Skip to main content

Full text of "Comptes rendus des séances"

See other formats


USHK 

HBhHSShHK 


fflfflffliMWfflQmO 

HVWMAIfVBAiUJUtUDI 
HHNHDDOBiUjODujud 


lW3B 


*    & 


J   \ 


ACADEMIE 


DES 


INSCRIPTIONS    &    BELLES-LETTRES 


ANNEE    1912 


MAÇON,  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS. 


flrik**)  ACADÉMIE 


DES 


INSCRIPTIONS  &  BELLES-LETTRES 


COMPTES  RENDUS 


DES 


SEANCES      DE      L'ANNEE 


1  9  1  2 


1>A1US 

LIBRAIRIE   ALPHONSE  PICARD    ET   FILS, 
AUGUSTE    PICARD,    SUCCESSEUR 

I.IBKAIRE    DES    ARCHIVES  NATIONALES  ET  IlE    LA  SOCIETE    DE    L  ECOLE   1>ES  CHARTES 
82,      BUE      BONAPARTE,     8*2 

M    D   CCCC   XII 


\gn 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE   DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE  DU  5  JANVIER 


PRESIDENCE    DE    MM.    HENRI    OMONT    ET    LOUIS    LEGER. 

M .  Omont,  président  sortant,  prononce  l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs, 

«  En  quittant  le  fauteuil  de  la  présidence  et  avant  de  reprendre 
place  clans  vos  rangs,  permettez-moi  de  vous  renouveler  l'expres- 
sion de  ma  très  vive  gratitude  et  de  vous  remercier  du  concours 
bienveillant  que  je  n'ai  cessé  de  trouver  auprès  de  chacun  de 
vous. 

«  Ce  n'était  pas  sans  crainte  que  je  m'étais  vu  appelé  à  l'hon- 
neur de  présider  nos  séances  et  nos  nombreuses  commissions  ; 
et  cependant  cette  année  s'est  vite  écoulée,  car  votre  indulgente 
amitié  et  l'expérience  de  notre  cher  Secrétaire  perpétuel  m'ont 
rendu  la  tâche  facile.  Votre  nouvel  élu  a  bientôt  repris  confiance, 
tout  au  plaisir  d'apprendre  à  mieux  connaître  dans  le  détail,  par 
une  collaboration  plus  intime,  la  variété  des  travaux  et  l'impor- 
1912.  1 


2  SÉANCE    Dl      5    JANVIER    1912 

tance  dans  le  mouvement  scientifique  du  rôle  de  notre  Aca- 
démie. 

«  Ce  plaisir,  que  je  vous  dois  et  dont  je  garderai  toujours  le 
souvenir,  eût  été  sans  mélange  si  des  pertes  cruelles  et  répétées 
n'avaient  frappé  l'an  dernier,  et  il  y  a  quelques  jours  encore, 
notre  Compagnie.  Puisse  mon  successeur  être  un  de  ces  prési- 
dents heureux,  dont  la  magistrature  n'est  assombrie  par  aucun 
deuil!  Puisse-t-il  n'avoir  à  revêtir  l'habit  vert  et  à  porter  l'épée 
qu'aux  jours  de  fête  ! 

«  Je  remets  en  bonnes  mains  les  pouvoirs  que  vous  m'aviez 
momentanément  confiés,  en  priant  M.  Léger  de  bien  vouloir 
prendre  possession  du  fauteuil  de  la  présidence  et  notre  nou- 
veau vice-président,  M.  Valois,  de  s'asseoir  à  ses  côtés.  » 

M.  Léger,  en  prenant  le  fauteuil  de  la  présidence,  prononce 
l'allocution  suivante  : 

«  Mes  chers  Confrères, 

«  Au  temps  où  j'étais  candidat  et  où  je  faisais  les  visites 
qu'impose  l'étiquette  académique,  un  de  nos  confrères  aujour- 
d'hui disparu  '  me  tint  un  langage  qui  m'est  souvent  revenu  à 
l'esprit  : 

«  Nous  sommes  à  l'Institut,  disait-i),  un  certain  nombre  de 
«  savants  qui  travaillons  au  fond  d'un  puits  ;  nous  nous  appli- 
«  quons  de  notre  mieux  à  en  extraire  les  matériaux  que  nous 
«  croyons  les  plus  précieux  ou  les  plus  utiles,  mais  nous  en  sor- 
«  tons  bien  rarement  pour  jeter  un  coup  d'œil  sur  le  monde 
«  extérieur,  et  nous  ne  savons  guère  ce  qui  se  passe  dans  le  puits 
«   du  voisin.  » 

«  Ceux  que  nos  suffrages  appellent  à  l'honneur  de  siéger  au 
bureau  sont  bien  obligés  de  sortir  de  leur  puits,  au  moins  pour 
deux  ans,  et  de  s'intéresser,  non  seulement  aux  travaux  de  tous 
Les  confrères  qui  nous  apportent  le  résultat  de  leurs  recherches, 
mais  aussi  à  ceux  des  Écoles  que  l'Académie  patronne,  à  ceux 
des  érudils,  français  ou  étrangers,  qui  de  tous  côtés  envoient 
leurs  œuvres  à  nos  concours.  Leur  devoir  est  aussi  de  rechercher 
en  province  ou  au  delà  de  nos  frontières,  les  hommes  éminents 
qui  peuvent  figurer  un  jour  sur  notre  Annuaire. 

i .  Le  docteur  Hamy. 


SÉANCE    DU    5    .[ANVIER    1012  3 

«  Chacun  d'entre  nous  est  naturellement  porté  à  prêcher  pour 
son  saint,  autrement  dit  pour  sa  spécialité. 

«  Le  devoir  de  vos  délégués  est  de  planer  au-dessus  des  ten- 
dances individuelles,  de  maintenir  l'équilibre  entre  les  diverses 
disciplines,  et  les  nations,  grandes  ou  petites,  qui  se  partagent 
le  vaste  domaine  de  la  science. 

«  Evidemment  vos  élus  regrettent  parfois  les  loisirs  d'un 
labeur  solitaire  et  aussi  les  entretiens  intimes  de  leurs  confrères 
ou  de  leurs  amis. 

«  Mais  au  fond  ils  vous  sont  reconnaissants  de  la  tâche  que 
vous  leur  avez  imposée.  En  s'appliquant  à  la  remplir  le  mieux 
possible,  ils  se  rendent  à  eux-mêmes  un  véritable  service.  Je  ne 
serai  certainement  pas  démenti  par  le  docte  et  sympathique 
confrère  auquel  j'ai  l'honneur  de  succéder  aujourd'hui. 

«  En  le  remerciant  du  zèle  avec  lequel  il  a  rempli  ses  fonc- 
tions, je  suis  assuré  d'être  votre  interprète.  Il  a  mis  au  service 
de  la  Compagnie  les  trésors  d'une  inépuisable  érudition  et  l'expé- 
rience d'un  administrateur  consommé.  Si  je  ne  siège  plus  désor- 
mais auprès  de  lui,  je  lui  demande  dès  maintenant  la  permission 
de  recourir  quelquefois  à  ses  conseils. 

«  Je  sais  d'ailleurs  que  je  puis  compter  sur  le  zèle  et  l'amitié  de 
notre  excellent  Secrétaire  perpétuel  qui  est  pour  moi  un  vieil 
ami. 

«  Le  12  novembre  191*2,  nous  célébrerons  le  quatre-vingtième 
anniversaire  de  ce  vaillant  académicien  qui  nous  donne  à  tous 
l'exemple  du  labeur  continu  et  de  la  perpétuelle  jeunesse,  qui, 
l'autre  jour  encore,  ajoutait  à  son  «  Histoire  de  l'Art  dans  l'anti- 
quité »  un  nouveau  volume  dont  nous  avons  tous  salué  avec  joie 
l'apparition.  Nous  n'avons  pas  coutume  de  fêter  ici  les  octogé- 
naires—  ils  sont  trop  nombreux  — ;  pour  une  fois,  cependant, 
je  vous  demanderai  la  permission  de  déroger  à  notre  discrétion 
habituelle. 

«  C'est  avec  une  profonde  sympathie  que  j'appelle  M.  Noël 
Valois  à  siéger  à  côté  de  moi.  Nous  nous  sommes  naguère  liés 
d'amitié  sur  le  champ  de  bataille,  à  l'époque  où  nous  nous  dispu- 
tions ardemment  vos  suffrages.  Nous  mettrons  celte  année  la 
même  ardeur  à  rivaliser  de  zèle  pour  servir  de  notre  mieux  les 
intérêts  de  la  Science  et  de  l'Académie.    » 


4  SÉANCE    DU    O    JANVIER    1912 

Le  Président  du  Congrès  international  d'anthropologie  et 
d'archéologie  préhistoriques  qui  doit  se  tenir  à  Genève,  au  mois 
de  septembre  prochain,  invite  l'Académie  à  se  faire  représenter 
à  cette  réunion. 

M.  Salomon  Rbinach  est  désigné. 

M.  Henri  Coruier  est  également  désigné  pour  représenter 
l'Académie  au  Congrès  international  des  Américanistes  qui  doit 
se  tenir  à  Londres  au  mois  de  mai  prochain. 

M.  Coruier  informe  l'Académie  que  si  la  vie  du  docteur 
Legendre  et  de  ses  compagnons  est  sauve,  tous  les  matériaux 
amassés  par  la  mission  sont  perdus. 

Il  est  procédé  à  la  suite  des  nominations  des  Commissions  de 
prix.  Sont  élus  : 

Commission  du  prix  Stanislas  Julien  :  MM.  Senart,  Barth, 
Chavannes,  Cordier. 

Commission  du  prix  Delalande-Guérineau  :  MM.  Alfred  Croiset, 
Bouché-Leclercq,  Châtelain,  Haussoullier. 

Commission  du  prix  de  La  Grange  :  MM.  Paul  Meyer,  É.  Picot, 
Thomas,  Morel-Fatio. 

Commission  de  la  fondation  du  duc  de  Loubat  (en  faveur  des 
savants  privés  de  ressources  matérielles  pour  continuer  leurs 
travaux)  :  MM.  Heuzey,  Senart,  P.  Meyer,  Schlumberger. 

Commission  du  prix  Saintour  :  MM.  Senart,  Clermont-Gan- 
neau,  Ph.  Berger,  Barth. 

Commission  du  prix  Estrade-Delcros  :  MM.  Heuzey,  Senart, 
Alfred  Croiset,  de  Lasteyrie,  Philippe  Berger,  Babelon,  Châte- 
lain, Elie  Berger,  Maurice  Prou. 

Commission  du  prix  Prost  :  MM.  Collignon,  Omonl,  Elie 
Berger,  le  P.  Scheil. 

Commission  de  la  médaille  Paul  Blanchet  :  MM.  Héron  de 
Villefosse,  Philippe  Berger,  Gagnai,  Babelon. 

M.  le  comte  Paul  Dubrieu  communique  la  liste  des  ouvrages 
déposée  puur  le  prix  Gober  t. 


SÉANCE    DU    5    JANVIER    4912  0 

Le  Secrétaire  perpétuel  fait  connaître  ainsi  qu'il  suit  la  situa- 
tion des  Concours  de  l'Académie  pour  1912  : 

Prix  ordinaire  {Etude  relative  au  Turkeslan  oriental), 
1  mémoire; 

Antiquités  de  la  France  :  24  concurrents  ; 

Prix  Duchalais  (numismatique  du  moyen  âge)  : 2  concurrents; 

Prix  Gobert  :  3  concurrents; 

Prix  Bordin  (moyen  âge)  :  7  concurrents  ; 

Prix  Fould  :  8  concurrents  ; 

Prix  Brunet  :  15  concurrents; 

Prix  Stanislas  Julien  :  3  concurrents  ; 

Prix  Delalande-Guérineau  :  6  concurrents; 

Prix  de  La  Grange  :  1  concurrent; 

Prix  Saintour  (au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'Orient)  :  11  con- 
currents; 

Prix  Estrade-Delcros  :  2  concurrents  ; 

Prix  Auguste  Prost  :  7  concurrents. 

Le  P.  Scheil  fait  une  communication  sur  les  formules  chrono- 
logiques dont  se  servaient  les  Babyloniens  pour  dénommer  les 
années  sans  les  dénombrer.  Au  moyen  d'un  texte  inédit,  ilcom- 
plète  et  classe  la  série  des  43  fragments  du  règne  de  Hammou- 
rabi . 

M.  Edouard  Cuo  signale  l'intérêt  que  présente  pour  l'histoire 
du  droit  babylonien  un  passage  de  la  tablette  publiée  et  commentée 
par  le  P.  Scheil.  Le  fait,  qui  sert  à  désigner  la  quarantième  année 
de  Mammourabi  (agrandissement  du  temple  de  Nergal  à  Kutha), 
est  visé  dans  le  prologue  du  Code  de  Mammourabi  (Face,  col.  III, 
4-6).  Ce  Code  est  donc  postérieur  à  cette  date  :  sa  rédaction  se 
place  entre  l'année  40  et  l'année  43,  dernière  du  règne.  Cette 
conclusion  est  d'accord  avec  l'opinion  déjà  émise  par  MM.  King, 
Schorr,  E.  Meyer,  et  d'après  laquelle  le  Code  n'est  pas  antérieur 
à  la  31e  année,  date  de  la  conquête  d'Our  et.de  Larsa. 


6  SÉANCE    DU    5    JANVIER    1912 

La  fixation  de  cette  date  est  importante  pour  apprécier  le 
caractère  de  l'œuvre  législative  de  Hammourabi.  Ce  n'est  pas, 
comme  on  l'avait  cru  tout  d'abord,  une  simple  codification  des 
coutumes  antérieures  :  c'est  le  résultat  de  quarante  années 
d'efforts  consacrés  par  ce  prince  à  améliorer  l'administration  de 
la  justice.  11  faut  dès  lors  se  garder  d'assimiler  l'œuvre  de 
Hammourabi  à  celle  qui  fut  accomplie  par  Justinien  au  début  de 
son  règne,  ou  par  Bonaparte  au  commencement  du  xix°  siècle. 
Hammourabi  ne  s'est  pas,  dès  son  avènement,  posé  en  réforma- 
teur du  droit.  C'est  l'expérience  d'un  long  règne  qui  lui  a  mon- 
tré l'utilité  de  perfectionner  le  droit,  et  aussi  de  l'unifier  lorsqu'il 
eut  soumis  à  son  autorité  toute  la  Babylonie. 

Une  autre  conséquence  du  fait  observé  par  le  P.  Scheil  a  trait 
à  l'interprétation  des  contrats  datés  du  règne  de  Hammourabi. 
Certains  assyriologues  avaient  remarqué  qu'ils  révèlent  parfois 
un  droit  différent  de  celui  qui  est  consacré  par  le  Code;  ils  en 
avaient  conclu  que  Hammourabi  n'avait  pas  réussi  à  faire  accep- 
ter par  la  pratique  plusieurs  des  règles  qu'il  avait  établies.  Cette 
conclusion  ne  peut  plus  être  admise  dans  sa  généralité,  main- 
tenant que  l'on  sait  que  le  Code  n'a  été  promulgué  qu'à  la  fin 
du  règne.  L'unification  du  droit  n'exclut  pas  d'ailleurs  le  main- 
tien de  certaines  coutumes  locales. 

M.  Holleaux,  directeur  de  l'Ecole  française  d'Athènes,  rend 
compte  des  fouilles  exécutées  cette  année,  à  Délos,  aux  frais  de 
M.  le  duc  de  Loubat. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Salomon    Reinach  offre     un    volume    qu'il    vient  de   publier, 
intitulé  :  Eulalie  ou   le  grec  sans  larmes  (Paris,   1911,   in-12). 

M.  Omont  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

»  J'ai  l'honneur  île  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
de  noire   nouveau  correspondant  étranger,  M.  F.  G.  Kenvon,  diree- 


SÉANCE    DU    12    JANVIER    1912  7 

teur  du  Musée  Britannique,  un  pelit  volume  récemment  présenté, 
lorsqu'il  a  pris  sa  retraite,  à  l'un  des  hauts  fonctionnaires  de  ce 
grand  établissement,  Sir  George  Warner,  conservateur  du  Dépar- 
tement des  Manuscrits,  par  ses  collègues  et  ses  nombreux  amis 
d'Angleterre  et  du  Continent. 

«  C'est' la  reproduction,  très  artistiquement  faite,  des  quarante  et 
une  miniatures  ou  encadrements,  qui  ornent  un  petit  livre  d'Heures 
flamand,  exécuté  sans  doute  à  Bruges  par  le  célèbre  miniaturiste 
Simon  Bening,  au  début  du  xvic  siècle,  et  aujourd'hui  conservé  au 
Musée  Britannique  (Miniatures  and  bordera  from  a  flemish  Ilorae ; 
British  Muséum  Add.  ms.  2i09S,  early  sivteenth  centary,  reproduced 
in  honour  of  Sir  George  Warner.  Printed  for  the  subscribers, 
7  october  1911.  ln-8°,  17  pages  et  43  planches  en  phototypie,  dont 
2  en  couleurs,  avec  portrait).  La  notice  qui  précède  la  reproduction 
de  ces  miniatures  est  due  aux  soins  de  M.  J.  A.  Herbert,  du  Musée 
Britannique. 

«  Le  choix  des  belles  peintures  de  ce  manuscrit  a  été  un  délicat 
hommage  rendu  au  mérite  de  Sir  George  Warner,  l'un  des  direc- 
teurs de  la  Palaeor/raphical  Society,  auquel  sont  dues  de  nom- 
breuses et  importantes  publications  relatives  à  l'histoire  de  l'écri- 
ture et  à  l'histoire  de  l'art.  » 


SÉANCE  DU    12   JANVIER 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 


M.  le  comte  Paul  Durrieu  l'ait,  à  propos  de  la  correspondance, 
la  communication  suivante  : 

«  Au  mois  de  février  de  Tannée  dernière,  je  lisais  devant 
l'Académie  un  mémoire  où  il  était  question  du  peintre  milanais 
Michelino  da  Besozzo.  Je  vous  rappelais  que  ce  peintre,  qui  fut 
très  célèbre  dans  le  premier  tiers  du  xv°  siècle,  était  particuliè- 
rement renommé  pour  la  supériorité  avec  laquelle  il  savait  trai- 
ter les  ligures  d'animaux.  Je  disais,  d'autre  part,  que  j'avais 
retrouvé  depuis  longtemps  la  preuve  documentaire  que  cet 
artiste,    si    bon   animalier,   avait    exécuté    des   travaux  rentrant 


8  SÉANCE    DU    12    JANVIER    1912 

dans  la  catégorie  des  miniatures,  pour  le  duc  de  Milan,  Filippo 
Maria  Visconti;  et  je  citais  devant  vous  un  très  beau  livre 
d'Heures  peint  précisément  pour  ce  duc,  qui  est  conservé  dans 
la  famille  du  baron  de  Landau,  et  qui  pouvait  peut-être  contenir 
des  pages  de  la  main  de  Michelino. 

«  Les  circonstances,  comme  j'en  exprimais  le  regret,  ne  me 
permettaient  pas  de  vous  montrer  des  reproductions  du  susdit 
livre  d'Heures,  et  je  ne  connaissais  alors  aucun  autre  manuscrit 
ou  fragment  de  manuscrit  qui  relevât  exactement  du  même  art. 
La  situation  s'est  modifiée  pour  moi.  Dans  une  vente  faite  le 
4  décembre  1911,  à  Leipzig,  par  le  libraire  Boerner,  a  passé  un 
feuillet  enluminé  détaché  jadis  d'un  Missel,  dont  j'ignore  où  se 
trouve  le  reste,  mais  que  ses  caractères  paléographiques  auto- 
risent à  considérer  sûrement  comme  exécuté  dans  la  région 
milanaise  pendant  la  première  moitié  du  xve  siècle.  Or,  sur  ce 
feuillet,  que  j'ai  le  plaisir  de  pouvoir  présenter  à  l'Académie, 
apparaissent  les  mêmes  caractères  typiques  que  dans  le  livre 
d'Heures  de  Filippo  Maria  Visconti.  On  y  remarque  surtout, 
comme  éléments  décoratifs,  placées  au  bas  de  la  page  illustrée, 
deux  figures  de  cerfs  accroupis,  de  la  plus  remarquable  exécu- 
tion, et  qui  annoncent  déjà  l'art  de  Pisanello.  » 

M.  Clermont-Ganneau  donne  communication  à  l'Académie  de 
la  lettre  suivante  de  M.  Henry  Hyvernat,  professeur  à  l'Uni- 
versité catholique  d'Amérique  (Washington  D.  G.),  en  date  du 
11  janvier  191  '2  : 

A  Monsieur  le  Président  de  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres. 

Monsieur  le  Président, 

Permettez-moi  de  signaler  à  l'Académie  une  découverte  d'un  inté- 
rêt peu  commun  pour  les  études  orientales. 

Il  s'agit  d'une  collection  de  cinquante  manuscrits  coptes  pro- 
venant des  ruines  du  monastère  de  Saint-Michel,  au  Fayoum.  Ces 
manuscrits  sont  tous  en  dialecte  sahidique,  sauf  deux  qui  sont  en 
fayoumique  et  un  seul  en  bohaïrique.  Chose  rare,  ils  sont  à  peu 
près  tous  complets,  plusieurs  même  ont  conservé  leur  reliure  origi- 
nale. Aucun  ne  semble  être  plus  récent  que  le  xe  siècle  de  notre  ère. 


SÉANCE    DU    12    JANVIER    1912  9 

Un  bon  nombre  sont  datés  du  ixe  siècle  el  nous  offrent  les  dates  les 
plus  anciennes  de  la  paléographie  copte.  Quelques-uns,  qui  ne  sont 
pas  datés,  sont  probablement  plus  anciens  encore.  Tous  sont  plus 
ou  moins  décorés  d'enluminures  dans  les  marges  et  autour  des  titres 
principaux,  et  une  dizaine  renferment  de  véritables  miniatures, 
exception  unique  pour  ainsi  dire  dans  les  manuscrits  coptes  anté- 
rieurs au  xie  siècle.  Tous  sont  sur  parchemin. 

L'ensemble  de  la  collection  nous  donne  une  idée  de  ce  que  pou- 
vait être  une  bibliothèque  monastique  à  cette  époque  reculée.  Sans 
m'étendre  sur  le  contenu  de  ces  précieux  manuscrits  dont  un  cata- 
logue détaillé  paraîtra  prochainement,  je  puis  signaler  dès  main- 
tenant plusieurs  manuscrits  bibliques  contenant  les  trois  derniers 
livres  du  Pentateuque,  les  deux  premiers  livres  des  Rois,  le  livre 
dTsaïe,  les  quatre  Évangiles,  les  quatorze  Épitres  de  saint  Paul,  les 
deux  de  saint  Pierre  et  les  trois  de  saint  Jean.  Or  de  ces  trois  livres 
qui,  à  l'exception  des  livres  d'Isaïe  et  de  l'Évangile  de  saint  Luc, 
sont  ici  absolument  complets,  nous  n'avions  jusqu'à  ce  jour  que  des 
fragments  plus  ou  moins  étendus,  de  provenances  et  d'âges  diffé- 
rents. 

11  faut  encore  signaler  trois  manuscrits  liturgiques  absolument 
uniques  et  de  la  plus  grande  valeur;  plusieurs  renfermant  des  apo- 
cryphes tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau  Testament;  d'autres 
contenant  des  documents  hagiographiques  (Vies  des  Pères  du  désert, 
Actes  des  Martyrs,  etc.)  et  des  homélies  pour  toutes  les  fêtes  de 
l'année  liturgique,  bref  toute  une  bibliothèque  ecclésiastique  parfai- 
tement homogène  de  provenance  et  de  date,  et  incomparablement 
plus  complète  et  plus  importante  que  celle  qu'on  pourrait  constituer 
en  réunissant  toutes  les  collections,  connues  jusqu'ici,  de  manuscrits 
sahidiques. 

Les  colophons  de  ces  manuscrits,  généralement  rédigés  dans  le 
dialecte  local,  sont  du  plus  grand  intérêt  pour  l'étude  du  fayoumique 
encore  si  peu  connu.  De  plus,  ils  contiennent  une  foule  de  données 
tout  à  fait  neuves  pour  l'histoire  monastique  et  la  topographie  du 
Fayoum. 

En  dehors  de  sa  valeur  intrinsèque,  cette  collection  de  documents 
à  peu  près  tous  complets  nous  permettra  sans  doute  d'identifier  un 
grand  nombre  des  feuillets  détaches  dont  se  composent  en  grande 
partie  les  principales  collections  do  l'Europe. 

Echappée  comme  par  miracle  au  morcellement  barbare  auquel 
les  indigènes  avaient  déjà  commencé  à  la  soumettre  suivant  leur 
vieille  habitude,  cette  magnifique  collection  était  après  tout  menacée 
d'être  dispersée  aux  quatre  coins  du  monde,   à  cause  de  la  difficulté 


10  SÉANCE    DU    12    JANVIER    1912 

de  trouver  une  bibliothèque  ou  un  musée  qui  disposât  des  ressources 
nécessaires  pour  l'acquérir. 

Grâce  ;i  l'intelligente  libéralité  du  grand  mécène  américain 
M.  J.  Pierpont  Morgan,  ce  danger  n'est  plus  à  craindre.  La  collection 
tout  entière  est  maintenant  un  des  joyaux  de  la  superbe  bibliothèque 
où  depuis  quelques  années  il  a  réuni  tant  de  rares  et  précieux 
manuscrits.  Et  M.  Morgan,  qui  ne  l'ait  jamais  les  choses  à  moitié,  a 
déjà  pris  les  mesures  nécessaires  pour  assurer  à  bref  délai  la  publi- 
cation de  ce  trésor  de  littérature  orientale. 

Veuillez  agréer,  etc. 

M.  Holleaux  achève  la  lecture  de  son  rapport  sur  les  fouilles 
exécutées,  cette  année,  à  Délos,  par  les  soins  de  l'École,  française 
d'Athènes,  aux  frais  de  M.  le  duc  de  Loubat. 

Les  fouilles  ont  porté  sur  cinq  points  principaux  :  1°  Y  Hêrawn, 
où  fut  retrouvé  le  sanctuaire  primitif,  renfermant  une  admirable 
collection  de  vases  archaïques;  2°  la  vallée  de  Vlnopos,  dont  le 
réservoir  supérieur  et  le  réservoir  inférieur  (celui-ci  en  forme  de 
fontaine,  où  l'on  accédait  par  un  escalier  de  22  marches)  ont  été 
presque  complètement  déblayés;  3°  le  Gymnase,  dont  le  plan  a 
été  exactement  établi  et  qui  a  livré,  outre  de  nombreux  mor- 
ceaux d'architecture,  de  très  précieuses  inscriptions;  4°  la 
région  située  au  Sud  et  au  Sud-Ouest  du  Théâtre,  exploration 
qui  a  amené  la  découverte  de  deux  temples,  entouré  chacun  de 
son  péribole,  et  d'un  portique;  5°  du  sanctuaire,  provisoirement 
appelé  Nouveau  Sarapieion,  dont  la  ruine  a  été  découverte  un 
peu  à  TOuest  du  réservoir  inférieur  de  l'Inopos. 

Les  trouvailles  archéologiques  appartiennent  aux  périodes  les 
plus  diverses  de  l'histoire  de  l'art  antique  :  il  faut  signaler,  outre 
le  merveilleux  amas  de  céramiques  (vases  et  masques)  exhumé 
du  sous-sol  de  l'Héraion,  deux  statuettes  représentant  des  per- 
sonnages assis,  largement  drapés,  d'un  style  qui  rappelle  singu- 
lièrement celui  des  ligures  de  l'avenue  des  Branchides. 

Les  monuments  épigraphiques.  déjà  en  partie  présentés  à 
l'Académie,  ont  un  intérêt  exceptionnel.  La  première  place  doit 
ihc  occupée  par  le  sénatus-consulle  de  l'an  166  av.  J.-C.  trouvé 
au  Nouveau  Sarapieion  ;  les  ruines  du  gymnase  ont  livré  une 
liste,  infiniment  précieuse,  de  gymnasiarques  de  Délos,  pendant 
quarante-six  années  à   partir  du  rétablissement  de  la  domination 


SÉANCE    DU    12    JANVIER    1912  11 

athénienne  (1G6  av.  J.-C);  du  gymnase  aussi  provient  la  dédi- 
cace d'une  porte  monumentale  par  le  roi  d'Egypte  Ptolémée 
Soter  II  ;  plusieurs  textes  trouvés  dans  le  Nouveau  Sarapieion 
apportent  des  renseignements  nouveaux  sur  les  cultes  égyptiens 
de  Délos  ;  on  a  signalé  précédemment  l'inscription  imprécatoire 
contre  les  voleurs  d'esclaves,  déterrée  près  du  théâtre;  il  faut 
mentionner  de  façon  très  spéciale  les  fort  anciennes  dédicaces  en 
dialecte  ionien  gravées  sur  les  vases  de  l'Héraion. 

Le  Président  adresse  à  M.  Holleaux  les  félicitations  de  l'Aca- 
démie. 

M.  René  Gagnât  fait  une  communication  intitulée  :  «  La 
frontière  romaine  de  la  Tripolitaine.  » 

L'Académie  décide  qu'il  y  a  lieu  de  pourvoir  au  rempla- 
cement de  M.  Saglio,  membre  libre,  décédé.  L'exposé  des  titres 
des  candidats  au  fauteuil  de  M.  Saglio  est  fixé  au  vendredi 
16  février  et  l'élection  au  vendredi  suivant. 

M.  IL  Omont  rappelle  que  le  manuscrit  des  Fables  de  Phèdre, 
conservé  jadis  dans  l'abbaye  de  Saint-Remi  de  Reims  et  qui  a 
péri  dans  l'incendie  de  1771,  n'est  plus  connu  que  par  le  calque 
de  l'une  de  ses  pages  conservé,  depuis  quelques  années,  à  la 
Bibliothèque  nationale  (n.  a.  lat.  717).  Toutefois,  au  début  du 
xvn'"  siècle,  Nicolas  Rigault,  dans  sa  seconde  édition  des  Fables 
de  Phèdre  (1617,  in-4°),  avait  utilisé  un  certain  nombre  de 
variantes  de  ce  manuscrit  relevées  à  son  intention  par  Jacques 
Sirmond.  Mais  on  était  imparfaitement  renseigné  sur  les  variantes 
ainsi  notées  par  Sirmond  d'après  la  première  édition  de  Rigault 
(1599  ou  1600,  in-12).  Elles  nous  ont  été  heureusement  conser- 
vées, transcrites  de  sa  main,  sur  une  petite  feuille  de  papier, 
restée  jusqu'ici  ignorée  et  qui  avait  été  recueillie  au  xvnp  ou 
xviii1'  siècle,  comme  tant  d'autres  documents  précieux,  par 
lialu/.e  dans  sa  collection,  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale (volume  141,  fol.  -211). 


12 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  : 

1°  Le  fascicule  du  mois  d'octobre  1911  des  Comptes  rendus  des 
séances  de  l'Académie  (Paris,  1911,  in-8°)  ; 

2°  Histoire  d'une  famille  de  la  Haute-Auvergne.  Les  Serre  del 
Saguès,  par  M.  Paul-Adolphe  Serre  (Paris  et  Montevideo,  1911,  in-8°). 

M.  C.  Julijan  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur, 
M.  Cayeux,  le  premier  fascicule  de  la  Description  géographique  de 
l'île  de  Délos,  parue  sous  le  patronage  et  la  direction  de  l'École 
française  d'Athènes  (Paris,  1911, gr.  in-4°).  Car  notre  grande  École,  se 
conformant  à  une  tradition  séculaire  de  la  science  française,  a  voulu 
que  l'étude  de  Délos  fût  une  étude  intégrale,  recourant  à  toutes  les 
disciplines  de  travail,  fournissant  des  matériaux  à  tous  les  ordres  de 
recherches.  M.  Cayeux  s'est  réservé  la  partie  géologique  et  géogra- 
phique. Il  l'a  fait  avec  cette  sûreté  de  diagnostic  scientifique  qui  fait 
de  lui  un  des  maîtres  de  notre  nouvelle  école  géologique.  Je  dis 
nouvelle  école,  parce  que  les  résultats  qu'il  apporte  diffèrent  des 
théories  régnantes.  M.  Cayeux  ne  croit  guère  à  des  vicissitudes  de 
contour  et  de  structure  dans  l'île  de  Délos  depuis  les  temps  histo- 
riques. Et  de  même,  lorsqu'il  a  bien  voulu  étudier  avec  moi  le  litto- 
ral français,  il  m'a  plus  d'une  fois  montré  que  dès  le  temps  de 
César  il  était  déjà  constitué  avec  sa  forme  actuelle.  De  telles 
recherches  sont  précieuses  pour  l'histoire.  Et  c'est  vraiment,  au  point 
de  vue  scientifique,  une  initiative  généreuse  et  bienfaisante  que  celle 
({u'a  prise  l'École  d'Athènes  en  confiant  à  M.  Cayeux  les  premières 
assises  de  l'œuvre  monumentale  de  Délos.  » 

M.  Emile  Picot  offre  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  Seymour  de 
Ricci,  un  important  ouvrage  de  bibliographie,  le  Catalogue  raisonné 
des  premières  impressions  de  Mai/ence  (1445-1467),  publié  par  la 
Société  Gutenberg.  Au  moment  où  l'étude  des  incunables  attire  de 
plus  on  plus  les  érudits,  il  était  indispensable  d'être  fixé  sur  le  point 
de  départ  de  cette  étude.  Quelles  sont  les  impressions  que  l'on  peut 
attribuera  Gutenberg,  à  ses  associés  ou  à  ses  premiers  successeurs? 
Où  en  trouve-t-on  des  exemplaires?  M.  de  Ricci  a  répondu  à  ces 
difficiles  questions  avec  une  précision,  une  abondance  de  renseigne- 


LIVRES    OFFERTS  13 

ments  surprenante.  Son  livre  est  l'un  des  plus  importants  et  des 
plus  utiles  qu'ait  publiés  la  Gutenberg-Gesellschaft,  Société  dans 
laquelle  les  Français  sont  malheureusement  bien  peu  nombreux. 
Deux  facsimilés  de  lettres  d'indulgences  de  1402  et  de  1480  com- 
plètent ce  beau  volume  sur  lequel  M.  Picot  croit  devoir  attirer 
l'attention  des  bibliographes. 

M.  Emile  Picot  dépose  en  outre  sur  le  bureau,  en  son  propre  nom, 
une  brochure  intitulée  :  Arlus  Fillon,  chanoine  d'Evreux  et  de  Rouen, 
puis  évèc/ue  de  Senlis  (Évreux,  1911,  in-8°). 

M.  Héron  de  Villekosse  ofï're  à  l'Académie,  au  nom  du  R.  P. 
Delattre,  correspondant  de  l'Académie,  conservateur  du  Musée 
Lavigerie,  les  travaux  suivants  : 

1°  Sceau  du  pape  Honorius  Iev,  trouvé  a  Carthaye  en  1911. 

Le  P.  Delattre  a  recueilli  à  Garthage,  entre  les  mains  d'un 
Bédouin,  une  bulle  de  plomb  qui  n'est  autre  que  l'empreinte  du 
sceau  du  pape  Honorius  Ier,  remontant  au  premier  tiers  du  vnc  siècle. 
Cette  bulle,  très  bien  conservée,  a  été  trouvée  près  des  anciens 
ports;  notre  zélé  correspondant  en  donne  un  dessin  accompagné 
d'intéressantes  explications.  La  publication  du  P.  Delattre  coïncide 
avec  celle  que  notre  confrère,  M.  Gustave  Schlumberger,  vient  de 
faire  paraître,  dans  les  Comptes  rendus  de  notre  Académie,  d'un 
instrument  en  fer  destiné  à  fabriquer  des  sceaux  de  plomb,  un  boullo- 
lirion  provenant  d'Asie  Mineure. 

2°  Les  dépendances  de  la  basilique  de  Damous-el-Karila  A  Car- 
thaye (exlr.  des  Comptes  rendus  de  VAcadémie,  1911). 

M.  Héhon  de  Villefosse  dépose  ensuite  sur  le  bureau,  au  nom  de 
l'auteur,  M.  le  commandant  Emile  Espérandieu,  correspondant  de 
l'Académie,  le  t.  IV  du  Recueil  général  des  bas-reliefs,  statues  et 
bustes  de  la  Gaule  romaine,  comprenant  la  deuxième  partie  de  la 
province  lyonnaise,  nos  27:i6  à  3G.C>0  (Paris,  Impr.   nat.,  1911,  in-4°). 


14 

SÉANCE  DU  19  JANVIER 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 

MM.  le  chanoine  Ulysse  Chevalier,  Bayet  et  le  Dr  Capitan 
écrivent  à  l'Académie  pour  se  porter  candidats  à  la  place  de 
membre  libre  laissée  vacante  par  la  mort  de  M.  Saglio. 

L'Académie,  sur  la  proposition  de  la  Commission  de  la  Fon- 
dation Benoît  Garnier,  vote  une  subvention  de  12.000  francs  à 
M.  le  capitaine  Tiiho,  à  l'effet  d'étudier  les  anciennes  communi- 
cations entre  le  lac  Tchad  et  le  Nil. 

M.  Maurice  Prou  lit  un  mémoire  sur  des  dalles  de  marbre 
provenant  d'une  clôture  de  chœur  de  l'église  de  Schœnnis  (can- 
ton de  Saint-Gall)  et  ornées  d'entrelacs  Par  comparaison  avec 
une  série  de  monuments  du  même  genre  conservés  en  Italie  ou 
en  France,  il  en  fixe  la  date  au  ixe  siècle. 

M.  Cagnat  achève  sa  communication  sur  la  frontière  romaine 
de  la  Tripolitaine.  A  cette  époque,  la  province  de  Tripolitaine, 
annexe  de  la  province  d'Afrique,  était  entourée  d'une  ceinture 
de  postes  fortifiés  qui  ont  été  en  partie  retrouvés  par  les  explo- 
rateurs français  et  par  les  officiers  des  Affaires  indigènes  du  Sud 
tunisien.  La  série  des  fortins  qui  joignait  la  pointe  méridionale 
du  massif  des  Matmatas  à  Tripoli  et  à  Lebda,  l'ancienne  Leptis 
Magna,  est  encore  mal  connue  ;  quelques  points  seulement  ont 
pu  être  identifiés.  Mais  dans  le  massif  lui-même  on  a  découvert 
et  même  fouillé  un  certain  nombre  de  castella  :  Dehibat,  Remada, 
Tlalet  près  de  Tatahouine,Benia  des  Ouled-Mahdi,  Ksar-Tarcine, 
Khanefi,  Benia-Ceder,  Henchir-Remtia,  Telmin.  A  côté  de  deux 
de  ces  ouvrages,  les  deux  Benia,  on  a  même  relevé  la  trace  d'un 
mur  de  pierre  précédé  d'un  fossé  qui  indiquait  la  limite  du  terri- 
toire romain  de  ce  côté.  Dans  ce  mur  était  ouverte  une  porte 
par  où  les  indigènes  pouvaient  le  franchir,  sous  la  surveillance 
de  postes  militaires.  En  outre,  le  long  des  routes  qui  de  la  fron- 


LIVRES    OFFERTS  45 

lière  se  dirigeaient  vers  l'intérieur  du  pays  étaient  échelonnés 
des  bordjs  fortifiés  :  à  Ghadamès,  à  Gharia-el-Garbia,à  Bondjem, 
à  Siaoun,  au  S.  du  massif  des  Matmatas,  à  Ksar-Ghelane  à  10.; 
enfin,  dans  l'intérieur  même  du  massif,  on  a  trouvé  la  trace  soit 
de  fortins  qui  gardaient  les  passages  importants,  soit  de  fermes 
fortifiées. 


LIVRES  OFFERTS, 


M.  Théodore  Reinach  dépose  sur  le  bureau  le  tome  cinquième 
des  Œuvres  complètes  de  Flavius  Josèphe,  traduites  en  français 
sous  sa  direction  :  Guerre  des  Juifs,  livres  I— III ,  traduction  de 
M.  René  Harmand  (Paris,  1912,  in-8°). 

Le  P.  Scheil  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  Au  nom  de  la  Commission  du  Corpus  Inscriptionum  Serniticarum, 
j'ai  l'honneur  de  présentera  l'Académie  le  1er  fascicule  du  tome  II 
des  Inscriptions  sabéo-himyarites.  Ce  fascicule,  œuvre  de  notre 
dévoué  auxiliaire,  M.  Mayer  Lambert,  ne  déparera  pas  une  série  que 
vos  confrères,  de  scientifique  mémoire,  Joseph  et  Hartwig  Deren- 
bourg,  ont  inaugurée  et  où,  par  un  labeur  heureusement  fécond, 
tous  deux  se  sont  illustrés. 

«  Vous  remarquerez  dans  l'exécution  du  présent  fascicule  deux 
innovations. 

«  La  première  se  rapporte  au  classement  des  inscriptions  de  même 
idiome.  L'expérience  a  montré  qu'un  principe  de  classement  par 
l'origine  des  monuments  était  défectueux.  Que  de  textes,  en  effet, 
qui  ne  renseignent  ni  directement  ni  indirectement  sur  leur  pro- 
venance!... Les  indications  d'un  marchand  d'antiquités  méritent  ici 
peu  de  crédit,  et  les  témoignages  des  explorateurs  ne  sont  pas  tou- 
jours décisifs  —  puisque  certains  monuments  ont  pu  être  déplacés 
au  cours  des  siècles  et  transportés  de  leur  lieu  naturel  là  où  les 
explorateurs  les  ont  découverts.  Dans  une  littérature  habituelle- 
ment religieuse,  le  principe  d'un  classement  par  le  nom  des  divinités 
invoquées  ou  mentionnées  parut  donc  plus  rationnel  et  fut  adopté 
sur  la  fin  par  Hartwig  Dereubourg  lui-même.  C'est  ainsi  que  le 
nouveau  fascicule  contient  exclusivement  des  inscriptions  consacrées 
à  Ihnaqah  ou  abusives  à  ce  dieu. 


16  [IVRES    OFFERTS 

«  L'autre  innovation  est  d'ordre  matériel  et  se  justifie  par  le 
développement  même  d'une  œuvre  si  considérable. 

«  A  l'éternel  Proslal  apud  Klincksieck  qui  ornait  maigrement  la 
dernière  page  de  la  couverture,  nous  avons  substitué,  avec  l'assenti- 
ment de  la  Commission,  un  tableau  synoptique  des  diverses  parties 
du  Corpus  Inscriptionum  Serniticarum  déjà  publiées.  Il  sera  utile, 
agréable  à  tous,  initiés  et  profanes,  de  pouvoir  mesurer  ainsi  d'un 
coup  d'œil  l'état  de  nos  travaux  et  suivre  les  progrès  d'une  entre- 
prise dont  le  terme,  j'espère,  reculera  toujours  comme  un  mirage 
oriental,  par  le  fait  d'incessantes  découvertes.  » 

M.  Collignon  fait  hommage  à  l'Académie,  au  nom  de  la  Commis- 
sion de  publication  des  fouilles  de  Delphes,  d'un  nouveau  fascicule 
du  tome  III  des  Fouilles  de  Delphes.  Epiyraphie.  Premier  fascicule 
(suite)  (Paris,  Fontemoing,  1911),  par  M.  Emile  Bourguet  : 

<(  M.  Bourguet  poursuit  avec  la  plus  louable  activité  la  partie  de  la 
publication  épigraphique  qui  lui  a  été  confiée.  Il  a  entrepris  tout 
d'abord  de  donner  le  recueil  des  textes  découverts  sur  le  parcours 
de  la  Voie  sacrée,  depuis  l'entrée  du  sanctuaire  jusqu'au  Trésor  des 
Athéniens,  dont  M.  Colin  a  commencé  à  publier  les  inscriptions. 
Déjà,  dans  un  fascicule  précédent,  qui  a  paru  en  1910,  M.  Bourguet 
avait  conduit  son  enquête  jusqu'à  la  muraille  qui  longe  la  Voie 
sacrée  à  droite,  après  la  base  des  Etoliens,  et  sur  laquelle  sont  gravés 
des  décrets  pour  les  Mégariens.  Ce  nouveau  fascicule  contient  une 
série  d'inscriptions  particulièrement  importantes,  celles  du  Trésor 
des  Siphniens  et  du  Trésor  des  Cnidiens.  Sans  discuter  à  fond  la 
question  si  controversée  de  l'identification  des  deux  Trésors, 
M.  Bourguet  a  cependant  réuni  un  ensemble  de  remarques  d'ordre 
technique  qui  l'ont  conduit  à  prendre  parti  et  à  donner  ses  raisons. 
Il  faudra  en  tenir  grand  compte  dans  l'étude  ultérieure  des  deux 
monuments.  Une  fois  de  plus,  je  tiens  à  remercier  M.  Bourguet  du 
concours  si  actif  et  si  utile  qu'il  apporte  à  la  publication  des  inscrip- 
tions, du  zèle  avec  lequel  il  a  rempli  les  missions  dont  il  a  été 
chargé,  et  à  le  féliciter  d'avoir  si  promptement,  et  sans  rien  sacrifier 
aux  exigences  scientifiques,  donné  une  suite  à  son  précédent 
travail.  » 


17 
SÉANCE  DU   26  JANVIER 


PRESIDENCE     DE    M.    LOUIS    LEGER. 

MM.  Radel  et  Adrien  Blanehet  écrivent  à  TAcadémie  pour  se 
porter  candidats  à  la  place  de  membre  libre  laissée  vacante  par 
la  mort  de  M.  Saglio. 

M.  Jullian  communique  de  la  part  de  M.  le  docteur  Gaston 
Lalanne,  de  Bordeaux,  une  ligure  en  relief,  en  pierre,  trouvée 
dans  ses  fouilles  de  Laussel.  Elle  remonte  aux  temps  auri- 
gnaciens.  Elle  représente  une  femme  stéatipygique,  nue,  tenant 
à  la  main  une  corne  de  bison.  Sculpture  rude,  vigoureuse, 
antérieure  sans  doute  aux  peintures  et  sculptures  zoomorphiques 
des  temps  magdaléniens,  et  lune  des  plus  anciennes,  et  peut-être 
la  plus  ancienne  figure  humaine  laissée  par  le  travail  des 
hommes. 

Laussel  est  près  des  Eyzies  (Dordogne). 

M.  J.  Loth  fait  une  communication  intitulée  :  Le  Cornwall  et 
le  roman  de  Tristan. 

Le  roman  de  Tristan,  tel  que  nous  le  connaissons  par  les 
poètes  français  du  xne  siècle,  trahit  la  collaboration  de  gens  de 
langue  anglaise,  française  et  celtique.  Le  berceau  idéal  du 
roman  serait  un  pays  où  les  trois  langues  eussent  été  parlées 
couramment  et  concurremment.  Ce  pays  existe.  M.  Loth 
montre  que  c'est  le  Cornwall. 

M.  Loth  retrouve  en  Cornwall  la  plupart  des  noms  de  lieu 
les  plus  importants  du  roman  :  la  demeure  du  roi  Marc,  Lancïen, 
est  aujourd'hui  un  village  en  Golant,  après  avoir  été  un  manoir 
important;  son  église,  Saint-Sampson,  est  tout  simplement  la 
chapellenie  de  Saint-Samson  en  Golant  devenue  paroisse  sous  le 
vocable  du  saint.  L'île  où  a  lieu  le  combat  entre  le  Morholt 
et  Tristan  paraît  être  Looe  Island,  à  9  milles  à  l'Est  de  Lanoïen. 
Le  Mal  Pas  nu  «  mauvais  passage  »  est  sur  la  rivière  de  Truro. 
La  Blanche  Lande  où  eut  lieu  le  jugement  d'Yseult  est  sur  la  rive 

19)2.  2 


18  SÉANCE    DU    2G    JANVIER    1912 

droite:  il  faut  traverser  le  Mal  Pas  (aujourd'hui  Malpas)  pour 
y  arriver  ;  etc. 

M.  le  Dr  Gapitau  fait  une  communication  sur  :  Les  caracté- 
ristiques de  V architecture  maya  ancienne  (Sud  du  Mexique). 

Les  caractéristiques  de  toute  architecture  sont  fort  complexes. 
Ou  peut  y  reconnaître  l'influence  :  1°  des  facteurs  locaux  : 
météorologiques  ^conditions  climatiques)  ou  encore  géologiques 
(matériaux  de  construction)  ;  2°des  facteurs  historiques,  ethniques 
et  religieux;  3°  des  facteurs  technologiques. 

M.  le  Dr  Gapitan,  dans  la  communication  actuelle,  ne  consi- 
dère que  deux  des  caractéristiques  de  l'architecture  maya, 
jusqu'ici  méconnues,  et  qui  sont  les  suivantes  : 

a)  Tous  les  grands  monuments  mayas  (temples  et  palais)  sont 
placés  sur  des  élévations  artificielles  plus  ou  moins  hautes; 

b)  L'étude  soigneuse  des  façades  de  divers  monuments  mayas 
montre  une  reproduction  très  nette,  en  pierre,  de  prototypes  en 
bois. 

Quelles  peuvent  être  les  origines  de  ces  particularités? 

Si  l'on  étudie  les  vieux  manuscrits  mexicains,  on  constate 
dans  le  texte  et  les  figures  que,  d'après  les  traditions,  les  Mexi- 
cains primitifs,  durant  leur  vie  nomade,  ont  construit,  pour  y 
placer  leurs  idoles,  de  petits  temples  en  bois  (et  non  en  pierre,  à 
cause  de  la  pénurie  de  cette  matière). 

D'autre  part,  ces  temples,  dès  l'origine,  étaient  placés  sur  des 
élévations  artificielles  de  terrain  (en  général  pour  les  protéger 
contre  les  inondations;  d'autre  part,  pour  les  rendre  visibles  de 
loin  et  en  même  temps  les  rapprocher  de  la  divinité). 

Le  développement  progressif  de  ces  deux  particularités  a 
amené,  par  des  transitions  qu'on  peut  reconnaître  dans  l'archéo- 
logie mexicaine,  au  très  haut  monticule  artificiel  (soit  à  sommet 
terminé  par  une  plate-forme,  soit  couronné  par  un  temple  ou  un 
palais)  qui  est  de  règle  durant  la  belle  civilisation  maya. 

Quant  à  la  construction  primitive  en  bois,  elle  s'est  perfec- 
tionnée peu  à  peu  et  s'est  ornée  de  sculptures.  Puis  ce  prototype 
a  été  copié  en  pierre.  L'étude  de  nombre  de  façades,  surtout 
dans  les  ruines  des  villes  antiques  d'Uxmal  et  de  Chichen  (Yuca- 
tan  ,  permet  de  reconnaître  aisément  tous  les  éléments  de  l'ar- 


RAPPORT    SUR    LA    FONDATION    l'IOT  10 

chitecture  en  bois,  traduite  en  pierre  (piles  de  bois,  poutres  avec 
extrémités  souvent  sculptées,  chevrons  décorés,  marqueterie, 
motifs  décoratifs  ajourés,  etc.).  Ces  divers  points  sont  démon- 
trés par  le  Dr  Capitan  au  moyen  de  nombreuses  projections 
représentant  des  figures  de  manuscrits  et  des  monuments  mayas 
antiques,  d'après  les  clichés  qu'il  a  pris  au  Mexique  ou  rapportés 
du  Yucatan  et  qu'il  fait  passer  devant  les  yeux  de  l'Académie  en 
les  accompagnant  des  explications  nécessaires. 

M.  le  comte  Dlrrieu  lit  en  comité  secret  son  rapport  sur  les 
travaux  exécutés  ou  encouragés  à  l'aide  des  arrérages  de  la 
Fondation  Piot  pendant  l'année  1911  ' . 


APPENDICE 


RAPPORT     SUR    LES    TRAVAUX     EXECUTES    OU     ENCOURAGES 

A    L'AIDE    DES    ARRÉRAGES    DE    LA    FONDATION    PIOT, 

LU    DANS    LA  SÉANCE    DU    26    JANVIER    1912 

PAR    M.    LE    COMTE    DURRIEU,    MEMBRE    DE    L 'ACADÉMIE. 

Messieurs, 

J'ai  l'honneur  de  vous  soumettre,  au  nom  de  la  Commis- 
sion de  la  Fondation  Piot,  le  rapport  annuel  sur  l'emploi 
des  arrérages  de  ladite  fondation  en  191  1 . 

I.  —  La  part  faite  pendant  Tannée  1911,  aux  Fouilles, 
Explorations  et  Missions  a  dû  être  forcément  maintenue 
dans  des  limites  plus  restreintes  que  précédemment.  Au 
cours  de  l'année  1910,  la  Commission  avait  répondu  à 
d'assez  nombreux  appels  venant  d'érudits  dignes  d'encou- 
ragement. Il  en  est  résulté  que,  les  fonds  ayant  été  large- 

l .  Voir  ci-après. 


20  RAPPORT    SLR    LA    FONDATION    PIOT 

ment  employés,  nous  avons  débuté  dans  Tannée  1911  avec 
un  reliquat  disponible  sur  l'année  précédente  se  montant 
seulement  à  3700  francs,  tandis  que  l'année  antérieure, 
c'est-à-dire  au  1er  janvier  1910,  le  reliquat  était  de  8260 
francs. 

Cette  situation  devait  évidemment  peser  sur  l'exercice. 
Cependant  les  demandes  de  subventions  pour  fouilles,  tra- 
vaux et  missions  n'ont  cessé  de  se  produire.  Pour  quel- 
ques-unes de  ces  demandes,  particulièrement  intéressantes, 
la  Commission  a  recouru  à  l'Académie  qui  a  trouvé  le 
moyen  de  tout  concilier  en  prenant  le  nécessaire  sur 
d'autres  revenus  que  ceux  de  la  Fondation  Piot.  Pour 
d'autres  requêtes,  la  décision  a  été  ajournée.  Néanmoins, 
notre  Commission  a  encore  exercé  son  rôle  avec  ampleur  ; 
mais  le  résultat  au  point  de  vue  financier,  c'est  que  le 
report  d'une  année  à  l'autre,  constituant  une  sorte  de  fonds 
de  réserve  qu'il  est  très  utile  de  maintenir,  après  être 
tombé  entre  1910  et  1911  de  8260  francs  à  3700,  se 
serait  encore  abaissé  entre  1911  et  1  ouverture  de  l'exer- 
cice 1912,  de  3700  à  2590  francs,  s'il  ne  s'était  pas  pro- 
duit au  dernier  moment  un  remboursement,  non  prévu, 
d'une  somme  de  1500  francs  inemployée  (par  M.  Homo). 

Il  y  a  là  un  état  de  choses  qui  a  justement  préoccupé  les 
membres  de  la  Commission.  Ils  se  sont  rappelé  que  notre 
illustre  confrère  disparu,  Léopold  Delisle,  qui  fut  membre 
de  la  commission  dès  sa  création,  insistait  toujours  pour 
qu'après  les  périodes  de  grandes  dépenses  on  s'efforçât  de 
reconstituer  une  encaisse  de  quelque  importance,  par  le  jeu 
des  rentrées  successives  des  arrérages  de  la  rente.  Il  peut, 
en  effet,  se  présenter  tel  cas  urgent  qui  rendrait  préju- 
diciable le  défaut  d'existence  d'une  certaine  disponibilité 
immédiate. 

En  conséquence,  sur  la  proposition  de  M.  Pottier,  dont 
l'avisa  été  partagé  par  l'unanimité  des  membres  présents, 
la  Commission    Piot  a  décidé  de  s'imposer  à  elle-même,  au 


RAPPORT    SLR    LA    FONDATION    PIOT  21 

moins  pendant  quelques  mois,  la  règle  d'une  très  grande 
économie  afin  de  relever  la  situation  budgétaire.  L'Aca- 
démie comprendra  certainement  les  raisons  de  prudence 
qui  ont  inspiré  cette  décision. 

Il  est  aussi  un  autre  côté  de  la  question  que  notre  Com- 
mission ne  doit,  je  dirai  même  ne  peut  pas  perdre  de  vue. 
C'est  cette  considération  que  les  allocations  individuelles  ne 
sont  pas  faites  seulement  en  faveur  des  bénéficiaires,  mais 
qu'elles  entraînent  pour  ceux-ci  l'obligation  d'en  tirer  un 
profit  scientifique,  directement,  pour  l'Académie  elle-même. 
Il  faut  que  celle-ci  soit  tenue  la  première  au  courant  des 
résultats  obtenus  et  des  découvertes  faites. 

Je  me  hâte  d'ajouter  qne  cette  sorte  d'engagement  synal- 
lagmatique  a  généralement  reçu  son  exécution.  Vous  avez 
entendu,  dans  vos  séances  de  1911,  deux  des  érudits  qui 
avaient  reçu  des  subventions  l'année  précédente,  MM.  Louis 
Châtelain  et  le  Dr  Carton,  venir  vous  donner  de  nouveaux 
détails  sur  les  fouilles  qu'ils  ont  exécutées,  le  premier  à 
Mactar  en  Tunisie  (Comptes  rendus,  1911 ,  p.  505),  le  second 
sur  l'emplacement  de  Bulla  Regia  (Comptes  rendus, 
p.  595)  ;  ceci  sans  parler  des  communications  renouvelées 
de  M.  Merlin  sur  la  merveilleuse  trouvaille  de  Mahdia 
(Comptes  rendus,  p.  556). 

Nous  ne  doutons  pas  que  les  bénéficiaires  du  legs  Piot 
ne  tiennent  toujours  à  honneur  de  remplir  ainsi  leur  devoir 
vis-à-vis  de  l'Académie. 

Les  subventions  accordées  au  cours  de  1911  ont  été  les 
suivantes  : 

M.  Gabriel  Leroux  a  reçu  la  seconde  moitié  d'un  crédit 
total  de  2000  francs  qui  lui  avait  été  alloué  en  1910,  ainsi 
que  vous  l'annonçait  le  rapport  de  l'an  dernier,  à  l'effet  de 
préparer  en  Espagne  un  catalogue  des  vases  grecs  du  Musée 
archéologique  national  et  du  Musée  du  Prado.  Je  vous 
parlerai  dans  un  moment  du  résultat  de  cette  mission. 

Une  subvention   de   500    francs   a   été  régularisée   cette 


22  RAPPORT    SUR    LA    FONDATION    PIOT 

année  en  faveur  de  M.  F. -P.  Thiers  pour  ses  fouilles  dans 
le  voisinage  de  Castel-Roussillon,  sur  l'emplacement  de 
l'antique  cité  de  Ruscino.  M.  Héron  de  Villefosse  vous 
a  donné  lecture,  le  3  février  dernier,  d'une  note  de  M.  F. -P. 
Thiers  qui  fait  ressortir  l'intérêt  de  ces  fouilles  (Comptes 
rendus,  p.  145).  Une  subvention  de  2000  francs  a  été 
accordée  à  M.  le  capitaine  Raymond  Weill  en  vue  d'aller 
en  Egypte  étudier  un  terrain  de  fouilles  à  entreprendre. 
Une  communication  faite  dans  votre  séance  du  27  janvier 
1911  vous  a  montré  ce  que  l'on  peut  espérer  d'un  travail- 
leur tel  que  M.  Raymond  Weill  (Comptes  rendus,  pp.  49 
et  268). 

Une  subvention  de  1500  francs  avait  été  aussi  votée  à 
M.  Homo  pour  un  travail  à  poursuivre  en  Italie.  Il  n'a 
pas  pu  utiliser  cette  allocation  et  l'a  reversée. 

Un  cas  analogue  s'est  présenté  pour  M.  Georges  Seure 
dont  vous  parlait  votre  rapporteur  de  l'an  dernier  et  qui, 
par  suite  de  certaines  questions  indépendantes  de  sa  volonté, 
a  dû  ajourner  les  fouilles  qu'il  projetait  de  faire  dans  la 
nécropole  de  Périnthe  en  Thrace. 

II.   —  Ouvrages  subventionnés. 

Je  vous  ai  dit  que  M.  Gabriel  Leroux  avait  obtenu  le 
concours  de  la  Commission  pour  aller  préparer  en  Espagne 
un  catalogue  de  vases  grecs. 

La  préparation  scientifique  de  l'ouvrage  étant  achevée,  il 
s  agit  de  le  publier.  La  Commission  a  alloué  dans  ce  but 
une  nouvelle  subvention  de  2000  francs  payable  par  moitié 
sur  l'exercice  de  1911  et  par  moitié  sur  l'exercice  1912. 
Grâce  à  cette  subvention,  M.  Gabriel  Leroux  va  pouvoir 
nous  donner  son  livre  qui  aura  été  ainsi  doublement 
facilité  par  la  Commission  Piot,  d'abord  dans  son  élabo- 
ration et  plus  tard  dans  son  impression. 

L'éditeur  Leroux  a  reçu  0000  francs  pour  le  tome  XYIII 
des  Monuments  et  Mémoires  de  la  Fondation  Piot,  dont  les 
deux  fascicules  vous  ont  été  distribués  au  cours  de  Tannée 


RAPPORT    SUR    LA    FONDATION    PIOT  23 

dernière  (31  mars  et  20  octobre).  C'est  un  recueil  de  neuf 
articles  et  de  XXI  planches.  Vous  y  retrouvez,  parmi  les 
signatures  d'articles,  les  noms  de  nos  confrères  MM.  Paul 
Foucart  et  Charles  Diehl. 

Une  somme  de  1150  francs  a  été  payée,  afférente  à  la 
publication  du  Recueil  général  des  monnaies  grecques  d'Asie 
Mineure  commencé  par  Waddington  et  continué  par  nos 
confrères  MM.  Babelon  et  Théodore  Reinach.  Le  3e  fasci- 
cule du  tome  I  de  ce  recueil  vous  a  été  distribué  le  21  jan- 
vier   1911. 

En  1910,  vous  aviez  reçu  la  première  livraison  des  Nou- 
velles Fouilles  de  Tello  par  le  Commandant  Gaston  Gros, 
publiées  avec  le  concours  de  Léon  Heuzey  et  François  Thu- 
reau-Dangin.  La  seconde  livraison  vous  a  été  distribuée  le 
13  février  1911.  Cette  œuvre,  vous  le  savez,  fait  partie  des 
publications  de  la  Mission  française  de  C lia  Idée.  Qu'il  me 
soit  permis  de  rappeler  l'honneur  si  mérité  auquel  l'Acadé- 
mie a  été  heureuse  de  s'associer  et  qui  a  été  rendu  récem- 
ment à  l'éminent  confrère  qui  dirige  les  travaux  de  la  Mis- 
sion de  Chaldée,  M.  Léon  Heuzey. 

Dans  la  séance  du  6  octobre  1911,  vous  receviez  un 
nouveau  témoignage  de  l'activité  de  la  Mission  avec  la 
deuxième  partie  du  tome  II  de  Y  Inventaire  des  Tablettes  de 
Tello  conservées  au  Musée  Impérial  de  Çonstantinople 
[Texte  de  V  époque  dWgadé  et  de  !  époque  d'Ur)  publié  par 
M.  Henri  de  Genouillac. 

C'est  encore  vers  les  régions  de  l'Assyrie  que  nous 
reporte  un  autre  ouvrage  qui  vous  a  été  distribué  le  21 
avril  1911,  V Inventaire  des  cylindres  orientaux  et  des 
cachets  assyro-baby Ioniens,  perses  et  sy  ro-cappadociens  du 
Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  nationale,  par 
M.  Louis  Delaporte. 

L'an  dernier,  nous  vous  indiquions  que  la  Commission 
avait  affecté  une  somme  de  1800  francs  à  la  publication, 
par  l'éditeur  Leroux,  d'un  ouvrage  de  notre  confrère  M.  Col- 


24  LIVRES    OFFERTS 

lig-non  intitulé  :  Les  Statues  funéraires  dans  Varl  grec.  Vous 
avez  reçu  ce  beau  livre  au  mois  de  mars.  Je  n'ai  pas  à 
vous  en  faire  l'éloge  ;  le  nom  de  l'auteur  suffit  à  tout  dire. 

Je  terminerai  par  une  heureuse  annonce.  Un  autre  de 
nos  confrères,  M.  de  Lasteyrie,  a  préparé  un  livre  ample- 
ment illustré  sur  Y  Architecture  religieuse  en  France  à 
l'époque  romane.  La  Commission  Piot  a  voté  une  souscrip- 
tion de  2.000  francs  pour  cet  ouvrage,  qui  vient  de  paraître, 
et  dont  vous  pourrez  apprécier  toute  l'importance. 

Nous  vous  demandons,  Messieurs,  de  vouloir  bien  approu- 
ver ce  compte  rendu  de  l'emploi  des  fonds  au  cours  de 
Tannée  qui  vient  de  finir. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  de  l'Académie  : 
1°  U  architecture  religieuse  en  France  à  Vépoque  romane,  par  M.  de 

Lasteyrie,  membre  de  l'Institut  (ouvrage  publié  avec  le  concours  de 

l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  sur  les  arrérages  de  la 

Fondation  Piot)  (Paris,  1912,  in-4°); 
2°  Le    n°    janvier-juin     1911    du     Bulletin    de    l'Ecole    française 

d'Extrême-Orient  (Hanoï,  1911,  in-8°). 

M.  Héron  de  Yillefosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  M.  C. 
Mauss,  ai'chitecte  honoraire  du  Gouvernement,  un  travail  intitulé  : 
L'Eglise  du  Saint-Sépulcre  à  Jérusalem  (Paris,  1911,  in-8°). 

«  L'historien  arabe  Edrisi  rapporte  qu'en  11b i  l'église  du  Saint- 
Sépulcre  avait  à  l'Ouest  deux  entrées,  la  Porte  Occidentale  et  la 
Porte  Sainte-Marie.  La  première  conduisait  clans  la  galerie  supérieure 
de  la  rotonde,  la  seconde  s'ouvrait  sur  un  escalier  de  trente  marches 
qui  donnait  accès  dans  les  parties  basses  de  l'édifice. 

«  Pendant  longtemps  chargé  de  veiller,  comme  architecte  du  Minis- 
tère des  affaires  étrangères,  à  la  conservation  des  églises  de  Terre 
Sainte,  M.  Mauss  les  a  étudiées  d'une  manière  spéciale.  Le  texte 
d'Edrisi  lui  fournissait  une  occasion  de  rechercher  les  documents 


LIVRES    OFFERTS  2>r) 

anciens,  notes  des  voyageurs  ou  travaux  des  archéologues,  relatifs  à 
ces  édifices.  Un  plan  de  Bernardino  Amico,  daté  de  1590,  lui  a  permis 
de  faire  une  adaptation  graphique  du  texte  arabe  et  il  a  pu  démon- 
trer que  la  portion  du  grand  escalier  à  ciel  ouvert,  indique  sur  ce 
plan,  existait  encore  à  la  fin  du  xvnr  siècle  et  même  en  1817, 
époque  du  voyage  du  comte  de  Forbin.  Malheureusement  la  politique 
étroite  qui  s'agite  autour  du  Saint-Sépulcre  a  toujours  été  un  obstacle 
à  la  restauration  de  ce  magnifique  monument. 

«  La  première  partie  du  mémoire  est  accompagnée  de  plusieurs 
relevés  intéressants  et,  en  particulier,  d'un  plan  de  l'ancienne 
chapelle  des  Patriarches,  en  partie  démolie  en  1807. 

«  La  seconde  partie  est  consacrée  à  la  recherche  de  la  mesure 
ouvrière  de  la  rotonde  du  Saint-Sépulcre,  travail  qui  vient  s'ajouter 
à  tous  ceux  que  M.  Mauss  a  déjà  publiés  sur  le  système  métrique  de 
l'antiquité.  » 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE  DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE  DU    2  FÉVRIER 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

MM.  le  comte  de  Laborde  et  le  commandant  Espérandieu 
écrivent  à  l'Académie  pour  se  porter  candidats  au  fauteuil  de 
M.  Saglio. 

M.  Loth  achève  la  lecture  de  sa  communication  sur  le  Cornwall 
et  le  roman  de  Tristan. 

M.  Paul  Meyer  présente  quelques  observations. 

M.  Gagnât  fait  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  la 
frontière  romaine  de   la  Tripolitaine. 

M.  Jules  Martha  présente  le  résultat  des  recherches  qu' il  a 
entreprises  sur  la  langue  étrusque;  cette  langue,  dont  on  a  de 
nombreux  textes,  est  restée  jusqu'ici  inintelligible.  M.  Martha  a 
reconnu  qu'elle  a  des  affinités  d'origine  avec  le  hongrois,  le 
linnois  et  les  idiomes  congénères.  En  se  servant  de  ces  langues, 
il  a  réussi  à  traduire  les  textes.  Il  fait  devant  l'Académie  l'épreuve 


28  LIVRES    OFFERTS 

de  sa  méthode  en  traduisant  et  en  commentant  diverses  inscrip- 
tions, notamment  une  sentence  arbitrale  et  une  consultation  faite 
à  un  dieu   guérisseur  avec   la  réponse  du  dieu. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Havet  offre  de  la  part  de  M.  l'abbé  Paul  Lejay  son  édition  des 
Satires  d'Horace,  édition  extrêmement  soignée  en  ce  qui  touche  la 
critique,  avec  classement  spécial  des  manuscrits,  fait  en  vue  des 
satires,  et  avec  vérification  d'un  grand  nombre  de  leçons  manu- 
scrites. 

Cette  édition  est  accompagnée  d'un  commentaire  qu'on  doit  consi- 
dérer comme  le  plus  complet,  le  plus  approfondi  et  le  plus  mûri  qui 
existe.  L'ampleur  des  recherches  faites  par  M.  Lejay  ressortira  de 
quelques  chiffres.  L'introduction  générale  contient  cent  vingt  pages 
grand  in-8°,  et  deux  cent  vingt  pages  sont  occupées  par  les  dix-huit 
introductions  particulières  placées  devant  chacune  des  dix-huit 
satires.  Le  commentaire  est  d'une  telle  richesse  que  le  texte  d'Horace 
est  imprimé  à  raison  de  cinq  vers  et  demi  par  page  en  moyenne.  Si 
l'on  songe  que,  dans  ce  qui  est  de  son  œuvre  personnelle,  M.  Lejay 
n'a  rien  admis  qui  ne  fût  instructif,  et  que  son  style  est  remarqua- 
blement serré,  on  se  fera  une  idée  du  labeur  —  labeur  aussi  judi- 
cieux qu'énorme  —  qu'a  dû  coûter  un  pareil  monument. 

Tous  les  travaux  qui  intéressent  les  satires  de  près  ou  de  loin 
ont  été  dépouillés;  toutes  les  questions  sont  traitées  avec  la  même 
conscience,  qu'elles  concernent  la  prosodie,  les  institutions,  la 
topographie  ou  l'identification  des  espèces  végétales.  Et  comme  on 
peut  s'y  attendre,  M.  Lejay  a  tiré  grand  parti  de  sa  rare  familiarité 
avec  la  syntaxe,  qu'il  envisage  toujours  dans  son  histoire. 

Tout  d'ailleurs  est  vu  ici  historiquement;  l'esprit  historique,  qui 
est  l'esprit  même  de  M.  Lejay,  domine  les  notes  comme  les  intro- 
ductions diverses.  Peu  de  commentateurs  savent  éclairer  chaque 
détail  si  complètement  par  toutes  les  lumières  et  toutes  les  lueurs 
du  dehors.  Peu  savent  si  bien  situer  l'ensemble  d'un  morceau  par 
rapport  à  son  ambiance  romaine  et  à  ses  antécédents  grecs.  Là  est 
l'intérêt  capital  des  vastes  introductions  mises  en  tête  de    chaque 


SÉANCE    DU    9    FÉVRIER    1912  29 

satire,  et  qui  constituent  la    nouveauté  la  plus  saillante  delà  nou- 
velle publication. 

M.  Gagnât  offre  de  la  part  de  MM.  Besnier  et  Lantier  les  Tables 
générales  de  VAnnée  êpigrâphiqtie  de  1901  à  1910. 


SÉANCE  DU  9  FÉVRIER 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

M.  Gagnât,  à  propos  de  la  correspondance,  s'exprime  ainsi  : 
«  L'Académie  a  renvoyé  à  mon  examen  un  rapport  communi- 
qué par  M.  le  général  Moinier,  commandant  en  chef  les  troupes 
débarquées  au  Maroc.  Ce  rapport  est  dû  à  M.  le  capitaine 
Venet,  du  6e  bataillon  colonial  de  marche,  chargé  par  son  com- 
mandant M.  le  chef  de  bataillon  Michelangeli  d'explorer  des 
ruines  romaines  situées  sur  l'Oued-Sebou,  qui  portent  le  nom 
de  Sidi-Ali-bou-Djenoun.  Ces  ruines  ont  été  signalées  depuis 
longtemps  par  Tissot  '  et  M.  La  Martinière.  Ce  sont  celles 
d'une  station  importante  de  la  voie  romaine  de  Lixus  à  Sala, 
qui  se  nommait  Colonia  Banasa;  c'est  ce  que  nous  apprend  une 
inscription  latine  que  M.  le  capitaine  Venet  a  retrouvée  à  l'en- 
droit où  l'avaient  vue  ses  prédécesseurs2.  Cet  officier  a  fait  des 
sondages  dans  les  ruines  et  mis  à  nu  quelques  murs,  autrefois 
revêtus  de  plaques  de  marbre.  M.  le  général  Moinier  a  l'inten- 
tion de  faire  continuer  les  fouilles,  qui  seront  assurément  fruc- 
tueuses. Une  fois  de  plus,  nos  officiers  d'Afrique  auront  bien 
mérité  de  l'archéologie.  » 

MM.  Omont  et  N.  Valois  sont  élus  membres  de  la  Commis- 
sion de  publication  des  Chartes  et  Diplômes,  en  remplacement 
de  MM.  Delisle  et  Longnon,  décédés. 

1.  Recherches  sur  la  géographie  comparée  de  la  Maurélanie  Tingitane, 
p.  277. 

2.  Tissot,    loc.   cil.,  p.  279;  C.I.L.,  VIII.   21819. 


30  RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL 

M.  Jules  Martha  termine  sa  lecture  sur  l'interprétation  de  la 
langue  étrusque.  Il  montre,  par  des  exemples  tirés  du  texte  de 
la  momie  d'Agram,  comment  on  peut  analyser  les  divers  élé- 
ments d'un  texte  étrusque,  comment  on  reconnaît  les  verbes,  les 
substantifs,  comment  s'ordonnent  les  mots  dans  la  phrase  et 
comment  les  phrases  se  groupent.  Il  finit  en  donnant  la  traduc- 
tion des  passages  les  mieux  conservés  de  la  momie  d'Agram. 
Ces  passages  sont  des  fragments  d'un  rituel  de  prières  mêlé  de 
conseils  pratiques  à  l'usage  des  navigateurs. 

M.  Théodore  Reinacii  demande  à  M.  Martha  si  sa  théorie 
s'accorde  avec  les  18  mots  étrusques  environ  dont  le  sens 
nous  est  donné  par  les  anciens. 

M.  Martha  montre  que  sa  théorie  se  vérifie  pour  deux  au 
moins  des  mots  en  question. 

M.  Bréal  rend  hommage  aux  recherches  de  M.  Martha  et 
désire  que  son  travail  soit  contrôlé  par  des  savants  spécialisés 
dans  les  langues  que  M.  Martha  a  utilisées  pour  établir  ses 
résultats. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret  pour  entendre  la 
lecture  du  rapport  du  Secrétaire  perpétuel  sur  les  travaux  des 
Commissions  de  publication  pendant  le  second  semestre  de 
1911  '. 


APPENDICE 


Rapport  du  secrétaire  perpétuel  de  l'académie  des  inscriptions 

ET  BELLES-LETTRES  SUR  LES  TRAVAUX  DES  COMMISSIONS  DE  PUBLI- 
CATION DE  CETTE  ACADÉMIE  PENDANT  LE  SECOND  SEMESTRE  DE  1911, 
LU  DANS  LA  SÉANCE  DU  9  FÉVRIER   1912. 

Mes  chers  Confrères, 
Depuis  le  rapport  sur  les  travaux  et  les  publications  de  l'Aca- 
démie que  je  vous  ai  présenté  dans  la  séance  du  4  août  1911, 
il    aurait   dû    paraître   au    moins    un    volume   des   publications 

1 .  Voir  ci-après. 


RAPPORT    Df    SECRÉTAIRE    PERPÉTUEL  31 

réglementaires  de  l'Académie,  le  tome  XXXVIII  de  nos  Mémoires. 
Le  titre  et  la  table  en  ont  été  remis  à  l'Imprimerie  nationale 
depuis  le  commencement  de  janvier.  Nous  attendons  toujours 
les  exemplaires. 

De  ce  volume  ont  été  distribués  les  tirages  à  part  dont  les 
titres  suivent  : 

C'1'  Durrieu,  Michelino  da  Besozzo  et  les  relations  entre  l'art 
italien  et  l'art  français  à  l'époque  du  règne  de  Charles  VI. 

Théodore  Reinach,  L'anarchie  monétaire  chez  les  anciens 
Grecs. 

Dieulafoy,  Le  Mausolée  d' liai  icarnasse  et  le  Trophée  d'Au- 
guste. 

Le  tome  XXXIX  est  en  préparation.  Il  en  a  déjà  été  distribué 
un  tirage  à  part  : 

Morel-Fatio,  Une  Histoire  inédite  de  Charles-Quint,  par  un 
fourrier  de  sa  cour. 

Pour  ce  même  volume,  il  a  été  envoyé  à  l'imprimerie  un 
article  de  M.  Dieulafoy  intitulé  :  La  bataille  d'Issus. 

Du  tome  XII  des  Mémoires  des  savants  étrangers  ont  été 
distribués  deux  tirages  à  part  : 

Sidersky,  Etude  sur  l'origine  astronomique  de  la  chronolo- 
gie juive. 

Henri  Viollel,  Fouilles  à  Samara  en  Mésopotamie  ;  un  Palais 
musulman  au  IXe  siècle. 

Voici  l'état  du  tome  XXXIV  de  l'Histoire  littéraire  de  la 
France  : 

Les  feuilles  1  à  43  sont  tirées.  Elles  contiennent  des  articles 
sur  Guillaume  de  Mandagout,  Bérenger  Frédol,  par  M.  Viollet, 
sur  Jacques  de  Thérines,  Jean  de  Pouilli,  Jean  Bigaud,  Guil- 
laume de  Sanqueville,  Hervé  Nédelec,  par  M.  Noël  Valois.  Tous 
ces  auteurs  sont  des  canonistes  ou  des  théologiens  du  commen- 
cement du  xiv"  siècle. 

En  bon  à  tirer,  la  feuille  44,  qui  contient  la  fin  de  la  notice 
d'Hervé  Nédelec. 

Des  placards,  qui  donneront  les  feuilles  45  à  47,  renferment  la 


32  RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL 

notice  d'Etienne  Maleu,  chroniqueur  du  commencement  du 
xive  siècle,  par  M.  A.  Thomas,  et  les  Bestiaires  en  français,  du 
XIIIe  au  XIVe  siècle,  par  M.  Paul  Meyer. 

M.  Valois  lit  en  ce  moment  à  la  Commission  une  notice  très 
développée  sur  le  pape  Jean  XXII. 

Pour  la  série  des  Chartes  et  Diplômes,  l'Académie  a  attribué 
à  M.  Prou  la  direction  de  la  publication  des  actes  royaux  caro- 
lingiens et  de  ceux  des  trois  premiers  capétiens,  Hugues  Gapet, 
Robert  et  Henri. 

L'impression  du  Recueil  des  actes  de  Louis  IV,  dont  la 
rédaction  a  été  confiée  à  M.  Philippe  Lauer,  se  poursuit  clans 
des  conditions  normales.  Depuis  qu'a  été  présenté  mon  dernier 
rapport,  il  a  été  donné  le  bon  à  tirer  de  trois  feuilles.  Les  huit 
premières  feuilles  sont  ainsi  corrigées  ou  en  pages.  Les  pla- 
cards 31  à  50,  qui  complètent  le  volume,  sauf  l'introduction  et 
les  tables,  corrigés  en  seconde  épreuve,  sont  prêts  à  être  mis  en 
pages. 

Le  manuscrit  du  Recueil  des  actes  des  rois  de  Provence, 
rédigé  par  M.  René  Poupardin,  a  été  entièrement  composé.  H 
forme  55  placards,  dont  22,  qui  comprennent  les  actes  de  Charles 
et  Boson,  ont  été  corrigés. 

M.  Élie  Berger  s'est  attaché,  comme  à  un  pieux  devoir,  à 
l'achèvement  de  ce  Recueil  des  actes  de  Henri  II,  roi  d'Angle- 
terre et  duc  de  Normandie  (1154-1189)  dont  la  préparation 
avait  occupé  les  dernières  années  de  M.  Léopold  Delisle.  Actuel- 
lement, les  textes  sont  presque  tous  en  état;  mais  il  reste  encore 
à  procéder  à  la  recherche  et  à  la  transcription  de  quelques 
pièces  qui  ont  pu  échapper  à  M.  Delisle.  M.  Berger  a  aussi  à 
faire  une  révision  générale  des  dates  et  des  indications  biblio- 
graphiques, ainsi  qu'à  rédiger  un  grand  nombre  de  notes.  Il 
espère  pouvoir  apporter  à  l'Académie ,  vers  le  commencement 
de  l'été,  le  manuscrit  d'un  premier  volume  de  textes.  Il  emploie- 
rait le  reste  de  l'année  à  achever  la  préparation  du  second 
volume  de  textes. 

En  même  temps  qu'il  consacre  toutes  les  heures  dont  il  peut 


RAPPORT     DU    SECRÉTAIRE    PERPÉTUEL  33 

disposer  à  ce  travail  qui  est  un  legs  de  son  maître,  M.  Berger  se 
préoccupe  de  faire  aboutir  les  autres  recueils  de  la  même  série 
dont  la  direction  lui  a  été  confiée,  et  voici  les  nouvelles  qu'il 
m'en  donne  : 

Actes  de  Philippe  Auguste,  1180-1 -223. 

M.  François  Delaborde  pousse  très  activement  son  travail.  Il 
espère  terminer  pour  la  fin  de  l'année  1912  le  tome  Ier  de  ce 
grand  recueil  qui  comptera  en  tout  cinq  volumes.  Les  volumes 
suivants  pourront  être  mis  sur  pied  plus  rapidement,  M.  Dela- 
borde ayant  entièrement  acbevé  ses  dépouillements  et  pris  des 
photographies  de  presque  toutes  les  pièces  originales. 

Actes  de  saint  Louis,  1226-1270,  recueil  confié  à  MM.  Georges 
Daumet  et  Henri  Stein. 

M.  Daumet  dépouille  en  ce  moment  les  cartulaires  pour  y 
relever  tous  les  actes  de  saint  Louis  qui  s'y  trouvent  contenus. 
Il  a  également  commencé  à  dépouiller  divers  fonds  des  Archives 
nationales.  On  ne  peut  pas  encore  savoir  quelle  sera  l'impor- 
tance numérique  de  cette  collection,  ni  de  combien  de  volumes 
elle  se  composera. 

Actes  de  Louis  VIL  M.  Halphen,  qui  en  est  chargé,  n'a, 
depuis  l'été  dernier,  fourni  à  M.  Berger  aucun  nouveau  rensei- 
gnement sur  l'état  d'avancement  du  travail  qui  lui  est  confié. 

Pour  ce  qui  est  de  cette  publication  des  Pouillés  et  des  Obi- 
luaires  dont  notre  regretté  confrère  M.  Longnon  s'occupait  avec 
tant  de  zèle  et  avec  toutes  les  ressources  de  connaissances  très 
spéciales  qu'il  était  seul  à  posséder,  si  nous  ne  voyons  pas  encore 
par  qui  et  dans  quelles  conditions  la  suite  de  ces  recueils 
pourra  être  continuée,  tout  au  moins  savons-nous  que  rien  ne 
sera  perdu  du  travail  que  M.  Longnon  a  poursuivi  jusqu'au  jour 
où  la  maladie  lui  a  fait  tomber  la  plume  des  mains.  C'est  ce 
que  j'apprends  par  M.  Omont,  qui  a  bien  voulu  se  charger  de 
faire  les  constatations  nécessaires. 

Pouillés.  Le  texte  du  tome  Y  (province  de  Trêves)  a  été  com- 
plètement imprimé,  ainsi  que  la  table,  par  M.  Longnon.  Pour 
terminer  le  volume,  il  ne  reste  plus  qu'à  écrire  l'introduction. 
La  rédaction  de  cette  introduction  a  été  confiée  par  l'Académie, 
sous  la  direction  de  notre  confrère  M.  Maurice  Prou,  à  M.  l'abbé 
1912.  3 


3i  RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL 


l 


Victor    Carrière,    que    M.    Longnon    avait    déjà    choisi   comme 
collaborateur  pour  celte  tâche. 

Le  tome  VI  province  de  Reims)  forme  deux  volumes  entiè- 
rement terminés  et  dont  tous  les  bons  à  tirer  ont  été  envoyés  à 
l'Imprimerie  nationale.  Quelques  jours  avant  de  nous  être 
enlevé,  M.  Longnon  avait  reçu  la  mise  en  pages  de  l'introduc- 
tion. Notre  'confrère  M.  Henri  Omont  a  pris  soin  de  revoir  les 
dernières  épreuves  de  celte1  introduction  et  les  deux  volumes 
pourront  être  prochainement  mis  en  distribution. 

Le  tome  VII  (province  de  Bourges)  en  est  resté  au  point  où  il 
était  en  juillet  dernier.  Les  placards  1  à  36  en  étaient  alors 
entre  les  mains  de  M.  Longnon  et,  depuis  ce  moment,  il  n'avait 
pas  eu  le  loisir  de  pousser  plus  loin  la  rédaction  de  ce  volume, 
pour  laquelle  il  n'a  pas  laissé  de  matériaux  réunis  et  classés.  La 
Commission  des  Historiens  de  France  aura  à  se  préoccuper  dé 
la  continuation  et  de  l'achèvement  de  ce  volume. 

Ohiluaires.  Du  tome  IV  (province  de  Sens)  les  feuilles  1  à  40 
sont  tirées.  Les  feuilles  41  à  45,  que  M.  Longnon  ai  encore  pu 
corriger  dans  les  derniers  jours  de  sa  vie,  sont  en  bon  à  tirer. 
La  suite  est  composée  (placards  164  à  240).  M.  Omont  a  bien 
voulu  se  charger  de  revoir  ces  placards  et  de  corrigerles  épreuves! 
Grâce  à  ce  concours,  dont  l'Académie  sera  reconnaissante  â 
notre  confrère,  le  volume  pourra  être  achevé  dans  le  courant  de 
cette  année.  L'Académie  aura  ensuite  à  décider  si  elle  reprend 
et  continue  la  publication  des  Pouillés  et  Ohiluaires. 

M.  Charles  Kohler  travaille  à  réunir  les  matériaux  du  volume 
des  Historiens  occidentaux' des  Croisades  dont  la  préparation 
lui  a  été  confiée.  Il  serait  bon,  je  crois,' que  la  Commission  spé- 
ciale à  laquelle  il  avait  communiqué  son  plan  le  convoquât  un 
de  ces  jours  afin  de  s'entendre  avec  lui,  dune  manière  définitive, 
sur  la  composition  du  volume  et  le  format  qui  sera  adopté. 

La  préparation  du  Corpus  Inscriptionum  Semitica.ru m  n'est 
pas  interrompue:  elle  se  continue  sur  presque  toute  la  ligne.  Le 
.")  fascicule  qui  terminera  le  tome  II  de  là'  partie  I  ou  partie 
phénicienne  est  sur  chantier.  La  première  partie  de  ce  fascicule 


RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL  3o 

est  à  l'impression.  Kile  comprend  les  grandes  inscriptions  dédi- 
catoires  découvertes  depuis  le  commencement  de  la  publication 
et  les  inscriptions  funéraires.  La  fin  du  fascicule  sera  formée  par 
les  inscriptions  peintes,  les  grailites  et  toute  la  snpellex  varia. 

Pour  la  partie  II,  Inscriptions  araméennes,  la  copie  du  pre- 
mier fascicule  des  Inscriptions  palmyréniennes  a  été  envoyée  à 
l'imprimerie.  Le  reste  de  ce  fascicule,  dont  la  rédaction  est 
terminée,  y  sera  expédié  très  prochainement.  Il  ne  reste  qu'à 
compléter  quelques  indications  bibliographiques. 

De  la  partie  III,  Inscriptions  hébraïques,  aucune  nouvelle. 

Pour  la  partie  IV,  le  P.  Scheil  a  présenté  à  l'Académie,  dans  sa 
séance  du  25  janvier,  le  premierfascicule  du  tome  II  des  Inscrip- 
tions hinry antiques.  Il  aurait  pu,  sans  les  lenteurs  de  l'impri- 
merie, paraître  en  décembre.  La  préparation  du  fascicule  sui- 
vant est  déjà  assez  avancée. 

Quant  au  Répertoire  ci épigraphie  sémitique,  M.  l'abbé  Chabot 
compte  remettre  très  prochainement  à  l'impression  la  copie 
d'un  nouveau  fascicule  annoncé  depuis  longtemps  et  qui  a 
nécessité  de  bien  longues  recherches. 

Les  publications  subventionnées  par  l'Académie  sur  les  reve- 
nus des  fondations  se  poursuivent  plus  rapidement  que  celles 
qui  s'exécutent  sur  les  fonds  du  budget  et  par  les  moyens  de 
l'Imprimerie  nationale. 

Des  lnscriptiones  grsecse  ad  res  7'omanas  pertinentes,  le  fasci- 
cule VII  du  tome  I  a  paru. 

On  a  distribué  le  tome  VII  du  Catalogue  de  la  collection 
De  Clercq.  Il  contient  les  bijoux  et  les  pierres  gravées.  Il  a 
pour  rédacteur,  comme  les  volumes  précédents,  M.  de  Pudder, 
qui  a  travaillé  sous  la  direction  d'un  comité  que  composaient 
MM.  de  Vogué,  Babelon  et  Pottier.  Le  recueil  est  complet.  Il  ne 
reste  plus  à  imprimer  que  les  tables.  L'an  prochain,  l'Académie 
disposera  des  ressources  de  la  fondation  De  Clercq  pour  les 
employer,  comme  l'a  ordonné  le  testateur,  à  la  publication  de 


36  RAPPORT    DU    SECRÉTAIRE    PERPÉTUEL 

recherches    et    d'ouvrages     qui     concerneraient    les    antiquités 
orientales. 

Après  avoir  achevé  la  publication  de  ïlnvenlaire  des  mo- 
saïques de  la  Gaule  et  de  V Afrique,  M.  Cagnat  a  donné  la 
première  livraison  de  Y  Album  qui  doit  accompagner  cet  inven- 
taire. Cette  livraison,  consacrée  aux  mosaïques  de  la  Narbon- 
naise  et  de  V Aquitaine,  renferme  trente  planches  dont  l'exécu- 
tion a  paru  très  satisfaisante.  Quelques-unes  sont  en  couleur. 

Des  Monuments  et  Mémoires,  il  a  paru  le  premier  fascicule  du 
tome  XIX. 

Avec  le  concours  du  même  fonds  Piot,  il  a  été  publié,  comme 
suite  à  la  Mission  française  de  Ghaldée,  Y  Inventaire  des  tablettes 
de  Tello  conservées  au  Musée  impérial  ottoman. 

L'Académie  n'a  pas  oublié  le  concours  qu'elle  a  accepté  de 
prêter,  pour  la  publication  des  Inscriptions  de  Délos,  à  la 
grande  entreprise  du  nouveau  Corpus  Inscriptionum  Grœcarum 
que  poursuit  avec  tant  d'activité  l'Académie  de  Berlin.  Nommée 
dans  la  séance"  du  27  mai  1910,  la  Commission  que  préside  notre 
confrère  M.  Foucart  a  adressé  au  mois  d'avril  1911  la  première 
partie  du  manuscrit  de  M.  Dûrrbach  à  l'Académie  de  Berlin. 
L'impression  a  commencé  presque  aussitôt,  et  au  mois  d'octobre 
1911  quatre  feuilles  étaient  tirées.  A  la  date  du  3  février  1912, 
neuf  feuilles  sont  tirées  et  de  nombreux  placards  soûl  composés. 
Le  manuscrit  et  toutes  les  épreuves  passent  sous  les  yeux  de 
MM.  Foucart,  Homolle,  Théodore  Beinach,  Haussoullier,  qui 
rendent  le  meilleur  témoignage  au  zèle  et  à  la  compétence 
de  M.  Dûrrbach,  auquel  l'Académie  a  confié  la  rédaction  de  la 
partie  du  Corpus  dont  elle  a  pris  la  responsabilité.  En  somme, 
dans  l'espace  d'une  année,  du  mois  d'avril  1911  au  mois  d'avril 
1912,  la  Commission  aura  produit  plus  de  dix  feuilles,  peut-être 
douze.  Nous  serions  heureux  de  voir  toutes  nos  entreprises 
académiques  marcher  de  ce  pas. 


37 
LIVRES  OFFERTS 


M.  Cagnat  offre  à  l'Académie  un  nouveau  fascicule  des  Musées  de 
l'Algérie  et  de  lu  Tunisie  intitulé  :  Le  Musée  de  Sfax.  Le  texte  de  ce 
fascicule  a  été  rédigé  par  M.  Massigli,  membre  de  l'École  française 
de  Rome,  qui  a  été  passer  un  mois  en  1911  à  Sfax  même  et  qui  s'est 
tiré  à  son  honneur  de  ce  travail.  M.  Gagnai  remercie  l'École  française 
de  Rome  de  l'aide  qu'elle  a  prêté  une  fois  de  plus  à  la  publication  des 
antiquités  africaines. 


SÉANCE   DU    1(5   FÉVRIER 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 


L'Académie  se  l'orme  en  comité  secret  pour  entendre  1  exposé 
des  titres  des  candidats  au  fauteuil  de  M.  Saglio. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  P.  Scheil  a  la  parole  pour  un  hommage  :  .    • 

"  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  au  nom  de  M.  Revillout, 
conservateur  honoraire  des  Musées  nationaux,  toute  la  collection  de 
la  Revue  égyptologique  et  en  particulier  le  XIII0  volume  (184  p.  in-4°) 
qui  vient  d'en  paraître.  Ce  volume  contient,  entre  autres,  des  études 
renouvelées  sur  des  textes  démotiques  (le  chacal  koufi,  le  roman  de 
Setme  .  sur  des  textes  bilingues  (décrets  de  Rosette,  Philâ),  sur  la 
vocalisation  en  égyptien  et  dans  les  langues  sémitiques,  etc. 

«  Du  même  auteur,  voici  les  trois  premiers  fascicules  d'un  recueil 
intitulé  Contrats  égyptiens  (438  p.  in-8°  autogr.).  Ce  sont  i8  pièces 
dessinées,  transcrites,  traduites,  les  plus  anciens  documents  démo- 


38  LIVRES    OFFERTS 

tiques  connus,  allant  de  Bocchoris,  par  les  rois  éthiopiens,  par 
Psammétique  et  ses  successeurs,  jusqu'au  fils  <1  Amasis  inclusivement 
(733-527  .  La  suite  comprendra  les  contrats  de  l'époque  perse. 

«  Une  fois  de  plus,  ici  comme  dans  l'ensemble  de  ses  précédents 
travaux,  M.  Revillout  montre  un  savoir  presque  encyclopédique, 
s'étendant  à  tous  les  domaines  de  l'orientalisme  et  au  delà,  qu'il 
s'agisse  de  philologie,  d'histoire,  de  droit,  de  religion,  de  métrolo- 
gie, etc.  Cependant,  quoi  qu'il  fasse,  il  apparaît  toujours  que  son 
vrai  terrain,  le  lot  où  il  excelle,  c'est  le  démotique,  écriture,  langue, 
littérature,  ce  démotique  qui  lui  a  permis  de  fonder  la  science  du 
droit  égyptien  de  basse  époque. 

«  Une  fois  de  plus,  ici  comme  dans  l'ensemble  de  ses  précédents 
travaux,  on  pourra  regretter  l'absence  d'un  certain  art  dans  la  com- 
position et  le  mode  de  publication.  Sans  aller  jusqu'à  appliquer  à 
l'auteur  pour  cette  mise  négligée  le  mot  de  Cicéron  négligeas  diligen- 
lia,  je  le  soupçonne  de  n'en  être  pas  assez  fâché.  Cependant  vous 
lui  en  ferez  un  moindre  grief  si,  ne  regardant  que  le  fond  des  choses, 
vous  remarquez  que  personne  à  notre  époque  n'a  au  même  point  la 
science  et  l'expérience  du  démotique. 

«  La  bonne  grâce  avec  laquelle  M.  Revillout  offre  aujourd'hui  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  quelques-uns  de  ses 
ouvrages  nous  autorise  à  exprimer  le  vœu  qu'il  édite,  comme  il  l'a 
promis,  en  bonne  et  due  forme,  un  Syllabaire,  une  Grammaire  et  un 
Dictionnaire  démotiques.  D'une  maitrise  non  pareille  dans  cette 
spécialité,  il  pourra  apporter  à  ce  travail  une  sérénité  exempte 
d'esprit  polémique.  Ainsi,  tout  en  se  faisant  grandement  honneur 
comme  savant,  il  se  survivra  comme  chef  d'école  dans  l'ensei- 
gnement d'une  discipline  qui  compte  peu  d'adeptes.  » 

M.  Foocart  présente  un  livre  de  M.  Michel,  professeur  à  l'Univer- 
sité de  Liège,  correspondant  de  l'Académie.  L'auteur  a  publié  en  1900 
un  Recueil  d'inscriptions  grecques  qui  a  mis  à  la  disposition  de 
ceux  qui  étudient  l'histoire  et  les  antiquités  grecques,  les  text<- 
épigraphiques  les  plus  intéressants.  M.  Michel  a  voulu  compléter 
son  œuvre  en  publiant  un  Supplémeut,  qui  comprendra  surtout  les 
documents  découverts  dans  ces  dernières  années.  Le  premier  fasci- 
cule est  conservé  aux  inscriptions  athéniennes;  il  réunit  137  numé- 
ros, revus  sur  les  estampages  ou  d'après  les  travaux  les  plus  récents, 
et  pourvus  d'une  bibliographie  liés  complète. 


39 


SÉANCE    DU   23    FÉVRIER 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts 
informe  l'Académie  que  M.  Holleaux,  directeur  de  l'École  fran- 
çaise d'Athènes,  lui  a  adressé  sa  démission  qu'il  a  acceptée.  Il 
prie  l'Académie  de  lui  faire  parvenir,  conformément  aux  dispo- 
sitions du  décret  du  26  novembre  1874,  une  liste  de  présenta- 
tions pour  les  fonctions  de  directeur  de  l'École  française 
d'Athènes. 

Renvoi  à  la  Commission  des  Écoles  d'Athènes  et  de  Home 
pour  dresser  la  liste  de  présentations. 

M.  Cagnat  a  la  parole  : 

..  M.  Alfred  Le  Chatelier,  mon  collègue  au  Collège  de  France, 
me  prie  d'appeler  l'attention  de  l'Académie  sur  des  découvertes 
archéologiques  faites  aux  environs  de  Tanger  par  deux  membres 
de  la  Mission  scientifique  du  Maroc.  Le  résultat  de  leurs 
recherches  vient  de  paraître  clans  le  18''  volume  des  Archives 
marocaines. 

»  MM.  Biarnay  et  Pérétié  ont  commencé  des  fouilles  sur  le 
plateau  du  Marchan,  à  l'Ouest  de  Tanger.  Ils  y  ont  déblayé  des 
sépultures  creusées  dans  le  roc.  L'une  d'entre  elles  contenait  un 
sarcophage  de  plomb  et  les  restes  de  sarcophages  en  bois  où 
avaient  été  enterrés  des  enfants;  une  autre  a  donné  une  épitaphe 
chrétienne,  datée  de  345  ap.  J.-C. 

m  Des  fouilles  ont  été  entreprises  à  20  kilomètres  au  Sud- 
Ouest  de  Tanger,  au  lieu  dit  Aïn-el-IIammam.  Il  y  avait  là  un 
établissement  thermal  dont  plusieurs  piscines  ont  été  mises  au 
jour.  On  y  a  recueilli  des  monnaies  du  n".  du  m''  et  du  iV  siècle 
et  un  mascaron  de  bronze  par  où  l'eau  s'échappait  jadis  pour 
tomber  dans  la  piscine. 

«  Enfin  M.  Biarnay  a  commencé  à  explorer  une  grotte  pré- 
historique dite  «grotte  des  Idoles  »,  au  Sud  du  Cap  Spartel. 


il)  SÉANCE   DU    23    FÉVRIER    1912 

«  Il  faut  souhaiter  que  ces  recherches  se  poursuivent  et 
s'étendent  dans  cette  région,  voisine  de  Tanger,  où  nos  officiers 
n'auront  pas  l'occasion  d'exercer  leur  activité  archéologique.  » 

M.  Edouard  Cnj  lit  une  note  sur  le  sénatus-consulte  récem- 
ment trouvé  à  Délos  et  relatif  à  un  différend  survenu  entre  les 
Déliens  et  le  curateur  du  temple  de  Sara  pis.  Le  décret  du  Sénat, 
dont  le  texte  grec  nous  est  seul  parvenu,  contient  une  clause 
prohibitive  qui,  contrairement  à  l'usage,  est  dépourvue  de  sanc- 
tion. M.  Edouard  Cuq  recherche  la  cause  de  cette  omission, 
puis  la  forme  sous  laquelle  la  défense  était  édictée  dans  l'original 
rédigé  en  latin.  Il  signale  l'intérêt  que  présente  l'inscription  de 
Délos  pour  l'explication  des  lois  prohibitives  que  les  Romains 
qualifient  imparfaites,  comme  la  loi  Cincia  sur  les  donations. 

Le  R.  P.  Scheil  fait  une  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur 
la  chronologie  du  règne  de  Hammourabi. 

M.  Maurice  Prou  donne  une  seconde  lecture  de  son  mémoire 
sur  des  dalles  de  marbre  provenant  de  l'église  de  Schaennis 
i  canton  de  Saint-Gall)  et  ornées  d'entrelacs. 
M.  Dieulafoy  présente  quelques  observations  : 
«  Au  nombre  des  motifs  de  décoration  étudiés  par  M.  Prou  se 
trouvent  les  entrelacs  et  le  cep  de  vigne  contourné  en  sinusoïde, 
garni  de  ses  feuilles,  de  ses  pampres  et  de  raisins.  Ce  rameau 
adopté  de  bonne  heure  par  les  chrétiens  fut,  semblc-t-il,  emprunté 
par  eux  à  l'Orient  païen.  Du  moins,  il  se  trouve  dans  la  forme 
classique  sur  les  frises  du  palais  d'Hatra.  Or,  Hatra  existait  au 
i"1  siècle  de  notre  ère  puisque  la  place  fut  assiégée  par  Trajan 
en  l'an  116  et  l'ut  mise  à  sac  à  la  fin  du  siècle  pour  ne  se  plus 
relever  jamais.  Ce  motif  et  l'entrelac  qui  apparaissent  encore  au 
palais  de  Rabbal  Amman  furent  reproduits  par  les  Coptes  et 
transportés  en  Italie  et  en  Espagne.  Je  ne  saurais  fixer  l'époque, 
en  tout  cas  ancienne,  où  ils  apparurent  en  Italie;  mais  en 
Espagne  il-  existent  sur  des  pilastres  et  sur  des  linteaux  de 
pierre  découverts  a  Mérida  et  provenant  d'édifices  ruinés  à  la 
suite  soit  de  la  prise  de  la  ville  par  Mousa  en  713  soit  du  pillage 
et  de  la  destruction  méthodique  effectuée  par  les  chrétiens  en 
835.  Les  fragments,  quelle  que  soit  leur  origine,  sont  donc  anté- 
rieur- au  iV  siècle. 


LIVRES    OFFERTS  41 

«  Ce  renseignement  est  précieux,  il  n'est  pas  unique. 

«  Les  mêmes  motifs  apparaissent,  en  effet,  sur  des  dalles  tom- 
bales antérieures  comme  date  à  l'invasion  arabe  et  conservés  à 
la  Càmara  Santa  et  au  Musée  d'Oviedo  et  aussi  sur  un  appui 
d'autel  à  Santa  Cristina  de  Lena.  Dans  ce  dernier  monument, 
ils  revêtent  exactement  la  forme  de  cœur  et  portent  le  cernage 
en  creux  signalé  par  M.  Prou  comme  caractéristique  de  l'orne- 
ment. Ils  sont  accompagnés  d'une  inscription  qui,  à  défaut 
d'autres  renseignements,  témoigne  qu'ils  remontent  au  ix'' siècle. 

«  Enfin,  bien  que  la  reproduction  y  soit  moins  fidèle,  il  est 
intéressant  de  citer  les  sabres  ibériques  d'Almenedilla,  d'une 
époque  antérieure  à  l'occupation  de  l'Espagne  par  les  Yisigoths, 
et  dont  la  poignée  est  ornée  d'une  sinusoïde  florale  de  style 
oriental  très  accusé  et  ayant  des  analogies  certaines  avec  les 
rinceaux  du  palais  d'Hatra.  » 


LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  le  fascicule  du  mois 
de  novembre  1911  des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie 
Taris,  19H,  in-8°). 

M.  Camille  Jullian  présente  le  facsimilé  de  la  Gaule  dans  la  Table 
de  Peutinger  (Bordeaux et  Paris,  in-8°  ;  exlr.  de  la  «  Revue  des  études 
anciennes  »). 

M.  C.  Jullian  dépose,  en  outre,  sur  le  bureau  le  nu  LUI  de  ses 
Notes  gallo-romaines  (Bordeaux  et  Paris.  in-8°;  extr.  de  la  même 
Revue). 

M.  Cagnat  olfre  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  Merlin,  le  dernier 
fascicule  de  Y  Enquête  sur  les  travaux  hydrauliques  romains  i-n  Tuni- 
sie. Ainsi  se  termine  l'œuvre  entreprise  il  y  a  longtemps  déjà  par 
l'initiative  du  regretté  P.  Gauckler  et  qui  restait  en  suspens  depuis 
son  départ  de  Tunis.  Les  documents  publiés  dans  ce  fascicule  ont 
été  réunis  par  M.  L.  Drappier,  attaché  à  la  Direction  des  Antiquités 
de  la  Tunisie. 


42  LIVRES    OFFERTS 

M.  H.  Omont dépose  sur  le  bureau,  au  nom  de  M.  le  Dr  V.  Leblond, 
président  de  la  Société  académique  de  l'Oise,  un  volume  qu'il  vient 
de  publier,  intitulé  :  Six  inventaires  et.  testaments  Beauvaisins  (1391- 
I  i.'il)  (Beauvais,  1911,  in-8°,  89  pages  . 

De  ces  six  inventaires  et  testaments,  quatre,  tirés  des  archives  du 
tribunal  de  Beauvais,  ont  précédemment  paru  dans  le  Bulletin  d'ar- 
chéologie du  Comité  des  travaux  historiques;  les  deux  autres  sont 
publiés  d'après  les  originaux  conservés  aux  Archives  départementales 
de  rOise.  Tous  sont  également  curieux  pour  les  détails  qu'ils 
donnent  à  profusion  sur  le  mobilier  de  riches  chanoines  des  xive  et 
xve  siècles. 


Le  Gérant,  A.  Picard. 


MAÇON,    l'HOT4T   FRERES,    IMPRIMEURS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 

DE 

L'ACADÉMIE   DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 
PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER 


SEANCE  DU  1er  MARS 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 

M.  Henri  Cordier  a  reçu  deux  lettres  de  M.  de  Gironcourt 
datées  de  Tombouctou,  du  17  et  du  20  janvier.  Les  prétendus 
saints  réputés  «  Echabas  »,  enterrés  clan»  la  région  du  Djenné, 
n'ont  été  que  des  marabouts  indigènes  d'époque  postérieure  et 
étrangers  à  cette  première  infiltration  musulmane  en  Afrique 
occidentale  dont  M.  de  Gironcourt  a  rapporté  la  tradition  à 
l'Académie  :  il  a  trouvé  un  manuscrit  précisant  sa  parenté  avec 
les  groupements  peuls.  M.  de  Gironcourt  a  recueilli  quelques 
traditions  de  cette  ville  de  Dia  qui  serait  vieille  de  mille  années 
et  garde  quelques  témoins  de  cet  art  spécial  de  sculpture  sur 
bois  encore  en  bonneur  de  nos  jours  dans  les  pays  sarakollés. 
Les  échantillons  de  Dia  tirent  leur  valeur  de  leur  âge,  car 
depuis  l'époque  reculée  à  laquelle  les  reporte  la  tradition  locale 
(xie  siècle)  ces  objets  ne  semblent  plus  avoir  été  fabriqués  dans 
cette  ville.  Il  y  a  danger  de  confusion  sur  les  mots  malimkè 
que  l'on  applique  à  Djenné  à  la  race  dite  marka  ou  sarakollé, 

1912.  i 


£4  SÉANCE    DU    1er    MABS    1912 

s'étendant  de  Dia  à  Bakol  sur  le  Sénégal,  fort  différente  de  la 
race  de  langue  dite  ailleurs  malin ké  ou  bambara.  Enfin  M.  de 
Gironcourt  envoie  73  copies  de  manuscrits  recueillis  à  Djenné 
et  dans  le  Macina  qui,  sans  aucun  doute,  jetteront  un  jour  nou- 
veau sur  l'histoire  peu  connue  de  ces  régions.  M.  de  Gironcourt 
devait  quitter  Tombouctou  le  21  janvier  pour  se  rendre  à  Gao, 
Kidal,  Es-Souk,  Talaya,  pour  remplir  le  principal  objet  de  sa 
mission  :  l'étude  des  nécropoles,  qui  le  retiendra  surtout  entre 
Bamba  et  Bentia,  et  sans  doute  aussi  entre  Kidad  et  Talava. 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  par  laquelle  M.  Radet  retire 
sa  candidature  au  fauteuil  de  M.  Saglio. 

L'Académie  procède  ensuite  à  l'élection  d'un  membre  libre, 
en  remplacement  de  M.  Saglio,  décédé. 

Le  Président  rappelle  les  noms  des  candidats  qui  sont  : 
MM.  Bayet,  Adrien  Blanchet,  le  D1  Gapitan,  Ulysse  Chevalier, 
Espérandieu,  le  comte  A.  de  Laborde. 

Il  y  a  44  votants  ;  majorité  23. 

Au  premier  tour  de  scrutin,  M.  Bayet  obtient  15  suffrages; 
M.  Blanchet,  10;  M.  Ulysse  Chevalier,  9;  M.  le  comte  de 
Laborde,  4;  MM.  le  Dr  Capitan  et  Espérandieu,  chacun  3. 

Au  deuxième  tour  de  scrutin,  il  y  a  45  votants;  majorité  23. 

M.  Bayet  obtient  16  suffrages;  M.  Ulysse  Chevalier,  14; 
M.  Blanchet,  7;  M.  le  Dl  Capitan,  4;  MM.  Espérandieu  et  le 
comte  de  Laborde,  chacun  2. 

Au  troisième  tour  de  scrutin,  M.  Ulysse  Chevalier  obtient 
22  suffrages;  M.  Bayet,  18;  MM.  Espérandieu  et  Blanchet, 
chacun  2;  M.  le  comte  de  Laborde,  1. 

Au  quatrième  tour  de  scrutin,  M.  Ulysse  Chevalier  obtient 
25  suffrages;  M.  Bayet,  19;  M.  Blanchet,  1. 

En  conséquence,  M.  Ulysse  Chevalier,  ayant  réuni  la  majorité 
absolue  des  suffrages,  est  proclamé  élu  par  le  Président.  Son 
élection  sera  soumise  à  l'approbation  de  M.  le  Président  de  la 
République. 

A  la  suite  d'un  comité  secret,  le  Président  annonce  que 
l'Académie  a  décidé  de  présenter  à  M.  le  Ministre  de  l'instruc- 
tion publique  pour  la  place  de  Directeur  de  l'Ecole  française 
d'Athènes,  en  remplacement  de  M.   Ilolleaux,  démissionnaire  : 


LIVRES    OFFERTS  i5 

en  1'"°  ligne,  M.  Homolle,  à  l'unanimité  moins  '2  voix;  en 
•2e  ligne,  M.  Pierre  Paris,  par  17  voix  contre  14  données  à 
M.  Radet. 

L'Académie  a  décerné  le  prix  Estrade-Delcros,  de  la  valeur 
de  8.000  francs,  à  Mme  veuve  Auguste  Longnon,  pour  l'ensemble 
des  travaux  de  son  mari  et  pour  honorer  sa  mémoire. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Gagnât  offre  à  l'Académie  de  la  part  de  M.  Monceaux,  profes- 
seur au  Collège  de  France,  le  quatrième  volume  de  son  Histoire 
littéraire  de  l'Afrique  chrétienne.  Ce  volume  est  intitulé  «  Le  Dona- 
tisme  ».  C'est  un  travail  du  plus  grand  intérêt  et  d'une  véritable 
nouveauté.  «Ce  vaste  domaine,  dit  avec  raison  l'auteur,  a  été 
presque  complètement  délaissé  par  la  critique  moderne.  Les  histo- 
riens des  lettres  latines  n'y  ont  vu  sans  doute  que  matière  à  théolo- 
gie ou  documents  d'histoire;  la  plupart  ne  mentionnent  même  pas 
celte  littérature;  ils  omettent  jusqu'aux  noms  des  principaux  polé- 
mistes. Les  vieux  historiens  de  l'Église  ont  été  plus  clairvoyants  ; 
mais  leurs  solides  travaux,  peu  familiers  aux  philologues  et  aux 
lettrés,  n'ont  pas  réussi  à  faire  entrer  dans  l'histoire  littéraire  les 
pamphlets  donatistes  ou  antidonatistes.  »  Le  livre  de  M.  Monceaux  y 
réussira  assurément.  On  y  trouvera  une  histoire  très  complète  du 
schisme  donatiste,  de  son  développement,  de  son  existence,  de  son 
rôle  et  des  luttes  qu'il  engendra;  et  aussi,  dans  la  seconde  partie, 
une  étude  approfondie  des  documents  relatifs  au  donatisme  (actes  de 
conciles,  libelles,  etc.)  et  même  de  l'épigraphie  donatiste,  qui  s'est 
trouvée,  à  l'examen,  beaucoup  plus  riche  qu'on  ne  pouvait  le  croire  à 
première  vue. 

Les  historiens  du  christianisme,  ceux  de  l'Afrique  et  les  savants 
qui  s'occupent  de  littérature  latine  devront  vivement  remercier 
M.  Monceaux  du  travail  auquel  il  s'est  livré  avec  tant  de  courage  et 
de  bonheur,  et  <jràce  auquel  dans  ce  volume,  plus  encore  (pue  dans 
les  précédents,  il  est  arrivé  à  éclairer  les  questions  les  plus  obscures 
et  les  plus  embrouillées  de  la  littérature  africaine  au  iv''  et  au 
ve  siècle. 


46  LIVRES    OFFERTS 

M.  Paul  Fournier  a  la  parole  pour  deux  hommages  : 
«  J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  de  la  part  de  M.  Robert 
Parisot,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Université  de  Nancy, 
la  Table  alphabétique  et  méthodique  des  Annales  de  l'Est  pour  la 
période  qui  s'étend  entre  1897  et  1909.  Pendant  les  années  1897  à 
1904,  cette  revue  fut  dirigée  exclusivement  par  l'Université  de  Nancy  ; 
de  1905  à  1909,  elle  parut  sous  le  titre  d'Annales  de  l'Est  et  du  Nord 
et  fut  l'œuvre  commune  des  Universités  de  Nancy  et  de  Lille. 
Depuis  1910,  chacune  de  ces  Universités  a  repris  sa  liberté  d'action  : 
celle  de  Nancy  publie  une  nouvelle  série  des  Annales  de  l'Est,  celle 
de  Lille  publie  la  Revue  du  Nord. 

«J'ai  l'honneur  de  présenter  ensuite  à  l'Académie,  au  nom  de  mon 
collègue  M.  Garet,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  l'Université  de 
Nancy,  le  Diarium  Universitatis  Mussipontanx  1572-1764),  journal  de 
l'Université  de  Pont-à-Mousson  publié  en  1911  sous  les  auspices  et 
aux  frais  de  l'Université  de  Nancy.  C'est  un  registre  tenu  par  le 
P.  Jésuite  recteur  de  l'Université,  ou  au  moins  sous  sa  direction.  Ce 
document  est  du  plus  haut  intérêt.  On  y  rencontre,  notés  au  jour  le 
jour,  par  ordre  chronologique,  les  événements  qui  intéressent  la  vie 
scolaire  de  l'Université  et  des  Facultés,  à  l'exception  des  deux 
Facultés  laïques  de  droit  et  de  médecine.  On  le  consultera  avec  fruit 
sur  l'organisation  générale  de  l'Université,  les  matières  et  la  réparti- 
tion de  l'enseignement,  la  collation  des  gracies,  les  attributions  des 
diverses  autorités  universitaires,  les  conflits  du  Recteur  avec  le 
Droit  et  la  Médecine.  On  y  trouvera  les  noms  et  la  mention  de  la 
promotion  des  professeurs,  le  Curriculum  vitse  scolaire  des  étudiants 
fréquentant  les  Facultés  de  théologie  et  des  arts,  les  noms  des  étu- 
diants en  droit  et  en  médecine.  Y  sont  aussi  relatés  les  cérémonies 
universitaires,  les  incidents  relatifs  à  l'histoire  du  pays,  malheurs  de 
la  guerre  de  Trente  Ans,  visites  des  princes  de  la  Maison  de  Lorraine, 
les  conflits  de  préséance  et  tous  les  événements  qui  ont  attiré 
l'attention  du  Recteur.  Le  texte  a  été  publié  avec  soin  par  M.  Garet, 
d'après  un  manuscrit  unique  qui  lui  appartient.  Il  serait  heureu- 
sement complété  par  une  introduction  et  des  notes  explicatives  : 
puissent-elles  former  bientôt  la  matière  d'un  second  volume  !  » 


47 
SÉANCE   DU  8  MARS 


PRESIDENCE  DE  M.  LOUIS  LEGER. 

Il  est  donné  lecture  : 

1°  d'une  lettre  de  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  et 
des  beaux-arts  demandant  les  noms  des  membres  de  l'Académie 
qui  désireraient  se  rendre  au  Congrès  international  d'archéolo- 
gie qui  aura  lieu  à  Rome  du  9  au  16  octobre  prochain; 

2°  d'un  décret,  en  date  du  4  mars,  approuvant  l'élection  de 
M.  Ulysse  Chevalier  à  la  place  d'académicien  libre  laissée 
vacante  par  la  mort  de  M.  Saglio; 

3°  d'un  télégramme  de  M.  Ulysse  Chevalier,  retenu  à  Hyères 
par  une  indisposition,  s'excusant  de  ne  pouvoir  assister  à  la 
séance,  ainsi  que  d'une  lettre  qu'il  adresse  à  l'Académie  pour  la 
remercier  de  l'honneur  qu'elle  lui  a  fait  en  le  nommant  membre 
libre; 

4°  de  la  lettre  suivante  que  le  capitaine  11.  Weill  adresse  au 
Secrétaire  perpétuel  : 

Camp  de  Tounah  (Egypte),  23  février  1912. 
Monsieur  le  Secrétaire  perpétuel, 

Je  suis  heureux  de  pouvoir  vous  informer  que  la  campagne  de 
fouilles  que  je  poursuis  dans  la  région  de  Tounah  a  donné  des  résul- 
tats satisfaisants.  Commencés  au  début  du  mois  de  janvier,  les  tra- 
vaux ont  eu  pour  objet  la  reconnaissance  et  l'exploration  de  diverses 
nécropoles  d'époque  grecque  et  d'époque  pharaonique,  où  furent 
recueillis  des  objets  eu  grand  nombre,  sarcophages,  statuettes, 
vases,  pierres  inscrites,  qui  forment  des  séries  archéologiques  inté- 
ressantes et  sont  souvent  remarquables  par  leurs  caractères  artis- 
tiques. 

Particulièrement  intéressante  au  point  de  vue  historique  est  la 
rencontre  de  nombreux  vestiges  d'un  temple  d'Aménolhès  IV,  dont 
la  présence  nous  rappelle  qu'en  ce  lieu  de  Tounah  nous  sommes  à 
la   limite    nord  du   grand  domaine  de    Tell  El-Amarna  que  le    «roi 


48  SÉANCE    DU    8    MARS    1912 

hérétique  »  avait  découpé  dans  le  territoire  des  nomes  environnants 
pour  en  faire  l'apanage  du  Disque  rayonnant,  le  dieu  pour  lequel  il 
entendait  détrôner  le  vieil  Amon  de  Thèbes.  On  sait  que  l'innovation 
fut  malheureuse.  Après  la  mort  du  Pharaon  révolutionnaire,  son 
nom  fut  martelé,  ses  temples  solaires  détruits,  et  quant  à  celui  de 
Tounah,  décoré  de  beaux  hiéroglyphes  sculptés  et  peints,  ses  murs 
fournirent  des  matériaux  aux  tombeaux  de  la  nécropole  ramesside. 
Parmi  les  objets  les  plus  importants  trouvés  dans  cette  nécropole 
du  Nouvel  Empire,  je  mentionnerai  particulièrement  un  grand  sarco- 
phage en  granité  noir  de  la  bonne  époque  thébaine  (vers  loOO  av. 
J.-C),  à  couvercle  anthropoïde,  décoré  de  figures  et  d'inscriptions 
sur  toute  la  surface  du  couvercle  et  de  la  cuve.  Il  appartenait  à  une 
dame  Nashouiou,  «  supérieure  du  harem  de  Thot  d'Hermopolis  », 
c'est-à-dire  régente  de  la  maison  des  courtisanes  sacrées,  épouses  du 
dieu,  dont  l'administration  faisait  partie  des  services  du  grand  sanc- 
tuaire. Ce  sarcophage  est  une  pièce  très  belle  que  j'espère  réussir  à 
transporter  jusqu'en  France,  malgré  son  poids  considérable  et  les 
difficultés  résultant  de  sa  position  au  fond  d'une  chambre  étroite,  au 
bas  d'un  puits  profond  de  7  mètres  ;  pour  l'extraction  et  le  transport, 
il  faut  des  engins  de  levage  puissants  et  du  matériel  de  roulement 
spécialement  organisé,  mais  des  opérations  analogues  ont  été 
effectuées  souvent  dans  ce  pays,  et  je  ne  pense  pas  y  rencontrer 
d'obstacles  de  nature  exceptionnelle. 

M.  Salomon  Reixach  a  la  parole  pour  une  communication  : 
«  J'ai  l'honneur  d'annoncer  à  l'Académie  qu'au  mois  de 
décembre  dernier  M.  Henri  Viollet  a  relevé,  à  Bagdad,  tous  les 
détails  d'une  intéressante  construction  arabe  du  xme  siècle, 
ancienne  école  fondée  par  le  khalife  abasside  Mustansir  vers 
1  "23*2  et  servant  actuellement  de  douane.  Malgré  l'extrême  état 
de  dégradation  de  l'édifice,  M.  Viollet  a  pu  photographier  ou 
dessiner  les  riches  décorations  qui  subsistent  en  partie  sous  les 
plâtrages  et  dont  le  caractère  essentiel  est  leur  harmonie,  leur 
liaison  intime  avec  les  grandes  lignes  de  la  construction.  Le 
style  rappelle,  d'autre  part,  celui  des  portes  sculptées  en  bois 
que  l'on  trouve  en  Egypte;  ces  boiseries  se  divisent,  comme  les 
compositions  en  briques  de  Bagdad,  en  carrés,  en  polygones,  en 
étoiles,  en  figures  à  côtés  multiples.  Le  même  art  se  manifeste 
dans  toute  la  Mésopotamie  depuis  le  début  du  xme  siècle;  la 
couleur  n'y  joue  aucun  rôle,  l'architecte  n'ayant  cherché  d'effets 
décoratifs  que  dans  les  jeux  de  l'ombre  et  de  la  lumière.  » 


SÉANCE    DU    8    MARS    1912  49 

M.  Pottier  montre  les  aquarelles  de  quatre  vases  à  fond 
blanc  et  à  décor  polychrome,  appartenant  au  Musée  du  Bardo 
et  au  Musée  Saint-Louis  de  Carthage  à  Tunis.  Ces  aquarelles  ont 
été  faites  pour  M.  Pierre  Paris,  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bor- 
deaux, qui  les  communique  à  l'Académie  avec  une  courte  note 
décrivant  les  poteries  et  indiquant  leur  provenance.  Elles  ont 
été  trouvées  dans  des  tombeaux  puniques  dff  Carthage. 

M.  Pottier  ajoute  quelques  observations  sur  cette  catégorie 
encore  peu  nombreuse  qui  mériterait  une  étude  spéciale.  Les 
exemplaires  en  sont  dispersés  en  Italie,  en  Grèce,  en  Asie 
Mineure,  en  Crimée,  en  Tunisie  et  même  en  Gaule.  On  a  indi- 
qué Canosa  comme  centre  de  fabrication  ;  mais  il  y  a  eu  sans 
doute  plus  d'un  atelier  pour  les  faire.  Ces  vases  sont  comme  une 
renaissance  de  l'ancienne  et  célèbre  fabrication  des  lécylhes 
attiques  à  fond  blanc  et  à  décor  polychrome.  Comme  eux,  ils 
s'inspirent  de  la  technique  à  fresque  contemporaine  et  con- 
tiennent en  germe  le  décor  que  nous  appelons  pompéien,  mais 
dont  les  origines  remontent  jusqu'au  ive  siècle  et  qui  s'est 
développé  pendant  toute  la  période  hellénistique.  Les  maisons 
de  Délos  récemment  découvertes  et  étudiées  par  l'Ecole  française 
d'Athènes  offrent  un  système  analogue  de  technique  et  d'orne- 
mentation. Par  les  fouilles  d'Antinoé,  en  Egypte,  on  constate 
que  cette  céramique  existait  encore  au  IIe  siècle  ap.  J.-C.  Par 
conséquent  on  a  continué  à  faire  des  vases  peints  beaucoup  plus 
longtemps  qu'on  ne  pensait. 

MM.  Perrot,  Salomon  Reinach  et  Clermont-Ganneau  pré- 
sentent à  ce  sujet  quelques  observations. 

M.  Psichari  l'ait  une  communication  intitulée  :  Lame  il  el 
Lambda. 

MM.  Théodore  Reinach  et  Clermont-Ganneau  ajoutent 
quelques  observations. 


so 

LIVRES  OFFERTS 


M.  Babelon  offre  un  ouvrage  intitulé:  Les  médailles  historiques  du 
règne  de  Xapoléon  ftnpereur  et  roi,  publié  par  lui  sous  les  auspices 
de  la  Société  de  Numismatique  de  New-York  (Paris,  1912,  in-folio). 

M.  le  comte  Durrieu  offre  le  tirage  à  part,  dédié  à  la  mémoire  de 
Léopold  Delisle,  d'un  mémoire  qu'il  a  publié  dans  la  Bibliothèque 
de  l'École  des  Chartes  sous  le  titre  suivant  :  Un  des  plus  importants 
lirres  d'Heures  du  roi  Charles  V:  les  Heures  de  Savoie,  ou  «  Très  belles 
grandes  Heures»  du  roi  (Paris,  1911,  in-8°). 

M.  IIeuzey  a  la  parole  pourun   hommage  : 

«  J'ai  reçu,  pour  l'Académie,  une  brochure  qui  donne  des  détails 
très  intéressants  sur  des  fouilles  exécutées  à  Langaza,  près  de 
Salonique,  dans  un  de  ces  tertres  funéraires  qui  sont  si  nombreux 
en  Macédoine.  Un  effondrement  s'étant  produit  dans  le  tumulus,  la 
Direction  des  Antiquités  de  Constantinople  envoya  un  de  ses  fonc- 
tionnaires, M.  Macridy,  pour  y  pratiquer  des  tranchées  régulières.  Le 
monticule  contenait  en  effet  une  chambre  voûtée,  avec  vestibule,  tout 
à  fait  du  même  type  que  les  tombeaux  que  j'ai  moi-même  explorés 
jadis  à  Pydna  et  à  Palatitza,  avec  mon  très  cher  et  très  regretté  ami, 
Daumet. 

«  La  construction  funéraire  de  Langaza  présente  cependant  des 
variantes  intéressantes  à  noter.  La  façade  était  décorée  d'un  fronton, 
soutenu  par  quatre  demi-colonnes  ioniques  d'un  style  élégant.  Les 
portes  à  doubles  battants  notaient  pas  toutes  les  deux  en  marbre. 
De  la  première,  qui  devait  être  en  bois,  il  ne  restait  que  la  décoration 
et  la  monture,  puissantes  têtes  de  boulons  et  autres  ornements  en 
bronze  doré.  Les  battants  en  marbre  de  la  porte  intérieure  avaient, 
au  contraire,  leurs  boulons  sculptés  dans  la  masse,  mais  revêtus 
aussi  de  dorure.  Les  autres  pièces  de  bronze  doré  appliquées  sur  les 
deux  portes,  masques  de  Méduse,  gueules  de  lions,  tenant  les 
anneaux  mobiles  pour  tirer  les  battants,  sont  d'un  travail  remar- 
quable. Je  signalerai  surtout  un  magnifique  épispastère,  formé  de 
deux  palmettes  redoublées,  montrant  le  parti  original  que  les  déco- 
rateurs grecs  savaient  tirer  des  motifs  les  plus  rebattus. 

Le  mécanisme  des  gonds  et  pivots  qui  faisaient  tourner  ces  lourds 
vantaux  ;i  été  retrouvé  au  complet,  sauf  la  serrure.  C'est  le  même 


LIVRES    OFFERTS  51 

système,  aussi  ingénieux  et  aussi  pratique,  que  celui  que  nous  avons 
fait  connaître  dans  notre  Mission  de  Macédoine.  Edem-bey,  archi- 
tecte du  Musée  de  Constanlinople,  le  fds  de  notre  regretté  corres- 
pondant Hamdy-bey,  a  illustré  par  des  dessins  et  des  coupes  très 
bien  étudiées  tous  ces  détails  architectoniques  de  la  construction, 
pour  la  plus  grande  valeur  de  l'excellent  travail  de  M.  Macridy. 

«  Seulement,  la  chambre  sépulcrale  n'était  pas  meublée  de  beaux 
lits  funèbres,  pour  y  coucher  les  morts,  comme  à  Pydna  et  à  Pala- 
titza.  Le  mode  de  sépulture  était  différent  et  ne  consistait  qu'en  un 
grand  sarcophage  de  forme  très  simple. 

«  Quant  aux  offrandes,  on  n'en  a  retrouvé  que  de  faibles  débris,  la 
voûte  ayant  été  défoncée  et  le  tombeau  pillé  antérieurement,  peut- 
être  dès  l'antiquité.  Mais  la  porte  de  marbre  et  tous  les  bronzes 
recueillis  sont  maintenant  au  Musée  de  Constantinople,  où  ils  con- 
firment le  caractère  constant  de  ces  riches  tombeaux  macédoniens.» 

M.  le  marquis  de  Vogué  fait  hommage  à  l'Académie  du  dernier 
fascicule  du  Catalogue  de  la  collection  De  Clercq  rédigé  par  M.  de 
Ridder  (Paris,  1912,  in-4°).  Ce  fascicule  contient  les  Tables  de  tout 
le  catalogue  comprenant  deux  volumes,  publiés  du  vivant  de  M.  De 
Clercq  sous  la  direction  de  M.  Menant,  et  cinq  volumes  qui  sont 
l'œuvre  personnelle  de  M.  de  Ridder  sous  la  haute  direction  de  la 
Commission  nommée  par  l'Académie.  M.  de  Ridder  a  apporté  à 
l'exécution  de  ce  dernier  travail  le  soin,  la  compétence,  la  préci- 
sion qui  distinguent  tout  l'ouvrage  ;  des  tables  nombreuses,  distri- 
buées sous  des  rubriques  différentes,  répondant  aux  besoins  les 
plus  variés,  permettront  l'utilisation  la  plus  complète  et  la  plus  facile 
des  documents  accumulés  dans  l'ouvrage.  Ainsi  se  trouve  achevée, 
de  la  manière  la  plus  satisfaisante,  l'œuvre  entreprise  par  l'Acadé- 
mie ;  ainsi  se  trouvent  accomplies  les  généreuses  intentions  du 
regretté  M.  De  Clercq  ;  il  a  voulu  que  la  belle  collection  formée  par 
ses  efforts  éclairés  et  ses  sacrifices  profitât  à  la  science  :  ce  vœu  est 
pleinement  satisfait  par  l'excellent  instrument  de  travail  exécuté 
par  M.  de  Ridder  sous  les  auspices  de  l'Académie. 


o2 

SÉANCE   DU   15   MARS 


PRESIDENCE  DE  M.  LOUIS  LEGER. 

M.  Homolle,  dans  une  lettre  qu'il  adresse  au  Secrétaire  perpé- 
tuel, remercie  ses  confrères  de  l'honneur  qu'ils  lui  ont  fait  en 
le  désignant,  par  un  vote  unanime,  au  choix  du  Gouvernement 
pour  le  poste  de  directeur  de  l'Ecole  française  d'Athènes. 

Mme  veuve  Auguste  Long-non,  à  qui  l'Académie  a  attribué 
récemment  le  prix  Estrade-Delcros,  adresse  au  Président  une 
lettre  de  remerciement. 

M.  Henri  Cordier  a  reçu  du  Dr  Legendre  une  lettre  en  date 
de  Hong-Kong  le  13  février.  Le  Dr  Legendre  confirme  les  détails 
de  l'agression  dont  il  a  été  l'objet  ;  il  allait  gagner  le  Tong-King 
et  de  là  le  Yun-nan,  si  la  situation  permettait  d'y  travailler. 

M.  Héron  de  Villefosse  informe  l'Académie,  que  M.  le  cha- 
noine Leynaud,  curé  de  Sousse,  grâce  à  une  subvention  de  la 
Société  française  des  fouilles  archéologiques,  est  en  mesure  de 
reprendre  l'exploration  des  grandes  catacombes  d'Hadrumète. 
De  son  côté,  notre  dévoué  confrère,  M.  le  duc  de  Loubat,  avec 
la  délicatesse  qui  le  caractérise  et  la  discrétion  qu'il  sait  appor- 
ter dans  ses  libéralités,  a  fait  parvenir  à  M.  le  chanoine  Leynaud 
une  généreuse  contribution  personnelle.  La  continuation  de 
l'œuvre  à  laquelle  M.  Leynaud  s'est  consacré  et  dont  l'Acadé- 
mie avait  encouragé  les  débuts  se  trouve  ainsi  assurée  à  peu 
près  pour  une  année. 

Ce  zélé  fouilleur  me  prie  d'annoncer  à  l'Académie  qu'il  vient 
de  découvrir  une  plaque  de  marbre  blanc,  portant  l'épitaphe 
d'un  centurion  de  la  IIe  légion  Parthique.  Le  tombeau  de  ce 
centurion  a  été  ouvert  le  2  mars  dernier,  en  présence  de  six 
officiers  de  la  garnison  de  Sousse  qui  avaient  tenu  à  honneur  de 
venir  saluer  «  un  ancien»;  il  était  creusé  dans  la  paroi  d'une 
galerie.    On   rencontra    tout    d'abord    un    petit   mur  en    pierre; 


SÉANCE    DU    1S    MARS    1912  53 

derrière  le  mur  se  trouvait  une  sorte  d'auge  creusée  dans  le  tuf 
et  profonde  de  0m  30.  Au  fond  de  L'auge  était  déposé  le  corps 
du  défunt,  recouvert  d'une  couche  de  plâtre  très  blanc  ;  aucun 
objet  n'avait  été  placé  près  du  corps. 

Le  squelette  bien  conservé  mesure  lm  72  de  longueur;  la  tête 
est  petite,  relativement  allongée,  le  front  très  bas.  Le  tombeau 
fait  suite  à  dés  loculi  ordinaires.  La  galerie  où  il  a  été  découvert 
est  parallèle  à  une  autre  galerie  où  sept  épitaphes  sur  plaques 
de  marbre  ont  été  déjà  recueillies. 

Le  texte  qui  indiquait  la  place  de  cette  sépulture  est  bien 
gravé  ;  il  est  ainsi  conçu  : 

Q.-  PAPlO  •  Q/F  •  SATVRNINO- 
IVLIANO"  CENT VR ION I" 

LEG-îl-PART-VIX-ANN|X; 

PAPIA- VICTORIA -SOROR  • 

P  1 1  S  S  I M  A •  FRATRI  ■  S  V  O ' 

FECIT 

On  remarquera  l'absence  de  la  formule  Diis  manibus  sacrum. 
Cette  inscription  ne  peut  être  antérieure  au  règne  de  Septime 
Sévère  auquel  on  doit  la  création  des  trois  légions  parthiques. 
Elle  fournit  donc  une  date  importante  à  retenir  pour  l'histoire 
de  ces  catacombes. 

On  ne  possède  aucun  témoignage  sur  un  séjour  des  légions 
parthiques  en  Afrique.  Aussi  il  paraît  probable  que  ce  Q.  Papius 
Saturninus,  mort  à  Hadrumète  à  l'âge  de  60  ans,  était  venu 
finir  ses  jours  dans  sa  patrie  auprès  de  sa  sœur,  Papia  Victoria, 
qui  prit  soin  de  sa  sépulture.  Il  ne  s'agit  pas  d'un  cénotaphe 
puisque  le  corps  du  défunt  a  été  retrouvé,  mais  d'une  véritable 
sépulture.  On  a  relevé  à  Lambèse  les  épitaphes  de  deux  cen- 
turions de  la  III0  légion  Parthique,  morts  l'un  à  70  ans,  l'autre 
à  54  ans,  dont  la  présence  dans  le  cimetière  de  Lambèse  ne 
peut  s'expliquer  que  par  des  motifs  analogues. 

M.  Babelon  donne  lecture  du  rapport  suivant  : 

«    La    Commission    du    prix    Duchalais     (numismatique     du 


54  SÉANCE    DU    18    MARS    1912 

moven  âge)  a  décidé  de  partager  le  prix  par  parties  égales  entre 
M.  Jules  Sambon  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Répertoria  géné- 
rale délie  monete  coniate  in  Italia  (1  vol.  in-4°  avec  planches), 
et  M.  Antoine  Sabatier  pour  sa  Sigillographie  historique  des 
administrations  fiscales,  communautés  ouvrières  et  institutions 
diverses.  Plombs  historiés  de  la  Saône  et  de  la  Seine  [\  vol. 
gr.  in-8°  avec  planches). 

M.  Proi-  fait  le  rapport  suivant  : 

«  La  Commission  du  prix  Bordin  (moyen  âge  et  Renaissance) 
décerne  : 

<(  1°  un  prix  de  1.500  francs  à  M.  Ferdinand  Ghalandon  pour 
son  histoire  de  Jean  II  Comnène  et  Manuel  Comnène ; 

«  2°  trois  récompenses  de  500  francs  chacune  :  au  Père 
Frédegaud  Callaey,  pour  son  livre  intitulé  :  L'idéalisme  fran- 
ciscain spirituel  au  XIVe  siècle.  Étude  sur  Uhertin  de  Casale ; 
—  à  M.  Jean  Longnon,  pour  son  édition  de  la  Chronique  de 
Morée;  —  à  Dom  Antonio  Staerk,  pour  son  livre  intitulé  :  Les 
manuscrits  latins  du  Ve  au  XIIIe  siècle  conservés  à  la  Biblio- 
thèque impériale  de  Sainl-Pétershourg .  » 

M.  le  comte  Durrif.u,  pour  rendre  hommage  à  la  mémoire 
d'un  érudit  disparu  avant  l'âge,  M.  Joseph  Delaville  Le  Roulx, 
lauréat  du  grand  prix  Gobert  en  1905,  signale  une  série  de 
précieux  documents  historiques  dont  M.  Delaville  Le  Roulx 
avait  réuni  des  copies,  sans  que  la  mort  lui  ait  laissé  le  temps  de 
pouvoir  les  publier. 

Parmi  ces  documents  se  rencontrent  :  une  correspondance  en 
langue  grecque  échangée,  vers  la  fin  du  xve  siècle,  entre  le 
sultan  et  le  grand-maître  de  l'Ordre  des  Hospitaliers,  à  cette 
époque  installé  à  Rhodes  ;  une  lettre  en  français  écrite  de  Rome 
par  le  frère  du  sultan  Bajazet,  le  fameux  Djem  ou  «Zizim», 
alors  que  ce  prince  ottoman  à  l'existence  romanesque  se  trouvait 
retenu  au  château  Saint-Ange  par  le  pape  Alexandre  VI  Borgia; 
enfin  d'autres  lettres  relatives  à  l'expédition  de  Charles  VIII  en 
Italie,  dans  lesquelles  il  est  nettement  indiqué  qu'en  partant 
pour  l'Italie  ce  roi  de  France  se  proposait  en  réalité  d'aller 
délivrer  la  Grèce  du  joug  des  Turcs  et  conquérir  Constanti- 
nople.  Dans  une  de  ces  lettres  datant  de  1495,  trait  digne  d'être 


SÉANCE    DU    15    MAKS    1912  55 

l'élevé  pour  une  époque  relativement  aussi  ancienne,  est  déjà 
formulée  cette  idée  que,  parmi  les  nations  de  l'Occident,  ce  sont 
spécialement  les  Français  qui  sont  «  les  vrais  imitateurs  »  de  la 
civilisation  et  de  la  culture  intellectuelle  de  l'Athènes  antique. 

M.  le  Dr  Lalanne,  de  Bordeaux,  présente  à  l'Académie  trois 
bas-reliefs  provenant  de  ses  fouilles  de  Laussel  (Dordogne). 
Dans  ce  gisement,  des  couches  remontant  aux  plus  anciens  âges 
de  pierre  se  sont  accumulées  durant  de  longs  millénaires.  C'est 
dans  l'une  d'elles,  remontant  au  plus  ancien  âge  du  Renne 
(époque  aurignacienne  supérieure),  que  ces  bas-reliefs  ont  été 
rencontrés.  Ils  figurent  deux  femmes  et  un  homme.  Le  plus 
important  de  ces  documents  représente  une  femme  de  16  centi- 
mètres de  haut,  sculptée  en  haut-relief  avec  des  traces  de  pein- 
ture rouge  qui  indiquent  qu'elle  était  entièrement  peinte.  La 
tète  n'est  malheureusement  pas  détaillée,  mais  le  corps  dénote 
de  la  part  de  l'artiste  un  très  grand  sentiment  du  réalisme  des 
formes  et  une  très  grande  habileté  sculpturale.  Cette  femme  est 
entièrement  nue  et  figurée  de  face.  Le  bras  droit  relevé  tient 
une  corne  de  bison  ornée  d'entailles  symétriques,  sans  doute 
destinée  à  boire  ou  à  faire  des  libations.  L'autre  bras  est  replié 
légèrement,  la  main  ramenée  sur  l'épigastre.  Le  modelé  des 
seins  et  de  la  poitrine  est  harmonieux,  ainsi  que  celui  du 
ventre.  Il  dénote  une  femme  bien  développée  et  très  grasse. 
La  région  des  hanches  et  des  cuisses  présente  un  très  grand 
développement  charnu,  sous  forme  de  deux  convexités  bien 
distinctes  rappelant  complètement  les  caractères  physiques  de 
certaines  races  sud-africaines  (Boschimans).  Les  jambes  sont  un 
peu   courtes,  quoique  bien  prises,  mais   légèrement   cagneuses. 

Cette  figure  est  la  plus  complète,  la  plus  belle  et  la  plus  grande 
de  toutes  les  représentations  humaines  de  la  période  quater- 
naire découvertes  jusqu'à  ce  jour.  Elle  évoque  d'ailleurs  le  sou- 
venir des  petites  figurines  d'ivoire  ou  de  pierre,  trop  souvent 
fracturées,  découvertes  dans  divers  gisements  du  même  âge. 

La  seconde  sculpture  féminine,  malheureusement  privée  de 
ses  membres  inférieurs,  se  distingue  de  la  première  par  la 
représentation  des  cheveux  sous  forme  d'un  quadrillé  formé  de 
lignes  parallèles  soutenues  par  un  bandeau,  et  par  un  plus  grand 


56  SÉANCE    DU    15    MARS    1912 

développement  des  seins.  Elle  porte  aussi  des  traces  de  pein- 
ture. 

De  même  que  la  femme  a  été  représentée  par  l'artiste  quater- 
naire sous  la  perspective  de  la  fécondité  et  de  la  maternité, 
l'homme  que  nous  représente  le  troisième  bas-relief  a  été  figuré 
dans  une  posture  qui  évoque  son  rôle  de  pourvoyeur  et  de 
chasseur.  Également  nu,  sauf  une  ceinture  et  une  sorte  de  ban- 
delette sur  l'épaule,  svelte  et  bien  musclé  comme  il  convient  à 
celui  qui  doit  poursuivre  et  atteindre  le  gibier  prompt  à  s'en- 
fuir, il  paraît  ligure  dans  l'acte  de  décocher  une  flèche.  Les  bras, 
malheureusement  fracturés,  semblent  bien,  l'un,  le  gauche,  pro- 
jeté en  avant,  soutenir  l'arc,  et  le  droit,  ramené  en  arrière, 
tendre  la  corde.  Le  torse,  soigneusement  modelé,  la  taille  élé- 
gante, les  reins  cambrés,  tout  cela  indique  chez  le  sculpteur  un 
sentiment  esthétique  déjà  très  raffiné. 

Cette  découverte  de  nombreuses  figurations  humaines  relati- 
vement très  complètes  à  une  époque  très  reculée  jette  un  jour 
inattendu  sur  les  problèmes  relatifs  à  l'origine  de  l'art,  nous 
oblige  à  reculer  jusque  dans  un  passé  plus  ancien  encore  ces 
premiers  balbutiements.  On  est  saisi  de  découvrir  dans  la 
psychologie  d'un  chasseur  de  renne  et  de  mammouth  un  senti- 
ment et  une  éducation  esthétiques  aussi  développés  et  aussi 
proches  des  sentiments  et  de  l'éducation  des  civilisations  supé- 
rieures. Grâce  à  la  fidélité  évidente  de  ces  représentations,  on 
peut  aussi  se  faire  une  idée  plus  exacte  des  populations  qui  ont 
vécu  sur  notre  sol,  qui  y  ont  lutté  pour  l'existence,  et  nous  ne 
sommes  pas  trop  loin  de  la  vérité  en  les  supposant  analogues 
aux  peuplades  également  artistes  qui  peuplaient  avant  l'arrivée 
des  grands  nègres  et  des  Européens  les  régions  méridionales  de 
l'Afrique  jBoschimans). 

M.  Dieuxafoy  présente  quelques  observations. 

MM.  Salomon  Reinach  et  Maurice  Pruu  posent  plusieurs 
questions  à  M.  le  Dr  Lalanne. 

M.  Jean  Psichari  continue  et  achève  sa  communication  inti- 
tulée :  Lamed  et  lambda.  Dans  cette  communication,  M.  Jean 
Psichari,  en  partant  des  formes  actuelles  du  nom  de  cette  lettre 


LIVRES    OFFERTS  57 

en  grec  moderne,  c'est-à-dire  dans  le  grec  le  plus  populaire  de 
nos  jours,  a  essayé  de  déterminer  la  véritable  forme  ancienne, 
laquelle,  d'après  lui,  serait  Xâ/Boa,  non  point  Xàu-fioa.  Puis,  cette 
forme  acquise  et  bien  établie,  il  tâcbe  de  remonter  à  la  forme 
phénicienne  primitive,  qui  serait  Inmcl.  Il  exclut  l'origine  ara- 
méenne,  et,  s'engageant  dans  les  récents  débats  soulevés  au 
sujet  des  origines  de  l'alphabet  grec  lui-même,  conclut  énergi- 
quement  aux  origines  phéniciennes  de  l'alphabet  grec,  ce  dont 
il  voit  la  preuve  dans  la  monographie  minutieuse  relative  au 
Xâ^Sx.  Il  montre,  en  cours  de  route,  tous  les  secours  que  le  grec 
ancien  peut  tirer  ainsi  de  l'étude  méthodique  du  grec  moderne. 

M.  Edouard  Guq  fait  une  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur 
le  Sénatus-consulte  de  Délos  de  l'an  160  avant  notre  ère. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  le  fascicule  4  du 
tome  IV  des  Jnscriptiones  Graecae  ad  res  romanas  pertinentes  (Paris, 
1912,  in-8°). 

M.  Louis  ILvvet,  de  la  part  de  l'auteur,  présente  un  opuscule  inti- 
tulé :  Étude  sur  le  choix  des  mots  dans  les  discours  de  Cicéron,  par 
Louis  Delaruelle,  professeur  adjoint  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Uni- 
versité de  Toulouse.  Fascicule  provisoire  (Toulouse,  1911,  vin-101- 
pages  in-8°)  : 

«  M.  Delaruelle  a  entrepris  d'étudier  la  langue  de  Cicéron  à  un 
point  de  vue  intéressant  et  nouveau.  Il  étudie  le  vocabulaire  oratoire 
de  Cicéron  non  par  comparaison  avec  celui  d'un  autre  auteur, 
comme  serait  César  ou  Tacite,  mais  par  comparaison  avec  Cicéron 
lui-même.  Par  quelques  exemples  parfois  saisissants,  il  fait  voir  que 
le  vocabulaire  des  discours  ne  coïncide  pas  exactement  avec  celui 
des  traités  philosophiques.  Itidem  par  exemple  est  admis  dans  les 
traités,  exclu  dans  les  discours.  Aiujere  figure  dans  vingt-six 
exemples  des  traités,  dans  quatre  exemples  seulement  des  discours; 
encore  un  des  quatre,  comme  M.  Delaruelle  l'a  reconnu  avec  beau- 
coup de  sagacité,  esl-il  apocryphe. 


58  SÉANCE    DU    22    MARS    1912 

«Ces  menus  faits,  qui  semblent  un  peu  décousus  au  premier  abord, 
dépendent  en  réalité  de  certaines  tendances  générales  qui  caracté- 
risent la  langue  propre  de  l'éloquence.  Ils  se  laissent  déjà,  ils  se 
laisseront  de  mieux  en  mieux  classer  d'une  façon  qui  parle  vérita- 
blement à  l'esprit.  Très  sagement,  M.  Delaruelle  se  borne  à  nous 
entrouvrir  quelques  aperçus  qui  se  dégagent  de  ses  premières 
recherches,  et  qu'il  se  réserve  de  préciser  et  de  coordonner  à  mesure 
que  son  œuvre  avancera.  » 

M.  Héron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  du  R.  P. 
Delattre,un  mémoire  intitulé  :  Marques  céramiques  grecques  trouvées 
à  Carlhage,  nouvelle  série  (extr.  de  la  Revue  tunisienne,  1912). 

Au  nom  de  l'auteur,  M.  Henry  Vignaud,  président  de  la  Société 
des  Américanistes  de  Paris,  M.  Henri  Cordier  offre  à  l'Académie  un 
travail  intitulé  :  Henri/  Harrisse,  Élude  biographique  et  morale,  dans 
lequel  est  étudiée  la  personnalité  de  l'auteur  de  la  Bibliotheca  Ame- 
ricana  Vetustissima  et  sont  énumérées  les  publications  nombreuses 
de  ce  bibliographe  et  géographe,  né  à  Paris,  mais  citoyen  des  Etats- 
Unis. 


SÉANCE   DU  22  MARS 


PRESIDENCE     DE    M.    LOl'lS    LEGER. 

A  propos  du  procès-verbal.  M.  Jullian  répond,  ainsi  qu'il  suit, 
aux  doutes  qui  ont  pu  se  manifester  sur  les  bas-reliefs  de 
l'époque  quaternaire  présentés  par  M.  Lalanne  : 

«  Cette  sculpture  stéatopygique  est  conforme  à  tous  les  autres 
vestiges  de  l'art  aurignacien. 

«  Elle  n'a  pu  être  faite  que  par  des  instruments  de  pierre  : 
aucun  objet  de  métal  ne  l'a  touchée. 

«  L'identité  de  patine  de  la  surface  brute  et  de  la  surface 
taillée  indique  une  très  longue  antiquité  du  travail.  —  Il  y  a 
trace,  sur  la  surface,  de  concrétions  stalagmitiques.  postérieures 
à  la  sculpture. 


SÉANCE    DU    22    MARS    1912  59 

«  La  sculpture  a  été  trouvée  in  silu,  c'est-à-dire  là  où  elle  a 
été  travaillée,  enfoncée  dans  un  gisement  aurignacien,  c'est-à- 
dire  contemporain  de  la  date  qu'on  lui  assigne.  Elle  est  sans 
doute  sculptée  sur  un  roc  éboulé,  mais  l'éboulement  est  anté- 
rieur au  travail  de  la  sculpture.  Et  il  y  a  par-dessus  tout  le  gise- 
ment 3  '"  '20  de  couche  stérile. 

«  La  découverte  a  été  faite,  comme  l'exploration,  dans  des 
conditions  de  probité  et  de  publicité  qui  éloignent  tout  soupçon 
d'ordre  personnel.  » 

Le  P.  Sciieil  a  la  parole  pour  une  communication  : 
«  J'ai  l'honneur  de  communicpaer  à  l'Académie  une  décou- 
verte supplémentaire  que  j'ai  faite  sur  la  tablette  royale  dont  je 
l'ai  entretenue  récemment  et  dont  l'importance  est  si  considé- 
rable pour  l'établissement  des  listes  dynastiques  du  Sumer- 
Accad.  On  se  rappelle  que  dans  ce  document  il  restait  une  lacune 
portant  sur  les  2e,  3e,  4e,  5°  rois  de  la  dynastie  d'Agadê.  Cette 
lacune  avait  été  grossièrement  comblée  par  un  fragment  de 
tablette  mathématique  qui  n'avait  aucun  rapport  avec  les  listes 
royales.  J'ai  pu  revoir  l'original  avant  son  exode  de  France,  et 
m'étant  permis  de  soulever  une  pellicule  de  l'enduit  qui  avait 
servi  à  cette  fausse  restauration,  j'ai  lu  distinctement  les  deux 

premiers  signes  du  5e  roi  d'Agadê  :  Sar-g[a] La  restitution 

Sargani  ëarri  s'impose  comme  étant  le  nom  bien  connu,  par  les 
fouilles  de  Telloh  et  Niffer,  d'un  roi  d'Agadê. 

«  Dès  lors,  plus  de  confusion  possible  entre  Sarrukin, 
premier  roi  de  la  dynastie,  et  Sargani  sarri .  Dès  lors,  les  rois 
d'Agadê  se  doivent  sérier  ainsi,  comme  je  l'ai  proposé  en  1908 
(Mémoires,  X,  4)  :  Sarrukin...,  Narâm  Sin,  Sargani  sarri,  et 
non  pas  comme  on  l'a  voulu  sans  raison  suffisante  :  Sarrukin..., 
Sargani  sarri,  Narâm  Sin.  Dès  lors,  Naràm  Sin  peut  donc 
bien  être  descendant  direct  de  Sarrukin,  comme  le  disaient  les 
scribes  babyloniens,  —  nullement  de  Sargani  sarri  qui  a  régné 
après  lui.  C'est  gratuitement  qu'on  a  attribué  à  ces  scribes  une 
confusion,  sur  ce  point,  entre  deux  noms  à  consonance  légè- 
rement semblable.  » 

M.   Colugnon  communique  une  note  de  MM.  Charles  Picard 
et  A.-J.  Reinach,  membres  de  l'Ecole  française  d'Athènes,  expo- 
1912.  s 


GO  SÉANCE    DU    22    MARS    1912 

sant  les  résultats  des  fouilles  qu'ils  ont  entreprises  à  Thasos  en 
1911.  Ils  ont  porté  leurs  recherches  sur  des  points  différents. 
M.  Charles  Picard,  secondé  par  M.  Avezou,  membre  de  l'École, 
s'est  attaché  à  étudier  une  partie  de  l'enceinte  hellénique  et  le 
temple  voisin  de  l'Acropole. 

Des  fouilles  très  fructueuses  lui  ont  permis  d"abord  de  déga- 
ger complètement  deux  portes  déjà  signalées  par  ses  devanciers 
et  offrant  cette  particularité  curieuse  que  les  montants  étaient 
décorés  de  bas-reliefs  dont  plusieurs  ont  été  retrouvés.  D  après 
les  sujets  de  ces  bas-reliefs,  M.  Picard  les  désigne  sous  le  nom 
de  Porte  de  Zeus  et  de  Porte  d'Iféraklès  et  de  Dionysos.  Il  a 
de  plus  découvert  une  autre  porte  percée  obliquement  dans  le 
mur  d'enceinte;  c'est  la  Porte  oblique  ou  du  Silène  au  Canthare. 
Un  des  côtés  était  formé  par  un  monolithe  de  marbre  où  est 
sculptée  en  relief  une  remarquable  figure  de  Silène  tenant  un 
canthare.  œuvre  de  stvle  ionien  du  vie  siècle.  Son  rôle  est  celui 
qu'une  inscription  attribue  à  l'Héraklès  et  au  Dionysos  repré- 
sentés sur  les  bas-reliefs  de  la  porte  voisine;  il  est  le  <<  gardien 
de  la  ville  >>.  La  découverte  est  d'autant  plus  précieuse  que  les 
portes  de  ville  ornées  de  reliefs  sont  fort  rares  en  Grèce. 

Les  recherches  de  M.  Picard  ont  complètement  renouvelé 
l'étude  du  temple  de  l'Acropole  qui  est  aujourd'hui  identifié.  Il 
était  consacré  à  Apollon  Pythios.  C'est  un  temple  de  style 
archaïque  dépourvu  de  colonnade  extérieure .  offrant  le  type 
d  un  sécos  à  trois  divisions.  Il  est  de  très  grandes  dimensions  et 
une  étude  attentive  du  monument  soulèvera  certainement  d'in- 
téressants problèmes  d'architecture.  Les  fouilles  ont  mis  au  jour, 
de  ce  côté,  des  sculptures  dignes  d'attention,  notamment  un  joli 
bas-relief  ionien  rappelant  celui  qu'a  rapporté  .Miller  et  qui  est 
conservé  au  Louvre.  Enfin  M.  Picard  a  dégagé  une  porte 
triomphale  romaine,  érigée  sous  le  règne  de  Caracalla,  et  que 
flanquaient  des  statues  dont  les  bases  ont  été  retrouvées. 

M.  A.-.I.  Reinach  s'était  proposé  d'explorer  le  téménos  d'Arté- 
mis  IIojÀu)  dans  le  voisinage  duquel  ont  été  découvertes  des 
statues  dont  l'une  porte  la  signature  de  Philiskos  de  Rhodes. 
Si  les  fouilles  n'ont  pas  donné  de  résultats  décisifs,  elles  ont 
permis  à  M.  A.-.I.  Heinach  d'étudier  de  plus  près  la  terrasse  du 
téménos  et  la   fontaine  qui  avait  sans  doute  désigné  cet  empla- 


LE    GENRE    DANS    LES    NOMS    DE    NOMBRE    EN    SÉMITIQUE       61 

cernent  pour  un  lieu  de  culte.  Des  sondages  ont  fait  découvrir  les 
vestiges  d'un  monastère  byzantin  { . 

M.    Mayer    Lambert    fait    une   communication    sur   le  genre 
clans  les  noms  de  nombre  en  sémitique2. 


COMMUNICATION 


LE  GENRE  DANS  LES  NOMS  DE  NOMBRE  EN  SEMITIQUE, 
PAR  M.  MAYER  LAMBERT. 

Parmi  les  particularités  que  présentent  les  noms  de 
nombre  en  sémitique,  il  en  est  une  très  curieuse,  à  savoir 
que  les  nombres  de  trois  à  dix  prennent  la  forme  féminine 
quand  ils  se  rapportent  à  des  noms  masculins  et  la  forme 
masculine  quand  ils  se  rapportent  à  des  noms  féminins. 
En  effet,  en  sémitique,  les  masculins  singuliers  présentent 
le  radical  simple,  sans  terminaison,  tandis  que  les  féminins 
singuliers  prennent  une  terminaison  /,  u[t)  ou  ny.  Or,  les 
noms  de  nombre  de  trois  à  dix  présentent,  au  masculin,  la 
terminaison  t  ou  at  et  sont  dépourvus,  au  féminin,  de 
toute  terminaison.  On  dit  :  selâsa  ou  selôsèt  banîm  «trois 
fils»,  et  êaloè  banôt  «trois  filles  ».  Les  grammairiens  se 
sont  évertués  à  expliquer  ce  phénomène  surprenant,  et  nous 
allons  reproduire  quelques-unes  des  explications  qui  en 
ont  été  données  avant  d'en  proposer  nous-même  une  nou- 
velle. 

Des  philologues  de  premier  ordre,  comme  Gesenius3  et 

1 .  Voir  mi  prochain  cahier. 

2.  Voir  ci-après. 

3.  Nous  avons  sous  les  yeux  la  onzième  édition  (1834),  p.  L81. 


62        LE    GENRE    DANS    LES    NOMS    DE    NOMBRE    EN    SÉMITIQUE 

Fleischer1,  ont  admis  que  les  nombres  ont  pris  une  forme 
opposée  à  celle  que  possèdent  les  autres  noms  afin  de  ne 
pas  se  confondre  avec  ceux-ci.  Ils  auraient  ainsi  affirmé 
leur  nature  spéciale,  et,  pour  ne  pas  être  traités  comme  des 
noms  ordinaires,  ils  en  auraient  pris  le  contre-pied.  Il  est  à 
peine  utile  de  chercher  à  réfuter  cette  théorie,  et  il  suffit 
de  remarquer  que  l'adjectif,  le  pronom  et  le  verbe  s'accor- 
dant  avec  le  substantif,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  que  les 
nombres  soient  plus  indépendants. 

D'autres  linguistes,  écartant  cette  vague  psychologie  des 
catégories  grammaticales,  ont  supposé  que  l'une  des  deux 
formes  du  nombre  avait  existé  seule  à  l'origine  pour  les 
deux  genres  et  que  l'autre  a  été  créée  plus  tard  pour  des 
raisons  qu'ils  ont  cherché  à  deviner  ou  à  établir.  Mais  ils 
ne  sont  pas  d'accord  sur  la  question  de  savoir  laquelle  était 
la  forme  primitive,  celle  qui  a  une  terminaison,  ou  celle 
qui  n'en  a  pas.  Les  uns,  parmi  eux2,  ont  pensé  que  la 
forme  primitive  devait  être  la  forme  dite  masculine,  celle 
qui  n'a  pas  de  terminaison  ;  mais,  cette  forme  ayant  été 
ensuite  réservée  aux  féminins,  il  a  fallu,  par  contraste, 
donner  la  forme  féminine  aux  masculins.  Mais  on  ne  com- 
prend pas  pourquoi  la  forme  primitive  a  été,  à  un  moment 
donné,  spécialisée  pour  les  féminins,  alors  qu'elle  avait 
la  forme  masculine,  et  il  est  difficile  de  croire  qu'en  vertu  du 
contraste,  et  en  dépit  de  l'analogie,  les  nombres  masculins 
aient  pris  la  terminaison  caractéristique  du  féminin. 

D'autres  grammairiens  3  ont  admis  que  la  forme  féminine, 
celle  qui  aune  terminaison,  était  la  plus  ancienne,  parce  que 
le  féminin  marque  l'abstraction  et  que  le  nombre  est  par  lui- 
même  un  abstrait.  Les  nombres,  après  avoir  été  des  substan- 


1.  Kleine  Schriften,  II,  p.  46. 

2.  Voir,  p.  c,  Stade,  Hebriiische  Grummatik,  1870.  §  Ml  h. 

3.  E.  Kônig,  Lehrgebâude  der  hebrâischen  Sprache,  II,  1805,  p.  210-211. 
Voir  aussi  Gesenius-Kautzsch,  Hebriiische  Grammaiik,  28e  édition,  009, 
p.  207. 


LE    GENRE    DANS    LES    NOMS    DE    NOMBRE    EN    SÉMITIQUE       03 

tifs,  ont  été  employés  adjectivement.  Il  a  fallu  alors  créer 
une  forme  pour  chaque  genre.  La  forme  première  avec 
terminaison  est  restée  usitée  pour  le  masculin,  parce  que 
c'est  le  g-enre  a  potiori  ou  parce  que  les  hommes  sont  plutôt 
comptés  que  les  femmes,  et,  par  contraste,  la  forme  servant 
aux  noms  féminins  a  été  privée  de  terminaison  et  a  pris 
une  apparence  masculine. 

Cette  solution  du  problème  est  plus  étudiée  que  la  pré- 
cédente ;  elle  essaye  de  faire  comprendre  pourquoi  le 
masculin  a  la  forme  féminine.  Néanmoins  elle  prête  le  flanc 
a  plus  d'une  critique.  Tout  d'abord  il  n'est  pas  exact  que 
le  féminin  marque  l'abstraction.  Dans  les  langues  sémi- 
tiques, il  y  a  une  grande  quantité  de  noms  abstraits  qui  sont 
du  masculin.  Par  exemple,  «grandeur»,  «beauté»  se 
rendent  en  hébreu  par  les  masculins  ffodèl,  ycfî .  Il  n'est 
pas  non  plus  démontré  que  les  nombres  aient  été  considé- 
rés par  les  anciens  Sémites  comme  des  abstraits,  quand  ils 
se  rapportent  à  des  objets  concrets.  Enfin  il  est  difficile  de 
croire  que,  lorsqu'on  a  distingué  les  deux  genres,  on  a 
réservé  au  masculin  la  forme  terminée  par  l,  alors  que  les 
autres  masculins  n'ont  pas  de  terminaison,  et  qu'on  a  donné 
aux  féminins  la  forme  masculine.  La  tendance  à  l'opposi- 
tion des  genres  aurait  eu  là  des  conséquences  vraiment 
extraordinaires. 

M.  Reckendorf  *  a  cherché  à  résoudre  le  problème  non 
plus  au  moyen  d'un  pur  raisonnement,  mais  en  prenant 
pour  point  de  départ  un  fait,  qui  est  le  suivant  :  Le  nombre 
dix,  dans  les  nombres  composés  d'une  unité  et  d'une  dizaine, 
a  la  forme  féminine  pour  les  nombres  féminins,  ainsi  en 
arabe  thalàtha  laêrata,  en  hébreu  seloê  lèsré  «  treize  ». 
M.  Reckendorf  suppose  que  les  nombres  simples  avaient 
à  l'origine,  pour  les  deux  genres,  la  forme  sans  terminaison, 
parce  que  c'étaient  des  concrets.  Dans  les  nombres  compo- 

i.  Dit  syntàctischen    Verh&ltnisse  des  Arabischen,   II.  p.  265    etsuiv. 


64   LE  GENRE  DANS  LES  NOMS  DE  NOMBRE  EN  SÉMITIQUE 

ses,  il  y  a,  selon  lui,  un  rapport  de  génitif  entre  l'unité  et 
la  dizaine  :  treize,  ou  du  moins  le  nombre  sémitique  qui  le 
signifie,  voudrait  dire  «  trois  de  dix,  trois  qui  appartient  à 
la  dizaine»,  de  sorte  que  dans  de  tels  nombres  l'unité  était 
concrète  et  la  dizaine  abstraite.  Plus  tard,  cette  relation 
entre  l'unité  et  la  dizaine  a  été  méconnue  et  l'on  a  cru  que 
treize  voulait  dire  trois  et  dix.  Or,  une  fois  oublié  le  carac- 
tère abstrait  de  la  dizaine  dans  le  nombre  composé,  on  a 
cru  que  ce  nombre,  à  cause  de  sa  terminaison  féminine,  ne 
pouvait  convenir  qu'au  féminin,  et  en  vertu  du  contraste 
l'on  a  créé  pour  le  masculin  des  nombres  composés  une 
forme  inverse,  où  l'unité  a  pris  la  terminaison  féminine  et 
où  la  dizaine  l'a  perdue.  Puis  on  a  reporté  sur  les  nombres 
simples  la  distinction  de  genre  qui  existait  dans  les  nombres 
composés,  et  c'est  ainsi  que  les  nombres  trois  à  dix  ont  pris 
la  terminaison  féminine  au  masculin  et  sont  restés  sans 
terminaison  au  féminin. 

Cette  théorie  est  aussi  compliquée  que  peu  vraisemblable. 
Tout  d'abord  on  comprend  difficilement  que  dans  «  trois  de 
dix  »,  trois  soit  concret  et  dix  abstrait,  outre  que  cette  inter- 
prétation de  <(  treize  »  par  «  trois  de  dix  »  est  passablement 
forcée.  D'ailleurs,  en  hébreu  et  en  araméen,  on  emploie 
le  premier  de  ces  mots  à  l'état  absolu  et  non  pas  à  l'état 
construit.  Ensuite,  pourquoi,  dans  le  nombre  composé,  a-t-il 
fallu  donner  à  l'unité  une  terminaison  féminine  pour  le 
masculin,  alors  surtout  que  les  deux  nombres,  unité  et 
dizaine,  étaient  étroitement  liés  et  que,  par  conséquent, 
c'est  la  forme  du  dernier  seulement  qu'il  y  aurait  eu  lieu  de 
diversifier  pour  marquer  la  distinction  du  genre?  On  com- 
prend que  la  terminaison  du  premier  mot  tombe  devant  le 
second  comme  cela  est  arrivé  en  elfet  en  syriaque,  mais 
non  pas  qu'on  l'introduise  là  où  elle  n'existait  pas,  de 
manière  à  séparer  ce  qui  était  et  devait  être  joint.  La  thèse 
du  contraste  prend  chez  M.  Reckendorf  une  extension  encore 
plus  grande  que  chez  ses  prédécesseurs.  Il  n'est  pas,  enfin, 


LE  GENRE  DANS  LES  NOMS  DE  NOM  BUE  EN  SÉMITIQUE   6.') 

naturel  que  les  nombres  simples  aient  subi  l'analogie  des 
nombres  composés,  alors  que  ceux-ci,  dans  les  temps  pri- 
mitifs, étaient  certainement  beaucoup  moins  employés  que 
les  nombres  simples. 

En  dernier  lieu,  M.  Barth,  professeur  à  Berlin,  rejetant 
toutes  les  explications  antérieures,  a  tenté  d'en  trouver  une 
autre,  en  faveur  de  laquelle  il  invoque  plusieurs  faits  lin- 
guistiques [.  Le  principal  de  ces  faits  est  qu'en  éthiopien  la 
terminaison  des  nombres  masculins  est  tu.  Or  tu  est  en 
éthiopien  une  terminaison  masculine  qui,  dans  les  pronoms, 
s'oppose  au  suffixe  féminin  II  (les  nombres  féminins  de  3  à 
10  en  éthiopien  ne  présentent  pas  d'ailleurs  la  terminaison 
//',  mais  sont,  comme  dans  les  autres  langues  sémitiques, 
sans  terminaison).  M.  Barth  suppose  donc  que  le  sufiixe  tu 
a  été  ajouté  au  nombre  en  sémitique,  non  pas  pour  marquer 
le  genre  masculin,  car  pour  lui,  comme  pour  M.  Reckendorf, 
le  nombre,  à  l'origine,  servait  pour  les  deux  genres  et  n'avait 
pas  de  terminaison,  mais  pour  indiquer  la  détermination; 
tu  aurait  été  à  ce  moment  un  article.  Mais,  comme  tu  était 
dans  les  pronoms  un  masculin,  on  a  oublié  que  dans  les 
nombres  c'était  un  simple  déterminatif,  et  le  nombre  ter- 
miné en  tu  est  devenu  par  là  même  un  masculin.  Par  suite, 
en  vertu  de  la  loi  du  contraste,  la  forme  sans  terminaison 
est  devenue  féminine.  Dans  toutes  les  langues  sémitiques 
tu  s'est  abrégé  en  /,  mais  s'est  maintenu  en  éthiopien.  Le 
caractère  déterminatif  du  suffixe  t  s'est  conservé  en  arabe 
dans  le  nombre  abstrait.  P.  e.,  dans  la  phrase  si  t  ta  tu  dif'u 
tint  lut  luit  h  «  six  est  le  double  de  trois  »,  on  emploie  les 
nombres  avec  terminaison.  De  même,  ta  est  resté  employé 
en  syriaque  dans  le  nombre  déterminé  sans  distinction  de 
genres.  De  même  encore  en  syropalestinien,  où  l'on  peut 
employer  aussi  ti  comme  en  judéo-galiléen.    Pour  ce   qui 


1.  Sprachvoissenschaftliche  Uniersuchungen  zum  Semitischen,  II,   1911, 
p.  1-12. 


66   LE  GENRE  DANS  LES  NOMS  DE  NOMBRE  EN  SÉMITIQUE 

concerne  les  nombres  composés,  on  a  réuni  l'unité  indéter- 
minée (donc  sans  suffixe)  avec  la  dizaine  déterminée. 
Celle-ci  étant  au  génitif  (trois  de  dix)  a  reçu  la  terminai- 
son ta.  Ce  suffixe  a  été  pris  pour  la  marque  du  féminin  et, 
toujours  grâce  à  la  loi  de  contraste,  le  masculin  a  pris  les 
formes  inverses  :  l'unité  a  reçu  la  terminaison  et  la  dizaine 
l'a  perdue. 

Cette  thèse  ne  le  cède  pas  en  complication  à  celle  de 
M.  Reckendorf  et  n'a  pas  beaucoup  plus  de  vraisemblance. 
M.  Reckendorf  lui-même1  y  a  fait  des  objections  dont 
voici  les  principales.  La  supposition  que  tu  aurait  servi 
comme  article  déterminatif  ne  s'appuie  sur  rien.  Nulle  part 
dans  les  langues  sémitiques  on  ne  voit  cette  particule 
démonstrative  jouer  un  tel  rôle.  De  plus,  en  éthiopien,  il  est 
vraisemblable  que  la  terminaison  tu  qui  se  trouve  dans  les 
nombres  trois  à  dix  est  fondée  sur  l'analogie  des  deux 
premiers  nombres,  dans  lesquels  le  suffixe  masculin  tu  est 
opposé  au  suffixe  féminin  ti,  et  ces  deux  nombres  ont 
reçu  leurs  terminaisons  par  analogie  avec  les  pronoms. 
Maison  ne  doit  pas  supposer  que  le  suffixe  tu  ait  existé  dans 
toutes  les  langues  sémitiques,  alors  que  celles-ci  n'en  ont 
pas  conservé  trace. 

Nous  ajouterons  que,  en  ce  qui  concerne  les  nombres 
composés,  M.  Barth  admet  que  l'unité  était  indéterminée  et 
la  dizaine  déterminée.  Or,  dans  les  langues  sémitiques,  le 
nom  construit  est  déterminé  si  son  complément  (le  nom  au 
génitif)  est  déterminé.  Donc,  le  premier  nombre  aurait  dû, 
lui  aussi,  avoir  la  terminaison  tu. 

D'autre  part,  si  M.  Barth,  comme  M.  Reckendorf,  a 
admis  que  treize,  en  sémitique,  voulait  dire  à  l'origine 
«  trois  de  dix  ».  c'est  qu'il  a  cru  que  la  terminaison  ta,  que 
la  dizaine  présente  en  arabe,  devait  être  le  génitif.  Mais  ce 


1.  Voir  Zeilschrifl  der  dentschen  morgenliimlischen  Gesellschaft,  LXV 
1911),  p.  550-55-. 


LE  GENRE  DANS  LES  NOMS  DR  NOMBRE  EN  SÉMITIQUE   67 

peut  être  tout  aussi  bien  l'accusatif,  et  ce  cas  paraît  avoir 
été  employé  ici  comme  il  l'est  dans  certains  pronoms,  tels 
que  le  démonstratif  arabe  cl  h  a,  hébreu  zè,  à  l'exclusion  des 
autres  cas.  En  effet,  les  nombres,  comme  l'a  remarqué 
M.  Reckendorf1,  ont  un  caractère  pronominal,  et  ce  sont 
surtout  les  nombres  composés  qui  ont  ce  caractère,  tandis 
que  les  nombres  simples  ont  conservé  dans  leur  flexion  leur 
nature  primitive  de  noms  communs,  comme  on  le  verra 
plus  loin. 

Enfin  il  paraît  étrange  que  les  dialectes  araméens  mo- 
dernes, sur  lesquels  M.  Barth  s'appuie,  aient  conservé  le 
sens  déterminatif  primordial  des  suffixes  tu,  ta,  ti,  alors 
que,  d'après  le  système  de  M.  Barth,  les  langues  sémi- 
tiques les  plus  anciennes  avaient  déjà  pris  ces  suffixes  pour 
la  marque  du  genre.  Il  est  donc  plus  naturel  de  penser  que 
l'emploi  de  ces  suffixes  dans  le  nombre  à  l'état  déterminé, 
sans  distinction  de  genre,  est  un  phénomène  relativement 
récent.  La  raison  de  ce  phénomène  nous  paraît  être  qu'on  a 
voulu  distinguer  ce  que  j'appellerai  les  nombres  normaux 
des  nombres  accidentels.  En  français,  comme  dans  bien 
d'autres  langues,  on  emploie  quelquefois  les  substantifs  spé- 
ciaux tels  que  trio,  quatuor,  dizaine,  douzaine  pour  les 
nombres  normaux,  opposés  à  trois,  quatre,  dix,  douze,  qui 
sont  des  nombres  accidentels.  En  hébreu,  cette  distinction 
paraît  être  exprimée  par  l'emploi  de  l'état  absolu  et  de 
l'état  construit.  Par  exemple,  dans  la  phrase  :  «  Pendant 
six  jours  tu  travailleras  »  2,  six  est  en  hébreu  à  l'état  cons- 
truit, parce  que  la  semaine  comprend  six  jours  ouvrables  ; 
c'est  donc  un  nombre  normal.  Mais  dans  la  phrase  :  «  J'ai 
enfanté  six  fils  »:i,  le  nombre  est  à  l'état  absolu,  parce  qu'il 
est  accidentel.   Dans  quelques  dialectes  araméens,  on  a  pu 

1.  Voir  Zëitschrift  der  deatschen  morgenlândischen  Gesellschaft,  LXV 
l'.MI  .  p.  554. 

2.  Exode,  xx,  9. 

;(.  Genèse,  xxx,  20. 


(>S        LE    GENRE    DANS    LES    NOMS    DE    NOMBRE    EN    SÉMITIQUE 

se  servir,  pour  faire  la  même  distinction,  du  suffixe  ta  ou  ti, 
qu'on  a  employé  pour  les  nombres  normaux,  en  suppri- 
mant la  distinction  de  genre.  Et  il  est  naturel  qu'on  ne 
trouve  ce  suffixe  qu'en  cas  de  détermination,  parce  que  c'est 
surtout  alors  que  le  nombre  est  un  nombre  normal,  p.  e. 
lorsqu'on  dit  :  «  les  douze  apôtres».  En  hébreu  également, 
c'est  surtout  lorsque  le  substantif  est  déterminé  que  l'on 
emploie  l'état  construit.  Donc  l'emploi  des  suffixes  avec  les 
nombres  à  l'état  déterminé  est  vraisemblablement  un  fait 
secondaire,  qui  ne  peut  être  invoqué  pour  le  proto-sémi- 
tique, et  le  système  de  M.  Barth  n'est  pas  plus  solidement 
établi  que  les  précédents. 

Tous  ces  systèmes  ont,  selon  nous,  le  défaut  qu'ils 
visent  à  expliquer  l'anomalie  du  nombre  par  le  nombre 
lui-même,  isolé  des  autres  noms.  Les  grammairiens  men- 
tionnés ci-dessus  ne  se  sont  pas  demandé  si  l'anomalie 
qu'ils  cherchaient  à  expliquer  ne  se  retrouvait  pas  ailleurs 
que  dans  les  nombres.  Or,  le  fait  que  le  masculin  a  une 
terminaison  t  et  que  le  féminin  n'a  pas  de  terminaison 
n'est  pas  particulier  aux  nombres.  En  arabe,  la  plupart  des 
noms  féminins  perdent  leur  terminaison  féminine  au  plu- 
riel, p  e.  firkat,  pluriel  firak.  Les  noms  appelés  «  noms 
d'unité  »  ont  une  terminaison  que  n'ont  pas  les  noms 
collectifs  correspondants  :  êadjar  «  arbres  »  est  le  collectif  de 
sadjarat.  Inversement,  les  noms  masculins  arabes,  quand 
ils  désignent  des  hommes,  prennent  généralement  une 
terminaison  féminine  at  ou  à,  p.  e.  katabaf,  pluriel  de  kâlib 
«  écrivain»,  asrâ,  pluriel  de  asir  «  prisonnier  »  .  Il  en  est 
de  même  en  éthiopien  et  en  himyarite.  En  hébreu,  beau- 
coup de  substantifs  masculins  ont  au  pluriel  la  terminai- 
son féminine,  p.  e.   abôt,  «  pères  ». 

Or,  que  sont  les  nombres  trois  a  dix  dans  les  langues 
sémitiques?  Ce  sont  évidemment  des  collectifs,  car  le 
moindre  désigne  trois  êtres.  S'il  en  est  ainsi,  il  est  tout 
naturel  que  les  nombres  ne  suivent  pas  la  règle  des  singu- 


LE    GENRE    DANS    LES    NOMS    DE    NOMTîRE    EN    SÉMITIQUE       09 

liers,  mais  celle  des  pluriels.  Ce  sont  donc  les  masculins 
qui  prennent  la  terminaison  t,  et  les  féminins  qui  ne  la 
prennent  pas.  C'est  l'inverse  qui  serait  illogique  et  con- 
traire aux  règles  de  la  grammaire. 

Il  est  à  noter  que  l'on  retrouve  ailleurs  l'emploi  d'un 
suffixe  féminin  singulier  servant  au  masculin  pluriel.  Le 
suffixe  de  la  2e  personne  féminin  singulier  du  futur  îna  est 
aussi  le  suffixe  du  cas  oblique  des  noms  masculins.  D'autre 
part,  le  féminin  pluriel  dans  les  verbes  se  forme  du  mas- 
culin singulier  et  non  pas  du  féminin  singulier,  p.  e.  yaqr~ 
tulna  de  yaqtul  et  non  pas  de  taqtul. 

Nous  avions  exposé  cette  thèse  depuis  de  longues  années 
devant  nos  élèves  et  nous  l'avions  insérée  dans  notre 
grammaire  hébraïque,  encore  inédite,  lorsque  nous  avons 
pris  connaissance  des  considérations  que  M.  Meinhof  1  a 
émises  récemment  à  propos  d'un  ouvrage  sur  les  langues 
africaines2,  et  qui  se  rapprochent  beaucoup  de  notre  thèse. 
En  fui,  le  pluriel  des  noms  désignant  des  personnes  prend 
le  même  préfixe  que  le  singulier  des  noms  de  choses  et  réci- 
proquement. Pour  expliquer  ce  fait,  M.  Meinhof  admet 
qu'un  groupe  d'hommes  n'est  plus  considéré  comme  une 
personne,  mais  comme  une  chose  :  le  soldat  p.  e.  devient  une 
armée.  Inversement,  un  groupe  de  choses  est  traité  comme 
une  personne.  M.  Meinhof  appelle  ce  phénomène  «  pola- 
rité »  ;  on  pourrait  le  nommer  «  croisement  ».  Or,  selon  ce 
linguiste,  la  distinction  de  personne  et  de  chose,  qui  existe 
dans  la  langue  fui,  correspond  a  la  distinction  du  mas- 
culin et  du  féminin  dans  les  langues  chamitiques  et  sémi- 
tiques, et  il  retrouve  dans  ces  deux  groupes  de  langues  des 
faits  qui  corroborent  sa  théorie  de  la  «  polarité  ».  En 
somali,  tout  collectif  formé  d'un  nom  masculin  devient 
un  féminin  et  réciproquement.  En  hébreu  et  en  arabe,  le 

1.  Zeitschrift  derdeutschen  morgenlâ,ndischenGesellschift,  LXV  ^l'-'il), 
p.  201,  205,  207,  '-Mis. 

2.  Westermann,  Handbuch  der  Fui  Sprache  (Berlin,  H>09). 


70        LE    GENRE    DANS    LES    NOMS    DE    NOMBRE    EN    SÉMITIQUE 

substantif  masculin  est  accompagné  d'un  nombre  au  fémi- 
nin, le  substantif  féminin  d'un  nombre  au  masculin.  Le 
plus  masculin  des  masculins,  le  mot  «  père  »  a  la  terminaison 
féminine  au  pluriel,  et  le  plus  féminin  des  féminins,  le 
mot  «  femme  »  a  la  terminaison  masculine.  En  arabe,  le 
pluriel  brisé  même  des  masculins  est  du  genre  féminin.  De 
même  en  nama,  le  féminin  a  aussi  la  fonction  d'un  pluriel 
collectif  pour  le  masculin. 

11  y  aurait  quelques  réserves  à  émettre  sur  les  faits  invo- 
qués par  M.  Meinhof,  mais  nous  ne  voulons  pas  nous  y  arrê- 
ter. Sur  la  question  qui  nous  intéresse,  celle  du  genre  des 
nombres,  M.   Meinhof  s'exprime  d'une  manière  peu  claire. 
Il  veut  dire,  croyons-nous,  qu'un  nom  masculin  pluriel  est 
traité  comme  un  féminin,  et  que,  de  même,  un  féminin  plu- 
riel est  accompagné  d'un  nombre  au  masculin.  C'est  là  que 
M.  Meinhof  voit  un  phénomène  de  polarité.  Pour  nous,  nous 
envisageons  cette  question  d'une   autre  façon  ;  car,   même 
si  les  nombres    sont  isolés,  ils   auront  la  forme    féminine 
quand  ils  se   rapportent  à    des  noms  masculins  et  récipro- 
quement.  C/est  le  nombre  lui-même  qui  est  un  collectif  et 
par  conséquent   doit   être    traité    pour  ce  qui  concerne   le 
genre    à    l'inverse  du   singulier.    C'est    dans    la    forme   du 
nombre  lui-même    que  nous    trouvons  le    phénomène   du 
croisement. 

Est-il  exact  que  les  langues  primitives  aient  considéré 
réellement  le  masculin  pluriel  comme  un  féminin  et  le 
féminin  pluriel  comme  un  masculin  ?  C'est  possible.  Et  il 
est  possible  aussi  que  la  distinction  des  genres  masculin 
et  féminin  dérive  d'une  distinction  plus  ancienne  de  per- 
sonne et  de  chose,  comme  le  croit  M.  Meinhof.  Nous- 
même  avons  souvent  pensé  que  les  distinctions  de  genre, 
de  nombre,  de  cas,  de  mode  se  ramènent  à  une  distinction 
primordiale  d'indépendance  et  de  dépendance.  Le  masculin, 
le  singulier,  le  nominatif,  l'indicatif  se  rattacheraient  à 
l'indépendant,  le  féminin,  le    pluriel,    le   subjonctif    et    le 


LE  GENRE  DANS  LES  NOMS  DE  NOMBRE  EN  SÉMITIQUE   71 

conditionnel,  l'accusatif  et  le  génitif  au  dépendant.  Mais 
ce  sont  des  hypothèses  de  grammaire  préhistorique  dans 
lesquelles  nous  ne  vouions  pas  entrer  ici.  En  restant  dans 
le  domaine  des  faits  grammaticaux  que  présentent  les 
langues  sémitiques  dans  la  période  littéraire,  nous  cons- 
tatons que  le  pluriel  masculin  présente  souvent  les  mêmes 
formes  que  le  féminin  singulier,  et  le  féminin  pluriel  les 
mêmes  formes  que  le  masculin  singulier.  Nous  voyons  un 
cas  particulier  de  ce  phénomène  dans  les  nombres,  qui  pré- 
sentent une  forme  de  genre  opposée  à  celle  des  noms  singu- 
liers, parce  que  ce  sont  des  collectifs. 

M.  Meinhof  est  arrivé  dune  manière  tout  à  fait  indépen- 
dante à  des  conclusions  qui  s'accordent  avec  notre  thèse, 
et  cet  accord  nous  porte  à  croire  que  cette  thèse  est  juste. 
Une  des  énigmes  de  la  grammaire  sémitique  se  résout 
ainsi  avec  une  simplicité  qui  peut,  elle  aussi,  servir  d'argu- 
ment en  faveur  de  la  solution  que  nous  avons  proposée. 

Il  reste  à  dire  un  mot  au  sujet  des  nombres  composés. 
D'où  vient  que  dans  ceux-ci  la  dizaine  a  la  terminaison  fémi- 
nine pour  les  féminins  et  n'a  pas  de  terminaison  dans  les 
masculins,  tandis  que  la  dizaine  simple,  comme  les  autres 
unités,  présente  les  formes  inverses  ?  Il  n'y  a  pas  là  de 
contradiction,  car  on  ne  peut  comparer  les  nombres  com- 
posés aux  nombres  simples.  Ceux-ci  sont  d'anciens  noms 
communs,  signifiant  chaîne,  accouplement,  cercle,  etc., 
et  qui  dans  la  suite  ont  pris  une  acception  numérale  précise  : 
trois,  quatre,  cinq,  etc.  Ils  n'ont  pas  perdu  leur  caractère 
de  noms,  tandis  que  les  nombres  composés  signifiant  onze, 
douze,  n'ont  jamais  eu  le  caractère  de  substantifs,  et  c'est 
ce  qui  explique  les  particularités  qui  les  distinguent,  à  savoir 
qu'ils  ne  se  mettent  pas  à  l'état  construit  et  qu'en  arabe 
ils  sont,  à  part  le  duel  illuiàni[,  indéclinables.    On  ne  les 

1.  Le  duel  dos  pronoms  indéclinables  est  déclinable;  p.  e.  hadhà,  duel 
nominatif,  h&dhâni,  génitif-accusatif  hàdhayni;  alladhl,  duel  n.  nlla- 
dhàni,  g.  a.  alladhayni. 


72  LIVRES    OFFERTS 

traite  plus  comme  des  noms  collectifs,  mais  comme  des 
mots  spéciaux,  qu'on  peut  assimiler  à  des  pronoms.  Il  n'est 
donc  pas  étonnant  que  la  dizaine  ait  alors  au  masculin  la 
forme  masculine  et  au  féminin  la  forme  féminine.  D'autre 
part,  on  doit  remarquer  que  déjà  dans  le  nombre  simple, 
il  v  avait  une  différence  de  radical  entre  le  masculin  et  le 
féminin  pour  le  nombre  dix.  Le  radical  du  masculin  est 
'asa/',  avec  deux  voyelles,  celui  du  féminin  est  'as/*  avec 
une  seule  voyelle.  Cette  différence  subsiste  dans  le  nombre 
composé.  De  la  sorte,  alors  même  que  la  terminaison 
change,  le  genre  reste  marqué  par  un  indice  interne  de  la 
forme  rappelant  le  phénomène  du  pluriel  brisé.  La  diffé- 
rence externe  n'a  donc  pas  la  même  importance  pour  le 
nombre  dix  que  pour  les  autres,  et  l'6n  pouvait  sans  incon- 
vénient y  intervertir  le  rôle  de  la  terminaison,  suivant 
que    le    nombre  était  simple  ou  composé. 

On  nous  permettra  de  conclure  cette  étude  d'un  point 
particulier  de  la  linguistique  en  observant  que  les  notions 
grammaticales  ne  doivent  pas  être  envisagées  pour  les 
temps  anciens  avec  la  rigidité  que  nous  sommes  habitués  à 
leur  reconnaître.  Les  idées  de  genre,  de  nombre,  etc.  ont 
dû  être  assez  fluides  dans  l'antiquité.  Par  suite,  les  formes 
qui  expriment  ces  idées  sont  elles-mêmes  d'un  emploi  plus 
élastique  que  dans  les  langues  modernes.  En  tenant  compte 
de  ce  fait,  on  arrive  plus  facilement  à  résoudre  les  contra- 
dictions apparentes  que  l'on  rencontre  dans  les  phéno- 
mènes grammaticaux. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  peiîpktien  offre  au  nom  de  son  confrère,  M.  Maxime 
Collignon,  et  au  nom  des  éditeurs,  le  fascicule  7  de  la  grande  publi- 
cation intitulée  :  Le  Parthênon. 


LIVRES    OFFERTS  73 

Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  en  outre  sur  le  bureau  le  l9r  fasci- 
cule du  tome  XIXe  des  Monuments  et  Mémoires  publiés  par  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres  sur  les  revenus  de  la  fondation 
Eugène  Piot  (Paris,  1011,  in-4°,  n°  35  de  la  collection). 

M.  Bouché-Leclercq  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

<(  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  notre  corres- 
pondant, M.  Franz  Cumont,  un  volume  intitulé  :  Aslroloyy  and 
Religion  among  the  Greeks  and  Romans  (New-York,  1911,  xxvn- 
208  pp.  in-8°). 

«  C'est  l'édition  anglaise  de  six  lectures  ou  conférences  qu'il  a 
faites  aux  États-Unis,  d'octobre  à  décembre  1911,  sur  invitation  de 
1'  u  American  Commiltee  for  Lectures  on  the  Ilistory  of  Religions  ». 
Ce  que  M.  Cumont  étudie  dans  ces  conférences,  c'est  l'action  exercée 
par  l'astrologie  orientale  sur  les  croyances  et  les  cultes  du  monde 
gréco-romain.  Sur  un  pareil  sujet,  il  est  peut-être  plus  facile  d'écrire 
de  gros  livres  que  d'amener  à  l'état  d'exposé  à  la  fois  concis  et 
limpide,  abordable  à  tous  les  esprits  cultivés,  un  pareil  enchevê- 
trement d'idées  complexes,  de  sentiments  et  de  logique,  de  piété  et 
de  fatalisme  ;  de  démêler  et  de  suivre  sans  le  rompre  le  fd  ténu  qui 
assemble  et  barmonise  toutes  ces  données  contradictoires.  Nul  n'était 
mieux  préparé  à  cette  tàcbe  de  vulgarisation  scientifique  que* 
M.  Cumont,  et  l'on  peut  dire  qu'il  s'en  est  acquitté  avec  une  véritable 
maîtrise. 

«  Le  principe  générateur  de  l'astrologie  est  la  foi  en  la  divinité 
des  astres  et  leur  action  sur  l'homme  :  une  foi  qui  cherche  à  se 
démontrer  comme  une  science  exacte.  Auprès  de  ces  dieux  éclatants 
de  lumière,  de  ces  astres  intelligents,  éternels,  ><  catholiques  », 
c'est-à-dire  régissant  l'univers  entier,  les  dieux  anthropomorphes  de 
la  Grèce  paraissent  bien  mesquins,  à  une  époque  surtout  où  ils  sont 
relégués  hors  du  monde  par  l'épicurisme  et  disqualifiés  par  l'évhé- 
mérisme.  Les  doctrines  orientales  pénètrent  dans  les  écoles  philo- 
sophiques et  s'associent  intimement  au  panthéisme  stoïcien,  qui 
leur  sert  de  véhicule.  Les  religions  finit  une  place  de  plus  en  plus 
large  aux  divinités  sidérales,  groupées  hiérarebiquement  autour  du 
Soleil,  centre  du  monde  visible,  peu  à  peu  subordonné  lui-même  à 
un  Être  suprême,  un  Dieu  intelligible  (votjto's).  Ainsi,  transformant 
l'admiration  en  piété,  s'imposanl  même  au  vulgaire  par  le  renom  de 
sa  prescience  divinatoire,  la  tbéologie  astrale  propage  une  concep- 
tion nouvelle  de  la  solidarité  el  de  l'harmonie  dans  le  Cosmos.  La 
destinée  de  l'homme  —  du  microcosme  —  s'en  trouve  anoblie  : 
l'étincelle   qui   l'anime,  descendue  des  astres,  doit  y   remonter,   et 


74  LIVRES    OFFERTS 

d'autant  plus  haut  qu'elle  se  sera,  par  la  pratique  de  la  vertu,  plus 
complètement  dégagée  de  la  matière.  Plus  d'enfer  souterrain  ni  de 
proscription  éternelle  :  les  âmes  encore  alourdies,  ballottées  dans 
l'atmosphère  sublunaire,  s'y  purifieront  par  la  souffrance  jusqu'à  ce 
qu'elles  acquièrent  la  légèreté  spécifique  qui  leur  permettra  d'at- 
teindre le  séjour  ou  les  séjours  de  la  félicité,  félicité  toute  spirituelle 
et  contemplative  pour  les  âmes  d'élite.  Sous  l'influence  des  spécula- 
tions astrologiques,  la  pensée  antique  allait  pour  ainsi  dire  au 
devant  du  christianisme  et  en  préparait  l'avènement. 

«  Mais  cette  eschatologie,  qui  suppose  l'homme  capable  de  vertu 
et  de  vice,  est  en  contradiction  avec  le  fatalisme  astrologique.  Sans 
doute,  en  tant  que  science  «  mathématique  »,  l'astrologie  est  rigou- 
reusement déterministe  ;  mais  sa  théologie  n'est  pas  plus  fataliste 
que  les  philosophies  et  religions  qui  placent  dans  la  pensée  divine 
le  plan  éternellement  préconçu  et  infailliblement  réalisé  de  la 
Destinée.  Toutes  ont  fait  de  la  résignation  une  vertu,  —  la  vertu  par 
excellence  dans  l'Islam;  — aucune  n'a  poussé  la  logique  jusqu'à 
renoncer  à  agir  par  la  prière  sur  des  volontés  dites  immuables.  Le 
fatalisme  absolu  aboutirait  à  la  négation  de  la  liberté  divine  aussi 
bien  que  de  la  liberté  humaine.  La  religion  astrologique  se  prêtait 
même  mieux  que  le  pur  monothéisme  aux  accommodements.  Ses 
'dieux,  êtres  raisonnables  et  sensibles,  peuvent  non  pas  dérégler 
leur  marche,  mais  modifier  leur  action  sur  l'homme.  Un  des  cha- 
pitres les  plus  neufs  dans  le  livre  de  M.  Cumont  est  celui  où  il  nous 
montre  le  «  mysticisme  astral  »  apportant  de  l'Orient  le  remède  au 
fatalisme  :  des  recettes  nouvelles  pour  entrer  en  relations  avec  les 
dieux,  des  incantations  magiques  et  des  cérémonies  mystérieuses, 
enfin  des  moyens  plus  forts,  proportionnés  à  une  tâche  plus  ardue  et 
plus  lointaine,  à  laquelle  les  anciens  rites  ne  suffisaient  plus. 

«  M.  Franz  Cumont  nous  fait  espérer  (p.  v)  la  publication  d'un 
ouvrage  dont  cette  brillante  esquisse  n'est  que  le  cadre  ou  la  pré- 
face. Souhaitons-la  prochaine,  et,  en  attendant,  remercions  le  savant 
auteur  de  ce  qu'il  nous  donne  aujourd'hui  ». 

M.  Collignon  offre  à  l'Académie  l'ouvrage  suivant  :  Fouilles  de 
Delphes,  tome  III,  Épiçjraphie,  deuxième  fascicule  (suite),  par  M.  G. 
Colin,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Université  de  Caen 
(Paris,  Fontemoing,  1911)  : 

«  J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie,  au  nom  de  la  Commis- 
sion de  publication  des  fouilles  de  Delphes,  un  nouveau  fascicule 
épigraphique  dont  l'auteur  est  M.  G.  Colin.  Il  suit  d'assez  près  celui 
qu'a  donné,  à  la  fin  de  l'année  dernière,  M.  Emile  Bourguet,  témoi- 


SÉANCE    DU    29    MARS    1912  75 

gnant  ainsi  de  l'activité  avec  laquelle  se  poursuit  la  publication  des 
inscriptions  de  Delphes.  M.  Colin  a  déjà  consacré  deux  fascicules, 
publiés  en  1909  et  en  1911,  aux  textes  épigraphiques  relevés  sur  le 
Trésor  des  Athéniens.  Il  complète  aujourd'hui  son  travail.  Aux  textes 
provenant  du  monument  proprement  dit,  il  a  ajouté  ceux  qui  sont  gra- 
vés sur  des  cippes  dont  il  a  reconnu  la  place,  et  qui  s'alignaient,  reliés 
par  un  couronnement,  sur  la  terrasse  du  Trésor.  Ce  sont  des  actes 
d'affranchissement  et  des  décrets  de  proxénie.  Parmi  les  inscrip- 
tions du  Trésor,  il  y  a  lieu  de  mentionner  un  procès-verbal  de  bor- 
nage entre  Delphes  et  deux  villes  voisines,  Ambryssos  et  Phlygo- 
nion,  dont  M.  Colin  a  dû,  par  des  recherches  topographiques,  iden- 
tifier  remplacement,  et  un  décret  amphyetionique  donnant  cours 
forcé  aux  létradrachmes  attiques,  document  dont  M.  Th.  Reinach  a 
fait  ressortir  l'importance  dans  sa  récente  étude  sur  Y  Anarchie 
monétaire.  M.  Th.  Reinach  a  bien  voulu  se  charger  de  commenter 
deux  inscriptions  célèbres,  les  deux  hymnes  à  Apollon,  dont  on  sait 
qu'il  a  restitué  la  transcription  en  notes  musicales,  alors  que  notre 
regretté  confrère  M.  Henri  Weil  en  reconstiluait  le  texte  poétique. 
La  Commission  le  remercie  d'avoir  prêté  à  M.  Colin  son  obligeant 
concours  pour  la  publication  définitive  de  ces  textes,  dont  il  a  été  le 
premier  à  montrer  tout  ce  qu'ils  ajoutent  à  notre  connaissance  de 
l'art  musical  des  Grecs.  En  faisant  hommage  de  ce  travail  à  l'Acadé- 
mie, je  tiens  à  rappeler  que  depuis  l'année  1909  il  n'a  pas  paru 
moins  de  six  fascicules,  dont  cinq  sont  relatifs  à  l'épigraphie.  Deux 
autres  sont  déjà  en  préparation.  C'est  assez  dire  que  MM.  Bourguet 
et  Colin  font  preuve  du  zèle  le  plus  louable,  et  qu'il  est  permis 
d'espérer  que  la  publication  épigraphique  sera  promptement  menée 
à  bonne  fin.  » 


SÉANCE  DU  29  MARS 

PRÉSIDENCE    DU    M.    LOUIS    LEGER. 

le  président  prononce  l'allocution  suivante  : 

Mes  chers  Confrères, 

Lorsque  nous  nous  sommes  séparés  vendredi  dernier,  nul  d'entre 
nous  n'aurait  pu  prévoir  le  deuil  qui  devait  nous  frapper  si  brusque- 
1912.  ,; 


76  SÉANCE   DU    29    MARS    1912 

ment.  Notre  excellent  confrère,  M.  Philippe  Berger,  n'avait  point 
assisté  à  la  séance  :  mais  nous  ne  savions  même  pas  qu'il  fût  souf- 
frant et  nous  supposions  qu'il  avait  été  retenu  au  Sénat  par  son 
devoir  de  parlementaire.  Atteint  d'une  très  légère  indisposition,  il 
avait  dû  garder  la  chambre  et  rien  ne  donnait  lieu  de  craindre  une 
issue  fatale.  Dimanche  matin,  il  n'était  plus.  La  mort  avait  fondu 
soudain  sur  lui  et  mis  fin  en  quelques  instants  à  cette  belle  vie.  Il  a 
été  enlevé  en  pleine  vigueur,  et  le  coup  qui  frappe  une  famille  déjà 
si  souvent  éprouvée  nous  est  d'autant  plus  douloureux  qu'il  atteint 
au  cœur  un  de  nos  confrères,  M.  Élie  Berger.  Je  lui  adresse,  j'envoie 
à  tous  les  siens  l'expression  de  nos  condoléances  les  plus  affec- 
tueuses, et  mon  émotion  est  d'autant  plus  profonde  que  je  perds  en 
Philippe  Berger  un  compagnon  de  ma  jeunesse,  un  ami  de  quarante 
ans. 

Vous  savez  combien  il  était  attaché  à  notre  Compagnie,  combien  il 
y  était  aimé.  Avant  de  faire  partie  de  l'Académie,  il  lui  avait  déjà 
rendu  de  signalés  services,  comme  bibliothécaire  de  l'Institut  et 
comme  auxiliaire  de  la  Commission  du  Corpus  des  Inscriptions 
sémitiques.  Successeur  de  Benan  à  l'Académie  et  au  Collège  de 
France,  il  avait  justifié  ce  double  honneur  par  la  probité  de  son 
érudition,  par  son  infatigable  ardeur  au  travail.  Dans  ces  dernières 
années,  la  politique  l'avait  disputé  à  la  science,  mais  il  nous  donnait 
tous  les  loisirs  qu'elle  lui  laissait,  et  nous  lui  en  étions  reconnaissants. 
Vous  vous  l'appelez  avec  quel  empressement,  je  dirais  avec  quelle 
allégresse  il  se  hâtait  de  nous  apporter  les  trouvailles  les  plus 
récentes  de  l'archéologie  et  de  la  philologie  sémitiques.  Il  ne  comp- 
tait parmi  nous  que  des  amis. 

Il  repose  aujourd'hui  dans  sa  chère  Alsace.  Nous  ne  le  reverrons 
plus,  mais  son  nom  reviendra  bien  souvent  dans  nos  entretiens,  cl 
bien  longtemps  encore  nos  yeux  le  chercheront  à  cette  place  qu'il  a 
occupée  pendant  tant  d'années.  Nous  n'entendrons  plus  cette  parole 
ardente,  mais  longtemps  encore  elle  résonnera  dans  notre  souve- 
nir. 

Les  funérailles  avant  été  célébrées  mercredi  dernier,  les  traditions 
de  l'Académie  ne  nous  permettent  pas  de  lever  la  séance.  La  meil- 
leure manière  d'honorer  la  mémoire  de  notre  laborieux  confrère, 
c'est  d'imiter  son  exemple.  Bemettons-nous  au  travail. 

La  Société  Orientale  Américaine  annonce,  dans  une  circu- 
laire, qu'elle  tiendra  sa  124e  Assemblée  annuelle  les  9,  10  et  11 
avril  à  la  Columbia  L'niversity  de  New-York. 


SÉANCE    DU    29    MARS    1912  77 

M.  Pierre  Paris,  correspondant,  adresse  a  l'Académie  un 
exemplaire  de  son  rapport  sur  les  travaux  des  membres  de 
l'École  française  d'Espagne  en   1910-1911. 

M.  Ciiavannes,  au  nom  de  la  Commission  du  Prix  ordinaire 
et  de  la  Commission  du  Prix  Stanislas  Julien,  donne  lecture 
des  rapports  suivants  : 

1°PRI.\    ORDINAIRE   (2000.fr.) 

«  Le  sujet  proposé  au  concours  était  une  étude  sur  le  Turkes- 
tan  Oriental.  Les  membres  de  la  Commission,  après  avoir  pris 
connaissance  du  seul  mémoire  qui  avait  été  déposé,  l'ont  jugé 
à  l'unanimité  insuffisant.  Ils  ont  décidé  de  ne  pas  décerner  le 
prix  et  d'accorder  une  récompense  de  1500  francs  à  M.  Gautbiot 
pour  ses  travaux  sur  le  dialecte  iranien  connu  sous  le  nom  de 
langue  soghdienne.  » 

2°  prix  Stanislas  jilien(1500  fr.). 

«  La  Commission  a  décerné  un  prix  de  1000  francs  à  M.  Saviua 
pour  son  Dictionnaire  Tay- Annamite-français,  et  deux  récom- 
penses de  500  francs  chacune,  l'une  à  M.  Doré  pour  ses 
Recherches  sur  les  superstitions  en  Chine,  l'autre  à  M.  Raphaël 
Petrucci  pour  sa  Philosophie  de  la  nature  dans  l'art  d'Extrême- 
Orient.  » 

M.  Auguste  Audollent,  professeur  à  l'Université  de  Clermont- 
Ferrand,  fait  la  communication  suivante  : 

«  Le  village  des  Martres-de-Veyre,  situé  à  14  kilomètres  au 
Sud  de  Clermont-Ferrand,  sur  la  rive  gauche  de  l'Allier,  est  bien 
connu  des  archéologues.  On  a  fait  à  plusieurs  reprises  sur  son 
territoire  des  découvertes  qui  intéressent  les  époques  les  plus 
diverses,  depuis  les  temps  paléolithiques  jusqu'au  in8  ou  iv8  siècle 
de  l'ère  chrétienne.  C'était  un  centre  de  fabrication  céramique 
assez  important;  de  nombreuses  poteries  y  ont  été  exhumées  à 
coté  des  fours  où  on  les  cuisait.  La  plupart  de  ces  trouvailles  ont 
eu  lieu  au  Sud  du  bourg,  au  territoire  du  Lau  (ou  Lad).  La  plus 
remarquable  est  celle  d'un  groupe  de  sépultures  dégagées  dans 
deux  champs  tout  voisins,  en  1851  et  en  1893.  Une  partie  seule- 
ment de  leur  mobilier  a  pu  être  transportée  au  .Musée  de  Cler- 
monl.  L'étude  de  ces  pièces,  complétée  par  quelques  renseigne- 
ments contemporains  des  fouilles,  nous  révèle  le  caractère  très 
particulier  de  ces  tombes. 


78  SÉANCE    DU    29    MARS    1912 

«  Elles  sont  au  nombre  de  six,  une  à  incinération,  cinq  à 
inhumation,  profondément  enfouies  dans  le  sol  et  consistant  en 
une  caisse  de  bois,  qui  renfermait,  outre  les  cendres  ou  le  corps, 
toute  une  série  d'objets.  Un  seul  des  défunts  gisait  à  même  la 
terre.  La  conservation  de  l'ensemble  est  si  complète  que  ces  morts 
sont  apparus,  sinon  tels  qu'on  les  avait  déposés  là,  du  moins  assez 
peu  altérés  pour  qu'on  pût  encore  presque  distinguer  leurs 
traits,  avant  que  l'air  en  pénétrant  ne  les  eût  fait  tomber  en 
poussière.  On  reconnut  un  homme  pourvu  d'une  longue  barbe, 
trois  femmes  de  vingt  à  quarante  ans  aux  cheveux  nattés,  et  une 
toute  jeune  enfant  entourée  de  ses  jouets.  Us  reposaient  sur  des 
étoffes,  les  unes  fines,  les  autres  épaisses  et  grossières,  entière- 
ment vêtus,  chaussures  aux  pieds,  munis  d'ailleurs  de  la  nourri- 
ture qui  pouvait  leur  être  nécessaire  pour  la  vie  d'outre-tombe 
et  des  objets  qui  leur  étaient  familiers  dans  celle  dont  ils 
sortaient. 

«  Ces  six  tombes  ont  fourni  en  quantité  presque  égale  des 
matières  minérales,  des  matières  végétales  et  des  matières  ani- 
males. Leur  contenu  se  répartit  donc  naturellement  en  trois 
catégories. 

«  Dans  la  première,  il  faut  ranger  d'abord  les  terres  cuites;  ce 
qu'on  en  a  recueilli  ne  représente  qu'une  faible  partie  de  celles 
qui  les  garnissaient  :  vases  à  panse  de  terre_  fine  blanche  sans 
couverte  ou  déterre  noirâtre,  écuelles  grises,  blanches  ou  noires, 
assiettes  de  terre  noire  et  un  joli  bol  rouge  clair.  Le  verre  est 
représenté  surtout  par  une  gracieuse  carafe  bleu  pâle  et  deux 
minuscules  bouteilles,  l'une  bleue,  l'autre  jaune,  restes  probables 
d'un  w  ménage  de  poupée  ».  Notons  la  rareté  des  pièces  métal- 
liques; un  grand  anneau  de  meuble,  un  bracelet,  une  clochette, 
sont  les  seules  à  signaler. 

«  Les  matières  végétales  abondent.  Un  unique  fragment  subsiste 
des  cercueils,  chêne  ou  châtaignier,  d'un  travail  rudimentaire. 
Cinq  petites  boîtes  à  couvercle,  de  forme  tantôt  ovoïde,  tantôt 
cylindrique,  témoignent  d'une  réelle  habileté  de  main  chez 
l'ouvrier  qui  les  tourna.  Un  peigne  d'un  bois  fin,  analogue  au 
buis,  une  quenouille  garnie  encore  de  sa  touffe  de  laine  blanche, 
rentrent  dans  cette  même  catégorie  du  bois  ouvré.  Deux  corbeilles 
d'osier    rondes  représentent  le   travail    du    vannier,    l'une    très 


SÉANCE  DU   29   MARS   1912  79 

endommagée,  l'autre  à  peu  près  intacte,  spécimen  rare  d'une 
industrie  qui  devait  être  florissante  dans  la  Gaule  romaine. 

«  Beaucoup  des  récipients  que  j'ai  énumérés  contenaient  en 
abondance  des  produits  végétaux  comestibles,  graines  de 
coriandre  dont  les  fruits  s'employaient  jadis  comme  condiment, 
pommes,  noix,  grappes  de  raisin,  et  surtout  noisettes  d'une  fraî- 
cheur surprenante.  Une  petite  masse  noire  a  souvent  intrigué 
ceux  qui  l'ont  examinée  :  il  s'agit  d'une  sorte  de  confiture  ou  de 
compote,  faite  avec  des  fruits  écrasés,  et  qui  s'est  moulée  en 
forme  de  tartelette  dans  le  vase  de  terre  grossière  où  elle  a  été 
cuite. 

«  Parmi  les  matières  animales,  il  y  a  lieu  de  mettre  à  part  les 
restes  des  défunts,  qui  ne  comprennent  aujourd'hui  qu'un  cubi- 
tus mutilé  et  trois  chevelures,  deux  blondes  et  une  châtain  foncé, 
encore  très  souples  et  brillantes.  Viennent  ensuite  les  vêtements  : 
en  première  ligne,  quatre  paires  de  chaussures,  dont  deux  entiè- 
rement de  cuir  fort,  à  semelle  garnie  de  clous  pointus,  la  troi- 
sième de  cuir  plus  souple  avec  une  épaisse  semelle  de  liège,  une 
dernière  formée  d'un  simple  patin  de  bois  intérieurement  fourré 
de  laine  et  retenant  le  pied  par  des  courroies  placées  de  biais  ; 
puis  les  étoffes,  les  unes  d'un  usage  évident,  les  autres  sans  des- 
tination bien  certaine;  au  premier  groupe  appartiennent  une 
ample  tunique  de  nuance  marron  foncé,  d'une  seule  pièce  sauf 
les  manches,  une  longue  ceinture  en  forme  d'étroite  écharpe  ter- 
minée par  des  franges,  des  bas  de  laine  brune  feutrée  qui  mon- 
taient jusqu'à  la  cuisse,  des  chaussons  également  feutrés  qui 
rappellent  la  peau  de  daim,  enfin  une  dizaine  d'échantillons  plus 
ou  moins  détériorés,  mais  qui  fournissent  tous  d'utiles  indications 
sur  la  technique  du  tissage  à  l'époque  romaine.  On  y  constate 
l'emploi  exclusif  de  la  laine  et  son  choix  judicieux  suivant  l'usage 
auquel  le  tissu  était  réservé,  la  structure  relativement  perfec- 
tionnée du  fil,  la  teinture  avant  le  travail  du  métier,  l'introduc- 
tion du  peigne  dans  les  montages.  On  en  peut  déduire  sans  hésiter 
que  la  fabrication  des  tissus  était  très  avancée  en  Gaule  à 
l'époque  qui  nous  occupe,  c'est-à-dire,  selon  toute  vraisem- 
blance, au  commencement  du  ne  siècle  de  l'ère  chrétienne. 

«  Pour  obtenir  cette  date  approximative,  nous  avons  une 
donnée  assez  précise:  c'est  la  présence  dans  la  main  des  défunts 


80  SÉANCE    DU    29    MARS    1912 

ou  tout  près  d'eux,  au  même  niveau  archéologique,  de  monnaies 
appartenant  au  ior  siècle  ou  à  la  première  moitié  du  ne.  La 
forme  des  vases  est  plutôt  favorable  à  cette  conclusion.  Quant 
au  reste,  on  n'y  découvre  pas  de  caractères  assez  précis  pour  en 
tirer  argument  en  faveur  de  l'hypothèse  ou  contre  elle.  Ni  les 
vêtements,  ni  la  disposition  en  nattes  des  chevelures  ne  révèlent 
la  mode  d'un  temps  déterminé.  Et  quand  même  ils  l'indiqueraient, 
on  sent  assez  combien  il  serait  téméraire  d'invoquer  à  propos 
d'un  modeste  village  arverne  une  preuve  valable  tout  au  plus 
pour  les  élégantes  des  villes. 

«  Car  nous  avons  à  faire  ici  à  des  personnes  de  condition 
ordinaire.  Leur  famille  les  a  pourvues  abondamment  de  ce  qu'elle 
croyait  utile  dans  un  tombeau;  elle  n'a  pu  leur  donner,  comme 
gage  de  son  affection  et  de  ses  regrets,  que  ce  qu'elle  possédait 
elle-même,  de  la  vaisselle  sans  ornements,  des  vêtements 
modestes,  des  aliments  communs.  Ce  par  quoi  se  distinguent  les 
sépultures  des  Martres-de-Veyre,  ce  n'est  donc  pas  l'élégance  et 
la  richesse  du  mobilier  ,  mais  son  extraordinaire  état  de  conser- 
vation :  les  matières  putrescibles,  fruits,  tissus,  chevelures,  etc., 
ont  résisté,  au  lieu  que  celles  qui  souvent  durent,  comme  les 
ossements,  sont  ici  en  grande  partie  détruites.  D'où  vient  cette 
anomalie  ? 

«  A  l'ouverture  des  cercueils,  on  vit  pendant  quelques  minutes 
les  traits  des  défunts,  tandis  qu'une  odeur  infecte  s'échappait  de 
la  caisse;  quand  les  corps  se  furent  désagrégés  sous  l'action  de 
l'air  introduit,  l'odeur  disparut.  D'autre  part,  pour  deux  des  cer- 
cueils, l'un  de  chêne,  l'autre  de  sapin,  exhumés  en  1893,  le  bois 
n'avait  subi  presque  aucune  altération;  au  contraire,  les  clous  qui 
maintenaient  les  planches  étaient  complètement  oxydés.  En 
rapprochant  ces  deux  faits,  on  pourrait  être  tenté  de  conclure  que 
la  cause  préservatrice  existait  uniquement  à  l'intérieur  des  cer- 
cueils. Influencé  par  elle  sur  une  de  ses  faces,  le  bois  en  aurait 
éprouvé  l'effet  salutaire  dans  toutes  ses  parties;  les  clous,  ne 
subissant  que  l'action  des  agents  extérieurs,  n'auraient  pu  échap- 
per a  l'oxydation.  Mais  la  caisse  de  sapin  était  complètement 
enveloppée  d'une  épaisse  couche  d'argile  plastique,  par  consé- 
quent garantie,  du  moins  apparemment,  de  toute  pénétration  de 
l'air,  de  toute  infiltration  de  l'eau.  Par  suite,  les  clous  étant  aussi 


SÉANCE    DU    29    MARS    1912  81 

protégés  n'auraient  pas  dû  être  attaqués,  eux  non  plus.  On  ne 
nous  dit  pas  du  reste  que  la  même  précaution  ait  été  prise  pour 
les  autres  tombes.  Cherchons  donc  une  explication  à  la  fois  plus 
logique  et  plus  générale. 

«  11  faut  exclure  l'idée  d'un  embaumement.  J^a  disparition 
même  des  corps  prouve  bien  qu'on  n'avait  pas  employé  d'aro- 
mates comme  en  Egypte. 

«  Invoquerons-nous  la  nature  du  terrain?  Il  ne  s'agit  pas  ici 
d'une  argile  compacte,  comme  celle  dont  les  bancs  sont  exploités 
plus  loin,  sur  ce  même  terroir  du  Lau,  mais  d'une  couche  de 
sable  grisâtre,  que  les  gaz  et  l'eau  semblent  pouvoir  aisément 
traverser;  terre  non  argileuse,  sans  carbonate  de  chaux,  et  qui 
ne  paraît  propre  en  aucune  façon  à  défendre  contre  la  destruc- 
tion les  objets  qu'on  lui  a  confiés. 

«  Reste  une  hypothèse  que  j'ai  entendu  parfois  exprimer.  La 
région  située  au  Sud  des  Martres-de-Veyre  abonde  en  sources 
minérales  chargées  d'acide  carbonique;  le  quartier  compris  dans 
la  boucle  de  l'Allier,  en  aval  du  pont  de  Longue,  en  a  même 
reçu  un  nom  significatif,  les  Saladis.  Mais  ce  gaz  conserva- 
teur se  trouve  aussi  plus  près  du  lieu  de  nos  sépultures.  En  face 
d'elles,  à  150  m.  environ,  un  fort  bouillonnement  se  manifeste 
dans  l'eau  de  la  rivière,  annonçant  un  dégagement  de  sources 
gazeuses.  Sur  place  même,  pendant  les  fouilles  de  1893,  les 
ouvriers  se  plaignaient,  dit-on,  d'être  incommodés  par  les  éma- 
nations du  gaz.  Il  est  donc  permis  de  supposer  que  l'acide  car- 
bonique, s'étant  introduit  dans  les  cercueils,  en  avait  chassé  l'air 
plus  léger  que  lui,  arrêtant  les  fermentations  selon  son  rôle 
ordinaire.  Les  germes  une  fois  détruits,  on  s'expliquerait  dès  lors 
sans  peine  comment  toutes  ces  matières  végétales  et  animales  ne 
se  sont  pas  décomposées  dans  le  sol  et  ne  s'altèrent  plus  dans 
les  vitrines  du  Musée  de  Glermont,  où  elles  sont  exposées  depuis 
de  longues  années,  sans  qu'on  ait  été  obligé  de  prendre  aucune 
précaution  particulière  pour  les  préserver. 

«  Je  livre  cette  explication  à  l'examen  des  savants  com- 
pétents, seuls  qualifiés  pour  dire  si  elle  a  quelque  valeur. 
Peut-être  sauront-ils  lui  en  substituer  une  autre  plus  satisfai- 
sante pour  rendre  compte  des  faits  complexes  que  je  viens 
d'exposer.  » 


82  SÉANCE    DU    29    MARS    1912 

M.  Joseph  Déchelette,  correspondant  de  l'Académie,  donne 
lecture  d'un  mémoire  relatif  au  vase  dit  «  des  Moissonneurs  » 
d'IIaghia  Triada,  l'un  des  principaux  ouvrages  de  l'art  crétois 
minoen.  Il  montre  que  le  bas-relief  ornant  ce  vase,  objet  de 
diverses  interprétations,  représente,  en  réalité,  une  procession 
solennelle  de  sacrificateurs  se  rendant  à  l'autel  sous  la  conduite 
d'un  prêtre.  C'est  une  des  plus  anciennes  figurations  des  céré- 
monies rituelles  qui  précédaient  l'hécatombe  homérique  '. 

MM.  Salomon  Reixach,  Pottier,  Foicart,  Helzev,  Dieulafoy 
et  Perrot  présentent  à  ce  sujet  quelques  observations. 

M.  le  marquis  de  Vogié  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  Les  PP.  Jaussen  et  Savignac  offrent  à  l'Académie,  pour  le 
Corpus  Inscriplionum  Semitiearum,  environ  220  estampages, 
se  décomposant  ainsi  :  32  inscriptions  minéennes  dont  20  iné- 
dites; 52  graffites  minéens,  presque  tous  inédits,  49  inscriptions 
lihyanites  dont  27  inédites;  79  graffites  lihyanites  inédits;  enfin 
quelques  estampages  nabatéens  et  hébreux,  en  très  petit  nombre 
et  de  peu  d'importance. 

«  C'est  le  fruit  de  leur  deuxième  mission  en  Arabie,  dans  la 
région  de  El  Ela,  Hereibeh  et  MedaXn  Saleh.  » 

M.  Dieulafoy  ajoute  : 

«  L'Académie  a  pu  juger,  d'après  l'exposé  qui  vient  d'être  fait 
par  notre  confrère  M.  le  marquis  de  Yogiié,  de  l'importance  épi- 
graphique  de  la  mission  que  viennent  d'accomplir  les  Pères  Domi- 
nicains de  Jérusalem.  Je  demande  la  permission  de  rappeler  que 
cette  seconde  mission,  comme  la  première,  a  été  accomplie  sous 
les  auspices  de  la  Société  française  des  fouilles  archéologiques 
et  subventionnée  par  elle.   » 

1.  Voir  ci-après. 


83 
COMMUNICATION 


LES    BROCHES    PROCESSIONNELLES 

ET    LE    VASE    DIT    «  DES    MOISSONNEURS  ))    d'iIAGIIIA    TR1ADA, 

PAR    M.    JOSEPH   DÉCHELETTE, 

CORRESPONDANT    DE     l' ACADÉMIE. 

L'interprétation  de  la  scène  figurée  sur  le  célèbre  vase 
en  stéatite  d'Haghia  Triada,  dit  le  <c  vase  des  moisson- 
neurs »  (Monum.  antichi,  XIII,  i,  pi.  I— III),  a  fait  l'objet 
de  nombreux  commentaires.  Aucune  des  explications 
proposées  n'a  paru  pleinement  satisfaisante.  Je  crois  être 
en  mesure  d'apporter,  à  l'aide  de  nouveaux  rapprochements, 
la  solution  du  problème  qu'un  autre  avant  moi  avait, 
d'ailleurs,  partiellement  entrevue. 

Dans  un  récent  mémoire  (Bévue  numismatique,  1911, 
p.  l-o9),  j'ai  montré  que  les  Gaulois  du  ive  siècle  avaient 
emprunté  aux  Étrusques  et,  à  leur  exemple,  déposé  dans 
leurs  sépultures  des  faisceaux  de  broches  à  rôtir.  Ces  fais- 
ceaux se  composent  de  minces  tiges  métalliques  à  section 
rectangulaire,  réunies  au  moyen  d'une  goupille  qui  traverse 
l'une  de  leurs  extrémités  (fig.  1-2).  De  plus,  ils  sont  munis 
d'une  poignée  mobile,  fixée  à  cette  cheville  d'assemblage. 
Les  broches  ou  obélisques  ayant  été  utilisées  comme  com- 
mune mesure  dans  les  transactions  commerciales,  avant 
l'invention  de  la  monnaie,  ainsi  que  l'attestent  le  témoi- 
gnage des  textes  et  les  trouvailles  du  temple  d'Héra,  à 
Argos,  j'en  concluais  que  ces  poignées  d'oboles  avaient  dû 
représenter  les  drachmes  primitives.  Le  mot  drachme  se 
rattache  au  radical  cpi;,  poignée,  de  l'avis  de  tous  les 
étymologistes. 

En  second  lieu,  je   proposais  d'identifier  les  pempobola 
homériques  avec  ces  ustensiles,  où  le  nombre  des  broches, 


8i 


LE    VASE    D  IIAflHIA    TRIADA 


iMifil'lH'" 


2s     (  <*> 


A 


i 


pig.  |_  _  Faisceaux  de  broches  en  bronze.  —  Type  représente  dans  les 
sépultures  étrusques  des  vm'-vi'  siècles.  —  1.  Provenance  inconnue. 
Musée  de  Rouen.  —  2.  Région  d'Ancône  ' .  (Environ  1/8  gr.  nat.) 

1.  Joseph  Déchelette,  Les  origines  de  la  drachme  et  de  V obole  (extr.  de 
l&  Revue  Numismatique,  1911,  p.  M). 


LE    VASE    D  IIAC.IIIA    TRIADA 

fe'V 


85 


Fi^r.  '2.  —  Faisceau  de  sept  broches  en  fer.  —  Type  représenté  dans  les 
sépultures  gallo-étrusques  et  gauloises  des  v*-iv'  siècles,  (Lit  «le  la 
Saône,  à  Chalon.  —  Collection  Millon,  à  Dijon.  —  Environ  l  7  gr.  nat.)1. 


l    .liiscpli  Déchelette,  Les  origines  de  l&  drachme  et  de  V obole,  p.  39. 


8(5 


LK    VASE    D  HAGHIA    TRIA1U 


tout  en  étant  le  plus  souvent  de  six,  est  cependant  variable. 
Les  pempobola,  ustensiles  à  cinq  broches  servant  à  la  cuis- 
son des  entrailles  des  victimes,  sont  portés  par  les  jeunes 
gens  qui  assistent  le  prêtre  dans  la  célébration  du  sacrifice. 
Depuis  la  publication  de  cet  article,  un  document  m'est 
tombé  sous  les  yeux,  qui  confirme  pleinement  mes  hypo- 
thèses en  ce  qui  concerne  le  rapprochement  de  ces  fais- 
ceaux de  broches  avec  ceux  dont  on  faisait  usage  en  Grèce 
dans  le  cérémonial  des  immolations  rituelles  :  sur  un  vase 
peint,  publié  jadis  par  Gerhard,  sont  figurés  les  apprêts 
d'un  sacrifice  (fig.  3)  *.  Des  animaux  sont  conduits  à  l'autel. 


Fig.  3.  —  Cortège  de  sacrificateurs,  d'après  un  vase  grec. 

Immédiatement  derrière  le  serviteur  qui  porte  dans  ses 
bras  l'une  des  victimes,  s'avance  un  sacrificateur.  Or  celui- 
ci,  qui  tient  de  la  main  gauche  un  maillet  appuyé  sur  son 
épaule,  porte  précisément  de  l'autre  main,  outre  un  cou- 
teau, un  faisceau  de  broches  absolument  semblable  à  ceux 
des  sépultures  gauloises  et  étrusques  que  j'ai  publiés.  Le 
dessin  en  est  assez  net  et  assez  détaillé  pour  ne  laisser 
place  à  aucun  doute  :  on  y  distingue  non  seulement  les 
tiges    parallèles    des    broches,    mais   encore    leur   cheville 

1.  Gerhard,  Antike  Bildwerhe,  pi.  LXX:   Sa^lio   et  Pottier,    Dict.   des 
Antiquités,  art.  Sacrificium,  par  Legrand,  p.  965,  fig.  r><><>i. 


LE    VASE    d'hAGHIA    TRIADA  87 

d'assemblage  et  la  poignée  insérée  sur  cette  barre  trans- 
versale. 

Ces  ustensiles  se  rencontrent,  comme  je  l'ai  montré, 
associés  à  tout  le  mobilier  du  foyer,  chenets,  landiers, 
pinces  k  feu,  dans  des  sépultures  dont  les  plus  anciennes 
remontent  au  vnc  ou  au  vic  siècle,  les  plus  récentes  à  la 
lin  du  ivc.  Ils  devaient  servir  alors  aux  cérémonies  du  culte 
domestique  et  funéraire. 

Mais,  d'autre  part,  une  des  plus  riches  tombes  à  fosse 
de  Vétulonia,  explorée  en  1902,  a  livré  un  objet  de  bronze 
dont  la  forme  est  celle  d'une  fourche  munie  de  trois  longues 
dents  démontables.  La  tombe  a  reçu  du  fait  de  cette  trou- 
vaille la  dénomination  de  «  Circolo  del  Tridente  ».  Il  suffît 
de  comparer  le  dit  trident  (lîg.  4)  aux  faisceaux  de  broches 
précédents  pour  constater  qu'il  répond  absolument  à  la 
même  destination,  avec  cette  seule  dill'érence  que  c'est 
un  objet  professionnel.  En  elfet,  les  broches,  au  nombre 
de  trois,  s'emboîtent  d'un  côté  dans  les  créneaux  d'un 
manche  à  douille.  On  a  trouvé  des  fragments  de  la  hampe 
en  bois  qui  portait  ce  manche,  ainsi  que  son  talon  métal- 
lique. Une  goupille  à  chaînette,  traversant  à  la  fois  les 
extrémités  des  broches  et  les  créneaux,  consolide  l'assem- 
blage, tout  en  permettant  de  démonter  aisément  l'usten- 
sile. 

Ayant  eu  connaissance  de  mon  mémoire  M.  Schilî-Gior- 
gini,  du  Musée  de  Florence,  voulut  bien  appeler  mon 
attention  sur  ce  curieux  trident  ;  frappé  de  sa  ressemblance 
avec  les  broches  que  je  venais  de  publier,  il  m'informait 
que  cet  objet  était  figuré  et  commenté  dans  le  recueil  de 
M.  Milani,  Studi  e  materia.li  di  archeologia  e  nuniisrna- 
tica,  III,  p.  8.*)  (cf.  Nolizie  degli  Scavi,  1908,  p.  426,  et 
Montelius,  La  Civilisation  primitive  en  Italie,  Italie  Cen- 
trale, texte,  I  col.  871-872,  lig.  c  et  d). 

En  elfet,  M.  Milani  avait  eu  l'idée  d'utiliser  cette  décou- 
verte  pour  expliquer  la    représentation    du   vase   dllaghia 


88 


LE    VASE    D  IIAGHIA    TRIADA 


^< 


© 


Fig.  4.  _  Faisceau  de  broches  processionnel,  trouvé  dans  une  sépulture 
étrusque  à  Vétulonia.  A  gauche,  une  broche  ordinaire,  provenant  de 
la  même  tombe.  (Environ  In  gr.  nat . 


le  vase  d'iiaghia  triada  89 

Triada.  Il  avait  montré  ([vie  l'instrument  énigmalique  que 
portent  sur  l'épaule  gauche  les  personnages  composant  la 
plus  grande  partie  du  cortège  (fîg.  5)  correspondait  bien  par 
ses  caractères  essentiels  au  trident  vétulonien.  Il  constata, 
d'autre  part,  que  les  tiges  du  trident  étaient  tout  à  fait  sem- 
blables aux  broches  représentées,  en  nombre  varié  et  sous 
diverses  formes,  dans  les  tombes  de  Vétulonia,  associées  à 
des  chenets,  à  des  pinces  et  à  des  pelles  a  feu  et  offrant  un 
caractère  rituel.  Jusque  là,  M.  Milani  demeurait  dans  le 
vrai.  Je  m'étonne  même,  qu'engagé  dans  cette  voie,  il  n'ait 
pas  été  conduit  tout  naturellement  à  la  découverte  de  la 
vérité  intégrale,  en  ce  qui  concerne  le  vase  d'Haghia  Triada. 
Il  semble  qu'il  se  soit  en  quelque  sorte  égaré  dans  les 
sentiers  d'une  érudition  trop  toulfue.  Une  explication 
simple  se  présentait  à  l'esprit  :  les  broches,  instruments  de 
cuisine  dans  la  vie  domestique,  jouaient  un  rôle  important 
dans  les  sacrifices  de  l'ancienne  Grèce,  comme  en  témoignent 
les  descriptions  de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée.  Le  sacrifice  étant 
précédé  de  pompes  religieuses  à  grands  cortèges,  on  s'ex- 
plique aisément  que  pour  rehausser  l'apparat  de  ces  proces- 
sions, on  y  ait  fait  figurer,  avec  les  instruments  d'immola- 
tion,  les  jeux  de  broches  métalliques  en  bronze  ou  en  acier 
étincelant. 

L'érudit  archéologue  florentin  n'a  pas  songé  à  cette  inter- 
prétation pourtant  si  logique.  A  ses  yeux,  les  broches 
deviennent  dans  les  mains  de  ceux  qui  les  portent  des  virgae 
d' honore,  tiirgae  mistiche,  virgae  dattilichc,  raggi  solari,  etc. 
Inutile  cependant  de  recourir  ici  à  un  symbolisme  obscur. 
Nous  sommes  dans  le  domaine  du  plus  pur  réalisme.  Les 
moindres  détails  de  la  scène  s'expliquent  sans  peine,  si  l'on 
y  voit  tout  simplement  un  cortège  processionnel  de  sacri- 
ficateurs. En  tête  marche  un  prêtre,  richement  vêtu,  por- 
tant le  bâton  sacerdotal,  souvent  mentionné  dans  Homère. 
Ce  prêtre  a  les  cheveux  longs,  suivant  un  ancien  usage 
dont  fait  déjà  foi  un  texte   d'Hérodote  (II,  36),  il  a  la  tète 


90  LE    VASE    d'hâGHIA    TR1ADA 

nue,  conformément  à  un  rite  qui  demeurera  traditionnel 
chez  les  Grecs. 

Détail  éminemment  caractéristique  et  sur  lequel  a  glissé 
M.  Milani,  la  hache-marteau,  l'instrument  qui,  dans  le 
cérémonial  du  sacrifice  homérique,  sert  à  abattre  la  victime, 
est  associée  aux  broches.  Celles-ci,  au  nombre  de  trois, 
sont  simplement  attachées  au  sommet  du  manche  de  la 
hache.  Le  modeleur  a  pris  soin  d'indiquer  nettement  les 
ligatures  (voir  fig.  a).  Ce  n'est  pas  encore  le  faisceau  per- 
fectionné de  Yétulonia,  mais  c'est  bien  le  prototype  de  ce 
trident  à  tiges  flexibles,  démontables.  Les  jeunes  servants 
qui  suivent  le  prêtre  portent  donc  ici  les  mêmes  instru- 
ments que  le  victimaire  figuré  sur  le  vase  publié  par 
Gerhard;  la  forme  seule  de  ces  instruments  a  évolué.  Trois 
chanteurs,  accompagnés  d'un  joueur  de  sistre,  marchent 
entre  les  deux  escouades  des  porte-broches.  Il  est  inutile 
de  rappeler  combien  leur  présence  est  justifiée  dans  une 
scène  de  ce  genre.  Je  me  borne  à  noter  en  passant  que  le 
sistre  est  conforme  non  point  au  modèle  égyptien,  mais  à 
deux  exemplaires  de  l'âge  du  bronze  occidental,  dont  l'un 
a  été  découvert  dans  une  palafitte  du  lac  de  Xeufchàtel  '. 

Ainsi  le  vase  d'Haghia  Triada.  dans  son  état  actuel,  met 
pour  la  première  fois  sous  nos  yeux  une  partie  de  la  pro- 
cession solennelle  qui  précédait  un  sacrifice  public  à 
l'époque  minoenne.  Le  sculpteur  a  voulu  évidemment  com- 
mémorer le  souvenir  d'une  importante  hécatombe,  comme 
l'indique  le  nombre  considérable  des  victimaires.  Quant  aux 
victimes,  taureaux  ou  autres  animaux,  on  peut  se  deman- 
der si  elles  fiçmraient  sur  les  registres  inférieurs  de  la  scène, 
registres  disparus  avec  la  partie  manquante  du  vase.  Il  est 
plus  vraisemblable  que  celui-ci  avait  un  pendant  et  que, 
comme  sur  les  gobelets  d'or  de  Vaphio,  le  sujet  se  complé- 
tait par  les  représentations  de  ce  second  récipient. 

1.  Joseph  Dêchelette,  Manuel  d'archéologie  préhistorique.  celli([ue  et 
gallo-romaine,  II.  I.  p.  3u  1.  note  3. 


LÉ    VASE    D'iIAGllU    TIUADA 


91 


1912 


92 


LE    VASE    D  IIAGH1A    ÏRTADA 


J'ajoute  que  le  choix  du  sujet  ne  saurait  surprendre,  étant 
donnée  l'importance  des  scènes  empruntées  aux  cérémonies 
cultuelles  dans  l'art  minoen.  Celles  qui  ornent  le  sarco- 
phage en  pierre  peinte  d'Haghia  Triada  nous  font  connaître, 
comme   on  le    sait,  d'autres  épisodes    du   rituel  sacrificiel. 

Il  est  très  intéressant  de  rapprocher  du  vase  crétois  un 
autre  monument  bien  connu  :  je  veux  parler  de  la  célèbre 
situle  historiée  dite  Zannoni,   découverte  à  la   Gertosa  de 


Fig.  6.  —  Personnages  figurés  sur  la  situle  de  la  Certosa  de  Bologne. 


Bologne  et  souvent  publiée.  On  y  trouve  également  la 
représentation  d'un  cortège  sacrificiel.  Un  des  personnages 
de  la  seconde  zone,  celui  qui  marche  derrière  les  prêtres  et 
les  victimes  (fig.  6),  porte  lui  aussi  sur  l'épaule  gauche 
un  ou  plusieurs  faisceaux  de  broches  (du  type  de  Montefor- 
tino)  ;  de  la  main  droite  il  tient  une  hache  ou  plutôt  une 
palette  à  feu.  La  situle  de  la  Gertosa  est  un  produit  de 
l'art   vénéto-grec  du  vie  siècle,  art  qui  interprète  dans  un 


LIVRES    OFFERTS  (J3 

style  barbare  mais  très  naturaliste  les  modèles  ioniens  de 
l'époque  archaïque,  introduits  par  le  commerce  dans  l'Adria- 
tique . 

Il  resterait  à  reprendre  dans  ses  détails  l'examen  de  la 
scène  représentée  sur  le  vase  d'Hagia  Triada  pour  en  com- 
menter quelques  particularités  accessoires.  Il  y  aurait  lieu 
également  de  compléter  sous  certains  rapports,  à  l'aide  de 
ce  nouveau  document,  1  étude  des  rites  sacrificiels  minoens, 
comparés  à  ceux  de  la  Grèce  classique.  Ces  recherches 
appelleraient  de  plus  amples  développements. 

Mais,  en  me  réservant  d'y  revenir,  j'ai  cru  devoir  com- 
muniquer à  l'Académie  ces  premières  indications  relatives 
à  la  détermination  du  sujet.  Elles  me  paraissent  suffisantes 
pour  démontrer  l'exactitude  de  mon  interprétation. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secuét.uue  peupétuel  dépose  sur  le  bureau  le  fascicule  de 
décembre  1011  des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie 
(Paris,    1911,   in-8°). 

M.  IIavet  offre  à  l'Académie,  de  la  part  de  l'auteur,  deux  opuscules 
de  M.  .1.  Lotb,  professeur  au  Collège  de  France.  Le  premier  est 
intitulé  :  Remarques  et  additions  à  /'Introduction  to  early  Wolsb  </<■ 
Strachnn  (Paris,  Champion,  191 1  ;  113  pages  in-8°).  Feu  John  Stra- 
chan  avait  laissé  en  préparation  une  Introduction  to  early  Welsh 
c'était  surtout  une  grammaire)  qui  a  été  publiée  après  sa  mort  à 
Manchester  en  1909.  Plusieurs  érudits  avaient  contribué  à  mettre  au 
point  cet  ouvrage  et  à  le  compléter  par  des  tables  et  index.  M.  Loth, 
dans  ses  Remar(/ues  et  additions,  le  commente  page  par  page  ;  son 
commentaire  est  à  la  fois  une  critique  méthodique  du  livre  et  un 
recueil  d'errata  et  d'addenda.  Un  tel  commentaire  rendra  évidem- 
ment de  grands  services,  mais,  par  sa  nature  môme,  il  est  clair  qu'il 
échappe  à  l'analyse. 


94  LIVRES    OFFERTS 

L'autre  opuscule  de  M.  Loth,  a  pour  titre  :  Questions  de  grammaire 
et  de  linguistique  brittonique  ;  fascicule  I,  la  particule  verbale  ro 
dans  les  langues  brittoniques  (Paris,  Champion,  1911, 164  pages  in-8°). 
La  particule  ro-  a  été  surtout  étudiée  en  irlandais;  M.  Loth  la  consi- 
dère dans  l'autre  branche  du  celtique,  le  brittonique,  c'est-à-dire 
l'ensemble  du  gallois,  du  comique  et  du  breton  d'Armorique.  Elle 
prend  des  formes  diverses;  la  forme  galloise  ordinaire  est  ry;  en 
breton,  on  a  la  forme  ra,  vannetais  re,  employée  seulement  ou  surtout 
dans  des  formules  optatives  (ra  virin,  que  je  garde,  du  verbe  mirout, 
garder).  Ro,  étymologiquement,  correspond  au  pro  des  langues 
classiques.  Il  sert  de  préfixe  nominal,  il  figure  aussi  dans  des  formes 
ou  locutions  composées  appartenant  à  la  conjugaison.  Il  exprime  des 
nuances  de  sens  très  différents,  au  moins  en  apparence,  et  on  a  beau- 
coup discuté  la  définition  de  ces  significations  diverses  et  le  lien 
historique  qui  les  rattache  l'un  à  l'autre.  Le  travail  de  M.  Loth  a 
pour  objet  essentiel  de  préciser  quel  a  été  l'usage  particulier  de 
chaque  dialecte  brittonique  et  de  chaque  âge  linguistique  ou  litté- 
raire. De  ses  constatations,  et  des  réflexions  qui  en  découlent  natu- 
rellement, il  tire  sur  l'enchaînement  des  sons  des  conclusions  inté- 
ressantes. Outre  les  sens  fondamentaux  d'antériorité  et  de  supério- 
rité, qu'explique  assez  la  parenté  avec/»ro,  il  met  en  lumière  un  sens 
de  pure  affirmation,  comme  dans  le  français  oui,  je  pense  ou  l'anglais 
/  do  think;  grâce  à  ce  sens,  le  ry  gallois  peut  faire  d'une  proposition 
la  réponse  à  une  négation  non  exprimée. 

M.  Schlumberger  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  de  la 
part  de  l'auteur  M.  Nikos  Wees,  un  exemplaire  de  son  récent 
mémoire  sur  ses  découvertes  paléographiques  et  artistiques  aux 
fameux  monastères  des  Météores  en  Thessalie.  Ce  mémoire  est  inti- 
tulé :  "EzOeat?  -aXatoypacpf/.ôjv  xaï  Tê/vizfov  Êpeovwv  Iv  taïç  piovat;  twv 
MeTswpwv  xarà  xà  ïzi\  1908  xaî  1909. 

ce  M.  Wees  a  passé  dix-huit  mois  aux  Météores  dans  le  courant 
des  années  1908  et  1909.  «  On  croyait  généralement,  dit-il,  qu'il 
n'existait  plus  de  manuscrits  dans  ces  monastères.  On  l'a  écrit  et 
dit  maintes  fois.  »  Cependant  les  recherches  de  M.  Wees  en  ont  fait 
retrouver  1124,  la  plupart  contenus  dans  des  cachettes  ignorées  des 
moines  eux-mêmes.  Ces  découvertes  sont  particulièrement  pré- 
cieuses pour  la  paléographie  grecque,  car,  parmi  ces  1124  manuscrits, 
il  on  est,  paraît-il,  611  qui  appartiennent  au  ixe  siècle.  Le  plus  impor- 
tant de  tous  ceux-ci  est  le  manuscrit  861,2,  le  plus  ancien  manu- 
scrit daté  de  la  Grèce  et  de  tout  l'Orient.  Parmi  les  autres,  M.  Wees 


.      LIVRES    OFFERTS  !).", 

dit  avoir  retrouvé  de  nouveaux  manuscrits  d'Homère,  d'Hésiode, 
de  Sophocle,  d'Aristote,  d'Aristide  le  Rhéteur,  de  Thémistius  le 
Sophiste,  de  Synésius,  d'une  foule  d'autres,  des  œuvres  aussi  d'Hip- 
polyte  de  Rome,  un  commentaire  sur  l'Apocalypse  par  Origène 
d'Alexandrie  et  Clément  d'Alexandrie,  d'autres  œuvres  encore  de 
philologie  chrétienne  des  premiers  siècles.  Ce  sont  surtout,  en 
somme,  des  textes  hyzantins  et  néo-grecs  inédits,  quelques-uns  avec 
miniatures  et  ornements. 

«  M.  Wees  a  rédigé  de  tous  ces  manuscrits  un  catalogue  très 
détaillé.  Il  en  a  en  même  temps  copié  un  grand  nombre  parmi  les 
inédits.  Il  les  publiera  bientôt.  Il  en  a  collationné  d'autres. 

<  M.  Wees  a  encore  eu  la  bonne  fortune  de  découvrir  aux  Météores 
de  nombreux  chrysobulles  des  empereurs  byzantins,  des  souverains 
serbes,  des  despotes,  des  patriarches,  textes  importants  principale- 
ment pour  l'histoire  des  xme  et  xive  siècles.  Il  a  étudié  également 
l'architecture  et  la  peinture  développées  dans  ces  monastères  sous 
l'influence  de  la  suzeraineté  serbe  en  Thessalie.  Les  portraits  des 
princes  serbes  suzerains,  des  archevêques,  des  fondateurs  des  cou- 
vents abondent  dans  les  fresques  de  ces  églises  des  Météores.  Dans 
les  trésors  de  ces  monastères,  M.  Wees  a  fait  aussi  des  découvertes 
très  importantes,  celle  entre  autres  du  portrait  de  la  princesse 
Marie-Ange  Paléologuine,  suzeraine  de  Janina  d'Épire  au  xive  siècle.  » 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE   DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE   DU   3   AVRIL 

(Séance  avancée  au  mercredi,  à  cause  du  Vendredi  saint. 


PRESIDENCE  DE  M.  LOUIS  LEGER. 

M.  Paul  Girard  revient  sur  la  communication  faite  à  la  der- 
nière séance  par  M.  Déchelette,  correspondant  de  l'Académie. 
Un  examen  attentif  du  fragment  de  vase  de  Ilaghia  Triada,  dit 
«  vase  des  moissonneurs  »,  dont  M.  Girard  présente  un  mou- 
lage, paraît  autoriser  les  conclusions  suivantes  : 

lù  Les  personnages  figurés  en  relief  sur  le  pourtour  de  ce 
vase  en  constituaient  l'unique  décoration.  Il  n'y  avait  pas  de 
zone  inférieure  faisant  allusion  à  un  sacrifice  qui  eût  précisé  le 
caractère  du  défilé  représenté  au-dessus  ;  c'est  ce  qui  ressort, 
notamment,  avec  évidence  d'un  essai  de  restauration  du  vase 
tenté  par  le  peintre  Gilliéron,  d'Athènes,  et  publié  par  M.  G. 
Karo  dans  un  article  récent  '. 

2°  Le  réalisme  familier  avec  lequel  la  scène  a  été  traitée  fait 

1.  Minoische  Rhyta    Jahrbuch,  XXVI,  1911,  p.  26S-269,  fig.    17  el    18  . 


08  SÉANCE    DU    3  AVRIL    1012 

plutôt  songer  à  un  divertissement  rustique  qu'à  une  procession 
quelque  peu  solennelle  de  sacrificateurs.  La  restauration  de 
M.  Gilliëron,  fondée  sur  une  observation  minutieuse  du  mou- 
vement des  jambes  des  personnages,  montre  clairement  ceux-ci 
exécutant  une  sorte  de  danse  marcbée,  que  rythme  la  voix  des 
quatre  chanteurs  massés  à  peu  près  au  centre  du  cortège,  et 
dont  l'un  est  muni  d'un  sistre.  Cette  danse  est  très  animée,  et, 
aux  derniers  rangs,  un  accident  se  produit  :  un  homme  tombe  et 
crie,  comme  le  prouve  sa  bouche  grande  ouverte  ;  celui  qui  le 
précède,  et  qu'il  a  heurté,  se  retourne  brusquement,  et  crie  lui 
aussi.  L'artiste,  évidemment,  s'est  amusé  à  ce  détail,  peu  com- 
patible avec  la  figuration  d'un  acte  religieux. 

3°  Le  personnage  à  la  longue  chevelure  qui  conduit  le  cortège 
n'a  rien  qui  dénote  particulièrement  un  prêtre.  Tout  ce  qu'on 
peut  dire  de  lui,  —  la  remarque  a  probablement  été  faite  déjà, — 
c'est  qu'il  est  vêtu  d'une  casaque  de  peau  non  tannée,  bordée 
sans  doute  d'une  frange  de  cuir  ;  certains  produits  de  la  céra- 
mique crétoise  et  de  celle  des  îles  recourent  à  des  imbrications 
analogues,  tracées  au  pinceau,  pour  rendre  la  robe  des  grands 
ruminants  l. 

4°  Quant  à  l'objet  que  portent  sur  l'épaule  gauche  les  vingt  et 
un  individus  —  si  l'on  défalque  l'homme  tombé  —  qui  suivent 
le  chef,  sa  nature  reste  incertaine.  Une  chose,  pourtant,  est  hors 
de  doute  :  l'espèce  de  coin,  légèrement  recourbé,  qu'on  distingue 
vers  le  haut  de  la  hampe,  fait  partie  intégrante  de  l'instrument. 
Vraisemblablement,  cette  hampe  et  les  trois  tiges  qui  la  ter- 
minent sont  de  bois;  les  liens  qui  fixent  à  la  partie  supérieure 
les  tiges  de  droite  et  de  gauche,  et  ceux  qui,  plus  haut,  les 
rattachent  à  la  tige  médiane,  sont  des  lanières  de  cuir  sem- 
blables à  celles  qui  réunissaient  l'une  à  l'autre  les  deux  pièces 
de  l'hermine'tte  égyptienne.  L'objet,  dans  son  ensemble,  demeure 
énigmatique,  et  seules,  à  ce  qu'il  semble,  de  nouvelles  décou- 
vertes pourront  en  faire  connaître  la  véritable  destination. 

M.  Salomon  Rejnach  fait  une  communication  sur  le  nom  de 
Monaco. 

1.  Maraghjannis  cl  Karo,  Aniiq.  crët..  2e  Série,  pi.  XXI  taureau  de 
terre  cuite  provenant  des  fouilles  de  Mochlos);  G.  Karo,  art.  cité,  p.  259 
et  261,  fig.    Il  et  12    rhytons  de  Rhodes  en  forme  de  tète  de  taureau  . 


SÉANCE   DU   3   AVRIL    1912  99 

Le  plus  ancien  historien  grec  qui  mentionne  Monaco  est 
Hécatée  :  il  l'appelle  Monoikos  et  dit  que  c'est  une  ville  ligure. 
Plus  tard,  il  est  question  du  temple  d'IJéraklcs  Monoikos,  qui 
s'élevait  au-dessus  du  port  (Strab.,  IV,  6,  3).  Ammien  Marcellin 
connaît  par  Timagène  une  tradition  sur  le  séjour  d'Héraklès  à 
Monaco,  au  cours  de  la  campagne  contre  Géryon  (XV,  9.  10). 
Servius  commentant  VJÊnéide  (VI,  830),  hésite  sur  l'explication 
du  mot  Monoikos  :  Hercule  fut-il  surnommé  ainsi  parce  que, 
avant  chassé  tout  le  monde,  il  habita  seul  en  ce  lieu,  ou  parce 
que,  dans  le  temple  qui  lui  était  consacré,  aucune  autre  divinité 
n'était  admise? 

Parmi  les  savants  modernes,  les  uns  ont  accepté  la  seconde 
explication  proposée  par  Servius  et  pensé  que  Monaco  devait 
son  nom  à  l'Héraklès  phénicien,  adoré  seul  dans  son  temple; 
les  autres,  à  la  suite  de  l'abbé  Barges,  ont  supposé  que  Monoi- 
kos était  une  corruption  de  Menouakh,  épithète  de  Melqart 
signifiant  «qui  donne  repos  ou  asile».  Le  nom  de  la  ville 
d'IIeraklea  Minoa  en  Sicile  était,  dans  cette  hypothèse,  le  pen- 
dant exact  de  celui  de  Monaco. 

Ces  deux  étymologies  sont  inadmissibles.  D'abord,  Monoikos 
n'existe  pas  comme  épithète  divine,  en  dehors  du  seul  exemple 
de  VHéraklès  Monoikos  de  Monaco;  l'hésitation  de  l'auteur  grec 
suivi  par  Servius  prouve  assez  que  le  sens  attribué  à  Monoikos 
n'était  autorisé  par  aucun  usage.  Quant  à  l'hypothèse  phéni- 
cienne, elle  est  d'autant  plus  à  rejeter  que  l'étymologie  popu- 
laire, s'exerçant  sur  un  mot  comme  Menouakh,  n'aurait  jamais 
créé  un  mot  insolite  comme  Monoikos. 

Les  villes  antiques  portent  et  gardent  généralement  le  nom 
des  tribus  dont  elles  ont  été  le  centre.  Paris  est  la  ville  des 
Parisii,  comme  Soissons  celle  des  Suessiones  et  Reims  celle  des 
liemi.  Or,  nous  connaissons,  au  Nord  de  Marseille,  une  tribu 
ligure  des  Albioeci,  dont  les  guerriers  sont  représentés  sur  l'arc 
d'Orange.  Dans  ces  noms, -oect  ou -oecos  est  la  désinence  corres- 
pondant lettre-pour  lettre  au  grec -otxoç;  nous  avons  donc  tout 
lieu  de  supposer  que  la  tribu  ligure  dont  Monaco  était  le  centre 
s'appelait  du  nom  de  Mon-oeci,  au  singulier  Mon-oecos. 

Les  Grecs,  transcrivant  Monoecos  dans  leur  langue,  obtinrent 
le  mot  fidvoixoç,  qui  signitie  «  celui  qui  habite  seul  »  ;  ils  essayèrent 


100  SÉANCE    DU    3   AVRIL    1912 

de  l'expliquer  comme  épithète  du  dieu  local,  celui  de  la  tribu 
(qui  était  un  Hercule  ligure,  et  non  phénicien).  Les  modernes 
ont  eu  le  tort  de  prendre  au  sérieux  un  de  leurs  essais  d'expli- 
cation. 

Cet  Hercule  ligure  a  une  légende  que  nous  connaissons  sur- 
tout par  Apollodore.  Entre  autres  adversaires,  il  combat  en 
Ligurie  un  héros  nommé  Alebion  ou  Albion,  dont  un  frère  se 
serait  appelé  Ligus.  Gela  suffit  à  prouver  que  le  nom  d'Albion 
est  ligure;  le  fait  que  deux  villes  de  Ligurie  s'appellent  Albium 
Ingaunum  et  Albium  Intemelium  vient  à  l'appui  de  cette  conclu- 
sion qui  n'est  pas  nouvelle. 

La  tribu  ligure  des  Albi-oeci  porte  un  nom  de  même  origine, 
où  le  premier  élément  a  peut-être  le  même  sens  qaalbus  en 
latin.  Je  ne  saurais  expliquer  le  premier  élément  du  nom  de  la 
tribu  des  Mon-oeci,  mais  je  dois  signaler,  en  terminant,  une 
analogie  curieuse,  qui  peut  être  tout  autre  chose  qu'une  coïnci- 
dence :  à  ces  noms  des  Albi-oeci  et  des  Mon-oeci  correspondent, 
dans  les  îles  britanniques  qu'ont  fréquentées  les  Ligures  ',  ceux 
des  îles  d'Albion  et  deMona. 

M.  le  comte  Henry  de  Castries  fait  une  communication  sur 
le  protocole  des  lettres  émanant  des  sultans  du  Maroc2. 

M.  Babelon  fait  une  communication  sur  une  importante  trou- 
vaille de  monnaies  grecques  archaïques,  qui  a  été  faite  à 
Tarente,  au  mois  de  juin  1911,  par  des  ouvriers  qui  travaillaient 
aux  fondations  d'une  usine,  à  300  mètres  du  port.  Ce  trésor 
comprenait  environ  600  monnaies  du  vie  siècle  avant  notre  ère; 
elles  se  répartissent  entre  les  différents  centres  commerciaux  des 
côtes  de  la  Méditerranée  depuis  Phocée,  Chios,  les  grands  ports 
de  la  Thrace  et  de  la  Macédoine,  Athènes,  Égine,  les  Cyclades, 
Corinthe,  Corcyre  et  Cyrène,  jusqu'aux  villes  de  la  Sicile  et  de 
l'Italie  méridionale.  Un  certain  nombre  de  monnaies  de  la  trou- 
vaille sont  nouvelles  ;  elles  se  trouvaient  mélangées  avec  des 
lingots  estampillés   et  des   broches  ou   baguettes  en   argent  qui 


1.  Voir  JuUian,  Histoire  de  la  Gaule,  t.  I,  p.  321. 

2.  Voir  un  des  prochains  cahiers. 


L1YRKS    OFFERTS 


101 


rappellent  les  obeliskoi  offerts  par  Phidon  clans  l'Héraion 
d'Argos.  L'enfouissement  paraît  avoir  été  effectué  à  peu  près 
au  temps  de  la  destruction  de  Sybaris  par  les  Crotoniates  en 
5fO  avant  notre  ère  (voir  Revue  Numismatique,  1912). 


LIVRES  OFFERTS 


Le  P.  Scheil  présente,  au  nom  de  l'auteur,  l'ouvrage  suivant  : 
Papyrus  funéraires  de  la  XXIe  dynastie.  Le  Papyrus  hiérogly-r 
phique  de  Kamara,  le  Papyrus  hiératique  de  Nesikkonsou,  par 
Edouard  Naville,  associé  étranger  de  l'Institut.  Introd.  XXX  planches 
in-4°  : 

«  M.  Éd.  Naville  me  prie  de  vous  offrir  en  son  nom  un  volume  inti- 
tulé :  Papyrus  funéraires  de  la  XXIe  dynastie  Pour  votre  associé 
que  le  Congrès  des  Orientalistes  de  1874  chargea  officiellement  de 
préparer  la  grande  édition  critique  du  Livre  des  Morts  théhain  (parue 
en  1886),  c'aura  été  un  jeu  et  une  joie  d'ajouter  aux  recensions  des 
18e,  19e,  20e  dynasties  quelques  recensions  de  la  21°  dynastie.  —  Les 
deux  papyrus  nouveaux  proviennent  en  effet  de  la  cachette  de  Deïr 
el  Bahrî,  d'où  M.  Grébaut  exhuma  en  1890  les  momies  des  prêtres- 
rois.  —  Hiéroglyphique,  celui  de  Kamara  femme  de  Pinot'mou  I; 
l'autre,  celui  de  Nesikhonsou,  nièce  et  femme  de  Pinot'mou  II,  est 
hiératique.  —  Ce  laps  de  deux  ou  trois  générations  est  précisément 
l'époque  où  l'écriture  hiératique  commence  à  remplacer  l'écriture 
hiéroglyphique,  dans  le  Livre  des  Morts. 

«  Nous  y  gagnons  un  texte  plus  correct  et  plus  intelligible,  à  cause 
même  de  la  proximité  de  la  première  rédaction  hiératique,  et  parce 
que  les  copistes  toujours  savaient  lire  l'hiératique,  non  pas  l'hiéro- 
glyphique. 

«  M.  Naville  se  plaît  à  aborder,  à  l'occasion,  diverses  questions 
d'intérêt  universel  annexes  à  son  sujet.  Ailleurs,  la  solidarité  des 
sciences  historiques  et  des  sciences  naturelles,  l'origine  d'une  race, 
le  commerce  de  l'ancienne  Egypte  avec  les  autres  nations  ;  ici,  cer- 
tain côté  technique  de  l'écriture  pharaonique,  ont  éveillé  sa  curiosité. 

«  En  général,  les  signes  hiéroglyphiques  étant  picturaux  de  choses 

connues,   on  pouvait  sans    inconvénient    varier,   d'un  texte  à  l'autre, 

eur  direction  de  droite  à  gauche  ou  inversement.   Employés  surtout 


102  SÉANCE    DU    12    AVRIL    1912 

dans  le  style  lapidaire,    ils  supportaient  la  colonne  verticale  aussi 
bien  que  la  colonne  horizontale. 

«  Les  signes  hiératiques,  issus  des  précédents,  n'étant  plus  pictu- 
raux, ne  devaient  avoir,  pour  être  lisibles,  qu'une  seule  et  même  direc- 
tion, dans  tous  les  cas.  Employés  surtout  sur  peau  et  papyrus,  on  les 
écrivit  de  droite  à  gauche,  parce  que  le  scribe  égyptien,  comme  notre 
kateb  arabe,  tenant  sa  surface  entre  les  mains,  ne  pouvait  opérer 
commodément  que  de  cette  manière.  Point  de  colonnes  verti- 
cales !...  En  avançant  de  droite  à  gauche,  il  se  fût  exposé  à  dégrader 
son  propre  travail. 

«  Pour  le  Livre  des  Morts  en  particulier,  les  exemplaires  hiérogly- 
phiques anciens  sont  orientés  comme  la  marche  du  soleil,  image  de 
la  vie  et  de  la  mort  de  l'homme,  de  gauche  à  droite  ;  —  en  colonnes 
verticales,  parce  que  destinés  à  couvrir  les  murs  de  la  tombe,  le 
graveur  sur  son  échelle  était  naturellement  amené  à  préférer  cette 
disposition. 

«  Les  exemplaires  hiératiques  allèrent  en  sens  inverse,  de  droite 
à  gauche,  et  en  colonnes  horizontales,  pour  les  raisons  d'ordre  tech- 
nique que  je  viens  de  dire.  Mais  les  vignettes  gardèrent  quelque 
temps  encore  lorientation  mystique,  de  gauche  à  droite. 

«  On  ne  peut  rien  écrire  de  plus  judicieux  que  l'Introduction  de 
M.  Éd.  Naville  aux  XXX  planches  phototypiques  des  Papyrus  de 
Kamara  et  Nesikhonsou.  » 

Le  P.  Scheil  dépose,  en  outre,  au  nom  de  M.  E.  Revillout,  un 
nouveau  fascicule  de  sa  publication  intitulée  :  Contrats  égyptiens 
archaïques,  démotiques,  aramêens.  4e  fascicule  :  Les  Persans  (Paris, 
1912,  in-8°). 


SÉANCE  DU   12    AVRIL 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 


M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts 
écrit  au  Secrétaire  perpétuel  pour  lui  faire  savoir  que,  par 
arrêté  du  G  février  dernier,  les  crédits  disponibles  par  suite  du 
décès  de  M.  Longnon,  professeur  de  géographie  historique  de  la 


SÉANCE    DU    12    AVRIL    1912  103 

France  au  Collège  de  France,  ont  été  affectés  à  un  enseignement 
et  à  des  études  relatifs  à  YHistoîre  de  V Afrique  du  Nord.  — 
M.  le  Ministre  invite  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  à  procéder  à  la  désignation  de  deux  candidats  à  cette 
chaire,  et  il  joint  à  sa  lettre  le  procès-verbal  de  la  délibération 
de  l'Assemblée  des  professeurs  du  Collège  de  France  contenant 
ses  présentations  ainsi  que  les  votes  émis  par  cette  Assemblée 
et  l'exposé  des  titres  des  candidats. 

L'Académie  procédera  à  cette  désignation  dans  sa  prochaine 
séance. 

Il  est  donné  communication  d'une  lettre  par  laquelle  M.  Roll, 
président  de  la  Société  nationale  des  beaux-arts,  informe  le 
Président  de  l'Institut  que  les  membres  de  l'Institut  pourront 
entrer,  sur  la  présentation  de  leur  médaille,  au  Salon  de  cette 
Société  qui  aura  lieu  au  Grand  Palais  du  14  avril  au  30  juin. 

M.  Henri  Cordier  a  reçu  deux  lettres  de  M.  de  Gironcourt, 
datées   l'une  de   Bamba,   le    30  janvier,   et    l'autre   de   Gao,  le 

10  février.  A  la  première  sont  jointes  sept  copies  de  manuscrits 
arabes;  elle  renferme  une  seconde  pièce  relative  aux  origines 
peules.  Dans  la  seconde,  M.  de  Gironcourt  annonce  que  ses 
recherches  ont  été  menées  activement  dès  son  arrivée  dans  le 
cercle  de  Gao,  grâce  aux  bienveillantes  dispositions  du  capi- 
taine Lamoureux  qui  avait  fort  utilement  prévenu  tous  les  chefs 
de  sa  venue  et  du  but  de  ses  recherches.  M.  de  Gironcourt 
avait  pris  à  cette  date  311  estampages  d'inscriptions  qui  sont 
localisées  dans  un  certain  nombre  de  nécropoles  qu'il  a  inven- 
toriées et  qu'il  a  pu  relever  à  quelque  distance  du  Niger,  le 
long  de  sa  rive   gauche,  principalement  entre  Bourem  et  Gao. 

11  s'agit,  pour  la  plupart,  non  de  stèles  de  grande  taille  comme 
à  Bentia,  à  gros  caractères,  sauf  pour  quelques  unités  estampées 
auprès  de  Gao  même,  mais  d'objets  fort  anciens  (polissoirs, 
mortiers,  pilons)  de  pierre  polie  (quartz,  gneiss  et  granités)  qui 
portent,  gravées,  des  écritures  souvent  fines  et  témoignant  d'un 
art  assez  précieux.  Certaines  de  ces  inscriptions,  malgré  la  faible 
dimension  du  support  (0U1  30,  <>'"  40,  etc.),  sont  amples  et 
copieuses;  de  minuscules  échantillons  sont  joints.  Ces  objets,  à 
cause   de  leur  facile  mobilité,   ont  été   pour  la    plupart,    sinon 


104  SÉANCE    DU    12    AVRIL    1912 

pour  la  totalité,  détournés  de  la  destination  et  de  l'emplacement 
pour  lesquels  la  gravure  avait  eu  lieu,  et  employés  dans  les 
temps  modernes  à  la  parure  des  sépultures  actuelles  des  tribus 
maraboutiques  touareg  Kel  es  Souk  et  Gheriffen  nomadisant 
dans  ces  régions.  Vraisemblablement,  il  doit  s'agir  ici  d'une 
«  coulée  épigraphique  »  descendue  de  l'Adrar,  dont  M.  de 
Gironcourt  allait  suivre  la  trace  en  remontant  vers  Kidal  et 
Es  Souk.  M.  de  Gironcourt  ajoute  :  «  Me  voici  en  partance  pour 
ces  points,  dès  mon  convoi  formé,  pour  lequel  la  sécheresse 
exceptionnelle  de  l'été  précédent,  qui  a  pu  démunir  bon  nombre 
de  points  d'eau  de  la  zone  désertique,  m'oblige  à  de  particu- 
lières précautions.  »  Outre  les  estampages,  cette  dernière  lettre 
renfermait  sept  autres  copies  de  manuscrits.  On  ne  saurait  trop 
louer  M.  de  Gironcourt  de  son  activité. 

M.  Paul  Girard  signale  la  découverte,  dans  les  ruines  de 
Pagasae,  près  de  Volo,  de  deux  nouveaux  dépôts  de  stèles  peintes. 
Cette  découverte  est  due  à  M.  Arvanitopoullos,  éphore  des 
antiquités  de  Thessalie  et  de  Phthiotide,  qui  a  fait,  dans  la 
Grèce  du  Nord,  tant  d'intéressantes  trouvailles,  et  auquel  le 
Musée  de  Volo  est  redevable,  notamment,  de  la  riche  collection 
de  stèles  peintes  qu'il  possède  déjà. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture,  au  nom  de  M.  R. 
Vallois,  d'une  note  sur  les  Attiques  déh'ens  '. 

M.  Jérôme  Carcopino,  professeur  agrégé  d'histoire  au  lycée 
du  Havre,  fait  une  communication  sur  le  rôle  d'Ostie  dans 
YEnéide.  Ce  rôle  est  considérable.  Dans  V Enéide,  Lavinium  n'a 
rien  à  voir  avec  l'histoire  d'Enée  ;  c'est  la  ville  des  Laurentes  et 
de  Latinus.  La  ville  que  fonda  Enée,  c'est  Troja,  aux  bouches  du 
Tibre,  sur  l'emplacement  de  la  future  Ostie.  Les  prédictions  et 
les  miracles  que  la  tradition  courante  rapporte  à  Lavinium  se 
réfèrent  dans  YEnéide  à  cette  Troja  ostienne  et  s'expliquent, 
notamment  l'apparition  et  le  sacrifice  de  la  laie  pleine  au  livre  8, 
non  pas,  comme  on  l'admet  généralement,  en  fonction  du  culte 
lavinien  des  Pénates,  mais  en  fonction  du  culte  ostien  de  Volkà- 

1.  Voir  ci-après. 


ATTIQUES    DÉLIENS  105 

nus,  dieu  du  Tibre,  et  de  Maia,  la  parèdre  de  ce  Volkanus  pri- 
mitif. Si  Virgile  a  conféré  au  site  d'Ostie  le  prestige  dont  la  tra- 
dition environne  Lavinium,  c'est  pour  plusieurs  raisons  :  d'abord 
le  poète  pouvait  mettre  ainsi  les  projets  de  création  d'un  port  à 
Ostie,  que  méditait  Auguste,  sous  la  tutelle  de  ces  grands  sou- 
venirs légendaires.  Ensuite,  grâce  à  cette  Troja,  élevée  près  du 
[lavus...  Thybns,  équivalents  latins  du  Xanthos  et  du  Thymbris 
son  affluent  de  Phrvgie,  non  seulement  il  effaçait  toute  contra- 
diction entre  son  poème  et  la  prophétie  d'Homère  sur  Enée  qui 
«  rèffne  sur  Troie  »,  mais  il  semblait  faire  sortir  VEnéide  de 
Ylliade  en  vertu  d'une  espèce  de  préfiguration  mystique. 

MM.   G.   Perrot,    Cagnat    et    Salomon    Reinach    présentent 
quelques  observations  à  la  suite  de  cette  communication. 


COMMUNICATION 


ATTIQUES  DÉLTENS,  PAR  M.  R.  VALLOIS. 

Les  architectes  modernes  donnent  le  nom  à'attiquc  à 
un  ordre  de  faible  hauteur  placé  dans  la  partie  supérieure 
d'un  édifice.  Pline  appelle  les  colonnes  de  section  carrée 
columnae  atticae1.  La  suite  de  cet  article  montrera  que  les 
Grecs  de  l'époque  hellénistique  ont  superposé  fréquemment 
à  Tordre  principal  un  second  ordre  composé  uniquement  de 
supports  de  section  quadrangulaire  et  sensiblement  moins 
élevé  que  le  premier. 

Ces  supports  étaient  connus,  comme  les  antes,  sous  le 
nom  de  parasladrs2.  Ils  ressemblent,  en  effet,   à  des  antes 

1.  Plin.,  //.  A'.,  XXXVI,  23,  :><i. 

2.  Cf.  H.  C.  IL,  XXXII,  p.  8:5,  a0  21,  1.  1!»:  ibid.,  p.  285.  Je  ne  crois  pas 
(pie  les  parastades  de  l'&noXajjLîtaç  aient  été  en  bois  :  l'entrepreneur,  Ctési- 
plion,  est  un  marbrier.  Au  reste,  l'identification  proposée  par  M.  G. 
Leroux  {Explor.  Arch.  de  Délos,  II,  p.  51)  de  la  aroà  :>{  Jtpôç  rût  IIos;- 
Seîtot  avec  la  Salle  hypostyle  parait  de  plus  en  plus  vraisemblable. 


106  ATTIQUES    DÉLIENS 

détachées  du  mur.  Ils  sont  composés  d'un  fût  lisse  et  d'un 
chapiteau  orné,  suivant  les  cas,  d'un  kymation  dorique  ou 
ionique  :  ils  se  dressent  directement  sur  le  stylobate  ou  sur 
l'assise  qui  en  tient  lieu,  sans  intervention  de  base  moulu- 
rée. Parfois  l'ordre  à  parastades  n'est  pas  superposé,  mais 
simplement  juxtaposé  à  l'ordre  principal,  et  l'on  sait  par 
l'exemple  du  monument  de  Thrasyllos  qu'il  peut  aussi  être 
employé  seul.  Je  lui  conserverai  dans  ses  diverses  applica- 
tions le  nom  d'attique. 

Doit-on,  comme  ce  terme  semble  l'impliquer,  en  attri- 
buer l'invention,  ou  tout  au  moins  la  vulgarisation,  aux 
Athéniens  1  ?  Je  ne  crois  pas,  en  tout  cas,  à  en  juger  par  les 
stoai  à  deux  étages  d'Athènes  (stoa  d'Attale  et  stoa  de 
l'Asclepieion),  dont  l'ordre  supérieur  était  composé  de 
colonnes  elliptiques  ou  circulaires,  qu'il  ait  obtenu  dans 
cette  ville  un  succès  aussi  exclusif  qu'à  Délos. 

Toutes  les  observations  qui  précèdent  sont  fondées  sur 
l'étude  des  édifices  de  l'île  sainte.  Grâce  aux  fouilles  entre- 
tenues par  la  générosité  de  M.  le  duc  de  Loubat,  on  peut 
aujourd'hui  esquisser  l'histoire  locale  des  attiques  déliens 
pendant  deux  siècles. 

Il  faut  distinguer  deux  types.  Dans  l'un,  que  j'appellerai 
Yattique  rectangulaire,  les  parastades  courantes  ont  une 
section  oblongue,  dont  le  côté  le  plus  large  est  placé  en 
profondeur;  seules  les  parastades  d!angle  sont,  par  néces- 
sité, carrées.  Dans  l'autre,  Yattique  carré,  tous  les  supports 
indifféremment  ont  quatre  faces  égales. 

A  la  première  catégorie  appartiennent  les  attiques  qui  for- 
maient colonnade  à  l'étage  de  deux  grands  portiques,  la 
stoa  coudée  de  l'Agora,  et  \a.stoa  tétragone  des  Italiens.  Les 
témoignages  épigraphiques  permettent  de   placer    la  con- 

I.  La  façade  de  la  eella  du  temple  d'Athéna  Niké  est  formée  d'un 
al  tique  ionique.  M.  Courby  a  reconnu  un  emploi  analogue  de  l'attique 
dorique  dans  le  pronaos  du  temple  des  Athéniens  à  Délos.  Cf.  Comptes 
rendus,  1908,  p.  179. 


ATTIQUES    DÉL1ENS  ll»7 

struction  de  la  stoa  coudée  vers  le  milieu  de  la  première 
moitié  du  n°  siècle  av.  J.-C.  l.  Ces  conclusions  s'accordent 
avec  les  indices  tirés  de  la  technique.  On  se  rendra  compte 
par  la  figure  ci-jointe  (fîg.  1)  de  la  manière  dont  les  deux 
ordres  sont  superposés.  Voici  les  dimensions  principales  de 
l'ordre  inférieur,  dorique  :  hauteur  totale,  i  '"  775  environ 
(colonne,  3m85-f-;  entablement,  0 '"  925);  largeur  moyenne 
des  travées,  2m05.  Les  poutres  reposaient  directement  sur 
l'épistyle,  le  plancher  affleurant  au  bord  supérieur  de  la 
corniche.  Sur  l'assise  horizontale  formée  par  celle-ci  se 
dressaient  sans  intermédiaire  les  parastades  ioniques,  pla- 
cées dans  Taxe  des  colonnes  (hauteur,  chapiteau  compris, 
2'"  735;  section  du  fût  à  la  base,  0ni  33  xOm  51).  Elles 
étaient  reliées  par  une  balustrade  haute  de  1  mètre.  L'enta- 
blement à  denticules  (hauteur,  0m  885)  comprend  une 
frise  lisse  (hauteur,  0m  255),  moins  élevée  que  l'épistyle 
(hauteur,  0m328).  La  hauteur  totale  de  l'attique  était  de 
3  '"  62. 

La  figure  2  donne  l'élévation  d'une  travée  de  la  Stoa  des 
Italiens.  Il  résulte  des  inscriptions  dédicatoires  que  ce 
monument  a  été  bâti  dans  les  dix  dernières  années  du 
IIe  siècle  av.  J.-C. 2.  Le  travail,  souvent  pauvre  ou  négligé, 
fait  un  singulier  contraste  avec  celui  de  l'édifice  précédent. 
Le  parement  postérieur  de  l'attique  ne  porte  pas  de  mou- 
lures. Celles  des  chapiteaux  sont  arrêtées  sur  les  faces 
latérales  à  0m  20  environ  du  parement  antérieur;  la  suite 
en  a  été  laissée  a  l'état  de  simple  épannelage.  Enfin,  un 
bandeau  saillant  tient  la  place  des  denticules.  Il  reste  évi- 
dent malgré  tout  que  la  façade  de  la  stoa  tétragone  a  été 
copiée  sur  celle  du  portique  coudé.  Les  ordres  sont,  dans  le 

1.  Communication  de  M.  P.  Koussel.  —  M.  G.  Leroux  a  le  premier  noté 
la  présence  d'un  attique  à  L'étage  du  portique  coudé. 

2.  Communication  de  M.  J.  Hatzfeld.  —L'ordre  dorique  de  la  stoa  et 
l'entablement  ionique  ont  été  reconstitués  par  M.  J.  Replat  et  M.  J. 
Paris. 

1912.  8 


Pig.  1.  —  Délos.  — Stoa  coudée  (détail). 
(Dessin  de  M.  A.  Gabriel. 


".]i;i]:pi|if!i| '!I!!;^  ||:!!i  iiiuii 

■ n,'""[ 

; 

mij 

llllllllllll1 

:.ii  i!'!l  IiIJIflllll  II  1!  lilllll 

1111  lilllll  llil'illliil 

ililiiilil 

< ' 

iillilllll 

lilllllll 

tli 

IIHIIIIIIIIi 

III 

mil 

iiimii 

-y~L 


illllii|iiiMij|i 


I >c*»^-rtll iinurrtl ittitII *myai w-irrtl" 


-H 


-r 


o  1  2  3  m. 

Fig_  2,  —  Délos.  —  Stoa  tics  Italiens  (détail). 
(Dessin  de  M.  Sven  Risom. 


110  ATTIQUES    DÉLIENS 

nouvel  édifice,  superposés  de  la  même  manière  que  dans 
l'ancien  ;  ils  y  ont  presque  les  mêmes  dimensions  :  hauteur 
de  l'ordre  dorique,  5m  08  environ  (colonne,  4  m  15  +  ;  enta- 
blement, 0m  93o)  ;  hauteur  de  l'attique,  3m  76  environ  (paras- 
tades,  2m86  ±:  entablement,  0m905);  largeur  moyenne 
des  travées,  2m  105.  Mais  les  proportions  sont  un  peu  plus 
grêles.  On  s'en  rendra  compte  par  le  tableau  suivant,  établi 
en  prenant  pour  unité  de  mesure  la  largeur  des  parastades 
à  la  base  (0  ra  33  dans  le  portique  coudé,  0m  32  environ 
dans  la  stoa  des  Italiens)  : 

Agora.  Stoa  des  Italiens. 
Haut,  de  l'ordre  dorique  14  1/2  15  7/8 

Haut,  de  l'attique  11  11  3/4 

Larg.  des  travées  61/4  6  5/8 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  trouver  un  emploi  de  l'attique 
tout  différent  de  celui  qui  précède  dans  un  monument  qui, 
par  la  technique,  appartient  à  la  première  moitié  du 
me  siècle  av.  J.-C,  le  temple  des  taureaux[.  Une  sorte  de 
lanterneau.  composé  de  parastades  ioniques,  se  dressait  de 
trois  côtés ,  sur  l'entablement  des  murs  extérieurs ,  au 
pourtour  de  la  salle  Nord.  Il  était  porté  au  Sud  par  deux 
poutres  de  marbre  rampantes,  arc-boutées  à  leur  som- 
met et  dont  l'extrémité  inférieure  reposait  sur  deux  épis- 
tyles  jetés  de  part  et  d'autre  entre  les  murs  et  les 
pilastres  à  protomes  de  taureaux.  Au-dessous  de  ce  lanter- 
neau, dont  la  fig.  3  reproduit  un  détail,  l'entablement 
dorique  occupait,  par  exception,  toute  la  profondeur  du 
mur  ;  la  face  postérieure  en  est  parée.  Le  larmier  est  doublé 
de  fausses  tuiles  sur  lesquelles  s'adaptaient  de  faux  couvre- 
joints  à  antéfixes.  Une  assise  de  parpaings  placée  sur  la 
corniche,  et  de  même  épaisseur  qu'elle  (0m  33),  servait  de 
stylobate  aux  parastades. 

1.  Cf.  Homolle,  B.  C.  11.,  VIII,  p.  417  et  suiv.,  pi.  XIX. 


m  ni  h  m  m  n  n  w  m  h  m  m  in  u  a  tt  m  m  m  iu  u 


T;i;i;i:i.i  au^ca: 


^v-'-^V 


l 


■hbi 


saflf 


illlllili! 
(iiiiiiiiinil 


iniiiiiiii 

niinimil 


flifii'iïùïi! 


I  II"; 
ilfliillil 


'wHr"""»»^ 


Z 


r„ 


1 1 1  m  1 1  ce 


,2/vy 


Fig.  3.  —  Délos.  —  Temple  des  Taureaux. 
Détail  de  la  salle  Nord.  (Dessin  de  M.  Gerh.  Poulsen 


112  ATTIQLES    DÉLIENS 

Celles-ci  ont  la  même  forme,  et,  au  moins  quant  a  la 
section  du  fût  (0m  355  X  0  m  54),  les  mêmes  proportions 
que  dans  le  portique  coudé.  L'aspect  du  chapiteau  est 
presque  identique.  Les  dissemblances  s'expliquent  assez  par 
le  caractère  différent  des  deux  monuments.  Ainsi  dans 
l'attique  du  temple,  l'entrecolonnement,  plus  étroit  (1  m  83), 
est  imposé  par  l'ordre  dorique,  lequel,  conformément  à 
l'esthétique  des  édifices  religieux,  ne  comprend  qu'un  tri- 
glvphe  entier  par  travée,  et  la  frise  ionique,  plus  haute 
(0m  49)  que  l'épistyle  (0m  44),  est  ornée  de  bas-reliefs. 
Mais  cet  attique  paraît  bien,  au  total,  avoir  été  le  proto- 
type de  celui  du  portique  coudé. 

Il  faut  encore  noter  que  l'entablement  inférieur  du 
temple  reposait,  de  chaque  côté  de  la  salle  médiane,  sur 
une  rangée  ininterrompue  de  parastades  doriques,  reliées, 
tantôt  par  des  cloisons  pleines,  tantôt  par  des  fenêtres  à 
meneaux.  J'ai  constaté  la  présence  de  fenêtres  analogues 
entre  les  colonnes  du  prodomos  et  entre  les  supports  du 
lanterneau.  La  composition  générale  de  l'édifice,  qui  peut 
sembler  à  première  vue  complexe  et  singulière,  porte  en 
fait  la  marque  d'une  intime  unité.  Les  deux  attiques  se 
font  réciproquement  équilibre  et  gardent,  malgré  les  diffé- 
rences d'étendue  et  de  disposition,  la  même  et  unique  fonc- 
tion utile,  qui  est  d'éclairer  les  salles  qu'ils  entourent  '. 
Peut-être  est-ce  là  le  rôle  primitif  de  cet  ordre,  au  moins  à 
Délos,  et  ne  faut-il  pas  attribuer  au  simple  hasard  le  fait 
qu'on  ne  le  rencontre  que  cinquante  ou  cent  ans  après 
dans  celui  d'une  véritable  colonnade  2. 

1.  On  trouve  un  emploi  analogue  de  l'attique  dans  un  monument  con- 
temporain du  temple  des  taureaux,  l'édifiée  circulaire  de  Samothrace 
dédié  par  Arsinoé.  Cf.  Arch.  Unlersuch.  aaf  Samothrake,  p.  80-83, pi.  i.iv- 
i.v  et  i.xi. 

2.  Le  portique  qui  entoure  sur  trois  côtés  la  skéné  du  théâtre  de  Dél<>> 
semble  bien  avoir  été  composé  de  parastades  rectangulaires.  Cf.  B.C. H., 
XX,  p.  283.  Peut-être  est-il  un  peu  plus  récent  que  le  proskéninn  250  av. 
J.-C.  .  Aucun  morceau  de  l'élévation  n';i  été  jusqu'ici  retrouvé. 


ATTIQUES    DÉLIENS  113 

La  transformation  ne  s'est  pas  faite  d'un  seul  coup.  Elle 
s'annonce  dès  le  milieu  du  ni0  siècle,  dans  un  monument 
d'architecture  privée,  le  péristyle  de  la  maison  «  de  Ker- 
don '  ».  La  galerie  supérieure  en  était,  comme  celle  des  por- 
tiques, composée  de  parastades  rectangulaires,  reposant 
directement  sur  la  corniche  (elles  sont  ici  taillées  dans  du 
tuf  et  couronnées  de  chapiteaux  doriques  en  marbre).  Mais 
une  cloison  fermait  les  entrecolonnements  sur  la  plus 
grande  partie  de  leur  hauteur;  peut-être  même  atteignait- 
elle  jusqu'au  niveau  de  l'épistyle,  et  était-elle,  en  ce  cas, 
percée  de  fenêtres.  Par  ce  dernier  trait  l'attique  de  la  mai- 
son «  de  Kerdon  »  se  rapproche  de  celui  du  temple.  Les 
deux  monuments  sont  voisins,  et  on  ne  peut  guère  douter 
qu'il  n'y  ait  eu  imitation  de  l'un  à  l'autre.  L'exemple  n'a  pas 
dû  rester  stérile;  et  si  l'on  exhume  jamais  d'autres  habita- 
tions riches  aussi  anciennes  que  la  maison  «  de  Kerdon  », 
on  y  rencontrera  sans  doute  une  utilisation  analogue  de  la 
parastade  rectangulaire  2. 

L'attique  carré  paraît,  a  Délos,  plus  récent  et  plus  rare. 
On  a  découvert  dans  quelques  maisons  du  11e  siècle  où 
l'ordonnance  de  la  cour  était  aréostyle,  et  en  particulier 
dans  celle  du  Dionysos,  plusieurs  chapiteaux  répondant  à 
ce  type.  Mais  c'est,  comme  pour  le  précédent,  dans  la 
construction  d'un  lanterneau,  qu'on  en  rencontre  la  pre- 
mière application.  Il  suit,  en  effet,  d'une  découverte  récente, 
que  le  lanterneau  dont  M.  Leroux  a  établi  par  déduction  la 
présence  sur  le  toit  de  la  Salle  hypostyle  3  était  composé  de 

1.  M.  Chamonard  a  bien  voulu  me  signaler  les  habitations  où  il  a  cons- 
tate la  présence,  et  rétabli  la  disposition  de  l'attique.  Le  péristyle  de  la 
maison  «  de  Kerdon  »  me  paraît  avoir  été  construit  par  les  mêmes  ouvriers 
que  le  Portique  d'Antigone. 

2.  A  noter,  dans  le  quartier  du  théâtre,  i  parastades  de  marbre,  avec 
chapiteaux,  d'origine  inconnue  (sect.  super.,  0m  25  X  0m  505;  haut,  totale, 
2m53).  Deux  scellements  sont  visibles  sur  les  faces  latérales,  à  0m  35  e( 
lm  35  de  la  base. 

:<.  Explor.  arch.  de  lh:los,  II.  p.  10-42. 


1  I  4  ATTIQUES    DÉLIENS 

huit  parastades  carrées  en  marbre,  couronnées  de  chapi- 
teaux ioniques  d'un  profil  vigoureux  et  implantées  à  même 
sur  l'abaque  des  huit  colonnes  centrales.  La  distance  entre 
axes  de  ces  parastades  est,  comme  celle  des  colonnes,  de 
5 m  50;  leur  largeur  maxima,  de  0m  44  seulement.  Cet 
exemple  confirme  le  lien  indiqué  plus  haut  entre  les  sup- 
ports quadrangulaires  à  faces  égales  et  l'ordonnance  aréo- 
style.  Il  laisse  entrevoir  dans  l'emploi  de  l'attique  carré 
l'évolution  que  j'ai  déjà  signalée  à  propos  de  l'attique  rectan- 
gulaire. 

Elle  s'explique  aisément.  L'attique  est  plus  souple  que 
la  colonnade.  Il  permet  d'obtenir,  sur  un  plan  donné,  des 
baies  à  la  fois  moins  hautes  et  plus  larges,  sans  enfreindre 
les  lois  de  la  modulation.  La  hauteur  effective  des  paras- 
tades de  la  Salle  hypostyle  n'excédait  pas  3™  35.  La  lar- 
geur de  l'épistyle  était  de  0m  47.  Le  calcul  montre  que,  pour 
un  entablement  égal,  des  colonnes  ioniques  n'auraient  pas 
eu  moins  de  4  mètres  de  haut.  La  latitude  est  plus  grande 
encore  avec  les  parastades  de  section  oblongue.  En  effet, 
on  l'a  vu  par  l'exemple  du  portique  de  l'agora,  il  peut  y 
avoir  une  relation  modulaire  normale  entre  leur  hauteur  et 
leur  largeur  d'une  part  (2  m  735  :  0  1U  33  ==  81/4),  et,  de 
l'autre,  entre  leur  profondeur  et  les  dimensions  de  l'enta- 
blement. Des  colonnes  n'offriraient  pas  les  mêmes  facilités. 
L'aspect  de  la  Stoa  d'Attale  à  Pergame  fera  saisir,  par 
contraste,  le  dessein  de  l'architecte  délien,  ou  du  premier 
qui  songea  à  généraliser  l'emploi  de  l'attique  en  le  détour- 
nant de  ses  origines. 

Comme  l'ante,  la  parastade  n'est  qu'une  portion  de  mur 
mise  en  relief  et  dotée  d'un  couronnement.  Elle  prend 
d'abord  timidement  place  entre  deux  antes,  à  titre  de 
jambage  unique  ou  double,  ou  bien  elle  recoupe  une 
fenêtre  à  la  manière  d'un  meneau.  Dans  le  groupe  de 
fenêtres  composées  en  édicule  qui  constitue  le  lanterneau, 
l'attique  s'affranchit  et  se  prépare  au  rôle  de  péristasis  et 


SÉANCE    DU    10    AVRIL    1912  115 

de  colonnade  d'étage.  On  peut  suivre  à  Délos  même  toutes 
les  phases  de  cette  évolution.  Mais  l'état  de  mes  recherches 
ne  m'a  permis  d'en  signaler  avec  quelques  détails  que  les 
deux  étapes  les  plus  marquantes. 

SÉANCE  DU   19   AVRIL 


PRÉSIDENCE    DE    M.    NOËL    VALOIS,    VICE-PRÉSIDENT. 

M.  Cagnat  donne  lecture  à  l'Académie',  de  la  part  de  M.  Mer- 
lin, directeur  des  antiquités  et  des  arts  à  Tunis,  de  la  note  sui- 
vante : 

«  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  ailleurs  i  les  découvertes 
très  intéressantes  récemment  faites  par  MM.  le  capitaine  Vau- 
bourdolle  et  le  lieutenant  Haack  à  Souk  El-Abiod,  L'ancienne 
Pupput,  dans  les  ruines  d'un  monument  vulgairement  connu 
sous  le  nom  de  Capitole.  Au  pied  de  l'escalier  qui  donne  accès  à 
l'édifice,  ces  ofliciers  viennent  d'effectuer  une  nouvelle  trouvaille 
importante.  Ils  ont  mis  au  jour  une  base  honorifique  en  deux 
morceaux,  qui  ont  été  recueillis,  à  un  mois  environ  d'intervalle, 
aux  deux  extrémités  opposées  des  marches  ;  la  tranche  supé- 
rieure présente  deux  trous  pour  le  scellement  de  la  statue  ;  sur 
la  face  antérieure,  on  lit  (lettres  0'"  065  —  0U1  045)  : 

D  •  N  •  ARCADIO  ■  INCLY 
TO  •  PIO  •  FELICI  •  AVGVSTO 
ADMINISTRANTE  V  S  ■  FL 
MACROBIO  •  M  A  X  I  M  I  A  N  O 
5 .  V  •  C  •  P  •  O  •  C  •  A  G  •  V I C  •  P  ■  P  •  ET  •  FL  •  S  Y 
N  ESI  O  FI  LO////////////1  O  •  Y  •  C 
CONS'PROV  F  L  •  V  A  L  ■  B  Y  Z 
FL  •  CALBINYS  •  V  •  D  •  FL  •  P  •  P  ■ 
C  V  R  •  R  E  I  P  •  N  V  M  I  N  I  ■  MA 
io.  IESTATIQ.VE  ■  E  I  V  S  ■  S  E  M 
P   E  R     •     D   I   C  A  T   I    S   S   I   M   Y  S     ; 

1 .  Communication  faite  le  12  avril  1912  au  Congrès  des  Sociétés  savantes. 


116  SÉANCE    DU    19    AVRIL    1912 

«  La  base  est  coupée  entre  les  lignes  6  et  7  et,  à  ces  lignes, 
quelques  lettres,  surtout  dans  la  partie  droite,  sont  incom- 
plètes, mais  les  caractères  ne  sont  pas  douteux.  Seul,  le  surnom 
qui  suit  Synesio  est  trop  endommagé  pour  être  entièrement 
déchiffré  ;  après  Filo,  il  y  a  place  pour  trois  lettres  dont  on  ne 
voit  que  des  traces  très  vagues  ;  car  la  pierre  est  rongée  à  cet 
endroit;  j'avais  songé  à  Filo mat]io,  mais  cette  restitution  est 
tout  hypothétique. 

D[omino)  n(ostro)  Arcadio,  inclyto,  pio,  felici  Augusto, 
administrantihus  Fl(avio)  Macrohio  Maximiano,  v(iro)  c{laris- 
simo),  p(rimi)  o(rdinis)  c(omite),  ag{ente)  vic(es)  p(rae fecti) 
p  raetorio)  et  Fl(avio)  Synesio  Filo\mat]io  (??),  v(iro)  cflaris- 
simo),  cons(ulari)  prov(inciae)  Fl(aviae)  Val(eriae)  Byzïacenae), 
Flavius)  Calbinus  [pour  Calvinus],  v(ir)  d(evotissimus  '),  fl(a- 
men)  p(er)p(etuus) ,  cur{alor)  reip{uhlicae} ,  numini  majesla- 
lique    ejus  semper  dicatissimus. 

«  Ni  Flavius  Macrobius  ni  Flavius  Synesius  ne  sont  respecti- 
vement connus  comme  vicaire  d'Afrique  et  eonsulans  de  Byza- 
cène  ;  l'inscription  de  Pupput  enrichit  donc  les  Fastes  de 
l'Afrique  romaine  de  deux  noms  sous  le  règne  d'Arcadius,  qui 
fut  associé  à  l'empire  avec  le  titre  d'Auguste  le  16  janvier  383 
et  mourut  en  408.  C'est  la  première  fois  qu'en  Afrique,  on  ren- 
contre une  dédicace  à  Arcadius  seul,  qui,  depuis  395,  eut  le 
gouvernement  de  l'Orient,  tandis  qu'Honorius  avait  celui  de 
l'Occident  et  de  l'Afrique. 

«  Notre  base  est  aussi  curieuse  au  point  de  vue  géographique. 
La  présence  du  vicaire  d'Afrique2  et  du  consularis  de  Byzacène 
nous  indique  que  Pupput,  vers  l'an  400,  était  en  Byzacène. 
Cent  ans  après  environ,  la  Notitia  épiscopale  de  484 3,  seul 
document  qui  nous  fixait  jusqu'ici  sur  la  province  dont  la  ville 
faisait  partie,  place  celle-ci  en  Proconsulaire;  aussi  supposait-on 

1.  Cf.  Hirschfeld,  Die  Rangtitel der rômischen  Kaiserzeit,  dans  Sitzimgs- 
her.  Berliner  Akademie,  1901,  p.  607. 

2.  Cf.  Pallu  de  Lessert,  Mém.  des  Antiquaires  de  France,  LX,  p.  20. 

3.  Cf.  Capial.  Les  limites  de  V Afrique  proconsulaire  et  de  la  Byzacène, 
dans  Klit>.  1902,   p.  T.'i-Tii:  <:orj>.  inscr.  latin., t.  VIII,  p.  2437. 


SÉANCE    DU    19    AVRIL    1912  117 

que  la  frontière  entre  les  deux  provinces  passait  au  Sud  vers 
Ksar-Menara * .  La  découverte  de  MxM.  Vaubourdolle  et  Haack 
renouvelle  et  complicpie  la  question  :  il  faut  admettre  mainte- 
nant ou  bien  que  l'un  des  deux  témoignages  est  erroné,  ou  bien 
que  la  limite  a  varié  au  cours  du  Ve  siècle,  hypothèse  qui  semble 
préférable.  Vers  la  fin  du  ive  siècle,  la  frontière  aboutissait  sur 
la  mer  entre  Neapolis  (aujourd'hui  Nabeul,  à  16  kilomètres  au 
Nord-Est  de  Souk  El-Abiod),  qui  était,  au  temps  d'IIonorius  et 
d'Arcadius,  en  Proconsulaire  2,  et  Puppul,  que  notre  base  nous 
montre  à  cette  même  date  en  Byzacène  ;  plus  tard,  la  limite  fut 
remaniée  et  descendue  au  Sud  de  cette  dernière  ville  qui  fut 
englobée  dans  la  Proconsulaire. 

«  Enfin  l'inscription  de  Puppul  nous  permet  de  préciser,  par 
comparaison,  le  sens  de  certaines  sigles  sur  un  texte  de  la  loca- 
lité peu  éloignée  de  Vina3.  Cette  base,  copiée  par  Guérin,  est 
ainsi  conçue  : 

ADMINIsIrdH 

TIBVS    D 

VC  AMP   PR 

ET    ALEXANDro.  . 
5.     POC   AC  VPPI.  .  .  . 

NVS  F  PP  EX 

R  P   AD 

THERMARYM 
PO.SV  xi 

«  Si  la  ligne  3  est  assez  facile  à  compléter  et  s'il  est  clair  qu'il 
s'agit  du  proconsul  d'Afrique,  on  a  été  jusqu'ici  fort  embar- 
rassé pour  expliquer  la  ligne  5.  Wilmanns,  après  avoir  revu 
l'original  avec  grand  soin,  a  noté  au  Corpus  ''  qu'on  pouvait  lire 
au  début  POC  ou  ROC  et  que  les  deux  C  de  POC  et  de  AC 
pouvaient  être  des  G,  mais  il  ajoutait  :  «  in  POC  quid  lateat 
«  nescimus  ;  ROC  si  fuit,  possis  cogitare  de  [rijro  c\laris$imd\. 
«  Litteras  singulares  quae  sequuntur  non  magis  expedivimus; 

1.  Cf.  Cagnat,  toc.  cit.,  p.  78. 

2.  Corp.  inscr.  Int.,  t.  VIII,  n"  <m  date  de  100-ioi). 

3.  //){'</.,  n"  <.>t>2  et  12110. 
1.  Ihid..  n"  962. 


118  SÉANCE  DU  19  AVRIL  1912 

«  de  ag(enfe)  v{ices)  piraefectorum)  p(raetorio)  quanquam  cogi- 
«  tavimus,  obstabat  quod  vicarius  Africae  vix  recte  componitur 
«  cum  proconsule  ejus.  »  Au  Supplément  du  Corpus  ',  Schmidt, 
après  avoir  collationné  l'estampage  pris  par  Wilmanns,  écri- 
vait :  o  5  in.  videtur  esse  R,  ut  sit  [p]  ||  roc{uratore)  A(ugusti), 
«  deinde,  ut  monet  Mommsen,  Cuppit[ia]  \\  nus,  etc.  »  M.  Pallu 
de  Lessert,  dans  ses  Fastes  des  provinces  africaines  2,  range 
Alexander  parmi  les  vicaires  incertains.  Avec  notre  inscription 
de  Pupput,  celle  de  Vina  devient  compréhensible;  la  ligne  5 
contient  une  série  d'abréviations  :  p(rimi)  o(i-dinis)  c(omite), 
agi  ente)  v(ices)  p(raefecti)  p(raetorio).  Bien  que  nous  soyons  en 
Proconsulaire,  le  vicaire  apparaît  indiscutablement  ici  à  côté 
du  proconsul,  ce  qui  n'est  pas  d'ailleurs  sans  exemple3  et  ce  qui 
se  justifie,  semble-t-il,  par  des  circonstances  exceptionnelles  où 
le  vicaire,  par  délégation  extraordinaire,  était  investi,  à  titre 
momentané,  de  la  juridiction  générale  sur  toutes  les  provinces 
africaines,  même  sur  la  Proconsulaire  '. 

«  Parmi  les  vicaires  d'Afrique,  outre  Macrobius  et  Alexander, 
Claudius  Avitianus  a  le  titre  de  cornes primi  ordinis:'. 

«  Il  convient  de  signaler  la  formule  agens  vices  praefecti  prae- 
torio.  A  l'époque  d'Arcadius  ce  titre  est  anormal;  il  est  cons- 
tamment, sauf  en  un  cas,  remplacé  par  celui  de  vicarius  6  vers 
la  fin  du  ivc  siècle.  » 


1.  Corp.  inscr.  lat.,  t.  VIII,  n°  12440. 

2.  II,  p.  230,  cf.  p.  151. 

3.  On  trouve  en  Proconsulaire  le  vicaire  Antonius  Dracontius  associe  de 
même  au  proconsul  sur  une  inscription  de  Ilenchir  Msa'adin,  l'ancienne 
Furnos  minus  (Corp.  inscr.  latin.,  t.  VIII,  n°  10609  =  14752,  cf.  Pallu  de 
Lessert,  op.  cit.,  III,  p.  196  et  suiv.). 

4.  Pallu  de  Lessert,  op.  cit.,  II,  p.  197  et  217.  —  Par  un  phénomène 
inverse  créant  une  situation  pareille,  la  compétence  du  proconsul  débor- 
dait parfois  d'une  façon  tout  à  fait  anormale  en  dehors  de  la  Proconsulaire 
sur  la  Numidie,  la  Byzacène,  la  Tripolitaine  et  les  Maurétanies  (Corp. 
inscr.  lat..  t.  VI,  n°«  1690,  1691  ;  t.  VIII,  n°  24521  =  Gagnât,  Année  épicjra- 
phique,  1898,  n"  8;  cf.  Pallu  de  Lessert,  op.  cit.,  II,  p.  42  et  suiv., p.  182, 
p.  197.  —  Voir  en  outre  Pallu  de  Lessert,  op.  cit.,  II,  p.  189). 

5.  Corp.  inscr.  lat.,  t.  VIII,  n0'  7037  et  7038:  cf.  Pallu  de  Lessert,  op. 
cil ..  II,  p.  192-193.  —  Sur  les  comités  primi  ordinis,  cf.  Grossi-Gondi,  dans 
De  Ruggiero,  Dizion.  epigr.,  II,  p.  476  et  suiv. 

6.  Pallu  de  Lessert,  op.  cit.,  II,  p.  153-151,  p.  193,  p.  217. 


SÉANCE    DU     19    AVRIL    1912  119 

L'Académie  procède  à  la  désignation  de  deux  candidats  pour 
la  chaire  de  V Histoire  de  V Afrique  du  Nord  créée  au  Collège 
de  France  par  arrêté  du  G  février  dernier. 

M.  Gsell  est  désigné  en  première  ligne  par  20  suffrages  sur 
23  votants  contre  2  bulletins  blancs  marqués  d'une  croix  et 
une  voix  à  M.  Besnier. 

M.  Besnier  est  présenté  en  seconde  ligne  par  18  suffrages  sur 
18  votants. 

M.  Pichon  fait  une  communication  sur  l'épisode  d'Amata 
dans  l'Enéide.  Après  avoir  relevé  clans  le  récit  de  Virgile 
quelques  anomalies  et  obscurités,  il  essaie  de  les  expliquer 
en  recherchant  les  traditions  religieuses  auxquelles  le  poète  a 
t'ait  des  emprunts.  Il  pense  que  Virgile  a  voulu  représenter  dans 
la  fuite  extatique  d'Amata  le  rite  des  fêtes  de  Liber,  le  Bacchus 
latin  ;  que,  d'autre  part,  Amata  est  le  prototype  des  Vestales  ; 
mais  qu'il  a  dû  y  avoir  à  l'origine  une  association  entre  le  culte 
de  Liber  et  celui  de  Vesta. 

M.  l'abbé  Lejay  étudie  l'origine  d'une  préposition  latine, 
absque.  Elle  se  rencontre  à  partir  du  milieu  du  n"  siècle  de  l'ère 
chrétienne.  Mais  dans  Plaute  et  clans  Térence,  on  a  huit  fois  une 
expression  absque,  clans  une  phrase  comme  :  «  Nam  absque 
led  esset,  hodie  numquam  ad  solem  occasum  uiuerem  »  (Plaute, 
Ménechmes,  1022).  La  proposition  absque  ted  esset  est,  d'après 
M.  Lejay,  une  explication  introduite  comme  entre  parenthèses; 
absque  s'y  décompose  en  ahs  et  que,  conjonction:  «  Et  loin  de 
toi  (sans  toi),  cela  serait  arrivé.  »  Certains  passages  ont  pu 
suggérer  à  Fronton  l'idée  d'une  préposition  absque,  par  exemple 
Ga.pt.,  752  ;  quod,  précédant  absque,  paraissait  y  avoir  le  sens 
conditionnel  qu'il  a  quelquefois  clans  l'ancienne  langue.  L'inno- 
vation de  Fronton  est  remarquable,  parce  qu'elle  est  due  à  une 
mode  littéraire,  l'imitation  de  la  langue  archaïque  par  les 
auteurs  du  IIe  siècle,  et  que,  néanmoins,  elle  a  eu  assez  de  succès 
pour  pénétrer  dans  la  langue  populaire  (lombard  asca). 

M.  IIavkt  présente  une  correction  pour  un  vers  de  Catulle 
(68,  3(J).  Au  lieu  île  ralde,  il  propose  d'y  lire  alpe,  une  alpe, 
une  prairie  de  montagne.  Ce  passage  serait  le  seul  de  toute  la 
littérature  latine  où  se  lirait  alpis  employé  comme  nom  commun. 


120  LIVRES    OFFERTS 

Il  est  d'ailleurs  tout  naturel  que  ce  mot,  essentiellement  local,  ait 
été  essayé  en  poésie  par  un  auteur  natif  de  Vérone,  et  par  con- 
séquent voisin  des  Alpes  qui  ont  imposé  leur  nom  à  une  grande 
chaîne  de  montagnes. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Babelon  a  la  parole  : 

«  M.  Victor  Tourneur,  conservateur  adjoint  au  Cabinet  des 
Médailles  de  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique  et  secrétaire  de  la 
Société  royale  de  numismatique,  m'a  chargé  d'offrir  en  son  nom  à 
l'Académie  ses  plus  récentes  publications  dont  voici  rénumération  : 

«  1°  Catalogue  des  médailles  du  royaume  de  Belgique,  par  Victor  Tour- 
neur. Tome  Ier  (1830-1847),  1  vol.  in-8°  de  256  pages  et  34  planches. 
Ce  catalogue  est  précédé  d'une  introduction  développée  dans  laquelle 
l'auteur  s'est  efforcé  de  démontrer  que  l'art  de  la  médaille  dans  la 
Belgique  contemporaine,  tout  en  ayant  son  originalité  propre,  est 
d'importation  et  d'inspiration  française.  Cette  étude  de  M.  Tourneur 
n'est  donc  pas  seulement  une  nomenclature  métallique  intéressante 
pour  l'histoire  de  la  Belgique  ;  elle  est  une  contribution  utile  et  ori- 
ginale à  l'histoire  de  l'art  français  au  xixe  siècle  et  à  son  rayon- 
nement au  dehors. 

«  2°  Catalogue  du  Salon  international  de  la  médaille  à  l'Exposition 
internationale  de  Bruxelles  en  1910. 

«  3°  Quatre  brochures  qui  portent  pour  titre  :  La  médaille  en  Bel- 
gique en  1008,  en  1909,  en  1910  et  en  1911;  elles  sont  aussi  plus 
qu'une  nomenclature  des  productions  des  graveurs  belges  contem- 
porains, par  la  critique  judicieuse  sur  laquelle  M.  Tourneur  a  su 
asseoir  ses  jugements. 

«  4°  Enfin  M.  Tourneur  offre  à  l'Académie  l'important  volume  des 
Procès-verbaux  et  Mémoires  du  Congrès  international  de  numisma- 
tique et  d'art  de  la  médaille,  tenu  à  Bruxelles  en  1910,  ouvrage  publié 
par  les  soins  de  MM.  Alphonse  de  Witte  et  Victor  Tourneur,  et  qui 
compte  886  pages  suivies  de  36  planches.  On  sait  que  ce  Congrès  de 
numismatique  a  été  particulièrement  intéressant;  le  volume  de  ses 
travaux  nous  en  apporte  la  preuve  par  l'importance  des  mémoires 
qui  ont  été  présentés  par  des  savants  de  tous  pays  et  qui  se  rap- 
portent à  tous  les  chapitres  de  la  numismatique  grecque,  romaine, 
médiévale  et  contemporaine.  Je  ne  puis  énumérer  ces  dissertations 
variées;  il  me  suffira  de  citer  les  noms  de  quelques-uns  des  collabo- 
rateurs: MM.  Imhoof-Blumer,  Macdonald,  Simonelti,  Yakountchikoff, 


SÉANCE    DU    26    AVRIL    1912  121 

Dieudonné,  Haeberlin,  Blanchet,  Dattari,  Jules  Maurice,  A.  de 
MarkolT,  Edm.  Gohl,  Pappadopoli,  Ilauberg,  de  Castellane,  de  Jongbe, 
de  Witte,  G.  Habich,  etc.  Ces  noms  sont  un  sûr  garant  de  l'impor- 
tance scientifique  de  ce  recueil  digne,  on  le  voit,  d'occuper  une 
place  bonorable  dans  les  productions  de  l'érudition  contemporaine.» 


SÉANCE   DU   26   AVRIL 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 

M.  Prou  communique  une  lettre  de  M.  Lucien  Lambeau, 
secrétaire  de  la  Commission  du  Vieux  Paris,  contenant  la 
transcription  de  l'épilaphe  d'un  ancien  «  secrétaire  commis  »  de 
l'Académie  des  inscriptions,  appuyée  contre  le  mur  du  cime- 
tière de  Vaugirard  (rue  Lecourbe,  nu  310)  : 

ICI    REPOSE 

ESPRIT   LOUIS    ROUSSET, 

ANCIEN    SECRÉTAIRE    COMMIS 

DE    L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES, 

DÉCÉDÉ    LE    23    NOVEMBRE    1809, 

DANS    SA    80e    ANNÉE. 

il  fut  honnête  homme, 

fonctionnaire  public 

intègre,  ami  sur  et  fidèle, 

bon  époux,  ses  rares 

qualités  lui  méritèrent 

l'estime  et  l'affection 

des  gens  de  bien. 

cette  pierre  consacrée 

a  sa  mémoire  sera  un 

monument,  et  de  la  tendresse 

dic  sa  veuve   affligée, 

et  de  la  reconnaissance 

de  baron,  ex-juge  de  paix 

A    TAKIS,    A    OUI    IL    n'a    CESSÉ    DE 
DONNER    DES    PREUVES  D'AMITIÉ. 


122  SÉANCE    DU    26    AVRIL    1912 

M.  Lambeau  a  pensé  avec  raison  que  cette  inscription  inté- 
resserait l'Académie  qui  aime  garder  et  honorer  le  souvenir  de 
tous  ceux  qui  l'ont  servie  et  l'ont  aidée  dans  ses  travaux. 

Le  P.  Scheil  donne  une  première  lecture  d'un  mémoire 
intitulé  :  Visite  chez  un  armurier  susien  de  l'an  3000  avant 
notre  ère. 

MM.    Heizey    et  Pottier    ajoutent  quelques  observations    et 
signalent  deux  monuments  qui  représentent  des  objets  mention 
nés  par  la  tablette  étudiée. 

M.  Châtelain,  au  nom  de  la  Commission  du  prix  Brunet,  fait 
le  rapport  suivant  : 

«  La  Commission  du  prix  Brunet,  vu  le  grand  nombre  des 
concurrents,  n'a  pas  décerné  le  prix  de  3.000  francs,  mais  elle  a 
attribué,  sur  les  revenus  de  la  fondation,  les  récompenses  sui- 
vantes : 

«  1.500  francs  à  M.  Vicaire,  Manuel  de  l'amateur  de  livres 
du  XIXe  siècle.  7  vol.  in-8°. 

«  1.000  francs  à  M.  Georges  Lépreux,  Gallia  typographica. 
4  vol.  in-8°. 

«  1.000  francs  à  M.  Hubert  Pernot,  Bibliographie  ionienne. 
2  vol.  in-8°  (œuvre  d'Emile  Legrand  complétée  par  M.  Pernot). 

«  500  francs  à  M.  Etienne  Deville,  Index  du  Mercure  de 
France.  1  vol.  in-4°. 

«  500  francs  à  M.  Charles  Beaulieux,  Catalogue  des  livres  de 
la  Réserve  (xvie  siècle)  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  de 
Paris.  1  vol.  in-8°. 

«  500  francs  à  M.  Albert  Maire,  L'œuvre  scientifique  de 
Pascal.  Bibliographie  critique  et  analyse  de  tous  les  travaux 
qui  s'y  l'apportent.  1  vol.  in-8°. 

«   Mentions  très  honorables  : 

«  A  M.  Pierre  Bliard,  Bibliographie  de  la  Compagnie  de 
Jésus.  T.  X.  Tables.  I  vol.  in-4°  ; 

«   Et  à  M.  J.  Baudrier,  Bibliographie  Lyonnaise.  9  vol.  in-8°.  » 

M.  Paul  Foucart  commence  la  lecture  du  mémoire  qu'il  a 
rédigé  en  collaboration  avec  M.  Georges  Foucart,   professeur  à 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  123 

la  Faculté  des  lettres  d'ALx-Marseille,  sur  les  cérémonies  qu'on 
appelle  les  drames  mystiques  d'Eleusis  '. 

L'Académie  procède  à  la  désignation  de  son  délégué  au  Con- 
seil supérieur  de  l'instruction  publique. 

Par  25  voix  sur  27  votants,  M.  le  comte  Robert  de  Lasleyrie 
est  réélu. 


COMMUNICATION 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS, 
PAR    M.    PAUL    FOL'CART,    MEMBRE    DE    l'iNSTITUT. 

L'expression  de  mystères  (f/.u<r:r,pia)  est  la  plus  générale  et 
comprend  toutes  les  cérémonies  secrètes  qui  étaient  célé- 
brées, dans  l'enceinte  sacrée  d'Eleusis,  du  20  au  23  Boé- 
dromion.  L'initiation  avait  pris  une  telle  importance  et 
acquis  une  si  grande  réputation  que  l'on  croit  généra- 
lement qu'elle  était  l'objet  unique  des  Grands  Mystères. 
C'est  une  erreur.  La  fête  comprenait  d'autres  parties,  égale- 
ment secrètes,  qui  n'avaient  pas  un  rapport  direct  avec  l'ini- 
tiation et  qui  étaient  peut-être  plus  essentielles.  La  distinc- 
tion apparaît  assez  nette  dans  une  lettre  qu'un  empereur,  pro- 
bablement l'un  des  Antonins,  adressa  aux  Eumolpides,  qui 
lavaient  nommé  archonte  de  la  famille  :  «.  J'accepte  le  titre 
d'archonte,  comme  vous  m'en  avez  prié,  afin  que  les  cérémo- 
nies secrètes  de  l'initiation  qui  a  lieu  pendant  les  mystères 
(-à  âicéppYjTa  tyjç  *a-:i  xà  [Auar^pia  teXeTYjç)  soient  célébrées,  en 
l'honneur  des  Deux  Déesses,  avec  plus  d'éclat  et  de  majesté, 
si  du  moins  il  est  possible  d'y  ajouter  quelque  chose2.  >s 

1 .  Voir  ci-après. 

2.  'Ava)au.pàv'w  o'i  xaî  tïjv  tou  ap^ovcoç  7tpoa7|yopîav  xaO'  a  T)Çic5<jaT6,  w; 

~i  -î    à7tOppï)Ta  ifjç   7.%-X  Tï   [XUOTTJpia  TcÀiTTÏ;    ÈvSoÇoTEpOV    TE    Xaî    ffejJLVOTEpOV, 

EÏ  ye  xtva  npoaOrjy.riV  ir.'.oi/oi-o,  roïv  Weoïv  a-oooOiîï]  /.ai  oix  rov  Kpy^oVTO  tou 

t<3v  EùjioXjtiBâSv  yévouî,  8v  npoey^êtpt'oaaOE.  Athen.  MilleiL.  1894,  p.  172.= 
Dittemberger,  Sylloye,  a.  108. 

1912.  0 


124  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

Il  y  a  donc  lieu  de  distinguer,  dans  les  actes  qui  consti- 
tuent les  Grands  Mystères,  d'un  côté  les  rites  de  l'initia- 
tion, dont  je  ne  parlerai  pas  ici  ;  de  l'autre,  ce  qu'on  a 
appelé,  d'après  l'expression  empruntée  à  Clément  d'Alexan- 
drie, les  drames  mystiques1. 

Un  de  ces  drames,  l'Enlèvement  de  Coré,  est  connu 
depuis  longtemps.  Je  crois  avoir  été  le  premier  à  signaler 
l'existence  d'un  autre,  la  Hiérogamie  de  Zeus  et  de  Démé- 
ter2.  Seuls,  les  auteurs  chrétiens  en  ont  fait  mention,  et, 
pour  ce  motif,  il  sera  nécessaire  d'examiner  avec  soin  la 
valeur  de  leurs  témoignages. 

Un  commentateur  de  Platon  dit,  à  propos  d'un  passage 
du  Gorgias  :  «  Les  mystères  étaient  célébrés  en  l'honneur 
de  Déo  et  de  Coré,  parce  que  celle-ci  avait  été  enlevée  par 
Pluton  et  parce  que  Zeus  s'était  uni  a  Déo3.  »  Il  s'y  passait, 
ajoute-t-il,  beaucoup  de  choses  honteuses  ;  et  il  termine  par 
une  erreur,  en  attribuant  à  Eleusis  une  formule  que  nous 
savons  appartenir  aux  mystères  de  Cybèle.  J'aurai  à  parler 
plus  loin  des  attaques  des  chrétiens  contre  la  moralité  des 
mystères.  La  confusion  au  sujet  de  la  formule  montre  que 
l'érudition  du  scholiaste  n'était  pas  toujours  puisée  k  des 
sources  très  pures.  Mais  je  ne  vois  pas  de  motif  de  contes- 
ter l'exactitude  de  son  information,  lorsqu'il  dit  nettement 
et  avec  simplicité  qu'il  y  avait  deux  légendes  distinctes 
dans  les  mystères  d'Eleusis  :  l'enlèvement  de  Coré,  l'union 
de  Zeus  et    de  Déo.    Pour   la   première,  elle  fournissait   le 

1.  Le  terme  de  opxu.a  auair/.ov  se  rencontre  seulement  dans  Clément 
d'Alexandrie  Protrept.,  IV.  27);  les  modernes  l'ont  employé,  faute  de 
mieux,  pour  la  commodité  du  langage.  Mais  ce  prétendu  drame  ne  res- 
semble nullement  à  une  pièce  de  théâtre.  Le  mot  opâ;j.a  est  plutôt  l'équi- 
valent de  rà  Spcôiieva,  les  choses  mises  en  action,  par  opposition  à  celles 
qui  étaient  montrées  aux  initiés.  :à  BstxvujiEVO,  ou  qui  leur  étaient  révélées 
par  la  parole,  là  ),£yo;j.£va. 

2.  P.  Foueart,  liecherches  sur  Vorîgiiie  et  la  nature  des  mystères 
rf'h'leusis,  1M»;>,  p.  48. 

3.  'EtsXeïto  Tajxa  xaî  \rtor.  /.a!  Kopï]  8xt  7xJTr,v  ;j.;v  QXoutcov  ■n.^-.i'zi'.i. 
Ar,oï  oi  p.tyetT]  Zsj;.  Schol.  ad  Gorgiam,  p.  497  c. 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  125 

sujet  du  drame  mystique  auquel  assistaient  les  initiés  du 
premier  degré;  j'ai  supposé  qu'on  avait  tiré  de  la  seconde 
la  hiérogamie,  qui  était  peut-être  réservée  aux  époptes  ou 
initiés  du  second  degré. 

Du  reste,  le  témoignage  du  scholiaste  n'est  pas  isolé.  Il 
est  confirmé  par  un  passage  de  Tertullien  :  »<  Pourquoi  la 
prêtresse  de  Cérès  est-elle  entraînée  de  force,  si  Cérès  n'a 
pas  subi  un  pareil  traitement  '?  »  L'enlèvement  de  Déméter 
n'étant  pas  connu  d'autre  part,  il  était  assez  naturel  de 
supposer  que  Tertullien  avait  confondu  la  mère  et  la  fille. 
Il  n'en  est  rien.  L'auteur  n'a  pas  commis  une  erreur,  il  a 
rappelé  un  fait  mythologique  que  nous  ignorions,  ou  plutôt 
que  nous  n'avions  pas  reconnu  par  le  rapprochement  avec 
d'autres  textes  qui  parlent  du  même  épisode.  L'organisation 
du  sacerdoce  éleusinien  confirme  aussi  l'exactitude  de  Ter- 
tullien. Il  n'y  avait  pas  de  prêtresse  de  Goré,  mais  seulement 
une  prêtresse  de  Déméter,  qui  était  l'éponyme  du  temple. 
Le  texte  d'Astérius,  cité  plus  loin,  prouve  aussi  qu'il  s'agit 
ici  de  la  prêtresse  et  non  de  la  hiérophantide  de  Déméter, 
avec  laquelle  on  l'a  souvent  confondue.  Voici  ce  qu'a  voulu 
dire  Tertullien.  L'histoire  des  dieux  païens  est  pleine  de 
choses  honteuses.  Par  exemple,  Déméter  a  été  victime 
d'une  violence.  La  preuve  en  est  que,  dans  la  représentation 
des  scènes  de  sa  vie,  la  prêtresse  de  Déméter  qui  n'est  plus 
en  ce  moment  une  personne  humaine,  mais  la  déesse 
elle-même,  est  enlevée  avec  violence.  Rapitur  pourrait 
être  une  expression  un  peu  forcée,  suggérée  à  Tertullien 
par  le  souvenir  du  rapt  de  Goré,  mais  plutôt,  elle  rappelle 
que  la  première  forme  du  ■  mariage  fut  le  rapt,  d'abord 
réel,  puis  simulé. 

Nous  trouverons,  sur  la  reproduction  de  cet  épisode 
devant  les  époptes,  des  détails  plus  explicites  et  plus  précis 


l.  Cur  rapitur  sacerdos  dereris,  si  non  Laie  Ceres  passa  est?  (Tertutt., 
Ad  Gentes.  II,  7). 


126  LES    DRAMES    SACRÉS    D  ELEUSIS 

dans  une  homélie  d'Astérius,  évêque  d'Amasia,  contempo- 
rain de  Julien.  Il  est  bon  de  citer  ou  d'analvser  le  morceau 
tout  entier,  pour  mieux  se  rendre  compte  de  la  valeur  des 
renseignements  qu'il  contient.  Les  païens  accusaient  le 
christianisme  de  diviniser  des  hommes  en  adorant  les 
martyrs.  L'évèque  commence  par  répondre  à  cette  attaque 
et  rétablit  la  doctrine  de  l'Eglise.  «  Nous  n'adorons  pas  les 
martyrs,  dit-il,  mais  nous  les  honorons  comme  de  vrais 
adorateurs  de  Dieu.  »  Puis  prenant  l'offensive  contre  les 
accusateurs  et  mettant  à  profit  l'évhémérisme  qui  était  en 
crédit  chez  les  penseurs  païens  autant  que  le  symbolisme,  il 
reproche  aux  Grecs  d'adorer  comme  des  dieux  des  centaines 
d  hommes  qui  sont  morts.  «  N'est-ce  pas  toi,  s'écrie-t-il,  qui, 
dans  ta  folie,  as  divinisé  Déméter  et  Coré?  n'as-tu  pas  bâti 
des  temples  pour  deux  femmes  ?  ne  leur  offres-tu  pas  des 
sacrifices  et  ne  les  adores-tu  pas  par  des  cérémonies 
variées?  Les  mystères  d'Eleusis' ne  sont-ils  pas  la  partie  la 
plus  importante  de  ton  culte  ?  le  peuple  athénien  et  la  Grèce 
tout  entière  n'y  courent-ils  pas  pour  célébrer  de  vaines  céré- 
monies? N'est-ce  pas  là  qu'est  cette  retraite  ténébreuse  et 
ce  respectable  tète-à-tête  du  hiérophante  et  de  la  prêtresse, 
seul  à  seule?  Les  flambeaux  ne  sont-ils  pas  éteints  et  une 
foule  innombrable  n'attend-elle  pas  son  salut  de  ce  qui  se 
passe  dans  l'obscurité  entre  les  deux  personnages?»1. 
L'exactitude  des  détails  sur  la  rencontre  de  la  prêtresse  et 
du  hiérophante  me  paraît  difficile  à  contester,  à  cause  de 
leur  précision  et  aussi,  en  raison  du  temps  où  fut  composée 
l'homélie  d'Astérius.  A  l'époque  de  Julien,  la  polémique 
entre  païens  et  chrétiens  témoigne,  de  part  et  d'autre, 
d  une  connaissance  sérieuse  des  croyances  de  l'adversaire. 
Les  partisans  de  l'ancienne  religion  étaient  au  courant  des 

1.  O'jx  bcet  ~'j  XŒTOtpâaiov  to  ixoteivov  /.ai  ai  -rj.vai  tco  Espoaxfvrou  rtpos 
Tr,v  Upeiav  ■jjvT'j/ia'.,  [J.dvou  npoç  [iovr|v;  oj/  ai  /.aa-ao;;  ;;:wjïti:  ;  /ai  ô 
itoXùç  /.ai  xvapî0(JLT)TOç  of,y.o;  tîjv  tKOTT)pîav  Kurôv  siva:  yop-iÇouai  Ta  Êv  TÔî 
ixoto)  napà  rûv  84o  -saTToasva;  Asterius,  'EY'-w^iov  «;:,,  p.  113  b. 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  127 

honneurs  que  les  chrétiens  rendaient  aux  martyrs.  Il  semble 
naturel  que  les  Pères  de  l'Eglise  aient  pris  soin  de  se 
mettre  au  courant  des  superstitions  qu'ils  combattaient, 
surtout  des  mystères  d'Eleusis,  encore  florissants,  qui 
étaient  devenus  la  plus  forte  citadelle  du  paganisme  menacé. 
Leurs  attaques  auraient  été  vaines  si  elles  n'avaient  eu 
pour  soutien  des  assertions  incontestables.  Supposons  en 
effet  qu'aux  questions  pressantes  et  redoublées,  que  pose 
l'évêque  d'Amasia,  les  païens  initiés  aient  pu  répondre  que 
les  faits  étaient  faux  ou  rapportés  inexactement,  toute  l'ar- 
gumentation s'écroulait.  Astérius  devait  être  bien  certain  de 
la  sûreté  de  ses  informations  pour  défier  son  adversaire  d'y 
opposer  une  négation.  J'userai  donc  avec  confiance  de  ses 
paroles.  L'union  de  Zeus  et  de  Coré  était  donnée  en  spec- 
tacle aux  époptes,  elle  était  représentée  par  la  prêtresse 
de  Déméter  et  le  hiérophante.  Ceux-ci  ne  doivent  pas  être 
considérés  comme  des  acteurs  jouant  un  rôle  ;  ils  accom- 
plissaient un  acte  de  leurs  fonctions  et  incarnaient  les 
divinités  dont  ils  avaient  revêtu  le  costume.  Pour  les  spec- 
tateurs, c'étaient  les  dieux  eux-mêmes  vivant  et  agissant,  et 
les  choses  se  passaient  comme  elles  avaient  eu  lieu  aux 
temps  mythologiques.  Zeus  entraînant  violemment  Démé- 
ter descendait  dans  une  retraite  obscure '.  Les  torches  alors 
étaient  éteintes  et  l'union  des  deux  divinités  se  consommait 
dans  l'obscurité,  au  milieu  de  l'attente  anxieuse  des  assis- 
tants. 

La  découverte  des  Philosophoumena  a  complété  de  la 
façon  la  plus  intéressante  les  renseignements  d'Astérius,  en 
y  ajoutant  l'épilogue  de  la  scène,  ainsi  que  les  précautions 
prises  pour  transformer  en  simulacre  la  répétition  du 
mariage    sacré.  «    Le    hiérophante,    qui    n'est   pas    mutilé 

1.  On  a  vainement  cherché  le  /.aTat3aaiov  dans  les  ruines  d'Eleusis. 
M.  Svoronos  a  cru  le  retrouver  dans  une  excavation  taillée  dans  la  grotte 
du  Plutonion,  hypothèse  assez  séduisante,  mais  qui  a  L'inconvénient  de 
transporter  la  scène  en  dehors  du  télcslérion 


128  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

comme  Attis.  mais  qui  s'est  réduit  à  l'impuissance  en 
buvant  de  la  ciguë  et  qui  a  renoncé  à  toute  union  char- 
nelle, la  nuit,  à  Eleusis,  au  milieu  des  feux,  accomplissant 
les  grands  et  ineffables  mvstères,  s'écrie  d'une  voix  forte  : 
a  La  divine  Brimo  a  enfanté  Brimos  l'enfant  sacré,  c'est- 
à-dire  la  Forte  a  enfanté  le  Fort1.  »  Ce  dénouement  fait 
suite,  sans  interruption,  k  la  partie  de  la  scène  résumée 
par  Astérius.  Les  feux  au  milieu  desquels  paraît  l'hiéro- 
phante sont  ceux  des  flambeaux,  rallumés  à  l'instant  où 
il  sort  du  jwca^aoriov.  L'enfant  sacré  dont  il  proclame  la 
naissance  est  très  probablement  Plutus.  L'auteur  d'un  sko- 
lion.  cité  par  Athénée,  chantait  Déméter,  l'Olympienne, 
mère  de  Plutus2.  Dans  l'invocation  des  femmes,  à  la  fête 
des  Thesmophories,  Aristophane  a  nommé  Plutus  parmi 
les  divinités  éleusiniennes,  après  Déméter  et  Coré,  et  avant 
Kalligéneia  3.  Plus  anciennement,  la  Théogonie  d'Hésiode 
avait  admis  la  même  généalogie,  mais  sous  la  forme  de  la 
légende  Cretoise  ;  c'était  le  héros  Iasion  qui  s'était  uni  à 
Déméter4.  Dans  les  derniers  vers  de  l'hymne  homérique 
(v.  488-9),  le  poète  promet  à  celui  qu'aimeront  les  deux 
Déesses  qu'elles  enverront  dans  sa  demeure  Plutus,  qui 
apporte  la  richesse  aux  mortels. 

En  dépit  des  précautions  et  des  atténuations,  la  repré- 
sentation de  l'union  charnelle  d'un  dieu  et  d'une  déesse, 
figurés  par  des  personnages  vivants,  provoquait  à  bon  droit 
les  attaques  des  écrivains  chrétiens.  C'est  évidemment  k 
cette    scène     que     fait    allusion    l'invective    de    Clément 

1.  O  ':i'.ozi/~rl:  oùx  XJtoxsxoujiivoç  [lèv,  wç  6  "AtTiç,  ï'-ivov/ullÉvoç  Se  ô'.i 
xwvefou  xaî  nàsav  -a^r^dvo:  rrjv  uapxtXTjv  y^veciv,  vuxtoç  h  'JËXeuaïvi  lito 
JtoXXû  rcopî  têXoîv  :a  [iSYOtXà  xaî  xzzt-t.  •j.-j'j-rly.7.  poa  xaî  JcÉxparye  Àivrov- 
'Iepôv  ï-v/.i  -oTv.a  xoûpôv  Bo;;j.':)  Bpip-ôv,  tojt'  i-j-r/  îaj^upà  ïayupdv. 
Hippolyt.  4>tXoaoçoû}i.  V.  1. 

2.  nXoJTOj  pjTsp  '(  kupcîav  -l-J.o,,,  A^ar^sa.  Athen.,  XV,  50. 

3.  IvJ'/î^0=  -7.r.-/  ©E<j[j.OŒ>ôp(nv,  tt]  Arî;j.r,Tv.  xaî  rr;  Ko'sr,  xaî  r<3  IJXoutcij 
xaî  ~ft  KaXXtyeveia.  Aristoph.,  Thesmofih.  v.  295. 

i.  Hesiod.,  Theoff.,  v.  969  et  suiv. 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  129 

d'Alexandrie  ;  on  y  sent  une  indignation  sincère,  encore 
bien  qu'elle  ne  soit  pas  exempte  de  déclamation  et  de  sub- 
tilité. '<  Jadis,  la  modestie  portait  les  hommes  à  étendre  le 
voile  de  la  nuit  silencieuse  sur  leurs  plaisirs  ;  actuellement 
c'est  la  nuit  sacrée  qui  parle  aux  hommes  d'incontinence, 
et  le  feu  que  porte  le  dadouque  accuse  ces  faiblesses. 
Éteins  cette  flamme,  ô  hiérophante;  dadouque,  respecte  tes 
(lambeaux...,  permets  de  cacher  de  telles  cérémonies1.  » 
Évidemment,  les  apologistes  chrétiens  avaient  raison  de 
blâmer,  d'attaquer  un  culte  qui  admettait  de  tels  spec- 
tacles et  de  flétrir  comme  une  indécence  tout  ce  qui  rappe- 
lait si  crûment  l'union  des  deux  sexes.  Mais  c'était  aller 
trop  loin  que  d'accuser  les  mystères  d'immoralité.  Gomme 
on  l'a  judicieusement  remarqué,  ni  la  hiérogamie,  ni  l'em- 
ploi, comme  emblèmes,  de  simulacres  des  organes  sexuels 
n'éveillaient  chez  les  initiés  les  idées  licencieuses  qu'elles 
provoqueraient  chez  les  modernes.  Les  Grecs  y  voyaient 
surtout  l'image  de  la  fécondité  due  à  la  protection  de  leurs 
dieux,  et  ces  rites,  par  trop  réalistes,  étaient  acceptés 
comme  perpétuant  les  usages  des  ancêtres,  usages  d'un 
temps  primitif,  où  l'on  exprimait  les  choses  avec  une  sim- 
plicité souvent  grossière,  sans  qu'il  y  eût  pour  cela  corrup- 
tion dans  les  mœurs. 

Ces  réserves  faites  sur  ce  qu'il  y  a  d'exagéré  dans  les 
attaques  passionnées  des  auteurs  chrétiens  contre  cette 
partie  des  mystères,  il  n'y  a  pas  lieu  de  révoquer  en  doute 
leurs  affirmations  sur  la  scène  de  hiérogamie.  On  peut  même 
trouver  une  confirmation  indirecte  de  leurs  assertions  dans 
un  auteur  païen.  Lucien  raconte  que  le  faux  prophète 
Alexandros,  pour  faire  croire  à  sa  mission,  avait  imaginé 

1.  QaXat  ulv  àv6po&7COtç  scofpovoueiv  Ï-.v/.ïa'j'X'j.h  f(oovr[;  vjÇ  r,v  tHa>7tco|XÉVY], 
vuwi  os  toi;  uu)oU[jivoiç  f,  Uoa  -f,;  axpaataç  v6Ç  eoti  XaXoup.ê'vT]  /.xi  -o  jc3p 
èXÉy/st  Ta  -âOr,  8a8ou^oûji.EVOv.   'Aîedapedov,  d>  Upoçivta,  to  nup'  3tî8éa8r,Tt, 

m   SdSouye,    -%;    Àaanioaç È7«Tp6<J»ôv    »toxp&j«at    -x    opywt.   Clouions 

A!,-\.,  Protrept.,  97. 


130  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

d'instituer  une  initiation  qui  était,  en  plusieurs  de  ses  par- 
ties, copiée  sur  les  Grands  Mystères.  Comme  à  Athènes,  la 
fête  débutait  par  une  ïcpéppïjaiç  pour  interdire  l'accès  aux 
indigènes  ;  Alexandros  avait  institué  des  charges  de  hiéro- 
phante  et  de  dadouque,  des  Eumolpides  et  des  Kéryces  de 
Paphlagonie.  L'intention  de  l'auteur  de  marquer  l'imitation 
d'Eleusis  ressort  de  ces  détails,  sur  lesquels  il  insiste. 
L'épisode  final  paraît  aussi  emprunté  à  Eleusis.  C'était 
également  une  hiérogamie  :  l'union  de  Séléné  et  d'Endy- 
mion,  qui  donnait  naissance  à  un  nouvel  Asclépios.  Les 
deux  personnages  divins  étaient  figurés  par  les  ministres 
du  nouveau  culte,  Alexandros  et  sa  maîtresse,  la  belle 
Rutilia,  femme  d'un  procurateur  romain1.  Il  faut  attribuer 
à  l'impudence  du  charlatan  ou  à  l'invention  satirique  de 
Lucien,  l'audace  de  la  scène  décrite  dans  le  Pseudomantis. 
Il  est  évident  qu'à  Eleusis,  quoi  que  laissent  entendre  les 
chrétiens,  la  hiérogamie  n'était  et  ne  pouvait  être  qu'un 
simulacre. 

Malgré  tout,  la  figuration  par  des  personnages  vivants 
de  l'union  de  Zeus  et  de  Déo  a  dû  choquer  les  païens  éclai- 
rés, et  elle  provoquait,  de  la  part  des  chrétiens,  des  attaques 
capables  de  faire  impression  sur  les  esprits  qui  cherchaient 
la  vérité.  Pour  quelle  raison  le  sacerdoce  éleusinien  a-t-il 
persisté  jusqu'à  la  fin  du  paganisme,  à  reproduire  une 
scène  d'un  réalisme  aussi  grossier,  de  préférence  aux  autres 
parties  de  la  légende  de  Déméter  ?  Etait-ce  parce  qu'elle 
révélait  un  acte  de  l'histoire  divine,  inconnu  des  profanes, 
l'union  des  deux  divinités  qui  donnaient  la  fécondité  aux 
biens  de  la  terre,  la  naissance  du  jeune  dieu  qui  distribuait 
aux  mortels  l'abondance  avec  la  richesse?   Ou   encore,  le 

1.  Kaï  T£À£jTarov  2eXr{v7)ç  xa;.  'AXeÇàvBpou  ïyoz  xat  nxTO{jivï]   tou  'Poj- 

itXXiavou  r,  Y'jvr[.  'E8a8otSyei  8è  xaî  Upoçàvxei  o  'EvSojiitov  'AXiÇavBpoç 

Mi-x  (iixpôv  8è  rcàXiv  È<ri)6i  IspoçctVTixtoç  àaxEuaapivoç  èv  icoXXfj  Tf  aunn^  xal 
tj-.'j;  uièv  £/.:-;'£  ii6Y«XT|  Tfi  tptov^'  ïf,  rXuxwv.  Lucian.  Pseudomantis,  39; 
cf.  38. 


131 


LES    DRAMES    SACRES    D  ELEUSIS 

renouvellement  du  drame  liturgique  avait-il,  par  lui-même, 
une  vertu  religieuse  incomparable  et  produisait-il  des  effets 
auxquels  aucune  autre    cérémonie   n'aurait   pu    suppléer? 
Les  savants  qui  étudient  la  religion  grecque  ne  paraissent 
pas  avoir  songé  a  se  poser  la  question.  Nous  devons  savoir 
gré  à  M.    S.  Reinach    d'en    avoir   aperçu   l'importance    et 
d'avoir  essayé  d'expliquer  la    hiérogamie  ainsi   que  l'exal- 
tation de  l'Épi  de   Blé,  par  laquelle  se  terminait  l'époptie. 
Je  regrette  seulement  que  l'auteur  ait  cherché  la   solution 
dans  les  théories  de  l'ancienne  école  ethnologique.  Celle-ci 
dispose  d'un   certain  nombre  d'axiomes  et  de  formules  qui 
font  disparaître  toutes  les  difficultés.   Qu'on  l'interroge  sur 
l'origine  et  la  nature  de  Déméter,  ou  sur  son  rôle,  ou  sur  les 
pratiques  de  son  culte,    il  se  trouvera  toujours   un   totem, 
un  tabou,  une  coutume    du  folklore  ou  quelque  recette  de 
sorcier  sauvage,  qui  fournira  la  réponse.   Dans  le   cas  pré- 
sent, c'est  à   la  magie   sympathique  que  M.  Reinach  a  eu 
recours.    «  Tout  rituel    primitif  est,   à  l'origine,  magique, 
c'est-à-dire  qu'il  prétend  exercer  une  douce  contrainte,  une 
contrainte    sympathique     sur    les    forces    latentes    de    la 
nature...  Il  s'agit  de   promouvoir  et  de   stimuler  la  fécon- 
dité du  sol  par  le  simulacre  d'une   union  qui  doit    donner 
naissance   à  la   vie.  Le    culte    familial    des    Eumolpides... 
comprend  comme  acte  principal  une  hiérogamie,  le  mariage 
de  la  Mère  du  Blé  avec  le  Père  du  Blé,  et,  comme  dernier 
terme,  l'exaltation  d'un  épi  de  blé,  image  en  raccourci  de 
toute  une   moisson.   Cet  épi,    solennellement    montré   aux 
iidèles,  témoignait  que  l'union  avait  été    féconde  et  que  le 
drame  magique,  proposé  en  exemple  aux  forces   du  ciel  et 
de  la  terre,  avait  été  joué  jusqu'au  bout  *.  » 

L'explication  de  M.  Reinach,  comme  on  le  voit,  s'appuie 
sur  la  théorie  de  Frazer  que  la  magie  est  antérieure  à  la 
religion  ;  qu'elle  exerce  directement  et  sans  aucun  intermé- 

l.  Salomon  Reinach,  Revue  des  éludes  grecques,  1906,  p.  344-5. 


132  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEISIS 

diaire  mythique,  une  action  contraignante  sur  la  nature, 
comme  celles  que  l'ingénieur,  le  chimiste  peuvent  exercer. 
Cette  théorie  a  été  répétée  tant  de  fois  et  sous  tant  de 
formes  qu'on  s'est  presque  habitué  à  accepter  comme 
choses  intelligibles  le  rituel  magique,  la  magie  sympa- 
thique, la  contrainte  exercée  sur  les  forces  latentes  de  la 
nature,  la  fécondité  humaine  stimulant  la  fécondité  du  sol. 
Mais  si  l'on  écarte  toute  cette  phraséologie,  vide  de  réalité, 
et  qu'on  essaie  de  la  traduire  en  faits  positifs  et  précis, 
voici  comment  auraient  procédé  les  primitfs.  11  n'avait  pas 
fallu  une  longue  expérience  pour  constater  que  la  terre 
produisait,  seulement  si  elle  était  imprégnée  d'une  humi- 
dité suffisante.  La  pluie  est  donc  désirable,  indispensable; 
il  faut  l'obtenir.  Et  les  hommes  se  seraient  avisés  que 
s'ils  simulaient,  encore  mieux  s'ils  réalisaient  l'union  des 
deux  sexes,  l'exemple  de  cette  union  ferait  tomber  la  pluie 
et  pousser  la  moisson.  Une  telle  incohérence  est  incompa- 
tible avec  la  méthode  suivie  par  la  magie,  surtout  dans 
ses  commencements  ;  elle  s'est  appliquée  à  agir  d'une 
manière  raisonnée,  notamment  à  établir  un  lien,  un 
rapport  apparent  entre  l'effet  cherché  et  le  moyen  employé, 
et  c'est  ce  qui  manque  dans  l'explication  de  M.  Reinach, 
comme  dans  la  théorie  de  Frazer.  On  aurait  plus  de  chances 
d'aboutir  dans  cette  voie  en  acceptant  sur  la  magie  une 
thèse  tout  opposée,  à  l'appui  de  laquelle  on  a  pu  citer 
l'exemple  de  la  plus  ancienne  magie  égyptienne  et  des 
grandes  opérations,  comme  la  divinisation  du  roi  et  des 
morts,  qu'elle  se  flattait  de  mener  à  bonne  fin.  L'auteur 
arrive  à  cette  conclusion  que  religion,  magie  et  science 
rudimentaire  sont  nées  en  même  temps,  et  que  l'homme 
les  a  employées  toutes  à  la  fois  pour  mettre  la  main  sur 
la  nature,  et  en  tirer  les  ressources  nécessaires  aux  besoins 
de  la  vie.  Avec  la  religion,  à  laquelle  elle  est  intimement 
unie,  et  par  des  moyens  analogues,  la  magie  vient  à  l'aide 
de  l'homme  pour   lui  assurer    la  coopération    des  êtres   de 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  133 

toute  catégorie,   des  plus  humbles  aux  plus  émineuts,   qui 
vivent  dans  la  nature  et  qui  disposent  de  ses  forces  ] . 

Si  l'on  applique  à  la  Grèce  primitive  cette  conception 
plus  rationnelle  de  la  magie,  on  pourra  se  figurer  avec 
moins  d'invraisemblance  par  quelle  série  de  faits  et  d'idées 
le  drame  rituel  du  Mariage  Sacré  s'introduisit  dans  les 
Mystères.  Les  Pélasges  ne  considéraient  pas  la  pluie  et  la 
croissance  des  moissons  comme  des  phénomènes  réguliers, 
naturels,  n'ayant  aucune  idée  de  la  nature  et  encore  moins 
de  ses  lois.  Dans  leurs  croyances,  un  être  supérieur,  invi- 
sible, vivait  et  agissait  dans  les  nuages  amoncelés  ;  à  son 
gré,  il  retenait  les  eaux  du  ciel  ou  les  précipitait  sur  le  sol. 
La  terre  aussi  était  le  domaine  d'un  autre  esprit,  dont  la 
volonté  capricieuse  faisait  germer  ou  sécher  les  semences2. 
Les  travaux  de  l'homme  demeuraient  inutiles,  sans  le 
concours  favorable  de  ces  deux  personnalités  divines  ; 
c'était  d'elles  seules  que  dépendait  le  succès  des  récoltes. 
Malheureusement,  les  Pélasges  ignoraient  la  nature  et  le 
caractère  de  ces  deux  êtres  tout-puissants  ;  c'était  le  temps, 
suivant  la  tradition  que  les  prêtres  de  Dodone  racontèrent 
à  Hérodote3,  où  ils  ne  connaissaient  ni  les  noms,  ni  les 
épithètes  des  dieux  ;  par  suite,  ils  ne  pouvaient  entrer  en 
relations  avec  eux  et  agir  sur  leur  volonté.  Leur  ignorance 
et  l'impuissance  qui  en  résultait,  durèrent  jusqu'au  jour 
où  des  étrangers  mieux  instruits  (ils  vinrent  d'Egypte,  si 
Ton  en  croit  les  prêtres  de  Dodone)  leur  apprirent  ces 
noms  et,  en  même  temps,  les  moyens  d'en  faire  usage  pour 
le  culte.  Des  sages  aussi,  dont  les  ancêtres  avaient  eu  com- 
merce avec  les  dieux,  révélèrent  à  des  familles  privilégiées 
la  connaissance  des  choses  sacrées  et  les  rites,  mêlés  de 
religion  et  de  magie,    propres  à    provoquer    l'intervention 

1.  George  Foucart,  Histoire    des    religions    et    méthode    comparative. 
Alphonse  Picard,  1912.  Chapitre  de  la  Magie,  p.  176-211. 

2.  In  Gererem,  v.  306  et  suiv. 
S.  Herodot.,  II,  51 . 


13i  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

favorable  de  la  divinité,  à  exercer  même  sur  ses  actes  une 
influence  décisive  et  presque  une  contrainte.  C'est  ainsi 
que  les  Pélasges  auraient  appris,  non  pas  que  le  commerce 
des  sexes,  en  général,  entre  personnages  quelconques,  mais 
que  l'union  de  deux  divinités  déterminées,  maîtresses  du 
ciel  et  de  la  terre,  était  la  cause  qui  provoquait  la  produc- 
tion des  moissons. 

Il  était  bon  de  montrer  les  côtés  faibles  de  l'explication 
empruntée  à  la  théorie  de  Frazer  pour  faire  comprendre 
l'origine  de  la  Hiérogamie  et,  par  contre,  d'indiquer  la 
marche  plus  vraisemblable  qu'a  suivie  la  magie  :  elle  n'es- 
sayait pas  d'agir  directement  sur  les  forces  de  la  nature, 
elle  s'adressait  aux  personnalités  divines  qui  en  dispo- 
saient souverainement.  Mais  les  spéculations  sur  ce  qu'ont 
pensé  et  cru  les  primitifs  ne  conduiront  jamais  à  des  con- 
clusions certaines;  on  n'en  peut  espérer  que  des  conjec- 
tures plus  ou  moins  acceptables.  Le  plus  intéressant  pour 
nous  serait  de  savoir  pour  quelle  raison  les  Eumolpides 
avaient  jugé  indispensable  pour  le  culte  la  reproduction 
annuelle  du  Mariage  sacré  et  le  Rapt  de  Goré,  quels  effets 
ils  en  attendaient  et  par  quels  moyens  ceux-ci  étaient  pro- 
duits. J'ai  dit  plus  haut  que  les  cérémonies  des  Mystères 
pouvaient  se  partager  en  deux  classes.  Examinons  de  près 
les  caractères  distinctifs  de  chacune  d'elles  et  à  quelle 
fin  particulière  tendaient  l'une  et  l'autre. 

Le  voyage  aux  enfers,  la  vue  des  objets  sacrés,  les  actes 
rituels  des  mystes  étaient  les  moyens  employés  pour  trans- 
former des  profanes  en  serviteurs  des  Deux  Déesses,  pour 
leur  révéler  les  secrets  du  monde  souterrain,  leur  fournir 
les  moyens  d'arriver  sûrement  à  la  vie  bienheureuse  qui 
leur  était  promise.  C'était  en  vue  des  initiés  et  à  leur  profit 
que  toutes  ces  cérémonies  s'accomplissaient. 

Il  n'en  va  pas  de  même  des  drames  mystiques  dans  les- 
quels on  représentait  ce  que  Déméter  et  Coré  avaient  fait 
ou  souffert  pendant  leur  séjour  sur  la  terre;  ils  n'avaient 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  135 

qu'un  rapport  indirect  avec  l'initiation.  Instruire  les  mystes, 
les  émouvoir,  les  édifier,  fut  un  effet  secondaire  et  acces- 
soire de  ce  double  spectacle.  Ce  rite  n'avait  pas  été  institué 
pour  eux;  il  fut,  dès  l'origine,  la  partie  essentielle,  cons- 
titutive du  culte  de  Déméter,  culte  secret,  accessible  seu- 
lement aux  membres  des  familles  privilégiées  et,  plus  tard, 
à  ceux  que  l'initiation  leur  assimila.  Les  drames  sacrés 
d'Eleusis  n'avaient  rien  de  commun  avec  l'art  scénique  ;  les 
personnages  n'étaient  pas  des  acteurs  jouant  un  rôle,  mais 
des  prêtres  qui  officiaient.  Les  représentations  étaient  des 
actes  liturgiques,  immuables,  parce  qu'ils  étaient  d'institu- 
tion divine  ',  reproduits  sans  changement,  à  la  date,  au 
lieu  fixé  par  la  Déesse.  Et  dès  le  commencement,  il  en  fut 
ainsi.  Avant  que  les  familles  d'Eleusis  eussent  ouvert  à  des 
étrangers  l'accès  de  leurs  mystères,  elles  n'en  avaient  pas 
moins  la  stricte  obligation  de  recommencer  chaque  année 
à  mettre  en  action  l'union  de  Zeus  et  de  Déméter,  le  rapt 
de  Goré,  les  courses  et  la  douleur  de  Déméter,  son  arrivée 
a  Eleusis,  son  triomphe,  la  réunion  de  la  mère  et  de  la  fille. 
Mais  enfin,  que  se  proposaient  les  prêtres  par  la  répétition 
annuelle  de  ces  deux  épisodes  de  la  vie  divine  ?  Pour  le 
comprendre,  il  sera  bon  de  se  rappeler  une  vérité  fort 
simple,  évidente  par  elle-même,  qu'on  semble  avoir  trop 
oubliée  en  cette  occasion.  Le  culte  est  fait  pour  les  dieux, 
non  pour  les  hommes,  bien  que  ceux-ci  en  soient  les 
ministres  nécessaires  ;  les  rites  sont  destinés  à  agir  sur  les 
dieux  et  pour  eux,   les  hommes  n'en  éprouvent  les  effets 


1.  L'hymne  homérique  qui  s'est  inspiré  de  la  doctrine  du  temple  revient 
à  deux  reprises  sur  ce  caractère.  Aux  vers  27  i-5,  Déméter  promet  aux 
habitants  d'Eleusis  de  leur  enseigner  les  cérémonies  qu'ils  devront  fidè- 
lement célébrer  pour  lui  être  agréables.  Avant  de  quitter  la  terre  pour 
l'Olympe,  elle  révèle  aux  chefs  du  peuple  la  manière  d'accomplir  les  choses 
sacrées  et  les  vénérables  cérémonies  dont  il  n'est  pas  permis  de  s'écarter, 
qu'on  ne  doit  ai  scruter  ai  divulguer.  Les  prêtres  d'Eleusis  et  les  familles 
sacrées  n'auraient  pu  admettre  le  moindre  changement  dans  un  rituel 
li\é  par  la  Déesse. 


136  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

que  par  contre-coup.  Ils  peuvent  prendre  part  aux  cérémo- 
nies comme  officiants,  être  admis  par  faveur  à  voir  ou  à 
entendre  des  secrets  divins,  profiter  indirectement  des 
résultats  obtenus.  Mais  avant  tout,  c'est  pour  la  gloire  ou 
le  plaisir  des  dieux,  pour  leurs  besoins  ou  leurs  intérêts  que 
les  victimes  sont  immolées  et  que  les  rites  s'accomplissent. 
Cela  revient  à  se  demander  quels  avantages  la  représenta- 
tion régulière  des  drames  mystiques  procurait  aux  divi- 
nités éleusiniennes  et  quelles  conséquences  heureuses  les 
fidèles  en  espéraient  pour  eux-mêmes.  A  cette  question, 
qui  se  pose  nécessairement,  la  Grèce  ne  fournit  aucune 
réponse.  J'aurais  dû  renoncera  poursuivre  cette  recherche, 
si  M.  George  Foucart,  professeur  de  l'Histoire  des  religions 
à  l'Université  d'Aix-Marseille,  ne  m'avait  suggéré  un  rap- 
prochement avec  des  cérémonies  égyptiennes,  qui  donnera 
peut-être  la  solution  du  problème.  Il  a  rédigé,  à  ma 
demande,  sur  cette  matière  difficile,  une  note  dans  laquelle 
il  expose  un  de  ces  drames  liturgiques  de  l'Egypte,  et  l'in- 
terprétation à  laquelle  l'ont  conduit  ses  recherches  person- 
nelles. Le  lecteur  aura  donc  les  moyens  de  juger  par  lui- 
même  de  la  valeur  du  rapprochement,  puisqu'il  aura  sous 
les  yeux,  dans  les  pages  qui  suivent,  l'opinion  d'un  égyp- 
tologue  compétent. 

«  Entre  le  ciel  et  la  terre,  à  ce  que  croyaient  les  Egyp- 
tiens, a  lieu  un  échange  incessant  d'actions  et  d'influences. 
D'après  l'idée  la  plus  répandue  et  probablement  la  plus 
ancienne,  ils  se  représentaient  le  ciel,  à  l'image  de  leur 
propre  terre,  arrosé  par  un  Nil  céleste  et  coupé  de  canaux. 
Là  demeurent  les  grands  dieux,  déjà  distincts  des  esprits, 
génies  et  démons  locaux  qui  habitent  dans  les  eaux,  dans 
les  montagnes  ou  dans  les  promontoires  de  la  vallée  du  Nil 
terrestre.  La  vie  de  ces  grands  dieux  ressemble  à  celle  des 
hommes.  Ils  voyagent  dans  des  barques  sur  les  eaux 
célestes  ;  ils  chassent  et  entassent  les  provisions  pour  leur 
nourriture  ;    surtout,  ils  se  combattent  et  se  dévorent  entre 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  137 

eux.  La  lutte  est  continuelle  et  se  renouvelle  sans  fin.  Le 
vainqueur  gouverne  le  monde  ou  la  province  terrestre  qui 
correspond  à  la  région  du  ciel  dont  il  s'est  rendu  le  maître  ; 
c'est  lui  qui  met  en  mouvement  les  forces  qui  agissent  à 
la  surface  du  sol,  dispense  les  biens  dont  il  dispose.  Cons- 
tatant que  l'ordre  se  maintenait  dans  les  choses  du  monde, 
les  Egyptiens  en  avaient  conclu  que  la  victoire  était  restée 
jusqu'ici  aux  dieux  amis  de  la  lumière,  de  l'eau,  de  tout  ce 
qui  fait  la  nature  propice  à  l'homme.  Mais  les  dieux  des 
ténèbres,  de  la  sécheresse,  destructeurs  de  l'ordre,  ne  se 
résignaient  pas  à  la  défaite  ;  vaincus,  ils  réparaient  leurs 
forces,  et  le  combat  recommençait1.  Du  résultat  dépendait 
le  sort  des  humains.  Aussi,  un  peu  partout,  ceux-ci  ont-ils 
tenté  d'intervenir.  On  a  constaté  ce  mouvement  presque 
instinctif  chez  nombre  de  sauvages  ou  de  barbares.  Se  pro- 
duit-il une  éclipse  de  lune  ou  de  soleil,  ils  s'amassent, 
s'empressent  au  secours  de  l'astre  ;  ils  essaient  d'effrayer 
le  monstre  qui  le  dévore  et  de  le  mettre  en  fuite  par  leurs 
cris  et  le  tapage  de  leurs  instruments.  Les  Egyptiens  avaient 
trouvé  mieux  que  ces  expédients  rudimentaires  ;  ils  procé- 
daient d'une  manière  qu'on  pourrait  presque  appeler  scien- 
tifique. En  observant  la  position  des  astres,  demeures  ou 
aspects  visibles  des  principaux  dieux,  ils  avaient  appris  en 
quels  temps  se  produisaient  les  diverses  péripéties  de  la 
lutte,  et  ils  connaissaient  d'avance  le  moment  où  il  fallait 
intervenir.  D'autre  part,  la  corrélation  sympathique  qu'ils 
avaient  déterminée  entre  tel  point  de  la  terre  et  tel  point  du 
firmament  leur  permettait  de  fixer  exactement  la  partie 
du  monde  où  se  faisait  sentir  le  contre-coup  du  combat 
engagé  entre  les  puissances  bonnes  et  les  puissances  mau- 
vaises du  ciel.  Toutes  ces  connaissances  étaient  consignées 

I.  De  même,  les  Copies  croient  que  saint  Miehaïl  et  saint  (ïobran,  avec 
leurs  anges,  livrent  chaque  nuit  une  bataille  victorieuse  contre  les 
dénions;  mais  la  victoire  n'a  d'effet  que  pour  un  jour,  et.  la  nuit  sui- 
vante, ils  recommencent  à  guerroyer. 


138  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

dans  les  calendriers  des  temples,  dont  de  nombreux  frag- 
ments nous  sont  parvenus.  Ainsi  avertis  à  l'avance,  les 
prêtres  pouvaient  mettre  en  œuvre  les  ressources  de  leur 
magie.  Elles  étaient  infinies  et  mettaient  presque  à  leur 
discrétion  les  êtres  supérieurs.  En  façonnant  une  image  à 
la  ressemblance  d'un  être,  homme  ou  dieu,  une  des  âmes 
ou  des  doubles  de  celui-ci  y  était  attiré  par  la  force  irré- 
sistible de  la  ressemblance  ;  au  besoin,  des  incantations 
contraignaient  les  esprits  récalcitrants  à  s'incorporer  dans 
leurs  effigies.  Chacun  de  ces  exemplaires  nouveaux  d'un 
être  était  tenu  pour  vivant  et  incarnait  toute  la  personna- 
lité de  celui  qu'il  représentait.  De  plus,  il  était  regardé 
comme  certain  qu'à  l'aide  de  cérémonies  et  des  accessoires 
magiques,  un  homme  qui  revêtait  le  costume  exact  d'un 
dieu,  qui  répétait,  dans  le  même  temps  et  dans  le  même 
lieu,  les  gestes  et  les  actes  que  celui-ci  avait  faits  autrefois, 
s'identifiait  avec  ce  dieu  et  l'incorporait  tout  le  temps  qu'il 
remplissait  les  mêmes  conditions  de  ressemblance. 

(c  Mettant  en  œuvre  ces  ressources,  la  magie  des  temples 
jouait  de  véritables  drames,  dans  lesquels  on  simulait  sur 
la  terre  les  principaux  épisodes  de  la  lutte  de  là-haut.  Les 
rixes  de  Paprémis,  dont  Hérodote  fut  le  témoin,  sans  en  com- 
prendre la  signification  religieuse,  étaient  l'une  de  ces  recons- 
titutions terrestres  des  combats  célestes.  Il  y  en  avait  bien 
d'autres.  Edfou  voyait,  une  fois  l'an,  la  troupe  des  figu- 
rants du  nome  et  celle  d'Esneh  percer  à  coups  de  lance  et 
tailler  en  pièces  les  crocodiles  et  les  serpents  de  cire  ou 
d'argile,  images  vivantes  des  ennemis  de  l'Horus  du  Sud. 
«  Ainsi  périssent  les  ennemis  d'Horus  » ,  s'écriaient  les 
prêtres  en  les  frappant.  Depuis  Bouto  dans  le  Delta  jus- 
qu'à El-Kab  dans  le  Saïd,  chaque  ville  avait  son  jour  ou 
ses  jours  où  l'on  «  détruit  les  maudits  »,  où  l'on  «  anéantit 
les  enfants  de  la  Révolte  »,  où  l'on  a  immole  les  ennemis 
du  dieu  Ra  »,  où  l'on  tue  le  serpent  «  Rerek  »,  «  le  grand 
serpent    Apôpi  »,    «  le    serpent   Debko    »    et  vingt    autres 


ijis  duamks  sacrés  d  Eleusis  130 

monstres,  figures  des  esprits  des  Ténèbres,  ennemis  du 
Soleil  ou  de  ses  alliés,  les  dieux  bienfaisants.  On  «  livrait 
au  billot  »,  <(  à  l'anéantissement  »  tous  ces  malfaisants, 
soit  en  des  batailles  entre  figurants  comme  à  Paprémis  ou 
à  Edfou,  soit  en  tailladant  ou  en  perçant  de  coups  des 
images  de  sauriens,  de  reptiles  ou  d'hippopotames  (peut- 
être,  au  début,  avait-on  détruit  des  animaux  véritables) 
incarnant  les  dieux  ou  les  démons  hostiles.  Les  textes  de 
ce  genre,  réunis  dans  le  Dictionnaire  géographique  de 
Brugsch,  ne  sont  qu'une  partie  de  ce  que  la  vieille  Egypte 
a  laissé  sur  ce  sujet.  Ils  suffisent  néanmoins  à  montrer 
que  le  propre  du  temps  des  temples  égyptiens  consistait, 
en  grande  partie,  dans  la  reconstitution  de  ces  drames 
magiques  et  que  la  vallée  du  Nil  était  remplie  de  sanc- 
tuaires ou  d'emplacements  consacrés  par  la  tradition  sacer- 
dotale comme  les  lieux  où  ils  devaient  se  jouer. 

«  Un  des  plus  importants,  parmi  ces  combats  rituels,  se 
renouvelait  chaque  année  pendant  les  fêtes  d'Osiris  à  Aby- 
dos.  Il  n'est  pas  encore  possible  de  le  présenter  au  com- 
plet, les  détails  sont  dispersés  dans  des  inscriptions  où  le 
mort  rappelle  comme  un  titre  à  la  faveur  des  dieux  la  part 
qu'il  a  prise  à  ces  offices  '  ;  d'autres  se  trouveront  dans  de 
nombreuses  stèles  encore  inédites.  Mais,  dès  maintenant, 
on  peut  extraire  des  textes  déjà  publiés  assez  de  rensei- 
gnements pour  donner  une  idée  de  la  cérémonie,  de  sa 
nature  et  de  son  efficacité  au  point   de  vue  religieux. 

«  Les  actes  successifs  du  drame  se  jouaient  dans  les 
divers  sanctuaires  échelonnés  depuis  le  temple  d'Osiris  et 
d'Anubis  jusqu'à  la  Bouche  de  la  Fente,  par  où  passaient 
les  morts  osiriens,  à  l'entrée  du  désert.  Lors  donc  que  le 
calendrier  du  temple  marquait  le  temps  où,  dans  l'autre 
monde,  le  dieu  d'Abydos  devait  de  nouveau  lutter  contre 

1.  La  stèle  principale  est  celle  de  Berlin,  publiée  par  H.  Schœfer,  Die 
Mysterien  des  Osiris  in  Abydos,  1904,  clans  Untersuchungen  zvr  Geschichte 
und  Alterthumskunde  ASgyptens,  IV,  J. 

1912.  H, 


140  LES    DRAMES    SACRÉS    d'éLEUSIS 

les  ennemis  qui  l'assaillaient  périodiquement,  les  prêtres 
avaient  à  mettre  sur  pied  la  troupe  de  ses  adversaires  et 
celle  de  ses  partisans.  La  barque  d'Osiris,  la  Xashmit, 
était  remise  à  neuf  chaque  année  par  les  soins  du  grand 
prêtre,  ornée  par  la  libéralité  des  riches  dévots  attachés 
aux  corporations  d'Abydos,  et  armée  en  guerre.  Le  moment 
venu,  on  accrochait,  à  la  proue  «  la  couronne  de  la  voix 
juste  »  ;  celui  qui  la  possédait  à  son  bord  se  rappelait  sans 
retard  et  prononçait  canoniquement  les  formules  toutes- 
puissantes  qui  mettaient  les  ennemis  à  sa  merci.  Le  dieu 
lui-même  est  muni  de  ses  armes  magiques,  plumes  d'au- 
truche ou  bandelettes,  talismans  qui  l'ont  fait  jadis  sortir 
victorieux  de    ces   épreuves. 

«  Partant  de  l'Osireion,  la  barque  divine  et  son  cor- 
tège s'avançaient  vers  le  lac  sur  lequel  on  représentait  ce 
que  les  textes  appellent  «  la  première  sortie  ».  Le  vieil 
Anubis  Ouap-Ouaïtou,  avec  les  siens,  venait  se  joindre 
aux  défenseurs  d'Osiris.  Le  grand-prêtre  et  les  principaux 
dignitaires  taillaient  en  pièces  des  monstres  façonnés 
en  cire,  en  corde  ou  en  toile  peinte,  figurant  les  ennemis 
éternels  du  dieu,  et  «  les  mettaient  sous  ses  pieds  ».  Une 
nouvelle  et  décisive  bataille,  appelée  «  la  grande  sortie  », 
s'engageait  sur  les  eaux  du  lac  de  Nadit.  Encore  une 
fois,  les  défenseurs  d'Osiris  jouaient  de  la  lance  et  ven- 
geaient le  Dieu  bon  en  précipitant  tous  ses  ennemis  dans 
les  eaux  du  lac.  C'est  peut-être  cette  nuit  dont  parle  le 
Livre  des  Morts,  nuit  en  laquelle  «  fut  défait  le  serpent  Seba 
en  Abydos  ».  Le  vainqueur  rentrait  alors  dans  son  châ- 
teau de  Pagar,  aux  acclamations  de  ses  partisans. 

«  Une  inscription  de  Berlin  parle  «  de  la  joie  des  habitants 
de  l'Est  et  des  habitants  de  l'Ouest  à  la  vue  d'Osiris  ren- 
trant en  son  château  de  Pagar  dans  toute  sa  beauté  »,  et  on 
est  un  peu  surpris  de  l'allégresse  qui  fait  tressaillir  l'Egypte 
entière  pour  l'accomplissement  d'une  cérémonie  religieuse. 
C'est  qu'il  ne  s'agit  pas  simplement  de  la  commémoration 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS  141 

réussie  d'un  acte  de  la  vie  d'Osiris.  La  victoire  simulée  du 
dieu  dans  l'enceinte  d'Abydos  est  une  victoire  réelle  qu'il 
remporte  dans  le  ciel  ;  ce  ne  sont  pas  des  figurants  jouant 
une  pièce  de  théâtre,  ce  sont  de  vrais  combattants.  Les  coups 
qui  percent  ou  lacèrent  les  images  des  adversaires  d'Osiris, 
les  mauvais,  dans  l'autre  monde,  les  reçoivent  réellement 
et  ils  saignent  de  toutes  les  blessures  qui  déchirent,  à  Aby- 
dos,  leurs  corps  de  cire  ou  de  terre.  L'action  a  été  minutieu- 
sement réglée  ;  elle  reproduit  fidèlement  les  péripéties  de  la 
lutte  où  jadis  les  défenseurs  du  «  Dieu  Bon  »  triomphèrent 
de  ses  ennemis  ;  c'est  donc  la  défaite  des  mauvais  certaine 
dans  l'enceinte  du  temple  et,  par  répercussion,  certaine 
dans  l'autre  monde  pour  une  nouvelle  période  ;  l'une 
entraîne  l'autre  et  devient  pour  l'Egypte  le  gage  assuré  des 
prospérités  qui  seront  la  conséquence  du  triomphe  d'Ouôn- 
nofir,  » 

Les  faits  exposés  et  expliqués  par  M.  George  Foucart 
mettent  en  lumière  l'idée  que  les  Egyptiens  se  faisaient  du 
drame  liturgique  d'Osiris.  En  apparence,  c'était  une  repré- 
sentation commémorative  de  la  victoire  «  du  Dieu  Bon  »  sur 
ses  ennemis  ;  en  réalité,  c'était  une  victoire  effectivement 
renouvelée,  et,  avec  elle,  la  prospérité  de  l'Egypte,  ce  qui 
explique  pourquoi  le  pays  tout  entier  tressaille  de  joie.  La 
fête  d'Osiris  est  une  application  locale  du  principe  général 
qui  présidait  à  tous  les  drames  liturgiques  :  refaire  périodi- 
quement ce  que  les  dieux  ont  fait  aux  temps  passés.  Leur 
action,  lorsqu'elle  fut  accomplie  pour  la  première  fois, 
avait  assuré  dans  la  vallée  du  Nil  un  état  de  stabilité ,  le 
règne  de  la  lumière,  l'ordre  et  l'abondance.  Mais  rien  ne 
durait  indéfiniment,  même  dans  le  monde  des  dieux.  Leurs 
forces  s'épuiseraient  si  elles  n'étaient  pas  ranimées  par  la 
nourriture  des  sacrifices  ;  de  même  aussi  les  effets  heureux 
de  leurs  actes  allaient  s' affaiblissant  et  s'évanouissaient 
après  un  laps  de  temps  plus  ou  moins  long  ;  le  terme  en 
est  d'ordinaire  fixé  à  la  révolution  de  l'année.  Reproduire 


\i2  LES    BRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

ces  actes  dans  les  conditions  minutieusement  réglées  par  le 
rituel  et  à  l'heure  marquée  par  le  calendrier,  c'était,  au 
moment  critique,  les  faire  s'accomplir  de  nouveau  dans  le 
ciel,  avec  toutes  leurs  conséquences  favorables  pour  la 
terre. 

Telle  était  la  théorie  égyptienne,  fruit  d'une  longue  éla- 
boration sacerdotale,  mélange  d'éléments  divers,  tirés  de  la 
religion  nationale.  Que  les  prêtres  d'Eleusis  soient  arrivés 
par  eux-mêmes  à  un  résultat  identique,  la  chose  est  fort 
douteuse,    pour   ne   pas  dire    improbable.   Je  crois    plutôt 
que,  tout  en  laissant  de  côté  les  spéculations  théologiques, 
auxquels  les  Grecs  restèrent  toujours  étrangers,  ceux  qui 
organisèrent  les   mystères   d'Eleusis,    avaient   simplement 
emprunté  à  1  Egypte  le  rite  des  drames  liturgiques    et  la 
connaissance  des  effets  heureux  qu'entraîne  pour  les  humains 
la  reproduction  des  épisodes  décisifs  de  la  vie  divine.  Cette 
croyance  à  un  lien  établi  par  les  cérémonies  du  culte  entre 
les  rénovations  périodiques  des  actions  des  dieux  et  le  sort 
actuel  des  mortels,  pénétra  dans  la  religion  des  mystères 
assez    profondément    pour   qu'un    écho   s'en   fasse    encore 
entendre  au  ive    siècle  après  notre   ère.    De   quelle   autre 
manière,    en   effet,   expliquer   la    phrase   d'Astérius,    citée 
plus    haut?   Après  avoir  parlé   de   l'union  de  Zeus   et  de 
Déméter,    figurée  par   le  hiérophante   et  la  prêtresse,   qui 
descendent  dans  une  retraite  obscure,  il  termine  par  ces 
mots  :    «  Les    flambeaux    ne    sont-ils   pas    éteints   et   un 
peuple  innombrable  n' attend-il  pas  son  salut  (ttjv  ŒWTvjpiav) 
de  ce  qui  se  passe  entre  eux  dans  les  ténèbres?  »  N'est-ce 
pas,  dans  le  drame  d'Eleusis,  l'application  du  même  principe 
que  dans   les   drames  liturgiques  des  temples  égyptiens? 
L'Égvpte  se  croyait  sauvée  si  Osiris  sortait  victorieux  de  la 
lutte  feinte  où  étaient  reproduits  les  combats  que  jadis  il 
avait  soutenus  contre  les  mauvais  ;  nous  voyons  à  Eleusis 
le  peuple  attendre  son  salut  de  l'union  féconde  de  Zeus  et 
de   Déméter,   dont  la   rencontre    du  hiérophante  et  de  la 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLBUSIS  143 

prêtresse  simulait  chaque  année  le  renouvellement.  A 
Eleusis  comme  à  Abydos,  des  membres  du  sacerdoce  jouaient 
le  rôle  des  divinités,  s'identifiaient  avec  elles  et  s'ils  répé- 
taient fidèlement  ce  qu'elles  avaient  fait  autrefois,  on 
comptait  sur  les  mêmes  résultats  que  leur  action  avait  pro- 
duits la  première  fois.  Et  l'on  comprend  ainsi  pourquoi  la 
foule  faisait  dépendre  son  salut  de  l'exécution  canonique  de 
la  cérémonie.  Toutes  les  prescriptions  du  rituel  réglant  le 
costume,  les  gestes,  les  paroles,  les  mouvements  du  hiéro- 
phante et  de  la  prêtresse,  avaient-elles  été  exactement 
observées,  les  acteurs  humains  n'existaient  plus  pour  les 
fidèles  assemblés;  c'était  Zeus,  croyaient-ils,  qui  venait 
réellement  de  s'unir  à  Déméter,  et  leur  union  assurait,  pour 
une  période  nouvelle,  les  avantages  que  les  hommes  en 
avaient  jadis  recueillis,  au  temps  de  leur  première  ren- 
contre. Ce  résultat  attendu  avec  anxiété  des  assistants, 
proclamé  par  le  hiérophante,  n'était  autre  que  la  naissance 
de  l'enfant  divin.  Appelé  dans  la  formule  du  nom  mystique 
de  Brimos,  connu  des  profanes  sous  le  nom  significatif  de 
Ploutos,  ce  fils  de  Déméter  allait  réaliser  les  promesses 
exprimées  dans  l'hymne  homérique  et  répandre  la  richesse 
parmi  les  fidèles  de  la  déesse.  Ainsi  compris,  le  drame 
représenté  dans  l'époptie  était  plus  qu'un  spectacle,  plus 
qu'une  cérémonie  imposante  ;  il  faut  y  voir  un  rite  puissant, 
grâce  auquel  le  couple  divin,  renouvelant  son  action  bien- 
faisante, accordait  à  la  terre  de  l'Attique  une  nouvelle 
année  d'abondance  et  de  prospérité. 

J'ajouterai  ici,  mais  avec  réserve,  un  détail  qui  peut  être 
rattaché  à  la  Hiérogamie  :  les  cris  mystiques  de  ue,  Jtùe,  que 
nous  connaissons  à  la  fois  par  saint  Hippolyte  et  par  le 
païen    Proclus1.    Mais    ni    l'un    ni  l'autre    n'a    marqué    à 

1.  Totko  iaT;.  to  [«y«  **'-  3tppï)TOV  'EÀsuaivîcov  irjaTrjpiov  "Ye,  xiie. 
(«l'iÀoaoç.,  V,  I,  p.  171.  éd.  Ouice).  'Ev  toi;  'EXcuatv-oiç  Upoïç  :î;  [16V  tov 
ôùp'dtvôv  à-o[5)-£'}avTî;  l{;<jt-rr  Se,  xa7a[îX£'}avTs;  8ï  rfç  TT|V  yr,v  '  ''•''■>*  ■  Procl., 
in  Tim.,  293  c. 


144  LES    DRAMES    SACRÉS    d'ÉLEUSIS 

quel  moment  des  mystères  et  à  quelle  occasion  ils  étaient 
proférés.  Ce  sont,  à  ce  qu'il  me  semble,  des  acclamations 
poussées  par  les  époptes,  alors  qu'ils  se  tenaient  rassemblés 
devant  la  chambre  souterraine  où  se  préparait  la  naissance 
de  l'enfant  divin.  De  même  que  les  Egyptiens  s'associaient 
aux  luttes  de  leurs  dieux,  les  fidèles,  à  Eleusis,  coopéraient 
au  succès  du  mystère  qui  renouvelait,  à  leur  profit,  l'an- 
tique mariage  du  maître  du  ciel  et  de  la  déesse  des  mois- 
sons. Si  les  cris  de  Se,  xiie  semblent  faire  appel  au  phéno- 
mène physique,  c'est  que  l'union  féconde  du  couple  divin 
se  réalisait  en  cette  forme,  que  rappellent  les  vers  de 
Virgile  [Géorçj.,  II,  325)  : 

Tum  pater  omnipotens  fecundis  imbribus  .Ëther 
Conjugis  in  gremium  lœtae  descendit. 

Appliquons  le  même  mode  d'interprétation  à  l'autre 
drame  mystique  d'Eleusis  ;  il  reprendra  sa  physionomie 
véritable  et  laissera  voir  toutes  les  conséquences  heureuses 
de  sa  représentation.  L'enlèvement  de  Coré  et  les  courses 
errantes  de  Déméter  cesseront  de  paraître  la  mise  en  scène 
d'une  légende,  spectacle  instructif  ou  édifiant.  L'action  qui 
s'y  passe  est  une  action  véritable  ;  les  déesses  vivent  et 
agissent  réellement,  incarnées  dans  leurs  statues  ou  dans  les 
personnes  humaines  qui  les  représentent:  elles  refont 
chaque  année  ce  qu'elles  ont  fait  une  première  fois  au 
temps,  de  leurs  aventures  mythologiques.  Si,  dans  cet  épi- 
sode, une  partie  est  douloureuse,  il  y  a  aussi  une  partie 
triomphante  :  Déméter  impose  sa  volonté  au  maître  des 
dieux,  et  sa  fille  lui  est  rendue.  Et  en  même  temps  que 
recommence  l'histoire  divine,  les  mortels  sont  remis  en 
possession  des  biens  dont  elle  a  été  la  source,  en  particu- 
lier pour  Eleusis.  De  nouveau,  Déméter  errante  est  bien 
accueillie  par  les  habitants,  et,  en  récompense,  elle  désigne 
leur  ville  comme  siège  de  son  culte  ;  c'est  là  qu'elle  résidera 


LES    DRAMES    SACRÉS    d'éLEUSIS  1  £S 

de  préférence  et  qu'elle  recevra  les  sacrifices  des  humains. 
De  nouveau,  elle  révèle  aux  chefs  du  peuple  les  augustes 
cérémonies  dont  ils  auront  le  dépôt,  et  elle  promet  dans 
l'autre  monde  un  sort  bienheureux  à  ceux  qui  viendront  en 
son  temple  se  faire  initier.  Le  résultat  du  drame  de  Déméter 
et  de  Goré  est  de  remettre  en  vigueur  la  fondation  des 
mystères  et  le  pacte  conclu  avec  Eleusis. 

Voici  donc,  à  mon  avis,  le  sens  et  la  portée  qu'il  convient 
d'attribuer  aux  drames  mystiques  que  le  sacerdoce  d'Eleusis 
faisait  représenter  dans  les  veillées  sacrées.  Ils  renouvellent 
en  toute  réalité  les  deux  événements  les  plus  marquants  de 
la  vie  de  Déméter,  et,  par  là,  ils  perpétuent  les  deux  grands 
bienfaits  de  la  déesse  :  l'agriculture  et  l'initiation.  Mais,  les 
effets  de  l'action  divine  s'épuisant  dans  l'espace  d'une  année, 
il  est  indispensable  de  les  ranimer  par  une  rénovation 
périodique.  Les  deux  drames  étaient  les  rites  essentiels, 
constitutifs  des  mystères  ;  leur  abandon  ou  la  négligence 
dans  leur  célébration  aurait  entraîné  la  défaillance  de 
l'action  divine  et,  avec  elle,  se  seraient  évanouis  tous  les 
avantages  dont  Déméter  avait  gratifié  Eleusis,  et  par  l'in- 
termédiaire d'Eleusis,  la  Grèce  et  le  genre  humain.  Aussi 
n'est-il  pas  surprenant  que,  malgré  leur  forme  surannée  ou 
leur  réalisme  choquant,  le  sanctuaire  des  Deux  Déesses  ait 
vu,  pendant  des  siècles  et  jusqu'aux  derniers  jours  du  paga- 
nisme, jouer  chaque  année  les  deux  drames  liturgiques  de 
l'Enlèvement  de  Goré  et  de  l'Union  de  Zeus  avec  Déméter. 


1 46 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur, 
M.  Eugène  Revillout,  conservateur  honoraire  des  Musées  nationaux, 
un  ouvrage  intitulé  :  Les  origines  égyptiennes  du  droit  civil  romain 
(Paris,  1912,  in-8°). 


Le  Gérant,   A.   Picard. 


MAÇON,    PROTAT    FRERES,    IMPRIMEURS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 
PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE  DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE   DU   3   MAI 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

Le  Président  de  la  Commission  de  publication  de  I'  «  Encyclo- 
pédie de  l'Islam  »,  dans  une  lettre  qu'il  adresse  au  Secrétaire 
perpétuel,  prie  l'Académie  d'intervenir  auprès  de  M.  le  Ministre 
de  l'instruction  publique  pour  que  le  Gouvernement  français 
accorde  une  subvention  à  cette  publication. 

L'Académie  autorise  le  Secrétaire  perpétuel  à  l'aire  la  dé- 
marche. 

Il  est  procédé  au  vote  sur  la  déclaration  de  vacance  d'une 
place  de  membre  ordinaire  par  suite  du  décès  de  M.  Philippe 
Berger. 

La  vacance  est  déclarée. 

L'élection  est  ajournée  sine  die. 

M.  Franz  Cumont,  correspondant  étranger,  commente  une 
épilaphe  métrique  récemment  découverte  à  Madaureen  .Afrique  '. 

1.  Voir  ci-dessous. 

1912.  Il 


\ÏH  SÉANCE    DU    3    MAI     1912 

Le  P.  Sciii-iL  a  la  parole  pour  une  communication  : 

«  J'ai  l'honneur  (rapprendre  à  l'Académie  que,  grâce  aux 
indications  de  mon  savant  confrère  et  ami  M.  Schlumberg-er, 
j'ai  pu  retrouver  la  tablette  inédite  qui  contient  le  plan  descriptif 
du  grand  temple  Ésagil  de  Babylone. 

«  Celte  tablette  avait  passé  un  instant  sous  les  yeux  de 
G.  Smith,  lors  de  son  dernier  voyage  en  Orient,  et  une  relation 
sommaire  sans  aucune  transcription  en  avait  paru  peu  après,  le 
12  février  1876,  dans  VAthenaeum.  On  devine  tout  ce  qui  man- 
quait aux  assyriologues,  dans  un  sujet  qui  les  intéresse  au 
suprême  degré,  pour  être  en  état  de  tirer  un  plein  parti  dune 
telle  aubaine.  Aussi  bien  les  essais  de  restitution  du  plan  du 
temple  restaient-ils  tous  entachés  d'incertitude. 

«  Après  trente-six  ans  d'éclipsé,  voici  de  nouveau  l'original 
tant  regretté.  Cette  tablette  cuite,  en  argile  brun  clair,  a  0  m  18 
de  haut  sur  0111  08  de  large,  avec  36  lignes  de  face  et  15  de 
revers.  Neuf  paragraphes,  sur  onze,  contiennent  la  superficie  des 
cours  et  sanctuaires,  le  nombre,  les  noms,  l'orientation  des  portes 
et  chapelles,  et  enfin  les  trois  dimensions  de  chacun  des  étages 
de  la  tour  à  degrés  (à  l'exception  de  celles  de  l'avant-dernier 
ou  sixième  étage,  et  cette  lacune  signalée  déjà  par  G.  Smith 
prouve  que  c'est   bien  la   même  tablette  qu'il  a  examinée). 

«  Au  point  de  vue  bibliographique,  nous  avons  affaire  à  une 
copie  faite  à  Ourouk,  par  le  scribe  Ea  bêlsunu,  d'après  un  exem- 
plaire de  Borsippa.  On  sait  assez  par  Pline  (H.  iV.,  VI,  30)  et 
Strabon  (XVI,  1)  que  les  derniers  foyers  d'études  en  Chaldée 
furent  précisément  Babylone,  Sippar,  Ourouk  et  Borsippa.  Le 
temple  d'Ésagil,  si  fastueusement  achevé  par  Nabuchodonosor, 
menaçant  ruine  depuis  Xerxès,  un  scribe  archéologue  de  Ourouk 
voulut  posséder  le  relevé  des  mesures  et  la  description  complète 
du  monument,  et  les  confrères  de  Borsippa  lui  en  fournirent  le 
moyen  ;  ce  fut  en  l'année  83  de  l'ère  séleucide,  sous  Séleucus 
Callinicos)  roi. 

«  Mieux  qu'aucune  fouille,  cette  tablette  permettra  enfin  une 
restitution  scientilique  du  plan  d'un  des  édifices  les  plus  célèbres 
du  inonde.  » 

M.  Antoine  Thomas,  d'après  une  communication  de  M.  le  D1 
B.  L.  G.  Ritchie,  maître  de  conférences  à  l'Université  d'Ldim- 


SÉANCE    DU    3    MAI    1912  149 

bourg,  informe  l'Académie  de  la  découverte  faite  par  Miss  Bor- 
land,  dans  la  Bibliothèque  universitaire  de  cette  ville,  de 
deux  feuillets  de  parchemin  ayant  servi  de  reliure,  qui  con- 
tiennent deux  fragments  d'un  poème  en  langue  d'oïl  sur  Philippe- 
Auguste,  inconnu  jusqu'ici  des  historiens.  Les  feuillets  ne  se 
suivent  pas  :  le  premier  est  relatif  aux  suites  immédiates  de  la 
bataille  de  Bouvines  ;  le  second  raconte  les  événements  qui 
amenèrent  Louis,  tils  de  Philippe-Auguste,  à  renoncer  définiti- 
vement à  la  couronne  d'Angleterre.  Les  vers,  au  nombre  de  256, 
sont  des  octosyllabes  à  rimes  plates. 

M.  Ritchie  a  établi  que,  pour  la  plus  grande  partie,  ces  deux 
fragments  ne  sont  qu'une  versification  servile  de  la  chronique 
latine  en  prose  de  Guillaume  le  Breton.  Mais  M.  Thomas  fait 
remarquer  que  les  conclusions  de  M.  Ritchie  ne  s'appliquent  pas 
à  la  fin  du  deuxième  fragment,  où  le  poète  parle  des  relations 
personnelles  de  Philippe-Auguste  avec  le  régent  d'Angleterre, 
Guillaume  le  Maréchal,  d'une  manière  tout  à  fait  indépendante 
de  sa  source  ordinaire  et  de  toutes  les  sources  connues.  Cette 
constatation,  qui  augmente  l'intérêt  de  la  trouvaille  faite  à 
Edimbourg,  ne  peut  qu'aviver  les  regrets  que  cause  la  dispari- 
tion du  poème  entier. 

M.  Camille  Jullian,  au  nom  de  la  Commission  des  Antiquités 
de  la  France,  communique  ainsi  qu'il  suit  les  résultats  du  con- 
cours de  cette  année  : 

lre  médaille  (1.500  fr.)  à  MM.  Jadart.  Demaisoh  et  Givelet 
pour  leur  Répertoire  archéologique  de  V arrondissement  de 
Reims  (in-8°); 

2e  médaille  (1.000  fr.)  à  M.  Victor  Mortet,  Recueil  de  textes 
relatifs  à  l'histoire  de  l'architecture  et  à  la  condition  des  archi- 
tectes en  France  au  moyen  âge    Paris,   1911,  in-8° 

3e  médaille  (500  fr.)  à  M.  R.-N.  Sauvage,  Lahbaye  de  Saint- 
Martin  de  Troarn  au  diocèse  de  Ray  eux,  des  origines  au 
XVIe  siècle  (Caen,  1911,  ih-4°). 

Vu  l'importance  du  concours,  il  sera  demandé  à  M.  le  Ministre 
une  i'  médaille  en  faveur  de  M.  l'abbé  Vidal,  pour  son  ouvrage 
intitulé:  Benoit  XIII  (1334-1342).  Lettres  communes  analysées 
d'après  les  registres  dits  d'Avignon  et  du  Vatican  Paris,  1910, 
'1  vol.  in-4    . 


150  SÉANCE    DU    3    MAI    1912 

La  Commission  a  accordé,  en  outre,  les  mentions  suivantes  : 

1"'  mention,  à  M.  Chappée  et  M.  l'abbé  Denis,  Archives  du 
Cogner  (publication  de  la  Société  des  archives  historiques  du 
Maine),  séries  E  et  H  (4  vol.  in-8°)  ; 

2e  mention,  à  M.  Gadave,  Documents  sur  l'histoire  de  VUni- 
versité  de  Toulouse  (in-8°); 

3e  mention,  à  M.  Artonne,  Le  mouvement  de  1314  et  les 
chartes  provinciales  de  1315  (in-8°); 

4e  mention,  à  M.  Verlaguet,  Carlulaire  de  l abbaye  de  Silva- 
nès  (Rodez,  1910,  in-8°)  ; 

5e  mention,  à  M.  Henri  Legras,  Le  bourgage  de  Caen  (Paris, 
1911,  in-8°). 

M.  Collignom,  au  nom  de  la  Commission  du  prix  Auguste 
Prost  destiné  à  récompenser  les  travaux  historiques  sur  Metz  et 
les  pays  voisins,  annonce  que  la  Commission  a  partagé  le  prix 
de  la  façon  suivante  : 

1°  500  francs  à  M.  Gavet,  pour  le  Diarium  Universitatis 
Mussipontanae  (1522-1764); 

2°  500  francs  à  la  Bibliographie  lorraine  publiée  par  les 
Annales  de  VEst,  organe  de  la  Faculté  des  lettres  de  Nancy, 
sous  la  direction  de  M.  Robert  Parisot  (Nancy,  1910,  in-8°)  ; 

3°  200  francs  à  la  Revue  intitulée  le  Pays  lorrain  et  à  la 
Revue  lorraine  illustrée,  publiées  sous  la  direction  de  M.  Ch. 
Sadoul. 

M.  Paul  Foucart  achève  la  lecture  du  mémoire  qu'il  a  rédigé 
en  collaboration  avec  M.  George  Foucart,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres  d'Aix-Marseille,  sur  les  drames  mystiques 
d'Kleusis  ' . 

MM.  Salomon  Rkinach,  Maurice  Croiset  et  Bouché-Leclercq, 
à  la  suite  de  cette  lecture,  présentent  quelques  observations. 

1.   Voir  ci- dessus,  p.  123. 


1S4 

COMMUNICATION 


UNE    KP1TAPIIR    MÉTRIQUE    DE    MADAURE, 
PAR    M.    FRANZ    CUMONT,    CORRESPONDANT    DE    L  ACADÉMIE. 

Le  Musée  du  Cinquantenaire  de  Bruxelles  a  reçu  récem- 
ment en  don  du  Gouvernement  général  de  l'Algérie  une 
inscription  métrique  provenant  de  Mdaourouch,  l'ancienne 
Madaure,  la  patrie  d'Apulée.  Cette  épitaphe  a  été  publiée 
en  1906  dans  le  Recueil  de  la  Société  d'archéologie  de 
Constantine1  sans  aucune  note  ni  transcription.  Je  ne  sais 
si  cette  absence  de  commentaire  indique  (pie  son  éditeur  l'a 
jugée  immédiatement  intelligible  à  tous.  Pour  moi,  je  ne 
suis  pas  certain  d'en  pénétrer  exactement  le  sens,  mais  si 
je  la  comprends  bien,  elle  fait  une  allusion  curieuse  à  une 
croyance  antique  et  mérite  de  retenir  quelques  instants 
notre  attention. 

Le  texte  est  gravé  sur  une  plaque  de  calcaire  ((1.  0m  92, 
h.  0  '"  74)  décorée  aux  coins  de  deux  patères,  dont  une 
seule  subsiste,  et  de  deux  aiguières,  dont  il  ne  reste  que 
l'extrémité  supérieure.  Au  milieu  est  gravée  au  trait  une 
couronne.  Motif  fréquent  dans  la  décoration  des  tombeaux, 
la  couronne  a  commencé  par  être  une  représentation  de 
celle  dont  on  entourait  la  tête  du  mort  et  a  lini  par  devenir 
un  symbole  d'immortalité2. 

Dans  la  couronne  est  inscrite  l'épitaphe  : 

D(is)  m(anibus)  s(acrum) 
Inclyte  sacroru\m  cultor  secure  quies\cis. 

1.  T.  XL  (1906).  p.  422,  n°  110.  Je  dois  cette  indication  à  l'obligeance  de 
M.  Cagnat. 

2.  Cf.  mon  article  VAigle  funéraire  des  Syriens    Revue  de  l'Histoire  des 
religions,  XLII    1910),  p.  1 13  ss.  . 


152  ÉPITAPHE    MÉTRIQUE    DE    MADAL'RE 

Hic  iùvenis  quem  tell\us  habet^quem  Tarlariis  \  ipse, 
Qu(a)ere  piam  sedem  \  :  hic  enim  scpulti  decumbunt. 
il  avius)   Xatalis    Yeturianiis  v(ixit)   a{nnos)  L.  \  H{ic) 
s  itus)  e{st). 

On  traduira  littéralement  : 

«  Aux  dieux  mânes.  Illustre  sectateur  d'un  culte  sacré, 
tu  reposes  en  sécurité.  Toi,  jeune  homme  que  la  terre,  que 
le  Tartare  même  contient,  cherche  (gagne)  un  pieux  séjour  : 
car  c'est  ici  que  les  défunts  se  couchent.  » 

La  langue  est  barbare  et  les  vers  sont  boiteux.  Comme 
Commodien,  cet  «  épitaphiste  »  ne  connaît  la  quantité  des 
vovelles  que  quand  elle  est  marquée  par  l'orthographe.  Il 
ne  prend  pas  de  moindres  libertés  avec  la  grammaire 
qu'avec  la  métrique.  Hic  devant  iuvenis  est  une  cheville  : 
le  modèle  dont  s'inspire  ce  versificateur  maladroit  donnait 
sans  doute  une  expression  comme  Digne  scnex[ ...  Au 
vers  3,  au  lieu  de  hic  on  s'attendrait  à  illic,  mais  cet  adverbe 
avait  une  syllabe  de  trop.  Le  sens  est  ainsi  devenu  obscur. 
Mais  l'ambiguïté  de  la  dernière  phrase  est  peut-être  inten- 
tionnelle. 

Le  début  semble  prouver,  en  etîet,  que  Flavius  Natalis 
était  initié  à  des  mystères  auxquels  on  applique  volontiers 
le  nom  de  sacra.  Nous  pouvons  déterminer  lesquels,  au 
moins  avec  une  grande  probabilité.    Deux   inscriptions  de 


1.  Je  dois  cette  remarque  à  M.  Louis  Havet.  —  On  pourrai!  traduire 
aussi  en  opposant  le  premier  hic,  pris  comme  un  adverbe,  au  second. 
«  Jeune  homme,  que  la  terre  contient..,  cherche  ici  un  séjour  pieux,  car 
c'est  ici  que  reposent  les  défunts.  »  Mais  le  sens  est  peu  satisfaisant,  car 
]°  le  mort  devrait  chercher  un  lieu  où  il  se  trouve  déj'i;  2°  on  ne  voit 
pas  quels  sont  les  autres  morts  enterrés  avec  lui,  et  il  est  douteux  qu'il  y 
en  eût;  3°  les  passages  cités  plus  bas  montrent  que  la  pia  seiles  ne  peut 
être  que  les  Champs  Elvsées. 


ÉPITAPHE    MÉTRIQUE    DE    MADAUKE 


153 


3 

y. 


ce 

C3 


154  ÉPITAPHE    MÉTRIQUE    DE    MADAURE 

Madaure  mentionnent  des  prêtres  de  Liber  pater  ',  et  deux 
autres  dans  la  ville  voisine  de  Thibursicum  nomment  un 
prêtre  et  une  prêtresse  du  même  dieu2.  Les  bacchanales 
étaient  donc  célébrées  avec  ferveur  dans  cette  région  de  la 
Numidie. 

Sa  piété  a  valu  à  Flavius  Natalis  de  reposer  en  sécurité, 
sans  être  tourmenté  dans  l'au-delà,  ni  subir  les  châtiments 
d'outre-tombe.  Telle  est  certainement  la  signification  du 
premier  vers.  La  même  idée  est  exprimée  en  termes  ana- 
logues, mais  d'une  manière  plus  explicite,  dans  une  inscrip- 
tion de  Rome3  : 

Umhrarum  secura  quies  animaeq(ue)  piorum 
laudatae,  colitis  quae  loca  sancta  Erebi, 

sedes  insontem  Maynillam  ducite  vestras 
per  nemora  et  campos  protinus  Elysios. 

Le  mort,  qui  est  descendu  jusqu'au  Tartare,  doit  gagner 
de  là  ((  un  pieux  séjour  »,  ou,  pour  mieux  dire,  le  séjour  des 
âmes  pieuses,  car  c'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  pia  sedes. 
Une  épitaphe,  trouvée  à  Madaure  même,  emploie  une  expres- 
sion semblable  à  propos  d'une  femme4,  mais  l'éclaircit 
davantage  : 

Hic  sita,  sed  sedes  meruit  penetrare  piorum, 
Elysios  célébrai  caro  coniuncta  marito. 

Reste  le  dernier  hémistiche  qui  est  le  plus  embarrassant. 
Sa  métrique  tout   à  fait  fautive  nous  montre  que  ce  n'est 

1.  C.I.L.,  VIII,  4681:  Lenaei  patris  cultor  felixque  sacerdos  ;  1682  : 
C.  Iulius  Laetus  sacerdos  Liheri  Palris  :  cf.  Année  épigraphique.  1907, 
n°  24  :  Lihero  Augusto.  Le  culte  de  la  Magna  Mater  avait  aussi  pénétré  à 
Madaure,  Bull,  archèol.  du  Comité  des  Travaux  historiques,  1896,  p.  273, 
n°  202. 

2.  C.I.L.,  VIII.  1883.  1887. 

3.  C.I.L.,  VI,  21846  =  Bi'icheler,  Carm.  Epigr.,  1165. 

4.  Recueil  de  Consiantine,  XLI  (1907  ,  p.  2  18.  Cf.  le  texte  cité  plus  liant 
et  C.I.L.,  VI,  23295  =  Bi'icheler,  Carm.  Epigr..  393  :  Elysios  precor  ut 
possis  invadere  campos...  Dilemque  preceris  det  sedes  ut  [honora]tas...  III, 

1759  =  Bi'icheler,  1311:  Mens  aeterna  prof'eclo  pro   merilis  potitur  sedi- 
busElysiis,  etc.  =  Kaibel,  Epigr  .  551  :  M;-.'  eùaefjéwv  8'sau.èv  Iv  'HXuaûo. 


ÉPITAPHE    MÉTRIQUE    DE    MADAl'RE  155 

pas  un  emprunt  à  quelque  recueil  de  modèles,  mais  une 
addition  propre  de  l'auteur  africain ,  qui  pour  affirmer  ses 
croyances  a  fait  outrageusement  violence  à  la  prosodie.  Ces 
croyances  répondent  peut-être  simplement  à  l'idée  que  les 
poètes  se  faisaient  du  bonheur  dans  les  Champs  Elysées. 
Une  épitaphe  en  vers  qui,  comme  la  nôtre,  a  été  décou- 
verte en  Afrique  ]  le  décrit  en  ces  termes  : 

Profuit,  en  tibi,  quod  fana  coluisti  deorum — 
Nunc  campos  colis  Elysios  herbasq(ue)  viren/es, 
florihus  asparsus  iaces  ex pratalibus  arvis. 

On  se  figurait  donc  parfois  les  bienheureux  étendus 
mollement  au  milieu  des  fleurs  dans  les  prés  verdoyants 
des  Champs  Élysées.  Mais  je  pense  que  l'auteur  de  nos 
trois  vers  croyait  à  un  autre  genre  de  béatitude,  et  le  mot 
decumbere  paraît  ne  pas  avoir  été  choisi  sans  intention. 
Decumhere  ne  veut  pas  dire  seulement  «  se  coucher  », 
mais  aussi  «  se  mettre  à  table  ».  Le  mot  est  souvent 
employé  absolument  dans  ce  sens.  Ainsi  Suétone-,  pour 
montrer  combien  Claude  était  amateur  de  bonne  chère, 
rapporte  qu'un  jour,  l'empereur  rendant  la  justice  au  forum 
d'Auguste,  son  odorat  fut  agréablement  chatouillé  par  le 
fumet  d'un  repas  qu'on  préparait  pour  les  Saliens  dans  le 
temple  voisin  de  Mars;  il  quitta  aussitôt  son  tribunal, 
monta  chez  les  prêtres  et  se  mit  à  table  avec  eux  :  unaque 
decubuit.  On  pourrait  multiplier  les  exemples3.  Or  les 
mystères  de  Bacchus,  qui,  nous  l'avons  dit,  étaient  pratiqués 
;i  Madaure,  enseignaient  que  le  tidèle  devait  être  admis  dans 
l'autre  monde  au  festin  des  dieux  pour  s'y  réjouir  éternel- 
ment  avec  eux  dans  une  douce  ébriété,  et  une  quantité  de 

* 

1.  C.I.L.,  VIII,  Suppl.  15569=  Bûcheler,  525  non  procul  ab  Agbia  cl 
Aunobari  . 

2.  Suét.,  Cliiutl..  33;  cf.  aussi  39  :  Paulo  poslquam  in  triclinio  decubuit, 
el  zYero,  48. 

:t.  Cl*.  Thésaurus  linguae  lalinne,  s.  v.,  col.  221. 


156  LIVRES    OFFERTS 

bas-reliefs  attestent  la  popularité  de  cette  croyance  dans  le 
monde  romain1.  Des  fresques  célèbres,  qui,  dans  les  cata- 
combes de  Prétextât,  décorent  le  tombeau  d'un  prêtre  de 
Sabazius,  nous  montrent  la  défunte  Vibia  menée  dans  les 
enfers  par  Mercure  au  tribunal  de  Pluton,  puis  introduite 
au  banquet  des  bienheureux  auquel  prennent  part  sept 
convives,  les  bonorum  iudicio  iudicati.  C'est,  je  crois,  une 
crovance  religieuse  analogue  qui  est  exprimée  discrètement 
dans  notre  épitaphe  de  Madame,  et  je  traduirais  volontiers 
le  dernier  vers  :  «  Gagne  le  séjour  des  âmes  pieuses,  car 
c'est  ici  que  les  défunts  festoient.  »  Nous  trouverions  donc 
dans  notre  épitaphe  une  preuve  nouvelle  de  la  diffusion 
des  idées  eschatologiques  répandues  dans  le  monde  romain 
par  les  mystères  de  Bacchus. 


LIVRES     OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  le  fascicule  de  jan- 
vier-février 1912  des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  (Paris,  1912,  in-8°). 

M.  Héhon  de  Villekosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  du  docteur 
Louis  Reutter,  un  ouvrage  intitulé  :  L'embaumement  avant  el  après 
Jésus-Christ,  avec  analyses  des  masses  résineuses  ayant  servi  à  la 
conservation  des  corps  chez  les  anciens  Egyptiens  et  les  Carthaginois, 
173  p.,  8  fig.  dans  le  texte  et  1  pi.  en  couleurs  (Paris-Neuchâtel, 
1912,  in-8°). 

L'auteur  a  dédié  son  ouvrage  à  notre  confrère  M.  Maspero  et  au 
R.  P.  Delaltre,  correspondant  de  l'Académie  à  Carthage.  Il  a  voulu 
témoigner  ainsi  à  ces  deux  savants  sa  reconnaissance  pour  les  ren- 
seignements importants  qu'il  avait  reçus  d'eux  et  qui  ont  donné  a 
son  travail  un  intérêt  particulier. 

I.  Cf.  mon  article  sur  Sabazius,  C.  H.  de  VAcad.  <Ies  inscr.,  1906,  p.  76, 
el  Schroder,  Bonner  Jahrbûcher,  GVIU    1902),  p.  GO  ss. 


LIVRES    OFFERTS  157 

C'est  surtout  depuis  l'expédition  d'Egypte  que  la  question  de 
l'embaumement  chez  les  Égyptiens  a  préoccupé  les  chimistes  et  les 
médecins.  On  s'est  livré  à  de  nombreuses  analyses  des  compositions 
recueillies  dans  les  sarcophages,  mais  l'étude  des  corps  résineux 
présente  des  difficultés  assez  graves.  Les  analyses  n'ont  pas  tou- 
jours abouti  à  des  conclusions  parfaitement  claires. 

M.  le  docteur  Louis  Reiitter,  pharmacien  chimiste  à  Neuchâtel 
(Suisse),  a  repris  ces  analyses  suivant  une  méthode  qui  lui  est 
propre.  Après  avoir  énuméré  et  décrit  les  différentes  drogues  consi- 
dérées comme  ayant  servi  à  former  la  masse  résineuse  de  l'embau- 
mement, il  a  exposé  les  recherches  auxquelles  il  s'est  livré  et  qu'il  a 
poursuivies  avec  une  ténacité  remarquable.  Pour  l'Egypte, *1  a  étudié 
la  résine  utilisée  pour  l'embaumement  de  la  momie  de  llekan- 
M-Saf,  commandant  de  la  flotte  royale  (XXXe  dynastie)  ;  ses  conclu- 
sions ont  été  présentées  à  l'Académie  des  sciences  le  2a  septembre 
1911.  Il  a  aussi  examiné  très  minutieusement  une  résine  employée 
pour  embaumer  un  ibis  dont  la  momie  est  conservée  au  Musée 
historique  de  la  ville  de  Neuchâtel.  Ses  recherches  ont  eu  également 
pour  objet  une  résine  provenant  d'un  vase  funéraire  du  Musée 
ethnographique  de  Berlin. 

Il  était  intéressant  de  savoir  si  les  Carthaginois  avaient  employé 
les  mêmes  procédés  d'embaumement  (pie  les  Egyptiens.  Les  décou- 
vertes du  P.  Delattre  en  ont  fourni  l'occasion  au  docteur  Reuller. 
Les  sarcophages  trouvés-dans  les  puits  funéraires  de  Cartilage  con- 
tenaient aussi  des  masses  résineuses  qui  ont  été,  de  sa  part,  l'objet 
d'analyses  rigoureuses  dont  il  publie  les  résultats.  Je  n'ai  pas  la 
compétence  nécessaire  pour  apprécier  l'importance  des  conclusions 
auxquelles  le  docteur  Reutter  est  arrivé  dans  la  partie  chimique  de 
son  travail,  mais  je  puis  dire  qu'il  a  reçu  les  encouragements  de 
savants  éminents  et  qu'il  a  étudié  la  question  de  l'embaumement 
avec  une  passion  véritable.  Son  livre  intéressera  les  archéologues 
que  préoccupent  les  usages  funéraires  de  l'antiquité  :  ils  y  trouve- 
ront une  bibliographie  du  sujet  traité,  ainsi  que  des  renseignements 
sur  la  manière  dont  l'embaumement  fut  pratiqué  non  seulement  chez 
les  différents  peuples  de  l'antiquité,  mais  aussi  pendant  le  moyen 
âge  et  même  dans  les  temps  modernes. 

M.  Clermont-Ganneau  offre  à  l'Académie,  de  la  part  des  éditeurs, 
MM.  Eetouzey  et  Ané,  le  fascicule  XXXVH1  du  Dictionnaire  de  la 
Bible  publié  sous  la  direction  de  M.  l'abbé  Yigouroux.  Ce  fascicule 
va  du  mot  Temple  au  mol   Tuteur. 


158 

SÉANCE    DU   10   MAI 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS     LEGER. 


M.  Henri  Cordier  a  reçu  de  M.  de  Gironcourt  une  lettre 
datée  de  Kidal,  Adrar  des  Iforas,  2  mars  1912  : 

«  Dans  ma  dernière  lettre,  je  vous  exposais  mon  intention  de 
suivre  vers  F  Adrar,  d'où  elle  peut  provenir,  cette  «  coulée  » 
épigraphique  dont  mes  dernières  recherches  dans  le  pays  de 
Gao  ont  amené  la  mise  à  jour  de  si  nombreux  témoins. 

«  Dans  ce  but,  et  afin  de  permettre  peut-être  de  juger  de 
l'aire  d'extension  des  inscriptions  citées,  j'ai  procédé  tout 
d'abord  à  l'exploration  du  Tilemsi  et  de  son  rebord  occidental. 

«  Dans  cette  large  et  sèche  vallée,  j'ai  relevé  trois  nécropoles 
possédant  quelques-unes  des  pierres  que  nous  étudions,  de 
matière  et  de  gravure  analogues  à  celles  des  types  du  Niger, 
mais  de  perfection  moins  grande  dans  la  forme  des  caractères  et 
d'usure  superficielle  plus  profonde. 

«  A  l'Ouest,  zone  peu  favorisée  de  la  nature,  en  apparence 
et  relativement,  car  les  troupeaux  des  nomades  y  trouvent 
d'abondants  pâturages  secs,  où  les  puits  sont  rares,  j'ai  encore 
trouvé  quelques  pierres  gravées,  mais  de  matériaux  et  de  facture 
plus  grossiers  (latérites). 

«  Plus  au  Nord,  les  grès  du  crétacé  supérieur  assez  tendres 
(Asserar),  m'ont  fourni  sur  des  sépultures  à  enceinte  ovalaire 
quelques  stèles  semblant  bien  en  place,  dont  les  légendes  sont 
copieuses. 

«  Ces  mêmes  grès  m'ont  présenté,  sur  le  rebord  d'un  plateau, 
formé  de  blocs  tabulaires  disjoints,  sur  une  surface  d'une  ving- 
taine de  mètres  carrés,  un  fouillis  très  dense  de  dessins  et  écri- 
tures en  tifinar,  dont  les  estampages  pourront  représenter  —  à 
défaut,  comme  je  le  crois,  d'une  grande  importance  historique  — 
du  moins  un  témoin  curieux  de  l'art  épigraphique  des  Touareg 
d'autrefois. 

«  Mes  renseignements  signalent  quelques  points  intéressants 
au  rebord  oriental  de  ce  Tilemsi.  Je  ne  manquerai  pas  de  les 
visiter  au  retour. 


SÉANCE    DU    10    MAI    1912  159 

«  Me  voici  maintenant  auprès  de  ces  «  entassements  »  singu- 
liers de  masses  nucléaires  de  granit,  épandues  sur  les  vastes 
surfaces  de  l'Adrar.  Au  point  de  vue  épigraphique,  ce  «  monde 
rocheux  »  ne  va  m'oll'rir,  je  le  présume,  que  des  dessins  d'ani- 
maux et  légendes  en  tiiinar  sans  grand  intérêt.  Mais  j'espère 
découvrir  clans  les  thalwegs  sablonneux  et  au  bord  de  ces 
masses  de  pierres  quelques  nécropoles  du  genre  de  celles  que 
je  dois  rechercher. 

«  Ma  première  journée  à  Adrar  m'a  permis  déjà  de  relever 
une  douzaine  de  stèles  assez  grossièrement  gravées,  non  loin  du 
puits  de  Gounane. 

«  Un  arrêt  au  poste-magasin  de  la  section  méhariste  (Kidal) 
où  j'attends  des  guides  touaregs  I foras  pour  continuer  ma  route 
me  permet  de  vous  écrire,  ce  que  je  ne  pouvais  faire  sous  ma 
modeste  tente  targhi,  le  vent  violent  de  cette  saison  desséchant 
même  sous  cet  abri  l'encre  de  la  plume  en  deux  ou  trois  mots 
tracés. 

<(  Tout,  d'ailleurs,  se  passe  au  mieux  pour  la  bonne  marche 
de  ma  petite  caravane,  malgré  ces  ouragans  de  sable  et  de  cette 
poussière  argileuse  qui,  m'assaillant  dans  le  Telemsi,  m'a  obligé 
parfois  à  faire  halte  sans  plus  rien  voir  autour  de  nous  ;  la  prise 
d'estampages,  dans  ces  conditions,  était  particulièrement  pénible 
à  Asserar.  » 

M.  Morel-Fatio,  au  nom  de  la  Commission  du  prix  de  La 
Grange,  annonce  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  décerner  le  prix  cette 
année. 

Le  P.  Scheil  a  la  parole  pour  une  communication  : 
«  M.  Stephen  Langdon,  professeur  d'assyriologie  à  Oxford,  au 
cours  d'une  mission  scientifique  au  Musée  de  Gonstantinople,  a 
découvert,  dans  le  butin  des  fouilles  de  Xi/fer,  une  tablette  en 
terre  cuite  contenant  une  section  importante  du  Code  de 
Ilammurabi,  paragraphe  145  au  paragraphe  180,  toutes  lois  se 
référant  à  la  constitution  de  la  famille. 

«  Ce  nouveau  texte  présente,  parait -il,  des  variantes  intéres- 
santes, par  exemple  e-PI-su  pour  e-mi-su  avec  une  glose  PI  = 
nu,  §  15!)- i<>;  awelim  pour  miiêkinim,§  170-78;  ce  qui  est  plus 
grave,  le  paragraphe  1  47  est  omis,  etc. 


160  SÉANCE    DU    10    MAI    1912 

«  Comme  il  s'agit  d'une  suite,  il  y  avait  lieu  de  numéroter  le 
document  et  nous  lisons  en  suscriplion  : 

im  gid-da    1  kam-ma 
é-nu  Anu-um  §i-i-ru-ma 

«  Quatrième  grande  tablette  du  texte  Inu  Anum  sîruma.  » 
(Ces  derniers  mots  sont  le  titre  même  et  la  première  ligne  du 
Code. 

«  La  date  de  la  copie  tenait  ensuite  clans  cette  formule  mal 
conservée  : 

ud(?)  dingir  En-lil-lal...  [du b]- ha- me 


al-gub-ba 

luf/al  Ha-am-m.u-ra.-bi 

«  Époque  où  en  l'honneur  du  dieu  Ellil  (les  tables  de  lois)  il 
érigea,  lui  le  roi  Hammurabi.  »  (La  restitution  de  dubba  «  tables  a 
est  douteuse.) 

«  Enfin  le  scribe  responsable  de  la  transcription  porte  le  vieux 
nom  de  Ur  Marduk  : 

Igi-kar 

ur  [dingir)  Marduk 

«  Alors  que  d'autres  modestes  fragments,  duplicata  que  nous 
connaissions,  étaient  d'époque  tardive  et  que  nous  les  devions 
au  dilettantisme  littéraire  d'Assurbanipal,  —  l'objet  de  la  trou- 
vaille de  M.  Langdon  n'est  rien  moins  que  contemporain  du 
législateur  lui-même  et  fournit  une  preuve  palpable  que  l'on 
savait  pourvoir  par  l'argile  à  la  diffusion  du  Code,  afin  que  tout 
Babylonien  pût  être  censé  connaître  la  loi.  » 

M.  François  Thureau-Dangin  lit  la  traduction  d'une  inscrip- 
tion cunéiforme  qui  relate  l'expulsion  des  Gouti,  peuple  qui, 
d'après  un  texte  précédemment  communiqué  par  le  P.  Scheil, 
avait  envahi  la  Babvlonie  vers  le  milieu  du  troisième  millénaire. 
Le  libérateur  de  la  Babylonie  a  nom  Outou-khegal  :  il  capture  le 
roi  des  Gouti,  Tirigam,  et  fonde  une  dynastie  dont  le  siège  est 
Erech.   Cette    nouvelle   dynastie    prend  rang  avant   la   dynastie 


SÉANCE   Dl     10    MAI    1912  161 

d'Our  et  comble  une  lacune  clans  la  série  des  dynasties  babylo- 
niennes. » 

M.  Pottier  lit  une  note  de"  M.  Albertini,  membre  de  l'École 
des  Hautes  Études  hispaniques,  sur  un  lion  ibérique  conservé 
au  Musée  de  Madrid  et  trouvé  dans  la  province  de  Cordoue. 
Cette  note  l'ait  ressortir  le  caractère  héraldique  et  oriental 
d'une  sculpture  qui  ajoute  un  document  nouveau  à  la  série  déjà 
connue  des  monuments  de  l'Espagne  préromaine,  étudiés  par 
M.  Pierre  Paris  dans  son  ouvrage  sur  Y Espagne  primitive  ' . 

M.  Dieulafoy  signale  des  monuments  du  même  genre  qu'il  a 
vus  en  Espagne. 

M.  Adrien  Blanchet,  bibliothécaire  honoraire  à  la  Bibliothèque 
nationale,  expose,  avec  des  aperçus  nouveaux,  les  événements 
militaires  qui  amenèrent  la  proclamation  de  Postume,  fonda- 
teur, en  258  de  notre  ère,  d'un  empire  gaulois  qui  eut  seize  années 
d'existence  et  donna  à  la  Gaule  une  renaissance  temporaire. 
Postume  avait  été  salué  empereur  par  ses  soldats  à  la  suite 
d'une  victoire  remportée  par  les  Francs,  qui  venaient  de  piller 
plusieurs  villes  romaines  des  bords  du  Rhin.  Cette  révolte  mili- 
taire se  produisit  lorsque  Postume  harangua  ses  troupes  au  sujet 
du  butin  qui  était  réclamé  par  Silvanus,  gouverneur  de  Cologne, 
au  nom  de  Gallien,  empereur  à  Rome.  Des  médaillons  de  bronze 
de  Postume,  inexpliqués  jusqu'à  ce  jour,  représentent  la  scène 
de  l'allocution  de  Postume.  Ces  pièces,  importantes  pour  l'his- 
toire de  la  (iaule,  peuvent  être  considérées  aussi  comme  les 
premiers  monuments  relatifs  aux  Francs,  qui  venaient  de 
paraître  dans  l'histoire. 

M.  Louis  IIavi.t  traite  du  mot  pu  tus,  petit  garçon,  qui  est 
connu  par  des  glossaires  et  que  Scaliger  a  restitué  dans  un  vers 
du  Catalepton  virgilien.  Il  restitue  lui-môme  ce  mot  dans  le  pro- 
logue des  Ménechmes  de  Piaule,  vers  40  (puto  au  lieu  de  huic), 
et  son  diminutif  dans  un  vers  des  Silves  de  Stace  (putulos  au 
lieu  de  pumilos). 

MM.  Morel-Fatio  et  Thomas  présentent  quelques  observa- 
tions. 

I.  Voir  ci-après. 


162 

COMMUNICATION 


LION   IBÉRIQUE   DE   BAEXA, 
PAR     M.     EUGÈNE     ALBERTIM. 

Le  Cerro  del  Minguillar,  près  de  Baena  (province  de 
Cordoue),  est  remplacement  d'une  ville  antique,  vraisem- 
blablement Iponoba  ou  Iponuba.Les  fouilles  de  M.  Yalverde 
y  Perales,  il  y  a  quelques  années,  ont  exhumé  de  cette 
colline  toute  une  série  de  statues  romaines,  qui  sont  aujour- 
d'hui au  Musée  archéologique  de  Madrid  (voir  Boletin  de 
la  Real  Academia  de  la  Historia,  XL,  p.  254  ;  XLIII, 
p.  521-525). 

Ces  statues  ne  se  distinguent  pas  des  productions  ordi- 
naires de  l'époque  romaine.  Mais  le  Cerro  del  Minguillar  a 
donné  en  outre  une  sculpture  préromaine  :  c'est  celle  dont 
la  photographie  est  jointe  à  cette  note.  Acquise  par  l'Etat 
en  1910,  elle  est  aussi  au  Musée  archéologique  de  Madrid 
(n°  20327).  Je  la  crois  inédite. 

Les  dimensions  de  cette  ligure  sont  les  suivantes  :  hau- 
teur. 0m  53;  longueur,  1  '"  07;  largeur,  0m  38.  Elle  est 
taillée  dans  un  calcaire  blanc,  tendre,  dont  la  surface  était 
soigneusement  polie.  Elle  représente  un  lion  accroupi  sur 
une  plinthe.  L'extrémité  antérieure  de  la  plinthe  a  disparu, 
avec  les  pattes  de  devant,  qui  étaient  allongées  et  non 
repliées;  le  mufle  manque;  la  tète  et  tout  le  côté  gauche 
de  la  statue  sont  en  très  mauvais  état  ;  il  semble  qu'on  se 
soit  acharné  sur  le  monument  à  coups  de  bêche  ou  de 
pioche. 

Telle  quelle,  cette  image  est  intéressante.  Elle  frappe  à 
première  vue  par  une  espèce  de  stylisation  héraldique,  qui 
accentue  la  cambrure  du  ventre  et  traduit  les  formes  du 
corps  par  des  plans  ou  par  des  surfaces  courbes  régulières 
et  lisses.  Les  pattes  de  derrière,  allongées  sur  la  plinthe, 


LION    IBÉRIQUE    DE    BAENA  163 

sont  sillonnées  à  la  face  supérieure  par  trois  rainures  qui 
ne  servent  pas  seulement  à  marquer  les  doigts,  puisqu'elles 


c 

03 


se  prolongent  jusqu'à  la  cuisse;  en  outre,  une  rainure  gravée 
sur  la  face   extérieure   parcourt   toute    la    longueur    de    la 

1912.  12 


164  LIVRES   OFFERTS 

cuisse  et  de  la  patte.  La  queue  passe  sous  le  ventre  et 
revient  sur  la  patte  postérieure  de  droite.  Les  testicules 
sont  nettement  marqués  ;  la  verge  était  appliquée  contre  le 
ventre.  Sur  le  cou,  une  sorte  de  guillochage  compliqué, 
divisé  en  bandes  verticales,  représente  la  crinière. 

L'art  ibérique  a  produit  plusieurs  œuvres  analogues  à 
celle-ci  :  le  rapprochement  s'impose  particulièrement  entre 
le  lion  de  Baena  et  le  «sphinx  de  Bocairente  »,  conservé 
au  Musée  de  Valence  (P.  Paris,  Essai  sur  l'Art  et  l'Indus- 
trie de  V Espagne  primitive,  I,  p.  131  sqq.,  et  pi.  V);  le 
caractère  oriental  est  plus  apparent  encore  dans  le  premier 
que  dans  le  second.  D'autre  part,  on  connaissait  déjà  une 
sculpture  ibérique  provenant  des  environs  de  Baena  :  c'est 
la  statue  d'un  personnage  drapé,  reproduite  par  M.  Paris 
(Essai,  I,  fig.  309,  p.  322).  Le  lion  de  Baena  est  doublement 
instructif,  par  l'enrichissement  qu'il  apporte  à  la  série  des 
figures  animales  dans  l'art  ibérique,  et  par  la  donnée  com- 
plémentaire qu'il  fournit  sur  l'extension  de  cet  art  en 
Bétique. 

LIVRES  OFFERTS 


M.  Maurice  Ckoiset  fait  hommage  à  l'Académie,  de  la  part  de 
l'auteur,  d'une  édition  nouvelle  de  VHisloire  Lausiaque  de  Palladius, 
texte  grec,  introduction  et  traduction  française,  par  M.  l'abbé  Lucot, 
aumônier  des  Chartreux  à  Dijon.  L'Histoire  Lausiaque,  composée 
vers  le  milieu  du  Ve  siècle  de  notre  ère  par  l'évèque  Palladius  et 
dédiée  par  lui  à  Lausus,  grand  chambellan  de  Théodose  II,  est, 
comme  on  le  sait,  un  des  documents  les  plus  importants  pour 
l'histoire  du  monachisme  en  Orient.  C'est  un  recueil  biographique 
sans  valeur  littéraire,  mais  où  sont  racontées  sommairement  les  vies 
d'un  certain  nombre  de  moines  et  de  martyrs  chrétiens;  et  ces  bio- 
graphies sont  riches  en  détails  de  mœurs,  et  en  faits  de  tout  genre 
d'un  grand  intérêt  pour  la  connaissance  des  sentiments,  des  idées  et 
des  croyances  qui  régnaient  dans  la  société  chrétienne  du  Ve  siècle. 
L'édition  nouvelle  l'ait  partie  de  la  (Collection  de  textes  et  documents 
pour  l'étude  historique  du  christianisme  publiés  sous  la  direction  de 


LIVRES    OFFERTS  I  !'>."> 

MM.  Hemmer  et  Lejay.  Elle  reproduit  à  peu  près,  pour  ce  qui  est  du 
texte,  celle  de  Dom  Butler,  si  justement  estimée,  et  elle  lui  a  fait 
aussi  de  larges  emprunts  pour  l'annotation.  M.  l'abbé  Lucot  n'a  pas 
cru  devoir  reprendre  à  nouveau  les  nombreuses  et  délicates  questions 
critiques  qui  se  posent  à  propos  de  l'ouvrage  disparate  qu'il  voulait 
mettre  à  la  portée  d'un  plus  grand  nombre  de  lecteurs.  Il  s'est 
attaché  surtout  à  l'élucider  par  un  commentaire  précis  et  par  une 
traduction  fidèle.  Le  volume  qu'il  publie  répond  parfaitement  à  sa 
destination  et  figurera  très  dignement  dans  une  collection  dont  le 
mérite  reconnu  a  pour  garantie  le  nom  de  ses  directeurs. 

M.  II.  Omont  dépose  sur  le  bureau  un  exemplaire  de  la  seconde 
édition  des  Listes  des  recueils  de  facsimilés  et  des  reproductions  de 
manuscrits  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale,  2r  édition  (Paris, 
1912,  in-10,  291  pages;  extrait,  avec  additions,  du  Bulletin  de  la 
Société  française  de  reproductions  de  manuscrits  à  peintures,  lre  année 
(1911),  n08  1  et  2). 

M.  PorniîR  présente  à  l'Académie  un  ouvrage  de  M.  L.  Francbet 
sur  la  Céramique  primitive  (Introduction  à  l'étude  de  la  technologie). 
(  Test  une  série  de  leçons  professées  à  l'École  d'antbropologie.  Le  livre 
est  illustré  de  figures  qui  éclairent  tous  les  détails  de  la  fabrication 
des  poteries,  l'emploi  et  la  structure  du  tour,  la  cuisson,  les  diffé- 
rents systèmes  de  fours.  De  plus  en  plus,  l'archéologie  réclame  la 
collaboration  des  techniciens.  Beaucoup  de  problèmes  et  des  plus 
importants  ne  peuvent  se  résoudre  qu'avec  l'aide  d'un  céramiste, 
d'un  chimiste,  d'un  métallurgiste.  Le  travail  de  M.  Francbet  nous  est 
à  cet  égard  précieux.  C'est  l'œuvre  d'un  homme  qui  connaît  bien 
la  pratique  du  métier  et  qui,  depuis  longtemps,  l'applique  à  la 
recherche  des  procédés  usités  dans  l'antiquité.  Tour  à  tour  il  exa- 
mine le  rôle  des  pâtes  céramiques  et  leur  composition,  la  fabrication 
des  poteries  façonnées  à  la  main  ou  par  moulage,  la  découverte  du 
tournage,  l'évolution  des  formes  et  du  décor,  les  modes  de  cuisson. 
Il  compare  les  ingrédients  et  les  ustensiles  employés  dans  les 
diverses  régions  du  monde  et  en  montre  la  parenté  nécessaire.  Il 
peut  donc  rétablir  sur  cette  base  et  au  moyen  des  survivances  encore 
visibles  un  peu  partout  la  façon  dont  les  peuples  primitifs  et  ceux  de 
l'antiquité  ont  dû  fabriquer  leurs  poteries.  Les  conclusions  chrono- 
logiques sont  présentées  avec  beaucoup  de  prudence.  M.  Francbet 
estime  (p.  149  (pie  dans  l'élude  des  formes  on  doit  se  borner  actuel- 
lement à  constater  les  fails  acquis,  à  les  considérer  comme  des  faits 
particuliers  à  telle  région,  sans  chercher  à  les  généraliser,  comme 
le  font  trop  souvent  certains  archéologues. 


166 

SÉANCE    DU   17    MAI 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 


Le  Secrétaire  perpétuel  annonce  que  M11''  Lanloine  (Louise- 
Bérangère-Marthe)  a,  en  mémoire  de  M.  Henri-Eugène  Lantoine, 
son  frère,  en  son  vivant  professeur  honoraire  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris,  fait  donation  entre  vifs  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  d'une  somme  de  cinq  cents  francs  pour 
être  attribuée  par  l'Académie,  sous  forme  d'un  prix  une  fois 
donné,  à  l'auteur  d'un  travail  sur  Virgile  (étude  ou  édition) 
écrit  de  préférence  en  latin,  quelle  que  soit  la  nationalité  de 
l'auteur.  Ce  prix  portera  le  nom  de  «  Prix  Henri  Lantoine  ». 

L'Académie,  par  un  vote,  accepte  provisoirement  la  donation 
de  M"e  Lantoine. 

Le  Recteur  et  le  Sénat  de  l'Université  de  Lemberg  adressent  à 
l'Académie  un  message  en  langue  latine  pour  lui  annoncer  que 
cette  Université  célébrera  le  250e  anniversaire  de  sa  fondation 
en  1661  par  Jean-Casimir,  roi  de  Pologne. 

M.  Senart  communique  une  lettre  de  M.  René  Basset,  corres- 
pondant de  l'Académie,  qui  fait  connaître  les  résolutions  adop- 
tées par  la  Commission  de  l'Encyclopédie  de  l'Islam,  clans  sa 
réunion  tenue  récemment  à  Athènes.  Cette  Encyclopédie  com- 
portera une  édition  française. 

Dans  une  communication  sur  Pline,  ses  procédés  de  composi- 
tion et  ses  interprètes,  M.  Charles  Joret  montre  quelle  méthode 
singulière  Pline  a  suivie  dans  la  composition  de  son  Histoire 
Naturelle  et  quelles  difficultés  il  a  par  là  préparé  aux  commen- 
tateurs, en  particulier  à  ceux  qui  traitent  de  la  botanique.  Pui- 
sant à  toutes  les  sources  connues  ou  inconnues,  passant  parfois 
sans  transition  de  la  description  inachevée  d'une  plante  à  celle 
d'une  autre  plante  toute  différente,  sauf  à  revenir  plus  loin  à  la 
première,    désignée  maintenant   sous   un   autre   nom,   il  semble 


SÉANCE    DU    17   MAI    1912  107 

avoir  pris  plaisir  à   dérouter  ses    interprètes.    Deux   exemples 
mettront  le  fait  en  évidence. 

Au  chapitre  61  du  livre  XXI,  il  donne  d'après  Théophraste  la 
description  abrégée  de  la  Lappn,  la  bardane,  description  si 
obscure  que  plusieurs  botanistes  ont  cru  qu'il  s'agissait  du 
gratteron.  Littré  lui-même  s'y  est  trompé.  Au  chap.  116  du 
livre  XXIV,  Pline  indique  d'abord  une  propriété  médicinale 
curieuse  d'une  plante  qu'il  appelle  philanthropos ,  puis  il  s'in- 
terrompt brusquement  pour  exposer  d'après  une  source  incon- 
nue l'emploi  dans  le  traitement  du  cancer  et  dans  les  maladies 
des  porcs  de  la  Lappa  Canaria,  plante  qui  n'est  autre  sans  doute 
que  la  bardane,  mais  que  les  commentateurs  ont  prise  les  uns 
pour  une  espèce  de  galiel,  les  autres  pour  une  ombellifère, 
d'autres  même  pour  le  chiendent.  Kevenant  ensuite,  au  livre 
XXVII,  chap.  15,  à  la  plante  philanthropos  qu'il  appelle  main- 
tenant aparine,  il  en  fait  cette  fois  d'après  Dioscoride  une 
description  détaillée  assez  claire  qui  nous  montre  que  cette 
plante  au  double  nom  n'est  autre  que  le  gratteron.  On  voit  par 
ces  exemples  qu'il  faut  lire  Pline  avec  défiance  et  ne  se  pronon- 
cer sur  l'identité  des  plantes  dont  il  parle  qu'après  avoir  com- 
paré les  descriptions  trop  souvent  fragmentaires  qu'il  en  donne 
et  les  noms  parfois  si  divers  qu'il  leur  attribue. 

M.  le  comte  Durrieu,  au  nom  de  la  Commission  du  prix 
Fould  (au  meilleur  ouvrage  sur  Vhistoire  des  arts  du  dessin,  en 
s' arrêtant  à  la  fin  du  XVIe  siècle),  annonce  que  le  prix  a  été 
partagé  ainsi  : 

3.000  francs  à  M.  Georges  Durand  pour  son  ouvrage:  L'église 
abbatiale  de  Saint-Biquier; 

1.000  francs  à  M.  Ph.  Lauer  :  Le  palais  de  Lalran  ; 

SOO  francs  à  M.  Paul  Denis  pour  son  ouvrage  sur  Ligier 
Riehier  ; 

800  francs  à  M.  Morin-Jean  pour  son  volume  :  Le  dessin  des 
animaux  en  (irèce  d'après  les  vases  peints  ; 

500  francs  à  M.  Louis  Hourticq  pour  son  Histoire  généra  le 
de  l'art  français. 

M.  Colugnon  donne  lecture  d'une  étude  sur  l'ancien  Parthé- 
non.  Les  fouilles  poursuivies  sur  l'Acropole,  de  188.r>  à  1888,  les 


168  SÉANCE    DU    17    MAI    1912 

travaux  de  M.  Doerpfeld  et,  plus  récemment,  les  recherches  de 
M.  Hill  ont  résolu  une  question  longtemps  discutée,  et  per- 
mettent de  prendre  une  idée  plus  exacte  du  temple  dont  les 
premières  assises  ont  occupé,  entre  les  deux  guerres  médiques, 
l'emplacement  du  Parthénon  actuel.  C'est  celui  qu'on  peut 
appeler  le  second  Parthénon  primitif.  Le  premier  est  le  temple 
projeté  au  temps  de  Clisthènes  et  pour  lequel  a  été  construit 
le  stéréobate  en  pôros  qui  sert  de  base  au  Parthénon  actuel. 

Le  second  Parthénon,  commencé  avant  la  bataille  de  Mara- 
thon, devait  être  un  temple  en  marbre.  On  sait  aujourd'hui  que 
les  dimensions  en  étaient  plus  petites  que  celles  qui  avaient  été 
prévues  pour  le  premier  temple,  lequel  devait  être  construit  en 
pierre  calcaire,  ou  pôros.  Les  recherches  de  M.  Hill  ont  permis 
d'en  déterminer  l'aire  et  le  plan.  Le  temple  devait  être  dorique 
périptère,  avec  six  colonnes  sur  les  deux  façades  et  seize  sur  les 
longs  côtés.  Le  sécos  était  amphiprostyle,  avec  quatre  colonnes 
détachées  en  avant  du  pronaos  et  de  l'opisthodome.  Les  divi- 
sions étaient  déjà  celles  du  temple  actuel. 

Les  dimensions  sont  données  exactement  par  une  assise  en 
pierre  de  Kara  qui  formait  le  degré  inférieur  de  la  crépis,  et  qui 
est  encore  en  place  sur  la  face  sud,  derrière  le  degré  inférieur  du 
Parthénon  de  Périclès.  Des  sondages  exécutés  sous  le  dallage  du 
Parthénon  ont  mis  à  découvert  un  pilastre  d'ante  en  marbre, 
inachevé,  portant  des  rainures  pour  des  pattes  de  scellement  qui 
n'ont  pas  été  posées.  On  connaissait  déjà,  depuis  les  fouilles  de 
1888,  des  tambours  de  colonnes  en  marbre  également  inachevés 
et  où  les  cannelures  avaient  été  seulement  amorcées.  On  peut 
ainsi  se  rendre  compte  de  l'état  des  travaux  au  moment  de  l'in- 
vasion des  Perses  en  480.  Le  soubassement  était  en  place.  On 
travaillait  en  chantier  aux  assises  du  mur  du  sécos  et  aux 
colonnes  de  la  péristasis.  Quand  les  Perses  pénétrèrent  sur 
l'Acropole,  ils  allumèrent  un  bûcher  avec  les  bois  des  échafau- 
dages et  le  soubassement  calciné  par  les  flammes  resta  désert 
jusqu'au  temps  où  les  travaux  furent  repris,  en  447,  pour  la 
construction  d'un  nouveau  Parthénon,  celui  d'Ictinos  et  de 
Phidias. 


169 
LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  la  2''  partie  du 
lome  XXXVIII  des  Mémoires  de  V Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  (Paris,  1912,  in-4°). 


SÉANCE    DU    24    MAI 


PRESIDENCE     DE     M.     LOUIS     LEGER. 

M.  le  comte  Paul  Durrieu  soumet  à  l'Académie,  de  la  part  de 
M.  Louis  Karl,  docteur  es  lettres,  professeur  à  l'Université  de 
Budapest,  une  étude  dans  laquelle  M.  Karl  recherche  comment 
la  figure  de  sainte  Elisabeth  était  représentée,  d'après  les  don- 
nées de  l'imagination  populaire,  aux  xve  et  xvie  siècles,  en  Alle- 
magne et  dans  les  pays  flamands.  Cette  étude  est  accompagnée 
de  photographies  reproduisant  des  miniatures  prises  sur  trois 
manuscrits  du  Musée  Britannique  (Mss.  addit.  18851,  19416  et 
:2il53). 

Le  P.  Scueil  communique  les  résultats  du  concours  pour  le 
prix  Saintour. 

La  Commission  a  ainsi  partagé  les  arrérages  de  la  fondation  : 

1.000  francs  à  M.  l'abbé  Nau  pour  ses  publications  sur  Jean 
il'Anlioche  et  Nestorius ; 

500  francs  à  M.  Clément  Huart  pour  ses  Textes  persans  rela- 
tifs à  la  secte  des  Ilorou/is; 

500  francs  à  M.  Emile  Amar  pour  sa  traduction  du  Fakhri  ; 

500  francs  à  M.  Joseph  llaléw  pour  son  Précis  d'allographie 
assyro- babylonien  ne  ; 

.")ii(l  francs  à  M.  Ed.  Huber  pour  l'ensemble  de  ses  travaux 
d'archéologie  et   de  philologie  indo-chinoises. 

M.  Morel-Fatio  entretient  l'Académie  d'une  lettre  inédite  de 
Marguerite  d'York,  tante  dc^  enfants  d'Edouard  IV,  clandesti- 


170  SÉANCE   DU   2i   MAI    1912 

uement  mis  à  mort  sur  l'ordre  de  leur  oncle  le  duc  de  Gloucester, 
le  futur  Richard  III. 

Cette  curieuse  lettre  recommande  à  la  reine  Isabelle  de 
Castille  un  célèbre  imposteur  du  nom  de  Perkin  Warbeck,  qui 
s'était  fait  passer  pour  le  deuxième  fils  d'Edouard  et  qui  tint  ce 
rôle  jusqu'en  1499  où  il  fut  condamné  et  pendu. 

La  lettre  en  question  prouve  que  Marguerite,  si  elle  n'inventa 
pas  cet  aventurier,  eut  une  part  prépondérante  dans  cette  mysti- 
fication qui  occupa  toute  l'Europe  et  que  la  complicité  de  divers 
souverains,  tels  que  l'empereur  Maximilien  et  le  roi  Jacques 
d'Ecosse,  contribua  à  faire  durer  pendant  dix  ans. 

M.  Maurice  Prou  est  nommé  membre  de  la  Commission  des 
Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  en  remplacement  de 
M.  Homolle  nommé  directeur  de  l'Ecole  d'Athènes. 

M.  Gustave  Glotz  appelle  l'attention  sur  l'indice  chronologique 
que  peuvent  fournir  dans  l'histoire  grecque  les  prix  de  certaines 
denrées,  particulièrement  des  métaux.  Il  prend  pour  exemple  le 
plomb. 

Le  cours  ordinaire  de  ce  métal  est  de  2  drachmes  par  talent 
(5  fr.  40  les  100  kilogs).  Cependant  à  deux  reprises  on  constate 
une  hausse  de  100  à  150  0/0  :  dans  les  comptes  de  l'Erechtheion 
à  Athènes  (5  drachmes)  et  dans  ceux  de  la  Tholos  à  Epidaure 
(4  drachmes  2  oboles).  Un  prix  anormal  s'explique  facilement 
l'année  de  l'Erechtheion  (409-408)  :  depuis  l'occupation  de 
Décélie  par  les  Spartiates  et  la  fuite  des  esclaves,  les  mines  de 
Laurion  étaient  fermées  ;  le  plomb  se  fait  rare,  comme  l'argent, 
et  la  hausse  du  plomb  annonce  ainsi  le  monnayage  exceptionnel 
de  l'or  en  407  et  du  bronze  en  406.  La  hausse  que  signalent  les 
comptes  de  la  Tholos  vient  brusquement  après  une  série  de 
cours  bas  :  elle  tient  également  à  une  catastrophe  politique 
d'Athènes  et  s'accompagne  aussi  d'une  frappe  d'or.  La  seule  date 
qui  puisse  convenir,  c'est  l'année  de  Chéronée  (338-337).  Or,  la 
hausse  du  plomb  s'est  produite  vers  la  21e année  des  travaux  de 
la  Tholos,  en  tout  cas  neuf  ans  avant  leur  achèvement.  Ces 
travaux  viennent  donc  se  placer  entre  358-357  et  329-328. 

M.  Théodore  Reinach  confirme  les  observations  de  M.  Glotz 
et  ajoute  quelques  indications  sur  la  monnaie  d'or  d'Athènes. 


171 
LIVRES  OFFERTS 


M.  Héron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie  los  brochures  sui- 
vantes dont  il  est  l'auteur  : 

1°  Les  récipients  en  pierre  en  usage  pour  les  sépultures  à  incinéra- 
tion; note  sur  une  communication  de  M.  Maurice  Hénault  extr.  du 
Bulletin  archéologique  du  Comité,  1909); 

2°  Statue  de  femme  trouvée  à  Ci/ rêne.  Musée  du  Louvre  (extr.  du 
Bulletin  archéologique  du  Comité,  1910); 

3°  Deux  enfants  de  Vaison.  Sex.  Afranius  Burrus  et  L.  Duvius 
Avitus  (extr.  du  Congrès  archéologique  de  France,  LXXVIe  session 
tenue  à  Avignon  en  1909); 

4°  Un  moulage  ancien  de  la  Vénus  d'Arles,  avec  2  pi.  et  5  fi^. 
(extr.  de  la  Bévue  de  l'art  ancien  et  moderne,  février  1912). 

Il  offre  en  son  nom  et  au  nom  de  M.  Etienne  Michon,  conservateur- 
adjoint  au  Musée  du  Louvre  : 

1°  XIII.  Musée  du  Louvre.  Département  des  antiquités  grecques  et 
romaines.  Acquisitions  de  Vannée  1 909  (extr.  du  Bulletin  de  la  Société 
nationale  des  Antiquaires  de  France,  1909); 

2°  XIV.  Musée  du  Louvre.  Département  des  antiquités  grecques  et 
romaines.  Acquisitions  de  Vannée  1910  (extr.  du  Bulletin  de  la 
Société  nationale  des  Antiquaires  de  France,  1910). 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  ensuite,  au  nom  de  M.  le  baron 
de  Baye,  un  volume  ayant  pour  titre  :  Smolensk  ;  les  origines;  Vépo- 
pée  de  Smolensk  en  1812  d'après  des  docu/nents  inédits,  avec 
XXIV  gravures  (Paris,  1912,  in-K°)  : 

«  M.  le  baron  de  Baye  est  bien  connu  de  l'Académie  par  ses 
nombreux  voyages  en  Russie  et  par  des  missions  fructueuses  dans 
ce  pays.  Dans  ce  nouveau  volume  il  expose  les  origines  et  l'histoire 
de  Smolensk.  Parvenu  à  l'époque  où  Napoléon  apparut  avec  la 
Grande  Armée  devant  cette  forteresse,  considérée  par  les  Russes 
comme  le  boulevard  et  le  palladium  de  leur  empire,  il  en  profile 
pour  retracer  en  détail  le  drame  tragique  de  la  prise  de  Smolensk. 
Au  moment  où  les  Français  pénétrèrent  dans  la  ville,  les  Russes  y 
avaient  allumé  partout  l'incendie  et  ne  laissaient  derrière  eux  que 
des  ruines;  ce  n'était  plus  qu'un  vaste  bûcher  parsemé  de  morts  et 
de  mourants.  L'auteur  a  largement  puisé  dans  les  documents  russes 
afin   d'apporter   de    nouveaux    éclaircissements   à    l'histoire    de    ers 


172  LIVRES    OFFERTS 

journées  des  16,  17  et  18  août.  C'est  à  Smolensk,  dans  l'enivrement 
même  de  la  victoire,  que  les  fautes  commises  par  Napoléon  devinrent 
irréparables.  Au  lieu  d'y  établir  ses  quartiers  d'hiver  et  d'y  préparer 
une  seconde  campagne,  l'empereur  se  laissa  entraîner  par  sa  fortune 
et  poursuivit  l'armée  russe  jusque  sur  la  route  de  Moscou.  On  sait 
quelle  fut  la  conséquence  désastreuse  de  cette  résolution.  » 

M.  Valois  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

<(  Je  suis  chargé  par  notre  confrère,  M.  le  chanoine  Ulysse  Cheva- 
lier, d'offrir  à  l'Académie  un  fascicule,  dont  il  est  l'auteur,  intitulé  : 
Chartes  de  Saint-Maurice  de  Vienne,  de  l'abbaye  de  Léoncel  et  de 
Véglise  de  Valence.  Ce  recueil  contient  un  certain  nombre  d'actes  du 
xne  et  du  xme  siècle  transcrits  d'après  deux  manuscrits  du  fonds 
Gaignières  ou  d'après  des  originaux  subsistant  dans  une  collection 
particulière,  celle  de  M.  Vital  Bérthin,  à  Beaurepaire-d'Isère.  Ce 
sont  d'utiles  compléments  au  tome  XVI  de  la  Gallia  chrisliana  et 
aux  publications  antérieures  de  M.  Ulysse  Chevalier.  » 

M.  Dieiil  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  de  la  part  des  auteurs, 
MM.  E.  Hébrard,  architecte,  ancien  pensionnaire  de  l'Académie  de 
France  à  Rome,  et  J.  Zeiller,  ancien  membre  de  l'École  française  de 
Rome,  professeur  à  l'Université  de  Fribourg  (Suisse),  l'important 
ouvrage  intitulé  :  Spalato,  le  palais  de  Dioclétien. 

«  Tout  le  monde  sait  l'intérêt  extrême  qu'offre  ce  remarquable 
monument.  Bâti  au  rivage  oriental  de  l'Adriatique,  sur  les  confins 
du  monde  oriental  et  du  monde  occidental,  il  tient  dans  l'histoire  de 
l'art  une  place  essentielle.  Encore  classique  par  certains  traits,  déjà 
pénétré  par  ailleurs  d'influences  nettement  orientales,  évoquant  par 
les  formes  de  son  architecture,  par  ses  coupoles,  ses  sculptures,  ses 
mosaïques,  le  souvenir  indiscutable  des  monuments  syriens,  le  palais 
de  Dioclétien  apparaît  comme  le  premier  monument  d'un  art  renou- 
velé. 

«  Aussi  a-t-il  de  bonne  heure  attiré  l'attention  des  voyageurs,  des 
savants,  des  artistes.  Au  xvmc  siècle  déjà,  Robert  Adam,  architecte 
anglais,  en  donnait  une  restauration  célèbre.  Pourtant  c'est  tout 
récemment  qu'à  été  entreprise  l'étude  vraiment  scientifique  du 
monument,  depuis  le  jour  surtout  où  notre  savant  correspondant 
Mgr  Bulic  s'est  attaché  à  la  conservation  des  monuments  de  Spalato; 
et  il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  que  c'est  grâce  à  sa  libérale  bien- 
veillance que  MM.  Hébrard  et  Zeiller  ont  pu  en  grande  partie  prépa- 
rer le  présent  ouvrage. 


SÉANCE    DU    31    MAI    1912  173 

«  Grâce  à  une  exploration  attentive,  souvent  pénible  et  difficile, 
des  restes  du  palais  impérial,  MM.  Hébrard  et  Zeiller,  pour  la 
première  fois,  nous  en  apportent  une  restauration  complète  et  cer- 
taine, notablement  différente  de  la  disposition  qu'on  imaginait 
jusqu'ici.  Non  seulement  les  monuments  encore  debout  ont  été  étu- 
diés avec  un  soin  minutieux  ;  mais,  en  relevant  toutes  les  traces 
éparses,  les  auteurs  ont  retrouvé  avec  précision  le  plan  même  des 
appartements  impériaux.  De  ces  campagnes  successives  est  sortie  la 
belle  restauration  du  palais  qui,  au  Salon  de  1910,  valut  à  M.  Hébrard 
la  médaille  d'honneur.  De  là  vient  le  présent  livre,  qui  s'ajoute 
dignement  à  la  belle  série  des  études  où  un  architecte  s'est  associé 
à  un  archéologue.  Vous  connaissez  les  monographies  consacrées 
ainsi  à  Olympie,  à  Kpidaure,  à  Delphes,  à  Pergame,  à  Sélinonte. 
Le  livre  de  MM.  Hébrard  et  Zeiller,  par  les  planches  qui  l'illustrent  et 
le  texte  qui  les  accompagne,  fait  bonne  figure  h  côté  de  ses  devan- 
ciers et  il  justifie  pleinement  le  concours  bienveillant  qu'à  plusieurs 
reprises,  vous  le  savez,  l'Académie  a  apporté  aux  recherches  de 
MM.  /.ciller  et  Hébrard.  » 


SÉANCE   DU   31    MAI 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

M.  Babelon  donne  communication  d'une  lettre  de  M.  J.  Tou- 
tain  qui  annonce  de  nouvelles  découvertes  archéologiques  faites 
sur  le  plateau  d'Alise-Sainte-Reine  par  la  Société  des  sciences  de 
Semur.  On  vient  de  mettre  au  jour  un  hypocauste  dont  tous  les 
appareils  sont  conservés,  une  habitation  gallo-romaine  avec  des 
débris  de  toute  sorte,  et  surtout  des  substructions  gauloises  sur 
lesquelles  s'est  élevée  la  ville  gallo-romaine.  Ces  substructions 
achèvent  de  démontrer  qu'un  oppidum  gaulois  existait  sur  le 
plateau  d'Alesia  avant  la  conquête  de  Jules  César. 

M.  Omont  communique  à  l'Académie  une  note  sur  un  petit 
manuscrit,  orné  de  miniatures,  récemment  offert  à  la  Biblio- 
thèque  nationale   par  M.  le   baron    de    Faviers.  C'est   un  résumé 


174  SÉANCE   DU  34    MAI   1912 

politique  de  l'histoire  des  rois  de  France,  de  Pharamond  à 
Louis  XII,  composé  aux  environs  de  l'an  1500  pour  justifier 
l'avènement  de  ce  dernier  prince  à  la  couronne  *. 

M.  Haussoullier  annonce  que  la  Commission  du  prix  Dela- 
lande-Guérineau  a  réparti  comme  il  suit  le  revenu  de  la  fonda- 
tion : 

800  francs  à  M.  Maurice  Brillant  pour  son  ouvrage  intitulé  : 
Les  Secrétaires  athéniens; 

400  francs  à  M.  François  Sagot,  auteur  de  l'ouvrage  intitulé  : 
La  Bretagne  romaine. 

M.  le  comte  Paul  Durrieu  entretient  l'Académie  d'un  livre 
d'Heures  de  la  Bibliothèque  nationale  (ms.  latin  1156  A)  qui  a 
appartenu  au  bon  roi  Bené.  Le  corps  de  ce  volume  est  orné  de 
miniatures  remarquables.  M.  Durrieu  établit  que  celles-ci  ont  dû 
être  exécutées  entre  1434  et  1438.  Il  indique  d'autre  part  que 
ces  miniatures  sortent  du  même  atelier  que  les  peintures  de 
plusieurs  autres  très  beaux  manuscrits  tels  que  les  Grandes 
Heures  de  Rohan  (ms.  latin  9471  de  la  Bibliothèque  nationale) 
et  les  Heures  à  l'usage  d'Angers  de  l'ancienne  collection 
Hamilton  possédées  aujourd'hui  par  M.  Martin  Le  Boy.  Enfin 
M.  Durrieu  expose  que  l'atelier  en  question  a  dû  avoir  son  prin- 
cipal siège  d'activité  à  Angers,  mais  travaillait  aussi  pour  Troyes 
en  Champagne,  et  qu'il  est  vraisemblable  que  parmi  ses  chefs  se 
trouvaient  des  peintres-enlumineurs  du  nom  de  Lescuier,  peut- 
être  d'origine  parisienne,  que  l'on  sait  avoir  opéré  simultané- 
ment à  Angers  et  à  Troyes,  et  dont  le  plus  brillant  représentant 
fut  Adenot  Lescuier,  enlumineur  en  titre  de  la  reine  Jeanne 
de  Laval,  seconde  femme  du  roi  Bené. 

M.  Maurice  Prou  donne  lecture  d'une  note  de  M.  Joseph 
Poux,  archiviste  du  département  de  l'Aude,  sur  une  vue  de 
Carcassonne  faussement  attribuée  à  l'an  1467  -. 

M.  Pottier  lit  une  étude  sur  les  Therielea  vasa,  qui  paraîtra 
dans  le  47e  fascicule  du  Dictionnaire  des  antiquités  de  M.  Saglio. 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Voir  ci-après. 


RÉSUMÉ    POLITIQUE    DE    L'HISTOIRE    DES    ROIS    DE    FRANCE       17o 

Cette  question  assez  obscure  a  déjà  fait  l'objet  de  nombreuses 
dissertations,  dont  la  plus  ancienne  a  été  présentée  à  l'Académie 
des  inscriptions  par  Larcher,  en  novembre  1778,  il  y  a  cent  trente- 
quatre  ans.  Sa  notice  a  été  imprimée  en  1786,  dans  le  tome  XLIII 
des  Mémoires  de  l'Académie.  Le  texte  d'Athénée  sur  le  Théri- 
kleios  est  assez  développé  (XI,  p.  470  à  472)  et  contient  de  nom- 
breux passages  d'auteurs,  tous  postérieurs  à  la  date  où  Ton 
place  le  potier  Thériclès,  contemporain  d'Aristophane.  Il  n'y  a 
pas  de  raisons  de  douter  des  innovations  dues  à  ce  céramiste 
dans  le  décor  des  vases,  encore  plus  que  dans  la  forme,  car  les 
descriptions  faites  s'appliquent  fort  bien  à  une  série  assez  nom- 
breuse de  vases  attiques  de  la  fin  du  ve  et  du  ive  siècle,  qui  ont 
pour  caractère  commun  de  laisser  de  côté  les  tableaux  à  person- 
nages, de  couvrir  la  poterie  presque  tout  entière  d'un  vernis 
noir  brillant  et  de  l'orner  parfois  d'une  guirlande  de  feuillages 
peints  ou  dorés.  Athénée  dit  qu'il  n'y  avait  pas  seulement  des 
coupes,  mais  aussi  des  cratères  théricléens;  c'est  ce  que  l'on 
constate  encore  dans  la  réalité.  En  somme,  l'invention  de  Théri- 
clès correspond  à  une  évolution  de  la  céramique  grecque  qui 
nous  est  connue  maintenant  par  de  nombreux  spécimens  conser- 
vés dans  les  musées.  On  tendait  de  plus  en  plus  à  imiter  la 
vaisselle  de  métal  et  ses  modes  de  décoration. 

MM.   Héron  de  Villefosse  et  Omont  sont  nommés  membres 
de  la  Commission  des   comptes. 


COMMUNICATIONS 


UN    RESUME    POLITIQUE    DE    L  HISTOIRE    DES    ROIS    DE    FRANCE 
ALT    TEMPS    DE    LOUIS    XII. 
NOTE    DE    M.    OMONT,    MEMBRE    DE    L'ACADÉMIE. 

La  Bibliothèque  nationale  vient  de  recevoir  d'un  géné- 
reux donateur,  M.  le  baron  de  Faviers,  un  petit  manuscrit, 
dont  l'Académie  me  permettra  de  lui  signaler  l'intérêt  pour 


176       RÉSUMÉ    POLITIQUE    DE    l'iIJSTOIRE    DES    ROIS    DE    FRANCE 

notre  histoire.  C'est  un  résumé  de  l'histoire  des  rois  de 
France,  depuis  Pharamond  jusqu'à  Louis  XII,  rédigé  sans 
doute  au  lendemain  de  l'avènement  de  ce  dernier  prince 
et  pour  justifier  son  accession  à  la  couronne. 

Un  opuscule  composé  dans  le  même  but,  Y  Abrégé  des 
chroniques  de  France,  dédié  à  Anne  de  France,  duchesse 
de  Bourbon,  par  Regnault  Havard,  a  été  offert  en  1733  à  la 
Bibliothèque  du  roi  par  un  de  nos  anciens  confrères,  Antoine 
Lancelot1.  Le  petit  volume  donné  ces  jours  derniers  par 
M.  le  baron  de  Faviers  paraît  bien  lui  aussi  avoir  été  exé- 
cuté pour  un  prince  ou  une  princesse  de  la  maison  de 
France.  Il  ne  porte  aucun  nom,  ni  aucune  dédicace,  mais  la 
présence  des  armes  de  France,  peintes  au  bas  du  fol.  v, 
ainsi  que  l'élégance  de  son  exécution  permettent  de  lui 
attribuer  une  semblable  origine  2. 

L'auteur  anonyme  de  ce  petit  volume  s'est  appliqué  à 
donner  pour  la  suite  des  rois  de  France  de  courtes  notices, 
rédigées  invariablement  sur  le  même  plan.  Après  avoir 
rappelé  le  nom  du  roi  et  celui  de  son  père,  il  ajoute  les 
dates  de  son  avènement  et  de  sa  mort,  puis  donne  en  une 
page  la  caractéristique  et  le  résumé  des  événements  princi- 

1.  Ms.  4517  des  nouvelles  acquisitions  du  fonds  français.  Dérobé  à  nos 
collections  nationales  dans  la  première  moitié  du  xix°  siècle,  ce  volume  est 
du  nombre  de  ceux  dont  on  doit  le  retour  aux  habiles  et  persévérants 
efforts  de  notre  regretté  confrère  L.  Delisle;  voir  Catalogue  des  manu- 
scrits des  fonds  Libri  et  Barrois  (1888,  p.  253-254).  —  Un  petit  résumé  histo- 
rique du  même  genre,  offert  par  Jean  de  Candida  à  Charles  VIII,  encore 
sous  la  régence  de  sa  sœur,  Anne  de  France,  dame  de  Beaujeu,  est 
conservé  à  la  Bibliothèque  nationale  sous  le  n°  10909  du  fonds  latin. 

2.  Ms.  11.119  des  nouvelles  acquisitions  du  fonds  français.  Parchemin, 
xlviii  feuillets.  146  mill.  sur  100.  Rel.  anc.  maroquin  rouge,  avec  fleurs  de 
lis  au  dos.  Ex-libris  impr.  du  baron  de  Lambert. 

Miniatures  avec  encadrement  :  Fol.  1.  Couronnement  de  Pharamond. — 
Fol.  5.  Baptême  de  Clovis:  S.  Liénard  [Léonard  de  Noblat]  y  est  figuré, 
contrairement  à  la  légende,  tenant  Clovis  sur  les  fonts.  —  Fol.  xxxi  v". 
S.  Louis  servant  les  pauvres  à  table.  —  Fol.  xliii  v".  Louis  XII  avec 
le  sceptre  et  la  main  de  justice.  — Aux  fol.  xlv-xlviii  est  une  table,  avec  ce 
titre:  «  Les  noms  des  Roys  de  la  trescrestienne  maison  de  France.  » 


RÉSUMÉ    POLITIQUE    DE    L'HISTOIRE    DES    ROIS    DE    FRANCE       177 

paux  de  chaque  règne.  A  Pharamond  il  rapporte  l'institu- 
tion de  la  loi  salique  ;  pour  Dagobert  Ier,  il  ne  rappelle  que 
ses  donations  à  l'abbaye  de  Saint-Denys  ;  en  Charlemagne 
il  ne  voit  que  «  le  bras  droit  de  l'Eglise  »,  auquel  les  papes 
ont  concédé  de  nombreux  privilèges,  et  en  saint  Louis  que 
le  constructeur  de  la  Sainte-Chapelle,  où  ce  roi  dépose  les 
reliques  de  la  Passion.  On  n'y  trouve  aucune  allusion  à  la 
folie  de  Charles  VI,  et  le  nom  de  Jeanne  d'Arc  n'est  pas  cité 
dans  la  notice,  cependant  très  précise,  consacrée  au  règne 
de  Charles  VII. 

Il  suffira,  pour  faire  apprécier  le  caractère  et  l'intérêt  de 
ce  petit  volume,  de  reproduire  ici  les  quelques  extraits  sui- 
vants, relatifs  aux  règnes  de  Pharamond,  Clovis  Ier,  Dago- 
bert  Ier,  Charlemagne,  Philippe  II  Auguste,  Louis  IX, 
Charles  V  et  ses  successeurs. 

Pharamon.  (Fol.  i.) 

Pharamon,  filz  de  Marchomires,  duc  el  seigneur  des  François, 
l'ut  esleu  roy  de  France  l'an  imc  xix.  et  deceda,  payen,  comme 
son  père,  le  XIe  an  de  son  règne  Tan  imc  xxx. 

Ledit  roy  Pharamon  fut  preux  et  vaillant  en  armes  et  gou- 
verna moult  noblement  le  royaume  selon  la  loy  qu'il  tenoit.  Il 
se  tint  en  Germanie  et  abaissa  fort  la  domination  et  force  des 
Romains,  qu'ilz  avoient  en  France.  Soubz  luy  commencèrent 
les  Françoys  a  ordonner  et  user  de  loix  pour  juger  les  causes 
des  questions  et  debatz  qui  sourvenoient  entre  eulx  et  ordon- 
nèrent quatre  nobles  saiges  barons  François,  qui  instituèrent  la 
loy  salicque  et  des  lors  fut  ordonné  que  jamais  lille  ne  succedc- 
roit  ou  règne  ne  ou  royaulme. 

Clovis  premier.  (Fol.  v.) 

Clovis,  tilz  du  roy  Childeric,  fut  le  premier  roy  chreslien 
l'an  iiij''  m"  iiij.  et  deceda  le  xxx*'  an  de  son  règne,  l'an  cinq 
cens  xmj. 

Ledit  roy  Clovis  estant  lors  payen  ot  bataille  à  l'encontre  des 


178       RÉSUMÉ    POLITIQUE    DE    l'hISTOIRE    DES    ROIS    DE    FRANCE 

Alemans  et  luy  voyant  qu'il  estoit  le  plus  foible  et  désespérant 
de  la  victoire  avoir,  commença  a  invocquer  et  requérir  le  Dieu 
que  la  royne  Clote,  sa  compaigne,  crovoit  et  adoroit,  luy  pro- 
mettant que  s'il  luy  aidoit,  qu'il  se  feroit  chrestien.  Et  ce  dit, 
Xostre  Seigneur  Jhesu  Christ  exaulsa  sa  prière  et  luy  donna 
victoire  à  l'encontre  desdits  Alemans,  qui  s'enfouyrent  après  ce 
que  leur  roy  fut  occis.  Et  au  retour  de  ladite  bataille  il  fut 
baptizié,  le  xve  an  de  son  règne,  l'an  iiijc  mj"  xix,  par  saint 
Remy,  arcevesque  de  Reins;  et  en  le  baptizant  le  saint  Esperit, 
en  semblance  de  coulon,  apporta  en  son  bec  la  saincte  onction 
du  ciel,  dont  il  fut  enoinct.  Il  fonda  à  Paris  l'église  de  saint 
Pierre  et  saint  Pol,  a  présent  appelée  sainte  Geneviefve. 

Dagobert  premier.      Fol.    IX.) 

Dagobert  premier  de  ce  nom,  filz  du  roy  Clotaire  ije,  fut  roy 
l'an  vie  xxxj  et  deceda  le  xiiije  an  de  son  règne,  l'an  vic  xlv. 

Ledit  roy  Dagobert  feist  lever  de  terre  le  corps  de  saint  Denis 
et  ses  compaignons  Ruth  et  Eleuthere,  qui  lors  estoient  en 
l'église  de  saint  Denis  de  l'Estrée  en  France,  et  feist  construire 
l'église  et  abbaye  ou  ils  sont  de  présent,  qui  y  furent  mis  et 
transportez  a  grande  solennité,  laquelle  Xostre  Seigneur  dédia 
en  personne.  Il  feist  faire  par  saint  Eloy,  evesque  de  Xoyon, 
une  croix  d'or,  qui  est  de  sumptueulx  et  riche  ouvraige,  qu'il 
donna  a  ladicte  église,  et  la  fonda  et  dota  de  plusieurs  bonnes 
rentes,  revenues  et  possessions. 

Charlemaine.  (Fol.  XVII  v°.) 

Charleniaine,  filz  du  roy  Pépin,  fut  roy  l'an  vijc  lxvnj.  et 
empereur  l'an  vnjc,  et  deceda  le  xlvje  an  de  son  règne,  l'an  vujc 
xnij.  et  de  son  empire  le  xmje,  en  l'aaige  de  lxxij.  ans. 

Ledit  roy  Charlemaine  a  tousjours  esté  le  bras  dextre  de 
l'Eglise  et  en  son  temps  feist  quatre  voyaiges  a  Homme  pour  la 
conservation  des  droictures  de  l'Eglise  et  pour  donner  ayde  et 
secours  aux  sainctz  Pères  en  leurs  neccessitez  et  tribulations.  Et 
y  fut  couronné  empereur  le  jour  de  la  Nativité  Xostre  Seigneur, 
l'an  vnjc  par  le  pape  Léon  nje,  qu'il  remisl  en  son  siège  papal. 


RÉSUMÉ    POLITKjlE    DE    L'HISTOIRE    DES    ROIS    DE    FRANCE       479 

dont  il  avoit  esté  desmis.  Et  furent  donnez  audit  Charlemaine 
plusieurs  beaulx  previleiges,  dont  ses  successeurs  roys  jouyssent. 

PlIELIl'PE    DlEUDONNÉ.     (Fol.     XXIX    V°.) 

Phelippe  deuxième  de  ce  nom,  dit  Dieudonné  Auguste  et  le 
conquérant,  fdz  du  roy  Loys  le  pileux,  fut  coronné  roy  du 
vivant  de  son  père  Tau  mil  cent  lxxix.  et  deceda  le  xlmj''  an  de 
son  règne  mil  ijc  xxiij. 

Ledit  roy  Phelippe  fut  fort  chevalereux;  il  eut  victoire  au 
pont  a  Bovines  en  Flandres,  a  rencontre  de  Othon,  lors  privé  de 
l'Empire,  et  Ferrant,  conte  dudit  pays  de  Flandres.  Il  y  feist  de 
grandes  vaillances  de  sa  personne  et  se  mist  tout  le  premier  ou 
front  de  la  bataille,  et  fut  abatu  par  terre  de  dessus  son  cheval 
par  les  gens  de  pie  et  depuis  remonté  sur  ung  destrier  fort 
legierement.  11  feist  amener  ledit  Ferrant  prisonnier  en  la  grosse 
tour  du  Louvre  à  Paris,  ou  il  fut  xmj.  ans  en  une  chappe  de 
plomb.  Pour  mémoire  de  laquelle  victoire,  et  aussi  de  celle  que 
son  filz  ainsné  Loys  ot  en  Anjou,  ce  mesme  jour,  a  l'encontre 
du  roy  Jehau  d'Angleterre,  ledit  roy  Phelippe  fonda  l'abbaye  de 
la  Victoire  près  Senlis. 

Sainct  Loys.  (Fol.   xxxi  v°.) 

Sainct  Loys,  fils  du  roy  Loys  dit  Léon,  fut  roy  mil  ijc  xxvj. 
et  deceda  le  xlmje  an  de  son  règne  mil  ijc  lxx. 

Ledit  sainct  Loys  acomplist  en  son  temps  toutes  les  euvres  de 
miséricorde  et  feist  faire  la  Saincte  Chappelle  en  son  palais  à 
Paris  pour  y  mettre  la  saincte  couronne,  dont  Nostre  Seigneur 
fut  couronné,  et  autres  sainctes  relicques  de  sa  passion,  qu'il 
pourchassa  et  désengagea  envers  l'empereur  Baudouyn  de 
Constantinoble,  qui  estoit  venu  devers  luy  pour  avoir  secours 
pour  la  deffence  de  la  Terre  saincte. 

Charles    le  quint.   (Fol.   xxxvm.) 

Charles  cinquiesme  de  ce  nom,  dit  le  saige,  filz  aisné  du  roy 
Jehan,  fut  roy  l'an  mil  nj°  lxmj.  et  deceda  le  xvij8  an  de  son 
règne  l'an  mil  iijc  mj". 

1912.  |3 


180       RÉSUMÉ    POLITIQUE  DE    L'HISTOIRE    DES    110IS    DE    FRANCE 

Ledit  roy  Charles,  par  sa  grant  prudence  et  conduicte  bien 
ordonnée,  feist  en  son  temps  six  choses  particulières,  dignes  de 
mémoire.  Il  acquesta,  ediffîa,  fonda  son  demaine,  deschargea, 
batailla  et  thesauriza  au  prouffit  et  honneur  de  la  couronne  de 
la  treschrestienne  maison  de  France.  Et  est  celuy  dont  le  roy 
d'Angleterre,  Kddouart  de  Widesore,  son  ennemy,  disoit  souvent 
ces  motz  :  «  Il  n'y  ot  oncques  mais  roy  qui  moins  se  armast,  et 
si  n'y  ot  oncques  roy  qui  tant  de  peine  me  donnast.  »  Il  disoit 
vray,  car  par  sa  grant  prudence  et  bonne  chevalerie  il  le  chassa 
du  tout  hors  du  royaulme  de  France. 


Charles  VIe.   (Fol.   xxxix.) 

Charles  vje  de  ce  nom ,  cl i t  le  bien  aymé.  filz  aisné  du  roy 
Charles  le  quint,  fut  roy  mil  iijc  iiijvx.  et  deceda  le  xlnje  an  de 
son  règne  mil  iijc  xxij. 

Ledit  roy  Charles  vje,  a  la  prière  et  requeste  de  son  cousin 
Loys,  conte  de  Flandres,  alla  a  grant  ost  oudit  pays  de  Flandres 
pour  la  rébellion  que  les  Flamens  faisoient  audit  conté  et  y 
porta  rauritlambe,  dont  avoit  la  charge  messire  Pierre  de 
Villiers,  laquelle  il  feist  desployer  sur  lesdits  Flamens  a  Rose- 
becque,  et  incontinant  le  temps  qui  avoit  es^é  v.  ou  vj.  jours 
fort  trouble  et  obscur  devint  bel  et  cler,  si  que  les  batailles  se 
entreveirént  et  s'approchèrent,  ou  il  y  ot  dure  bataille  et  aspre, 
et  furent  lesdits  Flamens  desconfitz  et  leur  cappitaine  Jacques 
d'Artevelle  mort,  et  y  en  demoura  au  champ  quarante  mille 
Flamens  mors  et  occis. 

Charles  vije.   (Fol.   xL) 

Charles  vije  de  ce  nom,  dit  le  bien  servy,  filz  du  roy  Charles  \ y ', 
fut  roy  mil  mjc  xxij.  et  deceda  le  xxixe  an  de  son  règne 
mil  mjc  lxj. 

Ledit  roy  Charles  vije  trouva  son  royaulme  bien  empeschié  de 
ses  anciens  ennemys  les  Angloys,  mais  par  l'ayde  divin  et  de  sa 
bonne  chevalerie  il  les  en  chassa  dehors  et  a  diverses  foiz  en 
feist  grande  occision,  et  entre  autres  ou  siège  d'Orléans  a  la 
journée  de  Patay,  ou  Talbol  fut  prins,  ou  siège  de  Laigny  sur 


RÉSUMÉ    POLITIQUE    DU    L'HISTOIRE    DES    ROIS    DU    FRANCE       181 

Marne,  à  Gerberoy,  ;i  la  prinse  et  reducion  de  sa  bonne  ville 
et  cité  de  Paris,  ou  siège  de  Pontoise,  a  la  conqueste  du  pays  et 
duchié  de  Normandie,  a  Fremigny,  a  la  conqueste  de  Guyenne 
première  et  seconde,  a  la  journée  de  Castillon  et  a  maintes 
autres  prinses  de  villes,  places,  forteresses  et  cbasteaulx,  et 
tellement  qu'il  laissa  a  son  decés  son  royaulme  en  aussi  bonne 
paix,  justice  et  tranquilité  qu'il  l'eust  depuis  le  roy  Glovis 
premier  chrestien. 

LOYS    LE    VICTORIEUX.     (Fol.     XLI.) 

Loys,  dit  le  victorieux,  filz  du  roy  Gliarles  vij'',  fut  roy 
mil  mjc  lxj.  et  deceda  le  xxiij8  an  de  son  règne  mil  cccc  hij""  m. 

Ledit  roy  Loys  par  sa  grant  prudence  se  deffendit  de  la  plus 
part  des  prjnces  et  seigneurs  de  France,  qui  en  l'an  mil  iiij(  lxv. 
se  esleverent  a  l'encontre  de  lui  et  le  vindrent  assiéger  dedans 
sa  bonne  ville  et  cité  de  Paris,  capital  de  son  royaulme,  ou  ilz 
furent  longuement  a  grande  et  merveilleuse  puissance,  et  telle- 
ment qu'ilz  s'en  allèrent  et  retournèrent  chacun  en  son  pays  a 
grant  perte  et  dommaige  de  leurs  gens.  Et  aussi  chassa  les 
Angloys  qui  estoient  descenduz  en  son  pays  de  Picardie  et  s'en 
retournèrent  sans  y  mal  faire  en  Angleterre. 


Charles  viij".   (Fol.   xlii.) 

Charles  viij1'  de  ce  nom,  lilz  du  roy  Loys  le  victorieux,  fut  roy 
mil  ni]1'  iiijxv  trois,  et  deceda   le   xve  an   de   son    règne   l'an  mil 

iiij'-   [II]"  XVI] . 

Ledit  roy  Charles  a  par  son  bon  conseil  regy  et  gouverne''  son 
royaulme  et  ses  subgetz  en  bonne  paix  et  a  chassie  les  Anglois 
descenduz  en  son  royaulme  près  Bouloigne  sur  la  mer,  et  aussi 
a  passé  les  monts,  a  grande  chevalerie  et  puissance  d'armes,  et 
a  conquis  et  mis  en  son  obéissance  son  royaulme  de  Cecille, 
puis  retourné  en  France  par  Lombardie  et  résisté  à  tous  ses 
ennemys  estans  en  grant  nombre,  luy  empeschanl  passai ge. 
Puis  alla  remereyer  le  glorieux  appostre  de  France  monseigneur 
saint  Denis  et  remettre  les  corps  sainclz  de  lui  et  de  ses  compai- 
gnons   en  leurs    anciens   lieux,    donl    il/,   avoient    esté   ostez    et 


182  VUE    DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A    LAN    1467 

apportez   sur  le  grant    autel    du   cuer    de   l'église  durant  son 
voyaige  de  la  les  mons. 

Loys  d'Orléans  régnant.   (Fol.  xliii  v°.) 

Loys  d'Orléans,  lilz  de  Charles,  duc  d'Orléans,  descendu  de 
père  a  lîlz  du  roy  Charles  le  quint,  fut  roy  l'an  mil  injc  iiij"'xyij. 
et  règne  a  présent. 


UNE  VUE  DE  CARCASSONNE   FAUSSEMENT    ATTRIBUÉE   A   L'AN    1467, 

PAR    M.    JOSEPH    POUX. 

Le  Département  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale conserve,  sous  la  cote  Va  17,  fol.  26  *,  un  dessin  à  la 
plume  relevé  d'un  «  coloriage  lavé  à  la  colle  » 2  représen- 
tant une  vue  perspective  des  deux  consulats  de  Garcas- 
sonne  (Cité  et  Bourg)  et  le  Moulin  du  Roi.  construit  sur  la 
rivière  d'Aude,  au  pied  du  talus  occidental  de  la  Cité. 

Mahul,  qui  fait  figurer  la  pièce  dans  la  nomenclature  des 
titres  relatifs  au  moulin,  lui  assigne  pour  date  l'année  1467 
et  reproduit  la  rubrique  inscrite  au  dos  de  la  pièce  :  Le 
moulin  de  Carcassonne  en  figure.  Il  ajoute  que  la  suite  de 
la  «  légende  »,  tracée  «  en  caractères  de  l'époque  »,  expose 
que  le  18  mai  1467.  le  procureur  et  l'avocat  du  roi  se 
transportèrent  au  moulin  pour  faire  procéder  à  la  rédaction 
d'un  état  de  réparations  des  bâtiments. 

Vingt  et  un  ans  avant  l'apparition  du  tome  V  du  Cartu- 
laire  d'où  sont  extraits  les  détails  ci-dessus,  Cros-Mavre- 
vieille.avait  donné  une  copie  en  réduction  de  la  pièce  (1846). 
La  publication  avait  à  cette  époque  tout  l'attrait  de  l'inédit, 
car  l'excellent  archéologue  venait  de  découvrir  l'original  du 
Cabinet  des  Estampes  et  en  avait  le  premier  relevé  la  cote 

1.  Topographie  de  la  France  :  Aude. 

2.  Mahul,  Cartulaire  et  archives  des  communes  de  l'ancien  diocèse  et  de 
l'arrondissement  administratif  de  Carcassonne,  Paris,  1867,  t.  V.  p.  Toi. 


VUE    DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A    l'an    1 4T)7  183 

sur  les  anciens  inventaires,  où  il  figurait  sous  le  n°  7402, 
fol.  40.  La  planche  insérée  en  tête  du  tome  Ier  de  Y  Histoire 
du  comté  et  de  la  vicomte  de  Carcassonnc  1  est  une  litho- 
graphie signée  par  Certain,  de  Carcassonne.  Elle  mesure 
2g5 mm  (je  largeur  sur  lS3mm  de  hauteur'2,  et  mentionne 
dans  le  coin  inférieur,  à  gauche,  un  peu  au-dessous  du 
double  fdet  de  l'encadrement,  le  numéro  d'inscription  du 
modèle  au  dépôt  d'origine  3.  La  planche  est  accompagnée 
d'une  légende  tracée  dans  le  champ  de  la  marge  inférieure  : 
La  Cité  et  le  Bourg  de  Carcassonne  en  MCCCCLXVII. 
Cette  reproduction  n'est  pas,  à  proprement  parler,  un  fac- 
similé.  Son  développement  est  égal  au  tiers  à  peine  de  la 
surface  totale  de  l'original.  Limitée  en  outre  aux  détails 
essentiels,  elle  n'est,  à  vrai  dire,  qu'un  simple  croquis  au 
trait,  sans  ombres  ni  hachures,  donnant  la  silhouette  géné- 
rale, les  contours  apparents  des  ouvrages  et  édifices. 

Ce  qui  laisse  à  supposer  que  Mahul  avait  reconnu  les 
lacunes  de  cette  édition,  c'est  qu'il  confia  à  un  second 
artiste  carcassonnais,  Ch.  Falip,  le  soin  d'exécuter  une 
nouvelle  planche  lithographique  pour  la  2e  partie  du  tome  VI 
de  son  Cartulaire,  éditée  en  1883  par  V.  Didron  et  Dumou- 
lin 4.  Falip  adopta  pour  son  œuvre  une  échelle  correspon- 
dant, à  peu  de  chose  près,  à  la  moitié  des  dimensions  de 
la  feuille  du  Cabinet  des  Estampes  •"'.  Dans  l'exécution,   il 

1.  Paris,  J.-B.  Dumoulin,  1846,  in-8°. 

2.  Ces  mesures  sont  prises  sur  l'encadrement  :  avec  les  marges,  la 
planche  mesure  31"  X  237  ,nm. 

3.  Bibliothèque  Royale;  Estampes,  n°  7402,  f°  40.  —  M.  l'abbé  Sabarthès 
reproduit  cette  cote  en  substituant  par  erreur  lig.  4  à  f °  40 (Bibliographie  de 
VAude,  n°  879,  dans  Bulletin  de  lu  Commission  archéologique  de  Narbonne, 
t.  XII,  1912-1013,  p.  94). 

4.  Cette  planche  est  encartée  entre  les  pages  364  et  365.  —  Un  nouveau 
tirage  de  la  planche  établie  par  Falip  est  placé  en  tête  de  l'ouvrage  de 
Louis  Fédié,  Histoire  de  Carcassonne,  Ville  basse  et  Cité  (Carcassonne, 
F.  Pomiès,  s.  d.,  in-8°). 

5.  Soit  363  X  190""",  mesures  prises  sur  le  premier  filet  de  l'encadrement 
intérieur;  la  feuille,  marges  comprises,  a  120  sur  26i""n. 


184  VUE    DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A    LAN    1  4G7 

prit  soin  d'accentuer  le  relief  de  l'image  par  l'emploi  de 
hachures  et  de  menus  traits  qui  expriment  les  ondulations 
du  sol,  la  fuite  des  eaux  courantes  ;  il  distingua  au  moyen 
de  légers  quadrillés  les  ombres  des  jours,  et  différencia  par 
un  procédé  analogue  les  surfaces  en  toiture  du  corps  des 
édifices. 

On  ne  saurait  regarder  comme  une  troisième  édition  la 
minuscule  vignette  qui  illustre  le  double  tirage  du  livre  de 
M.  Victor  Boyer1.  Ce  n'est  qu'un  extrait,  assez  fidèlement 
emprunté  par  M.  G.  Plauzolles,  à  la  planche  de  Ch.  Falip  2. 
Malheureusement  le  tirage  typographique  a  aggravé  certains 
défauts  du  modèle,  en  sorte  que  ce  dessin  n'offre  plus 
qu'une  assez  lointaine  ressemblance  avec  le  prototype  pari- 
sien. 

Ainsi  diversement  tronqué,  voire  défiguré,  le  plan  de  la 
Bibliothèque  nationale,  connu  uniquement  par  les  éditions 
que  je  viens  d'énumérer,  n'en  a  pas  moins  constitué,  de 
4846  à  nos  jours,  l'une  des  pierres  d'assise  des  discussions 
nombreuses  auxquelles  l'étude  de  la  Cité  a  donné  lieu. 
Récemment  encore,  le  service  des  Monuments  historiques 
s'est  formellement  autorisé  de  cette  pièce  pour  rétablir  dans 
le  soi-disant  style  du  xme  siècle  la  couverture  des  tours  de 
l'enceinte  extérieure3.    Les   protestations   élevées  de  tous 

1.  La  Cité  de  Carcassonne,  Paris,  Georges  Chamerot,  1884,  in-8°;  — 
Carcassonne,  E.  Roudière,  1902,  in-8°.  Le  dessin  (p.  26  de  la  lre  édition, 
p.  28  de  la  seconde)  n'a  que  140  sur  65""". 

2.  L'extrait  comprend  seulement  la  Cité,  le  Pont  et  le  Moulin  du  Roi.  La 
légende  est  ainsi  conçue  :  Cité  et  Pont.  D'après  un  plan,  dessin  de  1467. 

.'5.  Cf.  à  ce  sujet  les  déclarations  faites  à  la  Société  des  arls  et  sciences 
de  Carcassonne,  le  2  mai  1909,  par  M.  Vassas,  architecte  délégué  par  le 
Gouvernement  à  la  surveillance  des  travaux  de  la  Cité.  Au  cours  de  la 
séance,  M.  Rouiïet  s'exprima  clans  les  termes  suivants  sur  le  dessin  en 
question  :  «  S'il  est  un  document  peu  probant  et  d'une  valeur  tout  au  moins 
douteuse,  c'est  bien  ce  plan  de  1467,  qui  n'est  qu'une  image  dont  l'auteur 
n'avait  peut-être  bien  jamais  vu  notre  Cité.  Toutes  les  tours  y  sont  repré- 
sentées avec  des  toits  pointus,  et,  chose  bizarre,  la  basilique  de  Saint - 
Nazaire  est  couverte  en  dôme,  ce  qui,  on  peul  L'affirmer,  est  de  pure  fan- 
taisie.  »  Mémoires  de  la  Société  des  arls  et  sciences  de  Carcassonne, 
2"  série,  t.  VI,  L910,  p.  I*. 


VUE    DE    CARCASSONNE    ATTHIHl'ÉE    A    l'an    1  107  185 


; 
i-  :  I  :Si.i 

min 

[Il  Util 


■Si 

CJ 

2 

a. 

? 

C3 

o 

« 

C 

t/î 

; 

C/J 

i  ^ 

tfj 

rrt 

- 

£ 

ce 

" 

U 

ri 

o 

K 

— 

6C 


186  VUE    DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A    l'an    1467 

les  côtés  contre  cette  nouvelle  hardiesse  des  architectes 
ne  pouvaient  manquer  d'aboutir  à  une  enquête  approfondie 
sur  la  date  et  les  origines  d'un  document  auquel  on  atta- 
chait, dans  les  milieux  officiels,  une  si  haute  valeur  pro- 
bante. Des  recherches  ont  été  effectuées  à  Paris,  non  sans 
succès,  par  M.  Pierre  Embry,  auquel  MM.  les  fonction- 
naires de  la  Bibliothèque  nationale  ont  prêté  leur  concours 
bienveillant  et  empressé  '  ;  en  voici  les  résultats. 

Le  dessin  qui  nous  occupe  s'étale  sur  toute  la  surface 
dune  feuille  rectangulaire  dont  la  largeur  (820 mm)  atteint 
presque  le  double  de  la  hauteur  (422  nim)  (%.  1)  2. 

Cette  feuille  est  collée  sur  une  garde  moderne  en  papier 
fort,  dans  laquelle  on  a  pris  soin  de  ménager  une  échan- 
crure3  pour  démasquer  l'inscription  suivante  tracée,  au 
verso,  à  même  la  feuille  de  dessin  :  Le  moulin  de  Car™ 
en  figure.  Le  calque  que  j'ai  sous  les  yeux  ne  permet 
pas  d'assigner  à  cette  rubrique  une  époque  antérieure  à 
l'extrême  fin  du  xvie  siècle  ni  postérieure  au  second  tiers 
du  xviie  (fig.  2)4.  C'est  aussi  au  xvir9  siècle  qu'appar- 
tiennent le  millésime  1462  en  chiffres  arabes  qui  se  lit  dans  le 
coin  supérieur  gauche  du  recto,  ainsi  que  le  mot  Carcassonne 
qui  fait  pendant  au  millésime  dans  l'angle  supérieur  droit. 
Dans  un  espace  libre,  au  bas  et  à  droite  de  la  feuille,  l'œil 
est  attiré  par  huit  lignes  d'écriture  :\  tracées  indubitable- 
ment par  un  scribe  du  xve  siècle  (fig.  3)  : 

Le  XXVIIIe  jour  de  may  mil  CCCCLXII,  messires  les 
seneschal,  trésorier,   advocat  et   procureur  du  Roy,  juge 

1.  Je  suis  personnellement  heureux  de  remercier  ici  mes  très  obligeants 
confrères  MM.  Courboin,  conservateur,  Aubert,  bibliothécaire  au  dépar- 
tement des  estampes,  et  Couderc,  conservateur  adjoint  au  département 
des  manuscrits. 

2.  La  planche  n'a  pas  de  marges. 

3.  LYchanorure,  en  forme  de  rectangle  barlong.  a  125"""  de  long  sur  26""" 
de  haut. 

4.  C'est  aussi  l'opinion  de  M.  Couderc. 
b.  Cursive  menue  et  régulière. 


VUE    DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A    LAN    1407 


187 


ordinaire  et  autres  de  la  seneschaucée  de  Garcassonne, 
acompaignez  des  maistres  des  euvres  et  autres  ouvriers  de 
lad.  seneschaucée,  se  transportèrent  au  molin  du  Koy 
assiz  dessoub/.  la  cité  de  Garcassonne  en  la  rivière  d'Aude, 


!      * 

i    3 

'■(fi 

;  _^ 

s 

o 

es 
bfc 


4tâ 


Ntf 


m*c 


viïjj-^ 


près  et  devant  le  boluart  du  chastel  d'icelle  cité,  pour 
veoir  et  visiter  lesd.  molin  s,  afin  de  savoir  les  reparacions 
qui  y  sont  neccessaires.  Lesquelz  maistres,  tout  veu  et 
visité,  ont  dit  et  rapporté  esd.  niolins  estre  neccessaire  à 
faire  les  reparacions  qui  s'ensuivent. 


188  VUE    DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A    LAN    1467 

Dès  les  premiers  mots,  on  s'étonne  de  l'obstination 
malheureuse  qui,  dans  deux  éditions  consécutives  et  à  près 
de  quarante  ans  d'intervalle,  a  fait  substituer  indûment  à 
la  date  exprimée  la  date  erronée  de  1467,  car  en  admettant 
que  Cros-Mayrevieille  et  Mahul  aient  commis  l'imprudence 
de  s'en  rapporter  sur  ce  point  au  témoignage  de  tiers  médio- 
crement instruits  de  la  paléographie  du  moyen  âge,  ceux-ci, 
du  moins,  ne  pouvaient  éprouver  aucun  embarras  à  lire  la 
date  1  462,  inscrite  en  chiffres  modernes  au  recto  de  l'ori- 
ginal. 

Autre  remarque.  Il  convient  assurément  de  se  montrer 
indulgent  pour  la  seconde  erreur  où  tombe  Mahul  quand  il 
laisse  entendre  *  que  l'inscription  du  verso  et  «  le  reste  de 
la  légende  »  sont  de  la  même  main;  pourtant,  on  est 
bien  forcé  de  taxer  cet  auteur  d'imprécision,  lorsque,  au 
cours  de  l'analvse  de  la  relation  consacrée  à  la  visite  du 
moulin,  il  omet  de  mentionner,  aux  côtés  du  procureur  et 
de  l'avocat  du  roi,  deux  autres  dignitaires  :  le  trésorier  et 
le  juge  ordinaire,  plus  les  maîtres  d'oeuvres,  leurs  compa- 
gnons, et  le  sénéchal  lui-même  qui  n'était  cependant  pas, 
dans  l'espèce,  le  plus  mince  personnage-. 

Toutefois  ces  critiques  de  détail  n'entraîneraient  pas  la 
condamnation  définitive  de  Cros-Mayrevieille  et  Mahul,  si 
un  fait  irrécusable  ne  venait  attester  qu'en  attribuant  au 
XVe  siècle  une  œuvre  qui  appartient  manifestement  au 
xvne,  les  deux  érudits  se  sont  mépris  entièrement.  L'erreur 
est  même  si  brutale  qu'elle  ne  peut  être,  à  mon  sentiment, 

1.  Mahul  n'est  pas  strictement  affirmât  if,  mais  voici  comment  il 
s'exprime  :  «  On  trouve  la  vue  perspective  du  Moulin  du  Roy  à  cette  date 
[1  «67]  avec  cette  légende  :  «  Le  moulin  de  Carcassonne  en  figure.  »  Le  reste 
de  la  légende,  en  caractères  de  l'époque,  dit  etc.  »  Cartulaire,  t.  V,  p.  734. 

2.  A  en  juger  par  le  tour  de  la  rédaction.  Mahul  pourrait  bien  n'avoir 
oumu  le  texte  en  question  qu'à  travers  une  analyse  ancienne  et  tronquée  : 
«  ...  il  y  eut,  dit-il.  transport  du  procureur  et  de  l'advocat  du  Roy,...  afin 
de  savoir  les  réparations  qui  y  sont  nécessitées...  •>  C'est  là  un  style 
bizarre  et  incontestablement  archaïque.  Ne  Berions-nous  pas  en  présence 
d'une  simple  transcription  décote.' 


VUE'   DE    CARCASSONNE    ATTRIBUÉE    A     LAN    1 407  189 

que  le  résultat  d'une  mystification.  Avec  tout  le  respect 
qui  s'attache  à  la  réputation  de  probité  des  deux  auteurs, 
je  crois  pouvoir  affirmer  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'a  eu  en 
mains  l'original  qu'il  croyait  de  bonne  foi  reproduire'. 

Qu'on  veuille  bien  se  reporter  à  la  légende  du  verso  et  à 
la  double  inscription  de  la  partie  supérieure  du  recto.  J'ai 
déjà  dit  que  les  caractères  de  l'écriture  inclinaient  l'obser- 
vateur à  dater  le  document  du  xvne  siècle.  Cette  impression 
n'est  pas  détruite  par  l'examen  de  la  pseudo-légende  du 
28  mai  1462.  Etrange  légende,  en  vérité,  ce  préambule  qui 
s'interrompt  brusquement  sur  l'annonce  d'une  suite  :  Les- 
quels maistres,  tout  veu  et  visité,  ont  dit  et  rapporté  esd. 
molins  estre  neccessaire  à  faire  les  reparacions  qui  s'en- 
suivent  Et  effectivement,  nous  nous  trouvons  en  présence 

d'un  lambeau  de  texte  détaché  à  coups  de  ciseaux  d'un  acte 
étranger  et  appliqué,  sans  plus  d'apprêt,  contre  l'image. 
La  superposition  apparaît  très  nettement  sur  le  facsimilé 
photographique  de  M.  Pierre  Embry.  On  n'a  pas  de  peine  à 
suivre  des  yeux,  sur  les  quatre  côtés,  la  bordure  de  la  bande 
rectangulaire  du  xv°  siècle  habilement  collée  ;  on  observe, 
au-dessous  du  champ  de  l'inscription,  l'interruption  anor- 
male de  la  surface  coloriée  avec  les  points  de  raccord;  on 
distingue  enfin  le  grain  différent  des  papiers. 

Une  surcharge  aussi  manifeste  ne  saurait,  en  bonne  cri- 
tique, passer  pour  un  certificat  d'origine,  d'autant  que  par 
ailleurs,  la  provenance  du  dessin  peut  être  précisée.  Déjà, 
eu  1883,  Mahul  avait  expressément  indiqué  le  fonds  Gai- 
ernières2.  En  1891,  M.  Henri  Bouchot  a  confirmé  cette  ori- 
gine.  Sous  le  n°  o 0 7 i  et  la  désignation  :  Le  moulin  de 
Carcassonne  en  figure  [aquarelle),  la  planche  26  du  recueil 

1.  J'ai  La  certitude,  d'autre  part,  que  Cros-Mayrevieille  et  Mahul  ont 
souvent  utilisé  les  services  île  copistes  â  gages. 

2.  «  Voir,  dit-il,  Bibliothèque  impériale.  Cabinet  des  Estampes,  fonds 
Gaignères  sic  .  n°  7402,  f"  io.  .,  Cartalaire,  t.  V,  p.  7ji,  et  t.  VI,  •>*  partie, 
p.  357. 


190  VUE    DE    CARCASSOXNE    ATTRIBUÉE    A    l'an    1467 

Va  17  est  mentionnée  dans  YInventaire  des  dessins  exécutés 
pour  Roger  de  Gaiffnières  et  conservés  aux  Départements 
des  Estampes  et  des  Manuscrits  ^."fca  'formation  des  collec- 
tions de  R.  de  Gaignières  se  plaçant  approximativement 
entre  les  années  1670  et  1711  2,  l'époque  probable  du  dessin 
qui  nous  occupe  se  trouve  à  peu  près  circonscrite,  et  la 
tentative  pour  avancer  cette  époque  de  deux  cents  ans,  à  la 
faveur  d'un  assez  grossier  maquillage,  ne  saurait  tenir 
devant  la  contradiction  flagrante  qui  résulte  de  la  triple 
inscription  du  xvne  siècle,  consignée  sur  les  deux  faces  de 
l'original 3. 

On  objectera  que  la  planche  du  xvne  siècle  peut  être  la 
copie  d'un  dessin  plus  ancien  ;  mais,  dans  cette  hypothèse, 
il  resterait  à  établir  l'existence  d'un  modèle  primitif  :  c'est 
élargir,  sans  plus,  le  domaine  des  conjectures. 

En  attendant  la  découverte  décisive  qui  permettra  de 
fixer  la  date  certaine  de  la  pièce  qui  fait  l'objet  de  la  pré- 
sente note,  on  est  en  droit,  semble-t-il,  d'imputer,  dès  main- 
tenant, à  la  charge  des  premiers  éditeurs,  une  grosse  erreur 
de  méthode.  Des  divers  éléments  susceptibles  d'éclairer 
leur  critique,  ils  ont  délibérément  retenu  les  plus  incer- 
tains; je  persiste  à  juger  plus  prudent  de  n'admettre  en 
compte,  pour  le  moment,  que  ceux  précisément  qu'ils  ont 
dédaignés. 

1.  Paris,  Plon-Nourrit,  1891. 

2.  C'est  en  1711  que  Roger  de  Gaignières  fit  don  de  ses  collections  au 
Cabinet  du  roi;  il  mourut  en  1715. 

3.  En  outre,  M.  Pierre  Embry,  mon  correspondant  et  ami.  a  été  frappé 
de  la  fraîcheur  du  dessin  et  de  la  couleur  :  il  estime  ce  détail  assez  peu 
compatible  avec  l'époque  reculée  qu'on  s'accordait  jusqu'à  ce  jour  à  assi- 
gner à  l'œuvre. 


191 
LIVRES  OFFERTS 


M.  Bernard  Haussoullieh  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur  M.  Georges 
P.  Oikonomos,  éphore  des  antiquités,  une  série  d'articles  sur  les 
fouilles  qu'il  dirige  dans  l'ancienne  Agora  d'Athènes,  au  Nord  du 
temple  connu  sous  le  nom  de  Théseion. 

«  Les  fouilles  sur  l'Agora  ont  été  entreprises  par  la  Société  archéo- 
logique d'Athènes,  dès  1907,  mais  ce  qui  rend  les  dernières  cam- 
pagnes particulièrement  intéressantes,  c'est  que,  à  en  juger  par  les 
inscriptions  découvertes  et  par  d'autres  indices,  elles  se  poursuivent 
dans  le  voisinage  du  Mêtrôon,  ou  temple  de  la  Mère  des  Dieux,  qui 
renfermait  les  archives  athéniennes. 

«  M.  Georges  P.  Oikonomos  se  borne  aujourd'hui  à  publier  les 
inscriptions  mises  au  jour  par  M.  Kavvadias  ou  par  lui-même.  Il  le 
fait  avec  grand  soin  et  sa  publication  ne  mérite  que  des  éloges.  » 

M.  Pottier  offre  à  l'Académie  le  tome  XIII  des  Mémoires  de  la 
Délégation  en  Perse.  Il  s'excuse  de  parler  d'un  ouvrage  dont  il  est  en 
grande  partie  l'auteur,  mais  il  ne  veut  pas  laisser  à  d'autres  le  soin 
de  dire  l'admiration  et  la  gratitude  que  lui  inspirent  les  découvertes 
de  Suse.  Depuis  que  M.  et  Mme  Dieulafoy  ont  pris  possession  de  cet 
emplacement,  la  France  s'est  enrichie  d'une  façon  inespérée,  soit  par 
les  fouilles  de  ces  premiers  explorateurs,  soit  par  celles  de  leurs 
continuateurs.  Grâce  à  eux,  le  Louvre  a  pu  remplir  quatre  grandes 
salles  des  monuments  les  plus  précieux  pour  l'histoire  de  la  civilisa- 
tion orientale.  On  ne  saurait  dire  à  quel  point  ils  ont  transformé  nos 
collections  et  décuplé  nos  richesses.  Le  nouveau  volume,  qui  est  le 
treizième  de  la  série  et  qui  atteste  avec  quelle  rapidité  la  Mission  de 
Morgan  publie  ses  trouvailles,  est  consacré  en  particulier  à  la  céra- 
mique. Elle  se  présente,  dans  les  couches  les  plus  profondes  du  tell, 
sous  l'aspect  inattendu  d'une  poterie  extrêmement  fine  et  soignée, 
décorée  avec  un  art  savant  et  ingénieux,  où  non  seulement  les  com- 
binaisons linéaires,  mais  la  stylisation  des  animaux  joue  un  rôle 
important.  On  y  constate  deux  périodes  différentes,  une  de  perfec- 
tion, l'autre  de  décadence,  qui  attestent  la  longévité  de  cet  art  et  la 
durée  homogène  de  la  puissance  proto-élamile,  déjà  représentée  dans 
les  textes  comme  la  rivale  redoutée  de  la  Chaldée.  Rapprochée  des 
petits  monuments  archaïques,  recueillis  dans  les  mêmes  tranchées, 


192  LIVRES    OFFERTS 

et  en  particulier  de  curieuses  sculptures  taillées  dans  une  matière 
noire  et  bitumineuse,  cette  céramique  permet  d'établir  approxima- 
tivement la  date  de  cette  civilisation  si  ancienne,  contemporaine 
dans  sa  décadence  des  patésis  de  Tello,  et  par  conséquent  antérieure 
dans  sa  maturité  à  l'art  sumérien  des  cités  avoisinant  le  Golfe  per- 
sique.  Elle  ne  peut  guère  être  postérieure  à  l'an  3000,  dans  les 
évolutions  les  plus  modérées.  En  outre,  cette  poterie  peinte  permet 
d'envisager  sous  un  jour  tout  nouveau  de  graves  questions  histo- 
riques, comme  celle  des  rapports  anciens  de  l'Egypte  avec  la  Méso- 
potamie et  l'Elam,  celle  des  relations  du  monde  égéen.avec  l'Asie. 
Surtout  elle  affirme  l'existence  en  Orient  d'une  peinture  de  vases, 
dont  on  ne  soupçonnait  pas  la  valeur,  et  dont  on  découvre  les  rami- 
fications dans  uneaire  très  étendue,  qui  englobe  la  région  transcas- 
pienne,  l'Assyrie,  l'Arménie,  toute  l'Asie  Mineure,  la  Palestine.  Il  y 
a  peut-être,  en  Orient,  autant  de  fabriques  de  vases  peints  que  dans 
les  pays  grecs,  ce  qui  fait  entrevoir  un  champ  d'études  indéfinies 
pour  l'avenir. 

Nous  devons  donc  exprimer  notre  vive  reconnaissance  à  M.  de 
Morgan  et  à  ses  collaborateurs  pour  de  si  belles  et  de  si  neuves 
découvertes.  M.  Pottier  remercie,  en  outre,  les  savants  qui  ont 
bien  voulu  collaborer  avec  lui  à  ce  volume  et  lui  apporter  une  aide 
précieuse  pour  l'explication -des  monuments:  M.  de  Morgan  par  sa 
préface  et  son  chapitre  d'introduction;  M.  de  Mecquenem  par  son 
catalogue  des  vases  exposés  au  Louvre;  M.  Le  Chatelier,  de  l'Acadé- 
démie  des  sciences,  par  son  analyse  de  la  matière  bitumineuse; 
M.  Granger  et  M.  Couyat-Barthoux  par  leur  examen  des  pâtes  argi- 
leuses, des  couleurs  et  des  procédés  de  fabrication;  M.  Lecaisne  par 
sa  note  sur  les  tissus,  probablement  les  plus  anciennement  connus, 
qui  adhèrent  encore  à  quelques  haches  en  cuivre  recueillies  dans  la 
nécropole;  M.  Bondoux  par  les  excellentes  aquarelles  qu'il  a  faites 
de  plusieurs  poteries  reproduites  dans  des  planches  en  couleurs  ; 
M.  Maurice  Pézard  qui  a  bien  voulu  surveiller  l'impression  et  revoir 
de  son  côté  les  épreuves. 


193 
APPENDICE 


LES    FOUILLES    DL'   THASOS    (1"'    PARTIE), 
PAR    M.    CHAULES    PICARD. 

Reprenant  une  lointaine  tradition  ',  l'Ecole  Française, 
d'accord  avec  le  Musée  impérial  ottoman  '-',  a  commencé, 
en  1911,  des  recherches  archéologiques  dans  l'île  de  Thasos, 
à  Liménas,  sur  l'emplacement  de  l'antique  capitale  (fig.  1). 
Vers  la  fin  de  l'année  1910,  à  la  suite  d'un  voyage  fait  en 
compagnie  de  M.  A.-J.  Heinach  à  travers  la  Ghersonèse  et 
l'Archipel  thrace  3,  j'avais  signalé  à  M.  Holleaux,  directeur 
de  l'Ecole  Française,  l'intérêt  qu'il  y  aurait  à  commencer 
à  Thasos  une  exploration  méthodique.  L'abondance  et  la 
richesse  artistique  des  documents  mis  au  jour  presque 
chaque  année  dans  l'île,  par  les  fouilles  clandestines  ou  les 
trouvailles  fortuites  4,  faisaient  souhaiter  un  effort  svstéma- 


1.  A  la  suite  de  M.  Perrot,  qui  fut  le  premier  explorateur  de  l'île  (1856), 
les  voyageurs  français  sont  revenus  fréquemment  à  Thasos  ;  on  sait  de 
quels  précieux  documents  les  Touilles  de  Miller  (1863)  ont  enrichi  le  Louvre. 
Plus  récemment,  MM.  S.  Reinach  (1882),  A.  de  Ridder  (1892),  G.  Mendel 
('894)  ont  ouvert  la  voie,  et  prouvé,  par  le  succès  de  leurs  recherches,  la 
nécessité  d'une  exploration.  Il  faut  joindre  à  cette  liste  le  nom  de  M.  W. 
Déonna,  membre  de  la  section  étrangère  (1907-1909).  On  trouvera  mention 
de  ces  voyages  dans  la  bibliographie  que  donne  l'Introduction  des  /.  G., 
XII,  8,  p.  82-3,  et  Suppl.',  p.  vin  ;  ajoutez  Déonna,  'EçYia.àpy .,  1909, 
p.  1  et  suiv. 

2.  Nous  adressons  ici  tous  nos  remerciements  à  S.  E.  Halil-Bey,  direc- 
teur du  Musée  Impérial,  et  à  M.  Mendel,  conservateur,  qui,  après  nous 
avoir  facilité  l'obtention  du  firman,  ont  contribué  à  apaiser,  par  leur 
intervention,  les  difficultés  inévitables  dans  toute  entreprise  à  ses  débuts. 

3.  Cf.,  /)'n//.  corr.  hell.,  XXXVI.  1912,  p.  275  et  suiv.  (pour  la  première 
partie). 

4.  Cf.,  pour  les  derniers  temps  seulement  :  Sit  te,  Thasische  Anii7cen,dans 
les  Wiener  J&hreshef te,  XI,  1908,  p.  212  et  suiv.;  (i.  Mendel,  lier,  de  (Art 
une.  cl  mod.,  XX,  vu.  1910,   p.  loi  et  suiv. 


194  FOUILLES    DE    THASOS 

tique,  qui  arrêtât  au  moins  la  dispersion  des  inscriptions  et 
des  œuvres  d'art,  souvent  perdues  pour  la  science,  faute  de 
provenance  contrôlée.  On  pouvait  espérer  aussi  qu'une 
recherche  régulière  amènerait  des  découvertes  nouvelles, 
là  où  le  hasard  s'était  montré  prodigue.  M.  Holleaux  voulut 
bien  s'associer  à  ces  vues,  et  encourager  nos  projets.  Malgré 
les  difficultés  de  l'entreprise1,  les  résultats  n'ont  point 
trompé  l'attente. 

Le  firman  autorisant  les  travaux  nous  a  été  accordé  en 
avril  1911.  Le  i  mai,  assisté  de  M.  Ch.  Avezou,  j'ai  ouvert 
à  l'Acropole  le  premier  chantier,  cependant  que  M.  Ad.-J. 
Reinach  commençait  des  recherches  dans  la  plaine,  près 
du  téménos  d'Artémis  Pôlô  2  nouvellement  découvert.  Les 
fouilles  et  le  relevé  des  travaux  ont  occupé  deux  mois. 
M.  Avezou  m'a  prêté  constamment  son  concours.  Les 
photographies  jointes  à  ce  compte  rendu  sont  notre  œuvre 
commune.  Les  résultats  ici  exposés  doivent  être  considérés 
comme  dus  à  notre  collaboration. 

Le  plan  arrêté  pour  la  première  campagne  comportait 
l'étude  d'une  partie  de  l'enceinte  hellénique  et  du  temple 
voisin  de  l'Acropole.  C'est  ce  programme  qui  a  été  suivi. 
Nos  recherches,  près    de   l'enceinte    hellénique,  nous  ont 

1.  L'île  de  Thasos,  peuplée  presque  uniquement  de  Grecs,  a  été  reprise 
en  1902  par  le  gouvernement  ottoman  à  l'administration  égyptienne,  mais 
les  Wakoufs  khédiviaux.  constitués  par  l'héritage  de  Méhémet-Ali,  à  qui 
la  Porte  avait  fait  présent  de  l'île,  en  occupent  une  partie.  S.  H.  le  Khédive 
a  bien  voulu  nous  autoriser  éventuellement  à  fouiller  ces  terrains  ;  nous 
l'en  remercions  très  vivement.  Les  couvents  de  l'Athos  (Vatopédi.  Panto- 
kratôrj,  sont  aussi  possesseurs  de  nombreuses  propriétés.  Le  champ  d'où 
l'on  a  exhumé  l'Arc  de  triomphe  de  Garacalla  appartient  notamment  au 
Vatopédi.  Après  négociation,  le  couvent  a  bien  voulu  autoriser  nos 
recherches.  Il  faut  ajouter,  parmi  les  causes  qui  rendent  difficile  la  tâche 
des  archéologues  à  Thasos,  le  morcellement  de  la  propriété,  l'envahisse- 
ment des  maisons,  la  cherté  de  la  main-d'œuvre. 

2.  Le  nom  de  la  déesse  doit  être  donné  sous  cette  forme,  et  non  avec 
l'orthographe  Polos,  que  j'avais  à  tort  adoptée  Eéviot  do  Jubilé  de  V Univers 
d'Athènes,  1912,  8eoi  btiçaveïç,  p.  67  et  suiv.),  d'après  VArch.  Anzeiger, 
1910,  p.  1  il.  a«  3. 


FOUILLES    DE    T11ASOS 


198 


"3.3 


es  — ; 

s  s 

•  B< 

O  ,j  "3 
CO 
'Ô'ft, 

-s 

Q  — 
***  <y 
M 

S» 

eB 


2  « 


fci  H 


1)    Cj 

^  "3 

—  O 

—  -_ 


u< 


1912. 


14 


196  FOUILLES    DE    TllASOS 

amené  seulement  k  joindre  à  la  fouille  l'étude  de  la  porte 
romaine  dite  ci-après  :  Arc  de  triomphe  de  Caracalla. 

I.  l'enceinte  hellénique. 

Nous  commencerons  par  là  le  compte  rendu  sommaire  de 
nos  travaux.  Quelques  sondages  au  Nord,  où  la  direction 
générale  de  la  muraille  était  déjà  repérée,  ont  dégagé  un 
quai  fortiiié  '.  D'après  l'appareil,  on  rapporterait  cet 
ouvrage,  sur  lequel  nous  ne  pouvons  insister  ici,  à  la 
reconstruction  de  l'enceinte  commencée  en  412-411,  au 
moment  de  la  révolution  des  oligarques  2.  Les  travaux 
seront  poursuivis. 

A  l'Ouest,  à  quelque  distance  de  la  tour  dite  de  Sonaç 
Eùrcôpou,  reconstituée  au  IIe  siècle  avant  J.-C.  3,  l'existence 
d'une  autre  tour  a  été  pressentie  par  un  sondage,  qui  a 
amené  la  découverte  d'une  centaine  d'anses  d'amphores 
timbrées  4,  de  terres  cuites  hellénistiques,  et  d'un  bas- 
relief  funéraire  romain  assez  grossier. 

J'ai  déblayé  complètement  la  première  porte  qu'on  ren- 
contre ensuite  vers  le  Sud.  Elle  était  signalée  par  la  pré- 
sence d'une  stèle  sculptée  (fig.  2,  a),  que,  dans  un  article 
documenté,  M.  G.  Mendel  a  fait  connaître  5.  Contrairement 
à  l'avis  de  M.  Mendel,  je  ne  pense  pas  que  le  bas-relief 
représente  Déméter    associée   à  une  divinité    féminine.  Le 

1.  Un  plan  général  est  en  préparation.  Provisoirement,  on  pourra  se 
reporter  à  celui,  malheureusement  assez  sommaire,  et  même,  en  quelques 
points,  inexact,  qu'a  donné  M.  J.  Baker-Penoyre,  dans  le  Journ.  of  hall. 
Sludies,  XXIX    1009),  pi.  XIV. 

2.  Thucydide,  VIII,  6i.  A  propos  de  l'inscription  n"  262  des  /.  G.,  XII,  8, 
qui  a  trait  à  cette  révolution,  j'ai  proposé,  dans  une  note  de  la  Rev.  de 
philol.,  XXXVI  (1012),  quelques  corrections;  cf.  cette  note  au  sujet  de 
l'enceinte  Nord. 

a.  I.G.,  XII8,  n-  301. 

i.  M.  Avezou  doit  les  publier  prochainement.  La  plupart  offrent  des  types 
cl  des  noms  nouveaux. 
:>.  Bull,  corr.  hall.,  XXIV  (1900  ,  p.  560  et  suiv.,  pi.  XIV-XV. 


Fouilles  de  Thasos. 

Fig.  2.  -     Porte  de  /eus  (après  La  fouille). 

A.  Pilier  du  relief  Zeus  et  iris. 

B,C,  1>,  E.  Piliers  d'angle  des  deux  corps  de  garde. 

Flèche  X.  Fondations  des  Propylées  (remblayées  . 


19S  FOUILLES    DE    THASOS 

personnage  principal  est  Zeus,  de  qui  une  Iris  ailée  attend 
les  ordres  ;  c'est  ce  que  mont  prouvé,  outre  un  nouvel 
examen  de  la  figure,  diverses  comparaisons  avec  des  docu- 
ments connus  ou  inédits,  dont  quelques-uns  sont  de  Thasos 
même  '.  La  date  de  la  sculpture  ne  semble  pas  non  plus 
celle  que  proposait  le  premier  éditeur.  Le  caractère  con- 
ventionnel des  draperies  et  des  gestes,  comme  l'habileté  un 
peu  superficielle  du  travail,  mais  surtout  les  détails  de  la 
représentation,  dont  quelques-uns  ne  peuvent  être  très 
anciens,  tout  atteste  qu'il  s'agit  d'un  relief  plutôt  archaïsant 
que  vraiment  archaïque.  La  fouille  a  vérifié  ce  qui  n'eût 
été  sans  doute  qu'une  présomption.  Les  constatations  archi- 
tecturales incitent  à  dater  tout  l'ensemble  de  la  porte  des 
dernières  années  du  vc  siècle,  et,  fort  vraisemblablement, 
de  l'année  412-1,  qui  vit  aussi  la  construction  du  quai  du 
Nord  2. 

L'entrée  (3m  61)  est  comprise  entre  deux  corps  de  garde 
en  forme  de  tours  carrées,  en  marbre,  conservés  pour  les 
fondations,  et  même,  en  partie,  pour  l'élévation  (fîg.  2). 
Ces  corps  de  garde  ouvrent,  par  deux  portes,  vers  l'intérieur 
de  la  ville.  Une  nécessité  stratégique  facile  à  comprendre3 
a  fait  protéger  les  pans  de  ces  tours,  sauf  à  l'angle  exté- 
rieur, du  côté  des  champs,  par  des  piliers  monolithes  (b,  c, 
d,  e),  analogues  à  celui  où  figure  le  bas-relief  Zeus  et  Iris4. 
Du  côté  du  passage,  la  largeur  de  l'entrée,  entre  ces  piliers, 
est  un  peu  réduite,  l'entrée  intérieure  étant  la  plus  large. 
On  a  trouvé,  sur  trois  des  monolithes  a,  c,  d,  des  dessins  à 

1.  J'expliquerai  prochainement  les  raisons  de  mon  avis  dans  un  article 
de  la  Revue  archéologique,  1912. 

2.  C'est  aussi  l'avis  de  M.  C.  Fredrich,  éditeur  des  I.G.,  XII,  8;  cf.  Alh . 
Milt.,  XXXIII  (1908),  p.  219.  L'interprétation  de  M.  Fredrich  (Athéna,  et 
pour  la  petite  figurine  placée  sous  le  siège  :  Marsyas  ramassant  les  flûtes  du 
Tritonis),  me  semble  d'ailleurs  inacceptable. 

3.  Vitruve,  I,  5.  5. 

î.  Le  pilier  symétrique  n'a  point  été  retrouvé;  il  n'est  pas  sûr  qu'il  ait 
été  décoré  de  sculptures. 


FOUILLES    DE    THASOS 


19!) 


ai  'X. 

.     — 

«  l 

«^ 

—    C3 

~       i- 

C  — 

y 
"S* 

<© 

-y  ,Jj 

- 

a  - 

e 

C 

m  "  re 

c 

ai  ai  o 

_ 

-J 

ES    OÂ 

X 

CC 

5.2  o° 

îilles 
s  et 
-R. 

o 
.g* 

—    "2 

Si  i 

"^ 

3  c 

fc  2- 

«—     Qj 

?     (C 

o 

.2 

£W 

~ 

^  — 

c 

—  ^ 

^3    ^ 

o 

O  ai 

O    , 

_    .-3 

—     7* 

~ 

S     Cï 

»     •  — 

u 

O    Cl 

(A 

iC  ., 

0) 


«     S  — !     «  ."S 


201)  FOUILLES    DE    TIIASOS 

la  pointe,  des  graflites  anciens,  noms  d'homme  et  de  femme, 
avec  une  inscription  injurieuse.  La  disposition  la  plus 
curieuse  est  celle  qui  s'est  révélée  en  avant  même  de  la 
porte.  Des  deux  extrémités  des  corps  de  garde  partent  en 
effet,  dans  la  direction  de  l'extérieur,  deux  murs  de  marbre 
parallèles  flèche  x),  longs  de  7  "'70,  qui  font  retour  à  angle 
droit  en  avant  de  la  porte,  et  laissent  là,  entre  eux,  un  pas- 
sage égal  à  celui  qui  est  compris  entre  les  piliers  a  et  b.  Ces 
murs,  conservés  seulement  en  fondation,  sont  épais  de 
1 m  43  au  toichobatc;  ils  comportaient  un  appareil  soigné, 
scellé  par  de  petits  crampons  droits,  et  composé  de  par- 
paings et  de  carreaux,  les  carreaux  formant,  comme  à 
Assos  *,  deux  parements  à  vide  intermédiaire.  On  peut 
reconstituer  l'aménagement  de  l'avant-porte.  De  ce  côté  en 
effet,  j'ai  trouvé  dans  la  baie  même  du  passage,  un  bloc 
d'épisti/lc  montrant  la  moitié  environ  d'une  régula  de  tri- 
glvphes.  Les  scellements  et  les  joints  prouvent  que  ce  bloc 
était  encastré  dans  un  mur.  Il  faut  vraisemblablement 
supposer  l'existence  d'un  fronton  disparu,  ou  d'un  mur 
crénelé2.  Ce  sont,  on  le  voit,  des  Propylées  rudiment  aires, 
d'un  caractère  à  la  fois  défensif  et  ornemental. 

Après  la  porte  de  Zeus,  la  muraille  est  conservée  en  assez 
bon  état  jusqu'à  l'entrée  dite  Porte  d'Héraklès  et  de  Dio- 
nysos :i.  J'ai  dégagé  cette  porte,  dont  le  plan  n'avait  pas 
été  dressé  jusqu'ici  de  façon  exacte.  Le  passage  s'élargit 
assez  sensiblement  vers  l'intérieur  de  4m55à  i"'(i7.i.  Du 
côté  de  la  ville,  font  saillie  deux  grands  bastions  de  marbre 
plein.  (A,  iig.  3  .  Ils  donnent  à  cette  porte  un  caractère 
monumental  dont  les  autres  entrées  sont  dépourvues. 
M.  Déonna  a  bien  vu  l'arrangement  du  côté  Est.  et  il  a 
suggéré  une  mise  en  place  vraisemblable  des  bas-reliefs  (B) 

1.  Perrot,  Hist.  de  LArl.  VII.  p.  333.  fig.  157. 

2.  (If.  L'arrangement  de  la  porte  sur  le  Vase  François,  dans  Furtv  aengler- 
Reichold,  Griech.  Vasenmal.,  I.  pi.  I  etsuiv. 

Plan  de  M.  Baker-Penoyre,  l.  I.,  pi.  XIV,  lettre  A. 


FOUILLES    DE   THASOS  201 

ou  inscriptions  qui  y  ont  été  trouvés  autrefois  '.  La  fouille  a 
révélé  que  le  côté  Ouest  était  organisé  à  peu  près  de  même 
sorte.  Sur  le  socle  conservé,  j'ai  trouvé  même  rempla- 
cement dune  inscription  martelée,  vraisemblablement 
archaïque,  symétrique  à  celle  qui  désignait,  comme  gar- 
diens de  la  ville,  «  les  enfants  de  Zeus,  de  Sémélé,  et 
d'Alcmène  au  long-  péplos  »  (G)2.  De  ce  coté  devait  être 
placé  le  cortège  dionysiaque,  aujourd'hui  perdu,  qui  a  été 
dessiné  par  Christidès  :î.  Pour  l'ensemble,  la  porte  n'a  subi 
que  fort  peu  de  remaniements,  et,  dans  son  état  originel, 
elle  semble  contemporaine  des  bas-reliefs  qui  y  ont  été 
découverts  en  186G'1.  Elle  doit  avoir  fait  partie  de  l'en- 
ceinte qui  fut  détruite,  —  mais  non  pas  entièrement,  —  sur 
l'ordre  de  Darius,  en  492  '. 

Dans  le  passage,  on  a  découvert  les  vestiges  d'un  dallage, 
avec  des  cuvettes  de  gonds  (D),  qui  semblent  avoir  servi  à 
la  mise  en  place  d'une  double  herse  (xàtappax'CYjç).  Sous  ce 
dallage,  ont  été  retrouvées  des  conduites  d'argile  (E),  en 
excellent  état,  emboîtées  les  unes  dans  les  autres,  et  qui 
servaient  à  l'adduction  des  eaux  de  source.  Elles  rappellent, 
particulièrement,  quoiqu'un  peu  plus  petites,  les  conduites 
installées  à  Samos,  par  Eupalinos  de  Mégare,  sur  l'ordre 
de  Polvkrate  fi. 

C'est  à  partir  de  la  porte  d'Héraklès  et  de  Dionysos  qu'on 
rencontre  surtout,  dans  la  muraille,  l'assise  de  gneiss  gris- 
noir,   interrompant  les  assises  de   marbre.   A  l'endroit  où 

1.  Cf.  Rev.  Arch.,  XI  (1908  ,  p.  25  et  suiv.  Pour  l'inscription  relative  au 
v.y-.'j;  d'Héraklès,  qui  Fui  placée  là  au  ive  s.,  cf.  ma  note,  dans  le  Huit. 
corr.  kcll..  XXXVI  (1912  .  p.  :>io  et  suiv. 

2.  I.G..  XII.  8,  n"  330. 

3.  Chron.  d'Orient.  I,  p.  loti. 

i.  Vers  le  Sud-Est,  la  muraille  avance  de  i  "  1T,  déterminant  ainsi  une 
fausse  tour,  qui  exposait  l'assaillant,  du  côté  droit,  aux  coups  des  défen- 
seurs de  la  ville. 

5.  Cf.  Hérodote,  VI.    18. 

6.  Cf.  Fabrieius.  Altert.  ans  der  Insel  Sumos,  I:  die  Wasserleitung  des 
Eupalinos,  dans  les  Mh.  Mit/.,  IX,  lssi.  p.  165-191,  pi.  VIII. 


202 


FOUILLES    DE    TIIASnS 


Fouilles  de  Thasos. 
Fig.   ».  —  «  Silène  au  Canthare  »  de  la  Porte  oblique. 


FOUILLES    DE    TIIASOS  203 

passe  actuellement  une  des  routes  de  Liménas  à  Panaghia1, 
une   porte,  dont  l'existence  n'était  pas  soupçonnée,  a   été 
découverte,  un  peu  à  l'Ouest  du  chemin.  Cette  porte  que  nous 
avons  appelée  Porte  oblique  ou  du  Silène  au  Canlharc  a  été 
une  des  plus  heureuses  trouvailles  de  la  campagne.  C'est 
une  simple  coupure  oblique,  large  de  2m55,  perçant  l'en- 
ceinte, et  orientée  dans  la  direction  de  l'Acropole  2.  Le  côté 
o-auche  de  cette  porte  était  formé  par  un  énorme   marbre 
monolithe,  trouvé  en  place,  et  mesurant  2m54  de  hauteur, 
sur  1  "'  70   de  largeur,   et  0  '"  65  d'épaisseur  3.  Entièrement 
enfoncé  dans  le  sol,  ce  marbre  a  été  garanti  de  la  destruc- 
tion, bien  que  la  figure  sculptée  qu'il  porte  ait  été  mutilée, 
aux  débuts  de  l'ère  chrétienne,  semble-t-il.  Cette  figure  est 
celle  d'un  Silène  en  haut  relief,  dont  la  taille  atteint  2m42 
(fig.  4).  Il  est  représenté  entrant  dans  la  ville  et  tenant  de  la 
main  droite  un  canthare.  L'avant-bras  gauche  est  horizontal, 
la  main  tendue  en  avant  comme  pour  saisir  quelque  objet. 
Le  rythme  de  la  marche  est  celui  qui  sera  appelé   «  poly- 
clétéen  ».  La  tète,  malheureusement  assez  mutilée,  ne  laisse 
reconnaître  qu'une  crinière  k  longues  torsades,  qui  retombe 
à   l'arrière  jusqu'aux    reins,    un    nez    camard,   une    barbe 
épaisse,  en  «  coin  »,  qui,  de  sa  pointe,  touche  l'avant-bras. 
Le  corps  est  plutôt  gras  que  musclé.  La  queue  chevaline  est 
bien  conservée.  Le  monstre,  quoique  mutilé,  laisse  voir  sa 
nature  ithyphallique  ;  les  jambes  sont  humaines.  Un  détail 
rare  et  très  curieux  est  celui  de  la  chaussure  '',  dont  l'extré- 
mité est  recourbée  «  à  la  poulaine  ».  Le  type  du  canthare 
est  le  modèle  ionien,  dont  les  volutes  surplombent  le  calice, 

1 .  Point  H  du  plan  de  M.  Haker-Penovre,  l.  I. 

2.  Je  ne  trouve  à  rapprocher,  pour  cette  obliquité,  qu'une  porte  de 
Pleuron  ;  cf.  YVoodhouse,  Aïtolia,,  1S97,  p.  118  et  fig, 

3.  Ce  enté  seul  de  l'entrée  «'lait  sculpté. 

4.  Il  a  été  impossible,  à  cause  de  l'étroitesse  de  la  porte,  de  photographier 
présentement  dans  toute  sa  hauteur  un  relief  aux  dimensions  si  insolites. 
Le  dégagement  sera  tenté  lors  de  la  prochaine  campagne.  I.  étude  île  la 
porte  sera  eu  niénie  temps  complétée. 


C 


•r.  _ 


3  s 


_2 


c 


in 


FOUILLES    DE    THASOS  205 

et  sont  réunies  latéralement,  au  corps  du  vase,  par  deux 
petites  attaches  horizontales.  On  compte,  dans  une  publica- 
tion moins  sommaire,  revenir  sur  le  rôle  de  ce  Silène,  sur 
son  importance  à  la  fois  prophylactique  et,  pourrait-on  dire, 
héraldique.  Une  niche  peu  profonde  disposée  à  côté  de  lui, 
vers  l'intérieur  de  la  ville,  prouve,  semble-t-il,  que  c'était 
une  coutume  de  déposer  au  passage  quelque  offrande  en 
faveur  du  joyeux  et  emblématique  gardien  de  la  porte. 
J'indiquerai  seulement  ici  la  comparaison  nécessaire  avec 
les  tvpes  des  monnaies  de  la  ville  '.  Ce  Silène  n'est  en  effet 
qu'un  personnage  isolé  du  groupe  Nymphe  et  Silène,  qui 
paraît  sur  les  plus  anciennes  pièces  d'argent  thasiennes.  De 
là  certaines  particularités  qu'on  risquerait  d'interpréter  à 
faux  ;  ainsi,  le  geste  de  la  main  tendue,  qui  n'est  pas  celui 
de  Yabominatio,  comme  on  pourrait  le  croire  d'abord, 
mais  un  mouvement  de  convoitise  hardie,  dont  la  raison, 
dans  le  cas  d'une  tigure  détachée,  n'apparaît  plus.  L'œuvre 
est  ionienne  par  le  style,  comme  par  tous  ses  détails  ;  on 
a  là  un  monument  du  dernier  quart  du  VIe  siècle,  à  rappro- 
cher de  l'Héraklès  de  la  porte  précédemment  étudiée  ;  il 
est  fort  heureux  et  un  peu  étrange  qu'il  ait  échappé  à  la 
destruction  dont  Darius  donna  l'ordre'2. 

A  deux  mètres  vers  le  Sud-Est  de  la  Porte  oblique,  en 
dehors  de  la  muraille  contre  laquelle  il  pose  sans  raccord, 
nous  avons  dégagé  un  petit  bâtiment  en  marbre,  mesurant 
7 '"  50  sur  () m  80.  Il  est  dallé,  percé  d'une  porte  assez 
étroite,  mais  de  deux  fenêtres  à  larges  baies.  Isolé, 
semble-t-il.  du  côté  de  la  nécropole,  et  trop  ouvert  sur 
l'extérieur,  il  ne  paraît  pas  avoir  eu  une  utilité  défensive 
très  marquée.  Sa  date  n'est  pas  antérieure  à  la  seconde 
moitié  du  IVe  siècle  (lig.  5). 

Les  recherches  entreprises  à  l'entour  de  cette  construction 


1.  Cf.  Gardner,  Types  of  Greek  Coins,  pi.  III.  L-2. 

•2.  Cf.  p.  l'u  i.  note  .">. 


206  FOUILLES    DE    THASOS 

nous  réservaient  une  heureuse  trouvaille  :  celle  des  multiples 
débris  d'une  nécropole,  appartenant  à  la  fin  du  ve  et  au 
début  du  ive  siècle.  Les  stèles  n'ont  point  été  découvertes 
in  situ.  Il  semble  qu'elles  aient  été  une  première  fois 
déplacées,  lorsqu'on  ménagea  l'aire  de  la  construction  ci- 
dessus  décrite.  Les  quelques  sépultures  non  violées  que 
nous  avons  ouvertes  étaient  de  date  plus  tardive.  Les  bases 
funéraires  et  les  fragments  de  stèles  se  sont  rencontrés  en 
assez  grande  abondance.  Les  bases,  dans  lesquelles  la  stèle 
s'encastrait  à  la  mode  archaïque  1 ,  portent  en  général  des 
inscriptions.  Une  seule  présente  un  relief,  assez  fin,  qui 
date  des  débuts  du  ive  siècle.  La  forme  des  stèles  est 
instructive.  Les  plus  anciennes,  sans  couronnement,  rap- 
pellent la  stèle  ionienne  dite  d'Abdère2.  Les  autres  montrent 
l'évolution  du  type  des  couronnements,  jusqu'à  l'apparition 
du  décor  en  feuille  d'acanthe3.  Plusieurs  devaient  être 
peintes.  Vingt-trois  inscriptions,  assez  courtes,  ont  été 
découvertes  en  ce  seul  endroit.  Une  des  plus  étendues 
semble  l'épitaphe  métrique  d'un  poète  thasien,  des  débuts 
du  ive  siècle,  qui  composait  des  chœurs  pour  les  fêtes  dio- 
nysiaques. Les  autres  ajoutent  de  curieux  noms  thraces 
aux  listes  de  TomaschekA 

L'étude  de  l'enceinte  n'a  pas  été  poussée  plus  loin  vers  le 
Sud-Est  dans  la  première  campagne. 

IL    LE    TEMPLE    DE    l'aCROPOLE  . 

Les  fouilles  ont  complètement  renouvelé   l'étude  de  ce 
temple,  à  propos  duquel  les  voyageurs  n'avaient  pu  don- 


1.  Cf.  Brûckner,  Ornam.  und  Form  der  altisch.  Grabstelen,  1886,  pi.  I, 
n°  1    Stèle  d'Antiphanès) . 

2.  Perrot,  Hist.  de  VArt,  t.  VIII,  p.  354,  fig.  157. 

3.  Briickner,  /.  /..  p.  I    fin  du  v*  siècle  . 

4.  Die   allen  Thraker,  dans  les    Sitzungsber,  d.    Wiener  Ahad.,  vol. 
CXXV1II,  CXXX.  CXXXI. 


FOUILLAS    DE    THASOS 


207 


ner  que  des  indications  par  trop  sommaires,  ou  même 
inexactes  '. 

Le  temple  a  été  identifié  :  c'est  celui  de  l'Apollon  Pythios, 
dont  le  culte  avait  été  vraisemblablement  introduit  dans 
l'île  par  les  colons  pariens,  compagnons  de  Télésiklès.  C'est 
ce  qu'a  prouvé,  d'abord,  la  découverte  d'un  intéressant 
décret  de  proxénie,  malheureusement  assez  mutilé,  qui  porte 
mention  d'une  inscription  légale,  faite  par  office  des  Oswpci 
et  des  «tcôXoyoi,  sur  les  niurs  du  temple,  et  d'une  amende 
de  mille  statères  levée  au  profit  d'Apollon  Pythios  contre 
les  orateurs  qui  proposeraient  une  motion  contraire  2. 

A  cette  première  preuve,  écartant  les  autres  identifica- 
tions proposées  3,  sont  venues  s'ajouter  quelques  trouvailles 
de  sculptures  archaïques  (fig.  6),  du  type  des  Kouroi  pri- 
mitifs. Ces  fragments  auraient  appartenu  ici  sans  doute  à 
des  Apollons  proprement  dits  4. 

1.  Pour  M.  Perrot,  Mémoire,  p.  80  et  suiv.,  les  dimensions  étaient 
28°im  x  16  (en  réalité  37™  10  x  15  ■"  80).  Le  chifl're  28  doit  être  une  erreur 
typographique  pour  38.  M.  Fredrich,  dans  les  Ath.  MM.,  I.  L,  p.  225 
et  suiv.,  donnait  les  chiffres  de  38m  x  16"',  pour  le  "stylobate"  sic).  On 
rapprochera  de  cette  mesure,  assez  exacte,  celle  de  M.  Baker-Penoyre, 
Journ.  ofhell.  Studies,  l.  L,  p.  215,  note  2i:  37  "'30  x  13m80.  Le  chiffre  13 
n'est  en  effet  sans  doute  qu'une  erreur  de  carnet.  Tous  les  voyageurs 
ont  cru  apercevoir  le  «  stylobate  »,  quelques-uns  même  «  les  traces  du 
scellement  des  colonnes».  En  réalité,  leurs  mesures,  comme  les  miennes, 
déterminent  seulement  L'sù8uVT7ipîa,  qui  est  la  plus  haute  assise  visible, 
encore  qu'elle  ne  soit  pas  partout  conservée.  Les  blocs  aperçus  sur  la  face 
Nord,  et  qu'a  dessinés  M.  Baker-Penoyre  (p.  215,  fig.  6),  posant  direc- 
tement sur  le  stéréobate,  ne  sont  évidemment  pas  en  place,  et  n'ont 
même  aucun  rapport  avec  L'édifice,  comme  le  prouve  la  forme  tardive  de 
leurs  scellements  à  canaux  de  coulée.  Tous  les  calculs  faits  sur  l'entraxe 
des  colonnes,  d'après  ces  données,  sont  donc  sans  valeur. 

2.  Pour  les  textes  analogues  déjà  connus,  et  dont  l'appartenance  se  trouve 
ainsi  prouvée,  cf.  ma  note  de  la  Rev.  de  Philol..  mentionnée  p.  196,  note  2. 

3.  M.  Perrot  songeait  à  un  temple  d'IIéraklès  ;  cf.  Mém.,  p.  80  et  suiv.  ; 
voiries  observations  de  Conze,  Heine,  p.  17  et  note  1;  M.  Fredrich  a  pro- 
posé, à  tort,  le  nom  d'Athéna  ;  cf.  I.  I.,  p.  226.  Le  temple  d'Athéna  devait 
être  dans  l'Acropole  même,  où  j'espère  le  retrouver. 

1.  Je  montrerai  ailleurs  que  le  Kouros  thasien  du  Musée  de  Constanti- 
nople,  dit  Kouros  d'Aliki,  a  été  trouvé  aussi  au  temple  de  l'Acropole.  Cf. 
Dénnna.  Les  ApollOTU  arch..  p.  226,  n"  127. 


208  FOUILLES    DE   THASOS 

Le  temple,  à  l'Ouest  et  au  Nord,  est  entouré  dune  vaste 
terrasse,  destinée  à  racheter  la  déclivité  du  roc,  et  située  à 
103  m  08  +  au-dessus  du  niveau  de  la  mer1.  20  assises  sont 
conservées  au  Nord-Ouest,  où  l'on  domine,  d'une  hauteur 


Fouilles  do  Thasos, 
Fig,  h.  —  Fragment  d'une  tète  d'Apollon  archaïque. 

de  10  m45,  un  sauvage  ravin  planté  d'oliviers  (iîg\  7).  Les 
assises  sont  parallèles,  mais  inégales.  Par  une  disposition 
qui  rappelle  celle  des  fondations  du  côté  Sud  du  Parthénon, 

I.  Cote  altimétrique  à  l'angle  N.-O.  Il  faudrait  ajouter  la  hauteur  de 
3  assises,  conservées  à  L'Ouest,  au-dessus  de  ce  niveau.  La  distance  delà 
terrasse  au  temple,  du  coté  N.  (7'"9),  est  égale  exactement  à  la  moitié  de  la 
largeur  du  temple. 


FOUILLKS    DE    TllASOS 


209 


Ffc 


Fouilles  de  Thasos. 
Terrasse  du  temple  d'Apollon  Pythios  et  ravin. 


210  FOUILLES    DE    THASOS 

les  o  assises  supérieures  de  la  terrasse  ont  été  refouillées, 
et  bordées  d'un  listel  en  léger  retrait. 

A  l'intérieur  de  cette  terrasse,  vers  l'angle  N.-O.  encore, 
j'ai  découvert,  au  niveau  le  plus  bas,  le  reste  d'une  construc- 
tion circulaire  précédée  d'un  dromos.  Du  côté  Est,  en  avant 
du  temple,  les  vestiges  d'une  fondation  prise  à  tort  par  les 
précédents  voyageurs  pour  celle  d'une  partie  du  mur  de 
ville,  se  sont  révélés  comme  le  soutènement  d'un  grand 
autel  à  sacrifices,  posé  obliquement  par  rapport  à  l'axe  du 
temple,  et  mesurant,  au  stéréobate,  15  m  65  X  5  m40  '. 

Entre  cet  autel  et  le  temple,  comme  dans  les  tranchées 
menées  au  long  des  murs  de  terrasse,  les  découvertes  ont  été 
assez  abondantes,  bien  que  cette  partie  du  téménos  ait  été 
occupée,  ainsi  que  toute  la  croupe  rocheuse  de  l'Acropole, 
par  un  village  des  débuts  du  xixe  siècle,  construit  en  cette 
haute  position  au  temps  des  pirateries.  Les  petites  maisons, 
fondées  sur  le  roc  même,  ont  employé  pour  leurs  murs  les 
débris  du  temple,  réduits  en  menus  morceaux.  Le  sous-sol 
de  la  terrasse  a  été  un  peu  partout  bouleversé.  Des  marbres 
ont  dû  être  jetés  au  ravin.  Malgré  cette  dévastation,  les 
fouilles  ont  livré  encore  maints  objets.  C'est,  d'abord,  une 
intéressante  série  de  terres  cuites  pré-ioniennes,  dont  les 
types  sont  apparentés  de  très  près  à  ceux  de  la  statuaire 
d'Asie  Mineure  ;  nombreuses  sont  les  femmes  assises,  du 
modèle  dit  des  Branchides,  les  figurines  à  front  fuyant,  a 
grands  pendants  d'oreilles  et  à  polos  élevé,  comme  en  ont 
produit  Rhodes,  la  côte  d'Anatolie,  et,  sans  doute  aussi  les 
îles  thraces  "2.  Une  statuette  plus  archaïque  est  celle  d'une 
joueuse  de  lyre  3. 

1.  On  remarquera  que  la  longueur  est  à  peu  près  celle  des  petits  côtés  du 
temple . 

2.  Cf.  Athen.  Milt..  XXXI.  1906.  p.  241  et  suiv.  :  pi.  à  lap.  64,  n°  2i,  et 
pi.  VIII.  I.  2,  3. 

'..  Il  serait  au  moins  prématuré  de  conclure,  de  la  prédominance  des 
types  féminins,  à  l'existence  d'un  temple  antérieur  à  celui  d'Apollon 
Pythies,  et  qui  aurait  été  celui  d'une  déesse.  La  question  demande  étude. 


FOUILLES    DE    THASOS  21  1 

Les  tessons  de  vases  peints  ne  sont  pas  de  moindre  intérêt. 
Ils  appartiennent,  en  majeure  partie,  à  une  céramique  du 
viu  siècle,  ionienne,  mais  mélangée  de  nombreux  éléments 
«  éoliens  ».  Plusieurs  fragments. rentrent  dans  la  catégorie 
dite  lesbo-éolienne,  qu'a  déterminée  M.  Bôhlau  '.  Leurs  orne- 
ments, de  style  orientalisant,  se  détachent  en  partie  sur  un 
fond  noir  ou  brun-noir.  Des  molettes  en  relief  sont  décorées 
de  grecques.  Les  animaux  sont  des  sirènes  ailées,  en  zones, 
des  lions  à  grosse  tête,  des  daims  ;  un  vase  est  décoré  d  une 
tête  plastique.  L'usage  d'un  engobe  jaune-crémeux  sur  une 
argile  rouge  et  mélangée  de  mica,  la  présence  des  incisions 
dans  les  figures,  peintes  en  rouge  violacé  et  en  noir,  sont 
les  indices  principaux  qui  ont  permis  le  classement.  A  côté 
de  cette  série,  d'autres  tessons  font  penser  à  une  fabrique 
d'Asie  Mineure,  apparentée  à  celle  qui  est  dite  de  Klazo- 
mène  2.  Des  plats  à  décor  polychrome,  où  les  incisions 
n'apparaissent  pas,  par  leurs  ornements,  rosaces,  torsades, 
boutons  de  lotus,  rappellent  à  la  fois  les  plats  rhodiens  et 
certains  sarcophages  de  Klazomène:!.  Ce  sont  là  les  caté- 
gories les  mieux  représentées  ;  il  suffira  de  mentionner  les 
autres,  parmi  lesquelles  Naukratis4  et  Korinthe  se  dis- 
tinguent, et  qui  vont  jusqu'aux  figures  noires  attiques, 
même  jusqu'aux  coupes  à  décor  miniaturesque  dites  «  des 
petits  maîtres  ».  On  ne  peut  s'attarder  à  montrer  l'intérêt 
historique  de  ces  fragments,  grâce  auxquels  est  constitué  le 
premier  fond  connu  de  céramique  thasienne . 

L'aire  du  temple  a  été  déblayée"'.  Cette  fouille  a  permis 
le  levé   d'un  plan,   malheureusement  réduit  aux  éléments 

1.  Ans  ionischen  and  ilalischen  Nekropolen,  p.  86etsuiv. 

2.  R.Zahn,  Vasenscherben  ans  Klazomenai,  dans  les  Ath.  Milt.,  XXIII, 
L898,  p.  38-70,  pi.  XI. 

3.  Cf.  principalement,  Antike  Denlan.,  pi.  XLIV. 

i.  Surtout  les  séries  C,  D.  d'après  le  classement  de  II.  Prinz,  Funde  aas 
Naukratis,  Klio,  VII.  Beiheft. 

.").  Nous  avons  réservé  l'emplacement  de  quelques  oliviers  qui  s'étaient 
installés  là . 

1912.  i;, 


2['2  FOUILLES    DE    TI1ASOS 

les  plus  simples;  car,  ainsi  que  nous  le  mentionnions  plus 
haut,  rien  n'est  en  place  au-dessus  de  l'eùOuvxYjpîa.  Les  fon- 
dations, entièrement  de  marbre,  sont  assemblées  soigneu- 
sement par  des  crampons  longs,  en  double  T.  Elles  posent 
au  Sud  et  à  l'Ouest  sur  le  roc,  entaillé  à  vif,  et  qui  affleure, 
artificiellement  égalisé,  jusqu'au  milieu  du  vaoç.  Du  côté  du 
Nord  et  de  l'Est,  le  soutènement,  qui  a  été  complètement 
mis  à  nu,  va  chercher  le  roc,  et  compte  jusqu'à  9  assises 
parallèles,  mais  de  hauteur  inégale,  à  face  brute.  Nulle  trace 
d'un  escalier  n'est  visible  à  l'Est,  les  fondations  ayant  dû 
être  autrefois  remblayées  jusqu'à  l'eùGuvTYjpta.  Les  dimensions 
sont,  à  ce  niveau,  37m40  sur  15  m  80  '.  L'orientation  est 
presque  strictement  d'Est  en  Ouest'2  (fig.  8). 

Sur  les  longs  côtés  de  la  fondation,  à  hauteur  de  l's'jQuvnfjpia, 
une  rainure  de  réglage,  très  marquée  (xy),  apparaît  sur  le 
marbre.  Gomme  elle  existe,  pour  chaque  fondation,  des 
deux  côtés,  et  détermine,  partout  où  on  la  constate,  au  Nord 
et  au  Sud  du  moins,  une  largeur  de  1  m  40,  on  est  fondé  à 
admettre  que  l'assise  la  plus  haute  du  soutènement  servait 
de  toichobate.  Le  temple  n'était  donc  pas  périptère,  mais 
offrait  le  type  archaïque  d'un  sékos  à  murs  pleins,  divisé 
an  pronaos,  naos,  et  adyton.  D'autre  part,  le  temple  n'était 
pas  non  plus  amphiprostyle,  il  suffit  pour  l'affirmer  que,  à 
l'Ouest  seulement,  la  rainure  de  réglage  soit  visible,  et 
détermine  une  largeur  de  1  m  725,  égale  à  celle  du  mur  de 
Y  adyton,  dont  l'amorce  est  visible  au  Nord.  Ce  mur  rejoint, 
au  Nord  comme  au  Sud,  la  ligne  de  fondations  des  longs 
côtés  ;  il  en  est  exactement  de  même  pour  le  mur  du  pronaos 
(P).  C'est  là  une  preuve  certaine  de  ce  que  j'ai  déjà  avancé 
plus    haut  sur  le   type  archaïque  du   temple,   dépourvu  de 

J.  C'est  d'après  un  renseignement  inexact  que,  dans  un  compte  rendu 
sommaire.  M.  Dawkins  a  écrit  à  propos  du  temple:  «  A  building  about 
tlie  size  of  the    Parthenon   »  ;  cf.  Journ.  of  hell.  Studies,  XXXI     1911), 

l'.  L'angle  noté  par  la  boussole  déclinatoire  est  de  ?  degrés  seulement. 


-a 


V   fM 


III 

~  L: 


B.3 
g«c 

~    :r. 

■s.  5 

0  _1 

-    » 

Oii 
i,  ~ 

—   a 
I    bc 

■  zc 

- 

L~ 

u 
m 

'35 
/. 


21  i  FOUILLES    DE    TIIASOS 

colonnade  extérieure.  Les  murs  étaient  faits  de  ces  par- 
paings de  marbre,  dont  plusieurs,  couverts  d'inscriptions, 
ont  été  retrouvés,  et  semblent  avoir  eu  une  hauteur  uniforme 
de  0  m  50  [ .  Ils  étaient  vraisemblablement  couronnés  tout 
en  haut  d'une  simple  corniche  à  gorge,  égyptisante.  C'est  ce 
qui  explique  pourquoi  on  n'a  découvert  ni  colonne,  ni  pièces 
d'entablement. 

On  dérive  aujourd'hui  les  temples  de  cette  sorte  du 
megaron  prédorique'2.  Mais  aucun  «  temple  mégarisant  » 
n'atteignait  jusqu'ici  les  dimensions  du  temple  de  Thasos, 
un  peu  plus  grand  que  l'Héphaistieion  d'Athènes.  Cette 
étendue  insolite  pose  un  problème  :  avec  le  système  de  char- 
pente archaïque,  par  empilage,  la  portée  des  poutres  ne 
peut  guère  dépasser  une  moyenne  de  10  mètres.  Or  le  sékos 
du  temple  d'Apollon  Pythios  mesurait  intérieurement  une 
largeur  de  13  mètres.  Il  fallait  donc  une  ou  plusieurs  colon- 
nades intérieures  ;  on  songe  difficilement  à  proposer  l'hypo- 
thèse de  trois  nefs,  pour  des  dimensions  qui  sont,  malgré 
tout,  assez  restreintes.  D'ailleurs,  du  côté  Nord,  on  voit 
commencer,  dans  le  sékos,  un  gril  de  lambourdes  axé  à 
l'Est,  tandis  qu'aucune  fondation  de  colonnade  n'apparaît. 
On  est  conduit  à  admettre  qu'il  existait  seulement  une 
colonnade  médiane  disparue,  comme  dans  le  megaron  de 
Locres,  dans  un  des  temples  de  Paestum,  dans  Yoikos  des 
Naxiens,  à  Délos,  —  ou,  —  pour  prendre  un  exemple  à  la 
fois  plus  voisin  et  d'une  utilité  historique  plus  directe,  dans 
le  temple  de  Néandria:i. 

Les  seuls  débris  d'architecture  retrouvés   ont   été  ceux 
d'une  très  belle  décoration  en  terre  cuite  peinte,  apparte- 

1.  /.G.,  XII,  8,  nos  26  i,  267,  268 .  Le  marbre  qui  porte  le  décret  de  proxé- 
nie  cité  ici  même  est  brisé  à  la  partie  supérieure,  el  ne  mesure  que 
0"  42  de  hauteur. 

2.  Il  y  en  a  des  exemples  dans  la  série  architecturale  de  Sélinonte  :  cf. 
Fougères-Hulot,  Sélinonle,  p.  272  et  suiv. 

H.  Cf.  Koldewev,  Neandria,  dans  le  51'  Progr&mm  zum  Winckelmanns- 
feste,  1891,  p.  22,  fig.  52. 


FOUILLES    DR    THASOS  21  § 

nant  à  la  cimaise.  De  caractère  archaïque  et  ionien,  elle 
figure  des  fleurs  de  lotus  épanouies,  à  deux  pétales  et  haut 
pistil  central.  On  a  découvert  aussi  des  fragments  de  tuiles 
faîtières,  et  d'antéfixes,  à  décor  de  palmettes  sur  double 
volute,  avec  les  vestiges  d'une  polychromie  rouge  et  noire, 
bien  conservée. 

Les  inscriptions  sont  restées  rares.  Cinq  seulement,  de 
peu  d'intérêt,  ont  été  trouvées  en  cette  partie  de  la  fouille. 
Par  contre,  la  sculpture  nous  a  dédommagés.  Outre  les 
trouvailles  archaïques  mentionnées  plus  haut1,  je  citerai 
une  belle  tête  de  femme  du  iv°  siècle,  malheureusement 
mutilée,  qui  rappelle  la  tète  funéraire  thasienne  publiée 
par  H.  Sitte  2  ;  un  grand  torse  drapé,  d'époque  un  peu 
postérieure,  et  surtout  le  joli  bas-relief  ionien  que  reproduit 
la  figure  9  3 . 

De  prochaines  campagnes  nous  ramèneront,  pour  un 
temps  encore,  à  l'Acropole  et  au  temple.  On  n'attend  donc 
point  ici  de  nous  des  conclusions  définitives  ;  disons,  pour 
la  date  du  temple,  que  toutes  les  constatations  matérielles 
jusqu'ici  faites  —  forme  des  crampons  du  soutènement,  type 
du  sékos,  caractère  de  la  décoration  en  terre  cuite,  — 
désignent  le  premier  quart  du  Ve  siècle  comme  terminus 
ante  quem . 

III.     PORTE    ROMAINE    DE    CARACAELA. 

Pendant  les  recherches  poursuivies  à  l'enceinte  hellé- 
nique, j'ai  été  amené,  par  les  nécessités  de  l'organisation  des 
chantiers,  à  fouiller  complètement  l'arc  de  triomphe  romain 
déjà    reconnu    antérieurement,    lors   des    fouilles     superti- 

1.  C'est  aussi  du  temple  d'Apollon  que  proviennent  les  lions  archaïques 
du  Louvre,  rapportés  par  Miller,  et  trouvés  encastrés  dans  les  murailles 
de  l'Acropole  génoise. 

■1.  Cf.  Collignon,  Les  statuex  funéraires,  fig.  96,  p.  105. 

3.  Ce  bas-relief  sera  publié  en  1912,  dans  les  Mon.  el  Méin.  de  la  Fonda- 
tion   l'int. 


216 


FOULEES    DE   THASOS 


FOUILLES    DE    THASOS  217 

cielles  de  Bent  1  (fîg.  10).  Faute  d'un  dégagement  complet, 
aucun  plan  n'en  avait  été  dressé  ;  les  inscriptions,  dont  un 
estampage  seulement  était  connu,  passaient  pour  perdues. 
Le  sol  avait  tout  recouvert. 

Cette  porte  triomphale  est  d'un  plan  fort  simple.  La  baie 
centrale,  large  de  4"'  £5,  était  voûtée  en  berceau,  et  flanquée 
de  deux  passages  également  voûtés,  mesurant  seulement 
2 m  09  de  largeur.  L'édifice  portait  sur  un  pavement  en 
marbre  (A).  Quatre  pylônes,  déterminant  les  trois  entrées, 
ont  été  retrouvés  in  situ.  Ils  sont  plus  ou  moins  conservés 
en  élévation.  Les  deux  pylônes  extérieurs  (B),  rectangu- 
laires, ne  comportaient  à  la  base  qu'une  moulure  corin- 
thienne, à  double  tore  encadrant  une  scotie.  Celui  de  l'Est 
n'a  pas  été  achevé  2.  Les  deux  pylônes  centraux  (C),  plus 
petits,  avaient  une  forme  plus  rapprochée  du  carré.  Un 
seul  montre  un  profil  achevé,  à  l'Ouest.  Celui  de  l'Est  a  été 
retrouvé  complet  en  hauteur.  Il  mesure  2m91,  au-dessus 
du  piédestal,  jusqu'à  la  naissance  du  chapiteau.  Du  côté 
de  l'entrée,  il  porte,  sur  toute  sa  longueur,  deux  bandes 
sculptées,  ornées  de  fins  rinceaux  de  feuilles  d'acanthe, 
rappelant  de  très  près  certaines  pièces  qui  décorent  l'arc 
de  Trajan,  à  Rome  :f .  On  ne  sait  si  les  pylônes  extérieurs 
avaient  reçu  pareille  ornementation.  Des  fragments  de  cha- 
piteaux corinthiens  ont  été  découverts,  en  assez  grand 
nombre  pour  qu'on  puisse  distinguer,  au  moins  pour  les 
dimensions,  deux  séries'1;  les  décors  sont  partout  des  rin- 

1.  Cf.  Journ.  of  liell.  Studies,  VIII  (1887;,,  p.  137-8  ;  S.  Reinach,  Chron. 
d'Or.,  I.  p.  ils.  Les  inscriptions  ont  été  publiées  par  Ilicks,  et  figurent 
maintenant  aux  I.G.,  XII.  8,  n°"  382-387-9.  C'est  de  cet  arc,  on  le  sait,  que 
provient  aussi  la  grande  statue  de  femme  n°  189  du  musée  de  Constanti- 
nople. 

2.  Il  est  curieux  de  noter  que  tout  l'édifice  porte  des  (races  d'inachève- 
ment, el  même,  vers  l'Est,  de  graves  négligences.  Ainsi,  l'implantation  des 
bases  de  pylônes  u'esl  pas  rigoureusement  l'aile  selon  l'axe  du  passage. 

3.  Cl',  la  frise  du  Latran,  trouvée  près  de  l'arc  de  Trajan  :  Dur  m,  Handb. 
il.  Archiiektur,  II.  fig.  179,  à  la  page  426. 

1.  Les  plus  grands  mesurent  0m61  de  hauteur;  le-  plus  petits  0     15  seu 
lemenl 


Fouilles  de  Thasos. 
Fiji'.    10.  —  Arc  de  triomphe  de  Caracalla    pendant  les  fouilles) 

A.  Soutènement  en  marbre. 

B.  Pylône  extérieur  de  l'Ouest. 

C.  Pylône  central   de   l'Ouest. 

1).  Piédestal  de  la  base  de  ^À.  Oùstjita  ZaSHtva. 


FOUILLES    DL    TIIASOS  2H> 

ceaux  d'acanthe,  et  des  volutes,  entre  un  coussinet  plat 
et  une  zone  d'oves  avec  fers  de  lance.  Sur  ces  chapiteaux 
prenaient  appui  les  voussoirs,  larges  de  toute  l'épaisseur  de 
la  porte;  la  mouluration  de  l'archivolte,  à  trois  fasces, 
rappelle  celle  d'une  architrave  corinthienne.  Les  blocs 
retrouvés  appartiennent  aussi  à  deux  systèmes  de  propor- 
tions différents1.  Il  est  évident  que  les  plus  forts  voussoirs 
devaient  se  trouver  au-dessus  de  la  baie  médiane;  on  est 
donc  conduit  à  restituer  aussi  sur  les  pylônes  centraux  les 
chapiteaux  du  plus  grand  module.  L'entablement  était 
d'ordre  corinthien.  On  en  a  retrouvé  de  nombreuses  pièces, 
parmi  lesquelles  deux  longs  fragments  de  l'inscription  dédi- 
catoire  2.  Cette  inscription,  qui  nomme  Garacalla,  Julia 
Douma  et  Septime-Sévère,  permet  de  dater  l'arc  de  triomphe; 
il  a  été  élevé  entre  la  fin  de  l'année  213  apr.  J.-C,  date  à 
laquelle  M.  Antoninus  Garacalla  prit  le  nom  de  Germanicus 
Maximus,  et  le  mois  d'avril  de  l'année  217,  époque  à  laquelle 
cet  empereur  fut  assassiné  3.  La  position  des  blocs,  au 
moment  de  la  trouvaille,  m'a  prouvé  que  l'inscription  devait 
être  tournée  du  côté  de  la  ville.  Si  ces  prévisions  sont 
exactes,  la  porte  de  Garacalla  devait  se  dresser  à  l'avant  du 
temple  de  Rome  et  d'Auguste,  signalé  par  les  inscriptions  4, 
et  dont  l'emplacement  était  un  peu  au  Sud  du  côté  de  l'en- 
ceinte hellénique5. 

La  frise  est  décorée  de  hauts  godrons  plats,  au-dessus 
desquels  prend  place  un  bandeau  d'oves  et  de  fers  de  lance. 
Elle  fait  pièce  avec  l'architrave.   Les   éléments   retrouvés, 


1.  ii"'  56  de  hauteur,  el  0m  i'2. 

2.  Cf.  T. G.,  XII,  8,  n°382. 

3.  Cf.  Rohden,  dans  la  Real-Encycl.  de  Pauly-Wissowa,  II,  2,  -l  i  17  : 
Dittenberger,  Syll.,  2,  n°  ilG.  On  sait  qu'en  214,  Caracalla  avaii  visité  la 
Thrace  Rohden,  p.  .'ils  ;  peut-être  vint-il  à  Thasus;  on  peut  penser  du 
moins  qu'il  mérita  par  quelque  bienfait  les  remerciements  de  la  ville. 

4.  I.(}.,  XII.  8,  n    .580. 

fj.  J'espère  l'exhumer,  ainsi  (lue  1  '  Asklepieion  tout  voisin,  dans  une  pro- 
chaine campagne. 


221)  FOUILLES    DE    T11ASOS 

pour  cette  partie  de  l'entablement,  se  classent  aussi  en  deux 
séries,  d'après  les  dimensions  '.  Les  éléments  les  plus  forts 
sont  les  seuls  qui  portent  inscription.  Il  est  aisé  de  con- 
clure qu'ils  devaient  prendre  place  au  milieu  de  l'arc,  au- 
dessus  du  passage  central  2.  Les  pièces  d'entablement  les 
moins  hautes  surplombaient  chacun  des  passages  latéraux. 
Des  différences  analogues  caractérisent  les  éléments  de  cor- 
niche qui  ont  été  retrouvés  \  Sur  tous,  le  décor  est  le  même, 
et.  pareillement,  d'ordre  corinthien.  Un  de  ces  blocs,  du 
plus  fort  module,  laisse  voir,  au  lit  d'attente,  une  large 
mortaise  et  une  partie  simplement  piquetée,  qui  ne  devait 
point  être  visible.  On  restitue  à  cette  place,  assez  vraisem- 
blablement, le  groupe  colossal  qui  dominait  la  porte,  et 
dont  les  morceaux,  trouvés  par  Bent,  semblent  perdus 
aujourd'hui  ''. 

De  chaque  côté  du  passage  médian,  quatre  hautes  bases, 
surmontées  de  statues,  flanquaient  l'arc  de  triomphe.  Trois 
de  leurs  piédestaux  ont  été  retrouvés  en  place.  On  a  décou- 
vert également,  presque  complète,  une  grande  base  pyrami- 
dante,  portant  dédicace  de  la  yzpooaia.  de  Thasos  à  «I>a. 
OÙ£t(3ia  Sa^eiva5.  Elle  peut  être  restituée  sûrement  au  N.-O. 
de  l'entrée,  du  côté  de  la  ville  (D).  En  face,  également  au 
Nord,  on  a  exhumé  du  sol,  presque  in  situ,  la  base  de  Ms;.i[ua 
BeXXijïa  'AXd;avopa,  que  devait  couronner,  très  vraisembla- 
blement, la  grande  statue  drapée  n°  189  du  Musée  de  Cons- 
tantinople,    prise    sans   raison     pour   l'impératrice  Sabine, 

1.  Haut.  0ra735  et  0  ■"  60. 

2.  Les  deux  pièces  inscrites  retrouvées,  inégales  en  longueur,  mesurent 
5m64,  pour  l'ensemble.  L'inscription  complète  devait  avoir  environ  7". 

3.  Haut.  0™  42  et  0™  35. 

i.  Groupe  d'Héraklès  (Caracalla;  luttant  contre  le  lion:  peut-être  aussi 
faut-il  restituer  à  cette  place,  au-dessus  d'un  des  passages  latéraux,  le  torse 
colossal  d'empereur  qui  a  été  publié  par  M.  G.  Mendel  ;  cf.  Bull.  corr. 
hcll..  XXVI,  1902.  p.  478.  Il  n'est  pas  sûr  que  ce  personnage  soit  Caracalla, 
ou  Septime-Sévère. 

j.  I.G..  XII,  s.  n"  389.  La  base  se  raccorde  avec  le  fragment  encore  en 
place  sur  le  piédestal. 


FOUILLES    DE    THASOS  221 

femme  d'Hadrien,  et  restituée  à  tort  au-dessus  de  l'édifice. 

De  la  statue  de  <I»a.  Ojî$i<x  Sajtefva,  le  torse,  tout  à  fait  ana- 
logue à  celui  de  la  statue  de  Constantinople,  a  été  retrouvé. 

Du  côté  Sud,  tournées  vers  l'enceinte  hellénique,  et, 
comme  je  crois,  vers  le  temple  de  Rome  et  d'Auguste,  se 
dressaient  deux  bases  symétriques,  dont  l'une  seulement  a 
été  rendue  par  la  fouille,  encore  qu'en  partie  brisée.  C'est 
celle  du  Sud-Ouest,  qui  portait  une  effigie  de  l'hiérophante 
'IoûXtoç  Àa(3épwç  Maxeoûv  1  ;  l'effigie,  du  moins,  a  été  heu- 
reusement retrouvée,  presque  complète,  en  même  temps 
qu'un  fragment  d'inscription  de  la  base  ~.  Reste  donc  seu- 
lement anonyme  le  personnage  de  la  quatrième  base  ;  il 
devait  être  aussi  masculin,  à  en  juger  par  un  torse  de  statue 
drapée  qui  paraît  avoir  été  le  sien . 

Nous  omettons  ici  les  petites  trouvailles  accessoires.  Par 
l'abondance  des  fragments  de  sculpture  et  d'architecture 
qu'il  a  livrés,  ce  monument  prend  une  valeur  que  ne  suffi- 
rait peut-être  pas  à  lui  acquérir  son  style  tardif  et  quelque 
peu  négligé.  Bien  daté,  il  peut  permettre  une  étude  précise 
de  l'art  romain,  pour  une  époque  où  les  documents  restent 
rares . 

Les  recherches  poursuivies  dans  l'île,  indépendamment 
de  ces  travaux,  tant  en  1910  qu'en  1911,  ont  permis  de 
recueillir  environ  00  textes  épigraphiques,  qui  doivent 
s'ajouter  au  recensement,  tout  récent,  des  I.G.,  XII8. 
Dans  la  prochaine  campagne,  on  espère  compléter  les  résul- 
tats acquis  en  divers  points,  —  dégager  l'Asklépieion  et  le 
temple  de  Rome,  —  et,  pour  une  autre  partie  de  la  ville, 
retrouver,  s'il  se  peut,  puis  fouiller  complètement  le  Oswpiov, 
d'où  Miller,  au  bénéfice  du  Musée  du  Louvre,  a  déjà  tiré, 
et  des  inscriptions,   et  des  sculptures, 

« 

1.  (»n  remarquera  que  tous  les  personnages  honorés  autour  de  la  porte 
riaient  des  prêtres  ;  les  deux  femmes  avaient  le  titre  d'àpyiepstat. 

2.  I.  G.,  XII.  s.  n    ;;s7.  La  transcription  de Hicks  doit  être  corrigée  pour 
quelques  dél ail- 


222 

LES    FOUILLES    DE    TIIASOS 

(2e  paktie), 

PAR    M.     AD.-.I.    REINACH. 

T'ne  des  principales  raisons  qui  nous  donnaient  lieu  de 
bien  augurer  de  fouilles  à  Thasos  était  la  retentissante 
découverte  qui  venait  d'y  être  faite  lors  de  notre  première 
visite  à  l'île,  en  juillet  19101.  Dans  un  terrain  naguère  planté 
d'oliviers,  situé  au  bas  de  la  pente  N.-O.  de  l'Acropole,  le 
propriétaire,  Abd-ul-Féda,  garde  forestier  égyptien,  avait, 
en  le  défrichant,  trouvé  six  statues  de  femmes  drapées, 
de  grandeur  naturelle.  Le  Musée  impérial  ottoman  averti 
envoya  sur  les  lieux  Th.  Makridy-Bey.  Celui-ci  ne  se  borna 
pas  à  enlever  les  statues;  il  en  trouva  une  septième,  déga- 
gea les  bases  au  pied  desquelles  elles  étaient  tombées  et 
le  mur  de  soutènement  devant  lequel  ces  bases  étaient 
alignées. 

Deux  de  ces  bases,  par  leur  dédicace,  apprenaient  que 
les  statues  qu'elles  portaient  avaient  été  consacrées  à 
Artémis  Pôlô.  Il  était  donc  permis  de  supposer  que  la 
paroi  contre  laquelle  elles  étaient  dressées  formait  le  mur 
de  fond  d'un  téménos  de  cette  déesse.  Sur  son  pourtour 
d'autres  statues  ou  d'autres  bases  pouvaient  se  rencontrer. 
On  comprend  que  nous  n'ayons  pu  manquer  à  établir  un  de 
nos  chantiers  autour  de  la  tranchée  laissée  ouverte  par 
Makridy-Bey. 

Nos  espérances  n'ont  pas  été  réalisées.  Les  tranchées, 
poussées  en  tous  sens,  jusqu'au  sol  vierge,  n'ont  révélé  ni 
temple,   ni   portique,   car  l'on   ne    peut  rien   conclure   des 

1.  Cetle  découverte  n'a  clé  jusqu'ici  annoncée  qu'en  quelques  lignes  de 
\.\nzeiger  de  VArch.  Jahrbnch,  XXV  1910),  p.  111.  Depuis  que  cette 
communication  rédigée  en  février  1912  a  été  présentée  à  l'Institut. 
Th.  Makridy-Bey  a  l'ait  paraître  une  description  détaillée  des  bases  et  des 
statues  dans  le  Lr  fasc.  de  L912  du  J&hrbach  distribué  à  la  fin  d'avril). 
Nous  n'avons  rien  cru  devoir  changer  à  la  présente  note. 


FOUILLES    DK    THASOS 


223 


o 

■J. 

ce 

o 


!»       O 


C3 

J3 


o 


O 
O 


in 


221  FOUILLÉS    DE    THASOS 

faibles  restes  de  deux  fondations  dont  l'une  courait  à 
5  mètres  du  mur  des  bases  et  l'autre  formait  angle  droit 
avec  elle  au  N.-O.  Tout  ce  qu'elles  ont  permis,  c'est  de  se 
rendre  un  compte  plus  exact  de  l'état  des  lieux  dans  l'anti- 
quité et  de  découvrir  la  raison  d'être  probable  d'un  culte 
en  ce  lieu  —  une  source  calcifiante  —  et,  peut-être,  le  lieu 
de  ce  culte,  un  autel  dans  une  sorte  de  chapelle  ouverte. 
Tout  ce  qu'elles  ont  livré,  en  dehors  des  figurines  hellénis- 
tiques et  gréco-romaines  qui  n'y  ont  été  sans  doute  amenées 
que  par  les  déblais  de  terrasses  supérieures,  ce  sont  de 
menus  fragments  de  statues,  une  colonnette  et  deux  bases 
inscrites1,  quelques  bases  anépigraphes  et  de  rares  pièces 
des  bases  en  place.  Ces  bases  ont  été  reconstituées  autant 
que  possible  et  leur  emplacement  a  été  complètement 
nettoyé  (fig.  11). 

Aussi  bien  nous  ne  pouvons  songer  à  donner  ici  une 
description  complète  de  ces  bases  et  de  leurs  statues.  La 
priorité  de  leur  publication  appartient  à  Makridy-Bey  et 
nous  ne  saurions  anticiper  sur  le  mémoire  qu'il  prépare 
depuis  sa  belle  découverte.  Sans  nous  occuper  des  statues 
que,  de  son  côté,  M.  Mendel  doit  faire  connaître  incessam- 
ment dans  son  Catalogue  des  sculptures  du  Musée  de  Con- 
siantinople,  nous  nous  bornerons  aux  indications  néces- 
saires  à    faire    comprendre    comment    notre    fouille    a    pu 

1.  On  y  a  aussi  trouvé  parmi  les  décombres  une  colonnette  funéraire  : 
Zwa;|;j.o;  Zto|ffî[iOU  I  "irjpcoç.  Mais  elle  duit  appartenir,  non  aux  monu- 
ments de  l'esplanade,  mais  aux  matériaux  divers  qui  l'ont  comblée.  Il  doit 
en  être  de  même  de  deux  fragments  d'épitaphes,  l'une  se  rapportant  à  un 
ephèbe,  l'autre  contenant  des  restes  de  cinq  noms,  fragments  qu'on  nous  a 
présentés  comme  venant  de  la  fouille  de  Makridy-Bey  ou  des  recherches 
poursuivies  avant  et  après  par  le  propriétaire  du  terrain.  Cette  provenance 
paraît  authentique  pour  une  petite  base  qu'on  nous  a  également  affirmé 
y  avoir  été  trouvée  :  'Iepeùç  Aïo;  Ee6aor  |  oB  AuXoç  IIo-.tXX[t]  \oq  Mpaaioc;  rrjv 
ffuvjïtov  'Eptxio'vrjv  '  Apye  j  Xaou  npoji'jaTtv,  |  ©eàv  ijtiçavî).  Cette  Déesse  Epi- 
phane  est-elle  Artémis  Polo?  (Cf.  la  note  que  Ch.  Picard  lui  consacre  dans 
l'Annuaire  international  publié  par  l'Université  d'Athènes  (1912).  M.  Picard 
m'a  informé  en  mai,  de  Thasos,  (pie  les  pluiesd'hiver  avaient  révélé  sur  une 
dalle  de  ce  téménos  un  graffite  à  Artémis  Polo. 


FOUILLES    DE   THASOS  -2') 

compléter   ce   qu'un    heureux   hasard    avait    livré    à    notre 
devancier. 

La  terrasse  que  nous  avons  déblayée  est  constituée  par 
un  des  derniers  degrés  naturels  que  le  rocher  de  l'Acropole 
forme  à  son  pied  en  s'étalant  vers  la  mer.  Large  d'une 
quinzaine  de  mètres  (N.-S.),  elle  s'allonge  sur  35  mètres 
environ  en  une  esplanade  que  deux  éperons  rocheux  limitent 
à  l'O.  et  à  l'E.,  tandis  qu'un  troisième,  pointant  à  l'E.  du 
rocher  d'où  coule  la  source,  divise  l'esplanade  en  deux 
parties  :  à  l'O.  celle  que  caractérise  l'alignement  des  bases, 
à  l'E.  celle  où  s'élevait  sans  doute  l'autel. 

Cette  disposition  explique  que  l'esplanade  n'ait  conservé 
des  restes  de  ses  monuments  qu'au  S.,  tout  contre  les  murs 
de  soutènement  construits  autant  pour  suppléer  à  la  hau- 
teur insuffisante  de  la  paroi  rocheuse  que  pour  en  voiler  les 
irrégularités.  Ces  murs  diffèrent  par  l'appareil  et,  sans  doute, 
par  l'époque.  Au  S.-O.  du  mur  dégagé  par  Makridy-Bey,  on 
a  retrouvé  de  grands  blocs  dont  l'aspect  cyclopéen  rappelle 
celui  de  la  partie  la  plus  ancienne  de  l'enceinte  de  la  ville  ; 
à  l'E.  le  mur  paraît  hâtivement  édifié  en  petits  moellons  de 
schiste  de  toute  taille;  par  contre,  le  mur,  long  de  15  m  45, 
qui  servait  de  fond  aux  statues,  doit  à  cette  fonction  d'avoir 
été  construit  avec  le  plus  grand  soin.  Sur  un  soubassement  en 
blocs    moins    exactement    parementés ,    s'élèvent   encore   à 
1  "'  75  quatre  assises  de  beaux  parallélipipèdes  allongés  (en 
moyenne,  0.  70  X  0.  45)  en  marbre  local  (les  assises  décrois- 
sent légèrement  de   bas  en   haut  :  0'"  il,    0  '"  39,  0'»38, 
I)  '"  36;,  biseautés  à  la  face  interne  pour  mieux  s'adapter  aux 
anfractuosités  du  rocher  dont  des  moellons  et  de  la  chaux 
remplissaient    les  vides,   smillés   soigneusement  a   la  face 
externe.  Malgré   la  perfection  de  ce  piquetage   au   marteau 
que  met  encore  en  valeur  une  légère  anathyrose,  il  ne  paraît 
pas  avoir  été  fait  pour  être  vu  ;  le  smillage  était  destiné  à 
mieux  retenir  le  plâtre  très    tin  dont  de  larges    plaques   y 
tiennent    encore   par  endroits;  le  même   plâtre    remplissait 


226  FOUILLES    DE    THASOS 

les  interstices  des  pierres,  interstices  la  plupart  très  minces, 
les  blocs  étant  parfaitement  jointoyés.  Ce  mur  devait  com- 
porter encore  au  moins  trois  assises;  les  blocs  qui  les 
composaient  se  sont  retrouvés,  en  grand  nombre,  dans 
les  déblais.  Ces  assises  dépassant  le  roc  ont  été,  lors  de 
l'abandon  de  Thasos,  entraînées  et  dispersées  avec  toute 
sorte  de  débris  venant  des  terrasses  supérieures  ;  en  s'effon- 
drant  dans  la  poche  naturelle  que  formait  notre  terrasse, 
ils  ont  dû  achever  la  ruine  de  ses  monuments  commencée  par 
les  tailleurs  de  marbre.  Ceux-ci  n'avaient  respecté  que  sept 
des  images  adossées  contre  ce  mur  qui  n'était  qu'une  sorte 
de  parement  fait  au  rocher.  Une  fois  jetées  à  terre  plus  ou 
moins  loin  par  la  violence  du  choc,  les  statues  ont  pu  y 
rester  à  l'abri,  enfouies  dans  ce  terre-plein  de  décombres 
bientôt  ombragé  d'arbres,  jusqu'à  ce  que  la  pioche  du 
défricheur,  devançant  celle  du  fouilleur,  soit  venue  les 
ramener  au  jour. 

Les  sept  statues  de  femmes  drapées  qu'on  a  ainsi  retrou- 
vées ne  représentent  pas  la  totalité  de  celles  qui  ont  dû  se 
détacher  sur  le  mur  du  fond,  au  11e  siècle  de  notre  ère, 
lorsqu'un  remaniement,  qui  a  laissé  des  traces  certaines, 
porta  à  huit  le  nombre  des  bases.  Si  l'une  (7)  et  peut-être 
une  deuxième  (2)  d'entre  elles  ont  dû  porter  des  statues 
moins  grandes,  une  autre  (3)  en  a  certainement  supporté 
trois  et  une  autre  encore  (6)  a  pu  en  recevoir  deux.  Passons 
succinctement  ces  bases  en  revue  d'Ouest  en  Est. 

1 .  Base  formée  de  trois  orlhostates  dressées  sur  une  plinthe 
à  corniche.  Au  haut  de  la  face  antérieure,  on  lit  : 

'Avtmbôîv   E'jo'j(j.:v;oo,j 

t'v    xii-o-j    'J.r-.ïzx 

"Ac7]V     NiwVOÇ    'ApTE(Xl8«    riwÀot 

$iXîaxoç   rio/.jy  stpjiou 
'l'oo'.o;  ÈnoÎTjaev 


FOUILLES    DE    TIIASOS  227 

Un  Eupufjtevt8V)ç  'Avcwfffflviroç  est  connu  |);ir  une  liste  de  théores 
du  début  du  Ier  siècle  av.  '.  Si  l'on  y  reconnaît  le  père  de 
notre  Antiphon,  Philiskos  de  Rhodes  viendrait  se  placer  au 
milieu  de  ce. siècle,  ce  qui  conviendrait  au  peu  que  Ton  sait  de 
ce  sculpteur.  On  pourrait  voir  sou  père  dans  le  Polycharmos 
dont  Pline  mentionne  une  Vénus  dans  le  Portique  d'Octavie  où  se 
trouvaient  l'Apollon  et  les  Muses  de  Philiskos-.  Par  la  simplicité 
de  ses  lignes  et  l'élégance  sobre  de  son  inscription,  cette  base  de 
Philiskos  donne  l'impression  d'être  lapins  ancienne,  impression 
que  confirme  par   sa   délicatesse  la  statue  qu'elle  supportait. 

'_'.  Petite  hase  circulaire  (diam.  0 '"  60  .  Il  n'en  subsiste  que  la 
plinthe  moulurée.  Elle  paraît  avoir  été  intercalée  après  coup, 
en  même  temps  que  la  hase  3.  Celle-ci  pouvant  descendre 
jusqu'à  l'époque  des  Antonins,  on  pourrait  rapprocher  de  cette 
plinthe  une  colonnette  ronde,  recueillie  dans  la  fouille  qui  porte 
une  dédicace  de  cette  époque  :  AÏXta  Bp7)|<iet;  rov  Éauxîj?  uijov 
$a6ptxiov  j  QdnXiov  rov  |  v.i  Ko'vitov  (pour  Kofvxov,  Qnintus)  eùjvotaçxaï 
T£t|;jLf,;  Tr,;  jîc  i|ajTov  ivr/.Ev.  La  colonnette  n'ayant  vraisemblable- 
ment pas  appartenu  à  la  hase,  on  en  rapproche  seulement  cette 
inscription  pour  indiquer  que  l'aménagement  définitif  du  péri- 
h( île  descend  jusqu'en  plein  n"  s.  ap.,  après  avoir  commencé 
sans  doute  à  la  fin  du  ne  av.  notre  ère. 

3.  Base  monolithe  à  plinthe  et  encadrement  richement  mou- 
lurés (larg.  0  "'  7<S  à  la  plinthe;  0m  66  à  l'inscr.  .  Les  caractères 
très  ornés  reportent  à  l'époque  des  Antonins  : 

'O  07J;j.o;  |  KXeo7ca~pav  |  'AvTiàvaxxoç  |  vovaïxa  xô<j|lu.:ov  ts  xai  auicpoova 
x|pET%  Ëvexa  |  rcaaris. 

4.  De  cette  base  il  ne  reste  en  place  que  la  grande  plaque  de 
marbre  qui  formait  plinthe.  On  pourrait  songer  à  y  replacer  un 

1.  /G.,  XII,  s,  312. 

2.  Pline  cite  de  Philiskos  un  Apollon  avec  Latone,  1  tiane  el  1rs  Muscs,  et 
un  autre  Apollon  nu  (XXXVI,  34)  au  milieu  d'autres  sculptures  de  la  fin 
du  n  s.:  quant  à  la  Vénus  debout  de  Polycharmos,  il  semble  la  mettre  en 
pendant  de  la  Vénus  au  bain  de  Doidalsès  XXXVI,  35  qu'on  croit  pouvoir 
placer  vers  1j0. 

1912.  16 


228  FOUILLES    DE    THASOS 

bloc  presque  cubique  (haut.  0m  62,  larg.  0  m  65,  long.  0m  71) 
recueilli  dans  d'anciens  déblais  dont  la  face  supérieure  porte  les 
empreintes  dune  statue  et  la  face  antérieure  des  restes  d'une 
inscription  très  effacée.  On  ne  peut  reconnaître  avec  quelque 
certitude  que  deux  noms,  l'un  qui  appartiendrait  à  celui  qui  fait 
la  dédicace  :  ^JsîSmTcofç,  l'autre  à  celle  qui  en  est  l'objet  : 
[Ip]oovîx[oa  (?  son  père?);  les  deux  noms  sont  connus  à  Thasos 
aux  deux  derniers  siècles  avant  notre  ère  auxquels  reporte 
l'épigraphie. 

5.  Base  formée  de  trois  orthostates  dressées  sur  une  plinthe 
garnie  d'une  rangée  d'oves  (long.  lm  75,  dont  0m  30  pour  la 
plinthe  ;  haut.  0m  90  dont  0  m  30  pour  la  plinthe).  Au  haut  de  la 
face  antérieure,  on  lit  : 

<ï>tX<:ov   <ï>avo'X£ra>ç 

ttjv   âauTOu  yjvaïxa 

KoOlV    A^OVJTOOliJpOU 

'ApT£;j.t8t  n[wX]oï 

Les  quatre  noms  se  retrouvent  dans  les  listes  de  théores  (dans 
le  seul  autre  exemple  qu'on  en  ait,  /.G.,  XII,  8,  278,  69,  KdSi; 
est  un  nom  masculin  tandis  que  Koooî  est  féminin,  /.  G.,  XII, 
5,  189);  mais  aucune  identification  ne  s'impose.  Les  caractères 
paraissent  légèrement  postérieurs  à  ceux  de  la  base  de  Philis- 
kos. 

6.  Base  dont  il  ne  reste  que  la  plinthe,  grande  plaque  de 
marbre  de  2m  10  sur  lm  20.  Elle  a  pu  porter  deux  statues. 

7.  Contre  la  grande  base  8,  base  anépigraphe,  se  trouvait 
appuyée  une  simple  plinthelisse.  Les  dimensions  et  les  scellements 
ont  permis  d'y  replacer  une  petite  base  recueillie  clans  les  débris; 
elle  est  faite  d'un  bloc  parallélipipédique  en  marbre  Çlong.  0m  62, 
larg.  0m  54,  haut.  0m  35)  pourvu  au  bas  et  au  haut  d'une  légère 
moulure  et  présentant  une  dépression  dont  les  dimensions 
indiquent  qu'elle  était  destinée  à  une  statue  moitié  grandeur 
naturelle.  La  fouille  a  précisément  donné  une  portion  de  bras 
nu  qui  pourrait  provenir  d'une  pareille  statue. 

8.  Grande  base  qui,  au  lieu  d'être  formée  d'un  seul  bloc  de 
marbre,  comme  les  précédentes,  comprend  deux  assises,  l'infé- 


FOUILLES    DE    THÀSOS  229 

rieure  formée  de  quatre  plaques,  la  supérieure  de  trois  (l'inf, 
mesure  5  ni  57  débordant  la  sup.  de  0m  03  aux  deux  extrémités). 
La  plaque  centrale  de  l'assise  sup.  et  le  tiers  contigu  des  deux 
autres  portent  la  trace  dune  inscription  martelée.  On  ne  distingue 
plus  que  KOT  à  la  fin  de  ce  qui  devait  être  la  lre  ligne,  sans 
doute  Ko'tu;,  en  caractères  un  peu  antérieurs  à  ceux  de  la  base 
de  Philiskos.  On  peut  s'expliquer  ce  martelage  depuis  que  la 
fouille  a  fait  connaître  une  grande  plinthe,  brisée  en  trois  (long. 
lm  80,  larg.  0Q1  93),  pourvue  d'une  dépression  sensiblement 
elliptique  destinée  à  recevoir  la  statue  (0m  70  sur  0m  51).  Sur  la 
tranche  antérieure,  on  lit  : 

<I*]iXd<pp<ov   SaTÛpou  Xpua[r)îoa   KÀjiavopiSou 
tt]v   Éauxou  yuvaïx.a   Ttàcnrjç   apETï);  xai 
aaxppoaûvYi;   Ivexev 

Tout  concorde  à  établir  que  cette  plinthe  était  placée  sur  celle 
des  trois  plaques  de  notre  base  qui  est  le  plus  à  l'Est;  ainsi  posée,  à 
l'O.elle  est  travaillée  à  joint,  à  l'E.  elle  offre  une  face  polie  que 
surmontait  sans  doute  un  léger  balustre  destiné  à  séparer  la 
statue  de  la  fontaine  dont  il  sera  question  plus  loin.  Le  balustre 
n'a  pas  imposé  respect  à  tous  les  passants  ;  car  c'est  probablement 
l'un  d'eux  qui  a  gravé  en  caractères  d'assez  basse  époque  au  pied 
de  la  statue  :  Zoaîur,;  [sic)  'ArcoXkofdv...  Après  avoir,  à  la  lin  du 
ue  siècle  av.,  reçu  sans  doute  un  seul  groupe,  cette  grande 
base  aurait  été  remaniée  un  siècle  plus  tard  pour  abriter  les 
trois  statues  recueillies  à  ses  pieds.  On  peut  dire  abriter,  car  on 
a  retrouvé  toute  la  partie  0.,  parfaitement  conservée,  et  une 
portion  mutilée  de  l'angle  E.  d'une  grande  corniche  en  marbre 
à  moulures,  denticules  et  têtes  de  lion  formant  gargouille,  cor- 
niche qui  a  dû  former  comme  un  auvent  au-dessus  de  cette 
grande  base. 

A  l'époque  où  cette  modification  fut  faite  ,  dix  ou  onze 
statues  de  femmes  ont  donc  dû  s'aligner  contre  ce  mur  de 
fond.  Que  d'autres  monuments  s'élevassent  dans  le  péribole, 
c'est  ce  qu'attestent  une  dizaine  de  pièces,  retrouvées  dans 


230  fouilles  dl  ÎHasoS 

la  fouille,  qui  appartiennent  à  leurs  bases.  Deux  de  ces  pièces 
sont  inscrites:  la  colonnette,  déjà  citée,  que  Briséisa  élevée 
à  son  fils,  et  une  base,  réemployée  dans  les  murs  de  l'église 
voisine,  sur  laquelle  'Hpw  Aswîijjuv-c;  remercie  son  petit-fils 
'Apyekxoç  QavxpaTiSou;  une  demi-douzaine  consiste  en  socles 
ou  plinthes  monolithes  de  formes  diverses;  la  seule  qui 
nous  intéresse  ici  est  un  de  ces  blocs  à  qui  l'on  donne  l'as- 
pect conventionnel  d'un  rocher  où,  dans  l'art  antique, 
viennent  souvent  s'asseoir  ou  s'appuyer  Apollon  et  les 
Muses. 

Cette  indication  est  la  seule  qu'on  puisse  ajouter,  pour 
chercher  le  nom  qu'a  pu  porter  ce  péribole,  à  celle  que 
fournissent  les  deux  dédicaces  à  'ApHiuç  IIwX.ï).  Elle  n'y 
contredit  point.  Apollon  qui  régnait  à  Thasos,  sous  le  vocable 
de  Pythios  à  l'Acropole,  sous  celui  de  Nymphégétès  peut- 
être  au  Théorion,  a  pu  être  associé  à  sa  sœur  Artémis  dont 
des  monnaies  thasiennes  portent  la  tète  à  partir  de  146  av. 
J. -G.  Si  le  vocable  de  celle-ci  est  nouveau,  il  n'a  rien  de  sur- 
prenant à  Thasos  :  de  nombreux  monuments  attestent  qu'une 
déesse  cavalière  a  été  adorée  par  les  Thraco-Phrygiens  à 
côté  du  dieu  cavalier.  Ce  sont  ses  monuments  qui  ont  pu 
faire  croire  dans  les  Balkans  à  une  extension  du  culte 
gallo-romain  d'Epona  ;  c'est  cette  déesse  équestre  et  ses 
fidèles  qui,  en  Phrygie,  ont  donné  naissance  aux  légendes 
des  Amazones  '.  Nous  espérions  qu'en  un  lieu  où  Artémis 
avait  été  adorée  comme  «  pouliche  »  il  nous  serait  donné  de 
retrouver  des  ex-voto  rentrant  dans  cette  variété  des  figura- 
tions dites  d'  <<  Artémis  ailée  »  où  la  déesse  tient  de  chaque 
main  un  cheval  bondissant,  variété  à  laquelle  le  nom  d' Arté- 
mis Pôlô  pourra  être  attaché  désormais.  Il  n'en  a  rien  été  et 
la  centaine  de  figurines  recueillies  appartient  à  ces  types  que 
livre  la   fouille    de   toute   ville    hellénistique  :    délicieuses 

].  Celte  hypothèse  que  j'ai  déjà  Indiquée  ailleurs  vient  de  recevoir 
l'assentiment  de  G".  Seure  dans  son  étude  Sur  quelques  types  du  cnvalier 
thrace  [Rev.  d  Et.  «me,  1912,  p.  1 47;. 


FOUILLES    DE    THASOS  231 

têtes  de  jeunes  femmes,  dont  les  modèles  se  retrouvent 
tous  à  Myrina  ou  à  Tanagra,  éphèbes  au  pétase,  masques 
grotesques;  comme  animaux,  un  lion,  un  bœuf,  un  coq,  un 
pigeon.  Ce  sont  là  des  bibelots  d'étagère  et,  comme  ils  ont 
été  retrouvés  au  milieu  de  lampes  gréco-romaines  et  de 
pesons  de  fuseau,  de  fragments  de  poterie  à  figures  rouges 
ou  à  reliefs  et  de  tessons  grossiers,  il  semble  évident  que 
toutes  ces  terres  cuites  n'ont  rien  à  faire  originairement 
avec  le  téménos,  mais  sont  également  tombées  sur  notre 
esplanade  avec  les  déblais  de  terrasses  supérieures  garnies 
de  maisons.  Des  couches  archaïques  de  l'Acropole  même 
ont  dû  glisser  un  aryballe  corinthien  et  une  portion  de  gor- 
goneion. 

Si  rien  n'est  donc  venu  confirmer  l'attribution  à  Artémis 
Pôlô  de  ce  péribole,  la  fontaine,  à  laquelle  il  a  déjà  été  fait 
allusion,  peut  expliquer  pourquoi,  sur  cette  terrasse,  s'est 
développé  un  lieu  de  culte.  L'association  de  cette  déesse 
((  pouliche  »  avec  une  source  n'aurait  rien  qui  doive  étonner  : 
on  la  retrouve  constamment  pour  sa  sœur  Epona  ;  le  génie 
d'une  source  jaillissante  a  été  aussi  souvent  conçu  sous  la 
forme  d'une  cavale  que  les  vagues  bondissantes  ont  évoqué 
L'idée  de  coursiers  écumants.  Dans  VArtémision,  la  fontaine 
ne  coule  plus.  Mais  ses  eaux  calcaires  ont  laissé  leur  trace 
sur  la  face  du  rocher  en  deux  sillons  ;  ils  forment  comme 
une  double  gouttière  naturelle  qui,  à  défaut  de  la  source 
tarie,  n'a  pas  cessé  de  servir  à  l'écoulement  des  eaux  de  pluie. 
Au  pied  du  pan  de  roche,  à  2  mètres  environ  de  l'orifice  par 
où  la  fontaine  sourdait  à  sa  surface,  s'ouvre  en  terre  la  faille 
où  elle  disparaissait.  Que  cette  faille  ait  eu  la  valeur  d'un 
véritable  chasma,  que  la  source  entière  ait  eu  un  caractère 
sacré,  c'est  ce  qu'on  peut  induire  du  fait  que  le  rocher  n'a 
pas  été  travaillé,  qu'on  l'a  laissé  s'avancer  sur  L'alignement 
du  mur  de  terrasse  tel  que  la  nature  l'avait  disposé.  L'amé- 
nagement semble  avoir  été  réduit  au  minimum  :  le  prolon- 
gement de  l'éperon  rocheux  formait  à  L'Est  un  mur  naturel; 


232  FOUILLES    DE    THASOS 

il  suffît  de  construire  un  petit  mur  bas  (1  mètre  env.) 
parallèle,  en  moellons  de  marbre,  qui  le  sépare  de  la  base  8 
et,  au  Nord,  de  le  relier  par  une  margelle  semblable  au 
prolongement  rocheux  ;  on  obtint  ainsi  un  petit  bassin  où  l'on 
pouvait  puiser  l'eau  miraculeuse  plus  commodément  que 
s'il  eût  fallu  la  recueillir  le  long  de  la  paroi  rocheuse. 
Devant  ce  bassin  paraît  s'être  étendue  une  aire  dallée, 
limitée  à  l'Est  par  le  rocher  et  par  un  mur  qui,  à  en  juger 
d'après  les  soubassements  qui  en  subsistent,  devait  le  pro- 
longer au  Nord  sur  8  mètres1. 

A  l'Est  du  prolongement  rocheux,  une  butte  formée 
surtout  de  tessons  et  d'ossements  noyés  dans  une  glaise 
encore  grasse  s'étendait  entre  cet  éperon  et  un  éperon 
parallèle  qui  avançait  de  même  à  12  mètres  plus  à  l'Est. 
Cette  butte  de  déblais  noyait  au  S.  un  mur  de  soutène- 
ment reliant  ces  deux  éperons  dont  elle  avait  recouvert  la 
crête.  En  dégageant  ce  mur,  la  fouille  atteignit,  à  2  mètres 
de  son  couronnement  actuel,  un  ensemble  qui,  bien  qu'il 
ait  été  totalement  dégagé,  reste  assez  mystérieux.  Tout  ce 
qu'on  en  peut  dire  ici,  c'est  qu'il  forme  une  sorte  de  soubas- 
sement naturel  taillé  dans  le  roc  ;  du  côté  du  mur  ce  sou- 
bassement est  bordé  par  une  double  assise  en  pièces  de 
marbre  à  smillage;  avec  la  3e  assise  qu'elle  devait  suppor- 
ter, ce  soubassement  atteignait  environ  \  mètre  de  hauteur 
en  face  du  mur  de  soutènement  dont  il  n'était  séparé  que 
par  une  étroite  ruelle.  Que  supportait  ce  soubassement? 
Sans  doute  un  édicule  à  colonnes  puisque  deux  colonnes 
cannelées  en  marbre  ont  été  retrouvées  gisantes  a  sa  sur- 
face (la  seule  qui  soit  complète  a  0m  36  de  diam.  sup., 
0m  39  de  diam.  inf.  sur  une  hauteur  de  1  m  70  ;  20  canne- 

1.  Un  gros  bloc  en  tuf  calcaire  a  été  retrouvé  près  de  la  source,  portant 
l'empreinte  de  feuilles  calcifiées.  MM.  Matruchot  et  Friedel  que  j'ai  con- 
sultés pour  l'identification  de  ces  feuilles  hésitent  entre  le  charme  et 
l'aune  :  ces  deux  arbres,  considérés  par  les  anciens  comme  funéraires, 
conviendraient  au  bois  sacré  d'une  Artémis  Hécate. 


FOUILLES    DE    THASOS  233 

lures)  et  que  trois  des  plaques  schisteuses  qui  semblent 
avoir  fait  partie  du  dallage  du  soubassement  montrent  de 
légères  dépressions  circulaires  :  colonnes  et  dépressions 
présentent  des  diamètres  variant  entre  0m  39  et  0m  45; 
mais  il  est  ditïicile  de  trouver  une  combinaison  architectu- 
rale qui  leur  convienne.  Peut-être  faut-il  supposer  qu'aux 
angles  du  soubassement  quatre  colonnes  supportaient  un 
toit  pour  protéger  un  antique  autel  dont  proviendrait  un 
bloc  cubique  en  tuf  trouvé  entre  deux  des  plaques  à  dépres- 
sion circulaire. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cet  édicule  que  la  fouille  a  révélé  à 
l'Est  de  l'Esplanade  des  bases  étant  au  même  niveau  que 
celle-ci  et  le  bord  Sud  de  son  soubassement  présentant  le 
même  appareil  que  le  «  mura  smillage  »,  il  doit  appartenir 
au  même  ensemble.  Il  n'en  est  sans  doute  pas  ainsi  des 
deux  grandes  fondations  dégagées  au  S.-O.  du  mur  à 
smillage.  Elles  appartiennent  à  la  terrasse  supérieure,  celle 
que  le  mur  à  smillage  servait  à  supporter  :  l'une  d'elles 
qui  court  parallèlement,  à  1  m  50  en  arrière  et  au-dessus, 
est  probablement  la  base  d'un  mur  de  soutènement  anté- 
rieur à  celui-ci  :  ce  n'est  guère,  en  effet,  après  le  vc  siècle 
que,  pour  constituer  un  mur  pareil,  on  eût  aligné  les  blocs 
énormes,  à  peine  dégrossis,  dont  le  peu  qui  reste  —  3  assises 
hautes  respectivement  de  0m  40,  0m  70  et  0m  60  (l'un  des 
blocs  s'allonge  sur  1  m  80)  —  conserve  un  aspect  cyclopéen. 
L'autre  fondation,  qui  vient  couper  l'extrémité  0.  de  la 
précédente,  doit  être,  au  contraire,  assez  récente  :  ce  qu'on 
en  a  dégagé  se  présente  à  peu  près  comme  les  trois  côtés 
d'une  enceinte  rectangulaire  en  moellons  de  marbre  ou 
gneiss  et  plaques  de  schiste  liés  par  un  mortier  à  tuile  et 
brique  qui  peut  être  byzantin;  de  la  maison  que  cette 
enceinte  a  dû  contenir  il  ne  reste  qu'un  petit  puits  circulaire 
et  des  amas  de  tuiles  et  de  tessons.  Ainsi,  immédiatement 
au-dessus  du  mur  des  bases,  commençaient  les  maisons 
dont  les  décombres  l'ont  protégé. 


234  FOUILLES    DE    THASOS 

La  fouille  n'a  pas  été  poursuivie  de  ce  côté  où  elle  sem- 
blait ne  rien  promettre,  mais  une  série  de  sondages  a  été 
poussée  au  N.-E.  dans  une  prairie  appartenant  au  couvent 
Pantokrator,  un  champ  communal,  un  vignoble  et  un  pré 
de  Nicolas  Valma,  tils  du  Valma  qui.  en  1863,  indiqua  à 
Miller  l'emplacement  du  Théorion.  C'est  cet  édifice  qu'on 
cherchait  k  retrouver.  Ici  encore  nos  espérances  n'ont  pas 
été  réalisées. 

En  suivant  le  mur  de  soutènement  qui  part  à  l'Est  du 
rocher  surplombant  la  fontaine,  on  est  arrivé,  au  bout  d'une 
vingtaine  de  mètres,  au  haut  d'un  escalier;  une  douzaine 
de  grandes  marches  en  schiste  (longues  de  3  mètres  env.) 
suivies  par  une  rampe  dallée  ont  mené  aux  arasements  d'un 
monastère  byzantin.  Seule,  au  milieu  des  bâtiments  con- 
ventuels, l'église  —  du  type  classique  avec  narthex,  katho- 
likon  et  hiéron,  — a  pu  être  entièrement  dégagée;  autour 
de  la  table  de  l'autel  resté  en  place,  les  murs  de  l'abside 
s'élevaient  encore  k  près  de  2  mètres;  malheureusement  le 
fouilleur  n'a  trouvé  dans  ce  travail  rendu  particulièrement 
ingrat  par  la  mauvaise  construction  des  murs  aucune  des 
deux  récompenses  qu'il  pouvait  espérer  :  pas  une  de  ces 
sculptures  byzantines  dont  les  bas-reliefs  —  une  scène  de 
chasse  et  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions  —  rapportés  par 
Makridy-Bey  k  Constantinople  (bas-reliefs  qu'on  disait  venir 
de  là)  pouvaient  donner  l'espoir,  et,  parmi  les  marbres  réem- 
ployés, deux  inscriptions  seulement1.  Le  principal  intérêt 
de  cette  fouille  demeure  le  fait  même  de.  la  découverte  de 
ce  monastère  qui  doit  être  celui  qu'une  charte  de  1392 
nomme  entre  autres  biens  possédés  à  Thasos  par  le  cou- 
vent Pantokrator  de  l'Athos  2. 

1.  La  dédicace  déjà  citée  de  Hérô  à  son  petit-fils  Archélaos,  et  une  autre 
base  qui  portail  un  ex-voto  offert  à  Pan  par  6  ippoupoî,  le  prêtre  de 
Dionysos  et  le  piètre  d'Aphrodite.  Celle-ci  est  en  lettres  du  iv  siècle  comme 
la  base  d'une  statue  offerte  LTavî  xaï  'Aç:oÇ:t7,  IG.,  XII,  8,  368)  sur 
L'Acropole  où  l'on  connaît  depuis  longtemps  une  grotte  de  Pan. 

2.  Miklosisch  et  Muller.  Acta  et  diplomata  graeea  medii  aevi,  II,  n.  169; 
L.  Petit,  Actes  de  VAthos,  II  (1903),  p.  10. 


FOUILLES    DE    TIIASOS  2o0 

Des  sondages  faits  au  Nord  du  monastère  ont  révélé  un 
grand  puits  comblé  et  une  canalisation  en  partie  intacte 
(larg.  du  canal  rectangulaire  0  '"  72,  haut.  0  '"  65),  aqueduc 
ou  égout,  qui  peut  remonter  à  l'époque  hellénistique. 

Enfin,  après  quelques  autres  sondages,  une  tranchée  a 
été  ouverte  à  L'Est  du  monastère,  au  pied  même  de  la  mon- 
tée de  l'Acropole,  dans  un  pré  de  Valma  où  l'on  prétendait 
que  s'étendait  un  grand  dallage  de  marbre  et  que  de  nom- 
breuses sculptures  avaient  été  trouvées  :  la  seule  d'entre 
elles  qu'on  nous  ait  montrée,  un  ex-voto  à  Asklépios  Épé- 
kôos1,  permettait  de  supposer  que  c'était  l'Asklépieion  qui 
se  serait  élevé  dans  cette  position  dominante,  et  un  soubas- 
sement de  marbre,  long  de  35  mètres  N.-S.  avec  retour 
d'angle,  dégagé  d'abord,  avait  laissé  espérer  qu'on  tenait 
le  péribole  d'un  sanctuaire.  Il  s'est  trouvé  que  ce  n'était 
que  le  pied  d'un  grand  mur  de  soutènement  précédé  d'un 
dallage  en  gneiss  formant  une  sorte  de  place  avec  puits 
et  canal  ouvert  pour  les  eaux  ;  sur  la  terrasse  que  suppor- 
tait ce  mur,  une  rue  montante  d'O.  en  E.,  large  de  1  '"  50,  a 
été  déblayée  ;  mais  les  maisons  qui  la  bordaient  se  sont  mon- 
trées trop  ruinées  et  leur  mobilier  trop  pauvre  pour  qu'il  y 
eût  lieu  à  poursuivre  cette  exploration.  Pourtant,  par  leur 
résultat  négatif  même,  toutes  ces  recherches  n'auront  pas 
été  vaines.  Sachant  maintenant  où  ne  sont  pas  l'Asklépieion 
et  le  Théorion,  leur  localisation  s'est,  par  là-même,  limitée. 
Dans  un  dernier  sondage,  en  quête  du  Théorion,  poussé 
dans  le  chemin  qui  passe  au  Nord  du  vignoble  Valma,  un 
fragment  de  vase  est  venu  an  jour  portant  ce  vœu  où  nous 
voudrions  voir  un  augure  :  1vj-j-/(o:. 

1.  I.G.,  XII,  s,  306.  En  la  faisant  dégager,  on  a  constaté  que  c'était  une 
stcle  à  pied  mouluré  avec  un  petit  Télesphoros  sculpté  sons  la  dédicace. 


Le  Gérant,  A.  Picard. 


MACOK,    PI»OT\T    FRRRES,    IMPRIMEURS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 

DE 

L'ACADÉMIE   DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 
PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGEH 


SÉANCE   DU   7   JUIN 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

M.  Henri  Gordier  annonce  à  l'Académie  le  retour  de  la 
mission  en  Chine  du  Dr  Legendre. 

L'Académie  procède  au  vote  pour  l'attribution  des  deux  prix 
Gobert. 

Le  premier  prix  est  décerné  par  24  voix  à  M.  Ferdinand  Brunot 
pour  son  Histoire  de  la,  langue  française,  des  origines  à  1900 
(Paris,  3  vol.  in-8°). 

Le  second  prix  est  décerné  par  25  voix  à  M.  Pierre  de 
Yaissière  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Récits  du  temps  des  Irouhles 
au  XVIe  siècle.  De  quelques  assassins  (Paris,  1912,  in-8°). 

M.  de  Mély,  étudiant  les  influences  italiennes  qu'on  voit  dans 

les  Très  riches  Heures  du  duc  de  Berry  de  Chantilly,  a  montré 

naguère  une  vue  de  Sienne  dans  la  miniature  de  V Adoration  des 

Mages  de  ce  manuscrit,  signée  Filippus.   qu'on  peut  identifier 

191 -2.  17 


238  SÉANCE    DU    7   JUIN    1912 

avec  un  certain  Filippo  di  Francesco,  miniaturiste  connu  de 
cette  époque  à  Sienne.  Aujourd'hui,  il  étudie  la  merveilleuse 
page  qui  représente  les  signes  du  zodiaque  dessinés  sur  deux 
corps  féminins  d'une  facture  essentiellement  italienne.  Mûntz 
les  pensait  inspirés  par  des  statues  antiques  ;  mais  il  n'avait  pu 
en  découvrir  le  modèle.  M.  de  Mély  les  rapproche  du  célèbre 
groupe  des  Grâces  de  la  Librairie  du  Dôme  de  Sienne.  Deux  des 
Grâces,  sur  trois,  ont  seules  conservé  leurs  têtes.  M.  de  Mély 
découpe  dans  la  photographie  leurs  corps  et  les  superpose 
comme  elles  le  sont  dans  le  Zodiaque.  On  voit  alors  que  celte 
belle  page  est  une  copie  des  plus  exactes,  des  plus  précises 
de  cet  admirable  groupe,  déjà  connu  au  commencement  du 
xve  siècle.  C'est  une  nouvelle  preuve  de  la  présence  d'ouvriers 
italiens  à  la  cour  du  duc  de  Berry,  car  la  technique  des  deux 
femmes  aux  corps  d'éphèbes  est  complètement  différente  de 
l'idéal  flamand  de  cette  époque. 

L'étude  des  différents  groupes  des  Grâces  a  fait  découvrir  à 
M.  de  Mély  un  type  inconnu  des  Trois  Grâces,  de  face,  aux 
bras  tombants,  sur  une  médaille  de  Tranquillina,  femme  de 
Gordien  III. 

M.  le  comte  Durrieu  présente  quelques  observations  et  fait 
quelques  réserves  à  propos  d'une  assertion  antérieure  de  M.  de 
Mély  qui  a  cru  retrouver  une  vue  de  Sienne  dans  les  Très  riches 
Heures  du  duc  de  Berry. 

MM.  Perrot  et  Salomon  Reinacii  présentent  également 
quelques  observations. 

M.  Eugène  Gavaignac  fait  une  communication  à  propos  d'une 
édition  récente  de  Xénophon  '. 

1.  Voir  ci-dessous. 


231) 


COMMUNICATION 


a  propos  d'une  édition  récente  de  xénopiion, 
par  m.   eugène  cavaignac. 

La  dernière  édition  savante  de  Xénophon  [Bibl.  Teuhner., 
Xcnophontis  scripta  min.,  éd.  Ruehl,  1912)  consacre  une 
correction  de  Koechly  et  Riïstow  au  texte  de  la  AaxsSai^ovûov 
TuoXixsia  (XI,  4),  correction  qui  doit,  je  crois,  être  considé- 
rée comme  malheureuse  : 

èx  ce  TOÔTtoV  T(ov  [jLOpôv  cià  icapeYYU^vetDç  /.aOiataviat  tczï  [xèv 
etç  sva  at  lyw[/.OTtai,  tots  Se  etç  xpsîç,  tcts  ce  e!ç  e|. 

On  sait  que  tous  les  manuscrits,  confirmés  par  une  cita- 
tion de  Stobée,  portent  : 

av.  ce  tc'Jtwv  tôv  [/.opûv  Sià  TcapeYY^^swÇ  xaGiaravcat  tot-è  p.èv 
eîç  ivco^c-aa?,  tcts  es  sic  tpeîç,  TOTà  cà  etç  è'Ç1. 

La  phrase  a  gêné  depuis  long-temps  les  philologues  par 
son  tour  trop  elliptique.  M.  Pierleoni  (Studi  ita.1.  <li  filol. 
classica,  1905,  p.  57)  propose  de  corriger  ainsi  : 

. . ./.aOiaxavTai  elç  èvwjJi.O'Ciaç,  tots  p.èv  eîç  Tpeïç,  tots  ce  etç  ïz. 

De  telles  variantes  n'importent  qu'au  point  de  vue  paléo- 
graphique ou  philologique,  tandis  que  le  changement  de 
Koechly  porte  sur  le  fond  même  des  choses  :  la  phrase 
de  Xénophon  vise-t-elle  la  constitution  des  énomoties 
(escouades)  en  files,  sur  le  terrain,  ou  la  constitution  des 
hommes  en  énomoties?  On  comprend  que  la  première  idée 

1.  Remarquons  pointant  que  Zeunius,  qui  avait  collalionné  tous  les 
manuscrits  (1778 ),  et  dont  l'éditeur  Haase  ^1833)  dit  :  «  qui  vir  si  studio 
laudabili  par  ingenium  adjunxisset,  optime  de  his  libris  meritus  foret  », 
avait  cru  lire  :  totè  [jùv  et;  âvoi;j.OT''a;  rpetç,  -ozi  o\  a;  gÇ, 


240  UNE    ÉDITION    RÉCENTE    DE    XÉNOPHON 

se  soit  présentée  à  l'esprit  d'écrivains  habitués  aux  récits  de 
batailles  de  Xénophon.  Mais,  outre  que  le  renseignement 
donné  serait  alors  inexact,  la  phrase  serait  mal  placée  dans 
le  chapitre  de  la  [ïoXrceia  :  or,  la  suite  de  notre  exposition 
montrera,  j'espère,  que  ce  chapitre  est  très  logiquement 
ordonné. 

Pour  bien  comprendre  cette  phrase,  telle  que  la  donnent 
nos  manuscrits,  il  faut  avoir  présents  à  l'esprit  certains  faits 
mis  en  lumière  ici  même  (1908),  dans  un  mémoire  de 
M.  Dieulafoy.  Le  but  de  l'organisation  Spartiate  était  la 
constitution  d'une  phalange  homogène  dans  le  sens  de  la 
longueur,  hétérogène  en  profondeur.  Au  premier  rang,  on 
mettait  par  exemple  des  hommes  de  30  à  40  ans  (Hellén., 
III,  iv,  23;  IV,  v,  16,  etc.);  en  serre-file,  des  hommes  plus 
mûrs,  de  40  à  50  ans  (Anah . .  VI,  v,  4);  au  milieu,  des 
conscrits  et  des  vétérans. 

Mais  cette  formation  de  combat,  pour  être  prise  instanta- 
nément (comme  il  arriva  à  Mantinée  418),  devait  être  pré- 
parée soigneusement  dans  les  unités  militaires.  C'est  ce  qui 
avait  lieu  en  effet,  et  c'est  à  quoi  fait  allusion  Xénophon 
dans  le  passage  qui  nous  intéresse.  C'est  ce  point  que  je  vais 
tâcher  de  mettre  en  lumière. 

Considérons  la  classe  des  Pairs  qui,  à  Sparte,  est  seule 
astreinte  tout  entière  au  service  militaire  entre  les  limites 
d'âge  de  20  et  de  60  ans.  A  l'époque  où  écrit  Xénophon  (début 
du  ivc  siècle),  il  ne  faut  guère  évaluer  à  plus  de  1.500  le 
nombre  des  hommes  inscrits  dans  les  mores,  la  garde  royale, 
les  cavaliers,  etc.,  étant  à  part.  Au  reste,  nous  ne  prenons  ce 
chiffre  qu'à  titre  d'exemple  :  si  l'on  croyait  devoir  le  modi- 
fier, il  n'y  aurait  qu'à  modifier  proportionnellement  tous 
ceux  qui  vont  suivre. 

Ces  hommes  sont  divisés  en  8  bans,  de  5  en  5  ans,  dont 
nous  calculerons  la  force  respective  d'après  les  statistiques 
françaises  :  il  va  de  soi  que  celles-ci  peuvent  ne  pas  s'ap- 
pliquer rigoureusement,  mais,  encore  une  fois,  les  chiffres 


250 

h. 

210 

200 

+ 

200 

180 

— 

165 

150 

+ 

150 

— 

UNE    ÉDITION    RÉCENTE    DE    XÉNOPHON  2il 

suivants  ne  sont  pris  qu'à  titre  d'exemples.  L'analogie 
donne  : 

20-25  ans 

25-30 

30-35 

35-40 

40-45 

45-50 

50-55 

50-55 

1 .  505 

Ces  hommes  sont  divisés  en  6  mores,  mais  non  pas  pêle- 
mêle  :  dans  chaque  more,  les  bans  sont  proportionnellement 
représentés.  La  lre  more  par  exemple  comprend  : 

lor  ban 

2" 

3e 

4e 

5e 

6e 

8e 

250 

et  ainsi  des  autres.  Ce  travail  de  répartition  une  fois  fait, 
il  est  très  simple  de  le  tenir  au  courant,  puisqu'il  est  exécuté 
à  loisir  :  naturellement,  le  hasard  des  disparitions  ne  permet 
pas  toujours  une  égalisation  aussi  rigoureuse  que  celle  que 
nous  avons  indiquée. 

En  cas  de  mobilisation,  les  éphores  indiquent  d'abord  les 
limites  d'âge  dans  lesquelles  les  hommes  sont  appelés. 
Supposons,  à  titre  d'exemple,  qu'ils  appellent  les  hommes 
de  30  à  45  ans.  La  première  more,  par  exemple,  sera 
représentée  par 


40 
35 

h. 

+ 

35 

— 

30 
30 

+ 

30 

— 

25 
25 

+ 

242  UNE    ÉDITION    RÉCENTE    DE    XÉNOPHON 

3e  ban  35  h.  + 

4e  ban  30  h.  + 

5e  ban  30  h. 

100  h. 

et  ainsi  des  autres.  On  divise  alors  chaque  more  en  énomo- 
ties,  1 ,  3  ou  6,  —  dans  l'espèce,  3  probablement,  —  mais 
toujours  de  façon  que  chaque  ban  appelé  soit  représente 
proportionnellement  dans  les  énomoties.  La  lre  énomotie  par- 
exemple  comprendra  : 

3e  ban  11-12   h. 

4e  ban  10-11   h. 

5e  ban  10         h. 


32         h; 

et  ainsi  des  autres.  Ce  travail  serait  très  long,  s'il  n'était 
préparé  dans  les  mores  ;  mais,  étant  préparé,  il  peut 
s'exécuter  très  rapidement  au  moment  de  la  mobilisation, 
par  les  polémarques  et  par  les  énomotarques,  otà  wape-fY^- 

ffStoÇ  '. 

L'énomotie  constituée,  l'énomotarque  commence  par  la 
mettre  en  ordre  de  combat  ;  dans  l'espèce,  il  mettra  les 
hommes  de  30  à  35  ans  au  1er  rang-,  ceux  de  40  à  45  ans  en 
serre-file,  ceux  de  35  à  40  ans  au  milieu.  Puis  il  égalisera 
les  files  en  mettant,  par  exemple,  les  hommes  sur  4  rangs 
(l'ordre  par  4  est  commode  pour  les  revues  et  pour  la 
route)  : 

1er  rang  *  *  *  *  -  *  *  «  *  ,  h.  du  3e  ban 

2P  «  x  x  x  ...  .  . ,  h .  du  4°  ban 

3e  ||  |  ,  h .  du  5e  ban 

4e  I  I  I  I  I  1  I  | 

Il  pourra  alors  faire  doubler  et  même  quadrupler  les  files, 

l.  TtapeYyuav  =  faire  passer  V ordre   dans   les  rangs,   ensuite  ordonner 
L.  Gautier,  La  langue  de  Xénophon.  Genève,  l(.»ir. 


UNE    ÉDITION    RÉCENTE    DE    XÉNOPIKIN  243 

et  surtout  faire  reconnaître  le  chef  de  file  par  chaque 
homme,  ce  qui  est  le  point  essentiel,  l'opération  décisive 
du  dressage  militaire,  celle  où  se  révèle  l'excellent  entraî- 
nement du  Spartiate.  Cela  fait,  on  peut  exécuter  les  divers 
mouvements  que  Xénophon,  dans  le  chapitre  qui  nous 
intéresse,  énumère  dans  l'ordre  le  plus  naturel  : 

mettre  l'énomotie  en  marche  par  le  flanc  : 

si  l'ennemi  paraît  en  tête,  faire  faire  à  gauche  en  ligne; 

si  alors  on  est  attaqué  par  derrière,  faire  une  contre- 
marche par  files  ; 

si  l'ennemi  paraît  à  droite,  faire  front  à  droite; 

de  même  à  gauche,  etc. 

Pourquoi,  maintenant,  les  énomoties  de  Spartiates  étant 
au  plus  au  nombre  de  6  par  more,  les  cadres  de  la  more 
comprennent-ils  16  énomotarques?  C'est  qu'aux  Spartiates 
sont  adjoints  les  Périèques. 

Ceux-ci  sont  levés  comme  les  Spartiates,  sauf  que,  étant 
plus  nombreux,  on  peut   opérer  parmi   eux  une   sélection 

Une  fois  levés,  ils  sont  constitués  en  énomoties  comme  les 
Spartiates  :  devant  combattre  avec  ceux-ci  «  épaule  contre 
épaule  »,  il  ne  faut  pas  que  leurs  escouades  rompent  l'homo- 
généité de  la  phalange  lacédémonienne.  La  question  de 
savoir  si,  quand  on  ne  lève  que  3  énomoties  de  Spartiates, 
on  lève  5  ou  13  énomoties  de  Périèques,  ne  me  paraît  pas 
facilement  soluble  avec  nos  textes  (en  tout  cas  M.  Busolt, 
Hermès,  1905,  exagère  certainement  la  proportion  de 
l'érièques  à  Leuctres). 

Quand  les  énomoties  de  Périèques  ont  rejoint,  on  groupe 
2  énomoties  en  1  pentékostys,  2  pentékostys  (ou  4)  en 
1  loche.  Le  loche  est  l'unité  tactique  par  excellence. 
Théoriquement,  quand  la  levée  est  complète,  2  loches  (ou  i) 
doivent  reconstituer  la  more,  unité  de  recrutement  ;  mais 
dans  ce  cas  seulement.  Si  la  levée  n'est  pas  complète,  il  est 
évident   qu'on  n'a  pas  2  (ou  4)  loches   par  more;    il  peut 


24  i  LIVRES    OFFERTS 

alors  rester  un  surplus  qu'on  groupera  en  un  ou  plusieurs 
loches  séparés  (comme  à  Mantinée  418). 

Au  reste,  le  mode  de  groupement  des  unités  a  pu  varier, 
et  ces  variations  sont  d'importance  secondaire.  On  a  eu 
tort,  je  crois,  de  porter  sur  ce  point  tout  l'effort  de  la  discus- 
sion . 

Ce  qui  est  essentiel,  ce  sont  les  principes  exposés  ci- 
dessus,  principes  qui  ont  toujours  présidé  à  l'organisation 
de  la  phalange  Spartiate,  avec  ses  trois  degrés  : 

la  more,  unité  de  recrutement  ; 

l'énomotie,  unité  de  mobilisation,' 

le  loche,  unité  tactique. 

Ces  principes  étaient  appliqués  aussi  ailleurs  qu'à  Sparte, 
mais  avec  la  gêne  qu'imposait  la  division  en  tribus,  main- 
tenue à  l'armée.  A  Sparte,  tout  était  subordonné  aux 
considérations  purement  militaires ,  avec  une  rigueur  qui 
explique  la  longue  supériorité  de  l'armée  lacédémonienne. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Héron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  M.  Eugène 
Lefèvre-Pontalis,  directeur  de  la  Société  française  d'archéologie,  les 
Comptes  rendus  du  LXXVHe  Congrès  archéologique  de  France,  tenu 
à  Angers  et  à  Saumur  en  1910;  t.  I-II  (Paris-Caen,  in-8°,  avec 
251  planches  ou  figures). 

«  Depuis  plusieurs  années  cette  publication,  qui  remonte  à  l'année 
1834,  a  été  complètement  transformée  :  le  choix  des  articles  et  une 
abondante  illustration  phototypique  lui  ont  donné  une  importance 
exceptionnelle.  Les  comptes  rendus  de  chaque  congrès  forment 
maintenant  deux  volumes  dont  le  premier  comprend  le  Guide  du 
Congrès  tandis  que  le  second  est  réservé  aux  Procès-verbaux  et  aux 
Mémoires. 

«  Le  Guide  archéologique  du  Congrès  d'Angers  et  de  Saumur  a 
éU-   rédigé  par  MM.  André  Rhein,  le  chanoine  Urseau,  R.  Triger  et 


LIVRES    OFFERTS  245 

G.  Fleury.  Son  intérêt  est  très  agréablement  varié  :  on  y  trouve  la 
description  de  tous  les  édifices  civils  ou  religieux  que  le  Congrès  se 
proposait  de  visiter.  A  Saumur,  les  églises,  le  château,  l'hôtel  de 
ville,  les  remparts  et  les  maisons  anciennes;  au  bourg  de  Candes  où 
mourut  saint  Martin,  une  grande  église  des  xne  et  xme  siècles;  à 
Fontevrault,  la  célèbre  abbaye  dont  l'église,  par  les  soins  éclairés  de 
M.  Magne,  vient  d'être  rétablie  dans  son  état  primitif;  à  Asniôres,au 
Puy-Notre-Dame,  à  Montreuil-Bellay,  à  Oiron,  à  Saint-Jouin-de- 
Marncs,  à  Airvault,  à  Gennes,  à  Angers  et  au  Mans,  partout  dans  cette 
région  privilégiée,  de  nombreux  et  grands  édifices  religieux,  civils 
ou  militaires  s'offraient  à  l'attention.  Indépendamment  des  explica- 
cations  orales,  données  sur  place,  en  visitant  les  monuments,  par  le 
directeur  de  la  Société,  il  suffisait  d'ouvrir  ce  premier  volume  pour 
y  trouver  les  renseignementsles  plus  complets  sur  chacun  des  monu- 
ments visités.  Cent  quarante  planches  ou  figures  mettaient  sous  les 
yeux  des  congressistes  les  plans,  les  statues,  les  tombeaux,  les 
peintures,  la  décoration  architecturale,  les  portails,  les  chapiteaux, 
en  un  mot  tout  ce  qui  pouvait  présenter  pour  les  recherches  un 
intérêt  artistique  ou  archéologique.  Il  est  difficile  de  composer  un 
guide  plus  pratique  :  c'est  en  même  temps  un  répertoire  très  sûr  et 
scientifiquement  rédigé. 

«  Le  second  volume  renferme  les  mémoires  présentés  au  Congrès. 
Il  sera  particulièrement  utile  pour  l'étude  des  églises  de  l'Anjou,  pour 
celle  des  œuvres  d'art  qui  y  sont  conservées,  pour  celle  des  pein- 
tures du  moyen  âge  qui  en  décorent  les  murs.  Les  influences  ange- 
vines en  Vendée,  en  Blésois  et  en  Vendômois  y  sont  l'objet  de 
remarques  ingénieuses.  On  y  trouvera  un  travail  de  M.  Louis  de 
Grandmaison,  ancien  archiviste  départemental  d'Indre-et-Loire,  sur 
un  document  de  la  plus  haute  importance.  Jusqu'à  ce  jour  on  ne 
connaissait  aucun  compte  de  la  construction  du  château  d'Amboise. 
M.  de  Grandmaison  a  trouvé  dans  les  archives  du  château  de  Coulaine, 
près  de  Chinon,  un  manuscrit  qui  contient  le  compte  des  années  149*i- 
1496;  il  en  publie  le  texte  précédé  d'un  commentaire  fort  instructif. 
Ce  compte  fournit  une  précieuse  contribution  à  l'histoire  de  l'art  à 
la  fin  du  xve  siècle;  il  montre  la  grande  influence  que  le  chantier 
d'Amboise,  peut-être  le  plus  considérable  de  la  fin  du  xve  siècle,  eut 
sur  toutes  les  constructions  élevées  au  début  du  xvr.  Celte  influence 
se  fit  particulièrement  sentira  Gaillon,où  l'on  retrouve  plus  tard,  avec 
un  rôle  important,  certains  des  maçons  qui  travaillèrent  à  Amboise. 
J'insiste  sur  l'abondance  et  l'intérêt  des  reproductions  qui  accom- 
pagnent ces  deux  volumes  :  deux  cent  cinquante  et  une  planches  ou 
figures,  exécutées  d'après  les  meilleurs  et  les  plus  récents  procédés 


246  LIVRES    OFFERTS 

leur  donnent  une  physionomie  tout  à  fait  vivante  ;  elles  contribuent 
fort  efficacement  à  démontrer  la  richesse  et  la  variété  des  monuments 


M.  Héron  de  Villefosse  présente  ensuite  à  l'Académie,  de  la  part 
de  l'auteur,  le  fascicule  V  des  Notes  et  documents  publiés  par  la 
Direction  des  antiquités  et  des  arts.  Forum  et  églises  de  Sufetula,  par 
Alfred  Merlin,  directeur  des  antiquités  et  des  arts  de  la  régence  de 
Tunis,  1912. 

«  Ce  fascicule  est  entièrement  consacré  aux  ruines  de  Sbeïtla, 
l'antique  Sufetula,  ruines  connues  depuis  longtemps,  mais  à  la  con- 
servation et  au  déblaiement  desquelles  la  Direction  des  antiquités 
n'a  pu  veiller  d'une  manière  pratique  que  depuis  la  création  de  la 
voie  ferrée  d'Henchir-Souatir.  Le  principal  objectif  du  Directeur  des 
antiquités  a  été  le  dégagement  complet  du  forum  de  l'ancienne  cité, 
qui  s'étend  devant  les  temples  du  Capitole  et  où  l'on  pénètre  par 
une  porte  triomphale  de  l'époque  d'Antonin.  Ce  forum  était  orné  de 
portiques  et  de  statues  nombreuses  dont  tous  les  socles  avaient  été 
déplacés;  les  statues  n'ont  pas  été  retrouvées,  mais  leurs  piédestaux 
indiquent  qu'elles  représentaient  des  dieux,  des  empereurs  ou  de 
riches  particuliers,  bienfaiteurs  de  la  cité.  L'amphithéâtre,  situé  en 
dehors  de  la  ville  et  dont  on  ne  distingue  plus  aujourd'hui  que  les 
contours,  avait  été  fouillé  dès  1884  par  le  lieutenant  Boyé,  aux 
recherches  duquel  on  doit  un  bon  nombre  de  textes  épigraphiques. 

«  Les  fouilles,  poursuivies  de  1906  à  1911,  ont  amené,  outre  le 
déblaiement  du  forum,  la  découverte  et  le  dégagement  de  deux 
églises,  la  basilique  du  prêtre  Servus,  flanquée  sur  la  nef  latérale 
droite  d'un  baptistère  carré,  et  la  basilique  de  l'évêque  Bellator.  En 
1908  une  chapelle  chrétienne,  dite  de  l'évêque  Jucundus,  a  été 
découverte  à  droite  de  cette  seconde  basilique.  On  a  encore  constaté 
à  Sbeïtla  la  présence  d'autres  églises  dont  les  ruines  ne  sont  pas 
entièrement  explorées.  L'existence  de  tous  ces  édifices  religieux  qui 
renferment  des  inscriptions  et  des  morceaux  décoratifs  intéressants 
suffirait  à  attester  la  grande  importance,  à  l'époque  chrétienne 
d'une  ville  dont  le  patrice  Grégoire  devait  faire  sa  capitale  vers  le 
milieu  du  vne  siècle. 

«  L'étude  des  monuments  de  Sufetula  est  singulièrement  facilitée 
par  les  documents  réunis  dans  ce  fascicule.  Des  notes  nombreuses 
renvoient  aux  travaux  déjà  publiés  et  une  grande  carte  donne  l'état 
(lt^  ruines  à  la  fin  de  1911.  Un  plan  du  forum,  ceux  des  deux 
grandes  basiliques,  des  vues  d'ensemble  et  de  détail,  notamment 
pour  le  forum  et  les  basiliques,  permettent  d'apprécier  l'importance 


SÉANCE   DU   11   JUIN    1912  247 

des  Lravaux  exécutés  par  le  service  des  antiquités.  Dans  Un  texte 
net  et  précis,  M.  Alfred  Merlin  a  exposé  avec  une  parfaite  clarté  l'in- 
térêt de  ces  grandes  ruines.  » 

M.  Emile  Picot  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  un  volume  que  je  viens  de 
publier  :  le  tome  IV  du  Catalogue  de  la  Bibliothèque  James  de 
Rothschild.  Ce  volume  contient  la  description  très  détaillée  de  plu- 
sieurs centaines  d'articles  acquis  depuis  IS1)^.  La  collection  est 
devenue  une  des  plus  importantes  qui  existent  pour  l'étude  de  la 
poésie  française  au  xve  siècle  et  à  l'époque  de  la  Renaissance.  Elle 
est  même  plus  complète  à  cet  égard  que  ne  l'est  la  Bibliothèque  du 
Musée  de  Coudé  à  Chantilly.  » 


SÉANCE   DU   14  JUIN 


PRESIDENCE  DE  M.  LOUIS  LEGER. 


M.  Adam,,  maire  de  Boulogne-sur-Mer,  invite  l'Académie  à  se 
faire  représenter  à  l'inauguration,  qui  aura  lieu  dans  cette  ville, 
le  30  juin  prochain,  du  monument  élevé  à  la  mémoire  du  pro- 
fesseur E.-T.   Hamy. 

L'Académie  délègue  M.  Henri  Gordier. 

M.  G.  Jullian  donne  lecture  du  rapport  de  la  Commission  des 
antiquités  nationales  sur  le  concours  de  cette  année  '. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  à  l'Académie,  au  nom  du 
H.  P.  Jalabert,  professeur  à  l'Université  de  Beyrouth,  une  note 
sur  une  inscription  latine  récemment  découverte  dans  cette  ville. 

Ce  texte  concerne  un  tribun  de  la  légion  VII  Claudia,  C.  Yale- 
rius  Rufus,  originaire  de  Beyrouth,  qui  fut  envoyé  en  Chypre 
avec  un  détachement  de  cette  légion  pour  participer  à  la 
répression  d'une  révolte  des  Juifs  si  nombreux  dans  l'île.  Cette 
révolte  était    la    conséquence   de   soulèvements   analogues    qui 

I .  Voir  ci-dessi  >us,  p.  2  jT. 


248  UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE 

venaient  de  se  produire  en  Cyrénaïque  et  en  Egypte,  En  116- 
117,  les  Juifs  de  Chypre,  sous  la  conduite  d'Artémion,  avaient 
mis  tout  le  pays  à  feu  et  à  sang.  La  ville  de  Salamine  fut  entiè- 
rement saccagée  parles  insurgés.  La  nouvelle  inscription  apporte 
un  renseignement  précieux  pour  l'histoire  de  cette  insurrection 
en  nous  faisant  connaître  le  nom  et  la  carrière  d'un  des  officiers 
qui  contribuèrent  à  l'étouffer1. 

M.  Bernard  Haussoullier  communique  à  l'Académie  une 
inscription  inédite  de  Delphes.  C'est  un  traité  d'assistance  judi- 
ciaire conclu  au  me  siècle  avant  J.-C.  entre  Delphes  et  Pellana, 
ville  d'Achaïe,  le  seul  qui  ait  été  retrouvé  de  ces  traités  qui 
étaient  si  nombreux  à  Delphes  et  qui  avaient  pour  objet  d'assu- 
rer la  justice  aux  citoyens  des  deux  villes  contractantes  dans 
l'une  et  l'autre  ville.  M.  Bernard  Haussoullier  restitue  au 
tableau  deux  fragments  relatifs  à  la  formation  des  tribunaux. 
Dans  une  seconde  lecture,  il  montrera  l'originalité  de  plusieurs 
des  articles  du  traité. 


COMMUNICATION 


UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE, 
PAR    LE    R.    P.    JALABERT. 

L'inscription  que  j'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Acadé- 
mie a  été  découverte  tout  récemment,  à  une  centaine  de 
mètres  de  l'établissement  des  Sœurs  de  la  Charité  de  Ras 
Beyrouth.  La  pierre  gisait,  à  une  faible  profondeur,  sous 
une  couche  de  sable  rouge  ;  elle  a  été  exhumée  par  des 
terrassiers  occupés  à  creuser  les  fondations  d'une  maison. 

Après  examen,  il  n'a  pas  semblé  opportun  de  pousser  la 
fouille  ;  car  le  roc  vif,  rencontré,  sur  plusieurs  points,  très 
près  du  sol  actuel,  ne   laissait  pas  l'espoir  de  découvertes 

l.  Voir  ci-dessous. 


UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE  249 

nouvelles,  d'autant  que  le  bloc  n'était  visiblement  plus  in 
situ.  Transporté  sans  doute  d'ailleurs,  il  a  été  anciennement 
remployé  comme  seuil  ou  jambage  de  porte  :  c'est  du  moins 
ce  qu'on  peut  conclure  des  entailles  profondes  qu'il  porte 
sur  le  flanc  droit.  On  a  trouvé,  au  même  endroit,  un  mor- 
ceau d'entablement  mouluré,  retaillé  lui  aussi. 

Le  cippe,  sans  moulures,  mesure  1  m  12  de  hauteur  et  a 
une  section  de  0  m  47  X  0  m  40  ;  la  pierre,  un  calcaire  à 
grain  très  fin,  n'est  sûrement  pas  locale.  L'inscription,  gra- 
vée en  caractères  de  0m  (H  et  0m  035  (sauf  la  première  ligne, 
dont  les  lettres  ont  0m  07)  est  d'une  belle  écriture  du 
ne  siècle;  les  lettres,  grêles  et  très  serrées,  sont  très  nettes, à 
la  réserve  des  E  F  I  L I ,  dont  les  branches  fort  courtes  prêtent 
à  quelques  confusions.  On  notera,  comme  particularité 
graphique,  un  trait  oblique  dans  l'interligne  qui  surmonte 
partout  l'O  final1.  Le  lapicide  prolonge  volontiers  l'X  ; 
même  remarque  pour  Y  et  pour  I  dans  Imp(erator). 
Aucune  difficulté  de  lecture  : 

C.  Valerio,  T.  f.,  Fab{ia  tribu),  Rufo,  honor(ibus)  decu- 
rionalih{us)  orn(ato)  dec(urionum)  dec(reto),  praef(ecto) 
coh(ortis)  VI praetor(iae),  tr(ihuno)  mil(itum)  leg(ionis)  VII 
Cl{audiae)  P(iae)  F(idelis),  rnisso  cum  vexillo  ah  Imp{era- 
tore)  Nei-va  Traiano  Optumo  Aug(usto)  Ger(manico)  Dacico 
Parth(ico)  Cyprum  in  expeditionem,  praef(ecto)  alae  Gaetu- 
lor(um),  praef(ecto)  Imp(eratoris)  Caesaris  Trani  (sic) 
Hadriani  Aug[usti)  P{atris)  P(atriac)  (duum)virali  potcs- 
tate,  L.  Careius  Adicctus  Sedatianus  oh  mérita. 

Le  monument  est  intéressant  et  mérite  quelques  lignes  de 
commentaire. 

1.  Cet  accent  pourrait  jouer  le  rôle  d'apex,  puisque  aussi  bien  l'apex  se 
rencontre  sur  Vo  final,  v.  f.  CIL,  III,  1206"  :  CaésiA,  honô;  il  semble 
cependant  devoir  en  être  distingué,  car  on  trouve,  simultanément  dans  le 
même  texte,  ces  deux  particularités  graphiques,  trait  oblique  cl  apex  de 
forme  normale,  v.  g.  CIL,  VI,  2731. 


i      Ai 


lit  mWmim 


m 


;  v 


iVSûi  fS 


Vu\AN 


^mifiH^iM 


wm 


\l  I  -• 


K 


wmmm 


WÊ  I 


■■ 


Inscription  trouvée  à  Beyrouth    Syrie). 


UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE  251 

Signalons  d'abord  une  anomalie  assez  grave  :  la  mention 
praef(ectus)  coh(ortis)  VI  practor(iac)  se  heurte  à  une 
double  difficulté,  le  titre  lui-même  et  le  rang  qu'il  occupe- 
rait dans  la  carrière  de  Valerius  Rufus.  S'il  s'agissait  d'un 
commandement  de  cohorte  prétorienne,  nous  devrions  lire 
trib(uno)  et  non  praef(ecto)  :  la  substitution  que  nous  ren- 
controns ici  serait  —  du  moins,  je  le  crois  —  sans  précé- 
dent1. Une  objection  non  moins  grave  se  présente  du  fait 
que  ce  commandement  de  prétoriens,  en  cette  place,  trou- 
blerait l'ordre  bien  connu  des  trois  militiae  équestres  2.  Cet 
ordre,  par  contre, — praef.  coll.,  trib.  mil.  leg.,  praef. 
alae  —  subsiste  si  nous  admettons  une  légère  inadvertance 
du  lapicide.  Sur  ce  point,  il  faut  bien  en  venir  aux  conjec- 
tures, mais  il  sera  préférable  de  ne  pas  trop  y  insister  :  le 
graveur  avait-il  à  transcrire  coh.  VI Petraeor(um)3,  coh.  VI, 
ou  V//4  Raetor(um)bc!  S'agissait-il,  au  contraire,  tout  sim- 

1.  Cf.  Daremberg  et  Saglio,  s.  v.  Praetoriae  Cohortes  ;  A.  v.  Domaszewski, 
Die  Rangordnung  des  rômischen  Heeres  (Heft  1 17  des  Bonner  Jahrhiicher, 
1008),  p.  115,  137,  111.  On  ne  peut  faire  état  de  l'inscription  de  Vérone 
(CIL.  V,  3356),  car  la  mention  praef.  coh.  II pr.  vise  évidemment  la  pré- 
fecture d'une  cohorte  auxiliaire,  comme  l'a  reconnu  Cichorius  (Pauly- 
Wissowa,  s.  v.  Cohors,  col.  325j. 

2.  Voir  surtout  Domaszewski,  Rangordnung,  p.  122  et  suiv. 

3.  La  coh.  VI  Petraeorum  nous  est  connue  par  le  diplôme  de  Fik 
(I).  CIX,  CIL,  III,  p.  2328'°);  elle  se  trouvait  en  Syria  Palaestina  en  139. 
Sur  les  cohortes  Petraeorum,  cf.  Cichorius,  col.  324-325,  on  remarquera 
que  les  coh.  I,  IV,  V  et  VI  sont  signalées  par  des  inscriptions  relatives 
aux  auxilia  de  Syrie,  D.  CIX  (en  139),  CX  (en  157),  CIL,  III,  600,  cf.  1  42033S 
—  Dessau,  2725.  Bormann  a  proposé  (Jahresheftc  de  Vienne,  III,  1000, 
Beihlatt,  col.  25  et  30)  d'attribuer  le  commandement  de  Lollianus,  men- 
tionné dans  CIL,  III,  600,  à  la  campagne  de  Lucius  Verusen  Mésopotamie  : 
mais  Dessau  (loc.  cit.),  après  Cichorius  (col.  325),  le  rapporte  à  la  guerre 
de  Trajan.  S'ils  ont  raison  contre  Bormann,  nous  serions  assurés  de  la 
présence  de  la  coh.  V  Petreorum  et  de  la  1  Ulp.  Petreorum  en  Orient  à  la 
date  où  nous  reporte  le  texte  nouveau  de  Beyrouth. 

4.  Pour  lire  VII  Raelor(um),  il  faudrait  supposer  que  le  graveur  a  trans- 
formé en  P  la  dernière  unité  du  numéro  de  la  cohorte;  paléographique- 
ment,  cette  lecture  serait,  somme  toute,  assez  satisfaisante. 

5.  Les  deux  cohortes  VI  et  VII  Raetorum  sont  connues  (cf.  Cichorius, 
col.  327-328)  ;  elles  étaient  cantonnées  toutes  deux  en  Germanie. 


252  UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE 

plement  d'une  coh.  praetoria  ',  dont  le  nom  serait  tombé  et 
que  nous  ne  connaîtrions  pas  par  ailleurs?  Le  champ  reste 
ouvert  aux  hypothèses'2;  en  tout  cas,  il  ne  semble  pas 
qu'on  puisse  maintenir,  sans  réserve,  la  lecture  matérielle 
coh.  VI  praetor(iae):i,  en  entendant  par  là  une  cohorte  de 
prétoriens  4. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  incorrection  ou  de  cette  diffi- 
culté, la  carrière  de  Valerius  garde  un  double  intérêt.  Elle 
apporte  une  précision  nouvelle  à  l'histoire  de  la  Legio  VII 
Claudia  et  nous  fait  connaître  un  détail  assez  important 
pour  l'histoire  de  Chypre. 

Tribun  de  la  Legio  VII  Claudia  p[ia)  f(idelis)b,  il  semble 
certain  que  Valerius  Rufus  dut  prendre  part  à  la  guerre 
parthique  de  Trajan,  car  la  VII*  Claudia  fournit,  comme 


1.  Cf.  la  coh.  I Augusta  praeloria  Lusilanorum.  Cichorius  ne  donne  pas 
d'autre  exemple  de  cohors  praetoria  car  les  deux  mentions  de  coh.  II  Pr. 
et  III  Pr.  (col.  325)  sont  douteuses. 

2.  Une  autre  correction,  possible  et  à  la  rigueur  satisfaisante,  donnerait 
praef.  coh.  {Ul)p.  Raetor(um)  ;  mais  il  ne  semble  pas  que  les  cohortes 
Raetorum  aient  reçu  le  nom  de  Trajan. 

3.  Praetoria  est  généralement  abrégé  pr.;  mais  on  rencontre  également 
prêt,  praeto.  (y.  g.  CIL,  VI,  2638)  etpraetor.  (v.  g.  CIL,  VI,  2590). 

4.  [Il  est  probable  que  le  titre  de  l'officier  était  praef(ecto)  coh  ortis) 
Ulp(iae)  Raetor(um).  Le  modèle  devait  porter  : 

COHVLP  RAETOR 

dont  le  graveur  à   fait:  COHVIPRAETOR  en    transformant  VL    en 
VI,  et  en  rapprochant  le  P  du  R.j 

5.  La  lecture  parait  certaine  et  il  ne  semble  pas  que  le  trait  oblique  qui 
coupe  la  barre  horizontale  surmontant  le  numéro  de  la  légion  soit  une 
correction  du  graveur.  —  Sur  la  Legio  VII  Claudia  pia  fidelis,  cf.  Darem- 
berg  et  Saglio,  s.  v.  Legiones,  p.  1083;  W.  Pfitzner,  Geschichte  der  rôm. 
Kaiserlegionen,  p.  242-243;  E.  De  Ruggiero,  Dizionario  Epigrafico,  s.  v. 
Claudia,  p.  281-285  ;  Mm'  V.  Vaschide,  Histoire  de  la  conquête  romaine  de 
la  Dacie  et  des  corps  d'armée  qui  y  ont  pris  part,  1903,  p.  145  et  suiv.; 
Bogdan  Filow,  Die  Legionen  der  Provinz  Moesia  von  Auguslus  bis  auf 
Diokletian  (Rlio,  sechstes  Beiheft,  1906),  passim.  —  Le  nom  de  C.  Valerius 
Rufus  est  à  ajouter  à  la  liste  des  tribuns  dressée  par  M""  Vaschide,  op. 
cit.,   p.   151-152;   on   y  joindra  de  même  ceux    de  M.    Fabius    Paternus 

\nnce  épigr.,  1901,  n"  15)  et  de  L.  Clodius  Ingenuus  [ibid.,   1906,  n°  104.) 


UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DK    BÉRYTE  253 

les  autres  de  Mésie,  un  détachement  à  cette  campagne  l.  Je 
ne  crois  pas  que  le  fait  puisse  être  contesté  ;  d'ailleurs,  s'il 
restait  un  doute  sur  ce  point 2,  il  serait  levé  par  notre  inscrip- 
tion, car  c'est  visiblement  à  la  fin  de  la  guerre  parthique, 
qui  l'avait  fait  appeler  en  Orient,  que  Valerius  fut  envoyé 
en  Chypre  avec  un  détachement,  vexillum  ■}. 

1.  Cf.  Bogdan  Filow,  op.  cit.,  p.  68  et  71.  Il  semble,  en  effet,  que  c'est 
comme  centurion  de  la  leg.  VII  Claudia  que  G.  Nummius  Constans  (CIL, 
X,  3733  =  Dessau  20S3)  fut  décoré  (oh  hélium  Parlhicnm)  par  Trajan, 
tandis  que  les  autres  décorations  qu'il  reçut  d'Hadrien  (oh  hélium 
Iudaicum)  correspondraient  à  son  centurionat  dans  la  leg.  III  Cyrenaica. 
Suivant  Pfitzner  (op.  cit.,  p.  188),  Mma  Vaschidc  (op.  cit.,  p.  150)  et  Chapot 
(La  Frontièrede  VEnphrate,  p.  80  ;  lire  non  pas  CIL,  V,  3733,  mais  X,  3773), 
l'inscription  de  Nummius  témoignerait  delà  participation  d'une  vexillation 
de  la  legio  VII  Claudia  à  la  guerre  juive  d'Hadrien.  La  conclusion  ne  paraît 
pas  justifiée,  l'explication  de  B.  Filow  est  beaucoup  plus  naturelle,  et  l'on 
peut  affirmer  qu'il  n'y  a  pas  trace  de  détachements  de  cette  légion  dans  la 
guerre  de  132-135;  cf.  Schùrer,  Geschichle  des  Iùdischen  Volkes,  I,  p.  687, 
note  116. 

On  peut,  je  crois,  rattacher  au  passage  en  Syrie  de  ce  détachement  de 
la  legio  VII,  lors  de  la  guerre  parthique  de  Trajan,  les  inscriptions  d'Alep 
CIL,  III,  192),  de  Cyrrhus  (CIL,  III,  194,  195)  et  d'Aintab  (F.  Cumont, 
Inscriptions  latines  dès  Armées  de  l'Euphrale,  dans  le  Bulletin  de 
VAcad.  roy.  de  Belgique,  classe  des  Lettres,  1907,  p.  577).  M.  Cumont  a 
revu  CIL,  III,  191,  et  donné  de  ces  différents  textes  une  explication  qui  ne 
laisse  rien  à  désirer.  Il  n'est  cependant  pas  assez  aflirmatif  (p.  578),  à  mon 
sens,  sur  la  participation  de  la  legio  VII  Claudia  à  la  guerre  parthique  de 
Trajan  :  c'est  un  fait  nettement  établi. 

2.  V.  Chapot  (Frontière  de  l  Euphrate,  p.  80)  ne  compte  pas  la  legio  VII 
parmi  les  renforts  venus  de  l'extérieur  pour  la  guerre  parthique  de  Trajan. 
Cependant  (p.  iOl)  l'inscription  relevée  par  M.  Cumont  à  Aintab  l'a  amené 
à  accepter  que  «  cette  légion  fut  temporairement  en  Orient,  peut-être 
pour  la  guerre  parthique  de  Trajan  ». 

3.  Ces  unités  militaires  spéciales,  détachements  fournis  soit  par  des 
légions  soit  par  des  troupes  auxiliaires,  sont  dites  tantôt  vexillaliones  et 
tantôt  vcrilla.  Ve.rillatio  n'appartient  pas  à  la  langue  de  Tacite  vMarquard, 
et  Mommsen,  Manuel,  t.  XI  :  L'organisation  militaire  chez  les  Romains, 
p.  185,  n.  4);  mais,  par  contre,  se  trouve  très  fréquemment  dans  les 
inscriptions,  peut-être  même  à  l'exclusion  de  vexillum,  bien  que  les 
diverses  abréviations  (vex.,  vexil.)  laissent  parfois  le  lecteur  incertain  du 

supplément. 

De  l'usage  épi  graphique  de  vexillum  je  ne  connais  que  deux  exemples, 
tous  deux  douteux,  CIL,  VI,   3505   et  CIL,    III,   143962).    Dans    le   premier 
1912.  18 


•):')ï  UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE 

De  quelles  opérations  militaires  s'agit-il  ?  L'hésitation 
n'est  pas  possible  :  il  ne  peut  être  question  ici  que  de  la 
répression  de  la  révolte  des  Juifs,  si  nombreux  dans  l'île  ', 
qui,  sous  la  conduite  d'Artémion,  auraient,  en  1 16-117,  mis 
tout  le  pays  à  feu  et  à  sang.  Dion  Cassius,  qui  est  le  seul  à 
nous  faire  connaître  avec  quelque  détail  cette  insurrection, 
contrecoup  ou  prolongement  du  soulèvement  de  Gyrène, 
parle  de  240.000  habitants  massacrés  par  les  Juifs  et  d'une 
ville,  Salamine,  saccagée  par  les  révoltés'2.  De  la  répression 
nous  ne  savions  rien  en  dehors  des  dispositifs  du  bannis- 
sement prononcé  contre  les  Juifs  3  ;  le  texte  nouvellement 
découvert  vient  donc  combler  une  lacune  dans  l'histoire  de 
cette  sanglante  tragédie.  On  se  convaincra  facilement  de  la 
corrélation  entre  la  révolte  et  l'envoi  du  renfort  commandé 
par  Valerius  Rufus  4  par  un  simple  rapprochement  de  dates  : 
la  révolte  aurait  éclaté  en  116  ou  117  ;  or  l'expédition  d'un 
vexillum  en   Chypre  est   précisément   de   la  même  année, 

texte,  on  complète  généralement:  ad  vexilla[tiones  deducendas],  et  cette 
restitution  est  justifiée  par  plus  d'une  formule  analogue,  v.  g.  CIL,  IX, 
2457:  cependant  la  lecture  ad  vexilla  [deducenda?]  demeure,  à  la  rigueur, 
possible.  Quant  à  l'inscription  des  carrières  d'Enesh,  on  pourrait  peut- 
être  reconnaître,  à  la  seconde  ligne  (CVMVEXILLO  SK¥  .  la  mention 
d'un  détachement,  vexillum,  légionnaire.  Je  sais  bien  que  cette  lecture  se 
heurte  à  de  sérieuses  objections  et  qu'il  est  peut-être  plus  sûr  de  s'en 
tenir  à  celle  que  propose  M.  Cumont  :  siglnifer  leg[ionis)  [IV]  Scyt  hicae) 
cum  vexillo  (Inscriptions  latines  des  Armées  de  VEuphrate,  p.  565,  n°  10). 
Dans  ce  cas,  vexillum  ne  désignerait  plus  que  le  drapeau. 

Sur  les  vexillationes  en  général,  voir  Marquardt  et  Mommsen,  Organisa- 
tion militaire,  p.  184-189;  Domaszewski,  Rangordnung,  passim,  etc.,  et 
surtout  la  dissertation  de  C.  Tschauschncr,  Kriegsvexillalionen  von  Clau- 
dius  his  Hadrian,  1907.  Les  textes  de  Tacite  relatifs  aux  vexilla  ont  été 
étudiés  dans  le  travail  si  savant  et  si  judicieux  d'A.  v.  Domaszewski,  Die 
Fahnen  im  rômischen  Heere,  1885,  p.  24-28. 

1.  Sur  les  Juifs  en  Chypre,  voir  Schiirer,  Geschichte  des  jùdischen 
Yolkes,  III4,  p.  4,  5,  56,  140:  The  Jewish  Encyclopédie,  IV,  s.  v.  Cyprus. 

2.  Dio  Cassius,  LXVIII,  32. 

3.  Ihid.  Voir  les  autres  textes  dans  Schiirer.  I'-'1,  p.  666,  note  53. 

4.  Une  inscription  de  Knodara  [CIL,  III,  215;  mentionne  la  coll.  VII 
Breucorum  c.  R.  equilala:  il  est  probable  qu'elle  coopéra  à  la  répression 
de  l'insurrection  juive  :  cf.  Cichorius,  art.  Cohors,  col.  260. 


UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    \)K    BÉRYTE  255 

comme  l'indique  la  titulature  de  Trajan1.  D'ailleurs,  l'his- 
toire de  Chypre  ne  présente,  entre  114  et  117,  aucun  autre 
événement  qui  ait  pu  nécessiter  l'intervention  dans  l'île  d'un 
commandant  extraordinaire,  missus  in  e.vpcdifionem2. 

La  campagne  de  Valerius  Rufus  en  Chypre  ne  lut  qu'un 
épisode  dans  son  stage  de  tribun  légionnaire.  Il  ne  fut  même 
pas  décoré.  Après  ce  tribunat,  sur  lequel  s'était  greffé  un 
mandat  de  chef  de  vexillum,  il  fut  promu  au  commande- 
ment d'une  aile  de  cavalerie,  Yala  GaetulorumK  Là  s'arrête 
sa  carrière  militaire.  Rentré  à  Béryte,  —  peut-être  sa  patrie 
d'origine,  et  où,  en  tout  cas,  il  jouissait  d'une  particulière 
estime'1,  —  il  obtint  l'honneur  enviable  d'être  désigné 
comme  substitut  d'Hadrien,  choisi  comme  duumvir  par  la 
colonie,  prac(fectus)  Imp [duum)virali  potestate-\ 

1.  C'est  en  116,  avant  le  29  août,  que  Trajan  reçut  officiellement  le  titre 
de  Parthicus.  On  le  rencontre  cependant,  dès  114,  dans  de  rares  inscrip- 
tions; cf.  Dessau,  297,  n.  1  ;  Cagnat-,  Cours  dépigraphie  latine3,  p.  188. 

1.  Cf.  electus  a  divo  Hadria.no  et  missus  in  expeditionem  Britannicam 
'CIL,  XI,  56321  ;  missus  a  divo  Ha.dria.no  in  expeditione  ludaica  ad  vexilla- 
[liones  '.'  deducendas'.'}  {CIL,  VI,  3505);  missus  in  Parthiam  (Silzungsbe- 
richle  de  Berlin,  1903,  p.  817  :  inscription  de  Velius  Rufus  à  Ba'albek).  Je 
ne  puis  me  dispenser  de  citer  les  études,  si  pénétrantes  et  concordantes 
sur  bien  des  points,  dont  ce  dernier  texte  a  été  l'objet  de  la  part  d'E. 
Ritterling  {Jahreshefle  de.  Vienne,  1904,  Beihlalt,  col.  23-35)  et  d'A.  v. 
Domaszewski  (Philologus,  LXVI,  1907,  p  164-170;.  —  Sur  ces  commande- 
ments extraordinaires,  cf.  Domaszewski,  liangordnung,  p.  135-136. 

3.  On  connaît  deux  ailes  de  ce  nom,  VAla  Gaetulorum  veterana  et  V .Ma  I 
Flavia  Gaelulorum.  La  première  prit  part  à  la  guerre  juive  de  Vcspasien 
{CIL,  V,  7007)  ;  elle  était  encore  en  Judée  en  86  {CIL,  III,  D.  XIV),  puis 
on  perd  sa  trace.  L'Ala  I  Fia  via  Gaelulorum  semble  être  toujours  demeu- 
rée en  Mésie  et  Pannonie  inférieure  (Pauly-YVissowa,  s.  v.  Ala,  col.  1243). 
Nous  n'avons  pas  d'indice  positif  pour  guider  notre  choix  ;  j'estime 
cependant  probable  que  c'est  VAla  Gaelulorum  (velerana)  que  Valerius 
Rufus  commanda.  Le  texte  de  Beyrouth  viendrait  donc  ajouter  une  donnée 
nouvelle  à  l'histoire  de  ce  corps. Nous  ignorons  son  cantonnement  après  86. 
Resta-t-il  en  Orient?  On  ne  saurait  l'affirmer. 

1.  Il  y  avait  déjà  reçu  les  honneurs  décurionaux. 

5.  On  connaît,  à  Béryte,  un  duumvir  quinquennalis,  praefectus  Imp. 
Vespasiani  Waddington,  1841  (f==  CIL,  III,  170).  Les  exemples  analogues 
sont  fort  nombreux,  cf.  W.  Liebcnam,  Stadtevertralluiui.  p.  261,  n.  i: 
Pauly-Wissowa,  s.  v.  Duoviri,  col.   1819-1820. 


2o6  UNE    INSCRIPTION    INÉDITE    DE    BÉRYTE 

Gomme  il  est  vraisemblable  que  l'inscription  de  Valerius 
a  été  gravée  à  l'occasion  de  quelque  service  rendu  dans 
l'exercice  de  sa  charge,  Hadrien,  à  s'en  tenir  à  la  rédaction 
du  texte,  portait  déjà  le  titre  de  Pius,  quand  Valerius  fut 
appelé  à  prendre  sa  place  en  qualité  de  duumvir  de  Béryte. 
Ainsi  ce  détail  de  titulature  impériale  fournirait  pour  la 
magistrature  municipale  de  Valerius  sinon  une  date  pré- 
cise, du  moins  un  terminus  a  quo.  On  sait,  en  effet,  que 
c'est  en  128  qu'Hadrien  reçut  le  surnom  de  Pius1.  C'est 
donc  postérieurement  à  cette  année  que  l'empereur  aurait 
reçu  de  Béryte  les  honneurs  du  duumvirat.  Pour  cet  évé- 
nement, marquant  dans  l'histoire  d'une  colonie,  une  date 
semble  s'imposer,  celle  du  grand  voyage  que  fît  Hadrien  à 
travers  la  Coelésyrie,  la  Palestine  et  l'Arabie  (129-130)  2. 
Passa-t-il  alors  par  Béryte?  On  en  doutait  jusqu'à  présent3; 
il  n'est  peut-être  pas  imprudent  d'admettre  que  le  texte 
que  nous  publions  apporte  un  fait  nouveau  qui  donne  une 
probabilité  de  plus4  à  un  séjour  de  l'empereur  à  Béryte. 

Le  nom  de  dédicant  n'appelle  aucune  remarque  spéciale  5  : 
comme  C.  Valerius  Rufus  lui-même,  L.  Careius  Adiectus 
Sedatianus  ne  nous  est  pas  connu  par  ailleurs . 

1.  On  s'accorde  sur  l'année,  mais  il  y  a  des  divergences  sur  la  date 
exacte.  Goyau  (Chronologie,  p.  197)  et  Cagnat,  dubitativement  (Cours 
dÉpig.  lat.*,  p.  189),  indiquent  le  21  avril;  la  même  date  est  donnée 
comme  «  vraisemblable  »  par  l'auteur  de  la  notice  d'Hadrien  dans  Pauly- 
YVissowa,  s.  v.  Aelîus,  col.  508).  W.  Weber  (Untersuchungen  zur 
Geschichte  des  Kaisers  Ha.dria.nus,  note  710)  pencherait  pour  le  11  août.  — 
Il  faut  d'ailleurs  observer  que  ce  titre  se  rencontre  quelquefois  (Gagnât},  ou 
môme  souvent  (Pauly-Wissowa   avant  cette  date  dans  les  inscriptions. 

2.  Cf.  J.  Dùrr,  Die  Reisen  des  Kaisers  Hadrian,  p.  60  et  suiv.;  W.  Weber, 
Untersuchungen....,  p.  235-240. 

3.  Cf.  Dùrr,  note  351  et  p.  "1  ;  Weber,  p.  238. 

4.  Je  fais  allusion  à  la  dédicace  de  la  Col.  lui.  Aug.  Fel.  Be[rytus]  en 
l'honneur  d'Hadrien  (CIL.  III,  165  et  1438s  ,  trouvée  en  double  exemplaire 
à  Deir  el-Qal'a.  Sans  être  une  preuve  décisive,  elle  constitue  un  indice 
assez  probant  en  faveur  d'un  passage  d'Hadrien  par  Béryte. 

5.  Cf.  Thésaurus  Linguae  Latinae,  Supplementum  :  Nomina  propria 
latina.  s.  v.  Careius.  —  Le  cognomen  Sedatianus  est  assez  rare;  on  le  ren- 
contre au  moins  deux  fois  comme  nom  de  potier,  CIL,  VII,  1336 ,0I8 ; 
XII,  5686 


257 


APPENDICE 


RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES, 

PAR  M.  CAMILLE  JULLIAN,  MEMBRE  DE  l/ ACADÉMIE  ' 

LU  DANS  LA  SÉANCE  DU  14  JUIN  1912. 

L'œuvre  à  laquelle  nous  donnons  la  première  médaille, 
le  Répertoire  archéologique  de  V arrondissement  de  Reims  \ 
est  une  œuvre  de  très  longue  haleine.  Il  y  aura  bientôt  trente 
ans  qu'en  1885  en  parut  le  premier  fascicule,  et  les  auteurs 
étaient  si  modestes,  si  peu  confiants  dans  leur  entreprise, 
qu'ils  ne  le  tirèrent  qu'à  cent  exemplaires.  Il  s'épuisa 
bien  vite,  fut  réimprimé  en  1891.  Et  voici  maintenant  le 
grand  ouvrage  s'étendant  sur  quinze  fascicules,  qui  sont 
chacun  un  vrai  volume,  d'un  texte  copieux,  garni  de 
figures,  renforcé  de  tables,  tous  mine  inépuisable  à  qui 
cherche  bien.  Des  trois  collaborateurs  qui  s'étaient  consa- 
crés à  la  tâche,  un  déjà  a  disparu,  M.  Charles  Givelet, 
mort  doven  de  l'Académie  de  Reims  en  19032.  M.  Givelet 
s'était  occupé  de  réunir  les  matériaux  ;  les  deux  autres 
auteurs,  en  outre,  poursuivaient  la  rédaction.  Les  voilà  à 
peu  près  à  lin  d'œuvre,  bien  vivants,  toujours  actifs,  encore 
prêts,  s'il  le  faut,  à  tout  recommencer  sur  frais  nouveaux. 
L'un  est  M.  Demaison,  notre  correspondant  à  Reims,  ancien 


1.  Publié  sous  les  auspices  de  l'Académie  de  Reims. 

2.  Voyez  sur  l'œuvre  de  M.  Gh.  Givelet,  l'allocution  de  M.  A.  Brissart, 
dans  le  t.  GXV  des  Travaux  de  l'Académie  de  Reims,  p.  87  et  suiv.  ;  et,  en 
outre,  l'introduction  qu'a  donnée  M.  Jadart  à  une  œuvre  posthume  de 
M.  Givelet,  L'ancien  cimetière  de  $uint-Pierre-le-Yieil  (Iteims,  L905;  tirage 
à  part  de  ce  même  t.  GXV). 


258    RAPPOHT    SLR    LE    CONCOURS    DES    ANTIQUITÉS    NATIONALES 

élève  de  l'École  des  Chartes,  l'autre  est  M.  Jadart,  secré- 
taire général  de  l'Académie,  qui,  tous  deux,  l'un  aux 
Archives,  l'autre  au  Musée  et  à  la  Bibliothèque,  sont  les 
deux  plus  admirables  conservateurs  d'antiquités  nationales 
qu'on  puisse  rêver.  Conserver  ne  leur  a  pas  suffi.  Ils  ont 
voulu  publier,  ce  qui  est  du  reste  une  autre  manière  de 
conserver.  Leurs  quinze  volumes  '  seront  une  description 
minutieuse  de  tout  ce  qui,  dans  l'arrondissement  de  Reims, 
est  œuvre  de  pierre  ou  de  métal  ou  de  terre  cuite,  j'en- 
tends œuvre  pouvant  présenter  quelque  intérêt  historique. 
On  a  même  dit  qu'il  y  avait  clans  ces  milliers  de  pages  trop 
de  choses,  par  exemple  des  inscriptions  modernes,  toutes 
voisines  de  nous.  Le  fait  est  que  si  l'ouvrage  était  intitulé 
Répertoire  monumental  et  non  Répertoire  archéologique, 
le  titre  en  donnerait  mieux  l'idée.  C'est  un  peu  une  statis- 
tique, comme  on  entendait  ce  genre  de  travail  il  y  a  cent 
ans  (je  parle  des  meilleurs).  Mais  trop  de  richesse  ne  nuit 
pas.  Que  le  temps  passe,  et  ces  inscriptions  aujourd'hui 
banales  auront  leur  prix.  C'est  à  la  postérité  et  non  pas  à 
nous  de  dire  ce  que  vaut  un  document  de  l'heure  présente. 
Notre  devoir  n'est  que  de  le  conserver.  MM.  Demaison  et 
Jadart  ont  fait  leur  devoir  en  toute  conscience.  Et  comme 
il  s'agit  de  Reims,  du  pays  rémois,  de  la  région  où  il  y  a, 
aux  trois  grandes  époques  du  passé,  les  trois  plus  beaux 
gîtes  historiques,  les  tombes  gauloises  de  la  Marne,  les 
souvenirs  romains  de  Durocortorum,  et  la  cathédrale 
métropolitaine  et  ses  filleules,  vous  voyez  ce  que  le  travail 
nous  apporte.  Et  ce  n'est  pas  tout.  Il  nous  permettra,  après 
lui,  de  trouver  encore.  Les  auteurs  ont  noté  tous  les 
endroits  où  l'on  pouvait  faire  des  fouilles,  huttes,  mottes 
ou  cavaliers,  tous  les  lieux  dits  qui  par  leur  nom  pouvaient 


1 .  Premier  fascicule  :  Communes  rurales  des  cantons  de  Reims  :  du  2'  au 
8'  :  Ville  de  Reims:  9'  Aï/:  10e  Reine:  11'  Bourgogne;  12e  Ch&tillon-sur- 
tfarne  ;  13e  Fismes :  1  i"  Verzy;  15'  Yillc-en-Tardenois. 


RAPPORT   SIR    LE    CONCOURS    DES    ANTIQUITÉS    NATIONALES    259 

révéler  le  souvenir  dune  ruine,  pierres  de  fées,  gros  cail- 
loux, gargasses  ou  autres.  Et  cela  fait  un  répertoire 
idéal,  où  rien  du  passé  n'est  oublié,  et  où  se  prépare  le  bon 
travail  de  l'avenir. 

Le  travail  de  M.  Victor  Mortet,  bibliothécaire  à  la  Sor- 
bonne,  se  présente  à  nous  sous  le  plus  modeste  des  titres  : 
Recueil  de  textes  relatifs  à  Vhistoire  de  l'architecture  et  de 
la  condition  des  architectes  en  France,  au  moyen  âge,  XIe- 
XIIe  siècles.  Mais  ce  titre  dissimule  un  immense  labeur  de 
recherches,  un  effort  intellectuel  continu  et  heureux.  Il  a 
fallu  lire  tous  les  textes  de  ces  deux  siècles,  pièces 
d'archives  et  récits  d'historiens;  il  a  fallu  ensuite  en 
extraire  tout  ce  qui  concernait  l'art  monumental  ;  et  enfin, 
le  passage  choisi,  il  a  fallu  le  comprendre,  l'expliquer,  le 
publier.  Tout  cela,  pour  me  servir  d'une  expression  qui 
plaira  à  M.  Mortet,  est  fait  par  un  excellent  maître  d'œuvre. 
Si  le  document  présentait  quelque  incertitude,  l'auteur 
a  vérifié  le  manuscrit.  La  bibliographie  est  substantielle  et 
sobre.  De  bons  résumés,  qui  définissent  le  sens  général 
du  morceau,  en  précèdent  la  description.  Un  nombre  suffi- 
sant de  notes  au  bas  des  pages,  aucune  d'inutile.  Un 
index  copieux,  de  tous  genres,  peut-être  un  peu  toulfu 
(ce  qui  semble  la  conséquence  des  mille  formes  de  l'art 
médiéval).  Une  préface  de  près  de  cent  pages  met  en  exploi- 
tation les  documents  disséminés  dans  le  volume,  et  n'est 
rien  de  moins  que  le  tableau  des  conditions  matérielles  ou 
morales  au  milieu  desquelles  a  vécu  l'architecture  d'avant 
le  xme  siècle.  —  Pour  se  rendre  compte  des  services  que 
rendra  ce  recueil  aux  érudits  et  aux  archéologues,  il  suffit 
de  prendre,  dans  la  table,  un  mot  caractéristique,  comme 
celui  de  Donjon.  On  y  lit  «  donjon  de  bois  »,  «  de  pierre  », 
donjon  «  avec  chemise  de  bois  »,  «  avec  pont  de 
bois  »,  «  avec  tours  d'enceinte  »,  «  avec  chemise  percée 
d'archères  »  :  c'est-à-dire  que,  tout  compte  fait,  vous  pour- 


2G0  RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES 

rez,  avec  ce  livre,  retrouver  les  formes  et  façons  essen- 
tielles du  donjon.  —  Mais  il  n'y  a  pas  que  l'archéologie 
du  moyen  âge  qui  trouve  ici  son  bénéfice.  Il  y  a  aussi 
la  connaissance  de  sa  vie  intellectuelle.  Voyez  au  mot  de 
César  :  la  popularité  du  grand  dictateur,  qu'on  rattache  si 
souvent,  et  à  tort,  à  la  Renaissance,  y  apparaît,  dès  le 
xie  siècle,  dans  la  mention  des  tombeaux  de  Venouse,  attri- 
bués aux  temps  de  sa  gloire.  —  Et  il  n'y  a  pas  que  la 
science  du  moyen  âge  pour  récolter  en  ce  recueil  ;  il  y  a 
aussi  celle  de  l'antiquité  pour  y  glaner.  Voici  quantité  de 
mentions  de  monuments  antiques,  préhistoriques  même, 
menhirs  et  dolmens,  par  exemple  lapides  quosclam  ingentes 
in  medio  montis  positos.  —  Le  livre  ressemble  à  M.  Mortet, 
bibliothécaire  :  il  se  met  au  service  de  tous  ceux  qui  tra- 
vaillent. La  commission  lui  a  accordé  avec  joie  et  recon- 
naissance la  seconde  médaille. 

L'ouvrage  de  M.  Sauvage,  qui  a  obtenu  la  troisième 
médaille,  est  de  nature  toute  différente.  Ce  n'est  pas  un 
recueil  de  textes  sur  l'archéologie,  c'est  un  livre  d'his- 
toire, celle  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Troarn  en  Nor- 
mandie. Il  la  prend  à  ses  débuts,  il  l'arrête  au  xvie  siècle, 
il  la  suit  patiemment,  lentement,  dans  les  rapports  des 
moines  avec  le  Saint-Siège,  les  rois  d'Angleterre  et  de 
Fiance,  l'évêque  de  Bayeux,  les  abbayes  rivales.  Puis, 
avec  plus  de  complaisance  encore  pour  son  sujet,  il  montre 
le  développement  matériel  de  l'abbaye,  ses  richesses,  la 
façon  dont  elle  exploitait  ses  domaines.  Quand  on  songe 
que  Saint-Martin  de  Troarn  fut  la  plus  riche  du  pays  après 
Saint-Étienne  de  Caen,  que  la  Normandie  et  sa  vie  agri- 
cole est  un  des  sujets  les  plus  passionnants  de  l'histoire 
économique  au  moyen  âge,  on  voit  tout  de  suite  que  de 
cette  monographie  M.  Sauvage  pouvait  aisément  s'élever 
à  des  faits  d'ordre  général.  Ce  en  quoi  d'ailleurs  il  a  réussi, 
ajoutant  bien  des  pages  nouvelles  aux  études  fameuses  de 


RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES  261 

ses  devanciers.  Et  cela  annonce  en  lui,  absolument,  l'étoffe 
d'un  historien  de  bonne  espèce,  curieux,  soucieux  du  détail 
exact,  habile  à  grouper  les  choses  similaires,  réfléchissant 
sur  ses  textes,  faisant  à  leur  endroit  l'effort  qui  en  tire  la 
vérité.  D'autre  part,  une  liste  d'abbés,  quarante  pièces,  des 
tables  un  peu  trop  minutieuses  peut-être,  montrent  aussi 
chez  notre  jeune  auteur  le  goût  de  l'inventaire,  des  statis- 
tiques, des  répertoires,  de  tous  ces  matériaux  solides  dont 
il  ne  faut  pas  que  l'historien  éloigne  sa  pensée  et  son 
œuvre.  —  J'ai  prononcé  le  mot  de  jeune  à  propos  de 
M.  Sauvage.  On  voit  qu'il  l'est  encore,  à  certains  lapsus 
qui  viennent  d'un  tempérament  trop  prompt,  à  des  procédés 
de  composition  un  peu  rudimentaires  :  pourquoi  intercaler 
des  documents  latins  au  beau  milieu  de  son  exposé?  pour- 
quoi alourdir  le  récit  de  textes  qu'on  aurait  pu  rejeter  en 
note?  Il  eût  fallu,  l'ouvrage  fini  de  cette  manière,  le  rema- 
nier en  un  dispositif  plus  clair,  plus  léger,  plus  harmonieux. 
Mais  M.  Sauvage  est  jeune  :  ce  qui  explique  qu'il  a  eu  un 
peu  trop  de  hâte  en  composant,  et  ce  qui  nous  fait  espérer 
qu'il  arrivera  bientôt  à  bâtir  des  édifices,  non  pas  plus 
solides,  mais  plus  souples,  plus  finement  élaborés. 

L'œuvre  de  M.  l'abbé  Vidal  *,  à  laquelle  revient  la  qua- 
trième et  dernière  médaille,  a  été  fort  discutée,  non  pas  à 
cause  de  son  haut  mérite,  sur  lequel  nous  avons  tous  été 
d'accord,  mais  à  cause  de  sa  nature.  Elle  concerne 
Benoît  XII,  qui  fut  pape  de  1334  à  1342.  Mais  il  s'agit  ici, 
en  majeure  partie,  de  documents,  et  ensuite,  de  docu- 
ments concernant  surtout  ou  la  chancellerie  ou  la  diplo- 
matique pontificales  ou  les  cours  d'Angleterre  et  de 
Naples.  A  quoi  on  a  répondu  que  ces  documents  étaient 
précédés  d'une  préface  de  sérieuse  valeur  historique, 
que  beaucoup  de  ces  pièces  concernaient  la  France,    que 

l.  Benoit  XII,  etc.,  Lettres  communes  d'après  les  registres  dits  d'Avi- 
gnon et  du  Vatican.  2  vol.  in-  i. 


262  RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES 

Benoît  XII  siégeait  en  Avignon,  et  qu'il  était  Français.  Et 
nous  n'avons  plus  hésité,  sans  autre  ennui  qu'un  retard 
dans  l'unanimité,  k  admettre  l'œuvre  et  le  sujet  au  bénéfice 
de  nos  Antiquités  Nationales.  L'œuvre  est  énorme,  trois 
volumes  in-folio  de  la  grande  série  de  la  Bibliothèque  de 
l'École  de  Rome,  illustrée  déjà  par  plusieurs  des  nôtres. 
Elle  est  digne  de  ses  devancières  dans  la  collection.  Outre 
l'intérêt  de  tous  ces  documents,  le  soin  apporté  à  leurs 
transcriptions,  voici,  en  tète,  une  préface  d'une  minutie, 
d'une  érudition  exceptionnelles  sur  la  diplomatique  et 
la  chancellerie  des  papes  d'Avignon,  les  faits  reconnus  mis 
en  une  nouvelle  lumière,  de  nouveaux  faits  sur  les  bureaux, 
sur  la  procédure  de  l'enregistrement  et  de  l'expédition, 
partout  une  belle  clarté  et  un  ordre  d'exposition  remar- 
quables, qui  sont  la  note  propre  du  travail  érudit  chez 
M.  Vidal. 

Avec  les  Archives  du  Cogner  ' ,  nous  abordons  les  men- 
tions. —  Cet  ouvrage,  auquel  la  première  est  décernée,  nous 
met  en  présence  de  quelque  chose,  non  pas  d'exceptionnel, 
mais  d'excellent  et  de  rare,  le  dévouement  de  M.  Chappée 
à  la  cause  de  l'histoire,  à  la  science  du  passé.  Depuis  trente- 
cinq  ans,  M.  Chappée,  à  l'affût  de  toutes  pièces  d'archives, 
les  saisit  et  les  conserve.  Mais  ne  l'appelons  pas  collec- 
tionneur, c'est  un  sauveteur,  d'un  dévouement  absolu.  Et 
il  n'y  a  pas  que  les  documents  qui  l'intéressent,  il  y  a  les 
monuments,  et  surtout  ces  édifices  religieux  que  l'incurie 
de  notre  temps  voue  si  souvent  à  la  mort  ou  à  une  restau- 
ration parfois  pire.  Je  ne  citerai  qu'un  exemple  de  ces 
beaux  actes  de  sauvetage  archéologique.  En  1866,  on  aban- 
donna l'église  paroissiale  d'Artins  dans  le  Loir-et-Cher.  La 
ruine  arriva  aussitôt  pour  la  pauvre  épave.  Mais  M.  Chappée 
est  intervenu,  a  acheté   l'église,   a  arrêté    ses    malheurs  et 

1 .   1"  série  II  :    2°   série  E    3  vol.)  :  3°  série   H  et  Cartulaire  de  V abbaye 
île  Saint-Sanveur-de- Villeloin. 


RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES  263 

conservé  ses  peintures,  qu'on  vient  de  publier.  C'est  un 
peu  pour  cela,  et  par  acte  de  respectueuse  gratitude,  que 
nous  tenons  à  placer  le  nom  de  M.  Chappée  en  tête  de 
cette  seconde  série  de  récompenses.  —  Ce  n'est  pas  seule- 
ment à  cause  de  cela.  Sous  ce  titre,  Archives  du  Cogner, 
M.  Chappée  et  son  collaborateur,  M.  l'abbé  Denis,  ont 
réuni  quantité  de  pièces  concernant  la  France  entière,  mais 
surtout  le  Maine,  l'Anjou  et  les  provinces  voisines.  Ce  nom 
du  Cogner  (je  le  dis  pour  ceux  qui  ne  connaissent  pas 
M.  Chappée)  est  celui  du  manoir  qui  abrite  ses  richesses. 
La  collection  imprimée  renferme  présentement  cinq  volumes, 
le  premier  datant  de  1903,  les  autres  se  succédant  par  unité 
tous  les  deux  ans.  Il  en  viendra,  nous  l'espérons,  beaucoup 
encore.  La  Société  des  Archives  historiques  du  Maine  leur  a 
offert  son  patronage.  Elle  a  bien  fait.  La  publication  est 
bonne,  les  documents  intéressants,  peu  de  fautes  de  lectures, 
les  péchés  minuscules  inévitables  dans  ces  gros  monuments, 
et,  par-dessus  tout,  l'exquise  bonne  grâce  de  M.  Chappée 
à  mettre  sous  les  yeux  des  travailleurs  tout  ce  qu'il  découvre 
et  tout  ce  qu'il  amasse. 

C'est  encore  un  recueil  de  documents  que  nous  récom- 
pensons, en  décernant  une  seconde  mention  à  l'œuvre  de 
M.  Gadave,  les  Documents  sur  lliistoire  de  V Université  de 
Toulouse  et  spécialement  de  sa  Faculté  de  droit  civil  et 
canonique  {1229- 1789).  —  On  a  été  souvent  injuste  pour  nos 
anciennes  Universités  et  la  gloire  ou  les  espérances  de  leurs 
filles  modernes  ne  doivent  pas  nous  faire  oublier  les  ser- 
vices qu'elles  nous  ont  rendus.  Les  beaux  travaux  de 
MM.  Deloume  et  Rodier,  Mobilier  ou  Fournier  ont  depuis 
longtemps  rappelé  au  public  érudit  ce  qu  avait  été  l'Uni- 
versité de  Toulouse,  maintenant  à  la  vieille  cité  du  Capi- 
tule ce  renom  de  Palladienne  que  lui  donnaient  déjà  les 
contemporains  de  Domitien.  Cependant,  même  après  ces 
recherches,  il  y  avait  encore  beaucoup  à  faire  :  M.  Gadave 


264  RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES 

l'a  montré.  Son  livre  n'est  pas  un  cartulaire,  mais  il  en 
tient  lieu,  en  ce  sens  qu'il  a  rassemblé  en  un  seul  corps  des 
documents  épars  dans  vingt  bibliothèques  ou  archives  :  il 
les  a  publiés  avec  conscience,  sans  se  méprendre  sur  le 
sens.  Nous  n'avons  qu'un  regret,  c'est  qu'il  ait  trouvé  trop 
peu  de  pièces  anciennes,  et  que  la  plupart  de  ces  actes  soient 
précisément  de  l'époque  où  l'Université  de  Toulouse, 
comme  toutes  les  autres,  était  en  pleine  décadence.  Une 
introduction,  d'ordre  surtout  bibliographique  et  critique, 
sert  d'utile  avant-corps  à  cet  utile  volume. 

Vient  ensuite,  pour  la  troisième  mention,  l'ouvrage, 
encore  tout  nouveau  et  déjà  signalé  avec  éloge  *,  de 
M.  Artonne  sur  le  mouvement  de  131*2  et  les  chartes  pro- 
vinciales de  1315  ~.  Quel  dommage  que  l'apparence  du 
volume  ne  fasse  pas  toujours  valoir  son  réel  mérite  et  le 
vif  intérêt  du  sujet  !  Les  pièces  ne  sont  point  très  bien 
publiées,  et  il  y  a,  dans  la  rédaction,  ce  que  l'on  appelle 
aujourd'hui  des  écarts  d'écriture.  Mettons  ces  erreurs  sur 
le  compte  de  la  typographie  ;  mais  pour  un  érudit,  est-ce 
que  la  correction  typographique  n'est  pas  un  devoir  de  tout 
premier  ordre,  envers  le  lecteur,  envers  soi-même,  et  je 
dirais  volontiers  envers  les  documents  du  passé  ?  Avec  les 
renseignements  nouveaux  qu'il  nous  apporte,  avec  son  intel- 
ligence historique,  M.  Artonne  eût  pu  devenir  l'auteur 
d'un  beau  livre,  comme  tel  grand  seigneur  du  temps  de 
Louis  XIV  fût  devenu  un  parfait  gentilhomme,  s'il  avait 
pris  le  temps  de  soigner  sa  mise.  Le  fond,  dans  cet  ouvrage 
est  en  effet  de  solide  valeur.  Je  regrette  seulement,  comme 
d'autres  l'ont  fait  avant  moi,  qu'il  n'y  soit  point  question 
des  séditions,  des  esquisses  de  jacquerie,  des  grondements 


1.  Article  de  M.  Ch.-V.  Langlois,  Jou mal  des  Savants,  1912,  p.  1(57  et  s. 

2.  Ce  volume   t'ait  partie  de  la  Bibliothèque  de  la  Faculté  des  Lettres  de 
V Université  de  Paris,  t.  XXIX. 


RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES  2()') 

populaires  ou  provinciaux  qui  accompagnèrent  les  œuvres 
des  réformateurs  :  on  ne  pourrait  guère  raconter  la  Consti- 
tuante sans  écouter  de  très  près  les  bruits  de  la  rue.  Mais 
enfin  le  sujet  principal  du  livre,  cet  étrange  mouvement  de 
liberté  qui  caractérise  le  règne  de  Louis  X,  est  bien  vu,  bien 
analysé,  et  il  est  si  plein  d'intérêt  pour  nous  !  M.  Artonne 
nous  donne,  sur  plus  d'un  point,  des  choses  nouvelles,  sur 
le  rôle  de  Charles  de  Valois,  sur  celui,  jusqu'ici  méconnu, 
du  futur  Philippe  V,  alors  comte  de  Poitiers,  sur  l'incohé- 
rence et  les  jalousies  des  réformateurs,  plus  désireux  des 
prérogatives  chacun  pour  soi  que  de  liberté  pour  tous.  Et 
cela  s'est  vu  en  d'autres  temps. 

Nous  voici  de  nouveau  en  face  de  documents  avec 
l'ouvrage  qui  reçoit  la  quatrième  mention,  celui  de 
M.  l'abbé  Verlaguet,  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Silvanès 
en  Roue  rime  :  cartulaire  fait  d'abord  d'un  vieux  recueil  du 
xue  siècle,  et  ensuite  de  pièces  rapportées.  Ce  sont  ces 
documents  qui  donnent  au  livre  son  principal  intérêt.  Ils 
constituent  un  ensemble  presque  vivant  (si  on  peut  parler 
ainsi  à  propos  d'un  cartulaire)  ;  on  y  voit  comment  le 
monastère  s'est  fondé,  comment  il  a  agrandi  son  temporel, 
et  comment,  sous  son  action,  l'agreste  territoire  s'est  trans- 
formé. Ce  qui  aide  à  comprendre  ces  faits  historiques,  à 
s'y  intéresser,  c'est  que  les  documents  sont  fort  bien 
publiés.  C'est  plaisir  que  de  lire  des  pièces  aussi  bien  pré- 
sentées, sans  faute  d'impression,  bien  ponctuées,  bien  ana- 
lysées, avec  les  seules  corrections  nécessaires.  Il  y  aurait 
peut-être  quelques  critiques  à  faire  à  l'introduction.  Mais 
M.  Verlaguet  a  tellement  facilité  la  tâche  de  ceux  qui 
commenteront  ses  documents,  qu'on  ne  peut  lui  en  vou- 
loir de  la  leur  avoir  laissée. 

Enfin  une  cinquième  mention  est  échue  à  l'œuvre  de 
M.  Legras  sur  le  Bourgaye  de  Caen,  tenure  à  cens  et  Lenure 


266  RAPPORT  SLR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  NATIONALES 

à  rente,  XIe-XVé  siècles.  M.  Legras  est  un  érudit  du  plus 
haut  mérite.  Sa  thèse  sur  les  Tables  latines  d'Héraclée  fit 
sensation  il  y  a  quelques  années.  Elle  lançait  une  hypo- 
thèse hardie  qui  a  été  fort  attaquée  et  à  laquelle  nous 
sommes  encore  quelques-uns  à  ne  pas  vouloir  adhérer1.  Il 
y  a  moins  d'audace  peut-être  en  ce  volume  :  Fauteur  est 
devenu  moins  entreprenant  avec  l'âge.  Mais  il  s'y  trouve, 
comme  dans  l'autre,  abondance  d'observations  très  fines, 
un  sens  aigu  du  droit  médiéval.  Qu'il  s'occupe  du  droit 
administratif  romain  ou  du  formulaire  des  chartes,  M.  Legras 
se  montre  un  esprit  juridique  de  valeur2.  Et  quiconque 
voudra  désormais  étudier  les  vicissitudes  de  la  propriété  au 
moyen  âge,  devra  recourir  à  ce  livre  et  réfléchir  avec  son  aide. 
Mais  l'auteur  ne  voudra-t-il  pas  reconnaître  avec  nous  que 
son  ouvrage  a  été,  non  pas  pensé,  mais  composé  trop  vite? 
M.  Legras,  j'en  ai  peur,  n'a  pas  eu  le  temps  d'abréger  son 
livre.  Il  eût  pu,  s'il  avait  su  se  procurer  quelques  loisirs 
dans  ses  journées  laborieuses,  supprimer  quelques  digres- 
sions, biffer  des  phrases  allemandes  qui  viennent  encom- 
brer son  texte  français.  Il  eût  pu,  surtout,  dégager  son 
style,  le  débarrasser  de  locutions  inutiles  qui  s'y  pressent. 
Que  n'a-t-il  préféré  une  manière  d'écrire  conforme  à  sa 
manière    de    penser,   qui    est    nette    et  vigoureuse  ? 

Voilà  donc  neuf  ouvrages  couronnés  ou  récompensés. 
Cela  ne  veut  pas  dire  que  tous  les  autres  ne  méritassent 
point  de  l'être.  Mais  la  plupart  portaient  en  eux  un  vice 
rédhibitoire  :  le  sujet  ne  rentrait  pas  dans  le  cadre  de  ce 
concours.  —  Il  faudrait  bien  pourtant  que  nos  correspon- 
dants, ou,  si  l'on  préfère,  les  auteurs  désireux  de  devenir 
nos  justiciables,  cessassent  de  nous  adresser  des  volumes, 

1.  Voyez  L'article  de  M.  Besnier  dans  la  Revue  des  Études  anciennes  de 
1912. 

2.  Ce  livre  vient  de  recevoir   le  prix  de  thèse  à  la  Faculté  de  Droit  de 
Paris. 


RAPPORT    SUR     LE    CONCOURS    DES    ANTIQUITÉS    NATIONALES  267 

si  bons  qu'ils  fussent,  sur  les  approches  de  la  Révolution  ou 
sur  les  temps  des  quatre  derniers  Bourbons.  Henri  IV  une 
fois  mort,  il  est  entendu  que  s'arrête  notre  juridiction  aca- 
démique. Voilà  pourquoi,  sur  2i  auteurs  qui  sont  venus 
à  nous,  9  seulement  ont  été  élus,  et  beaucoup  même  n'ont 
pas  été  appelés. 

Parmi  les  ouvrages  écartés  du  concours,  deux  méritent 
une  mention  à  part,  a  cause  des  conditions  où  ils  se  sont 
présentés  à  nous.  —  L'un  est  celui  de  M.  Laurent,  tome 
second  du  Cartulaire  de  Vabhaye  de  MolesmcK  Comme 
cartulaire,  vraiment,  c'est  un  travail  parfait,  un  modèle 
du  genre,  fait  par  un  érudit  de  bonne  trempe  et  de  fine 
intelligence.  Mais  le  premier  volume  a  eu  la  seconde 
médaille  au  concours  de  1908.  Nous  ne  pouvons  donc 
aujourd'hui  faire  qu'une  chose,  et  nous  le  faisons  avec 
empressement  :  rappeler  cette  médaille,  et  le  talent  de 
l'auteur.  —  L'autre  ouvrage  ou  plutôt  les  autres  (car  il  y 
en  a  une  majestueuse  série),  c'est  l'ensemble  des  Inven- 
taires présentés  par  notre  vaillant  archiviste  des  Hautes- 
Alpes,  M.  l'abbé  Guillaume!  Que  de  pièces  analysées!  que 
de  zèle  dans  les  préfaces  auxquelles  l'archéologie  romaine 
devra  elle-même  recourir!  Mais  ces  livres,  ce  sont  inven- 
taires administratifs  d'Archives  Départementales  et  Commu- 
nales. Et  votre  Commission  s'est  fait  une  loi,  aussi  dure 
d'ailleurs  pour  elle  que  pour  les  concurrents,  de  ne  point 
accepter  des  publications  de  ce  genre. 

De  ces  9  ouvrages  couronnés,  tous,  absolument,  traitent 
du  moyen  âge.  Il  demeure  le  principal  favori  du  Concours 
des  Antiquités.  Cela  tient  en  grande  partie  à  la  façon 
supérieure  dont  l'étude  en  est  organisée  à  l'Ecole  des 
Chartes.  Les  premiers  lauréats  en  proviennent  sans  excep- 
tion. C'est  de  plus  en  plus   un    honneur,  comme   le  disait 

1.    Voyez  le  Rapport  de  M.  Valois,  Comptes  rendus  île  L90fr,  \>.  3!"7-8. 


268  LIVRES    OFFERTS 

hier  un  de  nos  confrères  et  maîtres  ',  que  de  lui  avoir  appar- 
tenu. 

Qu'il  me  soit  cependant  permis  de  regretter  que  l'Anti- 
quité n'ait  pas  revendiqué  plus  vigoureusement  sa  place 
dans  le  concours.  Elle  a  produit,  dans  ces  derniers  mois, 
des  œuvres  excellentes.  Par  modestie  ou  timidité,  les 
auteurs  les  ont  tenues  à  l'écart  de  nous.  J'aurais  voulu  que 
nous  eussions  le  droit  d'aller  les  chercher.  Pour  que  ce 
concours  rendit  le  maximum  de  services,  il  faudrait  qu'il 
fût,  chaque  année,  le  résumé  de  ce  qui  s'est  fait  de  bien  sur 
l'ancienne  France,  depuis  les  origines  lointaines  jusqu'à 
l'aube  des  temps  modernes. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  II.  Omont  dépose  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom  de 
Madame  Paul  Tannery,  le  premier  volume  des  Mémoires  scientifiques 
de  Paul  Tannery,  publiés  par  MM.J.-L.  Heiberg  et  II. -G.  Zeutben 
^ Toulouse  et  Paris,  1912,  petit  in-4°,  xix-166  pages  et  portrait). 

«  Les  Mémoires  scientifiques  du  regretté  Paul  Tannery,  réunis  avec 
un  soin  pieux  par  sa  veuve,  formeront  une  dizaine  de  volumes;  ils 
comprendront  la  série  des  articles  donnés  par  lui  à  des  revues  et  qui 
n'ont  pas  été,  par  la  suite,  remaniés  et  insérés  dans  quelques-uns  de 

-  ouvrages.  Ce  premier  tome  de  la  section  relative  aux  Sciences 
exactes  dans  l'antiquité  qui  formera  trois  volumes)  contient  la 
réimpression  de  vingt-neuf  articles,  publiés  de  1876  à  1884  par  Paul 
Tannery  sur  les  œuvres  de  différents  mathématiciens  grecs  :  Apol- 
lonius de  Perge,  Archimède,  Aristarque  de  Samos,  Didyme  d'Alexan- 
drie, Diopbante,  Héron  d'Alexandrie,  etc.,  et  sur  divers  points  de 
l'histoire  des  sciences  mathématiques  chez  les  Grecs. 

«  Celle  publication,  dont  le  premier  volume  paraît  aujourd'hui  par 
les  soins  d'un  savant  danois,  M.  le  Dr  J.-L.  Heiberg,  professeur  à 


1.  M.  Héron  de  Villefosse,  lors  de  l'hommage  qui  lui  a  été  rendu,  à 
l'occasion  du  25«  anniversaire  de  son  élection  à  l'Académie   13  juin  1912). 


LIVRES    OFFERTS 


269 


l'Université  de  Copenhague,  bien  connu  par  ses  nombreux  travaux 
sur  les  mathématiciens  grecs, mettra  en  pleine  lumière  L'importance, 
la  variété  et  en  même  temps  la  belle  unité  <le  l'œuvre  du  regretté 
Paul  Tannei  v. 

M.  l'abbé  Thedenàt  offre  à  l'Académie,  de  la  part  «le  l'auteur, 
M.  Pierre  Gusman,  une  brochure  intitulée  :  Un  incunable  et  son 
histoire  (extrait  de  la  Gazette  des  Iie;iu.r-arls). 

«  Sous  ce  titre,  M.  Pierre  Gusman  a  restitué  son  véritable  carac- 
tère à  une  planche  en  cuivre  que  M.  Bouchot  croyait  destinée  à  un 
gaufrage  à  chaud1.  Cette  planche,  au  moment  où  M.  Bouchot  s'en 
est  occupé,  faisait  partie  de  la  collection  de  M.  Gay.  M.  Pierre 
Gusman  l'a  retrouvée  au  Musée  du  Louvre.  Archéologue  expérimenté 
et,  eu  même  temps,  connaissant  à  fond  tous  les  procédés  de  la  gra- 
vure ancienne  et  moderne,  art  dont  il  est  un  des  maîtres,  M.  P. 
Gusman  a  été  amené  à  cette  constatation  très  intéressante  et  com- 
plètement nouvelle  que  ce  cuivre  est  une  planche  incunable  en 
relief,  admirablement  conservée  et  dépassant  en  beauté  tous  les 
incunables  connus  et  toutes  les  planches  typographiques  des  xv°  et 
xvic  siècles.  » 

M.  Pottieu  présente  à  l'Académie  le  46e  fascicule  du  Dictionnaire 
des  antiquités  grecques  et  romaines.  C'est  la  première  fois  (pie  la 
livraison  n'est  pas  offerte  par  celui  qui  pendant  quarante  ans  environ 
a  travaillé  à  cette  uuivre  considérable.  Elle  contient  une  notice  où 
est  inséré  le  discours  prononcé  par  M.  Omont  aux  obsèques  de 
M.  Saglio  et  une  biographie  qui  rappelle  surtout  la  part  prise  par  le 
regretté  savant  à  l'organisation  et  à  la  publication  du  Dictionnaire; 
il  n'était  pas  inutile  de  dire  combien  cette  part  fut  grande  dans  une 
œuvre  surtout  connue  sous  le  nom  de  Daremberg,  qui  mourut  en 
1S72  avant  d'avoir  vu  paraître  le  premier  fascicule  de  l'ouvrage. 
Comme  le  faisait  M.Saglio,  M.  Potlier  remercie  ceux  de  ses  confrères 
qui  continuent  à  prêter  au  Dictionnaire  leur  précieux  concours  et 
les  savants  qui,  avec  eux,  collaborent  à  la  publication.  Ce  fascicule 
contient  les  articles  qui  vont  de  Tabella  à  Textrinum.  M.  G.  I.alave. 
professeur  à  la  Sorbonne,  gendre  de  M.  Saglio,  a  bien  voulu  assumer 
avec  M.  Potlier  le  soin  d'achever  le  travail  que  nous  aurions  tant 
désiré  voir  terminer  par  celui  qui  l'a  commencé. 

I.  Les  deux  cents  incunables  xylographiques  <//;  Département  des 
Estampes,  n°  >t,  p.  210. 


1913.  p.» 


270 

SÉANCE  DU  21  JUIN 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS     LEGER. 


L'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Bordeaux 
invite  l'Académie  à  se  faire  représenter  aux  fêtes  par  lesquelles 
cette  Académie,  fondée  en  1712,  célébrera  son  bi-centenaire  les 
11  et  12  novembre  prochain. 

L'Académie  désigne  pour  la  représenter  MM.  Camille  Jullian, 
Edouard  Cuq  et  Dieulafoy. 

M.  Théodore  Reinach  communique  au  nom  de  M.  Arthur  Hunt 
professeur  à  Oxford,  une  très  intéressante  primeur  :  la  moitié 
d'un  drame  satyrique  de  Sophocle,  les  Dépisteurs  (ichneutai), 
retrouvée  récemment  dans  un  papyrus  d'Oxyrhynchus  (Egypte). 
Le  sujet  est  tiré  du  mythe  de  l'enfance  d'Hermès  :  le  vol  des 
vaches  d'Apollon,  l'invention  de  la  lyre  en  fournissent  les  prin- 
cipaux épisodes.  A  côté  des  deux  divinités  on  y  voit  apparaître 
la  nymphe  Kylléné,  nourrice  d'Hermès,  les  Satyres,  qui  forment 
le  chœur,  lancés  à  la  poursuite  du  voleur  divin,  enfin  leur  père, 
le  vieux  Silène.  Les  400  vers  conservés  offrent,  en  même  temps 
que  bien  des  énigmes,  des  beautés  de  premier  ordre;  citons  les 
scènes  comiques  où  s'ébattent  les  Satyres  «  limiers  »,  puis  leur 
dialogue,  en  vers  alternés,  avec  la  nymphe,  où  la  lyre  est 
décrite  sous  la  forme  d'une  devinette  dont  s'est  peut-être  inspiré 
Euripide.  Le  texte  complet  doit  paraître  incessamment  à  Oxford  ; 
nous  nous  ferions  un  reproche  de  déflorer  aujourd'hui  cette 
publication  par  une  analyse  plus  développée. 


271 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Noël  Valois  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

■  Aussitôt  après  la  mort  de  Léopokl  Delisle,  son  frère,  M.  Xavier 
Delisle,  s'est  occupé,  vous  le  savez,  de  réunir  et  de  publier  sa  cor- 
respondance. C'est  un  troisième  fascicule  de  ce  recueil  que  je  suis 
chargé  d'offrir  à  l'Académie  de  la  part  de  notre  confrère  M.  le  cha 
noine  Chevalier;  il  contient,  en  effet,  les  nombreuses  lettres  adres- 
sées par  Léopokl  Delisle  à  M.  Ulysse  Chevalier  pendant  près  d'un 
demi-siècle. 

«  Que  toutes  présentent  un  intérêt  égal  pour  la  postérité,  je 
n'irai  pas  jusqu'à  le  prétendre.  Mais  aux  renseignements  bibliogra- 
phiques et  historiques  de  tous  genres  s'y  mêlent  parfois  de  tou- 
chantes confidences. 

«  Nous  retrouvons  là  le  travailleur  qui  ne  se  donna  jamais  de 
relâche,  l'administrateur  toujours  à  l'affût  des  occasions  favorables  à 
l'enrichissement  de  sa  Bibliothèque,  le  critique  si  bienveillant,  l'ami 
si  obligeant  que  nous  avons  connu.  Nous  assistons  aux  explosions  de 
joie  attendrie  que  provoquait  chez  lui,  par  exemple,  l'acquisition 
d'un  évangile  grec  en  onciales  d'or  sur  parchemin  pourpré  :  «  J'ai  cru 
rêver,  écrit- il,  en  voyant  cette  merveille  nous  arriver  providentiel- 
lement !  »  Nous  découvrons  aussi  un  Delisle  voyageur,  alpiniste  même 
à  sa  façon,  mais  que  le  mauvais  temps  dispense,  durant  ses  séjours 
en  Suisse,  de  s'attarder  dans  la  contemplation  des  montagnes  et  des 
lacs,  et  qui  se  retrouve  plus  à  son  aise  au  milieu  des  manuscrits  de 
Berne,  de  Zurich  et  de  Saint-Call.  Jaloux  de  maintenir  la  pureté  et 
la  simplicité  de  la  langue,  il  s'insurge  à  plusieurs  reprises,  avec  une 
amusante  humeur,  contre  les  expressions  de  «  regeste  »  ou  de 
«corpus»,  entachées,  suivant  lui,  de  néologisme  et  de  pédantisme, 
et  qu'on  substitue  bien  inutilement  aux  vieux  mots,  dont  se  conten- 
taient nos  pères  :  «recueil  »,  «  registre  »  ou  «  catalogue  ».  En  1904,  il 
s'aperçoit  avec  stupeur  qu'il  met  en  œuvre,  pour  un  de  ses  derniers 
travaux,  des  matériaux  recueillis  par  lui  jadis  à  la  «  Bibliothèque 
royale  »  et  aux  «  Archives  du  royaume  »  :  nouvelle  preuve  de  l'admi- 
rable unité  de  cette  vie  et  de  la  persévérance  avec  laquelle  il  savait 
mener  à  bien  la  plupart  de  ses  entreprises.  Il  gémit,  en  1907,  sur  le 
sort  ede  prêtres  studieux  brutalement  expulsés  dY-\  reliés  ou  de 
séminaires  où  ils  pouvaient  espérer  terminer  leurs  jouis  et  assistant 


272  LIVRES    OFFERTS 

à  la  spoliation  des  bibliothèques  dont  ils  avaient  réuni  eux-mêmes 
les  plus  importants  éléments  ».  Enfin,  en  1908,  il  définit  lui-même 
assez  exactement  l'attitude  réservée  et  digne  que  nous  l'avons  vu 
toujours  garder  dans  les  élections  académiques  :  «  Je  n'ai  rien, 
écrit-il,  de  ce  qui  est  nécessaire  pour  diriger  une  campagne  électo- 
rale; cela  n'est  pas  dans  mon  tempérament  :  j'ai  été  longtemps  trop 
ieune,  et  maintenant  je  suis  trop  vieux.  Je  me  rappelle  que  mon 
meilleur  ami  à  l'Académie,  le  plus  sage  des  académiciens,  Natalis  de 
Wailly,  arrivé  à  l'âge  de  70  ans,  s'était  fait  une  loi  de  se  tenir  sur 
une  absolue  réserve  quand  il  y  avait  une  élection  à  faire,  ce  qui 
n'empêchait  pas  que  tout  le  monde  à  l'Académie  connût  son  opinion 
et  que  beaucoup  en  tinssent  compte,  même  en  dehors  de  ses  intimes. 
Je  n'ai  pas  l'autorité  dont  il  jouissait,  mais  je  voudrais  pouvoir  imi- 
ter sa  sagesse.  » 

u  Nous  savons  tous  de  quelle  autorité,  en  fait,  jouissait  ici  Léopold 
Delisle,  et  sa  sagesse  nous  fait  envie  non  moins  que  celle  de  Natalis 
de  Wailly.  Son  souvenir  surtout  nous  est  cher,  et  la  nouvelle  liasse 
de  lettres  qui  le  fait  ainsi  revivre  ne  saurait  manquer  de  recevoir 
parmi  nous  un  favorable  accueil.  » 

M.  Emile  Picot  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  au  nom  de  la  Société  fran- 
çaise de  reproduction  des  manuscrits  à  peintures,  un  beau  volume 
qui  vient  de  paraître  sous  ce  titre  :  Les  Heures  à  l'usage  d'Angers  de 
la  collection  Martin  Le  Roy.  Ce  volume,  précédé  d'une  savante  intro- 
duction due  à  notre  confrère  M.  le  comte  Durrieu,  nous  fait  con- 
naître un  superbe  manuscrit  qui  paraît  avoir  été  exécuté  dans  un 
atelier  angevin  avant  le  milieu  du  xve  siècle.  Rien  ne  nous  en 
indique  le  premier  propriétaire.  Nous  savons  seulement  qu'au 
xvie  siècle,  il  fit  partie  de  la  bibliothèque  de  Claude  d'Urfé;  qu'au 
xvme  siècle,  les  descendants  de  Claude  le  cédèrent  au  cardinal  de 
Soubise;  qu'il  fut  compris  en  1789  dans  la  vente  des  livres  du  maré- 
chal de  Soubise  ;  qu'il  fut  alors  acheté  par  Chardin  et  cédé  par  celui-ci 
au  duc  de  Hamilton.  11  a  figuré,  en  mai  1889,  à  la  vente  des  manu- 
scrits de  la  collection  Hamilton  remis  aux  enchères  par  le  Musée  de 
Berlin  qui  les  avait  acquis  en  bloc.  C'est  là  que  M.  Martin  Le  Roy 
s'en  est  rendu  adjudicataire.  Les  Heures,  qui  sont  de  grand  format, 
sont  ornées  de  très  belles  peintures,  en  particulier  d'une  suite  des 
douze  apôtres  qui  peut  être  considérée  comme  un  monument  impor- 
tant de  l'art  français  au  xve  siècle.  M.  Durrieu  établit  que  l'on  doit 
en  faire  honneur  à  l'atelier  d'où  sont  sorties  les  grandes  Heures  de 
Rohan  conservées  à  la  Bibliothèque  nationale  sous  le  n°  9471  du  fonds 
latin. 


séance  Dr  28  juin  1912  273 

((  On  trouvera  dans  le  présent  volume  la  reproduction  des  vingt 
et  une  plus  belles  miniatures  du  manuscrit.  M.  Martin  Le  Roy  a 
généreusement  fait  les  frais  de  la  publication  ;  nous  espérons  que 
son  exemple  sera  suivi  par  d'autres  amateurs  qui  ont  compris  le 
haut  intérêt  qui  s'attache  à  l'œuvre  poursuivie  par  la  nouvelle 
Société.  » 


SÉANCE  DU  28  JUIN 


PRÉSIDENCE    DE    M.     NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Homo,  chargé  du  cours  d'antiquités  grecques  et  romaines 
à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  fait  une  communication  sur  la 
topographie  urbaine  et  l'indication  du   domicile  dans  la  Rome 
ancienne.   L'indication  précise  du  domicile  était   une  nécessité 
absolue  pour  les  grandes  villes  de  l'antiquité,  comme  elle  l'est 
aujourd'hui    pour   nos   grandes    villes    modernes.   Gomment    le 
problème  a-t-il  été  résolu  clans  la  ville  d'un  million  d'habitants 
qu'était  la    Rome    impériale?    Différents   documents   nous   ren- 
seignent  à  cet   égard,   particulièrement  les   colliers    d'esclaves 
fugitifs.  Les  indications  les  plus  constantes  sont  la  mention  de  la 
région,    qui    correspondait    à    Rome    aux    arrondissements   de 
nos  grandes  villes,  et  surtout  du  vicus,  le  quartier.  Les  rues  ne 
portaient  pas  de  plaques  indicatrices  ;  les  maisons  n'étaient  pas 
numérotées.  On   comblait  ces   lacunes  par   l'emploi   de  divers 
expédients  :   calcul   du    nombre   des   maisons,    indication   d'un 
signe  caractéristique  quelconque  ou  du  nom  du  propriétaire,  etc. 
Les  quartiers  étant  beaucoup  plus  petits  et  moins  peuplés  que 
dans  le  Paris  actuel,  l'identification  des  habitants  se  faisait  plus 
facilement  ;  la  mention  du  domicile  pouvait  donc  se  présenter 
sous  une  forme  plus  sommaire. 

MM.  Maurice  Croiset,  Cagnat  et  R.  IIaissoulliér  présentent 
quelques  observations. 

M.  le  baron  W.  de  Gruneisen  étudie  le  nimbe  rectangulaire 


27  i  LIVRES    OFFERTS 

bien  connu  en  Italie.  Il  en  trouve  l'origine  en  Egypte  dans  les 
peintures  de  Saqqarah  et  de  Baouït.  L'apa  Jérémie  y  porte  deux 
nimbes,  l'un  carré,  l'autre  rond.  Ce  double  nimbe  s'explique  par 
les  représentations  funéraires  de  l'Egypte  gréco-romaine.  On 
figurait  le  défunt  sous  l'aspect  d'un  vivant  devant  un  pylône, 
puis  sous  l'aspect  d'Osiris  avec  un  nimbe  circulaire.  Le  pylône 
simplifié  devint  une  simple  planchette  derrière  les  momies  et 
fut  ensuite  transporté  dans  la  peinture  murale. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Gustave  Schlumberger  présente  à  l'Académie  le  beau  livre  du 
Dr  Holzhausen,  de  Bonn,  sur  l'histoire  et  le  rôle  des  contingents 
allemands  à  la  Grande  Armée  de  1812  ;  Die  Deutschen  in  Russland. 
I  SI  2.  LeLen  und  Leiden  auf  der  Moskauer  Heerfahrt.  Près  de 
deux  cent  mille  soldats  de  race  germanique  ont  suivi  le  grand 
empereur  en  Russie.  Leur  histoire  non  sans  gloire  n'avait  jamais  été 
racontée,  sauf  dans  des  monographies.  A  l'aide  d'innombrables  docu- 
ments d'archives  publiques  et  privées,  le  Dr  Holzhausen  a  redit  les 
hauts  faits  de  ces  Bavarois,  de  ces  Souabes,  de  ces  Suisses  à  Polotsk, 
à  Borodino,  à  Smolensk,  à  la  Bérésina.  Il  a  redit  aussi  les  affreuses 
souffrances  de  la  retraite  et  de  la  captivité  dont  un  si  petit  nombre 
devait  revenir.  Bien  des  années  après  1812,  des  milliers  de  familles 
allemandes  attendaient  encore  dans  les  larmes  leurs  fils,  leurs  frères 
disparus  sans  nouvelles.  Le  livre  du  Dr  Holzhausen  est  un  document 
très  nouveau  et  très  important  pour  la  connaissance  de  la  terrible 
campagne  de  Russie. 

M.  Senart  présente  les  ouvrages  suivants  : 

Publications  de  l'École  française  d'Extrême-Orient  :  —  Henri  Cor- 
el ier,  Bihliotheca  indosinica.  t.  I;  —  Lunet  de  Lajonquière,  Inventaire 
descriptif  des  monuments  du  Cambodge,  t.  III. 

«  C'est  pour  moi  un  véritable  plaisir  d'être  chargé  de  faire  hom- 
ma"e  à  l'Académie  et  de  recommander  à  son  meilleur  accueil  les  deux 
publications  que  je  dépose  sur  le  bureau.  Elles  émanent  lune  et 
l'autre  de  l'École  française  d'Extrême-Orient  et  lui  font  le  plus  grand 
honneur.  L'une  est  un  commencement,  l'autre  un  achèvement. 

est  d'abord  le  premier  volume  de  la  Bihliotheca  indosinica,  ou 


LIVRES    OFFERTS  275 

recueil  bibliographique  destiné  à  s'étendre  à  toutes  les  régions  de 
l'Indo-Chine.  L'auteur  est  notre  confrère  M.Cordier,  dont  le  nom  est 
la  meilleure  garantie  de  savoir  et  d'exactitude.  Je  ne  veux  insister 
(jue  pour  le  remercier  de  donner  à  sa  grande  Bibliotheca  sinica  ce 
complément  d'autant  plus  précieux  qu'il  s'agit  en  général  de  publi- 
cations très  dispersées,  rédigées  en  beaucoup  de  langues  et  réparties 
en  de  nombreux  recueils.  Il  s'occupe  pour  celte  fois  de  la  Birmanie, 
de  l'Assam,du  Siam  et  du  Laos.  Nous  sommes  assurés  qu'entre  ses 
mains  l'ouvrage  sera  mené  avec  la  promptitude  qui  est  dans  les 
vœux  de  tous  les  travailleurs. 

a  Le  second  ouvrage  est  le  tome  troisième  et  dernier  de  l'Inven- 
taire archéologique  du  Cambodge  que  le  commandant  Lunet  de 
Lajonquière  poursuit  depuis  nombre  d'années  avec  une  ardeur,  une 
exactitude,  une  science  dignes  de  tous  les  suffrages.  Grâce  au  traité 
de  1907,  les  monuments  les  plus  importants  de  la  civilisation  khmère 
ont  fait  retour  à  l'unité  cambodgienne  sous  le  protectorat  de  la 
France;  c'est  à  ces  monuments,  et  tout  particulièrement  au  groupe 
fameux  d'Angkor,  qu'est  consacrée  cette  dernière  partie  d'une  œuvre 
vraiment  considérable  et  poursuivie  toujours  avec  une  fermeté,  une 
netteté  de  vues  qui  ne  laissent  à  aucun  moment  apparaître  la  moindre 
négligence  ni  la  moindre  fatigue.  C'est  certainement  un  grand  hon- 
neur que  notre  pays  doit  à  l'École  d'Extrême-Orient,  et  surtout  à 
M.  de  Lajonquière,  de  s'être  montrés  capables  de  dresser  si  rapide- 
ment et  si  parfaitement  le  tableau  d'ensemble  de  tant  de  richesses 
si  dispersées  et  dans  des  régions  souvent  si  peu  accessibles.  On  ne 
saurait,  dans  une  tache  toujours  minutieuse  et  si  souvent  accablante, 
porter  plus  de  dévouement  et  plus  de  clarté  que  n'a  fait  l'auteur.  Il  a 
fait  son  apprentissage  d'archéologue  en  vue  de  l'entreprise  que  lui 
rendait  chère  son  attachement  à  notre  colonie,  et  tout  son  travail 
n'est  pas  moins  solide  qu'affranchi  de  pédantisme.  Cet  immense 
catalogue  est  amplement  illustré  de  dessins  et  de  plans  qui 
l'éclairent  et  l'animent;  il  est  partout  si  bien  pénétré  par  la  sympa- 
thie que  l'on  sent  à  l'auteur  pour  son  sujet,  par  son  souci  toujours 
sensible  d'établir  les  rapprochements  instructifs,  que  la  sécheresse 
inévitable  en  est  singulièrement  tempérée  et  comme  rafraîchie.  La 
modestie  et  la  bonne  humeur  du  ton  y  font  par  endroits  passer  quelque 
chose  d'un  agrément  personnel.  Je  suis  heureux  d'offrir  à  l'Acadé- 
mie cette  conclusion  d'une  tâche  si  heureusement  conduite,  si 
vaillamment  achevée,  et  dont  je  suis  certain  qu'elle  me  permettra  de 
féliciter  l'auteur  en  son  nom.  ». 


277 


APPENDICES 


FOUILLES    DANS    L  ILOT    DE    L  AMIRAL   A    CARTHAGE, 
PAR    M.    ALFRED    MERLUS1. 

Avec  la  bienveillante  autorisation  de  M.  le  général 
Pistor,  commandant  la  division  d'occupation  de  Tunisie, 
M.  le  capitaine  Chardenet,  du  4e  régiment  de  tirailleurs  algé- 
riens, assisté  de  M.  le  lieutenant  Simonnet,  a  continué  en 
1910  les  fouilles  que  M.  le  capitaine  Desmazes  avait  com- 
mencées en  1908  dans  l'îlot  de  TAmiral2,  qui  occupe  le 
centre  de  la  lagune  septentrionale  des  ports  de  Carthage  et 
où  Beulé  avait  effectué  à  la  fin  de  18o9  des  recherches 
assez  approfondies3.  Les  travaux  ont  duré  du  21  mars  au 
13  septembre  avec  une  interruption  du  19  au  29  mai  seule- 
ment 4. 

Lors  des  fouilles  de  1908,  on  avait  visé  un  double  but  : 
traverser  l'île  de  bout  en  bout  par  une  tranchée  dirigée  du 
Nord  au  Sud,  assez  large  pour  permettre  de  déterminer  les 
édifices  ou  substructions  qui  s'y  trouveraient;  reconnaître 
les  murs  de  quai  circulaires  qui  avaient  déjà  été  signalés  à 
son    pourtour.    En    1910,    on    s'est    proposé    d'étendre    le 


1.  Voir  les  domptes  rendus  de  1911,  pp.  194  el  213.  Le  manuscrit  de 
cette  communication,  qui  était  resté  entre  les  mains  du  tics  regretté 
Pli.  Berger,  a  été  retrouvé  clans  ses  papiers. 

2.  Cf.  Merlin,  Bull,  arch.  du  Comité,  1909,  p.  51-53,  pi.  VI;  Schulten, 
Arch.  Anzei<jei\  1010,  col.  25â-2.M>. 

3.  Fouilles  ù  Carthage,  p.  98  et  suiv.,  pi.  IV  et  V  :  cf.  Tissot,  Geo.gr. 
comp..  I,  p.  <)0»-605;  Perrot  et  Chipiez,  llist.  de  Vart  dans  Vantiquiié,  III, 
p.  3X5  et  386.  D'autres  fouilles  en  cet  endroit  ont  été  faites  en  l900(Gauck- 
ler,   liull.   arch.  du    Comité,   1900,   p.   cxlviu  el    cixxi). 

4.  Cf.  Schulten,  Arch.  Anzeiger,  191 1,  col.  2i:(  el  suiv..  fig.  1. 


278         FOUILLES    DANS    l'ÎLOT    DE    L'AMIRAL    A    CARTIIAliE 

déblaiement  opéré  jusque  là  et  de  dégager  méthodiquement 
la  partie  sud-ouest  de  l'île. 

Au  cours  de  ces  deux  campagnes,  des  constatations  du 
plus  vif  intérêt  ont  été  faites,  qui  ont  permis  de  vérifier 
l'exactitude  des  renseignements  fournis  par  Beulé  et  de  les 
préciser  dans  le  détail. 

L'île  était  entourée,  comme  Beulé  l'avait  déjà  constaté, 
de  deux  murs,  ayant  une  forme  presque  circulaire  et  une 
épaisseur  variant  de  0m  70  à  0m  90,  distants  d'environ 
7  m  .vi0  et  dont  le  premier,  à  compter  de  l'extérieur,  a  envi- 
ron 56  mètres  de  rayon  ' . 

La  première  enceinte,  celle  du  dehors,  est  munie  sur 
certains  points  de  massifs  en  blocage,  placés  comme  pour 
lui  servir  de  contreforts  tantôt  sur  sa  face  externe ,  tantôt 
du  côté  interne,  et  qui  parfois  revêtent  un  aspect  assez 
confus. 

Entre  cette  enceinte  et  la  seconde  qui  est  de  ci  de  là 
reliée  à  la  première  par  des  murs  transversaux  plus  ou 
moins  ruinés  et  qui  semblent  rajoutés,  mais  cependant  plus 
près  de  la  deuxième  muraille  que  de  la  première,  il  existe 
des  piliers  en  blocage  isolés,  espacés  à  peu  près  réguliè- 
rement (distance  entre  eux  :  2  à  3  mètres)  ;  ces  piliers 
devaient  être  à  l'origine  de  section  sensiblement  carrée, 
mais  aujourd'hui  la  plupart  d'entre  eux  sont  fort  endom- 
magés et  nous  n'en  possédons  plus  que  le  noyau.  Trois 
citernes  rectangulaires,  dont  l'une  est  divisée  en  quatre 
compartiments  égaux2  par  deux  cloisons  se  coupant  à  angle 
droit,   sont  juxtaposées    à   la    face   externe   de  la   seconde 


1.  Dans  le  Bull.  arch.  du  Comité  1909  .  j'ai  parlé  de  trois  murs  concen- 
triques ;  mais  l'existence  du  troisième,  qui  aurait  été  situé  en  dehors  de 
celui-ci  et  aurait  eu  63  mètres  de  rayon,  n'a  encore  été  constatée  que  d'une 
façon  très  problématique,  et  il  vaut  mieux  rester  sur  la  réserve  à  cet 
égard  jusqu'à  plus  ample  informé. 

2.  L'un  d'eux,  celui  du  Sud-Ouest,  est  en  partie  occupé  par  un  puits 
circulaire  servant  à  prendre  l'eau. 


FOUILLES    DANS    l'ÎLOT    DE    l' AMIRAL    A    CàRTflAGÉ         279 

muraille,  contre  laquelle  vient  également  s'accoler  à  Tinté- 
rieur  un  bassin  rectangulaire. 

Cette  seconde  enceinte  ne  se  poursuit  pas  sur  tout  le 
pourtour  de  l'îlot.  Au  Sud,  elle  cesse  brusquement  à  un 
endroit  où  se  voit  une  énorme  masse  de  blocage  actuel- 
lement informe l  et  le  mur  se  replie  deux  fois  à  angle 
droit  sur  lui-même  ;  seule  la  ligne  des  piliers  qui  le  précède 
se  continue  vers  l'Ouest. 

Ces  deux  murs  ne  sont  pas  appareillés  ;  ils  sont  consti- 
tués de  moellons  agglomérés  pêle-mêle  avec  du  mortier  et 
ils  présentent  l'aspect  irrégulier  d'une  maçonnerie  coulée 
grossièrement  dans  une  tranchée  et  qui  ne  devait  pas  être 
visible;  ce  sont  des  murs  destinés  à  soutenir  le  terre-plein 
du  quai;  cette  plate-forme  était  composée  pour  la  majeure 
partie  de  terre2  remplissant  l'intervalle  entre  les  deux  murs 
et  devait  avoir  un  peu  moins  de  10  mètres  de  largeur 
totale 3.  Beulé  attribuait  ces  constructions  à  l'époque 
romaine4  et  il  semble  bien  qu'il  avait  raison.  Des  vestiges 
puniques  incontestables  dont  il  sera  question  plus  loin  n'ont 
en  aucune  manière  l'apparence  de  ceux-ci  ;  les  uns  et  les 
autres  ne  sont  sûrement  pas  contemporains  °. 

A  l'intérieur  de  ces  enceintes  concentriques,  la  disposi- 
tion des  restes  antiques  n'est  pas  aussi  claire,  dans  son  état 
de  destruction,  qu'on  le  souhaiterait.  Presque  au  centre, 
une  abside  demi-circulaire  en  blocage,  ayant  9  "'  20  de 
diamètre,  s'ouvre  vers  le  Sud  ;  tout  près  gisent  une  grosse 

1.  Ce  massif  de  blocage  semble  avoir  déjà  été  vu  par  Beulé  (p.  100),  qui 
le  considérait  comme  les  restes  d'un  embarcadère. 

2.  M.  Sehulten  {Arch.  Ànzeiger,  1910,  c.  2:>:>-256)  les  a  rapprochés  fort 
justement  des  murs  des  camps  édifiés  par  les  Romains  lors  du  siège  de 
Numance. 

3.  Beulé    b.  99)  l'avait  estimée  à  9,n  35. 
i.   P.  101. 

5.  Certains  blocs  de  grès  jaunâtre,  ayant  appartenu  aux  constructions 
de  l'époque  punique,  ont  été  employés  dans  quelques-uns  des  piliers  qui, 
comme  les  murs  circulaires,  ne  sont  pas  appareillés. 


280         FOUILLES    DAKS    l'ÎLOT    DE    l' AMIRAL    A    CARTHAGE 

colonne    en   marbre   numidique,   mesurant  0m  90    de  dia- 
mètre,  brisée  en  trois  tronçons  (haut,  environ  6   mètres), 
et  des  fragments  d'autres  colonnes  analogues  '  ;  une  petite 
canalisation  d'eau  aboutit  à  cette  abside,  mais   sans  être 
située  exactement  dans  son  axe.  Trois  citernes,  l'une  ellip- 
tique, la  seconde  rectangulaire,  la  troisième  carrée  (celle-ci 
offrant  dans  ses  parois  de  nombreux  morceaux  de  granit 
employés  comme  matériaux),  sont  en  bon  état  de  conser- 
vation ;  de  deux  autres  il  ne  subsiste  que  Taire  soigneuse- 
ment cimentée  qui  en  constituait  le  fond.  Quelques  pans  de 
murs  et   quelques  piliers  isolés   sont  bien  conservés,  mais 
d'autres  masses  de  blocage  ont  maintenant  des  contours  si 
indistincts  qu'il  ne  paraît  pas  possible  de  leur  assigner  une 
destination  quelconque. 

Cependant  certains  vestiges  méritent  d'attirer  l'attention 
d'une  façon  tout  à  fait  particulière  ;  ce  sont  des  piliers 
rectangulaires  formés  de  blocs  de  grès  jaunâtre  bien  taillés, 
comptant  en  moyenne  1  m  50  à  t m  60  de  long  sur  une 
hauteur  de  0m  70  à  0m  80  et  une  largeur  de  0m  80  à  0m  95, 
superposés  sans  mortier;  ces  piliers,  qui  sont  séparés  les 
uns  des  autres  par  un  intervalle  d'environ  1  m  20  à  1  m  50 
et  qui  comprennent  aujourd'hui  un  plus  ou  moins  grand 
nombre  d'assises,  sont  répartis  en  plusieurs  lignes  dirigées 
Est-Ouest,  mais  sans  être  rigoureusement  parallèles  entre 
elles.  Trois  de  ces  rangées  ont  été  déblayées  dans  la  région 
nord,  et  six,  plus  ou  moins  nettes  et  complètes,  dans  la 
région  sud.  La  première  et  la  seconde  ligne  de  la  région 
nord  sont  limitées  à  l'Est,  au  moins  dans  l'état  actuel  du 
déblaiement,  par  des  murs  dirigés  Nord-Sud,  dont  il  ne 
subsiste  que  les  assises  inférieures  et  qui  sont  constitués, 

1.  Cf.  Beulé.  p.  105.  Des  colonnes  du  même  grenre  ont  été  extraites  de 
l'île  par  M.  le  capitaine  Pascaud  et  transportées  voici  un  certain  temps  sur 
la  route  aboutissant  au  lazaret  de  Carlhagc  (Delattre,  La  nécropole  des 
rais,  prêtres  et  prêtresses  de  Cartilage,  troisième  année  des  fouilles,  p.  1 , 

n.  1,  tin-.  4  et  5). 


FOUILLES    DANS    l'ÎLOT    DE    LAMIKAL    A    CARTHAGE         281 

eux  aussi,  de  gros  blocs  de  grès  jaunâtre1,  mais  disposés 
d'une  façon  continue  2. 

Ces  piliers,  dont  l'alignement  ne  correspond  pas  à  celui 
des  constructions  voisines  des  ports,  rattachées  à  la  centu- 
riation  générale  de  la  Carthage  romaine,  sont  d'époque 
punique,  et  il  convient  d'y  voir  les  fondations,  malheureu- 
sement fort  ruinées,  des  édifices  qui  s'élevaient  dans  l'île, 
notamment  du  pavillon  de  l'Amiral  décrit  par  Appien.  Sur 
certains  des  blocs  de  grès  qui  les  composent,  on  relève  en 
effet,  tracés  à  la  couleur  rouge,  le  symbole  de  Tanit  ou  une 
palme  ;  sur  d'autres,  gravés  en  creux,  des  signes  qui  sont 
peut-être  des  marques  de  carrière  ou  d'appareillage  (lettres 
puniques,  étoile  à  six  branches,  croix  à  huit  branches). 

Voici  la  description  de  ces  blocs  3  : 

N°  1.  —  Signe  de  Tanit  peint  en  rouge  entre  deux  lettres 
puniques  semblables  gravées  :  tj  . 

N°  2.  —  Signe  de  Tanit  peint.  —  Sur  le  bloc  qui  est  au- 
dessus  de  celui-ci  et  qui  a  les  mêmes  dimensions  se  voient 
dans  l'angle  inférieur  droit  des  traces  d'un  sujet  peint  en 
rouge,  peut-être  un  petit  signe  de  Tanit  (?),  placé  horizon- 
talement la  tête  à  gauche. 

N°  3.  —  Signe  de  Tanit  peint;  sur  une  des  grandes  faces, 
dans  l'angle  supérieur  droit  et  dans  l'angle  adjacent  de  la 
face  latérale,  quarts  de  cercle  peints  ;  sur  le  dessus  du 
bloc,  l'angle  adjacent  à  l'angle  supérieur  gauche  de  la  face 
antérieure  est  peint  de  même. 

N°  3  bis.  —  Le  bloc  situé  au-dessous  de  celui-ci  est  par- 
tiellement enterré  ;  il  ne  porte  rien  sur  une  de  ses  longues 

1.  Le  mur  le  plus  septentrional  est  visible  sur  12  '"  de  long-  (larg..  1  *"  iO), 
l'autre  sur  8  à  Kl  mètres  (larg\  1  mètre). 

2.  C'est  sans  doute  un  de  ces  murs  que  Heulé  (p.  103)  a  désigné  sous  le 
nom  de  «  mur  principal  »  [cf.  pi.  IV);  il  parle  aussi  au  même  endroit 
d'assises  rectangulaires  qui  sont  évidemment  des  blocs  semblables  à  ceux 
qui  forment  les  piliers. 

3.  Nous  négligeons  les  marques  peintes  dont  on  n'aperçoit  plus  que  des 
traces  indistinctes. 


282  FOUILLES    DANS    L'ÎLOT    DE    l'aMLKAL    A    CAKTUAGE 

faces  mais  sur  la  face  opposée,  on  discerne  un  signe  de 
Tanii  pareil  à  celui  du  bloc  supérieur,  et,  à  droite  de  ce  sym- 
bole, une  circonférence  de  0m  13  de  diamètre,  également 
peinte. 

Le  bloc  inférieur  est  moins  long1  que  le  bloc  supérieur 
(1 m  35  contre  1 m  48),  mais  plus  large  (1  mètre  contre 
0m  77)  ;  sur  la  partie  saillante,  qui  est  tout  entière  par 
derrière,  la  table  supérieure  a  ses  deux  angles,  les  seuls 
visibles,    marqués  de  quarts  de  cercle  qui  sont  figurés  en 


rouge. 


N°  4.  —  Deux  étoiles,  l'une  à  six,  l'autre  à  huit  branches, 
gravées  ;  dans  l'angle  gauche  en  haut,  quart  de  circonfé- 
rence peint. 

N°  5.  —  Sur  un  des  longs  côtés,  étoile  à  huit  branches 
gravée  ;  dans  l'angle  supérieur  gauche  d'une  des  grandes 
faces  et  dans  l'angle  qui  lui  est  adjacent  sur  la  face  laté- 
rale, quart  de  circonférence  peint. 

Sur  la  face  longue  opposée,  signe  de  Tanit  peint.  Sur  le 
bloc   sous-jacent,  dont   tout  le  bas  n'est  pas  visible,  deux 

lettres  puniques  gravées  :  Q  A. 

N°  6.  —  Sur  une  des  longues  faces,  signe  de  Tanit  la 
tête  en  bas,  palme,  croix  de  saint  André,  quarts  de  circon- 
férence dans  l'angle  supérieur  gauche  et  dans  l'angle  qui  lui 
est  adjacent  sur  la  face  latérale,  tous  peints;  encoche  gravée 
et  peinte  qui  se  répète  symétriquement  sur  la  face  opposée. 

Le  bloc  placé  sous  celui-ci  est  plus  long  ;  des  deux  angles 
de  la  tranche  supérieure  de  ce  bloc  qui  sont  apparents,  à 
gauche  si  l'on  regarde  la  face  aux  peintures,  l'un  est 
endommagé,  l'autre  porte  un  quart  de  cercle  peint. 

N°  7.  —  Sur  une  des  longues  faces,  deux  lettres  puniques 

gravées  :  4i  V 

Sur  la  face  opposée,  signe  de  Tanit  renversé  peint;  à 
droite,  deux  lettres  puniques  gravées:  |_  h- 

N°  8.  —  Gros  bloc  dont  on  ne  voit  que  la  tranche  supé- 
rieure, ayant  trois  angles  ornés  de  quarts  de  cercle  peints. 


FOUILLES    DANS    l'ÎLOT    DE    l'a.UIKAL   A    CARTHAGE  283 

N°  9.  —  Bloc  incomplet.  Sur  la  seule  face  latérale  con- 
servée, vers  le  milieu,  en  haut,  une  petite  encoche  en  creux, 
comme  celles  du  n°  6,  peinte. 

Deux  des  angles,  les  seuls  visibles,  du  bloc  sous-jacent 
ont  des  quarts  de  cercle  peints. 

Sur  1  un  de  ces  blocs,  dans  la  région  nord,  repose  le  pied 
d'une  colonne  engagée  (base  et  amorce  du  fût  portant  dix 
cannelures,  diam.  0m  50) ,  recouvert  d'un  enduit  stuqué  et 
se  détachant  sur  un  fond  peint  en  rouge.  Est-il  en  place?  Je 
n'oserais  l'affirmer;  toujours  devons-nous  noter  que  la  base  de 
cette  colonne  comprend  deux  tores  séparés  parune  scotie  •  et 
qu'un  fragment  de  fût  également  stuqué,  recueilli  à  quelque 
distance,  appartient  a  cette  même  colonne,  ainsi  qu'un  cha- 
piteau2; celui-ci,  malgré  les  mutilations  qu'il  a  subies,  est 
sûrement  un  chapiteau  ionique;  les  deux  coussinets  se  voient 
sur  les  côtés  sans  aucun  doute.  Or  Appien  nous  dit  que 
sur  la  façade  de  chacune  des  cales  qui  entouraient  l'île 
se  dressaient  deux  colonnes  ioniques  qui  lui  donnaient 
l'aspect  d'un  portique  circulaire3.  Si  nous  ne  sommes  pas 
en  droit  d'identifier  nécessairement  notre  colonne  avec 
une  de  celles  des  cales,  il  est  du  moins  certain  qu'elle  se 
rattache  à  la  décoration  générale  de  l'île  à  l'époque 
punique  ''.  Remontent  également  à  cette  période  des  débris 
d'architrave  stuquée,  aux  profils  massifs,  pareils  à  ceux  que 
Beulé  avait  découverts  et  qu'il  avait  avec  raison  considérés 

1.  Le  tore  inférieur  mesure  0™  11  ;  la  scotie  y  compris  les  filets,  0'°  09  ;  le 
tore  supérieur,  0  m  07 . 

2.  La  base,  avec  l'amorce  de  la  colonne  qui  la  surmonte,  compte  0m  50 
de  haut;  le  fragment  de  fût,  1"'  55;  le  chapiteau,  avec  le  haut  de  la 
colonne  qui  y  adhère,  0  "'  Î9. 

3.  Pun.,  95  ;  cf.  Audollent,  Ca.rtha.ge romaine,  p.  201-202. 

i.  Cf.  Beulé,  p.  los  et  pi.  V,  fig.  s  et  9  (le  fragment  de  colonne  repré- 
senté n'a  que  huit  cannelures  :  je  suppose  qu'il  y  a  là  une  erreur,  car  la 
corde  des  cannelures,  qui  est  de  0m063,  est  exactement  la  même  pour  le 
fragment  de  Beulé  p.  109;  et  le  nôtre,  et  l'épaisseur  des  baguettes  qui  les 
séparent,  donnée  par  Beulé  comme  étant  de  0m01 3,  est  dans  notre  cas  de 
0"'0I7 1.  —  La  base,  les  débris  de  fût  et  le  chapiteau  ont  été  transportés  au 
Musée  du  Bardo,  où  ils  ont  été  exposés  dans  la  salle  I. 


284  FOUILLES    DANS    l'ÎLOT    DE    LAMIRAL    A    CARTHAGE 

comme    «  des   fragments  d'architecture    carthaginoise  i  »  ; 
l'un  de  nos  tronçons,  assez  bien  conservé,  a  lm4o  de  long. 

La  couche  supérieure  des  déblais  a  fourni  diverses  sépul- 
tures de  date  assez  basse,  un  tombeau  en  forme  de  cuve 
oblongue  maçonné  au-dessus  d'une  des  citernes  et  une 
jarre  en  terre  cuite  contenant    les    ossements  d'un  enfant. 

Les  objets  exhumés  sont  relativement  peu  nombreux; 
ce  sont  presque  exclusivement  des  stèles  puniques  et  des 
lampes  chrétiennes. 

En  1908,  on  avait  découvert  quarante-quatre  ex-voto  à 
Baal-Hammon  et  à  Tanit,  dont  vingt-quatre  offrant  des 
dédicaces2  ;  en  1910,  on  en  a  trouvé  vingt-six,  dont  dix- 
neuf  avec  inscription,  quatre  avec  représentations  figurées 
et  trois  sans  aucune  ornementation3.  La  plupart  d'entre  eux 
ont  été  recueillis  le  long  de  la  paroi  interne  de  la  seconde 
enceinte  ;  ils  étaient  pêle-mêle,  sans  ordre  apparent,  le  plus 
souvent  leur  face  antérieure  tournée  en  dessous,  comme 
s'ils  avaient  été  jetés  au  rebut  contre  le  mur.  Etant  donné 
qu'il  est  peu  probable  que  toutes  ces  stèles  aient  été  appor- 
tées dans  l'île,  une  fois  désaffectées,  il  est  fort  vraisemblable 
qu'elles  proviennent  d'un  petit  sanctuaire  qui  était  situé  à 
l'époque  punique  au  milieu  du  port  militaire  et  dont  les 
ex-voto  ont  été  pillés  par  les  Romains. 

Les  lampes  chrétiennes  sont  à  sujets  communs  :  chrisme 
Constantin ien.  monogramme  bouclé  à  droite,  croix,  rosace  ; 
cerf,  lièvre,  sanglier,  colombe,  dauphin,    mouton,    cheval, 


J .   P.  103  et  suiv. —  On  a  trouvé  aussi  en  1910  deux  tronçons  de  colonnes 
cannelées    haut.    0m65  et  0m4ô  :  diam.    0m4o),  présentant  dix-huit  cannelures 
corde  0m0<36  ;  baguette  entre  elles  0m009   séparées  en  deux  groupes  égaux 
par  une  bande  plate,  non  excavée,  de  la  largeur  d'une  cannelure. 

2.  Cf.  Berger,  Bull.  arch.  du  Comité,  1908,  p.  ccxlv  ;  Corp.  inscr. 
semit.,  pars  1. 1.  II,  nos  300"  à  3030,  pi.  LXII. 

3.  Beulé  avait  déjà  mis  au  jour  dans  l'île  deux  fragments  de  stèles  (p.  106; 
pi.  V.  fig.  6  et  7  ;  Bourgade  en  signale  également  deux  (Toison  d'or  de  la 
langue  phénicienne.  2"  édit.,  |>.  11-12  ef  17.  pi.  C,  a  et  h:  cf.  Corp.  inscr. 
semit..  pars  I.  1. 1.  p.  277  et  n°'  4*3-1»  1  . 


FOUILLES    DANS    l'ÎLOT    DE    L'AMIRAL    A    CARTHAGE         '2c\'\ 

paon,  lion  galopant,  coq,  poisson  ;  palmier,  etc.  La  plus 
curieuse  représente  les  trois  Hébreux  devant  Nabuchodono- 
sorqui  veut  les  contraindre  k  adorer  son  image*' 

Il  faut  réserver  une  mention  spéciale  à  un  moule  de  lampe 
chrétienneen  terre  cuite  (long.  0m  14),  le  premier  objet  de 
ce  genre  qu'on  ait  rencontré  en  Tunisie,  où  ces  ustensiles 
sont  généralement  en  plâtre  impur'.  Il  se  compose  de  deux 
pièces  indépendantes,  portant  encore  à  l'extérieur  les  traces 
des  coups  de  l'ébauchoir  avec  lequel  elles  ont  été  façon- 
nées ;  la  pièce  qui  était  destinée  k  mouler  le  dessus  de  la 
lampe  montre  très  distinctement  les  motifs  dont  elle  devait 
réaliser  l'empreinte  :  trois  cœurs  avec,  au  pourtour,  des 
cœurs,  des  carrés  et  des  palmes;  à  la  naissance  du  bec,  une 
croix  k  branches  égales  cantonnées  de  triangles  ;  ces  orne- 
ments ici  ne  devaient  donc  point  être  appliqués  en  pastillage 
et  faisaient  corps  avec  la  lampe  elle-même  ;  la  pièce  desti- 
née k  mouler  le  dessous  présente  simplement  un  ovale  en 
creux  qui  doit  donner  naissance  k  un  bourrelet  formant  le 
pied  de  la  lampe.  La  superposition  exacte  des  deux  parties 
du  moule  est  assurée  par  des  signes  en  creux  tracés  à 
l'extérieur  :  de  simples  traits  sur  le  bec  et  la  queue  ;  sur  le 
côté  droit,  un  signe  plus  compliqué  ressemblant  k  un  E 
majuscule. 

Outre  les  stèles  puniques  et  les  lampes  chrétiennes,  on  a 


1/ Hautecœur,  dans  Catalogue  du  Musée  Alaoui,  Supplément,  p.  211, 
n°  1401,  pi.  XCVII,  n°  8;  cf.  Delattre,  Musée  Lavigerie,  p.  32,  n°  2,  pi.  VIII 
n°  2.  Des  lampes  chrétiennes  trouvées  en  1908  figurent  clans  le  Supplément 
du  Catalogue  du  Musée  Alaoui,  p.  242  et  suiv.,  n08  1Î09,  1  i  10,  1123,  145;. 
1458,1459,  1483,  1499, 1511,  1515,  1518,  1520,  1522,  1531,  1557,  157],  1577, 1601, 
1612,  1626,  1632,  1641,  1651,  1654,  1655,  1667,  1668,  1669,  171  1,  1715,  1719.  1721 
1726,  1730. 

2.  Cf.   La  Blanchere  et  Gauckler,   Catalogue  du  Musée  Alaoui,  p.  253 
nos  396  et  397  ;  Hautecœur,  dans  Catalogue  du  Musée  Alaoui,  Supplément 
p.  230,  n08  1287  et  suiv.,  notamment  n°  129»»  ;   Gauckler,  Compte  vendu  de 
la  marche  du  Service  en  1901,  p.  19. 

1912.  20 


2SG    TROTOCOLE  DES  LETTUES  DES  SULTANS  DU  MAROC 

recueilli  quelques  paquets  de  monnaies  en  bronze  agglo- 
mérées et  indéchiffrables,  un  tesson  de  poterie  couvert  de 
graffites  latins  ',  deux  tètes  de  figurines  en  terre  cuite,  des 
épingles  en  os,  quelques  vases  en  terre  cuite  ou  en  verre. 
La  Direction  des  Antiquités  compte  faire  poursuivre  ces 
fouilles  qui  amènent  notamment,  comme  on  le  voit,  le 
dégagement  de  vestiges  et  d'objets  puniques  d'un  haut 
intérêt2. 


LE  PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC, 
PAR  M.  LE  COMTE  HENRY  DE  CASTRIES  3. 

La  dynastie  saadienne  est  au  Maroc  la  huitième  dans 
l'ordre  chronologique.  C'est  en  1530  qu'elle  réussit  à  sup- 
planter celle  des  Béni  Ouattas  (branche  des  Béni  Merin).  Au 
milieu  des  vicissitudes  qui  marquent  l'histoire  troublée  du 
Maghreb  el-Aksa,  cette  arrivée  des  chérifs  sur  le  trône  ber- 
bère du  Maroc  constitue  une  révolution  dont  les  consé- 
quences se  font  encore  sentir  aujourd'hui.  Ce  furent  les 
tribus  du  Sud.  celles  de  l'oued  Draa,  qui  préparèrent  cet 
avènement.  Il  manquait  aux  sultans  des  dynasties  précé- 
dentes, pour  dominer  la  confédération  berbère,  le  prestige 
religieux,  l'autorité  spirituelle  ;  ils  ne  représentaient  que 
l'autorité  temporelle,  ce  qui  dans  un  Etat  musulman  est 
toujours  insuffisant.  Leurs  sujets  étaient  en  continuelle  effer- 
vescence. Ne  pouvant  trouver  cette  double  autorité  dans 
un  souverain  de  leur  propre  race,  ils  eurent  l'idée  de  deman- 

1.  Cf.  linll.   arch.   du    Comité.    190s.  p.    cclîi;    Hautecœur,  dans    Cata- 
logue du  Musée  Alaoui,  Supplément,  p.  324,  n    *19.  Ces  graffites  sont  ana- 
logues   à  ceux    que  portent  les  tessons  trouvés  au  même  endroit  en    1011 
ignal  el  Merlin,  Journal  des  Savants,  1911,  p.  511  et  suiv.  . 

Sur  les  Fouilles  exécutées  postérieurement  à  la  rédaction  de  cette  note, 
cf.  Merlin.  Bail.  arch.  du  Comité,  1911,  procès-verbaux  de  la  Commission 
de  l'Afrique  du  Nord,  décembre. 
3.   Voir  plus  haut.  p.  100. 


PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC    287 

der  à  l'Arabie  un  chérif  authentique  ;  ils  l'implantèrent  chez 
eux,  l'entourèrent  du  respect  dû  à  un  descendant  du  Pro- 
phète, et,  après  quatre  générations,  quand  cette  famille 
venue  des  confins  de  l'IIedjaz  fut  en  quelque  sorte  natura- 
lisée, ils  l'élevèrent  au  pouvoir. 

Après  ces  quelques  mots  d'introduction  historique, 
j'aborde  l'objet  de  cette  communication. 

On  peut  reconnaître,  dans  une  lettre  chérifienne  rédigée 
selon  les  règles  de  Fart,  treize  parties  constitutives  qui  se 
succèdent  habituellement  dans  l'ordre  suivant  : 

1°  Invocation.  —  Placée  tout  à  la  partie  supérieure  du 
document  et  à  droite,  l'invocation  est  séparée  du  texte  de 
la  lettre  par  un  espace  blanc  qui  atteint  parfois  la  moitié , 
voire  les  deux  tiers  de  la  feuille  de  papier.  Cet  intervalle 
démesuré  rappelle  la  disposition  des  anciens  rouleaux  de 
papyrus  dont  le  premier  feuillet  était  occupé  en  entier  par 
une  marque  distinctive  appelée  tiraz. 

Les  deux  invocations  usitées  dans  le  protocole  saadien 
sont  la  hamdala  et  la  hesmala. 

La  hamdala,  appelée  aussi  tahmid,  se  compose  de  la  for- 
mule :  Louange  au  Dieu  unique! 

Son  usage  remonte  à  l'émir  almohade  Yakoub  el-Man- 
sour  qui  régna  de  1185  à  1199. 

La  formule  de  la  hesmala  dont  l'usage  est  moins  fréquent 
est  :  Au  nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux. 

En  dehors  delà  hamdala  et  de  la  besmala,  quelques  lettres 
missives  des  chérifs  saadiens  n'ont  comme  invocation  que 
le  simple  mot  Houa  :  Lui  ! 

2°  Invocation  symétrique.  -  -  Une  seconde  formule  pieuse 
est  placée  symétriquement  à  la  hamdala  sur  la  même  ligne 
que  celle-ci  et  à  gauche  de  la  feuille.  Cette  invocation,  que 
je  nomme  «  invocation  symétrique  »,  pour  la  distinguer 
de  la  première,  s'appelle  une  teshiha  si  elle  est  encore  con- 
sacrée à  la  glorification  de  la  Divinité,  et  une  teslia  si  c'est 
une    prière  de  propitiation  en    faveur  du  Prophète  et   des 


288    PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC 

siens.  Lorsque  1  invocation  symétrique,  séparée  de  la  ham- 
dala  par  un  intervalle  plus  ou  moins  long,  ne  peut  tenir 
sur  l'extrémité  gauche  de  la  ligne,  il  est  de  style  d'écrire 
les  derniers  mots  en  les  superposant. 

3°  Signe  de  validation  .  —  La  place  de  ce  signe  a,  aux 
yeux  de  la  chancellerie,  une  très  grande  importance,  car 
elle  règle  une  question  de  préséance.  Si  l'auteur  de  la  mis- 
sive veut  affirmer  sa  prééminence  sur  le  destinataire,  le 
signe  de  validation  est  apposé  en  tête  du  message,  au-des- 
sous de  l'invocation  ;  dans  le  cas  contraire,  il  est  placé  au 
bas.  Inutile  d'ajouter  que,  dans  la  correspondance  des  ché- 
rifs  avec  les  princes  chrétiens,  le  signe  de  validation  se 
voit  toujours  en  tête  de   la  lettre. 

Les  chérifs  n'ont  jamais  fait  usage  de  la  signature  per- 
sonnelle pour  valider  leurs  écrits  et  je  n'ai  rencontré  aucune 
lettre  missive  portant  une  souscription  arabe  authentique. 
Je  signalerai  cependant,  à  titre  de  curiosité,  et  non  à  titre 
d'exception,  un  document  conservé  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale :  c'est  une  lettre  de  Moulay  Abd  el-Malek  à  Charles  IX, 
datée  du  25  mai  1574,  écrite  en  italien  et  portant  la  signa- 
ture autographe  de  ce  chérif  dans  l'alphabet  latin.  Cette 
souscription  est  probablement  unique  dans  son  genre. 

Les  lettres  missives  des  chérifs  saadiens  sont  authenti- 
quées soit  par  un  seing  manuel  appelé  aalama,  soit  au  moyen 
d'une  empreinte  (thaba)  obtenue  avec  une  sorte  de  timbre 
humide.  Le  sceau  (khatem)  apposé  sur  de  la  cire  avec  un 
anneau  gravé  (annulus  siynatorius)  semble  n'avoir  été 
employé  qu'exceptionnellement  par  les  Saadiens. 

La  terminologie  arabe  n'est  d'ailleurs  pas  plus  précise  en 
cette  matière  que  celle  des  autres  langues,  et  les  mots  thaba 
et  khatem  servent  abusivement  à  désigner  à  la  fois  la  matrice 
de  pierre  ou  de  métal  et  l'empreinte  obtenue  avec  cette 
matrice. 

Je  laisserai  de  côté  dans  cette  communication  le  khatem, 
pour  ne  m 'occuper  que  du  timbre  et  surtout  de  Y  aalama,  ce 


PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU    MAROC    2NÎI 

seing-  manuel  n'ayant  pas  encore  été  étudié,  faute  de  docu- 
ments. 

L'aalama  était  en  usage  dans  le  Maghreb,  bien  avant 
l'arrivée  des  chérifs,  car  Ibn  Khaldoun  en  fait  mention  dans 
ses  Prolégomènes.  «  Quelquefois,  dit-il,  on  trace  au 
commencement  ou  à  la  fin  du  document,  en  guise  de  sceau, 
une  hamdala  dans  laquelle  on  introduit  le  nom  du 
sultan,  auteur  de  la  lettre.  Le  monogramme  ainsi  obtenu 
valide  le  document.  Dans  le  langage  administratif,  ce  mono- 
gramme se  nomme  aalama,  mais  on  l'appelle  aussi  k  ha  te  m 
(sceau),  parce  qu'on  l'assimile  à  l'empreinte  laissée  par  le 
cachet  qui  se  porte  au  doigt.  » 

Avant  l'avènement  de  Moulay  Ahmed  el-Mansour  qui 
régna  de  1578  à  1603,  le  signe  de  validation  des  Saadiens 
est  un  timbre  de  grande  dimension,  de  forme  circulaire  ou 
ovale,  dont  le  motif  central,  le  type,  est  une  invocation 
monogrammatique  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure.  La  légende 
de  ce  timbre  portait  les  noms  et  titres  du  chérif,  suivis  de 
quelque  pieuse  formule.  Le  type  et  la  légende  s'imprimaient 
en  blanc  ou  en  noir,  suivant  que  le  champ  était  en  relief  ou 
en  creux. 

Sous  le  règne  de  Moulay  Ahmed  el-Mansour,  la  chan- 
cellerie saadienne  commence  à  faire  usage  de  l'aalama,  et  le 
seing  manuel  adopté  est  précisément  l'invocation  qui  figurait 
au  centre  des  timbres  des  précédents  chérifs,  à  laquelle  les 
calligraphies  ont  donné  de  grandes  proportions  et  qu'ils 
tracent  en  traits  larges  et  pleins,  d'une  façon  qui  rappelle 
la  toghra,  en  usage  chez  les  Turcs  et  les  Persans.  Cette 
formule  sert  à  la  fois  d'invocation  et  de  signe  de  validation, 
et  il  était  tout  naturel  de  réunir  dans  un  même  signe  deux 
éléments  du  protocole  qui  devaient,  d'après  les  règles  de 
la  chancellerie,  se  trouver  juxtaposés.  On  voit  que,  si  le 
nom  de  «  seing  manuel  »  s'applique  à  ce  signe  de  validation 
tracé  ù  la  main,  celui  d'  «  invocation  monogrammatique  » 
lui  convient  encore  mieux. 


2(.MI    PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC 

Quelle  est  la  formule  de  l'aalama  des  chérifs  saadiens  ? 
Par  voie  de  conjecture  et  aidé  du  déchiffrement  de  quelques 
caractères,  j'y  avais  reconnu  une  invocation.  Mais  tous  mes 
efforts  pour  obtenir  un  déchiffrement  rationnel  et  complet 
de  ce  monogramme  étaient  restés  pendant  sept  ans  sans 
résultat.  Les  lettrés  de  Fez,  interrogés  à  ce  sujet,  m'avaient 
fait  répondre  que  cette  griffe  n'avait  aucune  signification 
et  qu'elle  était  une  simple  fantaisie  de  calligraphe.  Enfin, 
tout  récemment,  au  mois  de  décembre  1911,  M.  Trenga, 
officier  interprète  détaché  à  Fez,  m'a  proposé  pour  ce 
déchiffrement  une  explication  ingénieuse  :  il  voit  dans  ce 
monogramme  la  réunion  des  deux  invocations  hamdala  et 
hesmala,  le  mot  Allah  étant  commun  aux  deux  parties.  Ce 
déchiffrement  comporte  encore  quelques  desiderata,  mais  il 
fournit  pour  certains  groupes  de  caractères  une  lecture 
acceptable.  J'ai  tout  lieu  d'espérer  que,  dans  un  prochain 
voyage  à  Fez,  en  utilisant  ces  premières  données,  j'arriverai 
à  faire  la  lumière  complète  sur  ce  signe  de  validation. 

4°  Suscription".  —  La  suscription  est  la  désignation  du 
personnage  au  nom  duquel  est  rédigée  la  lettre,  énoncia- 
tion  suivie  de  la  titulature  et  des  formules  de  souhaits. 
Cette  partie  du  protocole  exigerait  de  grands  développe- 
ments et  m'amènerait  à  parler  de  l'onomastique  arabe, 
matière  très  ardue.  Je  dirai  seulement  à  ce  sujet  que  l'ex- 
pression billah  «  par  Dieu  »,  qui  entre  dans  la  formation 
de  certains  surnoms  protocolaires  comme  «  le  puissant 
par  Dieu,  le  vainqueur  par  Dieu  »  etc.,  correspond  assez 
exactement  au  Dei  gratia  de  notre  ancien  protocole.  Cette 
formule  est  employée  avec  l'intention  de  faire  remonter 
jusqu'à  la  Divinité  les  éloges  et  les  mérites  du  Chérif  : 
il  n'est  puissant,  il  n'est  vainqueur  que  par  la  grâce  de 
Dieu.  Le  billah  du  protocole  arabe  peut  donc  être  appelé 
«  formule  d'humilité  »,  nom  que  M.  Prou  a  très  justement 
appliqué  au  Dei  gratia. 

La  désignation  du  chérif  se  fait  dans  les  lettres  missives 


PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC    291 

de  trois  manières  différentes  que  j'ai  appelées  respective- 
ment :  énonciation  nominative,  énonciation  adjective  et 
énonciation  généalogique. 

1°  L'énonciation  est  nominative,  quand  le  chérif  est 
désigné  soit  par  son  nom,  soit  par  l'un  de  ses  nombreux 
surnoms.  Le  goût  inné  de  l'Arabe  pour  un  certain  ésoté- 
risme  fait  que  ce  mode  de  désignation,  qui  semble  le  plus 
rationnel,  n'est  que  très  rarement  employé. 

2°  L'énonciation  est  adjective,  quand  le  chérif  est  désigné 
par  un  adjectif  dérivé  de  son  nom  ou  de  son  surnom  et  inséré 
—  on  pourrait  presque  dire  dissimulé  —  dans  le  flot  des 
épithètes  protocolaires.  Cet  adjectif  est  appliqué  par  hypal- 
lage  non  à  la  personne  du  chérif,  mais  au  document  lui- 
même.  En  voici  des   exemples  : 

Émane  ce  message  auguste,  sublime,  imamien,  mou- 
louyen,  sulfanien,  khalifien,  ahmédien,  mansourien,  haché- 
mien,  hassénien,  de  la  haute  autorité  du  puissant  chérif  — 
que  Dieu  le  rende  victorieux  ! 

Moulay  Ahmed  el-Mansour  est  le  chérif  désigné  par  les 
épithètes  ahmédien,  mansourien. 

De  même,  dans  une  lettre  émanant  de  Moulay  Zidân,  le 
message  sera  qualifié  de  zidanien. 

Cette  énonciation  adjective  n'est  pas  toujours  aussi 
transparente.  Quand  l'adjectif  est  dérivé  du  surnom  pater- 
nel du  chérif,  de  ces  surnoms  en  Abou  qui,  perdant  tout 
sens  de  paternité,  sont  devenus  des  noms  de  corroboration, 
il  faut  résoudre  une  double  difficulté  :  1°  passer  de  l'adjec- 
tif au  nom  de  corroboration,  et  2°  passer  du  nom  de  corro- 
boration au  véritable  nom  du  sultan.  L'illustre  Sylvestre  de 
Sacy,  qui  ne  connaissait  pas  cette  désignation  par  énon- 
ciation adjective,  s'est  trouvé  fort  embarrassé  pour  identi- 
tifier  l'auteur  d'une  lettre  chéritienne  adressée  à  Louis  XIII 
le  2  novembre  1630.  «  L'empereur  du  Maroc,  écrit-il  dans 
sa  Chrestomathie,  au  nom  duquel  cette  lettre  est  rédigée, 


292    PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC 

n'y  est  pas  désigné  par  son  nom.  »  Puis,  après  un  examen 
critique  des  données  chronologiques,  le  savant  orientaliste 
conclut  :  «  Comme  j'ignore  à  quelle  époque  de  l'année  1630 
est  mort  Moulay  Zidân,  je  ne  puis  assurer  positivement  si 
cette  lettre  a  été  écrite  sous  son  règne  ou  sous  celui  d'Abd 
el  Malek  ».  Avec  renonciation  adjective  il  ne  subsiste 
aucun  doute.:  on  trouve  en  effet  dans  les  épithètes  proto- 
colaires le  qualificatif  «  merouanien  »  dérivé  de  Abou 
Merouan,  surnom  paternel  du  khalife  ommeiade  Abd  el- 
Malek  et  qui,  dans  la  suite,  est  devenu  un  surnom  de  corro- 
boration  pour  le  nom  d'Abd  el-Malek. 

3°  L'énonciation  est  généalogique  quand,  sans  nommer 
le  chérif,  on  exprime  qu'il  est  fds  ou  petit-fils  Ou  arrière- 
petit-tils  soit  d'un  chérif  dont  le  règne  a  marqué,  soit  du 
fondateur  de  la  dynastie. 

Voici,  à  titre  de  spécimen,  deux  suscriptions.  La  pre- 
mière est  celle  d'une  lettre  adressée  en  avril  1588  au  pré- 
tendant D.  Antonio  par  Moulay  Ahmed  el  Mansour. 

De  la  part  du  serviteur  de  Dieu  Très-Haut,  le  combat- 
tant dans  la  voie  de  Dieu,  Vimam,  le  victorieux  par  la 
grâce  de  Dieu,  le  Commandeur  des  Croyants,  fils  du  Com- 
mandeur des  Croyants,  fils  du  Commandeur  des  Croyants, 
le  chérif  Hassénien.  Que  Dieu,  de  son  puissant  appui,  affer- 
misse son  autorité  !  Qu'il  fasse  triompher  ses  armées  !  Qull 
perpétue  son  illustre  renommée  et  qu'après  la  gloire  de 
ce  monde,  il  lui  fasse  atteindre  la  gloire  dans  l'autre.' 

La  suscription  suivante  est  tirée  d'une  lettre  de  Moulay 
Zidân  au  duc  de  Medina-Sidonia  datée  du  14  Moharrem  1023 
—  24  février  1614.  Adoptée  vers  cette  date  par  la  chancel- 
lerie saadienne,  cette  formule  a  été  rigoureusement  conser- 
vée depuis  par  les  souverains  de  cette  dynastie. 

Emane  ce  message  auguste,  imamien,  noble,  victo- 
rieux, triomphant,  zidanien,  hassénien,  fatimicn,  haché- 
mien,  sultanien,  de   V autorité  prophétique  du  chérif  aala- 


PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC    293 

oui  auquel  les  royaumes  musulmans  ont  voué  une  reli- 
gieuse obéissance,  a  la  cause  chéri fienne  duquel  se  son/ 
ralliés  tous  les  pays  du  Maghreb,  devant  les  ordres  duquel 
s'inclinent  les  puissants  monarques  des  pays  du  Soudan 
tant  proches  qu'éloignés. 

5°  Adresse  intérieure.  —  J'ai  été  obligé  de  donner  ce 
nom  assez  gauche  à  cette  partie  du  protocole  pour  la  dis- 
tinguer de  ce  qu'on  entend  communément  par  adresse. 
L'adresse  intérieure  est  la  désignation  de  la  personne  à 
qui  la  lettre  est  destinée.  Dans  les  lettres  missives  adres- 
sées par  les  chérifs  aux  princes  chrétiens,  la  suscription 
est  toujours  placée  avant  l'adresse  intérieure  et,  par  là, 
comme  par  l'apposition  du  timbre  ou  le  tracé  de  l'aalama 
en  tête  du  document,  la  chancellerie  marocaine  entend 
affirmer  la  prééminence  de  tout  prince  musulman  sur  les 
souverains  chrétiens. 

Bien  qu'il  y  ait  beaucoup  d'intéressantes  remarques  à 
faire  sur  cette  partie  du  protocole,  je  me  contenterai  de 
citer  deux  adresses  intérieures. 

La  première  est  tirée  d'une  lettre  de  Moulay  Ahmed  el- 
Mansour  à  la  reine  Elisabeth,  datée  du  12  Ramadan  1008 
-  27  mars  1000. 

A  la  noble  princesse  qui  jouit  dans  les  pays  chrétiens 
d'un  prestige  considérable,  dont  la  haute  autorité  repose 
sur  de  solides  assises,  l'altesse  illustre  dont  la  gloire  est 
connue  de  ses  peuples  proches  ou  éloignés,  la  sultane  de 
noble  extraction  et  de  haut  lignage,  l 'excellente ,  la  célèbre, 
la  distinguée  et  considérable  reine  Elisabeth.  Puisse  son 
prestige  dominer  /es  peuples  chrétiens  du  liant  des  sommets 
de  sa  j)uissance  sommerai  ne  ! 

Voici  une  seconde  adresse  intérieure  tirée  d'une  lettre 
de  Moulay  Zidân  à  Philippe  II,  datée  de  juillet  1G08  : 

Au  roi  dont  se  glorifien-t  et  s'enorgueillissent  les  princes 
de  la   chrétienté,  qui  ne  cesse  de  marcher  dans  la  voie  que 


294    PROTOCOLE  DES  LETTRES  DES  SULTANS  DU  MAROC 

lui  ont  tracée  ses  ancêtres,  les  grands  chefs  de  l'idolâtrie, 
au  souverain  du  plus  puissant  des  empires  chrétiens,  du 
royaume  pour  la  gloire  duquel  ont  rivalisé  les  Alphonse 
d'Espagne  ;  à  la  majesté  du  sultan  le  plus  grand,  le  plus 
honoré,  le  plus  illustre,  le  plus  vénéré,  le  plus  considérable 
et  dont  la  ferme  autorité  impose  le  respect,  à  celui  qui  est 
issu  des  grands  sultans,  célèbres  par  leiws  mérites  émi- 
nents  et  les  hauts  faits  dont  ils  ont  laissé  la  trace,  gloire  de 
V humanité  et  de  la  Croix,  héritier  de  cette  famille  élevée 
au  sommet  des  grandeurs. 

Vous  remarquerez  dans  cette  adresse  si  redondante  l'em- 
ploi de  l'expression  V  i~d\  ljaJ\3WJ  les  Alphonse  d'Es- 
pagne. Le  nom  d'Alphonse  était  regardé  par  les  Arabes 
comme  le  titre  héréditaire  des  rois  d'Espagne. 

6°  Salut  initial. — Il  se  rencontre  rarement  dans  les  lettres 
adressées  par  les  chérifs  à  des  princes  chrétiens,  et.  quand 
il  s'y  trouve,  il  est  toujours  accompagné  de  la  réserve  assez 
insolente  :  Salut  sur  celui  qui  suit  la  vraie  direction  (c'est- 
à-dire  l'islamisme). 

Cette  restriction  rappelle  d'ailleurs  le  si  obedierint  que 
la  chancellerie  pontificale  ajoutait  à  la  formule  de  la  béné- 
diction apostolique  dans  les  lettres  adressées  à  des  infi- 
dèles et  à  des  hérétiques. 

Quand  ils  écrivaient  à  des  princes  mulsumans,  les  chérifs 
faisaient  usage,  pour  le  salut  initial,  de  cette  formule  très 
ancienne  dans  l'islamisme  : 

Le  salut  sur  vous  ainsi  que  la  miséricorde  de  Dieu  Très- 
Haut  et  sa  bénédiction. 

Ce  salut  est  généralement  suivi  de  souhaits  de  durée 
dans  l'expression  desquels  l'imagination  des  secrétaires- 
rédacteurs  se  donne  libre  cours.  Voici  quelques  exemples 
de  ces  poétiques  formules  de  pérennité  : 

Le  salut  sur  vous  ...  etc.  .  .  tant  que  roucoulera  la 
colombe,  tant  que  le  mueddin  appellera  à  la  prière. 


PROTOCOLE    DES    LETTRES    DES    SULTANS    DU    MAROC         295 

Le  salut  sur  vous  ...  etc.  .  .  tant  que  souriront  les  par- 
terres, tant  que  pleureront  les  jiuages. 

7°  Doxologie.  —  J'ai  appelé  ainsi  cette  partie  du  protocole 
qui  est  consacrée  à  la  glorification  de  Dieu  et  du  prophète. 

Voici  la  doxologie  d'une  lettre  adressée  en  juillet  1559 
par  Moulay  Abdallah  el  Ghalib  à  Antoine  de  Bourbon,  roi 
de  Navarre  : 

Louange  à  Dieu  Très-Haut,  digne  de  toute  louange.  Il  est 
unique  dans  son  empire  ;  77  ri a  point  d'associé,  point  d'égal; 
Il  est  trop  élevé  pour  avoir  une  épouse  et  un  fils  :  Il  ne  peut 
se  passer  dans  son  empire  aucun  fait  contraire  à  sa  volonté. 
Il  a  clos  la  série  des  Envoyés  par  le  prophète  hacliémien  et 
arabe,  notre  seigneur  et  notre  maître  Mohammed,  Moham- 
med élu  parmi  les  descendants  cl  Adam,  supérieur  aux 
hommes  des  temps  présents  comme  à  ceux  des  temps  passés, 
le  dernier  des  Envoyés  de  Dieu  ;  Mohammed  chargé  par 
Dieu  d'une  mission  auprès  de  toutes  ses  créatures,  Moham- 
med dont  la  doctrine  abrogea  toutes  les  lois  et  toutes  les 
religions  qui  existaient  avant  lui.  Dieu  le  bénisse  ainsi  que 
tous  les  autres  prophètes  et  envoyés  ;  qu'il  leur  accorde  à 
tous  sa  miséricorde  jusqu'au  jour  de  sa   rétribution  ! 

Quelquefois  la  doxologie  perd  son  caractère  d'oraison  et 
devient  un  préambule  où  sont  développées  des  considéra- 
tions générales  sur  les  devoirs  des  rois.  En  voici  un 
exemple  : 

Gloire  à  Dieu  qui  a  établi  entre  les  souverains  de  la  terre, 
malgré  la  diversité  des  religions,  une  solidarité  en  ce  qui 
concerne  les  règles  de  la  politique  et  l'exercice  du  pouvoir, 
solidarité  dont  doivent  tenir  compte  les  rois,  les  princes  et 
les  grands  de  la  terre  dans  foutes  leurs  relations  —  qu'il 
s'agisse  de  paroles  ou  d'écrits  —  ainsi  ({lie  dans  les  affaires 
qui  réclament  attention  et  considération  .  .  . 

Cet   exorde    sur   la    solidarité   des   trônes  est  tiré  d'une 


296  LARMIIΠ   AU    TEMPS    DE    NARAM    SIN 

lettre  de  Moulay  Zidàn  au  duc  de  Medina-Sidonia,  datée 
du  14  Meharrem  1023  —  24  février  1614. 

Il  me  resterait  à  traiter  des  autres  parties  du  protocole 
épistolaire  :  l'exposé,  l'apprécation,  le  salut  final,  la  for- 
mule de  clôture,  la  date  et  l'adresse,  ainsi  qu'à  étudier  les 
caractères  extérieurs  des  lettres  chérifiennes,  leur  langue 
et  leur  style.  Ces  développements  prendraient  la  proportion 
d'un  manuel  de    diplomatique. 

Si  les  documents  que  j'ai  recueillis  ne  permettent  pas 
encore  de  formuler  une  doctrine,  j'espère  que  l'Académie 
voudra  bien  les  considérer  comme  les  jalons  posés  dans  un 
champ  jusqu'ici  inexploré.  Je  serais  heureux  si  elle  recon- 
naissait qu'il  était  utile  de  dégager  de  ces  textes  les  cons- 
tatations fondamentales  sur  lesquelles  pourra  s'appuyer 
ultérieurement  une  critique  diplomatique  approfondie  et 
définitive. 


L  ARMURE    AUX    TEMPS    DE    NARAM    SUN, 

D'APRÈS    UNE    TAIÎUETTE    DE    COMPTABILITÉ    TROUVÉE    A    SUSE, 

PAR    LE    P.    SCHEIL,    MEMBRE    DE    l'aCADÉMLE  '. 

Une  tablette  susienne  de  l'an  2800  connaît  des  casques 
[kubsu)  de  cuir,  des  casques  de  bronze  et  des  casques  d'ar- 
gent. 

Dans  la  confection  des  casques  de  peau  ou  cuir  entrait, 
outre  le  cuir  qui  formait  la  bombe,  de  la  laine  et  du  che- 
vreau. La  laine  était  propre  à  garnir  l'intérieur;  le  chevreau 
doublait  une  matière  rude  et  rigide,  afin  d'adoucir  le  contact 
sur  le  pourtour  de  la  tête  —  et  servait  peut-être  à  former 
couvre-nuque,  oreillettes. 

La  quantité  de  cuir  requise  apparaît,  à  première  vue, 
considérable.  Notre  scribe  compte  en  effet  une  peau  entière 
de  bœuf  par  pièce;  et   il   arrive  qu'on   y   consacre   encore 

l .  Voir  ci-dessus,  p.  122. 


l'armure  au  temps  de  narâm  sjn  2117 

additionnellement  une  peau  entière  de  chevreau.  Pour 
expliquer  la  disproportion  flagrante  entre  la  matière 
employée  et  le  rendement,  disproportion  que  nous  ne  retrou- 
vons pas  dans  l'emploi  du  bronze,  dvi  cuivre  et  de  l'argent, 
ce  n'est  pas  assez  de  supposer  que  bœufs  et  chevreaux 
domestiques  étaient  alors  d'assez  petite  race  (les  grosses 
races  ont  été  obtenues  par  croisement)  ;  que,  dans  leur 
cuir,  l'homme  du  métier  taillait  au  meilleur  endroit,  dans 
la  croupe,  et  non  dans  le  ventre  qui  est  généralement  dépré- 
cié, la  quantité  nécessaire  pour  un  casque,  et  qu'il  négli- 
geait le  reste  !...  Il  est  probable  qu'il  s'agit,  dans  cette 
estimation,  de  peaux  brutes.  Les  sources  de  revenus  de  la 
Cour  et  des  temples  comprenaient  surtout  des  objets  en 
nature,  produits  de  la  terre,  des  bergeries  et  des  étables. 
Convertir  les  matières  premières  en  armes,  vêtements,  etc., 
était  le  fait  d'artisans  concessionnaires..  Une  livraison  de 
casques,  par  exemple,  s'effectuait  contre  la  remise  d'autant 
de  peaux  de  bœuf  et  de  peaux  de  chevreau.  L'improducti- 
vité de  cette  denrée  pendant  l'apprêtage  était  compensée,  le 
salaire  du  corroyeur,  le  gain  de  l'armurier  lui-même  étaient 
procurés,  par  l'excédent  escompté  du  cuir,  dans  la  fabrica- 
tion des  casques. 

Quant  à  la  bourre  en  laine,  elle  figure  chaque  fois  dans 
la  proportion  d'un  tiers  de  mine.  En  évaluant,  comme  au 
temps  de  Dungi  (roi  d'Ur,  vers  2400),  dont  nous  avons  les 
propres  poids,  la  mine  de  GO  sicïes  à  500  grammes,  c'est 
une  quantité  de  167  grammes  de  laine  aiïectée  à  chaque 
coiiTure.  La  déperdition  qui  se  calcule  aujourd'hui  à  30  0/0 
dans  le  désuintage,  était  sans  doute  moindre  à  cette  époque, 
L'addition  suivante  de  quantités  normales  vérifiées  : 

700  grammes  de  cuir  de  bœuf; 

1 30  gr.  de  laine  dégraissée  ; 

1.  Le  poids  d'une  peau  tannée,  pour  un  bœuf  moyen,  sciait  d'environ 
20  kilogr.  Il  est  douteux  que  les  procédés  de  nettoyage  des  peaux  brutes 
et  de  tannage  fussent  aussi  perfectionnés  que  maintenant  ;  c'est  mie  ques- 
tion qui  ne  peut  guère  être  résolue.  Une  quantité  de  t>00  à  7oo  grammes 
de  cuir  suffit,  de  nos  jours,  par  casque. 


298  l'armure  au  temps  de  narâm  sin 

80  gr.  de  chevreau  (1  demi-peau)  ; 
donne  au  total,  pour  le  poids  du  casque  de  cette  espèce,  un 
peu  plus  de  900  grammes. 

Nous  arrivons  au  casque  de  bronze.  Une  mine  et  deux 
tiers  de  ce  métal,  soit  832  grammes  environ,  suffisent  par 
pièce  à  l'armurier  élamite.  Excessive  s'il  ne  fallait  figurer 
qu'une  simple  insigne,  cette  quantité  est  au  contraire  suffi- 
sante pour  constituer  la  bombe  entière  d'un  casque.  Il  est 
probablement  sous-entendu  que  la  garniture  de  laine  avait 
le  même  poids  que  dans  l'espèce  précédente,  et  qu'un  peu 
de  cuir  n'en  était  pas  exclu.  Le  poids  total  était  donc  de  832 
grammes  de  métal,  plus  130  grammes  environ  de  laine, 
plus  80  grammes  de  chevreau,  soit  1  kil.  042.  Le  casque  de 
dragon  de  l'armée  française,  à  bombe  plus  développée,  tout 
en  cuivre,  pèse  1  kil.  350  ;  le  même  avec  bombe  en  alumi- 
nium, cimier  et  jugulaires  en  cuivre,  pèse  encore  750 
grammes. 

Enfin  on  mentionne  des  casques  d'argent.  Le  métal 
employé  chaque  fois  pèse  10  sicles,  soit  environ  84  grammes. 
Il  ne  peut  être  question  d'une  bombe  d'argent,  mais  seu- 
lement d'une  surface  argentée.  Habiles  à  fondre  et  à  allier 
les  métaux,  nos  Tubalcaïns  connaissaient  aussi  la  dorure  et 
l'argenture.  Dans  le  cas  particulier,  je  crois  à  la  présence 
d'un  insigne  déterminé,  serti  en  évidence  sur  le  devant 
d'un  casque  de  bronze.  Le  texte  renseigne  heureusement, 
bien  qu'il  soit  en  mauvais  état,  sur  la  nature  de  cet  insigne  : 
c'est  Yaigle,  symbole  de  force  et  de  domination  (on  écrivait 
son  nom  à  musen,  Y  «  oiseau  de  force  »,  et  on  l'appelait  êrû 
ou  nasru).  Le  même  idéogramme  désigne  aussi,  à  l'occasion 
et  par  inversion,  la  force  de  l'oiseau,  c'est-à-dire  les  ailes. 

L'arme  le  plus  souvent  nommée  à  la  suite  est  une  arme 
offensive  :  le  DA  nagar.  soit  le  DA  de  charpentier,  monté 
sur  un  manche    de   bois  (gis  77)  '.  L'instrument  principal 

1.  Je  propose  cette  interprétation  sous  réserves. 


l'armuke  au  temps  de  narâm  sin  299 

du  charpentier  et  le  plus  ancien  outil  taillant,  a  en  juger 
par  les  nombreux  échantillons  en  silex  que  nous  a  transmis 
l'âge  de  pierre,  est  la  hache 1.  A  l'époque  d'Agadé,  c'était 
l'arme  commune  à  tous,  archers,  piquiers  et  porte-enseigne. 
Celle  de  Narâm-Sin,  sur  la  Stèle  de  Victoire,  est  en  bronze, 
à  pointe  et  tranchant  très  étroits,  emmanchée  à  angle  droit 
sur  un  bois  plus  long  que  l'avant-bras.  D'autres  y  sont  à 
talon  concave,  d'autres  encore  sans  talon.  Bien  que  les 
masses  d'armes  simples  ou  façonnées,  usuelles  ou  votives, 
d'époque  plus  récente,  trouvées  dans  les  fouilles,  soient 
toutes  de  pierre,  il  faut  croire  que  les  haches  des  guerriers 
de  Narâm-Sin  et  celles  qui  sont  dénombrées  dans  notre 
texte  sont  de  bronze,  sans  qu'on  puisse  expliquer  ici  l'ab- 
sence d'évaluation  de  la  quantité  de  ce  métal.  On  estime 
en  revanche  l'emploi  d'argent,  pour  chaque  hache  entière, 
à  5  sicles  ou  42  grammes  environ,  et  pour  un  manche  seul, 
à  une  ou  deux  minettes,  (la  petite  mine  ou  minette  pèse 
2  gr.  90).  —  Ne  vaut-il  pas  mieux  penser  que  la  différence 
(soit  36  grammes)  servait  plutôt  à  décorer  le  talon  ou  le 
plat  d'une  hache  de  bronze  qu'à  orner  une  pierre  taillée  ? 
Il  est  manifeste,  par  la  Stèle  de  Narâm-Sin,  que  les  hampes 
de  lance  avaient  quelquefois  à  la  base  une  boule  (métal- 
lique?) (Reg.  I,  pers.  1,  fugitif  2)  et  que  le  plat  de  la 
pointe  pouvait  être  historié,  comme  dans  la  lance  votive 
de  Telloh. 


Une  troisième  arme,  assez  rarement  nommée  dans  les 
textes  (RTC.  220.  222)  ou  figurée  dans  les  reliefs  de  Basse- 
Mésopotamie,  s'appelait  qaëtu,  c'est-à-dire  l'arc  (idéo- 
graphie giê  Lan).  Il  en  existait  de  grands  et  de  petits, 
à  cordes  de  fibre  et  de  vrai  boyau,  à  ornements  d'or 
et  d'argent  :  Narâm-Sin  tient  un  arc  à  double  courbure, 
alors  que  celui  d'un  de  ses  éclaireurs  est  plus  simple.  La 
matière  en  était  sans  doute  la  corne    et  le  bois  ;    ceux    de 


300  l'armure  au  temps  de  narâm  SIN 

bronze  trouvés  à  Suse  ne  peuvent  être  que  des  objets  votifs. 
Dans  notre  texte,  le  scribe  abstrait  de  tout  cela  et  ne  tient 
compte,  encore  un  coup,  que  d'un  détail  de  prix,  en  mar- 
quant pour  chaque  pièce  l'emploi  de  un  sicle,  soit  8  gr.  33 
à" argent.  Le  point  tout  indiqué  pour  recevoir  une  légère 
garniture  métallique  aura  été  ou  les  deux  extrémités  de 
l'arc,  ou,  comme  de  nos  jours  encore  chez  quelques  Afri- 
cains, près  du  milieu,  là  où,  en  décochant,  s'appuie  la 
main  gauche. 

Deux  livraisons  de  carquois,  si  notre  restitution  est  bonne, 
(il  manque  deux  signes  sur  Les  trois  qui  composent  l'idéo- 
gramme è  mur  urù)  ont  lieu  au  nombre  de  3  et  22  pièces. 
On  emploie  à  tout  coup  une  demi-peau  de  bœuf,  et  1 0  sicles, 
soit  83  gr.  33  de  laine. 

Les  archers  ne  pouvaient  être  en  même  temps  piquiers, 
non  plus  que  les  piquiers  être  en  même  temps  archers.  Sur 
la  Stèle  de  Narâm-Sin,  les  guerriers  accadiens  portent  soit 
arc  et  hache,  soit  lance  et  hache,  soit  étendard  et  hache. 
Une  nouvelle  fourniture  qui  se  présente  intéresse  la 
deuxième  catégorie.  Voici  la  petite  lance  ou  pique,  idéo- 
graphiée  gis  gid-da  iur  «  bois  long  de  petite  dimension  ». 
La  matière  de  la  hampe  n'est  pas  indiquée,  mais  il  est 
probable  qu'elle  était  en  solide  roseau. 

Quant  au  métal  qui  constituait  l'arme  proprement  dite 
et  s'adaptait  sur  le  bois  qu'il  terminait  sans  doute  en 
feuille  de  laurier,  comme  dans  la  Stèle  de  Naràm-Sin,  nous 
avons  vu,  dans  un  autre  texte  communiqué  au  début  de 
cette  étude,  que  c'était  généralement  le  cuivre.  Il  n'en  est 
pas  autrement  ici,  et  la  quantité  nécessaire  pour  chaque 
lance  s'élève  à  15  sicles,  soit  125  grammes,  ce  qui,  abso- 
lument parlant,  n'a  rien  que  de  normal.  Pour  la  lance 
ordinaire,  on  employait,  d'après  un  texte  inédit,  27 i 
grammes  de  bronze,  par  unité. 


RAPPORT  SUR  L'EMPLOI  DES  FONDS  DE  CLERCQ.     301 

Eniin,  notre  tablette  mentionne  le  vêtement.  Sur  la  Stèle 
du  Narâm-Sin,  le  roi  porte  une  robe  étroite  collante,  avec 
une  tunique  croisée  sur  la  poitrine  ;  deux  longs  plis  tombent 
jusqu'au-dessus  des  g-enoux.  Mais  ses  compagnons  n'ont 
qu'une  jupe,  serrée  à  la  taille,  descendant  jusqu'aux  genoux. 
La  laine  estimée  nécessaire  pour  ce  nig  lai  nig  su  se  monte 
à  dix  mines,  soit  5  kilogrammes.  C'est  beaucoup  pour  un 
aussi  modeste  vêtement.  Il  est  probable  qu'il  s'agit  encore 
de  laine  brute  qui,  dégraissée  à  la  potasse  comme  on  savait 
le  faire  à  cette  époque,  se  réduisait  à  i  kilogrammes,  quan- 
tité suffisante  pour  une  jupe  de  bure  ou  de  tartan.  Rien 
n'empêche  même  de  croire  que,  comme  la  peau  de  bœuf 
pour  le  casque,  ces  5  kilogrammes  représentent  une  quan- 
tité forfaitaire. 


RAI'l'OKT  SUR    L  EMPLOI    DES    FONDS    DE   CLERCQ, 
PAU     M.      EDMOND     POTTIER,     MEMBRE     DE     L  ACADÉMIE. 

La  nouvelle  Commission,  nommée  pour  l'emploi  des 
fonds  De  Clercq  après  l'achèvement  du  Catalogue  de  cette 
collection,  s'est  réunie  pour  la  première  fois  le  vendredi 
2i  mai,  et  elle  a  pensé  qu'elle  devait  d'abord  à  l'Académie 
un  bref  historique  sur  la  gestion  ancienne  des  sommes  pro- 
venant de  la  donation,  avant  de  lui  soumettre  ses  projets 
pour  l'avenir. 

M.  Louis  De  Clercq,  dont  notre  confrère  M.  Babelon  a 
retracé  la  carrière  et  loué  la  bienfaisante  générosité,  dans 
l'Introduction  au  Catalogue  de  la  Collection ,  mourut  en 
décembre  1901,  laissant  un  projet  de  testament  qui,  outre 
une  donation  importante  à  l'Académie  des  inscriptions, 
réglait  le  sort  de  ses  collections  de  manière  à  en  rendre 
l'Etat  propriétaire,  tout  en  réservant  l'usufruit  à  ses  héri- 
tiers directs.  Mais  par  suite  de  certain  vice  de  forme  consis- 


302         rapport  sur  l'emploi  des  fonds  de  clercq 

tant  en  une  erreur  de  date,  ce  projet  de  testament,  qui  n'avait 
d'ailleurs  pas  reçu  de  forme  définitive,  ne  put  pas  être  rendu 
exécutoire.  Heureusement  les  intentions  si  libérales  du 
testateur  ne  devaient  pas  être  perdues  pour  nous,  grâce  à 
l'intervention  de  ses  héritiers.  Mmc  Louis  De  Clercq  et  M.  le 
comte  Louis  de  Boisgelin  décidèrent  de  constituer  en  faveur 
de  l'Académie  une  donation  en  règle  qui  permît  d'assurer 
l'exécution  des  volontés  de  leur  mari  et  de  leur  oncle.  Par 
acte  notarié  du  16  juin  1902,  don  était  fait  à  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres  de  huit  actions  de  la 
Société  des  Mines  de  Dourges  (Pas-de-Calais) ,  représen- 
tant un  capital  de  200.000  francs  et  une  rente  annuelle 
variable  de  7  à  9.000  francs  environ.  Cette  somme  devait 
être  consacrée  d'abord  à  l'achèvement  du  Catalogue  de  la 
collection,  commencé  par  M.  De  Clercq  lui-même  avec  la 
collaboration  de  M.  Menant,  membre  libre  de  l'Académie, 
et  dont  deux  volumes  avaient  déjà  paru. 

Cette  publication  devait  être  terminée  dans  un  délai  de 
dix  ans  et  faite  sous  le  contrôle  d'une  commission  de 
trois  membres  de  l'Académie.  Après  l'achèvement  du  Cata- 
logue et  après  l'expiration  du  délai,  les  revenus  des  biens 
seront  employés,  dit  le  texte  de  la  donation,  «  à  faire 
«  et  à  subventionner  des  publications  relatives  à  l'archéo- 
«  logie  orientale  qui  porteront  pour  premier  titre  :  Fonda- 
«  tion  Louis  De  Clercq.  A  défaut  de  publication,  l'Académie 
«  pourra  faire  entreprendre  avec  ces  mêmes  revenus  des 
«  fouilles  archéologiques  en  Orient.  L'Académie  ne  sera 
«  pas  tenue  de  dépenser  tous  les  revenus  chaque  année; 
«  elle  pourra  accumuler  lesdits  revenus  et  les  administrer 
«  comme  elle  le  jugera  utile  pour  le  bien  de  la  science, 
«  mais  toujours  cependant  aux  mêmes  lins  correspondant 
«  aux  intentions  de  M.  Louis  De  Clercq.  » 

L'Académie  peut  se  rendre  cette  justice  qu'elle  a  scrupu- 
leusement rempli  les  conditions  prescrites  par  les  dona- 
teurs. La  rédaction  du  Catalogue,  confiée  à  M.  André  de 


RAPPORT    SFR    L'EMPLOI    DES    FONDS    DE    CLERCQ  303 

Ridder,  ancien  membre  de  l'École  d'Athènes,  conservateur 
adjoint  au  Musée  du  Louvre,  sous  le  contrôle  d'une  com- 
mission de  trois  membres  nommée  en  1903  et  composée  de 
MM.  de  Vogué,  Babelon  et  Pottier,  a  duré  un  peu  moins 
de  dix  ans.  Cette  œuvre  considérable,  qui  s'ajoute  aux 
deux  volumes  antérieurement  publiés  par  M.  De  Glercq  et 
M.  Menant,  se  compose  de  cinq  volumes  in-4°,  en  huit 
fascicules,  y  compris  les  tables  générales  récemment  parues. 
Elle  représente  un  total  d'environ  2.500  pages,  74  planches 
en  héliogravure,  132  planches  en  phototypie  ou  simili- 
gravure. Elle  a  coûté  72.614  fr.  50. 

L'Académie,  dans  une  de  ses  dernières  séances,  a  décidé, 
sur  la  proposition  de  la  Commission,  de  féliciter  M.  de 
lîidder  pour  la  diligence  et  le  soin  avec  lequel  il  avait  mené 
à  bon  terme  cette  lourde  tâche,  et  elle  a  nommé  une  com- 
mission nouvelle  de  cinq  membres  pour  gérer  à  l'avenir  les 
fonds  De  Clercq  suivant  les  intentions  exprimées  par  les 
donateurs  :  ces  membres  sont  MM.  de  Vogué,  Heuzey. 
Uabelon,  Pottier  et  Scheil. 


Le  Gérant,  A.  Picard» 


MAÇON,  PROTET  FRFRES,  IMPRIMEURS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 


PRÉSIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE  DU  5  JUILLET 


PRESIDENCE    DE    M.    NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  communique  la  lettre  suivante,  que 
M.  Eugène  Al.   Dalleggio  lui  a  envoyée  de  Constantinople  : 

S'il  y  a  un  monument  byzantin  des  plus  intéressants  et  des  moins 
connus  de  nos  jours,  c'est  bien  le  grand  Palais  impérial  de  Constanti- 
nople. Sur  son  emplacement  où,  comme  le  dit  M.  Charles  Diehl,  il  ne 
reste  pas  une  pierre,  «  de  petites  maisons  turques  dessinent  des  rues 
tortueuses,  se  pressent,  s'insinuent  les  unes  sur  les  autres  sur  le  ter- 
rain habité  par  les  anciens  maîtres  de  Constantinople  '  ».  Seuls,  Sainte- 
Sophie  et  l'At-Meïdan,  l'ancien  Hippodrome,  déterminent  en  gros  les 
limites  de  remplacement  que  couvrait  la  résidence  impériale.  Et  en 
attendant  des  fouilles  qui  se  feront  un  jour  ou  jamais  dans  la  moderne 
Constantinople,  c'est  d'après  le  témoignage  des  seuls  écrivains  qu'on 
peut  tenter  la  restitution  de  ces  édifices  disparus-'. 

1.  J.  Ebersold,  Le  grand  palais  impérial,  L910. 
•J.  Cli.  Diehl,  Journal  îles  Délits.   1910. 

1 9  i  2 .  '-il 


306 


SÉANCE    DU     O     JUILLET    1912 


Sous  l'ancien  régime,  il  était  impossible  d'obtenir  une  autorisa- 
tion pour  entreprendre  des  fouilles  dans  la  capitale.  Il  était  aussi 
très  difficile  aux  savants  de  pénétrer  dans  les  maisons  particu- 
lières pour  voir  quelques  ruines.  Et  d'ailleurs  ces  maisons  étaient 
construites  de  telle  sorte  qu'elles  ne  laissaient  rien  apercevoir 
du  dehors.  Aussi  était-on  privé  pour  toujours  des  éclaircissements 
que  pouvaient  même  donner  ces  quelques  restes  sur  ce  très  impor- 
tant sujet.  Mais  aujourd'hui  de  grandes  difficultés  sont  surmontées. 
D'abord  le  grand  incendie  du  3  juin  1912  a  consumé  plusieurs 
quartiers,  laissant  déblayée  la  place  d'une  grande  partie  des  400.000 


Fig.  1.    —  Constantinople.  —  Substructions  de  l'Hippodrome. 

mètres  carrés  dont  se  composait  l'étendue  du  terrain  sur  lequel 
s'élevaient  autrefois  les  constructions  du  Palais  impérial.  Des 
vestiges  se  montrent  de  dislance  en  distance,  et  de  très  intéressants. 
Voici  un  aperçu  rapide  des  ruines  que  j'ai  rencontrées.  Pendant 
qu'on  creusait  la  terre  autour  d'une  maison,  en  face  de  la  mosquée 
d'Ahmed,  j'aperçus  un  chapiteau.  Sur  chacune  de  ses  quatre  faces 
avait  été  sculptée  une  croix  avec,  autour,  des  feuilles  d'acanthe  ;  il  y 
avait  aussi  d'autres  morceaux  de   marbre  brisés. 


SÉANCE    DU    5    JUILLET     1912 


307 


Un  mur  long  d'une  dizaine  de  mètres  élevé  jusqu'au  niveau  du  sol 
de  l'autre  côté  de  la  rue,  et  à  sa  droite  une  bâtisse  carrée  séparée 
de  ce  mur  par  un  étroit  corridor  qui,  au  sommet,  réunit  le  mur  à  la 
bâtisse,  présente  une  chambre  haute  percée  de  fenêtres  et  une  entrée 
dont  la  moitié  est  enfouie  dans  le  sol. 

Au  quartier  dit  Baïram-Fouroun  el,  près  d'Ak-Biyik,  deux  vestiges. 
Le  premier  est  composé  d'un  mur,  long  d'une  vingtaine  de  mètres, 
formé  d'arcades  aveugles;  il  soutient  les  terres  d'un  jardin.  L'autre 
lui  fait  vis-à-vis  dans  la  rue  opposée,  à  une  trentaine  de  mètres  de 


P 


Fig.2. 


Constaniinople.  —  Vue  prise  derrière  la  mosquée  d'Ahmed. 


dislance.  Deux  murs  formant  équerre  et,  au  bout  de  l'un  d'eux,  une 
construction  carrée  enfouie  sous  terre,  laissant  voir  la  calotte  qui  la 
recouvre  et,  sur  une  paroi,  un  volet  de  fer  et  une  entrée  toute  petite 
par  où  un  homme  peut  à  peine  passer. 

Les  murs  de  la  partie  ronde  de  l'Hippodrome  (la  Sphendoné)  ont 
été  également  dégagés  parla  destruction  de  quelques  maisons,  ainsi 
que  les  substruclions  du  palais  de  Justinien.  Le  Gouvernement  otto- 
man ayant  l'intention  de  faire  reconstruire  les   maisons  incendiées 


308  SÉANCE    DU    O    JUILLET     1912 

par  souscription  d'État,  il  serait  temps,  croyons-nous,  avant  qu'au- 
cune décision  définitive  ne  soit  prise,  de  voir  quelques  savants  s'in- 
téresser à  ces  ruines  que  j'ai  voulu  décrire  pour  en  indiquer  tout 
l'intérêt  :  des  fouilles  de  ce  genre  ne  manqueraient  pas,  si  elles  étaient 
faites,  de  donner  de  bons  résultats.  Pour  ce  qui  est  de  l'autorisation 
du  Gouvernement  ottoman,  nous  pensons  que  celui-ci  ne  pourrait  la 
refuser,  vu  les  idées  de  progrès  qui  animent  les  dirigeants  de  la 
Jeune-Turquie. 

M.  Antoine  Thomas  signale  la  découverte,  dans  le  manuscrit 
302  d'Orléans  sur  lequel  le  professeur  Lindsay,  de  l'Université 
de  St  Andrews,  a  attiré  l'attention  de  M.  J.  Loth,  professeur  au 
Collège  de  France,  de  neuf  gloses  bretonnes  inédites,  que 
M.  Loth  doit  publier  et  commenter  dans  un  prochain  article.  Le 
manuscrit,  qui  contient  les  œuvres  de  Sedulius  et  remonte  au 
vme  siècle,  offre  quelques  autres  gloses  dont  l'apparentement 
linguistique  reste  à  déterminer,  par  exemple  anonesos  ou 
anomesos,  qui  explique  le  latin  fomes,  et  pifrifia,  qui  explique 
tirocinium.  Il  écrit  crox.  pour  crux,  ce  qui  concorde  avec  les 
formes  diverses  des  idiomes  celtiques  qui  remontent  toutes  à 
un  o  et  non  à  un  u. 

M.  Heuzey  a  la  parole  pour  une  communication  sur  Pline  et 
les  astrologues  chaldéens.  Pline  l'Ancien  donne  les  noms  de  trois 
collèges  ou  sectes  astrologiques  de  l'ancienne  Chaldée.  Ces  noms, 
d'apparence  grecque,  sont  de  l'époque  des  Séleucides;  mais  leur 
forme  hétéroclite,  due  en  partie  au  mauvais  état  des  manuscrits, 
les  rend  difficilement  explicables.  M.  Heuzey  propose,  sous 
toutes  réserves,  plusieurs  corrections,  qui  tendraient  à  les 
rattacher  à  divers  systèmes  d'orientation  adoptés  par  les  astro- 
logues chaldéens,  certaines  sectes  se  tournant  vers  le  midi  et 
obtenant  ainsi  l'Orient  moyen,  d'autres  vers  le  soleil  levant  qui 
leur  donnait  un  Orient  variable  et  journalier,  d'autres  enfin 
établissant  leur  orientation  par  des  calculs  et  des  tracés  gra- 
phiques '. 

MM.  Perrot,  Bouciié-Leclerccj  et  Dieulafoy  présentent 
quelques  observations. 

I.  Voir  le  prochain  cahier. 


AGES    PROTOHISTORIQUES    DANS    L'EUROPE    BARBARE         3l>!> 

M.  Joulin  lit  un  mémoire  sur  les  âges  protohistoriques  dans 
l'Europe  barbare  *. 

M.  Salomon  Reinach  demande  quekpies  explications  à  M.  Jou- 
lin. Il  insiste  sur  les  caractères  très  particuliers  de  la  civilisation 
de  la  Tène. 

M.  Pottier  fait  observer  qu'il  y  a  un  art  ibérique  que  paraît 
nier    M.    Joulin. 

MM.  Perrot  et  Dieulafov  présentent  aussi  quelques  obser- 
vations. 


COMMUNICATION 


LES    AGES   PROTOHISTORIOUES    DANS   L'EUROPE    RARISARE, 
PAR    M.    LÉON    JOULIN. 

Nous  avons  fait  connaître  à  l'Académie,  dès  1903,  nos 
découvertes  sur  les  établissements  protohistoriques  de  la 
région  de  Toulouse  et  du  Sud  de  la  France  ?.  Ces  études 
complétées  par  les  fouilles  importantes  exécutées  ces  der- 
nières années  en  Espagne,  a  Ampurias,  à  Villaricos  et  à 
Numance,  nous  conduisaient  aux  conclusions  suivantes  . 
Comme  dans  l'Europe  centrale,  les  âges  protohistoriques 
se  trouvent  représentés  dans  les  deux  contrées  par  des 
périodes  de  civilisation  répondant  chronologiquement  à 
celles  de  Hallstatt  et  de  la  Tène.  Mais  si  des  objets  carac- 
téristiques de  Tune  et  de  l'autre  de  ces  dernières  civilisa- 


1.  Voir  ci-aprés. 

2.  L.  Joulin.  Les  sépultures  des  ài/es  protohistoriques  dans  le  Sud-Ouest 
de  la  France  (lier.  arch..  1912)  ;  —  Les  âges  protohistoriques  dans  le  Sud- 
Ouesl  de  la  France  (Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  inscriptions  et  helles- 
lettres  de  Toulouse  (1911).  —  Les  Ages  protohistoriques  dans  le  Sud  de  la 
France  et  dans  la  Péninsule  hispanique    lier,  arch.,  1910  cl    191  I  . 


310  ACES   PROTOHISTORIQUES   DANS    L'EUROPE    RARRARE 

tions  se  rencontrent  dans  ces  contrées,  de  nombreux  pro- 
duits, des  décorations  et  des  monuments  figurés  forment 
un  ensemble  qui  en  diffère  entièrement.  C'est  ce  qui  a  fait 
admettre  jusqu'ici  qu'il  s'était  développé  dans  ces  pays  des 
civilisations  du  fer  particulières,  sous  des  influences  qu'en 
Espagne  du  moins,  on  faisait  remonter  aux  temps  égéens. 

Nous  avions  donc  à  déterminer  les  caractéristiques  encore 
imparfaitement  connues  de  ces  civilisations  particulières  ;  ou 
bien,  à  rechercher  si  les  vestiges  recueillis  dans  les  contrées 
classiques  de  Hallstatt  et  de  la  Tène  et  dans  les  pays  où 
ces  deux  civilisations  ne  se  manifestaient  que  par  de  rares 
objets,  pouvaient  être  compris  dans  des  cadres  plus  larges 
que  ceux  tracés  il  y  a  trente  ans.  C'est  ainsi  que  l'on  a  été 
amené  à  étudier  les  vestiges  de  l'époque  protohistorique, 
non  seulement  dans  les  contrées  où  les  industries  de  Hall- 
statt et  de  la  Tène  étaient  représentées  à  des  degrés  divers, 
mais  même  en  Orient  où  l'influence  hellénique  que  nous 
retrouvions  dans  le  Sud  de  la  France  et  en  Espagne  avait 
été  si  grande  parmi  les  populations  scythiques  du  littoral  de 
la  mer  Noire. 

Les  limites  des  divisions  chronologiques  suivant  les- 
quelles nous  présentons  les  observations  faites  dans  les 
différentes  contrées  ne  sont,  bien  entendu,  que  des  approxi- 
mations, ainsi,  du  reste  qu'elles  ont  été  données  par  leurs 
auteurs,  Tischler  et  Montelius. 

Aux  viue  et  vne  siècles,  l'industrie  métallique  divise 
l'Europe  barbare  en  deux  parties.  En  Orient,  les  Scythes 
emploient  le  fer  ;  mais  en  raison  de  l'état  nomade  de  ces 
peuples,  leur  civilisation  est  peu  avancée.  C'est  cependant 
avec  ces  moyens  rudimentaires  qu'au  vne  siècle,  sous  des 
conducteurs  restés  inconnus,  ils  ont  pu  ravager  pendant 
trente  ans  presque  toutes  les  parties  de  l'empire  assyrien  en 
décadence.  11  y  a  là  un  phénomène  semblable  aux  invasions 
des  Barbares  dans  l'empire  romain  et  à  celles  des  Arabes 


AGES    PROTOHISTORIQUES    DANS   l' EUROPE    HARliARE  311 

dans  l'Orient  méditerranéen  et  le  Sud  de  l'Europe.  En 
Occident,  à  l'exception  de  l'Italie  méridionale  et  centrale 
en  contact  avec  les  Grecs  et  de  la  Cispadane,  le  seul  métal 
employé  est  le  bronze.  Il  s'en  faut  toutefois  que  la  civilisa- 
tion des  différents  peuples  ait  conservé  l'unité  qu'elle  avait 
dans  les  premières  périodes  de  l'âge  du  bronze.  En  Scandi- 
navie et  en  Hongrie,  l'industrie  du  bronze  a  acquis  un  grand 
degré  de  perfection  et  la  décoration  des  objets  s'inspire 
parfois  de  motifs  mycéniens.  Aucun  événement  politique 
n'est  du  reste  révélé  par  l'archéologie,  si  l'on  excepte  les 
relations  commerciales  de  l'Italie  avec  les  contrées  au  Nord 
et  à  l'Ouest  des  Alpes. 

Aux  VIe  et  vc  siècles,  la  constitution  politique  des  cités 
grecques  est  terminée  et  leurs  populations  augmentées  se 
répandent  sur  le  littoral  du  Pont-Euxin  et  de  la  Méditer- 
ranée que  les  Phéniciens  presque  seuls  avaient  visité  jus- 
qu'alors. La  prise  de  Tyr  par  les  Assyriens  porte  un  coup 
fatal  au  commerce  phénicien.  Les  Perses  tentent  d'asservir 
les  colonies  grecques  d'Asie  et  la  Grèce  elle-même  ;  tous 
leurs  efforts  viennent  échouer  contre  le  patriotisme  éclairé 
des  peuples  grecs. 

De  grands  événements  se  passent  également  dans  le 
monde  barbare.  A  la  fin  du  VIe  siècle,  Darius  a  conduit  une 
expédition  jusqu'au  centre  de  la  Scythie  ;  mais  les  habitudes 
des  peuples  nomades  n'ont  pas  été  modifiées.  Seules,  les 
mœurs  des  populations  agricoles  du  littoral  de  la  mer  Noire 
sont  influencées  par  les  colonies  grecques  voisines.  —  Les 
Ombriens  de  la  Cispadane  ont  adopté  les  habitudes  des 
Etrusques  qui  les  dominent.  Ils  emploient  le  fer  à  de 
nombreux  usages  et  créent  de  nouveaux  types  d'armes, 
de  parures  et  d'ustensiles,  en  même  temps  que  les  influences 
orientale  et  hellénique  se  manifestent  de  plus  en  plus  dans 
la  décoration  des  objets  et  par  des  importations.  —  Poul- 
ies autres  parties  de   l'Europe   barbare,  on   admettait   jus- 


312         AGES    PROTOHISTORIQUES    DANS    L'EUROPE    BARRARE 

qu'ici  quatre  grands  groupes  de  civilisations.  1°  Le  bronze 
était  encore  le  seul  métal  employé  dans  l'Allemagne  du 
Nord,  la  Scandinavie  et  les  Iles  bretonnes.  2°  Dans  toutes  les 
régions  de  l'Allemagne  du  Sud,  une  civilisation  dite  de  Hall- 
statt  avait  créé,  avec  le  fer  et  le  bronze,  des  types  nouveaux 
d'armes,  de  parures  et  d'ustensiles,  tandis  que  certains  objets 
étaient  imités  de  l'industrie  de  la  Cispadane  et  de  l'Etrurie. 
Les  usages  funéraires  étaient  ceux  de  la  période  précédente  : 
des  tumulus.  avec  les  deux  rites  en  proportion  variable. 
3°  En  Vénétie  et  dans  le  Nord  de  l'Illvrie,  on  avait  décrit 
une  civilisation  dont  l'industrie  paraissait  empruntée  à  la 
fois  à  celle  de  l'Italie  centrale  et  à  celle  de  Hallstatt  ;  les 
usages  funéraires  variaient  du  reste,  comme  rite  et  dispo- 
sitions, d'une  région  à  l'autre.  4°  Dans  les  autres  contrées 
à  l'Est  et  à  l'Ouest  des  Alpes  (Hongrie,  Bosnie,  Gaule  et 
Espagne)  le  commerce  avait  lentement  développé  des 
industries  du  fer  encore  mal  connues,  parmi  lesquelles 
apparaissaient  quelques  objets  hallstattiens. 

Or  les  nouvelles  découvertes  montrent  que  dans  la  France 
du  Sud  et  en  Espagne,  on  rencontre  de  nombreux  objets 
métalliques,  semblables  à  ceux  de  l'Allemagne  du  Sud.  Ces 
types  communs  sont  mélangés  avec  d'autres  éléments  qui 
varient  du  reste  d'une  région  à  l'autre.  Les  usages  funéraires 
diffèrent  également  ;  comme  dans  la  période  précédente,  le 
rite  de  l'incinération  est  exclusivement  employé  et  les  dis- 
positions de  la  sépulture  reproduisent  toutes  les  variétés 
signalées  dans  l'Italie  centrale  et  septentrionale  à  la  même 
époque.  D'autre  part,  contrairement  aux  observations  anté- 
rieures, on  constate  que  les  stations  et  les  lieux  de  trou- 
vailles sont  aussi  nombreux  dans  les  pays  à  l'Ouest  et  à  l'Est 
des  Alpes  que  dans  l'Allemagne  du  Sud.  De  plus,  dans  cha- 
cune des  contrées,  les  établissements  avec  vestiges  hallstat- 
tiens paraissent  distribués  géographiquement  de  manière  à 
assurer  la  domination  des  diverses  régions  et  l'exploitation 
de    leurs    productions   naturelles.   Il  faut  remarquer    aussi 


AGFS    PROTOHISTORIQUES    DANS    LEIROPE    I5AKBARE         313 

que  pendant  deux  siècles,  les  types  métalliques  de  l'indus- 
trie hallstattienne  sont  restés  partout  les  mêmes,  malgré 
des  relations  commerciales  continues  avec  les  peuples  de 
civilisation  supérieure.  On  observe  enfin  que  la  civilisation 
de  Hallstatt  apparaît  au  moment  où  la  colonisation  hellé- 
nique atteint  son  plus  grand  développement  dans  toutes 
les  parties  du  littoral  du  Pont-Euxin  et  de  la  Méditerranée. 
Nous  avons  conclu  de  tous  ces  faits  que  les  Celtes  qui 
habitaient  l' Allemagne  du  Sud,  où  la  colonisation  de  Hall- 
statt est  vraisemblablement  née,  ont  dominé  aux  vic  et 
vc  siècles  toute  l'Europe  centrale  et  occidentale.  Ces 
conquêtes  sont  dues  non  seulement  à  l'armement  supérieur 
d'un  peuple  guerrier,  mais  encore  à  une  direction  politique 
qui  a  créé  de  nombreux  éléments  de  prospérité  dans  des 
pays  où  ils  n'existaient  pas  encore.  On  peut  rapporter 
à  l'initiative  de  chefs  ambitieux  un  changement  de  civi- 
lisation qui  devait  assurer  à  leur  peuple  la  conquête 
des  pays  de  la  civilisation  du  bronze.  C'est  du  reste  à  une 
invasion  partie  du  Nord  des  Alpes  ou  du  Danube  moyen 
que  les  stations  hallstattiennes  de  la  Transpadane  ont  été 
déjà  attribuées.  L'archéologie  fournit  donc  aujourd'hui  une 
puissante  contribution  à  la  thèse  de  d'Arbois  de  Jubain- 
ville  sur  l'étendue  de  l'Empire  celtique  aux  VIe  et  Ve  siècles. 
Elle  rétablit  la  concordance  entre  des  textes  qui  parais- 
saient se  contredire.  Au  Ve  siècle,  Hécatée  et  Hérodote 
parlent  des  Celtes  qui  dominaient  la  Gaule  et  l'Espagne, 
tandis  que  neuf  siècles  après,  Aviénus  mentionne  seulement 
les  races  qui  les  occupaient. 

Il  y  a  une  trentaine  d'années,  l'archéologie  a  fait  con- 
naître qu'à  la  fin  du  Ve  siècle,  ou  au  commencement  du  IVe, 
il  s'est  produit  dans  la  Gaule  de  l'Est  et  dans  les  régions 
voisines  de  l'Allemagne  du  Sud-Ouest,  une  civilisation  dite 
de  la  Tène,  caractérisée  par  des  types  nouveaux  d'armes, 


314    AGES  PROTOHTSTORIQUES  DANS  L* EUROPE  BARRARE 

de  parures  et    d'ustensiles  et  quelques  autres  inspirés  de 
ceux    de   Hallstatt.    Dans    la    décoration    des    objets,    on 
retrouve  des  motifs   de    l'art  hellénique.    La    monnaie  est 
inconnue.  Les  rites  funéraires  diffèrent  de  ceux  de  Hallstatt 
dans  les  mêmes  contrées.  Des  vestiges    semblables  décou- 
verts dans  l'Italie  du  Nord  et  dans  l'Allemagne  du  Sud  ont 
été   rapportés   aux    Gaulois  qui  se  sont  établis    dans    ces 
pays  au    commencement   du   iv°   siècle.   Quant    aux    rares 
objets  de  la  Tène   signalés  dans    quelques   régions  à  l'Est 
et  au  Sud- Ouest  des  Alpes,  on  les  attribuait  à  une  diffusion 
par  le  commerce  de  certains  éléments  de  cette  civilisation. 
Les  découvertes  de  la   Gaule   du   Sud  et  de  l'Espagne 
permettent     d'envisager    d'une    tout    autre     manière    les 
vestiges  de  la   civilisation  de  la  Tène  des  diverses  contrées 
de  l'Europe  centrale  et  occidentale.  Elles  montrent  d'abord 
que  partout  les   stations   sont  aussi  nombreuses  que  dans 
les  régions  où  elles  avaient  été  primitivement  observées, 
à    la   condition    d'élargir    le    cadre    des    caractères    de   la 
civilisation  de    la  Tène.    La  transformation    de   l'industrie 
de    Hallstatt    s'est    produite   presque   partout    à  la    même 
époque.  La  nouvelle  civilisation   est  toujours  caractérisée 
par  des   types  uniformes   d'armes,  de  parures   et   d'usten- 
siles ;  mais   d'autres  types  industriels  varient  d'une  région 
à  l'autre,  ainsi  que  les  emprunts  de  diverse  nature  qu'elle 
fait  aux  civilisations  supérieures  et  en  particulier  à  la  civili- 
sation  hellénique.  C'est  ainsi  que  la  monnaie  est  adoptée 
dès  le  111e  siècle  en  Espagne  et  dans  le  Sud  de  la  Gaule  qui 
ont  déjà  reçu  des   alphabets  grecs.  D'autre  part,  de  nom- 
breux  monuments  figurés  de  la  Péninsule  témoignent  que 
les  mœurs  des  Barbares  de  certaines  régions  voisines  des 
colonies  grecques,   se  sont  modifiées,   non   seulement    en 
adoptant  des  types  de  l'industrie  hellénique,  mais    encore 
clans  l'installation    des  villes,  des    décorations  architecto- 
niques    et    même    des  œuvres    plastiques.    Des    divinités 
helléniques  sont  honorées  par  les  indigènes.  C'est  un  effet 


AGES    PK0TOHTST0R1QUES    DANS    l/EUROPE    RARBARE         315 

semblable  à  celui  produit  dès  le  vi°  siècle  chez  les  Scythes 
sédentaires  du  littoral  de  la  mer  Noire  et  qui  s'est  encore 
accru  aux  iv°  et  me  siècles. 

On  s'accorde  généralement  à  placer  dans  le  Nord-Est  de 
la  Gaule  l'origine  de  la  civilisation  de  la  Tène.  Les  peuples 
belliqueux  de  ces  régions  obéissaient  alors  au  roi  des 
Bituriges,  Ambigat.  Il  est  permis  de  supposer  que  la 
transformation  de  l'armement  hallstattien  par  l'adoption 
du  bouclier,  de  l'épée  courte  et  de  la  lance,  a  été  faite  pour 
préparer  les  expéditions  des  Gaulois  contre  les  peuples 
armés  à  la  grecque  de  l'Italie  et  de  la  Péninsule  balkanique. 
Des  reliefs  du  Sud  de  l'Espagne  où  l'on  voit  des  guerriers, 
les  uns  avec  les  armes  de  la  Tène,  les  autres  avec  des 
armes  et  des  costumes  imités  de  ceux  des  Grecs,  appuient 
cette  opinion.  La  nouvelle  industrie  s'est  répandue  rapi- 
dement dans  toutes  les  contrées  hallstattiennes.  Partout 
également  certains  types  de  l'industrie  indigène  se  sont 
modifiés  aux  11e  et  Ier  siècles.  La  monnaie  a  été  adoptée  à 
partir  du  11e  siècle  dans  les  contrées  où  elle  n'était  pas 
employée  jusqu'alors.  Enfin,  les  usages  funéraires  de  la 
période  précédente,  particuliers  à  chaque  pays,  sont  restés 
les  mêmes,  sous  réserve  d'une  proportion  croissante  de 
l'incinération  dans  les  régions  où  l'on  rencontre  les  deux 
rites. 

Au  commencement  du  ne  siècle,  la  conquête  de  l'Italie  par 
les  Romains  se  termine  avec  la  soumission  définitive  de  la 
Cisalpine.  La  conquête  de  l'Espagne  commence  aussitôt; 
elle  dure  soixante-dix  ans  et  elle  est  suivie  de  celle  de  la 
Gaule.  Les  vestiges  de  ces  deux  contrées  montrent  aujour- 
d'hui les  moyens  mis  en  œuvre  par  les  Barbares  pour 
défendre  leur  indépendance.  Les  fortifications  sont  emprun- 
tées à  diverses  périodes  de  la  civilisation  hellénique,  depuis 
les  enceintes  en  matériaux  quadrangulaires  du  Nord-Est  de 
l'Espagne  jusqu'aux  murs  mycéniens  de  pierre  et  de  terre 


316         AfiES    PROTOHÎSTORIQUES    DANS    L'EUROPE    BARBARE 

consolidés  par  des  charpentes  de  bois  des  forteresses  gau- 
loises. D'autres  observations  font  connaître  les  effets  écono- 
miques de  la  conquête.  Dans  les  deux  contrées,  les  oppida 
abandonnés  sont  remplacés  par  des  villes  fondées  dans  les 
plaines  voisines  ;  l'industrie  et  le  commerce  se  transforment 
par  L'importation  des  produits  italiques  et  l'imitation  des 
tvpes  gréco-romains  qui  fait  disparaître  les  industries 
ibéro-grecques  et  celto-grecques.  Au  contraire,  les  cou- 
tumes funéraires  se  conservent  jusqu'à  l'établissement  de 
l'empire.  Nous  ajoutons  que  l'influence  romaine  avait 
pénétré  avant  la  conquête  dans  les  régions  de  la  Gaule  limi- 
trophes de  la  Province  ;  c'est  ce  dont  témoignent  les  vestiges 
du  Mont-Beuvray  comme  ceux  de  l'Aquitaine. 

Les  découvertes  archéologiques  faites  ces  dix  dernières 
années  dans  le  Sud  de  la  France  et  en  Espagne  apportent 
donc  de  nouvelles  précisions  sur  les  civilisations  qui  se  sont 
succédé  dans  les  diverses  contrées  de  l'Europe  barbare. 
Elles  étendent  considérablement  le  domaine  de  certaines 
d'entre  elles,  en  même  temps  qu'elles  révèlent  des  évé- 
nements importants  que  les  textes  ne  mentionnaient  pas. 
C'est  ainsi  qu'elles  éclairent  la  grande  lutte  de  la  civilisa- 
tion pendant  la  longue  période  qui  s'est  écoulée  depuis  les 
premiers  renseignements  recueillis  par  les  Grecs  jusqu'à 
la  fondation  de  l'Empire  romain. 


LIVRES   OFFERTS 


M.  le  comte  Paul  Durrieu  présente  de  la  part  de  l'auteur,  M.  Louis 
Batiiïol,  bibliothécaire  à  la  Bibliothèque  nationale,  une  importante 
étude  sur  Les  Travaux  du  Louvre  sous  Henri  IV,  qui  a  récemment 
paru  en  deux  articles  dans  la  Gazette  des  Beaux- Art  s.  L'histoire  des 
constructions  du  Louvre,  au   temps  de  Henri  IV,   était  restée   fort 


SÉANCE    DU    12    JUILLET    1912  317 

obscure.  M.  Louis  Batiffol  a  su  l'éclairer  d'une  vive  lumière,  en 
mettant  à  profit  des  documents  non  encore  utilisés,  notamment  une 
précieuse  série  de  devis  et  de  marchés  retrouvés  par  lui  dans  le  minu- 
tier  d'un  notaire  de  Paris.  Il  est  ainsi  arrivé  à  faire  ressortir  le  grand 
rôle  qu'avait  eu,  dans  la  direction  supérieure  des  travaux,  Jean  de 
Fourcy, intendant  à  partir  de  1594,  et  sur  la  fin  de  sa  carrière,  surin- 
tendant des  bâtiments.  Établie  sur  des  témoignages  commentés  avec 
beaucoup  d'esprit  critique,  l'étude  de  M.  Batiffol  est  une  excellente 
contribution  à  l'historique  de  ce  Louvre  où  l'Académie  des  inscrip- 
tions a  tenu  ses  séances  sous  l'ancien  régime  et  jusqu'en  1793. 

M.  Omont  dépose  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom  de  M.  A. 
Vidier,  un  volume  d'Extraits  de  comptes  royaux  concernant  Paris.  — 
I.  Journal  du  Trésor  (1298-1301)  (Paris,  1912,  in-8»;  extr.  du  Bul- 
letin de  la  Société  de  /' histoire  de  Paris,   t.  XXXVIII,  1911). 

«  Les  comptes  royaux  constituent  une  source  historique  de  premier 
ordre  ;  aussi  plusieurs  ont-ils  été  insérés  dans  les  derniers  volumes 
du  Recueil  des  historiens  de  France,  publiés  par  l'Académie  ;  d'autres 
ont  récemment  paru  dans  la  Collection  de  documents  inédits  sur 
l'histoire  de  France.  M.  Vidier  a  tiré  de  l'un  des  plus  anciens  de  ces 
comptes,  resté  encore  inédit,  un  Journal  du  Trésor  de  Philippe  le 
Bel,  conservé  aujourdhui  à  la  Bibliothèque  nationale  (ms.  latin  9783), 
une  série  de  notes  particulièrement  intéressantes  pour  l'histoire  de 
Paris,  qu'il  a  publiées  en  les  classant  sous  différentes  rubriques  : 
Finances,  Œuvres  et  travaux,  Université  et  collèges,  Églises  et  cou- 
vents, Orfèvrerie  et  joyaux,  etc.  » 


SÉANCE  DU   12   JUILLET 


PRESIDENCE    DE    M.     CAGNAT,     ANCIEN    PRESIDENT. 

M.  Dieulakoy  donne  connaissance  à  l'Académie  d'un  mémoire  du 
R.  P.  Jerphanion  relatif  aux  églises  souterraines  de  Cappadoce  '. 
Ce  mémoire,  d'une  importance  capitale  pour  l'étude  d'un  art 
entrevu,  mais  mal  défini  avant  la  mission  que  le  P.  Jerphanion  a 
laite  en  Cappadoce  sous  les  auspices  de  la  Société  française  des 

I .   Voir  ci-après. 


318  SÉANCE  DU    12    JUILLET    1912 

Fouilles  archéologiques,  est  accompagné  d'une  magnifique  suite 
de  photographies.  Elles  sont  toutes  l'œuvre  du  savant  voyageur 
et  se  rapportent  aux  peintures  qui  décorent  les  murs  des  édifices. 

M.  G.  Millet,  à  qui  la  parole  est  donnée  après  que  M.  Dieu- 
lafov  a  terminé  sa  lecture,  étudie  les  peintures  qui  se  répar- 
tissent du  ixe  au  xie  siècle  et  y  trouve  la  preuve  qu'il  s'était 
développé  en  Cappadoce  une  école  d'origine  asiatique  dont 
l'influence  fut  considérable  sur  les  écoles  de  peinture  euro- 
péennes ' . 

M.  Millet,  reprend  M.  Dieulafoy,  reconnaît  dans  les  peintures 
murales,  dont  les  photographies  ont  été  exécutées  par  le  P.  Jer- 
phanion,  la  manifestation  d'un  artlocal  qu'il  rattache  comme  ori- 
gine à  l'Asie  occidentale.  De  son  côté,  M.  Dieulafoy  a  étudié  les 
monuments  décorés  de  peintures  et  arrive  à  une  conclusion  ana- 
logue. Les  églises  souterraines  de  Cappadoce  présentent,  en  effet, 
les  caractères  asiatiques  des  plus  vieilles  églises  de  la  Syrie  cen- 
trale, de  la  Gilicie  et  de  la  Lycaonie.  Ces  dernièresont  été  décrites 
par  Miss  Gertrude  Bell  et  appartiennent  à  cette  curieuse  agglomé- 
ration d'édifices  religieux  connue  sous  le  nom  de  Bin  Bir  Kilisse 
(Mille  et  Une  Églises).  Les  unes  comme  les  autres  présentent 
des  absides  en  arc  outrepassé,  des  voussures  également  outre- 
passées, des  frises  décorées  de  fenêtrages  aveugles,  des  coupoles 
sur  gousset  d'angle.  Or  tous  ces  motifs  d'architecture  ou  de 
décoration  sont  nettement  d'origine  chaldéo-iranienne,  ont  été 
propagés  par  les  architectes  perses  de  la  période  sassanide  et 
apparaissent  en  Cappadoce  mêlés  à  des  motifs  où  l'on  reconnaît 
l'interprétation  byzantine  de  thèmes  constructifs  empruntés  à 
l'Asie  occidentale.  La  copie  est  d'autant  plus  flagrante  que  les 
églises  cappadociennes,  ayant  été  creusées  dans  le  roc,  ont  été 
exécutées  sans  que  leurs  architectes  aient  eu  à  se  préoccuper  de 
leur  statique.  11  n'y  a  aucune  relation  de  cause  à  effet  que  l'on 
puisse  invoquer  pour  expliquer  les  ressemblances  signalées  avec 
les  édifices  syrano-syriens. 

Quant  aux  peintures,  elles  doivent  être  mises  en  parallèle,  mal- 
gré des  différences  essentielles,  avec  les  fresques  du  Kosséïr 
Amra  remontant  au  vin8  ou  au  ixe  siècle.  D'autre  part,  ces  der- 

1.  Voir  ci-après. 


SÉANCE    DU    12    JUILLET    1912  319 

nières  sont  la  manifestation  d'une  école  de  dessin  qui  a  son 
équivalent  exact  dans  l'école  de  sculpture  sassanide. 

Dans  les  fresques  du  Kosséïr  Amra,  comme  dans  les  bas-reliefs 
rupestres  où  sont  représentés  les  exploits  des  Ghapour  et  des 
Khosrvès,  se  décèle,  en  elfet,  l'iniluence  dominatrice  des  arts 
romains,  mais  le  style  est  plus  lourd,  plus  solennel  et  aussi  plus 
puissant  que  celui  des  modèles. 

Or,  si  l'on  considère,  d'une  part,  les  peintures  de  l'école  cappa- 
docienne  primitive  et,  de  l'autre,  les  peintures  du  Kosséïr  Amra, 
on  saisit  de  suite  les  liens  de  parenté  qui  les  unissent  aux 
fresques  découvertes  tout  récemment  à  l'Alhambra  et  aux  plus 
vieilles  miniatures  persanes,  c'est-à-dire  à  celles  où  ne  se  mani- 
feste guère  encore  l'iniluence  de  la  Chine. 

En  résumé,  si,  d'une  part,  l'accord  est  complet  entre  l'archi- 
tecture et  les  peintures  des  églises  souterraines  de  Cappadoce,  de 
l'autre,  les  peintures  aident  à  remonter  aux  origines  de  la 
miniature  persane  jusqu'ici  un  peu  confuses.  Maintenant,  on 
voit  que  le  peintre  miniaturiste  persan  aurait  d'abord  été  l'héri- 
tier du  peintre  miniaturiste  de  l'époque  sassanide  dont  les 
œuvres  sont  citées  par  Maçoudi  et  l'auteur  du  Modjmal  el  tewa- 
rikh  ;  puis  il  se  serait  inspiré  des  peintures  de  l'école  byzantine 
ou  plutôt  de  l'école  cappadocienne  en  raison  des  affinités 
artistiques  constatées  entre  les  deux  pays  et  leur  aurait 
emprunté  sans  doute  le  modèle  des  anges  figurés  avec  les 
emblèmes  des  quatre  évangélistes.  En  dernier  lieu,  il  aurait 
subi  l'iniluence  des  écoles  chinoises,  au  contact  indirect  des- 
quelles le  style  lourd  et  un  peu  fruste  se  serait  affiné  et 
aurait  pris  une  élégance  et  une  délicatesse  inconnues  aupa- 
ravant. 

M.  Chavannes  étudie  divers  documents  historiques  que  M. 
Jacques  Bacot  a  rapportés  de  ses  deux  missions  de  1907  et  de  1909 
aux  conlins  de  la  Chine  et  du  Tibet.  Une  chronique  manuscrite 
des  chefs  indigènes  de  Li-kiang,  à  l'extrême  Ouest  du  Yun-nan, 
permet  de  reconstituer  l'histoire  de  cette  lignée  de  princes  locaux 
depuis  le  xin''  siècle  de  notre  ère  jusqu'à  la  fin  du  xviu1'  siècle. 
Deux  inscriptions  chinoises,  l'une  de  1548,  l'autre  de  1561 ,  qui 
ont  été  photographiées  par  M.    Bacot    à  Che-kou,  au  pied  occi- 


320  LES    ÉGLISES    UE    CAPPADOCE 

dental  de  la  boucle  que  le  Kin  cha  kiang  forme  au  Nord  de  Li- 
kiang,  célèbrent  les  victoires  des  chefs  indigènes  de  Li-kiang  sur 
les  Tibétains.  En  analysant  ces  documents,  M.  Ghavannes  montre 
comment  les  Chinois  s'y  sont  pris  pour  mener  à  bien  leur  poli- 
tique d'assimilation  à  l'égard  des  populations  non  chinoises  du 
Yun-nan. 

M.  Gagnât  lit  une  note  de  M.  Basset, correspondant  de  l'Aca- 
démie à  Alger,  sur  une  mission  accomplie  dans  la  Grande 
Kabylie  par  M.  Boulifa,  répétiteur  de  berbère  à  la  Faculté  des 
lettres  d'Alger4. 


COMMUNICATIONS 


LES  ÉGLISES  DE  CAPPADOCE, 
PAR  LE  R.  P.  G.  DE  JERPHANION. 

Au  commencement  de  1908,  j'ai  fait  connaître  à  l'Aca- 
démie les  résultats  d'un  voyage  aux  églises  souterraines  de 
Gueurémé  et  Soghanle  en  Cappadoce  2.  Je  demande  la  per- 
mission d'exposer  ceux  d'une  nouvelle  expédition  qui  a 
occupé  la  fin  de  l'été  et  l'automne  de  1911. 

Cette  tournée,  facilitée  par  l'appui  généreux  de  la  Société 
des  Fouilles  archéologiques  et  de  la  Société  de  Géographie, 
avait  pour  objet  de  compléter  ma  documentation  qu'une 
première  visite  avait  nécessairement  laissée  en  défaut  sur 
plusieurs  points.  Elle  était  destinée  à  préparer  la  publica- 
tion intégrale  des  peintures  de  Cappadoce  que  j'ai  promise 
depuis  longtemps.  Mais,  je  me  hâte  de  le  dire,  je  ne  me 
suis  pas  borné  à  visiter  à  nouveau  et  de  façon  plus  com- 
plète des  monuments  déjà  connus  :  par  un  rare  bonheur, 
il  m'a  été  donné  d'en  découvrir  un  grand  nombre  d'autres, 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Cf.   Comptes  Rendus.  1909,  p.  7-21-, 


LES    ÉGLISES    DE    CAPPADOCE  321 

et  parmi  ces  derniers,  plusieurs,  on  le  verra,  ont  une  impor- 
tance capitale. 

Quelques  chiffres  montreront  la  proportion  de  l'inédit 
dans  les  documents  rapportés  de   ma  dernière   campagne. 

A  Gueurémé,  qui  est  le  centre  principal,  nous  ne  connais- 
sions que  six  grandes  chapelles  à  décoration  complète  (je 
laisse  de  côté  les  petits  oratoires).  Ce  groupe  avait  été 
exploré  avec  le  plus  grand  soin  en  1907,  tant  par  moi  que 
par  M.  Grégoire  et  par  MM.  Michel  et  Rott.  Nous  pensions 
—  avec  quelque  apparence  de  vérité  —  que  rien  ne  nous 
avait  échappé.  Cependant,  outre  plusieurs  petits  oratoires, 
j'ai  encore  trouvé  cette  année,  à  Gueurémé  même,  deux 
chapelles  présentant  un  cycle  iconographique  développé  et, 
dans  le  voisinage,  à  Tchaouch-In,  une  vaste  église  avec  une 
décoration  d'une  richesse  remarquable.  Celle-ci  est  datée 
de  façon  précise  par  une  inscription  aux  noms  de  Nicéphore 
et  Théophano,  ce  qui  lui  donne  une  grande  importance. 

Autour  de  Gueurémé,  j'ai  découvert  de  nouveaux  groupes 
de  chapelles  peintes  à  Orta-Hissar  et  à  Babayan.  A  Zilvé, 
j'ai  visité  deux  chapelles  déjà  vues  par  le  P.  Gransault, 
mais  encore  inédites.  Elles  sont  intéressantes,  l'une  par  une 
grande  inscription  funéraire  ',  l'autre  par  une  série  de  scènes 
empruntées  à  l'histoire  de  saint  Siméon  Stylite  qu'accom- 
pagnent de  longs  textes  tirés  de  la  vie  du  saint. 

Aux  environs  de  Sinassos,  M.  Grégoire  avait  signalé  et 
décrit  sommairement  deux  chapelles,  celle  des  Douze- 
Apùtres  et  celle  de  Timios  Stavros.  Je  n'ai  pu  retrouver 
cette  dernière  dont  j'aurais  voulu  vérifier  la  curieuse  inscrip- 
tion au  sujet  de  laquelle  M.  Millet  a  fait  à  l'Académie,  en 
1910,  une  si  intéressante  communication  sur  «  les  Icono- 
clastes  et  la  croix  »  2.    Par  contre,    j'ai  étudié,  en   détail 

1.  C'est  l'épi taphe  d'un  certain    moine  Siméon   dont  j'ai  retrouvé  des 

invocations  et  des  inscriptions  sentencieuses  sur  les  rochers  voisins. 
■2.   Publiée  dans  le  Bull,  de  <:<>rr.  Hell  .   L910,  p.  ï)6-10<>. 

1913  l'-J 


322  LES    ÉGLISES    DE    CAPPADOCE 

l'église  des  Douze  Apôtres,  j'ai  reconnu  plusieurs  scènes 
dont  le  sens  avait  échappé  à  mon  devancier;  et  j'ai  trouvé 
de  nouvelles  chapelles  dans  le  voisinage,  aux  lieux  dits 
Djilg-ori  et  Hagia  Maria. 

Plus  au  Sud,  j'ai  visité  et  décrit  les  églises  de  Djémil 
déjà  vues  par  le  P.  Gransault  ;  les  peintures  de  la  plus 
importante  sont  malheureusement  tellement  enfumées 
qu'il  est  impossible  d'en  tirer  de  bonnes  photographies. 
Continuant  ma  route  vers  Soghanle,  j'ai  découvert  des  cha- 
pelles inconnues  à  Qarleq,  à  Taghar,  à  Damsa,  à  Souvech. 
A  Souvech,  le  martyre  des  Quarante  soldats  de  Sébaste 
occupe  toute  une  voûte  :  c'est  la  seule  représentation  de 
cette  scène  que  je  connaisse  dans  la  région1.  A  Taghar,  il 
y  a  une  vaste  église,  la  plus  grande  de  toutes  celles  de 
Gappadoce,  d'une  forme  qui  mérite  d'être  notée.  C'est  une 
croix  grecque  avec  trois  absides  terminant  la  tête  et  les 
deux  bras  nord  et  sud  ;  au  centre,  une  coupole  élevée  sur 
un  tambour,  autour  duquel  règne  une  galerie  creusée  au- 
dessus  des  absides  et  de  la  nef.  Sauf  la  galerie,  c'est  le 
plan  tréflé  de  l'église  en  pierres  d'Orta  Keuy  2  ;  mais  ici  le 
tout  a  été  taillé  dans  un  cône  de  grandes  dimensions.  Les 
peintures  de  cette  église  sont  également  d'un  style  qui 
tranche  sur  les  autres  et,  par  le  modelé  des  chairs  aux  tons 
verdâtres,  elles  paraissent  appartenir  à  une  époque  un  peu 
plus  tardive. 

A  Soghanle,  la  part  des  découvertes  s'est  bornée  à 
quelques  oratoires  sans  importance.  Mais  dans  les  environs, 
près  de  Mavroudjan,  j'ai  trouvé  une  chapelle  malheureuse- 
ment très  dégradée,  qui  m'a  paru,  sans  aucun  doute,  la  plus 
archaïque  de  toute  la  région.  Le  collobium  qui  couvre  le  Christ 
dans  la  peinture  du  crucifiement,  les  proportions  ramassées 
des  personnages,  les  têtes  larges,   les  épaules  épaisses,  les 

1.  A  Toqal  kilissé,  il  y  a  les  portraits  des  Quarante  Martyrs,  mais  ils 
s. mt  isolés  et  distribués  dans  les  différentes  parties  de  la  décoration. 

2.  Cf.  Bull.  Corr.  llell.,  1909,  p.  112  (II.  Grégoire). 


LES    ÉGLISES    DE    CAPPADOCE  323 

attitudes  et  les  types  rappelant  les  miniatures  des  plus 
anciens  manuscrits  tels  que  l'évangéliaire  de  Sinope,  tout 
me  porte  à  attribuer  ces  peintures  à  une  époque  reculée, 
le  vinc  siècle  environ. 

Par  ces  quelques  indications,  on  voit  combien  s'est 
accrue,  du  fait  de  mon  dernier  voyage,  la  liste  actuellement 
connue  des  églises  à  peintures  de  Cappadoce.  Mais  là  n'est 
pas  limitée  la  part  de  l'inédit.  Même  dans  les  monuments 
visités  par  les  trois  groupes  d'explorateurs  de  1907,  j'ai 
trouvé  à  glaner.  C'est  ainsi  que  la  grande  église  de  Toquale 
a  livré  une  inscription  nouvelle.  Peinte  en  lettres  vertes 
très  pâles  sur  un  des  maîtres-piliers,  elle  nous  avait  échappé 
à  tous,  il  y  a  cinq  ans.  C'est  un  texte  semblable  à  celui  que 
M.  Grégoire  avait  lu  dans  la  chapelle  latérale  '.  Comme 
celui-ci,  il  donne  la  date  de  l'achèvement  de  l'édifice;  mais 
comme  lui  aussi,  il  se  contente  d'indiquer  le  jour  et  le  mois, 
15  juin,  sans  mentionner  l'année,  la  seule  chose  que  nous 
aurions  voulu  savoir.  Ailleurs,  je  me  suis  trouvé  en  face  de 
textes  sur  la  lecture  desquels  planait  encore  quelque  incer- 
titude. Ils  avaient  été  publiés  par  M.  Rott  ;  puis,  M.  Grégoire 
survenant  avait  corrigé  les  lectures  de  son  devancier.  J'ai 
pu  comparer  sur  place  ;  et  si  plusieurs  de  ces  corrections 
doivent  être  acceptées,  d'autres,  par  contre,  seront  à  rejeter. 

Un  de  mes  principaux  soucis  a  été  d'obtenir  des  repro- 
ductions photographiques  aussi  parfaites  et  aussi  complètes 
que  possible.  En  1907,  nous  n'avions  guère  rapporté  que 
des  spécimens  choisis  dans  les  différentes  églises  :  faute  de 
temps  et  faute  d'appareils  appropriés,  aucun  des  explora- 
teurs de  cette  époque  n'avait  pu  faire  de  reproductions 
intégrales.  Cette  fois,  connaissant  les  conditions  dans  les- 
quelles j'aurais  à  opérer,  je  m'étais  muni  de  tout  l'outillage 
nécessaire,  et  je  crois  pouvoir  dire  que  le  succès  a  pleine- 
ment répondu  à  mes  espérances.  L'Académie  en  jugera  par 
les  quelques  exemplaires  ici  présentés. 

1.   Cf.   lUdl.  Corr.  Ilell.,  1909.  p.  M. 


324  LES    ÉGLISES    DE    CAPPADOCE 

Il  était  urgent  de  faire  ce  travail.  Depuis  mon  précédent 
voyage,  les  dégradations  s'étaient  multipliées.  Les  églises 
sont  abandonnées  ;  y  entre  qui  veut.  Les  bergers  et  les 
paysans,  les  enfants  surtout,  prennent  plaisir  à  détériorer 
les  peintures  ;  et  il  semble  que  l'attention  même  dont  ces 
monuments  commencent  à  être  l'objet  de  la  part  des  voya- 
geurs, en  y  attirant  aussi  les  indigènes,  les  menace  d'une 
plus   prompte  destruction. 

L'étude  et  la  comparaison  des  fresques  m'a  permis  d'éta- 
blir certains  groupements  qui  serviront  de  base  à  un  clas- 
sement chronologique.  C'est  ainsi  qu'à  Gueurémé,  parmi 
les  églises  à  décoration  complète,  je  distingue  trois  séries 
appartenant  à  trois  périodes  bien  tranchées.  A  Sinassos, 
j'ai  reconnu  que  l'église  des  Douze- Apôtres  reproduit  en 
partie  les  mêmes  modèles  qu'une  des  églises  de  Gueurémé. 
Dans  la  grande  église  de  Toqale,  je  crois  avoir  établi  la 
véritable  succession  des  deux  parties  de  la  décoration  — 
succession  qui  avait  été  méconnue  jusqu'à  ce  jour  —  et 
prouvé  que  les  peintures  les  plus  importantes  datent  du 
règne  de  Nicéphore  Phocas.  J'ai  présenté  au  XVIe  Congrès 
des  Orientalistes,  à  Athènes,  les  détails  de  cette  preuve  qui 
repose  sur  l'examen  du  monument  et  sur  la  comparaison  de 
ses  fresques  avec  celles  de  Tchaouch  In  '. 

Je  termine  en  attirant  l'attention  de  l'Académie  sur  cette 
église  de  Toqale.  Les  peintures  qui  en  décorent  la  princi- 
pale partie  sont  de  beaucoup  les  plus  remarquables  de  toute 
la  Cappadoce.  Là,  vraiment,  on  sent  la  main  d'un  artiste.  Le 
dessin  est  correct,  et  s'il  y  a  un  peu  de  monotonie  dans  les 
attitudes,  elles  sont  du  moins  naturelles  et  vivantes.  Il  y  a 
de  belles  poses,  des  gestes  nobles,  comme  ceux  du  Christ 
appelant  les  apôtres  dans  leur  barque  ou  de  saint  Pierre 
imposant    les  mains    aux   premiers   diacres.  Les  nus   sont 


1.  A  mon  sens,   la  découverte  de  Tchaouch   In,  dont  j'ai  parlé  tout  à 
l'heure,  n'a  toute  sa  valeur  que  par  le  fait  qu'elle  permet  de  dater  Toqale. 


LES    ÉGLISES    DE    CAPPADOCE  328 

traités  avec  habileté  :  dans  le  Baptême,  par  exemple,  le  corps 
du  Christ  bien  modelé  et  de  proportions  justes  fait  penser 
à  la  belle  mosaïque  de  Ravenne.  Les  visages  aux  touches 
fortes,  au  relief  saisissant,  ont  une  remarquable  expression 
de  vie  :  on  en  a  un  exemple  dans  le  médaillon  de  saint 
Sakerdon.  Les  compositions  sont  harmonieuses  :  dans  la 
scène  de  l'Ordination,  les  deux  groupes  des  apôtres  et  des 
diacres  —  dilférenciés  par  le  costume  et  l'attitude  —  s'équi- 
librent de  part  et  d'autre  du  personnage  principal.  La  Pré- 
sentation n'est  pas  moins  remarquable  :  l'enfant  Jésus  qui 
passe  des  mains  de  la  Vierge  à  celles  de  Siméon  forme  le 
centre  de  la  composition,  autour  duquel  se  groupent  les 
quatre  autres  personnages  :  leurs  regards,  leurs  gestes, 
leurs  poses,  et  jusqu'aux  plis  enveloppants  des  draperies, 
tout  converge  vers  ce  point  central.  Il  y  a  là  un  souci 
de  l'ordonnance  tout  à  fait  exceptionnel  en  Gappadoce. 
J'ajoute  que  le  peintre  de  Toqale  est  capable  d'invention; 
beaucoup  de  ses  compositions  semblent  originales  :  il  me 
suffira  de  signaler  le  Crucifiement  où  l'habile  groupement 
des  personnages,  la  présence  du  décor  figurant,  d'une 
part,  les  rochers  qui  se  fendent,  de  l'autre,  le  voile  du 
temple  qui  se  déchire,  produisent  un  si  heureux  elfet. 

Par  la  tonalité  de  ses  couleurs,  la  décoration  de  Toqale 
ne  tranche  pas  moins  sur  les  autres.  Bien  qu'une  partie  des 
fresques  soient  aujourd'hui  très  tournées  au  noir,  de  l'en- 
semble ne  se  dégage  pas  moins  un  charme  pénétrant.  Sur 
un  fond  d'un  beau  bleu,  les  personnages  défilent,  drapés 
dans  des  costumes  où  dominent  le  gris  et  le  bleu  avec 
quelques  touches  de  rouge  —  mais  d'un  rouge  qui  tire  sur 
le  brun  ou  le  violet  el  n'a  rien  d'éclatant.  Ce  sont  les  mêmes 
teintes  neutres  dans  le  décor  de  rochers  ou  d'architectures. 
Dans  toute  cette  décoration,  rien  de  heurté;  pas  de  tons 
violents,  mais  des  harmonies  sourdes  qui  se  fondent  dans 
le  bleu  velouté  du  fond. 

Pour  me   résumer,  je  ne  craindrai   pas  de   dire  que  les 


326  ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES 

fresques  de   Toqale  peuvent  être  mises  en  parallèle  avec 
les    œuvres  les  plus  célèbres  de  l'art  byzantin. 

Plus  que  toutes  les  autres  peintures  de  Cappadoce,  elles 
méritaient  d'être  étudiées  et  publiées  en  détail.  Or,  d  une 
part,  l'obscurité  de  l'église,  la  teinte  des  couleurs,  la  grande 
hauteur  où  les  scènes  se  déroulent  et,  de  l'autre,  le  manque 
de  matériel  et  d'éclairage  approprié,  firent  qu'en  1907  aucun 
des  explorateurs  de  cette  église  ne  put  prendre  autre  chose 
que  des  photographies  d'ensemble.  Et  c'est  la  même  vue 
générale,  plusieurs  fois  reproduite,  mais  très  insuffisante, 
qui  peut  seule  jusqu'à  présent  donner  une  idée  des  pein- 
tures de  Toqale. 

Je  me  suis  appliqué  à  combler  des  lacunes  regrettables. 
Ayant  décidé  de  faire,  dans  la  publication  des  églises  de 
Cappadoce,  une  place  à  part  à  celle  de  Toqale,  je  l'ai  étudiée 
avec  un  soin  particulier.  Je  n'ai  rien  négligé  non  plus  pour  en 
obtenir  de  bonnes  photographies.  La  tâche  était  difficile  à 
cause  de  la  teinte  même  des  couleurs.  Je  crois  néanmoins 
avoir  réussi  dans  la  mesure  du  possible.  Je  rapporte  donc 
la  série  complète  des  fresques  de  Toqale,  et  quand  mon  der- 
nier voyage  n'aurait  produit  que  ce  résultat,  j'ose  espérer 
qu'il  ne  serait  pas  jugé  inutile  par  les  amis  de  l'art  byzantin. 


REMARQUES  SLR  i/lCONOGRAPHIE  DES  PEINTURES  CAPPADOCIENNES, 

PAR    M    G.    MILLET. 

Je  n'ai  pas  à  insister  sur  l'admirable  effort  accompli  par 
le  P.  de  Jerphanion,  ni  sur  le  succès  obtenu.  Vous  per- 
mettrez pourtant  à  un  homme  qui  connaît  par  expérience 
la  difficulté  d'un  tel  travail,  de  vous  dire  la  joie  profonde 
qu'il  a  ressentie  en  recevant  ces  belles  photographies,  nettes 
et    précises,   ces    riches  albums    qui  apprennent  tant    de 


ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES  327 

choses  nouvelles,  après  Rott,  après  Grégoire,  après  la  pre- 
mière mission  de  l'auteur  lui-même. 

Un  des  maîtres  de  nos  études  (Diehl,  Manuel,  p.  534  sq.) 
a  déjà  mis  en  lumière  les  caractères  essentiels  des  pein- 
tures cappadociennes.  Il  voudra  bien  me  permettre  d'ajouter 
quelques  observations,  qui  peut-être  feront  plus  vivement 
ressortir  l'importance  de  ces  documents.  Dans  cet  art  popu- 
laire, nous  ne  verrons  pas  seulement  «  les  reflets  affaiblis  de 
ce  qui  fut  un  grand  art  »  ;  nous  y  trouverons  aussi  des 
données  nouvelles,  peut-être  décisives  pour  éclairer  le  pro- 
blème que  vous  savez  :  Orient  ou  Byzance. 

Quelques  mots  d'abord  sur  les  dates.  Les  récentes  décou- 
vertes, dont  vous  avez  entendu  le  rapport,  nous  fourniront 
désormais  une  base  svire.  Le  transept  de  Toqale  fut  peint 
sous  Nicéphore  Phocas.  La  nef  est  beaucoup  plus  ancienne. 
A  l'origine,  elle  constituait  l'église  a  elle  seule.  C'était  une 
de  ces  petites  basiliques  à  nef  unique,  très  simple,  comme 
il  y  en  a  tant.  Or  chacune  de  ces  parties  bien  distinctes  de 
l'édifice  :  nef  et  transept,  comprend  un  cycle  évangélique 
qui  se  suffit  à  lui-même.  Dans  la  nef,  il  est  simple  et 
archaïque  ;  dans  le  transept,  complexe  et  élégant.  Il  y  a 
deux  époques,  deux  écoles. 

En  fait,  dans  l'ensemble  des  fresques  cappadociennes, 
on  distinguera  deux  groupes.  L'un  archaïque,  sans  date, 
étroitement  apparenté  à  la  nef  de  Toqale,  peut  remonter 
au  ixc  siècle  ou  à  la  première  moitié  du  xe  siècle.  Nous  y 
comprendrons  bon  nombre  de  petites  chapelles  ',  surtout 
Hemsbey  Klissé,  une  des  dernières  du  groupe,  et  Balleq 
Klissé  qui  pourrait  être  une  copie  postérieure  de  ces  vieux 
modèles.  L'autre  plus  récent  :  transept  de  Toqale  et 
Tchaouch  In,  sous  Nicéphore    Phocas  ;  Sainte-Barbe,  sous 

1.  Le  P.  de  Jerphanion  m'indique  les  Douze-Apùtrcs  de  Sinassos,  la 
Théotokos,  Saint-Georges  et  Saint-Jean-lîapliste  de  Gueuièmé,  ainsi  que 
plusieurs  autres  petites  chapelles  encore  inédites,  El  Nazar  entre  Matehan 
et  Gueurémé.  Zilvé,  etc. 


328  ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES 

Basile  II  ;  Oarabach  Klissé,  en  1061  ;  Elmale,  Quaranleq 
Tcharegle,  qui  pourraient  appartenir  aussi  à  la  seconde 
moitié  du  xie  siècle. 

Le  premier  groupe  est  nettement  oriental.  Il  suit  l'ico- 
nographie syrienne  du  vie  siècle.  Le  second  subit  l'influence 
grandissante  de  Constantinople,  mais  conserve  toujours 
des  traits  qui  le  distinguent  des  monuments  proprement 
byzantins.  Ce  changement  paraît  correspondre  à  un 
grand  fait  historique  :  Nicéphore  Phocas,  en  96  i,  recon- 
quiert la  Cilicie,  Anarzabus,  Tarse,  au  Sud  de  la  Cappadoce  ; 
en  968,  la  Syrie  depuis  Antioche  jusqu'à  l'Euphrate.  En 
974,  Tzimiscès  prend  Amida.  La  puissance  de  Constanti- 
nople entoure  donc  la  Cappadoce  de  tous  côtés.  Puis  elle  y 
pénètre  plus  intimement.  Sous  Basile  II,  les  puissants 
feudataires  asiatiques  sont  vaincus.  Enfin,  en  1021,  les 
Seldjoukides  apparaissent  sur  le  sol  de  l'Arménie  :  Basile 
étend  la  suzeraineté  de  l'empire  jusqu'au  lac  de  Van  et  à 
Ani.  On  ne  s'étonnera  donc  pas  de  rencontrer  alors  le 
nom  des  empereurs  dans  les  dédicaces  et  les  caractères 
byzantins,  dans  les  compositions. 

Nous  voudrions,  par  quelques  exemples,  illustrer  un  des 
faits  qui  dominent  l'histoire  de  l'art  byzantin.  Dès  le  VIe 
siècle  et  durant  tout  le  moyen  âge,  deux  traditions  se 
trouvent  en  présence  :  la  tradition  antique,  que  nous  appel- 
lerons hellénistique,  cherche  la  noblesse  ;  la  tradition 
orientale  cherche  l'expression  et  la  vie.  La  tradition  hellé- 
nistique appartient  aux  grandes  cités,  telles  qu' Antioche 
et  Alexandrie.  Constantinople  l'a  reçue  d'elles  avec  la 
culture  littéraire.  Naturellement,  suivant  les  époques,  elle 
la  plus  ou  moins  bien  comprise  et  suivie. 

Or,  en  étudiant  les  thèmes  iconographiques,  on  peut  dis- 
tinguer les  deux  traditions.  Les  fresques  de  Cappadoce 
nous  y  aideront  puissamment. 

D'abord  elles  nous  permettront  de  rattacher  à  un  domaine 
précis  les    monuments  où  ce    caractère    réaliste    s'affirme 


ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES  329 

clairement.  Je  nommerai,  au  vie  siècle,  les  sculptures  des 
colonnes  de  Saint-Marc, encore  presque  antiques;  les  Evan- 
giles de  Rossano  et  de  Sinope,  qui  sont  au  contraire  admi- 
rables par  la  sincérité  et  l'expression  ;  au  vup  ou  vinc, 
l'Evangile  de  Saint-Pétersbourg  (n°  21)  non  moins  vigoureux, 
mais  déjà  plus  fruste;  au  ixe,  le  Codex  Hamilton(n°  246)  et 
surtout  les  Psautiers  à  illustrations  marginales  :  Ghludov, 
Pantocrator  61,  Paris  20,  peints  avec  aisance  et  fantaisie. 
Nous  formerons  ainsi  un  groupe  compact,  varié  et  nuancé, 
qui  se  relie  au  manuscrit  syriaque  de  Rabula,  aux  ampoules 
palestiniennes,  aux  encensoirs  mésopotamiens,  et  qui  s'op- 
pose d'une  part,  au  vi°  siècle,  aux  mosaïques  de  Ravenne, 
de  l'autre,  au  xie,  à  l'ensemble  des  monuments   bvzantins. 

7  7  J 

Nous  ne  savons  pas  toujours  au  juste  ce  qu'a  fait  Byzance 
dans  l'intervalle.  Mais  nous  constaterons  que,  d'ordinaire, 
les  thèmes  du  xie  siècle  se  rattachent  à  ceux  de  Ravenne. 

Voilà  déjà  un  fait  notable.  Il  peut  encore  n'intéresser 
que  les  byzantinistes  ;  mais  nous  le  signalerons  aux  histo- 
riens de  l'art  occidental  et  nous  leur  dirons  que,  s'ils 
veulent  remonter  aux  sources  de  l'iconographie  latine,  en 
Italie  et  en  Allemagne,  ils  les  trouveront  bien  souvent  en 
Syrie  et  en  Gappadoce.  Quant  aux  Slaves,  il  est  naturel 
qu'ils  aient  beaucoup  reçu  par  la  Volga,  la  Crimée  ou  le 
Danube. 

Pour  appuyer  ces  conclusions,  nous  examinerons  quelques 
thèmes  iconographiques. 

Voici  d'abord  qui  nous  montrera  le  caractère  très  parti- 
culier, nettement  oriental,  de  l'iconographie  cappadocienne, 
et  en  même  temps  son  étroite  parenté  avec  les  colonnes  de 
Saint-Marc.  L'art  du  vi°  siècle  a  souvent  représenté  les 
Mages  observant  ou  suivant  l'étoile.  Ils  sont  debout,  lèvent 
la  tète,  gesticulent  dans  des  poses  variées.  A  Venise,  l'un 
d'eux  examine  la  sphère  céleste  posée  sur  une  table,  l'autre 
déploie  un  rouleau,  le  troisième  lève  le  bras  vers  l'astre  que 
lui    montre    un  ange.   On   lit  :  «    Scrutatio   Prophétie   pro 


330  ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES 

Stella  ».  Dans  le  transept  de  Toqale,  ils  regardent  l'étoile; 
deux  d'entre  eux  tiennent  aussi  un  rouleau.  On  lit  :  si  Mavoi 
«rrpoXoYOtJvTeç.  La  prophétie  qu'ils  examinent  est  évidem- 
ment celle  de  Balaam  :  «  Un  astre  se  lèvera  de  Jacob.  >>  Saint 
Basile,  qui  était  cappadocien,  rapporte  qu'elle  fut  recueillie 
en  Perse  et  qu'on  se  la  transmettait  de  génération  en  géné- 
ration. Les  Mages  astronomes  observent  donc  le  lever  de 
l'astre  nouveau.  L'image  qui  illustre  cette  légende  a  dû  se 
former  parmi  les  chrétiens  de  Mésopotamie.  En  passant 
par  la  Palestine  et  par  les  milieux  hellénistiques,  ce  trait 
s'efface.  On  voulut  faire  de  Jérusalem  le  centre  de  l'épisode. 
On  figura  les  Mages  conduits  par  l'étoile. 

Nous  allons  maintenant  mettre  en  présence,  d'une  part, 
Ravenne  et  Byzance  ;  de  l'autre,  le  groupe  syrien  et 
cappadocien. 

Prenons  trois  épisodes  de  la  Passion  :  Cène,  Baiser  de 
Judas,  Jugement  de  Pilate.  D'abord  la  Cène.  A  Byzance, 
Judas,  assis  au  milieu  des  apôtres,  saisit  le  poisson  dans 
un  plat.  Sur  la  colonne  de  Saint-Marc,  en  Cappadoce  et 
dans  le  Psautier  Chludov,  il  est  au  bout  de  la  table,  sans 
nimbe,  désigné  par  son  nom,  ou  par  sa  grimace,  le  bras 
tendu  droit  vers  Jésus  ;  la  main  interroge. 

Que  signifie  cette  différence  ?  L'art  hellénistique,  à 
Ravenne,  conçut  d'abord  une  composition  idéale  où  Jésus 
seul  agit,  où  Judas  ne  se  distingue  pas  des  autres.  Puis  on 
serra  plus  près  le  récit  de  Mathieu.  On  voulut  faire  com- 
prendre que  Jésus  dénonçait  le  traître.  11  dit  :  «  Celui  qui  a 
plongé  avec  moi  la  main  dans  le  plat  me  trahira  »  (v.  23). 
Judas  demande  :  «  Est-ce  moi,  Seigneur  ?  »  Jésus  répond: 
«  Tu  l'as  dit  »  (v.  25).  Dans  ce  passage,  la  tradition  byzantine 
n'a  retenu  que  l'allusion  ;  elle  ne  la  rend  pas  à  la  lettre,  car 
jamais  Judas  ne  plonge  la  main  en  même  temps  que  Jésus  ; 
mais  elle  a  dessiné  au  contraire  un  geste  symbolique  :  le 
traître  ose  toucher  au  poisson.  La  tradition  orientale  saisit 


ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOf.IEINNES  331 

sur  le  vif  son  attitude  au  moment  dramatique  où  Jésus  le 
dénonce. 

Le  type  byzantin  se  trouve  constitué  dans  ses  grands 
traits  au  vip  siècle  dans  l'Evangile  de  Rossano,  qui,  sur  ce 
point,  se  sépare  de  notre  groupe  cappadocien.  Il  est  clair 
qu'il  appartenait  dès  celte  époque  à  la  tradition  de 
Gonstantinople. 

Venons  aux  deux  autres  thèmes.  Cette  fois,  nous  saurons 
comment  Gonstantinople,  au  vic  siècle,  les  a  compris.  La 
description  des  Saints-Apôtres  nous  le  montrera. 

La  Trahison  :  à  Ravenne,  aux  Saints-Apôtres  selon  toute 
vraisemblance,  et  dans  presque  tous  les  monuments  byzan- 
tins, Judas  vient  de  gauche  ;  toujours  les  soldats  se  mêlent 
aux  Pharisiens  et  au  peuple  ;  le  tribun  (Xo*/avi;)  les  entraîne, 
l'épée  nue.  Pierre,  à  Ravenne,  tire  discrètement  l'épée  ;  aux 
Saints-Apôtres  et  partout  ailleurs,  il  tranche  l'oreille  à 
Malchus.  En  Cappadoce,  dans  l'Evangile  de  Rabula  et  le 
Psautier  du  Pantocrator,  Judas  vient  de  droite  ;  des  hommes 
en  courtes  tuniques,  nommés  ((Juifs  »  ou  «Hébreux»,  en- 
tourent Jésus  ;  ils  tiennent  des  bâtons  et  des  torches,  non 
des  épées  ;  Pierre  et  Malchus  manquent. 

Cette  fois  encore,  nous  saisirons  deux  conceptions  diver- 
gentes. L'une  s'attache  au  texte  canonique,  qui,  dans  ces 
épisodes  et  dans  les  autres,  place  les  soldats  ;  l'autre  au 
texte  apocryphe,  qui,  racontant  le  jugement,  les  humilia- 
tions et  le  supplice,  ne  met  en  scène  que  les  Juifs. 

Ces  différences  s'accusent  plus  fortement,  si  nous  exami- 
nons le  Jugement  de  Pilate,  qui  remplit  le  récit  apocryphe 
de   ses    incidents  merveilleux  et  de  ses  péripéties  sans  fin. 

L'idéalisme  antique  n'a  retenu  de  Mathieu  que  le  geste 
symbolique.  Sur  les  sarcophages,  à  Ravenne,  Pilate  est 
simplement  assis  sur  un  des  côtés  de  la  composition  et  se 
lave  les  mains.  Au  contraire,  la  colonne  de  Saint-Marc  et 
l'Evangile  de  Rossano  représentent  le  prétoire,  avec  tout 
l'appareil  de   la  puissance   romaine  :   Pilate  siège  derrière 


332  ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES   CAPPADOCIENÎŒS 

une  table  massive,  entre  les  enseignes,  entouré  par  des 
satellites  et  des  secrétaires.  A  Saint-Marc,  nous  suivons 
presque  pas  à  pas  les  Gesta  Pilati.  Pilate  interroge  Jésus 
accusé  par  les  prêtres;  le  cursor  étend  son  faciale  sous  les 
pieds  du  Sauveur  ;  les  signa  paraissent  s'incliner  devant 
lui  ;  puis  le  juge,  indigné  contre  les  Juifs,  a  quitté  son  trône 
avec  colère,  voulant  fuir  loin  d'eux,  et  se  lave  les  mains, 
debout  devant  le  peuple.  Là  s'arrête  l'image;  nous  savons 
qu'il  retournera  ensuite  s'asseoir  sur  son  trône  pour  rendre 
la  sentence. 

Dans  l'Evangile  syriaque  de  Rabula,  on  simplifiera  la 
composition  ;  en  Gappadoce,  à  Hemsbey  Klissé,  Pilate  se 
lave  les  mains,  comme  à  Ravenne  ;  mais  toujours  se  dres- 
sera à  ses  pieds  la  table  du  juge.  Nous  retrouverons  même 
à  Hemsbev  Klissé  un  trait  singulier  de  la  colonne  de  Saint- 
Marc  :  la  femme  de  Pilate  au-dessus  de  lui,  passant  la  tête 
dans  une  lucarne.  La  table  devant  Pilate  sera  le  signe  de 
l'iconographie  orientale  ;  elle  manquera  dans  les  monu- 
ments byzantins,  par  exemple  à  Samari  au  xne  siècle,  au 
Mont-Athos  au  xvic  ;  elle  reparaîtra  dans  les  monuments 
serbes,  qui  doivent  beaucoup  à  la  Gappadoce  et  à  la  Pales- 
tine. 

Le  Jugement  de  Pilate  ne  se  voyait  pas  aux  Saints- 
Apôtres.  Le  récit  de  la  Passion  finissait,  semble-t-il,  par  le 
reniement  de  Pierre  et  le  suicide  de  Judas.  Un  sentiment 
de  réserve  tout  antique  avait  écarté  de  parti  pris  les 
épisodes  douloureux,  justement  ceux  que  la  légende  pales- 
tinienne développe  avec  tant  de  complaisance.  Cette 
réserve  nous  paraîtra  remarquable  dans  un  monument  où 
les  textes  de  Mathieu  et  de  Jean  se  trouvaient  illustrés 
avec  précision  et  vérité.  L'influence  apocryphe  se  fait 
sentir,  sous  la  plume  de  Ghoricius,  à  Gaza.  Elle  n'a  point 
atteint  Constantinople. 

Revenons  à  la  Gappadoce.  Les  types  orientaux  de  la  Gène 
et  de   Judas  se  rencontrent  ensemble  dans  le  groupe  ar- 


ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES  333 

chaïque  à  Balleq-Klissé,  dans  la  nef  de  Toqale,  à  Ilemsbey 
Klissé.  Mais  ensuite  Byzance  reprend  l'avantage.  A  Toqale 
même,  dans  le  transept,  la  Cène  est  byzantine  ;  nous  ne 
pouvons  juger  de  la  Trahison  qui  a  disparu.  Vers  le  milieu 
du  XIe  siècle,  nous  trouvons  la  Cène  byzantine,  la  Trahison 
avec  Judas  à  droite,  mais  avec  Pierre  et  Malchus,  et  la  foule 
mélangée.  Visiblement  on  hésite.  La  tradition  locale  est 
encore  forte.  Plus  loin,  aux  extrémités  de  la  Cappadoce,  à 
Mélitène,  en  10.j7,  dans  un  manuscrit  arménien  (Macler, 
Rapport,  Nouv.  Archives,  1909,  extrait,  p.  41),  on  peint 
dans  la  Cène  Judas  au  bout  de  la  table,  comme  autrefois; 
et  dans  le  jardin  des  Oliviers,  à  gauche,  suivant  la  manière 
byzantine. 

Posons  maintenant  le  troisième  terme  :  l'Occident.  En 
Occident,  on  sait  que  Judas,  dans  la  Cène,  se  tient  en  avant 
de  la  table.  Ce  trait  apparaît  d'abord  dans  le  Pétersbourg 
21,  variante  du  type  cappadocien.  Dans  la  Trahison,  le  plus 
souvent,  il  vient  de  droite  comme  en  Cappadoce.  En  outre, 
il  est  violemment  saisi  par  les  bras.  Ce  geste  vulgaire  eût 
répugné  au  goût  byzantin.  C'est  l'Orient  qui  l'a  conçu. 
Dans  le  Psautier  du  Pantocrator,  David,  ligure  de  Jésus, 
subit  ce  traitement  grossier.  Au  xue  siècle,  un  manuscrit 
syriaque  du  British  Muséum  et  notre  Copte  13  le  montrent 
appliqué  à  Jésus. 

Le  Baptême  nous  suggérera  les  mêmes  remarques.  Dans 
l'art  hellénistique  à  Ravenne,  à  Constantinople,  au  vie  siècle, 
sur  une  colonne  de  Tchnili-kiosk,  Jésus  se  tient  de  face, 
les  deux  bras  pendants.  Dans  l'art  syrien  et  cappadocien, 
la  main  gauche  ou  même  parfois  les  deux  mains  masquent 
son  sexe.  L'Occident  copie  ce  geste  naïf,  mais  plus  tard,  au 
XIe  siècle,  en  France.  Haselolf,  ayant  relevé  bien  des  traits 
byzantins  dans  les  miniatures  de  Thuringe  et  de  Saxe,  vers 
le  début  du  xin1'  siècle,  déclare  celui-ci  purement  occidental. 
Assurément  il  ne  saurait  être  byzantin.  Il  vient  d'Orient. 

Voici   un    autre   trait   typique.    L'art  hellénistique,    l'art 


334  ICONOGRAPHIE    DES    PEINTURES    CAPPADOCIENNES 

syrien  du  VIe  siècle  représentent  Jésus  à  demi  plongé  dans 
le  fleuve,  qui  coule  aux  pieds  de  Jean.  En  Cappadoce,  le 
Sauveur  se  tient  presque  au  même  niveau  que  le  Baptiste. 
L'eau  monte  vers  lui  et  forme  autour  du  corps  une  sorte  de 
dôme  aux  contours  rigides,  se  détachant  sur  le  fond,  sans 
aucune  trace  de  rocher.  Ce  procédé  est  commun  en  Occident. 

Ici  encore,  le  transept  deToqale  nous  montrera  le  progrès 
de  Byzance.  Le  Baptême  y  est  hellénistique.  Jésus  de  face, 
les  deux  bras  pendants,  soulève  à  peine  la  main  droite  pour 
bénir  les  eaux.  L'eau  atteint  les  épaules  de  façon  naturelle 
entre  deux  rives  ;  l'allégorie  du  Jourdain  assise  au  fond  est 
estompée  par  les  ondulations.  Les  artistes  byzantins  du 
xie  siècle  ne  font  que  reproduire  ce  modèle,  en  le  déformant 
plus  ou  moins. 

Ainsi  vers  la  fin  du  xe  et  au  xie  siècle,  Byzance  étend  sur 
l'Asie  à  la  fois  la  puissance  de  ses  armes  et  l'influence  de 
son  art.  Mais  la  vieille  iconographie  ne  meurt  pas.  Elle 
prend  de  nouvelles  forces  au  xive  siècle  et  contribue  à  ra- 
jeunir les  formules  byzantines  usées.  Une  obscure  bourgade 
de  Laconie,  un  modeste  monastère  basilien  d'Italie  conser- 
vent jusqu'en  ce  temps  les  types  primitifs,  tels  qu'ils  sont 
sortis  du  texte  ou  de  la  légende.  En  voyant  à  Mistra  le  gra- 
cieux berger  couronné  de  feuillage  et  charmant  ses  moutons 
au  son  de  sa  flûte,  comme  l'antique  Daphnis,  on  pensera 
aux  lettrés,  qui  inspiraient  les  artistes  sous  les  Paléologues. 
Mais  les  lettrés  ne  l'ont  point  inventé.  Ils  ont  revêtu  d'une 
grâce  antique  le  lourdaud  des  fresques  cappadociennes.  Or 
ce  lourdaud  nous  conduit  aux  sources,  car  on  lit  près  de  lui 
un  extrait  de  ces  beaux  chants  d'église  composés  vers  le 
ixe  siècle  par  les  mélodes  palestiniens  :  «  Arrêtant  le  chant 
des  flûtes  pastorales,  l'armée  angélique  s'écriait  :  Cessez 
de  passer  la  nuit  dans  les  champs,  vous  les  conducteurs  des 
troupeaux.    » 

Ces  quelques  observations  suffiront  peut-être  pour 
attirer  votre  attention  sur  ces  précieux  monuments.  Vous 


MISSION    DE    M.    BOULIFA    EN    HAUTE    KABYLIE  335 

avez  apprécié  les  qualités  éminentes  déployées  au  cours  de 
sa  mission  par  le  P.  de  Jerphanion.  Je  serais  heureux  si  les 
résultats  vous  paraissaient  dignes  de  l'effort.  Il  me  semble 
que,  désormais,  grâce  au  courageux  explorateur,  nous  pour- 
rons nous  former  une  conception  plus  pénétrante,  non  seu- 
lement de  l'art  byzantin,  mais  aussi  en  quelque  mesure  de 
tout  l'art  médiéval. 


NOTE    SUR    LA    MISSION    DE    M.    BOULIFA 
EN    HAUTE    KABYLIE, 
PAR    M.     RENÉ    BASSET,    CORRESPONDANT    DE    L'ACADÉMIE. 

J'ai  l'honneur  de  communiquer  à  l'Académie  les  résul- 
tats obtenus  par  M.  Boulifa,  répétiteur  de  berbère  à  la 
Faculté  des  lettres  d'Alger,  pendant  sa  troisième  mission 
en  Kabylie,  au  mois  d'avril  et  de  mai  1912,  pour  laquelle 
il  avait  obtenu  des  subsides  du  Ministère  de  l'instruction 
publique  et  de  l'Université  d'Alger. 

Cette  troisième  mission  n'a  pas  été  moins  fructueuse  que 
les  précédentes  ;  elle  a  eu  pour  théâtre  les  deux  communes 
mixtes  de  la  Mizrana  et  d'Azeffoun.  En  voici  sommaire- 
ment les  principaux  résultats  : 

Sur  le  pic  de  Makouda  ',  à  Ichqien  où  existait  un  poste 
militaire,  un  rocher  brut,  appelé  par  les  habitants  Ad'rar 
Ousendouq  (pierre  du  marché),  porte  ce  fragment  d'inscrip- 
tion : 

ECOFISK?)         NA 
LLON 

A  2  kil.  au  Sud  du  rocher  de  Makouda,  près  de  la  ferme 
Oumechqàn  (leTimechkanine  de  Gsell,  op.  laud.,  feuille  6, 
n°  31),   dans  la    vallée  du    ruisseau  Thasifth  Isthithen,   à 

1.  Cf.  Gsell,  Allas  aicln:t>lo(jique  de  V Algérie,  feuille  ti,  n°  30. 


336  MISSION    DE    M.    BOULIFA    EN    HAUTE    KABYLIE 

l'endroit  appelé  Aguerroudj   Ouhidja,   une  pierre  de  l"1  50 
de  long  sur  0"' 50  de  large,  porte  cette  inscription  : 

DMSIM     ALTA     NIS 
FILEX     VIET     VIXITAN 
NIS     LXXXXI       LXXXXV 

Elle  n'a  que  trois  lignes  ;  les  caractères  manquants  ont 
été  martelés  par  les  bergers  kabyles.  En  redescendant  sur 
Tigzirt  par  le  plateau  d'Agouni  gouran,  M.  Boulifa  releva 
un  certain  nombre  de  petits  postes  romains  a  quelque  dis- 
tance les  uns  des  autres. 

Entre  Tigzirt  et  Azeffoun,  à  29  kil.  200,  entre  les  deux 
portes  Hartar,  se  trouve,  sur  un  rocher  brut,  l'inscription 
FLRES,  et  au  même  point,  sur  le  rocher  appelé  If  ri  boua- 
dhou  (grotte  du  vent),  un  dessin  gravé  au  fond  d'une  grotte 
et  nommé  par  les  bergers  «  tête  à  quatre  yeux  »  représen- 
tant deux  volutes  affrontées. 

En  regagnant  la  crête  des  Ait  Jennad,  par  le  chemin  de 
la  côte,  M.  Boulifa  signale  un  nombre  assez  considérable 
de  postes  romains  ;  un  cimetière  à  Sidi  Khâled,  où  se  trouve 
une  quantité  de  sarcophages;  à  Thaourirth  Zouaoua,  un  fût 
de  colonne  surmonté  d'un  chapiteau  à  feuille  d'acanthe, 
chez  l'instituteur  du  village. 

A  Azeffoun  kabyle,  M.  Boulifa  a  trouvé  une  pierre  sans 
inscription,  mais  avec  ornementation  (instrument  de  sacri- 
fice, tête  de  taureau?);  une  stèle  placée  en  corniche  sur  la 
lucarne  d'une  maison,  lni  20  de  long  sur  0m  38  de  large  : 
elle  est  surmontée  d'un  croissant  et  divisée  en  caissons 
dont  l'un  porte  l'inscription  suivante  : 

CVILONIVS 

MEDICVS 

H- SE 

Un  fragment  encastré  dans  le  mur  d'un  gourbi  hors  du 
village  (inscription  peu  lisible)  : 


MISSION    DE    M.    HOULIFA    EN    HAUTE    KAKYLIE  337 

Un  autre,   également  incomplet,  sur  le  seuil  de  la  mai- 
son d'Arezki  ben  Mohand,  dit  Bouzian,  et  où  on  lit  : 

VRRIV*  E 
ANIBVSIIC 
RSB  DEFVN 
IV  v  XX 

Une    mosaïque    en    trois    couleurs  :     blanc,    noir,    gris, 
déblayée  en  1911  et  mesurant  près  de  3  mètres  carrés. 

M.  Boulifa  a  également  étudié  la  conduite  d'eau  d'Azeffoun, 
déjà  signalée  par  Devaux  et  Vigneral  ',  et,  contrairement  au 
doute  exprimé  par  M.  Gsell-,  il  estime,  l'ayant  suivie  dans 
toute  sa  longueur,  qu'elle  venait  du  Tliamgout.  Sur  une 
étendue  de  deux  mètres,  entre  Ih'amziouen  et  Azeffoun, 
elle  se  compose  d'une  série  de  blocs  perforés  à  l'intérieur, 
emboîtés  les  uns  dans  les  autres  et  portant  sur  les  faces 
latérales  les  sigles  suivants  :  GFMS- NH  PV,  SIM,  CFMX, 
MDC,  TPF,  ddl,  K€MZ,  SPI^Sa/  Dl|,  et  un  groupe  qui 
paraît  libyque  ADIO.  De  la  source  du  Thamgout 3,  jusqu'à 
Ih'amziouen,  le  système  de  canalisation  paraît  différent. 
Des  traces  de  maçonnerie  en  pierres  et  en  briques  cimen- 
tées, existent  au  col  de  Thala  'Aei  (source  d'Ali)  et  de 
Thaouint  iqouran  (la  source  tarie)  près  du  village  d'El 
Qala'a. 

C'est  à  l'Ouest  de  ce  village,  sur  le  flanc  nord  du  Tham- 
gout', à  l'endroit  appelé  Aijounilhad  (plateau  du  dimanche), 
que  M.  Boulifa  a  découvert  une  nouvelle  stèle  libyque, 
représentant  un  personnage  debout,  levant  les  bras  en  signe 
d'adoration.  Elle  est  gravée  sur  une  dalle  de  grès  dur,  de 
couleur  grisâtre,  mesure  0m72  sur  I)1"  54  de  largeur  etOm  19 
de  profondeur.  Les  traits  du  visage,  visibles  encore  il  y  a 

1.  Cf.  Gsell,  Les  monuments  antiques  de  l'Algérie,  t.  I,  p.  2â7. 

2.  Allas  archéoloifique,  feuille  6,  n0'  70-71  . 

3.  AtlAi  nrchéolotjique,  feuille  •>,  n"  i:\. 

1912.  23 


338  LIVRES   OFFERTS 

une  dizaine  d'années,  ont  été  mutilés  par  les  bergers. 
L'image  est  entourée,  à  droite  et  à  gauche,  d'une  double 
inscription  qui  paraît  incomplète  d'en  haut. 

V9    C?)  y 

Il  U 

0  ^ 

>  ir 

o 

0  II 

* 

II 
1+ 

Si  Ton  songe  que  ces  recherches  ont  duré  quatre  semaines 
et  qu'elles  ont  été  interrompues  par  le  mauvais  temps  et 
des  accès  de  fièvre,  on  reconnaîtra  que  M.  Boulifa  a  de 
nouveau  bien  mérité  des  études  africaines. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Paul  Foucart  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

<(  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  le  premier  fascicule  des  Ins- 
criptions de  Dclos,  dont  l'auteur  est  M.  Félix  Diïrrbach ,  ancien 
membre  de  l'École  d'Athènes,  professeur  à  l'Université  de  Tou- 
louse. 

«  La  publication  de  ce  recueil  a  été  faite  en  exécution  d'une  con- 
vention, déjà  ancienne,  conclue  avec  l'Académie  des  Sciences  de 
Berlin.  Nous  sommes  heureux  de  constater  que  cette  convention  n'a 
suscité  aucune  difficulté  sérieuse  ;  toutes  les  questions  ont  été  réso- 
lues facilement,  grâce  à  l'esprit  d'équité  scientifique  et  de  concilia- 
tion dont  ont  fait  preuve  les  commissaires  de  l'Académie  de  Berlin, 
M.deWilamovil/.-Moellcndorff,que  vous  avez  élu  votre  associé  étran- 
ger, et  M.  Ililler  de  Gaertringen,  qui  a  publié  plusieurs  volumes  du 
Corpus.  Ainsi  qu'il  était  convenu,  la  commission  que  vous  avez 
nommée  a  examiné  le  manuscrit,  surveillé  la  correction  des  épreuves, 
et  c'est   son    président  qui  a  régulièrement  donné  le    bon  à   tirer. 


LIVRES   OFFERTS  339 

Comme  vous  le  verrez,  un  double  titre,  imprimé  sur  deux  pages  en 
regard  l'une  de  l'autre,  constate,  d'une  part,  que  le  volume  de  Délos 
fait  partie  du  Corpus  des  Inscriptions  grecques  publié  par  l'Acadé- 
mie de  Berlin;  de  l'autre,  qu'il  parait  sous  la  direction  de  notre 
Académie  et  que  le  présent  fascicule  est  l'œuvre  de  M.  Diirrbach. 

«  L'impression  a  commencé  en  juin  1911  cl  douze  mois  ont  suffi 
pour  achever  ces  vingt  feuilles,  singulièrement  pleines  et  denses.  Ce 
résultai  fait  grand  honneur  à  M.  Dûrrbach,  dont  le  zèle  ne  s'est  pas 
ralenti  un  moment.  Votre  commission  est  unanime  à  signaler  d'autres 
qualités,  qui  recommandent  son  travail.  Le  plus  vif  souci  de  l'exacti- 
tude, la  plus  grande  prudence  dans  rétablissement  du  texte,  la  plus 
juste  mesure  dans  la  rédaction  des  commentaires  s'y  joignent  à  une 
connaissance  approfondie  des  inscriptions  déliennes.  Nos  confrères 
de  Berlin,  M.  de  Wilamowitz-Moellendorff  et  M.  Hillér  de  Gaertrin- 
gen,  qui  ont  activement  collaboré  à  l'amélioration  du  texte  et  à 
la  correction  des  épreuves,  sont  d'accord  avec  nous  pour  rendre  jus- 
tice ;'i  l'auteur. 

«  Vous  savez  ce  qu'est  le  rôle  du  secrétaire  dans  une  commission. 
Je  crois  être  votre  interprète  en  adressant  nos  plus  vifs  remerciements 
à  notre  confrère.  M.  B.  Ilaussoullier.  Les  savants  apprécieront  les  heu- 
reuses correcliôns  et  restitutions  qu'il  a  apportées  au  texte  des 
inscriptions  ;  nous  tenons  à  dire  ici  combien  la  rapidité  de  l'exécu- 
tion a  dû  à  son  inlassable  activité  et  à  la  correspondance  presque 
quotidienne  qu'il  a  entretenue  avec  l'auteur  et  les  membres  des  deux 
commissions. 

«  L'aide  que  nous  a  donnée  l'Imprimerie  impériale  de  Berlin  ne 
saurait  être  passée  sous  silence.  Vous  pourrez  apprécier  par  vous- 
mêmes  l'exécution  typographique  et  la  correction  du  volume.  Nous 
avons  eu  à  nous  féliciter  de  la  rapidité  et  de  la  régularité  avec  les- 
quelles les  envois  nous  ont  été  faits  et  de  l'intelligence  avec 
laquelle  les  corrections  ont  été  exécutées. 

<<  Le  présent  fascicule  renferme  la  première  série  des  comptes  et 
des  inventaires  déliens,  de  314  à  2)j0.  datant  de  la  période  où  Délos 
était  indépendante.  C'étaienl  les  textes  les  plus  originaux  et  les  plus 
impatiemment  attendus.  —  Pour  la  rentrée  prochaine,  tandis  que 
M.  Diirrbach  mettra  la  dernière  main  à  la  seconde  série  des  inven- 
taires, M.  Louis  Roussel,  actuellement  en  mission  à  Délos,  doit  nous 
remettre  la  collection  des  décrets,  dont  l'impression  commencera 
en  novembre  1912. 

«  L'Académie  a  entendu  bien  des  promesses  au  sujet  des  volumes 
de  Délos  ;  elle  se  réjouira  de  voir  enfin  un  commencement  de  réali- 
sation.   Elle  fera,  je   l'espère,    bon  accueil  à  ce  premier  fascicule,  et 


340  SÉANCE    DU    19    JUILLET    1912 

voudra  en  témoigner  sa  satisfaction  à  M.  Diïrrbach,  qui  a  si  bien 
commencé  une  publication  faite  par  nos  soins  et  sous  notre  patro- 
nage ». 

Le  Président  se  fait  l'interprète  de  la  satisfaction  de  l'Académie 
et  renouvelle,  en  son  nom,  les  remerciements  exprimés  par  M.  Fou- 
cart. 

M.  Heuzey  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

i<  J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  le  dernier  fascicule  des 
Découvertes  en  Chaldêe.  La  présentation  est  faite  avant  tout  en 
mémoire  du  grand  initiateur  de  ces  fouilles,  Ernest  de  Sarzec,  dont 
le  portrait  est  reproduit  dès  les  premières  pages.  Sur  les  titres 
figurent  aussi  les  noms  des  deux  savants  assyriologues  qui  ont 
dirigé  la  partie  êpigraphique  de  l'ouvrage,  le  regretté  Arthur  Amiaud 
et  M.  François  Thureau-Dangin. 

«  Ernest  de  Sarzec  n'ayant  décrit  personnellement  que  quatre  de 
ses  campagnes,  j'ai  dû  rendre  compte  des  sept  dernières,  d'après 
les  photographies  et  les  plans  de  la  Mission.  C'est  l'objet  d'une 
étude  complémentaire,  placée  en  appendice  et  intitulée  :  Les  Cons- 
tructions de  Tello. 

«  L'heureuse  fin  de  ces  travaux  est  le  meilleur  remerciement  que  je 
puisse  adresser  à  l'Académie  pour  la  sympathie  particulière  qu'elle  a 
bien  voulu  témoigner,  il  y  a  quelques  mois,  au  plus  ancien  de  ses 
membres  ordinaires.  » 


SÉANCE    DU    19   JUILLET 


PRESIDENCE  DE  M.  LOUIS  LEGER. 

Le  Président  entretient  l'Académie  d'une  série  de  manuscrits 
qu'il  a  observés  clans  la  bibliothèque  de  Sofia,  manuscrits  en 
langues  orientales  qui  proviennent  de  la  bibliothèque  du  célèbre 
Pasvan-Oglou,  pacha  de  Widdin.  Il  y  a  près  de  3000  de  ces 
manuscrits. 

M.  II.  Cordikr  lit  une  note  sur  les  dernières  recherches 
relatives  à  l'Amérique  communiquées  au  Congrès  des  América- 
nistes  récemment  tenu  à  Londres. 


SÉANCE    DU   19    JUILLET    1912  341 

M.  Héron  de  Villefossiî  aiiDODce  à  l'Académie  une  intéres- 
sante découverte  épigraphique  qui  vient  d'être  faite  sur  le  terri- 
toire de  Bourbon-Lancy,  au  lieu  dit  Saint-Martin.  Il  en  doit  la 
communication  à  M.  Max.  Boirot,  correspondant  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France. 

Dans  une  tranchée  ouverte  près  du  chevet  de  l'église  de  Saint- 
Martin,  on  a  mis  au  jour  les  débris  d'une  plaque  votive  en 
marbre  blanc  qui  était  très  probablement  consacrée  à  Borvo  et 
à  Damona,  les  dieux  de  la  source  bienfaisante.  On  sait  tout 
l'intérêt  du  nom  divin  Borvo,  d'origine  gauloise  ;  ce  dieu 
préside  aux  sources  thermales  en  Gaule.  Les  noms  de  lieu 
actuels  Bourbon-Lancy,  Bourbon-l'Archambault,  Bourbonne- 
les-Bains,  etc.,  dérivent  de  ce  nom  Borvo;  le  nom  de  la 
maison  royale  de  Bourbon  en  dérive  également.  L'inscription 
malheureusement  est  incomplète.  En  attendant  un  meilleur 
texte  promis  par  M.  Boirot,  on  peut  dire  que  cet  intéressant 
ex-voto  a  pour  auteur  un  Gaulois  appelé  Suadorix  auquel 
les  divinités  étaient  vraisemblablement  apparues  en  songe.  Ce 
nom  propre  gaulois  a  été  déjà  rencontré  sous  la  forme  Sua- 
durix  qu'on  lit  sur  un  couteau  trouvé  à  Besançon.  Cette 
variante  a  engendré  Suaduriffius,  nom  d'homme  inscrit  sur  une 
pierre  de  Bessas  (Ardèche). 

M.  Anziani,  membre  de  l'École  française  de  Borne,  fait  une 
communication  sur  une  amphore  corinthienne  sortie  de  la 
nécropole  de  Bordj-Djedid  à  Carthage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  deux  photogra- 
phies d'une  amphore  corinthienne  trouvée  dans  la  nécropole  de 
Bordj-Djedid  à  Carthage.  Ce  vase  appartient  à  M.  Chavance, 
directeur  des  abattoirs  de  la  Goulette,  qui  l'a  découvert  par 
hasard  il  y  a  cinq  ans.  Se  promenant  sur  le  liane  sud  de  la  col- 
line qui  domine  les  thermes  d'Antonin,  il  remarqua  qu'un  des 
puits  d'accès,  au  fond  duquel  le  P.  Delattre  avait  déblayé  un 
caveau  funéraire,  présentait  une  cavité  latérale  à  mi-hauteur. 
Celte  cavité  était  encore  obstruée  par  des  pierres  noyées  dans  de 
l'argile;  toutefois  les  pluies  avaient  entraîné  au  fond  du  puits 
une  partie  de  cette  espèce  de  mortier.  M.  Chavance  réussit  à 
dégager  complètement  l'entrée,  et  pénétra  dans  un  caveau  rec- 
tangulaire où  il  découvrit  un  cadavre  inhumé,  les  pieds  vers  la 


342  SÉANCE   DU    19    JUILLET    1912 

porte.   Dans   ce   caveau   furent    recueillis  :  un    morceau   d'oeuf 


• 

V.'»  i 

■•:•>       v 
■'—  i  ri  ■\wtltU0  -v-»- 

i                                                                                    ■ 

S 

1  ^P^f,^^ 

j^^fc^mi^nife.  ?JS?  *-^^mbKB        j^^^^^^B 

taras     ^asH 

• 

■ 

ftiS$V>^ 

wwsk 

f 

-  «p 

iu.# 

V 

i 

•JFI 

T 

*^A*AV*>vV 

i  '^ÎH 

LAt 

irK»i-aLt>f<- 

*M       ^fcjfrv 

'  x      an 

JJ 

■fc  *-*'- -'    ^^H       V\ 

m  ->  f 

\j2K^^^^7-  3,**"''r* 

■ 

^£% 

r 

^ 

1    :*£% 

'>. 

a 

1 

p*«r» 

1 

^ 

ip 

f   ■ 

d'autruche  avec   un    oeil  peint,    une   lampe   punique    en   forme 
de  coquille  plissée,  enfin  notre  vase. 


SÉANCE    DU    19    JUILLET    1912  343 

«  C'est  une  amphore  de  0  m  35  de  hauteur,  à  anse  double,  à 
pause  large,  au  pied  court.  La  terre  est  grisâtre.  Le  bord,  assez 
épais,  n'est  pas  parfaitement  horizontal,  mais  présente  une  sorte 
d'ondulation  irrégulière.  Le  pied  est  en  partie  brisé.  Le  vase 
reposait  incliné  sur  le  flanc;  la  partie  qui  s'enfonçait  dans  l'argile 
humide  est  entièrement  décolorée,  mais  les  traits  incisés  restent 
nettement  visibles.  Sur  tout  le  vase,  d'ailleurs,  les  couleurs  sont 
loin  d'être  bien  conservées  :  le  fond  rouge  est  devenu  jaunâtre 
ou  gris  sale  ;  le  vernis  noir,  presque  intact  par  endroits,  a  géné- 
ralement passé  au  brun  verdalre. 

«La  panse  est  décorée  de  trois  zones  d'animaux  incisés.  La  zone 
supérieure,  coupée  en  deux  moitiés  par  les  attaches  des  anses, 
présente  de  part  et  d'autre  deux  lionnes  affrontées,  séparées  d'un 
côté  par  un  aigle  posé,  de  l'autre  par  une  fleur  de  lotus  renver- 
sée. L'aigle  a  la  tête  retournée  en  arrière;  de  plus,  il  est  placé 
verticalement,  sans  doute  parce  que  le  céramiste,  ayant  mal 
calculé  ses  proportions,  s'est  trouvé  disposer  entre  les  deux 
lionnes  d'une  place  insuffisante.  La  seconde  zone  présente  :  d'une 
part,  un  bélier  paissant. tourné  vers  la  gauche,  entre  deux  lionnes; 
d'autre  part,  un  cygne  et  une  lionne  tournés  vers  la  droite  et  un 
bélier  paissant  tourné  vers  la  gauche.  La  zone  inférieure  res- 
semble à  la  précédente,  sauf  qu'au  lieu  du  second  bélier  on 
trouve  un  bouquetin,  également  paissant  et  tourné  de  même.  La 
tète  du  bouquetin  et  les  corps  tout  entiers  de  la  lionne  et  du 
cygne  précédents  sont  dans  la  partie  qui  a  été  décolorée  par 
l'humidité  ;  le  dessin  seul  en  est  visible.  Les  zones  sont  séparées 
par  de  larges  bandes  noires. 

«  Les  animaux  présentent  les  caractères  ordinaires  du  style 
corinthien  archaïque  :  allongement  du  corps  et  minceur  des 
pattes  ;  les  lionnes  ont  toutes  le  dos  cambré,  la  tète  de  face  et 
la  queue  relevée.  Les  intervalles  sont  remplis  de  rosaces,  de 
palmetles  et  de  points,  en  nombre  considérable  ;  plus  peut-être 
que  n'importe  quelle  poterie  corinthienne,  ce  vase  est  caractérisé 
par  ce  qu'on  a  appelé  V  «  horreur  du  vide».  Celte  décoration 
surchargée  trahit  d'ailleurs  une  exécution  hâtive  :  sur  plus  d'une 
rosace,  le  vernis  ne  suit  pas  les  axes  marqués   parles  incisions. 

«   La  céramique  corinthienne  n'est  représentée,  tant  au  Musée 
Alaoui  qu'au  Musée  Saint-Louis  de  Carthage,  que   par   des  ary- 


344  LIVRES    OFFERTS 

bulles,  ala  bas  très,  skyphoi,  coupes  ou  plats  n'excédant  pas  0ml*2 
de  hauteur.  A  ses  mérites  propres  le  vase  de  M.  Chavance  joint 
celui  d'être  unique  en  son  genre  à  Garthage.  Par  là  surtout  il 
est  intéressant  :  c'est  la  seule  pièce  de  dimensions  considérables 
qu'ait  livrée  le  sol  carthaginois.  Or  les  nécropoles  de  Carthage 
ont  été  explorées  en  majeure  partie;  plus  particulièrement,  les 
cimetières  archaïques  de  Dermech  et  de  Bordj-Djedid  ont  été 
minutieusement  fouillés.  Qu'on  n'y  ait  trouvé  que  cette  seule 
amphore,  c'est  un  fait  remarquable,  d'autant  que  le  mobilier 
du  caveau  qui  la  contenait  n'avait  rien  de  luxueux.  Aux  yeux 
des  Carthaginois,  elle  devait  paraître  moins  un  objet  de  prix 
qu'une   curiosité  exotique. 

«  La  partie  de  la  nécropole  de  Bordj-Djedid  d'où  provient  ce 
vase  ne  peut  pas  être  antérieure  au  vie  siècle.  C'est  d'ailleurs  au 
vie  siècle  que  la  céramique  corinthienne  a  dû  se  répandre  à  Car- 
thage :  j'espère  le  montrer  prochainement  dans  une  étude  d'en- 
semble sur  la  céramique  d'importation  dans  les  nécropoles 
carthaginoises.  Aujourd'hui,  j'ai  voulu  seulement  faire  connaître 
un  monument  curieux  sorti  du  sol  de  l'Afrique  française  et 
demeuré  jusqu'ici  inédit.  » 

M.  Perrot  ajoute  quelques  observations. 

M.  René  Pichon  discute  et  commente  quelques  textes  latins 
de  Tite  Live,  de  Suétone  et  de  Juvénal,  relatifs  à  l'histoire  de 
l'atellane. 

MM.  Perrot,  Salomon  Reinach  et  Alfred  Croiset  présentent 
quelques   observations. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Salomon  Reinach  offre  trois  livraisons  d'un  ouvrage  de  M.  d'Ah- 
bois  i>e  Jubajnville:  TAin  B6  Cûalnge.  Enlèvement  du  taureau  divin, 
et  des  vaches  de  Cooley,  Ui  plus:  ancienne  épopée  de  FEurope  occiden- 


LIVRES    OFFERTS  345 

taie.  Traduction   par   II.  d'Arbois  de  Jurainvili.k,  membre   de  l'Ins- 
titut. lre,  2e  et  3°  livraisons   (Paris,  1907,  1900   et  1912,  in-8°). 

M.  IIiiHON  de  Vili.efosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur, 
M.  le  docteur  D.  Goldschmidl,  un  travail  intitule  :  Correspondance 
inédite  du  professeur  J.  C.  Schweighaeuser  arec  la  préfecture  du 
Bas-Rhin  au  sujet  de  ses  recherches  archéologiques  (Strasbourg,  1912, 
in-8°  ;  extr.  du  Bulletin  de  la  Société  des  sciences,  agriculture  et  arts 
de  lu  Basse-Alsace,  mars-avril  1912)  : 

«  A  la  suite  de  la  circulaire  envoyée  en  1819  par  l'Académie  des 
inscriptions  afin  de  recommander  aux  préfets  de  provoquer  des 
recherches  archéologiques  dans  les  départements,  Jean  Geoffroy 
Schweighaeuser  qui  avait  succédé  à  son  père,  l'illustre  helléniste 
Jean  Schweighaeuser,  comme  professeur  de  littérature  grecque  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Strasbourg  et  professeur  de  littérature  latine 
au  Séminaire  protestant,  qui  avait  été  placé,  aussi  comme  son  père, 
à  la  tête  de  la  Bibliothèque  municipale  où  se  trouvait  alors  la  collec- 
tion d'antiquités  réunie  par  Schoepflin,  sentit  naître  et  se  développer 
en  lui  cette  grande  passion  pour  les  monuments  antiques  de  l'Alsace 
qui  devait  l'absorber  pendant  le  reste  de  sa  vie.  L'Académie  avait 
annoncé  qu'elle  récompenserait  par  une  médaille  d'or  les  trois  meil- 
leurs mémoires  envoyés  en  réponse  à  sa  circulaire;  elle  fondait  ainsi 
notre  important  concours  des  Antiquités  nationales  qui,  depuis  près 
d'un  siècle,  a  provoqué  tant  de  recherches  et  qui  a  donné  en  France 
aux  études  historiques  un  développement  si  éclatant.  Les  deux  pre- 
miers mémoires  de  J.  G.  Schweighaeuser  furent  jugés  les  plus  com- 
plets et  les  meilleurs  ;  il  obtint  la  récompense  promise  et  ne  tarda 
pas  à  recevoir,  en  outre,  le  titre  de  correspondant  de  l'Institut. 

«  Malheureusement,  en  1824,  le  Ministre  de  l'intérieur,  M.  de 
Corbière,  jugea  bon  d'arrêter  les  recherches  archéologiques  qui  se 
poursuivaient  en  France  sous  le  patronage  de  notre  Académie;  dans 
une  pensée  d'économie  ridicule  et  bien  mal  comprise,  il  supprima  les 
trois  médailles  d'or  que  décernait  chaque  année  notre  Compagnie. 
M.  de  Martignac,  son  successeur,  les  rétablit  en  1828. 

<<  M.  le  docteur  Goldschmidt  a  découvert  aux  Archives  départe- 
mentales du  Bas-Rhin  cinq  mémoires  de  Schweigliaeuser  ainsi  que 
les  lettres  échangées  entre  l'archéologue  el  le  préfet.  On  y  reconnaît 
le  plan  que  suivit  Schweighaeuser  pour  répondre  aux  questions 
posées  par  l'Académie,  et  on  peut  ainsi  se  rendre  compte  des  diffi- 
cultés qu'il  eut  à  surmonter  pour  arriver  au  but.  Plus  de  400  dessins 
inédits  de  Schweighaeuser  ont  été  détruits  en  1870  pendant  le  siège 
de  Strasbourg,  lor,s  de  l'incendie  de  la  Bibliothèque  municipale,  avec 


0*46  SÉANCE    DU    26    JUILLET    1912 

les  nombreux  trésors  littéraires  et  artistiques  qui  étaient  accumulés 
dans  cet  établissement.  Il  serait  fort  intéressant  d'en  faire  connaître 
les  duplicata,  conservés  peut-être  dans  les  archives  de  notre  Acadé- 
mie. Notre  confrère  M.  Maurice  Prou  a  commencé  des  recherches 
dans  ce  sens;  elles  promettent  d'être  fructueuses. 

«  En  appendice  (p.  30-77),  on  trouvera  deux  documents  rédigés  par 
Schweighaeuser  :  1°  Rapport  sur  le  travail  relatif  aux  antiquités  du 
département  du  Bas-Rhin,  fait  à  la  /in  du  mois  de  janvier  1821.  Il 
contient  des  détails  précieux  sur  les  voies  romaines  de  la  contrée  et 
surtout  une  liste  importante,  avec  description  sommaire,  de  toutes 
les  anciennes  abbayes,  de  tous  les  anciens  châteaux  dont  Schwei- 
ghaeuser plaçait  la  construction  entre  le  commencement  du  xe  et  la 
fin  du  xive  siècles  ;  des  dessins  des  édifices  suffisamment  conservés 
accompagnaient  ces  indications;  2°  Eglises  et  chapelles  du  départe- 
ment du  Bas-Rhin  qui  m'ont  paru  offrir  un  intérêt  monumental.  Ces 
deux  documents  sont  intégralement  reproduits.  » 

M.  Léger  présente  au  nom  de  Fauteur,  M.  Tolkouchine,  un  ouvrage 
intitulé  :  Glorieuses  Annales,  ouvrage  publié  à  l'occasion  du  Cente- 
naire de  1812  (Odessa,  1912,  in-8°). 


SÉANCE  DU  26  JUILLET 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 


M.  Alfred  Merlin,  directeur  des  antiquités  de  la  Tunisie,  expose 
à  l'Académie  des  découvertes  récemment  survenues  à  Thuhurbo 
Ma  jus  '. 

M.  Dieiie  lit  une  courte  notice  sur  une  princesse  de  Trébi- 
zonde  qui  vivait  au  xve  siècle.  Depuis  Ducange,  on  la  désigne 
sous  le  prénom  de  Catherine,  et  sans  doute  ce  prénom  lui  est 
venu  du  titre  mal  compris  sous  lequel  les  contemporains  la  men- 
tionnent: Despina  Kaloun  (la  princesse).  En  réalité, elle  se  nom- 


i.  v 


on'  ci-après. 


DÉCOUVERTES    A    THUBURBO    MA.ÏUS  317 

mait,  d'un  prénom  bien  plus  byzantin,  Théodora  Comnène.  —  Et 
ceci  montre  combien,  dans  l'histoire  byzantine,  pour  les  grandes 
comme  pour  les  petites  choses,  bien  des  points  demeurent  encore 
obscurs  et  mal  compris. 

L'Académie  se  l'orme  en  comité  secret  pour  entendre  la  lec- 
ture du  Rapport  du  Secrétaire  perpétuel  sur  les  travaux  des 
Commissions  de  publication  de  l'Académie  pendant  le  premier 
semestre  de  1912  '. 


COMMUNICATION 


DÉCOUVERTES   A    THUBURBO   MA JUS, 

PAR    M.    ALFBED    MERLIN, 

DIRECTEUR    DES   ANTIQUITÉS    DE    LA    TUNISIE. 

Le  Service  des  Antiquités  de  la  Tunisie  a  fait  exécuter  au 
printemps  dernier,  sous  la  direction  de  M.  Louis  Drappier, 
quelques  fouilles  à  Henchir  Kasbat,  près  de  Pont-du-Fahs, 
sur  l'emplacement  de  l'ancienne  colonia  Julia  Aurélia 
Conimodn   Thuburbo  Ma  jus. 

Ces  travaux  ont  été  effectués  dans  les  deux  monuments 
les  plus  voisins  de  l'arc  de  triomple  situé  à  l'Est  de  la  ville, 
aux  points  désignés  par  les  lettres  F  et  G  sur  le  plan  qui 
accompagne  la  notice  explicative  de  Y  Atlas  archéologique 
de  la    Tunisie,  feuille  de  Zag'houane. 

L'édifice  G,  bâti  sur  une  éminence  qui  domine  la  ville2, 
était   jusqu'ici   regardé  comme  un  réduit    fortifié   byzantin. 


1.  Voir  ci-après. 

■2.  C'est  à  ce  monument  que  Guérin  fait  allusion  l 'oy.  arc/i.  en  Tunisie, 
II,  p.  3ii7  quand,  décrivant  les  ruines  de  Thuburbo  Af&jns,  il  parle  des  subs- 
tructions  d'un  vaste  édifice  renversé  île  fond  en  comble  et  situé  sur  une 
colline. 


348  DÉCOUVERTES  A  THUBURBO  MAJUS 

En  réalité,  les  sondages  nous  ont  montré  que  c'était  un 
temple  consacré  à  Saturne,  remplaçant  ici,  comme  en  tant 
d'autres  hauts  lieux  de  l'Afrique  romaine,  le  Baal  punique  ; 
au  pied  de  la  façade,  on  a  en  effet  retrouvé  la  dédicace  sui- 
vante (lettres  :  0ni  07  à  la  ligne  1,  0  m  04  aux  autres),  gravée 
avec  soin  sur  un  beau  bloc  de  marbre  long  de  0m  90, 
haut  de  0m36,  large  de  0m85  et  entourée  d'une  baguette 
plate  en  saillie: 

S    AT    V    R  N  O  ■  A  w  G  •  S  A  C  R- 

DIOPHANTVSBASSISERISFOMNI 
BVS-HONORIBVSTN  CIVITATE  •  SVA-  FWC 
TVS  •  SIGN  VM  •  MARMOREVM  ■  S  •  P'  P-  IDEMQ.-  DED-P-  D  ■ 

Le  dieu,  dans  la  statue  de  Diophantus,  se  présentait  sans 
doute  avec  l'attitude  qui  lui  est  habituelle  :  assis,  vêtu  d'un 
grand  manteau  qui  couvre  le  bas  du  corps  et  qui  est  ramené 
sur  les  cheveux,  tenant  de  la  main  droite  un  attribut, 
faucille  ou  couteau,  la  main  gauche  levée  et  rapprochée  de 
la  tête  '. 

Du  temple,  qui  a  été  remanié  à  basse  époque,  il  subsiste 
le  stylobate  en  grand  appareil  ;  sa  partie  postérieure  s'ar- 
rondit en  une  abside  dont  la  courbe  à  son  sommet  fait 
place  extérieurement  à  une  paroi  saillante  rectiligne.  Le 
sanctuaire  était  entouré  d'une  area  ceinte  de  murs  qui 
apparaissent  par  endroits  hors  du  sol  actuel  ;  on  a  reconnu 
également  la  présence  d'une  citerne  2. 

L'autre  édifice,  au  point  F  du  plan  que  nous  avons  cité, 
distant  du  premier  de  120  à  150  mètres  à  l'Ouest-Sud-Ouest, 
a  été  exploré  plus  complètement.  Il  offre  un  intérêt  parti- 


1.  Voir  par  exemple  Gsell,  Musée  de  Tébessa.  pi.  I.  n"  2  (p.  16):  pi.  I, 
n°  4  (p.  14  :  pi.  I,  n°  6  (p.  18  :  pi.  XI  et  p.  sO-81 ;  Gauckler,  Bull,  de  lu  Soc. 
ilrs  Antiquaires  de  France,  1898,  p.  282. 

2.  Comme  dans  bon  nombre  des  temples  de  tradition  orientale  connus 
en  Afrique  (Merlin,  Le  sanctuaire  de  Baal  el  de  Tanit  près  de  Siagu,  p.  38, 
n.  .">  . 


MHI  Constructions    romaines 
1:  '  j:.:    l  m  chrétiennes. 


DALLEE 


I 
I 


•T«£t>e ' p*l*  L  Dr^jiuu 


Fiji.  l.  —  Plan  du  temple-église  de Thuburbo  Majus. 


350  DÉCOUVERTES    A    TIIUBURBO    MAJL'S 

culier  :  c'est  un  temple  de  Baal-Saturne  et  de  Tanit-Cérès, 
qui,   au  temps  du  christianisme,  a  été  transformé  en  église 

Primitivement,  le  monument  se  composait  dune  cour, 
large  d'une  trentaine  de  mètres,  un  peu  moins  profonde, 
entourée  sur  trois  côtés1  de  portiques  dont  un  certain  nombre 
de  bases  sont  encore  en  place  ;  au  fond  de  la  cour  s'ouvrait 
une  petite  chambre  sensiblement  carrée  (6m  X  6m),  la  cella 
du  sanctuaire.  Sur  la  façade  régnait  peut-être  un  por- 
tique, qui  donnait  sur  une  place;  l'entrée  se  faisait  par 
deux  portes  en  face  des  galeries  latérales  du  péristyle  inté- 
rieur ;  la  place  allant  en  s'inclinant  du  Sud  au  Nord,  la 
porte  de  gauche  était  de  plain-pied  avec  elle,  tandis  que 
celle  de  droite  était  précédée  d'un  escalier.  Une  citerne 
en  forme  de  carafe  était  ménagée  dans  la  partie  antérieure 
de  la  cour. 

La  disposition  générale  de  la  construction  nous  incline  à 
y  voir  un  temple  réservé  à  un  culte  d'origine  orientale, 
comme  ceux  de  Saturne-Baal  à  Dougga  ou  d'Apollon-Baal 
à  Bulla  Recjia;  il  fut  bâti  ou  plutôt  réparé  à  l'époque 
romaine  :  sur  la  tranche  supérieure  de  deux  des  bases  de 
la  colonnade  gauche  (a),  la  première  et  la  cinquième  à 
compter  de  la  place,  on  lit  en  lettres  d'environ  0m  05 
la    marque    d'atelier   LVCEI    assez   sommairement  gravée. 

A  quelle  divinité  était-il  consacré  ?  Au  Sud  de  l'édifice, 
un  peu  en  dehors,  on  a  découvert  deux  ex-voto,  malheu- 
reusement mutilés,  dont  l'un  remonte  à  l'époque  punique, 
dont  l'autre  date  de  la  période  romaine. 

Le  premier,  qui  est  le  plus  curieux,  affecte  la  forme  d'un 
petit  temple  (haut.  1  '"  17  ;  larg.  max.  0m  48;  épaisseur 
0m  50)  ;  un  socle  mouluré  porte  un  édicule  que  surmonte  une 
haute  corniche  (fig.2).  Sur  le  stylobate,  en  avant,  était  gra- 
vée une  inscription  punique  de  deux  lignes  au  moins,  trois  au 

l.  Il  ne  parait  pus  y  avoir  eu  de  péristyle  adossé  au  mur  de  façade. 


3 

H 

-03 
> 

o 

u 


-a 


60 


3o2  DÉCOUVERTES    A    THÛBURBO    MA  JUS 

plus,  qui  est  aujourd'hui  presque  totalement  perdue,  la 
surface  de  la  pierre  étant  écaillée,  et  dont  il  ne  subsiste  plus 
que  quatre  à  cinq  lettres,  les  trois  premières,  à  droite,  de 
la  ligne  1  et  les  deux  premières  de  la  ligne  2. 

La  disparition  de  ce  texte  est  profondément  regrettable  5 
ce  qui  en  est  sauvegardé  nous  indique  que  l'inscription 
commençait  par  une  invocation  en  l'honneur  d\in  dieu, 
sans  doute  Baal,  dont  le  nom  était  peut-être  suivi  de  celui 
de  Tanit  '. 

Au-dessus  du  socle,  s'élève  en  retrait  la  cella,  qui  était 
jadis  précédée  de  deux  colonnettes.  Tandis  que  tout  le  reste 
du  monument  est  sculpté  dans  un  même  bloc  de  calcaire 
tendre,  les  colonnettes  avaient  été  façonnées  à  part  ;  elles 
se  sont  détachées,  mais  les  deux  scellements  au  plomb  qui 
servaient  à  en  assujettir  le  pied  sont  encore  visibles  en 
avant  dé  Pédicule .  Nous  n'avons  retrouvé  que  le  haut  d'une 
de  ces  colonnettes  (haut.  0m  20  ;  diam.  0m  065),  qui  étaient 
fort  élégantes,  avaient  vingt  cannelures  et  étaient  surmon- 
tées d'un  chapiteau  ionique  enrichi  à  sa  base  d'un  collier  de 
palmettes2.  Lacera  est  flanquée,  à  chacun  de  ses  angles 
antérieurs,  d'un  ante  à  quatre  cannelures,  dont  le  chapiteau 
est  décoré  par  devant  de  deux  rosaces  juxtaposées;  aux 
angles  postérieurs,  elle  est  rehaussée,  sur  les  faces  latérales 
seulement,  d'un  pilastre  non  cannelé,  qui  est  terminé  au 
sommet  par  une  volute  «  punique  »  avec  fleur  de  lotus. 

Sur  le  devant,  au  milieu,  un  peu  en  arrière  des  colonnes, 
se  creuse  une  cavité  assez  grande,  aux  contours  irréguliers, 
où  sont  encore  adhérents  des  débris  de  mortier  ayant  été 
employé  sans  doute  pour  un  scellement,  et,  entre  les  deux 
antes,  est  pratiquée  une  niche  à  fond  plat,  large  de  0m  14, 

1.  Cf.  une  autre  stèle  punique  précédemment  découverte  à  Thubnrbo 
Majus  (Ph.  Berger,  Bull,  archêol.  du  Comité,  1910,  p.  cçxxm). 

2.  Ce  chapiteau  rappelle  ceux  des  colonnes  de  l'Erechteion  (par  exemple 
Puchstein,  Das  ionische  Capilell,  p.  2  5,  fig.  16  ;  Benoît,  L'architecture, 
Antiquité,  p.  362,  fig.  244  ;  Noack,  Die  Baukunst  des  Altertums,  pi.  43,  a; 
cf.  pi.  38  à  40). 


DÉCOUVERTES    A    THUBURBO    MAJÙS  353 

haute  deOm  27o,  profonde  de  0"'  11,  arrondie  à  la  partie 
supérieure,  représentant  la  porte  de  la  cella,  qui,  elle,  n'a 
pas  été  évidée.  Sur  le  bandeau  qui  demeure  libre  au- 
dessous,  un  porc  marchant  à  gauche;  au-dessus,  dans  le 
tvmpan  d'un  fronton,  une  Heur  de  lotus  renversée  et  deux 
dauphins  se  regardant  ;  dans  chacun  des  angles  au-dessus 
du  fronton,  une  fleur  de  lotus. 

La  corniche,  qui  repose  directement  sur  les  deux  colonnes 
ioniques,  est  rehaussée  en  dessous  de  huit  caissons  répartis 
sur  deux  rangs  et  comprend  quatre  lignes  d'ornements 
séparées  par  des  listels  :  de  bas  en  haut,  denticules,  rais  de 
cœur  sous  une  rangée  de  perles,  oves,  chapelets  de  perles 
rondes  alternant  avec  deux  perles  plates;  au  sommet,  une 
moulure  rappelle  la  gorge  égyptienne. 

Cette  petite  chapelle,  si  remarquable,  montre  un  curieux 
assemblage  de  conceptions  helléniques  et  orientales  :  tout 
d'abord,  il  s'y  manifeste  le  même  mélange  de  formes 
grecques  et  de  motifs  orientaux  que  par  exemple  dans  le 
mausolée  libveo-punique  de  Dougga1,  dont  elle  nous  semble 
sensiblement  contemporaine.  Il  faut  en  rapprocher  ces  nom- 
breuses stèles  puniques  ou  de  tradition  punique  sur  les- 
quelles un  temple  est  reproduit  non  plus,  comme  dans  notre 
cas,  en  proportions  réduites,  mais  plus  ou  moins  schémati- 
quement,  gravé  à  la  pointe  ou  sculpté  en  bas-relief.  A  cet 
égard,  les  pièces  de  comparaison  les  plus  caractéristiques 
sont  les  stèles  de  la  Ghorfa,  conservées  au  Musée  du  Bardo2, 
où  est  figuré  souvent  un  temple,  flanqué  de  colonnes  et 
surmonté  d'un  fronton;  les  caissons  qui  décorent  le  plafond 

1.  Cf.  L.  Poinssot,  Comptes  rendus  de  VAcad.  des  inscr.,  1010,  p.  "80  et 
suiv..  où  l'on  a  aussi  des  colonnes  à  chapiteaux  ioniques  (p.  784  ,  des 
pilastres  à  volutes  (p.  785,  n.  2  :  p.  787,  il.  3  .  des  gorges  égyptiennes  (p.  78  i- 
785). 

2.  La  Blanchère,  dans  Bibliothèque  d'archéologie  africaine,  I.  p.  31  et 
suiv.;  La  Blanchère  el  Gauckler,  Cat.  du  Musée  Alaoui,  p.  62,  n01  "il  à  752. 
Sur  la  provenance  '1rs  stèles,  cf.  L,  Poinssot,  Bull,  archéol.  du  Comité, 
1905,  p.  •">!•.">  el  suiv. 

1912.  24 


:YM  découvertes  a  thurcrro  m  a  jus 

du  pronaos  sont  indiqués  en  projection  verticale  entre  les 
colonnes  et  le  fronton,  au-dessous  duquel  s'alignent  des 
rangées  de  perles,  d'oves,  de  denticules  ou  de  rais  de  cœur  ; 
on  rencontre  parfois  soit  au  faîte  de  la  stèle,  soit  au- 
dessous  du  temple  deux  dauphins  affrontés'. —  Au  point 
de  vue  religieux,  les  conceptions  puniques  et  grecques  se 
trouvent  associées  de  même  qu'au  point  de  vue  décoratif: 
le  dauphin  2,  la  fleur  de  lotus  sont  fréquents  sur  les  ex-voto 
puniques  de  Carthage  en  l'honneur  de  Tanit.  Quant  au 
porc,  c'était  l'animal  sacré  et  la  victime  préférée  de 
Déméter-Cérès  3,  à  laquelle  Tanit  était  parfois  assimilée  '*  ; 
il  est  vraisemblable  qu'il  est  sur  notre  monument  en  qualité 
de  victime,  de  même  que  le  taureau  sur  les  stèles  d'Aïn- 
Tounga  et  de  la  Ghorfa. 

Quelques  jours  avant  d'avoir  exhumé  cet  édieule,  on 
avait  mis  au  jour,  le  3  mai,  un  petit  piédestal  en  calcaire 
qui  avait  été   remployé    dans   une  construction  et    portait 

1.  La  Blanchère,  op.  cit..  pi.  IV,  n°  50;  pi.  V,  n°5i:  La  Blanclière  cl 
Gauckler,  op.  cit.,  nos  7  14  et  748. 

2.  Berger,  Gazette  archéologique,  1877,  p.  25.  cf.  p.  86. 

3.  Lcnormant,  dans  Daremberg  et  Saglio,  Dict.  des  Antiquités  gr.  et 
rom.,  I,  p.  1068.  A  U tique,  on  a  recueilli  un  bas-relief  représentant  une 
truie  parée  pour  le  sacrifice,  avec  une  dédicace  aux  Cereres  (Gauckler,  Bull. 
de  la  Soc.  des  Antiquaires  de  France.  1902,  p.  2  10-211).  Ici,  il  s'ajjit  d'un 
verrat  dont  le  sexe  a  été  fortement  accusé  par  le  sculpteur. 

1.  Sur  les  affinités  de  Tanit  avec  le  couple  Dcméter-Perséphoné  et  plus 
lard  Gérés  ou  les  Cereres,  cf.  Clermont-Ganneau,  Éludes  d'archéologie 
orientale,  I,  p.  149  et  suiv.;  Recueil  d'archéologie  orientale,  III,  p.  180  et 
suiv.;  Toutain,  Cultes  païens  dans  l'empire  romain,  I,  1.  p.  373-378: 
Audollent,  Carthage romaine,  p.  3!»4  :  Association  française  pour  l'avance- 
ment des  sciences.  Congrès  de  Carthage,  1896,  p.  802  et  suiv.  —  A  Bulla 
Regia,  nous  avons  un  exemple  caractéristique  de  l'assimilation  de  Gérés  à 
Tanit  (Merlin,  Le  temple  d'Apollon  à  Bulla  Regia,  p.  24-25  .  comme  ailleurs 
lorsque  nous  rencontrons  Gérés  associée  à  Saturnc-Baal  peut-être  C.I.L., 
VIII.  IN3S.  cf.  :0i>>8;  voirGsell.  Mél.  de  Rome.  1896, p.  148)  ou  à  Esculapc- 
Eschmoun  (C./JL,  VIII,  14447),  unie  à  Caelestis  (Carton,  Dec.  épigr.  et 
archéol.,  p.  216,  n°  405,  cf.  Cagnat  et  Gauckler.  Les  monuments  antiques 
de  la  Tunisie.  I,  p.  30;  Gauckler,  Bull,  archéol.  du  Comité.  1903,  p.  502- 
503,  n°'  13  et  11  ,  honorée  dans  des   sanctuaires  d'une  l'orme  toul  orientale 

Cagnal  el  Gauckler,  op.c'it.,  p.  -">5.  37:  cf.  Cagnat,  Bull,  archéol.  du  Comité, 

1892,  p.   186- 1*7  . 


DÉCOUVERTES  A  THUBURBO  MAJUS  355 

encore  des  traces  de  mortier  sur  toutes  ses  faces  (haut. 
0m  65  ;  larg.  max.  en  bas  0ni  26).  Il  montre  une  inscription 
gravée  avec  soin  (lettres  :  0  m  032-0  m  022);  sa  partie  supé- 
rieure est  endommagée  par  devant  et  la  cassure  a  enlevé 
du  texte  la  première  ligne  entière,  une  partie  de  la  seconde 
et  le  haut  des  dernières  lettres  de  la  troisième  : 


A   V   G   •   S  :  A   cr 

diopanThs 
c  i  t  t  i  n  •  d  i  o 
phanti.  fil-  fa 

B  E  R  •  V  •  S  •  L  •  A  • 
ET-SATVRNO 

PALMAARG 
*X X V   •  S • P  •  F • 


A  la  ligne  3,  il  y  a  sans  doute  une  erreur  du  lapicide, 
qui  a  transposé  F  H  après  le  T  au  lieu  de  le  mettre  après  le 
P  et  qui  a  omis  le  V  ;  il  faut   lire  Diop[h\ant<^h  J>[t/Js. 

Sur  le  côté  droit,  une  aiguière  ;  sur  le  gauche,  une 
patère;  au-dessous  de  la  moulure  supérieure,  un  chapelet 
de  perles. 

L'offrande  d'une  palme  à  Saturne  (palma(m)  arg(entearn) 
à  la  ligne  8)  rentre  dans  la  catégorie  des  présents  qui 
étaient  faits  d'ordinaire  à  ce  dieu  '. 

Il  est  fâcheux  que  le  nom  de  la  divinité  à  qui  l'autel  était 
dédié  ait  disparu,  mais  la  présence  sur  l'autre  monument 
déterré  au  même  endroit  d'un  animal  qui  fait  songer  à 
Déméter  nous  autorise  peut-être  à  conjecturer  que  la  ligne 
aujourd'hui  anéantie  en  tête  portait  la  mention  Cereri  ou 
Ccreribus  2.  Les  deux  ex-voto  auraient  été  ainsi  offerts  aux 
mêmes  divinités,  honorées  sous  leur  forme  punique  ou 
romanisée  ;  le  sanctuaire  était  apparemment  dédié  a  Baal  et 

1.  Toutain,  De  Saturai  dei  in  Af'rica  romand  cultu,  p.  100  et  suiv. 

2.  Nous  avons  peut-être  un    autre  argument  en  faveur   de  cette  hypo- 
thèse :  on  a  exhumé,  au  cours  des  fouilles,  des  restes  d'une  petite  chapelle 


356  DÉCOUVERTES    A    THUBURBO    5IAJUS 

k  Tanit,  vénérés,  aux  temps  romains,  sous  les  noms  de 
Saturne  et  de  Gérés. 

A  basse  époque,  sans  doute  vers  le  début  du  vie  siècle,  le 
monument  fut  profondément  remanié  ;  un  mur  coupa  en 
deux  sa  cour  de  l'Ouest  à  l'Est,  et  dans  la  moitié  méridio- 
nale de  Yarea  et  du  péristyle  fut  installée  une  église  ', 
orientée  en  sens  inverse  du  temple,  son  preshyterium  sui- 
vant l'usage  au  levant  ;  la  travée  gauche  du  portique 
devint  ainsi  la  nef  droite  de  la  basilique  et  une  seconde 
rangée  de  colonnes  fut  disposée  entre  la  nef  principale  et  la 
nef  gauche  ;  des  portes  furent  percées  dans  certains  murs  ; 
la  partie  inutilisée  du  temple  devint  un  lieu  d'inhumation  ?. 

Cette  église,  qui  subit  elle-même  des  modifications,  n'a 
pas  de  particularités  notables.  Les  trois  nefs  étaient  sépa- 
rées par  des  cancels  appuyés  aux  colonnes  ;  elles  étaient 
pavées  de  mosaïques  géométriques,  en  cubes  de  marbre, 
presque  entièrement  détruites  ;  quelques  dalles  de  calcaire 
(on  en  compte  trois),  portant  des  épitaphes,  sont  encastrées 
dans  le  sol  (B),  recouvrant  des  sépultures;  ces  épitaphes 
sont  banales  ;  la  formule  fidelis  in  pace  qui  se  lit  sur  deux 
d'entre  elles  (la  troisième  est  très  abîmée)  permet  de  les 
dater  du  vie  siècle.  Les  colonnes,  hautes  de  3m  45,  étaient  en 
calcaire  noirâtre;  toutes  les  bases  sont  encore  en  place. 
L'autel  s'érigeait  au  milieu  du  vaisseau  central;  il  était 
isolé  par  des  cancels   barrant  transversalement  la  nef;  le 

qui  semble  avoir  été  érigée  dans  le  sanctuaire,  notamment  la  partie  droite 
dune  architrave  (long.  0m80;  haut.  0  m  25)  sur  laquelle  on  voit  une  cor. 
beille  de  fruits  et  une  torche  allumée,  attributs  qui  conviendraient  bien  à 
Cércs. 

J.  A  Thuburho  Ma  jus,  le  temple  de  Mercure  fut  peut-être,  lui  aussi, 
transformé  en  église  (Schmidt,  dans  C.I.L.,  VIII,  au  n°  12372).  —  Sur  les 
évoques  de  cette  ville,  cf.  C.I.L,  VIII,  p.  106:  Mesnage,  L'Afrique  chré- 
tienne, p.  90-91. 

2.  Il  est  relativement  rare  que  des  sanctuaires  chrétiens  aient  été  installés 
en  Afrique  dans  des  édifices  d'une  époque  antérieure  (Gsell,  Monuments 
antiques  de  V Algérie,  II,  p.  121).  A  Carthage,  le  temple  de  Caelestis  fut 
converti  en  église  le  jour  de  Pâques  399  Gagnât  et  Gauckler,  op.  cit.,  p.  24- 
25). 


DÉCOUVERTES    A    THUBL'RBO    MAJUS  'M')l 

preshyterium  ne  semble  pas  avoir  été  flanqué  de  sacristies. 

Il  y  avait  deux  entrées,  peut-être  trois  :  l'une  dans  l'axe 
de  la  nef  principale  ;  l'autre,  donnant  dans  la  nef  latérale 
droite  ;  la  troisième,  douteuse,  s* ouvrant  au  fond  de  cette 
nef,  là  où  se  trouvait  précédemment  une  des  portes  du 
sanctuaire  de  Tanit. 

Les  matériaux  de  remploi  sont  nombreux  ;  devant  le 
presbylerium  notamment,  un  bandeau  de  pierre,  au  niveau 
du  sol,  était  constitué  par  deux  grands  blocs  juxtaposés  : 
l'un  était  une  corniche,  dont  le  dessus  seul  était  apparent  ; 
l'autre  (G),  long-  de  2m  05  ',  large  de  0"' 50,  montre  une  ins- 
cription qui  avait  été  placée  horizontalement  et  dont  le 
milieu  a  été  plus  ou  moins  usé  par  les  pas  (lettres  :  0  "'  08  à 
la  ligne  1  ;  0  '"  07  aux  autres)  : 


SALVTE  IMP  CAES  M  AVRELI  SEVERL  ANTONINI  VU  f cl  ici  s 
.PART  MAX  BRIT  MAX  GERM  MAX  P  M ...  IMP  II  COS-IIII-P-P/>/w<w.< 
!  E  DOMNAE  AVG  PIAE  FEL  MATR  is. . .  .  TOTIVSQDIVDOMV^  corn, 
/VLAVRCOMTHVBMAIVSEXCEPTORIA....I.IANAA  SOLOPP/«r; 

L'inscription2  est  certainement  postérieure  au  mois  d'oc- 
tobre 213  où  Garacalla,  cas.  iiii  depuis  le  1er  janvier,  prit  le 
surnom  de  Germanicus  ma.xim.us  et  sa  troisième  salutation 
impériale3;  on  observera  qu'ici,  bien  que  l'empereur  soit 
qualifié  de  Germanicus  maximus,  il  est  dit  seulement  imp. 


1.  Incomplet  aux  deux  extrémités. 

2.  Entre  PM  et  IMP  II,  il  manque  5  à  6  lettres  :  Ir.  p. . . .;  entre  MATR  et 
TOTIVSQ,  il  y  a  place  pour  20  lettres  :  c'est  soit  en  totalité  avec  des 
abréviations,  soit  en  partie  la  formule  Auffusti  et  castrorum  el  senatus  el 
patriae;  entre  RIA  et  IANA,  il  faut  restituer  à  peu  prés  7  lettres;  au  bout 
des  lignes  2,  3,  et  i.  après  les  lettres  que  nous  donnons,  la  pierre  est 
écaillée. 

3.  Von  Rohden,  dans  Pauly-Wissowa,  Real-Encyçlopâdie,  [I,  col.  2i.'57 
et  2138. 


358  DÉCOUVERTES    A    THUBERBO    MAJUS 

ii  '.  Les  noms  portés  par  le  prince  sont  fréquents,  surtout 
en  Afrique,  entre  212  et  217  ~. 

On  ne  connaît  dans  l'épigraphie  africaine  que  deux 
exemples  du  mot  exceptorium,"  qui  désigne  un  endroit  où 
l'eau  était  mise  en  réserve  ;  à  une  distance  assez  minime  de 
l'église,  existent  de  grands  bassins  publics  4  ;  peut-être  ce 
linteau  vient-il  de  cet  édifice  et  se  rapporte-t-il  à  la  dédi- 
cace de  ce  vaste  monument 5. 

En  dehors  de  l'église  au  Sud-Ouest,  s'étendent  des 
dépendances  d'un  aspect  assez  confus.  Je  n'y  signalerai 
que  deux  lignes  d'auges,  quatre  par  rangées,  dont  la  plu- 
part ont  une  paroi  percée  d'un  œillet  ;  ces  auges  (long. 
O"1  65  à  0m  75;  larg.  0m  40;  prof.  0m  20)  sont  à  0m  75- 
0m  85  du  sol;  elles  ressemblent  à  celles  de  la  basilique  de 
Tébessa6,  qu'on  a  considérées  d'abord  comme  des  man- 
geoires pour  chevaux,  opinion  plausible,  mais  non  cer- 
taine. 

Devant  la  porte  située  dans  l'axe  de  l'église,  on  a  dégagé 
quatre  bases  de  colonnes  disposées  en  carré  ;  au  milieu  de 
l'espace  circonscrit  par  elles  (D),  on  a  trouvé  à  lm  50  de 
profondeur  un  tombeau  long  de  2ni  05,  large  de  0m  55, 
haut  de  0m  50,  qui  était  construit  et  couvert  en  dalles  de 
calcaire  ;  il  renfermait  le  corps  d'une  femme  qui  avait  été 
inhumée,  les  pieds  vers  la  porte  de  l'église,  dans  un  cercueil 
en  bois.   Cette  femme  avait  été  enterrée  avec  ses   bijoux  : 


1.  Bien  que  cette  partie  de  la  pierre  soit  usée,  le  chiffre  des  salutations 
impériales  n'est  certainement  pas  III,  mais  seulement  II. 

2.  Von  Rohden,  dans  Pauly-Wissowa,  loc.  cit.,  col.  2436. 

3.  C.I.L.,  VIII,  4291  et  5335. 

4.  Babelon,  Gagnât  et  S.  Reinach,  Allas  archéol.  de  la  Tunisie,  feuille  de 
Zaghouane,  lettre  H  du  plan  de  Thuhurho  ma  jus;  Installations  hydrau 
liques  romaines  en  Tunisie,  I,  p.  169. 

5.  A  la  dernière  ligne,  après  exceploria,je  propose  de  lire  [anton]i[n]iana, 
qui  comble  bien  la  lacune;  on  aurait  exceptoria  unloniniana,  comme 
ailleurs  aqua   alexandriana,  thermae  antoninianae,  halneum  aurelianum. 

6.  Gsell,  Monuments  Antiques  de  l'Algérie,  II.  p.  285  à  287. 


DÉCOUVERTES  A  THUBURBO  MAJUS 


359 


un  collier  fait  de  pendentifs  en  or  '  et  de  perles  en  verre  ; 
une  large  bague  en  bronze  ;  deux  fibules  en  or  à  ardillon  de 
bronze  et  surtout  deux  très  beaux  pendants  d'oreilles  en 
or  (0m063)  ;  à  un  anneau  formé  d'un  simple  jonc  sans  orne- 


Fig.  3.       Rijoux  trouves  dans  une  tombe  chrétienne. 


1.  Ce  sont  de  minces  plaquettes  pyramidales,  dont  les  bords  sont  décou- 
pés en  gradins;  par  derrière,  deux  petits  tubes  sont  soudés  un  en  haut,  un 
en  bas.  pour  qu'on  puisse  les  enfiler;  on  en  a  recueilli  vingt-trois. 


360  DÉCOUVERTES    A    THUBURBO    MAJUS 

ment  est  attaché  par  un  crochet  un  cabochon  en  pâte  de 
verre  serti  dans  une  monture  de  métal  ;  celle-ci  est  munie 
en  dessous  d'une  protubérance  piriforme,  d'où  pend  un  fil 
d'or  dans  lequel  sont  passées  deux  petites  perles  en  même 
matière  et,  plus  bas,  une  grosse  perle  ovale  en  améthyste  * 

(fig.  3). 

Quelle  que  soit  la  valeur  de  ces  découvertes  relatives  à 
l'époque  chrétienne,  elle  est  surpassée,  à  notre  avis,  par 
l'intérêt  que  présentent  les  documents  concernant  le  sanc- 
tuaire païen  qui  a  préexisté  à  l'église.  Non  seulement  ils 
nous  fournissent  un  nouveau  témoignage  de  l'assimilation 
qui  s'est  produite  entre  les  dieux  puniques  et  romains,  mais 
encore  ils  nous  permettent  de  pénétrer  un  peu  dans  la  vie 
de  la  cité.  Bien  que  Thuburbo  Majus  soit  devenue,  sans 
doute  dans  les  premières  années  du  règne  d'Auguste, 
avant  27 -,  colonia  Julia  3  et  ait  été,  comme  telle,  un  des 
points  où  s'appuya  de  bonne  heure  la  romanisation  dans  la 
vallée  inférieure  de  l'Oued  Miliane4,  il  semble  que  l'élément 
indigène  continua  d'y  tenir  une  place  importante  :  les 
anciens  cultes  y  restèrent  en  grande  faveur  sous  des  éti- 
quettes différentes5  et  leurs  fidèles  demeurèrent,  à  en  juger 
par  leurs  noms,  assez  étrangers  à  la  civilisation  latine  6. 

1.  Comparer  un  tombeau  chrétien  de  Sbeitla  Merlin.  Forum  et  églises 
deSufetula.  p.  34-35). 

2.  La  colonie  ne  porte  que  le  surnom  de  Julia,  et  non  de  Julia  Augusta. 

3.  C.I.L..  VIII,  848,  12366  et  notre  inscription  à  Caracalla;  cf.  Pline, 
Nat.  hist.,  V,  29;  Pallu  de  Lessert.  Mém.  de  la  Soc.  des  Antiquaires  de 
France,  LXXI.  p.  75. 

4.  Cf.  Merlin,  Bull,  archéol.  du  Comité.  1909.  p.  cxcii.  —  M.  F.-G.  de 
Pachtère  a  relevé  à  Thuburbo  Majus  une  inscription  à  Vesta,  la  première 
dédicace  africaine  à  cette  divinité  essentiellement  latine  Bull,  archéol. 
du  Comité,  1911,  3e  fasc,  sous  presse). 

5.  Cf.  C.I.L..  VIII.  12362. 
G.  Cf.  C.I.L..  VIII,  12362. 


361 


APPENDICE 


Rapport  du  secrétaire  perpétuel  de  l'académie  des  inscriptions 

ET  RELLES-LETTRES  SUR  LES  TRAVAUX  DES  COMMISSIONS  DE  PUBLI- 
CATION DE  CETTE  ACADÉMIE  PENDANT  LE  PREMIER  SEMESTRE  DE  191 '2  ; 
LU  DANS  LA  SÉANCE  DU  26  JUILLET    1912. 

Mes  chers  confrères, 

Depuis  le  rapport  sur  les  travaux  et  publications  de  l'Acadé- 
mie que  je  vous  ai  présenté  dans  la  séance  du  9  février  1912, 
nous  avons  reçu  de  l'Imprimerie  nationale  la  deuxième  partie 
du  tome  XXXVIII  de  nos  Mémoires,  qui  se  trouve  ainsi  com- 
plet. 

Du  tome  XXXIX,  sont  imprimés  et  seront  distribués  d'un  jour 
à  l'autre,  sous  forme  de  tirages  à  part,  les  articles  dont  voici  les 
titres  : 

La  bataille  d'Issus,  par  M.  Marcel  Dieulafoy. 

La  chronologie  rectifiée  du  règne  de  Hammourabi,  par  le 
P.  Scheil. 

La  frontière  militaire  de  la  Tripolitaine  à  l'époque  romaine, 
par  M.  René  Gagnât. 

Le  sénatus-consulle  de  Délos  de  Van  166  avant  notre  ère, 
par  M.  Edouard  Cuq. 

Le  chancel  carolingien  orné  d'entrelacs  à  Schaennis,  par 
M.  Maurice  Prou. 

La  citerne  de  Ramleh,  par  M.  le  marquis  de  Vogué. 

Pour  le  tome  XII  des  Mémoires  des  savants  étrangers,  il  a  été 
envoyé  à  l'impression  : 

Quelques  caractéristiques  de  V architecture  maya  dans  le 
Yucatan  ancien,  par  M.  le  docteur  Qapitan. 

Le  portrait  d1  Apa-Jérèmie .  Note  à  propos  du  soi-disànl  nimbe 
rectangulaire,   par  M.  W.  de  Gruneisen. 


362  RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL 

Voici  l'état  du  tome  XXIV  de  V Histoire  littéraire  de  la  France: 

Les  feuilles  1  à  43  sont  tirées. 

Les  feuilles  44  à  49  sont  en  pages.  Ces  feuilles  contiennent  la 
fin  de  l'article  sur  Hervé  Nédelec,  général  des  frères  prêcheurs, 
par  M.  Hauréau,  un  article  sur  Etienne  Malen,  chanoine  de 
Saint-Junien,  chroniqueur,  et  le  commencement  des  Bestiaires, 
par  M.  Paul  Meyer. 

Il  y  a  encore,  comme  composition,  environ  40  placards,  qui 
contiennent  la  fin  des  Bestiaires  et  la  première  moitié  de  larticle 
Jean  XXII,  par  M.  Noël  Valois.  La  copie  de  la  fin  est  à  l'Impri- 
merie nationale.  Cet  article  de  M.  Valois  fera  environ  20  feuilles. 

Pour  la  partie  de  la  série  des  Chartes  et  diplômes  dont  la 
direction  a  été  confiée  à  M.  Prou,  l'impression  des  actes  royaux 
carolingiens  s'est  poursuivie,  mais  avec  moins  de  rapidité  qu'on 
ne  l'espérait.  C'est  que  les  collaborateurs  de  M.  Prou  ne  peuvent 
donner  à  cette  publication  que  la  part  de  loisir  qui  leur  est  lais- 
sée par  l'accomplissement  de  nombreux  devoirs  professionnels. 
Cependant  l'impression  du  Becueil  des  actes  de  Louis  IV,  par 
M.  Philippe  Lauer,  touche  à  sa  fin.  Il  ne  reste  plus  à  composer 
que  l'introduction  et  les  tables.  Le  texte  des  actes  est  entièrement 
mis  en  pages.  Le  bon  à  tirer  pourra  en  être  donné  dans  le  cou- 
rant du  mois  d'août. 

En  ce  qui  concerne  le  Becueil  des  actes  des  rois  de  Provence, 
dont  la  rédaction  a  été  confiée  à  M.  Poupardin,  le  texte  des 
actes,  entièrement  composé,  comprend  55  placards.  Les  22  pre- 
miers sont  en  seconde  épreuve;  mais  la  seconde  épreuve  des 
placards  23  à  55  ne  sera  demandée  que  dans  quelques  jours. 

M.  Labande  travaille  avec  activité  à  réunir  les  éléments  du 
Becueil  des  actes  d'Eudes,  de  Bohert  et  de  Baoul.  Il  a  visité  à 
cet  effet  les  Archives  départementales  de  la  Vienne,  de  la  Haute- 
Vienne  et  de  Saône-et-Loire. 

M.  Martin-Chabot  travaille  à  la  collation  des  actes  des  pre- 
miers Capétiens  ;  il  a  commencé  à  en  dresser  le  texte. 

Pour  le  xue  siècle,  auquel  préside  M.  Elie  Berger,  il  n'y  a  que 
deux  recueils  dont  la  publication  s'annonce  comme  très  pro- 
chaine. Voici  la  situation  de  ces  recueils  : 


RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL  363 

Actes  de  Henri  II,  roi.  d'Angleterre  et  duc  de  Normandie 
(1154-1189),  par  M.  Léopold  Delisle. 

M.  Berger  s'est  chargé  d'achever  l'ouvrage  entrepris  par  son 
maître,  de  procurer  le  texte  qui  fera  suite  au  volume  d'intro- 
duction paru  en  1909. 

Ces  documents  doivent  remplir  deux  volumes,  dont  chacun 
comprendra  de  quatre  à  cinq  cents  pièces. 

M.  Berger  a  achevé  de  mettre  en  état  les  copies  des  textes.  Il 
s'occupe  en  ce  moment  à  vérifier  les  dates,  dont  beaucoup 
devront  être  modifiées.  Il  espère  que  la  mise  au  net  de  ces  nom- 
breuses chartes  sera  complètement  achevée  à  la  fin  de  l'année 
1912  et  qu'il  pourra  remettre  le  manuscrit  au  commencement 
de  l'année  1913. 

C'est  à  M.  François  Delaborde  que  l'Académie  a  confié  le 
soin  de  publier,  sous  la  direction  de  M.  Berger,  les  Actes  de 
Philippe  Auguste  (1180-1223). 

Ce  recueil  doit  comprendre  environ  cinq  volumes. 

Le  travail  est  très  avancé.  M.  Delaborde  compte  remettre  à 
l'Académie  le  manuscrit  de  son  premier  volume  au  mois  de  jan- 
vier 1913.  Tous  les  matériaux  étant  dès  maintenant  réunis,  il 
y  a  lieu  d'espérer  que   cette  publication  marchera  rapidement. 

Pouillés  et  obiluaires.  Le  texte  et  les  tables  du  tome  V  des 
Fouillés  (province  de  Trêves)  avaient  été  entièrement  imprimés 
par  notre  regretté  confrère  Auguste  Longnon.  M.  l'abbé  Victor 
Carrière,  qui  avait  prêté  son  concours  à  M.  Longnon  pour  la 
rédaction  de  ce  volume,  prépare  activement,  sous  la  direction 
de  notre  confrère  M.  Prou,  l'introduction  qui  complétera  ce 
volume.  Il  compte  être  en  mesure  de  l'achever  pour  la  fin  de 
cette  année. 

Dans  mon  précédent  rapport,  je  vous  annonçais  aussi  que  les 
derniers  bons  à  tirer  des  deux  parties  du  tome  VI  des  Pouillés 
(province  de  Beims),  presque  complètement  terminées  lorsque 
M.  Longnon  nous  a  été  enlevé,  m'avaient  été  remis  par 
notre  confrère  M.  Omont,  et  je  vous  faisais  espérer  la  distribu- 
tion prochaine  de  ces  deux  volumes.  Malgré  nos  réclamations, 
nous  n'avons  rien  reçu  de  l'Imprimerie  nationale. 


364  RAPPORT    DU    SECRÉTAIRE    PERPÉTUEL 

L'impression  du  tome  IV  des  Obituaires  (province  de  Sens) 
se  continue.  La  Commission  des  historiens  de  France,  qui  s'est 
réunie  dernièrement,  cherche  les  moyens  de  continuer  l'œuvre 
intéressante  interrompue  parla  mort  de  notre  confrère. 

M.  Charles  Kohler  a  reçu  de  la  commission  spéciale  nommée 
à  cette  fin  les  instructions  qui  lui  permettront  de  procurer  le 
volume  des  Historiens  occidentaux  des  Croisades  dont  la  rédac- 
tion lui  a  été  confiée. 

La  mort  imprévue  et  prématurée  de  notre  regretté  confrère 
M.  Philippe  Berger  est  venue  retarder  encore  les  travaux  de  pré- 
paration du  Corpus  inscriptionum  semiticarum,  travaux  dont 
les  lenteurs  sont,  pour  votre  Secrétaire  perpétuel,  depuis  plu- 
sieurs années,  un  sujet  de  graves  préoccupations.  La  partie  I  ou 
partie  phénicienne,  à  laquelle  présidait  M.  Berger,  reste  en 
suspens,  avec  un  fascicule  dont,  m'avait-on  dit  au  mois  de 
janvier,  les  premiers  matériaux  avaient  été  envoyés  à  l'impri- 
merie. Dans  la  partie  II,  Inscriptions  araméennes,  M.  l'abbé  Cha- 
bot, sous  la  direction  de  M.  de  Vogué,  a  commencé  l'impression 
du  volume  qui  doit  comprendre  les  inscriptions  palmyréniennes. 
—  Des  inscriptions  hébraïques,  aucune  nouvelle. 

Pour  la  partie  IV,  les  Inscriptions  himyari  tiques,  le  P. 
Scheil  n'a  rien  donné  à  l'impression  depuis  qu'il  nous  a  présenté, 
au  mois  de  janvier,  le  premier  fascicule  du  tome  II  de  cette 
partie.  Il  espère  pourtant  mettre  un  nouveau  fascicule  sous 
presse  avant  la  fin  de  l'année. 

L'impression  du  Répertoire  d'épigraphie  sémitique  se  pour- 
suit activement  par  les  soins  de  M.  l'abbé  Chabot.  L'imprimerie 
a  livré  45  placards  qui  termineront  le  tome  II.  La  suite  formera 
la  première  livraison  du  tome  III. 

Je  demanderai  à  la  Commission  du  Corpus,  après  les  vacances, 
de  se  réunir  et  d'adopter  les  mesures  nécessaires  pour  que  soit 
repris,  dans  des  conditions  nouvelles,  le  travail  de  la  partie 
phénicienne,  qui  touchait  à  sa  fin.  Il  serait  fâcheux,  pour  le  bon 
renom  de  l'Académie,  qu'elle  laissât  languir  et  peut-être  avorter 
la  belle  entreprise  scientifique  qui  est  pour  elle  un  legs  de  notre 
illustre  confrère  Ernest  Renan. 


RAPPORT    DU    SECRÉTAIRE    PERPÉTUEL  365 

Les  publications  subventionnées  par  l'Académie  sur  les  revenus 
des  fondations  continuent  à  se  poursuivre  plus  rapidement  que 
celles  qui  s'exécutent  sur  les  fonds  du  budget  et  par  les  moyens 
de  l'Imprimerie  nationale. 

Inscriptiones  greeca?  ad  res  romanas  pertinentes.  La  première 
feuille  du  fascicule  V  du  tome  IV  est  tirée.  La  publication  est 
arrêtée  par  la  nécessité  qui  s'impose  à  M.  Lafaye  d'aller  en 
Autriche  pour  comparer  ses  fiches  à  celles  de  l'Académie  de 
Vienne,  ce  qu'il  compte  l'aire  à  l'automme. 

Mosaïques  de  la  Gaule  et  de  V Afrique.  M.  Gagnât  nous  avait 
déjà  donné,  à  la  fin  de  l'année  dernière,  la  première  livraison  de 
l'album  qui  devait  accompagner  l'inventaire  dont  il  avait  dirigé 
la  publication.  Le  tirage  des  planches  du  deuxième  fascicule  de 
cet  album  est  à  peu  près  terminé  (fin  de  la  Gaule  narbonnaise). 
M.  Gagnât  vient  de  faire  prendre  toutes  les  photographies  en 
couleur  qui  serviront  à  l'illustration  des  mosaïques  de  Tunisie 
(vingt  mosaïques). 

Le  quatrième  fascicule  du  tome  I  du  Recueil  général  des 
monnaies  grecques  de  V Asie  Mineure,  publié  par  MM.  E.  Babe- 
lon  et  Th.  Reinach,  a  été  distribué.  Il  comprend  la  i\\\  des 
monnaies  de  Bithynie.  Un  cinquième  fascicule,  en  préparation, 
achèvera  le  tome  I.  Ce  fascicule  comprendra  une  Introduction 
générale,  un  Supplément  et  les  tables  du  volume. 

En  même  temps  que  ce  cinquième  fascicule,  nos  confrères 
préparent  la  mise  à  l'impression  du  tome  deuxième,  qui  com- 
prendra les  Monnaies  de  Galatie  et  de  la  Cappadoce.  Ils  se  sont 
adjoint  comme  auxiliaire,  dans  la  préparation  de  ce  nouveau 
volume,  M.  Seymour  de  Ricci,  chargé  particulièrement  d'aller,  à 
Moscou  et  à  Saint-Pétersbourg,  faire  sur  place  la  description 
des  monnaies  conservées  dans  les  médailliers  publics  des  deux 
capitales   russes. 

La  publication  du  Catalogue  général  de  la  collection  De 
Clercq  s'est  achevée  par  un  volume  qui  renferme  les  Tables 
générales  de  I  à  III. 

Des  ouvrages  qui  se  publient  ainsi  grâce  au  concours  de  l'Aca- 
démie ont  encore  paru  : 


366  LIVRES    OFFERTS 

Mémoires  et  monuments  (fondation  Piot),  t.  XIX,  fasc.  I. 

L'architecture  religieuse  en  France  à  V époque  romane;  ses 
origines  et  son  développement,  par  M.  R.  de  Lasteyrie. 

Le  tome  III  de  Y  Inventaire  des  tablettes  de  Tello  conservées 
au  Musée  impérial  ottoman,  par  M.  Henri  de  Genouillac. 

Il  manquerait  quelque  chose  à  ce  rapport  si  nous  n'y  men- 
tionnions pas  la  collaboration  que  prête  l'Académie  à  l'Académie 
royale  de  Berlin  pour  la  grande  entreprise  du  nouveau  Corpus 
inscriplionum  grsecarum.  Notre  Compagnie  s'est  chargée  de 
publier  dans  ce  recueil  les  inscriptions  de  Délos,  et  le  travail  se 
poursuit  avec  activité,  sous  la  surveillance  d'une  Commission  qui 
a  pour  président  M.  Foucart  et  pour  secrétaire  M.  Haussoul- 
lier.  M.  Foucart  a  déjà  présenté  à  l'Académie  une  livraison  qui 
porte  ce  titre  : 

Inscriptiones  Deli.    Fasciculus  II.  Pars  I. 

Inscripliones  Deli  libéras.  Tabulée  archontum.  Tabula?  hier o- 
poeorum  annorum  314-250.  L'éditeur  de  ces  textes  est 
M.  Félix  Durrbach,  ancien  membre  de  l'École  d'Athènes,  profes- 
seur à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse,  qui  a  rempli  avec 
beaucoup  d'activité,  de  science  et  de  conscience  la  tâche  que  lui 
avait  confiée  l'Académie.  Le  second  fascicule  est  déjà  sous 
presse. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  Perpétuel  dépose  sur  le  bureau  :  1°  le  fascicule 
du  mois  de  mai  1912  des  Comptes  rendus  de  l'Académie  (Paris,  1912, 
in-8°);  2°  les  publications  de  la  Délégation  en  Perse:  I.  Mémoires 
publiés  sous  la  direction  de  M.  J.  de  Morgan,  t.  XII  et  XIII  (Paris, 
1911  et  1912,  2  vol.  in-4°);  II.  Annales  d'histoire  naturelle,  t.  I 
(2e  partie);  III.  Bulletin  de  la  Délégation  en  Perse,  fasc.  II  (Paris, 
1911,  in-8°). 

M.  Babelon  offre  à  l'Académie  le  nouveau  volume  qu'il  vient  de 
publier  de  ses  Mélanges  numismatiques,  4e  série,  accompagnée  de  26 
planches  (Paris,  1912,  in-8°). 


LIVRES    OFFERTS  367 

M.  Bernard  IIaussoullieu  a  la  parole  pour  un  hommage. 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  au  nom  de  M.  Jean  Lesquier, 
membre  de  l'Institut  français  d'archéologie  orientale,  et  de  M.  Pierre 
Jouguet,  directeur  de  l'Institut  papyrologique  de  Lille,  le  tome  II 
(fascicules  II,  III,  IV)  des  Papyrus  de  Lille 

«  Il  est  entièrement  consacré  à  une  seconde  édition  des  Papyrus 
de  Maydôla  et  a  pour  auteur  M.  Jean  Lesquier. 

<(  Les  papyrus  de  Magdôla,  village  du  nome  arsinoïte,  méritaient 
cet  honneur.  C'est  une  série  de  41  pétitions  (êvTEÛjjeiç),  qui  proviennent 
des  archives  du  stratège  de  Grocodilopolis  et  qui,  mises  au  rebut,  ont 
été  employées  dans  les  cartonnages  de  momies  de  Médinet  en  Nahas. 
MM.  P.  Jouguet  et  G.  Lefebvre  les  ont  découvertes  et  publiées  pour 
la  première  fois  dans  le  Bulletin  de  Correspondance  hellénique  (1902 
et  1903). 

<(  Ces  41  pétitions,  qui  se  répartissent  sur  un  petit  nombre  d'années 
du  troisième  siècle  avant  notre  ère,  de  222  à  218,  nous  fournissent  le 
tableau  le  plus  animé  de  la  vie  quotidienne  dans  un  bourg  rural  du 
nome  arsinoïte.  Cultivateurs,  tenanciers,  bergers,  prêteurs  et 
emprunteurs,  courtisanes,  barbiers,  garçons  de  bains,  tout  ce  petit 
monde  s'agite,  se  plaint  ou  donne  lieu  à  des  plaintes  qui  sont  singu- 
lièrement intéressantes,  encore  que  l'objet  en  soit  de  peu  d'impor- 
tance :  inexécution  de  contrats,  violences,  vol  d'animaux  ou  de 
vêtements,  etc. 

«  Tous  ces  papyrus  sont  déposés  à  Lille  où  M.  Jean  Lesquier  les  a 
étudiés  avec  le  plus  grand  soin.  Le  texte  en  est  établi  avec  toute  la 
rigueur  désirable  et  l'éditeur  a  gardé  la  plus  juste  mesure  dans  les 
restitutions1.  Il  a  pris  la  peine  de  traduire  toutes  ces  pièces,  à 
l'exception  de  quelques  fragments  trop  mutilés.  Des  notes,  riches 
en  rapprochements,  sont  jointes  à  la  traduction  :  l'auteur  y  fait 
preuve  du  même  esprit  de  mesure  que  dans  les  restitutions;  il  sait 
ignorer  et  avouer  son  ignorance  ou  son  incertitude. 

«  Dans  ïlnlroduclion,  il  faut  noter  deux  études  importantes.  L'une 
est  consacrée  à  l'exercice  du  droit  de  pétition,  depuis  le  jour  où  la 
plainte  est  rédigée  dans  le  village  du  demandeur  et  adressée  au  stratège 
jusqu'au  jour  où  celui-ci  la  renvoie,  d'ordinaire,  à  l'épislate  qui  fera 
fonctions  de  juge  de  paix,  —  jusqu'au  jour  enfin  où,  l'épislate  ayant 
échoué,  le  stratège  la  recevra  de  nouveau  et  en  saisira  le  tribunal 
compétent.  L'autre  étude,  plus  difficile,  aborde  quelques-uns  des 
problèmes  de  chronologie  que  soulèvent  les  dates  inscrites  dans  les 

1.  Douze  planches  sont  jointes  au  recueil  et  permettent  de  contrôler  les 
lectures  admises. 


368  LIVRES    OFFERTS 

apostilles  et  au  verso  des  pétitions.  Laissant  de  côté  la  question  de 
la  relation  entre  les  années  régnales  et  les  années  fiscales,  M.  Les- 
quier  insiste  sur  les  correspondances  fournies  par  les  papyrus  de 
Magdôla  entre  le  calendrier  macédonien  et  le  calendrier  égyptien  : 
il  le  fait  avec  précision  et  netteté  et  aboutit  à  un  résultat  appré- 
ciable. 

«  En  somme,  avec  ses  traductions  et  ses  notes,  c'est  un  recueil 
modèle,  une  partie  d'excellent  manuel,  que  nous  donne  M.  Jean 
Lesquier.  Il  contribuera  au  développement  des  études  de  papyrologie 
en  France,  et  à  coup  sûr  il  a  bien  mérité  de  l'Institut  de  Lille  et  de 
son  directeur  dont  l'Académie  a  déjà  entendu  l'éloge  (Comptes  ren- 
dus, 1907,  p.623elsuiv.).» 

M.  Bouciié-Leclercq  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
.(  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  l'auteur,  M.Jean 
Lesquier,  un  ouvrage  intitulé  :  Les  Institutions  militaires  de  VEgypte 
sous  les  Lagides  (Paris,  Leroux,  191I,xviii-381  pp.  in-8°).Je  nesaurais 
trop  louer  la  méthode  sagace  et  prudente  de  l'auteur  de  cette  mono- 
graphie, l'étendue  de  son  information,  la  précision  des  statistiques 
sur  lesquelles  il  appuie  ses  inductions,  la  sûreté  de  son  sens  critique 
et  la  trame  serrée  de  ses  arguments.  Sans  disposer  de  documents 
inédits,  il  a  pleinement  utilisé  tous  ceux  qui  ont  été  publiés.  Sur  des 
questions  complexes,  intéressant  le  droit  civil  autant  et  plus  que 
l'organisation  tactique  de  l'armée,  il  apporte  des  solutions  neuves, 
fortement  motivées,  toutes  plausibles  et  dont  quelques-unes  ont  la 
valeur  d'une  démonstration  définitive. 

«  C'est  ainsi  qu'il  a  tranché  un  problème  qui  a  beaucoup  préoc- 
cupé ses  devanciers  :  le  rapport,  logiquement  présumé,  mais  obscurci 
par  toutes  espèces  d'exceptions  apparentes,  entre  la  condition  des 
bénéficiers  ou  «  clérouques  »  et  leurs  obligations  militaires.  M.  Les- 
quier a  montré  —  et,  à  mon  sens,  démontré  —  que  tous  les  clérouques 
étaient  redevables  du  service  militaire  en  échange  de  leur  fief,  et  que, 
agriculteurs  en  temps  de  paix,  ils  restaient  indéfiniment  disponibles 
en  temps  de  guerre.  Cette  idée  avait  bien  pris  place  parmi  les  hypo- 
thèses formulées  jusqu'ici,  mais  on  jugeait  le  système  purement 
théorique,  ou  en  tout  cas,  trop  simple  pour  rendre  raison  de  tous  les 
faits  constatés.  On  y  mêlait  ou  même  mettait  au  premier  plan  le  souci 
de  la  colonisation  transformant  en  agriculteurs  non  plus  des  recrues 
inscrites  dans  les  cadres,  mais  des  vétérans,  dispensés,  pour  eux  et 
leurs  descendants,  du  service  militaire.  M.  Lesquier  maintient  stric- 
tement l'obligation  réelle  attachée  au  /Xrjpo;,  et  il  y  trouve  l'explica- 
tion d'une  énigme  imparfaitement  débrouillée  avant  lui  :  la  condi- 


LIVRES    OFFERTS  369 

lion  des  fils  de  clérouques,  appelés,  le  cas  échéant,  à  remplacer 
leur  père,  de  son  vivant  ou  après  sa  mort.  Ceux-ci  sont  assujettis  à 
une  période  de  préparation  militaire,  analogue  à  l'éphébie  altique  : 
ils  sont  dits  liziyovoi  durant  leur  temps  de  service,  et  ttî;  èwiyov^ç 
quand  ils  sont  rentrés  dans  la  condition  civile  après  avoir  accompli 
ce  devoir.  Par  ce  système,  les  Lagides  ont  assuré  dans  la  popula- 
tion rurale  une  large  base  au  recrutement  de  l'armée  nationale 
(Ilelléno-Macédoniens  et  p.ây tjj.ot  égyptiens),  soigneusement  distin- 
guée des  corps  de  mercenaires. 

«  Une  autre  solution,  que  M.  Lesquier  a  le  mérite  d'avoir  précisée, 

—  en  tenant  compte  des  variations  introduites  au  cours  des  siècles, 

—  c'est  le  rapport  entre  la  contenance  des  lots  et  le  grade  des  béné- 
ficiers,  suivant  l'arme  dans  laquelle  ils  ont  été  incorporés.  Enfin,  en 
étudiant  la  condition  juridique  du  xXfjfio;,  l'auteur  enseigne  que,  en 
dépit  des  usurpations  des  clérouques  et  des  concessions  faites  à 
l'usage  par  l'État,  celui-ci  a  toujours  maintenu,  en  principe,  le  carac- 
tère précaire  des  allocations  et  n*a  pas  laissé  la  possession  se  conver- 
tir en  propriété.  Il  a  gardé  un  droit  de  contrôle  et  d'autorisation  sur 
les  successions,  mutations  et  aliénations  desdits  bénéfices. 

«  En  somme,  le  travail  de  M.  Lesquier  fait  disparaître  l'inco- 
hérence, l'absence  de  plan  suivi,  le  flottement  entre  la  théorie  et  la 
pratique, que  l'on  avait  cru  remarquer  dans  l'institution  des  clé- 
rouchies.  Il  introduit  dans  l'histoire  des  institutions  militaires,  si 
intimement  associées  au  droit  privé,  une  logique  interne  qui  parais- 
sait trop  souvent  démentie  par  des  faits  insuffisamment  analysés. 
A  ce  point  de  vue,  son  livre  est  de  ceux  qui  font  époque,  comme 
marquant  un  progrès  décisif  dans  un  ordre  donné  de  connaissances, 
et  renouvellent  pour  ainsi  dire  le   sujet  traité.» 


Le  Gérant,  A.   Picard. 


MAt:ON,    PROTAT    FRERES,   IMPRIMEURS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE   DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE    DU   2    AOUT 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

L'Académie  fixe  au  15  novembre  la  date  de  sa  séance  publique. 
M.  Fournies  est  désigné  pour  faire  à  cette  séance  une  lecture 
dont  le  litre  sera  :  Le  dauphin  llumhert  II. 

M.  Edouard  Cuq  fait  une  communication  sur  une  inscription 
récemment  découverte  à  Souk  El-Abiod  en  Tunisie  '. 

M.  Bernard  IIaussoullier  montre,  dans  une  seconde  lecture, 
l'originalité  et  la  nouveauté  du  traité  inédit  entre  Delphes  et 
Pellana  qu'il  a  précédemment  communicjué  à  l'Académie.  Il 
insiste  sur  un  certain  nombre  de  termes  de  droit  nouveaux. 

M.  Gagnât  lit  une  note  de  M.  Gonstans,  élève  de  l'Ecole  Nor- 
male supérieure,  sur  les  puissances  tribuniciennes  de  l'empe- 
reur Néron  "-. 

1 .  Voir  ci-après. 

2.  Voir  ci-après. 

1912.  •_>:. 


372 


COMMUNICATIONS 


UN    NOUVEAU    VICE-PREFET    DU    PRETOIRE. 
PAR    M.    EDOUARD    CUQ,    MEMBRE    DE    L'ACADÉMIE. 

L'inscription,  qui  fait  l'objet  de  cette  étude,  a  été  récem- 
ment découverte  à  Souk  El-Abiod,  en  Tunisie.  Elle  a  été 
communiquée  à  l'Académie  par  M.  Cagnat  et  publiée  dans 
les  Comptes  rendus  des  séances  (avril  1912,  p.  115),  avec 
une  note  du  directeur  des  Antiquités  et  des  Arts  à  Tunis. 
M.  Merlin  a  très  bien  fait  ressortir  l'intérêt  de  cette  inscrip- 
tion au  double  point  de  vue  géographique  et  épigraphique. 
Je  voudrais  l'examiner  sous  un  autre  aspect,  et  montrer 
l'intérêt  qu'elle  présente  pour  1  histoire  de  la  préfecture  du 
prétoire  au  Bas-Empire. 

I 

L'un  des  administrateurs  cités  dans  l'inscription  porte 
le  titre  AG(ens)  VlC(es)  P(rœfectorum)  P(ra?/or/o),  ce  qui 
veut  dire  :  faisant  fonction  de  préfet  du  prétoire.  Ce  titre 
ne  se  rencontre  pas  souvent  dans  les  documents  qui  nous 
sont  parvenus  sur  les  fonctionnaires  de  l'Empire  romain. 
Au  tome  X  des  OE livres  de  Borghesi  que  l'Académie  a 
publié,  il  y  a  quinze  ans,  et  que  j'ai  rédigé  sous  la  direction 
de  MM.  Waddington  et  Héron  de  Villefosse,  j'ai  recueilli, 
suivant  le  plan  tracé  par  l'illustre  épigraphiste,  les  textes 
mentionnant  les  préfets  du  prétoire  et  leurs  suppléants.  La 
liste  de  ces  derniers  est  assez  courte  '  ;  elle  s'est  accrue  de 

l.  Cf.  Edouard  Cuq,  Les  vice-préfets  du  prétoire    Noav.  lier,  histor.  de 
droit.  1899),  p.  303. 


UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE  373 

quelques  unités  depuis  1897.  L'inscription  de  Souk  El-Abiod 
porte  le  nombre  total  à  29,  dont  23  pour  le  Bas-Empire. 
Ce  chilïre  est  bien  faible  à  côté  de  celui  des  préfets  qui 
dépasse  550. 

Quelle  est  la  fonction  désignée  par  l'expression  ar/e?is 
vices  prœfectorum  prœtorio  ?  La  question  est  depuis  long- 
temps discutée.  Aussi  la  découverte  d'un  nouveau  document 
ne  saurait-elle  passer  inaperçue.  Elle  m'a  fourni  l'occasion 
de  réviser  et  de  compléter  la  liste  que  j'ai  publiée  dans  le 
tome  X  de  Borghesi,  et  de  déterminer,  d'une  manière  plus 
précise  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici,  les  cas  où  l'on  avait 
recours  à  la  nomination  d'un  vice-préfet. 

Au  xvne  siècle,  alors  que  le  titre  daf/ens  vices  n'était 
guère  connu  que  par  l'adresse  de  quelques  constitutions  du 
Code  Théodosien,  J.  Godefroy  l'a  identifié  avec  celui  de 
vicarius.  Mais,  à  mesure  que  les  inscriptions  relatives  à  cette 
fonction  se  sont  multipliées,  l'identification  a  paru  de  plus 
en  plus  douteuse.  Elle  a  été  combattue  par  Borg-hesi.  Et  en 
elfet,  elle  n'est  pas  admissible  pour  l'époque  antérieure  à 
Dioclétien  ;  il  n'y  avait  pas  encore  de  vicaire,  et  cependant 
Yaifcns  vices  se  rencontre  au  temps  de  S.  Sévère  et  de  Gor- 
dien *.  Pour  l'époque  ultérieure,  la  distinction  de  Yagens 
vices  et  du  vicaire  est  attestée  par  un  grammairien  du 
Ve  siècle,  Cledonius  2.  Sénateur  romain,  puis  professeur  à 
Constantinople,  Cledonius  était  bien  placé  pour  connaître 
la  valeur  des  termes  employés  par  la  chancellerie  impériale 
dans  les  deux  parties  de  l'Empire.  On  a  souvent  demandé, 
dit-il,  si  l'on  doit  appeler  vicaire  celui  à  qui  les  préfets  ont 
donné   mandat  de  les  remplacer  dans   un    cas  particulier. 

1.  Borjdiesi,  X,  86  ;  129. 

■2.  Keil.  Grammatici  latini,  t.  V,  13,  1.  '2!>  :  Sxpe  qusesitum  est  utrum 
vicarius  dici  debeat  etiam  is  cui  magnificentissimi  prsefecti  vices  sans  in 
speciali  c;ins;i  mandaverunt.  Nequaquam  :  vicarius  dicitur  qui  online 
codicillornm  vices  agit  amplissimse  preefecturae.  IUevero,  cui  vices  man- 
dantur  propter  absentiam  praefectorum,  non  vicarius  sed  vices  agens,  non 
prsefecturse  sed  preefeclorum,  dicilur  laulTim, 


374  IN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE 

Nullement  :  on  appelle  vicaire  celui  qui  participe  aux  tra- 
vaux de  la  préfecture  en  vertu  d'une  nomination  en  règle. 
Celui  au  contraire  à  qui  les  préfets  confient  le  soin  de  les 
suppléer  pendant  leur  absence,  celui-là  n'est  pas  un  vicaire 
de  la  préfecture  :  il  fait  fonction  de  préfet. 

Ainsi,  d'après  Cledonius,  le  vicaire  exerce  une  fonction 
permanente,  et  l'on  sait  que  chaque  préfecture  a  ses  vicaires 
chargés  de  l'administration  d'un  diocèse.  C'est  aussi  une 
fonction  ordinaire  :  le  vicaire  reçoit  un  brevet  de  nomina- 
tion extrait  du  registre  officiel  (laterculum).  La  chancelle- 
rie impériale  lui  envoie  les  codicilles  portant  extérieure- 
ment les  insignes  ',  intérieurement  le  titre  de  sa  charge  2. 
Enfin  le  vicaire  est  un  sous-ordre,  un  subordonné  du  pré- 
fet :  agens  vicariam  prsefecturam  3.  11  n'en  est  pas  de 
même  de  Yagens  vices  :  sa  mission  est  exceptionnelle  et 
temporaire  ;  il  est  chargé  par  un  mandat  spécial  de  faire 
fonction  de  préfet.  Il  a  les  pouvoirs  d'un  préfet,  sans  avoir 
de  pouvoir  propre  4. 

Le  témoignage  de  Cledonius  est  confirmé  par  une  série 
d'inscriptions  des  me  et  ive  siècles  et  par  divers  exemples 
rapportés  par  les  historiens  du  Bas-Empire. 

1°  Les  inscriptions  citent  les  unes  le  vicarius  prœfecto- 
rum  prœtorio  5,  les  autres  Y  agens  vices.  On  ne  saurait 
prétendre  que  agens  vices  fut  d'abord  le  titre  officiel  rem- 
placé plus  tard  par  celui  de  vicarius  :  les  deux  titres  ont 
coexisté  ;  donc  ils  désignent  des  fonctions  différentes. 

2°  L 'agens  vices  a  des  pouvoirs  plus  étendus  que  ceux  du 
vicaire.  Ce  n'est  pas  un  fonctionnaire  en  sous-ordre  :  c'est 
un  vice-préfet.  Lorsque,  par  exemple,  le  gouverneur  de  la 

1.  Constantin,  Cod.  Theod.,  VI,  22,  1  :  snperna  impressio. 

2.  Joh.  Chrysost.,  in  Isaïam  Homil.  2,  S  2  :  xo  auuSoÀov  ttjç  àp//,;. 

3.  Cod.  Theod.,  IX,  34,  3    de  l'an  320  .  C.I.L.,  VIII,  783  et  12234  :  agens 
vicariam  pr(aefecturae)  prœtorio. 

4.  Cassiod.,  VI,  ep.   15  :  Splendet  muluato  lamine;  proprii  non  hahel 
jura  fu l< /oris. 

a.  Boi'ghesi,  X,  509. 


UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE  37.*) 

Proconsulaire  fait  fonction  de  préfet,  il  a  autorité  sur  les 
provinces  qui  forment  le  diocèse  soumis  au  vicaire  '.  Réci- 
proquement, lorsque  le  vicaire  fait  fonction  de  préfet,  il  a 
autorité  sur  la  Proconsulaire  2.  Le  vice-préfet  n'est  pas 
nécessairement  un  envoyé  spécial  :  la  mission  de  suppléer 
le  préfet  peut  être  confiée  à  un  magistrat  local  qui  est 
momentanément  investi  des  pouvoirs  du  préfet. 

3°  D'après  Gledonius,  on  nommait  un  vice-préfet  en  cas 
d'absence  du  préfet.  Ammien  Marcellin  en  donne  des 
exemples  :  lorsqu'en  361  le  préfet  des  Gaules  Nebridius 
se  retira  en  Toscane  à  la  suite  d'un  désaccord  avec  Julien, 
Germanianus  fut  chargé  de  le  suppléer  jusqu'à  l'arrivée  de 
son  successeur3.  L'année  suivante,  Germanianus  suppléa  le 
préfet  d*  Orient  Saturninus  Secundus  qui  avait  accompagné 
l'empereur  dans  son  expédition  contre  les  Parthes4.  De 
même,  en  394,  Fabius  Pasiphilus  suppléa  les  préfets  du 
prétoire  et  de  la  ville  après  la  victoire  de  Théodose  sur 
Eugène,  en  attendant  que  les  fonctionnaires  rebelles  eussent 
été  remplacés0. 

On  nommait  également  un  vice-préfet  lorsque,  pour 
mieux  faire  sentir  l'autorité  suprême  dans  une  région  éloi- 
gnée du  siège  de  la  préfecture,  on  jugeait  nécessaire  de 
confier  à  un  délégué  spécial  ou  à  un  fonctionnaire  local  les 
pouvoirs  d'un  préfet.  Sur  23  vice-préfets  du  Bas-Empire, 
neuf  ont  été  nommés  pour  les  provinces  africaines,  par  le 
préfet  d'Italie  résidant  à  Milan,  trois  pour  les  provinces 
espagnoles,  par  le  préfet  des  Gaules  résidant  à  Trêves.  Dans 
le  dernier  quart  du  IVe  siècle  et  au  début  du  Ve,  on  préféra 

1.  Boiyhcsi,  X.  506.   C.I.L..  VIII.  21521. 

2.  Borghesi,  X,  537.  Inscription  trouvée  dans   la  province  proconsulaire 
d'Afrique,  à    Ilenchir-el-Msaadin  :    proconsiulalu)    [./  ni  ii      Festi,   i'{iri) 
c  lurissimi    simul   cum    Antonio  Dracontio    v  ira     c[larissinio    ag  ente 
v(ires    p(raefectoram   p  raetorio  ■ 

3.  Amni.  Marcell.,  XXVI.  5,  5. 
1.  Ibid.,  XXIII.  5,  6. 

:>.  Borghesi,  X,  569. 


376  UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE 

souvent  en  pareil  cas,  nommer  un  second  préfet  qui  restait 
en  charge  plus  ou  moins  longtemps.  Mais,  lorsque  pour 
des  raisons  particulières,  il  y  avait  un  préfet  unique,  il  était 
suppléé  en  cas  de  besoin  par  un  vice-préfet  :  dans  l'espace 
de  quelques  années,  de  394  à  408,  on  compte  cinq  vice- 
préfets1.  Cette  conjecture  que  j'avais  émise  en  1903,  dans 
une  étude  publiée  dans  les  Mélanges  Boissier'2,  est  confir- 
mée par  l'inscription  de  Souk  El-Abiod. 

Il 

Cette  inscription  n'est  pas  datée,  mais  elle  offre  une  par- 
ticularité qui  permet  d'en  fixer  la  date  d'une  manière  très 
approchée.  Elle  contient  une  dédicace  à  l'empereur  d'Orient, 
Arcadius  ;  elle  ne  mentionne  pas  l'empereur  d'Occident, 
Honorius3,  bien  qu'elle  soit  gravée  sur  un  monument 
érig*é  dans  une  province  comprise  dans  son  empire.  Il  y 
a  des  raisons  de  penser  que  cette  omission  a  été  inten- 
tionnelle '',  et  que  l'inscription  appartient  à  l'époque  où  le 

1.  Fabius  Pasiphilus  en  394:  FI.  Macrobius  Maximianus  en  39": 
Umbonius  Juvas,  vers  397-398;  Macrobius  en  399  ;  Hilarius  entre  408  et 
423. 

2.  Edouard  Cuq,  Les  préfets  du  préLoire  régionaux,  p.  147. 

3.  D(omino)  n(ostro)  Arcadio,  inclylo.  pio,  felici,  auguslo,  administran- 
tihus  FI  avio  Maerobio  Maximiano,  v(iro  c  larissimo),  p  rimi  o  rdinis) 
c(omite),  agiente   vicies)  p  rœfeati]  p  raetorio  .  et  FI  avio    Synexio  Filo...io, 

v  iro    c  larissimo),  consulari)  prov  incise)   FI  avise    Yal(erîse)  Byz(acense), 
Flavius)   Calbinns,  (vir)   d  evotissimus)   fl(amen     p  er)p  eluus    cur  ator 
reip(uhlicœ),  numini   majestatique  ejus  semper  dicatissimus . 

4.  On  pourrait  objecter  que  le  curateur  de  la  cité  a  peut-être  l'ait  ériger 
deux  monuments  dédiés  respectivement  à  chacun  des  empereurs  et  qu'un 
seul  d'entre  eux  nous  est  parvenu.  Le  t'ait  d'une  double  dédicace  n'est  pas 
sans  précédent  :  mon  savant  confrère  M.  Cagnat  m'en  a  signalé  un  exemple 
du  temps  de  Marc-Aurèle  et  Verus.  Mais  à  cette  époque  l'empire  n'était 
pas  divisé,  comme  il  le  fut  après  la  mort  de  Théodose  Ier.  Depuis  la  fin  du 
iv  siècle,  les  cités  africaines,  désireuses  d'ériger  un  monument  à  leur 
empereur,  n'avaient  pas  de  motif  d'en  dédier  un  second  à  l'empereur 
d'Orient  qui  n'avait  pas  autorité  sur  elles  et  dont  elles  n'avaient  rien  à 
espérer.  Pour  être  en  règle  avec  le  protocole,  il  leur  suffisait  de  faire  figu- 


UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE  377 

ministre,  qui  gouvernait  sous  le  nom  d' Arcadius,  préten- 
dait faire  rentrer  l'Afrique  dans  la  sphère  d'influence  de 
l'Empire  d'Orient.  Le  fait  est  confirmé  par  le  témoignage 
de  Zosime  '  :  en  droit,  Arcadius  n'avait  pas  autorité  sur 
l'Afrique  ;  en  fait,  cette  région  lui  a  été  soumise  pendant 
une  courte  période,  de  397  à  398.  Ce  fut  le  résultat  des 
intrigues  d'Eutrope  avec  le  chef  de  l'armée  d'Afrique, 
Gildon  ;  un  épisode  de  la  rivalité  entre  Eutrope  et  Stilichon 
qui  administraient  chacun  des  empires  au  nom  des  princes 
que  leur  jeune  âge  laissait  sous  leur  dépendance.  Il  en  fut 
de  même  pour  l'Illyrie  :  Olympiodore  affirme  qu'elle  fut 
réunie  à  l'empire  d'Occident  au  début  du  règne  d'Honorius-, 
et  cependant  le  Gode  Théodosien  rapporte  trois  constitu- 
tions des  années  397  et  398  adressées  de  Gonstantinople  au 
préfet  d'Illyrie,  Anatolius  !.  L'Illyrie,  comme  l'Afrique,  fut, 
pendant  ces  deux  années,  gouvernée  en  fait  par  Arcadius. 
Que  cet  empereur  ait  imposé  son  autorité  par  la  force, 
on  le  comprendrait  sans  peine  ;  mais  l'inscription  de  Souk 
El-Abiod  nous  révèle  un  fait  qui  a  de  quoi  nous  sur- 
prendre :  l'empressement  des  magistrats  municipaux  à 
témoigner  leur  dévouement  à  l'empereur  d'Orient  en  lui 
dédiant  des  monuments  publics.  Comment  Eutrope  a-t-il 
réussi  à  leur  persuader  d'exclure  de  leurs  dédicaces  l'em- 
pereur d'Occident?  Il  y  en  a,  à  mon  avis,  une  raison  d'ordre 
juridique  qui  explique  très  simplement  comment  les  admi- 
nistrateurs du  pays  purent,  sans  manquer  à  leur  serment  de 
fidélité,  autoriser  l'érection  de  ces  monuments:  à  la  mort  de 
Théodose,  ses  deux  fils  avaient  l'un  dix-huit  ans,  l'autre  dix 
ans.  L'aîné  seul,  Arcadius,  avait  la  capacité  de  droit  et  de 


rer  son  nom  sur  le  monument  dédié  à  L'empereur  d'Occident.  Notre  ins- 
cription présente  donc  uni'  singularité  qu'il  est  difficile  de  considérer 
comme  fortuite. 

i.  /..s..  v,  ii. 

■2.  Fraff.  histor.  greec,  IV,  58,  :>. 

3.  ('.ml.  Theod.,  XVI,  s.  12:  XI,  li.  :\..  IV,  il,  s. 


378  UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE 

fait;  le  second,  Honorius,  étant  impubère,  était  en  fait 
incapable.  Gildon  a  pu  soutenir,  à  l'instigation  d'Eutrope, 
qu'il  n'v  avait  pas  lieu  de  faire  figurer  sur  les  monuments 
publics  le  nom  d'un  incaj^able,  et  faire  partager  cette 
manière  de  voir  aux  agents  du  pouvoir  en  Afrique.  Mais  ce 
n'était  qu'un  prétexte  :  les  fonctionnaires  de  l'empereur 
d'Occident  ne  tardèrent  pas  à  comprendre  où  l'on  voulait 
les  conduire,  lorsque  Gildon  se  révolta  ouvertement  contre 
l'autorité  d'Honorius. 

L'inscription  de  Souk  El-Abiod  a  donc  été  gravée  en  397 
ou  398.  C'est  au  cours  d'une  de  ces  deux  années  que 
F] .  Macrobius  Maximianus  fit  fonction  de  préfet  dans  les 
provinces  africaines  l.  Cette  conclusion  est  confirmée  par 
l'observation  suivante  :  si  l'on  parcourt  la  liste  des  vice- 
préfets  du  prétoire,  on  constate  que  le  seul  cas  où  l'on  a 
recours  à  ces  suppléants  est  celui  où  il  y  a  un  préfet  unique. 
Lorsqu'il  y  a  deux  préfets  pour  une  même  préfecture,  celui 
qui  est  empêché  est  remplacé  par  l'autre.  Cette  observation 
se  vérifie  pour  notre  vice-préfet.  En  395-396,  la  préfecture 
d'Italie  eut  deux  titulaires,  Eusebius  et  Hilarius  2,  de  même 
que  celle  d'Orient  où,  après  la  mort  de  Rufinus,  il  y  eut 
deux  préfets,  Caesarius  et  Eutychianus  3.  Mais,  dès  le 
30  janvier  397,  la  préfecture  d'Italie  n'a  plus  qu'un  seul 
titulaire,  FI.  Mallius  Theodorus4.  C'est  alors  que  le  préfet 
se  fit  suppléer  en  Afrique  par  des  vice-préfets,  au  nombre 
desquels  figure  Macrobius.  La  situation  s'étant  aggravée  en 
398  par  suite  de  la  révolte  de  Gildon,  on  nomma  un  second 


1.  On  peut  prouver  d'une  autre  manière  que  Macrobius  fut  vice-préfet 
d'Afrique  avant  399  et  après  395  :  en  janvier  399,  il  était  suppléant  du  pré- 
fet des  Gaules  en  Espagne  et  fut  destitué  l'année  suivante.  Il  a  donc  été 
vice-préfet  d'Afrique  à  une  date  antérieure  à  399  et  postérieure  à  l'avène- 
ment d'Honorius  en  395. 

2.  Borphesi,  X,  571,  572. 

3.  Ihid..  X,   279. 

4.  Ibid.,  X,  572. 


DIS    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE  379 

préfet  d'Italie,  Rufius  Valerius  Messala,  qui  était  en  charge 
en  février  399  *. 

Cette  observation  nous  donne  l'explication  d'un  fait  qui 
depuis  longtemps  a  attiré  l'attention  des  historiens  du  Bas- 
Empire  2  :  la  présence  simultanée  à  certaines  époques  de 
deux  préfets  dans  une  même  préfecture.  On  nomme  un 
second  préfet  lorsqu'on  prévoit  qu'un  titulaire  unique  ne 
peut  sullîre  aux  devoirs  de  sa  charge  pendant  un  temps 
indéterminé.  Au  contraire,  on  nomme  un  vice-préfet  pour 
une  suppléance  momentanée  que  les  circonstances  rendent 
nécessaire,  particulièrement  dans  une  région  éloignée  du 
siège  de  la  préfecture.  C'est  ce  qui  eut  lieu  en  Illyrie,  en 
364.  L'Illvrie  était  alors  réunie  à  l'Italie  et  administrée  par 
un  préfet  unique,  Mamertinus.  Sex.  Petronius  Probus  y  fut 
envoyé  comme  vice-préfet  pour  assurer  le  fonctionnement 
de  l'institution  des  defensores  civitatis  qui  venait  d'être 
introduite  dans  cette  région  3.  A  la  fin  de  l'année  suivante, 
après  la  révocation  du  préfet  Mamertinus,  llllyrie  fut 
détachée  de  l'Italie  et  forma  une  préfecture  indépendante  : 
le  vice-préfet  en  devint  le  préfet. 

J'ai  établi  que  FI.  Macrobius  Maximianus  fut  vice-préfet 
en  Afrique,  au  cours  des  années  397-398.  De  ces  deux  dates, 
la  première  doit,  à  mon  avis,  être  préférée.  Macrobe  fut 
vice-préfet  en  397  vers  le  milieu  de  l'année,  entre  le  mois  de 
mars  et  le  mois  de  novembre.  En  mars  397,  il  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  eu  dans  la  province  proconsulaire  une  auto- 
rité supérieure  à  celle  du  gouverneur;  il  y  a,  au  Code 
Théodosien,  une  constitution  du  17  mars  adressée  directe- 
ment au  proconsul  Probinus'1.  D'autre  port,  Claudien  nous 
apprend,    dans    son    poème   de     bello  Gildonico  ',    que    la 

1.  Borghesi,  X,  577,  n.   1. 

2.  Cf.  Tillemont,  Hist.  des  Empereurs,  1.  V,  p.  71*,  720,  "22,  735,  "75. 

3.  Edouard  Cuq,  Les  préfets  du  prétoire  riu/ionaux,  p.  150. 
i.  Cod.  Theod.,XlI,  5.3. 

5.  Claudien.  I.  iïti. 


380  UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE 

révolte  de  Gildon  eut  lieu  à  la  fin  de  l'automne  397.  Si 
Macrobe  avait  pris  parti  pour  Gildon,  il  aurait  été  proscrit 
avec  lui  et  son  nom  aurait  été  martelé  sur  les  monuments 
publics.  Tout  au  contraire,  Macrobe  conserva  la  confiance 
de  l'empereur  d'Occident  et  fut  bientôt  après  chargé  d'une 
mission  analogue  dans  une  autre  région. 


III 


Le  vice-préfet  Macrobe  peut-il  être  identifié  avec  l'un  des 
personnages  du  même  nom  qui  nous  sont  déjà  connus? 

J'exclurai  tout  d'abord  un  de  ses  contemporains,  dont  le 
nom  figure  dans  la  correspondance  de  Symmaque  et  dans 
une  inscription  de  Rome,  celui  qui  fut  préfet  d'Italie  de  406 
à  408  '  :  son  surnom  Longinianus,  au  lieu  de  Maximianus, 
son  cursus  honorum  permettent  aisément  de  le  distinguer 
de  notre  vice-préfet. 

J'exclurai  aussi  le  proconsul  d'Afrique  de  410,  cité  au 
Code  Théodosien  2.  Il  est  peu  vraisemblable  qu'après  avoir 
été  vice-préfet  de  toutes  les  provinces  africaines  en  397,  il 
soit  retourné  en  Afrique  treize  ans  plus  tard  comme  gouver- 
neur de  la  Proconsulaire.  Nous  verrons  d'ailleurs  que  sa 
carrière  administrative  fut  interrompue  en  400. 

Je  crois  également  qu'il  va  lieu  de  le  distinguer  d'un  homo- 
nyme qui,  vingt-cinq  ans  plus  tard,  fut  grand  chambellan 
de  Théodose  le  jeune'.  Il  est  peu  probable  que  la  révocation 
motivée  dont  il  fut  l'objet  dans  l'Empire  d'Occident  lui  ait 
servi  de  recommandation  pour  obtenir  une  des  plus  hautes 
charges  de  l'Empire  d'Orient. 

Très  certainement  on  ne  le  confondra  pas  avec  l'auteur 
des    Saturnales4.  Sur  ce  point,  l'inscription   de    Souk   El- 

1.  Borghesi,  X,  &82. 

2.  Cod.  Theod.,  XI.  28,  <i. 

3.  Cod.  Theod.,  VI,  s,  I. 

1.  Cf.  Teuffel,  Geschichte  der  rôm.  Lilteratur*,§  lii. 


UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    IiU    PRÉTOIRE  381 

Ahiod  tranche  une  controverse  sur  la  carrière  administra- 
tive de  l'écrivain  latin  :  celui-ci  s'appelait  Aurelius  Ambro- 
sius  et  non  Flavius  Maximianus. 

Mais  Ya<jens  vices  de  notre  inscription  doit  être  le  même 
qui  fut  vice-préfet  en  Espagne  à  la  iin  de  janvier  399.  Il 
est  mentionné  dans  une  constitution  '  adressée  à  Macrobius 
préfet  du  prétoire  d'Espagne  et  à  Probianus  vicaire  des  cinq 
provinces.  Le  titre  de  préfet  d'Espagne  est  insolite  et  Gode- 
froy  a  eu  raison  de  dire  que  les  sigles  PPO  désignent,  non 
pas  un  préfet  du  prétoire,  mais  une  personne  faisant  fonc- 
tion de  préfet.  Suivant  lui,  ce  serait  un  vicaire,  mais  il  est 
inadmissible  que,  dans  la  même  adresse,  on  ait  qualifié 
deux  fonctions  identiques  par  des  termes  différents. 

Macrobius  fut  vice-préfet  d'Espagne  au  commencement 
de  399.  La  préfecture  des  Gaules  avait  alors  un  titulaire 
unique,  FI.  Vincentius  2,  l'ami  de  saint  Martin  de  Tours  :i. 
Les  inscriptions  nous  font  connaître  trois  autres  vice-préfets 
de  cette  région  :  Septimius  Acindynus  et  Q.  ^Eclanius 
Hermias,  sous  le  règne  de  Constantin  '',   et  un  anonyme  '. 

Macrobe  fut  destitué  au  cours  de  l'année  400,  pour  avoir 
contrevenu  au  règlement  qui  défendait,  même  au  préfet  du 
prétoire,  de  délivrer  des  permis  d'user  de  la  poste  publique, 
sauf  dans  les  cas  de  nécessité  °.  Honorius  le  constate  dans 
un  rescrit  adressé  au  préfet  des  Gaules,  FI.  Vincentius7.  Il 
ajoute  :  (  pour  que  le  fait  ne  se  renouvelle  pas  à  l'avenir, 
veuillez  avertir  les  vicaires  et  leurs  bureaux  de  ne  pas  com- 
mettre une  pareille  usurpation  de  pouvoirs.  »  Il  ne  faut  pas 
conclure  de  ce  passage  que  Macrobe  était  lui-même  un 
vicaire  ;  le  vice-préfet  étant  révoqué,   c'est  aux  vicaires  en 

1.  Cod.  Theod.,  XVI,  LO,  11. 

2.  Borghesi,  X,  713. 
:?.  //ni/.,  71  1,  n.  i. 

i.  Jbiil..  X,  675,  <>76. 

ô.  Tbid.,  X,  764. 

ti.  Cod.  Theod.,  VIII,  5.  <). 

7.  Ibid.,  VIII,  5,  tu. 


382  IN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE 

charge    dans  tous  les   diocèses   des   Gaules   que   le   préfet 
devait  transmettre  les  instructions  de  l'empereur. 


IV 

La  liste  des  vice-préfets  du  prétoire,  actuellement  con- 
nus, peut  être  ainsi  établie  : 

1°  Sex.  Varius  Marcellus  ',  vice  prœff.  pr.  et  nrbi  functo, 
sous  S.  Sévère  (?),  entre  197  et  218. 

2°  Valerius  Valens  2,  prsef.  vigil.  v.  a.  prxff.  prœt.  e.  e. 
m.  ?n.  v.  v.  sous  Gordien,  en  241  \ 

3°  Septimius   Valentio 4,    a.     v.   prœff.  prœtt.    ce.    t'y., 
sous  Maximien,  en  295. 

4°  Aurelius   Agricolanus  •",      agens    vicem  prsefectorum 
prœtorio,  en  Afrique,  sous  Maximien,  vers  298. 

5°  L.  Domitius  Alexander  ,J,  tôtcov  ïr.iyiv/  -zï  j-âoy:  j  -ft: 
y.j/.r,;  Iv  Ax6ùrt  -/.xOsTTay.svsç,  sous  Maxence,  vers  308. 

6°  C.  Attius  Alcimus  Felicianus  ",  vice  prseff.  prœt.,  en 
Afrique,  vers  la  fin  du  ine  siècle. 

7°  Dionysius8,  vice  prsefectorum  agéns,  sous  Constantin 
et  Licinius,  en  314. 

8°  Septimius   Acindynus  •',   agens  per    Hispanias    vie. 
p(ra?fectoru/7i),  vice  sacra  cognoscens,  sous  Constantin. 

9°  Q.  ^clanius  Hermias"1,  a.  v.  prœf.  prœt.  et  judex 
sacrarum  cognitionum,   en  Espagne,  sous  Constantin. 

1.  Borghesi,  X,  86. 

2.  Ihid..  129. 

3.  11  faut  peut-être  intercaler  ici  Bassus  qui,  d'après  une  inscription  de 
Miliana  dont  on  n'a  que  des  copies  imparfaites  C.I.L..  VIII,  !>6J  I  ,  fut 
vice  prie  f'ectorum],  l'an  205  de  la  province  de  Mauritanie,  c'est-à-dire  l'an 
24 1  de  notre  ère. 

4.  Borghesi.  X.  J50. 

5.  Ihid. .  151. 

6.  lbid.,  156,  n.  1. 

7.  Ibid.,  159  et  783. 

8.  Ihid.,  489. 

9.  lbid.,  675:  cf.  p.  205,  n.  2. 
L0.  Ibid.,  676. 


UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIKE  383 

10°  Helpidius1,  agens  vicem  p.  p.,  sous  Constantin, 
en  321. 

11°  Dracilianus  3,  agens  vices  p.  p.,  en  Orient,  sous 
Constantin,  en  325-326. 

12°  L.  Aradius  Valerius  Proculus  :!,  judicio  sacro  per 
provinciam  proconsularcm  et  Numidiam,  Byzacium  ac 
Tripolim,  itemque  Mauretaniam  Sitifensem  et  Caisariensem 
perfunctus  o/ficio  prœfecturœ  prœtorio,  sous  Constantin. 

13°  L.  Crepereius  Madalianus  4,  agens  vicem  p.  p.,  sous 
Constance,  en  341. 

14°  Germanianus  •"',  jussus  vicem  tueri  Nebridii,  dans  les 
Gaules,  sous  Julien,  en  361. 

15°  Germanianus  (i,  [a.  v.]  p.  po.,  en  Orient,  sous  Julien, 

en  362. 

16°  Claudius  Avitianus  7,  cornes  primi  ordinis,  agens  pro 
pra{efe]ctis,  en  Afrique,  sous  Julien,  vers  362. 

17°  Sex.  Petronius  Probus  8,  [a.  v.}  p.  po.,  en  Illyrie, 
sous  Valentinien,  en  364. 

18°  Antoninus  Dracontius  9,  ag.  v.  p.p.,  ou  [vices  agens 
p)er  A f ricanas  [provincias],  en  Afrique,  sous  Valentinien, 
vers  366. 

19°  gerens  vices  inlustris  prœfecturœ  10,  en  Illyrie, 

sous  Gratien,  en  376. 

20°  Placidus  Severus11,  a.  v.  prœf.  prset.,  en  Orient, 
sous  Valens. 


1.  Borghesi,  X,  498. 

2.  Ibid..  X,  L94. 

3.  Ibid.,  506. 
i.   Ibid.,  76  i. 

5.  Am.  Marcel.,  XXVI,  5,  5.  Cf.  Edouard Cuq,  Mélanges Boissier,  p.  153. 

6.  Borghesi,  X,  223.  Cf.  Edouard  Cuq,  loc.  cit. 

7.  IbÙ.,  X.  531. 

8.  Cod.  Theod.,  I,  29,  1.  Cf.  Edouard  Cuq,  Mélanges  Boissier,  p.  150. 

9.  Borghesi,  X.  537. 

10.  Ibid.,  799. 

11.  Corp.  inscr.lat.,  VIII,  21521. 


384  UN    NOUVEAU    VICE-PRÉFET    DU    PRÉTOIRE 

21°  Valerius  Anthidius 4,  a.  v.  prœf.  praet.,  en  Italie, 
sous  Gratien. 

22"  Fabius  Pasiphilus  "'.  agis  (sic)  vicem  pr&fectorum 
prœtorio  et  urbi,  en  Italie,  sous  Théodose  Ier,  en  394. 

23"  FI.  Macrobius  Maximianus  3,  p.  o.  c.,ag.  vie.  p.  p., 
en  Afrique,  sous  Honorais. 

2 1"  Umbonius  Juvas  4  agens  per  Africain  pro  pr  se- 
fectis],  sous  Honorius. 

25°  [FI.]  Macrobius  [Maximianus]  ■>.  [a.  v.]  p.  po.  His- 
paniarum,  sous  Honorius,  en  399. 

26°  Alexander6,  p.  o.  c  a;/,  v.  p.  p.,  en  Afrique. 

27°  Hilarius  "(?),  vices  agens  p.  p.  (?),  en  Afrique,  sous 
Honorius,  entre  408  et  423. 

28°  ...  agens  vie.  iminentiu  m  prsefectorum  prœtorio]  8, 
en  Illvrie.  sous  Théodose  II  et  Valentinien  III,  en  424-42*'». 

29°  Bassus 9,  ïzr/wv  ïov  ïotzov  'ïwàvvou  t;j  hdoh,oxixou 
ï-iy/yj  îcpatTwptwv,  en  Orient,  sous  Justinien.  en  541. 

Incertains. 

1°   ....  [prœfecjto  annonce,  v.  a.prfeff.,  en  Italie1". 

2°   ag.  vie.  prœf.,  en  Espagne  M. 

3°  ...  agens  ibi  vice  [praeff.prœt]or.,  en  Afrique12. 

1.  Borghesi,  X.  550. 

2.  Ihid..  569. 

3.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  inscr.,  1912.  p.  115. 

4.  Borghesi.  X.  575. 

5.  Cod.  Theod.,  XVI,  10,  11. 

6.  Corp.  inscr.  lat.,  VU].  12440.  Cf.  Edouard  Cuq,  Les  vice-préfets  <lu 
prétoire,  p.  398  :  Merlin.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  inscr..  1912. 
p.  117. 

7.  Corp.  inscr.  lat.,  VIII,  1358   inexactement  corrigé,  p.  938). 

8.  Borghesi.  X.  470. 

9.  Ihid..  415. 

10.  Ihid..  763. 

11.  Ihid..  764. 

12.  Ihid..  764. 


385 


LES    PUISSANCES    TRIBUNICIENNES    DE    NÉRON, 
PAR    M.     L.    CONSTANS. 

La  chronologie  du  règne  de  Néron  présente  de  sérieuses 
difficultés.  De  l'année  54  à  l'année  GO  de  notre  ère,  les  puis- 
sances tribuniciennes  de  cet  empereur  paraissent  se  comp- 
ter normalement  à  partir  du  jour  de  son  avènement  au 
trône  (13  octobre  5.4)  l,  —  à  une  exception  près,  que  nous 
étudierons  tout  à  l'heure.  Mais  deux  documents  de  l'année 
60  interrompent  la  suite  régulière  de  cette  chronologie.  Les 
actes  des  Frères  Arvales  pour  l'année  60  portent  à 
deux  reprises  :  trib.  pot.  VII,  imp.  VII,  cos.  IIII~.  Un 
diplôme  militaire  du  2  juillet  60  porte  également  :  trib. 
pot.  VII,  cos.  III I  3.  Or,  si  l'on  date  la  première  tribuni- 
cienne  de  Néron  du  13  oct.  54,  c'est  trib.  pot.  VI,  et  non 
VII,  que  l'on  doit  compter  entre  le  13  octobre  50  et  le 
13  octobre  60. 

Ces  documents,  dont  on  ne  peut  révoquer  en  doute  le 
témoignage'',  donnent  tout  naturellement  à  penser  qu'à 
partir  de  l'année  60  les  puissances  tribuniciennes  de  Néron 
furent  comptées  d'après  un  nouveau  système.  Ce  nouveau 
mode  de  numération  s'applique  d'une  façon  fort  vraisem- 
blable aux  inscriptions  des  années  suivantes  •'. 

1.  C./.L.,II,  183;  111,346;  VI,  2011  ;  VII,  L2  ;  IX,  4115;  XII,  5450,  5469, 
5471,  5473.  3171,  3175:  Cagnat,  Année  épigraphique,  1007,  n°  104;  Cagnat 
et  Lafaye,  Inscriptiones  graecne  ad  res  Romanas  pertinentes.  III,  985; 
Ann.  épigr.,  1807,  n°  90  (ces  deux  dernières  fort  incomplètes  . 

2.  C.I.L.,  VI,  2042. 

3.  C.I.L.,  III,  p.  «43. 

1.  Stobbe,  Philologus,  XXXII  1873  .  p. 27  sq.  croyait  que  les  Aclo  des 
Frères  Arvales  étaient  mal  écrits,  et  que  le  diplôme  militaire  devail  être 
attribué  à  une  autre  année  (pie  l'année  60.  Mommsen,  Droit  public  romain, 
V,  p.  62,  note  2.  déclare  avec  raison  cette  opinion  inadmissible. 

5.  C.l.l...  II,  1888  :  6123  publiée!  nouveaudans  VAnn. épigr.,  1900,  n°90  : 
III,  1.7  11  et  D7  12:  XI.  1331;  Ann.èpigr.,  1904,  n°  227:  Insc,  gr.adres  Rom. 


386  LES    PUISSANCES    TRIBUNICIL'NNES    DE    NÉRON 

Les  inscriptions  du  règne  de  Xéron  se  répartissent 
donc,  au  point   de   vue  chronologique,   en  deux  groupes  : 

1°  Jusqu'à  l'année  60,  les  années  tribuniciennes  se 
suivent  régulièrement  à  partir  du  13  octobre  54. 

2°  A  partir  de  Tannée  60,  Xéron  compte  une  puissance 
tribunicienne  de  plus  qu'il  ne  devrait  le  faire  normale- 
ment :  Ir'ib  pot.  VI  devient  trih.  pot.  VII,  trih.  pot.  VII 
devient  trih.  pot.  VIII,  et  ainsi  de  suite. 

Cependant,  cette  répartition  n'est  pas  absolue. 

1°  Trois  bornes  milliaires  de  la  route  d'Emerita  à  Sala- 
manque  portent  :  trih.  pot.  V  imp.  IIII1.  Cette  dernière 
indication,  si  l'on  admet  comme  exact  le  chiffre  indiqué, 
nous  donne  incontestablement  la  date  de  08.  Or,  d'après 
le  premier  mode  de  numération,  l'année  58  est  celle  de 
la  4e  puissance  tribunicienne  2.  Il  y  a  donc  dès  l'année  68 
des  inscriptions  qui  sont  rédigées  d'après  le  second  sys- 
tème. 


pert.,  III.  9S6  incomplète,  attribuée  à  Xéron).  Le  C.I.L..  II,  4888  est  daté 
à  tort,  au  Corpus,  62/63.  C'est  60/61  qu'il  faudrait  trih.  pot.  VJII.  imp.  IX). 
M.  Stuart  Jones  [Revue  archéologique,  190»,  I.  p.  263  sq.>  propose  de  la 
dater  61/62,  en  voyant'dans  trib.pot.  VIII  une  survivance  de  l'ancien  mode 
de  supputation,  ou  dans  imp.  IX  une  erreur  du  lapicide.  C'est  bien  inutile, 
la  date  proposée  par  M.  Maynial  Rev.  arch..  1901,  II,  p.  16Ssq.)  pour  la  9e 
salutation  étant  très  satisfaisante  été  de  61  :  Corbulon  chasse  Vologèse 
d  Arménie,  Tacite,  Ann.  XV,  1-6  .  —  Dans  le  C.I.L.,  III.  67  il  et  6742.  on 
trouve  associés  :  trih.  pot.  XI,  imp.  VIIII.  Si  l'on  admet  avec  M.  Stuart 
Jones  {toc.  cit.,  p.  271  que  la  conspiration  pisoniennc  a  été  l'occasion  de  la 
10°  salutation  impériale,  il  faut  que  trib.  pot.  XI  désigne  l'année  64,  et 
non  l'année  65.  Dans  ce  cas.  ces  inscriptions  seraient  certainement  datées 
d'après  le  second  mode  de  numération,  et  devaient  être  jointes  aux  Actes 
des  Frères  Arvales  et  au  diplôme  militaire  du  2  juillet.  Les  autres  inscrip- 
tions, à  qui  le  second  système  s'applique  fort  bien,  pourraient,  :i  vrai  dire, 
s'accommoder  aussi  du  premier. 

1.  C.I.L..  II,  4652,  4657.  4683.  —  4657  porte  IMP  III. 

2.  On  trouve  trih.  pot.  IIII  associé  à  imp.  IIII  sur  les  bornes  milliaires 
de  la  route  d'Aix  à  Fréjus  :  C.I.L..  XII.  5469  (par  restitution  .  5471.  5473. 
5474.  5475.  L'inscription  bilingue  de  Sarikaïa,  C.I.L.,  III,  346,  donne  même 
trih.  pot.  IIII.  imp.  V. 


LES    PUISSANCES    TR1BUNICIENNES    DE    NÉRON  387 

2°  Deux  monnaies,  citées  par  Cohen1,  portent  la  men- 
tion :  tr.  p.  VI,  cos.  IIII.  Le  4e  consulat  de  Néron  datant 
du  1er  janvier  60,  il  faut  admettre  que  le  premier  système 
de  numération  est  encore  en  vigueur  au  moins  au  début  de 
l'année  60. 

Pour  résoudre  ces  difficultés,  Mommsen  a  proposé  l'ex- 
plication suivante'2.  Néron  aurait  décidé,  dans  le  cours  de 
l'année  60,  que  l'on  compterait  sa  première  année  tribuni- 
cienne  du  13  octobre  54  au  10  décembre  de  la  même  année  ; 
de  la  sorte,  la  trih.  pot.  VII  s'étendrait  du  10  décembre  59 
au  10  décembre  60.  Le  nouveau  système  de  numération 
devrait  être  appliqué,  par  effet  rétroactif,  aux  inscriptions 
qui  restaient  encore  à  graver.  Les  médailles  de  Cohen, 
datées  d'après  le  premier  système,  auraient  été  frappées 
avant  que  le  décret  eût  paru.  D'autre  part,  on  aurait 
rédigé  suivant  le  second  système,  bien  que  portant  des 
dates  antérieures  au  décret,  des  inscriptions  qui  ne  furent 
gravées  que  postérieurement  à  ce  décret  :  tels  les  actes  des 
Frères  Arvales,  telles  les  trois  bornes  milliaires  d'Espagne. 

Cette  explication  de  Mommsen  est  loin  d'être  satisfai- 
sante. On  imagine  malaisément  qu'un  empereur  insère  dans 
la  suite  de  ses  puissances  tribuniciennes  une  puissance  tri- 
bunicienne  fictive.  Si  Néron,  dans  le  cours  de  l'année  60, 
avait  eu  l'idée  de  changer  le  point  de  départ  de  l'année  tri- 
bunicienne,  pour  le  fixer  définitivement  au  10  décembre, 
date  de  l'entrée  en  charge  des  tribuns  sous  la  République, 
il  aurait  tout  naturellement  attendu  le  10  décembre  60  pour 
prendre  une  8e  puissance  tribunice.  Remarquons  d'ailleurs 
qu'il  est  fort  peu  probable  que  Néron  ait  accompli  cette 
réforme.  Car  pourquoi  ses  successeurs  ne  se  seraient-ils  pas 

1.  Cohen.  Description  des  monnaies  frappées  sous  VEmpire  romain,  II. 
u     ^9  et  30. 

•2.  Mommsen,  Droit  public  romain.  V,  p.  62,  note  2.  M.  Cagnat  a  suivi 
le  système  de  Mommsen  dans  son  Cours  d'épigraphie  latine  3'  éilit.. 
p.  183  . 

1912.  26 


38S  LES    PUISSANCES  TRIBUNICIENNES    DE    NÉRON 

conformés  à  une  règle  sage  et  utile,  et  pourquoi  les  voyons- 
nous,  jusqu'à  Nerva,  continuer  à  prendre  leur  (lies  prirtci- 
patus  comme  premier  jour  de  leur  année  tribunicienne  ?  Si 
l'on  suppose,  au  contraire,  que  Néron  eut,  dans  le  cours 
de  l'année  60,  pour  quelque  raison  personnelle  et  qui  nous 
échappe,  le  désir  impérieux  de  prendre  une  puissance  tri- 
bunicienne nouvelle,  il  Ta  évidemment  fait  sur-le-champ, 
et  sa  nouvelle  année  tribunicienne  data  du  jour  de  son 
caprice. 

De  toute  façon,  Néron  ne  peut  avoir  décidé  qu'il  lui  fût 
compté  fictivement  et  rétrospectivement  une  puissance  tri- 
bunicienne de  plus  à  la  date  du  10  décembre  54. 

Mais  cette  hypothèse,  si  peuvraisembable  en  elle-même, 
a-t-elle  du  moins  l'avantage  de  bien  rendre  compte  des  faits 
qu'elle  a  dessein  d'expliquer  ? 

1°  11  est  tout  à  fait  inutile  de  supposer  un  décret  à  effet 
rétroactif  pour  expliquer  que  les  actes  des  Frères  Arvales 
portent  trib.  pot.  VII,  aux  dates  du  1er  et  du  3  janvier  60.  Les 
actes  de  l'année  précédente  portent  en  effet,  pour  le  3  jan- 
vier, la  mention  Cos.  III,  design.  II II.  Or,  à  cette  date, 
Néron  n'était  pas  encore  consul  désigné  pour  l'année  sui- 
vante '.  Nous  devons  en  conclure  que  lorsqu'on  gravait,  à 
la  fin  de  chaque  année,  la  liste  des  sacrifices  offerts  par  la 
confrérie  des  Arvales,  pour  ne  pas  répéter  plusieurs  fois 
tous  les  titres  de  l'empereur,  on  faisait  suivre  son  nom,  la 
première  fois  qu'on  le  nommait,  des  indications  qui  s'appli- 
quaient à  la  plus  grande  partie  de  l'année,  quand  même 
elles  n'auraient  pas  été  exactes  pour  les  premiers  jours  ou 
même  pour  les  premiers  mois. 

2°  Pour  les  bornes  milliaires  d'Espagne,  Mommsen 
paraît  supposer,  bien  qu'il  ne  le  dise  pas  expressément, 
qu'elles  ont  été  rédigées  en  58,  et  gravées  seulement  en  60  ; 

1.  Les  mêmes  actes  des  Frères  Arvales  pour  l'année  59  [CIL.,  VI,  2401^ 
mentionnent  à  la  date  du  4  mars  un  sacrifice  offert  au  Capitule  oh  comi- 
tia  consularia  Neronis. 


LES    PUISSANCES    TRLBUNICIENNES    DE    NÉRON  389 

qu'à  cette  époque,  pour  se  conformer  au  décret  de  Néron, 
on  a  corrigé  trih.  pot.  III  en  trib.  pot.  V.  Mais  nous 
sommes  en  droit  de  nous  étonner  que  l'on  n'ait  pas  profité 
de  l'occasion  pour  mettre  également  au  courant  l'indica- 
tion des  salutations  impériales.  Néron  en  reçut  au  moins 
deux  dans  le  cours  de  l'année  58  :  imp.  IIII  et  imp.  V1. 
11  serait  naturel  qu'en  rédigeant  à  nouveau  les  inscriptions 
de  58,  on  eût  choisi  pour  les  salutations  impériales  de 
cette  année-là  le  chiiïre  le  plus  élevé  possible. 

Si  ces  bornes  milliaires  ont  été  rédigées  et  gravées  en  58, 
nous  sommes  forcés  de  conclure,  ou  bien  que  le  rédacteur 
des  inscriptions  s'est  trompé,  ou  bien  qu'il  y  avait  dès  cette 
époque  une  raison  d'écrire  trib.  pot.   V. 

Si  l'on  adopte  cette  dernière  hypothèse,  voici  l'explication 
qui  nous  paraît  la  plus  vraisemblable. 

Néron  aurait  reçu,  du  vivant  de  Claude,  la  puissance 
tribunicienne,  le  25  janvier"2.  Il  aurait  pris  de  nouveau  la 

1.  M.  Stuart  Jones  {loc.  cil.,  p.  266-269)  attribue  encore  à  l'année  58  la 
trib.  pot.  VI:  la  prise  d'Artaxata  aurait  eu  lieu  en  58,  et  c'est  à  cette 
occasion  que  Néron  aurait  été  salué  imperator  pour  la  6e  fois.  Mais  pour 
modifier  la  chronologie  solidement  établie  par  Eyli  (Feîdzùge  in  Arménien 
von  41-62  n.  Chr.),  et  d'après  laquelle  la  prise  d'Artaxata  aurait  eu  lieu 
seulement  au  printemps  de  59,  M.  Stuart  Jones  ne  s'appuie  que  sur  un  seul 
document  :  c'est  le  protocole  des  Frères  Arvales  pourj'année  59,  qui  porte, 
à  la  date  du  3  janvier  :  TRIB  POT  V  IMP  VI  COS  III  DESIGN  IIII.  Or 
nous  avons  vu  que  les  actes  des  Frères  Arvales  sont  rédigés  d'une  façon 
particulière  qui  admet  l'anticipation  :  elle  est  manifeste,  dans  ce  document 
même,  pour  DESIGN  IIII.  Nous  préférons  donc  compter  les  6e  et  7°  salu- 
tations impériales  de  la  façon  suivante  : 

imp.   VI  :  printemps  de  59,  prise  d'Artaxata. 

imp.  VII  :  été  de  60,  établissement  de  Tigrane  sur  le  trône  d'Arménie 
(Tacite,  Ann.,  XIV,  26). 

2.  C'est  la  date  où  commence  l'année  tribunicienne  de  Claude.  Les 
exemples  d'Auguste  et  de  Vespasien,  et  les  conclusions  qu'en  a  tirées 
Mommsen  (o/>.  cit.,  V,  p.  63)  nous  invitent  à  penser  que  si  Claude  a  conféré 
à  Néron  la  puissance  tribunicienne.  il  l'a  l'ait  le  jour  où  il  renouvelait  la 
sienne.  Quant  à  l'hypothèse  même  d'une  puissance  tribunicienne  conférée 
à  Néron  du  vivant  de  Claude,  bien  qu'aucun  texte  ne  l'autorise,  elle  est 
très  vraisemblable  cl.  Tacite,  Ann.,  XII,  25  ;  XII.  il:  XIII,  21).  Mom- 
msen  s'y  est  arrêté  quelque  temps  ■Heriiu-s,  II.  |>.  :>7  sq.). 


390  '  LES    PUISSANCES    TRIBUN  ICLENNES    DE    NÉRON 

puissance  tribunicienne  le  jour  de  son  avènement  à  l'em- 
pire (13  octobre  54),  et,  désireux  d'effacer  autant  que  pos- 
sible ce  qui  rappelait  la  mémoire  de  Claude,  il  aurait 
ordonné  qu'on  datât  de  ce  jour  seulement  sa  première 
année  tribunicienne.  Le  graveur  d'Espagne  aurait  ignoré 
le  décret,  et  aurait  compté  les  années  tribuniciennes  de 
Néron  à  partir  du  25  janvier  54.  Le  25  janvier  60,  Néron 
aurait  décidé  que  sa  7e  puissance  tribunicienne  lui  serait 
comptée  à  partir  de  cette  date,  au  lieu  de  ne  commencer 
que  le  13  octobre  60. 

En  faisant  mourir  sa  mère,  il  avait  brisé  le  seul  lien  qui, 
avec  l'adoption  de  Claude,  le  rattachait  à  la  famille  d'Au- 
guste :  inquiet  du  mouvement  des  esprits  en  faveur  de 
Rubellius  Plautus,  qui  avait  de  par  sa  naissance  des  droits 
à  l'empire  ',  il  aurait  voulu  faire  valoir  la  supériorité  des 
siens  en  rappelant  de  quels  honneurs  il  avait  été  revêtu 
par  Claude. 

Dans  ce  cas,  on  devra  considérer  les  monnaies  29  et  30  de 
Cohen  (tr.  p.  VI.,  cos.  IIII)  comme  ayant  été  frappées 
entre  le  1er  et  le  25  janvier  60. 

Mais  il  est  assez  difficile  d'admettre  qu'un  décret  de 
l'empereur  relatif  à  la  chronologie  de  son  règne  ait  été 
ignoré  en  Espagne.  Nous  préférerions  croire  à  une  erreur  de 
rédaction.  Il  faut  en  effet  remarquer  : 

1°  Que  ces  trois  inscriptions  proviennent  toutes  de  la 
même  route,  celle  d'Emerita  à  Sala  manque,  et  peuvent 
donc  très  vraisemblablement  être  l'œuvre  du  même  auteur. 

2°  Que  l'inscription  4657  porte  IMP  III,  ce  qui  ne  peut 
s'expliquer  autrement  que  par  une  erreur  :  d'où  1  on  pourrait 
conclure  aisément  que  le  groupe  d'inscriptions  auquel  elle 
appartient  a  été  rédigé  sans  soin. 

Si  donc  il  est  permis  de  ne  pas  tenir  compte  de  ces  trois 
bornes  milliaires  d'Espagne,  on  doit  considérer  que  Néron 

1.  Tacite.  .Win..  XIV.  'li. 


LES    PUISSANCES    TRIBUNÏCIENNES    DE    NÉRON  39i 

eut  la  fantaisie,  dans  les  premiers  mois  de  l'année  60  j,  de 
prendre  une  puissance  tribunicienne  nouvelle.  Il  resterait  a 
expliquer  cette  «  fantaisie  ».  Ne  s'est-il  rien  produit,  dans 
le  cours  de  l'année  60,  qui  fût  de  nature  à  la  provoquer? 
Voici  ce  que  nous  proposons,  à  titre  de  pure  hypothèse  : 

Tacite  nous  apprend  que,  sous  le  4e  consulat  de  Néron 
(60),  une  comète  brilla  dans  le  ciel,  et  quelle  effraya  beau- 
coup l'empereur,  parce  que  la  superstition  populaire  voyait 
dans  ce  phénomène  l'annonce  d'un  changement  de  règne  2. 
D'autre  part,  Suétone  nous  dit  que  Néron  consulta  au  sujet 
de  cette  comète  un  astrologue  nommé  Balbillus  :  la  réponse 
fut  qu'il  devait  détourner  de  sa  tête  les  malheurs  qui  le 
menaçaient  en  mettant  à  mort  quelques  personnages  de 
rang  illustre  3.  Ne  pouvons-nous  pas  supposer  qu'un  autre 
astrologue,  ou  quelque  courtisan,  ou  Néron  lui-même,  ait 
cherché  le  moyen  d'opérer  à  peu  de  frais  le  changement  de 
règne  exigé  par  la  comète?  Et  l'idée  suivante  pouvait  aisé- 
ment germer  dans  le  cerveau  de  quelque  flatteur,  aisément 
se  développer  dans  l'imagination  d'un  monarque  supersti- 
tieux :  que  l'empereur  prît  une  puissance  tribunicienne 
nouvelle,  ce  serait  comme  l'inauguration  d'un  nouveau 
règne,  et  Néron  aurait  donné  raison  à  la  comète  sans  se 
faire  tort  à  lui-même. 

Sénèque  nous  apprend  que  cette  comète  resta  visible 
pendant  six  mois  4.  Comme  d'ailleurs  Tacite,  après  avoir 
parlé  de  la  comète,  entreprend  au  chapitre  suivant  de 
raconter    la    campagne    d'Arménie    de    l'année    59,    nous 

1.  Aucune  détermination  plus  précise  n'est  possible  actuellement  :  »  dans 
les  premiers  mois  de  l'année  60  »,  c'est-à-dire  assez  tard  dans  l'année  pour 
que  la  chose  ait  été  ignorée  de  ceux  qui  frappèrent  les  monnaies  29  et  30  de 
Cohen  ;  assez  tôt  pour  qu'elle  ait  été  connue  de  ceux  qui,  le  2  juillet  tiO. 
rédigèrent  l'inscription  C./.L.,  III,  p.  s '..">;  assez  tôt  encore  pour  qu'on  ait 
pu,  dans  les  actes  des  Frères  Arvales,  appliquer  à  l'ensemble  de  l'année  60 
la  mention  trib.  pot.  VIL.  sans  trop  d'inexactitude. 

2.  Tacite,  Ann.,  XIV,  22. 

3.  Suétone,  Néron,  36. 

1.   Sénèque,   Questions  naturelles.  VII,  21.  2. 


392  LIVRES    OFFERTS 

sommes  autorisés  à  croire  que  cet  astre  brilla  pendant  l'hi- 
ver de  59  à  60,  ce  qui  permet  de  placer  la  décision  de 
Néron  dans  les  premiers  mois  de  l'année  60. 

Voici  comment,  en  définitive,  nous  dresserions  le  tableau 
des  puissances  tribuniciennes  de  Néron. 

13  octobre  .Vt       trib.  pot.  I 

—  55  // 
56  /// 

_57            —  //// 

—  58  V 

—  59            —  VI 
Dans  les  premiers  mois  de  l'année  60             —  W/ 

_       61             —  "      .  VIII 

—  62  IX 

—  63  —  X 
_6i  —  XI 
_      65           —  XII 

66  XIII 

_      67            —  XIV 

—  68           —  XV 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Viollet  présente,  do  la  part  de  l'auteur,  un  volume  intitulé  :  His- 
toire de  la  dîme  ecclésiastique  dans  le  royaume  de  France  aux  XIIe  et 
XIIIe  siècles,  par  M.  Paul  Viard  (Paris,  1912,  in-8°). 

«  Un  professeur  à  la  Faculté  libre  de  droit  de  Lille,  M.  Viard,  à  qui 
nous  devons  une  étude  sur  la  dîme  jusqu'au  Décret  de  Gratien,  étude 
(jui  a  paru  en  1909,  publie  aujourd'hui  une  Histoire  de  la  dîme  ecclé- 
siastique aux  XIIR  et  XIIIe  siècles. 

«  Pendant  cette  période,  la  dîme,  perçue  originairement  par  et  pour 
le  clergé,  tend  à  se  confondre  avec  les  autres  redevances  seigneu 
riales.  Absorbée  par   le    régime  féodal,   elle  est    maintenant   inler- 


SÉANCE    DU    î)    AOUT    1912  393 

chano-eable  avec  les  rentes  et  les  droits  utiles  les  plus  divers.  En 
un  mot,  «  la  redevance  de  la  créature  au  créateur,  dit  excellemment 
M.  Viard,  est  devenue  celle  du  tenancier  au  propriétaire  »  (p.  177). 

«  L'Ésrlise  s'efforce  à  lutter  contre  cette  transformation,  mais  les 
mœurs  et  la  coutume  l'emportent  facilement  sur  la  doctrine  et  sur  les 
principes.  Un  éminent  canoniste  justifie  cette  déroute  des  principes 
en  termes  fort  remarquables  :  les  règles  écrites,  proclame-t-il,  doivent 
être  interprétées  par  la  coutume,  qux>  optima  est  legum  interpres. 
Alias  totus  mundus  fere  esset  in  damnntione  (p.  145). 

<(  Telle  est,  ce  me  semble,  la  notion  générale  et  fondamentale  qui 
se  dégage  de  cette  étude  minutieuse  dont  je  ne  puis  suivre  aujour- 
d'hui tous  les  détails  et  les  curieuses  ramifications.  » 


SEANCE  DU  9  AOUT 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

Le  Président  prononce  l'allocution  suivante: 

«   Mes  chers  Confrères, 

«  Un  nouveau  deuil  vient  de  frapper  l'Académie.  J'ai  le  regret 
de  vous  annoncer  le  décès  de  notre  correspondant  M.  Albert 
Martin,  professeur  de  langue  et  de  littérature  grecque  à  l'Uni- 
versité de  Nancy,  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  Lettres.  Il 
nous  appartenait  depuis  douze  ans.  Il  était  âgé  de  58  ans. 

«  Originaire  de  Béziers,  il  avait  été  élève  de  l'Ecole  des  Hautes 
Études,  de  la  Sorbonne  et  de  l'Kcolede  Home.  Il  s'était  spécialisé 
dans  les  études  helléniques.  Vous  vous  rappelez  ses  études  sur 
l'Ostracisme,  sur  les  Cavaliers  grecs,  sur  les  manuscrits  d' Iso- 
craie  et  les  scolies  d'Aristophane.  Il  avait  édité  les  notices  de 
Charles  Graux  sur  les  manuscrits  grecs  de  Suède.  Il  avait  colla- 
boré au  dictionnaire  de  MM.  Daremberg  et  Saglio.  Il  était  assidu 
à  nos  séances  quand  il  venait  à  Paris,  et  l'an  dernier  encore  (le 
2  juin),  presque  à  pareille  époque,  il  nous  lisait  un  travail  sur 
quelques  corrections  du  texte  de  VÉlectre  d'Euripide,  Il  s'était 


39  i  NOTE    SUR    UN    DIPLOME    MILITAIRE 

présenté  à  nos  suffrages  pour  un  fauteuil  de  membre  libre  et  il 
avait  rencontré  des  sympathies  qui  l'avaient  engagé  à  renouveler 
sa  candidature.  Il  fût  sans  doute  devenu  des  nôtres  sans  la 
cruelle  maladie  qui  a  mis  fin  à  ses  jours  par  une  mort  préma- 
turée. 

«  A  sa  famille  et  à  ses  collègues  l'Académie  adresse  l'expres- 
sion de  sa  bien  cordiale  sympathie.  » 

M.  Léon  Dorez  lit  une  note  sur  un  manuscrit  contenant  des 
poésies  et  un  beau  portrait,  sans  nul  doute  exécuté  à  Rome  ou 
à  Viterbe  en  1472,  de  l'humaniste  véronais  Leonardo  Montagna, 
secrétaire  apostolique  sous  Calixte  III,  mort  en  1485'. 

M.  Mispoulet  donne  lecture  d'une  note  sur  un  diplôme  mili- 
taire découvert  en  Thrace,  concernant  la  flotte  de  Misène,  du 
9  février  71  2. 


COMMUNICATION 


NOTE   SLR    UN   DIPLÔME  MILITAIRE    DÉCOUVERT  EN  THRACE, 
CONCERNANT  LA   FLOTTE  DE   MISÈNE.   DU  9    FÉVRIER  71, 
PAR    M.    J.-B.    MISPOULET. 

Au  début  de  1911,  deux  nouveaux  diplômes  militaires, 
trouvés  tous  les  deux  en  Thrace,  ont  été  publiés  l'un  '  par 
M.  Dobruskv.  l'autre  par  M.  Vassis  4,  ce  qui  porte  à  12(1  le 
nombre  de  ces  monuments  actuellement  connus,  en  comp- 

1 .  Voir  un  prochain  cahier. 

2.  Voir  ci-après. 

3.  Jahreshefte  des  rester,  areh.  Instituts  in  Wien,  XIV  1911  .  p.  130: 
Bas  ersle  Militârdiplom  des  K.  Maximinus.  Il  a  été  publié  ensuite  par 
L.  Cantarelli  Bullet.  délia  Comin.  archeol.  coin,  di  Roma,  1911.  fasc.  IV) 
qui  lui  donne  le  n°  119  parce  qu'il  ne  connaît  pas  encore  le  suivant. 

i.    'AOv.và,  1911,  p.  \'i'j. 


NOTE    SUR    IN    DIPLOME    MILITAIRE  39o 

tant  le  petit  fragment  do  Vienne  '  et  le  Diptyque  de  Phila- 
delphie 2  dont  la  seconde  partie  peut  maintenant  être  con- 
sidérée comme  rentrant  dans  cette  catégorie. 

Le  diplôme  publié  par  M.  Dobrusky  avec  une  excellente 
reproduction  photographique  se  compose  de  la  première 
tablette  seule  du  diptyque.  Ainsi  que  le  fait  remarquer 
l'éditeur,  c'est  le  premier  qui  émane  de  l'empereur  Maximin 
le  Thrace  ;  il  est  du  7  janvier  de  l'année  237  et  il  nous 
révèle,  comme  le  fait  justement  observer  M.  L.  Cantarelli, 
le  prénom  Lucius,  ignoré  jusqu'ici,  du  consul  de  cette 
année,  Marius  Perpetuus.  Il  a  été  délivré  à  un  eques  sin- 
ffùlaris,  M.  Aurelius  Zerula,  fils  de  Mucatralis,  originaire 
d'Ulpia  Serdica  ex  Thracia. 

Nous  n'avions  qu'un  seul  diplôme  concernant  ces  cavaliers 
de  la  garde  personnelle  de  l'empereur  :  celui  d'Alexandre 
Sévère,  daté  du  7  janvier  230  3.  Par  un  hasard  singulier, 
les  deux  textes  ne  concordaient  pas  :  à  l'intérieur  se  trouvait 
la  formule  usitée  pour  les  troupes  auxiliaires  avant  la 
réforme  opérée  par  Antonin  le  Pieux  entre  les  années  139 
et  lia,  tandis  que  le  texte  extérieur  contenait  la  formule 
adoptée  pour  ces  mêmes  troupes  à  partir  de  145.  Le  nou- 
veau diplôme  tranche  définitivement  la  question  :  il  porte 
tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur  le  même  texte,  et  c'est 
celui  de  la  scriptura  e.rfcrior  du  diplôme  de  230.  Il  montre 
en  même  temps  que  cette  date  du  7  janvier  était  alors  cons- 
tante, aussi  bien  pour  les  équités  sinqulares  que  pour  les 
gardes  prétoriens. 

1.  Jahrbuch  fur  Allertumskunde,  IV  loi 0),  p.  I90h.  Publié  par 
W.  Kubitschek. 

•2.  Voyez  C.R.  de  l'Ac.  des  inscript.,  Ji»I0,  p.  793.—  Depuis  cette  époque, 
H.  Dessau  a  proposé  une  nouvelle  lecture  du  texte  trib.  pot.  VIII.  imp. 
X  VI)  qui  fixe  à  l'année  83-89  la  date  de  ledit  de  Domitien.  Il  en  résulte  que 
la  seconde  partie  relative  aux  soldats  de  la  Légion  X  Fretensis,  qui  porte 
la  date  du  28  février  93,  est  distincte  de  cel  édil  et  constitue  un  diplôme 
militaire.  Dessau,  V.n  dem  neuen  aegyptischen  Militàrdiplom,  dans  Zeit- 
schrift  der  Savigny-Stiftung,  Util,  p.  384. 

3.    (.'. /./..,  III,  n.  LXXXVII. 


396  NOTE    SUR    ON    DIPLÔME    MILITAIRE 


I 


Mais  c'est  surtout  sur  le  second  diplôme  que  je  voudrais 
insister,  d'autant  plus  qu'il  soulève  des  problèmes  nou- 
veaux d'un  grand  intérêt  et  qu'il  paraît  avoir  échappé  jus- 
qu'à ce  jour  à  l'attention  des  épigraphistes  '.  Toutefois  je 
tiens  dès  le  début  à  faire  mes  réserves  sur  le  texte,  n'ayant 
eu  sous  les  veux  qu'une  simple  transcription,  car  M.  Vassis 
n'en  a  donné,  contrairement  à  la  règle  généralement  suivie 
depuis  plus  de  vingt  ans,  ni  la  photographie  ni  un  fac- 
similé. 

Ce  diplôme  concerne  un  centurion  de  la  flotte  de  Misène, 
Hesbenus  (ou  Hezbenus),  tils  de  Dulazenus,  de  Sappa  2,  en 
Thrace,  et  son  fils,  Dolès.  Il  est  daté  du  9  février  71.  De 
la  même  année  nous  possédions  déjà  deux  constitutions 
jumelles  3 —  c'est  l'expression  de  Mommsen  —  et  presque 
identiques  concernant  l'une,  la  flotte  de  Ravenne,  et  l'autre, 
celle  de  Misène.  Une  troisième  4,  malheureusement  incom- 
plète, dont  la  date  se  place  entre  le  14  et  le  30  avril  de  la 
même  année,  ne  nous  fait  pas  connaître  le  nom  de  la  flotte 
à  laquelle  elle  est  adressée,  mais  qui  est  très  probablement, 
comme  le  suppose  Mommsen,  celle  de  Ravenne. 

Du  nouveau  diplôme,  la  seconde  tablette  seule  nous  est 
parvenue.  Voici  le  texte  qu'elle  porte  sur  ses  deux  faces  : 


1.  Il  n'a  été  ni  reproduit,  ni  même  signalé  dans  aucun  périodique  :  Dessau, 
à  qui  il  a  été  communiqué  par  l'éditeur,  est  le  seul  auteur  qui  l'ait  men- 
tionné jusqu'ici. 

2.  Appien  mentionne,  en  Thrace,  les  Corpili  et  les  Sapaei.  B.C.,  IV,  87: 
■:à  utevà  r<3v  KopjctXeov  /.ai  Sarcatojv;  lo2:  i~A  tôv  EaTatwv  irevôv. 

3.  C.I.L.,  III,  n°»  VIII  et  IX. 
i.  Ihid..  n.  X. 


NOTE    SUR    UN    DIPLÔME    MILITAIRE  397 

Face  extérieure 

IMP.CAESAR  VESPASIANVS  AVG. PONT. MAX 
TRIB.POT.  II  IMP.  VI    P.P.     COS.     III 
VETERANIS  QVI    MILITA VERVNT  IN  CLAS 
SE    MISENENSE  QVI  SENA  ET  VICENA  STI 
PENDIA  AVT  PLVRA  MERVERVNT  ET  SVNT 
DEDVCTI  PAESTI  QVORVM  NOMINA     SVB 
SCRIPTA    SVNT  IPSIS  LIBERIS  POSTERISQ 
EORVM     CIVITATEM  DEDIT  ET  CONVBIVM 
CVM  VXORIBVS  QVAS  TVNC  HABV1SSENT 
CVM  EST  CIVITAS  IS  DATA  AVT  SI  QVI  CAE 
LIBES  ESSENT    CVM    IS    QVAS  POSTEA  DV 
XISSENT    DVM  TAXAT     SIMGVLI     SING 
VLAS.  P.   A  .  D  .  V  .  ID.  FEBR.IMP.   CAES 
AVG. III.  M.  COC.    NER.       COS. 

HESBENVS    DVLAZENI  F.     SAPP. 

ET  DOLES  F.  EIVS 
DESCRIPTVM  ET  RECOGNITVM  EX  TABVLA 
AENEA  QVAE  FIXA  EST  ROMAE  IN     CA 
PITOLIO  AD  ARAM  GENTIS  IVL.IN  PODIO 
PARTE    EXTERIORE  TAB.I 

Face  intérieure 

AVT  SI  QVI  CAELIBES   ESSENT   CVM  IS  QVAS 
POSTEA  DV  XI S  SENT  DVMTAXAT    SIMGVLI 
SINQVLAS,    POS.A.D.   VID.     FEBR. 
IMP.  CAESAR  VESP.AVG.III.M.COCCEIO  NERVAE.COS. 
CENT.HEZBENVS     DVLAZENI  SAPPA 

ET 
DOLES  F. EIVS 

DESCRIPTVM  ET  RECOGNITVM  EX  TABVLA 
AENEA  QVAE  FIXA  EST  ROMAE  IN  CAPITOL 
AD  ARAM  GENTIS    IVLIAE    IN  PODIO  PARTE 
EXTERIORE  TAB.I 


398  NOTE    SUR    UN    DIPLÔME    MILITAIRE 

Nous  avons  donc,  sur  la  face  intérieure,  la  fin  du  texte 
formant  la  scriptura  interior  et,  sur  la  face  extérieure,  la 
scriptura  exterior,  c'est-à-dire  le  texte  complet  de  la  cons- 
titution. Tel  n'est  pas,  on  le  sait,  l'ordre  habituel.  En  géné- 
ral, la  scriptura  exterior  se  trouve  sur  la  face  extérieure  de 
la  première  tablette  (page  1),  et,  à  la  place  qu'elle  occupe 
ici  (page  4),  sont  les  cachets  et  les  noms  des  témoins. 
M.  H.  Dessau  fait  justement  remarquer  que  deux  autres 
diplômes,  celui  de  Salone,  actuellement  au  Musée  de  Berlin, 
qui  est  de  la  même  année  que  le  nôtre  et  qui  a  trait  à  la 
flotte  de  Ravenne  (n°  VIII),  et  celui  de  Stannington,de  124 
(n°  XLIII),  offrent  le  même  dispositif  exceptionnel. 

Jusqu'ici  on  ne  s'était  guère  préoccupé  de  cette  singu- 
larité ;  aussi  n'avait-on  pas  tenté  de  l'expliquer.  M.  Dessau. 
le  premier,  a  attiré  l'attention  des  savants  sur  cette  ques- 
tion, et  voici  la  solution  qu'il  propose.  Il  pense  que  ce  dis- 
positif, qui  parait  constituer,  au  premier  abord,  une  ano- 
malie, est,  au  contraire,  tout  à  fait  logique,  si  l'on  consi- 
dère l'époque  à  laquelle  appartiennent  les  documents  où 
on  l'emploie.  En  effet,  on  a  constaté  depuis  longtemps 
que,  jusqu'au  règne  de  Domitien,  le  texte  intérieur  des 
diplômes  est  assez  soigné  ;  c'est  seulement  dans  la  période 
suivante  qu'on  le  néglige  de  plus  en  plus  et  qu'on  le 
relègue  au  second  plan.  Il  est  donc  rationnel,  d'après 
M.  Dessau,  qu'aussi  longtemps  que  le  texte  intérieur  fut 
considéré  comme  principal  et  l'extérieur  comme  secondaire, 
c'est-à-dire  jusqu'au  règne  de  Domitien,  on  ait  placé  ce 
dernier  à  la  quatrième  page,  et  que,  plus  tard,  lorsqu'il  est 
devenu  la  partie  principale,  on  l'ait  transporté  à  la  pre- 
mière. 

Je  ne  puis,  pour  ma  part,  me  rallier  à  cette  opinion.  A 
mon  avis,  M.  Dessau  confond  une  question  de  principe  avec 
une  question  de  fait.  Le  principe  qu'il  rappelle  n'a  jamais 
varié  :  au  second  et  même  au  troisième  siècle,  comme  au 
premier,  c'est  toujours  le  texte  intérieur  qui,  seul,  fail  foi 


NOTE    SIR    UN    DIPLÔME    MILITAIRE  399 

et  est  par  conséquent  le  principal.  Le  témoignage  formel 
du  jurisconsulte  Paul  '  prouve  que,  de  son  temps,  ce  prin- 
cipe est  toujours  en  vigueur. 

Ce  qui  a  changé  avec  le  temps,  ce  n'est  donc  pas  le  prin- 
cipe, c'est  la  pratique  seule.  Et  on  s'explique  d'ailleurs 
qu'en  ce  qui  touche  les  diplômes  militaires,  le  texte  exté- 
rieur soit  devenu  bien  vite  le  principal,  si  l'on  songe  qu'é- 
tant gravé  sur  bronze,  il  était  pour  ainsi  dire  indélébile  et 
offrait  dès  lors,  contre  la  fraude,  des  garanties  qu'on  ne 
trouvait  ni  dans  les  tablettes  de  cire  ni  dans  les  tablettes 
écrites  à  l'encre. 

D'autre  part,  si  la  règle  posée  par  M.  Dessau  avait  été 
réellement  appliquée,  on  ne  voit  pas  pourquoi  on  n'en  trou- 
verait que  deux  exemples  dans  les  diplômes  de  cette  pé- 
riode, et  surtout  pourquoi  il  en  existerait  un  à  la  date  de 
124. 

Les  faits  connus  attestent  ainsi  d'une  façon  certaine  que 
nous  nous  trouvons  en  présence  d'une  anomalie.  Comment 
l'expliquer?  Je  ne  veux  pas  entreprendre  ici  une  démons- 
tration en  règle  de  la  solution  à  laquelle  m'ont  conduit  mes 
recherches;  je  me  contenterai  de  l'indiquer  en  quelques 
mots.  Pour  moi,  les  trois  exceptions  connues  jusqu'ici  s'ex- 
pliquent facilement  par  une  erreur  commise  par  celui  qui 
était  chargé  de  confectionner  le  diplôme.  Chaque  tablette 
était  gravée  séparément  et,  souvent,  sinon  toujours,  on 
gravait  le  texte  intérieur  avant  le  texte  extérieur.  Pour 
gagner  du  temps,  il  devait  arriver  fréquemment  que  cette 
seconde  opération  se  fît  en  présence  des  témoins  appelés 
au  dernier  moment,  c'est-à-dire  lorsque  les  deux  tablettes 
étaient  déjà  assemblées  et  rattachées  par  le  triple  lil  de  fer. 
Si  l'on  admet  que  telle  était  la  manière  de  procéder  habi- 
tuelle (que  justifient  certaines  particularités  que  j'ai  rele- 
vées dans  les  diplômes),  il  sera  facile  de  comprendre  qu'on 

1.  Seul.,  V,  25,  6:  ut  exteriori  scripturae  fidem  interior  servet. 


400  NOTE    SUK    OH    DIPLÔ.MK    MILITAIRE 

ait  pu  confondre,  k  toutes  les  époques,  la  page  i  avec  la 
page  1  et  mettre  le  texte  extérieur  à  la  place  généralement 
occupée  par  les  cachets  des  témoins. 

C'est  par  une  erreur  analogue  qu'il  faut,  je  crois,  expli- 
quer la  singularité  que  présente  le  Diptyque  en  bois  de  Phila- 
delphie. Conformément  à  la  règle  en  usage  pour  les  actes 
privés,  ce  diptyque  porte,  sur  la  face  extérieure,  les  cachets 
des  témoins  et  le  commencement  du  texte  extérieur;  mais, 
contrairement  à  cette  règle,  il  contient  sur  la  face  inté- 
rieure, non  pas  le  commencement,  mais  la  fin  du  texte  ex- 
térieur. L'erreur  s'explique  tout  naturellement,  si  l'on 
suppose  que  le  texte  intérieur  a  été  écrit,  et  les  deux 
tablettes  assemblées  et  attachées  avant  la  rédaction  du 
texte  extérieur1.  Elle  n'avait  d'ailleurs  aucun  inconvénient 
au  point  de  vue  pratique,  car,  pour  réparer  le  mal,  il  suffi- 
sait, lorsqu'on  ouvrait  le  diptyque,  de  placer  la  première 
tablette  sous  la  seconde  au  lieu  de  la  mettre  au-dessus. 


II 

Si  nous  abordons  maintenant  le  texte,  nous  relevons  un 
certain  nombre  de  particularités  :  1°  des  fautes  d'ortho- 
graphe qu'on  ne  rencontre  nulle  part  ailleurs  :  simguli,  sin- 
qulas,et  des  abréviations  insolites  :  Coc.  Ner.  ;  2°  le  nom 
du  bénéficiaire  au  nominatif  et  non  au  datif  comme  c'est  la 
régie,  et,  sans  sa  qualité,  dans  le  texte  extérieur,  tandis  que, 
dans  le    texte    intérieur,    son   nom  Hezbenus   (Hesbenus  à 

1.  Dessau,  dans  l'article  déjà  cité  (p.  305  n.  1  .  propose  une  autre  expli- 
cation :  la  tablette  du  diptyque  conservée  serait,  non  pas  la  première, 
mais  la  seconde.  Son  raisonnement  est  fondé  sur  cette  idée  que  le 
diptyque,  étant  un  diplôme  militaire,  devait  en  avoir  adopté  le  dispo- 
sitif habituel.  Je  persiste  à  croire,  étant  donnés  surtout  la  matière  dont  on 
s'est  servi  et  le  caractère  privé  de  l'écrit,  qu'il  était  composé  sur  le 
modèle  des  actes  privés  dont  le  dispositif,  ainsi  que  le  montrent  les  dip- 
tyques de  Transylvanie  et  du  Caire,  était  très  différent  de  celui  des 
diplômes. 


NOTE    SUR    UN    DIPLÔME    MILITAIRE  401 

l'extérieur;  Dulazeni  Sappa(eus)  est  précédé  de  son  grade, 
cent(urio)  ;  3°  l'indication  du  locus,  tab{ula)  l,  où  se  trou- 
vait, sur  la  table  de  bronze  affichée  à  Home,  le  nom  du 
vétéran,  mention  qui  ne  se  rencontre  que  sur  quatre  autres 
dipl 


ornes 


M 


Mais  il  y  a  deux  remarques  plus  importantes  à  faire  sur 
ce  texte  :  elles  sont  relatives  à  une  omission  grave  d'un 
côté  et,  de  l'autre,  à  une  addition  dont  on  ne  connaît  pas 
d'autre  exemple. 

Ce  qui  est  omis,  ce  n'est  rien  moins  que  le  nom  du  com- 
mandant de  la  flotte  de  Misène.  Dans  tous  les  diplômes  con- 
cernant soit  les  classiarii  soit  les  troupes  auxiliaires,  on 
ne  manque  jamais  de  mettre  le  nom  du  commandant  de 
la  flotte  ou  de  l'aile  ou  de  la  cohorte  à  laquelle  appar- 
tient le  titulaire.  Faut-il  attribuer  cette  omission  à  une  dis- 
traction du  copiste  ?  Ce  n'est  pas  impossible  ;  cependant  on 
peut  supposer  également  que  c'est  volontairement  que  la 
constitution  a  passé  sous  silence  le  nom  du  préfet  de  la 
flotte.  Nous  étudierons  cette  question  un  peu  plus  loin  après 
avoir  indiqué  le  rôle  politique  des  flottes  italiennes  dans  la 
lutte  entre  Vespasien  et  Vitellius. 

L'autre  observation  a  trait  à  l'addition,  dans  le  texte 
extérieur,  de  la  lettre  P,  avant  la  date  :  a(nte)  d(iem)  V 
id(us)  febr(uaria.&).  Jamais,  dans  aucun  diplôme,  il  n'y  a 
ni  un  mot  ni  une  lettre  entre  la  fin  de  la  constitution  et 
la  date.  On  serait  donc  tenté  de  supposer  que  le  graveur 
s'est  trompé  en  gravant  cette  lettre  et  qu'il  a  oublié  ensuite 
de  l'effacer.  Malheureusement,  dans  le  texte  intérieur,  la 
même  lettre  revient  et,  cette  fois,  accompagnée  de  deux 
autres,  os,  ce  qui  prouve  bien  que  le  graveur  a  certainement 


I.  Dipl.  n.  III,  pag.  m,  kap,  xvi  —  nu  VI  :  lab.  II.  pag.  v,loc.  XVIII  — 
îi"  Vllrtab.  II.  pag.  v,  loc.  XXXXVI  —  n"  VIII  :  lab.  II,  pag.  a, 
loc.  XXXXVI.  —  Nous  retrouvons  inra  gentis  Juline  comme  lieu  d'affi- 
chage dans  les  Dipl.  IV-VI,  de  t>s.  el  dans  les  ir     VII-X,  de  Tu  el  71, 


il)2  NOTE    SLR    UN    DIPLÔME    MILITAIRE 

voulu  ajouter  quelque  chose.  Mais  que  signifie  l'abrévia- 
tion P.  ou  POS  ? 

Le  premier  éditeur  du  diplôme  croit  qu'on  doit  lire 
pos[ita)  en  sous-entendant  tabula.  Il  s'agirait  donc  de  la 
publication  ;  mais,  en  ce  cas,  posita  se  rapporterait  cer- 
tainement à  la  constitution  elle-même  et  non  à  la  table  de 
bronze. 

Il  n'est  pas  douteux  que  l'on  trouve  d'autres  exemples 
de  la  mention,  soit  de  l'émission,  soit  de  la  publication  des 
constitutions  impériales  :  le  premier  acte  est  exprimé  par  le 
mot  data,  et  le  second  par  celui  de  proposita.  Or  il  paraît 
bien  difficile  de  découvrir  l'un  de  ces  termes  dans  l'abrévia- 
tion pos.  D'autre  part,  jamais  aucune  de  ces  mentions, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  ne  se  trouve  dans  les  autres 
diplômes,  et  cela  se  comprend  très  bien  puisqu'ils  se  ter- 
minent tous  par  la  déclaration  que  la  copie  qu'ils  contien- 
nent a  été  prise  sur  le  texte  officiel  de  la  table  de  bronze 
affichée  à  Rome.  Il  était  dès  lors  superflu  de  mentionner  à 
nouveau  l'affichage  sur  la  copie,  à  supposer  même  qu'il  en 
fût  ainsi  sur  l'original.  Mais,  à  notre  avis,  la  date  qui  se 
trouve  sur  l'original  se  réfère  plutôt  à  l'émission  de  la  cons- 
titution et.  si  cet  acte  y  était  mentionné,  c'est  par  la  lettre 
D  l  plutôt  que  par  la  lettre  P  qu'il  devait  être  indiqué.  La 
date  de  l'émission  a  toujours  été  considérée  comme  un  des 
éléments  essentiels  de  la  validité  des  constitutions  impé- 
riales ;  on  comprend  donc  qu'elle  ne  manque  dans  aucun 
diplôme  ;  mais  il  a.  sans  doute,  paru  inutile  de  la  faire 
précéder  du  mot  data  dans  celles  qui  concédaient  des  privi- 
lèges aux  militaires  parce  qu'elles  étaient  rendues  pu- 
bliques avec  la  même  solennité  que  les.  leges  proprement 
dites  où  cette  mention  n'a  jamais  été  constatée. 

Puisque  l'original  ne  mentionnait  certainement  ni  la  pro- 


1.  Exemple.  Epislula    Domitismi  ad  Falerienses  où    on  lit,  à    lu  fin  : 
D(ata)  XI  K  alendas)  Au(gustasj  in  Albano.  Bruns,  Fontes,   1"  éd.,  n.  82. 


NOTE    SUK    UN    DIPLÔME    MILITAIRE  403 

positio  ni  très  vraisemblablement  la  datio,  il  faut  supposer 
que  le  graveur  a  pris  sur  lui  d'ajouter,  avant  la  date,  un 
mot  qui  traduisait  son  interprétation  personnelle  de  celle-ci 
et  qui  d'ailleurs  était  impropre  à  rendre  la  pensée  qu'il 
voulait  exprimer. 

III 

Ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  nous  avions  déjà  un 
diplôme  du  5  avril  71  (n°  IX)  concernant  la  flotte  de  Misène. 
Entre  son  texte  et  celui  du  diplôme  du  9  février,  outre  les 
variantes  qui  viennent  d'être  énumérées  et  qui  sont  impu- 
tables au  graveur,  on  relève  des  différences  importantes  sur 
deux  points. 

On  s'attendrait  à  voir  Vespasien  porter  exactement  les 
mêmes  titres  sur  ces  deux  documents  ayant  presque  la 
même  date  ;  or,  il  y  a  une  dilférence  en  ce  qui  touche 
le  consulat  :  dans  le  diplôme  du  5  avril,  on  lit  :  Cos.  III, 
desiff.  IIII,  tandis  que  la  désignation  manque  dans  notre 
diplôme.  Mais  cette  dilférence  s'explique  tout  naturelle- 
ment si  l'on  admet  que  la  désignation  a  eu  lieu  après  le  9 
février.  C'est  précisément  l'opinion  de  Chambalu1,  généra- 
lement adoptée  actuellement,  qui  a  tixé  au  mois  de  mars  la 
date  des  comices  consulaires  de  Vespasien  depuis  l'année 
71.  Notre  diplôme  confirme  définitivement  son  opinion. 

La  seconde  dilférence  a  trait  à  l'omission,  dans  notre 
diplôme,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  du  nom  du 
commandant  de  la  flotte.  Dans  les  deux  diplômes  du  5 
avril,  on  lit  le  nom  de  Sex.  Lucilius  Bassus. 

Cette  singulière  omission,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
l'ait  remarquer,  peut  être  le  résultat  d'une  erreur  matérielle  ; 
mais,  comme  on  n'en  connaît  pas  d'autre  exemple,  on  peut 
aussi  se  demander  si  elle  n'a  pas  été  voulue.  Pour  qu'il  en  fût 

l.  De  m&g istralibus  Fluvioram,  L881,  p.  17 et  -1  ;  Wynand,  Realencycl., 
VI".  2636. 

1911!.  27 


404  NOTE    SUR    UN    DIPLOME    MILITAIRE 

ainsi,  il  faudrait  montrer  qu'il  y  avait  des  motifs  sérieux  de 
passer  sous  silence  le  nom  du  préfet  de  la  flotte  de 
Misène. 

Malheureusement  le  récit,  pourtant  si  complet,  que  nous 
a  laissé  Tacite  des  événements  de  Tannée  69,  manque 
de  clarté  et  de  précision  en  ce  qui  touche  la  situation 
exacte  des  commandants  des  flottes  de  Misène  et  de 
Ravenne  et  l'ordre  dans  lequel  ils  se  sont  succédé.  Il  en 
nomme  quatre  :  Lucilius  Bassus,  mis  à  la  tète  des  deux 
flottes  par  Vitellius1,  qui,  après  sa  défection,  est  remplacé 
par  Cornélius  Fuscus  que  les  équipages  de  Ravenne 
prennent  pour  chef;  Claudius  Apollinaris  et  Claudius 
Julianus  qui  commandent  successivement  la  flotte  de 
Misène  jusqu'au  moment  où  L.  Vitellius,  après  leur  tra- 
hison, fut  nommé  par  son  frère  chef  des  forces  de  terre  et 
de  mer  dans  cette  région.  Ces  quatre  amiraux  passèrent 
tous  du  côté  des  Flaviens  :  Lucilius  Bassus  et  Cornélius 
Fuscus  furent  largement  récompensés  par  Vespasien  ; 
Julianus  fut  mis  à  mort  après  la  prise  de  Terracine,  et  on 
ignore  ce  que  devint,  par  la  suite.  Apollinaris.  qui  avait 
pu  s'échapper  par  mer. 

Tant  que  nous  ne  possédions  que  le  diplôme  VIII  relatif  à 
la  flotte  de  Ravenne,  on  pouvait  croire,  malgré  le  texte  de 
Tacite,  que  Lucilius  Bassus  ne  commandait  que  cette  flotte  ; 
mais  le  diplôme  découvert  à  Pompéi,  en  1874,  prouva  qu'il 
commandait  aussi  celle  de  Misène.  Pourquoi,  dans  ces  deux 
documents,  n'est-il  question  d'aucun  des  trois  autres  ami- 
raux ?  Mommsen,  dans  son  commentaire  de  ce  dernier 
diplôme2,  en  donna  cette  raison  que  Vespasien  n'avait 
reconnu  comme  légitime  que  le  titre  de  Bassus,  le  premier 

1.  Hisl..  11.  loo:  Lucilius  Bassus,  posl  praefecturam  ;ilue,  Ruvennuti 
sirniil  ne  Misenensi  classibus  ;t  Vilellio praeposilus.  Il  est  vrai  que  Tacite 
ne  parle  que  de  ses  actes  à  Ravenne  nu  dans  la  région  et  qu'il  l'appelle 
même    III,  12    :  classis  Ravennulis  prsefeclus. 

-.  Ephemeris  epigr.,  II,  p.  457. 


NOTE    SUK    ON    DIPLÔME    MILITAIRE  LOS 

des  chefs  italiques  qui,  d'après  Tacite,  s'était  rallié  à  son 
parti. 

Cette  explication  est  encore  généralement  acceptée  ',  bien 
que  Mommsen,  dans  le  Corpus,  l'ait  abandonnée  pour  la 
suivante  :  Lucilius  Bassus  a  été  replacé  par  Vespasien  à  la 
tête  des  deux  flottes  ;  il  y  est  encore  le  5  avril,  date  des 
deux  diplômes,  et  c'est  pour  ce  motif  que  son  nom  ligure 
dans  l'un  et  dans   l'autre. 

Mais  est-il  vraisemblable  que  Bassus ,  après  les  services 
qu'il  avait  rendus,  se  soit  contenté  d'un  poste  que  déjà, 
sous  Vitellius,  il  jugeait  inférieur  à  son  mérite?  Ce  poste  est 
d'ailleurs  incompatible  avec  la  mission  de  confiance  dont  il 
fut  chargé  en  Campa  nie  par  Vespasien  après  la  mort  de 
Vitellius  ;  et  à  la  fin  de  70  ou  au  début  de  71,  Bassus 
devait  déjà  exercer  ses  fonctions  de  légat  de  Judée  '-'. 

Enfin  il  y  a  une  raison  plus  décisive  encore  pour  rejeter 
la  seconde  explication  de  Mommsen,  c'est  qu'elle  repose 
sur  une  fausse  interprétation  du  texte  des  deux  diplômes 
du  o  avril.  Il  n'a  pas  pris  garde  que  ce  texte  vise  non  le 
présent,  mais  le  passé  :  veteranis  qui  militaverunt  sub  Sex. 
Lucilio  Basso...  qui  dcducti  sunt  Pacstum,  c'est-à-dire  «  les 
vétérans  qui,  lorsqu'ils  servaient,  étaient  sous  l'autorité  de 
Bassus  et  qui,  après  leur  congé,  ont  été  transplantés  dans 
la  colonie  de  Paestum  ».  Le  sens  de  cette  formule  ne  sau- 
rait être  douteux,  surtout  si  on  la  rapproche  de  la  formule 
habituelle  qui  vise  le  présent  :  qui  sunt  suh,  etc.,  ou,  en 
parlant  de  la  flotte3,  quae  est  suh,  etc. 

Il  faut  donc  en  revenir  à  la  première  explication  et  recon- 
naître que  c'est  bien  du  commandant  des  deux  flottes  de  09 
qu'il  s'agit  dans  les  deux  diplômes  du  •">   avril.  Seulement 

1.  Erm.  Ferrero,  Nuove  iscrizioni,  1899,  p.  121;  V.  Chapot,  La  flotte  de 
Misène,  1896,  p.  150. 

2.  Sur  la  carrière  de  Bassus,  voy.  Prosop.  imp,  rom.,  Il,  p.  302,  et  Fer- 
rero, loc.  cit. 

3.  Dipl.  I,  XIII,  XLIV,  XLV,  etc. 


406  NOTE    SUR    UN    DIPLÔME    MILITAIRE 

je  proposerai  d'y  ajouter  un  correctif.  A  mon  avis,  si  aucun 
des  trois  autres  amiraux  n'est  nommé  dans  ces  documents, 
ce  n'est  nullement,  comme  le  pensait  Mommsen,  pour 
récompenser  Bassus  d'avoir  été  le  premier,  parmi  les  chefs 
italiques,  à  se  rallier  à  son  parti  ;  c'est  uniquement  parce 
que  sa  nomination  était  antérieure  à  celle  des  autres  pré- 
fets et  qu'on  ne  pouvait  nommer,  dans  les  documents  rela- 
tifs à  69,  aucun  de  ceux-ci  sans  déposséder  Bassus  du 
titre  de  chef  des  deux  flottes  qui  lui  appartenait  par  droit 
d'ancienneté1.  En  résumé,  les  deux  diplômes  du  5  avril  71 
sont  une  confirmation  éclatante  du  témoignage  de  Tacite 
relativement  à  la  double  charge  exercée  par  Bassus  en  69. 

Après  cette  démonstration,  il  est  facile  de  comprendre 
que  notre  diplôme  du  9  février,  contenant  la  même  formule 
que  les  deux  autres  et  se  référant  par  conséquent  aux 
mêmes  événements,  ne  pouvait  que  porter,  lui  aussi,  le 
nom  de  l'amiral  en  chef  de  cette  époque.  Si  nous  ne  l'y 
trouvons  pas,  la  faute  en  est  sans  aucun  doute  au  graveur 
dont  nous  avons  eu  à  signaler  déjà  la   singulière  incurie. 

Telles  sont,  en  attendant  la  publication  d'une  reproduc- 
tion photographique  ou  d'un  facsimilé,  les  observations 
que  j'avais  à  présenter  au  sujet  de  ce  diplôme,  le  troisième, 
et  même  très  probablement  le  quatrième  délivré  aux  flottes 
italiennes,  en  71,  par  Vespasien,  pour  les  récompenser 
des  services  rendus  à  sa  cause,  en  69.  Il  est  à  peu  près 
certain  qu'il  y  a  eu  d'autres  contitutions  analogues  émises 
les  années  suivantes  en  leur  faveur  par  lui  et  par  ses 
fils.  Le  diplôme  contenu  dans  le  diptyque  de  Phila- 
delphie, qui  accorde  des  privilèges  de  même  nature, 
le  28  décembre  93,  aux  soldats  de  la  légion  X  Fretensis, 
enrôlés  en  68  et  en  69,  et  qui  par  conséquent  avaient  par- 

I.  Il  suffit  doue,  pour  èclaircir  le  récit  de  Tacite,  d'admettre  que  la 
Humiliation  de  Claudius  Apollinaris  à  Misène  est  postérieure  à  celle  de 
Bassus,  car  il  est  clair  qu'à  Ravenne,  Cornélius  Fuscus  est  venu  après  son 
départ. 


SÉANCE   Di:    16  AGIT   1912  107 

ticipé  à  la  fois  a  la  prise  de  Jérusalem  et  à  la  proclamation 
de  Vespasien  en  Judée,  fournit  une  sérieuse  présomption  à 
l'appui  de  cette  thèse.  Cet  ensemble  de  documents  prouve 
en  outre  que  les  diplômes  militaires  étaient  un  moyen  de 
récompenser  les  services  politiques  aussi  bien  que  les  ser- 
vices militaires. 


SÉANCE   DU   16  AOUT 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 


M.  Henri  Cordier  donne  des  extraits  des  lettres  qu'il  a  reçues 
de  M.  de  Gironcourt,  en  mission  dans  la  boucle  du  Nij,rer: 


Puits  d'Aguellou,  Adrar  des  Iforas,   18  mars  1912. 

Ma  dernière  lettre,  datée  de  Kidal,  voua  exposait  mon  dessein  d'entrer 
en  communication  avec  Haye,  le  «  Saint  »  réputé  érudit  de  l'Adrar. 

Ma  tentative  n'est  pas  restée  infructueuse.  Je  viens  de  réussira  approcher 
le  marabout  invisible,  vénéré  du  Hoggar  au  Niger,  et  avec  lequel  aucun 
Européen  n'avait  encore  pu  prendre  contact. 

J'ai  cause  longuement  avec  lui  et  continue  depuis  une  huitaine  de  jours 
la  conversation  commencée  :  car  si  j'ai  déjà  obtenu  de  lui  22  notes  repré- 
sentant 4<i  pages  1H/22'-™  de  texte  sur  l'histoire  de  ces  régions  (touareg, 
Adrar,  Oualata,  Tichit,  etc.  .  je  voudrais,  en  outre  de  l'inventaire  que  j'ai 
pu  dresser  d'une  «  charge  de  chameau  »  de  ses  anciens  manuscrits,  avoir  en 
main  certains  écrits  que  je  le  suppose  détenir. 

Sous  son  manteau  de  bure  dont  le  capuchon  se  dresse  rigide  à  la  mode 
marocaine,  Haye  ne  laisse  voir  de  son  visage,  dissimulé  sous  de  multiples 
replis  de  guinée  bleue,  qu'un  peu  de  peau  foncée  autour  d'un  œil  au  regard 
jeune  et  doux,  qu'il  masque  d'ailleurs  soigneusement  après  le  premier 
abord,  en  relevant  ses  étoffes  dès  qu'il  s'est  assis,  hé>  soucieux  de  cette 
invisibilité  si  liée  à  son  prestige. 

Il  tend,  sans  la  découvrir  sous  ses  voiles  bleus,  une  petite  main  maigre 
et  nerveuse,  dont  l'étreinte  ferme  et  prolongée  veut  marquer  la  décision  et 


ÏON  SÉANCE  DU  16  AOUT  1912 

la  sincérité.  Au  demeurant,  cette  mince  forme  trahit  bientôt,  sous  les  épais 
tissus  drapés,  un  petit  homme  très  alerte  sous  une  grande  onction  et  très 
volontaire  sous  une  ostensible  humilité. 

Après  un  long  silence,  quelques  sons  faillies,  comme  plaintifs,  sortent 
des  voiles.  L'entourage,  recueilli,  se  penche,  plein  de  dévotion  :  le  saint  va 
parler.  Il  parle  en  effet  :  il  parle  d'une  voix  menue  et  fluette,  mais  claire. 
agréable,  presque  chantante.  Les  paroles  s'égrènent,  ponctuées,  découpées, 
faciles  et  nettes.  Les  phrases  tombent  successivement,  morcelées  en  petits 
lambeaux  très  expressifs,  en  mots  pesés,  explicites,  circonstanciés,  ne  lais- 
sant place  à  nulle  ambiguïté.  Quelqu'un  de  l'entourage,  en  un  commentaire 
émis,  dépasse-t-il  l'idée  ?  Baye  rectifie,  marque  du  mot  convenable  la 
limite  de  sa  pensée.  Quelque  doute  apparaît-il  sur  la  version  de  son  lan- 
gage arabe?  Baye  interrompt  brusquement  le  traducteur. et,  vivement,  pré- 
cise, dans  le  tamaehèque  le  plus  aisé,  le  sens  exact  de  ce  qu'il  a  voulu  dire. 
Certes,  les  assurances  qu'il  donne  tout  d'abord  relèvent  des  habituelles 
protestations  arabes  :  «  dire  tout  ce  qu'on  sait,  et  dans  l'ignorance,  éviter 
d'improviser,  par  crainte  de  Dieu.  »  Mais  le  vif  du  sujet  abordé,  je  recon- 
nais avoir  rarement  trouvé  autant  d'apparente  bonne  volonté  chez  un 
marabout  de  ces  régions. 

Comme  toujours  en  cas  similaires,  un  de  mes  meilleurs  effets  s'escompte 
des  documents  que  je  possède  déjà.  La  vue  de  mes  manuscrits  pique  vive- 
ment la  curiosité  de  Baye.  Il  tend  une  main  impatiente,  il  veut  voir  de  ses 
yeux  ces  généalogies  de  chérifs  qui  sont  entre  mes  mains. 

La  sainteté  et  l'érudition  de  Baye  n'ont  d'égale,  parait-il,  que  sa  sensibi- 
lité, son  effroi  devant  les  divins  desseins.  Par  deux  fois,  au  cours  de  ce 
premier  entretien,  il  relève  son  manteau  de  bure  et  s'abîme  dans  une  atti- 
tude prostrée,  pour  verser  —  m'a-t-on  dit  —  d'abondantes  larmes.  Cette 
double  émotion  lui  est  procurée  d'une  part  par  la  vue  de  mes  estampages. 
et  d'autre  part,  par  l'examen  de  ce  numéro  du  Bulletin  de  l'Académie 
où  figurent  en  planches  —  déchiffrées  par  Baye  à  haute  voix  avec  une 
incroyable  célérité,  dates  comprises—  nos  inscriptions  de  Bentia  ! 

Dès  que  paraîtra  atteinte  la  limite  de  ce  qui  peut  résulter  d'utile  de  ce 
premier  contact  avec  le  célèbre  marabout  kounta.  je  me  dirigerai  sur  Es- 
Souk,  Telaya,  et  même,  s'il  le  faut,  Tessalit,  afin  de  juger  quelle  limite 
septentrionale  peut  ou  non  comporter  l'aire  d'extension  des   monuments 

épigraphiques  étudiés 

Me  voici  campé,  pendant  ces  pourparlers,  sur  les  porphyres  roses  d'Adrar, 
au  sommet  d'une  montagnette  d'où  le  regard  suit  le  lit  sinueux  et  semé 
d'arbres  verts  d'un  oued  asséché  eau  à  8  ■  de  profondeur).  Cette  situation 
pittoresque  ne  me  fait  pas  échapper  aux  tourmentes  de  sable  m'obligeant 
à  baisser  jusqu'à  terre,  tout  autour  de  moi,  le  toit  de  peau  de  ma  modeste 
tente  targhie  sous  laquelle  se  concentre  la  chaleur  déjà  forte  de  ces  jour- 
née- de  mars. 


SÉANCE    DU     M»    AOUT    1912  £09 


II 

Gao,  17  avril  1912. 

Ma  dernière  lettre  vous  laissait  à  mes  pourparlers  avec  le  marabout  Baye 
de  l'Adrar.  En  vous  retraçant  ma  rencontre  avec  lui,  je  pensais  satisfaire 
peut-être  la  curiosité  qu'excite  depuis  longtemps  l'attitude  de  ce  chef  reli- 
gieux qui  a  toujours  fui  notre  approche,  mais  dont  l'influence  ne  nous  fut 
jamais  hostile. 

Nous  obtenons  de  ce  premier  contact  28  écrits  (138  pages)  dont  une  très 
belle  copie  d'un  tarikh  dit  «  Fatachokor  »  (77  pages)  écrit  par  El  Bertili  de 

Oualala,  traitant  de  l'histoire  ancienne  de  Tombouctou,  Oualata,  Tichit, 
etc.  (l'expression  Tokoror  (jjy£>)  étant,  d'après  Baye,  l'ancien  nom, 
aujourd'hui  tombé  en  désuétude,  de  la  région  comprise  entre  l'Adrar, 
Araouan,  Tombouctou,  etc. 

L'entremise  du  célèbre  marabout  m'a  procuré  un  manuscrit  (550  pages) 
qui  serait  le  «  Tarikh  Tarait'  »  ayant  eu  pour  auteur  le  Cheik  Sidi 
Mohammed  '. 

Je  conserve  encore  un  peu  de  temps  ces  documents  avec  moi,  afin  d'en 
faire  état  prochainement  devant  Mohammed  Ouguinatt,  chef  des  Kcl-es- 
Souk,  lequel  a,  lui  aussi,  une  bibliothèque  réputée. 

En  ce  qui  concerne  l'épigraphie,  j'ai  recueilli,  aux  alentours  de  la  ville 
ruinée  d'Es-Souk  environ  deux  cents  inscriptions  réparties  sur  huit  empla- 
cements de  nécropoles,  et,  entre  l'Adrar  et  le  Niger,  une  centaine  d'autres, 
éparses  en  sept  nécropoles. 

D'une  part,  à  grand  rayon  autour  d'Es-Souk,  je  n'ai  plus  trouvé  que  des 
tombes  à  enceinte  ovalaire  sans  inscriptions;  d'autre  part,  mes  renseigne- 
ments n'indiquaient  plus,  pour  le  Nord,  que  ces  dessins  et  inscriptions  en 
tifinar  assez  communs  sur  les  rochers,  ne  répondant  plus  au  but  du 
«  Corpus  »  en  constitution,  et  dont  figurent  d'ailleurs  en  mes  carnets  un 
grand  nombre  de  spécimens. 

En  conséquence,  je  n'ai  pas  cru  devoir  pousser  dans  l'Adrar  mes  inves- 
tigations au  delà  de  Teleya,  et  mon  retour  s'est  effectué  suivant  le  pro- 
gramme que  je  vous  avais  exposé,  par  L'exploration  épigraphique  du 
rebord  oriental  du  Tilemsi,  après  laquelle  me  voici  arrivant  de  nouveau  à 
Gao. 

J'ai  eu  le  plaisir  de  rencontrer  île  façon  inattendue,  dans  le  Tilemsi,  le 
capitaine  Cortier  venant  d'Algérie  par  Achourat,  semblant  en  parfaite 
santé  et  se  disposant  à  remonter,  sans  atteindre  le  fleuve,  vers  le  Nord 
pour  rejoindre  la  mission  transafricaine. 

1.  Malgré  les  assurances  reçues,  le  fait  d'avoir  pu  obtenir  l'original  pour 
l'envoi  en  France  me  mel  en  défiance  vis-à-vis  de  cet  ouvrage  donl  la 
Lecture  est  difficile. 


410  SÉANCE    DU    16   AOUT    1912 

Les  constatations  qui  résultent  à  première  vue  de  mes  recherches  sont 
que  les  inscriptions  d'Es-Souk,  toutes  sur  des  porphyres  plus  dégradés  par 
l'action  éolienne,  paraissent  avoir  été  gravées  en  général  avec  moins  de 
soin  que  celles  des  bords  du  Niger  où  a  fleuri,  particulièrement  sur  les 
objets  de  pierre  polie  (pierres  à  broyer,  pilons,  polissoirs,  haches  de  silex, 
etc.),  un  art  épigraphique  vraiment  digne  de  retenir  l'attention,  ne  fût-ce 
même  que  par  l'élégance  des  proportions  et  le  tini  de  la  forme. 

Il  me  reste  à  terminer,  en  aval  de  Gao,  l'exploration  des  rives  du  Niger, 
qui,  probablement  jusqu'au  parallèle  de  Dounzou,  peut  encore  se  pour- 
suivre fruc  tu  e  use. 


III 


Mare  de  Fombalgo 


(région  dite  des  mares,  sommet  de  la  boucle  du  Niger, 
40  k.  S.  O.  du  fleuve  vers  Ansongo.) 

Ainsi  que  je  vous  l'ai  dit,  j'ai  cru  fort  utile.au  lieu  de  vous  envoyer, 
comme  précédemment,  la  série  de  mes  manuscrits  récemment  acquis  (dont 
le  répertoire  comporte  aujourd'hui  le  n°  130),  de  les  conserver  avec  moi, 
afin  d'en  pouvoir  faire  montre  aux  marabouts  avec  qui  je  prends  contact. 

Le  bruit  qui  s'est  répandu,  parmi  les  indigènes,  de  mes  longs  entretiens 
avec  le  célèbre  Baye,  me  donne  dans  ces  régions  un  crédit  dont  j'ai  le  devoir 
de  tirer  le  meilleur  parti,  en  vue  de  forcer  les  portes,  si  possible,  de  cer- 
taines bibliothèques  tenues  jusqu'ici  fort  cachées. 

Réussirai-je  au  gré  de  mon  désir?  Je  n'ose  encore  être  aflirmatif,  malgré 
les  deux  notes  de  40  et  20  pages  sur  l'histoire  des  Touareg  et  des  Souraïs 
obtenues  hier  de  Mohammed  Ouguinatt.  chef  des  Kel  es-Souk,  et  que  je 
ne  voudrais  considérer  que  comme  une  entrée  en  matière. 

Je  suis  donc  de  nouveau  sous  la  tente  targhie  et  m'en  excuse,  la  lourde 
chaleur  de  mai,  qui  traverse  la  peau  de  bœuf  de  ma  toiture  basse,  n'encou- 
rageant pas  aux  longues  écritures. 

D'autre  part,  si  affables  que  soient  devenus  les  Touareg,  ils  se  tiennent 
toujours  sur  la  réserve  en  ce  qui  concerne  les  documents  à  communiquer, 
et  à  ces  longs  pourparlers  et  patientes  conversations,  je  préfère,  à  vous  dire 
vrai,  comme  de  résultats  plus  immédiats,  mon  travail  avec  ...  les  pierres. 
Celui-ci,  de  Gao  à  Ansongo,  m'a  amené  à  relever  et  estamper  soixante 
stèles.  D'autre  part,  mes  renseignements  signalent  d'assez  multiples  empla- 
cements vers  Ben  la,  Fafa,  etc. 

Enfin,  j'ai  recueilli  sur  les  tombeaux  à  inscriptions  de  Gossi  des  rensei- 
gnements que  je  m'empresse  d'envoyer  d'urgence  par  un  cavalier  au  capi- 
taine Mangeot,  de  Hombori,  qui  s'occupe  pour  nous  de  la  prise  de  ces 
estampages. 

Ils  confirment  et  complètent  par  ailleurs  ceux  que  vous  avez  bien  voulu 
m'autorisera  présenter  à  l'Académie,  relalifs  à  l'Echahaba  qui  se  serait 
nommé  Halid  Aggalou  alid. 


SÉANCE    DU    16    AOUT    1912  ïll 


IV 

Labzenga,  1»  juin  L912 
(Aval  de  Bentia). 

Ma  dernière  lettre  mentionnait  mes  travaux  de  copie  chez  les  Kel  es- 
Souk,  descendants  actuels  de  certains  de  nus  écrivains  sur  pierre.  En  outre 
de  ce  que  j'ai  déjà  signalé,  j'ai  obtenu  une  vingtaine  de  généalogies  remon- 
tant à  vingt  ou  même  quarante  générations,  semblant  conservées  avec 
précision  par  cette  tribu.  Leurs  indications  pourront  corroborer  utilement 
celles  de  l'épi^rapliie. 

De  même  que  pour  le  marabout  Haye  de  l'Adrar,  je  n'ai  pas  quitté  ces 
intéressants  Kel  es-Souk  s;ms  établir  avec  eux  la  possibilité  de  continuer 
les  rapports  créés,  en  vue  des  renseignements  complémentaires  ultérieurs. 

De  retour  au  fleuve,  ,jai  abordé  l'étude  des  nécropoles  de  Bentia  qui 
m'ont  fourni  un  gros  travail,  m'ayant  permis  de  mettre  au  jour,  pour  Henlia 
seulement,  un  ensemble  de  165  stèles  gravées. 

Ayant  étendu  mes  recherches  aux  traces  (je  ne  puis  appeler  ces  vestiges 
»  ruines  »)  de  l'ancienne  ville  de  Koukya  (on  prononce  dans  ce  pays 
«  Kotia  »,  mot  plus  conforme  au  vocabulaire  songhoï  .j'ai  trouvé  un  grand 
vase-grenier  en  terre  cuite,  ce  qui  le  différencie  de  tous  les  greniers  de 
l'époque  actuelle,  des  fragments  de  collier  en  os.  cuivre,  verroterie,  et  une 
pointe  de  llèche  en  fer. 

Voyant  se  limiter  ici  la  zone  de  nos  inscriptions,  j'ai  soumis  à  M.  le  Gou- 
verneur par  intérim  Henry  ',  du  Haut-Sénégal  et  Niger,  mes  préoccupa- 
tions de  soustraire  m;i  collection  d'estampages  à  l'humidité  excessive  des 
régions  où  je  vais  bientôt  entrer  en  saison  de  pluie.  Par  une  attention  char- 
mante, M.  le  Gouverneur  Henry  ;i  bien  voulu  prendre  soin  lui-même  de  leur 
envoi  en  France.  En  conséquence,  j'ai  remis,  suivant  ses  instructions,  à 
l'administration  de  la  colonie,  deux  caisses  préalablement  recouvertes  de 
peaux  cousues  toit  de  lente  targhie  qui  vont  être  acheminées  vers  l'Aca- 
démie. Je  préviens  par  lettre  de  ce  jour  M.  le  Secrétaire  Perpétuel  de  cet 
envoi,  en  le  sollicitant  de  vouloir  bien  en  prendre  réception  à  l'arrivée, 
l'adresse  étant  :  «  Mission  de  Gironcourt.  Académie  des  Inscriptions. 
Pai'is. .  .  » 

Mon  désir  de  vous  envoyer  les  manuscrits  acquis  qui  dépassent  de  beau- 
coup, je  crois,  en  importance  ceux  précédemment  envoyés,  doit  céder, 
pour  le  moment,  à  mon  intention  de  les  utiliser  encore  auprès  de  mara- 
bouts. D'une  part,  ils  représentent  pour  moi  une  sorte  tic  capital  à  faire 
travailler;  d'autre  part,  je  tiens  à  suivre,  peut-être  jusqu'au  Sokoto,  vers 
lequel  je  vais  sans  doute  me  diriger,  quelques  pistes  de  livres. 

Les  deux  caisses  ne  contiennent  pas  moins  de  805  estampages 
et  des  échantillons  épigraphiques. 

1.  M,  Clozel  faisant  l'intérim  de  M.  le  Gouverneur  général  Ponty. 


412  SÉANCE    Dl     16    AOUT    1912 

M.  Gagnât  donne  lecture  de  la  note  suivante  de  M.  Philippe 
Fabia  sur  l'exploration  archéologique  de  Fourvière  et  sur  les 
premiers  résultats  de  la  campagne  d'été  de  1912  : 

«  Après  avoir,  l'hiver  dernier,  mis  à  découvert  dans  le  clos  de 
la  rue  du  Juge  de  Paix,  n"  24,  une  vaste  salle  souterraine  dont 
le  remblai  a  fourni  une  grande  quantité  de  débris  intéressants, 
et  en  attendant  que  la  saison  nous  permette  de  continuer  l'explo- 
ration de  ce  terrain  cultivé  et  d'entreprendre,  vers  l'entrée  de 
la  même  rue,  aux  abords  du  Forum,  celle  d'un  jardin  d'agré- 
ment qui  sera  laissé  à  notre  disposition  l'hiver  prochain,  nous 
avons  pu  travailler  depuis  le  30  avril,  avec  l'autorisation  du 
Conseil  général  du  Rhône,  dans  l'ancien  clos  des  Minimes, 
aujourd'hui  propriété  départementale. 

«  Il  y  avait  là  tout  d'abord  un  point  de  topographie  à  fixer. 
Le  sol  de  ce  clos,  limité  au  Sud  par  la  lig-ne  des  fortifications 
actuelles  qui  devait  être  aussi,  vu  la  configuration  du  terrain, 
celle  de  l'enceinte  romaine  et  séparé  au  Nord  du  Forum  par 
d'autres  clos  renfermant  les  ruines  de  l'amphithéâtre  et  du 
théâtre,  était-il  garni  de  bâtisses  dans  l'antiquité?  La  première 
tranchée,  ouverte  dans  la  partie  la  plus  élevée  du  clos,  le  plus 
près  possible  des  fortifications,  a  remis  au  jour  les  vestiges  d'un 
édifice  romain.  Les  sondages  faits  ensuite  ont  déjà  prouvé  qu'il 
n'était  pas  isolé,  et  nos  fouilles  semblent  devoir  apporter  la 
preuve  que  toute  la  pente  du  terrain  entre  les  ruines  du  théâtre 
au  Nord,  l'enceinte  moderne  au  Sud  et  la  place  actuelle  des 
Minimes  à  l'Est,  était  bâtie  à  l'époque  gallo-romaine.  Ce  quartier 
comprenait-il  quelque  édifice  public?  Les  vestiges  retrouvés 
jusqu'ici  ne  sont  que  ceux  de  maisons  privées.  Les  murs  ont 
une  épaisseur  moyenne  ;  le  remblai  donne  surtout  des  morceaux 
de  peintures  murales  aux  couleurs  admirablement  variées, 
vives  et  fraîches,  avec  des  tessons  de  poterie  grossière  ou  fine, 
particulièrement  de  poterie  rouge  sigillée. 

«  Parmi  les  vestiges  du  premier  édifice  exploré,  il  faut  signaler 
le  sol  de  deux  salles  eontiguës,  dont  l'une,  la  plus  grande,  avait 
un  pavé  en  mosaïque,  l'autre,  en  contre-bas  d'un  mètre  environ, 
un  pavé  en  marbre.  On  peut  facilement  reconstituer  le  dessin  de 
ce  dernier  pavé,  grâce  aux  débris  subsistants  et  aux  empreintes 
des  plaques  absentes  sur  le  béton  de  tuileau  qui  les  supportait. 


SÉANCE    DU    16   AOUT   1912 


113 


ïlï  SÉANCE    DU    16    AOUT    1912 

Il  y  avait  au  centre  six  caissons  carrés  multicolores  —  un  de  ces 
caissons  subsiste  presque  en  entier —  et  autour,  un  dallage  rec- 
tangulaire. La  salle  pavée  en  mosaïque  mesurait  plus  de 
50  mètres  carrés.  Son  pavement,  conservé  en  très  grande  partie, 
se  composait  d'une  large  bordure  blanche  en  très  gros  cubes  et 
d'une  mosaïque  proprement  dite  de  25  mètres  carrés  ou  peu 
s'en  faut  (5m  X  4m  75).  Voici  la  description  sommaire  de  cette 
mosaïque,  inférieure  de  beaucoup,  en  tant  qu*œuvre  d'art,  à  la 
mosaïque  de  Bacchus  et  des  Saisons,  découverte  l'été  dernier, 
mais  fort  curieuse  néanmoins  et  qui  ne  peut  manquer  d'inté- 
resser les  archéologues. 

«  Sur  le  fond,  blanc  comme  la  bordure  grossière,  se  détachent, 
en  allant  du  dehors  au  dedans,  une  bande  noire,  puis  une  tor- 
sade noire,  blanche  et  rouge,  puis  une  double  ligne  de  carrés 
bordés  dé  noir  et  posés  en  damier,  les  uns  rouges,  les  autres 
blancs,  tout  cela  servant  de  cadre  à  deux  rectangles  sensible- 
ment concentriques  et  que  sépare  un  mince  filet  noir.  Dans 
l'espace  par  lequel  le  grand  rectangle  excède  le  petit  —  0m83  en 
bas  et  à  droite,  0  m  90  en  haut,  0'"94  à  gauche  —  huit  animaux 
sont  rangés — un  sanglier  qu'un  chien  serre  de  près,  un  ours 
affronté  avec  un  taureau,  une  gazelle  qui  fuit  devant  un  léopard, 
un  lion  à  la  poursuite  d'un  cheval.  Quatre  de  ces  bêtes,  figurées 
en  noir  avec  des  lignes  de  cubes  blancs  pour  indiquer  les  reliefs, 
sont  intactes  ou  presque:  le  chien,  l'ours,  le  taureau  et  la  gazelle; 
les  autres  sont  plus  ou  moins  mutilées.  Dans  le  rectangle  central 
—  1  '"  '25  de  largeur  et  1  U1  05  de  hauteur  — ,  qui  est  très  endom- 
magé, un  personnage  difforme,  bossu  devant  et  derrière,  un  croc 
à  la  main  droite,  chevauche  un  éléphant  nain.  Les  contours  de 
ce  cavalier  bizarre  sont  grossièrement  dessinés  par  une  simple 
ligne  de  cubes  noirs  sur  le  fond  blanc;  il  est  vêtu  d'un  subliga- 
culum  blanc  et  vert;  sur  son  mollet  droit,  une  bande  de  cubes 
blancs  et  verts,  posés  en  damier  comme  ceux  du  caleçon,  ligure 
le  bord  supérieur  de  sa  chaussure.  Il  regarde  à  droite.  Son  nom 
était  écrit  de  part  et  d'autre  de  sa  tète  ;  il  en  subsiste  quelques 
lettres,  S  Y  G,  les  seules  lettres  qui  fussent  écrites  à  gauche  ; 
une  barre  horizontale  qui  pouvait  être  celle  d'un  L,  un  point 
qui  pouvait  être  la  base  d'un  l,  et  une  moitié  inférieure  de  B,  à 
droite,  où  la  place  était   beaucoup  plus  considérable.  On  songe  à 


SÉANCE    DU    23    AOUT    1912  il.") 

lire  SYG  LIBYS  (ou  L1BYCYS),  Syg  étant  le  nom  barbare  du 
personnage  et  Libys  ou  Libyens  la  désignation  de  sa  patrie. 
Nous  avons  sans  doute  là  le  portrait  ou  la  caricature  d'un  bes- 
tiaire contemporain,  d'une  célébrité  de  l'amphithéâtre,  comme 
on  voit  souvent,  sur  les  médaillons  des  poteries  gallo-romaines, 
les  figures  et  les  noms  des  gladiateurs  et  des  auriges  en  vogue. 
Parmi  les  très  nombreuses  mosaïques  de  la  Gaule  et  de  l'Afrique 
décrites  dans  l'Inventaire  publié  sous  les  auspices  de  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  il  n'en  est  aucune,  croyons- 
nous,  qui  présente  un  sujet  identique  ou  même  analogue  à  ce 
curieux  tableau  central.  » 


SÉANCE  DU  23  AOUT 


PRESIDENCE     DE     M.     NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  signale,  dans  la  correspondance,  une 
note  de  M.  le  comte  Begouen  sur  une  grotte  ornée  de  gravures 
et  de  peintures  préhistoriques  qu'il  a  découverte  à  Montesquieu- 
Avantès  (Ariège).  —  Cette  note  est  renvoyée  à  l'examen  de 
M.  Salomon  Reinach. 

M.  Élie  Berger  entretient  l'Académie  d'un  document  relatif 
à  des  affranchissements  de  serfs  par  la  régente  Blanche  de  Cas- 
tille,  vers  1250  ou  125*2.  C'est  dans  ses  domaines  particuliers, 
dans  la  châtellenie  de  Pierret'onds,  que  Blanche  a  procédé  à 
cette  mesure  ;  elle  nous  est  connue  par  un  cahier  inséré  dans 
un  des  registres  de  Philippe  Auguste  qui  est  conservé  au  Tré- 
sor des  Chartes.  L'acte  de  Blanche  a  été,  après  sa  mort,  ratilié 
par  saint  Louis.  Il  se  rattache  à  tout  un  ensemble  de  faits  ana- 
logues mentionnés  par  .loin ville  et  par  divers  documents  du 
temps. 


416  SÉANCE    DU    23    AOUT    1912 

MM.  Perrot,  Viollet,  Babelon  el  Gagnât  échangent  au  sujet 
de  cette  communication  diverses  observations. 

M.  Pognon,  consul  général  de  France,  donne  lecture  de  la 
note  suivante  : 

«  Le  P.  Scheil  a  publié  et  traduit  en  1911,  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie1,  une  tablette  assyrienne  extrêmement 
intéressante  pour  l'histoire  des  anciennes  dynasties  de  la 
Babylonie. 

«  D'après  une  note  finale,  qui  se  trouve  au  bas  du  verso,  cette 
tablette  a  été  écrite  le  30e  jour  du  mois  de  Siwan  ;  mais  le  scribe, 
cpii  ne  se  doutait  pas  que  son  œuvre  parviendrait  à  la  postérité, 
a  complètement  oublié  d'indiquer  l'année.  Si  l'on  en  juge  par  la 
forme  des  caractères,  elle  a  dû  être  écrite  sous  un  des  rois  de 
la  première  dynastie  de  Babylone. 

«  La  tablette  publiée  parle  P.  Scheil  contient  une  liste  des  rois 
des  très  anciennes  dynasties  d'Opis,  de  Kich,  d'Ourouk,  d'Ak- 
kadou,  et  de  la  seconde  dynastie  d'Ourouk. 

«  Le  premier  roi  de  la  dynastie  d'Akkadou,  fut,  d'après  ce 
document,  le  fameux  Sargon,  plus  connu  sous  le  nom  de  Sar- 
g-on  l'ancien,  qui,  si  Ton  en  croit  un  texte  de  Nabonide,  aurait 
été  le  père  de  Naram-Sin  et  aurait  vécu  au  xxxviri8  siècle  avant 
notre  ère.  Cette  dynastie  compta  douze  rois  et  dura  197  ans;  le 
dernier  roi,  qui  régna  15  ans,  est  appelé  par  le  P.  Scheil 
Chouqarhib. 

«  Je  viens  de  retrouver  dans  mes  papiers  la  copie,  prise  jadis 
par  moi  lorsque  j'étais  consul  de  France  à  Bagdad,  d'une  inscrip- 
tion écrite  sous  ce  roi  et  qui  le  mentionne. 

«  Cette  inscription  était  gravée  sur  un  petit  disque  en  pierre 
percé  d'un  trou  au  milieu.  Un  marchand  d'antiquités  me  l'avait 
un  jour  présentée  en  me  demandant  un  prix  tellement  exagéré 
que  je  ne  l'avais  pas  achetée,  mais  je  l'avais  copiée  en  reprodui- 
sant aussi  exactement  que  possible  la  forme  des  caractères.  En 
voici  la  traduction  : 

«  Au  dieu  Xergal,  pour  la  prospérité?  de  Choudourkib,  roi 
«  de  la  ville  d'Akkadou,  Labaléchoum,  devin  du  palais,  a 
«   consacré.  » 

1 .   1'.  606  cl  suiv. 


FOUILLES    A    ALTHIBUROS  417 

«  Le  nom  du  dernierroi.de  là  dynastie  d'Akkadoy  n'était  donc 
pas  Chouqarkib,  comme  l'a  cru  le  P.  Scheil,  mais  Choudourkib. 
Dans  Técrilure  de  l'époque  de  Hammourabi,  les  caractères  dour 
et  qar  se  ressemblent  tellement  qu'il  est  parfois  prescjue  iinpos- 
sible  de  les  distinguer  l'un  de  l'autre,  mais  il  n'en  était  pas  de 
même  à  une  époque  plus  ancienne.  L'inscription  copiée  par  moi 
à  Bagdad  est  écrite  en  caractères  extrêmement  arebaïques,  et  le 
second  des  trois  caractères  du  nom  propre  en  question  est  cer- 
tainement dour  ou  lonr  et  non  pas  qar.  Du  reste,  Choudourkip 
ne  peut  pas  plus,  selon  moi,  être  un  nom  d'homme  que  Chou- 
luirki]>;  il  est  très  probable  cpie  les  trois  caractères  chou  dour 
kip  doivent  être  lus  idéographiquement,  et  il  m'est  impossible 
d'indiquer  comment  se  prononçait  en  réalité  le  nom  du  dernier 
roi  de  la  dynastie  de  Sargon  l'ancien.  » 

M.  Alfred  Merlin,  directeur  des  antiquités  de  Tunisie,  donne 
lecture  d'une  note  sur  les  fouilles  exécutées  à  Allhiburos 
(Medeina)  '. 

MM.  Valois  et  Perrot  présentent  quelques  observations. 


COMMUNICATION 


FOUILLES   A    ALTHIBUROS    (MEDEINA), 

PAK    M.    ALFRED    MERLIN, 

DIliECTEl  R    DES    ANTIQUITÉS    DE    LA    TUNISIE. 

La  Direction  des  Antiquités  de  Tunisie  a  repris,  au 
printemps  dernier,  les  fouilles  de  Medeina,  l'ancienne 
Althiburos,  commencées  en  1908  et  interrompues  depuis 
quatre  ans.  Je  résume  ci-après  les  principaux  résultats 
obtenus  soit  à  la  lin  de  la  précédente  campagne,  postérieu- 
rement au  rapport  que  j'ai  en  L'honneur  de  présenter  à  la 

I .  Voir  ci-après. 


418  FOUILLES    A    ALTHIBUROS 

Commission  de  l'Afrique  du  Nord,  le  7  juillet  1908  •,  soit 
cette  année  même. 

Le  déblaiement  du  forum,  qui  avait  été  réalisé  en  bonne 
partie,  a  été  poursuivi;  on  a  dégagé  le  côté  nord-ouest  de 
la  place,  qui  était  bordé  d'une  série  d'édicules  rectangu- 
laires ouvrant  sur  le  portique  ;  la  plupart  sont  assez  dégra- 
dés ;  cependant  trois  sont  facilement  reconnaissables  au 
Nord.  Le  plus  grand  (5 ,n  60  de  profondeur  comme  les 
autres,  6m  40  de  largeur);  le  second  à  compter  de  l'angle 
septentrional,  était  un  petit  sanctuaire  de  Minerve.  En 
saillie  contre  le  mur  du  fond,  au  milieu  de  la  chapelle, 
s'élevait  une  base,  dont  le  noyau  était  en  blocage,  avec 
parement  extérieur  en  grand  appareil,  et  au  pied  de 
laquelle  on  a  mis  au  jour  une  statue  en  marbre  blanc 
(haut.  2m),  sommairement  sculptée  par  derrière  et  faite 
pour  être  adossée  ;  les  bras  et  la  tête  manquent,  la  partie 
inférieure  est  endommagée.  La  déesse,  vêtue  d'une  longue 
tunique  et  d'un  manteau  dont  elle  semble  retenir  les  plis 
de  la  main  gauche  contre  sa  hanche,  porte  l'égide  passée 
en  sautoir  sur  l'épaule  droite  et  sous  le  sein  gauche,  avec  la 
tête  de  Méduse  entre  les  deux  seins. 

Au  Sud-Ouest,  le  portique  du  forum  est  longé  par  une 
rue  en  contre-bas,  qui  le  sépare  du  Capitole  et  qui  se  conti- 
nue vers  le  Sud-Est.  Cette  rue,  entre  le  forum  et  le  Capi- 
tole, offre  un  certain  nombre  d'escaliers  proéminents,  deux 
d'un  côté,  de  quatre  marches,  mais  de  dimensions  inégales, 
permettant  de  monter  à  la  place  ;  deux  de  l'autre,  de 
trois  degrés,  faisant  vis-à-vis  aux  premiers  et  donnant 
accès  l'un  au  parvis  qui  s'étend  devant  le  Capitole,  le 
second  à  une  construction  contiguë  au  Capitole  vers  le  Nord- 
Ouest  et  non  encore  déblayée.  A  chaque  bout  de  la  rue, 
une  porte   monumentale   à  une   baie,  dont  la  partie   infé- 

I.  Ilull.  nrchéol.  du  Comité.  L908,  p.  ccxxix  et  suiv.;  cf.  Comptes  rendus 
de  VAcad.  îles  inscr.,  1909,  p.  '.»i  et  suiv. 


FOUILLES    A    ALTHIBUROS  419 

rieure  subsiste  seule  ;  celle  du  Nord-Ouest,  écroulée  sur  sa 
base,  richement  décorée  à  en  juger  par  les  nombreux  élé- 
ments qui  gisent  sur  le  sol,  était  flanquée,  sur  chacune  des 
faces  de  ses  pieds-droits,  d'une  colonne  engagée,  comme 
l'arc  de  triomphe  encore  debout  à  une  des  extrémités  de  la 
ville. 

Sur  l'attique  de  cette  porte  triomphale,  érigée  au  cœur 
de  la  cité,  se  trouvait  une  inscription  dont  trois  fragments 
(nos  2,  3,  4)  ont  été  recueillis  dans  le  voisinage,  au  Sud- 
Ouest  et  au  Nord-Ouest,  et  se  rattachent  à  un  autre 
(n°  t)  qui  figure  déjà  au  Corpus  K  Gomme  il  y  a,  entre  eux, 
quelques  différences  dans  la  hauteur  des  lettres,  bien  que 
le  caractère  de  la  gravure  soit  le  même,  je  suppose  qu'il  y 
avait  deux  textes  se  développant  de  part  et  d'autre  de 
l'attique  2  et  je  restitue  ainsi  : 

1°  Haut,  des  lettres,  ligne  1  :  0"1  185-0"'  19;  2  :  0m  16; 
haut,  de  la  pierre  0m  43  ;  épaiss.  0m  37. 


mp.  caes.  divi  Iraiani parlhici  f.  divi  nervJAE  NTRAIAN©  •  HM/r/V/lNOTÀVG^ 
ont.max.lrib.pot. .  ..imp. .  .ros.  ...p.p.condiltor  I     MVNICIPI  -y-DWp. 

I        long.  1'"  20    [0'"3^  0'»  72 

2°  Haut,  des  lettres,  ligne  1  :  0m  15;    2  :  incomplètes; 
haut,  de  la  pierre  incomplète;  épaiss.  0m  50. 


m 


p.   caes.   divi    traiam   parlhici  /.(DIVI  NE/ rvac    n.    Iraiauo    hadrimw   avg. 
wnt.  max.  trib.pot...  imp...  cos...  p.  (P'COW  itori  municipi  d.d.  p.p. 

long.  0"'  65 

1.  Corp.  inscr.  Inlin.,  t.  VIII,  n°  1825. 

2.  Le  n°  1,  vu  par  Wilmanns,  n'a  pas  été  retrouvé  ;  il  serait  utile  de  le 
revoir  pour  vérifier  l'exactitude  de  l'hypothèse  par  laquelle  je  le  rapproche 
du  n"  2;  en  effet,  au  Corpus,  il  est  donné  comme  ayant  0m  34  de  haut  au 
lieu  de  0,n  43),  et  comme  ayant  à  la  seconde  ligne  des  lettres  de  0'"  11 
(au  lieu  de  0m  J6);  peut-être  sont-ce  là  simplement  deux  fautes  d  im- 
pression, ou  des  erreurs  qui  s'expliqueraient  facilement. 

1912.  28 


420  FOUILLES    A    ALTII115LROS 

Cette  porte  monumentale,  aux  chapiteaux  et  aux  cor- 
niches fouillés  avec  soin,  a  donc  été  élevée  par  la  ville 
reconnaissante  en  l'honneur  de  l'empereur  Hadrien,  qui  lui 
avait  octroyé  le  titre  de  municipe1. 

Au  même  endroit  que  les  fragments  nos  3  et  4,  au  Sud- 
Ouest  de  lare,  on  a  découvert  également  un  nouveau 
morceau  d  une  autre  inscription  importante,  la  dédicace  du 
Capitole-.  Voici  ce  morceau3  : 

'ON!     regina' 

un  III  mil  II  III 

VNIA    SVA-  KAi 
CVLTV      DEDI1 

D'après  une  révision  sur  l'original,  le  texte  se  présente 
maintenant  dans  son  ensemble  de  la  façon  suivante 
(haut.  0'»  58;  épaiss.  0m  60;  lettres  :  1,  0"1  11;  2,  0m  09  ; 
3-4,  0m  085).  (Voir  p.  421.) 

L'inscription  doit  avoir  été  dédiée  à  Commode  entre  1 85 
et  191  \ 

Au  début  de  la  ligne  3,  je  complète  Hadrianum  Augus- 
tum  sur  la  foi  d'une  base  honorifique  (haut.  1 m  ;  larg. 
0m57;  épaiss.  0 m  52  ;  lettres  0 m  055),  découverte  le  25 
juin,  remployée  dans  un  mur  au  Sud-Est  du  forum.   Tout 

1.  De  même  à  Avitta  Bibha  (Bou-Ftis),  dédicace  en  13"  à  Hadrien,  fon- 
dateur du  municipe,  gravée  sur  l'attique  d'un  arc  de  triomphe  Corp. 
inscr.  latin.,  t.  VIII.  n°  799  :  cf.  n°  12266  .  Voir  l'article  de  Frothingham,  De 
la  véritable  signification  des  monuments  romains  qu'on  appelle  »  arcs  de 
triomphe  ».  dans    la  Revue  archéol.  ,  1905,  II.  p.  217  et  219  en   particulier. 

2.  Cagnat  et  Gauckler,  Les  monuments  antiques  de  la  Tunisie,  I.  p.  9. 
Sous  l'arc  de  triomphe  lui-même,  on  a  exhumé  une  tète  d'aigle  en  calcaire- 
ayant  0m  08  de  haut. 

3.  A  la  ligne  1,  la  majeure  partie  de  l'N  et  l'A  sunl  sur  deux  petits  éclats 
qui  se  raccordent  exactement  au  bloc  principal:  à  la  ligne  î.  un  acci- 
dent superficiel  de  la  pierre  a  fait  disparaître  le  bas  de  EDI. 

4.  Autre  inscription  à  Commode  Gauckler,  Bull,  archéol.  du  Comité, 
1897,  p.  122.  ii°  17!  :  cf.  1896,  p.  2"!'.  n    221  . 


r'-o 


M 


*  > 


u 


Cj  ci 


~* 


•ex. 


*, 


iO 


422  FOUILLES    A   ALTHIBUROS 

le  haut  de  la  bas,e  est    mutilé   par    devant  ;    on    lit  seule- 
ment  les  dernières  lignes  (lettres  0"'  055)  : 

/  /  /  M  V  n  i  c  i  p  i  u  m      ae 
L  I  V  M  TTÏ|  D  R I  A  N  V  M 
AVG     ALTHIB  DEVOTVM 
nu    MINI     MAIESTA 
TI  Q  EIYS  DDPP 

Les  lettres  M  de  Hum,  DRI  de  hadrianum,  LTH  de 
althib(uritanum)  sont  très  peu  distinctes.  RI  de  DRIA- 
NVM,  VM  de  DEVOTVM  sont  liés. 

Althiburos  étant  municipe  d'Hadrien,  la  titulature  offi- 
cielle complète  de  la  cité  comportait  les  surnoms  Aelium 
Hadrianum  Awjustum,  comme  celles  d'Utique  *,  de  Zama2 
et  de  Bulla  Rerfia 3,  qui  avaient  reçu  du  même  empereur 
la  dignité  de  colonies. 

Il  est  regrettable  que  le  nom  de  l'empereur  ait  disparu  ; 
nous  aurions  sans  cela  un  terminus  post  quem  pour  la 
transformation  de  la  ville  en  colonie  de  droit  italique4. 
Toutefois,  à  cause  de  la  formule  devotum  [nu]mini  /naiesta- 
tiq(ue)  ejus,  l'inscription  date  au  plus  tôt  du  règne  de 
Sévère  Alexandre  et  nous  pouvons  affirmer,  par  suite, 
qu  Althiburos  est  resté  municipe  au  moins  jusque  sous  ce 
prince. 

Tout  près  de  l'escalier  de  trois  marches  qui  mène  à  l'édi- 
fice non  encore  dégagé  qui  est  contigu  au  Capitole,  on  a 
déterré  la  partie  supérieure  d'un  piédestal,  retaillé  à  basse 
époque,  qui  avait  été  dédié  à  Caracalla  en  197,  et  qui  pro- 


1.  Corp.  inscr.  latin.,  t.  VIII,  n°   1181:  Aulu-Gelle,  Noct.  ut  tic,  XVI, 

13,  4. 

2.  Corp.  inscr.  lutin..  1.  VI,  n°  1686;  cf.  t.  VIII,  p.  211  et  1210. 

3.  Merlin.    Comptes   rendus   de  l'Acad.  des   inscr.,   1906,  p.  365,    n "  2  : 
cf.  Le  temple  d'Apollon  à  Huila   llerjia,  p.  12. 

i.   Bull,  archèol.  du  Comité.  1008,  p.  ccx.wi  :  Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  inscr.,  ÎOO'J,  p.  92. 


FOUILLES    A    ALTHTRUROS  i23 

vient  sans  doute  du  forum  (haut.  0m  30  ;  larg.  0m  GO  ;  épaiss. 
0m  42  ;  lettres  0  m  055  ;  en  haut  et  sur  les  côtés,  une  mou- 
lure plate  plus  ou  moins  intacte)  : 

MAVrgLIOANTONINO- 

c aesari-lmp.  destina to • 
prinCipiIvventvtis- 

Ce  piédestal  n'est  pas  le  seul  qui,  à  Medeina,  porte  le 
nom  de  Caracalla  ;  deux  fragments  qui  se  rajustent  ont 
appartenu  à  un  autre  socle  consacré  à  ce  prince  (haut,  des 
lettres  0'"  055-0 m  05)  : 


o   atitonino 
co  maxinio 


gcrman.  niax. 


Dans  PARTHI,  TH  sont  liés. 

Une  troisième  inscription  a  été  gravée  en  l'honneur  de 
cet  empereur.  Elle  est  en  dehors  du  forum  '  et  est  déjà 
connue,  mais  comme  elle  a  été  assez  mal  publiée2,  il  ne 
sera  pas  inutile  de  la  redonner  ici  (haut,  du  linteau,  0m  55; 
larg.  0™  55;  épaiss.  0"'i0;  lettres,  ligne  4:  0m06; 
2  :  0ni  05  ;  autres  :  0m  04;  au-dessous  de  la  ligne  5,  une 
moulure  arasée.  Nous  avons  la  partie  droite  du  linteau, 
à  en  juger  d'après  le  sofïite  ;  la  pierre  est  seulement  un  peu 
abîmée  à  l'extrémité)  : 

vicloricie  brittannic-ae  germh  N  IC  A  E  A  V 

pro  sainte  imp.  caes.  m.  aureli  se  y  E  R  I  •  ANTON  ru* 
piïfel.  aug.  par  th.  max.  brittannicijhX  XSIMI  GER  •  MAXimi 
p . m . p . p . et iuïiac domnae auguslae »i ATRIS •  AY 'G  -ET  SENATht 
et   caslrorum  et  patrïae    iotiusque  IDOMVS-  DIVIN  A"7//y/ 

1.  A  400  mètres  environ  à  l'Est  du  Capitule,  dans  la  grande  boucle  de 
l'Oued  Medeina.  à  la  limite  des  plantations  de  cactus. 

2.  Bull,  archéol.  du  Comité,  1896,  p.  279,  n°  223. 


i24  FOUILLES    A    ALTHIBUROS 

Aux  diverses  lignes,  à  la  fin  et  au  début  de  la  partie  con 
servée,  les  lettres  sont  plus  ou  moins  endommagées. 

Au  Sud-Est,  par  delà  le  mur  continu,  en  petit  appareil 
avec,  de  distance  en  distance,  des  harpes  de  grosses  pierres, 
qui  forme  le  fond  du  forum,  on  a  déblayé  une  rue  longée, 
semble-t-il,  par  des  boutiques,  mais  le  tout  d'un  aspect  très 
confus.  Près  de  l'angle  sud  du  forum,  on  a  recueilli  une 
épitaphe  chrétienne,  gravée  sur  une  dalle  ayant  0,n  52  de 
haut  et  0m  36  de  large  ;  lettres  :  0  m  05  ;  les  lignes  sont  sépa- 
rées par  des  traits  horizontaux,  et  l'inscription  est  entourée 
d'un  cadre  •  : 

CLOTSIAN V 
S  DVLCIS  IN 
PA  C  E  VIXITA 
N  IS  LU.  MEN 
SES  I'  DIES  XI> 


A  l'angle  ouest  du  forum,  en  dehors,  on  a  trouvé  un 
débris  d'inscription  ainsi  conçu  2  : 

(e  R  i  •  ci 

|/////QV  AE[ 

Ce  fragment,  par  ses  dimensions  (haut.  0m  50,  mais 
endommagé  au  bas;  épaiss.  0m  75;  lettres,  ligne  1  ;  0  m  21  ; 
ligne  2  :  0m  13)  se  rattache  à  deux  autres  (haut.  01"  55) 
remployés  dans  le  temple  tétrastyle  qui  fait  face  au  Capi- 

1.  La  formule  dulcis  in  pace,  fréquente  sur  les  inscriptions  chrétiennes 
de  Tabarka,  est  rare  dans  le  reste  de  l'Afrique. 

2.  A  la  ligne  1,  après  ERI,  amorce  d'une  lettre  ronde  ;  les  caractère^  de 
la  ligne  '2  sont  abîmés  en  lias. 


FOUILLES    A    ALTH1BUROS  i25 

tole  et  qui,  en  4908,  a  fourni  une  inscription  bilingue,  néo- 
punique et  latine,  et  une  base  honorifique  érigée  à  l'empe- 
reur Antonin  par  M.  Valerius,  M.  fil.,  Quir.,  Quadratus, 
quaest.  desig.  ' 


9 


V      S      N         E  R  1    • 
LERIVS-M]       /////Q.V  AI 
long.         0m  52  0"'  55 


01//////, 

ESIGN///J 

0'"  50 


Il  semble  bien  que  le  dédicant  soit  le  même  M.  Valerius 
Quadratus  et  que  la  seconde  ligne  doive  être  restituée 
ainsi  :  M.    Va]lerius,  M.  [fil.,  Quir.,  Quadratus]  quae[stor 

d]esk/n[atus ].  A  la  première  ligne,  si  l'inscription  se 

rapporte  au  temple  tétrastyle,  où  deux  de  ses  débris  étaient 

encastrés,  on  a  sans  doute  des  noms  divins  :   [Cer]eri 

ou  [Ven]eri 

Au  delà  du  forum,  vers  le  Sud-Est,  la  rue  qui  passe  entre 
cette  place  et  le  Gapitole  est  fortement  remaniée.  Elle 
paraît  avoir  été  rétrécie  à  basse  époque,  et  dans  les  murs 
qui  la  bordent  on  voit  des  bases  ou  des  tronçons  de 
colonnes,  des  frag-ments  d'inscriptions,  des  morceaux  de 
corniches.  A  30  mètres  environ  de  l'angle  sud  du  forum, 
à  un  carrefour,  on  rencontre  un  grand  monument  qu'on  est 
en  train  d'exhumer.  Bâti  en  pierres  de  taille  minutieuse- 
ment appareillées,  il  présente  sur  deux  de  ses  faces  adja- 
centes, les  seules  actuellement  visibles,  deux  niches  flan- 
quées chacune  en  avant,  sur  les  côtés,  de  deux  piédestaux 
carrés,  ayant  dû  supporter  des  statues  comme  la  niche  en 
contenait  une.  A  la  base  du  monument,  sur  ces  deux 
faces,  mais  sur  ces  deux   faces   seulement,  a  été  aménagé 


1.  Bull,  archéol.  du  Comité,  1908,  p.  ccxxxui. 

2.  Dans  a,  après  VS,  amorce  d'un  M  ou  d'un  N  ;  a  et  c  ont  été   mis  an 
jour  eu  1908. 


426 


LIVRES    OFFERTS 


un  bassin  qui  se  replie  à  angle  droit  et  empiète  largement 
sur  les  rues  ;  il  est  fait  de  dalles  de  pierres  dressées  sur 
champ  et  soutenues  par  des  piliers  carrés;  l'eau  passait  par 
une  encoche  ménagée  sur  le  dessus  d'un  des  petits  côtés 
dans  un  autre  bassin  très  plat,  placé  latéralement,  d'où 
elle  s'échappait  sur  le  sol  d'une  rue  perpendiculaire  à  celle 
qui  mène  vers  le  forum  et  le  Capitole.  Il  est  probable  que 
ce  grand  monument  est  un  château  d'eau. 


LIVRES     OFFERTS 


M.  Diehl  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  l'auteur, 
M.  Jean  Maspero,  membre  de  l'École  française  d'archéologie  orien- 
tale du  Caire,  un  nouveau  fascicule  —  le  deuxième  du  tome  I —  de 
son  ouvrage  intitulé  :  Papijrus  grecs  d'époque  byzantine  (Le  Caire, 
19H). 

«  Tout  le  monde  sait  ce  que  les  papyrus  d'Egypte  nous  ont  rendu 
dans  le  domaine  de  l'antiquité  classique.  L'histoire  byzantine  ne  leur 
doit  pas  moins.  S'il  est  possible  aujourd'hui  de  tracer  avec  quelque 
précision  le  tableau  de  l'administration  et  de  la  vie  sociale  dans  une 
province  byzantine  du  vie  et  du  vne  siècle,  c'est  à  ces  documents 
qu'on  le  devra  essentiellement.  C'est  dire  tout  l'intérêt  qui  s'attache 
à  la  publication  de  M.  Jean  Maspero,  où  il  fait  connaître  les  nombreux 
monuments  de  cette  sorte  conservés  au  Musée  du  Caire.  Dans  un 
premier  fascicule,  paru  en  1910,  il  avait  édité  toute  une  série  de 
pièces,  tout  à  fait  intéressantes,  relatives  à  l'administration  de  la 
ville  d"AcppoôtT7jç  Kwuyj  et  du  duché  de  Thébaïde,  de  curieux  docu- 
ments relatifs  à  l'administration  financière,  et  commencé  la  publica- 
tion des  documents  d'ordre  privé  provenant  du  même  fonds  d'ar- 
chives. C'est  cette  dernière  série  qu'achève  le  présent  fascicule,  et 
les  documents  qu'il  renferme  pi'ésentent  un  vif  intérêt  aussi  pour 
l'histoire  du  droit  privé.  On  y  trouve  des  actes  de  donation,  des  con- 
trats de  vente,  des  actes  de  location  de  terrain  ou  de  transfert  de  taxa- 
tion, un  contrat  de  divorce,  etc.,  dont  plusieurs  apportent  des  infor- 
mations toutes  nouvelles,  et  cette  simple  énumération  suffirait  déjà 


SÉANCE   DU   30   AOIT   1912  427 

à  marquer  l'importance  de  la  publication.  Mais  ce  qu'il  faut  dire  en 
outre,  c'est  la  façon  magistrale  dont  M.  .1.  Maspero,  dans  ce  fascicule 
comme  dans  les  précédents,  a  édité  les  documents  qu'il  nous  fait 
connaître  :  établissement  rigoureux  du  texte,  commentaire  sobre 
et  précis,  rien  n'y  manque.  Et  le  volume  se  complète  d'une  part  par 
une  série  d'additions  et  de  corrections  aux  textes  antérieurement 
publiés,  d'autre  part  par  des  Uildes  excellentes,  index  des  noms  de 
personne,  index  géographique,  table  des  fonctions  civiles,  index  poul- 
ies questions  religieuses,  militaires,  financières,  table  des  abrévia- 
tions, index  des  mots  enfin,  tous  établis  avec  un  soin  minutieux,  et 
qui  rendent  plus  précieux  encore  ce  volume.  Il  ne  reste  plus  qu'à 
achever  cette  publication  excellente.  Dès  maintenant,  le  premier 
fascicule  du  tome  II  a  paru  et  le  second  est  prêt  à  paraître,  et  l'on 
peut  compter  qu'avant  peu  M.  Jean  Maspero  terminera  une  œuvre 
qui  lui  fera  le  plus  grand  honneur,  et  rendra  aux  études  byzantines 
le  service  le  plus  signalé.  » 


SÉANCE  DU  30  AOUT 


PRESIDENCE     DE    M.    NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Georges  Radet,  correspondant  de  l'Académie,  adresse  au 
Secrétaire  Perpétuel  la  note  suivante  : 

«  Les  interminables  caravanes  de  pèlerins  qui,  en  cette  sai- 
son, montent  de  Lourdes  à  Gavarnie,  longent,  après  avoir 
dépassé  Saint-Sauveur,  un  éperon  de  montagne  dont  la  base 
est  ornée  d'un  curieux  monument. 

«  Il  s'agit  d'une  inscription  qui  n'arrête  guère  les  yeux  des 
voyageurs  empilés  dans  les  autocars,  mais  qui  n'en  mérite  pas 
moins  d'être  communiquée   à  l'Académie. 

«  Elle  se  trouve  à  un  demi-kilomètre  en  amont  du  Pont 
Napoléon.  Llle  est  gravée  sur  une  grande  pierre  rectangulaire, 
encastrée  et  scellée  dans  le  rocher.  A  cet  endroit,  la  roule 
s'étrangle,  dominée,  d'un  côté,  par  les  derniers  contreforts  du 
Hergons  et  surplombant,  de  l'autre,  une  gorge  abrupte  au  fond 
de  laquelle  bouillonne  le  gave  de  Pau. 


428  SÉANCE    DU    30   AOUT   1912 

m  La  construction  d'une  voie  carrossable  en  ce  lieu  a  néces- 
sité des  travaux  longs  et  difficiles.  C'est  à  quoi  fait  allusion 
notre  texte.  Je  le  transcris,  en  respectant  sa  disposition  et  son 
orthographe  : 

Hommage  rendu  à  Messieurs  les  officiers  municipaux 

de  la  vallée  de  Barège  par  M.  de  saint  Amans 

et  M.  Dusaulx  de  lacademie  des  inscriptions  et 

belles  lettres  de  Paris  le  11  juillet  1788 

CONTEMPLE 

ICI 

du  haut  de  ces  monts  sourcilleux 

jusqu'au  fonds  de  l'abime 

les  prodiges  de  l'art 

et  ceux  de  la  forte  nature. 

adouci  par  l'industrie  humaine 

le  fier  génie  de  ces  montagnes 

défend 

d'y  trembler  désormais 


Brisée  en  1793  cette  pierre  a  été  restituée 

en  1852  aux  frais  de  qeulqeus  habitans  de  Luz 

partisants  de  la   conservation  des  monuments 

historiques  a  quelque  ordre  d'idées  qu'ils 
appartiennent. 

cabarrou  fils  hoc  fecit 

«  Il  est  intéressant  de  voir  le  nom  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  évoqué,  à  la  veille  de  la  B évolution,  dans 
cette  région  lointaine  et  sauvage.  Il  ne  l'est  pas  moins  de  noter, 
tout  proche  de  nous,  un  de  ces  exemples  de  réfection  de  monu- 
ments épigraphiques  comme  l'antiquité  nous  en  offre  tant 
d'autres.  » 

M.  Henri  Cordier  donne  communication  de  nouvelles  lettres 
de  M.  de  Gironcourt,  envoyé  par  l'Académie  en  mission  dans  le 
centre  de  l'Afrique: 


SÉANCE  DI     30   AOUT   1912  429 

Sinder  (Niger) 
22  Juin  lit  12 

Sur  de  nouveaux  renseignements,  j'ai  l'ait  retour  en  arrière  pour  com- 
pléter mon  enquête,  pratiquer  quelques  nouvelles  touilles  à  lîcntia1,  et 
surtout  acquérir  la  conviction  d'avoir,  en  fait  d'épigraphie,  recueilli  vrai- 
ment tout  le  possible:  de  t'ait,  dix  journées  d'investigations  nouvelles 
(aidé  de  cavaliers,  etc.)  dans  ce  pays,  ne  m'ont  pas  amené  à  découvrir 
plus  de  deux  stèles  gravées,  et  de  dimensions  faibles. 

Considérant  dès  lors  comme  clos  le  chapitre  des  pierres,  du  moins  au 
Niger  (il  y  aurait  quelques  tombes  gravées  au  Sokoto),  j'ai  rouvert  celui 
des  écrits  sur  les  pistes  dont  vous  entretenait  ma  dernière  lettre,  et  mes 
recherches  —  je  vous  l'avoue,  aussi  ardues  qu'assidues  (le  peu  d'inclina- 
tion des  marabouts  musulmans  à  communiquer  leurs  livres  vous  est 
connu)  —  viennent   heureusement  d'aboutir. 

J'ai  mis  la  main,  en  effet,  sur  une  importante  bibliothèque,  qui,  depuis 
trois  semaines,  ne  m'a  pas  livré  moins  de  vingt  manuscrits  de  30  à 
400  pages,  que  j'ai  tout  lieu  de  croire  intéressants  au  plus  haut  point  (livre 
des  Askias,  histoires  du  Soudan,  des  pays  haoussas,  Histoire  des  Penh  . 

Cette  bibliothèque  est  celle  du  marabout  songhoï,  Isuii  Alilou,  dont  j'ai 
obtenu  la  confiance  à  Sinder  (Niger,  non  loin  de  Jillabéry,  lieu  où  se  réfu- 
gièrent les  songhoïs  fuyant  de  Gao  et  de  Kotia  (Koukya). 

Isuii  Alilou  a,  pendant  sept  années,  recueilli  et  copié  de  nombreux  écrits 
historiques  au  Sokoto,  et  notamment  les  œuvres  des  célèbres  marabouts 
peuls  Ousman  et  Abdullahy-Fodia  2. 

C'est  pendant  que  commençait  de  s'effectuer  la  copie  de  ces  ouvrages  que 
j'ai  procédé,  remontant  jusqu'à  Bentia,  au  supplément  d'enquête  cité. 

Revenu  ici,  je  me  suis  attaché  à  l'examen  sévère  des  copies  faites  >  ;  j'ai 
obtenu  de  nouveaux  écrits;  j'en  obtiendrai,  je  crois,  d'autres  encore  :  bref, 
je  De  quitterai  Sinder,  suivant  ma  méthode  habituelle,  que  tout  le  possible 
réalisé. 

Alors  qu'au  début  j'avais  réussi  à  grouper  autour  d'Isuti  une  quinzaine 
de  copistes,  ce  marabout  désirant  maintenant  ne  pas  communiquer  à 
d'autres  les  livres  qu'il  me  présente  actuellement,  je  ne  puis  aller  très  vite, 
et  dois  me  contenter  du  travail  continu  de  quatre  copistes,  Isufi,  et  moi- 
même. 

En  ce  qui  concerne  mes  nouvelles  personnelles,  je  n'en  ai  à  vous  donner 
que  d'excellentes:  les  premières  pluies,  ayant  rafraîchi  l'atmosphère,  per- 
mettent plus  de  courage  au  travail. 

Je  passe  sous  silence  les  menus  incidents  de  route  rentrant  dans  les 
possibilités  prévues  :  tel  un  naufrage  de  ma  pirogue  d'acier  dans  les  rapides 
du  fleuve,  n'ayant  entraîné  que  la  perte  d'objets  matériels  (mes  brosses 
d'estampage,  heureusement  devenues  inutiles),  la  collection  d'estampages 

1.  fragments  de  colliers  en  terre  cuite. 

2.  Dont  j'entendais  le  nom  depuis  si  longtemps,  sans  pouvoir  les  obtenir. 

3.  Vu  l'importance  des  manuscrits. 


430 


SÉANCE    DU    30    AOUT    1912 


Grotte  du  Tue  d'Audouberl  ;'i   Montesquieu-Avantès  (Ariègc 


Fig.  1.  —  Bison. 


SÉANCE    DU    30    AOUT    1912 


431 


!     \ 


Grotte  du  Tue  d'Audouberl  à  Montesquieu-Avantès  (Ariège 
Fig.  '2.  —  Cheval. 


432  SÉANCE  DU  30  AODT  1912 

étant  expédiée  antérieurement,  et  tous  nos  écrits  et  documents  ayant  été, 
bien  entendu,  débarqués  au  préalable  pour  ce  passage. 

Niamey,  le  9  Juillet   1912. 

Nous  allons,  de  ce  pas,  à  Say  où,  parait-il.  se  trouvent  d'utiles  écrits, 
détenus  malheureusement  par  des  Peuls  nettement  hostiles. 

Tant  que  des  pistes  se  dessinent  encore,  je  ne  me  sens  pas  le  droit  de  les 
rompre.  Au  moment  précis  où  elles  paraissent  fructueuses  au  delà  de  toute 
prévision,  le  devoir  me  tient  de  les  suivre  jusqu'au  bout,  fût-ce  même 
encore  au  Sokoto,  ce  que  j'apprécierai  de  Say,  et  si,  le  cas  échéant,  ce 
genou  malencontreusement  atteint  me  permet  de  remonter  à  cheval,  ce 
que  je  ne  puis  faire  actuellement,  ne  pouvant  encore  même  marcher. 

Il  y  a  si  peu  d'eau  dans  cette  partie  du  fleuve  que  les  embarcations  sont 
traînées  sur  de  longs  parcours,  sur  le  fond  rocheux  qui  troue  les  coques  et 
amène  des  voies  d'eau. 

M.  Salomon  Reinach  entre  dans  quelques  détails  sur  la  nou- 
velle grotte  ornée  de  gravures  et  de  peintures  préhistoriques  qui 
a  été  découverte  par  M.  le  comte  Begouen  à  Montesquieu- 
A vantés  (Ariège).  Les  animaux  figurés  sont  le  bison,  le  cheval, 
le  renne,  peut-être  un  carnassier.  Il  y  a  des  images  de  petit? 
chevaux  avec  des  flèches  gravées  sur  leurs  flancs,  procédé 
magique  dont  on  connaît  déjà  des  exemples  et  qui  avait  pour 
objet  d'assurer  une  chasse  heureuse.  Les  dessins  de  la  nouvelle 
grotte  présentent  des  particularités  de  style  qui  ne  s'étaient  pas 
encore  rencontrées.  (Voir  p.  430  et  431.) 

M.  Reinach  annonce  ensuite  à  l'Académie  qu'il  vient  de  ter- 
miner un  recueil  de  gravures  au  trait  d'après  toutes  les  œuvres 
d'art  connues  de  l'âge  du  renne.  Il  en  soumet  quelques  spécimens 
à  ses  confrères. 

M.  Joseph  Déchelette,  correspondant  de  l'Académie,  expose 
les  résultats   des   fouilles   poursuivies    par     M.    le  marquis    de 
Gerralbo     dans     les      nécropoles     celtibériques      de     Torralba 
Espagne]  '. 

M.  Emile  Châtelain,  au  nom  de  la  commission  du  prix  Brunet. 
donne  lecture  du  rapport  sur  le  concours  de  cette  année2. 

1 .  Voir  ci-après. 

2,  Voir  ci-après. 


LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO  i  •'>.'» 

M.  le  Dr  Capitan  lit,  en  son  propre  nom  et  en  celui  de 
M.  Peyrony,  une  note  sur  trois  nouveaux  squelettes  humains 
découverts  à  la  Ferrassie  et  au  Cap  Blanc  (Dordogne)  '. 


COMMUNICATION 


LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALRO, 
PAR     M.    JOSEPH     DÉCHELETTE,    CORRESPONDANT     DE     L'ACADÉMIE. 

Des  trouvailles  archéologiques  d'une  importance  consi- 
dérable ont  été  faites  pendant  ces  dernières  années  sur  le 
sol  ibérique  par  M.  le  marquis  de  Cerralbo. 

Jusqu'à  ce  jour,  nos  connaissances  sur  les  premiers 
âges  du  fer  en  Espag-ne  étaient  encore  bien  incomplètes. 
Voici  que  ces  récentes  découvertes  nous  procurent  une 
abondante  moisson  de  matériaux  pour  l'étude  de  cette 
période,  dans  une  région  située  entre  Sarag-osse  et  Madrid. 

Je  ne  parlerai  pas  ici  de  celles  des  trouvailles  du  même 
explorateur  qui  se  rattachent  aux  temps  quaternaires.  A 
Torralba  (province  de  Soria),  au  moyen  d'énormes  excava- 
tions, il  a  mis  à  jour  un  campement  de  chasseurs  d'élé- 
phants, appelé  à  compter  parmi  les  stations  les  plus  célèbres 
comme  aussi  parmi  les  plus  reculées  de  cet  âge  primitif. 
Des  débris  osseux  et  d'énormes  défenses  d'éléphants  plus 
anciens  que  le  mammouth,  s'y  sont  rencontrés  en  nombre 
exceptionnellement  abondant,  associés  à  de  grandes  haches 
taillées  du  type  chelléen  2. 

Les  découvertes  de  l'âge  du  fer,  dont  je  désirerais  entre- 
tenir rapidement  l'Académie,  datent  de  ces  dernières 
années  et    se  poursuivent    à    l'heure    actuelle.    Elles   sont 

1 .  Voir  ci-après. 

2.  Voir  sur  ces  trouvailles  le  mémoire  de  M.  le  marquis  de  <  lerralbo  :  /'.'/ 
Alto  Jalon,  descubrimientos  arqueologicos  [Madrid,  1909  . 


434  LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO 

encore  inédites.  M.  le  marquis  de  Cerralbo  se  propose  d'en 
publier  le  compte  rendu  détaillé.  Il  a  bien  voulu  néanmoins 
m'inviter  à  visiter  ses  chantiers  et  à  étudier  ses  collections, 
conservées  en  son  château  de  Santa  Maria  de  Huerta,  près 
de  Torralba  ;  il  m'a  même  autorisé  gracieusement  à  commu- 
niquer à  l'Académie  les  notes  prises  au  cours  de  ce  voyage. 
Les  explorations  ont  porté  principalement  sur  trois 
nécropoles  celtibériques  et  sur  une  ville  fortifiée  que  l'in- 
venteur identifie  avec  Arcobriga  (Ptolémée,  II,  6,  57).  La 
plus  importante  et  la  plus  ancienne  des  nécropoles  est  celle 
d'Aguilar  de  Anguita,  située  dans  la  province  de  Guadala- 
jara  (Gastille),  près  des  sources  du  Jalon  (ancien  Salon), 
dont  la  fertile  vallée  relie  le  bassin  de  l'Ebre  à  ceux  du 
Tage  et  du  Douro.  Plus  de  2.200  sépultures  y  ont  été  mises 
au  jour.  La  seconde,  celle  de  Luzaga,  se  trouve  à  dix  kilo- 
mètres au  Sud-Est  de  la  précédente.  En  1911,  elle  avait 
livré  1813  sépultures  à  urnes.  La  troisième  est  celle  d' Ar- 
cobriga (300  tombes),  ville  dont  remplacement  a  été  d'ail- 
leurs déblayé. 

De  tels  chiffres  me  dispensent  d'insister  sur  l'étendue  des 
fouilles.  Bien  rares  à  coup  sûr  sont  dans  les  annales  de 
l'archéologie  les  travaux  de  cette  importance,  parmi  ceux 
qui  sont  dus  à  une  initiative  tout  individuelle.  Ces  résultats 
sont  cependant  l'œuvre  de  quelques  années  de  recherches. 
La  générosité  patriotique  et  le  zèle  éclairé  du  Marquis  de 
Cerralbo  pour  la  science  permettent  d'ajouter  que  ces 
découvertes  ne  sont  sans  doute  que  le  prélude  de  nouvelles 
trouvailles,  sur  un  sol  particulièrement  riche  en  vestiges 
antiques  de  toutes  les  époques. 

Dans  cette  note  succincte,  je  parlerai  surtout  des  sépul- 
tures d'Aguilar  de  Anguita. 

Toutes  sont  à  incinération,  comme  celles  de  Luzaga  et 
d' Arcobriga. 

Les  tombes  étaient  alignées  sur  plusieurs  rangs  et  sur- 
montées chacune  non  d'un  tertre,  mais  d'une  stèle  en  pierre 


LES    FOUILLES    DL    MARQUIS    L>E    CERRALBO  î-35 

brute.  L'ensemble  devait  former  de  véritables  allées  paral- 
lèles '.  Au-dessous  de  la  stèle,  actuellement  renversée  et 
enfouie  dans  le  sol,  on  rencontre  l'urne  funéraire  contenant 
les  cendres  et  aussi,  pour  les  sépultures  de  femmes,  des 
objets  de  parure  de  bronze.  A  côté,  sont  rassemblés  les 
objets  de  fer  plus  volumineux.  Le  mobilier  avait  été  par- 
fois brûlé  sur  le  bûcher  avec  le  cadavre  ;  dans  certaines 
tombes,  il  ne  paraît  pas  avoir  subi  l'action  du  feu. 

Les  sépultures  viriles   renferment  souvent  l'équipement 
complet  d'un  guerrier  :  un  poignard  à  antennes,  tout  en  fer, 
avec  son  fourreau  de  même  métal,  muni  de  boucles  de  sus- 
pension   et    d'une    bouterolle,    deux   lances   de   différentes 
grandeurs,  ordinairement  minces  et  effilées,  parfois  un  de 
ces  javelots  d'une  seule  tige  de  fer,  hampe  et  pointe,  sem- 
blables à  ceux  des  sépultures  pyrénéennes  découverts  par 
Piette  :  j'avais  reconnu  précédemment  dans  cette  arme  le 
javelot  èXôfffêïjpeç  que  les  auteurs  grecs  et  latins  signalent 
chez  les    peuples   ibériques  2.    Les    armes   défensives   sont 
représentées  dans  quelques    tombes   par  un   bouclier  —  le 
petit  bouclier  des  Ibères  —  dont  il  reste  l'umbo  de  fer  circu- 
laire ajouré  et  les  boucles  de  suspension,  ornées  de  pièces 
d'applique  en  forme  d'S.  On  peut  ranger  aussi,   soit  parmi 
les  pièces  défensives,   soit  parmi  les  parures,    des  plaques 
circulaires  en  tôle  de  bronze,  réunies  par  paires  au  moyen 
de  bretelles  métalliques,  l'un  des  disques  s'appliquant  sur 
la  poitrine,  l'autre  sur  le  dos.    Ils  mesurent  environ  0  m  20 
de   diamètre   et   sont    délicatement  ornés    au  repoussé    de 


1.  Aristote  a  parlé  des  obélisques  funéraires  des  Ibères  Politique,  IV, 
ii,  6).  Mais,  suivauL  le  philosophe  grec,  on  plantait  autour  de  la  tombe 
d'un  guerrier  autant  d'obélisques  qu'il  avait  immolé  d'ennemis.  A  Aguilar 
de  Anguita,  il  n'y  a  qu'une  stèle  par  tombe.  Toutes  sont  brutes,  saut  une 
seule,  qui  porte  un  grossier  bas-relief  représentant  un  cheval  et  une  figure 
humaine. 

2.  Voir  J.  Déehelette,  Lejavelot  des  Ibères,  dans  la  «  Revue  des  Études 
anciennes  ■.  l'.'i  I .  p.  153. 


1912  29 


436  LUS    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO 

motifs    géométriques    très    simples,    disposés    en    cercles 
concentriques,  ou  même  de  simples  filets. 

Les  sépultures  féminines  contiennent  des  bracelets  de 
bronze  souvent  filiformes  et  réunis  en  nombre  pour  former 
une  armille,  des  plaques  de  ceinture  en  bronze  mince 
estampé,  semblables  à  celles  des  sépultures  hallstattiennes 
de  l'Europe  centrale  et  de  la  France  orientale.  L'objet  le 
plus  curieux  est  une  pièce  de  fer  en  forme  de  collier  cylin- 
drique, qui  porte,  entée  à  sa  partie  médiane,  une  mince  tige 
de  fer  bifurquée  à  son  extrémité  libre  et  haute  de  0  '"  30  à 
OmiO.  Le  marquis  de  Cerralbo  y  voit  —  sans  doute  avec 
raison  — l'armature  singulière  qui,  au  dire  d'Artémidore, 
soutenait  les  hautes  coiffures  portées  par  les  femmes 
ibères1.  C'est  là  une  découverte  tout  à  fait  nouvelle.  Il  en 
est  d'autres  qui  ne  manqueront  pas  de  susciter  de  nom- 
breux commentaires,  notamment  celles  qui  ont  rapport  au 
harnachement  des  chevaux. 

Les  pièces  de  cette  série  comprennent  de  nombreux  mors 
en  fer,  plus  lourds  et  plus  compliqués  que  ceux  des  Celtes. 
Les  chevaux  des  guerriers  d'Aguilar  étaient  d'ailleurs 
montés  et  non  attelés  :  je  n'ai  remarqué  aucun  débris 
de  roue,  aucun  reste  de  char  rappelant  les  trouvailles  des 
nécropoles  de  l'Italie  du  Sud,  de  l'Etrurie  et  des  pays  cel- 
tiques aux  vie-ive  siècles.  Strabon  a  insisté  sur  l'habileté 
consommée  des  Ibères  dans  Fart  de  l'équitation.  Leurs  che- 
vaux étaient  dressés  à  gravir  les  montagnes  et  même 
formés  à  des  exercices  de  haute  école,  par  exemple  à  fléchir 
les  genoux,  sur  un  signal  donné  2.  Or  parmi  le  matériel  de 
harnachement  des  sépultures  d'Aguilar  de  Anguita  se 
trouvent  précisément  de  curieux  caveçons  d'un  type  qui 
me  semble  absolument  nouveau. 

Il  est  intéressant  de  rappeler  à  ce  sujet  qu'un  tesson  de 

l     Artémidore,  ap.  Strabon,  III.  iv.  17. 

2.  Strabon,  III.  iv,  15  el   ls.  Justin  [XLIV,  i  et  n),  parle  aussi  des  che- 
vaux excellents  de  la  Péninsule  ibérique. 


LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO  437 

poterie  peinte  ibérique  découvert  récemment  à  Numance, 
c'est-à-dire  dans  la  même  région,  représente  le  dressage 
d'un  cheval  :  l'animal  évolue  autour  d'un  palefrenier  qui 
le  maintient  au  moyen  d'une  longe  fixée  à  un  appareil  agis- 
sant sur  les  naseaux  '. 

Enfin,  découverte  plus  imprévue,  le  marquis  de  Cerralbo 
a  recueilli  dans  la  nécropole  d'Aguilar  de  Anguita  jusqu'à 
neuf  fers  à  cheval  en  différents  endroits  et  toujours  près 
des  sépultures  (un  à  0  m  00  de  profondeur,  tous  les  autres  de 
!  '"  à  1  '"  50  et  même  exceptionnellement  à  1  "'  80).  On  sait 
combien  de  discussions  a  soulevées  depuis  long-temps  la 
question  de  la  ferrure  dans  l'antiquité.  A  l'heure  actuelle, 
on  admet  généralement  que  les  plus  anciens  fers  à  clous 
ne  seraient  pas  antérieurs  à  une  phase  déjà  avancée  de 
l'époque  romaine  ;  quelques  archéologues  abaissent  même 
leur  origine  jusqu'à  l'époque  mérovingienne. 

Les  fers  d'Aguilar  appartiennent-ils  vraiment  au  mobilier 
des  sépultures?  Le  marquis  de  Cerralbo  n'hésite  pas  à  le 
croire  ;  mais  avant  d'examiner  son  opinion,  il  convient 
d'attendre  la  publication  du  compte  rendu  de  ses  fouilles. 
J'ajouterai  que  je  suis  frappé,  de  mon  côté,  par  certaines 
considérations  favorables  à  cette  solution,  si  imprévue, 
je  serais  tenté  de  dire  si  invraisemblable  qu'elle  puisse 
paraître  au  premier  abord. 

Le  sol  rocheux  des  plateaux  qui  dominent  la  vallée  du 
Jalon  est  extrêmement  dur.  D'autre  part,  cette  rég-ion  était, 
à  l'époque  ibérique,  un  pays  d'élevage  et  de  dressage  des 
chevaux,  en  même  temps  qu'un  centre  d'industrie  sidérur- 
gique. Singulière  coïncidence,  au  moment  même  où  le 
marquis  de  Cerralbo  me  signalait  la  trouvaille  de  ses  pre- 
miers fers,  un  archéologue  lorrain,  M.  le  comte  Beaupré, 
sans  connaître  aucunement  les  découvertes  d'Aguilar,  m'in- 
formait  qu'en  fouillant  un  camp  hallstattien   des  environs 

l.  Voir  Institut  d'estudis  catalans,  Aiuuui.  L908,  p.  562-563,  fig.  --'5. 


438  LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO 

de  Nancy,  appelé  le  Camp  d'Afrique,  il  avait  rencontré,  à 
sa  grande  surprise,  un  fer  à  cheval  dans  un  fond  de  cabane 
du  premier  âge  de  fer.  Le  sol  qui  avait  livré  des  vestiges 
typiques  de  cette  époque  ne  lui  paraissait  présenter  aucune 
trace  de  remaniement  ultérieur.  C'était,  d'ailleurs,  la  seconde 
trouvaille  de  cette  nature  faite  dans  un  milieu  hallstattien 
par  le  même  archéologue.  D'autre  part,  on  ne  saurait 
oublier  qu'un  fer  à  clous,  en  bronze,  a  été  reconnu,  au  dire 
d'un  archéologue  américain,  M.  Bâtes,  dans  une  sépulture 
étrusque  à  Corneto  '.  Cette  trouvaille  paraît  avoir  frappé 
M.  Salomon  Reinach,  si  peu  disposé  qu'il  soit  à  admettre 
la  haute  antiquité  de  la  ferrure  à  clous.  On  est  tenté  — 
écrivait-il  dans  le  compte  rendu  de  ce  mémoire  —  d'ac- 
cepter, malgré  le  silence  des  textes,  les  conclusions  de 
M.  Bâtes  -\ 

Si  les  fers  à  clous  étaient  connus  des  Celtes  et  des 
Celtibères  plusieurs  siècles  avant  notre  ère,  il  est  à  coup 
sûr  singulier  que  ni  dans  les  oppida,  ni  dans  les  nombreuses 
sépultures  à  char  de  l'époque  de  La  Tène,  on  n'en  ait 
recueilli  aucun  spécimen  bien  authentique.  Devrons-nous 
admettre  qu'avant  de  se  généraliser,  ce  mode  de  ferrure 
aurait  été  pratiqué  pendant  une  période  assez  longue  par 
un  petit  nombre  de  peuples,  dans  des  régions  réunissant  les 
conditions  qu'offrent  les  plateaux  ibériques  :  un  sol  rocheux, 
des  minerais  de  fer  abondants  et  des  forgerons  particuliè- 
rement habiles?  Les  trouvailles  d'Aguilar  et  de  la  Lorraine 
vont  donner  aux  débats  sur  les  origines  d%  la  ferrure  une 
nouvelle  actualité.  J'ajouterai  que  les  fers  d'Aguilar  sont 
de  grandes  dimensions,  comme  les  mors  des  sépultures,  et 
que  le  métal  présente  le  même  aspect.  Ils  n'ont  pas  les 
bords    ondulés    de    certains    fers    considérés    comme    très 


1.  Société  des  Antiquaires  île  Cambridge,  Procecdings.  a"  XLIII,  1903, 
p.  249-258. 

2.  Salomon  Reinach,  Reçue  archéol.,  1903.  I,  p.  281-285. 


LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DR    CERRALBO  i39 

anciens,  mais  un  spécialiste  auquel  ils  ont  été  soumis  leur 
reconnaît  des  caractères  archaïques. 

La  nécropole  n'est  distante  que  de  quelque  cinquante 
kilomètres  à  vol  d'oiseau  de  l'emplacement  de  Bilbilis,  la 
patrie  de  Martial  *.  Le  poète,  qui  se  plaît  à  célébrer  les 
charmes  et  les  ressources  variées  de  sa  ville  natale,  la  dit 
renommée  par  ses  chevaux  et  par  ses  eaux  2.  Les  décou- 
vertes du  marquis  de  Cerralbo  nous  montrent  combien  cette 
réputation  était  justifiée.  Elles  établissent  que  dans  cette 
région  de  l'Espagne,  dont  les  vallées  sont  riches  en  pâtu- 
rages, l'élevage  et  le  dressage  des  chevaux  avaient  atteint 
en  effet,  et  cela  dès  le  milieu  du  dernier  millénaire  avant 
notre  ère,  un  degré  remarquable  de  perfectionnement. 

Il  en  était  de  même  pour  l'industrie  du  fer  et  en  particu- 
lier pour  l'armurerie.  Martial  vante  à  plusieurs  reprises 
l'excellence  du  fer  de  Bilbilis  et  la  qualité  des  eaux  de 
Salon  (Jalon)  pour  la  trempe  des  armes  3.  Pline  cite  Bilbilis, 
avec  Turiasson  en  Espagne  et  Côme  en  Italie,  parmi  les 
localités  célèbres  pour  cette  préparation  du  métal  4  et, 
d'après  Justin,  on  n'estimait  point  une  arme  qui  n'eût  été 
plongée  dans  le  Salon  ou  dans  le  Chalvbs  5. 

Ainsi  les  auteurs  anciens  sont  unanimes  à  vanter  l'habi- 
leté des  forgerons  de  cette  région  et  à  attester  la  supériorité 
de  leurs  produits. 

Les  trouvailles  de  la  vallée  du  Jalon  et  des  régions  immé- 
diatement voisines  confirment  entièrement  ces  témoignages. 
La  quantité  d'objets  de  fer,  glaives  courts  à  antennes, 
lances,  mors,  couteaux,  etc.,  retirés  des  tombes  d'Aguilar 
de   Anguita   est  considérable.   Le  métal,  d'excellente  qua- 

1.  Aujourd'hui  Bambola,  près  Catalayud. 

2.  Les  éditions  portent  ordinairement  aquis  et  armià,  mais  on  sait  que  la 
leçon  equis  parait  être  la  meilleure  (Pauly  et  Wissowa,  Real-Eneyclo- 
piidie,    v.  Bilbilis  . 

3.  Martial,  I.  50,  IV, 55,  XII.  18. 
i.   Pline,  XXXIV,  41. 

5.  Justin,  XLIV,  III 


L40  LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO 

lité,  s'est  remarquablement  conservé.  Je  n'insisterai  pas 
sur  les  épées  à  antennes  :  elles  appartiennent  au  même 
tvpe  que  celles  des  tombes  pyrénéennes  fouillées  jadis  par 
Piette  et  par  le  général  Pothier.  Il  en  est  de  même  des 
lances,  des  javelots,  des  couteaux,  et  d'une  façon  générale, 
des  objets  métalliques.  Evidemment  les  populations  celti- 
bériques  occupant  alors  le  bassin  de  lEbre  étaient  étroi- 
tement apparentées  par  leur  civilisation  à  celles  de  l'Aqui- 
taine. 

De  part  et  d'autre,  les  morts  étaient  incinérés,  mais  le 
tumulus  pyrénéen  fait  défaut  dans  la  vallée  du  Jalon  et, 
d'autre  part,  les  tombes  aquitaniques  renferment  des 
objets  de  fer  moins  nombreux  et  moins  variés. 

Des  deux  cùtés  des  Pyrénées,  on  faisait  usage  du  javelot 
tout  en  fer. 

Le  problème  chronologique  que  présente  l'étude  de  ces 
nécropoles  ne  pourra  être  traité  à  fond  avant  la  publication 
du  compte  rendu  détaillé  des  fouilles.  Toutefois,  en  raison 
de  l'analogie  des  découvertes  avec  celles  d'Avezac-Prat  et 
du  plateau  de  Ger,  il  est  permis  de  formuler,  d'ores  et  déjà, 
quelques  indications  approximatives. 

Certains  types  d'armes  et  de  parure,  s'ils  provenaient  de 
l'Allemagne  du  Sud  et  de  la  Gaule  orientale,  seraient  clas- 
sés au  premier  âge  du  1er  (vne-vie  siècles  avant  notre  ère). 
Mais  on  ne  saurait  conclure  ici  de  ces  analogies  à  un  véri- 
table  synchronisme. 

Je  n'ai  rencontré  dans  les  riches  collections  du  château  de 
Santa  Maria  de  Huerta  aucun  des  objets  importés  dans  les 
pays  celtiques  aux  vne-vc  siècles,  stamnoi.  trépieds,  chau- 
drons et  œnochoés  de  bronze,  de  fabrique  hellénique,  situles 
coniques  et  cistes  à  cordons  de  même  métal,  mais  d'origine 
italique,  amphores  et  vases  peints  en  argile;  aucun  vestige 
non  plus  des  vases  campaniens  si  abondants  aux  in°- 
11e  siècles  sur  le  littoral  de  la  Gaule  méridionale,  de  l'Es- 
pagne orientale  et  de  l'Afrique  du  Nord.  Lu  région  est  déjà 


LES    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO  i  \  I 

assez  distante  du  cours  intérieur  de  l'Ebre.  Sans  doute  les 
habitants,  malgré  leur  éloignement  des  côtes,  recevaient 
quelques-uns  des  produits  industriels  importés  à  Empo- 
rium  parle  commerce  grec,  mais  ils  ne  les  ont  pas  déposés 
dans  leurs  sépultures.  On  n'y  trouve,  semble-t-il,  que  des 
spécimens  de  l'industrie  locale. 

L'ensemble  des  mobiliers  funéraires  d'Aguilar  de  Anguita 
et  des  nécropoles  correspondantes  des  Pyrénées,  bien  que 
présentant  à  certains  égards  le  faciès  des  produits  de 
l'époque  de  Ilallstatt,  paraît  appartenir  à  une  période  un 
peu  plus  basse.  Les  objets  de  fer  attestent  une  technique 
très  avancée,  une  industrie  en  pleine  possession  de  ses 
moyens  et  ayant  dépassé  depuis  longtemps  les  premiers 
stades  de  son  développement.  Deux  des  armes  caractéris- 
tiques, l'épée  courte  et  le  javelot  tout  en  fer,  étaient  encore 
en  usage,  selon  le  témoignage  des  auteurs,  au  second 
siècle  avant  notre  ère.  On  ne  saurait  s'écarter  beaucoup 
de  la  vérité  en  plaçant  vers  le  ivc  siècle  le  groupe  principal 
des  sépultures  d'Aguilar  de  Anguita  et  aux  siècles  suivants 
les  nécropoles  plus  récentes  de  Luzaga  '  et  d'Arcobriga, 
où  apparaissent  un  plus  grand  nombre  d'épées  et  autres 
objets  du  type  de  La  Tène. 

J'ai,  d'ailleurs,  remarqué  dans  une  des  tombes  d'Aguilar 
une  épée  et  une  fibule  de  La  Tène  I,  associée  a  divers  objets 
(umbo  de  bouclier  ajouré,  lance,  fusaïoles)  qui  se  retrouvent 
dans  les  tombes  à  antennes.  Parmi  les  types  de  fibules 
représentés  à  Aguilar,  on  peut  signaler  des  tibules  annu- 
laires et  des    fibules  hallstatliennes  de   type  hispanique  2. 


1.  La  nécropole  de  Luzaga  qui  contenait  moins  d'armes  que  les  deux 
autres  a  livré  des  fibules  de  La  Tène  1  et  II  et  une  anse  de  vase  en  bronze, 
d'un  type  à  double  crochet,  toul  à  l'ait  caractéristique  pour  L'époque  de 
La  Tène  III.  Voir  .1.  Déeheletle,  Les  fouilles  du  Beurra;/,  de  1891  à  1901, 
p.   17-J  et  pi.   xxvi,  3. 

2.  Cf.  .1.  Déchelette,  Kssui  sur  lu  chronol.  préhist.  de  lu  Péninsule  ibé- 
rique, p.  "'i. 


H2  IFS    FOUILLES    DU    MARQUIS    DE    CERRALBO 

Des  fibules  de  La  Tène  I  à  queue  retroussée  en  forme  de 
tête  de  canard  se  sont  rencontrées  sur  d'autres  points  '. 

En  définitive,  ces  nécropoles  où  les  types  hallstattiens  se 
trouvent  associés  à  des  formes  plus  récentes  me  semblent 
appartenir  toutes  au  second  âge  du  fer. 

La  civilisation  ibérique  qui  nous  est  révélée  par  ces  belles 
découvertes  du  marquis  de  Cerralbo  présente  des  traits 
d'originalité  incontestables.  Une  étude  approfondie  de 
chacun  des  objets  recueillis  les  mettrait  en  évidence.  Mon 
but,  dans  cette  note  préliminaire,  est  simplement  de  faire 
connaître  l'importance  de  l'ensemble  des  trouvailles  et  d'en 
dégager  les  caractères  essentiels. 

Sans  méconnaître  l'originalité  de  la  culture  ibérique,  je 
crois  que  dans  sa  formation  on  doit  attribuer  aux  influences 
helléniques  une  part  considérable. 

Ma  conviction,  c'est  que  les  modèles  des  principaux  types 
industriels  de  la  civilisation  d'Aguilar  de  Anguita,  épées, 
ornements  corporels  et  céramique,  devront  être  recherchés 
sur  le  territoire  hellénique  et  particulièrement  dans  les 
colonies  de  l'Italie  méridionale.  On  commence  à  connaître 
assez  bien  le  faciès  du  premier  âge  du  fer  dans  ces  régions. 
Une  des  nécropoles  les  plus  intéressantes  est  celle  d'Alfe- 
dena  (l'ancienne  Aufîdena),  située  sur  le  territoire  osco- 
samnite  2.  Les  tombes  y  sont  à  inhumation  et  non  à  inci- 
nération, mais  les  analogies  que  présentent  les  objets  de 
parure  et  d'ornement  avec  ceux  d'Aguilar  d'Anguita  sont 
très  caractéristiques  :  non  seulement,  de  part  et  d'autre,  on 
faisait  usage  du  glaive  court  à  antennes  que  les  Celtes 
avaient  également  adopté,  mais  il  y  a  dans  le  costume  des 
guerriers  des  traits  de  similitude  vraiment  suggestifs,  par 
exemple  les  disques  de  cuivre  appliqués  sur  le  dos  et  sur  la 
poitrine  et  rattachés  par  des  bretelles.  De  leur  côté,  les 
femmes  celtibères,  comme  les  femmes  osco-samnites,  por- 

1.  Général  Pothier,  Les  lumulus  du  plateau  de  Ger,  p.  61,  fig.  24. 

2.  Voir  Mariani,  Aufidena,  clans  les  «  Monum.  antichi  »,  X,  p.  226. 


RAPPORT    SUR    LE    CONCOURS    DU    PRIX    BRUNËT  S43 

taient  de  grandes  parures  ornées  de  doubles  spirales  en 
bronze.  Enfin  l'étude  de  la  céramique  donne  lieu  à  des 
rapprochements  semblables. 

Les  produits  industriels  de  la  Grande  Grèce  et  de  la  Cam- 
panie  ont  dû  se  répandre  dans  la  colonie  d'Emporium.  De 
la  ils  ont  gagné  l'hinterland  ibérique,  où  les  ateliers  indi- 
gènes les  ont  imités.  Ces  conclusions  me  semblent  d'autant 
plus  vraisemblables  qu'à  Emporium,  dont  j'ai  visité  égale- 
ment les  fouilles  ',  les  débris  des  vases  campaniens  des 
iiie-ne  siècles  avant  notre  ère  jonchent  le  sol  sur  l'emplace- 
ment de  la  ville,  à  un  certain  étage  des  stratifications. 

Enfin,  dans  une  nécropole  de  la  même  époque  découverte 
depuis  longtemps  aux  environs  de  Barcelone,  à  Cabrera  de 
Mataro,  les  mêmes  vases  campaniens  forment  un  groupe 
nombreux  à  côté  de  la  céramique  indigène. 

Ainsi,  au  fur  et  à  mesure  que  nos  connaissances  sur  les 
peuples  barbares  de  l'Europe  occidentale  et  centrale  se  pré- 
cisent et  s'étendent,  nous  sommes  conduits  à  faire  une 
part  de  plus  en  plus  large  aux  emprunts  helléniques  dans 
les  éléments  de  leur  civilisation,  surtout  à  partir  du 
VIe  siècle,  c'est-à-dire  immédiatement  après  le  grand  mou- 
vement de  la  colonisation  grecque. 


APPENDICE 


RAPPORT    SIR    LE    CONCOURS    DU    PIîlX    BRUNET, 

PAR    M.     EMILE    CHATELAIN,    MEMBRE    DE    I.' ACADÉMIE  ; 

LU    DANS    LA    SÉANCE    DU    3()    AOUT    1912. 

La  Commission  du  prix  Brunef  s'est  trouvée  fort  embar- 
rassée en  présence  des  ouvrages  adressés  par  quinze  con- 
currents. Ce   prix  étant   triennal,  il   s'y   présente  presque 

1.  Ces  fouilles  sont  poursuivies  au  frais   de  1  Institut   des  études  c;it;t- 
lanes,  sous  la  direction  de  M.  Puig  y  Cadafalch, aidé-de  M.  Manuel Cazurro. 


444  RAPPORT    SUR    LE    CONCOURS    DU    PIUX     ItRUNET 

toujours  plus  de  livres  méritants  qu'on  n'en  peut  récompen- 
ser, et,  d'autre  part,  outre  les  volumes  envo}rés  au  concours, 
les  membres  de  la  Commission  auraient  désiré  en  couron- 
ner d'autres  dont  les  mérites  sont  éclatants,  quoiqu'ils 
n'aient  rien  demandé  à  l'Académie. 

La  Commission  a  écarté  d'abord  quelques  ouvrages  qui 
ne  rentraient  pas  dans  le  programme  du  prix,  et  ensuite, 
quoique  avec  regret,  plusieurs  autres  encore  inachevés,  avec 
l'espoir  de  les  récompenser  un  jour.  Si  elle  n'a  décerné  le 
prix  Brunet  intégralement  à  personne,  ce  n'est  pas  qu'elle 
n'ait  jugé  aucun  concurrent  digne  de  le  recevoir;  quelques- 
uns  d'entre  eux,  au  contraire,  semblaient  mériter  absolu- 
ment le  titre  de  lauréat  ;  mais  elle  s'est  efforcée  de  recon- 
naître la  valeur  de  tous  les  candidats  et  de  leur  donner  une 
part  proportionnée  du  prix.  Elle  a  même  éprouvé  la  conso- 
lation de  constater  que  les  arrérages  du  prix  permettaient, 
cette  année,  de  distribuer  une  somme  de  5.000  francs,  au 
lieu  du  prix  de  3.000  francs,  montant  statutaire  de  la  fonda- 
tion triennale.  Voici  la  répartition  que  la  Commission,  après 
un  examen  consciencieux  des  ouvrages,  a  cru  devoir  pro- 
poser à  l'Académie1. 

Le  Manuel  des  amateurs  de  Livres  du  XIX  siècle  (1801- 
1893)2  de  M.  Georges  Vicaire,  dont  le  septième  et  dernier 
volume  a  été  achevé  en  1910,  est  un  ouvrage  de  premier 
ordre,  auquel  l'auteur  a  consacré  vingt  années  de  travail. 
Pour  étudier  les  œuvres  de  nos  grands  littérateurs,  de  nos 
artistes,  pour  connaître  en  détail  le  contenu  des  principales 
collections  publiées  par  les  libraires  et  les  sociétés,  c'est  un 
monument  qui  restera.  On  est  étonné  de  voir  combien  de 
livres  parus  de  notre  temps  sont  déjà  introuvables. 
M.  Vicaire  a  dû  souvent  recourir  aux  collections  particu- 
lières pour  décrire  des  volumes  qui  manquent  à  nos  biblio- 

1.  Voir  ci-dessus,  p.  122. 

2.  Paris,  A.  Rouquette,  1894-1910. 


RAPPORT    SUR    LE    CONCOURS    DT    P1UX    BRUKET  \  i-"> 

thèques  publiques.  L'Académie  avait  accordé,  en  1900,  une 
faible  part  du  prix  Brunet  à  cette  belle  entreprise  ;  elle  est 
heureuse  aujourd'hui,  en  regrettant  de  ne  pouvoir  lui  décer- 
ner entièrement  le  prix,  de  lui  attribuer  une  récompense 
de  1.500  francs,  plus  en  rapport  avec  la  valeur  du  travail. 

M.  Georges  Lépreux  donne  tous  ses  soins  à  une  œuvre 
considérable  qui  doit  former  une  vingtaine  de  volumes  dont 
quatre  ont  déjà  paru.  C'est  la  Gallia  typographica  ou  Réper- 
toire biographique  et  chronologique  de  tous  les  imprimeurs 
de  France  depuis  les  origines  de  V imprimerie  jusqu'à  la 
Révolution  '.  Dans  la  série  départementale,  le  tome  I  (1909) 
est  consacré  à  la  Flandre,  l'Artois,  la  Picardie;  le  tome  II 
(1911),  aux  provinces  de  Champagne  et  de  Barrois.  De  la 
série  parisienne  (Paris  et  l'Ile-de-France),  nous  avons  déjà 
le  tome  I  en  2  parties  (1911)  contenant  le  Livre  d'or  des 
imprimeurs  du  roi;  1°  chronologie  et  biographie;  2°  docu- 
ments et  tables.  En  ne  négligeant  aucune  source  d'infor- 
mation, M.  Lépreux  a  rectifié  bien  des  erreurs  courantes  et 
fait  connaître  une  foule  de  renseignements  inconnus  sur 
nos  vieux  imprimeurs.  C'est  un  travail  auquel  le  fondateur 
du  prix  aurait  porté  le  plus  vif  intérêt.  La  Commission  a 
accordé  à    M.  Lépreux  une   récompense  de  1.000  francs. 

La  Bibliographie  Ionienne,  description  raisonnée  des 
ouvrages  publiés  par  les  Grecs  des  Sept-îles  ou  concernant 
ces  iles,  du  XVe  siècle  à  l'année  1900,  est  une  œuvre  pos- 
thume du  regretté  Emile  Legrand,  complétée  et  publiée 
par  un  de  ses  meilleurs  élèves,  M.  Hubert  Pernot,  docteur 
es  lettres  et  répétiteur  a  l'Ecole  des  Langues  orientales 
vivantes.  Cette  Bibliographie,  qui  forme  deux  volumes2 
et  ne  compte  pas  moins  de  i-.0i:{  articles,  est  rédigée  avec 
la  méthode  et  l'exactitude  scrupuleuse  qui  caractérisent  les 

I.  Paris,  II.  Champion  Suppléments  I.  II,  III,  V  à  la  Revue  des  Biblio- 
thèques . 

•2.  Publications  de  VÉeole  des  Langues  orientales  vivantes,  5* série,  l.  VI- 
VII    Paris,  Leroux  . 


446      RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DU  PRIX  BRDNET 

publications  d'Emile  Legrand  ;  et  ce  n'est  pas  sans  raison 
qu'il  lavait  entreprise,  bien  quelle  pût,  au  premier  abord, 
sembler  un  peu  spéciale.  Les  Sept-iles  ont  en  effet  conservé 
la  civilisation  néo-hellénique,  battue  en  brèche  par  les 
Turcs,  et  la  Bibliographie  Ionienne  offre  le  tableau  de  l'ac- 
tivité intellectuelle  des  Grecs  modernes  dans  un  de  ses 
centres  les  plus  vivants  et  les  plus  importants.  C'est  en 
toute  conscience  que  la  Commission,  qui  apprécie  d'ailleurs 
les  travaux  linguistiques  de  M.  Hubert  Pernot,  lui  a  ac- 
cordé une  récompense  de  1.000  francs. 

La  Commission  a  tenu  à  témoigner  sa  satisfaction  à  la 
publication  de  M.  Etienne  Deville,  intitulée  Index  du  Mer- 
cure de  France,  1672-1832.  donnant  l'indication,  par  ordre 
alphabétique,  de  toutes  les  notices,  mentions,  annonces» 
planches,  etc.  concernant  les  beaux-arts  et  l'archéologie1. 
Ce  volume  de  xl-268  pages  in-4°  fait  partie  des  Publications 
pour  faciliter  les  études  d'art  en  France,  entreprises  aux 
frais  d'un  généreux  mécène,  M.  Jacques  Doucet,  le  fonda- 
teur de  la  bibliothèque  de  la  rue  Spontini,  où  trouvent  tant 
de  ressources  les  savants  qui  s'occupent  d'art  et  d'archéo- 
logie. On  sait  combien  étaient  pénibles  les  recherches  dans 
ces  innombrables  petits  volumes  du  Mercure  ;  l'Index  de 
M.  Deville  les  a  rendues  faciles  à  tous  et,  en  lui  attribuant 
une  récompense  de  500  francs,  la  Commission  a  voulu  à  la 
fois  reconnaître  l'utilité  de  son  travail  et  adresser  l'expres- 
sion de  sa  reconnaissance  à  M.  Doucet. 

M.  Charles  Beaulieux  a  publié,  avec  beaucoup  de  soin, 
le  Catalogue  de  la  Réserve  —  XVIe siècle  (1501-1540)  —  de 
la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Paris'2  (324  pages  in- 8° 
et  19  reproductions  de  marques  typographiques).  Les  incu- 
nables de  presque  toutes  les  collections  françaises  et 
étrangères  sont  aujourd'hui  connus   et    décrits  avec  soin  : 


1.  Paris,  Jean  Schemit,  1910. 

2.  Paris,  II.  Champion,  1910;  exlrail  de  la  Revue  des  BilAiothùnues. 


KAPPOKT  SLR    LE    CONCOURS    DU    PRIX    BRUNET  447 

les  livres  de  lo  première  partie  du  xvi°  siècle  le  sont 
beaucoup  moins,  et,  sauf  les  mentions  insuffisantes  de 
Panzer,  on  ne  trouvait  guère  de  guides  pour  cette  période. 
En  décrivant  le  Cabinet  des  livres  de  Chantilly  (Imprimés 
antérieurs  au  milieu  du  xvic  siècle,  Paris,  Pion,  1905), 
notre  regretté  confrère  Léopold  Delisle  a  montré  la  voie 
que  M.  Beaulieux  s'est  elforcé  de  suivre.  On  regrette  qu'il 
n'ait  pas  compris  dans  son  inventaire  les  livres  publiés  de 
1541  à  1550,  mais  c'est  une  lacune  qu'il  comblera  certai- 
nement un  jour.  En  attendant,  son  travail  minutieux 
rendra  de  grands  services  aux  bibliographes,  et  la  Com- 
mission a  voulu  reconnaître  son  excellente  méthode  en 
lui  accordant  une  récompense  de  500  francs. 

L'œuvre  scientifique  de  Biaise  Pascal;  bibliographie  cri- 
tique et  analyse  de  tous  les  travaux  qui  s'y  rapportent l 
(xxxi-184  pages  in-8°)  atteste  un  effort  très  méritoire  de  la 
part  de  M.  Albert  Maire.  Outre  de  nombreuses  recherches 
dans  les  collections  publiques  et  privées  pour  y  découvrir 
les  éditions  des  œuvres  de  Pascal,  il  a  pris  la  peine  de 
dépouiller  une  centaine  de  périodiques  français  et  étrangers, 
afin  d'en  extraire  les  articles  relatifs  aux  publications  scien- 
tifiques de  notre  grand  écrivain.  On  trouve  dans  ce  volume 
une  foule  de  renseignements  inattendus.  Du  reste,  M.  Pierre 
Duhem,  le  savant  correspondant  de  l'Académie  des  sciences, 
a  bien  voulu  l'orner  d'une  Préface  qui  se  termine  par  ces 
mots  :  «  Ceux  qui  désireront,  à  l'avenir,  suivre  les  démarches 
par  lesquelles  le  génie  de  Pascal  est  parvenu  à  ses  inven- 
tions scientifiques,  ceux  qui  voudront  retracer  les  péripéties 
par  lesquelles  ces  découvertes  ont  passé  jusqu'au  jour  où 
elles  furent  communément  reçues,  ceux-là  ne  connaîtront 
plus  semblable  anxiété;  grâce  à  M.  Maire,  ils  sauront  très 
exactement  quels  livres  il  leur  faut  lire,  ils  sauront  où  ces 
livres  se  peuvent  trouver.  »  La  Commission  a,  pour  ces 
motifs,  accordé  à  M.  Maire  une  récompense  de  500  francs. 

1.  Paris,  Hermann,  L912. 


418  RAPPORT    SUR    LE    CONCOURS    DU    PRIX    BRUNET 

La  nouvelle  édition  de  la  Bibliothèque  de  la  Compagnie 
de  Jésus,  des  PP.  Augustin  et  Aloys  De  Backer,  a  été 
publiée  par  le  P.  Carlos  Sommervogel,  en  neuf  volumes 
in-i°,  de  1890  à  1900.  Le  P.  Pierre  Bliard  l'a  complétée  en 
1 909  par  une  table  méthodique,  qui  forme  un  dixième 
volume  et  rentre  seul  dans  les  conditions  du  concours. 
Rédigée  avec  le  plus  grand  soin  par  le  P.  Bliard,  cette 
table  méthodique  mérite  les  mêmes  éloges  que  la  Biblio- 
thèque, dans  laquelle  elle  facilitera  singulièrement  les 
recherches  et  dont  il  a  semblé  impossible  de  la  séparer. 
Aussi  la  Commission  a-t-elle  été  unanime  à  placer  hors 
concours  la  Bibliographie  de  la  Compagnie  de  Jésus,  Tune 
des  œuvres  les  plus  considérables  et  les  plus  utiles  de 
bibliographie  savante  publiées  au  siècle  dernier,  en  lui 
attribuant  une  mention  très  honorable. 

C'est  avec  la  même  unanimité  que  la  Commission  a 
décerné  une  mention  très  honorable  à  M.  Julien  Baudrier, 
qui  ne  s'était  pas  présenté  au  concours.  On  sait  que  la 
Bibliographie  Lyonnaise  (Recherches  sur  les  imprimeurs, 
libraires,  relieurs  et  fondeurs  de  lettres  de  Lvon  au 
xvie  siècle) 1,  entreprise  par  le  Président  Baudrier,  n'a  pu 
voirie  jour  qu  après  sa  mort,  grâce  aux  soins  de  son  fils, 
héritier  du  goût  paternel  et  passionné,  comme  son  père, 
pour  les  vieilles  impressions  lyonnaises.  Neuf  volumes 
in-8°,  accompagnés  de  reproductions  en  facsimilé  ont 
été  publiés  de  1895  à  1912.  L'Académie  a  accordé  à  ce 
magnifique  ouvrage  une  part  du  prix  Brunet  en  1900,  mais 
c'est  un  devoir  pour  la  Commission  de  témoigner  de  nou- 
veau sa  haute  estime  à  un  savant  désintéressé,  qui  poursuit 
avec  une  énergie  qui  ne  se  dément  pas  une  publication  que 
l'on  peut  ranger  parmi  les  chefs-d'œuvre  bibliographiques. 

1.   Lyon,  Louis  Brun,  et  Paris,  Alphonse  Picard,  1895-1912. 


449 
COMMUNICATION 


TROIS    NOUVEAUX    SQUELETTES    HUMAINS    FOSSILES, 
l'Ait    LE    D1'    CAPITAN    ET    M.    PEYRONY. 

I.    —    LA    FERRASSIE. 

Depuis  plusieurs  années  déjà,  nous  fouillons  le  gisement 
préhistorique  paléolithique  de  la  Ferrassie,  à  trois  kilomètres 
du  Bugue,  sur  la  ligne   de   Périgueux  à  Agen  (Dordogne). 

Nous  y  avons,  à  deux  reprises,  trouvé  des  ossements 
humains  quaternaires  anciens,  d'abord  un  squelette  presque 
complet,  puis  un  second,  très  incomplet,  mais  qui,  par  la 
bonne  conservation  de  ses  membres  inférieurs,  pourra 
rendre  de  précieux  services  dans  l'étude  anatomique  des 
hommes  primitifs. 

L'Académie,  a  laquelle  nous  avons  toujours  tenu  à  don- 
ner la  primeur  de  ces  découvertes,  se  souvient  peut-être 
que  ces  ossements  humains  g-isent  tout  à  fait  à  la  base  des 
couches  archéologiques,  dans  la  zone  inférieure  du  niveau 
moustérien,  et  qu'au-dessus,  successivement,  on  rencontre 
5  mètres  de  dépôts  variés,  comprenant,  de  haut  en  bas, 
2m50  de  pierrailles  et  gros  blocs  de  pierre  éboulés,  puis 
une  couche  aurignacienne  supérieure,  une  moyenne  et 
une  inférieure,  puis  les  foyers  moustériens  à  la  base. 

Chaque  couche  a  sa  coloration  propre,  qui  permet  de 
les  distinguer  de  loin  l'une  de  l'autre.  De  plus,  chaque 
niveau  correspond  à  l'habitat  d'une  population  spéciale,  à 
outillage  caractéristique,  accompagné  d'une  faune  spéciale 
aussi.  C'est  sous  cet  épais  linceul,  absolument  intact, 
que,  le  8  août  dernier,  nous  avons  pu,  à  la  base  du  Mous- 
térien, reconnaître  l'existence  de  deux  petites  fosses  mesu- 
rant 0,70  de  largeur  sur  0,30  à  0,40  cent,  de  hauteur,  très 
exactement  creusées    (en    forme    demi-sphérique)    dans   le 


450  TROIS    NOUVEAUX    SQUELETTES    HUMAINS 

gravier  argileux  acheuléen  sous-jacent,  et  remplies  d'un 
mélange,  à  peu  près  par  parties  égales,  de  la  terre  noire  du 
foyer  moustérien  placé  au-dessus  et  du  gravier  sous-jacent. 
L'existence  de  fosses  artificiellement  creusées  et  remplies 
ensuite  était  d'une  évidence  absolue. 

Dans  la  première  de  ces  fosses,  nous  pûmes,  en  dégageant 
avec  d'infinies  précautions,  apercevoir  en  bas  deux  os  longs 
non  épiphysés  (à  extrémités  non  encore  soudées,  ce  qui 
indique  le  jeune  âge  du  sujet)  du  membre  supérieur;  au- 
dessus,  les  os  de  la  main  ;  plus  haut  encore,  un  os  assez 
volumineux  non  épiphysé  du  membre  inférieur,  et  tout  à 
fait  en  haut,  en  arrière,  un  fragment  de  crâne. 

L'autre  fosse,  distante  de  la  première  de  0,40  seulement, 
se  présenta  exactement  dans  les  mêmes  conditions.  Nous 
nous  arrêtâmes  après  avoir  constaté  la  présence  d'os  aussi 
fragiles  que  dans  l'autre  fosse,  et  paraissant  également 
appartenir  à  un  sujet  de  même  âge,  soit  3  à  o  ans  au  maxi- 
mum. 

Les  photographies  que  nous  présentons  montrent  bien 
l'aspect  d'une  des  fosses.  Nous  présentons  également  à 
l'Académie  quelques-uns  des  très  beaux  silex  taillés  carac- 
téristiques (pointes  et  racloirs)  que  nous  avons  recueillis 
dans  le  foyer  moustérien,  juste  au-dessus  des  fosses  et  à 
leur  surface. 

Alors,  successivement,  pour  chaque  fosse,  nous  la  cir- 
conscrivîmes par  un  sillon  assez  profond.  Plusieurs  couches 
de  plâtre  avec  étoupe  furent  placées  sur  le  bloc  ainsi  formé. 
Puis  le  sillon  ayant  été  prolongé  en  dessous,  nous  en  cou- 
lâmes aussi  tout  autour.  Nous  pûmes  alors  faire  basculer 
toute  la  masse  du  foyer  ainsi  recouverte  de  plâtre,  puis  la 
retourner.  Nous  enduisîmes  également  le  dessous  d'une 
couche  épaisse  de  plâtre  et  nous  obtînmes  un  gros  ovoïde 
recouvert  de  sa  carapace  de  plâtre,  le  tout  mesurant  0,70 
au  grand  axe  avec  0,10  au  petit  et  renfermant  tout  le  foyer 
et  son  contenu  osseux. 


TROIS    NOUVEAUX    SQUELETTES    III  MAINS  451 

Les  deux  ovoïdes  ainsi  préparés  ont  été  enlevés.  Ils  seront 
envoyés  au  laboratoire  de  paléontologie  du  Muséum,  où 
M.  le  professeur  Boule,  auquel  nous  les  donnons  (comme 
nos  précédents  squelettes)  pour  les  galeries  de  paléontolo- 
gie humaine  du  Muséum,  les  fera    dégager  et  les  étudiera. 

En  somme,  la  découverte  de  ces  deux  petits  squelettes 
nous  a  permis  de  démontrer  de  façon  irréfutable  l'exis- 
tence de  fosses  creusées  artificiellement  pour  y  placer  les 
morts.  Ces  fosses  furent  ensuite  recouvertes  de  la  terre 
extraite  en  les  creusant.  Il  y  a  donc  là,  de  la  façon  la  plus 
nette,  la  preuve  d'un  rite  funéraire1. 

Ce  point  était  en  somme  discuté  jusqu'ici.  Nos  fouilles 
l'établissent  dune  façon  qui  ne  peut  laisser  aucun  doute. 
On  comprend  qu'au  point  de  vue  de  l'évolution  sociale  et 
ethnographique  de  ces  très  anciennes  populations,  le  fait 
a   un  réel    intérêt. 

C'est  pour  cela  que  nous  avons  tenu  à  donner  immédia- 
tement à  l'Académie  la  primeur  de  ces  toutes  nouvelles 
observations. 

n.    —   CAP   BLANC. 

Il  y  a  deux  ans  environ,  le  D1'  Lalanne,  de  Bordeaux, 
reconnut,  au  lieu  dit  le  Cap  Blanc,  près  de  Lausselle,  à  8 
kilomètres  au  N.-E.  des  Eyzies  (Dordogne),  l'existence  d'un 
gisement  magdalénien  ancien,  occupant  un  assez  vaste 
abri  sur  les  flancs  abrupts  de  la  Beune,  petit  affluent  de  la 
Vézère.  Avec  l'assentiment  du  propriétaire,  M.  Grimaud, 
il  fouilla  cet  abri,  qui  lui  fournit  une  fort  belle  série 
d'une  industrie  magdalénienne  ancienne,  à  harpons  sans 
aiguilles. 

1.  Plusieurs  savants,  dont  quelques-uns  sont  des  préhistoriens  forf 
connus  et  très  compétents,  assistaient  à  nos  fouilles  et  ont  constaté  très 
nettement  ce  fait.  Ils  ont  consigné  leurs  observations  dans  un  procès- 
verbal  rédigé  par  M.  l'abbé  Breuil  et  signé  par  lui-même  et  MM.  lîouys- 
sonie,  Obertnaier,  Pierre  Paris,  le  baron  Blanc  et  le  comte  Begouen. 
L912.  30 


452  TROIS    NOUVEAUX    SQUELETTES   HUMAINS 

Parmi  ces  séries,  il  existait,  à  côté  des  silex  taillés  mag- 
daléniens classiques  (grattoirs  sur  bouts  de  lames  fines, 
burins  abondants,  perçoirs,  etc.),  toute  une  série  de  pièces, 
en  général  beaucoup  plus  volumineuses  et  plus  grossières, 
les  unes  prismatiques  et  taillées  à  grands  coups,  d'autres 
présentant  des  pointes  épaisses  bien  retouchées,  d'autres 
constituant  de  très  gros  burins,  et  d'autres  enfin  plates, 
avec  une  sorte  d'épais  tranchant,  formant  comme  de  puis- 
sants racloirs.  Ces  pièces,  qu'on  ne  rencontre  générale- 
ment pas  dans  le  Magdalénien,  avaient  leur  raison  d'être 
au  Gap  Blanc,  comme  on  put  s'en  assurer  lorsque  la  paroi 
de  l'abri  eut  été  débarrassée  de  la  terre  constituant  les 
couches  archéologiques  qui  la  recouvraient.  On  vit  alors 
apparaître,  profondément  entaillée  dans  la  paroi  du  fond  de 
cet  abri,  une  véritable  frise,  composée  de  six  images  de 
chevaux  en  ronde  bosse  et  presque  de  grandeur  naturelle. 

Cette  belle  frise,  la  seule  connue  jusqu'à  ce  jour,  a  été 
publiée  par  M.  Lalanne  et  par  l'abbé  Breuil  (Anthro- 
pologie, tome  XXII).  La  bande  photographique  mesu- 
rant 1  m25,  que  nous  avons  l'honneur  de  présenter  à  l'Aca- 
démie, a  été  exécutée  par  l'un  de  nous  (Gapitan).  Elle 
donne  beaucoup  mieux  qu'on  n'avait  pu  le  faire  jusqu'ici 
(et  malgré  de  grandes  difficultés  d'exécution)  l'aspect  très 
exact  de  ces  images. 

Or,  si  l'on  examine  ces  belles  et  grandes  figures,  rondes 
bosses  à  contours  profondément  creusés  dans  la  roche 
(et  non  pas  seulement  saillies  du  rocher  aménagées),  on 
comprend  immédiatement  que,  pour  exécuter  un  pareil 
travail,  il  a  fallu  un  solide  outillage,  combiné  pour  cet 
usage  particulier,  et  alors  l'existence  et  l'emploi  des  gros- 
siers outils  dont  nous  parlions  plus  haut  se  comprend  aisé- 
ment. Ils  sont  en  effet  parfaitement  adaptés  à  cet  emploi 
spécial  d'outils  à  perforer,  racler,  gratter,  inciser  et  même 
écraser  la  pierre  (craie  assez  résistante)  des  parois  de  l'abri 
(nous  montrons  une  série  de  ces  pièces  à  l'Académie). 


TROIS    NOUVEAUX    SQUELETTES   HUMAINS  153 

Les  fouilles  de  l'abri  du  Cap  Blanc  étaient  considérées 
comme  complètement  terminées,  lorsque,  M.  Grimaud 
ayant  autorisé  le  classement  de  ces  précieuses  œuvres  d'art 
quaternaire,  L'administration  des  Beaux-Arts,  conformé- 
ment à  l'avis  de  la  section  préhistorique  de  la  Commission 
des  Monuments  historiques,  fit  édilîer  devant  l'abri  une 
petite  construction  destinée  à  le  protéger  et  à  le  clore. 

Dans  le  cours  de  ces  travaux,  alors  qu'on  était  en  train 
d'abaisser  le  niveau  du  terrain  pour  rendre  plus  visible  la 
frise,  les  ouvriers  aperçurent  un  crâne  humain.  Les  tra- 
vaux furent  immédiatement  suspendus,  et  le  Ministre,  puis 
le  propriétaire  avisés. 

Alors,  a  la  demande  de  M.  Léon,  chef  de  division  des 
Monuments  historiques,  et  de  M.  Grimaud,  nous  procé- 
dâmes à  l'extraction  du  squelette.  Celle-ci  fut  très  délicate 
et  très  pénible  ;  elle  nous  demanda  trois  jours  entiers  de 
travail. 

Le  squelette,  en  effet,  gisait  tout  à  fait  à  la  base  du 
dépôt  archéologique  ;  les  fouilles  s  étaient  arrêtées  juste  au 
moment  de  Fatteindre. 

Il  était  enterré  au  milieu  de  pierrailles.  Trois  assez 
grosses  pierres  avaient  été  placées  au-dessus  de  lui,  une 
sur  la  tête  ;  d'autres,  volumineuses,  se  trouvaient  aux 
pieds.  Il  gisait  à  2  m  30  de  la  paroi  sculptée  du  fond  de 
l'abri,  et  à  0m60  seulement  au-dessous  du  bas  des  pattes 
du  grand  cheval.  Ces  particularités  sont  très  visibles  sur 
les  photographies  que  nous  faisons  passer  devant  les  yeux 
de  l'Académie. 

Le  squelette  avait  été  placé,  couché  sur  le  côté  gauche, 
le  bras  gauche  replié  et  relevé,  le  bras  droit  avec  le  coude 
posé  sur  le  genou  droit  et  la  main  sur  la  face  ;  les  jambes 
avaient  été  repliées  au  maximum  et  serrées  l'une  contre 
l'autre  ;  les  talons  arrivaient  presque  au  contact  du  bassin, 
le  crâne  avait  subi  le  mouvement  de  rotation  très  fréquent 
dans  ces  cas,  la  face  venant  s'appliquer  contre  le  haut  de 
la  poitrine  et   sensiblement  tournée  vers  la  gauche. 


454  TROIS    NOUVEAUX    SQUELETTES    HUMAINS 

Dans  ces  conditions,  l'espace  occupé  par  le  squelette 
était  très  petit,  puisqu'il  ne  mesurait  que  1  mètre  environ 
de  longueur  sur  0  m  60  environ  de  largeur. 

Cette  attitude  du  squelette  prouvait  de  la  façon  la  plus 
nette  qu'il  avait  été  placé  ainsi  volontairement,  de  façon  à 
occuper  le  plus  petit  espace  possible.  Cette  position  d'ail- 
leurs se  retrouve  dans  beaucoup  de  sépultures  antiques, 
depuis  les  tombes  préhistoriques  d'Egypte  jusqu'à  celles  de 
Gaule  et  de  Scandinavie. 

Il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  savoir  s'il  avait  été  placé 
dans  une  fosse,  ou  simplement  recouvert  de  pierres  et  d'un 
peu  de  terre.  Autour  de  ce  squelette,  nous  n'avons  trouvé 
absolument  aucun  objet  façonné  ou  en  pierre  ou  en  os. 

Immédiatement  au-dessus  se  trouvait  le  foyer  des  Mag- 
daléniens, qui  avaient  vécu  au-dessus  de  cette  vraie  sépul- 
ture. 

En  présence  de  ce  seul  squelette  trouvé  dans  ce  gisement, 
devant  la  curieuse  et  imposante  production  artistique  qu'est 
la  frise  des  chevaux,  on  peut  émettre  tout  au  moins  l'hy- 
pothèse que  ce  squelette  est  celui  du  ou  d'un  des  scul- 
pteurs magdaléniens,  fort  remarquables  d'ailleurs,  qui  ont 
vécu  dans  cet  asile  et  l'ont  décoré. 

En  tout  cas,  toutes  les  constatations  nécessaires  devaient 
être  soigneusement  faites.  C'est  ce  à  quoi  nous  nous  sommes 
employés.  Nous  avons  aussi  désiré  en  aviser  l'Académie 
en  premier  lieu,  même  avant  l'étude  du  squelette,  qui  sera 
remonté. et  soigneusement  décrit  alors  avec  le  concours  de 
M.  le  professeur  Boule,  du  Muséum  d'Histoire  Naturelle. 

Il  s'agit  en  elfet  là  d'une  découverte  assez  spéciale  et  qui 
correspond  probablement  à  des  rites  particuliers. 

C'est  pour  cela  que  nous  avons  tenu  à  communiquer 
tout  d'abord  ces  faits  nouveaux  à  l'Académie. 


5,53 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Héron  de  Villefosse  présente,  au  nom  de  M.  Rem'-  Fage, 
une  brochure  ayant  pour  litre  :  La  maison  natale  d'Etienne  Baluze 
(Tulle,  1912,  in-8°)  : 

«  L'emplacement  de  la  maison  où,  le  23  novembre  1030,  naquit 
le  savant  historien  do  Tulle,  le  grand  érudit  Etienne  Baluze,  était 
demeuré  incertain.  On  se  demandait  si  celte  maison  n'avait  pas  été 
démolie  et  on  n'était  pas  encore  arrivé  à  fixer  le  point  de  la  ville  de 
Tulle  qu'elle  occupait.  La  question  étudiée  par  le  regretté  Clément 
Simon  restait  sans  solution  précise.  M.  René  Fage  a  été  assez  heu- 
reux pour  établir  que  cette  maison  familiale  se  trouvait  sur  la 
paroisse  Saint-Julien,  qu'elle  était  désignée  dans  les  actes  sous  le 
nom  de  maison  de  Séguy  et  qu'en  réalité  elle  occupait  le  nn  1  de  la 
rue  Rédole  Peyre.  Cependant  il  est  probable  qu'au  xvne  siècle  la 
vieille  demeure  de  Séguy  devenue  celle  de  Baluze,  incommode  et 
délabrée,  fut  rebâtie,  mais  conserva  son  entrée  d'autrefois;  sa  vieille 
cour  et  son  portail  sculpté  existent  encore.  » 

M.  Héron  de  Villefosse  offre  ensuite  à  l'Académie,  au  nom  de 
MM.  le  baron  de  Raye  et  le  marquis  de  Girardin,  une  publication 
intitulée  :  A  propos  du  bî-centenaire.  Karamzin  et  Jean-Jacc/wx 
Rousseau  (Paris,  1912): 

«  Le  célèbre  historien  russe  Karamzin  (1766-1826)  dont,  le  23  juillet 
dernier,  on  a  inauguré  le  monument  à  Ostiafiéro  où  s'écoulèrent  les 
meilleures  années  de  sa  vie,  était  un  admirateur  fervent  de  J.-J. 
Rousseau.  En  1789,  il  se  rendit  en  Suisse  afin  de  visiter  en  pèlerin,  en 
lisant  «  les  Confessions  »,  tous  les  endroits  fréquentés  par  le  philo- 
sophe ;  l'année  suivante,  il  vint  en  France  pour  contempler  à  Erme- 
nonville, dans  le  domaine  consacré  par  le  marquis  de  Girardin  aux 
beautés  de  la  nature,  le  lieu  où  Rousseau  trouva  la  mort.  Les  lettres 
qu'il  écrivait  pendant  ces  deux  voyages,  en  rendant  compte  de  ses 
impressions,  débordent  d'enthousiasme.  Dans  une  description 
d'Ermenonville,  datée  de  juin  1790,  il  évoque  à  chaque  ligne  le  sou- 
venir de  Rousseau.  MM.  le  baron  de  Raye  el  le  marquis  de  Girardin 
ont  reproduit   une   partie  de  celte    intéressante  correspondance.  Ils 


456  LIVRES    OFFERTS 

ont  jugé  utile  d'y  joindre  plusieurs  extraits  d'un  mémoire  de  Karamzin 
intitulé  Quelques  jnots  sur  la  science,  sur  Varl  et  sur  l'instruction, 
mémoire  écrit  en  1794,  contenant  des  appréciations  critiques  de 
l'œuvre  de  Rousseau  et  marquant  bien  l'évolution  qui  s'était  produite 
clans  l'esprit  de  Karamzin  après  1793.  » 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE   DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 


PRÉSIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE   DU  6   SEPTEMBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.    NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Valois  prononce  l'éloge  funèbre  de  M.  Théodore  Gom- 
perz,  correspondant  de  l'Académie,  dans  les  termes  suivants  : 

«  J'ai  le  regret  d'annoncer  à  l'Académie  la  perte  d'un  de  ses 
correspondants  les  plus  illustres. 

«  M.Théodore  Gomperz,  qui  nous  appartenait  depuis  dix-neuf 
ans,  s'est  éteint  la  semaine  dernière,  le  29  août,  aux  environs  de 
Vienne,  dans  sa  cSle  année. 

«  Il  n'est  point  besoin  d'être  helléniste,  ni  philologue,  pour 
connaître  ce  nom  fameux  entre  tous  ceux  des  savants  qui  ont  le 
plus  contribué  à  mieux  faire  apprécier  la  littérature  et  la  pensée 
des  Grecs. 

»  Né  h  Brunri  le  29  mars  18:*2  et  élève  du  gymnase  de  cette 
ville,  Théodore  Gomperz  se  rendit  bientôt  à  l'Université  de 
Vienne,  où  il  eut  pour  maître  le  philologue  Ilermann  Bonitz 
et    où   il  devait  devenir   lui-même,  en    1869,  professeur  exlraor- 


i.">8  SÉANCE    Di:    6    SEPTEMBRE    1912 

dinaire,  puis,  en  1873,  professeur  ordinaire  de  philologie  clas- 
sique. L'Académie  de  Vienne  lui  ouvrit  ses  portes  en  188'2. 

«  Vous  n'attendez  pas  de  moi,  Messieurs,  une  énumération 
même  sommaire  des  brochures,  des  articles  et  des  livres  qui  ont 
illustré  Gomperz.  Laissez-moi  seulement  vous  rappeler  l'origi- 
nalité de  son  esprit  et  l'orientation  si  personnelle  qu'il  sut 
donner  à  ses  études. 

«  De  la  critique  des  textes,  le  philologue  s'éleva  bientôt  à 
l'histoire  de  la  littérature  et  des  idées,  particulièrement  des 
idées  philosophiques. 

«  Aux  études  sur  Démosthène  homme  d'État,  sur  des  frag- 
ments d'Epicure,  sur  Hérodote,  sur  la  poétique  d'Aristote,  sur 
les  Caractères  de  Théophraste,  succéda  l'ouvrage  capital  des 
Penseurs  Grecs,  qui  eut  l'honneur  d'être  édité  plusieurs  fois  et 
d'être  traduit  en  français,  traduction  couronnée  par  l'Académie 
française  et  précédée  d'une  préface  dont  l'auteur  est  notre  con- 
frère M.  Alfred  Groiset. 

«  Je  crois  me  faire  l'interprète  des  sentiments  unanimes  de 
l'Académie  en  exprimant  les  regrets  que  nous  cause  la  dispari- 
tion d'un  savant  considérable  dont  nous  étions  fiers  de  voir 
figurer  le  nom  sur  la  liste  de  nos  correspondants.  » 

M.  Héron  de  Villefosse  communique,  au  nom  du  R.  P. 
Delattre,  correspondant  à  Carthage,  un  très  intéressant  rapport 
sur  l'exploration  des  dépendances  de  la  grande  basilique  de 
Damous-el-Karita.  Ces  dépendances  comprenaient  deux  cha- 
pelles et  plusieurs  chambres  occupées  par  des  sépultures.  Le 
P.  Delattre  y  a  découvert  des  sarcophages,  plusieurs  inscriptions 
chrétiennes,  des  mosaïques  et  divers  objets.  Dans  une  tranchée 
creusée  à  l'opposé  du  chemin  de  Sidi-bou-Saïd,  il  a  trouvé  un 
édifice  circulaire  de  9  à  15  mètres  de  diamètre  dans  lequel  il  put 
pénétrer  par  la  partie  supérieure.  La  suite  des  fouilles  lui  montra 
bientôt  la  disposition  de  cette  rotonde  souterraine,  pavée  en 
mosaïque,  formant  une  salle  exactement  ronde,  entourée  jadis 
de  seize  colonnes  de  granit.  Entre  les  colonnes  se  trouvaient  de 
hautes  niches  descendant  jusqu'à  la  mosaïque.  Cet  important 
monument  est  aujourd'hui  une  des  principales  curiosités  de  Car- 
thage :  il  paraît  avoir  été  d'abord  un  baptistère,  converti  plus 
tard  en  chapelle  avec  une  destination  différente. 


SÉANCE    DU    ^    SEPTEMBRE    1D12 


459 


A  la  fin  de  son  rapport,  le  P.  Delattre  signale  la  découverte 
d'une  curieuse  lampe  chrétienne,  ornée  d'un  poisson  dans  sa 
partie  centrale  sur  laquelle  il  est  nécessaire  d'appeler  l'attention 
de  l'Académie.  Les  bords  de  cette  lampe  portent  des  lettres  en 
relief,  disposées  circulairemenl  et  se  présentant  à  l'envers,  dont 
l'explication  ne  paraît  pas  facile.  On  lit  d'un  côté  :  +AX-BVCTA' 


Lampe  chrétienne  recueillie  dans  la   rotonde  souterraine 
de  Danioiis-el-Karila. 

De  l'autre  enté  -R-ÇSL-  *,  ces  dernières  lettres  sont  suivies  de 
quatre  caractères  qui  semblent  appartenir  à  l'écriture  néo- 
punique. Il  est  intéressant  de  publier  un  dessin  de  cette  lampe 
que  le  P.  Delattre  a  conliée  à  M.  Héron  de  Villefosse  pour 
être  offerte,  en  son  nom,  au  Musée  du  Louvre  et  qui  parait 
remonterai!  vie  siècle  de  notre  ère.  Il  y  a  là  une  petite  énigme  à 
résoudre  ' . 

1.  Voir  ci-après, 


460  FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KARITA 

M.  Séymour  de  Ricci  communique  les  résultats  de  ses 
recherches  sur  les  feuillets  manquants  d'un  manuscrit  de 
Léonard  de  Vinci  relatif  au  vol  des  oiseaux,  et  dérobé  par  Libri, 
vers  1840,  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut.  Ce  manuscrit  se  com- 
posait de  dix-huit  feuillets  dont  treize  furent  vendus  par  Libri  au 
comte  Manzoni  et  donnés  récemment  par  un  savant  russe  à 
S.  M.  le  roi  d'Italie.  M.  de  Ricci,  à  l'aide  de  catalogues  anglais 
faisant  partie  de  sa  collection,  retrace  l'histoire  des  cinq  feuillets 
manquants  dont  il  a  retrouvé  plusieurs  chez  des  collectionneurs 
anglais. 


COMMUNICATION 


FOUILLES     DE    DAMOUS-EL-KARITA. 
RAPPORT    DU     R.     P.     DELATTRE,    CORRESPONDANT     DE    L'ACADÉMIE. 

Dans  un  précédent  rapport  sur  l'exploration  des  dépen- 
dances de  la  basilique  de  Damous-el-Karita,  je  signalais  la 
découverte  d'une  partie  des  bâtiments,  longue  de  40  mètres 
et  large  de  20.  Dans  le  mur  opposé  au  chemin  qui  passe 
entre  nos  ruines,  s'ouvrait  une  série  de  chapelles.  Nous 
en  avons  d'abord  déblayé  deux,  l'une  et  l'autre  situées  à 
l'extrémité  du  mur  en  question. 

Entre  ces  deux  chapelles,  il  existait  plusieurs  petites 
salles  que  nous  avons  entièrement  explorées.  Une  d'elles 
était  occupée  par  une  citerne  qui  a  été  défoncée  pour 
être  transformée  en  puits.  Une  autre  salle  renfermait  deux 
sarcophages  de  marbre  qui  méritent  d'être  décrits  avec 
leur  contenu. 

A. —  Sarcophage  de  marbre,  long  de  2m  11,  large  de 
0m63,  à  face  ornée  de  deux  rangées  de  strigiles.  Il  était 
encore  muni  de  son  couvercle  avec  scellements  de  plomb 
aux  deux  extrémités.  Ce  couvercle  est  entièrement  sculpté 
en  forme  de  toit;  mais  c'est  un  couvercle  de  fortune.  Sur 
un  de  ses  grands    côtés,  il   a  été  entaillé    pour   s'adapter  à 


FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KATUTA 


461 


la  largeur  de  la  cuve.  Tel  quel,  il  paraît  bien  conservé. 
Mais  lorsqu'il  s'agit  de  le  lever,  nous  constatons  que  le 
marbre  n'a  plus  de  consistance.  Il  part  en  lambeaux, 
surtout  dans  les  parties  moins  épaisses. 

Cependant,  aucune  infiltra  lion   n'a  pénétré  dans  la  cuve 


Carlhnye.  —  Damous-el-Karila. 
Aspect  des  fouilles  :  couvercle  du  sarcophage  A. 

cl  un  squelette  aux  ossements  fortement  brunis  par  le 
temps  apparaît  à  nos  veux.  Le  cadavre  semble  avoir  été 
couché  sur  le  flanc  droit,  les  jambes  assez  fortement  pliées. 
Le  crâne  est  complètement  aplati.  Lu  désordre  inexplicable 
se  montre  dans  la  position  des  vertèbres  et  des  entes.  Le 
sacrum  apparaît  à  la  hauteur  du  cou.  Le  trou   triangulaire 


162 


K0UI1.LES    DE    DAMOUS-EL-KARITA 


du  bassin  semble  révéler  le  squelette  d'une  femme.  Une 
sorte  de  formation  calcaire  ou  résidu  d'aromates  a  conservé 
l'empreinte  d'une  étoffe.  La  tête  était  du  côté  de  la  ville, 
et  les  pieds  du  côté  de  la  grande  basilique. 

B.  —  Le   second  sarcophage,  également  de  marbre,  est 
long  de  2m  25,  large  de  0m  61,  haut  de  0m  52.  La  face  est 


m 


% 


Carthage.  —  Damous-el-Karita. 

Vue  des  fouilles  :  ù  droite,  les  cellae. 

aussi  ornée  de  strigiles.  La  cuve,  arrondie  à  ses  extrémités, 
mesure  intérieurement  I  m8S  de  longueur,  0"'  47  de  largeur 
et  0  '"  42  de  profondeur.  Elle  était  complètement  remplie 
de  terre  mêlée  à  une  quantité  considérable  de  petits 
morceaux  de  marbre  de  diverses  couleurs,  provenant  d'un 
pavement  ou  d'un  parement  de  muraille.  Au  fond  reposait 


FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KAR1TA 


i-63 


la  dépouille  d'une  personne  de  complexion  délicate.  Le 
crâne  est  petit,  la  mâchoire  bien  arrondie.  Les  dents,  très 
fines,  sont  au  nombre  de  28  ;  les  dents  de  sagesse  n'ont  pas 
évolué.  Les  os  des  bras  et  des  jambes  l'ont  penser  à  un 
sujet  adolescent;  cependant  le  sternum  est  solidifié. 

D'après  le  D*  Bertholon,  qui   a    bien   voulu   étudier    les 
restes  de  ce  squelette,  les  ossements  ont  appartenu  à  une 


Carthage.  —  Da.mous-el-Ka.rila. 
\  ue  des  cellae. 

jeune  fille  d'environ  vingt  ans.  ayant  I  '"  io  de  taille,  d'un 
type  fin  et  d'une  complexion  très  délicate'. 

l.   Un  autre   médecin,  le   1)'    Vidal,  à    qui   je  montrai    la   mâchoire  et 
l'humérus  de  ce  squelette,  les  Mllril.ua  au  corps  d'une  jeune  fille  de  in  à 

25  an>. 


lli'l  FOUILLES    DE    DAMOlS-EL-KAltlTA 

Près  de  la  main  droite  étendue  le  long  du  corps,  nous 
recueillons,  dans  une  matière  brune  ressemblant  à  de  la 
terre  d'ombre,  une  grande  quantité  de  fil  d'or.  Il  devait  y 
avoir  là  un  document,  peut-être  un  parchemin,  renfermé 
dans  un  sachet  de  drap  d'or. 

Les  deux  sarcophages  semblent  bien  avoir  contenu  les 
restes  de  femmes  ou  de  jeunes  filles.  Il  ne  faut  pas  oublier 
que  nous  sommes  dans  la  partie  des  dépendances  de  la 
basilique  où  nous  avons  trouvé  les  épitaphes  des  religieuses 
EVTITIA  et  COBVL,  ainsi  que  les  fragments  des  épitaphes 
de  plusieurs  autres  vierges  consacrées  à  Dieu. 

A  quoi  servaient  les  différentes  cellae  qui  s'ouvraient 
sur  la  grande  salle  dont  nous  avons  donné  plus  haut  les 
dimensions  ?  Il  n'est  pas  facile  de  le  déterminer.  On  sait 
qu'autour  des  basiliques,  il  y  avait  nombre  de  chambres, 
habitées  par  les  employés  ou  destinées  au  mobilier  litur- 
gique, à  la  conservation  des   livres,  etc. 

L'extrémité  de  la  grande  salle  qui  nous  amène  à  une 
distance  de  200  mètres  de  l'absidiole  au  fond  de  l'atrium 
demi-circulaire  de  la  vaste  basilique,  marque,  le  long  du 
chemin,  la  limite  du  terrain  que  j'ai  exploré  jusqu'à  pré- 
sent. Le  terrain  continu,  également  situé  contre  le  chemin 
de  Sidi-bou-Saïd,  appartient  à  un  Arabe  qui,  en  1897,  l'a 
consciencieusement  exploité  pour  en  extraire  des  maté- 
riaux de  construction. 

C'est  là  que  les  chercheurs  de  pierre  avaient  découvert, 
au-dessus  de  très  curieuses  sépultures  chrétiennes,  une 
mosaïque  portant  une  inscription  particulièrement  intéres- 
sante : 

FLAVIVS 

VALENS  SENIOR 

SODALICI  MEMO 

RIA  HAC  FECIT 

SIC  SEMPER 


FOUILLES    DK    DA  \K  M  S-EL-KA1UTA 


i65 


Sous  cette  mosaïque,  se  trouvait  un  hypogée  formé  d  un 
couloir  sur  un  des  côtés  duquel  s'ouvraient  deux  rangées  de 
niches,  voûtées  en  berceau  et  revêtues  intérieurement 
d'une  couche  de  plâtre   très  blanc.  Au  fond   d'une  de  ces 


% 


Ccltl  11  dcTC 

U 


n 


3LevcnwtC      liyl I . 


J  Ça'" 


c'icfc^c    k    Cccfxcih    Ac    &l,û2,  (tA^IccliC      i 


,1 

i    i    i    i    i 


.  ;        i- 


jn 


■^ft.'^tT-U~!H» 


f   . 


■I 


JtëJL.L_L_LX 


L\fH  i  pc 

(.kfmciiluiHiiijuc . 


vV^lii-JH 


c<?  u  pe 
d  Ce  Ccwe&u  . 


atUmït*    l£\\,_ 


Carthage.  —  Damous-el-Karita. 
Caveau  funéraire  avec  escalier  d'accès. 

niches,  je  me  souviens  avoir  vu,  tracé  à  la  pointe,  le  signe 
du  Christ  dans  une  couronne.  J'obtins  du  propriétaire  de  ce 
terrain  l'autorisation  d'y  déposer  les  déblais  de  nies 
fouilles. 


ifi()  FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KAR1TA 

Mais  avant  de  le  recouvrir  d'une  épaisse  couche  de  terre, 
malgré  le  peu  d'espoir  d'y  rencontrer  quelque  chose 
d'inédit,  je  voulus  l'explorer  encore.  Je  pensais  au  moins 
retrouver  l'hypogée  que  j'avais  vu  en  1897.  Hélas  !  il  avait 
entièrement  disparu  sous  la  pioche  des  Arabes.  J'aurais  été 
heureux  de  revoir  cette  sépulture  chrétienne  qui  avait 
mérité  l'honneur  d'un  facsimilé  pour  l'Exposition  univer- 
selle de  Paris.  Temps  et  argent  ne  lurent  cependant  pas 
complètement  perdus. 

En  effet,  nous  rencontrâmes  encore  plusieurs  tombes1, 
des  mosaïques,  des  morceaux  de  sculptures  et  d'inscrip- 
tions. Mais  la  découverte  la  plus  intéressante  fut  celle,  au 
milieu  du  champ,  d'un  caveau  funéraire,  qui  avait  échappé 
aux  chercheurs  de  pierre.  Il  est  situé  au  milieu  du  terrain,, 
à  25  mètres  de  la  grande  salle,  dans  le  prolongement  de 
la  ligne  de  piliers  opposée  au  chemin. 

Il  se  compose  d'une  chambre  voûtée  en  plein  cintre, 
longue  de  im30,  large  de  1  m  95.  On  eût  pu  la  prendre 
pour  une  citerne.  Mais,  en  la  déblayant,  on  découvrit  un 
escalier  d'accès  dans  l'angle  est  du  monument.  Cette 
chambre  fut  partagée  d'abord  en  sept  auges  par  des  cloisons 
en  maçonnerie.  Les  deux  compartiments  du  fond  étaient 
surmontés  d'une  autre  sépulture.  Ces  deux  tombes  ont  été 
détruites  ;  toutefois,  leurs  dalles  de  fermeture  qui  étaient 
encastrées  dans  les  parois  du  caveau,  ont  laissé  l'indica- 
tion de  leur  place  par  des  rainures  très  nettes  traversant 
l'enduit,  comme  on  peut  le  voir  sur  la  photographie 
ci-jointe. 

Dans  ce  caveau,  on  découvrit  une  dalle  de  calcaire  gris, 
haute  de  0  m  32,  longue  de  0m  93  portant  l'inscription  sui- 
vante : 

MICCE  FIDELIS  IN  PACE  DP  SU  IDVSI  VNIA 

1.  Une  tombe  en  pleine  terre,  formée  de  grandes  dalles,  dont  une  pour 
le  fond;  elle  renfermait,  avec  le  squelette,  quelques  clous  de  fer  cl  un  pen- 
dant d'oreille,  petit  anneau  en  or. 


FOUILLES    DE    l)AU(  >l  S-KL-KA  ISI  I  A 


i(i7 


Les  lettres  ont  0  ni  055.  L'inscription  suit  le  bord  supé- 
rieur de  la  dalle.  Les  deux  lettres  DP,  après  IN  PACE,  sont 
chacune  traversées  par  une  barre  oblique. 

Avec  cette  dalle  funéraire,  qui  paraît  entière,  on  trouva 
un   fragment   d'une  autre   épitaphe   également  gravée  sur 


Ca.riha.ge.  —  Damous-el-Karita. 
Chambre  funéraire  :  rue  des  auges  <lu  fond. 

calcaire   gris.  Le   morceau,  à  revers  lisse,  épais  de  0m035, 
haut  de  0  '"  33  el  large  de  0  m  27,  porte  : 

/////AVRELIA///// 

Les  Lettrés  <>nt  I) '"  07  de   hauteur.   La  lettre  I  est  beau- 
coup moins  grande  que  les  autres. 


I  '.i  l  :> . 


31 


i68 


FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KARITA 


En  déblayant  les  auges  et  en  tamisant  la  terre,  on 
recueillit  quatre  bracelets  en  pâte  de  verre,  de  couleur 
noire,  des  fragments  de  vases  en  verre,  un  objet  en 
bronze,  plusieurs  grains  de  collier,  des  morceaux  de  corail 
et  des  coquilles  percés  d'un  trou  de  suspension.  Parmi  les 


Carthaye.  —  Damous-el-Karita. 
Pièces  d'an  collier  recueillies  dans  les  auyes  de  la  chambre  funéraire. 

éléments  de  collier,  il  convient  de  signaler  encore  diverses 
pièces  en  os  et  en  ivoire  :  personnages  grotesques,  corne 
très  finement  travaillée,  main  droite  tenant  une  palme,  et 
enfin  un  poisson.  A  part  ce  dernier  objet,  tout  le  reste  n'offre 
rien  de  chrétien  et  je  suis  à  me  demander  si  cette  décou- 
verte ne  nous  conduit  pas  à  la  limite  des  dépendances  de  la 
Basilique. 


FOUILLES    DK    DAMOUS-EL-KARITA 


m 


Cependant  vers  l'angle  est  du  terrain,  on  avait  rencontré 
quantité  de  débris  de  marbres  sculptés  ;  entre  autres,  des 
morceaux  de  chapiteaux  décorés  de  têtes  de  bélier  et  de 
chouettes,  des  débris  de  chancels  ajourés  représentant 
divers  animaux  symboliques  :  paon,  colombe,  poisson, 
enfin  plusieurs  fragments  dune  inscription  sortant  des 
formules  ordinaires  et  dont  voici  la  description  : 

Angle  supérieur  d'une  dalle  de  marbre,  haut  de  0  '"  28, 
large  de  0m21,  et  fragment  haut  de  0m  18  et  large  de 
II1"  10,  appartenant  aux  deux  premières  lignes. 


Ca.rtha.ge.  —  Damous-el-Karita. 
Pièces  recueillies  iluns  les  auges  delà  chambre  funéraire. 


+HIC  H //////////// 

C  VI VSPO ///////// 
H  VNC ////////////// 

E  ///////////////////// 


/////OR///// 
///OBIT/// 


Hauteur  des  Lettres  0  "'  05. 


470  FOUIELES    DE    DAMOUS-EL-KAIUTA 

Dans  le  morceau  a,  à  la  troisième  ligne,  après  C,  amorce 
pouvant  convenir  à  un  V  ;  à  la  quatrième  ligne,  amorce 
appartenant  peut-être  à  un  T.  Dans  le  fragment  />,  R  est 
suivi  dune  amorce  convenant  à  un  A.  Deux  autres  frag- 
ments appartiennent  aux  dernières  lignes  de   l'inscription. 

Fragment  c  mesurant  0m  loo  de  hauteur  et  0m  13  de  lar- 


geur 


/////// XOI//// 

///VLOPI//// 

Fragment  d,  haut  de  0  '"  10  et  large  de  0  m  07  : 

cl 
/////// VS| 

Ce  sont  les  deux  dernières  lettres  par  lesquelles  se  ter- 
minait  l'inscription. 

La  dalle  est  plus  épaisse  à  la  partie  supérieure  qu'à  la 
partie  inférieure.  La  découverte  de  ce  texte  me  décida  à 
creuser  une  tranchée  à  l'opposé  du  chemin  dans  le  talus 
servant  de  limite  aux  deux  terrains.  Après  avoir  rencontré 
une  portion  de  mur  circulaire,  on  ne  tarda  pas  à  atteindre 
une  construction  importante,  énorme  calotte  qui  fit  d'abord 
penser  à  une  vaste  citerne.  On  entreprit  de  la  contourner. 
Mais  en  dénudant  cette  coupole,  on  constata  qu'elle  était 
décalottée,  et  c'est  par  un  orifice  de  huit  mètres  de  dia- 
mètre qu'on  se  mit  à  la  déblayer. 

Arrivés  a  la  naissance  de  la  voûte,  nous  pouvions  cons- 
tater que  nous  étions  dans  un  édifice  circulaire  de  9  m  15  de 
diamètre.  Bientôt  apparut  le  sommet  d'une  colonne  encore 
en  place  entre  deux  niches  peu  profondes.  Il  était  dès  lors 
facile  de  deviner  que  niches  et  colonnes  devaient  se  répéter 
tout  autour  du  monument. 

En  continuant   le  déblaiement,  on  se  trouva  devant  un 


FOUILLES    DE    DAMolS-KI.-KARITA 


'«71 


chaos  de  tronçons  de  colonnes  tombées  et  brisées.  Les 
fouilles  fournissaient  en  même  temps  des  fragments  d'ar- 
chitecture identiques  à  ceux  que  j'ai  déjà  signalés  : 
têtes,  cornes  et  pattes  de  bélier;  corps,  têtes  et  ailes  de 
chouettes,  feuilles  épineuses  de  chapiteaux,  de  consoles, 
etc. 

Un  débris  d'inscription  donnait  : 

SITA  ANNUE/7///// 


Ca.rtha.ge.  —  Da.mons-el-Ka.rUa. 
Vue  de  la  rotonde  souterraine. 

On  découvrit  dans  cette  salle  deux  baies  d'accès,  situées 
vis-à-vis  l'une  de  l'autre,  et,  entre  ces  deux  entrées,  trois 
soupiraux  destinés  à  laisser  pénétrer  un  peu  de  lumière 
dans  la  construction  souterraine. 

Enfin,  à  !>  mètres  de   profondeur,  on  parvint  au  pavage  de 


172 


FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KARITA 


la    salle,    mosaïque   de    bonne    époque,     malheureusement 
assez     mal    conservée.   Au    centre,    une    portion    de    cette 


p;ftirm 


/* 


<û^-" ,. ::- 


v 


v  r    -i  r---i 


.0» 


. 


qà.  ..:•.-- 


■«IT-J4 


Carthage. —  Rotonde  de  Damous-el-Karita. 
Plan  supérieur. 


FOUILLES    DE    DAMOUS-EL-KARTTA  *73 

mosaïque,  circulaire,  do  deux  mètres  de  diamètre,  est 
entourée  de  dalles  larges  de  0'»  60.  Cette  zone  devait  porter 
un  chancel  ou  un  ciborium. 


Carthage.  —  Rotonde  de  D'amous-el-Karita. 
Rotonde  ;  plan  à  demi-ha,uteur  de  la  tour. 

La  suite  des  fouilles  nous  a  montré  la  disposition   com- 
plète de  cette  rotonde  souterraine  et   de  ses  dépendances. 


\lk 


FOUILLES    DE    DAMOrS-EL-KARlTA 


Dans  l'angle  sud  du  terrain  voisin,  nous  avons  trouvé, 
comme  à  Ycsf,  une  portion  de  mur  circulaire  à  très  grand 
rayon,.  Chacun  de  ces  murs  est  percé  d'une  baie  donnant 
accès  dans  une  petite  salle,  puis  dans  un  corridor  qui 
aboutit  à  la  rotonde.  Les  deux  corridors  sont  symétriques. 
Voici  la  description  de  celui  de  gauche  qui  est  le  mieux 
conservé. 

De  la  salle  située  derrière  le  mur  en  section  de  cercle, 
on  descend  dans  un  corridor  long-  de  40  m  40.  Il  s'enfonce 
dans  le  sol  par  quatre  séries  de  trois  degrés,  séparées  l'une 
de  l'autre    au   moyen    d'un  palier  en    mosaïque.  Après   le 


-.■quel .. . 


Carlhac/e.  —  Rotonde  de  Damous-el-Karita. 
Coupe  verticale  sur  l'axe  des  entrées. 

le  quatrième  groupe  de  marches,  le  corridor  tourne  à  angle 
droit  pour  aboutir,  par  un  escalier  de  neuf  marches,  à 
lentrée  de  la  rotonde.  Le  palier  d'angle  de  ce  couloir  sou- 
terrain était  orné  de  colonnettes  dont  les  bases  ont  été 
retrouvées  en  place.  Si  maintenant  nous  pénétrons  dans  le 
monument,  nous  nous  trouvons  dans  une  salle  exactement 
ronde,  entourée  jadis  de  seize  colonnes  de  granit,  hautes 
de  3  m  45,  distantes  l'une  de  l'autre  de  lm  60  d'axe  en  axe. 
Entre  les  colonnes  se  trouvent  de  hautes  niches  descendant 
jusqu'à  la  mosaïque. 


FOUILLES    DE    DAMOIS-EL-KAH1TA  475 

Une  seule  des  colonnes  était  demeurée  intacte  et  debout. 
Nous  avons  pu  en  reconstituer  neuf  autres  et  les  redresser 
à  leur  place.  Ces  dix  colonnes  se  profilent  contre  un  mur  en 
appareil  régulier  formé  de  petites  pierres  de  taille  aujour- 
d'hui rongées  par  le  temps. 

La  mosaïque  n'offre  aucun  symbole  permettant  d'assigner 
à  cette  rotonde  sa  véritable  destination. 

Sur  la  zone  de  dalles  qui  entoure  la  partie  centrale  de  la 
mosaïque,  se  dressaient  sans  doute  des  colonnes  de  moyen 
module  dont  nous  avons  retrouvé  des  morceaux.  Ces 
colonnes  étaient  en  marbre  numidique. 


Jim.»    a  o  y 


f;*r?y;wtygwM'/p 


Carthage.  —  Rotonde  de  Damous-el-Rarita. 
Coupe  longitudinale  sur  la  galerie  ;  côté  de  rentrée. 

Sous  une  des  dalles  qui  portaient  le  chancel  ou  le  cibo- 
rium,  nous  avons  trouvé,  à  la  fin  des  fouilles,  une  curieuse 
lampe  chrétienne  en  terre  grisâtre  à  l'emblème  du  Poisson, 
entouré    de  lettres  d'une   forme   bizarre  (voir  p.  £59). 

Des  deux  escaliers  symétriques  communiquant  avec  la 
rotonde,  le  premier  découvert,  c'est-à-dire  celui  qui  se 
présente  à  gauche,  semble  avoir  été  le  corridor  d'accès, 
tandis  que  l'autre  paraît  avoir  été  destiné  à  la  sortie.  Je 
base  cette  conclusion  sur  ce  fait,  que  le  second  couloir  à 
son  extrémité  supérieure,  près  du  mur  courbe  où  il  aboutit, 
est  pavé  d'une  mosaïque  dont  l'ornementation  symbolique, 
composée  d'un  grand   calice  portant  une  large  fleur  rouge 


476  LIVRES    OFFERTS 

et  entouré  de  divers  oiseaux,  se  présente  dans  son  vrai 
sens  pour  celui  qui  montait  de  la  rotonde. 

Ce  curieux  monument  semble  avoir  été  d'abord  un 
baptistère,  converti  plus  tard  en  chapelle  avec  une  autre 
destination. 

Avec  ses  dix  colonnes  relevées,  notre  rotonde  souter- 
raine forme  aujourd'hui  une  des  principales  curiosités 
archéologiques  de  Cartilage.  Les  plans  de  ce  curieux  édi- 
fice joints  à  notre  rapport  et  qui  en  constituent  le  meilleur 
commentaire,  sont  l'œuvre  de  M.  A.  Thouverev,  chef  du 
bureau  du  dessin  à  la  Direction  générale  des  travaux 
publics  de  Tunis.  C'est  aussi  à  sa  parfaite  obligeance  que 
nous  devons  les  coupes  de  la  rotonde  et  d'un  des  escaliers 
qui  la  desservent.  Nous  lui  en  adressons  nos  plus  chaleu- 
reux remercîments. 

LIVRES  OFFERTS 


M.  Héron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur, 
M.  Emile  Chénon,  professeur  à  la  Faculté  de  droit,  une  brochure 
intitulée  :  Xotice  nécrologique  sur  Henri  d'Arbois  de  Jubainville 
(Paris,  1912:  extr.  du  Bulletin  de  la  Soc.  nat.  des  Antiq.  de  France, 
1912)  : 

«  La  notice  que  M.  Chénon  vient  de  publier  sur  la  vie  de  notre 
regretté  confrère  d*Arbois  de  Jubainville  qu'il  n'avait  pourtant  pas 
connu  personnellement  est  charmante,  agréable  à  lire,  pleine  de 
simplicité  et  dé  cœur  ;  les  pensées  et  les  faits  s'y  enchaînent  d'une 
manière  attachante  et  tout  à  fait  naturelle.  Il  nous  montre  le  jeune 
archiviste  devenu  tour  à  tour  historien,  philologue,  juriste,  archéo- 
logue, s'imposant  à  l'attention  de  tous  par  la  valeur  de  ses  travaux  et 
l'originalité  de  sa  nature.  Ces  pages  n'ont  qu'un  défaut,  c'est  d'être 
trop  courtes  :  elles  seront  lues  avec  plaisir  et  même  avec  émotion 
par  les  confrères,  les  disciples  et  les  amis  de  d'Arbois.  La  notice  de 
M.  Chénon  est  accompagnée  d'un  index  bibliographique  des  ouvrages, 
mémoires  et  articles  de  notre  confrère,  comprenant  422  numéros, 
classés  suivant  l'ordre  chronologique;  cet  index  permet  de  se  faire 
une  idée  complète  de  l'œuvre  à  la  fois  si  étendue  et  si  variée  qui 
perpétuera  la  mémoire  de  d'Arbois  de  Jubainville.  » 


477 


SÉANCE    DU    13  SEPTEMIUŒ 


PRESIDENCE    DE    M.     NOËL    VALOIS,     VICE-PHESIDENT . 

Le  P.  Scheil  présente  un  poids  babylonien,  de  tous  le  plus 
ancien,  puisqu'il  est  daté  du  roi  Ouroukaghina  (vers  2800 
av.  J.-C).  C'est  un  poids  de  15  sicles,  soit  d'un  quart  de  mine. 
Au  peser,  il  représente  1 19  gr.  .S0,  soit  pour  la  mine  entière  le 
total  de  477  gr.  '20  ■ . 

M.  Gagnât  communique  une  note  dans  laquelle  M.  Merlin, 
directeur  des  antiquités  de  la  Tunisie,  étudie  et  discute  cer- 
taines opinions  récemment  émises  sur  l'emplacement  du  champ 
de  bataille  de  Zama.  Dans  des  ouvrages  parus  dernièrement,  on 
a  proposé  de  fixer  le  lieu  de  cette  rencontre  fameuse  soit  au  Sud 
de  Sidi  Youssef,  sur  la  frontière  tuniso-algérienne,  soit  aux 
environs  du  Kef.  M.  Merlin  démontre  tout  ce  que  ces  théories 
ont  d'hypothétique  et  conclut  qu'en  réalité,  dans  l'état  actuel  de 
notre  documentation,  il  ne  semble  pas  possible  de  localiser 
exactement  l'endroit  où  s'est  produit  ce  combat  qui  marqua,  par 
la  défaite  d'IIannibal,  la  lin  de  la  seconde  guerre  punique,  en 
'20'2  avant  Jésus-Christ. 

M.  Clermont-Ganneau  présente  quelques  observations. 

M.  Noël  Valois  donne  lecture  d'une  étude  sur  les  sermons 
prêches  par  le  pape  Jean  XXII  devant  le  collège  des  cardinaux. 

I .  Voir  ci-après. 


178 


COMMUNICATION 


UN    POIDS    BABYLONIEN, 
PAR    LE    P.    SCHEIL,    MEMBRE    DE    L'ACADÉMIE. 


J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  un  poids  baby- 
lonien —  de  tous  les  poids  babyloniens  le  plus  ancien 
connu,  que  j'ai  eu  la  chance  de  rencontrer  récemment  et 
d'acquérir. 

Au  lieu  que  l'ensemble  de  ceux  dûment  datés,  décou- 
verts jusqu'à  ce  jour,  remontaient,  comme  au  plus  haut, 
à  Dungi,  roi  d'Ur,  vers  2500,  —  notre  nouveau  spécimen 
dépasse  cette  limite  de  trois  siècles  au  moins,  puisqu'il 
appartient  au  temps  de  Urukagina.  On  sait  que  ce  prince  de 
Telloh  est  antérieur  à  Sarrukin  et  contemporain  de  la 
lro  dynastie  d'Uruk,  vers  2800. 


UN    POIDS    IîABYLONIEN 


479 


Les  poids  babyloniens  affectent  volontiers  la  forme 
d'olive,  ou  encore  (on  ne  sait  pour  quelle  raison)  la  forme 
vague  de  canard  au  long  cou  replié  sur  le  dos  ;  celui-ci  se 
montre  comme  un  fuseau  de  0"'  005  de  hauteur  sur  0'"  04 
de  diamètre  au  milieu,  taillé  dans  un  galet  de  calcaire 
nummulitique,  bien  conservé,  sans  aucune  perte  de 
substance. 

L'inscription  compte  quatre  lignes  ou  cases  : 

15  (n. \ 

dingir)   Nin-gir-su 
Uni    ka-gi-na 
lugal    Gir-su-ki 

C'est-à-dire  en  traduction  : 

(Ceci   sont)    15    sicles 
du  dieu  Nin  girsu, 
(par  le  fait)  de  Urukagina 
roi  de  Girsu 

(  le  poids  représente  donc  un  quart  de  mine,  et  à  la 
balance  de  précision  donne  net  119  gr.  30;  d'où  pour  la 
mine  entière  à  cette  époque,  le  total  de  477  gr.  20. 

Il  est  fort  possible  que  de  cette  mine  si  ancienne  soient 
issues  par  développement  les  variétés  de  mines  que  nous 
rencontrerons  plus  tard,  et  qui  ont  pu  coexister  avec 
elle. 

En  ajoutant  à  la  mine  de  Urukagina  son  1/36,  vous 
obtenez  190  gr.  45  dont  approche  un  poids  de  date  incer- 
taine, mais  assez  ancien  (au  nom  d'un  inconnu  GAL(an)  IGI- 
MA-na),  et  permettant  d'évaluer  la  mine  à  i89  gr.  60'.  A 
cette  catégorie  appartiendrait  aussi  le  poids  de  Dungï  imité 


l.  Zeitschr.    </.    ileutsch.    Morgenl.    Gesellsch.,    LXI,    p.    397,    n-    12 
(Weissbach). 


i80  un  poids  babylonien 

par   Nabuchodonosor    II    (605-562),   et  indiquant  pour   la 
mine  &89  gr.  15  1. 

En  ajoutant  à  la  mine  d'Urukagina  son  1/21,  vous  obte- 
nez 497  gr.  08,  poids  presque  identique  à  celui  d'une  autre 
mine  de  Dungi,  évaluée  tantôt  à  496  gr.  et  tantôt  à 
497  gr.  50. 

Enfin,  en  y  ajoutant  son  1/20,  vous  obtenez  501  gr.  06, 
qui  n'en  doivent  guère  à  la  mine  de  Gimil  Sin  évaluée  ù 
502  gr.  195  2. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  l'origine  de  ces  diverses  unités  et  des 
rapports  possibles  entre  elles,  la  découverte  d'un  poids  de 
l'époque  de  Urukagina,  bien  conservé  et  fixant  la  mine 
à  477  gr.  20,  est  un  fait  important. 

Notre  exemplaire  est  revêtu  de  la  signature  souveraine 
et  constituait  une  pièce  officiellement  contrôlée,  dont  la 
valeur  se  trouvait  garantie,  au  nom  de  Ningirsu,  dieu  pro- 
tecteur de  la  cité,  par  le  roi  lui-même. 

Urukagina  fut  un  prince  ami  de  la  justice,  ennemi  de  la 
fraude,  qui  se  glorifie  en  diverses  inscriptions  d'avoir 
réformé  les  abus,  aboli  les  exactions  des  grands,  réglé  le 
tarif  de  certaines  fonctions.  L'on  peut  croire  que,  porté  du 
même  sentiment,  il  surveilla  les  poids  et  mesures,  et  en 
établit  les  normes  ;  il  le  fît  sous  les  auspices  de  la  divinité, 
en  disant  à  son  peuple,  longtemps  dès  avant  Salomon  : 

«  La  balance  et  les  plateaux  justes  sont  de  Dieu  et  toutes 
les  pierres  du  sac  (les  poids )  sont  son  œuvre  !  »  (Prov.. 
xvi,  11.) 

1.  Zeilschr.,  vol.  et  p.  cit.,  n"  10. 

2.  Lehmann  applique  ces  mêmes  formes  de  développement  à  une  mine 
«  normale  •>  présumée  de  491  gr.  2  [Ibid.,  LXV,  p.  19,  d'après  W,  . 


481 


SÉANCE  DU  20  SEPTEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  une  lettre  du  comman- 
dant Espérandieu,  correspondant  de  l'Académie,  relative  à  la 
découverte  d'une  clôture  en  pierres  sèches  ayant  l'aspect  d'un 
retranchement,  au  lieu-dit  la  Croix-Saint-Charles,  à  Alise- 
Sainte-Reine  : 

«  20  septembre  191 '2. 

«  Je  vous  serais  reconnaissant  d'annoncer  à  l'Académie  la 
découverte  que  nous  venons  de  faire,  M.  le  docteur  Epery  et 
moi,  de  ce  qui  nous  paraît  être  l'ouvrage  de  défense  dont  il  est 
question  dans  cette  phrase  des  Commentaires,  relative  au  siège 

(VA  les  ia  : 

«  Sub  muro,  quae  pars  eollis  ad  orientent  solem  spectabat, 
hune  omnem  lùcum  copiae  Gallornm  compleverant  fossamque 
et  maceriam  sex  in  altitudinem  pedum  praeduxerant.  » 
(Livre  VII,  ch.  69.) 

«  La  maeeria,  dont  la  hauteur,  en  certains  endroits,  est 
encore  de  près  d'un  mètre,  a  l'apparence  d'un  mur  néolithique. 
Elle  est  construite  de  pierres  brutes  et  mesure  de  5  à  6  mètres 
d'épaisseur.  Le  fossé  qui  la  précède,  creusé  dans  un  sol  rou- 
geâtre,  est  aujourd'hui  reconnaissable  à  la  couleur  noire  de  la 
terre  qui  le  remplit. 

«  L'obstacle  n'avait  pas  moins  de  i  à  .")  mètres  de  hauteur.  Il 
s'étendait,  d'un  escarpement  à  l'autre,  sur  les  pentes  orientales 
du  Mont  Auxois,  et  barrait  complètement  l'accès  du  plateau, 
suivant  une  direction  à  peu  près  perpendiculaire  à  la  voie  gau- 
loise trouvée  l'an  dernier. 

«  Cette  découverte,  qui  confirme  nos  prévisions,  a,  croyons- 
nous,  de  l'importance,  non  seulement  parce  qu'elle  démontre 
l'exactitude  du  récit  de  César,  mais  aussi  parce  qu'elle  permet, 
autrement  que  par  hypothèse,  de  fixer  l'emplacement  du  camp 
gaulois.  » 


ï-82  SÉANCE    UL     20    SEPTEMI5KE    1912 

M.  Héron  dé  Villefosse  fait  ressortir  l'intérêt  capital  de  celte 
constatation  et  rappelle  qu'au  dernier  congrès  des  Sociétés 
savantes,  M.  le  docteur  Eperv  avait  émis  des  hypothèses  qui  se 
trouvent  ainsi  confirmées. 

Maintenant  il  s'agit  de  rechercher  les  murs  d'Alésia  sur  la 
crête  supérieure  de  la  montagne.  Dans  une  conférence  faite 
récemment  à  l'assemblée  générale  de  la  Société  française  des 
fouilles  archéologiques,  AI.  J.  Toutain  a  clairement  résumé  tout 
ce  qu'on  sait  jusqu'ici  des  murailles  gauloises  d'Alise.  11  a 
rappelé  qu'aux  deux  extrémités  du  plateau  on  avait  retrouvé  les 
traces  de  murs  de  travail  gaulois  sans  aucun  doute.  Ces  traces 
rencontrées  les  unes  à  l'Ouest,  les  autres  à  l'Est  du  Mont-Auxois 
appartiennent-elles  au  même  ensemble  et  datent-elles  de  la 
même  époque?  C'est  une  question  qu'il  serait  intéressant 
d'éclaircir  aujourd'hui.  Pour  dégager  ce  vénérable  ensemble 
d'une  manière  complète,  le  travail  sera  colossal,  mais  les 
résultats  seront  certainement  fructueux. 

En  ce  qui  concerne  la  nouvelle  découverte,  les  premières 
recherches  dans  la  partie  du  fossé,  actuellement  déblayée, 
ont  amené  la  trouvaille  de  poteries  grossières,  mal  cuites,  de 
l'époque  gauloise,  de  cornes  de  bovidés  dont  l'extrémité  a  été 
coupée  et  polie,  de  fibules,  d'une  monnaie  gauloise  en  argent, 
probablement  des  Helvètes,  et  de  quelques  ossements  humains. 

M.  Charles  Dieiil  fait  une  communication  sur  le  «  Trésor  de 
Poltava  »  : 

«  Il  y  a  quelques  semaines,  près  d'un  village  du  gouverne- 
ment de  Poltava  (Russie  méridionale),  deux  jeunes  garçons 
découvraient  par  hasard,  enfoui  peu  profondément  dans  la 
terre,  un  trésor  d'objets  précieux,  vases  d'argent  et  d'or,  armes, 
bijoux,  etc.,  comprenant  plus  d'une  centaine  d'objets,  et  qui 
constitue  une  des  plus  belles  collections  d'orfèvrerie  ancienne 
qui  aient  été  retrouvées.  Abandonné  d'abord  à  l'ignorance  des 
paysans,  qui  fort  heureusement  prirent  l'or  pour  du  cuivre  et 
l'argent  pour  de  l'élain,  qui  pourtant  détournèrent  aussi  ou 
mirent  en  pièces  une  partie  des  objets  découverts,  le  trésor  de 
Poltava  a  été  sauvé  enfin  par  les  soins  de  la  Commission  archéo- 
logique impériale,  et  il  ne  tardera  pas  à  entrer  au  Musée  de 
l'Ermitage. 


SÉANCE    DU    20    SEPTEMBRE    1  (J  1  2  483 

«  M.  Diehl  fait  brièvement  connaître  les  pièces  principales 
qui  composent  ce  trésor,  vases  et  coupes  d'or  et  d'argent  relevés 
de  sculptures  en  relief,  vaisselle  précieuse,  bijoux,  armes  et  har- 
nachements de  chevaux,  plaques  d'or  non  travaillé.  Parmi  ces 
objets,  les  uns  se  rattachent  à  l'art  chrétien,  et  certains  peuvent 
remonter  au  ive  et  au  ve  siècle  ;  le  plus  grand  nombre  est  d'art 
sassanide,  par  exemple  la  magnifique  coupe  d'argent  au  centre 
de  laquelle  figure  un  roi  perse  à  cheval.  Aucune  pièce  ne  semble 
postérieure  au  milieu  du  vne  siècle  ;  des  monnaies  d'or  trouvées 
avec  le  trésor  portent  l'effigie  de  l'empereur  Iléraclius  et  de  ses 
fds,  Constantin  et  Iléracléonas  (638-641).  Il  est  donc  probable 
que  ce  trésor  provient  de  quelqu'un  de  ces  chefs  de  peuples 
nomades,  Bulgares  ou  Avars,  qui  erraient  alors  dans  les  steppes 
de  la  Russie  du  Sud,  et  qui  plus  d'une  fois  se  mirent  au  service 
de  l'empire  perse  pour  ravager  le  pays  byzantin.   » 

M.  Ravmond  Weill  fait  une  communication  sur  les  fouilles 
qu'il  a  exécutées  à  Tounali  et  à  Zarouiét  El-Maietin  (Moyenne- 
Egypte)  ■ . 

M.  Seymour  de  Ricci  communique  les  photographies  d'une 
collection  fort  précieuse  de  tapisseries  gothiques  récemment 
acquise  en  bloc  par  M.  Pierpont-Morgan.  Ces  tapisseries 
n'avaient  pas  quitté,  depuis  quatre  siècles,  le  château  de  Knole, 
au  comlé  de  Kent,  qui  appartint  jadis  aux  archevêques  de 
Canterbury  et  aux  rois  d'Angleterre.  Elles  datent  de  l'âge  d'or 
de  la  tapisserie  flamande,  de  1480  à  1520;  grâce  à  l'étude  des 
coiffures  féminines,  M.  de  Ricci  a  pu  préciser  l'époque  probable 
de  chaque  panneau.  Certaines,  tissées  d'or  et  d'argent,  comptent 
parmi  les  plus  beaux  exemples  connus  de  la  tapisserie  flamande. 
On  y  reconnaît  des  scènes  sacrées  et  profanes,  YEcce  Homo, 
sainte  Véronique  présentant  la  sainte  face  à  l'empereur  Vespa- 
sien,  un  miracle,  Enée  et  Didon,  le  Jugement  d'Othon,  des 
scènes  de  romans  médiévaux. 

Du  reste,  les  Parisiens  pourront,  dans  quelques  jours,  les 
admirer  à  loisir,  M.  Seligmann  ayant  obtenu  de  M.  Pierpont- 
Morgan  l'autorisation  de  les  exposer  à  Paris,  pendant  un  mois, 

l.  Voir  ci-après. 

uni'.  32 


184  FOUILLES    A    TOUNAH    ET    A    ZAOUIÉT  EL-MAIETIN 

au  bénéfice  de  la  Société  des  Amis  du  Louvre.  On  verra  expo- 
sées en  même  temps  deux  autres  superbes  tentures,  récemment 
acquises  par  le  même  amateur  américain,  un  Credo  du 
xve  siècle  et  la  Crucifixion  du  palais  des  ducs  d'Albe,  adjugée 
300.000  francs,  il  y  a  quelques  mois,  à  la  vente  Jean  Dollfus. 
Cette  dernière  tapisserie  provient  de  la  même  suite  qu'un  splen- 
dide  Portement  de  Croix  légué  à  l'Institut  par  M""'  Edouard 
André. 


COMMUNICATION 


FOUILLES   A  TOUNAH  ET  A  ZAOUIÉT  EL-MA1ETUN  (MOYENNE-EGYPTE), 

PAR    M.    RAYMOND    WEILL. 

Les  travaux  que  j'ai  exécutés  en  Egypte  au  cours  de  la 
campagne  du  précédent  hiver  ont  porté  sur  deux  localités 
de  la  Moyenne-Egypte,  sises  dans  la  province  de  Minieh, 
à  300  kilomètres  environ  au-dessus  du  Caire,  et  distantes 
l'une  de  l'autre  d'une  quarantaine  de  kilomètres.  Le  premier 
champ  de  fouilles  fut  celui  de  Tounah.  Au  voisinage  du 
village  moderne  qui  porte  ce  nom,  s'étend  la  nécropole  de 
l'ancienne  ville  d'Hermopolis,  une  des  résidences  principales 
de  Thot,  le  dieu  savant  que  les  Grecs  avaient  identifié  avec 
leur  Hermès,  ville  d'une  ancienneté  immémoriale,  très 
importante  à  toute  époque  de  l'antiquité,  et  dont  les  buttes 
de  décombres,  très  élevées  au-dessus  de  la  plaine,  couvrent 
aujourd'hui  encore  une  étendue  de  plusieurs  kilomètres.  La 
nécropole  est  à  une  quinzaine  de  kilomètres  de  distance  dans 
l'Ouest,  largement  développée  sur  un  glacis  désertique  qui 
monte,  en  pente  douce,  du  bord  des  champs  cultivés 
jusqu'à  la  base  d'escarpements  montagneux  qui  commencent 
à  2  ou  3  kilomètres  en  arrière.  Ce  champ  funéraire  très 
vaste  a  été  fouillé,  antérieurement,  en  une  foule  de  points 


FOUILLES    A    TOUNAH    ET    A    ZAOUIÉT  EL-MA1ET1N  185 

et  par  des  mains  très  diverses  ;  on  y  a  toujours  trouvé,  en 
abondance,  des  personnages  de  la  ville  de  Thot,  surtout  des 
fonctionnaires  sacerdotaux,  des  gens  attachés  au  service  du 
grand  sanctuaire.  On  ne  connaît  pas  encore  ceux  des 
époques  les  plus  lointaines  de  l'histoire  ;  les  groupes  funé- 
raires jusqu'ici  reconnus  à  Tounah  comprennent  une  nécro- 
pole de  la  XVIIIe  dynastie,  une  nécropole  de  la  période 
saïte,  plusieurs  nécropoles  gréco-romaines  et  encore  d'autres 
de  la  période  copte. 

Pour  la  première  campagne,  j'ai  porté  l'effort  sur  une 
zone  déjà  visitée  et  considérablement  exploitée,  avant  moi, 
par  les  fouilleurs  clandestins,  mais  dans  laquelle  de  beaux 
puits,  faciles  à  reconnaître  sous  le  sable  du  revêtement 
superficiel,  donnaient  lieu  d'attendre  de  grands  tombeaux 
et  des  sépultures  intéressantes.  Quelques-uns  de  ces  puits, 
vidés  complètement,  fournirent  une  quantité  d'objets 
oubliés  ou  négligés  par  les  voleurs,  et  il  apparut  alors  que 
nous  nous  trouvions  dans  les  limites  de  la  nécropole  du 
Nouvel  Empire.  N'ayant  ni  le  temps  ni  les  moyens  de 
procéder  immédiatement  au  déblaiement  intégral,  je  m'im- 
posai de  faire  au  moins  une  exploration  méthodique  de  cette 
nécropole,  de  manière  à  déterminer  ses  limites,  et  de  vider 
complètement  des  tombeaux  répartis  sur  toute  sa  surface, 
en  assez  grand  nombre  pour  que  la  chronologie  et  les 
caractères  généraux  de  l'ensemble  fussent  déterminés  avec 
certitude. 

Il  apparut  ainsi  que  ce  cimetière  couvre  plus  d'un  kilo- 
mètre dans  tous  les  sens,  et  que  sa  période  est  celle  même  du 
Nouvel  Empire  thébain,  de  la  XVIII0  dynastie  à  la  XXe (du 
xvie  au  xue  siècle  av.  J.-C).  Le  champ  funéraire,  au  temps 
où  il  était  en  usage,  présentait  l'aspect  d'un  rassemblement 
innombrable  d'édicules  de  pierre,  qiuulrangulaires,  de 
quelques  mètres  d'étendue  chacun  et  séparés  par  d'étroites 
ruelles  sans  régularité  ni  alignement.  Toutes  ces  super- 
structures ont  péri,   par  la  main  des  hommes  et    par  le  jeu 


486  FOUILLES    A    TOUNAH    ET    A    ZAOU1ÉT  EL-MAIETIN 

des  forces  naturelles,  et  chaque  tombeau  ne  se  présente  plus, 
aujourd'hui,  que  sous  la  forme  d'une  excavation  rectangu- 
laire, taillée  dans  le  rocher,  et  que  le  sable  descendu  du 
désert  dissimule  sous  une  couche  uniforme.  Le  puits,  large 
en  moyenne  de  2  mètres  sur  1  mètre  —  ce  qu'il  faut  pour 
laisser  passer  un  grand  sarcophage  présenté  horizontale- 
ment —  descend  à  une  profondeur  qui  varie  de  6  à  12  mètres  ; 
au  fond,  on  trouve  une  porte,  qui  donne  accès  dans  un 
système  de  chambres  plus  ou  moins  développé,  et  dont  le 
type  central  comprend  trois  chambres,  une  à  gauche,  une 
au  fond  et  une  à  droite.  Cet  appartement  souterrain  est 
souvent  revêtu  d'un  parement  de  maçonnerie  que  la  mau- 
vaise qualité  du  roc  rend  nécessaire,  ou  bien,  lorsque  le 
roc  est  suffisamment  solide,  il  est  seulement  enduit  de 
mortier.  Dans  nombre  de  cas,  les  chambres  sont  décorées, 
sur  le  parement  des  blocs  ou  sur  l'enduit. 

On  trouve,  dans  ces  tombeaux,  les  pièces  habituelles  du 
mobilier  funéraire  du  Nouvel  Empire,  de  grands  cercueils 
de  pierre  du  type  anthropoïde,  en  granité  ou  en  calcaire, 
parfois  des  cercueils  en  terre  cuite  peints,  des  vases  en 
terre  cuite,  intéressants  par  leur  forme  et  souvent  par  les 
délicates  peintures  qui  les  couvrent,  enfin  des  figurines 
funéraires,  en  bois,  en  pierre,  en  terre  cuite  peinte  ou 
'  émaillée,  de  ces  serviteurs  magiques  ou  «  répondants  »  que 
le  défunt  emportait  avec  lui  pour  travailler  à  sa  place  dans 
l'autre  monde.  La  quantité  de  ces  figurines  est  prodigieuse  ; 
un  seul  tombeau,  déjà  pillé  antérieurement,  nous  en  a  livré 
plus  de  400.  Par  contre,  les  inscriptions  proprement  histo- 
riques sont  très  rares  ;  presque  toutes  celles  qu  on  ren- 
contre sont  fournies  par  les  débris  d'un  beau  temple 
d'Aménothès  IV,  le  célèbre  réformateur  religieux  de  la 
XVIIIe  dynastie,  lequel  temple,  après  la  disparition  du  roi 
hérétique,  fut  démoli  par  représailles,  de  même  que  ses 
autres  édifices  en  Haute-Egypte,  et  fournit  des  matériaux 
aux  constructions  de   la  période  immédiatement  suivante  ; 


FOUILLES    A    TOUNAH    ET    A    ZAOUIÉT  EL-MATETIN  487 

à  Tounah,  ces  constructions  furent  les  tombeaux  de  la  XIXe 
et  de  la  XXe  dynastie. 

Plus  particuliers,    plus   localement  intéressants  sont  les 
renseignements   que    nous    apportent   les   inscriptions   des 
figurines  funèbres,   au  nom    de   leurs  propriétaires,   et  les 
inscriptions  plus  rares  des  grands  sarcophages.  Ces  derniers 
sont  quelquefois  très  beaux.  J'ai  eu  la  fortune  d'en  rencon- 
trer un,   du  type  anthropoïde,  en  granité  noir,   qui  est  un 
produit  des  plus  remarquables  de  la  sculpture  du  temps  de 
la    XVI 11°    dynastie.     La    cuve,     entièrement    décorée    et 
inscrite,  est   intacte  ;   le  couvercle  est  brisé  en  deux,  mais 
sans  dommage  pour  les  éléments  principaux  de  cette  repré- 
sentation du  corps  humain  dans  les  bandelettes,  beaucoup 
plus  grande  que  nature,  mais  curieusement  stylisée,  sim- 
plifiée,  à   la   demande  de   la    forme  de  l'objet    et  comme 
l'exige  l'extrême  dureté   de   la    matière.    La   face  est  d'un 
aspect  saisissant  par  la  simple  et  brutale  énergie  des  traits 
que  l'artiste  lui  a  imposés.  Le  propriétaire  du  sarcophage 
était  un  otîicier  du  sanctuaire  de  Thot  nommé  Na-shouiou, 
dont  la  fonction  était  celle  de  chef  du  harem  du  dieu,  sans 
doute  administrateur  de  la  maison  des  courtisanes  sacrées 
du  sanctuaire. 

Ce  sarcophage  pèse  4.000  kilogr.,  3.000  pour  la  cuve  et 
1.000  pour  le  couvercle.  Ce  fut  un  assez  gros  travail  que 
de  l'extraire  de  sa  chambre,  l'amener  dans  l'axe  du  puits, 
à  8  mètres  de  profondeur,  le  faire  arriver  à  la  surface  du 
sol,  le  conduire  au  bord  du  fleuve,  ensuite,  à  travers  une 
étendue  de  6  kilomètres  de  désert  et  de  terres  cultivées,  le 
descendre  sur  chaland  et  l'amener,  par  des  voies  variées, 
jusqu'au  Caire  ;  du  Caire,  il  a  été  rapporté  à  Paris  en 
même  temps  que  les  autres  objets  abandonnés  par  le 
Service  des  Antiquités  de  l'Egypte. 

Je  ne  dirai  rien  de  travaux  moins  importants  exécutés 
dans  les  limites  de  la  nécropole  saïte  de  Tounah,  et  dans 
celles  d'une  nécropole  d'époque   grecque   située  à  quelque 


4SS  FOUILLES    A    ÏOUNAIl    ET    A    ZAOUIÉT  EL-MAIETIN 

distance  au  Nord,  —  ces  dernières  fouilles,  cependant,  ont 
fourni  d'assez  bons  cercueils  anthropoïdes,  en  bois  stuqué 
peint,  et  des  momies  à  gaines  peintes  et  masque  doré,  — 
et  je  viendrai  immédiatement  aux  fouilles  entreprises, 
après  celles  de  Tounah,  dans  le  deuxième  site  dont  j'ai 
commencé  l'exploitation,  celui  de  Zaouiét  El-Maietin. 

Les  fouilles  de  Zaouiét  El-Maietin,  d'un  tout  autre  carac- 
tère que  les  précédentes,  ont  pour  théâtre  non  une  nécro- 
pole, mais  le  site  d'une  ville  antique,  à  peu  de  distance  de 
la  ville  actuelle  de  Minieh,  une  grande  butte  dont  les  ondu- 
lations rougeâtres  dominent  la  berge  même  du  fleuve,  au 
pied  des  pentes  de  la  montagne  toute  proche.  Cette  montagne 
est  celle  des  beaux  hypogées  de  l'Ancien  Empire  que 
Lepsius  releva  en  1850.  D'autres  nécropoles,  principale- 
ment gréco-romaines  ou  coptes,  s'étagent  sur  les  pentes  ou 
remplissent  la  plaine  qui  s'élargit  à  partir  du  promontoire, 
et  dans  la  montagne  en  arrière  se  rencontrent,  jusqu'à 
grande  distance  dans  l'intérieur,  des  carrières  antiques  très 
nombreuses  et  de  très  beau  travail,  qui  auront  besoin 
d'être  explorées  attentivement.  Quant  à  la  ville  des  bords 
du  fleuve,  elle  est  d'époque  romaine,  et  très  remarquable 
par  l'architecture  soignée  de  ses  maisons,  aux  murs  de 
briques  épais  et  droits,  aux  chambres  voûtées  en  briques,  si 
bien  conservées  que  la  plupart  du  temps  les  étages  inférieurs 
n'ont  pas  été  envahis  par  les  décombres.  J'ai  dégagé  et 
exploré  un  certain  nombre  de  ces  maisons  ;  mais  l'effort 
principal  a  porté  sur  un  édifice  en  pierre,  enfoui  sous  des 
masses  énormes  de  briques  et  de  décombres,  et  dont 
l'existence  m'avait  été  révélée,  au  cours  de  ma  reconnais- 
sance d'avril  1911,  par  l'affleurement  d'un  angle  de  maçon- 
nerie en  beaux  blocs  parementés. 

Au  dégagement,  il  est  apparu  que  l'édifice  était  une 
pyramide,  de  petites  dimensions,  mais  de  construction  très 
parfaite,  établie  sur  plan  rigoureusement  carré,  et  bâtie 
selon  le  mode  des  édifices  appelés  pyramides  à  degrés,  qui 


FOUILLES    A    TOUNAH    ET    A    ZAOUIÉT  EL-MAIETIN  489 

sont  formés  d'épaisses  tranches  de  maçonnerie  non  verti- 
cales, mais  légèrement  inclinées  vers  le  centre,  et  ainsi, 
puissamment  butées  par  la  pesanteur  Tune  contre  la  sui- 
vante. Les  tranches  sont  de  hauteur  progressivement 
décroissante  à  partir  du  centre,  et  il  en  résulte  l'image, 
d'ailleurs  trompeuse  au  point  de  vue  strictement  technique, 
d'une  construction  établie  par  grandes  assises  rentrantes  en 
gradins.  Il  est  d'un  haut  intérêt,  pour  les  déterminations 
historiques  à  faire  dans  le  cas  actuel,  de  noter  que  les 
pyramides  à  degrés  sont  de  l'époque  memphite  la  plus 
ancienne,  celle  des  IIe  et  IIIe  dynasties;  les  plus  connues 
sont  la  pyramide  à  degrés  de  Saqqarah,  qui  fut  la  sépulture 
du  roi  Zeser  (Tosorthros),  et  la  grande  pyramide  de 
Zaouiét  El-Aryân,  déblayée  et  étudiée  en  dernier  lieu  au 
cours  des  vastes  travaux  de  l'Université  de  New-York. 
Tout  porte  à  croire  qu'à  la  même  période  appartient  la 
nouvelle  pyramide  de  Zaouiét  El-Maietin,  dont  les  ana- 
logies de  construction  avec  la  pyramide  de  Zeser  et  avec 
celle  de  Zaouiét  El-Aryân  sont  frappantes. 

Une  nécropole  de  l'Ancien  Empire  ou  du  temps  des 
premières  dynasties  est  à  chercher  autour  de  la  pyramide  ; 
mais  tout  le  terrain  environnant  est  couvert  par  les 
décombres  et  les  murs  de  la  ville  romaine,  qui  ont  sub- 
mergé le  grand  édifice  complètement.  Je  l'ai  dégagé  entiè- 
rement sur  les  aires  supérieures  et  à  l'extérieur,  sur  les 
quatre  faces,  jusqu'au  niveau  des  fondations;  mais  il  m'a 
été  impossible  d'étendre  assez  la  fouille  pour  découvrir  le 
puits  extérieur  ou  le  couloir  incliné  qui  donne  accès  aux 
chambres.  Cette  recherche  nécessaire  n'ira  pas  sans  déblaie- 
ments étendus,  mais  certainement  rémunérateurs  à  tous 
points  de  vue. 

La  pyramide  n'est  d'ailleurs  pas  la  seule  place  intéres- 
sante de  ce  champ  de  fouilles  très  instructif  et  divers.  En 
plusieurs  points  des  ruines  se  sont  rencontrés  des  blocs 
sculptés  provenant  d'un  édifice  de  la  XVIII0  dynastie,  avec 


490  FOUILLES    A    TOUNAII    ET    AZAOUIÉT  EL-MAIETIN 

les  noms  d'Aménothès  III,  et  au  cours  de  l'exploration 
d'un  quartier  de  maisons,  dans  la  partie  nord  des  buttes, 
j'ai  mis  à  découvert  les  vestiges  d'une  large  rampe 
à  parapets  en  pierre  de  taille,  dont  la  ligne  conduit  forcé- 
ment à  quelque  temple. 

Au  cours  de  la  campagne  de  l'hiver  prochain,  il  convien- 
dra de  chercher  et  mettre  à  découvert  ce  temple,  mais, 
avant  toute  chose,  d'ouvrir  la  pyramide,  dont  la  sépulture, 
protégée  depuis  l'époque  grecque  par  les  constructions  de 
la  ville,  paraît  avoir  des  chances  sérieuses  d'être  intacte. 
Le  travail  de  dégagement  des  abords  amènera,  en  outre, 
la  mise  à  nu  de  tout  ou  partie  de  la  nécropole  contempo- 
raine de  la  pyramide.  Tel  est  le  programme  du  travail 
à  Zaouiét  El-Maietin.  A  Tounah,  d'autre  part,  il  s'imposera 
de  poursuivre  les  explorations  de  tombeaux  dans  la  grande 
nécropole  ;  je  pense,  après  le  travail  de  l'hiver  passé, 
pouvoir  attaquer  fructueusement  une  zone  vierge,  de  pré- 
férence celle  des  tombeaux  de  l'époque  saïte,  dont  le 
groupe  est  contigu  au  cimetière,  maintenant  connu,  de  la 
période  thébaine.  Je  crois  pouvoir  dire,  enfin,  que  j'espère 
commencer  la  fouille  d'un  site  nouveau,  une  nécropole  de 
l'Ancien  Empire  (vers  3000  av.  J.-C),  ignorée  jusqu'à  ces 
derniers  temps  et  dans  laquelle  on  rencontre  des  édifices  à 
superstructure  entièrement  conservée,  massive  et  parfois 
de  grandes  dimensions,  noyés  dans  un  épais  flot  de  sable 
descendu  du  désert.  Il  y  a  toutes  chances  pour  que  des 
efforts  méthodiques  et  suffisamment  puissants,  à  cette 
place,  fassent  sortir  du  sol  des  résultats  d'un  grand 
intérêt. 

J'annoncerai  à  l'Académie,  pour  terminer,  que  les  objets 
rapportés  d'Egypte  à  la  suite  de  la  précédente  campagne, 
doivent  être  prochainement  exposés  au  Musée  Guimet  : 
j'ai  l'espoir  d'ouvrir  cette  exposition  vers  la  lin  du  mois 
d'octobre. 


491 


SÉANCE    DU  27    SEPTEMBRE 


PRÉSIDENCE    DE     M.    LOl'IS    LECKli. 


Madame  Gomperz,  dans  une  lettre  qu'elle  adresse  au  Prési- 
dent, remercie  l'Académie  de  la  lettre  de  condoléance  qui  lui  a 
été  écrite  par  le  Secrétaire  perpétuel  à  l'occasion  de  la  mort  de 
son  mari,  M.  Théodore  Gomperz,  correspondant  étranger. 

M.  Pottier  lit  une  lettre  de  M.  Homolle  qui  annonce  d'im- 
portantes découvertes  à  Délos. 

M.  Seymour  de  Ricci,  chargé  par  l'Académie  d'une  mission  à 
Saint-Pétersbourg,  afin  d'y  étudier  les  séries  numismatiques  de 
l'Asie  Mineure,  écrit  de  Berlin  pour  signaler  deux  documents 
intéressants  :  1°  Au  Cabinet  des  médailles,  un  bronze  autrefois 
attribué  à  Cius  en  Bithynie  et  qui  est,  en  réalité,  d'un  prince 
galate  inconnu,  Bitokix  ;  '1°  Dans  la  collection  de  photographies 
du  Musée  des  arts  décoratifs,  une  tenture  de  Beaune  portant 
les  initiales  de  Nicolas  Bolin  et  de  Guigonne  de  Salins,  qui  ne 
paraît  pas  avoir  encore  été  signalée  '. 

M.  Salomon  Reinach  présente  des  photographies  et  un  fac- 
similé  en  cuivre,  exécuté  à  Saint-Germain  par  M.  Champion, 
d'un  bracelet  en  or  pesant  1100  grammes,  qui  a  été  acheté  à 
Madrid  par  M.  Ignace  de  Bauer.  11  fait  ressortir  les  difficultés 
techniques  vaincues  par  l'orfèvre  ibérique  et  insiste  sur  l'ana- 
logie entre  le  style  de  ce  bijou  et  les  couvre-oreilles  de  la  dame 
d'Elché.  Ces  objets  paraissent  appartenir  à  la  fin  du  premier  âge 
du  fer,  c'est-à-dire  au  Ve  siècle  avant  l'ère  chrétienne  ou  au 
début  du  siècle  suivant. 

Le  P.  Sciieil  communique  un  nouveau  texte  babylonien  de 
2400  av.  J.-C.  qui  lui  permet  de  conclure  : 

l .  Voir  ci-après. 


492  SÉANCE    DU    27    SEPTEMBRE    1912 

1°  quil  existait  en  Mésopotamie,  à  cette  époque,  de  grandes 
palmeraies  de  12  hectares   environ; 

2°  qu'on  en  évaluait  volontiers  la  superficie  non  par  mesures 
agraires,  mais  par  chiffres  d'arbres  ; 

3"  qu'on  employait  la  fécondation  artificielle  du  dattier 
femelle,  et  que  les  pieds  mâles  étaient  cultivés  à  part; 

4°  que  l'évaluation  du  rendement  se  faisait  par  séries  d'arbres, 
non  pas  au.  poids,  mais  au  volume  des  fruits; 

5°  que  le  maximum  du  rendement  allait  pour  certains  pieds 
à  105  kilogrammes  ou  141  litres  environ  ; 

6°  enfin,  que  la  comptabilité  en  cette  matière  était  tenue  avec 
rigueur  et  précision,  selon  les  procédés  les  plus  rationnels  (au 
xxve  siècle  avant  notre  ère). 

M.  Maspero  donne  lecture  d'un  mémoire  de  M.  Perdrizet 
intitulé  :  I  n  type  nouveau  de  Vimagerie  grecque  :  Alexandre  à 
l'égide. 

Le  type  dont  il  s'agit  représentait  Alexandre  debout,  nu- 
tête,  la  face  levée,  la  main  droite  appuyée  à  la  lance,  l'autre 
main  portant  une  image  de  Niké  ;  le  corps  était  nu  sous  une 
grande  égide  en  forme  de  longue  chlamyde.  L'égide  rappelait 
qu'Alexandre  était  né  de  Zeus;  elle  était  de  forme  longue,  c'est- 
à-dire  de  forme  macédonienne,  pour  rappeler  qu'Alexandre  était 
Macédonien.  Tous  les  exemplaires  de  ce  type  ont  été  trouvés 
en  Egypte,  à  une  date  assez  récente  ;  ils  proviennent  probable- 
ment d'un  sanctuaire  voué  au  dieu  Alexandre,  à  Alexandrie  ou 
à  Memphis,  par  les  soldats  macédoniens  au  service  des  Lagides. 
Ces  exemplaires  sont  actuellement  au  nombre  de  sept  :  trois 
statues  petite  nature,  en  pierre,  mutilées,  au  Musée  d'Alexan- 
drie ;  une  statue  de  taille  semblable,  en  marbre,  qui  de  la  collec- 
tion Dattari  a  passé  naguère  au  Musée  du  Louvre  ;  un  fragment 
de  petit  bronze  à  l'Antiquarium  de  Berlin;  une  statuette  de 
pierre  dans  la  collection  Fouquet;  et,  finalement,  dans  la 
même  collection,  une  grande  statuette  de  bronze,  d'une  con- 
servation excellente.  L'original  dont  ces  divers  monuments 
sont  des  répliques  plus  ou  moins  heureuses  peut  fort  bien 
remonter  à  Lysippe. 


493 


COMMUNICATION 


LETTRE      DE     M.      SEYMOUR     DE     RICCI. 

I.     IN    NOUVEAU    ROI    DE    GALAT1E. 

La  mission  que  l'Académie  a  bien  voulu  me  confier  m'a 
amené  à  examiner  de  nouveau  au  Musée  de  Berlin  les 
séries  numismatiques  d'Asie  Mineure,  déjà  étudiées  il  y  a 
une  dizaine  d'années  par  M.  Babelon,  quand  il  préparait  la 
publication  du  recueil  de  Wadding-ton. 

L'acquisition  récente  de  la  collection  Imhoof-Blumer  et 
des  28.000  monnaies  réunies  par  M.  Arthur  Lobbecke  de 
Brunswick,  a  enrichi  d'une  façon  prodigieuse  le  Cabinet 
des  médailles  de  Berlin;  j  y  ai  trouvé  un  bon  nombre  de 
pièces  nouvelles  à  ajouter  au  recueil  de  Wadding-ton  et 
notamment  la  monnaie  fort  remarquable  qui  fait  l'objet  de 
cette  note;  la  pièce  provient  de  la  collection  Lobbecke  et 
l'ancien  possesseur  en  avait  parfaitement  reconnu  l'impor- 
tance. Je  remercie  tout  particulièrement  M.  Dressel  et 
M.  Reg-ling-  de  m  avoir  fait  connaître  cette  importante 
médaille. 

Parmi  les  monnaies  décrites  dans  le  recueil  de  Wad- 
ding-ton au  chapitre  de  dus  en  Paphlagonie  (p.  315),  fig-ure 
une  monnaie  en  bronze,  connue  jusqu'ici  par  un  seul 
exemplaire  en  médiocre  état,  conservé  au  British  Muséum 
[Catalogue  of  greek  coins,  Pondis,  etc.,  p.  132,  n.  27,  et 
pi.  XXVIII.  fig-.  15).  M.  Wroth  avait  cru  y  distinguer  au 
revers,  sous  une  lettre  E  douteuse,  les  trois  lig-nes  sui- 
vantes : 

BnO     APfY  I  POTAMIAII  nPOYHE 


49  ï  LETTRE    DE    M.    SEYMOL'R    DE    RICCI 

Se  fondant  sur  sa  lecture  de  la  dernière  ligne,  M.  Wroth 
attribua  cette  pièce  à  la  ville  de  Cius  qui  s'appela  à 
l'époque  hellénistique  Prusias-sur-mer. 

L'acquisition  de  la  riche  collection  Lôbbecke  a  apporté 
en  1906  au  Musée  de  Berlin  un  bien  plus  bel  exemplaire 
de  la  même  médaille  :  on  y  voit  au  droit  une  tête  jeune 
d'Héraclès  à  droite,  la  peau  de  lion  nouée  autour  du  cou, 
et  au  revers,  au-dessous  du  monogramme  BA  en  ligature, 
une  massue  couchée  avec  cette  inscription  : 

BITOKIZAPrY 

^OTAMIAI 

ETOYIIE 

La  cinquième  lettre  de  la  première  ligne  est  douteuse  et 
on  pourrait  songer  à  un  P  .  On  aurait  alors  la  lecture 
Bi-opi;   apv'j[p]cTa[j.'.a;  stcuç  le. 

On  voit  qu'il  n'est  plus  question  de  Prusias  (Ilpoucue) 
mais  de  l'an  quinze  (stouc  te)  d'un  dynaste  dont  le  nom 
semble  se  lire  Bitoki.r  ou  Bitorix  (cette  dernière  lecture 
est  moins  vraisemblable  que  la  première)  K 

La  monnaie  en  question  n'a  donc  aucun  droit  à  figurer 
dans  le  chapitre  de  Cius.  Comme  le  prouve  la  consonance 
celtique  du  nom  Bitokix,  nous  sommes  en  présence  d'une 
pièce  d'un  roi  de  Galatie  comme  Brogitarus  et  Dejotarus, 
inconnu  jusqu'ici,  vivant  un  siècle  environ  avant  l'ère 
chrétienne  et  qui  régna  au  moins  quinze  ans,  si  c'est  à  son 
règne  que  se  rapporte  la  date  ï~ov:  û. 

Il  faut  bien  se  garder  de  rapprocher  cette  monnaie  des 
bronzes  à  la  légende  BITOYIOC  ou  BITOYKOC,  autrefois 
attribuées  à  la  Galatie  et  qui  sont  aujourd'hui  données  avec 
certitude  à  un  principicule  gaulois  de  la  Narbonnaise.  Le 
stvle  en  est  tout  différent. 

J 

I.    MM.  Babelon  et  Th.  Reinach  avaient  déjà  soupçonné  dans  BflO-  •  • 
le  début  BITO   d'un  nom  celtique. 


LETTRE    DE    M.    SEYMOUB    UK    RICCI  i95 

Si  on  était  tenté  de  donner  aux  Gantois  occidentaux  la 
monnaie  de  Bitokix  ou  Bitorix,  le  mot  àpyupoTajjiaç  devrait 
suffire  à  en  attester  l'origine  orientale.  Quant  au  mono- 
gramme BA,  n'est-il  pas  tentant  d'y  lire  B(itoxiÇ)  i(p-("jps-a- 

II.    TAPISSERIES    FRANÇAISES    DU    XVe    SIÈCLE. 

Les  collections  de  photographies  du  Kunstgewerbemu- 
scum  de  Berlin,  si  elles  sont  moins  riches  que  les  albums 
formés  par  Jules  Maciet  à  notre  Musée  des  Arts  décoratifs, 
ne  sont  pas  moins  intéressantes  à  consulter  pour  l'historien 
de  l'art.  Un  dépouillement  rapide  des  cartons  consacrés 
aux  tapisseries  gothiques  m'a  permis  d'y  découvrir  trois 
panneaux  français  fort  précieux  du  xve  siècle  que  je  ne  me 
rappelle  avoir  trouvé  cités  dans  aucun  des  ouvrages  récents 
sur  la  matière. 

Tout  d'abord,  c'est  une  de  ces  tentures  décoratives  du 
milieu  du  xvc  siècle  qui  ne  portent  d'autres  ornements 
qu'un  semis  de  monogrammes,  de  devises  et  d'armoiries. 
Les  armoiries  portent  trois  clefs  et  une  tour  ;  la  devise  se  lit 
«  saille  »  et  le  monogramme  présente  les  lettres  NG  entre- 
lacées. Gomme  le  panneau  en  question  a  été  photographié 
à  l'Hôpital  de  Beaune,  il  ne  fallait  pas  être  grand  clerc 
pour  y  reconnaître  les  armes  et  le  chiffre  des  fondateurs 
N(icolas  liolin)  et  G{uigonne  de  Salins).  Où  ce  curieux 
morceau  a-t-il  été  publié  ? 

La  seconde  tapisserie  ne  m'était  pas  totalement  incon- 
nue: c'est  une  merveilleuse  tenture  conservée  à  Rome 
dans  les  appartements  privés  du  palais  Doria  et  représen- 
tant les  épisodes  de  la  vie  d'Alexandre  le  Grand.  Elle 
est  semblable  en  tous  points  aux  célèbres  tapisseries  de 
chasse  du  château  de  Hardwicke,  conservées  longtemps 
au  Musée  de  Kensington  et  qui  sont  la  propriété  du  duc 
de  Devonshire.   C'est    un    chef-d'œuvre    de    l'art  français 


4<JG  LIVRES    OFFERTS 

sous  le  règne  de  Charles  VII.  Dès  1887,  cette  tenture  a 
été  photographiée,  lors  d'une  exposition  de  l'art  textile 
a  Rome,  où  elle  figurait  sous  le  nom  du  duc  d'Avigliano; 
tout  récemment,  à  ce  que  m'a  appris  Mmc  Strong,  M.  Ali- 
nari  en    a   pris  un  grand  cliché. 

Chose  singulière,  les  albums  du  Musée  de  Berlin  m'ont 
fourni  encore  une  tapisserie  inconnue,  de  même  style  et 
de  même  époque  :  un  admirable  panneau  rectangulaire, 
conservé  au  Rathaus  de  Ratisbonne  et  représentant,  comme 
les  tentures  du  duc  de  Devonshire,  des  scènes  de  chasse. 

Il  v  a  bien  d'autres  choses  dans  ces  cartons  :  la  photo- 
graphie d'un  Jugement  dernier,  autrefois  à  Rome  dans  la 
collection  Heseltine  '  et  identique  aux  exemplaires  du 
Louvre  et  de  la  collection  Schùtz  ;  la  photographie  d'une 
Messe  de  saint  Grégoire  au  Musée  national  de  Nuremberg. 
datée  de  i4%  et  qui  fournit  ainsi  un  point  de  repère 
précieux  pour  l'historien  de  la  tapisserie  flamande  :  elle 
est  contemporaine  de  ÏEcce  Homo  ainsi  que  du  Jugement 
d'Othon  de  la  collection  Pierpont-Morgan  et  confirme, 
avec  une  heureuse  précision,  les  dates  conjecturales  que 
l'examen  des  costumes  m'avait  porté  à  indiquer  pour  ces 
deux  panneaux. 


LIVRES  OFFERTS 


Lk  Secrétaire:  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  le  fascicule  du 
mois  de  juin  des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  pen- 
dant l'année  1912  (Paris,  1912,  in-8°). 

M.  Léger  présente  de  la  part  de  M.  L.  K.  Gœtz,  professeur  à  l'Uni- 
versité  de   Bonn,  le   troisième  volume  de  ses  études  sur  l'ancienne 

1.  Serait-ce  l'exemplaire  qui  appartenait  il  y  a  un  demi-siècle  à  la 
Basilique  de  Saint-Pierre,  selon  Barbier  de  Montault,  Annules  archéolo- 
gique», t.  XV    1855),  ]>.  241  ? 


PLINE    L'ANCIEN    ET    LES    ASTROLOGUES    CHALDÉENS  497 

législation  russe  («  Das  Russische  Recht,  Russkaja  Pravda»).  Il  y  étu- 
die la  troisième  rédaction  de  ce  texte  célèbre.  On  retrouve  dans  ce 
travail,  qui  marque  une  étape  intéressante  de  la  science  allemande, 
toutes  les  qualités  des  volumes  antérieurs,  qualités  que  M.  Léger  a 
eu  occasion  de  signaler  à  diverses  reprises  dans  les  Comptes  rendus 
et  dans  des  articles  du  Journal  des  savants  (voir  notamment  année 
1905,  p.  70;  1006,  p.  21!),  etc.). 


APPENDICE 


PLINE       L  ANCIEN    ET   LES     ASTROLOGUES      CHALDÉENS, 
PAU    M.    LÉON    HEUZEY,   MEMBRE    DE    L' ACADÉMIE '. 

Si  nombreux  que  soient  aujourd'hui  les  textes  en  écriture 
cunéiforme  qui  nous  apportent  à  tout  instant  des  rensei- 
gnements nouveaux  sur  l'ancienne  civilisation  chaldéo- 
babylonienne,  nous  ne  devons  pas  négliger  pour  cela  les 
trop  rares  informations  qui  nous  sont  fournies  par  les  auteurs 
grecs  et  romains.  Elles  proviennent  d'hommes  éclairés, 
suffisamment  avertis  des  choses  de  la  science  et  de  l'his- 
toire :  les  uns,  comme  Bérose,  étant  des  Orientaux  hellé- 
nisés en  mesure  de  consulter  directement  les  documents 
babyloniens,  et  de  les  vulgariser  en  languie  grecque  ;  les 
autres,  comme  Epigènes  de  Byzance,  qualifié  de  (/ravis 
auctor,  étant  des  Grecs,  qui,  depuis  la  conquête  du  pays  par 
Alexandre  et  l'établissement  du  royaume  des  Séleucides, 
avaient  eu  aussi  le  moyen  de  se  renseigner  dans  les 
milieux  où  se  conservaient  les  archives  et  les  traditions 
de   l'antique   Babylonie. 

Parmi  les  questions  qui  sont  l'objet  d'une  vive  curiosité, 
de  la  part  des  savants,  se  place  celle  de  connaître  l'origine 

l.   Lecture  fuite  à  la  séance  du  ô  juillet  L912    voir  ci-dessus,  p.  308). 


498       pline  l'ancien  ET  LES  astrologues  chaldéens 

et  la  formation  des  collèges  de  prêtres,  magiciens  et  astro- 
logues, qui,  sous  le  nom  de  Chaldéens,  ont  joui  d'une  si 
longue  réputation,  bien  au  delà  des  limites  mêmes  de  l'an- 
tiquité. Sans  doute,  l'énorme  stock  des  tablettes  d'argile, 
sans  cesse  accru  par  les  travaux  de  nos  explorateurs  et 
par  les  fouilles  clandestines  des  Arabes,  a  fourni  déjà  aux 
assyriologues  une  grande  quantité,  je  dirai  presque  une 
surabondance,  de  détails  sur  ces  opérations  divinatoires. 
11  n'y  a  presque  pas  d'année  qui  ne  voie  paraître  quelque 
nouveau  livre  sur  la  magie,  sur  la  science  de  l'avenir,  sur 
l'astrologie  ou  l'astronomie  chez  les  Babyloniens.  Cepen- 
dant, l'organisation  de  ces  écoles,  leurs  règles  hiérarchiques, 
leur  répartition  dans  le  pays,  les  systèmes  différents  qui 
prévalaient  dans  chacune  d'elles,  ne  sont  que  très  impar- 
faitement connus. 

L'indécision  qui,  dans  l'étude  des  langues  écrites  en 
caractères  cunéiformes,  règne  encore  sur  le  sens  tout  à  fait 
précis  de  certains  mots,  surtout  pour  les  termes  tech- 
niques, laisse  naturellement  beaucoup  de  vague  autour  des 
indications  de  ce  genre. 

Strabon,  qui  avait  consulté  les  écrivains  spéciaux,  nous 
apprend,  en  effet,  que  d'une  ville  à  l'autre,  ils  n'avaient  pas 
les  mêmes  principes  (cô-(\>.(x-a)  et  qu'ils  se  distinguaient  par 
des  opinions  (aipiaeiç)  divergentes1.  N'est-il  pas  curieux  de 
voir  de  pareils  mots  déjà  employés,  à  peu  de  chose  près, 
dans  le  même  sens  où  ils  le  seront  plus  tard  par  les  polé- 
mistes chrétiens? 

Le  premier  livre  de  Daniel2  nous  donne  bien  une  divi- 
sion ou  plusieurs  classes  des  Chaldéens  ou  Casdim  atta- 
chés à  la  cour  du  roi  Nabuchodonosor  :  astrologues  (f/az- 
rim),  conjurateurs  (kartoumim),  guérisseurs  [hakamim], 
devins   (nsaphirn)  ;   mais   c'est    là,  comme  on  le   voit,  une 


1 .  Strabon,  p.  739. 

2.  Daniel,  II.  2. 


PUNI']   L'ANCIEN    ET    LES    ASTROLOGUES   CHALDÉENS  499 

classification  toute  professionnelle  ;  elle  ne  vise  en  rien  le 
caractère  des  différentes  écoles  qui  se  partageaient  le  pays 
et  y  occupaient  des  centres  distincts. 

On  pouvait  s'attendre  à  trouver  sur  ce  point  quelque 
lumière  dans  le  sixième  livre  de  Pline  l'Ancien,  dont  la 
teneur  est  toute  géographique1.  Décrivant,  en  effet,  la 
Mésopotamie,  ses  limites,  ses  divisions,  ses  cours  d'eau,  ses 
villes  principales,  il  ne  peut  parler  de  Sippara  (Hippare- 
nam)  et  de  Babylone  sans  faire  allusion  aux  fameux  col- 
lèges des  Chaldéens  dont  la  renommée  illustrait  alors  ces 
deux  villes  non  moins  que  leur  passé  historique  : 

Hipparenum,  Chakheorum  doctrina  clarum,  et  hoc  sicut 
Babylonii. 

Continuant  sa  route  vers  le  Sud  et  passant  par  la  ville 
d'Orchoé  (Erech),  il  n'y  voit  même  plus  que  ses  magiciens  : 

Orcfieni  f/uoquc,  terlia  Chaldseorum  doctrina,  in  codent 
si fn  Iççantur,  ad  meridiem  versi. 

Enfin  il  arrive  à  la  Chaldée  méridionale,  à  ce  pays  de 
Sumer,  qui  a  pris  un  si  puissant  intérêt  par  nos  fouilles 
françaises  de  Tello,  par  celles  des  Américains  à  Niffer,  par 
les  ruines  importantes  d'Erech,  de  Larsam,  d'Our  et  d'Eri- 
dou.  Il  passe  auprès  de  cette  ville  de  Lag-ash  ou  Sirpourla, 
dont  nous  aimerions  tant  lire  le  nom  en  grec  ou  en  latin. 
Mais  maintenant  il  n'a  plus  aucun  souci  de  la  géographie  : 
les  collèges  chaldéens  lui  restent  seuls  dans  l'esprit  ; 
encore,  par  la  terrible  concision  de  son  style  et  par  le  mau- 
vais état  de  ses  manuscrits,  nous  laisse-t-il  dans  le  plus 
cruel  embarras. 

Voici  la  phrase  par  laquelle,  après  avoir  parlé  des 
Orchoéniens,  il  termine  sa  description  : 

Ab  lus,  Notifie  et  Orlhophantse  et  Grseciochantae. 

Comme  on  le  voit,  il  ne  s'agit  plus  du  tout  du  pays,  mais 
seulement  de  trois  sectes  chaldéennes,  et  cela  sans  aucune 

I.  Hist.  nul..  VI,  30,  6. 

1912.  si 


S0P         PLINE    L'ANCIEN    ET    LES    ASTROLOGUES    CHALDÉENS 

indication  des  villes  où  chacune  d'elles  pouvait  avoir  son 
siège. 

Ces  trois  noms,  d'apparence  hétéroclite,  sont-ils  cepen- 
dant de  nature  à  nous  apprendre  quelque  chose  ?  N'ayant 
rien  de  plus,  nous  sommes  réduits  à  en  tirer  ce  qu'ils 
peuvent  contenir.  Ils  sont,  les  deux  premiers  surtout,  de 
forme  grecque,  et  Pline  les  tient  certainement  de  quelque 
écrivain  grec  de  l'époque  des  Séleucides,  traduisant  ou 
interprétant  de  son  mieux  les  anciens  noms  babyloniens. 
Gela  n'a  rien  qui  doive  nous  étonner,  quand  nous  voyons, 
vers  le  même  temps,  le  dynaste  gréco-syrien  Adadnadi- 
nakhès,  sur  les  briques  de  son  palais  de  Tello,  estamper 
son  propre  nom  à  la  fois  en  araméen  et  en  grec. 

Commençons  par  les  Notitse.  Le  mot  vient  évidem- 
ment de  voxoç,  qui  veut  dire  Sud.  Ces  adeptes  de  l'une 
des  sectes  chaldéennes  se  seraient-ils  appelés  simplement 
les  Méridionaux,  ce  qui  n'est  pas  en  contradiction  avec  la 
direction  suivie  par  l'auteur?  Seulement,  en  bon  grec,  il 
faudrait  Nôtioi,  en  latin  Notii.  NoTi-nqç  ne  se  trouve  pas  dans 
les  dictionnaires.  D'ailleurs  la  terminaison  en  -itïjç  n'in- 
dique pas  simplement  l'habitation,  mais  l'usage  habituel 
et  professionnel  :  ts^vit/jç  est  celui  qui  fait  profession  d'un 
art  et  d'un  métier,  ôt:Xitv)ç,  le  soldat  qui  s'astreint  à  porter 
l'armure  complète  ;  tîsX'Ity]^  n'est  pas  seulement  l'habitant 
d'une  ville,  mais  le  citoyen  qui  en  partage  les  droits  et  les 
privilèges  ;  Ios^îtyjç  ne  désigne  pas  tout  homme  qui  vit 
dans  le  désert,  mais  celui  qui  s'en  impose  la  solitude. 
Dans  ces  conditions,  les  Notitse  sont  ceux  qui  font  usage 
du  Sud,  c  est-à-dire  qui  se  tournent  vers  le  Sud  dans  leurs 
observations  astronomiques  ou  astrologiques. 

L'explication  est  d'autant  plus  vraisemblable  que,  dans 
un  autre  livre  de  son  Histoire  naturelle1,  le  même  Pline, 
enseignant  aux  cultivateurs  un  moyen   simple  et  pratique 

1.   Hisl.  nal.,  XVIII,  7<i. 


PLINE    L'ANCIEN    ET  LES    ASTROLOGUES    CHALDÉENS  501 

de  s'orienter  et  d'établir  l'orientation  de  leurs  champs,  leur 
commande  de  se  tourner  d'abord  vers  le  Sud.  Au  moment 
où  le  soleil  approche  du  point  le  plus  élevé  de  sa  course, 
l'observateur  commence  par  se  tourner  exactement  dans  la 
direction  de  l'astre,  c'est-à-dire  vers  le  midi.  Puis,  faisant 
volte-face,  il  regarde  l'ombre  projetée  et,  juste  au  moment 
où  elle  est  le  plus  courte,  il  trace  sur  le  sol  une  ligne  dans 
l'axe  de  cette  ombre.  Il  a  ainsi  la  direction  du  Sud  au  Nord, 
et,  en  tirant  une  ligne  transversale,  il  obtient  celles  de 
l'Est  et  de  l'Ouest. 

Ce  procédé,  si  primitif  qu'il  paraisse,  avait  l'avantage  de 
donner  l'Orient  moyen  et  non  pas  l'Orient  variable  et  jour- 
nalier qu'indiquerait  le  soleil  à  son  lever.  La  position  exacte 
des  astres,  et  particulièrement  du  soleil,  dans  le  ciel  ayant 
une  grande  importance  dans  les  déterminations  de  l'astro- 
logie chaldéenne,  on  comprend  que  cette  méthode  d'orien- 
tation ait  été  adoptée  par  certains  astrologues  comme  base 
de  leurs  opérations. 

Venons  maintenant  aux  Orthophantse.  Le  mot,  bien  qu'il 
ne  figure  pas  non  plus  dans  les  lexiques  grecs,  est  très 
régulièrement  formé  sur  des  modèles  comme  cpôscoroç  et 
(spoçivTYjç.  Il  donne  un  sens  très  admissible  et  tout  naturel: 
celui  d'une  secte  qui  prétendait  à  une  sorte  d'orthodoxie  ; 
qui  se  vantait  de  conserver  seule,  au  milieu  des  différentes 
atpéaeiÇj  la  tradition  ancienne  et  authentique,  le  véritable 
ob'{[j.x.  Ce  nom,  ainsi  compris,  appartient,  il  est  vrai,  à  une 
loul  autre  catégorie  que  celui  de  Notitœ,  et  il  ne  nous 
apprendrait  rien  de  spécial  sur  la  nature  même  de  la  doc- 
Irine. 

Il  en  serait  autrement  si,  à  ce  nom,  nous  ajoutions  une 
seule  lettre  et  si,  au  lieu  de  Orthophantse,  nous  lisions 
Orthrophântœ. 

"OpBpor,  c'est  le  «  point  du  jour  »,  moment  particulière- 
ment favorable  pour  les  observations  astronomiques,  sur- 
tout lorsqu'il  s'agit  de  guetter  le  lever  du  soleil  et  d'établir 


."(02  l-LINE    L  ANCIEN    ET    LES    ASTROLOGUES    CHALDEENS 

sa  position  par  rapport  aux  astres  de  la  nuit.  Or  Epigènes 
nous  apprend  que,  des  milliers  d'années  avant  lui,  les 
anciens  Babyloniens,  sur  leurs  briquettes  d'argile  (coctilihus 
latcrculis),  enregistraient  spécialement  les  '(levers  d'astres  » 
(ortus  siderum)1.  En  effet,  sur  les  nombreuses  tablettes 
astrologiques  aujourd'hui  retrouvées,  l'état  du  soleil  à  son 
lever  est  un  des  thèmes  dont  les  indications  sont  étudiées 
avec  une  attention  particulière2. 

Il  est  vrai  que  cette  observation  ne  connaît  pas,  comme 
la  méthode  que  nous  avons  attribuée  aux  Xotitœ,  une 
orientation  fixe,  mais  une  orientation  qui  se  modifiait  sen- 
siblement chaque  jour,  avec  la  déclinaison  du  soleil.  L'autre 
système  était  plus  rigoureux,  on  peut  même  dire  plus 
scientifique  ;  mais  celui-ci  était  plus  en  rapport  avec  les 
spéculations  de  ce  que  nous  appelons  l'astrologie  judiciaire, 
héritière  en  ligne  directe  des  superstitions  chaldéennes. 
Pour  tirer  un  horoscope  ou  pour  prédire  les  suites  d'un 
événement,  ce  sont  justement  ces  variations  journalières 
dans  la  situation  des  astres  entre  eux  ou  par  rapport  à 
l'horizon  qui  forment  l'un  des  principaux  éléments  de 
l'opération. 

La  méthode  plus  simple,  plus  primitive  des  Orthro- 
phantes,  en  opposition  avec  celle  des  Notites,  aurait  donc 
été  d'établir  leurs  révélations  d'après  le  lever  réel  et  quoti- 
dien du  soleil.  Cette  oscillation  dans  l'axe  du  templum, 
(pour  employer  le  terme  consacré  par  l'haruspicine  étrusco- 
romaine),  pourrait  même  expliquer  certaines  variations 
relevées  par  les  explorateurs  dans  l'orientation  de  quelques 
édifices  chaldéens. 

On  sait  depuis  longtemps   que,  contrairement  à  ce  que 


1.  D'après  Pline,  Hist.  nat.,  VII,  ô7. 

2.  Voir,  par  exemple,  les  tablettes  récemment  traduites  et  classées  par 
Jastrow,  Die  Religion  Babyloniens  und  Assyriens,  p.  577  et  suiv.  Cf.  du 
même  auteur  Babylonian  Orientation,  dans  Zeitschr.  f.  Assyr.,  XXIII, 
p.  196  et  suiv. 


PLINE    L'ANCIEN    ET    LES    ASTROLOGUES    CHALDÉENS  503 

l'on  observe  pour  les  monuments  égyptiens,  les  monuments 
babyloniens  étaient  orientés,  non  par  leurs  faces,  mais  par 
leurs  angles.  Que  l'on  prenne,  par  exemple,  un  plan  des 
constructions  de  Tello  et  l'on  sera  frappé  de  les  voir  ainsi 
toutes  alignées  dans  un  sens  oblique  par  rapport  à  la  rose 
des  vents.  Cependant,  si  l'on  y  regarde  de  près,  cette 
orientation  générale  subit,  dans  quelques  cas,  des  dévia- 
tions assez  sensibles.  L'exemple  le  plus  énigmatique  est 
celui  que  présente  le  très  antique  édifice  découvert  au- 
dessous  de  la  «  Maison-des-fruits  »  du  roi  Our-Nina  '.  Cette 
petite  construction  rectangulaire  a  été  encastrée  après 
coup  dans  un  autre  rectangle  de  maçonnerie,  destiné, 
semble-t-il,  à  renforcer  l'épaisseur  des  murailles,  à  les 
rendre  plus  impénétrables,  plus  solides,  mieux  en  état 
peut-être  de  soutenir  un  étage  supérieur.  Ce  qui  est  curieux, 
c'est  que  l'orientation  des  deux  constructions  ainsi  emboî- 
tées l'une  dans  l'autre,  tout  en  visant  approximativement 
les  mêmes  points  cardinaux,  présente  cependant,  dans  la 
direction  exacte  de  leurs  angles,  une  différence  trop  sen- 
sible pour  être  accidentelle. 

Si  les  Chaldéens,  en  arrêtant  sur  le  terrain  le  plan  d'un 
nouvel  édifice,  tiraient  en  quelque  sorte  son  horoscope 
d'après  la  position  réelle  du  soleil  levant,  ces  variations 
s'expliquent  facilement  ;  elles  résultent  de  la  méthode 
même  caractérisée  par  le  nom  à'Orthrophantes.  C'est  que 
les  constructions,  comme  les  hommes,  ont  leurs  desti- 
nées, habent  sua  fata,  et  l'astrologie  chaldéenne  les  faisait 
dépendre  des  dispositions  sidérales  observées  le  jour  même 
de  la  naissance  ou  de  la  fondation. 

Reste  enfin  la  dernière  secte,  dont  le  nom  présente  dans 
les  manuscrits  plusieurs  variantes  plus  invraisemblables  les 
unes  que  les  autres. 

La  leçon  Grœciochantœ  paraît  d'autant  plus  impossible, 

1.  De   Sarzec   et  Ileuzey,  Villa  royale   chaldéenne,  p.  49  et  pi.  2;  cf. 
Découvertes  en  Chaldèe,  plan  ('.,  p.  111,  el  suvtoul  p.  132,  note  1. 


504       PLiNE  l'ancien  et  les  astrologues  chaldéens 

dans  un  nom  composé  à  la  grecque,  que  c'étaient  les  Latins 
qui  appelaient  Grecs  les  Hellènes.  A  Rome  seulement,  on 
avait  pu  fabriquer  des  termes  hybrides  comme  Grœcostasis, 
pour  désigner  le  lieu  du  Forum  où  se  tenaient  les  ambas- 
sadeurs étrangers.  Sans  doute,  tout  à  fait  au  Sud  de  la 
Chaldée,  dans  la  région  dominée  par  la  colonie  grecque 
de  Charax  et  par  ses  dynastes  hellénisés,  nous  savons  par 
les  monnaies  et  même  par  nos  briques  bilingues  gréco- 
araméennes  du  palais  de  Tello,  que  la  langue  grecque 
était  d'un  usage  courant.  Les  astrologues  chaldéens  de  la 
Characène  auraient  très  bien  pu  employer  le  grec  dans 
leurs  communications,  et  les  auteurs  latins  du  même  temps 
désigner  cette  secte  par  le  nom  de  Grœcophantœ.  Mais, 
en  somme,  le  pays  était  sous  la  protection  des  Parthes, 
qui  se  disaient  philhellènes,  et  les  Romains  n'y  ont  jamais 
exercé  qu'une  influence  très  passagère.  Par  analogie  avec 
les  dénominations  précédentes,  je  serais  assez  porté  à  pro- 
poser la  correction  Graphiophantse,  du  mot  grec  YP^sefov, 
désignant  le  style,  le  poinçon  qui  servait  justement  à  écrire 
et  à  dessiner  sur  les  plaquettes  d'argile.  Il  s'agirait  alors 
d'une  école  qui  aurait  employé  des  tracés  graphiques,  pour 
établir  ses  orientations  sidérales  et  les  déductions  qu'elle 
en  tirait.  Seulement,  pour  les  savants  qui  scrutent  de  près 
les  leçons  des  manuscrits,  phanlœ  ne  rend  peut-être  pas 
suffisamment  compte  de  l'inexplicable  terminaison  chantai. 
Ce  qui  augmente  le  doute  sur  ce  point,  c'est  la  curieuse 
variante  Gnesiochartœ,  donnée  par  un  des  plus  anciens 
textes,  le  Vaticanus  latinus  du  xie  siècle.  Nous  avons 
encore  là  un  composé  de  forme  grecque,  mais  qui,  à  pre- 
mière vue,  nous  étonne  pour  le  moins  autant  que  les  précé- 
dents. Ces  Chaldéens,  comme  les  soi-disant  Orthophantes, 
auraient  prétendu,  pour  les  documents  qu'ils  possédaient,  à 
une  authenticité  particulière  ;  mais  leurs  documents,  au 
lieu  d'être  conservés  sur  des  tablettes  d'argile,  suivant  la 
tradition  que  de  nombreux  exemples  nous  montrent  encore 


PLINE    L'ANCIEN    ET    LES    ASTROLOGUES    CHALDÉENS         505 

en  usage  sous  la  domination  des  Séleucides,  auraient  déjà 
été  transcrits  sur  des  rouleaux  de  papyrus  (èv  yapxaiç).  Le 
fait  ne  s'accorde  guère,  il  faut  le  dire,  avec  l'idée  de  haute 
antiquité  que  donne  à  entendre  l'épithète  yvVjswç.  D'ailleurs 
Le  mot  F^Giôy^p-ai  s'appliquerait  seulement  aux  docu- 
ments mêmes  ;  mais,  pour  désigner  la  secte  qui  les  em- 
ployait, il  y  manquerait  une  terminaison  en  -t<nat  ou  quelque 
autre  de  même  valeur. 

Aux  causes  d'hésitation  et  de  doute  provoquées  par  le 
sens  du  mot  grec  ^àpTâi  vient  encore  s'ajouter  l'existence 
d'un  mot  khartoumim,  employé  dans  le  livre  de  Daniel 
pour  indiquer  la  classe  des  magiciens-conjurateurs  '. 
D'après  les  indications  de  M.  Thureau-Dangin,  ce  mot, 
d'origine  inconnue,  n'est  pas  babylonien,  mais  il  se  trouve 
déjà  dans  la  Genèse,  où  il  désigne  les  devins  étrangers  et 
particulièrement  ceux  de  l'Egypte-.  Il  n'est  certes  pas 
impossible,  pour  cette  dernière  secte  chaldéenne  mention- 
née par  Pline,  (pie,  sous  un  nom  d'apparence  grecque,  se 
cache  un  très  ancien  terme  appartenant  aux  langues  de 
l'Orient. 

On  voit  combien  délicats  et  minutieux  sont  les  pro- 
blèmes contenus  dans  une  seule  phrase  de  l'écrivain  latin. 
En  les  abordant,  je  n'ai  pas  eu  du  tout  la  prétention  de  les 
résoudre  :  j'ai  tenu  seulement  à  les  soulever,  dans  l'espoir 
que  le  progrès  incessant  des  découvertes  orientales  et, 
d'autre  part,  la  méthode  pénétrante  des  savants  qui  s'oc- 
cupent d'amender  les  anciens  textes  classiques  Uniraient 
par  tirer  de  celui-ci  quelque  lumière. 

1.  Daniel,  verset  cité, 

2.  (ion.  XLI.G. 


Le  Gérant,  A.  Picard. 


MAÇON,  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS 


COMPTES    RENDUS    DES,   SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 

PRÉSIDENCE  DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE    DU    4    OCTOBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     HENRI    OMONT,    ANCIEN    PRESIDENT. 

M.  Maspero  rend  compte  des  travaux  exécutés  dans  la  der- 
nière campagne  par  le  Service  des  antiquités  d'Egypte  : 

«  Deux  événements  dominent  tous  les  événements  archéolo- 
giques de  cette  année  :  l'achèvement  des  travaux  de  relèvement 
du  barrage  d'Assouân,  la  promulgation  d'une  nouvelle  loi  pour 
la  protection  des  monuments  antiques  de  l'Egypte.  Ce  n'est  pas 
que  nous  n'ayons  déployé  une  activité  égale  pour  le  moins  à 
celle  dont  je  vous  exposai  les  résultats  pendant  les  années  pré- 
cédentes :  nous  avons  continué  la  restauration  de  Karnak, 
achevé  celle  de  Deir  el-Médinèh  et  poussé  Tort  loin  celle  du 
temple  de  Hibib,  terminé  le  déblaiement  du  pronaos  d'Esnèh, 
poussé  rapidement  le  dégagement  des  portions  méridionales  du 
téménos  d'Edfnu  ;  mais  ces  travaux,  qui  rentrent  dans  le  cadre 
de  nos  devoirs  habituels,  le  cèdent  en  importance  aux  deux  faits 
que  je  viens  de  signaler. 

«  La  surélévation  du  barrage  avait  été  décidée  en  1907; 
1912.  34 


508  SÉANCE    DU    4    OCTOBRE    1912 

l'inauguration  des  parties  surhaussées  a  eu  lieu  en  septembre 
dernier.  Je  n'ai  pas  à, porter  un  jugement  sur  l'utilité  que  cette 
entreprise  peut  présenter  pour  l'Egypte  agricole  :  je  me  borne  à 
constater  avec  gratitude  que  le  Gouvernement  égyptien  a  tenu 
fidèlement  les  engagements  qu'il  avait  pris  vis-à-vis  du  Service 
des  antiquités,  et  que  nous  avons  eu  tout  l'argent  que  j'avais 
demandé  pour  essayer  de  défendre  contre  les  attaques  de  l'eau 
les  monuments  menacés  de  submersion  totale  ou  partielle.  Ils 
sont  prêts  depuis  deux  ans  à  recevoir  l'assaut,  et  la  publication 
de  leurs  inscriptions  et  de  leurs  bas-reliefs  est  en  bonne  voie 
d'exécution.  Reste  à  savoir  quelle  force  de  résistance  ils  oppose- 
ront et  combien  de  temps  ils  pourront  la  soutenir  avant  de  flé- 
chir. J'ai  bon  espoir  pour  les  uns,  peur  pour  les  autres;  j'espère 
pourtant  que  même  ces  derniers  dureront  sans  trop  de  dommage 
jusqu'au  jour  où  les  gouvernants  de  l'Egypte  reconnaîtront  le 
danger  que  présente  pour  le  pays  l'emmagasinement  dans  un 
seul  bassin,  qu'une  mauvaise  chance  peut  vider  soudain,  d'une 
masse  d'eau  aussi  considérable. 

«  Que  la  loi  qui  a  régi  les  antiquités  pendant  les  quinze  der- 
nières années  fût  insuffisante  de  tout  point,  aucune  des  per- 
sonnes qui  connaissent  la  question  n'a  songé  à  le  nier  un  seul 
instant,  mais  beaucoup  voyaient  dans  le  régime  des  Capitula- 
tions un  obstacle  insurmontable  à  la  mise  en  vigueur  d'une  loi 
plus  efficace.  Il  m'avait  paru  pourtant,  dès  mon  retour  en  1899, 
qu'il  était  possible  d'améliorer  grandement  la  situation  si  le 
Gouvernement  égyptien  se  décidait  à  publier  une  loi  dont  les 
dispositions  s'appliqueraient  d'abord  exclusivement  à  ses  seuls 
nationaux,  sauf  à  les  étendre  plus  tard  aux  étrangers,  avec  l'ap- 
probation des  puissances,  s'il  se  pouvait.  Je  compilai  donc  en 
1900  et  1901  un  projet  de  loi  qui,  revu  et  amendé  par  le  Con- 
tentieux de  l'État,  nous  donnait  à  peu  près  satisfaction.  Lord 
Cromer,  qui,  au  début,  s'était  proposé  de  le  recommander  au 
Ministère  égyptien  pour  servir  seulement  contre  les  indigènes, 
ne  put  malheureusement  donner  suite  à  ses  bonnes  intentions, 
et,  en  1903,  le  projet  fut  soumis  aux  dix-huit  puissances  qui 
avaient  alors  des  représentants  accrédités  auprès  de  la  personne 
du  Khédive.  Je  l'ai  vu  partir,  et  naturellement  il  n'est  pas 
revenu,   mais  je   n'en  ai   pas  moins   continué   patiemment   mes 


SÉANCE  DU  \     OCTOBRE  1912  509 

efforts  auprès  de  Lord  Cromer,  puis  auprès  de  Sir  Eldon  Gorst, 
et  enfin  auprès  de  Lord  Kitchener.  Les  difficultés  antérieures 
paraissant  avoir  disparu,  Lord  Kitchener  a  obtenu  du  Ministère 
que  mon  projet  de  1903  lût  repris,  élargi,  mis  en  ordre  par  le 
Contentieux  et  soumis  au  Conseil  législatif,  qui  l'adopta  :  la  loi  a 
été  publiée  au  Journal  Officiel  le  16  juin  dernier,  et  elle  ne  vaut 
jusqu'à  présent  que  pour  les  Egyptiens.  Je  me  rends  compte  du 
grand  sacrifice  que  le  Conseil  législatif  a  fait  en  consentant  à 
admettre  des  dispositions  pénales  auxquelles  échappe  une  por- 
tion considérable  de  la  population  établie  sur  le  sol  de  la  patrie, 
et  j'agirai  de  mon  mieux  pour  que  cette  inégalité  de  traitement 
soit  corrigée  au  plus  tôt.  Je  pense  avoir  trouvé  un  moyen  d'y 
réussir  que  je  mettrai  en  œuvre  dès  mon  arrivée  au  Caire.  Il 
exigera  des  négociations  parfois  délicates  avec  les  puissances  ; 
mais  comme  le  principe  des  Capitulations  n'en  est  pas  atteint, 
je  ne  désespère  pas  de  les  voir  aboutir  heureusement. 

«  Je  ne  vous  en  énoncerai  pas  le  détail.  Dès  que  les  règle- 
ments complémentaires  que  j'ai  dû  rédiger  pour  les  permissions 
de  fouilles,  la  vente,  le  transport,  l'exportation  des  antiquités 
auront  été  examinés  par  le  Contentieux  et  approuvés  par  le 
Ministre  des  travaux  publics  de  qui  je  dépends,  je  vous  trans- 
mettrai des  exemplaires  de  la  brochure  qui  contiendra  le  tout. 
11  va  de  soi  que  l'application  n'ira  pas  sans  de  grosses  diffi- 
cultés ;  il  y  a  trop  d'abus  criants  et  trop  d'intérêts  commerciaux 
en  jeu,  tant  du  côté  européen  que  du  côté  indigène,  que  la  lutte 
sera  vive  entre  nous  et  les  voleurs  de  toute  espèce.  Si  j'avais 
encore  devant  moi  douze  ou  quinze  années  de  séjour  assurées  à 
la  tète  du  Service,  je  pense  que  je  parviendrais  à  réduire  beau- 
coup la  fraude  et  la  destruction  ;  mais  je  suis  atteint  dans  quatre 
ans  par  l'âge  de  la  retraite,  et  j'aurai  le  regret  de  léguer  au 
Français  qui  me  remplacera  une  succession  lourde,  de  ce  côté 
du  moins.  Je  suis  convaincu  pourtant  qu'avec  un  peu  de  téna- 
cité patiente  et  douce  il  réussira  aussi  pleinement  que  j'espère 
que  je  l'aurais  fait.  » 


510 

SÉANCE  DU  11   OCTOBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     HENRI    OMONT,     ANCIEN     PRESIDENT. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts 
écrit  au  Secrétaire  perpétuel  pour  lui  annoncer  qu'il  vient 
d'allouer  à  M.  Basset,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  de  l'Uni- 
versité d'Alger,  membre  de  la  Commission  internationale  de 
publication  de  l'Enyclopédie  de  l'Islam,  une  indemnité  de 
1500  francs,  dont  le  montant  devra  être  affecté  aux  dépenses  qui 
sont  à  la  charge  du  Comité  de  publication. 

M.  Henri  Cordier  a  reçu  une  lettre  de  M.  de  Gironcourt, 
écrite  de  Calabar,  8  septembre,  après  une  descente  complète  du 
Niger  jusqu  à  ses  bouches  et  une  navigation  de  seize  jours 
depuis  notre  frontière  jusqu'à  la  mer.  Il  est  à  peu  près  rétabli 
de  l'accident  qui  lui  est  arrivé  il  y  a  quelques  semaines  et  sera  à 
Paris  dans  peu  de  temps. 

M.  Homolle  communique  à  l'Académie  une  lettre  par  laquelle 
M.  Avezou  annonce  la  découverte  à  Délos,  dans  la  Vieille 
Palestre  explorée  par  M.  Picard  et  par  lui,  d'une  tête  de  bronze 
représentant  un  personnage  romain. 

Le  monument,  d'une  construction  excellente  et  rare  à  Délos, 
avait  de  longue  date  frappé  les  voyageurs  ;  il  figure  sur  les 
cartes  de  Spon  et  de  Tournefort  sous  le  nom  des  «  Ecoles  »;  on 
lui  a  donné  depuis  celui  de  palestre,  sans  que  les  fouilles  en 
aient  encore  définitivement  démontré  la  justesse. 

La  tête  a  été  trouvée  dans  la  salle  de  l'angle  sud-ouest. 
«  C'est,  dit  M.  Avezou,  la  tète  énergique  et  fine  d'un  Romain 
d'une  quarantaine  d'années.  Le  modelé  du  visage  est  large  et 
puissant.  Pas  la  moindre  trace  de  recherche  exagérée  ou  d'affé- 
terie. La  valeur  technique  n'est  pas  moindre  :  on  peut  suivre 
dans  le  détail  le  travail  du  fondeur,  depuis  le  noyau  de  plâtre 
sur  armature  de  bois,  dont  les  traces  sont  encore  visibles,  jus- 
qu'à l'émail  des  yeux  et  aux  cils  découpés.  » 


LIVRES     OFFERTS 


511 


M.  Homolle  insiste  sur  la  rare  valeur  de  cette  œuvre  vivante, 
si  bien  faite  pour  justifier  le  renom  des  sculpteurs  gréco-romains 
comme  portraitistes.  Elle  date,  semble-t-il,  du  début  du  premier 
siècle  avant  notre  ère. 

Le  Président,  en  se  réjouissant  de  cette  belle  trouvaille,  digne 
fruit  de  la  libéralité  infatigable  de  M.  le  duc  de  Loubat,  prie 
M.  Homolle  de  transmettre  à  MM.  Picard  et  Avezou  les  félicita- 
tions de  l'Académie 

L'Académie  procède  à  l'élection  de  deux  Commissions  qui 
seront  chargées  de  proposer  les  sujets  ou  les  programmes  de 
prix  :  1°  pour  le  prix  ordinaire  à  décerner  en  1915,  dans  l'ordre 
des  études  de  l'Orient;  2°  pour  le  prix  Delalande-Guérineau  à 
décerner  en  1914  et  pour  le  prix  extraordinaire  Bordin  à  décer- 
ner en  1915.  Sont  élus  : 

Pour  le  prix  ordinaire  :  MM.  Senart,  Barth,  Chavannes, 
Cordier. 

Pour  le  prix  extraordinaire  Bordin  et  pour  le  prix  Delalande- 
Guérineau  :  MM.  Senart,  Barth,  Clermont-Ganneau,  Chavannes, 
Scheil,  Cordier. 

M.  Salomon  Beinach  fait  une  communication  intitulée  :  Le 
h:) Ion  de  Teyjat  et  les  ratapas  à  Vâge  du  renne. 

M.  Moïse  Schwab  fait  une  communication  sur  une  encyclo- 
pédie rabbinique  du  xme  siècle. 


LIVRES  OFFEBTS 


Le   Secrétaire   perpétuel    dépose    sur   lo    bureau  de  l'Académie 
VAnnuaire  général   de  ï 'Indo-Chine ,    1912  (Hanoï-Haïphong,  1912, 

in-8°). 

M.  Salomon  Reinach  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  L'Académie,  de  la  part  de  M.  James  Loeb, 
ancien  élève  de  l'Université  de  Harvard,  les  premiers  volumes  d'une 


512  SÉANCE    DU    18    OCTOBRE    1912 

collection  d'auteurs  grecs  et  latins  édités  avec  traductions  anglaises, 
dans  un  format  de  poche  très  commode  et  avec  une  élégance  du 
meilleur  aloi.  Il  y  a  quelques  années,  j'eus  l'occasion  d'appeler  l'at- 
tention de  M.  Loeb,  qui  est  un  ami  éclairé  des  études  anciennes,  sur 
l'utilité  qu'offrirait  une  pareille  collection  dans  les  pays  de  langue 
anglaise,  où  l'on  n'a  encore  publié  rien  de  semblable,  à  une  époque 
surtout  où  le  désir  de  connaître  les  textes  classiques  survit  souvent, 
même  chez  les  hommes  instruits,  à  la  faculté  de  les  lire  sans  secours. 
M.  Loeb,  qui  fait  les  frais  de  cette   grande    entreprise,   a    nommé 
d'abord  un  comité  consultatif  international,  où  la  France  est  repré- 
sentée par  M.  Maurice  Croiset,  M.  Legrand  (de  Lyon)  et  moi-même; 
puis  il  a  confié  la  direction  à  deux   excellents  humanistes  anglais, 
MM.  Page  et  Rouse,  qui  ont  groupé  autour  d'eux  un  grand  nombre 
de  collaborateurs.  Les  auteurs  publiés  jusqu'à  présent  sont  les  Pères 
apostoliques  (t.  I),  saint  Augustin  (les  Confessions,  t.  I  et  II),  Euri- 
pide   (t.  I),   Philostrate   (Vie  d'Apollonius,  t.  I   et   II),  Properce  et 
Térence  (t.  I).  Avant  la  fin  de  l'année  courante,  vingt  volumes  auront 
vu  le  jour  ;  quarante  autres  sont  en  préparation.  Si  l'intérêt  du  public 
répond  à  la  généreuse  initiative  de  M.  Loeb,  nous  pouvons  compter 
sur  une  bibliothèque   d'au  moins  200  volumes  qui,  sous  le   titre  de 
Loeb  Classical  Library,  sera  le  plus  bel  hommage  rendu  aux  lettres 
grecques  et  latines  par  la  libéralité  d'un  disciple  reconnaissant.  » 


SÉANCE  DU  18  OCTOBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.    NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

Le  Président  donne  de  meilleures  nouvelles  de  la  santé  de 
M.  Léger. 

Les  deux  prochaines  séances  sont  avancées  aux  mercredis 
•23  et  30  octobre,  la  première  à  cause  de  la  séance  publique 
annuelle  des  cinq  Académies  fixée  au  vendredi  "25  octobre,  la 
seconde,  à  cause  de  la  tète  de  la  Toussaint  qui  tombe  le  ven- 
dredi 1er  novembre. 

L'Académie  fixe  à  la  séance  du  22  novembre  l'exposition  des 
titres  des  candidats  au  fauteuil  de  M.  Philippe  Berger. 


SÉANCE    DU    18    OCTOBRE    1912  513 

M.  II.  (  )mont  communique  à  l'Académie  les  photographies  d'un 
manuscrit  grec  du  xn''  siècle  récemment  entré  à  la  Bibliothèque 
nationale,  grâce  à  une  nouvelle  libéralité  de  M.  Maurice  Fenaille, 
auquel  nos  musées  et  nos  bibliothèques  sont  redevables  déjà  de 
nombreux  dons  '. 

M.  Morel-Fatio  fait  une  communication  sur  la  «  Véritable 
histoire  de  la  conquête  de  la  Nouvelle  Espagne  »  de  Bernai  Diaz 
del  Caslillo  a. 

M.  E.  Babelon  fait  une  communication  sur  le  mot  Moneta, 
monnaie, et  ses  origines.  Il  démontre  que' Moneta  était  primitive- 
ment le  nom  d'une  vieille  divinité  italiote  appelée  aussi  Junon 
Moneta,  qui  avait  son  temple  dans  l'ara;  ou  la  citadelle  du  Gapi- 
tole  à  Borne.  Cette  divinité  rustique  avait  l'oie  pour  symbole 
et  on  élevait  des  oies  dans  une  dépendance  de  son  sanctuaire. 
Ce  sont  ces  oies  dont  les  cris  éveillèrent  l'attention  de  Manlius, 
dont  la  maison  était  contiguë,  lorsqu'en  390  avant  J.-G.  les 
Gaulois,  qui  avaient  pris  Borne,  voulurent  escalader  le  Capitole. 
En  345  avant  J.-G.,  en  exécution  d'un  vœu  du  dictateur  Camille, 
on  agrandit  le  temple  de  Junon  Moneta;  mais  ce  fut  seulement 
long-temps  après,  en  269  avant  J.-C.,  qu'on  installa,  sur  l'empla- 
cement de  la  maison  de  Manlius  démolie,  l'atelier  monétaire  qui 
frappa  les  premiers  deniers  d'argent.  Cet  atelier  était  une  annexe 
du  temple,  et  il  fut  placé  en  cet  endroit  et  mis  sous  la  protection 
de  Junon  Moneta,  la  déesse  aux  oies,  parce  que  c'était  là,  dans 
le  trésor  du  temple,  à  l'abri  des  murs  de  la  citadelle,  qu'on  avait 
amoncelé  les  trésors  en  argent  de  la  Bépublique,  rapportés  de  la 
prise  de  Tarente  et  de  la  conquête  de  l'Italie  méridionale.  C'est 
ainsi  que  le  nom  de  la  déesse  Moneta  passa,  dans  le  langage 
populaire,  à  l'atelier  monétaire,  placé  sous  sa  protection,  puis 
aux  produits  de  cet  atelier,  la  monnaie. 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Voir  ci-après. 


514 

COMMUNICATIONS 


UN  NOUVEAU   MANUSCRIT  GREC  DES  ÉVANGILES 

ET    DU    PSAUTIER    ILLUSTRÉ. 

NOTE    DE    H.    H.    OMONT,    MEMBRE    DE   L'ACADÉMIE. 

L'illustration  des  Evangiles  et  du  Psautier  dans  les 
manuscrits  du  moyen  âge  a  été  l'objet,  en  ces  dernières 
années,  de  nombreux  et  importants  travaux,  parmi  lesquels 
il  faut  particulièrement  citer  ceux  de  MM.  A.  Springer, 
N.  Kondakoff  et  J.  J.  Tikkanen  •  ;  une  récente  libéralité 
de  M.  Maurice  Fenaille,  dont  les  dons  à  nos  musées  et  à 
nos  bibliothèques  ne  sont  plus  à  compter,  vient  de  faire 
entrer  dans  nos  collections  nationales  un  précieux  manus- 
crit grec  orné  de  peintures.  On  peut  fixer  la  date  de  ce 
volume  au  xne  siècle  et  il  apporte  sur  l'illustration  du 
Psautier  de  nouveaux  éléments  d'étude. 

Ce  manuscrit,  qui  a  reçu  lé  n°  1335  dans  le  supplément 
du  fonds  grec  de  la  Bibliothèque  nationale,  compte  334 
feuillets  de  parchemin,  mesurant  204  millimètres  en  hau- 
teur sur  152  en  largeur;  son  ancienne  reliure,  dont  il  ne 
subsiste  plus  que  les  tranches  peintes,  a  disparu  et  a  été 
remplacée  par  une  reliure  moderne  en  maroquin.  Il  con- 
tient le  texte  du  Nouveau  Testament  (moins  l'Apocalypse), 
avec  des  indications  liturgiques  et  quelques  gloses,  et  pré- 
sente les  livres  saints  dans  l'ordre  suivant  :  les  quatre 
Evangiles,  les  Actes    et    Epîtres  des  apôtres,  les   Epîtres 


1.  A.  Springer,  Die  Psalier-IUustralionen  im  friihen  Mittelalter  Leip- 
zig, 1880,  gv.  in-8°:  extr.  du  t.  VIII  des  Ahhandlnngen  der  phil.-hist.  Cl. 
der  k.  Siichs.  Gesells.  der  Wissenschaflen,  n°  II).  —  N.  Kondakoff,  Histoire 
de  l'art  byzantin,  trad.  M.  Trawinski  Paris,  1886,in-4°),  1. 1,  p.  166  et  suiv. 
—  J.  J.  Tikkanen.  Die  Psallerillustration  im  Mittelaller  (Helsingfors,  1895 
et  suiv.,  in-i°;  extr,  <lc>  Acla  Societatis  scientiarum  Fennicae). 


Comptes  rendus,  octobre  19 12. 


PI.  I. 


2atyi 


^TTr  (  TÇ  o  V  arrro  cr>.A.0  '  '  u  >^"  '   É  V\Ê  X  "^ '  ""  "l,lJ-f  £  *Tn ■^J"  -tJ-a  '  ^  '  ^  I 

ai  -y  '  /  -     /  n 

ï   x     rrm  o  ç  clO  •    »itp  P  «T1»  U  "    reu/\ck-rT  '  a-or  '     *■  OL/IU  UJ  UJ  ■/'No  X  I  OJ     <*J  Ot  ILS     J-C'ilJ 

-•  •  '  _-   ->  -/   »  -     —  "    »    v 

I      1  môuci'"  •  j<saJTaj  nrp o -yp u->  o-|  *j  6  u«7rp<T-    6-p «j^  tuer  jluju  niry  «r  •  <*  er  u 

•mu*»»  P  pQy.  f«fn  o-jj-o  uUiLarni  tr  l  u  ^U  'VŒ*f  '  y  (-+J-<  •*  î> 

El  p  «  y  ««jt-^ii  3>uj  0  £  1  n  •  c  u^om  «rotr  o  6  o~  '   K^"  rTT*  p*n>u  x  u  *'xlxo  h 

1  o  «"vu  •    o  Ojuxoj  «tx'  «TT°  /\  ° <xo  T  u  f  Xf  o  rj-  «_^j  a£r-p  p  h  «n»_3-  »  il    i  C- 

-.      •*  -v  .  '  i"  —  *    *         .  -• 

Et  a  eA"71"1  2à*t  f-<±>  «Tup  •  .'2^J  ajfi  ojcfaj  0"f  ou  or  I  ur^j  E  *  p  E  Li_p  ÙU/J 

E  I»  %P\*f>yjy  Dijupaîi  0<*-£  n»P  }^a«  a+u.  txp  »TO|i  U-flj  ci  [  i  n  p  a-p  t<JP 
<K  yu  ço  o  xj_£  (joy  (T      _2iJ  <u  »-rr-i  tx-£  uli  w  «^  a  crç  j  ajp  ••    t  «Tf  I  JJ-M  h>  " — gÉJ^> 


S  \l\  I     PlERIlE. 

Afa.  Snppl.  grec  1S85,  fol.  173  r. 


Comptes  rendus,  octobre  191 2. 


PI.   II. 


[Zi  *r°v  eco^of-oy: 


,\ 


T«>>«-r-|0>f  tXJTO  «ro 


1^0  r  i  u>  -^ro  y  8  «  °/\?  ns  r  •   E  in  C'rr-Q 


'-*- 


»  M*^JT"«-f^"  »■•  oeuxmtoafLÊ^j-  o  £  ou  poux  a — M_G-y-T<JHro  âieaC.^.". 

au. eu  P|  o  m     »  »-n  w  »/jttço  w  »-ro  w"7T>p  au  x  oj.  fc-f^«»+J  i  p  tue  «  »  xtty  -         a  G- 

*jlZa\v?j  »TT>  u  »[|  |j  «t  11  mi  4jj2\aj  r-ra  m  H  <»  u  o-k  -(  o  o  I  \>  ~\(J  '  HC™4  *"<"~**J  *  lui  t—p  o J 
âsouersO^^     |pou«-><*^ouC4JxiJu«'rTrE'-TTA"  çy*>  •"-&-*-"<  •   }<«*     ^ 


S.VI  V!     .Il    \\. 

.I/n.  Suppl.  grec  1335,  fol.  179  r". 


Comptes  rendus,  octobre  191 2. 


PI.  III. 


Le  prophète  David. 

Ms.  Ni;/////,  grec  1335,  fol    258  v  . 


Comptes  rendus,  octobre  191 2. 


PI.  IV. 


*  j.»    V-..  I 


Daviu  1  1   Abisao  . 
Ms.  Suppl.  grec  1385,  fui.  £59. 


Comptes  rendus,  octobre  19 12. 


PI.  V 


i-Ço^pH-TH    <ileL-«iV 


Nathak    et  D  wm. 
Ms.  Slip  pi.  (in-,-  13S5,  /ul.  282  v. 


Comptes  rendus,  octobre  191 2. 


PI.   VI. 


^<ne\4»  **w7ii$-*ro  <^\\Zu..^<L^  H<weo- 


•:•  w:iHMWYeeoçêHT%o&t>  '£ 


■-** 

■k 


cru»-"-*  p-»-n*i  x<ii£  nI2so  «roocr  -y0-^.- 'C±S.2^  *  oucpxi    i-rmi»'X<u<M'iuuuTK* 
Ppl-ffc-n  f  1  ••  0  nj^ajo  WT141  •  "njoirxai  trx  €  -mur"  tr  4\/E^v  c  »-ro.»-t-oi 


.E 


*y*~vi 


e-lo-crç  i"f«  0  u-p»wxu>u  e  a  xm^et  ai«Tu«uTuv9  cr  »-roo  TTC  <r  iu  o  iy 


A- 


•TTOutuj  E  «ccu,\u 


lAu-f^*" 


j»-rauo-.  xam2ïi  a^+(.qcr  flu0  ai) 


Marie,  si  i  i  r  de  Moïse. 

l/.s   Nu/,/./   grrec  /'.'.■;.•,.  /',>/.  .;:';. 


ÉVANGILES    ET    PSAUTIER    GRECS    ILLUSTRÉS  515 

de  saint  Paul,  qui  sont  suivis  des  Psaumes  de  David,  avec 
les  Cantiques.  Le  volume,  en  plus  des  quatre  premiers 
feuillets  peints  des  Canons  des  Évangiles,  est  orné  de 
trente  et  une  miniatures,  dont  voici  rénumération  : 

I.  —  Illustration  des  Evangiles. 

1  (fol.  6  v°).  Moïse  debout,  recevant  de  l'Eternel  la  Loi 
sur  le  mont  Sinaï. 

2  (fol.  7).  Le  Christ,  en  buste,  entouré  de  chérubins, 
avec  les  symboles  des  quatre  Evangélistes. 

3  (fol.  8  v°).  Saint  Matthieu,  assis  et  écrivant. 

4  (fol.  9).  Le  Christ,  en  buste,  dans  un  encadrement 
ornementé  de  fleurs  et  d'oiseaux. 

5  (fol.  43  v°).  Saint  Marc,  assis  et  écrivant. 
0  (fol.  67  v°).  Saint  Luc,  assis  et  écrivant. 

7  (fol.  104).  Tête  du  Christ,  jeune,  dans  un  encadrement 
ornementé.  -  -  Un  feuillet,  précédant  celui-ci  et  qui  a  sans 
doute  été  enlevé,  devait  offrir  l'image  de  saint  Jean. 

8  (fol.  131  v).  Saint  Luc,  auteur  des  Actes  des  apôtres. 

9  (fol.  132).  Le  Christ,  en  buste,  dans  un  encadrement 
ornementé. 

10  (fol.  109  v°). Saint  Jacques,  debout. 

11  (fol.  173  v°).  Saint  Pierre,  figuré  à  mi-corps. 

12  (fol.  179  v°).  Saint  Jean,  figuré  à  mi-corps. 

13  (fol.  184  v°).  Saint  Jude,  debout. 

14  (fol.  187  v°).  Saint  Paul,  debout. 

IL  —  Illustration  du  Psautier. 

15  (fol.  258  v°).  David,  assis  sur  son  trône,  jouant  d'une 
sorte  de  violon,  entre  deux  autres  musiciens  également 
assis. 

10  (fol.  259).  David  regarde,  parla  fenêtre  d'une  tour  de 
son  palais,  Abisag,  dont  la  figure  paraît  à  la  portière  d'une 
litière,  posée  sur  quatre  bœufs  conduits  par  un  serviteur. 


516  ÉVANGILES    ET    PSAUTIER    GRECS    ILLUSTRÉS 

17  (fol.  260  v°).  David,  assis  sur  son  trône,  jouant  d'une 
sorte  de  violon,  entre  deux  édifices. 

18  (fol.  261).  Le  Christ,  debout,  dans  un  encadrement 
ornementé  de  fleurs  et  d'oiseaux. 

19  (fol.  282  v°).  Le  prophète  Nathan,  debout,  adressant 
des  reproches  à  David,  assis  sur  son  trône;  un  ange, 
tenant  une  lance,  paraît  au  ciel. 

20  (fol.  296  v°).  Jésus,  debout,  adresse  la  parole  à  un 
groupe  d'Israélites,  se  tenant  à  la  porte  d'une  ville  (Psaume 

77). 

21  (fol.  325).  Combat  de  David  et  de  Goliath  (Psaume 

151). 

22  (fol.  326  v°).  A  la  voix  de  l'Éternel,  Moïse  partage  les 
eaux  de  la  Mer  Rouge  et  conduit  les  Israélites  hors  de 
l'Egypte  (Exode,  xiv,  1  et  suiv.). 

23  (fol.  327).  Marie,  sœur  de  Moïse,  danse  avec  deux 
femmes  d'Israël  (Exode,  xv,  20-21). 

24  (fol.  328).  Moïse,  debout,  les  bras  étendus,  entre 
deux  montagnes  (Deutéronome,  xxxn,  1-43). 

25  (fol.  329  v°).  Anne,  mère  de  Samuel,  debout,  le  corps 
incliné,  les  mains  ouvertes,  dans  l'attitude  de  la  prière, 
devant  un  petit  édifice  (/  Rois,  n,  1-10). 

26  (fol.  330).  Le  prophète  Habacuc,  debout,  le  corps 
incliné,  les  mains  ouvertes,  dans  l'attitude  de  la  prière,  sur 
une  montagne  (Habacuc,  m,  1-19). 

27  (fol.  331).  Le  prophète  Isaïe,  dans  la  même  attitude 
(Isaïe,  xxvi,  9-20). 

28  (fol.  331  v°).  Le  prophète  Jonas  sort,  dans  l'attitude 
de  la  prière,  de  la  gueule  d'un  poisson,  dont  le  corps  est 
agrémenté  de  deux  pieds  et  d'une  paire  d'ailes  (Jonas,  n, 
3-10). 

29  (fol.  332).  Les  trois  Enfants,  disposés  en  rang,  le 
corps  incliné  et  dans  l'attitude  de  la  prière  (Daniel,  m.  26- 

90). 

:!(>  (fol.  333  v°).  Les  trois    Enfants,  figurés   à   mi-corps 


ÉVANGILES    ET    PSAUTIER    GRECS    ILLUSTRÉS  517 

dans  une  fournaise  couverte  et  au-dessus  desquels  un  ange 
étend  ses  ailes  (Daniel,  m,  57-88). 

31  (fol.  334).  La  Mère  de  Dieu,  debout,  le  corps  droit, 
les  mains  ouvertes,  dans  l'attitude  de  la  prière,  devant  un 
petit  édifice. 

Cette  illustration  du  Psautier  et  des  Cantiques  qui  le 
suivent  n'est  pas  celle  qui  s'est  développée  à  Byzance  au 
IXe  siècle,  dont  l'un  des  plus  remarquables  représentants  est 
le  ms.  grec  139  de  la  Bibliothèque  nationale  et  qui 
offre  d'admirables  spécimens  de  l'antique  symbolisme  chré- 
tien. D'un  caractère  plus  réaliste,  d'une  technique  moins 
savante,  on  peut  la  rapprocher  de  l'illustration  d'un  Psau- 
tier, du  milieu  du  xi°  siècle,  conservé  sous  le  n°  752  du 
fonds  grec  de  la  bibliothèque  du  Vatican  et  qui  a  été  en 
dernier  lieu  étudié  par  M.  J.  J.  Tikkanen  [.  Des  nombreuses 
peintures  de  ce  Psautier  du  Vatican  on  pourra  rapprocher 
entre  autres  les  deux  miniatures  du  Psautier  de  Paris,  où 
est  figuré  David  jouant  d'une  sorte  de  violon,  ou  bien 
encore  celle  qui  représente  Marie,  sœur  de  Moïse,  dansant 
avec  deux  femmes  d'Israël  2.  Mais  si  le  costume  de  ces 
dernières  offre  des  analogies  certaines,  notamment  pour  la 
forme  des  manches,  avec  les  peintures  du  Psautier  du 
Vatican,  la  composition,  l'art  avec  lequel  les  ligures  ont 
été  traitées  semblent  tout  à  l'avantage  du  nouveau  Psautier 
de  Paris. 

1.  Die  Psidterillustralion  im  Mittelalter,  Bd.  I,  II.  H,  p.  136-141. 

2.  Ibid.,  fig.  134. 


••518 


LA   «    VÉRITABLE    HISTOIRE    DE   LA    CONQUÊTE 

DE  LA    NOUVELLE    ESPAGNE    » 

DE    BERNAL    DIAZ    DEL    CASTILLO, 

PAR    M.    MOREL-FATIO,    MEMBRE    DE    L'ACADÉMIE. 

Tous  les  Américanistes,  tous  ceux  qui  de  près  ou  de  loin 
s'intéressent  à  l'histoire  de  la  découverte  du  Nouveau 
Monde  savent  ce  que  représente  la  Véridique  histoire  de  la 
conquête  de  la  Nouvelle  Espagne  par  Bernai  Diaz  del  Cas- 
tillo,  l'un  des  compagnons  de  Gortès.  Ils  savent  aussi  que 
le  glorieux  poète  et  excellent  érudit,  José  Maria  de  Here- 
dia,  a  pour  toujours  attaché  son  nom  à  ces  commentaires 
soldatesques  par  la  traduction  qu'il  en  a  donnée  et  qui  est 
une  vraie  œuvre  d'art.  Si  cette  traduction  ne  se  recom- 
mandait que  par  des  qualités  exclusivement  littéraires,  il 
n'y  aurait  pas  lieu  d'en  parler  ici.  L'Académie  française  a 
la  garde  de  la  gloire  littéraire  de  ses  membres  et  s'acquitte 
fort  bien  de  ce  soin.  Nous  n'avons  à  nous  occuper  que  de 
l'érudit.  Or  l'érudition  d'Heredia  —  à  laquelle  beaucoup 
de  savants  compétents  se  plurent  à  rendre  hommage  —  a 
été  assez  récemment  méconnue  et  dans  des  circonstances 
qu'il  paraît  utile  de  signaler,  afin  de  revendiquer  pour  notre 
illustre  confrère  le  mérite  d'une  de  ses  plus  heureuses  trou- 
vailles. 

Les  Commentaires  de  Bernai  furent  publiés  à  Madrid  en 
1632  par  un  Père  de  la  Merci,  appelé  Alonso  Remon,  et 
son  édition,  souvent  reproduite  jusqu'à  nos  jours,  faisait 
foi,  quoique  certains  critiques  du  xvne  siècle  eussent  élevé 
quelques  doutes  sur  la  qualité  du  travail  de  ce  religieux. 
Heredia,  qui  avait  appris  à  l'Ecole  des  Chartes,  dont  il  fut 
l'élève  appliqué  pendant  trois  années,  à  respecter  les  textes 
authentiques  et  à  les  publier  avec  exactitude,  fut  frappé,  au 
fur   et    à    mesure  qu'il  traduisait,  de  certaines    particula- 


HISTOIRE    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    NOUVELLE   ESPAGNE       519 

rites  qui  l'étonnèrent  et  l'inquiétèrent.  Il  se  demanda  bien- 
tôt si  le  texte  de  son  auteur  n'avait  pas  été  par  endroits 
volontairement  altéré  et  s'il  n'y  avait  pas  moyen  de  remé- 
dier à  ces  altérations.  Le  moyen,  c'était  de  recourir  au 
manuscrit  original  qu'on  savait  être  conservé  dans  la  famille 
du  conquistador  au  Guatemala,  où  Bernai  s'était  établi 
après  sa  période  active  et  où  il  avait  reçu  un  fief  de  la  cou- 
ronne d'Espagne.  Mais  comment  atteindre  ce  manuscrit  et 
s'en  procurer  une  copie  fidèle  ?  Heredia  s'adressa  à  un  ami, 
planteur  de  café  à  Costa  Grande,  qu'il  chargea  de  se  mettre 
en  rapport  avec  les  descendants  de  Bernai,  de  chercher  le 
manuscrit  et  de  l'examiner  pour  voir  ce  qu'on  en  pourrait 
faire.  Il  me  parla  bien  souvent  de  cette  longue,  laborieuse 
et  coûteuse  négociation  dont  les  détails  ne  me  sont  plus 
très  présents  ;  aussi  ai-je  tenu  à  nie  rafraîchir  la  mémoire 
en  demandant  à  Madame  de  Heredia  communication  des 
lettres  du  planteur.  Elle  me  les  a  gracieusement  prêtées  et 
j'y  ai  trouvé  la  confirmation  très  complète  et  très  précise 
de  ce  que  je  savais  déjà  en  gros.  Heredia  est  le  premier 
érudit  qui  ait  reconnu  la  valeur  exceptionnelle  du  manu- 
scrit autographe  de  la  Véridique  histoire  et  il  est  le  pre- 
mier qui  ait  donné  au  public  le  facsimilé  fort  bien  exécuté 
d'un  de  ses  feuillets,  lequel  permet  de  se  rendre  compte  des 
remaniements  vraiment  extraordinaires  que  le  texte  de  Ber- 
nai a  subis  dans  l'édition  de  1632.  Ce  facsimilé  orne  le 
quatrième  volume  de  sa  traduction  paru  en  1887.  Dans  un 
appendice  intitulé  :  Le  manuscrit  de  la  Véridique  histoire, 
Heredia  a  raconté  en  quelques  mots  comment  il  s'était  pro- 
curé cette  pièce  si  précieuse. 

Il  serait  long  d'exposer  pourquoi  Heredia  ne  put  pas 
faire  exécuter  une  copie  du  manuscrit.  Les  prétentions  du 
propriétaire,  un  nommé  Domingo  Gastillo,  descendant  de 
Bernai,  furent  très  élevées.  Il  aurait  fallu  l'appui  d'un 
Mécène  qui  ne  s'offrit  point.  D'ailleurs,  le  mandataire 
d' Heredia  comprit  bien  vile  qu'une  copie  exéeutée  sans  le 


;;,20       HISTOIRE    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    NOUVELLE  ESPAGNE 

contrôle  d'une  personne  compétente  et  en  mesure  de  colla- 
tionner  la  copie  ne  présenterait  pas  de  garanties  sérieuses 
d'exactitude,  vu  certaines  difficultés  de  lecture  et  la  dété- 
rioration de  quelques  feuillets.  Il  estima  que  seule  une  repro- 
duction photographique  répondrait  aux  désirs  du  traducteur 
de  Bernai.  Mais  en  ce  cas  les  frais  de  six  cents  clichés 
environ  —  le  manuscrit  ayant  297  feuillets  —  par  un  pho- 
tographe du  Guatemala  se  seraient  montés  à  une  somme 
imposante  que  l'auteur  des  Trophées  n'avait  pas  à  sa  dispo- 
sition. La  négociation  fut  donc  rompue  —  le  dossier  en 
témoigne  —  et  Heredia  dut  se  contenter  de  faire  part  au 
public  de  sa  tentative  et  de  lui  fournir  un  facsimilé  excel- 
lent, répétons-le,  qui  lui  assura  la  reconnaissance  des 
Américanistes  et  un  droit  incontestable  de  priorité  sur  tous 
ceux  qui  se  sont  occupés  du  fameux  manuscrit. 

Vingt  ans  se  passèrent  depuis  les  démarches,  couronnées 
d'un  demi-succès,  d'Heredia,  et  enfin  le  gouvernement  du 
Guatemala  comprit  qu'il  ne  pouvait  laisser  perdre  un  tel 
trésor.  Il  acquit  du  propriétaire  le  manuscrit  de  Bernai  et 
eut  l'idée  intelligente  d'en  faire  exécuter  une  reproduction 
photographique  dont  un  exemplaire  fut  donné  par  cette 
république  de  l'Amérique  centrale  à  sa  sœur  mexicaine,  et 
c'est  à  Mexico,  par  les  soins  d'un  érudit  local.  M.  Genaro 
Garcia,  et  aux  frais  du  gouvernement,  que  parut  en  1904 
la  première  édition  de  la  Véridique  histoire  conforme  au 
texte  du  manuscrit  original.  Lorsque  je  reçus  l'exemplaire 
que  je  m'étais  fait  envoyer  d'Espagne,  j'allai,  il  m'en  sou- 
vient, le  porter  à  Heredia,  alors  administrateur  de  l'Arse- 
nal. Il  fut  a  la  fois  joyeux  et  attristé  de  voir  les  deux 
volumes  que  je  lui  mis  sous  les  yeux.  Joyeux,  parce 
qu'une  partie  au  moins  de  son  rêve  se  réalisait  —  ou  du 
moins  était  réalisé  par  un  autre,  —  attristé,  parce  que 
déjà  malade  et  fatigué,  il  ne  se  sentait  plus  la  force  de 
refaire  sa  traduction.  Je  suppose  qu'il  ne  lut  pas  la  préface 
de  l'éditeur,  qui  l'aurait  à  juste  titre  chagriné.  M.  Garcia,  en 


HISTOIRE    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    NOUVELLE    ESPAGNE       521 

effet,  s'est  arrangé  à  passer  entièrement  sous  silence  tous 
les  efforts  d'Heredia  pour  mettre,  vingt  ans  avant  lui,  en 
valeur,  le  manuscrit  de  Bernai  et  le  rendre  accessible  au 
public  lettré.  Plus  exactement  :  il  s'est  borné  dans  une  note 
à  relever  une  légère  erreur  de  L'ami  qu'Heredia  avait 
chargé  d'examiner  le  manuscrit,  erreur  bien  excusable  de 
la  part  de  quelqu'un  qui  n'eut  en  mains  le  volume  que  pen- 
dant k  peine  quelques  heures. 

Je  ne  veux  pas  me  livrer  ici  à  la  critique  du  travail  de 
M.  Garcia,  me  réservant  de  le  faire  dans  un  article  que  je 
destine  au  Journal  des  Savants.  Aujourd'hui,  je  veux  sim- 
plement revendiquer  pour  Heredia  l'honneur  et  le  mérite 
que  M.  Garcia  lui  conteste  indirectement  en  ne  parlant  pas 
des  investigations  de  notre  confrère  et  en  ne  soufflant  mot 
non  plus  du  facsimilé  qui  révéla  au  monde  érudit  la 
valeur  du  manuscrit  de  Bernai.  Or,  détail  assez  piquant, 
le  facsimilé  d'Heredia  nous  permet  de  contrôler  pour 
une  .page  au  moins  l'exactitude  de  l'édition  Garcia,  et 
de  ce  contrôle  résulte  que  celui-ci  a  commis  quatre 
fautes,  dont  trois,  il  est  vrai,  purement  orthographiques  et 
sans  grande  importance.  De  toutes  façons,  ce  facsimilé  n'est 
pas  si  négligeable  que  le  pensait  M.  Garcia,  puisqu'il  nous 
fournit  le  moyen  de  rectifier  son  propre  travail. 

Mais  pourquoi,  me  demandera-t-on,  introduire  mainte- 
nant cette  revendication,  pourquoi  ne  pas  l'avoir  présentée 
plus  tôt,  ou  pourquoi  ne  pas  attendre  l'examen  critique 
de  l'édition  Garcia  ?  Je  la  présente  aujourd'hui  parce  que 
j'ai  été  ces  temps  derniers  averti  par  notre  confrère  M. 
Cordier  de  la  publication  toute  récente  dans  la  Hakluyt 
Society  d'une  traduction  anglaise  de  Bernai,  d'après  l'édition 
Garcia,  par  M.  Alfred  Percival  Maudslay.  Deux  volumes 
de  cette  traduction  anglaise  ont  paru,  dans  le  premier  des- 
quels a  été  reproduite  la  préface  de  M.  Garcia  sans  aucune 
atténuation  ou  rectification  pour  ce  qui  concerne  Heredia. 
Reste  à  paraître  un  troisième  volume.  M.  Maudslay  est  un 


522       HISTOIRE    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    NOUVELLE  ESPAGNE 

savant  de  grand  mérite,  fort  compétent  en  matière  d'his- 
toire mexicaine  et  d'américanisme.  J'espère  qu'il  voudra 
bien  tenir  compte  des  observations  qui  viennent  de  vous 
être  présentées  et  rendre  à  Heredia  ce  qui  lui  appartient. 

Un  mot  encore.  Cette  question  du  texte  de  la  Véridique 
histoire  a  réellement  une  grande  importance.  Outre  que  la 
divulgation  du  manuscrit  autographe  nous  apporte  des  mor- 
ceaux inédits,  l'un  de  contenu  autobiographique  du  plus 
vif  intérêt  et  qui  permet  de  compléter  ce  que  nous  savions 
de  la  vie  de  l'auteur,  cette  divulgation  substitue  au  texte 
complètement  refait  du  P.  Remon  le  seul  texte  authentique 
du  fameux  conquistador.  Je  ne  crois  pas  qu'il  existe  dans 
l'histoire  littéraire  un  autre  exemple  d'un  pareil  rifaci- 
rnento,  comme  disent  les  Italiens,  rifacimento  ou  refonte 
très  intentionnée.  Le  P.  Remon  n'a  pas  seulement  falsifié, 
le  mot  n'est  pas  trop  fort,  le  récit  de  Bernai  en  y  introdui- 
sant des  passages  relatifs  aux  religieux  de  son  ordre  et  au 
rôle  qu'ils  auraient  joué  dans  la  conversion  des  Indiens 
du  Mexique,  il  n'a  pas  seulement  supprimé  de  son  chef 
des  phrases  visant  des  personnalités  qu'il  estimait  pru- 
dent de  ménager  :  il  a  complètement  dénaturé  par  places 
le  style  si  primesautier  de  Bernai,  en  substituant  des 
expressions  de  son  goût  et  presque  toujours  plates  et 
banales  au  verbe  incorrect  souvent,  mais  vigoureux, 
expressif  et  personnel  du  conquistador.  On  se  prend  par- 
fois à  regretter  qu'Heredia  ait  pris  tant  de  peine  pour 
traduire  en  un  langage  digne  de  Montluc  le  Bernai  refait 
par  un  Père  de  la  Merci  au  xvne  siècle  ;  on  regrette  surtout 
que  le  Destin  ne  lui  ait  pas  laissé  le  temps  de  reprendre 
sa  traduction  et  de  la  retravailler  à  l'aide  du  manuscrit  dont 
il  avait  avec  tant  de  perspicacité  deviné  la  valeur  et  qui 
lui  doit  d'être  aujourd'hui  remis  en  pleine  lumière. 


523 
LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  de  l'Académie  le 
fascicule  du  mois  de  juillet,  1912  des  Comptes  rendus  des  séances  de 
l'Académie  (Paris,  1912,  in-8°). 

Le  P.  Scheii  présente  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur  M.  Ch. 
Brus  ton,  doyen  honoraire  de  Faculté,  un  ouvrage  intitulé:  Le*  plus 
anciens  cantiques  chrétiens.  Les  Odes  de  Salomon,  traduites  sur  la 
seconde  édition  du  texte  syriaque  (Genève  et  Paris,  1912,  in-8°). 

M.  Yioi.let  offre  une  étude  du  comte  H.-Fr.  Delaborde  sur  Le  texte 
primitif  des  Enseignements  de  saint  Louis  à  son  /ils  (extr.  de  la 
«  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes  »,  année  1912    : 

<(  Le  texte  des  Enseignements  de  saint  Louis  à  son  fds  fui,  il  y  a 
quarante  ans,  l'objet  de  lectures  et  de  discussions  au  sein  de  l'Aca- 
démie. La  question  débattue  était  celle-ci  :  quelques  passages  de  ces 
Enseignements  qui  figurent  dans  les  Grandes  chroniques  et  dans 
Joinville  et  manquent  dans  d'autres  sources  sont-ils  authentiques'? 
ont-ils  été  écrits  par  saint  Louis?  Notre  éminent  et  regretté  confrère 
Natalis  de  Wailly  croyait  à  l'authenticité  de  ces  divers  passages.  Il 
voulut  bien  m'autoriser  à  soutenir  ici  la  thèse  contraire. 

«  Le  silence  s'était  fait  depuis  lors.  Mais  voici  qu'une  thèse  nouvel!-- 
apparaît.  Jusqu'à  ce  jour,  tous  les  historiens  et  tous  les  critiques 
étaient  d'accord  sur  ce  point  :  un  certain  texte  des  Enseignements, 
qu'on  trouve  pour  la  première  fois  dans  la  Vie  de  saint  Louis  par 
Geoffroy  de  Beaulieu,  son  confesseur,  n'est  autre  chose  qu'un 
abrégé  du  vrai  texte,  abrégé  exécuté  par  Geoffroy  de  Beaulieu  lui- 
même. 

«  M.  le  comte  François  Delaborde,  professeur  à  l'École  des  Chartes, 
me  charge  aujourd'hui  d'offrir  à  l'Académie  une  étude  intitulée  :  /.'■ 
texte  primitif  <les  Enseignements  de  suint  Louis  à  son  fils.  Le  comte 
Delaborde  soutient  que  le  texte  bref  de  Geoffroy  de  Beaulieu  n'es! 
nullement  un  abrégé  dû  à  cet  historien,  mais  un  texte  des  Ensei- 
gnements émané  directement  de  saint  Louis  comme  le  grand  texte 
parallèle,  et  destiné  à  être  communiqué  à  tous  s. -s  enfants.  Cette  dis- 
sertation est  écrite  avec  talent  et  révèle  une  parfaite  connaissance  de 
toutes  les  sources;  l'exposition  est  claire  et  facile. 

1912.  ^ 


.">2't  LIVRES    OFFERTS 

«  Je  no  puis  ajouter  que  l'auteur  ail  réussi  à  me  convaincre;  mais 
je  me  plais  à  rendre  hommage  aux  rares  mérites  de  cette  étude.  Elle 
est  suivie  d'une  édition  très  soignée  des  deux  Enseignements  de 
saint  Louis  à  son  fils  et  de  ses  Enseignements  à  sa  fille  Isabelle.  » 

M.  Omont  a  la  parole   pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
du  comité  formé  par  la  Société  historique  et  archéologique  de 
l'I  >rne,  sous  la  présidence  de  M.  II.  Tournouër,  pour  l'érection  d'un 
monument  à  la  mémoire  de  l'historien  normand  Orderic  Vital,  un 
volume  intitulé  :  Orderic  Yilal  et  l'abbaye  de  Saint-Evroul.  Notices  et 
travaux  publiés  en  l'honneur  de  l'historien  normand,  moine  de  cette 
abbaye.  Fêtes  du  27  août  1012  (Alençon,  Imprimerie  alençonnaise, 
1912,  gr.  in-8°.  xxn-212  pages  et  24  planches  hors  texte). 

«  Les  noms  de  trois  de  nos  confrères  sont  indissolublement  liés 
;i  celui  d'Orderic  Vital  :  c'est  à  Auguste  Le  Prévost,  à  Benjamin  Gué- 
raid  et  à  Léopold  Delisle  qu'est  due  la  magistrale  édition  du  vieil 
historien  normand  publiée,  il  y  a  cinquante-cinq  ans.  pour  la  Société 
de  l'histoire  de  France.  Le  volume  que  la  Société  historique  et 
archéologique  de  l'Orne  offre  en  hommage  à  l'Académie  conservera 
le  souvenir  des  belles  fêtes  du  27  août  dernier.  Il  contient  les 
articles  suivants,  tous  relatifs  à  Orderic  Vital  et  à  l'antique  abbaye 
de  Saint-Evroul  : 

1.  Notice  sur  Orderic  Vital,  par  Léopold  Delisle;  réimpression  de 
la  notice  publiée  en  18:17  en  tète  du  dernier  volume  de  l'édition  de 
l,i  Société  de  l'hisloire  de  France,  avec  quelques  extraits  de  lettres 
de  L.  Delisle  à  L.  de  La  Sicolière  relatives  à  cette  édition. 

2.  Liste  des  abbés  de  Saint-Evroul,  par  M.  Emile  Picot. 

3.  Notes  d'histoire  et  d'archéologie  sur  l'abbaye  de  Saint-Evroul, 
par  VI.  René  Gobillot. 

i.   ].<■*  <>l,j,'ts  d'art  de  Saint-Evroul,  par  M.  Gaétan  Guillot. 

5.  Iconographie  et  sigillographie  de  Saint-Evroul,  par  M.  Henri 
Tournouër. 

6.  Essai  de  bibliographie  de  l'abbaye  de  Saint-Evroul,  par  M. 
Etienne  Deville. 

M.  Héron  m:  Villefossb  offre,  au  nom  de  M.  le  docteur  Carton, 
correspondant  del'Académie,  un  petit  livre  intitulé  :  Le  Nord-Ouest 
'/-'  la  Tunisie;  ruines  romaines,  forêts,  montagnes,  colonisation.  Ce 
petit  guide  illustré,  publié  par  le  Comité  d'initiative  du  N.-O.  Tuni- 
i.  esl  destiné  à  faire  connaître  aux  touristes  une  région  intéres- 
sante  qui,  à  coté  des  merveilleux  terrains  de  chasse  et  des  admi- 


SÉANCE    DU    23    OCTOBRE    1912  525 

râbles  sites  forestiers  de  la  Kroumirie,  renferme  de  très  belles 
ruines  comme  celles  de  Bulla  Regia,  comme  celles  de  Chemtou  où  se 
trouvent  les  anciennes  carrières  du  marbre  numidique.  Une  carte  de 
la  région,  des  plans  de  villes  et  de  nombreuses  pbototypies  illustrent 
ce  guide. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  ensuite,  au  nom  de  M.  René 
Fage,  un  important  mémoire  :  L'église  de  Lubersac  (Corrèze),  extr. 
du  Bulletin  monumental,  1912.  Après  avoir  retracé  l'bistoire  de 
cette  église,  l'auteur  en  donne  une  description  accompagnée  d'un 
plan,  d'une  coupe  et  de  dessins.  Le  chœur  et  l'abside  possèdent  de 
beaux  chapiteaux  romans  dont  les  sujets  sont  presque  tous  emprun- 
tés au  Nouveau  Testament.  Reconstruite  de  fond  en  comble  au 
milieu  du  xii*1  siècle,  l'église  de  Lubersac  reçut  d'importantes  modifi- 
cations et  subit  une  véritable  transformation  vers  la  fin  du  xne  et  au 
commencement  du  \in°  siècle.  L'effort  des  constructeurs  s'épuisa  à 
cette  époque  sur  le  chevet  et  le  transept.  Au  xive  siècle  seulement,  la 
voûte  fut  allongée  de  deux  travées.  La  voûte  d'ogives  du  croisillon 
du  Nord  date  du  premier  quart  du  xvie  siècle. 


SÉANCE   DU   23   OCTOBRE 

(Séance   avancée  au  mercredi, 
à  cause  de  la  Séance  publique  annuelle  des  cincj  Académies. 


PRESIDENCE    DE    M.     NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

M.  le  marquis  de  Gerralbo,  membre  de  l'Académie  de  Madrid, 
fait  une  communication  sur  ses  découvertes  archéologiques 
récentes  en  Espagne  : 

«  Depuis  quelques  années,  j'ai  pratiqué  au  centre  de  l'Es- 
pagne, en  pleine  Geltibérie,  des  fouilles  qui  ont  porté  sur  cin- 
quante-deux stations.  Pour  épargner  les  moments  que  l'Aca- 
démie veut  bien  m'accorder,  je  ne  parlerai  que  des  plus  impor- 
tantes. 

«  Torralhn.  -  -  Ce  gisement  préhistorique  est  situé  à  111*2 
mètres  d'altitude,  dans  la    province  de   Soria.   C'est  un  plateau 


526  SÉANCE  DU  23  OCTOBRE  1912 

au-dessous  duquel  s'éteudait  autrefois  un  grand  lac,  où  venaient 
boire  les  grands  animaux  de  l'époque  quaternaire.  J'ai  eu  la 
bonne  fortune  d'y  rencontrer  un  amas  extraordinaire  de  têtes, 
de  dents  et  de  défenses  d'éléphants,  dans  un  état  parfait  de 
conservation.  L'éléphant  de  Torralba  n'est  pas  le  mammouth  ; 
il  appartient  à  deux  espèces  plus  anciennes  de  la  base  du  qua- 
ternaire, Yantiquus  et  le  meridionialis.  En  contact  avec  les 
défenses  et  dents  de  ces  grands  pachydermes,  il  y  avait  des 
pierres  taillées  que  l'on  rapporte  aujourd'hui  au  type  le  plus 
ancien  de  Chelles,  et  même  au  type  dit  pré-chelléen.  Parmi  les 
vingt-six  défenses,  j'en  compte  trois  dont  la  longueur  dépasse 
3  mètres  et  une  qui  mesure  3  m  29  ;  ce  sont  des  pièces  uniques. 
D'autres  ossements,  recueillis  au  même  endroit,  appartiennent 
à  un  équidé  voisin  de  Vequus  Stenonis  et  au  rhinocéros  étrusque. 

«  Pourquoi  les  chasseurs  de  ces  temps  reculés  ont-ils  pris  la 
peine  de  transporter  sur  le  plateau  ces  lourdes  défenses  ?  Ils 
n'ont  pas  dépecé  les  animaux  sur  place,  car  on  ne  trouve  pas 
d'os  longs  ;  ils  n'ont  pas  travaillé  l'ivoire,  car  il  n'y  a  pas  d'ob- 
jets ouvrés  de  cette  matière.  On  est  donc  tenté  de  croire  à  l'in- 
fluence d'un  motif  religieux  ou  magique. 

«  Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  Torralba  est  la 
plus  ancienne  station  humaine  dont  la  chronologie  relative 
puisse  être  fixée  avec  certitude,  et  le  type  même  des  stations 
du  quaternaire  primitif.  Les  autres  phases  des  temps  quater- 
naires n'y  sont  pas  représentées. 

«  Nécropole  ibérique  dWguilar  de  Angui ta. —  M.  Déchelette 
a  déjà  parlé  de  cette  nécropole  à  l'Académie  ;  mais  je  peux  lui 
présenter  aujourd'hui  des  photographies  qui  ne  lui  ont  pas  été 
soumises  encore  et  donner  quelques  détails  complémentaires. 

«  La  nécropole  en  question  est  dans  la  province  de  Guadala- 
jara,  sur  les  confins  de  celle  de  Soria,  à  25  kil.  de  Segontia  et  à 
10  de  Torralba.  Le  village  est  perché  sur  une  colline.  La  nécro- 
pole, dans  la  plaine,  est  divisée  en  deux  parties  presque  égales. 
Elle  forme  de  longues  allées  de  stèles  et  de  pierres  brutes  dont 
quelques-unes  atteignent  3  mètres  de  haut  ;  j'ai  compté  ïi  ran- 
gées >\c  60-100  pierres  chacune,  qui  font  songer  aux  alignements 
île  (  larnac. 


SÉANCE    DU    23    OCTOBRE    1912  527 

«    Mes  fouilles   ont   porté  sur  2264  sépultures,   appartenant 
à  la  troisième  phase  du  premier  Age  du  fer  (Hallstatt  III). 

«  A  côté  de  chaque  pierre  ou  stèle  se  trouve  toujours  une 
urne  très  simple,  mal  cuite,  recouverte  d'une  dalle  brute  et 
pleine  de  cendres. 

«  Dans  les  sépultures  riches,  les  pierres,  hautes  d'1  à  3  mètres, 
sont  lichées  verticalement  en  terre  ;  devant  la  stèle  est  l'urne 
cinéraire;  le  mobilier  était  généralement  au-dessous  de  la  stèle 
et  trop  souvent  écrasé  par  son  poids. 

«  Les  sépultures  de  guerriers  renferment  parfois  un  équipe- 
ment complet  :  poignard  à  antennes  de  fer,  avec  fourreau  de  fer  ; 
deux  pointes  de  lance  de  grandeur  inégale  ;  un  javelot  d'une 
seule  tige  de  fer  forgé  ;  un  mors  de  cheval,  souvent  un  mors 
et  un  filet  ;  deux  ou  trois  couteaux.  Les  armes  défensives  sont 
représentées  dans  quelques  tombes  par  des  umhos  circulaires 
et  ajourés  de  boucliers  et  par  des  boucles  de  suspension  avec 
ornements  en  S.  Quelques  tombes  très  riches  m'ont  fourni  deux 
disques  en  tôle  de  bronze  ornés  au  repoussé,  reliés  par  d'autres 
plus  petits. 

«  Dans  les  tombes  de  femmes,  j'ai  recueilli  des  plaques  de 
ceinture,  des  bracelets  formés  de  fils  de  métal,  des  boucles 
d'oreille  avec  clochettes,  des  épingles  ornées  de  boules  d'ambre 
jaune,  de  riches  ornements  de  poitrine  et  de  tète,  ainsi  que 
beaucoup  d'objets  tous  en  bronze.  Les  fibules  sont  rares  et 
appartiennent,  les  unes  au  type  dit  ibérique,  les  autres  au  type 
de  Hallstatt  III. 

«  Presque  toutes  les  urnes  funéraires,  tant  d'hommes  que  de 
femmes,  contenaient  une  ou  deux  fusaïoles  en  argile,  ou  bien 
une  fusaïole  et  une  petite  boule.  Ce  sont  les  seuls  objets  en 
contact  avec  ce  qui  reste  du  défunt;  le  mobilier  riche  est  tou- 
jours en  dehors  de  l'urne.  Il  en  résulte  avec  évidence  que 
fusaïoles  et  boules  ont  une  signification  symbolique  à  déter- 
miner. 

«  Les  épées  ou  poignards  à  antennes,  du  type  de  Hallstatt  III, 
identiques  à  celles  qu'on  a  trouvées  dans  les  Pyrénées  fran- 
çaises, à  Avezac-Prat,  constituent  la  plus  riche  collection 
d'armes  de  ce  genre  que  l'on  connaisse.  Les  poignées,  très 
petites,  ne  pouvaient  laisser  place  pour  la  main  ;  elles  devaient 
être  maniées  comme  la  navaja  espagnole  moderne. 


528  SÉANCE  DU  23  OCTOBRE  1912 

«  Les  deux  lances  que  Strabon  attribue  aux  Celtibères  se 
trouvent  dans  nos  tombes,  l'une  pour  combattre  à  cheval, 
l'autre  pour  le  corps  à  corps.  Les  couteaux  affectent  la  double 
courbure  de  ceux  de  l'âge  du  bronze.  Les  umbos  de  boucliers 
sont  encore  uniques  dans  leur  genre.  La  superbe  série  de  mors 
et  de  pièces  de  bride  attestent  l'importance  de  l'élevage  du 
cheval  de  guerre  dans  cette  région  et  continuent  l'éloge  que 
fait  Strabon  de  la  cavalerie  ibérique. 

«  Une  autre  nouveauté  sont  les  caveçons  ou  appareils  de  dres- 
sage, dont  j'ai  recueilli  plusieurs  spécimens.  Mais  ce  qu'il  y  a  de 
plus  surprenant  est  une  série  de  fers  à  cheval,  dont  plusieurs 
munis  de  dix  clous.  Ces  fers  ont  été  recueillis  au  voisinage 
immédiat  des  tombes  ;  on  n'a  découvert,  sur  cet  emplacement, 
aucun  objet  d'époque  postérieure.  Je  n'ai  pas  l'intention  de 
reprendre  devant  l'Académie  la  discussion  toujours  pendante 
sur  la  ferrure  des  chevaux  ;  mais  tout  incline  à  penser  que  les 
fers  découverts  par  moi  appartenaient  bien  à  des  chevaux  con- 
temporains des  guerriers,  et  peut-être  sacrifiés  sur  leurs  tombes. 

«  Je  cite  encore  un  casque  unique,  en  bronze,  d'une  forme 
toute  différente  des  casques  figurés,  plus  d'un  siècle  après,  sur 
les  plus  anciennes  monnaies  ibériques,  dont  la  série  commence 
vers  l'an  '2'20  avant  notre  ère. 

«  La  perfection  de  la  technique  à  l'époque  de  notre  nécropole 
apparaît  surtout  dans  les  grands  disques  de  bronze  qui  ornaient 
la  poitrine  et  le  dos  des  guerriers  ;  l'un  d'eux  était  richement 
plaqué  d'argent. 

«  Cinq  tombes  m'ont  fourni,  pour  tout  contenu,  neuf  pièces  de 
bronze,  peut-être  des  ornements  de  coiffure,  dont  les  pareilles 
n'ont  pas  encore  été  signalées  ailleurs. 

«  J'ajoute  enfin  que  Bilbilis,  située  à  moins  de  50  kil.  d'Agui- 
lar,  était  célèbre  dans  l'antiquité  par  la  trempe  des  armes  de 
fer  ;  nous  sommes  clans  une  région  où  l'habileté  métallurgique 
s'est  fait  apprécier  de  bonne  heure  et  l'a  été  pendant  des  siècles. 
On  peut  donc  admettre,  a  priori,  l'influence  des  fabriques  de  la 
région  d'Aguilar  sur  celles  de  la  Gaule  et  de  l'Italie. 

«  Nécropole  Celtibérienne  de  Luzaga.  —  Elle  est  située  à 
10  kil.  d'Aguilar  et    offre    les    mêmes  caractères  :  un   parallé- 


SÉANCE    DU    23    OCTOBRE    1912  529 

logramme  de  100  X  50  mètres,  formé  d'allées  de  pierres  dres- 
sées. J'y  ai  exploré  près  de  2000  tombes  et  recueilli  un  millier 
d'urnes;  le  mobilier  métallique,  moins  abondant  qu'à  Aguilar, 
m'a  fourni  pourtant  la  plus  belle  fibule  qui  ait  été  trouvée  en 
Espagne,  représentant  un  cavalier. 

«  Les  urnes  présentent  une  grande  variété  de  formes  ;  les  plus 
curieuses  sont  munies,  sur  le  bord,  d'un  petit  appendice  en 
forme  de  vase  ;  c'est  un  type  nouveau.  Une  autre  variété 
intéressante  est  représentée  par  des  tessons  dans  lesquels  sont 
incrustés  des  anneaux  en  ambre. 

«  Les  fusaïoles  contenues  dans  les  urnes  sont  très  ornées, 
alors  que  les  vases  ne  le  sont  pas. 

«  Nécropole  ibérique  (iArcohriçfa  (?).  —  Après  avoir  exploré 
la  ville  ibérique  que  je  propose  d'identifier  à  Arcobriga,  j'ai 
découvert  la  nécropole  sur  un  terrain  en  pente,  peu  propice  à 
la  conservation  des  objets.  Ce  qu'elle  m'a  fourni  de  plus  nou- 
veau sont  des  tombes  que  je  croirais  volontiers  celles  des  prê- 
tresses. J'y  ai  rencontré  plusieurs  fois  les  cercles  de  fer  sur- 
montés de  corbeaux  qui,  au  dire  d'Artémidore  cité  par  Strabon, 
servaient  de  support  aux  manteaux  et  aux  hautes  chevelures 
des  femmes  d'Ibérie  ;  ce  sont  des  objets  que  l'on  rencontre  pour 
la  première  fois  et  qui  expliquent  les  ornements  de  tète 
observés  dans  les  sculptures  d'Ëlche  et  du  Cerro  de  los  Santos. 
Chose  singulière,  les  Espagnoles  d'aujourd'hui  se  servent  encore, 
pour  supporter  leurs  mantilles,  de  hauts  peignes  en  écaille  : 
la  matière  a  changé,  mais  non  la  mode. 

«  Quelques-unes  de  ces  tombes  contenaient  quatre  plaquettes 
de  bronze,  peut-être  les  revêtements  de  coffrets,  où  l'on  dis- 
tingue très  clairement,  en  repoussé,  la  représentation  du  soleil 
avec  des  rayons.  C'est  une  des  raisons  qui  me  portent  à 
désigner  ces  tombes  sous  le  nom  de  lombes  de  prêtresses. 

«  Les  armes  de  fer  d'Arcobriga  sont  des  poignards  à  antennes 
plus  courts  que  ceux  d'Aguilar.  Les  épées  sont  presque  toutes 
du  second  âge  du  fer  (type  de  La  Tène),  qui  est  encore  très  peu 
connu  en  Espagne.  Les  lances  sont  plus  rares  que  les  épées; 
la  forme  des  pointes  est  singulière  :  ce  sont  de  minces  lames 
avec  douille  finissant  en  feuille  de  saule  et  longues  de  30  à 
1)0  centimètres. 


530  SÉANCE    DU    30    OCTOBRE    1912 

«  Les  fibules,  assez  nombreuses,  appartiennent  pour  la  plupart 
au  type  de  La  Tène,  mais  il  y  en  a  de  types  plus  anciens  ;  une 
d'elles  est  ornée  d'une  tête  humaine,  d'autres  de  têtes  d'ani- 
maux (ours,  oiseaux,  chevaux). 

«  Je  ne  veux  pas  allonger  cette  description  sommaire  de  trou- 
vailles qui  s'étendent  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au 
me  siècle  de  notre  ère.  J'ai  voulu  seulement,  puisque  l'occasion 
m'en  était  offerte,  appeler  l'attention  bienveillante  d'une  Société 
illustre,  où  les  recherches  archéologiques  sont  en  honneur 
depuis  plus  de  deux  siècles,  sur  les  résultats  assez  nouveaux 
et  peut-être  assez  instructifs  pour  la  science,  qui  sont  les  fruits 
de  mes  modestes  efforts.  » 

M.  Salomon  Reinach  insiste  sur  l'importance  des  découvertes 
faites   par  M.  le  marquis  de   Cerralbo. 


SÉANCE   DU    30    OCTOBRE 

(Séance  avancée  au  mercredi,  à  cause  des  fêtes  de  la  Toussaint. 


PRESIDENCE     DE    M.     NOËL    VALOIS,     VICE-PRESIDENT. 

L'Académie  propose  pour  le  prix  ordinaire  (prix  du  budget) 
à  décerner  en  1915,  le  sujet  suivant  : 

Le  genre  épistolaire  chez  les  Assyro-babyloniens,  depuis  les 
origines. 

Dépôt  des  mémoires  au  Secrétariat  de  l'Institut  avant  le 
1er  janvier  1915. 

L'Académie  décide,  en  outre,  que  le  prix  Delalande-Guéri- 
neau,  en  1914,  et  le  prix  extraordinaire  Bordin,  en  1915,  seront 
décernés  à  un  ouvrage  imprimé  relatif  aux  études  orientales. 

Dépôt  des  ouvrages  imprimés,  en  deux  exemplaires,  au  Secré- 
tariat de  l'Institut,  avant  le  1er  janvier  de   l'année  du  concours. 

M.  Edouard  Guq  lit  un  mémoire  sur  une  Novelle  inédite  de 
Justinien.  Cette   Novelle,  que  vient  de  faire  connaître  un  papy- 


SÉANCE    DIT    30    OCTOBRE    1012  534 

rus  gréco-égyptien  du  Musée  du  Caire,  publié  par  M.  Jean 
Maspero,  est  relative  à  une  très  ancienne  institution  de  la  Grèce, 
sur  laquelle  on  ne  savait  rien  de  précis,  L'aTrox^puSliç.  Le  père  de 
famille  avait,  chez  les  Grecs,  le  droit  de  chasser  de  sa  maison 
l'enfant  rebelle  à  son  autorité  et  de  l'exhéréder.  Cette  institu- 
tion, qui  n'était  pas  en  harmonie  avec  l'organisation  de  la 
puissance  paternelle  romaine  sous  l'Empire,  fut  proscrite  par 
Dioclétien.  Elle  persista  néanmoins  dans  les  pays  de  civilisation 
grecque.  Justinien  essaya  vainement  de  remettre  en  vigueur  le 
rescrit  de  Dioclétien;  la  coutume  fut  plus  forte  que  la  loi,  et 
l'empereur  se  résigna  à  réglementer  une  institution  qu'il  n'avait 
pu  supprimer. 

Le  papyrus  du  Caire  contient  un  acte  d'àTtox^puSjjç,  rédigé 
conformément  à  la  Novelle_  de  Justinien.  L'acte  devait  être 
motivé  et  soumis  à  l'homologation  du  gouverneur  de  la  pro- 
vince, après  une  enquête  faite  par  le  défenseur  de  la  x<o[xï].  Il 
était  ensuite  notifié  au  public  par  le  héraut  et  affiché  pendant 
sept  jours  sur  la  place  publique.  L'acte  était  irrévocable;  ses 
effets  s'étendaient  aux  héritiers  éventuels  de  l'enfant  exclu  de 
la  famille. 

M.  Théodore  Reinacii  présente  quelques  observations. 

M.  le  comte  Bégouen  fait  une  communication  sur  les  statues 
d'argile  préhistoriques  de  la  caverne  du  Tue  d'Audoubert 
(Ariège)  '. 

M.  Salomon  Reinacii  fait  valoir  l'intérêt  de  la  découverte  et 
indique  dans  quelles  conditions  on  peut  assurer,  par  des  copies 
exactes,  la  conservation  de  ces  monuments. 

M.  Babelon  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  Junon 
Moneta.  Après  avoir  démontré  que  cette  déesse  était,  primiti- 
vement, une  divinité  italiole  à  laquelle  les  oies  du  Capilole 
étaient  consacrées,  il  réfute  l'opinion  récemment  émise,  suivant 
laquelle  le  mol  Moneta  serait  la  déformation,  par  les  Romains, 
d'un  nom  carthaginois.  C'est,  au  contraire,  la  vieille  déesse  ita- 
liole, Junon  Moneta,  qui  donna  son  nom  à  la  monnaie  parce 
que  l'atelier  monétaire  de  Rome  était  installé  dans  une  dépen- 
dance de  son  temple. 

i .  Voir  ci-après. 


532 

COMMUNICATION 


LES   STATUES    d'aRGILE    PRÉHISTORIQUES 

DE    LA    CAVERNE    DU    TUC    d'aUDOUBERT    (aRIÈGe), 

PAR    M.    LE    COMTE    BÉGOUEN. 

L'art  quaternaire  nous  a  réservé  bien  des  surprises. 
Depuis  la  découverte  des  premiers  os  gravés,  successive- 
ment sont  venus  au  jour  les  dessins  et  les  sculptures  sur 
os  et  ivoire,  les  dessins  et  les  peintures  pariétales,  derniè- 
rement enfin  les  sculptures  sur  pierre.  On  apprenait  peu  à 
peu  que  les  hommes  de  cette  époque  connaissaient  et 
pratiquaient  toutes  les  branches  de  l'art  représentatif. 
Puisqu'ils  travaillaient  des  matières  aussi  dures  que 
l'ivoire,  la  corne,  la  pierre,  on  pouvait  bien  penser  qu'ils 
pouvaient  et  devaient  même  se  servir  de  matières  plus 
faciles,  comme  le  bois,  l'argile.  Mais  la  fragilité  même  de 
ces  matières  et  leur  constitution  plus  périssable  semblaient 
nous  interdire  tout  espoir  de  jamais  trouver,  au  cours  de 
fouilles  préhistoriques,  des  objets  d'une  conservation  aussi 
difficile.  Nous  avons  encore  une  lacune  en  ce  qui  concerne 
le  travail  du  bois;  mais  la  découverte  faite  par  mes  fils,  le 
10  octobre  1912,  me  permet  de  venir  vous  montrer  aujour- 
d'hui que  les  Magdaléniens  sculptaient  non  seulement  l'os 
et  la  pierre,  mais  qu'ils  modelaient  aussi  l'argile. 

Dans  une  note  qui  vous  a  été  lue  cet  été  par  M.  Salo- 
mon  Reinach,  je  vous  annonçais  la  découverte,  sur  le  terri- 
toire de  la  commune  de  Montesquieu-  A  vantés  (Ariège), 
d'une  caverne  du  Tue  d'Audoubert,  absolument  inconnue 
dans  le  pays  et  que  nous  étions  les  premiers  depuis  des 
siècles  à  explorer.  De  très  beaux  dessins  d'animaux  gravés 
sur   les    parois    avaient    motivé    cette    communication.   Je 


W 

O 

-W 

OS 

<, 

c/î 

-W 

H 

Z 

< 

> 

< 

. 

1 

P 

hr 

W 

OJ. 

■— 

►-^ 

J* 

§ 

•b 

co 

c/5 

W 

a 

H 

4-* 

Z 

rt 

O 

t/5 

s 

< 

JU 

.0 

S 

u 

- 

i/3 

oa 

a 

D 

,<u 

O 

-a 

Q 

v 

P 
< 

> 

•\ 

Q 

l"H 

U 

D 

P 

Q 

U 

H 

H 

O 

os 

O 

a 

o 

-a 

ce 

< 

<S1 

-w 

H 

Z 

«< 

r* 

< 

c 

1 

o 

D 

</> 

W 

1S 

1 

on 

*-> 

a 

H 

*-* 

O 

c 

u 

S 

5. 

u 

< 

u 

U 

[-. 

7^ 

^ 

w 

.** 

00 

•73 

O 

u 
3 

Q 

4-* 

D 

a 

< 

s-, 

Q 

; 

~~ 

■— • 

U 

D 

H 

D 

Q 

W 

H 

(- 

O 

2i 

O 

UJ 

a 

-w 

os 

< 

\_^ 

c/: 

-w 

^^ 

H 

U 

^ 

O 

< 

ci 

> 

a> 

< 

T3 

i 

1) 

£> 

3 

W 

> 

3 

c 

d 

o 

t/) 

i/: 

W 

1S 

H 

c 

7- 

O 

w 

S 

c 

es 

< 

C 
4> 

t/> 

H 

-IL) 

ai 

D. 

W 

M 

D 

J£ 

O 

'5b 

a 

u. 

D 

_cj 

< 

~3 

"o 

3 

rt 

u 

c/5 

3 

H 

a 

^— « 

D 

Q 

W 

H 

H 

O 

Ci 

O 

STATUES    D'ARGILE    PRÉHISTORIQUES  533 

vous  signalais  un  couloir  d'un  accès  trop  difficile  et  trop 
étroit  pour  que  j'aie  pu  alors  y  pénétrer.  Il  avait  fallu  l'au- 
dace et  la  souplesse  de  la  jeunesse  pour  que  mes  fils  se 
soient  aventurés  dans  cette  galerie  s'ouvrant  à  42  mètres  50 
au-dessus  du  sol  de  la  caverne,  au  haut  d'une  cheminée  en 
spirale  qu'il  faut  escalader  presque  à  la  force  du  poignet, 
et  ce  n'est  que  le  commencement  d'une  série  de  passages 
accidentés  et  étroits  qui,  sur  une  longueur  de  deux  cents 
mètres  environ,  rendent  cette  exploration  des  plus  pénibles. 

A  ce  point,  le  couloir,  étroit  et  très  bas  de  plafond,  sem- 
blait complètement  bouché  par  d'épais  piliers  de  stalac- 
tites allant  de  la  voûte  au  plancher.  Cependant,  derrière  ce 
rideau  de  calcaire,  on  voyait  le  couloir  se  prolonger.  Mes 
fils  n'hésitèrent  pas  à  briser  ces  colonnes  et  à  pratiquer,  sur 
une  longueur  d'un  mètre  cinquante,  une  chatière  mesurant 
28  cent,  de  haut  sur  76  de  large.  C'est  par  là  que  nous 
sommes  passés  en  rampant.  Le  trou  est  élargi  maintenant, 
il  mesure  35  cent,  et  a  permis  à  MM.  Cartailhac  et  Breuil 
de  visiter  les  salles  suivantes. 

C'est  tout  au  fond  de  cette  galerie,  à  plus  de  700  mètres 
de  l'entrée  de  la  caverne,  que  se  trouvent  appuyées,  contre 
des  quartiers  de  roches  tombés  de  la  voûte  au  milieu  de  la 
salle,  deux  statuettes  d'argile  mesurant  61  et  63  centi- 
mètres de  longueur  et  représentant  des  bisons.  Elles  sont 
à  peu  près  intactes.  L'argile,  en  se  desséchant  un  peu, 
quoique  l'air  de  la  salle  soit  très  humide,  les  a  fissurées, 
et  les  fentes  traversent  parfois  les  animaux  de  part  en 
part  ;  mais  comme  ils  sont  collés  sur  le  rocher,  tout  est 
resté  en  place.  Seuls,  le  bout  de  la  corne  droite  de  la 
femelle  et  sa  queue  sont  tombés.  Celle-ci,  intacte,  gît  à 
ses  pieds. 

Quand  on  arrive,  on  voit  les  deux  bisons  par  derrière; 
ils  semblent  fuir  devant  vous.  C'est  un  mâle  suivant  une 
femelle.  Ils  ne  sont  pas  exactement  l'un  derrière  l'autre,  le 
mâle   étant  un   peu   plus  sur  la  gauche,  ce  qui  contredirait 


534  statues  d'argile  préhistoriques 

l'idée   de   saillie   que  la  position   du  mâle  un  peu  dressé, 
semble-t-il.  sur  les  pattes  de  derrière,  pourrait  suggérer. 

L'artiste,  qui  a  traité  ces  bètes  avec  un  certain  réalisme 
et  un  grand  sens  d'observation,  a  très  nettement  marqué 
les  caractères  physiques  extérieurs  différenciant  les  sexes. 
La  tête  du  mâle  est  plus  trapue,  le  chignon  est  plus  gros- 
sier, la  bosse  surtout  est  plus  volumineuse;  tout  cela,  joint 
à  d'autres  remarques  faites  sur  la  femelle,  permet  cette 
attribution  de  sexe  à  ces  deux  animaux.  Le  mâle  n'est  pas 
aussi  achevé  :  ses  pieds  se  tixent  sur  le  sol  sans  sabots, 
tandis  que  sa  compagne  a  les  pieds  terminés.  Chez  elle 
également,  les  deux  pattes  de  devant  sont  marquées.  Entre 
elles  passe  la  barbe  qui  ne  s'achève  que  sous  le  ventre  et 
dont  les  longs  poils  sont  indiqués  par  des  stries  faites  avec 
une  spatule  de  bois  ou  d'os,  tandis  que  pour  la  crinière  plus 
laineuse  et  plus  grossière,  l'artiste  s'est  servi  de  son  pouce. 
Les  oreilles  et  les  cornes  très  recourbées  se  détachent  en 
relief;  l'œil  est  fait  d'une  boule,  avec  un  trou  pour  marquer 
le  regard,  ce  qui  donne  plus  de  vie  à  cet  animal,  tandis 
que  le  mâle  a  l'air  morne  et  atone,  avec  le  mamelon  qui 
lui  sert  d'oeil.  Il  est  à  remarquer  que  ce  procédé  d'indiquer 
la  pupille  par  un  trou  se  retrouve  sur  plusieurs  sculptures 
préhistoriques,  tandis  qu'il  a  complètement  disparu  à  la 
période  classique  et  qu  il  faut  arriver  à  une  époque  relati- 
vement moderne  pour  le  trouver  employé  à  nouveau. 

Le  modelage  de  ces  statues  est  bon  ;  il  y  a  un  certain 
relief,  quoiqu'on  ne  puisse  pas  dire  que  l'animal  soit  traité 
en  ronde  bosse  absolue,  avec  l'épaisseur  réelle  de  son  corps. 
Ce  sont,  en  somme,  plutôt  des  bas-reliefs  semblables  en 
beaucoup  plus  grand  aux  figurines  sculptées  en  bois  de 
renne  de  la  même  époque.  Mais  pour  ces  dernières  on  pou- 
vait s'expliquer  que  la  minceur  de  la  matière  employée 
obligeât  L'artiste  à  réduire  une  de  ses  proportions.  Ici,  ce 
c'est  pas  le  cas,  la  matière  était  abondante  sur  place. 
G'est  volontairement  qu'il  a  traité  son  sujet  en  relief.  Un 


STATUES    D'ARGILE    PRÉHISTORIQUES  535 

seul  côté,  le  droit,  est  terminé.  Celui  qui  est  collé  contre  le 
rocher  est  à  peine  ébauché.  On  voit  sur  l'argile  les  traces 
laissées  par  le  modelage  et  le  lissage  avec  la  main.  L'avant- 
train  seul  du  mâle  s'appuie  contre  la  pierre  tombée  du  pla- 
fond ;  pour  le  maintenir  droit,  on  l'a  calé  avec  des  pierres  et 
des  blocs  d'argile,  et  on  en  a  fait  de  même  pour  le  mufle  de 
la  femelle  qui  s'appuie  sur  un  bloc  enrobé  dans  de  l'argile. 
Quelques  petits  graviers  tombés  de  la  voûte  se  sont  fixés 
sur  la  surface  des  statuettes  ou  y  ont  fait  des  trous  ;  de 
petits  animaux,  rongeurs  ou  chauves-souris,  les  ont  aussi 
éraflées  de  leurs  griffes. 

Par  terre,  entre  les  deux  animaux,  des  boulettes  de  terre- 
glaise  portent  des  empreintes  de  doigts. 

En  avant  du  rocher,  nous  avons,  lors  de  nos  dernières 
explorations,  trouvé  une  autre  petite  statuette  très  gros- 
sière et  informe.  Elle  n'a  probablement  jamais  été  qu'une 
ébauche,  mais  plus  petite  que  les  autres  (13  cent,  seule- 
ment), et  n'étant  pas  fixée  au  sol,  elle  a  beaucoup  souffert. 
Sa  forme  est  caractéristique  :  on  voit  bien  la  silhouette  d'un 
bison,  le  ventre  et  les  pattes  de  derrière  sont  séparées  par 
un  profond  sillon  d'une  masse  de  terre  qui  devait  lui  ser- 
vir de  support,  car  cette  statuette  devait  être  posée  pour 
être  vue  sous  les  deux  faces.  Mais  là  encore  l'artiste  n'a  pas 
vu  en  largeur.  On  dirait  que  son  œil  ne  voyait  qu'en 
ilhouette.  Cependant  la  forte  tête  du  bison  l'avait  frappé 
quand  il  l'avait  regardée  de  face,  car  il  avait  conservé  pour 
le  faire  une  grosse  masse  de  terre  qui  contraste  avec  la  min- 
ceur de  l'arrière-train.  Je  sais  bien  que  telle  est  la  conforma- 
tion du  bison,  mais  l'artiste  a  exagéré. 

Ce  qui  nous  frappe  sur  cette  ébauche,  c'est  qu'elle  semble 
équarrie  comme  s'il  se  fût  agi  d'un  morceau  de  bois  ou  de 
pierre  et  non  d'une  matière  aussi  plastique  que  l'argile. 
C'est  en  enlevant  de  la  matière  que  sculptaient  les  Magda- 
léniens et  non  en  en  ajoutant  ;  une  ébauche  préparée  que 
nous  avons  trouvée  sur  le  sol  nous  confirme  dans  cette 
hypothèse. 


o36  STATUES    DARGILE    PRÉHISTORIQUES 

En  avant  du  rocher,  un  bison  de  il  centimètres  est  des- 
siné sur  l'argile  ;  la  tête  en  était  déjà  modelée,  la  corne  en 
relief,  mais  une  pierre  détachée  du  plafond  est  tombée  juste 
en  cet  endroit  et  l'a  écrasée.  La  silhouette  de  l'animal  est 
indiquée  par  un  sillon  de  2  centimètres  de  profondeur  fait, 
semble-t-il,  avec  le  doigt. 

La  préparation  commencée  de  cette  statuette  me  fait 
penser  que  c'est  ainsi  que  les  artistes  d'alors  travaillaient  : 
après  avoir  découpé  l'animal  à  représenter,  ils  enlevaient 
la  terre  tout  autour,  puis  soulevaient  la  galette  ainsi  cons- 
tituée, et  la  finissaient  sur  place.  Deux  constatations 
appuient  cette  hypothèse  :  les  corps  des  deux  statuettes 
ne  sont  pas  de  la  même  épaisseur  sur  toute  leur  étendue  ; 
ils  présentent  l'aspect  d'un  grand  paquet  de  terre  qu'on 
arrache  du  sol,  et  enfin  nous  avons  trouvé  sur  le  sol,  près 
d'elles,  des  espèces  de  cuvettes  provenant  d'un  enlèvement 
de  terre  où  se  voient  encore  des  traces  de  doigts. 

Et  ce  ne  sont  pas  les  seules  empreintes  humaines  que 
nous  avons  relevées  dans  cette  caverne  qui  semble  avoir  été 
fermée  pendant  des  millénaires  par  les  blancs  scellés  de 
stalactites  que  nous  avons  brisés. 

Avant  d'arriver  au  sanctuaire  du  fond,  il  faut  traverser 
de.  vastes  salles  dont  le  sol  est  formé  d'une  argile  tantôt 
découverte  et  tantôt  recouverte  d'une  pellicule  stalagmi- 
tique  qui  a  protégé,  sans  les  effacer,  des  traces  qui  s'y  trou- 
vaient. C'est  par  milliers  qu'on  remarque  les  griffades 
faites  en  se  promenant  par  les  ours  des  cavernes  qui  sont 
venus  mourir  là  et  dont  les  larges  pattes  se  sont  imprimées 
sur  la  terre  humide.  Leurs  squelettes  gisent  sur  le  sol, 
fixés  parfois  par  une  légère  concrétion  calcaire.  Leurs  os 
sont  en  tas,  mais  ils  ne  sont  pourtant  plus  en  connexion 
anatomique  ;  ils  ont  été  dérangés  par  des  hommes  qui  ont 
brisé  les  mâchoires  pour  en  arracher  les  canines.  Autour 
de  ces  ossements,  les  empreintes  de  pieds  humains  sont 
fréquentes.  Près  d'eux  aussi,  nous  avons  relevé,  à  même  le 


STATUES    D'ARGILE    PRÉHISTORIQUES  537 

sol,  des  silex  de  forme  caractéristique  du  Magdalénien  (1 
grattoir,  1  grattoir-burin,  3  éclats  usagés  et  une  dent 
percée). 

Mais  là  où  les  empreintes  humaines  sont  surtout  nom- 
breuses, c'est  dans  une  petite  salle  située  quelques  mètres 
avant  d'arriver  aux  statuettes.  Elle  est  en  contre-bas,  au 
fond  d'une  falaise  d'argile  où  les  ours,  en  glissant,  ont 
laissé  de  longues  griffades  et  l'empreinte  de  leurs  poils.  On 
voit  que  là  aussi  l'homme  a  enlevé  de  la  terre  en  assez 
grande  quantité,  comme  dans  une  carrière.  Il  a  même  roulé 
l'argile  en  petits  boudins  qui  gisent  par  terre. 

Le  plafond  est  bas,  on. ne  peut  se  tenir  debout.  Le  sol 
est  très  uni  ;  un  lacis  incompréhensible  de  courbes  parcourt 
toute  la  surface,  sur  laquelle  se  voit  l'empreinte  très  pro- 
fonde d'une  quarantaine  de  talons,  sans  que  nous  ayons 
vu  jusqu'ici  aucune  empreinte  de  doigts  de  pied.  Une  très 
léerère  couche  de  calcaire  s'écaillant  facilement  s'est  formée 
sur  cette  argile,  moulant  avec  finesse  la  trace  de  ces  talons, 
au  point  de  nous  montrer  les  callosités  de  la  peau.  Mais 
pourquoi  n'y  a-t-il  que  le  talon?  A  cela  je  ne  vois  guère 
qu'une  réponse  possible,  et  c'est  a  l'ethnographie  que  nous 
allons  la  demander.  Dans  bien  des  cérémonies  magiques  en 
Australie,  les  initiés  prennent  des  positions  spéciales, 
marchent  selon  des  prescriptions  rituelles  bien  déterminées. 
Ne  pourrait-on  supposer  que  nous  voyons  ici  les  traces 
d'une  habitude  analogue  ? 

Ce  n'est  certainement  pas  pour  obéir  à  une  préoccupation 
artistique  que  l'on  fit  jadis,  au  plus  profond  de  cette  caverne, 
les  statuettes  d'argile  que  Ton  plaça  ensuite  sur  cette  sorte 
d'autel  que  forme  le  rocher  au  milieu  de  la  salle.  Il  faut 
y  voir  un  autre  mobile,  sans  aucun  doute  religieux  ou 
magique.  Cet  antre  obscur  et  mystérieux  ne  fut  d'ailleurs 
pas  très  fréquenté.  Il  ne  dut  pas  servir  d'habitation,  et  les 
vestiges  que  nous  y  rencontrons  n'indiquent  pas  qu'il  y 
eut  jamais  foule.  Ce  fut  quelque  sanctuaire,  quelque  antre 


538  LIVRES    OFFERTS 

de  sorciers,  où,  la  veille  d'une  chasse,  une  tribu  anxieuse 
d'échapper  à  la  famine  vint  se  livrer  à  quelques  incanta- 
tions. Je  noterai  cependant  que  nous  n'avons  trouvé  sur 
ces  statuettes  aucune  de  ces  flèches,  aucun  de  ces  signes 
magiques  relevés  sur  tant  de  peintures  ou  de  gravures,  et 
dont  la  galerie  inférieure  du  Tue  d'Audoubert  nous  pré- 
sente de  si  curieux  spécimens. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  H.  Omont  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
de  l'auteur,  M.  Ernest  Coyecque,  une  brochure  intitulée  :  Vieilles 
archives  notariules  ;  comment  les  classer  et  les  inventorier  ;  conseils  et 
exemples  (Paris,  1912,  in-8°,  52  pages;  extr.  du  Bulletin  de  la  Société 
de  l'histoire  de  Paris,  t.  XXXIX). 

«  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  M.  Coyecque  signale  l'impor- 
tance historique  des  archives  notariales  et  montre  l'utilité  qu'il  y  a 
à  en  assurer  la  conservation  et  à  en  faciliter  la  consultation.  Aujour- 
d'hui, il  joint  l'exemple  au  précepte,  en  donnant  des  conseils 
simples  et  pratiques  pour  le  classement  de  ces  archives,  trop  sou- 
vent délaissées,  et  en  y  joignant  l'inventaire  de  deux  minutiers 
parisiens,  l'état  numérique  des  archives  anciennes  de  l'étude  Cher- 
rier  (1482-1811)  et  de  l'étude  Duhau  (1459-an  II).  Il  faut  souhaiter 
que  M.  Coyecque  trouve  des  imitateurs  et  que  l'on  ait  bientôt  des 
états  numériques  semblables  des  archives  anciennes  de  tous  les 
notaires  parisiens.  >> 

M.  Collignon  présente  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur,  l'ou- 
vrage suivant  :  Vases  grecs  et  Halo-grecs  du  Musée  archéologique 
de  Madrid,  par  G.  Leroux,  ancien  membre  de  l'École  française 
d'Athènes  et  de  l'École  des  Hautes  Etudes  hispaniques  (Bordeaux, 
Feret,  et  Paris,  Fontemoing,  1912.  Fascicule  XVI  de  la  Bibliothèque 
des  Universités  du  Midi,  xx-330  pages  et  52  planches  en  similigra- 
vure) : 

«  Ce  livre  forme  le  XVI'  fascicule  de  la  Bibliothèque  des  Univer- 
sités du  Midi;  niais   il   est  en    réalité  la  première  publication  d'en- 


LIVRES    OFFERTS  539 

semble  faite  par  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  hispaniques  instituée  à 
Madrid,  grâce  à  l'initiative  de  l'Université  de  Bordeaux.  En  prêtant 
son  concours  à  l'aide  des  ressources  de  la  Fondation  Piot,  l'Acadé- 
mie a  voulu  témoigner  de  l'intérêt  qu'elle  porte  à  l'École  française 
d'Espagne.  Il  était  juste  que  le  nom  du  fondateur  et  du  directeur 
actuel  de  l'Ecole,  M.  Pierre  Paris,  fût  inscrit  à  la  première  page  du 
livre,  comme  un  hommage  rendu  au  savant  qui,  par  ses  travaux,  a 
Frayé  la  voie  à  notre  jeune  colonie  scientifique  de  Madrid. 

«  Ancien  membre  de  l'Ecole  française  d'Athènes,  où  il  a  été  un 
des  collaborateurs  les  plus  actifs  des  fouilles  de  Délos,  M.  G.  Leroux 
élait  mieux  (pie  personne  préparé  à  entreprendre  la  description 
méthodique  et  raisonnée  de  la  nombreuse  série  de  vases  grecs  et 
italo-grecs  conservés  au  Musée  archéologique  de  Madrid.  Cette  col- 
lection, dont  il  a  écrit  l'historique  en  tète  de  son  volume,  et  que  le 
fonds  Salamanca  a  surtout  contribué  à  enrichir,  était  jusqu'ici  fort 
peu  connue,  n'ayant  encore  fait  l'objet  d'aucune  publication  d'en- 
semble. On  en  jugera  par  la  bibliographie  donnée  par  l'auteur.  Elle 
est  fort  courte,  et  ne  contient  que  des  travaux  partiels,  avec  l'indi- 
cation du  petit  guide  écrit  par  M.  Ossorio  pour  le  Musée  de  Madrid. 
M.  Leroux  apporte  donc  une  très  utile  et  importante  contribution 
aux  études  céramographiques  en  publiant  ce  catalogue  scientifique 
qui  comprend  641  numéros.  Riche  surtout  en  vases  de  l'Italie  méri- 
dionale, la  collection  possède  cependant  une  série  nombreuse  de 
vases  attiques,  parmi  lesquels  figurent  de  très  remarquables  spé- 
cimens du  style  sévère  à  figures  rouges,  ainsi  la  grande  amphore 
d'Andokidès,  l'amphore  attique  représentant  le  Combat  d'Hèraklès 
contre  les  fils  d'Eurytos,  et  la  kvlix  des  Exploits  de  Thésée  qui  porte 
la  signature  d' Ai  son.  Parmi  les  lécythes  à  fond  blanc,  je  signalerai 
quatre  grands  lécythes  à  polychromie  picturale,  d'un  type  assez 
rare,  dont  j'ai  publié  un  exemplaire  dans  les  Monuments  Piot.  C'est 
aussi  à  la  collection  de  Madrid  qu'appartient  le  célèbre  cratère 
d'Asstéas  représentant  Iléraklès  furieux,  le  plus  beau  spécimen  de 
cette  fabrique,  dite  de  Paeslum,  d'où  sont  sortis  les  vases  signés  par 
Asstéas  et  par  Python. 

«  Il  était  donc  nécessaire  que  cette  collection  pût  être  connue 
autrement  que  par  une  visite  au  Musée  archéologique  de  Madrid. 
C'est  à  cette  lâche  que  M.  Leroux  s'est  employé  avec  succès  Le 
classement  adopté  par  lui  est  le  classement  chronologique  par  séries, 
et  ses  descriptions  ont  l'exactitude  scientifique  qu'on  était  en  droit 
d'attendre  de  lui.  Après  les  travaux  de  notre  confrère  M.  Pot  lier,  il 
ne  pouvait  songer  à  reprendre  dans  ce  volume  les  questions  géné- 
rales qui  sont  traitées  dans  le  Catalogue  des  vases   du  Louvre.  Mais 


540  LIVRES    OFFERTS 

soucieux  de  rendre  service  aux  lecteurs  qui  utiliseront  ce  livre  sur 
place,  il  a  écrit,  pour  chaque  série,  un  court  préambule  résumant  les 
notions  essentielles  et  renvoyant  à  une  bibliographie  spéciale.  Le 
livre  est  complété  par  un  index,  une  table  de  concordance,  et  un 
choix  de  reproductions  en  similigravure  formant  cinquante-deux 
planches.  Cette  publication  inaugure  très  heureusement  les  travaux 
de  FÉcole  française  de  Madrid,  et  permet  d'apprécier  toutes  les  res- 
sources que  peut  offrir  à  son  activité  une  enquête  poursuivie  dans 
les  collections  publiques  ou  privées  d'Espagne.  » 


Le  Gérant.  A.   Picakd. 


MAÇON.    PHOTAT    FRÈttES,    IMPR1MEUKS. 


COMPTES    RENDUS    DES    SEANCES 


DE 


L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 


PRÉSIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER 


SÉANCE    DU    H    NOVEMBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.    NOËL    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Henri  Gordier  annonce  le  retour  de  M.  de  Gironcourt,  qui 
avait  reçu  de  l'Académie,  sur  la  fondation  Benoît  Garnier,  une 
mission  dans  le  Centre  africain.  M.  de  Gironcourt  présentera 
prochainement  son  rapport. 

L'Académie  procède  à  la  nomination  de  deux  commissions 
qui  seront  chargées  de  présenter  des  listes  de  candidats  aux 
places  vacantes  parmi  les  correspondants  étrangers  et  parmi  les 
correspondants  français.  Sont  nommés  : 

Commission  des  correspondants  étrangers  :  MM.  Senart,  Paul 
Meyer,  Alfred  Croisel,  Collignon  ; 

Commission  des  correspondants  français  :  MM.  Paul  Meyer, 
Héron  de  Villefosse,  Salomon  Reinach,  Antoine  Thomas. 

M.  IIomolle  communique  à  l'Académie  une  lettre  de  M.  Replat, 
architecte  de  l'École  française  d'Athènes,  annonçant  la   décou- 

1912.  36 


Fouilles  «le  Delphes. 
Statue  archaïque,  dite  <U'  la  Victoire. 


SÉANCE    DU    8    NOVEMBRE    1912  543 

verte,  à  Delphes,  sur  remplacement  du  temple  d'Athéna  Pronaia, 
dune  statue  archaïque,  dite  de  la  Victoire. 

La  trouvaille,  advenue  à  l'ouverture  des  hostilités  en  Orient, 
a  eu  un  grand  retentissement  à  Athènes  et  dans  toute  la  Grèce, 
comme  une  coïncidence  de  bon  augure. 

Elle  n'est  pas  sans  intérêt  archéologique  :  la  ligure  qui  garde 
encore,  dans  l'attitude  et  la  draperie,  quelque  chose  de  la  rai- 
deur archaïque,  rappelle,  à  part  les  différences  du  style,  l'Iris 
du  fronton  oriental  du  Parthénon.  C'est  comme  un  exemplaire 
du  même  type,  antérieur  d'environ  une  génération. 

M.  Jullian  communique,  au  nom  de  MM.  Germain  de  Mon- 
tauzan  et  Fabia,  professeurs  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  le 
texte  et  le  commentaire  dune  inscription  récemment  découverte 
à  Fourvières.  Datée  de  "207  ap.  J.-C.,  elle  nous  fait  connaître  un 
vétéran  de  la  30e  légion  et  un  procurateur  impérial.  C'est  la 
dédicace  d'un  petit  autel  placé  dans  un  local  de  la  caserne 
romaine,  la  se  ho  la  ou  salle  de  réunion  des  optiones  ou  adju- 
dants. 

M.  Bocciié-Leclerq  lit  un  mémoire  intitulé  :  La  mort  d\\n- 
liochus  III  le  Grand  et  la  fin  oVAntiochns  IV  Epiphane. 

M.  Théodore  Reinach  présente  quelques  observations. 

M.  J.  Toutain,  directeur  d'études  à  l'École  des  Hautes  Etudes, 
membre  de  la  commission  des  fouilles  d'Alésia,  expose  les  nou- 
veaux résultats  des  fouilles  exécutées  sur  le  Mont  Auxois  par  la 
Société  des  Sciences  de  Semur.  Ces  fouilles,  que  dirige  M.  V. 
Pernet,  l'ancien  collaborateur  de  Stoffel,  ont  mis  à  jour,  en  sep- 
tembre 1912,  une  construction  tout  à  fait  originale,  composée 
d'une  salle  rectangulaire  terminée  par  une  cella  et  renfermant 
une  sépulture  de  caractère  dolménique,  sépulture  qui  fut  pro- 
bablement transformée  en  lieu  de  culte  à  la  fin  de  l'époque  gau- 
loise et  sous  l'empire  romain.  Dans  un  angle  de  cette  construc- 
tion, tout  près  de  la  sépulture  dolménique,  M.  V.  Pernet  a  décou- 
vert une  tête  en  bronze  représentant  une  déesse,  Junon  proba- 
blement, de  caractère  et  de  style  hellénique  ;  un  buste  en  bronze, 
portrait  d'une  Gallo-Romaine  du  i'1' siècle  de  l'ère  chrétienne,  à 
la  coiffure   très  curieuse;   une  jambe  en   bronze  d'un    modelé 


544  LIVRES    OFFERTS 

charmant  ;  dans  une  autre  partie  de  la  salle  rectangulaire  a  été 
trouvé  un  fragment  de  draperie  en  bronze,  provenant  d'une  sta- 
tue de  grandeur  naturelle.  Ces  bronzes,  principalement  la  tête 
de  déesse  et  le  portrait,  sont  clans  un  remarquable  état  de  con- 
servation ;  ils  peuvent  soutenir  la  comparaison  avec  les  plus 
beaux  spécimens,  aujourd'hui  connus,  de  l'art  du  bronze  dans  la 
Gaule  romaine.  Ces  découvertes  démontrent  combien  l'œuvre 
entreprise  et  poursuivie  sur  l'emplacement  d'Alésia  par  la 
Société  des  sciences  de  Semur  est  importante  pour  l'histoire  de 
nos  origines  nationales,  quels  résultats  on  peut  en  attendre  et  à 
quel  point  cette  œuvre  mérite  d'être  encouragée  et  soutenue. 

MM.  Héron    de    Villefosse,   Salomon    Reinach   et    Collignon 
présentent  des  observations. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Perrot  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  Mlle  Gauckler,  un 
volume  de  Paul  Gauckler,  intitulé  :  Le  sanctuaire  syrien  du  Janicule 
(in-8°,  ix-307  pages,  LXVII  planches,  nombreuses  figures  dans  le 
texte,  Paris,  Picard,  1912  : 

«  Ce  recueil  d'essais  est  un  monument  élevé  par  la  piété  d'une 
sœur  à  la  mémoire  d'un  savant  qui,  malgré  sa  mauvaise  santé  et  sa 
fin  prématurée,  a  eu  le  temps,  en  une  vingtaine  d'années,  de  beaucoup 
faire  pour  la  science  et  pour  l'art.  Sa  trace  restera  marquée  dans 
toutes  les  études  qui  touchent  à  l'histoire  de  l'Afrique  punique  et 
romaine,  aussi  bien  que  dans  celles  qui  concernent  l'archéologie 
monumentale  de  Rome  même  et  l'histoire  des  différents  cultes,  les 
cultes  propres  à  l'Occident  et  les  cultes  d'origine  orientale  qui,  au 
temps  de  l'empire,  avant  le  triomphe  du  christianisme,  se  dispu- 
tèrent des  âmes  auxquelles  ne  suffisaient  plus  les  antiques  croyances. 

«  Les  éditeurs,  dans  la  courte  et  discrète  préface  qu'ils  ont  mise 
en  tête  du  volume,  nous  promettent  le  recueil  des  articles  qui  ont 
trait  aux  travaux  que  Gauckler  a  entrepris  et  menés  à  bonne  fin  en 
Afrique,  comme  directeur  du  Service  des  fouilles  et  antiquités.  Ce 
que  l'on   nous  donne  aujourd'hui,  c'est  la    réunion  des  rapports  par 


LIVRES    OFFERTS  545 

lesquels  Gauckler  a  fait  connaître  à  l'Académie  des  inscriptions  cl 
au  monde  savant  les  intéressants  résultats  des  fouilles  que,  pendant 
les  dernières  années  de  sa  vie,  passant  Ions  ses  hivers  à  Home,  il 
avait  instituées  sur  le  Janicule  et  qu'il  a  poursuivies,  avec  une  per- 
sévérance singulière,  au  milieu  des  difficultés  «le  toute  sorte  que 
lui  suscitait  sans  relâche  le  formalisme  de  l'administration  italienne. 
Lorsque  Ton  relit  ces  comptes  rendus  écrits  au  jour  le  jour,  on  ne 
peut  se  défendre  d'admirer  ce  que  leur  auteur  a  mis  de  sagacité 
pénétrante  dans  les  conclusions  qu'il  a  tirées  des  observations  que 
lui  suggéraient  les  découvertes  faites  par  lui  en  ce  coin  de  terre.  On 
a  peine  à  se  consoler  qu'il  ne  lui  ait  pas  été  donné  de  tirer  des  maté- 
riaux qu'il  avait  réunis  une  étude  d'ensemble  où  il  aurait  porté  l'art 
de  composition  et  le  talent  d'écrivain  qu'il  devait  aux  qualités 
natives  de  son  esprit  et  à  son  éducation  d'excellent  élève  de  l'Ecole 

normale. 

«  A  la  fin  du  volume,  on  trouvera  quelques  autres  essais  qu'avait 
dictés  à  Gauckler  le  désir  qu'il  avait  éprouvé  de  donner  son  avis 
sur  d'autres  problèmes  de  l'histoire  de  l'art  qui,  pendant  ses  séjours 
en  Italie,  avaient  été  posés  devant  les  archéologues  par  des  trou- 
vailles récentes.  On  lira  surtout,  avec  un  vif  intérêt,  les  deux  dis- 
sertations qui  ont  pour  titre  :  La  Niobide  des  jardins  de  Sallusle  et 
la  Prêtresse  (TAnzio.  » 

M.  Maurice  Ciioiset  fait  hommage  à  l'Académie  d'un  ouvrage  sur 
/.■.s  Apologistes  grecs  du  IIe  siècle  de  notre  ère,  qui  a  pour  auteur 
M.  Puech,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris  : 

«  Les  Apologistes  grecs  de  l'époque  des  Antonins,  dont  les  rouvres 
ont  une  si  grande  importance  pour  l'histoire  primitive  du  christia- 
nisme, ont  été  jusqu'ici  moins  étudiés  en  France  qu'à  l'étranger. 
M.  Puech  était  particulièrement  bien  préparé  par  ses  travaux  anté- 
rieurs sur  la  littérature  grecque  chrétienne  à  traiter  avec  compé- 
tence les  questions,  souvent  délicates  et  complexes,  qui  se  posent  à 
propos  de  chacun  d'eux.  Il  ne  s'est  pas  proposé  toutefois  d'écrire 
une  histoire  complète  de  l'Apologétique  chrétienne  au  temps  des 
Antonins.  Laissant  volontairement  au  second  plan  la  polémique 
contre  le  paganisme,  —  qui  n'offre  d'ailleurs,  il  faut  l'avouer,  qu'un 
intérêt  médiocre  — ,  M.  Puech  s'est  attaché  surtout  aux  exposés  de 
doctrine,  où  se  révèlent  mieux  la  valeur  intellectuelle  et  la  culture 
de  chacun  des  apologistes.  lia  voulu  déterminer  autant  que  possible 
la  croyance  personnelle  de  chacun  d'eux,  ses  emprunts  à  la  philoso- 
phie platonicienne  ou  stoïcienne),  et  la  part  qu'il  avait  pu  prendre 
au  développement  des  idées  essentielles  du  Christianisme.  Etudianl 


546  LIVRES  OFFERTS 

successivement  à  ce  point  de  vue  Aristide,  Justin,  Tatien,  Alhéna- 
gore,  Théophile  d'Antioche  et  les  apologies  apocryphes  ou  ano- 
nymes, il  s'est  appliqué  à  distinguer  ce  qui  provenait,  chez  chacun 
des  auteurs,  des  sources  helléniques  et  ce  qui  avait  son  origine  dans 
les  premières  spéculations  chrétiennes,  notamment  dans  le  prologue 
du  IVe  Évangile.  Il  fallait,  pour  mener  à  bien  cette  difficile  entre- 
prise, une  connaissance  très  précise  des  théories  élaborées  et  discu- 
tées dans  les  diverses  écoles,  une  intelligence  sûre  et  pénétrante  des 
explications  souvent  subtiles  qu'elles  avaient  fait  prévaloir,  un  sens 
délicat  des  tendances  et  des  sentiments  propres  au  christanisme,  et 
enfin  le  don  de  découvrir,  dans  des  œuvres  très  imparfaites,  des 
personnalités  intéressantes.  Aucune  de  ces  qualités  essentielles  n'a 
manqué  à  M.  Puech.  Helléniste  consommé,  il  a  su  éclaircir  des  pen- 
sées obscures,  tout  en  évitant,  comme  il  le  dit  fort  bien,  de  donner 
aux  apologistes  plus  d'esprit  qu'ils  n'en  avaient.  Son  livre,  digne 
d'être  étudié  de  près  par  les  spécialistes,  sera  lu  avec  plaisir  et  pro- 
fit par  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  origines  du  christianisme.  » 

M.  le  comte  Paul  Durrieu  offre  à  l'Académie  les  deux  brochures 
suivantes  dont  il  est  l'auteur  : 

1°  Le  Musée  Jacquemart- André.  —  Les  manuscrits  à  peintures 
(extr.  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts,  août  1912  ; 

2°  Le  maître  des  Grandes  Heures  de  Rohan  et  les  Lescuier  d'An- 
gers (extr.  de  la  Bévue  de  VArt  ancien  et  moderne,  août  et  septembre 
1912). 

M.  H.  Omont  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
du  R.  P.  Hippolyte  Delehaye,  Bollandiste,  un  volume  intitulé  :  Les 
origines  du  culte  des  martgrs    Bruxelles,  1912,  in-8°,  vm-o03  pages). 

«  Le  nom  du  P.  H.  Delehaye  est  bien  connu  de  l'Académie,  qui  a 
eu  la  primeur  de  l'un  de  ses  récents  travaux,  les  Légendes  grecques 
des  saints  militaires,  et  en  a  patronné  la  publication.  Une  autre  œuvre 
du  P.  Delehaye,  qui  a  obtenu  le  plus  légitime  succès,  les  Légendes 
hagiographiques,  a  jeté  une  lumière  nouvelle,  particulièrement  au 
point  de  vue  littéraire,  sur  les  origines  du  culte  des  saints  dans 
le  monde  antique,  en  Orient  et  en  Occident. 

«  Le  meilleur  éloge  qu'on  puisse  faire  de  ce  nouveau  livre  est  de 
dire  qu'on  y  retrouve,  et  à  un  degré  éminent,  les  mêmes  qualités  qui 
distinguent  les  deux  ouvrages  dont  je  viens  de  rappeler  les  tifres  : 
une  information  aussi  étendue  qu'exacte,  une  méthode  rigoureuse- 
ment scientifique,  jointes  à  un  style  élégant  et  clair,  dont  l'agrément 
ne  nuit  nullement  à  la  solidité  du  fond. 


LIVRES    OFFERTS  547 

«  Le  volume  est  dédié  à  notre  regretté  correspondant,  le  P.  De 
Smedt,  et  à  l'un  de  ses  plus  érudits  collaborateurs,  le  P.  Poncelet, 
trop  tôt  enlevé  aux  études  historiques.  » 

M.  Pottieu  présente,  de  la  part  de  M.  René  Dussaud,  conservateur 
adjoint  du  Musée  du  Louvre,  un  nouveau  Catalogue  fait  pour  le 
Département  des  antiquités  orientales  et  intitulé  :  Les  Monuments 
Palestiniens  et  Judaïques.  M.  Dussaud  est  entré  au  Louvre  depuis 
deux  ans  seulement  et,  dans  ce  court  espace  de  temps,  il  a  réussi  à 
faire  un  nouvel  inventaire  complet  et  à  publier  dans  cet  excellent 
livre  la  série  (pie  contient  la  salle  judaïque.  Déjà,  en  1876,  M.  Héron 
de  Villefosse  avait  rédigé  une  Notice  des  Monuments  provenant  de  la 
Palestine  qui  est  restée  la  base  des  travaux  de  ce  genre  et  qui  eut 
plusieurs  rééditions.  Mais,  depuis  cette  époque,  nombre  de  pièces 
étaient  entrées  au  Musée,  l'agencement  de  la  salle  avait  été  modifié, 
et  le  besoin  se  faisait  sentir  d'un  nouveau  catalogue. 

C'est  naturellement  la  stèle  de  Mésa,  rapportée  par  M.  Clermont- 
Ganneau,  qui  occupe  la  première  place  dans  cette  élude.  Avec  l'as- 
sentiment de  notre  confrère,  M.  Dussaud  a  pu  donner,  pour  la  pre- 
mière fois,  dans  ses  dimensions  intégrales,  la  belle  planche  qui  avait 
été  faite  par  les  soins  de  l'Académie  et  qui  reproduit,  de  la  façon 
la  plus  fidèle,  ce  monument  célèbre.  Pour  les  autres  antiquités,  la 
plupart  sont  reproduites  dans  de  nombreuses  figures  placées  dans  le 
texte.  Il  y  a  80  gravures.  Les  descriptions  et  la  bibliographie  sont 
rédigées  avec  toute  l'autorité  scientifique  qui  s'attache  au  nom  de 
l'auteur. 


548 


SÉANCE     PUBLIQUE    ANNUELLE 

DU     VENDREDI     15     NOVEMBRE     1912 
PRÉSIDÉE    PAR 

M.  LOUIS     LEGER 


DISCOURS    DU    PRÉSIDENT 


Mes  ciiers  confrères. 

Le  jour  où  l'Académie  a  l'occasion  de  couronner  ses 
lauréats  et  de  constater  les  progrès  de  la  science  serait 
pour  nous  un  jour  de  fête  et  de  joie  sans  mélange  s'il 
n'était  aussi  celui  où  nous  devons  rappeler  nos  deuils  et 
rendre  hommage  à  la  mémoire  de  nos   confrères  disparus. 

Presque  au  lendemain  de  notre  dernière  séance  solen- 
nelle, aux  premiers  jours  de  décembre  1911,  la  mort  nous 
enlevait  un  de  nos  plus  anciens  confrères,  M.  Edmond 
Saglio.  Il  siégeait  à  l'Académie  en  qualité  de  membre  libre 
depuis  trente-quatre  ans.  Passionné  pour  les  questions 
d'art  et  d'archéologie,  il  avait  été  attaché  au  Musée  du 
Louvre  et  avait  dirigé  pendant  de  longues  années  le  Musée 
de  Cluny.  Depuis  plus  de  quarante  ans,  il  avait  consacré 
toute  son  activité  à  ce  beau  Dictionnaire  des  Antiquités 
grecques  et  romaines  qui  est  l'honneur  de  l'érudition  et  de 
la  librairie  françaises.  Il  n'a  pu  le  mener  à  bonne  fin.  Mais 
depuis  longtemps  il  s'était  associé  notre  docte  et  laborieux 
confrère,  M.  Edmond  Pottier,  qui  aura  l'honneur  d'achever 
l'œuvre  colossale.  Très  assidu  à  nos  séances,  d'une  égalité 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  549 

d'humeur  et  d'une  courtoisie  exquises,  M.  Saglio  ne  comp- 
tait parmi  nous  que  des  amis  et  des  admirateurs.  Il  avait 
atteint  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans,  et  si  la  vieillesse 
avait  courbé  sa  taille,  elle  n'avait  rien  ôté  à  la  lucidité  de 
sa  belle  intelligence. 

Il  est  mort  plein  de  jours.  La  perte  de  M.  Philippe  Berger 
nous  a  été  d'autant  plus  cruelle  qu'elle  était  plus  préma- 
turée et  tout  à  fait  imprévue.  Il  nous  a  été  enlevé  soudai- 
nement à  l'âge  de  soixante-quatre  ans.  La  mort  lui  a  été 
douce,  mais  le  coup  terriblement  dur  pour  sa  famille  et 
pour  ses  amis,  dont  nous  étions.  Il  nous  a  atteints  double- 
ment puisqu'il  a  frappé  notre  sympathique  confrère  M.  Elie 
Berger. 

Le  nom  de  Philippe  Berger  est  désormais  inséparable 
de  celui  de  Renan,  dont  il  fut  l'élève  préféré  et  auquel  il 
avait  succédé  au  Collège  de  France  et  à  l'Institut.  Le  sou- 
venir de  notre  confrère  reste  attaché  à  ce  Corpus  inscrip- 
tionum  semiticarum,  à  la  rédaction  duquel  il  a  pris  une  si 
grande  part.  Dans  ces  dernières  années,  la  politique  l'avait 
disputé  à  la  science.  Mais  il  nous  restait  fidèle,  autant  que 
le  permettaient  ses  nouveaux  devoirs,  et  nous  espérions 
pouvoir  compter  longtemps  encore  sur  sa  curiosité  tou- 
jours en  éveil,  sur  son  infatigable  activité. 

Nous  avons  eu  encore  à  déplorer  la  perte  de  deux  de  nos 
correspondants.  Le  premier  est  M.  Paul  Gauckler,  naguère 
directeur  des  Antiquités  de  la  Tunisie.  Il  avait  accompli 
dans  cette  région  des  fouilles  très  fructueuses.  Ses  services 
et  ses  travaux  avaient  appelé  l'attention  de  l'Académie, 
qui  l'avait  nommé  correspondant  à  l'âge  de  trente-trois  ans. 
C'était  un  archéologue  d'une  merveilleuse  perspicacité  et 
un  travailleur  infatigable.  Le  second  est  M.  Albert  Martin, 
professeur  à  l'Université  de  Nancy,  doyen  honoraire  de  la 
Faculté  des  Lettres,  auquel  on  doit  de  belles  études  d'his- 
toire et  d'archéologie  grecques.  Il  s'était  récemment  pré- 
senté à   nos  suffrages  pour  un  fauteuil  de  membre  libre  et 


ooO  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

avait  reçu  des  encouragements  qui  lui  permettaient  d'espé- 
rer un  prochain  succès. 

Je  ne  sais  s'il  est  encore  de  mode  de  médire  des  Acadé- 
mies. Ce  que  je  sais,  c'est  que  jamais  nos  voix  n'ont  été 
plus  ardemment  disputées  par  des  candidats  de  plus  en 
plus  nombreux.  MM.  Long-non  et  Saglio  ont  eu  pour  suc- 
cesseurs M.  Cuq  et  M.  le  chanoine  Ulysse  Chevalier. 
M.  Cuq  honorait  depuis  de  longues  années  la  Faculté  de 
Droit  de  Paris,  et  je  n'insisterai  pas  sur  ses  mérites,  puis- 
qu'il est  ici  présent  parmi  nous.  M.  Ulysse  Chevalier  nous 
appartenait  en  qualité  de  correspondant  depuis  1887.  Dans 
une  modeste  ville  de  province,  il  a  su  rendre  à  notre  his- 
toire des  services  que  lui  envierait  plus  d'un  érudit  pari- 
sien. D'après  notre  règlement,  sur  dix  membres  libres, 
quatre  peuvent  appartenir  à  la  province.  L'Académie  a 
pendant  quelque  temps  négligé  cette  tradition.  Il  faut  la 
féliciter  d'y  être  revenue. 

M.  Gauckler  a  été  remplacé  comme  correspondant  par 
M.  Déchelette,  directeur  du  Musée  de  Roanne,  dont  on 
connaît  les  beaux  travaux  sur  la  préhistoire  et  l'archéo- 
logie nationale. 

M.  Théodore  Gomperz,  décédé  aux  environs  de  Vienne 
le  29  août  dernier,  était  l'un  de  nos  plus  anciens  corres- 
pondants étrangers.  Il  enseignait  la  philosophie  classique 
à  l'Université  de  Vienne  ;  il  était  depuis  1  882  membre  de 
l'Académie  impériale.  Vous  connaissez  tous  les  importants 
travaux  qu'il  a  consacrés  à  la  philologie  hellénique.  Vous 
vous  rappelez  que  son  livre  sur  les  Penseurs  de  la  Grèce  a 
été  traduit  en  notre  langue  et  honoré  d'une  nréface  de  notre 
confrère  M.  Alfred  Croiset.  En  1901,  Gomperz  était  venu 
a  Paris  prendre  part  au  Congrès  international  des  Aca- 
démies, et  tous  nous  avons  gardé  le  meilleur  souvenir  de 
ce  cordial  et  zélé  visiteur. 

Les  nombreux  prix  dont  dispose  l'Académie  ne  sont  pas 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  55 1 

moins  disputés  que  ses  fauteuils.  Nous  sommes  reconnais- 
sants des  ressources  que  la  générosité  de  nos  Mécènes 
met  à  la  disposition  des  lauréats.  Cependant  il  nous  arrive 
parfois  de  regretter  que  nos  mains  soient  liées  par  des  pro- 
grammes trop  étroits,  que  nous  n'ayons  pas  à  notre  dispo- 
sition des  libéralités  qui  nous  permettraient  de  subvenir  à 
tel  besoin  immédiat  de  la  science,  sans  avoir  à  nous  préoc- 
cuper des  termes  restrictifs  de  la  donation.  Ce  que  nous 
demandons  aux  amis  des  hautes  études  et  des  bonnes 
lettres,  c'est,  quand  ils  penseront  à  nous,  de  mettre  à 
notre  service  des  ressources  qui  pourront  être  employées 
en  toute  liberté  pour  le  profit  de  la  science  et  des  savants. 

C'est  à  cet  ordre  de  libéralités  qu'appartiennent  les  deux 
fondations  de  notre  confrère  M.  le  duc  de  Loubat.  Grâce  à 
lui,  six  mille  francs  ont  pu  être  consacrés  cette  année  à 
venir  en  aide  a  des  savants  momentanément  arrêtés  dans 
leurs  travaux  par  la  gêne  ou  la  maladie.  Pour  des  raisons 
que  vous  comprenez  tous,  nous  nous  sommes  fait  une  loi 
de  ne  pas  publier  les  noms  des  bénéficiaires  de  cette  fon- 
dation. 

Parmi  les  divers  concours,  celui  qui  provoque  générale- 
ment la  plus  vive  émulation,  c'est  celui  qui  a  pour  objet 
les  Antiquités  nationales.  Les  ouvrages  présentés  sont 
l'objet  de  longues  et  nombreuses  discussions  dont  le  résul- 
tat est  consigné  dans  un  rapport  publié  par  nos  Comptes 
rendus. 

Le  programme  prévoyait  trois  médailles.  Vu  l'intérêt 
des  publications  présentées,  l'Académie  a  cru  devoir  ajou- 
ter une  quatrième  médaille  de  500  francs. 

La  première  (1.500  fr.)  a  été  décernée  à  trois  érudits 
rémois,  MM.  Jadart,  Demaison  et  Givelet,  pour  leur  Réper- 
toire archéologique  de  l'arrondissement  de  Reims.  C'est 
une  œuvre  de  longue  haleine,  commencée  en  1885  et  pour- 
suivie depuis  avec  une  persévérance  digne  de  tous  les 
éloges.  Les  auteurs  ont    tout  noté,  tout  relevé.  C'est,  nous 


552  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

dit  notre  rapporteur,  un  répertoire  idéal  où  rien  du  passé 
n'est  oublié  et  où  se  prépare  le  bon  travail  de  l'avenir.  Le 
titulaire  de  la  seconde  médaille  (1.000  fr.),  M.  Victor 
Mortet,  nous  présente  un  ensemble  de  Textes  relatifs  à 
l  histoire  de  V architecture  et  à  la  condition  des  architectes 
en  France  au  moyen  âge.  Il  y  a  là  un  immense  labeur  de 
recherches.  Le  livre,  dit  notre  rapporteur,  ressemble  au 
bibliothécaire  qu'est  M.  Mortet  :  il  se  met  au  service  de 
tous  ceux  qui  travaillent.  Le  titulaire  de  la  troisième 
médaille  (500  fr.)  est  M.  Sauvage,  pour  une  monographie 
de  l'Ahhaye  de  Saint-Martin-de-Troarn,  au  diocèse  de 
Bayeux,  des  origines  au  XVIe  siècle.  Une  médaille  sup- 
plémentaire '500  fr.)  a  été  décernée  à  M.  l'abbé  Vidal 
(Benoit  XII,  1384-434%.  Lettres  communes,  analysées 
d'après  les  registres  dits  d'Avignon  et  du  Vatican).  Des 
mentions  honorables  ont  été  attribuées,  en  outre,  aux 
ouvrages  suivants  : 

lre  mention.  —  MM,  Chappée  et  l'abbé  Denis  :  Archives 
du  Cogner,  publiées  par  la  Société  des  Archives  historiques 
du  Maine  ; 

2e  mention.  —  M.  Gadave,  Documents  sur  l'histoire  de 
V Université  de  Toulouse  ; 

3e  mention.  —  M.  Artonne,  Le  mouvement  de  1314  et  les 
chartes  provinciales  de  4315; 

4e  mention.  — ■  M.  Verlaguet,  Cartulaire  de  V abbaye  de 
Silvanès  ; 

5°  mention.  —  M.  Henri  Legras,  Le  bourg  âge  de  Caen. 

Nous  avons  dû,  non  sans  regret,  écarter  du  concours 
des  ouvrages  relatifs  à  la  période  moderne  qui  sont  du 
ressort  d'une  autre  Académie.  Nous  avons  dû  également 
laisser  de  coté  des  inventaires  d'archives  qui  ne  rentrent 
pas  dans  le  programme  du  concours.  Le  Cartulaire  de  l'ab- 
baye de  M  oies  me,  par  M.  Laurent,  a  déjà  été  récompensé 
en  1908,  et  nous  ne  pouvons  aujourd'hui  que  rappeler  le 
talent  de  l'auteur  et  la  médaille  qui  lui  a  été  décernée. 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  553 

Le  prix  de  La  Grange,  fondé  en  faveur  de  la  publication 
du  texte  d'un  poème  inédit  des  anciens  poètes  de  la 
France,  n'a  pas  été  décerné  cette  année. 

Le  prix  Duchalais  (1.000  fr.),  réservé  au  meilleur 
ouvrage  de  numismatique  du  moyen  âge,  a  été  partagé 
entre  M.  Jules  Sambon  pour  l'ouvrage  intitulé  :  Réper- 
torie) générale  délie  monete  coniatc  in  Italia,  et  notre  com- 
patriote M.  Antoine  Sabatier,  pour  sa  Sigillographie  histo- 
rique des  administrations  fiscales,  communautés  ouvrières 
et  institutions  diverses.  Plombs  historiés  de  la  Saône  et  de 
la  Seine. 

Le  prix  Bordin,  d'une  valeur  de  trois  mille  francs, 
est  attribué  pour  la  moitié  (1.500  fr.)  à  M.  Ghalandon, 
auteur  d'une  sérieuse  étude  d'histoire  byzantine  :  Jean  II 
Comnène  et  Manuel  Comnène.  Des  récompenses  de  500 
francs  sont  allouées  au  P.  Frédégand  Callaey  (/' Idéa- 
lisme franciscain  au  XIV1  siècle,  étude  sur  Ubertin  de 
Casale),  à  dom  Antonio  Staerk,  pour  son  ouvrage  sur  les 
Manuscrits  latins  du  V''  au  XIIIe  siècle,  conservés  à  la 
Bibliothèque  de  Saint-Pétersbourçj ,  et  à  M.Jean  Longnon, 

pour  son  édition  de  la  Chronique  de  Morée. 

« 

Le  prix  Fould,  relatif  à  l'histoire  des  arts  du  dessin 
antérieurement  au  xvie  siècle,  est  décerné  par  un  jury 
mixte  où  figurent  deux  membres  de  l'Académie  des  beaux- 
arts.  Je  tiens  à  remercier  mes  excellents  confrères 
MM.  Bernier  et  Guiffrey  de  l'aide  qu'ils  ont  bien  voulu 
nous  prêter.  Nos  deux  Académies  ont,  notamment  à  Rome 
et  à  Athènes,  plus  d'un  point  de  contact,  et  deux  des 
nôtres  s'honorent  d'appartenir  à  l'Académie  des  beaux- 
arts. 

Le  prix,  un  des  plus  considérables  dont  nous  disposions, 
est  d'une  valeur  de  cinq  mille  francs.  La  plus  forte  partie 
de  cette  somme  (3.000  fr.)  a  été  attribuée,  à  notre  corres- 


554  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

pondant  M.  Georges  Durand,  d'Amiens,  pour  sa  belle 
monographie  de  l'Eglise  abbatiale  de  Saint-Biquier,  une 
des  merveilles  de  la  Picardie.  On  ne  saurait  louer  ce 
bel  ouvrage,  édité  par  la  Société  des  Antiquaires  de  Picar- 
die, sans  la  féliciter  de  la  magnifique  illustration  dont  il 
est  accompagné. 

Sur  le  montant  et  les  arrérages  antérieurs  du  prix  Fould, 
des  récompenses  ont  été  attribuées  à  M.  Lauer  |  1.000  fr.), 
pour  son  ouvrage  sur  le  Palais  de  Latran  ;  à  M.  Paul  Denys 
(800  fr.).  pour  sa  monographie  du  grand  artiste  lorrain 
Ligier  Bichicr:  à  M.  Morin-Jean  (800  fr.  également),  pour 
son  étude  sur  le  Dessin  des  animaux  en  Grèce;  à  M.  Hour- 
ticq  enfin  (500  fr.),  pour  son  utile  et  agréable  Histoire 
générale  de  l'art  français. 

De  très  nombreux  ouvrages  ont  été  présentés  au  con- 
cours du  prix  Brunet  qui  récompense  les  travaux  de  biblio- 
graphie savante  publiés  en  France  dans  les  trois  dernières 
années.  Le  montant  du  prix  a  été  réparti  entre  M.  Georges 
Vicaire  (1.500  fr.)  pour  son  Manuel  de  l'amateur  de  livres 
du  XIXe  siècle,  M.  Georges  Lépreux  (1.000  fr.)  pour  sa 
Gallia  typjographica,  M.  Hubert  Pernot  (1.000  fr.)  pour  sa 
Bibliographie  ionienne.  500  francs  ont  été  alloués  à 
M.  Etienne  Deville  pour  son  Index  du  Mercure  de  France, 
500  francs  à  M.  Ch.  Beaulieux  pour  son  Catalogue  des 
livres  de  la  Réserve  (XVIe  siècle)  de  la  Bibliothèque  de 
l  Université  de  Paris,  500  francs  à  M.  Albert  Maire  pour 
l'Œuvre  scientifique  de  Pascal,  bibliographie  et  analyse 
de  tous  les  travaux  qui  s'y  rapportent. 

Des  mentions  très  honorables  sont  décernées  à  M.  P. 
Bliard  pour  ses  Tables  de  la  Bibliothèque  de  la  Compagnie 
de  Jésus  et  à  M.  Baudrier  pour  sa  Bibliographie  lyonnaise. 

Le  prix  Delalande-Guérineau,  réservé  au  meilleur 
ouvrage    relatif   à  l'antiquité    classique,    est  partagé   entre 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  555 

M.  Maurice  Brillant,  pour  son  livre  sur  les  Secrétaires 
athéniens  (800  fr.).  et  M.  François  Sagot,  pour  son  Essai 
sur  la  Bretagne  romaine  (100  fr.). 

Pour  le  prix  ordinaire  à  décerner  en  1912,  l'Académie 
avait  proposé  la  question  suivante  :  Etude  historique 
relative  au  Turkestan  oriental.  Il  n'y  a  pas  eu  lieu  de 
décerner  le  prix.  L'Académie  a  accordé  une  récompense  de 
L.500  francs  à  M.  Robert  Gauthiot,  pour  ses  ingénieuses 
recherches  sur  la  langue  soghdienne. 

Le  prix  institué  par  feu  Stanislas  Julien  pour  le  meilleur 
ouvrage  relatif  à  la  Chine  est  réparti  entre  M.  Savina, 
pour  son  Dictionnaire  tay-annamite-français  (1.000  fr.), 
M.  Doré,  pour  ses  liecherches  sur  les  superstitions  en 
Chine,  et  M.  Raphaël  Petrucci,  pour  sa  Philosophie  de  la 
nature  dans  l'art  de  V Extrême-Orient. 

Le  prix  Saintour,  affecté  cette  année  aux  études  orien- 
tales, a  été  partagé  de  la  façon  suivante  :  1.000  francs 
a  M.  l'abbé  Nau,  pour  ses  recherches  sur  Jean  d'Antioche 
et  Nestorius;  500  francs  à  M.  E.  Amar,  pour  sa  traduction 
du  Fakkri  ;  500  francs  k  l'un  des  dovens  de  l'orientalisme, 
M,  Joseph  Halévy,  pour  son  Précis  d'allographic  assyro- 
baby Ionienne;  500  francs  à  M.  Huber,  pour  l'ensemble  de 
ses  travaux  d'archéologie  et  de  philologie  indo-chinoises, 
et  500  francs  à  M.  le  professeur  Clément  Huart,  pour  ses 
Textes  persans  relatifs  à  la  secte  des  Horoufîs.  Notons,  en 
passant,  que  ces  textes  ont  été  publiés  aux  frais  de  la  fon- 
dation anglaise  dite  Gibb  Mémorial,  destinée  à  encourager 
les  recherches  sur  l'histoire,  la  littérature,  la  religion  des 
peuples  musulmans.  C'est  la  première  fois  que  le  nom 
d'un  savant  fiançais  paraît  dans  cette  collection  anglaise,  à 
Laquelle  avait  aussi  collaboré  notre  illustre  confrère  hollan- 
dais M.  l)i'  ( roeie. 


556  SÉANCE   PUBLIQUE    ANNUELLE 

Comme  vous  le  voyez,  nous  sommes  obligés  de  fraction- 
ner nos  prix  presque  à  l'infini,  pour  donner  satisfaction 
aux  ambitions  légitimes  qui  se  les  disputent.  Sommes-nous 
bien  dans  l'esprit  des  fondateurs,  en  agissant  ainsi?  Nous 
le  croyons;  mais,  s'il  y  a  quelque  part  un  ami  de  la 
science  qui  désire  perpétuer  son  nom  en  instituant  quelque 
prix  nouveau,  s'il  estime  que  nous  avons  tort  d'émietter 
les  libéralités  dont  nous  sommes  les  dispensateurs,  qu'il 
nous  fasse  connaître  nettement  ses  intentions  :  nous  n'hési- 
terons pas  à  les  exécuter. 

Un  remords  me  prend,  je  l'avoue,  à  citer  tant  de  noms 
de  bienfaiteurs  sur  lesquels  nous  savons  si  peu  de  chose. 
Si  le  temps  et  l'espace  ne  m'étaient  mesurés,  j'aimerais  à 
m'étendre  plus  longuement  sur  leur  munificence  que  sur 
l'œuvre  de  nos  lauréats.  Nos  lauréats,  ils  sont  dans  la 
bataille  de  la  vie,  ils  ont  déjà  fait  ou  ils  feront  leur  che- 
min. Il  en  est  pour  qui  telle  récompense  aujourd'hui 
décernée  marque  la  première  étape  de  la  voie  qui  mène  à 
l'Institut.  Mais  nos  donateurs  ?  Plus  nous  avançons  dans 
le  temps,  plus  l'ombre  s'épaissit  sur  leurs  noms.  Il  faudra 
bien  quelque  jour,  comme  on  l'a  fait  dans  une  Académie 
voisine,  que  nous  songions  à  célébrer  leur  mémoire  sous 
la  coupole. 

Ce  jour- là,  nous  rendrons  un  hommage  particulièrement 
ému  à  Gabriel- Auguste  Prost,  qui  nous  a  légué  une  rente 
de  1.200  francs  pour  récompenser  l'auteur  français  —  vous 
entendez  bien  —  du  meilleur  travail  historique  sur  Metz  et 
les  pays  voisins. 

Né  à  Metz  en  1817,  mort  à  Paris  en  1896,  Prost  fit 
partie  du  Conseil  municipal  de  sa  ville  natale  pendant 
cette  période  douloureuse  qui  devait  arracher  sa  patrie 
lorraine  à  la  France.  Cette  patrie,  à  laquelle  il  avait  consa- 
cré de  savantes  études,  il  a  voulu  la  servir  et  la  glorifier 
même  après  sa  mort.  Fidèles  exécuteurs  de  ses  intentions, 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  557 

nous  avons  partagé,  cette  fois,  le  revenu  de  la  fondation 
Prost  entre  le  Journal  de  I 'Université  de  Pont-à- Mousson 
{1522-1764),  édité  par  M.  Gavet  (500  fr.),  la  Bibliogra- 
phie lorraine,  publiée  à  Nancy  sous  la  direction  de 
M.  Robert  Parisot  (500  fr.),  et  deux  périodiques  :  Le  pays 
lorrain  et  la  Revue  lorraine  illustrée,  édités  par  M.  Sadoul, 
auquel  l'Académie  a  déjà  témoigné  sa  sympathie. 

Le  plus  important  de  nos  legs  est,  cette  année,  celui 
qui  porte  le  nom  du  baron  Gobert.  Nous  l'avons  attribué 
sans  hésitation  k  M.  Ferdinand  Brunot,  professeur  à  la 
Sorbonne,  pour  son  Histoire  de  la  langue  française.  Dans 
ce  bel  ouvrage,  l'auteur  a  développé  le  résumé  qu'il  avait 
donné  naguère  à  V Histoire  de  la  littérature  française  de 
Petit  de  Julie  ville,  résumé  à  propos  duquel  Gaston  Paris 
écrivait  :  «En  acceptant  une  pareille  tâche,  M.  Brunot 
a  montré  un  courage  devant  lequel  on  doit  s'incliner.  Ce 
courage,  il  l'a  justifié  par  le  savoir  et  le  talent  avec  lequel 
il  a  exécuté  sa  difïicile  entreprise.  11  a  doté  la  littérature 
scientifique  d'une  œuvre  qui  lui  manquait.   » 

Gaston  Paris  se  serait  certainement  associé  de  grand 
cœur  à  la  consécration  que  nous  donnons  aujourd'hui  k 
l'œuvre  de  M.  Brunot.  Par  son  enseignement  à  la  Sor- 
bonne, par  le  concours  assidu  qu'il  a  prêté  k  l'Alliance 
française,  dont  il  a  organisé  et  dirigé  pendant  de  longues 
années  les  cours  de  vacances,  M.  Brunot  a  bien  mérité  de 
notre  langue  et  de  notre  littérature,  dont  celle-ci  est  l'or- 
gane. L'Académie  est  heureuse  de  pouvoir  l'en  remercier. 

Le  deuxième  prix  Gobert  est  accordé  à  un  ouvrage  dont 
le  titre  semble,  k  première  vue,  quelque  peu  romanesque  : 
Récits  du  temps  des  troubles  au  XVIe  siècle  ;  de  c/uelqucs 
assassins,  par  M.  Pierre  de  Vqissière.  Mais  ces  assassins 
ne    sont  pas  les    premiers   venus  :  c'est    Poltrot  de   Méré, 

1912.  :î7 


558  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

c'est  Jacques  Clément,  ce  sont  les  meurtriers  de  Coligny. 
Les  récits  de  M.  de  Vaissière,  où  l'on  ne  sait  qu'admirer 
le  plus,  du  talent  ou  de  l'érudition,  eussent  certainement 
ravi  notre  confrère  Mérimée,  auteur  de  la  Chronique  de 
Charles  IX.  Je  dis  notre  confrère,  au  sens  le  plus  acadé- 
mique du  mot  :  avant  d'appartenir  à  l'Académie  française, 
Mérimée  était  membre  libre  de  la  nôtre. 

Le  prix  Estrade-Delcros  f d'une  valeur  de  8.000  francs) 
est,  de  même  que  le  prix  Jean  Reynaud,  décerné  alternati- 
vement par  chacune  des  Académies.  11  nous  revient  cette 
année.  D'après  la  tradition  qui  s'est  établie  chez  nous,  il  a 
pour  objet,  non  pas  de  récompenser  un  travail  spécial  sur 
un  sujet  donné,  mais  d'honorer  la  carrière  d'un  savant  dis- 
tingué. Il  constitue  comme  une  invite  discrète  à  une  can- 
didature qui  a  chance  d'être  couronnée  de  succès.  Je  pour- 
rais vous  citer  les  noms  de  trois  de  nos  confrères  qui  en 
ont  été  tour  à  tour  titulaires.  Cette  année,  nous  avons 
estimé  qu'il  y  avait  lieu  de  l'employer  à  honorer  la  mémoire 
d'un  académicien  trop  tôt  enlevé  à  notre  estime  et  à  notre 
affection. 

En  décernant  le  prix  Estrade-Delcros  à  la  veuve  d'Au- 
guste Longnon,  l'Académie  a  voulu  témoigner  sa  recon- 
naissance à  ce  savant,  qui  lui  a  fait  tant  d'honneur  et  qui 
lui  appartenait  depuis  tant  d'années.  Mon  prédécesseur 
M.  Omont  vous  disait,  au  lendemain  de  sa  mort  :  «  L'Aca- 
démie, pour  qui  le  deuil  est  profond  et  la  perte  irréparable, 
conservera  pieusement  la  mémoire  de  cet  homme  de  bien, 
de  ce  bon  Français,  de  ce  savant  modeste  et  laborieux.  » 
Mais  que  peuvent  ces  regrets  auprès  du  déchirement  que 
le  père  de  famille  laisse  à  son  foyer? 

A  cette  famille  désolée,  l'Académie  a  voulu  donner  une 
dernière  marque  de  sympathie.  En  allouant  le  prix  Estrade- 
Delcros  à  M""'  Auguste  Longnon,  elle  est  assurée  de  ren- 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  .">.")!» 

contrer  l'approbation  de  tous  ceux  qui  ont  admiré  chez  ce 
grand  érudit 

L'accord  d'un  beau  talent  et  d'un  beau  caractère. 

11  ne  me  reste  qu'à  vous  dire  un  mot  des  Ecoles  qui, 
sous  le  patronage  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  continuent,  par  leurs  vaillantes  investigations,  à 
doter  de  nouveaux  trésors  la  science  philologique,  histo- 
rique et  archéologique,  et,  du  même  coup,  entretiennent  au 
loin  le  bon  renom  de  l'érudition  française. 

A  Home,  les  travaux  de  M.  Anziani  sur  le  monde 
étrusque,  ceux  de  M.  Massigli  sur  l'établissement  du  Canon 
des  Ecritures,  ceux  de  M.  de  Boùard  sur  le  régime  poli- 
tique et  administratif  de  la  capitale  du  monde  chrétien 
au  moyen  âge,  ceux  de  M.  Lucien  Romier  sur  Henri  II 
et  VItalie,  ceux  enfin  de  M.  Charles  Hirschauer  sur  la 
politique  de  saint  Pie  V  en  France  durant  les  guerres 
de  religion  et  à  la  veille  de  la  Saint-Barthélémy,  repré- 
sentent une  masse  exceptionnelle  de  recherches,  con- 
duites avec  ardeur,  coordonnées  avec  talent,  couronnées 
généralement  de  succès  :  les  résultats  en  sont  considé- 
rables. L'Académie  en  a  eu  la  primeur;  le  public  lettré  ne 
tardera  pas  à  les  apprécier  à  son  tour,  car  plusieurs  des 
mémoires  qui  nous  ont  été  adressés  se  présentent  déjà 
sous  la  forme  d'ouvrages  rédigés  qui  n'attendent  qu'une 
dernière  retouche  pour  être  livrés  à  l'impression. 

A  Athènes,  où  notre  confrère  M.  Homolle  a  repris  en 
main  le  gouvernail  précédemment  tenu  par  M.  Ilolleaux, 
à  qui  l'Académie  exprime  ici  publiquement  sa  reconnais- 
sance pour  la  science  et  le  dévouement  avec  lesquels  il  a 
dirigé  tant  d'équipes  successives  de  travailleurs,  les 
fouilles  et  les  découvertes  se  poursuivent  heureusement. 
L'île  de  Délos,  principalement,  où  les  ressources  abondent 
grâce  à  l'inépuisable  libéralité  de  notre  confrère  M.  le  duc 
de   Loubat,  continue    d'être    le    plus   favorable    champ   de 


.^60  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

manœuvre^  de  nos  jeunes  archéologues,  et  le  plus  merveil- 
leux terrain  d'exploitation  scientifique.  Trop  long  serait 
d'énumérer  toutes  les  trouvailles  des  campagnes  dernières. 
Je  me  bornerai  à  citer  le  savant  mémoire  envoyé  cette 
année  par  M.  Yallois  sur  un  des  édifices  les  plus  remar- 
quables de  Délos,  le  temple  dit  des  Taureaux,  et  la  com- 
munication que  le  même  archéologue  a  faite  à  l'Académie 
au  sujet  des  Attiques  déliens. 

Tout  au  Nord  de  l'Archipel,  la  grande  île  turque  de 
Thasos  a  été  explorée  méthodiquement  par  MM.  Avezou, 
Adolphe-Joseph  Reinach  et  Charles  Picard  ;  ce  dernier,  à 
peine  remis  d  une  grave  maladie  contractée  au  cours  de  sa 
campagne,  a  rédigé,  sur  l'Enceinte  hellénique,  un  très 
intéressant  mémoire. 

Enfin,  tandis  que  M.  Hatzfeld  explorait  l'île  de  Chypre, 
que  M.  Ad.  Reinach  faisait  des  fouilles  en  Crète,  sur  le 
continent,  en  Acarnanie,  MM.  Picard  et  Avezou  relevaient 
les  ruines  du  temple  de  Stratos  :  à  Delphes,  M.  Plassart 
commençait  une  campagne  épigraphique,  et  à  Tégée,  en 
Arcadie,  le  temple  d'Athéna  Aléa  était,  de  la  part  de 
M.  Charles  Dugas,  l'objet  d'une  étude  minutieuse  dont 
nous  avons  les  résultats  consignés  dans  un  important 
mémoire. 

Il  n'est  pas  jusqu'à  l'Extrême-Orient  où  le  patronage  de 
lAcadémie  ne  s'étende  sur  une  école  florissante  et  où  l'ac- 
tivité scientifique  de  nos  compatriotes  ne  se  traduise,  cette 
année  encore,  par  des  publications  telles  que  le  tome  III 
de  1 Inventaire  descriptif  des  monuments  du  Camhodyc  du 
commandant  Lunet  de  Lajonquière,  ou  le  tome  Ier  de  la 
Bihliotheca  Indosinica  de  notre  confrère  M.  Henri  Cordier. 

Tout  récemment,  en  utilisant  les  arrérages  de  la  fon- 
dation Benoît  Garnier,  l'Académie  chargeait  M.  Robert 
Gauthiot  d'aller  étudier  dans  le  Turkestan  les  dialectes  ira- 
niens de  la  vallée  du  Yagnob.  Et  grâce  aux  mêmes  fonds, 
M.  de  Gironcourt  a  pu  accomplir  une  mission  en  Afrique, 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  564 

dans  la  région  de  la  Boucle  du  Niger,  d'où  il  revient 
actuellement,  rapportant  800  estampages  d'inscriptions 
arabes  et  plus  de  200  originaux  ou  copies  de  manuscrits. 
C'est  ainsi  que  dans  les  diverses  parties  du  monde,  et 
dans  toutes  les  provinces  de  l'érudition,  la  récolte  de 
l'année  s'est  montrée  fructueuse.  L'Académie  des  inscrip- 
tions est  heureuse  aujourd'hui  de  proclamer  des  résultats 
que  ses  exemples  et  ses  encouragements  ont  contribué  à 
faire  atteindre. 


362  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

II.   JUGEMENT  DES   CONCOURS 


PRIX    DU    BUDGET    (2.000    fr.) 

L'Académie  avait  proposé,  pour  Tannée  1912,  le  sujet  suivant  : 

Étude  historique  relative  au  Turkeslan  oriental. 

Le  seul  mémoire  adressé  au  concours  ayant  été  jugé  insuffisant, 
l'Académie  n'a  pas  décerné  de  prix.  Elle  a  accordé  une  récompense 
de  quinze  cents  francs  à  M.  Gauthiot,  pour  ses  travaux  sur  le  dia- 
lecte iranien  connu  sous  le  nom  de  langue  soghdienne. 

ANTIQUITÉS    DE    LA    FRANCE 

La  Commission  des  Antiquités  de  la  France  a  attribué  : 

La  lre  médaille  (1.500  fr.)  à  MM.  Jadart,  Demaison  et  Givelet  pour 
leur  Répertoire  archéologique  de  l arrondissement  de  Reims    in-8°)  ; 

La  2e  médaille  (1.000  fr.)  à  M.  Victor  Mortet,  Recueil  de  textes 
relatifs  à  l'histoire  de  l'architecture  et  à  la  Condition  des  architectes 
en  France  au  moyen  âge  (Paris,  1911,  in-8°); 

La  3e  médaille  (500  fr.)  à -M.  R.-N.  Sauvage.  Vahhaye  de  Saint- 
Martin  de  Troarn  au  diocèse  de  Rayeux,  des  origines  au  XVIe  siècle 
(Caen,  1911,  in-4°). 

Vu  l'importance  du  concours,  il  a  été  demandé  à  M.  le  Ministre 
une  4e  médaille  en  faveur  de  M.  l'abbé  Vidal,  pour  son  ouvrage 
intitulé  :  Renoît  XII  (1334-1342  ).  Lettres  communes  analysées  d'après 
les  registres  dits  d'Avignon  et  du  Vatican  (Paris.  1909-1911,  3  vol. 
in-4°). 

La  Commission  a  accordé,  en  outre,  les  mentions  suivantes  : 

La  lre  mention  à  M.  Chappée  et  M.  l'abbé  Denis,  Archives  du 
Cogner  publication  de  la  Société  des  Archives  historiques  du  Maine  . 
séries  E  et  H  (4  vol.  in-8°); 

La  2e  mention  à  M.  Gadave,  Documents  sur  l'histoire  de  l'Univer- 
sité de  Toulouse  (in-8°); 

La  3«  mention  à  M.  Autonne,  Le  mouvement  de  131 A  et  les  chartes 
provinciale»  <!<>  1315  (in-8°); 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  563 

La  4e  mention  à  M.  Verlaguet,  Cartulairè  de  l'abbaye  de  Silvanès 
(Rodez,  1910,  in-8°); 

La  5e  mention  à  M.  Henri  Legras,  Le  bourgage  de  Caen  Taris, 
1911,  in-8°). 

PRIX    DE    NUMISMATIQUE    DUCHALAIS    f  1.000    fr.) 

Le  prix  de  numismatique  fondé  par  Mme  veuve  Duchalais,  en 
faveur  du  meilleur  ouvrage  de  numismatique  du  moyen  Age,  a  été 
partagé,  par  parties  égales,  entre  M.  Jules  Samhon  pour  son  ouvrage 
intitulé:  Bepertorio  générale  délie  monete  coniate  in  Ilalia  (t  vol. 
in-4°  avec  planches',  et  M.  Antoine  Sabatièb  pour  sa  Sigillographie 
historique  des  administrations  fiscales,  communautés  ouvrières  et 
institutions  diverses.  Plombs  historiés  de  la  Sa<>ne  et  de  la  Seine 
(1  vol.  gr.  in-8°  avec  planches). 

PRIX  FONDÉ  PAR  LE  BARON  GOBERT  (10.000  fl".) 

Pour  le  travail  le  plus  savant  et  le  plus  profond  sur  l'histoire 
de  France  et  les  études  qui  s';/  rattachent. 

L'Académie  a  décerné  le  premier  prix  à  M.  Ferdinand  Brunot 
pour  son  Histoire  de  la  langue  française,  des  origines  à  1900  (Paris, 
3  vol.  in-8°). 

Le  second  prix  a  été  décerné  à  M.  Pierre  de  Vaissière  pour  son 
ouvrage  intitulé  :  Récits  du  temps  des  troubles  au  XVIe  siècle.  De 
quelques  assassins  (Paris,  1912,  in-8°). 

prix  bobdin   (3.000  fr.) 

La  Commission  du  prix  Bordin  (moyen  âge  et  Renaissance)  a 
décerné  : 

1°  Un  prix  de  mille  cinq  cents  francs  à  M.  Ferdinand  Ciiaeandon 
pour  son  histoire  de  Jean  II  Comnène  et  Manuel  Comnène ; 

2°  Trois  récompenses  de  cinq  cents  francs  chacune  :  au  Père  Fré- 
dégand  Callaey,  pour  son  livre  intitulé  :  L'idéalisme  franciscain  spi- 
rituel au  XIVe  siècle  ;  étude  sur  Ubertin  de  Casale  ; —  à  M.Jean 
Longnon,  pour  son  édition  de  la  Chronique  de  Morée  ; —  à  dom 
Antonio  Staerk,  pour  son  livre  intitulé  :  Les  manuscrits  latins  du 
Ve  au  XIIIe  siècle  conservés  à  la  Bibliothèque  impériale  de  Sainl- 
Pétersbour;/. 

prix  louis  fould    5.000  fr.) 
La  Commission   «lu  prix    Fould    au   meilleur  ouvrage  sur  l'histoire 


564  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

des  arts  du  dessin,  en  s'arrêtent  à  la  fin  du  XVIe  siècle)  a  partagé  le 
prix  ainsi  : 

Trois  mille  francs  à  M.  Georges  Durand  pour  son  ouvrage  : 
L'église  abbatiale  de  Saint-Biquier ; 

Mille  francs  à  M.  Ph.  Lauer  :  Le  palais  de  Latran  ; 

Huit  cents  francs  à  M.  Paul  Denis  pour  son  ouvrage  sur  Ligier 
Bichier  ; 

Huit  cents  francs  à  M.  Morin-Jean  pour  son  volume  :  Le  dessin 
des  animaux  en  Grèce  d'après  les  vases  peints  ; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Louis  Holrticq  pour  son  Histoire  générale 
de  l'art  français. 

PRIX    BRUNET    (3.000    fr. 

La  Commission  du  prix  Brlnet,  vu  le  grand  nombre  des  concur- 
rents, n'a  pas  décerné  le  prix  de  3.000  francs,  mais  elle  a  attribué, 
sur  les  revenus  de  la  fondation,  les  récompenses  suivantes  : 

Mille  cinq  cents  francs  à  M.  Vicaire.  Manuel  de  l'amateur  de  livres 
du  XIXe  siècle,  7  vol.  in-8°  ; 

Mille  francs  à  M.  Georges  Lépreux,  Gallia  tgpographica,  4  vol. 
in-8° ; 

Mille  francs  à  M.  Hubert  Perxot,  Bibliographie  ionienne,  2  vol. 
in-8°   œuvre  d'Emile  Legrand  complétée  par  M.  Pernot)  ; 

Cinq  cents  francs  a  M.  Etienne  Deville,  Index  du  Mercure  de 
France,  1  vol.  in-4°  ; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Charles  Beallielx.  Catalogue  des  livres  de 
ia  Béserve  (xvie  siècle)  de  la  Bibliothèque  de  VUniversité  de  Paris, 
1  vol.  in-8°  ; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Albert  Maire,  L'œuvre  scientifique  de 
Pascal.  Bibliographie  critique  analyse  de  tous  les  travaux  qui  s'y 
rapportent.  1  vol.  in-8°. 

Mentions  très  honorables  : 

A  M.  Pierre  Bliard,  Bibliographie  de  la  Compagnie  de  Jésus.  T.  X. 
Tables.  1  vol.  in-4°  ; 

Et  à  M.  J.  Baudrier,  Bibliographie  lyonnaise.  9  vol.  in-8°. 

prix  dblalanob-guérineau     1.200  fr.) 

La  Commission  du  prix  Delalande-Guérincau  a  réparti  comme  il 
suit  le  revenu  delà  fondation  : 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  565 

Hait  cents  francs  à  M.  Maurice  Brillant  pour  son  Ouvrage  inti- 
tulé :  Les  Secrétaires  athéniens; 

Quatre  cents  francs  à  M.  François  Sagot,  auteur  de  l'ouvrage  inti- 
tulé :  La  Bretagne  romaine. 

PRIX     STANISLAS     JULIEN     (1.500     fV.) 

La  Commission  du  prix  Stanislas  Julien  a  décerné  un  prix 
de  mille  francs  à  M.  Savina  pour  son  Dictionnaire  taij -annamite- 
français,  et  deux  récompenses  de  cinq  cents  francs  chacune,  l'une  à 
M.  Doré  pour  ses  Recherches  sur  les  superstitions  en  Chine,  l'autre  à 
M.  Raphaël  Petrucci  pour  sa  Philosophie  de  la  nature  dans  l'art 
d'Extrême-Orient. 

PRIX    JOSEPH    SAINTOUR    (3.000    fï.) 

Le  prix  Saintour,  destiné,  cette  année,  au  meilleur  ouvrage  relatif 
au  moyen  âge  et  à  la  Renaissance,  a  été  partagé  de  la  manière  sui- 
vante : 

Mille  francs  à  M.  l'abbé  Nau  pour  ses  publications  sur  Jean 
d'Antioche  et  Neslorius  ; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Clément  IIuart  pour  ses  Textes  persans 
relatifs  à  la  secte  des  Horoufis  ; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Emile  Amar  pour  sa  traduction  du  Fakhri; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Joseph  Halévv  pour  son  Précis  d'allo- 
graphie  assyro-hahy  Ionienne  ; 

Cinq  cents  francs  à  M.  Ed.  Huber  pour  l'ensemble  de  ses  travaux 
d'archéologie  et  de  philologie  indo-chinoises. 

PRIX    GABRIEL-AUGUSTE    PROST    (1.200    fl\) 

La  Commission  du  prix  Auguste  Prost,  destiné  à  récompenser  les 
travaux  historiques  sur  Metz  et  les  pays  voisins,  a  partagé  le  prix 
de  la  façon  suivante  : 

1°  Cinq  cents  francs  à  M.  Gavet,  pour  le  Diarium  Universitatis 
Mussipontanas  (1522-1764)  ; 

2°  Cinq  cents  francs  à  la  Bibliographie  lorraine  publiée  par  les 
Annales  de  l'Est,  organe  de  la  Faculté  des  lettres  de  Nancy,  sous  la 
direction  de  M.  Robert  Parisot  (Nancy,  1910,  in-8°)  ; 

â°   Peu. r  cents  frams  à  la  Revue  intitulée   le   Pays  lorrain  et  à   la 


566  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

Berne  lorraine  illustrée,  publiées   sous   la   direction   de  M.    Charles 
Sadoul. 

PRIX    ESTRADE-DELCROS   (8.000  fl\) 

L'Académie  a  décerné  le  prix  Estrade-Delgros,  de  la  valeur  de 
8.000  francs,  à  Mmc  veuve  Auguste  Longnon,  pour  l'ensemble  des 
travaux  de  son  mari  et  pour  honorer  sa  mémoire. 

nouvelle  fondation  de  m.   le  duc  de  loubat 

M.  le  duc  de  Loi:bat  a  fait  donation  entre  vifs  à  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  de  deux  titres  de  rente  de  trois  mille 
francs  chacun  pour  venir  en  aide  aux  savants  momentanément  arrêtés 
dans  leurs  travaux  par  le  manque  de  ressources  matérielles  ou  par  la 
maladie,  ou  à  secourir  leurs  parents,  veuves,  ascendants,  etc.  L'Aca- 
démie a  appelé  cette  année  au  bénéfice  de  cette  fondation  deux 
personnes. 

FONDATION    BENOIT    GARNIER 

L'Académie  a  attribué  sur  les  arrérages  de  la  fondation  les  subven- 
tions suivantes  : 

Douze  mille  francs  a  M.  le  capitaine  Tilho,  pour  une  année 
d'exploration  à  l'effet  d'étudier  les  anciennes  communications  entre 
le  lac  Tchad  et  le  Nil  ; 

Mille  deux  cents  francs  à  M.  Henri  Maspero,  pour  lui  permettre, 
en  vue  d'une  exploration  future  dans  l'Asie  centrale,  de  se  rendre  à 
Berlin  et  à  Londres  pour  étudier  les  collections  recueillies  par 
MM.  Grûnwedel  et  Von  Lecoq  et  par  Sir  Aurel  Stein  ; 

Dix  mille  francs  à  M.  Robert  Gauthiot,  pour  un  voyage  dans 
l'Asie  Centrale  qui  doit  être  consacré  à  l'étude  des  langues  ira- 
niennes. 

fondation  piot  (17.000  fr.) 

L'Académie  a  attribué  sur  les  arrérages  de  la  fondation  les  subven- 
tions suivantes  : 

Mille  cinq  cents  francs  à  M.  Homo,  ancien  membre  de  l'École 
française  de  Rome,  pour  continuer  ses  recherches  archéologiques  à 
Rome. 

Mille  cinq  c<-nts  francs  à  MM.  Germain  de  Montauzan  et  Fabia 
pour  les  fouilles  sur  la  colline  de  Fourrières  : 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  567 

Mille  cinq  cents  francs  à  M.  Ebersolt  pour  continuer  ses  recherches 
à  Constantinople,  en  vue  de  préparer  une  histoire  de  l'architecture 
byzantine. 

FONDATION     DOURLANS 

L'Académie  a  attribué  sur  les  arrérages  de  la  fondation  les  subven- 
tions suivantes  : 

Deux  mille  francs  pour  la  publication  des  Cylindres  orientaux 
du  Louvre  ; 

Mille  cinq  cents  francs  pour  la  publication  d'un  Album  des  bronzes 
du  Louvre; 

Deux  mille  francs  pour  la  publication  des  recherches  de  M.  Jules 
Martha  sur  la  langue  étrusque  ; 

Mille  cinq  cents  francs  à  M.  Gaidoz  pour  l'aider  à  publier  les 
papiers  sur  le  folk-lore  laissés  par  M.  Rolland  et  particulièrement 
relatifs  à  la  faune  et  à  la  flore  populaire  ; 

Deux  mille  francs  à  M.  Seymour  de  Ricci  pour  poursuivre  ses 
recherches  à  Saint-Pétersbourg  et  à  Moscou  en  vue  de  la  continua- 
tion du  x  Recueil  des  monnaies  grecques  d'Asie  Mineure  »  ; 

Deux  mille  francs  à  M.  Louis  Châtelain  pour  continuer  les 
fouilles  qu'il  a  commencées  à  Maktar,  en  Tunisie; 

Six  mille  francs  à  M.  Gabalda,  éditeur,  pour  l'aider  à  la  publi- 
cation d'un  ouvrage  intitulé  «  Jérusalem  »,  par  le  R.  P.  Vincent. 


368  SÉANCE   PUBLIQUE    ANNUELLE 


III.  DÉLIVRANCE   DES  DIPLOMES 
d'archiviste  paléographe 


En  exécution  des  prescriptions  d'une  lettre  du  Ministre  de  l'instruc- 
tion publique  en  date  du  2  février  1833,  l'Académie  déclare  que  les 
élèves  de  l'École  des  Chartes,  qui  ont  été  nommés  archivistes  paléo- 
graphes, par  arrêté  ministériel  du  9  février  1912,  conformément  à 
la  liste  dressée  par  le  Conseil  de  perfectionnement  de  cette  Ecole, 
sont  par  ordre  de  mérite  : 

MM.   1.   Heli.oiin  de  Cenival  (P/erre-Marie). 

2.  Maux   Vea/î-Philippe). 

3.  Boucher  (Louis-Gérard-Fra/iro/s). 

4.  Verrier  i  Annet-Jean-Marie). 

5.  Jablonski  (Pierre-Joseph-Léopold-./ean). 

6.  Loew  (Jean-Paul- And  ré). 

7.  Baron  (Albin-Frarcço/.s-Placide). 

8.  Oudot  de  Dainville  i  Charles-Marie-Jl/aurice). 

Et  hors  rang,  comme  appartenant  à  des  promotions  antérieures 
(ordre  alphabétique)  : 

MM.  Biver  (Jean-Noël-A/u/ré). 

Girod  (Fi/f/ène-Marie-Émile). 
Jouanne    /?e/ié-Amand-Édouard). 
Boussier  (Adam-Louis-Pai//  . 
Servant  [Georg es-Paul). 


SÉAiNCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  569 

IV.     ANNONCE     DES     CONCOURS 

DONT  LES  TERMES   EXPIRENT 
en  1913,   1914,   1915,   1918  et  1919. 


PRIX    ORDINAIRES    DE    L  ACADEMIE 

L'Académie  rappelle  qu'elle  a  proposé  les  questions  suivantes  : 

1°  Pour  l'année  1913  : 

Etude  sur  les  impôts  royaux  en  France  sous  les  règnes  de  Philippe 
le  Bel  et  de  ses  /ils. 

2°  Pour  l'année  1914  : 
L'Espagne  h  l'époque  romaine. 

L'Académie  propose,  en  outre,  pour  l'année  1915,  le  sujet  suivant  : 

Le  genre  épislolaire  chez  les  Assyro-Baby Ioniens  depuis  les  ori- 
gines. 

Les  mémoires  sur  chacune  de  ces  questions  devront  être  déposés 
au  Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le  1er  janvier  de  l'année  du  con- 
cours '. 

Chacun  de  ces  prix  est  de  la  valeur  de  deux  mille  francs. 

ANTIQUITÉS     DE    LA    FRANCE 

Trois  médailles,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs  la  première, 
mille  francs  la  deuxième,  et  cinq  cents  francs  la  troisième,  seront 
décernées  en  1913  aux  meilleurs  ouvrages  manuscrits  ou  publiés  dans 
le  cours  des  années  1911  et  1912  sur  les  Antiquités  do  la  France,  qui 
auront  été  déposés  en  double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés,  au 
Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le  tpr  janvier  1913.  —  Les  ouvrages  de 
numismatique  ne  sont  pas  admis  à  ce  concours. 

Le  concours  est  annuel. 

1.  Voir  p.  580  les  Conditions  générales  des  concours. 


570  SÉANCE   PUBLIQUE   ANNUELLE 


PRIX    DE    NUMISMATIQUE 

I:  Le  prix  de  numismatique  fondé  par  M.  Allier  de  Hauterociie 
sera  décerné,  en  1913,  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique  ancienne, 
qui  aura  été  publié  depuis  le  mois  de  janvier  1911. 

II.  Le  prix  de  numismatique  fondé  par  Mme  veuve  Duchalais  sera 
décerné,  s'il  y  a  lieu,  en  1914,  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique 
du  moyen  âge  qui  aura  été  publié  depuis  le  mois  de  janvier  1913. 

Chacun  de  ces  prix  est  de  la  valeur  de  mille  francs. 

Les  ouvrages,  pour  chacun  de  ces  prix,  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire,  au  Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le  1er  janvier  de 
l'année  du  concours. 

PRIX  FONDÉS  PAR  LE  BARON  GOBERT  (10.000  fl\) 

Pour  l'année  1913,  l'Académie  s'occupera,  à  dater  du  1er  janvier,  de 
l'examen  des  ouvrages  qui  auront  paru  depuis  le  1er  janvier  1912  et 
qui  pourront  concourir  aux  prix  annuels  fondés  parle  baron  Gobert. 
En  léguant  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  la  moitié 
du  capital  provenant  de  tous  ses  biens,  après  l'acquittement  des  frais 
et  des  legs  particuliers  indiqués  dans  son  testament,  le  fondateur  a 
demandé  «  que  les  neuf  dixièmes  de  l'intérêt  de  cette  moitié  fussent 
proposés  en  prix  annuel  pour  le  travail  le  plus  savant  et  le  plus  pro- 
fond sur  l'histoire  de  France  et  les  études  qui  s'y  rattachent,  et  l'autre 
dixième  pour  celui  dont  le  mérite  en  approchera  le  plus;  déclarant 
vouloir,  en  outre,  que  les  auteurs  des  ouvrages  couronnés  continuent 
à  recevoir,  chaque  année,  leur  prix  jusqu'à  ce  qu'un  ouvrage  meilleur 
le  leur  enlève,  et  ajoutant  qu'il  ne  pourra  être  présenté  à  ce  concours 
que  des  ouvrages  nouveaux  ». 

Tous  les  volumes  d'un  ouvrage  en  cours  de  publication,  qui  n'ont 
point  encore  été  présentés  au  prix  Gobert,  seront  admis  à  concourir, 
si  le  dernier  volume  remplit  toutes  les  conditions  exigées  par  le  pro- 
gramme du  concours. 

Sont  admis  à  ce  concours  les  ouvrages  composés  par  des  écrivains 
étrangers  à  la  France. 

Sont  exclus  de  ce  concours  les  ouvrages  des  membres  ordinaires 
ou  libres  et  des  associés  étrangers  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres. 

L'Académie  rappelle  aux  concurrents  que,  pour  répondre  aux  inten- 
tions du  baron  Gobert,  qui  a  voulu   récompenser  les  ouvrages  les 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  571 

plus  savants  et  les  plus  profonds  sur  l'histoire  rie  France  et  les  études 
qui  s'y  rattachent,  ils  doivent  choisir  des  sujets  qui  n'aient  pas  encore 
été  suffisamment  approfondis  par  la  science.  La  haute  récompense 
instituée  par  le  baron  Gobert  est  réservée  à  ceux  qui  agrandissent 
le  domaine  de  la  science  en  pénétrant  dans  des  voies  inexplorées. 

Six  exemplaires  de  chacun  des  ouvrages  présentés  à  ce  concours 
devront  être  déposés  au  Secrétariat  de  l'Institut  (délibération  du  27 
mars  1840)  avant  le  1er  janvier  1913,  et  ne  seront  pas  rendus. 

Ce  concours  est  annuel. 

prix  bordin  (3.000  fr.) 

M.  Bordin,  notaire,  voulant  contribuer  au  progrés  des  lettres,  des 
sciences  et  des  arts,  a  fondé,  par  son  testament,  des  prix  annuels  qui 
sont  décernés  par  chacune  des  cinq  Académies  de  l'Institut. 

L'Académie  a  décidé  que,  à  partir  de  l'année  1904,  le  prix  annuel 
de  la  fondation  Bordin  sera  destiné  à  récompenser  successivement, 
tous  les  trois  ans,  des  ouvrages  relatifs  :  1°  à  l'Orient;  2°  à  l'antiquité 
classique;  3°  au  moyen  âge  ou  à  la  Benaissance. 

En  conséquence,  le  prix  Bordin  sera  décerné: 

En  1913,  au  meilleur  ouvrage  relatif  aux  études  orientales,  publié 
depuis  le  Ie1' janvier  1910; 

En  1914,  au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'antiquité  classique,  publié 
depuis  le  l01' janvier  1911  ; 

En  1915,  au  meilleur  ouvrage  relatif  au  moyen  âge  ou  à  la  Benais- 
sance, publié  depuis  le  1er  janvier  1912. 

Deux  exemplaires  de  chacun  des  ouvrages  présentés  à  ces  con- 
cours devront  être  déposés  au  Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le 
1er  janvier  de  l'année  du  concours. 

PRIX    EXTRAORDINAIRE    BORDIN    (3.000    fl\) 

L'Académie  a  proposé,  pour  Tannée  1913,  le  sujet  suivant  : 
Histoire  du  texte  de  Platon. 

Les  mémoires  sur  cette  question  devront  être  déposés  au  Secré- 
lni.it  de  rinstitut  avant  le  1er  janvier  1913. 

Elle  a  décidé,  de  plus,  que  le  prix  extraordinaire  Bordin  sera 
décerné,  en  19l.'i,  au  meilleur  ouvrage  imprimé  relatif  aux  éludes 
orientales  publié  depuis  le  Ier  janvier  1912. 

Dépôt  des  ouvrages  en  double  exemplaire  au  Secrétariat  de  l'In- 
Stitul  avant   le  I"'  janvier  1915. 


572  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

PRIX   LOUIS   FOULD    (5.000   fr.) 

Après  la  délivrance  du  prix  de  vingt  mille  francs,  fondé  par 
M.  Fould,  un  prix  biennal  de  cinq  mille  francs  a  pu  être  institué,  d'ac- 
cord avec  ses  héritiers,  sur  les  revenus  de  la  même  fondation,  en 
faveur  de  l'auteur  du  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  des  arts  du  des- 
sin, en  s'arrêtant  à  la  fin  du  XVIe  siècle. 

Ce  prix  sera  décerné  en  1914. 

Les  ouvrages  imprimés  devront  être  écrits  ou  traduits  en  français 
ou  en  latin  et  déposés,  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de 
l'Institut,  avant  le  1er  janvier  1914 '. 

PRIX    DE    LA    FONS-MÉLICOCQ    (1.800    fr.) 

Un  prix  triennal  de  dix-huit  cents  francs  a  été  fondé  par  M.  de 
La  Fons-Mélicocq,  en  faveur  du  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  et  les 
antiquités  de  la  Picardie  et  de  l'Ile-de-France  (Paris  non  compris). 

L'Académie  décernera  ce  prix,  s'il  y  a  lieu,  en  1914;  elle  choisira 
entre  les  ouvrages  manuscrits  ou  publiés  en  1911,  1912  et  1913,  qui 
lui  auront  été  adressés  en  double  exemplaire  ,  s'ils  sont  imprimés, 
avant  le  1er  janvier  1914. 

prix  brunet  (3.000  fr.) 

■  M.  Brunet,  par  son  testament  en  date  du  14  novembre  1867,  a 
fondé  un  prix  triennal  de  trois  mille  francs  pour  un  ouvrage  de  biblio- 
graphie savante  que  V Académie  des  inscriptions,  qui  en  choisira  elle- 
même  le  sujet, jugera  le  plus  digne  de  celle  récompense. 

L'Académie  décernera,  en  1913,  le  prix  au  meilleur  des  ouvrages 
de  bibliographie  savante,  publiés  en  France  dans  les  trois  dernières 
années,  dont  deux  exemplaires  auront  été  déposés  au  Secrétariat  de 
l'Institut  avant  le  1er  janvier  1915. 

PRIX    STANISLAS  JULIEN    (1.500    fr.) 

Par  son  testament  olographe,  en  date  du  26  octobre  1872,  M.  Stanis- 
las Julien,  membre  de  l'Institut,  a  légué  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  une  rente  de  quinze  cents  francs  pour  fonder 
un  prix  annuel  en  faveur  du  meilleur  ouvrage  relatif  à   la  Chine. 

1.  Par  décision  de  l'Académie  du  i:  mai  190s,  les  ouvrages  manuscrits 
sonl  exclus  du  concours. 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  .">7.'5 

L'Académie  décernera  ce  prix  en  1913. 

Les  ouvrages  devront  être  déposés,  en  double  exemplaire,  au  Secré- 
tariat de  l'Institut,  avant  le  1er  janvier  1913. 

PRIX    DELALANDE-GUERINEAU    (1.000   fl\) 

Mme  Delalande,  veuve  Guérjneau,  par  son  testament  en  date  du 
16  mars  1872,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
une  somme  de  vingt  mille  francs  (réduite  à  dix  mille  francs),  dont  les 
intérêts  doivent  être  donnés  en  prix  tous  les  deux  ans,  au  nom  de 
Delalande-Guérine.u  .  à  la  personne  qui  aura  composé  l'ouvrage  jugé 
le  meilleur  par  l'Académie. 

L'Académie  décide  que  le  prix  Delalande-Guérineau  sera  décerné, 
en  1914,  au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'antiquité  classique. 

Les  ouvrages  manuscrits  ou  publiés  depuis  le  1er  janvier  1912,  desti- 
nés à  ce  concours,  devront  être  déposés,  en  double  exemplaire,  s'ils 
sont  imprimés,  au  Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le  1er  janvier  1914. 

PRIX    JEAN      REYNAUD     (10.000    fi*.) 

Mme  veuve  Jean  Reynaud  ,  «  voulant  honorer  la  mémoire  de  son 
«  mari  et  perpétuer  son  zèle  pour  tout  ce  qui  touche  aux  gloires  de 
«  la  France  »,  a,  par  un  acte  en  date  du  3  décembre  1878.  fait  dona- 
tion à  l'Institut  d'une  rente  de  dix  mille  francs,  destinée  à  foncier  un 
prix  annuel,  qui  sera  successivement  décerné  par  chacune  des  cinq 
Académies. 

Conformément  au  vœu  exprimé  par  la  donatrice,  «  ce  prix  sera 
«  accordé  au  travail  le  plus  méritant,  relevant  de  chaque  classe  de 
«   l'Institut,  qui  se  sera  produit  pendant  une  période  de  cinq  ans. 

«  Il  ira  toujours  à  une  œuvre  originale,  élevée,  et  ayant  un  carac- 
«   1ère  d'invention  et  de  nouveauté. 

«  Les  membres  de  l'Institut  ne  seront  pas  écartés  du  concours. 

«  Le  prix  sera  toujours  décerné  intégralement. 

«  Dans  le  cas  où  aucun  ouvrage  ne  paraîtrait  le  mériter  entière- 
«  ment,  sa  valeur  serait  délivrée  à  quelque  grande  infortune  scienti- 
«  tique,  littéraire  ou  artistique. 

«  II  portera  le  nom  de  son  fondateur  Jean  Reynaud.  » 

L'Académie  décernera  ce  prix,  s'il  y  a  lieu,  en  1915, 


1912.  ta 


574  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 


PRIX    DE    LA    GRANGE    (1.000    fl\) 

M.  le  marquis  de  La  Grange,  membre  de  l'Académie,  par  son  tes- 
tament en  date  du  4  août  1871,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  une  rente  annuelle  de  mille  francs  destinée  à  fonder 
un  prix  en  faveur  de  la  publication  du  texte  d'un  poème  inédit  des 
anciens  poètes  de  la  France  ;  à  défaut  d'une  œuvre  inédite,  le  prix 
pourra  être  donné  au  meilleur  travail  sur  un  ancien  poète  déjà  publié. 

Ce  prix  sera  décerné,  s'il  y  a  lieu,  en  1913. 

PRIX    DU    DUC    DE    LOURAT     (3.000    fl\) 

M.  le  duc  de  Loubat,  membre  de  l'Institut  et  de  la  New-York  Histo- 
rical  Society,  a  fait  don  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
d'une  rente  annuelle  de  mille  francs,  pour  la  fondation  d'un  prix  de 
trois  mille  francs,  qui  sera  décerné,  tous  les  trois  ans,  au  meilleur 
ouvrage  imprimé  concernant  Vhis(oii*e,  la  géographie,  Varchéologie, 
l'ethnographie  et  la  linguistique  du  Nouveau  Monde. 

Ce  prix  sera  décerné  en  1913. 

Seront  admis  au  concours  les  ouvrages  publiés  en  langues  latine, 
française  et  italienne,  depuis  le  1er  janvier  1910. 

Les  ouvrages  présentés  à  ce  concours  devront  être  envoyés,  au 
nombre  de  deux  exemplaires,  avant  le  1er  janvier  1913,  au  Secrétariat 
de  l'Institut. 

Le  lauréat,  outre  les  exemplaires  adressés  pour  le  concours,  devra 
en  délivrer  trois  autres  à  l'Académie,  qui  les  fera  parvenir,  un  au 
Columbia  Collège  à  New- York,  le  deuxième  à  la  New-York  Historical 
Society  de  la  même  ville,  et  le  troisième  à  l'Université  catholique  de 
Washington. 

NOUVELLE  FONDATION  DE  M.  LE  DUC  DE  LOUBAT  (3.000  fl\) 

Par  actes  du  20  octobre  1910  et  du  28  mars  1911,  M.  le  duc  de 
Loubat,  membre  de  l'Institut,  a  fait  donation  entre  vifs  à  l'Académie 
des-inscriptions  et  belles-lettres  de  deux  titres  de  rente  annuelle 
de  trois  mille  francs  chacun.  «  Cette  fondation,  dit  le  donataire, 
a  pour  objet  et  pour  but  de  parer  aux  difficultés  de  la  vie  maté- 
rielle qui  pourront  entraver  les  recherches  scientifiques,  soit  que 
ch's  difficultés  refusent  les  loisirs  nécessaires  à  ceux  qui  voudraient 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  575 

s'engager  dans  cette  voie,  soit  qu'elles  leur  enlèvent  la  liberté 
d'esprit  dont  ils  ont  besoin,  qu'elles  les  troublent  par  les  inquié- 
tudes qu'ils  peuvent  concevoir  sur  le  sort  réservé  à  leur  vieillesse, 
où  à  la  famille  qu'ils  risquent  de  laisser,  après  leur  mort,  dans 
une  situation  étroite  et  pénible.  En  conséquence,  les  fonds  pro- 
duits par  celte  Fondation  seront  attribués,  sous  telle  forme  qui 
sera  déterminée  par  l'Académie,  aux  éludes  qui  rentrent  dans  l'ordre 
de  celles  que  patronne  et  encourage  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres.  Ils  serviront  aussi  à  venir  en  aide  aux  savants  momen- 
tanément arrêtés  dans  leurs  travaux  par  le  manque  de  ressources 
matérielles  ou  par  la  maladie,  ou  à  secourir  les  parents,  veuves, 
ascendants,  descendants  ou  collatéraux,  que  la  position  précaire  ou 
le  décès  de  ces  savants  laisserait  dans  l'embarras.  » 

L'Académie  réalisera  en  1913  les  généreuses  intentions  du  dona- 
teur. 


FONDATION  JOSEPH     SAINTOUlt    (3.000     fl\) 

L'Académie  rappelle  que  ce  prix,  delà  valeur  de  trois  mille  fraïux, 
sera  décerné  dans  l'ordre  suivant  : 

En  1913,  au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'antiquité  classique,  publié 
depuis  le  1er  janvier  1910; 

En  1914,  au  meilleur  ouvrage  relatif  au  moyen  âge  ou  à  la  Renais- 
sance, publié  depuis  le  1er  janvier  191 1  ; 

En  1915,  au  meilleur  ouvrage  relatif  aux  études  orientales  publié 
depuis  le  le,'janvier  1912. 

Seront  admis  au  concours  les  ouvrages,  manuscrits  ou  imprimés, 
d'auteurs  français. 

Les  ouvrages  destinés  à  ces  concours  devront  être  déposés ,  en 
double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés,  au  Secrétariat  de  l'Institut, 
avant  le  Ier  janvier  de  l'année  du  concours. 

PIUX      ESTH.VDE-DELCHOS     (8.000     fl\) 

M.  Hsck.vde-Delcros,  par  son  testament  en  date  du  S  février  1  s T « '. , 
a  légué  toute  sa  fortune  à  l'Institut.  Le  montant  de  ce  legs  a  élé, 
selon  la  volonté  du  testateur,  partagé,  par  portions  égales,  entre  les 
cinq  classes  de  l'Institut,  pour  servir  à  décerner,  tous  les  cinq  ans,  un 
prix  sur  le  sujet  choisi  par  chaque  Académie. 


570  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  huit  mille  francs,  sera  décerné  par  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres,  en  1917,  à  un  travail  ren- 
trant dans  les  ordres  d'études  dont  elle  s'occupe. 

Le  choix  de  l'Académie  portera  sur  l'ouvrage,  publié  dans  les 
cinq  années  précédentes,  qui  sera  jugé  le  plus  digne  de  cette  haute 
récompense. 

PRIX    DE    CHÉNIER    (2.000    fl'.) 

Mme  Adélaïde-Élisa  Frémaux,  veuve  de  M.  Louis-Joseph-Gabriel 
de  Chénier,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
une  somme  de  quatorze  mille  francs,  «  pour  le  revenu  être  donné 
«  en  prix,  tous  les  cinq  ans,  à  l'auteur  de  la  méthode  que  ladite 
«  Académie  aura  reconnue  être  la  meilleure,  la  plus  simple,  la  plus 
«  prompte,  la  plus  efficace  pour  l'enseignement  de  la  langue 
«  grecque  ». 

Par  suite  d'un  accord  survenu,  le  2  juillet  1909,  avec  les  héritiers 
de  la  fondatrice  du  prix,  il  a  été  ajouté  au  programme  ci-dessus  la 
clause  suivante  : 

«  A  défaut  d'un  ouvrage  répondant  exactement  aux  termes  de  la 
«  fondation,  l'Académie  pourra  donner  le  prix  à  l'ouvrage  qui  lui 
«  paraîtra  être  le  plus  utile  à  l'étude  de  la  langue  et  de  la  littérature 
«  grecques,  pourvu  qu'il  ait  été  publié  dans  les  quatre  années  qui 
«  seront  écoulées  depuis  que  ce  prix  aura  été  décerné.  » 

L'Académie  décernera  ce  prix  en  1914. 

PRIX    JEAN-JACQUES    BERGER    (15.000    fl'.) 

Le  prix  Jean-Jacques  Berger,  de  la  valeur  de  quinze  mille  francs, 
à  décerner  successivement  par  les  cinq  Académies  à  l'œuvre  la  plus 
méritante  concernant  la  ville  de  Paris,  sera  attribué  par  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres  en  1913. 

PRIX    GABRIEL-AUGUSTE    PROST    (1.200    fl'.) 

M.  Gabriel-Auguste  Prost,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  France,  par  testament  olographe  du  7  février  1894,  a  légué  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  une  rente  de  douze 
cents  francs,  pour  la  fondation  d'un  prix  annuel  à  décerner  à  l'auteur 
français  d'un  travail  historique  sur  Metz  et  les  pays  voisins. 

L'Académie  décernera  ce  prix  en  1913. 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  577 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés,  au  Secrétariat  de  l'Institut, 
avant  le  1er  janvier  1913. 

PRIX    BARON    DE    JOEST    (2.000  fY.) 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  deux  mille  francs,  à  décerner  successive- 
ment par  les  cinq  Académies  A  celui  qui,  dans  l'année,  aura  fait  une 
découverte  ou  écrit  l'ouvrage  le  plus  utile  au  bien  public,  sera  attri- 
bué par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  en  1915. 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés,  au  Secrétariat  de  l'Institut, 
avant  le  1er  janvier  1915. 

PRIX    BARON     DE    COURCEL    (2.400    fl".) 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  deux  mille  quatre  cents  francs,  à  décerner 
successivement  par  l'Académie  française,  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  et  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques, 
est  destiné  à  récompenser  «  une  œuvre  de  littérature,  d'érudition 
ou  d'histoire  qui  sera  de  nature  à  attirer  l'intérêt  public  sur  les 
premiers  siècles  de  l'histoire  de  France  (époque  mérovingienne  ou 
carlovingienne)  ou  à  populariser  quelque  épisode  de  cette  histoire, 
depuis  l'origine  rudimentaire  des  tribus  franques  jusqu'aux  environs 
de  l'an  1000». 

Ce  prix  sera  décerné  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en   1919. 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés  au  Secrétariat,  de  l'Institut, 
avant  le  1er  janvier  1919. 

L'Académie  se  réserve  d'introduire,  s'il  y  a  lieu,  les  candidatures 
d'auteurs  dont  les  ouvrages  n'auraient  pas  élé  présentés. 

PRIX    HONORÉ    CHAVÉE    (1.800    fl*.) 

Ce  prix,  institué  par  Mme  veuve  Honoré  Chavée,  sera  décerné, tous 
les  deux  ans,  pour  les  travaux  de  linguistique.  Il  pourra  être  affecté 
aux  recherches,  missions  ou  publications  relatives  aux  langues 
romanes. 

La  Commission  évoquera  elle-même  les  ouvrages  qui  lui  paraî- 
tront dignes  du  prix.  On  pourra  appliquer  les  revenus  de  la  fonda- 
tion à  récompenser  des  voyages,  missions  ou  recherches  de  tout 
ordre. 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  dix-huit  cents  francs,  scia  décerné  en  191!'. 


,v;78  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

PRIX     LEFÈVRE-DEUMIER   (20.000  fr.) 

Ce  prix,  d'une  valeur  de  vingt  mille  francs,  sera  décerné  tous  les 
dix  ans  par  l'Académie.  Suivant  le  vœu  du  testateur,  il  doit  être  attri- 
bué «  à  l'ouvrage  le  plus  remarquable  sur  les  mythologies,  philoso- 
phies  et  religions  comparées  ». 

Le  prix  sera  décerné,  pour  la  deuxième  fois,  en  1918. 

Les  ouvrages  étrangers  traduits  en  français  seront  admis  à  prendre 
part  au  concours. 

Les  ouvrages  présentés  devront  être  postérieurs  à  l'année  1908. 

FONDATION    PAUL    BLANCHET 

M.  R.  Cagnat,  membre  de  l'Institut,  a  fait  don  à  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  au  nom  du  Comité  du  monument 
Blanchet,  d'une  somme  de  six  cents  francs,  reliquat  de  la  souscription 
ouverte  pour  élever  un  monument  à  Paul  Blanchet,  mort  à  Dakar 
(Sénégal),  au  coui's  d'une  expédition  scientifique.  Les  arrérages  de 
cette  somme  serviront  à  fonder  une  médaille  qui  sera  attribuée  à 
une  découverte  relative  à  l'histoire,  la  géographie  ou  l'archéologie 
de  l'Afrique  du  Nord. 

PRIX    DE    NUMISMATIQUE    ORIENTALE    (1.200    fr.) 

M.  Edmond  Drouin  a,  par  ses  testament  et  codicille  olographes 
des  10  avril  1889  et  17  janvier  1899,  légué  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  une  rente  annuelle  de  trois  cents  francs,  pour 
fonder  un  prix  qui  sera  décerné,  tous  les  quatre  ans,  au  meilleur  tra- 
vail, manuscrit  ou  imprimé,  sur  la  numismatique  orientale,  quelle 
que  soit  la  nationalité  du  lauréat.  Ce  prix,  qui  pourra  être  partagé, 
sera  décerné  en  1914. 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés,  au  Secrétariat  de  l'Institut, 
avant  le  1er  janvier  1914. 

fondation  garnier  (15.000  fr.  de  revenu) 

M.  Benoit  Garnier,  par  son  testament  en  date  du  11  avril  1883,  a 
légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  la  totalité  de 
ses  biens  (legs  réduits  d'un  tiers  en  faveur  des  héritiers,  par  décret  du 
27  septembre  1884).  Les  intérêts  du  capital  résultant  de  la  liquida- 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  ")79 

tion  de  la  succession  doivent  être  affectés,  chaque  année,  «  aux  frais 
d'un  voyage  scientifique  à  entreprendre  par  un  ou  plusieurs  Français, 
désignés  par  l'Académie,  dans  l'Afrique  centrale  ou  dans  les  régions 
de  la  Haute  Asie  ». 

L'Académie  disposera,  en  1913,  des  revenus  de  la  fondation  selon 
les  intentions  du  testateur. 

fondation  piot  (17.000  fr.  de  revenu) 

M.  Eugène  Pjot,  par  son  testament  en  date  du  18  novembre  1880, 
a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  la  totalité  de 
ses  biens.  Les  intérêts  du  capital  résultant  de  la  liquidation  de  la 
succession  doivent  être  affectés,  chaque  année,  «  à  toutes  les  expédi- 
tions, missions,  voyages,  fouilles,  publications  que  l'Académie  croira 
devoir  faire  ou  faire  exécuter  dans  l'intérêt  des  sciences  historiques 
ou  archéologiques,  soit  sous  sa  direction  personnelle  par  un  ou  plu- 
sieurs de  ses  membres,  soit  sous  celle  de  toutes  autres  personnes 
désignées  par  elle  ». 

L'Académie  a  décidé  qu'il  sera  réservé,  chaque  année,  sur  les 
revenus  de  la  fondation,  une  somme  de  six  mille  francs  pour  la 
publication  d'un  recueil  qui  porte  le  titre  suivant  :  Fondation  Piot. 
Monuments  et  Mémoires  publiés  par  l'Académie  des  inscrij)tinns  et 
belles-lettres. 

L'Académie  disposera,  en  1913,  du  surplus  des  revenus  de  la  fon- 
dation, selon  les  intentions  du  testateur. 

FONDATION  LOUIS  DE  CLERCQ 

M""'  De  Clercq  et  M.  le  comte  de  Boisgelin  oui  fait  donation,  entre 
vifs,  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  d'une  somme 
d'environ  deux  cent  mille  francs,  représentée  par  huit  actions  de  la 
Société  des  mines  de  houille  de  Dourges  (Pas-de-Calais),  dont  les 
revenus  seront  affectés  à  continuer  la  publication  ,  commencée  par 
feu  M.  De  Clercq,  du  catalogue  de  sa  collection  d'antiquités  et  de 
médailles.  Après  l'achèvement  du  catalogue,  qui  devra  être  terminé 
dans  un  délai  maximum  de  dix  ans,  les  revenus  devront  être 
employés  à  subventionner  des  publications  relatives  à  l'archéologie 
orientale. 

Le  Catalogue  ayant  été  terminé  dans  le  courant  de  l'année  1912, 
l'Académie  disposera  du  revenu  de  la  fondation  en  1913  pour  sub- 
ventionner des  publications  relatives  ;i  Varchéologie  orientale. 


580  SÉANCE   PUBLIQUE   ANNUELLE 

CONDITIONS   GÉNÉRALES 

DES    CONCOURS 


Les  ouvrages  envoyés  aux  différents  concours  ouverts  par  l'Acadé- 
mie devront  parvenir,  francs  de  port  et  brochés,  au  Secrétariat  de 
l'Institut,  avant  le  Ier  janvier  de  Vannée  où  le  prix  doit  être  décerné. 

Ceux  qui  seront  destinés  aux  concours  pour  lesquels  les  ouvrages 
imprimés  ne  sont  point  admis,  devront  être  écrits  en  français  ou  en 
latin.  Ils  porteront  une  épigraphe  ou  devise,  répétée  dans  un  billet 
cacheté  qui  contiendra  le  nom  de  l'auteur.  Les  concurrents  sont  pré- 
venus que  tous  ceux  qui  se  feraient  connaître  seront  exclus  du  con- 
cours ;  leur  attention  la  plus  sérieuse  est  appelée  sur  cette  disposi- 
tion. 

L'Académie  ne  rend  aucun  des  ouvrages  imprimés  ou  manuscrits 
qui  ont  été  soumis  à  son  examen;  les  auteurs  des  manuscrits  ont  la 
liberté  d'en  faire  prendre  des  copies  au  Secrétariat  de  l'Institut. 

Le  même  ouvrage  ne  pourra  pas  être  présenté  en  même  temps  à 
deux  concours  de  l'Institut. 

Nul  n'est  autorisé  à  prendre  le  titre  de  Lauréat  de  l'Académie,  s'il 
n'a  été  jugé  digne  de  recevoir  un  prix. 

Les  personnes  qui  ont  obtenu  des  récompenses  ou  des  mentions 
n'ont  pas  droit  au  titre  de  lauréat,  et  doivent  se  borner  à  inscrire  sur 
les  ouvrages  qu'elles  publient  :  Récompensé  par  V Académie  ou  Men- 
tion au  concours  de... 

Le  montant  des  sommes  annoncées  pour  les  prix  n'est  signalé  qu'à 
titre  d'indications  subordonnées  aux  variations  du  revenu  des  fonda- 
tions. 


581 


LE 

DAUPHIN     HUMBERT    II 


l'A  H 

M.  PAUL    1  OURNIER 

MEMBRE    DE    l'aCADEMIE 


L'absorption  d'un  Etat  indépendant  par  une  puissance 
voisine  est  souvent  le  résultat  d'une  évolution  séculaire  ; 
mais  il  est  arrivé  plus  dune  fois  que  ce  résultat  a  été 
déterminé,  ou  tout  au  moins  précipité  par  les  erreurs  et 
les  fautes  d'un  souverain.  C'est  ainsi  qu'au  xvn°  siècle,  le 
duc  Charles  IV  de  Lorraine  fut  le  meilleur  auxiliaire  de  la 
politique  française  qui  tendait  a  l'annexion  de  ses  Etats. 
Trois   siècles  auparavant,  sur  la    frontière  du   Sud-Est,  le 

I.  Outre  les  ouvrages  anciens  relatifs  à  l'histoire  du  Dauphin»'-,  cl 
notamment  l'Histoire  du  Dauphinè  du  président  de  Valbonnais,  si  pré- 
cieuse par  les  importantes  pièces  justificatives  que  l'auteur  y  a  insérées, 
j'ai  utilisé  des  travaux  plus  récents,  notamment  V  Itinéraire  des  Dauphins 
de  lu  3e  race  et  le  Choix  des  documents  historiques  inédits  sur  le  Dau- 
phinè publiés  par  M.  le  chanoine  Ulysse  Chevalier  (ce  dernier  ouvrage  l'ait 
partie  des  publications  de  la  Société  de  statistique  de  l'Isère,  3"  série, 
t.  IV),  les  résumés  des  lettres  de  Clément  VI  relatives  à  la  province  de 
Vienne,  publiés  par  M.  l'abbé  Graeff  dans  le  Bulletin  de  /' Académie  del- 
phinale  (en  cours  de  publication),  et  les  intéressants  travaux  de  M.  Claude 
Faure,  ancien  membre  de  l'École  de  Rome,  ancien  archiviste  de  la  Drôme, 
à  savoir  :  son  Histoire  de  la  réunion  de  Vienne,  Grenoble,  1007,  et  divers 
articles,  notamment  ceux  qu'il  a  publiés  en  1007  dans  les  Mélanges  d'ar- 
chéoloffie  et  d'Histoire  de  l'École  de  Rome.  J'ai  aussi  tiré  parti  d'un  cer- 
tain nombre  de  renseignements  inédits  extraits  des  importants  el  nom- 
breux documents  du  fonds  de  la  Chambre  des  Comptes  du  Dauphinè,  série 
R  des  Archives  départementales  de  l'Isère. 


M 


582  LE    DAUPHIN    HUMBERT    II 

dauphin  Humbert  II  rendit,  bien  malgré  lui,  des  services 
analogues  à  la  dynastie  des  Valois.  Je  voudrais  tracer  une 
rapide  esquisse  de  ce  personnage,  qui,  par  son  action  et 
surtout  par  ses  défauts,  joua  dans  l'histoire  de  la  formation 
territoriale  de  la  France  un  rôle  dont  l'importance  ne  sau- 
rait être  méconnue. 


I 

Humbert  II  fut  le  dernier  représentant  d'une  lignée  qui 
faisait  bonne  figure  parmi  les  plus  fameuses  de  son  temps. 
Par  son  père,  il  était  issu  des  barons  de  la  Tour,  qui, 
depuis  la  fin  du  xmc  siècle,  avaient  joint  à  leurs  terres 
patrimoniales  l'héritage  de  deux  races  de  Dauphins.  Par 
sa  mère,  P>éatrice,  fille  du  roi  de  Hongrie  Charles-Martel, 
il  n'était  pas  seulement  le  petit-fils  de  Rodolphe  de  Habs- 
bourg, il  appartenait  en  outre  à  la  descendance  de  ce  frère 
de  saint  Louis  dont  les  entreprises  marquèrent  une-  trace 
profonde  en  Italie  et  faillirent  transformer  le  monde  médi- 
terranéen, j'ai  nommé  Charles  d'Anjou.  Cependant  la  vie 
de  Humbert  atteste  que,  par  nature  ou  par  éducation,  il 
avait  plutôt  les  goûts  d'un  clerc  que  ceux  d'un  membre  de 
la  plus  haute  aristocratie  féodale.  D'allure  assez  peu  mar- 
tiale, préférant  les  arts  libéraux  et  la  compagnie  des  lettrés 
au  fracas  des  armes  et  à  la  société  des  gens  de  guerre, 
enclin  plutôt  à  dénouer  les  nœuds  qu'à  les  trancher,  il  était 
la  vivante  antithèse  de  son  frère  aîné  le  dauphin  Guigues 
VIII,  brillant  cavalier,  habile  capitaine,  ardent  à  la  bataille 
comme  au  plaisir.  Toutefois,  trompant  peut-être  les  prévi- 
sions de  son  entourage,  Humbert  ne  se  fit  point  d'Eglise  : 
ayant  recueilli,  après  la  mort  d'un  oncle,  l'héritage  du 
Faucigny,  il  voulut  faire  l'apprentissage  de  son  métier  de 
prince,  si  bien  qu'à  dix-huit  ans,  il  entreprit  son  tour  d'Eu- 
rope, à  la  façon  des  héritiers  présomptifs  du  xxe  siècle. 

Or,  depuis  cinquante    ans,  deux  influences   sollicitaient 


LE    DAIPHIN    HUMBERT    II  583 

en  sens  inverse  les  seigneurs  et  les  prélats  de  la  vallée 
du  Rhône.  La  souveraineté  lointaine  des  empereurs,  rois 
d'Arles  et  de  Vienne,  était  si  légère  que  le  pouvoir  suprême 
semblait  vacant  dans  ces  régions.  Aussi  deux  prétendants, 
à  l'ambition  aiguisée,  se  disputaient  à  l'avance  cette  suc- 
cession non  ouverte  :  les  rois  de  France,  dune  part,  et, 
d'autre  part,  leurs  cousins  d'Anjou,  comtes  de  Provence  et 
rois  de  Sicile.  Fallait-il  se  mettre  à  la  suite  de  la  France 
ou  des  Angevins,  regarder  du  coté  de  Paris  ou  du  côté  de 
Naples,  telle  était  la  question  d'intérêt  capital  que  se 
posaient  les  membres  de  la  famille  delphinale,  comme  tous 
les  potentats  du  royaume  d'Arles. 

Fidèle  aux  exemples  de  son  père  Jean,  le  dauphin 
Guigues  VIII  s'était  orienté  du  côté  de  la  France.  Gomme 
pour  rétablir  l'équilibre  et  ménager  l'avenir,  Humbert,  sans 
doute  sous  l'influence  de  sa  mère,  s'attacha  au  parti  ange- 
vin. Ainsi  se  vérifia  une  fois  de  plus  l'observation  d'un 
des  maîtres  de  notre  roman  contemporain  :  les  différences 
entre  proches  ne  sont  souvent  qu'une  forme  de  la  solida- 
rité de  la  famille  '. 

Tournant  le  dos  à  Paris  pour  visiter  successivement  les 
deux  cours  angevines,  Humbert  se  rend  d'abord  auprès  de 
son  oncle  maternel,  Carobert,  qui  règne  en  Hongrie.  Auto- 
ritaire, magnifique  et  grand  bâtisseur,  ce  monarque,  qui 
avait  rendu  à  la  royauté  hongroise  son  prestige  et  travail- 
lait à  lui  acquérir  la  prépondérance  dans  l'Europe  centrale, 
ne  pouvait  manquer  de  donner  une  haute  idée  du  rang 
suprême  au  jeune  neveu  qui  lui  arrivait  des  montagnes  du 
Dauphiné.  En  tout  cas,  la  sympathie  que  garda  Humbert 
pour  les  membres  de  sa  famille  maternelle  établie  sur  les 
bords  du  Danube  est  un  des  traits  persistants  du  caractère, 
en  général  assez  inconstant,  du  futur  dauphin  ;  par  sa  poli- 
tique comme  par  ses  affections,  il  fut  un  prince  angevin  de 
la  branche  de  Hongrie. 

l.   Paul  Bourget,  Préface  du  Tribun. 


584  LE    DAUPHIN    HOIBERT    II 

Après  un  séjour  assez  long  en  Hongrie,  Humbert  arriva 
à  Naples,  où  régnait  son  grand  oncle,  le  roi  Robert  d'An- 
jou. Pour  un  jeune  prince  de  vingt  ans,  à  l'esprit  vif  et 
orné,  nul  séjour  ne  pouvait  être  de  plus  grand  profit. 
Robert  était  alors  à  l'apogée  de  sa  réputation.  L'Europe 
ratifiait  le  jugement  du  Vénitien  Marino  Sanudo  et  du 
Florentin  Villani,  qui  le  considéraient  comme  le  monarque 
le  plus  sage  qu'eût  connu  la  chrétienté  depuis  la  mort  de 
saint  Louis.  Politique  habile  et  perspicace,  il  avait  vu  k 
deux  reprises  se  briser  contre  son  pouvoir  le  flot  de  l'inva- 
sion gibeline.  A  ses  sujets,  par  l'exercice  d'une  autorité 
incontestée,  il  avait  procuré  une  longue  série  d'années 
paisibles  et  prospères.  Enfin,  pénétré  des  anciennes  disci- 
plines scolastique  et  juridique,  mais  aussi  attentif  aux  cou- 
rants byzantins  et  arabes  qui  se  rencontraient  à  Naples 
avec  la  culture  latine,  il  protégea  les  savants,  les  huma- 
nistes et  les  artistes  ;  ce  n'est  pas  pour  lui  un  médiocre 
mérite  que  de  se  présenter  à  la  postérité  entouré  d'hommes 
éminents,  au  premier  rang  desquels  figurent  Boccace. 
Pétrarque  et  Giotto. 

Que  Humbert  ait  partagé  l'admiration  des  hommes  de 
son  temps  pour  le  roi  Robert,  cela  n'est  point  douteux. 
Vraisemblablement  une  affection  réciproque  unit  l'oncle  et 
le  neveu  ;  car  Robert  ne  tarda  pas  à  marier  le  jeune  prince 
à  l'une  de  ses  nièces,  qu'il  avait  lui-même  dotée,  Marie 
de  Baux,  issue  de  la  puissante  maison  qui  tient  une  si  large 
place  dans  les  annales  de  la  Provence.  Par  ce  mariage, 
Humbert  devint  un  personnage,  et  non  des  moins  impor- 
tants, de  la  maison  royale -de  Naples.  Il  ne  paraît  pas  qu'il 
ait  été  insensible  aux  charmes  de  sa  nouvelle  position  ;  à 
dire  vrai,  ces  charmes  n'étaient  pas  à  dédaigner.  Dans  ce 
pays  privilégié,  où  la  nature  prodigue  ses  séductions,  où 
1  histoire  a  semé  ses  plus  grands  souvenirs,  dans  cette  ville 
joyeuse  qu'embellissent  à  l'envi  les  princes  et  les  seigneurs 
auxquels  la  France  fournit  des  architectes  et  Florence  des 


LE    DAUPHIN    HUMBERT    II  585 

artistes  en  même  temps  que  des  banquiers,  au  milieu  d'une 
vieille  aristocratie  rajeunie  par  un  élément  nouveau  venu 
du  pays  auquel  l'Occident  emprunte  les  belles  manières  et 
les  fantaisies  de  la  mode,  tout  est  prétexte  aux  divertisse- 
ments les  plus  luxueux  et  à  la  galanterie  la  plus  raffinée. 
Danses  prolongées  dans  les  jardins  embaumés,  chasses  à 
travers  les  forêts  ombreuses,  brillantes  prouesses  des  tour- 
nois, subtils  débats  des  cours  d'amour,  tels  sont  les  passe- 
temps  de  cette  société  avide  de  plaisir,  à  laquelle  donnent 
le  ton  deux  Françaises  de  la  plus  haute  naissance,  toutes 
deux  belles-sœurs  du  roi,  Agnès  de  Talleyrand,  duchesse 
de  Duras,  dont  Boccace  a  célébré  la  beauté  sans  rivale,  et 
Catherine  de  Tarente,  sœur  du  roi  de  France  Philippe 
de  Valois,  hère  du  titre  d'impératrice  de  Constantinople 
qui  rappelait  les  prétentions  de  sa  maison  sur  le  monde 
byzantin. 

Tel  était  le  milieu  où  son  mariage  avait  placé  Humbert. 
Jamais  ce  milieu  n'avait  été  plus  brillant  qu'à  l'automne 
de  l'année  1333,  lors  de  la  visite  que  fit  le  roi  Carobert  de 
Hongrie  à  son  oncle  Robert  de  Naples.  Là  furent  conclues 
les  fiançailles  de  deux  enfants,  André,  le  fils  puîné  du 
prince  hongrois,  et  Jeanne,  la  petite-fille  de  Robert  et  son 
héritière  présomptive  à  Naples  et  en  Provence.  Il  semblait 
que  cette  union  dût  marquer  la  fin  des  différends  qui, 
depuis  longtemps,  divisaient  les  deux  fractions  de  la  mai- 
son d'Anjou.  Humbert  en  conçut  une  si  grande  joie  qu'il 
donna  le  nom  d'André  au  fils  que  sa  femme,  Marie  de 
Baux,  venait  de  mettre  au  monde,  comme  pour  le  rattacher 
plus  étroitement  à  la  branche  hongroise  des  Angevins. 
Quelle  horreur  eût-il  éprouvée  s'il  eût  pu  entrevoir  le  tra- 
gique destin  que  l'avenir  réservait  aux  fiancés  et  le  san- 
glant abîme  où  devait  s'effondrer  bientôt  cette  société  si 
légère  et  si  joyeuse  ! 

Vers  le  même  temps,  un  événement  imprévu  mettait  lin 
à  cette  phase  de  la  vie  du  prince  dauphinois.  En  ce  même 


586  LE    DAUPHIN    HUMBERT    II 

automne  1333,  il  apprit  que  son  frère  Guigues  VIII  était 
mort  en  soldat,  au  siège  d'un  obscur  château  savoyard  des 
environs  de  Yoiron.  Gomme  Guigues  ne  laissait  pas  d'héri- 
tier direct,  Humbert  devint,  par  cette  mort,  dauphin  de 
Viennois  ;  il  dut,  sans  tarder,  quitter  Xaples  pour  n'y  plus 
revenir.  Au  moins,  pendant  son  séjour  aux  cours  angevines, 
il  avait  pu  se  former  un  idéal  élevé  du  rôle  du  souverain. 
G'était  fort  bien,  à  la  condition  que  la  volonté  de  Humbert 
fût  assez  ferme  et  que  les  ressources  de  son  Etat  fussent 
suffisantes  pour  qu'il  lui  fût  possible  de  réaliser  cet  idéal. 

II 

Dans  son  œuvre  de  gouvernement,  Humbert  semble 
s'être  montré  soucieux,  au  moins  par  intermittences,  d'évi- 
ter l'injustice.  A  la  vérité,  pour  obtenir  de  l'argent  de  ses 
sujets,  il  eut  recours  aux  expédients  employés  de  son 
temps  :  emprunts  forcés,  vente  de  privilèges,  exploitation 
des  Lombards  et  des  Juifs,  et  aussi  à  ces  impositions  géné- 
rales auxquelles  répugne  le  droit  public  du  xive  siècle, 
quand  elles  ne  sont  pas  consenties  par  les  contribuables  ou 
justifiées  par  la  coutume.  En  même  temps,  il  multipliait 
les  entreprises  agressives  contre  le  temporel  des  églises  de 
Vienne,  d'Embrun  et  de  Gap,  dont  l'indépendance  séculaire 
lui  portait  ombrage,  et  s'attirait  ainsi,  en  dépit  de  sa  dévo- 
tion bien  connue,  les  réclamations  les  plus  vives  des  pré- 
lats, appuyées  quelquefois  par  des  sentences  d'excommu- 
nication. Mais  la  justice  retrouvait  ses  droits  quand,  spon- 
tanément ou  sous  la  pression  des  circonstances,  Humbert 
se  rendait  aux  réclamations  de  sa  conscience  et  des  parties 
lésées.  Alors  il  indemnisait  de  son  mieux  les  victimes  de 
ses  procédés  iniques.  Prendre  d'abord,  au  nom  de  la  raison 
d'État,  indemniser  ensuite,  c'est  d'ailleurs  le  principe  de 
conduite  dont,  à  la  même  époque,  se  réclamait  Philippe 
de  Valois.  ;<  Notoire  chose,  écrivait-il,  est  que,  de  son  droit 


LE    DAUPHIN    HUMBERT    11  587 

royal,  le  roi  peut  prendre  pour  le  bien  public  et  la  défense 
de  son  royaume  toutes  les  choses  qu'il  lui  plaira,  en  faisant 
compensation  convenable.  »  Ce  n'est  pas  sans  doute  la 
justice  parfaite  que  pratiquait  saint  Louis,  mais  c'est  au 
moins  une  justice  relative.  On  en  reconnaîtra  les  mérites, 
si  l'on  songe  à  d'autres  politiques  qui  ont  pris,  mais  qui 
n'ont  pas  indemnisé. 

En  même  temps,  Ilumbert  s'attache  à  éteindre  les  guerres 
privées  et  à  faire  régner  la  paix  dans  ses  Etats.  Ayant  rap- 
porté de  la  cour  de  Naples  un  goût  marqué  pour  les  choses 
du  droit  aussi  bien  que  pour  les  légistes  et  les  canonistes 
qui  le  cultivaient,  il  réorganise  les  institutions  judiciaires 
et  établit  au  sommet  de  la  hiérarchie  le  Conseil  Delphinal, 
ancêtre  du  Parlement  et  de  la  Chambre  des  Comptes  du 
Dauphiné,  dont  il  lixe  le  siège  à  Grenoble.  Lui-même  ne 
dédaigne  pas  de  rendre  la  justice  en  personne,  et  ne  recule 
devant  aucune  fatigue  pour  remplir  ce  devoir  quand  il  l'a 
assumé.  C'est  ainsi  que,  pour  trancher  un  procès  mettant 
aux  prises  quelques  communautés  villageoises  et  la  char- 
treuse cachée  dans  les  bois  de  Prémol,  qui  dominent  Uriage, 
il  s'astreint  à  visiter  les  grandes  forêts  de  sapins,  d'un 
accès  difficile,  sur  lesquelles  porte  le  débat.  Ainsi  s'acquiert- 
il  la  renommée  d'un  bon  justicier.  Il  fallait  que  ses  officiers 
le  connussent  pour  tel  et  fussent  certains  de  n'être  pas 
désavoués  pour  qu'ils  aient  osé,  en  13 i7,  faire  monter  sur 
le  bûcher  dressé  à  Romans,  sous  les  ormes,  en  présence 
d'une  foule  innombrable,  une  très  grande  dame,  la  propre 
tante  de  la  dauphiné,  Izarde  de  Baux,  reconnue,  après  une 
longue  instruction,  coupable  d'avoir  assassiné  son  mari.  Le 
fidèle  serviteur  de  Ilumbert  qui  l'informe  de  cette  exécu- 
tion ajoute  que  partout,  en  Dauphiné,  en  Avignon  et  en 
France,  la  voix  publique  y  a  trouvé  l'occasion  de  célébrer 
l'impartiale  et  rigoureuse  justice  du  dauphin. 

Humbert  ne  se  borne  pas  à  être  le  gendarme  qui  main- 
tient   l'ordre.  Il   entend    promouvoir    le    bien    matériel    et 


588  LE    DAUPHIN   HUMBERT   II 

moral  de  ses  sujets  et  écarter  d'eux  les  dangers  de  tous 
ordres  qui  les  menaceraient.  11  en  vient  à  interdire  les 
tournois,  amusement  favori  de  la  noblesse  du  xive  siècle  ; 
il  va  même  jusqu'à  défendre  la  chasse  aux  nobles  aussi 
bien  qu'aux  roturiers,  ce  en  quoi  il  dut  être  médiocrement 
obéi.  En  veine  d'austérité,  il  use  de  son  influence  pour 
maintenir  la  toilette  des  deux  sexes  dans  les  limites  d'une 
sage  modestie.  Par  ces  actes  et  d'autres  du  même  genre,  il 
révèle  clairement  sa  volonté  de  veiller  sur  les  âmes  et  les 
corps  de  ceux  qui  lui  étaient  confiés. 


III 


Cependant,  en  dépit  de  ces  bonnes  intentions,  le  règne 
de  Humbert  II  ne  fut  qu'une  accumulation  de  fautes,  abou- 
tissant à  un  lamentable  échec.  C'est  que  le  dauphin,  théo- 
ricien, rêveur,  démesuré  dans  ses  ambitions,  manquait 
avant  tout  de  sens  pratique,  ou,  pour  mieux  dire,  de  bon 
sens.  Il  eût  évité  bien  des  erreurs  si,  au  début  de  son  règne, 
il  se  fût  rendu  compte  de  la  force  de  ses  Etats. 

Il  s'en  fallait  de  beaucoup  que  son  pouvoir  s'étendît  sur 
tout  le  territoire  qui  fut  le  Dauphiné  du  xvme  siècle,  dont 
ont  été  formés  nos  trois  départements  de  l'Isère,  de  la 
Drôme  et  des  Hautes- Alpes.  Si  Humbert  possédait,  au  delà 
de  ces  limites,  quelques  domaines  dont  faisaient  partie  les 
vallées  du  Briançonnais  cédées  plus  tard  à  la  maison  de 
Savoie,  des  portions  importantes  de  l'Isère  et  des  Hautes- 
Alpes  et  le  département  de  la  Drôme  presque  entier  échap- 
paient à  son  autorité.  On  voit  que  le  Dauphiné,  du  temps 
de  Humbert  II,  n'était  qu'un  État  d'assez  médiocre  étendue. 
D'ailleurs  il  ne  rachetait  pas  son  exiguïté  par  la  richesse 
de  ses  habitants. 

Le  domaine  soumis  à  Humbert  II  était  surtout  rural  ; 
en  elVet,  les  villes  importantes  ne  relevaient  que  de  leurs 


LE  DAUPHIN  HÙMBËRT  II  589 

évêques,  sauf  Grenoble,  où  le  dauphin  avait  réussi  à  entrer 
en    partage  de  la    seigneurie  avec  l'Eglise.  Or,  dans   ces 
campagnes,  si  Ton  met   à   part    l'abbaye  de  Saint-Antoine 
en  Viennois,  on  ne  rencontre  aucun  de  ces  grands  monas- 
tères qui  ont  joué  un  rôle  prépondérant  dans  l'histoire  de 
beaucoup  de   nos   provinces.  Sans   doute,  au   fond  de  leur 
désert,  les  fils  de  saint  Bruno  poursuivent  sans  défaillance 
la   réalisation   du   plus   noble    idéal  ;   mais   si  plus  tard   la 
Grande-Chartreuse   fut   pendant  plusieurs  siècles   l'orgueil 
du  Dauphiné,  elle  n'appartenait  pas  encore  à  ce  pays,  qu'elle 
devait  un  jour  couvrir  de  ses  bienfaits.  Quant  aux  familles 
de  haute  noblesse  et  de  grande  fortune,  elles  semblent  avoir 
été   très    clairsemées  en    Dauphiné.    En   revanche,    longue 
était  rénumération  des  nobles  de  moindre  état.  Un  simple 
chef-lieu  de  canton  de  la  région  montagneuse  de  l'Isère,  la 
Mure,  comptait  alors  vingt-deux  familles  nobles  ;  les  docu- 
ments officiels   en   signalent  vingt-huit  dans  un  groupe  de 
trois  paroisses  rurales  de  la  région  du  Villars-de-Lans,  et 
ce   n'étaient   nullement    des    exceptions.  Apres  au  travail, 
rudes  dans  leurs   mœurs,  intrépides  chasseurs,  ces  nobles 
vivaient   retirés   dans  leurs   demeures  ;  bon  nombre  jouis- 
saient du  privilège  de  posséder  des  maisons  fortifiées  où  ils 
savaient  se  défendre  contre  les  pillards  et  les  bêtes  fauves. 
On  retrouvera  leurs  descendants  à  l'époque  des  guerres  de 
religion. 


IV 


Ainsi  le  domaine  de  Humbert  n'était  ni  très  vaste  ni  très 
riche.  Or,  aménager  bourgeoisement  ce  domaine,  user  de 
ses  ressources  avec  une  prudence  parcimonieuse,  c'était 
bien  l'œuvre  la  plus  contraire  à  la  nature  et  aux  aspirations 
du  nouveau  dauphin.  Pénétré  des  impressions  et  des  sou- 
venirs qu'il  rapporte  de  Hongrie  et  de  Naplès,  il  veut  appa- 

1912.  39 


590  LE    DAUPHIN    HUMBERT    II 

raître  à  ses  contemporains  an  milieu  des   splendeurs  d'un 
brillant  décor,  tout  comme  s'il  était  un  grand  souverain. 

Cette  tendance  se  manifeste  dans  le  protocole  qu'il 
emploie  ;  pour  désigner  sa  personne,  il  impose  à  sa  chancel- 
lerie une  interminable  série  de  titres  féodaux,  que  ses  pré- 
décesseurs n'avaient  pas  connus  et  que  ses  successeurs  ne 
relèveront  pas  ;  il  va  même  jusqu'à  exiger,  à  la  fin  de  son 
règne,  qu'à  la  forme  ordinaire  de  son  nom,  Humbertus,  on 
substitue  la  forme  Ymbertus,  par  un  F,  qui  lui  paraît  infi- 
niment plus  distinguée,  si  grand  est,  dès  cette  époque,  le 
prestige  de  cette  voyelle.  De  même,  il  croit  se  grandir  en 
multipliant  bien  plus  que  de  raison  les  fonctionnaires  atta- 
chés à  son  service,  et  en  leur  donnant  des  titres  sonores, 
venant  en  droite  ligne  de  la  cour  du  roi  Robert,  qui  reten- 
tissaient étrangement  aux  oreilles  de  ses  sujets  :  tels  ceux 
de  protonotaire  ou  de  maître  rational  de  la  cour  majeure. 

Ce  n'était  pas  d'ailleurs  la  première  surprise  que  Hum- 
bert  causait  aux  Dauphinois;  habitués  à  une  vie  simple,  ils 
n'avaient  pu  contempler  sans  étonnement  l'appareil  dont 
s'entourait  leur  nouveau  souverain  quand,  à  la  fin  de 
l'année  1333,  il  arriva  de  Xaples  sur  les  rives  de  l'Isère. 
Plusieurs  galères  avaient  amené  à  Nice  le  couple  delphi- 
nal,  avec  quelques-uns  de  ses  principaux  conseillers,  et  la 
foule  de  ses  serviteurs,  sans  compter  les  animaux  rares  qui 
l'accompagnaient,  les  perroquets  du  dauphin,  les  colombes 
de  la  dauphine,  et  enfin  la  guenon,  dont  le  premier  acte, 
dès  le  débarquement,  fut  de  s'échapper,  au  grand  désespoir 
de  ses  gardiens  qui  ne  la  retrouvèrent  qu'après  de  longues 
recherches.  C'est  à  la  tète  d'une  cavalcade  d'au  moins  cent 
chevaux  que  Humbert  remonta  la  vallée  du  Rhône,  tra- 
versa Avignon  et  parvint  au  château  de  Beauvoir,  établi 
en  un  site  admirable  des  bords  de  l'Isère,  où  quelques 
ruines  à  la  fois  grandioses  et  élégantes  gardent  encore  le 
souvenir  des  splendeurs  du  passé.  Bientôt  il  organise  sa 
maison  sur  le  patron  des  cours  de  Naples  et  de  France,  et 


LE    DAUPHIN    HUMBERT    11  ">91 

en  règle  minutieusement  tous  les  services  :  il  ira  jusqu'à 
se  donner  une  compagnie  de  gardes  du  corps,  presque  tous 
nobles,  chargés  de  veiller  nuit  et  jour  sur  sa  personne. 
Tout  atteste  que,  dans  les  châteaux  delphinaux,  on  menait 
une  vie  opulente  et  quasi  royale. 

A  cette  magnificence,  Humbert  unissait  une  extrême 
libéralité.  Les  pauvres,  les  voyageurs,  les  musiciens,  les 
jongleurs,  les  religieux  mendiants  recevaient  de  lui  de 
généreuses  aumônes  ;  aux  églises  où  il  célébrait  les  grandes 
fêtes,  à  celles  qu'il  aimait  à  visiter  par  dévotion,  par 
exemple  au  sanctuaire  de  la  Sainte-Baume  en  Provence 
où  il  fit  deux  pèlerinages,  dont  l'un  en  compagnie  de 
Pétrarque, il  ne  manquait  pas  de  laisser  de  riches  offrandes. 
Plusieurs  monastères  lui  durent  leur  fondation;  d'autres 
furent  par  lui  réorganisés  et  considérablement  accrus. 
Encore  ne  réalisa-t-il  pas  tous  ses  desseins.  Ainsi  le  projet 
qu'il  avait  conçu,  de  transformer  le  chapitre  de  Saint- 
André  de  Grenoble  en  une  vaste  abbaye  où  soixante  cha- 
noines réguliers,  vêtus  de  blanc  et  de  rouge,  célébreraient 
en  grande  pompe  l'office  divin  près  de  la  tombe  des  dau- 
phins, ne  fut  qu'un  de  ces  rêves  grandioses  où  se  complai- 
sait l'imagination  de  Humbert. 

Un  prince  magnifique  tient  à  honneur  de  se  montrer  un 
Mécène.  Humbert  se  donna  le  luxe  de  faire  les  frais  d'une 
Université,  qu'à  sa  demande  le  pape  Benoît  Xll  fonda  à 
Grenoble  en  l'an  1339;  le  dauphin  l'organisa,  autant  qu'il 
le  put,  sur  le  modèle  de  l'Université  de  Naples,  qui  était 
alors  un  foyer  de  haute  culture  ;  aux  élèves  qu'il  s'efforçait 
d'y  attirer,  il  promit  de  nombreux  privilèges.  Il  alla  même 
jusqu'à  interdire  l'établissement  de  forges  dans  les  environs 
de  Grenoble,  parce  qu'il  voulait  maintenir  à  bas  prix  le 
bois  de  chauffage  nécessaire  aux  étudiants;  il  savait,  comme 
le  dit  le  vieil  historien  dauphinois  Ghorier,  que  le  froid  est 
l'ennemi  des  fonctions  de  l'esprit.  Grenoble  était  alors  trop 
éloignée  des  grandes  voies  de  communication  et  présentait 


592  LE    DAUPHIN    HUMBERT    II 

des  ressources  trop  médiocres  pour  que  l'Université  fût 
viable.  Création  factice  du  dauphin,  elle  disparut  à  la  fin 
de  son  règne. 


Ainsi,  dans  le  gouvernement  intérieur  de  son  petit  Etat, 
Humbert  II  se  comporte  comme  eût  pu  le  faire  un  puissant 
monarque.  Dans  la  direction  de  sa  politique  extérieure,  il 
commet  la  même  méprise,  tant  il  est  désireux  de  s'immis- 
cer dans  les  grandes  affaires  et  de  jouer  un  premier  rôle 
sur  le  théâtre  de  l'Europe. 

Dès  son  avènement,  il  affecte  de  prendre  dans  le 
rovaume  d'Arles  une  attitude  nettement  hostile  à  la 
France,  telle  qu'on  pouvait  l'attendre  d'un  prince  qui  sem- 
blait tout  dévoué  aux  Angevins  de  Naples.  Pour  s'assurer 
la  liberté  d'agir  à  sa  guise  contre  les  Valois,  il  termine  par 
un  traité  les  querelles  qui,  depuis  si  longtemps,  divisaient 
le  Dauphiné  et  la  Savoie.  Alors  il  se  croit  en  mesure  de 
protester  contre  les  anticipations  commises  par  le  roi  de 
France,  Philippe  VI,  qui  vient  de  s'établir  fortement  à 
Sainte-Colombe,  en  face  de  Vienne,  sur  la  rive  droite  du 
Rhône,  d'où  il  commande  le  passage  du  fleuve.  Le  dau- 
phin a  si  bien  réussi  à  se  donner  la  réputation  d'un  adver- 
saire déterminé  de  la  France  qu'au  printemps  de  1335,  le 
chef  de  l'Empire,  Louis  de  Bavière,  désireux  de  faire  pièce 
à  Philippe  de  Valois  en  créant  un  roi  d'Arles  et  de  Vienne, 
ne  croit  pas  pouvoir  mieux  faire  que  d'offrir  cette  cou- 
ronne à  Humbert,  qui  d'ailleurs  est  son  proche  parent. 
J'imagine  qu'en  dépit  de  son  affection  pour  le  roi  Robert, 
le  dauphin  dut  être  vivement  tenté  d'accepter  cette  offre, 
qui  flattait  ses  aspirations  fastueuses  et  romanesques.  Mais 
il  eût  fallu  pour  cela  s'exposer  à  un  grave  conflit  avec  la 
France;  en  outre,  c'eût  été  prendre  ouvertement  le  parti 
de  Louis  de  Bavière,  depuis  longtemps  excommunié  par  le 


LE    DAUPHIN    HUMBERT    II  S93 

Pontife  romain,  et  encourir  du  même  coup  les  plus  graves 
des  censures  ecclésiastiques.  Au  dernier  moment,  Ilumbert 
écouta  les  conseils  de  la  prudence,  écarta  de  ses  lèvres  la 
coupe  enchanteresse  et  se  résigna  à  conduire  sa  barque 
dans  le  sillage  de  la  politique  française.  Il  ne  devait  pas 
l'y  maintenir  longtemps.  Aux  manifestations  publiques  du 
bon  accord  avec  la  France  succéda  une  période  équivoque, 
au  terme  de  laquelle  le  dauphin  parut  revenir  pour  quelque 
temps  à  ses  anciens  projets.  En  1337,  il  s'efforce  de  s'éta- 
blir à  Vienne  au  mépris  des  droits  de  l'Église;  il  y  montre 
d'autant  plus  d'ardeur  qu'il  s'agit,  pour  lui,  de  s'emparer  de 
la  capitale  de  son  futur  royaume.  Pendant  quelque  temps, 
on  peut  croire  qu'il  a  réussi  à  s'en  rendre'  maître  ;  aussi, 
en  1338,  le  roi  d'Angleterre  Edouard  III  qui  mène  le  chœur 
des  ennemis  de  la  France,  propose  de  nouveau  à  Louis  de 
Bavière  l'érection  du  royaume  de  Vienne  en  faveur  du  dau- 
phin. Encore  une  fois  un  froncement  de  sourcil  du  roi  de 
France  changea  les  intentions  de  Humbert  II  et  fit  rentrer 
le  royaume  de  Vienne  dans  le  domaine  des  chimères. 

Au  cours  de  ces  négociations,  Humbert  avait  compris 
l'importance  du  rôle  que  Louis  de  Bavière  pouvait  jouer  en 
Europe;  il  avait  senti  en  même  temps  que  le  chef  de 
l'Empire  ne  serait  pour  lui  un  appui  efficace  qu'autant  que 
Louis  aurait  conclu  la  paix  avec  l'Église  romaine  et  exer- 
cerait ainsi  un  pouvoir  incontesté.  Du  coup,  le  voilà  féru 
du  désir  d'être  l'instrument  du  rétablissement  de  la  con- 
corde en  réconciliant  le  Bavarois  avec  le  Saint-Siège.  En 
cette  même  année  1338,  le  dauphin  séjourne  a  Avignon 
où,  muni  des  pouvoirs  de  Louis  de  Bavière,  il  s'efforce  de 
trouver  les  bases  d'un  accord  entre  ce  prince  et  la  Papauté. 
Le  dessein  était  de  grande  envergure;  mais,  pour  diverses 
raisons,  la  réalisation  en  était  impossible.  D'ailleurs,  il 
contrariait  a  ce  moment  la  politique  française,  et  Philippe 
de  Valois  veillait.  Humbert,  obligé  de  battre  en  retraite 
sur    ce    terrain,   ne    reprit    son    projet    qu'en     1343,  à  une 


594  LE    DAUPHIN    HUMBERT    II 

époque  où  Louis  n'était  plus  en  opposition  directe  avec  la 
cour  de  Paris.  Le  dauphin  fut  alors  l'un  des  ambassadeurs 
chargés  par  l'empereur  de  solliciter  sa  réconciliation  avec 
le  pape  Clément  VI.  A  cette  occasion,  il  fît  un  long-  séjour 
à  Avignon  où,  chose  dont  il  fut  sûrement  ravi,  il  se  trouva 
mêlé  aux  négociations  les  plus  complexes,  qu'il  poursuivit 
avec  ténacité,  sinon  avec  bonheur.  Après  deux  ans,  il 
n'avait  pas  perdu  tout  espoir  :  le  15  janvier  1345,  il  écrivait 
au  Pape  pour  lui  demander  l'autorisation  de  se  rendre  en 
personne  auprès  de  Louis  de  Bavière,  afin  de  tenter  un 
suprême  effort.  Dans  sa  présomption  naïve,  il  se  flattait  de 
prendre  assez  d'influence  sur  son  cousin  pour  l'amener  à 
résipiscence.  Clément  VI  semble  s'être  peu  soucié  de  con- 
fier une  telle  mission  au  dauphin,  qui  dut  renoncer  à  son 
projet,  sans  se  départir  de  sa  vieille  affection  pour  Louis. 
En  dépit  de  ces  échecs,  l'esprit  inquiet  du  dauphin  ne 
demeurait  pas  en  repos.  Au  commencement  de  l'année 
1345,  alors  qu'il  semblait  tout  occupé  du  Bavarois,  il  son- 
geait à  s'associer  à  Louis  d'Espagne  pour  la  conquête  des 
Iles  Fortunées.  Quelques  mois  plus  tard,  il  se  laisse  tenter 
par  un  autre  dessein,  non  moins  aventureux.  Jusqu'alors 
Humbert  s'était  tenu  éloigné  des  champs  de  bataille;  une 
lettre  bien  connue  de  Pétrarque  le  lui  avait  reproché  dure- 
ment. Or  le  pape  Clément  VI  et  ses  alliés  organisaient  à 
cette  époque  une  croisade  contre  les  émirs  turcs  de  l'Asie 
Mineure.  Humbert  crut  peut-être  imposer  silence  à  ses 
détracteurs  en  offrant  au  Saint-Siège,  en  hommes  et  en 
argent,  un  concours  qui  dépassait  ses  forces  ;  au  moins 
réussit-il  à  se  faire  accepter  comme  chef  de  l'expédition, 
en  dépit  des  répugnances  du  Pape  et  de  ses  conseillers.  Le 
26  mai  1345,  jour  de  la  Fête-Dieu,  fut  pour  le  dauphin  un 
beau  jour  :  proclamé  solennellement  capitaine  général  du 
Siège  apostolique  et  commandant  de  l'armée  chrétienne 
(c'était  un  titre  que  jadis  le  roi  de  France  avait  brigué),  il 
reçut  du    Pontife  suprême  l'étendard  de  l'Eglise  romaine 


LE    DAUPHIN    EUMBERT    II  ."l'.l.'i 

qu'il  fit  porter  en  grande  pompe  à  côté  du  sien  à  travers 
les  rues  d'Avignon.  Ce  beau  jour  fut  sans  lendemain.  A  la 
vérité,  Humbert  partit  pour  l'Orient,  accompagné  de  la  dau- 
phine  et  d'une  suite  nombreuse;  mais  son  rôle  militaire  se 
borna  à  un  combat  sans  importance  qu'il  livra  devant 
Smyrne.  Suivant  son  habitude,  il  préféra  aux  armes  la 
diplomatie  dans  laquelle  il  se  croyait  passé  maître  ;  il  négo- 
cia avec  les  Vénitiens,  avec  les  Grecs,  avec  les  Catalans, 
avec  les  Turcs  eux-mêmes;  par  ce  moyen  il  comptait  pré- 
parer la  ruine  des  infidèles  en  même  temps  que  la  réunion 
des  Grecs  à  l'Eglise  latine  et  résoudre  ainsi  la  question 
d'Orient,  dont,  sans  doute,  il  estimait  la  solution  urgente. 
Il  ne  réussit  qu'à  se  brouiller  avec  les  Génois,  qui  pillèrent 
ses  navires;  découragé,  il  revint  avant  le  temps,  pleurant 
sa  fidèle  compagne,  Marie  de  Baux,  que  la  maladie  lui 
avait  enlevée  à  Rhodes,  et  ne  rapportant  ni  gloire  ni  profit 
d'un  séjour  de  dix-huit  mois  en  Orient. 

Il  rentre  dans  ses  Etats,  et  tout  de  suite  il  est  séduit 
par  une  nouvelle  entreprise.  Deux  ans  plus  tôt,  des  événe- 
ments graves  s'étaient  passés  dans  le  royaume  de  Naples. 
Le  jeune  André  de  Hongrie,  à  la  veille  du  jour  où  il  devait 
ceindre  la  couronne,  en  même  temps  que  Jeanne,  son 
épouse,  était  tombé  sous  les  coups  des  assassins.  Qui  avait 
armé  leurs  bras,  c'est  là  un  de  ces  procès  qui  se  débattent 
encore  au  tribunal  de  l'histoire.  Au  moins  mille  bruits 
fâcheux  couraient  à  la  honte  de  Jeanne,  et  aussi  de  ses 
cousins  de  Duras  et  de  Tarente,  auxquels  la  fortune  du 
prince  hongrois  avait  toujours  porté  ombrage.  Or  le  dau- 
phin avait  partie  liée  avec  ses  parents  de  Hongrie,  auxquels 
il  avait  récemment  encore  prouvé  sa  sympathie  en  se  fai- 
sant leur  porte-parole  à  Avignon,  dans  les  pourparlers  aux- 
quels avait  donné  lieu  le  projet  de  couronnement  d'André; 
il  avait  même  songé  à  faire  de  ce  jeune  prince  son  propre 
héritier.  La  nouvelle  de  sa  mort  l'avait  surpris  en  Italie, 
au  moment  où  lui-même  se  disposait  à  s'embarquer  pour 


396  LE    DAUPHIN    IHMRERT    II 

l'Orient;  il  en  fut  tellement  bouleversé  que,  sans  l'insis- 
tance du  Pape,  il  eût  immédiatement  abandonné  ses  pro- 
jets de  croisade.  Aussi,  dès  son  retour,  dans  la  querelle 
qui  divise  les  maisons  royales  de  Hongrie  et  de  Naples, 
c'est  le  parti  de  Hongrie  qu'il  prend  sans  hésiter.  Il  s'offre 
pour  recueillir  et  garder  le  jeune  Charles-Martel,  enfant  en 
bas  âge  de  Jeanne  et  d'André,  qu'il  estime  imprudent  de 
laisser  aux  mains  d'une  mère  indigne  ;  tandis  que  le  roi 
Louis  de  Hongrie  menace  Jeanne  dans  la  possession  de  son 
royaume  italien,  lui-même  annonce  l'intention  de  l'attaquer 
dans  son  héritage  de  Provence.  Ainsi  il  intervient  encore 
dans  la  grande  politique,  cette  fois  comme  paladin,  ven- 
geur du  crime  et  protecteur  de  l'innocence.  Ni  le  Pape, 
suzerain  de  Jeanne,  ni  le  roi  de  France,  son  plus  puissant 
voisin,  ne  pouvaient  s'accommoder  de  ces  projets.  A  l'ins- 
tigation de  Philippe  de  Valois,  Clément  VI  appela  le  dau- 
phin à  Avignon;  s'il  ne  put  le  convaincre  de  l'innocence 
de  sa  cousine  Jeanne,  au  moins  c'en  fut  fait  de  l  expédition 
de  Provence. 


VI 

Quinze  ans  s'étaient  écoulés  depuis  que  le  dauphin  avait 
pris  possession  de  ses  Etats.  Sa  folle  conduite  lui  avait 
valu  une  suite  non  interrompue  de  déboires  ;  son  faste 
royal,  ses  créations  inconsidérées,  ses  largesses  exorbitantes, 
les  chimères  de  sa  politique  avaient  épuisé  toutes  ses  res- 
sources. Depuis  longtemps,  il  en  était  réduit  à  recourir, 
pour  apaiser  ses  créanciers,  aux  expédients  familiers  aux 
débiteurs  qui  se  ruinent.  Ce  n'était  pas  seulement  à  l'Eglise 
et  aux  princes  qu'il  empruntait  de  l'argent,  mais  aux  ban- 
quiers florentins  ou  à  de  modestes  capitalistes,  tel  ce  bour- 
geois de  Grenoble  auquel,  dès  le  début  de  son  règne,  il 
avait  engagé  un  manteau  de  prix  ou  ce  boutiquier  d'Avi- 
gnon auquel,  plus  tard, il  avait  hypothéqué  une  de  ses  baron- 


LE    DAUPHIN    HUMBÊRT    II  597 

nies.  Pour  lui,  la  question  d'argent  n'existait  pas;  dès  qu'il 
avait  une  somme  à  sa  disposition,  il  la  dépensait  ou  la 
donnait;  en  deux  mois,  raconte  son  secrétaire  Pilât,  on  vit 
fondre  dans  ses  mains  la  somme,  considérable  pour  le 
temps,  de  iOOOO  florins.  «  Sachez,  lui  écrit  pendant  la  croi- 
sade son  représentant,  l'archevêque  de  Lyon  Henri  de 
Villars,  que  dès  que  j'ai  réussi  à  me  procurer  quelque 
argent  pour  vous  l'envoyer,  tous  s'adressent  à  moi  en 
criant  :  Payez-nous,  payez-nous,  parce  que  Monseigneur  le 
veut.  Vous  ne  devez  pas  nous  enlever  ce  que  Monseigneur 
nous  a  donné.  »  Et  le  malheureux  régent  décrit  la  mélan- 
colie profonde  et  le  trouble  indicible  (j'emploie  ses  expres- 
sions) où  le  jette  la  pénurie  du  trésor  de  son  maître.  Il  en 
devait  être  ainsi  jusqu'aux  derniers  jours  du  règne  du 
dauphin  :  la-dessus  Humbert  était   incorrigible. 

Ajoutez  à  cela  que  depuis  la  mort  de  son  unique  enfant, 
survenue  en  1835,  le  dauphin,  en  proie  à  des  accès  pério- 
diques de  découragement,  était  de  temps  en  temps  pris  du 
désir  de  vendre  ses  Etats  ;  c'était  un  moyen  de  mettre  un 
terme,  du  même  coup,  aux  déboires  de  sa  vie  politique  et 
aux  clameurs  de  ses  créanciers.  Dès  1337,  il  les  avait 
offerts  au  roi  Robert  de  Naples,  qui  n'avait  pas  voulu  y 
mettre  le  prix.  Plus  tard,  en  1338,  il  essaya,  mais  en  vain, 
d'en  céder  la  suzeraineté  à  l'Eglise  romaine  ;  d'abord  favo- 
rable à  cette  proposition,  Benoît  XII  finit  par  la  rejeter, 
la  trouvant  trop  onéreuse,  En  réalité,  il  n'y  avait  pour  le 
Dauphiné  qu'un  acquéreur  possible,  le  roi  de  France. 
Depuis  longtemps  Philippe  de  Valois  avait  l'œil  ouvert  sur 
cette  proie,  qu'il  était  fermement  décidé  à  ne  laisser  tom- 
ber aux  mains  de  qui  que  ce  fût.  Il  y  mit  le  temps,  il  y 
mit  l'argent;  même  à  l'époque  de  Crécy  et  de  Calais,  sa 
diplomatie  ne  montra  aucune  défaillance  et,  quand  l'incons- 
tant Humbert,  au  cours  d'une  négociation  qui  dura  six 
ans,  tenta  de  se  ressaisir,  elle  sut  lui  barrer  inflexiblement 
les  routes  par   lesquelles   il   essayait  de  s'évader.  Je    n'ai 


598  LE    DAUPHIN    HUMBERT    II 

point  à  raconter  ici  cette  négociation  (la  chose  a  été  faite  ' 
et  bien  faite),  ni  à  analyser  les  divers  traités  qui  s'éche- 
lonnent de  1343  à  1349.  À  cette  date,  le  dauphin,  déçu  a 
deux  reprises  par  l'échec  de  projets  matrimoniaux  dont  la 
réalisation  eût  pu  lui  rendre  sa  liberté  vis-à-vis  de  la 
France  (il  n'était  alors  engagé  à  lui  céder  ses  droits  que 
s'il  mourait  sans  laisser  d'enfants  légitimes),  dut  se  rési- 
gner à  sa  destinée.  C'est  le  31  mars  1349  que  fut  conclu 
définitivement  l'arrangement  par  lequel  le  Dauphiné  fut 
transféré  au  fils  aîné  du  roi  de  France. 

Quand  il  eut  réglé  le  sort  de  ses  Etats,  dont,  il  faut  le 
reconnaître,  il   essaya    autant   qu'il   le  pouvait   de    sauve- 
garder l'autonomie,  le  dauphin  dut  s'occuper  de  son  propre 
sort.    C'est   alors   que    sur   le   conseil   d'un    saint    homme, 
ancien  prieur  de  la  Grande-Chartreuse,  Jean  Birel,  il  entra 
dans  l'ordre   des  Dominicains,  pour  lesquels  il  avait  tou- 
jours professé  une  particulière   estime.    Mais  le  calme   et 
l'obscurité  de  la  vie  religieuse  ne  pouvaient  lui  convenir; 
il    ne  s'en   accommoda    pas  longtemps.  Il   lui  fallait   pour 
satisfaire  ses  aspirations   les    plus    hautes    dignités   ecclé- 
siastiques. Les   trois  ordres  du  sous-diaconat,  du  diaconat 
et    de    la    prêtrise    lui  furent   conférés   par   le  pape    Clé- 
ment VI  dans    les    intervalles   des   trois   messes  de   Noël 
de  l'année  1350.  Quelques  jours   plus  tard,  il   était  promu 
à  l'épiscopat  et  recevait  le  titre  retentissant  de  patriarche 
d'Alexandrie,    auquel    il   joignait    en    1352    les   fonctions 
opulentes     d'administrateur    de    l'archevêché    de    Reims; 
avec  l'agrément  du  roi  Jean,  il  se  proposait  de  les  échan- 
ger   contre    le    gouvernement   du   diocèse    de   Paris.  Dans 
ses  rêves,  il   avait  entrevu  jadis  la  couronne  royale;  peut- 
être    maintenant   croit-il   entendre  une   voie    mystérieuse 
qui  lui  dit  :  Tu  seras  Pape.   Quelles   qu'aient  été  les  chi- 

I.  Voir  J.-J.  GuillVey,  Histoire  de  la  réunion  du  Dauphiné  à  (a  France 
(Paris,  1868  .  et  un  chapitre  du  tome  I"  de  l'ouvrage  de  M.  R.  Delachenal, 
Histoire  de  Charles  V. 


LE    DAUPHIN     HUMBERT    11  599 

mères  dont  il  se  berça,  la  mort  vint  brutalement  y  mettre 
un  terme.  Il  avait  quarante-trois  ans  quand  il  succomba, 
le  22  mai  4355.  Son  corps  fut  inhumé  dans  l'église  des 
Dominicains  de  la  rue  Saint-Jacques,  en  face  du  tombeau 
de  sa  tante,  la  reine  de  France  Clémence  de  Hongrie,  dont 
il  avait  été  le  favori  et  l'héritier.  L'histoire  le  connaît 
surtout  par  ses  fautes;  mais  nous  aurions  mauvaise  grâce 
à  le  juger  trop  sévèrement,  puisque  la  conséquence  de  ses 
erreurs  fut  l'union  étroite  du  Dauphiné  à  la  patrie  fran- 
çaise. 


600 


NOTICE 
SUR   LA   VIE    ET    LES   TRAVAUX 

DE 

JOSEPH-BON     DACIER 

PAR 

M.  GEORGES   PERROT 

SECRÉTAIRE    l'ERrÉTrEI,    f)E    i/aCADEMIE 


Mes  chkrs  confrères, 

Plus  on  vieillit  et  plus  on  se  complaît  —  je  vous  parle 
d'après  ma  propre  expérience  —  à  revivre,  par  le  souvenir, 
tout  son  passé,  les  joies  de  sa  jeunesse  et  aussi  les  cha- 
grins auxquels  on  n'a  pas  pu  échapper,  par  le  fait  qu'on  a 
longtemps  vécu.  C'est  au  jeu  de  cette  évocation  que  notre 
pensée  s'attache,  pendant  les  heures  de  loisir  que  nous 
laissent  les  occupations  de  la  journée,  et  aussi  pendant  les 
heures  de  la  nuit,  où  le  sommeil  ne  vient  plus  aussi  vite 
qu'autrefois  et  est  souvent  interrompu.  Par  le  travail  de  la 
mémoire,  qui  s'applique  et  s'acharne  à  remonter  ainsi  le 
cours  des  ans,  nous  relevons  les  traces  que  nous  avons 
laissées  dans  tous  les  chemins  que  nous  avons  suivis.  Nous 


NOTICE    SUK    JOSEPH-BON   DACIER  601 

reprenons  conscience  des  forces  natives  on  acquises  qui 
nous  ont  aidés  à  nous  tirer  sans  trop  de  dommage  des 
épreuves  que  nous  avons  subies.  Nous  ressaisissons  et  nous 
refaisons  ainsi  l'unité  de  notre  vie. 

Je  ne  sais  si  je  me  trompe  ;  mais  il  me  semble  que, 
comme  les  individus,  les  compagnies  du  genre  de  la  nôtre 
doivent  éprouver  quelque  chose  de  ce  sentiment,  lors- 
qu'elles prennent  de  l'âge.  Elles  ne  peuvent  alors,  elles 
aussi,  que  trouver  plaisir  à  regarder  en  arriére,  à  se  remé- 
morer ce  qu'elles  pourraient  appeler  leur  enfance  et  leur 
adolescence,  à  comparer  la  modestie  de  leurs  débuts  aux 
brillantes  réalités  du  présent.  Entre  ce  présent  et  les  heures 
lointaines  du  premier  effort,  notre  Compagnie  a  traversé 
des  crises  qui  ont  interrompu  ses  travaux,  qui  ont  paru 
parfois  la  menacer  de  mort.  Ces  crises,  elle  en  est  sortie 
mieux  définie  et  mieux  constituée  que  par  le  passé,  pour- 
vue de  plus  amples  ressources  et  de  moyens  d'action  plus 
efficaces.  Par  la  création  de  l'Institut,  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  est  devenue  un  des  membres 
du  grand  corps  qui  s'imposa,  dès  sa  naissance,  au  respect 
et  à  l'admiration  de  l'Europe.  Notre  Compagnie  dut  à  ce 
nouveau  régime  un  surcroît  de  prestige  et  d'autorité. 
L'Etat,  en  même  temps,  la  dotait  plus  richement  que  ne 
l'avait  fait  sa  fondatrice,  l'ancienne  monarchie.  Bientôt 
après,  c'étaient  de  simples  particuliers  qui,  par  leurs  legs 
ou  leurs  donations,  venaient  l'aider  à  remplir  sa  tâche,  de 
patronne  et  de  directrice  des  études  d'érudition.  D'année 
en  année,  les  fondations  se  multipliaient,  de  plus  en  plus 
importantes,  de  plus  en  plus  variées  dans  leur  objet.  Elles 
permettaient  à  l'Académie  de  récompenser  et  d'encourager, 
par  les  prix  dont  elle  disposait,  tous  les  efforts  qui  lui 
paraissaient  dignes  d'intérêt.  Elles  lui  fournissaient  ainsi 
l'occasion  de  donner  aux  travailleurs  groupés  autour  d'elle, 
par  ses  choix  mêmes  et  par  les  rapports  qui  les  justifiaient, 
des  leçons  utiles  de  méthode  et  de  critique. 


602  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 

Ce  ne  fut  pas  seulement  par  l'effet  de  ces  libéralités 
privées  et  de  ces  faveurs  du  pouvoir  que  grandit  la  situa- 
tion et  que  se  développa  le  rôle  de  notre  Compagnie. 
Mieux  rentée  que  par  le  passé,  l'Académie  devint  aussi, 
après  sa  rénovation,  plus  riche  en  hommes,  en  érudits  de 
premier  mérite.  Avec  la  royauté  étaient  tombées  toutes  les 
barrières  qui,  avant  1789,  avaient  pu  gêner  les  démarches 
de  la  recherche  scientifique.  La  Bastille  était  démolie.  On 
ne  risquait  plus  d'en  prendre  le  chemin  quand  on  s'avisait 
d'étudier  sur  les  textes  les  origines  nationales.  C'était  ce 
que  Fréret  avait  fait  en  1728  et  il  avait  passé  quatre  mois 
en  prison  pour  avoir  découvert  et  prouvé  que  le  fondateur 
traditionnel  de  la  monarchie  française  n'était  qu'un  chef  de 
bande  qui  louait  à  l'un  des  derniers  généraux  de  l'empire 
romain  les  services  de  ses  soldats  barbares.  Même  sur  le 
terrain  de  l'histoire  du  christianisme  et  de  l'Eglise,  la  cri- 
tique était  désormais  à  l'aise,  tant  que  ses  affirmations  et 
ses  doutes  ne  se  produisaient  que  dans  l'enceinte  fermée 
des  compagnies  savantes,  avec  la  publicité  discrète  des 
mémoires  académiques. 

Dans  ces  conditions  nouvelles  de  pleine  et  entière  liberté, 
grâce  à  l'ère  de  paix  qui  succéda  aux  guerres  de  Napoléon, 
nombre  d'esprits  éminents  se  consacrèrent,  avec  une  vraie 
passion,  aux  études  historiques.  Avant  tout,  on  voulait 
savoir  comment  était  née,  comment  avait  grandi,  comment 
s'était  transformée  cette  France  qui  venait  de  faire  si 
grande  figure  sur  la  scène  et  qui,  rassasiée  de  gloire,  tra- 
vaillait à  se  donner  un  gouvernement  d'opinion,  un  gou- 
vernement libre.  Vous  savez  tous,  mes  chers  confrères,  les 
noms  de  ceux  de  vos  devanciers  qui  ont  le  plus  efficace- 
ment contribué  k  renouveler  et  à  préciser  l'idée  que  nous 
devons  nous  faire  des  institutions  de  l'ancienne  France,  à 
nous  offrir,  en  une  suite  de  tableaux  d'un  ferme  dessin  et 
d'une  chaude  couleur,  une  fidèle  image  de  ce  que  fut.  k 
différentes  époques,  la  vie  longue,  brillante  et  variée  de  la 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DAC1EH  603 

nation  française  ;  mais  les  générations  chez  qui  s'étaient 
éveillées  les  ardeurs  de  la  sainte  curiosité  ne  se  canton- 
nèrent pas  dans  ce  domaine.  Elles  se  partagèrent  le  travail 
et  elles  entreprirent  une  vaste  enquête  sur  tout  le  passé  de 
l'humanité.  On  s'appliqua  d'abord  à  mieux  connaître  que 
jusqu'alors  on  ne  l'avait  fait  ce  monde  gréco-romain 
auquel  les  sociétés  modernes  se  rattachaient  par  tant  de 
liens.  On  étudia  de  plus  près  et  avec  une  sagacité  plus 
avertie  les  langues  et  les  lettres  classiques.  De  l'œuvre  des 
écrivains  de  l'antiquité,  il  ne  nous  est  arrivé  qu'une  bien 
faible  partie.  Tous  d'ailleurs,  ceux  mêmes  qui  ont  le  mieux 
compris  la  tâche  de  l'historien,  n'ont  rien  à  nous  dire  sur 
bien  des  sujets  qui  nous  intéressent.  Ce  silence,  on  apprit 
à  y  suppléer  au  moyen  de  documents  dont,  jusqu'alors,  on 
n'avait  pas  tiré  parti,  à  l'aide  des  textes  lapidaires  et  des 
monuments  figurés.  Grâce  à  ce  complément  d'informations, 
bien  des  faits  nous  ont  été  révélés  que  n  avaient  pu  même 
soupçonner  les  plus  doctes  humanistes  de  la  Renaissance. 
D'autre  part,  mieux  connues  et  mieux  interprétées,  les 
créations  de  l'art  des  grands  peuples  riverains  de  la  Médi- 
terranée nous  ont  livré  le  secret  de  pensées,  de  croyances 
et  de  sentiments  que  nous  ne  trouvions  pas  exprimés  avec 
la  même  force  et  la  même  clarté  dans  ce  qui  nous  reste 
de  la  littérature  grecque  et  de  la  littérature  latine. 

On  ne  s'en  tint  pas  là.  Une  recherche  en  appelle  une 
autre.  On  désira  se  rendre  compte  de  ce  qu'il  y  avait  der- 
rière cette  Grèce  dont  les  sages  se  laissaient  traiter  d'en- 
fants par  les  prêtres  de  Sais.  Le  mystère  des  écritures 
complexes  de  l'Egypte  ne  résista  point  à  la  sagacité  d'un 
savant  de  génie  et,  de  cartouche  en  cartouche,  on  put  réta- 
blir la  suite  des  dynasties  et  des  rois  de  l'Egypte,  puis,  à 
l'aide  des  inscriptions  qu'ils  avaient  gravées  sur  les  parois 
de  leurs  obélisques,  de  leurs  pylônes  et  de  leurs  temples, 
écrire  leur  histoire,  une  histoire  qui  dilfère  très  fort  de 
celle  que  les  Hécalée  et  les  Hérodote  avaient  écrite  sous  la 


604  NOTICE   SUR    JOSEPH-BON    DAC1ER 

dictée  des  drogmans  qui  les  promenaient  dans  les  bazars 
de  Memphis  et  qui  leur  en  montraient  les  édifices.  Par 
delà  l'Egypte,  il  y  avait  la  Chaldée  et  l'Assyrie,  qui 
s'étaient,  bien  plus  encore  que  l'Egypte,  dérobées  à  la 
curiosité  des  Grecs,  derrière  la  ceinture  de  déserts  qui 
sépare  le  val  de  l'Euphrate  du  littoral  de  la  Méditerranée. 
Par  un  court  récit  d'Hérodote,  par  les  contes  de  Gtésias  et 
par  quelques  pages  de  la  Bible  hébraïque,  on  n'avait  qu'une 
très  vague  idée  de  la  puissance  militaire  des  grands  empires 
de  l'Asie  antérieure  et  des  caractères  originaux  de  leur 
civilisation.  Il  ne  semblait  pas  que  l'on  pût  concevoir  l'es- 
pérance de  jamais  déchiffrer  ces  inscriptions  étranges  dont 
quelques  échantillons  avaient  été  rapportés  en  Europe,  ces 
longues  lignes  de  têtes  de  clou  que  le  poinçon  des  scribes 
de  Babylone  et  de  Ninive  avait  incisées  dans  l'argile. 
Quant  au  dernier  venu  des  grands  empires  orientaux,  à 
celui  des  Aehéménides,  on  le  connaissait  moins  mal.  Dès 
le  VIe  siècle  avant  notre  ère,  par  les  conquêtes  de  Cyrus, 
poussées  jusqu'à  la  côte  de  l'Ionie,  la  Perse  avait  noué 
avec  la  Grèce  des  relations  qui  ne  cessèrent  jamais  jusqu'à 
1  expédition  d'Alexandre;  mais,  là  encore,  tout  ce  que  l'on 
savait  de  ces  princes  et  de  cette  nation,  de  leur  religion  et 
de  leurs  mœurs,  c'était  ce  que  les  Grecs  en  avaient  saisi, 
au  hasard  de  contacts  passagers,  que  la  guerre  venait  cons- 
tamment interrompre.  Voyageurs  ou  commerçants,  soldats 
mercenaires  ou  médecins  au  service  du  grand  roi,  ces  Grecs 
transplantés  à  Persépolis  et  à  Suse  ne  voyaient  que  la  sur- 
face. S'ils  ont  suivi  avec  intérêt,  s'ils  ont  raconté  avec 
force  détails  les  intrigues  de  la  cour  et  les  drames  du 
harem,  ils  n'ont  pas  eu  le  loisir  ou  le  goût  de  chercher 
dans  les  croyances  de  ce  peuple  la  raison  d'être  d'usages 
et  la  source  de  vertus  qui  étonnaient  l'observateur  étranger. 
La  difficulté  même  des  problèmes  à  résoudre  irrita  la 
curiosité  ;  elle  provoqua  des  efforts  qui  finirent  par  triom- 
pher  de    tous  les  obstacles.  Il   y  avait  là   comme  un  défi 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER  G03 

porté  à  la  science  moderne  ;  elle  tint  à  honneur  de  le  rele- 
ver. Après   les   hiéroglyphes,  on    déchiffra    les    écritures 
cunéiformes,  les  plus  compliquées  comme  les  plus  simples, 
celle  qui  relate   les  hauts   faits  d'un  Hammourabi  ou  d'un 
Sargon    comme    celle    où,   dans    une    langue    apparentée 
aux   idiomes  de  la   Grèce   et   de    Home,  un  Darius  ou  un 
Artaxerxès  énumère  les   peuples   qui   lui   sont   soumis    et 
invoque  les  divins  protecteurs  qui  lui  ont  donné  la  victoire. 
On  lut  les  noms  d'Ormuzd  et  de  Mithra   sur  les  murs  des 
palais  de  Persépolis  et  des  tombes  rupestres  de  Pasargade. 
Bientôt   après,  on   retrouvait  ces  dieux,  présentés    comme 
les  fondateurs  de  la  loi  morale  et  les  dispensateurs  de  tous 
les  biens,  dans  YAvesta,  ce  code  religieux  dont  le  premier 
exemplaire  avait  été  rapporté  en  Europe  par  un  Français, 
Anquetil-Duperron,  et  dont  la  première  traduction  authen- 
tique fut  donnée  par  un  autre   Français,  Eugène  Burnouf. 
Enfin,   dans    un    bien    autre    éloignement,    on    apercevait 
l'Inde,  que  les  Grecs  n'avaient  fait  qu'entrevoir  un  moment 
à  l'extrême  limite  de  leur  horizon,  dans  le  fugitif  éclair  de 
la  conquête  macédonienne,  et  l'on  découvrait  là  toute  une 
grande  littérature  théologique  et  profane,  les  hymnes   des 
Védas,  des  épopées  plus  longues  que  celles  d'Homère,  des 
drames  d'une  fantaisie  charmante,  une  philosophie  subtile, 
tout  un  monde  de  fictions  et  de  pensées.  C'était    ensuite, 
à  L'arrière-plan,   l'Inde  bouddhiste    que    l'on    rencontrait, 
comme  un  prolongement  de  l'Inde    brahmanique,  et,  avec 
le  bouddhisme,  on  arrivait  à   la  Chine.  Celle-ci   proposait 
a  1  intelligence  et  à  la   critique  du  savant    une   des  tâches 
les  plus  malaisées  qu'elles  eussent  eu  jamais  à  aborder.  Il 
leur  fallait  commencer  par  triompher  des  difficultés  d'une 
écriture  et  d'une  langue  qui  diffèrent  si  fort  des  nôtres.  Il 
leur  fallait   surtout    redoubler  de   souplesse    et    de    ûnesse 
pour  réussir  à   comprendre  et  à  décrire  une   société  qui, 
pendant  de  longs  siècles,  a  dû  sa  prospérité  à  des  croyances 
et  à   une  organisation  qui   ressemblent    si   peu  à   tout   ce 

lï<12.  il) 


G06  NOTICE    SLR    JOSEPH-BON    DACIER 

que   l'historien  avait  appris  à  connaître  par   l'étude  de  la 
vie  des  nations  de  l'Occident. 

Tout  ce  mouvement  de  recherches  patientes  et  sugges- 
tives, d'études  diverses  et  fécondes,  c'est  notre  Académie 
qui,  pendant  tout  le  dernier  siècle,  en  a  pris  l'initiative  et 
gardé  la  direction.  Aidée,  dans  ses  enquêtes  et  dans  ses 
entreprises,  par  toute  une  foule  de  travailleurs  modestes  et 
laborieux,  qu'elle  instruisait  par  ses  exemples  et  ses  con- 
seils, elle  a,  d'une  part,  poussé  plus  loin  les  découvertes 
sur  les  chemins  que  ses  devanciers  avaient  déjà  frayés, 
sous  l'ancien  régime,  et,  d'autre  part,  elle  a  ouvert  des  voies 
nouvelles,  où  elle  a  marché,  où  elle  marche  encore  avec 
une  décision  hardie,  d'un  pas  allègre,  d'un  pas  de  conqué- 
rante. 

Convié,  par  la  fonction  même  que  votre  bienveillance 
m'a  confiée,  à  embrasser  du  regard  la  carrière  que  l'Aca- 
démie a  parcourue  depuis  sa  naissance,  je  vous  demande 
la  permission  d'évoquer  devant  vous  la  figure  d'un  de 
mes  prédécesseurs,  Joseph-Bon  Dacier,  qui,  en  deux  fois, 
a  occupé  pendant  quarante  et  un  ans  la  charge  dont  je 
suis  aujourd'hui  investi.  S'il  est  un  peu  oublié  aujour- 
d'hui, c'est  que,  malgré  le  brillant  de  ses  débuts  et  ses 
rares  qualités  d'esprit,  il  a  été,  dans  la  force  de  l'âge, 
arraché  à  ses  études  par  les  grands  événements  politiques 
auxquels  il  s'est  trouvé  mêlé,  puis  que,  plus  tard,  le  meil- 
leur de  son  temps  a  été  pris  par  des  devoirs  qui  étaient 
alors  beaucoup  plus  lourds  qu'ils  ne  le  sont  maintenant. 
Il  n'a  donc  pas  eu  l'honneur  d'attacher  son  nom  à  l'une  de 
ces  découvertes  scientifiques  qui  mettent  un  homme  hors 
rang,  ni  d'écrire  un  de  ces  livres  qui  marquent  une  date 
dans  l'histoire  de  l'érudition  :  mais  il  n'en  a  pas  moins  le 
mérite  d'avoir,  avant  la  Révolution,  beaucoup  contribué, 
par  son  ouverture  d'esprit  et  par  ses  avis  très  écoutés,  à 
élargir  le  programme  des  recherches  et  des  travaux  de 
L'Académie.  Au  lendemain   de  la    crise   où  les   Académies 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    D ACIER  607 

avaient  sombré  avec  les  autres  institutions  de  la  monarchie, 
il  a  présidé  à  la  renaissance  de  la  Compagnie,  qui,  sous  le 
titre  de  Classe  d'histoire  et  de  littérature  ancienne,  réap- 
paraissait et  avait  sa  place  marquée  dans  l'Institut  réorga- 
nisé, en  1803,  par  Bonaparte  premier  consul. 

Dépositaire  des  traditions  plus  que  séculaires  du  corps 
illustre  auquel  il  avait  appartenu  dès  sa  jeunesse,  Dacier 
sut  alors,  avec  beaucoup  de  dextérité,  les  adapter  à  des 
conditions  nouvelles  et  à  des  besoins  nouveaux.  Lors- 
qu'intervint  l'ordonnance  royale  de  181 G  qui,  sans  toucher 
à  l'unité  de  l'Institut,  rendait  aux  différents  collèges  qu'il 
comprend  leurs  appellations  d'autrefois,  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  n'avait  plus,  pour  renouer  la 
chaîne  des  temps,  qu'à  retrouver  le  nom  qu'elle  avait  si  fort 
honoré.  Grâce  surtout  à  Dacier,  à  son  activité  bien  réglée 
et  à  l'autorité  que  lui  reconnaissait  la  déférence  de  ses 
confrères,  elle  avait  repris  déjà,  sous  un  autre  titre,  le 
cours  et  le  train  de  sa  vie  normale,  de  celle  dont  lui  avaient 
donné  l'habitude  les  Secousse,  les  Mabillon  et  les  Mont- 
faucon,  les  Fréret,  les  Caylus  et  les  Barthélémy .  Ne  devons- 
nous  pas  quelque  reconnaissance  et  l'hommage  au  moins 
d'un  souvenir  à  cet  aïeul  dont  la  vie  académique  se  par- 
tage ainsi  entre  deux  siècles  et  qui  a  joué,  avec  tant  de 
tact  et  de  dignité,  le  rôle  d'intermédiaire  entre  nos  lointains 
ancêtres  et  les  hommes  de  science  et  de  bonne  volonté 
qui,  dans  la  France  issue  de  la  Révolution,  se  sont  consa- 
crés à  poursuivre,  en  lui  donnant  plus  d'étendue  et  de  por- 
tée, l'œuvre  d'obstiné  labeur  et  d'investigation  scientiiique 
dont  les  méthodes  avaient  été  pressenties  par  nos  devan- 
ciers et  quelquefois  esquissées  par  eux  avec  une  merveil- 
leuse divination  des  progrès  de  l'avenir  '  ? 

1.  Pour  l'histoire  de  l'ancienne  Académie,  pour  la  place  qu'y  tint  cl  le 
rôle  qu'y  joua  Dacier,  voir  Alfred  Maury,  Les  Académies  d'autrefois. 
L'ancienne  Académie  des  inscriptions  el  belles-lettres  (Paris,  Didier.  1864, 

iu-v    . 


608  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 

II 

Dacier  naquit  à  Valognes,  en  1743.  Il  vint  jeune  à  Paris 
et  y  fut  tout  d'abord  introduit  dans  la  meilleure  société. 

Il  fréquenta  beaucoup  les  salons.  Il  était  des  intimes  de 
l'hôtel  de  La  Rochefoucauld  et  du  Palais  Royal.  Ce  fut  là 
qu'il  acquit  cette  aisance  et  ces  manières  du  grand  monde 
que  lui  prêtent  tous  ses  biographes.  En  1772,  il  entrait 
à  l'Académie  des  inscriptions,  et,  en  1782,  il  y  succédait, 
comme  secrétaire  perpétuel,  à  Dupuy.  Quand  il  fut  chargé 
de  gérer  les  affaires  de  l'Académie,  il  mit  à  profit,  pour 
servir  ses  intérêts,  les  relations  qu'il  entretenait  avec  les 
puissants  du  jour.  Ce  fut  à  son  intervention  que  l'Acadé- 
mie dut  le  règlement  du  22  décembre  1786,  cet  acte  qui, 
pour  ce  qui  nous  concerne,  fut  comme  le  testament  de 
l'ancien  régime,  la  dernière  marque  de  sollicitude  qu'il 
ait  donnée  à  l'institution  qu'il  avait  fondée. 

Ce  règlement  assurait  à  la  Compagnie  certains  avan- 
tages matériels  qui  n'étaient  pas  à  dédaigner,  tels  que 
l'augmentation  du   nombre  des  pensionnaires,  c'est-à-dire 


Pour  l'organisation  de  l'Institut,  sous  sa  première  forme,  et  pour  sa 
réorganisation  par  le  Premier  Consul  en  1803,  sur  la  façon  dont,  après  ce 
remaniement,  l'Académie  des  inscriptions  reprit  sa  vie  interrompue,  treize 
ans  avant  de  retrouver  son  nom,  voir,  dans  la  collection  intitulée  Les 
grandes  institutions  de  France,  les  deux  volumes  qui  ont  pour  titre  L'In- 
stitut de  France,  par  Gaston  Boissier,  Gaston  Darboux.  Georges  Perrot, 
Georges  Picot,  Henry  Roujon,  secrétaires  perpétuels,  et  Alfred  Franklin, 
administrateur  honoraire  de  la  Bibliothèque  Mazarine  (Paris,  H.  Laurens, 
1907,  2  vol.in-8"). 

Il  a  été  donné  de  cet  ouvrage,  par  les  soins  de  M.  André  Marty,  en  1909, 
une  édition  illustrée,  en  deux  volumes  in-folio,  qui  contient  d'admirables 
reproductions  d'anciennes  estampes,  en  grand  nombre,  et  aussi  de  belles 
héliogravures  d'après  des  photographies  prises  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur 
des  bâtiments.  Nombre  de  pièces  originales  y  sont  reproduites  en  fac- 
similé.  C'est  un  très  beau  livre,  destiné  aux  riches  bibliothèques  d'ama- 
teurs. Dacier  n'a  pas  été  compris  parmi  les  personnages  dont  l'effigie  est 
reproduite  là. 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER  009 

dos  académiciens  à  plein  titre  qui  touchaient  une  pension, 
la  création  d'une  classe  d'académiciens  libres,  et  l'accrois- 
sement du  fonds  des  jetons  de  présence  ;  mais  il  avait 
surtout  le  mérite  de  définir  d'une  manière  plus  large  et 
plus  précise  que  dans  les  rédactions  antérieures  l'objet 
des  travaux  de  l'Académie.  Il  la  conviait  à  l'étude  des 
langues,  particulièrement  des  langues  orientales  et  des 
langues  grecque  et  latine,  ainsi  qu'à  celle  des  monu- 
ments de  toute  espèce,  médailles,  inscriptions,  qui  concer- 
nent l'histoire  ancienne  et  l'histoire  du  moyen  âge.  11 
l'invitait  à  éclaircir  les  titres,  diplômes  et  antiquités  de 
l'histoire  de  France  et  de  l'histoire  des  autres  nations, 
principalement  de  celles  dont  les  intérêts  et  les  événe- 
ments ont  été  mêlés  avec  ceux  de  la  France.  Il  appelait 
son  attention  sur  la  chronologie  et  la  géographie,  «  les 
deux  bases  de  l'histoire  »,  et  sur  l'étude  des  sciences, 
arts  et  métiers  des  anciens,  qui  devaient  être  comparés 
à  ceux  des  modernes.  «  Aucun  genre  de  littérature  », 
était-il  dit,  «  n'est  étranger  à  l'Académie  des  belles - 
lettres  ;  ainsi,  à  l'érudition  qui  rassemble  les  faits,  elle 
joindra  la  critique  qui  sait  les  choisir,  les  comparer  et 
les  apprécier,  et,  à  la  critique  qui  discute  les  faits,  elle 
joindra  celle  qui  entretient  et  épure  le  goût  par  l'examen 
approfondi  des  meilleurs  modèles.  »  Enfin  des  mesures 
étaient  prises  et  des  crédits  alloués  pour  la  préparation 
et  l'impression  des  recueils  que  l'Académie  se  proposait 
de  publier.  Aux  Mémoires,  dont  plusieurs  volumes  avaient 
déjà  paru,  Dacier  avait  entrepris  d'ajouter  un  nouveau 
recueil,  dont  il  avait  tracé  le  plan,  tel,  à  peu  de  choses 
près,  que  nous  l'avons  conservé  jusqu'à  nos  jours.  Toute 
la  différence,  c'est  que  nous  appelons  Xotices  et  extraits 
des  manuscrits  ce  que  Dacier  avait  intitulé  Notices  et 
extraits  de  la  Bibliothèque  du  roi. 

Au    moment    où    se    réunit    l'Assemblée    constituante, 
Dacier,   par  la  situation  qu'il  occupait  et  par  les  opinions 


610  .NOTICE    SUR  JOSEPH-BON    DAC1ER 

dont  il  ne  faisait  pas  mystère,  était  un  de  ces  personnages 
en  vue  auxquels  on  songea  tout  d'abord  pour  remplir  des 
fonctions  administratives  et  politiques  au  sein  d'une 
société  qui  aspirait  à  renouveler  ses  cadres.  On  le  savait 
très  libre  d'esprit  et  lié  avec  les  publicistes  dont  les  écrits 
avaient  préparé  les  changements  qui  s'accomplissaient. 
L'élection  le  fit  donc  membre  du  conseil  municipal  de 
Paris,  de  1790  à  1792.  Il  était  en  même  temps  chargé  de 
diriger  le  service  des  contributions  directes.  Par  le  zèle 
et  la  compétence  dont  il  faisait  preuve  dans  ce  double 
rôle,  il  avait  conquis  l'estime  et  la  confiance  du  malheu- 
reux roi.  Celui-ci  lui  offrit  le  portefeuille  des  finances 
dans  un  de  ces  ministères  éphémères  qui  se  succédèrent 
entre  le  vote  de  la  constitution  et  la  journée  du  10  août. 
Dacier  refusa  ;  mais  il  avait  suffi  de  cette  offre  pour  le  com- 
promettre aux  yeux  des  violents.  Afin  d'échapper  à  une 
arrestation  qui  l'aurait  sans  doute  mené  à  l'échafaud,  il 
dut,  après  la  chute  de  la  royauté,  quitter  Paris  et  vivre 
caché  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  la  Terreur.  Alors  seu- 
lement il  reparut  et,  quelques  années  après,  quand  fut  mise 
en  vigueur  la  Constitution  de  l'an  YIII,  la  notoriété  qu'il 
avait  acquise  par  son  court  passage  aux  affaires  lui  valut 
d'être  appelé  à  siéger  dans  le  Tribunat.  Il  y  prit  souvent 
la  parole  et  il  en  fit  partie  jusqu'au  jour  où  ce  corps  fut 
supprimé.  Il  eût  pu  alors,  dit-on,  entrer  au  Sénat  impé- 
rial ;  mais  il  préféra  consacrer  à  ses  fonctions  académiques 
tout  ce  qu'il  gardait  d'aptitude  et  de  goût  pour  l'activité 
pratique. 

Dès  179o,  Dacier  avait  été  inscrit,  dans  la  Classe  des 
sciences  morales  et  politiques,  sur  la  liste  des  membres  de 
l'Institut  de  France  ;  mais  il  ne  retrouvait  là,  perdus  parmi 
des  économistes  et  des  philosophes,  qu'un  petit  nombre 
des  confrères  qu'il  avait  connus  dans  la  savante  compa- 
gnie où  il  était  entré  vingt-trois  ans  plus  tôt.  La  situation 
fut    tout    autre,    à    partir    du   décret   organique    de    1803. 


NOTICE    SUR   JOSEPH-BON    DACIEB  611 

Conviée,  par  le  pouvoir  même,  à  reprendre  les  travaux 
par  lesquels  s'était  honorée,  sous  l'ancien  régime,  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres,  la  Classe  d'histoire 
et  de  littérature  ancienne  était  autorisée  à  se  poser  en  héri- 
tière légitime  et  en  continuatrice  de  sa  vénérable  devan- 
cière. 

Les  membres  survivants  de  la  Compagnie  supprimée 
en  1793  étaient  venus,  à  quelques  exceptions  près,  re- 
prendre les  places  qu'ils  occupaient  dans  les  Académies 
qui  avaient  été  créées  jadis  par  la  royauté  déchue.  Dans 
cette  troisième  classe  à  laquelle  avait  été  attribué  l'honneur 
d'une  lourde  et  glorieuse  succession,  ceux  qui  l'empor- 
taient par  le  nombre  et  qui  donnaient  le  ton,  grâce  à 
leur  âge  et  à  leur  autorité  personnelle,  c'étaient  ces  vété- 
rans de  l'érudition  qui  avaient  conquis  leurs  grades  avant 
que  se  déchaînât  la  tempête  qui  venait  de  bouleverser  la 
société  française.  Le  premier  désir  de  ces  exilés  qui  ren- 
traient au  loyer  devait  être  de  se  rattacher  à  ce  passé 
qui  leur  rappelait  des  jours  de  travail  paisible  et  fécond. 
Ils  ne  pouvaient  pas  ne  point  être  pressés  de  renouer  la 
tradition  brusquement  interrompue.  Dès  que  la  classe  se 
fut  complétée  par  le  mode  de  cooptation  que  le  décret 
avait  institué,  elle  se  hâta  d'élire  comme  secrétaire  per- 
pétuel le  dernier  secrétaire  de  l'Académie  d'autrefois, 
Joseph-Bon  Dacier,  et  cette  élection  fut  aussitôt  confir- 
mée par  un  arrêté  ministériel  en  date  du  18  pluviôse 
an  XI  (1803). 

Inspirateur,  sinon  signataire,  du  règlement  de  178G, 
Dacier  était  tout  à  fait  désigné  pour  présider,  avec  l'au- 
torité que  lui  donnait  la  permanence  de  sa  charge,  aux 
réunions  et  aux  travaux  de  la  Compagnie  qui  venait  de 
renaître  en  changeant  de  nom  ;  mais  la  situation  avait 
ses  difficultés.  Dans  ce  corps  où  les  représentants  de 
l'ancienne  Académie  se  rencontraient  avec  des  hommes 
nouveaux,   il  y  avait  bien  des  amours-propres  à   ménager, 


C)I2  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 

bien  des  causes  de  dissentiment  à  écarter.  Tel  membre  de 
la  classe,  tout  en  se  félicitant  d'y  avoir  trouvé  pour  sa 
vieillesse  un  abri  tranquille,  Yotium  cumdignitate,  ne  pou- 
vait guère  oublier  que  sa  fortune  avait  été  détruite  et  sa 
vie  menacée  par  la  révolution.  Tel  autre  avait  servi  cette 
révolution.  Il  lui  avait  dû  la  notoriété  qui  l'avait  poussé 
aux  premiers  rangs.  Entre  confrères  dont  les  origines 
étaient  si  diverses,  on  pouvait  craindre  des  froideurs 
persistantes  et,  à  l'occasion,  des  chocs  pénibles. 

Des  incidents  de  ce  genre  étaient  à  redouter.  C'est  ce 
dont  témoigne  l'article  XI  du  règlement  que  la  classe  se 
donna  le  27  ventôse  an  XI,  règlement  qui  fut  aussitôt 
approuvé  par  le  ministre.  Cet  article  est  ainsi  conçu  : 
«  Les  sciences  morales  et  politiques,  dans  leur  rapport 
avec  l'histoire,  formant  un  des  objets  des  travaux  de  la 
classe,  ceux  des  membres  de  celle-ci  qui  s'occuperont  de 
recherches  relatives  à  ces'  sciences  éviteront,  dans  leurs 
mémoires,  toutes  les  discussions  historiques,  religieuses 
ou  politiques  qui,  par  leur  objet  ou  par  la  proximité  des 
temps,  pourraient  altérer  l'harmonie  qui  doit  régner  entre 
les  membres  de  la  classe.  » 

Mieux  que  les  prescriptions  du  règlement,  le  tact  de 
Dacier  et  son  aménité  durent  beaucoup  contribuer  à  pré- 
venir les  froissements.  Tous  ses  antécédents  lui  donnaient 
qualité  pour  jouer  entre  ces  éléments  opposés  le  rôle  d'un 
médiateur  adroit  et  discret.  Par  ses  opinions  philoso- 
phiques, il  appartenait  au  xvme  siècle.  Dans  le  court  inter- 
mède de  sa  vie  publique,  il  s'était  associé  aux  efforts  qui 
avaient  été  tentés,  sous  les  auspices  de  l'Assemblée  consti- 
tuante, pour  mettre  fin  aux  abus  de  l'ancien  régime;  mais, 
d'autre  part,  il  s'était  retiré  du  jeu  avant  qu'eût  éclaté  la 
crise  qui  aboutit  au  supplice  du  roi.  Il  n'avait  donc  rien, 
dans  son  passé,  qui  pût  provoquer  contre  lui  l'antipathie 
dos  plus  passionnés  mêmes  de  ses  confrères.  On  peut  juger 
de  la    mesure  qu'il  gardait    dans   ses   entretiens    par   celle 


NOTICE    STIli    JOSEPH-BON    DACFER  013 

dont  il  sait  ne  point  se  départir  dans  ces  Notices  qu'un 
article  du  règlement  lui  enjoignait  d'écrire  sur  la  vie  et 
les  travaux  des  membres  de  la  classe,  à  mesure  que  la 
mort  venait  les  frapper.  La  plupart  de  ceux  dont  il  se  fai- 
sait ainsi  le  biographe  avaient  été  plus  ou  moins  mêlés 
aux  événements  de  la  Révolution  ou  bien  en  avaient,  le  plus 
souvent  à  leur  grand  dommage,  subi  le  contre-coup.  Les 
misères  subies,  Dacier  les  raconte,  non  sans  émotion, 
mais  sans  invectives  contre  les  persécuteurs,  sans  attaques 
contre  les  personnes.  La  notice  qu'il  a  consacrée  à  Dom 
Poirier,  un  des  bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur,  est,  à  cet  égard,  d'un  très  curieux  et  très  vif  intérêt. 

Voici,  tirée  dune  autre  notice,  une  page  qui  peut  don- 
ner une  juste  idée  de  sa  manière.  Il  s'y  reporte  aux  der- 
niers jours  qu'a  vécus,  en  1792  et  1793,  l'ancienne  Aca- 
démie, alors  que,  se  sachant  condamnée,  elle  attendait, 
de  mois  en  mois,  le  coup  qui  devait  la  frapper  : 

«  L'Académie  aurait  autant  aimé  »,  dit-il,  «  que  le 
décret  qui  lui  interdisait  de  pourvoir  aux  sièges  vacants 
eût  ordonné  sa  dissolution  subite.  Il  lui  aurait  épargné 
beaucoup  d'inquiétudes,  d'angoisses  et  de  dangers  ;  mais, 
puisqu'il  lui  permettait  de  languir  encore  quelques  instants, 
elle  ne  crut  pas  devoir  se  dissoudre  elle-même  et  résolut 
de  continuer  ses  exercices  ordinaires,  tant  qu'il  plairait 
aux  arbitres  de  ses  destinées  de  lui  laisser  un  reste  de  vie. 
Elle  passa  dans  cet  état  de  dépérissement  la  fin  de  l'année 
1792  et  plus  de  la  moitié  de  1793,  croyant,  chaque  jour 
où  elle  se  réunissait,  que  c'était  pour  la  dernière  fois,  et 
ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  c'est  qu'au  milieu  des 
agitations,  des  troubles,  des  désordres  de  ces  temps  cala- 
miteux,  ses  assemblées  furent  toujours  aussi  nombreuses 
que  dans  les  jours  de  sa  prospérité  et  de  sa  splendeur,  qu'il 
n'y  en  eut  pas  une  seule  qui  ne  fût  remplie  par  la  lecture 
de  quelque  ouvrage  digne  de  son  attention  et  de  son  intérêt. 
On    eût    dit    que    ses    membres    s'enfonçaient    avec   plus 


614  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 

d'ardeur  que  jamais  dans  les  siècles  passés,  pour  se  dis- 
traire du  spectacle  des  maux  et  des  crimes  dont  ils  étaient 
environnés.  » 

Le  ton  a  de  la  noblesse.  C'est  celui  d'une  douleur  sin- 
cère, mais  qui  s'interdit  les  violences  déclamatoires.  L'im- 
pression n'en  dut  être  que  plus  vive,  aussi  bien  chez  ceux 
des  auditeurs  qui  avaient  connu  les  affres  de  cette  agonie 
que  chez  leurs  plus  jeunes  confrères,  qui  ne  pouvaient  pas 
ne  point  être  touchés  par  ces  souvenirs,  à  la  pensée  des 
dures   épreuves  par  lesquelles   avaient   passé   leurs   aînés. 

Fort  de  l'estime  et  de  la  confiance  que  lui  témoignaient 
ses  confrères.  Dacier  prit  une  part  active  à  toutes  les  déci- 
sions qui  élargissaient  le  champ  où  s'exerçait  l'activité  de 
la  Compagnie.  Dès  1803,  il  lui  avait  fait  remettre  le  soin 
de  continuer  la  collection  des  Ordonnances  des  rois  de 
France  de  la  troisième  race.  En  1807,  par  une  entente 
conclue  avec  M.  de  Montalivet,  ministre  de  l'intérieur,  il 
obtint  que  de  nouveaux  crédits  fussent  ouverts  à  la  classe 
pour  l'exécution  d'autres  entreprises  scientifiques  qui 
l'occuperaient  utilement  et  dont  elle  tirerait  grand  hon- 
neur. Il  avait  jadis  fondé  le  recueil  des  Notices  et  extraits 
des  manuscrits.  La  classe  était  invitée  à  en  recommencer 
et  à  en  poursuivre  la  publication.  Elle  se  voyait  aussi 
chargée  de  reprendre,  sur  un  nouveau  plan,  celle  de  cette 
Histoire  littéraire  de  la  France  que  les  Bénédictins  avaient 
conduite  jusqu'à  la  fin  du  dernier  tiers  du  xu°  siècle.  Enfin 
elle  était  conviée  à  inaugurer  un  Recueil  des  historiens  des 
croisades,  recueil  dont  notre  Académie  se  prépare  à  donner 
le  dernier  volume. 

Tout  en  réglant  ainsi,  pour  l'avenir,  l'ordre  des  travaux 
de  la  Compagnie,  Dacier  tenait  exactement  au  courant 
Y  Histoire  de  la  classe,  un  procès-verbal  très  développé,  où 
étaient  insérés,  avec  les  rapports  de  ses  commissions,  les 
résultats  de  toutes  ses  élections  et  de  tous  ses  choix, 
toutes   les   décisions    qu'elle   avait    prises.    On   y    trouvait 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER  615 

aussi  résumées,  comme  le  sont  aujourd'hui  dans  nos 
Comptes  rendus,  celles  des  communications  verbales  ou 
écrites  faites  en  séance  qui  n'aboutissaient  pas  à  la  rédac- 
tion d'un  mémoire.  En  même  temps,  il  s'employait  à  liqui- 
der la  succession  de  l'ancienne  Académie,  à  vider  ses  car- 
tons. C'est  de  ceux-ci  qu'il  tira  les  dissertations  qui  rem- 
plissent les  tomes  XL VII  à  L  de  la  première  série  des 
Mémoires,  quatre  volumes  qui  furent  publiés  en  1815.  Ces 
retardataires  avaient,  pendant  toute  la  durée  de  l'Empire, 
absorbé  les  crédits  affectés  à  la  publication.  Ce  fut  seule- 
ment de  181 5  à  1S18  que  Dacier  put  faire  paraître,  sous  la 
rubrique  Classe  d'histoire  et  de  littérature  ancienne,  les 
mémoires  qui  avaient  été  lus  dans  les  séances  de  cette 
classe,  de  1803  à  1816.  Ils  remplissent  quatre  volumes  qui 
forment  la  tète  de  la  seconde  série  des  Mémoires  de  notre 
Compagnie. 

La  conscience  avec  laquelle  Dacier  remplissait  ses  fonc- 
tions académiques  n'épuisait  pas  son  activité.  Pendant  ces 
mêmes  années  du  xix°  siècle  commençant,  il  ne  se  dévouait 
pas  avec  une  application  moins  soutenue  aux  intérêts  de  la 
Bibliothèque  nationale,  que  le  gouvernement  consulaire 
s'était  attaché  à  réorganiser,  au  moment  où  y  affluaient 
les  manuscrits  et  les  livres  qui  provenaient  surtout  de  tant 
d'abbayes  supprimées.  On  n'avait  pas  mis  à  la  tête  de  cet 
établissement  un  chef  unique.  La  Bibliothèque  était  alors 
administrée  et  elle  l'a  été  jusqu'au  milieu  du  siècle  par  un 
conservatoire  ou  comité  dans  lequel  siégeaient  les  chefs  des 
différents  départements.  Dacier  avait  été  nommé,  en  1800, 
conservateur  des  manuscrits.  Durant  vinert  ans,  il  fut 
porté  chaque  année,  par  le  vote  de  ses  collègues,  à  la  pré- 
sidence du  comité.  En  fait,  ce  titre  lui  conférait  les  attri- 
butions et  l'autorité  d'un  directeur  général.  Ce  fut  seule- 
ment en  1820  qu'il  prit  sa  retraite,  presque  octogénaire. 
Après  sa  mort,  Letronne,  alors  président  du  conservatoire, 
vint,  au  nom  de  la  Bibliothèque,  lui  rendre  hommage   sur 


6)6  .NOTICE    SLR    JOSEPH-BON    DACIER 

sa  tombe.  Il  attesta  que  Dacier,  pendant  tout  le  temps  où 
il  avait  été  en  charge,  s'était  montré  le  promoteur  intelli- 
gent et  zélé  de  toutes  les  mesures  qui  devaient  avoir  pour 
effet  d'enrichir  les  collections  et  d'en  faciliter  l'usage  au 
public. 

III 

Nous  nous  sommes  contenté,  jusqu'ici,  d'esquisser  la 
biographie  de  Dacier  ;  nous  avons  défini  les  fonctions  qu'il 
a  remplies,  et  nous  avons  expliqué,  par  la  modération  et 
la  finesse  de  son  esprit  comme  par  l'agrément  de  son  com- 
merce, l'influence  qu'il  a  exercée  sur  tous  ceux  qui  l'appro- 
chaient, influence  qu'il  faisait  tourner  au  profit  des  com- 
pagnies ou  des  établissements  qui  avaient  remis  leurs  inté- 
rêts entre  ses  mains.  De  ses  ouvrages,  nous  n'avons  pas 
encore  dit  un  mot.  C'est  que  ceux-ci.  à  vrai  dire,  sont  de 
second  ordre.  Il  n'en  est  pas  un  que  l'on  ait  aujourd'hui 
l'occasion  de  consulter  et  de  citer,  comme  on  le  fait  encore 
pour  plus  d'un  mémoire  de  Fréret  ou  d'Anville,  de  Barthé- 
lémy ou  de  Caylus.  Il  travaillait  trop  vite  et  il  s'est  trop 
dispersé  pour  avoir  creusé  à  fond  aucune  question. 

Ses  premiers  travaux,  ceux  qui  lui  avaient  valu  le  rare 
honneur  d'entrer  à  l'Académie  dès  l'âge  de  trente  ans, 
portaient  sur  la  littérature  grecque.  Il  avait  débuté  par 
traduire  et  commenter  les  Histoires  variées  d'Elien  et  la 
Cyropédie  de  Xénophon.  Puis,  patronné  par  Foncemagne 
et  par  les  frères  Lacurne  de  Sainte-Palave,  qui  l'avaient 
pris  fort  en  gré,  il  s'était  tourné  vers  le  moyen  âge  fran- 
çais. Il  avait  écrit  des  mémoires  sur  L'Ordre  de  l'Etoile, 
institué  par  le  roi  Jean,  sur  La  vie  et  la  chronique  d'En- 
guerrand  de  Monstrelet,  sur  Jean  Maillard  et  Etienne 
Marcel,  enfin  sut  l'Usage  observé  en  France  quand  des  rois 
acquéraient  des  fiefs  dans  la  mouvance  de  leurs  sujets. 
Plus  tard,  dans  la  seconde   partie   de  sa  vie,   il  revient   à 


NOTICE    SLR    JOSEPH-BON    DACIER  G17 

l'antiquité.  On  lui  attribuait,  sans  qu'il  eût  signé,  la  rédac- 
tion d'une  grande  partie  du  texte  de  Y  Iconographie 
grecque,  de  Visconti.  Dans  le  rapport  qu'il  présenta  au 
nom  de  la  classe,  en  1808,  sur  l'histoire  de  l'érudition 
depuis  1789,  Dacier  parle  d'une  traduction  des  épigrammes 
de  l'anthologie  grecque,  traduction  accompagnée  de  notes 
grammaticales  et  critiques,  qu'il  aurait  poussée  très  loin, 
sans  l'avoir  encore  fait  imprimer.  Elle  n'a  jamais  vu  le 
jour. 

Une  fois  seulement,  dans  le  cours  de  sa  longue  carrière 
d'érudit,  Dacier  s'était  avisé  d'un  grand  sujet,  avait  tracé 
le  plan  d'une  œuvre  qui,  si  les  circonstances  lui  avaient 
permis  de  la  conduire  à  bonne  fin,  lui  aurait  été  un  titre 
durable  à  la  reconnaissance  de  tous  les  Français  qui  s'in- 
téressent à  l'histoire  de  leur  pays.  Les  recherches  qu'il 
avait  entreprises  sur  le  règne  du  roi  Jean  lui  avaient  donné 
l'occasion  de  lire  les  Chroniques  de  Froissart.  Il  s'était 
bien  vite  aperçu  de  tout  ce  que  laissait  à  désirer  le  texte 
des  six  éditions,  toutes  in-folio,  qui  avaient  été  données 
de  cet  auteur  entre  1500  et  1574.  Il  conçut  donc  le  projet 
de  donner  à  ses  contemporains  une  édition  critique  des 
Chroniques,  où  le  texte,  établi  sur  les  meilleurs  manu- 
scrits, serait  accompagné  de  notes  grammaticales  et  histo- 
riques qui  en  faciliteraient  la  lecture. 

Dacier  commença  par  étudier  les  divers  manuscrits  de 
Froissart  que  renfermait  la  Bibliothèque  du  roi.  Puis  il 
profita  des  relations  amicales  qu'il  entretenait  avec  des 
personnes  très  haut  placées  pour  faire  venir  à  Paris,  sous 
le  couvert  du  ministre,  des  manuscrits  de  plusieurs  biblio- 
thèques provinciales.  Ceux  mêmes  qui  se  trouvaient  à 
l'étranger  n'avaient  pas  échappé  à  sa  curiosité.  De  maints 
d'entre  eux,  il  s'était  procuré  des  copies  partielles.  Par 
l'intermédiaire  de  d'Alembert,  il  avait  obtenu  du  grand 
Frédéric  que  lui  fût  expédié  un  manuscrit  de  Breslau 
auquel  on  attribuait,  à  tort,  comme  il  le  reconnut,  une 
valeur  exceptionnelle. 


fil 8  NOTICE   SUR    JOSEPH-BON    D ACIER 

Ces  recherches  préparatoires  marchèrent  assez  vite  pour 
que,  dès  1778,  Dacier  se  crût  en  droit  de  promettre  «  un 
Froissart  presque  neuf,  augmenté  de  plus  d'un  tiers,  dans 
lequel  le  nom  des  personnes  et  des  lieux  ainsi  que  les  pas- 
sages altérés  seront  rétablis,  les  lacunes  remplies,  les 
leçons  vicieuses  remplacées  par  d'autres  qui  sont  incontes- 
tablement bonnes.  Enfin,  le  style  de  l'auteur,  défiguré  dans 
toutes  les  éditions,  sera  corrigé  sur  les  manuscrits  les 
plus  voisins  du  temps  où  il  écrivait  ». 

Le  travail  avait  été  entrepris  avec  une  ardeur  toute 
juvénile,  mais  l'exécution  en  fut  retardée  par  les  devoirs 
que,  depuis  1782,  le  secrétariat  perpétuel  imposait  à 
Dacier.  Pourtant  la  copie  du  texte  était  entièrement  ter- 
minée. Les  notes  de  la  première  partie  des  Chroniques 
étaient  entièrement  rédigées.  L'éditeur  était  en  mesure  de 
livrer  à  l'impression  l'introduction  qui  devait  être  placée 
en  tête  du  premier  volume,  ainsi  que  la  description  et 
l'appréciation  des  nombreux  manuscrits  vus  et  compulsés, 
ou  de  ceux  sur  lesquels  Dacier  avait  pu  se  procurer  des 
renseignements  exacts.  Soixante-dix  feuilles  de  ce  volume 
in-folio  avaient  déjà  été  tirées  à  l'Imprimerie  royale.  Elles 
comprenaient  l'introduction  et  aussi  le  texte  du  récit  de 
Froissart  pour  six  années  de  la  période  dont  il  s'est  fait 
l'historien. 

Pendant  la  Révolution,  ces  feuilles  furent  détruites,  et 
dispersés  les  manuscrits  que  Dacier  avait  réunis.  Celui 
qu'il  regardait  comme  le  meilleur  de  tous,  et  sur  lequel 
il  comptait  pour  achever  d'établir  son  texte,  le  manuscrit 
de  Saint-Vincent  de  Besançon,  était  parti  pour  la  Russie. 
Il  paraissait  s'y  être  perdu.  La  tourmente  passée,  Dacier, 
vieilli,  distrait  d'ailleurs  par  d'autres  soins,  ne  se  sentit 
plus  la  force  de  reconstruire  patiemment  l'édifice  dont  les 
premiers  étages  étaient  ainsi  tombés  en  ruines  ;  mais 
quand,  vers  1820,  Max  Buchon  entreprit  de  donner  la  pre- 
mière édition  critique  des  Chroniques,  Dacier  lui  prêta  le 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER  619 

concours  le  plus  libéral  et  le  plus  empressé.  Non  content 
de  le  guider  dans  le  choix  des  manuscrits  à  prendre  pour 
base  de  la  récension,  il  lui  communiqua  les  épreuves  qu'il 
avait  gardées  du  texte  jadis  imprimé.  Il  lui  livra  tous  ses 
papiers,  toutes  les  notes  jadis  imprimées  pour  la  suite  de 
l'ouvrage.  Beaucoup  de  ces  notes  ont  été  reproduites  par 
Buchon,  et  celui-ci  proclame  hautement,  dans  sa  préface, 
tout  ce  qu'il  doit  aux  conseils  de  Dacier  et  aux  matériaux 
que  celui-ci  lui  a  fournis. 

Dacier  a  donc  bien  mérité  de  Froissart  ;  mais  c'était  à 
Siméou  Luce  qu'était  réservé  l'honneur  de  procurer,  des 
récits  du  charmant  conteur,  l'édition  définitive,  celle  qui 
fera  désormais  autorité  '.  Dacier  avait  donné  l'exemple, 
que  Buchon  avait  suivi,  de  collationner  les  manuscrits. 
Siméon  Luce  a,  le  premier,  réussi  à  les  classer,  c'est-à- 
dire  à  distinguer,  dans  les  versions  différentes  qu'ils  nous 
offrent  d'une  même  suite  d'événements,  les  différentes 
rédactions,  inégalement  développées  et  parfois  contradic- 
toires, dont  les  variantes  s'expliquent  par  les  incidents 
mêmes  de  la  vie  du  chroniqueur,  par  le  souci  qu'il  a  eu 
d'accommoder  son  texte,  dans  les  lectures  qu'il  en  faisait, 
ici  ou  là,  aux  sentiments  et  aux  intérêts  des  divers  princes 
qui,  l'un  après  l'autre,  l'eurent  pour  hôte  et  pour  client. 
C'est  ainsi  que  notre  ancien  confrère  a  conduit  à  son  terme 
1  d'uvre  de  cette  intelligente  et  précieuse  restauration  d'un 
grand  monument  historique,  restauration  qui  avait  été 
commencée,  un  siècle  plus  tôt,  par  Dacier2. 

I.  Chroniques  île  Froissart,  publiées  par  la  Société  de  L'Histoire  de 
France,  par  Siméoil  Luce.   Il  vol.  in-8,  t869-1899. 

2.  Les  matériaux  réunis  par  Dacier  en  vue  de  son  édition  de  Froissart, 
ceux  qui  ont  été  utilisés  par  Buchon,  sont  conservés  à  la  Bibliothèque 
nationale  (manuscrits  français  6840-6845  .  Le  dernier  de  ces  cinq  volumes 
contient  les  63'J  premières  pages  de  l'édition  in-folio  qui  s'imprimait  en 
1788  à  L'Imprimerie  royale  et  dont  toute  la  partie  composée  parait  avoir 
été  mise  au  pilon.  Dans  le  même  dépôt  et  dans  le  même  fonds,  on  trou- 
vera, sous  1rs  numéros  9458  à  9460,  divers  papiers  historiques  qui  pro- 
viennent aussi  de  Dacier.  Le  catalogue  imprimé  donne  une  analyse  som- 
maire des  pièces  contenues  dans  ces  tiois  volumes. 


620  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 


IV 

Depuis  qu'il  était  devenu  le  secrétaire  perpétuel  de  la 
troisième  classe,  Dacier  ne  reprit  guère  la  plume  que  pour 
porter  la  parole  au  nom  du  corps  dont  il  était  l'interprète 
officiel.  C'est  ainsi  que,  sur  les  notes  qui  lui  avaient  été 
fournies  par  ses  confrères,  il  rédigea  une  partie,  celle  qui 
concernait  les  études  auxquelles  présidait  la  troisième 
classe,  de  ce  Tableau  général  de  Vétat  des  progrès  des 
sciences,  des  lettres  et  des  arts  depuis*  17  89  jusqu'en  1806, 
qui  avait  été  demandé  par  l'empereur  à  la  collaboration 
des  différentes  classes  de  l'Institut.  A  la  fin  de  l'année 
1807,  la  classe  avait  entendu  et  approuvé  le  rapport  de 
Dacier,  qui  porte  pour  titre  :  Tableau  de  l'érudition  fran- 
çaise ou  rapport  sur  i histoire  et  la  littérature  ancienne 
depuis  1789  '•  Ce  rapport  fut  présenté  à  l'empereur  le  20 
février  1808.  Dacier  était  aussi  le  secrétaire  de  la  commis- 
sion interacadémique  qui,  de  1806  à  1814,  s'occupa  à  com- 
poser un  recueil  qui  n'a  été  publié  que  tout  récemment,  par 
les  soins  de  notre  confrère  M.  Babelon,  Y  Histoire  métal- 
lique de  Napoléon  le  Grand,  empereur  et  roi,  préparée  par 
la  classe  d'histoire  et  de  littérature  ancienne  de  l'Institut 


1.  Les  membres  de  la  commission  qui  avait  fourni  à  Dacier  les  maté- 
riaux de  son  rapport  étaient  Ennio  Quirino  Visconti,  pour  la  philologie 
grecque  et  latine  et  pour  les  antiquités,  Silvestre  de  Sacy,  pour  les  langues 
et  la  littérature  orientales,  De  Sainte-Croix,  pour  l'histoire  ancienne,  Brial, 
pour  la  diplomatique  et  l'histoire  du  moyen-âge,  Lcvesque,  pour  l'histoire 
moderne,  Gosselin,  pour  la  géographie  ancienne,  Pastoret,  pour  la  légis- 
lation, Degérando,  pour  la  philosophie.  Le  rapport  de  Dacier  forme  le 
tome  XXII  de  la  première  série  des  Mémoires  de  la  troisième  classe  de 
l'Institut.  Il  a  été  réimprimé  en  1802,  en  un  volume  in-8°,  sous  ce  titre  : 
Tableau  historique  de  l'érudition  française,  dans  une  collection  entreprise 
par  l'éditeur  Ducrocq,  la  Bibliothèque  classique  des  célébrités  contempo- 
raines. Dans  ce  volume,  il  est  accompagné  d'un  portrait  lithographie  de 
Dacier,  en  costume  d'académicien,  et  précédé  par  la  notice  que  Silvestre 
de  Sacy  avait  consacrée  à  son  prédécesseur  dans  le  secrétariat  perpétuel. 


NOTICE    SLR    JOSEPH-BON    DACIER  621 

impérial;  dessins  de  Ghaudet  et  de  Lemot  '.  Entre  temps, 
Dacier  continuait  de  suivre  et  de  diriger  les  travaux  de  la 
classe,  qui  redevint,  en  1816,  Y  Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres.  Il  y  représentait  la  tradition  avec  une  auto- 
rité que  personne  n'aurait  songé  à  lui  contester.  Les  précé- 
dents lui  étaient  familiers.  Fort  des  souvenirs  qu'il  avait 
gardés,  il  aidait  le  président,  à  tenir  les  séances  et  à 
résoudre  les  questions  litigieuses.  Il  surveillait  avec  dili- 
gence l'impression  des  divers  recueils  de  la  Compagnie,  et 
il  tenait  au  courant  cette  histoire  de  l'Académie  qui  a  sur- 
tout de  l'intérêt  par  les  notices  nécrologiques  qui  y  sont 
insérées.  Ces  notices,  c'est  tout  ce  (pie  Dacier  a  produit 
dans  la  dernière  partie  de  sa  vie.  Il  en  a  écrit  plus  de  cin- 
quante, depuis  l'éloge  du  grand  géographe  d'Anville,  qu'il 
prononyait  en  1783,  jusqu'à  celui  de  l'helléniste  Gail,  qui 
date  de  1830.  Elles  ont  toutes  les  mêmes  mérites.  L'au- 
teur y  passe  sans  etîort  de  l'analyse  des  œuvres  au  récit,  a 
la  biographie  proprement  dite.  Dans  celle-ci,  il  dessine 
d'un  trait  vif  et  précis  l'effigie  des  confrères  auxquels  il 
rend  ce  suprême  hommage.  Par  quelques  détails  bien 
choisis,  par  quelques  anecdotes  piquantes,  il  fait  saisir  la 
singularité  de  leur  caractère,  de  leur  personne  physique  et 
inorale.  Parfois  tel  ou  tel  incident  de  Tune  de  ces  exis- 
tences lui  offre  l'occasion  d'écrire  une  page  d'histoire,  de 
présenter  un  tableau  de  mœurs,  d'esquisser  un  paysage. 
C'est  avec  la  même  facilité  élégante  qu'il  expose  les 
méthodes  de  travail  que  ses  confrères  ont  suivies,  et  les 
résultats  qu'ils  avaient  obtenus  par  leurs  recherches. 
Quelque  dilférentes  que  leurs  études  aient  été  de  celles 
qu'il  a  lui-même  cultivées,  il  sait  en  faire  comprendre  L'in- 
térêt,  Par  quelques  réserves  discrètes,  par  quelques  légers 

l.  Les  médailles  historiques  du  règne  de  Napoléon  le  Grand, empereur 
et  ppi,  publiées  sous  1rs  auspices  de  la  Société  de  numismatique  de  New- 
York,  par  Ernest Babelon  (Paris,  Ernest  Leroux,  L912,  in-fol.  . 

1912.  il 


622  NOTICE    SLR    JOSEPII-BON    DAC1EK 

sourires,  il  ajoute,  dans  les  portraits,  k  la  vérité  de  la 
ressemblance,  et,  dans  l'appréciation  des  écrits,  il  sauve- 
garde au  besoin  les  droits  de  la  critique,  sans  d'ailleurs 
jamais  prononcer  un  mot  qui  puisse  porter  atteinte  k  la 
juste  réputation  d'un  confrère. 

Ces  notices  ne  sont  point  sans  rappeler,  par  leur  tour 
naturel  et  aussi  par  leur  finesse  et  par  leur  clarté,  celles  de 
Fontenelle  et  de  d'Alembert,  que  l'on  cite  souvent  comme 
des  modèles  du  genre.  Ce  furent  elles  surtout  qui  valurent 
k  Dacier  d'être  élu,  en  1822.  k  l'Académie  française.  Il  y 
remplaçait  le  duc  de  Richelieu  et  il  y  fut  reçu  par  Ville- 
main.  Celui-ci,  dans  sou  discours  de  bienvenue,  disait  au 
récipiendaire  :  «  Votre  réputation  date  déjà  d'un  autre 
siècle...  Le  recueil  de  vos  éloges,  si  curieux  et  si  varié,  où 
fîg-urent  tour  k  tour  tant  de  mérites  différents,  tant  de  célé- 
brités étrangères  et  nationales,  est  comme  une  histoire  dra- 
matique et  animée  de  la  littérature  savante  depuis  un 
demi-siècle.  »  Dacier,  dans  le  discours  auquel  répondait 
Villemain,  avait  été  d'une  modestie  charmante.  Ce  choix 
dont  il  était  l'objet,  il  en  avait  attribué  tout  l'honneur  k 
son  àg-e  et  k  l'Académie  «  dont  il  s'enorgueillit  d'être, 
depuis  plus  de  quarante  ans.  l'interprète  et  l'org-ane  ». 
<c  A  mon  àg-e  »,  disait  Dacier  dans  ce  même  discours, 
«  on  s'accommode  comme  on  peut  du  présent,  on  ne  se 
promet  plus  d'avenir  et  on  ne  sait  guère  vivre  que  de  sou- 
venirs. »  Il  avait  alors  quatre-vingts  ans  révolus.  Il  n'était 
pourtant  pas  arrivé  au  terme  de  sa  carrière  académique. 
Quand  fut  créée,  par  l'ordonnance  royale  du  26  octobre 
1S!>2.  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  Dacier 
y  fut  inscrit  dans  la  section  de  morale.  Il  y  était  appelé, 
comme  Lakanal,  comme  Sievès,  comme  Tallevrand,  k  titre 
de  survivant  de  l'ancienne  deuxième  classe,  de  celle  où  il 
avait  été  compris,  lors  de  la  première  organisation  de  l'In- 
stitut, et  où  il  avait  siégé  de  1795  k  1803, 

Lorsque  lui   fut  conféré  ce  dernier  honneur,  il  était  déjà 


NOTICE    SDR    JOSEPH-BON    DAClER  <i2'{ 

bien  près  de  sa  fin,  retenu  à  la  chambre  et  souvent  au  lit 
par  des  infirmités  douloureuses.  Ce  fut  à  partir  de  18.31 
que  celles-ci  l'obligèrent,  sinon  à  résigner  son  titre,  — 
l'Académie  ne  le  lui  aurait  pas  permis,  —  tout  au  moins 
à  se  faire  suppléer  dans  sa  fonction  par  le  grand  érudit  qui 
devait  le  remplacer  au  fauteuil  de  secrétaire  perpétuel, 
Silvestre  de  Sacy.  Cette  fonction,  il  l'avait  jusqu'alors  rem- 
plie avec  une  exactitude  scrupuleuse,  respecté  pour  son 
grand  âge  et  pour  les  services  rendus,  aimé  pour  l'affabi- 
lité de  son  abord.  11  avait,  au  plus  haut  degré,  tous  les 
témoignages  sont  d'accord  à  ce  sujet,  une  vertu  qui  est  la 
grâce  de  la  vieillesse,  le  goût  des  réputations  naissantes, 
cette  bienveillance  alfectueuse  qui  encourage  les  jeunes 
gens  et  les  aide  à  triompher  des  premières  difficultés  de  la 
carrière. 

Dans  sa  vieillesse,  Boissonade  racontait,  avec  sa  bonho- 
mie narquoise,  comment  Dacier  lui  avait  montré  le  chemin 
de  l'Académie  des  inscriptions.  «  Etre  élu  »,  disait-il  a  un 
candidat  qui  lui  faisait  visite,  «  était  alors  chose  plus  simple 
que  ce  n'est  aujourd'hui  le  cas.  Il  n'y  fallait  pas  tant  de 
façons.  Ainsi,  lorsque  je  commençai  à  fréquenter  le  dépar- 
tement des  manuscrits,  à  la  Bibliothèque  impériale,  j'allai 
offrir  au  conservateur,  Dacier,  une  édition  que  je  venais  de 
donner  des  Heroica  de  Philostrate,  et  je  fus  fort  surpris 
quand  il  me  dit  qu'il  fallait  songer  à  l'Institut.  Je  n'y  avais 
jamais  pensé.  J'objectai  à  Dacier  que  je  n'avais  aucun  titre 
pour  y  être  admis.  «  Des  titres,  me  répliqua- 1— il,  mais  en 
«  voici  un  de  très  suffisant.  Nous  n'avons  guère  de  candi- 
«  dats  '.  Il  y  a  une  vacance.  Mettez-vous  sur  les  rangs.  Je 
«  vous  appuierai.  Vous  ne  réussirez  sans  doute  pas  cette 
«  fois.  Les  chances  sont  pour  M.  Lanjuinais,  que  pousse 
«   son  ami,  M.  Silvestre   de  Sacy;  mais,  à  la   vacance   sui- 

1.  Dans  le  rapport  de  180K,  Dacier  se  plaignait  (pu-  «  la  philologie  ne 
trouvai  presque  plus  personne  pour  la  cultiver  »  et  il  faisait  appel  à  «  la 
main  puissante  de  l'empereur  »  pour  qu'elle  trouvât  le  remède  a  cette 
décadenee    p.  25-26  de  la   réimpression  . 


024  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON     DACIER 

«  vante,  vous  passerez.  »  En  effet,  bientôt  après,  Larcher 
étant  venu  à  mourir,  je  fus  élu,  presque  sans  faire  aucune 
démarche.  Aujourd'hui,  l'on  fait  visite  sur  visite.  Je  ne  sais 
vraiment  pas  si  je  serais  jamais  arrivé,  dans  de  pareilles 
conditions  ' .  » 

Par  toutes  sortes  de  bons  offices,  Dacier  soutint  et  aida, 
lors  de  leurs  débuts,  des  hommes  qui  étaient  très  supé- 
rieurs à  Boissonade,  ce  dilettante  de  l'hellénisme,  des 
savants  de  plus  haute  volée,  tels  que  Saint-Martin,  Abel 
Rémusat,  Letronne,  Champollion  le  jeune.  On  sait  à  quelles 
résistances  s'étaient  heurtées,  dans  le  sein  même  de  l'Aca- 
démie, les  premières  démarches  que  Champollion  avait  ten- 
tées pour  faire  comprendre  comment  il  espérait  arriver  a 
lire  les  hiéroglyphes2.  Tout  étranger  qu'il  fût  à  ses  études, 
Dacier  fut  du  petit  nombre  de  ceux  qui,  dès  l'abord,  devi- 
nèrent le  génie  de  Champollion.  Ce  ne  fut  donc  pas  seule- 
ment en  raison  du  poste  qu'il  occupait  que  le  puissant 
inventeur  écrivit  le  nom  de  Dacier  en  tête  de  la  lettre,  lue 
devant  l'Académie,  le  21  septembre  1821,  où  il  exposait  le 
principe  de  la  méthode  d'où  est  sortie  toute  la  science  de 
l'égyptologie3. 

Presque  jusqu'à  sa  dernière  heure,  Dacier  fut  heureux 
de  recevoir  les  visites  de  ses  confrères,  qui  venaient  le 
distraire  de  ses  souffrances.  Ils  le  faisaient  causer.  Ils  le 
provoquaient  à  évoquer  ses  souvenirs,  ceux  qui  le  repor- 
taient aux  années  qui  ont  précédé  de  près  la  Révolution,  à 
ce  temps  duquel  on  a  dit  «  que  ceux  qui  n'y  ont  pas  vécu 
ne  connaissent  pas  toute  la  douceur  de  vivre  ».  Il  en  parlait 

1.  L'Institut  de  France,  p.  178. 

2.  Voir  à  ce  sujet  L'ouvrage  si  intéressant  et  si  complet  que  M"e  II.  Hart- 
leben  a  consacré  à  la  vie  et  aux  travaux  de  Champollion  :  Champollion, 
sein  Lehen  und  sein  Werh    Berlin,  Weidmann.  2  vol.  in-8°). 

3.  Lettre  à  M.  Dacier,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions, relative  à  l'alphabet  des  hiéroglyphes  phonétiques  employés  par  les 
anciens  Égyptiens  pour  inscrire  sur  les  monuments,  les  places,  les  noms 
et  les  surnoms  des  souverains  grecs  el  romains  Paris.  1N22,  j^rand  in-8°, 
4  planches  lithographiées  . 


NOTICE    SI  II    JOSÈPH-BON    D ACIER  (>2") 

avec  beaucoup  d'abondance  et  de  charme.  On  ne  se  lassait 
pas  de  l'écouter.  Quelque  temps  avant  sa  mort,  raconte 
Tissot,  son  successeur  à  l'Académie  française,  Dacier,  pen- 
sant à  l'échéance  fatale,  témoignait  quelque  inquiétude  au 
sujet  de  l'avenir  qui  l'attendait  dans  l'autre  monde.  «  Ras- 
surez-vous »,  lui  dit  l'ami  devant  lequel  il  exprimait  ces 
craintes.  «  Si  Dieu  vous  entend  un  quart  d'heure,  vous 
êtes  sauvé.  » 

En  1822.  l'Académie  avait  célébré  le  cinquantenaire  aca- 
démique de  Dacier.  Ce  fut  le  premier  exemple  qui  ait  été 
donné  en  France  d'une  fête  confraternelle  de  ce  genre. 
L'exemple  a,  depuis  lors,  été  suivi.  Vous  vous  rappelez 
tous  la  touchante  cérémonie  de  notre  séance  du  6  décembre 
1907,  où  notre  président  d'alors,  M.  Salomon  Reinach, 
offrit  à  Léopold  Delisle,  en  notre  nom  à  tous,  une  médaille 
frappée  à  son  effigie.  Dacier  survécut  plus  longtemps  que 
ne  l'a  fait  Delisle  à  l'hommage  qui  lui  était  rendu.  Lors- 
qu'il mourut,  le  i  février  1833,  il  avait  quatre-vingt-onze 
ans.  11  appartenait  à  l'Académie  depuis  soixante  ans  et  il 
était  le  doyen  de  tout  l'Institut.  Il  fut  remplacé,  à  l'Acadé- 
mie des  inscriptions,  par  Guizot,  dont  j'occupe  aujourd'hui 
le  fauteuil.  Entre  Dacier,  ce  fils  du  xvm8  siècle,  et  celui  de 
ses  successeurs  qui  vous  parle  en  ce  moment,  dans  les  pre- 
mières années  du  xxp  siècle,  il  n'y  a  donc  eu,  sur  la  liste 
des  membres  de  la  compagnie,  qu'un  seul  intermédiaire, 
l'illustre  orateur  et  homme  d'État,  le  savant  historien  de 
La  civilisation  en  France  et  de  La  civilisation  en  Europe. 
Lui  aussi,  il  aimait  a  causer  du  passé  et  il  le  faisait  avec 
un  charme  infini.  Pendant  les  années  où,  après  les  agita- 
tions de  sa  vie  politique,  il  se  recueillit  dans  une  grave  et 
studieuse  retraite,  j'ai  eu  plus  d'une  fois  le  plaisir,  avec  son 
fils  Guillaume  et  quelques  jeunes  amis,  de  l'entendre  nous 
parler  non  pas  du  xviuc  siècle,  mais  des  premières  années 
de  la  Restauration.  Il  avait  beaucoup  fréquenté  Benjamin 
Constant  et    M""'  de   Staël,  Fauriel    et    Raynouard.   Nous 


626        '  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    UAC.IER 

l'écoutions  nous  dire  quelle  curiosité  passionnée  animait 
ces  esprits,  combien  ils  étaient  avides  de  s'initier,  par  la 
comparaison  des  littératures  et  des  dogmes,  des  poésies 
savantes  et  des  poésies  populaires,  à  tous  les  modes  de 
penser  et  de  sentir  qui  ont  été  ceux  des  hommes  d'autrefois 
ou  qui  sont  encore  ceux  des  hommes  nos  contemporains 
que  sépare  de  nous  la  différence  des  races,  des  langues  et 
des  religions.  En  l'écoutant,  nous  comprenions  mieux  que 
par  les  pages  des  livres  sous  quelles  influences  et  dans  quel 
milieu,  par  l'effet  de  quelles  initiatives  est  né  ce  grand 
mouvement  d'études  historiques  qui  a  été  l'honneur  du 
xxe  siècle  et  auquel  notre  Académie  a  pris  une  part  si 
active,  une  part  si  prépondérante. 


Vous  ne  m'en  voudrez  pas,  je  l'espère,  mes  chers 
confrères,  d'avoir  appelé  et  retenu  quelque  temps  votre 
attention  sur  ce  confrère  d'autrefois  dont  plusieurs  d'entre 
vous,  peut-être,  ne  savaient  guère  que  le  nom.  Je  n'ai 
point  exagéré  son  mérite.  Je  ne  l'ai  pas  présenté  comme 
un  inventeur  ni  comme  un  fondateur  d'école,  comme  un 
de  ces  esprits  originaux  et  puissants  qui,  par  quelque 
découverte  imprévue  ou  par  la  création  d'une  méthode, 
annexent  aux  parties  déjà  connues  de  l'histoire  des  pro- 
vinces nouvelles,  de  vastes  étendues,  qu'ils  peuplent  et 
qu'ils  animent  d'une  vie  tout  entière  arrachée  à  l'oubli. 
Non,  Dacier  n'a  pas  été  un  de  ces  vainqueurs  qui  laissent 
leur  nom  aux  royaumes  qu'ils  ont  conquis  sur  l'inconnu  ; 
mais  il  n'en  a  pas  moins  rendu  à  nos  études  des  services 
qui  nous  ont  paru  valoir  d'être  rappelés  et  remis  en  lumière. 
Ces  études,  il  les  a  servies  moins  par  ses  écrits  que  par 
son  action  personnelle,  par  son  dévouement  à  notre  Com- 
pagnie, par  le  soin  qu'il  a  pris  de  diriger  et  d'activer  ses 
travaux,  de   n'en    rien    laisser  perdre    et   d'aider  ainsi   les 


NOTICE    SLR    JOSEPH-BON    DACIER  627 

générations  nouvelles  à  pousser  leurs  recherches  plus  loin 
que  ne  lavaient  fait  leurs  devancières. 

Tandis  que  je  m'essayais  à  vous  offrir  ainsi  une  légère 
esquisse  de  la  vie  académique  d'un  de  mes  prédécesseurs, 
je  me  demandais  si  cette  vie  ne  pouvait  pas  nous  offrir 
aussi  une  leçon  ou  tout  au  moins  un  utile  avertissement. 
Les  mœurs  et  les  usages  d'aujourd'hui  se  prêtent-ils  à 
réclamer  des  ofliciers  de  l'Académie,  comme  on  disait 
autrefois,  et  de  tous  ses  membres,  un  concours  effectif  qui 
soit  comparable  à  celui  qu'elle  obtenait  jadis,  sans  effort, 
de  tous  ceux  qui  lui  appartenaient  à  un  titre  quelconque? 
Pour  ne  parler  ici  que  de  moi-même,  combien  est  léger 
le  fardeau  du  devoir  que  vos  suffrages  m'ont  imposé,  en 
comparaison  de  celui  que,  dans  la  même  fonction,  Dacier 
avait  à  porter  !  L' Histoire  de  V Académie,  il  la  rédigeait  à 
lui  seul,  tandis  que,  pour  dresser  au  jour  le  jour  le  tableau 
de  votre  vie  si  variée  et  si  pleine,  j'ai  à  mes  côtés  un  auxi- 
liaire dont  le  zèle  et  l'intelligente  exactitude  me  déchargent 
presque  de  tout  travail.  Il  en  est  de  même  pour  ces  notices 
par  lesquelles  l'Académie  aime  à  rappeler  les  titres  scienti- 
fiques des  confrères  qu'elle  a  perdus  et,  en  même  temps  à 
faire  revivre,  en  une  fidèle  image,  leurs  traits  et  leur  phy- 
sionomie familière.  Jadis,  la  tache  d'écrire  toutes  ces  notices 
incombait  au  seul  secrétaire  perpétuel.  Celui-ci  en  avait 
parfois  plusieurs  à  fournir  dans  une  même  année.  Pour  se 
mettre  au  courant  de  tous  les  travaux  qu'il  devait  appré- 
cier, il  avait  bien  des  lectures  à  faire,  sans  parler  du  travail 
de  composition  et  de  rédaction.  Maintenant,  grâce  à  la  très 
sage  mesure  que  vous  avez  adoptée,  depuis  quelques  années, 
à  l'exemple  d'autres  Académies,  c'est  le  nouvel  élu  qui 
fait  l'éloge  de  son  prédécesseur,  et  la  tache  de  votre  secré- 
taire se  trouve  ainsi  singulièrement  allégée. 

Cet  allégement  de  mon  fardeau,  je  serais  mal  venu  à 
m'en  plaindre.  Si  je  vous  le  signale,  c'est  qu'il  est  l'indice 
d'une    situation    nouvelle,    qui    a    peut-être    ses    dangers 


628  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 

Jamais  l'honneur  d'être  admis  dans  notre  Compagnie  n'a 
été  brigué  avec  plus  d'ardeur  et  par  des  candidats  plus 
dignes  de  l'obtenir.  Cette  affluence  de  concurrents  dûment 
qualifiés  témoigne  de  la  popularité  dont  jouissent  nos 
études  et  des  progrès  qu'elles  ont  faits.  Elle  leur  en  pré- 
sage de  nouveaux.  Pour  former  une  élite,  un  bataillon 
sacré,  il  faut  que  le  chef  ait  à  choisir  entre  de  nombreux 
conscrits  dont  il  ne  gardera  que  les  plus  forts  et  les  plus 
vaillants.  Les  conditions  du  recrutement  académique 
semblent  donc  être  singulièrement  améliorées,  depuis  le 
temps  où  Dacier  disait  à  Boissonade  :  «  Nous  n'avons  guère 
de  candidats  »  ;  mais  l'extension  même  que  nos  études 
ont  prise  a  placé  ceux  qu'elles  conduisent  à  l'Académie 
dans  des  conditions  qui  diffèrent  sensiblement  de  celles 
que  d'autres  habitudes  faisaient  aux  érudits  de  jadis. 

Chaque  champ  d'études,  à  mesure  qu'il  s'élargissait, 
s'est  partagé  en  plusieurs  cantons.  Pour  l'exploitation  et 
la  mise  en  valeur  de  chaque  canton,  il  s'est  créé  des 
groupes  de  travailleurs  où  l'on  s'associe  à  l'effet  de  pour- 
suivre ensemble  les  enquêtes  instituées,  où  l'on  se  com- 
munique les  trouvailles  que  l'on  a  faites  et  les  idées  que 
l'on  a  conçues.  Chacun  de  ces  groupes  a  pour  organes  un 
ou  plusieurs  recueils  spéciaux  dont  la  publicité  est  celle 
que  préfèrent  tous  ceux  que  rapproche  les  uns  des  autres 
la  communauté  des  études.  C'est  là  seulement  qu'ils  sont 
sûrs  de  trouver  des  lecteurs  qui  s'intéressent  aux  résul- 
tats de  leurs  recherches.  Quand,  après  avoir  profité  des 
avantages  de  ce  concert,  on  arrive  à  l'Académie,  on  ne 
prend  point  aisément  le  parti  d'être  infidèle,  même  pour 
un  temps,  à  la  revue  dont  on  est  le  directeur  ou  le  col- 
laborateur attitré.  On  hésite  à  lui  dérober  la  primeur 
d'une  de  ses  découvertes,  à  lui  refuser  un  de  ses  travaux 
pour  le  porter  a  un  des  recueils  de  l'Académie,  où  l'on 
craint  de  le  voir  égaré  et  comme  perdu  parmi  des  tra- 
vaux d'un  tout  autre  genre. 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER  620 

Puis  ce  sont  les  œuvres  de  longue  haleine  que  l'on  a 
entreprises,  des  œuvres  de  philologie  ou  d'histoire. 
Autrefois,  elles  auraient  pris  la  forme  d'une  série  de  disser- 
tations qui  seraient  venues  s'insérer  dans  les  in-folio  ou 
les  in-quarto  de  l'Académie  ;  mais  maintenant  un  public 
plus  nombreux  s'intéresse  à  ces  études  et  l'on  trouve  — 
quelquefois  —  des  éditeurs  disposés  à  imprimer,  en  un 
format  commode  et  avec  un  vrai  luxe  d'illustration,  des 
ouvrages  qui  traitent  de  ces  matières  et  qui  les  mettent  à 
la  portée  de  tous  les  esprits  cultivés.  Voici  ce  qui  arrive 
alors.  Le  savant  qui  s'est  engagé  dans  une  de  ces  entre- 
prises et  qui  y  a  mis  parfois  toute  sa  vie  ne  se  décide 
point  à  s'en  distraire  pour  payer  à  l'Académie  une  dette 
que  celle-ci  ne  songe  point  à  lui  réclamer. 

Combien  y  en  a-t-il  parmi  vous,  mes  chers  confrères, 
qui  sachent  ou  qui  n'aient  pas  oublié  qu'il  y  a,  dans  notre 
règlement,  un  article  qui  n'a  jamais  été  abrogé  et  qui 
prescrit  que  «  tous  les  académiciens  ordinaires  sont  tenus 
de  concourir  aux  travaux  de  l'Académie  en  lui  présen- 
tant, chaque  année,  un  mémoire  au  moins,  de  leur  com- 
position, destiné  à  entrer  dans  son  recueil.  Les  académi- 
ciens libres  n'y  sont  point  tenus,  mais  invités  »  L  J'avoue, 
pour  ma  part,  n'avoir  eu  connaissance  de  cet  article  que 
le  jour  où,  en  raison  de  ma  charge,  j'ai  dû  lire  notre 
règlement  pour  le  faire  réimprimer.  Il  était  alors  trop  tard 
pour  que  je  pusse  me  conformer  à  la  lettre  de  cette 
injonction  ;  mais  j'ai  peut-être  eu  tort  de  ne  pas  chercher 
à  réparer  une  faute  en  apportant  ma  contribution  aux 
recueils  de  l'Académie.  J'étais  occupé  ailleurs.  Habc/is 
confiténtem  réuni.  Sachez-moi  gré  d'un  acte  de  contrition 
qui  est  bien  sincère,  et  ne  m'imitez  pas. 

Tous  tant  que  nous  sommes,  nous  avons  donc,  aujour- 
d'hui, à  nous  défendre  contre  la  tentation  de  ne  point  autant 

i.  Article  13  du  Règlement  du  \>>  mai  1830. 


630  NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIER 

donner  de  nous-mêmes  à  l'Académie  que  le  faisaient  nos 
aïeux.  Si  c'est  par  la  marche  même  des  études  d'érudition 
et  par  leur  complexité  toujours  croissante  que  s'explique 
et  que  s'excuse  la  défaveur  qui  paraît  s'attacher,  chez 
nous,  depuis  quelque  temps,  à  la  forme  du  mémoire, 
nous  avons  d'autres  moyens  de  témoigner  à  la  Compagnie 
notre  attachement  filial.  Il  y  a  toute  une  portion  des  tra- 
vaux de  l'Académie  qu'elle  ne  saurait  laisser  en  souffrance 
sans  déchoir,  sans  faillir  à  sa  mission.  C'est  la  publica- 
tion des  recueils  de  documents  que  nous  nous  attachons 
à  mettre  aux  ordres  des  historiens,  après  qu'une  critique 
sévère  les  a  triés  et  classés,  après  qu'elle  s'est  mise  en 
mesure  d'en  offrir  le  texte  le  plus  authentique.  Plusieurs 
de  ces  recueils  sont  un  legs  de  l'ancienne  Académie  et  de 
cette  congrégation  des  Bénédictins  de  Saint-Maur  dont  nous 
avons  recueilli  l'héritage.  Tels  sont  Y  Histoire  littéraire 
de  la  France  et,  sous  divers  titres,  les  séries  qui  conti- 
nuent le  Recueil  des  historiens  de  la  Gaule  et  de  la  France, 
tous  ces  documents  qui  peuvent  servir  à  écrire  l'histoire 
de  la  vieille  France,  son  histoire  politique,  administrative 
et  économique.  Il  est  aussi  de  ces  recueils,  comme  le  Cor- 
pus des  inscriptions  sémitiques,  comme  celui  des  Inscrip- 
tions grecques  qui  touchent  à  V histoire  de  Rome,  par  la  fon- 
dation desquels  l'Académie  atteste  la  part  qu'elle  a  prise 
au  développement  d'études  nouvelles,  dont  l'avenir  avait 
été  à  peine  pressenti  jusqu'au  dernier  siècle. 

C'est  pour  nous,  mes  chers  confrères,  un  devoir  de 
conscience  que  de  nous  dévouer,  avec  un  zèle  qui  ne 
comporte  pas  d'intermittences,  à  ces  œuvres  collectives 
de  l'Académie.  Celle-ci  peut  se  rendre  ce  témoignage 
que  tout  ce  qui  en  a  paru  lui  fait  honneur  et  répond  à  la 
haute  situation  qu'elle  occupe  dans  le  monde  savant  ; 
mais,  en  ayant  le  courage  de  prendre  un  peu  plus  sur  le 
temps  qu'ils  consacrent  a  leurs  travaux  personnels,  les 
ouvriers    que    votre    confiance    appelle    à    continuer    ces 


NOTICE    SUR    JOSEPH-BON    DACIEB  631 

entreprises  et  à  édifier  ces  monuments  ne  pourraient-ils 
pas  en  faire  avancer  plus  vite  la  construction  et  en  hâter 
l'achèvement  ?  C'est  là  une  question  que  je  me  pose  quel- 
quefois. Si  vous  me  trouvez  indiscret  de  vous  l'avouer,  ne 
voyez  dans  cette  indiscrétion  même  qu'une  preuve  de 
l'affection  et  de  la  reconnaissance  que  j'ai  vouée  à  la  Com- 
pagnie. En  lui  faisant  la  confidence  de  mes  doutes  et  de 
mes  scrupules,  j'ai  cru  lui  montrer  combien  j'ai  été  sen- 
sible à  l'insigne  honneur  qu'elle  m'a  décerné,  lorsqu'elle 
m'a  choisi  pour  présider  à  ses  travaux  et  qu'elle  m'a 
permis  de  mettre  ainsi  à  son  service,  jusqu'à  mon  dernier 
jour,  ce  (jui  peut  me  rester   encore  de  force    et    d'ardeur. 


632 


SÉANCE    DU    22  NOVEMBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.    N.     VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

Il  est  donné  lecture  des  lettres  par  lesquelles  MM.  Glotz, 
l'abbé  Chabot,  Jean  Psichari,  Léon  Dorez,  Thureau-Dangin, 
Lejay,  Monceaux,  François  Delaborde,  Mâle,  Kohler,  Fougères 
se  portent  candidats  à  la  place  de  membre  ordinaire  vacante 
par  suite  du  décès  de  M.  Philippe  Berger. 

M.  Henri  Cordier  a  reçu  du  commandant  Tilho  le  télé- 
gramme suivant  daté  de  X'Guimi,  le  31  octobre,  par  la  voie  de 
Dakar  : 

«  Arrivé  Tchad,  excellente  santé,  après  quatre  mois  voyage 
Congo,  Oubanghi  et  Chari  ;  saison  des  pluies  causa  quelques 
dégâts  mon  matériel  ;  pars  en  tournée  sur  frontières  ;  lettre 
suit.  » 

M.  Cordikr  communique  ensuite  une  lettre  du  commandant 
E.  Devedeix,  écrite  d'Abouroi,  frontière  de  l'Ouaddai,  Territoire 
du  Tchad,  10  septembre  1912  : 

«  Très  malade  dès  mon  arrivée  ici,  je  n'ai  pu  encore,  fort 
occupé  après  ma  guérison,  commencer  les  fouilles  et  les 
recherches  que  je  dois  entreprendre. 

«  Le  Kaga  d'Ardibé  (amas  de  roches  et  de  grottes)  que  j'ai 
fait  fouiller  n'a  donné  lieu  à  aucune  découverte.  Mais  il  m'en 
reste  plusieurs  autres  plus  importants  h  explorer,  surtout  la 
irrotte  d'Allah  aux  environs  d'Aouni.  J'ai  traversé  pour  arriver 
tout  le  pays  que  nous  venons  de  céder  aux  Allemands...  J'ai 
remonté  le  Logone  pendant  huit  jours  sur  le  Benoîl-Garnier 
encore  en  parfait  état  et  qui  rend  toujours  de  grands  services  à 
la  navigation  des  rives  du  Tchad.  C'est  une  ancienne  connais- 
sance ;  j'avais  navigué  sur  le  lac  Tchad  en  1905  dans  le  même 
bateau,  dont  je  suis  heureux  de  vous  parler  puisqu'il  est  dû  à 
la  générosité  de  l'Académie.  J'espère,  dans  un  mois  ou  deux, 
avant  janvier,  avoir  un  rapport  k  vous  communiquer  sur  mes 
recherches.  » 


033 
LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  de  L'Académie  les 
deux  parties  du  tome  VI  des  Pouillés  de  la  province  de  Reims  publiés 
par  Auguste  Longnon  (Paris,  in-4°). 

M.  le  comte  Paul  Dvrrieu  offre,  au  nom  de  l'auteur,  le  l)r  M. 
Le  Maitre,  un  opuscule  intitulé  :  Le  palais  des  papes  d'Avignon,  qui 
expose  l'état  actuel  des  travaux  de  restauration  entrepris,  depuis 
quelques  années,  dans  le  but  de  restituer  au  splendide  édifice  le 
plus  possible  de  ses  dispositions  primitives. 

M.  Camille  Jullian  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  Le  travail  de  M.  Jean  Barennes  sur  la  Viticulture  et  la  Vinifi- 
cation en  Bordelais  au  moyen  âge  est  précédé  d'une  préface  de 
M.  Brutails.  Et  j'ai  plaisir  à  associer  ces  deux  noms,  qui  sont  celui 
du  maitre  et  celui  de  l'élève.  M.  Barennes  se  montre  digne,  dans  ce 
travail,  du  guide  qui  l'a  conduit.  Quantité  de  documents  nouveaux, 
très  sobrement  analysés,  très  sagement  commentés.  Pour  la  première 
fois,  une  très  fine  élude  sur  les  procédés  de  viticulture  au  moyen 
âge.  Bien  n'est  oublié,  ni  l'examen  du  sol  (géograpbie  viticole),ni  les 
discussions  juridiques  (conditions  des  tenures  de  vignobles),  ni  les 
procédés  techniques  (de  culture,  de  vinification,  logement  des  vins). 
AI.  Barennes  est  aujourd'hui  le  seul  érudit  capable  de  nous  donner 
une  bistoire  scientilique  du  vin  de  France.  Quel  beau  sujet  de  thèse 
et  même  d'enseignement  !  » 

M.  Chavannes  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  L'Académie  des  inscriptions  connaît  bien  le  nom  de  M.  Stein  à 
qui  elle  a  décerné,  en  1909,  le  prix  Stanislas  .Julien  pour  son  ouvrage 
intitulé  Ancient  Khotan.  Dès  cette  époque,  M.  Stein  avait  accompli 
une  nouvelle  mission  en  Asie  Centrale;  les  résultats  de  cette  seconde 
exploration  sont  exposés  dans  les  deux  volumes  intitulés  Ruins  of 
désert  Cathay  que  je  présente  aujourd'hui  de  sa  pari  à  l'Académie. 
Celle  publication  ne  fait  que  précéder  une  série  de  rapports  spéciaux 
qui  contiendront  l'étude  détaillée  de  tous  les  documents  rapportés 
par  M.  Stein  :  dès  maintenant,  cependant,  on  peut  voir  combien  ont 
été  fécondes  les  recberebes  entreprises  par  cet  admirable  pionnier 

du  Turkesl ienlal.  M.  Stein  a  visité  la  grotte,  désormais  fameuse, 

de  Touen-houang  et  a  pris    pour    le    Britisb   Muséum    une    partie    des 


634  LIVRES    OFFERTS 

inestimables  manuscrits  dont,  grâce  à  M.  Pelliot,  nous  avons  aussi 
notre  large  part  à  la  Bibliothèque  nationale.  Dans  le  lot  de  M.  Stein, 
on  trouve,  à  côté  de  nombreux  ouvrages  chinois,  des  textes  sogh- 
diens  qui  attestent  l'extension  des  dialectes  iraniens  dans  l'Asie 
centrale,  des  textes  manichéens,  tels  que  le  K hu as tuanift  ou  formule 
de  confession,  rédigé  en  turc,  plusieurs  spécimens  de  cette  nouvelle 
langue  indo-européenne  qu'on  est  convenu  d'appeler  le  tokharien. 
De  jour  en  jour  s'affirme  plus  importante,  au  point  de  vue  linguistique 
comme  au  point  de  vue  historique,  l'exhumation  de  cette  biblio- 
thèque dont  un  de  nos  confrères  les  plus  respectés,  M.  Bréal,  vous  a 
signalé,  dès  le  début,  l'immense  intérêt.  Une  autre  découverte  a  été 
faite  par  M.  Stein  lorsqu'il  a  suivi,  depuis  le  Nord  de  Touen-houang 
jusqu'à  la  Porte  du  Jade,  le  tracé  de  la  grande  muraille,  analogue  au 
limes  de  l'Empire  romain,  puis  la  série  des  fortins  par  lesquels  les 
Chinois  protégeaient,  aux  deux  premiers  siècles  de  notre  ère,  la 
piste  des  caravanes  au  delà  de  la  Porte  du  Jade  dans  la  direction  du 
Lop  nor;  c'est  là  qu'il  a  arraché  aux  sables  qui  les  recouvraient 
depuis  près  de  deux  mille  ans  une  multitude  de  fiches  en  bois  qui 
sont  les  plus  anciens  spécimens  connus  de  manuscrits  chinois  : 
l'Académie  a  déjà  entendu  une  communication  sur  ces  textes  dans 
sa  séance  du  29  juillet  1910.  Je  me  borne  à  signaler  ces  deux  points 
particulièrement  saillants  dans  l'exploration  de  M.  Stein  ;  mais,  en 
lisant  les  deux  volumes  que  j'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Aca- 
démie, on  s'apercevra  combien  elle  a  été  fructueuse  dans  tous  les 
domaines.  » 

M.  Salomon  Reixach  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  Correspondant,  depuis  de  longues  années,  de  l'Académie  des 
sciences,  Lord  Avebury  me  prie  d'offrir  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions la  septième  édition  de  son  ouvrage  publié  en  1870  :  The  origin 
of  civilization  and  the  primitive  condition  ofman.  A  cette  époque  déjà 
lointaine,  l'auteur,  alors  John  Lubbock,  acquit  une  réputation  pré- 
coce et  méritée  par  le  beau  livre  qu'il  vient  de  rééditer  une  fois  de 
plus:  tous  ceux  qui  s'occupent  aujourd'hui  d'ethnographie  ont  Appris 
les  éléments  de  cette  science  en  lisant  les  ouvrages  de  MM.  Lubbock 
et  Tylor  qui  l'un  et  l'autre,  heureusement,  vivent  encore  pour  cons- 
tater l'essor  prodigieux  des  études  dont  ils  ont  été  les  initiateurs. 
Dans  l'introduction  à  la  7e  édition  de  YOrigine  de  la  civilisation. 
Lord  Avebury  a  discuté  quelques  thèses  récentes  sur  l'origine  du 
mariage  et  sur  celle  des  croyances  religieuses;  les  doctrines  qu'il 
professait  en  1870,  fondées  sur  l'étude  directe  des  récits  de  voya- 
geurs, lui    semblent    satisfaire,  aujourd'hui  encore,  aux  exigences  de 


LIVRES    OFFERTS  635 

la  logique  et  aux  données  de  l'ethnographie.  Des  réponses  plus  détail- 
lées à  ses  critiques,  en  particulier  sur  la  question  du  totémisme,  se 
trouvent  dans  un  livre  que  Lord  Avèbury  a  publié  en  1'..)  10  sous  le 
titre  :  On  rnarriaye,  totemism  and  religion.  » 

M.  de  Lastevrie  présente  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  Puig  y 
Cadat'alch,  le  2e  volume  du  grand  ouvrage  qu'il  a  entrepris  en  colla- 
boration avec  MM.  Falguera  et  Goday  sous  le  titre  de  L'an/uileclura 
rontanica  a  Calalunya  : 

«  Ce  volume  ne  conduit  l'histoire  de  l'architecture  catalane  (pie 
du  ixe  à  la  fin  du  xie  siècle  :  c'est  dire  avec  quelle  ampleur  le  sujet  est 
traité.  La  Catalogne  a  eu  la  bonne  fortune  de  conserver  un  nombre 
considérable  de  monuments  remontant  à  cette  période  encore  si  mal 
connue  du  moyen  âge.  Une  très  grande  partie  de  ces  monuments 
étaient  encore  inédits.  M.  Puig  y  Cadafalch  a  donc  rendu  un  service 
de  premier  ordre  en  en  donnant  de  bonnes  descriptions  et,  ce  qui 
est  non  moins  précieux,  des  relevés  exacts,  et  de  nombreuses  vues 
photographiques.  Son  beau  volume  comprend  plus  de  oOO  figures.  Je 
ne  crois  pas  exagérer  en  disant  que  plus  des  quatre  cinquièmes  de 
ces  figures  étaient  inédites.  Cette  étude  sur  l'architecture  catalane 
offre  un  intérêt  particulier  pour  l'histoire  de  notre  propre  architec- 
ture au  moyen  âge.  Beaucoup  de  nos  églises  de  la  région  méditerra- 
néenne ont  en  effet  des  liens  de  parenté  incontestables  avec  les 
églises  romanes  de  la  Catalogne.  On  ne  saurait  donc  être  trop  recon- 
naissant à  M.  Puig  y  Cadafalch  d'avoir  mis  tant  et  de  si  curieux 
documents  à  la  disposition  des  érudils,  et  je  suis  convaincu  de 
répondre  aux  vœux  de  l'Académie  en  souhaitant  le  prompt  achève- 
ment de  ce  bel  et  important  ouvrage.  » 

M.  Héron  de  Villicfosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  son  cor- 
respondant le  P.  Delattre,  une  brochure  ayant  pour  titre  :  Abécédaires 
trouvés  dans  les  basiliques  île  Ga.rtha.ge  (Tunis,  lui 2,  in-8°).  De  la  pré- 
sence de  ces  abécédaires  dans  les  basiliques  de  Mcidfa  et  de  Damous- 
el-Karita,  le  P.  Delattre  conclut  qu'il  y  avait,  dans  ces  lieux  consa- 
crés au  culte,  un  homme  spécialement  chargé  de  l'instruction  pri- 
maire des  enfants. 

M.  Noël  \  mois  dépose  sur  le  bureau,  au  nom  de  son  confrère, 
M.  le  chanoine  Ulysse  Cuevalieu,  le  tome  IV  du  liepertoriuni  hym- 
nologicum. 

M.  IIoMoi.i.i   a  la  parole  pour  un  hommage  : 

"  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  «le  l'Académie  la  collée- 


G 30  LIVRES    OFFERTS 

lion  des  décrets  découverts  à  Délos,  mise  au  point  pour  la  publica- 
tion dans  les  Inscriptiones  Graecae,  par  M.  Roussel,  ancien  membre 
de  l'École  française  d'Athènes. 

«  Une  mission  du  Ministère  de  l'instruction  publique  lui  a  permis 
de  réviser  définitivement  cet  été  les  textes  établis  sur  les  copies  de 
ses  devanciers  et  les  siennes.  Je  me  plais  à  rendre  témoignage  du 
soin  qu'il  a  apporté  à  sa  tâche  ;  je  ne  doute  point  que  l'Académie  ne 
le  félicite  de  la  ponctualité  avec  laquelle  il  l'a  exécutée. 

«  Le  présent  envoi  comprend  tous  les  décrets  de  Tépoque  de  l'in- 
dépendance délienne,  sauf  une  douzaine  pour  lesquels  M.  Roussel  a 
dû  demander  au  dehors  quelques  informations  complémentaires.  Il 
compte  plus  de  500  pièces. 

<(  C'est  plus  de  la  moitié  du  fascicule  III,  où  doivent  entrer  en 
outre  les  catalogues,  les  dédicaces,  les  signatures  d'artistes,  qui 
forment  un  total  de  300  autres  pièces.  La  révision  des  inscriptions 
de  ce  groupe  se  poursuit  et  s'achève  en  ce  moment.  On  peut  comp- 
ter avant  la  fin  de  l'année  sur  le  manuscrit. 

«  Les  décrets  n'offrent  pas  une  grande  variété  et  ne  prêtent  pas  à 
un  commentaire  développé;  car  les  plus  importants  et  ceux  qui  se 
rapportent  à  des  événements  ou  à  des  personnages  historiques  sont 
édités  déjà.  Mais  les  textes,  rigoureusement  contrôlés,  accompagnés 
d'une  bibliographie  complète,  de  notes  cbronologiques  et  prosopo- 
graphiques  très  précises,  valent  par  leur  ensemble,  et  apportent  plus 
d'une  contribution  à  l'histoire  de  la  mer  Egée,  des  Cyclades  et  de 
la  Grèce  elle-même  entre  le  iv  et  le  ne  siècle  avant  J.-C. 

«  En  deux  années,  grâce  aux  efforts,  à  la  science  de  MM.  Durrbacb 
et  Roussel,  à  l'activité  des  commissions  épigrapbiques  des  Académies 
de  Paris  et  de  Rerlin,  grâce  aussi  au  merveilleux  outillage  de  l'impri- 
merie Reimer,  les  fascicules  II  et  III  des  inscriptions  de  Délos  pour- 
ront être  livrés  au  public.  » 


637 
SÉANCE  DU  29  NOVEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.    VALOIS,    VICE-PRESIDENT. 

M.  BabeLon  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  l'origine 
et  l'emploi  du  mol  moneta.. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Prou  offre  de  la  part  de  l'auteur,  M.  Georges  Espinas,  une 
Notice  nécrologique  sur  Léopold  Delisle  (Paris,  1912,  5;j  pages  in-8°; 
extr.  du  Bulletin  de  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France)  : 

«  La  notice  que  M.  Georges  Espinas  a  consacrée  au  savant  illustre 
à  qui  il  a  eu  L'honneur  de  succéder  comme  membre  de  la  Société 
nationale  des  Antiquaires  de  France,  n'est  ni  une  biographie,  ni  un 
éloge  académique;  c'est  une  étude  analytique  et  critique  de  l'œuvre 
de  Léopold  Delisle.  Non  pas  que  groupant  les  ouvrages  de  même 
sorte  ou  encore  les  prenant  l'un  après  l'autre  suivant  l'ordre  de 
leur  publication,  M.  Georges  Espinas  nous  en  ait  donné  un  résumé 
ni  qu'il  ait  examiné  les  opinions  qui  y  sont  exprimées;  mais  il  a 
recherché  et  retrouvé  les  voies  suivies  par  l'esprit  de  Delisle,  la 
genèse  de  ses  travaux,  l'unité  d'une  œuvre  si  ample  et  si  diverse. 
Surtout,  il  en  a  dégagé  le  caractère;  il  a  montré  comment  ce  savant, 
si  modéré  dans  L'expression  de  sa  pensée,  n'en  a  pas  moins  été 
dans  tous  les  domaines  de  l'histoire  du  moyen  âge  un  novateur  et 
un  initiateur,  de  telle  sorte  que,  sans  avoir  jamais  occupé  de  chaire 
professorale,  il  a  eu  la  plus  grande  influence,  non  seulement  en 
France,  mais  au  delà  de  nos  frontières,  sur  la  direction  des  études 
historiques.  N'a-t-il  pas  été  Le  créateur  de  l'histoire  économique  par 
ses  Etudes  sur  la  classe  agricole  et  l'état  de  l'agriculture  en  Norman- 
die? Et,  en  paléographie,  Le  premier,  il  a  su  tirer  un  parti  scientifique 
des  facsimilés.  Sur  Le  terrain  tic  La  diplomatique,  par  trois  fois  il  a 
ouvert  des  voies  nouvelles,  en  IS'.Wi  quand  il  publia  Le  Catalogue  îles 
actes  de  Philippe  Auguste,  en  1*117  quand  il  donna  son  Mémoire  tui- 
les actes  d'Innocent  III,  et  enfin  de  1906  à  1909  quand  il  publia  plu- 
sieurs mémoires  et  le   Recueil  désuètes  de  Henri  II  rui  d'Angleterre 


638  LIVRES    OFFERTS 

et  duc  de  Normandie,  novateur  au  début  et  à  la  fin  de  sa  carrière. 
Tous  les  amis  et  admirateurs  de  Léopold  Delisle,  autant  dire  tous 
ceux  qui  l'ont  connu,  et  au  premier  rang  notre  Académie,  sauront 
gré  à  M.  Espinas  de  la  finesse  avec  laquelle  il  a  su  dégager  l'origina- 
lité et  la  portée  de  l'œuvre  de  ce  savant  si  éminemment  français  par 
sa  méthode  et  sa  clarté,  qui,  dans  l'étude  des  sciences  auxiliaires  de 
l'histoire  aussi  bien  qu'en  ses  écrits  proprement  historiques,  a  tou- 
jours su  c  annoncer  les  intentions  nouvelles  et  les  caractères  futurs 
des  recherches  historiques.  » 


Le  Gérant,   A.    Picard. 


MAÇON,     r-ROTAT    FRÈRES,    IMIMUMKI'RS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES  LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1912 


PRÉSIDENCE   DE    M.    LOUIS    LEGKR 


SÉANCE   DU  6   DÉCEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

M.  Léon  Dorez,  clans  une  lettre  qu'il  adresse  au  Secrétaire 
perpétuel,  annonce  qu'il  retire  sa  candidature  au  fauteuil  de 
M.  Ph.  Berger. 

M.  Salomon  Reinach  annonce  à  l'Académie  une  intéressante 
découverte  de  M.  Besnier,  professeur  à  l'Université  de  Gaen. 
Grâce  aux  comptes  rendus  de  l'ancienne  Académie  des  inscrip- 
tions, il  a  pu  établir  qu'un  admirable  bas-relief  grec  du  Musée 
d'Aix,  dont  on  ignorait  la  provenance,  a  été  découvert  vers  1705, 
dans  l'île  de  Rhénée,  qui  servait  de  nécropole  à  Délos  '. 

L'Académie  procède  à  l'élection  d'un  membre  ordinaire,  en 
remplacement  de  M.  Philippe  Berger,  décédé. 

Il  y  :io  votants;  majorité  18. 

Au  premier  tour  de  scrutin,  M.  Monceaux  obtient  5  suffrages  ; 
M.   Delaborde  5;    MM.  Glotz,    Kohler,  Thureau-Dangin,   cha- 

I .  \  oir  ci-après . 

L912.  12 


040  SÉANCE    DU    6    DÉCEMBRE    1912 

cun  4;  MM.  Psichari,  Fougères,  Mâle,  chacun  3;  MM.  les  abbés 
Chabot    et  Lejay,  chacun  2. 

Au  deuxième  tour  de  scrutin,  il  n'y  a  eu  que  34  votants.  — 
M.  Monceaux  obtient  10  suffrages;  M.  Delaborde  7;  MM.  Psi- 
chari et  Thureau-Dangin,  chacun  6;  MM.  Fougères  et  Glotz, 
chacun  2;  M.  Chabot,  1. 

Au  troisième  tour  de  scrutin,  35  votants;  majorité  18. 
MM.  Monceaux  et  Psichari  obtiennent  chacun  11  suffrages; 
M.  Thureau-Dangin,  10;  M.  Delaborde,  3. 

Au  quatrième  tour  de  scrutin,  M.  Monceaux  obtient  15  suf- 
frages; MM.  Psichari  et  Thureau-Dangin,  chacun  10. 

Au  cinquième  tour  de  scrutin,  M.  Monceaux  obtient  20  suf- 
frages ;  M.  Thureau-Dangin,  9;  M.  Psichari,  6. 

En  conséquence,  M.  Monceaux,  ayant  obtenu  la  majorité 
absolue  des  suffrages,  est  proclamé  élu  par  le  Président.  Son 
élection  sera  soumise  à  l'approbation  de  M.  le  Président  de  la 
République. 

M.  Paul  Fourmer  lit  la  première  partie  d'un  mémoire  sur  un 
groupe  de  collections  canoniques  de  l'Italie  méridionale  qui 
datent  du  ixe  au  xie  siècle.  Celte  partie  est  consacrée  au  recueil 
canonique  contenu  clans  le  manuscrit  de  la  Yallicellane  XVIII, 
datant  du  xe  siècle.  M.  Fournier  fait  connaître  le  contenu  de  ce 
recueil,  composé  d'un  nombre  très  considérable  de  textes  d'im- 
portance inégale.  11  s'attache  ensuite  à  montrer  les  traces  d'in- 
fluence byzantine  qui  y  apparaissent,  en  même  temps  que  les 
traits  qui  le  rattachent  à  la  controverse  ouverte  dans  le  Sud  de 
l'Italie,  au  début  du  xe  siècle,  sur  la  validité  des  ordinations  du 
pape  Formose.  Il  conclut  que  ce  recueil  fut  vraisemblablement 
rédigé  entre  912  et  920  dans  la  région  napolitaine. 

M.  Babelon  achève  sa  communication  sur  Munela.  Après 
avoir  démontré  qu'à  Rome  il  n'y  eut  jamais  qu'un  Hôtel  des 
monnaies,  même  sous  le  haut  Empire,  qui  frappait  à  la  fois  la 
monnaie  de  bronze  sénatoriale  et  la  monnaie  impériale  d'or  et 
d'argent,  M.  Babelon  établit  que  cet  Hôtel  des  monnaies,  installé 
au  Capitole,  fut  abandonné  sous  Néron.  Après  qu'il  eut  fait 
incendier  Borne,  Néron  lit  bâtir  un  nouvel  Hôtel  des  monnaies 
beaucoup  plus   vaste  que   l'ancien,  sur  le    mont   Cœlius,  à   une 


BAS-RELIEF    DE    DÉLOS    AU    MUSÉE    DA1X   EN    PROVENCE      641 

certaine  dislance  au  Sud  de  sa  Maison  Dorée.  A  partir  de  celte 
époque,  et  en  raison  de  ce  changement,  un  nouveau  type  allé- 
gorique de  la  Monnaie  paraît  sur  les  espèces  d'or,  d'argent  et  de 
bronze.  Ce  type  se  confond  avec  celui  de  l'Equité  et  représente 
une  femme  debout  tenant  une  balance  et  une  corne  d'abondance. 


COMMUNICATION 


UN    ISAS-RELIEF    DE    DELOS 

AU    MUSÉE    d'aIX    EN    PROVENCE, 

PAR     M.    MAURICE    BESNIER. 

Le  tome  premier  de  VHistoire  de  V Académie  des  Inscrip- 
tions, imprimé  en  1717,  contient  aux  pages  191-193  le 
résumé  d'une  communication  faite  à  cette  Compagnie  en 
1706  par  Baudelot  de  Dairval  sur  Y  Epoque  de  la  nudité 
des  athlètes  dans  les  jeux  de  la  Grèce.  Il  y  est  question 
d'un  bas-relief  grec  dont  l'examen  avait  suggéré  à  Baudelot 
1  idée  de  son  travail.  Voici  en  quels  termes  cette  sculpture 
était  présentée  aux  lecteurs  : 

«  M.  de  Tournefort,  au  retour  de  son  dernier  voyag-e  du 
Levant,  communiqua  à  quelques  personnes  de  l'Académie, 
entre  autres  à  M.  Baudelot,  le  dessein  d'un  bas-relief  de 
marbre  antique  qu'il  avait  veû  dans  une  des  isles  de  l'Ar- 
chipel. Ce  bas-relief  représentait  un  petit  temple  où  sem- 
blait arriver  un  homme  nud,  ayant  seulement  sur  la  teste 
une  espèce  de  chapeau;  l'homme  était  suivi  d'un  che- 
valet le  cheval  d'une  femme  vestue  d'une  robe  à  longs 
plis.  M.  Baudelot,  après  avoir  proposé  diverses  conjectures 
pour  déterminer  le  véritable  sujet  qu'on  a  voit  voulu  expri- 
mer sur  ce  marbre,  s'arrêta  particulièrement  à  celle-cv, 
syavoir  :  qu'il  représentoit  un  jeune  athlète,  qui,  accompa- 


642       BAS-RELIEF    DE    DÉLOS    AU    MUSÉE    d'aIX    Ei\    PROVENCE 

gné  de    sa  femme  ou  de  sa  mère,  alloit  faire  un  sacrifice, 
avant  que  de  se  rendre  aux  jeux  Olympiques.   » 

La  provenance  du  marbre  est  indiquée  en  termes  vagues  : 
«  dans  une  des  isles  de  l'Archipel  ».  Aucune  gravure  n'ac- 
compagne la  note  insérée  dans  Y  Histoire  de  V  Académie.  La 
communication  de  Baudelot  semble  avoir  passé  inaperçue. 
Elle  mérite  cependant,  à  double  titre,  d'attirer  notre  atten- 
tion :  le  bas-relief  qui  en  était  le  prétexte  avait  été  décou- 
vert à  Délos,  et  il  existe  encore  ;  il  est  conservé  en  France, 
au  Musée  d'Aix  en  Provence,  où  Ton  ignore,  du  reste,  sa 
noble  origine. 

Le  texte  intégral  de  la  dissertation  de  Baudelot  est 
reproduit  dans  les  procès-verbaux  manuscrits  de  l'ancienne 
Académie  des  Inscriptions,  déposés  à  la  Bibliothèque  de 
l'Institut.  Le  Registre-journal  —  tel  est  le  nom  de  ce 
recueil  —  nous  apprend,  à  la  date  du  2a  juin  1706,  que 
la  séance  de  ce  jour  fut  tout  entière  occupée  par  la  lecture 
d'un  mémoire  de  M.  Baudelot  intitulé  :  Explication  d'un 
has-relief  de  marbre  trouvé  depuis  un  an  dans  Vlsle  de 
Délos  ;  ce  mémoire  est  transcrit  à  la  suite  du  procès-verbal  ; 
il  n'occupe  pas  moins  de  trente-huit  grandes  pages.  Sous 
un  autre  titre,  il  traite  du  même  sujet  que  la  note  som- 
maire imprimée  en  1717.  Le  lieu  et  la  date  de  la  trouvaille 
sont  fixés,  cette  fois,  avec  précision  :  Délos,  1705.  D'autre 
part,  une  planche  hors  texte,  mesurant  0  m  4a  de  largeur 
sur  0  m  36  de  hauteur,  est  insérée  dans  le  volume  à  la  suite 
de  la  dissertation.  Elle  nous  donne  l'image  du  bas-relief. 
Si  imparfait  que  soit  ce  dessin,  dont  la  lourdeur  laisse  à 
peine  deviner  la  beauté  de  l'original,  il  nous  est  très  pré- 
cieux ;  beaucoup  mieux  qu'une  description,  même  détaillée, 
il  nous  permet  de  savoir  si  l'œuvre  que  Tournefort  a  vue 
jadis  à  Délos  ne  se  cache  pas  dans  quelque  musée. 

Or  il  existe  à  Aix  en  Provence  —  patrie  de  Tournefort, 
notons-le  —  un»  bas-relief,  funéraire  ou  votif,  identique  de 
tous  points  à   celui    dont  nous  parle   Baudelot.  C'est  dans 


BAS-RELIEF    DE    DÉLOS    AU   MISÉE    d'aIX    EN    PROVENCE       643 

le  précieux  Répertoire  de  reliefs  grecs  et  romains  de 
M.  Salomon  Reinach,  au  tome  II  (1912),  p.  211,  n°  2,  que 
nous  lavons  retrouvé.  Le  croquis  que  donne  M.  Salomon 
Reinach  est  fait  d'après  une  bonne  gravure  du  Recueil 
général  des  has-reliefs  de  la  Gaule  romaine,  par  le  comman- 
dant Espérandieu,  tome  1  (1007),  p.  64,  n°  72.  Le  marbre 
d'Aix  mesure  0  m  54  de  largeur  sur  0  m  43  de  hauteur.  La 
description  qu'en  donne  le  commandant  Espérandieu  doit 
être  rapprochée  de  celle  de  Baudelot  : 

«  Un  jeune  homme  nu,  coiffé  du  chapeau  thessalien,  la 
chlamyde  sur  l'épaule  et,  le  bras  gauche,  s'arrête  devant  un 
cippe  à  fronton  aigu  décoré  d'acrotères  ;  sa  tête  vers  laquelle 
il  porte  le  bras  droit  (geste  de  la  prière)  est  légèrement 
inclinée  en  avant.  Un  cheval  aux  formes  grêles,  qui  n'a 
pas  de  bride  et  dont  la  queue  disparue  devait  être  peinte, 
vient  ensuite  et  semble  avoir  eu  pour  objet  d'indiquer  la 
qualité  du  personnage.  Une  femme  vêtue  d'un  chiton 
talaire  et  drapée  dans  un  pallium  suit  le  cheval  et  com- 
plète le  tableau.  On  dirait  que  sa  tête,  dont  le  temps  a 
effacé  les  détails,  était  couverte  d'un  bonnet.  Sur  le  champ 
du    bas-relief    deux    pilastres   avec    chapiteaux    soutenant 

une  corniche L'angle  gauche   inférieur  est  moderne, 

mais  la  restauration  n'a  porté  que  sur  l'autel.  » 

M.  Espérandieu  mentionne  tous  les  auteurs  qui  se  sont 
occupés  avant  lui  de  cette  sculpture  :  Fauris  de  Saint- 
Vincent  et  Gibert,  dans  leurs  catalogues  du  Musée  d'Aix, 
Millin  dans  son  Voyage,  M.  Gonse  dans  ses  Musées  de 
France,  Sculpture,  et  surtout  M.  Joubin,  dans  une  notice 
des  Photographische  Einzelaufnahmen  antiker  Skulpturen 
(série  V,  p.  7S  et  pi.  1384).  S'ils  s'accordent  à  y  recon- 
naître une  œuvre  certainement  grecque,  d'un  excellent 
travail  du  ve  ou  du  iv°  siècle,  aucun  ne  sait  exactement 
d'où  elle  provient.  Désormais  la  question  est  tranchée  :  le 
bas-relief  d'Aix  est  en  réalité  un  bas-relief  de  Délos.  Peut- 
être  Tournefort  l'a-t-il   rapporté  lui-même  d'Orient  ;  il  faut 


644  LIVRES   OFFERTS 

lui  savoir  gré,  en  tous  cas.  de  l'avoir  fait  connaître  à  Bau- 
delot  et  par  lui  à  l'ancienne  Académie  des  inscriptions. 
Nous  sommes  heureux  de  pouvoir,  grâce  aux  habiles 
répertoires  de  MM.  Espérandieu  et  Salomon  Reinach,  res- 
tituer à  un  marbre  aussi  remarquable  son  état-civil  et 
ajouter  un  numéro  de  plus  à  ce  Corpus  des  bas-reliefs 
déliens  qu'enrichissent  chaque  année  les  fouilles  de  l'Ecole 
française  d'Athènes. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpkti  el  dépose  sur  le  bureau  :  1°  le  fascicule 
des  mois  d'aoùt-septembre  1912  des  Comptes  rendus  des  séances  de 
l'Académie  (Paris,  1912,  in-8°); 

2°  Au  nom  de  M.  J.  Roman,  correspondant  de  l'Académie,  une 
brochure  intitulée  :  La  Bulle,  son  origine  et  son  usage  en  France 
(Paris,  1912,  in-8°  ;  extr.  des  Mémoires  de  la  Société  nationale  des 
Antiquaires  de  France). 

M.  Cagnat  dépose  sur  le  bureau,  de  la  part  de  M.  Fontemoing,  le 
recueil  des  conférences  de  M.  Cagnat  au  Musée  Guimet  et  intitulé  : 
A  travers  le  monde  romain  (Paris,  1912,  in-8°). 

M.  Clermont-Ganneai'  offre,  de  la  part  des  éditeurs,  MM.  Letouzey 
et  Ané,  le  fascicule  39e  et  dernier  du  Dictionnaire  de  la  Bible  (Paris, 
1912,  in-4°)  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  des  éditeurs, 
MM.  Letouzey  et  Ané,  le  XXXIXmc  fascicule  du  Dictionnaire  de  la 
Bible,  publié  sous  la  direction  de  M.  l'abbé  Vigouroux.  Avec  ce  fas- 
cicule se  termine  aujourd'hui  cette  œuvre  de  longue  haleine  qui, 
entreprise  en  189'i,  a  poursuivi  sa  marche  d'un  pas  sans  doute  un 
peu  lent,  mais  somme  toute  régulier.  Les  cinq  gros  volumes  dont 
elle  se  compose  rendent  de  sérieux  services  aux  études  bibliques; 
j'y  louerai,  entre  autres  qualités,  l'abondance  et  la  variété  des  illus- 
trations puisées  aux  meilleures  sources. 

«  Bien  que  parvenus  au  bout  de  leur  laborieuse  entreprise,  les 
éditeurs  ne  considèrenl    pas  leur  tâche  comme  achevée.  Ils  se  pro- 


LIVRES    OFFERTS  G45 

posent  de  tenir  à  jour  le  Dictionnaire  de  la  Bible  par  la  publication 
de  suppléments,  qui  paraîtront  par  fascicules  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  le  Dictionnaire,  et  contiendront,  enregistrés  en  due 
place  alphabétique,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  apparition,  les  résul- 
tats des  nouvelles  recherches  et.  découvertes  dans  le  domaine 
biblique.  C'est  une  excellente  idée;  elle  ne  saurait  manquer  d'être 
accueillie  avec  faveur  par  tous  ceux  qui  s'intéressent  au  progrès  de 
ces  études  et  auront  ainsi  à  leur  disposition  un  instrument  de  tra- 
vail toujours  au  point.  » 

M.  Antoine  Thomas  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  l'auteur, 
M.  Francesco  Novati,  professeur  à  l'Académie  de  Milan,  un  ouvrage 
intitulé  :  Ephtolario  di  Coluccio  Salutati.  Cet  ouvrage  fait  partie  de 
la  collection  dite  Fond  per  la  storia  oVItalia  que  publie,  aux  frais 
du  gouvernement,  VIstitulo  slorico  ilalia.no.  Il  forme  quatre  forts 
volumes  in-8°,  dont  le  premier  a  paru  en  1891  et  le  dernier,  divisé  en 
deux  parties,  en  1905  et  1911  ;  prochainement  paraîtra  une  courte 
introduction  bibliographique  destinée  à  prendre  place  en  tête  du 
tome  I. 

«  Tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  de  la  Renaissance  îles 
lettres  antiques  savent  quelle  place  d'honneur  revient  à  Coluccio 
Salutati,  l'infatigable  chancelier  de  la  république  florentine,  mort  en 
1407,  dont  l'œuvre  multiple  a  si  heureusement  continué  et  fait  fruc- 
tifier celle  des  deux  grands  initiateurs,  Pétrarque  et  Boccace.  Le 
monument  (pie  vient  de  lui  élever  M.  Novati,  au  prix  d'un  long  effort 
de  plus  de  vingt  années,  est  un  vrai  modèle  de  science  que  l'on  ne 
saurait  trop  hautement  apprécier,  et  qui  réalise  admirablement  le 
programme  que  l'auteur  s'était  lui-même  tracé,  dès  1888,  au  moment 
même  où  il  donnait  au  public  un  brillant  essai  intitulé  :  La  giovinezza 
di  Coluccio  Salutati,  1331-1353.  A  la  suite  de  VEpistolario,  dont  beau- 
coup de  morceaux  voient  le  jour  pour  la  première  fois,  M.  Novati 
a  imprimé  un  choix  des  lettres  adressées  à  Coluccio  par  ses  corres- 
pondants, et  de  nombreux  documents  sur  la  famille  et  l'entourage  du 
célèbre  humaniste.  Dans  le  mouvement  fébrile  qui  emporte  alors 
presque  toute  la  péninsule  vers  les  sources  antiques  de  la  civili- 
sation, la  France  est  à  peine  représentée,  mais  elle  n'y  est  pas 
tout  à  fait  absente  :  Coluccio  a  eu  un  admirateur  passionné  dans 
notre  pays,  Jean  de  Monstereul,  secrétaire  de  nos  rois  Charles  V  et 
Charles  VI,  dont  l'œuvre  n'est  malheureusement  pas  encore  complè- 
tement publiée'.  M.  Novati    n'a    pas    négligé    noire    compatriote,  el   il 

ajoute  quelques  précisions  intéressantes  ;'i  ce  qu'on  avait  dit  jus- 


646  SÉANCE    DU    13    DÉCEMBRE    1912 

qu'ici   dos  relations  littéraires  de  la  France  et  de  l'Italie  à  la  fin  du 
xiv''  siècle. 

«  Cette  simple  constatation,  que  je  tiens  à  faire  ici,  en  passant,  est 
de  nature  à  ajouter  un  je  ne  sais  quoi  de  personnel  au  sentiment  de 
gratitude  avec  lequel  notre  Académie  accueillera  l'hommage  si  pré- 
cieux que  M.  Novati  m'a  chargé  de  lui  transmettre.  » 


SÉANCE  DU  13  DÉCEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.    LOUIS    LEGER. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret,  en  date 
du  10  décembre  1912,  qui  approuve  l'élection  de  M.  Monceaux 
à  la  place  de  membre  ordinaire  vacante  par  la  mort  de  M.  Phi- 
lippe Berger. 

Le  Secrétaire  perpétuel  introduit  ensuite  M.  Monceaux  et  le 
présente  à  l'Académie. 

Le  Président  adresse  quelques  paroles  de  bienvenue  au  nou- 
vel élu  et  l'invite  à  prendre  place  parmi  ses  confrères. 

M.  Edouard  Cuq  termine  la  seconde  lecture  de  son  mémoire 

SUr  l'àTTOXY.GUÇlÇ. 


647 


APPENDICE 


RAPPORT    SUR    LES    TRAVAUX    DES    ÉCOLES    FRANÇAISES    D'ATHÈNES 

ET    DE    ROME    EN    1911-1912, 

PAR     M.    MAURICE    PROU,    MEMRRE    DE    L'ACADÉMIE; 

LU    DANS    LA    SÉANCE    DU    13    DÉCEMBRE    1912, 

Les  missions  scientifiques  permanentes  établies  et  entre- 
tenues par  la  France  à  l'étranger  diffèrent  par  certains 
points  de  celles  que  d'autres  peuples  y  ont  instituées.  Tandis 
que  la  plupart  de  celles-ci  ne  se  proposent  que  d'accomplir 
des  œuvres  collectives,  les  nôtres,  spécialement  les  Ecoles 
françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  ont  pour  objet  de  faire 
servir  l'exécution  de  ces  œuvres  scientifiques  à  la  formation 
d'archéologues  et  d'historiens  qui,  revenus  en  France, 
fourniront  aux  Universités,  aux  Musées,  aux  Archives  et 
aux  Bibliothèques  un  personnel  de  professeurs  et  de  con- 
servateurs k  qui  le  contact  avec  des  monuments  et  des 
documents  divers  dans  leur  origine  et  leur  nature,  en 
tout  cas  différents  de  ceux  qu'ils  ont  accoutumé  de  voir,  a 
donné,  avec  la  pratique  des  recherches,  l'habitude  des 
comparaisons  d'où  peuvent  résulter  des  vues  d'ensemble 
et  des  généralisations  justifiées.  Si  nos  Ecoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome  sont  des  établissements  de  grand 
renom,  elles  le  doivent,  l'une  aux  belles  fouilles  longtemps 
poursuivies  de  Delphes  et  de  Délos.  l'autre  à  la  publica- 
tion des  registres  de  papes.  Les  jeunes  gens  qui  ont  poussé 
ces  grandes  entreprises,  en  même  temps  qu'ils  ont  servi 
les  intérêts  scientifiques  et  communs,  se  sont  préparés  à 
l'accomplissement  de  travaux  personnels.  La  collaboration 
à  une  œuvre   qui   demande   des    aptitudes   et    îles   connais- 


648        RAPPORT    SUR    LES  'ÉCOLES    d' ATHÈNES    ET    DE    ROME 

sances  variées,  constitue  un  enseignement  mutuel.  Aussi, 
l'Académie  ayant  toujours  encouragé  les  travaux  dans 
lesquels  les  membres  des  Ecoles  d'Athènes  et  de  Rome 
peuvent  faire  concourir  leurs  efforts  à  une  même  œuvre  et 
réaliser  de  grands  desseins,  elle  ne  peut  qu'applaudir  la 
persévérance  avec  laquelle,  depuis  plusieurs  années  et  sous 
la  direction  de  M.  Homolle,  puis  de  M.  Holleaux,  grâce  à 
la  générosité  inépuisable  de  notre  confrère  M.  le  duc  de 
Loubat  de  qui  nous  ne  pouvons  plus  compter  les  fondations 
utiles  et  les  scientifiques  initiatives,  tous  les  membres  de 
l'École,  «  vétérans  et  nouveaux  »,  ont  travaillé  à  Délos, 
ce  «  champ  de  manœuvres  de  l'Ecole  française  »,  pour 
reprendre  l'heureuse  expression  de  notre  confrère  M.  Haus- 
soullier. 

Il  n'y  a  cependant  pas  lieu  d'insister  en  ce  rapport  sur 
les  progrès  des  fouilles  de  Délos  au  cours  de  l'année  1911, 
non  pas  qu'elles  aient  été  poussées  avec  moins  d'activité 
ni  que  les  résultats  en  aient  été  moins  remarquables  que 
pendant  les  campagnes  antérieures,  bien  au  contraire,  mais 
M.  Holleaux  a  eu  soin  de  tenir  l'Académie  au  courant  des 
principales  découvertes  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  se  sont 
produites.  Il  faut  dire  ici  quelle  est  la  part  qui  revient  à 
chacun  dans  l'œuvre  commune. 

L'École  d'Athènes  se  composait  en  l'année  scolaire  1911- 
1912  de  six  membres  français  :  MM.  Hatzfeld,  membre  de 
quatrième  année  ;  Vallois  et  Dugas,  de  troisième  année  ; 
Picard,  de  seconde  année;  Avezou  et  Plassart,  de  première 
année.  M.  Gerhardt  Poulsen,  architecte  délégué  par  l'Aca- 
démie royale  des  Beaux-Arts  de  Copenhague,  était  le  seul 
membre  étranger.  Il  a  quitté  l'École  après  trois  ans  de 
séjour,  en  août  1911;  il  a  été  remplacé  par  son  compa- 
triote, M.  Risom,  comme  lui  architecte  diplômé  de  l'Aca- 
démie de  Copenhague.  C'est  grâce  à  l'appui  de  M.  le  direc- 
teur Nyrop  que  M.  Holleaux  a  pu  nouer  avec  l'Académie 
de  Copenhague  des  liens  étroits,  à  telles  enseignes  que  deux 


RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    d' ATHÈNES    ET    DE    ROME        649 

autres  de  ses  membres,  MM.  Anton  Frederiksen  et  Axel 
Maar,  l'un,  architecte  diplômé,  l'autre  élève  de  quatrième 
année,  appelés  à  Athènes  en  1910,  pour  prêter  leur  con- 
cours à  M.  Poulsen,  y  sont  demeurés  jusqu'au  mois  de  juin 
1911.  L'Ecole  a  trouvé  dans  les  architectes  danois  des  col- 
laborateurs au  zèle,  au  dévouement  et  au  consciencieux 
talent  de  qui  le  Directeur  s'est  plu  à  rendre  hommage. 
Enfin,  M.  Ad.-J.  Reinach  faisait,  comme  membre  hors 
cadre,  sa  troisième  année,  et  M.  Albert  Gabriel,  architecte 
diplômé  du  gouvernement,  s'est  joint,  comme  il  le  l'ait 
depuis  1908,  à  la  mission  française. 

La  plupart  des  travaux  exécutés  à  Délos  pendant  l'année 
191  1  ont  été  relatés  soit  dans  des  lettres  du  directeur  de 
l'Ecole  adressées  à  notre  confrère  M.  le  duc  de  Loubat, 
et  que  celui-ci  a  communiquées  à  l'Académie  *,  soit  dans  le 
rapport  de  notre  confrère  M.  Th.  Homolle  «  sur  les  tra- 
vaux des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome  en  1910- 
191  1  »,  lu  dans  la  séance  du  20  octobre  1911  ~,  soit  dans  le 
rapport  que  le  directeur,  M.  Holleaux,  a  présenté  à  l'Aca- 
démie dans  les  séances  des  5  et  12  janvier  1912  ^ .  A  quoi 
l'on  ajoutera  une  communication  de  M.  R.  Vallois  sur  les 
Attiques  déliens  imprimée  dans  nos  Comptes  rendus  4. 

La  plus  remarquable  des  inscriptions  découvertes  à 
Délos,  en  1911,  un  sénalus-consulte  de  l'an  106  avant  J.-C. 
relatif  au  culte  de  Sarapis,  a  fait  l'objet  de  deux  commen- 
taires devant  l'Académie,  l'un  de  M.  Holleaux5,  l'autre  de 
notre  confrère  M.  Edouard  Guq6. 

1.  Académie  des  inscriptions  cl  belles-lettres.  Comptes  rendus  des 
séances  de  l'année  I!) 1 1 .  p.  123,    iii2    cl  551. 

2.  Comptes  rendus    des  séances  de  l'année  1911,  p.  637. 

•i.   Comptes  rendus  des   séances  de  l'année  19 1-2,  p.  (i  el  1<>. 

i.  Comptes  rendus  des  séances  de  l'année  1912,  p.  105. 

.V  Comptes  rendus  des  séances  de  l'année  mil.  p.  s:so. 

(i.  Edouard  Cuq,  Le  sénat as-consulte  de  Délos  île  l'an  166  avant  noire 
ère.  Paris,  Impr.  nat.,  1.912,  in-i  ■  (extr.  des  Mémoires  de  VAcndéinie  des 
inscriptions  el  belles-lettres,  t.  XXXIX). 


650        RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES   ET    DE    ROME 

Quelque  importance  qu'on  attache  aux  fouilles  poursui- 
vies en  commun  par  les  membres  de  l'Ecole,  soit  que  Ton 
en  considère  les  résultats  pour  les  progrès  de  l'archéologie 
et  l'accroissement  de  nos  connaissances  historiques,  soit 
que  l'on  ait  égard  à  leur  vertu  éducatrice,  il  serait  regret- 
table qu'elles  prissent  entièrement  nos  missionnaires  et 
qu'elles  ne  leur  permissent  pas  de  voyager,  de  regarder  de 
côté  et  d'autre,  de  faire  de  libres  et  personnelles  recherches 
où  ils  puissent  exercer  et  développer  leur  initiative.  Mais 
il  n'en  est  pas  ainsi,  et  il  est  resté  aux  membres  de  l'Ecole, 
en  1911,  assez  de  loisir  et  de  force  pour  parcourir  la  Grèce 
et  les  îles,  en  quête  d'antiquités.  C'est  M.  Charles  Dugas 
continuant  à  Tégée  des  fouilles  qui  font  l'objet  d'un 
mémoire  dont  nous  allons  parler;  c'est  M.  Charles  Picard 
entreprenant  avec  l'aide  de  MM.  A.-J.  Reinach  et  Avezou 
une  exploration  méthodique  de  l'île  de  Thasos,  dont  un 
compte  rendu  inséré  dans  notre  bulletin  de  mai  dernier  ' 
nous  a  permis  de  constater  les  beaux  résultats  ;  c'est 
encore  M.  Reinach  faisant  quelques  fouilles  à  Lato,  en 
Crète;  M.  Hatzfeld  explorant  l'île  de  Chypre;  MM.  Picard 
et  Avezou  relevant  sur  place  les  ruines  du  temple  de 
Stratos  en  Acarnanie  ;  M.  Plassart  faisant  à  Delphes, 
sous  l'obligeante  direction  de  M.  Bourguet,  chargé  d'une 
mission  par  le  Ministère,  une  campagne  épigraphique  des 
plus  méritoires. 

Tant  d'activité  n'a  pas  fait  tort  à  la  rédaction  des 
mémoires  que  le  règlement  impose  aux  membres  de  troi- 
sième et  de  seconde  année. 

M.  Vallois  qui  s'est  fait  connaître  à  l'Académie  par  son 
mémoire  de  l'an  dernier,  relatif  aux  Portiques  de  la  Voie 
Sacrée  à  Délos,  par  l'étude  de  l'un  de  ces  portiques,  celui 
de  Philippe  2,  imprimée  dans  nos  Comptes  rendus,  et  par 


1.  Comptes  rendus  des  séances  de  Vannée   1 912,  p.  193. 

2.  Comptes  rendus  des  sénnces  de  l'année  101 1,   |>.  21  i. 


RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME        Gol 

un  travail  sur  les  Attiques  déliens  '  inséré  dans  le  même 
recueil,  a  donné  une  nouvelle  preuve  de  son  expérience  de 
l'architecture  dans  le  mémoire  qu'il  nous  a  présenté  cette 
année,  consacré  à  l'un  des  édifices  de  Délos  les  plus  remar- 
quables à  cause  de  ses  dispositions  insolites,  celui  que  les 
sculptures  de  certains  de  ses  chapiteaux  ont  fait  appeler 
Temple  des  Taureaux. 

MM.  Homolle  et  Nénot  en  avaient  déjà  relevé  le  plan 
et  signalé  les  particularités2.  Depuis,  lors,  l'édifice  a  été 
complètement  déblayé  :  il  y  avait  donc  lieu  d'en  faire 
une  étude  nouvelle  en  prenant  pour  point  de  départ  les 
constatations  et  déductions  des  premiers  explorateurs. 
M.  Vallois  a  été  aidé  dans  cette  tache  par  M.  Gerhardt 
Poulsen,  grâce  à  qui  il  a  pu  joindre  à  son  mémoire  des 
plans,  des  élévations,  des  coupes  qui  permettent  de  suivre 
facilement  ses  explications. 

De  rigoureuses  et  minutieuses  observations  éclairées  par 
la  connaissance  de  la  technique  architecturale  ont  conduit 
M.  Vallois  à  proposer,  pour  les  trois  divisions  du  temple,  le 
prodomos,  la  salle  centrale  et  la  cella  du  Nord,  une  restau- 
ration laissant  peu  de  place  à  l'hypothèse. 

Les  colonnes  et  les  murs  intérieurs  du  temple  reposent 
sur  un  soubassement  à  deux  degrés  avec  une  assise  de 
réglage  en  gneiss.  Le  prodomos,  qui  présente  une  façade 
dorique  à  six  colonnes,  et  trois  colonnes  sur  les  faces  laté- 
rales, donne  accès  à  une  longue  salle  centrale  éclairée  par 
des  baies  percées  dans  les  murs  de  l'Est  et  de  l'Ouest, 
lesquels  supportent  un  entablement  dorique  composé 
d'épistyles  reposant  sur  des  parastades  à  section  rectangu- 
laire, de  frises  et  de  corniches.  La  toiture  à  double  versant 
qui  couvrait  le  prodomos  et  la  salle  centrale  a  fait  l'objet 
d'une    étude  approfondie    de    la    part   de  MM.    Vallois   et 


l.  Comptes  rendus  des  séances  de  l'année  1912, -p.  105. 

~2.  Bulletin  <lc  correspondance  hellénique,  t.  VIII  (1884  .  p.  H". 


652        RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME 

Poulsen,  comme  aussi  la  charpente,  les  plafonds,  les  tuiles, 
les  acrotères  et  les  antéfixes,  de  telle  sorte  que  nous  avons 
aujourd'hui  tous  les  éléments  d'une  restauration  de  cette 
partie  de  l'édifice. 

On  connaissait  déjà  les  dispositions  particulières  de  la 
cella\  M.  Vallois  en  a  poussé  l'étude  plus  loin.  La  cella 
était  séparée  de  la  salle  centrale  par  une  colonnade  trans- 
versale formée  de  piliers  déterminant  trois  entrecolonne- 
ments.  Les  chapiteaux  des  piliers  centraux  se  composent 
d'un  chapiteau  de  demi-colonne  dorique,  d'un  côté,  et,  du 
côté  intérieur,  de  deux  avant-trains  de  jeunes  taureaux 
agenouillés.  Au-dessus  de  l'entrecolonnement  central,  deux 
poutres  de  marbre  parallèles  aux  versants  du  toit  formaient 
un  entablement  brisé,  une  arcature  rectiligne  sur  laquelle 
s'élevait  le  mur  méridional  du  lanterneau.  Entre  la  grande 
salle  et  la  cella  s'ouvrait  ainsi  une  sorte  d'arc  triomphal. 
Ce  que  M.  Vallois  a  ajouté  aux  constatations  de  ses  devan- 
ciers, c'est  une  restitution  très  détaillée  du  lanterneau.  de 
son  entablement,  de  sa  toiture,  de  son  plafond  peint  et 
doré  renvoyant  à  la  cella  la  lumière  qu'il  recevait  des  baies 
latérales  de  l'attique  ;  c'est  aussi  l'étude  des  types  de 
fenêtres  et  de  leur  répartition  dans  les  différentes  parties 
de  l'édifice. 

Le  mode  de  construction  et  la  comparaison  avec  le  por- 
tique d'Antigone  permettent  de  rapporter  cet  édifice  à  la 
première  moitié  du  me  siècle  avant  J.-C,  mais  la  destina- 
tion reste  incertaine.  Contre  l'identification  de  M.  Homolle 
qui  avait  proposé  d'y  reconnaître  le  Kératôn,  c'est-à-dire  le 
sanctuaire  qui  abritait  le  célèbre  autel  des  Cornes  élevé  par 
Apollon,  M.  Vallois  fait  quelques  objections,  mois  il  s'abs- 
tient d'en  présenter  une  autre.  S'il  remarque  que  les  frag- 
ments d'une  frise  en  haut  relief  provenant  peut-être  du 
monument  triangulaire  de  la  cella  paraissent  représenter  le 
transport  de  Léto  à  Délos,  il  se  garde  d'en  conclure  que  le 
temple  lui  lut  consacré. 


RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    HOME        653 

«  En  résumé,  dit  M.  Collignon,  dans  le  rapport  qu'il  a 
lu  devant  la  Commission,  le  mémoire  de  M.  Vallois,  sous 
une  forme  sobre  et  technique,  est  une  excellente  contribu- 
tion à  l'étude  de  l'architecture  délienne.  Il  met  en  œuvre, 
pour  la  restitution  du  temple  des  Taureaux,  tous  les  élé- 
ments qu'il  a  été  possible  de  recueillir,  et  l'on  peut  espérer 
que  remanié  et  complété  par  l'auteur,  il  constituera  un 
important  fascicule  dans  la  publication,  si  heureusement 
commencée  par  les  soins  de  M.  Holleaux,  des  fouilles  de 
Délos.  » 

Le  sujet  du  mémoire  de  M.  Charles  Dugas,  Le  temple 
cTAthèna  Aléa  à  Tégce,  n'est  pas  une  nouveauté  pour  l'Aca- 
démie. Car  un  compte  rendu  sommaire  des  fouilles  de 
M.  Dugas  à  Tégée,  a  été  imprimé  dans  notre  Bulletin 
d'avril  1911  *  ;  mais  le  mémoire  manuscrit  en  diffère 
autant  qu'une  dissertation  d'un  simple  procès-verbal.  Les 
fouilles  très  profondes  que  M.  Dugas  a  faites  autour  des 
ruines  du  temple  et  la  découverte  de  nombreux  petits 
objets  archaïques  l'ont  amené  à  consacrer  un  premier  cha- 
pitre aux  sanctuaires  qui  ont  précédé  le  temple  du  IVe  siècle 
et  notamment  à  celui  qui  fut  brûlé  en  395-394.  Mais  la 
détermination  des  emplacements  et  les  reconstitutions  qu'il 
propose,  sont,  comme  il  le  reconnaît,  singulièrement  hypo- 
thétiques. 

Les  ruines  du  temple  décrit  par  Pausanias  offriront  à 
M.  Dugas  un  terrain  plus  solide;  mais  avant  de  l'aborder 
il  nous  donne  un  catalogue  de  tous  les  objets  recueillis 
dans  les  fouilles,  rédigé  avec  le  soin  minutieux  dont 
M.  Dugas  est  coutumier  et  que  le  rapporteur  de  l'an  der- 
nier, notre  confrère  M.  Homolle,  était  tenté  de  trouver 
exagéré  ;  ce  catalogue  est  toutefois  très  intéressant,  mais  il 
convenait  de  le  rejeter   en  appendice  à  la  tin  du  mémoire. 

La  seconde  partie  consacrée  à  la  restitution  du  temple 
du  [Ve  siècle  ne  mérite  que  des  éloges. 

I.   Comptes  rendus  des  séances  de  l'année  1911.  p.  257  et  suiv. 


654       RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME 

Le  résumé  suivant  qu'en  a  fait  notre  confrère  M.  Haus- 
soullier  complétera  les  renseignements  que  M.  Dugas  avait 
déjà  donnés  à  l'Académie  : 

«  Le  temple  d'Athèna  Aléa  est  orienté  de  l'Est  à  l'Ouest. 
On  y  accédait  par  trois  degrés  et  deux  rampes,  l'une  sur  le 
petit  côté  Est,  l'autre  sur  le  long  côté  Nord.  C'est  un  édi- 
fice périptère  hexastyle,  d'ordre  dorique,  avec  quatorze 
colonnes  sur  les  longs  côtés.  Les  métopes  de  la  péristasis 
étaient  lisses.  Au  contraire,  celles  du  pronaos  et  de  l'opis- 
thodome,  de  dimensions  moindres,  étaient  sculptées.  L'exis- 
tence de  ces  sculptures  nous  est  seulement  attestée  par  des 
inscriptions  gravées  à  la  partie  supérieure  de  l'architrave  : 
Aîiya,  T^Xëœoç,  "A[Xsoç],  Kaçetôai,  c'est-à-dire  les  noms  des 
personnages  qui  remplissaient  à  l'Ouest  et  à  l'Est  quelques- 
unes  des  métopes.  » 

Pour  ce  qui  regarde  les  dispositions  de  la  cella,  M.  Dugas 
n'ajoute  rien  à  ce  qu'il  avait  dit  précédemment,  sinon  que 
certaines  assises  des  fondations  qu'on  pourrait  croire  desti- 
nées à  porter  des  colonnes  sont  de  basse  époque,  peut-être 
de  travail  byzantin. 

«  Enfin,  le  temple  eut  pour  architecte  Scopas.  M.  Dugas 
admet  que,  se  réservant  pour  les  sculptures  des  frontons  et 
les  statues  de  l'intérieur,  le  maître  parien  confia  l'exécution 
de  la  partie  ornementale,  très  riche  et  très  variée,  à  quelque 
artiste  formé  dans  les  ateliers  d'Epidaure.  L'influence 
d'Épidaure  est  si  manifeste  que  le  temple  de  Tégée  ne  sau- 
rait être  antérieur  à  la  Tholos  :  il  faut  l'attribuer  à  la 
même  époque,  vers  375  avant  J.-G.  » 

Tous  les  résultats  obtenus  par  M.  Dugas  ne  sont  pas 
également  certains,  et  il  est  trop  prudent  pour  ne  pas 
avertir  lui-même  de  la  part  faite  à  l'hypothèse.  Ainsi  l'on 
doutera  que  l'interprétation  qu'il  a  proposée  des  passages 
de  Pausanias  relatifs  à  la  description  du  temple  soit  pleine- 
ment satisfaisante. 

Mais   au    jugement  de  M.  Haussoullier,   on    doit    louer 


RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D 'ATHÈNES    ET    DE    ROME        <>.">.") 

dans  son  travail  «  l'exactitude  de  l'information  person- 
nelle, l'abondance  des  observations  et  des  rapprochements  ». 
Complété  par  l'étude  des  sculptures  des  frontons,  il  en 
sortira  un  livre  qui  couronnera  dignement  les  onze  ans 
d'efforts  de  l'Ecole  française  pour  le  déblaiement  du  temple 
d'Athèna  Aléa. 

Nous  avons,  plus  haut,  fait  allusion  à  l'exploration  de 
l'île  de  Thasos  par  M.  Charles  Picard.  Un  rapport  imprimé 
dans  nos  Comptes  rendus  '  a  fait  connaître  à  l'Académie 
comment  dès  1910  M.  Charles  Picard  a  repris  à  Thasos  la 
tradition  des  recherches  archéologiques  inaugurées  et  pour- 
suivies par  MM.  G.  Perrot,  Miller,  Salomon  Reinach,  de 
llidder,  Mendel  et  Déonna,  comment  les  fouilles  ont  été 
faites  d'accord  avec  le  Musée  impérial  ottoman,  comment 
MM.  Picard,  Avezou  et  A.-J.  Reinach  se  sont  partagés  la 
besogne,  ce  dernier  dirigeant  ses  recherches  vers  le  sanc- 
tuaire d'Artémis  Polo,  tandis  que  les  deux  premiers  déga- 
geaient l'enceinte  hellénique  et  le  temple  archaïque  de 
l'Acropole. 

C'est  cette  exploration  qui  a  fourni  à  M.  Picard  le  sujet 
de  son  mémoire  dont  l'envoi  à  l'Académie  dans  le  temps 
porté  par  le  règlement  est  un  témoignage  particulièrement 
méritoire  de  son  zèle  scientifique  puisque  ce  vaillant  archéo- 
logue a  dû  l'écrire  pendant  la  convalescence  d'une  grave 
et  longue  maladie  contractée  au  cours  de  sa  campagne  de 
fouilles. 

Le  titre  en  est  Premières  éludes  thasiennes.  L  enceinte 
hellénique.  M.  Picard  a  déblayé  complètement  les  portes, 
ornées  de  bas-reliefs  dont  quelques-uns  étaient  connus,  dont 
d'autres  ont  été  découverts  en  1911,  et  spécialement  ce 
Silène  au  canthare  dont  l'image  a  été  donnée  dans  nos 
Comptes  rendus  et  qui  était  sculpté  sur  la  porte  dite 
«oblique».  Les  exemples  de  décoration  sculptée  appliquée 

1.  Comptes  rendus  des  séances  de  l'année  l'.ll-J,  p.  Ii».'i. 

L912.  i.i 


65G        RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    DATHÈNES    ET    DE    ROME 

à  une  porte  monumentale  sont  fort  rares  ;  l'enceinte  de 
Thasos  en  fournit  donc  plusieurs  et  remarquables.  C'est  le 
mérite  de  M.  Picard  d'avoir  défini  la  destination  de  ces 
bas-reliefs  et,  pour  employer  son  expression,  déterminé 
«  leur  caractère  religieux  et  civique  ». 

Comme  l'Héraklès  de  la  porte  voisine,  le  Silène  de  la 
Porte  oblique  est  le  gardien  de  l'entrée  de  la  ville.  Il  a  une 
vertu  prophylactique,  mais  il  représente  aussi  une  sorte  de 
blason  de  la  cité,  car,  ainsi  que  l'auteur  l'a  montré  par  une 
fine  analyse,  le  type  est  conforme  à  celui  qui  paraît  sur  les 
monnaies  de  Thasos.  Ainsi,  ce  qui  frappait  tout  d'abord  les 
veux  du  voyageur  franchissant  la  porte,  c'était  l'image 
d'un  des  compagnons  de  Dyonisos,  du  dieu  protecteur  de 
ces  vignes  qui  faisaient  la  richesse  de  l'île. 

«  Conduit  avec  une  méthode  rigoureuse,  dit  M.  Colli- 
gnon  dans  son  rapport  à  la  Commission,  et  un  rare  souci 
de  l'exactitude,  de  la  clarté,  de  la  précision,  illustré  de 
nombreuses  photographies  et  de  relevés  d'architecture  très 
habilement  exécutés,  ce  mémoire  fait  grand  honneur  à 
M.  Ch.  Picard  qui  se  montre  à  la  fois  un  explorateur 
sagace  et  un  érudit  parfaitement  informé.  Il  faut  souhaiter 
que  M.  Picard  continue  des  recherches  si  heureusement 
commencées,  qui  complètent  les  travaux  de  ses  devanciers 
et  font  ainsi  de  l'exploration  de  Thasos  une  œuvre  fran- 
çaise. » 

Les  membres  de  l'Ecole  d'Athènes  apportent  à  l'œuvre 
scientifique  si  brillamment  poursuivie  par  la  France  en 
Grèce  depuis  plus  de  soixante  ans,  l'ardeur  souvent  témé- 
raire et  impatiente  de  la  jeunesse,  et,  bien  qu'ils  soient 
enclins  à  se  grouper  et  à  s 'entraider,  comme  nous  l'avons 
vu,  on  pourrait  craindre  l'éparpillement  des  efforts  comme 
aussi  des  interruptions  et  même  l'abandon  des  longues 
entreprises  si  le  Directeur  n'était  là  pour  discipliner  ces 
forces  et  mettre  chacune  à  leur  place,  maintenir  la  tradi- 
tion, relier  les  générations,   d'un   mot.  faire  converger  les 


RAPPORT    SUR    LKS    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME        657 

recherches  individuelles  vers  un  but  commun.  Nul  n'a  tenu 
ce  rôle  mieux  que  M.  Holleaux,  si  d'autres  l'ont  tenu 
aussi  bien.  Les  six  mémorables  campagnes  pendant  les- 
quelles, de  1884  à  1891,  il  découvrit  et  déblaya  le  sanc- 
tuaire d'Apollon  Ptoïos  à  Perdico-Yrvsi  *,  lui  avaient 
donné  l'expérience  des  fouilles.  Ajoutez  qu'il  est  également 
versé  dans  l'histoire  des  arts  plastiques  et  dans  l'épigra- 
phie.  et  que  la  variété  et  la  perfection  de  ses  travaux  his- 
toriques, où  il  a  fait  preuve  d'un  sens  critique  si  pénétrant, 
le  désignaient  pour  les  fonctions  de  directeur.  M.  Homolle 
a  rappelé,  il  y  a  un  an,  comment  M.  Holleaux,  mis  à  la 
tète  de  l'Ecole  d'Athènes,  en  1904,  accepta  aussitôt  «  sans 
hésitation  ni  réserve  »  l'héritage  de  son  précédesseur. 
«  subordonnant  ses  préférences  personnelles  et  les  travaux 
qu'il  avait  lui-même  engagés  et  qui  n'étaient  point  achevés, 
au  devoir  de  terminer  une  œuvre  à  laquelle  vingt  générations 
d'Athéniens  avaient  travaillé,  qui  »,  grâce  à  la  générosité 
de  notre  confrère,  M.  le  duc  de  Loubat,  «  se  trouvait 
désormais  pourvue  de  ressources  inespérées  et  qui  devait 
être  couronnée  par  une  publication  digne  de  tant  d'ellbrts 
accumulés'.»  De  1904  à  1911  M.  Holleaux  donna  aux 
fouilles  de  Délos  la  meilleure  part  de  son  activité.  Avec 
l'aide  des  jeunes  archéologues  qu'il  devait  diriger  et  former, 
il  les  poursuivit  suivant  la  méthode  la  plus  rigoureuse  et 
avec  intensité.  Et  de  la  même  façon  que  dans  ses  disserta- 
tions historiques  et  archéologiques  il  va  jusqu'au  fond  des 
choses,  pareillement  dans  ses  fouilles  il  creusa  jusqu'au 
sol  vierge.  Ce  fut  un  modèle  d'exploration  que  les  vova- 
geurs  français  et  étrangers  louèrent  à  l'envi. 

M.  Holleaux   comprit    aussi   la    nécessité    de    publier   le 

1.  Georges  Radet,  L'histoire  et  l'œuvre  de  VÉcole  française  d'Athènes, 
p.   -299. 

2.  Rapport  sur  les  travaux  des  Écoles  françaises  d'Athènes  ci  ,lc  Rome 
en  1910-19 II,  pur  M.  Th.  Homolle,  dans  Comptes  rendus  des  séances  de 
l'année  191 1 ,  p.  029-630. 


658         RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    d' ATHÈNES    ET    DE    ROME 

plus  promptement  possible  les  résultats  de  ces  fouilles  qui 
constituent  avec  celles  de  Delphes  l'œuvre  la  plus  considé- 
rable de  l'École  d'Athènes.  Il  a  adopté  pour  cette  publi- 
cation un  plan  qui  permettra  de  faire  avancer  cet  ouvrage 
sans  attendre  l'achèvement  de  l'exploration  :  chaque  fasci- 
cule sera  consacré  soit  à  un  monument  soit  à  un  groupe 
de  monuments,  sans  parler  de  l'introduction  et  des  études 
complémentaires.  Les  fascicules  de  l'Exploration  archéolo- 
gique de  Délos  parus  de  1909  à  1911  sous  la  direction  de 
M.  Holleaux  sont  les  suivants  : 

Fascicule  I  (1909).  Introduction.  Carte  de  Vîle  de  Délos  au 
I  10000e,  avec  un  commentaire  explicatif,  par  André  Bel- 
lot,  capitaine  d'artillerie; 

Fascicule  II  (1909).  La  salle  hypostyle,  par  Gabriel  Leroux, 
ancien  membre  de  l'Ecole  ; 

Fascicule  III  (1910).  Introduction  (suite).  Cartographie  de  l'île 
de  Délos,  par  L.  Gallois,  professeur  à  l'Université  de  Paris  ; 

Fascicule  IV  (191 1).  Description  physique  de  Vile  de  Délos,  lre 
partie,  par  L.  Gayeux,  professeur  au  Collège  de  France. 

Enfin,  il  faut  rappeler  que  si  le  Bulletin  de  correspon- 
dance hellénique  a  paru  avec  régularité  en  ces  dernières 
années,  le  mérite  en  revient  à  M.  Holleaux. 

Votre  Commission  a  pensé  qu'au  lendemain  du  jour  où 
M.  Holleaux  a  quitté  Athènes,  il  convenait  qu'elle  lui 
exprimât  publiquement  la  reconnaissance  de  l'Académie  en 
rendant  hommage  au  dévouement  et  à  l'autorité  scienti- 
fique avec  lesquels  il  a,  comme  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise, contribué  au  maintien  et  au  développement  des 
études  grecques  qui  ne  sont  pas  la  part  la  moins  glorieuse 
de  notre  patrimoine  national. 


* 


L'École  française  de  Rome  comprenait  en  1911-1912  six 
membres  :  MM.  Hirschauer,  Massigli  et  Romier,  membres  de 


RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    d'aTHÈNES    ET    DE    ROME        fiî)9 

deuxième  année  ;  MM.  Fawtier,  Martin  et  Waquet,  de 
première  année.  M.  Martin  ayant  été  retenu  en  France  par 
le  service  militaire,  une  troisième  année  a  été  accordée  à 
M.  Anziani.  En  outre,  M.  Waquet,  nommé  archiviste  du 
département  du  Finistère,  a  quitté  l'Ecole  à  la  lin  d'avril 
1911  ;  sa  place  fut  donnée  à  un  ancien  membre,  M.  de 
Boûard,  qui  se  trouvait  encore  en  Italie,  poursuivant,  grâce 
à  une  subvention  de  l'Académie,  des  travaux  commencés 
à  l'Ecole. 

M.  Anziani  a  profité  de  la  prolongation  qui  lui  était 
accordée  pour  compléter  l'étude  remarquable  qu'il  a  pré- 
sentée l'an  dernier  à  l'Académie  sur  la  ville  étrusque  de 
Caere.  Le  gouvernement  italien  s'est  réservé  l'exploration 
de  la  nécropole  antique  ;  mais,  hors  des  limites  de  ce 
domaine  clos,  M.  Anziani  a  continué  l'exploration  de  la 
ville.  Et  puisqu'il  sait  concilier  les  recherches  dans  les 
bibliothèques  avec  les  investigations  sur  le  terrain,  il  a' écrit 
pour  les  Mélanges  de  l'Ecole  un  mémoire  sur  la  condition 
juridique  des  Cœrites  dans  le  droit  romain.  Sur  le  terrain 
il  a  cherché  à  résoudre  les  nombreux  problèmes  que  pose  le 
tracé  des  deux  voies  romaines  qui  traversaient  l'Etrurie 
méridionale.  A  cette  fin  il  a  parcouru  en  tous  sens  la  partie 
de  la  Tuscie  romaine  où  il  pouvait  retrouver  les  traces  de 
ces  anciennes  voies.  Puis  il  s'est  transporté  en  Tunisie  où, 
sur  le  conseil  de  M.  Merlin,  directeur  des  Antiquités,  il  a 
entrepris  l'étude  comparative  des  nécropoles  puniques  du 
Sahel.  Mais  comme  la  tâche  est  ardue  et  vaste,  il  s'en  est 
tenu,  tout  d'abord,  à  trois  des  nécropoles  les  plus  impor- 
tantes. Le  mémoire  qu'il  a  écrit  sur  ce  sujet  a  paru  dans  les 
Mélanges  '. 

C'est  au  même  ordre  de  travaux  que  se  rattache  une 
étude  qu'il  publiera  prochainement  dans  les   Mélanges  sur 

1.  Nécropoles  puniques  du  Sahel  Tunisien,  par  D .  Anziani,  dans  École 
française  de  Rome,  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire,  année  1912, 
I».  245-303,  pi.  VII-XII. 


660        RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME 

l'âge  des  vases  de  terre  noire,  d'origine  étrusque,  et  des 
vases  peints  gréco-italiques,  trouvés  dans  les  nécropoles  de 
Cartilage.  Un  vase  de  style  corinthien  tiré  d'un  tombeau 
carthaginois  a  fait,  le  19  juillet  dernier,  l'objet  d'une  com- 
munication à  l'Académie. 

Voilà  de  quoi  justifier  la  prolongation  de  mission  accordée 
à  M.  Anziani. 

Le  mémoire  que  M.  de  Boùard  nous  a  envoyé  porte  le 
même  titre  que  celui  de  l'an  dernier  :  Le  régime  politique 
et  i administration  de  Borne  au  moyen  âge  [i252-i347)- 
C'est  cependant  un  tout  autre  travail  ;  ce  qui  n'était  qu'uen 
ébauche  est  devenu  un  livre.  Pour  ce  qui  regarde  le  régime 
politique,  le  livre  d'un  ancien  membre  de  l'Ecole  de  Rome, 
M.  Jordan,  sur  les  origines  de  la  domination  angevine  en 
Italie,  a  ouvert,  en  plusieurs  directions,  la  voie  à  M.  de 
Boùard.  Mais,  sur  les  institutions  administratives,  nous 
n'avions  que  des  livres  superficiels  ou  trop  généraux,  des 
monographies  vieillies,  des  articles  de  revue  d'un  objet 
particulier.  L'ouvrage  de  M.  de  Boùard  fait  suite  à  un  livre 
de  son  prédécesseur  à  l'École,  M.  Halphen,  et  c'est  déjà 
une  qualité  que  M.  Homolle  a  mise  en  lumière  à  propos  du 
premier  mémoire.  M.  de  Boùard  a  pris  les  choses  où  les 
avait  laissées  M.  Halphen,  à  l'année  1252  que  les  Romains 
appelèrent  le  bolonais  Brancaleone  degli  Andalô  pour  gou- 
verner leur  ville  avec  le  titre  de  sénateur.  S'il  a  choisi 
pour  l'autre  terme  de  son  étude  le  milieu  du  xive  siècle, 
c'est  qu'à  cette  époque  la  papauté  a  repris  à  l'égard  des 
Romains  la  même  position  qu'avant  l'organisation  du 
régime  communal  ;  elle  a  recouvré  le  gouvernement  de  la 
ville  dont  elle  s'était  dessaisi  ou  qu'elle  s'était  laissé  enle- 
ver par  morceaux  au  xne  siècle  et  pendant  la  première 
moitié  du  siècle  suivant.  Pourquoi  la  date  précise  de  1347  ? 
parce  que  cette  année  est  celle  de  l'avènement  du  tribun 
réformateur  Cola  Rienzi. 

Le  peu  d'attention  que  l'on  a  accordée  à  l'histoire  muni- 


RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    d' ATHÈNES    ET    DE    ROME        661 

cipale  de  Rome  au  moyen  fige,  d'une  ville  qui  se  qualifiait 
souveraine  du  monde,  Roma  caput  mundi,  nous  surprend 
tout  d'abord.  Et  cependant  les  causes  de  cette  négligence 
ne  sont  pas  difficiles  à  découvrir  :  le  prestige  éclatant  de 
l'antiquité  romaine  rejetant  dans  l'ombre  les  âges  posté- 
rieurs, et  cet  autre  prestige  de  l'universalité  du  pouvoir 
pontifical,  pour  qui  les  affaires  de  Rome  ne  sont  qu'un 
détail,  un  point  dans  le  monde  chrétien.  H  y  a  une  autre 
cause,  la  disparition  des  archives  municipales  :  ni  registres 
des  conseils,  ni  registres  de  lettres,  ni  livres  de  comptes, 
ni  même  titres  de  propriété;  à  peine  quelques  statuts  de  la 
ville  et  de  corporations  conservés.  La  rareté,  la  dispersion, 
la  nature  des  documents  rendaient  difficile  la  tâche  de 
M.  de  Boùard.  Il  ne  pouvait  avoir  à  sa  disposition  que 
des  documents  indirects  qu'il  lui  fallait  rechercher  soit 
dans  les  archives  des  souverains  ou  des  villes  ayant  eu 
des  relations  avec  la  municipalité  romaine,  soit  dans  les 
archives  des  familles  patriciennes,  soit  dans  les  archives 
des  églises  de  Rome.  Que  d'inventaires,  de  liasses  et  de 
registres  n'a-t-il  pas  dû  remuer  avant  de  rencontrer  le 
document  utile,  perdu  au  milieu  de  matériaux  complète- 
ment étrangers  à  l'objet  de  ses  études!  Nous  n'énumérerons 
pas  les  nombreux  dépôts  d'archives  qu'il  a  explorés  en 
Italie.  Mais  c'est  un  devoir  de  nommer  ici  les  personnes 
qui  ont  favorisé  ses  recherches  afin  que  l'Académie  puisse 
joindre  ses  remerciements  à  ceux  que  leur  a  adressés  M.  de 
Boùard.  Le  fonds  d'archives  de  l'église  Santa  Maria  in  Via 
lata  est  maintenant  déposé  à  la  Bibliothèque  du  Vatican  : 
l'inépuisable  obligeance  du  R.  P.  Ehrle,  dont  l'Ecole  fran- 
çaise a  constamment  éprouvé  les  bienfaits,  a  permis  à  M.  de 
Boùard  d'en  tirer  parti.  La  libéralité  de  nobles  Romains, 
particulièrement  le  prince  Colonna  et  le  comte  Sacchetti, 
lui  a  ouvert  les  archives  de  familles  patriciennes.  Le  fonds 
Orsini  appartient  aujourd'hui  à  la  ville  de  Rome  ;  il  est 
conservé   dans   la  Torre  Anguillara,  et,  bien  que   ces  par- 


662        RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    d'aTHÈNES    ET    DE    ROME 

chemins  n'aient  pas  encore  été  livrés  au  public,  l'archi- 
viste des  archives  historiques  de  la  commune  de  Rome, 
M.  C.  Moretti,  avec  la  même  générosité  qu'eût  fait  l'illustre 
famille  dont  Rome  a  l'honneur  de  garder  les  titres,  a  per- 
mis à  M.  de  Boùard  d'en  prendre  connaissance  ;  et  les 
pièces  qu'il  en  a  tirées  sont  parmi  les  plus  importantes 
qu'il  ait  transcrites. 

Si  l'on  ne  considérait  que  le  nombre  des  documents  rela- 
tifs à  l'objet  que  notre  auteur  avait  en  vue,  on  estimerait 
que  les  résultats  obtenus  ne  sont  pas  en  rapport  avec 
l'étendue  des  recherches.  Mais  tout  en  réunissant  les  élé- 
ments de  l'histoire  de  Rome,  M.  de  Boùard  ne  s'est  pas  fait 
faute  d'ouvrir  les  yeux  sur  d'autres  documents  ;  il  a  acquis 
une  connaissance  générale  des  archives  qu'il  a  étudiées,  et, 
dans  son  introduction,  il  nous  fait  part  de  l'état  des  divers 
dépôts  visités  et  des  ressources  qu'ils  peuvent  fournir  aux 
historiens. 

Le  mémoire  dont  nous  avons  à  rendre  compte  se  divise 
en  deux  parties.  La  première  est  l'histoire  politique  de  la 
commune  de  Rome,  l'histoire  de  ses  relations  avec  le  pape, 
les  nobles,  le  peuple  et  les  corporations  d'artisans,  l'Em- 
pereur même.  Le  fait  qui  de  1232  à  1347  domine  tous  les 
autres,  les  commande,  c'est  la  reprise  par  le  pape  du  gou- 
vernement de  la  ville.  La  seconde  partie  est  constituée  par 
le  tableau  des  institutions  municipales.  Après  quelques 
considérations  sur  la  nature  et  l'élaboration  des  statuts 
communaux,  l'auteur  explique  la  constitution  des  conseils, 
les  vicissitudes  du  Sénat,  les  fonctions  des  juges  palatins 
et  celles  des  divers  officiers.  Une  liste  de  sénateurs,  de 
1292  à  1374,  forme  un  appendice;  c'est  plus  qu'une  liste; 
la  mention  des  principaux  actes  des  sénateurs  en  fait  une 
brève  chronique  municipale.  Enfin,  trente-deux  pièces  jus- 
tificatives complètent  ce  travail. 

J'ai  déjà  signalé  chez  M.  de  Boùard  une  pratique  con- 
sommée des  archives;  il  a  d'autres  qualités  ;   avant  de  les 


RAPPORT    SLR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME        G63 

signaler,  nous  nous  permettrons  de  relever  dans  son  travail 
quelques  défauts.  La  pensée  est  parfois  un  peu  indécise  ;  le 
mot  n'y  est  pas  toujours  approprié,  et  c'est  même  la  raison 
pourquoi,  en  plusieurs  passages,  nous  ne  la  saisissons  p;is 
bien.  Il  semble  aussi  que  le  plan  ne  soit  pas  conforme  à  la 
logique  :  l'ordre  des  deux  parties  devrait  être  renversé.  On 
éviterait  ainsi  des  répétitions.  Ne  convient-il  pas,  en  effet, 
de  décrire  la  machine  et  d'en  détailler  les  organes  avant 
d'en  montrer  le  fonctionnement? 

Les  défauts  de  ce  genre  que  les  rapporteurs  de  l'Académie 
ont  maintes  fois  relevés  dans  les  mémoires  envoyés  des 
Ecoles  d'Athènes  et  de  Rome  tiennent  en  partie  au  peu  de 
temps  dont  les  membres  disposent  pour  la  rédaction  de 
leur  travail.  Soit.  Il  n'est  cependant  pas  inutile  de  rappeler 
qu'il  appartient  à  des  jeunes  gens  formés  à  l'école  des  deux 
peuples  les  plus  curieux  de  l'art  de  bien  dire,  et  dont  la 
pensée,  pour  s'être  exprimée  en  formules  définitives,  a 
continué  de  diriger  le  monde  civilisé  à  travers  les  siècles  et 
jusqu'à  nous,  de  maintenir  le  culte  de  la  forme,  et,  sinon 
d'atteindre  toujours  l'élégance,  de  conformer,  au  moins,  la 
langue  à  la  pensée  et  de  donner  ainsi  au  style  la  correc- 
tion et  la  précision  qui  sont  les  qualités  essentielles  de  tout 
écrit  scientifique. 

M.  de  Boùard  a  témoigné,  d'autre  part,  qu'il  a  l'esprit 
(1  un  historien.  Ce  n'est  pas  à  lui  qu'on  reprochera  d'arrêter 
son  travail  après  le  classement  des  notes.  Il  n'est  pas  de 
ceux  pour  qui  l'histoire  consiste  dans  le  simple  récit  des 
faits,  suivant  l'ordre  chronologique.  Il  s'applique  à  lier  les 
événements,  à  en  rechercher,  et  très  finement,  les  causes  et 
les  résultats;  pour  suppléer  aux  documents,  il  a  recours 
à  de  légitimes  hypothèses;  il  ne  lui  déplaît  pas  de  se 
demander  ce  qui  fût  arrivé,  si .  .  .  II  a  des  vues  sur  les 
alentours  de  son  sujet.  D'un  mot.  il  fait  de  la  philosophie 
de  l'histoire,  et  on  doit  l'en  louer.  Il  ne  lui  suffit  pas  de 
nous  faire  assister  aux  efforts  et  aux  progrès  de  la  papauté 


66  i      rapport  si*H  les  écoles  d'athènes  et  de  rome 

vers  le  rétablissement  de  son  autorité  sur  Rome;  il  sait  nous 
montrer  par  quelles  voies  elle  y  est  arrivée  ou  comment 
les  circonstances  l'ont  servie,  et,  par  exemple,  comment 
l'éloignement  de  Rome  qui,  a  priori,  aurait  dû  aller  contre 
cette  fin,  y  conduisit  au  contraire.  La  commune  romaine 
ne  pouvait  vivre,  prise  entre  les  deux  termes  d'un  dilemme, 
la  présence  de  la  papauté  à  Rome,  ou  son  éloignement  lui 
étant  également  fatales  :  ou  la  présence  du  pape  et  l'écra- 
sement du  gouvernement  municipal  sous  le  prestige  et  le 
poids  d'une  souveraineté  spirituelle  d'un  caractère  univer- 
sel, servant  d'appui  au  rétablissement  d'un  pouvoir  tempo- 
rel absolu,  ou  l'éloignement  du  pape,  et  la  déchéance  éco- 
nomique autant  que  politique  et  morale  d'une  ville  qui 
n'avait  d'autre  force  que  celle  que  lui  donnait  sa  qualité  de 
capitale  du  monde    chrétien. 

Nous  souhaitons  que  M.  de  Boùard  imprime  le  livre 
dont  il  nous  a  soumis  le  manuscrit.  Pour  l'approcher  de  la 
perfection,  il  lui  suffira  d'en  modifier  le  plan,  d'y  mettre, 
en  guise  de  préface,  un  tableau  de  la  topographie  juridique 
de  Rome,  si  l'on  peut  ainsi  parler,  et  de  rappeler  briève- 
ment les  origines  et  le  développement  du  pouvoir  temporel 
des  papes  sur  la  ville  avant  le  xme  siècle. 

Aux  recherches  de  M.  de  Boûard  dans  les  archives 
royales  de  Naples  se  rattache  un  projet  de  publication 
dont  le  directeur  de  l'Ecole  de  Rome  a  exposé  le  plan  dans 
son  rapport  à  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique.  On 
conserve,  en  ces  archives,  une  série  d'environ  quatre  cents 
volumes  contenant  la  transcription  des  lettres  administra- 
tives et  autres  actes  des  rois  angevins  de  Sicile.  Notre 
confrère,  le  comte  Durrieu,  les  a  étudiés  quand  il  était 
membre  de  l'Ecole  française  de  Rome.  Il  a  mis  en  lumière 
leur  importance  en  même  temps  qu'il  en  a  restitué  l'état 
primitif  profondément  troublé  à  la  reliure.  Depuis  long- 
temps Mgr  Duchesne  est  sollicité  de  faire  dresser  le  cata- 
logue des  pièces  relatives  à  l'histoire  de  France  transcrites 


RAPPORT    SIK    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME       (>(>•"> 

dans  ces  registres.  Or,  M.  de  Boûard,  recherchant  les  actes 
de  Charles  et  de  Robert  d'Anjou,  en  qualité  de  sénateurs 
de  Rome,  a  dû  dépouiller  ces  volumes  feuillet  à  feuillet.  Il 
a  donc  paru  à  Mgr  Duchesne  que  l'occasion  était  propice 
de  réaliser  le  dessein  qu'il  avait  formé  et  d'en  confier  sinon 
l'exécution  entière,  au  moins  la  mise  en  train,  à  un  jeune 
érudit  à  qui  les  archives  angevines  sont  devenues  fami- 
lières. C'est  pourquoi  il  a  demandé  à  M.  le  Ministre  de 
l'instruction  publique  d'accorder  à  M.  de  Boûard  une  qua- 
trième année  d'école. 

M.  Charles  Hirschauer,  membre  de  deuxième  année, 
tout  en  aidant  M.  de  Boûard  à  tirer  des  archives  de  la 
Torre  Anguillara  les  éléments  d'un  travail  sur  les  relations 
des  Orsini  avec  la  France,  particulièrement  à  l'époque  des 
guerres  d'Italie,  a  rédigé  un  mémoire  sur  La  politique  de 
saint  Pie  V  en  France,  dont  le  manuscrit  nous  a  été 
transmis. 

Pour  tracer  un  tableau  complet  et  définitif  de  la  poli- 
tique de  Pie  Y  en  France  (1566-1572),  M.  Hirschauer 
n'avait  pas  à  Rome  tous  les  matériaux  nécessaires.  Il  a 
jeté  la  sonde  à  Paris  et  il  a  reconnu  la  nécessité  de  faire 
à  la  Bibliothèque  nationale  et  aux  Archives  nationales  des 
recherches  méthodiques.  Même  pour  les  livres  imprimés,  il 
en  est  d'introuvables  dans  les  bibliothèques  romaines  ; 
M.  Hirschauer  nous  les  signale,  car  il  connaît  très  bien  la 
bibliographie  de  son  sujet.  Cependant,  aux  ouvrages  qu  il 
se  propose  de  dépouiller,  il  devra  joindre,  comme  le  lui  a 
indiqué  le  rapporteur,  M.  Valois,  le  mémoire  de  Philippson, 
l)ic  rômische  Curie  und  die  Bartholomausnacht,  publié  en 
L892  dans  la  Deutsche  Zeitschrift  fur  Geschichtswissen- 
schaft,  et  surtout  le  livre  du  P.  E.  Polandri.  Les  négocia- 
tions politiques  et  religieuses  cuire  la  Toscane  et  la  France, 
dans  Lequel  il  lira  plusieurs  pièces  qu'il  a  pris  soin  de 
transcrire  aux  Archives  de  Florence. 

Mais  M.  Hirschauer  a    épuisé    les   sources   italiennes,  et 


666   RAPPORT  SUR  LES  ÉCOLES  d' ATHÈNES  ET  DE  ROUE 

ainsi  il  a  rempli  son  devoir  de  membre  de  l'Ecole  de  Rome. 
Le  premier,  depuis  l'ouverture  des  Archives  du  VTatican, 
ou  le  second,  si  l'on  tient  compte  d'un  ouvrage  assez 
médiocre  paru  de  1879  à  1882,  il  a  fait  un  dépouillement 
méthodique  et  fructueux  des  diverses  séries  d  instructions 
et  de  correspondances  des  nonces  ordinaires  et  extraordi- 
naires accrédités  par  Pie  V  auprès  des  rois  de  France  et 
d'Espagne.  Il  a,  en  outre,  exploré  les  archives  farnésiennes 
de  Xaples  et  de  Parme,  les  archives  de  Florence,  de  Turin 
et  de  Modène,  ce  qui  lui  a  permis  de  réunir  une  masse 
considérable  de  documents  nouveaux,  dont  il  a  transcrit 
les  plus  importants  en  leur  entier,  les  classant  tous  et  les 
interprétant  avec  un  sens  historique  très  délicat  et  très 
judicieux. 

Le  pontificat  de  Pie  V  correspond  aux  années  les  plus 
critiques  du  règne  de  Charles  IX,  à  la  fin  du  ministère  de 
L'Hospital,  aux  seconde  et  troisième  guerres  de  religion  ;  il 
se  termine  presque  à  la  veille  de  la  Saint-Barthélémy  :  c'est 
dire  quel  puissant  intérêt  offre  l'histoire  des  rapports  de 
ce  pape  avec  la  France.  Dans  quelle  mesure  le  pieux  domi- 
nicain que  son  seul  mérite  avait  porté  à  la  chaire  de  saint 
Pierre,  et  qui,  d'ailleurs,  ne  dissimula  jamais  son  désir 
de  terrasser  le  protestantisme  français,  contribua-t-il  à 
entraîner  le  gouvernement  de  Catherine  de  Médicis  et  de 
Charles  IX  dans  les  voies  sanglantes  où  il  devait  conquérir 
un  si  triste  renom,  c'a  été  et  c'est  encore  l'objet  de  discus- 
sions passionnées,  et  c'est  ce  que  nul  livre  n'aide  mieux  à 
comprendre  que  le  mémoire  de  M.  Hirschauer.  Telle  est 
l'opinion  d'un  bon  juge  en  la  matière,  notre  confrère 
M.  Valois. 

«  Plusieurs  des  pièces  exhumées  par  M.  Hirschauer, 
ajoute  M.  Valois  dans  le  rapport  qu'il  a  lu  devant  la  Com- 
mission, semblent  à  première  Arue  donner  raison  aux  parti- 
sans, de  plus  en  plus  rares,  de  la  préméditation  de  la  Saint- 
Barthélémy  :   telles,  par    exemple,  certaines    missives    du 


RAPPORT  SUR  LES  ÉCOLES  D 'ATHÈNES  ET  DE  ROME   667 

nonce  Frangipani,  du  24  septembre  et  du  6  novembre 
1570,  ou  encore  des  dépêches  du  protonotaire  Bramante,  des 
14  et  28  novembre  de  la  même  année  (et  non  de  1571, 
comme  l'indique  M.  Hirschauer).  Mais  lui-même  sait 
réduire  a  leur  juste  valeur  les  conclusions  qu'en  bonne 
critique  il  convient  d'en  tirer,  et  la  solution  moyenne  qu'il 
propose  se  recommande  tout  particulièrement  à  l'attention 
des  historiens  :  «  A  notre  avis,  écrit-il,  Catherine  de  Médi- 
cis  et  son  fils  cherchèrent  à  maintenir  une  sorte  de  trêve 
entre  protestants  et  catholiques,  mais  songèrent  parfois,  au 
cas  où  les  premiers  auraient  voulu  prendre  un  trop  grand 
pied  clans  l'Etat,  à  se  débarrasser  de  leurs  principaux  chefs, 
tout  en  évitant  une  nouvelle  guerre.  C'est  la  même  idée 
qui  inspira  la  Saint-Barthélémy.  Mais  il  est  invraisemblable 
de  croire  à  une  machination  continue  contre  les  protes- 
tants. » 

Le  rôle  de  Pie  V  en  France  peut  se  résumer  de  la  façon 
suivante  :  pendant  les  périodes  de  guerre  il  se  flatte  d'ex- 
terminer le  protestantisme  par  la  force  des  armes;  après  la 
paix  de  Saint-Germain  il  s'évertue  à  empêcher  le  roi  très 
chrétien  de  s'allier  aux  Huguenots  et  de  déclarer  la  guerre 
à  l'Espagne,  et  il  tache  de  l'attirer  dans  la  Ligue  catho- 
lique contre  les  Turcs  déjà  vaincus  à  Lépante. 

C'est  en  préparant  pour  l'impression  dans  le  recueil  des 
Nonciatures  de  France  au  XVIe  siècle  entrepris  par  le 
Comité  des  Archives  d'histoire  religieuse  et  placé  sous  la 
direction  de  M.  Imbart  de  La  Tour,  les  papiers  des  nonces 
de  France  sous  Pie  Y,  que  M.  Hirschauer  a  été  amené  à 
rédiger  l'étude  dont  nous  venons  de  rendre  compte. 

Ni  les  recherches  dans  les  Archives  du  Vatican  et  dans 
celles  de  plusieurs  villes  du  Nord  de  l'Italie,  ni  le  travail 
de  mise  en  œuvre  des  matériaux  relatifs  à  la  politique  de 
Pie  V  n'ont  épuisé  l'activité  de  M.  Hirschauer,  qui,  pen- 
dant un  séjour  assez  long  à  Naples,  a  copié  la  correspon- 
dance du  conseiller  d'Etat  Christophe  d'Assonleville  avec 


068        RAPPORT    SLR    LLS    ÉCOLES    D  ATHÈNES    ET    DE    ROME 

Marguerite  de  Parme  au  cours  des  années  1578  et  loTîl. 
Très  précieuses  pour  l'histoire  de  la  pacification  "des  Pays- 
Bas  par  Alexandre  Farnèse,  ces  lettres  seront  prochaine- 
ment publiées  dans  les  Mélanges  de  l'Ecole  de  Rome. 

M.  René  Massigli  s'était  révélé  archéologue  en  rédigeant, 
pendant  sa  première  année  d'Ecole,  un  catalogue  du  Musée 
de  Sfax  ;  en  seconde  année  il  a  fait  œLivre  de  philologue  e* 
de  canoniste.  Le  mémoire  qu'il  nous  a  adressé  est  intitulé  : 
Concile  damasien  ou  Décret  gélasien  ?  Etude  sur  la  forme 
primitive  du  décret  «  De  recipiendis  et  non  recipiendis 
lihris  »,  accompagné  d'une  édition  critique.  Le  document 
dont  M.  Massigli  a  voulu  tirer  les  origines  au  clair  et  déter- 
miner la  valeur,  est  très  important,  puisqu'on  y  trouve  la 
liste  officielle  des  livres  authentiques  de  l'Ancien  et  du 
Nouveau  Testament  avec  l'indication  des  apocryphes.  La 
littérature  est  fort  abondante,  mais  M.  Massigli  n'eut  pas 
de  peine  à  constater  que  les  derniers  travaux  sur  le  texte 
n'ont  abouti  qu'à  des  résultats  insuffisants.  M.  Massigli  a 
repris  la  question  à  la  base,  c'est-à-dire  par  l'examen  des 
manuscrits,  et  il  n'y  en  a  pas  moins  de  soixante-seize,  qu'il 
a  décrits  et  colla tionnés.  La  seule  origine  des  manuscrits 
donne  quelque  lumière  sur  l'origine  même  du  document. 
Le  Nord  de  l'Italie,  Bobbio,  Ravenne,  puis  Bénévent,  le 
Sud  de  la  Gaule,  et  les  monastères  du  Nord  tels  que  Gorbie, 
enfin  Saint-Gall  peuvent  avoir  fourni  un  archétype  ;  aucun 
manuscrit  n'est  d'origine  romaine. 

L'hypothèse  damasienne,  l'hypothèse  gélasienne  et  l'hor- 
misdienne  sont  successivement  examinées  et  rejetées.  Sui- 
vant M.  Massigli,  le  décret  dont  il  s'agit  est  l'œuvre  d'un 
Gaulois,  probablement  un  arlésien.  de  la  fin  du  Ve  siècle: 
«  Un  Gaulois  très  averti  des  choses  de  Rome,  écrit 
M.  Massigli,  un  catholique  mêlé  aux  querelles  religieuses 
de  son  temps,  un  grand  admirateur  de  saint  Jérôme,  un 
partisan  de  Rome  qui  conserve  cependant  sa  liberté  d'ap- 
préciation  à  l'égard  de  certains   écrits  sortis  des  fabriques 


RAPPORT    SLR    LES    ÉCOLES    d'aTHÊNES    ET    DE    ROME        669 

romaines  de  faux,  tel  apparaît  maintenant  le  pséudo- 
Damase  ;  sa  science  qui  n'est  pas  douteuse,  ne  va  pourtant 
peut-être  pas  au  delà  d'une  connaissance  superficielle  des 
hommes  et  des  livres  dont  il  s'occupe.  » 

L'ouvrage  eut  du  succès.  Il  prit  diverses  formes,  reçut 
diverses  attributions.  La  forme  gélasienne  Ht  fortune  : 
«  Rome  fut  plus  longue  à  l'adopter  otficiellement,  mais 
lorsqu'après  Atton  de  Verceil  et  Bouchard  de  Worms, 
Anselme  de  Lucques  l'eut  admis  dans  son  recueil,  le  décret 
gélasien  trouva  place  dans  le  Décret  de  Gratien  ;  c'était 
sa  consécration  officielle  ;  l'œuvre  de  l'anonyme  arlésien 
prenait  rang-  parmi  les  lois  de  l'église  romaine.  » 

M.  Châtelain  estime  que  si  la  conclusion  qu'on  nous 
propose  en  un  sujet  si  délicat  n'est  pas  de  tout  point  défi- 
nitive, il  reste  que,  grâce  à  une  analyse  approfondie  des 
manuscrits  et  des  sources,  M.  Massigli  a  enlevé  tout  crédit 
aux  anciennes  opinions  '. 

M.  Lucien  Romier  faisait  en  1911-1912  sa  deuxième 
année  d'Ecole  ;  en  réalité,  c'était  sa  troisième  année  de 
séjour  en  Italie.  Le  mémoire  qu'il  a  envoyé  à  l'Académie 
est  intitulé  :  Henri  II  et  V Italie.  C'est  un  vrai  livre;  ce 
n'est  même  que  le  premier  des  deux  volumes  dont  l'ou- 
vrage se  composera.  Cette  première  partie  comprend  le 
récit  de  la  lutte  entre  Henri  II  et  Charles-Quint  jusqu'à 
l'abdication  de  ce  dernier,  et  même  un  peu  plus  loin,  jus- 
qu'à la  trêve  de  Vaucelles  conclue  en  1556  avec  Philippe  II. 
Les  textes  utilisés  sont  empruntés  aux  archives  de  Rome 
et  de  Paris,  à  celles  de  Parme,  de  Modène,  de  Ferrare,  de 
Venise,  de  Florence,  de  Sienne  et  de  Turin,  pour  ne  citer 
que  les  dépôts  les  plus  importants.  Ce  n'est  cependant  pas 
d'un  recueil  de  documents  qu'il  s'agit.  M.  Lucien  Romier, 

1.  Depuisque  M.  Massigli  a  envoyé  son  mémoire  à  l'Académie,  un  livre 
de  M.  Ernst  von  Dobschùtz  a  paru  sur  la  même  question,  intitulé  Bas 
Becrelmn  Gelasianum  delibris  recipiendis  el  non  recipiendis  im  kritischen 
VV.//:  Leipzig,  1912  (Texte  und  Untersuchungen  zur  Geschichte  d. 
altchrist.  Lit.  —  3«  Reine,  VIII,  1  . 


670        RAPPORT    SUR    LES    ÉCOLES    D'ATHÈNES    ET    DE    ROME 

qui,  aussitôt  après  sa  sortie  de  l'École  des  Chartes,  s'est  fait 
connaître  par  une  excellente  biographie  du  maréchal  de 
Saint-André,  montre  une  fois  de  plus  le  talent  qu'il  a  de 
composer   un  livre    d'histoire. 

Nous  ne  saurions  analyser  ici  l'ouvrage  de  M.  Romier. 
Il  suffira  d'en  signaler,  à  la  suite  du  rapporteur,  M.  Elie  Ber- 
ger, les  passages  les  plus  remarquables,  par  exemple  la  pein- 
ture de  l'antagonisme  de  Montmorency  et  des  princes  lor- 
rains dans  les  questions  italiennes,  et  l'explication  du  rôle 
joué  dans  la  diplomatie  d'Henri  II  par  les  «  cardinaux  pro- 
tecteurs »  chargés  de  maintenir  en  Italie  les  intérêts  de  la 
France  et  de  ses  clients,  le  cardinal  Jean  du  Bellay,  le  car- 
dinal de  Tournon,  disgracié  à  la  mort  de  François  Ier,  puis 
rentré  en  faveur,  le  cardinal  Farnèse  et  surtout  le  cardinal 
de  Ferrare,  Hippolyte  d'Esté,  oncle  de  la  duchesse  de 
Guise,  fastueux  et  magnifique,  avide  d'autorité,  tout-puis- 
sant à  Sienne  pendant  les  années  où  les  Français  y  domi- 
nèrent, jusqu'au  jour  où  il  dut  céder  la  place  à  son  rival 
Piero  Strozzi,  le  chef  des  exilés  florentins.  C'est  encore  un 
chapitre  plein  de  choses  nouvelles  et  inattendues  que  celui 
où  l'auteur  a  relaté  les  menées  des  bannis  de  Florence  et 
de  Naples,  les  faorusciti,  réfugiés  à  la  Cour  et  à  Lyon,  et 
se  remuant  tant  qu'ils  peuvent  pour  pousser  à  l'interven- 
tion de  la  France  en  Italie.  La  révolte  de  Sienne  contre  les 
Espagnols  et  l'aide  que  lui  prêta  la  France  ont  fourni 
matière  à  des  pages  substantielles  et  vivantes. 

En  résumé,  à  l'aise  au  milieu  d'un  flot  de  documents, 
tour  à  tour  juge  éclairé  et  bon  peintre,  M.  Romier  démêle 
aussi  finement  les  fils  des  intrigues  de  partis  qu'il  trace 
d'une  plume  ferme  les  portraits  des  acteurs. 

Avant  de  rédiger  la  seconde  partie  de  son  livre,  M.  Romier 
s'est  rendu  aux  archives  de  Simancas.  A  en  juger  par  le 
succès  de  ses  investigations  italiennes,  on  peut  attendre 
d'heureux  résultats  de  son  séjour  en  Espagne. 

Une  curiosité  aussi  éveillée  que  la  sienne  ne  devait  pas 


LIVRES    OFFERTS  671 

s'en  tenir  à  un  seul  sujet  d'études;  ce  ne  pouvait  être  qu'un 
centre  d'où  il  a  regardé  tout  autour.  Ainsi,  des  archives 
d'Urbin  et  de  Pesaro  il  a  tiré  de  nombreux  documents  sur 
le  passage  des  Français  dans  les  Marches  et  en  0  m  brie.  Il 
s'est  attaché  à  déterminer  les  voies  de  communication 
entre  la  France  et  l'Italie  au  xvi"  siècle,  et  les  constatations 
qu'il  a  faites  donneront  la  clef  de  certains  problèmes 
relatifs  au  mouvement  de  la  Renaissance,  aux  emprunts  de 
la  France  à  l'Italie.  Il  a  réuni  une  grande  quantité  de 
notes  sur  l'histoire  des  palais  et  villas  français  à  Home  et 
dans  la  Campagne.  Une  simple  énumération  des  biens  de 
Catherine  de  Médicis  à  Rome,  le  palais  Madame,  la  villa 
Madame,  presque  tout  le  Monte  Mario,  ainsi  que  Terracine 
et  les  Marais  Pontins,  sullit  à  indiquer  l'importance  du  sujet. 

M.  Fawtier,  membre  de  première  année,  a  entrepris  la 
recherche  des  documents  manuscrits  relatifs  à  sainte 
Catherine  de  Sienne. 

À  Rome,  comme  à  Athènes,  c'est  donc  chez  les  Fran- 
çais, la  même  ardeur  scientifique  avec  les  mêmes  succès 
dans  les  résultats  :  en  Grèce  et  en  Italie,  d'excellents 
ouvriers  et  de  belles  moissons. 


LIVRES     OFFERTS 


M.  Pottier  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  M.  Frederik  Poulsen,  ancien  membre  étranger  de  l'École 
française  d'Athènes  et  professeur  à  Copenhague,  offre  à  l'Académie 
un  important  mémoire  sur  la  pénétration  de  l'art  oriental  en  Grèce, 
Dec  Orient  imd  die  frûhgriechische  Kunst  (Teubner,  1912).  On  y 
trouve  des  idées  neuves,  soutenues  par  une  forte  dialectique  et  une 
accumulation  énorme  de  matériaux  qui  prouve  des  recherches  et 
des  lectures  très  approfondies  :  une  synthèse  de  ce  genre  représente 
de  longues  années  de  travail.  M.  Poulsen  a  entrepris  de  traiter  à 
fond  la  question  phénicienne  sur  laquelle  on  a  tant  écrit  et  disputé 
1912.  ii 


672  LIVRES    OFFERTS 

et  qui  est  comme  le  nœud  du  problème  des  influences  orientales. 
Il  réagit  très  vigoureusement  contre  les  théories  récentes  où  l'on 
voit  le  rôle  des  Phéniciens  réduit  presque  à  rien  et  je  crois  qu'il 
aurait  pu  prendre  pour  épigraphe  la  phrase  de  M.  Heuzey  qui  récla- 
mait aussi,  dans  un  de  ses  articles,  un  peu  plus  de  modération  dans 
la  condamnation  sommaire  de  ces  grands  pourvoyeurs  du  monde 
antique  :  «  Il  a  été  de  mode,  pendant  un  certain  temps,  d'attribuer, 
presque  sans  partage,  aux  Phéniciens  la  transmission  de  la  civili- 
sation orientale.  On  a  bien  voulu  me  ranger  parmi  ceux  qui  ont  porté 
un  coup  décisif  à  cette  exagération.  Ce  n'est  pas  une  raison  pour  me 
demander  de  jeter  les  Phéniciens  à  la  mer  et  de  supprimer  leur 
action  dans  le  monde  antique.  »  [Monuments  et  Mémoires  Piot,  VI, 
1900,  p.  132.) 

«  Le  mérite  de  M.  Poulsen  est  d'avoir  très  bien  montré  comment  la 
discussion  a,  jusqu'ici,  été  placée  sur  un  terrain  trop  étroit.  Les 
Phéniciens  ne  représentent  pas  seuls  l'élément  oriental  qui  a 
influencé  l'art  grec.  L'auteur  reconnaît  qu'avant  le  ixe  siècle,  nous 
n'avons  aucune  preuve  de  l'activité  commerciale  de  ces  navigateurs 
dans  la  Méditerranée,  et  que,  d'autre  part,  leur  art  minutieux  et 
ingénieux,  souvent  capable  d'œuvres  délicates  et  soignées,  est  tota- 
lement dépourvu  d'esprit  d'invention  et  de  composition,  et  toujours 
voué  au  pastiche.  Mais,  à  côté  des  Phéniciens,  il  y  a  d'autres  peuples 
qui  leur  sont  apparentés  et  voisins  ;  il  y  a  les  Syriens  du  Nord  et  les 
Hittites  de  l'Asie  antérieure.  C'est  là  qu'on  trouve  un  art  souvent 
plus  rude,  mais  beaucoup  plus  personnel,  plus  original,  qui  s'est 
répandu  aussi  par  les  mêmes  voies  de  commerce  dans  tout  le 
monde  grec  et  jusqu'en  Egypte,  et  dont  les  œuvres  sont  souvent 
plus  anciennes  que  celles  des  Phéniciens.  Les  analyses  très  fines  de 
M.  Poulsen  s'attachent  à  déterminer,  dans  le  plus  grand  nombre  de 
cas  possible,  ce  qui  est  phénicien,  ce  qui  est  hittite,  ce  qui  est  grec 
ionien,  et  cette  répartition  des  monuments,  qui  n'avait  pas  encore 
été  faite  sur  des  bases  solides,  est  de  la  plus  haute  importance.  On 
se  rend  compte,  en  effet,  de  la  façon  dont  s'est  constitué  ce  réper- 
toire immense  où,  tour  à  tour,  les  Ioniens  de  la  côte,  les  Insulaires, 
enfin  les  Corinthiens  et  les  Attiques  ont  puisé  à  pleines  mains.  Et 
derrière  cette  façade  de  populations  orientales,' en  contact  direct 
avec  la  race  grecque,  on  aperçoit,  plus  loin  et  plus  haut,  la  masse 
profonde  des  habitants  de  la  Mésopotamie  et  de  l'Elam,  qui  est  le 
vrai  fonds  d'où  tout  le  reste  est  sorti.  Je  regrette  que  M.  Poulsen 
n'ait  connu  que  d'une  façon  incomplète  les  découvertes  de  la  Mission 
de  Morgan  à  Suse,  car  il  y  aurait  puisé  des  arguments  excellents 
pour  sa   thèse.  Il  aurait  peut-être  marqué  plus  fortement  encore  le 


LIVRES    OFFERTS 


673 


rôle  d'intermédiaires,  d'agents  transmetteurs,  qu'ont  eu,  à  côté  des 
Phéniciens,  les  races  vigoureuses  de  la  Cappadoce  et  de  la  Syrie. 

«   L'auteur  ne  pouvait  pas  aborder  de  tels  problèmes  sans  trouver 
sur  ses  pas  une  autre  queslion  redoutable,  celle  de  l'art  crétois  el 
mycénien,  et  par  suite  celle  de  l'épopée  homérique.  Il  leur  consacre 
aussi   des  réflexions   pénétrantes  et  neuves.  Bien  qu'il   reconnaisse 
avec  tout  le  monde  la  haute  valeur,  le  charme  pittoresque  et  l'origi- 
nalité de  l'art  crétois,  M.  Poulsen,  pour  la  première  fois,  essaye  de 
réagir  contre  un  enthousiasme  qu'il    trouve  exagéré.  Il   estime  que, 
par  comparaison  avec  les   Egyptiens  auxquels  ils  ont  fait  tant  d'em- 
prunts, les.  Crétois  apparaissent   en  état  d'infériorité.  De  plus,  cette 
civilisation   a   duré  peu  de  temps  dans  sa  forme  la  plus  belle,  et  elle 
n'avait  pas  de  racines  profondes.  La  tourmente  achéenne  l'a  empor- 
tée  et  le  fameux  héritage  mycéno-crétois,  que    tant  d'archéologues 
considèrent   comme   un  élément  fondamental  pour  la   formation  de 
l'hellénisme,  reste  assez  illusoire.  Le  moyen  âge  grec  est  une  période 
de  barbarie,  et    quand    les    peuples  de    Syrie,  d'Asie    Mineure,   de 
Grèce,  commencent  à  sortir  de  cette  grossière  rudesse,  c'est  encore 
l'Egypte,  le   vieux   pays   des  merveilles   d'art,  qui   leur    fournil  ses 
éternels  et  séculaires   modèles.  Quant  à   la   civilisation   homérique, 
c'est   dans   la  société   phénicienne,   hittite,  carienne,  phrygienne  et 
ionienne,  postérieure  à  l'an  mil,  et  non  dans  la  Crète  préhellénique 
ou  dans  la  Grèce  achéenne,  qu'il  faut  chercher  les  rapprochements  à 
faire.  Les  poèmes  homériques  sont  assez  récents  ;  ils  ont  été  conçus 
et   formés   dans  un    milieu   gréco-asiatique,  fortement  influencé  par 
l'Orient,  entre  le  ixe  et  le  vme  siècle  avant  notre  ère. 

«  Telles  sont,  dans  les  grandes  lignes,  les  idées  directrices  du  beau 
mémoire  de  M.  Poulsen.  Elles  ne  sont  pas  banales,  et  la  lecture  de 
ce  travail,  appuyé  sur  une  très  solide  étude  des  textes  et  des  monu- 
ments, ne  peut  manquer  d'attirer  l'attention  de  tous  ceux  qui  étu- 
dient les  origines  de  la  civilisation  grecque.  » 

M.  le  comte  Duiuuku  olfre  un  travail,  accompagné  de  planches  bois 
texte,  qu'il  a  publié  sur  Les  manuscrits  des  Statuts  de  l'Ordre  de 

Saint-Michel  (extr.  du  Bulletin  de  la  Société  française  de  reproduc- 
tions de  manuscrits  à  peintures,  l1'' année).  Il  rappelle  que  l'Ordre 
de  Saint-Michel  a  été  plusieurs  fois  décerné  à  des  membres  des 
anciennes    Académies    ou    même   de    l'Institut    actuel,  notamment    à 

ce  Joseph-Bon  Dacier  dont  le  Secrétaire  perpétuel  a  retracé  la  vie 

dans  la  dernière  séance  publique  annuelle  de  l'Académie.  Il  signale 
aussi  que  les  noms  de  <\w\\  personnages  honorés  jadis  de  l'Ordre 
de  Saint-Michel  se  trouvent  encore  aujourd'hui   inscrits  sur  la    liste 


674  LIVRES    OFFERTS 

des  membres  de  l'Académie  des  inscriptions,  portés  par  leurs  des- 
cendants directs,  M.  le  marquis  de  Vogué,  dont  le  trisaïeul,  Charles- 
François-Elzéar,  marquis  de  Vogué,  étant  «  cordon  bleu  »,  c'est-à- 
dire  «  chevalier  des  Ordres  du  Roi  »,  unissait  le  collier  de  Saint- 
Michel  à  celui  de  l'Ordre  du  Saint-Esprit,  et  M.  Héron  de  Villefosse, 
petit-fds  du  baron  Héron  de  Villefosse,  membre  de  l'Académie  des 
Sciences,  créé  chevalier  de  l'Ordre  de  Saint-Michel  sous  la  Restau- 
ration . 

M.  Gustave  Schlumberger  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
de  l'auteur,  M.  Adrien  Rlanchet,  un  exemplaire  du  tome  Idu  Manuel 
de  numismatique  française  publié  par  lui  en  commun  avec  M.  A. 
Dieudonné.  Ce  premier  volume,  consacré  aux  monnaies  frappées  en 
Gaule  depuis  les  origines  jusqu'à  Hugues  Capet,  est  sa  contribution 
personnelle  à  cette  collaboration.  Je  ne  crains  pas  de  dire  que  c'est 
peut-être  là  le  volume  le  plus  important  de  son  œuvre  scientifique 
déjà  si  considérable,  un  de  ceux  qui,  dans  l'avenir,  lui  feront  le  plus 
d'honneur. 

«  Déjà  préparé  par  tant  d'études  antérieures  à  présenter  d'une 
manière  excellente  les  premières  monnaies  émises  sur  notre  sol, 
M.  Rlanchet  donne  dans  cet  ouvrage  un  classement  chronologique 
bien  plus  complet,  basé  sur  des  études  nouvelles.  Ces  bases  chrono- 
logiques seront  certainement  de  la  plus  grande  utilité  pour  les  décou- 
vertes celtiques  des  dernières  époques  de  l'indépendance  gauloise. 
Le  monnayage  romain  en  Gaule  se  rattache  très  logiquement  au 
monnayage  gaulois,  qui  avait  déjà  cherché  souvent  des  modèles 
parmi  les  deniers  de  la  République  romaine.  L'auteur  a  su  parfaite- 
ment présenter  cette  transition.  De  plus,  la  partie  consacrée  au 
monnayage  romain  en  Gaule  est  une  des  parties  les  plus  nouvelles 
et  les  plus  précieuses  de  ce  Manuel  de  numismatique  française,  et  le 
numéraire  des  empereurs  gaulois,  dont  les  échantillons  sont  si  fré- 
quents sur  notre  sol,  a  fait  l'objet  d'un  travail  d'ensemble,  que  notre 
regretté  confrère  Jean  de  Witte  avait  toujours  eu  l'intention  de 
publier,  pour  faire  suite  à  son  recueil  de  planches.  M.  Rlanchet  pré- 
sente encore  les  tableaux  les  plus  précis,  suivis  de  listes  infiniment 
minutieuses  et  extrêmement  utiles,  des  ateliers  pour  les  époques 
mérovingienne  et  carolingienne.  11  a  su  dégager  ces  séries  des 
obscurités  si  nombreuses  qui  en  rendent  l'élude  très  malaisée. 

«  Une  extrême  clarté  semble  d'ailleurs  un  des  mérites  principaux 
du  livre  de  M.  Rlanchet.  Ce  volume  contient  une  masse  très  consi- 
dérable de  renseignements  précieux  qu'une  excellente  table  des 
matières  rend  très  accessibles. 


LIVRES    OFFERTS 


075 


«  Le  volume  de  M.  Blanchet  est  un  des  livres  numismatiques  les 
plus  importants  pour  les  origines  de  notre  histoire  nationale  qui 
ait  paru  depuis  bien  des  années.  » 

M.  Babèlon  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

((  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  de  la  part  de  l'auteur,  notre 
correspondant  M.  Joseph  Roman,  un  nouvel  ouvrage  qu'il  vient 
de  publier  et  qui  a  pour  titre  :  Manuel  de  sigillographie  française 
(Paris,  Picard,  1912,  in-8°).  M.  Roman  a  condensé  dans  ce  volume  de 
400  pages  les  résultats  des  études  sigillographiques  qu'il  poursuit 
depuis  plus  de  trente  années.  C'est  dans  ces  conditions  qu'on  fait 
les  meilleurs  manuels,  et  ce  n'est  pas,  ce  qui  arrive  trop  souvent, 
lorsque  l'auteur  en  est  seulement  au  début  de  sa  carrière  d'érudit. 
Après  des  données  générales  sur  l'histoire  du  sceau  à  travers  les 
âges,  la  matière,  la  forme,  le  mode  d'apposition,  le  choix  des  types, 
M.  Roman  étudie  les  deux  grandes  classes  de  sceaux  au  moyen  âge  : 
les  sceaux  laïques  et  les  sceaux  ecclésiastiques.  Les  contre-sceaux 
et  les  signets  font  ensuite  l'objet  de  chapitres  originaux  où  sont 
consignés  des  aperçus  ingénieux.  Les  caractères  particuliers  de  la 
sigillographie  régionale  des  différentes  provinces  de  l'ancienne 
France  sont  aussi  mis  en  relief  et  analysés  de  manière  à  fixer  défini- 
tivement les  règles  de  la  critique  diplomatique. 

«  Mais  je  dois  attirer  particulièrement  l'attention  de  l'Académie  sur 
deux  parties  essentielles  du  livre  :  celles  qui  concernent  l'emploi  des 
intailles  ou  pierres  gravées  comme  sceaux  ;  parmi  ces  pierres  gra- 
vées, il  faut  distinguer  soigneusement  les  gemmes  antiques  qui  ont 
été  réutilisées  au  moyen  âge  pour  sceller  les  actes  publics  ou  privés, 
et  les  gemmes  qui  ont  été  gravées  par  des  artistes  du  moyen  âge. 
J'ai  eu  moi-même,  autrefois,  l'occasion  de  démontrer  qu'une  école 
d'artistes  graveurs  de  gemmes  avait  brillé  d'un  éclat  tout  parti- 
culier durant  la  période  carolingienne.  M.  Roman  a  repris  cette 
démonstration  et  a  poussé  ses  recherches  plus  loin  que  je  ne  l'avais 
fait,  à  travers  tout  le  moyen  âge. 

«  II  ne  faudrait  pas  croire  qu'un  Manuel  comme  celui  de  M.  Roman 
n'intéresse  que  les  spécialistes  ou  les  médiévistes.  M.  Roman  cite, 
dans  son  avant-propos,  le  cas  plaisant  d'un  peintre  contemporain, 
d'un  1res  grand  talent,  à  qui  l'on  doit  un  tableau  représentant  une 
scène  d'histoire  mérovingienne,  avec  la  prétention  bien  évidente  d'y 
mettre  la  couleur  locale  la  mieux  documentée.  Or  notre  artiste  y  fait 
figurer  un  amas  de  parchemins  auxquels  sont  suspendus,  par  des 
lacs  de  soie,  huit  sceaux  ronds  ou  ovales,  en  cire  de  couleur  brune, 
verte,  violette  ou  rouge;  on   voit   que   l'artiste  a  copié  ces  sceaux 


676  LIVRES    OFFERTS 

d'après  nature.  Seulement,  il  n'y  a  qu'un  malheur  :  c'est  qu'ils  sont 
du  xme  ou  du  xive  siècle,  et  non  du  vne  siècle.  Il  est  dommage  que  le 
livre  de  M.  Roman  n'ait  pas  paru  plus  tôt  pour  éclairer  le  conscien- 
cieux et  habile  artiste.  » 

M.  Héron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  la  Com- 
mission des  Travaux  historiques  de  la  Ville  de  Paris  et  au  nom  de 
l'auteur,  M.  F. -G.  de  Pachtère,  ancien  membre  de  l'École  française 
de  Rome,  un  volume  intitulé  :  Paris  à  V époque  gallo-romaine  ',  étude 
faite  à  l'aide  des  travaux  et  des  plans  de  Th.  Vacquer  (Paris,  1912, 
in-4°,  publication  qui  fait  partie  de  YHistoire  générale  de  Paris,  col- 
lection de  documents  publiée  sous  les  auspices  de  l'édilité  pari- 
sienne) : 

«  Cet  ouvrage  important  donne  de  suite  une  impression  nouvelle 
du  Paris  de  l'époque  romaine.  On  peut  dire  que  l'auteur  a  commenté, 
d'une  manière  attachante  et  même  avec  un  rare  bonheur,  les  textes 
et  documents  propres  à  éclairer  l'histoire  de  Paris  pendant  cette 
période.  Les  papiers  de  Th.  Vacquer,  ancien  conservateur-adjoint 
du  Musée  Carnavalet,  aujourd'hui  conservés  à  la  Ribliothèque  histo- 
rique de  la  Ville  de  Paris,  lui  ont  fourni,  pour  mener  à  bien  cette 
intéressante  tâche,  des  renseignements  inédits  et  particulièrement 
sûrs.  Pendant  la  seconde  moitié  du  xixe  siècle,  de  1844  à  1899,  ce 
laborieux  archéologue  avait  suivi,  avec  une  constance  qui  ne  se 
démentit  pas  un  seul  instant,  les  fouilles  nécessitées  par  les  grands 
travaux  qui  changèrent  alors  la  physionomie  de  Paris.  Ses  notes,  ses 
plans,  ses  dessins  et  ses  photographies  constituent  une  mine  pré- 
cieuse où  M.  de  Pachtère  a  puisé;  il  a  mis  ces  documents  en  belle 
lumière  ;  il  les  a  utilisés  et  complétés  avec  talent.  Je  ne  puis  entrer 
dans  le  détail  de  toutes  les  questions  traitées  dans  ce  volume  où 
abondent  les  vues  nouvelles,  les  dissertations  ingénieuses,  les  expo- 
sés clairs  et  précis.  Le  tableau  de  Lutèce  sous  le  haut  Empire,  l'ex- 
posé de  ses  relations  routières,  de  l'activité  de  son  commerce,  des 
croyances  religieuses  de  ses  habitants,  forment  plusieurs  chapitres 
d'un  intérêt  soutenu.  Après  les  invasions  barbares  et  l'introduction 
du  christianisme,  Paris  devint,  au  ive  et  au  ve  siècle,  une  ville  mili- 
taire, à  l'importance  et  au  développement  de  laquelle  contribuèrent 
les  séjours  des  empereurs  Julien  et  Valentinien. 

«  L'illustration  est  remarquable.  Elle  se  compose  de  43  figures 
dans  le  texte  et  de  16  planches  hors  texte  reproduisant  en  détail  et 
très  fidèlement  les  principaux  monuments  romains  découverts  à 
Paris.  Dix  plans  les  accompagnent  et  contribuent  à  placer  ce  nou- 
veau livre  au  premier  rang  des  ouvrages  consacrés  à  l'histoire  du 
Paris  gallo-romain.  On  y  trouve  notamment  un  grand  plan  de  Paris  à 


SÉANCE    DU    20    DÉCEMBRE    1912  677 

l'époque  romaine  d'après  les  relevés  de  Th.  Vacquer,  complétés  par 
M.  de  Pachtère  à  l'aide  des  résultats  des  fouilles  les  plus  récentes 
(plan  I),  celui  de  l'édifice  romain  de  la  rue  Soufflot  (plan  III),  celui 
du  théâtre  romain  découvert  au  Lycée  Saint-Louis,  près  de  la  voie 
romaine  de  la  rue  Racine  (plan  IV),  celui  des  grands  Thermes  romains 
du  Collège  de  France  (plan  V),  et  enfin  celui  du  rempart  romain  dans 
la  Cité  (plan  X).  » 

M.  C.  Jullian  présente,  en  ces  termes,  les  Comptes  rendus  des 
fouilles  de  Vésone,  pour  1910  : 

(.  M.  Héron  de  Villefosse  et  d'autres  vous  ont  souvent  entretenus 
des  belles  fouilles  faites  par  la  municipalité  de  Périgueux,  et  diri- 
gées par  M.  Durand  (un  des  anciens  élèves  de  notre  Université  de 
Bordeaux).  Voici  le  rapport  sur  l'avant-dernière  campagne,  très 
minutieux,  avec  d'excellentes  planches.  » 

M.  Collignon  offre,  en  son  nom  et  au  nom  de  l'éditeur,  M.  Ch. 
b>»'imann,  les  livraisons  7  et  8  de  la  grande  publication  «  Le  Par- 
thénon  »,  in-folio. 


SÉANCE   DU  20  DÉCEMBRE 


PRESIDENCE     DE     M.     LOUIS    LEGER. 


M.  Héron  de  Villefosse  fait  la  communication  suivante  : 
«  A  la  fin  de  son  Recueil  des  inscriptions  antiques  de  Chalon- 
sur-Saône*,  M.  Marcel  Ganat  regrettait  de  ne  pouvoir  produire 
une  seule  inscription  romaine  mentionnant  le  nom  du  second 
oppidum  des  Éduens  dont  l'importance  commerciale  est  attestée 
par  César  dès  l'époque  de  la  conquête.  Cette  importance,  due  à 
une  position  avantageuse  qui  le  mettait  en  communication,  par 
la  Saône  et  le  Rhône,  avec  le  Midi  de  la  Gaule,  en  lui  offrant, 
d'autre  part,  sur  terre,  des  débouchés  faciles  avec  le  Nord  et 
avec  la  Germanie,  ne  lit  que  s'accroître  après  l'arrivée  des 
Romains;  à   l'époque   mérovingienne,  elle   est    confirmée  par  le 

1 .  Paru  en  is;>o.  p.  52. 


678  SÉANCE    Dl-    20    DÉCEMBRE    1912 

développement  particulier  de  l'atelier  monétaire  de  Chalon-sur- 
Saône.  Après  soixante-dix  ans  d'attente,  nous  possédons  enfin 
l'inscription  désirée. 

«  Une  lettre  de  M.  J.  Roy-Chevrier,  président  de  la  Société 
d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône,  datée  du 
10  décembre,  m'apprend  qu'en  exécutant  des  travaux  de  réfec- 
tion de  canalisation  profonde,  on  vient  de  mettre  au  jour,  dans 
cette  ville,  non  loin  de  l'emplacement  du  palais  du  roi  Contran, 
un  piédestal  antique  qui  était  enfoui  à  3m50  de  profondeur 
au-dessous  du  sol  actuel,  où  il  avait  été  utilisé  pour  la  construc- 
tion du  rempart  romain,  élevé  hâtivement  à  l'approche  des 
Barbares. 

«  Ce  piédestal  est  taillé  dans  un  grès  assez  friable  ;  il  porte,  sur 
une  de  ses  faces,  une  inscription  votive  bien  conservée.  On  n'en 
possède  ni  le  soubassement,  ni  la  corniche  :  dans  son  état  actuel, 
il  mesure  1  m  30  de  hauteur  sur  0m65  de  largeur  et  d'épaisseur. 
Peut-être  avait-il  été  ainsi  préparé  pour  être  placé  dans  l'angle 
d'une  construction,  entre  deux  murs?  Deux  de  ses  côtés  pré- 
sentent un  encadrement  mouluré,  la  face  antérieure  qui  a  reçu 
l'inscription  et  la  face  latérale  gauche  ;  la  face  postérieure  et  la 
face  latérale  droite  ont  été  simplement  piquées  au  marteau. 

«  M.  J.  Roy-Chevrier,  qui  me  transmet  ces  détails,  m'envoie 
en  même  temps  un  estampage  du  texte  gravé  en  bons  carac- 
tères qui  paraissent  remonter  au  second  siècle  de  notre  ère  : 

AVG  v   SAC 

DEAE 

SOVCONN 

AE 

OPPIDANI 

CABILONN 

ENSES 

P  C 

Aug(usto)  sa(crum),  deae  Souconnae  oppidani  Cahilonnenses 
p(onendum)  c(uraverunt). 

«  Les  lettres  des  deux  premières  lignes  ont  0Q1  042  de  hau- 
teur; celles  des  autres  lignes  n'ont  que  0,u030.  Pour  la  dernière 


SÉANCE    DU    20    DÉCEMBRE    1912  070 

lettre,  le  haut  est  seul  visible  et  semble  bien  appartenir  à  un  C. 

«  Les  oppidani  sont  les  habitants  de  l'ancien  oppidum,  situé 
vraisemblablement  sur  une  hauteur  dominant  la  Saône;  ils 
n'appartenaient  pas  à  la  population  spéciale  fixée  au  bord  de  la 
rivière  et  qui  devait  être  distinguée  par  une  autre  dénomination. 

«  C'est  la  première  fois  que  le  nom  de  Chalon-sur-Saône,  ou 
du  moins  celui  de  ses  habitants,  apparaît  sur  un  document  épi- 
graphique.  On  remarquera  qu'il  est  écrit  par  un  seul  L  et  par 
deux  N,  leçon  conforme  à  celle  des  documents  numismatiques  des 
bas  temps.  Les  nombreuses  monnaies  mérovingiennes  frappées 
à  Chalon-sur-Saône  portent,  en  effet,  presque  toutes  Cahilonna, 
Cavilonna  ou  C&blonno  *,  tandis  que  les  documents  littéraires 
donnent,  la  plupart  du  temps,  les  formes  Cabillonus,  Cabillo- 
num,  Cavillunum  et  l'ethnique  Cabillonensis  avec  un  redou- 
blement du  L  qui,  dans  certains  textes,  a  établi  une  confusion 
avec  Cahellio. 

«  Ce  n'est  pas  le  seul  intérêt  de  cette  inscription.  Le  nom  de  la 
déesse  Souconna  est  nouveau  :  il  fournit  évidemment  la  plus 
ancienne  forme  du  nom  de  la  Saône.  Le  passage  d'Ammien  : 
«  Ararim  quem  Sauconnam  adpellant  »  2  doit  en  être  rapproché. 
L'inscription,  par  son  antiquité  et  son  originalité,  a  une  valeur 
documentaire  supérieure  à  celle  des  manuscrits  souvent  altérés 
par  les  copistes  qui  ne  se  faisaient  pas  faute  de  transcrire  les 
noms  géographiques  comme  on  les  prononçait  de  leur  temps. 
La  «  dea  Souconna  »  est  donc  une  personnification  de  la  Saône 
comme  la  «  dea  Sequana  »  est  celle  de  la  Seine.  Sans  doute  elle 
était  honorée  par  les  bateliers  et  les  commerçants  de  Chalon 
dans  un  temple  dont  on  ignore  l'emplacement,  mais  dont  on 
retrouvera  probablement  d'autres  traces. 

«  Cette  importante  découverte  méritait  d'être  signalée  sans 
retard.  Le  monument  vient  d'être  transporté  par  les  soins  de 
M.  J.  Roy-Chevrier  au  Musée  lapidaire  de  la  Société  archéolo- 
gique de  Saône-et-Loire.  M.  Lex,  archiviste  départemental  à 
Mâcon,  m'a  écrit  également,  le  18  décembre,  pour  me  faire  part 
de  la  même  trouvaille. 

1.  Maurice  Prou,  Les  monnaies  mérovingiennes  de  la  BilAiollièifue 
nationale,  n0'  163  à  225. 

2.  Auim.  Marc.  XV.  11.  17. 


680  SÉANCE    DU    20    DÉCEMBRE    1912 

«  En  1901,  j'ai  signalé  à  l'Académie  un  socle  en  bronze  de 
forme  octogonale,  trouvé  à  Saint-Marcel-lès-Chalon  et  orné 
d'une  inscription  en  l'honneur  de  la  déesse  «  Temusio  ».  On 
ignorait  ce  que  ce  monument  était  devenu.  Je  saisis  cette  occa- 
sion pour  annoncer  qu'il  t'ait  maintenant  partie  des  collections 
du  Louvre  ;  il  vient  d'être  très  gracieusement  offert  au  Musée 
par  M.  Ercole  Canessa,  antiquaire  à  Paris.  » 

Le  P.  Scheil  a  la  parole  pour  une  communication  : 
«  Avec  l'agrément  de  MM.  Messayeh,  antiquaires  bagdadiens 
qui  m'ont  laissé  jeter  un  coup  d'œil  sur  telles  pièces  impor- 
tantes de  leur  collection,  je  puis  donner  sommairement  à  l'Aca- 
démie la  primeur  de  quelques  découvertes  intéressant  l'histoire 
de  la  Babylonie. 

«  Par  un  barillet  trouvé  à  Mougheïr  (l'ancienne  Ur),  nous 
apprenons  que  le  dernier  roi  de  Babylone,  Nabonide  (556-538), 
dont  la  mère  mourut  prêtresse  de  Sin,  à  Harran,  à  l'âge  de 
104  ans,  en  547,  consacra,  d'accord  avec  les  oracles,  une  de  ses 
propres  filles  au  même  dieu  Sin  dans  le  célèbre  sanctuaire  d'L  r. 
Par  allusion  à  cette  vocation,  il  l'avait  nommée  Bel  salti  Nan- 
nar  ;  pour  l'amour  d'elle,  il  remit  en  état  le  temple  et  surtout 
YEgipar,  cloîtres,  dortoirs  et  chapelles  où  logeaient  «  les  épouses 
divines  et  les  enfants  ».  Au  cours  des  travaux  de  restauration, 
le  roi  Nabonide  eut  la  joie  d'exhumer  la  table  de  Nabuchodo- 
nosor  l'Ancien,  qui  régnait  vers  1150,  dont  une  parente  aussi, 
semble-t-il,  avait  vécu  dans  le  service  des  dieux.  Nous  gagnons, 
du  même  coup,  le  nom  du  père  et  prédécesseur  de  ce  vieux 
roi,  c'est-à-dire  Ninip  nadin  su/ni,  le  seul  roi  qui  nous  manquât 
dans  la  dynastie  de  Pase  et  dont  nous  savions  seulement  qu'il 
avait  régné  cinq  ans.  Nabonide  découvrit  encore  la  légende 
d'une  autre  prêtresse  fameuse  qui  n'était  rien  moins  que  la 
propre  sœur  de  fiim  Sin,  le  rival  de  Hammurabi.  Cette  lille 
de  Kudur  Mqbuk,  roi  de  la  dynastie  élamite  d'Ur  et  Larsa,  s'ap- 
pelait Bel  (an)  Kalul  '  ;  elle  avait  fait  réparer  le  même  édifice, 
1500  ans  avant  Nabonide. 

1.  «  Le  divin  Kal  ul  est  le  seigneur.  •>  Kal  Uli  était  un  souverain  élamite 
nommé  dans  les  Textes  Anzanites,  n"  LXXI,  col.  1,  20,  21  (trad.  et  comm.). 
Ul,  Uli  était  un  dieu  élamite,  d'après  le  nom  tic  la  fille  de  Silhak  I.  S. 
Par(nnp    Uli,  Ibid.,  XLVII,  31,  32."  Pour  porter  le  nom  de  BU  Knl  II, la 


SÉANCE    DU    20    DÉCEMBRE    1912  681 

a  Le  nouveau  document  relaie,  en  terminant,  que  Nabonide 
dota  richement  sa  fille  Bel  salti  Nannar,  à  son  entrée  en  religion, 
tant  en  offrandes  qu'en  champs  et  vergers,  et  qu'il  supplia  les 
dieux  de  la  bénir  et  de  la  garder  pure  de  tout  péché. 

«  Je  signalerai  encore  un  autre  barillet  trouvé  en  plusieurs 
exemplaires  dans  une  tombe,  dont  le  texte,  à  la  manière  des 
épitaphes  phéniciennes  ou  araméennes,  recommande  aux  géné- 
rations futures  le  respect  et  la  piété  envers  les  morts.  C'est  là,  à 
ma  connaissance,  le  deuxième  document  de  ce  genre  sorti  des 
fouilles  babyloniennes  :  il  donne  à  penser  qu'il  existait  un  fond 
de  doctrine  commune  à  tout  l'Orient  antique  —  en  matière  d'es- 
chatologie. » 

M.  de  Gironcourt  fait  la  communication  suivante  : 

«.  S'intéressant  à  l'épigraphie  signalée  au  Soudan  par  ma  com- 
munication de  mars  1911,  l'Académie  a  bien  voulu  prendre  sous 
ses  auspices  l'organisation  d'une  mission  ayant  pour  but  prin- 
cipal la  constitution  d'un  «  Corpus  »  des  inscriptions  lithiques 
du  Niger. 

«  J'ai  l'honneur  de  lui  rendre  compte,  en  traits  succincts,  de 
l'exécution  et  des  résultats  de  celte  mission,  à  laquelle  M.  le 
Ministre  des  colonies  et  M.  le  Gouverneur  général  de  l'Afrique 
occidentale  française  ont  bien  vonlu  accorder  leur  patronage,  et 
le  Gouverneur  du  Haut-Sénégal  et  Niger,  M.  Clo/el,  un  appui 
effectif. 

«  Dès  la  réception  de  la  lettre  de  M.  le  Secrétaire  perpétuel, 
pressé  par  l'opportunité  de  la  saison,  je  me  suis  mis  en  route, 
eaenant  Tombouctou  dès  le  début  d'octobre  1911.  Le  champ  de 
mes  recherches  devait  s'étendre  principalement  au  pays  de 
Gao,  et  dans  l'Adrar  des  Iforas;  mais  je  dus  tout  d'abord,  sur  le 
conseil  des  autorités  locales,  par  suite  des  opérations  militaires, 
localiser  mon  enquête  au  Macina,  à  Djenné,  au  lac  Debo,  d'où 
je  revins  à  Tombouctou  en  janvier  191  1. 

«  Cette  première  partie  de  mes  travaux  m'amena  à  repérer 
dans  cette  zone  des  monuments  lithiques  funéraires  primitifs  de 
deux  formes  distinctes  : 

tille  île  Kudur  Mabuk  devait  être  contemporaine  ou  survivante  de  Kal  Uli.. 
Celui-ci  est  appelé  Vnncètre  de  Kuk  Naèur  dans  les  généalogies  royales 
d'Elam. 


082  SÉANCE    DU    20    DÉCEMBRE    1912 

«  1°  Non  loin  du  lac  Debo,  des  groupements  de  quatre  pierres 
dressées  suivant  les  quatre  sommets  d'un  carré,  l'une  du  côté 
de  l'Orient,  étant  conique  et  dénommée  homme,  mâle,  les  trois 
autres  appelées  par  la  tradition  locale  femmes,  femelles,  avant 
la  forme  parallélipipédique  plus  ou  moins  grossière; 

«  2°  De  très  longues  stèles  tabulaires,  à  extrémité  régulière- 
ment arrondies,  atteignant  près  de  deux  mètres  de  longueur, 
qui  ont  été  taillées  dans  les  formations  de  grès  rouge  du  Debo 
et  transportées,  à  une  époque  ancienne,  jusqu'au  pays  de  Djenné. 
A  ce  type  de  forme  très  constante  appartient  la  célèbre  pierre 
de  Dia,  ville  du  Macina  que  la  tradition  rapporte  avoir  été  anté- 
rieui'e  à  Tombouctou.  Cette  pierre,  très  vénérée  des  indigènes, 
gît  actuellement  à  un  mètre  au-dessous  de  la  surface  du  sol. 

«  Tels  sont  les  seuls  témoins  lithiques  du  pays  à  demi  sub- 
mergé qui,  du  Sud  du  Debo  à  Djenné,  ne  contient  aucune  pierre 
naturelle.  Il  semble  prématuré  de  fixer  actuellement  l'époque  de 
ces  monuments  anciens,  peut-être  contemporains  des  pierres 
dressées  de  Tondidarou  ;  mais  il  serait  dangereux  d'évoquer  une 
époque  brillante  qu'aurait  connue,  clans  cette  région,  la  race 
dite  bozo  ou  des  pêcheurs  du  Niger.  L'étude  anthropologique 
que  j'ai  pu  poursuivre  sur  cette  race,  à  la  requête  du  professeur 
Verneau,  du  Muséum,  montre  qu'il  ne  s'agit  pas  d'autochtones, 
mais  de  chasseurs  venus  du  Sud,  probablement  à  l'âge  du  fer. 

«  Il  sera  intéressant  de  repérer  les  emplacements  des  monu- 
ments similaires  pouvant  exister  dans  cette  zone  et  que  je  me 
borne  à  signaler  aujourd'hui.  Afin  d'appeler  sur  eux  l'attention 
des  fonctionnaires  et  voyageurs,  j'ai  prié  M.  l'administrateur 
Delbos  de  constituer  avec  les  échantillons  que  j'ai  pu  découvrir 
gisant  à  l'abandon,  en  leur  restituant  leur  aspect  et  leur  disposi- 
tion primitive,  le  premier  rudiment  d'un  musée  archéologique  à 
Djenné. 

«  Dans  cette  première  zone  d'études,  les  premiers  monuments 
épigraphiques  ne  m'apparurent  qu'auprès  de  Tombouctou,  où 
je  visitai,  jusque  dans  la  montagne  dite  Adrar  de  Tombouctou, 
toutes  les  nécropoles  susceptibles  de  renfermer  quelques  stèles 
gravées.  Celles-ci  ne  semblent  pas  là  fort  anciennes  et  sont  dues  à 
certaines  tribus  maraboutiques  ayant  conservé  l'usage  d'écrire 
sur  les  pierres  ou  sur  des  vases  funéraires  en  terre  cuite,  sortes 


SÉANCE    L>U    20    DÉCEMBRE    1912  683 

d'alcarazas.  Ces  inscriptions  grossières  pourront  néanmoins  four- 
nir quelque  repère  graphique  utile. 

«  De  là,  j'ai  gagné  le  pays  de  Gao,  d'où  provenaient  les 
quelques  dessins  d'inscriptions  qui  avaient  appelé  sur  ces  régions 
l'attention  de  l'Académie. 

«  Là,  mes  recherches  se  sont  étendues  particulièrement  non 
loin  du  Niger,  où  je  n'ai  pas  tardé  à  trouver  et  inventorier  un 
très  grand  nombre  de  nécropoles  témoignant  d'un  art  épigra- 
phique  vraiment  particulier,  sur  lequel  je  demanderai  de  donner 
ultérieurement  à  l'Académie  une  note  spéciale. 

«  Il  s'agit  de  stèles  constituées  soit  par  de  belles  plaques  de 
gneiss  ou  de  quartzite  portant  des  caractères  moghrébins  rela- 
tivement larges,  comme  à  Bentia,  soit  de  fort  curieux  objets 
préhistoriques  de  pierre  polie  :  polissoirs,  meules,  pilons,  de 
quartz  blanc,  granulite,  granité,  même  latérite,  dont  la  surface 
lisse  a  été  revêtue  d'une  écriture  fine  d'une  gravure  extrême- 
ment belle  et  soignée. 

«  J'ai  cherché  non  seulement  à  inventorier,  échantillonner, 
prendre  les  estampages  et  photographies  de  ce  qui  se  présentait, 
mais  aussi  à  déterminer  avec  le  plus  de  précision  possible  l'aire 
géographique  de  ces  monuments  et,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi, 
quel  a  pu  être  le  sens  de  la  coulée  épigraphique  ayant  donné 
naissance  à  ces  curieuses  productions. 

«  Il  m'a  été  possible  de  trouver  dans  l'Adrar  des  Iforas  ce  que 
je  considère  comme  la  source  de  cet  art  au  Niger,  particulière- 
ment aux  ruines  de  l'ancienne  ville  d'Es  Souk  où  une  dizaine 
de  nécropoles  ont  donné  des  témoins  plus  grossiers. 

«  J'ai  poussé  l'exploration  de  la  zone  désertique,  Tilemsi, 
Adrar,  pays  Kountas,  jusqu'à  ne  plus  trouver,  au  Nord  de  Telaya, 
aucune  inscription  arabe.  Au  delà  d'Es  Souk,  il  n'existe  plus  que 
ces  innombrables  gralfili  dont  les  Touaregs  pasteurs  ont  par- 
semé les  gros  blocs  nucléaires  de  granit,  graffiti  et  dessins 
d'animaux  également  recueillis,  mais  présentant  un  moindre 
intérêt  au  point  de  vue  spécialement  envisagé  par  l'Académie. 

«  Je  suis  heureux  de  signaler  la  bonne  fortune  avec  laquelle 
ces  recherches  ont  pu  être  menées  à  bien  en  ces  déserts,  à 
l'époque  tout  à  fait  opportune.  Quelques  semaines  plus  tard,  des 
bandes  de  pillards  venues  du  Sud  marocain  troublaient  ces  pays 


08  i  SÉANCE    DU    20    DÉCKJJ1SRE    1912 

et  massacraient  la  section  méhariste  avec  laquelle,  par  deux  l'ois, 
ma  modeste  caravane  avait  fait  jonction  au  Nord  de  Tombouctou 
et  de  Gao. 

«  A  mon  retour  au  Niger,  le  même  soin  a  été  apporté  à  déter- 
miner la  limite  sud  de  l'aire  épigraphique  considérée,  qui  fut 
trouvée  un  peu  au  Sud  de  Bentia. 

«  Cette  dernière  nécropole,  que  ma  communication  avait  jus- 
tement signalée  à  l'Académie,  donna  les  résultats  les  plus  fruc- 
tueux. Mes  recherches  purent,  sur  ce  point  seul,  mettre  au  jour 
plus  de  J50  inscriptions  copieuses.  Quelques  fouilles  complé- 
tèrent ces  travaux,  montrant  des  perles  de  terre  cuite,  des  débris 
de  bracelets,  de  grands  vases  de  terre  cuite  dont  l'étude  métho- 
dique sera  poursuivie. 

«  En  résumé,  je  rapporte  de  cette  mission  l'inventaire  de  plus 
de  60  nécropoles  et  la  collection  des  estampages  de  plus  de 
800  inscriptions,  complétée  par  des  dessins,  copies,  photogra- 
phies et  prises  d'échantillons. 

«  En  outre,  une  recherche  d'écrits  m'a  amené  à  rapporter, 
en  original  ou  en  copie,  223  manuscrits  anciens  représentant 
4.000  pages  de  textes  relatifs  à  l'histoire  et  aux  traditions  de 
l'Afrique  intérieure. 

«  Cette  recherche,  assez  difficile,  étant  donnée  la  très  grande 
réserve  des  musulmans  en  ce  qui  concerne  les  documents  en  leur 
possession,  m'a  été  facilitée  par  le  contact  que  j'ai  réussi  à 
prendre  avec  le  célèbre  marabout  Baye,  de  l'Adrar,  qui.  jusqu'ici, 
avait  évité  jalousement  l'approche  des  Européens,  et  au  con- 
cours du  marabout  songhoï  Isoufi  Alilou,  de  Sinder,  qui  n'a  pas 
hésité  à  m'accompagner  avec  ses  copistes  dans  des  régions  où 
les  marabouts,  sans  son  intervention,  me  seraient  restés  fermés. 

«  En  définitive,  cette  mission  s'est  effectuée  sans  aucun  inci- 
dent fâcheux,  sinon  l'écroulement  d'une  case  indigène  sous 
laquelle  je  travaillais  à  mes  copies  de  manuscrits  et  qui  me  laissa 
fort  dangereusement  enseveli.  Les  indigènes  parvinrent,  au  bout 
d'un  certain  temps,  à  me  dégager,  et  il  n'en  résulta  qu'une  hvdar- 
throse  du  genou  qui  me  retint  alité  pendant  un  mois,  à  Sinder. 
Le  travail  de  mes  copistes  put  heureusement  se  poursuivre  pen- 
dant ce  temps,  sans  que  préjudice  fût  porté  à  la  récolte  de  mes 
matériaux. 


SÉANCE    DU    20    DÉCEMBRE    1912  b85 

«  Mon  voyage  se  termina  enfin  par  une  enquête  agricole  et 
des  récoltes  botaniques  au  Cameroun. 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  aujourd'hui  sur  le  bureau  de 
l'Académie  la  collection  de  mes  manuscrits;  celle  des  estam- 
pages suivra  d'ici  à  peu,  acheminée  par  les  soins  du  gouverneur 
du  Haut-Sénégal  et  Niger.  Ces  manuscrits  comprennent  cha- 
cun une  liche  signalétique  repérant  l'original,  son  format,  son 
nombre  de  pages,  etc.,  le  nom  du  détenteur,  celui  "des  copistes, 
l'origine  de  l'ouvrage,  etc. 

«  L'Académie,  en  m'envoyanl  en  Afrique  occidentale,  souhai- 
tait la  constitution  d'un  «  Corpus  »  des  inscriptions  lithiques  du 
Niger.  Ce  «  Corpus  »,  je  crois,  peut  être  considéré  comme  établi. 
Telle  a  été  la  tâche  que  l'Académie  me  voit  heureux  de  sou- 
mettre à  son  agrément,  ambition  de  mes  efforts. 

Le  Président  adresse  à  M.  de  Gh-oncourt  les  félicitations  de 
l'Académie  pour  le  zèle,  le  dévouement  et  la  méthode  apportés 
à  l'exécution  des  recherches  qui  lui  ont  été  confiées. 

M.  Henri  Corhier  fait  ressortir  l'importance  de  la  mission  de 
M.  de  Gironcourt.  L'Académie  l'avait  chargé  de  réunir  les 
inscriptions  arabes  qu'il  pourrait  trouver  dans  la  Boucle  du 
Niger  et  dans  les  environs  :  il  a  pleinement  réussi  dans  sa  lâche. 
M.  Gaudefroy-Demombynes,  professeur  d'arabe  à  l'Ecole  des 
Langues  orientales  vivantes,  a  bien  voulu  se  charger  de  rédiger 
un  inventaire  sommaire  des  manuscrits  rapportés  par  la  mis- 
sion; d'accord  avec  M.  Maurice  Delafosse,  également  professeur 
à  l'École  des  Langues  orientales,  le  même  savant  étudiera  les 
manuscrits  relatifs  à  l'histoire  des  Peuls. 

M.  Cobdier  propose  ensuite  que  les  manuscrits  soient  reliés 
et  déposés  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut,  pour  y  être  consultés 
par  les  savants. 

Cette  proposition,  mise  aux  voix,  est  adoptée  par  l'Académie. 

Après  un  Comité  secret,  le  Président  annonce  que  l'Académie 
vient  de  nommer  comme  correspondant  étranger  M.  Nyrop, 
professeur  à  l'Université  de  Copenhague,  en  remplacement  de 
M.  Gomperz,  de  Vienne,  décède. 


(386 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Schlumberger  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  M.  Biagio  Pace,  de  Païenne,  me  prie  de  présenter  de  sa  part  à 
l'Académie  un  exemplaire  de  la  savante  étude  qu'il  vient  de  publier 
dans  VArchivio  storico  siciliano,  sous  le  litre  :  I  Barbari  e  i  Bizan- 
tini  in  Sicilia.  L'histoire  de  la  Sicile  pendant  les  quatre  siècles,  du 
ve  au  ixc,  que  durèrent  pour  elle  l'occupation  des  Vandales  et  des 
Goths,  puis  le  retour  à  l'empire  byzantin,  est  infiniment  peu  connue. 
Les  documents  sont  fort  rares.  M.  Biagio  Pace,  à  la  suite  d'études 
approfondies,  a  fait  faire  un  grand  progrès  à  cette  question.  En  ce 
volume  de  cent  cinquante  pages,  il  nous  présente  un  tableau  très 
intéressant,  infiniment  mieux  documenté  qu'autrefois,  de  cette 
période  de  l'histoire  sicilienne  obscure  entre  toutes.  Les  deux  pre- 
miers chapitres  sont  consacrés  à  l'époque  de  la  domination  des  Van- 
dales et  des  Goths  et  contiennent  des  pages  curieuses  sur  les  con- 
ceptions politiques  du  roi  Genséric.  Avec  le  chapitre  m  commence 
l'histoire  de  la  nouvelle  occupation  de  la  Sicile  par  les  Byzantins  à 
la  suite  de  l'expédition  de  Bélisaire.  Le  séjour  de  l'empereur  Cons- 
tant II  dans  l'île,  puis  les  premières  incursions  des  Sarrasins  sont 
racontés  d'une  manière  fort  intéressante  ;  de  même  la  fameuse  révolte 
du  prétendant  Euphémius.  Les  trois  derniers  chapitres,  consacrés  à 
l'administration  byzantine  de  la  Sicile  à  celte  époque,  à  sa  topogra- 
phie archéologique  du  ve  au  xe  siècle,  à  sa  numismatique,  sont 
pleins  de  renseignements  nouveaux.  Le  livre  de  M.  Pace  sera  très 
utile  à  tous  ceux  qui  s  occupent  de  l'histoire  sicilienne  durant  le  haut 
moyen  âge.  » 

M.  Charles  Diehl  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  l'auteur,  M.  Jean 
Maspero,  un  nouveau  fascicule  de  son  importante  publication,  Papy- 
rus grecs  d'époque  byzantine  conservés  au  Musée  du  Caire  (t.  II, 
fasc.  2;.  On  y  trouvera  d'intéressants  documents  d'ordre  privé,  tes- 
taments, contrats  de  divorce,  liquidations  de  successions,  contrats 
d'association  ou  d'emprunt,  etc.,  tous  datant  du  vie  siècle  et  qui 
ne  sont  point  sans  intérêt  pour  l'histoire  du  droit.  On  y  ren- 
contre d'autre  part  des  fragments  littéraires,  tels  que  l'Egypte  nous 
en  a,  en  ces  dernières  années,  tant  restitués  déjà.  Malheureusement, 
pour  l'époque  classique,  nous  n'avons  ici    que   quelques    morceaux 


LIVRES    OFFERTS  G87 

du  second  chant  de  l'Iliade,  et  le  gros  de  la  trouvaille  est  formé  de 
poésies  de  circonstance,  œuvre  d'un  poète  provincial,  éloges  d'un 
gouverneur,  épithalames  adressés  à  un  autre  fonctionnaire,  poème 
en  l'honneur  de  l'empereur.  Ces  compositions,  dues  à  un  certain 
Dioscore,  fils  d'Apollos,  dont  on  a  retrouvé  d'autres  poèmes  encore 
dans  les  papyrus  d'Aphrodito,  jettent  un  jour  curieux  sur  la  vie  pro- 
vinciale du  vie  siècle,  comme  M.  Jean  Maspero  l'a  bien  montré  dans 
un  récent  article  do  la  Revue  des  études  grecques  (nov.-déc.  1911). 

«  J'ai  dit,  il  n'y  a  pas  longtemps,  en  présentant  à  l'Académie  un 
autre  fascicule  du  même  .travail,  toutes  les  qualités  de  cette  publica- 
tion :  je  n'y  reviendrai  pas.  Mais  il  convient  de  remercier  M.  Jean 
Maspero  du  zèle  qu'il  apporte  à  mener  rapidement  son  ouvrage  à  bon 
terme.  Quand  il  nous  aura  donné,  très  prochainement,  le  dernier  fas- 
cicule, les  historiens  de  l'Egypte  byzantine  lui  devront  infiniment.  » 

M.  Dieulafoy  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  Adolphe 
Reinach,  un  travail  intitulé  :  Le  temple  d'El-Kala  à  Koptos.  J'ai 
déjà  eu  l'occasion  de  présenter  un  travail  du  même  auteur  sur  les 
monuments  de  l'Egypte  gréco-romaine  et,  à  son  sujet,  j'ai  dit  avec 
quelle  satisfaction  je  voyais  M.  Adolphe  Reinach  s'avancer  dans  les 
voies  scientifiques  où  l'ont  précédé  ses  oncles,  nos  deux  excellents 
et  éminents  confrères. 

«  Le  monument  décrit  aujourd'hui  était  déjà  connu.  Dès  1799,  il 
avait  été  signalé  par  Jollois  et  Devilliers  sous  une  fausse  dénomina- 
tion ;  en  1845,  il  avait  été  vu  par  Lepsius,  et,  en  1883,  il  avait  même 
été  dégagé  par  notre  confrère  M.  Maspero.  Mais  aucune  étude  de 
détail  n'avait  encore  été  entreprise,  et  c'est  cette  monographie  qu'en 
donne  aujourd'hui  M.  Adolphe  Reinach.  Elle  était  d'autant  plus  utile 
que  l'édifice  est  en  mauvais  état  et  que  les  inscriptions,  déjà  très 
frustes  à  la  fin  du  siècle  dernier,  ont  beaucoup  souffert  depuis  cette 
époque.  L*auteur  a  suivi  l'édifice  pierre  par  pierre,  et  il  n'est  pas  une 
particularité  qu'il  ne  signale,  un  hiéroglyphe  ou  une  inscription 
grecque  qu'il  ne  relève. 

«  Il  résulte  de  ce  travail  minutieux  et  méthodique  que  le  petit 
temple  d'El-Kala  fut  peut-être  commencé  sous  le  règne  de  Tibère, 
terminé  sous  celui  de  Claude,  à  l'époque  où  l'art  atteignait  encore 
tant  de  grandeur  dans  le  pronaos  de  Dendérah  ou  dans  celui  de 
Philaî.  En  effet,  comme  le  temple  de  Dendérah,  il  était  sans  doute 
consacré  à  la  triade  Min,  Isis  et  Ilorus,  ainsi  que  l'atteste  la  prédo- 
minance de  leurs  images  sur  les  bas-reliefs;  en  outre,  son  plan  pré- 
sente les  dispositions  classiques  des  édifices  religieux  égyptiens  de 
iyi2.  la 


688  LIVRES    OFFERTS 

l'époque  romaine.  A  cet  égard,  je  signalerai  le  Saint  des  Saints  qui 
occupe  la  partie  antérieure  de  l'édifice  et  qu'un  couloir  d'isolement 
protège  sur  toutes  ses  faces.  Bien  que  cette  protection  soit  pour  ainsi 
dire  consécutive  à  la  destination  de  cette  partie  du  temple  et  qu'on 
la  trouve  déjà  dans  les  édifices  de  l'âge  memphite  tels  que  la  cha- 
pelle funéraire  de  Naousirrîya,  elle  revêt,  dans  le  petit  temple  d'El- 
Kala,  une  forme  très  accusée  qu'il  est  impossible  de  ne  pas  rappro- 
cher de  celle  des  atechgâh  achéménides  où  brûle,  dans  Vatechdân,  le 
feu  sacré  Bahrâm,  ou  de  la  salle  du  trône  du  palais  d'Hatra  construit 
à  l'époque  des  Parthes.  J'ajouterai  que  le  plan  de  ces  salles  d'apparat 
entourées  d'un  déambulatoire  resta  longtemps  traditionnel  chez  les 
Musulmans  ;  je  citerai,  par  exemple,  le  Kasr  el  Ménar  de  la  Kalaa 
des  Béni  Ilammad  relevée  et  publiée  par  le  général  de  Beylié. 

«  Peut-être  y  a-t-il,  dans  ces  divers  édifices,  la  même  relation  de 
cause  à  effet  ;  mais  peut-être,  aussi,  les  Perses,  qui  firent  des  emprunts 
nombreux  à  l'Egypte  pharaonique,  y  copièrent-ils  une  disposition 
dont  l'architecture  palatine  islamique  hérita  par  la  suite.  » 

M.  Omont  a  la  parole  pour  plusieurs  hommages  : 

1°  La  langue  des  Kemant  en  Abyssinie,  par  Carlo  Conti  Bossini 
(Wien,  1912,  in-8°,  xn  et  316  pages.  —  Sprachenkommission  der  k. 
Akademie  der  Wissenschaften,  Bd.  IV). 

<(  Un  savant  italien,  M.  Carlo  Conti  Bossini,  qui  a  rempli,  il  y  a 
quelques  années,  les  fonctions  de  directeur  des  affaires  civiles  de 
l'Erythrée,  m'a  fait  l'honneur  de  me  demander,  malgré  mon  incom- 
pétence, de  présenter  de  sa  part  à  l'Académie  la  grammaire  de 
la  langue  kemant  et  le  vocabulaire  kemant-français,  qu'il  vient  de 
publier  récemment,  en  français,  sous  les  auspices  de  l'Académie  de 
Vienne. 

«  Les  Kemant  sont  une  des  peuplades  indigènes  établies  sur  les 
hauts  plateaux  du  Sud-Ouest  de  l'Ethiopie,  clans  les  environs  de 
Gondar,  antérieurement  à  la  conquête  des  Abyssins.  M.  Conti  Bossini 
avait  recueilli  sur  place  les  premiers  éléments  de  son  étude  linguis- 
tique; les  documents  réunis,  il  y  a  une  soixantaine  d'années,  sur  la 
langue  des  Kemant  par  Antoine  d'Abbadie  et  aujourd'hui  déposés 
avec  sa  collection  de  manuscrits  éthiopiens,  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale par  l'Académie  des  Sciences,  ont  permis  à  M.  Conti  Bossini  de 
donner  sur  la  langue  des  Kemant  l'étude  approfondie,  dont  j'ai 
l'honneur  de  faire  aujourd'hui  hommage  de  la  part  de  ce  savant  à 
l'Académie.  » 

2°  La  vie  de  château  dans  les  Ardenncs  au  XIIe  siècle,  d'après  le 
chroniqueur  (lui  de  Hazoches,  par  L.  Demaison  (Paris,  1912,  in-8°, 
39  pages). 


LIVRES    OFFERTS  689 

«  On  trouvera  dans  les  quelques  pages  de  cette  étude  fine  et  péné- 
trante de  notre  savant  correspondant  beaucoup  plus  que  le  titre  ne 
semble  à  première  vue  le  promettre.  M.  Demaison  nous  décrit,  à  l'aide 
des  renseignements  qu'il  a  puisés  dans  les  lettres  de  Gui  de  Bazoches, 
le  château  des  seigneurs  de  Rumigny,  dans  les  Ardennes,  l'agrément 
du  domaine  qui  l'environnait  et  les  distractions  variées  qu'y  trou- 
vaient ses  hôtes.  Mais,  en  même  temps,  cette  étude  lui  a  donné  occa- 
sion de  préciser  et  de  compléter  sur  plusieurs  points  ce  qu'avaient 
dit  avant  lui  de  Gui  de  Bazoches,  Pétit-Radel,  le  comte  Riant  et 
Wattenbach.  » 

3°  Etienne  Baluze  et  le  «  Tartuffe  »,  par  M.  René  Fage  (Tulle,  1912, 
in-8°,  23  pages). 

«  Le  5  août  1667,1e  Tartuffe  de  Molière  avait  été,  pour  la  première 
fois,  représenté  en  public  sur  le  théâtre  du  Palais-Royal  ;  dès  le  len- 
demain, toute  nouvelle  représentation  en  était  interdite  par  le  Parle- 
ment, et  six  jours  après,  l'archevêque  de  Paris,  Ilardouin  de  Péréfixe, 
le  condamnait  solennellement  à  son  tour.  Les  admirateurs  de  Molière 
s'étaient  entremis  pour  faire  lever  cette  double  interdiction,  mais  il 
semble  bien  que  leur  succès  fut  décidé  par  une  curieuse  consultation 
juridique  demandée  à  Baluze,  bibliothécaire  de  Colbert,  rédigée  sans 
doute  à  la  fin  de  1668,  et  dont  M.  René  Fage  donne  aujourd'hui  le 
texfe,  d'après  la  minute  même  de  Baluze  conservée  à  la  Bibliothèque 
nationale.  » 

M.  Camille  Jullian,  en  présentant,  de  la  part  de  MM.  .1.  et  Ch. 
Cotte,  une  Etude  sur  les  blés  de  V antiquité  classique,  s'exprime  ainsi  : 

«  Le  blé  de  l'antiquité!  Sujet  très  vaste,  très  délicat,  qui  ne  pou- 
vait être  traité  que  par  des  spécialistes.  Les  auteurs  de  ce  livre  ont 
examiné  les  textes,  analysé  les  grains  trouvés  dans  les  ruines, 
exploré  les  terres  arables  de  la  Provence.  Ils  ont  recouru  à  Pline,  à 
la  maison  Vilmorin-Andrieux,  aux  fouilles  des  préhistoriens.  De  là 
quantité  de  petites  découvertes,  dont  doit  tenir  compte  la  science 
du  passé.  » 

M.  C.  Jullian  dépose,  en  outre,  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au 
nom  de  M.  Ch.  Durand,  adjoint  au  maire  de  Périgueux,  le  Compte 
rendu  do  I9I()-I!)N  des  fouilles  de   Vésone  (Périgueux,  191  2,  in-8°). 


690 

SÉANCE  DU   27  DÉCEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     LOUIS    LEGER. 

M.  Omont  communique  à  l'Académie  un  document  nouveau 
sur  Jean  Bourdichon,  le  célèbre  peintre  des  Heures  cl' Anne  de 
Bretagne.  Ce  sont  des  lettres  patentes  de  Louis  XII,  adressées 
aux  trésoriers  de  France  et  relatives  au  paiement,  en  1498, 
de  300  livres  tournois,  acompte  sur  une  somme  de  1 .000  livres 
tournois,  que  Charles  VIII  avait  précédemment  données  à  Bour- 
dichon «  pour  marier  ses  filles  ». 

L'Académie  procède  au  renouvellement  de  son  bureau  pour 
l'année  1913. 

M.  N.  Valois  est  élu  président;  M.  Châtelain,  vice-président. 

Après  un  comité  secret,  le  Président  annonce  que  l'Académie 
vient  de  nommer  correspondants  français  : 

1°  M.  Prudhomme,  archiviste  de  l'Isère,  à  Grenoble,  en  rem- 
placement de  M.  Gauckler,  décédé  ; 

2°  M.  Merlin,  directeur  des  antiquités  et  des  arts  à  Tunis,  en 
remplacement  de  M.  Bailly,  à  Orléans,  décédé  ; 

3°  M.  Fabia,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon,  en 
remplacement  de  M.  le  chanoine  Ulysse  Chevalier,  élu  académi- 
cien libre  ; 

4°  M.  Diirrbach,  professeur  à  l'Université  de  Toulouse,  en 
remplacement  de  M.  Albert  Martin,  à  Nancy,  décédé. 

L'Académie  procède  ensuite  à  la  nomination  des  Commissions 
annuelles.  Sont  élus  : 

Commission  des  travaux  littéraires:  MM.  Bréal,  Senart,  Paul 
Meyer,  Héron  de  Villefosse,  Alfred  Croiset,  Clermont-Ganneau, 
de  Lasteyrie,  Collignon. 

Commission  du  prix  Gobert  :  MM.  Omont,  Élie  Berger,  Mau- 
rice Prou,  Monceaux. 


LIVRES    OFFERTS 


691 


Commission  des  antiquités  de  la  France  :  MM.  Paul  Meyer, 
Héron  de  Villefosse,  Viollet,  de  Lasteyrie,  abbé  Thédenat, 
Omont,  Jullian,  Maurice  Prou. 

Commission  administrative  :  MM.  Alfred  Croiset,  Cagnat. 

Commission  des  Écoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome  : 
MM.  Heuzey,  Foucart,  Meyer,  Collignon,  Cagnat,  Pottier,  Haus- 
soullier,  Maurice  Prou. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Omont  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

((  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
de  notre  correspondant  étranger,  Sir  Edward  Maunde  Thompson, 
directeur  honoraire  du  Musée  Britannique,  un  volume  intitulé  :  An 
Introduction  to  greek  and  latin  Palaeography  (Oxford,  Clarendon 
Press,  1912,  in-8°,  xvi  et  600  pages,  avec  250  facsimilés  dans  le 
texte). 

«  Il  y  a  vingt  ans,  Sir  E.  M.  Thompson  a  publié  un  Handhook  of 
greek  and  latin  Palaeography,  dont  le  mérite  a  été  universellement 
reconnu,  qui  a  eu  trois  éditions  et  qui  a  été  traduit  en  plusieurs 
langues.  Le  volume  que  vient  de  faire  paraître  Sir  E.  M.  Thompson 
n'est  pas  une  réédition  de  ce  Handhook  ;  bien  que  conçu  sur  le  même 
plan,  c'est  un  livre  nouveau.  Ses  qualités  de  clarté,  d'information 
sûre  et  exacte,  jointes  à  une  documentation  abondante,  à  une  illus- 
tration heureusement  choisie,  font  de  ce  traité  complet  de  paléogra- 
phie grecque  et  latine,  depuis  l'antiquité  jusqu'au  xve  siècle,  un 
modèle,  qu'on  pourra  essayer  d'imiter,  mais  qu'on  parviendra  diffi- 
cilement à  surpasser.  Sir  Edward  Maunde  Thompson  est  un  des 
maîtres  incontestés  des  études  paléographiques  ;  depuis  quarante 
ans,  il  dirige  l'importante  collection  de  la  Palaeographical  Society 
de  Londres,  et  le  présent  volume  forme  en  quelque  sorte  une  magis- 
trale introduction  à  cet  incomparable  recueil.  J'ajouterai  que  Sir  E. 
M.  Thompson  a  dédié  ce  beau  volume,  qui  fait  honneur  à  la  Claren- 
don Press  d'Oxford,  à  la  mémoire  de  trois  savants  auxquels  les 
études  paléographiques  sonl  particulièrement  redevables  :  E.  A. 
Bond,  \Y.  Wattenbach  et  notre  regretté  confrère  Léopold  Delisle.  » 


692  LIVRES    OFFERTS 

M.  Perrot  offre  un  volume  intitulé  : 

Mélanges  Cagxat.  Recueil  de  mémoires  concernant  Vépigraphie  et 
les  antiquités  romaines,  dédié  par  ses  anciens  élèves  du  Collège  de 
France  à  M.  René  Cagnat,  à  Voccasion  du  25e  anniversaire  de  sa 
nomination  comme  professeur  au  Collège  de  France  (Paris,  Leroux, 
1912,  in-8°). 

«  Ce  volume,  qui  s'ouvre  par  un  beau  portrait  du  maître,  se  dis- 
tingue de  beaucoup  d'autres  recueils  du  même  genre  en  ce  que,  pour 
le  composer,  il  n'a  pas  été  fait  appel  à  des  confrères  ou  collègues  de 
M.  Gagnât,  à  des  savants  français  ou  étrangers,  ses  contemporains 
ou  ses  aines.  Il  est  formé  tout  entier  d'articles  écrits  par  des  hommes 
encore  jeunes,  qui  ont  suivi  au  Collège  de  France  l'enseignement  si 
fécond  et  si  varié  de  M.  Cagnat.  C'est  un  monument  de  reconnais- 
sance affectueuse  et,  si  Ton  peut  employer  cette  expression,  de  piété 
scolaire.. Les  élèves  de  M.  Cagnat  lui  font  d'ailleurs  grand  honneur. 
Les  vingt-cinq  courts  mémoires  que  renferme  le  ,volume  offrent  tous 
de  l'intérêt,  et  quelques-uns  d'entre  eux  nous  apportent  des  solutions 
neuves  de  problèmes  qui  ont  été  très  discutés.  » 

M.  Senart  présente  les  treize  premiers  fascicules  de  l'édition  fran- 
çaise de  YEncyclopédie  de  V Islam  (Paris  et  Leyde,  1910  et  1911)  : 

(f  J'ai,  à  plusieurs  reprises,  plaidé  devant  l'Académie  la  cause  de 
cette  publication  :  c'est  à  cette  circonstance  que  je  dois  le  privilège 
de  lui  faire  hommage  des  fascicules  parus  de  l'édition  française.  Il 
n'est  pas  besoin  d'une  compétence  spéciale  pour  être  assuré  qu'une 
publication  qui  a  recueilli  les  suffrages  de  l'Association  internationale 
des  Académies,  qui  est  dirigée  par  des  savants  comme  MM.  Snouck 
Hurgronje,  Houtsma,  René  Basset,  Arnold,  etc.,  est  bien  à  la  hauteur 
de  ce  qu'elle  promet. 

«  L'Encyclopédie  a  été  conçue  dans  le  cadre  historique  et  géogra- 
phique. Elle  semble  bien  s'étendre  à  tout  ce  qui,  dans  le  sens  le  plus 
large,  constitue  le  développement  historique.  C'est  donc  une  vraie 
mine  de  renseignements  précieux,  mise  au  point  par  les  savants  les 
plus  compétents  et  présentée  en  des  monographies  solides  dont  la 
lecture  est  souvent  extrêmement  attachante,  même  pour  les  plus  pro- 
fanes, et  dont  l'importance  est  rehaussée  par  le  soin  tout  particulier 
dont  la  bibliographie  paraît  avoir  été  l'objet. 

«  Si  l'on  a  senti  de  bonne  heure  la  nécessité  de  ramasser  en  un 
foyer  le  plus  possible  des  informations,  si  dispersées  et  si  complexes, 
qui  concernent  le  monde  immense  de  l'Islam,  la  rénovation  et  l'ex- 
tension de  ces  études  depuis  un  siècle  faisaient  une  nécessité  de 
renouveler  cette  tentative  avec  des  moyens  singulièrement  accrus 
et  de   ne  négliger  aucun  effort  pour  la  mener  à  bonne  fin. 


LIVRES    OFFERTS  693 

<(  Nous  avons  ici  la  preuve  que  l'entreprise  est  conduite  avec  toute 
l'autorité  et  la  compétence  désirables;  nous  avons,  en  même  temps, 
la  satisfaction  de  constater  que  la  publication  parallèle  de  l'édition 
française,  en  même  temps  qu'elle  esl  un  hommage  rendu  à  la  colla- 
boration très  importante  de  beaucoup  de  travailleurs  français,  four- 
nira aux  nombreux  fonctionnaires  qui  ont  à  faire,  au  nom  de  la 
France,  avec  des  populations  musulmanes,  des  renseignements  sou- 
vent indispensables  autant  que  difficilement  accessibles.  » 


694 


COMMISSION   DES    INSCRIPTIONS 
ET   MÉDAILLES 


SÉANCE    DU    29    MARS    1912 

Présents  :   MM.  Folcart,  Cagnat,  abbé  Thédenat. 

La  ville  de  Valenciennes  demande  à  l'Académie  de  lui  fournir 
une  inscription  pour  un  Bureau  de  bienfaisance  qu'elle  fait  cons- 
truire. 

La  Commission  propose  la  rédaction  suivante  : 

DANS    CET    ÉDIFICE 

AVTREFOIS 

COYVENT    DES    RELIGIEVSES 

SEMERJENNES 

PLVS    TARD    POSTE    AVX    CHEVAVX 

LA     VILLE 

DE 

VALENCIENNES 

A    ÉTABLI 

LE    BVREAV    DE    BIENFAISANCE 

LE    II    JAN'VIER    MDCCCCXI 

PRÉSIDENT   :    CHARLES    DEVILLER    MAIRE 

VICE    PRÉSIDENT  :   EDOVARD   DEBROSSE 

ADMINISTRATEVRS 

HECTOR    COULON  PAVL    DREMAVX 

HENRI    GRAVIS  PAVL    DVBVS 

PAVL    DENIAVX 


COMMISSION    DES    INSCRIPTIONS    ET     MÉDAILLES  69o 


SÉANCE    DU    13    DÉCEMBRE    1912 

Présents  :  MM.  Foucart  et  Gagnât. 

Le  Directeur  des  Musées  nationaux  demande  à  l'Académie 
de  lui  fournir  deux  modèles  d'inscriptions  destinées  à  rappeler 
le  courage  du  commandant  de  Sigoyer  et  des  conservateurs  du 
Musée  du  Louvre,  au  mois  de  mai  1871. 

La  Commission  propose  la  double  rédaction  suivante,  qui  sera 
soumise  au  choix  de  M.  le  Directeur  : 

1°  24    MAI    187I 

MARTIAN    DE    BERNARDY    DE    SIGOYER 

COMMANDANT    LE    XXVIe   BATAILLON 

DE    CHASSEVRS   A    PIED 

MAI     187I 

HENRI    BARBET    DE   JOVY 

CONSERVATEVR    DV    MVSÉE    DV    LOVVRE 

ANTOINE    HÉRON    DE    VILLEFOSSE 

ATTACHÉ    AV    DÉPARTEMENT    DES    ANTIQVES 

LÉON    MORAND 

CHEF    DV    BVREAU    ADMINISTRATIF    DES    MVSÉES 


2°  LE    24    MAI     iSjI 

MARTIAN    DE    BERNARDY    DE    SIGOYER 

COMMANDANT    LE    XXVIe    BATAILLON 

DE    CHASSEVRS    A    PIED 

PAR    SON    INITIATIVE    ÉNERGIQVE 

A    SAUVÉ    LE    LOVVRE    DE    L'iNCENDIE 

EN    MAI     187I 

HENRI    BARBET    DE   JOVY 

CONSERVATEVR    DV    MVSÉE    DV    LOVVRE 

ANTOINE    HÉKON    DE    VILLE  FOSSE 

ATTACHÉ    AV    DÉPARTEMENT    DES    AXTIQVES 


096  COMMISSION    DES    INSCRIPTIONS    ET    MÉDAILLES 

LÉON    MORAND 

CHEF    DV    BVREAV    ADMINISTRATIF    DES    MVSÉES 

PAR    LEVR    COVRAGE    ET    LEVR    DÉCISION 

ONT    ASSURÉ    LA    DÉFENSE   INTÉRIEURE    DU    LOUVRE 

ET    CONSERVÉ    A    LA    FRANCE 

SES    COLLECTIONS    NATIONALES 


697 


PÉRIODIQUES      OFFERTS 


American  Journal  of  Archaeology,  1912.  Vol.  16.  N°  1,  janvier- 
mars  (New-York,  in-8°). 

Analecta  Bollandiana,  tome  XXX,  fasc.  4;  tome  XXXI,  fasc.  1, 
2  et  3  (Bruxelles- Paris,  1912,  in-8°). 

Anales  del  Museo  Nacional  de  Mexico,  tome  III,  nos  3  à  12  ;  tome  IV, 
nos  1  et  2  (Mexico,  in-8°). 

Annales  du  Commerce  extérieur,  année  1911,  fasc.  8  à  12;  —  1912, 
fasc.  1  à  5  (Paris,  1911  et  1912,  in-8°). 

Annales  de  la  Société  archéologique  de  Namur,  tome  XXX,  lrP  et 
2e  livraisons  (Namur,  1912,  in-8°). 

Archaeological  Institute  of  America.  American  Journal  of  Archaeo- 
logy,  décembre  1911  ;  avril-juin  1912  (New-York  London,  in-8"). 

Atti  délia  R.  Accademia  dei  Lincei,  1911,  fasc.  7  à  12;  1912,  fasc.  1 
et  2  (Roma,  1911  et  1912,  in-8°). 

Biblioteca  nazionale  centrale  di  Firenze.  Bollettino  délie  pubblica- 
zioni  ilaliane  ricevute  per  dirilto  di  stampa,  nos  132  à  142  (Firenze, 
1912,  in-8°). 

Bibliothèque  de  V École  des  Chartes,  septembre-décembre  1911, 
janvier-août  1912  (Paris,  1911-1912,  in-8°). 

Boletin  del  Museo  Nacional  de  arqueologia,  historia  y  etnologia, 
janvier,  novembre,  décembre  1911  ;  août  1912  (Mexico,  1912,  in-8°). 

Boletin  del  Archivo  Nacional,  novembre-décembre  1911  ;  juillet- 
octobre  1912  (Habana,  in-8°). 

Boletin  de  Associaçào  dos  archeologos  porluguezes,  tome  XII,  nos  2 
à  10  (Lisboa,1911,  in-8°). 

Boletin  de  la  Sociedad  mexicana  de  geografta  y  esladistica,  tome  IV, 
nos  8  à  14;  tome  V,  n°s  1  à  10  (Mexico,  191 1-1912,  in-8°). 

Bollettino  delV  AsBociazione  afcheologica  romana,  anno  II,  n°  4 
(Roma,  in-8"). 

Bu  Ilot  in  monumental,  75e  vol.,  nos  5,  0;  70e  vol.,  nos  1,  2,  3  et  4 
(Paris  et  Caen,  1911-1912,  in-8»). 

Bulletin  historique  et  scientifique  dé  TAuvergrie,  1911,  nos '••  cl  H) 
(Clermont-Ferrand,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  de 
Béziers  (Hérault),  tome  IX,  l,e  livraison  (Béziers,  in-S°). 


B98  PERIODIQUES    OFFERTS 

Bulletin  bibliographique  et  pédagogique  du  Musée  belge,  mars- 
décembre  1911  ;  janvier-mars  1912  (Louvain,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  d'émulation  du  Bourbonnais, année  1911,  nos  7 
à  12;  année  1912,  nos  1  à  7  (Moulins,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  scientifique,  historique  et  archéologique  de 
la  Corrèze,  octobre-décembre  1911;  janvier-juin  1912  (Brive,  1911- 
1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  la  Corrèze, 
octobre-décembre  1911  ;  janvier-mars  1912  (Tulle,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  international  de  V Académie  des  sciences  de  Cracovie, 
avril-décembre  1911;  janvier-juin  1912  (Cracovie,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Diana,  avril-décembre  1910;  année  1911,  janvier- 
mars  1912  (Montbrison,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Finistère,  année  1910,  lre 
à  10e  livraisons  de  1911  (Quimper,  1911,in-8°). 

Bulletin  trimestriel  de  la  Société  archéologique  d'Eure-et-Loir.  Pro- 
cès-verbaux, janvier-décembre  1912  (Chartres,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève,  tome  III, 
livraison  6  (Genève,  1911,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  d'agriculture,  lettres,  sciences  et  arts  du  dépar- 
tement de  la  Haute-Saône,  années  1911  et  1912  (Vesoul  et  Paris,  in-8°j. 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Langres,  nos  85, 
86  (Langres,  1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Midi  de  la  France,  nos  39  et 
40  (Toulouse,  1909,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Conunission  archéologique  de  Narhonne,  année  1912, 
1er  semestre  (Narbonne,  1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  Normandie,  1912,  1er  et 
2e  semestre  (in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  4e  trimestre  1911  ; 
1er  et  2e  trimestres  1913  (Poitiers,  1911-1912,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Périgord, 
septembre-décembre  1911;  janvier-octobre  1912  (Périgueux,  1911- 
1912,  in-8°). 

Bulletin  trimestriel  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Picardie, 
année  1911,  3e  et  4e  trimestres;  année  1912,  1er  et  2e  trimestres 
(Amiens,  1912,  in-8°). 

Bulletin  trimestriel  de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  2e,  3e 
et  4e  trimestres  1911  (Tours,  1911,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  d'Alexandrie,  tome  III,  3e  fasc. 
(Alexandrie,  1912,  in-8°). 

Bulletin  mensuel  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  du  Vimeu, 
nos  57  à  65  (Saint-Valery-sur-Somme,  1912,  in-8°). 


PÉRIODIQUES    OFFERTS  699 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de 
l'Yonne,  année  1911,  65e  vol.  (Auxerre,  1912,  in-8u). 

École  française  d'Extrême-Orient.  Bulletin,  1911  (Hanoï,  1910, 
in-8°). 

École  française  de  Rome.  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire, 
juin-décembre  1911;  janvier-août  1912  (Paris  et  Rome,  in-8°). 

Encyclopédie  de  l'Islam,  12e,  13e  et  14e  livraisons  (Leyde  et  Paris, 
1912,  in-8°). 

Journal  of  the  American  Oriental  Society,  octobre  à  décembre  1911  ; 
janvier  à  septembre  1912  (New-Haven,  Connecticut,  in-8°). 

Journal  Asiatique,  novembre-décembre  1911;  janvier-août  1912 
(Paris,  in-8°). 

Journal  de  la  Société  des  Américanistes  de  Paris,  tome  VIII,  fasc.  1 
et  2;  tome  IX,  fasc.  1  et  2  (Paris,  1912,  in-4°). 

Journal  of  the  Royal  Institute  of  British  Architecls,  vol.  XVIII, 
nos  6  à  15  ;  vol.  XIX,  n°s  1  à  4  (London,  1911  et  1912,  in-8°). 

Machriq  (Al),  Revue  catholique  orientale,  octobre-décembre  1911; 
janvier-décembre  1912  (Reyroulh,  1911  et  1912,  in-8°). 

Mitteilungen  des  kaiserlich-deulschen  archaeologischen  Instituts. 
Alhenische  Ableilung,  tome  XXXVI,  fasc.  3  et  4  ;  tome  XXXVII, 
fasc.  1  (Athen,  1910  et  1911,  in-8°). 

Musée  belge  (Le).  Revue  de  philologie  classique,  15  avril-15 
décembre  1911  ;  15  janvier-15  octobre  1912  (Louvain,  in-4°). 

Polybiblion.  Revue  bibliographique  universelle,  juillet  1912  (Paris, 
in-8°). 

Proceedings  of  the  Society  of  biblical  archaeology,  janvier  à  juillet 
1912  (London,  1912,  in-8°). 

Proceedings  of  the  Royal  Society  of  Edinburgh,  vol.  XXXI,  part.  5; 
vol.  XXXII,  parts  1  à  4  (Edinburgh,  1912,  in-8°). 

Proceedings  of  the  American  Philosophical  Society  held  al  Phila- 
delphia,  septembre-décembre  191 1  ;  janvier-juillet  1912  (Philadelphia, 
1912,  in-8°). 

Proceedings  of  the  Society  of  (lie  Antiquaries  of  Scotland,  1910- 

1911  (Edinburgh,  19H,in-8°). 

Rendiconti  délia  R.  Accademia  dei  Lincei,  vol.  XX,  fasc.  1  à  12; 
vol.  XXI,  fasc.  5  et  6  (Roma,  1912,  in-8°). 

Revisla  de  archivos ,  bihliolecas  y  museos ,  septembre-décembre 
1911;  janvier-août  1912  (Madrid,  1911-1912,  in-8°). 

Revue  africaine,  nos  282  et  283  (Alger,  1912,  in-8°). 

Revue  algérienne  et  tunisienne,  juillet-décembre  1911  ;  janvier- 
septembre  1912  (Alger,  1911-1912,  in-8°). 

Revue   archéologique,  novembre-décembre    1911  ;  janvier-octobre 

1912  (Paris,  1911-1912,  in-8°). 


700  PÉRIODIQUES    OFFERTS 

Bévue  biblique  internationale,  novembre-décembre   1911  ;  janvier- 
octobre  1912  (Paris  et  Rome,  1912,  in-8°). 

Revue  savoisienne,   1911,  3e  et  4e  trimestres;   1912,  1er,  2e  et  3e  tri- 
mestres (Annecy,  1911-1912,  in-8°). 

Bévue  scientifique  d'épigraphie  et  d'histoire  ancienne,  août-décembre 
1911  ;  janvier  1912  (Paris,  1912,  in-8°). 

Bévue  sémitique.  Directeur  J.  Halévy,  avril  et  juillet  1912  (Paris 
1912,  in-8°). 

Bévue   historique  et  archéologique  du    Maine,  année  1911,  second 
semestre  (Mamers  et  Le  Mans,  1911,  in-8°). 

Bévue  des  questions  historiques,  livraisons  181  à  184  (Paris,  1911- 
1912,  in-8°). 

Bômisch-germanisches   Korrespondenzblatt,  n05  1,2  et  3,  janvier- 
août  1912  (Trêves,  in-8°). 

Sitzungsberichte  der  kôniglich-preussischen  Akademie  der  Wissen- 
schaften,  année  1912.  VIII-IX    Berlin,  1912,  in-8°). 

Société  archéologique  et  historique  de  VOrléanais,  Bulletin,  1er,  2e 
et  3e  trimestres  1912  (Paris  et  Orléans,  1912,  in-8°). 

Université  catholique   de  Louvain.  Bévue  d'histoire  ecclésiastique, 
13e  année,  n°  15,  janvier  1912  (Louvain,  1912,  in-8°). 

Universily  of  Illinois.  Bulletin  n°  6  (Urbana,  1911-1912,  in-8°). 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Absyue.  Origine  de  cette  prépo- 
sition latine,  119. 

Académie  des  Inscriptions.  — 
Voy.  Dacier,  Dusaulx,  Rousset. 

Administrative  (Commission), 
691. 

Affranchissement  de  serfs  de  la 
châtellenie  de  Pierrefonds  par 
Blanche  de  Castille,  415. 

Afrique.  Nouvelles  de  la  mission 
de  M.  de  Gironcourt  dans  la 
Bouche  du  Niger,  43,  103,  158, 
407,  428,  510,  541  ;  —  rapport, 
681.  —  Voy.  Algérie,  Althibu- 
ros,  Carthage,  Devedeix,  Giron- 
court, Kabylie,  Madaure,  Ma- 
roc, Souk  El-Abiod,  Sousse, 
Thuburbo  Majus,  Tilho,  Tuni- 
sie, Zama. 

Aguilar  de  Anguita  (Espagne). 
Fouilles  dans  la  nécropole,  526. 

Aix  en  Provence.  Bas-relief  con- 
servé au  Musée  de  cette  ville 
et  provenant  de  l'île  de  Rhénée 
(Délos),  639,  641. 

Albertini  (Eugène).  Lion  ibérique 
de  Baena,  161,  162. 

Alésia  (  Alise-Sainle-Rcine).  Nou- 
velles découvertes,  173,  543. — 
Ouvrage  de  défense  probable- 
ment construit  par  les  Gaulois 
lors  du  siège,  481 . 

Alexandre  à  l'égide,  Ï92. 


Algérie.  Epilaphe  métrique  de 
Madaure,  151 . 

Alpe  (prairie  de  montagne).  Mot 
à  substituer  à  valde  dans  Ca- 
tulle (68,  59),  119. 

Althiburos  (auj.  Medeina),  Tuni- 
sie. Fouilles,  417. 

Amérique.  Dernières  recherches 
faites  sur  ce  pays,  340. 

Amphore  corinthienne  trouvée 
dans  la  nécropole  de  Bordj- 
Djedid  a  Carthage,  341. 

Annales  de  VEst.  Tables,  46. 

Anneau  trouvé  dans  un  tombeau 
de  femme  à  Thuburbo  Majus, 
359. 

Année  épigraphique.  Tables,  29. 

Annuaire  général  de  V  Indo- 
Chine,  511. 

Antiochus  III  le  Grand  (La  mort 
d')  et  la  fin  d'Antiochus  IV  Épi- 
phane,  543. 

Antiquités  de  la  France  (Con- 
cours des),  5.  —  Rapport,  149, 
247,  257.  —  Commission,  691:. 

Antonin  (L'empereur).  Base  éri- 
gée en  son  honneur  par  M.  Va- 
lerius  [Quadratus?],  425. 

Anziani  (D.).  Amphore  corin- 
thienne trouvée  dans  la  nécro- 
pole de  Bordj-Djedid  à  Car- 
thage, 341. 


702 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


'AitoxîJpuÇiç.  Novclle  de  Justinien 
relative  à  cette  institution, 
530,   646. 

Apollon.  Fragment  d'une  tête 
archaïque  de  ce  dieu,  décou- 
vert à  Thasos,  208. 

ARBOIS     DE     JlIBAlNVILLE      (H.     d')  . 

Tain  Bô  Cûalnge,  344.  —  No- 
tice nécrologique,  476. 

Arcadius  (L'empereur).  Base 
honorifique  à  lui  dédiée,  décou- 
verte à  Souk  El-Abiod  (Pup- 
put),  115,  116,376. 

Archives   marocaines,  39. 

Archivistes  paléographes.  Déli- 
vrance des  diplômes,  568. 

Arcobriga  (Espagne).  Fouilles 
dans  la  nécropole  ibérique, 
529. 

Armure  (L'j  aux  temps  de  Narâm 
Sin,  122,  296. 

Arvanitopoullos,  éphore  des  anti- 
quités de  Thessalie  et  de 
Phthiotide.  Découverte  de  deux 
nouveaux  dépôts  de  stèles 
peintes  à  Pagasae,  près  de 
Volo,  104. 

Asie.  —  Voy.  Babylone,  Bagdad, 
Béryte,  Bitokix,  Chine,  Cius, 
Mésopotamie,  Suse. 

Astrologues  chaldéens  (Pline  et 
les),  308,  497. 

Atellane  (Textes  de  divers  auteurs 
classiques  relatifs    à    1'),   344. 

Athènes.  L'ancien  Parthénon, 
167. 

Attiques  déliens,  104,   105. 

Audollent  (Auguste).  Nécropole 
des  Martres-de-Veyre,  77. 

Avebury  (Lord).  The  origin  of 
civilizalion.   634. 

Avezou.  Fouilles  à  Thasos,  60. — 


Découverte,  à  Délos,  d'une  tête 
de  bronze  représentant  un  per- 
sonnage romain,  510. 

Babelon  (Ernest).  Commissions, 
4.  —  Rapport,  53.  —  Trouvaille 
de  monnaies  grecques  ar- 
chaïques à  Tarenle,  100.  — 
Lettre  de  M.  Toutain  annon- 
çant de  nouvelles  découvertes 
sur  le  plateau  d'Alésia,  173. — 
Moneta,  513,  531,  637,  640.  — 
Observations,  416.  —  Médailles 
historiques  du  règne  de  Napo- 
léon empereur  et  roi,  50.  — 
Mélanges  numismaliques,  366. 
—  Hommages,  120,  675. 

Babylonie.  Chronologie  du  règne 
et  date  du  Code  de  Hammou- 
rabi,  5.  —  Tablette  contenant 
le  plan  descriptif  du  grand 
temple  Ésagil,  148.  —  Inscrip- 
tion cunéiforme  relatant  l'ex- 
pulsion des  Gouli,  160.  —  Ta- 
blette concernant  les  ancien- 
nes dynasties  de  la  Babylonie, 
416.  —  Poids  daté  du  règne 
d'Ourou-Kaghina,  477,  478.  — 
Texte  relatif  aux  palmeraies  de 
Mésopotamie,  491 .  —  Docu- 
ments relatifs  au  roi  Nabonide, 
au  sanctuaire  d'Ur  et  au  culte 
des  morts,  680. 

Bacot  (Jacques).  Documents  his- 
toriques rapportés  de  ses  deux 
missions  aux  confins  de  la 
Chine  et  du  Tibet,  319. 

Baena  (province  de  Cordoue). 
Lion  ibérique,  161,  162. 

Bagdad.  École  construite  en  celle 
ville  par  le  khalife  Mustansir, 
48.  —  Voy.  Messayeh. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


703 


Barbet  de  Jouy  (Henry).  Inscrip- 
tion rappelant  le  courage  par 
lui  montré  dans  la  défense  du 
Musée  du  Louvre  en  mai  1871, 
693. 

Barennes  (Jean).  Viticulture  et 
vinification  en  Bordelais  nu 
moyen  âge,  633. 

Bahth  (Auguste).  Commissions, 
4,  511. 

Basset  (René),  correspondant. 
Lettre  relative  à  Y  Encyclopédie 
de  VIslam,  166.  —  Mission  de 
M.  Boulifa  eu  haute  Kabylie, 
320,  335. 

Baliffol  (Louis).  Les  travaux  du 
Louvre  sous  Henri  IV,  316. 

Bauer  (Ignace  de).  Bracelet  ibéri- 
que en  or  de  sa  collection,  491. 

Baye  (Baron  de),  Smolensk,  171. 
—  Karamzin  et  J.-J.  Rousseau, 
455. 

Bayet  (Ch.),  correspondant.  Can- 
didat, 14,  44. 

Bégouen  (Comte).  Grotte  ornée 
de  gravures  et  de  peintures 
préhistoriques  découverte  à 
Montesquieu- A  vantés,  415,430- 
432.  —  Statues  d'argile  préhis- 
toriques de  la  caverne  du  Tue 
d'Audoubert,  à  Montesquieu  - 
Avantès,  531,  532. 

Berger  (Élie).  Commissions,  4, 
690.  —  Affranchissements  de 
serfs  de  la  chàtellenie  de  Pier- 
refonds  par  Blanche  de  Cas- 
tille,  w:>. 

Berger  (Philippe).  Commissions, 
4.  —  Décédé,  75. 

Berlin.    Bronze  du    Cabinet  des 
médailles  dé  cette  ville  autre- 
fois attribué  h  Cius  en  Bithy- 
1912. 


nie  et  appartenant  à  un  prince 
galale  nommé  Bitokix,  491, 
493.  —  Collections  de  photo- 
graphies du  Musée  des  arts 
décoratifs  (tapisseries,  etc.), 
495-496. 

Béryte.  Inscription  latine  concer- 
nant Valcrius  Bufus,  tribun  de 
la  légion  VII  Claudia,  217. 

Besnier  (Maurice).  Un  bas-relief 
de  Délos  au  Musée  d'Aix  en 
Provence,  639,  641.  — Tables 
de    VAnnée    épigraphique,    29. 

Beyrouth  (Syrie).  — Voy.  Béryte. 

Biarnay.  Fouilles  aux  environs 
de  Tanger,  39. 

Bibliothèque  de  l'Institut.  Ms. 
contenant  des  poésies  et  un 
portrait  de  l'humaniste  Leo- 
nardo  Montagna,  394.  —  Feuil- 
lets d'un  ms.  de  Léonard  de 
Vinci  relatif  au  vol  des  oiseaux, 
dérobés  par  Libri ,  460.  — 
Dépôt  des  manuscrits  recueillis 
par  M.  de  Gironcourt  dans  sa 
mission  en  Afrique,  685. 

Bibliothèque  nationale.  Ms.  con- 
tenant un  résumé  politique  de 
l'histoire  des  rois  de  France 
jusqu'à  Louis  XII,  offert  par 
M.  le  baron  de  Faviers,  173, 
175.  —  Peintures  du  ms.  latin 
1156  A,  174.  —  Ms.  grec  des 
Evangiles  et  du  Psautier  illus- 
tré, :;n,  514. 

Bijoux  trouvés  dans  le  tombeau 
d'une  chrétienne  à  Thuburbo 
Majus,358,  359. 

Bithynie.  —  Voy.  Cius. 

Bitokix,  roi  de  Galatie.  Bronze 
du  Cabinet  des  médailles  de 
Berlin,   191,  494. 

16 


704 


TABLE    ALPHABETIQUE 


Blanche  de  Castille.  Affranchis- 
sements de  serfs  de  la  châtel- 
lenie  de  Pierrefonds,  415. 

Blanchet  (Adrien).  Candidat,  17, 
44.  —  Fondation  de  l'empire 
gaulois  par  Postume,  161.  — 
Manuel  de  numismatique  fran- 
çaise, 674. 

Blanchet  (Médaille  Paul).  Com- 
mission,  4. 

Boirot  (Max).  Plaque  votive  en 
marbre  trouvée  à  Bourbon- 
Lancy  et  probablement  con- 
sacrée aux  divinités  Borvo  et 
Damona  par  le  Gaulois  Suado- 
rix,  341. 

Bordeaux.  Bi-centenaire  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  belles- 
lettres  et  arts,  270. 

Bordin  (Prix),  2.  —  Bapport,  54. 

Bordin  (Prix  extraordinaire),  511, 
530. 

Borland  (Miss).  Découverte,  à  la 
Bibliothèque  de  l'Université 
d'Edimbourg,  de  deux  frag- 
ments d'un  poème  en  langue 
d'oïl  sur  Philippe-Auguste,  148. 

Borvo,  divinité  gauloise,  341. 

Bouché-Leclercq  (A.).  Commis- 
sion, 4.  —  La  mort  d'Antio- 
chus  III  le  Grand  et  la  fin 
d'Antiochus  IV  Épiphane,  543. 
—  Observations,  150,  308.  — 
Hommages,  73,  368. 

Boulifa.  Documents  par  lui  rap- 
portés de  sa  mission  en  Haute 
Kabylie,  320,  335. 

Boulogne-sur-Mer.  Monument 
élevé  à  la  mémoire  du  Dr  E.-T. 
Hamy,  247 . 

Bourbon-Lancy  (Saône-et-Loire). 
Plaque   votive  en  marbre  pro- 


bablement consacrée  aux  divi- 
nités Borvo  et  Damona  par  un 
Gaulois  nommé  Suadorix,  341. 

Bourdichon  (Jean).  Lettres  pa- 
tentes de  Louis  XII  en  faveur 
de  ce  peintre,  690. 

Bourguet  (Emile).  Fouilles  de 
Delphes,  16. 

Bréal  (Michel).  Commission,  690. 
—  Observations,  30. 

Bretonnes  (Gloses)  dans  le  ms. 
802  d'Orléans,  308. 

Broches  processionnelles,  82,  83, 
97. 

Brunel  (Prix),  5.  —  Rapport,  122, 
432,  443. 

Bruston  (Charles).  Les  odes  de 
Salomon,   523. 

Bruxelles.  Epitaphe  métrique  de 
Madaure  au  Musée  du  Cin- 
quantenaire,  151,  —  Procès- 
verbaux  du  Conc/rès  interna- 
tional de  numismatique  de  1910, 
120. 

Bulletin  de  l'Ecole  française 
d' Extrême-Orient ,  24. 

Byzacène.  —  Voy.  Synesius  (FI.). 

Cabilonnenses  (Oppidani),  Cha- 
lon-sur-Saône. Piédestal  por- 
tant une  dédicace  par  eux 
faite  à  la  déesse  Souconna, 
678. 

Cagnat  (René).  Commissions,  4, 
691,  694.  —  La  frontière  ro- 
maine de  la  Tripolilaine,  11, 
14,  27.  —  Bapport  du  capitaine 
Venet  sur  les  ruines  de  Sidi- 
Ali-bou-Djenoun  (Colonia  Ba- 
nasa,  Maroc),  29.  —  Fouilles 
de  MM.  Biarnay  et  Pérétié  aux 
environs     de    Tanger,    39.   — 


TABLE    ALPIIAMLTIOl  E 


705 


Note  de  M.  Merlin  sur  la  dé- 
couverte d'une  inscription  la- 
tine à  Souk  El-Abiod ,  par 
MM.  Vaubourdolle  et  Ilaack, 
115.  _  Note  de  M.  Basset  sur 
la  mission  de  M.  Boulifa  en 
haute  Kabylie,  320.  —  Note  de 
M.  L.  Constans  sur  les  puissan- 
ces tribuniciennes  de  Néron, 
371.— Note  de  M.  Ph.  Fabia 
sur  l'exploration  archéologique 
de  Fourvière,  412.  —  Note  de 
M.  Merlin  sur  l'emplacement 
du  champ  de  bataille  de  Zama, 
477.  —  A  travers  le  momie 
romain,  044.  —  Mélanges  Ca- 
gnat,  692.  —  Observations, 
273,  410.  —  Hommages,  29, 
37,  41,  45. 

Calbinus  ou  Calvinus  (FI.).  Base 
honorifique  par  lui  dédiée  à 
l'empereur  Arcadius,  115,  116. 

Canessa  (Ercole).  Don,  par  lui 
fait  au  Musée  du  Louvre,  d'un 
socle  en  bronze  provenant  de 
Saint-Marcel-les-Chalon  et  por- 
tant une  inscription  en  l'hon- 
neur de  la  déesse  Temusio, 
680. 

Canoniques  (Collections)  de  l'Ita- 
lie méridionale,  du  ixp  au  xie 
siècle,  640. 

Cap  Blanc,  près  Laussel  (Dor- 
dogne).  Squelette  humain  fos- 
sile, 433,  451. 

Capitan  (D1').  Candidat,  14,  44. — 
Caractères  de  l'architecture 
maya,  18.  —  Trois  nouveau \ 
squelettes  humains  fossiles, 
433,  449. 

Cappadoce.  Églises  souterraines, 
317,  320.   —   Iconographie  «les 


peintures  de  ces  églises,  318, 
.'{20. 
Caracalla  (L'empereur).  Arc  de 
triomphe  de  Thasos,  215.  — 
inscription  à  lui  dédiée,  à  Tliu- 
burbo  Majus,  X">7.  —  Piédes- 
taux à  lui  dédiés  par  la  ville 
d'Allhiburos,  422,    '.23. 

Carcassonne.  Vue  de  celte  ville 
faussement  attribuée  à  l'an 
1467,  174,  182. 

Carcopino  (Jérôme).  Le  rôled'Os- 
tie  dans  l'Enéide,  104. 

Careius  Adjectus  Sedatianus  |  L.). 
Inscription  par  lui  dédiée  à 
C.  Valerius  Rufus,  tribun  de 
la  légion  VII  Claudia,  249,  256. 

Carthage.  Vases  à  fond  blanc  et 
à  décor  polychrome  trouvés 
dans  des  tombeaux  puniques 
et  conservés  au  Musée  Saint- 
Louis,  49.  —  Fouilles  dans 
l'îlot  de  l'Amiral,  277.  —  Am- 
phore corinthienne  trouvée  dan  s 
la  nécropole  de  Bordj-Djedid, 
341.  —  Fouilles  de  Damous-el- 
Karita,  458,  460.  —  Voy.  Anzia- 
ni  (D.),  Delattre  (,R.  P.),  Merlin 
(Alfred). 

Carton  (Dr),  correspondant.  Le 
Nord-Ouest  de  la  Tunisie,  52  L 

Castries  (Comte  Henry  de).  Pro- 
tocole des  lettres  émanant  des 
sultans  du  Maroc,  100,  2S0. 

Catalogue  de  la  Collection  De 
Clercq,  51. 

Catulle.  Correction  à  un  de  ses 
vers  (68,  59),  119. 

Cavaignac  (Eugène  .  A  propos 
d'une  édition  récente  de  Xéno- 
plion  (organisation  de  la  pha- 
lange Spartiate),  238,  239. 


70G 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Cayeux.  Description  géogra- 
phique de  Délos,  12. 

Celtibérie.  Fouilles  archéolo- 
giques de  M.  le  marquis  de 
Cerralbo,  432,  433,  525. 

Céramique.  —  Voy.  Vases. 

Cerralbo  (Marquis  de).  Fouilles 
en  Celtibérie,  432,  433,  525. 

César  (Jules).  Ouvrage  de  dé- 
fense probablement  construit 
par  les  Gaulois  lors  du  siège 
par  lui  mis  devant  Alésia,  481. 

Chabot  (Abbé  J.-B).  Candidat, 
632,  640. 

Chaldée  (Découvertes  en),  340.  — 
Pline  et  les  astrologues  chal- 
déens,  497. 

Chalon-sur-Saône.  Piédestal  por- 
tant une  dédicace  à  la  déesse 
Souconna,  677. 

Chantilly.  La  représentation  des 
signes  du  Zodiaque  dans  les 
Très  riches  heures  du  duc  de 
Berry  (Musée  Condé),  rap- 
prochée du  groupe  des  Grâces 
de  la  cathédrale  de  Sienne, 
237. 

Charles  VIII.  Lettres  relatives  à 
son  expédition  en  Italie,  54. 

Chartes  et  Diplômes  (Commis- 
sion des),  29. 

Château  d'eau  à  Althiburos,  425- 
426. 

Châtelain  (Emile).  Vice-prési- 
dent pour  1913,  690.  —  Com- 
missions, 4.  —  Rapports,  122, 
432,  443. 

Chavance,  fonctionnaire  à  la  Gou- 
lette.  Possesseur  d'une  am- 
phore corinthienne  trouvée 
dans  la  nécropole  de  Bordj- 
Djedid  à  Cartilage,  341. 


Chavannes  (Edouard).  Commis- 
sions, 4,  511.  —   Rapports,  77. 

—  Documents  historiques  rap- 
portés par  M.  Jacques  Bacot 
de  ses  missions  aux  confins  de 
la  Chine  et  du  Tibet,  319.  — 
Hommage,  633. 

Chénon    (Emile).    Notice   sur  II. 

dWrbois  de  Jubainville,  476. 
Chevalier  (Ulysse).  Candidat,  14- 

—  Elu  membre  libre,  44,  47. 
— •  Chartes  de  Saint-Maurice  de 
Vienne,  etc.,  172.  —  Reperto- 
rium  hymnologicum,  635. 

Chine.  Nouvelles  de  la  mission 
du  D1'  Legendre,  4,  52,  237. — 
Documents  historiques  recueil- 
lis par  M.  Jacques  Bacot,  319. 

Cirque  (Mosaïque  représentant 
une  scène  du),  trouvée  à  Four- 
vière,  412,  413. 

Cius  ^Bithynie).  Bronze  du  Cabi- 
net des  médailles  de  Berlin, 
autrefois  attribué  à  cette  ville, 
491,  492. 

Clermont-Ganneau  (Ch.).  Com- 
missions, 4,  511,  690.  —  Lettre 
de  M.  Hyvernat  sur  une  col- 
lection de  mss.  coptes  prove- 
nant d'un  monastère  du  Fa- 
youm,  8.  —  Observations,  49, 
477.  —    Hommages,   157,  644. 

Clotsianus.  Épitaphe  de  ce  chré- 
tien découverte  à  Althiburos, 
424. 

Colin  (G.).  Fouilles  de  Delphes, 
74. 

Collège  de  France.  Désignation 
de  deux  candidats  à  la  chaire 
d'histoire  de  l'Afrique  du  Nord, 
103,  119. 

Collier  en  or  avec  perles  en  ver- 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


707 


re,  trouvé  dans  un  tombeau  de 
femme,  à  Thuburbo  Majus,  359. 

—  Pièces  d'un  collier  trouvées 
à  Damous-el-Karita,  468. 

Collignon  (Maxime).  —  Com- 
missions, 4,  541,  690,  691.  - 
Rapport,  150.  —  Fouilles  de 
MM.  Ch.  Picard  et  A.-J.  Reinach 
à  Thasos,  59.  —  L'ancien  Par- 
thénon,  167.  —  Observations, 
544.  —  Le  Parthénon,  72,  677. 

—  Hommages,  16,  74,  538. 
Colonia    Banasa     (auj.   Sidi-Ali- 

bou-Djenoun),    Maroc.    Ruine 
romaines;    inscription    latine, 
29. 

Commode  (L'empereur).  Inscrip- 
tion d'Althiburos  à  lui  dédiée, 
420,  421. 

Comnène  (Théodora),  princesse 
de  Trébizonde,  346. 

Comptes  (Commission  des),  175. 

Concours  (Annonce  des),  569. — 
Situation  pour  1912,  5.  —  Ju- 
gement des  concours,  562. 

Congrès  archéologique  de  France 
77e  session),  244. 

Conseil  supérieur  de  l'instruction 
publique.  Réélection  du  délé- 
gué de  l'Académie  M.  R.  de 
Lasteyrie,  123. 

Constans  (L.).  Les  puissances  tri- 
buniciennes  de  Néron,  371,  385. 

Constantinople.  Tablette  du  Mu- 
sée contenant  les  §  145-180  du 
Code  de  Hammourabi,  159.  — 
Ruines  du  grand  Palais  impé- 
rial, 305. 

Conti  Rossini  (Carlo).  La  langui- 
des Reniant  en  Abgssinie,  688. 

Coptes  (Mss.)  du  monastère  de 
Saint-Michel  (Favoum),  8. 


Coudieh  (Henri).  Commissions, 
4,  511.  —  Délégué  au  Congrès 
international  des  América- 
nistes,  à  Londres,  4,  340;  —  à 
l'inauguration  du  monument 
élevé  au  Dr  Hamy  à  Roulogne- 
sur-Mer,  247.  —  Nouvelles  de 
la  mission  du  Dr  Legendre,  4, 
52,  237.  —  Nouvelles  de  la  mis- 
sion de  M.  de  Gironcourt,  43, 
103, 158,  407,  428,  510,  541.  — 
Nouvelles  des  missions  des 
commandants  Tilho  et  Deve- 
deix,  632.  —  Observations,  685. 
—  Bihliotheca  indosinica,  274 . 
—  Hommage,  58. 

Corinthienne  (Amphore)  trouvée 
dans  la  nécropole  de  Rordj- 
Djedid  à  Carthage,  341. 

Cornwall  (Le)  et  le  roman  de 
Tristan,  17,  27. 

Corpus  inscriplionum  semitica- 
ruin,  15,  82. 

Correspondants  étrangers,  541, 
685. 

Correspondants  français,  541, 
690. 

Cotte  (J.  et  Ch.).  Étude  sur  les 
blés  de  l'antiquité  classique, 
689. 

Coupe  d'argent  sassanide  trouvée 
près  d'un  village  du  gouverne- 
nement  de  Poltava,  483. 

Coyecque  (Ernest).  Vieilles  ar- 
chives  notariales,  538. 

Crète.  —  Voy.  Haghia  Triada. 

Choiset  (Alfred).  Commissions, 
4,  541,  690,  691.  Observations, 
344. 

CnoisEr  Maurice).  Observations, 
150,   273.  —   Hommages,    164, 


708 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Culte  des  morts  en  Babylonie, 
681. 

Cumout  (Franz),  correspondant 
étranger.  Une  épitaphe  métri- 
que de  Madame,  149,  151.  — 
Aslrology  and  religion  among 
the  Greeks  and  Romans,  73. 

Cuq  (Edouard).  Délégué  aux  tètes 
du  bi-centenaire  de  l'Acadé- 
mie de  Bordeaux,  270.  —  Date 
du  Code  de  Hammourabi,  5.  — 
Sénatus-consulte  de  Délos,  40, 
57.  — Un  nouveau  vice-préfet 
du  prétoire,  371,  372.  —  No- 
velle  de  Justinien  relative  à 
ràîtox7)puÇiç,  530,  646. 


Dacier  (Joseph-Bon).  Notice  sur 
sa  vie  et  ses  travaux,  600. 

Dalleggio  (Eugène  Al.).  Buines 
du  grand  Palais  impérial  de 
Constantinople,   305. 

Damona,  divinité    gauloise,  341. 

Damous-el-Karita  (Basilique  de), 
à  Cartilage.  Fouilles  du  R.  P. 
Débattre,  458,  460. 

Déchelette  (Joseph),  correspon- 
dant. Les  broches  procession- 
nelles et  le  vase  dit  «  des  mois- 
sonneurs »  d'Haghia  Triada,  82, 
83,  97.  —  Fouilles  du  marquis 
de  Cerralbo,  432,  433. 

De  Clercq  (Fondation).  Rapport 
sur  l'emploi  des  fonds,  301.  — 
Catalogue  de  la  collection  De 
Clerccj,  51. 

Delaborde  (Comte  François). 
Candidat,  632,  039.  —  Le  texte 
primitif  des  Enseignements  de 
saint  Louis  à  son  fils,  523. 

Delalande-Guérineau     (Prix),    5, 


511,  530.  —  Commission,  4.    - 
Rapport,  174. 

Delaruelle  (Louis).  Choix  des 
mots  dans  les  Discours  de  Ci- 
céron,  57. 

Delattre  (R.  P.),  correspondant. 
Fouilles  tle  Damous-el-Karita, 
458,  460.  —  Publications  di- 
verses, 13,  58,  635. 

Delaville  Le  Roulx  (Joseph).  Do- 
cuments historiques  par  lui 
recueillis,  54. 

Délégation  en  Perse.  Publica- 
tions, 191,  366. 

Delehaye  (R.  P.  Hippolyte).  Les 
origines  du  culte  des  martyrs, 
546. 

Delisle  (Léopold).  Lettres  à 
M.  l'abbé  Ulysse  Chevalier,  271. 

—  Notice  sur  Orderic  Vital, 
524.  —  Notice  nécrologique  sur 
lui,  637. 

Délos.  Rapport  sur  les  fouilles 
de  1911,  6,  10.  —  Sénatus-con- 
sulte relatif  à  un  différend 
entre  les  Déliens  et  le  curateur 
du  temple  de  Sarapis,  40,  57. 

—  Attiques  déliens,  104,  105. 

—  Nouvelles  découvertes,  491. 

—  Découverte  d'une  tête  de 
bronze  représentant  un  per- 
sonnage romain,  510.  —  Dé- 
crets, 635.  —  Bas-relief  du 
Musée  d'Aix  en  Provence  pro- 
venant de  l'île  de  Rhénée,  639, 
641.  —  Description  géographi- 
que, 12.  — Inscriptions,  338. 

Delphes.  Traité  d'assistance  judi- 
ciaire conclu  au  me  s.  a.  C.  avec 
la  ville  de  Pellana  en  Achaïe, 
248,  371. —  Découverte  d'une 
statue  archaïque  dite  de  la  Vie- 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


70<) 


toirc,  541.  —  Fouillés,  16,  74. 

Demaison  (L.),  correspondant. 
La  vie  de  château  dans  les  Ar- 
dennes  au  XIIe  siècle,  688. 

Devedeix  (Commandant  E.).  Nou- 
velles de  sa  mission  dans  le 
Tchad,  632. 

Deville  (Etienne).  Bibliographie 
de  V abbaye  de  Saint-Evroul, 
524. 

Diaz  del  Caslillo  (Bernai).  Véri- 
table histoire  de  la  conquête  de 
la  Nouvelle  Espagne,  513,  518. 

Dictionnaire  des  antiquités  grec- 
ques et  romaines,  269. 

Dictionnaire  de  la  Bible,  157, 
644. 

Dieiil  (Charles).  Théodora  Com- 
nène,  princesse  de  Trébizonde, 
340.  _  Trésor  de  Poltava,  482. 

—  Hommages,  172,  426,  686. 
Dieulafoy  (Marcel).  Délégué  aux 

fêtes  du  bi-centenaire  de  l'Aca- 
démie de  Bordeaux,  270.  — 
Églises  souterraines  de  Cap- 
padoce,  317,  318.  —  Observa- 
tions, 40,  56,82,  161,  308,  309. 

—  Hommage,  687. 
Diophantus.  Dédicant  d'une  sta- 
tue à  Saturne  et  à  une  autre 
divinité,   à    Thuburbo    Majus, 
348,  355. 

Diplôme  militaire  concernant  la 

Hotte  de  Misène  (9  février  71), 

394. 
Djem,    frère  du  sultan    Bajazet. 

Lettre     en     français,     par    lui 

écrite  de  Borne,  54. 
Dolès,  fils  du   thrace  Ilesbenus, 

centurion  de  la   Hotte  de   Mi- 

sène,  396,  397. 
Dorez  (Léon).  Candidat,  632.  — 


Manuscrit  de  la  Bibliothèque 
de  l'Institut  contenant  des  poé- 
sies et  un  portrait  de  l'huma- 
niste Leonardo  Montagna,  394. 

Drappier  (L.).  Travaux  hydrau- 
liques romains  en  Tunisie,  41. 

Duchalais  (Prix),  5.  -  Rapport, 
53. 

Durand  (Charles).  Fouilles  de 
Vésone,  677,  689. 

Durrbach  (Félix).  Correspondant, 
690.  —  Inscriptions  de  Délos, 
338. 

Durrieu  (Cte  Paul).  Commission, 
4.  —  Rapports,  19,  167.  — 
Peinture  dans  le  style  de  Mi- 
chelino  da  Besozzo,  7.  —  Do- 
cuments historiques  recueillis 
par  J.  Delaville  Le  Roulx,  54.  — 
Représentations  de  sainte  Eli- 
sabeth dans  les  peintures  alle- 
mandes et  flamandes,  169.  — 
Peintures  du  ms.  latin  1156  A 
de  la  Bibliothèque  nationale 
et  de  mss.  similaires  dus  pro- 
bablement à  un  atelier  d'An- 
gers, 174.  —  Les  Heures  de  Sa- 
voie, 50.  —  Les  Heures  à  l'u- 
sage d'Angers  de  la  collection 
Martin  Le  Roy,  272. —  Publica- 
tions diverses,  540.  —  Les  ma- 
nuscrits des  Statuts  de  VOrdre 
de  Saint-Michel,  673.  —  Obser- 
vations, 238.  —  Hommages, 
16,  633. 

Dusaulx  (Jean),  membre  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions.  Inscrip- 
tion portant  son  nom,  près  de 
Luz,  428. 

Dussaud  (René).  Les  monuments 
palestiniens  et  judaïque*  du 
Musée  du  Louvre,  547. 


710 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Écoles  françaises  d'Athènes  et 
de  Rome.  Rapport,  647.  — 
Commission,  39,  170,  691. 

École  française  d'Athènes,  39, 
14,  52. 

École  française  d'Extrême- 
Orient.  Bulletin,  24.  —  Publi- 
cations, 274. 

École  française  d'Espagne,  77. 

Edimbourg.  Découverte,  à  la  Ri- 
bliothèque  universitaire,  de 
deux  fragments  d'un  poème  en 
langue  d'oïl  sur  Philippe-Au- 
guste, 148. 

Églises  souterraines  de  Cappa- 
doce,  317,  320.  —  Iconogra- 
phie des  peintures  de  ces 
églises,  318,  326. 

Egypte.  Travaux  exécutés  par  le 
Service  des  antiquités,  507.  — 
Voy.  Fayoum,  Oxyrhynchus, 
Tounah,  ZaouiétEl-Maietin. 

Eleusis.  Drames  sacrés,  122,  123, 
150. 

Elisabeth  (Sainte).  Représenta- 
tions dans  les  peintures  alle- 
mandes et  flamandes,  169. 

Encyclopédie  de  V Islam,  147, 166, 
170,  510,692. 

Encyclopédie  rabbinique  (Une) 
du  xme  siècle,  511. 

Entrelacs  (Dalles  de  marbre  or- 
nées d'),  14,40. 

Épery  (Dr).  Ouvrage  de  défense 
probablement  construit  par  les 
Gaulois  lors  du  siège  d'Alésia, 
481. 

Espagne.  —  Voy.  Aguilar  de  An- 
guita,  Raena,  Celtibérie,  Cer- 
ralbo  (Marquis de),  Déchelette, 
Luzaga,  Madrid,  Torralba. 

Espérandieu    (Cl  Emile),  corres- 


pondant. Candidat,  27,  44.  — 
Ouvrage  de  défense  probable- 
ment construit  par  les  Gaulois 
lors  du  siège  d'Alésia,  481.  — 
Recueil  des  bas-reliefs  de  la 
Gaule  romaine,  13. 

Espinas  (Georges). Notice  nécrolo- 
gique sur  Léopold  Delisle,631. 

Estrade-Delcros  (Prix),  5.  — 
Commission,  4.  —  Attribution 
du  prix,  45. 

Étrusque  (Langue),  27,  30. 

Europe  barbare  (Les  âges  proto- 
historiques dans  1'),  309. 

Évangiles  (Ms.  grec  illustré  des), 
513,  514. 

Exceptoria  (réservoir  d'eau).  Mot 
rare  figurant  dans  une  inso-ip- 
tion  de  Thuburbo  Majus,  357, 
358. 

Fabia  (Philippe).  Correspondant, 
690.  —  Exploration  archéolo- 
gique de   Fourvière,  412,  543. 

Fage  (René).  La  maison  natale 
d'Etienne  Baluze,  455.  —  L'é- 
glise de  Luhersac  (Corrèze), 525. 
—  Etienne  Baluze  et  le  «  Tar- 
tuffe», 689. 

Faviers  (Raron  de).  Ms.  conte- 
nant un  résumé  de  l'histoire 
politique  des  rois  de  France 
jusqu'à  Louis  XII,  offert  à  la 
Ribliothèque  nationale,  173, 
175. 

Fayoum.  Collection  de  mss. 
coptes  provenant  du  monas- 
tère de  Saint-Michel,  8. 

Fibules  en  or  trouvées  dans  un 
tombeau  de  femme  à  Thuburbo 
Majus,  359. 

Foucart  (Georges).  Les  drames 


TABLE    ALPIIAnÉTlQL'E 


711 


sacrés  d'Eleusis,  122,  123,  150. 

Foucart  (Paul).  Commissions, 
691,  694.  —  Les  drames  sacrés 
d'Eleusis,  122,  123,  150.  —Ob- 
servations, 82.  —  Hommages, 
38,  338. 

Fougères  ^Gaston).  Candidat, 
632,  640. 

Fould  (Prix),  5.  —  Rapport,  167. 

Fournier  (Paul).  Le  dauphin 
Humbert  II,  371, 581.— Collec- 
tions canoniques  de  l'Italie  mé- 
ridionale, du  ixe  au  xie  siècle, 
640.  —  Hommages,  46. 

Fourvière  (Lyon).  Exploration 
archéologique,  412,  543. 

France.  Ms.  contenant  un  résumé 
politique  de  l'histoire  des  rois 
jusqu'à  Louis  XII,  offert  à  la 
Bibliothèque  nationale  par 
M.  le  baron  de  Faviers,  173, 
175. 

Franchet  (L.).  La  céramique  pri- 
mitive, 165. 

Galatie.  —  Voy.  Bitokix. 

Garnier  (Fondation  Benoît).  Rap- 
port, 14. 

Gauckler  (Paul).  Le  sanctuaire 
syrien  du  Janicule,  544. 

Gaule  (La)  dans  la  table  de  Peu- 
tinger  (l'acsimilé),  41.  —  Voy. 
Alésia,  Bourbon-Lancy,  Cha- 
lon-sur-Saône, Postume,  Saint- 
Marcel-les-Chalon,  Souconna, 
Suadorix,  Temusio. 

Gavet.  Diarium  Universitatis  Mus- 
sipontanae,  46. 

Genève.  Congrès  international 
d'anthropologie  et  d'archéolo- 
gie préhistoriques,  4. 

Girard     (Paul).    Le    vase    «   des 


moissonneurs  »  de  Ilaghia 
Triada,  97.  —  Découverte  à 
Pagasae,  près  de  Volo,  de  deux 
nouveaux  dépôts  de  stèles 
peintes,  10k 

Girardin  (Marquis  de).  Karamzin 
etJ.-J.  Rousseau,  455. 

Gironcourt  (G.  de).  Nouvelles  de 
sa  mission  dans  la  Boucle  du 
Niger,  43,  103,  158,  407,  428, 
510,  541.  —  Bapport,  681. 

Glotz  (Gustave).  Candidat,  632, 
639.  —  Indice  chronologique 
fourni  dans  l'histoire  grecque 
par  les  prix  de  certaines  den- 
rées, 170. 

Gobert  (Prix),  4,  5.  —  Attribu- 
tion du  prix,  239.  —  Commis- 
sion, 690. 

Gobillot  (Bené).  Notes  sur  l'ab- 
baye de  Saint-Évroul,  524. 

Gœtz  (L.  K.).  Das  russische  Recht, 
496. 

Goldschmidt  (Dr  D.).  Correspon- 
dance de  J.-G.  Sçhweighaeu- 
ser,  345. 

Gomperz  (Theodor),  correspon- 
dant étranger.  Décédé,  457, 
491. 

Gouti.  Inscription  cunéiforme 
relatant  l'expulsion  de  ce  peu- 
ple de  Babylonie,  160. 

Gravures  préhistoriques  de  la 
grotte  du  Tue  d'Audoubert  à 
Montesquieu-Avantès,  41 5, 430- 
432. 

Grèce.  Indice  chronologique  four- 
ni dans  l'histoire  de  ce  pays 
par  les  prix  de  certaines  den- 
rées, 170.  —  Voy.  Athènes, 
Crète,  Délos,  Delplies,  Eleusis, 
Pagasae,  Tasos. 


712 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Grotesques  (Personnages)  trou- 
vés à  Damous-el-Karita,  468, 
469. 

Griineisen  (Baron  W.  de).  Le 
nimbe  rectangulaire,  273. 

Guillot  (Gaëtan).  Les  objets  d'art 
de  Saint-Évroul,  524. 

Gusman  (Pierre).  Un  incunable  et 
son  histoire,  269. 

Haack  (Lieutenant).  Découverte 
d'une  inscription  latine  à  Souk 
El-Abiod,  115. 

Hadrien  (L'empereur).  Porte  éle- 
vée en  son  honneur  par  la  ville 
d'Althiburos,  419,  420,  421 ,  422. 

Haghia-Triada  (Crète).  Le  vase 
dit  «  des  moissonneurs  »,  82, 
83,  97. 

Hammourabi.  Chronologie  de  son 
règne  et  date  de  son  Code,  5, 
40.  —  Découverte,  au  Musée  de 
Constantinople,  d'une  tablette 
contenant  les  §§  145-180  de  son 
Code,  159. 

Hamy  (Dr  E.-T.).  Monument  com- 
mémoratif  élevé  en  son  hon- 
neur à  Boulogne-sur-Mer,  247. 

Harmand  René).  Traduction  de 
la  Guerre  des  Juifs  de  Josèphe, 
15. 

HaussouijLier  (Bernard). Commis- 
sions, 4,  691.  —  Rapport,  174. 

—  Traité  d'assistance  judiciaire 
conclu  entre  les  villes  de 
Delphes  et  de  Pellana,  248, 
371.  —  Observations.  273.  — 
Hommages,  191,  367. 

IIavet  (Louis).  Correction  à  un 
vers   de    Catulle  (68,  59,  119. 

—  Put  us  à  restituer  au  v.  40  du 
prologue    des    Ménechmes    de 


Plaute,  etputulus  dans  un  vers 
des   Silves   de    Stace,    161.  — 
Hommages,  28,  57,  93. 
Hébrard  (E.).  Spalato ;  le  palais 

de  Dioctétien,  172. 
Heiberg  (J.-L.),  éditeur  des  Mé- 
moires   scientifiques    de     Paul 
Tannery,  268. 
Héraclius     (L'empereur).     Mon- 
naies à  son  effigie  et  à  celle  de 
ses  fils,  trouvées  près  d'un  vil- 
lage du  gouvernement  de  Pol- 
tava,  483. 
Heredia    (José    Maria    de)    et   la 
«  Véritable  histoire  de  la  con- 
quête de  la  Nouvelle  Espagne  » 
de    Bernai    Diaz    del    Castillo, 
518. 
Héron  de  Villefosse  (A.),  Com- 
missions, 4,  175,  541,  690,  691. 
—  Épitaphe  de  Q.  Papius  Satur- 
ninus,  centurion  de  la  IIe  légion 
Parthique,   trouvée   à    Sousse, 
52.  —  Note  du  B.  P.  Jalabert  sur 
une  inscription  inédite  de  Bé- 
ryte,  247.  —  Plaque   votive  en 
marbre  découverte  à  Bourbon- 
Lancy  et  dédiée  pi-obablennut 
aux  divinités  Borvo  et  Damona 
par  le  Gaulois  Suadorix,  341.  — 
Fouilles  de  Damous-el-Karita, 
458.' — Ouvrage  de  défense  pro- 
bablement   construit    par   les 
Gaulois  lors  du  siège  d'Alésia, 
481.  —  Piédestal  trouvé  à  Cha- 
lon-sur-Saône  et   portant    une 
dédicace  à  la  déesse  Soucon- 
na,  677.  —  Observations,  544. 
—  Inscription  rappelant  le  cou- 
rage par   lui   montré   dans  la 
défense  du  Musée  du  Louvre  en 
mai  1871,  695.  —  Publications 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


diverses,  171.  —  Acquisitions 
du  Musée  du  Louvre,  171.  — 
Hommages,  13,  24,  58,  156, 
171,244,246,345*455,476,524, 
525,635,676. 

Ilesbcnus  ou  Hezbenus,  fils  de 
Dulazenus,  de  Sappa  (Thrace), 
centurion  de  la  Hotte  de  Mi- 
sène.  Diplôme  le  concernant, 
39G,  397. 

IIeiizey  (Léon).  Commissions,  4, 
691.  —  Pline  et  les  astrologues 
chaldéens,  308,  497.  —  Obser- 
vations, 82,  122.  —Découvertes 
en  Chaldée,  340.  -  -  Hommage, 
50. 

Holleaux  (Maurice),  directeur  de 
l'École  d'Atbènes.  Rapport  sur 
les  touilles  de  Délos,  6,  10. 

Ilolzhausen  (Dr).  Die  Deutschen 
in  Russland  (1812),  274. 

Homo.  La  topographie  urbaine 
et  l'indication  du  domicile  dans 
la  Rome  ancienne,  273. 

IIomolle  (Th.),  directeur  de 
l'École  d'Athènes.  Lettre  au 
Secrétaire  perpétuel,  52.  — 
Lettre  sur  de  nouvelles  décou- 
vertes faites  à  Délos,  491.  — 
Découverte,  à  Délos,  d'une 
tète  de  bronze  représentant 
un  personnage  romain,  510. 
—  Découverte,  a  Delphes,  d'une 
statue  archaïque  dite  de  la 
Victoire,  541.  —  Décrets  de 
Délos,  635. 

Humbert  II  |  Le  dauphin), 3 71, 581. 

Hunt  (Arthur).  Les  Dépisteurs 
('IyvsuTai),  drame  satyrique  de 
Sophocle,  270. 

Hyvernat  (Henry).  Lettre  sur  une 
collection  de   mss.  coptes  pro- 


venant    d'un 
Fayoum,  8. 


713 
monastère     du 


Ibérique  (Bracelet  en  or),  de  la 

collection  de  M.  I.  de  Bauer. 
Facsimilé  exécuté  pour  le  Mu- 
sée de  Saint-Germain-en-Laye, 
491.  _  Vby.  Celtibérie. 

Inscriptions  f/raecae  ad  res  ro- 
in.tnas  pertinentes,  57. 

Inscriptions  ;  babylonienne,  478  ; 

—  grecques,  22 fc,  226,227,  228, 
229,  493,  494;  -  latines,  53, 
115,1,17,153,249,250,335,336, 
337,  348,  350,  355,  357,  397, 
H9,  120,  421,  422,  423,  424, 
425,  464,  i66,  467,  469,  470, 
471,  678;  —  libyques,  337,  338  ; 

—  néo-punique  (*?),  459. 
Inscriptions  et  Médailles    (Com- 
mission des),  694,  695. 

Ionien  (Bas-relief)  archaïque,  dé- 
couvert à  Thasos,  216. 

Isabelle,  reine  de  Castille.  Lettre 
à  elle  adressée  par  Marguerite 
d'York  en  faveur  de  Perkin 
Warbeck,  170. 

Italie  méridionale.  Collections 
canoniques  datant  du  ix°  au 
xie  siècle,  640. 


Jalabert  (R.  P.).  Inscription  iné- 
dite de  Béryte,  247,  248. 

Jaussen  (R.  P.).  Estampages  of- 
ferts pour  le  Corpus  inscriplio- 
num  semiticirum,  82. 

Jean  XXII,  pape.  Sermons  par  lui 
prêches  devant  le  collège  des 
cardinaux,  477. 

Jerphanion  (R.  P.  G.  de).  Les 
églises  de  Cappadoce,  317,  32U. 

Johiot     i  Charles).     Procédés     de 


714 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


composition  do  Pline  l'ancien, 
166. 

Joulin  (Léon).  Les  âges  protohis- 
toriques dans  l'Europe  barbare, 
309. 

Julien  (Prix  Stanislas^,  5.  —  Com- 
mission, 4.  —  Rapport,  77. 

Jullian  (Camille).  Commission, 
691.—  Rapports,  149,247,  257. 
—  Délégué  aux  fêtes  du  bi-cen- 
tenaire  de  l'Académie  de  Bor- 
deaux, 270.  —  Figure  en  relief 
(femme  stéatipygique)  décou- 
verte à  Laussel,  17,  58.  —  Note 
de  MM.  de  Montauzan  et  Fabia 
sur  les  fouilles  de  Fourvière, 
543.  —  La  Gaule  dans  la  Table 
de  Peutinger  (facsimilé),  41. — 
Notes  gallo-romaines,  41.  — 
Hommages.  12,633,677,689. 

Junon  Moneta,  513,  531,  637. 

Juslinien  (L'empereur).  Novelle 
relative  à  l'àjcoxi)puiÇtç,  530,  646. 

Kabylie  (Haute).  Mission  de  M. 
Boulifa,  320,  335. 

Karl  (Ludwig).  Représentations 
de  sainte  Elisabeth  dans  les 
peintures  allemandes  et  fla- 
mandes. 169. 

Kenyon  (F.-G.),  correspondant 
étranger.  Miniatures  and  hor- 
ders  froni  a  flemish  Horae,  6. 

Kohler  (Charles).  Candidat,  632, 
639. 

La  borde  (Comte  A.  de).  Candi- 
dat, 27,  44. 

La  Ferrassie,  près  du  Bugue 
(Dordogne) .  Squelettes  hu- 
mains fossiles,  433,  449. 

La  Grange  (Prix  de),  5.  —  Com- 
mission, 4. —  Rapport,  159. 


Lalanne  (Dr  Gaston).  Découverte 
d'une  figure  en  relief  (femme 
stéatipygique)       et       d'autres 
sculptures   à    Laussel,  17,  55, 
58. 
Lambeau  (Lucien). Epitaphe  d'Es- 
prit-Louis  Rousset,  secrétaire 
commis  de  l'Académie  des  in- 
scriptions, 121. 
Lambert  (Mayer).  Le  genre  dans 
les  noms  de  nombre  en  sémi- 
tique, 61. 
Lamed  et  lambda,  49,  56. 
Lampe  chrétienne  trouvée  à  Da- 

mous-el-Karita,  459. 
Langdon  (Stephen).  Découverte, 
au    Musée  de    Constantinople, 
d'une    tablette    contenant    les 
g   145-180    du    Code    de    Ham- 
mourabi,  159. 
Lantier.  Tables   île  VAnnée  épi- 
graphique,  29. 
Lantoine  (M".e).  Donation,  en  mé- 
moire de  son  frère,  Henri  Lan- 
toine, d'une  somme  à  attribuer 
à  l'auteur  d'un  travail  sur  Vir- 
gile, 166. 
Lasteyrie    (Comte     Robert    de). 
Commissions,    4,  690,  691.  — 
Réélu   délégué  de   l'Académie 
au  Conseil  supérieur  de  l'ins- 
truction publique,  123.  —  L'ar- 
chitecture religieuse  en  France 
à  V époque  romane,  24.  —  Hom- 
mage, 635. 
Laussel  (Dordogne).  Découverte 
d'une  figure  en  relief  (femme 
stéatipygique),   17;  —  bas-re- 
liefs    provenant    des    mêmes 
fouilles,   55,   58.   —   Squelette 
humain    fossile    découvert    au 
lieu  dit  le  Cap  Blanc,  433.  '•  ■>  I . 


TAKLE    ALPHABÉTIQUE 


715 


Leblond  (Dr  V.).  Inventaires  et 
testaments  beauvaisins,  42. 

Lefèvre-Pontalis  (Eugène).  Con- 
grès archéologique  de  France 
(77e  session),  244. 

Legendre  (1)''  A. -F.).  Nouvelles 
de  sa  mission  en  Chine,  4,  52, 
237. 

Léger  (Louis),  président.  Allo- 
cutions, 2,  75,  393.  —  Discours 
à  la  séance  publique  annuelle, 
548.  —  Manuscrits  orientaux 
de  la  Bibliothèque  de  Sofia, 
340.  —  Hommages,  340,  496. 

Légion  II  Parthique.  Epitaphe 
d'un  centurion,  trouvée  à  Sous- 
se,  52.  —  Légion  VII  Claudia. 
Inscription  en  l'honneur  d'un 
de  ses  tribuns,  C.  Valerius  Ku- 
fus,  originaire  de  Beyrouth, 
247,  248. 

Lejay  (Abbé  Paul).  Candidat,  632, 
640.  —  L'origine  de  la  prépo- 
sition latine  absque,  119.  — 
Satires  d'Horace,  28. 

Le  Maître  (D'M.).  Le  Palais  des 
papes  d'Avignon,  633. 

Lemberg  (Pologne  russe).  Célé- 
bration du  250e  anniversaire 
de  la  fondation  de  l'Université, 
166. 

Léonard  de  Vinci.  Feuillets  d'un 
de  ses  mss.  relatif  au  vol  des 
oiseaux,  dérobés  par  Libri  à  la 
Bibliothèque  de  l'Institut,  460. 

Leroux  (C).  Vases  grecs  et  Halo- 
grecs  il  ii  Musée  archéologique 
de  Madrid,  538. 

Lescuier  (Adenot),  enlumineur 
au  service  de  Jeanne  de  Laval, 
seconde  femme  du  roi  René, 
174. 


Lesquier  (Jean).  Papyrus  de  Mag- 
dala, 367.  —  Institutions  mili- 
taires de  V Egypte  sous  les  La- 
gides,  368. 

Leynaud  (Chanoine) ,  curé  de 
Sousse.  Epitaphe  de  Q.  Papius 
Saturninus,  centurion  de  la  IIe 
légion  Parthique,  52. 

Libri  (Guillaume).  Vol  de  plu- 
sieurs feuillets  d'un  ms.  de 
Léonard  de  Vinci  relatif  au  vol 
des  oiseaux  et  appartenant  à  la 
Bibliothèque  de  l'Institut,  460. 

Lindsay  (W.  M.).  Gloses  breton- 
nes dans  le  ms.  302  d'Orléans, 
308. 

Lion  ibérique  de  Baena, 161,  162. 

Loeb  (James).  Collection  d'au- 
teurs grecs  et  latins  avec  tra- 
ductions anglaises,  51 1 . 

Londres.  Congrès  international 
des  Américanistes,  4,  340. 

Longnon  (Auguste).  Pouillés  de 
la  province  de  Reims,  683. 

Loth  (J.),  correspondant.  Le 
Cornwall  et  le  roman  de  Tris- 
tan, 17,  27.  —  Gloses  bretonnes 
et  indéterminées  dans  le  ms. 
302  d'Orléans,  308.  —  Remar- 
ques et  additions  à  /'«  Intro- 
duction lo  early  Welsh  »  de 
Slrachan,  93.  —  Questions  de 
grammaire  et  de  linguistique 
brillonique,  94. 

Loubat  (Duc  de).  Fouilles  de  Dé- 
los,  6,  10,  51. 

Loubat  (Nouvelle  fondation  du 
duc  de).  Commission,  4. 

Louis  XII.  Lettres  patentes  en 
faveur  du  peintre  Jean  Bour- 
dichon,  690. 

Louvre  iMusée  du).  Lampe  cliré- 


716 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


tienne  avec  inscription  prove- 
nant de  Damous-el-Karita,  of- 
ferte par  le  R.  P.  Delattre,  459. 
—  Socle  en  bronze  trouvé  à 
Saint-Marcel-lès-Chalon  et  por- 
tant une  inscription  en  l'hon- 
neur de  la  déesse  Temusio, 
offert  par  M.  Ercole  Canessa, 
080.  —  Inscription  rappelant  le 
courage  montré  dans  la  défense 
du  Louvre,  en  mai  1871,  par 
MM.de  Sigoyer, Barbet  de  Jouy 
et  Héron    de  Villefosse,   695. 

Lucei.  Marque  d'atelier  sur  deux 
bases  de  colonnes  du  temple 
de  Tbuburbo  Majus,  350. 

Lucot  (Abbé).  Édition  et  trad.  de 
ÏHistoire  lausiaque  de  Palla- 
dius,  164. 

Lunet  de  Lajonquière  (Comman- 
dant). Inventaire  descriptif  des 
monuments  du  Cambodge,  274. 

Luz  (Hautes-Pyrénées).  Inscrip- 
tion portant  le  nom  de  Du- 
saulx,  membre  de  l'Académie 
des  inscriptions,  428. 

Luzaga  Espagne).  Fouilles  dans 
la  nécropole  celtibérienne,  528. 

Macridy-bey.  Fouilles  à  Langa- 
za,  50. 

Macrobius  Maximianus  FI.), 
vice-préfet  du  prétoire  en  Afri- 
que, 115,  1 16,  378. 

Madaure  (Algérie).  Épitaphe  mé- 
trique, 149,  151. 

Madrid.  Lion  ibérique  de  Baena 
conservé  au  Musée,  161,  162. 

Mâle  (Emile.  Candidat,  632, 640. 

Manuscrits  h  peintures.  —  Voy. 
Michelino  da  Besozzo,  Pein- 
tures. 


Marguerite  d'York.  Lettre  à  la 
reine  Isabelle  de  Castille  en 
faveur  de  Perkin  Warbeck, 
169. 
Maroc.  Ruines  de  Sidi-Ali-bou- 
Djenoun  Colonia  Banasa  ,  29. 
—  Fouilles  aux  environs  de 
Tanger,  39.  —  Protocole  des 
lettres  provenant  des  sultans 
de  ce  pays,  100,  286.  —  Archi- 
ves marocaines,  39. 

Martha  (Jules ':.  Recherches  sur 
la  langue  étrusque,  27,  30. 

Martin  (Albert  ,  correspondant. 
Décédé,  393. 

Martres-de-Veyre  iLes),  Puy-de- 
Dôme.  Nécropole,  77. 

Maspero  (Gaston). Note  de  M. Per- 
drizet  sur  le  type  d'Alexandre 
à  l'égide,  492.  —  Travaux  exé- 
cutés par  le  Service  des  anti- 
quités d'Egypte,  507. 

Maspero  (Jean).  Papyrus  grecs 
d'époque  byzantine,  426,686. 

Massigli.  Musée  de  S  fax,  37. 

Mauss  (C).  L'église  du  Saint- 
Sépulcre  à  Jérusalem,  24. 

Maya  (Architecture^,  18. 

Médaillons  de  bronze  de  Pos- 
tume,  101 . 

Medeina  anc.  Althiburos),  Tuni- 
sie. Fouilles,  417. 

Mélanges  Cagnat,  692. 

Mély  (F.  de).  La  représentation 
des  signes  du  zodiaque  dans 
les  Très  riches  heures  du  duc 
de  Berry  et  les  Grâces  du  dô- 
me de  Sienne,  2^7. 

Mémoires  de  l'Académie,  169. 

Mémoires  de  la  Délégation  en 
Perse,  191,  366. 

Merlin    (Alfred).   Correspondant, 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


717 


690.  —  Base  honorifique  dé- 
couverte à  Souk  El-Abiod 
(Pupput)  et  dédiée  à  l'empe- 
reur Arcadius,  115.  —  Fouilles 
dans  l'îlot  de  l'Amiral  à  Car- 
tilage, 277.  —  Découvertes  à 
Thuburbo  Majus,  340,  347.  — 
Fouilles  à  Aithiburos  (Medei- 
na),  417.  —  Emplacement  du 
champ  de  bataille  de  Zama,  477. 
—  Travaux  hydrauliques  ro- 
mains en  Tunisie,  41.  —  Forum 
et  églises  de  Sufetula,  246. 

Mésopotamie.  Palmeraies,  492. 

Messayeh  (MM.),  antiquaires  à 
Bagdad.  Barillets  de  leur  col- 
lection relatifs  au  roi  Nabonide 
et  au-  culte  des  morts  en  Baby- 
lonie,  080. 

Mexique.  Caractères  de  l'archi- 
tecture maya,  18. 

Meyer  (Paul).  Commissions,  4, 
541,  690,  691.  —Observations, 
27. 

Michel  (Charles),  correspondant 
étranger.  Supplément  à  son 
Recueil  d'inscriptions  grecques, 
38. 

Michelino  da  Besozzo.  Feuillet 
enluminé  dans  le  style  de  ce 
peintre  milanais,  7. 

Michon  (Etienne).  Acquisitions 
du  Musée  du  Louvre,  171. 

Millet(G.). Iconographie  des  pein- 
tures cappadociennes,  318,  326. 

Misène  (Flotte  de),  394. 

Mispoulet  (.l.-B.).  Diplôme  mili- 
taire découvert  en  Thrace  et 
concernant  la  flotte  de  Misène 
(9  février  71),  394. 

Monaco.  Origine  du  nom  de  celte 
ville,  98. 


Monceaux   (Paul).  Candidat,  632. 

—  Elu  membre  ordinaire,  040, 
646.  —  Commission,  690.  — 
Histoire  littéraire  de  l'Afrique 
chrétienne,  45. 

Moneta.  Origines  et  histoire  de 
ce  mot,  513,  531,  637,  640. 

Monnaies  grecques  archaïques 
trouvées  à  Tarente,  100.  — 
Médaillons  de  bronze  de  Pos- 
tume,  161.  —  Monnaies  à  l'effi- 
gie de  l'empereur  Héraclius 
trouvées  près  de  Poltava,  483. 

—  Bronze  du  roi  galate  Hitokix 
au  Cabinet  de  Berlin,  491 ,  493. 

Montagna  (Leonardo).  Ms.  de  la 
Bibliothèque  de  l'Institut  con- 
tenant des  poésies  et  un  por- 
trait de  cet  humaniste  véro- 
nais,  394. 

Mont  Auxois.  —  Voy.  Alésia. 

Montauzan  Germain  de).  Décou- 
verte, à  Fourvière,  de  la  dédi- 
cace d'un  petit  autel  placé  dans 
la  caserne  romaine,  543. 

Monlesquieu-Avantès  (Ariège) . 
Grotte  du  Tue  d'Audoubert 
ornée  de  gravures  et  de  pein- 
tures préhistoriques,  430,  431, 
432.  —  Statues  d'argile  pré- 
historiques représentant  des 
bisons,   531 ,  532. 

Monuments  et  Mémoires  (fonda- 
tion Piot),  73. 

Mouei.-Fatio  (Alfred).  Commis- 
sion, 4.  —  Rapport,  159.  — 
Lettre  adressée  par  Margue- 
rite d'York  à  la  reine  Isabelle 
de  Castille  en  faveur  de  Perkin 
Warbeck,  169.  —  La  «  Véri- 
table histoire  de  la  conquête 
de   la   Nouvelle    Espagne  »  de 


718 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Bernai  Diaz  del  Castillo,  513, 
518.  —  Observations,  161. 

Morgan  (J.  Pierpont).  Mss.  coptes 
provenant  du  monastère  de 
Saint-Michel  (Fayoum),  10.  — 
Tapisseries  gothiques,  483. 

Mosaïque  représentant  une  scène 
de  cirque,  trouvée  à  Fourvière, 
412,413. 

Musées- de  V Algérie  et  de  la  Tu- 
nisie, 37. 

Mustansir.  École  construite  à 
Bagdad  par  ce  khalife,  48. 

Nabonide,  roi  de  Babylone.  In- 
scription relative  à  ses  travaux 
au  sanctuaire  d'Ur,  680. 

Natalis  (FI.).  Épitaphe  trouvée  à 
Madaure,  151,  153,  154. 

Naville  (Edouard),  associé  étran- 
ger. Papyrus  funéraires  de  la 
XXIe  dynastie,  101. 

Nécropoles  celtibériques.  Fouil- 
les de  M.  le  marquis  de  Cerral- 
bo,  432. 

Néron.  Puissances  tribunicien- 
nes  de  cet  empereur,  371,  385. 

New-York.  Assemblée  de  la  So- 
ciété orientale  américaine,  76. 

Niger  (Boucle  du).  —  Voy.  Giron- 
court  (G.  de). 

Nimbe  rectangulaire,  273. 

Noms  de  nombre  en  sémitique 
(Le  genre  dans  les),  61. 

Novati  (Francesco).  Epislolario 
di  Coluccio  Salutati,  645. 

Novelle  inédite  de  Justinien  rela- 
tive à  rà-ox.TJf'jÇi;,  530. 

Nyrop  (Kr.).  Correspondant 
étranger,  685. 

Oikononios  (Georges  P.).  Fouilles 


dans  l'ancienne  Agora  d'Athè- 
nes, 191. 
Omont  (Henri),  président  sortant. 
Allocution,  1.  —  Commissions, 
4, 29, 175,  690,  691 .  —  Variantes 
tirées  par  le  P.  Sirmond  du  ms. 
de    Phèdre  conservé  à  Saint- 
Remi  de  Reims,  11. —  Manu- 
scrit contenant  un  résumé  po-  . 
litique  de  l'histoire  des  rois  de 
France,  offert  à  la  Bibliothèque 
nationale  par  M.  le  baron   de 
Faviers,  173,  175.  —  Un  nou- 
veau manuscrit  grec  des  Evan- 
giles  et    du    Psautier  illustré, 
513,  514.  —    Lettres    patentes 
de  Louis  XII. en  faveur  du  pein- 
tre Jean   Bourdichon,  690.  — 
Listes  des  recueils  de  facsimilés 
et    des    reproductions   de   mss. 
conservés    à     la     Bibliothèque 
nationale,  165.  —   Hommages, 
6,  42,  268,  317,  524,  538,  546, 
688,  689,691. 
Orderic  Vitalel  VabhayedeSaint- 

Evroul,  524. 
Ordinaire  (Prix),  5,  511.  —  Rap- 
port, 77.  —  Sujet  proposé  pour 
1915,  530. 
Orléans.  Gloses  bretonnes  et  in- 
déterminées   dans  le   ms.  302 
de    la    Bibliothèque    de    cette 
ville,  308. 
Ouroukaghina,  roi  de  Babylonie. 
Poids  daté  de  son  règne,  477- 
478. 
Ostie.   Rôle  de  cette  ville   dans 

l'Enéide,  104. 
Oxyrynchus  (Egypte).  Les  Dépis- 
teurs  (T/vrjxou),  drame  satyri- 
que  de  Sophocle  trouvé  dans 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


719 


un  papyrus  provenant  de  cette 
localité,  270. 

Pace  (Biagio).  /  Barbari  e  i  Bi- 
zantini  in  Sicilia,  686. 

Pagasae,  près  de  Volo  (Grèce. 
Découverte  de  deux  nouveaux 
dépôts  de   stèles  peintes,  104. 

Pachtère  (F. -G.  de).  Paris  à  l'é- 
poque gallo-romaine,  676. 

Palme  offerte  à  Saturne,  à  Thu- 
burbo  Majus,  355. 

Palmeraies  de  Mésopotamie.  *92. 

Papius  Saturninus  (Q.),  centu- 
rion de  la  IIe  légion  Parthique. 
Epitaphe  trouvée  à  Sousse,  '\2. 

Paris  (Pierre),  correspondant. 
Vases  à  fond  blanc  et  à  décor 
polychrome  trouvés  dans  des 
tombeaux  puniques  de  Car- 
tilage, 49.  —  Rapport  sur  les 
travaux  de  l'École  française 
d'Espagne,  77. 

Parisol  (Robert).  Table  des  An- 
nales  de  VEst,  46. 

Parthénon  (L'ancien),  107. 

Peintures  cappadociennes  (Ico- 
nographie des),  318,  326.  — 
Peintures  et  gravures  préhis- 
toriques de  la  grotte  de  Mon- 
lesquieu-Avantès,  430-432. 

Peintures  des  manuscrits.  Feuil- 
let dans  le  style  de  Michelino 
da  Besozzo,  7.  —  Représenta- 
tions de  sainte  Elisabeth  en 
Allemagne  et  dans  les  pays  fla- 
mands, 169.  —  Peintures  du 
ms.  lat.  I  156A  de  la  Bibliothè- 
que nationale  et  de  mss.  simi- 
laires provenant  probablement 
d'un  atelier  d'Angers,  174.  — 
Représentation  des  signes  du 
zodiaque  dans  les  Très  riches 
1912. 


heures  du  duc  de  Berr;/,  237. 
—  Nouveau  ms.  grec  des  Évan- 
giles el  du  Psautier  illustré, 
acquis  par  la  Bibliothèque  na- 
tionale, SI 3,  514. 

Pellana  (Achaïe).  Traité  d'assis- 
tance judiciaire  conclu  en  lie 
Delphes  et  cette  ville,  248,  371. 

Pendants  d'oreilles  trouvés  dans 
un  tombeau  de  femme  à  Thu- 
burbo  Majus,  359. 

Perdrizet  (Paul).  Alexandre  à  l'é- 
gide, 402. 

Pérétié.  Fouilles  aux  environs  de 
Tanger,  39. 

Périodiques  offerts,  697. 

Perhot  (Georges),  secrétaire  per- 
pétuel. Bapports  semestriels, 
30,  347,  361.  —  Notice  sur  la 
vie  et  les  travaux  de  Joseph- 
Bon  Dacier,  600.  —  Observa- 
tions, 49, 82, 238, 308, 309,  344, 
416,  417.  —  Hommages,  12,  24, 
72,  146,  366,  544,  644,  692. 

Perse  (Délégation  en).  Publica- 
tions, 191, 366. 

Peutinger  (La  Gaule  dans  la  Table 
de),  41. 

Peyrony.  Trois  nouveaux  sque- 
lettes humains  fossiles,  433 , 
ri  9. 

Phèdre.  Variantes  tirées  par  le 
P.  Sirmond  «lu  ms.  des  Fables 
conservé  à  Saint-Remi  de 
Reims,  1 1. 

Philippe-Auguste.  Découverte,  à 
la  Bibliothèque  <le  l'Université 
d'Edimbourg,  de  deux  frag- 
ments d'un  poème  de  langue 
d'oïl  sur  son  règne,  148. 

Picard  (Charles).  Fouilles  de  Tha- 
sos,  59,  193.  —  Découverte,  à 

47 


720 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Délos,  d'une  tête  de  bronze 
représentant  un  personnage 
romain,  510. 

Pichon  (René  .  L'épisode  d'Ama- 
ta  dans  l'Enéide,  119.  —  Textes 
d'auteurs  classiques  relatifs  à 
l'atellane,  344. 

Picot  (Emile).  Commission,  4.  — 
Artus  Fillon,  13. —  Catalogue 
de  la  Bibliothèque  James  de 
Rothschild,  247.  —  Liste  des 
abbés  de  Saint-Evroul,  524.  — 
Hommages,  12,  272. 

Pierrefonds  (Oise).  Affranchisse- 
ments de  serfs  de  cette  chàtel- 
lenie  par  Blanche  de  Castille, 
415. 

Piot  (Fondation).  Rapport,  19.  — 
Monuments  et  Mémoires,  73. 

Plaute.  Putus  à  restituer  au  v. 
40  du  prologue  des  Ménechmes. 
161. 

Pline  l'ancien.  Procédés  de  com- 
position de  son  Histoire  natu- 
relle, 166.  —  Pline  et  les  astro- 
logues chaldéens,  308,  497. 

Pognon.  Observations  sur  une 
tablette  concernant  les  ancien- 
nes dynasties  de  la  Babylonie, 
416. 

Poids  babylonien  daté  du  règne 
d'Ouroukaghina,  477,  478. 

Poltava  (Russie ;.  Trésor  décou- 
vert près  d'un  village  de  ce 
gouvernement,  482. 

Postume.  Fondation  de  l'empire 
gaulois,  161. 

Pottier  (Edmond).  Commission, 
691.  —  Rapport,  301.  —  Vases 
à  fond  blanc  et  à  décor  poly- 
chrome du  Musée  du  Bardo  et 
du   Musée  de    Saint-Louis  de 


Carthage,  49.  —  Lion  ibérique 
de  Baena,  161.  —  Thericlea 
vasa,  174.  —  Lettre  de  M.  Ilo- 
molle  sur  des  découvertes  fai- 
tes à  Délos,  491. —  Observa-  . 
tions,  82.  122,  309.  —  Homma- 
ges, 165,191,269,547,671. 

Poulsen  (Friedrich).  Der  Orient 
und  die  frùhgriechische  Kunst, 
671. 

Poux  (Joseph).  Une  vue  de  Car- 
cassonne  faussement  attribuée 
à  l'an  1467,  174.  182. 

Prétoire  (Un  nouveau  vice-préfet 
du),  371,  372.  —  Liste  des  vice- 
préfets  actuellement  connus, 
382. 

Prost  (Prix  Auguste),  5.  —  Com- 
mission, 4.  —  Rapport,  150. 

Prou  Maurice  .  Commissions,  i. 
170,  690,  691.  —  Rapports.  54, 
647.  —  Dalles  de  marbre  pro- 
venant de  l'église  de  Schamnis 
et  ornées  d'entrelacs,  14,  40.  — 
Épitaphe  d'Esprit-Louis  Rous- 
set,  secrétaire  commis  de  l'A- 
cadémie des  inscriptions,  121. 
—  Note  de  M.  Poux  sur  une 
vue  de  Carcassonne  faussement 
attribuée  à  l'an  1467,174.  — 
Observations,  56.  —  Hommage, 
637. 

Prudhomme  Auguste  .  Corres- 
pondant, 690. 

Psautier  Ms.  grec  illustré  du), 
513,  514. 

Psichari  (Jean).  Candidat,  632. 
640.  —  Lamed  et  lambda,  49, 
56. 

Puech  (Aimé).  Les  apologistes 
grecs  du  H'  siècle  de  notre  ère, 
54:>. 


TABLE     SlLPHABÉTIQI  i. 


721 


Puig  y  Cadafalch.  Larquitectura 
rornanica  a  Ca.talun.ya,  635. 

Punique  (Kdicule)  trouvé  à  Thu- 
burbo  Majus,  350,  351.  —  Voy. 
Inscriptions. 

Pupput  (Tunisie).  —  Voy.  Souk 
El-Abiod. 

Pulus.  Mot  à  restituer  dans  le 
prologue  des  Ménechmes  de 
Plante  (vers  40),  et  son  dimi- 
nutif pululus  dans  un  vers  des 
Silves  de  Slace,  161. 

Rabbinique  (Une  encyclopédie) 
du  xme  siècle,  51 1. 

Radet  (Georges),  correspondant. 
Candidat,  17.  —  Inscription  de 
Luz  portant  le  nom  d'un  mem- 
bre de  l'Académie  des  inscrip- 
tions, 427. 

Ratapas  (Le  bâton  de  Teyjat  et 
les)  à  l'âge  du  renne,  511. 

Reims.  Variantes  tirées  parle  P. 
Sirmond  du  ms.  de  Phèdre 
conservé  dans  1  abbaye  de 
Saint-Remi,  11. 

Reinach  (A.-J.).  Fouilles  à  Tha- 
sos,  59,  222.  —  Le  temple  d'El- 
Kala  à  Koptos,  687. 

Reinacii  (Salomon).  Commission, 
541.  —  Délégué  au  Congrès 
international  d'anthropologie  et 
d'archéologie  préhistoriques, 
à  Genève,  4.  —  Recherches 
de  M.  Henri  Viollel  sur  l'école 
construite  à  Bagdad  par  le  kha- 
life abasside  Mustansir,  48.  — 
Le  nom  de  Monaco,  98.  — 
Grotte  ornée  de  gravures  et  de 
peintures  préhistoriques,  à 
Montesquieu-Avantès,  432.  — 
Facsimilé,  exécuté  pour  le  Mu- 


sée de  Snint-Gerniain-en-Laye, 
d'un  bracelet  ibérique  en  or  de 
la  collection  de  M.  I.  de  Bauer, 
491.  —  Le  bâton  de  Teyjat  et 
les  ratapas  à  l'âge  du  renne, 
511.  —  Note  de  M.  Besnier  sur 
un  bas-relief  de  Délos  au  Mu- 
sée d'Aix  en  Provence,  639.  — 
Observations,  49,  56,  82,  150, 
238,  309,  344,  530,  331,  544.  — 
Eulalie  ou  le  grec  sans  larmes, 
6.  —  Hommages,  344,  511,  634. 

Reinach  (Théodore).  Communi- 
cation, au  nom  de  M.  Arthur 
Hunt,  de  la  moitié  d'un  drame 
satyrique  de  Sophocle,  les  Dé- 
pisteurs,  270.  —  Observations, 
30,  49,  170,  531,  543.  —  OEuvres 
de  José  plie    (trad.    franc.),    15. 

Replat.  Découverte,  à  Delphes, 
d'une  statue  archaïque  dite  de 
la  Victoire,  541 . 

Reutter  (Dr  Louis).  L'embaume- 
ment, 156. 

Revillout  (Eugène).  Publications 
diverses,  37, 102,  146. 

Rhodes.  Correspondance,  en  lan- 
gue grecque,  entre  le  grand- 
maitre  des  Hospitaliers  et  le 
sultan  turc,  54. 

Ricci  (Seymour  de).  Feuillets 
d'un  ms.  de  Léonard  de  Vinci 
relatif  au  vol  des  oiseaux  et 
appartenant  à  la  Bibliothèque 
de  l'Institut, dérobés  par  Lihri, 
460.  —  Tapisseries  gothiques 
de  la  collection  de  M.  J.  Pier- 
pont  Morgan,  483.  —  Le  lire 
écrite  de  Berlin,  493.  —  Cata- 
logue des  premières  impres- 
sions (/<•  Mayence,  12. 

Ridder  (André  de).  Tables  du  Ca- 


722 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


talogue    de     la    collection     De 
Clerc q,  51. 

Ritchie  (D'R.  L.  G.).  Découverte, 
à  la  Bibliothèque  de  l'Univer- 
sité d'Edimbourg,  de  deux  frag- 
ments d'un  poème  en  langue 
d'oïl  sur  Philippe-Auguste,  148. 

Rolin  (Nicolas).  Tapisserie  de 
Beaune  portant  ses  initiales  et 
celles  de  Guigonne  de  Salins, 
491,  495. 

Roman  (Joseph),  correspondant. 
La  bulle,  644.  —  Manuel  de  si- 
gillographie française,  675. 

Rome.  Congrès  international 
d'archéologie,  47.  —  Topogra- 
phie urbaine  et  indication  du 
domicile  dans  la  Rome  impé- 
riale, 273. 

Roussel.  Décrets  de   Délos,  635. 

Rousset  (Esprit-Louis),  secrétaire 
commis  de  l'Académie  des  in- 
scriptions, f  1809.  Épitaphe, 
121. 

Roy-Chevrier  (J.).  Piédestal  trou- 
vé à  Chalon-sur-Saône  et  por- 
tant une  dédicace  à  la  déesse 
Souconna,  678. 

Russie.  —  Voy.  Poltava. 


Saint-Amans  (N.  de).  Inscription 
portant  son  nom,  près  de  Luz, 
428. 

Saint-Germain-en-Laye  (Musée 
de).  Facsimilé  d'un  bracelet 
ibérique  en  or  de  la  collection 
de  M.  Ignace  de  Bauer,  491. 

Saint-Marcel-les-Chalon  (Saône- 
et-Loire).  Socle  en  bronze  por- 
tant une  inscription  à  la  déesse 
Temusio,  680. 


Saintour  (Prix),  5.  —  Commis- 
sion, 4.  —  Rapport,  169. 
Sarapis.  Sénatus-consulte  relatif 
à  un  différend  entre  les  Déliens 
et  le  curateur  du  temple  de  ce 
dieu,  40,  57. 
Sarzec  (Ernest  de).  Découvertes 

en  Chaldée,  340. 
Sassanide  (Coupe  d'argent)  trou- 
vée près   d'un   village  du  gou- 
vernement de  Poltava,  483. 
Saturne.    Temple     et     dédicace 
consacrés  à  ce  dieu,  à  Thubur- 
bo  Majus,  348.  —  Palme  offerte 
à  ce  dieu,  355. 
Savignac  (R.  P.).  Estampages  of- 
ferts pour  le  Corpus  inscriptio 
nu  m  serniticarum,  82. 
Schsennis     (Suisse).     Dalles    de 
marbre   provenant  de   l'église 
de  ce  lieu  et  ornées  d'entrelacs, 
14,  40. 
Scueil  (R.  P.).  Commissions,  4, 
511.  —  Rapport,  169.  —  Chro- 
nologie du  règne  de  Hammou- 
rabi,  5,  40.  —    Listes   dynas- 
tiques du  Sumer-Accad,  59.  — 
L'armure   au   temps  de  Narâm 
Sin,  122,  296.  --  Tablette  con- 
tenant   le    plan    descriptif   du 
grand  temple  Ésagil  de  Baby- 
lone,  148.  —  Tablette  du  Musée 
de    Constanlinople    contenant 
les  §  145-180  du  Code  de  Ham- 
mourabi,  159.  —  Poids  babylo- 
nien daté  du  règne  d'Ourouka- 
ghina,  477,  478.  —  Texte  baby- 
lonien   relatif  aux    palmeraies 
de  la  Mésopotamie,  491.  —  Ba- 
rillets   de    la    collection    Mes- 
sayeh  relatifs  au  roi  Nabonide 
et  au  culte  des  morts  en  Baby- 


TAHLK    ALPHABÉTIQUE 


72){ 


lonie,  680.  —  Hommages,  15, 
37,  101,  102,  523. 

SciiLUiMBEHGEH  (Gustave).  Com- 
mission, 4.  —  Hommages,  94, 
274,  674,  686. 

Schwab  (Moïse).  Une  encyclopé- 
die   rabbiniqne  du  xme  siècle, 

:>n. 

Séance  publique  annuelle,  548. 

Sémitique  (Le  genre  des  noms  de 
nombre  en),  61. 

Semur.  Fouilles  de  la  Société  des 
sciences  de  cette  ville  sur  l'em- 
placement d'Alésia,  543. 

Senart  (Emile).  Commissions,  4, 
5H,  541,  690.  —  Lettre  de 
M.  Basset  relative  à  VEncyclo- 
pédië  de  Vlslam,  166.  —  Hom- 
mages, 274,  692. 

Sénatus-consulte  découvert  à  Dé- 
los,  40,  57. 

Serfs  (Affranchissements  de),  par 
Blanche  de  Castille,  dans  la 
chàlellenie  de  Pierrefonds,  415. 

Serre  (P. -A.).  Histoire  d'une  fa- 
mille de  la  Haute-Auvergne,  12. 

Sidi-Ali-bou-Djenoun  (anc.  (]olo- 
nia  Banasa),  Maroc.  Ruines  ro- 
maines ;  inscription  latine,  29. 

Sienne.  Les  Grâces  du  dôme  de 
cette  ville  rapprochées  de  la 
représentation  des  signes  du 
zodiaque  dans  les  Très  riches 
heures  du  duc  de  Berry,237. 

Sigôyer  |  Martian  de  Bernardy 
de).  Inscription  rappelant  le 
courage  par  lui  montré  dans  la 
défense  du  Musée  du  Louvre 
en  mai  1871,  695. 

Silène.  Relief  découvert  à  Thasos, 
•202,  203. 

Sirinond  (Le  P.  Jacques  .  Varian- 


tes tirées  du  ms.  de  Phèdre 
conservé  à  Saint-Remi  de 
Reims,  1 1 . 

Sofia  (Bulgarie).  Mss.  orientaux 
de  la  Bibliothèque  de  celle 
ville,  340. 

Sophocle.  Les  Dépisteurs,  drame 
satyrique  trouvé  dans  un  papy- 
rus d'Oxyrhynchus,  270. 

Souconna.  Piédestal  trouvé  à 
Chalon-sur-Saône  et  portant 
une  dédicace  à  cette  divinité 
gauloise,  677. 

Souk  El-Abiod  (anc.  Puppul  . 
Tunisie.  Base  honorifique  dé- 
diée à  l'empereur  Àreadius  el 
mentionnant  un  nouveau  vice- 
préfetdu  prétoire,  115,  371,372. 

Soussc  (Tunisie).  Épitaphe  d'un 
centurion  de  la  IIe  légion  Par- 
thique,  52. 

Sparte.  Organisation  de  la  pha- 
lange, 239. 

Squelettes  humains  fossiles 
(Trois  nouveaux),  433,  449. 

Stace.  Pii/u/us  à  restituer  dans 
un  vers  des  Silves,  161. 

Statues  d'argile  préhistoriques 
de  la  caverne  du  Tue  d'Audou- 
bert,  à  Montesquieu- A  vantés 
(Ariège  ,  531,  532.  ■  Statue 
archaïque  dite  de  la  Victoire, 
découverte  à  Delphes,  541. 

S  te  in  (Aurel).  Bu  in  s  of  désert 
Cathay,  633. 

Stèles  peintes  découvertes  à  Pa- 
gasae,  près  de  Volo,  104. 

Suadorix.  Dédicant  gaulois  d'une 

plaque  votive  trouvée  à    Bour- 

bon-Lancy,  341. 
Sumer-Accad.     Listes     dynasti- 
ques, 59. 


~'1\  TABLE    ALPHABÉTIQUE 

Suse.  L*armure  au  temps  de  Na- 
ràm  Sin,  122,  296. 

Syg  Libys  (ou  Libycus),  nom 
d'un  bestiaire  dans  une  mosaï- 
que trouvée  à  Fourvière,  413, 
415. 

Synesius  (FI.),  consularis  de  By- 
zacène,  115, 116. 


Tanger     (Maroc).     Fouilles      de 
MM.  Biarnay  et  Pérétié  aux  en- 
virons de  cette  ville,  39. 
Tannery  (Paul).  Mémoires  scien- 
tifiques, 268. 
Tapisseries  gothiques  de  la  col- 
lection de  M.  J.  Pierpont  Mor- 
gan,   483.    —    Tapisserie     de 
Beaune  aux  initiales  de  Nicolas 
Rolin  et  de  Guigonne  de  Salins, 
491,  495. 
Tarente    (Italie).    Trouvaille    de 
monnaies  grecques  archaïques, 
100. 
Temusio.  Socle  en  bronze  prove- 
nant de  Saint-Marcel-les-Cha- 
lon  et  portant  une  inscription 
en  l'honneur  de  cette  divinité 
gauloise,  680. 
Tète  de  bronze  représentant  un 
personnage  romain,  découverte 
à  Délos,  510. 
Teyjat  (Le  bâton  de)  et  les  rata- 
pas  à  l'âge  du  renne,  511. 
Thasos.  Fouilles  de  MM.  Picard 
et  A.-J.  Reinach,  59,  193,  222. 
Thédenat    (Abbé   Henry).   Com- 
missions,  691,    694.    —    Hom- 
mage, 269. 
Thericlea  vasa,  174. 
Thomas  (Antoine).  Commissions, 
4,    541.    —      Découverte,   à  la 
Bibliothèque    de     l'Université 


d'Edimbourg,    de    deux    frag- 
ments d'un  poème   en    langue 
d'oïl  sur  Philippe-Auguste,  148. 
—  Gloses  bretonnes  et  indéter- 
minées dans  le  ms.  302  d'Or- 
léans,   308.    —    Observations, 
161.  —  Hommage,  645. 
Thompson  (Sir  Edward  Maunde), 
correspondant  étranger.  Intro- 
duction   to    greek     and     latin 
palaeography,  691. 
Thrace.  Diplôme    militaire    con- 
cernant   la    flotte    de    Misène, 
découvert  en  ce  pays,  394. 
Thuburbo    Majus    (Tunisie).  Dé- 
couvertes archéologiques,  346, 
347. 
Thureau-Dangin  (François).  Can- 
didat, 632,  639.  —  Traduction 
d'une    inscription    cunéiforme 
relatant  l'expulsion  des  Gouti, 
160. 
Tilho   (Commandant).  Nouvelles 
de  sa  mission  dans  le  Tchad, 
632. 
Tolkouchine.  Glorieuses   annales 

(1812),  346. 
Torralba  (Espagne).  Fouilles   de 
M.  le  marquis  de  Cerralbo  dans 
des   nécropoles   celtibériques, 
432,  433,  525. 
Tounah     (Egypte).    Fouilles     de 
M.  R.  Weill  dans  cette  région, 
K,  iS3,484. 
Tourneur  (Victor).  Catalogue  des 
médailles  du  royaume  de  Bel- 
gique et  publications  diverses, 
120. 

Tournouër  ^Henri).  Iconographie 
et  sigillographie  de  Sainl- 
Evroul,  524. 

Toutain  (Jules).  Nouvelles  décou- 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


725 


vertes  sur  le  plateau  d'Alésia. 
173,  543. 

Travaux  littéraires  (Commission 
des),  690. 

Trébizonde  (Théodora  Comnène, 
princesse  de),  346. 

Tripolitaine  (La  frontière  romaine 
delà),  11,  14,  27. 

Tristan  (Le  Cornwall  et  le  roman 
de),  17,  27. 

Tue  d'Audoubert  (Grotte  du). — 
Voy.  Montesquieu-A vantés. 

Tunisie.  Vases  a  fond  blanc  et  à 
décor  polycbrome  trouvés  dans 
des  tombeaux  puniques  de 
Carthage  et  conservés  au  Mu- 
sée du  Bardo,  49.  —  Décou- 
vertes à  Thuburbo  Ma  jus,  346, 
347.  —  Fouilles  à  Altbiburos 
(Medeina),  417.  —  Voy.  Mer- 
lin (Alfred),  Musées,  Souk  El- 
Abiod,  Sousse. 

Ur    (auj.   Mougheïr) ,    Babylonie. 

Texte  relatif  aux  travaux  du  roi 

Nabonide  dans  le   sanctuaire, 

680. 
Urukagina,    roi     babylonien.    — 

Voy.  Ouroukaghina. 

Valenciennes.  Inscription  pour  le 
Bureau  de  bienfaisance,  694. 

Valerius  [Quadratus  ?J  (M.).  Base 
par  lui  érigée  à  Altbiburos  en 
l'honneur  de  l'empereur  Anto- 
nin,  425. 

Valerius  Rufus  (C),  tribun  de  la 
légion  VII  Claudia.  Inscription 
de  Béryte  le  concernant,  2Î-7, 
2  i». 

Vallois  (R.).  Attiques  déliens, 
104,  105. 


Valois  (Noël),  vice-président. 
Président  pour  1913,  690.  — 
Allocution,  457.  —  Commis- 
sion, 29.  —  Sermons  prêches 
par  le  pape  Jean  XXII  devant 
le  collège  des  cardinaux,  477. 
—  Observations,  417.  —  Hom- 
mages, 172,  271,  635. 

Vases  à  fond  blanc  et  à  décor 
polychrome  trouvés  dans  des 
tombeaux  puniques  de  Car- 
thage, 49.  —  Vase  «  des  mois- 
sonneurs »  d'Haghia  Triada, 
82,  83,  97.  —  Therielea  vasa, 
174.  —  Amphore  corinthienne 
trouvée  dans  la  nécropole  de 
Bordj-Djedid,  à  Carthage,  341. 

Vaubourdolle  (Capitaine).  Décou- 
verte d'une  inscription  latine 
à  Souk  El-Abiod,  115. 

Venet  (Capitaine).  Ruines  de  Sidi- 
Ali-bou-Djenoun  [Colonia  Bn- 
nasa,  Maroc),  29. 

Vespasien  (L'empereur).  Diplô- 
me militaire  par  lui  octroyé  à 
Hesbenus,  centurion  de  la  flot- 
te de  Misène,  396,  397. 

Viard  (Paul).  Dîme  ecclésiastique 
en  France  au.r  XIIe  et  XIII'  siè- 
cles, 392. 

Vice-préfet  du  prétoire  (Un  nou- 
veau), 371,  372.  —  Liste  des 
vice-préfets  actuellement  con- 
nus, 382. 

Victoire  (Statue  archaïque  dite 
de  la),  découverte  à  Delphes, 
5  i  I . 

Vidier  (A.).  Extraits  de  comptes 
royaux  concernant  Paris,  317. 

Vignaud  (Henry).  Henri/  II.tr- 
rissi-,  58. 

Viollel     (Henri).  École    l'ondée    U 


726 


TABLE   ALPHABÉTIQUE 


Bagdad  par  le  khalife  abasside 
Mustansir,  48. 

Viollet  (Paul).  Commission,  691. 
—  Obsei'vations,  416.  —  Hom- 
mages, 392,  523. 

Virgile.  Rôle  d'Ostie  dans  l'Enéi- 
de, 104.  —  Épisode  d'Amata 
dans  l'Enéide,  119.  —  Donation 
par  MUe  Lantoine,  d'une  somme 
à  attribuer  à  l'auteur  d'un  tra- 
vail sur  Virgile,  166. 

Vogué  (Marquis  de).  Estampages 
offerts  par  les  PP.  Jaussen  et 
Savignac  pour  le  Corpus  in- 
scriptionum  semiticarum,  82.  — 
Hommage,  51. 

Warbeek  (Perkin).  Lettre  en  sa 
faveur,  adressée  par  Margue- 
rite d'York  à  la  reine  Isabelle 
de  Castille,  169. 

Warner  (Sir  George).  Reproduc- 


tion de  VAdd.  ms.  24098  pu- 
bliée en  son  honneur,  6. 

Wees  (\ikos).  Découvertes  dans 
les  monastères  des  Météores,  94. 

Weill  (Commandant  Raymond). 
Fouilles  à  Tounah  et  à  Zaouiét 
El-Maietin,  483,  484. 

Xénophon.  Texte  relatif  à  l'orga- 
nisation de  la  phalange  Spar- 
tiate, 238,  239. 

Zama.  Emplacement  du  champ  de 
bataille,  477. 

Zaouiét  El-Maietin  (Egypte). 
Fouilles  du  commandant  R. 
Weill,  47,  483,  484. 

Zeiller  (J.).  Spalato ;  le  palais  de 
Dioctétien,  172. 

Zeuthen  (H.-G.),  éditeur  des  Mé- 
moires scientifiques  de  Paul 
Tannery,  268. 


TABLE    DES    GRAVURES 


Les   broches   processionnelles    et   le    vase    dit  «  des  moisson- 
neurs »  d'Ilaghia  Triada  : 

—  1 .    Faisceaux  de  broches  en  bronze 84 

—  2.    Faisceau  de  sept  broches  en  fer 85 

—  3.   Cortège  de  sacrificateurs,  d'après  un  vase  grec 86 

—  4.    Faisceau  de  broches  processionnel xs 

—  5.   Portion   de   la    scène  figurée    sur    le    vase    d'Haghia 

Triada 91 

—  6.   Personnages  figurés  sur  la  situle   de   la  Certosa   de 

Bologne 92 

Attiques  déliens  : 

—  1 .   Stoa  coudée  (détail) 108 

—  2.    Stoa  des  Italiens  (détail) 109 

—  3.   Temple  des  Taureaux  (détail  de  la  salle  nord) 111 

Épitaphe  provenant  de  Madame  (NumidieN 153 

Lion  ibérique  de  Baena I  63 

Vue  de  Carcassonne  faussement  attribuée  à  l'année  1467.  ..185,  187 

Fouilles  de  Thasos  : 

— ■     1 .    Port  de  Liménas  (Osmanieh) 195 

—     2.    Porte  de  Zeus  (après  la  fouille) 197 

—  3.    Porte  d'Héraclès    et   Dionysos,  après  la  fouille   (côté 

est) 199 

—  4.   «  Silène  au  canthare  »  de  la  Porte  oblique 202 

—  5.    Plaine  de  la  nécropole  et   construction  voisine  de  la 

Porte  oblique 204 

—  6.    Fragment  d'une   tète  d'Apollon  archaïque 20S 

—  7.   Terrasse  du  temple  d'Apollon  Pylhioset  ravin 201' 

—  8.    Pronaos   du    temple  d'Apollon    Pylhios   et  Acropole 

(après  la  fouille 213 

—  9.    Bas-relief  ionien  archaïque 216 

—  10.  Arc  de  triomphe  de  Caracalla    pendant  les  fouilles) .  2 1 s 


728  TABLE    DES    GRAVURES 

—     11.  Partie  ouest  du  «  mur  des  bases  »,  avec  le  rocher  de 

la  source  au  fond 223 


Inscription  latine  trouvée  à  Beyrouth  (Syrie). 


250 


Constantinople  : 

—  1 .    Substructions  de  l'Hippodrome 306 

—  2 .    Vue  prise  derrière  la  mosquée  d'Ahmed 307 

Amphore   corinthienne   trouvée  dans  la    nécropole  de   Bordj- 

Djedid  à  Carthage 342 

Découvertes  à  Thuburbo  Majus  (Tunisie)  : 

—  1 .    Plan  du  temple-église 349 

—  2 .   Édicule  punique •  351 

—  3.    Bijoux  trouvés  dans  une  tombe  chrétienne 359 


Fouilles  de  Fourvière.  —  Mosaïque  représentant  une  scène  du 
cirque 


413 


Grotte  du  Tue  d'Audoubert,  à  Montesquieu-Avantès  (Ariège)  : 

—  1 .   Bison 430 

—  2.   Cheval 431 

Fouilles  de  Damous-el-Karita  : 
1 .    Lampe  chrétienne  recueillie  dans  la  rotonde  souter- 
raine    459 

—  2.  Aspect  des  fouilles;  couvercle  du  sarcophage  A 461 

—  3.  Vue  des  fouilles  ;  à  droite,  les  cellae 462 

—  4 .  Vue  des  cellae 463 

—  5 .   Caveau  funéraire  avec  escalier  d'accès 465 

—  6.   Chambre  funéraire  ;  vue  des  auges  du  fond 467 

—  7.   Pièces  d'un  collier  recueillies   dans   les  auges  de  la 

chambre  funéraire. 468 

—  8.    Pièces    recueillies   dans    les    auges  de    la    chambre 

funéraire 469 

—  9 .    Vue  de  la  rotonde  souterraine 471 

—  10.    Botonde.  Plan  supérieur 4/2 

—  11 .    Botonde.  Plan  à  demi-hauteur  de  la   tour 473 

—  12.   Botonde.  Coupe  verticale  sur  l'axe  des  entrées 474 

—  13.   Botonde.  Coupe  longitudinale  sur  la  galerie;  côté  de 

rentrée 475 


T\RLE    DES    GRAVURES  729 

Poids  babylonien '*78 

Un  nouveau  manuscrit  grec  des  Évangiles  cl  du  Psautier  illus- 
tré (Bibliothèque  nationale,  Supplément  grec  n°  1335)  : 

—  1.    Saint  Pierre  (hors  texte) 

—  2.    Saint  Jean  (hors  texte) 

—  3.    Le  prophète  David  (hors  texte)  J      entre  les  pages 

—  4.   David  et  Abisag  (hors  texte)  )  514  et  515 

—  5.   Nathan  et  David  (hors  texte) 

—  G.    Marie,  sœur  de  Moïse  (hors  texte) 

Statues  d'argile  préhistoriques  de  la  caverne  du  Tue  d'Audou- 
bert  (Ariège)  : 

—  1 .   Vue  d'ensemble  des  statues  d'argile  (hors  texte)     /'  entre 

—  2.     Statue    d'argile    représentant    un     bison   (hors     \     les 

texte)  |  pages 

—  3.    Statue    d'argile    représentant    un    bison,    vue    de    J 532  et 

face  (hors  texte)  533 

Statue  archaïque  dite  de  la  Victoire,  découverte  à  Delphes 542 


TABLE    DES    MATIERES 


CAHIER  DE  JANVIER 

Séances 1,  7,  14,  17 

Appendice  : 

Rapport  sur  les  travaux  exécutés  ou  encouragés  à  l'aide  des 
arrérages  de  la  fondation  Piot  ;  lu  dans  la  séance  du  26 
janvier  1912  par  M.  le  comte  Durrieu,  membre  de  l'Acadé- 
mie        19 

Livres  offerts 8,  13,  15,  24 

CAHIER  DE  FÉVRIER 
Séances. ...     27,  29,  37,  39 

Appendice  : 

Rapport  du  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  sur  les  travaux  des  commissions  de 
publication  de  cette  Académie  pendant  le  second  semestre 
de  1911  ;  lu  dans  la  séance  du  9  février  1912 30 

Livres  offerts 28,  37,  40 

CAHIER   DE   MARS 

Séances.  . 43,  47,  52,  58,  75 

Communications  : 

Le  genre  dans  les  noms  de  nombre  en  sémitique,  par  M.  Mayer 
Lambert 61 

Les  broches  processionnelles  et  le  vase  dit  «  des  moisson- 
neurs »  d'Haghia  Triada,  par  M.  Joseph  Déchelelte,  corres- 
pondant de  l'Académie : 83 

Livres  offerts 45,  50,  57,  72,  93 


TARLE    DES    MATIÈRES  731 

CAHIER  D'AVRIL 

Séances 97,  102,   115,  121 

Communications  : 

Attiques  déliens,  par  M.  R.  Vallois 105 

Les  drames   sacrés  d'Eleusis,   par  M.  Paul  Foucart,  membre 
de  l'Académie 123 

Livres  offerts 101,   120,  I  it, 

CAHIER   DE   MAI 
Séances 147,  Lis,  166,  169,  173 

Communications  : 

Une  épitaphe  métrique  de  Madaure,  par  M.  Franz  Cumont, 
Correspondant  de  l'Académie 151 

Lion  ibérique  de  Baena,  par  M.  Eugène  Albertini 162 

Un  résumé  politique  de  l'histoire  des  rois  de  France  au  temps 

de  Louis  XII;  note  de  M.  Omont,  membre  de  l'Académie..  175 
Une  vue   de  Carcassonne  faussement  attribuée  à  l'an  1467, 

par  M.  Joseph  Poux •  82 

Appendices  : 

Les  fouilles  de  Thasos  (lra  partie),  par  M.  Charles  Picard 193 

Les  fouilles  de  Thasos  (2"  partie),  par  Ad.-J.  Reinach 222 

Livres  offerts 156,  164,  169,  171,  191 

CAHIER  DE  JUIN 

Séances.. 237,  247,  270,273 

Communications  : 

A  propos  d'une  édition  récente  de  Xénophon,  par  M.  Eugène 

Cavaignac *39 

Une  inscription  inédite  de  Béryte,  par  le  H.  P.  Jalabert 2'hS 

Livres  offerts 2't4,   268,  271,  27i- 

Appendices  : 

Rapport     sur    le    Concours    des    antiquités    nationales,    par 
M.  Camille  Jullian,  membre  de  l'Académie 2">T 


732  TABLE    DES    MATIÈRES 

Fouilles  dans  l'îlot  do  l'Amiral  à  Carthage,  par  M.  Alfred 
Merlin 277 

Le  protocole  des  lettres  des  sultans  du  Maroc,  par  M.  le  comte 
Henry  de  Castries 286 

L'armure  de  Narâm  Sin,  d'après  une  tablette  de  comptabi- 
lité trouvée  à  Suse,  par  le  P.  Scheil,  membre  de  l'Académie.     290 

Rapport  sur  l'emploi  des  fonds  De  Clercq,  par  M.  Edmond 
Pottier,  membre  de  l'Académie 301 

CAHIER    DE   JUILLET 

Séances 305,  317,  340,  346 

Communications  : 

Les  âges  protohistoriques  dans  l'Europe  barbare,  par  M.  Léon 
Joulin 309 

Les  églises  de  Cappadoce,  par  le  R.  P.  G.  de  Jerphanion..  .  .     320 
Remarques  sur  l'iconographie  des  peintures  cappadociennes, 
par  M.   G.  Millet 326 

Note  sur  la  mission  de  M.  Roulifa  en  haute  Kabylie,  par 
M.  René  Basset,  correspondant  de  l'Académie 335 

Découvertes  à  Thuburbo  Majus,  par  M.  Alfred  Merlin,  direc- 
teur des  antiquités  de  la  Tunisie 347 

Livres  offerts 316,  338,  344,  366 

Appendice  : 

Rapport  du  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  sur  les  travaux  des  Commissions  de 
publication  de  cette  Académie  pendant  le  premier  semestre 
de  1912,  lu  dans  la  séance  du  26  juillet  1912 361 

CAHIER  D'AOUT 

Séances 371,  393,  407,  415,  427 

Communications  : 

Un   nouveau  vice-préfet    du  prétoire,   par   M.  Edouard   Cuq, 

membre  de  l'Académie 372 

Les  puissances  tribuniciennes  de  Néron,  par  M.  L.  Constans.     38."» 
Note  sur  un  diplôme  militaire  découvert  en  Thrace,  concer- 
nant la  flotte  de  Misène,  du  9  février  71,  par  M.  J.-B.  Mis- 
poulet 394 


TABLE    DES    MATIÈRES  73M 

Fouilles  à  Allhiburos  (Medeina),  par  M.  Alfred  Merlin,  direc- 
teur des  antiquités  de  la  Tunisie 417 

Les  fouilles  du  marquis  de  Cerralbo,  par  M.  Joseph  Déche- 
lette,  correspondant  de  l'Académie 433 

Trois  nouveaux  squelettes  humains  fossiles,  par  le  Dr  Capi- 
tan  et  M.  Peyrony 449 

Livues  offehts 3112,  420,  455 

Appendice  : 

Rapport  sur  le  concours  du  prix  Brunet,  par  M.  Emile  Châte- 
lain, membre  de  l'Académie;  lu  dans  la  séance  du  30  août 
1912 443 

CAHIER  DE  SEPTEMBRE 

Séances 457,  477,  481,  491 

Communications  : 

Les  fouilles  de  Damous-el-Karita.  Rapport  du  R.  P.  Delattre, 
correspondant  de  l'Académie 460 

Un  poids  babylonien,  par  le  P.  Scheil,  membre  de  l'Académie.     478 

Fouilles  à  Tounah  et  à  Zaouét-el-Maietin  (Moyenne-Egypte), 
par  M.  Raymond  Weill 484 

Lettre  de  M.  Seymour  de  Ricci 493 

Livres  offerts 476,  490 

Appendice  : 

Pline  l'ancien  et  les  astrologues  chaldéens,  par  M.  Léon  lleu- 
zey,  membre  de  l'Académie 497 

CAHIER   D'OCTOBRE 

Séances.. 507,  510,  512,  525,  530 

Communications  : 

Un  nouveau  manuscrit  grec  des  Évangiles  et  du  Psautier 
illustré.  Note  de  M.  Omont,  membre  de  l'Académie 514 

La  «  Véritable  histoire  de  la  conquête  de  la  Nouvelle  Espagne  » 
de  Bernai  Diaz  del  Castillo,  par  M.  Morel-Fatio, membre  de 
l'Académie 'ils 

Les  statues  d'argile  préhistoriques  de  la  caverne  du  Tue 
d'Audoubert  (Ariège  i,  par  M.  le  comte  Bégouen 532 


734  TARLE    DES    MATIÈRES 

Livres  offerts 511,  523,  538 

CAHIER  DE   NOVEMBRE 

Séances. .    .      541,632,037 

Séance  publique  annuelle 548 

Communications  : 

Le  dauphin  Humbert  II,  par  M.  Paul  Fournier,  membre  de 
l'Académie ;>81 

Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  Joseph-Bon  Dacier,  par 
M.  Georges  Perrot,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie. . .  .     600 

Livres  offerts S44,  633,  637 

CAHIER   DE    DÉCEMBRE 

Séances 639,  646,  677,  690 

Communication  : 

Un  bas-relief  de  Délos  au  Musée  d'Aix  en  Provence,  par 
M.  Maurice  Besnier 641 

Livres  offerts 644,  671,  686,  691 

Appendice  : 

Rapport  sur  les  travaux  des  Écoles  françaises  d'Athènes  et  de 
Rome  en  1911-1912,  par  M.  Maurice  Prou,  membre  de 
l'Académie  ;  lu  dans  la  séance  du  13  décembre  1912 647 

Commission  des  inscriptions  et  médailles 694 

Périodiques  offerts 69  / 

Table  alphabétique '01 

Table  des  gravures '*  < 

Table  des  matières 730 

Errata 73'^ 


EU HATA 


P.  46,  I.  13,  au  lieu  de  :  Garet,  lire  :  Gavet. 

F.  123,  1.  22,  au  lieu  de  :  Ta,  lire  :  xà. 

P.  149,  1.  36,  au  lieu  de  :  Benoît  XIII,  lire  :  Benoit  XII. 

P.  311,  I.  3,  au  lieu  de  :  el  de  la  Cispadane,  lire  :  el  de  l'Europe 
centrale. 

P.  313,  1.  9,  au  lieu  de  :  colonisation,  lire  :  civilisation. 

P.  317,  1.  2'.t,  au  lieu  de  :  H.  P.  Jerphanion,  lire  :  B.  P.  de  .lerplia- 
nion. 

P.  394,  supprimer  la  note  1. 

P.  451,  1.  22,  au  lieu  de  :  Lausselle,  lire  :  Laussel. 

P.  483,  1.  17,  au  lieu  de  :  Zarouiét,  lire  :  Zaouiét. 


Le  Gérant,   A.    Pk: v :u>. 


MAÇON.    PROTAT     FRERES,     IMPRIMEURS 


A 


Vf 


s 


■M 


V 


> 


N 


\ 


Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  Paris 

Comptes  rendus  des  séances 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
SLIPS  FROM  THIS  POCKET 


V 


V 


f 

r 


~§ 


/ 


/ 


UNIVERSITY  OF  TORONTO 
LIBRARY 


— -y/ii 


WmmêMM 

«InHi