes :
Mille cinq cents francs à M. Vicaire. Manuel de l'amateur de livres
du XIXe siècle, 7 vol. in-8° ;
Mille francs à M. Georges Lépreux, Gallia tgpographica, 4 vol.
in-8° ;
Mille francs à M. Hubert Perxot, Bibliographie ionienne, 2 vol.
in-8° œuvre d'Emile Legrand complétée par M. Pernot) ;
Cinq cents francs a M. Etienne Deville, Index du Mercure de
France, 1 vol. in-4° ;
Cinq cents francs à M. Charles Beallielx. Catalogue des livres de
ia Béserve (xvie siècle) de la Bibliothèque de VUniversité de Paris,
1 vol. in-8° ;
Cinq cents francs à M. Albert Maire, L'œuvre scientifique de
Pascal. Bibliographie critique analyse de tous les travaux qui s'y
rapportent. 1 vol. in-8°.
Mentions très honorables :
A M. Pierre Bliard, Bibliographie de la Compagnie de Jésus. T. X.
Tables. 1 vol. in-4° ;
Et à M. J. Baudrier, Bibliographie lyonnaise. 9 vol. in-8°.
prix dblalanob-guérineau 1.200 fr.)
La Commission du prix Delalande-Guérincau a réparti comme il
suit le revenu delà fondation :
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 565
Hait cents francs à M. Maurice Brillant pour son Ouvrage inti-
tulé : Les Secrétaires athéniens;
Quatre cents francs à M. François Sagot, auteur de l'ouvrage inti-
tulé : La Bretagne romaine.
PRIX STANISLAS JULIEN (1.500 fV.)
La Commission du prix Stanislas Julien a décerné un prix
de mille francs à M. Savina pour son Dictionnaire taij -annamite-
français, et deux récompenses de cinq cents francs chacune, l'une à
M. Doré pour ses Recherches sur les superstitions en Chine, l'autre à
M. Raphaël Petrucci pour sa Philosophie de la nature dans l'art
d'Extrême-Orient.
PRIX JOSEPH SAINTOUR (3.000 fï.)
Le prix Saintour, destiné, cette année, au meilleur ouvrage relatif
au moyen âge et à la Renaissance, a été partagé de la manière sui-
vante :
Mille francs à M. l'abbé Nau pour ses publications sur Jean
d'Antioche et Neslorius ;
Cinq cents francs à M. Clément IIuart pour ses Textes persans
relatifs à la secte des Horoufis ;
Cinq cents francs à M. Emile Amar pour sa traduction du Fakhri;
Cinq cents francs à M. Joseph Halévv pour son Précis d'allo-
graphie assyro-hahy Ionienne ;
Cinq cents francs à M. Ed. Huber pour l'ensemble de ses travaux
d'archéologie et de philologie indo-chinoises.
PRIX GABRIEL-AUGUSTE PROST (1.200 fl\)
La Commission du prix Auguste Prost, destiné à récompenser les
travaux historiques sur Metz et les pays voisins, a partagé le prix
de la façon suivante :
1° Cinq cents francs à M. Gavet, pour le Diarium Universitatis
Mussipontanas (1522-1764) ;
2° Cinq cents francs à la Bibliographie lorraine publiée par les
Annales de l'Est, organe de la Faculté des lettres de Nancy, sous la
direction de M. Robert Parisot (Nancy, 1910, in-8°) ;
â° Peu. r cents frams à la Revue intitulée le Pays lorrain et à la
566 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
Berne lorraine illustrée, publiées sous la direction de M. Charles
Sadoul.
PRIX ESTRADE-DELCROS (8.000 fl\)
L'Académie a décerné le prix Estrade-Delgros, de la valeur de
8.000 francs, à Mmc veuve Auguste Longnon, pour l'ensemble des
travaux de son mari et pour honorer sa mémoire.
nouvelle fondation de m. le duc de loubat
M. le duc de Loi:bat a fait donation entre vifs à l'Académie des
inscriptions et belles-lettres de deux titres de rente de trois mille
francs chacun pour venir en aide aux savants momentanément arrêtés
dans leurs travaux par le manque de ressources matérielles ou par la
maladie, ou à secourir leurs parents, veuves, ascendants, etc. L'Aca-
démie a appelé cette année au bénéfice de cette fondation deux
personnes.
FONDATION BENOIT GARNIER
L'Académie a attribué sur les arrérages de la fondation les subven-
tions suivantes :
Douze mille francs a M. le capitaine Tilho, pour une année
d'exploration à l'effet d'étudier les anciennes communications entre
le lac Tchad et le Nil ;
Mille deux cents francs à M. Henri Maspero, pour lui permettre,
en vue d'une exploration future dans l'Asie centrale, de se rendre à
Berlin et à Londres pour étudier les collections recueillies par
MM. Grûnwedel et Von Lecoq et par Sir Aurel Stein ;
Dix mille francs à M. Robert Gauthiot, pour un voyage dans
l'Asie Centrale qui doit être consacré à l'étude des langues ira-
niennes.
fondation piot (17.000 fr.)
L'Académie a attribué sur les arrérages de la fondation les subven-
tions suivantes :
Mille cinq cents francs à M. Homo, ancien membre de l'École
française de Rome, pour continuer ses recherches archéologiques à
Rome.
Mille cinq c<-nts francs à MM. Germain de Montauzan et Fabia
pour les fouilles sur la colline de Fourrières :
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 567
Mille cinq cents francs à M. Ebersolt pour continuer ses recherches
à Constantinople, en vue de préparer une histoire de l'architecture
byzantine.
FONDATION DOURLANS
L'Académie a attribué sur les arrérages de la fondation les subven-
tions suivantes :
Deux mille francs pour la publication des Cylindres orientaux
du Louvre ;
Mille cinq cents francs pour la publication d'un Album des bronzes
du Louvre;
Deux mille francs pour la publication des recherches de M. Jules
Martha sur la langue étrusque ;
Mille cinq cents francs à M. Gaidoz pour l'aider à publier les
papiers sur le folk-lore laissés par M. Rolland et particulièrement
relatifs à la faune et à la flore populaire ;
Deux mille francs à M. Seymour de Ricci pour poursuivre ses
recherches à Saint-Pétersbourg et à Moscou en vue de la continua-
tion du x Recueil des monnaies grecques d'Asie Mineure » ;
Deux mille francs à M. Louis Châtelain pour continuer les
fouilles qu'il a commencées à Maktar, en Tunisie;
Six mille francs à M. Gabalda, éditeur, pour l'aider à la publi-
cation d'un ouvrage intitulé « Jérusalem », par le R. P. Vincent.
368 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
III. DÉLIVRANCE DES DIPLOMES
d'archiviste paléographe
En exécution des prescriptions d'une lettre du Ministre de l'instruc-
tion publique en date du 2 février 1833, l'Académie déclare que les
élèves de l'École des Chartes, qui ont été nommés archivistes paléo-
graphes, par arrêté ministériel du 9 février 1912, conformément à
la liste dressée par le Conseil de perfectionnement de cette Ecole,
sont par ordre de mérite :
MM. 1. Heli.oiin de Cenival (P/erre-Marie).
2. Maux Vea/î-Philippe).
3. Boucher (Louis-Gérard-Fra/iro/s).
4. Verrier i Annet-Jean-Marie).
5. Jablonski (Pierre-Joseph-Léopold-./ean).
6. Loew (Jean-Paul- And ré).
7. Baron (Albin-Frarcço/.s-Placide).
8. Oudot de Dainville i Charles-Marie-Jl/aurice).
Et hors rang, comme appartenant à des promotions antérieures
(ordre alphabétique) :
MM. Biver (Jean-Noël-A/u/ré).
Girod (Fi/f/ène-Marie-Émile).
Jouanne /?e/ié-Amand-Édouard).
Boussier (Adam-Louis-Pai// .
Servant [Georg es-Paul).
SÉAiNCE PUBLIQUE ANNUELLE 569
IV. ANNONCE DES CONCOURS
DONT LES TERMES EXPIRENT
en 1913, 1914, 1915, 1918 et 1919.
PRIX ORDINAIRES DE L ACADEMIE
L'Académie rappelle qu'elle a proposé les questions suivantes :
1° Pour l'année 1913 :
Etude sur les impôts royaux en France sous les règnes de Philippe
le Bel et de ses /ils.
2° Pour l'année 1914 :
L'Espagne h l'époque romaine.
L'Académie propose, en outre, pour l'année 1915, le sujet suivant :
Le genre épislolaire chez les Assyro-Baby Ioniens depuis les ori-
gines.
Les mémoires sur chacune de ces questions devront être déposés
au Secrétariat de l'Institut, avant le 1er janvier de l'année du con-
cours '.
Chacun de ces prix est de la valeur de deux mille francs.
ANTIQUITÉS DE LA FRANCE
Trois médailles, de la valeur de quinze cents francs la première,
mille francs la deuxième, et cinq cents francs la troisième, seront
décernées en 1913 aux meilleurs ouvrages manuscrits ou publiés dans
le cours des années 1911 et 1912 sur les Antiquités do la France, qui
auront été déposés en double exemplaire, s'ils sont imprimés, au
Secrétariat de l'Institut, avant le tpr janvier 1913. — Les ouvrages de
numismatique ne sont pas admis à ce concours.
Le concours est annuel.
1. Voir p. 580 les Conditions générales des concours.
570 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
PRIX DE NUMISMATIQUE
I: Le prix de numismatique fondé par M. Allier de Hauterociie
sera décerné, en 1913, au meilleur ouvrage de numismatique ancienne,
qui aura été publié depuis le mois de janvier 1911.
II. Le prix de numismatique fondé par Mme veuve Duchalais sera
décerné, s'il y a lieu, en 1914, au meilleur ouvrage de numismatique
du moyen âge qui aura été publié depuis le mois de janvier 1913.
Chacun de ces prix est de la valeur de mille francs.
Les ouvrages, pour chacun de ces prix, devront être déposés, en
double exemplaire, au Secrétariat de l'Institut, avant le 1er janvier de
l'année du concours.
PRIX FONDÉS PAR LE BARON GOBERT (10.000 fl\)
Pour l'année 1913, l'Académie s'occupera, à dater du 1er janvier, de
l'examen des ouvrages qui auront paru depuis le 1er janvier 1912 et
qui pourront concourir aux prix annuels fondés parle baron Gobert.
En léguant à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la moitié
du capital provenant de tous ses biens, après l'acquittement des frais
et des legs particuliers indiqués dans son testament, le fondateur a
demandé « que les neuf dixièmes de l'intérêt de cette moitié fussent
proposés en prix annuel pour le travail le plus savant et le plus pro-
fond sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent, et l'autre
dixième pour celui dont le mérite en approchera le plus; déclarant
vouloir, en outre, que les auteurs des ouvrages couronnés continuent
à recevoir, chaque année, leur prix jusqu'à ce qu'un ouvrage meilleur
le leur enlève, et ajoutant qu'il ne pourra être présenté à ce concours
que des ouvrages nouveaux ».
Tous les volumes d'un ouvrage en cours de publication, qui n'ont
point encore été présentés au prix Gobert, seront admis à concourir,
si le dernier volume remplit toutes les conditions exigées par le pro-
gramme du concours.
Sont admis à ce concours les ouvrages composés par des écrivains
étrangers à la France.
Sont exclus de ce concours les ouvrages des membres ordinaires
ou libres et des associés étrangers de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres.
L'Académie rappelle aux concurrents que, pour répondre aux inten-
tions du baron Gobert, qui a voulu récompenser les ouvrages les
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 571
plus savants et les plus profonds sur l'histoire rie France et les études
qui s'y rattachent, ils doivent choisir des sujets qui n'aient pas encore
été suffisamment approfondis par la science. La haute récompense
instituée par le baron Gobert est réservée à ceux qui agrandissent
le domaine de la science en pénétrant dans des voies inexplorées.
Six exemplaires de chacun des ouvrages présentés à ce concours
devront être déposés au Secrétariat de l'Institut (délibération du 27
mars 1840) avant le 1er janvier 1913, et ne seront pas rendus.
Ce concours est annuel.
prix bordin (3.000 fr.)
M. Bordin, notaire, voulant contribuer au progrés des lettres, des
sciences et des arts, a fondé, par son testament, des prix annuels qui
sont décernés par chacune des cinq Académies de l'Institut.
L'Académie a décidé que, à partir de l'année 1904, le prix annuel
de la fondation Bordin sera destiné à récompenser successivement,
tous les trois ans, des ouvrages relatifs : 1° à l'Orient; 2° à l'antiquité
classique; 3° au moyen âge ou à la Benaissance.
En conséquence, le prix Bordin sera décerné:
En 1913, au meilleur ouvrage relatif aux études orientales, publié
depuis le Ie1' janvier 1910;
En 1914, au meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique, publié
depuis le l01' janvier 1911 ;
En 1915, au meilleur ouvrage relatif au moyen âge ou à la Benais-
sance, publié depuis le 1er janvier 1912.
Deux exemplaires de chacun des ouvrages présentés à ces con-
cours devront être déposés au Secrétariat de l'Institut, avant le
1er janvier de l'année du concours.
PRIX EXTRAORDINAIRE BORDIN (3.000 fl\)
L'Académie a proposé, pour Tannée 1913, le sujet suivant :
Histoire du texte de Platon.
Les mémoires sur cette question devront être déposés au Secré-
lni.it de rinstitut avant le 1er janvier 1913.
Elle a décidé, de plus, que le prix extraordinaire Bordin sera
décerné, en 19l.'i, au meilleur ouvrage imprimé relatif aux éludes
orientales publié depuis le Ier janvier 1912.
Dépôt des ouvrages en double exemplaire au Secrétariat de l'In-
Stitul avant le I"' janvier 1915.
572 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
PRIX LOUIS FOULD (5.000 fr.)
Après la délivrance du prix de vingt mille francs, fondé par
M. Fould, un prix biennal de cinq mille francs a pu être institué, d'ac-
cord avec ses héritiers, sur les revenus de la même fondation, en
faveur de l'auteur du meilleur ouvrage sur l'histoire des arts du des-
sin, en s'arrêtant à la fin du XVIe siècle.
Ce prix sera décerné en 1914.
Les ouvrages imprimés devront être écrits ou traduits en français
ou en latin et déposés, en double exemplaire, au Secrétariat de
l'Institut, avant le 1er janvier 1914 '.
PRIX DE LA FONS-MÉLICOCQ (1.800 fr.)
Un prix triennal de dix-huit cents francs a été fondé par M. de
La Fons-Mélicocq, en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire et les
antiquités de la Picardie et de l'Ile-de-France (Paris non compris).
L'Académie décernera ce prix, s'il y a lieu, en 1914; elle choisira
entre les ouvrages manuscrits ou publiés en 1911, 1912 et 1913, qui
lui auront été adressés en double exemplaire , s'ils sont imprimés,
avant le 1er janvier 1914.
prix brunet (3.000 fr.)
■ M. Brunet, par son testament en date du 14 novembre 1867, a
fondé un prix triennal de trois mille francs pour un ouvrage de biblio-
graphie savante que V Académie des inscriptions, qui en choisira elle-
même le sujet, jugera le plus digne de celle récompense.
L'Académie décernera, en 1913, le prix au meilleur des ouvrages
de bibliographie savante, publiés en France dans les trois dernières
années, dont deux exemplaires auront été déposés au Secrétariat de
l'Institut avant le 1er janvier 1915.
PRIX STANISLAS JULIEN (1.500 fr.)
Par son testament olographe, en date du 26 octobre 1872, M. Stanis-
las Julien, membre de l'Institut, a légué à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres une rente de quinze cents francs pour fonder
un prix annuel en faveur du meilleur ouvrage relatif à la Chine.
1. Par décision de l'Académie du i: mai 190s, les ouvrages manuscrits
sonl exclus du concours.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE .">7.'5
L'Académie décernera ce prix en 1913.
Les ouvrages devront être déposés, en double exemplaire, au Secré-
tariat de l'Institut, avant le 1er janvier 1913.
PRIX DELALANDE-GUERINEAU (1.000 fl\)
Mme Delalande, veuve Guérjneau, par son testament en date du
16 mars 1872, a légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres
une somme de vingt mille francs (réduite à dix mille francs), dont les
intérêts doivent être donnés en prix tous les deux ans, au nom de
Delalande-Guérine.u . à la personne qui aura composé l'ouvrage jugé
le meilleur par l'Académie.
L'Académie décide que le prix Delalande-Guérineau sera décerné,
en 1914, au meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique.
Les ouvrages manuscrits ou publiés depuis le 1er janvier 1912, desti-
nés à ce concours, devront être déposés, en double exemplaire, s'ils
sont imprimés, au Secrétariat de l'Institut, avant le 1er janvier 1914.
PRIX JEAN REYNAUD (10.000 fi*.)
Mme veuve Jean Reynaud , « voulant honorer la mémoire de son
« mari et perpétuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de
« la France », a, par un acte en date du 3 décembre 1878. fait dona-
tion à l'Institut d'une rente de dix mille francs, destinée à foncier un
prix annuel, qui sera successivement décerné par chacune des cinq
Académies.
Conformément au vœu exprimé par la donatrice, « ce prix sera
« accordé au travail le plus méritant, relevant de chaque classe de
« l'Institut, qui se sera produit pendant une période de cinq ans.
« Il ira toujours à une œuvre originale, élevée, et ayant un carac-
« 1ère d'invention et de nouveauté.
« Les membres de l'Institut ne seront pas écartés du concours.
« Le prix sera toujours décerné intégralement.
« Dans le cas où aucun ouvrage ne paraîtrait le mériter entière-
« ment, sa valeur serait délivrée à quelque grande infortune scienti-
« tique, littéraire ou artistique.
« II portera le nom de son fondateur Jean Reynaud. »
L'Académie décernera ce prix, s'il y a lieu, en 1915,
1912. ta
574 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
PRIX DE LA GRANGE (1.000 fl\)
M. le marquis de La Grange, membre de l'Académie, par son tes-
tament en date du 4 août 1871, a légué à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres une rente annuelle de mille francs destinée à fonder
un prix en faveur de la publication du texte d'un poème inédit des
anciens poètes de la France ; à défaut d'une œuvre inédite, le prix
pourra être donné au meilleur travail sur un ancien poète déjà publié.
Ce prix sera décerné, s'il y a lieu, en 1913.
PRIX DU DUC DE LOURAT (3.000 fl\)
M. le duc de Loubat, membre de l'Institut et de la New-York Histo-
rical Society, a fait don à l'Académie des inscriptions et belles-lettres
d'une rente annuelle de mille francs, pour la fondation d'un prix de
trois mille francs, qui sera décerné, tous les trois ans, au meilleur
ouvrage imprimé concernant Vhis(oii*e, la géographie, Varchéologie,
l'ethnographie et la linguistique du Nouveau Monde.
Ce prix sera décerné en 1913.
Seront admis au concours les ouvrages publiés en langues latine,
française et italienne, depuis le 1er janvier 1910.
Les ouvrages présentés à ce concours devront être envoyés, au
nombre de deux exemplaires, avant le 1er janvier 1913, au Secrétariat
de l'Institut.
Le lauréat, outre les exemplaires adressés pour le concours, devra
en délivrer trois autres à l'Académie, qui les fera parvenir, un au
Columbia Collège à New- York, le deuxième à la New-York Historical
Society de la même ville, et le troisième à l'Université catholique de
Washington.
NOUVELLE FONDATION DE M. LE DUC DE LOUBAT (3.000 fl\)
Par actes du 20 octobre 1910 et du 28 mars 1911, M. le duc de
Loubat, membre de l'Institut, a fait donation entre vifs à l'Académie
des-inscriptions et belles-lettres de deux titres de rente annuelle
de trois mille francs chacun. « Cette fondation, dit le donataire,
a pour objet et pour but de parer aux difficultés de la vie maté-
rielle qui pourront entraver les recherches scientifiques, soit que
ch's difficultés refusent les loisirs nécessaires à ceux qui voudraient
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 575
s'engager dans cette voie, soit qu'elles leur enlèvent la liberté
d'esprit dont ils ont besoin, qu'elles les troublent par les inquié-
tudes qu'ils peuvent concevoir sur le sort réservé à leur vieillesse,
où à la famille qu'ils risquent de laisser, après leur mort, dans
une situation étroite et pénible. En conséquence, les fonds pro-
duits par celte Fondation seront attribués, sous telle forme qui
sera déterminée par l'Académie, aux éludes qui rentrent dans l'ordre
de celles que patronne et encourage l'Académie des inscriptions et
belles-lettres. Ils serviront aussi à venir en aide aux savants momen-
tanément arrêtés dans leurs travaux par le manque de ressources
matérielles ou par la maladie, ou à secourir les parents, veuves,
ascendants, descendants ou collatéraux, que la position précaire ou
le décès de ces savants laisserait dans l'embarras. »
L'Académie réalisera en 1913 les généreuses intentions du dona-
teur.
FONDATION JOSEPH SAINTOUlt (3.000 fl\)
L'Académie rappelle que ce prix, delà valeur de trois mille fraïux,
sera décerné dans l'ordre suivant :
En 1913, au meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique, publié
depuis le 1er janvier 1910;
En 1914, au meilleur ouvrage relatif au moyen âge ou à la Renais-
sance, publié depuis le 1er janvier 191 1 ;
En 1915, au meilleur ouvrage relatif aux études orientales publié
depuis le le,'janvier 1912.
Seront admis au concours les ouvrages, manuscrits ou imprimés,
d'auteurs français.
Les ouvrages destinés à ces concours devront être déposés , en
double exemplaire, s'ils sont imprimés, au Secrétariat de l'Institut,
avant le Ier janvier de l'année du concours.
PIUX ESTH.VDE-DELCHOS (8.000 fl\)
M. Hsck.vde-Delcros, par son testament en date du S février 1 s T « '. ,
a légué toute sa fortune à l'Institut. Le montant de ce legs a élé,
selon la volonté du testateur, partagé, par portions égales, entre les
cinq classes de l'Institut, pour servir à décerner, tous les cinq ans, un
prix sur le sujet choisi par chaque Académie.
570 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
Ce prix, de la valeur de huit mille francs, sera décerné par l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, en 1917, à un travail ren-
trant dans les ordres d'études dont elle s'occupe.
Le choix de l'Académie portera sur l'ouvrage, publié dans les
cinq années précédentes, qui sera jugé le plus digne de cette haute
récompense.
PRIX DE CHÉNIER (2.000 fl'.)
Mme Adélaïde-Élisa Frémaux, veuve de M. Louis-Joseph-Gabriel
de Chénier, a légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres
une somme de quatorze mille francs, « pour le revenu être donné
« en prix, tous les cinq ans, à l'auteur de la méthode que ladite
« Académie aura reconnue être la meilleure, la plus simple, la plus
« prompte, la plus efficace pour l'enseignement de la langue
« grecque ».
Par suite d'un accord survenu, le 2 juillet 1909, avec les héritiers
de la fondatrice du prix, il a été ajouté au programme ci-dessus la
clause suivante :
« A défaut d'un ouvrage répondant exactement aux termes de la
« fondation, l'Académie pourra donner le prix à l'ouvrage qui lui
« paraîtra être le plus utile à l'étude de la langue et de la littérature
« grecques, pourvu qu'il ait été publié dans les quatre années qui
« seront écoulées depuis que ce prix aura été décerné. »
L'Académie décernera ce prix en 1914.
PRIX JEAN-JACQUES BERGER (15.000 fl'.)
Le prix Jean-Jacques Berger, de la valeur de quinze mille francs,
à décerner successivement par les cinq Académies à l'œuvre la plus
méritante concernant la ville de Paris, sera attribué par l'Académie
des inscriptions et belles-lettres en 1913.
PRIX GABRIEL-AUGUSTE PROST (1.200 fl'.)
M. Gabriel-Auguste Prost, membre de la Société des Antiquaires
de France, par testament olographe du 7 février 1894, a légué à
l'Académie des inscriptions et belles-lettres une rente de douze
cents francs, pour la fondation d'un prix annuel à décerner à l'auteur
français d'un travail historique sur Metz et les pays voisins.
L'Académie décernera ce prix en 1913.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 577
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, en
double exemplaire, s'ils sont imprimés, au Secrétariat de l'Institut,
avant le 1er janvier 1913.
PRIX BARON DE JOEST (2.000 fY.)
Ce prix, de la valeur de deux mille francs, à décerner successive-
ment par les cinq Académies A celui qui, dans l'année, aura fait une
découverte ou écrit l'ouvrage le plus utile au bien public, sera attri-
bué par l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1915.
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, en
double exemplaire, s'ils sont imprimés, au Secrétariat de l'Institut,
avant le 1er janvier 1915.
PRIX BARON DE COURCEL (2.400 fl".)
Ce prix, de la valeur de deux mille quatre cents francs, à décerner
successivement par l'Académie française, l'Académie des inscriptions
et belles-lettres et l'Académie des sciences morales et politiques,
est destiné à récompenser « une œuvre de littérature, d'érudition
ou d'histoire qui sera de nature à attirer l'intérêt public sur les
premiers siècles de l'histoire de France (époque mérovingienne ou
carlovingienne) ou à populariser quelque épisode de cette histoire,
depuis l'origine rudimentaire des tribus franques jusqu'aux environs
de l'an 1000».
Ce prix sera décerné par l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en 1919.
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, en
double exemplaire, s'ils sont imprimés au Secrétariat, de l'Institut,
avant le 1er janvier 1919.
L'Académie se réserve d'introduire, s'il y a lieu, les candidatures
d'auteurs dont les ouvrages n'auraient pas élé présentés.
PRIX HONORÉ CHAVÉE (1.800 fl*.)
Ce prix, institué par Mme veuve Honoré Chavée, sera décerné, tous
les deux ans, pour les travaux de linguistique. Il pourra être affecté
aux recherches, missions ou publications relatives aux langues
romanes.
La Commission évoquera elle-même les ouvrages qui lui paraî-
tront dignes du prix. On pourra appliquer les revenus de la fonda-
tion à récompenser des voyages, missions ou recherches de tout
ordre.
Ce prix, de la valeur de dix-huit cents francs, scia décerné en 191!'.
,v;78 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
PRIX LEFÈVRE-DEUMIER (20.000 fr.)
Ce prix, d'une valeur de vingt mille francs, sera décerné tous les
dix ans par l'Académie. Suivant le vœu du testateur, il doit être attri-
bué « à l'ouvrage le plus remarquable sur les mythologies, philoso-
phies et religions comparées ».
Le prix sera décerné, pour la deuxième fois, en 1918.
Les ouvrages étrangers traduits en français seront admis à prendre
part au concours.
Les ouvrages présentés devront être postérieurs à l'année 1908.
FONDATION PAUL BLANCHET
M. R. Cagnat, membre de l'Institut, a fait don à l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, au nom du Comité du monument
Blanchet, d'une somme de six cents francs, reliquat de la souscription
ouverte pour élever un monument à Paul Blanchet, mort à Dakar
(Sénégal), au coui's d'une expédition scientifique. Les arrérages de
cette somme serviront à fonder une médaille qui sera attribuée à
une découverte relative à l'histoire, la géographie ou l'archéologie
de l'Afrique du Nord.
PRIX DE NUMISMATIQUE ORIENTALE (1.200 fr.)
M. Edmond Drouin a, par ses testament et codicille olographes
des 10 avril 1889 et 17 janvier 1899, légué à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres une rente annuelle de trois cents francs, pour
fonder un prix qui sera décerné, tous les quatre ans, au meilleur tra-
vail, manuscrit ou imprimé, sur la numismatique orientale, quelle
que soit la nationalité du lauréat. Ce prix, qui pourra être partagé,
sera décerné en 1914.
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, en
double exemplaire, s'ils sont imprimés, au Secrétariat de l'Institut,
avant le 1er janvier 1914.
fondation garnier (15.000 fr. de revenu)
M. Benoit Garnier, par son testament en date du 11 avril 1883, a
légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la totalité de
ses biens (legs réduits d'un tiers en faveur des héritiers, par décret du
27 septembre 1884). Les intérêts du capital résultant de la liquida-
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE ")79
tion de la succession doivent être affectés, chaque année, « aux frais
d'un voyage scientifique à entreprendre par un ou plusieurs Français,
désignés par l'Académie, dans l'Afrique centrale ou dans les régions
de la Haute Asie ».
L'Académie disposera, en 1913, des revenus de la fondation selon
les intentions du testateur.
fondation piot (17.000 fr. de revenu)
M. Eugène Pjot, par son testament en date du 18 novembre 1880,
a légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la totalité de
ses biens. Les intérêts du capital résultant de la liquidation de la
succession doivent être affectés, chaque année, « à toutes les expédi-
tions, missions, voyages, fouilles, publications que l'Académie croira
devoir faire ou faire exécuter dans l'intérêt des sciences historiques
ou archéologiques, soit sous sa direction personnelle par un ou plu-
sieurs de ses membres, soit sous celle de toutes autres personnes
désignées par elle ».
L'Académie a décidé qu'il sera réservé, chaque année, sur les
revenus de la fondation, une somme de six mille francs pour la
publication d'un recueil qui porte le titre suivant : Fondation Piot.
Monuments et Mémoires publiés par l'Académie des inscrij)tinns et
belles-lettres.
L'Académie disposera, en 1913, du surplus des revenus de la fon-
dation, selon les intentions du testateur.
FONDATION LOUIS DE CLERCQ
M""' De Clercq et M. le comte de Boisgelin oui fait donation, entre
vifs, à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, d'une somme
d'environ deux cent mille francs, représentée par huit actions de la
Société des mines de houille de Dourges (Pas-de-Calais), dont les
revenus seront affectés à continuer la publication , commencée par
feu M. De Clercq, du catalogue de sa collection d'antiquités et de
médailles. Après l'achèvement du catalogue, qui devra être terminé
dans un délai maximum de dix ans, les revenus devront être
employés à subventionner des publications relatives à l'archéologie
orientale.
Le Catalogue ayant été terminé dans le courant de l'année 1912,
l'Académie disposera du revenu de la fondation en 1913 pour sub-
ventionner des publications relatives ;i Varchéologie orientale.
580 SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DES CONCOURS
Les ouvrages envoyés aux différents concours ouverts par l'Acadé-
mie devront parvenir, francs de port et brochés, au Secrétariat de
l'Institut, avant le Ier janvier de Vannée où le prix doit être décerné.
Ceux qui seront destinés aux concours pour lesquels les ouvrages
imprimés ne sont point admis, devront être écrits en français ou en
latin. Ils porteront une épigraphe ou devise, répétée dans un billet
cacheté qui contiendra le nom de l'auteur. Les concurrents sont pré-
venus que tous ceux qui se feraient connaître seront exclus du con-
cours ; leur attention la plus sérieuse est appelée sur cette disposi-
tion.
L'Académie ne rend aucun des ouvrages imprimés ou manuscrits
qui ont été soumis à son examen; les auteurs des manuscrits ont la
liberté d'en faire prendre des copies au Secrétariat de l'Institut.
Le même ouvrage ne pourra pas être présenté en même temps à
deux concours de l'Institut.
Nul n'est autorisé à prendre le titre de Lauréat de l'Académie, s'il
n'a été jugé digne de recevoir un prix.
Les personnes qui ont obtenu des récompenses ou des mentions
n'ont pas droit au titre de lauréat, et doivent se borner à inscrire sur
les ouvrages qu'elles publient : Récompensé par V Académie ou Men-
tion au concours de...
Le montant des sommes annoncées pour les prix n'est signalé qu'à
titre d'indications subordonnées aux variations du revenu des fonda-
tions.
581
LE
DAUPHIN HUMBERT II
l'A H
M. PAUL 1 OURNIER
MEMBRE DE l'aCADEMIE
L'absorption d'un Etat indépendant par une puissance
voisine est souvent le résultat d'une évolution séculaire ;
mais il est arrivé plus dune fois que ce résultat a été
déterminé, ou tout au moins précipité par les erreurs et
les fautes d'un souverain. C'est ainsi qu'au xvn° siècle, le
duc Charles IV de Lorraine fut le meilleur auxiliaire de la
politique française qui tendait a l'annexion de ses Etats.
Trois siècles auparavant, sur la frontière du Sud-Est, le
I. Outre les ouvrages anciens relatifs à l'histoire du Dauphin»'-, cl
notamment l'Histoire du Dauphinè du président de Valbonnais, si pré-
cieuse par les importantes pièces justificatives que l'auteur y a insérées,
j'ai utilisé des travaux plus récents, notamment V Itinéraire des Dauphins
de lu 3e race et le Choix des documents historiques inédits sur le Dau-
phinè publiés par M. le chanoine Ulysse Chevalier (ce dernier ouvrage l'ait
partie des publications de la Société de statistique de l'Isère, 3" série,
t. IV), les résumés des lettres de Clément VI relatives à la province de
Vienne, publiés par M. l'abbé Graeff dans le Bulletin de /' Académie del-
phinale (en cours de publication), et les intéressants travaux de M. Claude
Faure, ancien membre de l'École de Rome, ancien archiviste de la Drôme,
à savoir : son Histoire de la réunion de Vienne, Grenoble, 1007, et divers
articles, notamment ceux qu'il a publiés en 1007 dans les Mélanges d'ar-
chéoloffie et d'Histoire de l'École de Rome. J'ai aussi tiré parti d'un cer-
tain nombre de renseignements inédits extraits des importants el nom-
breux documents du fonds de la Chambre des Comptes du Dauphinè, série
R des Archives départementales de l'Isère.
M
582 LE DAUPHIN HUMBERT II
dauphin Humbert II rendit, bien malgré lui, des services
analogues à la dynastie des Valois. Je voudrais tracer une
rapide esquisse de ce personnage, qui, par son action et
surtout par ses défauts, joua dans l'histoire de la formation
territoriale de la France un rôle dont l'importance ne sau-
rait être méconnue.
I
Humbert II fut le dernier représentant d'une lignée qui
faisait bonne figure parmi les plus fameuses de son temps.
Par son père, il était issu des barons de la Tour, qui,
depuis la fin du xmc siècle, avaient joint à leurs terres
patrimoniales l'héritage de deux races de Dauphins. Par
sa mère, P>éatrice, fille du roi de Hongrie Charles-Martel,
il n'était pas seulement le petit-fils de Rodolphe de Habs-
bourg, il appartenait en outre à la descendance de ce frère
de saint Louis dont les entreprises marquèrent une- trace
profonde en Italie et faillirent transformer le monde médi-
terranéen, j'ai nommé Charles d'Anjou. Cependant la vie
de Humbert atteste que, par nature ou par éducation, il
avait plutôt les goûts d'un clerc que ceux d'un membre de
la plus haute aristocratie féodale. D'allure assez peu mar-
tiale, préférant les arts libéraux et la compagnie des lettrés
au fracas des armes et à la société des gens de guerre,
enclin plutôt à dénouer les nœuds qu'à les trancher, il était
la vivante antithèse de son frère aîné le dauphin Guigues
VIII, brillant cavalier, habile capitaine, ardent à la bataille
comme au plaisir. Toutefois, trompant peut-être les prévi-
sions de son entourage, Humbert ne se fit point d'Eglise :
ayant recueilli, après la mort d'un oncle, l'héritage du
Faucigny, il voulut faire l'apprentissage de son métier de
prince, si bien qu'à dix-huit ans, il entreprit son tour d'Eu-
rope, à la façon des héritiers présomptifs du xxe siècle.
Or, depuis cinquante ans, deux influences sollicitaient
LE DAIPHIN HUMBERT II 583
en sens inverse les seigneurs et les prélats de la vallée
du Rhône. La souveraineté lointaine des empereurs, rois
d'Arles et de Vienne, était si légère que le pouvoir suprême
semblait vacant dans ces régions. Aussi deux prétendants,
à l'ambition aiguisée, se disputaient à l'avance cette suc-
cession non ouverte : les rois de France, dune part, et,
d'autre part, leurs cousins d'Anjou, comtes de Provence et
rois de Sicile. Fallait-il se mettre à la suite de la France
ou des Angevins, regarder du coté de Paris ou du côté de
Naples, telle était la question d'intérêt capital que se
posaient les membres de la famille delphinale, comme tous
les potentats du royaume d'Arles.
Fidèle aux exemples de son père Jean, le dauphin
Guigues VIII s'était orienté du côté de la France. Gomme
pour rétablir l'équilibre et ménager l'avenir, Humbert, sans
doute sous l'influence de sa mère, s'attacha au parti ange-
vin. Ainsi se vérifia une fois de plus l'observation d'un
des maîtres de notre roman contemporain : les différences
entre proches ne sont souvent qu'une forme de la solida-
rité de la famille '.
Tournant le dos à Paris pour visiter successivement les
deux cours angevines, Humbert se rend d'abord auprès de
son oncle maternel, Carobert, qui règne en Hongrie. Auto-
ritaire, magnifique et grand bâtisseur, ce monarque, qui
avait rendu à la royauté hongroise son prestige et travail-
lait à lui acquérir la prépondérance dans l'Europe centrale,
ne pouvait manquer de donner une haute idée du rang
suprême au jeune neveu qui lui arrivait des montagnes du
Dauphiné. En tout cas, la sympathie que garda Humbert
pour les membres de sa famille maternelle établie sur les
bords du Danube est un des traits persistants du caractère,
en général assez inconstant, du futur dauphin ; par sa poli-
tique comme par ses affections, il fut un prince angevin de
la branche de Hongrie.
l. Paul Bourget, Préface du Tribun.
584 LE DAUPHIN HOIBERT II
Après un séjour assez long en Hongrie, Humbert arriva
à Naples, où régnait son grand oncle, le roi Robert d'An-
jou. Pour un jeune prince de vingt ans, à l'esprit vif et
orné, nul séjour ne pouvait être de plus grand profit.
Robert était alors à l'apogée de sa réputation. L'Europe
ratifiait le jugement du Vénitien Marino Sanudo et du
Florentin Villani, qui le considéraient comme le monarque
le plus sage qu'eût connu la chrétienté depuis la mort de
saint Louis. Politique habile et perspicace, il avait vu k
deux reprises se briser contre son pouvoir le flot de l'inva-
sion gibeline. A ses sujets, par l'exercice d'une autorité
incontestée, il avait procuré une longue série d'années
paisibles et prospères. Enfin, pénétré des anciennes disci-
plines scolastique et juridique, mais aussi attentif aux cou-
rants byzantins et arabes qui se rencontraient à Naples
avec la culture latine, il protégea les savants, les huma-
nistes et les artistes ; ce n'est pas pour lui un médiocre
mérite que de se présenter à la postérité entouré d'hommes
éminents, au premier rang desquels figurent Boccace.
Pétrarque et Giotto.
Que Humbert ait partagé l'admiration des hommes de
son temps pour le roi Robert, cela n'est point douteux.
Vraisemblablement une affection réciproque unit l'oncle et
le neveu ; car Robert ne tarda pas à marier le jeune prince
à l'une de ses nièces, qu'il avait lui-même dotée, Marie
de Baux, issue de la puissante maison qui tient une si large
place dans les annales de la Provence. Par ce mariage,
Humbert devint un personnage, et non des moins impor-
tants, de la maison royale -de Naples. Il ne paraît pas qu'il
ait été insensible aux charmes de sa nouvelle position ; à
dire vrai, ces charmes n'étaient pas à dédaigner. Dans ce
pays privilégié, où la nature prodigue ses séductions, où
1 histoire a semé ses plus grands souvenirs, dans cette ville
joyeuse qu'embellissent à l'envi les princes et les seigneurs
auxquels la France fournit des architectes et Florence des
LE DAUPHIN HUMBERT II 585
artistes en même temps que des banquiers, au milieu d'une
vieille aristocratie rajeunie par un élément nouveau venu
du pays auquel l'Occident emprunte les belles manières et
les fantaisies de la mode, tout est prétexte aux divertisse-
ments les plus luxueux et à la galanterie la plus raffinée.
Danses prolongées dans les jardins embaumés, chasses à
travers les forêts ombreuses, brillantes prouesses des tour-
nois, subtils débats des cours d'amour, tels sont les passe-
temps de cette société avide de plaisir, à laquelle donnent
le ton deux Françaises de la plus haute naissance, toutes
deux belles-sœurs du roi, Agnès de Talleyrand, duchesse
de Duras, dont Boccace a célébré la beauté sans rivale, et
Catherine de Tarente, sœur du roi de France Philippe
de Valois, hère du titre d'impératrice de Constantinople
qui rappelait les prétentions de sa maison sur le monde
byzantin.
Tel était le milieu où son mariage avait placé Humbert.
Jamais ce milieu n'avait été plus brillant qu'à l'automne
de l'année 1333, lors de la visite que fit le roi Carobert de
Hongrie à son oncle Robert de Naples. Là furent conclues
les fiançailles de deux enfants, André, le fils puîné du
prince hongrois, et Jeanne, la petite-fille de Robert et son
héritière présomptive à Naples et en Provence. Il semblait
que cette union dût marquer la fin des différends qui,
depuis longtemps, divisaient les deux fractions de la mai-
son d'Anjou. Humbert en conçut une si grande joie qu'il
donna le nom d'André au fils que sa femme, Marie de
Baux, venait de mettre au monde, comme pour le rattacher
plus étroitement à la branche hongroise des Angevins.
Quelle horreur eût-il éprouvée s'il eût pu entrevoir le tra-
gique destin que l'avenir réservait aux fiancés et le san-
glant abîme où devait s'effondrer bientôt cette société si
légère et si joyeuse !
Vers le même temps, un événement imprévu mettait lin
à cette phase de la vie du prince dauphinois. En ce même
586 LE DAUPHIN HUMBERT II
automne 1333, il apprit que son frère Guigues VIII était
mort en soldat, au siège d'un obscur château savoyard des
environs de Yoiron. Gomme Guigues ne laissait pas d'héri-
tier direct, Humbert devint, par cette mort, dauphin de
Viennois ; il dut, sans tarder, quitter Xaples pour n'y plus
revenir. Au moins, pendant son séjour aux cours angevines,
il avait pu se former un idéal élevé du rôle du souverain.
G'était fort bien, à la condition que la volonté de Humbert
fût assez ferme et que les ressources de son Etat fussent
suffisantes pour qu'il lui fût possible de réaliser cet idéal.
II
Dans son œuvre de gouvernement, Humbert semble
s'être montré soucieux, au moins par intermittences, d'évi-
ter l'injustice. A la vérité, pour obtenir de l'argent de ses
sujets, il eut recours aux expédients employés de son
temps : emprunts forcés, vente de privilèges, exploitation
des Lombards et des Juifs, et aussi à ces impositions géné-
rales auxquelles répugne le droit public du xive siècle,
quand elles ne sont pas consenties par les contribuables ou
justifiées par la coutume. En même temps, il multipliait
les entreprises agressives contre le temporel des églises de
Vienne, d'Embrun et de Gap, dont l'indépendance séculaire
lui portait ombrage, et s'attirait ainsi, en dépit de sa dévo-
tion bien connue, les réclamations les plus vives des pré-
lats, appuyées quelquefois par des sentences d'excommu-
nication. Mais la justice retrouvait ses droits quand, spon-
tanément ou sous la pression des circonstances, Humbert
se rendait aux réclamations de sa conscience et des parties
lésées. Alors il indemnisait de son mieux les victimes de
ses procédés iniques. Prendre d'abord, au nom de la raison
d'État, indemniser ensuite, c'est d'ailleurs le principe de
conduite dont, à la même époque, se réclamait Philippe
de Valois. ;< Notoire chose, écrivait-il, est que, de son droit
LE DAUPHIN HUMBERT 11 587
royal, le roi peut prendre pour le bien public et la défense
de son royaume toutes les choses qu'il lui plaira, en faisant
compensation convenable. » Ce n'est pas sans doute la
justice parfaite que pratiquait saint Louis, mais c'est au
moins une justice relative. On en reconnaîtra les mérites,
si l'on songe à d'autres politiques qui ont pris, mais qui
n'ont pas indemnisé.
En même temps, Ilumbert s'attache à éteindre les guerres
privées et à faire régner la paix dans ses Etats. Ayant rap-
porté de la cour de Naples un goût marqué pour les choses
du droit aussi bien que pour les légistes et les canonistes
qui le cultivaient, il réorganise les institutions judiciaires
et établit au sommet de la hiérarchie le Conseil Delphinal,
ancêtre du Parlement et de la Chambre des Comptes du
Dauphiné, dont il lixe le siège à Grenoble. Lui-même ne
dédaigne pas de rendre la justice en personne, et ne recule
devant aucune fatigue pour remplir ce devoir quand il l'a
assumé. C'est ainsi que, pour trancher un procès mettant
aux prises quelques communautés villageoises et la char-
treuse cachée dans les bois de Prémol, qui dominent Uriage,
il s'astreint à visiter les grandes forêts de sapins, d'un
accès difficile, sur lesquelles porte le débat. Ainsi s'acquiert-
il la renommée d'un bon justicier. Il fallait que ses officiers
le connussent pour tel et fussent certains de n'être pas
désavoués pour qu'ils aient osé, en 13 i7, faire monter sur
le bûcher dressé à Romans, sous les ormes, en présence
d'une foule innombrable, une très grande dame, la propre
tante de la dauphiné, Izarde de Baux, reconnue, après une
longue instruction, coupable d'avoir assassiné son mari. Le
fidèle serviteur de Ilumbert qui l'informe de cette exécu-
tion ajoute que partout, en Dauphiné, en Avignon et en
France, la voix publique y a trouvé l'occasion de célébrer
l'impartiale et rigoureuse justice du dauphin.
Humbert ne se borne pas à être le gendarme qui main-
tient l'ordre. Il entend promouvoir le bien matériel et
588 LE DAUPHIN HUMBERT II
moral de ses sujets et écarter d'eux les dangers de tous
ordres qui les menaceraient. 11 en vient à interdire les
tournois, amusement favori de la noblesse du xive siècle ;
il va même jusqu'à défendre la chasse aux nobles aussi
bien qu'aux roturiers, ce en quoi il dut être médiocrement
obéi. En veine d'austérité, il use de son influence pour
maintenir la toilette des deux sexes dans les limites d'une
sage modestie. Par ces actes et d'autres du même genre, il
révèle clairement sa volonté de veiller sur les âmes et les
corps de ceux qui lui étaient confiés.
III
Cependant, en dépit de ces bonnes intentions, le règne
de Humbert II ne fut qu'une accumulation de fautes, abou-
tissant à un lamentable échec. C'est que le dauphin, théo-
ricien, rêveur, démesuré dans ses ambitions, manquait
avant tout de sens pratique, ou, pour mieux dire, de bon
sens. Il eût évité bien des erreurs si, au début de son règne,
il se fût rendu compte de la force de ses Etats.
Il s'en fallait de beaucoup que son pouvoir s'étendît sur
tout le territoire qui fut le Dauphiné du xvme siècle, dont
ont été formés nos trois départements de l'Isère, de la
Drôme et des Hautes- Alpes. Si Humbert possédait, au delà
de ces limites, quelques domaines dont faisaient partie les
vallées du Briançonnais cédées plus tard à la maison de
Savoie, des portions importantes de l'Isère et des Hautes-
Alpes et le département de la Drôme presque entier échap-
paient à son autorité. On voit que le Dauphiné, du temps
de Humbert II, n'était qu'un État d'assez médiocre étendue.
D'ailleurs il ne rachetait pas son exiguïté par la richesse
de ses habitants.
Le domaine soumis à Humbert II était surtout rural ;
en elVet, les villes importantes ne relevaient que de leurs
LE DAUPHIN HÙMBËRT II 589
évêques, sauf Grenoble, où le dauphin avait réussi à entrer
en partage de la seigneurie avec l'Eglise. Or, dans ces
campagnes, si Ton met à part l'abbaye de Saint-Antoine
en Viennois, on ne rencontre aucun de ces grands monas-
tères qui ont joué un rôle prépondérant dans l'histoire de
beaucoup de nos provinces. Sans doute, au fond de leur
désert, les fils de saint Bruno poursuivent sans défaillance
la réalisation du plus noble idéal ; mais si plus tard la
Grande-Chartreuse fut pendant plusieurs siècles l'orgueil
du Dauphiné, elle n'appartenait pas encore à ce pays, qu'elle
devait un jour couvrir de ses bienfaits. Quant aux familles
de haute noblesse et de grande fortune, elles semblent avoir
été très clairsemées en Dauphiné. En revanche, longue
était rénumération des nobles de moindre état. Un simple
chef-lieu de canton de la région montagneuse de l'Isère, la
Mure, comptait alors vingt-deux familles nobles ; les docu-
ments officiels en signalent vingt-huit dans un groupe de
trois paroisses rurales de la région du Villars-de-Lans, et
ce n'étaient nullement des exceptions. Apres au travail,
rudes dans leurs mœurs, intrépides chasseurs, ces nobles
vivaient retirés dans leurs demeures ; bon nombre jouis-
saient du privilège de posséder des maisons fortifiées où ils
savaient se défendre contre les pillards et les bêtes fauves.
On retrouvera leurs descendants à l'époque des guerres de
religion.
IV
Ainsi le domaine de Humbert n'était ni très vaste ni très
riche. Or, aménager bourgeoisement ce domaine, user de
ses ressources avec une prudence parcimonieuse, c'était
bien l'œuvre la plus contraire à la nature et aux aspirations
du nouveau dauphin. Pénétré des impressions et des sou-
venirs qu'il rapporte de Hongrie et de Naplès, il veut appa-
1912. 39
590 LE DAUPHIN HUMBERT II
raître à ses contemporains an milieu des splendeurs d'un
brillant décor, tout comme s'il était un grand souverain.
Cette tendance se manifeste dans le protocole qu'il
emploie ; pour désigner sa personne, il impose à sa chancel-
lerie une interminable série de titres féodaux, que ses pré-
décesseurs n'avaient pas connus et que ses successeurs ne
relèveront pas ; il va même jusqu'à exiger, à la fin de son
règne, qu'à la forme ordinaire de son nom, Humbertus, on
substitue la forme Ymbertus, par un F, qui lui paraît infi-
niment plus distinguée, si grand est, dès cette époque, le
prestige de cette voyelle. De même, il croit se grandir en
multipliant bien plus que de raison les fonctionnaires atta-
chés à son service, et en leur donnant des titres sonores,
venant en droite ligne de la cour du roi Robert, qui reten-
tissaient étrangement aux oreilles de ses sujets : tels ceux
de protonotaire ou de maître rational de la cour majeure.
Ce n'était pas d'ailleurs la première surprise que Hum-
bert causait aux Dauphinois; habitués à une vie simple, ils
n'avaient pu contempler sans étonnement l'appareil dont
s'entourait leur nouveau souverain quand, à la fin de
l'année 1333, il arriva de Xaples sur les rives de l'Isère.
Plusieurs galères avaient amené à Nice le couple delphi-
nal, avec quelques-uns de ses principaux conseillers, et la
foule de ses serviteurs, sans compter les animaux rares qui
l'accompagnaient, les perroquets du dauphin, les colombes
de la dauphine, et enfin la guenon, dont le premier acte,
dès le débarquement, fut de s'échapper, au grand désespoir
de ses gardiens qui ne la retrouvèrent qu'après de longues
recherches. C'est à la tète d'une cavalcade d'au moins cent
chevaux que Humbert remonta la vallée du Rhône, tra-
versa Avignon et parvint au château de Beauvoir, établi
en un site admirable des bords de l'Isère, où quelques
ruines à la fois grandioses et élégantes gardent encore le
souvenir des splendeurs du passé. Bientôt il organise sa
maison sur le patron des cours de Naples et de France, et
LE DAUPHIN HUMBERT 11 ">91
en règle minutieusement tous les services : il ira jusqu'à
se donner une compagnie de gardes du corps, presque tous
nobles, chargés de veiller nuit et jour sur sa personne.
Tout atteste que, dans les châteaux delphinaux, on menait
une vie opulente et quasi royale.
A cette magnificence, Humbert unissait une extrême
libéralité. Les pauvres, les voyageurs, les musiciens, les
jongleurs, les religieux mendiants recevaient de lui de
généreuses aumônes ; aux églises où il célébrait les grandes
fêtes, à celles qu'il aimait à visiter par dévotion, par
exemple au sanctuaire de la Sainte-Baume en Provence
où il fit deux pèlerinages, dont l'un en compagnie de
Pétrarque, il ne manquait pas de laisser de riches offrandes.
Plusieurs monastères lui durent leur fondation; d'autres
furent par lui réorganisés et considérablement accrus.
Encore ne réalisa-t-il pas tous ses desseins. Ainsi le projet
qu'il avait conçu, de transformer le chapitre de Saint-
André de Grenoble en une vaste abbaye où soixante cha-
noines réguliers, vêtus de blanc et de rouge, célébreraient
en grande pompe l'office divin près de la tombe des dau-
phins, ne fut qu'un de ces rêves grandioses où se complai-
sait l'imagination de Humbert.
Un prince magnifique tient à honneur de se montrer un
Mécène. Humbert se donna le luxe de faire les frais d'une
Université, qu'à sa demande le pape Benoît Xll fonda à
Grenoble en l'an 1339; le dauphin l'organisa, autant qu'il
le put, sur le modèle de l'Université de Naples, qui était
alors un foyer de haute culture ; aux élèves qu'il s'efforçait
d'y attirer, il promit de nombreux privilèges. Il alla même
jusqu'à interdire l'établissement de forges dans les environs
de Grenoble, parce qu'il voulait maintenir à bas prix le
bois de chauffage nécessaire aux étudiants; il savait, comme
le dit le vieil historien dauphinois Ghorier, que le froid est
l'ennemi des fonctions de l'esprit. Grenoble était alors trop
éloignée des grandes voies de communication et présentait
592 LE DAUPHIN HUMBERT II
des ressources trop médiocres pour que l'Université fût
viable. Création factice du dauphin, elle disparut à la fin
de son règne.
Ainsi, dans le gouvernement intérieur de son petit Etat,
Humbert II se comporte comme eût pu le faire un puissant
monarque. Dans la direction de sa politique extérieure, il
commet la même méprise, tant il est désireux de s'immis-
cer dans les grandes affaires et de jouer un premier rôle
sur le théâtre de l'Europe.
Dès son avènement, il affecte de prendre dans le
rovaume d'Arles une attitude nettement hostile à la
France, telle qu'on pouvait l'attendre d'un prince qui sem-
blait tout dévoué aux Angevins de Naples. Pour s'assurer
la liberté d'agir à sa guise contre les Valois, il termine par
un traité les querelles qui, depuis si longtemps, divisaient
le Dauphiné et la Savoie. Alors il se croit en mesure de
protester contre les anticipations commises par le roi de
France, Philippe VI, qui vient de s'établir fortement à
Sainte-Colombe, en face de Vienne, sur la rive droite du
Rhône, d'où il commande le passage du fleuve. Le dau-
phin a si bien réussi à se donner la réputation d'un adver-
saire déterminé de la France qu'au printemps de 1335, le
chef de l'Empire, Louis de Bavière, désireux de faire pièce
à Philippe de Valois en créant un roi d'Arles et de Vienne,
ne croit pas pouvoir mieux faire que d'offrir cette cou-
ronne à Humbert, qui d'ailleurs est son proche parent.
J'imagine qu'en dépit de son affection pour le roi Robert,
le dauphin dut être vivement tenté d'accepter cette offre,
qui flattait ses aspirations fastueuses et romanesques. Mais
il eût fallu pour cela s'exposer à un grave conflit avec la
France; en outre, c'eût été prendre ouvertement le parti
de Louis de Bavière, depuis longtemps excommunié par le
LE DAUPHIN HUMBERT II S93
Pontife romain, et encourir du même coup les plus graves
des censures ecclésiastiques. Au dernier moment, Ilumbert
écouta les conseils de la prudence, écarta de ses lèvres la
coupe enchanteresse et se résigna à conduire sa barque
dans le sillage de la politique française. Il ne devait pas
l'y maintenir longtemps. Aux manifestations publiques du
bon accord avec la France succéda une période équivoque,
au terme de laquelle le dauphin parut revenir pour quelque
temps à ses anciens projets. En 1337, il s'efforce de s'éta-
blir à Vienne au mépris des droits de l'Église; il y montre
d'autant plus d'ardeur qu'il s'agit, pour lui, de s'emparer de
la capitale de son futur royaume. Pendant quelque temps,
on peut croire qu'il a réussi à s'en rendre' maître ; aussi,
en 1338, le roi d'Angleterre Edouard III qui mène le chœur
des ennemis de la France, propose de nouveau à Louis de
Bavière l'érection du royaume de Vienne en faveur du dau-
phin. Encore une fois un froncement de sourcil du roi de
France changea les intentions de Humbert II et fit rentrer
le royaume de Vienne dans le domaine des chimères.
Au cours de ces négociations, Humbert avait compris
l'importance du rôle que Louis de Bavière pouvait jouer en
Europe; il avait senti en même temps que le chef de
l'Empire ne serait pour lui un appui efficace qu'autant que
Louis aurait conclu la paix avec l'Église romaine et exer-
cerait ainsi un pouvoir incontesté. Du coup, le voilà féru
du désir d'être l'instrument du rétablissement de la con-
corde en réconciliant le Bavarois avec le Saint-Siège. En
cette même année 1338, le dauphin séjourne a Avignon
où, muni des pouvoirs de Louis de Bavière, il s'efforce de
trouver les bases d'un accord entre ce prince et la Papauté.
Le dessein était de grande envergure; mais, pour diverses
raisons, la réalisation en était impossible. D'ailleurs, il
contrariait a ce moment la politique française, et Philippe
de Valois veillait. Humbert, obligé de battre en retraite
sur ce terrain, ne reprit son projet qu'en 1343, à une
594 LE DAUPHIN HUMBERT II
époque où Louis n'était plus en opposition directe avec la
cour de Paris. Le dauphin fut alors l'un des ambassadeurs
chargés par l'empereur de solliciter sa réconciliation avec
le pape Clément VI. A cette occasion, il fît un long- séjour
à Avignon où, chose dont il fut sûrement ravi, il se trouva
mêlé aux négociations les plus complexes, qu'il poursuivit
avec ténacité, sinon avec bonheur. Après deux ans, il
n'avait pas perdu tout espoir : le 15 janvier 1345, il écrivait
au Pape pour lui demander l'autorisation de se rendre en
personne auprès de Louis de Bavière, afin de tenter un
suprême effort. Dans sa présomption naïve, il se flattait de
prendre assez d'influence sur son cousin pour l'amener à
résipiscence. Clément VI semble s'être peu soucié de con-
fier une telle mission au dauphin, qui dut renoncer à son
projet, sans se départir de sa vieille affection pour Louis.
En dépit de ces échecs, l'esprit inquiet du dauphin ne
demeurait pas en repos. Au commencement de l'année
1345, alors qu'il semblait tout occupé du Bavarois, il son-
geait à s'associer à Louis d'Espagne pour la conquête des
Iles Fortunées. Quelques mois plus tard, il se laisse tenter
par un autre dessein, non moins aventureux. Jusqu'alors
Humbert s'était tenu éloigné des champs de bataille; une
lettre bien connue de Pétrarque le lui avait reproché dure-
ment. Or le pape Clément VI et ses alliés organisaient à
cette époque une croisade contre les émirs turcs de l'Asie
Mineure. Humbert crut peut-être imposer silence à ses
détracteurs en offrant au Saint-Siège, en hommes et en
argent, un concours qui dépassait ses forces ; au moins
réussit-il à se faire accepter comme chef de l'expédition,
en dépit des répugnances du Pape et de ses conseillers. Le
26 mai 1345, jour de la Fête-Dieu, fut pour le dauphin un
beau jour : proclamé solennellement capitaine général du
Siège apostolique et commandant de l'armée chrétienne
(c'était un titre que jadis le roi de France avait brigué), il
reçut du Pontife suprême l'étendard de l'Eglise romaine
LE DAUPHIN EUMBERT II ."l'.l.'i
qu'il fit porter en grande pompe à côté du sien à travers
les rues d'Avignon. Ce beau jour fut sans lendemain. A la
vérité, Humbert partit pour l'Orient, accompagné de la dau-
phine et d'une suite nombreuse; mais son rôle militaire se
borna à un combat sans importance qu'il livra devant
Smyrne. Suivant son habitude, il préféra aux armes la
diplomatie dans laquelle il se croyait passé maître ; il négo-
cia avec les Vénitiens, avec les Grecs, avec les Catalans,
avec les Turcs eux-mêmes; par ce moyen il comptait pré-
parer la ruine des infidèles en même temps que la réunion
des Grecs à l'Eglise latine et résoudre ainsi la question
d'Orient, dont, sans doute, il estimait la solution urgente.
Il ne réussit qu'à se brouiller avec les Génois, qui pillèrent
ses navires; découragé, il revint avant le temps, pleurant
sa fidèle compagne, Marie de Baux, que la maladie lui
avait enlevée à Rhodes, et ne rapportant ni gloire ni profit
d'un séjour de dix-huit mois en Orient.
Il rentre dans ses Etats, et tout de suite il est séduit
par une nouvelle entreprise. Deux ans plus tôt, des événe-
ments graves s'étaient passés dans le royaume de Naples.
Le jeune André de Hongrie, à la veille du jour où il devait
ceindre la couronne, en même temps que Jeanne, son
épouse, était tombé sous les coups des assassins. Qui avait
armé leurs bras, c'est là un de ces procès qui se débattent
encore au tribunal de l'histoire. Au moins mille bruits
fâcheux couraient à la honte de Jeanne, et aussi de ses
cousins de Duras et de Tarente, auxquels la fortune du
prince hongrois avait toujours porté ombrage. Or le dau-
phin avait partie liée avec ses parents de Hongrie, auxquels
il avait récemment encore prouvé sa sympathie en se fai-
sant leur porte-parole à Avignon, dans les pourparlers aux-
quels avait donné lieu le projet de couronnement d'André;
il avait même songé à faire de ce jeune prince son propre
héritier. La nouvelle de sa mort l'avait surpris en Italie,
au moment où lui-même se disposait à s'embarquer pour
396 LE DAUPHIN IHMRERT II
l'Orient; il en fut tellement bouleversé que, sans l'insis-
tance du Pape, il eût immédiatement abandonné ses pro-
jets de croisade. Aussi, dès son retour, dans la querelle
qui divise les maisons royales de Hongrie et de Naples,
c'est le parti de Hongrie qu'il prend sans hésiter. Il s'offre
pour recueillir et garder le jeune Charles-Martel, enfant en
bas âge de Jeanne et d'André, qu'il estime imprudent de
laisser aux mains d'une mère indigne ; tandis que le roi
Louis de Hongrie menace Jeanne dans la possession de son
royaume italien, lui-même annonce l'intention de l'attaquer
dans son héritage de Provence. Ainsi il intervient encore
dans la grande politique, cette fois comme paladin, ven-
geur du crime et protecteur de l'innocence. Ni le Pape,
suzerain de Jeanne, ni le roi de France, son plus puissant
voisin, ne pouvaient s'accommoder de ces projets. A l'ins-
tigation de Philippe de Valois, Clément VI appela le dau-
phin à Avignon; s'il ne put le convaincre de l'innocence
de sa cousine Jeanne, au moins c'en fut fait de l expédition
de Provence.
VI
Quinze ans s'étaient écoulés depuis que le dauphin avait
pris possession de ses Etats. Sa folle conduite lui avait
valu une suite non interrompue de déboires ; son faste
royal, ses créations inconsidérées, ses largesses exorbitantes,
les chimères de sa politique avaient épuisé toutes ses res-
sources. Depuis longtemps, il en était réduit à recourir,
pour apaiser ses créanciers, aux expédients familiers aux
débiteurs qui se ruinent. Ce n'était pas seulement à l'Eglise
et aux princes qu'il empruntait de l'argent, mais aux ban-
quiers florentins ou à de modestes capitalistes, tel ce bour-
geois de Grenoble auquel, dès le début de son règne, il
avait engagé un manteau de prix ou ce boutiquier d'Avi-
gnon auquel, plus tard, il avait hypothéqué une de ses baron-
LE DAUPHIN HUMBÊRT II 597
nies. Pour lui, la question d'argent n'existait pas; dès qu'il
avait une somme à sa disposition, il la dépensait ou la
donnait; en deux mois, raconte son secrétaire Pilât, on vit
fondre dans ses mains la somme, considérable pour le
temps, de iOOOO florins. « Sachez, lui écrit pendant la croi-
sade son représentant, l'archevêque de Lyon Henri de
Villars, que dès que j'ai réussi à me procurer quelque
argent pour vous l'envoyer, tous s'adressent à moi en
criant : Payez-nous, payez-nous, parce que Monseigneur le
veut. Vous ne devez pas nous enlever ce que Monseigneur
nous a donné. » Et le malheureux régent décrit la mélan-
colie profonde et le trouble indicible (j'emploie ses expres-
sions) où le jette la pénurie du trésor de son maître. Il en
devait être ainsi jusqu'aux derniers jours du règne du
dauphin : la-dessus Humbert était incorrigible.
Ajoutez à cela que depuis la mort de son unique enfant,
survenue en 1835, le dauphin, en proie à des accès pério-
diques de découragement, était de temps en temps pris du
désir de vendre ses Etats ; c'était un moyen de mettre un
terme, du même coup, aux déboires de sa vie politique et
aux clameurs de ses créanciers. Dès 1337, il les avait
offerts au roi Robert de Naples, qui n'avait pas voulu y
mettre le prix. Plus tard, en 1338, il essaya, mais en vain,
d'en céder la suzeraineté à l'Eglise romaine ; d'abord favo-
rable à cette proposition, Benoît XII finit par la rejeter,
la trouvant trop onéreuse, En réalité, il n'y avait pour le
Dauphiné qu'un acquéreur possible, le roi de France.
Depuis longtemps Philippe de Valois avait l'œil ouvert sur
cette proie, qu'il était fermement décidé à ne laisser tom-
ber aux mains de qui que ce fût. Il y mit le temps, il y
mit l'argent; même à l'époque de Crécy et de Calais, sa
diplomatie ne montra aucune défaillance et, quand l'incons-
tant Humbert, au cours d'une négociation qui dura six
ans, tenta de se ressaisir, elle sut lui barrer inflexiblement
les routes par lesquelles il essayait de s'évader. Je n'ai
598 LE DAUPHIN HUMBERT II
point à raconter ici cette négociation (la chose a été faite '
et bien faite), ni à analyser les divers traités qui s'éche-
lonnent de 1343 à 1349. À cette date, le dauphin, déçu a
deux reprises par l'échec de projets matrimoniaux dont la
réalisation eût pu lui rendre sa liberté vis-à-vis de la
France (il n'était alors engagé à lui céder ses droits que
s'il mourait sans laisser d'enfants légitimes), dut se rési-
gner à sa destinée. C'est le 31 mars 1349 que fut conclu
définitivement l'arrangement par lequel le Dauphiné fut
transféré au fils aîné du roi de France.
Quand il eut réglé le sort de ses Etats, dont, il faut le
reconnaître, il essaya autant qu'il le pouvait de sauve-
garder l'autonomie, le dauphin dut s'occuper de son propre
sort. C'est alors que sur le conseil d'un saint homme,
ancien prieur de la Grande-Chartreuse, Jean Birel, il entra
dans l'ordre des Dominicains, pour lesquels il avait tou-
jours professé une particulière estime. Mais le calme et
l'obscurité de la vie religieuse ne pouvaient lui convenir;
il ne s'en accommoda pas longtemps. Il lui fallait pour
satisfaire ses aspirations les plus hautes dignités ecclé-
siastiques. Les trois ordres du sous-diaconat, du diaconat
et de la prêtrise lui furent conférés par le pape Clé-
ment VI dans les intervalles des trois messes de Noël
de l'année 1350. Quelques jours plus tard, il était promu
à l'épiscopat et recevait le titre retentissant de patriarche
d'Alexandrie, auquel il joignait en 1352 les fonctions
opulentes d'administrateur de l'archevêché de Reims;
avec l'agrément du roi Jean, il se proposait de les échan-
ger contre le gouvernement du diocèse de Paris. Dans
ses rêves, il avait entrevu jadis la couronne royale; peut-
être maintenant croit-il entendre une voie mystérieuse
qui lui dit : Tu seras Pape. Quelles qu'aient été les chi-
I. Voir J.-J. GuillVey, Histoire de la réunion du Dauphiné à (a France
(Paris, 1868 . et un chapitre du tome I" de l'ouvrage de M. R. Delachenal,
Histoire de Charles V.
LE DAUPHIN HUMBERT 11 599
mères dont il se berça, la mort vint brutalement y mettre
un terme. Il avait quarante-trois ans quand il succomba,
le 22 mai 4355. Son corps fut inhumé dans l'église des
Dominicains de la rue Saint-Jacques, en face du tombeau
de sa tante, la reine de France Clémence de Hongrie, dont
il avait été le favori et l'héritier. L'histoire le connaît
surtout par ses fautes; mais nous aurions mauvaise grâce
à le juger trop sévèrement, puisque la conséquence de ses
erreurs fut l'union étroite du Dauphiné à la patrie fran-
çaise.
600
NOTICE
SUR LA VIE ET LES TRAVAUX
DE
JOSEPH-BON DACIER
PAR
M. GEORGES PERROT
SECRÉTAIRE l'ERrÉTrEI, f)E i/aCADEMIE
Mes chkrs confrères,
Plus on vieillit et plus on se complaît — je vous parle
d'après ma propre expérience — à revivre, par le souvenir,
tout son passé, les joies de sa jeunesse et aussi les cha-
grins auxquels on n'a pas pu échapper, par le fait qu'on a
longtemps vécu. C'est au jeu de cette évocation que notre
pensée s'attache, pendant les heures de loisir que nous
laissent les occupations de la journée, et aussi pendant les
heures de la nuit, où le sommeil ne vient plus aussi vite
qu'autrefois et est souvent interrompu. Par le travail de la
mémoire, qui s'applique et s'acharne à remonter ainsi le
cours des ans, nous relevons les traces que nous avons
laissées dans tous les chemins que nous avons suivis. Nous
NOTICE SUK JOSEPH-BON DACIER 601
reprenons conscience des forces natives on acquises qui
nous ont aidés à nous tirer sans trop de dommage des
épreuves que nous avons subies. Nous ressaisissons et nous
refaisons ainsi l'unité de notre vie.
Je ne sais si je me trompe ; mais il me semble que,
comme les individus, les compagnies du genre de la nôtre
doivent éprouver quelque chose de ce sentiment, lors-
qu'elles prennent de l'âge. Elles ne peuvent alors, elles
aussi, que trouver plaisir à regarder en arriére, à se remé-
morer ce qu'elles pourraient appeler leur enfance et leur
adolescence, à comparer la modestie de leurs débuts aux
brillantes réalités du présent. Entre ce présent et les heures
lointaines du premier effort, notre Compagnie a traversé
des crises qui ont interrompu ses travaux, qui ont paru
parfois la menacer de mort. Ces crises, elle en est sortie
mieux définie et mieux constituée que par le passé, pour-
vue de plus amples ressources et de moyens d'action plus
efficaces. Par la création de l'Institut, l'Académie des
inscriptions et belles-lettres est devenue un des membres
du grand corps qui s'imposa, dès sa naissance, au respect
et à l'admiration de l'Europe. Notre Compagnie dut à ce
nouveau régime un surcroît de prestige et d'autorité.
L'Etat, en même temps, la dotait plus richement que ne
l'avait fait sa fondatrice, l'ancienne monarchie. Bientôt
après, c'étaient de simples particuliers qui, par leurs legs
ou leurs donations, venaient l'aider à remplir sa tâche, de
patronne et de directrice des études d'érudition. D'année
en année, les fondations se multipliaient, de plus en plus
importantes, de plus en plus variées dans leur objet. Elles
permettaient à l'Académie de récompenser et d'encourager,
par les prix dont elle disposait, tous les efforts qui lui
paraissaient dignes d'intérêt. Elles lui fournissaient ainsi
l'occasion de donner aux travailleurs groupés autour d'elle,
par ses choix mêmes et par les rapports qui les justifiaient,
des leçons utiles de méthode et de critique.
602 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
Ce ne fut pas seulement par l'effet de ces libéralités
privées et de ces faveurs du pouvoir que grandit la situa-
tion et que se développa le rôle de notre Compagnie.
Mieux rentée que par le passé, l'Académie devint aussi,
après sa rénovation, plus riche en hommes, en érudits de
premier mérite. Avec la royauté étaient tombées toutes les
barrières qui, avant 1789, avaient pu gêner les démarches
de la recherche scientifique. La Bastille était démolie. On
ne risquait plus d'en prendre le chemin quand on s'avisait
d'étudier sur les textes les origines nationales. C'était ce
que Fréret avait fait en 1728 et il avait passé quatre mois
en prison pour avoir découvert et prouvé que le fondateur
traditionnel de la monarchie française n'était qu'un chef de
bande qui louait à l'un des derniers généraux de l'empire
romain les services de ses soldats barbares. Même sur le
terrain de l'histoire du christianisme et de l'Eglise, la cri-
tique était désormais à l'aise, tant que ses affirmations et
ses doutes ne se produisaient que dans l'enceinte fermée
des compagnies savantes, avec la publicité discrète des
mémoires académiques.
Dans ces conditions nouvelles de pleine et entière liberté,
grâce à l'ère de paix qui succéda aux guerres de Napoléon,
nombre d'esprits éminents se consacrèrent, avec une vraie
passion, aux études historiques. Avant tout, on voulait
savoir comment était née, comment avait grandi, comment
s'était transformée cette France qui venait de faire si
grande figure sur la scène et qui, rassasiée de gloire, tra-
vaillait à se donner un gouvernement d'opinion, un gou-
vernement libre. Vous savez tous, mes chers confrères, les
noms de ceux de vos devanciers qui ont le plus efficace-
ment contribué k renouveler et à préciser l'idée que nous
devons nous faire des institutions de l'ancienne France, à
nous offrir, en une suite de tableaux d'un ferme dessin et
d'une chaude couleur, une fidèle image de ce que fut. k
différentes époques, la vie longue, brillante et variée de la
NOTICE SUR JOSEPH-BON DAC1EH 603
nation française ; mais les générations chez qui s'étaient
éveillées les ardeurs de la sainte curiosité ne se canton-
nèrent pas dans ce domaine. Elles se partagèrent le travail
et elles entreprirent une vaste enquête sur tout le passé de
l'humanité. On s'appliqua d'abord à mieux connaître que
jusqu'alors on ne l'avait fait ce monde gréco-romain
auquel les sociétés modernes se rattachaient par tant de
liens. On étudia de plus près et avec une sagacité plus
avertie les langues et les lettres classiques. De l'œuvre des
écrivains de l'antiquité, il ne nous est arrivé qu'une bien
faible partie. Tous d'ailleurs, ceux mêmes qui ont le mieux
compris la tâche de l'historien, n'ont rien à nous dire sur
bien des sujets qui nous intéressent. Ce silence, on apprit
à y suppléer au moyen de documents dont, jusqu'alors, on
n'avait pas tiré parti, à l'aide des textes lapidaires et des
monuments figurés. Grâce à ce complément d'informations,
bien des faits nous ont été révélés que n avaient pu même
soupçonner les plus doctes humanistes de la Renaissance.
D'autre part, mieux connues et mieux interprétées, les
créations de l'art des grands peuples riverains de la Médi-
terranée nous ont livré le secret de pensées, de croyances
et de sentiments que nous ne trouvions pas exprimés avec
la même force et la même clarté dans ce qui nous reste
de la littérature grecque et de la littérature latine.
On ne s'en tint pas là. Une recherche en appelle une
autre. On désira se rendre compte de ce qu'il y avait der-
rière cette Grèce dont les sages se laissaient traiter d'en-
fants par les prêtres de Sais. Le mystère des écritures
complexes de l'Egypte ne résista point à la sagacité d'un
savant de génie et, de cartouche en cartouche, on put réta-
blir la suite des dynasties et des rois de l'Egypte, puis, à
l'aide des inscriptions qu'ils avaient gravées sur les parois
de leurs obélisques, de leurs pylônes et de leurs temples,
écrire leur histoire, une histoire qui dilfère très fort de
celle que les Hécalée et les Hérodote avaient écrite sous la
604 NOTICE SUR JOSEPH-BON DAC1ER
dictée des drogmans qui les promenaient dans les bazars
de Memphis et qui leur en montraient les édifices. Par
delà l'Egypte, il y avait la Chaldée et l'Assyrie, qui
s'étaient, bien plus encore que l'Egypte, dérobées à la
curiosité des Grecs, derrière la ceinture de déserts qui
sépare le val de l'Euphrate du littoral de la Méditerranée.
Par un court récit d'Hérodote, par les contes de Gtésias et
par quelques pages de la Bible hébraïque, on n'avait qu'une
très vague idée de la puissance militaire des grands empires
de l'Asie antérieure et des caractères originaux de leur
civilisation. Il ne semblait pas que l'on pût concevoir l'es-
pérance de jamais déchiffrer ces inscriptions étranges dont
quelques échantillons avaient été rapportés en Europe, ces
longues lignes de têtes de clou que le poinçon des scribes
de Babylone et de Ninive avait incisées dans l'argile.
Quant au dernier venu des grands empires orientaux, à
celui des Aehéménides, on le connaissait moins mal. Dès
le VIe siècle avant notre ère, par les conquêtes de Cyrus,
poussées jusqu'à la côte de l'Ionie, la Perse avait noué
avec la Grèce des relations qui ne cessèrent jamais jusqu'à
1 expédition d'Alexandre; mais, là encore, tout ce que l'on
savait de ces princes et de cette nation, de leur religion et
de leurs mœurs, c'était ce que les Grecs en avaient saisi,
au hasard de contacts passagers, que la guerre venait cons-
tamment interrompre. Voyageurs ou commerçants, soldats
mercenaires ou médecins au service du grand roi, ces Grecs
transplantés à Persépolis et à Suse ne voyaient que la sur-
face. S'ils ont suivi avec intérêt, s'ils ont raconté avec
force détails les intrigues de la cour et les drames du
harem, ils n'ont pas eu le loisir ou le goût de chercher
dans les croyances de ce peuple la raison d'être d'usages
et la source de vertus qui étonnaient l'observateur étranger.
La difficulté même des problèmes à résoudre irrita la
curiosité ; elle provoqua des efforts qui finirent par triom-
pher de tous les obstacles. Il y avait là comme un défi
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER G03
porté à la science moderne ; elle tint à honneur de le rele-
ver. Après les hiéroglyphes, on déchiffra les écritures
cunéiformes, les plus compliquées comme les plus simples,
celle qui relate les hauts faits d'un Hammourabi ou d'un
Sargon comme celle où, dans une langue apparentée
aux idiomes de la Grèce et de Home, un Darius ou un
Artaxerxès énumère les peuples qui lui sont soumis et
invoque les divins protecteurs qui lui ont donné la victoire.
On lut les noms d'Ormuzd et de Mithra sur les murs des
palais de Persépolis et des tombes rupestres de Pasargade.
Bientôt après, on retrouvait ces dieux, présentés comme
les fondateurs de la loi morale et les dispensateurs de tous
les biens, dans YAvesta, ce code religieux dont le premier
exemplaire avait été rapporté en Europe par un Français,
Anquetil-Duperron, et dont la première traduction authen-
tique fut donnée par un autre Français, Eugène Burnouf.
Enfin, dans un bien autre éloignement, on apercevait
l'Inde, que les Grecs n'avaient fait qu'entrevoir un moment
à l'extrême limite de leur horizon, dans le fugitif éclair de
la conquête macédonienne, et l'on découvrait là toute une
grande littérature théologique et profane, les hymnes des
Védas, des épopées plus longues que celles d'Homère, des
drames d'une fantaisie charmante, une philosophie subtile,
tout un monde de fictions et de pensées. C'était ensuite,
à L'arrière-plan, l'Inde bouddhiste que l'on rencontrait,
comme un prolongement de l'Inde brahmanique, et, avec
le bouddhisme, on arrivait à la Chine. Celle-ci proposait
a 1 intelligence et à la critique du savant une des tâches
les plus malaisées qu'elles eussent eu jamais à aborder. Il
leur fallait commencer par triompher des difficultés d'une
écriture et d'une langue qui diffèrent si fort des nôtres. Il
leur fallait surtout redoubler de souplesse et de ûnesse
pour réussir à comprendre et à décrire une société qui,
pendant de longs siècles, a dû sa prospérité à des croyances
et à une organisation qui ressemblent si peu à tout ce
lï<12. il)
G06 NOTICE SLR JOSEPH-BON DACIER
que l'historien avait appris à connaître par l'étude de la
vie des nations de l'Occident.
Tout ce mouvement de recherches patientes et sugges-
tives, d'études diverses et fécondes, c'est notre Académie
qui, pendant tout le dernier siècle, en a pris l'initiative et
gardé la direction. Aidée, dans ses enquêtes et dans ses
entreprises, par toute une foule de travailleurs modestes et
laborieux, qu'elle instruisait par ses exemples et ses con-
seils, elle a, d'une part, poussé plus loin les découvertes
sur les chemins que ses devanciers avaient déjà frayés,
sous l'ancien régime, et, d'autre part, elle a ouvert des voies
nouvelles, où elle a marché, où elle marche encore avec
une décision hardie, d'un pas allègre, d'un pas de conqué-
rante.
Convié, par la fonction même que votre bienveillance
m'a confiée, à embrasser du regard la carrière que l'Aca-
démie a parcourue depuis sa naissance, je vous demande
la permission d'évoquer devant vous la figure d'un de
mes prédécesseurs, Joseph-Bon Dacier, qui, en deux fois,
a occupé pendant quarante et un ans la charge dont je
suis aujourd'hui investi. S'il est un peu oublié aujour-
d'hui, c'est que, malgré le brillant de ses débuts et ses
rares qualités d'esprit, il a été, dans la force de l'âge,
arraché à ses études par les grands événements politiques
auxquels il s'est trouvé mêlé, puis que, plus tard, le meil-
leur de son temps a été pris par des devoirs qui étaient
alors beaucoup plus lourds qu'ils ne le sont maintenant.
Il n'a donc pas eu l'honneur d'attacher son nom à l'une de
ces découvertes scientifiques qui mettent un homme hors
rang, ni d'écrire un de ces livres qui marquent une date
dans l'histoire de l'érudition : mais il n'en a pas moins le
mérite d'avoir, avant la Révolution, beaucoup contribué,
par son ouverture d'esprit et par ses avis très écoutés, à
élargir le programme des recherches et des travaux de
L'Académie. Au lendemain de la crise où les Académies
NOTICE SUR JOSEPH-BON D ACIER 607
avaient sombré avec les autres institutions de la monarchie,
il a présidé à la renaissance de la Compagnie, qui, sous le
titre de Classe d'histoire et de littérature ancienne, réap-
paraissait et avait sa place marquée dans l'Institut réorga-
nisé, en 1803, par Bonaparte premier consul.
Dépositaire des traditions plus que séculaires du corps
illustre auquel il avait appartenu dès sa jeunesse, Dacier
sut alors, avec beaucoup de dextérité, les adapter à des
conditions nouvelles et à des besoins nouveaux. Lors-
qu'intervint l'ordonnance royale de 181 G qui, sans toucher
à l'unité de l'Institut, rendait aux différents collèges qu'il
comprend leurs appellations d'autrefois, l'Académie des
inscriptions et belles-lettres n'avait plus, pour renouer la
chaîne des temps, qu'à retrouver le nom qu'elle avait si fort
honoré. Grâce surtout à Dacier, à son activité bien réglée
et à l'autorité que lui reconnaissait la déférence de ses
confrères, elle avait repris déjà, sous un autre titre, le
cours et le train de sa vie normale, de celle dont lui avaient
donné l'habitude les Secousse, les Mabillon et les Mont-
faucon, les Fréret, les Caylus et les Barthélémy . Ne devons-
nous pas quelque reconnaissance et l'hommage au moins
d'un souvenir à cet aïeul dont la vie académique se par-
tage ainsi entre deux siècles et qui a joué, avec tant de
tact et de dignité, le rôle d'intermédiaire entre nos lointains
ancêtres et les hommes de science et de bonne volonté
qui, dans la France issue de la Révolution, se sont consa-
crés à poursuivre, en lui donnant plus d'étendue et de por-
tée, l'œuvre d'obstiné labeur et d'investigation scientiiique
dont les méthodes avaient été pressenties par nos devan-
ciers et quelquefois esquissées par eux avec une merveil-
leuse divination des progrès de l'avenir ' ?
1. Pour l'histoire de l'ancienne Académie, pour la place qu'y tint cl le
rôle qu'y joua Dacier, voir Alfred Maury, Les Académies d'autrefois.
L'ancienne Académie des inscriptions el belles-lettres (Paris, Didier. 1864,
iu-v .
608 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
II
Dacier naquit à Valognes, en 1743. Il vint jeune à Paris
et y fut tout d'abord introduit dans la meilleure société.
Il fréquenta beaucoup les salons. Il était des intimes de
l'hôtel de La Rochefoucauld et du Palais Royal. Ce fut là
qu'il acquit cette aisance et ces manières du grand monde
que lui prêtent tous ses biographes. En 1772, il entrait
à l'Académie des inscriptions, et, en 1782, il y succédait,
comme secrétaire perpétuel, à Dupuy. Quand il fut chargé
de gérer les affaires de l'Académie, il mit à profit, pour
servir ses intérêts, les relations qu'il entretenait avec les
puissants du jour. Ce fut à son intervention que l'Acadé-
mie dut le règlement du 22 décembre 1786, cet acte qui,
pour ce qui nous concerne, fut comme le testament de
l'ancien régime, la dernière marque de sollicitude qu'il
ait donnée à l'institution qu'il avait fondée.
Ce règlement assurait à la Compagnie certains avan-
tages matériels qui n'étaient pas à dédaigner, tels que
l'augmentation du nombre des pensionnaires, c'est-à-dire
Pour l'organisation de l'Institut, sous sa première forme, et pour sa
réorganisation par le Premier Consul en 1803, sur la façon dont, après ce
remaniement, l'Académie des inscriptions reprit sa vie interrompue, treize
ans avant de retrouver son nom, voir, dans la collection intitulée Les
grandes institutions de France, les deux volumes qui ont pour titre L'In-
stitut de France, par Gaston Boissier, Gaston Darboux. Georges Perrot,
Georges Picot, Henry Roujon, secrétaires perpétuels, et Alfred Franklin,
administrateur honoraire de la Bibliothèque Mazarine (Paris, H. Laurens,
1907, 2 vol.in-8").
Il a été donné de cet ouvrage, par les soins de M. André Marty, en 1909,
une édition illustrée, en deux volumes in-folio, qui contient d'admirables
reproductions d'anciennes estampes, en grand nombre, et aussi de belles
héliogravures d'après des photographies prises à l'intérieur et à l'extérieur
des bâtiments. Nombre de pièces originales y sont reproduites en fac-
similé. C'est un très beau livre, destiné aux riches bibliothèques d'ama-
teurs. Dacier n'a pas été compris parmi les personnages dont l'effigie est
reproduite là.
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER 009
dos académiciens à plein titre qui touchaient une pension,
la création d'une classe d'académiciens libres, et l'accrois-
sement du fonds des jetons de présence ; mais il avait
surtout le mérite de définir d'une manière plus large et
plus précise que dans les rédactions antérieures l'objet
des travaux de l'Académie. Il la conviait à l'étude des
langues, particulièrement des langues orientales et des
langues grecque et latine, ainsi qu'à celle des monu-
ments de toute espèce, médailles, inscriptions, qui concer-
nent l'histoire ancienne et l'histoire du moyen âge. 11
l'invitait à éclaircir les titres, diplômes et antiquités de
l'histoire de France et de l'histoire des autres nations,
principalement de celles dont les intérêts et les événe-
ments ont été mêlés avec ceux de la France. Il appelait
son attention sur la chronologie et la géographie, « les
deux bases de l'histoire », et sur l'étude des sciences,
arts et métiers des anciens, qui devaient être comparés
à ceux des modernes. « Aucun genre de littérature »,
était-il dit, « n'est étranger à l'Académie des belles -
lettres ; ainsi, à l'érudition qui rassemble les faits, elle
joindra la critique qui sait les choisir, les comparer et
les apprécier, et, à la critique qui discute les faits, elle
joindra celle qui entretient et épure le goût par l'examen
approfondi des meilleurs modèles. » Enfin des mesures
étaient prises et des crédits alloués pour la préparation
et l'impression des recueils que l'Académie se proposait
de publier. Aux Mémoires, dont plusieurs volumes avaient
déjà paru, Dacier avait entrepris d'ajouter un nouveau
recueil, dont il avait tracé le plan, tel, à peu de choses
près, que nous l'avons conservé jusqu'à nos jours. Toute
la différence, c'est que nous appelons Xotices et extraits
des manuscrits ce que Dacier avait intitulé Notices et
extraits de la Bibliothèque du roi.
Au moment où se réunit l'Assemblée constituante,
Dacier, par la situation qu'il occupait et par les opinions
610 .NOTICE SUR JOSEPH-BON DAC1ER
dont il ne faisait pas mystère, était un de ces personnages
en vue auxquels on songea tout d'abord pour remplir des
fonctions administratives et politiques au sein d'une
société qui aspirait à renouveler ses cadres. On le savait
très libre d'esprit et lié avec les publicistes dont les écrits
avaient préparé les changements qui s'accomplissaient.
L'élection le fit donc membre du conseil municipal de
Paris, de 1790 à 1792. Il était en même temps chargé de
diriger le service des contributions directes. Par le zèle
et la compétence dont il faisait preuve dans ce double
rôle, il avait conquis l'estime et la confiance du malheu-
reux roi. Celui-ci lui offrit le portefeuille des finances
dans un de ces ministères éphémères qui se succédèrent
entre le vote de la constitution et la journée du 10 août.
Dacier refusa ; mais il avait suffi de cette offre pour le com-
promettre aux yeux des violents. Afin d'échapper à une
arrestation qui l'aurait sans doute mené à l'échafaud, il
dut, après la chute de la royauté, quitter Paris et vivre
caché jusqu'à la fin du règne de la Terreur. Alors seu-
lement il reparut et, quelques années après, quand fut mise
en vigueur la Constitution de l'an YIII, la notoriété qu'il
avait acquise par son court passage aux affaires lui valut
d'être appelé à siéger dans le Tribunat. Il y prit souvent
la parole et il en fit partie jusqu'au jour où ce corps fut
supprimé. Il eût pu alors, dit-on, entrer au Sénat impé-
rial ; mais il préféra consacrer à ses fonctions académiques
tout ce qu'il gardait d'aptitude et de goût pour l'activité
pratique.
Dès 179o, Dacier avait été inscrit, dans la Classe des
sciences morales et politiques, sur la liste des membres de
l'Institut de France ; mais il ne retrouvait là, perdus parmi
des économistes et des philosophes, qu'un petit nombre
des confrères qu'il avait connus dans la savante compa-
gnie où il était entré vingt-trois ans plus tôt. La situation
fut tout autre, à partir du décret organique de 1803.
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIEB 611
Conviée, par le pouvoir même, à reprendre les travaux
par lesquels s'était honorée, sous l'ancien régime, l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, la Classe d'histoire
et de littérature ancienne était autorisée à se poser en héri-
tière légitime et en continuatrice de sa vénérable devan-
cière.
Les membres survivants de la Compagnie supprimée
en 1793 étaient venus, à quelques exceptions près, re-
prendre les places qu'ils occupaient dans les Académies
qui avaient été créées jadis par la royauté déchue. Dans
cette troisième classe à laquelle avait été attribué l'honneur
d'une lourde et glorieuse succession, ceux qui l'empor-
taient par le nombre et qui donnaient le ton, grâce à
leur âge et à leur autorité personnelle, c'étaient ces vété-
rans de l'érudition qui avaient conquis leurs grades avant
que se déchaînât la tempête qui venait de bouleverser la
société française. Le premier désir de ces exilés qui ren-
traient au loyer devait être de se rattacher à ce passé
qui leur rappelait des jours de travail paisible et fécond.
Ils ne pouvaient pas ne point être pressés de renouer la
tradition brusquement interrompue. Dès que la classe se
fut complétée par le mode de cooptation que le décret
avait institué, elle se hâta d'élire comme secrétaire per-
pétuel le dernier secrétaire de l'Académie d'autrefois,
Joseph-Bon Dacier, et cette élection fut aussitôt confir-
mée par un arrêté ministériel en date du 18 pluviôse
an XI (1803).
Inspirateur, sinon signataire, du règlement de 178G,
Dacier était tout à fait désigné pour présider, avec l'au-
torité que lui donnait la permanence de sa charge, aux
réunions et aux travaux de la Compagnie qui venait de
renaître en changeant de nom ; mais la situation avait
ses difficultés. Dans ce corps où les représentants de
l'ancienne Académie se rencontraient avec des hommes
nouveaux, il y avait bien des amours-propres à ménager,
C)I2 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
bien des causes de dissentiment à écarter. Tel membre de
la classe, tout en se félicitant d'y avoir trouvé pour sa
vieillesse un abri tranquille, Yotium cumdignitate, ne pou-
vait guère oublier que sa fortune avait été détruite et sa
vie menacée par la révolution. Tel autre avait servi cette
révolution. Il lui avait dû la notoriété qui l'avait poussé
aux premiers rangs. Entre confrères dont les origines
étaient si diverses, on pouvait craindre des froideurs
persistantes et, à l'occasion, des chocs pénibles.
Des incidents de ce genre étaient à redouter. C'est ce
dont témoigne l'article XI du règlement que la classe se
donna le 27 ventôse an XI, règlement qui fut aussitôt
approuvé par le ministre. Cet article est ainsi conçu :
« Les sciences morales et politiques, dans leur rapport
avec l'histoire, formant un des objets des travaux de la
classe, ceux des membres de celle-ci qui s'occuperont de
recherches relatives à ces' sciences éviteront, dans leurs
mémoires, toutes les discussions historiques, religieuses
ou politiques qui, par leur objet ou par la proximité des
temps, pourraient altérer l'harmonie qui doit régner entre
les membres de la classe. »
Mieux que les prescriptions du règlement, le tact de
Dacier et son aménité durent beaucoup contribuer à pré-
venir les froissements. Tous ses antécédents lui donnaient
qualité pour jouer entre ces éléments opposés le rôle d'un
médiateur adroit et discret. Par ses opinions philoso-
phiques, il appartenait au xvme siècle. Dans le court inter-
mède de sa vie publique, il s'était associé aux efforts qui
avaient été tentés, sous les auspices de l'Assemblée consti-
tuante, pour mettre fin aux abus de l'ancien régime; mais,
d'autre part, il s'était retiré du jeu avant qu'eût éclaté la
crise qui aboutit au supplice du roi. Il n'avait donc rien,
dans son passé, qui pût provoquer contre lui l'antipathie
dos plus passionnés mêmes de ses confrères. On peut juger
de la mesure qu'il gardait dans ses entretiens par celle
NOTICE STIli JOSEPH-BON DACFER 013
dont il sait ne point se départir dans ces Notices qu'un
article du règlement lui enjoignait d'écrire sur la vie et
les travaux des membres de la classe, à mesure que la
mort venait les frapper. La plupart de ceux dont il se fai-
sait ainsi le biographe avaient été plus ou moins mêlés
aux événements de la Révolution ou bien en avaient, le plus
souvent à leur grand dommage, subi le contre-coup. Les
misères subies, Dacier les raconte, non sans émotion,
mais sans invectives contre les persécuteurs, sans attaques
contre les personnes. La notice qu'il a consacrée à Dom
Poirier, un des bénédictins de la congrégation de Saint-
Maur, est, à cet égard, d'un très curieux et très vif intérêt.
Voici, tirée dune autre notice, une page qui peut don-
ner une juste idée de sa manière. Il s'y reporte aux der-
niers jours qu'a vécus, en 1792 et 1793, l'ancienne Aca-
démie, alors que, se sachant condamnée, elle attendait,
de mois en mois, le coup qui devait la frapper :
« L'Académie aurait autant aimé », dit-il, « que le
décret qui lui interdisait de pourvoir aux sièges vacants
eût ordonné sa dissolution subite. Il lui aurait épargné
beaucoup d'inquiétudes, d'angoisses et de dangers ; mais,
puisqu'il lui permettait de languir encore quelques instants,
elle ne crut pas devoir se dissoudre elle-même et résolut
de continuer ses exercices ordinaires, tant qu'il plairait
aux arbitres de ses destinées de lui laisser un reste de vie.
Elle passa dans cet état de dépérissement la fin de l'année
1792 et plus de la moitié de 1793, croyant, chaque jour
où elle se réunissait, que c'était pour la dernière fois, et
ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'au milieu des
agitations, des troubles, des désordres de ces temps cala-
miteux, ses assemblées furent toujours aussi nombreuses
que dans les jours de sa prospérité et de sa splendeur, qu'il
n'y en eut pas une seule qui ne fût remplie par la lecture
de quelque ouvrage digne de son attention et de son intérêt.
On eût dit que ses membres s'enfonçaient avec plus
614 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
d'ardeur que jamais dans les siècles passés, pour se dis-
traire du spectacle des maux et des crimes dont ils étaient
environnés. »
Le ton a de la noblesse. C'est celui d'une douleur sin-
cère, mais qui s'interdit les violences déclamatoires. L'im-
pression n'en dut être que plus vive, aussi bien chez ceux
des auditeurs qui avaient connu les affres de cette agonie
que chez leurs plus jeunes confrères, qui ne pouvaient pas
ne point être touchés par ces souvenirs, à la pensée des
dures épreuves par lesquelles avaient passé leurs aînés.
Fort de l'estime et de la confiance que lui témoignaient
ses confrères. Dacier prit une part active à toutes les déci-
sions qui élargissaient le champ où s'exerçait l'activité de
la Compagnie. Dès 1803, il lui avait fait remettre le soin
de continuer la collection des Ordonnances des rois de
France de la troisième race. En 1807, par une entente
conclue avec M. de Montalivet, ministre de l'intérieur, il
obtint que de nouveaux crédits fussent ouverts à la classe
pour l'exécution d'autres entreprises scientifiques qui
l'occuperaient utilement et dont elle tirerait grand hon-
neur. Il avait jadis fondé le recueil des Notices et extraits
des manuscrits. La classe était invitée à en recommencer
et à en poursuivre la publication. Elle se voyait aussi
chargée de reprendre, sur un nouveau plan, celle de cette
Histoire littéraire de la France que les Bénédictins avaient
conduite jusqu'à la fin du dernier tiers du xu° siècle. Enfin
elle était conviée à inaugurer un Recueil des historiens des
croisades, recueil dont notre Académie se prépare à donner
le dernier volume.
Tout en réglant ainsi, pour l'avenir, l'ordre des travaux
de la Compagnie, Dacier tenait exactement au courant
Y Histoire de la classe, un procès-verbal très développé, où
étaient insérés, avec les rapports de ses commissions, les
résultats de toutes ses élections et de tous ses choix,
toutes les décisions qu'elle avait prises. On y trouvait
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER 615
aussi résumées, comme le sont aujourd'hui dans nos
Comptes rendus, celles des communications verbales ou
écrites faites en séance qui n'aboutissaient pas à la rédac-
tion d'un mémoire. En même temps, il s'employait à liqui-
der la succession de l'ancienne Académie, à vider ses car-
tons. C'est de ceux-ci qu'il tira les dissertations qui rem-
plissent les tomes XL VII à L de la première série des
Mémoires, quatre volumes qui furent publiés en 1815. Ces
retardataires avaient, pendant toute la durée de l'Empire,
absorbé les crédits affectés à la publication. Ce fut seule-
ment de 181 5 à 1S18 que Dacier put faire paraître, sous la
rubrique Classe d'histoire et de littérature ancienne, les
mémoires qui avaient été lus dans les séances de cette
classe, de 1803 à 1816. Ils remplissent quatre volumes qui
forment la tète de la seconde série des Mémoires de notre
Compagnie.
La conscience avec laquelle Dacier remplissait ses fonc-
tions académiques n'épuisait pas son activité. Pendant ces
mêmes années du xix° siècle commençant, il ne se dévouait
pas avec une application moins soutenue aux intérêts de la
Bibliothèque nationale, que le gouvernement consulaire
s'était attaché à réorganiser, au moment où y affluaient
les manuscrits et les livres qui provenaient surtout de tant
d'abbayes supprimées. On n'avait pas mis à la tête de cet
établissement un chef unique. La Bibliothèque était alors
administrée et elle l'a été jusqu'au milieu du siècle par un
conservatoire ou comité dans lequel siégeaient les chefs des
différents départements. Dacier avait été nommé, en 1800,
conservateur des manuscrits. Durant vinert ans, il fut
porté chaque année, par le vote de ses collègues, à la pré-
sidence du comité. En fait, ce titre lui conférait les attri-
butions et l'autorité d'un directeur général. Ce fut seule-
ment en 1820 qu'il prit sa retraite, presque octogénaire.
Après sa mort, Letronne, alors président du conservatoire,
vint, au nom de la Bibliothèque, lui rendre hommage sur
6)6 .NOTICE SLR JOSEPH-BON DACIER
sa tombe. Il attesta que Dacier, pendant tout le temps où
il avait été en charge, s'était montré le promoteur intelli-
gent et zélé de toutes les mesures qui devaient avoir pour
effet d'enrichir les collections et d'en faciliter l'usage au
public.
III
Nous nous sommes contenté, jusqu'ici, d'esquisser la
biographie de Dacier ; nous avons défini les fonctions qu'il
a remplies, et nous avons expliqué, par la modération et
la finesse de son esprit comme par l'agrément de son com-
merce, l'influence qu'il a exercée sur tous ceux qui l'appro-
chaient, influence qu'il faisait tourner au profit des com-
pagnies ou des établissements qui avaient remis leurs inté-
rêts entre ses mains. De ses ouvrages, nous n'avons pas
encore dit un mot. C'est que ceux-ci. à vrai dire, sont de
second ordre. Il n'en est pas un que l'on ait aujourd'hui
l'occasion de consulter et de citer, comme on le fait encore
pour plus d'un mémoire de Fréret ou d'Anville, de Barthé-
lémy ou de Caylus. Il travaillait trop vite et il s'est trop
dispersé pour avoir creusé à fond aucune question.
Ses premiers travaux, ceux qui lui avaient valu le rare
honneur d'entrer à l'Académie dès l'âge de trente ans,
portaient sur la littérature grecque. Il avait débuté par
traduire et commenter les Histoires variées d'Elien et la
Cyropédie de Xénophon. Puis, patronné par Foncemagne
et par les frères Lacurne de Sainte-Palave, qui l'avaient
pris fort en gré, il s'était tourné vers le moyen âge fran-
çais. Il avait écrit des mémoires sur L'Ordre de l'Etoile,
institué par le roi Jean, sur La vie et la chronique d'En-
guerrand de Monstrelet, sur Jean Maillard et Etienne
Marcel, enfin sut l'Usage observé en France quand des rois
acquéraient des fiefs dans la mouvance de leurs sujets.
Plus tard, dans la seconde partie de sa vie, il revient à
NOTICE SLR JOSEPH-BON DACIER G17
l'antiquité. On lui attribuait, sans qu'il eût signé, la rédac-
tion d'une grande partie du texte de Y Iconographie
grecque, de Visconti. Dans le rapport qu'il présenta au
nom de la classe, en 1808, sur l'histoire de l'érudition
depuis 1789, Dacier parle d'une traduction des épigrammes
de l'anthologie grecque, traduction accompagnée de notes
grammaticales et critiques, qu'il aurait poussée très loin,
sans l'avoir encore fait imprimer. Elle n'a jamais vu le
jour.
Une fois seulement, dans le cours de sa longue carrière
d'érudit, Dacier s'était avisé d'un grand sujet, avait tracé
le plan d'une œuvre qui, si les circonstances lui avaient
permis de la conduire à bonne fin, lui aurait été un titre
durable à la reconnaissance de tous les Français qui s'in-
téressent à l'histoire de leur pays. Les recherches qu'il
avait entreprises sur le règne du roi Jean lui avaient donné
l'occasion de lire les Chroniques de Froissart. Il s'était
bien vite aperçu de tout ce que laissait à désirer le texte
des six éditions, toutes in-folio, qui avaient été données
de cet auteur entre 1500 et 1574. Il conçut donc le projet
de donner à ses contemporains une édition critique des
Chroniques, où le texte, établi sur les meilleurs manu-
scrits, serait accompagné de notes grammaticales et histo-
riques qui en faciliteraient la lecture.
Dacier commença par étudier les divers manuscrits de
Froissart que renfermait la Bibliothèque du roi. Puis il
profita des relations amicales qu'il entretenait avec des
personnes très haut placées pour faire venir à Paris, sous
le couvert du ministre, des manuscrits de plusieurs biblio-
thèques provinciales. Ceux mêmes qui se trouvaient à
l'étranger n'avaient pas échappé à sa curiosité. De maints
d'entre eux, il s'était procuré des copies partielles. Par
l'intermédiaire de d'Alembert, il avait obtenu du grand
Frédéric que lui fût expédié un manuscrit de Breslau
auquel on attribuait, à tort, comme il le reconnut, une
valeur exceptionnelle.
fil 8 NOTICE SUR JOSEPH-BON D ACIER
Ces recherches préparatoires marchèrent assez vite pour
que, dès 1778, Dacier se crût en droit de promettre « un
Froissart presque neuf, augmenté de plus d'un tiers, dans
lequel le nom des personnes et des lieux ainsi que les pas-
sages altérés seront rétablis, les lacunes remplies, les
leçons vicieuses remplacées par d'autres qui sont incontes-
tablement bonnes. Enfin, le style de l'auteur, défiguré dans
toutes les éditions, sera corrigé sur les manuscrits les
plus voisins du temps où il écrivait ».
Le travail avait été entrepris avec une ardeur toute
juvénile, mais l'exécution en fut retardée par les devoirs
que, depuis 1782, le secrétariat perpétuel imposait à
Dacier. Pourtant la copie du texte était entièrement ter-
minée. Les notes de la première partie des Chroniques
étaient entièrement rédigées. L'éditeur était en mesure de
livrer à l'impression l'introduction qui devait être placée
en tête du premier volume, ainsi que la description et
l'appréciation des nombreux manuscrits vus et compulsés,
ou de ceux sur lesquels Dacier avait pu se procurer des
renseignements exacts. Soixante-dix feuilles de ce volume
in-folio avaient déjà été tirées à l'Imprimerie royale. Elles
comprenaient l'introduction et aussi le texte du récit de
Froissart pour six années de la période dont il s'est fait
l'historien.
Pendant la Révolution, ces feuilles furent détruites, et
dispersés les manuscrits que Dacier avait réunis. Celui
qu'il regardait comme le meilleur de tous, et sur lequel
il comptait pour achever d'établir son texte, le manuscrit
de Saint-Vincent de Besançon, était parti pour la Russie.
Il paraissait s'y être perdu. La tourmente passée, Dacier,
vieilli, distrait d'ailleurs par d'autres soins, ne se sentit
plus la force de reconstruire patiemment l'édifice dont les
premiers étages étaient ainsi tombés en ruines ; mais
quand, vers 1820, Max Buchon entreprit de donner la pre-
mière édition critique des Chroniques, Dacier lui prêta le
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER 619
concours le plus libéral et le plus empressé. Non content
de le guider dans le choix des manuscrits à prendre pour
base de la récension, il lui communiqua les épreuves qu'il
avait gardées du texte jadis imprimé. Il lui livra tous ses
papiers, toutes les notes jadis imprimées pour la suite de
l'ouvrage. Beaucoup de ces notes ont été reproduites par
Buchon, et celui-ci proclame hautement, dans sa préface,
tout ce qu'il doit aux conseils de Dacier et aux matériaux
que celui-ci lui a fournis.
Dacier a donc bien mérité de Froissart ; mais c'était à
Siméou Luce qu'était réservé l'honneur de procurer, des
récits du charmant conteur, l'édition définitive, celle qui
fera désormais autorité '. Dacier avait donné l'exemple,
que Buchon avait suivi, de collationner les manuscrits.
Siméon Luce a, le premier, réussi à les classer, c'est-à-
dire à distinguer, dans les versions différentes qu'ils nous
offrent d'une même suite d'événements, les différentes
rédactions, inégalement développées et parfois contradic-
toires, dont les variantes s'expliquent par les incidents
mêmes de la vie du chroniqueur, par le souci qu'il a eu
d'accommoder son texte, dans les lectures qu'il en faisait,
ici ou là, aux sentiments et aux intérêts des divers princes
qui, l'un après l'autre, l'eurent pour hôte et pour client.
C'est ainsi que notre ancien confrère a conduit à son terme
1 d'uvre de cette intelligente et précieuse restauration d'un
grand monument historique, restauration qui avait été
commencée, un siècle plus tôt, par Dacier2.
I. Chroniques île Froissart, publiées par la Société de L'Histoire de
France, par Siméoil Luce. Il vol. in-8, t869-1899.
2. Les matériaux réunis par Dacier en vue de son édition de Froissart,
ceux qui ont été utilisés par Buchon, sont conservés à la Bibliothèque
nationale (manuscrits français 6840-6845 . Le dernier de ces cinq volumes
contient les 63'J premières pages de l'édition in-folio qui s'imprimait en
1788 à L'Imprimerie royale et dont toute la partie composée parait avoir
été mise au pilon. Dans le même dépôt et dans le même fonds, on trou-
vera, sous 1rs numéros 9458 à 9460, divers papiers historiques qui pro-
viennent aussi de Dacier. Le catalogue imprimé donne une analyse som-
maire des pièces contenues dans ces tiois volumes.
620 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
IV
Depuis qu'il était devenu le secrétaire perpétuel de la
troisième classe, Dacier ne reprit guère la plume que pour
porter la parole au nom du corps dont il était l'interprète
officiel. C'est ainsi que, sur les notes qui lui avaient été
fournies par ses confrères, il rédigea une partie, celle qui
concernait les études auxquelles présidait la troisième
classe, de ce Tableau général de Vétat des progrès des
sciences, des lettres et des arts depuis* 17 89 jusqu'en 1806,
qui avait été demandé par l'empereur à la collaboration
des différentes classes de l'Institut. A la fin de l'année
1807, la classe avait entendu et approuvé le rapport de
Dacier, qui porte pour titre : Tableau de l'érudition fran-
çaise ou rapport sur i histoire et la littérature ancienne
depuis 1789 '• Ce rapport fut présenté à l'empereur le 20
février 1808. Dacier était aussi le secrétaire de la commis-
sion interacadémique qui, de 1806 à 1814, s'occupa à com-
poser un recueil qui n'a été publié que tout récemment, par
les soins de notre confrère M. Babelon, Y Histoire métal-
lique de Napoléon le Grand, empereur et roi, préparée par
la classe d'histoire et de littérature ancienne de l'Institut
1. Les membres de la commission qui avait fourni à Dacier les maté-
riaux de son rapport étaient Ennio Quirino Visconti, pour la philologie
grecque et latine et pour les antiquités, Silvestre de Sacy, pour les langues
et la littérature orientales, De Sainte-Croix, pour l'histoire ancienne, Brial,
pour la diplomatique et l'histoire du moyen-âge, Lcvesque, pour l'histoire
moderne, Gosselin, pour la géographie ancienne, Pastoret, pour la légis-
lation, Degérando, pour la philosophie. Le rapport de Dacier forme le
tome XXII de la première série des Mémoires de la troisième classe de
l'Institut. Il a été réimprimé en 1802, en un volume in-8°, sous ce titre :
Tableau historique de l'érudition française, dans une collection entreprise
par l'éditeur Ducrocq, la Bibliothèque classique des célébrités contempo-
raines. Dans ce volume, il est accompagné d'un portrait lithographie de
Dacier, en costume d'académicien, et précédé par la notice que Silvestre
de Sacy avait consacrée à son prédécesseur dans le secrétariat perpétuel.
NOTICE SLR JOSEPH-BON DACIER 621
impérial; dessins de Ghaudet et de Lemot '. Entre temps,
Dacier continuait de suivre et de diriger les travaux de la
classe, qui redevint, en 1816, Y Académie des inscriptions et
belles-lettres. Il y représentait la tradition avec une auto-
rité que personne n'aurait songé à lui contester. Les précé-
dents lui étaient familiers. Fort des souvenirs qu'il avait
gardés, il aidait le président, à tenir les séances et à
résoudre les questions litigieuses. Il surveillait avec dili-
gence l'impression des divers recueils de la Compagnie, et
il tenait au courant cette histoire de l'Académie qui a sur-
tout de l'intérêt par les notices nécrologiques qui y sont
insérées. Ces notices, c'est tout ce (pie Dacier a produit
dans la dernière partie de sa vie. Il en a écrit plus de cin-
quante, depuis l'éloge du grand géographe d'Anville, qu'il
prononyait en 1783, jusqu'à celui de l'helléniste Gail, qui
date de 1830. Elles ont toutes les mêmes mérites. L'au-
teur y passe sans etîort de l'analyse des œuvres au récit, a
la biographie proprement dite. Dans celle-ci, il dessine
d'un trait vif et précis l'effigie des confrères auxquels il
rend ce suprême hommage. Par quelques détails bien
choisis, par quelques anecdotes piquantes, il fait saisir la
singularité de leur caractère, de leur personne physique et
inorale. Parfois tel ou tel incident de Tune de ces exis-
tences lui offre l'occasion d'écrire une page d'histoire, de
présenter un tableau de mœurs, d'esquisser un paysage.
C'est avec la même facilité élégante qu'il expose les
méthodes de travail que ses confrères ont suivies, et les
résultats qu'ils avaient obtenus par leurs recherches.
Quelque dilférentes que leurs études aient été de celles
qu'il a lui-même cultivées, il sait en faire comprendre L'in-
térêt, Par quelques réserves discrètes, par quelques légers
l. Les médailles historiques du règne de Napoléon le Grand, empereur
et ppi, publiées sous 1rs auspices de la Société de numismatique de New-
York, par Ernest Babelon (Paris, Ernest Leroux, L912, in-fol. .
1912. il
622 NOTICE SLR JOSEPII-BON DAC1EK
sourires, il ajoute, dans les portraits, k la vérité de la
ressemblance, et, dans l'appréciation des écrits, il sauve-
garde au besoin les droits de la critique, sans d'ailleurs
jamais prononcer un mot qui puisse porter atteinte k la
juste réputation d'un confrère.
Ces notices ne sont point sans rappeler, par leur tour
naturel et aussi par leur finesse et par leur clarté, celles de
Fontenelle et de d'Alembert, que l'on cite souvent comme
des modèles du genre. Ce furent elles surtout qui valurent
k Dacier d'être élu, en 1822. k l'Académie française. Il y
remplaçait le duc de Richelieu et il y fut reçu par Ville-
main. Celui-ci, dans sou discours de bienvenue, disait au
récipiendaire : « Votre réputation date déjà d'un autre
siècle... Le recueil de vos éloges, si curieux et si varié, où
fîg-urent tour k tour tant de mérites différents, tant de célé-
brités étrangères et nationales, est comme une histoire dra-
matique et animée de la littérature savante depuis un
demi-siècle. » Dacier, dans le discours auquel répondait
Villemain, avait été d'une modestie charmante. Ce choix
dont il était l'objet, il en avait attribué tout l'honneur k
son àg-e et k l'Académie « dont il s'enorgueillit d'être,
depuis plus de quarante ans. l'interprète et l'org-ane ».
<c A mon àg-e », disait Dacier dans ce même discours,
« on s'accommode comme on peut du présent, on ne se
promet plus d'avenir et on ne sait guère vivre que de sou-
venirs. » Il avait alors quatre-vingts ans révolus. Il n'était
pourtant pas arrivé au terme de sa carrière académique.
Quand fut créée, par l'ordonnance royale du 26 octobre
1S!>2. l'Académie des sciences morales et politiques, Dacier
y fut inscrit dans la section de morale. Il y était appelé,
comme Lakanal, comme Sievès, comme Tallevrand, k titre
de survivant de l'ancienne deuxième classe, de celle où il
avait été compris, lors de la première organisation de l'In-
stitut, et où il avait siégé de 1795 k 1803,
Lorsque lui fut conféré ce dernier honneur, il était déjà
NOTICE SDR JOSEPH-BON DAClER <i2'{
bien près de sa fin, retenu à la chambre et souvent au lit
par des infirmités douloureuses. Ce fut à partir de 18.31
que celles-ci l'obligèrent, sinon à résigner son titre, —
l'Académie ne le lui aurait pas permis, — tout au moins
à se faire suppléer dans sa fonction par le grand érudit qui
devait le remplacer au fauteuil de secrétaire perpétuel,
Silvestre de Sacy. Cette fonction, il l'avait jusqu'alors rem-
plie avec une exactitude scrupuleuse, respecté pour son
grand âge et pour les services rendus, aimé pour l'affabi-
lité de son abord. 11 avait, au plus haut degré, tous les
témoignages sont d'accord à ce sujet, une vertu qui est la
grâce de la vieillesse, le goût des réputations naissantes,
cette bienveillance alfectueuse qui encourage les jeunes
gens et les aide à triompher des premières difficultés de la
carrière.
Dans sa vieillesse, Boissonade racontait, avec sa bonho-
mie narquoise, comment Dacier lui avait montré le chemin
de l'Académie des inscriptions. « Etre élu », disait-il a un
candidat qui lui faisait visite, « était alors chose plus simple
que ce n'est aujourd'hui le cas. Il n'y fallait pas tant de
façons. Ainsi, lorsque je commençai à fréquenter le dépar-
tement des manuscrits, à la Bibliothèque impériale, j'allai
offrir au conservateur, Dacier, une édition que je venais de
donner des Heroica de Philostrate, et je fus fort surpris
quand il me dit qu'il fallait songer à l'Institut. Je n'y avais
jamais pensé. J'objectai à Dacier que je n'avais aucun titre
pour y être admis. « Des titres, me répliqua- 1— il, mais en
« voici un de très suffisant. Nous n'avons guère de candi-
« dats '. Il y a une vacance. Mettez-vous sur les rangs. Je
« vous appuierai. Vous ne réussirez sans doute pas cette
« fois. Les chances sont pour M. Lanjuinais, que pousse
« son ami, M. Silvestre de Sacy; mais, à la vacance sui-
1. Dans le rapport de 180K, Dacier se plaignait (pu- « la philologie ne
trouvai presque plus personne pour la cultiver » et il faisait appel à « la
main puissante de l'empereur » pour qu'elle trouvât le remède a cette
décadenee p. 25-26 de la réimpression .
024 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
« vante, vous passerez. » En effet, bientôt après, Larcher
étant venu à mourir, je fus élu, presque sans faire aucune
démarche. Aujourd'hui, l'on fait visite sur visite. Je ne sais
vraiment pas si je serais jamais arrivé, dans de pareilles
conditions ' . »
Par toutes sortes de bons offices, Dacier soutint et aida,
lors de leurs débuts, des hommes qui étaient très supé-
rieurs à Boissonade, ce dilettante de l'hellénisme, des
savants de plus haute volée, tels que Saint-Martin, Abel
Rémusat, Letronne, Champollion le jeune. On sait à quelles
résistances s'étaient heurtées, dans le sein même de l'Aca-
démie, les premières démarches que Champollion avait ten-
tées pour faire comprendre comment il espérait arriver a
lire les hiéroglyphes2. Tout étranger qu'il fût à ses études,
Dacier fut du petit nombre de ceux qui, dès l'abord, devi-
nèrent le génie de Champollion. Ce ne fut donc pas seule-
ment en raison du poste qu'il occupait que le puissant
inventeur écrivit le nom de Dacier en tête de la lettre, lue
devant l'Académie, le 21 septembre 1821, où il exposait le
principe de la méthode d'où est sortie toute la science de
l'égyptologie3.
Presque jusqu'à sa dernière heure, Dacier fut heureux
de recevoir les visites de ses confrères, qui venaient le
distraire de ses souffrances. Ils le faisaient causer. Ils le
provoquaient à évoquer ses souvenirs, ceux qui le repor-
taient aux années qui ont précédé de près la Révolution, à
ce temps duquel on a dit « que ceux qui n'y ont pas vécu
ne connaissent pas toute la douceur de vivre ». Il en parlait
1. L'Institut de France, p. 178.
2. Voir à ce sujet L'ouvrage si intéressant et si complet que M"e II. Hart-
leben a consacré à la vie et aux travaux de Champollion : Champollion,
sein Lehen und sein Werh Berlin, Weidmann. 2 vol. in-8°).
3. Lettre à M. Dacier, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscrip-
tions, relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques employés par les
anciens Égyptiens pour inscrire sur les monuments, les places, les noms
et les surnoms des souverains grecs el romains Paris. 1N22, j^rand in-8°,
4 planches lithographiées .
NOTICE SI II JOSÈPH-BON D ACIER (>2")
avec beaucoup d'abondance et de charme. On ne se lassait
pas de l'écouter. Quelque temps avant sa mort, raconte
Tissot, son successeur à l'Académie française, Dacier, pen-
sant à l'échéance fatale, témoignait quelque inquiétude au
sujet de l'avenir qui l'attendait dans l'autre monde. « Ras-
surez-vous », lui dit l'ami devant lequel il exprimait ces
craintes. « Si Dieu vous entend un quart d'heure, vous
êtes sauvé. »
En 1822. l'Académie avait célébré le cinquantenaire aca-
démique de Dacier. Ce fut le premier exemple qui ait été
donné en France d'une fête confraternelle de ce genre.
L'exemple a, depuis lors, été suivi. Vous vous rappelez
tous la touchante cérémonie de notre séance du 6 décembre
1907, où notre président d'alors, M. Salomon Reinach,
offrit à Léopold Delisle, en notre nom à tous, une médaille
frappée à son effigie. Dacier survécut plus longtemps que
ne l'a fait Delisle à l'hommage qui lui était rendu. Lors-
qu'il mourut, le i février 1833, il avait quatre-vingt-onze
ans. 11 appartenait à l'Académie depuis soixante ans et il
était le doyen de tout l'Institut. Il fut remplacé, à l'Acadé-
mie des inscriptions, par Guizot, dont j'occupe aujourd'hui
le fauteuil. Entre Dacier, ce fils du xvm8 siècle, et celui de
ses successeurs qui vous parle en ce moment, dans les pre-
mières années du xxp siècle, il n'y a donc eu, sur la liste
des membres de la compagnie, qu'un seul intermédiaire,
l'illustre orateur et homme d'État, le savant historien de
La civilisation en France et de La civilisation en Europe.
Lui aussi, il aimait a causer du passé et il le faisait avec
un charme infini. Pendant les années où, après les agita-
tions de sa vie politique, il se recueillit dans une grave et
studieuse retraite, j'ai eu plus d'une fois le plaisir, avec son
fils Guillaume et quelques jeunes amis, de l'entendre nous
parler non pas du xviuc siècle, mais des premières années
de la Restauration. Il avait beaucoup fréquenté Benjamin
Constant et M""' de Staël, Fauriel et Raynouard. Nous
626 ' NOTICE SUR JOSEPH-BON UAC.IER
l'écoutions nous dire quelle curiosité passionnée animait
ces esprits, combien ils étaient avides de s'initier, par la
comparaison des littératures et des dogmes, des poésies
savantes et des poésies populaires, à tous les modes de
penser et de sentir qui ont été ceux des hommes d'autrefois
ou qui sont encore ceux des hommes nos contemporains
que sépare de nous la différence des races, des langues et
des religions. En l'écoutant, nous comprenions mieux que
par les pages des livres sous quelles influences et dans quel
milieu, par l'effet de quelles initiatives est né ce grand
mouvement d'études historiques qui a été l'honneur du
xxe siècle et auquel notre Académie a pris une part si
active, une part si prépondérante.
Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, mes chers
confrères, d'avoir appelé et retenu quelque temps votre
attention sur ce confrère d'autrefois dont plusieurs d'entre
vous, peut-être, ne savaient guère que le nom. Je n'ai
point exagéré son mérite. Je ne l'ai pas présenté comme
un inventeur ni comme un fondateur d'école, comme un
de ces esprits originaux et puissants qui, par quelque
découverte imprévue ou par la création d'une méthode,
annexent aux parties déjà connues de l'histoire des pro-
vinces nouvelles, de vastes étendues, qu'ils peuplent et
qu'ils animent d'une vie tout entière arrachée à l'oubli.
Non, Dacier n'a pas été un de ces vainqueurs qui laissent
leur nom aux royaumes qu'ils ont conquis sur l'inconnu ;
mais il n'en a pas moins rendu à nos études des services
qui nous ont paru valoir d'être rappelés et remis en lumière.
Ces études, il les a servies moins par ses écrits que par
son action personnelle, par son dévouement à notre Com-
pagnie, par le soin qu'il a pris de diriger et d'activer ses
travaux, de n'en rien laisser perdre et d'aider ainsi les
NOTICE SLR JOSEPH-BON DACIER 627
générations nouvelles à pousser leurs recherches plus loin
que ne lavaient fait leurs devancières.
Tandis que je m'essayais à vous offrir ainsi une légère
esquisse de la vie académique d'un de mes prédécesseurs,
je me demandais si cette vie ne pouvait pas nous offrir
aussi une leçon ou tout au moins un utile avertissement.
Les mœurs et les usages d'aujourd'hui se prêtent-ils à
réclamer des ofliciers de l'Académie, comme on disait
autrefois, et de tous ses membres, un concours effectif qui
soit comparable à celui qu'elle obtenait jadis, sans effort,
de tous ceux qui lui appartenaient à un titre quelconque?
Pour ne parler ici que de moi-même, combien est léger
le fardeau du devoir que vos suffrages m'ont imposé, en
comparaison de celui que, dans la même fonction, Dacier
avait à porter ! L' Histoire de V Académie, il la rédigeait à
lui seul, tandis que, pour dresser au jour le jour le tableau
de votre vie si variée et si pleine, j'ai à mes côtés un auxi-
liaire dont le zèle et l'intelligente exactitude me déchargent
presque de tout travail. Il en est de même pour ces notices
par lesquelles l'Académie aime à rappeler les titres scienti-
fiques des confrères qu'elle a perdus et, en même temps à
faire revivre, en une fidèle image, leurs traits et leur phy-
sionomie familière. Jadis, la tache d'écrire toutes ces notices
incombait au seul secrétaire perpétuel. Celui-ci en avait
parfois plusieurs à fournir dans une même année. Pour se
mettre au courant de tous les travaux qu'il devait appré-
cier, il avait bien des lectures à faire, sans parler du travail
de composition et de rédaction. Maintenant, grâce à la très
sage mesure que vous avez adoptée, depuis quelques années,
à l'exemple d'autres Académies, c'est le nouvel élu qui
fait l'éloge de son prédécesseur, et la tache de votre secré-
taire se trouve ainsi singulièrement allégée.
Cet allégement de mon fardeau, je serais mal venu à
m'en plaindre. Si je vous le signale, c'est qu'il est l'indice
d'une situation nouvelle, qui a peut-être ses dangers
628 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
Jamais l'honneur d'être admis dans notre Compagnie n'a
été brigué avec plus d'ardeur et par des candidats plus
dignes de l'obtenir. Cette affluence de concurrents dûment
qualifiés témoigne de la popularité dont jouissent nos
études et des progrès qu'elles ont faits. Elle leur en pré-
sage de nouveaux. Pour former une élite, un bataillon
sacré, il faut que le chef ait à choisir entre de nombreux
conscrits dont il ne gardera que les plus forts et les plus
vaillants. Les conditions du recrutement académique
semblent donc être singulièrement améliorées, depuis le
temps où Dacier disait à Boissonade : « Nous n'avons guère
de candidats » ; mais l'extension même que nos études
ont prise a placé ceux qu'elles conduisent à l'Académie
dans des conditions qui diffèrent sensiblement de celles
que d'autres habitudes faisaient aux érudits de jadis.
Chaque champ d'études, à mesure qu'il s'élargissait,
s'est partagé en plusieurs cantons. Pour l'exploitation et
la mise en valeur de chaque canton, il s'est créé des
groupes de travailleurs où l'on s'associe à l'effet de pour-
suivre ensemble les enquêtes instituées, où l'on se com-
munique les trouvailles que l'on a faites et les idées que
l'on a conçues. Chacun de ces groupes a pour organes un
ou plusieurs recueils spéciaux dont la publicité est celle
que préfèrent tous ceux que rapproche les uns des autres
la communauté des études. C'est là seulement qu'ils sont
sûrs de trouver des lecteurs qui s'intéressent aux résul-
tats de leurs recherches. Quand, après avoir profité des
avantages de ce concert, on arrive à l'Académie, on ne
prend point aisément le parti d'être infidèle, même pour
un temps, à la revue dont on est le directeur ou le col-
laborateur attitré. On hésite à lui dérober la primeur
d'une de ses découvertes, à lui refuser un de ses travaux
pour le porter a un des recueils de l'Académie, où l'on
craint de le voir égaré et comme perdu parmi des tra-
vaux d'un tout autre genre.
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER 620
Puis ce sont les œuvres de longue haleine que l'on a
entreprises, des œuvres de philologie ou d'histoire.
Autrefois, elles auraient pris la forme d'une série de disser-
tations qui seraient venues s'insérer dans les in-folio ou
les in-quarto de l'Académie ; mais maintenant un public
plus nombreux s'intéresse à ces études et l'on trouve —
quelquefois — des éditeurs disposés à imprimer, en un
format commode et avec un vrai luxe d'illustration, des
ouvrages qui traitent de ces matières et qui les mettent à
la portée de tous les esprits cultivés. Voici ce qui arrive
alors. Le savant qui s'est engagé dans une de ces entre-
prises et qui y a mis parfois toute sa vie ne se décide
point à s'en distraire pour payer à l'Académie une dette
que celle-ci ne songe point à lui réclamer.
Combien y en a-t-il parmi vous, mes chers confrères,
qui sachent ou qui n'aient pas oublié qu'il y a, dans notre
règlement, un article qui n'a jamais été abrogé et qui
prescrit que « tous les académiciens ordinaires sont tenus
de concourir aux travaux de l'Académie en lui présen-
tant, chaque année, un mémoire au moins, de leur com-
position, destiné à entrer dans son recueil. Les académi-
ciens libres n'y sont point tenus, mais invités » L J'avoue,
pour ma part, n'avoir eu connaissance de cet article que
le jour où, en raison de ma charge, j'ai dû lire notre
règlement pour le faire réimprimer. Il était alors trop tard
pour que je pusse me conformer à la lettre de cette
injonction ; mais j'ai peut-être eu tort de ne pas chercher
à réparer une faute en apportant ma contribution aux
recueils de l'Académie. J'étais occupé ailleurs. Habc/is
confiténtem réuni. Sachez-moi gré d'un acte de contrition
qui est bien sincère, et ne m'imitez pas.
Tous tant que nous sommes, nous avons donc, aujour-
d'hui, à nous défendre contre la tentation de ne point autant
i. Article 13 du Règlement du \>> mai 1830.
630 NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIER
donner de nous-mêmes à l'Académie que le faisaient nos
aïeux. Si c'est par la marche même des études d'érudition
et par leur complexité toujours croissante que s'explique
et que s'excuse la défaveur qui paraît s'attacher, chez
nous, depuis quelque temps, à la forme du mémoire,
nous avons d'autres moyens de témoigner à la Compagnie
notre attachement filial. Il y a toute une portion des tra-
vaux de l'Académie qu'elle ne saurait laisser en souffrance
sans déchoir, sans faillir à sa mission. C'est la publica-
tion des recueils de documents que nous nous attachons
à mettre aux ordres des historiens, après qu'une critique
sévère les a triés et classés, après qu'elle s'est mise en
mesure d'en offrir le texte le plus authentique. Plusieurs
de ces recueils sont un legs de l'ancienne Académie et de
cette congrégation des Bénédictins de Saint-Maur dont nous
avons recueilli l'héritage. Tels sont Y Histoire littéraire
de la France et, sous divers titres, les séries qui conti-
nuent le Recueil des historiens de la Gaule et de la France,
tous ces documents qui peuvent servir à écrire l'histoire
de la vieille France, son histoire politique, administrative
et économique. Il est aussi de ces recueils, comme le Cor-
pus des inscriptions sémitiques, comme celui des Inscrip-
tions grecques qui touchent à V histoire de Rome, par la fon-
dation desquels l'Académie atteste la part qu'elle a prise
au développement d'études nouvelles, dont l'avenir avait
été à peine pressenti jusqu'au dernier siècle.
C'est pour nous, mes chers confrères, un devoir de
conscience que de nous dévouer, avec un zèle qui ne
comporte pas d'intermittences, à ces œuvres collectives
de l'Académie. Celle-ci peut se rendre ce témoignage
que tout ce qui en a paru lui fait honneur et répond à la
haute situation qu'elle occupe dans le monde savant ;
mais, en ayant le courage de prendre un peu plus sur le
temps qu'ils consacrent a leurs travaux personnels, les
ouvriers que votre confiance appelle à continuer ces
NOTICE SUR JOSEPH-BON DACIEB 631
entreprises et à édifier ces monuments ne pourraient-ils
pas en faire avancer plus vite la construction et en hâter
l'achèvement ? C'est là une question que je me pose quel-
quefois. Si vous me trouvez indiscret de vous l'avouer, ne
voyez dans cette indiscrétion même qu'une preuve de
l'affection et de la reconnaissance que j'ai vouée à la Com-
pagnie. En lui faisant la confidence de mes doutes et de
mes scrupules, j'ai cru lui montrer combien j'ai été sen-
sible à l'insigne honneur qu'elle m'a décerné, lorsqu'elle
m'a choisi pour présider à ses travaux et qu'elle m'a
permis de mettre ainsi à son service, jusqu'à mon dernier
jour, ce (jui peut me rester encore de force et d'ardeur.
632
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. N. VALOIS, VICE-PRESIDENT.
Il est donné lecture des lettres par lesquelles MM. Glotz,
l'abbé Chabot, Jean Psichari, Léon Dorez, Thureau-Dangin,
Lejay, Monceaux, François Delaborde, Mâle, Kohler, Fougères
se portent candidats à la place de membre ordinaire vacante
par suite du décès de M. Philippe Berger.
M. Henri Cordier a reçu du commandant Tilho le télé-
gramme suivant daté de X'Guimi, le 31 octobre, par la voie de
Dakar :
« Arrivé Tchad, excellente santé, après quatre mois voyage
Congo, Oubanghi et Chari ; saison des pluies causa quelques
dégâts mon matériel ; pars en tournée sur frontières ; lettre
suit. »
M. Cordikr communique ensuite une lettre du commandant
E. Devedeix, écrite d'Abouroi, frontière de l'Ouaddai, Territoire
du Tchad, 10 septembre 1912 :
« Très malade dès mon arrivée ici, je n'ai pu encore, fort
occupé après ma guérison, commencer les fouilles et les
recherches que je dois entreprendre.
« Le Kaga d'Ardibé (amas de roches et de grottes) que j'ai
fait fouiller n'a donné lieu à aucune découverte. Mais il m'en
reste plusieurs autres plus importants h explorer, surtout la
irrotte d'Allah aux environs d'Aouni. J'ai traversé pour arriver
tout le pays que nous venons de céder aux Allemands... J'ai
remonté le Logone pendant huit jours sur le Benoîl-Garnier
encore en parfait état et qui rend toujours de grands services à
la navigation des rives du Tchad. C'est une ancienne connais-
sance ; j'avais navigué sur le lac Tchad en 1905 dans le même
bateau, dont je suis heureux de vous parler puisqu'il est dû à
la générosité de l'Académie. J'espère, dans un mois ou deux,
avant janvier, avoir un rapport k vous communiquer sur mes
recherches. »
033
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau de L'Académie les
deux parties du tome VI des Pouillés de la province de Reims publiés
par Auguste Longnon (Paris, in-4°).
M. le comte Paul Dvrrieu offre, au nom de l'auteur, le l)r M.
Le Maitre, un opuscule intitulé : Le palais des papes d'Avignon, qui
expose l'état actuel des travaux de restauration entrepris, depuis
quelques années, dans le but de restituer au splendide édifice le
plus possible de ses dispositions primitives.
M. Camille Jullian a la parole pour un hommage :
« Le travail de M. Jean Barennes sur la Viticulture et la Vinifi-
cation en Bordelais au moyen âge est précédé d'une préface de
M. Brutails. Et j'ai plaisir à associer ces deux noms, qui sont celui
du maitre et celui de l'élève. M. Barennes se montre digne, dans ce
travail, du guide qui l'a conduit. Quantité de documents nouveaux,
très sobrement analysés, très sagement commentés. Pour la première
fois, une très fine élude sur les procédés de viticulture au moyen
âge. Bien n'est oublié, ni l'examen du sol (géograpbie viticole),ni les
discussions juridiques (conditions des tenures de vignobles), ni les
procédés techniques (de culture, de vinification, logement des vins).
AI. Barennes est aujourd'hui le seul érudit capable de nous donner
une bistoire scientilique du vin de France. Quel beau sujet de thèse
et même d'enseignement ! »
M. Chavannes a la parole pour un hommage :
« L'Académie des inscriptions connaît bien le nom de M. Stein à
qui elle a décerné, en 1909, le prix Stanislas .Julien pour son ouvrage
intitulé Ancient Khotan. Dès cette époque, M. Stein avait accompli
une nouvelle mission en Asie Centrale; les résultats de cette seconde
exploration sont exposés dans les deux volumes intitulés Ruins of
désert Cathay que je présente aujourd'hui de sa pari à l'Académie.
Celle publication ne fait que précéder une série de rapports spéciaux
qui contiendront l'étude détaillée de tous les documents rapportés
par M. Stein : dès maintenant, cependant, on peut voir combien ont
été fécondes les recberebes entreprises par cet admirable pionnier
du Turkesl ienlal. M. Stein a visité la grotte, désormais fameuse,
de Touen-houang et a pris pour le Britisb Muséum une partie des
634 LIVRES OFFERTS
inestimables manuscrits dont, grâce à M. Pelliot, nous avons aussi
notre large part à la Bibliothèque nationale. Dans le lot de M. Stein,
on trouve, à côté de nombreux ouvrages chinois, des textes sogh-
diens qui attestent l'extension des dialectes iraniens dans l'Asie
centrale, des textes manichéens, tels que le K hu as tuanift ou formule
de confession, rédigé en turc, plusieurs spécimens de cette nouvelle
langue indo-européenne qu'on est convenu d'appeler le tokharien.
De jour en jour s'affirme plus importante, au point de vue linguistique
comme au point de vue historique, l'exhumation de cette biblio-
thèque dont un de nos confrères les plus respectés, M. Bréal, vous a
signalé, dès le début, l'immense intérêt. Une autre découverte a été
faite par M. Stein lorsqu'il a suivi, depuis le Nord de Touen-houang
jusqu'à la Porte du Jade, le tracé de la grande muraille, analogue au
limes de l'Empire romain, puis la série des fortins par lesquels les
Chinois protégeaient, aux deux premiers siècles de notre ère, la
piste des caravanes au delà de la Porte du Jade dans la direction du
Lop nor; c'est là qu'il a arraché aux sables qui les recouvraient
depuis près de deux mille ans une multitude de fiches en bois qui
sont les plus anciens spécimens connus de manuscrits chinois :
l'Académie a déjà entendu une communication sur ces textes dans
sa séance du 29 juillet 1910. Je me borne à signaler ces deux points
particulièrement saillants dans l'exploration de M. Stein ; mais, en
lisant les deux volumes que j'ai l'honneur de présenter à l'Aca-
démie, on s'apercevra combien elle a été fructueuse dans tous les
domaines. »
M. Salomon Reixach a la parole pour un hommage :
« Correspondant, depuis de longues années, de l'Académie des
sciences, Lord Avebury me prie d'offrir à l'Académie des inscrip-
tions la septième édition de son ouvrage publié en 1870 : The origin
of civilization and the primitive condition ofman. A cette époque déjà
lointaine, l'auteur, alors John Lubbock, acquit une réputation pré-
coce et méritée par le beau livre qu'il vient de rééditer une fois de
plus: tous ceux qui s'occupent aujourd'hui d'ethnographie ont Appris
les éléments de cette science en lisant les ouvrages de MM. Lubbock
et Tylor qui l'un et l'autre, heureusement, vivent encore pour cons-
tater l'essor prodigieux des études dont ils ont été les initiateurs.
Dans l'introduction à la 7e édition de YOrigine de la civilisation.
Lord Avebury a discuté quelques thèses récentes sur l'origine du
mariage et sur celle des croyances religieuses; les doctrines qu'il
professait en 1870, fondées sur l'étude directe des récits de voya-
geurs, lui semblent satisfaire, aujourd'hui encore, aux exigences de
LIVRES OFFERTS 635
la logique et aux données de l'ethnographie. Des réponses plus détail-
lées à ses critiques, en particulier sur la question du totémisme, se
trouvent dans un livre que Lord Avèbury a publié en 1'..) 10 sous le
titre : On rnarriaye, totemism and religion. »
M. de Lastevrie présente à l'Académie, de la part de M. Puig y
Cadat'alch, le 2e volume du grand ouvrage qu'il a entrepris en colla-
boration avec MM. Falguera et Goday sous le titre de L'an/uileclura
rontanica a Calalunya :
« Ce volume ne conduit l'histoire de l'architecture catalane (pie
du ixe à la fin du xie siècle : c'est dire avec quelle ampleur le sujet est
traité. La Catalogne a eu la bonne fortune de conserver un nombre
considérable de monuments remontant à cette période encore si mal
connue du moyen âge. Une très grande partie de ces monuments
étaient encore inédits. M. Puig y Cadafalch a donc rendu un service
de premier ordre en en donnant de bonnes descriptions et, ce qui
est non moins précieux, des relevés exacts, et de nombreuses vues
photographiques. Son beau volume comprend plus de oOO figures. Je
ne crois pas exagérer en disant que plus des quatre cinquièmes de
ces figures étaient inédites. Cette étude sur l'architecture catalane
offre un intérêt particulier pour l'histoire de notre propre architec-
ture au moyen âge. Beaucoup de nos églises de la région méditerra-
néenne ont en effet des liens de parenté incontestables avec les
églises romanes de la Catalogne. On ne saurait donc être trop recon-
naissant à M. Puig y Cadafalch d'avoir mis tant et de si curieux
documents à la disposition des érudils, et je suis convaincu de
répondre aux vœux de l'Académie en souhaitant le prompt achève-
ment de ce bel et important ouvrage. »
M. Héron de Villicfosse offre à l'Académie, au nom de son cor-
respondant le P. Delattre, une brochure ayant pour titre : Abécédaires
trouvés dans les basiliques île Ga.rtha.ge (Tunis, lui 2, in-8°). De la pré-
sence de ces abécédaires dans les basiliques de Mcidfa et de Damous-
el-Karita, le P. Delattre conclut qu'il y avait, dans ces lieux consa-
crés au culte, un homme spécialement chargé de l'instruction pri-
maire des enfants.
M. Noël \ mois dépose sur le bureau, au nom de son confrère,
M. le chanoine Ulysse Cuevalieu, le tome IV du liepertoriuni hym-
nologicum.
M. IIoMoi.i.i a la parole pour un hommage :
" J'ai l'honneur de déposer sur le bureau «le l'Académie la collée-
G 30 LIVRES OFFERTS
lion des décrets découverts à Délos, mise au point pour la publica-
tion dans les Inscriptiones Graecae, par M. Roussel, ancien membre
de l'École française d'Athènes.
« Une mission du Ministère de l'instruction publique lui a permis
de réviser définitivement cet été les textes établis sur les copies de
ses devanciers et les siennes. Je me plais à rendre témoignage du
soin qu'il a apporté à sa tâche ; je ne doute point que l'Académie ne
le félicite de la ponctualité avec laquelle il l'a exécutée.
« Le présent envoi comprend tous les décrets de Tépoque de l'in-
dépendance délienne, sauf une douzaine pour lesquels M. Roussel a
dû demander au dehors quelques informations complémentaires. Il
compte plus de 500 pièces.
<( C'est plus de la moitié du fascicule III, où doivent entrer en
outre les catalogues, les dédicaces, les signatures d'artistes, qui
forment un total de 300 autres pièces. La révision des inscriptions
de ce groupe se poursuit et s'achève en ce moment. On peut comp-
ter avant la fin de l'année sur le manuscrit.
« Les décrets n'offrent pas une grande variété et ne prêtent pas à
un commentaire développé; car les plus importants et ceux qui se
rapportent à des événements ou à des personnages historiques sont
édités déjà. Mais les textes, rigoureusement contrôlés, accompagnés
d'une bibliographie complète, de notes cbronologiques et prosopo-
graphiques très précises, valent par leur ensemble, et apportent plus
d'une contribution à l'histoire de la mer Egée, des Cyclades et de
la Grèce elle-même entre le iv et le ne siècle avant J.-C.
« En deux années, grâce aux efforts, à la science de MM. Durrbacb
et Roussel, à l'activité des commissions épigrapbiques des Académies
de Paris et de Rerlin, grâce aussi au merveilleux outillage de l'impri-
merie Reimer, les fascicules II et III des inscriptions de Délos pour-
ront être livrés au public. »
637
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE
PRESIDENCE DE M. VALOIS, VICE-PRESIDENT.
M. BabeLon continue la lecture de son mémoire sur l'origine
et l'emploi du mol moneta..
LIVRES OFFERTS
M. Prou offre de la part de l'auteur, M. Georges Espinas, une
Notice nécrologique sur Léopold Delisle (Paris, 1912, 5;j pages in-8°;
extr. du Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France) :
« La notice que M. Georges Espinas a consacrée au savant illustre
à qui il a eu L'honneur de succéder comme membre de la Société
nationale des Antiquaires de France, n'est ni une biographie, ni un
éloge académique; c'est une étude analytique et critique de l'œuvre
de Léopold Delisle. Non pas que groupant les ouvrages de même
sorte ou encore les prenant l'un après l'autre suivant l'ordre de
leur publication, M. Georges Espinas nous en ait donné un résumé
ni qu'il ait examiné les opinions qui y sont exprimées; mais il a
recherché et retrouvé les voies suivies par l'esprit de Delisle, la
genèse de ses travaux, l'unité d'une œuvre si ample et si diverse.
Surtout, il en a dégagé le caractère; il a montré comment ce savant,
si modéré dans L'expression de sa pensée, n'en a pas moins été
dans tous les domaines de l'histoire du moyen âge un novateur et
un initiateur, de telle sorte que, sans avoir jamais occupé de chaire
professorale, il a eu la plus grande influence, non seulement en
France, mais au delà de nos frontières, sur la direction des études
historiques. N'a-t-il pas été Le créateur de l'histoire économique par
ses Etudes sur la classe agricole et l'état de l'agriculture en Norman-
die? Et, en paléographie, Le premier, il a su tirer un parti scientifique
des facsimilés. Sur Le terrain tic La diplomatique, par trois fois il a
ouvert des voies nouvelles, en IS'.Wi quand il publia Le Catalogue îles
actes de Philippe Auguste, en 1*117 quand il donna son Mémoire tui-
les actes d'Innocent III, et enfin de 1906 à 1909 quand il publia plu-
sieurs mémoires et le Recueil désuètes de Henri II rui d'Angleterre
638 LIVRES OFFERTS
et duc de Normandie, novateur au début et à la fin de sa carrière.
Tous les amis et admirateurs de Léopold Delisle, autant dire tous
ceux qui l'ont connu, et au premier rang notre Académie, sauront
gré à M. Espinas de la finesse avec laquelle il a su dégager l'origina-
lité et la portée de l'œuvre de ce savant si éminemment français par
sa méthode et sa clarté, qui, dans l'étude des sciences auxiliaires de
l'histoire aussi bien qu'en ses écrits proprement historiques, a tou-
jours su c annoncer les intentions nouvelles et les caractères futurs
des recherches historiques. »
Le Gérant, A. Picard.
MAÇON, r-ROTAT FRÈRES, IMIMUMKI'RS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1912
PRÉSIDENCE DE M. LOUIS LEGKR
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Léon Dorez, clans une lettre qu'il adresse au Secrétaire
perpétuel, annonce qu'il retire sa candidature au fauteuil de
M. Ph. Berger.
M. Salomon Reinach annonce à l'Académie une intéressante
découverte de M. Besnier, professeur à l'Université de Gaen.
Grâce aux comptes rendus de l'ancienne Académie des inscrip-
tions, il a pu établir qu'un admirable bas-relief grec du Musée
d'Aix, dont on ignorait la provenance, a été découvert vers 1705,
dans l'île de Rhénée, qui servait de nécropole à Délos '.
L'Académie procède à l'élection d'un membre ordinaire, en
remplacement de M. Philippe Berger, décédé.
Il y :io votants; majorité 18.
Au premier tour de scrutin, M. Monceaux obtient 5 suffrages ;
M. Delaborde 5; MM. Glotz, Kohler, Thureau-Dangin, cha-
I . \ oir ci-après .
L912. 12
040 SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 1912
cun 4; MM. Psichari, Fougères, Mâle, chacun 3; MM. les abbés
Chabot et Lejay, chacun 2.
Au deuxième tour de scrutin, il n'y a eu que 34 votants. —
M. Monceaux obtient 10 suffrages; M. Delaborde 7; MM. Psi-
chari et Thureau-Dangin, chacun 6; MM. Fougères et Glotz,
chacun 2; M. Chabot, 1.
Au troisième tour de scrutin, 35 votants; majorité 18.
MM. Monceaux et Psichari obtiennent chacun 11 suffrages;
M. Thureau-Dangin, 10; M. Delaborde, 3.
Au quatrième tour de scrutin, M. Monceaux obtient 15 suf-
frages; MM. Psichari et Thureau-Dangin, chacun 10.
Au cinquième tour de scrutin, M. Monceaux obtient 20 suf-
frages ; M. Thureau-Dangin, 9; M. Psichari, 6.
En conséquence, M. Monceaux, ayant obtenu la majorité
absolue des suffrages, est proclamé élu par le Président. Son
élection sera soumise à l'approbation de M. le Président de la
République.
M. Paul Fourmer lit la première partie d'un mémoire sur un
groupe de collections canoniques de l'Italie méridionale qui
datent du ixe au xie siècle. Celte partie est consacrée au recueil
canonique contenu clans le manuscrit de la Yallicellane XVIII,
datant du xe siècle. M. Fournier fait connaître le contenu de ce
recueil, composé d'un nombre très considérable de textes d'im-
portance inégale. 11 s'attache ensuite à montrer les traces d'in-
fluence byzantine qui y apparaissent, en même temps que les
traits qui le rattachent à la controverse ouverte dans le Sud de
l'Italie, au début du xe siècle, sur la validité des ordinations du
pape Formose. Il conclut que ce recueil fut vraisemblablement
rédigé entre 912 et 920 dans la région napolitaine.
M. Babelon achève sa communication sur Munela. Après
avoir démontré qu'à Rome il n'y eut jamais qu'un Hôtel des
monnaies, même sous le haut Empire, qui frappait à la fois la
monnaie de bronze sénatoriale et la monnaie impériale d'or et
d'argent, M. Babelon établit que cet Hôtel des monnaies, installé
au Capitole, fut abandonné sous Néron. Après qu'il eut fait
incendier Borne, Néron lit bâtir un nouvel Hôtel des monnaies
beaucoup plus vaste que l'ancien, sur le mont Cœlius, à une
BAS-RELIEF DE DÉLOS AU MUSÉE DA1X EN PROVENCE 641
certaine dislance au Sud de sa Maison Dorée. A partir de celte
époque, et en raison de ce changement, un nouveau type allé-
gorique de la Monnaie paraît sur les espèces d'or, d'argent et de
bronze. Ce type se confond avec celui de l'Equité et représente
une femme debout tenant une balance et une corne d'abondance.
COMMUNICATION
UN ISAS-RELIEF DE DELOS
AU MUSÉE d'aIX EN PROVENCE,
PAR M. MAURICE BESNIER.
Le tome premier de VHistoire de V Académie des Inscrip-
tions, imprimé en 1717, contient aux pages 191-193 le
résumé d'une communication faite à cette Compagnie en
1706 par Baudelot de Dairval sur Y Epoque de la nudité
des athlètes dans les jeux de la Grèce. Il y est question
d'un bas-relief grec dont l'examen avait suggéré à Baudelot
1 idée de son travail. Voici en quels termes cette sculpture
était présentée aux lecteurs :
« M. de Tournefort, au retour de son dernier voyag-e du
Levant, communiqua à quelques personnes de l'Académie,
entre autres à M. Baudelot, le dessein d'un bas-relief de
marbre antique qu'il avait veû dans une des isles de l'Ar-
chipel. Ce bas-relief représentait un petit temple où sem-
blait arriver un homme nud, ayant seulement sur la teste
une espèce de chapeau; l'homme était suivi d'un che-
valet le cheval d'une femme vestue d'une robe à longs
plis. M. Baudelot, après avoir proposé diverses conjectures
pour déterminer le véritable sujet qu'on a voit voulu expri-
mer sur ce marbre, s'arrêta particulièrement à celle-cv,
syavoir : qu'il représentoit un jeune athlète, qui, accompa-
642 BAS-RELIEF DE DÉLOS AU MUSÉE d'aIX Ei\ PROVENCE
gné de sa femme ou de sa mère, alloit faire un sacrifice,
avant que de se rendre aux jeux Olympiques. »
La provenance du marbre est indiquée en termes vagues :
« dans une des isles de l'Archipel ». Aucune gravure n'ac-
compagne la note insérée dans Y Histoire de V Académie. La
communication de Baudelot semble avoir passé inaperçue.
Elle mérite cependant, à double titre, d'attirer notre atten-
tion : le bas-relief qui en était le prétexte avait été décou-
vert à Délos, et il existe encore ; il est conservé en France,
au Musée d'Aix en Provence, où Ton ignore, du reste, sa
noble origine.
Le texte intégral de la dissertation de Baudelot est
reproduit dans les procès-verbaux manuscrits de l'ancienne
Académie des Inscriptions, déposés à la Bibliothèque de
l'Institut. Le Registre-journal — tel est le nom de ce
recueil — nous apprend, à la date du 2a juin 1706, que
la séance de ce jour fut tout entière occupée par la lecture
d'un mémoire de M. Baudelot intitulé : Explication d'un
has-relief de marbre trouvé depuis un an dans Vlsle de
Délos ; ce mémoire est transcrit à la suite du procès-verbal ;
il n'occupe pas moins de trente-huit grandes pages. Sous
un autre titre, il traite du même sujet que la note som-
maire imprimée en 1717. Le lieu et la date de la trouvaille
sont fixés, cette fois, avec précision : Délos, 1705. D'autre
part, une planche hors texte, mesurant 0 m 4a de largeur
sur 0 m 36 de hauteur, est insérée dans le volume à la suite
de la dissertation. Elle nous donne l'image du bas-relief.
Si imparfait que soit ce dessin, dont la lourdeur laisse à
peine deviner la beauté de l'original, il nous est très pré-
cieux ; beaucoup mieux qu'une description, même détaillée,
il nous permet de savoir si l'œuvre que Tournefort a vue
jadis à Délos ne se cache pas dans quelque musée.
Or il existe à Aix en Provence — patrie de Tournefort,
notons-le — un» bas-relief, funéraire ou votif, identique de
tous points à celui dont nous parle Baudelot. C'est dans
BAS-RELIEF DE DÉLOS AU MISÉE d'aIX EN PROVENCE 643
le précieux Répertoire de reliefs grecs et romains de
M. Salomon Reinach, au tome II (1912), p. 211, n° 2, que
nous lavons retrouvé. Le croquis que donne M. Salomon
Reinach est fait d'après une bonne gravure du Recueil
général des has-reliefs de la Gaule romaine, par le comman-
dant Espérandieu, tome 1 (1007), p. 64, n° 72. Le marbre
d'Aix mesure 0 m 54 de largeur sur 0 m 43 de hauteur. La
description qu'en donne le commandant Espérandieu doit
être rapprochée de celle de Baudelot :
« Un jeune homme nu, coiffé du chapeau thessalien, la
chlamyde sur l'épaule et, le bras gauche, s'arrête devant un
cippe à fronton aigu décoré d'acrotères ; sa tête vers laquelle
il porte le bras droit (geste de la prière) est légèrement
inclinée en avant. Un cheval aux formes grêles, qui n'a
pas de bride et dont la queue disparue devait être peinte,
vient ensuite et semble avoir eu pour objet d'indiquer la
qualité du personnage. Une femme vêtue d'un chiton
talaire et drapée dans un pallium suit le cheval et com-
plète le tableau. On dirait que sa tête, dont le temps a
effacé les détails, était couverte d'un bonnet. Sur le champ
du bas-relief deux pilastres avec chapiteaux soutenant
une corniche L'angle gauche inférieur est moderne,
mais la restauration n'a porté que sur l'autel. »
M. Espérandieu mentionne tous les auteurs qui se sont
occupés avant lui de cette sculpture : Fauris de Saint-
Vincent et Gibert, dans leurs catalogues du Musée d'Aix,
Millin dans son Voyage, M. Gonse dans ses Musées de
France, Sculpture, et surtout M. Joubin, dans une notice
des Photographische Einzelaufnahmen antiker Skulpturen
(série V, p. 7S et pi. 1384). S'ils s'accordent à y recon-
naître une œuvre certainement grecque, d'un excellent
travail du ve ou du iv° siècle, aucun ne sait exactement
d'où elle provient. Désormais la question est tranchée : le
bas-relief d'Aix est en réalité un bas-relief de Délos. Peut-
être Tournefort l'a-t-il rapporté lui-même d'Orient ; il faut
644 LIVRES OFFERTS
lui savoir gré, en tous cas. de l'avoir fait connaître à Bau-
delot et par lui à l'ancienne Académie des inscriptions.
Nous sommes heureux de pouvoir, grâce aux habiles
répertoires de MM. Espérandieu et Salomon Reinach, res-
tituer à un marbre aussi remarquable son état-civil et
ajouter un numéro de plus à ce Corpus des bas-reliefs
déliens qu'enrichissent chaque année les fouilles de l'Ecole
française d'Athènes.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpkti el dépose sur le bureau : 1° le fascicule
des mois d'aoùt-septembre 1912 des Comptes rendus des séances de
l'Académie (Paris, 1912, in-8°);
2° Au nom de M. J. Roman, correspondant de l'Académie, une
brochure intitulée : La Bulle, son origine et son usage en France
(Paris, 1912, in-8° ; extr. des Mémoires de la Société nationale des
Antiquaires de France).
M. Cagnat dépose sur le bureau, de la part de M. Fontemoing, le
recueil des conférences de M. Cagnat au Musée Guimet et intitulé :
A travers le monde romain (Paris, 1912, in-8°).
M. Clermont-Ganneai' offre, de la part des éditeurs, MM. Letouzey
et Ané, le fascicule 39e et dernier du Dictionnaire de la Bible (Paris,
1912, in-4°) :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part des éditeurs,
MM. Letouzey et Ané, le XXXIXmc fascicule du Dictionnaire de la
Bible, publié sous la direction de M. l'abbé Vigouroux. Avec ce fas-
cicule se termine aujourd'hui cette œuvre de longue haleine qui,
entreprise en 189'i, a poursuivi sa marche d'un pas sans doute un
peu lent, mais somme toute régulier. Les cinq gros volumes dont
elle se compose rendent de sérieux services aux études bibliques;
j'y louerai, entre autres qualités, l'abondance et la variété des illus-
trations puisées aux meilleures sources.
« Bien que parvenus au bout de leur laborieuse entreprise, les
éditeurs ne considèrenl pas leur tâche comme achevée. Ils se pro-
LIVRES OFFERTS G45
posent de tenir à jour le Dictionnaire de la Bible par la publication
de suppléments, qui paraîtront par fascicules dans les mêmes con-
ditions que le Dictionnaire, et contiendront, enregistrés en due
place alphabétique, au fur et à mesure de leur apparition, les résul-
tats des nouvelles recherches et. découvertes dans le domaine
biblique. C'est une excellente idée; elle ne saurait manquer d'être
accueillie avec faveur par tous ceux qui s'intéressent au progrès de
ces études et auront ainsi à leur disposition un instrument de tra-
vail toujours au point. »
M. Antoine Thomas a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de l'auteur,
M. Francesco Novati, professeur à l'Académie de Milan, un ouvrage
intitulé : Ephtolario di Coluccio Salutati. Cet ouvrage fait partie de
la collection dite Fond per la storia oVItalia que publie, aux frais
du gouvernement, VIstitulo slorico ilalia.no. Il forme quatre forts
volumes in-8°, dont le premier a paru en 1891 et le dernier, divisé en
deux parties, en 1905 et 1911 ; prochainement paraîtra une courte
introduction bibliographique destinée à prendre place en tête du
tome I.
« Tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Renaissance îles
lettres antiques savent quelle place d'honneur revient à Coluccio
Salutati, l'infatigable chancelier de la république florentine, mort en
1407, dont l'œuvre multiple a si heureusement continué et fait fruc-
tifier celle des deux grands initiateurs, Pétrarque et Boccace. Le
monument (pie vient de lui élever M. Novati, au prix d'un long effort
de plus de vingt années, est un vrai modèle de science que l'on ne
saurait trop hautement apprécier, et qui réalise admirablement le
programme que l'auteur s'était lui-même tracé, dès 1888, au moment
même où il donnait au public un brillant essai intitulé : La giovinezza
di Coluccio Salutati, 1331-1353. A la suite de VEpistolario, dont beau-
coup de morceaux voient le jour pour la première fois, M. Novati
a imprimé un choix des lettres adressées à Coluccio par ses corres-
pondants, et de nombreux documents sur la famille et l'entourage du
célèbre humaniste. Dans le mouvement fébrile qui emporte alors
presque toute la péninsule vers les sources antiques de la civili-
sation, la France est à peine représentée, mais elle n'y est pas
tout à fait absente : Coluccio a eu un admirateur passionné dans
notre pays, Jean de Monstereul, secrétaire de nos rois Charles V et
Charles VI, dont l'œuvre n'est malheureusement pas encore complè-
tement publiée'. M. Novati n'a pas négligé noire compatriote, el il
ajoute quelques précisions intéressantes ;'i ce qu'on avait dit jus-
646 SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE 1912
qu'ici dos relations littéraires de la France et de l'Italie à la fin du
xiv'' siècle.
« Cette simple constatation, que je tiens à faire ici, en passant, est
de nature à ajouter un je ne sais quoi de personnel au sentiment de
gratitude avec lequel notre Académie accueillera l'hommage si pré-
cieux que M. Novati m'a chargé de lui transmettre. »
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret, en date
du 10 décembre 1912, qui approuve l'élection de M. Monceaux
à la place de membre ordinaire vacante par la mort de M. Phi-
lippe Berger.
Le Secrétaire perpétuel introduit ensuite M. Monceaux et le
présente à l'Académie.
Le Président adresse quelques paroles de bienvenue au nou-
vel élu et l'invite à prendre place parmi ses confrères.
M. Edouard Cuq termine la seconde lecture de son mémoire
SUr l'àTTOXY.GUÇlÇ.
647
APPENDICE
RAPPORT SUR LES TRAVAUX DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES
ET DE ROME EN 1911-1912,
PAR M. MAURICE PROU, MEMRRE DE L'ACADÉMIE;
LU DANS LA SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE 1912,
Les missions scientifiques permanentes établies et entre-
tenues par la France à l'étranger diffèrent par certains
points de celles que d'autres peuples y ont instituées. Tandis
que la plupart de celles-ci ne se proposent que d'accomplir
des œuvres collectives, les nôtres, spécialement les Ecoles
françaises d'Athènes et de Rome, ont pour objet de faire
servir l'exécution de ces œuvres scientifiques à la formation
d'archéologues et d'historiens qui, revenus en France,
fourniront aux Universités, aux Musées, aux Archives et
aux Bibliothèques un personnel de professeurs et de con-
servateurs k qui le contact avec des monuments et des
documents divers dans leur origine et leur nature, en
tout cas différents de ceux qu'ils ont accoutumé de voir, a
donné, avec la pratique des recherches, l'habitude des
comparaisons d'où peuvent résulter des vues d'ensemble
et des généralisations justifiées. Si nos Ecoles françaises
d'Athènes et de Rome sont des établissements de grand
renom, elles le doivent, l'une aux belles fouilles longtemps
poursuivies de Delphes et de Délos. l'autre à la publica-
tion des registres de papes. Les jeunes gens qui ont poussé
ces grandes entreprises, en même temps qu'ils ont servi
les intérêts scientifiques et communs, se sont préparés à
l'accomplissement de travaux personnels. La collaboration
à une œuvre qui demande des aptitudes et îles connais-
648 RAPPORT SUR LES 'ÉCOLES d' ATHÈNES ET DE ROME
sances variées, constitue un enseignement mutuel. Aussi,
l'Académie ayant toujours encouragé les travaux dans
lesquels les membres des Ecoles d'Athènes et de Rome
peuvent faire concourir leurs efforts à une même œuvre et
réaliser de grands desseins, elle ne peut qu'applaudir la
persévérance avec laquelle, depuis plusieurs années et sous
la direction de M. Homolle, puis de M. Holleaux, grâce à
la générosité inépuisable de notre confrère M. le duc de
Loubat de qui nous ne pouvons plus compter les fondations
utiles et les scientifiques initiatives, tous les membres de
l'École, « vétérans et nouveaux », ont travaillé à Délos,
ce « champ de manœuvres de l'Ecole française », pour
reprendre l'heureuse expression de notre confrère M. Haus-
soullier.
Il n'y a cependant pas lieu d'insister en ce rapport sur
les progrès des fouilles de Délos au cours de l'année 1911,
non pas qu'elles aient été poussées avec moins d'activité
ni que les résultats en aient été moins remarquables que
pendant les campagnes antérieures, bien au contraire, mais
M. Holleaux a eu soin de tenir l'Académie au courant des
principales découvertes au fur et à mesure qu'elles se sont
produites. Il faut dire ici quelle est la part qui revient à
chacun dans l'œuvre commune.
L'École d'Athènes se composait en l'année scolaire 1911-
1912 de six membres français : MM. Hatzfeld, membre de
quatrième année ; Vallois et Dugas, de troisième année ;
Picard, de seconde année; Avezou et Plassart, de première
année. M. Gerhardt Poulsen, architecte délégué par l'Aca-
démie royale des Beaux-Arts de Copenhague, était le seul
membre étranger. Il a quitté l'École après trois ans de
séjour, en août 1911; il a été remplacé par son compa-
triote, M. Risom, comme lui architecte diplômé de l'Aca-
démie de Copenhague. C'est grâce à l'appui de M. le direc-
teur Nyrop que M. Holleaux a pu nouer avec l'Académie
de Copenhague des liens étroits, à telles enseignes que deux
RAPPORT SUR LES ÉCOLES d' ATHÈNES ET DE ROME 649
autres de ses membres, MM. Anton Frederiksen et Axel
Maar, l'un, architecte diplômé, l'autre élève de quatrième
année, appelés à Athènes en 1910, pour prêter leur con-
cours à M. Poulsen, y sont demeurés jusqu'au mois de juin
1911. L'Ecole a trouvé dans les architectes danois des col-
laborateurs au zèle, au dévouement et au consciencieux
talent de qui le Directeur s'est plu à rendre hommage.
Enfin, M. Ad.-J. Reinach faisait, comme membre hors
cadre, sa troisième année, et M. Albert Gabriel, architecte
diplômé du gouvernement, s'est joint, comme il le l'ait
depuis 1908, à la mission française.
La plupart des travaux exécutés à Délos pendant l'année
191 1 ont été relatés soit dans des lettres du directeur de
l'Ecole adressées à notre confrère M. le duc de Loubat,
et que celui-ci a communiquées à l'Académie *, soit dans le
rapport de notre confrère M. Th. Homolle « sur les tra-
vaux des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome en 1910-
191 1 », lu dans la séance du 20 octobre 1911 ~, soit dans le
rapport que le directeur, M. Holleaux, a présenté à l'Aca-
démie dans les séances des 5 et 12 janvier 1912 ^ . A quoi
l'on ajoutera une communication de M. R. Vallois sur les
Attiques déliens imprimée dans nos Comptes rendus 4.
La plus remarquable des inscriptions découvertes à
Délos, en 1911, un sénalus-consulte de l'an 106 avant J.-C.
relatif au culte de Sarapis, a fait l'objet de deux commen-
taires devant l'Académie, l'un de M. Holleaux5, l'autre de
notre confrère M. Edouard Guq6.
1. Académie des inscriptions cl belles-lettres. Comptes rendus des
séances de l'année I!) 1 1 . p. 123, iii2 cl 551.
2. Comptes rendus des séances de l'année 1911, p. 637.
•i. Comptes rendus des séances de l'année 19 1-2, p. (i el 1<>.
i. Comptes rendus des séances de l'année 1912, p. 105.
.V Comptes rendus des séances de l'année mil. p. s:so.
(i. Edouard Cuq, Le sénat as-consulte de Délos île l'an 166 avant noire
ère. Paris, Impr. nat., 1.912, in-i ■ (extr. des Mémoires de VAcndéinie des
inscriptions el belles-lettres, t. XXXIX).
650 RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME
Quelque importance qu'on attache aux fouilles poursui-
vies en commun par les membres de l'Ecole, soit que Ton
en considère les résultats pour les progrès de l'archéologie
et l'accroissement de nos connaissances historiques, soit
que l'on ait égard à leur vertu éducatrice, il serait regret-
table qu'elles prissent entièrement nos missionnaires et
qu'elles ne leur permissent pas de voyager, de regarder de
côté et d'autre, de faire de libres et personnelles recherches
où ils puissent exercer et développer leur initiative. Mais
il n'en est pas ainsi, et il est resté aux membres de l'Ecole,
en 1911, assez de loisir et de force pour parcourir la Grèce
et les îles, en quête d'antiquités. C'est M. Charles Dugas
continuant à Tégée des fouilles qui font l'objet d'un
mémoire dont nous allons parler; c'est M. Charles Picard
entreprenant avec l'aide de MM. A.-J. Reinach et Avezou
une exploration méthodique de l'île de Thasos, dont un
compte rendu inséré dans notre bulletin de mai dernier '
nous a permis de constater les beaux résultats ; c'est
encore M. Reinach faisant quelques fouilles à Lato, en
Crète; M. Hatzfeld explorant l'île de Chypre; MM. Picard
et Avezou relevant sur place les ruines du temple de
Stratos en Acarnanie ; M. Plassart faisant à Delphes,
sous l'obligeante direction de M. Bourguet, chargé d'une
mission par le Ministère, une campagne épigraphique des
plus méritoires.
Tant d'activité n'a pas fait tort à la rédaction des
mémoires que le règlement impose aux membres de troi-
sième et de seconde année.
M. Vallois qui s'est fait connaître à l'Académie par son
mémoire de l'an dernier, relatif aux Portiques de la Voie
Sacrée à Délos, par l'étude de l'un de ces portiques, celui
de Philippe 2, imprimée dans nos Comptes rendus, et par
1. Comptes rendus des séances de Vannée 1 912, p. 193.
2. Comptes rendus des sénnces de l'année 101 1, |>. 21 i.
RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME Gol
un travail sur les Attiques déliens ' inséré dans le même
recueil, a donné une nouvelle preuve de son expérience de
l'architecture dans le mémoire qu'il nous a présenté cette
année, consacré à l'un des édifices de Délos les plus remar-
quables à cause de ses dispositions insolites, celui que les
sculptures de certains de ses chapiteaux ont fait appeler
Temple des Taureaux.
MM. Homolle et Nénot en avaient déjà relevé le plan
et signalé les particularités2. Depuis, lors, l'édifice a été
complètement déblayé : il y avait donc lieu d'en faire
une étude nouvelle en prenant pour point de départ les
constatations et déductions des premiers explorateurs.
M. Vallois a été aidé dans cette tache par M. Gerhardt
Poulsen, grâce à qui il a pu joindre à son mémoire des
plans, des élévations, des coupes qui permettent de suivre
facilement ses explications.
De rigoureuses et minutieuses observations éclairées par
la connaissance de la technique architecturale ont conduit
M. Vallois à proposer, pour les trois divisions du temple, le
prodomos, la salle centrale et la cella du Nord, une restau-
ration laissant peu de place à l'hypothèse.
Les colonnes et les murs intérieurs du temple reposent
sur un soubassement à deux degrés avec une assise de
réglage en gneiss. Le prodomos, qui présente une façade
dorique à six colonnes, et trois colonnes sur les faces laté-
rales, donne accès à une longue salle centrale éclairée par
des baies percées dans les murs de l'Est et de l'Ouest,
lesquels supportent un entablement dorique composé
d'épistyles reposant sur des parastades à section rectangu-
laire, de frises et de corniches. La toiture à double versant
qui couvrait le prodomos et la salle centrale a fait l'objet
d'une étude approfondie de la part de MM. Vallois et
l. Comptes rendus des séances de l'année 1912, -p. 105.
~2. Bulletin <lc correspondance hellénique, t. VIII (1884 . p. H".
652 RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME
Poulsen, comme aussi la charpente, les plafonds, les tuiles,
les acrotères et les antéfixes, de telle sorte que nous avons
aujourd'hui tous les éléments d'une restauration de cette
partie de l'édifice.
On connaissait déjà les dispositions particulières de la
cella\ M. Vallois en a poussé l'étude plus loin. La cella
était séparée de la salle centrale par une colonnade trans-
versale formée de piliers déterminant trois entrecolonne-
ments. Les chapiteaux des piliers centraux se composent
d'un chapiteau de demi-colonne dorique, d'un côté, et, du
côté intérieur, de deux avant-trains de jeunes taureaux
agenouillés. Au-dessus de l'entrecolonnement central, deux
poutres de marbre parallèles aux versants du toit formaient
un entablement brisé, une arcature rectiligne sur laquelle
s'élevait le mur méridional du lanterneau. Entre la grande
salle et la cella s'ouvrait ainsi une sorte d'arc triomphal.
Ce que M. Vallois a ajouté aux constatations de ses devan-
ciers, c'est une restitution très détaillée du lanterneau. de
son entablement, de sa toiture, de son plafond peint et
doré renvoyant à la cella la lumière qu'il recevait des baies
latérales de l'attique ; c'est aussi l'étude des types de
fenêtres et de leur répartition dans les différentes parties
de l'édifice.
Le mode de construction et la comparaison avec le por-
tique d'Antigone permettent de rapporter cet édifice à la
première moitié du me siècle avant J.-C, mais la destina-
tion reste incertaine. Contre l'identification de M. Homolle
qui avait proposé d'y reconnaître le Kératôn, c'est-à-dire le
sanctuaire qui abritait le célèbre autel des Cornes élevé par
Apollon, M. Vallois fait quelques objections, mois il s'abs-
tient d'en présenter une autre. S'il remarque que les frag-
ments d'une frise en haut relief provenant peut-être du
monument triangulaire de la cella paraissent représenter le
transport de Léto à Délos, il se garde d'en conclure que le
temple lui lut consacré.
RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE HOME 653
« En résumé, dit M. Collignon, dans le rapport qu'il a
lu devant la Commission, le mémoire de M. Vallois, sous
une forme sobre et technique, est une excellente contribu-
tion à l'étude de l'architecture délienne. Il met en œuvre,
pour la restitution du temple des Taureaux, tous les élé-
ments qu'il a été possible de recueillir, et l'on peut espérer
que remanié et complété par l'auteur, il constituera un
important fascicule dans la publication, si heureusement
commencée par les soins de M. Holleaux, des fouilles de
Délos. »
Le sujet du mémoire de M. Charles Dugas, Le temple
cTAthèna Aléa à Tégce, n'est pas une nouveauté pour l'Aca-
démie. Car un compte rendu sommaire des fouilles de
M. Dugas à Tégée, a été imprimé dans notre Bulletin
d'avril 1911 * ; mais le mémoire manuscrit en diffère
autant qu'une dissertation d'un simple procès-verbal. Les
fouilles très profondes que M. Dugas a faites autour des
ruines du temple et la découverte de nombreux petits
objets archaïques l'ont amené à consacrer un premier cha-
pitre aux sanctuaires qui ont précédé le temple du IVe siècle
et notamment à celui qui fut brûlé en 395-394. Mais la
détermination des emplacements et les reconstitutions qu'il
propose, sont, comme il le reconnaît, singulièrement hypo-
thétiques.
Les ruines du temple décrit par Pausanias offriront à
M. Dugas un terrain plus solide; mais avant de l'aborder
il nous donne un catalogue de tous les objets recueillis
dans les fouilles, rédigé avec le soin minutieux dont
M. Dugas est coutumier et que le rapporteur de l'an der-
nier, notre confrère M. Homolle, était tenté de trouver
exagéré ; ce catalogue est toutefois très intéressant, mais il
convenait de le rejeter en appendice à la tin du mémoire.
La seconde partie consacrée à la restitution du temple
du [Ve siècle ne mérite que des éloges.
I. Comptes rendus des séances de l'année 1911. p. 257 et suiv.
654 RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME
Le résumé suivant qu'en a fait notre confrère M. Haus-
soullier complétera les renseignements que M. Dugas avait
déjà donnés à l'Académie :
« Le temple d'Athèna Aléa est orienté de l'Est à l'Ouest.
On y accédait par trois degrés et deux rampes, l'une sur le
petit côté Est, l'autre sur le long côté Nord. C'est un édi-
fice périptère hexastyle, d'ordre dorique, avec quatorze
colonnes sur les longs côtés. Les métopes de la péristasis
étaient lisses. Au contraire, celles du pronaos et de l'opis-
thodome, de dimensions moindres, étaient sculptées. L'exis-
tence de ces sculptures nous est seulement attestée par des
inscriptions gravées à la partie supérieure de l'architrave :
Aîiya, T^Xëœoç, "A[Xsoç], Kaçetôai, c'est-à-dire les noms des
personnages qui remplissaient à l'Ouest et à l'Est quelques-
unes des métopes. »
Pour ce qui regarde les dispositions de la cella, M. Dugas
n'ajoute rien à ce qu'il avait dit précédemment, sinon que
certaines assises des fondations qu'on pourrait croire desti-
nées à porter des colonnes sont de basse époque, peut-être
de travail byzantin.
« Enfin, le temple eut pour architecte Scopas. M. Dugas
admet que, se réservant pour les sculptures des frontons et
les statues de l'intérieur, le maître parien confia l'exécution
de la partie ornementale, très riche et très variée, à quelque
artiste formé dans les ateliers d'Epidaure. L'influence
d'Épidaure est si manifeste que le temple de Tégée ne sau-
rait être antérieur à la Tholos : il faut l'attribuer à la
même époque, vers 375 avant J.-G. »
Tous les résultats obtenus par M. Dugas ne sont pas
également certains, et il est trop prudent pour ne pas
avertir lui-même de la part faite à l'hypothèse. Ainsi l'on
doutera que l'interprétation qu'il a proposée des passages
de Pausanias relatifs à la description du temple soit pleine-
ment satisfaisante.
Mais au jugement de M. Haussoullier, on doit louer
RAPPORT SUR LES ÉCOLES D 'ATHÈNES ET DE ROME <>.">.")
dans son travail « l'exactitude de l'information person-
nelle, l'abondance des observations et des rapprochements ».
Complété par l'étude des sculptures des frontons, il en
sortira un livre qui couronnera dignement les onze ans
d'efforts de l'Ecole française pour le déblaiement du temple
d'Athèna Aléa.
Nous avons, plus haut, fait allusion à l'exploration de
l'île de Thasos par M. Charles Picard. Un rapport imprimé
dans nos Comptes rendus ' a fait connaître à l'Académie
comment dès 1910 M. Charles Picard a repris à Thasos la
tradition des recherches archéologiques inaugurées et pour-
suivies par MM. G. Perrot, Miller, Salomon Reinach, de
llidder, Mendel et Déonna, comment les fouilles ont été
faites d'accord avec le Musée impérial ottoman, comment
MM. Picard, Avezou et A.-J. Reinach se sont partagés la
besogne, ce dernier dirigeant ses recherches vers le sanc-
tuaire d'Artémis Polo, tandis que les deux premiers déga-
geaient l'enceinte hellénique et le temple archaïque de
l'Acropole.
C'est cette exploration qui a fourni à M. Picard le sujet
de son mémoire dont l'envoi à l'Académie dans le temps
porté par le règlement est un témoignage particulièrement
méritoire de son zèle scientifique puisque ce vaillant archéo-
logue a dû l'écrire pendant la convalescence d'une grave
et longue maladie contractée au cours de sa campagne de
fouilles.
Le titre en est Premières éludes thasiennes. L enceinte
hellénique. M. Picard a déblayé complètement les portes,
ornées de bas-reliefs dont quelques-uns étaient connus, dont
d'autres ont été découverts en 1911, et spécialement ce
Silène au canthare dont l'image a été donnée dans nos
Comptes rendus et qui était sculpté sur la porte dite
«oblique». Les exemples de décoration sculptée appliquée
1. Comptes rendus des séances de l'année l'.ll-J, p. Ii».'i.
L912. i.i
65G RAPPORT SUR LES ÉCOLES DATHÈNES ET DE ROME
à une porte monumentale sont fort rares ; l'enceinte de
Thasos en fournit donc plusieurs et remarquables. C'est le
mérite de M. Picard d'avoir défini la destination de ces
bas-reliefs et, pour employer son expression, déterminé
« leur caractère religieux et civique ».
Comme l'Héraklès de la porte voisine, le Silène de la
Porte oblique est le gardien de l'entrée de la ville. Il a une
vertu prophylactique, mais il représente aussi une sorte de
blason de la cité, car, ainsi que l'auteur l'a montré par une
fine analyse, le type est conforme à celui qui paraît sur les
monnaies de Thasos. Ainsi, ce qui frappait tout d'abord les
veux du voyageur franchissant la porte, c'était l'image
d'un des compagnons de Dyonisos, du dieu protecteur de
ces vignes qui faisaient la richesse de l'île.
« Conduit avec une méthode rigoureuse, dit M. Colli-
gnon dans son rapport à la Commission, et un rare souci
de l'exactitude, de la clarté, de la précision, illustré de
nombreuses photographies et de relevés d'architecture très
habilement exécutés, ce mémoire fait grand honneur à
M. Ch. Picard qui se montre à la fois un explorateur
sagace et un érudit parfaitement informé. Il faut souhaiter
que M. Picard continue des recherches si heureusement
commencées, qui complètent les travaux de ses devanciers
et font ainsi de l'exploration de Thasos une œuvre fran-
çaise. »
Les membres de l'Ecole d'Athènes apportent à l'œuvre
scientifique si brillamment poursuivie par la France en
Grèce depuis plus de soixante ans, l'ardeur souvent témé-
raire et impatiente de la jeunesse, et, bien qu'ils soient
enclins à se grouper et à s 'entraider, comme nous l'avons
vu, on pourrait craindre l'éparpillement des efforts comme
aussi des interruptions et même l'abandon des longues
entreprises si le Directeur n'était là pour discipliner ces
forces et mettre chacune à leur place, maintenir la tradi-
tion, relier les générations, d'un mot. faire converger les
RAPPORT SUR LKS ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME 657
recherches individuelles vers un but commun. Nul n'a tenu
ce rôle mieux que M. Holleaux, si d'autres l'ont tenu
aussi bien. Les six mémorables campagnes pendant les-
quelles, de 1884 à 1891, il découvrit et déblaya le sanc-
tuaire d'Apollon Ptoïos à Perdico-Yrvsi *, lui avaient
donné l'expérience des fouilles. Ajoutez qu'il est également
versé dans l'histoire des arts plastiques et dans l'épigra-
phie. et que la variété et la perfection de ses travaux his-
toriques, où il a fait preuve d'un sens critique si pénétrant,
le désignaient pour les fonctions de directeur. M. Homolle
a rappelé, il y a un an, comment M. Holleaux, mis à la
tète de l'Ecole d'Athènes, en 1904, accepta aussitôt « sans
hésitation ni réserve » l'héritage de son précédesseur.
« subordonnant ses préférences personnelles et les travaux
qu'il avait lui-même engagés et qui n'étaient point achevés,
au devoir de terminer une œuvre à laquelle vingt générations
d'Athéniens avaient travaillé, qui », grâce à la générosité
de notre confrère, M. le duc de Loubat, « se trouvait
désormais pourvue de ressources inespérées et qui devait
être couronnée par une publication digne de tant d'ellbrts
accumulés'.» De 1904 à 1911 M. Holleaux donna aux
fouilles de Délos la meilleure part de son activité. Avec
l'aide des jeunes archéologues qu'il devait diriger et former,
il les poursuivit suivant la méthode la plus rigoureuse et
avec intensité. Et de la même façon que dans ses disserta-
tions historiques et archéologiques il va jusqu'au fond des
choses, pareillement dans ses fouilles il creusa jusqu'au
sol vierge. Ce fut un modèle d'exploration que les vova-
geurs français et étrangers louèrent à l'envi.
M. Holleaux comprit aussi la nécessité de publier le
1. Georges Radet, L'histoire et l'œuvre de VÉcole française d'Athènes,
p. -299.
2. Rapport sur les travaux des Écoles françaises d'Athènes ci ,lc Rome
en 1910-19 II, pur M. Th. Homolle, dans Comptes rendus des séances de
l'année 191 1 , p. 029-630.
658 RAPPORT SUR LES ÉCOLES d' ATHÈNES ET DE ROME
plus promptement possible les résultats de ces fouilles qui
constituent avec celles de Delphes l'œuvre la plus considé-
rable de l'École d'Athènes. Il a adopté pour cette publi-
cation un plan qui permettra de faire avancer cet ouvrage
sans attendre l'achèvement de l'exploration : chaque fasci-
cule sera consacré soit à un monument soit à un groupe
de monuments, sans parler de l'introduction et des études
complémentaires. Les fascicules de l'Exploration archéolo-
gique de Délos parus de 1909 à 1911 sous la direction de
M. Holleaux sont les suivants :
Fascicule I (1909). Introduction. Carte de Vîle de Délos au
I 10000e, avec un commentaire explicatif, par André Bel-
lot, capitaine d'artillerie;
Fascicule II (1909). La salle hypostyle, par Gabriel Leroux,
ancien membre de l'Ecole ;
Fascicule III (1910). Introduction (suite). Cartographie de l'île
de Délos, par L. Gallois, professeur à l'Université de Paris ;
Fascicule IV (191 1). Description physique de Vile de Délos, lre
partie, par L. Gayeux, professeur au Collège de France.
Enfin, il faut rappeler que si le Bulletin de correspon-
dance hellénique a paru avec régularité en ces dernières
années, le mérite en revient à M. Holleaux.
Votre Commission a pensé qu'au lendemain du jour où
M. Holleaux a quitté Athènes, il convenait qu'elle lui
exprimât publiquement la reconnaissance de l'Académie en
rendant hommage au dévouement et à l'autorité scienti-
fique avec lesquels il a, comme directeur de l'Ecole fran-
çaise, contribué au maintien et au développement des
études grecques qui ne sont pas la part la moins glorieuse
de notre patrimoine national.
*
L'École française de Rome comprenait en 1911-1912 six
membres : MM. Hirschauer, Massigli et Romier, membres de
RAPPORT SUR LES ÉCOLES d'aTHÈNES ET DE ROME fiî)9
deuxième année ; MM. Fawtier, Martin et Waquet, de
première année. M. Martin ayant été retenu en France par
le service militaire, une troisième année a été accordée à
M. Anziani. En outre, M. Waquet, nommé archiviste du
département du Finistère, a quitté l'Ecole à la lin d'avril
1911 ; sa place fut donnée à un ancien membre, M. de
Boûard, qui se trouvait encore en Italie, poursuivant, grâce
à une subvention de l'Académie, des travaux commencés
à l'Ecole.
M. Anziani a profité de la prolongation qui lui était
accordée pour compléter l'étude remarquable qu'il a pré-
sentée l'an dernier à l'Académie sur la ville étrusque de
Caere. Le gouvernement italien s'est réservé l'exploration
de la nécropole antique ; mais, hors des limites de ce
domaine clos, M. Anziani a continué l'exploration de la
ville. Et puisqu'il sait concilier les recherches dans les
bibliothèques avec les investigations sur le terrain, il a' écrit
pour les Mélanges de l'Ecole un mémoire sur la condition
juridique des Cœrites dans le droit romain. Sur le terrain
il a cherché à résoudre les nombreux problèmes que pose le
tracé des deux voies romaines qui traversaient l'Etrurie
méridionale. A cette fin il a parcouru en tous sens la partie
de la Tuscie romaine où il pouvait retrouver les traces de
ces anciennes voies. Puis il s'est transporté en Tunisie où,
sur le conseil de M. Merlin, directeur des Antiquités, il a
entrepris l'étude comparative des nécropoles puniques du
Sahel. Mais comme la tâche est ardue et vaste, il s'en est
tenu, tout d'abord, à trois des nécropoles les plus impor-
tantes. Le mémoire qu'il a écrit sur ce sujet a paru dans les
Mélanges '.
C'est au même ordre de travaux que se rattache une
étude qu'il publiera prochainement dans les Mélanges sur
1. Nécropoles puniques du Sahel Tunisien, par D . Anziani, dans École
française de Rome, Mélanges d'archéologie et d'histoire, année 1912,
I». 245-303, pi. VII-XII.
660 RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME
l'âge des vases de terre noire, d'origine étrusque, et des
vases peints gréco-italiques, trouvés dans les nécropoles de
Cartilage. Un vase de style corinthien tiré d'un tombeau
carthaginois a fait, le 19 juillet dernier, l'objet d'une com-
munication à l'Académie.
Voilà de quoi justifier la prolongation de mission accordée
à M. Anziani.
Le mémoire que M. de Boùard nous a envoyé porte le
même titre que celui de l'an dernier : Le régime politique
et i administration de Borne au moyen âge [i252-i347)-
C'est cependant un tout autre travail ; ce qui n'était qu'uen
ébauche est devenu un livre. Pour ce qui regarde le régime
politique, le livre d'un ancien membre de l'Ecole de Rome,
M. Jordan, sur les origines de la domination angevine en
Italie, a ouvert, en plusieurs directions, la voie à M. de
Boùard. Mais, sur les institutions administratives, nous
n'avions que des livres superficiels ou trop généraux, des
monographies vieillies, des articles de revue d'un objet
particulier. L'ouvrage de M. de Boùard fait suite à un livre
de son prédécesseur à l'École, M. Halphen, et c'est déjà
une qualité que M. Homolle a mise en lumière à propos du
premier mémoire. M. de Boùard a pris les choses où les
avait laissées M. Halphen, à l'année 1252 que les Romains
appelèrent le bolonais Brancaleone degli Andalô pour gou-
verner leur ville avec le titre de sénateur. S'il a choisi
pour l'autre terme de son étude le milieu du xive siècle,
c'est qu'à cette époque la papauté a repris à l'égard des
Romains la même position qu'avant l'organisation du
régime communal ; elle a recouvré le gouvernement de la
ville dont elle s'était dessaisi ou qu'elle s'était laissé enle-
ver par morceaux au xne siècle et pendant la première
moitié du siècle suivant. Pourquoi la date précise de 1347 ?
parce que cette année est celle de l'avènement du tribun
réformateur Cola Rienzi.
Le peu d'attention que l'on a accordée à l'histoire muni-
RAPPORT SUR LES ÉCOLES d' ATHÈNES ET DE ROME 661
cipale de Rome au moyen fige, d'une ville qui se qualifiait
souveraine du monde, Roma caput mundi, nous surprend
tout d'abord. Et cependant les causes de cette négligence
ne sont pas difficiles à découvrir : le prestige éclatant de
l'antiquité romaine rejetant dans l'ombre les âges posté-
rieurs, et cet autre prestige de l'universalité du pouvoir
pontifical, pour qui les affaires de Rome ne sont qu'un
détail, un point dans le monde chrétien. H y a une autre
cause, la disparition des archives municipales : ni registres
des conseils, ni registres de lettres, ni livres de comptes,
ni même titres de propriété; à peine quelques statuts de la
ville et de corporations conservés. La rareté, la dispersion,
la nature des documents rendaient difficile la tâche de
M. de Boùard. Il ne pouvait avoir à sa disposition que
des documents indirects qu'il lui fallait rechercher soit
dans les archives des souverains ou des villes ayant eu
des relations avec la municipalité romaine, soit dans les
archives des familles patriciennes, soit dans les archives
des églises de Rome. Que d'inventaires, de liasses et de
registres n'a-t-il pas dû remuer avant de rencontrer le
document utile, perdu au milieu de matériaux complète-
ment étrangers à l'objet de ses études! Nous n'énumérerons
pas les nombreux dépôts d'archives qu'il a explorés en
Italie. Mais c'est un devoir de nommer ici les personnes
qui ont favorisé ses recherches afin que l'Académie puisse
joindre ses remerciements à ceux que leur a adressés M. de
Boùard. Le fonds d'archives de l'église Santa Maria in Via
lata est maintenant déposé à la Bibliothèque du Vatican :
l'inépuisable obligeance du R. P. Ehrle, dont l'Ecole fran-
çaise a constamment éprouvé les bienfaits, a permis à M. de
Boùard d'en tirer parti. La libéralité de nobles Romains,
particulièrement le prince Colonna et le comte Sacchetti,
lui a ouvert les archives de familles patriciennes. Le fonds
Orsini appartient aujourd'hui à la ville de Rome ; il est
conservé dans la Torre Anguillara, et, bien que ces par-
662 RAPPORT SUR LES ÉCOLES d'aTHÈNES ET DE ROME
chemins n'aient pas encore été livrés au public, l'archi-
viste des archives historiques de la commune de Rome,
M. C. Moretti, avec la même générosité qu'eût fait l'illustre
famille dont Rome a l'honneur de garder les titres, a per-
mis à M. de Boùard d'en prendre connaissance ; et les
pièces qu'il en a tirées sont parmi les plus importantes
qu'il ait transcrites.
Si l'on ne considérait que le nombre des documents rela-
tifs à l'objet que notre auteur avait en vue, on estimerait
que les résultats obtenus ne sont pas en rapport avec
l'étendue des recherches. Mais tout en réunissant les élé-
ments de l'histoire de Rome, M. de Boùard ne s'est pas fait
faute d'ouvrir les yeux sur d'autres documents ; il a acquis
une connaissance générale des archives qu'il a étudiées, et,
dans son introduction, il nous fait part de l'état des divers
dépôts visités et des ressources qu'ils peuvent fournir aux
historiens.
Le mémoire dont nous avons à rendre compte se divise
en deux parties. La première est l'histoire politique de la
commune de Rome, l'histoire de ses relations avec le pape,
les nobles, le peuple et les corporations d'artisans, l'Em-
pereur même. Le fait qui de 1232 à 1347 domine tous les
autres, les commande, c'est la reprise par le pape du gou-
vernement de la ville. La seconde partie est constituée par
le tableau des institutions municipales. Après quelques
considérations sur la nature et l'élaboration des statuts
communaux, l'auteur explique la constitution des conseils,
les vicissitudes du Sénat, les fonctions des juges palatins
et celles des divers officiers. Une liste de sénateurs, de
1292 à 1374, forme un appendice; c'est plus qu'une liste;
la mention des principaux actes des sénateurs en fait une
brève chronique municipale. Enfin, trente-deux pièces jus-
tificatives complètent ce travail.
J'ai déjà signalé chez M. de Boùard une pratique con-
sommée des archives; il a d'autres qualités ; avant de les
RAPPORT SLR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME G63
signaler, nous nous permettrons de relever dans son travail
quelques défauts. La pensée est parfois un peu indécise ; le
mot n'y est pas toujours approprié, et c'est même la raison
pourquoi, en plusieurs passages, nous ne la saisissons p;is
bien. Il semble aussi que le plan ne soit pas conforme à la
logique : l'ordre des deux parties devrait être renversé. On
éviterait ainsi des répétitions. Ne convient-il pas, en effet,
de décrire la machine et d'en détailler les organes avant
d'en montrer le fonctionnement?
Les défauts de ce genre que les rapporteurs de l'Académie
ont maintes fois relevés dans les mémoires envoyés des
Ecoles d'Athènes et de Rome tiennent en partie au peu de
temps dont les membres disposent pour la rédaction de
leur travail. Soit. Il n'est cependant pas inutile de rappeler
qu'il appartient à des jeunes gens formés à l'école des deux
peuples les plus curieux de l'art de bien dire, et dont la
pensée, pour s'être exprimée en formules définitives, a
continué de diriger le monde civilisé à travers les siècles et
jusqu'à nous, de maintenir le culte de la forme, et, sinon
d'atteindre toujours l'élégance, de conformer, au moins, la
langue à la pensée et de donner ainsi au style la correc-
tion et la précision qui sont les qualités essentielles de tout
écrit scientifique.
M. de Boùard a témoigné, d'autre part, qu'il a l'esprit
(1 un historien. Ce n'est pas à lui qu'on reprochera d'arrêter
son travail après le classement des notes. Il n'est pas de
ceux pour qui l'histoire consiste dans le simple récit des
faits, suivant l'ordre chronologique. Il s'applique à lier les
événements, à en rechercher, et très finement, les causes et
les résultats; pour suppléer aux documents, il a recours
à de légitimes hypothèses; il ne lui déplaît pas de se
demander ce qui fût arrivé, si . . . II a des vues sur les
alentours de son sujet. D'un mot. il fait de la philosophie
de l'histoire, et on doit l'en louer. Il ne lui suffit pas de
nous faire assister aux efforts et aux progrès de la papauté
66 i rapport si*H les écoles d'athènes et de rome
vers le rétablissement de son autorité sur Rome; il sait nous
montrer par quelles voies elle y est arrivée ou comment
les circonstances l'ont servie, et, par exemple, comment
l'éloignement de Rome qui, a priori, aurait dû aller contre
cette fin, y conduisit au contraire. La commune romaine
ne pouvait vivre, prise entre les deux termes d'un dilemme,
la présence de la papauté à Rome, ou son éloignement lui
étant également fatales : ou la présence du pape et l'écra-
sement du gouvernement municipal sous le prestige et le
poids d'une souveraineté spirituelle d'un caractère univer-
sel, servant d'appui au rétablissement d'un pouvoir tempo-
rel absolu, ou l'éloignement du pape, et la déchéance éco-
nomique autant que politique et morale d'une ville qui
n'avait d'autre force que celle que lui donnait sa qualité de
capitale du monde chrétien.
Nous souhaitons que M. de Boùard imprime le livre
dont il nous a soumis le manuscrit. Pour l'approcher de la
perfection, il lui suffira d'en modifier le plan, d'y mettre,
en guise de préface, un tableau de la topographie juridique
de Rome, si l'on peut ainsi parler, et de rappeler briève-
ment les origines et le développement du pouvoir temporel
des papes sur la ville avant le xme siècle.
Aux recherches de M. de Boûard dans les archives
royales de Naples se rattache un projet de publication
dont le directeur de l'Ecole de Rome a exposé le plan dans
son rapport à M. le Ministre de l'Instruction publique. On
conserve, en ces archives, une série d'environ quatre cents
volumes contenant la transcription des lettres administra-
tives et autres actes des rois angevins de Sicile. Notre
confrère, le comte Durrieu, les a étudiés quand il était
membre de l'Ecole française de Rome. Il a mis en lumière
leur importance en même temps qu'il en a restitué l'état
primitif profondément troublé à la reliure. Depuis long-
temps Mgr Duchesne est sollicité de faire dresser le cata-
logue des pièces relatives à l'histoire de France transcrites
RAPPORT SIK LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME (>(>•">
dans ces registres. Or, M. de Boûard, recherchant les actes
de Charles et de Robert d'Anjou, en qualité de sénateurs
de Rome, a dû dépouiller ces volumes feuillet à feuillet. Il
a donc paru à Mgr Duchesne que l'occasion était propice
de réaliser le dessein qu'il avait formé et d'en confier sinon
l'exécution entière, au moins la mise en train, à un jeune
érudit à qui les archives angevines sont devenues fami-
lières. C'est pourquoi il a demandé à M. le Ministre de
l'instruction publique d'accorder à M. de Boûard une qua-
trième année d'école.
M. Charles Hirschauer, membre de deuxième année,
tout en aidant M. de Boûard à tirer des archives de la
Torre Anguillara les éléments d'un travail sur les relations
des Orsini avec la France, particulièrement à l'époque des
guerres d'Italie, a rédigé un mémoire sur La politique de
saint Pie V en France, dont le manuscrit nous a été
transmis.
Pour tracer un tableau complet et définitif de la poli-
tique de Pie Y en France (1566-1572), M. Hirschauer
n'avait pas à Rome tous les matériaux nécessaires. Il a
jeté la sonde à Paris et il a reconnu la nécessité de faire
à la Bibliothèque nationale et aux Archives nationales des
recherches méthodiques. Même pour les livres imprimés, il
en est d'introuvables dans les bibliothèques romaines ;
M. Hirschauer nous les signale, car il connaît très bien la
bibliographie de son sujet. Cependant, aux ouvrages qu il
se propose de dépouiller, il devra joindre, comme le lui a
indiqué le rapporteur, M. Valois, le mémoire de Philippson,
l)ic rômische Curie und die Bartholomausnacht, publié en
L892 dans la Deutsche Zeitschrift fur Geschichtswissen-
schaft, et surtout le livre du P. E. Polandri. Les négocia-
tions politiques et religieuses cuire la Toscane et la France,
dans Lequel il lira plusieurs pièces qu'il a pris soin de
transcrire aux Archives de Florence.
Mais M. Hirschauer a épuisé les sources italiennes, et
666 RAPPORT SUR LES ÉCOLES d' ATHÈNES ET DE ROUE
ainsi il a rempli son devoir de membre de l'Ecole de Rome.
Le premier, depuis l'ouverture des Archives du VTatican,
ou le second, si l'on tient compte d'un ouvrage assez
médiocre paru de 1879 à 1882, il a fait un dépouillement
méthodique et fructueux des diverses séries d instructions
et de correspondances des nonces ordinaires et extraordi-
naires accrédités par Pie V auprès des rois de France et
d'Espagne. Il a, en outre, exploré les archives farnésiennes
de Xaples et de Parme, les archives de Florence, de Turin
et de Modène, ce qui lui a permis de réunir une masse
considérable de documents nouveaux, dont il a transcrit
les plus importants en leur entier, les classant tous et les
interprétant avec un sens historique très délicat et très
judicieux.
Le pontificat de Pie V correspond aux années les plus
critiques du règne de Charles IX, à la fin du ministère de
L'Hospital, aux seconde et troisième guerres de religion ; il
se termine presque à la veille de la Saint-Barthélémy : c'est
dire quel puissant intérêt offre l'histoire des rapports de
ce pape avec la France. Dans quelle mesure le pieux domi-
nicain que son seul mérite avait porté à la chaire de saint
Pierre, et qui, d'ailleurs, ne dissimula jamais son désir
de terrasser le protestantisme français, contribua-t-il à
entraîner le gouvernement de Catherine de Médicis et de
Charles IX dans les voies sanglantes où il devait conquérir
un si triste renom, c'a été et c'est encore l'objet de discus-
sions passionnées, et c'est ce que nul livre n'aide mieux à
comprendre que le mémoire de M. Hirschauer. Telle est
l'opinion d'un bon juge en la matière, notre confrère
M. Valois.
« Plusieurs des pièces exhumées par M. Hirschauer,
ajoute M. Valois dans le rapport qu'il a lu devant la Com-
mission, semblent à première Arue donner raison aux parti-
sans, de plus en plus rares, de la préméditation de la Saint-
Barthélémy : telles, par exemple, certaines missives du
RAPPORT SUR LES ÉCOLES D 'ATHÈNES ET DE ROME 667
nonce Frangipani, du 24 septembre et du 6 novembre
1570, ou encore des dépêches du protonotaire Bramante, des
14 et 28 novembre de la même année (et non de 1571,
comme l'indique M. Hirschauer). Mais lui-même sait
réduire a leur juste valeur les conclusions qu'en bonne
critique il convient d'en tirer, et la solution moyenne qu'il
propose se recommande tout particulièrement à l'attention
des historiens : « A notre avis, écrit-il, Catherine de Médi-
cis et son fils cherchèrent à maintenir une sorte de trêve
entre protestants et catholiques, mais songèrent parfois, au
cas où les premiers auraient voulu prendre un trop grand
pied clans l'Etat, à se débarrasser de leurs principaux chefs,
tout en évitant une nouvelle guerre. C'est la même idée
qui inspira la Saint-Barthélémy. Mais il est invraisemblable
de croire à une machination continue contre les protes-
tants. »
Le rôle de Pie V en France peut se résumer de la façon
suivante : pendant les périodes de guerre il se flatte d'ex-
terminer le protestantisme par la force des armes; après la
paix de Saint-Germain il s'évertue à empêcher le roi très
chrétien de s'allier aux Huguenots et de déclarer la guerre
à l'Espagne, et il tache de l'attirer dans la Ligue catho-
lique contre les Turcs déjà vaincus à Lépante.
C'est en préparant pour l'impression dans le recueil des
Nonciatures de France au XVIe siècle entrepris par le
Comité des Archives d'histoire religieuse et placé sous la
direction de M. Imbart de La Tour, les papiers des nonces
de France sous Pie Y, que M. Hirschauer a été amené à
rédiger l'étude dont nous venons de rendre compte.
Ni les recherches dans les Archives du Vatican et dans
celles de plusieurs villes du Nord de l'Italie, ni le travail
de mise en œuvre des matériaux relatifs à la politique de
Pie V n'ont épuisé l'activité de M. Hirschauer, qui, pen-
dant un séjour assez long à Naples, a copié la correspon-
dance du conseiller d'Etat Christophe d'Assonleville avec
068 RAPPORT SLR LLS ÉCOLES D ATHÈNES ET DE ROME
Marguerite de Parme au cours des années 1578 et loTîl.
Très précieuses pour l'histoire de la pacification "des Pays-
Bas par Alexandre Farnèse, ces lettres seront prochaine-
ment publiées dans les Mélanges de l'Ecole de Rome.
M. René Massigli s'était révélé archéologue en rédigeant,
pendant sa première année d'Ecole, un catalogue du Musée
de Sfax ; en seconde année il a fait œLivre de philologue e*
de canoniste. Le mémoire qu'il nous a adressé est intitulé :
Concile damasien ou Décret gélasien ? Etude sur la forme
primitive du décret « De recipiendis et non recipiendis
lihris », accompagné d'une édition critique. Le document
dont M. Massigli a voulu tirer les origines au clair et déter-
miner la valeur, est très important, puisqu'on y trouve la
liste officielle des livres authentiques de l'Ancien et du
Nouveau Testament avec l'indication des apocryphes. La
littérature est fort abondante, mais M. Massigli n'eut pas
de peine à constater que les derniers travaux sur le texte
n'ont abouti qu'à des résultats insuffisants. M. Massigli a
repris la question à la base, c'est-à-dire par l'examen des
manuscrits, et il n'y en a pas moins de soixante-seize, qu'il
a décrits et colla tionnés. La seule origine des manuscrits
donne quelque lumière sur l'origine même du document.
Le Nord de l'Italie, Bobbio, Ravenne, puis Bénévent, le
Sud de la Gaule, et les monastères du Nord tels que Gorbie,
enfin Saint-Gall peuvent avoir fourni un archétype ; aucun
manuscrit n'est d'origine romaine.
L'hypothèse damasienne, l'hypothèse gélasienne et l'hor-
misdienne sont successivement examinées et rejetées. Sui-
vant M. Massigli, le décret dont il s'agit est l'œuvre d'un
Gaulois, probablement un arlésien. de la fin du Ve siècle:
« Un Gaulois très averti des choses de Rome, écrit
M. Massigli, un catholique mêlé aux querelles religieuses
de son temps, un grand admirateur de saint Jérôme, un
partisan de Rome qui conserve cependant sa liberté d'ap-
préciation à l'égard de certains écrits sortis des fabriques
RAPPORT SLR LES ÉCOLES d'aTHÊNES ET DE ROME 669
romaines de faux, tel apparaît maintenant le pséudo-
Damase ; sa science qui n'est pas douteuse, ne va pourtant
peut-être pas au delà d'une connaissance superficielle des
hommes et des livres dont il s'occupe. »
L'ouvrage eut du succès. Il prit diverses formes, reçut
diverses attributions. La forme gélasienne Ht fortune :
« Rome fut plus longue à l'adopter otficiellement, mais
lorsqu'après Atton de Verceil et Bouchard de Worms,
Anselme de Lucques l'eut admis dans son recueil, le décret
gélasien trouva place dans le Décret de Gratien ; c'était
sa consécration officielle ; l'œuvre de l'anonyme arlésien
prenait rang- parmi les lois de l'église romaine. »
M. Châtelain estime que si la conclusion qu'on nous
propose en un sujet si délicat n'est pas de tout point défi-
nitive, il reste que, grâce à une analyse approfondie des
manuscrits et des sources, M. Massigli a enlevé tout crédit
aux anciennes opinions '.
M. Lucien Romier faisait en 1911-1912 sa deuxième
année d'Ecole ; en réalité, c'était sa troisième année de
séjour en Italie. Le mémoire qu'il a envoyé à l'Académie
est intitulé : Henri II et V Italie. C'est un vrai livre; ce
n'est même que le premier des deux volumes dont l'ou-
vrage se composera. Cette première partie comprend le
récit de la lutte entre Henri II et Charles-Quint jusqu'à
l'abdication de ce dernier, et même un peu plus loin, jus-
qu'à la trêve de Vaucelles conclue en 1556 avec Philippe II.
Les textes utilisés sont empruntés aux archives de Rome
et de Paris, à celles de Parme, de Modène, de Ferrare, de
Venise, de Florence, de Sienne et de Turin, pour ne citer
que les dépôts les plus importants. Ce n'est cependant pas
d'un recueil de documents qu'il s'agit. M. Lucien Romier,
1. Depuisque M. Massigli a envoyé son mémoire à l'Académie, un livre
de M. Ernst von Dobschùtz a paru sur la même question, intitulé Bas
Becrelmn Gelasianum delibris recipiendis el non recipiendis im kritischen
VV.//: Leipzig, 1912 (Texte und Untersuchungen zur Geschichte d.
altchrist. Lit. — 3« Reine, VIII, 1 .
670 RAPPORT SUR LES ÉCOLES D'ATHÈNES ET DE ROME
qui, aussitôt après sa sortie de l'École des Chartes, s'est fait
connaître par une excellente biographie du maréchal de
Saint-André, montre une fois de plus le talent qu'il a de
composer un livre d'histoire.
Nous ne saurions analyser ici l'ouvrage de M. Romier.
Il suffira d'en signaler, à la suite du rapporteur, M. Elie Ber-
ger, les passages les plus remarquables, par exemple la pein-
ture de l'antagonisme de Montmorency et des princes lor-
rains dans les questions italiennes, et l'explication du rôle
joué dans la diplomatie d'Henri II par les « cardinaux pro-
tecteurs » chargés de maintenir en Italie les intérêts de la
France et de ses clients, le cardinal Jean du Bellay, le car-
dinal de Tournon, disgracié à la mort de François Ier, puis
rentré en faveur, le cardinal Farnèse et surtout le cardinal
de Ferrare, Hippolyte d'Esté, oncle de la duchesse de
Guise, fastueux et magnifique, avide d'autorité, tout-puis-
sant à Sienne pendant les années où les Français y domi-
nèrent, jusqu'au jour où il dut céder la place à son rival
Piero Strozzi, le chef des exilés florentins. C'est encore un
chapitre plein de choses nouvelles et inattendues que celui
où l'auteur a relaté les menées des bannis de Florence et
de Naples, les faorusciti, réfugiés à la Cour et à Lyon, et
se remuant tant qu'ils peuvent pour pousser à l'interven-
tion de la France en Italie. La révolte de Sienne contre les
Espagnols et l'aide que lui prêta la France ont fourni
matière à des pages substantielles et vivantes.
En résumé, à l'aise au milieu d'un flot de documents,
tour à tour juge éclairé et bon peintre, M. Romier démêle
aussi finement les fils des intrigues de partis qu'il trace
d'une plume ferme les portraits des acteurs.
Avant de rédiger la seconde partie de son livre, M. Romier
s'est rendu aux archives de Simancas. A en juger par le
succès de ses investigations italiennes, on peut attendre
d'heureux résultats de son séjour en Espagne.
Une curiosité aussi éveillée que la sienne ne devait pas
LIVRES OFFERTS 671
s'en tenir à un seul sujet d'études; ce ne pouvait être qu'un
centre d'où il a regardé tout autour. Ainsi, des archives
d'Urbin et de Pesaro il a tiré de nombreux documents sur
le passage des Français dans les Marches et en 0 m brie. Il
s'est attaché à déterminer les voies de communication
entre la France et l'Italie au xvi" siècle, et les constatations
qu'il a faites donneront la clef de certains problèmes
relatifs au mouvement de la Renaissance, aux emprunts de
la France à l'Italie. Il a réuni une grande quantité de
notes sur l'histoire des palais et villas français à Home et
dans la Campagne. Une simple énumération des biens de
Catherine de Médicis à Rome, le palais Madame, la villa
Madame, presque tout le Monte Mario, ainsi que Terracine
et les Marais Pontins, sullit à indiquer l'importance du sujet.
M. Fawtier, membre de première année, a entrepris la
recherche des documents manuscrits relatifs à sainte
Catherine de Sienne.
À Rome, comme à Athènes, c'est donc chez les Fran-
çais, la même ardeur scientifique avec les mêmes succès
dans les résultats : en Grèce et en Italie, d'excellents
ouvriers et de belles moissons.
LIVRES OFFERTS
M. Pottier a la parole pour un hommage :
« M. Frederik Poulsen, ancien membre étranger de l'École
française d'Athènes et professeur à Copenhague, offre à l'Académie
un important mémoire sur la pénétration de l'art oriental en Grèce,
Dec Orient imd die frûhgriechische Kunst (Teubner, 1912). On y
trouve des idées neuves, soutenues par une forte dialectique et une
accumulation énorme de matériaux qui prouve des recherches et
des lectures très approfondies : une synthèse de ce genre représente
de longues années de travail. M. Poulsen a entrepris de traiter à
fond la question phénicienne sur laquelle on a tant écrit et disputé
1912. ii
672 LIVRES OFFERTS
et qui est comme le nœud du problème des influences orientales.
Il réagit très vigoureusement contre les théories récentes où l'on
voit le rôle des Phéniciens réduit presque à rien et je crois qu'il
aurait pu prendre pour épigraphe la phrase de M. Heuzey qui récla-
mait aussi, dans un de ses articles, un peu plus de modération dans
la condamnation sommaire de ces grands pourvoyeurs du monde
antique : « Il a été de mode, pendant un certain temps, d'attribuer,
presque sans partage, aux Phéniciens la transmission de la civili-
sation orientale. On a bien voulu me ranger parmi ceux qui ont porté
un coup décisif à cette exagération. Ce n'est pas une raison pour me
demander de jeter les Phéniciens à la mer et de supprimer leur
action dans le monde antique. » [Monuments et Mémoires Piot, VI,
1900, p. 132.)
« Le mérite de M. Poulsen est d'avoir très bien montré comment la
discussion a, jusqu'ici, été placée sur un terrain trop étroit. Les
Phéniciens ne représentent pas seuls l'élément oriental qui a
influencé l'art grec. L'auteur reconnaît qu'avant le ixe siècle, nous
n'avons aucune preuve de l'activité commerciale de ces navigateurs
dans la Méditerranée, et que, d'autre part, leur art minutieux et
ingénieux, souvent capable d'œuvres délicates et soignées, est tota-
lement dépourvu d'esprit d'invention et de composition, et toujours
voué au pastiche. Mais, à côté des Phéniciens, il y a d'autres peuples
qui leur sont apparentés et voisins ; il y a les Syriens du Nord et les
Hittites de l'Asie antérieure. C'est là qu'on trouve un art souvent
plus rude, mais beaucoup plus personnel, plus original, qui s'est
répandu aussi par les mêmes voies de commerce dans tout le
monde grec et jusqu'en Egypte, et dont les œuvres sont souvent
plus anciennes que celles des Phéniciens. Les analyses très fines de
M. Poulsen s'attachent à déterminer, dans le plus grand nombre de
cas possible, ce qui est phénicien, ce qui est hittite, ce qui est grec
ionien, et cette répartition des monuments, qui n'avait pas encore
été faite sur des bases solides, est de la plus haute importance. On
se rend compte, en effet, de la façon dont s'est constitué ce réper-
toire immense où, tour à tour, les Ioniens de la côte, les Insulaires,
enfin les Corinthiens et les Attiques ont puisé à pleines mains. Et
derrière cette façade de populations orientales,' en contact direct
avec la race grecque, on aperçoit, plus loin et plus haut, la masse
profonde des habitants de la Mésopotamie et de l'Elam, qui est le
vrai fonds d'où tout le reste est sorti. Je regrette que M. Poulsen
n'ait connu que d'une façon incomplète les découvertes de la Mission
de Morgan à Suse, car il y aurait puisé des arguments excellents
pour sa thèse. Il aurait peut-être marqué plus fortement encore le
LIVRES OFFERTS
673
rôle d'intermédiaires, d'agents transmetteurs, qu'ont eu, à côté des
Phéniciens, les races vigoureuses de la Cappadoce et de la Syrie.
« L'auteur ne pouvait pas aborder de tels problèmes sans trouver
sur ses pas une autre queslion redoutable, celle de l'art crétois el
mycénien, et par suite celle de l'épopée homérique. Il leur consacre
aussi des réflexions pénétrantes et neuves. Bien qu'il reconnaisse
avec tout le monde la haute valeur, le charme pittoresque et l'origi-
nalité de l'art crétois, M. Poulsen, pour la première fois, essaye de
réagir contre un enthousiasme qu'il trouve exagéré. Il estime que,
par comparaison avec les Egyptiens auxquels ils ont fait tant d'em-
prunts, les. Crétois apparaissent en état d'infériorité. De plus, cette
civilisation a duré peu de temps dans sa forme la plus belle, et elle
n'avait pas de racines profondes. La tourmente achéenne l'a empor-
tée et le fameux héritage mycéno-crétois, que tant d'archéologues
considèrent comme un élément fondamental pour la formation de
l'hellénisme, reste assez illusoire. Le moyen âge grec est une période
de barbarie, et quand les peuples de Syrie, d'Asie Mineure, de
Grèce, commencent à sortir de cette grossière rudesse, c'est encore
l'Egypte, le vieux pays des merveilles d'art, qui leur fournil ses
éternels et séculaires modèles. Quant à la civilisation homérique,
c'est dans la société phénicienne, hittite, carienne, phrygienne et
ionienne, postérieure à l'an mil, et non dans la Crète préhellénique
ou dans la Grèce achéenne, qu'il faut chercher les rapprochements à
faire. Les poèmes homériques sont assez récents ; ils ont été conçus
et formés dans un milieu gréco-asiatique, fortement influencé par
l'Orient, entre le ixe et le vme siècle avant notre ère.
« Telles sont, dans les grandes lignes, les idées directrices du beau
mémoire de M. Poulsen. Elles ne sont pas banales, et la lecture de
ce travail, appuyé sur une très solide étude des textes et des monu-
ments, ne peut manquer d'attirer l'attention de tous ceux qui étu-
dient les origines de la civilisation grecque. »
M. le comte Duiuuku olfre un travail, accompagné de planches bois
texte, qu'il a publié sur Les manuscrits des Statuts de l'Ordre de
Saint-Michel (extr. du Bulletin de la Société française de reproduc-
tions de manuscrits à peintures, l1'' année). Il rappelle que l'Ordre
de Saint-Michel a été plusieurs fois décerné à des membres des
anciennes Académies ou même de l'Institut actuel, notamment à
ce Joseph-Bon Dacier dont le Secrétaire perpétuel a retracé la vie
dans la dernière séance publique annuelle de l'Académie. Il signale
aussi que les noms de <\w\\ personnages honorés jadis de l'Ordre
de Saint-Michel se trouvent encore aujourd'hui inscrits sur la liste
674 LIVRES OFFERTS
des membres de l'Académie des inscriptions, portés par leurs des-
cendants directs, M. le marquis de Vogué, dont le trisaïeul, Charles-
François-Elzéar, marquis de Vogué, étant « cordon bleu », c'est-à-
dire « chevalier des Ordres du Roi », unissait le collier de Saint-
Michel à celui de l'Ordre du Saint-Esprit, et M. Héron de Villefosse,
petit-fds du baron Héron de Villefosse, membre de l'Académie des
Sciences, créé chevalier de l'Ordre de Saint-Michel sous la Restau-
ration .
M. Gustave Schlumberger a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
de l'auteur, M. Adrien Rlanchet, un exemplaire du tome Idu Manuel
de numismatique française publié par lui en commun avec M. A.
Dieudonné. Ce premier volume, consacré aux monnaies frappées en
Gaule depuis les origines jusqu'à Hugues Capet, est sa contribution
personnelle à cette collaboration. Je ne crains pas de dire que c'est
peut-être là le volume le plus important de son œuvre scientifique
déjà si considérable, un de ceux qui, dans l'avenir, lui feront le plus
d'honneur.
« Déjà préparé par tant d'études antérieures à présenter d'une
manière excellente les premières monnaies émises sur notre sol,
M. Rlanchet donne dans cet ouvrage un classement chronologique
bien plus complet, basé sur des études nouvelles. Ces bases chrono-
logiques seront certainement de la plus grande utilité pour les décou-
vertes celtiques des dernières époques de l'indépendance gauloise.
Le monnayage romain en Gaule se rattache très logiquement au
monnayage gaulois, qui avait déjà cherché souvent des modèles
parmi les deniers de la République romaine. L'auteur a su parfaite-
ment présenter cette transition. De plus, la partie consacrée au
monnayage romain en Gaule est une des parties les plus nouvelles
et les plus précieuses de ce Manuel de numismatique française, et le
numéraire des empereurs gaulois, dont les échantillons sont si fré-
quents sur notre sol, a fait l'objet d'un travail d'ensemble, que notre
regretté confrère Jean de Witte avait toujours eu l'intention de
publier, pour faire suite à son recueil de planches. M. Rlanchet pré-
sente encore les tableaux les plus précis, suivis de listes infiniment
minutieuses et extrêmement utiles, des ateliers pour les époques
mérovingienne et carolingienne. 11 a su dégager ces séries des
obscurités si nombreuses qui en rendent l'élude très malaisée.
« Une extrême clarté semble d'ailleurs un des mérites principaux
du livre de M. Rlanchet. Ce volume contient une masse très consi-
dérable de renseignements précieux qu'une excellente table des
matières rend très accessibles.
LIVRES OFFERTS
075
« Le volume de M. Blanchet est un des livres numismatiques les
plus importants pour les origines de notre histoire nationale qui
ait paru depuis bien des années. »
M. Babèlon a la parole pour un hommage :
(( J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie de la part de l'auteur, notre
correspondant M. Joseph Roman, un nouvel ouvrage qu'il vient
de publier et qui a pour titre : Manuel de sigillographie française
(Paris, Picard, 1912, in-8°). M. Roman a condensé dans ce volume de
400 pages les résultats des études sigillographiques qu'il poursuit
depuis plus de trente années. C'est dans ces conditions qu'on fait
les meilleurs manuels, et ce n'est pas, ce qui arrive trop souvent,
lorsque l'auteur en est seulement au début de sa carrière d'érudit.
Après des données générales sur l'histoire du sceau à travers les
âges, la matière, la forme, le mode d'apposition, le choix des types,
M. Roman étudie les deux grandes classes de sceaux au moyen âge :
les sceaux laïques et les sceaux ecclésiastiques. Les contre-sceaux
et les signets font ensuite l'objet de chapitres originaux où sont
consignés des aperçus ingénieux. Les caractères particuliers de la
sigillographie régionale des différentes provinces de l'ancienne
France sont aussi mis en relief et analysés de manière à fixer défini-
tivement les règles de la critique diplomatique.
« Mais je dois attirer particulièrement l'attention de l'Académie sur
deux parties essentielles du livre : celles qui concernent l'emploi des
intailles ou pierres gravées comme sceaux ; parmi ces pierres gra-
vées, il faut distinguer soigneusement les gemmes antiques qui ont
été réutilisées au moyen âge pour sceller les actes publics ou privés,
et les gemmes qui ont été gravées par des artistes du moyen âge.
J'ai eu moi-même, autrefois, l'occasion de démontrer qu'une école
d'artistes graveurs de gemmes avait brillé d'un éclat tout parti-
culier durant la période carolingienne. M. Roman a repris cette
démonstration et a poussé ses recherches plus loin que je ne l'avais
fait, à travers tout le moyen âge.
« II ne faudrait pas croire qu'un Manuel comme celui de M. Roman
n'intéresse que les spécialistes ou les médiévistes. M. Roman cite,
dans son avant-propos, le cas plaisant d'un peintre contemporain,
d'un 1res grand talent, à qui l'on doit un tableau représentant une
scène d'histoire mérovingienne, avec la prétention bien évidente d'y
mettre la couleur locale la mieux documentée. Or notre artiste y fait
figurer un amas de parchemins auxquels sont suspendus, par des
lacs de soie, huit sceaux ronds ou ovales, en cire de couleur brune,
verte, violette ou rouge; on voit que l'artiste a copié ces sceaux
676 LIVRES OFFERTS
d'après nature. Seulement, il n'y a qu'un malheur : c'est qu'ils sont
du xme ou du xive siècle, et non du vne siècle. Il est dommage que le
livre de M. Roman n'ait pas paru plus tôt pour éclairer le conscien-
cieux et habile artiste. »
M. Héron de Villefosse offre à l'Académie, au nom de la Com-
mission des Travaux historiques de la Ville de Paris et au nom de
l'auteur, M. F. -G. de Pachtère, ancien membre de l'École française
de Rome, un volume intitulé : Paris à V époque gallo-romaine ', étude
faite à l'aide des travaux et des plans de Th. Vacquer (Paris, 1912,
in-4°, publication qui fait partie de YHistoire générale de Paris, col-
lection de documents publiée sous les auspices de l'édilité pari-
sienne) :
« Cet ouvrage important donne de suite une impression nouvelle
du Paris de l'époque romaine. On peut dire que l'auteur a commenté,
d'une manière attachante et même avec un rare bonheur, les textes
et documents propres à éclairer l'histoire de Paris pendant cette
période. Les papiers de Th. Vacquer, ancien conservateur-adjoint
du Musée Carnavalet, aujourd'hui conservés à la Ribliothèque histo-
rique de la Ville de Paris, lui ont fourni, pour mener à bien cette
intéressante tâche, des renseignements inédits et particulièrement
sûrs. Pendant la seconde moitié du xixe siècle, de 1844 à 1899, ce
laborieux archéologue avait suivi, avec une constance qui ne se
démentit pas un seul instant, les fouilles nécessitées par les grands
travaux qui changèrent alors la physionomie de Paris. Ses notes, ses
plans, ses dessins et ses photographies constituent une mine pré-
cieuse où M. de Pachtère a puisé; il a mis ces documents en belle
lumière ; il les a utilisés et complétés avec talent. Je ne puis entrer
dans le détail de toutes les questions traitées dans ce volume où
abondent les vues nouvelles, les dissertations ingénieuses, les expo-
sés clairs et précis. Le tableau de Lutèce sous le haut Empire, l'ex-
posé de ses relations routières, de l'activité de son commerce, des
croyances religieuses de ses habitants, forment plusieurs chapitres
d'un intérêt soutenu. Après les invasions barbares et l'introduction
du christianisme, Paris devint, au ive et au ve siècle, une ville mili-
taire, à l'importance et au développement de laquelle contribuèrent
les séjours des empereurs Julien et Valentinien.
« L'illustration est remarquable. Elle se compose de 43 figures
dans le texte et de 16 planches hors texte reproduisant en détail et
très fidèlement les principaux monuments romains découverts à
Paris. Dix plans les accompagnent et contribuent à placer ce nou-
veau livre au premier rang des ouvrages consacrés à l'histoire du
Paris gallo-romain. On y trouve notamment un grand plan de Paris à
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1912 677
l'époque romaine d'après les relevés de Th. Vacquer, complétés par
M. de Pachtère à l'aide des résultats des fouilles les plus récentes
(plan I), celui de l'édifice romain de la rue Soufflot (plan III), celui
du théâtre romain découvert au Lycée Saint-Louis, près de la voie
romaine de la rue Racine (plan IV), celui des grands Thermes romains
du Collège de France (plan V), et enfin celui du rempart romain dans
la Cité (plan X). »
M. C. Jullian présente, en ces termes, les Comptes rendus des
fouilles de Vésone, pour 1910 :
(. M. Héron de Villefosse et d'autres vous ont souvent entretenus
des belles fouilles faites par la municipalité de Périgueux, et diri-
gées par M. Durand (un des anciens élèves de notre Université de
Bordeaux). Voici le rapport sur l'avant-dernière campagne, très
minutieux, avec d'excellentes planches. »
M. Collignon offre, en son nom et au nom de l'éditeur, M. Ch.
b>»'imann, les livraisons 7 et 8 de la grande publication « Le Par-
thénon », in-folio.
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Héron de Villefosse fait la communication suivante :
« A la fin de son Recueil des inscriptions antiques de Chalon-
sur-Saône*, M. Marcel Ganat regrettait de ne pouvoir produire
une seule inscription romaine mentionnant le nom du second
oppidum des Éduens dont l'importance commerciale est attestée
par César dès l'époque de la conquête. Cette importance, due à
une position avantageuse qui le mettait en communication, par
la Saône et le Rhône, avec le Midi de la Gaule, en lui offrant,
d'autre part, sur terre, des débouchés faciles avec le Nord et
avec la Germanie, ne lit que s'accroître après l'arrivée des
Romains; à l'époque mérovingienne, elle est confirmée par le
1 . Paru en is;>o. p. 52.
678 SÉANCE Dl- 20 DÉCEMBRE 1912
développement particulier de l'atelier monétaire de Chalon-sur-
Saône. Après soixante-dix ans d'attente, nous possédons enfin
l'inscription désirée.
« Une lettre de M. J. Roy-Chevrier, président de la Société
d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône, datée du
10 décembre, m'apprend qu'en exécutant des travaux de réfec-
tion de canalisation profonde, on vient de mettre au jour, dans
cette ville, non loin de l'emplacement du palais du roi Contran,
un piédestal antique qui était enfoui à 3m50 de profondeur
au-dessous du sol actuel, où il avait été utilisé pour la construc-
tion du rempart romain, élevé hâtivement à l'approche des
Barbares.
« Ce piédestal est taillé dans un grès assez friable ; il porte, sur
une de ses faces, une inscription votive bien conservée. On n'en
possède ni le soubassement, ni la corniche : dans son état actuel,
il mesure 1 m 30 de hauteur sur 0m65 de largeur et d'épaisseur.
Peut-être avait-il été ainsi préparé pour être placé dans l'angle
d'une construction, entre deux murs? Deux de ses côtés pré-
sentent un encadrement mouluré, la face antérieure qui a reçu
l'inscription et la face latérale gauche ; la face postérieure et la
face latérale droite ont été simplement piquées au marteau.
« M. J. Roy-Chevrier, qui me transmet ces détails, m'envoie
en même temps un estampage du texte gravé en bons carac-
tères qui paraissent remonter au second siècle de notre ère :
AVG v SAC
DEAE
SOVCONN
AE
OPPIDANI
CABILONN
ENSES
P C
Aug(usto) sa(crum), deae Souconnae oppidani Cahilonnenses
p(onendum) c(uraverunt).
« Les lettres des deux premières lignes ont 0Q1 042 de hau-
teur; celles des autres lignes n'ont que 0,u030. Pour la dernière
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1912 070
lettre, le haut est seul visible et semble bien appartenir à un C.
« Les oppidani sont les habitants de l'ancien oppidum, situé
vraisemblablement sur une hauteur dominant la Saône; ils
n'appartenaient pas à la population spéciale fixée au bord de la
rivière et qui devait être distinguée par une autre dénomination.
« C'est la première fois que le nom de Chalon-sur-Saône, ou
du moins celui de ses habitants, apparaît sur un document épi-
graphique. On remarquera qu'il est écrit par un seul L et par
deux N, leçon conforme à celle des documents numismatiques des
bas temps. Les nombreuses monnaies mérovingiennes frappées
à Chalon-sur-Saône portent, en effet, presque toutes Cahilonna,
Cavilonna ou C&blonno *, tandis que les documents littéraires
donnent, la plupart du temps, les formes Cabillonus, Cabillo-
num, Cavillunum et l'ethnique Cabillonensis avec un redou-
blement du L qui, dans certains textes, a établi une confusion
avec Cahellio.
« Ce n'est pas le seul intérêt de cette inscription. Le nom de la
déesse Souconna est nouveau : il fournit évidemment la plus
ancienne forme du nom de la Saône. Le passage d'Ammien :
« Ararim quem Sauconnam adpellant » 2 doit en être rapproché.
L'inscription, par son antiquité et son originalité, a une valeur
documentaire supérieure à celle des manuscrits souvent altérés
par les copistes qui ne se faisaient pas faute de transcrire les
noms géographiques comme on les prononçait de leur temps.
La « dea Souconna » est donc une personnification de la Saône
comme la « dea Sequana » est celle de la Seine. Sans doute elle
était honorée par les bateliers et les commerçants de Chalon
dans un temple dont on ignore l'emplacement, mais dont on
retrouvera probablement d'autres traces.
« Cette importante découverte méritait d'être signalée sans
retard. Le monument vient d'être transporté par les soins de
M. J. Roy-Chevrier au Musée lapidaire de la Société archéolo-
gique de Saône-et-Loire. M. Lex, archiviste départemental à
Mâcon, m'a écrit également, le 18 décembre, pour me faire part
de la même trouvaille.
1. Maurice Prou, Les monnaies mérovingiennes de la BilAiollièifue
nationale, n0' 163 à 225.
2. Auim. Marc. XV. 11. 17.
680 SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1912
« En 1901, j'ai signalé à l'Académie un socle en bronze de
forme octogonale, trouvé à Saint-Marcel-lès-Chalon et orné
d'une inscription en l'honneur de la déesse « Temusio ». On
ignorait ce que ce monument était devenu. Je saisis cette occa-
sion pour annoncer qu'il t'ait maintenant partie des collections
du Louvre ; il vient d'être très gracieusement offert au Musée
par M. Ercole Canessa, antiquaire à Paris. »
Le P. Scheil a la parole pour une communication :
« Avec l'agrément de MM. Messayeh, antiquaires bagdadiens
qui m'ont laissé jeter un coup d'œil sur telles pièces impor-
tantes de leur collection, je puis donner sommairement à l'Aca-
démie la primeur de quelques découvertes intéressant l'histoire
de la Babylonie.
« Par un barillet trouvé à Mougheïr (l'ancienne Ur), nous
apprenons que le dernier roi de Babylone, Nabonide (556-538),
dont la mère mourut prêtresse de Sin, à Harran, à l'âge de
104 ans, en 547, consacra, d'accord avec les oracles, une de ses
propres filles au même dieu Sin dans le célèbre sanctuaire d'L r.
Par allusion à cette vocation, il l'avait nommée Bel salti Nan-
nar ; pour l'amour d'elle, il remit en état le temple et surtout
YEgipar, cloîtres, dortoirs et chapelles où logeaient « les épouses
divines et les enfants ». Au cours des travaux de restauration,
le roi Nabonide eut la joie d'exhumer la table de Nabuchodo-
nosor l'Ancien, qui régnait vers 1150, dont une parente aussi,
semble-t-il, avait vécu dans le service des dieux. Nous gagnons,
du même coup, le nom du père et prédécesseur de ce vieux
roi, c'est-à-dire Ninip nadin su/ni, le seul roi qui nous manquât
dans la dynastie de Pase et dont nous savions seulement qu'il
avait régné cinq ans. Nabonide découvrit encore la légende
d'une autre prêtresse fameuse qui n'était rien moins que la
propre sœur de fiim Sin, le rival de Hammurabi. Cette lille
de Kudur Mqbuk, roi de la dynastie élamite d'Ur et Larsa, s'ap-
pelait Bel (an) Kalul ' ; elle avait fait réparer le même édifice,
1500 ans avant Nabonide.
1. « Le divin Kal ul est le seigneur. •> Kal Uli était un souverain élamite
nommé dans les Textes Anzanites, n" LXXI, col. 1, 20, 21 (trad. et comm.).
Ul, Uli était un dieu élamite, d'après le nom tic la fille de Silhak I. S.
Par(nnp Uli, Ibid., XLVII, 31, 32." Pour porter le nom de BU Knl II, la
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1912 681
a Le nouveau document relaie, en terminant, que Nabonide
dota richement sa fille Bel salti Nannar, à son entrée en religion,
tant en offrandes qu'en champs et vergers, et qu'il supplia les
dieux de la bénir et de la garder pure de tout péché.
« Je signalerai encore un autre barillet trouvé en plusieurs
exemplaires dans une tombe, dont le texte, à la manière des
épitaphes phéniciennes ou araméennes, recommande aux géné-
rations futures le respect et la piété envers les morts. C'est là, à
ma connaissance, le deuxième document de ce genre sorti des
fouilles babyloniennes : il donne à penser qu'il existait un fond
de doctrine commune à tout l'Orient antique — en matière d'es-
chatologie. »
M. de Gironcourt fait la communication suivante :
«. S'intéressant à l'épigraphie signalée au Soudan par ma com-
munication de mars 1911, l'Académie a bien voulu prendre sous
ses auspices l'organisation d'une mission ayant pour but prin-
cipal la constitution d'un « Corpus » des inscriptions lithiques
du Niger.
« J'ai l'honneur de lui rendre compte, en traits succincts, de
l'exécution et des résultats de celte mission, à laquelle M. le
Ministre des colonies et M. le Gouverneur général de l'Afrique
occidentale française ont bien vonlu accorder leur patronage, et
le Gouverneur du Haut-Sénégal et Niger, M. Clo/el, un appui
effectif.
« Dès la réception de la lettre de M. le Secrétaire perpétuel,
pressé par l'opportunité de la saison, je me suis mis en route,
eaenant Tombouctou dès le début d'octobre 1911. Le champ de
mes recherches devait s'étendre principalement au pays de
Gao, et dans l'Adrar des Iforas; mais je dus tout d'abord, sur le
conseil des autorités locales, par suite des opérations militaires,
localiser mon enquête au Macina, à Djenné, au lac Debo, d'où
je revins à Tombouctou en janvier 191 1.
« Cette première partie de mes travaux m'amena à repérer
dans cette zone des monuments lithiques funéraires primitifs de
deux formes distinctes :
tille île Kudur Mabuk devait être contemporaine ou survivante de Kal Uli..
Celui-ci est appelé Vnncètre de Kuk Naèur dans les généalogies royales
d'Elam.
082 SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1912
« 1° Non loin du lac Debo, des groupements de quatre pierres
dressées suivant les quatre sommets d'un carré, l'une du côté
de l'Orient, étant conique et dénommée homme, mâle, les trois
autres appelées par la tradition locale femmes, femelles, avant
la forme parallélipipédique plus ou moins grossière;
« 2° De très longues stèles tabulaires, à extrémité régulière-
ment arrondies, atteignant près de deux mètres de longueur,
qui ont été taillées dans les formations de grès rouge du Debo
et transportées, à une époque ancienne, jusqu'au pays de Djenné.
A ce type de forme très constante appartient la célèbre pierre
de Dia, ville du Macina que la tradition rapporte avoir été anté-
rieui'e à Tombouctou. Cette pierre, très vénérée des indigènes,
gît actuellement à un mètre au-dessous de la surface du sol.
« Tels sont les seuls témoins lithiques du pays à demi sub-
mergé qui, du Sud du Debo à Djenné, ne contient aucune pierre
naturelle. Il semble prématuré de fixer actuellement l'époque de
ces monuments anciens, peut-être contemporains des pierres
dressées de Tondidarou ; mais il serait dangereux d'évoquer une
époque brillante qu'aurait connue, clans cette région, la race
dite bozo ou des pêcheurs du Niger. L'étude anthropologique
que j'ai pu poursuivre sur cette race, à la requête du professeur
Verneau, du Muséum, montre qu'il ne s'agit pas d'autochtones,
mais de chasseurs venus du Sud, probablement à l'âge du fer.
« Il sera intéressant de repérer les emplacements des monu-
ments similaires pouvant exister dans cette zone et que je me
borne à signaler aujourd'hui. Afin d'appeler sur eux l'attention
des fonctionnaires et voyageurs, j'ai prié M. l'administrateur
Delbos de constituer avec les échantillons que j'ai pu découvrir
gisant à l'abandon, en leur restituant leur aspect et leur disposi-
tion primitive, le premier rudiment d'un musée archéologique à
Djenné.
« Dans cette première zone d'études, les premiers monuments
épigraphiques ne m'apparurent qu'auprès de Tombouctou, où
je visitai, jusque dans la montagne dite Adrar de Tombouctou,
toutes les nécropoles susceptibles de renfermer quelques stèles
gravées. Celles-ci ne semblent pas là fort anciennes et sont dues à
certaines tribus maraboutiques ayant conservé l'usage d'écrire
sur les pierres ou sur des vases funéraires en terre cuite, sortes
SÉANCE L>U 20 DÉCEMBRE 1912 683
d'alcarazas. Ces inscriptions grossières pourront néanmoins four-
nir quelque repère graphique utile.
« De là, j'ai gagné le pays de Gao, d'où provenaient les
quelques dessins d'inscriptions qui avaient appelé sur ces régions
l'attention de l'Académie.
« Là, mes recherches se sont étendues particulièrement non
loin du Niger, où je n'ai pas tardé à trouver et inventorier un
très grand nombre de nécropoles témoignant d'un art épigra-
phique vraiment particulier, sur lequel je demanderai de donner
ultérieurement à l'Académie une note spéciale.
« Il s'agit de stèles constituées soit par de belles plaques de
gneiss ou de quartzite portant des caractères moghrébins rela-
tivement larges, comme à Bentia, soit de fort curieux objets
préhistoriques de pierre polie : polissoirs, meules, pilons, de
quartz blanc, granulite, granité, même latérite, dont la surface
lisse a été revêtue d'une écriture fine d'une gravure extrême-
ment belle et soignée.
« J'ai cherché non seulement à inventorier, échantillonner,
prendre les estampages et photographies de ce qui se présentait,
mais aussi à déterminer avec le plus de précision possible l'aire
géographique de ces monuments et, si je puis m'exprimer ainsi,
quel a pu être le sens de la coulée épigraphique ayant donné
naissance à ces curieuses productions.
« Il m'a été possible de trouver dans l'Adrar des Iforas ce que
je considère comme la source de cet art au Niger, particulière-
ment aux ruines de l'ancienne ville d'Es Souk où une dizaine
de nécropoles ont donné des témoins plus grossiers.
« J'ai poussé l'exploration de la zone désertique, Tilemsi,
Adrar, pays Kountas, jusqu'à ne plus trouver, au Nord de Telaya,
aucune inscription arabe. Au delà d'Es Souk, il n'existe plus que
ces innombrables gralfili dont les Touaregs pasteurs ont par-
semé les gros blocs nucléaires de granit, graffiti et dessins
d'animaux également recueillis, mais présentant un moindre
intérêt au point de vue spécialement envisagé par l'Académie.
« Je suis heureux de signaler la bonne fortune avec laquelle
ces recherches ont pu être menées à bien en ces déserts, à
l'époque tout à fait opportune. Quelques semaines plus tard, des
bandes de pillards venues du Sud marocain troublaient ces pays
08 i SÉANCE DU 20 DÉCKJJ1SRE 1912
et massacraient la section méhariste avec laquelle, par deux l'ois,
ma modeste caravane avait fait jonction au Nord de Tombouctou
et de Gao.
« A mon retour au Niger, le même soin a été apporté à déter-
miner la limite sud de l'aire épigraphique considérée, qui fut
trouvée un peu au Sud de Bentia.
« Cette dernière nécropole, que ma communication avait jus-
tement signalée à l'Académie, donna les résultats les plus fruc-
tueux. Mes recherches purent, sur ce point seul, mettre au jour
plus de J50 inscriptions copieuses. Quelques fouilles complé-
tèrent ces travaux, montrant des perles de terre cuite, des débris
de bracelets, de grands vases de terre cuite dont l'étude métho-
dique sera poursuivie.
« En résumé, je rapporte de cette mission l'inventaire de plus
de 60 nécropoles et la collection des estampages de plus de
800 inscriptions, complétée par des dessins, copies, photogra-
phies et prises d'échantillons.
« En outre, une recherche d'écrits m'a amené à rapporter,
en original ou en copie, 223 manuscrits anciens représentant
4.000 pages de textes relatifs à l'histoire et aux traditions de
l'Afrique intérieure.
« Cette recherche, assez difficile, étant donnée la très grande
réserve des musulmans en ce qui concerne les documents en leur
possession, m'a été facilitée par le contact que j'ai réussi à
prendre avec le célèbre marabout Baye, de l'Adrar, qui. jusqu'ici,
avait évité jalousement l'approche des Européens, et au con-
cours du marabout songhoï Isoufi Alilou, de Sinder, qui n'a pas
hésité à m'accompagner avec ses copistes dans des régions où
les marabouts, sans son intervention, me seraient restés fermés.
« En définitive, cette mission s'est effectuée sans aucun inci-
dent fâcheux, sinon l'écroulement d'une case indigène sous
laquelle je travaillais à mes copies de manuscrits et qui me laissa
fort dangereusement enseveli. Les indigènes parvinrent, au bout
d'un certain temps, à me dégager, et il n'en résulta qu'une hvdar-
throse du genou qui me retint alité pendant un mois, à Sinder.
Le travail de mes copistes put heureusement se poursuivre pen-
dant ce temps, sans que préjudice fût porté à la récolte de mes
matériaux.
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1912 b85
« Mon voyage se termina enfin par une enquête agricole et
des récoltes botaniques au Cameroun.
« J'ai l'honneur de déposer aujourd'hui sur le bureau de
l'Académie la collection de mes manuscrits; celle des estam-
pages suivra d'ici à peu, acheminée par les soins du gouverneur
du Haut-Sénégal et Niger. Ces manuscrits comprennent cha-
cun une liche signalétique repérant l'original, son format, son
nombre de pages, etc., le nom du détenteur, celui "des copistes,
l'origine de l'ouvrage, etc.
« L'Académie, en m'envoyanl en Afrique occidentale, souhai-
tait la constitution d'un « Corpus » des inscriptions lithiques du
Niger. Ce « Corpus », je crois, peut être considéré comme établi.
Telle a été la tâche que l'Académie me voit heureux de sou-
mettre à son agrément, ambition de mes efforts.
Le Président adresse à M. de Gh-oncourt les félicitations de
l'Académie pour le zèle, le dévouement et la méthode apportés
à l'exécution des recherches qui lui ont été confiées.
M. Henri Corhier fait ressortir l'importance de la mission de
M. de Gironcourt. L'Académie l'avait chargé de réunir les
inscriptions arabes qu'il pourrait trouver dans la Boucle du
Niger et dans les environs : il a pleinement réussi dans sa lâche.
M. Gaudefroy-Demombynes, professeur d'arabe à l'Ecole des
Langues orientales vivantes, a bien voulu se charger de rédiger
un inventaire sommaire des manuscrits rapportés par la mis-
sion; d'accord avec M. Maurice Delafosse, également professeur
à l'École des Langues orientales, le même savant étudiera les
manuscrits relatifs à l'histoire des Peuls.
M. Cobdier propose ensuite que les manuscrits soient reliés
et déposés à la Bibliothèque de l'Institut, pour y être consultés
par les savants.
Cette proposition, mise aux voix, est adoptée par l'Académie.
Après un Comité secret, le Président annonce que l'Académie
vient de nommer comme correspondant étranger M. Nyrop,
professeur à l'Université de Copenhague, en remplacement de
M. Gomperz, de Vienne, décède.
(386
LIVRES OFFERTS
M. Schlumberger a la parole pour un hommage :
« M. Biagio Pace, de Païenne, me prie de présenter de sa part à
l'Académie un exemplaire de la savante étude qu'il vient de publier
dans VArchivio storico siciliano, sous le litre : I Barbari e i Bizan-
tini in Sicilia. L'histoire de la Sicile pendant les quatre siècles, du
ve au ixc, que durèrent pour elle l'occupation des Vandales et des
Goths, puis le retour à l'empire byzantin, est infiniment peu connue.
Les documents sont fort rares. M. Biagio Pace, à la suite d'études
approfondies, a fait faire un grand progrès à cette question. En ce
volume de cent cinquante pages, il nous présente un tableau très
intéressant, infiniment mieux documenté qu'autrefois, de cette
période de l'histoire sicilienne obscure entre toutes. Les deux pre-
miers chapitres sont consacrés à l'époque de la domination des Van-
dales et des Goths et contiennent des pages curieuses sur les con-
ceptions politiques du roi Genséric. Avec le chapitre m commence
l'histoire de la nouvelle occupation de la Sicile par les Byzantins à
la suite de l'expédition de Bélisaire. Le séjour de l'empereur Cons-
tant II dans l'île, puis les premières incursions des Sarrasins sont
racontés d'une manière fort intéressante ; de même la fameuse révolte
du prétendant Euphémius. Les trois derniers chapitres, consacrés à
l'administration byzantine de la Sicile à celte époque, à sa topogra-
phie archéologique du ve au xe siècle, à sa numismatique, sont
pleins de renseignements nouveaux. Le livre de M. Pace sera très
utile à tous ceux qui s occupent de l'histoire sicilienne durant le haut
moyen âge. »
M. Charles Diehl a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de l'auteur, M. Jean
Maspero, un nouveau fascicule de son importante publication, Papy-
rus grecs d'époque byzantine conservés au Musée du Caire (t. II,
fasc. 2;. On y trouvera d'intéressants documents d'ordre privé, tes-
taments, contrats de divorce, liquidations de successions, contrats
d'association ou d'emprunt, etc., tous datant du vie siècle et qui
ne sont point sans intérêt pour l'histoire du droit. On y ren-
contre d'autre part des fragments littéraires, tels que l'Egypte nous
en a, en ces dernières années, tant restitués déjà. Malheureusement,
pour l'époque classique, nous n'avons ici que quelques morceaux
LIVRES OFFERTS G87
du second chant de l'Iliade, et le gros de la trouvaille est formé de
poésies de circonstance, œuvre d'un poète provincial, éloges d'un
gouverneur, épithalames adressés à un autre fonctionnaire, poème
en l'honneur de l'empereur. Ces compositions, dues à un certain
Dioscore, fils d'Apollos, dont on a retrouvé d'autres poèmes encore
dans les papyrus d'Aphrodito, jettent un jour curieux sur la vie pro-
vinciale du vie siècle, comme M. Jean Maspero l'a bien montré dans
un récent article do la Revue des études grecques (nov.-déc. 1911).
« J'ai dit, il n'y a pas longtemps, en présentant à l'Académie un
autre fascicule du même .travail, toutes les qualités de cette publica-
tion : je n'y reviendrai pas. Mais il convient de remercier M. Jean
Maspero du zèle qu'il apporte à mener rapidement son ouvrage à bon
terme. Quand il nous aura donné, très prochainement, le dernier fas-
cicule, les historiens de l'Egypte byzantine lui devront infiniment. »
M. Dieulafoy a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de M. Adolphe
Reinach, un travail intitulé : Le temple d'El-Kala à Koptos. J'ai
déjà eu l'occasion de présenter un travail du même auteur sur les
monuments de l'Egypte gréco-romaine et, à son sujet, j'ai dit avec
quelle satisfaction je voyais M. Adolphe Reinach s'avancer dans les
voies scientifiques où l'ont précédé ses oncles, nos deux excellents
et éminents confrères.
« Le monument décrit aujourd'hui était déjà connu. Dès 1799, il
avait été signalé par Jollois et Devilliers sous une fausse dénomina-
tion ; en 1845, il avait été vu par Lepsius, et, en 1883, il avait même
été dégagé par notre confrère M. Maspero. Mais aucune étude de
détail n'avait encore été entreprise, et c'est cette monographie qu'en
donne aujourd'hui M. Adolphe Reinach. Elle était d'autant plus utile
que l'édifice est en mauvais état et que les inscriptions, déjà très
frustes à la fin du siècle dernier, ont beaucoup souffert depuis cette
époque. L*auteur a suivi l'édifice pierre par pierre, et il n'est pas une
particularité qu'il ne signale, un hiéroglyphe ou une inscription
grecque qu'il ne relève.
« Il résulte de ce travail minutieux et méthodique que le petit
temple d'El-Kala fut peut-être commencé sous le règne de Tibère,
terminé sous celui de Claude, à l'époque où l'art atteignait encore
tant de grandeur dans le pronaos de Dendérah ou dans celui de
Philaî. En effet, comme le temple de Dendérah, il était sans doute
consacré à la triade Min, Isis et Ilorus, ainsi que l'atteste la prédo-
minance de leurs images sur les bas-reliefs; en outre, son plan pré-
sente les dispositions classiques des édifices religieux égyptiens de
iyi2. la
688 LIVRES OFFERTS
l'époque romaine. A cet égard, je signalerai le Saint des Saints qui
occupe la partie antérieure de l'édifice et qu'un couloir d'isolement
protège sur toutes ses faces. Bien que cette protection soit pour ainsi
dire consécutive à la destination de cette partie du temple et qu'on
la trouve déjà dans les édifices de l'âge memphite tels que la cha-
pelle funéraire de Naousirrîya, elle revêt, dans le petit temple d'El-
Kala, une forme très accusée qu'il est impossible de ne pas rappro-
cher de celle des atechgâh achéménides où brûle, dans Vatechdân, le
feu sacré Bahrâm, ou de la salle du trône du palais d'Hatra construit
à l'époque des Parthes. J'ajouterai que le plan de ces salles d'apparat
entourées d'un déambulatoire resta longtemps traditionnel chez les
Musulmans ; je citerai, par exemple, le Kasr el Ménar de la Kalaa
des Béni Ilammad relevée et publiée par le général de Beylié.
« Peut-être y a-t-il, dans ces divers édifices, la même relation de
cause à effet ; mais peut-être, aussi, les Perses, qui firent des emprunts
nombreux à l'Egypte pharaonique, y copièrent-ils une disposition
dont l'architecture palatine islamique hérita par la suite. »
M. Omont a la parole pour plusieurs hommages :
1° La langue des Kemant en Abyssinie, par Carlo Conti Bossini
(Wien, 1912, in-8°, xn et 316 pages. — Sprachenkommission der k.
Akademie der Wissenschaften, Bd. IV).
<( Un savant italien, M. Carlo Conti Bossini, qui a rempli, il y a
quelques années, les fonctions de directeur des affaires civiles de
l'Erythrée, m'a fait l'honneur de me demander, malgré mon incom-
pétence, de présenter de sa part à l'Académie la grammaire de
la langue kemant et le vocabulaire kemant-français, qu'il vient de
publier récemment, en français, sous les auspices de l'Académie de
Vienne.
« Les Kemant sont une des peuplades indigènes établies sur les
hauts plateaux du Sud-Ouest de l'Ethiopie, clans les environs de
Gondar, antérieurement à la conquête des Abyssins. M. Conti Bossini
avait recueilli sur place les premiers éléments de son étude linguis-
tique; les documents réunis, il y a une soixantaine d'années, sur la
langue des Kemant par Antoine d'Abbadie et aujourd'hui déposés
avec sa collection de manuscrits éthiopiens, à la Bibliothèque natio-
nale par l'Académie des Sciences, ont permis à M. Conti Bossini de
donner sur la langue des Kemant l'étude approfondie, dont j'ai
l'honneur de faire aujourd'hui hommage de la part de ce savant à
l'Académie. »
2° La vie de château dans les Ardenncs au XIIe siècle, d'après le
chroniqueur (lui de Hazoches, par L. Demaison (Paris, 1912, in-8°,
39 pages).
LIVRES OFFERTS 689
« On trouvera dans les quelques pages de cette étude fine et péné-
trante de notre savant correspondant beaucoup plus que le titre ne
semble à première vue le promettre. M. Demaison nous décrit, à l'aide
des renseignements qu'il a puisés dans les lettres de Gui de Bazoches,
le château des seigneurs de Rumigny, dans les Ardennes, l'agrément
du domaine qui l'environnait et les distractions variées qu'y trou-
vaient ses hôtes. Mais, en même temps, cette étude lui a donné occa-
sion de préciser et de compléter sur plusieurs points ce qu'avaient
dit avant lui de Gui de Bazoches, Pétit-Radel, le comte Riant et
Wattenbach. »
3° Etienne Baluze et le « Tartuffe », par M. René Fage (Tulle, 1912,
in-8°, 23 pages).
« Le 5 août 1667,1e Tartuffe de Molière avait été, pour la première
fois, représenté en public sur le théâtre du Palais-Royal ; dès le len-
demain, toute nouvelle représentation en était interdite par le Parle-
ment, et six jours après, l'archevêque de Paris, Ilardouin de Péréfixe,
le condamnait solennellement à son tour. Les admirateurs de Molière
s'étaient entremis pour faire lever cette double interdiction, mais il
semble bien que leur succès fut décidé par une curieuse consultation
juridique demandée à Baluze, bibliothécaire de Colbert, rédigée sans
doute à la fin de 1668, et dont M. René Fage donne aujourd'hui le
texfe, d'après la minute même de Baluze conservée à la Bibliothèque
nationale. »
M. Camille Jullian, en présentant, de la part de MM. .1. et Ch.
Cotte, une Etude sur les blés de V antiquité classique, s'exprime ainsi :
« Le blé de l'antiquité! Sujet très vaste, très délicat, qui ne pou-
vait être traité que par des spécialistes. Les auteurs de ce livre ont
examiné les textes, analysé les grains trouvés dans les ruines,
exploré les terres arables de la Provence. Ils ont recouru à Pline, à
la maison Vilmorin-Andrieux, aux fouilles des préhistoriens. De là
quantité de petites découvertes, dont doit tenir compte la science
du passé. »
M. C. Jullian dépose, en outre, sur le bureau de l'Académie, au
nom de M. Ch. Durand, adjoint au maire de Périgueux, le Compte
rendu do I9I()-I!)N des fouilles de Vésone (Périgueux, 191 2, in-8°).
690
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE
PRESIDENCE DE M. LOUIS LEGER.
M. Omont communique à l'Académie un document nouveau
sur Jean Bourdichon, le célèbre peintre des Heures cl' Anne de
Bretagne. Ce sont des lettres patentes de Louis XII, adressées
aux trésoriers de France et relatives au paiement, en 1498,
de 300 livres tournois, acompte sur une somme de 1 .000 livres
tournois, que Charles VIII avait précédemment données à Bour-
dichon « pour marier ses filles ».
L'Académie procède au renouvellement de son bureau pour
l'année 1913.
M. N. Valois est élu président; M. Châtelain, vice-président.
Après un comité secret, le Président annonce que l'Académie
vient de nommer correspondants français :
1° M. Prudhomme, archiviste de l'Isère, à Grenoble, en rem-
placement de M. Gauckler, décédé ;
2° M. Merlin, directeur des antiquités et des arts à Tunis, en
remplacement de M. Bailly, à Orléans, décédé ;
3° M. Fabia, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon, en
remplacement de M. le chanoine Ulysse Chevalier, élu académi-
cien libre ;
4° M. Diirrbach, professeur à l'Université de Toulouse, en
remplacement de M. Albert Martin, à Nancy, décédé.
L'Académie procède ensuite à la nomination des Commissions
annuelles. Sont élus :
Commission des travaux littéraires: MM. Bréal, Senart, Paul
Meyer, Héron de Villefosse, Alfred Croiset, Clermont-Ganneau,
de Lasteyrie, Collignon.
Commission du prix Gobert : MM. Omont, Élie Berger, Mau-
rice Prou, Monceaux.
LIVRES OFFERTS
691
Commission des antiquités de la France : MM. Paul Meyer,
Héron de Villefosse, Viollet, de Lasteyrie, abbé Thédenat,
Omont, Jullian, Maurice Prou.
Commission administrative : MM. Alfred Croiset, Cagnat.
Commission des Écoles françaises d'Athènes et de Rome :
MM. Heuzey, Foucart, Meyer, Collignon, Cagnat, Pottier, Haus-
soullier, Maurice Prou.
LIVRES OFFERTS
M. Omont a la parole pour un hommage :
(( J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
de notre correspondant étranger, Sir Edward Maunde Thompson,
directeur honoraire du Musée Britannique, un volume intitulé : An
Introduction to greek and latin Palaeography (Oxford, Clarendon
Press, 1912, in-8°, xvi et 600 pages, avec 250 facsimilés dans le
texte).
« Il y a vingt ans, Sir E. M. Thompson a publié un Handhook of
greek and latin Palaeography, dont le mérite a été universellement
reconnu, qui a eu trois éditions et qui a été traduit en plusieurs
langues. Le volume que vient de faire paraître Sir E. M. Thompson
n'est pas une réédition de ce Handhook ; bien que conçu sur le même
plan, c'est un livre nouveau. Ses qualités de clarté, d'information
sûre et exacte, jointes à une documentation abondante, à une illus-
tration heureusement choisie, font de ce traité complet de paléogra-
phie grecque et latine, depuis l'antiquité jusqu'au xve siècle, un
modèle, qu'on pourra essayer d'imiter, mais qu'on parviendra diffi-
cilement à surpasser. Sir Edward Maunde Thompson est un des
maîtres incontestés des études paléographiques ; depuis quarante
ans, il dirige l'importante collection de la Palaeographical Society
de Londres, et le présent volume forme en quelque sorte une magis-
trale introduction à cet incomparable recueil. J'ajouterai que Sir E.
M. Thompson a dédié ce beau volume, qui fait honneur à la Claren-
don Press d'Oxford, à la mémoire de trois savants auxquels les
études paléographiques sonl particulièrement redevables : E. A.
Bond, \Y. Wattenbach et notre regretté confrère Léopold Delisle. »
692 LIVRES OFFERTS
M. Perrot offre un volume intitulé :
Mélanges Cagxat. Recueil de mémoires concernant Vépigraphie et
les antiquités romaines, dédié par ses anciens élèves du Collège de
France à M. René Cagnat, à Voccasion du 25e anniversaire de sa
nomination comme professeur au Collège de France (Paris, Leroux,
1912, in-8°).
« Ce volume, qui s'ouvre par un beau portrait du maître, se dis-
tingue de beaucoup d'autres recueils du même genre en ce que, pour
le composer, il n'a pas été fait appel à des confrères ou collègues de
M. Gagnât, à des savants français ou étrangers, ses contemporains
ou ses aines. Il est formé tout entier d'articles écrits par des hommes
encore jeunes, qui ont suivi au Collège de France l'enseignement si
fécond et si varié de M. Cagnat. C'est un monument de reconnais-
sance affectueuse et, si Ton peut employer cette expression, de piété
scolaire.. Les élèves de M. Cagnat lui font d'ailleurs grand honneur.
Les vingt-cinq courts mémoires que renferme le ,volume offrent tous
de l'intérêt, et quelques-uns d'entre eux nous apportent des solutions
neuves de problèmes qui ont été très discutés. »
M. Senart présente les treize premiers fascicules de l'édition fran-
çaise de YEncyclopédie de V Islam (Paris et Leyde, 1910 et 1911) :
(f J'ai, à plusieurs reprises, plaidé devant l'Académie la cause de
cette publication : c'est à cette circonstance que je dois le privilège
de lui faire hommage des fascicules parus de l'édition française. Il
n'est pas besoin d'une compétence spéciale pour être assuré qu'une
publication qui a recueilli les suffrages de l'Association internationale
des Académies, qui est dirigée par des savants comme MM. Snouck
Hurgronje, Houtsma, René Basset, Arnold, etc., est bien à la hauteur
de ce qu'elle promet.
« L'Encyclopédie a été conçue dans le cadre historique et géogra-
phique. Elle semble bien s'étendre à tout ce qui, dans le sens le plus
large, constitue le développement historique. C'est donc une vraie
mine de renseignements précieux, mise au point par les savants les
plus compétents et présentée en des monographies solides dont la
lecture est souvent extrêmement attachante, même pour les plus pro-
fanes, et dont l'importance est rehaussée par le soin tout particulier
dont la bibliographie paraît avoir été l'objet.
« Si l'on a senti de bonne heure la nécessité de ramasser en un
foyer le plus possible des informations, si dispersées et si complexes,
qui concernent le monde immense de l'Islam, la rénovation et l'ex-
tension de ces études depuis un siècle faisaient une nécessité de
renouveler cette tentative avec des moyens singulièrement accrus
et de ne négliger aucun effort pour la mener à bonne fin.
LIVRES OFFERTS 693
<( Nous avons ici la preuve que l'entreprise est conduite avec toute
l'autorité et la compétence désirables; nous avons, en même temps,
la satisfaction de constater que la publication parallèle de l'édition
française, en même temps qu'elle esl un hommage rendu à la colla-
boration très importante de beaucoup de travailleurs français, four-
nira aux nombreux fonctionnaires qui ont à faire, au nom de la
France, avec des populations musulmanes, des renseignements sou-
vent indispensables autant que difficilement accessibles. »
694
COMMISSION DES INSCRIPTIONS
ET MÉDAILLES
SÉANCE DU 29 MARS 1912
Présents : MM. Folcart, Cagnat, abbé Thédenat.
La ville de Valenciennes demande à l'Académie de lui fournir
une inscription pour un Bureau de bienfaisance qu'elle fait cons-
truire.
La Commission propose la rédaction suivante :
DANS CET ÉDIFICE
AVTREFOIS
COYVENT DES RELIGIEVSES
SEMERJENNES
PLVS TARD POSTE AVX CHEVAVX
LA VILLE
DE
VALENCIENNES
A ÉTABLI
LE BVREAV DE BIENFAISANCE
LE II JAN'VIER MDCCCCXI
PRÉSIDENT : CHARLES DEVILLER MAIRE
VICE PRÉSIDENT : EDOVARD DEBROSSE
ADMINISTRATEVRS
HECTOR COULON PAVL DREMAVX
HENRI GRAVIS PAVL DVBVS
PAVL DENIAVX
COMMISSION DES INSCRIPTIONS ET MÉDAILLES 69o
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE 1912
Présents : MM. Foucart et Gagnât.
Le Directeur des Musées nationaux demande à l'Académie
de lui fournir deux modèles d'inscriptions destinées à rappeler
le courage du commandant de Sigoyer et des conservateurs du
Musée du Louvre, au mois de mai 1871.
La Commission propose la double rédaction suivante, qui sera
soumise au choix de M. le Directeur :
1° 24 MAI 187I
MARTIAN DE BERNARDY DE SIGOYER
COMMANDANT LE XXVIe BATAILLON
DE CHASSEVRS A PIED
MAI 187I
HENRI BARBET DE JOVY
CONSERVATEVR DV MVSÉE DV LOVVRE
ANTOINE HÉRON DE VILLEFOSSE
ATTACHÉ AV DÉPARTEMENT DES ANTIQVES
LÉON MORAND
CHEF DV BVREAU ADMINISTRATIF DES MVSÉES
2° LE 24 MAI iSjI
MARTIAN DE BERNARDY DE SIGOYER
COMMANDANT LE XXVIe BATAILLON
DE CHASSEVRS A PIED
PAR SON INITIATIVE ÉNERGIQVE
A SAUVÉ LE LOVVRE DE L'iNCENDIE
EN MAI 187I
HENRI BARBET DE JOVY
CONSERVATEVR DV MVSÉE DV LOVVRE
ANTOINE HÉKON DE VILLE FOSSE
ATTACHÉ AV DÉPARTEMENT DES AXTIQVES
096 COMMISSION DES INSCRIPTIONS ET MÉDAILLES
LÉON MORAND
CHEF DV BVREAV ADMINISTRATIF DES MVSÉES
PAR LEVR COVRAGE ET LEVR DÉCISION
ONT ASSURÉ LA DÉFENSE INTÉRIEURE DU LOUVRE
ET CONSERVÉ A LA FRANCE
SES COLLECTIONS NATIONALES
697
PÉRIODIQUES OFFERTS
American Journal of Archaeology, 1912. Vol. 16. N° 1, janvier-
mars (New-York, in-8°).
Analecta Bollandiana, tome XXX, fasc. 4; tome XXXI, fasc. 1,
2 et 3 (Bruxelles- Paris, 1912, in-8°).
Anales del Museo Nacional de Mexico, tome III, nos 3 à 12 ; tome IV,
nos 1 et 2 (Mexico, in-8°).
Annales du Commerce extérieur, année 1911, fasc. 8 à 12; — 1912,
fasc. 1 à 5 (Paris, 1911 et 1912, in-8°).
Annales de la Société archéologique de Namur, tome XXX, lrP et
2e livraisons (Namur, 1912, in-8°).
Archaeological Institute of America. American Journal of Archaeo-
logy, décembre 1911 ; avril-juin 1912 (New-York London, in-8").
Atti délia R. Accademia dei Lincei, 1911, fasc. 7 à 12; 1912, fasc. 1
et 2 (Roma, 1911 et 1912, in-8°).
Biblioteca nazionale centrale di Firenze. Bollettino délie pubblica-
zioni ilaliane ricevute per dirilto di stampa, nos 132 à 142 (Firenze,
1912, in-8°).
Bibliothèque de V École des Chartes, septembre-décembre 1911,
janvier-août 1912 (Paris, 1911-1912, in-8°).
Boletin del Museo Nacional de arqueologia, historia y etnologia,
janvier, novembre, décembre 1911 ; août 1912 (Mexico, 1912, in-8°).
Boletin del Archivo Nacional, novembre-décembre 1911 ; juillet-
octobre 1912 (Habana, in-8°).
Boletin de Associaçào dos archeologos porluguezes, tome XII, nos 2
à 10 (Lisboa,1911, in-8°).
Boletin de la Sociedad mexicana de geografta y esladistica, tome IV,
nos 8 à 14; tome V, n°s 1 à 10 (Mexico, 191 1-1912, in-8°).
Bollettino delV AsBociazione afcheologica romana, anno II, n° 4
(Roma, in-8").
Bu Ilot in monumental, 75e vol., nos 5, 0; 70e vol., nos 1, 2, 3 et 4
(Paris et Caen, 1911-1912, in-8»).
Bulletin historique et scientifique dé TAuvergrie, 1911, nos '•• cl H)
(Clermont-Ferrand, 1911-1912, in-8°).
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de
Béziers (Hérault), tome IX, l,e livraison (Béziers, in-S°).
B98 PERIODIQUES OFFERTS
Bulletin bibliographique et pédagogique du Musée belge, mars-
décembre 1911 ; janvier-mars 1912 (Louvain, 1911-1912, in-8°).
Bulletin de la Société d'émulation du Bourbonnais, année 1911, nos 7
à 12; année 1912, nos 1 à 7 (Moulins, 1911-1912, in-8°).
Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de
la Corrèze, octobre-décembre 1911; janvier-juin 1912 (Brive, 1911-
1912, in-8°).
Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze,
octobre-décembre 1911 ; janvier-mars 1912 (Tulle, 1911-1912, in-8°).
Bulletin international de V Académie des sciences de Cracovie,
avril-décembre 1911; janvier-juin 1912 (Cracovie, 1911-1912, in-8°).
Bulletin de la Diana, avril-décembre 1910; année 1911, janvier-
mars 1912 (Montbrison, 1911-1912, in-8°).
Bulletin de la Société archéologique du Finistère, année 1910, lre
à 10e livraisons de 1911 (Quimper, 1911,in-8°).
Bulletin trimestriel de la Société archéologique d'Eure-et-Loir. Pro-
cès-verbaux, janvier-décembre 1912 (Chartres, in-8°).
Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, tome III,
livraison 6 (Genève, 1911, in-8°).
Bulletin de la Société d'agriculture, lettres, sciences et arts du dépar-
tement de la Haute-Saône, années 1911 et 1912 (Vesoul et Paris, in-8°j.
Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, nos 85,
86 (Langres, 1912, in-8°).
Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, nos 39 et
40 (Toulouse, 1909, in-8°).
Bulletin de la Conunission archéologique de Narhonne, année 1912,
1er semestre (Narbonne, 1912, in-8°).
Bulletin de la Société de l'histoire de Normandie, 1912, 1er et
2e semestre (in-8°).
Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 4e trimestre 1911 ;
1er et 2e trimestres 1913 (Poitiers, 1911-1912, in-8°).
Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord,
septembre-décembre 1911; janvier-octobre 1912 (Périgueux, 1911-
1912, in-8°).
Bulletin trimestriel de la Société des Antiquaires de la Picardie,
année 1911, 3e et 4e trimestres; année 1912, 1er et 2e trimestres
(Amiens, 1912, in-8°).
Bulletin trimestriel de la Société archéologique de Touraine, 2e, 3e
et 4e trimestres 1911 (Tours, 1911, in-8°).
Bulletin de la Société archéologique d'Alexandrie, tome III, 3e fasc.
(Alexandrie, 1912, in-8°).
Bulletin mensuel de la Société d'histoire et d'archéologie du Vimeu,
nos 57 à 65 (Saint-Valery-sur-Somme, 1912, in-8°).
PÉRIODIQUES OFFERTS 699
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de
l'Yonne, année 1911, 65e vol. (Auxerre, 1912, in-8u).
École française d'Extrême-Orient. Bulletin, 1911 (Hanoï, 1910,
in-8°).
École française de Rome. Mélanges d'archéologie et d'histoire,
juin-décembre 1911; janvier-août 1912 (Paris et Rome, in-8°).
Encyclopédie de l'Islam, 12e, 13e et 14e livraisons (Leyde et Paris,
1912, in-8°).
Journal of the American Oriental Society, octobre à décembre 1911 ;
janvier à septembre 1912 (New-Haven, Connecticut, in-8°).
Journal Asiatique, novembre-décembre 1911; janvier-août 1912
(Paris, in-8°).
Journal de la Société des Américanistes de Paris, tome VIII, fasc. 1
et 2; tome IX, fasc. 1 et 2 (Paris, 1912, in-4°).
Journal of the Royal Institute of British Architecls, vol. XVIII,
nos 6 à 15 ; vol. XIX, n°s 1 à 4 (London, 1911 et 1912, in-8°).
Machriq (Al), Revue catholique orientale, octobre-décembre 1911;
janvier-décembre 1912 (Reyroulh, 1911 et 1912, in-8°).
Mitteilungen des kaiserlich-deulschen archaeologischen Instituts.
Alhenische Ableilung, tome XXXVI, fasc. 3 et 4 ; tome XXXVII,
fasc. 1 (Athen, 1910 et 1911, in-8°).
Musée belge (Le). Revue de philologie classique, 15 avril-15
décembre 1911 ; 15 janvier-15 octobre 1912 (Louvain, in-4°).
Polybiblion. Revue bibliographique universelle, juillet 1912 (Paris,
in-8°).
Proceedings of the Society of biblical archaeology, janvier à juillet
1912 (London, 1912, in-8°).
Proceedings of the Royal Society of Edinburgh, vol. XXXI, part. 5;
vol. XXXII, parts 1 à 4 (Edinburgh, 1912, in-8°).
Proceedings of the American Philosophical Society held al Phila-
delphia, septembre-décembre 191 1 ; janvier-juillet 1912 (Philadelphia,
1912, in-8°).
Proceedings of the Society of (lie Antiquaries of Scotland, 1910-
1911 (Edinburgh, 19H,in-8°).
Rendiconti délia R. Accademia dei Lincei, vol. XX, fasc. 1 à 12;
vol. XXI, fasc. 5 et 6 (Roma, 1912, in-8°).
Revisla de archivos , bihliolecas y museos , septembre-décembre
1911; janvier-août 1912 (Madrid, 1911-1912, in-8°).
Revue africaine, nos 282 et 283 (Alger, 1912, in-8°).
Revue algérienne et tunisienne, juillet-décembre 1911 ; janvier-
septembre 1912 (Alger, 1911-1912, in-8°).
Revue archéologique, novembre-décembre 1911 ; janvier-octobre
1912 (Paris, 1911-1912, in-8°).
700 PÉRIODIQUES OFFERTS
Bévue biblique internationale, novembre-décembre 1911 ; janvier-
octobre 1912 (Paris et Rome, 1912, in-8°).
Revue savoisienne, 1911, 3e et 4e trimestres; 1912, 1er, 2e et 3e tri-
mestres (Annecy, 1911-1912, in-8°).
Bévue scientifique d'épigraphie et d'histoire ancienne, août-décembre
1911 ; janvier 1912 (Paris, 1912, in-8°).
Bévue sémitique. Directeur J. Halévy, avril et juillet 1912 (Paris
1912, in-8°).
Bévue historique et archéologique du Maine, année 1911, second
semestre (Mamers et Le Mans, 1911, in-8°).
Bévue des questions historiques, livraisons 181 à 184 (Paris, 1911-
1912, in-8°).
Bômisch-germanisches Korrespondenzblatt, n05 1,2 et 3, janvier-
août 1912 (Trêves, in-8°).
Sitzungsberichte der kôniglich-preussischen Akademie der Wissen-
schaften, année 1912. VIII-IX Berlin, 1912, in-8°).
Société archéologique et historique de VOrléanais, Bulletin, 1er, 2e
et 3e trimestres 1912 (Paris et Orléans, 1912, in-8°).
Université catholique de Louvain. Bévue d'histoire ecclésiastique,
13e année, n° 15, janvier 1912 (Louvain, 1912, in-8°).
Universily of Illinois. Bulletin n° 6 (Urbana, 1911-1912, in-8°).
TABLE ALPHABÉTIQUE
Absyue. Origine de cette prépo-
sition latine, 119.
Académie des Inscriptions. —
Voy. Dacier, Dusaulx, Rousset.
Administrative (Commission),
691.
Affranchissement de serfs de la
châtellenie de Pierrefonds par
Blanche de Castille, 415.
Afrique. Nouvelles de la mission
de M. de Gironcourt dans la
Bouche du Niger, 43, 103, 158,
407, 428, 510, 541 ; — rapport,
681. — Voy. Algérie, Althibu-
ros, Carthage, Devedeix, Giron-
court, Kabylie, Madaure, Ma-
roc, Souk El-Abiod, Sousse,
Thuburbo Majus, Tilho, Tuni-
sie, Zama.
Aguilar de Anguita (Espagne).
Fouilles dans la nécropole, 526.
Aix en Provence. Bas-relief con-
servé au Musée de cette ville
et provenant de l'île de Rhénée
(Délos), 639, 641.
Albertini (Eugène). Lion ibérique
de Baena, 161, 162.
Alésia ( Alise-Sainle-Rcine). Nou-
velles découvertes, 173, 543. —
Ouvrage de défense probable-
ment construit par les Gaulois
lors du siège, 481 .
Alexandre à l'égide, Ï92.
Algérie. Epilaphe métrique de
Madaure, 151 .
Alpe (prairie de montagne). Mot
à substituer à valde dans Ca-
tulle (68, 59), 119.
Althiburos (auj. Medeina), Tuni-
sie. Fouilles, 417.
Amérique. Dernières recherches
faites sur ce pays, 340.
Amphore corinthienne trouvée
dans la nécropole de Bordj-
Djedid a Carthage, 341.
Annales de VEst. Tables, 46.
Anneau trouvé dans un tombeau
de femme à Thuburbo Majus,
359.
Année épigraphique. Tables, 29.
Annuaire général de V Indo-
Chine, 511.
Antiochus III le Grand (La mort
d') et la fin d'Antiochus IV Épi-
phane, 543.
Antiquités de la France (Con-
cours des), 5. — Rapport, 149,
247, 257. — Commission, 691:.
Antonin (L'empereur). Base éri-
gée en son honneur par M. Va-
lerius [Quadratus?], 425.
Anziani (D.). Amphore corin-
thienne trouvée dans la nécro-
pole de Bordj-Djedid à Car-
thage, 341.
702
TABLE ALPHABÉTIQUE
'AitoxîJpuÇiç. Novclle de Justinien
relative à cette institution,
530, 646.
Apollon. Fragment d'une tête
archaïque de ce dieu, décou-
vert à Thasos, 208.
ARBOIS DE JlIBAlNVILLE (H. d') .
Tain Bô Cûalnge, 344. — No-
tice nécrologique, 476.
Arcadius (L'empereur). Base
honorifique à lui dédiée, décou-
verte à Souk El-Abiod (Pup-
put), 115, 116,376.
Archives marocaines, 39.
Archivistes paléographes. Déli-
vrance des diplômes, 568.
Arcobriga (Espagne). Fouilles
dans la nécropole ibérique,
529.
Armure (L'j aux temps de Narâm
Sin, 122, 296.
Arvanitopoullos, éphore des anti-
quités de Thessalie et de
Phthiotide. Découverte de deux
nouveaux dépôts de stèles
peintes à Pagasae, près de
Volo, 104.
Asie. — Voy. Babylone, Bagdad,
Béryte, Bitokix, Chine, Cius,
Mésopotamie, Suse.
Astrologues chaldéens (Pline et
les), 308, 497.
Atellane (Textes de divers auteurs
classiques relatifs à 1'), 344.
Athènes. L'ancien Parthénon,
167.
Attiques déliens, 104, 105.
Audollent (Auguste). Nécropole
des Martres-de-Veyre, 77.
Avebury (Lord). The origin of
civilizalion. 634.
Avezou. Fouilles à Thasos, 60. —
Découverte, à Délos, d'une tête
de bronze représentant un per-
sonnage romain, 510.
Babelon (Ernest). Commissions,
4. — Rapport, 53. — Trouvaille
de monnaies grecques ar-
chaïques à Tarenle, 100. —
Lettre de M. Toutain annon-
çant de nouvelles découvertes
sur le plateau d'Alésia, 173. —
Moneta, 513, 531, 637, 640. —
Observations, 416. — Médailles
historiques du règne de Napo-
léon empereur et roi, 50. —
Mélanges numismaliques, 366.
— Hommages, 120, 675.
Babylonie. Chronologie du règne
et date du Code de Hammou-
rabi, 5. — Tablette contenant
le plan descriptif du grand
temple Ésagil, 148. — Inscrip-
tion cunéiforme relatant l'ex-
pulsion des Gouli, 160. — Ta-
blette concernant les ancien-
nes dynasties de la Babylonie,
416. — Poids daté du règne
d'Ourou-Kaghina, 477, 478. —
Texte relatif aux palmeraies de
Mésopotamie, 491 . — Docu-
ments relatifs au roi Nabonide,
au sanctuaire d'Ur et au culte
des morts, 680.
Bacot (Jacques). Documents his-
toriques rapportés de ses deux
missions aux confins de la
Chine et du Tibet, 319.
Baena (province de Cordoue).
Lion ibérique, 161, 162.
Bagdad. École construite en celle
ville par le khalife Mustansir,
48. — Voy. Messayeh.
TABLE ALPHABÉTIQUE
703
Barbet de Jouy (Henry). Inscrip-
tion rappelant le courage par
lui montré dans la défense du
Musée du Louvre en mai 1871,
693.
Barennes (Jean). Viticulture et
vinification en Bordelais nu
moyen âge, 633.
Bahth (Auguste). Commissions,
4, 511.
Basset (René), correspondant.
Lettre relative à Y Encyclopédie
de VIslam, 166. — Mission de
M. Boulifa eu haute Kabylie,
320, 335.
Baliffol (Louis). Les travaux du
Louvre sous Henri IV, 316.
Bauer (Ignace de). Bracelet ibéri-
que en or de sa collection, 491.
Baye (Baron de), Smolensk, 171.
— Karamzin et J.-J. Rousseau,
455.
Bayet (Ch.), correspondant. Can-
didat, 14, 44.
Bégouen (Comte). Grotte ornée
de gravures et de peintures
préhistoriques découverte à
Montesquieu- A vantés, 415,430-
432. — Statues d'argile préhis-
toriques de la caverne du Tue
d'Audoubert, à Montesquieu -
Avantès, 531, 532.
Berger (Élie). Commissions, 4,
690. — Affranchissements de
serfs de la chàtellenie de Pier-
refonds par Blanche de Cas-
tille, w:>.
Berger (Philippe). Commissions,
4. — Décédé, 75.
Berlin. Bronze du Cabinet des
médailles dé cette ville autre-
fois attribué h Cius en Bithy-
1912.
nie et appartenant à un prince
galale nommé Bitokix, 491,
493. — Collections de photo-
graphies du Musée des arts
décoratifs (tapisseries, etc.),
495-496.
Béryte. Inscription latine concer-
nant Valcrius Bufus, tribun de
la légion VII Claudia, 217.
Besnier (Maurice). Un bas-relief
de Délos au Musée d'Aix en
Provence, 639, 641. — Tables
de VAnnée épigraphique, 29.
Beyrouth (Syrie). — Voy. Béryte.
Biarnay. Fouilles aux environs
de Tanger, 39.
Bibliothèque de l'Institut. Ms.
contenant des poésies et un
portrait de l'humaniste Leo-
nardo Montagna, 394. — Feuil-
lets d'un ms. de Léonard de
Vinci relatif au vol des oiseaux,
dérobés par Libri , 460. —
Dépôt des manuscrits recueillis
par M. de Gironcourt dans sa
mission en Afrique, 685.
Bibliothèque nationale. Ms. con-
tenant un résumé politique de
l'histoire des rois de France
jusqu'à Louis XII, offert par
M. le baron de Faviers, 173,
175. — Peintures du ms. latin
1156 A, 174. — Ms. grec des
Evangiles et du Psautier illus-
tré, :;n, 514.
Bijoux trouvés dans le tombeau
d'une chrétienne à Thuburbo
Majus,358, 359.
Bithynie. — Voy. Cius.
Bitokix, roi de Galatie. Bronze
du Cabinet des médailles de
Berlin, 191, 494.
16
704
TABLE ALPHABETIQUE
Blanche de Castille. Affranchis-
sements de serfs de la châtel-
lenie de Pierrefonds, 415.
Blanchet (Adrien). Candidat, 17,
44. — Fondation de l'empire
gaulois par Postume, 161. —
Manuel de numismatique fran-
çaise, 674.
Blanchet (Médaille Paul). Com-
mission, 4.
Boirot (Max). Plaque votive en
marbre trouvée à Bourbon-
Lancy et probablement con-
sacrée aux divinités Borvo et
Damona par le Gaulois Suado-
rix, 341.
Bordeaux. Bi-centenaire de l'Aca-
démie des sciences, belles-
lettres et arts, 270.
Bordin (Prix), 2. — Bapport, 54.
Bordin (Prix extraordinaire), 511,
530.
Borland (Miss). Découverte, à la
Bibliothèque de l'Université
d'Edimbourg, de deux frag-
ments d'un poème en langue
d'oïl sur Philippe-Auguste, 148.
Borvo, divinité gauloise, 341.
Bouché-Leclercq (A.). Commis-
sion, 4. — La mort d'Antio-
chus III le Grand et la fin
d'Antiochus IV Épiphane, 543.
— Observations, 150, 308. —
Hommages, 73, 368.
Boulifa. Documents par lui rap-
portés de sa mission en Haute
Kabylie, 320, 335.
Boulogne-sur-Mer. Monument
élevé à la mémoire du Dr E.-T.
Hamy, 247 .
Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire).
Plaque votive en marbre pro-
bablement consacrée aux divi-
nités Borvo et Damona par un
Gaulois nommé Suadorix, 341.
Bourdichon (Jean). Lettres pa-
tentes de Louis XII en faveur
de ce peintre, 690.
Bourguet (Emile). Fouilles de
Delphes, 16.
Bréal (Michel). Commission, 690.
— Observations, 30.
Bretonnes (Gloses) dans le ms.
802 d'Orléans, 308.
Broches processionnelles, 82, 83,
97.
Brunel (Prix), 5. — Rapport, 122,
432, 443.
Bruston (Charles). Les odes de
Salomon, 523.
Bruxelles. Epitaphe métrique de
Madaure au Musée du Cin-
quantenaire, 151, — Procès-
verbaux du Conc/rès interna-
tional de numismatique de 1910,
120.
Bulletin de l'Ecole française
d' Extrême-Orient , 24.
Byzacène. — Voy. Synesius (FI.).
Cabilonnenses (Oppidani), Cha-
lon-sur-Saône. Piédestal por-
tant une dédicace par eux
faite à la déesse Souconna,
678.
Cagnat (René). Commissions, 4,
691, 694. — La frontière ro-
maine de la Tripolilaine, 11,
14, 27. — Bapport du capitaine
Venet sur les ruines de Sidi-
Ali-bou-Djenoun (Colonia Ba-
nasa, Maroc), 29. — Fouilles
de MM. Biarnay et Pérétié aux
environs de Tanger, 39. —
TABLE ALPIIAMLTIOl E
705
Note de M. Merlin sur la dé-
couverte d'une inscription la-
tine à Souk El-Abiod , par
MM. Vaubourdolle et Ilaack,
115. _ Note de M. Basset sur
la mission de M. Boulifa en
haute Kabylie, 320. — Note de
M. L. Constans sur les puissan-
ces tribuniciennes de Néron,
371.— Note de M. Ph. Fabia
sur l'exploration archéologique
de Fourvière, 412. — Note de
M. Merlin sur l'emplacement
du champ de bataille de Zama,
477. — A travers le momie
romain, 044. — Mélanges Ca-
gnat, 692. — Observations,
273, 410. — Hommages, 29,
37, 41, 45.
Calbinus ou Calvinus (FI.). Base
honorifique par lui dédiée à
l'empereur Arcadius, 115, 116.
Canessa (Ercole). Don, par lui
fait au Musée du Louvre, d'un
socle en bronze provenant de
Saint-Marcel-les-Chalon et por-
tant une inscription en l'hon-
neur de la déesse Temusio,
680.
Canoniques (Collections) de l'Ita-
lie méridionale, du ixp au xie
siècle, 640.
Cap Blanc, près Laussel (Dor-
dogne). Squelette humain fos-
sile, 433, 451.
Capitan (D1'). Candidat, 14, 44. —
Caractères de l'architecture
maya, 18. — Trois nouveau \
squelettes humains fossiles,
433, 449.
Cappadoce. Églises souterraines,
317, 320. — Iconographie «les
peintures de ces églises, 318,
.'{20.
Caracalla (L'empereur). Arc de
triomphe de Thasos, 215. —
inscription à lui dédiée, à Tliu-
burbo Majus, X">7. — Piédes-
taux à lui dédiés par la ville
d'Allhiburos, 422, '.23.
Carcassonne. Vue de celte ville
faussement attribuée à l'an
1467, 174, 182.
Carcopino (Jérôme). Le rôled'Os-
tie dans l'Enéide, 104.
Careius Adjectus Sedatianus | L.).
Inscription par lui dédiée à
C. Valerius Rufus, tribun de
la légion VII Claudia, 249, 256.
Carthage. Vases à fond blanc et
à décor polychrome trouvés
dans des tombeaux puniques
et conservés au Musée Saint-
Louis, 49. — Fouilles dans
l'îlot de l'Amiral, 277. — Am-
phore corinthienne trouvée dan s
la nécropole de Bordj-Djedid,
341. — Fouilles de Damous-el-
Karita, 458, 460. — Voy. Anzia-
ni (D.), Delattre (,R. P.), Merlin
(Alfred).
Carton (Dr), correspondant. Le
Nord-Ouest de la Tunisie, 52 L
Castries (Comte Henry de). Pro-
tocole des lettres émanant des
sultans du Maroc, 100, 2S0.
Catalogue de la Collection De
Clercq, 51.
Catulle. Correction à un de ses
vers (68, 59), 119.
Cavaignac (Eugène . A propos
d'une édition récente de Xéno-
plion (organisation de la pha-
lange Spartiate), 238, 239.
70G
TABLE ALPHABÉTIQUE
Cayeux. Description géogra-
phique de Délos, 12.
Celtibérie. Fouilles archéolo-
giques de M. le marquis de
Cerralbo, 432, 433, 525.
Céramique. — Voy. Vases.
Cerralbo (Marquis de). Fouilles
en Celtibérie, 432, 433, 525.
César (Jules). Ouvrage de dé-
fense probablement construit
par les Gaulois lors du siège
par lui mis devant Alésia, 481.
Chabot (Abbé J.-B). Candidat,
632, 640.
Chaldée (Découvertes en), 340. —
Pline et les astrologues chal-
déens, 497.
Chalon-sur-Saône. Piédestal por-
tant une dédicace à la déesse
Souconna, 677.
Chantilly. La représentation des
signes du Zodiaque dans les
Très riches heures du duc de
Berry (Musée Condé), rap-
prochée du groupe des Grâces
de la cathédrale de Sienne,
237.
Charles VIII. Lettres relatives à
son expédition en Italie, 54.
Chartes et Diplômes (Commis-
sion des), 29.
Château d'eau à Althiburos, 425-
426.
Châtelain (Emile). Vice-prési-
dent pour 1913, 690. — Com-
missions, 4. — Rapports, 122,
432, 443.
Chavance, fonctionnaire à la Gou-
lette. Possesseur d'une am-
phore corinthienne trouvée
dans la nécropole de Bordj-
Djedid à Cartilage, 341.
Chavannes (Edouard). Commis-
sions, 4, 511. — Rapports, 77.
— Documents historiques rap-
portés par M. Jacques Bacot
de ses missions aux confins de
la Chine et du Tibet, 319. —
Hommage, 633.
Chénon (Emile). Notice sur II.
dWrbois de Jubainville, 476.
Chevalier (Ulysse). Candidat, 14-
— Elu membre libre, 44, 47.
— • Chartes de Saint-Maurice de
Vienne, etc., 172. — Reperto-
rium hymnologicum, 635.
Chine. Nouvelles de la mission
du D1' Legendre, 4, 52, 237. —
Documents historiques recueil-
lis par M. Jacques Bacot, 319.
Cirque (Mosaïque représentant
une scène du), trouvée à Four-
vière, 412, 413.
Cius ^Bithynie). Bronze du Cabi-
net des médailles de Berlin,
autrefois attribué à cette ville,
491, 492.
Clermont-Ganneau (Ch.). Com-
missions, 4, 511, 690. — Lettre
de M. Hyvernat sur une col-
lection de mss. coptes prove-
nant d'un monastère du Fa-
youm, 8. — Observations, 49,
477. — Hommages, 157, 644.
Clotsianus. Épitaphe de ce chré-
tien découverte à Althiburos,
424.
Colin (G.). Fouilles de Delphes,
74.
Collège de France. Désignation
de deux candidats à la chaire
d'histoire de l'Afrique du Nord,
103, 119.
Collier en or avec perles en ver-
TABLE ALPHABÉTIQUE
707
re, trouvé dans un tombeau de
femme, à Thuburbo Majus, 359.
— Pièces d'un collier trouvées
à Damous-el-Karita, 468.
Collignon (Maxime). — Com-
missions, 4, 541, 690, 691. -
Rapport, 150. — Fouilles de
MM. Ch. Picard et A.-J. Reinach
à Thasos, 59. — L'ancien Par-
thénon, 167. — Observations,
544. — Le Parthénon, 72, 677.
— Hommages, 16, 74, 538.
Colonia Banasa (auj. Sidi-Ali-
bou-Djenoun), Maroc. Ruine
romaines; inscription latine,
29.
Commode (L'empereur). Inscrip-
tion d'Althiburos à lui dédiée,
420, 421.
Comnène (Théodora), princesse
de Trébizonde, 346.
Comptes (Commission des), 175.
Concours (Annonce des), 569. —
Situation pour 1912, 5. — Ju-
gement des concours, 562.
Congrès archéologique de France
77e session), 244.
Conseil supérieur de l'instruction
publique. Réélection du délé-
gué de l'Académie M. R. de
Lasteyrie, 123.
Constans (L.). Les puissances tri-
buniciennes de Néron, 371, 385.
Constantinople. Tablette du Mu-
sée contenant les § 145-180 du
Code de Hammourabi, 159. —
Ruines du grand Palais impé-
rial, 305.
Conti Rossini (Carlo). La langui-
des Reniant en Abgssinie, 688.
Coptes (Mss.) du monastère de
Saint-Michel (Favoum), 8.
Coudieh (Henri). Commissions,
4, 511. — Délégué au Congrès
international des América-
nistes, à Londres, 4, 340; — à
l'inauguration du monument
élevé au Dr Hamy à Roulogne-
sur-Mer, 247. — Nouvelles de
la mission du Dr Legendre, 4,
52, 237. — Nouvelles de la mis-
sion de M. de Gironcourt, 43,
103, 158, 407, 428, 510, 541. —
Nouvelles des missions des
commandants Tilho et Deve-
deix, 632. — Observations, 685.
— Bihliotheca indosinica, 274 .
— Hommage, 58.
Corinthienne (Amphore) trouvée
dans la nécropole de Rordj-
Djedid à Carthage, 341.
Cornwall (Le) et le roman de
Tristan, 17, 27.
Corpus inscriplionum semitica-
ruin, 15, 82.
Correspondants étrangers, 541,
685.
Correspondants français, 541,
690.
Cotte (J. et Ch.). Étude sur les
blés de l'antiquité classique,
689.
Coupe d'argent sassanide trouvée
près d'un village du gouverne-
nement de Poltava, 483.
Coyecque (Ernest). Vieilles ar-
chives notariales, 538.
Crète. — Voy. Haghia Triada.
Choiset (Alfred). Commissions,
4, 541, 690, 691. Observations,
344.
CnoisEr Maurice). Observations,
150, 273. — Hommages, 164,
708
TABLE ALPHABÉTIQUE
Culte des morts en Babylonie,
681.
Cumout (Franz), correspondant
étranger. Une épitaphe métri-
que de Madame, 149, 151. —
Aslrology and religion among
the Greeks and Romans, 73.
Cuq (Edouard). Délégué aux tètes
du bi-centenaire de l'Acadé-
mie de Bordeaux, 270. — Date
du Code de Hammourabi, 5. —
Sénatus-consulte de Délos, 40,
57. — Un nouveau vice-préfet
du prétoire, 371, 372. — No-
velle de Justinien relative à
ràîtox7)puÇiç, 530, 646.
Dacier (Joseph-Bon). Notice sur
sa vie et ses travaux, 600.
Dalleggio (Eugène Al.). Buines
du grand Palais impérial de
Constantinople, 305.
Damona, divinité gauloise, 341.
Damous-el-Karita (Basilique de),
à Cartilage. Fouilles du R. P.
Débattre, 458, 460.
Déchelette (Joseph), correspon-
dant. Les broches procession-
nelles et le vase dit « des mois-
sonneurs » d'Haghia Triada, 82,
83, 97. — Fouilles du marquis
de Cerralbo, 432, 433.
De Clercq (Fondation). Rapport
sur l'emploi des fonds, 301. —
Catalogue de la collection De
Clerccj, 51.
Delaborde (Comte François).
Candidat, 632, 039. — Le texte
primitif des Enseignements de
saint Louis à son fils, 523.
Delalande-Guérineau (Prix), 5,
511, 530. — Commission, 4. -
Rapport, 174.
Delaruelle (Louis). Choix des
mots dans les Discours de Ci-
céron, 57.
Delattre (R. P.), correspondant.
Fouilles tle Damous-el-Karita,
458, 460. — Publications di-
verses, 13, 58, 635.
Delaville Le Roulx (Joseph). Do-
cuments historiques par lui
recueillis, 54.
Délégation en Perse. Publica-
tions, 191, 366.
Delehaye (R. P. Hippolyte). Les
origines du culte des martyrs,
546.
Delisle (Léopold). Lettres à
M. l'abbé Ulysse Chevalier, 271.
— Notice sur Orderic Vital,
524. — Notice nécrologique sur
lui, 637.
Délos. Rapport sur les fouilles
de 1911, 6, 10. — Sénatus-con-
sulte relatif à un différend
entre les Déliens et le curateur
du temple de Sarapis, 40, 57.
— Attiques déliens, 104, 105.
— Nouvelles découvertes, 491.
— Découverte d'une tête de
bronze représentant un per-
sonnage romain, 510. — Dé-
crets, 635. — Bas-relief du
Musée d'Aix en Provence pro-
venant de l'île de Rhénée, 639,
641. — Description géographi-
que, 12. — Inscriptions, 338.
Delphes. Traité d'assistance judi-
ciaire conclu au me s. a. C. avec
la ville de Pellana en Achaïe,
248, 371. — Découverte d'une
statue archaïque dite de la Vie-
TABLE ALPHABÉTIQUE
70<)
toirc, 541. — Fouillés, 16, 74.
Demaison (L.), correspondant.
La vie de château dans les Ar-
dennes au XIIe siècle, 688.
Devedeix (Commandant E.). Nou-
velles de sa mission dans le
Tchad, 632.
Deville (Etienne). Bibliographie
de V abbaye de Saint-Evroul,
524.
Diaz del Caslillo (Bernai). Véri-
table histoire de la conquête de
la Nouvelle Espagne, 513, 518.
Dictionnaire des antiquités grec-
ques et romaines, 269.
Dictionnaire de la Bible, 157,
644.
Dieiil (Charles). Théodora Com-
nène, princesse de Trébizonde,
340. _ Trésor de Poltava, 482.
— Hommages, 172, 426, 686.
Dieulafoy (Marcel). Délégué aux
fêtes du bi-centenaire de l'Aca-
démie de Bordeaux, 270. —
Églises souterraines de Cap-
padoce, 317, 318. — Observa-
tions, 40, 56,82, 161, 308, 309.
— Hommage, 687.
Diophantus. Dédicant d'une sta-
tue à Saturne et à une autre
divinité, à Thuburbo Majus,
348, 355.
Diplôme militaire concernant la
Hotte de Misène (9 février 71),
394.
Djem, frère du sultan Bajazet.
Lettre en français, par lui
écrite de Borne, 54.
Dolès, fils du thrace Ilesbenus,
centurion de la Hotte de Mi-
sène, 396, 397.
Dorez (Léon). Candidat, 632. —
Manuscrit de la Bibliothèque
de l'Institut contenant des poé-
sies et un portrait de l'huma-
niste Leonardo Montagna, 394.
Drappier (L.). Travaux hydrau-
liques romains en Tunisie, 41.
Duchalais (Prix), 5. - Rapport,
53.
Durand (Charles). Fouilles de
Vésone, 677, 689.
Durrbach (Félix). Correspondant,
690. — Inscriptions de Délos,
338.
Durrieu (Cte Paul). Commission,
4. — Rapports, 19, 167. —
Peinture dans le style de Mi-
chelino da Besozzo, 7. — Do-
cuments historiques recueillis
par J. Delaville Le Roulx, 54. —
Représentations de sainte Eli-
sabeth dans les peintures alle-
mandes et flamandes, 169. —
Peintures du ms. latin 1156 A
de la Bibliothèque nationale
et de mss. similaires dus pro-
bablement à un atelier d'An-
gers, 174. — Les Heures de Sa-
voie, 50. — Les Heures à l'u-
sage d'Angers de la collection
Martin Le Roy, 272. — Publica-
tions diverses, 540. — Les ma-
nuscrits des Statuts de VOrdre
de Saint-Michel, 673. — Obser-
vations, 238. — Hommages,
16, 633.
Dusaulx (Jean), membre de l'Aca-
démie des inscriptions. Inscrip-
tion portant son nom, près de
Luz, 428.
Dussaud (René). Les monuments
palestiniens et judaïque* du
Musée du Louvre, 547.
710
TABLE ALPHABÉTIQUE
Écoles françaises d'Athènes et
de Rome. Rapport, 647. —
Commission, 39, 170, 691.
École française d'Athènes, 39,
14, 52.
École française d'Extrême-
Orient. Bulletin, 24. — Publi-
cations, 274.
École française d'Espagne, 77.
Edimbourg. Découverte, à la Ri-
bliothèque universitaire, de
deux fragments d'un poème en
langue d'oïl sur Philippe-Au-
guste, 148.
Églises souterraines de Cappa-
doce, 317, 320. — Iconogra-
phie des peintures de ces
églises, 318, 326.
Egypte. Travaux exécutés par le
Service des antiquités, 507. —
Voy. Fayoum, Oxyrhynchus,
Tounah, ZaouiétEl-Maietin.
Eleusis. Drames sacrés, 122, 123,
150.
Elisabeth (Sainte). Représenta-
tions dans les peintures alle-
mandes et flamandes, 169.
Encyclopédie de V Islam, 147, 166,
170, 510,692.
Encyclopédie rabbinique (Une)
du xme siècle, 511.
Entrelacs (Dalles de marbre or-
nées d'), 14,40.
Épery (Dr). Ouvrage de défense
probablement construit par les
Gaulois lors du siège d'Alésia,
481.
Espagne. — Voy. Aguilar de An-
guita, Raena, Celtibérie, Cer-
ralbo (Marquis de), Déchelette,
Luzaga, Madrid, Torralba.
Espérandieu (Cl Emile), corres-
pondant. Candidat, 27, 44. —
Ouvrage de défense probable-
ment construit par les Gaulois
lors du siège d'Alésia, 481. —
Recueil des bas-reliefs de la
Gaule romaine, 13.
Espinas (Georges). Notice nécrolo-
gique sur Léopold Delisle,631.
Estrade-Delcros (Prix), 5. —
Commission, 4. — Attribution
du prix, 45.
Étrusque (Langue), 27, 30.
Europe barbare (Les âges proto-
historiques dans 1'), 309.
Évangiles (Ms. grec illustré des),
513, 514.
Exceptoria (réservoir d'eau). Mot
rare figurant dans une inso-ip-
tion de Thuburbo Majus, 357,
358.
Fabia (Philippe). Correspondant,
690. — Exploration archéolo-
gique de Fourvière, 412, 543.
Fage (René). La maison natale
d'Etienne Baluze, 455. — L'é-
glise de Luhersac (Corrèze), 525.
— Etienne Baluze et le « Tar-
tuffe», 689.
Faviers (Raron de). Ms. conte-
nant un résumé de l'histoire
politique des rois de France
jusqu'à Louis XII, offert à la
Ribliothèque nationale, 173,
175.
Fayoum. Collection de mss.
coptes provenant du monas-
tère de Saint-Michel, 8.
Fibules en or trouvées dans un
tombeau de femme à Thuburbo
Majus, 359.
Foucart (Georges). Les drames
TABLE ALPIIAnÉTlQL'E
711
sacrés d'Eleusis, 122, 123, 150.
Foucart (Paul). Commissions,
691, 694. — Les drames sacrés
d'Eleusis, 122, 123, 150. —Ob-
servations, 82. — Hommages,
38, 338.
Fougères ^Gaston). Candidat,
632, 640.
Fould (Prix), 5. — Rapport, 167.
Fournier (Paul). Le dauphin
Humbert II, 371, 581.— Collec-
tions canoniques de l'Italie mé-
ridionale, du ixe au xie siècle,
640. — Hommages, 46.
Fourvière (Lyon). Exploration
archéologique, 412, 543.
France. Ms. contenant un résumé
politique de l'histoire des rois
jusqu'à Louis XII, offert à la
Bibliothèque nationale par
M. le baron de Faviers, 173,
175.
Franchet (L.). La céramique pri-
mitive, 165.
Galatie. — Voy. Bitokix.
Garnier (Fondation Benoît). Rap-
port, 14.
Gauckler (Paul). Le sanctuaire
syrien du Janicule, 544.
Gaule (La) dans la table de Peu-
tinger (l'acsimilé), 41. — Voy.
Alésia, Bourbon-Lancy, Cha-
lon-sur-Saône, Postume, Saint-
Marcel-les-Chalon, Souconna,
Suadorix, Temusio.
Gavet. Diarium Universitatis Mus-
sipontanae, 46.
Genève. Congrès international
d'anthropologie et d'archéolo-
gie préhistoriques, 4.
Girard (Paul). Le vase « des
moissonneurs » de Ilaghia
Triada, 97. — Découverte à
Pagasae, près de Volo, de deux
nouveaux dépôts de stèles
peintes, 10k
Girardin (Marquis de). Karamzin
etJ.-J. Rousseau, 455.
Gironcourt (G. de). Nouvelles de
sa mission dans la Boucle du
Niger, 43, 103, 158, 407, 428,
510, 541. — Bapport, 681.
Glotz (Gustave). Candidat, 632,
639. — Indice chronologique
fourni dans l'histoire grecque
par les prix de certaines den-
rées, 170.
Gobert (Prix), 4, 5. — Attribu-
tion du prix, 239. — Commis-
sion, 690.
Gobillot (Bené). Notes sur l'ab-
baye de Saint-Évroul, 524.
Gœtz (L. K.). Das russische Recht,
496.
Goldschmidt (Dr D.). Correspon-
dance de J.-G. Sçhweighaeu-
ser, 345.
Gomperz (Theodor), correspon-
dant étranger. Décédé, 457,
491.
Gouti. Inscription cunéiforme
relatant l'expulsion de ce peu-
ple de Babylonie, 160.
Gravures préhistoriques de la
grotte du Tue d'Audoubert à
Montesquieu-Avantès, 41 5, 430-
432.
Grèce. Indice chronologique four-
ni dans l'histoire de ce pays
par les prix de certaines den-
rées, 170. — Voy. Athènes,
Crète, Délos, Delplies, Eleusis,
Pagasae, Tasos.
712
TABLE ALPHABÉTIQUE
Grotesques (Personnages) trou-
vés à Damous-el-Karita, 468,
469.
Griineisen (Baron W. de). Le
nimbe rectangulaire, 273.
Guillot (Gaëtan). Les objets d'art
de Saint-Évroul, 524.
Gusman (Pierre). Un incunable et
son histoire, 269.
Haack (Lieutenant). Découverte
d'une inscription latine à Souk
El-Abiod, 115.
Hadrien (L'empereur). Porte éle-
vée en son honneur par la ville
d'Althiburos, 419, 420, 421 , 422.
Haghia-Triada (Crète). Le vase
dit « des moissonneurs », 82,
83, 97.
Hammourabi. Chronologie de son
règne et date de son Code, 5,
40. — Découverte, au Musée de
Constantinople, d'une tablette
contenant les §§ 145-180 de son
Code, 159.
Hamy (Dr E.-T.). Monument com-
mémoratif élevé en son hon-
neur à Boulogne-sur-Mer, 247.
Harmand René). Traduction de
la Guerre des Juifs de Josèphe,
15.
HaussouijLier (Bernard). Commis-
sions, 4, 691. — Rapport, 174.
— Traité d'assistance judiciaire
conclu entre les villes de
Delphes et de Pellana, 248,
371. — Observations. 273. —
Hommages, 191, 367.
IIavet (Louis). Correction à un
vers de Catulle (68, 59, 119.
— Put us à restituer au v. 40 du
prologue des Ménechmes de
Plaute, etputulus dans un vers
des Silves de Stace, 161. —
Hommages, 28, 57, 93.
Hébrard (E.). Spalato ; le palais
de Dioctétien, 172.
Heiberg (J.-L.), éditeur des Mé-
moires scientifiques de Paul
Tannery, 268.
Héraclius (L'empereur). Mon-
naies à son effigie et à celle de
ses fils, trouvées près d'un vil-
lage du gouvernement de Pol-
tava, 483.
Heredia (José Maria de) et la
« Véritable histoire de la con-
quête de la Nouvelle Espagne »
de Bernai Diaz del Castillo,
518.
Héron de Villefosse (A.), Com-
missions, 4, 175, 541, 690, 691.
— Épitaphe de Q. Papius Satur-
ninus, centurion de la IIe légion
Parthique, trouvée à Sousse,
52. — Note du B. P. Jalabert sur
une inscription inédite de Bé-
ryte, 247. — Plaque votive en
marbre découverte à Bourbon-
Lancy et dédiée pi-obablennut
aux divinités Borvo et Damona
par le Gaulois Suadorix, 341. —
Fouilles de Damous-el-Karita,
458.' — Ouvrage de défense pro-
bablement construit par les
Gaulois lors du siège d'Alésia,
481. — Piédestal trouvé à Cha-
lon-sur-Saône et portant une
dédicace à la déesse Soucon-
na, 677. — Observations, 544.
— Inscription rappelant le cou-
rage par lui montré dans la
défense du Musée du Louvre en
mai 1871, 695. — Publications
TABLE ALPHABÉTIQUE
diverses, 171. — Acquisitions
du Musée du Louvre, 171. —
Hommages, 13, 24, 58, 156,
171,244,246,345*455,476,524,
525,635,676.
Ilesbcnus ou Hezbenus, fils de
Dulazenus, de Sappa (Thrace),
centurion de la Hotte de Mi-
sène. Diplôme le concernant,
39G, 397.
IIeiizey (Léon). Commissions, 4,
691. — Pline et les astrologues
chaldéens, 308, 497. — Obser-
vations, 82, 122. —Découvertes
en Chaldée, 340. - - Hommage,
50.
Holleaux (Maurice), directeur de
l'École d'Atbènes. Rapport sur
les touilles de Délos, 6, 10.
Ilolzhausen (Dr). Die Deutschen
in Russland (1812), 274.
Homo. La topographie urbaine
et l'indication du domicile dans
la Rome ancienne, 273.
IIomolle (Th.), directeur de
l'École d'Athènes. Lettre au
Secrétaire perpétuel, 52. —
Lettre sur de nouvelles décou-
vertes faites à Délos, 491. —
Découverte, à Délos, d'une
tète de bronze représentant
un personnage romain, 510.
— Découverte, a Delphes, d'une
statue archaïque dite de la
Victoire, 541. — Décrets de
Délos, 635.
Humbert II | Le dauphin), 3 71, 581.
Hunt (Arthur). Les Dépisteurs
('IyvsuTai), drame satyrique de
Sophocle, 270.
Hyvernat (Henry). Lettre sur une
collection de mss. coptes pro-
venant d'un
Fayoum, 8.
713
monastère du
Ibérique (Bracelet en or), de la
collection de M. I. de Bauer.
Facsimilé exécuté pour le Mu-
sée de Saint-Germain-en-Laye,
491. _ Vby. Celtibérie.
Inscriptions f/raecae ad res ro-
in.tnas pertinentes, 57.
Inscriptions ; babylonienne, 478 ;
— grecques, 22 fc, 226,227, 228,
229, 493, 494; - latines, 53,
115,1,17,153,249,250,335,336,
337, 348, 350, 355, 357, 397,
H9, 120, 421, 422, 423, 424,
425, 464, i66, 467, 469, 470,
471, 678; — libyques, 337, 338 ;
— néo-punique (*?), 459.
Inscriptions et Médailles (Com-
mission des), 694, 695.
Ionien (Bas-relief) archaïque, dé-
couvert à Thasos, 216.
Isabelle, reine de Castille. Lettre
à elle adressée par Marguerite
d'York en faveur de Perkin
Warbeck, 170.
Italie méridionale. Collections
canoniques datant du ix° au
xie siècle, 640.
Jalabert (R. P.). Inscription iné-
dite de Béryte, 247, 248.
Jaussen (R. P.). Estampages of-
ferts pour le Corpus inscriplio-
num semiticirum, 82.
Jean XXII, pape. Sermons par lui
prêches devant le collège des
cardinaux, 477.
Jerphanion (R. P. G. de). Les
églises de Cappadoce, 317, 32U.
Johiot i Charles). Procédés de
714
TABLE ALPHABÉTIQUE
composition do Pline l'ancien,
166.
Joulin (Léon). Les âges protohis-
toriques dans l'Europe barbare,
309.
Julien (Prix Stanislas^, 5. — Com-
mission, 4. — Rapport, 77.
Jullian (Camille). Commission,
691.— Rapports, 149,247, 257.
— Délégué aux fêtes du bi-cen-
tenaire de l'Académie de Bor-
deaux, 270. — Figure en relief
(femme stéatipygique) décou-
verte à Laussel, 17, 58. — Note
de MM. de Montauzan et Fabia
sur les fouilles de Fourvière,
543. — La Gaule dans la Table
de Peutinger (facsimilé), 41. —
Notes gallo-romaines, 41. —
Hommages. 12,633,677,689.
Junon Moneta, 513, 531, 637.
Juslinien (L'empereur). Novelle
relative à l'àjcoxi)puiÇtç, 530, 646.
Kabylie (Haute). Mission de M.
Boulifa, 320, 335.
Karl (Ludwig). Représentations
de sainte Elisabeth dans les
peintures allemandes et fla-
mandes. 169.
Kenyon (F.-G.), correspondant
étranger. Miniatures and hor-
ders froni a flemish Horae, 6.
Kohler (Charles). Candidat, 632,
639.
La borde (Comte A. de). Candi-
dat, 27, 44.
La Ferrassie, près du Bugue
(Dordogne) . Squelettes hu-
mains fossiles, 433, 449.
La Grange (Prix de), 5. — Com-
mission, 4. — Rapport, 159.
Lalanne (Dr Gaston). Découverte
d'une figure en relief (femme
stéatipygique) et d'autres
sculptures à Laussel, 17, 55,
58.
Lambeau (Lucien). Epitaphe d'Es-
prit-Louis Rousset, secrétaire
commis de l'Académie des in-
scriptions, 121.
Lambert (Mayer). Le genre dans
les noms de nombre en sémi-
tique, 61.
Lamed et lambda, 49, 56.
Lampe chrétienne trouvée à Da-
mous-el-Karita, 459.
Langdon (Stephen). Découverte,
au Musée de Constantinople,
d'une tablette contenant les
g 145-180 du Code de Ham-
mourabi, 159.
Lantier. Tables île VAnnée épi-
graphique, 29.
Lantoine (M".e). Donation, en mé-
moire de son frère, Henri Lan-
toine, d'une somme à attribuer
à l'auteur d'un travail sur Vir-
gile, 166.
Lasteyrie (Comte Robert de).
Commissions, 4, 690, 691. —
Réélu délégué de l'Académie
au Conseil supérieur de l'ins-
truction publique, 123. — L'ar-
chitecture religieuse en France
à V époque romane, 24. — Hom-
mage, 635.
Laussel (Dordogne). Découverte
d'une figure en relief (femme
stéatipygique), 17; — bas-re-
liefs provenant des mêmes
fouilles, 55, 58. — Squelette
humain fossile découvert au
lieu dit le Cap Blanc, 433. '• ■> I .
TAKLE ALPHABÉTIQUE
715
Leblond (Dr V.). Inventaires et
testaments beauvaisins, 42.
Lefèvre-Pontalis (Eugène). Con-
grès archéologique de France
(77e session), 244.
Legendre (1)'' A. -F.). Nouvelles
de sa mission en Chine, 4, 52,
237.
Léger (Louis), président. Allo-
cutions, 2, 75, 393. — Discours
à la séance publique annuelle,
548. — Manuscrits orientaux
de la Bibliothèque de Sofia,
340. — Hommages, 340, 496.
Légion II Parthique. Epitaphe
d'un centurion, trouvée à Sous-
se, 52. — Légion VII Claudia.
Inscription en l'honneur d'un
de ses tribuns, C. Valerius Ku-
fus, originaire de Beyrouth,
247, 248.
Lejay (Abbé Paul). Candidat, 632,
640. — L'origine de la prépo-
sition latine absque, 119. —
Satires d'Horace, 28.
Le Maître (D'M.). Le Palais des
papes d'Avignon, 633.
Lemberg (Pologne russe). Célé-
bration du 250e anniversaire
de la fondation de l'Université,
166.
Léonard de Vinci. Feuillets d'un
de ses mss. relatif au vol des
oiseaux, dérobés par Libri à la
Bibliothèque de l'Institut, 460.
Leroux (C). Vases grecs et Halo-
grecs il ii Musée archéologique
de Madrid, 538.
Lescuier (Adenot), enlumineur
au service de Jeanne de Laval,
seconde femme du roi René,
174.
Lesquier (Jean). Papyrus de Mag-
dala, 367. — Institutions mili-
taires de V Egypte sous les La-
gides, 368.
Leynaud (Chanoine) , curé de
Sousse. Epitaphe de Q. Papius
Saturninus, centurion de la IIe
légion Parthique, 52.
Libri (Guillaume). Vol de plu-
sieurs feuillets d'un ms. de
Léonard de Vinci relatif au vol
des oiseaux et appartenant à la
Bibliothèque de l'Institut, 460.
Lindsay (W. M.). Gloses breton-
nes dans le ms. 302 d'Orléans,
308.
Lion ibérique de Baena, 161, 162.
Loeb (James). Collection d'au-
teurs grecs et latins avec tra-
ductions anglaises, 51 1 .
Londres. Congrès international
des Américanistes, 4, 340.
Longnon (Auguste). Pouillés de
la province de Reims, 683.
Loth (J.), correspondant. Le
Cornwall et le roman de Tris-
tan, 17, 27. — Gloses bretonnes
et indéterminées dans le ms.
302 d'Orléans, 308. — Remar-
ques et additions à /'« Intro-
duction lo early Welsh » de
Slrachan, 93. — Questions de
grammaire et de linguistique
brillonique, 94.
Loubat (Duc de). Fouilles de Dé-
los, 6, 10, 51.
Loubat (Nouvelle fondation du
duc de). Commission, 4.
Louis XII. Lettres patentes en
faveur du peintre Jean Bour-
dichon, 690.
Louvre iMusée du). Lampe cliré-
716
TABLE ALPHABÉTIQUE
tienne avec inscription prove-
nant de Damous-el-Karita, of-
ferte par le R. P. Delattre, 459.
— Socle en bronze trouvé à
Saint-Marcel-lès-Chalon et por-
tant une inscription en l'hon-
neur de la déesse Temusio,
offert par M. Ercole Canessa,
080. — Inscription rappelant le
courage montré dans la défense
du Louvre, en mai 1871, par
MM.de Sigoyer, Barbet de Jouy
et Héron de Villefosse, 695.
Lucei. Marque d'atelier sur deux
bases de colonnes du temple
de Tbuburbo Majus, 350.
Lucot (Abbé). Édition et trad. de
ÏHistoire lausiaque de Palla-
dius, 164.
Lunet de Lajonquière (Comman-
dant). Inventaire descriptif des
monuments du Cambodge, 274.
Luz (Hautes-Pyrénées). Inscrip-
tion portant le nom de Du-
saulx, membre de l'Académie
des inscriptions, 428.
Luzaga Espagne). Fouilles dans
la nécropole celtibérienne, 528.
Macridy-bey. Fouilles à Langa-
za, 50.
Macrobius Maximianus FI.),
vice-préfet du prétoire en Afri-
que, 115, 1 16, 378.
Madaure (Algérie). Épitaphe mé-
trique, 149, 151.
Madrid. Lion ibérique de Baena
conservé au Musée, 161, 162.
Mâle (Emile. Candidat, 632, 640.
Manuscrits h peintures. — Voy.
Michelino da Besozzo, Pein-
tures.
Marguerite d'York. Lettre à la
reine Isabelle de Castille en
faveur de Perkin Warbeck,
169.
Maroc. Ruines de Sidi-Ali-bou-
Djenoun Colonia Banasa , 29.
— Fouilles aux environs de
Tanger, 39. — Protocole des
lettres provenant des sultans
de ce pays, 100, 286. — Archi-
ves marocaines, 39.
Martha (Jules ':. Recherches sur
la langue étrusque, 27, 30.
Martin (Albert , correspondant.
Décédé, 393.
Martres-de-Veyre iLes), Puy-de-
Dôme. Nécropole, 77.
Maspero (Gaston). Note de M. Per-
drizet sur le type d'Alexandre
à l'égide, 492. — Travaux exé-
cutés par le Service des anti-
quités d'Egypte, 507.
Maspero (Jean). Papyrus grecs
d'époque byzantine, 426,686.
Massigli. Musée de S fax, 37.
Mauss (C). L'église du Saint-
Sépulcre à Jérusalem, 24.
Maya (Architecture^, 18.
Médaillons de bronze de Pos-
tume, 101 .
Medeina anc. Althiburos), Tuni-
sie. Fouilles, 417.
Mélanges Cagnat, 692.
Mély (F. de). La représentation
des signes du zodiaque dans
les Très riches heures du duc
de Berry et les Grâces du dô-
me de Sienne, 2^7.
Mémoires de l'Académie, 169.
Mémoires de la Délégation en
Perse, 191, 366.
Merlin (Alfred). Correspondant,
TABLE ALPHABÉTIQUE
717
690. — Base honorifique dé-
couverte à Souk El-Abiod
(Pupput) et dédiée à l'empe-
reur Arcadius, 115. — Fouilles
dans l'îlot de l'Amiral à Car-
tilage, 277. — Découvertes à
Thuburbo Majus, 340, 347. —
Fouilles à Aithiburos (Medei-
na), 417. — Emplacement du
champ de bataille de Zama, 477.
— Travaux hydrauliques ro-
mains en Tunisie, 41. — Forum
et églises de Sufetula, 246.
Mésopotamie. Palmeraies, 492.
Messayeh (MM.), antiquaires à
Bagdad. Barillets de leur col-
lection relatifs au roi Nabonide
et au- culte des morts en Baby-
lonie, 080.
Mexique. Caractères de l'archi-
tecture maya, 18.
Meyer (Paul). Commissions, 4,
541, 690, 691. —Observations,
27.
Michel (Charles), correspondant
étranger. Supplément à son
Recueil d'inscriptions grecques,
38.
Michelino da Besozzo. Feuillet
enluminé dans le style de ce
peintre milanais, 7.
Michon (Etienne). Acquisitions
du Musée du Louvre, 171.
Millet(G.). Iconographie des pein-
tures cappadociennes, 318, 326.
Misène (Flotte de), 394.
Mispoulet (.l.-B.). Diplôme mili-
taire découvert en Thrace et
concernant la flotte de Misène
(9 février 71), 394.
Monaco. Origine du nom de celte
ville, 98.
Monceaux (Paul). Candidat, 632.
— Elu membre ordinaire, 040,
646. — Commission, 690. —
Histoire littéraire de l'Afrique
chrétienne, 45.
Moneta. Origines et histoire de
ce mot, 513, 531, 637, 640.
Monnaies grecques archaïques
trouvées à Tarente, 100. —
Médaillons de bronze de Pos-
tume, 161. — Monnaies à l'effi-
gie de l'empereur Héraclius
trouvées près de Poltava, 483.
— Bronze du roi galate Hitokix
au Cabinet de Berlin, 491 , 493.
Montagna (Leonardo). Ms. de la
Bibliothèque de l'Institut con-
tenant des poésies et un por-
trait de cet humaniste véro-
nais, 394.
Mont Auxois. — Voy. Alésia.
Montauzan Germain de). Décou-
verte, à Fourvière, de la dédi-
cace d'un petit autel placé dans
la caserne romaine, 543.
Monlesquieu-Avantès (Ariège) .
Grotte du Tue d'Audoubert
ornée de gravures et de pein-
tures préhistoriques, 430, 431,
432. — Statues d'argile pré-
historiques représentant des
bisons, 531 , 532.
Monuments et Mémoires (fonda-
tion Piot), 73.
Mouei.-Fatio (Alfred). Commis-
sion, 4. — Rapport, 159. —
Lettre adressée par Margue-
rite d'York à la reine Isabelle
de Castille en faveur de Perkin
Warbeck, 169. — La « Véri-
table histoire de la conquête
de la Nouvelle Espagne » de
718
TABLE ALPHABÉTIQUE
Bernai Diaz del Castillo, 513,
518. — Observations, 161.
Morgan (J. Pierpont). Mss. coptes
provenant du monastère de
Saint-Michel (Fayoum), 10. —
Tapisseries gothiques, 483.
Mosaïque représentant une scène
de cirque, trouvée à Fourvière,
412,413.
Musées- de V Algérie et de la Tu-
nisie, 37.
Mustansir. École construite à
Bagdad par ce khalife, 48.
Nabonide, roi de Babylone. In-
scription relative à ses travaux
au sanctuaire d'Ur, 680.
Natalis (FI.). Épitaphe trouvée à
Madaure, 151, 153, 154.
Naville (Edouard), associé étran-
ger. Papyrus funéraires de la
XXIe dynastie, 101.
Nécropoles celtibériques. Fouil-
les de M. le marquis de Cerral-
bo, 432.
Néron. Puissances tribunicien-
nes de cet empereur, 371, 385.
New-York. Assemblée de la So-
ciété orientale américaine, 76.
Niger (Boucle du). — Voy. Giron-
court (G. de).
Nimbe rectangulaire, 273.
Noms de nombre en sémitique
(Le genre dans les), 61.
Novati (Francesco). Epislolario
di Coluccio Salutati, 645.
Novelle inédite de Justinien rela-
tive à rà-ox.TJf'jÇi;, 530.
Nyrop (Kr.). Correspondant
étranger, 685.
Oikononios (Georges P.). Fouilles
dans l'ancienne Agora d'Athè-
nes, 191.
Omont (Henri), président sortant.
Allocution, 1. — Commissions,
4, 29, 175, 690, 691 . — Variantes
tirées par le P. Sirmond du ms.
de Phèdre conservé à Saint-
Remi de Reims, 11. — Manu-
scrit contenant un résumé po- .
litique de l'histoire des rois de
France, offert à la Bibliothèque
nationale par M. le baron de
Faviers, 173, 175. — Un nou-
veau manuscrit grec des Evan-
giles et du Psautier illustré,
513, 514. — Lettres patentes
de Louis XII. en faveur du pein-
tre Jean Bourdichon, 690. —
Listes des recueils de facsimilés
et des reproductions de mss.
conservés à la Bibliothèque
nationale, 165. — Hommages,
6, 42, 268, 317, 524, 538, 546,
688, 689,691.
Orderic Vitalel VabhayedeSaint-
Evroul, 524.
Ordinaire (Prix), 5, 511. — Rap-
port, 77. — Sujet proposé pour
1915, 530.
Orléans. Gloses bretonnes et in-
déterminées dans le ms. 302
de la Bibliothèque de cette
ville, 308.
Ouroukaghina, roi de Babylonie.
Poids daté de son règne, 477-
478.
Ostie. Rôle de cette ville dans
l'Enéide, 104.
Oxyrynchus (Egypte). Les Dépis-
teurs (T/vrjxou), drame satyri-
que de Sophocle trouvé dans
TABLE ALPHABÉTIQUE
719
un papyrus provenant de cette
localité, 270.
Pace (Biagio). / Barbari e i Bi-
zantini in Sicilia, 686.
Pagasae, près de Volo (Grèce.
Découverte de deux nouveaux
dépôts de stèles peintes, 104.
Pachtère (F. -G. de). Paris à l'é-
poque gallo-romaine, 676.
Palme offerte à Saturne, à Thu-
burbo Majus, 355.
Palmeraies de Mésopotamie. *92.
Papius Saturninus (Q.), centu-
rion de la IIe légion Parthique.
Epitaphe trouvée à Sousse, '\2.
Paris (Pierre), correspondant.
Vases à fond blanc et à décor
polychrome trouvés dans des
tombeaux puniques de Car-
tilage, 49. — Rapport sur les
travaux de l'École française
d'Espagne, 77.
Parisol (Robert). Table des An-
nales de VEst, 46.
Parthénon (L'ancien), 107.
Peintures cappadociennes (Ico-
nographie des), 318, 326. —
Peintures et gravures préhis-
toriques de la grotte de Mon-
lesquieu-Avantès, 430-432.
Peintures des manuscrits. Feuil-
let dans le style de Michelino
da Besozzo, 7. — Représenta-
tions de sainte Elisabeth en
Allemagne et dans les pays fla-
mands, 169. — Peintures du
ms. lat. I 156A de la Bibliothè-
que nationale et de mss. simi-
laires provenant probablement
d'un atelier d'Angers, 174. —
Représentation des signes du
zodiaque dans les Très riches
1912.
heures du duc de Berr;/, 237.
— Nouveau ms. grec des Évan-
giles el du Psautier illustré,
acquis par la Bibliothèque na-
tionale, SI 3, 514.
Pellana (Achaïe). Traité d'assis-
tance judiciaire conclu en lie
Delphes et cette ville, 248, 371.
Pendants d'oreilles trouvés dans
un tombeau de femme à Thu-
burbo Majus, 359.
Perdrizet (Paul). Alexandre à l'é-
gide, 402.
Pérétié. Fouilles aux environs de
Tanger, 39.
Périodiques offerts, 697.
Perhot (Georges), secrétaire per-
pétuel. Bapports semestriels,
30, 347, 361. — Notice sur la
vie et les travaux de Joseph-
Bon Dacier, 600. — Observa-
tions, 49, 82, 238, 308, 309, 344,
416, 417. — Hommages, 12, 24,
72, 146, 366, 544, 644, 692.
Perse (Délégation en). Publica-
tions, 191, 366.
Peutinger (La Gaule dans la Table
de), 41.
Peyrony. Trois nouveaux sque-
lettes humains fossiles, 433 ,
ri 9.
Phèdre. Variantes tirées par le
P. Sirmond «lu ms. des Fables
conservé à Saint-Remi de
Reims, 1 1.
Philippe-Auguste. Découverte, à
la Bibliothèque <le l'Université
d'Edimbourg, de deux frag-
ments d'un poème de langue
d'oïl sur son règne, 148.
Picard (Charles). Fouilles de Tha-
sos, 59, 193. — Découverte, à
47
720
TABLE ALPHABÉTIQUE
Délos, d'une tête de bronze
représentant un personnage
romain, 510.
Pichon (René . L'épisode d'Ama-
ta dans l'Enéide, 119. — Textes
d'auteurs classiques relatifs à
l'atellane, 344.
Picot (Emile). Commission, 4. —
Artus Fillon, 13. — Catalogue
de la Bibliothèque James de
Rothschild, 247. — Liste des
abbés de Saint-Evroul, 524. —
Hommages, 12, 272.
Pierrefonds (Oise). Affranchisse-
ments de serfs de cette chàtel-
lenie par Blanche de Castille,
415.
Piot (Fondation). Rapport, 19. —
Monuments et Mémoires, 73.
Plaute. Putus à restituer au v.
40 du prologue des Ménechmes.
161.
Pline l'ancien. Procédés de com-
position de son Histoire natu-
relle, 166. — Pline et les astro-
logues chaldéens, 308, 497.
Pognon. Observations sur une
tablette concernant les ancien-
nes dynasties de la Babylonie,
416.
Poids babylonien daté du règne
d'Ouroukaghina, 477, 478.
Poltava (Russie ;. Trésor décou-
vert près d'un village de ce
gouvernement, 482.
Postume. Fondation de l'empire
gaulois, 161.
Pottier (Edmond). Commission,
691. — Rapport, 301. — Vases
à fond blanc et à décor poly-
chrome du Musée du Bardo et
du Musée de Saint-Louis de
Carthage, 49. — Lion ibérique
de Baena, 161. — Thericlea
vasa, 174. — Lettre de M. Ilo-
molle sur des découvertes fai-
tes à Délos, 491. — Observa- .
tions, 82. 122, 309. — Homma-
ges, 165,191,269,547,671.
Poulsen (Friedrich). Der Orient
und die frùhgriechische Kunst,
671.
Poux (Joseph). Une vue de Car-
cassonne faussement attribuée
à l'an 1467, 174. 182.
Prétoire (Un nouveau vice-préfet
du), 371, 372. — Liste des vice-
préfets actuellement connus,
382.
Prost (Prix Auguste), 5. — Com-
mission, 4. — Rapport, 150.
Prou Maurice . Commissions, i.
170, 690, 691. — Rapports. 54,
647. — Dalles de marbre pro-
venant de l'église de Schamnis
et ornées d'entrelacs, 14, 40. —
Épitaphe d'Esprit-Louis Rous-
set, secrétaire commis de l'A-
cadémie des inscriptions, 121.
— Note de M. Poux sur une
vue de Carcassonne faussement
attribuée à l'an 1467,174. —
Observations, 56. — Hommage,
637.
Prudhomme Auguste . Corres-
pondant, 690.
Psautier Ms. grec illustré du),
513, 514.
Psichari (Jean). Candidat, 632.
640. — Lamed et lambda, 49,
56.
Puech (Aimé). Les apologistes
grecs du H' siècle de notre ère,
54:>.
TABLE SlLPHABÉTIQI i.
721
Puig y Cadafalch. Larquitectura
rornanica a Ca.talun.ya, 635.
Punique (Kdicule) trouvé à Thu-
burbo Majus, 350, 351. — Voy.
Inscriptions.
Pupput (Tunisie). — Voy. Souk
El-Abiod.
Pulus. Mot à restituer dans le
prologue des Ménechmes de
Plante (vers 40), et son dimi-
nutif pululus dans un vers des
Silves de Slace, 161.
Rabbinique (Une encyclopédie)
du xme siècle, 51 1.
Radet (Georges), correspondant.
Candidat, 17. — Inscription de
Luz portant le nom d'un mem-
bre de l'Académie des inscrip-
tions, 427.
Ratapas (Le bâton de Teyjat et
les) à l'âge du renne, 511.
Reims. Variantes tirées parle P.
Sirmond du ms. de Phèdre
conservé dans 1 abbaye de
Saint-Remi, 11.
Reinach (A.-J.). Fouilles à Tha-
sos, 59, 222. — Le temple d'El-
Kala à Koptos, 687.
Reinacii (Salomon). Commission,
541. — Délégué au Congrès
international d'anthropologie et
d'archéologie préhistoriques,
à Genève, 4. — Recherches
de M. Henri Viollel sur l'école
construite à Bagdad par le kha-
life abasside Mustansir, 48. —
Le nom de Monaco, 98. —
Grotte ornée de gravures et de
peintures préhistoriques, à
Montesquieu-Avantès, 432. —
Facsimilé, exécuté pour le Mu-
sée de Snint-Gerniain-en-Laye,
d'un bracelet ibérique en or de
la collection de M. I. de Bauer,
491. — Le bâton de Teyjat et
les ratapas à l'âge du renne,
511. — Note de M. Besnier sur
un bas-relief de Délos au Mu-
sée d'Aix en Provence, 639. —
Observations, 49, 56, 82, 150,
238, 309, 344, 530, 331, 544. —
Eulalie ou le grec sans larmes,
6. — Hommages, 344, 511, 634.
Reinach (Théodore). Communi-
cation, au nom de M. Arthur
Hunt, de la moitié d'un drame
satyrique de Sophocle, les Dé-
pisteurs, 270. — Observations,
30, 49, 170, 531, 543. — OEuvres
de José plie (trad. franc.), 15.
Replat. Découverte, à Delphes,
d'une statue archaïque dite de
la Victoire, 541 .
Reutter (Dr Louis). L'embaume-
ment, 156.
Revillout (Eugène). Publications
diverses, 37, 102, 146.
Rhodes. Correspondance, en lan-
gue grecque, entre le grand-
maitre des Hospitaliers et le
sultan turc, 54.
Ricci (Seymour de). Feuillets
d'un ms. de Léonard de Vinci
relatif au vol des oiseaux et
appartenant à la Bibliothèque
de l'Institut, dérobés par Lihri,
460. — Tapisseries gothiques
de la collection de M. J. Pier-
pont Morgan, 483. — Le lire
écrite de Berlin, 493. — Cata-
logue des premières impres-
sions (/<• Mayence, 12.
Ridder (André de). Tables du Ca-
722
TABLE ALPHABÉTIQUE
talogue de la collection De
Clerc q, 51.
Ritchie (D'R. L. G.). Découverte,
à la Bibliothèque de l'Univer-
sité d'Edimbourg, de deux frag-
ments d'un poème en langue
d'oïl sur Philippe-Auguste, 148.
Rolin (Nicolas). Tapisserie de
Beaune portant ses initiales et
celles de Guigonne de Salins,
491, 495.
Roman (Joseph), correspondant.
La bulle, 644. — Manuel de si-
gillographie française, 675.
Rome. Congrès international
d'archéologie, 47. — Topogra-
phie urbaine et indication du
domicile dans la Rome impé-
riale, 273.
Roussel. Décrets de Délos, 635.
Rousset (Esprit-Louis), secrétaire
commis de l'Académie des in-
scriptions, f 1809. Épitaphe,
121.
Roy-Chevrier (J.). Piédestal trou-
vé à Chalon-sur-Saône et por-
tant une dédicace à la déesse
Souconna, 678.
Russie. — Voy. Poltava.
Saint-Amans (N. de). Inscription
portant son nom, près de Luz,
428.
Saint-Germain-en-Laye (Musée
de). Facsimilé d'un bracelet
ibérique en or de la collection
de M. Ignace de Bauer, 491.
Saint-Marcel-les-Chalon (Saône-
et-Loire). Socle en bronze por-
tant une inscription à la déesse
Temusio, 680.
Saintour (Prix), 5. — Commis-
sion, 4. — Rapport, 169.
Sarapis. Sénatus-consulte relatif
à un différend entre les Déliens
et le curateur du temple de ce
dieu, 40, 57.
Sarzec (Ernest de). Découvertes
en Chaldée, 340.
Sassanide (Coupe d'argent) trou-
vée près d'un village du gou-
vernement de Poltava, 483.
Saturne. Temple et dédicace
consacrés à ce dieu, à Thubur-
bo Majus, 348. — Palme offerte
à ce dieu, 355.
Savignac (R. P.). Estampages of-
ferts pour le Corpus inscriptio
nu m serniticarum, 82.
Schsennis (Suisse). Dalles de
marbre provenant de l'église
de ce lieu et ornées d'entrelacs,
14, 40.
Scueil (R. P.). Commissions, 4,
511. — Rapport, 169. — Chro-
nologie du règne de Hammou-
rabi, 5, 40. — Listes dynas-
tiques du Sumer-Accad, 59. —
L'armure au temps de Narâm
Sin, 122, 296. -- Tablette con-
tenant le plan descriptif du
grand temple Ésagil de Baby-
lone, 148. — Tablette du Musée
de Constanlinople contenant
les § 145-180 du Code de Ham-
mourabi, 159. — Poids babylo-
nien daté du règne d'Ourouka-
ghina, 477, 478. — Texte baby-
lonien relatif aux palmeraies
de la Mésopotamie, 491. — Ba-
rillets de la collection Mes-
sayeh relatifs au roi Nabonide
et au culte des morts en Baby-
TAHLK ALPHABÉTIQUE
72){
lonie, 680. — Hommages, 15,
37, 101, 102, 523.
SciiLUiMBEHGEH (Gustave). Com-
mission, 4. — Hommages, 94,
274, 674, 686.
Schwab (Moïse). Une encyclopé-
die rabbiniqne du xme siècle,
:>n.
Séance publique annuelle, 548.
Sémitique (Le genre des noms de
nombre en), 61.
Semur. Fouilles de la Société des
sciences de cette ville sur l'em-
placement d'Alésia, 543.
Senart (Emile). Commissions, 4,
5H, 541, 690. — Lettre de
M. Basset relative à VEncyclo-
pédië de Vlslam, 166. — Hom-
mages, 274, 692.
Sénatus-consulte découvert à Dé-
los, 40, 57.
Serfs (Affranchissements de), par
Blanche de Castille, dans la
chàlellenie de Pierrefonds, 415.
Serre (P. -A.). Histoire d'une fa-
mille de la Haute-Auvergne, 12.
Sidi-Ali-bou-Djenoun (anc. (]olo-
nia Banasa), Maroc. Ruines ro-
maines ; inscription latine, 29.
Sienne. Les Grâces du dôme de
cette ville rapprochées de la
représentation des signes du
zodiaque dans les Très riches
heures du duc de Berry,237.
Sigôyer | Martian de Bernardy
de). Inscription rappelant le
courage par lui montré dans la
défense du Musée du Louvre
en mai 1871, 695.
Silène. Relief découvert à Thasos,
•202, 203.
Sirinond (Le P. Jacques . Varian-
tes tirées du ms. de Phèdre
conservé à Saint-Remi de
Reims, 1 1 .
Sofia (Bulgarie). Mss. orientaux
de la Bibliothèque de celle
ville, 340.
Sophocle. Les Dépisteurs, drame
satyrique trouvé dans un papy-
rus d'Oxyrhynchus, 270.
Souconna. Piédestal trouvé à
Chalon-sur-Saône et portant
une dédicace à cette divinité
gauloise, 677.
Souk El-Abiod (anc. Puppul .
Tunisie. Base honorifique dé-
diée à l'empereur Àreadius el
mentionnant un nouveau vice-
préfetdu prétoire, 115, 371,372.
Soussc (Tunisie). Épitaphe d'un
centurion de la IIe légion Par-
thique, 52.
Sparte. Organisation de la pha-
lange, 239.
Squelettes humains fossiles
(Trois nouveaux), 433, 449.
Stace. Pii/u/us à restituer dans
un vers des Silves, 161.
Statues d'argile préhistoriques
de la caverne du Tue d'Audou-
bert, à Montesquieu- A vantés
(Ariège , 531, 532. ■ Statue
archaïque dite de la Victoire,
découverte à Delphes, 541.
S te in (Aurel). Bu in s of désert
Cathay, 633.
Stèles peintes découvertes à Pa-
gasae, près de Volo, 104.
Suadorix. Dédicant gaulois d'une
plaque votive trouvée à Bour-
bon-Lancy, 341.
Sumer-Accad. Listes dynasti-
ques, 59.
~'1\ TABLE ALPHABÉTIQUE
Suse. L*armure au temps de Na-
ràm Sin, 122, 296.
Syg Libys (ou Libycus), nom
d'un bestiaire dans une mosaï-
que trouvée à Fourvière, 413,
415.
Synesius (FI.), consularis de By-
zacène, 115, 116.
Tanger (Maroc). Fouilles de
MM. Biarnay et Pérétié aux en-
virons de cette ville, 39.
Tannery (Paul). Mémoires scien-
tifiques, 268.
Tapisseries gothiques de la col-
lection de M. J. Pierpont Mor-
gan, 483. — Tapisserie de
Beaune aux initiales de Nicolas
Rolin et de Guigonne de Salins,
491, 495.
Tarente (Italie). Trouvaille de
monnaies grecques archaïques,
100.
Temusio. Socle en bronze prove-
nant de Saint-Marcel-les-Cha-
lon et portant une inscription
en l'honneur de cette divinité
gauloise, 680.
Tète de bronze représentant un
personnage romain, découverte
à Délos, 510.
Teyjat (Le bâton de) et les rata-
pas à l'âge du renne, 511.
Thasos. Fouilles de MM. Picard
et A.-J. Reinach, 59, 193, 222.
Thédenat (Abbé Henry). Com-
missions, 691, 694. — Hom-
mage, 269.
Thericlea vasa, 174.
Thomas (Antoine). Commissions,
4, 541. — Découverte, à la
Bibliothèque de l'Université
d'Edimbourg, de deux frag-
ments d'un poème en langue
d'oïl sur Philippe-Auguste, 148.
— Gloses bretonnes et indéter-
minées dans le ms. 302 d'Or-
léans, 308. — Observations,
161. — Hommage, 645.
Thompson (Sir Edward Maunde),
correspondant étranger. Intro-
duction to greek and latin
palaeography, 691.
Thrace. Diplôme militaire con-
cernant la flotte de Misène,
découvert en ce pays, 394.
Thuburbo Majus (Tunisie). Dé-
couvertes archéologiques, 346,
347.
Thureau-Dangin (François). Can-
didat, 632, 639. — Traduction
d'une inscription cunéiforme
relatant l'expulsion des Gouti,
160.
Tilho (Commandant). Nouvelles
de sa mission dans le Tchad,
632.
Tolkouchine. Glorieuses annales
(1812), 346.
Torralba (Espagne). Fouilles de
M. le marquis de Cerralbo dans
des nécropoles celtibériques,
432, 433, 525.
Tounah (Egypte). Fouilles de
M. R. Weill dans cette région,
K, iS3,484.
Tourneur (Victor). Catalogue des
médailles du royaume de Bel-
gique et publications diverses,
120.
Tournouër ^Henri). Iconographie
et sigillographie de Sainl-
Evroul, 524.
Toutain (Jules). Nouvelles décou-
TABLE ALPHABÉTIQUE
725
vertes sur le plateau d'Alésia.
173, 543.
Travaux littéraires (Commission
des), 690.
Trébizonde (Théodora Comnène,
princesse de), 346.
Tripolitaine (La frontière romaine
delà), 11, 14, 27.
Tristan (Le Cornwall et le roman
de), 17, 27.
Tue d'Audoubert (Grotte du). —
Voy. Montesquieu-A vantés.
Tunisie. Vases a fond blanc et à
décor polycbrome trouvés dans
des tombeaux puniques de
Carthage et conservés au Mu-
sée du Bardo, 49. — Décou-
vertes à Thuburbo Ma jus, 346,
347. — Fouilles à Altbiburos
(Medeina), 417. — Voy. Mer-
lin (Alfred), Musées, Souk El-
Abiod, Sousse.
Ur (auj. Mougheïr) , Babylonie.
Texte relatif aux travaux du roi
Nabonide dans le sanctuaire,
680.
Urukagina, roi babylonien. —
Voy. Ouroukaghina.
Valenciennes. Inscription pour le
Bureau de bienfaisance, 694.
Valerius [Quadratus ?J (M.). Base
par lui érigée à Altbiburos en
l'honneur de l'empereur Anto-
nin, 425.
Valerius Rufus (C), tribun de la
légion VII Claudia. Inscription
de Béryte le concernant, 2Î-7,
2 i».
Vallois (R.). Attiques déliens,
104, 105.
Valois (Noël), vice-président.
Président pour 1913, 690. —
Allocution, 457. — Commis-
sion, 29. — Sermons prêches
par le pape Jean XXII devant
le collège des cardinaux, 477.
— Observations, 417. — Hom-
mages, 172, 271, 635.
Vases à fond blanc et à décor
polychrome trouvés dans des
tombeaux puniques de Car-
thage, 49. — Vase « des mois-
sonneurs » d'Haghia Triada,
82, 83, 97. — Therielea vasa,
174. — Amphore corinthienne
trouvée dans la nécropole de
Bordj-Djedid, à Carthage, 341.
Vaubourdolle (Capitaine). Décou-
verte d'une inscription latine
à Souk El-Abiod, 115.
Venet (Capitaine). Ruines de Sidi-
Ali-bou-Djenoun [Colonia Bn-
nasa, Maroc), 29.
Vespasien (L'empereur). Diplô-
me militaire par lui octroyé à
Hesbenus, centurion de la flot-
te de Misène, 396, 397.
Viard (Paul). Dîme ecclésiastique
en France au.r XIIe et XIII' siè-
cles, 392.
Vice-préfet du prétoire (Un nou-
veau), 371, 372. — Liste des
vice-préfets actuellement con-
nus, 382.
Victoire (Statue archaïque dite
de la), découverte à Delphes,
5 i I .
Vidier (A.). Extraits de comptes
royaux concernant Paris, 317.
Vignaud (Henry). Henri/ II.tr-
rissi-, 58.
Viollel (Henri). École l'ondée U
726
TABLE ALPHABÉTIQUE
Bagdad par le khalife abasside
Mustansir, 48.
Viollet (Paul). Commission, 691.
— Obsei'vations, 416. — Hom-
mages, 392, 523.
Virgile. Rôle d'Ostie dans l'Enéi-
de, 104. — Épisode d'Amata
dans l'Enéide, 119. — Donation
par MUe Lantoine, d'une somme
à attribuer à l'auteur d'un tra-
vail sur Virgile, 166.
Vogué (Marquis de). Estampages
offerts par les PP. Jaussen et
Savignac pour le Corpus in-
scriptionum semiticarum, 82. —
Hommage, 51.
Warbeek (Perkin). Lettre en sa
faveur, adressée par Margue-
rite d'York à la reine Isabelle
de Castille, 169.
Warner (Sir George). Reproduc-
tion de VAdd. ms. 24098 pu-
bliée en son honneur, 6.
Wees (\ikos). Découvertes dans
les monastères des Météores, 94.
Weill (Commandant Raymond).
Fouilles à Tounah et à Zaouiét
El-Maietin, 483, 484.
Xénophon. Texte relatif à l'orga-
nisation de la phalange Spar-
tiate, 238, 239.
Zama. Emplacement du champ de
bataille, 477.
Zaouiét El-Maietin (Egypte).
Fouilles du commandant R.
Weill, 47, 483, 484.
Zeiller (J.). Spalato ; le palais de
Dioctétien, 172.
Zeuthen (H.-G.), éditeur des Mé-
moires scientifiques de Paul
Tannery, 268.
TABLE DES GRAVURES
Les broches processionnelles et le vase dit « des moisson-
neurs » d'Ilaghia Triada :
— 1 . Faisceaux de broches en bronze 84
— 2. Faisceau de sept broches en fer 85
— 3. Cortège de sacrificateurs, d'après un vase grec 86
— 4. Faisceau de broches processionnel xs
— 5. Portion de la scène figurée sur le vase d'Haghia
Triada 91
— 6. Personnages figurés sur la situle de la Certosa de
Bologne 92
Attiques déliens :
— 1 . Stoa coudée (détail) 108
— 2. Stoa des Italiens (détail) 109
— 3. Temple des Taureaux (détail de la salle nord) 111
Épitaphe provenant de Madame (NumidieN 153
Lion ibérique de Baena I 63
Vue de Carcassonne faussement attribuée à l'année 1467. ..185, 187
Fouilles de Thasos :
— ■ 1 . Port de Liménas (Osmanieh) 195
— 2. Porte de Zeus (après la fouille) 197
— 3. Porte d'Héraclès et Dionysos, après la fouille (côté
est) 199
— 4. « Silène au canthare » de la Porte oblique 202
— 5. Plaine de la nécropole et construction voisine de la
Porte oblique 204
— 6. Fragment d'une tète d'Apollon archaïque 20S
— 7. Terrasse du temple d'Apollon Pylhioset ravin 201'
— 8. Pronaos du temple d'Apollon Pylhios et Acropole
(après la fouille 213
— 9. Bas-relief ionien archaïque 216
— 10. Arc de triomphe de Caracalla pendant les fouilles) . 2 1 s
728 TABLE DES GRAVURES
— 11. Partie ouest du « mur des bases », avec le rocher de
la source au fond 223
Inscription latine trouvée à Beyrouth (Syrie).
250
Constantinople :
— 1 . Substructions de l'Hippodrome 306
— 2 . Vue prise derrière la mosquée d'Ahmed 307
Amphore corinthienne trouvée dans la nécropole de Bordj-
Djedid à Carthage 342
Découvertes à Thuburbo Majus (Tunisie) :
— 1 . Plan du temple-église 349
— 2 . Édicule punique • 351
— 3. Bijoux trouvés dans une tombe chrétienne 359
Fouilles de Fourvière. — Mosaïque représentant une scène du
cirque
413
Grotte du Tue d'Audoubert, à Montesquieu-Avantès (Ariège) :
— 1 . Bison 430
— 2. Cheval 431
Fouilles de Damous-el-Karita :
1 . Lampe chrétienne recueillie dans la rotonde souter-
raine 459
— 2. Aspect des fouilles; couvercle du sarcophage A 461
— 3. Vue des fouilles ; à droite, les cellae 462
— 4 . Vue des cellae 463
— 5 . Caveau funéraire avec escalier d'accès 465
— 6. Chambre funéraire ; vue des auges du fond 467
— 7. Pièces d'un collier recueillies dans les auges de la
chambre funéraire. 468
— 8. Pièces recueillies dans les auges de la chambre
funéraire 469
— 9 . Vue de la rotonde souterraine 471
— 10. Botonde. Plan supérieur 4/2
— 11 . Botonde. Plan à demi-hauteur de la tour 473
— 12. Botonde. Coupe verticale sur l'axe des entrées 474
— 13. Botonde. Coupe longitudinale sur la galerie; côté de
rentrée 475
T\RLE DES GRAVURES 729
Poids babylonien '*78
Un nouveau manuscrit grec des Évangiles cl du Psautier illus-
tré (Bibliothèque nationale, Supplément grec n° 1335) :
— 1. Saint Pierre (hors texte)
— 2. Saint Jean (hors texte)
— 3. Le prophète David (hors texte) J entre les pages
— 4. David et Abisag (hors texte) ) 514 et 515
— 5. Nathan et David (hors texte)
— G. Marie, sœur de Moïse (hors texte)
Statues d'argile préhistoriques de la caverne du Tue d'Audou-
bert (Ariège) :
— 1 . Vue d'ensemble des statues d'argile (hors texte) /' entre
— 2. Statue d'argile représentant un bison (hors \ les
texte) | pages
— 3. Statue d'argile représentant un bison, vue de J 532 et
face (hors texte) 533
Statue archaïque dite de la Victoire, découverte à Delphes 542
TABLE DES MATIERES
CAHIER DE JANVIER
Séances 1, 7, 14, 17
Appendice :
Rapport sur les travaux exécutés ou encouragés à l'aide des
arrérages de la fondation Piot ; lu dans la séance du 26
janvier 1912 par M. le comte Durrieu, membre de l'Acadé-
mie 19
Livres offerts 8, 13, 15, 24
CAHIER DE FÉVRIER
Séances. ... 27, 29, 37, 39
Appendice :
Rapport du Secrétaire perpétuel de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres sur les travaux des commissions de
publication de cette Académie pendant le second semestre
de 1911 ; lu dans la séance du 9 février 1912 30
Livres offerts 28, 37, 40
CAHIER DE MARS
Séances. . 43, 47, 52, 58, 75
Communications :
Le genre dans les noms de nombre en sémitique, par M. Mayer
Lambert 61
Les broches processionnelles et le vase dit « des moisson-
neurs » d'Haghia Triada, par M. Joseph Déchelelte, corres-
pondant de l'Académie : 83
Livres offerts 45, 50, 57, 72, 93
TARLE DES MATIÈRES 731
CAHIER D'AVRIL
Séances 97, 102, 115, 121
Communications :
Attiques déliens, par M. R. Vallois 105
Les drames sacrés d'Eleusis, par M. Paul Foucart, membre
de l'Académie 123
Livres offerts 101, 120, I it,
CAHIER DE MAI
Séances 147, Lis, 166, 169, 173
Communications :
Une épitaphe métrique de Madaure, par M. Franz Cumont,
Correspondant de l'Académie 151
Lion ibérique de Baena, par M. Eugène Albertini 162
Un résumé politique de l'histoire des rois de France au temps
de Louis XII; note de M. Omont, membre de l'Académie.. 175
Une vue de Carcassonne faussement attribuée à l'an 1467,
par M. Joseph Poux • 82
Appendices :
Les fouilles de Thasos (lra partie), par M. Charles Picard 193
Les fouilles de Thasos (2" partie), par Ad.-J. Reinach 222
Livres offerts 156, 164, 169, 171, 191
CAHIER DE JUIN
Séances.. 237, 247, 270,273
Communications :
A propos d'une édition récente de Xénophon, par M. Eugène
Cavaignac *39
Une inscription inédite de Béryte, par le H. P. Jalabert 2'hS
Livres offerts 2't4, 268, 271, 27i-
Appendices :
Rapport sur le Concours des antiquités nationales, par
M. Camille Jullian, membre de l'Académie 2">T
732 TABLE DES MATIÈRES
Fouilles dans l'îlot do l'Amiral à Carthage, par M. Alfred
Merlin 277
Le protocole des lettres des sultans du Maroc, par M. le comte
Henry de Castries 286
L'armure de Narâm Sin, d'après une tablette de comptabi-
lité trouvée à Suse, par le P. Scheil, membre de l'Académie. 290
Rapport sur l'emploi des fonds De Clercq, par M. Edmond
Pottier, membre de l'Académie 301
CAHIER DE JUILLET
Séances 305, 317, 340, 346
Communications :
Les âges protohistoriques dans l'Europe barbare, par M. Léon
Joulin 309
Les églises de Cappadoce, par le R. P. G. de Jerphanion.. . . 320
Remarques sur l'iconographie des peintures cappadociennes,
par M. G. Millet 326
Note sur la mission de M. Roulifa en haute Kabylie, par
M. René Basset, correspondant de l'Académie 335
Découvertes à Thuburbo Majus, par M. Alfred Merlin, direc-
teur des antiquités de la Tunisie 347
Livres offerts 316, 338, 344, 366
Appendice :
Rapport du Secrétaire perpétuel de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres sur les travaux des Commissions de
publication de cette Académie pendant le premier semestre
de 1912, lu dans la séance du 26 juillet 1912 361
CAHIER D'AOUT
Séances 371, 393, 407, 415, 427
Communications :
Un nouveau vice-préfet du prétoire, par M. Edouard Cuq,
membre de l'Académie 372
Les puissances tribuniciennes de Néron, par M. L. Constans. 38."»
Note sur un diplôme militaire découvert en Thrace, concer-
nant la flotte de Misène, du 9 février 71, par M. J.-B. Mis-
poulet 394
TABLE DES MATIÈRES 73M
Fouilles à Allhiburos (Medeina), par M. Alfred Merlin, direc-
teur des antiquités de la Tunisie 417
Les fouilles du marquis de Cerralbo, par M. Joseph Déche-
lette, correspondant de l'Académie 433
Trois nouveaux squelettes humains fossiles, par le Dr Capi-
tan et M. Peyrony 449
Livues offehts 3112, 420, 455
Appendice :
Rapport sur le concours du prix Brunet, par M. Emile Châte-
lain, membre de l'Académie; lu dans la séance du 30 août
1912 443
CAHIER DE SEPTEMBRE
Séances 457, 477, 481, 491
Communications :
Les fouilles de Damous-el-Karita. Rapport du R. P. Delattre,
correspondant de l'Académie 460
Un poids babylonien, par le P. Scheil, membre de l'Académie. 478
Fouilles à Tounah et à Zaouét-el-Maietin (Moyenne-Egypte),
par M. Raymond Weill 484
Lettre de M. Seymour de Ricci 493
Livres offerts 476, 490
Appendice :
Pline l'ancien et les astrologues chaldéens, par M. Léon lleu-
zey, membre de l'Académie 497
CAHIER D'OCTOBRE
Séances.. 507, 510, 512, 525, 530
Communications :
Un nouveau manuscrit grec des Évangiles et du Psautier
illustré. Note de M. Omont, membre de l'Académie 514
La « Véritable histoire de la conquête de la Nouvelle Espagne »
de Bernai Diaz del Castillo, par M. Morel-Fatio, membre de
l'Académie 'ils
Les statues d'argile préhistoriques de la caverne du Tue
d'Audoubert (Ariège i, par M. le comte Bégouen 532
734 TARLE DES MATIÈRES
Livres offerts 511, 523, 538
CAHIER DE NOVEMBRE
Séances. . . 541,632,037
Séance publique annuelle 548
Communications :
Le dauphin Humbert II, par M. Paul Fournier, membre de
l'Académie ;>81
Notice sur la vie et les travaux de Joseph-Bon Dacier, par
M. Georges Perrot, secrétaire perpétuel de l'Académie. . . . 600
Livres offerts S44, 633, 637
CAHIER DE DÉCEMBRE
Séances 639, 646, 677, 690
Communication :
Un bas-relief de Délos au Musée d'Aix en Provence, par
M. Maurice Besnier 641
Livres offerts 644, 671, 686, 691
Appendice :
Rapport sur les travaux des Écoles françaises d'Athènes et de
Rome en 1911-1912, par M. Maurice Prou, membre de
l'Académie ; lu dans la séance du 13 décembre 1912 647
Commission des inscriptions et médailles 694
Périodiques offerts 69 /
Table alphabétique '01
Table des gravures '* <
Table des matières 730
Errata 73'^
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P. 46, I. 13, au lieu de : Garet, lire : Gavet.
F. 123, 1. 22, au lieu de : Ta, lire : xà.
P. 149, 1. 36, au lieu de : Benoît XIII, lire : Benoit XII.
P. 311, I. 3, au lieu de : el de la Cispadane, lire : el de l'Europe
centrale.
P. 313, 1. 9, au lieu de : colonisation, lire : civilisation.
P. 317, 1. 2'.t, au lieu de : H. P. Jerphanion, lire : B. P. de .lerplia-
nion.
P. 394, supprimer la note 1.
P. 451, 1. 22, au lieu de : Lausselle, lire : Laussel.
P. 483, 1. 17, au lieu de : Zarouiét, lire : Zaouiét.
Le Gérant, A. Pk: v :u>.
MAÇON. PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
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Académie des inscriptions
et belles-lettres, Paris
Comptes rendus des séances
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