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ACADEMIE
DES
INSCRIPTIONS & BELLES-LETTRES
ANNÉE 1918
MAÇON, PROTAT FRKKES, IMPRIMEURS.
VS^^ï>i .
ACADEMIE
DIOS
INSCRIPTIONS & BKLLES-LETTRES
COMPTES l-iENDUS
DKS
SEANCES DE L ANNÉE
19i8
PARIS
AUGUSTE PICARD, ÉDITEUR
LI13PAIRE liES ARCHIVES NATIONALES ET UE LA SOCIÉTÉ DE l'ÉcOLE DBS CHAIITBS
8 "2 , R i; E BONAPARTE, 82
M D CCCC XVIII
AS
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 4 JANVIER
PRESIDENCE DE M. ANTOINE THOMAS, PRESIDENT SORTANT,
PUIS DE M. HÉRON DE VILLEFOSSE, PRESIDENT POUR l'aNNÉE 1918.
M. Antoine Thomas, président sortant, prononce Fallocution
suivante :
« Mes chers Confrères,
« Arrivé au ternie du mandat que vous m'avez fait l'honneur de
me confier, je tiens à vous exprimer de nouveau, sans effusion
intempestive, très simplement et très cordialement, mes senti-
ments de gratitude. J'en réserve, naturellement, une bonne part
à notre dévoué Secrétaire perpétuel, dont l'assistance ne m'a
jamais fait défaut; mais je sens bien que, malgré ses conseils,
toute mon application n'aurait pas suffi à la tâche, si votre indul-
gence n'avait d'elle-même suppléé ce que mon inexpérience n'a
pu fournir. A défaut de satisfecit, je ne doute pas que vous
m'accordiez mon quitus.
« Notre vie académique s'est poursuivie régulièrement pendant
l'année 1917. En dépit de nos angoisses patriotiques, nos com-
missions n'ont pas chômé et nos séances ont été bien remplies.
Si cruelles qu'aient été les pertes que nous avons éprouvées, la
statistique nous apprend que leur chiffre n'a pas dépassé la
moyenne. Quelques-uns des vides qui existaient dans notre
1918 1
2 SÉANCE DU 4 JANVIER '1018
Compagnie oiiL ôlé heureusement comblés : j"ai eu le plaisir
inoubliable de souhaiter la bienvenue à cinq nouveaux confrères
et de proclamer élus deux correspondants regnicolcs ; au total
sept personnes qui, vraisemblablement, conserveront un bon'
souvenir de ma présidence.
« L'état de santé de notre confrère M, Klie Berger ne lui a mal-
heureusement pas permis d'accepter la succession qui lui revenait
de droit; je me fais votre interprète en l'assurant de nouveau
de nos profonds regrets et en lui exprimant nos souhaits les plus
cordiaux pour ({u'un repos prolongé lui apporle un rétablisse-
ment Completel durable. Je n'ai pas à vous présenter l'éminent
confrère que vos suth-ages ont désigné pour parer à ce fâcheux
contre-temps. En le félicitant du rare' honneur qui lui échoit
d'inaugurer aujourd'hui une seconde présidence, j'ai besoin du
témoignage formel de nos fastes consulaires pour croire que
vin"-t ans se sont écoulés depuis qu'il a terminé brillamment la
première. Puisse le fardeau être léger à ses robustes épaules !
cest notre vœu le plus cher. Revêtu d'un double prestige,
M. Héron de Villefosse sera d'autant plus qualifié pour parler
au nom de notre Académie et au nom de l'Institut tout entier.
M Si 1917 n'a été encore pour notre pays qu'une année d'attente,
J918 ne doit pas être une année de détente. Plus que jamais
s'impose à tous la nécessité de l'effort moral destiné à seconder
l'elfort matériel qui se prépare en vue des réalisations légitimes
dont la France conserve l'espoir indéfectible. L'énergie dont fait
preuve notre nouveau président, en reparaissant sur la brèche à
notre tête, est un gage assuré que notre état d'esprit est à la hau-
teur de notre devoir. Depuis longtemps, nos devanciers nous
ont donné l'exemple et enseigné la vertu de la confiance en soi;,
sans laquelle rien de grand ne se peut accomplir. Un des quatre
premiers membres de la « petite Académie » créée par Colbert,
à laquelle nous aimons à nous rattacher, écrivait en 1683 : « Le
premier pas à la Victoire, c'est de croire qu'on la pourra rem-
porter; en douter, c'est être à moitié vaincu; en désespérer,
c'est l'être tout à fait '. »
1. François Charpentier, De l'excellence de la langue française, t. I,
p. 297.
SÉANCE t)U 4 JANVIER i9l8 3
« Je vous laisse, mes chers Confrères, sous rimpression de ces
Hères paroles, et je prie M. Héron de Villefosse de vouloir bien
prendre ma place au bureau, et M. Paul Girard, vice-président^
de venir s'asseoir à son côté. »
M. HÉRON DE ViLLUFossE, prenant le fauteuil de la présidence,
prononce Tallocution suivante :
« Mes chers Confrères,
« Je regrette vivement avec vous que notre vice-président ait
dû décliner Thonneur qui l'attendait aujourd'hui. J'espère
que le repos qu'il s'est imposé lui rendra promptement la santé.
Sa retraite vous a déterminés à m'appeler pour la seconde
fois à ce fauteuil ; votre bienveillance me confie de nouveau le
soin de diriger vos discussions. Je sens le prix de ce grand hon-
neur et je n'ai pas besoin d'ajouter que je suis profondément
touché en recevant de vous un si haut témoignage d'estime et
de sympathie. Mon premier devoir est de vous en exprimer ma
gratitude ; c'est assurément le plus doux de tous ceux que je
dois remplir cette année.
« J'ai hâte de remercier mon prédécesseur des paroles aimables
et trop indulgentes qu'il vient de prononcer en m'invitant à
occuper sa place. Pendant l'année qui vient de finir, il a déployé
un zèle et une activité que nous avons souvent admirés ; il a
conduit nos débats avec cette conscience scrupuleuse qui fut la
règle de ses actions ; c'est en m'inspirantdeson exen>ple que j'ai
l'espoir de me montrer digne de vos suifrages. Et si j'éprouvais
quelque défaillance dans l'exercice de mes fonctions, je n'aurais
qu'à me tourner vers notre cher Secrétaire perpétuel : son expé-
rience et ses avis me tireraient bientôt d'embarras. Enfin, vous
avez choisi pour me seconder un confrère dont la droiture et
la bonne grâce me sont connues depuis longtemps ; je sais que
je puis compter sur son concours le plus dévoué.
« En cette quatrième année de guerre, nos esprits sont envahis
par lespensées les plus graves. L'heure est maintenant solennelle:
le moment approche où le sort du pays va se décider. Nos espoirs
patriotiques, nos élans de piété filiale ne doivent pas nous faire
négliger nos travaux. Nous poursuivrons nos études habituelles
4 SÉANCE DU 4 JANVIER 1918
avec d'autant plus de calme qu'elles nous amènent toujours à de
salutaires méditations. L'histoire nous enscig-ne, en elFet, que
Torgueil des conquérants et des despotes, que les ambitions
démesurées des peuples trouvent ici-bas leur châtiment. Tôt ou
tard, la vérité se fait jour et le bon droit triomphe ; les lois de
réternelle justice sont immuables.
« Nos cœurs sauront rester fermes pendant les dernières
épreuves, nos âmes demeurer inébranlables et notre foi invin-
cible. Toujours maîtres de nos jugements, nous conserverons
cette parfaite liberté qui ne consent jamais à soutenir des opinions
contraires à celles que dicte la conscience. Hoc aulein liberiores
et solutiores sumus quod intégra nohis est judicandi potestas.
Au milieu des anxiétés de la patrie, nous saurons travailler
pour sa gloire, nous contribuerons- à la diffusion de ses idées
immortelles et au maintien de sa bonne renommée. Nous unirons
nos efforts pour faire mieux connaître ses nobles traditions et
ses vertus légendaires, proclamer son désinléi^essement, exalter
sa loyauté et sa vaillance, raffermir s'il en était besoin le courage
de ses enfants. Et dans l'auréole de beauté morale dont notre
chère France sera illuminée, elle nous apparaîtra plus grande
que jamais, toujours généreuse, toujours prête aux douloureux
sacrifices quand elle les croit nécessaires au bien de l'humanité.
« De l'autre côté des Alpes, nos troupes viennent de remporter
un important succès; le pi^emier jour de cette nouvelle année a
été marqué par une date glorieuse. La "Victoire, déployant ses
ailes, plane au-dessus de nos drapeaux ; elle guidera les pas de
nos soldats à travers ces champs d'Italie où chaque pli de terrain
rappelle les exploits de nos pères.
« J'adresse à notre armée, à nos alliés fidèles et valeureux, à tous
ceux qui travaillent à la libération des territoires occupés par
nos ennemis, le salut cordial de notre Académie ! »
Le Président donne lecture de l'adresse suivante qui a été
envoyée à l'Académie par la British Academy :
« A l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
« Au début d'une nouvelle année, qui trouve nos patries alliées
encore en guerre, la British Academy désire envoyer ses saluta-
SÉANCE DU 4 JANVIER 1918 5
lions à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et par elle
à rinstitut de France.
' « Les Académies de Grande-Bretagne et de France représentent
la civilisation pour laquelle nos patries se battent, et mainte-
nant, après trois ans de guerre, nous affirmons de nouveau
l'idéal pour lequel nous avons pris les armes.
« Notre conviction de la justice de notre cause est inébranlable;
elle est même intensifiée, à mesure que le temps passe, par les
preuves répétées, données par nos ennemis, que quelque grand
que puisse être leur pouvoir matériel, ils ont, comme nation,
perdu l'âme qui seule l'ait que la vie vaut d'être vécue.
« Les souffrances des nations et les deuils des individus ont été
terribles ; mais ce sont des sacrifices pour une grande cause, et
nous avons la confiance que cela n'aura pas été en vain, parce
que nous croyons en un Dieu de justice, qui soutiendra la cause
de la liberté, de l'honneur et de la bonne foi parmi les nations.
«C'est avec la plus profonde sympathie et la plus grande admi-
ration que nous, en Angleterre, avons constaté la fermeté du
caractère français et les héroïques exploits de vos armées. Les
noms de la Marne et de \^erdun sont déjà des étoiles brillantes
dans l'histoire de votre pays, et quelles que soient les épreuves
qui nous sont réservées dans l'année qui vient, nous avons la
confiance que nos patries alliées les domineront toutes et mar-
cheront en avant avec une invincible résolution vers la victoire
finale.
« Begardant dans l'avenir vers le jour où nous pourrons
reprendre le calme labeur de la science, et cette culture spiri-
tuelle et intellectuelle qui est Tânie d'une nation, j'ai l'honneur
de vous présenter les salutations de la British Academy.
« Frédéric G. Kenyon,
v< président de la British Academy.
« f"" janvier 1918. »
L'Académie souligne cette lecture par ses applaudissements.
M. le Président se chargera de répondre à l'adresse de la
British Academy, au nom de notre Académie, et de lui exprimer
nos sentiments de gratitude et de sympathie.
6 SÉANCE Dl- i JANVIEH 1018
L'Académie, votant par bulletins, désigne, conformément à la
proposition de la Commission Piot, iM. Homolle comme direc-
teur des Mémoires et Monuments Piot à la place de M. Col-
lignon, décédé.
Conlormémentàune seconde proposition, elle vote à M. Pans,
correspondant de TAcadémie, directeur de TÉcole des Hautes
études hispaniques, une somme de i.OOO francs pour continuer
ses fouilles à Bolonia.
M.Gh.-V. Langlois, au nom de la Commission du prix Gobert,
annonce que deux ouvrages ont été présentés à ce concours :
1" par M. le baron Gabriel Le Barrois d'Orgeval: Le Tribunal
de la Connélablie de France, du XlVsiècle à J790; 2° par
M. Jules \'iard, Les- Journaux du Trésor de Charles IV le Bel.
Le Secrétaire perpétuel fait connaître, ainsi qu'il suit, la
situation des concours de FAcadémie pour l'année 1918 :
Prix ordinaire [Étude grammaticale sur une des langues
nouvellement découvertes de l'Asie Centrale) : aucun mémoire.
Prix Duchalais [Numismatique du moyen âge) ; 1 concur-
rent.
Prix Gobert : 2 concurrents .
Prix Bordin [moyen âge ou renaissance) : 4 concurrents.
Antiquités de la France : 8 concurrents.
Prix Louis Fould [Histoire des arts du dessin) : 2 concur-
rents .
Prix Brunet : 5 concurrents.
Prix Stanislas Julien : pas de concurrents.
Prix de La Grange : 1 concurrent.
Prix Delalande-Guérineau : 2 concurrents.
Prix Saintour (Orient) : 4 concurrents.
Prix Jean-Jacques Berger : 8 concurrents.
Prix Auguste Prost : 2 concurrents.
Prix Le Fèvre-Deumier : pas de concurrents (l'Académie
évoque elle-même les ouvrages).
Prix de numismatique orientale : pas de concurrents.
Prix Henri Lantoine (à un travail sur Virgile) : pas de con-
currents.
SÉANCE DU 4 JANVIER 1918 7
L'Académie procède à la nomination des Commissions de
prix. Sont élus :
Prix ordinaire du budget {Etude grammaticale sur une dex
langues nouvellement découvertes de VAsie Centrale) :
MM. Senart, Ghavannes, Scheil, Cordier.
Prix Duchalais {numismatique du moyen âge) :MM. Schlum-
berger, Babelon, Th. Reinach, Maurice Prou.
Prix BoRom (moyen âge ou renaissance): MM. Schlumberger,
Emile Picot, Maurice Prou, Langlois.
Prix Louis Fould : MM. de Lasteyrie, Pottier, Durrieu, Diehl.
Prix Brunet : MM. Emile Picot, de Lasteyrie, Omont, Châte-
lain.
Prix Stanislas Julien : MM. Senart, Chavannes, Scheil, Cor-
dier.
Prix de La Grange : MM. Em. Picot, Omont, Antoine Thomas.
Prix Delalande-Guérineau : MM. Alfred Croiset, Bouché-
Leclercq, Châtelain, Ilaussoullier.
Prix Saintour : MM. Heuzey, Senart, Cordier, Scheil.
Prix Jean-Jacques Berger : MM. de Lasteyrie, Emile Picot,
Omont, Durrieu, Jullian, Prou.
Prix Auguste Prost : MM. Omont, Ellie Berger, le P. Scheil,
Fournier.
Prix Le Fèvre-Deumier : MM. Foucart, Senart, Alfred Croiset,
Salomon Reinach, Bouché-Leclercq, Pottier, Maurice Croiset.
Prix Henri Lantoine: MM. Havet, Châtelain, Maurice Croiset,
Monceaux.
Prix de numismatique orientale : MM. Schlumberger, Cler-
mont-Ganneau, Babelon, Th. Reinach.
Médaille Paul Blanchet : MM. Babelon, Salomon Reinach,
Monceaux.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau le fascicule de juil-
let-août des Comptes rendus des séances de l'Académie pendant l'an-
née 1917 (Paris, 1917, in-8°).
SÉANCE DU 11 JANVIER
PRKSIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. Léger rappelle que notre confrère M. Dieulafoy a été
promu récemment commandeur de la Légion d'honneur et
placé à la tête d'un service militaire important, et demande que
les félicitations que l'Académie lui adresse à cette occasion
soient inscrites au procès-verbal.
L'Académie se forme en comité secret pour entendre la lec-
ture du rapport semestriel du Secrétaire perpétuel sur la situa-
tion des publications de l'Académie pendant le second semestre
de 1917'.
La séance étant redevenue publique, M. Gustave Mendel
rend compte à l'Académie des travaux du service archéologique
que le général Sarrail, fidèle à une élégante tradition française,
a institué à l'armée d'Orient. Les tumuli très nombreux dans la
campagne macédonienne ont été l'objet d'une enquête appro-
fondie, menée par le brigadier Thureau-Dangin et le maréchal
des logis Rey. Les fouilles ont établi que la plupart et les plus
anciens d'entre eux correspondent à des habitats humains qui
remontent jusqu'à l'époque néolithique. On y a recueilli un
grand nombre de tessons céramiques qui témoignent de l'exis-
tence dans cette région, dès cette époque, d'une population for-
tement individualisée.
Une autre équipe du service archéologique, sous la conduite
du sergent Ernest Hébrard, a étudié les monuments byzantins
de Salonique, en particulier l'église Saint-Georges, monument
circulaire des débuts du iv" siècle, transformé en église au v%
en mosquée au xvi« et rendu au culte chrétien en 1913.
M. Mendel place sous les yeux de l'Académie une remar-
quable série d'aquarelles, de plans et de photographies dus au
peintre Lambert et à M. Hébrard et ses collaborateurs, les
caporaux Ferran et Grand '.
1. Voir ci-après.
LE SERVICE ARCHÉOLOGIQUE DE l'aRMÉE FRANÇAISE d'oRIENT 9
M. DiEHL présente quelques observations.
' M, Salomon Reinacu commence une lecture sur « le maître
de Flémalle ».
COMMUNICATION
LES TRAVAUX DU SERVICE ARCHÉ0L0GIOUE
DE l'armée FRANÇAISE d'oRIENT,
PAR M. GUSTAVE MENDEL.
Toutes les armées françaises qui, depuis la fin du xviii*
siècle, ont porté nos couleurs en Orient, ont toujours con-
sidéré comme un devoir, venues sur ces terres historiques,
lourdes d'un passé illustre, de réserver une place, à côté
des opérations militaires, à la recherche scientifique. Le
général Sarrail, commandant en chef les armées alliées en
Orient jusqu'en décembre 1917, a voulu rester fidèle à cette
■tradition. Avant même de quitter la France, en septembre
1915, il s'était préoccupé de grouper autour de lui quelques
archéologues. Aussi, dès le mois de décembre, quand quel-
ques propositions à ce sujet lui furent soumises par le lieu-
tenant Charles Bayet qui, engagé volontaire en 191 i
comme il lavait été en 1870, venait, après un séjour d'un
an sur le front de Lorraine, d'être affecté à son état-major,
le général les accueillit avec un intérêt déjà averti et une
sympathie toute prête à agir. Il ordonna aussitôt la création
d'un Service archéologique de l'Armée, et en confia la
direction au lieutenant Bayet qu'un retour inattendu de la
guerre ramenait ainsi sur le terrain même de ses premières
études, dans cette Macédoine qui, par ses travaux, par ceux
de M. Heuzey et de Mgr Duchesne, par ceux de nos cama-
rades plus jeunes, depuis M. Perdrizet jusqu'au lieutenant
Avezou, tué en service commandé au village de Kostourino
10 LE SERVICE ARCHÉOLOGIQUE DE l'aRMÉE FRANÇAISE d'oRIENT
le 12 novembre 1915, était devenue et est restée une pro-
vince de la science française.
Malheureusement, le lieutenant Bayet, repris par les
fièvres dont il avait déjà été atteint lors de ses premiers
voyag-es, ne put qu'engag-er les travaux. Le 24 février 1910,
il dut être évacué sur la France. L'offîcier-interprète de
3^ classe Mendel, également attaché à l'état-major des
armées alliées, fut — à l'ancienneté — désii^né pour le rem-
placer.
Le Service archéolog^ique acquit bientôt de précieux
collaborateurs : ce furent d'abord votre confrère, le briga-
dier Thureau-Dangin ; un ancien élève de l'Ecole des
Chartes, le maréchal des logis Re-j ; un jeune peintre d'un
rare talent, le soldat Lambert; au mois de mars 1917, le
sergent Hébrard, ancien pensionnaire de l'Académie de
France à Rome, dont vous connaissez l'érudite restauration
du palais de, Spalato ; un peu plus tard, le caporal Ferran,
grand prix d'architecture de 1914. D'autres concours, ceux
du caporal Grand, architecte ; des topographes Barte et
Tixier, du photographe Albinet, lui furent assurés d'une
manière permanente, grâce à la bienveillance des officiers
directeurs des services auxquels ces militaires apparte-
naient. En citant ici les noms du lieutenant-colonel Mailles,
chef du Service topographique, et de son successeur, le
capitaine Laronde, du lieutenant-colonel Poujanne, direc-
teur du Service des eaux, de M. l'officier d'administration
Garrigue, je n'acquitte pas la dette de reconnaissance que
nous avons contractée envers eux.
I
Les recherches du Service archéologique se sont concen-
trées d'abord sur les établissements préhistoriques de la
région de Salonique. Elles ont été dirigées par MM. Thu-
reau-Dangin et Rej.
Toute la banlieue immédiate de Salonique, et, au delà, la
LE SERVICE ARCHÉOLOniOUE DE l'aRMÉE FRANÇAISE d'oRIENT 11
côte de la Chalcidique, les basses vallées du Vardar et de
la Vistritsa présentent une agglomération assez dense de
tumuli dont les formes régulières donnent à cette campagne
un aspect très caractéristique. Des agglomérations ana-
logues ont été depuis longtemps signalées en dillerentes
parties de la péninsule balkanique et en Anatolie. Mais les
tépés ' macédoniens, souvent décrits par les voyageurs,
n'ont jamais été l'objet d'une étude approfondie. MM. Thu-
reau-Dangin et Rey ont procédé, dans toute l'étendue acces-
sible du secteur français, à une exploration méthodique que
le second continue seul depuis le mois de mai 1917. Au
cours de cette exploration, qui n'a pas été sans fatigues ni
parfois sans dangers, ils purent dresser une sorte d'inven-
taire, qui se complète progressivement, des tépés de la
région, les photographier, les reporter sur la carte oii ils ne
figurent qu exceptionnellement, et, avec la collaboration
du Service topographique, faire un relevé exact, avec
courbes de niveau, des plus importants d'entre eux. Ils
recueillirent un nombre important de tessons et d'outils en
pierre et en os.
Ces recherches en surface furent très heureusement com-
plétées par la fouille de deux tépés voisins de Salonique,
celui deGona, à peu de distance de l'ancienne Ecole d'agri-
culture ~, et celui de Sédès, près du village de ce nom. Les-
résultats en ont été très satisfaisants : sur les parois des
puits, creusés du sommet à la base de la colline, on lisait
avec netteté la succession des couches de terrain, corres-
pondant aux divers établissements qui s'étaient succédé à
cette même place, souvent distinctes l'une de l'autre par la
couleur de la terre, parfois séparées par des traces de
matières carbonisées. Des murs de pierres frustes ou de
1. C'est le nom turc sous lequel nous désignons les tumuli macédoniens.
2. La fouille du tépé de Gona avait été commencée, dès 1916, par un
médecin de l'acmée d'Orient, le D' Drej-fus, avec le concours de nos dcu.v
camarades.
12 LE SERVICE ARCHÉOLOGIQUE DE l' ARMÉE FRANÇAISE d'oRIENT
briques crues apparaissaient h différents étapes. La récolte
de tessons se cliilTra par milliers et, du même coup, la
date relative des dilTérentes séries céramiques se trouva
fixée avec certitude.
Il serait prématuré et hors de mon rôle de tirer les con-
clusions de cette longue et patiente enquête. Je me bornerai
à quelques indications sommaires.
Les tépés macédoniens se présentent sous deux formes
différentes, la forme ordinaire du tumulus hémisphérique
ou conique, et la forme d'une table, de siq^erficie beaucoup
plus considérable, de hauteur souvent moindre, présentant
un large plateau horizontal et des' talus réguliers. Les deux
formes sont parfois juxtaposées.: c'est le cas, par exemple,
à Sédès, où la table et le tumulus ne sont séparés que par
une dépression de quelques centaines de mètres. Parfois
l'union est plus intime encore : à Gradobor, à Amatovo
dans la vallée du Vardar, le tumulus se dresse sur la table
comme une sorte d'omphalos posé sur un colossal soubas-
sement.
Les tables semblent avoir porté d'anciens établissements
qui, dans certains cas, ont duré, sous forme de bourgades,
jusqu'à une époque assez avancée. Le consul Degrand et
M. Georges Seure, qui ont exploré en Roumélie orientale
des tumuli aplatis, équivalents bulgares des tables macé-
doniennes, ont cru pouvoir y reconnaître des nécropoles
superposées K Les deux interprétations ne s'excluent pas
l'une l'autre, étant naturel qu'à plusieurs étages d'habitats
correspondent plusieurs étages de nécropoles. Des fouilles
permettraient seules de résoudre ce problème et, du même
coup, elles en élucideraient un autre, encore obscur, celui
de l'origine de ces tables. Sont-elles naturelles, ou artifi-
cielles, ou simplement aménagées, comme tendraient à le
faire admettre d'une part l'importance de leur masse,
d'autre part la régularité de leur profil? 11 y a là, à côté du
1. Bulletin de correspondance hellénufue, XXX, p. 360 suiv.
LE SER^*tCE AtlCMÉOLOGIQUE DE LAtlMÉE FRANÇAISE d' ORIENT 13
problème archéoloj^ique, un problème géologique qu'un
géographe distingué, le lieutenant Denis, a bien voulu se
charsrer détudier.
Les tépés de la forme tumulaire habituelle sont, comme
on le savait, tous d'origine humaine. Mais un résultat assez
imprévu des recherches de MM. Thureau-Dangin et Rey
est d'avoir établi que certains d'entre eux (et sans doute le
plus grand nombre) correspondent, comme les tables, à
d'anciens villages et qu'ils se sont élevés peu à peu, par le
lent exhaussement d'un sol habité d'une manière continue
pendant de longues générations. Ce sont sans doute les
actions éoliennes et neptuniennes, particulièrement puis-
santes dans ce pays pluvieux et battu de forts vents du
Nord et du Sud, qui ont modelé progressivement les courbes
régulières de leur silhouette. Bien que rien ne les différencie
à première vue des tuinuli funéraires, construits d'une
seule fois, ils s'en distinguent essentiellement par la pré-
sence en surface de nombreux tessons céramiques qu'on ne
trouve ni sur les flancs ni dans l'épaisseur des tépés-tom-
heaux .
Nos camarades ont eu l'occasion d'ouvrir un tumulus de
ce dernier type situé près de la route de Salonique à
Monastir, vers le kilomètre 18. Il renfermait, légèrement
décentré, un grand caveau voûté, construit en blocs bien
appareillés, d'époque hellénistique. C'est au même temps
qu'appartient un autre tumulus, presque entièrement arasé,
dont la chambre funéraire, ornée d'une élégante façade
dorique, a été mise à jour au cours de travaux exécutés à
Salonique sur la place de Constantinople. Ce monument est
lui-même étroitement apparenté au beau caveau dégagé en
1910, dans le tumulus dit de Langaza, par Théodore
iSIacridv bev ', et aux tombes découvertes par M. Heuzey
aux environs de Verria. Il semble qu'on puisse conclure de
1. Jahrbuch des archaeologischen Inslitats, XXVI, 1911, p. 193 suiv.
\i LK sr'jhvtcl<: AHCiiÉot^omuLiE de l AKMiît; i-^tiANçAtsË d'ohient
ces rapprochements, avec les réserves imposées par une
documenlation encore rudimentaire, que ce mode de sépul-
ture ne s'est généralisé dans cette région qu'à l'époque
proprement macédonienne.
La céramique recueillie dans les tcpes du premier type
forme une série continue dont le développement peut être
déterminé avec certitude, grâce aux données fournies par
les tépés de Gona et de Sédès. Des couches profondes, qui
appartiennent à l'époque néolithique, à la .couche superfi-
cielle où apparaît, représenté par de très rares spécimens,
le vernis noir attique, elle présente une succession très
diverse en ses éléments, et très homogène dans son ensem-
ble. On ne manquera pas de signaler l'influence qu'ont
exercée sur elle à certaines époques le décor mycénien
(dont on a retrouvé quelques fragments importés) et le
décor insulaire. Les ti'ouvailles faites dans les tumuli thes-
saliens, bulgares, bosniaques permettront d'utiles compa-
raisons. Il sera intéressant d'en rapprocher la vaisselle des
tumuli troyens et phrygiens, mais elle n'en reste pas moins
empreinte d'un fort caractère local en qui se reconnaît la
marque d'une population rustique très nettement indivi-
dualisée.
n
La seconde équipe du Service archéologique s'est attachée
à l'étude des monuments byzantins de Salonique.
Je regrette de ne pouvoir exposer par le détail les fouilles
que le sergent Ilébrard a conduites dans l'église Saint-
Georges. Elles ont été un modèle de méthode et de saga-
cité et ont permis de reconstituer l'histoire entière d'un
important monument, mal connu jusqu'à présent.
L'église Saint-Georges n'est pas, comme on le croit géné-
ralement depuis Texier, une église byzantine du v*' siècle,
mais un édifice romain, très probablement contemporain de
l'arc de Galère. Le monument primitif comprenait une
LE SERVICE ARCHEOLOGIQUE DE L ARMEE FRANÇAISE D ORIENT lo
simple rotonde circulaire couverte par une coupole. Au rez-
de-chaussée, le mur est évidé par huit grandes niches rec-
tangulaires voûtées, dont l'une, celle du Sud-Ouest, moins
large que les autres, constituait l'entrée. C'est sans doute
du V* au VI® siècle que l'édifice païen, dont la première
destination reste encore incertaine, fut transformé en é"-lise
On l'agrandit par l'adjonction d'un collatéral concentrique
qui l'enceignit tout entier d'une sorte de portique clos,
large de 7 "' 80. Pour permettre la circulation entre le
collatéral et la rotonde, les niches furent ouvertes ; pour
donner à l'église une orientation plus voisine de la litur-
gique, une entrée nouvelle fut établie au Nord-Ouest. A
l'extrémité opposée, la niche nord-est élargie, surmontée
d'un arc triomphal, s'ouvrit sur un chœur fermé par une
abside visible à l'extérieur et communiquant avec le colla-
téral par deux arcs latéraux. Le sol fut exhaussé de plus
d'un mètre. Tout l'édifice reçut une riche décoration de
marbres et de mosaïques. Des constructions adventices qui
s'élevèrent contre l'église, on n'a mis à jour que les
amorces. Une seule, devant l'entrée sud-ouest, a pu être
dégagée dans ses lignes essentielles : nous eûmes la surprise
d'y retrouver, taillée dans deux blocs de marbre profilés,
la base du célèbre ambon , publié autrefois par M. Bayet et
transporté à Gonstantinople depuis janvier 1900.
L'église ne fut enlevée au culte chrétien que longtemps
après la conquête turque (1430), vers la fin du xvi'^ siècle.
Les Turcs éliminèrent le collatéral, qui était sans doute
ruiné, refermèrent les niches et les arcs latéraux du chœur,
qui fut conservé, maintinrent les deux entrées nord-ouest et
sud-ouest et exhaussèrent encore le sol de plus d'un mètre.
Le secteur de la coupole placé au-dessus du grand arc
s'étant écroulé, ils le restaurèrent, sans d'ailleurs tenir
compte de la double courbe de la coupole primitive (de là
les « ventres » qui font saillie au raccord des deux cons-
tructions); et le monument, consacré sous le nom de son
16 LE SERVICE ARCtlÉOLOGIQrE DE l'aRMÉE ERANÇAISK D*0RIENT
fondateur, le derviche Souleyinan Orladji, prit laspect qu'il
a conservé, à quelques restaurations près, exécutées en
1889, jusqu'au jour où le Service archéolojjique de l'armée
d'Orient en commença l'étude.
iMitre temps, M. Hébrard avait relevé, avec le concours
du caporal Grand, les plans de la basilique de Ilag-hia
ParasUévi. Saint-Démétrius a malheureusement été détruit
par l'incendie avant que le Service archéologique en ait
pu commencer l'étude.
Le caporal Ferran, qui, depuis le mois d'août, avait prêté
son concours au sergent Hébrard, s'est détaché vers le mois
d'octobre pour reprendre l'étude du mur d'enceinte déjà
esquissée par M. Tafrali. Il établitprésentement un relevé
de Yédi-Coulé, la vieille forteresse byzantine située au
sommet de l'Acropole, et de toute la section du rempart
comprise entre ce point et l'ancienne porte de Calamaria,
à l'extrémité est de la rue Eg-natia. Précédemment,
M. Hébrard avait pratiqué quelques sondages sur l'empla-
cement présumé de l'ancien hippodrome qui se développait
parallèlement à la section du mur comprise entre cette
porte et la mer. Enfin notre camarade Tixier, du Service
topographique, a dressé un plan à grande échelle : tous les
vestiges antiques, tous les monuments byzantins, isla-
miques et modernes, y seront reportés en teintes différentes.
Nous avons cru, en outre, devoir faire une place à une
série de monuments qu'on a trop longtemps négligés. Il a
existé en Orient, au xvui'^ et dans la première partie du
xix'= siècle, un art décoratif fastueux et charmant : sculp-
teurs sur pierre et sur bois, ébénistes, imagiers, ce sont
eux qui ont décoré les iconostases des églises et les plafonds
des riches konaks, exécuté ces meubles domestiques ou
cultuels en marqueterie d'ivoire, de nacre et d'écaillé,
sculpté les fontaines consacrées par de pieux musulmans
et peuplé les cimetières turcs de leurs stèles enguirlandées
et fleuries. Le Service archéologique se propose, avec la
AAi?PORÎ bL' SECRÉTAIRE t>ËRÎ>ÈTtJEL 1?
collaboration de la Section photographique de l'armée
d'Orient (dirigée à Salonique par le lieutenant Georges
Rémond), de constituer un album de ces bois, de ces
marbres et de ces icônes. Ce recueil sera également précieux
aux historiens de l'art et aux fervents de la « tur([uerie ».
Telle est, en bref, l'œuvre accomplie jusqu'à présent par
le Service archéologique de l'armée d'Orient. Si modeste
soit-elle, elle ne sera pas inutile si elle peut faciUter celle
des savants qui viendront plus tard, sur cette terre pacifiée,
reprendre leur place et leur tâche, et si elle porte témoi-
gnage que, dans les heures les plus sanglantes, les armées
françaises ont maintenu intacte l'une de leurs traditions les
plus élégantes et les plus nobles.
APPENDICE
Rapport semestriel de m. le secrétaire perpétuel sur la
SITUATION DES PUBLICATIONS DE l'aCADÉMIE PENDANT LE SECOND
semestre 1917 ; lu dans la SÉANCE DU 11 JANVIER 1918.
Depuis mon dernier rapport, il ne vous a été distribué
aucune publication nouvelle. Je me hâte de vous dire que la
faute n'en est point imputable à nous, mais à l'imprimerie, qui
n'a ni le temps ni les moyens de nous satisfaire. Elle garde en
bons à tirer, depuis le 16 février dernier, les 7 premières feuilles
des Poiiillés de la province de Bourges ; elle n'a pas tiré la no-
tice de M. Thomas sur le manuscrit latin 4788 du Vatican, ni
la notice de M. Doutrepont sur le manuscrit français 1 1594
de la Bibliothèque nationale, ni le mémoire de M. Guq sur les
nouveaux fragments du Code de Hammourahi, sans compter
certaines feuilles du Corpus inscriptionum semiticarum, qui
auraient dû nous être livrés depuis longtemps.
Pour les autres mémoires dont il a été question dans mon
1918 ■ 2
»8 UAPPORT DU SECRÉTAIRE PERl'ÉTuliiL
rapport de juillet, rimpression continue sans trop do retard. Les
placards 1-20 à 179 du travail de M. Fournier oui cHû renvoyés à
riniiiriniorie le 19 octobre dernier, ils n'en sont pas encore re-
venus ; les placards 196 à 'ii.'J du nicnioire de M. Foucart en sont
sortis le '21 décembre.
Gel état de choses vous expliquera pourquoi je ne nie suis pas
pressé de livrera l'impression deux notices dont votre Commis-
sion des travaux littéraires a décidé la publication il y a quelques
semaines : une notice de M. Blochet : Sur plusieurs manuscrits
persans de la collection Marteau légués à la Bibliothèque
nationale; une notice de M. K. J. Basmadjian sur des Inscrip-
tions arméniennes d'Ani, de Baçfnair et de Marmachen [Ar-
ménie russe). Il est bien inutile de confier de nonibreux ma
nuscrits à limprimerie, iDuisqu'elle ne les met pas en composi-
tion, ou, si elle les compose, elle ne les tire pas. Cette situation
est même assez inquiétante pour le règlement filial des comptes;
le jour où elle se décidera à terminer le travail en souffrance,
nous verrons affluer une série de notes dont le montant risque
de dépasser nos ressources disponibles chaque année.
Voici maintenant l'état de nos publications en préparation :
Histoire littéraire de laFrance. — La Commission de V Histoire
littéraire de la France ayant reconnu, au dernier moment, la
nécessité de faire une révision générale du long- article posthume
consacré par le regretté Paul Viollet à Guillaume Durant le
jeune, évêque de Mende,n'a pu encore donner le bon à tirer des
17 premières feuilles du t. XXXV. Cette révision, à laquelle
prendra part M. Ch.-V. Langlois, successeur de M. Paul Meyer
au sein de la Commission, touche à sa fin. L'article important
de M. Thomas sur l'historien Bernard Gui, presque entièrement
rédigé, sera incessamment lu et envoyé à Timprimerie; il for-
mera environ 10 à 12 feuilles.
Chartes et diplômes. — M. Prou a achevé la révision du ma-
nuscrit du Recueil des diplômes de Pépin I et de Pépin II, roi
d'Aquitaine, rédigé par M. Levillain. Il déclare que Fauteur a
apporté à ce travail le soin minutieux et la critique fine qu'on a
remarqués dans tous ses ouvrages antérieurs.
M. Prou présentera dans quelques jours son rapport à la Com-
mission des chartes et diplômes, de telle sorte que si cette
RAPPORT DU SECRÈTAlt^E PKRPÉtLEL l9
Commission et celle des travaux littéraires le jugent opportun,
on pourra mettre le volume sous presse dès que l'état de nos
finances le permettra.
De son côté, M. Poupardin a remis l'introduction de son
recueil des Actes des rois de Provence.
Enlin M. Prou poursuit la préparation du recueil des Actes
de Charles le Chauve. Il travaille depuis plusieurs mois à réta-
blissement du texte des diplômes concédés à Saint-Martin de
Tours, travail difficile, à cause de la disparition des documents
originaux, et long, en raison du nombre considérable de copies
qu'il faut collalionner.
Notre nouveau conlVère, M. François Delaborde, pourra très
prochainement remettre pour l'impression la première moitié du
tome I\' du Recueil des actes de Philippe Auguste. On peut,
dès maintenant, considérer comme prêts les trois quarts de
ce volume, plus de 300 pièces.
M. Berger n'a pas pu, cet été, pour des raisons de santé,
pousser la publication du Recueil des actes de Henri II, comme
il l'aurait souhaité, et préparer pour le commencement de cette
année le supplément et l'index destinés à compléter le tome II.
Les fiches ont toutes été confectionnées, elles sont classées par
ordre alphabétique et fondues jusqu'à la lettre H inclusivement.
La rédaction des lettres A et B est achevée. Nous espérons que
notre confrère pourra, ainsi qu'il se propose de le faire, se con-
sacrer activement, dans les mois qui vont suivre, à la continua-
lion du travail.
Les dépouillements entrepris par AOI. H. Stein et G. Daumet
pour le Recueil des actes de saint Louis continuent ; tant qu'ils
ne seront pas achevés, on ne pourra pas arrêter d'une manière
définitive le plan de la publication.
Pouillés. — M. Prou et M. Clouzotsont occupés à corriger les
épreuves des vingt et une feuilles de texte qui forment tout le
recueil des Pouillés des provinces d'Aix., d'Arles et d'Embrun.
Le bon à tirer des quatre premières feuilles de l'introduction et
des neuf premières feuilles du texte sera donné sous peu.
M. Clouzot n'a pas oublié que nous l'avons chargé de préparer
les Pouillés de la province de Besançon. Il est occupé, en ce
moment, à copier un Pouillé du diocèse de Lausanne, du
xiu" siècle, conservé à la Bibliothèque de Berne.
2Ô RAPPORT bu SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
Obitiiaires. — L'éclileur du lome IV des Obiluaires [province
de Sens, diocèse de Troyes),M. Boulillierdu Helail, est toujours
mobilisé sur le front et n'a pu encore achever la table du vo-
lume.
Un autre de nos collaborateurs, M. Jacques Laurent, mobilisé
à rinlérieur dès le début de la guerre, avait dû interrompre,
en 1914, la préparation du tome V des Obiluaires [province de
Li/on). 11 est niaintenanl en mesure de se remettre à l'œuvre, et
la première partie du lome V pourra être mise sous presse dans
les premiei'^ mois de 1U18.
Corpus inscripliiinuni scnulicarun}. — La tâche des auteurs
éditeurs est terminée depuis le mois de septembre dernier pour
le 3'^ fascicule du tome II i^partie himyarite). Le bon à tirer a
été donné à celte date. Le proie priacipal, m'a dit notre confrère
le P. Scheil, lui a fait savoir que, faute de main-d'œuvre, ce
fascicule ne pouriail être livré avant la fin de l'année 1917. La
fin de l'année est venue, non le fascicule. La préparation d'un
nouA eau fascicule suit son cours.
Pour la partie phénicienne, les placards renvoyés à l'impri-
merie au début de l'année ne sont pas revenus avec les correc-
tions demandées.
De la partie araméenne, 150 placards sont corrig-ésà nouveau ;
ils vont être retournés très prochainement à l'imprimerie.
Le bon à tirer de la ±' partie du lome III du Répertoire d'épi-
yraphie sémitique a été donné, il y a deux mois, à l'exception
de la ti-eizième feuille dont une dernière épreuve est attendue et
de quelques pages de copie qui restent à composer.
Le texte du tome IV est préparé et aurait pu être remis pour
l'impression si, ainsi que je vous l'ai déjà dit, il n'était pas abso-
lument inutile d'accumuler des manuscrits qui sont destinés à
rester en sommeil jusqu'à nouvel ordre.
La publication du Journal des Savants, qui jusqu'ici, grâce au
désintéressement de la maison Hachette, n'avait éprouvé, du fait
de la "-uerre, aucun relard sensible ni aucune diminution, doit
se soumettre à son tour cette année à la loi générale. Du moins
l'Académie et l'éditeur ont-ils tout fait pour que le Journal
souffre le moins possible de la cherté du papier et de la pénurie
de main-d'a^uvre. Nous ne pouvons pas paraître chaque mois
LIVRES OFFERTS 21
comme par le passé ; nous donnerons un numéro par deux mois;
mais ce numéro dépassera, le nombre de feuilles attribuées
jusqu'ici à chaque fascicule mensuel.
M. Dorez continue à mener aussi rapidement que possible la
publication de nos Comptes rendus. Je vous ai annoncé, il y a
huit jours, l'apparition du numéro de juillet-août. Celui de
septembre-octobre est en pages ; celui de novembre-décembre
est en partie composé. "**
LIVRES OFFERTS
M. Babelon a la parole pour un hommage :
« Je suis chargé par M. Georges Foucart d'offrir à l'Académie une
publication dont il est l'auteur et qui a pour titre : Sur quelques
représentations des tombes théhaines découvertes cette année par
l'Institut français d'archéologie orientale (extrait du Bulletin de
l'Institut égyptien, série V, t. XI, 1917).
« Cette étude porte sur les fouilles préliminaires que M. Georges
Foucart a conduites pendant l'hiver de 1916-17 pour préparer des
travaux plus étendus auxquels il va s'appliquer cette année, grâce
en partie à une subvention de la Société française des fouilles
archéologiques.
« Ces sondages préparatoii-es dans une nécropole thébaine de la
rive gauche ont permis déjà de déblayer une centaine de tombes,
parmi lesquelles une douzaine ont mérité d'être décrites et publiées ;
huit d'entre elles avaient encore leur décoration à peu près intacte.
Il s'y est rencontré des scènes nouvelles, spécialement une variante
unique de la scène traditionnelle d'Anubis se penchant sur la
momie du mort assimilé à Osiris. Mais ici le dieu est remplacé par
un poisson qu'Anubis enveloppe de bandelettes, ce qui amène
l'auteur à montrer l'importance du culte des poissons dans la reli-
gion égyptienne à l'époque la plus ancienne et sur la symbolique
qui en a été tirée. Ces premiers résultats des travaux préliminaires
de M. Georges Foucart sont de bon augure pour les fouilles métho-
diques plus amples qu'il s'apprête à mettre en chantier, <>
SÉANCE DU 18 JANVIER
PUÉSIDENCK DE M. HÉRON DE VILLIÎFOSSlî.
L'Académie vote la résolulion suivante :
« L'Académie confère à. M. R. Gagnât, son secrétaire perpé-
tuel, tous les pouvoirs qui avaient été conférés précédemment à
MM. Georges Perrot et Maspero pour les libéralités en cours
au moment des décès de ces derniers, v
M. Salomon Reinacu passe en revue les hypothèses qui,
depuis 1887, ont été mises en avant pour identifier l'artiste
auquel on attribue une série de peintures de grande valeur,
groupées autour des fragments provenant de l'abbaye de Fié-
malle. Depuis 1909, grâce à M. Mulin, on sait qu'il ne s'ap-
pelait pas Daret ; mais M. Reinach croit non moins impossible
de l'identifier, comme l'a fait M. Hulin, au peintre de Tournai
R. Gampin, dont l'obscurité serait tout à fait inexplicable s'il
était l'auteur de pareils chei's-d'ceuvre. Il faut attendre qu'un
document d'archives nous permette d'attacher un grand nom à
ces grands ouvrages, au lieu d'aller à l'encontre du témoignage
négatif des contemporains en grandissant indûment un nom
obscur. Pour l'instant, il semble bien que l'œuvre du maître de
Flémalle ait été retirée injustement à Rogier de la Pasture, le
peintre de la ville de Bruxelles, qui ne fut pi'obablemènt pas
l'élève de Gampin et qui, ayant travaillé à Ferrare vers 1437,
peut avoir notablement modifié sa manière à l'âge de quarante
ans environ.
M. Paul FoucART propose une correction pour un passage du
chapitre 62 de la Gonstitution d'Athènes d'Aristote (traitement
de l'épistate des prytanes).
Gette communication donne lieu à un échange d'observations
entre l'auteur, MM. Th. Reinach, Maurice Groiset et Haus-
«oru.iER.
LE MAROC ET LES CROISADES 23
M. Tafrali, professeur à TUniversité de Jassy, fait une lecture
sur i'église de Saint-Nicolas à Gurtea de Argech et y signale des
peintures remarquables, naguère cachées sous un enduit de chaux
quon a fait disparaître. Ces peintures remonteraient à la
deuxième moitié du xni" siècle.
MM. DiEHL et Emile Picot présentent des observations.
M. Babelon lit une note de M. Dieulafoy sur le Maroc et les
croisades * .
COMMUNICATION
LE MAROC ET LES CROISADES,
PAR M. MARCEL DIEULAFOY, MEMBRE DE l'aCADÉMIE.
La dernière étape de la chevauchée musulmane sur la
côte africaine n'avait guère éveillé l'attention des historiens
avant l'établissement de notre protectorat. En tant que
terre d'Islam, le Maroc avait traversé des périodes bril-
lantes, mais elles avaient été suivies d'éclipsés si complètes
et si prolong-ées qu'elles s'y étaient éteintes. Puis, ses rela-
tions avec les royaumes chrétiens, sauf avec l'Espagne,
avaient été trop intermittentes et trop passagères pour solli-
citer des recherches.
Pourtant, le Maroc a participé d'une manière elFective et
parfois directe à la rédaction de deux grandes pages des
fastes militaires et religieux de la chrétienté : les Croi-
sades et la reconquête sur les Mores de la péninsule ibé-
rique.
A la suite de l'arrivée en Espagne du dernier des
Omeiyades, Bagdad, oîi les Abbassides avaient exercé les
pires violences sur les membres de la dynastie dont ils
1 . \'oir ci-après,
24 LE MAROC ET LES CROISADES
convoitaient l'héritage, et Cordoue, après avoir recueilli Abd
er Rhanian, le seul Omeiyade qui eût échappé au massacre,
avaient rompu toute relation (754 de J.-C).
D'autre part, un antagonisme né de la difîérence de race
a toujours séparé les musulmans arabes du Levant d'avec
les musulmans berbères du Couchant et entretenu un état
de guerre prolongé entre la dynastie Fatimite d'Egypte,
et les dynasties Idrissites, Zénètas, Almoravides, Almo-
hades et Mérinides du Maroc, antagonisme si violent, si
invétéré que jamais l'Atlas demeuré berbère ou, pour lui
donner son nom général, le bled es siha (la terre de pro-
testation) n'a reconnu l'autorité des' sultans de la dynastie
Ghorfa, d'origine arabe, à qui le reste du pays est soumis
depuis le xvi'' siècle.
Aux périodes prospères de l'empire marocain, la Tunisie
formait la limite des deux zones d'influence. Tunis fut me-
nacé par Youssef ben Tachfin de la dynastie des Almora-
vides dès 1092, et conquis en 1156 par Abd el Moumen
de la dvnastie des Almohades.
La double agression est à noter.
En effet, si au début de la première croisade, les chré-
tiens eurent à lutter contre les Turcomans, par la suite ils
trouvèrent devant eux les sujets du khalife fatimite
d'Egypte qui avaient profité de revers récents, mais anté-
rieurs à la Croisade, pour reprendre aux Turcomans Jéru-
salem avec la côte de la Palestine et la Phénicie jusqu'à
Laodicée.
Il en résultait que les Arabes devaient compter avec deux
ennemis musulmans également acharnés, également puis-
sants : les Turcomans au Nord et les Berbères marocains à
l'Ouest.
Cette situation très nette eut une répercussion effective
sur les opérations militaires des Croisés.
Le siège d'Antioche fut l'épisode capital du début de
l'épopée, La ville formait avec son territoire le domaine
LE MAROC ET LÈS CROISADES 25
d'un khan turcoman nommé Akhy Syan. Durant les neuf
mois que dura le siège, les assaillants souffrirent de la fièvre,
de la disette, mais heureusement neurent à combattre que
les Turcomans. Encore le triomphe des Croisés fut-il en
partie consécutif à Tattitude du khalife fatimite d'Kgypte
qui, au lieu de porter secours à ses coreligionnaires, en-
tama des négociations avec les chrétiens.
Les Turcomans tentèrent un dernier effort trois jours
après la prise d'Antioche. Kerbog-ha, sultan de Mossoul, et
un de ses lieutenants, Daoud Kilidje Arselan (David Épée
du Lion), bloquèrent les vainqueurs dans la ville qu'ils
venaient d'enlever de haute lutte. La tentative tourna de
nouveau à leur confusion. Ils furent mis en déroute, prirent
la fuite, et les escadrons turcomans ne reparurent plus
devant les soldats du Christ.
Le premier acte du drame militaire était joué et, seuls
parmi les musulmans, les Turcomans avaient pris part à la
lutte.
Quand la toile se leva sur le second acte, il v avait en
présence l'armée chrétienne anémiée, découragée, ne comp-
tant plus guère que quinze cents cavaliers et vingt mille
fantassins valides, et les Arabes du khalife fatimite.
Les épreuves physiques et morales endurées devant
Antioche furent imposées une seconde fois aux chrétiens
sous les murs de Jérusalem. En dépit des ravages opérés
par les épidémies et par la guerre, malgré les départs, les
désertions et les renoncements, les combattants de Dieu
enlevèrent en trente-sept jours la Ville de Paix et rédui-
sirent la tour de David élevée, disait-on, sur l'emplacement
du temple de Salomon (lo juillet 1099).
Les Turcomans assistèrent indifférents à la défaîte des
Arabes, c'était dans l'ordre ; mais l'Egypte, suzeraine de
Jérusalem, eût pu noyer sous les flots de ses cavaliers la
petite armée chrétienne, et elle ne fît aucun effort sérieux.
On le vit bien à la bataille d'Ascalon, où vingt mille Croisés
2() LE MAROC ET LES CROISADES
fatig-ués par trois années de privations et de maladie eurent
raison, au premier choc, de l'armée musulmane.
L'enthousiasme relig-ienx et la loi ardente des soldats de
Godefroi de Bouillon lurent les facteui's essentiels de la
victoire. Néanmoins, avec les forces infimes dont les Croisés
disposaient, leur succès resterait inexplicable si, au début
de l'expédition, l'Islam turcoman n'eût été privé du secours
de l'Islam fatimite, et si, par la suite, ce dernier, quand le
moment de combattre était venu pour lui, n'avait opposé
aux chrétiens qu'une faible partie de ses forces.
Les contemporains et les témoins de la première Croi-
sade ont bien parlé de l'armée innombrable envoyée par le
khalife d'Egypte pour secourir ou reprendre Jérusalem,
mais il en est de cette armée comme des peuples que le
Grand Roi amena contre la Grèce et qu'Hérodote se plaît à
énumérer. Une victoire est d'autant plus glorieuse que la
disproportion des forces en présence est plus considérable.
Les siècles passent, l'histoire se répète.
En vérité, les Fatinlites qui, désormais, allaient prouver
leur puissance victorieuse furent contraints de mesurer leur
elfort. Cette attitude expectante s'explique quand on se
reporte aux annales de l'Afrique septentrionale à la fin du
xi^ siècle. Précisément, c'est l'époque où devint imminente
la menace redoutable suspendue sur l'Egypte depuis la
constitution des forces berbères de l'Ouest, quelque deux
siècles auparavant.
Le Maroc avait été conquis à la foi islamique par Idriss
et par son fils Idriss ben Idriss au début du ix" siècle. Il en
était résulté que la première dynastie avait été une dynastie
arabe. Mais les Berbères s'étaient bientôt ressaisis et, sans
abandonner la religion musulmane, avaient choisi un des
leurs pour les gouverner. A la même époque, les Fatimites
se consolidaient à Kairouan et en Egypte. Dès lors, ils dis-
putèrent à leurs voisins de l'Ouest la côte et les plaines de
l'Afrique méditerranéenne. Cette lutte, traversée par les
LE MAROC ET LES CROISADES 27
incursions des Omeiyades d'Espagne, était entretenue par
l'appât de territoires fertiles et plus encore par les rivalités
de race qui ont été signalées.
La compétition avec des alternatives de succès et de
revers durait depuis près de trois siècles, quand les Ber-
bères sahariens voilés, les ancêtres des Touaregs, qui vi-
vaient dans le désert, entre l'Atlas et le Soudan, s'imposèrent
au Maroc et à l'Espagne. Le pouvoir, dans l'Afrique occi-
dentale, s'énervait aux mains des Zénètas, successeurs des
Idrissites, et perdait de sa puissance agressive. Les nou-
veaux venus, qui prirent ou reçurent le nom de Morabethyn
(Liés) parce qu'ils étaient liés à l'ermitage de Abd x\llah
ben Yassyn qui leur enseignait le Coran, entrèrent dans la
lice avec la fougue indomptée des populations barbares et le
zèle ardent des néophytes.
Or, l'année même où s'ébranlait l'armée des Croisés, le
véritable fondateur de la dynastie des Almoravides (trans.
de : al Morabethyn) et en même temps l'un des plus grands
souverains du Maroc, Youssef ben Tachfin, après avoir sup-
planté en Espagne les Omeiyades et vaincu les princes chré-
tiens de la Péninsule, regagnait ses états, conduisait ses
troupes victorieuses contre les Fatimites, l'ennemi hérédi-
taire, et campait aux portes d'Alger. La mort interrompit
sa marche victorieuse ; mais jusqu'au jour où elle le ter-
rassa, l'Orient islamique dut se prémunir contre une attaque
des Berbères marocains et garder des troupes nombreuses
à leur opposer en cas de conflit. Précaution . fondée et
mesure prudente, puisqu'on 1156, les Almohades, succes-
seurs des Almoravides, annexèrent Tunis et son territoire
(v. ci-dessus).
Il serait excessif de prétendre que, durant le siège
d'Antioche, la crainte du Maroc ait paralysé les Arabes au
point de les empêcher de secourir les Turcomans. Leur
conduite expectante eut d'autres causes. Mais l'abandon de
Jérusalem et la perte de la bataille d'Ascalon furent la
â8 T,E MAROC ET T-KS CROISADES
conséquence de cette nécessité où les Fatimites se trouvaient
de conserver en Afrique assez de forces pour couvrir la fron-
tière occidentale. La suite des événements le confirme.
En eiret, six années après le triomphe des Croisés et au
lendemain de la mort de Youssef ben Tachlin, les Berbères
entraient en décadence et durant un demi-siècle étaient
retranchés du monde musulman. Dès lor.s, TEg-ypte n'eut
plus à surveiller la frontière occidentale et l'on sait com-
bien la situation des principautés et des royaumes chrétiens
de Palestine devint précaire durant la trêve de cinquante ans
dont jouirent les Fatimites. Si la situation ne s'améliora
pas à l'avènement des Almohades et si la prospérité nou-
velle que l'Occident musulman connut avec Abd el Moumen
(1128-H63) et Yakoub el Mansour (1184-1198) n'eut pas
une répercussion fatale sur l'Egypte, c'est que des facteurs
politiques et militaires nouveaux étaient intervenus. Les
Almohades avaient dû porter tout leur effort sur l'Espagne,
comme en témoigne la grande bataille d'Alarcos, gagnée
par Yakoub el Mansour le 19 juillet 1195 ; puis le Kurde
Salah ed Din (1137-1193), le plus grand capitaine et le
plus habile diplomate qu'eût encore produit l'Islam, avait
recueilli l'héritage du sultan turcoman Nour ed Din, ren-
versé le khalife du Caire et réalisé à son profit l'union des
musulmans orientaux.
La reprise de Jérusalem sur Gui de Lusignan en 1187
consacra le succès des Kurdes et, jusqu'à la mort de Salah
ed Din suuvenue vers la même époque que celle de Yakoub
el Mansour, le Maroc n'intervint pas en Egypte.
La disparition vers 1198 de Yakoub el Mansour marqua
le déclin des Almohades ,et la perte de la bataille de Las
Navas de Tolosa (16juillet 1212) en précipita la chute.
L'anarchie où le Maroc fut plong-é dura quatre-vingts ans.
Débarrassée une seconde fois d'un voisinage redoutable,
l'Egypte devint l'arbitre des destinées de la Terre Sainte.
Désormais, c'est elle qu'il fallut atteindre et frapper pour
LE MAROC Kt LES CROISADES 29
délivrer le tombeau du Christ. 11 en résulta que si la troi-
sième Croisade (H 89-1 192) fut dirigée contre Salah ed Din,
la quatrième (1202-i204) et la cinquième (121 7-1221) eurent
l'Ég-ypte pour ol:)jectif direct.
Jusque-là, le Maroc avait joué au regard des Croisés le
rôle que les Mongols allaient recueillir.
A l'approche des hordes de Djinghis Khan (1152-1227),
le sultan du Caire, Malek el Kamel, eut hâte de conjurer le
péril chrétien et, non content le 18 mars 1229 de restituer
Jérusalem à Frédéric 11, il proposa plus tard une trêve qui
expira en 1239.
Cependant les Mongols avaient envahi la Boukhari, le
Khariznie et la Perse occidentale, et chassé devant eux la
population alFolée. A leur tour, les émigrés avaient écrasé
la Palestine et contraint l'Egypte d'accepter leur alliance.
Grâce à l'aide des Kharizmiens, Jérusalem fut repris au
cours de l'été de 1244. Mais la terreur que ces barbares
inspiraient était si grande qu'elle réconcilia pour un jour
les chrétiens et les musulmans de Syrie. La Croix et le
Croissant s'unirent; ce fut en vain. Le 17 octobre 1244,
leurs défenseurs coalisés furent écrasés à Gaza. Pendant
673 ans, le berceau du christianisme allait rester au pou-
voir des sectateurs de Mahomet.
La funeste Croisade de saint Louis, la septième, entre-
prise en 1248, fut encore dirigée contre l'Egypte qui, après
sa rentrée en scène, était l'adversaire désigné aux assauts
de la chrétienté. Mais en 1270, la huitième Croisade avant
cinglé vers Tunis, les successeurs des Almohades, les Méri-
nides, se sentirent menacés. Ils avaient amorti les que-
relles intestines, rappelé le Maroc à la vie politique et
reconstitué sa puissance militaire. Le sultan Abou Youssef
Yakoub ben Abd el Ilakk (1 238-4285) fit taire des rancunes
séculaires et, sans hésiter, porta au-devant des chrétiens les
grandes forces assemblées de tout l'empire. Elles parvinrent
à Tunis pour assister à la mort de saint Louis, le 25 août
!HI LE MaHOC Et les CROISAttRS
1270, et prendre part aux opérations militaires de la fi}i de
l'été.
C'est ainsi que durant les 171 années qui s'écoulèrent
depuis la prise de Jérusalem jusqu'aux batailles sous Tunis
s'aflirma l'influence du Maroc souvent latente, parfois dé-
clarée, toujours efl'ective.
Le traité du 29 octobre passé entre Philippe 111, fils de
saint Louis, et Mouley Mostança, chef des Musulmans,
était honorable pour les chrétiens. Il ne mettait pas moins
le sceau à l'expédition.
Pour toujours l'ère des Croisades était close.
Tandis que le rameau oriental triomphait des armées
chrétiennes, par contre-coup, ses succès ruinaient l'influence
du rameau occidental sur l'ensemble du monde musulman.
Bien que diminuée, elle ne restait pas moins redoutable en
Espag-ne et, surtout, pouvait le devenir.
Les Almoravides comptaient à leur actif dans la pénin-
sule ibérique la bataille d'Uclès (IIOG), et les Almohades,
la bataille d'Alarcos (19 juillet 1195). Malgré ces deux
grandes victoires dues uniquement aux contingents maro-
cains, les sectateurs de Mahomet reculaient et allaient
s'affaiblissant au cours des long-ues crises que le pouvoir
subissait sur la côte africaine. La défaite sanglante qui leur
fut inflisée à Las Navas de Tolosa sembla un instant déci-
sive. Elle ne ruina qu'une dynastie, la dynastie Almohade.
Après une lutte de peu de durée, un gouvernement indé-
pendant s'établit en Andalousie, choisit Grenade comme
capitale et, pour plus de deux siècles, rendit la vie au pres-
tige mourant de T Islam espagnol. Par la suite, sa consoli-
dation dans le Sud de la péninsule fut grandement aidée par
les Mérinides qui, vers 12o0, recueillirent la succession des
Almohades tombée en déshérence. Des relations étroites se
nouèrent, dont l'architecture musulmane, au Nord et au
Sud du détroit, otïre elle-même la preuve manifeste, et
préparèrent une alliance militaire.
Le MAROC ET F.ES CROISAMES 31
Il était dans la destinée du Maroc de traverser des
phases successives de force et d'impuissance et de passer
sans transition de la prospérité à la misère.
En 1340, le Mérinide Abou el Hassan aborde en Espagne,
rencontre l'armée d'Alphonse XI sur les rives du Rio Salado
et lui livre une bataille dont la perte précipite la décadence
de sa dvnastie comme la défaite de Las Navas de Tolosa,
cent vini^t-huit ans plutôt, avait entraîné la chute des Almo"
hades.
Pendant ving't-trois ans encore, les successeurs d'Aboud
Hassan restèrent au pouvoir, mais exercèrent une autorité
plus nominale qu'etfective.
Après la mort d'Abd el Aziz (1372), le désordre est à son
comble, règne partout, et les Mérinides disparaissent obscu-
rément vers le milieu du xvi*^ siècle.
C'est au cours de cette période deux fois séculaire que la
Grande Isabelle prit Grenade et mit fin à l'occupation
musulmane de la péninsule (2 janvier 1492). Gouverné par
un souverain puissant, le Maroc eût répondu aux appels
désespérés de l'Andalousie. Mais reconnaissait-il, seule-
ment, un maître? Le temps des Youssef ben Tachfin, l'Almo-
ravide, et des Yakoub elMansour, rx\lmohade, était révolu.
Aux victoires d'Uclès et d'Alarcos avaient succédé les dé-
sastres de Las Navas de Tolosa et du Rio Salado. Isabelle
n'ignorait pas cet état de déchéance quand elle conçut le
projet d'achever la reconquête du royaume dont, 780 ans
plus tôt, la défaite de Roderic sur le Guadalète avait livré
les portes aux compagnons de Tarik. Et c'est ainsi que le
Maroc qui, dans sa puissance, avait facilité aux Croisés la
prise de Jérusalem en retenant en Egypte l'armée de
secours, hâta la reddition de Grenade, parce que dans sa
débilité, il ne put ni aider les Andalous à défendre leur capi-
tale ni même permettre à Boabdil de prolonger la résistance.
Désormais le Maroc allait vivre ou végéter suivant la
valeur du monarque qui le gouvernerait. Il eut encore un
32 LtVRËg OPt^ÉUtë
souverain, Mouley Ismaël (1G73-1728), puis il ne compta
plus dans le concert des nations.
Sous la tutelle de la France, il reprendra la [)lace qu'il a
jadis occupée et renouera l'avenir avec un passé souvent
glorieux. La route où il s'engage s'ouvre devant lui sans
obstacle et d'autant plus aisée à parcourir qu'au cours des
siècles, si ce n'est un jour devant Tunis,. il n'a jamais été
dans sa destinée de pactiser avec les adversaires de sa pro-
tectrice.
LIVRES OFFERTS
M. Antoine Thomas présente à l'Académie le tome V de VHistoire
(le la langue française, des origines à 1900, de M. Ferdinand Brunot,
professeur à l'Université de Paris (Paris, Armand Colin, 1917) :
« Il me paraît inutile d'insister sur l'intérêt de l'œuvre vraiment
nationale à laquelle s'est consacré l'auteur et sur le talent et la cons-
cience dont il y fait preuve ;"je rappelle seulement que l'Académie,
en 1912, a lionpré du prix Gobert les deux premiers volumes du livre
de M. Brunot. Le tome V est intitulé : « Le français en France et
hors de France au xvii« siècle. » On y voit notre langue s'introduire
peu à peu dans tous les domaines intellectuels dont on l'avait tenue
éloignée jusque là, et s'infiltrer dans les provinces où vivaient
encore des parlers locaux ; puis, passant les frontières politiques,
devenir si familière aux peuples étrangers qu'on peut la considérer
comme étant dès lors en passe déjouer le l'ôle de langue universelle.
Malgi'é la splendeur politique du règne de Louis XIV, la langue
franc^'aise ne doit qu'à elle-même, et au génie de ceux qui l'ont
cultivée, par amour de l'art, en quelque sorbe, et sans aucune visée
de conquête violente aux dépens des autres langues parlées en
Europe, le prestige dont elle a été entourée.
« On comprendra pourquoi M. Brunot a eu hâte de publier ce nou-
veau volume, au moment où rien n'est de trop de ce qui peut illus-
trer le rôle qu'a joué notre pays dans l'histoire générale de la civili-
sation. Et on le félicitera d'avoir pu l'écrire et le faire paraître dans
la crise que nous traversons, et où son apparition même est un
témoignage de plus de la solidarité qui lie l'enseignement supérieur
aux destinées de la patrie française. »
SÉANCE DU 25 JANVIER
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. CoRDiER commence la lecture des rapports adressés par
M. Bonnel de Mézières sur la mission qu'il a accomplie en
Afrique avec une subvention de l'Académie.
M. PoTTiER donne lecture d'une notice de M. Pierre Paris,
correspondant de l'Académie et directeur de l'École des Hautes
études hispaniques, sur les fouilles qu'il a effectuées en mai-
juin 1917 à Bolonia (Espagne) avec une subvention fournie sur
la Fondation Piot. On a retrouvé une importante fabrique pour
la salaison du poisson, industrie très prospère dans l'antiquité,
une grande villa romaine et une fontaine publique; enfin plu-
sieurs tombes ont été explorées par M. Bonsor. Les fouilles
doivent reprendre au printemps de 1918 '.
M. P. Monceaux communique une note de M, le D'' Carton,
correspondant de l'Académie, sur des chapiteaux chrétiens à
sculptures et inscriptions, et sur d'autres monuments antiques,
qui ont été récemment trouvés à Tozeur (ancien 7'usvrus), dans
le Sud tunisien ^.
L'Académie désigne comme délégués pour 1918 à la Commis-
sion Debrousse MM. Babelon et Châtelain, et comme délégués
à la Commission du prix Osiris MM. Senart et Haussoullier.
1. Voir ci-après.
2. Voir ci-après.
1918
34 FOUILLES A ROLONIA
COMMUNICATIONS
FOUILLES A liOLONIA (PROVINCE DE CADIx) EN MAI-JUIN 1917,
PAR M. P. PARIS, CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE.
Bolonia est un tout petit village de pêcheurs situé au
bord d'une plage qui fait justement face, sur la côte espa-
gnole, à la ville de Tanger. Le Campo de Bolonia est à une
douzaine de kilomètres environ à l'Ouest de Tarifa.
Les ruines antiques dont Bolonia marque remplacement
ont été assez rarement signalées et visitées. La première
mention, à notre connaissance, en fut faite en 1663 par
D. Macario Farinas del Corral, dans un manuscrit conservé
à la Bibliothèque de l'Académie de l'Histoire, à Madrid.
On y a remarqué surtout les restes grandioses d'un aque-
duc, de la muraille d'enceinte et d'un soi-disant amphithé-
âtre. Assez récemment, en 1907, le R. P. jésuite Furgus,
de nationalité belge, les a visitées avec quelque soin et a
fait quelques fouilles dans divers cimetières antiques. Nous-
même, en 1914, nous avons fait l'excursion à la suite de
laquelle nous avons décidé d'entreprendre une exploration
importante, et écrit une Promenade archéologique à Bolo-
nia qui, publiée dans le Bulletin Hispanique^ fait connaître
l'état exact des lieux avant les travaux.
Les historiens et géographes anciens, de Strabon à Mar-
cien d'Héraclée, énumérant les villes de la côte européenne
du détroit de Gibraltar, autrefois Fretum Magnum^ ont
tous mentionné Belo ou Belon, ou Bellone, célèbre par ses
pêcheries, grand port d'exportation vers l'Afrique, et il en
reste des monnaies au nom latin de Baelo ou Bailo, avec lé-
gendes en une langue inconnue que les numismates appellent
hastulo-phénicienne . Mais les modernes ne sont pas tous
d'accord sur l'identification de Belo avec Bolonia, bien que
FOUILLES A BOLONlA 35
cette identification soit très vraisemblable. Nous pensons
même qu'une étude précise des textes et des lieux la rend
à peu près certaine, mais il faut attendre d'un document
épigraphique la preuve irrécusable que l'on n'a pas encore
trouvée. En eiïet, les fouilles que nous avons entreprises
en mai 1917, avec l'autorisation du gouvernement espao-nol,
et g-râce aux libéralités de l'Académie des inscriptions, avec
la collaboration de notre ami M. Georges Bonsor, ne nous
ont livré encore qu'une inscription très incomplète, où ne
se lit pas le nom de la ville.
Les ruines principales, en particulier le théâtre, et non
l'amphithéâtre, sont enfermées dans un vaste reotan"-le
très nettement déterminé par une muraille fortifiée dont
plusieurs grands tronçons restent encore bien conservés.
La ville, construite au bord même de la plage relevée en
terrasse, occupait d'abord une large bande plate de sable
(c'est là que sont construites les rares maisons modernes)
et s'élevait ensuite sur le flanc d'une colline en pente assez
raide, que couvrent maintenant, parmi les pierres taillées
et les moellons, des champs clairsemés de blés et de
fèves .
Nous avons d'abord ouvert un chantier sur la terrasse
de la plage, à l'endroit où une photographie ancienne nous
montrait un chapiteau posé au sommet d'une grosse colonne
à pans coupés émergeant du sable, chapiteau alors disparu.
Nous avons retrouvé ce chapiteau au pied du mur de sou-
tènement de la terrasse, assez profondément enfoui dans
le sable, avec deux autres de même style. Ils sont tous les
trois incomplets, mais intéressants, car leur stvle corin-
thien, très fortement altéré ou pour mieux dire modifié
laisse voir nettement qu'ils proviennent d'un important
édifice ibéro-romain. La surface entière était certainement
recouverte de stuc, et nous n'avons retrouvé vraiment que
la carcasse ou le squelette, taillé dans un grès coquillier
très peu plastique ; nous pouvons par conséquent à peine
juger la valeur artistique de ces débris.
36 FOUILLES A 60L0MA
Les modernes qui ont parlé de Boloniu y mentionnent,
on ne sait d'après quels renseignements, un temple de Baal,
sur le bord de la plage. Nous avons pu croire un moment
que les chapiteaux provenaient de ce temple, et pour nous
en assurer, nous avons commencé à enlever le sable en
arrière du mur de soutien, près de l'endroit où les chapi-
teaux avaient roulé. Nous avons bien retrouvé, encore en
place, les trois colonnes qui les supportaient, et deux autres
encore, non plus à pans coupés, mais à grosses cannelures,
qui avaient heureusement conservé leur tête en assez bon
état. Ces deux nouveaux chapiteaux sont aussi corinthiens,
formés également de squelettes de grès recouverts de stuc.
Ici le stuc s'est heureusement conservé, nous permettant
d'apprécier une heureuse finesse de détails, et des feuilles
d'acanthe bien disposées et habilement modelées. Mais ces
beaux membres d'architecture ont été amenés d'ailleurs et
réemployés dans une construction beaucoup plus moderne,
qui n'est pas un temple.
Ce que nous avons déblayé est une importante usine pour
la salaison du poisson, probablement du thon, qui a tou-
jours abondé dans ces parages, et que l'on y pêche encore
à Bolonia même, à l'été et à l'automne, quand il s'engage
en Méditerranée et quand il en revient.
On avait déjà signalé tout le long de la côte, depuis
Lisbonne jusqu'à Gibraltar et au delà, des restes de bassms
à salaisons, mais c'est ici la première fois que l'on retrouve
et que l'on fouille un établissement complet, avec ses nom-
breuses fosses à garum, de grandeur et de profondeur
diverses, ses vastes ateliers pour le lavage et la prépara-
tion, ses magasins et dépendances diverses. Ces premières
fouilles permettront donc d'écrire un chapitre très neuf sur
une industrie qui était très florissante dans tout le monde
antique, particulièrement en Espagne, et qui ne nous était
connue jusqu'ici que par des textes et par quelques ves-
ti"-es clairsemés de constructions à peine étudiées. Nous
FOUILLES A JîOLONLY 37
avons du reste reconnu, tout le long- de la plage, d'autres
bassins, et il faut espérer qu'en fouillant tout autour nous
retrouverons d'autres usines qui nous fourniront de nou-
veaux détails.
L'usage qui a été fait de fragments de grosses colonnes
très anciennes et de leurs chapiteaux pour supporter sim-
plement le toit et des baies en arcades, ainsi qu'il résulte
de l'examen des ruines rendues au jour, cet usage est
curieux, et nous lui devons de très rares documents sur
l'art local à une époque reculée qu'il est encore difficile de
préciser, en même temps que sur l'architecture civile à une
basse époque romaine.
Ce sont des réemplois du même genre qui donnent
aussi son principal intérêt à une grande maison romaine de
même âge, contig'uë à l'usine, et que nous avons fait
sortir tout entière du sable.
Elle se compose d'une cour carrée entourée d'un portique
sur lequel ouvrent plusieurs salles plus ou moins g-randes.
Le toit du portique était supporté par huit colonnes, trois
sur chaque côté, engagées jusqu'à hauteur d'appui dans un
petit mur. Cinq de ces colonnes étaient encore en place et
debout, incomplètes d'ailleurs, tandis que les trois autres,
incomplètes aussi, gisaient sur le sol.
Tout ce portique est d'une construction très pauvre, et
maladroite ; les colonnes, fûts, chapiteaux et bases, sont
irrégulières et inégales, ce qui dut être d'un effet fâcheux,
bien que le stuc peint en rose dont elles étaient revêtues
ainsi que la murette, et qui est parfois assez bien conservé,
ait pu leur donner une apparence de soin et de richesse.
Mais ce qu'il y a de notable , c'est que, comme celles de
l'usine, elles proviennent d'un autre édifice dont le souve-
nir était si peu net que l'architecte a confondu les chapi-
teaux et les bases, et a employé, à côté de bases correcte-
ment placées, des chapiteaux renversés. Les bases véritables
présentent des moulures variées, et les chapiteaux, tous
38 FOUILLES A BOLONIA
dissemblables, rappellent le dorique romain. Il arrive d'ail-
leurs qu'une partie du fût soit taillée dans une même pierrre
soit avec le chapiteau, soit avec la base.
Au centre de la cour était un puits assez profond et
étroit, dont la margelle, ([ue nous avons remise en place,
avait été roulée dans \m angle, et dont loritice avait
été couvert au ras du sol par une large pierre plate.
Gomme les murs et les colonnes du patio, les chambres
avaient été enduites dun stuc peint, tantôt rouge, tantôt
jaunâtre; nous n'avons pas reconnu de tableaux, mais seu-
lement, dans une belle chambre, un panneau où était peinte
à grands traits une décoration de feuilles vertes et jaunes
cernées de noir.
Il est certain que d'autres maisons, également bien con-
servées, entourent celle que nous avons découverte. Il y a
là sous le sable tout un quartier qu'une prochaine campagne
nous permettra de déblayer, et nous avons l'espoir d'y
recueillir de nouveaux fragments d'architecture plus anciens
que les habitations mêmes, sinon des objets divers, des
sculptures et des inscriptions.
Profitant de ce que le vent de l'Est, très violent lors de
certaines marées, rendait les fouilles impossibles près de
la plage, nous avons commencé à explorer la ville sur les
premières pentes de la colline, où le sable est remplacé par
la terre. Les premiers coups de pioche nous ont fait décou-
vrir une belle et grande fontaine publique, de plan demi-
circulaire ou à peu près, comprenant un solide mur de fond
en pierres de gros appareil, qui devait être surmonté de
quelque important motif de décoration, et d'un bassin
bétonné, très peu profond. Le mur était recouvert de minces
plaques de marbre blanc encadrées de moulures, dont nous
avons retrouvé beaucoup de débris. L'inscription dédica-
toire, en très belles lettres de onze centimètres, était gravée
aussi sur marbre, et gisait, incomplète par malheur, en
plus de vingt morceaux, sur le radier du bassin ; on n'en
peut rien tirer de bien clair.
FOUILLES A ROLOMA 39
Selon la coutume, l'eau se déversait dans le bassin par
des bouches de bronze, et, semble-t-il d après un fragment
conservé, par des mufles de lions.
La découverte de ce monument, intéressant par lui-
même, est de bon augure. Ce quartier de la ville, un peu
au-dessous et à droite du théâtre, devait contenir des
édifices importants, dont nous avons pu reconnaître
de sérieux vestiges ; là se trouvait peut-être le forum.
Enfin M. Bonsor, qui est un habile spécialiste pour la
fouille des tombeaux, — on sait que c'est à lui qu'est due
l'exploration de la merveilleuse nécropole de Carmona,
unique au monde, — s'est plus particulièrement occupé de
faire quelques sondages dans les cimetières, et surtout
dans le principal, où se trouvent les sépultures romaines,
et dont l'emplacement, à l'Est de la ville, sur le bord de la
plage, signalé par un mausolée encore debout, est depuis
longtemps saccagé par des fouilles clandestines.
M. Bonsor a eu la pioche heureuse, et après avoir réou-
vert quelques tombes qui n'étaient plus intactes, il est vrai,
mais qui cependant ont donné lieu à des observations
utiles, il en a déblayé une qui semblait à peu près vierge,
car elle avait gardé, avec ses urnes cinéraires, quelques-
uns des objets de son mobilier funèbre. Ces objets n'ont
pas grande valeur ; mais la disposition même de la tombe
en a beaucoup, car elle est toute nouvelle. C'est une assez
grande fosse oblongue, maçonnée au fond et sur les quatre
côtés, et divisée en deux compartiments. L'un a servi
d'ustrinum, pour la crémation des corps, et l'autre était
destiné à recevoir les umies ; ce dernier était recouvert
d'une plaque, et l'on y pénétrait par un trou d'homme percé
dans la cloison séparatrice.
C'était là le véritable tombeau. Les parois en étaient
stuquées et peintes, et, par une curieuse coïncidence, cette
peinture est absolument semblable à celle que nous avons
relevée dans une salle de la maison de la plage, et due au
40 NOTE SUR DES CHAPITEAUX CHRÉTIENS DE TOZEUR
même ouvrier. De telle sorte que nous pourrions bien
avoir trouvé la maison, l'usine et le tombeau de famille
d'un même riche Ibéro-romain aux approches des temps
chrétiens.
Les fouilles reprendront au mois d'avril 15)18, avec plus
d'ampleur, grâce aux nouvelles largesses dont l'Ecole des
Hautes études hispaniques est très reconnaissante à l'Aca-
démie, et le succès des débuts nous donne la certitude que,
si nous ne retrouvons pas dans les couches profondes du
sol la Belo bastulo-phénicienne que nous désirerions sur-
tout explorer, — c'est le secret des fouilles, — du moins
nous pourrons écrire l'histoire monumentale d'un port
romain que son industrie et son commerce rendirent
longtemps prospère, et que sa situation aux confins de
deux continents, sur le passage de tant de civilisations,
rend particulièrement attrayante.
NOTE SUR DES CHAPITEAUX CHRÉTIENS DE TOZEUR (tUNISIe),
PAR M. LE D"" CARTON, CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE .
Au cours d'une tournée médicale dans le Djerid tunisien,
j'ai vu, dans la cour du Contrôle civil de Tozeur, plusieurs
antiquités qui, à ma connaissance, n'ont pas encore été
publiées.
Les plus remarquables consistent en chapiteaux de
l'époque chrétienne. En voici la description :
1" Chapiteau en pierre calcaire commune, jaunâtre et
poreuse, mesurant 47 centimètres de hauteur, 42 centi-
mètres de largeur en haut, et 35 centimètres de largeur en
bas.
Sur une des faces (A), un encadrement d'entrelacs bou-
clés entoure un panneau d'entrelacs en forme de natte. A
la partie inférieure est une ligne de mutules.
Une autre face (B) offre, à l'intérieur d'un encadrement
NOTE SUR DES CHAPITEAUX CHRÉTIENS DE TOZEUR 41
semblable, une croix à branches égales et droites, inscrite
dans un cercle. Dans chacun des angles qu'elle forme, se
trouve une étoile k quatre branches : trois de ceé dernières
étant à l'intérieur du cercle, et la quatrième en dehors. Il
V a aussi la lione inférieure de dentelures.
La face C ofTre sur ses deux bords verticaux la ligne
d'entrelacs bouclés, et, sur le bord inférieur, celle des
mutules. Mais le bord supérieur présente, à la place des
entrelacs, une inscription d'une ligne, précédée d'une croix
à branches égales :
[estampage) + GKORIA IN ExCEL
gloria in excel\sis\
La hauteur des caractères est de 3 centimètres. Ils pré-
sentent des traces de peinture rouge.
La face D offre la même ornementation que la face B,
avec cette différence que, sur le bord supérieur, les entre-
lacs sont remplacés par une inscription de deux lignes, très
fruste, que je n'ai pu déchiffrer.
|. IVS
ICnidVI nOSII (estampagey .
Hauteur totale des deux lignes: 6 centimètres. Lettres
de la première ligne : 2 centimètres ; de la deuxième ligne :
2o millimètres.
2° Un autre chapiteau, de même matière et de mêmes
proportions que le précédent, offre, sur une face (A) très
abîmée, les traces d'une décoration d'entrelacs en nattes ;
sur une face (B), le cadre d'entrelacs en boucle entourant
le panneau de nattes. Les mutules existent à la partie infé-
rieure de toutes les faces. — Ce cadre est remplacé, à la
partie supérieure, par deux lignes de caractères très usés,
indéchiffrables.
1. .\ la seconde ligne lire probablement : ...IX I\'I)EOS...
Ï2 NOTK Sun DKS CIIAPITRAUX CHRÉTIENS DR TOZEUR
La face G est traitée de la même manière, avec un
texte d'une seule ligne.
Sur la quatrième face (D) a été gravé en creux et à la
pointe un sujet peu reconnaissable, où l'on croit remarquer
un personnage ailé planant, les ailes déployées, à la partie
supérieure du panneau ; et, à la partie inférieure, un ou
deux personnages assis ou couchés : scène qui se rapporte-
rait facilement à celle que rappelle l'inscription donnée ci-
dessus (voir l'estampage). .
Ces deux chapiteaux ont été trouvés dans les ruines de
l'ancienne Thuzuros par un Arabe qui les a olFerts au
contrôleur civil, M. Digoix, à l'obligeance de qui je dois
d'avoir pu en prendre la description.
3" Il en est de même du suivant, qui est en pierre de
même nature que celle des premiers, et qui mesure 43 centi-
mètres de hauteur, 41 centimètres de côté en haut, et
31 centimètres de côté en bas. Il offre, au lieu des entre-
lacs, un encadrement formé d'une ligne de demi-cercles
tournés vers l'extérieur, et renfermant à leur intérieur un
chevron ouvert également au dehors. A l'intérieur, on
retrouve l'ornementation en nattes à tiges obliques, déjà
décrite. Sur. les trois faces sont des mutules , comme ci-
dessus.
Une quatrième face diffère des précédentes ; elle est cou-
verte de cercles, dans lesquels sont inscrites des étoiles à
quatre branches.
Toute cette ornementation offre un fort relief, et est très
bien conservée.
4" Un beau chapiteau, malheureusement assez abîmé,
offre des motifs différents des précédents. Il mesure 46 cen-
time très de hauteur, et 38 centimètres de côté à la partie
supérieure. A la partie inférieure est un tambour cylin-
drique qui devait prolonger le fût, et dont le diamètre
mesure 26 centimètres.
Les quatre angles offrent, à la partie supérieure, une tête
NOTE SUR Di:S CHAPITEAUX CHRÉTIENS DE TOZEUR 43
de mouflon ou de bélier, en fort relief, mais en mauvais
état^ dont, les cornes forment volutes. Sur une des faces,
entre les volutes, est la colombes portant un rameau dans
le bec. J'ai, quelques jours plus tard, relevé ce même
double motif sur un chapiteau d'une des églises de
Sbeitla. Au-dessous de la colombe, entre les deux têtes
d'animaux, s'étend un écusson en forme de large feuille.
Plus bas règne une couronne de feuilles, au-dessous de
laquelle le chapiteau est limité par un boudin en forme de
câble : motif byzantin bien connu, en Afrique et ailleurs.
Au-dessous s'étend le tambour portant une couronne de
feuilles, déjà signalé.
La même ornementation se retrouve sur les trois autres
faces, à l'exception du motif de la colombe, remplacé par
un motif indéterminable.
Comme je l'ai dit plus haut, j'ai vu, quelques jours plus
tard, les chapiteaux, les consoles, les suffîtes, les corniches,
d'un stvle si remarquable, qui ornaient les basiliques de
l'antique Suffetiila (Sbeitla). Dans la même tournée, j'ai
revu la série si rerriarquable des chapiteaux de la grande
mosquée de Kairouan, qui, d'après les Arabes, viendraient
aussi de Sbeitla. La chose est bien possible, si on s'en rap-
porte à l'analogie des motifs, à leur originalité, et à la fac-
ture de l'ornementation. Il s'agit de feuillages, non pas
copiés sur la nature, mais traités d'une manière tout à fait
dillerente de ceux de l'époque païenne, dont certainement
les sculpteurs chrétiens ne se sont pas inspirés dans la plu-
part des cas.
Chapiteaux de la mosquée de Kairouan, aux feuilles
repliées et repoussées par le vent, rinceaux et branches
de certaines consoles de Suffetula, panneaux des chapiteaux
de Tozeur qui viennent d'être décrits, et qui rappellent les
panneaux de bois sculpté du mirab du sanctuaire de Sidi
Oklia : cette remarquable série de sculptures largement
traitées, aux creux profonds, aux reliefs fouillés, est
4i NOTE SUR DES CHAPITEAUX CHRÉTIENS DE TOZEUR
l'œuvre d'une inspirai iou très particulière, dont l'orii^ine
ne doit pas être recherchée, à mon avis, dans les monu-
ments africains de date antérieure.
Dans les ruines d'une égalise chrétienne située entre
l'oasis de Deg'ache et celle de Tozeur, M. Dij^oix a trouvé
un petit chapiteau en calcaire blanc, haut de 27 ceatimètres,
large de 33 centimètres, offrant des volutes grêles et à tige
rectiligne, rappelant celle des chapiteaux arabes. L'abaque
en est limité inférieurement par le boudin en forme de
câble.
Dans la cour du Contrôle existe encore une tête d'homme
en marbre blanc, un peu plus grande que nature, aux che-
veux et à la barbe bouclés.
Dans la cour de la grande zaouïa de Tozeur était un véri-
table tas de colonnes et de chapiteaux romains, au milieu
desquels j'ai remarqué un gros tronçon de statue drapée,
en marbre blanc.
Dans le bureau du contrôleur, un petit autel de calcaire
blanc, haut de 17 centimètres, et dont le dé mesure 8 cen-
timètres de côté, porte une dédicace :
* ^ ARA
MIN
ERVAE
La face supérieure offre une cavité.
Sur la queue d'une petite amphore en pâte grise et onc-
tueuse, je relève une estampille en forme de demi-cercle
offrant les caractères ci-après :
EXOR CIV {estampage )K
La quatrième lettre ne paraît pas être une R. Les trois
dernières lettres sont assez nettes.
1. Lire probablement : EX OF[i]CIN a). (P. M.)
N'OtË Sttl t)ES CHAPITEAUX CttR^tlÉNS DE tOZEtJR 4B
Dans une autre salle du Contrôle était un linteau de
porte, retaillé, et dont une extrémité semble avoir été
coupée. En son centre est une croix grecque, dans une
couronne, accostée de deux disques, dont 1 un orné d'entre-
lacs en nattes.
* COMPTES RENDUS DES SEANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU le>- FÉVRIER
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILr.EFOSSE.
Le Président prend la parole el s'exprime ainsi :
« Messieurs,
« Un deuil inattendu vient de frapper notre Académie. Un
confrère que nous aimions tous, qui était entouré parmi nous
d'une sympathie très profonde, bien justillée par ses qualités
charmantes et par la délicatesse de ses sentiments, Edouard
Chavannes n'est plus. Un mal cruel et rapide nous l'a ravi, à un
âge où tout nous permettait d'espérer que son concours était
acquis pour longtemps encore à nos études, à l'heure où son
talent grandissait sans cesse, où son œuvre scientifique, que nous
admirions, s'étendait et se développait chaque jour sur de plus
vastes champs.
(( Notre confrère occupait une place éminente dans les études
orientales. En France el en Europe il avait conquis de très
bonne heure une juste renommée, il exerçait une autorité légi-
time et sans conteste dans toutes les questions relatives à la
Chine. Par ses travaux linguistiques, par ses multiples
recherches qui s'étendaient aux objets les plus divers, à toutes
4'^ SÉANCE DU l**" FÉVRIER l9l8
les manifestations de la pensée, de l'histoire ou de iaiH, il
était devenu le véritable maître des éludes sinologiques.
« Il serait superflu de vous dire avec quelle émotion et quelle
anxiété la fatale nouvelle s'est répandue parmi ses amis et ses
disciples. Fille atteindra profondément tous ceux qui chérissent
la science, tous ceux qui savent apprécier les méthodes claires,
attrayantes et distinguées de l'érudition française dont il était
un des plus brillants représentants. L'Académie sent très dou-
loureusement la grandeur de la perte qu'elle vient de faire.
« Les obsèques ont eu lieil hier. Malgré son incompétence,
votre Président s'est elîorcé de rappeler cette existence labo-
rieuse et les travaux qui l'ont ennoblie. Nous n'entendrons plus
ici la voix douce, la parole harmonieuse et persuasive d'I^douard
Chavannes, mais sa mémoire vivi-a parmi nous ; son souvenir
demeurera gravé au fond de nos cœurs. »
M. Gh.-V. Langlois lit une notice sur la vie et les œuvres de
son prédécesseur, M. Noël Valois ^
Le Président remercié M. Langlois, au nom de l'Académie,
pour la notice si vraie, si complète et si bien ordonnée qu'il
vient de lui communiquer ; il le félicite d'avoir rempli avec une
promptitude exemplaire le premier devoir que notre règlement
impose à chacun de nos nouveaux confrères et espère que ce
bon exemple sera suivi par ceux qui n'ont pas encore donné
lecture de leur notice et qu'ils nous ollriront bientôt à leur tour
la même occasion de les applaudir.
1. Voir ci-aprea-
^
y*
!!61io.c].e.tImp P Le Rat.Paris.
Phot.Eiig.Pipr
NOTICE
SLR LA VIE ET LES TRAVAUX
{ I i
V NOËL VALOIS,
PAR
M. CH.-V. LANGLOiS,
Ml- M BU): DE l'acadkmie;
LUE DANS LA SÉANCE DU i*^ FÉVRIER 1918.
Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir confié le soin d'esquisser
devant vous U physionomie de M. Noël Valois Votre
confrère avait f.„( ;, TEcole des Chartes le même apnren-
t.ssage sc,eni,K4„o ^uo moi ; ,1 a honoré longtemps ce
grand etar,l,ss.-.,-,e.., i.s Archives nationales que j'essaie-
de servu- à mon t„,„. ; „,, ,„,„„,,. j^;^ j,^. ^.^
grande par de ma v,e à létud,. des hommes et des "choses
du moyen âge franvais. Mais parce qu'il était d'une géné-
rahon un peu anténeure à la nnenne, je ne l'ai guère c^nnu
personnellement ; je ne lai qu'entrevu, et plusieurs d'en-
tre vous ont été au contraire ses camarades, ses an.is
vous avez tous eu l'occasion de l'apprécier :ci pendant des
années. Il y a donc des ra.sons pour que je me féhcite
NOTICE
SLR LA VIE ET LES TRAVAUX
DE
M. NOËL VALOIS,
PAR
M. CH.-V. LANGLOIS,
MEMBRE DE l'aCADÉMIE ;
LUE DAXS LA SÉANCE DU l^-" FÉVRIER 1918.
Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir confié le soin d'esquisser
devant vous la physionomie de M. Noël Valois Votre
confrère avait fait à l'Ecole des Chartes le même appren-
tissage scientifique que moi ; il a honoré longtemps ce
grand établissement des Archives nationales que i'essaie-
de servir à mon tour ; et, comme lui, j'ai employé une
grande part de ma vie . létude des hommes et d'es chos:!
du moyen âge français. Mais parce qu'il était d'une o-éné-
ration un peu antérieure à la mienne, je ne l'ai guère connu
personnellement ; je ne lai qu'entrevu, et plusieurs d'en-
tre vous ont été au contraire ses camarades, ses amis •
vous avez tous eu l'occasion de l'apprécier ici pendant des
années. Il y a donc des raisons pour que je me félicite
OO NOIICE SLin M. iN(»Ï:l nalois
d'avoir à m'acquitter de cette tâche et des raisons pour
que, cependant, j'aie conscience de n'y pas être préparé
comme il faudrait. Je me suis du moins informé de ce que
je ne savais pas auprès de ceux qui savaient : leur secours
ne m'a pas manqué. Quel que soit du reste le succès de mon
entreprise, j'y aurai trouvé le plaisir de considérer à loisir
l'ensemble d une belle œuvre et un sujet d'édification.
Noël Valois naquit lé 4 niai 185.^3 dans une maison de la
rue Garancière (n° 11) à Paris, l'ancien « petit hôtel de
Nivernais », qui depuis 1819 a été la demeure de la famille
Thureau-Dangin (à laquelle les Valois étaient alliés pcir les
Gueneau de Mussy ').
Il était d'une excellente souche de bourgeoisie, dont on
suit les racines, qui plongent de toutes parts dans le sol
français ^Paris, Ile-de-France, Normandie, Bourgogne,
etc.), pendant le xviii'', le xvii® et même, sur quelques
points, jusqu'au xvi'^ siècle. Il descendait notamment du
sculpteur Achille Valois (1785-1862), du peintre Hubert
Drouais (1699-1767), du peintre Noël Halle (1711-1781),
de Jean-Baptiste-Bernard Lut ton, avocat greffier au Par-
lement de Paris, et de l'humaniste Philibert Gueneau de
Mussy, qui collabora avec Fontanes à l'organisation napo-
léonnienne de l'Université de France,
Les artistes sont nombreux dans cette ascendance, ces
sages artistes du xyiii*^ siècle français, si différents de ce
que l'on pourrait croire. Hubert Drouais, de Pont-Aude-
mer, le meilleur élève de Detroy, qui, par son maître et
par Rigaud, se rattache à la grande tradition de Van Dyck,
a été un des portraitistes à la mode de la cour de Louis XV,
en son plus vif éclat ; il a peint non seulement des princes,
des princesses et des grandes dames, mais des actrices du
1 . Voir G. Thureau, Le petit hôtel de Nivernnis, dans le BnUetin de
1.1 Société historique du VI' arrondissement de Paris, XVIII (1916),
p. Si.
NOTICE SLR M. NOEl, VALOtS ."1
Théâtre-Français et des filles d'Opéra, M"^ Gautier,
Ml'^ Pélissier, la Gaussin et la Camargo. Son fils, Fran-
çois-Hubert, dont la faveur et le succès ont encore été plus
brillants, fut aussi un peintre de femmes g-racieuses, élé-
gantes et légères, de la Pompadour à la Dubarry. Le père
et le fils étaient néanmoins des hommes simples, rangés,
économes, avisés, modèles de toutes les vertus domes-
tiques'. Hubert est mort fort à son aise dans sa maison
sise au coin de la rue des Orties et de la rue des Moineaux,
en face de la célèbre « Fontaine d'amour », dans le quar-
tier neuf de la Butte Saint-Roch, où il était notable pro-
priétaire. Les académiciens Drouais, comme l'académicien
Halle, ont vécu en bons bourgeois, marguilliers de leur
paroisse, et dans la crainte de Dieu. Quant à'Achille Valois,
le grand-père de votre confrère, élève de David, il fut le
sculpteur ordinaire de la cour de Louis XVHI, et en parti-
culier de Madame, la pieuse duchesse d'Angoulême, qui le
tenait en haute estime ^.
Famille, en somme, affinée depuis longtemps par la
dignité de la vie et par l'exercice de talents héréditaires.
Famille attachée aux traditions de la vieille France, et sur-
tout à sa tradition religieuse, avec, peut-être, une teinte
de jansénisme chez quelques-unes des premiers ancêtres
connus, plus tard d'ultramontanisme. La plupart des mem-
bres de cette famille, parmi ceux qui s'engagèrent dans
des professions sans rapport avec les arts ou qui n'en
eurent aucune, ont été doués pour goûter, sinon pour pro-
duire, les formes diverses de la beauté. Et plusieurs ont
laissé dans leur cercle le souvenir de vertus morales, à la
1. C. Gabillot, Les (rois Drouuis, dans la Gazelle des Beaux-Arls, 1905'
t. II et 1906. t. I.
2. Voir le Catalogue (incomplet) de son œuvre dans le Neues allge-
meines Kûnsller-Lexicon de G. K. Nagler, XIX (1849), p. 351. Ses prin-
cipaux ouvrages sont le bas-relief représentant Léda, qui est adossé à la
fontaine Médicis dans le jardin du Luxembourg, et un groupe d'enfanls —
les trois enfants de l'artiste — qui appartient à la famille \'alois.
82 NOTtCË SUR M. No'iÎl VALOtS
fois éminentes et discrètes. Je citerai seulement Cécile
Valois (1823-18GI), tante de votre confrère, dont une main
amie a jadis réuni, moins pour le public que pour quelques
intimes, les u lettres et souvenirs » ^ Cet o[)uscule intro-
duit le lecteur dans un monde disparu, dune délicatesse
charmante. J'y lis qu'un homme vénérable, qui n'avait été
en relations avec les Valois que pendant quelques semaines,
disait encore, neuf ans plus tard, en parlant de leur Cécile,
cette parole émouvante eh sa concision : « Dieu me
demandera compte d avoir connu une âme si sainte. »
Noël Valois fut élevé dans ce milieu, entre Paris l'hiver
et Bellevue durant la belle saison. Il était alors maladif,
et il a toujours gardé dans sa démarche le sig-ne, et comme
le stiii'mate, d*e ses souffrances d'enfant. Aussi étudia-t-il
seul pendant longtemps, dans la maison paternelle, sous
la discipline, entre autres, d'un excellent professeur de
l'enseignement public, M. Hatzfeld, qui était aussi un
savant. Lorsque la santé du jeune homme se fut affermie,
la même largeur d'esprit qui lui avait fait choisir M. Hatz-
feld pour des leçons particulières, amena le père de famille
à placer son fils, sur le point d'achever ses études secon-
daires, au Ivcée Louis-le-Grand où. se rencontraient alors
des adolescents, venus de tous les points de l'horizon géo-
graphique et intellectuel, qui n'avaient de commun que
des aptitudes exceptionnelles : les vrais princes de la jeu-
nesse française. Valois tint là tout d'abord, et conserva, un
rang distingué dans des compétitions difficiles. Beaucoup
de ses camarades de ce temps vivent encore, qui en ont
gardé la mémoire '-'.
1. Cécile Valois. Lettres, opuscules et souvenirs, recueillis pur une
amie intime (Rennes, 1886, in-12).
2. \'oir des souvenirs cl3 la classe de M. Aubert-IIix à Louis-le-
Graad, par H. Cochin, condisciple de Valois, dans Impressions d'un
bourgeois de Paris pendant le siège et la Commune, au t. XXXIV
(1916) de la Uevue des Deux Mondes, p. 529.
NOTICE SUR 'SI. NOËL VALOIS 53
Ce qui le caractérisait à cette époque, c'était une singu-
lière variété de dons et de curiosité. Il est indubitable
qu'il serait entré haut la main à 1 Ecole normale supé-
rieure, section des lettres, dont sa classe de Louis-le-Grand
était la pépinière, s'il s'y était présenté. Mais il avait aussi
des dispositions pour les mathématiques (il passa pour son
plaisir le baccalauréat es sciences) ; et, pour le dessin, il
avait à un haut degré la facilité héréditaire de sa race ;
même le monde de la musique lui était, paraît-il, naturel-
lement ouvert. Au seuil de la vie active et créatrice, il
aurait pu s'eng-ag-er dans l'une ou l'autre de ces voies avec
des chances normales d'v marcher droit et loin. Mais il
élimina tout de suite l'art, estimant que la peinture, la
sculpture et la musique, en tant que carrières, ne
trouvent de justification, de nos jours, que dans un talent
supérieur, dont, à tort ou à raison, il ne se croyait pas
pourvu ; il n'a jamais renoncé à dessiner, et sa famille
conserve quantité d'albums qui attestent ce qu'il aurait pu,
ce qu'il savait faire de ce genre ; il n'a jamais vu là,
cependant, qu'un délassement et un plaisir intimes. Entre
l'art et la science, il choisit donc la science, Cela fait,
entre les innombrables chemins de la science, il n'hésita
pas longtemps. On ne saurait dire qu'il ait étudié à la
Faculté des Lettres, car la licence qu'il y prit, en un temps
où la Sorbonne n'était pas ce qu'elle est devenue depuis,
ne peut être considérée que comme le couronnement de
ses excellentes études secondaires. Il alla, comme tout le
monde, respirer l'air de 1 Ecole de Droit ; là, il se laissa
revêtir aussi du titre de licencié, mais sans effort et sans
conviction : un de nos confrères, son condisciple et ami,
se souvient encore de l'avoir vu souvent, à la saison des
examens, accoudé d'un air détaché contre la statue de Cujas,
œuvre du grand-père Achille Valois, qui se trouve dans la
grande cour de l'Ecole. Après avoir constaté de la sorte,
pendant trois ans, qu'il n'avait pas la vocation juridique.
54
NOTICE SUR M. NOKL VALOIS
Noël Valois entra à l'Ecole des Chartes, en 1875. Il en sortit
dans la remarquable promotion du 21 janvier 1879, qui
devait fournir un jour à l'Académie des inscriptions et.
belles-lettres et à sa commission de ïllisloire littéraire
de la France jusqu'à trois membres ; Noël Valois, Antoine
Thomas et Paul Fournier.
Dans une brève et substantielle notice qu'il a publiée au
lendemain de la mort de son ami, M. Paul Fournier a
écrit : « Je crois bien que notre maître Léon Gautier,
auquel Valois garda toujours un souvenir reconnaissant,
avait quelque peu contribué à préciser et à fixer sa voca-
tion d'historien médiéviste ^ » S'il en est ainsi, voilà
uq des plus signalés services que Léon Gautier ait rendus
à l'histoire du moyen âge. Et rien n'est plus probable, car
il y a des indices que c'est Gautier qui aiguilla d'abord
son élève, non seulement vers l'étude du moyen âge en
général, mais vers cette province obscure et négligée que
forme, dans l'histoire du moyen âge, celle de l'art d'écrire
et de la littérature en latin, où il s'était un peu aventviré
lui-même. C'est (c dès les premiers mois » de son séjour à
l'Ecole (et Gautier était professeur en première année)
que Valois jeta son dévolu, comme sujet de thèse finale,
sur la Vie et les œuvres du théologien Guillaume d'Au-
vergne, évêque de Paris au cours de la première moitié du
xiii*^ siècle. Le jeune érudit fit alors, seul, l'apprentissage
malaisé et parfois répugnant, surtout pour un humaniste
comme lui, de la langue et de la pensée scolastiques, où
Gautier n'aurait pas été en état de le guider fort avant. Il
y trouva assez d'attraits pour ne pas se laisser séduire, en
troisième année, par l'admirable cours de l'archéologue
Jules Quicherat, qui paraissait si propre à distraire vers
d'autres horizons un homme de goût, un artiste, un dessi-
nateur comme lui.
1. niillrlin <!,- L'i Société hihliotfrnphiqui, t, XLVII (1916), p. 17.
-NOTICE SUR M. NOËL VALOIS oS
Valois donna dès lors la preuve de sa maturité et de sa
supériorité d'esprit. Les années 1879, 1880, 1881 sont peut-
être parmi les plus remarquables de sa carrière. Il avait
aux alentours de vingt-cinq ans. Or, en 1879, il donne
dans la bibliothèque de rÉcole des Chartes un article
étendu sur a l'Etablissement et l'organisation du régime
municipal à Figeac » ; j'ignore comment et pourquoi il
s'était proposé, dès les bancs de l'école, de tirer au clair
le gros dossier difiicile qui concerne cette affaire au Trésor
des chartes ; toujours est-il qu'il l'a très bien débrouillé ; il
n'v a pas, dans ce travail, la moindre trace d'inexpérience
juvénile, et depuis près de quarante ans il n'a pas vieilli.
En 1880, il publie son livre sur Guillaume d'Auvergne,
présenté l'année précédente en manuscrit à l'École des
Chartes, et l'accompagne, pour le faire servir de thèse
devant la Faculté en vue du doctorat es lettres, d'un mé-
moire sur la rhétorique épistolaire en France au moyen âge
{De arte scribendi episiolas apud Gullicos medii œvi scrip-
tores rhetoresve). Ici, l'auteur avait mis la main sur un
filon d'exploitation malaisée, mais extraordinairement
rémunérateur. A certaines époques du moyen âge, les
rédacteurs de certains textes latins, écrivains proprement
dits et clercs de chancellerie, se sont astreints aux règles
impérieuses d'une rhétorique spéciale, qui s'enseignait
dans les écoles, qui est définie dans des traités ou des
manuels ad hoc, et dont l'application, plus ou moins rigou-
reuse suivant les temps et les lieux, s'observe, lorsqu'on
est averti, dans une foule de textes. Quel magnifique
sujet d'études ! Les origines de cette manière d'écrire, qui
remonte à l'antiquité romaine et dont l'analogue existe en
grec ; les causes et la durée de ses éclipses ; les progrès
de sa renaissance ; l'inventaire de la littérature pédago-
gique que l'enseignement de cet « art » a suscitée ; l'ap-
préciation de la valeur de cette littérature, en grande par-
tie théorique ; la description précise et le manuel opéra-
56 NOTICE SUR M. NOËL VALOIS
toire des instruments nouveaux que la connaissance de
tous ces faits, dont la tradition s'était perdue pendant des
siècles, fournit pour la crilicjue textuelle, pour la critique,
littéraire et pour la critique diplomatique. Personne, en
France, n'avait encore abordé ces questions, et ce qui
avait été fait à l'étranger n'était pas considérable. Par sa
thèse latine, et surtout par son « Etude sur le rythme des
bulles pontificales », parue dAtis la. Bibliothèque de V Ecole
des Chartes en 1881, un érudit de vingt-cinq ans posait
des problèmes dont l'existence même était comme une
révélation, et en résolvait quelques-uns. L'histoire de la
prose rythmique au moyen âge a été, depuis, poussée
plus profondément (elle est encore, du reste fort loin
d'être terminée) ; mais les mémoires classiques de Valois
en seront toujours considérés comme le point de départ.
Je me souviens d'avoir entendu, il y a près de trente
ans, un érudit, qui ne laissait pas d'envier un peu, je crois,
en les admirant, l'originalité, le bonheur et la fécondité de
ces premiers travaux de Noël Valois, s'étonner que celui
qui les avait faits, content d'avoir frayé la route, s'en fût,
pour ainsi dire, détourné dès qu'il l'eut livrée à l'activité
d'autrui. Car c'est un fait qu'après 1882, date où la Société
de littérature chrétienne de Lille couronna encore un opus-
cule de lui « sur la latinité de saint Gyprien » — lequel
n'a jamais vu le jour, — Valois ne s'est plus occupé du
latin médiéval, si ce n'est pour en déchiffrer. Il y eut peut-
être à cela une raison capitale, qui sera indiquée tout à
l'heure. Mais un autre motif, accidentel et direct, saute aux
yeux : en entrant comme archiviste aux Archives natio-
nales, le l^"" janvier 1881, Valois s'était imposé des obliga-
tions professionnelles.
Les Archives nationales sont sans doute le lieu du monde
où il est le plus agréable de fréquenter pour qui s'inté-
resse à l'histoire de la France d'autrefois. Michelet, Fhis-
NOTICE SUR M. NOËL VALOIS 57
torien-poète qui y exerça les fonctions d'archiviste pendant
vipot-deux ans, a décrit comme vous savez Témotion
romantique qui s'empara de lui dans les dépôts de l'hôtel
Soubise, ces vastes dépôts silencieux où il lui sembla, dit-
il, « percevoir un mouvement, un murmure, puis des voix
qui s'élevaient, voix d'hommes et de peuples, de villes et
de provinces, qui lui demandaient de les tirer du tombeau
et de les rendre à lexistence ». Pour le commun des éru-
dits de la maison, qui n'entend pas de bruits si flatteurs,
c'est encore un plaisir infini de vivre, dans un cadre ma-
gnifique, au milieu des titres de notre histoire, et, tout
prosaïquement, d avoir des facilités particulières pour s'en
servir. Ainsi s'explique 'que le recrutement 'des archivistes
ait toujours été aisé aux Archives nationales parmi la
laborieuse jeunesse qui, bien préparée, sort chaque année
de l'Ecole des Chartes. Pendant longtemps, et encore du
temps de Noël Valois, ces fonctions n'étaient honorées, au
début, que d'un traitement presque nominal (l.SOO fr. par
an) et elles n'ont jamais rien eu, pourtant, d'une sinécure
administrative ; Michelet lui-même dut replier et replia ses
ailes pour entrer dans les brancards de la routine quoti-
dienne de l'archiviste : recherches pour le public, fabrica-
tion de répertoires et d'inventaires, rapports, etc. J'ai tou-
jours admiré, pour ma part — jadis du dehors, et mainte-
nant, plus que jamais, de près — la grâce d'état qui a
permis et qui permet encore à tant d'hommes distingués,
ayant par ailleurs des intérêts scientifiques personnels et
une vie intérieure, de remplir avec tant de conscience des
devoirs parfois si ingrats. C'est évidemment qu'ils savent
que ce qu'ils font est utile et qu'il ne leur est rien demandé
que dans l'intérêt public. Ils sont aussi réconfortés, sans
doute, par l'exemple de leurs anciens, très nombreux, qui
ont réussi à mener de front la pratique de leur métier et
le travail du savant, ou même à trouver dans l'une l'occa-
sion et l'auxiliaire de l'autre. Votre Compagnie, Messieurs,
38 NOTICE SUR M. NOËL VALOIS
a, depuis Daunou, le premier chef de l'établissement, fait à
beaucoup d entre eux Thonneur décisif de les accueillir :
Natalis de Wailly, riuillard-HréhoUes, Boutaric, Luce,
Gautier, Longnon, pour ne citer que les morts ; et il y a
encore, Dieu merci, des vivants, ici et dans une des sec-
tions voisines de l'Institut.
J'ajoute que si l'entrée de Valois à l'Ecole des Chartes
avait été déterminée par l'influence de Léon Gautier, c'est
notre vénéré confrère M. de Lasteyrie, alors archiviste
lui-même, qui le décida, paraît-il, ;i entrer dans la profes-
sion.
Noël Valois qui, comme les gens heureusement nés,
faisait bien tout ce qu'il faisait, a été pendant douze ans un
fonctionnaire modèle. La collection de ses rapports existe
depuis le 6 juillet 1881 jusqu'au 3 octobre 1893 i. On y
voit qu'il fut chargé tout de suite par le directeur Alfred
Maury — encore un des vôtres — qui savait si bien
juger et utiliser les hommes, de continuer la publication de
l'Inventaire des arrêts du Conseil d'État pour le règne de
Henri IV, commencé par M. de Lasteyrie, à laquelle il
avait déjà collaboré, en qualité d'auxiliaire bénévole, avant
son entrée aux Archives (à partir de décembre 1879). Il
s'agissait d'analyser et de disposer en une série chronolo-
gique tous les arrêts du Conseil de 1592 à 1610, conservés
tant dans l'établissement de la rue des Francs-Bourgeois
qu'au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale,
au nombre de près de seize mille. Le tome I'"' de ce grand
ouvrage parut en 1886 ; le tome II en 1893, avec une table
très étendue. Mais la besogne proposée à l'archiviste et
rapidement parfaite par lui, il ne s'en était pas contenté :
elle l'avait engagé, comme il arrive, à faire en même temps
œuvre d'historien : le tome I"' de YInventaire est précédé
d'une (( Étude historique sur le Conseil du roi » qui est
1. Ai-ch. nat., AR x. 7 et 8.
NOTICE SUR M. NOËL VALOIS 59
une histoire d'ensemble du Conseil des rois de France,
de{Duis les origines ; et l'auteur fît paraître, deux ans plus
tard, sur la première partie du même sujet, un livre com-
plémentaire [Le Conseil du roi aux XIV% XV^ el XVI'
siècles ; nouvelles recherches...) \ en outre et enfin l'étude
de l'histoire du Conseil mit Valois sur plusieurs pistes
adjacentes, d'où il rapporta des monographies, non seule-
ment sur des détails de ce grand sujet (n°* 7, 10, 11, 18,
30 de la Bibliographie en appendice), mais touchant la crise
capitale qui, sous le coup d'une guerre malheureuse, mit
aux prises, un peu après le milieu du xvi^ siècle, la Cou-
ronne et ses conseillers avec les premières manifestations
de l'esprit révolutionnaire et les premiers essais de gou-
vernement représentatif (f/j/f/em, n°* lo, 17, 24). Les tra-
vaux de Valois sur « la Revanche des frères Brac^ue » et la
mort d'Etienne Marcel se rattachent ainsi, comme des
rameaux, ou plutôt comme des provins, à la tige de son
entreprise d'archiviste.
Ce n'est pas tout. Ayant été conduit, par l'Inventaire
des arrêts du Conseil d'Etat sous le règne de Henri IV, à
s'intéresser aux troubles du temps de Jean le Bon et de
Charles V, Valois le fut secondairement et de fil en aiguille
à installer, pour ainsi dire, sa pensée dans l'histoire du
xiv" siècle, encore très négligée il y a vingt-cinq ans. Or
il y avait, dans les annales de la seconde moitié du
xiv^ siècle,- une question importante et obscure entre'
toutes, celle des origines et des développements du Grand
Schisme. Dès 1887, il y était allé droit ' et la première
communication qu'il ait faite à l'Académie, en mars 1888,
le montre embarqué pour une nouvelle suite de recherches
dans cette direction -. Direction très propre à lui convenir.
1. Bibliographie, n' 28.
2. A partir de cette date, toutes les monographies qu'il publie inté-
ressent, de près ou de loin, le nouveau sujet de ses études [Biblivgru-
lihie, n- 30 à 40).
00 KOTICE SUU M. NOËL VALOIS
Car, encore une fois, l'histoire du Grand Schisme est- un
sujet d'enverg-ure ; et ce sont les sujets de ce genre qui
l'attircnl ; il a naguère abandonné, sans regret apparent,
un domaine quasi vierg-e où il avait fait d'assez belles trou-
vailles, peut-être surtout, au fond, parce (jue ce domaine
dépendait, non de l'histoire proprement dite, mais des
sciences auxiliaires et préparatoires de l'œuvre historique
où il n'était pas dans ses intentions de se confiner. Car, en
second lieu, le Grand Schisme est un épisode essentiel de
l'histoire de France et de l'histoire de l'Eglise, les deux
pôles de ses affections naturelles, et, par conséquent, de sa
curiosité scientilique. Après les premières manifestations
de l'esprit révolutionnaire et les- premiers essais de gou-
vernement représentatif en France, il étudiera donc désor-
mais les phénomènes symétriques dans l'Eglise univer-
selle, et particulièrement le rôle que la France j a joué. Il
V a là un épanouissement graduel de tendances primitives
à la faveur des circonstances dont l'harmonie et la logique
font plaisir à voir.
Seulement, avec ces nouveaux desseins élargis, il deve-
nait difficile de concilier les devoirs immuables de l'archi-
viste. M. Maury avait été émerveillé que l'Inventaire d'une
partie considérable de la série R (Conseil d'Etat), confiée
à Valois, fût si fort avancée après cinq ans seulement ;
et il en avait marqué sa satisfaction en confiant, aussitôt
que possible, une autre besogne à son excellent collabora-
teur. (' J'ai commencé, écrit celui-ci dans son Rapport
mensuel du 8 novembre 1887, linventaire sommaire de
la série T. » Mais la série T, aux Archives nationales,
.c'est le Séquestre, c'est-à-dire l'ensemble des papiers appar-
tenant à des particuliers ou à des corporations laïques,
séquestrés pendant la Révolution dans le département de
la Seine. Cette fois, le travail professionnel était très peu
congruent à l'activité de l'historien, d'un historien qui
avait, dorénavant, des plans arrêtés. D'autre part, ces
Notice sur m. noËl valois 61
plans, relatifs à 1" histoire du Grand Schisme, loblig-eaieni
à des investigations prolongées dans les dépôts de manu-
scrits, archives et bibliothèques, non seulement do la
France, mais à Rome et dans tout l'Occident. Cependant,
les vacances de l'archiviste sont brèves. Valois demanda
et obtint, non sans de légères difficultés dont la trace sub-
siste, un congé de trois mois dans Ihiver de 1891 pour
aller en Italie. Mais il se rendit compté bientôt qu'il fallait
opter entre ses fonctions et ses projets. La tradition veut
qu'un hasard ait contribué à hâter sa résolution : il incombe,
vous le savez peut-être, aux archivistes des Archives natio-
nales de transcrire sur papier timbré les documents des
séries dont ils sont chargés lorsque quelqu'un en demande
expédition authentique ; si les documents sont courts, cela
ne tire pas à conséquence ; mais, s'ils sont longs, il faut les
copier tout de même ; or le désagrément serait arrivé à
Valois, en 1893, d'avoir, comme un commis-greffier, à
« expédier » un très grand nombre de « rôles ». N'atta-
chons, du reste, aucune importance à cette historiette
domestique; car la date de la démission, qui était devenue
inévitable, de Valois est suffisamment justifiée par le fait
que le tome II et dernier de son Inventaire du Conseil venait
précisément de paraître quand elle se produisit. — Quoi
qu'il en soit, sa lettre de démission est du 28 octobre de
cette année : « Mon désir, disait-il, est, en recouvrant
plus de liberté, de me consacrer à des recherches qui
seraient incompatibles avec mes obligations actuelles. »
Il renonçait ainsi aux promotions et aux modestes satis-
factions qui échoient avec l'âge aux serviteurs de l'État,
en récompense de leurs premières années d'épreuve, les-
quelles sont très longues chez nous : il n'a jamais été
« décoré ». Mais il ne renonçait pas, du même coup, à ses
sentiments de fidélité envers l'illustre maison où il avait
passé les plus belles années de sa vie ni aux amis qu'il y
avait. Jusqu'à la fin de sa carrière, c'est-à-dire pendant
62 NOTICE SÙft M. NOKI- VALOtS
vingL-deux ans après sou départ olliciel, il est venu
presque réc^ulièrement, hors la saison des voyages, aux
Archives nationales, à la table de travail qui lui était résej-
vée dans notre paisible bibliothèque. Tous les anciens
archivistes agissent de même, soit dit eu passant. (Qui-
conque a été aux Archives y revient toujours. Nos chers
confrèreSxMM. Berger et Delaborde ne me démentiront
pas. Monachus extra coenobinm, piscis extra vivarium ;
le moine hors du monastère, disait-on au moyen âge,
c'est le poisson hors de l'eau. Les Archives nationales,
asile de tranquillité studieuse, sont peut-être ce qui res-
semble le plus, de nos jours, à une abbaye laïque : silence
presque conventuel dans un quartier affairé ; réserve,
courtoisie et confraternité des hôtes ; les cellules sont là
pour les archivistes, un peu tristes et démunies de la plu-
part des commodités du siècle ; et le cloître même ne fait
pas défaut, dans la cour, pour la méditation.
Voici maintenant comment Valois tira parti de son
indépendance reconquise.
Après avoir publié plus d'une douzaine de dissertations,
dont quelques-unes fort étendues, sur des détails ou des
sources du sujet, il fit paraître en 1896 les deux premiers
volumes d'un ouvrage : La France et le Grand Schisme
d'Occident, qui furent suivis de deux autres six ans plus
tard. Les quatre volumes exposent, suivant l'ordre chrono-
logique des faits, en mettant l'accent sur la participation
de la France à cet épisode international, l'histoire de la
crise qui, commencée en 1378 par l'élection bientôt con-
testée de Barthélémy Prignano, prit fin par celle du car-
dinal Golonna au Concile de Constance en 1417. Mais
l'ébranlement causé par les événements de cette période
agitée s'est prolongé jusqu'au milieu du xv'' siècle, pendant
les pontificats de Martin V et d'Eugène IV, par des orages
plus violents encore dont Sienne et Bàle, où siégèrent les
NOtiCE SUR M. NOKL VAtOt^ Ô3
fameux conciles, furent successivement le centre. L'histo-
rien du Grand Schisme crut devoir compléter son œuvre
jusqu'en 1450; de là, d'autres livres : Histoire de la Prag-
matique Sanction de Bourges sous Charles Vil, achevée
en 1906 ; La Crise religieuse du XV*^ siècle ; Le Pape et le
Concile, dont les deux tomes sont datés de 1909. En résumé,
sept volumes en seize ans, sans compter un grand nombre
d'excursus publiés à part, dont on trouvera la liste à la fin
de la présente notice.
L'auteur, encore jeune vers 1909, et en possession gran-
dissante de son talent, ne devait pas s'en tenir là. Qu'est-ce
que le Grand Schisme ? Une querelle au sujet de la légiti-
mité respective entre deux papes élus l'un après l'autre
par le même collège de cardinaux qui se contredit et se
divisa, et entre leurs successeurs. Querelle envenimée et
rendue chronique par le caractère des protagonistes et par
la politique des princes. L'unité catholiqvie fut enfin ré-
tablie ; mais l'Eglise universelle, qui avait été soumise,
jusque là et depuis longtemps, à un régime monarchique
de plus en plus oppressif, avait eu l'occasion d'agir, dans
ses conciles, en arbitre des prétendants à l'autorité su-
prême ; elle en avait profité pour imposer, ou pour essayer
d'imposer, à cette autorité, afTaiblie et déconsidérée en fait,
une sorte de régime constitutionnel, représentatif, parle-
mentaire. Les choses en étaient à ce point après le Concile
de Constance. — Qu'est-ce que la phase suivante, symbo-
lisée par le duel entre Eugène IV et le Concile de Bâle? Ce
qui est alors extérieurement, en question, c'est de savoir
si le régime de Constance sera pratiqué en effet, ou si la
monarchie pontificale, comme la monarchie française après
les Etats généraux de 1356, reprendra le dessus. Eugène IV
n'était pas un homme conciliant ; il était de la lignée spiri-
tuelle de ces papes italiens, violents, fantasques et sans
mesure, à laquelle avaient appartenu auparavant Boni-
face VIII et Urbain VI. D'autre part, les Pères de Bàle,
é4 SonCË SUR M. iNOEL VALOtS
après des succès illusoires, tirent rexpérience amère, en-
core sans précédent de leur temps, des diilicultés qu'une
assemblée quelconque (que dire d'une assemblée interna.-
tionale ?) rencontre nécessairement à lutter contre une forte
autorité traditionnelle, lointaine, soi-disant légitime, à
s'émanciper d'elle et à gouverner contre elle. Quoiqu'il se
soit révélé dans son sein des politiciens, des chefs de pre-
mier ordre, l'assemblée de Baie connut les intrigues, la
corruption, les marchandages, les compromis, la paralysie
qui en résulte, les défections, le désarroi, et finalement
combien, dans certaines conditions, la synonymie s'accuse
vite entre parlement et pétaudière. La grande guerre de la
papauté et du Concile finit donc par la victoire de la pa-
pauté. Victoire décisive, tempérée seulement, sous un pape
moins rude, dans la forme et par l'amnistie des chefs du
parti adverse. — Mais quelque chose d'essentiel était au
fond de la conscience des hommes de Constance et de Bâle
qui, malgré leur défaite sur le problème, principal en appa-
rence, de la supériorité des Conciles, restait intact et inas-
souvi : la volonté de réforme. Si le parti à tendances liber-
taires et idéalistes qui s'était manifesté dans l'Eglise avait
combattu avec tant d'énergie à Constance et à Bâle pour la
reconnaissance du principe de la supériorité conciliaire,
c'est qu'il comptait se servir ultérieurement de la force
qu'il en aurait tirée pour cette purification générale de l'Eglise
« dans son chef et dans ses membres » dont il se berçait
depuis des générations et que la puissance conservatrice
du Saint-Siège — telle était du moins la conviction des
réformateurs — avait toujours empêchée et entraverait tou-
jours. — Or "Valois n'avait pas manqué de constater, dans
son premier livre, que l'esprit de réforme avait infiniment
o-randi dans l'Éfflise à la faveur des dissensions pour ainsi
dire dynastiques du Grand Schisme'. Dans son ouvrage sur
1. La Fiance et le Grand Schisme, L. IV, p. 508,
NOTICE SUR xM. NOËL VALOÎS 68
Le Pape et le Concile, il avait tenu compte, comme il con-
venait, de cet ardent foyer subjacent auquel s'était ali-
mentée l'activité des Pères de Bàle dans leurs revendica-
tions de prééminence : c'est bien à tort qu'il a été naguère
accusé, en Prusse, par un adversaire rogue et brutal, d'avoir
négligé, involontairement ou à dessein, cette considération
capitale '. Ainsi, le récit des dissensions dynastiques et des
revendications de prééminence enfin terminé, s'il voulait
(et c'était très tentant) suivre jusqu'au bout la courbe du
grand mouvement qu'il avait esquissé dans les sept premiers
volumes de son magnum opus, il se trouvait encore au
seuil d'une autre carrière à fournir. Comment l'esprit de
réforme, développé dans l'Eglise dès le commencement et
surtout à la fin du xiv® siècle, qui avait paru au xv* siècle
sur le point de triompher, et qui avait été alors matériel-
lement refoulé sans perdre en intensité, comment cet esprit
s'était-il manifesté par la suite? L'incendie de la Réforme
proprement dite s'est propagé auxvi^ siècle. Quelques-unes
de ses plus vives recrudescences, en France, n'ont pas
encore eu d'historien. Noël Valois conçut, vous voyez
pourquoi, le projet de consacrer la dernière partie de sa vie
à étudier la politique religieuse de la monarchie française
au siècle de la Réforme, et principalement à l'époque oi^i il
semble qu'il s'en soit fallu de peu que le gouvernement de
Catherine de Médicis se laissât aller à souffrir la propa-
gande protestante et la soustraction du pays à l'obédience
de Rome.
Il était un connaisseur du xvi'' siècle depuis ses travaux
préparatoires à l'Inventaire des arrêts du Conseil d'État
sous le règne de Henri IV. Il avait traité incidemment
quelques questions particulières, dans ce domaine, dès
1885 2, et depuis 3. A partir de 1913, les monographies qui
1. J. Haller, dans VHislorische Zeitschrift, t. CX (1913), p. 339.
2. Bibliographie, n° IS ; cf. n" 21.
3. Ib., n" 83. •
1918 =
66 is'OtiCt; SUR M. NO El, VALOIS
ont trait à riiistoire Feligieuse du xvi'= siècle vn Franco
commencent à se multiplier dans son bag-age^, sig'ne cer-
tain, d'après les précédents, pour qui est au courant de sa
méthode ordinaire, qu'il a entrepris un grand travail de ce
côté-là. Ce grand travail, Messieurs, votre confrère est
mort prématurément avant dV avoir mis la dernière main.
Mais il a laissé à sa famille, qui a bien voulu me le com-
muniquer, le manuscrit presque complet d'un ouvrage
intitulé (il hésitait encore sur le libellé définitif du titre) :
Les luttes religieuses ou La politique religieuse en France
sous Charles IX. Ce livre, très considérable, est conçu tout
à fait dans la même forme que La France et le Grand
Schisme et que Le Pape et le Concile, c'est-à-dire qu'il pré-
sente la narration continue des événements, année par
année, et presque mois par mois, depuis décembre 1560
jusqu'au lendemain de la Saint-Barthélémy. Je suis bien
aise d'annoncer ici qu'il ne sera pas perdu pour le public :
les soins pieux d'un fds accompli, très bien préparé pour
procéder à une revision nécessaire par ses études person-
nelles à l'École des Chartes, le mettront, aussitôt après la
guerre, en état d'être publié-.
L'œuvre principale de Valois s'ordonne de la sorte en
trois masses distinctes et contiguës, dont la dernière arche
seule est inachevée. 11 me reste à dire que, à mesure qu'elles
s'étaient élevées, les premières assises avaient, naturelle-
lement, attiré votre attention. Il y a, dans le monde des
études savantes d'histoire, et en particulier dans celui des
études relatives à l'histoire ancienne de notre pays, une
justice dont votre Compagnie est l'instrument. L'Académie
des inscriptions et belles-lettres avait déjà décerné une
1. Bihiiorjraphie, n"' 101. 108, 110, 111.
2. La dissertation sur l'incident de Vassy, pavue dansV Annuaire-Bulletin
de Ia Société de V histoire de France, 1013, pp. 189-235, est le seul frag-ment
de l'ouvrage que l'auteur ait voulu imprimer par avance.
Notice sur m. no kl valoIs 67
de ses plus hautes récompenses, en 1889, à l'auteur des
travaux sur Le Conseil du Roi ; elle la lui conféra une se-
conde fois en 1896 pour La France et le Grand Schisme ;
l'année même où ce livre fut terminé, en 1902, elle
l'accueillit enfin au nombre de ses membres en remplace-
ment de M. Jules Girard. L'ayant de la sorte mis hors
concours à l'âge de quarante-sept ans, il n'était plus guère
en votre pouvoir de l'honorer; c'était à lui de vous faire
honneur désormais, et il n'y manqua pas. Mais la vacance
produite par la mort de Gaston Paris dans votre Gonmiis-
sion de l'Histoire littéraire de la France vous procura pour-
tant, dès 1903, l'occasion d'un nouveau témoignage de
confiance, d'autant plus précieux que le hasard vous a rare-
ment permis de le donner à des hommes aussi jeunes que
Valois l'était alors. Ge choix, survenu en de telles circons-
tances, proposa à l'historien, comme un devoir, la culture
d'un champ où nous avons vu qu'il avait d'abord essayé
ses forces, spontanément, au temps de ses travaux de jeu-
nesse sur Guillaume d'Auvergne et sur le cursus dans la
prose latine du moyen âge, et où il n'avait, du reste, jamais
cessé de se rendre utile, car il y a, dans les notes de ses
grands ouvrages narratifs sur l'histoire de l'Église, beau-
coup de renseignements inédits sur les écrits des contro-
versistes de la seconde moitié du xiv^ et de la première
moitié du xv'' siècle, dont les continuateurs de V Histoire
littéraire auront à faire leur profit, quand ils en seront là.
Depuis 1903, votre confrère mena donc de front ses travaux
personnels avec ses travaux académiques, comme il les
avait conciliés autrefois avec ses travaux professionnels, et
on ne saurait trop admirer que, cette fois, il ait pu porter
jusqu'à la fin le double faix sans fléchir.
\J Histoire littéraire de la France^ commencée par les
Bénédictins, que l'Académie continue depuis 1808 par une
Gommission de quatre membres, est une construction
magnifique et singulière. Les Bénédictins avaient expédié
6g NOtICË StJR M. NOËL VALOIS
en trente ans douze volumes, qui vont rondement des- on-
o-ines à l'amorce du xn'' siècle (ils n'ont plus beaucoup de
valeur). La galerie des écrivains du xui^ siècle fut considérée
comme close avec le tome XXIII (publié en 1856). Celle des
écrivains du xiv* siècle fut inaugurée, avec le tome XXIV,
en 1862. Lorsque Valois fut adjoint, en 1903, à MM. De-
lisle Me ver et VioUet, on en était au tome XXXIIl, mais
toujours au temps des derniers Capétiens directs. Et on en
est aujourd'hui au tome XXXV, sans avoir notablement
dépassé, en cinquante-cinq ans, le premier quart d'un
siècle qui ne fut cependant pas comparable en éclat, sinon
en fécondité littéraire, aux périodes précédentes. Le public
du dehors aurait tort, toutefois, d'en sourire, comme du
Dictionnaire de Pénélope. En effet, si l'œuvre collective
coûte, de nos jours, beaucoup plus de temps que jadis,
malo-ré la facilité accrue des informations, ou plutôt en
raison de cette facilité même, elle gagne d'autant en
valeur durable. Il est naturel que le progrès se marque
d'une manière paradoxale, en ces matières, par un ralen-
tissement de Tallure. — Quoi qu'il en soit, Valois fut
nommé à un moment très propice, et pour lui-même et
pour l'œuvre. Pour l'œuvre, car, quoiqu'il eût succédé
dans la Commission à Gaston Paris, sa compétence le dési-
gnait clairement pour y prendre la suite des enquêtes sur
les scolastiques, à peu près abandonnées depuis la dispa-
rition d'Hauréau. Pour lui-même, car les rédacteurs de
V Histoire littéraire sont astreints par la discipline de l'en-
treprise à suivre l'ordre des temps, et il se trouvait par for-
tune que l'ordre des temps amenait à mettre en chantier, à
ce moment, les notices sur des auteurs dont le nouveau
collaborateur, s'il eût été absolument libre de marquer ses
préférences, aurait sans doute souhaité d'avoir à parler
entre tous : Jean de Jandun et Marsile de Padoue, Jean de
Pouilli. le pape Jean XXII. Il a rédigé dans les tomes
XXXIIl et XXXIV plusieurs autres notices excellentes sur
NOTICE SUR M. NOËL VALOIS 69
des personnages de second plan, comme Pierre Auriol,
GuUlaume de Sauqueville, etc., et justice k cet égard lui
sera pleinement rendue, suivant l'usage, en tête du premier
volume de V Histoire qui paraîtra après sa mort. Mais il
faut, même ici, dans cette revue générale et rapide, sou-
ligner la haute distinction des trois monographies précitées.
Jean de Jandun, Marsile de Padoue, Jean de Pouilli,
hommes originaux, hardis et vivants, précurseurs authen-
tiques de ceux du Concile de Bâle et des théologiens au
service des princes du xv^ et du xvi° siècle, figures aupa-
ravant indistinctes et désormais cernées de traits précis. Le
portrait en pied de Jean XXII est inoubliable : le bizarre
et impétueux vieillard est campé là pour la postérité.
Voilà, Messieurs, l'œuvre de votre confrère, en ses
grandes lignes. En voilà la consistance, et, je crois, l'en-
chaînement. Je n'esquiverai pas la difficulté d'en caracté-
riser aussi l'esprit.
Noël Valois était à la fois un savant et un artiste. Il
avait deux manières. Lorsqu'il s'agissait de résoudre un
problème défini ou de dissiper sur un point le brouillard
de l'incertitude, son tempérament d'artiste ne se marquait
que par l'exquise sobriété de la démonstration, comme l'on
peut voir surtout dans ses notices mineures de V Histoire
littéraire. Mais il avait aussi le goût, qui coexiste rarement,
comme chez lui, avec le don de la rigoureuse exactitude
scientifique, des fresques d'ensemble, où la personnalité de
l'exécutant se traduit toujours, quelque contrôle qu'il
exerce sur soi pour ne viser qu'à l'expression correcte de la
vérité. Voyez, par exemple, sa notice sur Jacques de Thé-
rines^ ; auparavant, on ignorait tout de ce personnage du
temps de Philippe le Bel, même son nom ; on sait désormais
ce qu'il fut, la liste de ses écrits, la nature de son rôle;
1. Histoire litléraire, t. XXXIV, p. 179.
70 NOTICE SI;H m. NOËL VALOIS
dans cette notice, où tout est neuf, pas un mot de trop, et
rien, semble-t-il, qui puisse être autrement; le sentiment
qu'en procure la lecture est de satisfaction sans réserve.
Mais l'histoire du Grand Schisme et des conflits entre les
Papes et les Conciles, entre catholiques et protestants, ce
sont des tableaux trop vastes pour qu'il soit possible de les
concevoir complets, et qui sont nécessairement « com-
posés », arrangés, colorés. Or il n'y a pas d'omissions, de
raccourcis, d'agencements ni de teintes ou de demi-teintes
littéraires dont l'à-propos, voire l'intention, ne puissent
être contestés ou suspectés, surtout si les sujets traités
sont, comme dans l'espèce, de ceux qui ont encore le pri-
vilège d'intéresser à quelque degré l'esprit de parti. Il faut
donc s'attendre, lorsqu'on a l'ambition d' « écrire l'histoire »
dans ces conditions, à des procès de tendance dont les purs
érudits, qui ne s'occupent que de faits relativement infini-
tésimaux, ont le privilège d'être exempts.
Comme il était notoire que Valois avait sur certaines
questions, par tradition de famille et par conviction per-
sonnelle, une attitude très ferme, la critique, éveillée par
avance, n'a pas manqué de rechercher_, en effet, dans ses
grandes compositions, la trace de ses penchants person-
nels. Et il a cru devoir répondre, par deux fois, au com-
mencement et à la fin de sa carrière, à des contradicteurs
qui l'avaient, à cet égard, mis sur la sellette i. Il l'a fait,
non seulement avec une dignité parfaite, mais d'une
manière touchante, en prenant la peine de relever lui-
même dans ses propres ouvrages les passages où il avait
condamné expi-essément d'anciens abus dont on avait
prétendu que l'apologie était, plus ou moins, instinctive
et latente au fond de sa pensée. Il était tellement en garde
contre les incriminations analogues, qu'il prévoyait sans
doute, que, dans son ouvrage inédit sur les luttes reli-
1. Revue historique, t. XXI (18S3), p. 40] ; Historische Zeitschrifl ,
I. CXI {\9)3\ p, S.-^R,
NOTICE SUR M. NOËL VALOIS 71
gieuses au temps de Charles IX, il a balancé, dans
chaque chapitre, avec des scrupules minutieux, le récit
alterné des excès et du martyrologe respectifs des deux
partis en présence. — Je dois dire, quant à moi, après avoir
lu ou relu avec attention les dix ou douze volumes qu'il a
laissés sur des sujets perpétuellement brûlants, que, à
mon sens, les défiances dont il était et dont il se savait
l'objet n'étaient pas fondées. Sans doute, dans Le Pape et
le Concile^ il a pris parti pour le Pape, sinon pour
Eugène IV, et contre le Concile ; il est aisé de s'aperce-
voir que, s'il avait vécu au xv** siècle, il n'aurait été, à
Bâle, ni, au début, de la suite du cardinal Cesarini ; ni,
sur les fins, parmi les partisans de celui qu'il appelle
« l'éloquent, généreux et redoutable cardinal Aleman ».
Mais sa préférence nullement dissimulée en faveur du
principe d'autorité ne l'empêche jamais d'indiquer le
pour et le contre, lorsqu'il est conduit à « juger ». Et
d'ailleurs, qu'il ait eu, comme il l'eut certainement, la
volonté d'être impartial, il n'y a pas à l'en louer, puisque
c'était un devoir élémentaire. Mais il faut reconnaître
qu'il atteignait sans effort ce niveau d'intelligence où les
hommes, quels que soient leurs partis-pris fondamentaux,
se rencontrent et se réconcilient dans le sentiment et
l'aveu, dans la sérénité du vrai.
Il est hors de doute, pourtant que Valois, comme ses
ancêtres, les peintres de la cour de Louis XV, avait un
fonds de solidité traditionnelle, plus de sagesse et de
talent que d'originalité et de génie révolutionnaires, et,
en général, des dispositions conservatrices. Mais c'est là
une manière d'être qui en vaut une autre et qui doit être
représentée pour l'équilibre de l'activité intellectuelle
totale. Après tout, l'inquiétude toujours en quête de
subversions dans le présent, de points de vue singuliers,
de reconstructions et de réhabilitations dans le passé, est
un ferment "nécessaire, mais si virulent que le scepticisme
72 NOTICE SUR M. NOiÉL VALOIS
expectant, et légèrement ironique, à Tendroit des nou-
veautés à fracas, et le respect des choses jugées, en sont
parfois le vaccin. Valois avait ce scepticisme et ce res-
pect (provisoires, bien entendu). 11 a eu plus d'une fois
l'occasion de le montrer, notamment à pix)pos de l'affaire
d'IIug-ues Géraud, évêque de Cahors au temps de
Jean XXII, et à propos du procès de Gilles de Rais en
1440. J'avais cru m'apercevoir naguère, clair comme le
jour, que cet évêque, d'ailleurs peu sympathique, avait
été victime d'une machination à la fois puérile et féroce,
comme il est bien établi qu'il y en eut plus d'une au com-
mencement du xiv*^ siècle ; M. Salomon Reinach avait
entrepris de son côté la revision du procès de Gilles de
Rais, le compagnon de Jeanne d'Arc, perdu par une énorme
accusation de sadisme. Cependant, Valois, ayant eu à
s'occuper de l'affaire d'Hugues Géraud pour son article
sur Jean XXII', tout en constatant « dans l'affaire des
circonstances troublantes, qui rendent la procédure assez
suspecte », se refusa à admettre chez les juges ecclésias-
tiques de Tévêque « un tel degré d'impudence » ; il con-
clut par un non liquet, (( dans l'état actuel des connais-
sances ». En ce qui touche Gilles de Rais, il s'engagea,
contre son habitude, dans une polémique en règle- et
se prononça formellement pour le rejet de la demande en
revision introduite par son confrère. « Nous voudrions
voir discuter, dit alors, de la galerie, un historien attentif
à cette controverse, la thèse de M. Reinach [et, sans
doute, la réplique de M. Valois] par des médiévistes
compétents, par M. Langlois^.,. » Cet historien savait
qu'il m'a été donné de considérer de près, à une époque
d'ailleurs antérieure de plus de cent ans au règne de
1. Histoire littéraire, t. XXXIV, p. 411.
2. Le procès de Gilles de Rais, dans ï Annuaire- Bu lletin de la Société de
V histoire de France, 1912.
3. Cité par S. Reinach, Cultes, mythes et religions, t. IV, p. 296.
NOTICE SUR M. NOËL VALOIS 73
Charles VII, plusieurs cas analogues. Répondrai-je à cet
appel, aujourd'hui que les circonstances semblent m'y
inviter? Assurément non, car il faudrait du champ. Je me
contenterai d'observer que les affaires d'Hugues Géraud
et de Gilles de Rais ont entre elles cette analogie pro-
fonde — la(|uelle n'oblige point, du reste, à des conclu-
sions identiques — que, dans les deux cas, il faut sup-
poser chez les accusateurs, si les accusés ne sont pas
coupables, un degré d'impudence qui paraît invraisem-
blable à notre époque, et que l'argument le plus fort
contre les accusés est, ici et là, l'abondance, l'effusion
déconcertante de leurs aveux. « Les accusés ne se
résignent pas d'ordinaire, a-t-on déclaré de nos jours
dans la discussion du premier procès, à une attitude si
désarmée, si désespérée, à moins que l'évidence de leur
crime ne leur permette point d'en choisir d'autre. » Et on
a dit de même, dans la discussion du second : « Un tel
abattement résigné paraît inexplicable, à moins que, réel-
lement, Gilles ne fût écrasé par la divulgation et la preuve
surabondante de ses crimes. » Hélas ! hélas ! tant d'inno-
cents dont l'innocence est démontrable par ailleurs ont
préféré en ce temps-là les mensonges de l'espèce la plus
déshonorante à la certitude de la mort, ou même la mort
certaine, mais prompte, à l'horreur, voire à la perspective
des tourments ! Ces phénomènes psychologiques, si
pitoyables, gardons-nous d'en exclure la vraisemblance
par l'application a priori d'aphorismes généraux. Quant à
la scélératesse des combinaisons organisées jadis, suivant .
un scénario toujours pareil, pour perdre ceux dont la
perte était décidée en haut lieu, et pour donner le change
à l'opinion publique, j'avoue qu'elle est diabolique. Son
triomphe est justement de tromper encore d'honnêtes
gens, très éclairés, à cinq ou six siècles de distance.
Niera-t-on cependant que soit possible certain dosage bar-
bare de perfidie, d'impudence et de brutalité dont nous
7i- NOTICE SUR M. NOËl. VALOIS
avons vu de nos jours réquivaleni réalisé en grand- et
employé de nouveau, avec acharnement, contre quiconque
— hommes et nations — faisait obstacle à leurs intérêts
ou à leurs passions, par les chefs d'un grand peuple?
Revenons à la biographie de Tauteur de tant de beaux
livres, écrits avec une conviction profonde et un cœur pur.
Elle est presque achevée, du reste ; car ces livres, que j'ai
énumérés, sont les principaux épisodes de la vie publique
de Valois. Il ne comporte pas d'anecdotes, le récit de
cette vie grave et unie, écoulée tout entière dans le travail,
dont on ne peut que s'étonner qu'ayant été relativement si
courte, elle ait suffi à tant d'œuvres.
Elle n'y a suffi que grâce à une sévère économie du
temps et à l'aménagement rationnel de l'effort. Mais, avant
de parler des règles que Valois s'était imposées à cet égard,
il me faut encore indiquer combien il était libéral de ce
temps, dont il savait le prix, dans l'intérêt des études en
général et pour les fonctions académiques.
Il avait été élu membre résidant de la Société nationale
des Antiquaires de France en décembre 1896, où il était
assidue II fut président de la Société de l'histoire de Paris
et de rile-de-France en 1902 2, président de la Société de
l'École des Chartes en 1906-1907, membre des deux Com-
missions de publication et du Conseil de perfectionnement
de cette École 3. Il avait accepté en 1908 l'honorable, mais
très lourde charge de remplacer Arthur de Boislisle comme
- secrétaire, c'est-à-dire, en réalité comme directeur de la
Société de l'Histoire de France (dont il était déjà secrétaire-
adjoint depuis 1885'*). Vous l'avez, suivant l'usage, nommé
1. Voir Société nationale des Antiquaires de France, Discours de
M. Paul Girard, prcsidenl sortant, 5 janvier 1916.
2. Bulletin de la Société de Paris et de l'Ile-de-France, 1016, pp. 18-20.
3. Bibliothèque de V École des Chartes, 1915, pp. 395-601.
4. Annnairp-Bvlh'tin de la Société de Vhistoire de France, 1916, p. 62.
NOTICE SUR M. NOËL VALOIS 73
président de cette Académie dix ans environ après son
élection, en 1913, année où le président de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres était en même temps
celui de l'Institut tout entier. Tout le monde ma assuré
que sa situation personnelle avait beaucoup grandi parmi
vous dans l'exercice de cette magistrature, où il vous fut
donné d'éprouver plus que jamais la rectitude de ses avis,
l'agrément de sa parole, son zèle et sa bonne grâce.
Je n'omettrai pas enfin, il n'aurait pas voulu que fût
omise, dans la nomenclature des associations et des com-
pagnies entre lesquelles sa sollicitude se partageait, la
Société bibliographique. M. Paul Fournier a écrit : « Il
appartenait à cette Société depuis 1859 ; il y avait ren-
contré l'historien de l'Eglise de France sous Louis XIV et
Louis XV, M. Charles Gérin, à la fille duquel un lien très
doux, trop tôt brisé par la mort, devait l'unira » C'est à
M. Fournier que je dois aussi de savoir que Valois s'inté-
ressa à la création de la Bévue d'histoire de lÉglise de
France, publiée depuis 1912 sous la direction de
MM. Victor Carrière et Albert Vogt, et qu'il en suivait le
progrès avec autant de plaisir que d'attention.
Telles ont été les récréations sociales de votre confrère,
qui s'harmonisaient si bien avec ses études personnelles.
Ceux qui l'ont le mieux connu m'ont parlé du régime
qu'il avait adopté de bonne heure pour s'acquitter comme
il fit de toutes ses obligations. — Et d'abord il a toujours
vécu dans un cadre parfaitement approprié. La maison
qu'il habitait à Paris, dans l'ombre de l'église abbatiale de
Saint-Germain-des-Prés (rue de l'Abbaye, n" 13), appar-
tenait à sa famille depuis longtemps. Il s'y trouve des
parties du xvii^ siècle, qui dépendaient à cette époque,
d'après les plans insérés dans V Histoire de Vahhaye royale
de Saint-Germain..., par dom Bouillart, de la bibliothèque
conventuelle. Le cabinet où Valois avait installé ses livres
1. Biilk'dn (le la Société bibliographique, l'.)16, p. 21.
76 NOTICE SUR M. NOËL VALOIS
et son laboratoire avait été jadis, très probablement, une
des dépendances de la bibliothèque fréquentée par les
premiers membres de la Congrégation de Saint-Maur, dom
Menard, dom Grégoire Tarisse, dom Jean-Luc d'Achery.
Il l'avait décoré, conmie lovite sa demeure, avec une sim-
plicité somptueuse que la plus grande fortune n'aurait pu
égaler : avec de beaux portraits de famille, dus aux émules
de ses ancêtres (comme Perronneau), et à ses ancêtres
eux-mêmes. En face de lui, quand il était à sa table, un
bel ouvrage de fra Angelico, qui lui avait été réservé lors
de la dispersion des collections de son oncle par alliance,
l'amateur Charles Timbal. Ce précieux panneau, qu'il a fait
reproduire dans le Recueil de mémoires publié en 1904
pour le Centenaire de la Société nationale des Antiquaires
de France', représente, au pied de la croix, le cardinal
Juan de Torquemada, surnommé « le Défenseur de la
Foi », un des principaux tenants de la cause pontificale
au Concile de Bâle, dont il est souvent question dans Le
Pape et le Concile. C'est dans ce milieu propice, ou dans
son domaine familial de Lestiou, en Loir-et-Cher, que
Valois écrivait ses livres, après en avoir recueilli les
matériaux dans les grands dépôts de manuscrits, à travers
l'Europe. A Paris, j'ai déjà dit qu'il ne se passait guère de
semaine sans qu'il allât se ravitailler plusieurs fois aux
Archives nationales. 11 y allait par la promenade des quais,
d'où Ton jouit, en tout temps, d'incomparables jeux de
lumière. Des /archives on entend sonner les heures au
clocher des Blancs-Manteaux, autre église des Mauristes,
ancien séjour de dom Rivet et des premiers collaborateurs
de YHistoif'e littéraire ; il y retrouvait aussi la tradition
bénédictine. Et il y en donnait l'exemple. Ses anciens
collègues, qu'il saluait toujours à la rencontre avec affabi-
lité, ne l'y ont jamais vu perdre le temps en conversations
1. Bihlioffraphie, n° 72.
Notice sur m. noel valois 77
oiseuses. 11 respectait trop pour cela le labeur d'autrui, et
le sien ; et tel était l'ascendant de son application tran-
quille que nul, m'a-t-on assuré, n'eût osé le déranger par
des paroles inutiles. — Chaque soir, après le cercle de
famille oii il se délassait de la récolte du jour, notamment
par des lectures à haute voix auxquelles il excellait dans
l'intimité, il classait et rédig-eait encore jusqu'à une heure
avancée. C'est ainsi qu'il a vécu jusqu'à soixante ans. Vous
savez qu'il fut frappé, à cet âge, le 11 novembre 1915, en
pleine possession de lui-même et presque sans avertis-
sement.
Rien de plus significatif, Messieurs, que la parfaite
concordance, non concertée, des discours improvisés à
l'occasion de ses obsèques par des hommes très différents ;
tous, sur le même mode, firent entendre, pour ainsi dire,
la même note, au même diapason. Il est clair que Valois
avait produit la même impression sur tous ceux qui avaient
été, plus ou moins, de près ou de loin, en relations avec
lui et que chacun avait la même qualité d'estime — de
respect — pour son caractère, ainsi que pour son talent.
Ayant à exprinier ici, en finissant, mon sentiment propre,
je m'aperçois, naturellement, qu'il est conforme à celui des
orateurs qui se sont acquittés avant moi d'une tâche
pareille.
Il me semble que je ne saurais mieux condenser ma
pensée, et celle de tous, sur Noël Valois, qu'en disant
qu'il fut un gentilhomme. Ce beau mot a perdu dans notre
langue un peu de la plénitude du sens qui se conserve
dans l'acception la plus élevée de l'anglais gentleman.
L'honnête homme, simple, discret, loyal, ferme, volon-
taire, d'humeur égale, avec les qualités qui étaient au
moyen âge prisées chez nous par-dessus tout : la mesure
(rien de trop ni de trop peu), la courtoisie, et une certaine
réserve, qui sont des défenses très efficaces de la vie inté-
rieure contre les atteintes du dehors. Manière d'être anti-
'ÎS Notice sur m. nckl VALotsi
thétique de celle qui nest aujourd'hui et n'a sans doute
toujours été que trop commune : la manière d'être osten-
tatoire, encombrante, vulgaire, familière, avide, excessive,
déséquilibrée. C'est suivant cette ligne de partage, et non
d'après les diiîérences accessoires de milieu, d'éducation,
de tradition et de parti, que doit se faire normalement la
distinction profonde entre les hommes : entre le type noble
de l'espèce et celui qui ne Test pas. La noblesse naturelle
de Valois était manifeste au premier abord comme à la
longue.
Il y a, d'ailleurs, entre les individus bien nés, des
nuances innombrables. Deux épithètes se présentent pour
qualifier celui dont nous parlons -: c'était un gentilhomme
français, c'était un gentilhomme chrétien.
Il était Français comme sa race, Français comme son
nom. Je me demande si je l'ai assez laissé entendre. Que
ceux qui ne l'ont point connu ne se figurent pas, d'après
ce que j'ai dit de lui, un de ces érudits engouffrés dans
leurs études, qui traversent la vie comme des boeufs en
appuyant du front sans relâche pour retourner la glèbe du
passé. Nul ne fut plus indemne de travers et de ridicules
professionnels. Il était ouvert et gai. Il avait de la grâce et
de la sensibilités II aurait été redoutable à la sottise qui
s'ignore et à la suffisance qui s'étale, s'il avait voulu : il
l'a fait voir dans quelques écrits de sa jeunesse ; et vous
n'avez pas oublié ces yeux lumineux, ce beau sourire,
cette physionomie spirituelle. II ne ressemblait pas du tout
à Voltaire^ grand Dieu ! Mais, si je ne m'abuse, il avait
pourtant, et quoi qu'il en eût, quelque chose de ce grand
homme, clair, net et généreux, prompt à réagir contre
l'injustice et l'hypocrisie (qui sont de tous les clans),
comme quiconque est vraiment d'ici.
Enfin il était chrétien. Est-ce pour cela, ou par l'effet
de l'âge et de la maturité, qu'il s'était élevé de plus en
plus, vers la fin de sa vie, à une sérénité supérieure, faite
Notice sur m. noël vAî.oté 79
d'indulgence et de bonté? En tout cas, il proposait
l'exemple de ce que la pratique éclairée du christianisme
peut ajouter de douceur et de fraternité aux vertus natu-
relles. J'ose à peine faire allusion à sa charité, puisqu'il
ne voulait pas qu'on en sût rien, au point que les siens
eux-mêmes n'ont appris qu'après sa mort l'étendue et les
formes touchantes du réconfort qu'il avait coutume de
porter, personnellement, aux âmes en peine...
En somme, carrière heureuse et enviable entre toutes.
Aussi heureuse que le comporte la condition humaine,
jusque dans l'horreur de la guerre, puisqu'il eut la satis-
faction d'y voir ses enfants combattre, ou servir autrement,
et l'y représenter honorablement, sans les perdre. Vie
embellie par les joies de la famille, de la nature, de l'art et
de la science ; réussite rare de ce que notre ancienne culture
nationale peut produire de meilleur. Vie courte, hélas (et
c'est le seul regret qu'elle laisse à qui la considère), mais
dont le souvenir et l'exemple resteront dans le patrimoine
de votre Compagnie et, par conséquent, dans celui du pays. ,
BIBLIOGRAPHIE
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mort de Louis XV.
Dans Bibliothèque de r Ecole des Chartes, t. XLII
(1881), pp. 465-468.
8 — 1882. Etude sur la latinité de saint Cyprien. — Ce travail,
couronné en 1882 par la Société de littérature chi'é-
tienne de Lille, n'a pas été imprimé.
Cf. Bibliothèque de V Ecole des Chartes, t. XLIV
(1883), p. 124.
9 — 1882. Compte rendu de l'ouvrage de B. Hauréau, Histoire de
la philosophie scolastique, 2*^ partie, t. I, II.
Dans Bibliothèque de V École des Chartes, t. XLIII
(1882), pp. 361-367.
ËtBLlOGRAPttlE DE M. NOËL VALOtS 81
10 - 4882-1883. Fragment d'un registre du Grand Conseil de
Charles VII (mars-juin 14oo).
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhisloire
de France, année 1882, pp. 273-308; année 1883,
pp. 209-245, et à part, Paris, Picard, 1883, in-8''.
11 — 1882-1883. Le Conseil du Roi et le Grand Conseil pendant la
première année du règne de Charles VIII.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. XLIII
(1882), pp. 594-625; t. XLIV (1883), pp. 137-168 et
419-444, et à part, Paris, A. Picard, in-8°.
12 — 1883. Letti-e à M. Paul Viollet [au sujet d'un compte rendu
publié dans la Revue historique, t. XXI (1883),
pp. 175-178, de l'ouvrage de M. Valois sur Guillaume
d'Auvergne].
Dans Revue historique, même volume, pp. 400-
403. Avec réponse de P. Viollet.
13 — 1883. Compte rendu de l'ouvrage d'Eugène Bernard, Les
dominicains dans l'Université de Paris.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. XLIV
(1883), pp. 360-363.
14 — 1883. Compte rendu de l'ouvrage de P. Pélicier, Essai sur
le gouvernement de la dame de Beaujeu.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. XLIV
(1883), pp. 511-513.
15 — 1883. Notes sur la révolution parisienne de 1356-1358. La
revanche des frères Braque.
Dans Mémoires de la Société de l'histoire de Paris,
t. X (1883), p. 100-126, et à part, Paris, 1883, in-8».
16 — 1884. Compte rendu de l'ouvrage de G. Hanotaux, Origines
de l'institution des intendants des provinces.
Dans Bulletin critique, 1884, pp. 287-291.^
17 — 1885. Le gouvernement représentatif en France au xiv« siècle.
Étude sur le Conseil du Roi pendant la captivité de
Jean le Bon.
Dans Revue des questions historiques, t. XXXVII
(1885), pp. 63-115, et à part, Bruxelles, 1885, in-8».
18 — 1885. Le « Conseil de raison » de 1597.
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1885, pp. 248-256, et à part. Paris,
1885, in-8°.
191« e
8â BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VAl-OlS
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fondation d(! l'Université de Caen et son organisa-
tion au xv^" siècle.
Dans liiJ)lioth<\jue de l'Ecole c/es Charles, t. XLYI
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20 — 188t). Le privilège de Ghalo-Saint-Mard.
Dans Anniiaire-BuUelin de la Société de Cliisluire
de France, année 1880, pp. 185-226, et à part, Paris,
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Dans Bulletin de la Société de VhiUoirc de Paris,
t. XIII (1886), pp. 52-ri5.
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Bulletin de la Société d,e l'histoire de Finance (1863-
1884), XXX«-L« année. Paris, Laurens, 1886, iu-S"
de 42 p. [VAvis qui est en tête n'est pas signé.]
23 _ 1886. Compte rendu de l'ouvrage de C. Douais, Les Parères
Prêcheurs en Gascogne.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. XLVll
(1886), pp. 301-302.
24 _ 1886. Compte rendu de l'ouvrage de Jules Tessier, La mort
dÉtienne Marcel.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. XLVlI
(1886), pp. 674-682. — Cf. La question d'Etienne
Marcel. Réponse à M. Noël Valois, par Jules Tessier,
Paris, 1887, in-8» (extrait delà Bévue de renseigne-
ment secondaire et de renseignement supérieur).
25 — 1886. Étude historique sur le Conseil du Roi. Introduction à
l'Inventaire des arrêts du Conseil d'État. Paris,
Imprimerie nationale, gr. in-4'' de cl pp. [Extrait de
l'ouvrage suivant].
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Inventaire des arrêts du Conseil d'État (règne de
Henri IV). Paris, Imprimerie nationale, 2 vol. gr.
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secrétaire de la Société de l'histoire de France, le
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Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhisloire
de France, année 1887, pp. 151-153, et (\ans Biblio-
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pp. 615-616.
BIBLIOGRAPHIE DE ». NOËl VALOIS 83
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(8 avril-i6 novembre 1378.)
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire
de France, année 1887, pp. 22o-2.od, et à part, Paris,
1888, in-8° de 31 pp. — Cf. Comptes rendus de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, année
1888, p. 86 : communication de M. Valois aux
séances des 9 et 16 mars 1888.
29 — 1888. Le Conseil du Roi aux xiv«, xv<= et xvi« siècles. Nou-
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Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1888, pp. 233-238.
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1408), d'après un document transcrit par M. C.
Rivain.
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1889, pp. 215-276, et à part, sous
le titre : Baijmond-Roger, vicomte de Turenne, etc.
Paris, 1890, in-8°.
32 — 1890. Un ouvrage inédit d'Honoré Bonet, prieur de Salon.
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1890, pp. 193-228, et à part, Paris,
1891. — Cf. Comptes rendus de VAcad. des ins-
criptions et belles-lettres, 1891, p. 14; communi-
cation de M. Valois à la séance du 30 janvier 1891.
33 — 1890. L'élection d'Urbain VI et les origines du Grand Schisme
d'Occident.
Dans Revue des questions historiques, t. XLVIII
(1890), pp. 333-420, et à part, Paris, Bureaux de la
Revue, 1890, in-8° de 72 pp.
34 — 1890. Compte rendu de l'ouvrage de Louis Gayet, Le Grand
Schisme d'Occident.
Dans Bibliothèque de VEcole des Chartes, t. LI
(1890), pp. 138-142.
35 — 1891. Honoré Bonet, prieur de Salon.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Charles, t. LU,
1891, pp. 265-268 et à part, Paris, 1891, in-H» de
36 pp.
3G — 1891. Discours prononcé le 14 juillet 1380, en présence de
84 BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VALOIS
Charles V, par Martin, évoque de Lisbonne, ambas-
sadeur du roi do PortUf^al.
Dans BihUolhèque de VÉcole f/e.s Chartea, t. LU
(1891), pp. 485-r316, et à part, Paris, 1802, in-8». -
37 1892. Louis!", duc d'Anjou, et le Grand Schisme d'Occident
(1378-1380).
Dans Revue des questions historiques, t. LI (1892),
pp. lUi-158.
38 _ 1892. Une ambassade allemande à Paris en 1381 .
Dans Bibliothèque de VÉcole drs Charles, t. LUI
(1892), pp. 417-425, et à part, Paris, 1892, in-8». —
Cf. Comptes rendus de V Académie des inscriptions et
belles-lettres, 1892, p. 166 : communication de
M. Valois à la séance cki 17 juin.
39 1892. Le Grand Schisme en Allemagne (1378-1380).
Dans Rômische Quartalschrift fur christliche
Alterthumskunde und fur Kirchengeschichte, t. VII
(1892), pp. 107-104, et à part, Rome, Tipogr. sociale,
1893, in-8°de 60 pp.
40 — 1893. Le projet de mariage entre Louis de France et Cathe-
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IV à Paris (janvier 1378).
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de ihistoire
de France, année 1893, pp. 209-223; et à part, Paris,
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(1894), pp. 84-153, et à part, Paris, aux bureaux de la
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Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1894, pp. 211-238.
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BIBLIOGRAPHIE DE M, NOËL VALOIS 85
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49 — 1896-1902. La France et le Grand Schisme d'Occident (Paris,
A. Picard et fils, 1896-1902, 4 vol. in-S» de xxx-407,
516, xxiv-632 et 610 pp.). [Les quatre volumes ont
paru les deux premiers en 1896, les deux derniers en
1902.]
50 — 1896. Compte rendu de l'ouvrage de H. Finke, Acta concilii
Constantiensis, t. I (1410-l'414).
Dans Bibliothèque de r École des Chartes, t. LVII,
(1896), p. 439-441.
51 — 1897. Notice nécrologique sur Eugène de Rozière, membre
de la Société nationale des Antiquaires de France
(1820-1896).
Dans Bulletin de la Société nationale des Anti-
quaires de France, année 1897, pp. 57-69, et à part,
Nogent-le-Rotrou , impr. Daupeley-Gouverneur,
• s.'d.,in-8<' de 12 pp.
52 — 1897. Sur le surnom de Pie, attribué à certains religieux au
moj'en âge.
Dans Bulletin de la Société nationale des Anti-
quaires de France, année 1897, p. 371.
53 — ■ 1898. Un nouveau document relatif à l'expédition de Louis I*!^
d'Anjou en Italie (11 juillet 1382).
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. LIX
(1898), pp. 322-324.
54 — 1898. Compte rendu de l'ouvrage du D^ Georg Bulow, Des
Dominicus Gundissalinus Schrift von der Unster-
blichkeit der Seele.
86 BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VALOIS
Dans Bibliolht'qve de VÉcole des Chartes, t. LlX
(1808), pp. 408-410.
55 _ 1898. Communicalion sur le concile de Paris de 1398.
Dans Comptes r-endus de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1898, p. 509 ; séance du
15 juillet 1898.
56 _ 1899. La proloni^alion du Grand Schisme d'Occident au
xv'' siècle dans le Midi de la France.
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1899, pp. 161-195 ; et à part, Paris,
1899, in-8« de 35 pp. — Cf. Comptes rendus de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, année
^ 1899, p. 456 (communication de M. Valois).
57 _ 1900. Note sur l'origine de la famille Jouvenel des Ursins.
Dans Mémoires de la Société nationale, des Anti-
quaires de France, t. LIX (1900), p. 77, et à part,
Paris, 1900, in-8° de 14 pp.
58 _ 1900. Jean Juvénal des Ursins, secrétaire de la chancellerie
pontificale (1410).
Dans Bulletin de la Société nationale des Anti-
quaires de France, année 1900, p. 78.
59 _ 1900. Rapport [comme secrétaire-adjoint] sur l'état des tra-
vaux de la Société [de l'histoire de France].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1900, pp. 96-103.
60 — 1900. Compte rendu de l'ouvrage de L. Salembier, Le Grand
Schisme d'Occident.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. LXI
. (1900), pp. 520-522.
61 _ 1901. Gerson, curé de Saint-Jean-en-Grève.
Dans Bulletin de la Société de Vhistoire de Paris,
t. XXVIII (1901), pp. 49-67, et à part, Nogent-le
Rotrou, impr. Daupeley-Gouverneur, 1901, in-S^de
11 pp.
62 _ 1902. Jacques de Nouvion et le Religieux de Saint-Denis.
Dans Bibliothèque de VÉcole des Chartes, t. LXIII
(1902), pp. 233-262; et à part, Paris, 1902, in-8° de
30 pp.
63 — 1902. Essai de restitution d'anciennes annales avignonnaises
(1397-1420).
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1902, pp. 161-186, et à part, Paris,
1902, in-S" de 26 pp,
BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËl. VALOIS 87
ôi — 1902. Jeanne d'Arc et la prophétie de Marie Robine.
Dans les Mélanges Paul Fabre. Paris, 1902, in-S",
p.' 452-467, et à part.
65 — 1902. Notice sur la vie et les travaux de M. Jules Girai-d [son
prédécesseur à l'Académie des inscriptions et bel-
les-lettres]. Paris, typ. Firmin-Didot, 1902, in-4° de
46 pp. [Le titre porte : Institut de France. Académie
des inscriptions et belles-lettres.]
60 — \'.}0'^. Communication sur un ouvrage inédit de Marsile de
Padoue, le Defensor minor.
Dans Comptes rendus de V Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1903, p. 601 ; séance du
20 novembre.
67 — 1903. Étude sur le théâtre français au xiv^ siècle [à propos
de l'ouvrage d'Emile Roy, Le jour du jugement ;
mystère français sur le Grand Schisme] .
Dans Journal des Savants, nouvelle série, pre-
mière année, 1903, pp. 677-686.
68 — 1903. Les statues de la Grande Salle du Palais, à Paris.
Dans Bulletin de la Société de r histoire de Paris,
t. XXX (1903), pp. 87-90; 2« partie du numéro sui-
vant.
69 — 1903. Discours prononcé [comme président] à l'assemblée
générale de la Société de l'histoire de Paris, le
12 mai 1903.
Dans Bulletin de la Société de l'histoire de Paris,
t. XXX (1903), pp. 81-90, et à part, Nogent-le-Rotrou,
impr. Daupeley, 1903, in-8° de 12 pp.
70 — 1904. De la croyance des gens du moyen âge à la prochaine
fin du monde.
Dans Institut de France. Séance publique annuelle
des cinq Académies du mardi 2o octobre i 90 i, Paris,
190't, in-4°, pp. 21-33.
7 1 — 190'»-. Un ouvrage inédit de Pierre d'Ailly. Le « De persecu-
tionibus Ecclesia^ ».
Dans Bibliothèque de VEcole des Charles, t. LXV
(1904), pp. 556-574; et à part, Paris, 1904, in-8» de
18 pp. [Avec des fragments du De pcrsecutionihus
Ecclesiœ] .
72 — 1904. Fra .\ngelico et le cardinal Jean de Torquemada.
Dans Société nationale des Antiquaires de France.
Centenaire, t SO ^i~l 90 j. Recueil de mémoires publiés
88 BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VALOIS
par les ineiiib/-es de la Société, Paris, 1904, iri-i",
pp. 461-470, avec planche.
73 — 1904. Rapport sur l'iiistoire de la Société [nationale des
Antiquaires de Francel.
Dans Société nationale des Antic/iiaires de France
Centenaire. Compte rendu de la Journée du H avril
1904, Paris, 1904, in-8», pp. 25-35.)
74 — 1904. Compte rendu de rouvrage de J. Ilaller, Papsttum und
Kirchenreform.
Dans Bulletin critique, 25 août 1904.
75 — 1905. Concordats antérieurs à cçlui de François I". Pontificat
de Martin V.
Dans Revue des questions historiques, t. LXXVII
(1905), pp. 376-427.
76 — 1905. Observations relatives à une communication de M.
Salomon Reinach sur le procès criminel de Gilles de
Rais.
Dans Comptes rendus de V Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1905, pp. 12-14 ; séance
du 13 janvier.
77 — 1905. Communication sur la Pragmatique Sanction dite de
saint Louis.
Dans Comptes rendus de V Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1905, pp. 314-315,
séance du 9 juin.
78 — 1905. Le Schisme de Bâle au xv'= siècle [à propos de l'ou-
vrage de G. Pérouse sur le cardinal Louis Aleman].
Dans Journal des Savants, nouvelle série, 3« année,
1905, pp. 345-352.
79 — 1905. Les archivistes paléographes dans les bibliothèques
[lettre écrite comme président de la Société de
l'École des Chartes au Directeur de la Revue scien-
tifique.]
Reproduite dans Bibliothèque de VEcole des
Chartes, t. LXVl (1905), pp. 607-609.
80 — 1906. Histoire de la Pragmatique Sanction de Bourges sous
Charles VU [tome IV de la collection Archives de
Vhistoire religieuse de la France]. Paris. Picard, in-8°
de viii-cxcii-288 pp.
81 — 1906. Pierre Auriol, Frère Mineur.
Dans Histoire littéraire de la France, t. XXXllI
(1906), pp. 479-527.
BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VALOIS 89
82 — 1906. Jean de Jandun et Marsile de Padoue, auteurs du
« Defensor pacis ».
Dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIII
(1906), pp. 527-623 et 631-632; et à part, Paris,
(Impr. nationale, 1906, in-4'», paginé 527-623.
83 — 1906. Avant-propos [signé: '^. V.] à A. Gérard, La Révolte
et le siège de Paris (1589).
Dans Mémoires de la Société de f histoire de Paris,
t. XXXIII (1900), pp. 65-150 ; et à part, Nogent-le-
Rotrou, impr. Daupeley, 1907, in-S" de 86 pp.
84 — 1906. Un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc ; réponse
d'un clerc parisien à l'apologie de la Pucelle par
Gerson(1429).
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1906, pp. 161-179 ; et à part, Paris,
1907, in-8° de 19 pp. — Cf. Comptes rendus de
VAcadémie des inscriptions et belles-lettres, 1906,
pp. 741-742 (communication de M. Valois sur le
même sujet à la séance du 28 décembre), et Bulletin
de la Société nationale des Antiquaires de France,
année 1907, pp. 103-104 (communication de M.Valois
sur le même sujet.
85 — 1906. Nouveaux témoignages sur Pierre de Nesson.
Dans Romania, t. XXXV (1906), pp. 278-283.
86 — 1908. Un plaidoyer du xiv® siècle en faveur des Cisterciens
[par Jacques de Thérines].
Dans Bibliothèque de VEcole des Chartes, t. LXIX
(1908), pp. 352-368; et à part, Paris, 1908, in-S» de
19 pp.
87 — 1908. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de France].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire
de France, année 1908, pp. 105-113.
88 — 1908. Rapport fait au nom de la Commission des Antiquités
de la France sur les ouvrages envoyés au Concours
de 1908.
Dans Comptes rendus de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1908, pp. 394-406 ;
séance du 17 juillet, et à part, Paris, 1908, in-8°.
89 — 1909. La crise religieuse du xv^ siècle. Le Pape et le Concile
- (1418-1450). Paris, A. Picard. 2 vol. in-8o de xxix-
408 et 420 pn.
90 luni-ioGUAPiiu: de m. noël valois
90 — 1909. Rapport fait au nom do la Commission dos Anticfuités
de la France sur les ouvrages envoyés au Concours
de 1909.
Dans Comptes rendus de r Académie (/es inscrij)-
tions et belles-lettres, année l909, pp. 471-483 ;
séance du 2 juillet; et à part, Paris, 1909, in-8°.
91 — 1909. Rapport sur l'état des travaux de la Société. [de This-
toire de France].
Dans Annuaire-Bullet in de la Société de l'hisloire
de France, année 1909, pp. 94-10^>.
92 — 1909. Conseils et prédictions adressés à Charles VII en 1445
par un certain Jean Dubois.
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de rhistoire
de France, année 1909, pp. 201-238; et à part, Paris,
1909, in-8° de 38 pji. — Cf. Comptes rendus de
. VAcadémie des inscriptions et belles-lettres, année
1910, pp. 75-76; communication de M. Valois à la
séance du 4 mars.
93 — 1910. Rapport fait au nom de la Commission des Antiquités
de la France sur les ouvrages envoyés au Concours
de 1910.
Dans Comptes rendus de l Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1910, pp. 346-355;
séance du 8 juillet ; et à part.
94 — 1910. Communication sur ; Deux nouveaux témoignages sur
le procès des Templiers. [Jean de Pouilli et Jacques
de Thérines.]
Dans Comptes rendus de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1910, pp. 229-241.)
95 — 1910. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de F'rance].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de rhistoire
de France, année 1910, pp. 102-110.
96 — 1911. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de France].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1911, pp. 124-133.
97 — 1912. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de France].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1912, pp. 119-125.
98 — 1912. T.e procès de Gilles de Rais.
BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VALOIS 91
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1912, pp. 192-239; et à part, Paris,
1913, in-8''de47 pp.
99 — 1913. Discours prononcé en prenant la présidence de l'Aca-
démie, séance du 3 janvier.
Dans Comptes rendus de VAcadémie des inscrip-
tions et belles-lettres, année 1913, pp. 2-3.
100 — 1913. Allocution à propos de la mort du D-- Euting, corres-
pondant étranger de l'Académie.
Dans même Recueil, même année, pp. 19-21.
101 — 1913. Allocution h propos delà mort de M. Ferdinand Van
der Haeghen, correspondant étranger de l'Académie-
Dans même Recueil, même année, pp. 40-42.
102 — 1913. Allocution à propos de la mort de M. Ferdinand de
Saussure, correspondant étranger de l'Académie.
Dans même Recueil, même année, pp. 68-70.
103 — 1913. Allocution à propos de la mort de M. Reinhold Dezei-
meris, correspondant français de l'Académie.
Dans même Recueil, même année, pp. 379-381.
104 — 1913. Observations relatives h une communication faite par
M. L. Romier sur la Saint-Barthélémy.
Dans même Recueil, même année, pp. 512-513.
105 — 1913. Discours présidentiel à la séance publique annuelle des
cinq Académies du 25 octobre 1913.
Dans Institut de France. Séance publique annuelle,
présidée par M. Noël Valois, Paris, 1913, in-4'' de
101pp.
106 — 1913. Discours présidentiel à la séance publique annuelle de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres du ven-
dredi 14 novembre 1913.
Dans Institut de France, Académie des inscriptions
et belles-lettres. Séance publique annuelle.., Paris,
1913, in-4° de 134 pp., et dans Comptes rendus de
VAcadémie des inscriptions et belles-lettres, année
1913, pp. 534-549.
107 1913. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de France.]
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de lliistoire
de France, année 1913, pp. 94-103.
108 — 1913. Vassy.
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1913, pp. 189-235 ; et à part, Paris,
1914, in-S°.
92 BIBLIOGRAPHIE DE M. NOËL VALOIS
109 — 1013. Zu Noël Valois, Le Pape elle Concile. Entgegnung von
N. Vnlois.
Dans Ilistorische Zeilschrift, t. LXI (1913), pp. 338.
344.
110 — 1914. Projet d'enlèvement (l'un enfant de France (le futur
Henri III) en 1561.
Dans Bibliothèque de V Ecole des Charles, t. LXXV
(1914), pp. 5-48; et à part, Paris-, 1914, in-B».
111 — 1914. Visite de Catherine de Médicis en la maison du peintre
François Clouet en 1563.
Dans Bulletin de la Société nationale des Anti-
quaires de France, année 1914, pp. 231-233.
112 — 1914. Notice sur Léopold Delisle^ un des auteurs des tomes
XXIX-XXXIV de !'« Histoire littéraire de la France »
(mort le 22 juillet 1910).
Dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV,
pp. vii-xiv. Signée : N. V.
113 — 1914, Jacques de Thérines, Cistercien.
Dans même Recueil, même volume, pp. 179-219.
Signé : N. V.
114 — 1914. Jean de Pouilli, théologien.
Dans même Recueil, même volume, pp. 220-281.
Signé : N. V.
115 — 1914. Jean Rigaud, Frère Mineur.
Dans même Recueil, même volume, pp. 282-298.
Signé : N. V.
116 — 1914. Guillaume de Sauqueville, Dominicain.
Dans même Recueil, même volume, pp. 298-307.
Signé : N. V.
117 — 1914. Hervé Nédelec, Général des Fi-ères Prêcheurs, par
B[arthélem)'] H[auréau], avec des additions par
N. V.
Dans même Recueil, même volume, pp. 308-351.
118 — 1914. Jacques Duèse, pape sous le nom de Jean XXII.
Dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV
(1914), pp. 391-630 et 634; et à part, Paris, Impr.
nationale, 1914, in-4°, paginé 391-630.
149 — 1914. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de France].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire
de France, année 1914, pp. 93-98.
120 — 1915. Discours prononcé en quittant la présidence de la
6l6LÎOGRAt>MlÈ t)È M. NOËL VALOtS 93
Société nationale des Antiquaires de France, le
6 janvier 1915.
Dans Bulletin de la Société nationale des Anti-
quaires de France, année 1915, pp. 84-97.
121 — 1915. Rapport sur l'état des travaux de la Société [de l'his-
toire de France].
Dans Annuaire-Bulletin de la Société de Vhistoire
de France, année 1915, pp. 75-81 ^.
1. On n'a retenu, dans la présente bibliographie, que les comptes ren-
dus les plus importants, ceux où l'auteur a apporté des idées ou des ren-
seignements nouveaux.
SÉANCE DU 8 FÉVRIEll
l'RlîSIDENCE DE M. HERON »E VILLEFOSSE.
M. le Ministre de Chine adresse à l'Académie, en son nom et
au nom de ses compatiMotes, l'expression de leurs bien sin-
cères condoléances au sujet de la mort de M. Edouard Cha-
VANNES.
Le PRÉsmENT transmettra à M. le Ministre de Chine les remer-
ciements de l'Académie.
Le Secrétaire de la Commission des Antiquités et des Arts du
département de Seine-et-Oise soumet une proposition de M. Goût,
architecte, ayant pour objet la suppression et le remplacement
de l'expression de « gothique » appliquée improprement aux
merveilleuses œuvres de notre art national.
La proposition est renvoyée à l'examen de M. de Las-
teyrie.
M. CoRDiER achève la lectui^e du rapport de M. Bonnel de
Mézières sur sa mission en Afrique (recherche de l'emplace-
ment de Ghana; fouilles de Koumbi et de Fettah).
M. Antoine Thomas fait connaître des documents publiés depuis
longtemps par l'historien de l'Université de Bologne, le
P. Sarti, mais qui n'avaient pas attiré jusqu'ici l'attention de la
critique. Ils concernent un étudiant nommé maître Jean de Meun,
qui séjourna à Bologne de 1265 à 1269, et qui y figure comme
fils de noble Jean de Meun, chevalier, du diocèse d'Orléans.
Contrairement à l'opinion soutenue par M. le comte Durrieu, il
ne s'agit pas du célèbre poète Jean de Meun, auteur de la suite du
Roman de la Rose, lequel n'était pas noble, mais d'un homo-
nyme, qui fut archidiacre de Beauce de 1270 à 1303 K
M. Durrieu présente une observation.
1. Voir ci-après.
SÉANCE DU 8 FÉVRIER 1918 9o
MM. S. Reinach el E. PoTTîER présentent à l'Académie les
dessins exécutés par M"''J. Evrard, au cours d'une mission qui
lui avait été contiée par la Commission Piot. Elle était chargée
de reproduire les objets antiques que M. Mouret a trouvés dans
ses fouilles d'Ensérune ' et quil publiera dans un ouvrage
spécial ; elle devait recueillir en même temps des documents
archéologiques dans divers musées et collections privées de la
région du Midi.
M. S. Reinach examine particulièrement les objets de bronze
et de fer. Ces objets, découverts par M. Mouret dans la nécropole
d'Ensérune, ont été dessinés avant tout nettoyage et restaui^ation ;
mais la conservation de la plupart est si satisfaisante que leur
désignation ne peut donner lieu à aucun doute. Ce sont des
armes, des objets de parure et des objets d'usage, recueillis
à côté des cendres des morts et portant souvent eux-mêmes des
traces de feu .
Les armes se divisent en deux groupes : il y a, d'une part,
des épées de fer du type bien caractérisé de LaTène I, quelques-
unes repliées sur elles-mêmes suivant un rite sans doute religieux
qui semble devenir plus fréquent aux époques subséquentes du
second âge du fer; d'autre part, trois épées coudées apparte-
nant au type ibérique dit d'Almedinilla, fréquent en Espagne,
mais dont des spécimens ont aussi été signalés sur la côte adria-
tique. Ce type dérive de celui de l'épée grecque telle qu'elle est
connue surtout par les peintures de vases. La présence depote-
ries ibériques à Ensérune autorise à croire que les épées coudées
trouvées dans la même nécropole proviennent non de l'Est,
mais du Sud-Ouest. M. l'abbé Breuil vient de montrer que- des
armes de type ibérique figurent encore sur les trophées de l'arc
d'Orange ; elles étaient donc restées en usage dans cette
région.
Parmi les objets de parure, les plus remarquables sont les
agrafes de ceinturon en bronze. Deux spécimens surtout sont
d'un grand intérêt: l'un, rappelant un objet du même genre
trouvé à Sommebionne en Champagne ; l'autre, analogue à un
spécimen de la nécropole Benvenuti à Este. Assez rares ailleurs,
1. Cf. Comptes rendus, 15 septembre et 17 novembre 1916.
96 SÉANCE bU 8 FÉVRIER i9l8
ces agrafes sont nombreuses à Ensérune (une vingtaine) et
témoignent de ce goût artistique original qui dislingue les meil-
leures productions du second âge du fer. 11 est probable que ce
sont des variations de la palmette grecque, avec une tendance
à substituer aux feuilles des groupes d'animaux stylisés et
affi'ontcs. Une imitation plus fidèle de la palnielte se voit sur
une plaque de bronze gravée qui semble avoir fait partie de la
décoration d'un vase en bois ou en métal. •
Il y a cinq vases de bronze sans ornements et une anse ter-
minée par une tête de bélier qui rappelle les chenets à tête de
bélier, le plus souvent en argile, qu'on a recueillis dans diverses
stations de l'âge du fer et dont la signification est probablement
religieuse, comme l'a reconnu M. Joseph Déchelette.
Une trentaine de fibules de bronze et trois fibules de fer appar-
tiennent aux types de La Tène I ; quelques fibules de bronze se
rapprochent de celui de La Tène IL Aucune de ces fibules ne
paraît avoir été décorée avec du corail, matière dont les Gaulois
faisaient un grand usage pour orner leurs armes et leurs
bijoux ; mais un disque de bronze, qui est probablement un
fragment de fibule, est orné sur le pourtour de perles irrégulières
de couleur grise qu'on a tout lieu de considérer comme du
corail. Les bracelets lisses sont au nombre d'une douzaine ; il y
a surtout des bagues, des anneaux plats, des perles de colher
et des boutons.
Parmi les objets d'usage, on peut citer une louche et une pas-
soire. Les seules décorations que l'on relève sur ces objets sont
des stries et des petits cercles. Un manche de petit couteau de
bronze, en ivoire ou en os verdi par l'oxydation, a été recueilli
non dans une tombe, mais sur l'acropole, d'où proviennent éga-
lement une anse de vase en bronze d'un galbe élégant et une
bague de bronze ornée de nervures.
Avant les découvertes faites à Ensérune, la première époque
de La Tène n'était représentée, à l'Ouest du bas Rhône, que par
une fibule provenant d'Uzès. Le fait que l'on a trouvé, si près
des Pyrénées orientales, une nécropole à incinération dont le
contenu ressemble exactement à celui des tombes à incinération
de la Champagne, constitue un notable accroissement de nos
connaissances et pose, en même temps, des problèmes très dif-
SÉANCE t)U 8 FÉVRIER 4918 97
flciles. Les premiers archéolog^ues qui ont étudié le second âge
du fer ont reconnu qu'il était essentiellement gaulois ; mais,
frappés de ses afïinités helléniques, ils en ont cherché l'origine
dans le bassin du Rhône. A quoi Ton a répondu que la première
phase de cet âge était à peine représentée dans cette région,
alors que le Rhin moyen et la Champagne en ont fourni les spé-
cimens de beaucoup les plus nombreux et les plus riches. Des
trouvailles comme celles d'Ensérune alTaiblissentcetle objection,
et le fait subsiste que le corail, dont les Gaulois de la Cham-
pagne ont fait si grand cas, ne pouvait provenir que de la Médi-
terranée, en particulier des environs des îles dHvères. Les
cartes actuelles des nécropoles de La Tène sont nécessairement
fondées sur le hasard des fouilles ; le progrès des recherches
peut y apporter des modifications importantes et obliger de
transférer du Nord-Est au Sud-Est de la Gaule le centre de diffu-
sion d'une industrie et d'un art qui, avant et pendant l'époque
romaine, se sont étendus, avec les conquêtes et linlluence cel-
tiques, sur une grande partie de l'Europe, de l'Espagne et des
pays Scandinaves jusqu'aux environs de Kiev,
M. Pottieràson tour passe en revue les principales œuvres
céramiques de la collection Mouret, parmi lesquelles il fautmettre
au premier rang une coupe à figures rouges du commencement
du IV'' siècle, avec ornements qui ont dû être dorés, où l'on
reconnaît le style du fabricant Meidias. Selon la mode du temps
la composition réunit des femmes et des jeunes gens dans des
groupements de noble et poétique élégance, sans allusion à un
sujet très précis. Parmi les autres aquarelles ou dessins de
\pie Evrard, citons une coupe avec Apollon monté sur le griffon
et traversant la mer ; une seconde coupe avec un combat d'Ari-
maspe à cheval contre deux griffons, et, sur les fragments d'un
grand cratère, une scène de toilette qui rassemble peut-être
Adonis et Aphrodite avec leur cortège.
Quelques copies de fragments de vases appartenant à la col-
lection Caïlet sont précieuses, parce qu'elles nous montrent la
série chronologique des trouvailles faites sur le sol de Béziers
même ; les importations grecques datent du vi" siècle et se sont
prolongées jusqu'au ni''.
1918 •}
Ô^ SÉANCE DU 8 FÉVRIER 19i8
Au Musée de Bcziers, où la Société archéolog-ique de la. Ville
et le conservateur M. Louis Paul ont bien voulu donner à noLro
dessinateur les facilités les plus grandes pour travailler, nous
avons fait reproduire plusieurs pièces intéressantes, nu petit
cratère de style béotien archaïque (char et scène de chasse) ;
un skyphos orné dune ligure de Nérée en dieu poisson, couvert
décailles, d'un caractère très ancien ; une bouteille de la série dite
protocorinthienne avec les apprêts d'une fête religieuse et une
danse de femmes; une amphore proto-attique à tableaux (lion
rugissant, tète d'homme barbu) ; un skyphos de style proto-
corinthien à figures noires décadentes représentant Poly|)hcme
et le bélier d'Ulysse.
Au Musée de Montpellier, où nous avons également à adresser
des remerciements à tous ceux qui ont accueilli et encouragé
M"^ Evrard, la récolte fut plus importante encore : une bouteille
de style protocorinthien qui, par un curieux hasard, sort de la
même fabrique antique que la précédente et répète le même
sujet avec des variantes ; une œnochoé et un plat rhodiens ;
une amphore attico-corinthienne à quatre zones ; une belle
hydrie chalcidienne avec scènes de combats ; une coupe à
figures rouges du début du v" siècle, appartenant au groupe
de Ghélis ou de Chachrylion (exercices dans la palestre) ;
enfin une grande amphore attique, d'un style magnifique qui
date des environs des guerres Médiques et que l'on peut rattacher
au groupe de Brygos : d'un côté, on voit un musicien barbu qui,
la tête levée, chante en s'accompagnant de la lyre ; de l'autre
côté, un homme drapé qui l'écoute.
Cette belle pièce, que tout musée s'honorerait de posséder,
trouve son complément comme importance dans un autre pro-
duit de la céramique grecque, placé aujourd'hui dans une
collection privée où il fut signalé pour la première fois
par une élève de l'École du Louvre, M"« d'Ormesson. C'est
une grande coupe à figures rouges qui appartient à un artiste,
M. Mottez, domicilié à Saint-Raphaël, dont le père fut lui-même
un peintre bien connu et grand ami de M. Ingres. La coupe,
trouvée dans les fouilles d'Étrurie, fut acquise à Rome vers
1837 par le père de M. Mottez qui la conserva toujours chez
lui ; mais elle était restée inédite et le propriétaire actuel a bien
l'identité de maître JEAN bfe mè\jH Ô9
voulu en autoriser la publication. Elle porte sur Tanse la signa-
ture .de Hiéron, un des plus féconds fabricants d'Athènes aux
environs des guerres Médiques ; on connaît déjà de lui 37 vases
ou fragments de vases. Le sujet nouveau ne rentre pas dans la
série des tableaux mythologiques qui sont pour nous les plus pré-
cieux ; c'est une scène de banquet oîi des Athéniens couchés sur
des lits de repos boivent et devisent joyeusement avec des cour-
tisanes ; dans Tintérieur du vase, une Ménade danse, accom-
pagnée par un Silène qui joue de la ilûle. Hiéron recherchait
volontiers ces images de la vie libre et voluptueuse, qui trou-
vaient leur place toute naturelle sur les poteries destinées aux
banquets ; celle-ci est remarquable par la pureté des formes et
la maîtrise du dessin. Grâce à la libéralité de M. Mottez, nous
pourrons faire connaître aux savants et aux artistes une belle
peinture grecque à ajouter aux autres.
En résumé, l'Académie jugera d'après ces dessins combien de
pièces notables méritent d'être mises en lumière dans beaucoup
de collections publiques ou particulières et quel intérêt nous
avons à encourager des explorations de ce genre qui stimulent
les bonnes volontés privées, renseignent les conservateurs sur
la valeur des objets qui leur sont confiés et enrichissent les pu-
blications scientifiques de documents précieux.
COMMUNICATION
L IDENTITÉ DE .MAITRE JEAN DE MEUN
ÉTUDIANT A l' UNIVERSITÉ DE BOLOGNE
EN 1265-1269,
PAR M. ANTOINE THOMAS, MEMBRE DE L ACADÉMIE.
On ne peut que savoir gré à notre confrère M. le comte
Durrieu d'avoir de nouveau attiré Tattention sur un contrat
passé à Bolog-ne, le 19 juillet 1269, entre un banquier ita-
lien et trois étudiants français, acte publié par Fran-
cesco Malaguzzi-Valeri dans YArchivio storico italiano de
1896, mais qui n'avait pas éveillé d'écho de ce côté-ci des
100 l'identité de maître JEAN DE MEUN
Alpes. Avec sa grande compétence paléographique, notre
confrère M. Prou a vu tout de suite que le non\ d'un de
ces étudiants, lu : Johannes de Manduno par le premier
éditeur et traduit, de confiance, par : Jean de Mandun,
devait être lu : JoJiannes de Mauduno et traduit par :
Jean de Meun '. Sur ce point, il y a une remarque à faire.
Le Père Sarti, à qui on doit un ouvragée capital sur l'Uni-
versité de Bologne, le De claris archigyrnnasii Bononiensis
professorihus, publié après sa mort, en 1709-1772, a lu cor-
rectement : Johannes de Mauduno-.
Que l'étvidiant français de Bologne s'appelât réellement
Jean de Meun et appartînt au diocèse d'Orléans, il ne peut
y avoir aucun doute à ce sujet. Mais qu'il faille voir dans
ce « maître Jean de Meun » le célèbre auteur de la seconde
partie du Roman de la Rose, c'est une autre question. Je
rappelle à l'Académie que, dans la séance où notre confrère
M. le comte Durrieu nous a entretenus de cet étudiant
(20 octobre 1916), j'ai fait des réserves sur le bien-fondé
de ses conclusions, et déclaré qu'il me paraissait plus vrai-
semblable d'identifier le personnage avec un homonyme du
poète, à savoir maître Jean de Meun, archidiacre de
Beauce en l'église d'Orléans. Je me crois en mesure au-
jourd'hui de fournir la preuve qu'il y a eu réellement un
quiproquo, et que l'histoire littéraire ne peut faire état
de l'acte des archives de Bologne pour la biographie du
second auteur du Roman de la Rose.
Ayant eu l'occasion de parcourir l'appendice du livre du
Père Sarti intitulé : Scholares illustres, j'y ai relevé, sous
l'année 126o, trois autres mentions de l'étudiant français,
qui ont échappé à notre confrère M. le comte Durrieu.
En voici le texte, tel qu'il se lit chez le Père Sarti :
1". Maff. Johannes de Mauduno qnd. Joh. Aurelian.
Dioces.
1. Voir Acad. des inscriptiutis et heltes-leltres^ Comptes rendus des
séances de l'année 1916, p. 136 et s.
l'identité de maître JEAN DE MEUN 101
I^.Mag. Joh. de Mediino qnd. Johan. Aurelian. Dioces.
3°. Mac/. Johan. de Meduno qnd. D. Johannis militis
Aurelian. Dioces '.
La dernière et la plus explicite de ces mentions établit
que notre étudiant était tils de <c feu noble Jean de Meun
chevalier ». Or cet état civil est précisément celui de maître
Jean de Meun, qui fut archidiacre de Beauce depuis 1270
jusqu'au 13 décembre 1303 au moins, lequel apparaît, dès
1259, avec le titre de « maître », en même temps que ses
deux frères aînés. Gervais et Thibaud, qualifiés « écuyers»
(arniigeri), que son frère puîné Guillaume, qualifié comme
lui « maître » et « clerc », et que sa sœur Azeline, tous
cinq enfants « nobilis viri domini Johannis de Maug--
duno - ».
On peut souhaiter que les trois actes de 1265, qui ont
passé sous les veux du Père Sarti, soient retrouvés et
publiés in extenso. Cette publication servirait utilement
l'histoire des relations intellectuelles de la France et de
l'Italie dans la seconde moitié du xiii" siècle, relations dont
le livre du Père Sarti, insuffisamment connu parmi nous,
recèle beaucoup d'autres témoignages, et sur lesquelles on
voudrait voir se porter un jour l'activité de quelque
membre de l'Ecole française de Rome. Si l'archidiacre de
Beauce n'est pas le continuateur de Guillaume de Lorris.
comme on l'a cru pendant longtemps, car ce continuateur
s'appelait proprement Jean Chopinel (ou Clopinel) et il
n'était pas noble, cet ecclésiastique est cependant digne
d'intérêt, car il est à croire que son long séjour à l'Univer-
sité de Bologne n'a été sans profit ni pour lui ni pour notre
pays.
1. Ouvrage cité, 2' partie, p. 236, 1" col.
2. Voir Le Roman de La Rose, par Ernest Langlois, t. I (Paris, 1914),
p. 13.
102 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1918
LIVRES OFFERTS
M. Ukron de Villefosse dépose sni- le bureau, de la pari de
M. le 1)'' L. Carton, correspondant de l'Académie, plusieurs
brochures dont il est Tauleur, relatives à l'archéologie afri-
caine :
1. Découvertes faites en 191 A dans les fouilles de Bulln Regia. Extr.
du Bulletin archéologique, 1915.
2. Suite à Vépigraphie funéraire de la colonia Thuburnicâ. Extr,
du Bulletin archéologique, 1915.
3. Douzième chronique d'archéologie harharesque {années 1913-
1914). Extr. de la Bcrue Tunisienne, n: lU et 112.
4. Les lignes d'auges des églises et des autres nionuniciits de V Afrique
ancienne. Extr. des Notices et Mémoires de la Société archéologique
de Constantine, vol. XLIX, 1915.
5. Treizième chronique d'archéologie harharesque {années 1914-
15-16). Extr. de la Revue Tunisienne, n. 121, 122 et 123.
Il offre également à l'Académie de la part de M. Bonnel, archi-
tecte du Gouvernement de l'Algérie :
Monument gréco-punique de la Souma {près Constantine). Extr.
des Notices et Mémoires de la Société archéologique de Constantine,
vol. XLIX, 1915.
SÉANCE DU 15 FÉVRIER
PRÉSIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. Maurice Vernes donne lecture d'un mémoire intitulé: De la
rive gauche du Jourdain et de rassainissement de la mer Morte
d'après la prophétie d'Ézéchiel. C'est dans la dernière partie de
son œuvre (chap. xl-xlviii) que le prophète esquisse les condi-
tions de la restauration du Temple, de ses services, de Jérusa-
lem et du peuple d'Israël sur le sol d'où celui-ci vient d'être
banni.
Dans cette restauration, d'un caractère idéal, mais reposant
sur des données géographiques et topographiques d'une remar-
quable précision, les douze tribus d'Israël sont ramenées sur la
LIVRES OFFERTS 403
rive du Jourdain dans le Chanaan proprement dit, qui s'étend
des oasis désertiques de Kadès jusqu'à Hamath dans la haule
Syrie'. Se|it d'entre elles occupent sept rectangles placés entre la
mer Méditerranée et le Jourdain et constituent autant de bandes
parallèles dans la région nord. Cinq autres sont également
disposées d'une manière analogue dans- la région sud. Entre ces
deux groupes figure un territoire réservé et consacré, formant
un carré de 75 kilomètres environ de longueur sur 75 de largeur
et réparti lui-même entre trois bandes parallèles, respectivement
de 30, 30 et 15 kilomètres de largeur, attribuées, i" aux prêtres
aaronides et au Temple, i" aux lévites, 3° à Jérusalem et au
territoire destiné à nourrir ses habitants. Une source merveilleuse
jaillit du Temple et fertilise le pays; en se déversant dans la
mer Morte, elle en assainit les eaux. Il semble que la Palestine
doive être transformée en une plaine, bien arrosée, propre à
la culture, que domineront le Temple et la ville de Jérusalem,
complètement séparés l'un de l'autre. Le souffle puissant qui a
inspiré cette vision d'avenir nous amène à prendre notre parti,
sans trop d'efforts, des particularités, des singularités même de
la reconstitution projetée.
M. Théodore Reinach présente quelques observations.
M. Salomon Reinacu est élu membre de la Commission du
prix Angrand, institué à la Bibliothèque nationale, en remplace-
ment de M. Ghavannes, décédé.
LIVRES OFFERTS
M. Emile Picot a la parole pour un hommage :
« Le comte Caix de Saint-Aymour, à qui vous avez attribué l'an-
née dernière le prix La Fons-Mélicocq, in'a chargé d'offrir eu sou nom
à l'Académie un nouveau volume qu'il vient de faire paraître. Ce
volume intitulé: Au/o(i/- de Xoi/on, sur les traces des barbares, est le
résumé d'une enquête entreprise paV l'auteur au lendemain du jour
où les Allemands ont reculé leur ligne en Picardie. M. de Caix a visité
toutes les communes évacuées^ il y a pris un grand nombre de photo-
fj^raphies et il a Recueilli de la bouche même des liabitants Une foule de
104 SÉANCE DU 22 FÉVRIER 1918
détails précieux sur les actes de barbarie commis par l'ennemi. Ce qui
augmente beaucouji rinlérèt de l'ouvrage, ce sont les notices histo-
riques qui y sont disséminées. M. de Caix s'est attaché à faire con-
naître le passé des monuments ou des châteaux ravagés ou totale-
ment détruits. Par là son livre rentre dans le cadre des travaux
dont s'occupe l'Académie. »
M. IIÉHON DE ViLLEFOssE offre à l' Académie, de la part de
M"» Thédenat, en souvenir de son i'rère, notre regretté confrère
l'abbé Henri Tuédenat, deux ouvrages qui présentent un intérêt pai--
ticulier à cause des notes manuscrites dont il les a enrichis :
1° Les inscriptions ?'oinaines de Fréjus, 1884, 1 vol. relié, interfolié
et annoté ;
2" Pompéi, 1916, 1 vol. relié, interfoHé. Ce précieux volume porte
à chaque page des corrections, additions, et remarques importantes
en vue d'une nouvelle édition que l'auteur se proposait de faire
lorsque la mort est venue le frapper.
SÉANCE DU 22 FEVRIER
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. Frits Holm, explorateur, adresse à l'Académie une lettre
de condoléance à propos de la mort de notre regretté confrère,
M. Ghavannes.
M. Maurice Prou annonce que la Commission du prix Du-
chalais (numismatique du moyen âge) a décerné ce prix aux
Mélanges de numismatique du moyen âge présentés par M. le
comte de Gastellane.
Au nom de M. François Tuureau-Dangin, son confrère mobi-
lisé, le P. ScHEiL lit un travail sur un lot de tablettes acquises
récemment par le Musée du Louvre, tablettes du xiv'^ siècle
avant notre ère appartenant à la collection dite à'El-Amarna.
Les documents en écriture cunéiforme font partie de la cor-
respondance échangée entre les rois d'Egypte, Aménophis III
et Aménophis IV, et les gouverneurs des pays de Syrie et* de
UN NOMARQUE DEDFOU AU DÉBUT DE LA VI* DYNASTIE 103
Palestine plus ou moins indépendants, plus ou moins vassaux
de rÉgypte.
Ce" nouvel appoint à la collection d'El-Amarna ajoute de
très intéressants détails à ce qu'on savait déjà de l'état poli-
tique et militaire -de la Syrie et de la Palestine vers 1400 avant
J.-C.
M. Moret interprète une inscription de la VI" dynastie
récemment retrouvée h Edfou (Ilaute-l'^gypte). Elle contient la
biograpliie du monarque Pepinefer, qui fut élevé à la cour pour
y apprendre la doctrine de fidélité au suzerain, et qui, par la
suite, administra sagement sa province ; elle apporte des rensei-
gnements nouveaux sur l'organisation des fondations perpé-
tuelles pour le culte des morts, et sur l'assistance publique dans
l'ancienne Egypte ^ .
M. Salomon Reinach, étudiant dans Lucain (VIII, 245) le
trajet de Pompée fugitif autour de l'ile de Samos, qualifiée à
tort de petite [parva] dans les manuscrits de la Pharsale, pro-
pose de substituer à ce mot impropre celui de laeva : Pompée,
s'engageant dans le passage entre Samos et Icarie, laisse Samos
à sa gauche.
COMMUNICATION
UN NOMARQUE D EDFOU AU DÉBUT DE LA VI® DYNASTIE,
PAR M. A. MORÉT.
Une inscription découverte à Edfou vient de révéler la
carrière du nomarque Kara -, surnommé Pepinefer, sous les
trois premiers rois de la VP dynastie : Teti, Pepi I, Merenra'
1. A'^oir ci-après.
2. G. Daressy, Inscriptions du mastaba de Pepinefer à Edfou (Annales
du Service des antiquités de l'Éj^ypte, XVII (1917), p. 130-140). La tra-
duction de M. Daressy demande des corrections; j'indiquerai mes lectures
des passages rectifiés.
106 UN NOMARQUE d'eDFOU AV DÉBirr DK T,A Vl'" DYNASTIE
(vers 2520-2480 av. J.-C). Apres un proscvnème à Aiiubis
et Osiris, le récit commence :
['A] (( Etant enfant, porteur de /tache au temps du roi Teti,
je fus amené au roi Pepi (/) pour être élevé parmi les
enfants des nomarques, et pour être placé comme ami-
unique directeur des tenanciers du pharaon, sous le roi
Pepi. »
Sons Teti, Kara était x-^f^ p4 hwn « enfant », âge
compris entre 4 et 16 ans; sous Pepi 1, il est encore
enfant, puisque ce roi s'occupe de le faire « élever ». En
supposant que le tiers de son enfance se soit écoulé sous
Teti, Kara aurait eu 8 ans l'an I de Pepi I ; de 8 à 16 ans il
fut « élevé parmi les enfants des chefs-supérieurs », c'est-à-
dire des « nomarques » ( V\ v\ f | v\ ^ i ^ vO^ l mm msw
hrjic-dsi'dan)). On savait déjà que plusieurs grands digni-
taires de la VP dynastie ont été élevés parmi les « enfants
royaux » (I ^ H 2j) i nsivt msw) ; mais notre texte nomme
pour la première fois les « enfants des nomarques » grou-
pés en collège. A la cour des Ptolémées on distinguait
aussi les ôaaiAixoi TrafScç et les 7:afos^ twv -ï'.i^wiJLSvoiv ùtto tou
(3aaÙ£(oc^ ; l'institution remonte donc à l'ancien empire.
Ces enfants servaient d'otages qui garantissaient au roi la
fidélité des nobles provinciaux.
Le titre de nomarque = (( celui qui est en tête du nome »
Vfej ±ti±t ]p.j f/aV/a' n spt (avec ou sans l'épithète <>-='
a'a' <( grand ») est une conquête des familles nobles du
Sud ; son apparition au début de la VP dyn. indique la
transformation des nomes, jusque là provinces royales, en
principautés de type féodal, administrées par des chefs
1. Lumbroso, Recherches ..., p. 208; Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides,
m, p. 107.
UN NO.MARQUE d'eDFOU AU DÉBUT DE LA Vl" DYNASTIE 107
locaux héréditaires ^ Jusqu'ici le plus ancien nomarque
connu était Khououj, du nome du Lièvre, en l'an 25 de
Pepi I ; notre Kara ne sera nomarque que sous Merenra',
mais son père vivait déjà «en cette dig-nité de nomarque de
la terre du nome Wts-llor » ^ T f; , V\
(inscription IV, 1. 3). Ainsi le IPnome de la Haute Egypte,
Edfou, avait un nomarque sous Teti. La maison princière
d'Edfou serait, jusqu'à plus ample informé, la plus ancienne
famille de nomarques connue, et à cette époque il existait
déjà à la cour un coUèg-e pour les fils des nomarques. Si les
Pharaons n'ont pu combattre cette évolution du Sud, du
moins ont-ils tenté d'inculquer aux fils des nomarques le
respect de la dynastie et l'amour du régime. La stèle de
Sehetepibra' (XIP dyn.) a conservé un hymne au roi qui
résume la doctrine shjt enseigrnée aux jeunes nobles -. Teti
et Pepi I ont visé le même but d'endoctrinement, lorsqu'ils
créèrent un collèg-e à la cour pour Kara et les autres
pupilles royaux.
Ces enfants ont des emplois à la cour : porteurs de
hache, de couronne, de sceptre, de sandales, de naos 3, ils
relevaient du service de la sacristie rovale, la « maison
[_ _i
d'adoration» [per-douat ^ ^. oîi le roi revêtait ses parures
(A hakr) ; aussi se vantent-ils d'approcher le roi de près,
de connaître <( tous les mystères du roi », de fîg'urer « dans
toutes les fêtes du couronnement^ ». Pourquoi utiliser des
enfants si jeunes? Rappelons que tout roi renouvelle sur
1. G. Maspero, Histoire, I, p. 296, 414: Éd. Meyer, Histoire^ II, .^5 263.
2. G. Maspero, Études de Mythologie, IV, p. 162.
3. Phlahshpses [Urk. I, 51) : Ouni (I, 98, 105) ; Ibi (I, 142); Da'ou (C. R.
Acad. 1916, p. 553) ; sous le moyen empire, cf. : Brit. Muséum, Eg. Stelae,
II, pi. 8, 21. Sur le titre de pupille royal nswl sdt, cf. mes Chartes d'im-
munité,ap. J. Asiatique, 1917, II, p. 368, 11. 1.
4. Kara est " ofTiciant, chef du mystère du per-douat •>, Annales, p. 131.
5. Urk. I. 53.
108 UN NOMARQUF. d'eDFOU AU DÉBUT DE LA \f DYNASTIE
terre la vied'IIorus, fils d'Osirls ; or, lorsqu'IIorus fut cou-
ronné, il n'était qu'un enfant [hicn) qui se cachait à Bouto
pour échapper à Selh-Tvphon ; donc tout pharaon à son
avènement et quand il renouvelle son couronnement, est
réputé, quel que soit son âge réel, avoir l'âge d'Horus
enfant. A ce roi-enfant il fallait une cour juvénile ; aussi
les fils des nomarques étaient-ils instruits à jouer des
petits rôles dans le mystère, ou drame sacré, du couronne-
ment d'IIorus-pharaon '.
Sous Pepi 1, Kara, arrivé à l'âge d'homme, prend un
surnom « Pepi est bon » = Pepinefer, qui est imité du nom
de son royalpatron.il remplit les charges d'« ami unique »,
attaché au culte du roi, et de « directeur des tenanciers » de
la pyramide royale. Si Pepi I a régné 25 ans, Kara avait
environ 33 ans à la mort de ce roi. Merenra', fils et succes-
seur de Pepi I, va faire de Pepinefer un nomarque.
« La majesté du roi Merenra^ me fit r^emonter le Nil -
jusqu'au nome Wtes-Hor, en qualité d'ami unique,
nomarque^, en qualité de directeur des grains du Sud'',
directeur des prophètes [d'Edfou),[i] à cause de V excellence
de ma considération dans le cœur de sa Majesté. Ma consé-
cration me vint lors d'une fête et (me mit) en tête de tout
nomarque du Sud entier et de tout chef député par le Sud
entier. »
Dès l'an I de son règne, Merenra' remonta le Nil jusqu'à
Éléphantine ; c'est alors qu'il installa Pepinefer nomarque
du IP nome (Haute Egypte), à Edfou, dans la ville où le
père de Pepinefer avait rempli la même fonction. Notre
texte indique expressément que le fils d'un nomarque ne
1. Cf. Mariette, Ahydos, I, 25, 30 /) ; Sethe, Urk., IV, 898,1. 9-11.
2. Lire : rdjin hm n M. hnt{j)r, etc. ; cf. Urk. I, 83, 1. 14, 87, 1. 4.
3. Ici '^ V§i '^^ 't' : 1. 1 "^^ Aww^ =HTff hrj da'da' a'a'n spt.
4. »i imra' itw sina' : cf. Urk. I, 77,1. 15.
UN NOMARQUE d'eDFOU AV DÉBUT DE LA VI^ DYNASTIE lOO
succède à son père qu'après une investiture de par le roi ' .
C est un « sacre » (ml '^'^'^ — -W |^ „. ), comportant onc-
tion d'huile rituelle conférée par le roi dans une fête où
assistent les nomarques et chefs délégués du Sud'-; trait
qui rapproche la féodalité égyptienne des usages de notre
moyen âge. Sous Merenra', il y avait donc des nomarques
dans toute l'Egypte du Sud. Pepinefer se vante d'avoir été
mis « en avant » ^\ — ^ m ha'i de .tous ces nomarques ;
c^
cependant il ne mentionne pas ici le titre ^^ -^ imra' sma'^
que porte le « directeur du Sud », vice-roi créé par les
Pharaons, au début de la VP dynastie, pour contrôler les
nomarques du Sud. Pepinefer prend bien ce titre dans de
courtes inscriptions de sa tombe ; mais il y insiste si peu,
qu'il ne fut peut-être que vice-roi honoraire 3. Merenra'
avait choisi comme directeur du Sud effectif Ouni ; sa pré-
sence exclut celle de Pepinefer. D'ailleurs Ouni est par
excellence le lieutenant du roi ; Pepinefer est un nomarque,
un chef féodal du Sud, que l'amitié du roi, son ancien
compagnon d'enfance, avait mis hors de pair.
« J aiaffi en sorte que les bestiaux de ce nome soient au-
dessus des bestiaux dans récurie ^ et en tête du Sud entier^
ce que je n ai point trouvé, certes, de la part du nomarque
existant dans ce nome auparavant ^, [5] — grâce à ma vigi-
1. Je lis : Ij-n-j nd-j m hh : sur le ternie technique du sacre, nd, ncj, cf.
Recueil, XXVIII, p. ]>s4, et C. R. Acad. 1916. p. 554.
2. Pour les « directeurs du Sud » le roi promulgue un décret de nomi-
nation (C. R. Acad. 1914, p. 554). Sous la XVIII" dyn. le Vizir est installé
en fonctions par le roi suivant un cérémonial connu (tomb.de Rekhmara').
3. Cf. Ed. Meyer, Histoire. II, § 264.
il&
4. Lire wda' \\n \\ ; il s'agit ici des bestiau.x fournis par le
nomarque aux écuries de la Cour (pa'ii'ç/a' fi hnw, Brugsch, W. S., p. 3"8).
5. Voir phrase analogue, E. de Rougé, Inscriptions H., p. 161.
Ho UN NOMAtlQUÈ D EDFOt' AU DKnUT DE t>A Vl*^ DYNASTIE
lance ' ce à la perfection de mon administra/ion ~ des biens
de la Cour. Je fus le chef du secret de toute parole venue -^
de la Porte dEléphanline et des pays étrangers du Sud.»
Notre texte précise le rôle d'un nomarque vis-à-vis du
roi; pour le bien comprendre, il faut déiînir sur quels ter-
ritoires le nomarque exerçait son autorité. 1° Des terres du
nome, une partie, probablement considérable, appartenait
à la famille qui, par la force ou par faveur, avait obtenu du
roi la direction de la province : Pepinefer administre donc
d'abord « les biens de la maison de son père » r-^ ^
I I I ><
ihii t niv tf [Siut, pi. VII, 1. 268)'. 2° Le nomarque reçoit,
d'autre part, à titre d'apanage, -des terres dont le revenu
est attaché à sa fonction ; ce sont « les biens de la maison
du prince » r-^-^ ^n ^ ihivt pr haHja'' {Siut, ibid.).
3° Il subsiste, dans chaque nome, un domaine royal, que
la féodalité a plus ou moins entamé ; ce sont « les biens de
la cour » ici désignés : i i i ^c^ ihtvt n hnw ; le
nomarque reçoit la charge de les administrer ( n
hrp). Ce sont les « biens de la cour » que Pepinefer nomme
seulement ; là son activité profite directement au roi ; mais
de ses propres biens et des biens du prince, il parle aussi
par prétérition. Le roi, suzerain du nome, en garde la pro-
priété éminente ; tout nomarque paie, sur ces deux catégo-
ries de terre, impôts et corvées, que le vice-roi du Sud
recense et perçoit pour le fisc royal. Si Pepinefer accroît la
1. Pour n rs-lp '"^^^^^n'i CliS , cf. Vrk., I, p. 127, 129.
® D ® o
2. Sur le sens de A. . -^ -, hrp ihlw, cî. A. 'Slorei, Chartes cl' im-
'^'i^ ûl I I
rnnnité, III, ap. J. Asiatique, 1917, II, p. 446.
3. Voir la variante : _/A VX iw-i pour Aaaaaaa uinl, p. 134, IV, 1. 6,
tjN NOMARQUE d'edFOU AU DÉBUT DE LA VI'-' DYNASTIE \ 1 l
valeur de son patrimoine et de son apanag-e, les impôts
levés. au prorata, rendent davantage : d'où la satisfaction
du roi à constater que le cheptel du nome, recensé chaque
année ', augmente en nombre et en qualité. Ainsi Pepine-
fer est-il à la fois le vassal et l'intendant du Pharaon, Il se
vante d'avoir été loué par le roi pour avoir amélioré le ren-
dement du IP nome, sans réfléchir qu'il fait ainsi la cri-
tique de son propre père, son prédécesseur.
Pepinefer est aussi chef du service des « renseig-nements
venus de la porte d'Eléphantine et des pays étrangers ».
Ceux-ci sont les régions entre la l""® et la 2" cataracte con-
quises par Pepi I. Aux nomarques du P'' nome (Éléphan-
tine) Merenra' laissait la direction des forces militaires et
l'exploration du haut Nil - ; mais les services politiques
semblent centralisés à Edfou, entre les mains de Pepinefer,
dont le loyalisme était éprouvé. La mention de la « porte
d'Eléphantine » '^^^ "cmnircv^N^ - - ^ al , -=^1
T jPp^^_^,^p. 134, IV, 1. 6) est la plus ancienne connue.
La célèbre çpijpâ, dont Hérodote signale l'importance (II,
30) existait donc dès l'ancien empire ; nous la retrouve-
rons à Eléphantine sous tous les régimes.
Après le service du roi, voici ce qu'a fait Pepinefer pour
ses propres administrés :
« J'ai donné du pain à Vafjfamé, des vêtements à celui qui
était nu, grâce à '^ ce que fai trouvé dans ce nome. J'ai
donné des vases de lait''; j'ai mesuré à boisseaux'^ les
1. Inscriptions dOuni, 1. 36; Ed. Meyer, Histoire, II, § 26i.
2. Inscriptions d'IIcrkhouf et de Pepinekht ; cf. sur le rôle des
nomarques d'Eléphantine ce que dit Gardiner. Aej. Zeitschrifl, 45, p. 138.
3. Le sens des 1. 5-6 eit méconnu par M. Daressy. Ici n introduit la
phrase relative (au neutre) n ç/mt-n-j.
i. Le mot J^ lu v\ ^ ma'/»ruj< est rare sous l'ancien empire; cf.
J. Asintiqiie, 1917,-11, p. 442, n. 2.
5. Lire : iw hn'-n-j itw snia' m iir-dl n ljl;r.
J 12 UN NOMARQLE D'EDtOL' AU DÉBUT DE LA Vl" DYNASTIE
f/rains du Sud, [provenant] de la fondation-perpétuelle,
pour l'a/famé que f ai trouvé dans ce no/ne. [6] Tout homme,
que fai trouvé dans ce nome n'ayant pour lui que les
(jrains^ d^un autre, moi, fai chamjé la condition de tout
homme en cet état" au moyen delà fondation-perpétuelle.
Moi, f ensevelis tout homme de ce nome qui fia pas de fils
avec les linceuls provenant des hiens'^ de la fondation-per-
pétuelle. Jai mis la paix dans tout pays étranger dépen-
dant de la Cour par la perfection de ma vigilance à ce
sujet, et j'ai été loué à ce sujet par mon Seigneur, fai déli-
vré le pauvre de la main de plus riche que lui, j'ai dépar-
tagé les frères, de façon à ce qu'ils soient en paix. »
Plusieurs des nomarques de la VP dynastie ont composé
des panégyriques similaires ; Pepinefer révèle cependant
un détail nouveau : il insiste sur les moyens employés
pour soulager la misère publique ; il indique qu'il a corrigé
les injustices du sort par une utilisation judicieuse des res-
sources qvie lui procuraient les biens de la (( fondation-per-
pétuelle », le per-det '^ . Qu'est-ce donc que le per-
def? Le sens littéral est « maison deternité » ou « maison
perpétuelle >» ; on traduit d'ordinaire « le tombeau ». Si
nous adoptons ce sens, Pepinefer distribue aux malheu-
reux les biens destinés au service de son propre tombeau ;
un tel désintéressement serait invraisemblable. Mais per-det
1. L'explication de ^> jp lyht par Daressy est contredite par le
pap. de Leide (Brugsch, W. S. p. 1400 =Gardiner, Admonitions, p. 68):
,c celui qui n'avait pas de s^ins ^=^ .•" est maintenant possesseur
de greniers : celui qui devait aller chei-cher pour lui-même des grains ta'bt
J
11,1
C^y" . luaintenant en exporte ».
III
2. Lire : inwk dh{w} sanh n s m pr-dt.
3 Lire : hbs m ist dt. L'examen de l'original, ou d'une photographie
EU 3=3: .^ .
permettrait de décider s'il faut préférer à (j^ ist, la lecture [^^ mrjt, qui
UN NOMARQUE D*EDFOt Af DÉBUT DE LA M" DVNAStlE 113
ne désigne que rarement « tombeau », et le plus souvent
une organisation complexe, qui comprend : 1» un matériel
considérable champs, villages, domaines, maisons, tom-
beaux, chapelles; 1» nn cheptel par milliers de têtes d'ani-
maux variés ; 3» un personnel administratif : directeurs
comptables bureaux; technique : artisans, chasseurs,'
bergers, laboureurs, serfs; religieux : prêtres de ka, oïti-
ciants, agents de la nécropole, etc., sans compter les
simples -^ ndt .. dépendants du ,Jet „. | "^ ^n dt
« frères „ ou .< confrères du del ». Tous ces W,::: ous ces
gens appartiennent-ils à un simple tombeau? Je ne puis le
croire. J entends « maison d'éternité . au sens admiinstra^
ton ","T""'" J'°'^'-P'è'^ « b">-eaude la fonda-
tion-perpétuelle „, ou « fondation-perpétuelle » cest-à
dire « service des biens funéraires „
Dans laquelle des catégories définies plus haut, devons-
nous classer les « biens du per-det „ (fl'=°^ ;,„ j,,.
Les textes de S.out (Xll- dyn.) disent for„ieUe~nt que les
prTl et rf ?"™r'"'' ™ P"«^' desrécXsd:
prince et de tout vassal du nome (éd. Griffith, ni. VI
1. 2.9) ; ce sont des grains payés à titre de redev oce au
.se royal. Le per-det est donc une administration ^État
le N:ri";r'r ^t "^^^""-'^^^ "-^ touuâT.,
o™l auand 1^''^ ' r P^"^'*"-". 1» du domaine
royal, quand le roi concède à ses „ amakhou „ une fonda
t^n-perpetuelle pour leur assurer tombeaux et oLndes
2« des domaines privés, quand un particulier dispose^un;
partie de sa fortune pour „ fonder un bien perpétuel , en
vue de son culte funéraire. Le personnel techm^e Lit
ISJlS
1 14 L.N .NO.MARQUE u'iïDFOU Al' DlîlBUT DE LA V^' DYNASTIE
recruté parmi les a^ricuUeuis et les artisans attachés à la
terre et aux villages érigés en fondations perpétuelles ; le per-
sonnel religieux, parmi les confréries funéraires (prêtre de
ka) avec lesqvioUes chacun pouvait jjasser contrat; le per-
sonnel administratif constituait une administration royale,
dont le nomarque avait la direction, notre texte en témoigne.
Le nomarque présidait donc à la distribution des revenus du
per-det aux bénéliciaires ; mais si la gestion était prospère,
les terres et les industries pouvaient donner un rendement
supérieur aux services d'otl'randes prévus. De ces excédents
le nomarque disposait pour nourrir les indigents, corriger
les infortunes, assurer le culte des morts sans postérité :
il tirait du per-det un service d'assistance publique.
Nous comprenons mieux, maintenant, les déclarations
humanitaires que contiennent les tombeaux des nomarques ;
nous avions cru que ces panégyriques n'étaient que lieux
communs ou vantardises ; les textes se taisaient, en effet,
sur la source de ces libéralités ; nous la connaissons grâce
à Pepinefer : la source, c'était le per-det. Là où nous
avions vu les effets d'une générosité individuelle, il faut
reconnaître le fonctionnement d'une institution sociale, qui
mérite, à l'avenir, d'être mieux étudiée.
Voici la fin de l'inscription : [7] « Je suis l'aimé de son
père^ le loué de sa mère, celui qu'aiment ses frères. Ah, les
vivants qui sont sur terre et qui passeront vers ce tombeau !
S'ils aiment le roi, ils diront : milliers de pains, de bière,
de bœufs pour l'ami unique Pepinefer. »
Tel est ce nouveau texte qui fournit une contre-partie
utile à la biographie d'Ouni : celle-ci décrit les actes du
(( directeur du Sud», c'est-à-dire du plus haut fonctionnaire
royal dans le Sud, tandis que le récit de Pepinefer nous
éclaire sur la vie d'un de ces ffls des grandes familles pro-
vinciales, qui se taillaient des fiefs dans le domaine royal,
et que le Pharaon croyait incorporer à son administration
en faisant d'eux des nomarques. Giàce à Pepinefer, nous
LIVRES OFFERTS
lis
discernons mieux le but de l'éducation donnée parle roi aux
enfants des nomarques, les devoirs du nomarque vis-à-vis
du roi, et l'institution administrative et sociale du per-cjet.
Après Merenra', dont le règne n'excède guère sept
ans, Pepinefer ne nomme plus aucun roi. Il est donc dou-
teux qu'il ait servi sous Pepi II, et qu'il ait dépassé l'âge
de 40 ans.
LIVRES OFFERTS
M. Babelon a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie de la part de l'auteur, notre
correspondant M. Percy Gardner, professeur d'archéologie à l'Uni-
versité d'Oxford, un nouvel ouvrage de numismatique grecque qu'il
vient de publier, sous ce tilre : A History of ancient Coinage, 700-
300 B. C. (in-8° ; 453 pages et onze planches. Oxford, 1918). C'est
un livre de doctrine où chaque chapitre n'est pas seulement la syn-
thèse raisonnée et critique de tout ce qui a été écrit d'important
depuis une cinquantaine d'années dans le domaine de l'histoire
monétaire de la Grèce ancienne ; l'auteur domine en maître son
sujet, il l'envisage sous tous les aspects, formulant ses vues person-
nelles qu'il s'efforce sobrement de justifier avec la compétence qu'il
s'est, depuis longtemps, acquise parmi les numismates.
v( L'exiguïté de la place réservée dans nos Comptes rendus aux pré-
sentations d'ouvrages ne me permet pas de m'étendre comme il con-
viendrait sur le nouveau livre de M. Percy Gardner dont chaque
chapitre est comme le dernier mot de la solution d'une importante
question numismatique longtemps débattue.
« Je dois donc me borner à constater que M. Percy Gardner n'i-
gnore aucun des problèmes à résoudre, et que sur tous il se pro-
nonce et s'efforce de justifler son opinion. Le jugement de M. Percy
Gardner mérite toujours la plqs grande considération lors mêma
qu'on ne l'adopte que sous réserve ; aussi, je me propose de revenir
ailleurs plus amplement sur ce solide exposé de l'histoire monétaire
de la Grèce durant les quatre premiers siècles de son développe-
ment. »
M. Camille Jullian offre à l'Académie : l°de la part de M. Hubert,
Rouger, député du Gard, une monographie de Calvissnn*; il s'agit
1. Cnlvixxnn. Nîmes, 1013, Coopérative l'Ouvrière, in-S" del-i-^p.
116
I.IVRKS (OFFERTS
d'une petite localité du Gard, située en pleine Vannage, héi'itière du
fameux oppidum celticpie de Nages, et qui s'est a|)pelée jadis'
Aramianurn. M. Hubert Rouger suit les destinées de la localité
durant tout le moyen âge et les temps modernes jusqu'en 1789, à
l'aide des archives municipales de Calvisson. J'ai eu moi-même l'oc-
casion de visiter ces archives. Elles sont fort riches : toute une
bourgade rurale de notre Languedoc y revit. Calvisson fut célèjjre
au temps de Philippe le Bel par la seigneurie du fameux Nogaret,
au temps des Camisards, par Cavalier.
2» La Caverne de VAdaouste, par J. et C. Cotte. Paris, 1917, in-8°
de .'iO p. — Découverte de nombreux éléments néolithiques, en par-
ticulier de produits organiques ou inorganiques se rattachant à la
teinturerie, kermès, ocre, guesde. Par suite, très précieuse contri-
bution à la chimie industrielle des temps néolithiques.
3° De la part de M. Raoul Monlandon, une brochure intitulée :
Bibliographie générale des travaux palethnologiques et archéolo-
giques du canton de Genève (Genève, 1917, in-B"). L'Académie con-
naît déjà les travaux bibliographiques de M. Raoul Montandon.
Voici, de lui, un nouveau répertoire, dont on ne peut répéter que
le bien dit du précédent : Bibliographie des travaux du canton de
Genève et régions voisines .
M. Clermont-Ganne.\u a la parole pour deux hommages :
1° « J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie de la part de l'auteur,
M. Cowley, bibliothécaire de la Bodleian Library, le savant hébraï-
sant qui est au premier rang des orientalistes anglais, un ouvrage
en deux volumes intitulé : The Samaritan Liturgy ' . C'est une œuvre
considérable qui a coûté à l'auteur de longues années de recherches
et de travail. Il a relevé ou déchiffré et transcrit en caractères
hébraïques courants, et commenté tous les manuscrits rentrant dans
son sujet qui se trouvent dispersés dans les principales bibliothèques
et collections publiques : au Vatican, au British Muséum, à Oxford,
Manchester, Paris, Berlin, Gotha, etc. La matière première ainsi
recueillie, et élaborée avec une rare érudition, forme une masse impo-
sante de 880 pages d'impression compacte de textes originaux.
Elle constitue le second volume. C'est un véritable Corpus liturgi-
cum comprenant les hymnes, prières, oraisons, etc., employées dans
les divers offices et cérémonies. Le premier volume est consacré
tout entier à une introduction des plus remarquables, où l'auteur
expose et discute les principales questions d'ordre philologique,
t. Oxford, at the Glarendon Press, 1909 ; xcix-879 pp. in-8»,
LIVRES OFFERTS 117
histori<(ue et religieux soulevées par l'étude approfondie de ces
documents rendus ainsi accessibles à la critique scientifique.
« J'y signalerai surtout les pages magistrales où M. Cowley
recherche et fixe avec précision les phases par lesquelles a passé,
au cours des siècles, la langue écrite des Samaritains:
2° « J'ai l'honneur d'offrir encore, de la part de M. Vassel, un article
de lui, extrait de la Revue Tunisienne et intitulé : L'inscription des
Ethniques. Dans ce mémoire, l'auteur essaie de reconstituer l'en-
semble d'nne grande inscription latine dont les fragments, au
nombre de treize ou quatorze, ont été successivement découverts à
Carthage, à plusieurs années d'intervalle. Elle contient la liste des
noms de nombreuses localités de la province d'Afrique, représen-
tées par leurs ethniques correspondants. M, Vassel incline à croire
qu'il s'agit d'un édit impérial, peut-être de Théodose le Grand,
modifiant le régime de l'annone dans la province d'Afrique et
réglant les redevances des différentes villes de cette province. »
Le Gérant, A. Pic.\rd,
MAÇON. PHOTAT KRFKES, IMPRIMCUHS.
; \
J
' COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 1^' MARS
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. le comte de Castellane, dans une lettre qu'il adresse au
Secrétaire perpétuel, remercie l'Académie de lui avoir fait l'hon-
neur de lui attribuer le prix Duchalais. Il lui a semblé qu'au
milieu des souirrances présentes, la somme de mille francs atta-
chée au prix de numismatique ne pouvait être mieux employée
qu'en la consacrant au soulagement de nos pauvres blessés. Il
met donc cette somme à la disposition de l'Académie en faveur
de l'hôpital militaire entretenu par l'Institut de France.
M. le comte K.ue Lasteyrie a adressé au Secrktaire perpétuel,
qui en donne lecture, la lettre suivante :
« Le Saillant (Corrèze), 28 février 1918.
« Mon cher Secrétaire perpétuel,
« Vous m'avez fait envoyer une délibération de la Commission
des Antiquités de Seine-ét-Oise protestant contre le nom de
gothique appliqué à l'architecture du xni'' siècle et demandant
à l'Académie son opinion sur l'opportunité qu'il y aurait à subsli-
\2'2 SÉANCE DU 1" MAUS I <) I S
lucr un aulre vocable à celui-là. La question n'est pas nouyelle,
etj'y ai suffisamment réiléchi depuis le jour o j 'ai commencé à
professer l'archéologie du moyen âge pour n'être pas embarrassé
d'y répondre. Je regrette seulement que l'hiver, assez rig-ourelix
cette année, et la dilTiculté croissante des communications ne me
permettent pas de faire en ce moment le voyage de Paris, car
j'aurais été heureux d'exposer en détail à l'Académie les raisons
qui doivent, à mon avis, l'empêcher d'adhérer à la délibération
qui lui est soumise. Ces raisons peuvent se résumer ainsi :
<( L'Académie ne saurait approuver la Commission des Anti-
quités de Seine-et-Oise de se prononcer pour la suppression du
terme gothique, avant de savoir comment on le remplacera.
« Cette épithète, d'ailleurs, ne mérite pas les critiques qu'on lui
a adressées. La principale est qu'elle semble attribuer aux Goths
l'invention de l'architecture ainsi dénommée. Mais cette objec-
tion a peu de valeur, car tout le monde sait que. depuis long-
temps, le terme gothique a pris dans notre langue le sens de
vieux, de passé de mode. C'est dans cette acception que Boileau
l'a employé en parlant des idylles gothiques de Ronsard, et per-
sonne ne lui a jamais reproché cette expression sous prétexte
qu'elle pourrait donner à croire que ces idylles étaient écrites
dans la langue des Goths.
« Le mot est aujourd'hui compris de tout le monde, il a conquis
droit de cité dans toutes les langues savantes de l'Europe. Il est
d'un usage courant en anglais, en allemand, en italien. Il a été
employé par nos meilleurs écrivains, Mérimée, Vitet, Viollet-le-
Duc, Quicherat. Il n'y a aucune bonne raison pour ne pas contii,-
nuer à faire comme eux.
« J'ai développé ces idées il y a quelque vingt-trois ans dans
un article du Bulletin monumental, qui reçut l'adhésion des
meilleurs archéologues de l'époque. Malheureusement il fut peu
répandu et il semble un peu oublié aujourd'hui. Je vous en
envoie un des rares exemplaires que je possède, et je viendrai
volontiers vers la fin de mars en discuter les conclusions devant
l'Académie. Si elle les approuve, je m'offre à les reprendre sous
forme de rapport ou de communication, qui pourrait être inséré,
si mes confrères le jugent à propos, dans un de nos recueils.
« En attendant, je vous adresse cette lettre dont vous ferez tel
UN PETIT l'ROiSLKME JjE iJlTÉIlATLhE COMPAKÉE l23
usage que vous voudrez, el je vous prie d'agréer, mon cher
confrère, Texpression de mes sentiments les plus dévoués.
« R. DE Lasteyrie. »
Sous ce titre : « Un petit problème de littérature comparée »,
M.Louis Léger lit une notice surunsonnet fort admiré du poète
espagnol Quevedo, dont il a retrouvé la reproduction intégrale
dans les œuvres d'un poète polonais mort en 1580, Szarzjnski .
M. Léger conclut de ce rapprochement que les deux poètes ont
dû tous deux imiter un archétype commun. Cet archétype, il l'a
retrouvé dans les poésies latines de l'italien Vitalis ou ^'itali
qui fut également connu en Espagne et eu Pologne'.
M. Théodore Reinach présente une observation.
Le Président annonce à l'Académie que le Comité du « Journal
des Savants » a élu comme membre M. Cordieu en remplacement
de M. Chavannes, décédé.
M. Antoine Thomas entretient l'Académie de l'origine de l'ex-
pression " Maître Aliboron », employée par La F'ontaine après
bien d'autres. U montre que le mol Aliboron paraît être une défor-
mation du mot Ellehoron, nom d'une plante bien connue dont un
glossateur de Marcianus Capella a fait un maître philosophe ;
confusion qui a fait fortune.
MM. Léger, Théodore Reinach et Dlrrieu présentent quelques
observations.
COMMUNICATIONS
UN PETIT PRQlîLÈ.ME DE LITTÉRATURE COMPARÉE,
PAR M. LOUIS LÉGER, MEMBRE DE l'aCADÉMIE.
J'ai eu, il y a bien des années, roccasion de m'occuper
de littérature espagnole. En lisant la traduction française
de l'histoire de cette littérature par l'Allemand Bouterweck,
j'y ai remarqué un sonnet du poète Quevedo dont ie crois
1. Voir ci-après.
I^t IN PETIT l'ROliLKMK DK 1,1 l' lÉKA ruUK (OIMl'AKÉE
devoir reproduire ici la Iraduclion telle (ju'elle se trouve
dans Tédition française de Bouterweck :
« Tu cherches Rome dans Rome, à voyageur. C'est son
cadavre que te montrent ces murailles, et le mont Aventin
renferme son tombeau.
(( Le mont Palatin s'élève encore où elle régna jadis et
cache dans son sein des médailles rongées par le temps:
monuments du ravage des siècles plus que de la gloire des
Latins.
(( Le Tibre seul lui reste, et ses eaux, qui la baignaient
quand elle était une cité, aujourd'hui qu'elle est une tombe,
semblent la pleurer par leur murmure plaintif. 0 Rome !
de toute ta grandeur, de toute ta beauté tu as perdu ce qui
était permanent et solide, et ce qui fuit toujours t'est seul
demeuré fidèle ^ »
Ce sonnet m'avait frapj)é par son allure héroïque, sa
grandiloquence, et je me plaisais, comme Boutervs'eck, à
y voir une production caractéristique du génie espagnol.
Grande fut ma surprise lorsque tout récemment, en par-
courant les œuvres d'un poète polonais de la Renaissance,
Nicolas Sep Szarzynski, j'y rencontrai un morceau de qua-
torze vers intitulé : Epitaphe de Rome. Ce morceau était
absolument identique au sonnet de Quevedo. Une question
se posa aussitôt. Lequel des deux poètes s'était inspiré de
l'autre? Quevedo était né en 1580 et mourut en 1645 ; Sep
Szarzynski, sur la vie duquel on sait d'ailleurs peu de
chose, était mort en 1581. Les œuvres poétiques de Que-
vedo ont été imprimées pour Ta première fois en 1648,
celles de Sep Szarzynski en 1601. 11 est donc mathémati-
quement impossible d'admettre que l'un des deux poètes se
soit inspiré de l'autre. On doit nécessairement supposer
qu'ils se sont tous les deux inspirés d'un modèle commun .
Quel était cet archétype? Les éditions des classiques polo-
i. Bouterweck, édition française. Paris, 1812, t. II, p. 127.
UN PETIT PROBLÈME DE LITTÉRATUKE COMPARÉE J2o
nais de rAcadémie de Cracovie ne donnent, en général,
que des textes nus'. Par bonheur l'éditeur de Sep- Szar-
zinski a fait une exception pour le morceau qui nous
intéresse. Il nous dit :
« Ce morceau accompag'né du texte original est donné par
Wargocki dans son ouvrage sur la Rome païenne et chré-
tienne avec l'original latin de Vitalis. » Je n'ai pu me pro-
curer le texte de Wargocki. Ce Vitalis ne ligure pas dans
nos répertoires biographiques. J'ai pu découvrir ses œuvres
grâce à une indication de Brunet. Elles figurent au t. II
des Delitise Italorum poetarum publié à Francfort en 1608
par les soins de Uanutius Gherus (ce nom est le pseudo-
nyme du fameux philologue Jean Gruter), p. 1122.
La pièce est en distiques. Je n'en citerai que le premier
et le dernier.
Qui Roma in média quaeris, noviis advena, l^omam
Et Roniîp in Roma nil reperis melius,
Disce hinc quid possit Fortuna : immola labescunt.
Et quse perpetuo sunt agilata manent.
L'édition que j'ai sous la main est un Corpus qui repro-
duit certainement un texte antérieur dont je n'ai pas connais-
sance et qui avait été sous les yeux du poète polonais .
Ce texte était évidemment celui de l'édition d'Anvers ou
de celle de Venise, publiées toutes deux en 1557.
Tout est dans tout, disait un pédagogue dont les méthodes
furent jadis à la mode. Les historiens de la littérature
espagnole ne se doutent guère que l'édition d'un poète
polonais donnerait lieu d'identifier et d'apprécier à sa juste
valeur un petit morceau qui est considéré jusqu'ici comme
l'un des joyaux de leur littérature. Après avoir remis en
lumière pour un instant la figure du poète Vitali, me sera-
1. Ainsi l-cdition do Sep Szarzynski renferme par exemple un poème
traduit de Catulle dont r()rii;ine n'est pas identifiée.
126 SKANCE IJU 8 MARS 1918 ^
t-il permis de regretter l'oubli où sont tombés ces poètes
latins qui faisaient naguère les délices de nos pères et dont
quelques-uns avaient bien du talent ?
SÉANCE DU 8 MARS
PRÉSIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. C. JuLUAN annonce à rAcadômie que M. le lieutenant
Picard et M. le major Dubreuil-Ghambardei ont exploré, dans
le canton de Vitfel (Vos^'es), un cimetière mérovingien où ils ont
trouvé une trentaine de sépultures, el signale l'importance de
ces découvertes pour l'histoire de la région.
M. le comte Durrieu communique à l'Académie la photographie
d'une très curieuse miniature allégorique, jadis signalée d'une
manière incidente par le baron Kevvyn de Lettenhove dans le
tome XV de son édition des Œuvres de Froissarf, et qui formé
le frontispice d'un manuscrit de la fin du xiv" siècle conservé à
Londres, au Musée Britannique (Ms. Royal 20. B. VI). De l'étude
critique du volume qui la renferme, tant au point de vue de son
contenu, que sous le rapport du caractère artistique de ses pein-
tures, M. Durrieu se croit autorisé à pouvoir conclure que la
miniature en question a été certainement exécutée à Paris, et
dans la seconde moitié de l'année 1395. Elle orne une épître en
français adressée, sous le nom d'emprunt de : « un vieux solitaire
des Célestins de Paris », par Philippe de Mézières, l'homme
d'État et littérateur bien connu, au roi d'Angleterre Richard II,
pour pousser ce souverain à s'allier à la France, avec l'arrière-
pensée que cette alliance de la France et de TAngleterre devra
servir à délivrer Jérusalem et la Terre sainte du joug des Musul-
mans.
On voit, dans cette peinture, ce qui correspondait, au xiv'=
siècle, à nos modernes drapeaux nationaux, c'est-à-dire les cou-
leurs héraldiques des deux pays, bleu fleurdelysé d'or pour la
France, et rouge couvert d'un semis de figures de léopards d'or
SÉANCE DU 8 MARS 1918 127
pour l'AngleLerre, fraternellement juxtaposées sous le couverl
d'un monogramme du Christ, tandis qu'à la partie supérieure de
la composition les couronnes royales de France et d'Angleterre
sont unies l'une à l'auti-e par des rayons d'or qui s'échappent
d'une couronne d'épines, rappelant la Passion du Christ à Jéru-
salem.
Vieille de plus de cinq siècles, cette miniature d'un manuscrit,
jadis fait à Paris en vue d'être envoyé en Angleterre, est mainte-
nant quelque chose de plus, semble-t-il, qu'un simple souvenir
historique. Il se trouve que les événements contemporains, et
en particulier la prise récente de Jérusalem par un corps de
troupes anglaises, avec lesquelles marchait aussi un contingent
français, lui donnent en quelque sorte un caractère de symbole
prophétique, qui est devenu d'actualité pour nous.
M. JuLLiAN communique une note de M. Fabia, coi^espondant
de l'Académie, professeur à l'Université de Lyon, sur Fourvière
en 1493, d'après le cadastre consulaire de cette date, le plus
ancien état complet des lieux que nous connaissions. Il nous
montre la colline, autour de l'église construite vers la fin du
XII'' siècle, couverte presque en totalité de vignes, qui forment
des territoires ou tènements dont les noms, pour la plupart, ne
rappellent aucun souvenir antique et sont tombés dans l'oubli,
tandis que les chemins qui les desservaient, et qui sans nul
doute avaient de tout temps desservi la colline, sont devenus les
rues actuelles du quartier. Dans ces matrices cadastrales, il est
fort peu question, naturellement, des ruines romaines qui sub-
sistaient alors. Mais des sources un peu plus récentes, le plan
scénographique de J545 et le témoignage de nos auteurs du
XVI® siècle, Champier, Paradin, Simeoni, permettent de combler
par approximation cette lacune *.
Le Président consulte l'Académie sur l'opportunité de déclarer
vacante la place de notre confrère M. Chavannes, décédé depuis
un mois. — L'Académie se décide, par scrutin, pour la négative.
1. Voir ci-après.
128
COMMUNICATION
FOIinVIÈRE EN 1493,
l'Ali M. l'IllI.lPPE FA15IA, CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE.
Le grand plan scénographique de Lyon, gravé de 1545 à
1553 ', no donne, sans compter ses inexactitudes mani-
festes, qu'une idée assez vague de ce quêtait la colline de
Fourvière en ce temps-là : plus haut que la montée Saint-
Barthélémy et que la rue des Farg'es, autour de l'église et
de son claustral, la campagne déjà dans l'enceinte de la
ville, des tènements complantés, que des chemins séparent,
que subdivisent des murs, des haies ou de simples traits,
chemins, tènements et subdivisions anonymes presque
toujours. Mais nous avons ailleurs le moyen de connaître
avec précision l'état complet des lieux, même pour une
époque sensiblement plus ancienne ; et c'est le premier
état comjDlet des lieux que l'on puisse reconstituer.
En 1493, le Consulat décide qu'une commission de huit
membres, que « huit personnages esleuz » procéderont à
« une vision des maisons, jardins et autres biens immeu-
bles ». pour « donner ordre à la réfaction des papiers »
concernant l'assiette de l'impôt, et « icelle vision rédige-
ront par escript, afïîn de myeulx garder équalité ». La rédac-
tion, conservée aux Archives municipales -, dans la série
des (( nommées », mentionne le propriétaire et, au besoin,
les (( inquilins » ou locataires de chaque parcelle avec sa
nature, son importance et ses confronts « de soir, de matin,
1. L'original est aux Archives municipales. La Société de topographie
historique de Lyon l'a réédité en 1872-76. Grisard, Notice sur les plans et
vues de la ville de Lyon, 1891, p. 25 et suiv., en a déterminé la date. Voir
aussi Audin, Bibliographie iconographique du Lyonnais, 2» partie, p. 12.
2. ce, nommées ou dénombrements des biens meubles et immeubles
possédés par les habitants de Lyon, 1493, vol. 4-12 et 221.
FOUKVIÈRE EN 1493 129
de bise et de vent » . L'inventaire des Archives en contient
une analyse et des extraits • ; elle a été utilisée pleinement
par Benoît Vermorel pour établir son plan topog-raphique
et historique de Lyon, œuvre trop peu connue, considérable
et précieuse, restée malheureusement imparfaite et inédite -.
En général. Vermorel remonte même au delà de 1493,
jusqu'à 1350, grâce aux registres terriers. Mais cette
source manque pour la région de Fourvière.
L'étranger qui se rend aujourd'hui à Fourvière, s'il est
assez curieux et s'il a du loisir assez pour donner attention,
non pas seulement à la beauté du panorama et aux
richesses de la basilique, mais à l'ensemble du quartier,
constatant que les établissements religieux ou hospitaliers,
l'im et l'autre le plus souvent, couvrent presque toute la
surface de la colline, se figure aisément qu'il en fut toujours
ainsi, que cette colline des martyrs devint et resta la colline
de la prière et de la souffrance. Or la vérité, au contraire,
est que les couvents n'ont pas entamé Fourvière avant le
xvi*^ siècle. Alors les Minimes s'établissent largement sur
la pente orientale 3. Au xv!!*" siècle. Lazaristes, Recollets,
Bénédictines, Visitandines, Ursulines et autres achèvent ou
peu s'en faut la conquête de ce versant. Au xix*^ seulement,
le plateau est à son tour occupé en très grande partie.
Mais, vers la fin du xv»^, tout est profane à Fourvière,
hormis l'église, construite au xii*' siècle ^, avec ses maisons
1. Inventaire sommaire des Archives communales antérieures à .1790,
vol. II. p. 6 et suiv.
2. Voir Journal des Savants, 1917, p. 461 et suiv.; cf. Revue critique,
12 juillet 1870, p. 31 : Renan, Topographie chrétienne de Lyon, dans Lyon-
Revue, 1S81, p. 328 et suiv.
3. Sur toute cette invasion, voir Vachet, Les couvents de Lyon, 1895;
.T.-B. Martin, Les églises et chapelles de Lyon, 1908-1909. Pour ce qui est
antérieur au xix° siècle, on trouve un aperçu commode dans Cocliard,
Description historique de Lyon, 1817, p. 221 et suiv.: 268 et suiv. — Au
xv!*» siècle, les Capucins avaient entamé le versant nord, suivis au xvn'
par les Carmes déchaussés ; Cochard, p. 221 .
4. Voir E. L(ongin}, Recherches sur Fourvière, 1900. Contrairement à
130 FOtIHVIÈRE KN 1493
canoniales, et quelques recluseries, Sainte-Marg-uerite, la
Magdeleine, Saint-BarLliéleniy '. L'église est dédiée à
Noti'e-Dame et à saint Thomas de Gantorbéry, martyr
exotique, mais récent. Bizarre négligence de la cité chré-
tienne envers les gloires de son passé '•. Aucun monument
ne commémore, à Fourvière ou ailleurs, saint Pothin et
sainte Blandine. Saint Irénée a son église, mais hors de la
ville ''\ après la porte des Farges, dans le bourg de Saint-
Just, sur une éminence que les vieilles chartes appellent
Mous petrosus et Mous sancius ''. Notre montagne sainte,
au moyen âge, c'est la colline, non de Fourvière, mais de
Saint-Irénée.
Dans les registres des « nommées » de 1493, une main
naïvement dessinée en marge indique du geste Fen-tête de
chaque procès-verbal. Seule parmi toutes ces mains indi-
catrices, celle qui marque le début de l'enquête sur le quar-
tier de Fourvière ^ e!st accompagnée d'une grappe de raisin
avec son pampre. L'intention ne semble point douteuse.
En eiîet, à part quelques jardins, quelques terres à froment
et quelques habitations rurales isolées dans les cultures, les
l'opiaion commune, rauteur, qui a ûLudié la question de très près, ne croit
pas à l'existence antérieure d'une chapelle de la Vierge sur le même
emplacement.
1. Voir Guigne, Les recluseries de Lyon, 1887, p. 3. Celles de la Magde-
leine (au sommet du Gourguillon) et de Saint-Barthélémy (près de la porte
Confort, à l'angle des montées actuelles de Saint-Barthélémy et des
Carmes déchaussés) sont mentionnées dans les « nommées » de 1493. Le
4 septembre 1470, le Consulat autorise Jean de Cosles, dit Abraham, à
occuper comme reclus un « membre » de la tour Sainte -Marguerite (sur
les remparts, entre la porte des Farges et Pierre Seize). (Arch. mun., BB,
15, folio 117 recto
2. Voir l'explication de Renan, oui\ cité.
3. Et de même Saint-Just. L'église actuelle, intra miiros, est du
xvii" siècle.
4. Voir Paradin, Mémoires de l'histoire de Lyon, 1573, p. 259. Cf. Meynis,
La Montagne sainte. Mémorial de la confrérie des Saints Martyrs; Lyon,
1880..
5. GC, nommées, etc., vol. 5, f. 66 verso,
FOURVIltRE EN 1493 131
commissaires ne dénombrent que des vignes, non seule-
ment sur le « plat » et sur la pente « que le soleil levant
regarde toujours en face * », mais jusque sur le versant plus
froid de Pierre-Scize. Fourvière, en 1493, pourrait s'appeler
la colline des vignes '-. Maintenant elles ont à peu près
disparu pour faire place à des bâtiments, à d'autres cultures
surtout et à des pelouses ou bosquets. Mais elles prospé-
raient et prédominaient encore vers la fin du xv!!!*" siècle,
comme on peut le voir en examinant aux Archives munici-
pales un plan manuscrit, t^ peine connu, de Fourvière en
1767 '\ lequel est au grand plan géométral de Séraucourt '%
un peu plus ancien (1735), ce que la carte dressée avec les
« nommées » de 1493 est au plan scénographique de 1545,
je veux dire beaucoup plus précis, beaucoup plus riche en
données onomastiques ■^.
Quant au réseau des chemins qui desservaient la colline
en 1493, il n'a subi, dans son ensemble, aucune modifica-
tion essentielle. La plupart de ces voies ont même gardé
leur étroitesse et leur sinuosité, Tune à peine élargie, l'autre
à peine rectifiée, çà et là, par quelques reculements d'époque
toute récente. La rue principale, qui traverse le plateau du
Nord au Sud, de l'église aux remparts, la rue du Juge-de-
Paix — appellation sans à propos, trop moderne pour un
quartier si vieux — , se nomme en 1493 « chemin tendant
du plat de Forvière aux Arcs et murs de la ville », ou plus
brièvement « chemin tendant des Arcs à Forvière ». La rue
des Quatre-Vents, qui s'y embranche à droite, quand on
vient de l'église, avant les Arcs — les arcs encore debout de
l'aqueduc romain — est, de son nom le plus complet, « le
1. Sénèque, Lad. in Claudium, VI : « Ouem Phoebus ortu semper
obverso videt. »
2. Si ce n'est que le coteau de Saint-Sébastien pourrait lui disputer ce
nom. Cf. Menestrier, Élofje historique de la ville de Lyon, 1069, p. 18.
3. Il est signé : Chavallard fecit anno domino (sic) ^767.
4. Voir Audin, oiiv. cité, p. 27.
D, Je me propose d'en' reparler ailleurs.
132 FOUUVIÈUE K^ 1 ID'l
chemin traversant du chemin des Arcs par dedans les vignes
à la tour Sainte-Marguerite » ; la rue Cléberg — dans ces
para«'es le Bon Allemand nous semble aussi dépaysé que le
juge de paix — , la rue Cléberg, qui s'en détache à gauche,
non loin de l'église, le « chemin tendant de la croix de
Colle au chemin des Arcs » ; la montée de Fourvière, qui
conduit de cette rue à l'église, « le chemin tendant de la
croix de Colle à Forvière ». La montée des Anges, l'inter-
minable escalier ou « ruelle à talons >:, qui, l'église dépassée,
prolonge au Nord, vers la Saône, la rue du Juge-de-Paix,
est « la ruelle tendant de Forvière à la porte Confort » ; le
chemin de Montauban, qui, horizontalement ou presque,
coupe à mi-coteau le versant septentrional, « le chemin
tirant de la porte Confort à Pierre Seize » '. La rue des
Farges et la montée Saint-Barthélem}- ont déjà leurs noms
actuels, mais sont comprises parfois, avec le chemin qui
les raccorde à travers le champ de Colle — aujourd'hui la
rue de l'Antiquaille et la place des Minimes — sous le nom
unique de « rue tirant de la porte de Rieu à Saint-Just ».
La montée du Gourguillon est, dans sa partie haute, la
rue de Beauregard 2,
Le Gourguillon — son nom est latin -^ —, la rue des
Farges, la montée Saint-Barthélémy, la rue Cléberg, la rue
du Juge-de-Paix, non seulement existaient, mais étaient
beaucoup plus que millénaires en 1493. Toutes les fois que
les travaux de voirie obligent à y remuer le sous-sol, on y
retrouve, en blocs énormes, le granit du dallage romain.
Et si les colons de Munatius Plancus ou leurs descendants
1. Le chemin de ronde des rempai'ts méridionaux, « chemin tirant de la
porte des Farges à la tour Sainte- Marguerite », correspond approximati-
vement au chemin de ronde actuel, montée du Télégraphe et chemin de
Loyasse.
2. Ce nom est resté à une place minuscule vers le sommet de la montée.
3. Giirgulio, <- gorge, gosier, œsophage ». Les dictionnaires et glossaires
ne donnent aucun exemple du sens figuré « passage étroit » ; mais cf. l'ana-
logue fauces.
FOURVIÈRE EN 1493 433
ont aménagé ces chemins, ce n'est pas eux, sans aucun
doute, qui les ont tracés : la nature du terrain les a impoSiés
aux premiers occupants.
A la fin du xv^ siècle, tous ceux que je viens d'énumérer
et quelques autres, qui se sont efîacés ou ne sont plus
aujourd'hui voies publiques, divisaient la colline en « terri-
toires » ou « tènements » : le territoire de Forvière pro-
prement dit, autour de l'église et du cloître, sur l'emplace-
ment et aux abords du forum velus ; sur le versant oriental,
en allant du Nord au Sud, les territoires des Ouvreurs, du
champ de Colle — ou tènement de la croix de Colle ^ — ,
des Belettes ; sur le versant septentrional, le territoire de
Chantagrillet ; sur la moitié méridionale du « plat de For-
vière », le g'rand tènement de la Couppe, qui était alors aux
Bellièvre -, lesquels le possédaient encore et sous le même
nom en 1586 ^, mais devint plus tard et resta jusque vers
le milieu du xix*^ siècle le domaine de la Sarra ; il corres-
pondait pour le moins au champ de manœuvre et au clos
du Calvaire actuels. On aura remarqué que la plupart de ces
noms ne réveillent aucun souvenir antique et que la topo-
nymie moderne les a laissés tomber dans l'oubli.
En fait de souvenirs antiques, les matrices consulaires de
1493 sont une source fort pauvre. Elles ne mentionnent
d'autres ruines romaines que celles de l'aqueduc du Gier,
les « Arcs », à l'extrémité sud du plateau, et le « Cappot ^ »,
le réservoir de distribution, à l'extrémité nord, non loin de
l'église, exactement à l'angle de la place et de la montée
1. Les graphies de ce nom sont multiples : Cole, Colle, Coille, Escolle
Escoille, etc. On sait que de la croix de Colle (ou de la colline) la fantaisie
des vieux auteurs lyonnais avait fait la croix des Décollés, des décapités,
des martyrs, comme elle avait fait du Gourguillon le torrent du sang- de
ces martyrs, gurcjes sanguinis.
2. ce, 5, f. 76 recto.
3. ce, 47, pièce 2, f. 38 verso.
4. Voir Archives historiques el slalisliques du Rhône, \'II, p. 217 et
suiv.
13i roLRViÈRi: liis 1493
des Anges. Est-ce à dire que ce fussent alors les seuls
restes apparents de Lugudunum? Pas le moins du monde.
Sans doute, beaucoup de vestiges se dissimulaient alors
sous les vignes, par exemple, ceux de ramphitliéâtre,
exhumés de nos jours, en 4887 i ; et le saccage qui avait
suivi la catastrophe, qui durait depuis des siècles, exploi-
tant, comme une véritable et inépuisable carrière, les débris
de la ville haute au profit de la ville basse '^ Lugudunum
au profit de Lyon, en avait déjà fait disparaître beaucoup
d'autres, par exemple toute la maçonnerie extérieure de
cet amphithéâtre. Néanmoins il restait, à coup sûr, en
1493, bien d'autres vestiges visi-bles, que les enquêteurs
ont vus, mais n'ont pas mentionnés, parce que ce n'était
point leur affaire ; ils ne parcouraient pas la montagne afin
d'inventorier des ruines.
1. Par M. Lafon, professeur à la Faculté des sciences ; voir son étude,
Vamphithèàlre de Fourvière, dans Revue du Lyonnais, b" série, vol.
XXIII, p. 353.
2. Par exemple, dans la charte de 1192 (voir E. L(Dngin), oiiv. cité, p. 86),
où ils concèdent un emplacement pour l'église de Fourvière et ses dépen-
dances, l'archevêque et le chapitre de Saint-Jean réservent pour la prima-
tiale tous les marbres et tous les choins qui proviendront de fouilles ou
excavations sur cet emplacement. Il y a une bonne part de vérité dans
laffirmation de Symphorien Champier [Histoire des Antiquités de la ville
de Lyon, édition de 1648, p. 7 et 9) que cette primatiale Saint-Jean a été
construite avec les pierres d'un temple qui était en la montagne de Four-
vière. Cf. Colonia, Histoire littéraire de la ville de Lyon, 1728, I, p. 175 ;
Guigue, Monographie de la cathédrale de Lyon, p. 5 et suiv. — L'œuvre
des ponts du Rhône et de la Saône mit aussi Fourvière et ses entours à
contribution. De 1432 à 1442, Nicolas Fornier, l'un des commis « es absolu-
tions » de ces deux ponts, enregistre des paiements faits à divers poUr des
pierres de choin amenées, les unes delà tour Sainte-Marguerite jusques
auprès de la Saône, les autres d'un jardin situé vers le tombeau des Deux
Amants au pont du Rhône (Arch. mun., GC, 396, pièces 61 et suiv..
Inventaire sommaire, III, p. 21). Certains de ces débris antiques étaient
visibles dans les parements du vieux pont du Change —le pont de Saône —
(cf. Spon, Recherche des antiquités de Lyon, 1675, p. 126) : d'autres ont été
retrouvés lors de sa démolition. On en retrouvera aussi dans la maçon-
nerie du vieux pont de la Guillotière— le pont du Rhône —, si quelque
jour il subit le même sort, les menaces des ingénieurs ayant prévalu contre
la sauvegarde des archéologues.
iOLilVlÈRE EN 1493 l3o
Parmi les propriétés qu'ils ont recensées figure celle de
Pierre Sala, au champ de Colle, sa maison de l'Anti-
quaille •, dont le nom serait à lui seul assez caractéristique,
si notre vieil historien Rubys - n'avait pris la peine de
l'expliquer parles innombrables marques de l'antiquité qui
couvraient cet emplacement. Les commissaires de 1493 les
ont vues. Ils ont vu, dans le voisinag-e immédiat, au même
champ de Colle, les ruines du théâtre, celles que les actes du
moyen âge appellent en latin Caverna ou ff rossa massa Sar-
racenorum, en français, (frottes des Sarrazins 3 ; celles que,
d'après un témoin du xvi" siècle, les uns attribuaient alors
à l'amphithéâtre, les autres au « palais de l'empereur
Severus» ; et ce témoin, l'historien Paradin, ajoute : « Tant
y a que ce povoit bien estre l'un et l'autre ^. » Ils ont vu le
mur du forum, qui, de même que les ruines du théâtre,
existe encore aujourd'hui et limitait alors, à l'angle sud-est,
le claustral de Fourvière. Ils ont vu les arcs de soutène-
ment du puy d'Ainay, entre la rue des Farges et la Saône;
on les voit nettement sur le plan scénographique de 1545,
et Ménestrier les a représentés d'après une charte du temps
de Henri II ■'. Sur ce plan, on aperçoit en outre quelques
autres débris probables de l'âge romain, figurés grossière-
ment et situés vaguement, un pan de mur courbe au-dessus
1. ce, 12, 1". 30, en marge du recto.
2. Histoire véritable de la ville de Lyon, 1604, p. 92. Cf. Champier, His-
toire des Antiqiiitez..., p. 7. Dans le texte latin de cet ouvrage {Galliae
Cellicae ac antiquilatis Luydunensis civitatis... campus, 1537), l'Anti-
quaille est appelée Antiquaria donius, cni ab antiquitate nomen indi-
tum (p. 4).
3. Cochard, Description historique de Lyon, p. 296; Guigue, Le livre
d'amitié, par Pierre Sala, p. 12.
4. Mémoires de Vhistoire de Lyon, 1573, p. 14.
5. Histoire civile ou consulaire de la ville de Lyon, 1696, p. 35. Il y a aux
Archives municipales, dans les notes non classées de Benoît \'ermorel, un
dossier du puy d'Esnay, extraits de documents qui vont de 137S à 1593.
Voir aussi dans le Cartulaire lyonnais de Guigue. vol. II, p. 500, la charte
n° 795, de 1284. Dans la Revue critique du 12 juillet 1879, p. 30, le puy
d'Ainay est identifié par erreur avec la colline de Saint-Irénée.
136 POURVIÉKË EN 1493
(lu Ihéâtre, un mur recliligne faisant deux angles droits
avec deux pans de mur entre le forum et le théâtre. Para-
din, lui aussi, a connu tout cela : les ruines qu'il a connues
ne sont pas seulement celles que nous attribuons au théâtre,
le théâtre n'en formait que la masse principale, puisqu'il
les appelle (* ces admirables masures et vieilles murailles
qui sont vers la croix de Colle et s'estendent par tout For-
vière ' », ou bien « ces antiques masures d'admirable
estoife et structure qui s'estendent par toutes les vignes de
ceste montagne - ». Son contemporain Simeoni ^ a vu, de
même, autre chose qu'« une partie du théâtre » — il ne dit
pas de l'amphithéâtre — « à la vigne de Barondeo ^ » ; il a
vu des « voûtes par-dessous terre, fondemens hauts et de
merveilleuse grandeur, les reliques de ces poures » —
pauvres — " mirables aqueducs, avec autres édifices,
comme le palais senatorien ou de Sévère » — il distingue
le palais du théâtre — . 11 a vu, enfin, une foule de vestiges
moindres que les enquêteurs de 4493 virent également,
« certaines piecetes de tviiles consumez, de vases et statues
brisées, de couches de terre cuite, de porfires, serpentins,
alabastres, marbre, mosaïcs. . . »
Ils virent, autant du moins qu'elles émergeaient du sol,
ces « enseignes » de la ville disparue, « la plus grande part
de laquelle estoit sur cette plaine de Forvière >' » ; mais ils
laissèrent, comme de juste, à d'autres le soin de nous mon-
trer le passé. Nous leur devons, par contre, la « vision»
1. Ouvr. cité, p. 270.
2. P. 255.
3. Description de la Limiigne d'Auvergne, traduite de l'italien en fran-
çais parChappuys, Lyon, 1561, p. 8.
4. Cf. Paradin. p. 14 : « Plusieurs ont dict que celui » (lamphithéàtre)
« de Lyon estoit en Forvière, près la croix de Colle, où encore se voycnt
de grandes apparences d'un grand oeuvre et merveilleuses brisées et
vestiges d'un somptueux bastiment, qui est maintenant la vigne des Baron-
deaulx... » C'est là que les Minimes vinrent s'établir justement vers cette
époque.
5. Simeoni, ibid.
LIVRES OFFERTS j 37
détaillée du présent, dun présent voisin de celui que
Siméoni résume en quelques mots: « Ici... où je ne voy
que champs, arbres, prez, vignes, il me semble que je suis
loing de Lyon cent lieues. »
LIVRES OPTERTS
Le Secrétaiiie perpétuel présente de la part de M"'- 1). Menant un
opuscule intitulé : » Dastur Bahman Kaikobad and the Kisseh-i-San-
jan», par Jivanji Jamshedji Modi. B.A.Ph.D. (1917):
« Ce volume contient le très intéressant historique de l'érection
du monument élevé dans la plaine de Sanjan en souvenir du débar-
quement des Zoroastriens de Perse sur la côte du Guzerate au viii'^
siècle de notre èi'e. En 1909, à la suite d'un article de M. D. Menant
paru dans la Revue du Monde musulman, où étaient discutées les
traditions relatives à cet événement, le savant Ervad J.J.Modi,
secrétaire du Panchayet Parsi, répondit à un appel discrètemens
formulé dans cet article, et fut suivi par Sir Jamshedji Jijibhai et les
membres les plus influents de la communauté. Un comité fut formé,
et des souscriptions furent recueillies, pour élever une colonne au
lieu présumé du débarquement des Zoroastriens de Perse. Présumé,
parce qu'il s'éleva entre les savants de la Communauté, au sujet de
ce lieu, une discussion qui produisit un échange de vues ingénieuses
et la réponse de M. Modi, qui fait l'objet de ce mémoire. Cette
réponse discute la véracité de la tradition qui a toujours assigné
Sanjan comme le lieu de débarquement d'une bande de Zoroastriens
fuyant la domination de l'Islam, et l'authenticité du poème persan du
x\^ siècle qui l'a conservée. »
M. Henri Cordier a la parole pour un hommage :
« Au nom de l'auteur, M. George Foucart, j'ai l'honneur de pré-
senter à l'Académie une conférence qu'il a faite le 25 janvier 1916,
sur V Ethnologie africaine et ses récents problèmes, la première d'une
série inaugurée sous la présidence du prince Ahmed Fouad à la
Société Sultanieh de Géographie du Caire. M. Foucart fait ressortir
au point de vue de la solution des questions africaines, l'importance
capitale de l'ethnologie à la, suite de la conquête géographique du
1918 ■ 10
138 SÉAÎSCE DU Vô MARS 1918
g-rand conlineiiL noir ; uiu' pretnirre lâche consiste en la délimiUlion
prélimiuairo des problèmes dont la solulioii est accessible au moyen
des ressources mises à notre disposition immédiate, ou au moyen de
celles (pu peuvent nous être fournies en quelques années. L'ethno-
logie est un travail préparatoire de l'histoire; elle est Tauxiliaire
nécessaire de l'archéologie. M. Foucart ne désire pas tracer un pro-
gramme c'énéral. mais il cherche à attirer l'attention sur ce qui se
rattache aux études du monde africain et de ses civilisations et, en
particulier, de l'Afrique du Nord et des régions limitrophes telles
t(ue le Soudan français. Les idées émises par l'auteur ont été maintes
fois défendues par moi : il est évident que l'ethnologie n"a pas en
France la ])lace (ju'elle occupe légitimement dans les pays voisins. »
M. Camille Jullian présente de la partr tle l'auteur, M. J. Mathorez,
une brochure intitulée : Notes sur lea Italiens en France, du XIII''
siècle Jusqu'au règne de Charles F//i (Paris, 1918, in-8").
M. C. JuLLiAN offre ensuite, de la part de M. Emile Cartailhac,
correspondant de l'Académie, une déclaration qu'il adresse, au nom
de la Société archéologique du Î^Iidi delà France, aux chefs de
l'armée alliée et à leurs vaillants soldats, conquérants de Jérusalem.
SÉANCE DU 15 MARS
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSK.
A propos de la communication faite à la dernière séance par
M. le comte Durrieu, M. le comte François de Laborde suggère
que la composition initiale du manuscrit de Philippe de
Mézières a pu lui être inspirée par le souvenir de la grandiose
apostrophe adressée à la Couronne d'épines et à la couronne
de France par Charles V à ses derniers moments, apostrophe
dont les termes ont été rapportés dans le récit de la mort du roi
retrouvé et publié par M. Hauréau. La présence de Philippe de
Mézières dans la chambre du roi mourant est prouvée par la
signature qu'il a apposée comme témoin oculaire au procès-
verbal notarié des déclarations faites alors par Charles V sur
son attitude dans l'affaire du Schisme.
SÉANCE DU 15 MARS 1918 139
M. Babelon lit un mémoire de M. le D"" Carton, correspondant
de l'Acad^émie, sur ses nouvelles recherches relatives au littoral
de'Carthage, aux quais, aux ports et aux fortifications qui les
protég^eaient. Les fouilles exécutées par M. Carton ont permis de
préciser certains points contestés depuis longtemps entre archéo-
logues. M. Babelon insiste sur l'intérêt tout particulier que pré-
sente une stèle trouvée par M. Carton au cours de ses recher-
ches : elle représente un personnage levant les bras et parais-
sant en prière devant les murs de Carthage qui sont figurés der-
rière lui ^
M. Salomon Reinach essaie de montrer, contre l'opinion de
François Lenormant, que l'historien de l'Église Eusèbe n'a
jamais admis la dualité d'un être primitif dont auraient été
formés, par division, l'homme et la femme. Au contraire, ce
mythe du Banquet de Platon semblait à Eusèbe une perversion
burlesque du récit de la Genèse, tel qu'on le traduisait et le
comprenait de son temps. M. Reinach cherche ensuite dans
Philon et dans saint Augustin des traces du même mythe, et
étudie un passage de Pholius, relatif à un ouvrage de Clément
d'Alexandrie, où il s'agit d'un autre mythe, d'origine populaire,
sur la création de la femme pendant le sommeil du premier
homme.
L'Académie procède à l'élection de quatre membres pour
remplacer dans les Commissions suivantes notre confrère décédé,
M. Chavannes :
Commission du prix Lefèvre-Deumier : M. Cordier ; — de
l'École française d'Extrême-Orient : M. Maurice Croiset.
Fondation Benoît-Garnier : M. Haussoullier.
Prix Stanislas Julien : M. Thureau-Dangin,
Sont nommés membres de la commission Barbier-Muret pour
1918: M. Senart, le P. Scheil, MM. Cuq et le comte Alexandre
DE LaBORDE.
1 . Voir ci-après.
liO
COMMUNICATION
NOUVELLES RECHERCHES SUR LE LITTORAL C.VR'J llAGIINplS,
PAR M. LE DOCTEUR CARTON, CORRESPONDANT DE l'aCADÉIMIE.
Ayant exercé, pendant l'année 1916, les fonctions de
médecin-chef de l'hôpital-dépôt de convalescents de
Sala/ninho, sur l'emplacement de la Carthage punique, j'ai
pu reprendre les recherches sur ses ports et son enceinte
maritime, dont j'ai précédemment entretenu l'Académie à
plusieurs reprises'. C'est le résultat de ces recherches que
je vais exposer brièvement,
I
Au pied de Ténorme masse de blocage qui s'avance,
comme un promontoire, vers l'angle nord-ouest du mur de
mer, j'ai fait une tranchée qui a mis au jour le rocher sur
lequel elle repose. Celui-ci a été taillé, comme cela se voit
dans certaines forteresses de Phénicie-, pour recevoir les
assises de grandes pierres de taille qui revêtaient la maçon-
nerie, en une série de marches ou redans ayant 0 '" 50 de
hauteur et 0 '" 90 de largeur. Quelques-unes de ces pierres
ont été retrouvées ; elles gisent au pied des redans et, fait
important, elles sont exactement dans le prolongement de
la ligne de blocs à demi submergés qui, partant d'ici,
jalonne le rivage sur 3 kilomètres de longueur. En outre,
1. D' L. Carlon, Académie des inscr. et belles-letlres. Comptes rendus
des séances, 1912, p. 022. Voir aussi lieviie archéologique, 1911, II, p. 230
à 235.
2. Cf. E. Rensin, Mission de Phétiicie, pL II.
RECHERCHES SUR LE LITTORAL CARTHAGINOIS
1i1
142
RECHERCHES SUR LE f-lTTORAL CARTHAGINOIS
elles ont les mêmes proportions qu'eux. Elles ont, comme
la maçonnerie quelles revêtent, appartenu à la même
construction [fi if. /)■
Cette découverte permet donc de se faire, pour la pre-
mière fois, une idée exacte de l'architecture du mur de mer,
dont la disposition de l'appareil est nettement indiquée par
les redans (//gr. i?).
Elle montre que le mur auquel appartenait la lig-ne de
blocs à demi émergés. avait au moins la hauteur du pro-
montoire de blocage que portaient les redans, c'est-à-dire
une dizaine de mètres, et que, par conséquent, ces blocs
proviennent, non comme on l'a écrit souvent, de quais,
mais d'un mur d'enceinte.
On sait maintenant que tous ces blocs qui, à présent,
paraissent isolés, s'appuyaient autrefois sur de puissantes
constructions en blocage, dont les vestiges maintenant
séparés d'eux se voient à plusieurs mètres en arrière, sur
le rivage. La mer n'ayant pu mordre sur ces puissants
RECIIEKCHRS SUR LE LITTORAL CARTHAGINOFS 143
éléments, les a disloqués, s'est infiltrée entre eux et a, peu
à peu, emporté une partie du blocage qu'ils revêtaient.
L'ang-le que forment ici ces blocs, pour se rélléchir sur le
rivage et se prolong'er sur les redans du rocher, correspond
au point où l'enceinte maritime se reliait à l'enceinte ter-
restre.
II
Une autre falaise artificielle, énorme, puisque le blocage
qui la constitue s'élève, au pied de Bordj-Djedid, sur une
longueur de 140 mètres et une hauteur de 15 mètres, ren-
fermait, commeje l'ai indiqué précédemment ', une série de
dix-huit absides. Cette construction soutenait, en arrière, le
vaste palier vers lequel descendait l'escalier en marbre
blanc, large de 50 mètres, dont on voit encore les voûtes
rampantes au-dessous de la batterie. Vers la mer, elle était
revêtue par les blocs cyclopéens du mur de mer, auquel
elle appartenait par conséquent. Les vides ménagés dans sa
masse et qui, vers la terre, avaient la forme d'absides
s'ouvraient, du côté opposé, chacune par une ou deux
l)aies, comme je viens de le constater. C'étaient de véri-
tables salles qui s'alignaient dans la masse de l'enceinte
maritime, et cette disposition appelle immédiatement un
rapprochement avec les locaux : écuries, magasins, etc.,
qui, d'après les historiens, se trouvaient dans l'épaisseur
de l'enceinte terrestre de Carthage.
III
La ligne de gros blocs, dont il a déjà été question plusieurs
fois, offre une lacune, au moins apparente, et longue d'une
soixantaine de mètres, au Sud du grand saillant que forme
le quadrilatère de Bordj-Djedid. En ce point, elle aborde
1. lyL. Carton, Bibliothèque de l'fnstilntde Carthage. Documents pour
servir ;\ l'élude des ports et de l'enceinte de la Carthage punique.
I4i RECIIKHCIIKS SIR LE LITTORAL CARTIIAGINOLS
()l)li(|ueinent le rivag-e el disparaît sous le sable. Il serait
fort intéressant de voir (juels sont ses rapports avec le
quadrilatère et notamment si elle ne s'interrompait pas
pour former l'entrée du vieux port dont, après Vernaz et
Gauckler, j'ai reconnu l'existence.
Une tranchée pratiquée entre l'angle sud-ouest du qua-
drilatère et les rochers, dans le prolongement du côté sud
de ce dernier, m'a montré que ce dernier se continuait
jusqu'à la falaise, au point où celle-ci quitte le rivage pour
former l'ossature des collines qui circonscrivent la con([ue
où s'élevèrent les Thermes d'Antonin.
Une autre tranchée a été faite dans le prolongement du
mur de mer, en partant du point où il disparaît sous le
rivage. Je l'ai retrouvé et ai pu le suivre sur une trentaine
de mètres, pour l'abandonner au moment où il passe sous
la berge, sous une masse de remblais trop considérable
pour les moyens dont je disposais.
Dans cette tranchée, j'ai trouvé beaucoup de débris de
l'architecture des Thermes d'Antonin : énormes fûts de
colonnes en granit rouge, grand chapiteau corinthien d'un
beau travail, sur l'abaque duquel j'ai relevé les trois carac-
tères suivants, hauts de 0 *" 035 :
nPA
Enfin, dans un sondage pratiqué à 3 mètres de cette
tranchée, j'ai mis au jour une stèle en marbre blanc, haute
de 0 '" 41 , brisée à la partie inférieure.
Elle olfre la représentation d'un mur de forteresse, en
grand appareil, couronné de créneaux, en avant et au pied
duquel se dresse un homme nu, les cheveux et la barbe
crépus, qui élève les bras au-dessus de la tête, les mains
étant rapprochées. Cette stèle curieuse fera l'objet d'une
étude spéciale.
RECHERCHES SUR LE LITTORAL CARTHAGINOIS 1 io
IV
L'hôpital-dépôt de convalescents étant installé dans le
lazaret, c'est-à-dire à la base même du quadrilatère de
Falbe, j'ai pu explorer fréquemment, en barque, l'endroit
où l'on place habituellement la brèche faite par les Cartha-
ç^inois pour faire sortir leurs vaisseaux du port.
Entre l'angle nord-est du lazaret où se trouve encastré
un chapiteau à volutes puniques et le bâtiment voisin en
forme de rotonde, on ne remarque, en effet, aucun bloc
cyclopéen émerg-eant. Mais il est possible que des blocs de
ce genre aient été recouverts par des remblais existant sur
le rivage, et il serait nécessaire de faire une tranchée pour
éclaircir ce point.
A partir de la rotonde, et sur une longueur de 2 à
300 mètres, les blocs à demi émergés et alignés réappa-
raissent, mais ils sont très clairsemés et beaucoup moins
rapprochés que dans tout le reste de la ligne. En outre, par
les temps calmes, on aperçoit, sous les eaux, les soubas-
sements du mur auquel ils ont appartenu. Fait curieux, il
est interrompu par des coupures très nettes, placées à
intervalles réguliers, qui le traversent dans toute son
épaisseur. Il semblerait que les assiégés, qui ont d'abord
commencé la brèche en partant du quadrilatère, c'est-à-dire
là où elle était plus efficacement protégée par cette forte-
resse, n'aient pas eu, ici, le temps d'achever l'œuvre de
démolition et se soient bornés à y pratiquer quelques
passes.
V
On sait que c'est au Sud du quadrilatère de Falbe, dans
la baie du Kram, que se trouvait l'entrée des ports de la
Carthage punique décrite par les historiens.
Plusieurs faits de constatation matérielle, dont quelques-
uns sont indiscutables, montrent que la baie s'étendait
146 RRClIERniIES SUR LK LITTORAL CARTriAGINOlS
autrefois, bien plus que de nos jours, vers riritérieur des
terres.
Les villas élevées sur la plage de Khéreddine ont été, à
un moment donné, sérieusement menacées par les érosions
des flots. J'ai pu, de mon habitation, en suivre les progrès
et assister à la lutte qui, sur ma demande, y fut entreprise
parla Direction générale des Travaux publics. On y cons-
truisit des épis de pieux, perpendiculaires à la côte, et
presque aussitôt il s'en suivit un ensablement considérable.
Le même phénomène s'est produit à l'abri des grands
saillants du mur maritime. Je l'ai déjà indiqué pour le
quadrilatère de Bordj-Djedid. Derrière celui de Falbe, la
baie du Kram, et précisément dans le goulet par oii les
vaisseaux devaient passer pour entrer dans le port, ne pré-
sente, sur une grande étendue que quelques centimètres
d'eau. L'ensablement y a donc été considérable, et ce seul
fait indiquerait que le rivage a dû gagner vers le large.
Mais j'ai fait, à l'aide de sondages, des constatations
autrement probantes. A environ 600 mètres du fond de la
baie de Ki^am, auprès de la station de Salatyimho, existe
une dépression elliptique sans issue. Elle est, du reste,
très nettement indiquée par une courbe de niveau qui, sur
la Carte archéologique de Carthage ^ encercle les deux
lettres Kh des mots El Khahhazia. Les sondages que j'ai
pratiqués à son intérieur m'y ont fait rencontrer presque
partout, au niveau de la mer, une couche de sable marin
renfermant des tessons. Il est donc certain que la baie du
Kram, ou un bassin la prolongeant, s'étendait jusqu'ici.
Le nombre des sondages faits a été d'une trentaine ;
quelques-uns avaient jusqu'à 8 mètres de profondeur. Ce
nombre est donc concluant. Ils m'ont amené à d'autres cons-
tatations intéressantes que je n'ai pas à exposer ici, notam-
ment à celle de l'existence, aux bords de ce bassin, d un
1. De Bordy, Gauckler, P. Delattre et le général Dolot.
RECHERCHES SUR LE LITTORAL CARTHAGINOIS 147
monticule portant un édicule de Tépoque punique daté par
des graffîtes. Ce monticule, recouvert par des remblais de
l'ép'oque romaine, ne se laisse du reste plus deviner
actuellement.
Sur la Carte archéologique de Carthage, au Sud de la
haie du Kram, on remarque une ligne de blocs, indiqués
par un pointillé rouge. Située en mer, elle se dirige vers le
rivage où elle s'arrête, à peu près en face du Fondouk des
Juifs. Je l'ai suivie sous le sable de la plage, sur une lon-
gueur de 30 mètres. Les éléments en sont tout à fait pareils
à ceux de tout le reste du mur maritime, et lun d'eux pré-
sente de nombreux trous de coquillages perforants. Il
s'agit donc ici du point oîi le mur maritime, interrompu
par l'entrée des ports, réapparaissait pour se diriger vers
le lac où je l'ai retrouvé. La présence des coquillages per-
forants, qui vivaient en mer, en un point recouvert par le
sable, indiquerait, à elle seule, que l'étendue de la baie du
Kram a diminué.
Après ce qui vient d'être dit, on peut donc se demander
si le port de guerre punique ne correspondait pas, comme
l'ont admis certains auteurs, à la fois à la lagune circulaire
et à la rectangulaire, et si le port de commerce ne se serait
pas étendu dans la direction de la station de Salammbô.
Sans émettre d'opinion ferme à ce sujet, je dois faire
remarquer que cette hypothèse éclairerait un passage
d'Appien demeuré obscur jusqu'ici et d'après lequel les
deux ports s'ouvraient sur un bassin commun, les ayant
précédés. Ce bassin aurait été formé par la baie du Kram
que fermait, vers le large, le mur maritime et au fond de
laquelle auraient donné les deux ports.
On voit, par ce qui précède, combien serait fructueuse la
méthode des sondages profonds que j'ai imaginée dans cette
région des ports et à laquelle je n'ai pas pu donner tout le
développement nécessaire. Dans quelques années, il sera
presque impossible d'en pratiquer à cause des constructions
qu'on y élève de toutes parts.
148 RECHERCHES SUR LE LITTORAL CARTHAGINOIS
VI
L'espace qui s'étendait entre l'entrée des ports et celle du
chenal qui reliait autrefois le golfe à la mer était occupé
par un vaste ensemble de constructions sur lesquelles ont
été bâtis le Fondouk des Juifs et le dar Oulad el Agha.
Elles sont remarquables par l'uniformité de leur architec-
ture. Sur toute leur étendue se succèdent les ouvertures de
puits, de citernes, de conduites, de bassins, comme si les
vaisseaux qui usaient de ces deux passages y faisaient
leur provision d'eau. Vers le milieu, un môle s'avance dans
le golfe. J'y ai trouvé six grandes bases attiques, des
débris de chapiteaux corinthiens et de fûts cannelés, le
tout en marbre blanc, des stucs à relief et une grande quan-
tité de plaques de revêtement en marbres précieux. Il
y avait évidemment ici quelque sanctuaire ou peut-être un
phare, entre les deux entrées des ports et du lac.
J'ai pu, au milieu de cet ensemble, commencer une
fouille méthodique ^ qui m'a montré vme construction ellip-
tique formée de deux absides se faisant face, et circonscri-
vant une salle longue de 11 mètres et large de 6 mètres, au
sol revêtu d'une mosaïque figurant un dallage [fig. 3). Entre
les deux absides étaient des ouvertures : l'une donnait sur
un perron précédé d'un escalier porté par une voûte et des-
cendant sur la plage, Tautre communiquait avec une pièce
dont le sol offrait un très beau dallage fait de carrés, de
rectangles et de triangles de marbres multicolores, formant
des figures géométriques. Les parois des deux pièces étaient
revêtues de marbre.
Au-dessus du sol de cette pièce était une belle sépulture
chrétienne. Un mur, de forme rectangulaire, entourant
deux jarres, dont Tune, inférieure, renfermait le squelette
1. Entre le Foiidouk el le dar Oiilac) el Agha, exactement au point où
passe la limite de la Carte archéologique.
HËCHERCHliS SUll LE LITTORAL CARTHAGINOIS
149
d'un adulte, et l'autre, celui d'un enfant. Trois lampes chré-
tiennes, dont l'une avec la croix latine, ont également été
rencontrées dans cette tombe ainsi que des débris de vases
fiuiNES DU DP^RJ]ULqD EL I[qïM\^
Plan ûetàil a/u carre/'a^e
&*»//<•
Coupe Jo7?û'//bi/?/?â/e
ûipe sv/yé/nf AB
■fcyie
Fig". 3.
peints ressemblant à ceux des vi'^ et vii*^ siècles qui forment
une série si remarquable et qui ont été découverts à Bulla
Regia, dans l'église du prêtre Alexander.
150 SÉANCl'J DU 22 MARS 1018
Un autre fragment de vase, trouvé ici, olfre des carac-
tères tracés à la pointe dans la pâte, avant lu cuisson :
IVDICISi
VIIII
Deux chapiteaux chrétiens en marbre blanc et deux
fragments d'inscriptions, l'une païenne, l'autre chrétienne,
sans intérêt, ont été également rencontrés dans ces fouilles,
que j'ai eu le regret dé ne pouvoir achever.
Des marées extrêmement basses, comme je n'en ai jamais
vu depuis quinze ans que j'habite sur les bords du golfe de
Tunis, m'ont permis d'aller à pied sec presque partout, du
12 au 16 février 1918, jusqu'à la ligne des gros blocs, et
d'y relever nombre de détails qui n'étaient pas visibles
auparavant. Il en est un que je tiens à indiquer ici, à cause
de son importance : c'est l'existence d'un mur en blocage,
parallèle à la ligne des blocs, tout le long de celle-ci, à une
dizaine de mètres entre elle et le rivage, sur toute son
étendue, c'est-à-dire depuis la pointe du lazaret jusqu'au
mur aux absides. Je me propose d'exposer ultérieurement
les conclusions auxquelles amène cette constatation.
SÉANCE DU 22 MARS
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
Le sous-lieutenant Paul Tapponier, du 93° bataillon de
tirailleurs sénégalais, adresse à l'Académie quelques morceaux
de poteries qu'il vient de trouver au sommet du mont Hortiac,
près de Salonique.
Renvoyé à M. Edmond Pottier.
M. Bernard Haussoullier, au nom de la Commission du prix
Delalande-Guérineau, annonce que le prix est décerné, cette
SÉANCE DU 22 MARS 1918 151
année, à M. P. Roussel, pour son ouvrage intitulé : Délos
colonie athénienne.
Le Président annonce que la Commission du prix Barbier-
Muret s'est réunie avant la séance et a fait choix de trois béné-
ficiaires qui seront proposés par nos délégués à la Commission
spéciale chargée de la répartition des arrérages.
M. Héron de Villefossk fait la communication suivante :
« Jai fait part à l'Académie des dons importants, reçus parle
département des antiquités grecques et romaines du Musée du
Louvre au cours des années 1915 et 1916, celui de M"Me La Cou-
lonche ', celui du marquis de Vogué et de ses enfants ■■^. Je désire
l'informer également de deux autres libéralités intéressantes
dont le même département a été l'objet pendant l'année 1917.
« Au mois de juillet dernier, je recevais de notre regretté
confrère, Maxime CoUignon, un aimable billet dans lequel, avec
sa bonne grâce habituelle, il m'annonçait son intention d'offrir
au Louvre deux bronzes antiques qu'il m'apporta à ïa séance
suivante. Trois mois plus tard, la mort l'enlevait à notre affec-
tion. Ces deux objets représentent le dernier témoignage du
vif intérêt qu'il portait à nos collections et dont il nous donna
constamment des preuves touchantes.
(( Il avait acheté le premier de ces bronzes à Mantinée. C'est le
fragment d'une applique de miroir grec, en relief et découpée à
jour, dont l'exécution est très soignée : on y voit un jeune homme
imberbe, fort élégant d'allure, debout de trois quarts devant une
colonne cannelée. Vêtu seulement d'un manteau qu'une fibule
retient sur la poitrine et dont le vent écarte les pans en arrière,
de façon à laisser le corps entièrement nu, il s'avance vers la
droite. Sa main gauche soutient une grande phiale à godrons, sa
main droite abaissée tient par l'anse une œnochoé ; son pied droit
a été brisé. Une belle patine verdâtre recouvre le reUef ^ ; la
scène comportait au moins deux personnages. Le style permet
de faire remonter ce fragment d'applique au ni'' siècle.
1. Comptes rendus de l'Académie. 1916, p. 334 à 337.
2. Ihid.. 1917, p. 102 à 106.
3. Bull, de Corr. hellénique, VIII, p. 396 à 399, pi. XXII. Haut, du relief,
0"' 09 ; larg., 0" 055.
152 SÉA.NCh UU 22 MAKS 1018
« Le second esl uiic slaluelte de Silène Iatc, dansant, d'unbon
travail romain, mais très usée par le frottement. Les deux mains
sont ramenées au-dessus de la tête ; Tune d'elles paraît tenir un
vase à boire de forme ronde ; le manteau, posé sur Tépaule
gauche, s'étale sur le dos et se replie sur la jambe gauche, lais-
sant voir tout le devant du corps. Les yeux étaient incrustés d'ar-
gent Notre confi'ère tenait ce bronze de M. Paul (uiudin, direc-
teur de la ligne de Smyrne-Cassaba, qui l'avait vraisemblable-
ment recueilli dans la région de Smyrne '.
« Au mois d'octobre, le département s'enrichissait d'un torse
dempereur cuirassé, en marbre blanc, dont la provenance est
inconnue. Donné au Musée des arts décoratifs, il y a plusieurs
années, par le commissaire-priseur Charles Pillet, il avait été
relégué sur un palier d'escalier, près des bureaux de la conserva-
tion, parce qu'on ne pouvait le faire figurer dans aucune des
séries formées par ce musée. Le conservateur, M. L. Metraan,
pensa qu'il serait plus à sa place dans les collections du Musée
du Louvre, où il a été transporté et mis en dépôt, avec l'approba-
tion du Conseil de l'Union centrale des arts décoratifs.
« Privé de sa tête qui était mobile et qui s'emboîtait dans une
cavité ovale, pratiquée au centre du cou, ce reste de statue
romaine ne mesure plus, dans son état actuel, que 1 '" 25 de
hauteur. L'empereur est représenté debout, la jambe droite
avancée ; les deux bras sont nus et abaissés, sans qu'il soit pos-
sible de déterminer avec précision le mouvement de Tavant-bras
droit. Le vêtement de dessous se compose d'une étoffe légère à
manches très courtes que recouvre en grande partie une cuirasse
décorée de reliefs. Un manteau, jeté sur l'épaule gauche, tombe
derrière le dos et revenait entourer l'avant-bras du même côté.
Les deux jambes nues sont brisées au-dessous du genou ; leur
partie inférieure a disparu avec les pieds, chaussés probablement
de brodequins. L'avant-bras droit, la main gauche et le pan de
draperie, enroulé autour du poignet, manquent également. On
observe aussi quelques éclats du marbre à la partie supérieure
de la draperie, notamment au point où elle couvre le pectoral
<^auche, aux lamelles qui garnissent les épaules et à celles du bas
de la cuirasse.
1. Haut, du bronze, 0"' U55.
SÉANCE DU 22 MARS t9i8
153
<( Les reliefs de la cuirasse constituent le principal intérêt de ce
marbre : ils sont disposés de la manière suivante. A la partie
sup'érieure. comme sur un bon nombre de cuirasses analogues,
Torse d'empereur.
Musée du Louvre.)
apparaît un Gorgoneion aux cheveux plats, à la langue pen-
dante, avec un nœud de serpents sous le cou^ qui surmonte
l'ensemble de Fornementation. Au-dessous, s'épanouit un motif
allongé en forme de cornet qui sépare deux Néréides assises de
côté sur des chevaux marins. Les monstres s'avancent l'un vers
l'autre au galop, leurs croupes enroulées remplissent le fond de
1918
loi SÉANCE DU 22 MARS 11)18
la cuirassée au-dessous des bras. Chacune îles Néréides se tienl
d'une main à l'encolure de sa monlure ; de rautre main, levée
et étendue, elle soulève la di-aperie légère cjui entoure sa poi-
trine, oll'rant ainsi son corps délicat aux caresses de la brise;
le bas de TétolVe est rassemblé sous les cuisses. Les mèches
de la chevelure, réunies par une bandelette près de la
nuque, sont soulevées par le vent de mer. Deux dauphins
affrontés, figurant l'élément liquide, nagent au-dessous des
filles de Néreus ; trois feuilles allongées, formant une sorte de
palniette renversée, garnissant le bas de la cuirasse : la feuille
centrale reste droite, les autres s'inclinent avec symétrie vers
chaque dauphin qui la retient dans sa gueule '.
a Les manches très courtes du vêtement de dessous sont
apparentes autour des épaules ; le bas du même vêtement se
voit aussi sur les cuisses. La souplesse de rétolle atténuait le
frottement de TarmurS. Une série de bandes frangées couvre
les épaules et les aisselles ; du bord inférieur de la cuirasse
descendent deux rangs de bajides analogues. Celles qui protègent
l'abdomen ne mesurent que 0°^ 09 de longueur ; celles qui cou-
vrent les cuisses, comme un jupon de montagnard écossais,
sont beaucoup plus longues : elles atteignent 0 "' 22. La petite
bretelle, assujélissant les deux parties de la cuirasse à droite,
est ornée d'un foudre et porte, à son extrémité, un anneau
pour la lanière d'attache ; celle de gauche est cachée par la dra-
perie.
« Le revers de la statue a été travaillé plus sommairement :
cependant le modelé et les formes du corps sont indiqués avec
exactitude ; la double rangée de bandes protectrices se continue
sans interruption autour des jambes. Le bras droit, dans sa
partie supérieure, est un peu rejeté en arrière, mais l'avant-bras
devait revenir en avant en s'abaissant, ainsi qu'en témoigne un
1. Les mutilations des reliefs portent sur les parties suivantes : le cor-
net central ; le visage et la jambe droite de la Néréide de gauche, le museau
et la plus grande partie de la jambe droite de sa monture ; le visage et la
jambe gauche de la Néréide de droite, le museau et la plus grande partie
de la tète de sa monture avec sa jambe droite en entier ; éclats au dauphin
de gauche. Une des jambes de chacun des chevaux marins était presque
entièrement détachée du fond.
SÉANCE DU 22 MARS J9l8 lou
tenon de marbre placé en haut des grandes lanières frangées ' ;
le bras gauche devait être reporté également en arrière.
«' Sur ces statues cuirassées, il est souvent difficile de recon-
naitre avec précision le mouvement des bras qui sont presque
toujours brisés ; il est surtout presque impossible de déterminer
la nature des attributs que portaient les mains disparues. Les
monnaies impériales, frappées en commémoration des succès
obtenus par les armées romaines, offrent cependant un secours
qu'on ne saurait nég-liger pour cette détermination.
« Au revers de plusieurs monnaies de Domitien, rappelant les
victoires sur les (iermains, on voit notamment l'empereur
debout, en costume militaire, appuyé de la main gauche sur une
haste et tenant de la main di-oite, à la hauteur de la poitrine,
un glaive court dans son fourreau ; son pied droit est posé sur
le Génie du Rhin, étendu devant lui -. Ces détails nous auto-
risent à compléter par la pensée le mouvement et l'attitude des
personnages; ils nous aident à comprendre la -nature des attri-
buts qui ont disparu avec les bras.
« Ces statues d'empereurs en costume triomphal étaient éle-
vées par les différentes cités de l'empire en l'honneur du souve-
rain qui personnifiait la puissance romaine. Les \'ictoires, les
trophées, les groupes de captifs, les sujets historiques, les grif-
fons même qui les décorent, contribuent à le prouver. Les
Néréides, dont les mains soutiennent souvent les armes forgées
pour Achille, ne sont pas étrangères à cette idée; elles sont d'ail-
leurs d'un effet décoratif très heureux.
« L'ornementation est identique à celle d'une autre cuirasse
impériale sortie des fouilles d'Olympie 3 et appartenant au type
VI du classement proposé par Warwick Wroth '. Les deux
sculptures sont à peu près contemporaines.
« Ainsi, pendant ces années de guerre, ceux qui aiment le
Louvre n'auront pas cessé de lui témoigner leur sympathie.
J. Ce tenon mesure 0 " 04 de hauteur et 0- 023 de largeur.
2. Babelon, Quelques monnaies de l'empereur Domitien, dans Reçue
numismatique, 1917-18, pi. I, fig. 6 et 7.
3. Die Ausgrabangen zu Olympia, III, taf. XIX, 3. La statue d'Olympie
possède encore ses jambes ; à sa droite, on voit un tronc d'arbre sur lequel
est déposé un glaive dans son fourreau garni dun ceinturon.
4. Journal of Hellenic sludies, vol. VII (1886), p. J34.
lo6 SÉANCl!; DL 22 MARS iOIS
Malgré la iermelure des galeries, malgré les circonslunces déta-
vorahles de l'heure présente, ils restenl pleins de confiance dans
l'avenir et tiennent à contribuer à Taugnientatiou de nos
richesses. Je leur adresse nos remerciements et lexpression de
notre reconnaissance. »
M. DU Lastiîvkie entretient l'Académie de l'usage du mot
gothique employé pour désigner l'architecture française et
montre que ce terme, généralement accepté aujourd'hui dans
tous les pays, ne saurait être remplacé utilement par aucun autre.
MM. JuLLiAN et Salomon Reinach présentent quelques obser-
vations.
M. Seymour de Ricci expose qu'au printemps de 1917,
quelques jours après notre avance au delà de l'Aisne, il a eu la
satisfaction de retrouver intactes, dans le village détruit de
Juvigny, au Nord de Soissons, trois colonnes milliaires romaines,
qui avaient échappé à la fureur destructive des envahisseurs et
dont il communique à l'Académie de nouvelles lectures.
11 rapproche un de ces textes, daté de Garacalla, d'une ins-
cription vue à Beauvais par Suger, au milieu du xii*^ siècle, et
dont l'illustre abbé nous a conservé un passage dans une lettre
écrite, en 1149, à lévêque de Beauvais *.
MM. JuLLiAN et Théodore Reinach ajoutent des observations.
M. Salomon Reinach continue la lecture par lui commencée à
la dernière séance.
1. Voir ci-après.
137
COMMUNICATION
TROIS I50RNES MILLIAIRES DU SOISSONNATS,
PAR M. SEYMOUR DE RICCI.
Les anciens historiens du Beauvaisis Petau', Loisel - et
Louvet •* avaient, dès le début du xyii*^ siècle, remarqué
que Suger, dans une lettre adressée en 1149 à Henri, évêque
de Beauvais et à ses ouailles, faisait allusion à une inscrip-
tion antique dont il reproduisait même un passage : Videte,
videfe, viri discreti, écrit Suger, ne et alla vice rescrihatur
qiiod semel inventum est in marmorea columna hujus civi-
tatis ore imperatoris dictum : villam pondiini refici juhe-
mus^.
Il y a près de vingt ans, dans un article inséré dans la
Revue archéologique ', je suggérais de cette inscription
l'explication suivante : une colonne antique avec une ins-
cription impériale [ore imperatoris dictum) ne pouvait
guère être qu'une colonne milliaire ; les mots villam pon-
tium refici juhemus ne cachaient-ils pas la formule fami-
lière u/am et pontes refici jussit, ou quelque phrase analogue?
1. Petau, Antiquariae supellectilis portiuncnla (Paris, 1610, in-4°), pi. X,
réimprimé dans Sallengré, Novus thésaurus antiquitatum romanarum (La
Haye, 1718, in-fol.), t. II, p. 1015.
2. Loisel, Mémoires des pays, villes, comté et comtes, évéché et évesques,
pairrie, commune et personnes de renom de Beauvais et Beauvaisis (Paris,
1617, in-4°), p. 100.
3. Louvet, Histoire et antiquités du diocèse de Beauvais (Beauvais, 1635.
2 voL in-12), t. I, p. 23, et t. II, p. 283.
4. Bibl. nat., ms. latin 14192, f. 21 v. (= S. Germain latin 1085, 2, de la
coll. Séguier-Coislin) ; Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotarum.
t. I, col. 424; Dora Bouquet, t. XV, p. 529 G ; Migne, Patr. lat., t. 186,
col. 1437 G ; Lecoy de La Marche, Œuvres complètes de Suger (Paris, 1867,
in-8), p. 280.
5. Rev.arch., t. XXXV (1890), pp. 106-107 ; CIL., XIII, 9026.
158 I-KOIS liORNES MILLIAIRRS DU SOISSONNAIS
A cette Inpothèse, favorablement accueillie par les spécia-
listes, on pouvait faire une objection sérieuse : la formule en
([uestion se retrouvait-elle sur d'autres milliaires de la ré-
gion? Et force était de répondre par la négative.
Toute une série de bornes milliaires du iii'^ siècle trouvées
en territoire helvétique contenaient bien les mots vias et
jtontes velustate collapsos restiluit ^ ; mais i.l y a loin de la
Suisse à la Picardie. Un fragment du Musée de Metz 2 nous
rapprochait déjà un peu. Un heureux hasard, auquel les
événements contemporains ne sont pas étrangers, m'a
permis de retrouver cette formule sur une borne du Sois-
sonnais.
On n'a pas oublié qu'au printemps de Tannée 1917
l'envahisseur se vit contraint d'abandonner à nos armées
les plateaux situés entre l'Aisne et l'Ailette. Quelques jours
à peine après que nos troupes se fussent avancées jusqu'à
la lisière de la forêt de Saint-Gobain, j'eus l'occasion de
quitter le front britannique pour aller passer quelques
heures sous les murs de Coucj-le-Château. Les hasards de
mon itinéraire me firent arrêter un instant à l'endroit où
jadis, à 8 kilomètres au Nord de Soissons, s'élevait le coquet
villao-e de Juvisrnv. L'ennemi avait rasé toutes les maisons
et l'on peut dire qu'il n*en restait pas pierre sur pierre.
Je n'osais espérer y retrouver les trois bornes milliaires
que j'y avais vues dix-huit ans auparavant et que l'abbé
Le Beuf y avait remarquées dès le milieu du xviii'" siècle.
J'eus pourtant la satisfaction de les découvrir intactes,
protégées sans doute par leur insignifiance même. Les deux
principales étaient encore del>out au milieu du village,
contre les débris de ce qui avait été le bâtiment des pompes ;
la troisième supportait comme jadis une modeste croix, à
l'angle nord-ouest du village -^
1. CIL., XIII, 9058, 9059,9061, 9068, 9072 etc. (règnes de Caracalla, Maxi-
min et Goi'clien III).
•> CIL., XIII, 9054.
3. Rev. irch., t. XXXIX (1901), pp. 393-399 ; C/L., XIII, 9033-9038.
TROIS BORNES MILLIAIRES DU SOISSONNAIS 159
Bien qu'avant par deux fois, en des jours meilleurs, tenté
de déchiffrer l'inscription de ce dernier monument, je
n'étais jamais parvenu à la lire en entier. Cette fois, je fus
plus heureux que précédemment, et je réussis à déchiffrer,
avec bien des hésitations, plusieurs groupes de lettres que
j'avais vainement cherché à distinguer lors de mes visites
antérieures.
Le mot que Le Beuf avait lu M. .ABSARIIS et Prioux
NIABSARIIS était bien (comme l'avait prévu M. Hirschfeld)
conlabsas, et toute la iin de l'inscription devenait claire. Je
lisais sans hésiter
VIAS \et]
[po]^TE[s] VETVST[a/(']
CONLABSAS RES[//]
TVIT
AB AYG L ...
Il faudrait, bien entendu, conlab.'ios.
Voilà donc, en plein Soissonnais, un exemple de la for-
mule que l'on ne retrouvait que chez les Helvètes ou à Metz.
Xo'ûk donc retrouvé le frère jumeau du milliair.e dont Suger
nous a conservé le souvenir.
L'ensemble du texte est d'une restitution fort difficile. On
peut cependant se faire une idée de ce que devait être cette
inscription, en transcrivant ici le texte d'un milliaire de
Soleure de l'année 213^, qui était identique, à notre avis, à
celui de Juvigny : »
IMP [CAES M AVRjAN
TON[INVS PIVS F]EL A
VG P[ARTH MAXJ BRI
MA[X POINT MAX TRIB
POT XVI IMP II COS IIII
PROCOS PRINC n'VEN
1, CIL.. XIII, 9072 (cf. 9061 et 906S),
1()0 TROIS HOU^E.S MII.MAIUIÎS DU SOISSONNAIS
FORTISIM FELICISIM
VSQ MAGN PRINCEPS
PACATOR ORB VIAS ET
PONT VETVSTATE COL
LAPS RESTrrVlT
AVENT
XXVI
Le rapprochement de cette inscription et de la nouvelle
copie du milliaire de Juvigny permettra de tenter la resti-
tution de cette dernière inscription. Le jour où la préfecture
de l'Aisne fera transporter la borne- à Laon ou à Soissons,
la conservation en sera assurée de façon définitive et il sera
moins difficile avix épigraphistes d'en contrôler la lecture.
imp. caes. m. aur. an
/ONINVS PIVS FE/
dWg. pARTH. viax.
hrit. Max. pont
iiiax. tr I /'. pot xvi
imp. a. cos un. procos.
prINc. inu EN t.
/bRTI ss IMV.Î fe
Ucissimusq . niagnus
PRINrEP5 pAcator
oRBh VIAS et
poNTE.^ VETVSTa^é-
CONLABSASRES //
TVIT
AB AVG L...
SÉANCE DU 27 MARS 1918 161
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau de l' Académie le
cahier de septemlire-octobre de 1917 des Comptes rendus des
stîances de V Académie des inscriptions et belles-lettres (Paris, 1917,
in-8» .
SÉANCE DU 27 MARS
(Séance avancée au mercredi à cause jju Vendredi Saint.)
PRESIDENCE DE M. HERON DK VILLBFOSSE.
ALSalomon Reinach montre quelques photographies, envoyées
par M. Franz Gumont, du grand édifice souterrain découvert près
de Rome, en 1917, et des beaux bas-reliefs en stuc qui le dé-
corent. Il est absolument certain que cet édifice est païen, non
chrétien ; le style des reliefs est de la première partie du ii* siècle
(époque des Antonins).
M. Salomon Reinach termine la lecture de son étude sur un
texte d'Eusèbe relatif à la création de l'homme et de la femme.
MM. Maurice Croiset, Bouché-Leclercq et Pottier présentent
quelques observations.
M. Havet étudie le sens de l'adjectif latin proprius, appliqué
à une bête de sacrifice. Ce mot semble marquer : 1" que l'animal
a eu à manger jusqu'au dernier rnoment ; 2° qu'on l'a nourri
d'aliments réputés « purs ». Ces conditions devaient être
remplies pour les deux taureaux qu'Auguste et Agrippa immo-
lèrent, le 1'''' juin 17 avant J.-C, à l'occasion des Jeux sécu-
laires : L'adjectif en question se retrouve dans les Prisonniers
de Plante ; là un parasite, se donnant plaisamment comme un
dieu, réclame un sacrifice et dit quel genre de victime il lui faut;
il veut un agneau proprius et bien gras.
162 SÉANCE DU 27 MARS 1918
M. HÉRON DE A'iLLEFossE iiiforiiie rAcacléiiiie d'une libéralité
qui vient d'être faite par un de nos confrères aux Musées na-
tionaux.
I.e comte Alexandre de Laborde a offert à la Bibliothèque du
Musée du Louvre un précieux recueil provenant de la biblio-
thèque de son père, le marquis de Laborde, ancien membre aussi
de notre Académie '. C'est un album grand in-f"', (uuvre d'un
artiste français très connu, Cassas, célèbre par ses voyages en
Dalmatie, en Grèce et en Orient, dessinateur du comte de Choi-
seul-Gouffîer, compagnon de Le Chevalier, l'auteur du Vityaije
en Troade. Il comprend une quarantaine de dessins, plans et cro-
quis et plus de deux cent cinquante calques.
Parmi les dessins, quelques-uns sont exécutés avec un soin
particulier et sont même teintés, notamment ceux qui repré"
sentent les sculptures du Parthénon ou du temple de Thésée ',
mais ils n'offrent pas l'état matériel des sculptures au moment
du passage de Cassas à Athènes, ce qui aurait donné à son travail
un intérêt particulier : ces images les montrent complétées et
restaurées. D'autres offrent des ensembles ou des plans ; ce sont
quelquefois de simples croquis, souvenirs d'un séjour à Corinthe,
à Mégare,à Delphes, à Éphèse ou ailleurs.
Les calques, beaucoup plus nombreux, repx'oduisent des des-
sins destinés à illustrer le Voyagedu comte de Choiseul-Gouffier.
Les temples de Palmyre et les aqueducs de la plaine d'Athènes
y voisinent avec des vues pittoresques de Corfou, d'Ithaque, de
Patras, de Nauplie, de Sparte, d"Argos,de Salone ou d'Épidaure.
A côté des temples d'Athènes, d'Égine, de Corinthe, figurent les
théâtres antiques (le grand et le petit) de Nicopolis d'Épire.
Parmi les documents qui concernent Salonique, églises ou mos-
quées, se ti'ouve une précieuse vue du monument connu sous le
nom de Palais enchanté de Thessalonique, que Gravier d'Otières
avait déjà dessiné en 1686 et que notre confrère Miller rapporta
au Louvre en 1865. Le calque du dessin de Cassas, exécuté
cent ans plus tard, est intéressant parce que l'auteur ne s'est
pas borné, comme Gravier d'Otières, à reproduire la colonnade,
mais il a donné aussi l'aspect du quartier où s'élevait l'édifice,
avec l'église et les maisons qui l'encadraient.
1 . Il avait acheté ce recueil en janvier 1859 aux héiùtiers d'un M. Godart.
SÉANCE DU 27 MARS 1918 163
Ce recueil offre donc un aiélang^e de documents archéolog-iques
et pittoresques. A côté d'un grand nombre de ruines exactement
relevées, on y remarque quelques arrangements fantaisistes
d'architecture, des débris antiques disposés conformément au
goût du temps, puis des études de détails, des compositions, des
projets de restitutions et même certains motifs décoratifs em-
pruntés à lart en vogue dans les pays visités par l'auteur. 11
reproduit les costumes des habitants de plusieurs localités, no-
tamment ceux de Prévéza. Une note de sa main, sur un calque
relatif à des plastrons albanais, indique que ces plastrons lui
avaient été demandés en 1787 par le comte de Choiseul-Gouffier
et qu'ils les avaient fait fabriquer en cuivre plaqué d'argent par
un fondeur de la rue Dauphine.
On peut, d'après cette note, fixer la date approximative de la
plupart des documents réunis par Cassas dans cet album. Elle
montre en même temps que tous ces calques avaient été exécutés
d'après les dessins envoyés au comte de Choiseul et dont l'artiste
tenait à conserver la trace. La valeur en est incontestable, d'au-
tant plus que les dessins originaux, demeurés inédits, paraissent
perdus ou dispersés. Une description détaillée des documents
que renferme cet album ferait certainement ressortir l'impor-
tance et l'intérêt du généreux don de notre confrère ; elle
rendrait en même temps un véritable service aux études archéo-
logiques.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel présente à l'Académie, de la part de
M. Gaston Jondet : Les Porta submergés rie Vancienne île de Pharns.
Tome IX'' des Mémoires présentés à l'Institut éyyptienlLe Caire, 1910,
in-i").
M. Babelon offre à l'Académie un travail dont il est Fauteur, inti-
tulé : Quelques monnaies de l'empereur Domitien (Paris, 1918, in-8" ;
extrait de la Revue numismatique française).
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 5 AVRIL
PRESIDENCE DE M. PAUL GIKARD, VICE-PKESIDENT.
M. Pierre Paris, correspondant de rAcadémie, a adressé au
Secrétaire per}3étuel, qui en donne lecture, la lettre suivante :
« Bolonia (par Tarifa), 29 mars 1918.
« Monsieur le Secrétaire perpétuel,
« J'ai le plaisir de vous annoncer, et vous prie de vouloir bien
communiquer à TAcadémie, si vous le jugez convenable, que
j'ai pu recommencer depuis quatre jours les fouilles de Bolonia,
que subventionne si généreusement votre Compagnie.
« Je suis ici avec M. Laumonnier, élève de TEcole normale
supérieure; M. Georges Bonsor, qui déjà Tannée dernière a été
mon collaborateur, et D. Gayetano de Margelina, docteur es
lettres, qui m'a été contié par la Junta de Ampliacione« de Estu-
dios, laquelle s'est associée à nos travaux et a voté à cet effet
une somme de 2.000 pesetas.
« Nous avons dû, pour nous mettre à l'œuvre, vaincre quelques
difficultés; car le tout petit hameau où nous sommes, loin des
routes, loin de tout village important, manque absolument de
ressources en temps ordinaire, et les effets de la guerre s'y font
lG6 SÉANCE DU S AVKIl. I9IS
cruellcmeul sciilir ; il ny a plus de pain ni de farine-; les
pêcheurs sont partis, et nous avons du mal à retenir nos Irenle
ouvriers; j'espère pourtant que nous ne serons pas forcés crin-
terrompre les l'ouilles.
M Gela serait fâcheux, car nous avons bien débuté. Autour de la
maison que j'ai déblayée Tannée dernière et de la grande usine
à salaisons, nous découvrons maintenant d'autres maisons et
d'autres usines analogues, et nous aurons bientôt un ensemble
de constructions tout à fait nouveau et de grand intérêt.
« Dans les ruines, nous avons retrouvé en particulier deux beaux
chapiteaux de style ibéro- dorique, bien conservés, provenant
d'édifices détruits de la ville haute.
« Mais ce que nous avons recueilli de plus précieux, ce sont
deux figurines de bronze, hautes de 15 centimètres, de style
hellénistique. Il est fort regrettable que durant leur séjour dans
le sable, sur le bord de la mer, les statuettes se soient fortement
oxydées. Je ne puis vous en envoyer encore de photographies,
car il faut beaucoup de précautions pour les nettoyer. Elles
représentent un danseur et une danseuse qui se faisaient vis-à-
vis ; le danseur s'agite dans un mouvement très pittoresque de
fandango ; la danseuse, les deux bras élevés en croix, la tète
rejetée en arrière, semble tourbillonner dans un gracieux envo-
lement de draperies. C'étaient certainement et ce sont encore,
malgré leur état, des œuvres d'art très précieuses.
« La nécropole doiane aussi à M. Bonsor des objets curieux ; il
faut surtout noter des bustes informes en pierre ; je pense que
ces sortes d'armatures de pierre devaient être recouvertes d'un
stuc dans lequel étaient modelés les traits.
« Je me ferai un devoir de tenir l'Académie au coui'ant de nos
recherches; j'ajoute seulement aujourd'hui que le fait même
d'avoir repris les fouilles a produit à Madrid, et partout où on
l'a su, un excellent effet moral. Il m'a été répété à plusieurs
reprises que l'on admirait la France qui, dans les graves circons-
tances actuelles, ne négligeait pas son œuvre scientifique à
l'étranger, et n hésitait pas à donner de l'argent et des hommes
pour prouver sa vitalité.
« Veuillez agréer. Monsieur le Secrétaire perpétuel, mes plus
respectueux hommages.
« Pierre Paris. «
SÉANCE DU ['2 A VI! IL 19 18 l67
M. Caunat donne lecture du rapport que M. le D'' Curlou,
correspondant de l'Académie, a envoyé sur les fouillas opérées
par lui en 1917 à Bulla liegia, avec une subvention provenant
de la fondation Piot. Il a acquis la certitude que l'édifice que
Tissot regardait comme une forteresse punique est un établisse-
ment thermal de l'époque impériale.
M. PoTTiER, complétant la communication faite par le Pré-
sident dans la dernière séance, donne un aperçu général de la
collection de dessins offerts au Musée du Louvre par M. le comte
Alexandre de Laboixle. Ces dessins, qui paraissent tous inédits,
peuvent être attribués avec la plus grande vraisemblance à
Cassas. Ils sont d'un très grand intérêt, surtout en ce qu'ils
nous font connaître l'état de conservation de certains monuments
antiques, aujourd'hui très maltraités par le temps et surtout par
les hommes. M. Pottier cite comme exemple le Parthénon sur
lequel on peut tirer de là des renseignements précieux, pour la
lin du xviii'' siècle.
MM. Ci>ermont-Ganneau et Paul Girard présentent quelques
observations.
SEANCE DU 12 AVRIL
l'RESmENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
M. PoTTiER donne des nouvelles de notre confrère, M. Dieu-
lafov, qui est sorti sain et sauf des combats récents livrés sur la
Somme.
Le P. ScHEiL communique la note suivante de M. Edouard
Naville, associé étranger de l'Académie, sur l'ouvrage de
M. Maspero intitulé : Introduction à iétiule de la phonétique
égyptienne :
« Depuis son retour en France, M. Maspero s'était mis à publier
ce qu'il considérait comme le couronnement de son œuvre,
l'exposé du système grammatical de l'ancien égyptien. Il ne
168 SÉA^CK bu i2 AVRIL i\)\H
voulait pas cepeiulaiil présenter quelque chose qu'on pût consi-
dérer comme détlnilil". « Je n'ai pas l'ambition », nous dit-il, à
la première pa^e du livi'e qu'il projetait, « de composer ici une
véritable Grammaire égi/plienne, car malgré tout ce qui a été
publié sous ce titre en France, en Angleterre, en Italie, en Alle-
magne, j'estime que nous n'en savons pas encore assez pour
réussir: le livre que je commence à rédiger aujourd'hui. . . ne
sera tout au plus qu'une Introduction à Vétude de la (frammaire
àquplienne. Peut-être s'étonnera-t-on de voir le plan sur lequel
j'ai essayé de le construire. Comme je l'ai dit un nombre infini
de fois, et imprimé à plusieurs reprises, nous avons eu la chance
de trouver table rase en matière de langue au commencement de
notre science, et nous avons abordé le déchiffrement sans
encombrement de théories préconçues ou de paradigmes pré-
établis : ne vaut-il pas mieux profiter de la liberté absolue dont
la fortune nous a gratifiés de la sorte, pour créer à l'égyptien
une "-rammaire qui ne soit inspirée exclusivement ni des modèles
purement classiques, ni des modèles indo-européens, ni des
modèles sémitiques, mais qui ressorte entièrement d'une ana-
lyse des textes entreprise avec laide de tous les moyens que la
philologie peut nous prêter, à quelque ordre de langue qu'elle
s'applique ? »
« Partant de ce principe, M. Maspero a écrit le chapitre préli-
minaire sur le système graphique. Ce chapitre se compose de trois
parties qui devaient paraître successivement dans le « Recueil de
travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptienne et
assyrienne ». L'auteur a vu la première achevée, la seconde était
à l'impression lorsqu'il a été surpris par la mort ; la troisième
n'est qu'un fragment publié par M. Chassinat.
« Tout imparfait que soit ce chapitre, il fixe cependant les bases
sur lesquelles l'édifice entier devait reposer; en particulier, il
montre clairement l'opposition qu'il y a entre sa manière d'envi-
sa-^er la langue égyptienne et celle que depuis quelques années
nous impose l'école de Berlin, comme une rénovation complète
de l'égyptologie.
« Cette opposition est formulée déjà dans la première phrase,
qui indique la division du chapitre au point de vue de la pronon-
ciation : le système graphique égyptien exprime « trois sortes
SÉANCE DU 12 AVRir. 1918 169
d'articulations diirérentes : 1" des consonnes proprement dites,
:2" des voyelles, 3° des sonnantes ».
« C'est sur les numéros 2 et 3, les voyelles et les sonnantes, que
porte le fort du débat. Pour l'école allemande, en égyptien il n'y
a pas de voyelles et encore moins de sonnantes. Ce que nous
appelons des voyelles, c'est pour elle des consonnes faibles : ce
qui lui a permis de bâtir un système de grammaire égypto-sémi-
tique. La théorie du verbe et du nom qu'elle a créée est iden-
tique à celle du verbe et du nom sémitiques. L'école de Berlin a
été conduite à nier Texislence des voyelles parce que ses disciples
n'ont pas tenu compte d'un fait capital que nous avons reconnu
dès longtemps: c'est qu'il faut distinguer soigneusement entre le
phonème et le signe matériel qui le représente à l'œil. Le pho-
nème peut avoir une histoire et changer, sans que le signe cor-
respondant à sa valeur primitive se modifie. « Pour moi, dit
yi. Maspero, comme pour tous ceux qui se sont refusés à
admettre les affirmations impératives de l'école berlinoise, l'égyp-
tien a possédé primitivement des signes de voyelles de la nature
de ceux des modernes; mais comme son système graphique s'est
de bonne heure immobilisé presque entièrement, tandis que la
langue parlée poursuivait son évolution sans arrêt, la langue
écrite a gardé ses habitudes avec beaucoup d'obstination, et les
signes voyelles, pour des raisons que nous commençons seule-
ment à entrevoir, ont pris historiquement des valeurs diverses
qui ne semblent pas toujours se rattacher toutes à la valeur pri-
mitive. » On peut constater un phénomène analogue dans des
langues modernes telles que l'anglais, où la voyelle a que nous
appelons â et les Anglais t', a les prononciations les plus diverses,
quoique le signe reste toujours le même, et sans qu'aucune
addition au signe n'indique le changement de prononciation. Et
pourtant personne ne songera àTppeler ïa anglais une consonne
faible.
« En donnant ainsi le nom de consonnes à ce qui est manifes-
tement des voyelles, l'école allemande est arrivée, à grand renfort
d'hypothèses, à créer un verbe trilitéral, formé de trois consonnes,
et auquel on attribue des conjugaisons toutes semblables à celles
du verbe sémitique; elle nous présente ainsi des transcriptions
1918 ' ' 12
170 siSA.Nc.i-: i)L' 12 Avuii. IIMS
illisiibles et c(iii (uil un caractère tout à fait artilicicl. Ce n'est
plus la reprotluclioii de ce (jui est écrit, ce sont des reconstruc-
tions (Faprès les règles de Fécole.
(( La troisième partie du chapitre, les sonnantes, est à peine
coniniencéc. l"]lle ne traite aue de la première, celle qui corres-
jiond à / ou Hï. Il est inliniment rei;rellahle que M. Maspero
n'ait pas pu aborder les lettres <:ii> /, r, j))>^ m, et a/\^v\/\ n,
et monlrei- les cas où elles ne sont que des voyelles et en ont la
prononciation.
« Les papiers laissés par M. Maspero, nous dit M. Chassinat,
ne renferment aucune note qui permette de donner un aperçu
môme fragmentaire de la thèse que Téminent auteur se proposait
de développer dans la suite de ce mémoire, le dernier qu'il ait
écrit et qu'il n'a même pas achevé. »
« Nous pouvons mesurer aujourd'hui l'étendue de la perte que
l'égyptologie a subie, La grammaire de Maspero aurait comblé
une lacune qui se fait vivement sentir pour qui n'est pas un
adepte de l'école de Berlin. Elle aurait été le développement
des principes que lui avait inculqués celui auquel, disait-il, il
devait sa carrière, celui qui le premier a tenté la traduction d'un
texte dans son entier, E. de Rougé. Le livre dont nous n'avons
que les premières pages aurait résumé tous les progrès que
Maspero a fait faire dans la connaissance de la langue égyp-
tienne, progrès dont un grand nombre sont des faits acquis sur
lesquels il n'y aura plus à revenir. »
M. Samuel Chabert, professeur à l'Université de Grenoble, lit
une étude sur le proverbe latin : Quem perdere viilt Juppiler
demenlal prias. L'idée est fort ancienne ; on la trouve exprimée
tour à tour dans la Bible, chez Homère, les tragiques grecs et
divers auteurs latins. M. Chabert admet que la formule aujour-
d'hui populaire a pris corps seulement vers 1645, probablement à
Cambridge, sous l'influence de la révolution d'Angleterre.
M>L Th. Reinacu et Boucué-Leclercq présentent des obser-
vations.
Le Président interroge l'Académie pour savoir si elle entend
SÉANCE DU 19 AVRIL 1918 l7l
déclarer vacante la place de M.Barth. L'Académie, par 1 i voix
coatre 12, répond négalivement. La question reviendra, conlor-
niément au règlement, dans six mois.
LIVRES OFFERTS
Le Sechétaiue perpétuki. présente l'ouvrage suivant : Introduction
à l'élude de la phonétique égyptienne, par G. Maspero, membre de
l'Institut (extrait des volumes XXXVII-XXXVIII du Recueil des tra-
vaux relatifs à la philologie et à Varchéologie égyptienne et assy-
rienne; Paris, 1017,in-4°).
SÉANCE DU 19 AVRIL
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
M. Zeiller, professeur à l'Université de Fribourg,lit une note
sur Tactivité littéraire de l'évêque arien Palladius de Ratiaria,
qui fut déposé par le concile d'Aquilée en 381 '.
MM. Monceaux et Bouché-Leclercq présentent des observa-
tions.
M. Clément Huart, professeur à l'Ecole nationale des langues
orientales vivantes, fait une communication sur les derviches
tourneurs, à propos d'un document persan dont la traduction
paraîtra prochainement. Il montre, par des textes historiques, à
quel degré de ferveur mystique étaient montés les esprits en
Asie Mineure, au cours des xiii^ et xiv*' siècles, préparant ainsi
un terrain favorable pour la diifusion des idées ^ apportées de
Perse par le fondateur de cette confrérie i^eligieuse, le grand
poète Djélal-ed-dîn Roùmî.
MM. Maurice Croiset et Babelon demandent à Tautcur
quelques explications.
I . ^'oiI' ci-après.
COMMUNICATIONS
i/aciivuk uiiKUAiiU': d'un évi^que àrien
DK LA RKiMON DANUIMENNE I PALLADIUS DE IIA IIAUIA,
PAU M. ZEILLElt.
.le voudiais dire k l'Académie quelques mots de l'œuvre
dun personnag-e de l'Eglise du iv*' siècle qui ne manqua pas
d'un certain relief, Palladius, évêque de Ratiaria, sur le
Danube, dans la province de DacieTipuaire, qui fut déposé
comme arien par le concile tenu en l'année 381 à Aquilée
sous la présidence de l'évêque de cette ville, Valérien, et
la direction effective de saint Ambroise de Milan.
C'est surtout par cette fin de sa carrière que, grâce au
récit d' Ambroise lui-même^, Palladius de Ratiaria est
connu.
On a cependant sur lui d'autres renseignements. On sait
d'abord, même par le rapport d' Ambroise sur le concile
d' Aquilée, que quarante ans auparavant et déjà évêque,
Palladius avait été déposé de l'épiscopat comme entaché
d'une hérésie k la fois opposée k l'arianisme et en connexion
avec lui, celle de Photin ~. Il est vrai que Palladius contes-
tait cette condamnation.
On sait d'autre part, par les Fragments historiques de
saint Hilaire ', que Palladius fut, en 366 ou 367, l'un des
destinataires d'une lettre par laquelle son collègue Germi-
nius de Sirmium, l'évêque du siège le plus important de
toutes les chrétientés danubiennes, annonçait une évolution
doctrinale qui de l'arianisme le ramenait vers une foi moins
éloignée de celle de Nicée. Nous ne savons pas si Palladius
1. Gesta. concilii Aqnileienais, dans Ambroise, entre YEpisl. VIII et
VEpiftl. IX {Pair, lat., XVI, p. 916-939).
2. Ihid.
3. Fr.ttjin. /i/\s/.. XV.
PALLAUIUS DE RATIAKIA 173
répondit à cette lettre. Mais la suite de son histoire prouve
qîiil ne suivit pas Germinius dans son évolution.
Ce qui résulte de toutes ces données, c'est que Palladius
de Ratiaria fut une personnalité assez marquante des Égli.ses
de riUyricum danubien au iv" siècle.
L'importance de son siège y fut -elle pour quelque chose?
Pour peu de chose sans doute ; car, si Ratiaria était une
métropole, ce n'était pas une grande ville comparable à
Sirmium ou à Thessalonique.
n semble donc bien que Palladius a dû avoir une action
personnelle assez remarquable. Et, de fait, nous pouvons
constater qu'il a marqué dans l'histoire de l'arianisme, et
spécialement de l'arianisme illyrien ou danubien, par son
activité littéraire.
J'ai eu récemment l'occasion d'essayer de montrer, dans
une étude sur Les oric/ines chrétiennes dans les provinces
danubiennes de V Empire romain, l'intérêt pour l'histoire
du christianisme antique de cet arianisme illyrien. C'est
dans ces provinces danubiennes, où les évêques ariens se
groupaient autour de l'empereur qui résida beaucoup sur la
frontière du Danube au iv'' siècle, que l'arianisme a réussi à
devenir une puissance dans l'Eglise et dans l'État, jusqu'à
se faire reconnaître, lors du concile de Rimini en 359,
comme la religion officielle de lEmpire. Mais l'arianisme,
dans cette région, n'a pas seulement profité d'un certain
nombre d'avantages politiques ; il a également été servi par
un groupe d'hommes qui ont déployé une activité d'écri-
vains qui mérite d'être mise en lumière. Palladius de
Ratiaria est l'un des principaux.
Que connaissons-nous aujourd'hui de son œuvre ?
1 . Un premier renseignement nous est encore fourni par
saint Ambroise, qui dit, dans le livre III de son De fide ^,
que les deux premiers livres, écrits vers 377-378, avaient
1. L. III, c. 1, 1 et 2.
174 PALLADIUS DE RATIARIA
été attaqués par Palladius, et les trois livres suivants
furent même une réponse à ces attaques. Vigile de Thapse
conlirme ' l'existence de ce traité Contra Anibrosium de
fide, écrit évidemment vers 379. Il est aujourd'hui perdu,
mais non pas entièrement, comme on va le voir.
2. Vigile de Thapse nous apprend encore "^ que Palladius
s'en prit à Ambroise mèrne après la mort de ce dernier,
soit après 397. Cependant il n'aiïirme pas la date, credo,
dit-il seulement, et comme Palladius, déjà évêque vers 3'iû,
aurait eu alors environ quatre-vingt-dix ans, l'indication
est sujette à caution, et il semble-bien que c'est le Contra
Anibrosium de fide, écrit vers 379, auquel Vigile a assigné
une date inexacte. Rien n'empêche pourtant que Palladius
ait complété, après la publication des trois derniers livres
du De pde, l'essai de réfutation qu'il avait commencé après
les deux premiers.
3. Mais nous avons mieux que ces témoignages. Nous
possédons un écrit même de Palladius. Il est constitué par
la dernière partie dune œuvre curieuse, conservée sous
forme de notes marginales d'une copie des deux premiers
livres du De fide d'Anibroise et des actes du concile
• d'Aquilée [Cod. lat. 8907 de Paris), et qui n'ont été déchiffrées
à peu près intégralement qu'il y a un peu moins de vingt
ans, par un Allemand malheureusement, F. Kautïmann '^.
Cette œuvre, à laquelle Kauffmann a donné le titre de
Dissertatio Maximini contra Anibrosium, est, en etTet, une
violente diatribe de l'évêque goth arien Maximin, plus tard
adversaire de saint Augustin en Afrique, contre Ambroise
auquel il reproche la condamnation de Palladius à Aquilée.
Mais la troisième partie de cette Dissertatio, comme l'a vu
1. Conlra Arianos, fin du livre II {Pair, ht., LXU, 230).
2. Ihid.
3. Aus der Schule des Wulfila {Texte und Untersiichungen ziir allger-
manischen Relujionsgeschichte. Texte, I), Strasbourg-, 1899.
PALLADIUS DE RATIAHIA 175
il y a quelques années l'abbé Saltet ' et comme je l'ai
montré à mon tour, n'est que la reproduction d'une protes-
tation rédigée par Palladius lui-même après sa condamna-
tion. Cette Oratio Pallad'd est une œuvre oratoire, d'inspi-
ration soutenue et vig-oureuse, d'accent très âpre, mais non
dépourvue de talent.
Maximin paraît d'ailleurs avoir inséré en deux passages
de sa Disserlaiio deux autres extraits de Palladius, qui
proviennent vraisemblablement de son Contra Arnbrosium
de fide. Celui-ci ne serait donc pas, comme je le disais il y
a quelques instants, totalement perdu.
4. Enfin je crois que c'est aussi Palladius qu'il convient
de reconnaître comme l'auteur de fragments palimpsestes
provenant de l'abbaye de Bobbio et qui ont été publiés en
1828 par le cardinal Angelo Mai sous le titre de Sermoties
arianorum -. Ce sont en réalité des débris de plusieurs
traités dogmatiques ou homilétiques, visiblement de même
origine. Leur contenu atteste une provenance danubienne
et permet de les dater de la lin du iv'' siècle ; leur auteur,
s'adressant une fois à un évêque, l'appelle cliarissime frater:
c'était donc un évoque, et, comme pour des raisons tirées
de la comparaison des citations bibliques, il y a lieu d'écarter
Maximin et deux autres évêques ariens à peu près du même
temps et du même pays, le goth Ulfila et son disciple
Auxence de Durostorum en Mésie, je crois que l'on peut se
prononcer pour Palladius de Ratiaria.
Il est' à remarquer que toutes les œuvres de Palladius
dont la connaissance plus ou moins complète ou incomplète
est ainsi parvenue jusqu'à nous appartiennent à la dernière
période de sa vie. Les fragments de Bobbio sont au plus
1. Un texte nouveau: la « Dissertatio Maximini contra Arnbrosium »,
dans le Bulletin de lilléralure ecclésiastique publié par llastitut catho-
lique de Toulouse, II [1900], p. 118-129.
2. Scripiorum veteruin nova collectio, t. III, pars. II, p. 208-239 (Rome,
1828).
I7(> l'AL[.AUlLS [)!•: KATIAHIA
tôt de 378, car ils ronfernient une citation du livre I du De
plie d'Ambroise, qui est de cette année-là. Le traité contre
les deux premiers livres du De fide doit être de 379 ou 380.
\,y)rnfio ou protestation contre la sentence rendue à
A([uilée en septembre 381 est probablement de 382. Enfin,
si Viij;ile de Thapse ne s'est pas trompé, Palladius a encore
écrit contre Ambroise vers 397.
En somme, il apparaît surtout comme un grand adver-
saire de Tévêque de Milan, mais un adversaire essentielle-
ment malbeureux, car il en a reyu de rudes coups, et ne
paraît pas lui en avoir porté de bien graves, tout en ayant
fait ce qu'il pouvait pour cela. ,
N'avons-nous pas autre chose à inscrire à son actif?
L'ancienne bibliothèque de Bobbio nous a encore livré un
assez curieux fragment de commentaire arien sur l'Evangile
de saint Luc, pour lequel on aurait pu songer à Palladius.
Mais l'étude du texte ma conduit à me prononcer plutôt en
faveur d'Auxence de Durostorum.
Reste un gros et point médiocre ouvrage, que le moyen
âge a attribué à saint Jean Chrysostome, mais qui est
incontestablement arien : c'est YOpus imperfectum in
MalLliaeuin^ commentaire inachevé sur saint Mathieu. C'est
un écrit de caractère plutôt moral que spéculatif, bien que
la polémique théologique n'y fasse point défaut, qui décèle
chez son auteur une âme ardente et passionnée et des dons
d'esprit réels. Mais cet auteur, à mon avis, n'est pas Palla-
dius ; car, à bien des indices, il apparaît comme issu d'un
milieu barbare, et il écrivait, comme le prouve son utilisa-
tion des Commentaires sur saint Mathieu de saint Jérôme,
après 398 ; ce doit donc être l'évêque goth Maximin.
Il est d'ailleurs intéressant de rapprocher tous ces textes,
qui ont entre eux une certaine parenté : un même esprit
les unit, une même théologie j est professée, l'arianisme,
non l'arianisme brutal d'Arius, mais celui, plus voilé, et
pourtant bien réel, d'Eusèbe de Nicomédie et du concile de
LES DERVICHES D ASIE MINEURE I / /
Rimini ; ils appartiennent à la même réo^ion, à la même
époque, au même milieu religieux : leurs auteurs sont des
évêques danubiens, les uns romains, les autres goths.
Palladius est romain, mais ami des Goths Ulfilaet Maximin.
En outre, il est important de noter que cette littérature
religieuse n'est pas seulement théologique ou polémique,
mais aussi scripturaire, homilétique et morale, et qu'elle a
dû, comme telle, jouer son rôle dans la conversion des
Goths, puis d'autres barbares, au christianisme et au chris-
tianisme arien. L'Eglise arienne, vers la fin du iv^ siècle, a
momentanément devancé l'Église catholique dans la cons-
titution de ce qu'on pourrait appeler un matériel intellectuel
de propagande religieuse, et il y aurait là l'une des explica-
tions de la supériorité provisoire de l'apostolat arien auprès
des barbares. C'est par ce rapprochement avec les premiers
évêques des Goths chrétiens et ariens, Ulfila, Maximin,
peut-être Auxence, dont l'origine est incertaine, que l'étude
de l'œuvre de Palladius de Ratiaria prend surtout de
l'intérêt.
LES DERVICHES D ASIE >IINEURE,
PAR M. CLÉMENT HUART.
Au cours de son grand voyage qui devait durer vingt-
quatre ans, de 1325 à 1349, le voyageur marocain Ibn-
Batoùta débarqua sur la côte méridionale de l'Asie Mineure ;
il venait de Syrie, où il avait trouvé à Lattaquié un navire
génois qui le transporta, en dix jours de navigation, à
Alàyà, port de mer qui a conservé le nom de son fonda-
teur, le grand sultan de la dynastie des Seldjouqides de
Roùm, 'Alà-ed-dîn Kaï-Qobâd P"" ; de là il passa aisément
à Adalia, que nos anciennes cartes appellent Satalie, et
dont le nom rappelle encore aujourd'hui le souvenir des
Attale, les fastueux rois de Pergame. Dans sa tournée, le
178 LES DERVFCMRS d'aSIE MINEURE
vovageur se trouva en contact avec une catég'orie d'indi-
vidus qui s'appelaient les Ak/ii, mot arabe qui signilie
u mon frère » : c'étaient des associations de jeunes gens qui
se réunissaient chaque soir dans des ermitages pour y
prendre en commun un repas dont ils s'étaient procurés
les éléments dans la journée et qu'ils faisaient partager aux
étrangers de passage dans leur ville ; ensuite ils se mettaient
à chanter et à danser K
Ces A/xhi, dont Ibn-Batoûta ne pouvait trop louer l'hos-
pitalité et la générosité, étaient des derviches, des çoûfîs,
c'est-à-dire des mystiques contemplatifs. L'x\sie Mineure
en était pleine ; notre voyageur en rencontre partout, à
Sîwàs, à Brousse, à Nigdé, à Gumiich-Khànè, à Kastamouni,
à Balikesri, à Lâdhîk (Laodicée sur le Lycus), à Sinope, à
Erzingàn, à Erzeroum, et jusqu'à Azof. Déjà, au siècle pré-
cédent, 'Afif-ed-dîn Soléimân de Tlemcen, père du poète
arabe connu sous le sobriquet de V Adolescent spirituel et
poète lui-même, avait quitté la région du Maghreb lointain
pour venir accomplir des retraites dans ces contrées, pleines
de ferveur religieuse.
Un détail de la coiffure de ces derviches permet de les
identifier. Ils étaient coiifés d'un haut bonnet de laine
blanche, au sommet duquel était cousue une pièce d'étolfe^
longue d'une coudée et large de deux doigts. Or, lorsque
le sultan ottoman Mourad I"" institua le corps d'infanterie
des Janissaires (car il paraît bien, comme l'ont écrit les
historiens byzantins, que ce fut lui qui les créa, et non son
père Orkhan), il les plaça sous la protection d'un des der-
viches de cette époque ; il leur donna pour coiffure le bonnet
de feutre blanc de I.Iàdji Bektach, auquel on ajouta, dit-on,
par derrière, un morceau d'étoffe, en souvenir de la manche
du derviche qu'il avait laissée pendre sur la tête d'un des
soldats, et qui tombait par derrière jusque sur son dos. Le
1. Ibn-Batouta, Voyages, publiés et traduits par Defrémery et îc D"' San-
guinetti, t. II, p. 200 et suiv.
LES DERVfCHRS DASIE MINEURE 179
rapprochement de cette légende, donnée par les historiens
ottomans, avec les détails précis conservés par le voyageur
de Tanger, observateur minutieux et attentif, montre qu il
n'v a à en retenir que l'adoption de la coiffure par la nou-
velle milice : l'adjonction de la pièce d'étoffe est antérieure
à la création du corps des Janissaires, elle était déjà opérée
par les derviches au début du xiv^ siècle, et c'est la même
coitTure que portait assurément Hàdjî Bektach lui-même.
Ibn-Batoùta avait visité à Qonya, l'ancienne Iconium, le
mausolée du chéïkh Djélàl-ed-dîn Roùmi, l'auteur du
Metlinéwî, connu sous l'appellation de Maulànà « notre
maître » ; il a constaté la grande considération dont il
jouissait, et il a connu la confrérie qui lui devait sa nais-
sance. Ce mausolée domine encore, de sa haute tour carrée
couverte entièrement de plaques de brique émaillée de
couleur bleue, les maisons basses de la ville. La famille du
fondateur de la confrérie était originaire de Balkh, l'ancienne
Bactres ; son père avait quitté l'Asie centrale pour des motifs
politiques, s'étant brouillé avec les gouvernants de ces
régions, et était venu réclamer l'hospitalité des sultans
seldjouqides. Il y fit souche, et ses descendants y vivent
encore actuellement ; tous viennent, successivement,
reposer sous l'ombre de la tour bleue et des coupoles qui
l'accompagnent ; sept siècles ont rempli de tombeaux la
mosquée attenante aux salles de réunions des derviches.
Les Mauiawi, « les gens de notre maître », ou, comme
prononcent les Turcs, les Mewléwî, sont plus connus parmi
nous sous le vocable de derviches tourneurs, dérivé d'un
de leurs exercices principaux. Théophile Gautier a décrit
magistralement leur valse lente, dans laquelle, « les bras
étendus en croix, la tête inclinée sur les épaules, les yeux
demi-clos, la bouche entr'ouverte , ils se laissent em-
porter par le fleuve de l'extase ». Telle est, en etfet, l'appa-
rence extérieure d'un exercice auquel ils admettent volon-
tiers les étrangers. Pour pénétrer plus profondément dans
180 LES DERVICHES d'aSIE MINEURE
leurs croyances et leurs doctrines, il faut avoir recours aux
ouvrages écrits à leur usage. Par bonheur, nous possédons
l'histoire des fondateurs de cet ordre religieux ; elle a été
écrite en persan, par un certain Atlâkî, et terminée vers
l'année ISTiS. 11 en existe plusieurs manuscrits à ki Hil)lio-
thèque nationale ; la liaduction en français de cet ouvrage
est actuellement sous presse : elle ne tardera pas à paraître,
du moins on est en droit de l'espérer.
Nous y apprendrons que la danse rituelle n'est pas leur
seul exercice de dévotion. La retraite, c'est-à-dire l'isole-
ment dans une cellule, pendant une période, généralement
de quarante jours, qui peut être répétée consécutivement,
et le jeûne, non pas le jeûne musulman du mois de rama-
dan, mais une abstention presque complète d'aliments et
de boissons pendant le jour et la nuit, sont les principaux
moyens de mortification chez les çoûfis et en particulier
chez les Mewléwî. On comprend aisément que par l'emploi
de ces deux moyens l'adepte arrive à un état d'hyperesthésie
qui se traduit vite par des hallucinations. L'histoire d'Aflâkî
est remplie d'anecdotes relatives à des faits de ce genre;
mais il n'est pas défendu d'essayer d'y apporter quelque
ordre, en attendant que l'étude de ces phénomènes attire
l'attention d'un savant spécialiste de l'hypnotisme.
S'il est une coutume avérée des musulmans, universelle-
ment connue, c'est leur habitude de ne jamais parler de
leurs femmes, de ne jamais faire allusion à leur vie intime :
à telles enseignes que l'étranger qui les fréquente, et qui
parfois a pu être admis dans l'intimité du harem, évite soi-
gneusement toute question indiscrète au sujet de ces
femmes, et se borne à user d'euphémismes, tels que le mot
« famille », pour les désigner. Au contraire, nos derviches
d'Asie Mineure ne dissimulent aucunement le rôle que les
femmes jouent dans leur communauté et dans leur entou-
rage, et ce qu'ils en racontent ajoute une note intéressante
à ce qu'ils nous ont rapporté de leur vie et de leurs actes-
LKS fi.ËRVICHES DASIE MINEURE l8l
'Içméti-Khàtoùn, épouse du sultan Behrâm-châh de la
dynastie des Mengoudjékides, se porte à la rencontre du
père de Djélâl-ed-din Roûmi et lui construit un collège
dans la bourgade où il s'est arrêté. La femme du maître,
Kirâ-Khàtoùn, entourait son mari des soins les plus
empressés ; quand il se rendait au bain public, elle recom-
mandait à ses compagnons de veiller sur lui, car il était
complètement indifférent à l'égard de lui-même ; aussi
emportaient-ils avec eux tapis et serviettes nécessaires.
Elle était l'amie de la reine, épouse du sultan, que son nom
de Gurdji-Khâtoûn nous décèle comme une esclave géor-
gienne, sans doute affranchie ; celle-ci s'intéressait aux
exercices des derviches ; elle était même, paraît-il, affiliée
à la confrérie. La femme du fondateur de l'ordre lui faisait
part des événements heureux qui lui survenaient, et lui
réservait une portion sur un bouquet de ffeurs mystérieuses
venues de l'Inde par une voie secrète. La fille de Djélàl-ed-
dîn Roùmî, Méléké-Khâtoûn, était mariée à un riche négo-
ciant qui se faisait remarquer par son extrême avarice ; elle
alla s'en plaindre à son père, qui convint que son mari
n'agissait pas bien et lui raconta, pour la consoler, une
historiette amusante. Koùmàdj-Khàtoùn, époux du sultan
Rokn-ed-dîn, dut la vie à l'intervention du derviche, qui
accourut la prévenir de l'écroulement prochain d'une aile
du palais. La harpiste Tâoûs se convertit et renonça à sa
vie de plaisirs; le maître lui fit présent d'un fragment de
son turban, dont elle se fit un serre-tête ; elle devint telle-
ment belle, dit le narrateur, que le trésorier du sultan
n'hésita pas à la demander en mariage ; elle fut considérée
comme une sainte et fit des miracles.
Les derviches tourneurs n'ont jamais joué de rôle poli-
tique. Si l'empire ottoman a cru devoir leur en attribuer
un, c'est que leur confrérie est tout ce qui reste du royaume
des Seldjouqides, que la légende accréditée en Turquie
représente comme ayant donné, à l'ancêtre de la famille
182 LES DERVICHES D^ASIE MlISEURE
d'Osman, le bi^evet d'investiture de la principauté de
Seuyud, berceau de la dynastie. Aussi le descendant de
Djélâl-ed-dîn Roûmî est-il appelé, à chaque changement de
rèi^ne, à venir à Constantinople ceindre du sabre, dans la
mosquée d'Eyyoub, le prince qui représente la lignée des
Sélim et des Soliman.
Au xin^ siècle, les hommes d'Etat avaient vu chez ces
derviches un de ces facteurs moraux dont l'emprise sur
l'esprit du peuple était jugée indispensable à la bonne
conduite des affaires publiques. L'tm des principaux adeptes
de la confrérie était ce Soléiman, qui portait le titre hono-
rifique de Mo'în-ed-dîn « aide de la religion » et que l'on
désigne habituellement sous le' nom de sa charge, car il
était le Perivâné, c'est-à-dire le grand chambellan, maître
des cérémonies de la Cour ; Persan d'origine (il était né à
Kàchàn), il reçut du sultan Qylydj-Arslàn IV la ville et le
territoire de Sinope, à titre de fief, et maria son fils à une
fille de Léon III, roi de la Petite Arménie ; passé ensuite
au service des Khans mongols, accusé de trahison, il fut
exécuté sur l'ordre d'Abaqa le 23 juillet 1278. L'historien
des derviches tourneurs n'hésite pas à attribuer 1 état pros-
père de l'Asie Mineure, sous son administration, à la béné-
diction qui, selon lui, s'attachait à la protection dont ce di-
gnitaire entourait la confrérie, de même qu'il attribue les
malheurs de la dynastie à l'ingratitude manifestée envers
elle par le sultan Rokn-ed-dîn.
Les événements politiques, l'effondrement dui royaume
des Seldjouqides, son remplacement par de petites princi-
pautés sporadiques, la conquête successive de tous ces Etats
minuscules par l'empire ottoman au cours du xv^ siècle,
n'eurent aucun effet sur la constitution de cette confrérie
de derviches. Ils continuèrent leurs concerts et leurs danses,
plus préoccupés de monde spirituel que des affaires tenqDo-
relles; et quand un de ces derviches a quelques moments
de loisir, il va s'asseoir au bord d'une eau courante, sous
SÉANCE DU â6 AVRIL l0l8 IS.*^
des ombrages touirus, écouter la voix plaintive de la flûte
dont il joue, cette flûte mélancolique dont le poète de Balkh
a chanté les ti'istesses, au début de son Methnéivî : « Ecoute
la flûte de roseau, ce qu'elle raconte et les plaintes qu'elle
exhale au sujet de la séparation. Depuis que l'on m'a
coupée, dit-elle, dans les roseaux des marais, hommes et
femmes se plaig-nent à ma voix. Mon cœur est tout déchiré
par ra])andon »
C'est ainsi que le mystique décrit la tristesse de l'âme
séparée du grand Tout, et cherchant à l'atteindre de nou-
veau à travers les accidents de l'être, obstacles qu'il s'agit
de. franchir, voiles qu'il faut soulever pour retourner k la
source première et s'absorber dans la contemplation de
l'infini d'où l'âme était sortie, et qu'elle aspire à rejoindre.
LIVRES OFFERTS
M. Louis Léger présente une nouvelle édilion du livre de M. le
professeur Jorga : Histoire des relaliuna entre la. France et lea Rou-
mains. En présentant il y a quelques mois, l'édition publiée à Jassy
(voir Comptes rendus, 1917, p. 295), il regrettait qu'elle fût peu acces-
sible à notre public. M. Charles Bémont s'est chargé de réimprimer le
volume à Paris ^ et l'a fait précéder d'une notice sur la vie et l'œuvre
de l'auteur, naguère élève de notre École des Hautes études. Nous
lui devons de chaleureux remerciements pour cette nouvelle édition.
SÉANCE DU 26 AMilL 1918
l'RESIDENCK DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
La correspondance comprend :
l ne lettre de M, le général Guillaumat, remerciant l'Académie
de la subvention de 2.000 francs par elle accordée au Service
archéologique de F armée d'Orient;
1 . Librairie Pa.yol.
184 SÉANCI'] DL; 2fi AVRII, IÎHN
l'iie Icllre du clief ilu Service des aiiliquilés, beaux-arts et
monuments historiques au Maroc, adressant une copie des ins-
criptions de Volubilis relevées par le lieutenant Louis Châtelain.
Le Secrktairk perpétumi, donne ensuite lecture de la lettre sui-
vante de M, Pierre Paris, correspondant de TAcadémie :
« Bolonia (par Tarifa), L3 avril 1918.
« Monsieur le Secrétaire perpétuel,
« Je suis heureux de pouvoir a'ous donner encore une fois de
bonnes nouvelles des fouilles que subventionne si généreusement
l'Académie.
« Nos deux chantiers sont également intéressants. Le premier,
sur l'emplacement de la ville romaine, nous a donné un second
établissement à salaisons, à peu près complet maintenant, avec
son grand atelier pour la préparation des poissons, et ses grandes
fosses à saumure.
« Nous dégageons aussi une riche maison à péristyle, dont
une salle était décorée de peintures fort originales : de grandes
fleurs de pivoines avec leur feuillage se détachent en couleurs
vives sur fond blanc. Nous avons aussi recueilli de nombreuses
plaques de stuc rouge foncé et jaune, avec beaucoup de grafTites
de grand intérêt, des mots écrits en caractères romains, mais qui
sont sans doute ibériques, des figures d'hommes, et surtout des
proues de navires décorées de figures monstrueuses. Tout cela
forme un ensemble très curieux.
« A côté de cette maison, nous déblayons une sorte d'avenue
bordée à droite et à gauche de colonnes à bossages que nous pou-
vons rétablir, et dont nous avons les gros chapiteaux de style
ibéro-dorique ; nous croyons que c'est une rue principale dé-
bouchant juste sur la place ; nous la suivons aussi longtemps que
possible à travers la place actuelle .du hameau de Bolonia.
« Notre second chantier, la nécropole romaine, ménageait à
mon collaborateur, M. Bonsor, plus d'une surprise. Toutes les
tombes sont de l'époque romaine, comme en témoignent les
objets divers que nous y recueillons, ainsi que les monnaies ;
mais les formes des tombes sont très variées, et presque toujours
nouvelles. Ce qui en fait la très grande originalité, c'est que
devant presque tous les monuments ou au-dessus d'eux se re-
SÉANCE DU 26 AVRIL 4918 185
trouvent des figures extrêmement barbares, quelquefois alignées
au nombre de cinq. A peine, d'ordinaire, distingue-l-on la place
des yeux, la forme du nez et de la bouche, l'arrondissement de la
tête; quelquefois le buste (ce sont toujours des bustes) est un peu
plus précis, mais c'est l'exception. Jusqu'à plus ample informé,
il nous semble que ces figures funéraires, images des morts ou
démons des tombes, sont des souvenirs persistants de la religion
indigène ; ils doivent remonter à une civilisation très ancienne et
rattachent la ville primitive aux prétendus bastulo-phéniciens.
Nous espérons que des découvertes ultérieures, dans la nécro-
pole ou dans la ville, viendront élucider ce problème.
« Je vous ai signalé. Monsieur le Secrétaire perpétuel, dans
ma précédente lettre, la découverte de deux belles statuettes de
bronze; je les avais prises d'abord pour un danseur et une dan-
seuse ; mais en les nettoyant légèremenl, car le nettoyage complet
devra être fait par un spécialiste, il est apparu que les deux per-
sonnages formaient un groupe étroitement uni ; c'est un homme,
peut-être un satyre, enlevant une femme éperdue. Ces bronzes
gagnent ainsi beaucoup en intérêt, et prendront certainement
place parmi les plus précieux modèles de l'art hellénistique.
« Je regrette de ne pouvoir joindre des photographies à cette
lettre, mais nous ne sommes pas installés ici pour révéler nos
plaques ; dès que j'aurai pu les envoyer à Madrid par une voie
sûre, je me ferai un devoir de vous en envoyer des épreuves.
w Je vous serai reconnaissant. Monsieur le Secrétaire perpé-
tuel, de vouloir bien communiquer à l'Académie ces nouvelles,
si elles a'ous en semblent dignes. »
M. l'abbé Chabot annonce que, d'après les dernières nouvelles
reçues du P. Jaussen, les estampages pris à Palmyre avant la
guerre pour le compte de l'Académie et qui avaient été aban-
donnés à Jérusalem en 1914, à la suite des événements militaires,
n'ont point eu à souffrir et ont été retrouvés intacts.
Il M. Ch.-V, Langlois annonce que la Commission du prix Bor-
din a attribué les récompenses suivantes :
1.500 francs à M. André Blum, pour son ouvrage intitulé:
L'Estampe satirique en France;
1918 13
186 SÉANCE DU 26 AVRIL 1918
500 francs à M. l'abbé Ch. Guéry, pour son ouvrage intitulé :
Histoire de V abbaye de Lyre ;
500 francs à M. A. LAngfors pour Les incipil des poèmes
fj-ançais antérieurs au XVL' siècle ;
500 francs à M. ParLurier, pour son édition critique de la
Délie, de Maurice Scève.
M. Paul Monceaux communique à l'Acfidémie une note sur
une dédicace chrétienne d'Algérie, qui se trouve au Musée de
Bône, et que Ion n'avait pas encore réussi à déchiffrer entiè-
rement.
« J'ai l'honneur de communiquer à TAcadémie une assez
curieuse dédicace chrétienne d'Algérie, dont on n'avait jusqu'ici
que des copies fort incomplètes, et que M. Gsell a réussi l'an
dernier à déchiffrer d'un bout à l'autre.
« La pierre qui porte cette inscription a été découverte, il y a
vingt ans, dans la région de Dar-el-Ghoula, entre Bône et Souk-
Ahras, à 40 kilomètres environ au Sud-Est de Bône. Peu de
temps après, elle fut transportée au Musée de Bône, où, à plu-
sieurs reprises, elle attira l'attention des archéologues*. Mais
c'est tout récemment qu'elle a livré enfin son secret.
t< Cette pierre mesure O'^iS en hauteur, 0 '"38 en largeur,
0™20 en épaisseur. La face supérieure présente un grand car-
touche à queues d'aronde, haut de 0^225, large de 0'"21. Au-
dessus du cartouche, deux colombes buvant à un vase ; au-dessus
des colombes, un monogramme constanlinien enfermé dans un
double cercle. Dans le cartouche, une inscription de huit lignes,
qui avait été gravée avec assez de soin, mais dont plusieurs par-
ties sont aujourd'hui à demi effacées. Hauteur des lettres : O'^Ol
environ. Copie de M. Gsell, prise en 1917 sur l'original, et con-
trôlée par lui sur un estampage.
1. Papier, C.li. de VAcadémie d'Hippone, 1898, p. ix ; Gsetl, ibid.,
p. XXI ; Atlas arctiéologique de l'Algérie, feuille 9, n.243; Maitrot, Le
Musée d'Hippone (Bône, 1914), p. 28.
SÉANCE DU 26 AVRIL 1918 187
aVE PRIMITIE NOS
TRE VIRTVTIS SVNT EX LE
CTIONE ET ASPECTV PRO
BANTVR NAM NOVVM EDI
FICIVM aVOD CERNIS NOS
TRO LABORE HOC INCEPT
VM ADQVE PERFECTVM
EST
Qa{a)e primiti[a)e nostr{a)e virtutis sunt, ex leclione et
aspectu prohnalur. Nam novum [ajedifîcium, quod cernis, nos-
Iro lahore hoc inceptum adque perfecluni est.
« D'après le texle et les symboles, c'est une dédicace chré-
tienne, qui était placée sur la façade d'un édifice (lignes 3-5),
probablement quelque chapelle, et qui devait faire pendant à
une autre inscription donnant le nom du dédicant. Le monument
paraît avoir été élevé par les soins ou aux frais d'un nouveau
converti : c'est ce que semblent indiquer les mots primiii[a)e
noslr[a)e virtutis. A en juger par la forme du chrisme, l'édifice
datait du iv^ siècle, comme l'inscription.
Ligne l. — Le mol primiti{a)e est évidemment une réminis-
cence biblique. On le rencontre dans toutes les parties des vieux
textes latins de l'Ancien Testament, toujours avec le sens de
prémisses de la terre, sorte de dîme. Chez saint Paul, ce mot
prend d'ordinaire un sens figuré. En voici quelques exemples :
« Nos ipsi primitias spiritus habentes '. » — « Primitiae dor-
mientium... Primitiae Ghristus... Primitiae Achaiae ^. » —
« Quod elegerit vos Deus primitias in salutem ^. » On lit aussi
dans l'Apocalypse * : « Hi empti sunt ex hominibus primitiae
Deo. » Dans l'inscription de Bône, le mol primitiae paraît avoir
une signification intermédiaire : les « prémisses de la vertu » du
donateur prennent la forme matérielle d'une offrande, d'un ex-
vofo.
1. Roman., 8, 23.
2. I Corlnlh., 15, 20 et 23 ; 16.15.
3. // Thessalon., 2, 12.
4. ApocaL, 14, 4.
188 SÉANCE 1)L 26 AVRir, 1918
Lignes 2-3. — Lect.ione vise sans doute la lecture de la dédi-
cace ; aspectu, l'aspect du monument.
Lig-nes 4-8. — Formules d'un type courant dans Tépigraphie
africaine du iv* siècle.
MM. Clermont-Ganneau, Bouché-Leclercq, Maurice Croiset et
Théodore Reinacii présentent quelques observations.
Le PKÉsuiENT fait connaître l'attribution des récompenses
décernées par l'Académie sur le prix Jean-Jacques Berger:
4.000 francs à M. Wickersheimer, pour ses Commentaires de
la Faculté de médecine de r Université de Paris ;
3.000 francs à M. Coyecque, pour son Recueil d'actes notariés
relatifs à V histoire de Paris au XVP siècle •
3.000 francs à M. Vidier, pour son ouvrage sur les Mar-
guilliers laïcs de Notre-Dame ;
2.000 francs à M. Léon Dorez, pour son ouvrage sur La
Faculté de décret de V Université de Paris au XV^ siècle;
1.000 francs à M. l'abbé Clerval, pour son Registre des pro-
cès-verhaux de la Faculté de théologie de Paris ;
1.000 francs à M. Paul Lacombe, pour sa publication des
Anciens livrets des rues de Paris imprimés aux XV^ et XVP
siècles ;
500 francs à M. Lecestre, pour sa Notice sur V Arsenal royal
de Paris jusqu'à la mort d'Henri IV ;
500 francs à M. Camille Bernard, pour sa Restitution des
thermes de Lutèce.
M. Maurice Croiset commence la lecture d'un mémoire sur
les premiers dialogues de Platon, ceux qu'il composa à Mégare,
durant son séjour auprès d'Euclide.
LIVRES OFFERTS
M. le comte P. Durrieu fait hommage à l'Académie d'une étude
dont il est l'auteur, intitulée: La Messe de Saint-Gilles, tableau du
XV"^ siècle (extrait de VArt liturgique, 1917, in-4°).
Le Gérant, A. Picard.
MAÇON, PROTAT FRERES IMPRIMEURS
r<l
- COMPTES RENDUS DES SEANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT UANNÉE 1918
SÉANCE DU 3 MAI
PRESIDENCE DE M. HERON DE AILLEFOSSE.
/
M. Maurice Croiset achève la lecture qu'il avait commencée à
la précédente séance sur les dialogues composés par Platon lors
de son séjour à Mégare auprès d'Euclide.
MM. Bouché-Leclercq, Alfred. Croiset et Théodore Reinach
présentent quelques observations.
M. Paul FouRNiER fait connaître les décisions de la Commi.ssion
du prix Prost. Aucun des ouvrages présentés par leurs auteurs
n'ayant paru mériter d'être pris en considération, la Commission
a évoqué divers travaux publiés en 1917 par M. Germain de
Maidy, archéologue lorrain, de Nancy, savoir :
L'image de sainte Marie Majeure à la cathédrale de Nancy;
Un écusson héraldique à Neufchâteau ; Vhôtel de Jean de
Houdreville (1583) [Hôlel de ville actuel].
Une douzaine de chronoc/rammes en Lorraine '
La frise des apôtres à l'église de Maine ;
La médaille d'Alphonse de Rambervillers (1604).
En lui attribuant le prix Prost, l'Académie entend de plus
reconnaître la valeur de l'ensemble des travaux de l'auteur.
190 . LIVRES OFFERTS
M. Charles Diinii, annonce à rAcatlémie que la Commission dn
pri\ Fonld a jiarlagé ce prix entre deux concurrents de la i'açon
snivanle :
,'}.{)()0 francs à M. G. IMillcL pour son livre : licclierches sur
riconof/rnphie de VEvamfile aux XIV', XV'' el XVl"" siècles;
2,000 francs à M. Bréhier pour son livre : L'art chrélien ; son
développement iconograpliique des origines à nos jours.
M. A. Morkl-Fatio, au nom de la commission du prix
Lagrangc, fait savoir que ce prix a été décerné à M. Ernest Lan-
>^'lois, professeur à l'Université de Lille, pour son édition du
lionian de la Rose, tome I.
Le Président fait connaître les récompenses accordées par
l'Académie sur la fondation Le Fèvre-Deumier, savoir :
3.000 francs à M. Puech, pour son livre : Les Apologistes
chrétiens du second siècle /
3.000 francs à M. Dussaud, pour Tensemble de ses ouvrages
sur les religions parus depuis dix ans;
2.000 francs à M. Picavet pour son Essai sur Ihisloire
générale et comparée des philosophies el théologies du moyen
âge.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les jDublications
suivantes :
Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes . — 37" année,
4^ série, n° 21. — Année 1918. Premier trimestre (Gap, 1918, in-8'').
Bulletin de la Société ixistorique el archéologique du Périgord .
Tome XLV. Deuxième livraison : mars-avril 1918 (Périgueux, 1918,
in-8°).
Journal of the Roy al Institule of Brilish Architects, \o\ume XXXV,
third séries, n» 6, April 1918(London, 1918, in-4°).
Journal of the American Oriental Society, vol. 38, parti — Fe-
bruary 1918 (New-Haven, 1918, in-8°).
Rendiconti délia R. Accademia dei Lincei. Classe di scienze ma-
LIVRES OFFERTS 191
rali, storiche et philolojiche. Série quinta. Vol. XXVI, Fasc. 11°-12°
e Indice del volume (Roma, 1917, in-S").
M. II. Omont fait hommage d'une étude dont il est l'auteur, inti-
tulée : Un hellénisle du XVI" siècle (extrait de la Revue des éludes
grecques, tome XXX, n» 137-138, avril-juin 1917 ; Paris, 1917, in-S").
M. Omont reprend la parole en ces termes :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie, au nom
de M. Léon Dorez, un inventaire détaillé d'une très importante col-
lection de lettres autographes des grands personnages français et
étrangers du xvi'= au xix"^ siècle, formée par Alexandre Bixio et géné-
reusement offerte l'an dernier à la Bibliothèque nationale par ses
deux filles. M™''* Rouen-Bixio et Depret-Bixio (La collection
Alexandre Bixio à la Bibliothèque nationale ; mss. français nouv.
acq. 22734-22741. Paris, 1918, in-8°, 1;J2 p. ; extrait du Bulletinphilo-
logique et historique, 1910).
« A côté de très nombreux autographes de savants, d'hommes de
guerre, d'hommes politiques de la fin du xviii^ siècle et d'une grande
partie du xix'' siècle, la collection Alexandre Bixio présente une
riche série de lettres autographes de rois, reines, princes et grands
personnages français des xvi'=, xvii'^ et xv-iii"^ siècles : François !<='',
Henri II, Catherine de Médicis, Henri III, Henri IV, Anne d'Au-
triche, Condé, Catinat, Duquesne, Fabert, saint François de Sales et
saint Vincent de Paul, Balzac, Boileau, Bossuet, Fénelon, Fléchier,
La Fontaine, Racine, Regnard, Rousseau, Voltaire, etc.
« M. Dorez a décrit cette collection d'autographes, classés en un
seul ordre alphabétique, avec un soin minutieux, et son inventaire,
aussi détaillé que précis, est précédé de quelques pages où il a mis
en relief la personnalité d'Alexandre Bixio, et apprécié l'importance
et l'intérêt historique de l'ensemble de la collection. »
M. J.-B. Chabot fait hommage à l'Académie d'un opuscule inti-
tulé :
Le Marquis de Vogue. — Notice sur ses travaux d'épigraphie et
d'archéologie orientale (extrait du Journal asiatique, Xl^ série, t. IX,
p. 313-34o).
192
SÉANGP: du 10 MAI
l'UKSIDENCE DK M. PAUL (ilUARn, VICE-I>HESIUKNT.
M. Salonion Reinach communique une note de M"* Duportal,
relative à un recueil de dessins conservé à la Bibliothèque de
rinstitut. Un de ces croquis serait un dessin original de Germain
Pil
on
i
M. Saiomon Reinach montre ensuite la photographie d'un
•buste de femme représentant sans doute une femme poète. Ce
buste a été trouvé dans le Midi de la France et est passé en Amé-
rique. C'est une copie, exécutée à Tépoque d'Auguste, d'un ori-
ginal grec du v*' siècle.
M. PoTTiER présente quelques observations ; il se demande si
l'œuvre n'appartient pas à la Renaissance.
M. Ch.-V. Langlois fait connaître le résultat du concours des
Antiquités de la France :
La première médaille est décernée à l'ouvrage de R. de Saint-
Venant intitulé : Dictionnaire lopoc/raphique, historique, hio-
ffraphique, (fénéalogique et héraldique du Vendômois ; — la
seconde médaille à l'ouvrage de M. G. Mollat, intitulé Étude
critique sur les « Vitfe paparum Avenionensium » d'Etienne
Baluze.
Le P. ScHEiL communique à l'Académie la découverte qu'il
a faite de la fin d'un petit poème épique babylonien dont le
commencement se trouve depuis avant 1913 au Musée de Berlin.
L'action se passe chez les immortels. La déesse guerrière Istar,
par son outrecuidance, détermine certains dieux à lui créer une
émule.
Istar envoie un émissaire étudier Saltum, le nouveau prodige
pétri à son intention. Quoi qu'elle en ait, le rapport l'impres-
sionne, et elle délègue comme remplaçante une autre déesse
1. Voir ci-après.
UN DESSIN PRÉSUMÉ DE GERMAIN PILON 193
guerrière, appelée Agouchaia, à Ea, créateur de Saltum, pour
refréner Tinsolence de sa protégée. Entente et conciliation.
L'auteur ou l'inspirateur nommé de ce poème est Hammourahi
qui, en réconciliant ainsi divers dieux des dillérenles régions de
son empire, visait à produire l'unité relùjieiise, comme il avait
réalisé iiinité politique, en rédigeant en corps de lois les meil-
leures coutumes des provinces du royaume.
MM. Paul GiR.\RD et Babei.on présentent quelques observations.
M. PoTTiEu analyse un ouvrage de M. Gilman, Muséum Ideals,
sur l'organisation des Musées d'art, volume rempli d'idées inté-
ressantes, qui ont reçu une application pratique au Musée de
Boston (Etats-Unis) reconstruit eu 1909 d'après un plan nouveau.
Le livre contient deux parties, une de théorie relative à l'éduca-
tion du public par les musées, l'autre d'organisation matérielle.
Sur la première partie M. Pottier présente quelques observations
critiques.
M^L Salomon Reinach, Maurice Croiset, Clermont-Ganneau
et Babelon présentent quelques observations.
COMMUNICATION
NOTE SUR UN DESSIN QUI POURRAIT ÊTRE
DE GERMAIN PILON, PAR m'^"^ J. DLPORTAL.
La Bibliothèque de l'Institut possède une série de dessins
anciens qui semblent n'avoir fait jusqu'ici l'objet d'aucune
étude.
Ces dessins, dont la provenance est inconnue, sont au
nombre d'une centaine environ et se trouvent actuellement
répartis entre cinq recueils divers.
Ce sont, pour la plupart, des projets de monuments
194 UN DESSIN PRÉSUMÉ DE GERMAIN PILON
funéraires faits sur papier ancien, et exécutés soit à la
mine do jilomb, soit à la plume et lavés de bistre ou d'aqua-
relle.
Quelques-uns offrent tous les caractères de dessins ori-
ginaux .
Tel est, par exemple, le tombeau lîguré au feuillet 29, du
volume qui porte la cote, in-folio N 56^^ . Cette esquisse a
des traits si (( pilonesques » — l'expression est consacrée — ,
elle reproduit si fidèlement certains détails du monument
des Birague, que Ton est autorisé à se demander si Fauteur
de ce dessin ne serait pas Germain Pilon lui-même.
Les dessins de cet artiste sont assez rares.
Un des catalogues du Louvre mentionne que ce Musée
possède « Une galerie de Palais ».
Un second dessin fut trouvé en 1842 dans les Archives
départementales du Cher, au verso d'un contrat relatif à
l'exécution d'une dalle funéraire.
Un troisième fut présenté l'année suivante (1843), au
Comité historique des Arts et Monuments, comme le projet
du tombeau de Saint-Mégrin. Nous ignorons ce qu'il est
devenu ; mais il se pourrait que ce fût un des dessins de
rinstitut ; car l'auteur de la communication, M. Lenoir,
est le seul des historiens d'art qui paraisse avoir connu
quelques-uns des documents que nous signalons ici.
Enfin, en 1878, M. Gourajod publia une petite note, au
sujet d'un quatrième dessin de Germain Pilon, découvert
par M. Georges Duplessis, dans la collection Clairambault
où la pièce est jointe au contrat passé entre l'artiste et la
famille de Birague.
La fermeture du Musée du Louvre nous a empêchée de
comparer le dessin de l'Institut à celui du Louvre. Mais
nous avons examiné celui de la collection Clairambault, et,
autant qu'on en peut juger à distance, comme dans la
mesure où un croquis peut ressembler à un projet mis au
net, il nous a paru qu'il y avait des points de ressemblance
LIVRES OFFERTS 195
caractéristique entre cette pièce et celle de la Bibliothèque
de l'Institut. De là notre hypothèse : le croquis signalé
pourrait bien être un dessin original de Germain Pilon.
Si l'étude minutieuse de la facture, l'examen du papier,
le rapprochement du dessin anonyme, des dessins signés,
conduisent à une conclusion affirmative, ce document, en
dehors de sa valeur d'art, offrira 1 avantage d'authentiquer
deux morceaux de sculpture attribués à Germain Pilon.
Dans le cas contraire, il donnera au moins des renseigne-
ments sur la disposition première — ou projetée — du
monument d'où proviennent ces débris.
Il s'agit des deux figures d'ange qui ornent la cheminée
de la salle Victor Schœlcher à l'Ecole des Beaux-Arts.
Ces anges faisaient originairement partie du mausolée de
Michel de l'Hôpital, dans la paroisse de Vignai, près
d'Etampes. Cette tradition vient de Lenoir qui avait exposé,
dans son Musée des monuments français, une restauration
plus ou moins fantaisiste de ce tombeau.
Or — et, ici, il y a certitude — les deux génies funèbres
figurés sur le dessin de l'Institut sont, traits pour traits,
la représentation fidèle des deux anges de l'Ecole des Beaux-
Arts.
C'est pourquoi ce croquis nous a semblé digne d'attirer
l'attention de l'Académie et, en même temps, d'être cité
comme un exemple de l'intérêt que peuvent présenter cer-
tains des dessins conservés à la Bibliothèque de l'Institut.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les publications
suivantes :
The (ledication of the Librarij of French Thourjht (University of
California, Scptember G, 1917). (Berkeley, California, 1918, in-S").
La Revue savoisienrie, 1918, 1'='' trimestre (Annecy, 1918, in-8°).
100 SÉANCE DU 17 MAI 1918
Bulletin de l:i SocitU»^ srifiiti/iciiie, historiqiir cl archrolor/ifiiiP de la
Corrî'zc, tome XL, l'"' livraison, janvier-inai-s IDIH (Hrivc, l'.HH, in-H°).
Atli (IcUh B. Aeciulemia (Ici Lincei, anno CCCXV, 1918 (Roma,
1918, in-i").
Procoedinijii of tite American Philosophiral Socieli/, Vol. LVl, 1917,
fascic. n» 3 à 0 ^Fhiladelphia, 1917, in-H^\).
The List of Ihc Anwric;ui Philosapldcal Society {Ph'ûadi^\ph\i\, 1917,
in-8»).
SÉANCE DU 17 MAI
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret en date du
22 juin 1914, autorisant le Président de Tlnstitut de France à
accepter le leg-s d'une somme de dix mille francs fait par
M"= AUetz (Anne-Élisa-Coralie), veuve de M. Hubert (Gabriel-
Alfred), « pour être appliqué à l'Académie des inscriptions et
belles-lettres ».
Les revenus de cette somme, placée en rente 3 0/0 sur
l'État français, immatriculée au nom de l'Institut de France,
seront annuellement versés dans la caisse de l'Académie pour
être employés conformément au but de son institution,
M. Châtelain, au nom de la Commission du prix Brunet, fait
connaître qu'elle a partagé le prix entre les ouvrages suivants :
1.500 francs à M. Henri Hauser: Les Sources de Vhistoire de
France, wi" siècle (1494-1610), 4 volumes in-S", publiés de 1906
à 1916;
1.000 francs à M. Loviot : Auteurs et livres anciens (xvi'' et
xvn« siècle) (Paris, 1917, in-8°) ;
500 francs à M. Pierre Le Verdier : L'atelier de Guillaume
Le Talleur, premier imprimeur rouennais (Rouen, 1916, in-4°).
M. le D"" Capitan fait une lecture sur les localisations à travers
le monde d'un symbole graphique très spécial qu'il dénomme,
d'après sa forme, l'entrelacs cruciforme
1. Voir ci-après.
1
l'entrelacs cruciforme 197
.MM^ PoTTiER, Babelon el Prou présentent quelques observa-
tions.
M. Salomoa Reinacii traduit et coni mente un passaj^e peu
connu du savant byzantin Psellus (vers 1060 de notre ère), rela-
tif aux mystères du paganisme. Il croit y reconnaître le scénario
d"un mime en dix tableaux qui a pu être joué à Byzance, où les
représentations mimiques n'ont cessé d'être en laveur. Quant
aux détails d'érudition donnés par Psellus, ils sont presque tous
empruntés à un seul chapitre d'un ouvrage de Clément
d'Alexandrie contre les croyances et les rites du paganisme ;
mais l'ordre suivi par Psellus n'est pas le même que dans Clé-
ment et constitue la part d'originalité de ce morceau,
M. Maurice Croiset explique pourquoi il lui paraît difficile de
se rallier à cette opinion.
M. DiEHL ajoute que, pour lui, il croirait bien plutôt que le
passage de Psellus est la description d'un monument figuré à
scènes multiples, une mosaïque par exemple ou une tapisserie.
COMMUNICATION
L ENTRELACS CRUCIFORME, PAR M. LE D'' CAPITAiN.
Parmi les symboles graphiques bien connus en archéo-
logie, il en est un, très spécial, dont nous voudrions établir
l'importance et l'individualité propre. Comme on peut le
voir sur les figures il et 12, sa disposition générale est cru-
ciforme ; il est formé de deux éléments graphiques fermés,
sans commencement ni fin, entrelacés régulièrement.
Inconnu dans rarchéolo°fie chaldéenne et assvrienne
ainsi qu'en Egypte et en Grèce, nous n'en connaissons
qu'un curieux exemple découvert par M. de Morgan, à Suse,
dans les couches de l'époque de NaramSin. La fig. i permet
de s'en faire une excellente idée.
198
l'entrelacs crucifoumr
— -y (^ «"V
Fig. 1. — Sur un relief en asphalte noir. Nécropole de Suse; 2- période.
Époque de Naram-Sin (Mémoires de la Délégalion en Perse, l. XUl,
pi. 37).
Cette figure si particulière de type serpentaire a peut-
être été le point de départ des innombrables entrelacs régu-
liers qui ont abouti, dans la décoration proto-hellénique, aux
o-recques si variées et, en Chine, bien avant l'ère, aux orne-
mentations en forme d'entrelacs réguliers, dérivés de l'en-
roulement serpentaire et où apparaît encore la tête de
l'animal. Malgré la longue distance dans le temps et dans
l'espace, la chose n'est pas impossible, mais nous n'y insis-
terons pas : le champ des hypothèses est trop vaste en l'es-
pèce.
Nous ne parlerons pas non plus de la figure bouddhique
carrée et (jui semble formée d'un grand nombre de petits
entrelacs cruciformes enchevêtrés, si fréquente en Chine
et qu'on retrouve plus tard dans les décorations mérovin-
giennes et même au moyen âge.
Sa formation aux dépens de l'entrelacs cruciforme n'étant
pas indiscutablement démontrable, mais cependant pour
nous très vraisemblable, au moins dans certains cas, nous
ne nous occuperons donc que des figures exactement si-
milaires au prototype et dont on peut constater l'existence
en divers points du monde et à des époques variées.
l'entrelacs cruciforme 199
• Ainsi dans les accessoires bouddhiques on voit fréquem-
ment apparaître une figure continue avec alternances régu-
Fig. 2. — Entrelacs bouddhique. Le croquis montre comment on peut y
retrouver deux entrelacs cruciformes se pénétrant.
Hères du tracé (voir fig. 2), Or le croquis ci-contre
montre que cette irhage nest pas autre chose que la réunion
de deux figures d'entrelacs cruciformes. Certes, ce ne peut
être un hasard, l'image étant assez compliquée. Cette figure
rituelle se retrouve très fréquemment en métal, en jade, ou
brodée sur un grand nombre d'accessoires bouddhiques.
Si nous passons en Amérique, nous retrouvons notre
entrelacs avec sa forme typique, surtout sous les immenses
terrassements des Mounds-builders. Ces populations préhis-
toriques vivaient, surtout dans la vallée du Mississipi, à une
époque malheureusement indéterminée, mais très vraisem-
blablement antérieure au grand développement des civilisa-
tions maya puis aztèque. Les grandes levées de terre qu'ils
construisirent avaient parfois la forme de tumuli et conte-
naient alors des sépultures. C'est surtout dans celles-ci
qu'on a recueilli des vases en terre assez grossière ou des
plaques en coquille portant la figure de notre entrelacs ; tel
ce vase dont toute la panse (décorée au moyen d'un timbre
ou dune roulette) a sa surface complètement recouverte par
200
i/entrei.acs cruciforme
des petites li"-uros de l'entrelacs soit isolées, soit accolées ou
parfois enchevêtrées. La ii^. 3 montre l'aspect de ce vase, et
la fii;-. i le détail de cette ornementation. Sur d'autres vases,
Fip. 3. — Vase provenant de Holly-
wood Mound (Géorgie) (d'après
Cyrus Thomas, 12» Annual report
of Ihe Bureau of elhnology, 1890-
91, pi. 19).
Fig:. 4. — Détail des entrelacs cruciformes
figurés sur ce vase.
c'est dans le fond qu'apparaît très typique le .susdit entrelacs
(fig. -o). On le retrouve aussi sur des plaques en coquilles
Fig. 5. — Sur un fond de vase
des_Mounds (South Apalachian),
d'après Holmes ;0n the origin of
the Cross Symbol; Proceed. Am.
Aniiq. Soc, oct. 24, 1906).
Fig. 6. — Sur un gorgerin en
coquille. Dans un Mound à
Fains'Island, Tennessee (d'ap.
Wilson, TheSwasti}ia,p. 880).
l'entrelacs cruciforme 201
Nous retrouvons ce même signe sur le linteau d'une
petite porte, aux flancs du grand monticule artificiel que
couronne le temple dit la maison du Nain à Uxmal (Yuca-
tan) (époque maya). C'est là au milieu de la végétation tro-
picale que j'ai pu le découvrir et le photographier (fig. 7).
Fig. 7. — Sur le linteau d'une petite porte, aux flancs du monticule
artificiel supportant le grand temple d'Uxmal (époque maya; Yucatan),
Dans les manuscrits mexicains, il apparaît comme signe
de l'or. Ainsi, dans le Codex Mendoza, on peut voir un or-
fèvre accroupi et soufflant son feu sur lequel apparaît un
disque portant l'entrelacs cruciforme (v. fig. 8 et 9).
Fig. 8-9.
^^^^^"^"Nft)
Image de l'orfèvre mexicain. — A droite, le signe de l'or
(Codex Mendoza).
L'identité est absolue avec le signe qu'on observe fré-
quemment sur divers objets mérovingiens, surtout les bijoux
202 l'entrelacs crlciforme
(comme nous le verrons tout à l'heure). Ce point m'avait
été sii^nalé depuis bien des années par mon rcf^rctlé ami,
l'érudit américaniste Boban.
Or. fait intéressant à noter, si rentrolaes crucilorme se
trouve très typique dans l'Amérique du Nord et l'Amé-
rique centrale (lig. 10), il manque absolument dans l'Amé-
Fig. 10. — Sur un moulin en pierre (metatl.) provenant
de lAmérique Centrale.
rique du Sud. On n'en trouve aucune trace dans les
innombrables décorations des vases et des tissus péruviens.
Gomment interpréter ces faits ? C'est toujours le même
problème de polyg-énie et de monogénie. Faut-il admettre
que l'entrelacs cruciforme a été créé en Amérique identique
à l'entrelacs asiatique, ou au contraire faut-il penser que ce
motif, réellement assez compliqué, a passé de Chine en
Amérique, importé par des commerçants, des émigrés, des
envahisseurs ou des missionnaires religieux venus du conti-
nent asiatique? Nombre de faits de l'archéologie américaine:
objets, motifs décoratifs, éléments ethniques et anthropo-
logiques même établissent d'ailleurs aujourd'hui l'existence
de ces rapports dès une époque fort reculée.
Nous pensons donc, pour notre entrelacs, que l'hypothèse
l'entrelacs cruciforme
203
de son apport d'Asie en Amérique est plus conforme aux
observations qu'une pure hypothèse de création in situ.
Si maintenant nous revenons à l'Occident, nous consta-
tons la fréquence de l'entrelacs cruciforme dans les mo-
saïques romaines de toute provenance (fig. 11 et 12). Il se
Fig. 11. — Sur une mosaïque
d'époque romaine. Fouilles
et Musée de Carmona, près
Séville (Espagne).
Fig-. 12. — Sur une mosaïque
delà maison du poète tragique,
à Pompéi.
présente le plus souvent comme motif décoratif dans la bor-
dure de la mosaïque et sous sa forme typique d'entrelacs
cruciforme avec extrémités arrondies ou carrées (fig. 15).
Fig. 13. — Sur une mosaïque d'époque romaine provenant de Bobadilla
(Espagne).
204 l'entrklacs cruciforme
Tantôt il est isolé, tantôt (comme sur la mosaïque de F>oba-
dilla) l^lig. i;{) il est placé sur un vrai swastiUa ou, comme
sur une mosaïque d'York, on peut voir côte à côte un entre-
lacs sur un swastika, une grecque ayant la i)lus ^rande
ressemblance avec des grecques chinoises anciennes, et
enfin une lig-ure rappelant absolument les entrelacs carrés à
éléments multiples bouddhiques, donnant l'aspect d'un grand
nombre de i)etits entrelacs cruciformes enchevêtrés dont
nous parlions plus haut (%. 14j.
Fig. 14. —Mosaïque d'époque romaine. Musée d'York (Angleterre).
A Saint- Vital de Ravenne, la mosaïque du dallage pré-
sente plusieurs types d'entrelacs cruciformes de formes un
peu différentes (extrémités arrondies ou carrées) (fig. 15).
"i^
Fig. 15. — Mosaïque formant le pavage d'une des chapelles de Saint Vital
à Ravenne.
l'entrelacs cruciforme
205
Dans Tart byzantin, l'entrelacs cruciforme apparaît fré-
quemment avec des entrelacs divers et beaucoup plus com-
pliqués. Le Musée de Kensington conserve un très curieux
suaire copte portant au centre, soigneusement brodé, un bel
entrelacs cruciforme au milieu d'un cadre lui-même entre-
lacé (%. 10).
Fig. 16. — Broderie sur un suaire copte (Musée de Kensington).
A l'époque mérovingienne, il se rencontre fréquemment
sur les bijoux ; on le trouve par exemple sur l'ardillon à
base arrondie ou sur la grande contreplaque de certaines
boucles de ceinture en bronze. Les deux figures suivantes
sont très typiques à ce point de vue. Elles montrent cha-
cune un entrelacs cruciforme, reproduit de façons diffé-
rentes, mais où les caractéristiques de la figure sont indi-
quées de la" manière la plus nette (fig. 17 et 18).
1918
16
20(j
l' ENTRELACS C.lUJCIKOUMt;
i^'^-y-^i
A. B.
Fig. 17-18. — Boucles mérovingiennes -en bronze, avec figuration d'cnlre-
lacs, des cimetières barbares : A. Cimetière d'Ableiges (Seine-et-Oise).
Collection Capitan. — B. Cimetières de la Somme. Collection de Morgan.
Je l'ai retrouvé sur la panse d'un petit vase gallo-romain
assez grossier de basse époque, et qui est conservé au
Musée de Moulins (fig. 19).
Fig. 19.
— Petit vase gallo-romain ou mérovingien en terre rouge. 3/4 gr.
nat. (Musée de Moulins, Allier.)
L ENTRELACS CRLCIFOR.ME
207
Comme pour les mosaïques, on ne peut s'empêcher de
penser qu'il a été importé d'Orient soit par les artistes, soit
plus tard par les envahisseurs barbares.
L'entrelacs cruciforme apparaît d'ailleurs fréquemment
dans les décorations mérovingiennes et carolingiennes en
Gaule, en Grande-Bretagne, en Scandinavie même, mélangé
aux très complexes entrelacs décoratifs, si fréquents à ces
époques, sur lesquels M. de Lasteyrie ' a attiré depuis long-
temps l'attention et qu'a si bien étudiés M. Prou'^. On le
voit subsister encore dans la décoration des monuments
religieux jusqu'au xii^ ou xin° siècle (fig. 20) et même dans
Fig. 20. — Une face d'un cliapiteau du clocher de l'église de Brantôme
(Dordogne), xi° siècle.
la décoration des étcU'es et de la céramique. On voit même
1. R. de. Lasteyrie, L'architecture religieuse en France à l'époque ro-
mane, p. 202-25.
2. M. Prou, Un chancel carolingien orné d'entrelacs (dans les Mémoires
de l'Acad. des inscr., 1912).
208 l'entrelacs CRUClFOnMR
sa ligure accompagner de nombreuses signatures de notaires,
du Sud de la France surtout, dans tout le mo^^en âge.
Mais nous ne voulons pas insister sur ces divers points.
On pourrait bien admettre que la m()ri)liolog'ie est identi(jue
dans certains cas et pourrait en ell'et être considérée comme
une réminiscence inconsciente du i)rototype survivant,
mais devenu un simple motif décoratif. Mais dans d'autres,
comme l'a très justement fait remarquer M. Prou, le pro-
totype d'où dérive l'image calligraplii(jue est simplement
la croix. C est qu'en effet on peait toujours en l'espèce
émettre les mêmes objections que dans toutes les interpré-
tations de l'origine d'un type graphique qui, finalement,
ne peuvent se solutionner que par l'adoption d'origines
multiples, ayant toutes abouti à un graphisme simpliiîé
univoque. C'est un fait d'observation banale dans l'étude
des figures primitives dites dégénérées ou stylisées.
Reste la question de la signification antique de ce signe.
Ici nous sommes en pleines hypothèses. Cependant l'ethno-
graphie nous démontre que la décoration pour le plaisir de
la vue est un processus très évolué et très tardif. Chez tous
les primitifs et même beaucoup d'autres peuples, il n'est
pas une figure graphique qui n'ait une signification voulue
et fort souvent une valeur religieuse ou magique. On peut
donc admettre que l'entrelacs cruciforme a eu, au début
tout au moins, une valeur symbolique religieuse, magique
ou prophylactique. L'origine serpentaire que démontre la
pièce de Suse pourrait se rapporter à un culte chthonien,
tandis que les rapports avec le sw^astika pourraient faire
penser à un symbolisme solaire ou igné. Naturellement
une attribution conventionnelle à un symbole quelconque
varie considérablement suivant l'époque et la population
envisagées. Tel est le cas, par exemple, pour les diverses
figures indiennes dites grivatsa, nandyavarta et le swastika
lui-même qui sont considérées par les bouddhistes djaïnas
comnie les empreintes des pieds de plusieurs de leurs
LIVRES OFFERTS 209
-Bouddhas. Mais si l'on peut admettre, pour Tentrelacs cru-
ciforme, H l'orig-ine, une signification, un sens caché, une
valeur mystique, il est devenu ensuite, ayant été copié et
recopié, un motif décoratif pur et simple à sens oublié qui
a pu engendrer des dérivés complexes. Il est probable que
tel a été le cas sur les mosaïques romaines et les bijoux
mérovingiens, bien que, en pareil cas, il ait pu subsister
encore une idée vague que l'on attribuait inconsciemment
h de telles pièces.
Il va de soi que ces interprétations ne sont que des hypo-
thèses. Nous avons voulu simplement, par le groupement
de quelques observations archéologiques^ montrer l'indivi-
dualité de ce signe et sa curieuse distribution dans le monde
antique.
LIVRES OFFERTS
Le Sf.chktaire perpétuel dépose sur le bureau les périodiques
suivants :
Ancicnt Egypt. 1917, Part IV (Londres, 1918, in-8°).
The American Journal of Archseology . Second séries, volume
XXIM : January-March 1918. ,
Bulletin de la Sociélr historique et archéologique de Langres,
Tome VII (Langres, 1918, in-8'').
La Nation tchèque, 3= année, n» 21-22 (Paris, 1918, in-S").
M. Héron de Villefosse offre à l'Académie plusieurs mémoires
dont il est l'auteur :
1° Une inscription peinte sur un vase romain découvert à Beauvais
(extr. du Bulletin archéologique, 1916j.
2° Deux amulettes trouvées à Carthage (extr. du Bulletin archéolo-
gique, 1916).
3° Statue cuirassée trouvée à Cherchel (Algérie) fextr. du Bulletin
archéologique, 1916).
4° La Messe de saint Leu ; retable de Véglise de Boisdon IMeaux,
1918).
M. Henri Cordiep. a la parole pour un hommage:
« Au nom de notre confrère M. le duc de Loubat, j'ai l'honneur de
210 SÉANCE DU 2'l MAI lîMS
présenter h TAcadémie doux ;ill)uins ront'onnanl un clioix do photo-
graphies consacrées à rarclu'ologio do Oaxuca i^iMexicpie). l'rises pon-
dant les hivorsdo 1897-9801 18',»U-l'J00,ollosmonlronL les oxploralions
et les l'ouilles failes pour le Musée américain d"histoiro naUnollo de
No\Y-York, sous la direction do M. H. Saville. Ces fouilles fiironl exé-
cutées, à la suilo d'une permission accordée au Musée par lé f^ouvor-
nomont mexicain, en présence do M. Léopold Ralros, inspecteur des
monuments. »
SÉANCE DU 2i MAI
PRESIDENCE DE M. HERON DE VII.LEFOSSE.
M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts
adresse au Secrétaire perpétuel rampl:;ition du décret du 15 mai
1918, qui aulorise l'Académie à accepter la donation qui lui a
été faite par M. Nicolas Ambatiélos, armateur à Céphalonie.
M. Paul Girard communique une letli-edeM. Fougères, direc-
teur de l'École d'Athènes, annonçant que les Propylées ont été
débarrassés, dans les premiers jours de mai, de leurs échafaudages.
L'effet est, paraît-il, extrêmement heureux, et la question se
pose, une fois de plus, de la conservation et d'une demi-résur-
rection des ruines par de discrètes restaurations. M. Fougères
compte adresser sous peu, sur le nouvel aménagement de l'entrée
de l'Acropole, une note à l'Académie, avec photographies com-
parées.
M. P. Girard présente, en outre, un nouveau fascicule du
Bulletin de Correspondance hellénique, celui de janvier-août
1916, que M. Fougères est parvenu à faire paraître malgré les
difficultés de toute sorte qu'il a eues à surmonter.
Le Président charge M. P. Girard de remercier ,M. Fougères
et de le féliciter du succès avec lequel il soutient en Grèce le bon
renom de la science française et l'influence de notre pays.
Le P. ScHEiL, au nom de la Gornmission du prix Sainlour,
LIVRES OFFKRTS 211
fa'it savoir qu'elle a partagé le prix entre deux concurrents. Elle
a accordé :
2.000 francs à M. Clément Huart pour la suite de sa traduction
du manuscrit arabe : Le Livre de la création et de l'histoire, par
MoLihhnr hen T.ihir El M/iqdisiJnme V (Paris, lOId, in-S"); et
1.000 francs à M. Biarney pour ses Etudes sur les dialectes ber-
bères du liif (Lexique, textes et notes de phonétique) (Paris,
1917, in-8").
M. Henri Corpier fait connaître les conclusions de la com-
mission du prix Stanislas Julien. Cette commission a évoqué
l'ouvrage intitulé : La Chine et les religions étrangères. Kia-
ou Ki-lio. « Résumé des affaires religieuses », publié par ordre
de S. Exe. Tcheou-Fou. Traduction, commentaire et documents
diplomatiques, appendices contenant les plus récentes décisions,
par Jérôme Tobar (Chang-Haï, 1917), et elle lui a décerné le prix
pour 1918. La Commission est heureuse d'avoir l'occasion de
reconnaître la valeur de l'ensemble des travaux sinologiques de
M. Tobar.
M. HoMOLLE fait une lecture sur la répartition des métopes du
Trésor des Athéniens découvert à Delphes, et établit la place
que chacune d'elles devait occuper sur les différentes faces du
monument.
MM. PoTTiER et Théodore Reixacii présentent quelques obser-
vations.
LIVRES offi<:rts
Le SECRÉTAinE PERPÉTUEL dépose sur le bureau le cahier de
novembre-décembre 1917 des Comptes rendus de l'Académie.
Il présente les ouvrages suivants:
Annuario délia R. Accademia dei Lincei, 1918.
Annales du commerce extérieur, année 1914, 10", 11« et 12*^ fasci-
cules (Paris, 1914, in-8°).
Le P. ScHEiL a la parole pour un liommage :
(( J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de son associé
212 SÉANCE DU 31 MAI 1018
M. Edouard Navui.i:, un uu'nu fascicule liiv du .lournnl of l'J(jiji)li,in
Archaeolocfy, IV, p. iv, 228-2;i;i {Some Gcographical Namcs).
« Entre quatre noies sur divers noms géographiques anciens, il n'est
pas sans intérêt de signaler celle qui concerne le nom de Vl'Jf/i/ple.
Brugsch faisait dériver le mol de hu kn plixli qui est un surnom de
Memphis — comme si celle expression poétique, mysticpie, qui
signifie v( maison du double du dieu Plah », avait pu frap[)er les
étrangers assez, pour être appliquée par eux à l'Egypte toute entière.
« Car ce sont les i^lrangers seuls et non les indigènes qui appelaient
Egypte le pays riverain du Nil.
« Pour M. Naville, il s'agit en réalité du mot Agab, Agahl qu'on
rencontre dès l'époque des Pyramides, et qui signifie inondation,
fleuve d'inondation, et sans doute aussi, pays d'inondation.
« C'est un régime d'eaux particulier qui aura frappé les voyageurs,
c'est le mot iVAgabt que les marchands minéens auront retenu, et
que, allant commercer en Hellade ou en Asie Mineure, ils apprirent
aux compatriotes d'Homère.
« Il est à noter, en efTel, que comme Agaht peut signifier à la fois
et le fleuve et le pays lavé par le fleuve, ainsi Al'yu-io; désigne et le
pays et le fleuve nilotiques. Dans l'Odyssée on lit, XVII, 427 : axT^aa
8'Èv AtyÛTiTfij Tzoxa.[}M v£aç 'a[j.cp!EÀta(ja;. Ulysse amarre dans le fleuve
Egypte ses nefs ballottantes, alors que, d'autre part, dans le chant
IV, 355, Aî'y'jttto; est un pays cité à côté de Chypre. »
SÉANCE DU 31 MAI
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. le chanoine Crépin, au nom de S. E. le cardinal arche-
vêque de Paris, invite l'Académie à se faire représenter à la
cérémonie qui aui'a lieu le 7 juin, à 3 heures, à la basilique de
Montmartre.
M. Prou annonce à l'Académie que la Commission Pellechet
a accordé :
1° une somme de trois mille francs à la commune de Maillot,
près Sens (Yonne), pour la réparation de son église, dont le
g^ros de la construction remonte au xi^ siècle;
SÉANCE DU 31 MAI 1918 213
2" une somme de quatre cents francs au Syndicat d'initiative
de Laroquebrou (Cantal) pour la consolidation de la tour du
château de Laroquebrou (Cantal).
M. Ch.-^^ Langlois donne lecture de son rapport sur le
concours des Antiquités de la France pour 1918 *.
Le Président annonce que l'Académie a décerné le premier
prix Gobert à M. Jules Viard pour son ouvrage intitulé : Les
Journaux du Trésor de Charles IV le Bel (Paris, 1917, in-8''),
et le second prix à M. le baron Gabriel Le Barrois d'Org-eval
pour son livre intitulé : Le Tribunal de la Connétahlie de
France du XIV'> siècle à 1790 (Paris, 1918, in-S").
M. DiEHL communique à l'Académie les conclusions du livre
qu'il a écrit sur les églises byzantines de Salonique, en collabo-
ration avec deux architectes de talent, Marcel Le Tourneau,
mort prématurément, et H. Saladin, et il présente quelques-unes
des belles planches dues à ses collaborateurs, qui accompagnent
l'ouvrage. — Les églises byzantines de Salonique s'échelonnent
chronologiquement du v"^ au xiv" siècle : par les procédés de
construction qui y sont employés, comme par la variété des
plans qui s'y l'encontrent, elles offrent un intérêt extrême. Elles
montrent, en effet, qu'il a existé au moyen âge à Salonique une
véritable école d'art, inspirée, comme celle de Constantinople,
de la tradition hellénistique, mais où se remarquent en outre
certains traits d'un particularisme local très digne d'attention.
Cette école a exercé une grande influence dans toute la Macé-
doine occidentale et jusqu'en Grèce. Et par là, et davantage
encore par la beauté de leur décoration sculptée, par la magni-
fique suite des mosaïques qui les parent, les églises de Salonique
tiennent une place essentielle dans l'histoire de l'art byzantin.
M. Léger pose une question à M. Diehl au sujet de l'église
Saint-Démétrius.
M. PoTTiER commence la lecture d'un travail de M. Dussaud,
conservateur au Musée du Louvre, actuellement chef d'esca-
drons d'artillerie, sur le Cantique des Cantiques.
1. Voir ci-après.
2 1 i
APPENDICE
RAPPORT SUR LE CONCOURS DES ANTIQUITÉS DE LA FRANCE DR
1918 ; LU PAR M. CII.-V. LANGLOIS, MEMHRE DE l'acADÉ-
MIE, DANS LA SÉANCE DU 31 MAI 1918.
Les circonstances tras^iques que nous traversons ag-iront-
elles, à la longue, pour diminuer le nombre ou la valeur
des ouvrages présentés aux concours académiques ? C'est
une question qu'on peut se poser. Mais il est probable a
priori, et l'expérience déjà acquise confirme, qu'il faut dis-
tinguer. Le nombre des ouvrages présentés? Il est, il sera
sans doute moindre que par le passé, et rien de plus
naturel puisque tous les hommes jeunes et dans la force de
l'âge ont maintenant d'autres devoirs. Quant au niveau, il
n'v a pas de raison pour qu'il baisse, et d'autant plus que,
pendant longtemps encore, les ouvrages présentés aux
grands concours, qui sont tous de longue haleine, ont été
commencés et en majeure partie exécutés avant la guerre ;
les efforts qu'ils représentent aboutissent dans l'immense
bouleversement auquel nous assistons, mais ils ont été
conçus et accomplis dans la paix.
Le concours des Antiquités de la France pour cette année
illustre fort bien ce qui précède. Ce concours, naguère si
encombré, n'a réuni en 1918 qu'un nombre relativement
restreint de concurrents. Mais la Commission n'a pas été
embarrassée pour décerner, conformément aux traditions de
l'Académie, ses plus hautes récompenses : cette première
et cette seconde médaille si estimées pour n'avoir jamais
honoré que des travaux excellents.
La première médaille a été attribuée au Dictionnaire
fopof/raphique, historique, biographique, généalogique et
héraldique du Vendômois et de l'arrondissement de Veii-
CONCOURS DES ANTIQUITÉS NATIONALES 215
dôme, par M. R. de Saint-Venant, président de la Société
archéolog-ique du Vendômois(^Blois et Vendôme, 1912-1917,
4 vol. in -8"). — Le plan de cet ouvrage a été calqué sur
celui du Dictionnaire d'Indre-et-Loire de Carré de Busse-
rolle et n'est pas sans analogie avec celui du Dictionnaire
de Maine-et-Loire de Célestin Port : livres excellents,
monuments durables, qui sont vraiment des bienfaits pour
les régions qu'ils concernent. L'idéal serait qu'il existât,
pour tous les pays de France, des répertoires analogues de
données exactes. Mais de telles œuvres ne s'improvisent
pas. Celle-ci, qui intéresse 109 communes seulement, est
restée sur le chantier pendant près de trente ans, ayant été
commencée par le père de l'auteur, mort en 1886, reprise
d'abord par M. de Rochambeau, et ensuite, depuis 1890,
par celui qui, sans défaillance, l'a menée à bien, après en
avoir fort élargi le cadre primitif. Ce cadre est très vaste,
et davantage encore qu'il ne paraît au premier abord, car le
mot archéologique ne figure pas dans le titre, et l'archéo-
logie, naturellement liée à la topographie et à l'histoire,
n'est cependant pas exclue. Plus complet à cet égard que
le répertoire de Carré de Busserolle, le Dictionnaire de
^L de Saint-Venant ofYre la nomenclature des lieux dits,
relevés sur le cadastre ; des listes de dignitaires de toutes
sortes ; les noms et la généalogie des familles qui ont
possédé dans le Vendômois une terre, un fief, une simple
seigneurie ; etc. — La Commission a grandement appré-
cié le parti pris de sobriété qui a permis à l'auteur de
remplacer les développements faciles, qui auraient été
si tentants pour un érudit moins sage et moins expérimenté,
par des renvois précis aux ouvrages antérieurs, de façon à
réserver la plus large place aux renseignements nouveaux,
directement extraits des archives publiques et particulières.
Elle a constaté et admiré enfin la conscience acharnée d'un
savant qui, malgré l'afTaiblissement de sa vue, auquel il fait
une allusion discrète, s'est attaché à perfectionner son
210 CONCOURS DKS ANTIQUITI^IS NATI0NALF:S
ouvrajjfe jus(ju"au dernier moment, comme l'attestent les
errata et les addenda du t. IV ; el aussi la touchante,
modestie qui lui fait dire, après tant de services rendus, à
la fin de sa préface : « Pour la plupart des lieux indiqués,
ce travail n'est qu'une amorce. »
La seconde médaille revient k M. G. Mollat, qui a entre-
pris une nouvelle édition des Vitae paparuin Avcnionen-
siiim d'Etienne Baluze. dont le t. I'^''' a paru en 1910, et
qui a publié en 1917 une Étude critique complémentaire
sur ces Vitae. — ■ On sait que le célèbre ouvrage de Baluze,
daté de 1693, commence par des extraits de chroniques,
relatifs aux Vies des papes d'Avignon, de Clément V à
Clément VII ; ce sont ces extraits, découpés pur Baluze
dans des œuvres dont quelques-unes sont considérables
par ailleurs, que M. Mollat a rééditées d'abord, — Il va de
soi que c'est dans sa réédition, fort améliorée, que l'on
devra consulter désormais ces textes dont on a souvent
l'occasion de se servir. Le premier éditeur n'avait pas
indiqué les manuscrits dont il avait usé, ni signalé les cor-
rections qu'il avait introduites ; il n'avait pas non plus
disserté sur la provenance des écrits anonymes, sur les
rapports de filiation entre les diverses chroniques, etc. Tous
ces travaux d'aménagement, que les usages de son temps
n'exigeaient pas de Baluze et qui sont aujourd'hui consi-
dérés, avec raison, comme indispensables, M. Mollat les a
exécutés de son mieux, avec beaucoup de soin. Sa réédition
marque donc un progi^ès très sensible. Mais est-elle irré-
prochable? L'entreprise était si malaisée que cela serait
extraordinaire. Des réserves ont été faites dans la Commis-
sion au sujet de quelques-unes des dispositions adoptées
par l'auteur, qui pourraient être plus commodes, et même
au sujet de certaines de ses conclusions qui ne paraissent
pas de nature à être considérées comme des acquisitions
désormais définitives en historiographie. On a, du moins,
loué unanimement la peine qu'a prise M. Mollat pour
LIVRES OFFEKTS 217
mettre le lecteur en état de vérifier et, au besoin, de reviser
toutes ses affirmations. Et la Commission exprime le vœu
que Tœuvre conçue avec tant de courag-e et si honorable-
ment amorcée soit conduite, le plus tôt possible, à bonne
lin.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les périodiques
suivants :
Bullelin de la Société des sciences historiques et naturelles de
V Yonne. Année 1917. 1" semestre, 71« vol. (i" de la 0" série).
(Auxerre, 1918, in-8°) ; puis cinq publications de YAcademia das
Sciencias de Lisbonne :
Actas das Assenibleias geraias. Vol. III. (1911-1912) (Lisboa, 1910,
in-8°);
Boletini da 2^ Classe. Actas et pareceres estudos, documentas e noti-
cias. Vol. IX(1914-191o). (Lisboa, s. d. in-8») ;
Historia e memôrias. Nova série. Segunda classe. Sciencias moraes,
politicas et bêlas letras. Tome XIV, n° 4 : As superstiçdes et o crime,
par Visconde de Carnaùde (Lisboa, s. d. in-4"') ; Tomo XIV, n° 5 :
Privilégios de estrangeiros em Portugal..., par Vitor Ribeii'o
(Coimbra, 1917, 10-4°).
Boletini bibliogràfico da Academia ... de Lisboa. Primeira Série.
Vol. I (Coimbra, 1910-1914, in-4'').
M. Henri Cordier offre à l'Académie, de la part de M. le duc de
LouBAT, son associé, un album des photographies des fouilles
faites aux ruines de Mitla, Mexique, pendant l'hiver de 1901, par
l'expédition faite à ses frais par le Musée américain d'histoire natu-
relle de New-York, sous la direction de M. H. Saville. Les deux
principaux groupes de ces ruines, groupe des tombes cruciformes
et groupe du temple des colonnes, ont été déblayés, et on a décou-
vert sous le temple une nouvelle chambre cruciforme qui est la plus
grande et la mieux conservée des chambres cruciformes deOaxaca;
des panneaux de mosaïques ont été également découverts.
M. Clermont-Ganneau présente à l'Académie, de la part de
M. Vassel, le n" VIII de aes Etudes puniques (extr. de la Revue tuni-
218 LIVRES OFFKKTS
sienne). L'auteur y fail connaître divers monuments cpigraphiques ou
aucpig-raphi([ues, provenant de Carthage, et il les commente avec sa
sagacité habituelle. On y remarcjue, entre autres, une petite stèle'
funéraire représentant — chose rare à ("-arthage — la défunte elle-
même (probablement une prêtresse) appelée Ilannihal : c'est le troi-
sième exemple dune femme portant ce nom fameux ; dans les trois
cas, le nom présente une variation orthdgraphicpie intéressante
(alTaiblissement du het en he).
M. Théodore Reinach présente de la part de l'auteur, M. Raymond
Wcill, un ouvrage en deux volumes intitulé: Lu /in du rnoijcn empire
é(jijpLien (Paris, 1918, in-8°).
COMPTES RENDUS DES SEANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 7 JUIN
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. E. PoTTiER achève la lecture du mémoire de M. R. Dussaud
sur le Cantique des Cantiques attribué à Salomon. L'auteur a
montré que, dans l'état actuel du poème, on ne pouvait pas y
découvrir une disposition logique ni même bien intellig-ible.
C'est qu'en réalité il y a quatre petits poèmes qui ont été mêlés
et dont les couplets s'enchevêtrent. En les séparant les uns des
autres d'après des observations fondées sur le sens, le style et le
rythme, on arrive à constituer une série de chants lyriques qui
pouvaient être récités dans des banquets ou dans des fêtes : le
poème du roi, le poème du berger, le premier poème du bien-
aimé, le second poème du bien-aimé. Quelques fragments divers
restent encore isolés après ce triage. Les poèmes ainsi agencés
prennent, dans l'hypothèse de M. Dussaud, une physionomie
toute différente et offrent une composition claire qui en augmente
singulièrement la valeur et l'intérêt.
M. le co.lonel comte de Castries, communique le facsimilé
de l'acte d'intronisation du sultan du Maroc Moulai' Abd-el-
Aziz. 11 explique à ce propos ce que sont ces actes d'inlronisa-
220 M VUES OFFliRI'S
tion, appelés Heïâ, les éléments dont ils se composent et la façon
dont ils sont rédigés. Ce sont des actes solennels par lesquels
les sujets confèrent au souverain le droit de les gouverner.
LIVRES OKFiaiTS
Le SECRÉTAinE PERPÉTUEL, au nom de M'"' D. Menant, fait hom-
ma"e à l'Académie des volumes qu'elle offre en mémoire de son
père pour la Bibliothèque de l'Institut :
Essai sur la philosophie orientale. Leçons professées à la Faculté
des lettres de Caen pendant l'année scolaire 1840-1841, publiés
avec son autorisation i)ar Joacliim Menant (Paris, 1842, in-S").
("Volume d'épreuves avec corrections par X. Charma.)
Recueil de travaux de J. Menant sur Vélectricilé, avec des lettres de
son ami le C"' Th. du Moncel.
Mody, Anquetil Duperron and Dastur Darah (Bombay, 1916, in-8'').
M. D. Menant, Anqueiil-Duperron à Surate (extrait de la Biblio-
thèque de vulgarisation du Musée Guiinet, t. XX, 1907).
M. D. Menant, Observations sur deux manuscrits orientaux de la
Bibliothèque nationale (extrait du Journal Asiatique, années 1911 et
1913).
Le Secrétaire perpétuel dépose en outre sur le bureau les
ouvrages suivants :
Edw. Percy Robinson, The great menace of civilization : cancer,
cause, prévention, cure (New- York, 1918).
London University Gazette. Vol. XVII, n» 200, 29 mai 1918, avec un
supplément.
Journal of the Royal Institute of British Architects. Vol. XXV,
Third Séries, n» 7, mai 1918 (London, 1918, in-4°).
M. Henri Cordier a la parole pour un hommage :
a Au nom de l'auteur, M. Léon Vallée, conservateur adjoint à la
Bibliothèque nationale (section des Cartes), j'ai l'honneur de faire
hommage à l'Académie du Catalogue des vélins de la section des
Cartes dont il est l'auteur. Ce travail utile et méritoire, autographié à
un petit nombre d'exemplaires, comprend 292 numéros. Il forme un
supplément à la collection des volumes sur vélin du département
SÉANCE DU 14 JUIN' 1918 221
des. Imprimés qui atteignait un total de 2227 articles dans l'inventaire
de Van Praet en 1828 et montait à 2588 numéros en 1877, dans le
Supplément de Delisle, qui ne renfermait pas les vélins de la section
des Cartes et Plans. »
SÉANCE DU 14 JULN
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. le lieutenant-colonel Andrieu, auteur d'une étude sur Les
pleurants aux tombeaux des ducs de Bourgogne, oirerte à la
séance du l*^"" mai 1914, annonce à l'Académie qu'on a retrouvé
un nouveau pleurant dans la collection de M. Perret-Carnot, à
Cercy (Saône-et-Loire).
M. Ch. de La Roncière, conservateur à la Bibliothèque natio-
nale, a découvert une relation de voyage jusqu'ici inconnue,
datée de loasis du Touat et de l'année 1447. D'un intérêt capital,
c'est la première relation européenne qui donne des détails cir-
constanciés sur l'intérieur de l'Afrique occidentale. xAntonio
Malfante, de Gênes, essayait à Tamentit, dans le Touat, des opé-
rations commerciales que la demande d'une commission de
100 "/o par les intermédiaires arabes et juifs rendit impossibles.
Là, les lingots et les barres de cuivre apportés par les caravanes
de la côte et qui servaient de monnaie aux nègres, étaient
échangés contre la poudre d'or venue de Tombouctou ou le
beurre végétal produit par des arbres du bassin du Niger. Mais
les pirateries des Touaregs, dont Malfante trace un joli portrait
en les appelant des Philistins, nuisii-ent aux transactions. Mal-
fante était Ihote, à Tamentit, d un puissant personnage, pro-
bablement le cheikh, qui avait acquis des richesses en par-
courant pendant quatorze ans le bassin du Niger, et dont le frère
était établi depuis trente ans à Tombouctou. C'est d'après les
récits de son hôte que Malfante décrit le bassin du Niger, avec
ses empires musulmans et, au Sud, ses pays fétichistes, bref ce
qui est devenu l'Afrique occidentale française.
M. Théodore Reinagu présente quelques observations.
1917 16
222 skam:I': du 21 juin l'JIH
L1\'RES OFFERTS
Le StccuKTAïuK piiiiPKTUKL déposo suf le !)iiie;ui :
Un ouvrage de M. le chanoine Mengasson, intitulé : Archidiocèse
de Bourges. Publication du Pouillr de 1772 et du Slilus [incu-
nable) de 1499 (Bourges, s. d., in-S").
Encyclopédie do rhluni, 24'' livraison (Paris et Leyde, l'.»18,
in-8«).
Bévue de l'histoire des religions, t. LXXVI, n" 3, nov.-déc. 1017 et
t. LXXVII, n» 1, janv.-fév. 1918 (Paris, 1917 et 1918, in-8»).
Proceedings of the Boyal Society 'of Edinburgh, vol. XXXVIII,
part. I, p. 1-96 (Edinburgh, 1918, 111-8°).
Atti délia B. Accademia dei Lincei. Anno CGCXIV, 1917, Série
Quinta. Notizie degli Scavi di antichità, vol. XIV, fasc. 10, 11, 12 (e
Indice del volume) (Roma, 1917, in-4°).
M. Clermont-Ganneau a la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie de la part de l'auteur,
M. Vassel, un extrait du Bulletin archéologique du Comité des tra-
vaux historiques contenant une Note sur dix-neuf inscriptions
puniques de Carthage. Ces inseripVions, demeurées juscpi'à ce jour
inédites, proviennent des fouilles exécutées en 1910 à Carthage, à
l'îlot dil « de l'Amiral », par le capitaine Chardenet et le lieutenant
Simonnet. Ce sont des dédicaces à Tanit et à Baal Ilammon, rédigées
selon la formule ordinaire et ne présentant pas d'intérêt particulier. »
SÉANCE DU 21 JUIN
PRÉSIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. Pierre Paris, correspondant dé rAcadémie, annonce l'en-
voi prochain d'un rapport sur les fouilles de Bolonia, inter-
rompues après une fructueuse campagne de trois mois. Tout
un quartier industriel de la ville maritime a été exhumé, et plus
de cinq cents tombes ont été fouillées dans la nécropole. Ici et
là, beaucoup d'objets intéressants ont été recueillis, et un grand
nombre d'inscriptions et de gralïîti ont été relevés. M. P. Paris
espère que l'École des hautes études hispaniques sera prochai-
nement mise à même de reprendre les fouilles.
SÉANCE DU 21 JUIN 1918
223
M. Ph. Fabia, correspondant de l'Académie, envoie la photo-
graphie d'une épitaphe chrétienne découverte à Francheville-le-
Haul, dans les environs de Lyon, en creusant pour les fondations
du nouveau presbytère.
224 SÉANCE DU 21 juiîs 1918
La tablette de marbre, à l'ace sensiblement trapé/oïclale, qui
porte l'épitaphe, mesure Om. 33 et Oni. 'M) en larj^cur, 0 in^'2'2
en hauteur, 0 m. 035 en épaisseur. La hauteur des lettres varie
entre Om. 03 et 0 m. 015.
M. Fabia lit : In hoc lumulo requ[i)escit hone memorifte
Pascasius qui uixil in pace annus [quinquacjinta ?) ménsis (duo)
obief sub diae {ocfauo) K{a)l{en)d{as) nouenibris lustino u[iro)
c[larissimo) con{su)l{e).
« Parmi les inscriptions chrétiennes de Lyon et des environs,
ajoute iM. Fabia, il y en a beaucoup qui sont datées d'un post-
consulat de Justinus ; mais il ne s'en était encore trouvé aucune
qui fût datée de son consulat même, c'est-à-dire de 540 .»
M. Paul Girard communique une nouvelle note de M. F'ou-
gèressur l'aspect que présentent les Propylées, dégagés des écha-
faudages qui y avaient été dressés en vue d'une restauration par-
tielle commencée en 1910 '. Cette note est accompagnée de deux
photographies, dues à M. Chamonard, le précieux collaborateur
de M. Fougères, et d'un bref commentaire, qui signale : 1" l'im-
pression de majesté rendue à la face lilst des Propylées par le
départ de ce fronton que l'esprit complète sans peine ; l'entable-
ment reconstitué sur une longueur de quelques mètres rend l'or-
donnance intelligible, et en fait ressortir l'imposante simplicité ;
2° cette silhouette triangulaire s'harmonise admirablement, d'une
part, avec le fronton Ouest du Parthénon, d'autre part, avec les
silhouettes lointaines du fond de paysage, toutes en pics qui
semblent moutonner à l'horizon (^Egaléos, Salamine, monts de
Mégare, etc.) ; 3° cette heureuse tentative est encourageante et
invite à entreprendre le relèvement des colonnes du Parthénon.
M. Victor Segalen, de retour d'une mission militaire en Chine,
rend compte des dernières découvertes archéologiques qu'il a
été à même d'effectuer dans ce pays, et qui viennent compléter
exactement, dans l'histoire de l'art chinois, et en particulier de
la grande statuaire profane, ses voyages de 1914 (mission
Gilbert de Voisins, Lartigue et Segalen) et sa première explora-
1. Voir ci-dessus, p. 210.
SÉANCE DU 21 JUIN 1918 225
tion de 1909. Il restait, après la récente découverte de la sta-
tuaire sous les Han antérieurs (ii" et f^ s. avant l'ère chrétienne)
et de celle des T'ang- (vn*^, viii*^ et ix" s.), à combler l'espace inter-
médiaire. — Les statues des Leang- (v® et vi'' s.) et des dynasties
voisines viennent occuper ce vide. Pour la première fois, on
peut voir étalé ou cité, dans une série chronologique continue,
tout ce que Ton connaît actuellement de témoins de la grande
sculpture de la Chine antique. Elle se résume en ces trois grandes
écoles : Han, Leanget Tang. — Le reste (Song, Ming et Ts'ing),
seul cité jusque dans ces dernières années, n'est que la déca-
dence rapide des époques pi'écitées.
M. Segalen écarte délibérément, non de ses études, mais de
l'histoire authentique de l'art purement chinois, tout ce qui se
réfère au bouddhisme, — art encombrant, insistant, déplacé
dans la Chine ancienne, où, surtout au point de vue de la scul-
pture sur pierre, il s'avère un art de seconde main, d'importation
et d'imitation.
Il rend hommage, avant tout, à M. Edouard Chavannes,
dont l'Académie et la science française avaient il y a quelques
mois à déplorer la perte, et dont les travaux et l'initiation ont
permis à la sinologie française de s'engager dans une voie de
recherches nouvelles dont on aperçoit maintenant toute la fécon-
dité.
M. Franz Cl mont, associé étranger de l'Académie, fait une
communication sur une letti'e grecque, adressée à un empereur
romain, qui a été partiellement éditée en 1878 par l'helléniste
Charles Graux d'après un manuscrit de Madrid et publiée au
complet par le regretté Pierre Boudreaux, peu avant la guerre
où il devait périr dès 1914. L'auteur de cette épître raconte
comment, étudiant la médecine à Alexandrie, il se rendit à
Diospolis ou Thèbes et y reçut d'Esculape la révélation des
véritables propriétés des douze plantes du zodiaque et des sept
plantes des planètes. Le Mntrilensis attribue ce curieux morceau
à un certain Harpocration, qu'on plaçait soit au iv*^ siècle, soit
au n^. lue traduction latine du moyen âge, conservée dans un
manuscrit de Montpellier, et un extrait byzantin permettent
d'établir qu'en réalité cette lettre a été écrite par le médecin
226 SÉANCE nu 28 juin 1918
Thessalus de Trallos, charlatan raincux (|ui cvil la vopiie à Honie
sous le règne de Néron, et elle acquiert ainsi une valeur nou-
velle.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau : Journa.1 of the
Royal Institute of Brithh Architects. Tome XXV. Third Séries, n. 8,
June 1918 (London, 1918, in-4°).
SÉANCE DU 28 JUIN
PRESIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE.
M. Théodore Reinach communique une copie prise par M. de
Ricci à Vicence d'un fragment d'inscription grecque sur marbre.
M. Reinach montre qu'il s'agit d'un texte copié en 17o() par
Fourmont à Athènes et qu'on croyait perdu : c'est un duplicata
d'une inscription célèbre, un décret athénien de l'an 2(0 après
J.-C, relatif à la procession des éphèbes pendant la fête éleu-
sinienne. La copie de M. de Ricci, meilleure que celle fie P^our-
mont, donne lieu à diverses observations intéressantes pour les
philologues.
M. Edouard Cuq signale une nouvelle interprétation de l'ins-
cription de Volubilis proposée à l'Académie des sciences de
Turin par M. de Sanctis. Claude aurait accordé aux lial)ilants
de la ville cinq privilèges, entre autres la cité romaine qu'ils
n'avaient pas encore et des incola'. Ces incohi' seraient, non pas
des personnes originaires d'une autre cité et qu'on cherche à
attirer à Volubilis en leur promettant certains avantages, mais
des tribus indigènes placées d'office sous la dépendance juri-
dique et économique du municipe romain créé par Claude.
M. Cuq indique les raisons qui ne permettent pas d'accueillir
cette interprétation. Elle donne au mot incolx un sens qu'il n'a
MOÏE COMPLÉMENTAiRE SUR l'iNSCRIPTION DE VOLUBILIS 227
pas en l'absence du qualificalH' -confrihnti ; elle n'explique pas
comment Tempereur aurait eu à statuer sur les successions de
citoyens morts pérégrins '.
M. Th. Reinach présente quelques observations.
COMMUNICATION
NOTE COMPLÉMENTAIRE SUR L INSCRIPTION DE VOLUBILIS,
PAR M. EDOUARD CUQ, MEMBRE DE l' ACADÉMIE.
L'inscription de Volubilis, découverte au Maroc, en 1915,
par le lieutenant Louis Châtelain, a déjà été commentée
devant vous à divers points de vue. Notre président,
M. Héron de Villefosse, en a fait ressortir l'intérêt histo-
rique ^ : j'en ai montré l'intérêt juridique en étudiant la
clause relative aux successions vacantes des citoyens tués à
l'ennemi •'.
Dans une note récemment communiquée à l'Académie
de Turin % M. de Sanctis s'est occupé des bénéficiaires
des privilèges concédés par Claude sur la demande de
Valerius Severus, le vainqueur d'^demon. 11 a proposé
une interprétation nouvelle du mot incolœ. Comme cette
interprétation modifie sensiblement les conséquences qu'on
avait déduites de l'inscription, il me paraît utile de la si-
gnaler et d'en examiner la valeur.
D'après M. de Sanctis, les privilèges accordés par Claude
concernent une seule catégorie de personnes et non pas
deux, tous les compatriotes de Valerius Severuset non pas
1. Voir ci- après.
2. Comptes rendus de l'Acadi'iiiie des inscriiilinns et helles-lellres, 1915,
p. 395.
3. Ibid.. 1016, p. 2til. -Jsl : Journal des Savants, 1917. p. 4sl et 538.
4. Atti délia R. Accademia délie scienzc di Torino. 17 mars 1918,
t. 53, p. 453-458.
228 NOTE COMPLÉMENTAIRE SUR l'iNSCRIPTION DE VOLUBILIS
les citoyens romains de Volubilis et les incolœ, comme on
l'avait pensé jusqu'ici. C'est pour ses compatriotes {suis)
que Valerius aurait obtenu de l'empereur la cité romaine
qu'ils n'avaient pas encore, et cette faveur eut pour résultat
la transformation de la commune pérégrine en municipe
romain. A ce municipe auraient été rattachées un certain
nombre de tribus indig'ènes du voisinage : ces tribus sont
désignées par le mot incolas. C'est à tort qu'on a corrigé
le texte de la ligne 14 en lisant incolis ; l'accusatif est com-
mandé par le verbe inipctravit, comme tous les autres accu-
satifs indiquant les privilèges accordés par l'empereur.
Telle est la thèse de M. de Sanctis : elle souffre bien des
objections. La lecture incolas bona civiiim .. . suis inipeiravit
a de quoi surprendre : on n'obtient pas des personnes
comme on obtient une succession vacante ; l'empereur
n'en dispose pas à son gré. Les incolx, qui viennent
s'établir dans une région autre que celle de leur origine,
font un acte qui dépend de leur libre volonté.
L'auteur affirme, il est vrai, que le mot incola n'a pas ici
sa signification ordinaire ; il s'appliquerait uniquement à
ceux que la loi de Genetiva Julia (c. 103) qualifie contri-
huti. C'est une assertion sans preuve ; il n'y a pas
d'exemple de contrihuti désignés par le seul nom à'incolse,
et cela se conçoit, car les contrihuti sont tout autre chose
que des incolœ. Ce sont, non pas des personnes qui viennent
isolément se fixer dans une cité, mais des peuplades
{ff entes) ou des localités [castella^ conciliahula) attribuées
par l'autorité administrative à une ville autonome et, sous
l'Empire, aune cité de citoyens romains. Elles sont placées
sous la juridiction des magistrats de la cité et assujetties
au paiement de certaines redevances. Le mot attrihuere ou
conlrihuere est le terme technique pour désigner lacté qui
les subordonne à une cité déterminée. Claude l'emploie
dans le décret de l'an 46 [Corp. inscr. lat., V, o050) par
lequel il statue sur la condition des Anauni et autres
NOTE COMfLÉIMENTAIRE SUR l/iNSCRIPTION DE VOLUBILIS 229
quorum pariem...adtribuéam Tridentinis, pariem ne adtri-
butam quidem arç/uisse dicitur. Si, dans sa décision en
faveur de Volubilis, il avait entendu parler de ces conlri-
buti, il n'aurait pas omis de le dire ; il n'aurait pas non
plus omis d'indiquer nominativement les tribus rattachées
par lui à la cité de Volubilis. Ajouterai-je que si l'on
admet que le municipe romain n'est pas antérieur à la dé-
cision de Claude, on se heurte à une autre objection ?
Claude aurait subordonné des tribus à un organisme encore
inexistant.
Mais, dit M. de Sanctis, s'il s'agissait d'incolse au sens
ordinaire du mot, comment croire que Claude ait promis
d'avance et à la légère la cité romaine à des pérégrins rési-
dant aux frontières extrêmes de l'Empire, alors qu'en 46,
il ne l'accorde qu'à regret aux Anauni attribués au muni-
cipe de Trente? La réponse est facile : la situation n'est
pas la même. Dans notre inscription il s'agit d'un muni-
cipe de formation récente, tandis que le municipe de Trente,
d'abord Latin, avait reçu la cité romaine un siècle plus
tôt, en 705. Rien d'étonnant que, dans ce laps de temps,
des abus se soient produits et que des pérégrins aient
usurpé le droit de cité. Devait-on appliquer la loi qui punit
sévèrement ce délit ? Claude, d'après Suétone (c. 25) n'hési-
tait pas à prononcer en pareil cas la peine capitale : civi-
tatem romanam usurpantes in campo Esquilino securi
percussit. Mais il fallait que la violation de la loi fut cer-
taine, ce qui n'était pas le cas des Anauni. Animadverfo,
dit-il, non nimium firmani id genus honiinum habere civi-
tatis romanse originem, tamen curn longa usurpatione in
possessionem ejus fuisse dicitur et ita permixtum cum Tri-
dentinis, ut dedtici ab is sine gravi splendidi rnunicipi
injuria non jjossit, patior eos in eo jure in quo esse se exis-
timaverunt permanere bénéficia meo. Et il motive sa tolé-
rance par les services rendus dans la garde prétorienne et
dans l'exercice des fonctions judiciaires. La décision de
230 NOTE COMPLÉMENTATRK SUR l'iN8C.RIPTI0N DE VOLUBILIS.
Claude qui contirme en bloc la situation de fait des Anauni,
bien que leurs titres à la cité romain»» ne soient pas trop
solides, est conl'onne aux idées de cet empereur sur l'ex-
tension du droit de cité. Il en est de même de la décision
relative aux incolx de Volubilis. C était une mesure de sage
administration, surtout aux contins de l'Empire : elle avait
pour but de rallier les indigènes à la cause de Rome et de
combler les vides dans un municipe dont la population
avait été fort éprouvée par la guerre.
Il n'est donc pas démontré que les incolse de Volubilis
soient des contvihuti. Il est même très probable, comme le
pensent plusieurs éditeurs, que la loi de Genetiva Julia a
distingué les contributi des incolse et qu'il faut lire, au cha-
pitre 103, incolasque conti'ibutosque, car au chapitre 126
elle donne au mot incolse sa signification habituelle en le
rapprochant de deux autres catégories de résidents volon-
taires, les hospites eiles adventores.
Voyons maintenant s'il est exact de prétendre que les
compatriotes de Valerius Severus n'avaient pas, avant sa
légation à Rome, la cité romaine. Deux passages de l'ins-
cription prouvent, à mon avis, le contraire : d'abord celui
qui concerne bona civium bello interfectorum. Si ces per-
sonnes tuées à l'ennemi ne sont pas des citoyens romains,
leur succession est régie par la coutume pérégrine et non
par le droit romain ; la mission confiée, de ce chef, au légat
aurait été sans objet; l'empereur n'avait pas à statuer sur
la succession de citoyens morts pérégrins. De même, la
concession du connhium avec les femmes pérégrines n'au-
rait pas déraison d'être pour les femmes habitant Volubilis
au moment où la décision impériale est intervenue ; mariées
ou non, elles auraient acquis, comme les hommes, le droit
de cité et avec lui le conuhium. Il n'en est pas ici comme
pour la concession de la cité aux vétérans, d'après les di-
plômes militaires : le droit de cité accordé à un soldat péré-
grin au moment de son congé est une faveur personnelle ;
NOTE COMI'LÉMENTAIKE SUR l'iNSCRIPTION DE VOLUBILIS 231
une clause spéciale est nécessaire pour lui conférer le
conuhium avec la femme pérégrine qu'il a épousée ou celle
qu'il épousera dans la suite.
En terminant, je signalerai une autre conséquence de
l'interprétation de M. de Sanctis. En refusant de donner au
mot incola sa sig-nification ordinaire, celle qu'il a dans tous
les textes où on l'oppose au mot civis ou municeps par
exemple dans le chapitre 53 de la loi de Malaga, l'auteur
est obligé de dire que l'immunité temporaire accordée, par
Claude n'est pas Texemption des m^z/iez-a. Ce serait, d'après
lui, l'immunité du sol, l'exemption de l'impôt foncier pen-
dant dix ans. D'ailleurs, dit-il, l'exemption des cliarg-es
municipales était l'affaire de Yordo municipii et non de
l'empereur. Mais cette dernière assertion est contredite
par de nombreux textes qui citent des constitutions impé-
riales sur la vacatio munerum (Dig., 1, 6, 1 pr. ; o, §§ 1,
2, 4, etc.).
Quant à la première, M. de Sanctis ne croit pas que
l'immunité du sol soit nécessairement perpétuelle. Tout
dépend, dit-il, de l'acte de concession. 11 en serait ici
comme de l'immunité des charges municipales qui n'est
pas forcément temporaire et personnelle, qui peut être
étendue aux héritiers. Mais l'argument d'analogie est sans
valeur parce que les mimera sont d'une tout autre nature
que l'impôt foncier. Ce sont des charges personnelles ou
qui grèvent le patrimoine. L'impôt foncier est une charge
réelle ; c'est, aux yeux des Romains, le signe de la propriété
retenue par l'Etat sur les terres provinciales ^ L'immunité
temporaire du sol serait la renonciation temporaire au droit
de l'Etat, l'attribution temporaire de la pleine propriété
aux possesseurs : résultat contraire aux principes du droit
romain qui, sous le Haut-Empire, n'admet pas le transfert
de la propriété ad ternpus'^. M. de Sanctis a confondu
1. Gaius, II, 7 el 21.
2. Cf. Edouard Guq, Manuel des Institutions juridiques des Romains,
1917, p. 245, 250.
232 LIVRES OFFERTS
rimmunilé du sol avec la remise de l'impôt foncier qui
peut être accordée pour une ou plusieurs années (Tacite,
Ann., Xll, 58), mais qui a im caractère tout dilTérent.
En somme, l'interprétation proposée par M. de Sanctis
ne saurait être acceptée : elle donne au mot uicoLt un sens
qu'il na pas, en l'absence du qualificatif conlrihuti. Elle
n'explique ni comment l'empereur a eu à régler les succes-
sions vacantes de citoyens qui seraient morts pérégrins, ni
pourquoi il accorde aux hommes le conubium avec des
femmes qui viennent d'acquérir Ja cité romaine. Enfin,
en admettant une immunité temporaire du sol, elle est
inconciliable avec les principes du droit romain sur la pro-
priété.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétah^e perpétuel offre, au nom de l'auteur, M. Alfred
Merlin, deux plaquettes intitulées :
Dédicace à la Mère des dieux trouvée à Carlhage (extrait du Bull.
archéoL, 1917) ;
Note sur des tombeaux puniques découverts à Carthage en 1916
(extrait du Bull. archéoL, lOl?"!.
M. Paul FouRNiER présente au nom de M. Joseph Duquesne, une
étude intitulée : François Bauduin et la Réforme (Grenoble, 1917,
in-8").
Le Gérant, A. Picard.
MACO^J. PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SEANCE DU 3 JUILLET
PRESIDENCE DE M. A. HERON DE VILLEFOSSE.
M. Théodore Reinagh communique à l'Académie un petit
monument récemment découvert en Allemagne, près de l'em-
bouchure de la Moselle dans le Rhin. D'un côté, on voit la mère
des dieux avec son lion, de l'autre une tête barbue, celle d'un
Germain vaincu. Une inscription en langue celtique contient la
dédicace par un tribun militaire, Gassius fils d'Ansancatnus.
C'est la première inscription celtique découverte dans le pays
mosellan, et il est piquant de constater qu'elle commémore une
victoire des Gaulois, désormais unis à Rome, sur la barbarie
germanique.
M. Héron de Villefosse communique à l'Académie, de la part
du commandant Thyl, chef d'escadron de l'état-^major polonais,
une inscription votive, trouvée en Numidie dans les ruines de
l'antique Thibilis, aujourd'hui Announah :
VENERI-AVG
MDMIQCLODI
VSMFQVIN
TILLVS NOMI
NE FVFICIAE
VITAE QVON
DAM-MARITAE
SVAE DEDIT
1918 j,
234 RAPrORT DU SECRÉTAIRE PKRPÉTUEL
Ce texte est gravé sur la face d'un petit autel quadrnngulairé,
exhumé dans la cour de la caserne de gendarmerie par les soins
du commandant Thyl, en tournée d'inspection dans cette loca-
lité ; il olFre les noms de deux divinités Veneri Auff[uslae);
M{a(n') d{cum) mincjnae) I[deae). L'autel a été consacré par
Q. Clodius Quintillus en souvenir et au nom de sa femme dé-
funte Fulicia Vila.
Le Musée du Louvre possède un autre autel à la Mère des
dieux provenant également de Thibilis ', ainsi qu'un bas-relief
représentant cette déesse assise de côté" sur un lion. M. A. Joly a
découvert dans les mêmes ruines un autel dédié à Venus
Erucina qui devait son surnom au célèbre sanctuaire du mont
Eryx en Sicile où elle était l'objet d'un culte spécial -.
M. J.-B. Chabot fait une lecture sur Edesse pendant la pre-
mière croisade.
L'Académie se forme en comité secret pour entendre le rap-
port du Secrétaire perpétuel sur les travaux des commissions de
publication de l'Académie pendant le premier semestre de, 1918^.
La séance étant redevenue publique, M. Homolle commence
la lecture d'un article qu'il a consacré à Maxime Gollignon, di-
recteur des Monuments Piot, et qui paraîtra dans un des pro-
chains fascicules de cette collection.
APPENDICE
Rapport semestriel du secrétaire perpétuel sur la situation
DES PUBLICATIONS DE l'aCADÉMIE PENDANT LE PREMIER SEMEaTRE
1918; LU DANS LA SEANCE DU 5 JUILLET 1918.
Ce rapport sera ce que les circonstances présentes permet qu'il
soit, très court.
Depuis le début de l'année ont paru : la notice de M. Antoine
Thomas sur le manuscrit latin 47 8H du Vatican, la notice de
1. Corp. inscr. làt., VIII, n" 5524.
2. Bull, archéol.du Coinilé, \901, p. 240.
3. Voir ci-après.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 235
M. Doutrepont sur le manuscrit français i 1 594 de la Biblio-
thèque nationale, et le mémoire de M. Cuq sui' les nouveaux
fragments du Code de Bammourahi.
Le mémoire de M. Fournier sur les Collections canoniques
romaines de Vépoque de Grégoire VU a été renvoyé à Timpri-
merie avec le bon à tirer, ainsi que celui de M. Foucart sur Le
culte des héros chez les Grecs ; celui de M. Dieulafoy, sur La
mosquée d'Hassan, au Maroc, est entièrement composé.
Pour nos autres publications, voici la situation actuelle :
Histoire littéraire de la France. — Le bon à tirer des dix-sept
premières feuilles du tome XXXV, contenant le long article de
notre regretté confrère Paul Viollet sur Guillaume Durant le
jeune, a été remis en mai à llmprimerie nationale.
Ont été lus en commission et sont en partie composés en
placards un article de M. Antoine Thomas sur Bernard Gui et
deux autres de M. Ch.-V. Langlois sur un Anonyme de Bayeux
et Marco Polo.
Chartes et diplômes. — L'Imprimerie nationale a envoyé le
17 avril dernier les épreuves en placards de l'Introduction aux
Actes des rois de Provence, dont le manuscrit lui avait été remis
au mois de janvier. Les épreuves ont été corrigées et le bon à
mettre en pages donné à la fin de juin par M. Prou.
Le manuscrit du recueil des.4c^e5 de Pépin /" et de Pépin II,
rois d'Aquitaine, par M. Levillain, a été transmis à l'imprimerie
le 6 mars dernier. Elle a envoyé le 4 juin les dix premiers pla-
cards, qui viennent d'être corrigés.
Pour le recueil des Actes de Philippe Auguste, le travail en
est au même point qu'il y a six mois. Le tome II ne peut être
mis sous presse, car il est nécei;saire, pour l'établir, de colla-
tionner certains textes, actuellement en pays envahi.
M. Berger a pris comme auxiliaire pour la rédaction de la
table M. Lecestre; toutes les fiches lui ont été remises cet hiver
par notre confrère. Il a presque achevé la révision et le classe-
ment de la lettre P ; quant au travail d'identification des noms
de lieux, il n'a pas encore pu l'entreprendre méthodiquement.
Pouillés. — M. Et. Clouzot, nommé auxiliaire de l'Institut au
mois de janvier dernier, a continué à s'occuper avec diligence
de la correction des épreuves du tome VIII, i^épondant aux pro-
236 RAPPORT nr skcrétaire pkrpktukl
vinces d'Aix, d'Arles el d'Embrun. Le texte du volume est com-
plètement en pnf^es. Le bon à tirer des feuilles A el B a été
donné à la lin de décembre 1917. Depuis, Tauteur et le direc-
teur, notre confrère M. Prou, ont demandé une seconde épreuve
des feuilles G et K el des feuilles 1 à 24. M. Glou/.ot a presque
terminé le manuscrit de la table ali)habétique qui, comportant
l'identillcalion de tous les noms de lieux, est un travail long^ et
difficile.
La mobilisation de M. Lalouche a, comme il vous a été déjà
dit, interrompu l'impression des Pouillés de la province de
Bourges.
Obituaires. — 11 en est de même pour le tome IV des
Obiluaires (province de Sens, diocèse de Troyes), dont
M. Boutillier du Retail est charg-é. Le travail est suspendu.
Corpus inscriplionuni semiticarum. — Le P. Scheil
poursuit activement la préparation de la partie himyarile. Le
fascicule troisième du tome 11 1 est tiré ; on pourrait le mettre en
distribution ; la commission du Corpus a jugé qu'il valait mieux
en doubler le volume au moyen d'un nouvel appoint, dont la
mise sous presse pourra commencer avant la fin de cette année.
Pour la partie phénicienne, le début du tome III a été mis en
pages. Les trois feuilles qui le composenl pourront être tirées
après une nouvelle révision.
De la partie araméenne (tome III), 138 placards ont été re-
tournés à l'Imprimerie nationale depuis le début de l'année.
Aucun n'en est encore revenu. Il reste 52 placards à corriger.
Afin d'éviter des remaniements dispendieux, on attendra, pour
s'en occuper, d'avoir reçu la photographie des estampages qui,
ainsi que nous l'a annoncé notre confrère M. J.-B. Chabot, ont
été heureusement retrouvés à Jérusalem lors de la prise de la
ville par l'armée anglaise.
Les douze feuilles du Répertoire d'épigraphie sémitique
(tome III), dont le bon à tirçr avait été donné à la fin de dé-
cembre, n'ont pas encore été livrées. Lasuiteest mise en pages.
On a remis pour l'impression les tables du tome III. Quant au
tome IV (premier fascicule), la copie attend le moment où
l'imprimerie sera en mesure d'en entreprendre la composition.
Vous savez qu'il a été décidé que le Journal des savants ne
LIVKES OFFERTS 237
paraîli'ait plus jusqu'à nouvel ordre que tous les deux mois.
L'application de cette mesure a commencé avec le premier nu-
méro de l'année.
Notre confrère, M. Homolle, aidé de M. Jamot, prépare deux
nouveaux fascicules des Mélanges Piol. Le second fascicule du
tome X'XII devrait être tiré sans les complications actuelles qui
entravent toutes les publications. Le premier fascicule du
tome XXIII est en voie d'impression.
L'impression de nos Comptes rendus continue très réguliè-
rement, mais le tirage des feuilles composées est loin d'être
rapide. Le dernier numéro de 1917 vient de paraître. Le numéro
de janvier-février 1918 est en pages, celui de mars-avril éga-
lement. Le texte des séances de mai et de juin est presque entiè-
rement composé.
LIVRES OFFERTS
M. Ch. DiEHL a la parole pour un hommage :
«J'ai l'honneur d'offrira l'Académie, au nom de mon collaborateur
M. Saladin el au mien, l'ouvrage intitulé : Les monuments chrétiens
de Salonique, avec l'album de 68 planches qui l'accompagne.
«J'ai eu récemment l'occasion d'indiquer à l'Académie les condi-
tions, parfois assez difficiles, dans lesquelles ce travail a pu être
mené à bien, et je n'aurais donc rien de plus à dire d'un livre auquel
j'ai pris une très grande part, si je n'avais à m'acquitter d'une double
dette de reconnaissance. Je tiens à remercier d'abord les architectes
de talent à qui sont dues l'illustration de l'ouvrage et les planches
qui l'accompagnent : Marcel Le Tourneau, mort prématurément et
dont les belles aquarelles, les relevés précis et sincères, les dessins
et les photographies remarquables donnent tant de prix à ces
recherches; H. Saladin, qui a continué et achevé avec tant de dévoue-
ment et de compétence l'œuvre de son confrère trop tôt disparu.
Et je dois remercier également la maison E. Leroux qui a édité ce
livre et qui, par un effort persévérant dont on devine les difficultés,
a su, en pleine guerre, faire de cet ouvrage un monument assez
digne d'estime de la librairie française.
« Salonique, depuis trois ans bientôt, est un des endroits qui
retiennent l'attention de la France et où s'écrit une page de notre
238 SÉANClî DC! 12 JITLLET 1018
histoire militaire. Peut-être ne semblera-t-il pas sans intérêt que
des Français aussi aient, pour la première fois, éluclié de façon
complète les monuments de la grande ville macédonienne, en une
de ces œuvres, comme nous en comptons plusieurs déjà et de haute
valeur, où s'associent, pour le plus grand profit de la science, des
architectes et des historiens de l'art. »
SÉANCE DU 12 JUILLET
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de la correspondance
qui compi'end :
Une lettre de M. le Président de la section permanente de
l'OfTice national des Pupilles de la Nation, invitant l'Académie
à se faire représenter à la manifestation solennelle organisée au
Trocadéro à l'occasion du 14 juillet ;
Une lettre de M. le directeur de l'Ecole française d'Extrême-
Orient contenant un compte rendu sommaire de l'activité de
l'École, du mois de juillet 1917 au mois d'avril 1918. — Renvoi
à la Commission de l'École française d'Extrême-Orient ;
Un article allemand communiqué par M. le Ministre de la
guerre, relatif à des découvertes préhistoriques faites en Pales-
tine. — Renvoi à M. Salomon Reinach.
Le Président exprime à M. Dieulafoy, qui vient de quitter
l'armée pour rentrer à Paris, la joie qu'éprouvent ses confrères
de le voir revenu parmi eux.
M. Salomon Reinach communique une note de M. E. Passe-
mard sur les sculptures des parois de la caverne d'Isturitz
(Basses-Pyrénées) :
« C'est en 1913 que les reliefs de la caverne d'Isturitz ont été
découverts.
« A la suite d'un éboulement, un témoin conservé contre une
grosse roche centrale s'etfondra complètement, laissant à décou
vert un panneau précédemment caché par la couche archéolo-
SÉANCR DU 12 JUILLET 1918 239
gique. Il fut facile d'y discerner la silhouette d'un animal, un
renne légèrement en relief, dont les traits étaient profondément
gravés dans la stalagmite ancienne.
« Dégagé de la terre et de l'argile qui y adhéraient, ce panneau
laissa apparaître en surcharge deux autres figures plus petites,
représentant respectivement un cerf et une biche.
« Puis, à mesure que la roche fut dégagée de la terre qui la
recouvrait, apparurent un certain nombre d'autres figures (une
quinzaine). On a reconnu les animaux suivants : une tête de
mammouth ; une tête de capridé, probablement un bouquetin ;
les jambes d'un animal galopant, probablement un équidé; puis
un cheval dont la tête manque, mais dont les jambes sont par-
faitement dessinées ; au-dessus, une tête de bovidé accompagnée
d'un animal difficile à identifier. Vient ensuite une silhouette
grossière, mais précise, de carnassier qui semble bien être un
ours; d'autres silhouettes peuvent être interprétées, Tune comme
un grand bison, l'autre comme une tête de cheval, une autre
encore comme une tête de loup. Il est à remarquer que ces
figures procèdent de la technique du sculpteur bien plus que de
celle du graveur. Elles ont été exécutées avec grand soin en
utilisant les formes étranges des coulées de stalagmite. Le fait le
plus important est qu'elles se trouvaient être entièrement
recouvertes avant les fouilles par le sol actuel de la grotte,
formé de la couche archéologique, ce qui explique qu'il n'avait
jamais été possible d'en découvrir aucune avant le commence-
ment des travaux. On peut donc leur assigner un âge précis,
car la figure la plus basse se trouve légèrement au-dessus
d'une couche d'argile stérile surmontée elle-même d'un
niveau solutréen à pointes en feuilles de laurier, des niveaux
du magdalénien, ancien, inférieur, moyen et supérieur
contenant respectivement des sculptures en ronde bosse sur
pierre et sur bois de renne, des gravures sur os, sur bois de
renne et ivoire, sur pierre, ainsi que les formes de pointes de
sagaies et de harpons qui accompagnent généralement ces
niveaux.
« Il ne paraît donc pas possible que ces reliefs puissent être
plus récents que le magdalénien très ancien ou que le solutréen
immédiatement sous-jacent. »
240 SÉANCE DU 19 JUILLET 1918
M. Salomon Reinach présente les photographies envoyées par
M. Passemard, et insiste sur l'importance de ces sculptures.
M. lIoMOLLE achève la lecture commencée à la dernière
séance. Il analyse les articles que Maxime Collignon a écrits pour
les Monuments Pîot, caractérise son talent ei explique la part
qu'il a prise à la fin de sa vie à la direction de cette publication.
M. Paul Girard fait une première lecture d'un travail qu'il
se propose de donner aux Mémoires de l'Académie. C'est une
étude sur la langue d'Homère.
MM. Maurice Groiset et Boughé-Leclercq présentent
quelques observations.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau :
Mémoires de V Académie de Nîmes, VII« série, t. XXXVIH, années
1916 et 1917. Nîmes, 1918, in-8°.
London University Gazette, col. XVII, n» 201, 3 juillet 1918.
Le Secrétaire perpétuel offre à l'Académie, au nom de M. Ph .
Fabia, son correspondant, un opuscule intitulé : La garnison ro-
maine de Lyon.
Il présente ensuite à l'Académie, de la part de M. Eugène Le Senne,
un ouvrage intitulé : Mélanges Emile Le Senne, et publié par la So-
ciété historique et archéologique des VIII« et XVIP arrondissements,
en l'honneur dÉmile Le Senne, son secrétaire général, tué à
l'ennemi. C'est un recueil d'études sur cette partie de l'aggloméra-
tioa parisienne.
SÉANCE DU 19 JUILLET
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
M. Omont annonce à l'Académie que quelques fragments d'un
très ancien manuscrit latin, en écriture semi-onciale, du v« ou
VI» siècle, ont été découverts récemment par M. Reygasse, admi-
nistrateur de Tébessa (Gonstantine) et viennent d'être offerts à
FRAdMENTS d'uN MANUSCRIT LATIN 241
la Bibliothèque nationale par M. Stéphane Gsell, correspondant
de l'Académie et professeur au Collège de France *.
M. Clermont-Ganneau entretient l'Académie d'un style à écrire
du Musée de Cologne, publié depuis longtemps et inséré au
XIII« volume du Corpus. On y lit : HEGO I SCRIBO | SINEM |
MANUM, chaque mot étant disposé sur une des faces de l'objet.
Le sens qu'on obtient en expliquant sinein innnum comme
synonyme de sine manu n'étant pas satisfaisant, M. Clermont-
Ganneau propose de voir dans ces deux groupes de lettres la
phrase : sine m[i] manuni, « prête-moi ta main », et pense que
l'original porte peut-être, au lieu de HEGO, ET EGO 2.
MM. Théodore Reinach et Bouché-Leglercq présentent
quelques observations.
COMMUNICATIONS
FRAGMENTS d'uN TRÈS ANCIEN MANUSCRIT LATIN
PROVENANT DE l' AFRIQUE DU NORD,
PUBLIÉS PAR M. H. OMONT, MEMBRE DE l'aCADÉMIE.
Le département des manuscrits de la Bibliothèque natio-
nale a reçu récemment en don de notre savant correspon-
dant M. Stéphane Gsell, professeur au Collège de France, des
fragments d'un très ancien manuscrit latin, sur parchemin,
provenant de l'Afrique du Nord, et dont la date peut être
rapportée au v* ou vi^ siècle. Ces fragments ont été décou-
verts au mois de juin dernier par M. Reygasse, adminis-
trateur de la commune mixte de Tébessa, dans une grotte
située à vingt-cinq kilomètres au Sud de Telidjen, localité
qui se trouve elle-même à une cinquantaine de kilomètres
1. \'oii' ci- après.
2. Voir ci-après.
242 FRAGMENTS d'uN MANUSCRIT LATIN
au Sud-Ouest de Tébcssa. C'est la première découverte de
ce genre, semble-t-il, et on peut supposer que le volume
dont ils sont les seuls restes avait été apporté dans cette
grotte par des chrétiens fuyant, à la fin du vii^ siècle, l'in-
vasion des Arabes.
Ils se composent, d'une part, de treize feuillets lacérés
dans leurs marges extérieures, au recto desquels subsiste
une partie notable de la première colonne, et au verso, de
la deuxième colonne de chaque feuillet ; d'autre part, de
huit fragments, allongés en diagonale, d'autant de feuillets
du même manuscrit, sous forme de bandes étroites, pré-*
sentant seulement quelques lettres en bordure, à droite et
à gauche, de la marge intéineure qui sépare les deux
colonnes de l'écriture du manuscrit.
On peut estimer que, dans l'état primitif du volume,
chaque feuillet devait compter une trentaine de lignes à la
page, écrite à deux colonnes, séparées par une marge inté-
rieure de 2 centimètres environ, et dont les lignes, mesu-
rant chacune 5 centimètres, sont composées de douze à
quinze lettres en moyenne. Les treize feuillets aujourd'hui
subsistants, découpés en forme de R, mesurent 11 centi-
mètres en hauteur sur 10 en largeur dans leurs plus grandes
dimensions ; on y compte dix-huit lignes au plus.
L'écriture est une semi-onciale régulière, caractérisée
par les formes minuscules des lettres b, d, g^ r, s, et dont
la date peut, selon toute vraisemblance, être reculée jus-
qu'au v*^ ou vi^ siècle. On y rencontre les abréviations
ordinaires : g?s, di, do, dns, dne, xpi, xpo {Deus, Dei, Deo,
Dominus, Domine, Christi, Christo) ; un point, aussi bien
dans le corps qu'à la fin des lignes, y tient quelquefois lieu
de la syllabe finale us ou ue : dornib., operib., q., neq.
[domibus, operibus, que, neque) ; un trait horizontal, légè-
rement recourbé aux deux extrémités et placé au-dessus et
au delà de la dernière lettre, à la fin des lignes, y remplace
la lettre m ou quelque fois n ; à l'extrémité des lignes éga-
<JL
^^>
f
B
F^^^ iTt> oivicjor^î:
Il Itri b • jap or «ti^i
/ cïtja.nCinciitr|Mf|
^1^-
FRAGMENTS DE iMANUSCRIT LATIX, DU V
V
3
'y;
r.
ce
I VI'= SIKCI.E, DECOUVERTS EX ALGERIE
ii^b r»Tfti A Ffifi-'
PROVENANT DE l'aFRIQIE DU NORD 243
lemeut se rencontrent les lig-atures des lettres se, en, nt, os.
Comme marque de ponctuation, on trouve fréquemment un
espace blanc à l'intérieur des lig'nes et la phrase qui suit
débute souvent par une lettre initiale un peu plus grande.
Pour indiquer une ponctuation plus forte, le scribe a tracé
en marge une lettre initiale beaucoup plus grande, et le
début des chapitres paraît avoir été marqué par une pre-
mière ligne en lettres capitales de hauteur double de celle
des caractères ordinaires.
'Il ne semble pas que le texte théologique, que nous ont
conservé ces feuillets si misérablement lacérés, puisse être
identifié avec quelqu'une des œuvres connues des Pères de
l'Eglise, et on n'y trouve aucun nom propre, aucune indi-
cation de livre ou de chapitre qui puisse aider à en déter-
miner l'auteur. Toutefois, autant qu'on en peut juger, le
style général de ce traité, ainsi que les mentions répétées
qu'on y rencontre relatives aux catéchumènes, permettent
peut-être de hasarder avec quelque vraisemblance l'hypo-
thèse que ces fragments appartiendraient à l'une des
œuvres perdues d'un Père latin peu connu du iv° siècle,
Nicétas de Remesiana, dont la personnalité a même été
dédoublée jadis par les éditeurs et les bibliographes ^ .
Faut-il y reconnaître quelques pages du premier de ses
Lihelli instructionis, aujourd'hui perdu et dont Gennade
nous a conservé le titre, le Libellas primus, qualiter se
deheant hahere compétentes'^ Il appartient aux théologiens
d'en décider.
1. Voir Migne, Patr. lai., t. LU, col. 837 et suiv., et t. LXVIII, col. 361
et suiv., mais surtout le récent ouvrage du Rév. A. E. Burn, Niceta of
Remesiana, his life and irorks (Cambridge, 1905, in-S").
244 FRAGMENTS d'uN MANUSCRIT LATIN
Fol. I recto, col. I. l'^ol. I verso, cnl. 2.
upa
fideliu[m]. . . . [ju-]
diciuni non . . .
(juia istinc semfperj
juslificati disce[ckint.]
Aliae vero duae s[unt]
catecumcnorum
dumlaxat et gen[era-]
lini quae paritefr]
feu]mdem in judici[um]
citabiintur [peni-]
tentiam vero no[nJ
similem reporta-
bunt. Nam cate-
chumenos quideni
summa extol-
li necesse est prop-
t[er] cum
Fol. 2 recto, col. 1 .
ticis de[
et sollici[te]
implicari. H[i]
duo gradus suTnt]
una fide^in eade[m]
ecclesia consti[tu-]
ti alterutrum n[onj
sustentant el. . .
. .uis de quo abe[
. .at abi cor[. . .
. .at. Electfis]
auditoi'ibus de cae-
lesti suo thensau-
ro in quo beati sunt
appellati et felices
terrestrium.
. . . .[libejrtatem audi-
lec- D
1 ...... et ca-
. . . sec ta ru m
. .vis. Quia pe-
[re]grini et alioui-
5 [g]enae mundo sint
[ijdcircoque jubel di-
vitib»s quos et ipsos
secundi ordinis
discipulos appel-
le [Ia]ri praediximus
[qu]os sibi aniicos
faciant. Quo cum
se facultates istas
de/////fecerint
15 quas utique isti de-
rebnquere ne-
cesse est ad[ver-]
sus
Fol. 2 verso, col. 2.
1 Vide
. .[u]triusque gr[a-]
[dus] istius formam
.duab(;s sororibu.s
5 . . .videnter oste/i-
[s]am quarum alte-
[r]a quidem elege-
fr]at optimam. . . .
.... rem majore[m]
10 . .[dumtjaxat ele[ge-]
[rat grjadum. Al-
[te]ra vero quam
officio domus et
ministerio fun-
15 geretur. . .pe[ri-]
tis tamen discipu-. .
lis ministrare
et
PROVENANT DE L AFRIQUE DU NORD
Fo/. 3 reclo, col. i . Fol. 3 verso, col. 2.
245
....d[i]lec....
[d]iscipuli p[. . . .
appellati sunj^tj
inmerito. Nun[c]
et opibtis pauperes
numéro pauci et pe''r]
artam viam incedunTl]
[in ajngusto tramit[e]
[dejstinati sunt. . ,
[lr]ahunt paucri]. . .
. .fidèles q ui l'eg-]
[nujm caeloru[m po-]
[tijuntur sicu[li scrip-J
[tUjin est multi qui-
dem sunt vocati pau-
ci autem electi '.
. . . .autem et illud
quia
Fol. 4 recto, col. /.
tes om. . .
sunt eum c[. . .
tia magis opta[. .
adipisci tabern[acu-]
la. Et bonor[um]
opulentiam qu[ae]
data semel aufe[r-]
[ri] non quaeat. . .
[qjuai'e preci[p. .
. .vi adhuc. . .
. . .s suis t. . .
coll. . .
rantur et mFa-]
[tlrimonia possi-
dent ut ex isdem
. . .hos amicos prœ-
ci vocum
di "
de
1
.... fue-
. . . .itudinem
ant.
[H]aec ut inquam
0 ad catechume-
norum gradum
spectant carissi-
me quos ali[. . . .
. . .manifest[. . .
10 [dec]larat cu[m. .
. . .qui susc. . .
. .etam in n[. . .
minae profe[. . .
mercedem [pro-]
13 fetae accipiefnt]
et qui suscit[. . .
tum in. . . ,
time. ....
t
Fol. i verso, col. 2.
1 lias po-
. . .es auditores
. . .m sive ut dixi
. . .ns catechumeni
5 [s]unt appellati qui
[qjuoniam in saeculo
[cjonstituti et ab illo
[ajdhuc pei'fecte. . .
... du inferiore[sl
10 ... as possident
. . . evangelio
.... ne voca-
bulo nuncupa-
le sunt. Idcirco
la confert ad eos [ser-]
monem suum idem
salvator et d[ominusj
fa
1. Matlh., XX, 16.
246 FRAG3IE1NTS d'uN MANUSCRIT LATIN
Fol. 5 recio, col. t. Fol. 6" verso, col. 2.
ime
catechu[men . .
ro qui pani[m]
valerent ine[. . .
nis gradu asce[nde-]
re in suis quidem
domibus resideba[nt]
a. . .ubabant aut[em]
electos et eo[. . .
fra tecla a[. . .
proprias. . .
tes qu[. . .
raria eorum. . .
existèrent sub-
ministrabant
hos duos ecclesiae
ita sem-
um
um
Fol. 6 recto, col. 1.
ma. . . .
id etia[m]. . . .
debeat e[
Sed id tantu[m]
firmo non ho. . .
perfectorum [dis-]
ciplinam specta[t]
qui mundo ren[un-]
ciantes caelforu/nj
habeant con[ver-]
sationem. . .
[Se]d illos q[uij
. . . saecul[ . . .
. .nti scie[ntiae]. . .
. .m eadera cum pe[r-]
[fejctis inbuti sunt
. .ledatis vero ha-
. . . .ncerio
u
1 oe. . . .
. . . Nonuli
[trjinitatem des-
. . .ens electorum
5 [ve]l ut auditores
[qujoque modum ac re-
[g]ulam disciplinai
[sujae agnoscant
[ejcclesiae nimi[rum]
10 . . .adque apos-
[tolil ejus duoque
- • • .[gi'Jadus et
. . .[fjuerunt in
bipertita plebis
15 quidem vocabu[la]
omnes omnes dis-
cipuli su[nt]
a
10
Fol. 6 verso, col. 2.
. dici
. qui haec
. cum ex inte-
exequi et im-
ere non possunt
e duobus.
EAQV
• • • [sjuperius [me-]
15 moravi carissime
de apostolo . . d
opère quod. . .
largiri
V
PROVENANT DE L AFRIQUE DU NORD
- Fol. 7 recto, col. I. Fol. 7 verso, col. 2.
247
[r]elin
ipsi carn. . . .
Item ade. . .
dicitur arbi-
trio. . . Nec-
non vituperet
hac plenitudin[e] '
. . . .e ministra[re]
nobis in glo[ria]
Donu'ni provid[. . .
. . . ona non . . .
... .m Deo
coram hom[. . .
. . . .itur quod dicis
hac plenitudi-
[ne] . . .ministra-
Fol. 8 recto, col. 1 .
... et ... .
. .deos. . .
simus cuna illo fra-
trem cujus[lausj
est in evange[lioj
per omnes eccle[si-]
as. Non solum a[u-]
tem sed et ord[ina-]
tus est ab eccl[esiis]
[i]s cornes
[cu]m hac g[ratia quae]
ministr[atur a no-]
bis in glo^^riam] ^
. . . um ersro. . .
. .saecularia liquo. .
[opjere cooperarius
.... li extitit
... 1 culp
is.
1. i/ Cor., VIII, 20.
2. // Cor., VIII, 18-19.
1
10
. . admo[. . . .
. . vicit fide-
[sejrmo et de his
. . .ote commemora-
5 [rje ut curent bonis
[o]peribus praeesse
[q]ui credunt Deo*.
[E]cce et hic operibus
. . . esse jubet
... is ipsamque
. . . uae inter
. . . opéra apo-
. . .[ijnterdum
militiam plerum[qîie]
ministeriuin h. . .
numquam curi[. . .
aliquot. . . .
et
15
Fol. S verso, col. 2.
nos
... ut filii lu-
[c] is2 ambulate
[cu]m fructus lumi-
[ni]s est in om[ni] justi-
[ci]a et bonitatem
[prjobantes quid sit
[bejneplacitum Dei
[et nolijte commu-
nicare[o]peribiis
. . . is tene. . .
Mag[is]
. . . redar[gui-]
15 te^. Qui digitufmj
quia et hic pro-
nominal. . .
10
1. Tit., III, 8.
2. Ephes., V, 8-11.
3. I Cor., VII, 35.
2.i8 FRAGMRNTS
Fol. 9 rcclo, col. i .
[s]olus. . . .
cuit. Cni. . .
tionem facijt]. . .
cum ad Thimo[lheum]
scribil'praecipilens]
ei de viduis ac d[e-]
[sojlalis* quae auLe[m]
[v]ere viduae [et]
desolala[e. . .
[in] Domino et [obse-1
[c]rationib[us]. . .
in die. Nam [qu]ae
[in] deliciis agit vi-
[ve]ns mortua est
.... adhuc
. . ent
Fol. 10 recto, col. 1.
ad....
modis o
cipimus e[t]
mur in Xpo
cum silentio op[e-]
rantes suum pa[nem]
manducent. Vo[s au-]
tem fralres [no-]
[li]te defic[ere bene-]
faciente[s] '-
ei tergo
quin huj[us]
quibus ta
abat apos[tolus] ope
in quo ipse [i']ejecta
et non exerce-
. . . edotio se
es
1. 7 Timoth., V, 5-6.
2. // Thessal., III, 12-13
d'un manuscrit latin
Fol. 9 verso, col. 2.
1 ui. . . .
... ad Chor[inthios|. . .
. . .cit. Ilaoc
. . .em praecipio
5 . . .n quasi laqucuzn
nobis iniciens. Scd
[i]d honcste agen-
[d]um et conjungi-
[um] inseparabi-
10 [le]. . . Item ad
[Colosse]nses : Gr[a-]
[ti] estote
- [Ver]bum Xpi in-
ha[bite]t in vobis abun-
IS de [in] omni sapien[tia]
docentes et cor-
ripientes *. . . nos
ips[os]
Fol. 10 verso, col. 2.
1 co . .
. . .aut co. . .
. . ores merciu . .
. .ocet illorum
5 . . minit qui sibi
[illjius operis labore
[so]cii ac participes
[e]xtiterunt die. . .
[a]d Thessaloni-
10 [censés] : Rogamus
[autem vojs fratres.
. . .catis eo. . .
. . .ant ince. . .
vo. . . . a erunt
15 bis. .. o et objur[go]
vos ut habeatis [il-]
los ab u
in
1. Coloss., III, 15-16.
PROVENANT DE l'aFRIQUE DU NORD 249
■Fol. Il recto, col. i. Fol. Il verso, col. 2.
.... n
. . ua eu
neque in vaii[um spe-]
ravi.
Ecce igitur et. . .
laborasse se pr[o-]
hibet et cucur[ris-J
se ergo ne et h[oc]
carnalite[r]. . . .
legendu[m. . . .
sit. Os. . . .
[sjtudium. . .
. . labor
[sjemper f. . . ta
[q]uam hum. . .ua
[sjaeculo fulge-
[re] verbum
iem
Fol. 12 recto, col. /,
... on. . . .
[h]ortat. . .
rentur n. . .
nus stipend. .
ctis quo in ope[re]
nunquam se ot. . .
sum fuisse test[a-]
tur. Neque ill[iusj
noctis q
ab hoc t
vacavi. . . .
.voru
. .onibus pa. . .
. . visse ace. . .
. .m ut ab o[m^ni ve-
. .nali opère suos
sti nu-
as
1918
1 n....
.... rhjabeam
infidelita-
. .[habe]amus unde
5 . . . is ista suppedi-
[tjabunt.
Item ad Philippenses
[ap]ostolus cum ti. . .
videt tre-
10 [morem v]estram 1
. . . .[opjeramini,
[Deus est eni]m qui ope-
[ratur in vobjis et velle
erdifîcjari et perfi-
l-'i cerFe pr]opterbon[am]
voluntatem om[nia]
autem facite [sine]
m[urmurationibusJ
1
Fol. 12 verso, col. 2.
, .no. . . .
. . a hoc. . .
. . émus in
. . ta domo Dei in
5 . .ua scilicet. . .a
. .ur a spiritali. . .
. . minum quoH . . .
. .lia respuentes
. . .d quiet. . . .
10 . . in ta ac. . .
... m co. . .
.... turo
. . .is spir. . .
le ant. . .
13 m
e
1. Cf. Philipp., II, 12-14.
18
250 SUR LîN STVLE DU MUSÉK DE COLOGNE
Fol. 13 reclo, col. t. Fol. 13 verso, col. 2.
.. um g...
■1
. . .arc
per inpr. . .
. • [c]o opères
ne sit et sp. . .
. .ant advolet
opero propag-. .
. .ius el. .a.um
Denique ad hos ips[osJ
5
. .cccum p. .nt
. .dus or. . .a ope
apud quos oper. . .
[ra]ri (juain. .va. .
. . . . t comm . . .
.... idet....
-...t.. p....
. .tus e. . .
10
. . . im p . .
. . ae d
. .is evan[gel. . .
. . .monio
nos teste
. . .unt ope-
. . deus. .
. . . icma . .
Ib
...nt
SUR UN STYLE DU MUSEE DE COLOGNE,
PAR M. CH. CLERMONT-GANNEAU, MEMBRE DE l'aCADÉMIE.
M. Héron de Villefosse a récemment fait connaître* un
joli style romain en bronze, trouvé, il y a quelques années,
dans les fouilles pratiquées sur l'emplacement d'une habi-
tation romaine, à Volon (Haute-Saône).
Sur la tige de ce style est gravée une petite phrase ainsi
conçue :
Il utere \\ felix || digne \\ inerito ||
Cette phrase reproduit — en la rehaussant par les deux
adverbes digne, merito — l'aimable et banale formule pro-
1. Bulletin archéol. du Comité des trav. hist. et scienft/"., janvier 1938,
pp. IX et suiv. Gravure d'après un excellent dessin de M. Casser, membre
de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or.
SUR UN STYLE DU MUSÉE DE COLOGNE 251
pîtiatoire : utere felix, si fréquemment inscrite sur les
menus objets antiques d'un usag-e courant, souvent destinés
k être oU'erts en cadeaux. Les quatre mots sont répartis,
un à un, sur les quatre faces dune sorte de prisme qua-
drangulaire, ménagé à cet etfet vers le milieu de la tige du
style.
Notre savant confrère rappelle à ce propos les rares
exemplaires de styles à écrire, en métal — bronze, voire
argent — qui, comme celui-ci, portent des inscriptions la-
tines.
Les légendes varient ; mais, autant que j'ai été à même
de le vérifier, la forme matérielle de ces petits instruments,
du moins pour quatre d'entre eux — y compris le nouveau
venu, appartient à un même type qu'on peut caractériser
ainsi : tige, mi-partie ronde, mi-partie polygonale, inter-
rompue, dans la région médiane, par l'interposition, d'un
court segment quadrangulaire, en forme de parallélépipède
droit, réservé pour recevoir les quatre éléments, soit mots,
soit syllabes, constituant la légende.
Pour lire normalement celle du style de Volon, il faut
tenir l'instrument dans la position horizontale, la pointe à
gauche ; puis, lui imprimer un mouvement de rotation dans
le sens dextrorsuni, de façon à amener successivement
devant les yeux les quatre faces épigraphiques du parallé-
lépipède.
Deux de ces légendes sont ainsi conçues : l'une ', appa-
remment chrétienne, coupée syllabiquement :
vi 11 ve 11 f/e II 0 1|
l'autre'^ formant une petite phrase d'un tour assez piquant:
Il dicta 11 felix || felicior y scribe ||
Ces deux épigraphes s'expliquent sans difficulté. Encore
1. Cnrp. inscr. lai., t. XIII, n" 10027 : 233.
2. Ihiit., ici., 228 (collection Ilaeberlin).
I
2r)2 SUR IN STYLE DU MUSÉE \)E COLOGNE
n'est-ce pas du premier coup, ainsi qu'on le verra (oui à
l'heure, quOn est arrivé, pour la seconde, à cette lecture
aussi simple (jue satisfaisante. Quant à celle du style de
Volon, elle ne présente, comme on a pu s'en rendre compte,
aucune obscurité.
Il n'en va pas tout à fait de même de celle qui est gravée
sur un style en bronze conservé au Musée de Golog-ne
(n*> 482). Les éditeurs du Corpus^ l'ont lue :
HEGQ
SCRIBO
SINEM
MANVM
Ce qu'ils n'hésitent pas à rendre par
ego scribo- sine manu
Cette lecture a été généralement reçue. Elle est encore
entérinée, par exemple, sans autre forme de procès, par
M. G. Lafaye dans le Dictionnaire des Antiquités de Saglio
(s. V. stilus).
Tout en la reproduisant à son tour, M. Héron de Villefosse
fait remarquer avec raison quelle exprime c une pensée qui
manque de simplicité et même d'exactitude ». On ne peut
que souscrire à cette juste réserve. En effet, si on entend
la phrase comme on l'a fait dans le Corpus, elle ne saurait
guère signifier autre chose que : moi, j'écris sans main,
c'est-à-dire sans la main, sans le secours, ou le concours de
la main. Voilà qui tendrait à présenter notre style comme
une sorte d'instrument automatique, se vantant d'opérer
tout seul, en vertu de l'on ne sait quelle propriété surnatu-
relle. C'est là, on l'avouera, une conception passablement
étrange. Elle rappelle quelque peu celle du balai magique
1. C.I.L., ihid., id., 229, d'après la copie de M. Zangemeister.
2. La transcription scribe, imprimée dans le Corpus, est une coquille
pour scribo.
SIR UN STYLE DU MISÉE DE COLOGNE 2o3
de lupprenti sorcier, dans la ballade de Goethe, Der Zau-
berlelirling, imitation médiocre du conte fantastique jadis
narré, dans son Philopseudes ', par ce maître humoriste
qu'est Lucien. Serait-ce, d'aventure, cette réminiscence,
plus ou moins consciente, qui aurait incliné les savants alle-
mands vers la solution à laquelle ils se sont arrêtés?...
Quoi qu'il en soit, cette solution ne paraît guère satisfai-
sante. Au peu de vraisemblance du sens Aaennent s'ajouter
les anomalies que le texte ainsi obtenu présente dans
l'ordre tant épigraphique que grammatical ; l'orthographe
hego pour ego ; le rôle explétif que jouerait le m isolé, à la
lin de la 3" ligne ; l'accusatif manuni pour l'ablatif manu,
à la 4^
Sans doute, chacune de ces anomalies, prise isolément,
serait à la rigueur explicable — tant bien que mal — et nous
verrons tout à 1 heure comment on a essayé de les expli-
quer ; mais il faut avouer toutefois, dès maintenant, qu'elles
sont plutôt, en l'espèce, de nature à nous mettre en garde,
a priori, contre la lecture acceptée sur la foi du Corpus.
Ces diverses considérations m'ont conduit à chercher s'il
ne serait pas possible d'obtenir une meilleure solution de ce
petit problème en s'engageant dans une direction tout autre
que celle qu'on a suivie jusqu'ici. Mais, avant de l'aborder,
il ne sera pas inutile de rappeler quand, comment et par
qui il a été posé pour la première fois.
C'est Dûntzer qui a fait connaître l'objet en litige, il y a
une cinquantaine d'années, dans une notice insérée dans
les Annales de la Société des Antiquaires du Rhin ~. J'ai eu
1. Lucien. LU, § 35, 36.
2. Jahrbûcher des Vereins von Allerthumsfreundeii ini lîheinlande,
1867, fasc. 42, p. 86. Dûntzer y est revenu très sommairement, quelque
dix-huit ans plus tard, dans son Verzeichniss der Rômischen Alterlhûmer
des Muséums Wallraf-Richartz in Koln, 3° édit., 1885, p. 15; il y main-
tient d'ailleurs purement et simplement sa première façon de voir.
J. Kamp a parlé aussi de notre style dans un opuscule intitulé : Die epi-
grajilnschen Anticaylien in KiJJn, 17 pp. in-4": Cologne. 1S69 [Progranim-
2?)4 SUR ris sTVLK nr musér de roi,ofiNF,
la curiosité de m'y reporter, espérant y trouver queUjues
éclaircissements utiles pour l'examen de la question aussi
bien au point de vue archéologique qu'au point de vue épi-
graphique.
Dïmtzer commence par donner, sur la provenance, les
dimensions et la forme de l'objet, quelques détails qu'on
n'a pas jugé utile de reproduire dans le Corpus et qui, pour-
tant, ne sont pas sans intérêt. 11 a été découvert, à Cologne
même, à une assez grande profondeur, à l'Est de la cathé-
drale. Il est en bronze et mesure -4 pouces de longueur.
Suit une description, d'un tour quelque peu laborieux, que
je metïorce de rendre littéralement : après le premier quart
de la tige, rond et élégamment travaillé, à l'endroit où
repose la main de l'écrivain, le st} le a quatre champs longs
de près d'un pouce, sur lesquels les quatre mots sont écrits
de haut en bas * ; après ces champs, jusqu'à l'extrémité, le
stvie est hexas'onal.
Je n'ai pas besoin d'insister sur les rapports étroits qui
semblent exister au point de vue matériel entre le style de
Cologne et celui de Volon. Tous deux sont en bronze.
Les dimensions sont sensiblement les mêmes, la longueur
abhandlunff vom K. Friedrich- Wilhelms-Gymnasiiim und Reahchiile I
Ordnung). Il m'a été impossible de me le procurer. D'après un renseigne-
ment que je dois à l'obligeance de M. Froehner, il ne contient rien de
nouveau sur le sujet.
1. Il Von oben nach unten geschrieben. « II faut avouer que cette expres-
sion n'est pas d'une entière clarté et peut prêter à l'équivoque. Je doute
fort, en tout cas, que Fauteur, comme l'a suggéré M. Th. Reinach, à la
suite de la lecture de cette note devant l'Académie, ait voulu dire que
l'inscription était fermée de quatre colonnes de caractères superposés, à
lire verticalement de haut en bas. Je persiste à croire qu'il s'agit de quatre
lignes de caractères juxtaposés à la manière ordinaire, à lire horizontale-
ment, tout comme celles du style de "Volon ; seulement ici, elles doivent
se diriger en descendant vers la pointe, tandis que sur ce dernier elles se
dirigent en sens inverse. Autrement dit, pour lire normalement le style de
Cologne, il faut apparemment procéder comme je l'ai expliqué plus haut
(p. 251) pour le style de Volon, mais en tenant, cette fois, la pointe à
droite et non à gauche.
SUR UN STYLE DU MUSÉE DE COLOGNE 255
du premier — 4 pouces, soit 0'" 108 — équivalant, à peu
de chose près, à celle du second (O^llO). De plus, dans
l'un comme dans l'autre, la tige est divisée en trois seg-
ments traités exactement de la même façon, ainsi qu'on
peut s'en assurer en rapprochant la description de Dûntzer
de celle de M. Héron de Villelosse, illustrée et complétée
par le fidèle dessin accompagnant sa notice : à savoir (en
commençant par la pointe et en remontant de proche en
proche) un premier segment arrondi et élégamment mou-
luré ; puis, un second segment central, quadrangulaire, des-
tiné à recevoir les quatre mots des inscriptions respectives ;
enfin, un troisième et dernier segment de forme pol>'go-
nale ', terminé par la petite palette servant à aplatir la cire
dans la manœuvre classique de l'oblitération : saepe stiliim
vprtas.
Quant à l'inscription, Diintzer en donne une lecture qui
n'est autre que celle que reproduiront plus tard, sans dis-
cussion, avec le sens qu'elle implique, les éditeurs du Cor-
pus : hego scribo sine manu. A défaut d'une reproduction
figurée, dont l'absence est regrettable, il l'accompagne de
quelques observations paléographiques et épigraphiques
dont il y a lieu de tenir compte : Ligne 1 : le H et le O de
HEGO sont, dit-il, séparés du groupe EG par un plus grand
intervalle, de manière à remplir la ligne. Ligne 2 : le B de
SCRIBO est beaucoup plus près du O que du I ; les six
lettres remplissent pleinement la ligne. Lignes 3-4 : les
mots [sine et manu) n'ayant que 4 lettres, lesquelles, même
si on les avait espacées, n'auraient pas suffi pour remplir
ces deux lignes, on ajouta à sine la première lettre de la
1. Ce dernier détail n'est pas donné dans la description du style de
\''olon par M. Héron de Villcfosse,maisil ressort suffisamment de l'examen
du dessin et il m"a été confirmé par M. Gasser. Ce segment y affecte la
forme octogonale, tandis que dans la partie correspondante du style de
Cologne il est hexagonal, au dire de Diintzer. Celui-ci ne nous dit pas
s'il était muni de la palette oblitératrice ; peut-être avait-elle disparu
accidentellement.
2l')(j SUR UN STYI-R DT) MUST^IE DE COLOGNE
Hune suivante imnnii) et à manu le même M initial : celte
lettre est un peu plus petite, surtout ii la ligne 3. Le A
n'est pas barré.
En ce qui concerne l'orthog-raphe anormale HEGO pour
EGO, Diintzer rappelle certaines prononciations vicieuses
notées par les auteurs anciens eux-mêmes et les graphies si
fréquentes des manuscrits et des inscriptions où des mots,
commen(,"ant normalement par une simple voyelle, sont
indûment pourvus d'un h initial. Il reconnaît toutefois
qu'il n'a pu relever un seul exemple de ce fait pour le mot
ego. Pour ce qui est du rapprochement qu'il risque ^ avec la
mauvaise prononciation de l'allemand hich pour ich, on ne
voit vraiment pas ce que vient faire ici cet argument phoné-
tique d'ordre purement germanique.
Je n'ai pas besoin d'insister sur le peu de vraisemblance
de l'explication de Dûntzer en ce qui concerne la fonction
purement explétive qu'il attribue délibérément à la lettre
M répétée deux fois, pour ainsi dire comme simple bouche-
trou, h la lin des lignes 3 et 4. Mieux vaudrait encore,
dans le second cas, si l'on maintient au mot sine son rôle
de préposition, admettre, avec M. Héron de 'Villefosse, que
cette préposition régit ici abusivement l'accusatif manu m,
au lieu de l'ablatif régulier manu ; ce serait un simple
solécisme dont le latin vulgaire nous offre, en effet, des
exemples.
Mais le mot sine est-il bien ici la préposition? Ne
serait-ce pas, par hasard, tout simplement l'impératif du
verbe smere? Le sens général de l'inscription changerait
alors du tout au tout. Le verbe sinere a des acceptions très
variées" qui peuvent se ramener à l'idée première de
« permettre, laisser, laisser faire, laisser aller », etc. Il se
construit fréquemment avec un infinitif, soit exprimé, soit
sous-entendu ; parfois même, bien que plus rarement, il
1. Dans son Verzeichniss, cité plus haut (p. 253, note 2).
2. Voir les divers exemples notés dans le Lexicon de Forcellini.
SUR UN STYLE DU MUSÉE DE COLOGNE 257
peut f^ouverner directement l'accusatif. Je suis tenté de
croire qu'il est ici employé dans cette dernière condition
et j'inclinerais à comprendre : sine manum^ « laisse ta
main, » c'est-à-dire, en pressant un peu le texte : laisse
aller, laisse-moi, prête-moi, abandonne-moi ta main, et
moi, j'écris, j'écrirai — [h)ego scriho. C'est, comme on le
voit, le style lui-même qui est censé interpeller la per-
sonne qui doit en faire usage, à laquelle il est destiné,
voire peut-être offert ' .
Cette interprétation nous invite à commencer, comme je
viens de le faire, la lecture de ce petit texte, ainsi compris,
par les mots : sine manum, de préférence aux mots : [K)ego
scribo, qu'on considérait jusqu'ici comme le début ; ce
second membre de phrase devient ainsi l'apodose naturelle
du premier, qui en est la protase. La disposition matérielle
du texte même, réparti sur les quatre faces du prisme,
nous autorise à l'attaquer par l'une quelconque de ces
faces, celle qui conviendra le mieux pour le sens.
Chose assez curieuse, le cas est le même, à cet égard,
que celui d'un des styles épigraphiques que j'ai cités plus
haut'^, le stvle de la collection Haeberlin, où l'on a fini par
lire correctement : clicia felix, felicior scribe. Mais, ici
non plus, ce n'est pas d'emblée qu'on est arrivé à cette
lecture pourtant si simple. Le premier éditeur, Riese •^,
prenant un faux point de départ, lisait ainsi : Félix! feli-
cior scribe dicta ; il supposait que le style était un cadeau
fait à un enfant appelé Félix, à qui l'on souhaitait, en
jouant sur son nom, d'être plus heureux encore, et de
pouvoir commencer à écrire ce que jusqu'alors il n'avait
pu que dire, ou bien encore ce qu'on lui dirait ou dicterait!
1. Ce genre de prosopopée est assez dans le goût antique ; cf., par
exemple, cette exhortation bachique inscrite sur la coupe elle-même, qui
prend la parole et dit au buveur : yalpE xal zi£t [A£ [CI. G., n° 8102).
2. C./.L., XIII, n" 10027 : 228.
3. WeslJ. Konesp. lUall, 1889, p. 67.
258 SUR UN sTvi.E nr !\njsi^:E de coi.or.M':
Il a fallu l'intervention de Bûclieler ' pour faire justice de
cette absurde explication et remettre les choses à leur
place ^.
Si l'on admet le redressement analog-ue que je propose
d'introduire dans Tinscription du style de Cologne, on
obtient déjà, semble-t-il, une amélioration assez notable
du sens général. Peut-être même pourrait-on pousser
encore plus loin dans cette direction et essayer de rendre
compte de deux autres sing-ularités que j'ai jusqu'ici
laissées de côté : d'une part, l'intervention déroutante de
ce M isolé entre les mots sine et manum ; d'autre part,
l'orthographe irrégulière de }iego = cgo.
Est-il trop téméraire de se demander si ce M de la
ligne 3 ne contiendrait pas le groupe en ligature (M) = mj?
On sait que, dans cette combinaison graphique, le deuxième
élément I est représenté par l'addition d'un trait vertical,
souvent très petit et, partant, peu visible, qui vient s'im-
planter au sommet de l'angle (A), constituant la seconde
branche du M. Ce trait minuscule aurait-il échappé à l'œil,
pourtant si expérimenté, de M. Zangemeister qui a copié
le texte pour le Corpus ? Ou bien le graveur antique
l'aurait-il lui-même omis, en reproduisant son modèle ?
C'est ici, qu'à défaut de l'autopsie, le manque d'une repré-
sentation figurée se fait vivement sentir. La seule indica-
tion que nous ayons — et elle est bien vague, — c'est celle
1. Westd. Korresp. Blalt, 1889, p. 119.
•2. A la suite de la communication de cette note à l'Académie, M. Th.
Reinach a remis en question ce résultat qu'on pouvait croire définitive-
ment acquis. Influencé peut-être par le fait de la coquille du Corpus que
j'ai signalée plus haut (p. 252, n. 2), il a proposé de corriger ici : « dicta
felix, felicior scriho », en supposant que le graveur se serait trompé pour
le dernier mot ; le style qui écrit se vanterait d'être plus heureux encore
que l'heureuse personne qui dicte... Cela pourrait s'appeler « le plus heu-
reux des deux ». On ne voit pas bien ce que le sens gagnerait à cette cor-
rection arbitraire et, d'ailleurs, inutile, celui qui ressort de la leçon réelle
étant pleinement satisfaisant à tous égards : « dicte heureusement! plus
heureusement encore, écris ! »
SUR UN STYLE DU MUSÉE DE COLOGNE 259
de l'exig-ûité relative de ce M signalée par Dûntzer. Quoi
qu'il en soit, dans l'hypothèse où nous aurions réellement
affaire à la ligature mi, le texte en recevrait une certaine
lumière. 11 serait, en effet, tout indiqué de voir dans ce
mot la forme contractée de mihi « à moi ». Cette synérèse
du datif de ego n'appartient pas seulement au langage poé-
tique ; on la retrouve aussi, comme d'autres formes quali-
fiées de poétiques, dans la langue populaire, telle que nous
la révèle l'épigraphie '. Au lieu d'être dans la phrase une
lettre parasite, un élément inerte, ce M = mi = mihi
devient alors un élément vivant, qui y joue un rôle actif,
celui de régime indirect de l'impératif : sine mi{hi) maniim
« laisse-moi ta main ». Il est le pendant symétrique du
nominatif (h)e^o exprimé dans le second membre de phrase.
Si le mieux n'était pas l'ennemi du bien, on pourrait
être tenté de faire encore un pas de plus dans la voie de
l'hypothèse et de rechercher la raison d'être de cette ortho-
graphe insolite, et, somme toute, non justifiée encore, de
hego = ego. La lettre H ne pourrait-elle pas être née d'une
erreur du graveur ayant ainsi indûment interprété le groupe
ET que portait son modèle? Dans cette hypothèse, nous
aurions affaire à la conjonction et, dont, il faut le recon-
naître, l'intervention serait tout à fait en situation ici pour
marquer lapodose ; le second membre de phrase répon-
drait ainsi terme à terme au premier dont il est la consé-
quence logique. Le tout reviendrait alors à peu près à cette
idée : « laisse-moi ta main, et moi j'écrirai. »
J'ajouterai, en terminant, quelques mots sur la forme
caractéristique qu'affectent nos styles à épigraphes et dont
j'ai parlé à plusieurs reprises. Cette forme établit entre eux
un lien matériel qui n'est pas sans intérêt archéologique.
Comment l'artisan antique — on pourrait dire l'artiste —
1. Un exemple, entre autres, que j'emprunte au Cours dépigr. lai. de
M. CaiJ:nat (p. 320), la gourde de terre cuite sur laquelle on lit ces mots à
l'adresse de l'aubergiste : pr{a esta mt^hi) sinceru'm:, etc.
200 srn tn style du i\n:sÉE dk coLor.M':
procédaiL-il pour exécuter ces petits instruments lort élé-
gamment travaillés, qui semblent dériver diin même type?
Voici la conclusion technique à laquelle m'a aniciu' l;i com-
paraison des spécimens lig-urés ou décrits. Le caela/or pre-
nait un petit barreau de bronze, de section transversale
carrée, ayant la longueur du style qu'il se proposait d'en
tirer. Il le divisait préalablement en trois parties principales
qu'il devait traiter ensuite difleremment. Il laissait telle
quelle la partie centrale, qui, ainsi réservée dans le corps
même du barreau primitif, en gardait la forme sous celle
d'un prisme droit, plus ou moins allongé, destiné à recevoir
l'inscription gravée sur ses quatre faces. De là, remontant
vers le sommet, il transformait, sur la longueur de ce
segment, le barreau carré en barreau polygonal — soit
octogonal dans le cas du style de Volon, en chanfreinantles
quatre arêtes ; soit hexagonal dans le cas du style de
Cologne, en opérant les ravalements nécessaires. Arrivé à
l'extrémité supérieure de la tige ainsi modifiée dans cette
partie, il l'aplatissait, en même temps qu'il l'élargissait
pour obtenir la palette oblitératrice. De l'autre côté de la
partie centrale prismatique, l'artiste évidait le barreau en
l'arrondissant et en l'agrémentant de moulures ciselées en
plein, selon son goût ; puis, il l'etrilait en une longue pointe
fine, aciculaire, destinée à écrire ou dessiner sur la couche
de cire. Comme on le voit, le tout était pris dans la masse
même du petit barreau quadrangulaire ^, point de départ
imposé au travail du caelator:
1. D'après les renseignements qu'a bien voulu me fournir très obli-
geamment M. Gasser qui a découvert et possède le style de Volon, la
section transversale du prisme — et, par conséquent, du barreau primitif
dont ce prisme, comme je l'ai expliqué, est en quelque sorte le témoin —
est un carré de 2 1/2 millimètres de côté; les côtés de l'octogone
mesurent environ 1 millimètre.
I
261
SÉANCE DU 20 JUILLET
PRESIDENCE DE M. MAURICE CROISET, ANCIEN PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture d'une lettre de M. Sey-
mour de Ricci qui met à la disposition de la Commission du
Corpus inscriptionum semiticarum une recension par lui faite
du Tarif de Palmyre (texte grec), conservé au Musée de Pétro-
grad, au cours d'une mission numismatique qui lui avait été
confiée par l'Académie.
M. Salomon Reinach donne lecture d'une note de M. Jullian
relative à un casque de gladiateur trouvé à Pompéi et conservé
au Musée de Naples. M. Jullian voit avec M. Bienkowsky, dans
le sujet figuré qui décore ce casque, une allusion au triomphe de
Germanicus. Trois captifs y sont représentés auprès des trophées :
ce seraient Arminius, Thusnelda et Thumelicus ^
M. Salomon Reinach ajoute quelques observations.
M. HoMOLLE présente de la part de M. Rey, chef du Service
archéologique de Tarmée de Salonique, une carte où ont été
reportés les emplacements des différents tumuli fouillés par le
corps expéditionnaire d'Orient dans la région de Salonique et de
Monastir. Ce document sera accompagné ultérieurement d'un
texte explicatif.
M. PoTTiER lit une lettre de M. Alfred Merlin, correspondant
de l'Académie, sur une terre cuite punique peinte, trouvée dans
une nécropole de Carthage, et qui représente une femme riche-
ment vêtue, tenant à la main un objet circulaire. M. Pottier
voit dans cet objet un tympanon. Il ajoute quelques remarques
sur le costume très original que l'artisan a fidèlement figuré.
MM. Salomon Reinach et Bouché-Leclercq présentent
quelques observations.
M. Clermont-Ganneau fait remarquer <iue la position delà main
semble indiquer que les doigts tambourinent sur le tympanon.
1. Voir ci-après.
262 LES PREMIERS PRISONNIERS P.ERMAINS A ROME
M. Marcel Dm:i;i..vkov communique une noie de M. Joulin sur
les Celtes, d'après les découvertes récentes faites dans le Midi de
la France et en Espagne. M. Joulin y retrace en quelques pages
leur histoire et étudie ce que Ton peut savoir de leur organisa-
tion'.
M. Salomon Reinach présente quelques observations.
COMMUNICATIONS
LES PREMIERS PRISONNIERS GERMAINS A ROME,
PAR M. CAMILLE JULLIAN, MEMBRE DE l'aCADÉMIE.
Il existe au Musée de Naples un casque de gladiateur
trouvé à Pompei 2, dont les figures en relief ont suscité ces
temps-ci, en Allemagne, une très vive discussion. M. von
Bienkowski a publié, à son sujet, dans VEos de Lemberg
(XXI), un long article pour développer Ihypothèse que ces
fio-ures se rattacheraient au triomphe de Germanicus. Comme
je ne connais cet article que par de médiocres résumés, je
me permets de reprendre ici la thèse de l'auteur, soit à
Taide d'arguments que je sais provenir de lui, soit à Taide
d'autres arguments dont il s'est peut-être servi, mais qui
me viennent aussi spontanément à la pensée. Voici la
description sommaire des figures de ce casque :
à gauche fst.ce antérieure à droite
trophée d'armes (lan- Rome casquée, de- même trophée ; mais
ces, boucliers, casque, bout, le pied sur un le casque est remplacé
perruque, jambière, avant de navire ; par une seconde per-
carnyx); des deux côtés, un ruque ;
à gauche, la Victoire ; barbare,le genou ployé, à droite, la Victoire ;
à droite, jeune bar- lui présentant une en- à gauche, femme bar-
bare, avec braies, le seigne romaine, visi- bare en attitude de cap-
buste nu, les cheveux blement légionnaire. tive.
longs.
1. Voir ci-après.
2. Il a été public dans le Miiseo Borbonico, X, 31.
LES PREMIERS PRISONNIERS GERMAINS A ROME 263
•La thèse peut, selon moi, se développer par les propo-
sitions suivantes :
1" Le dispositif régulier et systématique de cet ensemble,
les enseignes présentées k Rome et encadrées par deux
trophées similaires et différents, prouvent que les trois
scènes se réfèrent à un seul événement triomphal ;
2^ Il s'agit d'un triomphe sur des peuples occidentaux :
costumes de barbares et espèce d'armes ne conviennent
qu'à des ennemis de l'Ouest ;
3° Le seul ennemi occidental assez important pour
mériter un ensemble de scènes de ce genre, du moins sous
les empereurs, ne peut être que les Germains ;
4° Détails de costumes et d'armement conviennent fort
bien aux Germains ;
5" Le triomphe qui a provoqué cette scène devait se
composer de deux éléments : la restitution d'enseignes (sans
doute de deux légions), la présentation de captifs illustres,
dont une femme et un grand garçon ;
6*^ Un triomphe de ce genre ne s est célébré qu'une fois
à Rome sous les premiers empereurs, en l'an 17, lorsque
Germanicus y rapporta les deux enseignes légionnaires
ravies à Varus et restituées par les Germains, et qu'il con-
duisit dans son cortège Thusnelda et Thumelicus, femme
et fils d'Arminius. Et nous avons ici sous les yeux, en
attitude de captifs, la femme et la fille du chef fameux, et
le tableau vivant par lequel, lors de ce triomphe, on repré-
senta la restitution des enseignes ;
7° Rien d'étonnant à ce qu'un tel triomphe ait été figuré
sur des casques de gladiateurs. Il fut un des plus beaux
que Rome eût vus après ceux de César et d'Auguste et
avant celui de Titus ; il donna lieu à des jeux et des com-
bats de tout genre ; plus tard, le culte de Germanicus fut
particulièrement populaire en Italie et dans tout l'Empire,
il provoqua sans nul doute des spectacles funéraires et,
entre autres, des luttes de gladiateurs. Claude, son frère,
2G4 LES PREMIERS PRISONNIERS GERMAINS A ROME •
et Calio-ula, son iils, n'ont pu (ju'encourager ce culte et le
souvenir de son triomphe. Le casque en question a été
donné comme récompense à un gladiateur vainqueur en
une fête de cette sorte ;
8« Les fêtes triomphales et anniversaires provoquaient
d'ailleurs quantité d'objets et monuments commémoratifs
qui en éternisaient les principaux détails. Certain vase
d'argent du trésor de Boscoreale semble également faire
allusion au triomphe de Germanicus, et il y a, entre
l'allure de ses scènes et l'allure des scènes du casque, de
réelles analogies. Gomme l'a conjecturé, je crois, Déche-
lette, bien des potiches de la Gaule romaine ont dii être
distribuées en commémoration des triomphes de Trajan.
L'article de M. de Bienkowski a éveillé en Allemagne
d'assez vives susceptibilités (voir Germania, 1918), d'abord
. parce qu'il commémore une défaite, ensuite parce qu'une
photographie du casque de Naples existe au grand Musée
germanique de Mayence, et que le directeur de ce Musée,
M. Schumacher, a toujours refusé de voir là des Germains
et d'inscrire ce casque dans son catalogue des figurations
germaniques. Et, de tous côtés, des réclamations se sont
élevées contre les assertions du savant polonais. — M. Schu-
macher a déclaré que la coiffure des Barbares n'était pas la
coiffure ordinaire des Germains ; à quoi je répondrai qu'il
s'agit là, dans cette restitution d'enseignes, d'une céré-
monie solennelle, pour laquelle Rome a dû imposer à ses
captifs un costume de circonstance. — On s'est étonné que
Rome, pour recevoir ces enseignes, ait le pied posé sur un
avant de navire ; mais M. de Bienkowski avait déjà
remarqué que la campagne de Germanicus avait été, pour
moitié, une campagne maritime. — Les Allemands ont
chicané contre l'idée de voir des perruques sur les trophées :
ce sont, dit-il, des cheveux scalpés. Outre que je ne le
crois pas, cela ne fait rien à l'affaire. — H eût été bien dou-
loureux pour les Romains, a-t-on objecté, de faire allusion
LES CELTES d'aPRÈS DES DÉCOUVERTES RÉCENTES 265
à l'a perte des enseignes de Varus. Et la cuirasse d'Auguste,
où est fîg-urée la restitution des enseignes de Crassus ? — Ce
sont, dit M. Schumacher, des Barhares de convention.
Jamais de la vie : tout indique, variété de costumes, d'atti-
tudes, de sexes, que l'artiste a voulu reproduire des êtres
réels. — Les scènes mythologiques et conventionnelles ne
sont point rares sur les casques de gladiateurs. Je le sais
bien : mais il y a aussi des scènes réelles. Et précisément
la vue de celle-ci en proclame, si je peux dire, la réalité.
Et c'est bien la plus ancienne vision connue de prison-
niers germaniques entrant dans Rome, et de prisonniers
de marque, s'il en fût, la femme et le fds d'Arminius.
LES CELTES, D APRÈS LES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES
RÉCENTES DANS LE SUD DE LA FRANCE ET EN ESPAGNE,
PAR M. LÉON JOULIN.
Dans la répartition que quelques textes grecs et la lin-
guistique donnent aux races des barbares de l'Europe occi-
dentale au viii'^ siècle avant J.-C, les Celtes occupent
toutes les régions de l'Allemagne du Sud, ce que confirment
les découvertes archéologiques. La civilisation des diffé-
rentes races est celle du bronze, plus ou moins avancée
suivant les contrées.
Au début du viii^ siècle, les Celtes se distinguent des
autres barbares par une langue commune arrivée à un cer-
tain degré de formation, et par les migrations de tribus
qui se sont déjà établies dans les îles bretonnes. D'autre
part, l'archéologie apprend qu'au vii^ siècle avant J.-C,
ces peuples ont réalisé dans la fabrication du fer un pre-
mier progrès qui leur permet de reproduire avec ce métal
la grande épée à crans de l'âge de bronze. A la même
1918 19
266 LES CELTES d'APR1>S DES DÉCOUVERTES RI^^CENTES '
époque, l'interprétation d'un texte montre Jes tribus cel-
ticjues fixées dans la Gaule orientale au milieu des j)opula-
tions ligures qu'elles dominent on leur apportant la civili-
sation du fer. Des objets semblables à ceux de 1" Allemagne
du Sud rencontrés en Bohème, Silésie et Prusse orientale,
indiquent que la nouvelle civilisation a pénétré chez les
peuples non celtiques de ces contrées.
Au vi" siècle, les Celtes font de nouveaux progrès dans
la fabrication du fer et connaissent le bronze martelé. S'ins-
pirant de types italiques, ils perfectionnent toute leur
industrie, et créent ce que l'on a appelé la civilisation du
Hallstatt. C'est à cette époque que des textes, discutés
jusqu'à ce jour, leur donnent la domination de l'Europe
occidentale. Or l'archéologie vient de confirmer ces textes
en retrouvant les éléments de la civilisation du Hallstatt
dans toutes les régions de la Gaule du Sud et de l'Espagne,
comme elle l'avait déjà fait pour les pays à l'Est et au Nord-
Est de l'Allemagne du Sud. L'hypothèse d'une transmission
par le commerce de la civilisation du fer dans ces pays est
^ dès maintenant écartée parla constatation que les rites funé-
raires hallstattiens existent également dans les deux groupes
de contrées. Les Celtes ont donc affranchi au vi*^ siècle une
grande partie de l'Europe barbare du tribut payé aux pays
d'où provenaient les éléments du bronze, en même temps
que cette race belliqueuse a pu armer un plus grand nombre
d'hommes avec le nouveau métal. Aces observations s'ajoute
la fondation, dans les contrées occidentales, de nombreuses
agglomérations de toute nature, qui ont permis une exploi-
tation des richesses naturelles plus complète que celle faite
jusqu'alors par les peuples de la civilisation du bronze. Les
dominateurs peu nombreux occupaient des oppida dont les
noms celtiques sont connus. ■
Sans indications sur l'état politique des Celtes, on est
amené à concevoir l'existence, aux vii*^, vi*^ et v^ siècles
LES CELTES d'aPRÈS DES DÉCOUVERTES RÉCENTES 267
avant J. -G., d'un grand empire s étendant de la Baltique
aux Colonnes d'Hercule. Ces conquêtes, précédées de la
création de l'industrie du Hallstatt, sont l'œuvre d'une orga-
nisation aristocratique et militaire, analogue à celle des
empires asiatiques contemporains, celui des Mèdes en par-
ticulier. La formation de l'empire celtique a été d'ailleurs
favorisée par les événements de l'Orient méditerranéen,
parmi lesquels la destruction de Tyr, et la longue lutte des
Grecs contre les Perses. On comprend maintenant que,
possédant toutes les voies du commerce barbare avec les
peuples méditerranéens, les Celtes soient arrivés rapide-
ment à la prospérité que manifestent les découvertes
archéologiques des contrées fertiles situées de chaque côté
du Rhin.
Le nom commun de Celtes disparaît presque chez les
auteurs grecs et latins qui rapportent les événements poli-
tiques auxquels ces peuples ont pris part aux iv*' et iii^ siè-
cles. Deux Etats celtiques sont seuls mentionnés, les Galates
ou Gaulois et les Volques ou Belges, les derniers sur la rive
droite du Rhin. De son côté, l'archéologie a montré que
dans la dernière partie du ¥*= siècle, la civilisation du Halls-
tatt a fait place à celle plus avancée de la Tène, dont les
éléments matériels témoignent de nombreuses influences
helléniques. On constate en outre que la nouvelle civilisa-
tion, créée dans les régions situées de chaque côté du Rhin,
s'est répandue rapidement dans toutes les contrées hallstat-
tiennes. La dissolution du grand empire explique seule ces
événements politiques et économiques, et, comme aucune
action extérieure ne peut être invoquée, on est conduit à
attribuer cette évolution à la prépondérance des pays rhé-
nans, comme cela était arrivé aux Perses de l'Iran qui avaient
fini par dominer les Mèdes. Les autres parties de Pempire
sont devenues indépendantes ; un seul de ces États est
dénommé, la Celtibérie, à partir du iii^ siècle.
268 LES CKLTES d'aPRÈS DES DÉCOUVERTES RÉCENTES
Sur rorj»;anisation politique des deux grands groupes de
peuples celtiques, les textes ne donnent d'autre rensei-
gnement que la confédération des nations gauloises sous
l'hégémonie des Bituriges. Des intérêts communs avaient
donc réalisé en Gaule une organisation analogue à celle que
l'on retrouve dans les temps voisins de la conquête
romaine. Quoi qu'il en soit, on sait qu'au commencement
du iv^ siècle l'excès de population chez plusieurs nations
gauloises, et, au iii^ siècle, la pression des Germains sur
les Belges, obligent les deux peuples à chercher de nou-
velles terres. Les premiers s'établissent dans l'Italie du
Nord, la Bohême et le bassin supérieur du Danube ; les
seconds, dans la Gaule du Sud, la Péninsule des Balkans
et jusqu'en Asie Mineure. Comme la civilisation de la Tène
a précédé immédiatement ces migrations, et qu'elle a fait
des emprunts à la civilisation hellénique, notamment pour
les armes, on peut penser que la transformation de la civi-
lisation du Hallstatt a préparé les luttes que les émigrants
devaient soutenir contre les peuples hellénisés dont ils
convoitaient le territoire. Les Celtes ont imposé leur civi-
lisation aux barbares qu'ils ont soumis ; mais ils ne l'ont
modifiée en rien au contact des peuples italiques et grecs
qu'ils dominaient, ce qui devait être une cause d'infériorité
dans de nouvelles luttes contre ces peuples.
Les événements des ii^et i^'' siècles av. J.-C. appartiennent
entièrement à l'histoire. Les textes apprennent tout d'abord
que les nations de la Gaule, redevenues indépendantes, se
sont confédérées à nouveau sous l'hégémonie des Arvernes.
D autre part, les récits de César et les géographes grecs des
11^ et i" siècles avant J.-C. permettent de restituer l'état de
la civilisation de la Gaule à cette époque. Les noms et les
territoires des diverses nations sont indiqués. On connaît
l'organisation politique des tribus et des nations et leurs
autorités : rois ou chefs élus, conseils ou sénats. La société
LES CELTES d'aPRKS DES DÉCOUVERTES RÉCENTES 269
comprend, outre les familles royales, les nobles ou princes
possédant toute la richesse et l'autorité, et la plèbe sans
droits politiques, mais unie aux nobles par la clientèle ;
enfin, la famille patronymique. Le culte national a pour
ministres les druides de chaque nation, qui, sous l'autorité
d'un g-rand-prétre, forment également un lien fédéral, poli-
tique et judiciaire. C'est à cette organisation que l'archéo-
logie est venue apporter tous les éléments du travail de
l'homme dans la civilisation de la Tène, Si l'on excepte le
druidisme, d'introduction récente en Gaule, il est vraisem-
blable que les États fondés aux iv® et m^ siècles av. J.-G.
avaient adopté les principales dispositions de cette organi-
sation, comme l'indique celle des Galates d'Asie.
Au commencement du ii'' siècle av. J.-G., Rome inaugure
les conquêtes qui doivent lui donner l'empire du bassin
méditerranéen et le garantir contre les peuples du Nord,
Tous les Etats celtiques en deçà du Rhin et du Danube
sont successivement soumis par les légions et par la poli-
tique éclairée du Sénat. Appelés en 123 par Marseille que
pressent des tribus ligures, les Romains détruisent tout
d'abord la confédération arverne, et forment une grande
province des régions du Sud-Est de la Gaule. Soixante ans
après, des nations gauloises, faibles dans leur isolement,
sollicitent le secours des Romains contre une migration des
Helvètes et Tinvasion des Suèves d'x\rioviste. Gest alors
que Gésar, proconsul des Gaules, entreprend la conquête
du pays entier. Après huit années de luttes, où les Gaulois
mettent en œuvre toutes les ressources de leur territoire et
de leur civilisation, le génie du grand capitaine triomphe
des efforts qu'ils ont faits pour défendre leur indépendance.
Dès le 111^ siècle, les Germains avaient commencé la con-
quête des Etats celtiques situés au delà du Rhin et du
Danube. ^larbod et les Marcomans l'achèvent à la fin du
i" siècle av. J.-G. par celle de la Bohême et des pays
situés sur la rive gauche du Danube.
270 LIVRES OFFERTS
L'Histoire que nous venons de résumer manifeste à un
haut degré Taction que les Celtes ont exercée pendant six
siècles sur les peuples barbares de l'Europe. A ce titre,
cette race bien douée peut se placer à côté des Grecs et
des Romains dans les g'randes luttes que la Civilisation a
soutenues pendant le millénaire qui a précédé Tère chré-
tienne.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau :
1" Atii e Memorie delV Accadeinia d'agricultura, scienze e lettere di
Verona, vol. XVI, XVII, XVIII, série IV. — Appendice au vol. XVI
et au vol. XVIII, série IV;
2° Archaeologia or Miscellaneous tracts relaiing to antiquUy,
published by the Society of Antiquaries of London, 2« série,
vol. XVIII. Oxford, 1919, in-4o ;
3° Proceedings of the Society of Antiquaries of London, vol. XXIX,
2'' série ;
4" Annual report of the Board of regenis of the Smithsonian Insti-
tution, 1916 (Washington, 1917, in-S") ;
5» Revue Savoisienne, 2* trimestre 1918 (Annecy, 1918, iu-8°).
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES- LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 2 AOUT
PRESIDENCE DE M. MAURICE CROISET, ANCIEN PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de la correspondance
qui comprend :
Une lettre de M. le Ministre de l'instruction publique annon-
çant que M. le Ministre de la marine a donné à « M. le contre-
amiral, commandant la division de Syrie, sous les ordres duquel
le R. P. Savig-nac est placé, l'ordre de lui accorder toutes les
facilités compatibles avec la bonne marche de son service ".
"2° Une lettre du Ministre de l'instruction publique de Chine
exprimant ses regrets au sujet delà mort de M. Chavannes.
3" Une lettre de M. Millet chargé par le Ministère de l'ins-
truction publique d'une mission au mont Athos. Cette lettre
adressée au Ministre fait connaître les premiers résultats de la
mission. Elle nous a été envoyée en communication par M. le
directeur de l'Enseignement supérieur.
4° Un rapport de M. Henri Basset adressé à la Direction
de l'enseignement au Maroc et transmis par le Directeur.
Le Président offre à notre confrère M. Emile Picot nos plus
vives condoléances à l'occasion de la mort de son fills, tué
récemment à l'ennemi, et l'assure que l'Académie s'associe de
tout cœur à sa fierté pour la mort glorieuse du jeune capitaine
et à sa profonde douleur.
272 UNE GRANDE BASILIQUE SOUTERRAINE A ROME
M. Franz Cumont entretient lAcadémie d'un travail publié
par MM. Gattiet Fornari sur la basilique souterraine découverte
à Home sur la voie du chemin de fer. Il ajoute quelques obser-
vations personnelles à cet égard et exprime l'idée que Tédilice
servait peut-être de lieu de culte à quelque secte néo-pythagori-
cienne ^ .
ISIM. Théodore Reinacm, Bouché-Leclercq et Maurice Groiset
présentent quelques observations.
M. Louis Léger communique un travail sur la vie académique
des Slaves méridionaux. Les deux centres intellectuels sont
Zagreb (Agram) chez les Croates et Belgrade chez les Serbes.
L'Académie sud-slave d'Agram, dont le nom dit assez les ten-
dances, a été fondée en 1867 sur l'initiative et en partie aux frais
d'un illustre moine, l'évêque Strossmayer. L'Académie royale da
Belgrade a succédé en 1886 à la Société des sciences de cette
ville dont M. Léger raconte les origines. Elle avait sous sa
tutelle trois établissements: la Bibliothèque nationale qui, au
début de la guerre, possédait environ 50.000 volumes, le Musée
national, et le Musée serbe, particulièrement intéressant au point
de vue de l'histoire et de l'ethnographie. M. Léger énumère et
apprécie les nombreuses publications des deux Académies, aux-
quelles il appartient depuis de longues années.
M. Maurice Groiset présente quelques observations.
COMMUNICATION
LA BASILIQUE SOUTERRAINE DÉCOUVERTE
PRÈS DE LA PORTA MAGGIORE, A ROME,
PAR M. FRANZ CUMONT, ASSOCIÉ ÉTRANGER DE l'aCADÉMIE.
L'Académie connaît déjà par une communication de
M. Salomon Reinach ' la découverte remarquable, faite à
Rome en 1917, d'une grande basilique souterraine, située
1. Voir ci-après.
2. Comptes rendus de l'Ac. des inscr., 27 mars 1918 (ci-dessus, p. 161).
UNE GRANDE BASILIQUE SOUTERRAI>E A ROME 273
exactement sous la voie du chemin de fer près de la Porta
Magg-iore. J'ai l'honneur de lui olfrir aujourd'hui, au nom de
MM. E. Gatti et F. Fornari, la première notice des fouilles
qui y ont été effectuées •. Personne ne pouvait mieux dé-
crire ce monument considérable que les archéologues qui,
depuis plus d'un an, en ont dirigé avec habileté le déblaie-
ment et la consolidation et étudié tous les détails avec
amour et avec compétence. Mais le nettoyage des stucs
n'étant pas terminé, ils ne nous oflVent encore qu'un compte
rendu provisoire et sommaire, qui cependant suffit à donner
une idée précise de l'ensemble de l'édifice et à fixer sa des-
tination et son époque.
Un long couloir incliné, en partie effondré, conduisait
dans un vestibule ou pronaos, richement décoré de pein-
tures et de reliefs sur fond polychrome ; la voûte en
était percée d'un lucernaire, seule ouverture qui éclairât le
souterrain. De ce pronaos, une porte cintrée donnait accès
dans une vaste et haute salle rectangulaire (12"' X 9"^),
qui a la forme caractéristique des basiliques : divisée en
trois nefs par des rangées de gros piliers, elle est terminée
au fond par une abside. Les ossements d'un chien et d'un
porc, retrouvés sous le mur de l'abside, sont manifestement
les restes d'un sacrifice de fondation, et cet indice, joint à
d'autres preuves, ne permet pas de douter que la crypte
ait servi aux cérémonies de quehjue culte secret.
La trouvaille de la Porta Maggiore apporte ainsi un argu-
ment puissant en faveur de l'opinion défendue récemment
par M. Gabriel Leroux sur l'origine, jusqu'ici si contro-
versée, de la basilique chrétienne, qui est suivant lui une
imitation des salles où se réunissaient certaines confréries
païennes pour y célébrer leurs mystères 2.
1. Brevi nolizie relative alla scoperla di un monumento sotterraneo
pressa Porta Mngffiore (exlr. des Nolizie deyli Scavi^ 1018, fasc. r.
2. Gabriel Leroux, Les oricjines de l'édifice hypostijle (Paris, 1913),
p. 308 puiv.
274 UNE GRANDE UASILIQUE SOUTERRAINE A ROME
Mais la valeur artistique et religieuse du nouveau temple
réside surtout dans sa décoration, qui est d'une étonnante
richesse. Presque toute la surface des murs et des voûtes
est couverte de reliefs en stuc blancs, comme ceux de la
Farnésine. A côté de motifs purement ornementaux,
comme des palmettes ou des candélabres stylisés, de
bustes, qui sont sans doute des portraits, de statues, qui
paraissent être des reproductions d'originaux célèbres, on
y voit une variété surprenante de scènes dont quelques-
unes semblent purement profanes (jongleurs, pédagogue
avec ses élèves), mais qui, presque toutes, ont un caractère
nettement religieux : ce sont tantôt des objets du culte,
posés sur des tables d'offrande, tantôt des cérémonies sa-
crées des mystères éleusiniens ou dionysiaques, plus sou-
vent des épisodes de légendes mythologiques : délivrance
d'Hésione, conquête de la Toison d'Or, châtiment des
Danaïdes, Hercule recevant les pommes des Hespérides,
Dioscure enlevant une fille de Leucippe, Ganymède em-
porté au ciel, etc. Au fond de l'abside, une grande compo-
sition fait allusion au voyage des âmes vers les îles des
Bienheureux,
Les originaux grecs dont se sont inspirés les décorateurs
romains sont d'époque très différente ; ceux-ci n'ont pas
imité seulement des modèles alexandrins, mais reproduit
des œuvres presque archaïques, qui remontent certaine-
ment jusqu'au v'' siècle. L'inégalité de la technique prouve
aussi que différentes mains ont exécuté cette légère et fra-
gile ornementation.
Un ensemble aussi disparate serait difficile à dater d'après
ses caractères artistiques, mais la construction du monu-
ment fournit des indications chronologiques plus sûres.
M. Gatti, qui s'est chargé de l'étude architectonique de
l'édifice, croit pouvoir fixer l'époque de sa construction
au commencement du i®"" siècle de notre ère, et cette conclu-
sion s'accorde bien avec l'absence, dans la décoration, de
UNE GRANDE BASILIQUE SOUTERRAINE A ROME 275
tout motif emprunté aux cultes orientaux ou à l'astrologie.
L'œuvre est encore dans la pure tradition grecque.
S'appuvant sur ces faits, M. Fornari est arrivé à déter-
miner avec sagacité le nom probable du propriétaire de la
basilique, qui devait être aussi le patron de la société dont
elle était le lieu de réunion. A environ deux cents mètres
de là, on a trouvé un grand tombeau qui servit de sépulture
aux esclaves et affranchis de la puissante gens Statilia.
Celle-ci possédait donc ici un fonds de terre le long de la
voie Prénestine. Or nous savons par Tacite (XII, 59) que
vers 52 ap. J.-C, Statilius Taurus, ancien proconsul
d'Afrique, fut, à l'instigation d'Agrippine, qui convoitait
ses beaux jardins, accusé de magicae superstitiones. On
peut conjecturer que l'historien désigne ainsi les rites mys-
térieux pratiqués dans l'hypogée qui vient d'être retrouvé,
comme par miracle, presque intact.
Quelle secte célébrait ces cérémonies secrètes? M. For-
nari garde encore sur ce point une prudente réserve, et il
est en effet scabreux de se prononcer tant qu'une étude
complète du monument n'est pas possible. Cependant
certains indices me font croire que dans cette basilique
s'assemblait une association néo-pythagoricienne '. On sait
quelle influence le pythagorisme^ rénové à la fin de la Répu-
blique, exerça à Rome sous les premiers empereurs. Si
notre hypothèse se vérifie, la découverte de la Porta Mag-
giore acquerra, pour l'étude des croyances romaines au
commencement de notre ère, une importance qu'il serait
difficile d'exagérer.
1. Cf. Revue archéologique, 1918, p. 9suiv.,oùje fais valoir les argu-
ments qu'on peut tirer en faveur de cette opinion à la fois du type de la
construction et du grand tableau qui décore l'abside.
276 SÉANCE DU 9 AOUT 1918
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel 'dépose sur le bureau les pulilicalions
suivantes ;
Comptes rendus des séances de r Académie des inscriptions et belles-
lettres, cahier de janvier-février 1918 ;
Mémoires de V Académie des sciences, inscriptions et belles-Ieltres
de Toulouse, H« série, t. V;
Album iconographique des avatars de Clémence Isaure, par le baron
Desazars, de Montgailhard. Appendice aux Mémoires de l\Académie
des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, XP série, t. III;
American Journal of archaeology, vol. XXII, n° 2, avril-juin 191S.
M. PoTTiER est chargé par M. Thureau-Dangin de déposer sur le
bureau un mémoire sur la Chronologie des dynasties de Sumer et
d'Accad (Paris, 1918). <( Un résumé de cette étude avait été présenté
par notre confrère dans la séance du 26 juin 1914. Elle a pour
objet un prisme à quatre faces, acquis par le Musée du Louvre, don-
nant la chronologie de la dynastie de Larsa. Cet important docu-
ment prend rang parmi les textes cunéiformes les plus précieux
pour reconstituer l'histoire de la haute antiquité orientale, au cours
du troisième millénaire avant notre ère, en se fondant sur les calculs
astronomiques du P. Kugler pour la détermination des dates fixes.
Le même texte sert à résoudre le problème discuté sur le rapport
chronologique entre la dynastie de Larsa et celle de Babylone. La
seconde partie du mémoire est consacrée aux dynasties historiques,
antérieures à la dynastie dlsin, et s'appuie en particulier sur l'étude
d'une tablette de la collection Maimon, déjà publiée par notre con-
frère le P. Scheil. Un tableau chronologique présente les résultats
acquis pour les dynasties d'Ur, d'Agadé, d'Uruk et de Gutium. «
SÉANCE DU 9 AOUT
PRESIDENCE DE M. EMILE CHATELAIN, ANCIEN PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture d'une note de M. le
Ministre de l'instruction publique et de l'ampliation d'un décret,
en date du P"" août 1918, autorisant l'Académie à accepter la
donation entre vifs, faite par M. le chanoine Ulysse Chevallier,
SÉANCE DU 9 AOUT 1918 277
membre libre de l'Académie, de cent francs de rente française
4 0/0, destinée à fonder une médaille, de 500 francs, attribuée
tous les cinq ans par la Commission du concours des Antiquités
de la France à l'ouvrage le plus méritant, relatif à Thistoire ou
à Tarchéologie du Dauphiné ou, à défaut, de la Provence, et qui
portera le nom de « Médaille Ulysse Chevallier ».
M. Salomon Reinach donne lecture d'un travail intitulé : Une
grande vente à Borne.
11 s'agit de celle des biens personnels de l'empereur Commode,
vendus publiquement à Rome en 193. M. S. Reinach essaie de
montrer qu'il nous reste des extraits des affiches mêmes de cette
vente et en commente les détails. 11 s'arrête sur les voitures
munies de compteurs de vitesse et dhorloges, appareils déjà
mentionnés sous Auguste, mais qui furent perfectionnés dans
la suite. M. Reinach estime que ces perfectionnements sont
dus à Héron d'Alexandrie, écrivain technique dont la date est
incertaine, mais qui appartiendrait, suivant M. Reinach, à la
fin du siècle des Antonins (160-180 ap. J.-C). Les principes sur
lesquels sont fondés nos taximètres étaient déjà familiei's à cet
ingénieur.
M. Reinach se demande ensuite pourquoi la science grecque,
si riche en promesses, s'est arrêtée dans la voie des applications;
il signale de cela trois causes, qui sont le manque de brevets
d'invention, l'esclavage, fournissant une main-d'œuvre surabon-
dante, et le préjugé stoïcien contre le luxe, englobant dans une
même réprobation l'étalage inutile de la richesse et les progrès
matériels qui contribuent à faciliter la vie.
M. Franz Cumont, associé étranger de l'Académie, fait une
communication sur la triple commémoration des morts célébrée
par l'Eglise byzantine le 3®, 9*^ et 40® jour après le décès. Cet
usage, dont on donnait encore au moyen âge une explication
physiologique tirée de la décomposition du cadavre, remonte au
paganisme antique. L'Eglise d'Orient paraît avoir combiné la
pratique grecque de faire des offrandes sur la tombe le 3^, 9® et
30^ jour avec la tradition syrienne, qui plaçait ces sacrifices
funèbres le 3^', 7^ et 40® jour. La religion astrale des Sémites
enseignait qu'à ces dates, marquées par des nombres sacrés, la
278 LA TlUPLE COMMÉMORATION DES MORTS
lune exerçait une action plus puissante sur la putréfaction des
corps. — i3ans une note crudité, M. Louis Canet a montré que
la recension des Septante admise à Antioche, altéra le texte de
divers passages pour pouvoir justilicr par des exemples bibliques
la célébration du 40^ jour^
Un échange d'observations se fait au sujet de cette commu-
nication entre l'auteur et MM. Boucué-Leclercq, Théodore
Reinacu, Salomon Reinach et Dieulafoy,
COMMUNICATION
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS,
PAR M. FRANZ CUMONT, ASSOCIÉ ÉTRANGER DE l'aCADÉMIE.
Un morceau intitulé Ilepl -^evéaediq àvGpwxou xal o6sv -rpixa
y.ai ëwata xal xsao-apavcoffia, qui est reproduit avec quelques
variantes dans de nombreux manuscrits 2, prétend expli-
quer par des raisons physiolog-iques pourquoi l'Eglise
orthodoxe célébrait des offices funèbres les troisième, neu-
vième et quarantième jours après le décès. On a reconnu
que les diverses formes que prend ce texte, populaire à
Byzance, dérivaient d'un chapitre du traité de Jean Lydus
Sur les mois^. Ce contemporain de Justinien empruntait,
1. Voir ci-après.
2. Kriinibacher en énumère dix-huit, plus cinq autres de textes appa-
rentés à celui-ci [Sitzungsh. Akad. Munich, 1892, p. 343 s.). Vitelli en a
signalé deux et Rostagno un nouveaux (Studi italiani di ftlol. class., II,
p. 138 et V, p. 99); Wiinsch en a examiné encore trois (Lydus, De mensib.,
p. xxv). Le morceau est attribué parfois à Jean Damascène ou à Libanius,
plus souvent à un mystérieux Splenios ou Splinios, en qui l'on a voulu
retrouver Pline, mais dont le nom paraît dû à une simple erreur de
copiste. Cf. Wiinscli, /.. c, et Krumbacher, Byz. Lileratiircfescli. 2, p. 620,
n° 7. — Au xiv'o siècle, l'historien et théologien Nicéphore Galliste Xan-
thopoulos admit encore cette interprétation de la liturgie des morts dans
son commentaire au Triodion (Du Gange, Gloss., s. v. Tpt'ia) .
3. Lydus, De mensib., IV, 26, éd. Wunsch. — Ce chapitre a été com-
menté par Roschcr, qui en a rapproché le contenu de doctrines médicales
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 279
dk-il, sa sagesse, « à ceux des Romains qui ont écrit sur
l'histoire naturelle »' , en réalité, croyons-nous, à un pytha-
goricien éclectique du genre de Numénius. Il affirme donc
que la semence introduite dans la matrice se change le troi-
sième jouren sang et dessine le cœur, « car le cœur, dit-on,
se forme le premier et meurt le dernier » ; le neuvième, la
masse se coagule et se solidifie en ciiair et en moelle ; le
quarantième jour enfin, le fœtus acquiert la forme parfaite
de l'homme.
Après l'accouchement, on défait le troisième jour les
langes du nouveau-né ; le neuvième, l'enfant se fortifie et
supporte qu'on le touche ; le quarantième, il commence à
sourire et à reconnaître sa mère ~.
Après la mort, la nature parcourt en sens inverse, dans
la décomposition du cadavre, les étapes de sa formation :
le troisième jour, le corps change d'aspect et son visage
devient méconnaissable ; le neuvième, il se dissout tout
entier, le cœur se conservant encore ; mais le quarantième,
celui-ci périt avec le reste, et c'est pourquoi, ajoute lanti-
quaire byzantin, « ceux qui célèbrent des cérémonies en
l'honneur des morts, le font le troisième, le neuvième et le
quarantième jour, rappelant ainsi et l'état primitif de
l'homme, et sa croissance postérieure, et sa décomposition
finale » ^.
Il est, certes, surprenant de voir justifier la liturgie chré-
et philosophiques des Grecs {Enneadische Sludien, dans Ahhandl. Slichs.
Ges. Wiss., XXVI, 1907, p. 108 3s., et Die Tessarakontaden, dans Ber.
Sachs. Ges. Wiss., LXI, 1909, p. 133 ss.). Cf. aussi Fredrich, Hippokra-
iische Sludien (Philolog. Unters.,XV),p. 128 s. et Proclus, In Remp. Plat.,
II, p. 26, JI, avec la note de KroU.
1. O'- Tojv 'Pwjxaiojv -Tjv ^yaix/jV îaTopiav auYypacpovxé; çaat /.. -. X.
2. Cf. Censorin, XI, 7 : Parvuli par hos (quadraginta dies) sine risu nec
sine periculo sunt.
3. A'.i TOJTO -piTTjv, ÈvvaTr,v x.a; Tca^afa/.oaxTjv è-'. roJv teGvtj/.û'tw/
çuÀaT-o-jaiv oi àvaYi'ÇovTS: aÔTOi;, tt;; xé -oxï autjxaaew; trj; t£ |j.£t' èxeivY)-;
kTZ'.oéfji'oi y.al to or, Tispaç "f,; àvaXûacw; ini^i^vr]a-/.6^zvoi . Comparer le
passage de Porphyre cité p. 282, n. 1.
280 LA TRIPLE COMMÉiMOIlATION DES MORTS
tienne par ces explications physiologiques, d'ailleurs radi-
calement fausses, et on est naturellement amené à penser
que rusa_"-e, dont on prétend ainsi faire comprendre la
signification, est d'origine païenne, comme l'interprétation
proposée par les naturalistes romains. Cet emprunt est
généralement admis', mais la question est plus compli-
quée qu'il n y paraît, et l'on n'a pas jusqu'ici éliminé les
difficultés qu'offre l'hypothèse de ce transfert, ni montré, je
crois, la véritable origine de ces rites funéraires.
La pratique byzantine est fout ancienne. Elle est déjà
mentionnée dans les Constitutions apostoliques, qu'on sait
avoir été rédigées à la fin du iv*" siècle ou au commence-
ment du v^ dans la région d'Antioche. Les Tpixa, ewaia,
TeaaapaxojTâ et l'anniversaire de la mort n'étaient pas mar-
qués uniquement par la récitation de prières et la distri-
bution d'aumônes'^; on célébrait aussi, à la façon des
païens, des banquets funéraires. Le recueil ecclésiastique
recommande d'y pratiquer une modération dont on avait
lieu de déplorer souvent l'absence, et il enjoint notam-
ment de ne pas abuser du vin^ Une série de témoignages
atteste la continuation, à travers le moyen âge byzantin,
1. Cf. Rohde, Psyché, H, p. 234 note ; Usener, Der heilige Theodosios,
1890, p. 135 ; les notes de Funk aux Constit. Apostol., I, p. 552 et,"plus ré-
cemment, le P. Delehaye, Les origines du culte des martyrs, 1912,
p. 38 s.
2. Constit. Apostol., VIII, 42 : 'ETCiieXEÎaGw 8e Totia twv xs/otjj.riij.évwv èv
tfiaXjjLOÏ; y.a.1 àvaYV0j(7[xaaiv zaî Tipo Jî'jy aï; otà xôv 5ià tptwv ïi[j.£ptov èyep-
OÉvTa, xai Ewata zl; 67iotj.vr)(jiv twv Ticotdviwv zaî twv zezotij.riij.svwv, zat
Teaaapazoa-cà zatà tôv TîaXaiôv xûrov Mwafjv yàp oiJtw; o Xaoç STtév-
6r)C7£V zat èviauaia uTisp pEta; aùtou" zat oi3dcyOw Èz xwv u7:ap-/_ovTwv
auTou 7:£vr)atv et; àvàptvrjatv aùiou. — La visite au tombeau le troisième
jour est déjà mentionnée dans les Acta loannis, rédiges dans la seconde
moitié du n" siècle (c. 72, p. 186, éd. Bonnet, Ac<a apost. apocr., II) :
napayt'vs-cat b 'Iwivvr); à[J.a xoï? ào^Xçoi; £t; t6 [J.vr][j.a, ipixiriv Yi[j.£pav i/o'j-
aYiç xrii Ao[j.tttavyî;, OTtwç aprov zXàaw[A£v âzst.
3. Ibid., VIII, 4, 4. Cf. Kraus, Realenc, s. v. « Todtenbestattung »,
p. 884 ; Dom Leclercq, dans le Diction, d'archéol. chrét., s. v. « Agapes »,
I, p. 817 ss. ; Pichon, Rei'. et. anc, XI, 1909, p. 236 ss.
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 281
sinon de ces festins tumultueux, du moins de la commé-
moration des trépassés aux mêmes dates ^
Mais tel n'est pas l'usage adopté par l'Eg-lise d'Occident.
Saint Ambroise fêtant en 39o la quadragesima de l'empe-
reur Théodose remarque que alii tertium dieni et trigesi-
muni^ alii septimurn et quadragesimuin observare consue-
verunt '^. La seconde coutume étant celle de la liturgie de
Milan ' ; la première, que lévêque lui oppose, était proba-
blement observée à Rome. Vers la même date, en Afrique,
saint Augustin ^ condamne la fête du neuvième jour,
comme étant celle des gentils, et recommande celle du
septième. Finalement prévalut dans l'Eglise romaine la
commémoration des iii^, vii^et xxx*" jours, qu'on trouve indi-
quée déjà dans le Sacramentaire gélasien ^.
Or nous savons que les anciens Grecs avaient coutume
d'offrir un sacrifice et de déposer des mets sur la tombe de
leurs proches le troisième et le neuvième jour après les
funérailles et que ces vexjŒia se renouvelaient encore le
1. La plupart des textes ont été réunis déjà par Allatius, De Purffatorio,
Rome, 1655, p. 42 ss. — Justin, Nov., GXXXIII, 3; Isid. Pelus, Epist.,
114 (P. G., LXXVIII, 258} ; Palladius, Histor. Laiis., 21 (p. 1076 Migne =
68 Butler), Eustratius presb. dans Allatius, p. 551 = Photius, Biblioth.,
171 (p. 118 a 14); Jean Damascène, Or. pro defunctis, 15 et 23 (P. G., XCV,
0.262, 270); Glykas, ££. 19 (P. G., CLVIII, c. 922). Cf. en outre Goar,
Euchol., p. 540, n. 3, et infra,, p. 284, n. I; Du Gange, ss. vv. Toîta et TpitÉv-
vaTa. — Sur le deuil officiel de neuf et de quarante jours à Constanti-
nople, cf. Codin. De offic, 21, et la note, p. 381, éd. Bonn.
2. Orat. de obitu Theodos., 3 (P. L., XVI, col. 1386).
3. Ambr. , L c. : « Nunc quadragesimam celebramus » et Orat. de fide
resurrectionis, 1 (P. L., XVI, c. I315i. « Nunc quoniam die septinio ad
sepulcrum rcdimus, qui dies symbolum quietis futurae est. »
4. Augusl., Quaesl. inHeplat., 112 (P. L., XXXIV, c. 596). Cf. m/'ra, p. 283,
n.l. — Pour l'office du troisième jour, cf. Evodius, à saint Augustin (Epist.
158, 2, Corp. script, eccl., XLIV, p. 490) : « Per triduum hymnis dominum
conlaudavinius super sepulcrum, et redemptionis sacranientum tertio die
obtulimus. >>
5. Missa in depositione defuncti tertii septimi tricesimi dierum vel
annualis (P. L., LXXIV, c. 1242).
1918 20
282 LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS
trentième jour, c'est-à-dire au bout du mois, et, cha([ue
année, à l'anniversaire de la naissance du défunt '. A Rome,
on se contentait d'un sacrifice et d'un repas, qui avaient
lieu, comme chez les Grecs, près de la sépulture le neu-
vième jour après les obsèques, et ce novcmdiale sacrum
marquait la fin du deuil -, mais ni le troisième jour, ni le
trentième ne paraissent avoir été solennisés chez les Latins
par aucun acte religieux .
On le voit, les rituels chrétiens ne s'accordent pas com-
plètement avec la pratique des Grecs et s'éloig-nent encore
davantage de celle des Romains.
On a donc supposé que l'Eg-lise, tout en adoptant l'usag-e
hellénique de commémorer les morts à trois reprises, en
aurait modifié les dates •"^, de manière à mettre celles-ci
d'accord avec les textes de l'Ecriture. Elle aurait, en même
temps, — on n'explique pas pourquoi, — compté les jours
à partir du décès et non, comme les Grecs et les Romains,
à partir des funérailles.
Cette théorie n'est exacte qu'en partie. Il faut distinguer,
croyons-nous, entre la discipline de l'Eglise romaine et
celle des patriarchats d'Orient. En Italie, la triple commé-
moration des morts était une pratique importée : elle
n'avait pas de racines dans la religion populaire, qui ne
reconnaissait que le novemdial. Diilérents usages exis-
tèrent concurremment dans les communautés chrétiennes,
où des Grecs et des Orientaux se mêlaient en grand nombre
1. Rohde, Psyché, I*, p. 232 ss. Porphyre dit encore (Proclus. In Tim.,
45 D = I, p. 147, 20 Diehl) : Kal toïç teôvYixdaiv ïvara Tioioû'criv zal toïç
YêvvwfjLÉvoti; ô[j.oito; xk ôvd[j.aTa xiOsvTaî xtveç Trj èvâtr] auapdXo-.? Ttsp'.dSoiç
ypoiiAcVOt yevéasfoç y.al aTUOYs'vsasto;.
2. Marquardt, Privallehen"^, p. 378 ss. De Marchi, Il ciilto privalo di
Roma, 1896, I, p. 197 ss. Cf. Wissowa, Religion der Rômer'^, p. 392.
M. Wissowa se refuse avec raison à admettre que l'usage latin soit d'ori-
gine grecque. Le terme de neuf jours pour le deuil se retrouve chez
d'antres peuples encore.
3. Cf. Usener, l. c. ; Funk, l. c. ; Delehaye, /. c.
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 283
à'ia population latine. Vers l'an 500, l'unité, nous l'avons
A^u, n'était pas encore établie. Parmi ces usages différents,
l'autorité ecclésiastique fut libre de choisir, et elle put
imposer ses principes. Elle combattit comme païenne,
saint Augustin en témoigne ', la célébration du neuvième
jour, et préféra les dates qui pouvaient être justifiées par
des exemples tirés de la Bible, c'est-à-dire le septième jour
et le trentième, en faveur desquels on pouvait alléguer des
textes très nets ~. Ces dates se recommandaient d'ailleurs
par leur lien logique ; on priait pour les défunts au bout
de la semaine, puis au bout du mois et enfin au bout de l'an.
La pratique de l'Eglise romaine se fondant sur l'Ancien
Testament, il se fit qu'elle coïncida exactement avec celle
de la Synagogue : au moins à l'époque romaine, les Juifs
avaient un deuil, de moins en moins rigoureux, dé trois, de
sept, et de trente jours, et le Talmud entre dans des discus-
sions minutieuses sur ce qui est permis et interdit durant
ces trois périodes •^.
Mais la situation était tout autre dans la chrétienté
d'Orient, où triompha la célébration des troisième, neuvième
et quarantième jours. Ici la commémoration des morts à
trois reprises était une vieille tradition, liée à des croyances
profondément enracinées dans l'âme populaire. Les pra-
1. Au;7ust., l. c. : « Nescio utrum inveniatur alicui sanctoi-um in Scrip-
turis celebratum esse luctuni novem dies, quod apud latinos Novemdial
appellant, Unde mihi videntur ab hac consuetudine prohibendi, si qui
christianorum istum in mortuis suis numerum servant, qui magis est in
gcntilium consuetudine. »
2. Pour le septième jour : Gen., 50, 10 ; Sirach, 22, 13 : nivGo; vr/.pou ETïti
r]ij.£pat, etc. — Pour le trentième jour : Deuter., 34, 8, cf. infra, p. 294suiv.
3. Talmud deBabyl., Mood-Qatan III (éd. Goldschmidt, t. III, 1899,
p. 740 ss.); cf. Kraus, Talmûdische Archaologie, II, p. 69. — « The mour-
ning proper according lo the Talmud is divided into four periods : The first
three days are given to weeping and lamentation ; the deceased is eulo-
gised up to the seventh day ; the somber garb of mourning is worn up to
the thirtielh day and pcrsonal adornment is neglected. In the case of the
mourning of a parent the pursuit of amusement is abandoned up to the
end of the year. » (The Jewish Encyclop., s. v. « Mourning »).
284 LA TRIPLE COMMÉMOBATION DES MORTS
tiques du paganisme y étaient si invétérées, qu'on voit, en
Syrie, les fidèles continuer au moins jusqu'au vu'' siècle,
malgré les objurgations des évêques, à immoler sur les
tombeaux des taureaux et des moutons, dont ils mangeaient
la chair dans des repas arrosés de copieuses libations de
vin '. En Arménie, ces sacrifices d'animaux furent accep-
tés et sanctionnés par le clergé national, et les fidèles res-
tèrent persuadés que si, aux jours fixés par la tradition, on
ne répandait pas sur la sépulture le sang des victimes, le
mort ne trouverait point de repos dans l'autre vie 2. Même
dans l'Eglise orthodoxe, on trouve des preuves nombreuses
de pratiques semblables 3. Les Constitutions apostoliques
tolèrent seulement, nous l'avons vu, les rejaas funéraires
en y interdisant toute intempérance. Mais si le clergé
accepta ces banquets, qui donnaient souvent lieu à de
1. Un ms. syriaque de Florence, de l'année 1360, contient trois sermons
inédits, qu'il serait intéressant de publier pour l'histoire du culte des morts.
Voici leurs auteurs et leurs sujets d'après Assemani {Bibliothecae Medi-
ceae codicum mss. orientalium calalogiis, 1742, p. 107) :
VII, Mar Severi Anliocheni [patriarche, 512-519] sermo Christianos ab
esu carnium taurorum que pro defunctis immolatoruni prohibons.
VIII, Sermo Mar Rabbulae Edesseni [cv. 412-435] quo eleemosynarum
largitiones pro defunctis edicuntur et carnium esus, vinique potus, iuxta
ludaeorum et Idolatrarum morem in commemoratione defunctorum pro-
hibentur.
IX, Mar Jacobi Edesseni [633-708] quod nimirum non licet christiano
agnum iuxta morem Judaeorum immolare sive tauros pecudesve pro
defunctis.
Parmi les Syriens orientaux, ces immolations d'animaux continueraient
encore aujourd'hui; cf. Conybeare, op. cit., p. 80 n. a.
2. M. Conybeare, Rituale Armenorum, 1905 (p. 54 s., 67 ss.) a réuni de
nombreux témoignages sur les rites du Matai. Noter surtout ce que dit saint
Nicon (p. 76) : 'YTcèp xûv vszpwv Guaîaç xpopâxtov /.aï powv rotoSai ' 7:at oux
àXXwç rjYOUvxai awOrJaeaSat xov t£6v£wtx £i [j.)j èv rot; xpîxot; aùxoS xai xotç
èvvàxot; y.aî xsajapa/.oaxor; at xotauxai 6uaîai â^xtxeXeaOwat. — Au xii"
siècle, le sacrifice, dont le rituel est décrit par Nerses Shnorhali, se faisait
à la porte de l'église devant la croix (p. 84). Cf. Tixeront, Le rite du Matai,
dans Bull, d'anc. litt. chréi., III, 1913, p. 81-94.
3. Cf. Conybeare, p. 80 n. a; p. 413 s., 438 ss. La prière tirée du vieil
euchologe Barberini i^p. 413) se récitait pour lésâmes des trépassés.
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 285
graves excès, à plus forte raison dut-il se montrer accom-
modant pour leurs dates, qui, en soi, n'avaient rien de répré-
hensihle. En Orient, ce ne sont pas les théologiens qui en
cette matière ont imposé leurs décisions au peuple, c'est le
peiiple qui a plié la théologie à ses traditions.
La chose est manifeste pour le neuvième jour. Comme
le remarque saint Augustinj', on ne pouvait invoquer en
sa faveur aucun précédent biblique, et il ne semble pas
qu'on l'ait tenté. C'est évidemment la vieille ennéade des
Grecs qui s'est perpétuée dans la liturgie orthodoxe.
Les Juifs, nous l'avons dit, ne connaissaient que le terme
du septième jour. C'est celui qu'on trouve aussi dans le
paganisme sémitique -, religion astrale où la semaine pla-
nétaire avait une importance considérable. L'Eglise d'An-
tioche a donc substitué ici l'usage hellénique à l'ancien
usage indigène, mais son exemple ne fut pas partout suivi.
Nous savons qu'en Palestine, au moins jusqu'au vi^ siècle,
les chrétiens célébraient, non pas, comme à Byzance, les
Tp(-:a, swata, Tejaapay.caxà, mais les Tpi-a, ï^oc\j.!X., -e^aa-
poL-/.oG-i 3. De même, en Arménie, jusqu'à notre époque les
fidèles ont coutume de porter des mets sur les tombes de
leurs proches le septième et le quarantième jour \ et nous
avons vu que la célébration de la septima et de la quadra-
gesima se maintenait aussi à Milan du temps de saint Am-
broise =. On pourrait chercher là un argument nouveau en
faveur de l'origine orientale de la liturgie ambrosienne.
1. Cf. supra, p. 2S3, n. 1.
2. Lucien, De dea Syra, 52 : Les Galles, après les funérailles d'un des
leurs, çjÀa;avTî; É-Ta vj.£p£fov àotOij.civ oytojç sîç to îpciv koipyovza.:, r.zà ol
To-jT£tov rjv £ÎaiX6Matv, où/, oata Tioiiouii. — Chez les Nosaïris, on sacrifie le
jour des funérailles et le matin du septième jour qui suit (Curtiss, Ursemi-
tische Religion im Vollislehen des Orients, trad. Baudissin, 1903, p. 237).
3. Usener, Der heilige Theodosios,p. 22, 24.
4. .\beghian, Der Armenische Volksglauhe, p. 22 ; cf. Roscher, Tessara-
kontaden, p. 142.
D. Supra, p. 281, n. 2 et 3.
286 LA TRIPLE COMIMÉMORATION DES !\rORTS
On trouve dans saint Jean Ghrysostome une indication
qui se rapporte à l'ancienne fête du septième jour ', bien
que de son temps l'Eglise d'Antioche l'eût, semble-t-il, déjà
abandonné pour le neuvième. Mais une preuve plus curieuse
de celte substitution nous est fournie, sije ne m'abuse, par
un passage du prêtre Eustratius, qui écrivait à Bjzance
vers la fin du vi" siècle -. Il prétend, peut-être d'après un
manuscrit corrompu de la Bible, que les Israélites pleu-
rèrent Moïse cinquante jours, et ajoute que l'Eglise a par-
tagé ce laps de temps en trois parlies : trois, neuf et qua-
rante. Mai^ 3 -|- 9 4- ^0 ne font pas 50, mais 52, et il paraît
bien qu'Eustratius emprunte ce calcul étrange à un écri-
vain antérieur, qui l'appliquait à la série 3, 7, 40, dont le
total est en effet 50.
L'observance du quarantième jour n'était guère plus
aisée à défendre par la Bible que celle du neuvième, bien
qu'on s'y soit essayé. Les Constitutions Apostoliques pre-
scrivent de célébrer les Tejaapaxojta « selon l'ancien rite,
car le peuple porta ainsi le deuil de Moïse ^ ». Mais si Ion
se reporte au Deutéronome, on est surpris de constater
qu'il parle, non de quarante jours, mais de trente. Seule-
ment Teuffapiy.ovTa paraît avoir été substitué k xpixxovTa dans
la recension des Septante dont on se servait à Antioche,
celle de Lucien, pour donner vm appui scripturaire au rituel
suivi par cette Eglise ^.
1. Joh. Chrys., Or. de sanclis Bern. et Prosdoce, 3 (P. G., L, c. 634).
Après un développement sur le deuil de quarante jours (cf. infra), l'ora-
teur ajoute : '0 yàp eîasXôtov eî; xï]v zaxaTcauaiv t/.dv7]V xaTî'TTauaEv a-ô
Tôjv l'pYCDV auToy warcsp àizo twv îSi'wv ô Geo'ç. La même interprétation est
donnée de la commémoration du septième jour par saint Augustin et saint
Ambroise, cf. p. 293, n. 2.
2. Eustratius, Adversus eos qui diciint animas non operari, p. 551, dans
Allatius, de Purgatorio (unique édition).
3. Supra, p. 280, n. 2.
4. M. Louis Canet, avec sa connaissance précise de la tradition manuscrite
des Septante, a bien voulu rédiger pour moi la note substantielle et sug-
gestive qu'on lira à la fin de cet article, sur les altérations qu'à Antioche
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 287
On voit allég-uer aussi pour lég-itimer les Tejaapa/.0(jxâ le
récit des funérailles de Jacob ', mais ici encore, si l'on con-
sulte le texte de la Genèse, on constate qu'il a été mal inter-
prété : les quarante jours dont il y est parlé sont en réalité
le temps que mirent les médecins ég'yptiens à embaumer le
corps, et non la durée du deuil, qui fut de soixante-dix. Ce
n'est qu'en détournant le verset de son vrai sens qu'on par-
vint à y trouver un témoignage ancien qui permît de
défendre la quadragesima.
Nous avons vu plus haut (p. 286) que le prêtre Eustra-
tius en propose une justification encore plus aventureuse 2.
En réalité, la fête du quarantième jour ne peut être
empruntée ni aux Grecs, ni aux Juifs, qui ne l'ont jamais
connue '■'•. Mais le deuil de quarante jours, qui se terminait
par une cérémonie funèbre, se trouve, en dehors des
Hébreux, chez d'autres peuples sémitiques ^, et, fait remar-
quable, le seul exemple certain qu'on en ait pu découvrir
en Grèce, s'est rencontré dans un règlement religieux de
l'île de Rhodes, inscription qui trahit par ses interdictions
alimentaires l'influence des cultes syriens ^
on fit subir au texte biblique pour tenter de iustifier la pratique des
TEaaapa/.oaTa.
1. Saint Anibroise, l. c. Cf. infra, p. 295.
2. Les mauvaises raisons alléguées en faveur des xeaaapaxouia ne
paraissent pas avoir satisfait tout le monde, même en Orient, et l'on voit
à Edesse saint Ephrem ("}"373) ordonner pour son testament {Opéra, II,
p. 401) de commémorer le trentième jour après son décès : « Et quando
diem trigesimuni coniplevero, mei memoriam facite, fratres ; mortui enim
oblatione iuvantur quam viventes faciunt. » Cf. infra, p. 288, n. 2.
3. Roscher, Die Znhl -W im Glauben der Semiten, dans Ahhandl. Sachs.
Ces. Wiss. XXVII, 1909, p. 105 ss., et Tcssarakontaden, p. 142 s.
4. Roscher, Die Zahl 40, p. J20 s. ; cf. 99.
5. Michel, Recueil, 723 =: Dittenberger. Syll. * , 567 = Ziehen, Leges
Graecorum sacrae, n' 118, 1. 12 : àrco xrlôou; [oixjet'ou fj[j.[épaç] [/.'. Ziehen
note avec raison qu'un aussi long délai est tout à fait insolite. — Les
autres témoignages qui ont été allégués pour prouver l'existence d'un
deuil de quarante jours chez les Grecs ne sont pas convaincants; cf.
Wiinsch, ya/ir/). f. Class. Philol., Siippl. bd., XXVII, 1902, p. 121 ss.
Roscher, Die Tessarakontaden, p. 35 ss. Wûnsch cite une iabella devotio-
288 LA TRIPLE COMMÉAIORATION DES MORTS
On est ainsi amené à admettre la combinaison, dans les
liturgies d'Orient, dune double tradition, également
ancienne : un système ternaire, novénaire et trentenaire,
qui est celui des Grecs, et un système ternaire, septénaire,
quadragénaire, qui est celui des Syriens, ou tout au moins
de certains Syriens. Le patriarchat de Jérusalem retint
celui-ci intégralement jusqu'au vi*' siècle au moins ^. La
liturgie d'Antioche, puis celle de Constantinople, emprun-
tèrent avi contraire aux Grecs la célébration du neuvième
jour, aux Syriens celle du quarantième, et ce compromis
finit par s'imposer à toutes les églises orthodoxes ~.
Nous connaissons si mal les doctrines et les pratiques de
l'ancien paganisme de la Syrie, qu'on ne s'étonnera pas que
nous ne possédions presque aucun renseignement direct
sur les cérémonies qui y étaient célébrées en l'honneur des
morts 3. Mais on sait l'influence profonde exercée sur les
croyances de ce pays par l'astrologie babylonienne. Celle-
ci régnait en maîtresse dans les temples des Baals long-
nis athénienne du ii* siècle av. J.-C. {Defixion. tabel. Att., n° 99) où la
mort doit être obtenue « dans les quarante jours ». Mais si ce texte
magique prouve quelque chose, c'est l'origine orientale du terme qui y est
fixé. — Quarante est chez les Sémites, comme me le fait observer M. Gler-
mont-Ganneau, un nombre rond, souvent employé pour exprimer sim-
plement une grande quantité. C'est ainsi que la stèle de Mésa (1. 8) et le
livre des Juges (3, 11 ; 8, 28 ; 13, 1) parlent de règnes de « quarante ans »
pour indiquer leur longue durée, et les Arabes d'aujourd'hui usent encore
de la même expression avec le même sens.
1. Supra, p. 285, n. 3.
2. On peut conjecturer que l'église d'Antioche a adopté le neuvième et
le quarantième jour par opposition aux Juifs, qui célébraient le septième
et le trentième. La colonie juive d'Antioche était puissante, et les évêques
eurent à lutter contre elle.
3. Le célèbre Tâbit ben Qorrah (820-901) avait écrit en syriaque un livre
sur la sépulture des morts à propos des païens de Harrân, sa patrie
(Chwolsohn, Die Ssabier, l. II, p. ii\ Bar-Hébraeus le lisait encore ; il
parait être aujourd'hui perdu, mais des indications intéressantes pour-
raient certainement être tirées des trois sermons que nous avons cités
p. 2S4, n. 1 . Sur les repas offerts aux morts par les Harraniens, cf. Ch\^ ol-
sohn, i. c, II, p. 32 et les notes.
LA TRIPLE COMMÉMOKATION DES MORTS 289
temps avant la conquête romaine, et la divination sidérale
faisait partie de la théologie de leur clergé. Cette pseudo-
science va nous permettre de remonter à la source des
rites des troisième, septième et quarantième jours, et elle
nous fera comprendre en même temps à quelles théories
physiques se rattachent les spéculations de Jean Lydus sur
le culte des morts.
Une doctrine astrologique , qui inspira diverses
méthodes de calcul, enseignait qu'il ne faut pas considérer
seulement le jour de la géniture (^sveo-tç) — on entendait
par là soit celui de la conception, soit celui de la naissance
— mais aussi le troisième, le septième et le quarantième qui
suivent, car la lune détermine à ces moments fatidiques le
contenu de toute la vie et, selon sa position à légard des
autres astres, rend l'existence entière heureuse ou malheu-
reuse. Le plus ancien passage conservé qui traite r.tpX -cpi-
TaïAç, £,3Bo[j.aiaç, -:£(7(japaxû(Ttaf.o:; HîXrjVf/Ç, se trouve dans
Vettius Valens, qui vécut au commencement du ii® siècle de
notre ère et était d'Antioche '. La concordance de ces jours
1. VeUius Valens, I, 15 (p. 29 Kroll), indique difTérentes méthodes de
calcul pour déterminer la position de la lune à ces dates, méthodes arbi-
traires, mais qui montrent l'importance que ses prédécesseurs attachaient
à la question, puis il ajoute : KaOoXtxw; oOv ar|[X£touviai Tot; te sù-ujyeT; xaî
àz'jyv.ç 7.at |j.£aa; -(i^nisiç, l/. ttjç tptTata; zat ljBoo;j.ata; xat x£aaapa-/.oaTata;
•/. T. X. Cf. Rhétorius (écrit vers l'an 505), cap. la', KaSoXixà eÙTuyoûvcwv
ayjl[t.<x-a {Cod. Paris. 2506, f. 16) : Zt|tî'. Se /.olI Tr]v y' /.al Ç'za! ix' tyj;
SsÀrj'vTi? £'. C-o àyaOo-oiwv 6£ojpoyv-a!.) ; de même, cap. /.§', AioaazaXi'a -w;
0£t à7:oT£X£a6ai yEvÉôXta (ibid., f. 22'-), il est recommandé de noter Tr,v
Tp'.Taîav TÎ); i;£Àr;vT|; xat rV iÇ' xaî a'. Rhétorius mentionne ailleurs
encore la TC'.taia cap. vo', Parisin. 2525, f. 91) et la k^i^oiiaicu. ty]? SsÀtjvti;
(cap. o:X', ibid. f. 141 :. Firmicus Maternus, IV, 1, 7 : « In omni genitura
ista < pars >ma^no opère requirenda in qua est Luna constitula. . . Nam
et primus dies et tertius eadem simili ratione decernit, septimus etiam et
undecimus per Lunam totius vitae substantiam monstrat. » L'astrologue
romain oU ses copistes ont lu XI pour XL, ou peut-être le premier a-t-il
corrigé le chiffre, ne sachant pas ce qu'il signifiait, le cours de la lune ne
comprenant que trente jours. Pour le tertius dies, cf. IV, 8, 1 ; III, 14, 10
et Bouché-Leclercq, Aslrol. grecque, p. 487, n. 2. — Cf. aussi Critodème
dans ^'ettius Valens, p. 126, 7, et dans Rhétorius, f. 124 du Paris. 2425.
290 I.A TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS
avec ceux des offrandes funèbres des Syriens est frappante.
Un calcul des probabilités montrerait combien est minime
la chance qu'une pareille coïncidence soit fortuite.
Pourquoi la g-énéthlialogie accordait-elle à ces dates une
valeur particulière ? Simplement parce que 3, 7 et 40 sont
à Babylone des nombres sacrés, ou, pour mieux dire, n par-
faits » {-iXeioi), c'est-à-dire qu'ils marquent l'achèvement
d'un cycle K Par suite, l'action du grand luminaire nocturne
devait, quand ils entraient en jeu, se manifester avec une
énergie plus puissante.
Or on sait que pour les astrologues, la lune, qui règle
les phénomènes mensuels de la santé des femmes, est aussi
la maîtresse de la vie intra-utérine -. D'une façon générale,
elle est la planète qui préside à la formation des corps, par
opposition au soleil, lequel accorde les dons de l'intelli-
gence ^, et elle a, par suite, sous sa tutelle les débuts de la
vie du nouveau-né. Mais ce qu'elle a constitué, elle est aussi
appelée à le dissoudre : Omnia animantium corpora et con-
cepta procréât et generata dissolvit, dit Firmicus Maternus,
dans le passage même qui traite des jours où s'exerce sur-
tout son action. Ses effets essentiels, suivant la Tétrabible,
le manuel classique de Ptolémée, sont « de mûrir et de
pourrir les corps ^ », et dans ses « Propos de Table » Plu-
1. Roscher, Die Zahl 40, p. 99. Cf. supra, p. 287 [288], n. 5.
2. Bouché-Leclercq. Astrol. gr., p. 377 ss., Roscher, Selene, 1890, p. 58.
La question de la durée de. la vie intra-utérine était d une importance pri-
mordiale pour les astrologues, qui s'ingéniaient à calculer fe moment de la
conception d'après celui de la naissance.
3. Firmicus, IV, 1, 1.; « Omnis substantia corporis humaniad istiusper-
tinet numinis (Lunae) potestatem. » J'ai cité d'autres textes, Théologie
solaire dans Méin. sav. étr. Acad. inscr., XII, 1909, p. 463 [17], n. 1.
4. Ptoleni., Telrah., I, 3 (p. 17, éd. 1553) : ITETzatvouaa xaî 8taa7Î7:ouaa
xàT^XEiaia (awij.aTa);cf. Coinm. Anon. in Ptol., p. 17. De même en Orient,
dans la prière des Ilarraniens à la Lune publiée par Dozy {Actes du Coix-
grès des Orientalistes de Leide, 1883, p. 333), on lit : <■ Per la tua integrità
tutto resta integro, e per la tua corruzione tutto si corrompe » [traduction
couiniuniquée par M. Gabrieli].
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 291
tarque explique doctement pourquoi la viande, exposée aux
ravons froids et humides de Fastre des nuits, se corrompt,
comme se putréfie par leur action la chair des morts '.
On saisira maintenant l'origine du triple développement
exposé par Lydus d'après '( les physiciens romains » . Cette
origine est probablement fort ancienne. Les théories rela-
tives à Séléné sont dans l'astrologie grecque une des par-
ties provenant du fonds primitif, hérité de la Babylonie, où
le dieu lunaire Sin avait une importance plus grande même
que celle du Soleil. On a pu démontrer récemment à l'évi-
dence qu'une série de pronostics, tirés du cours de la lune,
qui nous ont été transmis par le même Lydus, dérivent
directement des présages consignés sur les tablettes cunéi-
formes de la bibliothèque d'Assourbanipal ~.
Nous ne pouvons remonter aussi haut pour les théories
de l'érudit byzantin sur la vie et la mort, mais une res-
semblance curieuse entre elles et une source orientale
mérite d'être relevée. Les rabbins du Talmud expliquent
le deuil strict de trois jours, observé chez les Juifs, comme
le font les « physiciens », résumés par Lydus, pour les
-p'Ta grecs, en alléguant qu'au bout de ce temps le visage
du mort cesse d'être reconnaissable par suite de la décom-
position du cadavre ^.
Je n'insisterai pas ici sur l'influence qu'eut l'enseigne-
ment des « Chaldéens » sur les théories médicales relatives
au développement de l'embryon et du nouveau-né ^, ni sur
les conséquences religieuses qu'on tira de ces doctrines ^ ;
1. Plut., Qaaest. Conv., III, 10, 3 (eî; «rîi'j'iv ayet ta ^3zpi tÙjv aojaaTOJv),
cf. De facie in orbe Lunae, 18 hr.àz'.c xpîtov). Macrobe, Sat., XVI, 15, 20
ss., trackiil Plutarqiie. — Cf. aussi Roscher, Selene, p. 73.
2. BoU et Bezold, Réflexe aslrologischer Keilinschriflen bei Griechischen
Schriflslellern dans Silzinuf^h. Almd. Heidelberg, VII. 1911.
3. lîaudissin, Adonis und Esnioun, 1911, p. 414, n. 2.
4. Cf. supra, p. 278, note 2.
5. Selon Censorin, XI, 7, « Praegnans ante diem quadrai^esimum non
prodit in fanum », mais il a néglige de nous dii'e comment les femmes
292 LA TUIPLK COMMÉMORATION DES MORTS
mais on conçoit quelle dut en être l'action sur le culte
des morts. Les troisième, septième et quarantième jours
qui suivent le décès sont les dates critiques de la vie
d'outre-tombe, celles qui marquent les étapes de la putré-
faction du corps. En ces jours redoutables, il faut apaiser
l'esprit du défunt par des offrandes pour l'empêcher de
Avenir troubler les vivants. La lune restera toujours la
grande évocatrice dés spectres et des fantômes.
A l'époque romaine, le sens primitif des sacrifices offerts
pour les défunts était probablement à peu près oublié.
Peut-être même ne croyait-on plus fermement que le mort
dût être rassasié en prenant sa part des banquets qu'on
faisait près de sa sépulture. C'étaient là de vieux rites tra-
ditionnels qu'on accomplissait aux moments fixés, sans
bien en comprendre le motif, comme nous observons, sans
savoir pourquoi, un cérémonial funèbre transmis de g-énéra-
tion en génération. De nouvelles croyances sur la destinée
de l'âme s'étaient peu à peu répandues et avaient profon-
dément modifié ridée qu'on se faisait de la vie d'outre-
tombe. Mais les familles, lorsqu'un de leurs proches les
avait quittées, persistaient à aller festoyer auprès de ses
restes aux jours consacrés par une antique coutume.
S'il n'est pas surprenant que la signification originelle de
ces cérémonies, héritées de lointains ancêtres, se fût per-
grecques faisaient pour s'apercevoir du moment exact de la conception. —
Beaucoup mieux attestée est l'impureté de quarante jours après l'accouche-
ment qu'on trouve chez les Grecs (Roscher, Tessarakontaden, 28 ss.) comme
chez les Juifs (7 + 33 jours, Lévit., XII, 4, cf. Roscher, Die Zahl 40^1^.100
ss.) et chez d'autres peuples [ibid., 117 ss). Suivant le Lévitique, l'enfant
doit être circoncis le huitième jour (XII, 3). On conserva à Bj'zance l'ha-
bitude de présenter les nouveau-nés à l'église le quarantième jour, ce
qu'un auteur byzantin rattache aux théories physiologiques de Lydus
(Krumbacher, Silznngsb. Akad. Mûnchen, 1892, p. 348, 1. 17). Une B^ù/rj
OIE sîaépy_£Tai 7:ato{ov £?ç Trjv âxxXYjat'av xrj ix' ïj|J-£pa trjç yïvvrÎCTHw; auTOu
est publiée par Conybeare [Ritiiale Armenoriim, 1905, p. 390) d'après le
vieil euchologe Barberini. Nous devons à la loi mosaïque la fête de la Puri-
fication ou de la Présentation (2 février).
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 293
due, il Test davantag^e que, grâce à l'antiquaire Lydus, une
explication toute matérialiste et qui s'inspire directement
d'un paganisme ancestral, s'en soit perpétuée à travers le
moyen âge byzantin. Bien entendu, elle ne satisfit pas tout
le monde, et les théologiens s'appliquèrent, en invoquant des
récits bibliques, à donner une signification plus haute aux
dates adoptées par l'Église orthodoxe : le troisième jour sera
le symbole de la résurrection, le neuvième rappellera la
première apparition de Jésus à ses disciples, le quaran-
tième sera l'emblème de l'Ascension ' ; de même, le septième
sera regardé comme celui du Sabbat, qui fait allusion au
repos des morts ' . Mais à côté de cette exégèse scriptu-
raire, on voit se maintenir une autre explication plus popu-
laire '^ et qui semble bien se rattacher aux croyances répan-
dues à la fin du paganisme par les mystères orientaux et
les systèmes gnostiques. Jusqu'au troisième jour, dit-on,
l'âme reste sur la terre ^ et le troisième elle est emportée
par les anges, le neuvième, se place son jugement et les
1. Eustratius, dans AUatius, De Purgatorio, p. 551. — Le rapprochement
entre les Tp'.-a et la Résurrection est déjà fait dans les Constitutions Apos-
tol.,i.c.,etdanslsid. Pelus..£:pts^,lI4(P. CLXXVIII, 258).-Autres
interprétations dans Goar, Euchologion, Ï6il, p.540 n. 3.
2. Ambres., Orat. de fide resiirr., 1, c. : « Nunc quoniam ad sepulcrum
redimus, qui dies symbolum futurae quietis est. » August., Quaest. in
Heptaleuch., 172 (P. L., LXXXIV. c. 596 . Cf. supra, p. 286, n. 1.
3. Morceau anonyme tiré du Parisin. 1140 A, saec. xiv, f. 82, dans Krum-
bacher, l. c, p. 349 ; 'H ^J-u^ti ;jL£-à tÔv OavaTOv ^Eyçl xp'.wv r][A£pâjy ::poa-
tjLc'vïi èv -fi Y^- zaTàSÈtriv xpf-r,-/ f.aÉpav ivâyouatv aÙTr,v o- ti-^^ùoriv 8È xf)
^/vâxr, f.aîp'r, yivcxa- xp{a'.; XTJ; 6-^/f,; [x£xà xwv Iv xw àip-. xeXwviwv >'-a^T<Sv
ivYEÀwv • -pô; oï xr,v x£aaapa/.oc7xfiV fjlAÉpav xf.; xeaejxïÎ; ;:pocrâY£xat xw xou
0£ou epovio y.al Xa[i.;îav£i i-dçaa-.v i/. 0£o2 xoy £lva'. èv à-ox£xay[J.£vw xo'noj
txEypl XTÎ; xotvï); âvaaxâa£oj;.
' 4"' Cette croyance était très répandue en Orient (judaïsme, mazdéisme,
cf. Baudissin, Adonis und Esmun, 1911, p. 412 ss.).— On établit une rela-
tion entre cette doctrine et celle dont Lydus s'est fait le propagateur :
« Lame vole trois jours autour du corps, désireuse d'y rentrer, mais
quand elle voit que le visage du mort s'altère, elle abandonne le cadavre »
^Talmud de Jérus., Moëd Qatan, III, 5, f. 12 a).
29 i TA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS
ang-es la disputent aux « douaniers » (isXwvia), démons
aériens qui veulent lempècher de poursuivre sa route vers
le ciel ' ; enfin, le quarantième, elle s'approche du trône de
Dieu, qui lui assigne son séjour jus(ju"k la résurrection des
morts '^.
NOTE ADDITIONNELLE DE M, LOUIS CANET
SUR LES -EaaapaxocTâ et la recension lucianique des septante
(cf. supra, p. 28C, n. 4.)
Les Israélites, selon Deut. 34 », ont pleuré Moïse trente jours
durant. Il est certain que tt^ente est la leçon authentique, car pour
un ms. grec qui donne quarante (le Laur. gr. V, l,d6 Florence),
tous les autres témoins du texte et des versions, sans parler du
Talmud et des traditions juives, sont en faveur de trente.
Cependant le texte biblique dont se sei'vait l'auteur des Constitu-
tions apostoliques donnait aussi quarante, puisque Const. Ap. VIII,
42 se réfèrent au deuil de Moïse pour justifier le service du quaran-
tième jour [supra, p. 286.) Il est vrai qu'un ms. de cet ouvrage (Vat.
gr. 2089, de Rome) lit trentième jour au lieu de quarantième, et que
cette leçon a pour elle les témoins orientaux du texte. Mais il faut
néanmoins admettre que Tsajapazoa-â est la leçon originale des
Const. Ap. parce que saint Jean Cbrysostome affirme de son côté
que le deuil de Moïse, comme celui de Jacob, a duré quarante jours :
ëxXauoav youv tov îaxto6 TsaaapàxovTa Tjixépaî, exXauCTav zal tov p.coUa^"v
éiÉpaç TOŒaÛTa; ot touoai'oi {In SS.Bernicen et Prosdocen, 3 = P. G., 50,
col. 634).
L'accord de saint Jean Cbrysostome et des Const. Ap. prouve que
l'Église d'Antioche lisait en Deut. 34 », non tpfaxovTa, mais Tsaaapàxovxa
«
1. Sur les TsVjvia, cf. Ducange, s. v. ; Krumbacher, l. c, p. 319, n. 2 ;
Lawson, Modem Greek folklore, 1910, p. 284 ss. — Les douaniers, qui
arrêtent Tàme dans son voyag-e à travers les airs, se rattachent maniTcste-
ment aux «commandants » (ap/ovxsç) qui, suivant l'eschatologie astrale,
étaient placés aux portes des sphères célestes, et empêchaient les impies
de les franchir.
2. Même croyance chez les Coptes, cf. la note de Funk, Constit. Apost.,
I, p. 555. — De même chez les Sabéens de Mésopotamie : il faut à Fâme un
voyage de quarante jours pour pouvoir paraître devant Dieu afin d'y être
jugée.
LA TRIPLE COMMÉMORATION DES MORTS 295
fjjjLipaç, c'est-à-dire que TsuaapazovTa est la leçon adoptée par Lucien
dans sa recension des LXX. Chose étrange, cette leçon n'a pas été
conservée par les mss. lucianiques, et l'édition du Pentateuque
luciaiiique, due à Paul de Lagarde, donne le verset sous cette forme:
xai E/.Xa-jaav xov [j-w-Jj^v ot Otol '.ap<xf\\ èv apaSwÔ MojaS lr,i "oy îopôavou
xaxà ispi/w Tpiaxovra r][xlpa;.
Par contre, la leçon Tc^jjapay.ovca est conservée, comme on a vu
plus haut, dans le Laur. gr. V, 1, qui est, lui, réputé hésychien.
Les diverses traditions textuelles de la Bible grecque se sont à ce
point mêlées et confondues qu'il n'est pas absolument impossible
qu'une leçon lucianique n'ait été conservée que dans un ms. hésy-
chien. Mais comme on n'est pas fixé sur le caractère de la recension
hésychienne, il serait peut-être prudent de reprendre l'examen du
problème, et de chercher si le Laur. gr. V. 1 ne serait pas, lui
aussi, un témoin de la recension de Lucien d'Antioche, ou du moins
un texte mixte.
Un cas analogue est fourni par le Livre des Juges : il est dit en
Jud. 11-i*' que chaque année les filles d'Israël se réunissent pendant
quatre jours pour pleurer la fille de Jephté. Or, au lieu de ticz^apaç,
on lit T£3aapâ/.ov-a d'une part dans le Parisinus gr. 3, ms. bi-
blique, d'autre part dans saint Jean Chrysostome, Homélie XIV au
peuple d'Antioche {P. G., 49, col. 147) : Èysvîxo vojjloç ::apà toïç îouoaîoiç
auvEp/oaiva: xàç -apôivou? zarx tov y.a;pôv r/.sïvov T]a£pa; xscjaapàx.ovxa
TicvÔEiv xTjv Y£y£V7][j.£vr|V açayrjv. Il est donc probable, et l'on pourrait dire
presque certain, que ce ms. de Paris, qui, à ma connaissance, n'est
pas encore classé, conserve ici une leçon lucianique : il y aurait lieu
d'examiner s'il ne faut pas voir en lui un nouveau témoin de la Bible
d'Antioche.
Quoi qu'il en soit, le texte de saint Jean Chrysostome atteste ici
encore que le deuil de quarante jours était à Antioche un usage
enraciné.
Ce que dit le même auteur du deuil de Jacob conduit à la même
conclusion. Et son témoignage est ici confirmé par celui de saint
Ambroise, citant l'ancienne vulgate latine, dans ÏOratio de obitu
Theodosii, 3 : « Defuncto itaque iacob praecepit ioseph pueris suis
sepultoribus ut sepelirent eum. et sepelierunt sepultores Israël, et
repleti sunt ei quadraginta dies : sic enim dinumerabantur dies
sepulturae. et luxit eum aegyptus septuaginta diebus » ^Gen. 50'^),
ce qui correspond au grec : zal 7:pocr£xa?£v EocfiÇ xoïç Ttaiolv auxoiï tôt?
îvxaœtaaxaï^ âvxacptadat xôv îiaxÉpa aùxou ' xa-. âv£Xàç''acrav o£ âvxaçtaaxal xov
îoroarJÀ • zaï £7:XT{ptoa£v aùxoùç [var. : i-XrJpwaav aùxou] xsaaspâzovxa f)ii£paç'
oOxw; yàp y.aTapiô|jL0v3vxai at r][j.Épat xfj; xaçrj;.
296 LA TRIPI-E COAIMÉMORATIOIN DES MORTS
Ici le cas, au poinl de vue critique, est dilTéreiil : tous les témoins
s'accordent à lire (jiiarantc, mais saint Jean Chrysostome et saint
Aiiibroise prennent le texte à contresens, puisciu'ils entendent de la
durée du deuil ce qui est dit de la durée de rembaumement, alors
qu'il est spécifié au contraire que le deuil de J;cob avait duré
soixante-dix jours.
Le g-rec et le latin, il est vrai, prêtaient à équivoque : èvtaçiâÇciv et.
sepelire, comme ensevelir en français, peuvent se dire, soit des soins
que l'on donne au cadavre, soit de sa mise au tombeau. Cependant
saint Augustin, dans les Locutiones de Genesi {P. L. 34, col. 502)
marque ({ue ces deux mots doivent s'entendre ici de l'embaumement :
0 quod scriptum est : <■<■ dixit iosepb seruis suis sepultoribus ut
sepelirent patrem eius » non inuenit lingua latina quemadmodum
appellaret èwaçiaaTa; : non enim ipsi sepeliunt, id est terrae mandant
corpora mortuorum, quod non est graece Ivraçiotuat, sed Oaij^at. illi
ergo ivTaojtaaTat id agunt quod exhibetur corporibus humanis, uel
condiendo uel siccando uel inuoluendo et alligando, in quo opère
maxime aegyptiorum cura praecellit. quod ergo dicit : « etiam sepe-
lierunt » curauerunt intelligere debemus. et quod dicit : « quadra-
ginla dies sepulturae » ipsius curationis accipiendi sunt. sepultus
enim ille non est, nisi ubi se mandauerat sepeliri. » On ne saurait
mieux dire. Il n'en est pas moins vrai que saint Jean Chrysostome,
saint Ambroise, et d'autres avec eux, évidemment sous l'influence
d'une idée préconçue, ont assimilé les quarante jours de l'embau-
mement au deuil de la même durée qui s'observait alors à Antioche.
C'est, en efl"et, la même idée qui, dans la version arménienne
éditée par Zohrab en 1805, a fait traduire zal £7:X^'pojjav aÙTou
Tsaaapàxovra rjuspa; par ils le pleurèrent quarante Jours (d'autres mss.
arméniens lisent au contraire : ses quarante Jours furent accomplis).
C'est encore la même idée qui, dans les mss. Par. gr. 17 a et Zittau
A 1. 1., tous deux lucianiques, a fait ajouter t6 jtsvOoç soit, devant
Tsaaapot/.ovTa, ms. de Paris : /.aî é-Xrjpwaav aùrou <C. to tcévOo; > xeaaa-
pdcxovva r];ji£pa;, soit après rj;j.£pa;, ms. de Zittau : y.xl IrXrjpwaav aùi'î).
TEaiapây.ovta ri|j.£paç <;tÔ TcivÔoç^. C'est enfin la même idée qui, dans les
mss. Chigi, R. vi. 38, Vat. gr. 330, et Athènes, Bihl. nat. 44 (les deux
premiers lucianiques, et probablement aussi le troisième) a facilité
une omission qui, si elle s'explique suffisamment par l'effet méca-
nique de l'homoiotéleuton, n'en a pas moins pour effet de mettre le
récit d'accord avec l'usage des quarante jours. Vat. gr. 330 : zai
£7cXYJpwaav aùxou Tsaaapa/.ovia iqiiiooiç [o'jto); yàp y.aTapt6ji.ouvTai at Tjjjispat
T7]; Tacpr)i; " xai £:î£vOrja£v aùtôv aiyu^iTo; £[jOO[j:r,-/.ovTa fjijLÉpa;] £7:r]8ïi ôÈ
Ttap^Xôov at r)[X£pat 'i ou tïevQou; C'est enfin la même idée qui, dans
LIVRES OFFERTS 297
le ms. de Venise, Marc. gr. 2, a fait réduire à quarante le deuil de
soixante-dix jours: zai ÈTîÉvÔrjaôv aÙTÔv <xi-^\iT:ioc, Tsaaap â/.ovTa Y)|ji£paç
(cet. £5oo[X7)'y.ovTa rjfjLspa;).
Il ressort, semble-t-il, à Tévidence, de toutes ces constatations que
le deuil de quarante jours était à Anlioche une coutume si solide-
ment établie que la trace s'en retrouve non seulement dans lesmss.
qui conservent plus ou moins altérée la recension de Lucien [Gen.
50 2-3)^ mais dans la recension elle-même de Lucien qui, en Jud. il-*'*
peut-être, et certainement en Deut. 34 8, n'a pas craint de corriger
l'original hébreu pour accorder le texte à la tradition de son pays.
LIVRES OFFERTS
Le Skcrétaire perpétuel dépose sur le bureau les publications
suivantes :
Journal of ùhe Royal Instilute of British Architects, n" 9, t. XXV,
London UniversUy Gazette, vol. XVIII, n° 202 ; — Supplément,
31 juillet 1918 ;
Annuaire général de Vlndo-Chine, Hanoï, 1918 ;
Revista de archivos, bihliotecas y niuseos, t. XXII, mai-juin 1918.
M. Clermont-Ganneau présente une brochure de M. Eusèbe Vassel:
L'épigraphie de Maxula (Tunis, 1918, in-8°).
M. Emile Senart offre à l'Académie l'ouvrage suivant : The begin-
nings of Buddhist Art, by A. Foucher. Traduction anglaise par L. A.
Thomas et F. W. Thomas :
« Je suis heureux de pouvoir faire hommage à l'Académie, au nom
de Fauteur, de ce beau volume où se trouvent groupés — en traduc-
tion anglaise — plusieurs des conférences et mémoires que jNI. Fou-
cher a consacrés à l'archéologie et à l'iconographie bouddhiques. Je
n'ai pas besoin de rappeler ici l'autorité exceptionnelle que s'est
acquise l'auteur dans cet ordre d'études. Elle est attestée une fois de
plus par les soins qu'a voulu donner à la présente publication M. F.
W. Thomas, le savant bibliothécaire de Flndia Office.
« M. Foucher, archéologue au tact délicat, est aussi un philologue
parfaitement informé, attentif toujours à déterminer et à suivre la
bonne méthode. Qu'il explique comment pendant une longue période
— jusqu'à l'intervention de l'influence hellénique — les Bouddhistes
ont évité de représenter la personne du Bouddha et l'ont, jusque dans
1918 21
298 SÉANCE DU 16 AOUT 1918
des scènes historiques ou anecdotiques, remplacée par divers sym-
boles, ou qu'il s'oiïorce, dans des images souvent gauches et sirigu-
lièremenl sommaires, à retrouver des récils transmis par la littéra-
ture; que, après en avoir dégagé le type ancien, il établisse, avec une
logi((ue lumineuse, l'enchaînement, à travers des siècles, de la figu-
ration du « grand miracle de Sràvasti », ou qu'il suive dans les vastes
monuments de Java l'évolution de l'art venu de l'Inde, — on ne se
lasse pas de goûter l'aisance ingénieuse de l'esprit, la pénétration
d'un regard qui ne laisse rien échapper, les l'essources d'une belle
imagination scientifique.
« Une illustration abondante et soignée complète le livre (]ui,
sous cette forme nouvelle, fera plus facilement son chemin et portera
un témoignage de l'activité française dans le pays même dont il
évoque si habilement des monuments précieux. »
SÉANCE DU 16 AOUT
PRÉSIDENCE DE M. EMILE CHATELAIN, ANCIEN PRESIDENT.
M. J.-B. Chabot fait une communication sur rinscription
bilingue grecque et palmyrénienne contenant le tarif d'octroi
de la ville de Palmyre édicté en l'an 137 de notre ère.
Cette inscription, découverte en 1881, a été l'objet de nom-
breux travaux ; mais à cause du mauvais état des textes, plusieurs
passages n'avaient pas encore été lus en entier. M. Chabot a
réussi à rétablir le texte palmyrénien des articles concernant les
droits à payer sur les mulets, sur les fourrages verts, sur les
statues de bronze. Il a pu compléter aussi le texte grec du der-
nier paragraphe de la loi, concernant le di-oit de pacage, qui est
un des articles les plus intéressants de ce document.
Poursuivant ses études sur la vie académique dans les pays
slaves, M. Léger lit un mémoire sur l'histoire de la Société des
sciences de Prague et de l'Académie tchèque. La Société royale
des sciences date officiellement de Tannée 1784. A cette époque
ni Vienne ni Budapest n'avaient de corps académique. Au dix-
neuvième siècle, cette Société est devenue bilingue et a joué un
rùle sérieux dans les progrès de la science tchèque. L'Académie.
SÉANCI5 DU 23 AOUT 1918 299
elle, est purement slave. Elle date de 1888 et doit sa fondation
à un généreux mécène, l'architecte Illavka, qui en tut le premier
président. M. Léger résume l'activité des deux sociétés et le
caractère de leurs publications.
TJVHES OFFERTS
Le Secrétauie peupétuel dépose sur le bureau le Bulletin de l'Aca-
démie des sciences de Russie, n° du 15 mars 1918.
SÉANCE DU 23 AOUT
PRESIDENCE DE M. EMILE CHATELAIN, ANCIEN PRESIDENT,
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de la lettre suivante de.
M. Héron de Villefosse, président :
« 18 août 1918.
« Mes chers Confrères,
« L'état de ma santé s'aggrave et m'oblige à prendre une réso-
lution pénible : je dois renoncer à la présidence de l'Académie.
C'est avec un regret profond que je me vois contraint d'aban-
donner le poste d'honneur auquel m'avait appelé votre bienveil-
lance. A la tristesse infinie que je ressens en quittant ces hautes
fonctions s'ajoute la peine cruelle que j'éprouve à vous faire
part de la détermination qui m'est imposée. »
Le Président exprime tous les regrets que cause à la Compa-
gnie la détermination de M. Héron de Villefosse et lui envoie
les souhaits les plus cordiaux pour une prompte amélioration de
santé.
M. J.-B. Chabot complète la communication qu'il a faite à la
dernière séance sur le tarif d'octroi de la ville de Palmyre. On
avait adopté l'interprétation des philologues allemands qui avaient
cru trouver, dans un passage du tarif, la mention du cosius,
plante aromatique de l'Inde. M. Chabot montre que le mot pal-
:tO() séa.m;k t.r 2'.] Aoirr lt)IS
myrénieii qu'on lisait <> costus » n'est autre chose que le mot
^vec xe.slès « setier ». Il s'agit des droits ;i payer pour l'usage
des eaux, it l'article du tarit' explique que le niodius employé
comme mesure comprend seize setiers : autrement dit, on doit
employer la mesure romaine, seule légale dans tout l'empire.
Le SECRÉTAniE l'ERPÉTUEL donuc lecture d'un rapport que lui
a envoyé M. Henri Basset sur des fouilles entreprises par lui en
collaboration avec MM. le docteur Muguet et le lieutenant
C.ampardou dans la nécropole de Chella (Maroc). M. Basset
donne sur cette nécropole les renseignements suivants :
u A la suite de travaux entrepris par les Services du Génie et
des Travaux publics, en bordure intérieure de la grande enceinte
de Rabat, au N.-E. de la porte des Zaër, a été mise au jour de
façon tout à fait fortuite une double série de sépultures, à inci-
nération et à inhumation. Cette trouvaille a été le point de
départ de recherches plus méthodiques qui nous ont permis
d'évaluer approximativement l'aire de la nécropole. Elle s'étend
de part et d'autre du rempart almohade, sur une longueur
nord-sud d'environ 600 mètres, et une largeur d'environ
200 mètres.
« Les premières découvertes, tombes à incinération et à inhu-
mation au-dessous d'une stèle funéraire romaine, nous condui-
saient à penser que là avait été le cimetière de Sala Golonia,
ville dont l'emplacement est visible à quelques centaines de
mètres à l'Est, notamment sur les pentes de l'éperon dont la
crête est suivie aujourd'hui par le rempart nord de l'enceinte de
Chella, et dans les jardins qui sont au pied.
« Les recherches, ainsi fortuitement amorcées, se sont dès lors
poursuivies sans interruption, d'une part en commençant l'ex-
ploration méthodique de la nécropole, dans sa partie méridio-
nale, qui dès l'abord nous parut être la plus riche, d'autre part
en suivant d'aussi près que possible les travaux de terrassement
que le Service des Travaux publics était amené à faire dans les
autres parties de la nécropole.
« L'intérêt de ce champ d'études, considérable par son étendue,
se trouve très augmenté par ce fait que les tombes qui le par-
sèment s'échelonnent depuis vraisemblablement les débuts de
l'occupation romaine jusqu'à la période musulmane actuelle.
SÉANCE DU 23 AOIT 1918 301
' «L'occupation romaine, seule abordée présentement, a laissé
un grand nombre de tombes parmi lesquelles on disting-ue des
types très variés de sépultures, mais avec une distribution topo-
graphique en quelque sorte chaotique. Les tombes comparables
sont dispersées dans les points les plus divers, souvent sans
souci d'alignement. 11 n'est pas rare de trouver des tombes
superposées ou réutilisées même à l'époque ancienne.
« Malheureusement diverses causes ont contribué à réduire
dans de fortes proportions la quantité des objets recueillis, et
surtout de ceux dont la valeur intrinsèque était la plus considé-
rable.
« On peut poser en principe que tous les tombeaux romains qui
initialement se distinguaient par une marque extérieure (maçon-
nerie, stèle, inscription ont été systématiquement visités par
les chercheurs de trésors, quelques-uns même dès l'époque
romaine. Ces tombeaux ont d'ailleurs été bouleversés rapide-
ment, ce qui nous a permis de bénéficier parfois de quelques pré-
cieux débris demeurés inaperçus pour les pillards. Les tombeaux
les plus riches ayant été ainsi plus particulièrement violés, ce
sont les tombes les plus modestes que nous avons jusqu'ici
retrouvées intactes.
« En second lieu, le sol de la nécfopole a été bouleversé en plu-
sieurs endroits au cours des âges, et ceci pour plusieurs causes
difTérentes, dont voici les principales :
« a) L'édification du rempart almohade qui traverse la nécro-
pole sur une bonne partie de sa longueur. Il est fait en tabia,
mélangé de chaux et de terre prise sur place : d'où destruction
des tombes situées de part et d'autre de ce mur ;
« b) Des constructions de l'époque musulmane, en deux points
différents, et notamment au sommet des deux mamelons où ont
été aménagés des silos profonds de 5 à 6 mètres ;
« c] L'exploitation intensive, dans ces dernières années, d'une
carrière qui occupe la partie ouest de la nécropole ; d'où des-
truction probable de nombreuses sépultures.
« En quatrième lieu, la nécropole ayant servi à toutes les
époques, iT était inévitable qu'en de nombreux cas la prépara-
tion d'une sépulture plus récente vînt en bouleverser une plus
ancienne. »
.102 LIVRES OFFERTS
MM. DiKiiAioy, Clermont-Ganneau, Théodore Rkinach, Cha-
bot et Bouchiî-Leci.ercq présenlenl quelques observations.
M. J.EGER continue la lecture do sou travail sur la vie acadé-
mique dans les pays slaves. A propos de l'Académie tchèque de
Prague, il lait remarquer que celle institution, comme l'Acadé-
mie sud-slave d'Agram, est due à la libéralité d'un mécène,
tandis que les Acadéniies de Vienne et de Budapest sont des
institutions d'Ktat.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaihe perpétuel dépose sur le bureau les publications
suivantes :
Complea rendus fies sâances de r Académie des inscripliotïs cl helles-
lellres, cahier de mars-avril 1918.
Grammaire de langue moderne et Recueil de textes grecs usuels, par
M. Hubert Pernot, 2 vol. in-12 (Paris, 1918).
Du transcendanlisme considéré essentiellement dans sa dépnition ol
ses origines françaises, par W.Girard ; publication de rUniversilé de
Californie (California, 1916, in-8»).
Layamon's Orut : a comparative study in nari-ative art, par Fran-
cess Lj^tle Gilepsy ; publication de l'Université de Californie, in-8"
(Californie, 1916, in-S»).
Vocabulario de la lengua Mnme, par Alberto Maria Careno
(Mexico, 1916, in-16).
The University of California-Chronicle, vol. XVIII, n'"- 3 et 4; vol.
XIX, no 1.
Bulletin de la Société mexicaine de géographie et d'études, L. VII,
n" 7 (Mexico, 1918).
Bollettino délie puhhlicazioni ilaliane, 1918, mai-juin, n» 207 (Flo-
rence, 1918, in-8).
303
SÉANCE DU 30 AOUT
PRÉSIDENCE DE M. EMILE CHATELAIN, ANCIEN PRESIDENT.
M. le D"" Carton, correspondant de TAcadémie, a adressé à
M. Héron de Villefosse la lettre suivante :
. « Khereddine, le 10 août 1918.
« Mon cher Maître,
« Je tiens à vous annoncer de suite une curieuse découverte
qui vient d'être faite à Carthag^e.
i< Au cours des études que je poursuis, depuis dix ans, sur le
littoral carthaginois, à une trentaine de mètres du Mur de mer
de Falbe, là où j'ai découvert une série de redents sculptés dans
le rocher, j'avais remarqué une voûte en plein cintre dont la par-
tie antérieure, brisée, s'ouvrait sur la plage, au fond d'un ravin.
« Au fond de la voûte se voyait le haut d'une baie en plein
cintre. Cette disposition et la nature de l'enduit qui revêtait les
murs m'avaient convaincu qu'il ne s'agissait pas d'une citerne.
« En outre, j'avais constaté à plusieurs reprises que la grande
quantité d'eau, roulée par le ravin, les jours de pluie, pénétrait
tout entière, s'engouffrait même sous la voûte. J'en avais conclu
qu'il devait y avoir un espace vide en arrière de la porte.
« J'ai montré depuis plusieurs années cette ruine à un grand
nombre de personnes, sans avoir eu le temps de l'explorer.
<< M. le capitaine Loubet, à qui je l'ai indiquée, a bien voulu
y mettre un homme pour pratiquer un passage derrière la porte,
qui a 2 m. de largeur.
« Il a pu être ainsi constaté que derrière la première voûte,
celle dont la partie antérieure, ruinée, s'ouvre sur la plage,
s'étendent trois voûtes en berceau situées dans le prolonge-
ment les unes des autres et séparées par une saillie en forme de
piliers adossés, se continuant sur l'intrados.
« La première voûte seule offre à sa partie supérieure une
ouverture sensiblement circulaire destinée à l'éclairer.
« J^e couloir ainsi formé a une longueur de 17 m. 50 sur 2 m..')0
304 SÉANCE DU 30 Aoi r 1918
(le largeur. En son fond s'ouvre une porte cintrée, large de
2 m., derrière laquelle se continue un passag'e maçonné, non
plus cintré, mais couvert de dalles plates à niveau de plus
en plus bas, comme si elles formaient le plafond d'un escalier.
Fait curieux, la largeur de ce couloir va en diminuant : elle est
de 1 m. 30 à l'entrée et de 0 m. 90 dans la partie la plus reculée .
où l'on ait pénétré.
« On peut remarquer que le niveau de l'intrados des voûtes
qui précèdent le couloir va aussi en s'abaissant. Il n'a été prati-
qué ici que juste le passage nécessaire pour permettre à un
homme de s'y glisser, et je confesse 'que je n'ai pu le visiter en
entier, tout le reste étant rempli de terre et de vase.
u Je m'abstiendrai de toute hypothèse au sujet de cette
curieuse construction. S'agit-il d'un égout, d'un passage souter-
rain, de cette entrée des catacombes que l'on cherche depuis si
longtemps à Garthage ? Je l'ignore. Il serait certainement inté-
ressant de poursuivre le travail de dégagement.
« Ces voûtes se ti^ouvent exactement au-dessous de l'endroit
où le R. P. Delattre a trouvé une grande quantité d'amphores
qu'il considère comme ayant formé un travail de soutènement.
« Le plan et la coupe ci-joints sont l'œuvre du sergent Sénéga
que le général .41ix a bien voulu, sur ma demande, détacher à
la Goulette, où il occupe, depuis six mois, ses loisirs à faire le
relevé très détaillé du mur maritime. Grâce à son dévouement
et à son talent, j'espère pouvoir bientôt vous présenter une série
de grandes planches très claires et très bien exécutées, donnant
une idée fidèle de l'état des lieux et qui permettront ainsi aux
savants de mieux juger des hypothèses émises sur ce sujet. «
M. Omon't communique des extraits d'une lettre qu'il vient de
recevoir d'un savant bénédictin français, Dom André AMlmart,
actuellement mobilisé à Londres, qui a bien voulu examiner le
texte des fragments d'un très ancien manuscrit latin provenant
de l'Afrique du Nord, signalé à l'Académie dans sa séance du
19 juillet dernier.
« Je crois, écrit Dom \\'ilmart, que ces fragments africains,
malheureusement si délabrés, sont les débris d'un ti'aité polé-
mique contre le Manichéisme, et j'incline à y voir l'œuvre d'un
TJVRES OFFERTS 305
disciple de saint Augustin, plutôt que celle d'un contemporain
de Fulgence de Ruspe. Le premier livre, autant qu'on peut voir,
l'ail ressortir l'organisation particulière de l'église manichéenne,
à deux degrés : les « auditeurs » ou « catéchumènes » et les
« élus ». Nous savons en elTet par saint Augustin [Ep. 236) que
les Manichéens classaient ainsi leurs adeptes. Je note surtout la
comparaison proposée (fol. 2 v", col. 2) avec les deux sœurs
Marthe et Marie ; les « élus » sont bien l'élite, les parfaits, les
initiés, ceux qui ont tout quitté pour Dieu, et au service des-
quels peinent les simples « auditeurs », attaché^ aux biens de ce
monde, « disciples du second rang ». Le deuxième livre se pré-
sente comme une suite de citations des Épîtres de saint Paul, et, .
dans l'ensemble, la Bible que ces passages attestent est assez
rapprochée de notre Vulgate. »
M. E. PoTTiER donne lecture d'une Elude sur la céramique
ibérique, d'après des fouilles et des publications récentes. Le
problème relatif à la date et à la formation du décor des vases
peints en Espagne s'est un peu éclairci. Il est certain aujourd'hui
que ce style, analogue à celui de la Crète et de Mycènes, est
beaucoup plus récent et ne se trouve pas avant le v« siècle a.
J.-C. On peut croire aussi qu'il s'est formé spontanément sur
place et doit fort peu aux influences extérieures. Les fouilles de
Numance et d'Emporium montrent les différentes phases de la
fabrication des vases qui s'enchaînent logiquement comme dans
les autres régions du bassin méditerranéen. M. Pottier insiste
sur le caractère original et indépendant de l'industrie ibérique,
visible dans les ex-voto de bronze comme dans la céramique.
AL Salomon- Reinagh présente quelques observations.
LIVRES OFFERTS
Le SEcnicTAinE perpéti-el dépose sur le bureau les publications
suivantes:
J. de Servières, A lu gloire des antiques..., avec une lettre de
Frédéric Mistral (Marseille, 1918).
Raphaël Blanchard et Bui Van Quy, Sur une collection d'amu-
306 LIVRES OFFERTS
telles chinoises lexLrail de la Revue ;uilhropolo(jique, juillet-août
1918).
Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin H(-s3' et /i' trimestres
1917 (Poitiers, 1918).
Bulletin delà Société scientifique, historique et urchéoloQique do h
Corrèze. T. LX, 2'' livraison, avril-juin 1918. .
London University Gazette. Supplément (14 août 1918).
E. Cliassinnt, Cnston Maspero (extrait du Recueil de travaux
relatifs h h philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes,
vol. XXXVIII, 1918).
M. Henri Cordieu offre à l'Académie l'article qu'il a consacré à
Edouard Chavannes (extrait du Journal asiatique, mars-avril 1918).
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. EMILE CHATELAIN, ANCIEN PRESIDENT.
M. HoMOLLE annonce à rAcadémie qu'il a reçu la visite du
maréchal des logis, en permission, Léon Uey, qui dirige, depuis
le départ de notre confrère M. Thureau-Dangin, et de M. Mendel,
les travaux du Service archéologique de l'armée d'Orient.
Après avoir prié M. Homolle de transmettre à l'Académie les
remerciements du Service, pour la subvention qu'elle a bien
voulu lui accorder sur la fondation Piot,ila indiqué brièvement
la nature des recherches qu'il poursuit. Vu la rareté^ et l'ex-
cessive cherté de la main-d'œuvre, elles consistent surtout en
relevés topographiques étendus et très minutieux, qui permet-
tront de donner prochainement une nouvelle édition de la carte
archéologique de la Macédoine qui a été ofîerte dernièrement
à l'Académie.
Les objets qui peuvent être découverts au cours de ces
recherches, ou qui sont recueillis fortuitement et apportés au
Service, sont, par ses soins, réunis en un musée qui, la guerre
finie, sera remis à la Grèce, comme une manifestation de
l'oeuvre scientifique de l'armée française.
M. Rey a annoncé que dès son retour à Salonique, il adressera
à l'Académie, pour la Commission Piot, un rapport sur les
recherches du Service archéologique, auquel il joindra la nou-
velle édition de la carte de la Macédoine.
308 l/h^PITAPHF. D APROISIA DE SALOM:
M. Clermont-Ganneau lit une note sur rrpilaphe f^recque
d'Apronia de Salone, dont il propose une nouvelle explication '.
M. le comte Begouea fait passer sous les yeux de l'Aca-
démie les photographies des gravures rupestres découvertes par
lui et ses lils dans une grotte de Montesquieu-Aventès (Ariège),
à laquelle il a donné le nom de Grotle des trois frères. Il étudie
successivement chacun des animaux qui y sont figurés el indique
rinlérêt de cette l'iche trouvaille.
MM. Salomon Rkinacu et Pottier présentent quelques obser-
vations.
COMMUNICATION
l'épitaphe d'apronia de salone,
PAR M. CLERMONT-GANNEAU, MEMBRE DE l'aCADÉMIE.
M. G. Seure a ^publié, il y a quelque temps-, une petite
stèle funéraire de basse époqvie, découverte en Bulgarie, à
Sophia même, et conservée dans le Musée de cette ville.
Elle porte une inscription grecque de dix lignes, en carac-
tères irréguliers et mal gravés. C'est l'épitaphe d'une
femme dalmate nommée Apronia, native de Salone, et
épouse d'un certain Malchos, originaire de Syrie {:>lùpo:),
de son état tailleur de pierre (Au6oupYÔç = )a6o'jpYÔç). La
physionomie même du nom de cet artisan oriental, établi
dans la péninsule balkanique — MâX-/3; = idSd — semble
indiquer qu'il devait être d'extraction nabatéenne.
L'épitaphe, en soi assez banale, se termine par une accla-
mation funéraire qui occupe toute la dixième ligne, et qm
1. Voir ci-après.
2. Revue archéoL, mai-juin 1916, pp. 359-362, d'après une notice de
M. Filov (Izvestia Soc. Arch.. 1911, p. 268, fig. 1).
i/épitaphk daproma liE sai.om: 309
n est pas sans offrir quelque difficulté. M. Seure, suivant la
leçon donnée par M. Filov, transcrit :
OYMYNAHPGONIA
et lit, en restituant la première lettre :
[0]u[j-uv, 'ATzpwvîa
Il suppose avec raison que ce mot, d'aspect bien bizarre,
8jîj/Jv, doit équivaloir aux formules "/aïpe, 6âp<j£i, ôùtJ/ûyei,
des épitaphes païennes et chrétiennes. Ce n'est pas,
d'ailleurs, sans hésitation qu'il s'arrête à cette lecture. Il
avait pensé un moment à restituer o5[Xs v]jv, sur la foi d un
vers d'Homère {Od. , XXIV, 3) où l'impératif ouXs, associé
k yxlpz, semble avoir un sens analogue {=\j^i(xi^z selon
Hésychius) ; mais il reconnaît lui-même l'invraisemblance
de cette seconde conjecture et, en désespoir de cause, il
croit devoir s'en tenir à la première. Seulement il s'agit
alors d'expliquer ce mot étrange lu ôupiyv. M. Seure vou-
drait y voir l'équivalent, par iotacisme, d'un infinitif
9'jp.sîv, infinitif qui serait employé ici au sens de l'impératif
— ce qui est déjà quelque peu surprenant. Mais il y a une
objection plus grave encore que M. Seure formule lui-même
ainsi : « Toutefois, si cette lecture peut convenir aux lettres
(( gravées et au sens (ôJiJLS'. = 6apa£i, e'jàù-/ei), elle a le
(( défaut de supposer un verbe 9u;j.£co, justifié peut-être par
« le composé kr.'.Qu[j.i(^ •, mais dont je n'ai pu trouver
« d'exemples. Je penche, faute de mieux, pour cette inter-
« prétation. »
Il faut avouer, toutefois, qu'elle est bien peu satisfai-
sante à tous égards. Je crois que c'est dans une toute autre
]. Il aurait été plus expédient, ce point de vue admis, de faire
état d'un autre composé, soit çùGuaÉw, dont les acceptions répondent mieux
à ridée générale des acclamations similaires et dont l'impératif apparaît
dans certaines acclamations funéraire
310 1,'ÉPITAPHE d'aPROMA HF, SAI.ONK
direction (|u"il convient de chercher hi solution de cette
petite éniijnic. Elle est très simple. On doit, d'abord, tenir
compte de l'aspect paléog-raj^hiciiie du mol, d'après les
observations sugg'érées à M. Seure par l'examen de la pho-
too;raphie : a Le M, nous dit-il, n'est pas absolument net,
le IM paraît comme surchargé dune autre lettre, peut-être
un p. » J'insiste sur les mots que j'ai soulignés et, faisant
état de l'indication qu'ils contiennent, je propose tout
simplement de rétablir la graphie :
OYIVIYN = (e)YMY(PI), soit, pour l'ensemble de la
ligne 10 : (£)'j[j,(oî)p(£)t, 'ATrpwvta.
Ej[jLÛpi est l'orthographe iotacisantc de l'impératif
cj;xcipc'., dont l'emploi comme acclamation funéraire est
attesté par nombre d'exemples '.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les publications
suivantes :
J.-A. Brutails, Au sujet de VAndorre (Bullelin hispanùjue des
Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux, 4*= série, XL" année,
Bordeaux, 1918);
V. Giuffrida Ruggeri, Se i popoli del mare délie iscrizioni gerogle-
fîche appartengano tutti alV Italia (estratto dalla Rivista d'Antro-
pologia, vol. XXII, Roma. 1917-1918);
America Latina. Numéro aniversario, 1914 (Agostino, 1918).
Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin du 1"' trimestre 1918
(Poitiers, 1918).
Det. Kgl. Danske Videnskabernes Seskab historiks-filologiske
Meddelelscr. : I. 5. Négation in english and other languages, by
1. Voir le Thésaurus, s. v. sùaotpÉw et, surtout, II. van Herwcrden,
Lex. graec. suppleloriam ; cf. les Inscr. graecse Siciliae et Italise, n"' 114,
124 et, surtout n" 2387, sarcophage découvert à Pola en Istrie, où on lit :
EùasSia vj[).o[oi ; il est à noter que cette Eusebia est une quasi-compatriote
de notre Apronia de Salonc.
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1918 3H
Otto Jespfersen ; I. 6. Die Uebernahme und Enlwicklung des Alpha-
bets durch die Griechen, von Martin P. Nilsson ; l, 7. Die Enlsle-
hungsgeschichte des Goethischen Faust, von Chr. Sarauw; II. 1. Jon
Arasons religiose dicte, von Fionur Jônsson ; II. 2. L'histoire éty-
mologique de deux mots français (haricot, pai-vis), par Kr. Nyrop
(Copenhague, 1917-1918).
M. Henri Cordieh a la parole pour un hommage :
« Au nom de l'auteur, M. IIoo Chi-tsai, j'ai l'honneur de déposer sur
le bureau un ouvrage important dans lequel ce jeune savant chinois,
diplômé de l'École libre des Sciences politiques, a étudié: Les bases
conventionnelles des relations modernes entre la Chine et la Russie.
Ce travail, qui a servi de thèse de doctorat en droit à M. Hoo Chi-
tsai, est divisé en trois parties dans lesquelles sont examinés succes-
sivement : la situation réciproque de la Chine et de la Russie vers
le milieu du xix'^ siècle; les avantages obtenus par la Russie à la
faveur des hostilités entre la Chine d'une part, la France et l'An-
gleterre de l'autre; les avantages obtenus parla Russie à la faveur
de l'insurrection doungane. Un excellent index alphabétique termine
ce livre dont je ne puis dire tout le bien que j'en pense, en ayant
écrit la Préface. »
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
M. Franz Cumont, associé étranger, commente une inscription
découverte tout récemment dans les ruines de Madaure,
communiquée à M. Gagnât. Cette dédicace fait mention des
hustiferi de la déesse Virtus, nom latin de Ma, une Bellone
asiatique. On n'était pas d'accord sur le caractère de ces porte-
lances, déjà connus par quatre autres inscriptions. Le texte
nouveau prouve qu'ils formaient non pas, comme certains l'ont
cru, une milice municipale, mais bien une confrérie religieuse.
C'étaient des soldats de parade, qui figuraient dans la procession
fastueuse desHilaries, où la statue de la déesse était portée sur
une civière à la suite de celle de Cybèle * .
1. Voir ci-après.
',]\'2 LKS <( IIASTIFKIÎI » DE RRLLOiSK
MM. Clermont-Ganm'.au, Bouciiii-LECLiiRCQ et Babki.on pré-
sentent quelques observations.
M. Louis LiiGER coulinue la Iccluie île son mémoire sur les
.Académies des pays slaves. 11 retrace l'histoire de rAçadcniie de
Gracovie fondée par l'empereur François-Joseph, en 1871, pour
faire pièce à la Russie, qui aurait dû faire de Varsovie le centre
intellectuel du monde polonais. Cette Académie a déjà édité
nombre de précieuses publications.
M. Léger termine par une notice sur l'Académie bulgare, de
fondation toute récente, et qui n'avait encore publié qu'un
annuaire quand la guerre a éclaté. Il y a quelques années, les
Académies des pays slaves avaient décidé de se réunir dans des
Congrès internationaux. Un seul a eu lieu ; mais la Pologne
s'était tenue à l'écart. i\L,Leger exprime, en terminant, le vœu
que cette innovation puisse être reprise et que l'Institut de
France s'intéresse de plus en plus à l'activité intellectuelle du
monde slave.
COMMUNICATION
les (c hastiferi » de bellone
d'après une inscription d'afrique,
PAR M. FRANZ CUMONT, ASSOCIÉ ÉTRANGER DE l' ACADÉMIE.
Si je puis communiquer à l'Académie l'inscription
importante qu'on va lire, je le dois à l'aimable libéralité de
M. Gagnât, qui, ayant aperçu l'intérêt singulier de cette
dédicace, dont M. Albert Ballu lui avait envové le texte, a
bien voulu me laisser le soin de la commenter. Ce texte
vient d'être découvert au mois d'août de cette année dans
les ruines du fort byzantin de Madaure, en Numidie, la
ville où naquit Apulée et où saint Augustin fît ses pre-
mières études. 11 manque à gauche (juelques lettres; le
LES « KASTIFERI » DE BELLONE
313
reste se lit aisément, sauf un mot (1. G) qui paraît avoir été
mal copié, et devoir être corrigé :
STHIFERORVM • DEAE. VIRTVTIS
DVAS DEXTRA|2Î SlNIXTRApjET.GRADVS-D.S.F
VICTOR. FL.P P SAC
S.MADAVRIVS SAC
RLMIANVS . SAC
IVS.SABINVS F NAS
S SERVILIVS . SAC
TIVS NVMIDIVS
VIVS.CREMENTIVS
ENTIA BONIFATIA Ci
ANISTRARIA Ci
Ce qui peut être complété :
Genio ha]sthiferoruni deae Virtutis
exedras? d]uas dexlra sinixtra et gradusd{e) s{uo) f{eceruiit)
Victor, fl[amen) p{er)p{etuus]
sac[erdos).
s Madaurius, sac[erdos).
T FLAVIVS-NATALIS
C VALERIVS SABINVS,
L.AVIANIVS FELIX
C.FLATIVS DOMITIVS
T.FLAVIVSMAXIMVS
a.AGRIVS VITALIS
NOMINA CANISTRARIE
ANTONIA MATRONA
MANILIA HONORATA
IVLIA LVCILIA
5 . . . . P]riininnus, sac{erdos}
.ius Sabinus f^ilius) nas?
.s Servi lliis, sac{erdos)
.tins Nur7iidius
.n]ius Crementius
10 Val]entia Bonifalia
c]anistraria
T. Flavius Natalis
C. Valerius Sabinus
L. Avianius Félix
C. Flavius Domilius
T. Flavius Maximus
Q. Agrius Vitalis
Nomina ca?iistrari[a]e
Antonia Matrona
Manilia Honorata
Iulia Lucilia
L. 1. Genio est restitué craprès C.I.L., XIII, 8184, cf. infra,
p. 316, n.3. — L. 3. Exedras est conjectural; on pourrait songer
a porticus, columnas, portas, etc. — L. 3suiv., col. 1. Sac. est
d'ordinaire Tabréviation de sacerdos, mais il peut paraître sur-
prenant que quatre ou cinq prêtres, attachés au temple de
Bellone, figurent ici à côté d'un nombre à peine supérieur à
d'autres dédicants masculins. J'ai donc songé à la restitution
sac{ratus). Ces « initiés » seraient joints aux canislrariae
1918
22
314 LKS « MASriFElU » DE liElJ.ONE
comme dans une inscription romaine de la Vinjo Caeleslis
(Dessau, Inscr. seL, i 138) : SucerJus... uiia cuni sacralis et
cunislniriis. Cf. Aug., Civ. Dei, II, 26, 2 : Sacrali Cereris. On
trouve ces sacnili à Madaure même, dans le culte de Bacciius
(Aug., J'^p., 17, P. L. XXXIII, 84 : Liberum illurn rfuern pan-
coriiin sacratoriini oculis cominilcndum pulatia). Mais M. Cler-
monl-Ganneau me t'ait observer qu'en Afrique sacerdos avait
souvLMit un sens très alFaibli et ne désignait pas nécessairement
un oiriciant. Ainsi tlans le temple de Saturne à Aïn-Tounga, on
n'a pas trouvé moins de 152 sacerdoles nommés dans les dédi-
caces (Berger et Gagnât, Le sanctuaire dW'tn-Touncja [extr.
du Bull, archéul. coin. Irav. hisl. 1889], p. 42). Il s'agit, il est
vrai, idi d'un culte indigène, dont les prêtres étaient peut-être
annuels. Mais une ollVande à Bellone elle-même est faite à
Rusicade [C.I.L., VIII, 7957) par un sacerdos avec ses quatre
enianls, sacerdoles comme lui. Il est donc préférable de suppléer
ce mot plutôt que sacratus dans notre inscription de Madaure.
Les deux termes devaient d'ailleurs être à peu près synonymes.
Cf. les Actes de sainte Perpétue dans Ruinart, Acl. mari., §
18: A GarLhage, les chrétiens sont obligés de revêtir le costume,
viri ifuidem sacerdoluni Satiirni, feniinae vero sacralaruni
Cereri. — L. 6. NAS. On pourrait douter de l'exactitude de
la transcription ; la correction [s]a[c][erdos) est suggérée par les
lignes qui précèdent et par celle qui suit. Mais une vérifica-
cation de la lecture sur l'original en a confirmé l'exactitude.
M. Glermont-Ganneau a songé au litre mystérieux de nasililim
(nasil des dieux?) porté par un grand nombre de dédicants dans
le sanctuaire d'Aïn-Tounga [op. cil.., p. 47 s.). Le mot nasi est
employé pour le chef de la communauté dans une inscription
gréco-phénicienne du Pirée {Rev. archéol., 1888, I, p. 5 suiv.).
L'araméen ayant été en Gappadoce et dans le Pont la langue
littéraire et probablement liturgique, on pourrait trouver dans
le clergé de Ma un litre sémitique. — L. 10. Bonifatia qui
vient de honum [aluni et non, comme on l'a dit (Forcellini, s. v,
Bonifacia)., de honum facere, paraît être une traduction du nom
sémitique bien connu Gydenneme Gadna 'am {Corp. inscr.
sem,, Phoen., n" 383 ; Baethgen, Beilràge zur semil. Religions-
geschichte, 1888, p. 60). — L. 9, col. 2. Au lieu de canislrarie,
on attendrait canistrariarum.
LES « HASTIFERl » DE BELLONE 31 S
'Si j'interprète exactement ce texte mutilé, c'était une
dédicace au génie des hastifcri de Virtus, c'est-à-dire de
la déesse Ma, vénérée dans les temples célèbres des deux
Comane, celles de Gappadoce et du Pont. Lorsque son
culte fut introduit à Rome, du temps de Sylla, Ma fut
assimilée à la Bellone italique, et aussi à Virliis, la
Vaillance, adorée depuis long-temps avec Honos, IHonneur
militaire. Les inscriptions appellent la divinité asiatique
naturalisée romaine, tantôt Bellona, tantôt Bellona- Virtus ',
et simplement aussi, nous le voyons ici, Virtus ~. Un
groupe de bienfaiteurs se sont cotisés pour construire à
leurs frais deux exèdres, ce semble, placées à droite et à
gauche, et les degrés qui précédaient l'entrée du local
[schola] où se réunissait cette confrérie de porte-lances.
Parmi les consécrateurs, on trouve d'abord quatre ou cinq
prêtres, sac{erdotes), ou peut-être des sac[rati), c'est-à-dire
des initiés parfaits voués au culte de la déesse ; l'un d'eux
est en outre « flamine perpétuel » du culte officiel des
empereurs. Suivent huit fidèles, qui n'exerçaient point le
sacerdoce ou n'avaient pas atteint, comme les premiers,
le deg-ré supérieur de l'affiliation aux mystères ; enfin la
liste se termine par les noms de quatre femmes, canis-
trariae. Nous reviendrons sur ce titre.
1. Lactance, Inst., I, 21, 16 : (Sacra) alia sunt Virtutis, quam eandem
Bellonam vocaiïl, in quihiis sacerdotes, non aliéna sed siio criiore sacri-
ficanl. — Bellona Virtus, plusieurs fois dans les inscriptions : C.I.L.,
XIII 7281 (in/'ra, p. 316), V, 6597 ; Gagnât, .Ijuie'e épigr., 1898, n» 61 (t/i/'ra,
p. 320). On a supposé que celte identification avait été provoquée par une
ancienne assimilation de la Bellone latine avec la déesse italique Nerio
Virtus (Aust. dans Pauly-Wissowa, Realenc, s. v. « Bellona). Il est plus
vraisemblable que déjà en Gappadoce Ma avait été regardée comme une
'Ap£TT[ ; cf. Mon. myst. de Mithra, t. I, p. 151.
2. Virtus est plusieurs fois mentionnée dans les inscriptions d'Afrique,
et l'on peu^ se demander si, comme à Madaure, ce nom ne dési}:;ne pas
ailleurs encore la Bellone asiatique; ainsi à Tébessa {C.I.L., VIII, 1SS7),
où un bienfaiteur de la ville ofTre [sfa^i/as] deae Caelestis, deae Virtutis.
— De même à Ostie, où une statuette d'argent de Virtus est donnée aux
dendrophores de Cybèle {C.I.L., XIV, 69) ; cf. infra, p. 319, note 2.
31 () LES >i IIASTIFKRI » UK HELLONE
La présence ptirnii les personnages énunicrés de trois
Flavii et l'absence de tout Aurcliiis assignent comme date
probable à l'inscription la fin du i*'" siècle ou la première
moitié du ii"^.
On connaissait déjà quatre textes épigraphiques men-
tionnant des hastifcri, et ils ont provoqué, depuis un
demi-siècle, de nombreux commentaires ^ Les deux plus
importants ont été découverts, l'un et l'autre, à Kastel,
l'ancien Castellum Mattiacoruni, à la frontière de Ger-
manie" : le premier est une dédicace faite le 23 août 236,
In honorem d[ornus) d[ivinae) deae Virtuti Bellonae^ par
les hastiferi civitatis Mattiacorum au nombre de dix-neuf.
Le second rappelle que les hastiferi sivepastores consisientes
Kaslello Maltiacorum ont fait une consécration au nunien de
l'empereur le 24 mars 224. Les deux autres inscriptions,
beaucoup plus concises, ont été trouvées à Cologne, sur le
Rhin •^, et à Vienne, sur le Rhône ^ : l'une commémore,
comme la nôtre, une offrande (/cnio hastife[ro]rum, l'autre,
le don d'une statue de ce même génie.
On a émis au sujet de ces hastiferi, qu'aucun écrivain
latin ne mentionne, deux opinions contraires ^, qui ont été
ensuite diversement modifiées et combinées. La première,
à laquelle l'autorité de Mommsen assura un large crédit,
se fondait sur ce fait que les deux dédicaces les plus expli-
cites provenaient d'une place forte située à proximité du
limes germanique : on crut donc que les hastiferi étaient
1. Ou en trouvera une liste très complète dans Waltzing, Corporations
professionnelles, t. IV, 1900, p. 92 s. La question a encore été traitée
depuis par Hepding, Atiis, 1903, p. 169 ss. ; Graillot, Culte de Cyhèle,
1912, p. 278 s. ; Maug, dans Pauly-Wissowa, jReaienc, s. v. « Hastiferi ».
2. C.I.L., XIII, 7281, 7317.
3. Ib., 8184 : Genio hastif'er[or]um. Le nom des hastiferi avait été res-
titué à tort dans une inscription de Mayence {Ib., 7250).
4. C.I.L., XII, 1814. Sous un «signum Genii » : Niimeriiis Euprepes
magister astiferor{um).
5. Elles ont été déjà exposées et opposées par M. Gagnât dans Saglio-
Pottier, Dict., s. v., « Hastiferi ». Cf. Waltzung, l. c, etc.
LES « IIASTIFERl » DE BELLONE 317
un corps de milice, recruté parmi les bergers du voisinage,
et qui aidait les troupes régulières, en cas de danger, à
défendre la frontière. La présence d'un collège semblable à
Vienne n'était guère favorable à cette explication : on
supposa que ces lanciers y formaient une garde municipale
ou un corps de police chargés du maintien de l'ordre.
Selon d'autres, au contraire, les hastiferi appartenaient à
une confrérie religieuse, consacrée àBellone, et l'on a sug-
géré diverses explications de leur office dans le culte de
la déesse étrangère.
Il serait oiseux d'insister sur toutes les conjectures qui
ont été proposées et de les discuter en détail, puisqu'au-
jourd'hui un document nouveau vient jeter une lumière
inespérée dans cet obscur débat. 11 vaut mieux essayer de
préciser le caractère et le rôle, tels qu'ils peuvent être main-
tenant déterminés, des « porte-lances » deBellone. Je suis
d'autant plus heureux de reprendre ici la question que moi-
même j'ai hasardé en cette matière des idées qui sont
sujettes à correction'.
Que les hastiferi forment une association religieuse,
vouée au culte de Bellona- Vij'tus, c'est ce qui est mainte-
nant de toute évidence. La formule même hastiferi deae
Virtutis prouve qu'ils appartiennent en propre à la déesse.
Non seulement nous les trouvons établis dans une paisible
cité de la Numidie Proconsulaire, où aucune troupe n'était
cantonnée, mais la libéralité qui leur est faite, en la per-
sonne de leur génie tutélaire, a pour auteurs des sacer(/o^es et
des canistrariae. Ce dernier terme, qui paraît n'avoir été
usité que dans les temples africains-, est la traduction du
grec -/.xTrioôpoç : il désigne les femmes qui portaient, notam-
ment dans les processions, le canistrum, la large corbeille
1. Ro.vue crhistoire el de litt. relig., t. VI, 1901, p. 97 s.; cf. Hepding,
l. c. : Graillot, l. c.
2. A Cherchel : C./.L., VIII, 9337, 9321. A Carthage : tft., 12919. A Rome,
dans le culte de la Virgo Caelestis: Dessau, Inscr. sel., 4i3S.
318 LES « IIASTIFFRÎ » DE BELLONE
circulaire renfermant les oirrandes et les objets du culte ^
La mention de ces canisfrnriae corrobore donc l'opinion de
ceux qui faisaient de la confrérie de la Lance luie troupe
d'apparat lig'urant dans les cortèges liturgiques de Bellone.
Pour comprendre le sens exact du moi hastifcri, il suffit,
crovons-nous, de le retraduire en grec : il rend certainement
oopu^opci, qui veut dire « lanciers », mais aussi « gardes du
corps >:, et s'applique en particulier à l'escorte des princes.
Quand un roi apparaissait sur la scène, il était insépara-
blement accompagné de Bopuçipcf, si bien que, dans l'argot
du théâtre, ce terme finit par signifier en général un per-
sonnage muet, un comparse ".
Or Strabon^, parlant des temples des deux Comane,
nous dit que leur grand-prêtre était, en Cappadocê et dans
le Pont, le second personnage de l'Etat, sa dignité n'étant
inférieure qu'à celle du roi, dont il était d'ordinaire le
parent. Ainsi, ajoute le géographe, dans les cortèges,
qu'on appelle « sorties de la déesse » (sHoSoi) et qui avaient
lieu deux fois l'an, le prêtre marchait le front ceint du
diadème. Il n'est pas douteux que ce prélat, entouré d'un
appareil royal, avait aussi une garde de doryphores. C'est
là, si je ne me trompe, qu'il faut chercher l'origine de nos
hastiferi. Ils subsistèrent en Occident parce que leur pré-
sence faisait partie du cérémonial traditionnel des fêtes,
aussi bien que celle des fanaiici, vêtus de robes noires et
coiffés de bonnets d'astrakan, des cistophores ^, porteurs
de la ciste mystique, et des canéphores ou canistrariae
avec leur large corbeille plate posée sur la tête. Ces soldats
1. Saglio-Pottier, Dict., s. v. « Canistrum ».
2. Pauly-Wissowa, Realenc, s. v. Aoou(popYi[j.a.
3. Slrabon, XII, 3, 32 (p. 557 C). Sous les anciens rois du Pont, o\ç xoij
ÏTOu; xarà xà? èÇdoou; Xsyotxéva; tîjç ôeou oiâ5r)[jia cpopwv âTuy7_av£v ô Upsuç
xal tJv SeuTEpo; xaià trjv xtji-^v [jlstx tov [SaaiXéa. Même expression à propos
du grand-prêtre de Comane en Cappadocê, XII, 2, 3 (p. 535 C).
4. C.I.L., VI, 2232. Cf. Sa,^lio-Poltier, Dict., s, v. <■ Bellona », ûg. 815.
LKS « HASTIFERI )) DE BRLT.ONE 319
de parade gardaient leurs lances d'autrefois, à peu
près comme nos suisses continuent d'être armés de la
hallebarde. On les considérait sans doute, non plus comme
l'escorte du prêtre-roi, mais comme celle de la déesse
guerrière, au service de laquelle ils étaient entrés K
Strabon ne nous dit pas à quelles dates avaient lieu les
deux « sorties » de Ma, mais nous pouvons fixer celle de
l'une d'elles. Lorsque le culte sanguinaire de la Bellone
asiatique fut transporté en Italie, il contracta une alliance
étroite avec celui de C^'bèle, "depuis longtemps adoptée
sous le nom de Maç/na Mater par le peuple romain : la
déesse pérégrine put ainsi jouir de la protection officielle
accordée à la Grande Mère, qui avait été reconnue comme
une divinité de l'Etat. La Gappadocienne se subor-
donna à la puissante Mère phrygienne, si bien qu'on la
trouve parfois, comme Attis, adorée dans le même temple -.
1. Cf. C.I.L., VI, 2232 : Hasta in aede Bellonae in luco dicata est par
un fanaticus de la déesse.
2. C'est ce qui ressort d'une inscr. de Corfinium, C.I.L., IX, .3146 : Acca,
ministra Matris Magnae, Matrem refecit Maynam et inauravil et Attini
comam inaiiravit et Bellonam refecit; cf. C.I.L., VI, 490 et XIV, 69
[supra, p. 315 n. 2). Le mous Vaticanus, nommé dans une des deux dédicaces
de Kaslel (XIII, 7281), Lire son nom du Phrygianum, du Vatican, où des
tauroboles furent célébrés jusqu'à la fin du paganisme. Constatant les rap-
ports étroits qui liaient le culte de Ma à celui de Cybèle à Rome, j'ai émis
autrefois l'opinion que le taurobole avait passé du premier dans le second
[Relig. orientales-, p. 332, n. 34) et invoqué notamment, à l'appui de celte
manière de voir, un texte de Steph. Byz., s. v. Mâaxaupa'âxaXeÏTO os xal
fj 'Pii Mx -/.al xaypo? ay-r] è8j£T0 -aoà AjSo'.ç. Ce texte a pris une valeur
nouvelle par suite de la découverte dans la plaine Hyrcanis. en Lydie, d'une
dédicace Ma ivzr/.r'-.M (v. Premerstein, Reise in Lydien dans Denkschr.
Akad., Wien, 1908, p. 28. Même épithète à Pergame, Aihen. Milleil.,
XXIX, 1904, p. 169, et à Edesse, cf. infra). Les colons iraniens qui don-
nèrent leur nom à ce canton de Lydie (Strab., XIII, 4, 13, p. 629 C)
empruntèrent vraisemblablement le culte de la déesse de Cappadoce aux
Perses établis en grand nombre dans ce dernier pays. Ma avait été identifiée
par eux avecla divinité mazdéenne delà lune,Maonha, Mao, Mah (cf. Plut.,
Sylla, 9, et Saglio-Pottier, Dict., fig. 851). Les pâtres sacrés (|jO'jxo'Xot)
qui paraissent avoir existé déjà dans le culte asiatique de Ma (cf. infra,
p. 322), étaient probablement ceu.\ qui lui sacrifiaient le taureau. — Dans un
320 I,ES « ÎIASTIFERI » DE BELLONE
Les deux relig-ions oru^iastiques d'Anatolie étaient d'ailleurs
unies par des aflinités nombreuses de doctrine et de rituel.
Nous savons que lune et l'autre fêtaient le 24 mars, date
voisine de l'équinoxe, où les fanatici, saisis d'une exaltation
frénétique, faisaient des libations de leur propre sano- '. 11
est à peine douteux que Bellone prît part aussi le lende-
main, 25 mars, aux réjouissances des Hilaries phrygiennes
et qu'elle (iguràt dans la long-ue théorie qui déployait à
travers les rues de Rome sa pompe fastueuse -. C'est ainsi
que s'explique le titre étrang-e de dea pediseqiia « déesse
suivante », que deux inscriptions donnent à Bellone 3 et qui
paraît rendre le grec Ôsà àyiXouOoç : son image était une de
celles qui faisaient cortège à la statue de la Magna Mater.
Lune de ces dédicaces, trouvée il y a une vingtaine
d'années près de Cherchel 4, est ainsi conçue : Deae pedise-
quae Viriutis (pour Virtuti) Bellonae lecticam cum suis
ornamentis et basem C. Avianiis Amandus, augur,
d{onum) d[edit) et consecravit. Je ne sache pas que ce texte
curieux ait été exactement commenté. On peut en saisir la
signification précise : un augure municipal offre à Bellone,
qui suit la procession de la Grande Mère, une civière ^
temple d'Édesse en Macédoine, à côté de dédicaces à Ma àv£tV.r]io;, on en
a trouvé une à la Mr]'TYip ôewv (Papagcorgiou, dans 'Aôyivx, 1900, p. 65
suiv. Cf Mordtmann, Athen. MM., 1904, p. 170, n. 1).
1. C./.L., XIII, 7317; cf. Graillot, p. 127.
2. Graillot, p. 131.
3. C.I.L., VI, 3674»; cf. note suiv. Wissowa a déjà rapproché de ces ins-
criptions une dédicace africaine à Liber Pater (Gagnât, Année épigr., 1894,
n" 83) qui mentionne des cistiferi pedisequarii et deux pedisequariae.
Ces cisliferi sont ceux qui suivent les processions bachiques en portant
la ciste ; cf. infra, p. 323 n. 4.
4. Gagnât, Année épigr., 1S98, n» 61.
5. Leclica est pris ici au sens de ferculum. G'est, non pas une litière,
mais une civière. Le mot était employé avec cette signification notam-
ment à Garthage ; cf. Aug., Civ. Dei, II, 4 : « Berecynthiae Matri omnium
ante cuius lecticam die solemni lavationis talia cantitabantur » Servius.
in Aen. VI, 68: « Simulacra quae portabantur in lecticis... apud Aegyptios
et Garthaginienses ». — Ghez Firmicus Maternus, De err. prof, rel., 22, 1,
lectica désigne au contraire le lit funéraire où est couchée la statue d'Attis
LES (( HASTIFERI » DE BELLONE 321
■
richement ornée avec un socle pour y fixer l'idole . C'est
en effet sur des civières, portées sur les épaules, que dans
les pompes sacrées et en particulier le jour des Hilaries \
les dieux étaient promenés à travers les villes'-. La sculp-
ture assyrienne nous montre déjà les statues divines se suc-
cédant ainsi à la file soulevées sur des brancards ou dans des
palanquins 3, et l'antique coutume de les tirer de leurs temples
pour les produire de cette façon en public se perpétua dans
les cultes orientaux ^.
Hérodien -' rapporte que sous le règne de Commode, un
chef de bande, Maternus, traqué en Gaule par les troupes,
passa en Italie et tenta d'assassiner l'empereur en se mêlant
aux « doryphores » qui figuraient dans le cortège de la
Grande Mère et dont il pouvait prendre le costume grâce
aux mascarades usitées le jour des Hilaries. Selon une
conjecture ingénieuse '', ces ^op'joôpoi seraient les hastiferi
de Bellone. Bien qu'Hérodien ait certainement entendu par
ce mot les prétoriens ', cette interprétation paraît probable,
une pareille erreur pouvant aisément être attribuée à cet
historien peu fidèle, et elle fournit, si on l'adopte, une
1. Cf. Noiizie degli scavi, 1912, p. 115, une fresque, nouvellement décou-
verte à Pompéi, qui montre la statue de Cybèle ainsi placée sur un bran-
card et suivie d'un groupe de prêtres. Un bas-relief, qui se trouve dans le
petit cloître de Saint-Laurent-hors-des-Murs à Rome, représente divers
groupes d'une pompa. : la statue de Cybèle est suivie de celle d'une
Victoire, portée sur une civière. On a vu dans ce cortège celui qui précé-
dait les jeux du cirque (cf. Saglio-Pottier, Dict., s. v. « Circus » fig. 1258) ;
il se pourrait que ce fût celui des Flilaries. — Drexler dans Roscher, s. v.
« Meter «, col. 2903, cite une monnaie de Marcianopolis en Mésie où serait
figurée Cybèle leone vecla praecedente figura galeata, dextra, clypeo
Cyhelen luenle, sin. hasla. Je ne sais si l'on doit y reconnaître une Bellone.
2. Cf. Saglio-Pottier, Dict., s. v. « Ferculum » et « Lectica ».
3. Bas-relief de Nimroud, .reproduit d'après Layard par Perret et
Chipiez, Hist. deVart, II, p. 76.
4. Baal d'Iiéliopolis (Macrobe, Sai. I, 23, 13), Isis (Apul., Met., XI, 11).
5. Hérodien, I, 10.
6. Hepding, op. cit., p. 171. Cf. Graillot, l. c.
7. Cf. Hérodien, I, 10, 4 : Ttjv ts twv r.îpl aùiov oopuço'pfov îjvotav.
322 LES « IIASTIFFRI » DE BELLONP:
preuve décisive de la présence des « porte-lances » dans la
procession de Cybôle,
Cette fii^uration dans les fêtes publiques, communes aux
deux cultes d'Asie Mineure, n'était pas la seule fonction
sacrée des hastiferi. Chang'eant à la fois de costume et de
rôle, les membres de ce collèg-e participaient aussi dans le
temple aux cérémonies rituelles. C'est ce que prouve l'ins-
cription qui les appelle hastiferi sive paslores. Le premier
nom avant une signification religieuse, il en est évidemment
de même du second. Les pastorcs-ne sont donc pas, comme
certains l'ont cru, de véritables bergers, dont les lances
protégeaient les troupeaux contre les maraudeurs et les
loups dans les pâturages du Taunus, mais, comme d'autres
l'ont reconnu, les ^cuySkoi, les pâtres qui dans les mystères
de Bacchus honoraient le dieu, conçu à l'origine sous la
forme d'un taureau. On a pu supposer que ce titre sacré
appartenait aussi aux fidèles d'Attis, le dieu pasteur, et l'on
V a cherché une preuve supplémentaire de l'association
étroite de Bellone et de Cybèle K Mais nous n'avons jus-
qu'ici aucun indice que les mystes d'Attis aient été ainsi
désignés, et il est plus vraisemblable que l'existence des
l^ouxôXoi remonte au culte de Ma, tel qu'il était pratiqué en
Cappadoce et dans le Pont. Ces bouviers ou boucaniers
étaient ceux qui capturaient et sacrifiaient à la déesse les
taureaux à demi sauvages qui erraient sur les vastes do-
maines du temple -. On a noté que même dans les orgies
de Dionysos, les ,3ou-/.6a2!. se rencontrent particulière-
ment en Anatolie ^. Lucien nous raconte que pendant
les Bacchanales les nobles et les magistrats des villes
du Pont se faisaient un honneur de danser en public devant
des spectateurs déguisés en Titans, en Corybantes, en
1. Hepding-, /.c, p. 172.
2. Cf. Revue archéologique, 1905, I, p. 29 s.
3. Gf Kern dans Pauly-Wisso-sva, Tîeaienc, s.v. BouzoXot, col. 1013 suiv.,
et ib., Suppl., s.v. Archibucolus.
LES « HASTIFERI » DE BELLO.NE 323
Satyres et en gouy.sXct'. Par une coïncidence curieuse, nous
trouvons à Madaure les mêmes bacchanales célébrées
jusqu'à la fin du paganisme -, et saint Augustin ^ y fait
allusion en des termes qui rappellent singulièrement ceux
de Lucien : « Decuriones et primates civitatis per plateas
vestrae urbis bacchantes et furentes ... » Il est vraisem-
blable que le culte extatique de la Bellona-Virtus adorée
dans cette cité d'Afrique y avait, comme dans le Pont,
quelque relation, que nous ne pouvons préciser, avec les
orgies du dieu du vin ^.
■ Quoi qu'on pense de ce dernier point, un fait certain
ressort de notre nouvelle inscription : c'est que le collège
des hasfiferi avait dans le culte de Bellone un rôle ana-
logue à celui des dendrophori parmi les fidèles de la Magna
Mater. Les premiers portaient la lance dans les mêmes pro-r
cessions où les seconds promenaient le pin d'Attis. Les has-
tiferi avaient -ils aussi dans les cités romaines quelque
emploi civil ou militaire, comme les dendrophores, qui y
aidaient les pompiers à éteindre les incendies? La chose est
possible, mais rien ne permet jusqu'ici de l'affirmer, et
provisoirement il sera prudent de considérer les porte-
lances comme formant une confrérie purement religieuse.
i. Luc, De Sallat. 79: 'Opyouvcaî yE TaOra oi eùycvÉaTaTo: x.aî 7:po_>-c£Ûov-
TEç Èv èxajTr) Twv -oÀetovz.T.X.
2. Cf. Comptes rendus Acad. inscr., 1912, p. 154 suiv.
3. Aug., Epist., 17 (P.L. XXXIII, 84).
4. Nous trouvons dans le clerf;-é de Bellone des cistophores [C.I.L. VI,
2233), comme des cisliferi dans celui de Bacchus {supra, p. 320, n. 3), et la
ciste mystique étant un élément essentiel du culte dionysiaque, tel qu'il
était pratiqué en Asie Mineure.il est possible qu'elle ait été empruntée à
celui-ci par les prêtres de Ma.
324 SÉANCK DU 20 SEPTEMBRE 1918
LIVRES OFFERTS
M. Henri Cordikr, faisant fonctions de Secrétaire perpétuel, dépose
sur le bureau les publications suivantes :
Proceedingsi of American Philosnphicnl Society, vol. LVII, n° 2
(Pbiladolphie, 1018) ;
Bulletin de la Société historique et archéologir/ue du Périgord,
t. XLV, 4'" livraison, juillet-août 1918 (Périg-ueux, 1918);
Progress Report of the Archseological Survey of India, Western
circle. Archa;ology for the ycar ending 3lst March 1917 (Bombay,
1917) ;
List of Sanskrit and Hindi Manuscripts purcliased hij ordcr of the
Government and deposited in the Sanskrit Collège Benares, during
the year 1916-1917 (Allahabad, 1918).
M. Bernard Haussoiillieh a la parole pour un hommage :
« Jai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de l'auteur,
M. Georges Méaulis, un ouvrage intitulé : Une métropole égyptienne
sous l'empire romain. Hermoupolis-la-Grande (Lausanne, 1918).
M. Georges Méautis est un Suisse qui a terminé ses études en
France, à l'Ecole des hantes études, et son livre est dédié à son
maître, M. Pierre Jouguet. C'est la première monographie d'une
métropole égyptienne, et l'auteur y fait preuve, surtout dans les
importants chapitres sur les Habitants et l'Administration, d'un
esprit très net, très positif, très mesuré, qui donne beaucoup de prix
à son étude. »
SÉANCE DU 20 SEPTEMBRE
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
La correspondance comprend deux articles allemands commu-
niqués par M. le Ministre de la guerre et relatifs, l'un aux
fouilles allemandes de la Dobroudja, l'autre à celles de Babylone.
Le Président annonce la mort de M. Charles Bayet, corres-
pondant de l'Académie, et prononce l'allocution suivante :
« Messieurs,
« Depuis notre dernière séance, nous avons perdu un de nos
correspondants nationaux, M. Charles Bayet, ancien directeur
SÉANCE DU 20 SEPTEMBRE 1918 325
clè rEnseignement supéineur, qui nous appartenait depuis 1891.
Né à Liège le 25 mai 1849, élève de l'École normale au temps
où elle était dirigée par Bersot, agrégé dhistoire, puis membre
des Écoles françaises de Rome et d'Athènes, il avait eu pour
maître, en Italie et en Grèce, Albert Dumont, qui lui avait ins-
piré le goût des études byzantines. De là, en 1874, cette mission
au mont Athos où nous le voyons avoir pour compagnon notre
confrère Mgr Duchesne. Le but de l'exploration n'était pas
d'ailleurs simplement de relever au passage les mosaïques des
anciennes églises, les traces énigmatiques de l'art du peintre
Pansélinos à Karygès, ou de rechercher dans les bibliothèques
des couvents de la Montagne Sainte les scholies inédites, pré-
cieuses pour l'exégèse des écrivains de l'antiquité ; chemin faisant,
les deux voyageurs recueillirent les inscriptions de l'époque
grecque ou hellénistique qu'ils rencontraient ; l'I'^pire, la Thes-
salie, la Macédoine, la Ghalcidique, leur en fournirent un grand
nombre, qui forment une sorte de corpus d'environ deux cents
textes. Avant de quitter la Grèce, Bayet explora la seule cata-
combe qui y ait été découverte, celle de Milo, qui, par malheur,
était déjà presque entièrement dépouillée de son contenu.
« Il revint en France en 1876 et fut successivement chargé de
cours et professeur à la Faculté des lettres de Lyon. Le décanat
lui fut offert, et il l'accepta. Il avait devant lui un bel avenir
d'enseignement et de science. Mais l'histoire byzantine n'était
point alors en faveur ; elle passait pour une spécialité étroite et
négligeable. Au lieu de s'y confiner et d'y tracer son sillon, il
s'était vu contraint d'embrasser tout le moyen âge. L'incertitude
de l'avenir, des convenances personnelles le firent se porter vers
les fonctions administratives. Nommé recteur à Lille, c'est de là
qu'il fut appelé au Ministère de l'instruction publique pour rem-
placer d'abord M. Ferdinand Buisson à la direction de l'Enseigne-
ment primaire, ensuite Louis Liard à celle de l'Enseignement
supérieur. C'était le renoncement définitif au travail personnel.
Pourtant, ce qu'il a laissé, Recherches pour servir à V histoire
de la peinture et de la sculpture chrétiennes en Orient avant la
querelle des iconoclastes (1879), V art byzantin (1883, réédité
en 1904), Notes sur le peintre byzantin Manuel Pansélinos
(1884), Précis d'histoire de l'art (1886), pour m'en tenir à ses
326 SÉANCE DU 20 SEPTEMBRE 1918
principaux ouvraj^es, prouve que dans le domaine qu'il avait
choisi il lût devenu rapidement un maître.
« Il est mort à Toulon, presque dans la solitude, après avoir
repris, au lendemain de sa retraite, à soixante-cinq ans, son
uniforme de sous-lieutenant de la guerre de 1870, pour jouer
son rôle dans la grande guerre. Ni les causes, "ni les circonstances
de sa mort ne me sont connues, mais je croirais sans peine que
le brûlant été de Salonique, de cette Salonique où il avait jadis
rêvé devant les saintes images, et dans laquelle il se retrouvait
vieilli et fatigué, lieutenant au deuxième bureau de l'état-major
Sarrail, n'y fut point étranger. Un coup cruel l'avait aussi frappé,
en France même ; le second de ses fils, qui combattait à ses
côtés, avait été tué au bois Le Prêtre, et cette blessure, chez lui,
restait saignante et douloureuse. On ne peut refuser à cette
haute figure Teslime, plus que cela, le respect qu'elle mérite ;
pour ceux qui l'ont bien connu, la perte de Charles Bayet, de ce
timide, de ce sensible, de cet artiste, de cet ami droit et sûr,
est un deuil de cœur. »
M. Salomon Reinach lit une note de M. Camille Jullian sur
l'Alsace romaine. Grâce au t. VII du grand Recueil des sculp-
tures de la Gaule romaine, publié par le commandant Espéran-
dieu, correspondant de l'Académie, nous pouvons ajouter le
témoignage des monuments à celui des textes littéraires et épi-
graphiques. Ce qui n'est pas romain en Alsace est gaulois ; rien
n'est resté du germanisme des Triboques, troupe provenant de
l'armée d'Arioviste, que César et Auguste laissèrent dans le pays
autour de Brumath. Le groupe du cavalier porté par le géant
anguipède n'est pas germanique, comme on l'a dit souvent,
mais celtique. Les sculptures et les tombes de l'Alsace gallo-
romaine se rattachent plus particulièrement à la Lorraine, car
les affinités étaient et demeurèrent très étroites entre les popu-
lations des deux versants des Vosges. L'attraction de l'Alsace,
même à l'époque romaine, se fit, comme elle se faisait depuis
des siècles, du côté de ses parents de Gaule.
M. Salomon Reinach, en l'absence de M. E. Pottier,
commence la lecture d'un mémoire de MM. Lantier et l'abbé
Breuil sur un oppidum ibérique nommé Tolino.
SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE 1018 327
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau la Revue archéolo-
gique, cinquième série, t. IV, livraison de janvier-avril 1918.
M. Salomon Reinach offre le t. IV de son Répertoire de peintures
(lu moyen âge et de la Renaissance {Pdins, Leroux, 1918j.
SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le P. SciiEiL analyse une note parue dans un journal
allemand, transmise par M. le Ministre de la guerre :
« Dans la Kieler Zeiiung du 28 mai 1918, un rédacteur com-
munique le résumé du 59'' Rulletin de la Société des fouilles
allemandes en Orienl. Ce bulletin contient les idées de M. Kol-
dewey sur le temple Esagil de Babylone, — en conclusion de
dix-huit années d'explorations, explorations closes à la veille de
l'entrée des Britanniques à Bagdad.
« M. Koldewey s'appuie principalement, on le conçoit, sur ses
propres fouilles et sur la fameuse tablette de l'an 229, d'abord
perdue, retrouvée par nous, communiquée à l'Académie en
1912 et, « malgré cela », acquise depuis par le Musée du
Louvre * .
« L'Esagil comprenait donc deux temples : un temple bas
situé à côté d'un temple haut. Ce temple haut consistait en une
cour à six chapelles qui reposait sur la tour à étages. Les sou-
bassements de l'ensemble ont été mis à jour par les fouilles.
On estime que les mesures de la cour et des chapelles qui forment
le temple haut ou temple suspendu sont données avec précision
1. Publiée par V. Scheil et M. Dieulafoy, au tome XXXIX, p. 293-372,
des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres sous le titre :
Esagil ou le Temple de Bèl-Mardnuti à Babylone (1913).
328 SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE 1918
et exactitude par noire tablette. Or il se trouve que la tour à
étages avec les dimensions, très réduites vers le sommet, que
leur attribue la même tablette, n'aurait jamais pu supporter ou
recevoir ce temple suspendu.
« M. Koldewoy pense donc que les mesures de la tour propre-
ment dite, données par le document, ont été empruntées à une
source plus récente que celle des précédents renseignements, et
qu'elles datent d'une époque où la tour était en partie délabrée.
Il estime avoir, sur un point du site actuel de Babylone, reconnu
l'amas de ses décombres, — ces décombres que, en vue d'une
restauration, Alexandre lit enlever' — par 10.000 ouvriers, en
deux mois de travail, au dire de Strabon '. Le cube évalué de ce
bloc de terre rapportée correspondrait exactement — d'une part,
à celui du déblai que le texte de Strabon permet d'établir, —
d'autre part, à la différence entre le cube primordial du temple
haut avec sa tour, et celui du même ensemble tel qu'il résulte
du métrage consigné dans notre tablette :
« Il est très possible, en effet, qu'à une époque oîi temple et
tour n'étaient plus qu'une grande ruine, un scribe plus lettré que
technicien^ devant relever aux Archives leurs anciennes dimen-
sions, ait groupé des documents de deux sortes, sans remar-
quer que, si authentiques qu'ils fussent l'un et l'autre, ils
étaient pourtant pratiquement incoordonnables. Les mesures du
temple étaient les mesures originales ; les mesures de la tour
étaient celles d'une tour devenue squelettique qui n'aurait pu
supporter un tel temple. »
Le Secrétaire perpétuel donne lecture d'une lettre par
laquelle M. Maurice Picot lui fait part du décès de son père,
M. Emile Picot.
Le Président prend la parole en ces termes :
« Messieurs,
« Nous avons à déplorer une perte cruelle. Notre cher con-
frère M. Emile Picot, que quelques-uns d'entre nous avaient pu
voir, il y a peu de temps, si robuste et si vaillant encore en
1. Strab. Geogr., XVI, I, p. 629 (éd. Miitler).
SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE 1918 329
dépit de l'âge el du deuil alFreux qui l'avait atteint, a succombé
le 24 septembre dans sa propriété du Mesnil, à Saint-Martin-
d'Ecublci, dont il était maire, emporté par une de ces crises
rapides devant lesquelles la science demeure impuissante. Né à
Paris le 13 septembre 1814, il entrait dans sa soixante-quin-
zième année.
« Ce n'est pas le lieu d'insister longuement sur ses travaux.
Vous avez présentes à la mémoire sa carrière scientifique, et
cette maîtrise incomparable dans la connaissance du livre qui
faisait de lui le guide le mieux informé et le plus sûr en matière
de bibliographie. Mais il n'était pas seulement un bibliographe,
il était aussi un linguiste et un historien. Il connaissait à fond
la Roumanie, dont il avait étudié de très près la langue, notam-
ment durant un séjour qu'il y avait fait, jeune encore, auprès du
prince Charles, le futur roi Carol, qui l'avait pris pour secré-
taire. Plus tard, il fut nommé professeur de langue roumaine à
1 Ecole des langues orientales vivantes, et il n'est pas de mani-
festation du génie roumain qui n'ait, jusqu'à la fin, attiré son
attention.
« Sa curiosité sans cesse en éveil, son goût de la recherche,
sa puissance d'observation, qui le rendaient sensible aux moindres
particularités des choses, son évidente prédilection pour l'his-
toire des langues et des littératures, ces témoins de la vie des
peuples que l'on ne consulte jamais sans profit, ne pouvaient le
laisser indifférent à nos vieux textes. Il contribua, en 1874,
avec Gaston Paris, Paul Meyeretle baron James de Rothschild,
à fonder cette Société des anciens textes français dont il i-esta
le trésorier-adjoint jusqu'en 1914, et qui lui doit des publica-
tions dont elle s'honore, telles que les Œuvres poétiques de
Guillaume Alexis, prieur de Bucy ; Recueil général de sotties ;
Maistre Pierre Pathelin hystorié, reproduction en facsimilé de
l'édition imprimée vers 1 500 par Marion de Malaunoy, veuve
de Pierre Le Caron ; et il s'en faut que cette énumération soit
complète. Mais c'est peut-être par ses catalogues de livres et
par ses bibliographies raisonnées qu'il est le plus connu. Son
Catalogue des livres composant la bibliothèque de M. le baron
James de Rothschild, en quatre volumes, est, de l'avis des spé-
1918 53
;i30 SÉANCE UU 27 SiiTÏIOMIîKi: lî)IS
cialisLes une (jt'uvre de premier ordre. Il était en relations avec
le duc d'Aumale. Un spécimen de catalof^ue de la bibliothèque
de Chantilly, qu'il donna en 1890, avec facsimilés dans le texte,
fait lef^retter quil n'ait pas poussé plus avant son inventaire
des richesses qu'elle renferme. Tout ce qu'il publiait avait ce
caractère de probité scientilique et de compétence qui inspire
a priori conliance au lecteur. Certains de ses ouvrages visent
plus haut et y atteignent ; ils dépassent la portée de simples
renseignements bibliographiques : ce sont d'admirables ins-
truments de travail. Je citerai dans ce genre sa Bibliographie
cornélienne (1876), répertoire si précieux des éditions des
œuvres de Pierre Corneille et des imitations ou traductions qui
en ont été faites, qu'un complément fut jug-é nécessaire pour
mettre au courant ce travail dont ne sauraient se passer les
historiens de notre littérature, et que, en 1908, paraissaient les
Additions à la Bibliographie cornélienne, par Le Verdier et
Pelay, complément dû, en grande partie, aux notes que
M. Picot avait i-ecueillies lui-même depuis 1876. Car il ne fai-
sait point de lecture qui ne lui fournît des documents utiles. Il
possédait, méthodiquement classées, des fiches par milliers, que
son obligeance se plaisait à mettre à la disposition des travail-
leurs. Sa réputation s'étendait bien loin hors de France, et
lorsqu'un petit groupe d'anciens élèves et d'amis, à l'occasion
de sa retraite de l'Ecole des langues orientales, conçut le pro-
jet de lui offrir un volume, ou mieux, deux volumes de Mélanges,
ce fut sans peine qu'il réunit près de cent collaborateurs appar-
tenant aux nationalités les plus différentes.
« L'homme en lui égalait le savant. Nous n'oublierons jamais
cette bonté que voilait une apparence de froideur. Ceux qui ont
eu le bonheur de l'approcher, sans pénétrer jusqu'à ses senti-
ments intimes, savent ce que dissimulaient de sympathie latente,
toujours prête à se manifester, la gravité de ce visage et la réserve
de cette attitude qui intimidaient un peu au premier abord. Il
était foncièrement serviable et dévoué, avec peu de goût pour
les démonstrations inutiles. Il le montra bien dans ces derniers
temps où, maire attentif et diligent de sa commune, qui compte
à peine quatre cents habitants, il fit des prodiges de charité et
d'administration prévoyante pour hospitaliser tant bien que
LIVRES OFFERTS 331
ma] les réfugiés de nos régions du Nord, fuyant devant l'ennemi,
d'abord une partie de ceux d'Amiens, ensuite ceux d'Haze-
brouck, beaucoup plus nombreux.
« Atteint, comme tant d'autres, par la guerre dans la per-
sonne d'un de ses fils, le capitaine Picot, tué glorieusement au
début de la dernière offensive allemande, en juillet 1918, il
trouva dans sa naturelle force d'âme et dans son patriotisme le
courage de réagir contre un tel coup. Il était fier de ce (ils tombé
pour la défense du sol français et trompait, dans la mesure du
possible, sa douleur en se persuadant et en répétant aux siens
que de pareils sacrifices sont la rançon et en même temps la
garantie de la victoire.
« Je crois être, Messieurs, l'interprète de votre pensée en
adressant à la chère compagne de sa vie l'expression de nos
regrets unanimes. Emile Picot laisse ici un vide qu'il sera diffi-
cile de combler. Vous lui aviez fait une place parmi nous en
1897 ; il nous a donc appartenu pendant vingt et un ans,
longue durée pour une vie humaine, trop courte pour notre
affection. »
M. E. PoTTiER achève la lecture du mémoire de MM. Lantier
et l'abbé Breuil sur l'oppidum ibérique de Tolmo,
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les publications
suivantes :
Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, t.
VII (Langres, 1918);
Bulletin de la Société archéologique et historique de VOrléanais,
t. XVIII, n° 213, 3^ et 4« trimestres, 1917 (Orléans, 1918) ;
Muséum Maanhlad voor Philologie en Geschiedenis onder redactie
van P. J. Blok, J. J. Salverda de Grave, D. G. Hesseling en A. Kluj'-
ver. 2:isle Jaargang, n° 11-12, Aug. Sept. 1918 (Leyde, 1918).
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 4 OCTOBRE
PRESIDENCE DE M. PALI- GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le Président annonce à l'Académie que M. Haussoullier
vient de perdre un de ses fils, déjà plusieurs l'ois blessé et
honoré de sept citations, et prie notre confrère d'agréer l'ex-
pression de notre très vive sympathie.
Il exprime de nouveau à M. Héron de Villefosse, présent à la
séance, les regrets de l'Académie de ne plus le voir assis au
bureau.
L'Académie décide que la séance annuelle aura lieu le 22
novembre prochain et désigne comme lecteur pour cette séance
M. l'abbé Chabot. Le sujet de cette lecture, communiquée dans
la séance du 5 juillet dernier, sera : Kdesse pendanL la première
croisade.
M. .Audouin, professeur à l'Université de Poitiers, fait une
communication sur le muid de Gharlemagne :
(' Jusqu'à ces dernières années, on a généralement admis l'exac-
titude de l'évaluation que Benjamin Guérard avait faite de la
capacité du muid de Gharlemagne, dans les Prolégomènes du
Polvptyque de l'abbé Irminon. D'après lui, celte mesure pour
les grains, au temps de Gharlemagne, avait une contenance de
')2 litres 20. Cette évaluation reposait sur une méthode de calcul
qui n'est pas susceptible d'une précision rigoureuse, étant fondée
sur une estimation, fort sujette à caution, du pouvoir relatif de
l'argent.
334 SÉANCK DU 4 OflTOURE 1918
u Une tout outre mélliode a été suivie par M. Raveau, qui,
clans une coniniunicalion faite en 191(> à la Société des Anti-
quaires de rOuest, a cherché à déterminer la contenance du
muid de Charlemaj^ne d'après le tarif que renferme le capitulaire
de Francfort, de 794, fixant à quatre deniers le prix d'un muid
de froment et à un denier le prix de 24 livres de pain de fro-
ment. M. Haveau a supposé qu'une livre de pain avait la môme
valeur qu'une livre de froment et en a conclu que le muid de
794 contenait en froment 4 fois 24 livres ou 96 livres de
l'époque de Charlemagne.
M On peut admettre avec Guérard que le prix unique d'un denier
pour 24 livres de pain de froment, fixé par le capitulaire, se
rapporte à un pain de qualité moyenne. D'après un règlement
de 15G7, le prix de ce pain était égal au prix du même poids de
grain augmenté d'un quart. Si^ à poids ég-al, le prix du pain est
égal aux cinq quarts du prix du froment, à prix égal le poids du
froment est égal aux cinq quarts du poids du pain. D'après
cela, le muid de Charlemagne, qui, en 794, valait en froment
4 deniers, prix égal à celui de 96 livres de pain, devait conte-
nir 96 livres multipliées par cinq quarts, c'est-à-dire 120 livres
de froment.
« La livre visée par le capitulaire de Francfort pour le prix
du pain ne doit pas être la livre nouvelle de Charlemagne, qui,
ainsi que l'a établi M. Maurice Prou, était supérieure de moitié
à la livre romaine et valait plus de 491 grammes : cette réforme
de Charlemagne ne se rapportait sans doute, selon l'avis de
M. Guilhiermoz, qu'au poids monétaire. Rien ne permet de sup-
poser que, pour le poids usuel, Charlemagne ait rien changé à
l'antique livre romaine, de 327 grammes 45.
« Le poids du froment contenu dans le muid était donc, en
794, de 120 livres romaines, c'est-à-dire de 39 kilog. 294 : le
litre de froment pesant 750 grammes, la capacité de cette
mesure était de 52 litres 40. L'évaluation de Benjamin Guérard
se trouvait ainsi, par hasard, à peu près exacte.
« Un texte latin sur les mesures, qui a été publié par
Lachmann dans son édition des Gromatici veteres ', mentionne
précisément un muid de 120 livres Ce texte anonyme, posté-
1. I, p. 371 et suiv.
SÉANCE DU i OCTORRR 1918 335
rieur à Isidore de Séville, qui y est cité, nous a été conservé
par plusieurs manuscrits, dont le plus ancien, le Gudianus,
date du x"^ siècle. Il se divise en trois parties. La première
concerne les mesures de longueur et de superficie, la seconde
les poids, la troisième les mesures de capacité. Cette dernière
partie, où se trouve le passage en question, porte comme titre:
De mensuris in liquidis, et Ton pourrait croii'e, par suite,
que le muid de 120 livres, qui y est mentionné, est un niuid à vin
et non un muid à froment. Cependant il y est fait allusion aussi
aux mesures pour matières sèches, comme le prouvent les
mots : Simililer in aridis. . .
« Dans les premières lignes de ce fragment, il est dit que le
setier pèse soit 2 livres, soit 3 livres. Le setier de 2 livres n'est
autre que le setier romain pour le vin, du poids de 20 onces,
augmenté d'un quart. Si, à côté du setier de 2 livres, il en existe
de 3 livres, c'est sans doute que l'on en est venu à substituer ici
aux livres de 12 onces des livres de 18 onces. Un fait analogue
s'est produit en Lombardie, dans le courant du vn!** siècle, pour
un muid à sel de 30 livres, qui fut porté à 45 livres, c'est-à-dire
à 30 livres de 18 onces.
« L'auteur anonyme de notre texte dit ensuite que le muid a
été considéré parfois comme contenant 16 setiers, ou encore 22,
mais quil en renferme plutôt 24, ce qui, avec des setiers de
3 livres, donne un poids de 72 livres.
« C'est alors que l'auteur ajoute qu'il existe aussi un muid con-
tenant 24 setiers de 5 livres et pesant par suite 120 livres. Ce
muid de 120 livres paraît être, non pas un muid à vin, comme
celui de 72 livres, mais un muid à froment. Car les lignes précé-
dentes, qui se rapportaient aux mesures à liquides, ne mention-
naient pas de setier de 5 livres. Ce setier de .5 livres n'offre pas
de rapport régulier avec le setier de 2 livres, ni avec celui de
3 livres, ni avec le setier romain de 20 onces pour le vin. Il
s'explique bien, au contraire, en tant que mesure à froment:
c'est exactement le quadruple du setier romain pour les grains,
qui pesait une livre et quart ou 15 onces.
« Le poids de 120 livres indiqué ici est précisément celui qui
a été déduit plus haut du capilulaire de Francfort pour le muid à
froment. Ce texte vient donc confirmer ces déductions. 11 nous
336 sÉANCK Di 4 ononRE 1918
apprend en même temps que le muid de Gharlemagne se divisait
en 24 seliers de 5 livres. 11 était exactement six fois plus grand
que le muid romain, qui contenait 10 sètiers d'une livre et quart
et pesait par suite, en froment, 20 livres. Cette augmentation
venait de ce que le setier avait pris une valeur quadruple et que,
d'autre part, le nombre des setiei's contenus dans le muid a\ait .
été porté de 16 à 24, c'est-à-dire augmenté de moitié.
(( Nous savons que le nouveau muid, établi peu avant 794 et
qualifié de noviler slalulum dans le capitulaire de Francfort,
était de moitié plus grand que le muid antérieur. Celui-ci était
doue du poids de 80 livres et devait se diviser en 16 setiers de
5 livres. La réforme de Charlemagne, en ce qui concerne le
muid, a consisté à porter de 16 à 24 le nombre des setiers qu'il
contenait, c'est-à-dire à augmenter ce nombre de moitié.
u Le setier, qui, chez [les Romains, pesait en froment une
livre et quart, c'est-à-dire 409 grammes, et avait une capacité
de 54 centilitres et demi, pesait 4 fois plus, c'est-à-dire 5 livres
(romaines) ou 1 kil. 637, non seulement sous Charlemagne,
avant comme après la réforme du muid, mais sans doute avant
Gharlemagne, et avait ainsi une capacité de 2 litres 18 centi-
litres.
« Il devait prendre, dans le courant du ix® siècle, une valeur
triple de celle qu'il avait sous Charlemagne. Car un texte curieux
sur la fabrication des hosties, publié par Mabillon et cité par
Guérard, et qui, au dire de l'auteur inconnu, aquitain selon
Guérard, peut-être espagnol suivant M. Guilhiermoz, aurait été
composé en 845,- parle d'un setier à froment du poids de
12 livres de 15 onces chacune, ou, autrement dit, de 15 livres
de 12 onces. Ce setier était donc exactement le triple du setier
carolingien de 5 livres et valait 12 setiers romains. Sa conte-
nance était de 6 litres et demi. C'était encore bien peu en com-
paraison de la valeur que devait prendre le setier à partir du
XII* siècle, lorsqu'il devint un multiple du boisseau. »
MM. Babelon, Théodore Reinach et Antoine Thomas présentent
quelques observations.
SÉANCE Dr il OC.TOIUU-: 1918 337
LIVRES OFFERTS
Le Sechktaihe perpétuel, au nom de l'auteur, ofTro un travail de
M Héron de Villefosse, Le sphinx de Cherchel (extrait du Bulle-
tin archéologique, 1917), Paris, 1918. >
11 dépose sur le bureau les périodiques suivants :
Lonclon Unirersilt/ Gazette, vol. XVIII, n° 203, 23 septembi'e
1918, et Supplément ;
Smilhsonian Instilute. Bureau of American Ethnology, bulletin
n° 66 : Récent discoveries attrihuted fo early rnan in America, by
Aies Ilrdlicka (Washington, 1918) ;
Butlleti de la Bihlioteca Cataluni/a, n° 7 : any IV, Gener-Decem-
ber 1917 (Barcelona, 1917).
SÉANCE DU il OCTOBRE
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT,
Le Président propose à rAcadémie de nommer les membres
de la Commission Thorlet pour 1918.
Sont élus MM. Schlumberger, Prou, Durrieu et Gordier.
L'Académie, ne pouvant siéger le '2j de ce mois, qui est la
date de la séance publique des cinq Académies, décide que la
séance, cette semaine-là, se tiendra le mardi 22.
M. Babelon donne lecture d'un mémoire de M. le docteur
Carton, correspondant de l'Académie, relatif à des découvertes
archéologiques faites dans la région de Ghardimaou (Tunisie)
par M. le capitaine Fradet. Il s'agit des ruines d'une ville ro-
maine avec pavage de mosaïques historiées et de plusieurs petits
sanctuaires de Saturne qui renfermaient des statues en terre
cuite de grandeur naturelle. Les plus intéressantes de ces statues
représentent une déesse féminine à tète de lion, pareille à la
déesse égyptienne Sokhit. Cette déesse forme le type de mon-
naies romaines frappées en Afrique au moment de la bataille de
Thapsus, en 48 avant J. -G. Les sanctuaires rustiques découverts
par M. le capitaine Fradet étaient fréquentés par la population
3ns KDICI LES DKCDU VERTS DANS LA RÉHKIN \)K OllAUDIMAOU
indii^ènc de la région, qui, au u'' siècle de noire ère, était restée
lidèle an culte des divinités africaines d'origine libyenne ^
M. Pierre Paris, correspondant de l'Académie, directeur de
l'Kcole des hautes études hispaniques, lit un rapport sur les
fouilles pratiquées cette année à Bolonia (Espagne), grâce à une
subvention que lui a accordée l'Académie et à des subsides qu'il
a reçus d'ailleurs. Il fait passer sous les yeux des membres pré-
sents les photographies des principaux monuments déblayés et
des objets qu'on y a rencontrés 2.
COMMUNICATIONS
NOTE SUR DES ÉDICULES RENFERMANT DES STATUES EN TERRE
CUITE, DÉCOUVERTS DANS LA RÉGION DE GHARDIMAOU (tUNI-
SIe), par m. LE D'^' CARTON, CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE.
L'Académie sait qu'on a découvert dans ces dernières
années, en Tunisie, un certain nombre de constructions
antiques qui renfermaient de grandes statues en terre cuite
de divinités africaines. La plus importante de ces décou-
vertes est, sans contredit, le sanctuaire de Baal et de Tanit
à Siaffu, au Nord-Est de Bir-Bou Piekba, station du chemin
de fer de Tunis à Sousse, à 60 kilomètres de Tunis : ce
sanctuaire et ses statues ont été, en 1910, l'objet d'une
étude approfondie de M. Merlin, à laquelle il ne reste rien
à ajouter 3. J'ai moi-même, peu après, fouillé un édifice du
même genre, mais moins important, composé d'une simple
cella, situé sur le flanc du Djebel-bou-Korneïn, à peu de
distance du grand sanctuaire de Saturne Balcaranensis,
auprès d'Hammam-Lif : j'y avais signalé des .statues en
1. Voir ci-après.
2. Voir ci-après.
3. Alfred Merlin, Notes et Documents publiés par la Direction des Anti-
quités et Arts. IV. Le sanctuaire de Baal et de Tanit, près de Siagu (Paris,
1910).
ÉDICIT.ES nÉCOCVERTS PANS [.A RÉGION DE GHARDIMAOL" 339
terre cuite, de grandeur naturelle, et j'ai rappelé, à cette
occasion, d'autres effig-ies de terre cuite réunies par groupes,
qui avaient été découvertes antérieurement sur différents
points du sol africaine
Voici qu'on vient de reconnaître toute une série de groupes
analogues, à la limite occidentale de la Tunisie, auprès de
Ghardimaou, petite ville située sur la Medjerda, au Nord-
Ouest du Kef, à proximité de la frontière algérienne.
M. le capitaine Fradet, commandant, en 1916, un déta-
chement de troupes à Ghardimaou, a fait dans la région
avoisinante des recherches archéologiques dont il a bien
voulu me communiquer les résultats : je m'empresse de les
transmettre à l'Académie.
A l'endroit appelé Bir-Derbal, des indigènes avaient
trouvé une stèle de pierre en creusant la terre pour cons-
truire un gourbi. Quelques débris de mosaïque apparais-
saient au fond du trou. En élargissant ce trou, on mit au
jour une mosaïque à peu près intacte, mesurant environ
deux mètres sur trois, et offrant simplement une jolie orne-
mentation géométrique.
Tout près de là, à proximité d'une citerne, M. le capi-
taine Fradet a exhumé les soubassements de toute une
ligne de villas antiques avec des chambres, aussi pavées de
mosaïques dont quelques parties seulement se sont trouvées
en assez bon état. La plus importante représente un Retour
de chasse au sanglier. On y voit deux serviteurs qui portent
une perche à laquelle est suspendu l'animal ; ils sont accom-
pagnés de deux chiens tenus en laisse. C'est une scène à
laquelle j'assiste fréquemment encore aujourd'hui dans ce
pays où les indigènes ont des molosses dressés à ce genre
de chasse. Un autre fragment de mosaïque offre la repré-
sentation d'un cheval. Il semble que sur la façade de la villa
régnait un portique pavé aussi d'une mosaïque décorée de
palmiers et d'autres sujets détériorés et méconnaissables,
1. D' L. Carton, Bulletin de l'Acad. dHippone, 1912-13, n" 32, p. 25.
3î0 i';nir.t)LES décoiveuts dans la nÉnioN de (•■iiAitnniAon'
Les restes de constructions permettent de croire qu'on
est en présence de remplacement de la demeure d'un riche
propriétaire qui, comme cela s'est rencontré tant de fois,
avait fait (i^urer sur le sol revêtu de mosaïques des scènes
représentant ses occupations favorites. Les murs de son
habitation étaient en un blocage assez grossier, consolidé
par un chaînage en pierres de taille. Le plan (n" 1), que
m'a adressé M. Fradet, de la partie déblayée semble in-
diquer, comme il le croit, une série de chambres bordées
par un portique à chacune des extrémités duquel se trou-
vaient deux autres chambres phis petites.
Une autre ruine, déblayée un peu plus loin (n" 2), paraît
être celle d'un petit sanctuaire mesurant 6 m. 75 sur
2 m. 75. 11 comprend une cella de 2 m. 75 de largeur sur
2 mètres de profondeur, donnant sur une cour de 2 m. 80
de large sur 3 m. 25 de profondeur, ouverte èi l'Est. Dans
le fond de la cella, trois dalles posées de champ, forment
comme deux niches carrées adossées au mur. Ces niches
renfermaient probablement les statues en terre cuite, de
grandeur naturelle, auxquelles je faisais allusion tout à
l'heure et sur lesquelles je vais insister : ces statues, en
effet, ont été trouvées tout près des niches.
Ces statues et statuettes étaient très nombreuses, mais la
plupart ne sont aujourd'hui que des débris qu'il est impos-
sible d'énumérer. La mauvaise qualité de la matière a fait
que la plupart d'entre elles ont été réduites en miettes ou
en fragments si petits que l'on ne saurait songer à une res-
tauration. Toutefois, parmi les fragments les plus impor-
tants, se trouve une statue de grandeur naturelle qui
représente une tête coiffée de bandeaux retombant sur les
côtés et dont le visage est un mufle de lion.
Il s'agit incontestablement d'une effigie analogue à celles
qui ont été rencontrées dans le sanctuaire de Tanit etBaal,
à Siagu, et qui représentent le Genius Terrae Africae, sui-
vant un rapprochernent, suggéré par M. Merlin, avec une
ÉDICLLES DÉCOUVERTS UA.NS LA RÉGION DE (.llARDl.MAOL 311
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312 ÉDICULES DÉCOUVERTS DANS LA RÉGION UK GIIARDIMAOU
monnaie de la République romaine, frappée par P. Licinius
Crassus Junianus en qualité de légat propréteur de Q . Mé-
tellus Scipion, avant la bataille de Thapsus, en 48 av. J.-G.
Cette monnaie a pour type une déesse léontocéphale,
debout de face, le corps en gaine, avec une tête de lionne
surmontée d'un disque ; de la main droite allongée le long
du corps, elle tient le symbole triangulaire de Tanit. Dans
le champ, à côté d'elle, les lettres GT" A que M. Babelon
a interprétées par Genius Terrae Africac ; cette figure rap-
pelle celle de la déesse égyptienne-Sekhet ou Sokhit, la per-
sonnification de la violence du vent brûlant du désert afri-
cain. Le rapprochement du type monétaire ainsi qualifié
avec nos statues de terre cuite s'impose ; la médaille re-
produit tout naturellement la statue de la déesse protec-
trice de la terre d'Afrique à laquelle étaient consacrés de
nombreux sanctuaires ; son culte était populaire parmi les
soldats africains de l'armée pompéienne qui allait se faire
battre à Thapsus. Par ce rapprochement nos terres cuites,
effio-ies malheureusement si fragmentaires de la déesse léon-
tocéphale, prennent un intérêt historique tout particulier.
A l'intérieur des niches près desquelles elles ont été
trouvées, le sol était jonché de fragments de petites sta-
tuettes en terre cuite dont plusieurs portent des traces de
dorure. On a pu reconnaître notamment trois corps
d'hommes vêtus de tuniques, un buste de femme nue et une
tête de femme. Au milieu de ces débris, on a recueilli des
monnaies à l'effigie de Vespasien et de petits disques en
plomb, dont l'usage est indéterminé. Enfin, à proximité,
on a trouvé des stèles de pierre dont voici la description :
1° Stèle en grès, à extrémité triangulaire, haute de
66 centimètres, large de 27. Fronton triangulaire, portant
un croissant pourvu à ses extrémités d'un appendice qui le
fait ressembler à une guirlande. Au-dessous, un cartouche
renfermant le symbole triangulaire punique, à face hu-
maine. Les appendices transversaux ont la forme de bras et
mains levés lui donnant l'attitude de Vorante. A sa droite,
ÉDICLLES DÉCOUVERTS DANS LA HÉGIOX DK GHARDI.MAOU 343
un caducée; à sa gauche, une palme. Plus bas, une inscrip-
tion votive en lettres de 35 centimètres :
L
FAVSTVS
VOTV SOLVI
SATRNO
LBS A/V
A la ligne 2, votu est pour votuni.
A la ligne 3, on remarquera la suppression de l'V de
Saturno.
A la ligne 4, ligature de ANM ; il faut lire : lihens
animo.
Nous devons rappeler que dans le sanctuaire de Baal et
de Tanit, à Siagu, il a été trouvé, comme ici, une dédicace
à Saturne K Au même sanctuaire de Siagu, les autres textes
présentent aussi la forme Votu. J'ai rencontré la même
abréviation dans un petit sanctuaire de montagne, ainsi
que la forme SATRNVS pour Saturnus. Ces altérations
doivent correspondre à la prononciation locale de ces mots.
Quoi qu'il en soit, on voit qu'il s'agit, comme à Siagu,
d'un sanctuaire punico-romain dédié à Saturne. Les sanc-
tuaires consacrés à cette divinité étaient du reste nombreux
dans la région. En dehors de l'édicule dont il sera parlé
plus loin, et qui paraît également se rapporter au même
culte, j'ait fait connaître ceux de Sidi-Mohammed-el-Azreg,
de la colonia Thuhurnica-, et celui dont il a été question
ci-dessus, situé dans une région oiides dolmens sont dissé-
minés dans la broussaille, sur les hauteurs qui dominent
l'Aïn-Zerred^,
2" Stèle en grès, arrondie en haut et s'amincissant de la
base au sommet. Hauteur: 0 m. o8 ; largeur, 0 m. 30. A
1. A.Merlin, op. cit., p. 52.
2. Comptes rendus des séances de VAcad. des inscr., 1890, p. 466. —
Bull, archéol. du Comité, 1908, p. 415.
3. Bull, archéol. du Comité, 1912, p. 366.
3li i.nic.rLES Dî:couvERra dans i,\ uigiu.n uic gmakulmaou
la partie supérieure est lig-uré un croissant, séparé par une
frise d'un cartouche situé au-dessous de lui et renfei-mant
un homhie cornu tlebout, les mains placées devant le sexe,
a>ant à sa droite, en haut, le gâteau ou pain en forme de cou-
ronne, en bas un bélier, et à sa gauche une rosace et un
autel.
3° Stèle en grès, brisée à sa partie supérieure. Hauteur :
0 m. ()3 ; largeur : 0 m. 34. Personnage debout dans l'atti-
tude de l'orante et paraissant être une dérivation de la
fîiiure triano-ulaire ; deux bandits de son vêtement se
croisent en X sur sa poitrine, comme sur certaines statuettes
puniques de Carthage. La main gauche élève une palme.
La droite est simplement levée. A sa droite, en haut, deux
signes sont peut-être des caractères libyques, mais peut-
être aussi deux coups de ciseau un peu forts du lapicide ;
plus bas, un autel cornu. A sa gauche, un croissant ou
plutôt le gâteau en forme de couronne. Au-dessous, le
bélier.
4" Stèle en grès, à sommet irrégulier, plus étroite en
haut. Hauteur : 0 m. 65; largeur : 0 m. 36. A la partie
supérieure, cercle à ravons internes; à droite, un poisson;
plus bas, le croissant surmontant un personnage à corps
triangulaire qui tient une palme à droite, et le gâteau
cornu à gauche. A terre, à sa droite, le bélier ; à sa gauche,
l'autel cornu.
o^ Partie supérieure d'une stèle en grès très régulière, k
sommet triangulaire. Hauteur : 0 m. 52; largeur : 0 m. 44.
Dans le fronton, le gâteau cornu, séparé par une frise ornée
de demi-cercles adossés ; vers les bords, un cartouche
creux dont les deux montants sont décorés dune pal-
mette. A l'intérieur du cartouche, un personnage vêtu d'une
tunique courte, sans manches; la main gauche, abaissée,
devait tenir un vase, mais la partie qui le portait manque ;
l'autre main, étendue, devait également tenir un objet. A
gauche de sa tête est le croissant; k droite, un objet ellip-
tique, pain ou poisson.
ÉDICULES DÉCOl VKRTS DANS LA RÉC.ION DF. GHAHDl.MAOU 345
6" Stèle en grès, brisée en haut. Hauteur: 0 m. 46 ; lar-
geur : 0 m. 3i. Elle offre les représentations d'un person-
nage cornu, dans l'attitude habituelle de la figure triangu-
laire : les deux bras élevés et écartés. A sa droite, un bélier
sur l'autel ; à sa gauche, le gâteau cornu.
Toutes ces stèles, en grès, comme celles de Thuburnica,
sont également dune exécution grossière.
7° Une stèle anépigraphe (fîg. 1 remarquable par une des
figures qu'elle porte : on y voit, au-dessous d'une rosace,
une forme humaine d'une exécution sommaire, qui semble
tenir à droite, un objet qui
est peut-être un poisson, peut-
être un fruit ; à gauche, un
vase et une fleur, au-dessus
d'un autel. Plus bas se dresse,
légèrement inclinée, une
échelle à 8 barres, à côté d'un
gâteau cornu, et d'un objet
qui est peut-être une palme.
A environ vingt mètres plus
bas de l'endroit où ces stèles
ont été recueillies se trouve
une petite construction, dé-
truite dans sa partie anté-
rieure, ayant 4 mètres de long
sur 4 m. 50 de large, dans sa
partie conservée, et ouverte
fou interrompue) à l'Est K Le
fond parait, comme pour la
précédente, avoir été divisé
en deux ou trois niches par
1. On peut se demander s'il ne s'agit pas d'une autre partie du même
édifice. Le sanctuaire de Siagu avait une trentaine de mètres de longueur
et il se composait de pièces dont la disposition est très compliquée. Je
n'ai pas eu l'occasion d'aller vnir la ruine après la fouille dont elle a été
l'objet.
1018 Vi
•TtG KDICUI-IOS DÉCOLVEUTS DAiNS l.A KKtUO.N Di; (i IIARDIMAOII
trois ou quatre pierres plates posées de champ, dont il ne
reste que deux. On y a trouvé des débris de statuettes en
miettes, une tête de femme coilVée dun bandeau barrant le
front, des fragments de lampes et de poteries fines, et de
vases en verre.
Un peu plus bas enfin et dans le prolong-ement de là
lig'ue réunissant les deux précédents monuments, s'élèvent
les restes d'un autre édicule, long de 9 m. 50, large de
6 m. 50, composé de deux parties dont les sols diffèrent de
niveau et sont séparés par " lui intervalle d'environ
2 mètres.
La salle antérieure, profonde de 3 m. SO, présente
dans son intérieur un massif de terre entouré de
pierres de taille, restes d'un autel ou plutôt d'un escalier.
La salle postérieure est profonde de 5 mètres, large de
5 m. 50 ; dans l'intérieur, auprès de la porte, est une
espèce d'autel ou un socle ayant pu porter une vasque. A
un mètre en avant du fond est une base de colonne ^ros-
sière ; il en existait une autre, placée symétriquement dont
on a retrouvé des fragments. Il y avait probablement là un
fronton à portique abritant une statue placée en arrière,
disposition si fréquemment représentée sur les stèles
géantes de la colonia Thuburnica. On a encore trouvé ici
les restes d'un chapiteau et deux fragments d'inscription
que voici :
^ V ISA
IMP'CAES AV
A' FECIT * ET 'DE
FDD
Longueur, 0 m. 65 ; hauteur, 0 m. 23 ; épaisseur, Om. 13.
Hauteur des lettres, 0 m. 13. Points triangulaires.
AVRELI
Longueur, 0 m. 43 ; largeur, 0 m. 20; épaisseur, 0 m. 11 .
Haut, des lettres, 0 m. 038.
FOUILLES DE BOLOMA
347
' Si ces deux fragments proviennent du même t'exte, il
doit s'agir d'une dédicace à la divinité du temple, avec
salutations ayant trait à un empereur dont un des noms
était AVRELIVS, ce qui doit probablement faire remonter
la dédicace à la seconde moitié du ii" siècle.
Il semble, pour résumer ce qui précède, que l'ensemble des
ruines explorées à Bir Derbal par M. le capitaine 'Fradet
ait été, d'abord une habitation ornée de mosaïques, puis
deux ou trois édicules ayant appartenu à un même en-
semble et formant un ou plusieurs sanctuaires de Saturne ;
ils renfermaient un grand nombre de statues et de statuettes
en terre cuite, accumulées comme des ex-voto, dans des
chambres où il y avait des autels, des niches, des colonnes,
un escalier et dont le sol était grossièrement revêtu de
terre battue.
C'étaient des sanctuaires rustiques fréquentés par la
population indigène de la région, qui, au ii*' siècle de notre
ère, était restée fidèle au culte de divinités africaines d'ori-
gine libyenne.
FOUILLES DE BOLONIA (1918),
PAR M. P. PARIS, CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE.
L'École des Hautes études hispaniques a continué, pen-
dant les mois d'avril, mai et juin 1918, les fouilles qu'elle
avait commencées à Bolonia (province de Cadix), sur
l'emplacement de l'ancienne ville romaine de Belo, et dont
l'Académie avait bien voulu apprécier les résultats, puis-
qu'elle nous avait accordé en deux votes une subvention
importante.
Ce ne furent pas là les seules ressources de l'entreprise.
La Jiinta para ampliaciôn de estudios cientificos y histô-
ricos, à qui nous sommes unis par les liens d'une collabo-
ration que nous cherchons à rendre de plus en plus ami-
3'iS rouiiiLKs i)i: itoi.n.MA
cale, avait mis un crédit à noire disposition, à la seule
condition qu'un jeune étudiant désigné par elle viendrait se
former sur nos chantiers aux recherches pratiques d'archéo-
logie. De plus, un illustre hispanisant, g-énéreux dispen-
sateur d'une des plus grandes fortunes des Etats-Unis,
M. Archer Huntington, nous avait fait un don important
pour les fouilles, en témoignage d'une amitié personnelle
déjà ancienne et plus d'une fois éprouvée, et surtout de sa
très vive admiration pour la France de la guerre. A l'Aca-
. demie, à notre allié, à nos amis espagnols, l'Ecole se plaît
à expinmer sa profonde reconnaissance.
Cette année, l'Ecole avait un pensionnaire déjà heureuse-
ment initié aux travaux archéologiques par ses maîtres
parisiens, M. Alfred Laumonier, élève de l'Ecole normale
supérieure. Il fut naturellement chargé d'une partie des
travaux. D. Cayetano de Mergelina, docteur es lettres, fut
désigné par la Junta^ et notre ami M. George Bonsor voulut
bien, comme Tannée dernière, devenir notre bénévole et
très apprécié collaborateur.
Les fouilles ont été poursuivies dans la ville basse, sur
le bord de la plage, autour de l'usine à salaisons et de la
maison romaine déblayées en 1917, ainsi que dans la nécro-
pole de l'Est, qu'avait à peine touchée M. Bonsor.
La fortune a été favorable dans l'un et l'autre chantier.
Dans le premier, la maison de 1917 a été complètement
dégagée, et nous avons pu en relever le plan définitif, telle
qu'elle était avant que des remaniements successifs eussent
comblé certaines salles et changé le niveau de plusieurs
autres. Dans les décombres ont été retrouvés en particulier
deux grands moulins à bras presque entiers, plusieurs tron-
çons de colonnes et des chapiteaux, ayant servi pour le
remblai. Au Nord, fait qui nous semble nouveau, la maison
s'adjoint deux profondes fosses à salaisons précédées d'une
petite salle, bétonnée comme elles, ayant servi à la prépara-
tion du poisson. Cela semble dire que le propriétaire avait
FOUILLES l>E lîOLONfA
349
c
o
SrJO FOUILLES DE ROLONTA
chez lui une petite officine où il faisait préparer lui-même
sa provision de poisson salé.
Une porte d'entrée de la maison, large et bien bâtie,
donnait sur une longue voie perpendiculaire à la plage et à
la mer qui nous réservait des surprises. C'était une rue
monumentale bordée d'un portique à droite et à gauche.
Nombre de fûts de colonnes étaient encore en place des
deux côtés, et dans les sables superficiels aussi bien que
dans les terres profondes gisaient tantôt en désordre, tan-
tôt alignés comme au moment d'une chute subséquente à
un ébranlement sismique, des tambours et des chapiteaux.
Cette sorte d'avenue est certainement plus ancienne que la
maison, car le sol de cette dernière est de près d'un mètre
au-dessus du niveau de la chaussée, et nous avons reconnu
des remaniements successifs et des exhaussements de terre
dans les portiques, de façon à rendre la porte accessible.
De plus, les colonnes sont d'un type rare, du. moins en
Espagne : autour des joints, les tambours s'étranglent, et
tout le reste de la pierre forme un rude bossage circulaire.
Assez irrégulièrement espacées, mais correctement alignées,
les colonnes reposaient sur une banquette ; elles étaient
bien dégagées à la base ; mais à un moment impossible à
préciser on a tendu de l'une à l'autre un petit mur qui
enveloppa les premiers tambours afin d'isoler et de clôturer
les couloirs latéraux. Les chapiteaux sont tous à peu près
semblables et se rattachent au type toscan. La colonnade
ainsi constituée — nous avons pu en redresser plusieurs
éléments — était vigoureuse, mais sans beauté. La pierre
dans laquelle elle a été taillée est d'un très mauvais grain
et appelait un revêtement de stuc, mais nous n'avons pas
trouvé la moindre trace de cet enduit.
La rue se prolonge à travers la place publique de Bolonia,
sans que nous en ayons encore trouvé l'extrémité. Elle
allait sans doute déboucher au bas de la ville haute, sur
l'esplanade au bord de laquelle nous avons découvert
FOUILLES DE BOT,OMA 351
Ttinnée dernière une fontaine publique. Mais nous ne pour-
rons pas la suivre jusque là, car déjà nous avons déblayé
sur une partie de son parcours présumé une grande usine
à salaisons de la même époque que celle que nous avons
explorée en 1917 (disons en passant qu'il est curieux de
trouver un tel établissement si écarté de la plage) ; de plus,
un peu en arrière de l'usine a été construite la grande
caserne des carabiniers. Du côté de la mer, nous attendions
une porte plus ou moins monumentale ; mais nous nous
sommes heurtés à un mur qui la bouche, sans que nous
ayons pu encore déterminer la disposition primitive. Nous
étudierons la question l'année prochaine ; mais dès à présent
nous pouvons émettre l'hypothèse que la rue était à plus
proprement parler une sorte de promenoir à portiques où
l'on pouvait circuler et se reposer à l'abri du terrible vent
d'Est, et qui n'avait pas d'issue sur la plage.
De l'autre côté de cette rue, nous avons fait sortir du
sable une seconde maison presque symétrique à la première
et tout à fait de même type, c'est-à-dire que les salles y sont
disposées autour d'une cour à péristyle, mais plus grande
et plus riche.
L'originalité n'en réside pas dans le plan sur lequel elle
a été construite, mais dans la décoration de plusieurs des
chambres. Presque toutes avaient les parois enduites de
stuc peint. D'ordinaire la surface est badigeonnée d'une
teinte unie ; parfois le fond s'agrémente de cadres, de faux
bois et de faux marbres. Mais il arrive aussi qu'au-dessus
d'une plinthe unie, de couleur rouge ou jaune, régnait une
décoration plus riche et que nous croyons originale. Au lieu
d'architectures simulées, de fabriques, comme par exemple
à Pompei, ou de tableaux animés, le décorateur a peint en
couleurs très vives et très relevées des guirlandes et des
bouquets de fleurs. On songe, d'après les fragments
recueillis en très grand nombre, mais, par malheur, de
petites dimensions, car l'humidité de la mer a disloqué.
8.^)2 rOlMLI.KS DK IIOI.OMA
décollé pt jeté à bas tous les enduits, on songe à certains
papiers de tapisserie, tels qu'on les aimait il y a quelques
années. Au reste, malgré le soin qu'ont mis MM. Laumo-
nier et de Mergelina à reconstituer quelques ensembles, ils
n'ont pu réussir à retrouver un ordre et une symétrie. Les
bouquets semblent jetés ou, pour mieux dire, semés. Des
dessins et des aquarelles ont été pris avec soin de toutes
les plaques ayant quelque valeur ; un léger vernis permet
de redonner aux teintes toute leur vigueur, et nous possé-
dons ainsi quelques fleurs et boutons de pavots l'ouges d'un
réalisme inattendu. Nous ne connaissons pas, pour notre
part, dans l'antiquité romaine des peintures de ce style.
Quant aux soubassements, ils étaient par endroits, dans
certaines salles, couverts de graffites de toute espèce qui
ont été dessinés, calqués, photographiés avec le plus grand
soin, mais dont le déchilîrement et la publication deman-
deront beaucoup de peine et de temps. Il y en a plus d'une
centaine, parfois très enchevêtrés. Ce sont des inscriptions,
en langue romaine ou indigène, et aussi des dessins variés.
Les plus intéressants de ceux-ci sont des représentations
de proues de navires ornées de têtes terrifiantes. Il y aura
là un joli chapitre d'imagerie populaire.
Cette maison nous a rendu enfin deux monuments de
grande valeur. D'abord un volumineux cadran solaire en
marbre blanc, très bien conservé et d'une disposition nou-
velle, dont l'étude intéressera certainement les spécialistes.
Ensuite un admirable petit groupe en bronze. L'Académie
a déjà été informée de cette découverte. Les deux person-
nages, trouvés séparés, mais l'un à côté de l'autre, ont été
pris d'abord pour un danseur et une danseuse : c'est en
réalité un satyre enlevant une jeune femme. Si le bronze
n'avait pas tant souffert et n'était pas si oxydé et bour-
souflé, le groupe serait probablement classé parmi les plus
beaux produits de l'art hellénistique. Tel qu'il est, il est
admirable de vie, de mouvement et d'audace. Nous ne
FOEH.LES DE BOLONIA 353
connaissons rien de semblable dans la statuaire grecque, et
ce n'est, croyons-nous, que sur les plus beaux vases peints
que l'on pourrait chercher des points de comparaison.
D'ailleurs, aux rares places où la surface du bronze n'a pas
trop souffert, on reconnaît une grande souplesse de modelé
et une grande finesse de retouche au burin. Cette pièce
unique aurait suffi à nous payer de nos peines.
En résumé, une grande et riche maison, une rue monu-
mentale, une vaste usine h salaisons, deux objets de pre-
mier ordre, voilà le fruit de notre campagne dans la ville.
Ajoutons que nous avons découvert à l'Ouest de Bolonia,
un peu en dehors de la muraille, une grande citerne décorée
à l'extérieur de beaux stucs peints, et fermant, à ce qu'il
semble, un vaste hémicycle non moins richement orné.
Peut-être était-ce là une piscine faisant partie de thermes
luxueux. Mais pressés par le temps et presque à bout de nos
ressources, nous n'avons pas voulu pousser plus loin
l'exploration, et nous avons recouvert de sable, pour le
protéger jusqu'à l'année prochaine, le peu que nous avions
mis au jour.
C'est M. George Bonsor qui s'est chargé de lever le plan
des nouveaux édifices, lll'a fait avec une grande précision,
malgré le labeur considérable que lui ont donné les fouilles
de la nécropole, dont il a bien voulu se charger encore.
Après la nécropole romaine de Carmona, dont l'explora-
tion fait tant d'honneur à notre collaborateur, et qui est
tout à fait exceptionnelle, celle de Bolonia est, dès à pré-
sent, et de beaucoup, la plus intéressante de toute l'Es-
pagne. Près de mille sépultures ont été découvertes et étu-
diées jusqu'à présent, d'une extrême variété, et des plus
instructives. La publication du journal de M. Bonsor, de
ses observations, de ses relevés, de ses dessins, de ses
photographies, sera d'un grand intérêt. Les rites de l'inci-
nération et de l'inhumation, pratiqués conjointement aux
mêmes époques (probablement le second et le troisième
354 FOUILLES DK HOT,ONIA
siècles de notre ère), la forme, la disposition et la construc-
tion des monuments individuels ou de famille, des mauso-
lées, les types des stèles et des autels, des cistes de pierre,
rondes, carrées ou coniques, des urnes de plomb, de verre
ou d'argile, sont le plus souvent inédits, et rien de tel
n'avait encore apparu dans la péninsule. 11 faudrait, pour
en donner une idée, de longues descriptions qui ne peuvent
trouver place ici.
Quant au mobilier funéraire récolté dans les sépultures
ou tout autour, il faut avouer qu'il n'est pas exceptionnel.
Les objets que nous avons recueillis en grand nombre
appartiennent à des catégories bien connues, clous prophy-
lactiques, petits masques de bronze (dont un, fort joli,
représentant une tête allégorique de l'Egypte), monnaies
impériales ou autonomes, miroirs, perles, colliers, brace-
lets, bagues, boucles d'oreilles, fibules, épingles, spatules,
boîtes en os, vases de verre, souvent très ornés, très lins
et de formes exquises, fioles et ampoules à onguents et
parfums, lacrymatoires, délicats gobelets ou petits plats
d'aro-ile indigènes ou importés, à dessins ineis ou à reliefs,
etc., tout cela forme une collection précieuse qui, après
exposition à l'Institut français, deviendra peut-être l'orne-
ment du petit musée de la future villa Velazquez.
Mais, en somme, il n'y a là presque rien d'imprévu ; c'est
l'art raffiné de l'Empire, si bien connu par tant de fouilles
et de trouvailles faites dans le monde romain. Heureuse-
ment il est une découverte d'une valeur toute particulière
qui rehausse le prix de toutes les autres. Nous avons été
frappés de recueillir à la surface du sable, avant les fouilles,
de très laides pierres qui ne pouvaient se trouver là par
hasard, et qui portaient la trace évidente d'un dégrossisse-
ment sommaire; les ouvriers semblaient avoir eu l'inten-
tion de leur donner la forme d'un buste humain. Or nous
avons dégagé du sol un très grand nombre de ces sculptures
rudimentaires encore en place, intentionnellement dressées
FOUILLES DE BOLONIA 355
au-dessus ou au devant de beaucoup de sépultures. Le plus
souvent il n'y a qu'une de ces images, quelquefois il y en
a trois alignées et quelquefois aussi cinq disposées comme
les statues dans un fronton. Parmi ces pierres, que nous
ne pouvons considérer que comme des fétiches ou des
démons gardiens des tombes, la plupart montrent vague-
ment un essai de visage, 3'eux, nez, oreilles, bouche et
menton, mais il y en a d'autres qui ne présentent qu'une
boule figurant une tête sur une tige figurant un cou, et
d'autres encore qui ne sont que de simples bétyles, des
pierres brutes plus ou moins arrondies ou étirées en pointe.
On pourrait croire que ce n'étaient là que des armatures
destinées à être revêtues de stuc modelé, mais il n'en est
rien ; bustes grossiers et simples pierres ont été placés tels
qu'ils sont, à l'état absolument barbare, et si nous ne les
avions pas retrouvés justement à leur place primitive, nous
n'aurions pas hésité à y reconnaître de très frustes sculp-
tures néolithiques.
Il y aura lieu d étudier de très près ces documents, et les
croyances et les rites qu'ils nous révèlent. Jusqu'à plus
ample informé nous estimons qu ils sont la survivance, en
pleine époque romaine, de la religion et des coutumes
funéraires de la peuplade indigène qui était établie dans
cette région plusieurs siècles avant la conquête. Peut-être
aurons-nous un jour la chance de retrouver quelque vieux
cimetière indigène où cette religion et ces coutumes nous
apparaîtront dans leur pureté primitive. Pour le moment
nous ne pouvons qu'enregistrer un fait très nouveau et
nous étonner que les habitants de Belo, insensibles à l'in-
fluence de l'art très évolué dont ils recherchaient pourtant
les produits, aient conservé, à une époque de civilisation
très avancée, des images si informes, et, répétons le mot,
car il est le Seul qui vaille, si horriblement barbares.
En terminant, nous exprimerons un double vœu, d'abord
qu'il soit donné à l'Ecole des Hautes études hispaniques
3îjG uapport srn i. 'école française D'Exrnf-.MK-ORiRNT
(le poursuivre ses fouilles et dans la ville et dans la nécro-
pole, ensuite que le gouvernement cspag-nol prenne les
mesures nécessaires pour protég-er contre les déprédations
des hommes et l'envahissement du sa!)le, plus redoutable
encore, les ruines et les monuments que nous avons labo-
rieusement mis au jour, et dont nous sommes heureux de
lui avoir fait le dépôt en reconnaissance de sa généreuse
hospitalité.
APPENDICE
RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE L ÉCOLE FRANÇAISE D EXTRÊME-
ORIENT DU MOIS DE JUILLET 1917 AU MOIS d'aVRIL llMtS,
PAR M. HENRI CORDIER, MEMBRE DE l'aCADÉMIE ; LU DANS
LA SÉANCE DU 11 OCTOBRE 1918.
Pour la première fois un rapport sur les travaux de
rÉcole française d'Extrême-Orient était présenté à l'Aca-
démie, dans sa séance du 16 novembre 1917, par M. Gha-
vannes qui remarquait avec raison que vous aviez droit
d'être tenus au courant de ce que nos jeunes savants font
en Indo-Chine aussi bien que de ce qu'ils accomplissent
pour le bon renom de la science française soit en Grèce,
soit en Italie.
Je vais essayer de retracer en quelques pages la labo-
rieuse et parfois difficile existence de l'Ecole pendant la
période qui s'étend du mois de juillet 1917 au mois d'avril
1918. Tout d'abord, examinons la situation du personnel.
Le directeur de l'École, M. Maître, ainsi que deux pro-
fesseurs, MM. Henri Maspero et Léonard Aurousseau, sont
en France, mobilisés. Le directeur p. i., M. Louis Finot,
qui pendant plus de quatre ans a rempli ses fonctions avec
le plus entier dévouement, a été obligé de rentrer pour
raison de santé. Un troisième professeur, M. George Coedès,
iîAi>i>ouT SLU l'école françaisk d'^xtuème-ukiem 357
envoyé en mission à Bangkok,, a été nommé par le gouver-
nement siamois conservateur de la Bibliothèque nationale
Vajiranana à la place du D'' Frankfurter ; on sait que cette
bibliothèque qui a entrepris une série de publications a été
fondée en 1881 par les fils du roi MahâMong Kut pour
honorer la mémoire de leur père dont le nom religieux est
Vajiranana ; elle a été installée dans de nouveaux bâtiments
inaugurés en janvier 1917. Un pensionnaire, M. Demasur,
architecle, qui donnait les plus belles espérances, rentré en
France, est tombé glorieusement aux Dardanelles, à Sedul-
bahr. Un autre pensionnaire, M. Paul Boudet, archiviste
paléographe, qui avait été nommé le 4 mars 1917, pour
organiser les archives de l'Indo-Ghine, placées dans les
attributions de l'École, a donné sa démission le 30 no-
vembre pour occuper le poste de Directeur des archives et
bibliothèques de l'Indo-Ghine créé par arrêté du Gouverneur
général en date du même jour. Il ne reste donc plus à
l'École que le chef du service archéologique, M. Parmen-
tier, qui remplit les fonctions de directeur p. i., et le secré-
taire, M. Noël Péri ! Heureusement que tout récemment
l'École a pu recruter un excellent pensionnaire, le P. Ga-
dière, des Missions étrangères de Paris, bien connu par les
nombreux travaux qu'il a consacrés à l'Indo-Ghine depuis
plus de vingt-cinq ans qu'il est dans le pays. Mais il manque
toujours un indianiste pour remplacer M. Goedès, et un
architecte pour remplacer M. Demasur.
Dans son rapport annuel, M. Finot remarquait : « La
diminution de notre personnel a été compensée dans une
certaine mesure parle concours obligeant de plusieurs colla-
borateurs bénévoles qui s'intéressent à notre œuvre. Le
P. H. de Pirey et le D'" Sallet en Annam ont particuliè-
rement bien mérité de l'archéologie du Ghampa et nous
leur devons plusieurs découvertes appréciables. Le P .
Kemlin nous a fait part de ses recherches sur les Reungao,
si importantes pour la connaissance des peuplades non
358 UAPPORT SUR l'école FRANÇAISL; o'EXTHfcMK-ORlKNT
civilisées de l'Indo-Ghine. Notre correspondant M. Meillier,
commissaire du Gouvernement à Luanj^ Prabang, a obtenu
la création dans cette ville d'une Bibliothèque royale où il
a réuni près de 1.200 manuscrits, en même temps qu'il
enrichissait celle de l'Ecole. M. Holbé de Saigon a témoigné
de son intérêt pour notre Musée en lui offrant quelques
pièces précieuses de ses collections. C'est pour nous un
sujet de grande satisfaction que l'œuvre de l'Ecole soit de
mieux en mieux comprise et appréciée. »
D'autre part, tandis que le Musée de Tourane est en voie
d'installation, M. Henri Marchai, conservateur p. i. des
monuments d'Angkor, a commencé la réfection de la chaus-
sée d'Angkor Vat et continué le dégagement de Baphuon
et de Phimànakàs.
« 11 a fait preuve dans ces travaux délicats, dit
M. Finot, d'une remarquable habileté technique en même
temps que d'un sentiment très juste de l'intérêt que pré-
sentent ces vieux édifices pour l'étude de l'ancienne civi-
lisation du Cambodge. Nous sommes heureux de pouvoir
affirmer à l'Académie que les monuments d'Angkor sont
en bonnes mains. D'autre part, le vif intérêt que leur té-
moigne M. le Gouverneur général Sarraut nous donne toute
sécurité au sujet des ressources nécessaires pour continuer
et même activer les travaux de conservation. »
M. Aucourt, professeur appartenant à la Direction de
l'enseignement en Indo-Chine, a été attaché à l'École en
qualité de secrétaire-adjoint de M. Péri, et chargé de sur-
veiller la confection du catalogue de la Bibliothèque chi-
noise.
Malgré les difficultés de l'heure présente, grâce au zèle
et à l'activité de M. Louis Finot et de ses collaborateurs, ,
le Bulletin de l'Ecole a continué de paraître et ses fascicules
parus au cours de l'année dernière ne le cèdent en rien en
intérêt et en valeur scientifique à ceux qui les ont pré-
cédés.
RAPPORT SIK l'école FRANÇAISE d'eXTRÈME-ORIENT 3o9
ÎDans son article sur les anciens tombeaux au Tonkin,
M. H. Parmentier étudie des tumulus recouvrant des ca-
veaux voûtés en briques sèches, dont la première décou-
verte fut signalée à l'École dès 1896 par Dumontier; le
principal de ces tombeaux tut découvert, en 1913, dans une
butte voisine de l'hôpital de Quang Yen, et c'est lui que
décrit tout spécialement M. Parmentier qui en indique
cinq autres dans la même région, tout en n'oubliant pas
ceux d'Annam, en particulier ceux de Qui Chinh et de
Quang binh. Un autre mémoire de M. Parmentier est
consacré aux Anciens tambours de bronze dont l'Ecole
possède un beau spécimen qui n'a jamais été publié ; il le
décrit ainsi qu'un certain nombre d'autres pièces appar-
tenant à divers collectionneurs. Ces objets ont été étudiés
par divers savants en particulier par Fried. Hirlh, A.B.
Meyer, J.J.M. de Groot, G. P. Rouffaer et surtout Franz
Heger de Vienne (1902) qui en a connu 165 (cf. AUe
Metalltrommeln aus Sùdost-Asien) ; le travail de M. Par-
mentier porte à 188 le nombre des tambours publiés.
M. George Coedès publie et analyse des Documents sur
la dynastie de Sukhodaya qui brilla au Siam d'un vif éclat
à la fm du xiii'' siècle et fut éclipsée par celle d'Ayudhya
fondée en 1348 ou 1350.
M. Noël Péri, en traitant de Harîtl, la Mère des Démons,
dont le pèlerin bouddhiste Yi Tsing donna un résumé de
la légende et une notion sommaire d'une des formes de son
culte, complète les travaux de divers savants, en particulier
de Waddell, de Chavannes et de M. Foucher.
Dans son article sur Y Alliance chez les Reungao, le P.
J.E. Kemlin, des Missions étrangères de Paris, continue
les recherches sur cette tribu appartenant à la famille
Mon-Khmère qu'il avait commencées dans le Bulletin pré-
cédemment": Rites agraires des Reungao ' les songes et leur
interprétation chez les Reungao.
Enfin M. Louis Finot lui-même nous donne le résultat
'MM) RAPPORT SI;R L'fîCOLE FRAîSÇAISK d'eXTR^ME-ORIENT
de ses Recherches sur la littérature laotienne, importantes
pour Thistorien, Tépigraphiste et le folk-loriste, qui ont
pour point de départ la réunion des manuscrits et l'histoire
de Luang Prabang appelé ordinairement Mu'ong Long par
les indigènes et qui serait le premier Etat constitué par les
Thai descendant de Mu'ong Theng.
Outre le Bulletin, le second fascicule et la table de
l'Inventaire alphabétique du fonds européen de la Biblio-
thèque de l'Ecole ont été imprimés ; on jugera de l'impor-
tance de ce travail quand nous aurons dit que cet inven-
taire ne comprend pas moins de 977 pages grand in-8° à
deux colonnes.
D'autre part, la série déjà considérable des publications
de l'Ecole est continuée : le premier fascicule du tome II
de y Art gréco-bouddhique du Gandhàra. Etude sur les
origines de l'influence classique dans Vart bouddJiique de
VInde et de l'Extrême-Orient, par M. A. Foucher, vient de
paraître ; le premier volume de ce grand ouvrage avait été
donné en 1905. M. Foucher, qui vient de partir pour une
longue mission aux Indes, a laissé le manuscrit complet du
second et dernier fascicule de cette importante publication
dont l'achèvement est ainsi assuré.
Nous apprenons également que le tome II et dernier de
l'Inventaire des Monuments Chams dû à M. Parmentier va
prochainement sortir des presses.
L'une des missions confiées à l'Ecole française d'Extrême-
Orient est la conservation et la surveillance de plus d'un
millier d'édifices souvent fort importants, répartis sur une
surface de pays un peu plus considérable que celle de la
France et dans des régions souvent désertes, qui incombe
au chef du service archéologique. M. Parmentier, actuelle-
ment directeur p. i., se plaint avec juste raison de l'impos-
sibilité, faute de personnel, d'assurer son service d'une
manière satisfaisante. Dans un rapport adressé le 5 août
RAPPORT SLR l/lOCOlJi; KRAiN(jAISE d'eXTRKME-ORIKNT 361
dernier à la Commission spéciale de l'Académie, il faisait
la proposition suivante :
c< Pour assurer la conservation des monuments, des
tournées devraient être exécutées au moins tous les quatre
ou cinq ans, afin que les indigènes sentent une suite réelle
dans la surveillance. L'extrême minimum nécessaire pour
assurer ces tournées et les travaux d'entretien serait de
quatre inspecteurs : un à Angkor, — il existe déjà avec le
titre de conservateur, — un autre pour le reste du Cam-
bodge, qui serait chargé de faire l'intérim d'Angkor, lorsque
le conservateur prend son congé normal, — un pour les
monuments chams et laotiens, — un pour les édifices d'art
annamite au Tonkin, en Annam et en Cochinchine. Ce
dernier^ dont le rôle au point de vue conservation serait
moindre, aurait par contre une tâche considérable : celle de
l'étude de l'art annamite qui est encore entièrement à
Faire. Il devrait, en outre, s'occuper de la préhistoire que
nous sommes obligés de négliger et pourrait suppléer les
autres inspecteurs pendant leurs congés, la présence des
quatre inspecteurs ne pouvant être qu'exceptionnelle en
raison de la durée de trois ans des séjours réguliers. Un
personnel de surveillants et de dessinateurs indigènes
devrait nécessairement être organisé pour aider les inspec-
teurs dans leur tâche, qui serait encore très lourde. »
Le Gouverneur général Sarraut accepte ce projet en prin-
cipe, mais il ne pourra être mis à exécution qu'après la
guerre, le recrutement du personnel étant à peu près
impossible en ce moment.
Nous rappellerons que l'Ecole d'Extrême-Orient a un
triple objet : exécuter des fouilles, conserver les monuments
existant dans l'Indo-Chine et publier des ouvrages traitant
de l'histoire, de l'archéologie et de la linguistique de notre
belle colonie. Comme on le voit par le rapport que je viens
d'avoir l'honneur de lire devant l'Académie, l'École, malgré
1918 25
362 LIVRES OFFERTS
la pénurie de personnel et les embarras de toute sorte créés
par une situation anormale, a accompli sa mission, toute
sa mission. On me permettra de dire que c'est un vrai tour
de force exécuté grâce à la ténacité de son directeur p. i.
LIVRES OFFERTS
Le Sechktaire perpétuel dépose «ur le bureau les ouvrages
suivants :
Publications de l'École française d'Extrême-Orient. VArf gréco-
bouddhique du Gandarha. Étude sur les origines de l'influence clas-
si(]ue dans l'art bouddhique de l'Inde et de l'Extrême-Orient, par
A. Foucher. — Tome II, premier fascicule: Les images^ avec 175
illustrations et 4 planches (Pai'is, Impr. nat., 1918).
Transactions of Ihe Royal Society of Edinhurgh, vol. LU, part
I, session 1917-1918 (Edimbourg, 1918, in-4°).
M. Prou offre, au nom de l'auteur, M. le chanoine Ch. Urseau, un
mémoire intitulé : La Tapisserie de la Passion d'Angers et la tenture
brodée de Saint-Bernard de Romans (extrait du Bulletin archéolo-
gique de 1917; Paris, 1917).
M. O.MONT a la parole pour un hommage :
a J'ai l'honneur de déposer sur le bureau, au nom de l'auteur,
M. Louis Régnier, un mémoire sur le Tombeau de Robert d'Acqui-
gny, conseiller au Parlement de Paris, doyen de Saint-Omer, dans
Véglise Notre-Dame de Louviers (Paris et Rouen, 1918, in-8°, 31 pages
et 3 planches ; extrait du Bulletin de la Société des Antiquaires de
Norniandie, tome XXXII, année 1917).
« Un élégant sarcophage, surmonté d'un gisant de grandeur natu-
relle, mais ne portant ni blason, ni épitaphe, et placé dans un des
bas-côtés de l'église Notre-Dame de Louviers, était jusqu'ici regardé
par les historiens locaux comme le tombeau d'un seigneur d'Ester-
nay en Champagne, Jean Le Boursier, qui avait pris parti contre
Louis XI et qui avait péri, noyé dans l'Eure par l'ordre de ce prince
en 1465. Le style du monument, le costume du personnage décelaient
cependant plutôt le début que la seconde moitié du xv' siècle.
M. Louis Régnier, dont l'Académie a récompensé, il y a quelques
années, une savante étude sur l'église collégiale d'Écouis et auquel
SÉANCt: DU 18 OCTOBRE 1918 363
on doit nombre de travaux sur l'histoire et l'archéologie normandes,
a eu la bonne fortune de résoudre celle énigme, en découvrant dans
les registres du Parlement, aux Archives nationales, et en le commen-
tant très judicieusement le testament dans lequel Robert d'Acquigny,
conseiller clerc au Parlement de Paris, né à Louviers et mort
en 1403 ou 1404, élisait sa sépulture et en précisait les conditions
dans l'église Notre-Dame de cette ville. »
SÉANCE DU 18 OCTOBRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
M. le Directeur de renseignement supérieur communique
une lettre de M. Millet, chargé de mission en Macédoine, qui
a découvert dans les couvents du mont Athos des peintures
intéressantes et des documents d'archives inédits.
Le Secrétaire perpétuel fait connaître la mort de M. Emile
Guimet, correspondant de l'Académie.
Le Président prononce l'allocution suivante :
« Messieurs,
« Notre Académie vient de perdre un nouveau correspondant,
M. Emile Guimet, qui lui appartenait seulement depuis l'année
dernière. Ses obsèques ont eu lieu hier à Lyon, sa ville natale,
où il est mort après une courte maladie âgé de quatre-vingt-
deux ans. Fils d'un savant et d'une mère artiste, il avait déve-
loppé en lui, au milieu des occupations absorbantes inséparables
de la direction d'une grande industrie, les qualités natives qui
devaient le porter de bonne heure vers l'archéologie et l'histoire.
Un premier voyage qu'il fit, jeune encore, en Egypte, lui
révéla les merveilles d'un art qu'il ignorait. Il s'attacha pas-
sionnément aux antiquités égyptiennes, acquit des statuettes,
des papyrus, des momies, se plongea dans la lecture de
Champollioa, de Ghabas et de Rougé. Il avait trouvé sa voie
scientifique, celle où son avidité de savoir devait le maintenir
jusqu'à la fin de sa vie : c'était l'Orient, et bientôt ce fut
l'Exlrênie-Orient. En 1876, il visita lu Chine et le Japon, cou-
36 i sKANci: Di 18 ociduni; 101 S
nul, interrogea un certain nombre tKartistes de ce pays, el revint
en France avec des pièces rares que, lors de l'Exposition univer-
selle de 1878, il offrait à la curiosité et a l'admiration du public
dans une vitrine du palais du Trocadéro.
« L'importance de ses collections lui suggéra de former un
musée, qui fut inauguré à Lyon en 1879. C'était chez lui un rêve
ancien, d'employer ses richesses d'art à l'éducation de la foule.
De là le transfert du Musée Guimet de Lyon sur un plus vaste
théâtre, à Paris, oià il fut installé dans le somptueux édifice cons-
truit aux frais de son fondateur, et devint propriété de l'Etal,
Emile Guimet s'en réservant la direction.
« Vous connaissez tous, Messieurs, les grands traits de cette
institution philanthropique : collections sans cesse accrues,
bibliothèque renfermant plusieurs milliers de volumes,
Annales du musée Guimet, œuvre de vulgarisation savante à
laquelle plusieurs d'entre vous ont collaboré, et qui, dans la
pensée de M. Guimet, était destinée à répandre la connaissance
des anciennes religions orientales. Mais les publications ne sufïi-
saient pas; il fallait encore à cette propagande éclairée le
secours de la parole. Emile Guimet institua les conférences du
dimanche dans cette longue salle dont vous vous souvenez,
trop étroite pour contenir les auditeurs qui s'y pressaient.
« Cependant les collections ne cessaient de se multiplier et de
grandir; elles débordèrent Paris; le musée de Lyon fut recons-
titué, et il y en eut d'autres à Rouen, au Havre, à Toulouse, à
Bordeaux, peuplés de monuments religieux de l'Egypte, de
l'Inde, de la Chine et du Japon.
« Voilà, en quelques mots hâtifs, l'œuvre de Guimet. Il fut un
bienfaiteur de son pays, si c'est une forme de la bienfaisance de
propager le plus possible autour de soi la lumière, A ce titre
Emile Guimet mérite notre i^econnaissance et celle de tous les
travailleurs à venir qui bénéficieront de son intelligente généro-
sité. »
M. le comte Durrieu annonce que M. Henri Stein a découvert
à la Bibliothèque nationale, et communiqué à la Société des
Antiquaires de France dans sa séance du 16 octobre courant,
un document d'archives établissant formellement que Philippe
de MazeroUes habitait Paris en 1454. M. Durrieu rappelle qu'il
SÉANCE DU 18 OCTOBRE 1918 3G")
a' consacré à Philippe de Mazerolles un mémoire étendu qui a
paru dans le tome XXII des Monuments Piot, daté de 1916. Les
documents publiés jusqu'ici sur Mazerolles montrent en lui un
peintre miniaturiste qui l'ut employé en Flandre, en 1466, par
Charles le Téméraire, du temps où ce futur duc de Bourgogne
portait le titre de comte de Charolais, et qui se fixa à demeure à
Bruges en 1469, tout en étant d'origine française. Dès 1903,
M. Durrieu a proposé d'identifier cet artiste avec un des plus
délicieux miniaturistes qui aient fleuri au xv" siècle, le « Maître
de la Conquête de la Toison d'Or », comme M. Durrieu Tavait
d'abord surnommé. L'étude des miniatures attribuées par lui à
ce maître a amené ensuite M. Durrieu, d'accord avec une très
judicieuse observation déjà faite par M. Salomon Reinach au
cours d'un article paru en 1905 dans la Gazette des Beaux-Arts
(année 1905, t. I, p. 384), à formuler cette assertion que
« Mazerolles, avant de gagner la Flandre, a eu l'occasion de se
familiariser avec l'aspect de la capitale de la Finance, qu'il a donc
dû séjourner à Paris >^ (mémoire publié dans les Monuments
Piot, XXII, p. 98).
Cette affirmation du passage de Mazerolles par Paris et d'un
arrêt de l'artiste dans cette ville, M. Durrieu l'avait déduite uni-
quement de sa théorie d'identification de Philippe de Mazerolles
avec le « Maître de la Conquête de la Toison d'Or ». Il est très
intéressant de voir qu'elle se trouve pleinement confirmée main-
tenant par la découverte d'un document d'archives, découverte
dont tout l'honneur, M. Durrieu tient à le préciser encore,
revient à M. Henri Stein.
M. Franz Gumont, associé étranger, interprète un bas-relief
romain, conservé au Musée de Copenhague, qui montre le buste
d'une enfant défunte placé dans un large croissant entouré
d'étoiles. 11 le rapproche d'un grand nombre d'urnes ou pierres
sépulcrales qui sont marquées du symbole du croissant. L'idée
naïve que les âmes des morts vont habiter la lune se trouve chez
beaucoup de peuples primitifs : elle se conserva dans l'antiquité
grâce aux Pythagoriciens, qui l'adoptèrent en la transformant,
et se répandit davantage lorsque se propagèrent sous l'Empire
les cultes astraux des peuples syro-puniques.
300 LIVRKS OFFRRTS
M. le comte Durrieu présente quelques observations.
l/Académie décide au scrutin la vacance des places de
MM. Baktu et M.vsi'ERo, membres ordinaires, et celles de
MM. Tabbé Thédenat et le marquis de Vogué, membres libres,
décédés. La présentation des titres pour les deux premières
places est fixée au 29 novembre 1918 et Télection huit jours
après ; la présentation des titres pour les sièges de membre libre
aura lieu le dernier vendredi de janvier.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les périodiques et
ouvrages suivants :
Ministère du Commerce, de l'Induslrie — Annales du Com-
merce exlrrieur, 1915, f'', 2« et 3" fascicules (Paris, Irapr. nat., 19iri) ;
Bulletin de l'Inatitul français d'' archéologie orientale, publié sous la
direction de M. Georges Foucart. T. XV (premier fascicule) (Le
Caire, 1918);
Annales du Musée Guimet. Revue de l'histoire des religions, publiée
sous la direction de MM. René Dussaud et Paul Alphandéry.
T. LXXVII, n° 2 (mars-avril) et n" 3 (mai-juin) (Paris, 1918) ;
Bibliothèque franco-roumaine, u" 1, 1" août 1918. Emile Staëco.
La vérité sur le peuple roumain et la propagande anti-roumaine
(Paris, 1918) ;
Mémoires de la Société nationale d'agriculture, sciences et arts
d'Angers (ancienne Académie d'Angers fondée en 1685). T. XX,
année 1917 (Angers, 1918) ;
Emile Chantre, Contribution à Vétude des races humaines du Sou-
dan occidental [Sénégal et Haut Niger), et trois notes du même auteur
(extr. du Bulletin de la Société d'anthropologie et de biologie de
Lyon) : La nécropole gauloise [marnienne) de Gênas, Isère (séance du
6 février 1913) ; — Recherches anthropologiques dans la Berbérie
orientale (séance du 10 juin 1913); — La langue berbère et la langue
arabe dans le Nord de l'Afrique (séance du 6 décembre 1918).
:J67
SÉANCE DU 22 OCTOBRE
PRESIDEXCE DE M. l'AUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel lil une note de M. le D'' Bascoul,
d'El-Kseur (Algérie), sur des dessins rupeslres du Djebel-Toukra,
— Renvoi à M. Salomon Heinacii.
Le Président donne lecture d'une lettre relative à la commu-
nication de M. Audouin sur le muid de Gharlemagne, lettre que
lui a écrite M. Lefas, député d'Ille-et- Vilaine, Celui-ci émet le
vœu de voir recueillir d'une manière complète la nomenclature
des anciennes mesures de volume et de poids « telles qu'elles
peuvent encore exister dans le langage et dans la mémoire de
nos paysans et de nos artisans «.
M. Ch.-V. Langlois annonce, au nom de M. Bruchet, archi-
viste du Nord, que les Archives départementales du Nord, à
Lille, n'ont subi aucun dommage.
M. Omont annonce qu'il en est de même des Archives munici-
pales, des manuscrits et des livres précieux de la Bibliothèque
de la ville.
Sur le rapport de M. Prou, l'Académie accorde, sur la partie
des arrérages de la fondation Thorlet attribuée à l'Académie :
.'}.000 francs à M. le colonel Lamouche, pour l'aider à recons-
tituer sa bibliothèque incendiée lors du raid d'avions du 12 avril
1918;
500 francs à M. Dupont, juge au tribunal civil de Saint-Malo;
et 500 francs à M. l'abbé Daugé, curé de Duhort-Bachen
(Landes) pour l'ensemble de leurs recherches scientifiques et de
leurs publications.
Sur le rapport de M. Diehl, l'Académie décerne cette année
deux médailles Paul Blanchet, l'une à M. Gouvet, conservateur
du Musée de Sousse, pour le dévouement actif qu'il n'a cessé de
montrer pour les antiquités de la ville et à l'organisation du
3GS SKANCK UV 22 OCTOItllK 11» 18
Alusée municipal, et l'autre à M'"* de Chabannes do I.a Palice,
pour les fouilles qu'elle a fait pratiquer dans sa propriélé
d'I' tique, et le soin quelle a apporté à conserver, dans un musée
libéralement ouvert au public, les objets découverts.
M. Henri Prentoul, professeur d'histoire de Normaiidie à la
Faculté des lettres de l'Université de (^aen, fait une communi-
cation sur les Étals provinciaux de Normandie. L'auteur énu-
mère en les critiquant les travaux de ses prédécesseurs ; il montre
que sans l'œuvre de M. Goville, son maître, qui a étudié les
États de Normandie au xiv** siècle, et de M. Charles de Beaure-
paire, correspondant de l'Académie, qui a publié les cahiers et
étudié les États sous la domination anglaise, il n'aurait pu entre-
prendre de faire une histoire complète des l"'tats. Sa tâche
personnelle a été de réunir la documentation pour l'histoire des
États de 14()0 à 1560 et de tenter une synthèse. Il expose ses
recherches dans les archives des départements normands, dans
les archives communales, la Bibliothèque nationale, les Archives
nationales, etc. Elles lui ont permis de constituer un catalogue
des sessions des États. Ce catalogue met en lumière ce fait qu'à
partir de 1458 les Etats ont été tenus régulièrement, qu'avant
cette date ils Tout toujours été en temps de guerre, pour voter
un subside destiné à l'entretien de l'armée. Les États provin-
ciaux ont donc pour fonction essentielle de voter limpôt. En
terminant, l'auteur rappelle qu'ils ont été en outre associés à
quatre grandes créations, celle de l'Université de Caen sous la
domination anglaise, de l'Échiquier perpétuel à Rouen sous
Louis XII, du Havre-de-Grâce sous François P'', de la rédaction
du droit coutumier sous Henri III.
M. Fougères, dii-ecteur de TEcole française d'Athènes, com-
munique à l'Académie les résultats des recherches topographiques
poursuivies, dans le courant de l'été, à Délos par M. Replat,
architecte de l'École, chargé de mettre à jour le plan général
des fouilles.
M. Replat a pu reconstituer le tracé complet du mur de
défense improvisé par le légat romain Triarius, après l'incursion
du chef pirate Athénodoros, en 69 avant J.-C, afin de préserver
la ville "et le sanctuaire d'Apollon de nouvelles déprédations.
SÉANCE DU 29 Or.TOIiRE 1 !M S . 369
En outre, M. Replat a identifié dune manière certaine rem-
placement de rhippodrome délien et retrouvé les restes des
murs qui Tentouraient et des gradins de la stalle d'honneur ou
proédria, où siégeait le jury des courses. C'est là le second
exemple, avec celui du mont Lycée en Arcadie, d'un hippodrome
hellénique pourvu d'un dispositif architectural. On admettait
qu'en général ce type d'installation sportive se réduisait à un
champ de courses naturel, sans constructions. En fait, les
hippodromes ont, à partir du iv« siècle avant J.-C, participé à
l'évolution générale qui transforma en édifices les aménagements
primitifs des théâtres, des gymnases et des stades. Le terme de
cette évolution, dont les types du mont Lycée et de Délos per-
mettent de reconstituer les étapes architecturales, est représenté
par le cirque romain et l'hippodrome byzantin, combinaison du
stade et de l'hippodrome helléniques.
LH'RES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les périodiques
suivants :
Mémoires de la Société académique (V agriculture, sciences, arts et
belles-lettres du département de l'Aube (t. LXXXI de la collection).
T. LIV. Troisième série ; année 1917 (Troyes, 1918) ;
Bevista de Archivas, Bibliotecas y Museos. Organo del cuerpo facul-
tative del ramo. Tercera epoca. Ano XXII, julio-agosto 1918 (Madrid,
1918) ;
Proceedinys of the Royal Institute of Edinburgh. Session 1917-18.
Vol. XXXVIII. Part II, pp. 97-224 (Edinburgh, 1918.)
SÉANCE DU 29 OCTOBRE
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel lit une lettre de ^L le Ministre de la
guerre communiquant un extrait de la Deutsche Levante Zeilung
relatif à une théorie sur l'origine des Roumains. — Renvoi à
M. L. Li:r.ER.
370 SÉANCE DU 29 OCTOHRR 1 ÎH 8
Il donne ensuite lecture des lettres par lesquelles M. le lieute-
nant-colonel de Gastries pose sa candidature à la placé de
membre libre vacante par la mort de M. le marquis de Vogiié,
et M. Adrien Blanchet, à la place de membre libre vacanjLe par
la mort de M. Tabbé Thédenat.
M. Léon Dorez lit la note suivante :
« Dans les derniers, fascicules de la Bihliofilia de Florence
(avril-mai et juin-août 1918), M. Laudedeo Testi a publié un
intéressant travail sur les livres de chœur enluminés de léj^lise
Saiut-Jean-rÉvangélisle de Parme.-Gette étude révèle un minia-
turiste jusqu'ici inconnu, Michèle da (ienova, Michel de Gênes,
qui entra au service de la fabrique en 1492 et y resta au moins
jusqu'en 1497 '. Dans l'un des manuscrits ornés par cet artiste
et dont la décoration a été restaurée en 1779, trois des minia-
tures, représentant VAnnonciation, la Circoncisio-n et ïAdo-
ralioji des Mages^ heureusement à peu près intactes, sont des
copies presque serviles d'œuvres d'Andréa Mantegna, copies
exécutées du vivant du grand peintre et constituant une nou-
velle preuve de la célébrité acquise par ses compositions dans
toute l'Italie septentrionale.
« A ce propos, l'Académie me permettra de lui rappeler une
notice qu'elle a accueillie en 1909 dans les Monuments Piot etoù
j'ai décrit un Pontifical exécuté pour le cardinal Giuliano Délia
Rovere (le futur pape Jules II) par le miniaturiste Francesco de
Vérone ou Francesco dai Libri,
« Au cours de ma notice, j'ai signalé à plusieurs reprises une
interprétation parfois très large, mais toujours évidente, du style
de Mantegna dans les peintures de ce Pontifical qui fait aujour-
d'hui partie des collections Morgan, à New-York. Mais j'aurais
dû y insister plus que je ne l'ai fait sur la miniature de la Présen-
tation du Christ au Temple, où se trouve reproduite la partie
centrale du volet de droite du triptyque de Mantegna conservé
aux Uffizi de Horence ^. Gette même partie du tableau florentin
a été également transportée dans l'une des initiales d'un anti-
phonaire parmesan, et la comparaison des deux adaptations
1. Biiîh'o^/ia ^juin-août), p. 146-147.
■X. Gliarles Yriarte, Mante(jna (Paris, 1901, in-4''), entre les pp. CO el6l.
SÉANCE nr 29 octobre 1918 371
permet de mesurer toute la distance qui séparait l'art de Michel
de Gênes de celui de François de Vérone qui, lui, a interprété
l'œuvre originale avec une liberté dans l'ensemble et une fidélité
dans certains détails infiniment supérieures à la copie de son
médiocre émule * . '
« Ce dernier, d'ailleurs, n'a nullement signalé les emprunts
qu'il faisait à Mantegna, tandis que, comme on va le voir,
François de \'érone a indiqué d'une manière très nette la source
de ses compositions. Ft ici je dois rectifier sur un point la notice
publiée dans les Monuments Piol.
« A gauche du petit tableau du miniaturiste véronais, sur l'ar-
chitrave de l'édicule, on lit ces deux mots tracés en lettres d'or:
AB OLYMPO 2. Gomme cette même peinture est aussi celle
qui porte la signature francischvs veronensis, j'avais été
naturellement porté à croire que le mollo appartenait à cet
artiste. Il n'en est rien. Nous avons affaire à un cas beaucoup
moins simple, beaucoup plus intéressant qu'il ne semble d'abord,
et qui .mérite d'être signalé puisqu'il peut attirer l'attention des
historiens sur d'autres légendes analogues.
« En réalité, les mots ab olympo constituent l'un des molli
adoptés par le marquis Louis de Gonzague ^, qui appela Man-
tegna à Mantoue en 1456 et fut, pendant le reste de sa vie,
c'est-à-dire jusqu'en 1478, le fidèle protecteur de l'artiste. 11
paraîtrait résulter de cette constatation que le manuscrit aurait
été originairement exécuté pour le marquis. Mais ce serait là
une conclusion hâtive et injustifiée. Un nouveau pas doit être
franchi pour arriver à la solution du petit problème qui nous
occupe.
« Parmi les libéralités faites par Louis de Gonzague à Mante-
gna se trouvait un terrain voisin de la Porta Pusterla et du petit
palais princier du même nom. En novembre 1476, le peintre
1. Biblioftiia (mars-avril), p. 26. — Le succès de cette partie du tri-
ptyque de Mantej;na est encore attesté par l'emprunt de la fissure de la
Vierge par Fra' Bartolommeo Délia Porta en 1516, dans son tableau de
la Présentation, auj. au Musée de Vienne (Fritz Knapp, F. B. D. P. u. die
Schale von San Marco, Halle a S., 1913, in-4', p. 157, et autrefois gravé par
Massard d'après un dessin de J.-B. 'V\'^icar).
2. Mon. Piol, 1909, pi. Kl.
.3. Voir la frise reproduite par Yriarte, op. cit., p. 121.
372 SÉANCE DU 29 OCTOBRK 191 S
posait la première pierre — qui subsiste, avec son inscrii)tion
conimémorative^ — de la jolie maison qu'il devait habiter jus-
qu'en 1494, année où le marquis. lean-François la lui redemanda,
lorsqu'il fit du palais conligu sa demeure définilivc. Colle habi-
tation, aujourd'hui englobée dans les bàlimcnls de l'Institul
professionnel ou technique, se composait de quatre corps de
logis donnant sur une cour circulaire intérieure. Sur l'architrave
de chacune des quatre portes intérieures, se lisait le modo : ah
OLYMPO^. Bien mieux: si, comme il y a tout lieu de le croire,
la gravure donnée par Yriarte ^ est exacte, on ne peut manquer
d'être frappé de l'étroite ressemblante du petit toil et de l'archi-
trave dans la maison même bâtie par Mantegna et dans l'édicule
de la miniature de François de Vérone. Il s'agit donc, dans le
motto du Pontifical, non pas de Louis de Gonzague, auquel il
appartenait en propre, mais de son protégé Andréa Mantegna,
auquel le marquis l'avait plus ou moins explicitement concédé.
Et qu'il en soit ainsi, on ne peut guère en douter lorsqu'on
voit, sur la tombe de Mantegna, — dans la chapelle de l'église
Saint-André deMantoue que le chapitre lui avait solennellement
offerte le IJ août 1504 et dont il avait entrepris la décoration,
interrompue par sa mort en septembre 1506, — lorsqu'on voit,
dis-je, dans cette chapelle, la représentation d'un aigle de mon-
tagne, étalant ses serres sur un livre fermé dont la tranche porte
l'inscription : ab olympo •*.
« Il paraît donc certain qu'en reproduisant ce motto, vers
1480 % dans les peintures du Pontifical de Giuliano Délia
Rovere, François de Vérone a voulu indiquer la source où il
avait puisé le meilleur de son œuvre. »
M. Prosper Alfaric fait une lecture sur VEvangile de Simon
le Magicien. Partant d'un texte du iv« siècle qui signale cette
1. Yriarte, p. 79.
;. Yriarte, p. 107-109.
3. Yriarte, p. 104.
4. Yriarte, p. 111.
5. Ou peut-être même plus tôt : Sixte IV comprit son neveu Giuliano
dans sa première promotion cardinalice, c'est-à-dire le 15 décembre 1471,
et l'on pourrait croire que le nouveau Cardinal fit à l'artiste la commande
du Pontifical peu après cette date.
LIVRES OFFERTS
373
œuvre importante, depuis longtemps perdue, il montre qu'on
peut en reconstituer les grandes lignes avec d'autres écrits des
premiers siècles (traités contre les hérésies, livres clémentins,
Actes du martyre de Pierre), qui l'utilisent ou la combattent
sans la nommer.
MM. Salomon Reinach et Boucuiî-Leclercq présentent
quelques observations.
Le Président rappelle à l'Académie qu'un mois s'est écoulé
depuis la mort de notre confrère, M. Emile Picot, et lui demande
s"il convient de déclarer la place vacante.
Par 17 voix contre 5, la vacance est déclarée. La date de
l'élection sera fixée ultéi-ieurement.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les périodiques
suivants :
Annuaire général de VIndo-Chine, 1918. Partie administrative.
T, IL Situation du personnel au l"^' Juin 1918 (Hanoï et Haïphong,
1918) ;
Revue archéologique, publiée sous la direction de MM. Pottier et
S. Reinach. Cinquième série, t. Vil, mai-juin 1918 (Paris, 1918);
Atti délia R. Accadeniia dei Lincei. Anno CCCVX, i9i8. Notizie
degliscavi di anlichità. Vol. XV. Fascicoli 1°, 2° e .3° (Roma, 1918);
Memorie délia R. Accadeniia dei Lincei. Classe di scicnze morali,
istoriche e filologiche (anno CCCXV, 1918). Série quinta. Vol. XV,
fascicolo VII ;
The Jewish Quarterly Review. Vol. IX, n»* 1 and 2, July and
October 1918 (London, 1918);
Analecta Montserratensia. Vol. I. Any 1917 (Monestir de Mont-
serrat. MCMXVIII).
• COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES -LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Lecture est donnée d'une lettre par laquelle M, Espérandieu
pose sa candidature à la place d'académicien libre devenue va-
cante par la mort de M. le marquis de Vogiié.
Le Secrétaire perpétuel lit ensuite une lettre adressée par les
membres ou correspondants de l'Académie des sciences, de
l'Académie de médecine et de l'Académie d'agriculture demeurés
à Lille pendant l'occupation allemande.
(Le texte de cette protestation solennelle a été inséré dans les
Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 28 oc-
tobre 1918.)
Le Président déclare qu'il est certain d'être l'interprète de
l'Académie tout entière en exprimant son indignation au sujet
des actes abominables que signalent nos confrères de Lille. Il
leur envoie l'expression de l'affectueuse sympathie de l'Aca-
démie qui partage leur ressentiment et les félicite du courage
stoïque avec lequel ils ont supporté les épreuves de ces mauvais
jours.
M. Salomon Heinach, chargé d'examiner une communica-
tion de M.Bascoul, lit la note suivante :
« M. le D*" Bascoul. médecin de colonisation à El Kseur (prov.
de Gonstantine), a envoyé à l'Académie des photographies, des
376 SKANCIi DU 8 ^OVKMIiHE 11)18
dessins el une notice relatifs aux gravures du Djebel Toukra
(canton d'El Kseur, arrond. de Boug-ie). Il s'agit d'une éminence ■
rocheuse longue de 3"' 17 de l'E. à TÔ., large de 1 '"20 du N.
au S., sur laquelle on reconnaît au moins onze spirales, accom-
pagnées de quelques signes peu distincts. Les photographies
n'ont pu être prises dans des conditions favorables ; il na pas
encore été fait d'estampage; enlin, les dessins ne sont d'accord
que sur l'existence des spirales. Dans ces conditions, on ne peut
qu'attendre des informations plus complètes et plus précises ;
mais le fait même d'une décoration rupestre curviligne ne
manque pas d'intérêt, >>
M. Gh.-V. Langf.ois communique la note suivante :
« Nous avons eu l'honneur, M. Omont et moi, d'annoncer à
l'Académie, dans une de ses séances d'octobre, que les dépôts
d'archives, de manuscrits et de livres précieux étaient intacts à
Lille. C'est une partie importante du patrimoine historique de
la Fi-ance qui a été ainsi sauvé intégralement.
«Je suis aujourd'hui en mesure de vous donner des nouvelles
de Douai et de Cambi-ai, où je suis allé en mission du P' au
4 novembre.
« Messieurs, depuis le commencement de la guerre, j'avais vu
beaucoup de villes détruites : Arras, Reims, etc. Je n'avais
jamais vu de villeç pillées. C'est un spectacle peut-être plus
émouvant encore.
« Les Allemands ont ordonné le 6 septembre l'évacuation de
la population civile de Douai, sous prétexte de la soustraire à un
bombardement éventuel par l'armée anglaise. Ils ont été forcés
d'évacuer eux-mêmes la ville le 18 octobre. Ils y ont donc été
seuls six semaines. Or, ces six semaines, ils les ont employées à
piller. Tous les édifices, publics et privés, ont été visités ; tout
ce qu'ils contenaient a été emporté, endommagé ou détruit.
« Pour les choses précieuses, l'opération a été conduite avec
méthode (la folie allemande, dit Henri Heine, est plus folle que
les autres parce qu'elle est méthodique) : l'opération a été con-
duite chez les médecins par des médecins, dans les sacristies par
des ecclésiastiques, pour les objets des collections publiques et
SÉANCE DU 8 iNdVF.MRRE I ÎM <S 'Ml
privées par des experts. Il y avait, par exemple, â Douai, des
bibliothèques de bibliophiles ; un de ces bibliophiles, M. le
baron de Warenghien, a constaté que Ton y a pris, avec discer-
nement, tout ce qui s'y trouvait de meilleur en l'ait de manu-
scrits, de raretés, de reliures et d'impressions anciennes ; le reste
a été examiné et ce qui a été dédaigné, jeté par terre en dé-
sordre, a été parfois lacéré ou souillé.
« J'ai constaté moi-même, avec M. IJruchet, archiviste du
département du Nord, que les archives, magnifiques, de cette
g-rande commune de l'ancienne Flandre avaient reçu la visite de
gens qui les avaient bouleversées. Il ne semble pas, au premier
abord, qu'ils y aient trouvé grand chose à leur gré; mais il sera
nécessaire de tout remettx'e en ordre pour savoir, par un reco-
lement fait à l'aide des inventaires, si quelques soustractions ont
eu lieu. De même, aux Archivesde la Cour d'appel (archives du
Parlement de Flandre et du Tribunal révolutionnaire).
«A propos de la Bibliothèque publique, si riche en manuscrits,
où il n'était pas encore possible de pénétrer lors de mon pas-
sage, il importe de poser une distinction capitale entre deux
opérations distinctes auxquelles les Allemands se sont livrés
pendant leur séjour en pays occupé.
■-' En premier lieu, ils ont, à Douai et ailleurs, demandé ou
exigé, obtenu en tout cas, à diverses époques antérieures aux
grandes attaques de la délivrance qui ont eu lieu cet été, que
les objets les plus précieux en tout genre da^ collections pu-
bliques leur fussent remis, sous prétexte de les envoyer à
l'arrière, plus loin du front ; d'abord à \aienciennes ou à Mau-
beuge, puis à Bruxelles. 11 paraît légitime d'espérer, il est
probable que les richesses enlevées dans ces conditions, d'une
manière relativement régulière, seront recouvrées un jour :
bientôt.
« D'autre part, les Allemands, dans les villes comme Douai et
Cambrai, se sont livrés pendant l'intervalle de temps compris
entre l'évacuation de la population, ordonnée par eux, et leur
propre départ, à des actes d'un caractère difFérenl : au pillage
proprement dit, à ce pillage méthodique dont je parlais tout à
l'heure ; pillage total, évidemment terminé par une orgie de
vols ad libitum par les officiers et les soldats; bref, la mise à
1918 26
;l?S SEANCE DU N iNOVEMBHlî JOJS
sac du bon \ ieux temps qui consisle à einporler Loul ce qui phît
cl à briser loul ce qu'on n'emporte pas : coups de sabre dans les
tableaux et de revolver dans les glaces.
M On lit dans une proclamation du j^cnéral V. lîcMirab aux
habitants de Lille, du 15 octobre 101 1, dont j'ai là un exem-
plaire : <( La guerre n'étant faite qu'entre les armées, je garantis
en bonne forme la propriété privée de tous les habitants. . . »
« I']n bonne forme », Messieurs. — Or, en septembre-octobre
1918, les douze cents habitants de Douai réfugiés à Saint-Amand
ont vu passer pendant des semaines^ par le canal, — en prove-
nance de Douai, en route pour l'Allemagne, — des théories de
ces grandes péniches qu'on appelle bélandres, chargées jusqu'au
plat bord de leurs propriétés collectives et privées.
(( S'il y a des chances pour que les objets enlevés à Douai lors
des premiers prélèvements, relativement réguliers, soient bientôt
remis à leur place, il n'en est pas de même, c'est clair, de ce
qui a disparu lors du pillage libre et complet de septembre-
octobre 1918. Il y a donc lieu de dresser d'une manière pré-
cise l'inventaire des manuscrits qui ont été enlevés d'abord; de
ceux qui l'ont été ensuite dans les conditions absolument arbi-
traires, criminelles et anachroniques que j'ai dites ; et enfin de
ceux qui sont encore là parce qu'ils ont été oubliés et dédaignés.
Des états de cette nature seront incessamment établis, sous ma
direction, par des hommes du métier ; et ils seront publiés.
« lisseront établis, naturellement, à Cambrai comme à Douai,
et partout où cela sera nécessaire, au fur et à mesure du recul
de l'invasion. Je n'ajouterai qu'un fait relatif à Cahibrai. Dans
cette ville, le feu a été mis par l'ennemi aux archives munici-
l)ales ; on avait eu la précaution, pendant l'occupation, de les
descendre en partie dans les caves 'de l'Hôtel de Ville ; or,
ces caves sont maintenant vides, et le sol du rez-de-chaussée et
delà cour de ce grand édifice, qui a été aussi délibérément
qu'inutilement incendié, est couvert, par endroits, d'une couche
épaisse de cendres qui sont' des cendres de papiers; et il est
facile de voir, par quelques fragments qui n'ont pas été entière-
ment consumés, que ces papiers appartenaient aux archives
municipales.
« Messieurs, il y a, parmi bien d'auti-es, une grande dillerence
entre cette guerre-ci et les guerres du passé. Les guerres du
kËÀNCE DU 8 NOVKMBhlî IDIS 379
piissé oui eu lieu eu des temps où les traces des évéïiemenls en
général et des crimes en particulier disparaissaient vite ; le sou-
venir de la plupart des pires excès s'elfaçait bientôt ; la vicloire
couvrait tout et la vie continuait. Mais cette guerre-ci, dont
rissue ne sera pas du reste celle qui était naïvement escomptée
par nos agresseurs, a eu lieu dans un âge de publicité et de cri-
tique. Tout ou presque tout ce qui s'est passé depuis quatre ans
a été ou sera noté, recueilli, prouvé, étalé au soleil de manière
à ce que, quand même quatre-vingt-treize professeurs et savants
ridiculement alVublés du titre d'Excellenz, ou aspirant à en
jouir, déclareraient encore, sans en rien savoir : « Ce n est pas
vrai », nul ne les prendrait au sérieux. Ces circonstances, carac-
téristiques du monde moderne, sont assurément fâcheuses pour
quiconque a commis, dans le conflit qui tire à sa fin, des actes
délictueux ou déshonorants ; car ces actes ne seront pas étouffés
et couverts, c'est-à-dire amnistiés, comme aux siècles passés, par
les forces invincibles de l'ignorance et de l'oubli. Mais qu'y
faire '? Tant mieux pour qui n'a rien à perdre à ce que la vérité
soit connue. — Je tenais simplement à assurer l'Académie que,
en ce qui concerne les documents historiques, matière de ses
études, rien n'est et ne sera négligé pour que les destructions qui
ont eu lieu soient constatées, et pour que les responsabilités à
ce sujet soient rigoureusement définies. »
M. Salomon Reinach présente à l'Académie une parure dé-
couverte en 1899 dans un sarcophage de Jérusalem '.
M. Clermont-Ganneau présente quelques observations.
M. Antoine Thomas fait la communication suivante :
« Au mois de janvier 1913, j'ai eu le plaisir de découvrir à la
Bibliothèque nationale et de signaler dans cette enceinte
quelques phrases en langue bretonne écrites, vers 1350, sur un
exemplaire du Spéculum historiale de Vincent de Beau vais; ces
phrases étaient, et restent à l'heure actuelle, les plus anciens
textes suivis en moyen-breton qui nous soient parvenus"-.
1 . Voir ci-après.
2. Voir nos Comptes rendus, séance du 27 janvier 1013, p. 23-26. et
séance du 3 octobre suivant, p. 482. En 1911, M. Ernaull est revenu sur
cette découverte dans un article intitulé : « Notes sur les textes d'Yvonet
Omnes » {Revue celtique, t. XXXV, p. 129-112).
380 SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1918
u [iiie bonne l'ortune analogue vient encore de ni'arriver, et je
niempresse de la porter à la connaissance de lAcadénue. Notre
rej^retté correspondant, le P. Henri Denille, a publié, en 1889,
un important article intitulé : « Quellen zur Gelehrtengeschichtc
des Garmelilenordens im 13 und 14 Jahrhundert ' », article dont
les matériaux proviennent d'un manuscrit de la Bibliothèque de
l'Université, à la Sorboune, lequel porte aujourd'hui le n° 791 -,
En tête du manuscrit se trouve la règle de l'Ordre des Carmes',
copiée par le scribe Henri Dahelou, du diocèse de Quimper, et
datée de 1360. Le texte est suivi d'un explicit de cinq lignes,
dont le P. Denille a publié la partie latine, ainsi conçue •' :
Explicit régula fralrum Beale Marie de Carmelo || pro couvenlu
Xeniaiisi, <juain fecit scribi frater || Johannes Trisse, filius predicli
conventus, per Henri- ||cum Dahelou, clericum Corisopitenfsis]
dyoc(esis], aiuio .lx". || Anima scriptor[is] -^ requiescat. Amen.
« Le P. Denille s'est arrêté au mot Amen, mais il a eu soin
de prévenir le lecteur que le manuscrit donnait quelque chose
de plus; il l'a fait en ces termes : « Den Schluss bilden mehrere
unverstandliche Worle. » Sachons-lui gré de sa conscience, si
nous ne pouvons le féliciter de sa perspicacité. Il n'était pas
téméraire de conjecturer qu'il y avait du breton sous roche,
puisque le scribe nous avait fait, au préalable, connaître sa
patrie. Jai pu m'assurer que cette conjecture était fondée en
examinant le manuscrit aussitôt que j'ai eu connaissance de la
remarque du P. Denifle. Voici donc ce nouveau texte en moyen-
breton, malheureusement très court :
^vej) lia ra m;d lier dru f/uieli dczn.
« Notre correspondant, M. «loseph Lolh, professeur au Gol-
1. Archiv fur Lilleratur- und Kircliengeschichle des MiLlcUillers, L. V,
p. 36D-.386.
2. Jadis colé « T[héolog:ie], II, 70. » Ce manuscrit est entré à la Sorbonuc
avec les livres du doyen Victor Le Clerc, qui l'avait acheté, le 15 mars 186 i.
à Le Roux de Lincy.
3. Archiv cité, t. V, p. 36S.
4. Le P. Denifle, se méprenant sur la valeur de Tabrévialion, lit :
scriplorum.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1918 381
lèg-e de France, à la science duquel j'ai dû. naturellement, avoir
recours, a bien voulu me fournir la traduction suivante, en se
réservant de présenter directement au jDublic les observations
fi^rammaticales auxquelles le texte peut donner lieu :
« Quiconque ne fait pas bien, sus à lui tant que tu pourras. »
En somme, sous forme impérative, le scribe breton pense que
la force doit appuyer le droit jusqu'au bout, pensée qui ne
manque pas d'actualité.
(. On voit que Henri Dahelou est plus grave que son compa-
triote Ivonet Omnès, le copiste du Spéculum historiale. Sans
souci de la morale, au moins quand il écrivait, le bon Ivonet lais-
sait sa plume vagabonder des panais et des fouaces, convoités
pour son déjeuner, aux yeux bleus de sa gentille petite amie
entrevus sous la feuillée. Mais ce n'est ni le moment ni le lieu
de philosopher sur l'âme bretonne. Il importe, en revanche,
d'établir, contrairement à ce qui a été avancé, que notre texte est
bien de 1360, comme la première partie de Yexplicil. Le P.
Denifle affirme que la cinquième ligne, qui commence par le mot
latin anima, et finit par le mot breton dezo, est d'une écriture
postérieure. » Ce n'est pas mon sentiment. Si la cinquième
lig-ne est écrite avec une encre plus pâle, en caractères beaucoup
plus petits et d'une allure moins gothiquement solennelle que
les quatre premières, elle est de la main même du scribe Henri
Dahelou.
. « Une dernière remarque, au sujet du lieu où notre manuscrit
a été exécuté : je ne crois pas que ce soit à Nîmes. Frère Jean
Trisse, fils du couvent de Nîmes, est aussi un fils de l'Université
de Paris : c'est à Paris que nous le trouvons, le 7 décembre 1362.
jour où il était sur le point de se voir conférer la licence etdètre
admis à la maîtrise à la faculté de théologie'. C'est sûrement à
Paris que résidait le scribe Henri Dahelou et que le manuscrit
791 a été exécuté-. Ce manuscrit a longtemps servi à l'édifica-
tion et à l'instruction des Carmes du couvent de Nîmes, qui
1. Denifle et Châtelain, Chartularium, t. III. n^ISfiS: cf. Archiv cilé,
t. V, p. 385'.
2. Tout le manuscrit est de sa main, et on lit au fol. 4 : o Incipit Marti-
logium. . . quod fecit fieri Parisius frater Johannes Trisse. . . »
3S2 im: parure découverte a Jérusalem
r.Mil utilisé en j^uise crobiluaire. Je ne s;iurais dire par quelle
voie il était arrivé aux mains de Le Roux de Mncy, qui le vendit
à \*ic-lor Le Clerc': mais puisqu'il lui a fallu énii-^rer, leliciloiis-
nous quil soil revenu à son point de départ. Il n'y a plus de
faculté de théoloj^ie à TUniversité de Paris depuis que celle-ci a
repris son nom et retrouvé son ancien prestige; mais ce manu-
scrit n'estpas un intrus dans la nouvelle Sorbonne, car la théo-
logie y lient encore beaucoup de place, au moins sur les rayons
de la bibliothèque. »
COMMUNIGAÏION
UNE PARURE DÉCOUVERTE A JÉRUSALEM,
PAR M. SALOMOM REINAGH, MEMBRE DE L ACADÉMIE.
Les bijoux que voici, avant d'être présentés à TAca-
démie, ont attendu dix- neuf siècles dans un sarcophage, et
puis dix-neuf ans dans un coffre-fort. Le premier stage leur
fut imposé par un hasard tutélaire, le deuxième par des
motifs de discrétion. Ils retrouvent aujourd'hui, avec la
lumière, letat civil qui fait leur principal intérêt. Voici un
résumé des témoignages qui attestent que cette parure a
bien été découverte à Jérusalem et les circonstances oi^i elle
a pour la première fois revu le jour.
Au Nord-Ouest de la ville, à gauche de la route qui mène
à Jalfa et à 1.500 mètres environ de l'ancienne cité,
s'élève l'École de travail de l'Alliance israélite, fondée en
1882. Le 29 décembre 1899, en creusant les fondations de
magasins, on découvrit là une petite nécropole composée de
({uatre sarcophages en pierre blanche à grain fin, telle
1. Vicloi- Le Clerc a eu le manuscrit k sa disposition avant de Tacheter,
car il le cite dès 1862 (Ilist. lia, de la France, XXlV. 69 el 70\
UNE PARURE DÉCOUVERTE A JÉRUSALEM 383
qu'il en existe seulement dans les carrières de Bethléem et
de Bettir. Le R. P. Lagrang-e, immédiatement prévenu,
put assister k la fouille, dont un plan et une coupe, dressés
avec beaucoup de soin, ont conservé le souvenir. Deux des
sarcophages avaient été violés et brisés ; ils ne contenaient
que peu d'ossements. Un troisième, avec les restes d'un
squelette d'homme, avait été vidé [)ar une ouverture pra-
tiquée dans le flanc. Le quatrième sarcophage, où reposait
un squelette de femme, était heureusement intact. Les
bijoux qu'on y recueillit furent soustraits à la curiosité
des fonctionnaires turcs et aux périls que le voyage de
Gonstantinople présentait pour des objets de ce genre, trop
souvent condamnés à finir dans le creuset. Apportés à
Paris, ils y ont été conservés comme je l'ai dit, dans
l'attente du jour où il serait loisible de les faire connaître
sans inconvénient.
Voici la liste de ces objets :
1" Deux morceaux d'un long bandeau d'or non décoré,
probablement un diadème; l'un d'eux est percé, à une
extrémité, d'un petit œillet;
2" un bouton d'or estampé, orné d'une tête de Méduse
encadrée d'un double grènetis ;
3" un collier d'or avec fermoir, comprenant deux grenats
oblongs sertis d'or et vingt-six grenats taillés en double
cône aplati. Ce sont des grenats syriens ;
4° une pendeloque en or, ajustée au dit collier, com-
posée d'un cercle d'or auquel sont attachées, par des an-
neaux d'or, cinq amulettes, à savoir : 1" une clef; 2° une
longue amphore k deux anses, terminée en pointe ; li" un
panier [kalathos] ; i" une lampe avec son couvercle non
mobile ; 5° un fruit ouvert, grenade ou pavot. Ces petits
objets sont fort intéressants ; leur destination funéraire est
évidente ;ils mériteraient une étude dont ce n'est pas ici le
lieu ;
5* une bague en or avec chaton d'agathonyx gravé en
PARUrtK r)i:(:(»uvKRTF a jkrisalem
UNE PARURE DÉCOUVERTE A JÉRUSALEM 385
creux ; la i^ravure représente une tête imberbe de profil à
gauche, d'un très bon style, avec longue chevelure tlottante
(probablement Dionysos) ;
6° trois fragments d'un très petit vase d'argent;
1° un fragment de poterie rouge mate.
Les caractères de ces objets sont exclusivement gréco-
romains ; sauf les grenats, d'ailleurs en usage un peu par-
tout dans le monde antique, il n'y a rien qui rappelle la
Syrie. La date approximative, très voisine de notre ère, est
lixée par trois indices : 1° la forme du sarcophage, assez
fréquente en Syrie. Dès 1900, alors que je publiai, dans la
Bévue archéologique, une note sur la découverte de ces
tombes, ^L Glermont-Ganneau fit observer que ce type de
sarcophage était bien connu à Sébaste. Or la prospérité de
Sébaste date seulement d'Auguste, qui céda cette ville à
Hérode le Grand et lui donna son nom, traduction grecque
à' Augusia ; 2° le style de l'intaille, qui est excellent et très
supérieur à celui des objets de ce genre après l'époque des
premiers Césars; 3° le type de la lampe à couvercle, qui
est également assez ancien.
On peut supposer que ces quatre sarcophages ont abrité
les restes des membres d'une famille romaine, probable-
ment de hauts fonctionnaires, qui habitaient une villa à
l'Est de Jérusalem.
Je crois bien que ces bijoux sont les premiers objets de
ce genre qui aient été recueillis aux environs immédiats de
la Ville Sainte, ou du moins dont on puisse affirmer qu'ils
y ont été découverts. Le manuel des antiquités palesti-
niennes, publié, en 1913, par M. Pierre Thomsen, ne men-
tionne aucune trouvaille de bijoux ; ceux qu'on a pu
exhumer des nécropoles suburbaines ont dû être portés
aussitôt chez le fondeur.
Si la valeur intrinsèque et artistique de cette petite col-
lection n'est pas élevée, elle n'en offre pas moins un intérêt
réel à cause de sa provenance bien établie. L'Alliance israé-
,S8f) LITRES OFFERTS
lile ma autorisé à eu faire don de sa part au Musée du
Louvre qui est le seul à posséder, grâce à M. de Saulcy,une
salle spéciale pour les antiquités de la Palestine. Mais ce
motif, d'ordre tout scientifique, n'est pas le principal. En
ces jours où la justice et la paix se réconcilient — jusfitia
etpaxosciilatâesant, comme dit le PsalmisLe, —il convient
que la vieille Sion, libérée à son tour, olîre à ses libéra-
teurs l'unique parure que de longs siècles de barbarie et
de servitude ont épargnée.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les ouvrag-es pério-
diques suivants :
Ch. Burton. De V antiquité de l'alphabet phénicien;
Johannes Steenstrup. De Danske Stednavne.
— Moengs ogkvinders navne ; Danmark gennem siderne.
Den Danske kvinds historié fra Holhergs tid til vor 1701-1917 ;
(Copenhague, 1918) ;
Annales du commerce extérieur. Année 1913, 4» fasc. (Paris, Imp.
nal., 1913);
Proceedings of the American Philosophical Society. Vol. Vil, 1918,
n» 4 (Philadelphia, 1918). American Journal of Archœologij , Second
séries. Vol. XXII, n" .3, July Seplember 1918 (Concord, N.-H., 1918).
The University of CaliforniaChrojiicle. Vol. XIX, n»^ 1, 2, 3, 4 et
Index. Année 1917 ;
University of California publications : Classical Philology : vol. 4.
Nôv. 28, 1917 : Lucretius. — American archteology : vol. 12, n°* 8,
9, 10 el 11; vol. 13, n° 1 (1917). — Botany : vol. 6, n°^13 et 14 (1917).
— Agricultural Sciences, vol. 1, n"^ 13 et 14 ; vol. 3, n°^ 1 à 5 (1917).
Collège of agriculture— Agricultural experiment. Station Berkeley,
Cal. 13 Bulletins, n»^ 277 à 289, mars-déc. 1917.
M. Héron de Villefosse dépose sur le bureau, de la part du
comte de Seyssel, une brochure intitulée Fouilles archéologiques de
Saint-Champ en 1909 (extr. de la Bévue Le Bugey, 1910) :
((jjM.|de Seyssel a exécuté ces fouilles àsesfraissur la commune de
Saint-Ghamp-Chatonod,{cantonde Belley (Ain); elles ont eu lieu exac-
tement près de la mairie et du groupe scolaire, bâtis à égale distance
LIVRES OFFERTS 387
des deux ag-fjloiuérations. Son mémoire est accompagné de deux
planches, dont l'une présente le plan d'une maison romaine et dont
l'autre offre les reproductions de la nianjiiL- <Iu plombier Maiiilhix
et de l'estampille d'un poids de terre cuite trouvée à Vieu-tMi-\'al-
romey. »
M. Clermont-Ganniîau a la parole pour un hommage :
«J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie de la part de l'auteur, M. Blo-
ciiet, bibliothécaire au Département des manuscrits de la Biblio-
thèque nationale, un fascicule de la Patrologia Orientâlis (t. XII,
fasc. 3) contenant une curieuse chronique arabe rédigée par un chré-
tien copte du xiv« siècle, Moufazzal ibn Abil-Faza'il * .
<( Cette chronique, qui fait suite à celle d'El-Makin, s'étend de
l'an 1260 à l'an 1349; elle constitue un chapitre nouveau de cette
histoire des sultans mamlouks, dont M. Blochet, à la suite de Qua-
tremère, a entrepris depuis nombre d'années, de poursuivre l'étude,
en puisant directement aux sources originales ^. Le texte arabe,
|)ublié d'après un manuscrit de la Bibliothèque nationale, est accom-
pagné il'une traduction française et de notes abondantes, témoignant
d'une vaste érudition dont l'étendue rappelle celle de l'illustre
orientaliste qui semble avoir servi de modèle et de guide à son
continuateur. M. Blochet a fait précéder sa traduction d'une savante
introduction où il retrace à grands traits, à laide d'autres données
tant orientales qu'occidentales, le tableau de celte période qui
marque le déclin et la fin de la domination franque en Terre sainte
et en Syrie. Il y met particulièrement en lumière ces singulières
tractations des Croisés et des Mongols de Perse qui, à plusieurs re-
prises, essayèrent de s'allier pour détruire la puissance des Mam-
louks, tractations cpii se prolongèrent même après la chute du
royaume latin, comme le montre la correspondance de l'empereur
mongol Arghoun avec Philippe le Bel, Edouard II d'Angleterre et le
pape Nicolas IV. Ne fût-ce qu'à ce titre, notre Compagnie ne saurait
qu'accueillir favorablement le nouveau document dont nous devons
la connaissance et la mise en œuvre à l'initiative de M. Blochet, car
il rentre tout naturellement dans le cadre oriental de notre Recueil
des historiens ries Croisades, doni la |)ublication est depuis trop long-
temps en souffrance. »
1. Mnufazzal ibn Abil-Fftzn'i'l, Histoire des siiltAns m.imloukx, te.xtc arabe
Ijulilië et tratluil-en français, par K. Bloohet : 1" partie, 2()S pp. ^i\ in-S".
Paris. 1917.
2. B\ochel, Histoire d'Ale/j de Kemâl ed-dîn, traduite de l'arabe et an-
notée (1900) : Histoire d'hgypte. de .Makrîzi. traduite de l'afabe et anrtoléé
(1008),
388
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE
PKKSIDENCE IW. M. PAUI. GIRARD, VICE-PRKSIOKNT.
Il est donné lecture des lettres de candidatures de
MJNl. Bémont, Mâle et Michon, pour la place de membre ordi-
naire laissée . vacante par le décès de M. Bakth ; et de
M.M. Dorez, Lejay, Loth, Martha, Bénédite et \'ernes, pour
la place de membre ordinaire devenue vacante par la mort de
M. G. Maspero.
Le Président de l'Institut égyptien fait connaître que cette
Société savante prend le titre d'Institut d'Egypte, reprenant
l'appellation de la première Société scientifique établie sur les
bords du Nil par Bonaparte.
Le Président prend la parole en ces termes :
« Mes chers Confrères,
« Une grande joie nous est venue, et une grande fierté, depuis
notre dernière séance; la date du lundi 11 novembre 1918 res-
tera l'une des plus mémorables de l'histoire de notre pays, et
jose dire du monde. Ce jour en eifet a mis tin virtuellement
à la dure et sanglante épreuve que longtemps nous désignerons
par ces mots significatifs, en souvenir, moins de sa durée que
de son caractère inouï de violence et de l'immense théâtre qu'elle
a couvert de ruines et de misère : la Grande Guerre.
« Avec quelle impatience nous l'attendions, cette signature
de l'armistice imposé par nos victoires à notre ennemi partout
refoulé ! Mais c'était une impatience intérieure, comme l'espé-
rance dont nos cœurs étaient gonflés. Qui n'a pas vu Paris en
ces jours d'attente silencieuse, a perdu un charmant spectacle.
Il gardait sa figure de capitale de guerre, son aspect sombre,
éteint, des nuits de raids d'avions, mais son bonheur perçait en
dépit de tout. On allait par les rues noires, où de petites veil-
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1918 389
leuses bleues ponctuaient les ténèbres de lueurs timides, et l'on
mettait le pied dans les trous sans maugréer, même avec allé-
g;resse. Les théories de ménag'ères aux portes des magasins
stationnaient plus dig'nes dans leur résignation coutumière ; un
lég"er redressement du torse chez les passants que Ton croisait,
plus d'assurance dans le port de la tête, jusqu'au mutisme des
acheteurs de journaux, dépliant leur feuille et la dévorant des
veux sans un mot de commentaire, tout parlait, tout disait :
.Nous sommes vainqueurs. Et puis un beau matin, au bruit des
canons et des cloches, les drapeaux, tout d'un coup, flottèrent
aux fenêtres dans l'air joyeux. Ce fut un jour inoubliable de
promenades à travers la cité renaissante, de congratulations, de
chants, d'hommages aux statues des villes libérées, ou qui le
seront bientôt ; toute cette ardeur de sensibilité qui ne s'était
guère, depuis plus de quatre ans, dépensée que pour la douleur,
s'échappait enfin, débordante, pour la joie.
« Mes chers Confrères, associons-nous rétrospectivement de
toute notre âme à ces manifestations touchantes, et complétons-
les par l'expression de notre reconnaissance. Le sang cessant de
couler sur nos champs de bataille, nos régions envahies remises
entre nos mains, nos provinces perdues occupées demain par
nos troupes victorieuses, tant de gloire, tant d'espérances que
ne peut manquer de confirmer la paix définitive, voilà ce que
nous devons à nos soldats et à leurs chefs, à celui, surtout,
dont l'incomparable maîtrise dans l'art de la guerre nous a valu,
en quelques mois, cet éclatant triomphe, \engeur du passé. Que
notre reconnaissance aille encore au grand homme d'État, au
ministre patriote qui lui a confié la formidable et sainte mission
de nous affranchir en sauvant le pays, et que le Parlement
unissait, il y a quelques jours, au maréchal Foch dans le plus
bel hommage qu'une nation puisse rendre à l'un de ses citoyens.
Qu'elle aille enfin à ce peuple de France, si patient et si ferme
dans son admirable effort, si haut dans le sacrifice, si dévoué
dans l'accomplissement du quotidien et obscur devoir. Il n'y a
plus aujourd'hui de « bons Français », comme on l'a dit ou
écrit trop souvent. Il n'y a plus que des « Français », et c'est la
France tout entière qui, elle aussi, a bien mérité de la pairie.
« Vive la France ! »
300 SÉANCE DU 'iî) NOVEMRRIO 19^8
Le Président annonce ensuite que le SecM'élaire perpeUiel, ntl
lendemain de l'élection du maréchal Foch à rAcadéniic des
sciences, lui a adressé, au nom de notre Académie, une lettre de
lelicitations.
L'Académie ratifie par un vote unanime l'initiative du Secré-
taire perpétuel et s'associe à riiommage rendu à notre glorieux
confrère.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, le Président fait con-
naitre que l'Académie a voté une adresse à M. (ieorges Cle-
menceau et à M. le maréchal Foch, aux généraux, aux odiciers
et aux soldats des armées de terre, de mer et de l'air, et qu'elle
envoie, en outre, à S. M. le Roi d'Italie le télégramme suivant :
u Les membres de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
de l'Institut de France, réunis en séance le 15 novembre 1918,
ont l'honneur et la joie d'adresser à leur royal confrère, S. M.
Victor-Emmanuel III, le respectueux hommage de leurs félici-
tations pour la libération, grâce au glorieux succès de ses armes,
des territoires de Trente et de Trieste. »
M. II. -François Delaborde donne lecture de la notice qu'il a
consacrée à la vie et aux tra\aux de M. Paul Viollet, son pré-
décesseur à l'Académie.
LIVRES OFFERTS
Le Sechktaire perpétuel dépose suiTe bureau : le l'ascicule de mai-
juin 1918 des Comptes rendus de l'Académie ;
London bniversily Gazette, vol. XMII, n" 294 (with Supplément";
Journal of Ihe Royal Inatilule of Brilish Archilects, ^'oL XXV,
third Séries, n" 12, october 1918.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DU VENDREDI 22 NUVEiMBRE 1918
PRÉSIDÉE PAR
M. PAUL GIRARD
VICE-PRÉSIDENT
DISCOURS DU PRÉSIDENT
Messieurs,
Votre pensée est, j'en .suis sûr, loin d'ici; elle est dans
nos chères provinces de l'Est, enfin rendues à la France. Le
voilà donc réalisé, ce rêve qui nous hantait depuis quarante-
sept ans ! LTn de mes prédécesseurs, M. Emile Châtelain,
vous faisait cet aveu au début de son discours : « Mes-
sieurs, c'est un pénible honneur de présider votre séance
publique en 1914. » Quelle joie pour moi, et quelle fierté
d'avoir à m'acquitter de la tâche qui lui semblait si
lourde, quand je pense que le drapeau tricolore flotte sur
nos villes d'Alsace et de Lorraine, et que rien ne pourra
désormais l'en arracher ! Nous ne témoignerons jamais
assez notre reconnaissance à ce peuple fiei" et fidèle, resté
si français sous la dure contrainte d un maître incapable de
le comprendre. C'est à sa fidélité, solennellement attestée
au lendemain de nos défaites, que nous devons aujour-
d'hui le miracle de sa libération. C'est aussi, est-il besoin
de le dire? à nos soldats héroïques et à ceux de nos Alliés,
dont les victoires, de l'Yser à la Meuse, ont fait tomber
392 SÉANCE t'UhLlQUË ANNLlELLÈ
d'elles-nièiiies les barrières dressées entre nous et. nos
frères du Rhin. L Alsace-Lorraine olVranchie, quelle date
dans l'histoire du monde ! et quelle émotion, en chacun de
nous, si profonde, si pleine et si trouble encore, mêlée de
tant de souvenirs, de regrets, d'espoirs déçus, d'impatiente
attente et de bonheur, que la parole se sent impuissante à
1 exprimer ! .
Auprès de tels événements, comme au regard des con-
vulsions qui ébranlent à cette heure la vieille l^urope, les
solennités académiques sont bien peu de chose. Et que
pèsent, devant ces cataclysmes, nos silencieuses médita-
tions, nos lentes recherches, et les travaux que nous susci-
tons, ou qui d'eux-mêmes viennent à nous, ambitionnant
la récompense de leur obscure ascension par les pentes
ardues qui mènent à la vérité ? Gardons-nous, cependant,
de nous rabaisser outre mesure. Nous vivons pour la
science, et le culte de la science est, pour toute nation civi-
lisée, un devoir; il est aussi pour l'individu tme dignité,
car il n'est pas d'investigation dans le champ illimité de la
recherche scientifique qui ne rehausse à ses propres yeux,
et aux yeux de tous les hommes, celui qui s'y consacre,
en y portant la sévère méthode hors- de laquelle rien de
solide ne voit le jour.
Vous avez donc fait, Messieurs, depuis le début de laf-
freux cauchemar qui vient de finir, ce que votre condition
et votre savoir vous commandaient de faire ; vous avez
continué, autant que vous l'ont permis les bruits du dehors,
et les angoisses, et les deuils, le sillon commencé ; vous
avez maintenu vos concours, qui ont, comme d'habitude,
attiré des concurrents, entre les meilleurs desquels vous
avez réparti les faveurs dont vous disposez avec la scrupu-
leuse équité qui préside à vos décisions. Hélas ! beaucoup
de ceux qui les avaient méritées déjà, beaucoup de ceux
qui pouvaient y prétendre, sont tombés les armes à la
main, des hauteurs de Vauquois aux terres dévastées de la
SÉANCE l'LBLIULL; ANNUELLE 393
presqu'île; de Gallipoli, taisant à la France le sacrilice, non
seulement de leur vie, mais de tout ce qu'elle en attendait
pour son oi-nement ou sa gloire. De telles pertes sont pour
nous particulièiement douloureuses. Avec ces disparus,
dont plusieurs s'étaient spécialisés dans un étroit domaine
qu'ils avaient été les premiers à défricher, s'en sont allées
des espérances qui ne seront jamais réalisées, ou qui le
seront, par d'autres, bien tard. Leur tombe glorieuse, bien
qu'ignorée souvent, garde le secret de leur pensée inven-
tive, au-dessus duquel ils avaient placé le salut de la
patrie .
Pleurons-les, Messieurs, honorons-les comme les plus
chers artisans de la Victoire, mais ne désespérons pas de
notre avenir en ce qui concerne la science. Vous souve-
nez-vous de ces arbres fruitiers dont le génie destructeur
de nos ennemis, lors d'un repli fameux, avait scié les
troncs à quelques centimètres au-dessus du sol? Ils sem-
blaient voués à vine mort rapide ; mais la haineuse besogne
avait été hâtivement exécutée ; par quelques libres et un
peu d'écorce, la tête, couchée sur le côté, tenait encore
au tronc meurtri, et quand vint le printemps, elle se cou-
vrit de fleurs. Faisons contîance, Messieurs, à la bonne
terre de France, à la sève qui en monte, forte, résistante
et saine. Elle produira toujours des tleurs ; aux corps
savants et à l'enseignement national, sous toutes les
formes et à tous les degrés, de faire en sorte que ces fleurs
deviennent des fruits.
J'arrive à nos concours, dont les résultais sont le sujet
imposé par l'usage à celui qui vous préside ; je commence-
rai par ceux qui concernent les travaux relatifs à la France,
N'est-il pas juste qu'aujourd'hui, plus que jamais, elle soit
à l'honneur?
Le prix fondé par le baron Gobert pour récompenser
« le travail le plus savant et le plus profontl sur l'histoire
1918 ■.!:
39i SJ,A.\(.h l'LltLluL'li ANNUliLLË
de France, et lesétutles qui s'y rattachenl », a été alLribuc
cette année à M. Jules Viard, conservateur aux Arcliives
nationales, pour son ouvrage intitulé : Les Journaux du
Trésor de (Charles /T le Bel. C'est une édition de textes,
et vous ne décernez pas d'ordinaire aux travaux de ce
genre l'une des plus enviées parmi les récompenses qui
vont aux études ayant pour objet notre histoire nationale.
Mais l'œuvre de M. Viard est si précise et si" bien con-
duite, il se dégage de cette aride série de documents, com-
plète pour quatre exercices consécutifs de l'administration
financière du règne de Charles le Bel, une vie si intense,
que votre choix est pleinement justiiié. J'ajoute que l'au-
teur ne s est pas borné à publier des textes inédits ; il les
commente. Une substantielle introduction de plus de cent
pages met en lumière les renseignements nouveaux qu'ils
fournissent, et rattache ces renseignements eux-mêmes aux
institutions ou aux coutumes dont ils complètent pour
nous la connaissance, en sorte que nous trouvons, au début
du volume, un exposé singulièrement nourri et intéressant
des ressources du Trésor royal durant cette période peu
connue, ainsi que des charges auxquelles il avait à faire
face. C'est là de l'histoire, et de la meilleure ; on ne saurait
trop louer la sobre et claire simplicité avec laquelle elle
est contée. Ces qualités et beav\coup d'autres, le long effort
nécessaire pour mener à terme une telle entreprise, méri-
taient bien le premier rang au concours Gobert.
Vous avez attribué le second à M. Le Barrois d'Orgeval,
pour son livre sur le Tribunal de la Connétablie de France
du A7F^ siècle à 1190, étude attachante parles précisions
nouvelles qu'elle donne sur les origines de cette institution
et sur son histoire jusqu'au wi"" siècle. L'auteur la montre
s'acheminant assez rapidement vers une période d'éclat
relatif, que suit une lente décadence. Ce sujet austère
s'égaye par instant. Je noterai les pages qui contiennent
le détail du minutieux protocole observé au xVin® siècle,
SÉAiNCE PUBLIQUE ANNUELLE 39o
lors des visites que les officiers de la (^.onnétablie faisaient
en corps à l'époque du jour de lan. par exemple, aux
maréchaux, et de celles que ceux-ci faisaient de leur côté.
Nous entrevoyons là des susceptibilités, des querelles de
préséance qui ne sont pas tout à fait mortes, et (jui ont
chance de vivre aussi longtemps qu'il y aura des hommes.
Le concours des Antiquités de la France est 1 un des
plus importants, Messieurs, de ceux sur lesquels vous avez
à statuer. Plusieurs ouvrages y ont été présentés, et il n'en
est pas un qui n'ait ses mérites; seuls, pourtant, deux ont
été retenus par votre commission. M. de Saint-Venant a
travaillé plus de vingt ans au Dictionnaire topographique ^
historique, biographique, généalogique et héraldique du
Vendômois et de l'arrondissement de Vendôme, en quatre
volumes, pour lequel il sollicitait 1 une de vos récom-
penses. C'est un répei^toire précieux de tout ce qui peut
intéresser, dans une région déterminée, la simple curiosité
et même la science. Rien d'essentiel n'v est omis; on v
trouve, disposés dans l'ordre alphabétique, des milliers de
renseignements sur les familles et leur histoire, sur l'art de
la contrée, dans toutes ses manifestations, sur sa topogra-
phie étudiée avec un soin minutieux, et qui relève jusqu'aux
lieux-dits consignés dans les actes privés, le tout puisé aux
sources les plus sûres, scrupuleusement contrôlées. Qu'il
soit possible de signaler, dans cet inventaire, quelques
oublis ou un peu de sécheresse à côté de longueurs inu-
tiles, ce sont de légères imperfections auxquelles il fallait
s'attendre ; mais l'ensemble est tout à fait digne de la pre-
mière médaille que vous lui avez décernée. — Vous avez
attribué la seconde à M. labbé Mollat, pour le premier
volume de son édition des Vies des papes d'Avignon,
d'Etienne Baluze, et pour ÏElude critique qui en éclaire le
texte, deux ouvrages qui n'en font qu'un, et dont la sûre
méthode, en dépit de certaine erreur de composition, suffit
rait à elle seule k justifier la récompense dont vous les
avez honorés.
3<)(') SÉAiNCK l'LItl.loUK ANiNUliLl.K
Celle année, le prix Bordiu se Irouvail èlre réservé aux
Iravaux sur le Moyen Age ou la Renaissance. Une moilié
du pri\ a été donnée à M. André Blum, el l'aulre parla^ée
par tiers enlre MM. l'abbé Guéry, Lângfors et Parturier.
L'ouvrao-e de M. Blum. L^ estampe satirique en Finance
pendant les (juerres de religion, traite un joli sujet, et le
traite avec aisance, sans abus d'érudition, bien que l'auteur,
pour éclairer les orig-ines de la satire politique, croie devoir
remonter jusqu'aux É«^yptiens. Il montre le progrès delà
satire en imagée, d'abord innocente, puis combative, et
devenant une arme aux mains de qui sait s'en servir. Ce
livre contient d'intéressantes illustrations, auxquelles ne
saurait être indifférent un temps comme le nôtre, où les
revues, les journaux illustrés, les murs eux-mêmes, ont
souvent tant d'esprit. — M. l'abbé Guéry, en écrivant son
Histoire de V abbaye de Lyre, du diocèse d'Évreux, fondée
vers le milieu du xi" siècle, a fait preuve d'un zèle pour
l'étude des antiquités locales qui mérite d'être encouragé.
M. Arthur Lângfors a publié sous ce titre : Les incipit
des poèmes français antérieurs au A F/" siècle, un réper-
toire bibliographique pour lequel il a bénéficié de notes de
M. PaulMeyer et des conseils de M. Emile Picot, auxquels
d'ailleurs il ne ménage pas sa reconnaissance. — Enfin
M. Parturier, professeur au lycée Voltaire, s'est chargé
d'éditer pour la Société des textes français modernes la
Délie de Maurice Scève. Édition et commentaire consti-
tuent une importante contribution à l'histoire littéraire de
la Renaissance.
Pour le prix de La Grange, réservé à la publication du
texte d'un poème inédit des anciens poètes de la France,
ou au meilleur travail sur l'un de ces poèmes, aucun
ouvrage n'était présenté. Votre commission a été bien
inspirée en évoquant le premier volume de l'édition du
Roman de la Bose de M. Ernest Langlois et en lui attri-
buant le prix tout entier. Elle honorait par là, non seule-
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 397
ment un excellent travail, mais un professeur de cette
Université de Lille que nous avons la joie de voir libérée
de l'occupation allemande, devant laquelle elle a su o^arder
une si fière attitude.
Le prix biennal fondé par M"'^ veuve Duchalais, pour le
meilleur ouvrage concernant la numismatique du moyen
âge, n'a pas non plus trouvé de concurrents, et ici encore
vous avez évoqué une œuvre qui, modestement, se tenait
éloignée de vos concours ; c'est l'ensemble des études de
M. le comte de Castellane sur Vhis/oirc de la monnaie
française, depuis l'époque carolingienne jusqu'au XVI^
siècle. L'auteur a généreusement renoncé au prix qui lui
était accordé, en faveur des blessés ; vous en avez mis le
montant à la disposition de l'Institut pour l'hôpital qu'il
entretient dans l'hôtel Thiers. '
Si quelques concours ont été désertés, comme il était
naturel dans la longue crise dont à peine nous sortons, le
prix Brunet, qui se décerne tous les trois ans et qui a poin^
but d'encourager la bibliographie savante, a suscité des
travaux de grand mérite. La commission qui avait à le
juger l'a partagé entre trois concurrents, attribuant une
moitié à M. Henri Hauser, pour son ouvrage considérable
et si profondément utile sur les Sources de Vhistoire de
France, et faisant de l'autre deux parts inégales, la pre-
mière et la plus importante à M. Louis Loviot, auteur d'un
charmant livre, joliment présenté, qui est l'œuvre d'un
chercheur, et d'un chercheur qui trouve ; cet élégant
volume intitulé : Auteurs et livres anciens [XVI'' et XVII'^
siècles), est plein de découvertes intéressant notre histoire
littéraire ; je ne saurais mieux faire, faute de temps, que
de renvover à l'analvse qu'en a faite dans le Journal des
savants notre regretté confrère Emile Picot, sous le patro-
nage duquel ^L Loviot l'avait placé. Hélas ! ce jeune savant
vient de succomber inopinément à un mal qui ne pardonne
pas. — La seconde part est échue à M. Pierre Le Verdier,
H08 SÉANCK PL'KLIQL'I': ANNUELLIi
[)our sdii curieux ouvrag'e qui a pour titre : L'u/elier de
(Jnilliuinic I.c TaUour, premier imprimeur roiiennais.
Messieurs, vos donateurs ont quehjuefois exprimé leurs
intentions de la fac^'on la plus précise relativement aux tra-
vaux dont ils souhaitaient que notre France fût l'objet ;
ils ont voulu, par un patriotisme local ([ui n'exclut pas,
loin de là, celui qu'inspire la grande patrie, que telle pro-
vince, telle ville, devînt, sous votre contrôle, un sujet per-
manent d'étude. Comment, au preniier rang de ces spécia-
listes de la générosité, ne pas nommer Auguste Prost, ce
Lorrain de Metz, de Metz redevènue française, qui a fondé
chez nous un prix annuel à décerner à Vauteur français du
meilleur travail sur sa ville natale et les pays voisins?
\'ous avez attribué ce prix à M. Germain de Maidy, pour
une série de mémoires sur l'histoire et l'archéologie de la
Lorraine, dont plusieurs ont été rédigés à Nancy en 1917,
sous les obus allemands, attestant le sang-froid de la
science dans les circonstances les plus tragiques.
C'est Paris qu'a en vue le prix quinquennal Jean-
Jacques Berger, et le montant en est si considérable qu'il
vous arrive rarement de le décerner à un seul ouvrage.
Vous l'avez réparti entre huit concurrents : le D"" Wickers-
heimer, pour ses Commentaires de la Faculté de médecine
de r Université de Paris; M. Coyecque, pour son Recueil
d'actes notariés relatifs à f histoire de Paris au XV I^ siècle;
M. Vidier, pour son livre sur les Marguilliers laïcs de
Notre-Dame; M. Léon Dorez, pour son livre intitulé : La
Faculté de Décret de l'Université de Paris au XV^ siècle ;
M. l'abbé Clerval, pour sa publication des Registres des
procès-verbaux de la Faculté de Théologie de Paris,'
M. Paul Lacombe, pour ses Anciens livrets des rues de
Paris imprimés aux XV^ et XVP siècles; M. Léon
Lecestre, pour la Notice sur V Arsenal royal de Paris jus-
qu'à la mort d' Henri FV, œuvre de M. Paul Lecestre, son
fils, tué à l'ennemi ; M. Camille Bernard, pour sa Bestitu-
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 399
tion des Thermes de Lutèce. Tous ces travaux n'ont pas la
même valeur ; il en est où la critique trouve à s'exercer ;
d'autres sont d'importants apports à l'histoire parisienne,
ou satisfont la curiosité de l'antiquaire qui recherche avi-
dement dans le Paris moderne les traces ou, tout au moins.
les souvenirs d'un lointain passé.
J'en aurai lîni, Messieurs, avec les travaux ou l'activité
scientifique concernant spécialement la France, quand
j'aurai sig-nalé l'attribution de deux médailles lUanchet,
l'une à M. Gouvet, conservateur du Musée, de Sousse, —
n'est-ce pas la France encore ? — qui porte un vif et intel-
lig-eht intérêt aux antiquités de cette ville et mérite les plus
grands éloges pour la manière dont il a organisé le Musée
municipal ; l'autre à M'"" de Chabannes de La Palice, pour
les fouilles pratiquées dans sa propriété d'Utique et pour le
musée, libéralement ouvert au public, qu'elle a formé des
objets qui y ont été découverts.
Certains de vos concours offrent un champ plus vaste et
plus varié à l'investigation : tels sont le concours pour le
prix décennal Le Fèvre-Deumier et le concours Louis
Fould, dont le prix est décerné tous les deux ans.
Le premier fait appel aux travailleurs qui s'occupent de
mythologies, de philosophies ou de religions comparées ;
il suppose des connaissances étendues, une maturité, une
clairvoyance qui se rencontrent rarement. Aucun ouvrage
n'ayant été présenté, votre commission a porté son atten-
tion sur ceux qui lui semblaient se rapprocher le plus des
intentions du donateur, et, sans décerner le prix, elle a
prélevé, sur l'importante somme qu'il représente, trois
récompenses. La première a été attribuée à M. Puech, profes-
seuràla Sorbonne, pour son livre sur les Apologistes grecs du
11^ siècle de notre ère, livre passionnant, et que M. Puech
a rendu plus attachant encore par la connaissance profonde
qu'il a de ce sujet délicat entre tous, par la haute impar-
100 SÉANr.K PURLIOUK ANNUEI.LF,
tialité avec hujuelle il létudie sous ses divers aspects et par
le talent d'exposition dont il a paré son savoir judicieux.
— La deuxième récompense, ég-ale à la première, a été
décernée à M. René Dussaud, depuis longtemps connu
pour ses études fragmentaires sur les plus anciennes reli-
o^ions, études poursuivies avec ardeur jusqu'à ces dernières
années, et de lintérôl desquelles peut donner ime idée
l'important chapitre Cultes et mythes de son livre intitulé :
Les civilisations prchelléniques^ réédité, après une revi-
sion consciencieuse, au commencement de 1914. — \/,\
troisième, enfin, est allée à l'ouvrage si savant, et d'un
profit si incontestable povir l'histoire, de M. Picavet : Essai
sur l histoire générale et comparée des philosophies et théo-
logies (lu moyen âge.
L'art, Messieurs, a toujours tenu dans vos préoccupa-
tions une grande place, du moins l'art envisagé dans son
développement historique. C'est l'objet du prix Fould d'en-
courager ceux qui le considèrent de ce point de vue. Vous
avez inégalement partagé ce prix entre M. Gabriel Millet
et M. Louis Bréhier.
Le livre du premier, Recherches sur l'iconographie de
V Évangile aux XIV^^ XV^ et XVI'' siècles, n'est pas sans
soulever un certain nombre de critiques, principalement
en ce qui touche à la méthode : mais il a coûté à M. Millet
vingt-cinq années de travail, contient plus de 800 pages
et près de 700 illustrations, la plupart inédites, et il est du
plus haut intérêt pour la connaissance de l'art bvzantin.
que l'auteur a méticuleusement étudié durant son séjour à
l'Ecole d'Athènes, et dans de fructueuses explorations au
mont Athos, en Macédoine, et sur cette colline de Mistra
où les restes de la cité de Villehardouin apparaissent, le
matin, comme un délicat chef-d'œuvre d'ivoire, que teintent
de rose les premiers feux de l'aurore jaillissant des som-
mets du Parnon.
Moins spécial est l'ouvrage de M. Bréhier : L'art chré-
SÉANCE PUnLIQL'E ANNUELLE 401
tien, son développement iconographir/ue des origines à nos
jours. Ce titre dit clairement l'ambition de l'auteur ; le
monde entier est son domaine, l'Occident aussi bien que
rOrient, et toutes les époques, et toutes les formes de la
pensée chrétienne dans l'art. La matière est immense; on
admire l'aisance avec laquelle il en porte le poids. Vers la
fin, cependant, il paraît fléchir un peu, ou, plus exactement,
c'est le lecteur qui fléchit, lég^èrement déconcerté. La faute
en est peut-être à ces termes d'iconographie, d'icône, qui
impliquent, semble-t-il, une certaine innocence dans
l'œuvre et chez l'artiste qui l'a créée. Or on ne voit pas
cette innocence dans le Jugement dernier, — et M. Bré-
hier en convient, — et beaucoup plus tard on l'aperçoit
moins encore dans les compositions, aux violents con-
trastes, de M. Jean Béraud ; mais le livre est ao:réable à
lire, luxueusement illustré et plein de vues intéressantes;
c'est un très beau livre.
Vous avez aussi des récompenses pour les travaux sur
l'antiquité classique, et pour ceux qui se rapportent à
l'Afrique ou à l'Extrême-Orient. M. Pierre Roussel, ancien
membre de l'École d'Athènes, qui a obtenu le prix biennal
Delalande-Guérineau, vous avait adressé une bonne étude
sur Délos colonie athénienne. Il est un de ceux qui ont con-
tribué à défricher cet inépuisable champ de fouille où notre
confrère M. Homolle dirigeait en 1877 les premières
recherches méthodiques, et qui, depuis plus dé quarante
ans, sert d'école d'application à la plupart de nos jeunes
archéologues. Le solide travail qu'il en a rapporté, et
qu'il doit, certes, à ses qualités propres, mais aussi à l'in-
fluence de l'admirable maître qui l'a formé. M. Maurice
Holleaux, est l'un des meilleurs chapitres, écrits en France,
de l'histoire de la période hellénistique.
Pour ce qui est de l'Afrique, M. Clément Huart présen-
tait la suite de sa traduction du manuscrit arabe intitulé :
102 SÉANCE PURLIQUK ANNUKLLE
Le Livre de lu Création. Vous lui avez attribué une partie
du prix Saintour. — M. Biaruey a reçu l'autre pour ses
Etudes sur les dialectes berbères du Rif. Vous attachez
avec raison une grande importance à l'activité scientifique
que provoque le continent africain. La France ne saurait
se désintéresser des ouvrages qui vont prendre là leur ins-
piration et leurs sources.
De même, l'Extrême-Orient n"a point été absent de vos
concours. Le prix Stanislas Julien, destiné au meilleur
ouvrage relatif à la Chine, est allé à l'utile travail du R.
P. Tobar : Résumé des affaires religieuses, publié [)ar ordre
de S. Exe. Tcheou-Fou. Traduction, commentaire et docu-
ments diplomatiques. L'auteur, par malheur, n'a pvi con-
naître votre décision, sa mort, en Chine, en ayant devancé
la nouvelle.
Tels sont, Messieurs, les résultats de vos concours. Mais
à côté d'eux, notre Académie est dotée de fondations qui
lui permettent d'aider de résolus chercheurs dans les explo-
rations qu'ils entreprennent en lointain paj^s, ou pour des
fouilles qu'ils espèrent heureuses. C'est ainsi qu'une partie
de la fondation Garnier a été par vous alfectée aux frais
du vovage de M. Bonnel de Mézières dans le Nord-Ouest
de l'Afrique, et qu'une autre somme prélevée sur le même
fonds facilite à M. Aurousseau ses recherches en Mand-
chourie.
Grâce à la Fondation Piot, vous continuez de seconder
efficacement les fouilles du R. P. Delattre à Carthage, et
celles de M. le D"" Carton à BuUa Reoia. La même source
alimente, depuis 1915, les fouilles que notre correspondant
M. Pierre raris poursuit au hameau de Bolonia, dans la
province de Cadix, avec un zèle récompensé déjà par d'in-
téressantes trouvailles, et elle favorise la formation d'une
collection de clichés, d'aquarelles et de dessins entreprise
par le Service archéologique de notre armée d'Orient, fidèle
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 403
aux traditions de la campagne d'Eg-ypte et de l'expédition
de Morée.
Il est de ces donations qui ont un caractère un peu 'dif-
férent, celle, par exemple, que nous devons à l'inlassable
pfénérosité de notre confrère M. le duc de Loubat, qui met
à votre disposition une rente annuelle de G. 000 francs,
pour venir en aide à des savants momentanément arrêtés
dans leurs travaux par le manque de ressources ou par la
maladie. Vous avez fait dune partie de cette somme le
plus judicieux emploi.
D'autres, comme la fondation Thorlet, sont conçues dans
un esprit de libérale bienfaisance qui s'en remet à vous
pour la distribution de prix de toute espèce. Sur la part qui
vous revient de la rente Thorlet, léguée à tout l'Institut,
vous avez pu octroyer une somme relativement considé-
rable à M. le colonel Lamouche, pour l'aider à reconstituer
sa bibliothèque, composée en majeure partie d'ouvrages
concernant les pays et les peuples de la péninsule des
Balkans, et qui avait été incendiée lors du raid d'avions
allemands du 12 avril 1918. — Grâce au même fonds,
vous avez accordé une modeste subvention à M. Dupont,
juge au tribunal civil de Saint-Malo, pour ses recherches
sur le lieu d'origine de chacun des compagnons d'armes de
Guillaume le Conquérant, et une autre^ de la même valeur,
à M. l'abbé Daugé, curé de Duhort-Bachen (Landes), pour
ses travaux sur le folk-lore et le dialecte de son pays.
La Fondation Pellechet mérite enfin notre gratitude pour
le souci qu'elle prend, non des personnes, mais des vieux
monuments de la France, non classés parmi les monuments
historiques. Vous avez agi dans le sens de cette louable
intention en accordant à la commune de Maillot, près de
Sens, une somme assez importante pour la réparation de
son église, dont l'ancienneté et le délabrement ne pouvaient
vous laisser insensibles, et une autre, plus modique, au
40i SÉANCE PIBLIQLE ANNL'KLLK
Syndical d'initiative de Laroquebrou (Cantal), pour la con-
solidation de la l(Uir du château, qui menace ruine.
Il me reste, Messieurs, à vous dire quel({ues mots de nos
grandes missions permanentes à l'étran^j^er, si chères à
.votre sollicitude, et dont l'activité s'est trouvée, vous le
savez, nécessairement ralentie depuis quatre ans, du fait
de la guerre. Elles ont vécu pourtant, elles ont travaillé
sans perdre de vue leur but ni le devoir de maintenir tou-
jours à la même hauteur le renom de la science Irançaise.
L'École d'Athènes, sous l'active direction de M. Gustave
Fouarères, a continué, à côté d'un constant et heureux
eifort, dont nous lui sommes reconnaissants, pour entrete-
nir en Grèce les sympathies à l'égard de la France, la
publication de son Bulletin. Le dernier fascicule contient
des rflémoires d'une érudition éprouvée, notamment de
M. Paris, sur les établissements maritimes de Délos, de
M. Plassart, sur tout un quartier d'habitations privées,
dégagé dans l'île sainte, grâce à la libéralité de M. le duc
de Loubat, de M. Dugas, sur une tête d'Héraclès du Musée
de Tégée. Le rapport annuel du directeur de l'Ecole ne vous
est parvenu qu'au dernier moment, sans qu'il y ait dans
ce retard de la faute de M. Fougères ; je ne puis donc
entrer dans le détail. Mais M. Fougères lui-même vous a
communiqué oralement, il y a peu de jours, les résultats
des recherches topographiques poursuivies à Délos par
M. Replat, architecte de l'Ecole d'Athènes : reconstitution
du tracé complet du mur de défense improvisé par le légat
romain Triarius, après l'incursion du chef pirate Athénodo-
ros, en l'an 69 avant notre ère, pour préserver la ville et le
sanctuaire d'Apollon de nouveaux pillages ; identification
certaine de l'hippodrome et relevé de son aménagement,
contredisant l'opinion admise, qu'un hippodrome hellénique
se réduisait à une piste naturelle, dépourvue de construc-
tions, tels sont les principaux points acquis à la science
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE iOo
par la clairvoyance lechni(|ue de M. Replat. Ce ne sont
pas là des résultats négligeables. Vienne la paix, l'Ecole
fera beaucoup plus; elle n'est à court ni de projets ni d'ar-
deur pour les réaliser.
L'Ecole de Rome, dirigée par notçe éminent et cher
confrère Mgr Duchesne, n"a pas eu moins à souffrir des
circonstances. Comme la Villa Médicis, où un autre de
nos confrères, M. Albert Besnard, voit les admirables jar-
dins de l'Académie de France si déserts qu'il s'est mis lui-
même à les animer de sa présence et, pour la joie de nos
veux, à en reproduire par l'aquarelle les coins les plus
exquis, le Palais Farnèse n'a qu'un petit nombre d hôtes ;
encore cette expression est-elle ambitieuse, le nombre se
réduit à deux, deux membres de première année, privés
pour raison de santé de l'honneur de servir. Ils s en con-
solent en travaillant beaucoup. Etant en première année,
ils n ont point encore remis de mémoire, mais lun d'eux,
M. Marchesné, ancien élève de l'Ecole des Chartes, a déjà
terminé son étude des Registres du pape Martin IV. Il s'oc-
cupe maintenant d'archéologie médiévale, appliquant sa
faculté d'observation aux chancels et aux enceintes cho-
rales de Rome et de la région romaine. M. Jean Bayet,
ancien élève de l'Ecole Normale, a pris pour sujet de
mémoire le culte d'Hercule et les légendes relatives à ce
héros en Italie. Entre temps, l'Ecole n'oublie pas ses
Mélanges, malgré tous les obstacles, et de toute prove-
nance, qui en rendent la publication difficile, et le direc-
teur trouve les crédits nécessaires pour faire imprimer les
thèses des anciens membres qui aspirent au grade de doc-
teur.
A Hanoï, comme vous l'écrivait au mois d'avril M. Finot,
directeur par intérim de l'Ecole d'Extrême-Orient, l'activité
a été de même ralentie, mais non interrompue. La pénurie
de personnel a réduit le nombre et l'importance des tra-
vaux, et rendu presque impossibles les tournées d'inspec-
406 SEANCfi l'inLtQUË anNlRllë
tion indispensables pour assurer contre les déprédations cîef>
indif^ènes les monuments dont l'Ecole a la surveillance.
On n'est pas, cependant, demeuré oisif. M. Parmentier a
fait des recherches intéressantes dans les tombeaux chinois
de l'époque des six dynasties, récemment découverts au
Tonkin. M. Marchai, avec une grande habileté technique,
a conduit, à Angkor, de délicates opérations de dégage-
ment ou de réfection. L'Ecole a trouvé des collaborateurs
bénévoles, tantôt pour des découvertes archéologiques,
tantôt pour la création d'une bibliothèque ou l'enrichisse-
ment du musée. Ces sympathies sont précieuses ; elles
prouvent que, chaque jour, religieux et laïques, autour
d'elle, comprennent mieux son œuvre et apprécient mieux
ses eiîorts. Les publications, là non plus, n'ont pas été arrê-
tées ; le Bulletin n'a pas cessé de paraître, et l'on est prêt
pour le labeur habituel, intensihé, élargi, dès qu'on en aura
la possibilité.
L'usage veut, Messieurs, que dans cette séance nous
disions un dernier adieu à nos morts. J'ai déjà rendu hom-
mage devant vous et, pour trois d'entre eux, à deux
reprises, aux confrères qui nous ont quittés. Je serai donc
bref; ne mesurez pas à la réserve de ma parole la profon-
deur de mes regrets, qui sont les vôtres. Vous savez tous
qvielle perte nous avons faite en M. Ghavannes, qui est
parti le premier. Son confrère et ami M. Henri Cordier a
tracé de lui comme homme — on ne pouvait chez lui négli-
ger l'homme, d'un si délicieux commerce — mais surtout
comme savant, le portrait le plus compétent et le plus
vrai. 11 en ressort avec évidence qu'il était, pour l'étendue
et la précision de sa science, et pour la largeur de ses vues,
le premier sinologue du monde. Et de là l'impulsion qu'il
a donnée chez nous aux études sinologiques, les missions
que, de loin, il a dirigées, et les regrets amers, à la nou-
velle de sa mort, d'une jeunesse d'élite qui le considérait
SÉAiNCE PCnLlQUE ANXUELLÉ 407
à la fois comme un chef et comme le plus dévoué, le plus
sûr (les amis. Mais son biographe a très bien vu que s'il
tenait cette supériorité de sa vive intelligence, de sa
volonté tenace et de sa haute moralité, il la tenait aussi pour
une g-rande part d'une source plus lointaine, je veux dire
sa forte culture générale. Il fut un spécialiste, jugeant à
leur valeur les peuples, les littératures, les arts, les civilisa-
tions, ne les ravalant ni ne les exaltant au delà du juste,
parce qu'un solide fonds d'humanités avait mis en lui ce
clair regard intérieur, cette lumière qui vous suit au cours
de la vie, et qui ne trompe pas. Aussi pour des travaux
qui n'étaient point son domaine ne le consultait-on jamais
sans profit. 11 ne sera pas remplacé parmi nous.
M. Emile Picot nous était précieux pour son immense
savoir. 11 avait fait de la bibliographie ce qu'elle doit être,
un auxiliaire nécessaire et incomparable de 1 histoire. Mais
son esprit allait bien au delà du catalogue. Il avait publié
dans ces dernières années, en deux volumes, un curieux
travail, auquel il avait donné pour titre : Les Français ita-
lianisants au XV" siècle, et dans ce répertoire on fait des
découvertes imprévues ; on constate que tel auteur qui
honore par ses écrits notre langue, a écrit aussi, et surtout
versifié en italien, tant était grand alors, chez nous, le
prestige de la pensée et de la forme italiennes. Voilà de ces
conclusions qui éclairent soudain les mœurs et les goûts
littéraires d'une époque, et auxquelles on n'arrive qu'à
force de patience. M. Picot aimait la recherche, et il la
pratiquait avec bonheur. Sa méthode de travail et les buts
mêmes qu'il poursuivait le conduisaient naturellement aux
détails et aux raretés intellectuelles des temps qu'il con-
naissait le mieux ; mais il savait, à l'occasion, s'élever au-
dessus de la poussière des faits, et mettre en belle lumière
les conséquences d'une portée inattendue qui se dégagent
de fiches admirablement classées. Sa bonté égalait sa
science. Nombreux sont ceux qu'il obligea; loin de garder
'lOS SlùAMifc; PLIil.loi i; ANM KLLIi:
pour lui le trésor d iuforniations quil avait amassé au
cours d'une lony^ue vie de curiosité laborieuse, il l'ouvrait
généreusement à tous ceux qu'il savait devoir en profiter
pour leurs propres travaux, honorant par là ce beau nom de
savant (ju'il méritait si bien, et que ne lui marchandera pas
la postérité reconnaissante.
Nous avons encore perdu deux de nos correspondants
nationaux, MM. Charles Bayetet Emile Guimet. M. Bayet,
vous le savez, s'était occupé d'histoire byzantine, et il
aurait sans doute beaucoup et utilement produit dans ce
domaine, sans les circonstances qui lui firent de bonne
heure accepter d'absorbantes fonctions administratives.
C était un haut esprit et, en dépit des apparences, un sen-
timental. La dernière fois que je le rencontrai, il revenait
de Salonique, où il avait sollicité, à soixante-six ans, un
service d'état-major, et ne souhaitait qu'une chose, retour-
ner à Pont-à-Mousson. près de la tombe d'un de ses fils^,
frappé mortellement presque sous ses yeux, dans les pre-
miers mois de la g-uerre. Mais il avait rapporté d'Orient le
g-erme du mal qui devait le terrasser. 11 est mort à Toulon,
le 16 septembre, des suites d'une opération jugée inévi-
table. L'escorte de lieutenant à laquelle il avait droit lui
rendit les honneurs ; derrière le cercueil recouvert du dra-
peau tricolore, quelques amis s étaient groupés, au nombre
desquels était un ancien compagnon de sa jeunesse, notre
confrère M. Jean Aicard.
Je n'ai pas à rappeler longuement ici la brillante carrière
de AL Guimet, les dons variés de son intelligence, son goût
pour les arts, particulièrement pour la musique, qu'il cul-
tiva en mélomane éclairé et en compositeur, ses théories
sociales, si heureusement adaptées à la grande industrie
qu'il dirigeait. Ce sont là choses connues de vous, Mes-
sieurs. Et ce qui ne Test pas moins, ce sont ses voyages
en Orient et en Extrême-Orient, les riches collections qu'il
en rapporta, les musées qu'il fonda, à Lyon d'abord, puis
SÉANCE PltiLIQl Ë ÀNNUËLLfc: 409
à Paris et dans d autres villes de France. 11 voulut être et
il lut le promoteur d'un vif mouvement de curiosité à
légard des vieilles religions orientales, dont il conlril)ua
plus que personne à répandre chez nous, par tous les
moyens, la connaissance. C'est là surtout ce qui le rattache
à notre Académie, et ce qui lui valut ce titre de corres-
pondant dont il était fier. En lui nous avons perdu un
bienfaiteur de la science, duquel nous conserverons pieu-
sement le souvenir.
De l'esquisse que j ai tracée de votre activité durant
année de ijuerre. dont les angoisses s'évanouissent, se
résolvent dans le nuage d'or de la Victoire, il résulte, Mes-
sieurs, que, malg-ié toutes les difficultés rencontrées en
chemin, vous avez utilement travaillé poin- la France.
C'était justice, car ce que vous faites lui est beaucoup
moins indifférent que ne l'imagine le vulg-aire. Elle a lon-
guement et cruellement souffert, et maintenant elle dresse
la tête et scrute lavenir, où elle voit de tous côtés les
x'e'g'ards fixés sur elle, comme si d elle le monde attendait
la lumière, une lumière égale à l'éclat de ses armes. Elle
doit être en état de remplir cette grande attente. Vous l'y
aiderez par vos initiatives et par celles que vous susciterez
autour de vous. Elle ne vit pas, en effet, seulement de
pain, elle vit encore de vérité, d'idées ; elle vit du respect
et de la gloire ([in lui en viennent, et c'est là. peut-être,
la parure qu'elle préfère, celle qu'elle a toujours recher-
chée et dont elle s'est ornée aux plus beaux jours de son
histoire, celle à laquelle elle doit son rayonnement à tra-
v'ers la terre habitée. Plusieurs des sciences que vovis
cultivez ont eu dans ce rayonnement leur part. Mais elle
veut plus aujourd'hui : elle veut que tous ceux qui le
peuvent se dévouent à son prestige, et elle le mérite pour
son courage et pour sa foi inébranlable en son destin.
Je ne puis, en terminant, résister au désir de placer
191« 28
lin SEANCt n iii.ivn: ANMtLLi';
sous vos yeux un portrait d'elle, tracé d'une plume alerte
el originale, il y a deux ans et plus, lors de nos grandes
épreuves, mais qui reste vrai, el (jui le sera toujours.
L'écrivain anonyme qui en est l'auteur voit la France lui
apparaître sous des traits humains, que ne g-àte aucun
attribut allégorique. La beauté de son visage est mûre,
mais sa grâce et le charme de son regard la sauvent des
atteintes du temps.
<* Elle m'a, dit son peintre, montré du doigt en souriant
l'année d'épreuve ({ui s'achève, puis l'année de gloire qui
vient. Et j'ai bien vu qu'elle avait un faible pour l'année
la plus douloureuse, la plus laborieuse; car elle est ainsi,
les autres ne la comprendront jamais : elle aime la lutte et
l'ellort, elle ne plaint pas sa peine, elle est celle pour qui
ce n'est pas un châtiment de gagner son pain à la sueur
de son front, ni de défendre son droit au prix de son sang.
« Elle m'a parlé. Elle m'a dit qu'elle était tière de com-
battre pour les petits, pour les opprimés, pour l'Idée. Elle
m'a dit qu'elle avait la Foi, ({ui est vraiment une vertu; la
bonne humeur qui est aussi une vertu; la patience...
« Mais, a-t-elle ajouté modestement, ce n'est pas un mérite,
puisque j'ai aussi l'éternité. »
« Elle m'a dit enfin :
« N'est-ce pas que je suis digne d'être aimée? C'est le
« péché de mon cœur trop tendre, et dont nos ennemis se
« moquent : je veux qu'on m'aime, je veux qu'on m'aime,
« jusqu'à la passion et jusqu'à la mort ! »
Je ne vous dirai pas le nom, Messieurs, de la feuille
légère qui a reproduit ce médaillon d'un moderne Théo-
phraste ; il est rarement prononcé sous cette coupole, car
c'est une feuille légère, on ne peut le nier, ce qui prouve
qu'en tout lieu, pendant cette guerre, on a pensé et senti
juste, avec une émotion communicative qui n'est le propre
d'aucune école. Est-il chose plus belle que cette union
SKANCE i'LIJLiylE ANNLt:LLË- il 1
sacrée îles talents, comme des cœurs, en faveur de la
France, de notre chère France?
11. JUGEMENT DES CONCOURS
PRIX ORDINAIRE OU DU BUDGET (2.000 fr.)
I/Académie avait proposé, pour l'année 1918, le sujet suivant :
Élude grammaticale sur une des Umcfues nouvellement découvertes
de l'Asie centrale.
Aucun mémoire n'ayant été adressé sur le sujet proposé, le prix
n'a pas été décerné.
ANTIQUITÉS DE LA FRANCE
La commission des Antiquités a attribué ;
La f» médaille (1.500 fr.) à M, R. de Saint-Venant pour son Dic-
tionnaire topographique, historique, biographique, généalogique et
héraldique du Vendàmois;
La 2« médaille (1.000 fr.) à M. G. Mollat pour son Etude critique
sur les « Vitœ paparum Avenionensium » d'Etienne Baluze.
PRIX de numismatique veuve duchalais (i.OOO fr.)
La commission du prix Duchalais a décerné le prix à M. le comte
D Castei.lane pour ses Mélanges de numismatique du moyen âge.
prix fondés PAR LE BARON GOBERT (10.000 fr.'
pour le travail le plus savant et le plus profond sur l'histoire
de France et les études qui .s'?/ rattachent.
L'Académie a décerné le premier prix à M. Jules Viard, conser.
valeur adjoint aux Archives nationales, pour son livre intitulé : Les
Journaux du Trésor de Charles IV ;
Le second prix à M. le baron Le Barrois d'Obgeval, pour son
ouvrage intitulé: Le Tribunal de la Connélablie de France du
A7V'« siècle à 1790.
1 1 :2 sÉÀN c k (» L R L 1 o i i-; A ms L tLL t;
PUIX BORDIN (i^.UOOlV.)
Sur le monlanl ilti pi-lx Bokdin, réservé cette aimée au moyen âge
et à la Renaissaucc, rAcadéiiiie a attribué les récompenses sui-
vantes :
1» 1.500 francs à M. André Blum, pour L'Estampe satirique en
France pendant les guerres de reliyion ;
2° 300 francs à M. l'abbé Cli. Guéry, pour son Histoire de l abbaye
de Lyre ;
3" 500 francs à M. A. Langfors, .pour Les Incipil des poèmes
français antérieurs au A'V/e siècle ;
4° 500 francs à M. E. Partuhieh, pour Délie, object de la plus haulle
nertu {par Maurice Scève), édition critique.
PRIX LOUIS FOULD (5.000 fl'.)
Ce prix biennal a été partagé de la façon suivante :
1° .3.000 francs à M. G. Millet pour ses Recherches sur Vicono-
(/raphiede r Évangile aux .Y/F", XV' et A'V/« siècles, d'après les mo-
numents de Mistra, de la Macédoine et du mont Athos ;
2" 2.000 francs à M. Louis Bréhier, pour L'Art chrétien ; son
iléceloppement iconographique, des origines à nos Jours.
PRIX BRUNET (3.000 fr.)
Ce prix triennal, destiné au meilleur ouvrage de bibliographie sa-
vante publié en France, a été partagé de la façon suivante :
l» 1.500 francs à M. Henri Hauser, pour Les Sources de l'histoire
de France au XVI'^ siècle {U9i-1610) ;
2» 1.000 francs à M. Loviot pour son ouvrage intitulé : Auteurs et
livres anciens {XVI' et XVII' siècles) ;
30500 francs à M. P. Le Verdier, pour L'Atelier de Guillaume Le
Talleur, premier imprimeur rouennais.
prix STANISLAS JULIEN (1.500fr.)
La commission du prix Stanislas Julien a décerné le prix à M. J.
ToBAR, pour son ouvrage intitulé : La Chine et les religions étran-
gères, Kiao-ou-Ki-lio « Résumé des affaires religieuses ». Traduction
et commentaire.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 413
PRIX DELACANDE-GUÉRFNEAU (i .000 fl'.)
Ce prix biennal, réservé cette année à l'antiquité classique, a été
décerné à M, P. Roussel, pour son 'ouvrage intitulé : Délos colonie
athénienne.
PnrX OF. I,A GRANGE fi .000 fr.)
La commission du prix de La Grange a décerné le prix à M. Ernest
Langlois, pour son édition du Roman de lu Rose, t. 1*''.
PRIX SAiNTOUR (.3.000 rr.)
Le prix Saintour, réservé, cette année, à l'Orient, a été partagé de
la façon suivante :
1° 2.000 francs à M. Cl. Huart, pour sa traduction du manuscrit
arabe : Le Livre de la création et de Vhisloire de Motahhar ben Tnhir
El-Maqdisi, t. V ;
2° 1.000 francs à M. S. Biarnay, pour son Etude sur les dialectes
berbères du Rif.
PRIX .i.-j. berger (15.000 fr.)
pour les œuvres les plus méritantes concernant
la Ville de Paris.
La commission a décerné les récompenses suivantes :
1° 4.000 francs au D'" E. Wickersheimer, pour ses Commentaires
de la Faculté de Médecine de V Université de Paris ;
2° 3.000 francs à M. E. Coyecque, pour son Recueil d'actes notariés
relatifs à V histoire de Paris au XVP siècle;
3° 3.000 francs à M. Vidier, pour son ouvrage intitulé : Les Mar-
fjuilliers laïcs de Notre-Dame de Paris ;
4° 2.000 francs à M. L. Dorez, pour son ouvrage sur La Faculté de
décret à r Université de Paris au XV^ siècle;
5° 1.000 francs à M. l'abbé Ci.erval, pour le Registre des procès-
verbaux de la Faculté de théologie de Paris ;
6" 1.000 francs à M. P. Lacombe, pour son ouvrage : Anciens livrets
des rues de Paris imprimés aux XV^ et XVI' siècles;
1° 500 francs à l'ouvrage de M. Paul Lecestre, tué à l'ennemi :
Notice sur l'Arsenal royal de Paris Jusqu'à la mort d'Henri IV ;
8° oOO francs à M. Camille Bernard, pour sa Restitution des
Thermes d,e Lutèce.
41 i SÉANCK PUBI.IQUK AiNNUKLLK
1MU\ (-..VlilUEl, -AUGUSTE PHOSl' (1.200 ff.)
La commission du prix Auguste Pkost, destiné à récompenser les
travaux historiques sur Metz et les pays voisins, a décerné le prix à
M. Germain de Maidy, archéologue lorrain, pour ses éludes publiées
en 1917 et pour l'ensemble de ses travaux. • >
PRIX LEFÈVRE-DEUMIER (20.000 fr.)
Ce prix décennal, en faveur de louvrage le plus remarquable sur
les mythologies, philosophies et religions comparées, n'a pas été
décerné. L'Académie a attribué sui- les arrérages les récompenses
suivantes :
l" 3.000 francs à M. L. Puech, pour son livre sur Les Apologistes
chiétiens du second siècle;
2° 3.000 francs à M. Dussaud, pour l'ensemble de ses ouvrages sur
les religions parus depuis dix ans ;
;{" 2.000 francs à M. Picavet, pour son Essai sur l'histoire (/énérale
et comparée des philosophies et théologies du moyen âge,
PRIX DE numismatique ORIENTALE (1.200 fr.)
Aucun ouvrage n'ayant été déposé, le prix quadriennal fondé par
M. Edmond Drouin n'a pas été décerné.
PRIX HENRI LANTOINE (500 fr.)
Aucun ouvrage n'ayant été présenté pour le prix fondé par
M"'' Lantoine, en mémoire de son frère Henri Lantoine, sous forme
d'un prix une fois donné à Vauteur d'un travail sur Virgile, le
concours a été prorogé, pour la quatrième fois, à l'année 1919.
MÉDAILLE PAUL BLANCHET
L'Académie a décerné, cette année, deux de ces médailles, des-
tinées à récompenser des découvertes et des travaux sur l'Afrique
du Nord : l'une à M. Gouvei-, conservateur du Musée de Sousse
Tunisie) ; l'autre à M™'' la comtesse de Chabannes dk La Pai.ice .
PRIX TUORLET (4.000 fr.)
Les revenus de cette fondation doivent être employés par l'Institut
eu i)rixde toute espèce : prix de vertu, prix d'encouragement pour
SÉANCE PUBLIQUE ANNLKLLE 415
des œuvres sociales ou d'érudilion s'occupanl d"hisloire ou d'ail, vu
particulier de peinture. . .
L'Institut a mis à la disposilion de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres une somme de yv/a/remi/Zf /"'"a/ics, qui a été distribuée
en trois parts : un6 de troix mille fi-mirs et deux autres de cinq
ceiils francs chacune.
III. EMPLOI DES REVENUS DES FONDATIONS
FONDATION DE M. LE DUC DE LOUBAT (6.000 fr.)
L' Académie a appelé cette année quatre personnes au bénéfice de
cette fondation destinée soit à venir en aide aux savants momenta-
nément arrêtés dans leurs travaux par le manque de ressources ou
la maladie, soit à secourir leurs parents, etc.
FONDATION BENOIT GARNIER
L'Académie a accordé, sur les arréi'ages de la fondation, les sub-
ventions suivantes :
1» 10.000 francs à M. Bonnel de Mezières pour une nouvelle mis-
sion archéologique dans r.\frique du Nord-Ouest ;
2" 5.000 francs à M. L. Aurousseau, pour une mission archéolo-
gique en Mandchourie.
FONDATION PIOT
L'Académie a attribué, sur les arrérages de la fondation, les sub-
ventions suivantes :
4.000 francs à M. Paris, directeur de l'École des Hautes études
bispaniques, pour continuer ses fouilles à Bolonia (Espagne);
3.000 francs à M. le D"" Carton pour continuer ses fouilles de Bulla
Regia ;
2.000 francs au R. P. Delattre, pour achever les fouilles de la basi-
lifjue de Sainte-Monique, à Carthage ;
2.000 francs à M. Mendel, directeur du Service archéologique de
l'armée d'Orient, pour aider à constituer une collection de clichés
et de dessins des travaux effectués.
4 Kl SÉANCE PUBLIQUE ANNUKLLR
FONDATION AUGUSTE PEI.LF.CIIET
Sur la fondation, instituée pour assuror la conservation des mo-
numents non classés en France et aux colonies, l'Académie a
accordé :
3.000 francs à la commune de Maillot, près de'Sens (Yonne), pour
la réparation de son église ;
400 francs au Syndical d'initiative de Laroquebrou (Cantal), pour
la consolidation de la tour du château de Laroquebrou.
IV. DELIVRANCE DES DIPLOMES
o"aii(;mi\iste pai.éogh \pme
Eu exécution des prescriptions d'une lettre du Ministre de l'ins-
Iriiction publique en date du 2 février 1833, l'Académie déclare que
les élèves de l'Ecole des Chartes qui ont été nommés archivistex
paléographes par arrêté ministériel du 28 février 1918, conformé-
ment à la liste dressée par le Conseil de perfectionnement de cette
Ecole, sont par ordre de mérite :
1. M. Henri-Frédéric .Iassemin.
2. M. Vincent-Ernest Albert Fi iro.
El hors rang-, à titre étranger :
M. André Bovet.
ANNONCE DES CONCOURS
dont les termes expirent
EN 1H19, 1920, 1921, 1922 et 1923.
PRIX ORDIN Ul!i:
L'Académie rappelle qu'elle a proposé les ([uestions suivantes :
1° Pour l'année 1919 :
Les instilutions rnilitaires de la France, de la mort de Louis XI à
la fin des guerres d'Italie (15o9).
SÉANCE PUBLIOUF-; ANNUELLE 417
2° Pour l'année 1920, l'Académio, vu les circonstances, a décidé
que le prix serait attribué à la meilleure édition parue en France
d'un auteur grec nu latin.
L'Académie propose, en outre, pour l'année 1921, le sujet suivant:
Etude sur la phonétique chinoise.
Les livres ou les mémoires répondant à chacune de ces questions
devront être déposés au Secrétariat de l'Institut avant le 1" janvier
de l'année du concours *.
Chacnii de ces prix est de la valeur de deux mille francs.
ANTIQUITÉS DE I,A FRANCK
Trois médailles, de la valeur de quinze cents francs la ])reinière,
mille francs la deuxième, et cinq cents francs la troisième, seront
décernées en 1019 aux meilleurs ouvrasses manuscrits ou publiés dans
le cours des années 1917 et 1918 sur les Antiquités de la France, qui
auront été déposés, les imprimés en double exemplaire, au Secréta-
riat de l'Institut, avant le 1^' janvier 1919. — Les ouvrag-es de numis-
matique ne sont pas admis à ce concours.
Le concours est annuel.
MÉDAILLE ULYSSE CHEVALIER (500 fr.)
M. le chanoine Ulysse Chevalier, membre de l'Institut, a fait don à
l'Académio des inscriptions et belles-lettres d'une rente de cent
francs, dont les arrérages capitalisés serviront « à fonder une
médaille de cinq cents francs, qui sera attribuée tous les cinq ans
par la commission du concours des Antiquités de la France, à Tou-
vrafife le plus méritant sur l'histoire et l'archéologie du Dauphiné,
on, h défaut, de la Provence ».
La médaille Ulysse Chevalier sera décernée pour la première fois
en 1923.
PRIX FONDK PAI! IK RARON GOBERT (10.000 fr.)
Pour l'année 1919, l'Académie s'occupera, à dater du !•"■ janvier, de
l'examen des ouvrages qui auront paru depuis le !•''' janvier 191S et
f|ui pourront concourir aux prix annuels fondés par le baron Gobert.
En léguant à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la moitié
du capital provenant de tous ses biens, après l'acquittement des frais
I. Voir p. 4v^0 les conditions arénérales des concours.
418 SÉANCE PUIILIOIIR ANNUELLE
et des legs particuliers indiqués dans son loslamoal, lo fondateur a
demandé « que les neuf dixièmes de l'intérêt de cette moitié fussent
proposés en prix annuel pour lo trovail le plus savant ot le plus pro-
fond sur riiistoire de France et les éludes (jui s'y rattachent, et l'autre
dixième pour celui dont le mérite en approchera le plus ; déclarant
vouloir, en outre, que les auteurs des ouvrages couronnés continuent
à recevoir, chaque année, leur prix, jusqu'à ce qu'un ouvrage meilleur
le leur enlève, et ajoutant qu'il ne pourra être présenté à ce concours
que des ouvrages nouveaux ».
Tous les volumes d'un ouvrage en cours de publication, qui n'ont
point encore été présentés au prix Gobert, seront admis à concourir,
si le dernier volume remplit toutes les conditions exigées par le pro-
gramme du concours.
Sont admis à ce concours les ouvrages composés par des écrivains
étrangers à la France.
Sont exclus de ce concours les ouvrages des membres ordinaires
ou libres et des associés étrangers de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres.
« L'Académie rappelle aux concurrents que, pour répondre aux inten-
tions du baron Gobert, qui a voulu récompenser les ouvrages les
plus savants et les plus profonds sur l'histoire de France et les études
qui s'y rattachent, ils doivent choisir des sujets qui n'aient pas encore
été sulfisamment approfondis par la science. La haute récompense
instituée par le baron Gobert est réservée à ceux qui agrandissent
le domaine de la science en pénétrant dans des voies inexplorées.
Six exemplaires de chacun des ouvrages présentés à ce concours
devront être déposés au Secrétariat de l'Institut (délibération du 27
mars 1840) avant le 1" janvier 1919, et ne seront pas rendus.
Ce concours est annuel.
PRIX JEAN-JACQUES BERGER (15.000 fr.) ,
Le prix Jean-Jacques Berger, de la valeur de quinze mille francs,
h décerner successivement par les cinq Académies u à l'œuvre la
|)lus méritante concernant la Ville de Paris », sera attribi>é par l'Aca-
démie des inscriptions et belles-letti-es en 1923.
PRIX EMILE LE SENNE (2.000 fr.)
Ce prix, qui est biennal, a été fondé par M. et M™« Le Senne en
mémoire de leur fils, Emile Le Senne, tué à l'ennemi, pour encou-
rager en France les études historiques, archéologiques, artistiques.
SÉANCE PIIBLIOLE ANNUELLE 419
iconographiques, ivlatives exclusivemeul à la ville de Paris ou au
département de la Seine ; il sera décerné pour la première fois en
loiy.
Sont admis au concours les ouvrages édités et les manuscrits
encore à publier d'auteurs français, consacrés à des sujets antérieurs
il la période des cinquante dernières années qui précèdent le con-
cours.
Dépôt des ouvrages au Secrétariat de l'Institut avant le
1^'- janvier 1919.
PRIX DK LA l'ONS-MÉLICOCQ (1.800 fr.)
Vn prix triennal de dix-huit cents francs a été fondé par M. de La
Fons-Mélicocq, en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire et les
antiquités de la Picardie et de l'Ile-de-France (Paris non compris).
L'Académie décernera ce prix, s'il y a lieu, en 1920 ; elle choisira
entre les ouvrages manuscrits ou publiés en 1917, 1918 et 1919, (pii
lui auront été adressés, en double exemplaire s'ils sont imprimés,
avant le 1*^'" janvier 1 920.
PRIX GABRIEL-AUGUSTE PBOST fl .200 iV.'l
M. Gabriel-Auguste Prost, membre de la Société des Antiipiaires
de France, a légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres
une rente de douze cents francs, pour la fondation d'un prix annuel,
à décerner à l'auteur français d'un travail historique sur Metz et les
pays voisins.
L'Académie décernera ce prix en 1919.
Les ouvra:ges destinés à ce concours devront être déposés, les
imprimés en double exemplaire, au Secrétariat de l'Institut avant le
1^'' janvier 1919.
PRIX DU RARON DE COURCEL (2.400 ff.)
Ce prix, de la valeur de deux mille quatre cents francs, a décerner
successivement par l'Académie française, l'Académie des inscriptions
et belles-lettres et l'Académie des sciences morales et politiques,
est destiné à récompenser << une œuvre de littérature, d'éi'udition ou
d'histoire qui sera de nature à attirer l'intérêt public sur les premiers
siècles de Phistoire de France (époque mérovingienne ou carlovin-
gienne; ou à populariser quelque épisode de cette histoire, depuis
l'origine rudimentaire des tribus franques jusqu'aux environs de l'an
1000 1).
'»-20 SltANl-.K FLIU.IQIIR ANNUELLE
Ce prix sera d(^cerné par l'Acaclémie des inscriptions et belles-
lettres en 1910.
Los ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, les
imprimés en double exemplaire, au Secrétariat de l'Institut, avant le
l"" janvier 1919.
L'Académie se réserve d'inti'oduire, s'il y a lieu, les candidatures
d'auteurs dont les ouvrages n'auraient pas été présentés.
PRIX DE LA GRANGE (1.000 f r. )
M. le marquis de La Grange, membre de l'Académie, a légué à
l'Académie des inscriptions et belles-tettres une rente annuelle de
mille francs destinée à fonder un prix en faveur de la publication du
texte d'un poème inédit des anciens poètes de la France ; à défaut
d'une œuvre inédite, le prix pouri'a être donné au meilleur travail sur
un ancien poète déjà publié.
Ce prix sera décerné en 1919.
PRIX bordin (3.000 fr.)
M. Bordin, notaire, voulant contribuer au progrès des lettres, des
sciences et des arts, a fondé, par son testament, des prix annuels qui
sont décernés par chacune des cinq classes de l'Institut.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres a décidé que, à partir
de l'année 1904, le prix annuel de la fondation Bordin sera destiné à
récompenser successivement, tous les trois ans, des ouvrages rela-
tifs : 1° à l'Orient; 2° à l'antiquité classique ; 3° au moyen âge ou à
la Renaissance.
En conséquence, le prix Bordin sera décerné :
En 1919, au meilleur ouvrage relatif aux études orientales, publié
depuis le i" janvier 1917 ;
En 1920, au meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique publié
depuis le l*"" janvier 1916;
En 1921, au meilleur ouvrage relatif au moyen âge ou à la Renais-
sance publié depuis le l*"" janvier 1918.
Deux exemplaires de chacun des ouvrages présentés devront être
déposés au Secrétai-iat de l'Institut, avant le 1*' janvier de l'année
du concours.
PRIX EXTRAORDINAIRE BORDIN i3.000fr.')
L'Académie a décidé que le prix extraordinaire Bordin. qui est
biennal, sera décerné :
StANr.t fUULlQt È ANNUELLE 42l
V.n (yl9, au meilleur ouvrage imprimé lelalii'à lanliquilé classique.
Dépôt des ouvrages présentés, en double exemplaire, au Secréta-
riat de l'Institut, avant le i" janvier 1919.
PKIX DEI.ALANDE-GUÉRINEAU (1.000 fr.)
M™'' Delalande, veuve Guérineau, a fondé un prix biennal de
mille francs, destiné à récompenser l'auteur de l'ouvrage jugé le
meilleur par l'Académie.
L'Académie décide que le prix Delalande-Guérineau sera décerné,
en 1920, au meilleur ouvrage relatif à l'Orient.
Les ouvrages manuscrits ou publiés depuis le i**" janvier 1918, des-
tinés à ce concours, devront être déposés, les imprimés en double
exemplaire, au Secrétariat de l'Institut, avant le l^"" janvier 1920.
PRIX JOSEPH SAINTOUR (3.000 fr.)
L'Académie rappelle que ce prix, de la valeur de trois mille franat,
sera décerné dans l'ordre suivant :
En 1919, au meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique, publié
depuis le 1*'" janvier 1916 ;
En 1920, au meilleur ouvrage relatif au moyen âge ou à la Renais-
sance, publié depuis le 1" janvier 1917 ;
En 1921, au meilleur ouvrage relatif aux éludes orientales, publié
depuis le 1='' janvier 1918.
Seront admis au concours les ouvrages, manuscrits ou imprimés,
d'auteurs français.
Les ouvrages destinés à ces concours devront être déposés, les
imprimés en double exemplaire, au Secrétariat de l'Institut . avant le
1"" janvier de 1 année du concours.
PRIX DE CHÉNIER (2.000 fr. )
\jnio Adéla'ide-Élisa Frémaux, veuve de M. Louis-Joseph-Gabriel
DE Chénier, a légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres
une somme de quatorze mille francs, « pour le revenu être donné en
prix, tous les cinq ans, à l'auteur de la méthode que ladite Acadé-
mie aura reconnue être la meilleure, la plus simple, la plus prompte,
la plus efficace pour l'enseignement de la langue grecque ».
Par suite d'un accord survenu, le 2 juillet 1909, avec les héritiers
de la fondatrice du prix, il a été ajouté au programme ci-dessus la
clause suivante :
.{.'2"} SEANCE l^UlJLIQUK ANNUELLE
« A défaut il'un ouvrage répondanl exactement aux termes de la
fondation. l'Académie pourra donner le prix à l'ouvrage qui lui
paraîtra être le plus utile à l'étude de la langue et de la littérature
o-recques, pourvu qu'il ait été publié dans les (jualrc années cjui
seron l écoulées depuis que ce prix aura été décerné. >•
L'.\cadémie décernera ce prix en 1919.
PRIX HONORÉ CHAVÉE (1.800 fr.)
Ce prix, institué par M™* veuve Honoré Chavée, sera décerné, tous
les deux ans, à des travaux de linguistique. Il pourra être affecté aux
recherches, missions ou publications relatives aux langues romanes.
La commission évocjuera elle-même les ouvrages qui lui paraî-
tront dignes du prix. On pourra appliquer les revenus de la fonda-
tion à récompenser des voyages, missions ou recherches de tout
ordre.
Ce prix, de la valeur de dix-huit cents francs, sera décerné en 1919.
PRIX LOUIS FOULD (5.000 fr.)
Ce prix biennal est destiné à récompenser l'auteur du meilleur
ouvrage sur l'histoire des arts du dessin, en s'arrêtant à la fin du
XVI* siècle.
Il sera décerné en 1920.
Les ouvrages imprimés devront être écrits ou traduits en français
ou en latin et déposés, en double exemplaire, au Secrétariat de
rinstitut, avant le l" janvier 1920 *.
PRIX RAOUL DUSEIGNEUR (3.000 fr.)
M™^ la marquise Arconati-Visconti a fait don, entre vifs, à l'Aca-
démie des inscriptions et l)elles-lellres, de la somme nécessaire
pour la fondation d'un prix triennal de trois mille francs, portant le
nom de Raoul Duseigneur et destiné à récompenser des travaux
concernant aussi bien l'art et l'archéologie espagnols depuis les
temps les plus anciens jusqu'à la fin du xvi* siècle que les trésors
artistiques ou archéologiqu(>s de ces mêmes époques conservés dans
les collections publiques ou privées de l'Espagne.
Ce prix sera décerné en 1920.
Dépôt des ouvrages, les imprimés en double exemplaire, avant le
1" janvier 1920.
1. Par décision de l'Académie du 22 mai 1908, les ouvrages manuscrits
sont exclus de ce concours.
^
^k'
StAN' ; PIBLIylE ànNuElLé ^'2o
PRIX DE NUMISMATIQUE ANCIENNE tï OU MOYEN AtiE
I. Le prix de uumibnialique fondé per M. Ai.lieh de .Hautehochk
sera décerné, en 1919, au meilleur oiivrape de numismatique ancienne
qui aura été publié en 1917 et 191R
II, Le prix de nuvniàniKliqtie fondé i.ar M»""- veuve Di-cualais sera
décerné, en Ifli'O, afi meilleur ouvrr— '- •^ r..,ic.., .!-,.,.. ,!î. moyen
âge qui aura '.U- publié en 1918 et I
Chacun «le ces prix est de la valeur de mille francs.
Les ouvrages présentés devront èlre déposés, en doubli- cxem-
plairt-, au Secrétariat do l'Institut, avanl le l""" janvier de l'année du
concours.
PRIX DE NUMISMATIQUE OUIENTALE (1.20U fr.;
M. Edmond DRoumalégué à TAcadémic des inscriptions et belles-
lettres une rente annuelle de trois cents francs, pour fonder un prix
qui doit être décerué, tous les quatre ans, au meilleur travail,
manuscrit ou imprimé, sur la numismatique orientale, quelle (|ue
soit la nationalité de Tautcur. Ce prix, qui pourra Alif> i,:n!.Tno. «^era
décerné en 1922.
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, les
imprimés en double exemplaire, au Secrétariat de riuslilul av.inl lo
1" janvier 1922.
f nix BRUNET (3.000 fr.)
M. Bhim 1 i ;; l'iix iri.iiiial de trois mille francs pour
l'ouvrage do btb 'O .savante que l'Académie des inscriptions
jugerait le plus récompense.
L'Académie déor; i i921, le prix au meilleur des ouvrages
do bibliograplii.' s.-; ..ir.ic, piibii<'-s eu France dans les trois dernières
années, et dont deux exemplaires aur^"* ''i''' ■■^•'■vf^o''^ îi" S.>ciétari;it
de l'Institut avant le 1" janvier 1921.
rR!\ '.ASTON MASPER' 1 .000 fr.'
Cf prix quin(|uennal de 1;..000 francs a été fondé par M. le duc
L.i: LouBAi, membre de l'Institut, en mémoire de Gaston Maspebo,
pour récompenser un ouvrage ou un ensemble de travaux relatifs
à rhislnirc imcicnne de l'Orient classique (Syrie, Pbénicie, Pales-
tine, Chaldé»-; cl plus pnrticuii^i -m.M-,! de l'Egypte). Il sera décerné,
pour la première fois, en 1922
Daqnan-BoTivereC.piTïx
KDTiiarcb.ii.sc.
SÉANCE fUBLtOUE AnNLËLLË i'^'è
PRIX DE NUMISMATIQUE ANCIENNE ET OU MOYEN AOE
I. Le prix de iiumisniati(|ue fondé par M. Ai.lieh de .Hauteroche
sera décerné, en 1919, au meilleur ouvrage de numismatique ancienne
qui aura été publié en 1917 et 1918.
II. Le prix de numismatique fondé par M'"'' veuve Di^cuai.ais sera
décerné, en 1920, au meilleur ouvrage de numismatique du moyen
âge qui aura été publié en 1918 et 1919.
Chacun de ces prix est de la valeur de mille francs.
Les ouvrages présentés devront être déposés, en double exem-
plaire, au Secrétariat de rinstitul, avant le 1" janvier de Tannée du
concours.
PRIX de numismatique orientale (I .200 fr.)
M. Edmond Drouin a légué à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres une rente annuelle de trois cents francs, pour fonder un prix
qui doit être décerné, tous les quatre ans, au meilleur travail,
manuscrit ou imprimé, sur la numismatique orientale, quelle que
soit la nationalité de l'auteur. Ce prix, qui pourra être partagé, sera
décerné en 1922.
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, les
imprimés en double exemplaire, au Secrétariat de l'Institut avant le
1" janvier 1922.
prix brunet (3.000 fr.)
s
M. Brunet a fondé un prix triennal de Irais mille francs pour
l'ouvrage de bibliographie savante que l'Académie des inscriptions
jugerait le plus digne de cette récompense.
L'Académie décernera, en 1921, le prix au meilleur des ouvrages
de bibliographie savante, publiés en France dans les trois dernières
années, et dont deux exemplaires auront été déposés au Secrétariat
de l'Institut avant le l*"" janvier 1921.
PRIX « GASTON MASPERO » (lo.OOO fr.)
Ce prix ({uiiiquennal de IJl.OOO fiancs a été fondé par M. le duc
DE LouBAT, membre de l'Institut, en mémoire de Gaston Maspebo,
pour récompenser un ouvrage ou un ensemble de travaux relatifs
à l'histoire ancienne de l'Orient classique (Syrie, Phénicie, Pales-
tine, Chaldée) et plus particulièrement de l'Egypte). Il sera décerné,
pour la première fois, en 1922.
i'2i SIUNC.E PlULlQUË AiN'NlIËLlJ-;
l'IUX STANISLAS JULIEN (l.î)OOfr.)
M. Stanislas Julien, membre de rinstitul, a fondé un prix annuel
de quinze cents francs en faveur du meilleur ouvrage relatif à la
Chine.
L'Académie décernera ce prix en 1919.
Les ouvrages devront être déposés, en double exemplaire, au
Secrétariat de l'Institut avant le i*"" janvier 1919.
PRIX H. A. giles (800 fr.)
M. Herbert Allen Giles, professeur de chinois à l'Université de
Cambiidge (Angleterre), a fondé un prix biennal, qui sera décerné,
pour la première fois, en 1919, exclusivement à un Français, pour
un travail relatif à la Chine, au Japon ou à l'Extrême-Orient en
général.
Les ouvrages devront être déposés, les imprimés en double exem-
plaire, au Secrétariat de l'Institut avant le l*"" janvier 1919.
PRIX DU DUC DE LOUBAT 1^3.000 ff.)
M. le duc DE LouBAT, membre de l'Institut, a fondé un prix de
trois mille francs, qui doit être décerné, tous les trois ans. par
l'Académie, au meilleur ouvrage imprimé concernant l'histoire, la
géographie, l'archéologie, l'ethnographie et la linguistique du
Nouveau Monde.
Ce prix sera décerné en 1919.
Sei'ont admis au concours les ouvrages pidiliés, en langues latine,
française ou italienne, depuis le !«'' janvier 1916.
Les ouvrages présentés à ce concours devront être envoyés, au
nombre de deux exemplaires, avant le l'^"' janvier 1919, au Secré-
tariat de l'Institut.
Le lauréat, outre les exemplaires adressés pour le concours, devra
en délivrer trois autres à l'Académie, qui les fera parvenir, un au
Cohimbia Collège, à New-York, le deuxième à la New-York Histo-
rical Society de la même ville, et le troisième à l'Université catho-
lique de Washington.
prix le fèvre-deumier (20.000 fr.)
Ce prix, d'une valeur de vingt mille francs, sera décerné tous les
dix ans par l'Académie. Suivant le vœu du testateur, il doit être
sÉA^■CI•: puHLiuut; AiNNLELLt; 425
nlliiliué " à l'ouvrage le plus remarquable sur les mythologics, plii-
losopliios el religions comparées ».
Le prix sera décerné en 1928.
Les ouvrages étrangers traduits en français seront admis à prendre
part au concours.
Les ouvrages présentés devront être postérieurs à l'année 1918.
PBIX JKAN REYNAUD (iO.OOO fr.)
M'"" veuve Jean Reyn.vud, « voulant honorer la mémoire de son
(( mai-i et perpétuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de
(( la France », a fait donation à l'Institut d'une rente de dix mille
francs, destinée à fonder un prix annuel, qui doit être successive-
ment décerné par chacune des cimj Académies.
Conformément au vœu exprimé par la donatrice, « ce prix sei'a
« accordé au travail le plus méritant, relevant de chaque classe de
« l'Institut, qui se sera |)roduit [tendant une période de cinq ans.
- 11 ira toujours à une œuvre originale, élevée, et ayant un carac-
<< tère d'invention et de nouveauté.
" Les membres de l'Institut ne seront pas écartés du concours.
« Le prix sera toujours décerné intégralement.
« Dans le cas où aucun ouvrage ne paraîtrait le mériter entière-
« ment, sa valeur serait délivrée à quelque grande infortune scien-
n tifique, littéraire ou artistique. "
L'Académie aura à décerner ce prix en 1920.
PHIX ESTRADE-DELCROS (8.000 tr.)
M. Estrade-Delckos a légué toute sa fortune à l'Institut. Le
montant de ce legs a été, selon la volonté du testateur, partagé,
par portions égales, entre les cinq classes de l'Institut, pour servir à
décerner, tous les cinq ans, un prix sur le sujet choisi par chaque
Académie.
Ce prix, de la valeur de huit mille francs, sera décerné par l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, en 1922, à une œuvre
rentrant dans les ordres d'études dont elle s'occupe et publiée dans
les cinq années précédentes.
cmx nu HARUN de joest (2.000 Ir.)
Ce prix, de la valeur de deux mille francs, à décerner successi-
vement par les cinq Académies « à celui qui, dans l'année, aura fait
1918 29
426 SEANCt PtJltMQLË ANNUELLE
« une découverte ou écriL rouviaj;e le plus utile au bien public o,
sera attribué i)ai' rAcadémic dos inscriptions et bclles-leLtrcs en
1920.
Les ouvrages destinés à ce concours devront être déposés, en
double exemplaire s'ils sont imprimés, au Secrétariat de l'Institut
avant le 1" janvier 1920,
MÉDAILLE PAUL BLAN^HET
M. R. Cagnat, membre de l'Institut, a fait don à l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, au nom du Comité du monument
Blaiichet, d'une somme de six cents froncs, reliquat de la souscrip-
tion ouverte pour élever un monument à Paul Blancuet, mort à
Dakar (Sénégal), au cours d'une expédition scientifujue. Les arré-
rages de celle somme sont destinés à faire les frais d'une médaille
qui doit être attribuée à une découverte relative à l'histoire, la
géographie ou l'archéologie de l'Afrique du Nord.
PRIX HENRI LANTOINE (500 fr.)
M"« Louise-Bérengère-Marthe Lantoine a fait donation entre vifs
à l'Académie des inscriptions et belles-lettres d'une somme de
cinq cents francs pour être attribuée, sous forme d'un prix une fois
donné, à l'auteur d'un travail sur Virgile (étude ou édition), écrit de
préférence en latin, quelle que soit la nationalité de l'auteur. Ce prix
doit porter le nom de Henri Lantoine, frère de la donatrice. Il sera
décerné, s'il y a lieu, en 1919.
Dépôt des ouvrages au Secrétariat de l'Institut, en double exem-
plaire, avant le l" janvier 1919.
FONDATION DE M. LE DUC DE LOUBAT (6.000 fr.)
M. le duc de Loubat, membre de l'Institut, a fait donation entre
vifs à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de deux titres
de rente annuelle de trois mille francs chacun, u Cette fondation, dit
le donataire, a pour objet et pour but de parer aux difficultés de la
vie matérielle qui pourront entraver les recherches scientifiques,
soit que ces difficultés refusent les loisirs nécessaires à ceux qui
voudraient s'engager dans cette voie, soit qu'elles leur enlèvent la
liberté d'esprit dont ils ont besoin, qu'elles les troublent par les
inquiétudes qu'ils peuvent concevoir sur le sort réservé à leur
vieillesse ou à la famille qu'ils risquent de laisser après leur mort
8ÉANCK l'LBLlQL'K ANNUELLE 427
clans uhe sîluatioii étroite et pénible. En conséquence, les fonds
produits par cette Fondation seront attribués, sous telle forme r[ui
sera déterminée par l'Académie, aux études (jui rentrent dans
Tordre de celles que l'Académie patronne et encourage. Ils serviront
aussi à venir en aide aux savants momentanément arrêtés dans leurs
travaux par le manque de ressources matérielles ou par la maladie,
ou à secourir les parents, veuves, ascendants, descendants ou colla-
téraux (jue la position précaire ou le décès de ces savants laisserait
dans l'embarras. "
L'Académie réalisera en 1919 les généreuses intentions du
donateur.
FONDATION THORLET (4.000 fr.)
Les revenus de cette fondation doivent être employés par
l'Institut à la distribution de prix de toute espèce : prix de vertu,
prix d encourayement pour des œuvres sociales ou d'érudition, etc.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres, en ce (jui la con-
cerne, attribuera, en 1918, divers prix suivant le programme précité.
FONDATION. AUGUSTE PELLECHET (9.000 fr.)
M"'' .Marie- Léontine-Catlicrine Pellccbet, aux termes de son tes-
tament du {«'janvier 1900, a légué à l'Académie des inscriptions et
belles-lettres une somme de trois cent mille francs : « Les intérêts
de cette somme, dit la testatrice, devront être employés à con-
server les monuments existant en France et aux colonies qui pré-
sentent un intérêt historique ou archéologique.
« Chaque année, une Commission sera nommée couii)reiiant des
membres de l'Académie des inscriptions et belles-lettres aux-
quels on adjoindra des architectes de l'Académie des beaux-arts,
dont le nombre ne devra jamais être inférieur au quart des
membres de la Commission.
« Cette Commission sera chargée de centraliser les demandes
faites par les municipalités et même les particuliers pour obtenir
un secours afin de consolider un monument. Ces secours devront
être consacrés surtout à empêcher la ruine ou la détérioration du
ou des monuments et non à la restauration générale de ces
monuments...
«1 Cette fondation prendra le nom de Fondation Auguste PeUechel,
en souvenir de mon père qui m'a donné le goût des arts et les
moyens de fonder cette rente. »
La fondation recevra son application en 1919.
l2S SÉANCE l'LItLigit; ANNL'ËLLK
FONDATION piOT (17.000 1V. (ic reveiiii)
M. liugèiie PioT a légué à l'Acarlémie des inscriptions et belles-
loi lies la totalité de ses biens. Lt*s intérêts du capital résultant de
la liquidation de la succession doivent être affectés, chaque année,
« à toutes les expéditions, missions, voyages, fouilles, publications
que l'Académie croira devoir faire ou faire exécuter dans l'intérêt
des sciences historitiues ou archéologiques, soit sous sa direction
personnelle par un ou plusieurs de ses membres, soit sous celle de
toutes autres personnes désignées par elle ».
L'Académie a décidé qu'il sera rés'ervé, chaque année, sur les
revenus de la fondation, une somme de six mille francs pour la
publication d'un recueil (jui porte le titre suivant : Fondation Piot.
Monuments et Mémoires publiés par V Académie des inscriptions et
belles-lettres.
L'Académie disposera, en 1919, du surplus des revenus de la fon-
dation selon les intentions du testateur.
FONDATION GARNiEn (15.000 fr. de revenu)
M. Benoît Garnier a légué à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres la totalité de ses biens. Les intérêts du capital résultant de
la liquidation de la succession doivent être affectés, chaque année,
« aux frais d'un voyage scientiQque à entreprendre par un ou plu-
sieurs Français, désignés par l'Académie, dans l'Afrique centrale ou
dans les régions de la Haute Asie ».
L'Académie disposera, en 1919, des revenus de la fondatiort selon
les intentions du testateur.
FONDATION LOUIS DE CLERCQ
M"'* De Clercq et M. le comte de Boisgelin ont fait donation, entre
vifs, à l'Académie des inscriptions et belles-lettres d'une somme
d'environ deux cent mille francs, représentée par huit cents actions
de la Société des mines de houille de Bourges (Pas-de-Calais), dont
les revenus devaient être affectés à continuer la publication, com-
mencée par feu M. De Clercq, du catalogue de sa collection d'anti-
quités et de médailles. Après l'achèvement du catalogue, les revenus
seraient employés à subventionner des publications relatives à
l'archéologie orientale.
Le Catalogue ayant été terminé dans le courant de l'année 1912,
l'Académie dispose maintenant du revenu de la fondation pour sub-
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE 429
vëntionner des publications relatives à l'archéologie orientale ; mais
le rendement des mines de Dourges étant momentanément arrêté
par la guerre, les opérations de cette fondation seront suspendues
en 1919.
FONDATION DOURLANS (43.000 fr. dc rcveou)
M. L.-G. DouRLANS a légué toute sa fortune à l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, pour être employée en faveur des
études dont celle-ci s'occupe : la guerre ayant atteint momentané-
ment les revenus de cette fondation, l'Académie ne saurait jusqu'à
nouvel ordre faire état de cette ressource.
430 SÉANT.F PllBMQUK ANNITI-I-R
CONDITIONS GÉNÉRALES
DES CONGOUHS
Les ouvrages envoyés aux dilTérents concours oiivorls par l'Aca-
tlémie devront parvenir, franci^ de port et brochés, au Secrétariat de
rinstitul, avant le {"Janvier de l'année où le prit- doit être décerné.
Ceux qui seront destinés au concours pour lesquels les ouvrages
imprimés ne sont point admis devront être écrits en français ou en
latin. Ils porteront une épigraphe ou de-vise, répétée dans un billot
cacheté qui contiendra le nom de l'auteur. Les concurrents sont
prévenus que tous ceux (jui se feraierit connaître seraient exclus du
concours; leur attention la plus sérieuse est appelée sur cette
disposition.
L'Académie ne rend aucun des ouvrages imprimés ou manuscrits
qui ont été soumis à son examen ; les auteurs des manuscrits ont la
liberté d'en faire prendre des copies au Secrétariat de rinslitut.
Le même ouvrage ne pourra pas être présenté en même temps à
deux concours de l'Institut.
Nul n'est autorisé à prendre le titre de Lauréat de l'Académie
s'il n'a été jugé digne de recevoir un prix ou l'une des médailles
du concours des Antiquités de la France.
Les personnes qui ont obtenu des récompenses ou des mentions
n'ont pas droit au titre de lauréat et doivent se borner à inscrire
sur les ouvrages qu'elles publient : Récompensé par i Académie ou
Mention au concours de...
Le montant des sommes annoncées pour les prix n'est signalé
qu'à titre d'indications subordonnées aux variations du revenu des
fondations.
EDESSE
PENDANT LA PREMIÈRE CROISADE
PAR M. J.-li. CHABOT, MEMBRE DE L'aCADÉMIR
Messieurs,
Les territoires^occupés par les Francs lors de la première
croisade formèrent quatre Etats féodaux : au Sud, le
royaume de Jérusalem ; au Nord, la principauté d'Antioche ;
entre les deux, le petit comté de Tripoli, et, beaucoup plus
au Levant, le comté d Edesse qui s'étendait sur les deux
rives de l'Euphrate.
Edesse est le nom classique de la ville appelée aujour-
d'hui Orfa, située en Mésopotamie, au Nord-Est d'Alep,
à vingt lieues au delà de l'Euphrate. dans une plaine très
fertile, au pied d'une colline escarpée facile à défendre,
autour de sources abondantes qui lui firent donner, par
quelques auteurs grecs, le nom de Gallirrhoé (Belle fon-
taine).
Ville célèbre entre toutes les villes de l'Orient, devenue,
après la ruine de l'empire d'Alexandre, la capitale d'un
petit royaume indépendant, elle a joué un rôle considérable
dans les grandes luttes engagées entre les Romains et les
Parthes, et ensuite entre l'empire de Byzance et les rois
Sassanides, jusqu'à l'invasion arabe.
Convertie au christianisme vers le milieu du u* siècle,
elle devint un foyer intense de propagande religieuse. Les
légendes formées deux cents ans plus tard autour de ses
origines chrétiennes ont eu, pendant tout le moyen âge,
i'i2 ÉDESSK PK.NDAISI LA PREMIKHE CltOlSADi:
lin retentissement merveilleux, même en Occident ; celle
surtout cjui concerne la loltro et le portrait du Sauveur
envoyés, disail-on, au roi Abgar : jjrototype de la lé<;ende
occidentale de sainte \'éroniqiu\
Pendant trois siècles, Edesse lut le centre le plus iiclil"
de la culture intellectuelle en Orient. Son dialecte, — le
syriaque, — porté à un haut deg-ré de perfection |)ai- des
écrivains remarquables, devint la lang-ue commune de toute
la Syrie et de la Mésopotamie. L'invasion musulmane
ralentit cet essor sans l'éteindre-. La langue arabe a lini
par supplanter dans l'usage la langue syriaque, mais celle-
ci n"a cessé d'être cultivée jusqu'au xni'' siècle par des
auteurs de grand mérite.
Tout ceci a été fort bien développé par Rubens Duval,
dans un savant ouvrage, couronné par notre Académie en
1N91 ; il est intitulé : Histoire politique, religieuse et litté-
raire cfEdesse, jusquà la première Croisade.
Par contre, l'histoire du comté d'Edesse n a pas encore
été présentée comme il conviendrait. Pour illustrer cette
histoire et suppléer au laconisme des écrivains occidentaux,
dont l'attention se concentre sur Jérusalem et Antioche, il
faut recourir aux historiens arméniens et syriens : les pre-
miers sont souvent hostiles aux Francs ; lessvriens donnent
des informations plus sûres et moins tendancieuses. Parmi
ces derniers, il faut mettre en première ligne un auteur
contemporain des événements, l'évèque Basile Choumna,
promu du siège de Cessoun à celui d'Edesse en 1143. et
mort en 1169. 11 avait écrit une histoire de sa ville épisco-
pale. L'ouvrage est perdu ; mais de longs extraits ont été
insérés dans une chronique anonyme, retrouvée il y a peu
d'années. Je voudrais tirer de cet ouvrage, encore en grande
partie inédit, non pas une histoire d'Edesse pendant la
Croisade, ce qui exigerait une longue dissertation, mais
quelques récits se rapportant à des événements inconnus
ou imparfaitement connus des autres chroniqueurs.
ÉDKSSE PENDANT LA PREMIÈRE CROISADE 433
L'occupation dÉdesse par les Francs eut ceci de particu-
lier qu'elle ne fut pas accomplie par la force des armes,
mais par la libre volonté de ses habitants. Les Croisés
avaient à soutenir de rudes combats contre les troupes de
l'Islam maîtresses du pays ; mais les populations, en
majeure partie chrétiennes, surtout dans le Sud de l'Armé-
nie et dans le Nord de la Syrie, les accueillaient avec une
bienveillante sympathie. <( Vous auriez été émerveillé, écrit
Foucher de Chartres, de voir^ quand nous passions près des
chrétiens, comment ils se précipitaient au-devant de nous,
nous embrassaient les g-enoux et baisaient nos cottes de
mailles. » On a cru trouver dans cette conduite les motifs
de la recrudescence de persécution dont les chrétiens furent
victimes après 1 expulsion des Francs. En allant au fond
des choses, on s'aperçoit que l'esprit de représailles ne fut
pas la cause, du moins la cause unique, des ag-gravations
survenues dans la situation des peuples qui avaient été
soumis aux Francs. A cette époque, la domination turque
avait, dans ces régions, remplacé partout la domination
arabe ; et, au regard placide de l'historien dépourvu d'ima-
g'ination romanesque, les Turcs, réfractaires à toute culture,
se sont montrés inaccessibles aux sentiments de noblesse
et de générosité dont les princes arabes ont parfois donné
de beaux exemples.
On se demande d'ailleurs en quoi, à part les sévices cor-
porels, la situation a pu s'aggraver, et quels traits nouveaux
ont pu s'ajouter au tableau déjà si sombre que les chroni-
queurs ont tracé de l'époque antérieure aux Croisades.
Ils ne cessent de se lamenter sur les misères infligées
aux populations par les exigences des princes de Mossoul,
de Damas ou d'Alep. Outre l'impôt ignominieux de la capi-
tation qui frappait les chrétiens et les juifs, en signe de
sujétion, de lourdes charg-es pesaient sur tous les sujets des
434 ÉDESSE PENDANT LA PREMIÈRE CROISADE
sultans : impôts sur les terres, sur les maisons, sur les
arbres, sur les troupeaux ; multiplication des péages sur les
routes, ttes octrois à l'entrée et à la sortie des villes, des
droits sur les marchés et sur les récoltes. Nul ne pouvait
moissonner son champ, vendang-er sa vigne ou cueillir ses
fruits sans avoir préalablement acquitté une forte taxe. A
cela s'ajoutaient, surtout pour les chrétiens, des corvées et
des réquisitions de toute nature. Et comme si ce n'était pas
assez de ces contributions qui revêtaient une apparence de
lép-alité, les caprices et la cupidité des fonctionnaires ne
laissaient échapper aucune occasion de molester les habitants
et d'extorquer leurs maigres ressources.
Voici un gouverneur qui découvre un ingénieux moyen
de grossir ses revenus. A la fin de l'automne, il achète à
vil prix tous les chameaux chétifs et malades et les envoie
en subsistance chez les villageois. Les bêtes crèvent pen-
dant l'hiver, et au printemps les malheureux paysans
doivent payer trente dinars pour chaque animal disparu. —
Ailleurs, c'est un chamelier qui se voit infliger une forte
amende parce que ses bêtes se sont permis d'humecter la
route par où devait passer le préfet. — Un jour, ce même
préfet rencontre un homme blessé à la tête et, chose
inouïe, il paraît s'intéresser à son sort. Le blessé raconte
que son âne a pris peur et l'a jeté à terre. Aussitôt, l'ani-
mal rétif, déclaré coupable de tentative de meurtre sur la
personne de son maître, est condamné à mort. Le pauvre
homme doit verser un dinar pour racheter la vie de sa
monture .
On comprend qu'après plusieurs siècles de ce régime
d'oppression et de vexations, les chrétiens de Syrie étaient
disposés à bien accueillir ces guerriers qu'on disait partis
des confins de la terre d'Occident pour délivrer le tombeau
du Christ et leurs frères d'Orient du joug des infidèles.
En Gilicie, le comte Baudoin, frère de Godefroy de
Bouillon, s'était séparé du gros de l'armée pour se livrer,
i':desse pendant la première croisade 43S
dans la direction de TEuphrate, à des incursions heureuses
qui l'avaient mis en possession de plusieurs places fortes.
A cette nouvelle, les g-ens d'Edesse obligèrent leur j<ou-
verneur, l'Arménien Théodore, h envoyer une députation
vers Baudoin, pour l'inviter à venir prendre possession de
leur ville. Il n'y avait pas long-temps qu ils avaient recou-
vré une certaine indépendance. En 1094, al-Faridj, général
du sultan de Damas et d Alep, avait enlevé Edesse de vive
force aux partisans du sultan de Mossoul et s'y était ins-
tallé. Quelques jours après, les officiers réunis autour de leur
chef dans un joyeux banquet lui exposaient les plaintes
des soldats : ceux-ci étaient mécontents de n avoir pas été
autorisés à se livrer au pillage. Faridj, cédant à leurs ins-
tances, accorda l'autorisation pour le lendemain. Or, dans
la salle du festin, se trouvait ime femme chrétienne, une
danseuse, appelée là pour amuser les convives. Cette femme
portait le nom grec de Galî (la Fouine). Fort émue par les
paroles du gouverneur, elle se demandait comment avertir
Théodore du danger qui menaçait la ville. Tout à coup elle
s'arrête, prise de violentes douleurs. On s'empresse autour
d'elle, on demande ce qui la peut soulager: «Je n'ai d'autre
remède, dit-elle, que de me rendre au bain. » Elle part et
court prévenir Théodore. Ensemble, ils décident de pour-
voir au salut de leurs concitovens en se débarrassant du
gouverneur. Galî retourne à la salle du festin. Elle recom-
mence ses exercices chorégraphiques, à la grande joie des
assistants. Elle exécute une danse en tenant à la main un
verre d'eau dans lequel elle a adroitement introduit le poi-
son qui lui avait été confié par Théodore, et termine ses
évolutions en le présentant au gouverneur. Une heure après,
Faridj se plaint à son tour de douleurs d'entrailles. Galî
lui conseille de se rendre au bain. Elle l'accompagne, l'aide
à se dévêtir; et ne le quitte pas avant qu'il n'ait rendu le
dernier soupir. Elle sort, et, s'adressant aux eunuques qui
veillaient k la porte : <( Le prince est endormi, dit-elle ;
436 KDEssr: pendant la phkmièrk croisade
prenez g^arde qu'on ne le dérange. » Théodore, averti par
Galî, appelle quelques hommes courageux ; il monte à la
citadelle et surprend les convives déjà assoupis par l'orgie.
On court au bain pour informer le gouverneur ; on découvre
son cadavre ; et toute la garnison, prise de panique, s'en-
fuit et abandonne la citadelle à Théodore.
Les Edesséniens. peu rassurés sur les suites de ce meurtre,
et conscients de leur impuissance à défendre la ville, obli-
gèrent donc Théodore à appeler Baudoin.
Baudoin partit avec une petite troupe de quatre-vingts
cavaliers, accompagné de son chapelain, l'historien Fou-
cher de Chartres. Il fît son entrée à Edesse au mois de
février 1098.
Peu de temps après, — quinze jours, au dire de Foucher,
— Théodore fut massacré dans une émeute. Un historien
arménien auquel on a attribué jusqu'ici beaucoup trop
d'autorité, Matthieu d'Edesse, accuse formellement Baudoin
d'avoir comploté contre la vie de Théodore. Foucher con-
sacre trois lignes à cet événement et se borne à dire que
Baudoin regretta de n'avoir pu arracher Théodore à la fureur
populaire. Ce laconisme pouvait sembler suspect. Or notre
chroniqueur syrien, qui connaît tous les détails de l'affaire,
— il sait à quel point de la ville éclata la sédition, dans
quelle tour s'était réfugié Théodore, quelles paroles furent
échangées entre les séditieux et leur victime, — notre
chroniqueur, dis-je, non seulement innocente Baudoin de
toute complicité, mais le loue des efforts qu'il fît pour déli-
vrer le prince arménien. Il est curieux de voir comment sa
narration concorde avec celle d'Albert d'Aix-la-Chapelle,
qui, on le sait, ne visita jamais l'Orient et écrivit son his-
toire d'après le récit de pèlerins et de Croisés revenus de la
Terre Sainte.
Baudoin ne séjourna pas longtemps à Edesse. Au mois
de septembre de l'année 1100, il reçut une députation lui
apprenant la mort de son frère Godefroy de Bouillon et
ÉDESSE PENDANT LA l'RliMlKRE CROISADE 4^7
le choix qu'on avait fait de sa personne pour lui succéder.
Il partit, dit un chroniqueur malicieux, « assez triste de la
mort de son frère, mais pas mécontent de la succession ».
Le fief d'Edesse passa à son parent Baudoin II, comte du
Bouro-.
Nous savions que Boémond, prince d'Antioche, fut fait
prisonnier au mois d'août 1100, sur la route de Mélitène,
aujourd'hui Malatia, dans les montagnes d'Arménie. Notre
chroniqueur Basile est seul, autant que je sache, k nous
indiquer le motif de son A^oyag-e. Mélitène était occupée
par un seigneur arménien appelé Gabriel, qui était censé
gouverner au nom de l'empereur /Vlexis. Gabriel avait
grande peine à maintenir son indépendance contre les
attaques de son puissant voisin Goumouchtekin, sultan turc
de Sébaste. Pour s'assurer un protecteur, il offrit à Boé-
mond la main de sa fille et Mélitène comme dot. Boémond
allait chercher sa fiancée lorsqu'il fut surpris par les Turcs.
A cette nouvelle, Baudoin P"" d'Edesse s'était mis à la pour-
suite du sultan, sans pouvoir le rejoindre. Il laissa à Méli-
tène un corps de cavaliers pour secourir Gabriel qui avait
mis la ville sous sa protection : en d'autres termes, s'était
constitué son vassal. Cependant, la captivité de Boémond
se prolongeait et le seigneur de Mélitène s'inquiétait. Le
nouveau comte d'Edesse était veuf. Quelques nobles châ-
telaines n'avaient pas craint d'affronter les rudes fatigues
d'un périlleux voyage pour suivre leurs maris à la Croisade.
La comtesse du Bourg était au nombre de ces femmes intré-
pides. Elle mourut sur les confins de la Cilicie. Gabriel
offrit de nouveau sa fille et sa ville à Baudoin II, qui les
accepta ; et c'est ainsi que Marfia, destinée d'abord à être
princesse d'Antioche, devint comtesse d'Edesse, et plus
tard reine de Jérusalem ; car en 1118, Baudoin II succéda
138 ÉDESvSJS PfiiSt)ANT t,A PREMIl^lRE CROtSAftË
à BtUuioiii 1"' sur le trône royal, comme il lui avait succédé
dix-huit ans auparavant dans le comté d'Edesse.
Le lief passa alors aux mains du comte de Tibériade,
Josselin de Courtenay, une des ligures les plus curieuses
et les plus sympathiques parmi les chefs de la première
Croisade. Sa bravoure était proverbiale. « Il fut, dit un
historien arabe, le plus terrible démon de toute l'armée
maudite des Francs. » Amis et ennemis sont d'accord pour
louer ses qualités chevaleresques. Deux fois il tomba aux
mains des Turcs. Voici, d'après notre chronique, comment
il fut délivré de sa seconde captivité :
Balac, le sultan d'Alep, le tenait enfermé dans la cita-
delle de Kharpout, dans les montagnes du Taurus, ainsi
que le roi Baudoin II et quelques seigneurs francs dont il
s'était emparé un peu plus tard. Vers la fin du mois d'août
de 1 an 1123, des ouvriers arméniens qui travaillaient à la
forteresse de Bethesné, dans la montagne de Cessoun, for-
mèrent, de concert avec GeotlVoy le Moine, comte de
Marache, et avec la reine Marfîa, le dessein audacieux de
délivrer les prisonniers. Ils se rendirent à Kharpout. Dix
d'entre eux, pauvrement vêtus, portant des œufs, des fruits,
des poulets, s'avancèrent jusqu'à la citadelle. Ils expli-
quèrent aux sentinelles qu'ils étaient de malheureux paysans
fort maltraités par leurs patrons, et qu'ils désiraient
exposer leurs doléances au gouverneur et lui oiîrir leurs
modestes présents. On les fit entrer. 11 n'y avait laque trois
soldats ; l'un d'eux étant sorti pour annoncer l'arrivée des
paysans, ceux-ci se jetèrent sur les deux autres et les massa-
crèrent. Ils appelèrent leurs compagnons restés dehors. Tous
ensemble, ils coururent à la prison, en ouvrirent les portes
et, aidés des prisonniers, ils se rendent en un instant maîtres
de la citadelle. Les Arméniens de la ville viennent les
rejoindre, tandis que les Turcs, partisans de Balac, s'em-
pressent en grand nombre autour des murailles pour les
empêcher d'en sortir. Toute évasion devenait inipossible.
édEsse pendant la première croisade 439
Le brave Josselin prit une résolution ënerg'ique. Avec deux
compagnons, il se jeta hardiment sur la foule qui entourait
la citadelle, parvint à s'ouvrir un passage, et courut à
Antioche pour en ramener une troupe et délivrer le roi.
Balac se trouvait à Alep. Apprenant ce qui venait de se
passer, il partit en hâte, et franchit en quatre jours les
300 kilomètres qui séparent Alep de Kharpout. Il entreprit
aussitôt le siège de la citadelle. Les béliers frappèrent les
murs sans interruption ; après de longs efîorts, une brèche
fut ouverte. Les assiégés se défendaient avec acharnement.
Balac, qui éprouvait quelque regret de démolir la citadelle
où il avait accumulé tous ses trésors, jura au roi et aux
seigneurs francs qu ils auraient la vie sauve s'ils ouvraient
la porte. 11 en fut ainsi. Mais les pauvres Arméniens qui
avaient pris part au complot furent écorchés vifs.
L'aventure hâta néanmoins la délivrance des prisonniers.
Pendant que Balac était en Arménie. Josselin attaquait
Alep. Balac rentré en possession de Kharpout revint vers
Alep et fut battu par les troupes de Josselin. Il voulut
alors s'emparer de Membidj, l'antique Hiérapolis, et châ-
tier les habitants qui n'avaient pas répondu à son appel.
Mais, durant le siège de cette ville, il fut tué par une flèche.
Son successeur, Timourtache, libéra Baudoin moyennant
une rançon de 80.000 pièces d or et l'abandon de plusieurs
forteresses.
Josselin mourut comme il avait vécu, en héros. Tandis
qu'il faisait le siège de Tell-Aran. un repaire de brigands
qui ravageaient constamment ses possessions, il voulut
inspecter une mine creusée sous les murs de la place. Un
énorme bloc se détacha du plafond et s'abattit sur lui. On
le retira à demi mort. Quelques jours après, il apprit que
son fils n osait attaquer 1 émir turc Ghazi, qui envahissait
le territoire" du prince arménien Roupen, allié des Francs.
Sans hésiter, il se fit transporter sur une civière au milieu
de ses troupes. L'annonce de sa présence suffit à faire
iiO ÉDÈSSE l'ENDAN'l' I.A l'UKMlKHt; C.ROlSAhE
reculer (ilia/i. Mais .losseliii expira en arrivant près de
Doliclié ; il fut enseveli dans l'église de cette ville, en ICJl.
*
Son iils, Josselin II, lui succéda. Guillaume de Tyr trace
du nouveau comte d'Edesse un portrait peu flatteur. « C'était,
dit-il, le fils dégénéré d'un noble père ; un homme adonné
sans mesure à la bonne chère, à la boisson et à la débauche. »
Les chroniqueurs orientaux sont d'accord pour nous le
dépeindre sous les mêmes couleurs. Ils attribuent à ses
vices et à ses crimes les malheurs qui frappèrent bientôt
les chrétiens. Sous son règne, en 1144, Edesse fut prise par
le gouverneur de Mossoul, le célèbre Zangui, après un siège
mémorable et une défense héroïque. L'évêque Basile, notre
chroniqueur, qui se trouvait dans la cité, faillit perdre la
vie durant le pillage qui suivit l'occupation. Il a raconté
toutes les péripéties du siège dans le plus grand détail.
Après la mort de Zangui, en 1146, un retour offensif des
Croisés leur rendit la ville, mais pour quelques jours seu-
lement. Le fameux Nour ed-Dîn, fils de Zangui, accourut
d'Alep et la reconquit sans peine. Les chrétiens furent
massacrés, les femmes et les enfants furent vendus comme
esclaves, et la ville fut presque entièrement détruite. Elle
était définitivement perdue pour les Croisés. Josselin se
retira sur la rive occidentale de l'Euphrate, et finit par
tomber lui-même aux mains de Nour ed-Dîn.
La chronique rapporte ainsi ce dernier épisode.
En l'année 1150, Josselin se trouvait k Azaz, forteresse
située à huit lieues au Nord d'Alep. 11 forma le projet de
se rendre à Antioche, avec le secret espoir d'obtenir la
succession du prince Raymond, mort l'année précédente.
Il s'avançait, avec un petit nombre de cavaliers, sur la route
de Cyrrhus, lorsqu'un parti de Turcomans, embusqué dans
les arbres, se jeta sur lui et s'empara de sa personne. Ils
ÉDESSE l*t;Nt)AM LA l'KËAIIKRE ChulSAbt; lil
remiiienaienl sans savoir ([ui il était. Au village de Glieik
ed-Deir, les chrétiens le reconnurent et voulurent le rache-
ter. La rançon était déjà tixée à 60 dinars. Pendant qu'on
recueillait la somme, vint à passer un teintui'ier juif, qui
reconnut aussi le comte et dit aux Turcomans : « C'est
Josselin ! » Alors ceux-ci se hâtèrent de le conduire à Alep
et le livrèrent à Nour ed-Dîn. qui leur distribua une récom-
pense de mille dinars. Nour ed-Din lit crever les yeux à
Josselin et le jeta dans une prison, chargé de lourdes
chaînes. Il vécut neuf années dans son cachot et v mourut
misérablement. Son cadavre fut abandonné aux chrétiens
qui l'enterrèrent dans l'église.
Josselin II a\ait un fils en bas âge, ({ui fut le cinquième
et dernier comte d Edesse. Bientôt dépouillé, par les sul-
tans d'Alep et diconium, des derniers débris de son fief, il
passa en Palestine, se mit au service du roi Amaury, son
oncle, et reçut plus tard la charge de sénéchal du rovaume
de Jérusalem. 11 fît revivre par de brillantes qualités le sou-
venir de son grand-père.
La chute d'Edesse eut un retentissement considérable
en Occident et alarma toute la chrétienté. Ce fut ii la suite
de cet événement que le roi Louis VU et l'empereur Con-
rad, répondant au pressant appel du pape Eugène 111 et à
la voix éloquente de saint Bernard, partirent pour la seconde
croisade. Mais l'expédition n eut aucun succès. Edesse ne
revint jamais plus au pouvoir des Francs.
Les restes des monuments — églises ou forteresses —
érigés par les Croisés sur le sol de la Palestine et dans la
région d'Antioche excitent encore aujourd'hui l'étonnement
et l'admiration des voyageurs et des archéologues. 11 n'en
est pas de même dans le comté d'Edesse. On le comprend
facilement, si l'on songe que les chevaliers n y eurent
1918 30
•ti2 ÉfiËSSË l'IiNfjAN'l' LA CRKMIKRE CftoJsAWJ
jamais de repus, qu ils aviiient sans cesse les armes à la
main, et que la seule ville d'Kdesse dut soutenir sept sièges
en moins d un demi-siècle.
Mais si les monuments lapidaires ne sont pas là pour
rappeler le passage des Francs, il ne faut pas croire que le
souvenir de leurs exploits ait disparu. Il est devenu légen-
daire ; il s'est perpétué dans la tradition orale jusqu'à nos
jours, même parmi les populations les moins cultivées.
Il y a vingt et un ans de cela, sur la route d'Edesse à
Alep, dont chaque étape était marquée par les traces encore
sanglantes du récent massacre des Arméniens, je rencon-
trai un homme appartenant à la tribu des Yézidis, secte
mystérieuse des environs de Mossoul, que la persécution
turque a dispersée sans pouvoir l'anéantir. Cet homme me
demanda : « Est-ce bientôt que les Francs vont venir occu-
per ce pays? — Et qui t'a appris, dis-je, que les Francs
doivent venir? — Mais, fit-il avec assurance, les prophéties
l'ont annoncé. »
Je vous disais, Messieurs, il y a quelques mois : Espé-
rons que .l'accomplissement des prophéties ne tardera plus
guère ! Aujourd'hui, l'heure de la réalisation a déjà sonné.
Au souvenir des gloires militaires de nos ancêtres, encore
si vivace, après huit siècles, dans l'esprit des populations
syriennes, viendra s'ajouter dans leur cœur le sentiment
joyeux de la reconnaissance pour la France; pour la France
qui, seule pendant des siècles, s'est efforcée de leur assurer
une protection entièrement désintéressée ; pour la France,
qui a conquis leurs sympathies par le zèle et le dévouement
de ses missionnaires, par la multiplication de ses écoles et
de ses institutions charitables ; pour la France qui, plus
qu aucune autre nation, aura contribué, avec l'aide de Dieu,
à les affranchir du joug de la servitude, par la glorieuse
Victoire dont nous saluons les prémices.
Notice
SUR LA \m ET LES TRAVAUX
DE
M. LE MARQUIS DE VOGUÉ
PAR
M. RENÉ GAGNAT
SECRÉTAIKE PERPÉTUEL
Messieurs,
La volonté souveraine qui fonda notre Académie
décida, vous le savez, qu'à côté des savants de profession
siég-eraient d'illustres personnages, amis et protecteurs
éclairés de la science. Le règlement ordonné par le Roi
pour l'Académie royale des inscriptions et médailles, le
16 juillet 1701, établit que la Compagnie comprendra dix
académiciens honoraires, qui seront tous « recomman-
dables par leur érudition dans les belles-lettres et leur
intelligence en fait de monuments antiques ». De ce groupe
d'académiciens est né celui de nos membres libres, aucjuel
appartenait le confrère dont je veux vous parler aujour-
d'hui, le marquis de Vogué.
Et, en vérité, nul ne descendait plus directement que
lui de ces gens de qualité, illustrations des premiers temps
de notre vie académique. Que dis-je ? c'était presque
encore l'un d'eux. Sa haute stature, son port majestueux,
la dignité de ses allures n'auraient pas été déplacés sous le
justaucorps ; avec quelle noblesse sa tète eût porté la
lit NOtlCIi SUk M. LK MAUnUlS Dli VO(Ulli;
perruque, si lout cet appareil eût été encore de mode !' A
ces qualités extérieures, héritag-e d'une lignée vigoureuse,
répondaient de hautes vertus de l'esprit et du cœur, une
érudition protonde et variée, une méthode de recherches
sûre delle-mème, une générosité d'âme prête à tous les
dévouements pour soulager les misères humaines, au
mépris de la fatigue, de la maladie même. Ce grand sei-
gneur, ce savant éminent, cet homme de bien a été des
nôtres pendant près d'un demi-siècle ; nous l'entourions de
notre vénération.
Il nous a été donné de la lui prouver solennellement en
1909. Le 29 octobre de cette année-là, votre Secrétaire per-
pétuel présentait à l'assemblée un gros volume intitulé :
Florilegiiim ou Recueil de travaux dédiés à M. le marquis
Melchior de Vogiié à Voccasion du 80^ anniversaire de sa
naissance; une soixantaine de savants, français ou étrangers,
appartenant à tous les pays oîi l'érudition est en honneur,
avaient tenu à collaborer au livre, pour témoigner à notre
confrère leur estime et leur sympathie. Notre président
d'alors, M. Bouché -Leclercq, en prit occasion pour lui
adresser, en notre nom commun, de cordiales félicitations;
il lui souhaitait de nous enseigner longtemps « l'art de
vieillir en pleine activité, en conservant tout ce qui donne
du prix à l'existence et en nous offrant un exemple qu'il est
plus facile d'admirer que d'imiter ». Ce souhait fut exaucé
pendant sept années. Durant sept ans encore, Vogiié résista
aux atteintes de l'âge : ce n'est qu'à la fin de 1916 qu'il
nous a été enlevé. La charge dont vous avez bien voulu
m' honorer me permettra de lui rendre ici publiquement un
nouvel hommage, le dernier, hélas! qu'il puisse recevoir de
notre Académie.
Gharles-Jean-Melchior de Vogué naquit à Paris, le
18 octobre 1829, d'une famille riche d'honneur et de sou-
venirs, où l'on avait toujours allié le culte des vertus
NOTICE SUR M. LE MARQUIS UK VOfiÛÉ 44o
guerrières au g-oiit éclairé de la littérature et des arts. Son
père, esprit singulièrement ouvert, l'éleva dans ces tradi-
tions. (( Le jour où j'eus sept ans, ce qu'on appelle l'âge de
raison, a écrit notre confrère dans des Souvenirs manuscrits
dont sa famille a bien voulu me permettre de prendre con-
naissance, mon père me donna deux choses : une gram-
maire latine et un petit sabre de cavalerie. C'était répo([U(>
où les Humanités étaient encore en grande faveur et com-
posaient presque exclusivement la niatière de l'enseigne-
ment : bien les savoir était alors l'obligation d'hommes
cultivés... Quant au petit sabre de cavalerie, il fut l'objet
dun commentaire que je n'ai pas oublié. En me le remet
tant, mon père me rappela ce qui fait la grandeur du ser-
vice militaire et me cita la célèbre devise espagnole : « Ne
me tire pas sans raison et ne me remets pas sans honneur. )>
A ce double idéal, svmbolisé d'une façon si orio-inale, notre
confrère devait conformer toute son existence.
Il fît ses études au lycée Henri IV, puis au collège Roi-
lin, qui était alors installé rue des Postes ; une de ces pen-
sions comme il en existait à cette époque, quelques-unes
restées célèbres, 'la pension Gibon, lui donnait le gîte et le
couvert, sans compter les répétitions. Sa famille le desti-
nait à Saint-Cvr : il v fut reçu le 32* en 1847 ; mais il ne
voulut pas y entrer, ayant, disait-il, des ambitions plus
hautes : il visait l'Ecole polytechnique. Il s'y préparait en
IStiS quand la révolution de février éclata. Son maître de
pension le renvoie dans sa famille ; armé d'un fusil de
chasse, il accompagne son père et d'autres parents à leur
bataillon de garde nationale; avec eux il se rend au Minis-
tère de l'intérieur, occupé par Ledru-Rolliu, et monte la
garde à la porte comme défenseur de l'ordre. Puis il revient
chez M. Gibon. Surviennent les émeutes de juin, qui
interrompent à nouveau son travail, au moment où allait
s'ouvrir le concours de l'Ecole polytechnique. Aussi n'est-
il pas admissible à l'écrit. En 1849, c'est à l'oral qu'il
échoue, refusé par son futur confrère Joseph Bertrand.
iiC) NOTici: SI II M. r,K mahoiiis i»k vocûé
(( Cet écJiec, a-l-il écrit, est luie des grâces les plus
sicrnnlées que la Providence m'ait accordées ; il décida de
ma vie. 11 lui a donné une orientation toute (iilférenle de
celle que lui aurait donnée le succès ; et cette orientation
nouvelle m'a procuré au delà des satisfactions auxquelles
je pouvais prétendre. Cet échec a encore eu un elTet bien-
faisant. Il m"a arraché aux études mathématiques (jui
m'avaient exclusivement absorbé pendant trois ans; c'est à
peine si, pendant ce long espace, j'avais ouvei-t un livre
autre qu'un livre de science. »
(3otte conviction resta toujours profonde chez lui. Peu
de temps après son élection parmi vous, il y eut une récep-
tion solennelle à l'Académie française. « En pareil cas, dit-
il dans ses Souvenirs, on se réunit dans la Bibliothèque de
l'Institut, on y signe une feuille de présence, puis on des-
cend processionnellement le rapide e!. dangereux escalier
qui conduit sous la Coupole au son du tambour qui bat aux
champs en l'honneur du récipiendiaire. Je me gardai bien
de manquer cette première occasion de m'asseoir sur les
bancs si enviés. J. Bertrand faisait partie de l'assistance.
Je guettai le moment où il apposa sa signature sur le
registre et m'arrangeai de manière à recevoir de sa main la
plume qui devait me servir k signer à mon tour. Je me
nommai et lui disque c'est à lui que je devais l'honneur de
mettre mon nom sous le sien ; car c'est en me refusant à
l'Ecole polytechnique dix-neuf ans auparavant qu'il m'avait
ouvert les portes de l'Institut. Il sourit ; de ce jour s'éta-
blirent entre nous de cordiales relations. »
Son père songea immédiatement pour lui à la diplomatie.
Alexis de Tocqueville, ami et camarade du marquis, était
alors ministre des Aiï'aires étrangères. Il fut convenu
qu'après les vacances le jeune Melchior de Vogué entrerait
au Cabinet et qu'on chercherait à l'affecter à quelque
ambassade. Le général de Gastelbajac, nommé ministre à
Pétrograd, consentit à l'emmener comme attaché. Au début
NOTICE SLR M. LE iMARQUIS DE VOGUÉ 447
de' 1850, il partit, avec l'ambassadeur et sa femme, pour
rejoindre son poste. S'il aimait les aventures et les vo3'ages,
il trouva amplement de quoi se satisfaire pendant les
deux années que dura sa mission : il la commença par une
course des plus pénibles à travers les neiges, arrêté à
chaque instant par les tourmentes, retenu prisonnier de la
tempête dans de misérables bourg-ades, versant en pleine
cam{)a<2^ne, loin de toute habitation, avant d'arriver à Var-
sovie ; il la termina par une chasse à l'ours, où renversé
par une femelle blessée qui lui enfonçait ses crocs dans la
jambe, il ne dut son salut qu'à l'arrivée d'un de ses compa-
gnons, qui envoya à bout portant une balle dans la tête de
l'animal. Jamais, au cœur de l'Asie, même aux plus mau-
vais jours, il ne devait ressentir d'aussi fortes émotions.
C'est durant son séjour en Russie que s'éveilla sa voca-
tion d'archéologue ; il eut l'occasion de voir et de dessiner
dos pièces d orfèvrerie russe du moyen âge qui lui sem-
blèrent remarquables, à Moscou, dans le trésor impérial,
dans des couvents, chez des particuliers ; il les communi-
qua à Didron, qui les publia dans ses Annales archéolo-
giques '. J'ai dit qu'il les dessina ; il avait, en ed'et, un
véritable talent de dessinateur et d'aquarelliste ; ses
ouvrages ont été, la plupart du temps, excellemment illus-
trés par lui-même, qu'il s'ag-ît de vues pittoresques ou de
relevés d'architecture. Et ceci nous explique peut-être
comment il arriva à tant de découvertes heureuses dans
le domaine des antiquités monumentales ; ce qui aurait
échappé à l'archéologue n échappait point, né pouvait pas
échapper à qui devait, pour satisfaire aux exigences de son
crayon, interroger tous les détails de son modèle. Ajou-
terai'je que ses études mathématiques, dont il médisait,
lui rendirent, à cet égard, de signalés services ?
A l'annonce du coup d'Etat, Vogiié donna sa démission
1. T. XI, p. 313 ; t. XV. p. 77.
t'(S NOTirK SUR M. LE MARQUIS DE VOfUlIÎ
et quitta Pétrograd, brisant ainsi une carrière qui lui plai-
sait et où il avait su se faire appre'cier. Il profita de son
voyag-e de retour pour continuer son éducation archéolo-
g-ique et faire connaissance avec les antiquités romaines des
bords du Hliin ; après quoi il revint à Paijs sans savoir quel
emploi il assignerait :i son activité. Son hésitation ne fut
pas de longue durée. Avec deux de ses amis, Roger Anis-
son-Duperron, son ancien camarade de la pension Gibon,
et Alexandre de Boisgclin, comme lui « enthousiastes,
curieux d'art, d'histoire, de couleur locale, quelque peu
frottés de romantisme et sincèi-ement croyants », il fornui
le projet de parcourir l'Orient et de visiter les contrées que
leur foi de chrétiens, leurs souvenirs classiques, et. du moins
pour Vogué, leur descendance de Croisés rendaient singu-
lièrement attirantes. Au début de mai 18.^3, ils quittaient
Marseille, sur le paquebot le Tancrède. De ce long- voyage,
qui dura une année entière, notre confrère a laissé, dans
une série de lettres adressées à son père et à sa mère, le
récit très détaillé. A la fin de mai, il débarqua à Athènes,
où Daveluy, alors directeur de IFcole d'archéolog-ie, lui
donne pour g-uide Edmond About ; c'est sous la conduite
de ce dernier qu'il visite l'.^cropole. A Delphes, il fait
1 ascension du Parnasse ; puis se rend à Corinthe,
Mycènes, Argos, Epidaure. Sparte. « N'est-ce pas amu-
sant, ma chère mère, écrit-il, de recevoir une lettre datée
de Sparte ? » De là il passe en Eubée ; en juillet, il est à
Salonique, après avoir admiré les richesses du mont
Athos ; aux premiers jours d'août, il aborde à Constanti-
nople et fait connaissance avec l'ambassade française sans
se douter qu'il devait y revenir comme chef une vingtaine
d'années plus tard. Le l®^ septembre, il quitte Stamboul
pour la Syrie. De Beyrouth il part pour visiter les ruines
de Baalbek; puis, désireux de connaître celles de Palmyre,
il fait alFaire avec un notable de Damas, qui lui assure,
moyennant finances, le passag-e parmi les brig'ands du
.NOTICE SIR M. I,E MARQUIS DE VOGUÉ 449
désert ; là il vit chez le cheik du lieu, au milieu des
Bédouins, vêtu comme eux, ainsi que ses compagnons,
entièrement à l'arabe, courant les ruines, mesurant, dessi-
nant, copiant des inscriptions — dont la plupart étaient
malheureusement connues, — et cela malgré les alertes de
leur guide, qui, pour les faire partir plus tôt, simulait des
attaques et inventait des dangers imaginaires auxquels les
voyageurs ne croyaient pas. Maintenant il va pénétrer en
Palestine par Sidon, Tyr, Saint-Jean-d'Acre et le Carmel ;
et dès lors chacune de ses lettres est datée de quelquime de
ces localités, célèbres dans leur humilité, si pleines de sou-
venirs sacrés : Nazareth, Tibériade, C'ana. Le 19 novembre,
il arrive en vue de Jérusalem.
« J'ai aperçu, écrit-il le 23 à son père, pour la première
fois et le premier la ville sainte des hauteurs de Schafat et
je n'ai pu contenir mon émotion à la vue de ses murailles
vénérées. Depuis le matin j'avais comme une fièvre qui me
poussait en avant, à la grande stupéfaction de ma monture
dérangée dans ses allures pacifiques ; et sitôt que j'ai vu
poindre au loin et briller au soleil les dômes de Sion, l'émo-
tion a éclaté et je me suis jeté en bas de mon cheval pour
remercier le Seigneur de m'avoir amené jusqu'ici. »
Après une excursion à Bethléem, « un des sanctuaires
les plus doux à visiter pour le chrétien », où il retrouve
« la trace de son saint patron », à Hébron, à la mer Morte,
à Jéricho, le voilà en route pour l'Egypte.
Le H) décembre, il mouille en rade d'Alexandrie ; avec
ses compagnons il frète un bateau pour remonter le Nil
jusqu'à la deuxième cataracte ; c'est près de là qu'il fît le
relevé d'une vieille forteresse, Senneh, qui, au temps des
Pharaons, gardait de ce côté l'accès de la vallée du fleuve ^
Au retour, il passe onze jours dans les ruines de Thèbes et
les emploie à crayonner le plus qu'il peut, depuis le lever
l. Bnll. arch. de l'Athena^um /'raiirnis, isôô, p. 81 et suiv.
450 NOTICF. SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ
(lu s(»leil jusqu'à la nuit, « plein d'admiration pour le pays
et pour l'art, vraiment grand, des anciens Egyptiens ». Kn
rentrant au Caire, il croyait être sur le chemin du retour.
Les circonstances en décidèrent autrement. Il avait rencon'
tré, durant son voyage, à Athènes, à Çonstantinople, à
Damas, à Jérusalem, un jeune homme, (ils d'un ancien
membre de l'Académie française, le baron de Guiraud, et
s'était lié d'amitié avec lui ; l'intimité s'accrut encore au
cours de leur excursion commune en Egypte, si bien que
tous les deux formèrent le projet' de laisser leurs compa-
gnons partir pour la France et de retourner ensemble à
Jérusalem, avant de reprendre à leur tour le chemin de la
patrie ; Vogué voulait étudier de plus près tous ces monu-
ments, si pleins de souvenirs, qu'il n'avait fait encore
qu'entrevoir. Cette fois, au lieu de suivre la voie de mer,
ils se décidèrent à emprunter la route des caravanes et à
traverser le petit désert ; un cheik d'El-Arich s'engagea,
moyennant finances, à les mener au couvent de Ramleh en
neuf jours. Le 4 avril 1834, la petite troupe quittait le Caire
sous sa conduite. « Devant, a-t-il écrit, notre guide, vrai
Bédouin déguenillé ; puis nous venions les uns derrière les
autres, perchés sur la bosse de nos chameaux. Derrière
nous, emboîtant le pas, marchaient les deux chameaux de
bagage, avec cette gravité doctorale et inintelligente qui
est propre à leur race. La marche était fermée par notre
cuisinier Giuseppe, surveillant le tout. Un second chame-
lier, fils d'Ismaël comme le premier, aussi brûlé, aussi
maigre, aussi déguenillé que lui. marchant sur les flancs
de la colonne, allait d'une béte à l'autre, activant leur non-
chalance, redressant un paquet, resserrant une corde,
jurant beaucoup et chantant d'une voix nasillarde un refrain
monotone. » Le Jeudi saint, au matin, on était rendu à
Ramleh. A midi, les voyageurs se remettaient en mouve-
ment pour pouvoir passer le Vendredi saint à Jérusalem.
Au coucher du soleil, ils étaient en vue de la cité. Les pre-
NOTICR Sriî M. LE MARQUIS DE VOGUÉ 451
miers jours du séjour de Vogué dans la ville sainte, où
Botta était alors consul général, furent consacrés aux sou-
venirs et aux émotions chrétiennes : il assista aux cérémo-
nies religieuses ', « suivit le long de la voie douloureuse
les péripéties de la Passion, se mêla à la touchante proces-
sion qui reproduit dans lintérieur de léglise du Saint-
Sépulcre, comme un mystère du moyen âge, les derniers
détails du drame divin ; il passa du Samedi saint au jour de
Pâques, sous les voûtes sombres et solitaires de l'église,
une de ces nuits si poétiques décrites par Chateaubriand » ;
puis, aussitôt après les fêtes de Pâques, il se mit au travail,
« le crayon d'une main, le mètre de l'autre ». Pendant plus
d'une quinzaine, il amassa les documents et les notes, mal-
gré les ditïicultés que suscitaient la malveillance, la jalou-
sie, l'intolérance des habitants ; quand il (juitta pour la
seconde fois Jérusalem, il avait de quoi publier un travail
complet sur les édifices chrétiens du pays.
Il mit cinq années à le rédiger ; car il n'entendait point
écrire un ouvrage d'amateur et livrer au .public ses décou-
vertes, comme au retour d'un voyage de tourisme ; il tenait
à faire œuvre durable, à creuser le sujet, à l'éclairer partons
les documents qu'il lui serait donné de rencontrer dans les
archives et les bibliothèques. Il se fit chartiste, il étudia les
langues orientales, il dépouilla les récits des historiens et
des voyageurs qui 1 avaient précédé ; il accumula tous les
renseignements, même minimes, qui éclairaient le passé
architectural du pays. De là sortit un livre magistral : Les
églises de la Terre Sainte, dont notre confrère, M. Salo-
mon Reinach, a écrit à juste titre - : « Qu'un jeune homme
de grande et riche famille ait pu réunir les matériaux d'un
tel livre h vingt-cinq ans et l'écrire à trente, c'est la pre-
mière, mais non la dernière surprise que la carrière scienti'
fique de Vogué réserve à la curiosité de ses biographes, n
1. Les é(f Lises de la Terre Suinic, p. KJ.
2. Rev. arch., 1916, II, p. 434.
452 NOTICK SIK M. I>E MARQUIS DK VOGÎÎÉ
L;i plupart des églises de In Terre Sainte remontent à
l'époque des Croisades. Avec l'empereur Constantin, un
grand mouvement architectural s'était produit à Jérusalem,
sous l'impulsion de sainte Hélène. A cette époque, la tradi-
tion du passé était encore vivante et les emplacements véné-
rables, témoins du début du christianisme, ne prêtaient à
aucun doute; on les consacra par des constructions pieuses.
Au \'' siècle, l'impératrice Eudoxie fonda, à son tour, des
établissements semblables ; au vi^, Justinien continua
l'œuvre de ses prédécesseurs avec une libéralité telle qu'un
pèlerin anonyme de l'époque ne comptait pas. dans la ville
et les environs, moins de 175 édifices religieux. Mais là,
comme ailleurs, les invasions arabes accomplirent bientôt
leur œuvre néfaste : quand les Croisés entrèrent victorieux
à Jérusalem, tous ces monuments n'étaient plus g'uère que
des ruines. Aussitôt, ils se mirent à l'œuvre ; avec eux on
vit renaître la fièvre des constructions. De toute part sur-
g-irent de nouveaux sanctuaires, élevés sur les débris de
ceux qui avaient .jadis existé, issus de l'art roman, mais
d'un art roman quelque peu modifié par les influences
locales, les exig-ences du climat, la nature des matériaux
employés, les habitudes des ouvriers indigènes ; et comme,
à la suite de la chute de Jérusalem, la société créée par les
Croisés émig-ra dans l'île de Chypre, le mouvement arrêté
en Palestine se continua sur ce nouveau domaine, d'abord,
et ensuite dans l'île de Rhodes, dernier rempart de la chré-
tienté contre les Turcs en Orient. Ce sont les vestiges de
ces sanctuaires que Vogiié avait pris à tâche d'étudier dans
le détail : Sainte-Marie de Bethléem, contemporaine du
triomphe du christianisme ; l'ég-lise du Saint-Sépulcre, où,
sous les constructions des rois chrétiens de Jérusalem, il
reconnut les restes de la basilique byzantine du x^ siècle et
ceux même de la basilique constantinienne ; l'église de
Sainte- Anne, les différentes églises existant autour des
murs de la ville ou aux environs, celles de Galilée, de
iSOÎlCfc SLR M. LE MAkyUlS t)Ë VOGUÉ io3
Samarie. du littoral, celles enliii de Chypre ou de Khode.s.
Ce livre, comme l'écrivait un éminent critique de l'époque',
est l'œuvre d'un archéologue et presque d'un architecte ;
on y admire « la patience du dessinateur, l'exactitude de
l'architecte, la pénétration du savant; par-dessus tout cela,
le sentiment élevé de l'écrivain et de l'artiste et, pour fond,
l'àme du chrétien ».
En l8oi. Vogué avait quitté 1 Orient sans espoir de
retour ; sa destinée devait pourtant l'y ramener pour le
plus grand bien de la science. L année même où il publiait
ses Eglises de Terre Sainte, des événements tragiques se
passaient en Syrie. La Turquie, suivant son habitude, y
faisait massacrer les chrétiens, et la France, leur protectrice
attitrée, envoyait une expédition militaire pour les défendre
et les venger. En même temps, suivant la tradition française,
on décidait que, derrièi*e les soldats, des savants entrepren-
draient une exploration scientifique du pays. Renan, on le
sait, partit à cette occasion pour la Phénicie. Waddington,
de son côté, sans solliciter un secours ofticiel, que sa for-
tune personnelle lui permettait de négliger, entreprenait de
parcourir tout l'arrière-pays de la Syrie limitrophe du
désert ; à l'automne de 1860, il débarquait à Smyrne. Il
employa le printemps, l'été et 1 automne de 1801 à visiter
Palmyre, le Haouran, le Ledja, Emerveillé de tout ce qu'il
voyait, il eut alors 1 idée de faire appel au concours de
Vogiié, avec lequel il s'était lié au Cabinet des médailles
et qu'il tenait en haute estime. Ce dernier venait d'être
cruellement frappé ; il avait perdu sa jeune femme après
cinq ans seulement de mariage. Pour endormir sa douleur,
il accepta de répondre à l'appel de son ami ; il emmenait
avec lui un architecte de grand talent, Duthoit. La réunion
se fit à Beyrouth au mois de décembre. C'est vers cette
date que Georgis Perrot, au cours de sa belle mission en
1. De Champagny. dans le Correspontlant, 1860, I, p. il 4.
484 NotïCK SUh M. LR :ilAftnL<S DE VOoÛÉ
Asie Mineure, les y rencontra, ainsi qu'il vous Ta conté ici
niome il y a dix ans '. On peut se figurer aisément ce que luL
cette réunion des trois futurs confrères, que rapprochait
ainsi le hasard. »< Entre voyageurs qui aimaient tout du
voyage, jusqu à ses fatigues et à ses ris<{ues, la liaison fut
bientôt faite. On causait sous la véranda de l'hôtel pendant
le jour et, le soir, autour de la table hospitalière du consul
général, le comte Bentivoglio. Du pays que Porrot allait
parcourir, Vogué et Waddington savaient tous les chemins,
les moyens de locomotion, les meilleurs ou, pour mieux
dire, les moins mauvais gîtes. Ils lui tracèrent sa route et
lui en marquèrent les étapes. »
Mais chaque mission avait à poursuivre des recherches
propres. Tandis que Perrot gagnait la Judée, Waddington
et Vogué se rendaient à Chypre, chargés par Renan d'y
faire quelques fouilles que lui-même n'avait pas eu le moyen
de tenter. Elles furent fructueuses, onze inscriptions
cypriotes, huit phéniciennes, une centaine de grecques,
tous les monuments du temps des Lusignan relevés et des-
sinés et de nombreuses sculptures cypriotes embarquées
pour le Louvre. Une lettre écrite à Renan de Chypre même
et insérée dans nos Comptes rendus - fait connaître ces
précieuses trouvailles.
Le 15 mars, les deux savants reviennent à Damas, mais
pour tenter aussitôt l'exploration du Sàfa, où Waddington
n'avait pu pénétrer l'année précédente. On nomme ainsi
une région située au Sud-Est de Damas. Ecoutez comme
Vogiié la décrite :
« Le massif plus spécialement appelé Sàfa est une vaste
nappe de basalte, à la surface noire et luisante, aux bords
déchiquetés par le refroidissement des laves préhistoriques
et qui s'étale autour d'vuie série de cônes aux flancs escar-
1. Comptes rendus de l'Académie, 1909, p. 876.
2. 1862, p. 53.
NOTICE StJR M. LE lilARQtlS t)È VOGÛÉ 458
pés, aux cratères béants. Le sol est presque entièrement
caché par des fragments basaltiques noirs, aux angles
arrondis, dont les dimensions varient de la g-rosseur du
poing à jCelle du corps d'un homme ; dans les intervalles
laissés par cette pluie de pierres s'étendent des espaces irré-
guliers formés d'un sable argileux susceptible de culture...
Les seuls vestiges que l'homme ait laissés de son séjour en
ces lieux pendant l'antiquité sont les inscriptions. Les sol-
dats romains des garnisons de Ses et de Némara, ont écrit
leurs noms en grec et en latin sur les rochers qui avoisi-
naient leurs postes ; les premières tribus musulmanes
ont tracé des sentences pieuses en caractères coufiques ;
avant les unes et après les autres, des mains inconnues,
que nous supposons avoir été sabéennes, ont gravé sur les
mêmes rochers, mais en bien plus grand nombre, d'autres
inscriptions qui, sans doute, comme les précédentes et
comme celles du Sinaï, renferment des noms propres, des
formules pieuses, peut-être aussi des allusions aux inci-
dents, aux passions de la vie du désert '. »
Vogué n'était pas parvenu, en effet, plus que ses prédé-
cesseurs à déchiffrer le mvstère de ces inscriptions ; il se
contenta de reproduire ses copies. (( Après des essais mul-
tipliés, après avoir cru résoudre le problème, a-t-il dit avec
une belle franchise, j'ai fini par constater mon impuissance ;
je me suis alors décidé à abandonner un travail inutile çt
à laisser à de plus habiles que moi le soin de vaincre les
difficultés qui m'avaient arrêté. >^ L honneur de résoudre la
([uestion était réservé à J. Halévy et à Littmann ; notre con-
frère fut, naturellement, le premier à se réjouir de leur
succès.
Du Sâfa, Waddington et Vogué retournent dans le Haou-
ran, déjà visité par Waddington, pour étudier les monu-
ments du pays, traversent le Ledja et reviennent à Bey-
1. La Syrie centrale. Inscr. sémiliquei, p. 13".
io(i Volu.L si i( \|. \M MAJînLis 1)1-; vo(uik
rouUi, Le 23 juin, ils se dirigent vers Jérusalem; ils iiUyienL
y chercher le repos nécessaire pendant la saison d été ;
N'ogûé voulait, de son côté, compléter et rectilier ses pre-
mières recherches sur la ville sainte et surtout étudier les
ruines du vieux, temple. Aussi bien les circonstances étaient-
elles devenues beaucoup plus favorables. Pendant son pre-
mier séjour, rentrée du Haram-ech-Chérif était rigoureuse-
ment interdite aux chrétiens, et il avait vainement tenté
« de soulever le voile qui cachait les merveilles de la mos-
quée » ; maintenant « laccès dé l'enceinte était facile, la
toute-puissance du bakchich eji avait forcé les portes ».
Peu de jours après son arrivée, les formalités étaient rem-
plies et il prenait possession, au nom de l'archéologie, « de
cette enceinte si longtenqis fermée aux investigations
sérieuses ». Tous les matins, d'après une convention passée
avec le cheik principal, de six heures à midi, il était auto-
risé avec ses compagnons à dessiner, mesurer, photog-ra-
phier à son aise. Ce labeur dura trois mois sans interrup-
tion ; il lui permit de publier, dès 1864, un nouveau
volume intitulé : Le Temple de Jérusalem^ bel in-folio, qui
contient, outre 37 planches, une étude très détaillée de
l'édifice à toutes les périodes de son existence. On sait par
quelles alternatives de grandeur et de misère passa le
temple de Salomon, détruit par Nabuchodonosor, rebâti par
Zorobabel, saccagé par Antiodhus et les Piomains, réédifié
par Hérode le Grand, finalement ruiné et incendié sous
Titus après un siège demeuré célèbre. De chacun de ces
états successifs du sanctuaire il fallait, d'après les textes,
se faire une idée précise et chercher à en retrouver les
traces sur le terrain malgré les transformations survenues ;
c'est à quoi Vogué se consacra et réussit. Cette étude, com-
plétée par celle d'un curieux monument bâti par Ilyrcan et
décrit par Josèphe, le château d'Araq-el-Emir, l'amena à
émettre des vues originales sur les caractères de l'art aux
derniers temps de l'indépendance juive. Il y trouve « un
5;0T1CÉ SUR M, LE MAÙQÛIS uk V(i(.lï|- 457
tTiékinj^e de principes gi-ecs et de souvenirs tles écoles asia-
tiques antérieures, la confusion des ordres classi(|ues, la
recherche des grands matériaux, 1 emploi de la voûte en
])erceau, un certain g'oût pour les monuments taillés dans
le rocher. A ces caractères, la réaction asmonéenne ajou-
tera des traits propres au g-énie hébraïque, substituera l'or-
nementation végétale à 1 imitation des êtres vivants, anti-
pathique au sentiment orthodoxe ; l'intervention dHérode
y joindra quelques détails romains, et de la fusion de ces
éléments divers naitra un art qui, sans être original, aura
pourtant sa physionomie distincte' ».
Comme toutes les théories nouvelles, cette conception,
trouva des contradicteurs ; de Saulcy, qui s'était occupé de'
la même question, la combattit vivement, dans les Mémoires
de notre Académie - ; il retourna à Jérusalem exprès
pour examiner sur place les assertions de Vog-iié et en
revint plus persuadé que jamais qu'il avait raison contre
lui. Ce n'était pas l'avis général.
A la fin de l'automne, Waddington repartait pour la
France. Vog'ûé resta encore quelque temps en Syrie, avec
Duthoit. pour explorer une contrée où il comptait faire une
ample moisson de découvertes, ce qui advint.
La Syrie se divise en trois zones très distinctes. La pre-
mière long-e la mer: bande de terre assez étroite que bornent
à l'Est rOronte, le Léontès et le Jourdain ; c'est là que
s'élevèrent les villes les plus célèbres de l'Orient asiatique,
Antioche, Tyr, Jérusalem ; les facilités d'accès ont permis
depuis long-temps de la parcourir et de la connaître.
D'autre part s'étendent les vastes espaces désertiques qui
confinent à l'Euph'rate et au golfe Persique ; ils n'ont
jamais été occupés que par des nomades et ne contiennent
aucun vestige archéologique. Entre les deux se trouve une
1. Rev. arc/i., 1864, X, p. 62.
2. T. XXVI, p. 1 et suiv.
1918 31
158 NOTICK SL'H M. Lt MARQUIS DE Voc.Ûlï
région intermédiaire, celle que Vogué a appelée d'un ternie
qui est devenu classique : la Syrie centrale. En 180.'], elle
était à peu près inconnue, du moins dans sa partie septen-
trionale ; quelques rares voyageurs avaient seulement tra-
versé la partie méridionale. Et pourtant quelle abondance
de documents elle olTre aux archéologues ! « Le pays étant
peu habité et occupé par des populations qui ne se sont
jamais installées que provisoirement, les éditices antiques
y sont demeurés debout quand tout disparaissait dans les
autres parties de la Syrie ; ils nous font connaître létat de
cette province pendant les premiers siècles de notre ère,
comme ces témoins géologiques qui nous indiquent l'état du
globe terrestre avant les révolutions qui en ont modifié la
surface. Sur certains points, leur état de conservation est
vraiment remarquable ; la main du temps, moins destruc-
tive que celle de l'homme dans ces beaux climats, les etlleu-
rant à peine, a, par des accidents de détail, ajouté le charme
du pittoresque à l'intérêt scientifi(|ue ; sans les secousses des
tremblements de terre qui ont ébranlé les murs, il ne man-
querait souvent aux édifices que les toits et les charpentes
et nous aurions pu contempler souvent le spectacle presqaie
inaltéré d'une ville syrienne du vu® siècle ^ »
La conservation de ces constructions est telle que Vogué
a pu écrire ^ :
« Je serais presque tenté de refuser le nom de ruines à
une série de villes presque intactes ou, du moins, dont
tous les éléments se retrouvent, renversés quelquefois,
jamais dispersés, dont la vue transporte le voyageur au
milieu d une civilisation perdue et lui en révèle, pour ainsi
dire, tous les secrets ; en parcourant ces rues désertes, ces
cours abandonnées, ces portiques où la vigne s'enroule
autour des colonnes mutilées, on ressent une impression
1. Syrie cenlrale, Introduction, p. 4.
2. Ibid., p. 7.
NOTtCli SI R M. t>E MARQllS Dt; VOGUE 459
analogue à celle que l'on éprouve à Pompéi, moins com-
plète, car le climat de la Syrie n'a pas défendu ses trésors
comme les cendres du Vésuve, mais plus nouvelle, car la
civilisation que l'on contemple est moins connue que celle
du siècle d'Auguste. »
Avec Waddington, Vogué avait parcouru le centre de
cette région, les environs de Damas et le Haouran : seul il
aborda la partie septentrionale, le triangle compris entre
Antioche, Alep et Apamée. Ce qui fait le grand intérêt de
cette région, c'est que tous les monuments qu'on y ren-
contre se rapportent à la même époque et à une époque dont
l'art, en Orient, était fort peu connu jusque là: l'époque du
christianisme primitif. En parcourant ces restes étonnants,
« on est transporté au milieu de la société chrétienne ; on
surpiend sa vie, non pas la vie cachée des catacombes,
mais une vie large, opulente, artistique, dans de grandes
maisons bâties en grosses pierres de taille, parfaitement
aménagées, avec galeries et balcons couverts, beaux jar-
dins plantés de vigne, pressoirs pour faire le vin, cuves et
tonneaux de pierre pour le conserver, larges cuisines sou-
terraines, écuries pour les chevaux ; belles places bordées de
portiques, bains élégants ; magnifiques églises à colonnes,
flanquées de tours, entourées de splendides tombeaux. Des
croix, des monogrammes du Christ, sont sculptés en reliet
sur la plupart des portes ; de nombreuses inscriptions se
lisent sur les monuments : par un sentiment d'humilité
chrétienne qui contraste avec la vaniteuse emphase des
inscriptions païennes, elles ne renferment presque pas de
noms propres, mais des sentences pieuses, des passages de
l'Écriture, des symboles, des dates ; le choix des textes
indique une époque voisine du triomphe de l'Eglise ; il y
règne un accent de victoire qui relève encore l'humilité de
l'individu et qui anime la moindre ligne, depuis le verset
du psalmiste, gravé en belles lettres rouges sur un linteau
chargé de sculptures, jusqu'au (jra/fito d'un peintre obscur
460 NOtlCE SÙK il. LÉ JiAliuLJlS bE VOGlÎÉ '
qui, décorant un tombeau, a, pour essayer son [)incenu,
tracé sur la paroi du rocher des monogrammes du Christ,
et, dans son enthousiasme de chrétien émancipé, écrit en
paraphrasant le labarum : Tojto vtxa : « Ceci triomphe ^ . »
C'est un autre genre de ruines que le Haouran otîre aux
visiteurs ; le pag-anisme y reprend tous ses droits ; on y
rencontre les éditices que les usages romains avaient semés
sur toute l'étendue du monde connu : temples, basiliques,
bains, théâtres, maisons grandes et petites, mais construits
avec une solidité dont on n'a pas d'exemple ailleurs : « Le
trait particulier de l'architectui'e du pays, c'est que la pierre
est le seul élément de la construction. La région ne produit
pas de bois et la seule roche utilisable est un basalte très
dur et très difficile à tailler. Réduits à cette seule matière,
les architectes surent en tirer un parti extraordinaire et
satisfaire à tous les besoins d'une civilisation avancée. Par
d'insrénieuses combinaisons ils surent construire des
temples, des édifices publics et privés dans lesquels tout
est de pierre, les murs, les solivages, les portes, les fe-
nêtres, les armoires ~. » On conçoit ce que l'étude de tant
de monuments aussi soigneusement bâtis et, par suite,
aussi merveilleusement conservés, dut fournir à un archéo-
logue et à un dessinateur comme Vogué ; la publication des
deux premiers volumes intitulés La Syrie centrale^ fît
sensation et consacra la réputation de leur auteur. Leur
principal intérêt, disait-il modestement, réside dans les
planches qui les accompagnent. La vérité est que les
planches sont, en effet, d'un intérêt puissant, mais que le
texte qui les éclaire est un monument de science et de
perspicacité. Les conclusions si personnelles qu'il contient
1. Syrie centrale, p. 8.
2. Syrie centrale, p. 6.
3. Paris, in-4'' (50 planches), t. I et II, Architecture civile et religieuse
du 1" au vn« siècle (1865-1877); t. 111, Inscriptions sémitiques (1868-
1877).
NOTICE SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ 461
ne furent pas sans soulever des contradicteurs ; mais elles
trouvèrent, d'autre part, des défenseurs et des adeptes.
Viollet-le-Duc et certains avec lui avaient déjà reconnu
qu'il existe entre les édifices romans du Midi de la France
et les édifices o-réco-romans de la Syrie une parenté indé-
niable ; il en faisait remonter la date au xii^ siècle ; il
croyait qu'à la suite de la première croisade, au contact
d'un art nouveau pour eux, les artistes français avaient
demandé leurs modèles et leurs inspirations aux pays de
l'Orient. D'autres professaient une autre théorie, et ^'ot^•llé
fut du nombre.
Pour lui, cette renaissance occidentale inspirée de
l'Orient remonte bien plus haut : les relations commer-
ciales entre les deux régions, lémigration des artistes
chassés de leur pays par les persécutions ou appelés en
Europe par des protecteurs éclairés préparèrent peu à peu,
dès l'époque de Charlemao-ne, la rénovation. « Il est jiiniis
de supposer, écrit-il '. que. sans aller jusqu'en Syrie, les
constructeurs inexpérimentés des viii*^, ix*" et x*^ siècles ont
pu avoir connaissance des méthodes qui y étaient ou y
avaient été en usage, des formes qui y avaient prévalu ;
on peut croire que les premiers artistes venus d Orient, à
lappel des Barbares couronnés, étaient les élèves ou les
héritiers des écoles fécondes dont la Syrie seule aujourd'hui
a conservé les œuvres, mais dont l'influence, à l'époque de
leur grande activité, a dû sortir des étroites limites d'une
province. » La théorie, fortement appuyée par tous les
exemples accumulés dans le livre, fit fortune. Courajod ne
Ivii ménagea pas son admiration. « L'apparition de ce livre,
a-t-il proclamé-, est un grand événement. C'est Byzance
et son art presque asiatique qui a été le trait d'union entre
la civilisation païenne et la civilisation chrétienne. C'est
1. Syrie centrale, p. 21.
2. Leçons, 1, p. 117.
'(.02 NOTic.K srit M. \.i: .\i.\iioiis dk vor.ÛK
([uelque chose de i^Taud d'avoir mis en lumière les monu-
ments (|ui proclament cotte vérité, » Aussi, quand Vogiié
sollicita vos sulTraj^-es le 31 janvier 18G»S, comme membre
libre à la place du duc de Lujnes, Vitet, qui présenta ses
titres, ne parla guère que de ceux qu'il s'était acquis en
éclairant par ses belles découvertes les iniluonces artisticjues
de l'Orient sur l'Occident.
Le troisième volume de La Syrie cen fraie est consacré,
non plus aux monuments, mais à l'épigraphie.Waddington
s'était chargé de publier les inscriptions grecques et latines
que les voyageurs avaient copiées au cours de leur explo-
ration ; Vogué prit pour lui les inscriptions sémitiques.
J'ai dit que, revenu de son premier voyage, il s'était initié
aux langues hébraïque, phénicienne, syriaque ; il apporta
à cette étude son esprit de méthode, sa finesse, son ingé-
niosité, et ne tarda pas à passer maître en une matière
encore fort obscure ; il en donna la preuve dans ses com-
munications à la Revue archéologique, à la Revue numis-
matique, au Journal asiatique ; les nombreux articles qu'il
y publia alors ont été réunis pour la plupart dans ses Alé-
langea cV archéologie orientale * ; on y trouve, en particulier,
ce mémoire sur l alphabet hébraïque et V alphabet araméen
qui est resté fondamental.
Par ces études préalables il préparait la publication des
inscriptions palmyréniennes que lui ou Waddington avaient
copiées ; elles forment la première partie de ses Inscriptions
sémitiques. On y trouve le texte, la traduction et le com-
mentaire développé de près de deux cents documents, pour
la plupart inédits. Les critiques les plus sévères n'eurent
pas assez d'éloges pour ce travail. Quant aux textes relevés
dans le Sâfa, nous avons vu que Vogué se contenta d'en
donner la copie sans essayer de les interpréter.
Les dernières années de l'Empire, de 18(38 à 1870, furent
1. Paris, 1868, in-8.
NOTICE SUR M. LE MARQUIS DE VOGÛK 463
occupées par une publication et un nouveau voyage en Pa-
lestine. Le duc de Luynes était mort sans pouvoir faire
paraître son \ oy âge d^ exploration à la mer Morte. Il appar-
tenait à son successeur à l'Académie, à celui qui connais-
sait mieux que personne la Terre Sainte et ses antiquités, de
surveiller l'impression du travail. C'est un homma<çe auquel
Vog-ûé ne se déroba pas; le livre ne vit le jour, d'ailleurs,
malgré tout, qu'en 1875. Voilà pour la publication. Quant au
voyage, l'occasion en fut l'inauguration du Canal de Suez.
A ce moment, une société anglaise pratiquait des fouilles
au temple de Jérusalem, et ces fouilles confirmaient avec
éclat les conclusions de notre confrère : on avait découvert
dans les parties basses de l'édifice des pierres gigantesques
avec des lettres hébraïques tracées au pinceau avant leur
mise en place ; or ces lettres appartiennent non point à
l'alphabet archaïque, mais à celui qui était en usage vers
le début de l'ère chrétienne. Comment douter désormais
qu'Hérode, et non Salomon, ait été fauteur de la construc-
tion retrouvée ?
Les événements de 1870 vinrent arracher Vogiié à ses
études pour le jeter dans la réalité des faits. Il avait, avec
d'autres cœurs généreux, fondé la Société de secours aux
blessés militaires, dont il devait être bientôt vice-président,
dont il resta jusqu'aux derniers jours de son existence le
président inlassablement dévoué. Le moment était venu
de faire appel à la nouvelle organisation. A Strasbourg,
d'abord, puis sur la Loire, il se consacra tout entier à son
œuvre charitable.
La paix signée, Thiers fit appel à son concours et l'en-
vova comme ambassadeur à Constantinople, dans ce milieu
qu'il connaissait si bien, dont il suivait les destinées depuis
sa jeunesse ; nul mieux que celui qui, à vingt ans, dans
presque toutes les lettres écrites à ses parents au cours de
son premier voyage, les entretenait de l'état d'esprit des
populations levantines, des ambitions des puissances euro-
t6'(. NOTICK SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ
péennes, des nécessités de notre politique orientale, n'étîiit
désigné pour devenir l'arbitre et le défenseur des intérêts
français auprès du Sultan. En 4875, il passa à l'ambassade
de Vienne où il demeura durant quatre années. Mais les
hautes fonctions aux(|uelles il devait consacrer son activité
ne l'enlevèrent jamais complètement à ses anciens travaux.
Les ouvrages commencés continuèrent à paraître. La pré-
face de La Syrie centrale, qui accompagnait le second vo-
lume, a été écrite à Vienne.
Pour la seconde fois les changements de la politique inté-
rieure vinrent contrarier la carrière diplomatique de notre
confrère. Rappelé en France, il retourna tout naturellement
à ses études et put prêter à la publication du Corpus ins-
criptlonum semiticarum un concouis plus actif. En 1867,
vous le savez, sur les instances de Renan, notre Académie
avait décidé de réunir en un grand recueil toutes les ins-
criptions sémitiques connues. Une commission de six
membres avait été nommée poiir assurer la publication ;
elle se composait de Renan, de Saulcy, Mohl, Longpérier,
de Slane et Waddington. A la mort du second, Vogué fut
élu à sa place et chargé tout spécialement de rédiger la
partie araméenne ; il s'y appliqua, jusqu'à la fin de sa vie,
avec une science et une conscience merveilleuses. Je n'en
veux pour preuve que le témoignage de son collaborateur
de chaque jour durant vingt ans, devenu depuis peu notre
confrère, de M. l'abbé Chabot. « Je peux attester, a-t-il
écrit', avec quel soin minutieux, avec quelle patience in-
lassable il s'appliquait au déchiffrement des textes, discu-
tait les conjectures, révisait la rédaction, lisait et relisait
les épreuves. Nous devons à l'Académie, disait-il, de ne
reculer devant aucun effort pour maintenir son œuvre à la
hauteur où elle a été placée et conserver sous son patro-
nage le centre de ces études auxquelles elle fournit le plus
puissant des instruments. Et ce n'était pas là, pour hxi, des
1; Journal asiatique, 1917, p. 337.
NOTICE SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ 465
paroles de vaine rhétorique. Il n'abandonnait jamais un
texte avant d'avoir épuisé tous les moyens d'en assurer la
parfaite exactitude ; pour y parvenir, il n'épargnait ni sa
peine ni son temps. Ainsi, la stèle inscrite au Corpus sous
le n" 143 n'était connue que par une copie défectueuse. Le
monument se trouvait en .Anj^lelerre, dans une collection
privée et jalousement fermée. Vog'ûé n'hésite pas ; il se
rend à Dorking. Sa courtoisie obtint communication du
document, et il en exécuta un dessin dont la parfaite exac-
titude a été démontrée par la photographie publiée récem-
ment. Ainsi encore, nous passâmes, à déchiffrer la grande
inscription de Pétra sur la copie imparfaite du capitaine
Frazer, cinq jours entiers ! Or. pour le marquis de Vogué,
la journée commençait invariablement — et cela jusqu'à ses
derniers jours — avec le lever du soleil, pour se terminer
à une heure avancée de la nuit. »
Lorsque Renan disparut, à son tour, en 1892. Vogiié
devint président de la commission. C'est à ce titre qu'il fit
décider la publication d'un répertoire d'épigraphie sémi-
tique, où les découvertes récentes sont enregistrées aussi
rapidement que possible, en attendant quelles puissent
trouver place, soit dans le Corpus lui-même, soit dans ses
siqDpléments : c est à ce titre qu'il prenait souvent la parole
dans nos séances, toujours prêt à mettre au service de ses
collaborateurs et de l'œuvre dont il avait accepté la direc-
tion, sa haute compétence, le respect et l'e.stime que sa
courtoisie et la noblesse de son caractère lui avaient acquis
parmi nous. Ceux de nos confrères qui collaborent à ce
grand recueil savent tout ce qu'ils ont perdu à sa mort.
L'autorité dont il jouissait ici, il l'exerçait, bien entendu,
également dans les nombreuses sociétés scientifiques dont
il faisait partie. 11 avait été admis dès 18o6 à la Société
asiatique ; il en demeura jusqu'à la fin un des membres les
plus actifs ; il y publia, dans le Journal asiatique^ plus
1. 1883, p. 231 et suiv. : p. 149 etsuiv,, cf. p. 549.
466 NOTICE SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ
d'un mémoire, notamment son étude sur le Tarif bilinsrue,
gréco-palmyrénien, trouvé à Palmyre en 1881, la plus
lonj^-ue des inscriptions palnn-réniennes connues. A la So-
ciété des Antiquaires, il était entré en 1860 ; nous avons
fêté en 1910 le cinquantenaire de son élection et j'ai dû, à
la présidence que j'occupais alors, l'honneur de lui olTrir à
ce propos l'assurance de notre très grand et très respectueux
attachement. A la Société de l'histoire de France, il pro-
nonça, comme président, un discours qui fit sensation. Il
était aussi président de la Société'de l'Orient latin et, parmi
bien d'autres encore, de l'œuvre des Ecoles d'Orient, aux-
quelles nous devons tant de travaux et de découvertes ar-
chéologiques, sortis de ces maisons de prière, d'enseigne-
ment et d'étude dont nos religieux ont peuplé le Levant.
Un de ces couvents, celui de Saint-Etienne, qui abrite
l'érudition de notre correspondant, le P. Lag-rang-e, et de ses
frères, était l'asile désig-né pour donner l'hospitalité au
marquis de Vog'iié lors de son cinquième voyage à Jéru-
salem en 191 1. Un deuil cruel l'avait ramené dans la ville
sainte en 1862 ; cette fois encore, c'est un deuil, non moins
cruel, qui l'y conduisait. Les résultats de sa courte visite
ont été exposés par lui dans un petit volume, plein de
charme, qu'il a intitulé : Jérusalem hier et aiijourdliui^ .
La Jérusalem d'hier, c'est celle de ses vingt ans, celle qu'il
a -vu surgir tout à coup au détour de la route, dans un der-
nier rayon de soleil, et sortir « du fond du désert, brillante
de clarté », celle où il a éprouvé les fortes émotions de la
semaine sainte, celle où il a travaillé avec Waddington et
Duthoit. La Jérusalem d'aujourd'hui, c'est celle où l'on
débarque en chemin de fer, dans une gare qui ressemble à
toutes les gares, où l'on a installé des boutiques modernes,
des enseignes polyglottes, des hôtels cosmopolites, où la
mosquée d'Omar est déshonorée par le badigeon, où le
1. Paris, 1912, in-R".
NOTICE si:r m. Lr: makquis de vogué 467
jardin de Gethsémani, qui, il y a un demi-siècle, avait
conservé l'aspect qu'il présentait « le. soir du premier jeudi
saint », alors que « la terre nue était foulée par le corps
prosterné du Sauveur et buvait ses larmes », est entouré de
murs, embelli de fleurs, de buis taillés, d'allées ratissées.
Tous ceux qui ont voyagé dans un pays encore primitif,
plein de la poésie de grands souvenirs et qui y retournent
quelques années plus tard, connaissent le chagrin et la désil-
lusion que Vogué ressentit devant ces progrès atïligeants
mais inévitables de la civilisation. On ne devrait jamais
tenter de revivre ses souvenirs ! Du moins devons-nous à
cette visite suprême des additions intéressantes à ses an-
ciens travaux sur Jérusalem et une savante étude sur la
citerne dite de Sainte-Hélène, à Ramleh, insérée dans nos
Mémoires '.
Telle est, Messieurs, l'œuvre de Vogué dans le domaine
de l'orientalisme : explorations, découvertes, publications
l'y ont placée au premier rang. Ce serait une erreur, pour-
tant, de croire que là s'est bornée son activité scientifique.
Il en fut de lui, en effet, comme de tous ceux qui, sans être
enfermés par leur carrière dans une spécialité, se laissent
entraîner au gré des circonstances vers les recherches qui
s'offrent à leur curiosité en éveil. Quand il partit pour
l'Orient, il ne songeait qu'à perfectionner son instruction
générale par la visite des lieux que son éducation classique
lui avait rendus familiers, où sa foi chrétienne l'attirait, où
il aspirait à retrouver les traces des Croisés, ancêtres de
la pure noblesse française. En présence des ruines de Pal-
myre il était devenu épigraphiste, en présence des églises
de Jérusalem, archéologue; sa vocation était fixée. Pendant
trente années, il s'était donné exclusivement à l'étude de
l'antiquité sémitique et du moyen âge oriental. Mais vers
1S80, sans renoncer à un genre de recherches où il était
1. XXXIX (1912).
468 NOTICE SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ
passé maître, son activité se porte d'un autre côté. Il se
souvient que ses aïeux ont joué un rôle. dans l'histoire de
leur province et de notre pays ; il se regarde comme tenu
de le faire connaître, et le voilà qui se détourne vers les
temps modernes, d'autant plus volontiers qu'il possède des
documents inédits fort curieux, dont il ne se sent pas le
droit de garder pour lui les secrets. Il a fait l'aveu de ce
scrupule de conscience dans le discours qu'il prononça
quand il fut appelé en 1894 à la présidence de la Société
de l'histoire de France ^ « Les services, disait-il, que
rendent à l'histoire les archives privées sont évidents ; les
plus modestes collections peuvent, sous ce rapport, être
aussi utiles que les plus célèbres. Le grand édifice de
l'histoire nationale ne se construit pas seulement à l'aide
de pierres monumentales ; de petites pierres, ag-g-lomérées
avec soin, peuvent fournir de solides assises. Rien n'est à
négliger dans l'œuvre patriotique de la reconstitution des
annales nationales ; et ceux que d'heureuses circonstances
de famille ont mis en possession de matériaux, grands
ou petits, ont le devoir de les apporter à l'œuvre com-
mune . »
Or des circonstances de famille et d'heureux hasards
avaient concentré dans ses mains les papiers du maréchal
de Villars ; il s'y plongea avec l'ardeur qu'il avait apportée
naguère à étudier les monuments de la Syrie et de la Pa-
lestine. De là de nombreux articles, insérés dans le Corres-
pondant et dans la Bévue des Deux Mondes, sur lesquels
je ne m'étendrai pas parce qu'ils sortent des limites chro-
nologiques assignées par l'usiige aux recherches de notre
Académie ; de là les six volumes des Mémoires du maréchal
de Villars ' ; de là aussi son élection à l'Académie française.
Je note seulement que ses études antérieures ne furent
1. Bull, de la Société de Vhistoire de France, 1891, p. 10. |
2. Paris, 1884-1904.
NtiTfCE sùfi M. ik iJAiiQLis bÉ Vogué 469
point tout à fait étrangères à ce nouvel honneur, si nous en
croyons riiommage que lui rendait de Ilérédia le jour de
sa réception : « Avec vos habitudes d'épigraphiste, vous
commentez les monuments écrits, lettres, notes, dépêches
ou rapports, ainsi que vous feriez de monuments fig-urés .
Cette manière qui vous est propre et qui, si je ne me
trompe, est toute nouvelle, prête à votre narration, outre
une extrême clarté, un tour original, un air de réalité,
quelque chose de la précision du témoignage direct. »
Cette manière est encore bien plus apparente dans un
autre ouvrag'e de Vogué, qui nous appartient, celui-là, par
le temps comme par la méthode, dans la monographie qu'il
a consacrée à sa famille' ; le chartiste, l'archéologue s'y re-
trouvent. Il nous y a donné un modèle d'érudition à la fois
profonde et élégante, de vraie érudition à la française.
Pour l'écrire, il a puisé à toutes les sources qui s'offraient
à lui ; et elles étaient nombreuses. Le château de Vogué
possédait un chartrier aménagé avec grand soin par un
Melchior de Vogué, contemporaiin de Louis XIV ; c il ren-
fermait, entre autres documents intéressants, un volume
in-folio de 450 feuillets, relié en basane rouge, dit Le Tré-
sor de la maison de Vo(/ïie\ dans lequel Melchior avait fait
transcrire les principales pièces intéressant l'histoire ou les
affaires de la famille ». Ce chartrier disparut à la Révolu-
tion. « Mais son fils, Cérice-Francois, avait fait faire en
1712 un inventaire détaillé des archives de ce chartrier,
où chaque pièce est analysée et où les affaires importantes
sont l'objet d'un commentaire. » Celui-là a été conservé et
notre confrère l'a fait imprimer en 1905. Il est inutile
d'ajouter que c'est là une source de renseignements d'un
prix inestimable. Dans les papiers de famille figuraient
aussi les mémoires du même Cérice-François, écrits vers
1. Une famille vivaroise, 2 vol. in-8, 1916. Une autre édition en trois vo-
lumes in-12 est seule dans le commerce.
470 NOTlr.K sid M. LK mauqL'is dB vogué
1720, certains cartulaires, des correspondances, des pièces
diverses, une série de livres de raison qui vont de ItiOD
à 1791. De plus, on peut trouver d'autres renseignements
sur les Vogué dans les Archives du département de l'Ar-
dèche, notamment dans les reg'istres de notaires du
xv« siècle et dans les études des diilerents notaires du dé-
partement. Joignez à ces sources écrites les rensei-
gnements archéologiques que fournissent les restes des
châteaux de la famille étudiés, mesurés, dessinés par notre
confrère avec sa conscience et son talent graphique cou fu-
miers, avec la compétence aussi qu'il avait acquise au
contact des monuments de Palestine et de Syrie.
Appuvé sur de pareils témoignages, Vogué a pu tracer
de ses ascendants un tableau aussi complet qu'attachant.
Le bourg de Vogiié est une localité du Vivarais, située
au bord de l'Ardèche, à quelques centaines de mètres du
point où elle reçoit l'Auzon. Sur la pente de la falaise qui
domine la rivière s'étageaient les maisons du village,
serrées autour du château. Plus au Sud, de l'autre côté de
l'Auzon, au centre d'un cirque de montagnes sauvages,
existe un rocher escarpé, admirablement préparé par la
nature pour recevoir une forteresse ; on le nomme Roche-
colombe ; un château le couronnait, aujourd'hui en ruines.
Les chefs de la famille en avaient fait, à cause de sa situa-
tion même, leur résidence habituelle. C'est dans ce petit
coin de terre que les aïeux les plus reculés de notre
confrère, ceux du xi^ siècle, — il n'est pas possible de re-
monter plus haut pour les histoires locales, — vivaient au
milieu de leurs serfs du revenu de leurs terres, se disputant
ou s'accordant avec leurs voisins et pleins de zèle pour le
service de Dieu ; mais leur grande occupation, pour les aînés
du moins — car les cadets entraient dans les ordres, deve-
naient évêques ou chanoines — était la guerre. Ils ont tou-
jours l'épée à la main. En 1191, un Raymond de Vogué
figurait peut-être à la troisième Croisade ; son descendant,
NOTICE SUR M. LE MARQUIS DE VOGUÉ 471
Raymond IV, prend part au xiv" siècle à des expéditions
sur les terres ang-laises de la Guyenne et de l'Aquitaine ;
Pierre IV, au xv'' siècle, aide le dauphin Charles à assurer
la soumission du Lanfi^uedoc. D'autres sont mêlés sous
Louis XII et François I'"'" aux g-uerres d'Italie ; lors des
luttes religieuses qui ensanglantèrent les règnes suivants et
furent particulièrement violentes dans le Midi, les seigneurs
de Vogué se rangent parmi les défenseurs armés les plus
fermes de la religion catholique, non sans incliner parfois
vers la tolérance. Plus tard, sous Louis XIV, on trouve un
Melchior de Vogué à l'expédition d'Alger et à celle de
(Candie, dans les campagnes de Hollande, d'Espagne, du
Rhin ; sous Louis XV, le régiment du Cérice-François de
Vogiié, dont il a déjà été question, fut engagé dans la
guerrede la succession de Pologne et sauva le maréchal de
Villars un jour qu'il faillit être enlevé, en compagnie du
roi de Sardaigne, par des cuirassiers autrichiens : enfin
Gharles-Elzéar-François, son (ils, s'illustra dans la guerre
de la succession d'Autriche et dans celle de Sept ans.
Ces belles vertus guerrières, dont la tradition sest per-
pétuée dans la famille et dont les Vogué ont donné de nou-
velles preuves éclatantes au cours de la guerre actuelle,
s'alliaient à des qualités d'un tout autre ordre. Les docu-
ments qu'ils nous ont laissés nous les montrent excellents
administrateurs de leurs biens, ne reculant pas devant les
initiatives hardies pour en augmenter le produit, comme
aussi pour améliorer le sort de leurs vassaux, ce qui était,
d'ailleurs, la meilleure façon d'assurer leurs propres re-
venus. Veulent-ils, par exemple, tirer parti d'une forêt ? ils
créent sur la lisière une scierie, mue par l'eau d'un torrent;
les paysans sont-ils embarrassés pour trouver le grain né-
cessaire aux semences ? ils leur prêtent des setiers de blé
au moment des emblavures, forme singulièrement pratique
et utile de ce que nous appelons aujourd'hui « le crédit
agricole » . Les deux volumes sont pleins de faits de cette sorte.
l7â ^OtWAi hlii Ai. LE AiAKQillS f)È vô/iiifî
Ils se terminent à la llévolution, date fatale pour les
Vogué comme pour bien d'autres. Ils émigrèrent, pensant
par là sauver le roi, et, par le roi, la France ; leurs pro-
priétés furent déclarées biens nationaux et vendues. Ce
jour-là, de l'ensemble territorial créé et administré partant
de générations successives, il ne resta, selon la forte expres-
sion de notre confrère, que « des iiiines, des tombes et des
traditions ».
L'intérêt d'une histoire comme celle des Vogué ne se
limite pas, on le comprend aiséïnent, à une seule famille ;
la portée en est plus générale; de là la haute valeur du
livre. C'est ce que de Hérédia a parfaitement mis en lu-
mière quand il disait au marquis de Vogiié, lors de son
entrée à l'Académie française : « L'histoire d'une famille
telle que la vôtre, minutieusement étudiée suivant le cours
des siècles, serait comme un microcosme de l'histoire de
France. »
V,^ Histoire d'une famille vivaroise fut la dernière pro-
duction importante de Vogiié. Durant les années de son
existence qui suivirent, les œuvres de toute sorte auxquelles
il consacrait le meilleur de son temps pour l'amour de la
France et de l'humanité l'absorbèrent tout entier. Il est
mort à la peine le 10 novembre lî)16, après une courte
maladie.
Ceux qu'il est allé rejoindre dans l'éternité ont pu, en
l'accueillant, lui rendre cette justice qu'il avait vécu en
digne, héritier de leur race.
Digne aussi de la belle devise, passée en proverbe dans
le Vivarais, qu'il a si éloquemment commentée pour ses
enfants^ : Probe comme un Vogiié. « Vous n'oublierez pas,
leur disait-il, que cette devise a le sens le plus large,
qu'elle ne vise pas seulement la vulgaire probité d'argent
naturelle aux âmes bien nées, mais la probité intellec-
1. Une famille vivaroise, II, p. 474.
iNuîicË SUR M. i.r; mahqlis DI-: vogué 473
tuelie, la probité scienlitique, la probité politique, c'est-
à-dire le souci réfléchi de la vérité et de la justice, qui
soumet à un contrôle rigoureux les mouvements et les ma-
nifestations de la pensée, les actes de la vie privée et de
la vie publi(jue, les jug-ements portés sur autrui, et qui, s'il
n'est pas toujours accompagné du succès, assure, du moins,
les joies intimes de la conscience satisfaite et, par surcroît,
le respect, l'estime et la sympathie. » Grandes et nobles
paroles, mag-nilicjue testament de droiture, où notre confrère
se peint tout entier et par lequel il convient de clore la no-
tice que notre Académie devait à sa mémoire.
191W
.32
L-if.
1i
SÉANCE DU 2*) NOVEMBUE
l'HÉSlDENCE 1)K M, PAUL GIIÎARU , VlClî-l'KKSlUKNT.
Il est donné lecLure des lettres de candidature suivantes :
Pour la place de membre ordinaire, devenue vacante par la
mort de M. Maspero : MM.'C. Iluart, Delachenal, Moret et
Jeanroy;
Pour la place de membre libre "devenue vacante par In mort
de M.FabbéThédenat : M. Brutails.
Le Secrétaire perpétuel lit ensuite les lettres de remerciement
de M. Georges Clemenceau et du maréchal Foch, en réponse à
l'adresse qui leur a été votée.
M. Omont annonce à l'Académie que M"'^ Emile Picot, réali-
sant généreusement les intentions exprimées de son vivant par
notre regretté confrère, vient, d'accord avec ses trois fils, de
faire don au département des manuscrits de la Bibliothèque
nationale de l'important répertoire bibliographique, formé
depuis de longues années par son mari, sur l'histoire littéraire
française, particulièrement aux xv*" et xvi^ siècles. Ce répertoire
alphabétique, fruit d'immenses lectures, compte environ
250.000 fiches; il forme un incomparable instrument de
recherches, qui a déjà été souvent utilisé et qui est appelé à
rendre les plus grands services aux historiens de notre vieille
littérature française.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétau^e perpétuel dépose sur le bureau les publications
suivantes :
D"- R. Croste, Le Svastika, son histoire..., cultes qui sij rat-
tachent (extrait du Bulletin trimestriel de la Société bayonnaise
d'études régionales; Rayonne, 1918) ;
SËAfsCK DU â9 NOVElilBRE ^918 4*78
Bullelin de la Sociélr d'Éludés des Haiiles-Alpes, trente-septième
année, 4" série, n° 23 ; année 1918, S'' trimestre (Gap, 1918) ;
Journal of Ihe American Oriental Societij. Vol. 38, part 3, June
1918 (New-IIaven, Conn., 1918) ;
Bollcllino délie puhhlicazioni itatiunericevule per dirillu di slanipu,
n° 208, luglio-agosto (Firen/.e, 1918) ;
Memorie délia R. Accademiu dei Lincei. Classe di Scienze murali,
slorichee filoloyiche {Anno CCCXV-I9I8). Série qiiinta, Vol. XV,
fasc. 8.
Bolelin del Centra de Esludios Aniericanistas de Sevilla. Ano 1918,
nûm. 19 (Sevilla, Octubre de 1918).
M. Hkron de Villefosse offre à l'Académie, au nom de M. Etienne
Michon, une nouvelle édition du Catalogue sommaire des marbres
antiques du Louvre. Elle se distingue de la précédente par une révi-
sion attentive des anciennes provenances et aussi par une riche et
abondante illustration qui ne compi'end pas moins de LXIV plajiches.
C'est un véritable album de nos sculptures du Louvre, un précieux
recueil que son format rend facile à consulter, un instrument de
travail qui sera apprécié par tous les amis de l'archéologie classique.
Une liste exacte des photographies de nos statues et de nos bustes,
([ui sont en vente chez l'éditeur Braun, termine le volume.
COMPTES RENDUS DES SEANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCHIPTIONS
ET BELLES- LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1918
SÉANCE DU 6 DÉCEMBP^E
PRESIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le chef du Protocole transmet une dépêche envoyée par
S. M. LE ROI d'Italie, en réponse à l'adresse que lui a fait par-
venir l'Académie :
« Rome, le 20 novembre 1918.
*< A M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, pour les membres de cette Académie.
« J'ai été très heureux des félicitations que MM. les membres
de l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut de
France ont eu la courtoisie de madresser à l'occasion de la réa-
lisation des aspirations italiennes. Je désire leur en exprimer
mes meilleurs remerciements et je forme les vœux les plus cha-
leureux pour la gloire et la prospérité de la France.
(Signé) : Victor Emmanuel. »
Le Secrétaire perpétuel donne ensuite lecture dune lettre que
M. Nyrop, correspondant de l'.-Xcadémie, lui adresse à l'occasion
de la signature de l'armistice :
« Monsieur,
« A l'occasion de l'heureux armistice, j'ai l'honneur de pré-
senter à l'Académie des inscriptions et belles-lettres mes félici-
tations les plus sincères, les plus vives, les plus enthousiastes.
La guerre maintenant est finie, et le monde est délivré du eau-
'i.7S SKANCK nr H di^xemhhk 1î.)18
chemar des dévastations, des déportations, des tueries. Les
li.iiniiies poutioiit (le nouveau respirer librement; la chanson et
le sourire \-onl renaitre. Dans un tel moment, toutes nos pensées
et tous nos sentiments se tournent vers la France ; nous sommes
pénétrés d'une reconnaissance profonde envers le pays qui a
sauvé l'humanité, en écrasant le militarisme teuton. Gloire éter-
nelle à la France, qui s'est battue pour la liberté du monde;
car tout en se battant pour" elle-même, elle s'est battue pour
nous tous, et surtout pour les petites nations. Notre gratitude
est inlinie, et nous admirons, vénérons et aimons la l'^rance plus
que jamais.
•' Veuillez agréer, etc. »
M. Héron dk V'ii.lefosse lait une communication au sujet
d'une inscription découverte récemment sur le territoire de
Rivières (Charente) ^.
L'Académie procède aux élections pour le remplacement de
deux membres ordinaires, MM. JBarth et î\L\spkro.
Le PRÉsmENT donne lecture des articles du règlement concer-
nant l'élection des membres ordinaires. Il rappelle ensuite les
noms des candidats à la place de M. Barlh. Ce sont : par ordre
alphabétique, MM. Bémoni, Mâle et Michon.
Il y a 32 votants; majorité : 17 voix.
Au premier tour, M. Bémont obtient 8 voix ; M. Mâle, 8 ;
M. Michon, 13. Il y a trois voix perdues.
Au deuxième tour, M. Bérnont obtient 11 voix ; M. Mâle, 16;
M. Michon, 5.
Au troisième tour, M. Bémont obtient 9 voix ; M. Mâle, 21 ;
M. Michon, 1,
En couséquenpe. M- Mâle, ayant oljtenu la majorité dps
suffrages, est proclamé élu par le Président. Son élection sera
soumise à l'approbation de M. le Président de la République.
Il est procédé au scrutin poiir la seconde place vacan(.e.
Lp Président rappelle, par ordre alphabétique, les nonis des
candidats : MM. Bénédite, Delachenal, Porez, Iluart, Jeanroy,
Lejay, Lotb, Martha, Mpret et Vernes.
1. A'^oir ci-après.
sÉANCf! DU 6 DÉcEMimi: 191 H 479
Au premier tour de scrutin, M. Bénédite obtient '2 voix ;
M. Delachenal, 4; M. Dorez, 1 ; M. Huart. 5; M. Jeanroy, 3;
M. Lejay, 5; M. Loth, i; M. Martha, 5.; M. Moret, 1;
M. \'ernes, 2,
Au deuxième tour. M. Bénédite obtient 1 voix; M. Delij-
chenal, 5; M. Dorez, 4; M. Huart, 5; M. Jeanroy, 1 ; M. Lejay,
3 ; M. Loth, 9 ; M. Martha, 4.
Au troisième tour, M. Bénédite obtient 2 voix ; M. Dela-
chenal, 3; M. Dorez, I ; M. Huart, 13; M. Lejay, 5; ^L Loth,
8; M. Martha, 2.
Au quatrième tour, M. Delachenal obtient 1 voix ; M. Huart,
l.*) ; M. Lejay, 2 ; M. Loth, 12 ; M. Martha, 2.
Au cinquième tour, M. Huart obtient 15 voix; AL Lejay, I ;
M. Loth, 15; M. Martha, 1.
Au sixième tour, M. Huart obtient 15 voix; M. Lejay, 1 ;
M. Loth, 15. Il y a un bulletin blanc.
Au septième tour, M. Huart obtient 16 voix; M. Loth, 15.
Il y a un bulletin blanc.
.Au huitième tour, M. Huart obtient 1(3 voix ; M. Loth, 15. Il
y a un bulletin blanc.
Après le huitième tour, l'Académie décide de ne pas continuer
le vote. La date de la reprise du scrutin sera fixée dans la pro-
chaine séance.
COMMUNICATION
INSCRIPTION ROMAINE DE RIVIÈRES (cHARENTe),
PAR M. HÉRON DE YILLPFOSSE, MEMPHE DE l' ACADÉMIE.
L'inscription romaine que je présente à l'Académie vient
d'être découverte sur le territoire de la commune de
flivières (Charente), au lieu dit La Garenne, dans le voisi-
nage et au Nord-Ouest de La Rochefoucauld. On en doit la
connaissance à M. le docteur Jules Lhomme, médecin à La
Rochefoucauld, qui, après en avoir relevé le texte, a trans-
f. o
SO iNscnirrH^N uo-maine df. rivifres
is sa copie à M . de ^'epl\ . conservateur du Musée archéo-
o^ique de Rouen. Ce dernier s'est empressé de l'envoyer à
M. Camille Jullian. Retenu loin de Paris, notre confrère
m'a fait parvenir cette copie en me priant de la communi-
([uer en séance.
La pierre est demeurée entre les mains du proj)riétaire
qui l'a trouvée ; c'est une dalle trian<^ulaire qui est actuel-
lement brisée en trois morceaux. Le rapprochement des
frag-ments permet de constater qu'elle mesure exactement
1 "' 22 de long^ueur sur 0 '" 43 de larjifeur. Entourée d'un
encadrement muni de queues d'aronde à droite et à g-auclie,
l'inscription se compose de six lig-nes :
IVLIA IV^ALLA• MALLV?ONfs
FIL • NvMl^BVS • AVGVSTORVM ET
DEAE DAMONAE MATVBERGI^
NI OB MEMORIAM SVLPICIAE
SILVANAE • fLiAE SVAE DE SVO
POSVIT
Copie de M. le docteur Jules Lhomme.
A la ligne 3, dans Matuberginni. le dernier jambage du
M initial a été enlevé par la cassure de la pierre. Dans le
même mot, ainsi que dans Malluronis. nutninihus, filiae,
se I sont conjugués avec L. M et N. Le centre des O est
marqué d'un point, particularité que Ion constate égale-
ment dans deux autres inscriptions de l'époque d'Auguste,
découvertes à Saintes, l'une vers 1844 ', l'autre en 1887
dans le mur septentrional des jardins de l'hospice 2.
Jullia Malla Malluronis fil[ia) numinihus Augustorum
et deae Damonae Matuberginni (?) ob memoriam Sulpiciae
Silvanae fîliae suae de suo posuit.
Le mot Matuberginni qui suit le nom de Damona n'avait
1. Corp. inscr. lai., l. XIII, 1048.
2. Ihid., 1041.
INSCRIPTION ROMAINE DE RIVIÈRES 48i
pas encore été rencontré. C'est vraisemblablement une épi-
thète destinée à caractériser la déesse et empruntée à une
désis^nation topogTaphique locale ; elle oiïre un caractère cel-
tique bien prononcé. Mafu, terme auc(uel les celtisants
s'accordent à reconnaître la signification (V « ours » ou de
« pourceau », entre dans la composition de plusieurs mots
d'orig-ine gauloise ; on le trouve soit au commencement de
certains noms indigènes tels que Matugenos. Matugenus,
Matugentus, Matumarus soit à la fin comme dans Ratoma- «
tus. Teutomatus'. Berg évoque l'idée d'une « montagne »
ou dune « colline ». Ce second terme entre dans la com-
position de quelques noms de lieu, Bergida, Bergintrum,
Bergomon. Bergusia"; la localité appelée Villeneuve- de-
Berg dans l'Ardèche paraît emprunter à ce vocable celtique
l'appellation qui complète son nom. Le même terme se
retrouve dans le nom de Bero-imus, le dieu local deBrescia^.
La juxtaposition de ces deux termes semble donc désigner
le point où la déesse Damona était honorée et oii l'inscri-
ption a été trouvée. Dans le langage indigène, ce point
aurait porté le nom de « colline de l'ours » ou « du pour-
ceau ».
On sait que Damona est la compagne d'Apollon Borvo,
le dieu des eaux salutaires. Borvo et Damona sont ordinaire-
ment honorés ensemble à Bourbon-Lancy ^ et à Bourbonne-
les-Bains'' dont les eaux célèbres étaient déjà fréquentées
dans l'antiquité. Dans les villes d'eau de la Narbonnaise,
le dieu Borvo devient le dieu Bormanus, notamment àAix-
en-Provence ^ et à Aix près de Die où la parèdre de Bor-
1. Cf. Holder, Alt-celtischer Sprachschaiz.
2. Holder, op. cit. On trouve une fiergine citutan dans Festus A vie-
nus, Ora maritima, 690.
3. Corp.'inscr. laf., t. V. p. 358: n"» 4200 à 1202. i98i.
4. rhiiL. t. XIII, 2805 à 2808.
5. Ibid., 3911 à 5920. Le nom de Damona n'apparaît isolément que dans
une seule inscription votive de cette localité, n. 5921.
6. Ibid., t. XII, 494.
iS2 INSCniPTION KOMAINE DK ItlVlftURS
lUiinus est appek^e Bonnnna '; dans les inscriptions d'Aix-
les-Balns on relève les deux formes, Bormonus et Borvo-.
A Chassenay près d'Arnay-le-Duc (Côte-d'Or), Damona
est associée au dieu Albius qui doit être une autre person-
niliealitMi d'Apollon et qui représente aussi un dieu des
sources bienfaisantes '^
Il était donc important de savoir si la colline sur
laquelle a eu lieu la découverte possédait une source.
» M. le docteur Jules Lhomme, a\iquel je me suis adressé
pour obtenir ce renseignement, a pris la peine de retourner
sur l'emplacement même de la découverte ; il a bien voulu
m'écrire, le 22 novembre, en me rendant compte, en ces
termes, de son enquête :
En ce qui concerne l'existence d'une source, je m'en étais
déjà préoccupé, connaissant, bien que profane, Borvo et son
associée Damona. Il n'y a pas de source et, de mémoire d'homme,
il n'y en a jamais eu. Mais à la suite de votre lettre je me suis
livré à une nouvelle investigation et je suis convaincu que la
soupoe existait autrefois. Au pied du coteau, en effet, le sol est
à un certain endroit constamment imprégné d'eau, même en
temps de sécheresse; dans la saison pluvieuse, il y a, paraît-il,
une sorte de petit marais. En outre, j'ai constaté un peu plus
loin l'existence d'un puits alimenté par 1^ nappe d'eau souter-
raine qui représente actuellement la squrce, disparue à une
époque plus ou moins reculée.
Dans la partie inférieure de la vallée tous les cours d'eau
1. Corp. inscr. lat., 1561.
2. /ijd., 2443 et 244i. Le baigneur d'Ai.v-Ies-Bains qui invoquait le dieu
des eaux dans cette localité sous le nom de Bopvo devait être un habitant
de la Lyonnaise.
3. Le vase do bronze découvert à Cliassenay poi-te la dédicace deo
Albio et Dmnojiae [Corp. inscr. lat., t. XIII, n. 2840). Albius a été rappro-
ché de Cundidus qui accompagne le nom de Borvo dftns une inscription
d'Entrains [ibid., t. XIII, n. 2901) Une statue colossale en pierre trouvée
dans cette dernière localité olYre limag-é d'Apollon dont Borvo est la per-
sonnification indigène (Espérandieu, Becueil générfil d^s bas-reliefs,
n. 2243).
INSCRIPTION ROMAINE DE RIVIÈRES 483
afïUients de la Tardoire, el la Tardoire elle-même, disparaissent
peu à peu à travers les failles ou les eirontlrements du calcaire
jurassique qui comblenl le sous-sol; quelques-uns de ces cours
d'eau qui faisaient, il y a un siècle, tourner les moulins ont
totalement disparu.
Dans le voisinag-e du lieu de la découverte, M. le docteur
Lhomme a constaté la présence de nombreux tessons de
tuiles à rebord et celle de quelques pierres taillées qui
semblent avoir appartenu à un appareil de maçonnerie. On
y avait trouvé un vase ou frag-ment de vase en terre rouge
qui a été détruit. Dans l'habitation voisine, on conserve
une meule gallo-romaine en parfait état.
Ces divers indices amènent à penser qu'il devait y avoir
sur la colline où la pierre fut recueillie un petit sanctuaire,
un « fanum », analogue à ceux que M. de Vesly a décrits
et dont il a retrouvé les substructions sur de nombreux
points du pays normand ^ une de ces chapelles consacrées
à des dieux locaux, si répandues dans toute la Gaule-. Des
observations faites sur le terrain par M. de Vesly, il résulte
que les sanctuaires de cette nature retrouvés en Normandie
sont toujours situés sur des hauteurs, à la naissance d un
vallon que sillonne une grimpette et à proximité d'une voie
romaine 3. M. le docteur Lhomme a pu constater que la
découverte faite en Saintonge se présentait dans les mêmes
conditions : le coteau, le vallon, le bois et aussi le raidillon
qui conduit du vallon au sommet du coteau sont reconnais-
sablés au lieu dit La Garenne ; une voie romaine dont une
portion subsiste très bien conservée passait dans le voisinage.
Ces « fana » sont parfois mentionnés dans les monuments
1. L. de Vesly, Les «fana n ou petits temples gallo-romains de la région
normande, a.vec 11 pi. et 4i fig., 1909; cf. Bull, archéol. du Comité, I90i,
p. 62-"8; 1905, p. 5-15.
2. Cf. lîulliol. Le temple du Monl de Sène à Santenay [Côte-d'Or], 21 pi.,
dans Mém. de la Société éduenne. Ht, 1874, p. 139.
3. L. de Vesl^-, op. cit., p. 116 à 118.
484 INSCRIPTION ROMAIN K DE RlVlèfiRS
épi^raphi(iuos. Une inscription de Trêves (Lôwenbruclicn)
notamment, consacrée à Mars Iniarabus par deux hommes,
^'ictorinus et Mallus, indique la restauration d'un
« fanum »:... fanum et siniulacrum a fund a mentis ex voto
restituerunt '.
Il est certain qu'il serait utile de faire une fouille métho-
dique sur le coteau de la Garenne afin d'éclaircir plus com-
plètement la question.
La rareté des textes romains -dans la Saintong-e où, en
dehors de Saintes, d'Angoulême et d'Aulnay, on n'a pour
ainsi dire rencontré aucune inscription romaine, rend la
découverte de Rivières fort intéressante. Elle montre la diffu-
sion du culte de Damona dans l'Ouest de la Gaule où aucun
monument votif en l'honneur de cette déesse n'avait encore
été sig-nalé; elle fait voir que Damona était quelquefois
honorée seule et que son culte n'était pas nécessairement
lié k celui de Borvo, comme les textes de Bourbon-Lancv
et de Bourbonne-les-Bains pouvaient le donner à penser.
Il faut espérer que cette pierre inscrite trouvera un asile
dans un musée de la région, dans celui d'Angoulême, par
exemple, où sa place semble indiquée; elle y grossira avan-
tageusement le groupe encore un peu mince des textes
épigraphiques de l'époque romaine. Je félicite M. le docteur
Lhomme d'avoir sauvé ce précieux monument, je le remer-
cie de l'empressement et de la bonne grâce qu'il a mis à
nous le faire connaître.
1. Corp. inscr. Ut., t. XIII, 3653. — Linscription de Trêves renferme le
nom propre Mallus, forme masculine de Malla que présente l'inscription
de Rivières.
stA.Nct: Di" 13 DÉcEMhRt 1018 1-80
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaire perpétuel présente, au nom des auteurs, les
ouvrages suivants :
M. Prou, Comptes de la Maison de l'aumône de Saint-Pierre de
Rome (juin 128o-mai 1286), Paris, 1918;
Franz Gumont, Comment la Belgique fut romanisée. Essai his-
torique (extrait des Annales de la Société royale d'archéologie dn
Bruxelles, tome XXVIH, 1914) ;
Le P. de Foucauld, Dictionnaire abrégé français-touareg dia-
lecte Dhoggar], publié par R. Basset, tome I (Alger, 1918).
Il dépose en outre sur le bureau les périodiques suivants :
La Revue Savoisienne, publiée par l'Académie florimontane d'An-
necy, o9e année, 1918, 3« trimestre (Annecy, 1918);
Proceedings of the American philosophical Society, vol. LMl,
1918, n» 0 (Philadelphia , 1918).
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel communique une lettre de M. le Mi-
nistre de la guerre, invitant l'Académie à désigner un de ses
membres pour faire partie de la Commission nationale des sé-
pultures militaires.
Lecture est donnée ensuite d'une lettre par laquelle M. Henry
Cochin pose sa candidature au siège de membre libre devenu
vacant parla mort de M. le marquis de Vogué.
M. Gh. Diehl lit la note suivante :
« La Légation de Grèce me communique un télégramme
d'Athènes, que lui adresse la Société des éludes byzantines. Ce
télégramme signale des faits qui me semblent de nature à inté-
resser l'Académie.
(86 SKANCE Df 13 DÉCICMIUIE 1018
« Kii oviiciKint Ja Macédoine oriculalc, les Iroupes bulgares
se sont comporlées (l'une façon qui ne rappelle que Irop ce qui
s'est passé dîtns nos déparlemenls envahis. Sans parler des dé-
sastres de tdul ordre qu'elles oui l'ait subir à ces malheureuses
régions, elles ont emporté ou, quand le temps a manqué pour
les emporter, elles ont détruit nombre de monuments précieux
datant de l'époque by/antine. C'est ainsi qu'au monastère de
Saiul-Jean Prodrome, près de Serrés, qui futl'ondé au xni"siècle,
elles ont enlevé les chrysobulles conservés dans ses archives, des
icônes admirables, des boiseries d'une haute valeur artistique,
des orfèvreries de prix ; la moitié de la bibliothèque a été em-
portée ; le reste, comprenant des manuscrits intéressants, a été
brûlé. Dans la région du mont Pangée, le monastère de la
Cosiphenissa a subi le même traitement. De précieux vêtements
sacerdotaux, des croix jadis données au couvent par un prince
de Moldovlachie, des manuscrits illustrés des Kvangiles, dont
l'un avait été, au xiv* siècle, écrit, dit-on, de la main de l'empereur
Jean Gantacuzène, ont été enlevés. Le monastère lui-même a été
complètement détruit. Enfin, dans la ville de Serrés, les églises
des ïaxiarques et de S'*-Paraskévi ont été démolies : et si les
précieuses mosaïques du xi*^ siècle qui ornent la métropole ont
échappé à la ruine, en revanche les richesses du trésor ont été
entièrement pillées.
(( Ce sont là des actes d'un vandalisme odieux et lamentable,
semblables à ceux dont nous avons souHèrt et qui ne doivent
pas davantage demeurer impunis. On a dit justement que,
durant ces quatre années de guerre, un compte terrible s'était
ouvert de peuples à peuples : en Orient comme en Occident, il
faut que le compte soit payé. »
Le Président rappelle que la date où sera reprise l'élection
du successeur de M. Maspero, interrompue le 7 décembre, après
le 8' tour de scrutin, doit être fixée aujourd'hui. II propose de
choisir le 10 janvier, étant entendu qu'il n'y aura ni candida-
tures nouvelles, ni expositions de titres, ni désistements.
Après un échange de vues, l'Académie renvoie la suite de la
discussion au 10 janvier.
SÉANCE DU 20 DÉCEMfîRE 19 (S iSl
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaibe perpétuel dépose sur le bureau les ouvrages et pé-
l'iodiques suivants :
C. JuUian, Notes gallo-romainex (exlr. du t. XX, n° :\, juillet-
septembre 1918, de la Revue des éludes anciennes ;
J.-A. Brutails et P. Courteault, Notions élémentaires d'histoire
girondine, des origines à /7S9 (Bordeaux, 1918);
O. Tafrali,La Roumanie transdanubienne (la Dobroiidja). Es(juisse
géographique, historique, ethnographique et économique (Paris,
1918) ;
rï(.)fY'Oî Oî-/.ov6ji.o;, '0 lojtJT'.viavo; iv ©EaaaXovtx^ (extrait de
rAs/ato).OYtxT) 'Ea-ri[jL£pi?, 1918;
Bulletin et Mémoires de la Société archéologique du département
d'Ille-et-V Haine. Tome XLVI, première partie Rennes, 1918) ;
Journal of the Royal Institute of British Architects, vol. XXVI,
third Séries, n° 1, nov. 1918;
London University Gazette, vol. XVIII, n° 205, avec Supplément.
SÉANCE DU 20 DÉGEMBUK
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIRARD, VICE-PRESIDENT.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture du décret approuvant
l'élection de M. Mâle comme membre ordinaire en remplace-
ment de M. Paul Meyer, décédé. Il introduit ensuite M. Mâle
et le présente à l'Académie.
Le Président adresse au nouvel élu quelques paroles de bien-
venue et l'invite à prendre place parmi ses confrères.
Le Secrétaire perpétuel communique une lettre de S. E. le
comte Bonin-Longare, ambassadeur d'Italie, annonçant pour la
séance de ce jour la visite de S. M. Victor Emmanuel III à
l'A'cadémie.
Après quelques instants d'attente, le Président, avec le
Secrétaire perpétuel et M. Babelon faisant fonction de vice-
ISS sKAMii-; 1)1 20 DKCK.MnnK r.MS
présidciil, se porte .iii-devanl tlu roi d'Iliilie, <{ui vieiil, accom-
pagné de M. le Président de la République, pour assister à la
séance.
Heçuc par le Bureau en haut de l'escalier, Sa Majesté est
introduite dans la salle et prend place sur le premier ranj; de
sièges, à droite du Bureau.
Le Président lui adresse l'allocution suivante :
u Sire,
« Que \'otre Majesté soit la bienvenue dans cette salle austère
et sans parure, cadre habituel de nos travaux, où nous a fait le
plaisir de la guider jusqu'à nous M. le Président de la Répu-
blique, auquel ces lieux ne sont point étrangers.
« Notre premier sentiment, en recevant chez nous l'Hôte
illustre de la France, est un sentiment de vive admiration et de
profonde reconnaissance pour la généreuse Italie qu'il incarne
à nos yeux. Car, si c'est ici la demeure de la science sereine, qui
poursuit patiemment et silencieusement ses investigations sur
le passé, si les temps les plus lointains, parfois, attirent et
retiennent nos esprits, nos cœurs sont toujours prêts à palpiter
aux grands spectacles que leur offre le présent, et en fut-il, dans
les tragiques années que nous venons de vivre, un plus beau,
plus réconfortant pour des cœurs français, mieux fait pour les
soutenir dans la lutte gigantesque qui à peine s'achève, que celui
de l'Italie entrant dans la guerre pour la Justice, et y déployant
ses qualités héréditaires de bravoure et d'audace jusqu'à la
victoire qui a si magnifiquement couronné son effort? Ces faits
sont trop vivants dans notre mémoire pour n'être point évoqués
tout d'abord devant Votre Majesté, et Elle me permettra d'y
associer le souvenir de cette fraternité d'armes qui, sur les
champs de bataille d'Italie et de France, a scellé pour toujours
l'amitié de deux peuples frères par le génie comme ils le sont
par leur commun amour de la Liberté.
« Mais il existe un lien plus délicat, et, si j'ose dire, plus intime
entre votre Auguste Personne et l'Académie des inscriptions et
belles-lettres : c'est le goût de l'histoire et des documents qui
nous la révèlent, c'est la curiosité qui a porté de bonne heure
Votre Majesté vers ces monuments si étrangement révélateurs
dans la sobriété de leur décor, que sont les monnaies.
SÉANCE DL" 20 DECEMBRE 191 (S 489
ft Une œuvre a pris nai!^sance à Rome, qui n'avait jamais été
tentée, et dont Tanonymat n'a plus de secret pour les spécia-
listes : six beaux volumes, pourvus de planches admirablement
exécutées, et cpie d'autres doivent suivre, placent sous nos yeux,
classées et sommairement décrites, les séries monétaires de l'Ita-
lie du moyen âge, en commençant par celles de la glorieuse et
très ancienne Maison de Savoie.
(( Ce n'est pas le lieu d'insister; tous ceux qui sont ici savent
les titres considérables d'un Souverain laborieux jusque dans le
domaine de la science pure, à qui, il y a trois ans, notre
Académie ouvrait spontanément ses portes, sans oser croire
qu'un jour, avec la simplicité charmante qui Le caractérise.
Il les franchirait, accompagné de Son Altesse Royale le Prince de
Piémont, dont la jeunesse apprend, si elle l'ignorait encore, en
quelle estime les savants de France tiennent le Savant couronné
auquel l'unissent de si tendres liens.
« Sire, dans cette visite qui comble nos vœux, nous nous plai-
sons à voir un heureux [)résage. Notre plus cher désir, dans
l'apaisement que va connaître enfin le monde, serait de nouer
avec les Académies et les grandes Sociétés savantes des pays
alliés ou associés de la France des relations scientifiques d'un
caractère durable, pour le plus grand bien de l'avenir. La pré-
sence parmi nous de Votre Majesté ne peut que nous alFermir
dans notre dessein. Elle est comme le premier et éclatant sym-
bole de cette union intellectuelle des peuples qui ont lutté et
souffert pour le même idéal, et qui se rapprocheront en vue
dune activité concertée et féconde dans toutes les formes que
revêt la pensée.
« Je prie Votre Majesté de vouloir bien, en souvenir de ce
jour, pour nous inoubliable, accepter un exemplaire, spéciale-
ment frappé pour Elle, de notre médaille académique. Il porte
une date doublement chère à nos cœurs, 1915, l'année de l'in-
tervention de l'Italie dans la guerre et celle où son Roi prit rang
dans notre Compagnie. »
La médaille est remise au Roi.
1918 33
illO SÉANCE DU 20 décemuhk PJlS
S. M. i.i: Hoi Vicron-lvMMVMiiii, III rc'pond en ces lerincs-:
(* Il m'est spécialemenl agréable, Monsieur le Présidonl, île
recevoir ici, clans ce sièj^e austère et célèbre de recherches
scientiliquos, une manifestation nouvelle de cette sympathie et
de cette amitié si cordiales et si spontanées, dont, depuis hier,
j'ai eu les preuves réj)étées.
« Nos deux nations viennent de iccncillir des lauriers immor-
tels sur les champs de bataille, dans une lutte sans merci pour le
triomphe de la civilisation, sup[)ortant, avec une vaillance dont
l'histoire tlu monde se souviendra, les plus dui's sacrifices. De
môme, je souhaite ardemment que la [•'rance et l'Italie, dans un
esprit de parfaite communauté de sentiments et d'aspirations,
puissent couronner cet édifice glorieux par une collaboration
fructueuse dans les choses de la science et des l'echerches histo-
riques.
« Je vous remercie, Monsieur le Président, pour les expressions
si aimables que vous avez bien voulu m'adresser, concernant les
études auxquelles mes loisirs m'ont permis de donner une con-
tribution personnelle. Je souhaite que ces études puissent éga-
lement aider, pour leur part, à établir un nouveau point de
contact avec les hommes de science de nos deux pays. »
M. Babelon fait une lecture sur la devise FEKT qui figure
sur les monnaies italiennes^.
Avant de se retirer. Sa Majesté signe la feuille de présence,
ainsi que M. le Président de la République.
Après le départ du Roi d'Italie, le Pkésident proclame les noms
des correspondants nationaux, de l'associé étranger et des cor-
respondants étrangers élus en comité secret.
M. Henri Pirenne, professeur à l'Université de Gand, est élu
associé étranger en remplacement de M. von Wilamowilz-
Moellendorlî, rayé des listes par le décret du 28 mai 1915. Son
élection sera soumise à l'approbation de M. le Président de la
République.
1. Voir ci-après.
SEANCE DL 20 DÉCEMBRE lÔiS 49i
Sont nommés correspondants étrangers, à la place des quatre
s avants allemands rayés des listes de TAcadémie par décision
du 23 octobre 1914 :
MM. Henrv Vignaud, conseiller honoraire à lambassade des
États-Unis, à Bagneux (Seine);
Rév. Archibald Sayce, professeur d"assyriologie, à Oxford ;
Mgr Ladeuze, recteur de l'Université de Louvain ;
M. Emanuele Rizzo, professeur d'archéologie, à Naples.
Sont élus correspondants nationaux, en remplacement de
M. Gh. Bayet : M. Alfred Leroux, archiviste honoraire de la
Haute-Vienne ; et en remplacement de M. Emile Guimet :
M. Masqueray, professeur à la Faculté des lettres de l'Univer-
sité de Bordeaux.
i92
COMMUNICATION
FEllT,
PAU M. E. I5A.BEL0N, MEMBRK DE l' ACADÉMIE.
Tout le monde sait que les monnaies d'argent actuelles
du royaume d'Italie portent sur teur tranche le mot FERT,
trois fois répété.
L'Union monétaire conclue en 1865, gage de la bonne
entente des deux nations sœurs, en popularisant en France
les monnaies italiennes, a, pour ainsi dire, proposé à tous
l'énigme de ces quatre lettres : leur interprétation a donné
lieu, des deux côtés des Alpes, et même dans d'autres pays,
à toute une littérature '. Pas plus que d'autres, je ne suis en
mesure, — je le déclare tout de suite, — d'en donner une
explication pleinement justifiée. Mais la récente publi-
cation du Corpus nummorum italicorum, en fournissant
sur la question tous les éléments numismatiques qu'on
peut souhaiter, permet d'en poser les termes avec une pré-
cision chronologique qui faisait, en partie, défaut avant
l'apparition de ce royal Recueil dont six volumes grand
in-4° ont déjà vu le jour. L'ouvrage entier en comprendra
vingt ; si bien que lorsqu'il sera achevé, le Corpus nummo-
rum italicorum n'aura son équivalent dans aucun autre
Etat de l'Europe, aussi bien par la méthode scientifique
avec laquelle il est conçu qu'en raison de sa belle exécu-
tion matérielle et de son ampleur nationale 2.
1. Voir, en dernier lieu : Fregni (Giuseppe). Dai Sabaudi agli Esteiisi,
e cioè dalla parola FERT nelle monete e negli stemmi dei conti e duchi
di Savoia e re dltalia al molto WORPASS 0 WORBAS degli Estensi a Fer-
rara. Modena, Società tip. modenese, 1917, in-S", 20 pages.
2. Corpus nummorum italicorum. Primo tentalivo di un Calalogo
générale délie monete medievali e moderne coniate in Ilalia o da Italiani
FERÏ 493
D'abord, à quelle date le mot FERT fait-il son appari-
tion sur les monnaies italiennes ?
Il suffit d'ouvrir le premier volume du Corpus pour
constater que le prince dont le nom accompagne pour la
première fois le mot FERT sur les monnaies est Amé-
dée VIII, qui rég:na de 1391 à Uol '.
Amédée VIII, dont la mère. Bonne, fille de Jean, duc de
Berry, était française, épousa lui-même une Française,
Marie, fille de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. En
1416,1e comté de Savoie fut érigé pour lui en duché ; c'est
lui qui, devenu veuf, devait être élu pape sous le nom de
Félix V.
Le mot FERT paraît sur les monnaies de la première
période de son règne, c'est-à-dire avant qu'il eût pris le
titre de duc. Mais, outre ces pièces qui portent son nom, et
par là sont bien datées, il en est d'anonymes, sur lesquelles
le mot FERT est également inscrit : ce sont d'abondants
quarti di grosso, avec la légende : Cornes Sabaiuliœ, in Ita-
lia, marchio, sans nom de souverain ~. Le Corpus fait juste-
ment remonter les plus anciennes de ces pièces anonymes
jusqu'au milieu du xiv® siècle, c'est-à-dire au règne d'Amé-
dée VI, ce prince fameux dans l'histoire de la chevalerie
sous le nom de comte vert. Il épousa, lui aussi, une Fran-
çaise, Bonne de Bourbon.
Amédée VI fonda, vers le milieu de son règne, en 1362,
l'Ordre militaire du Collier, qui devait devenir, à partir
d'Amédée VIII, lOrdre de l'Annonciade. Il lui donna pour
devise le mot FERT. Ce mot est inscrit plusieurs fois sur
le collier de l'Ordre, alternant avec des lacets de soie ou
cordelettes nouées qu'on appelle en terme de blason des
in altri paesi. Vol. I. Casa Savoia. Roma, 1910, ^rand in-4°. Les tomes cin-
quième et sixième étaient en cours d'impression au déjDut de la guerre,
en 1914 ; achevés depuis lors, les circonstances n'ont pas encore permis
de.les distribuer, du moins hors de l'Italie.
1. Corpus, t. I, p. 33.
2. Corpus, t. I, p. 31 1
i9i- ^'ERT
lacs d'amoui'. Il est donc tout naturel d'adiuellre (jiie c'est
aussi à partir de cette date (13G2) que le mot FE HT fait
son a[)parition sur les monnaies anonymes. Il y remplace
le nom du prince qui l'a choisi pour devise et il suflit à le
désii;-nor. (Test du collier de l'Ordre que le mot FEHT et
les lacs damour passent dans le champ des monnaies.
Il résulte de cette constatation que ce n'est pas dans
la numismatique qu'il faut chercher rori«i:ine et l'explica-
tion de la devise FERT : elle est antérieure à son appari-
tion sur les monnaies.
Le problème qui se pose, — les monnaies écartées, —
est de savoir si la devise a été créée seulement en 1362
pour l'Ordre du Collier, ou si elle était déjà, antérieure-
ment, la devise de la Maison de Savoie.
Dans le répertoire allemand de Schlickeisen, publié en
1882 % cet auteur dit que le mot FERT fait, pour la
pi-emière fois, son apparition sur le tombeau de Thomas II,
comte de Savoie, qui mourut en 1233, c'est-à-dire cent
vingt-neuf ans avant la création de l'Ordre du Collier. Le
tombeau auquel il est ainsi fait allusion se trouve dans la
cathédrale d'Aoste, à côté du maître-autel. Il représente un
chevalier gisant, les pieds appuyés sur un dogue couché,
dressant la tête, qui a au cou un collier sur lequel on lit
deux fois le mot FERT, en lettres gothiques, et à ce collier
estappenduun médaillon timbré de la croix de Savoie '^
1. <c Le collier de cet Ordre, dit André Favyn, était composé de roses
d'or émaillées de rouge et de blanc, jointes ensemble par un nœud et lacs
d'amour de soie, couleur de poil, toutes couleurs et devises dédiées à la
dame Vénus. Dedans ces lacs d'amour étaient entrelacées quatre lettres,
FERT. » André Favyn, Le théâtre (Vhonneur et de chevalerie, p. 1484
(1620, in-4'>).Cf. Samuel Guichenon, Hist. généalogique de la Maison royale
de Savoie,i. I, p. 399 (1778, in-fol. i.
2. Schlickeisen, Erklarang der Abkûrzungen aiif Miinzen der neueren
Zeil, des Miitelalters und der Alterlhiims, 2° édition, par R. Pallmann et
Droysen, p. 123 (Berlin, 1882, in-S").
3. Samuel Guichenon, Hist. généal. de la Maison de Savoie, t. I, p. 2M ;
Litta, Famiglie celebri italiane. Savoia, pi. XXII.
FERT 49o
Mais ce tombeau est-il bien celui du comte Thomas II ?
Schlickeisen paraît n'avoir pas connu les recherches des
savants italiens, notamment le comte de Loche, Napione
et Domenico Promis, qui, ayant fait une étude critique du
costume et de l'armure du chevalier, ont conclu que
l'époque où le monument fût sculpté est de beaucoup pos-
térieure à celle où vécut le comte Thomas ■. D'après ces
savants, il n'est sûrement pas antérieur au comte x\mé-
dée VI, le fondateur de l'Ordre du Collier. D'où il résulte
que Yé tombeau de la cathédrale d'Aoste, qu il ait été érigé
tardivement à la mémoire du comte Thomas II, ou qu'il
soit, comme cela est plus probable, celui d'un tout autre
personnage^, ne saurait être invoqué pour soutenir que la
devise FERT est antérieure à l'institution de l'Ordre du
Collier, en 1362.
Y a-t-il d'autres monuments en faveur de cette thèse ?
Les sceaux de la Maison de Savoie publiés par Cibrario et
Promis ne commencent, comme les monnaies, à porter le
mot FERT qu'après la fondation de l'Ordre du Collier.
On a cité, il est vrai, une charte de 1232, c'est-à-dire du
temps du comte Thomas II, sur laquelle serait écrit,
comme souscription, le mot FERT. C'est un diplôme par
lequel le comte accorde divers privilèges à la ville de
Ghambérj. On y lirait soi-disant : . . . rogatus scripsi et
subscripsi et tradidi FERT ^
Mais Napione, dès 1820, a fait observer que les paléo-
graphes lisent, au contraire, au lieu de FERT, le mot féli-
citer en abrégé ; et, dit-il, ce qui confirme cette interpréta-
1. Galeani Napione, Memoria sopra un antico moniimento altribuito a.1
conle di Savoia Tommaso, clans les Memorie délia reale Accademia délie
Scieaze di Torino, t. XXV, 1820, p. 93 et suiv. ; Luigi Cibrario et Dome-
nico Promis, Sigilli ^e' priiicij>i di Savoia, p. 54 et suiv. (Turin, 1834,
in-4°).
2. On a dit que c'était le tombeau de Jean de Vienne, amiral de France,
l'un des premiers chevaliers de l'Ordre du Collier.
3. Napione, Memoria, p. 99.
i9fi
■KRT
tion, c'est i\\ic dans un autre diplôme du comte Thomas, le ■
mot fcliciler est écrit clairement, en toutes lettres et à la
même place '. Il est, en elFet, très vraisemblable que le mot
FKKT ne doit ici son introduction (pi'à une faute de lec-
ture d'im copiste moderne.
Jusqu'à plus ample informé, je ne connais pas de monu-
ment authentique avec le mot FEHT, (jui soit antérieur à
la fondation de l'Ordre du Collier, en 1362.
S'il en est véritablement ainsi^ il me semble que je suis
autorisé à conclure que le mot FERT n'est rien d'autre que
la devise qui fut créée et donnée avec le nœud d'amour,
par Amédée VI, à l'Ordre du Collier.
Ce point étant considéré comme acquis, quel sens faut-il
attribuera cette devise FERT?
S'agit-il là d'un mot mj^stérieux, magique, de bon
augure, dont les princes de la Maison de Savoie, qui l'ont
gardé depuis lors dans leur blason, avaient le secret ?
.Est-ce le verbe latin fert, « il porte », dont l'appro-
priation au collier de l'Annonciade est d'un sens assez
vague, c'est vrai, mais non plus obscur ou subtil, après
tout, que la plupart des devises analogues ?
Ce mot FERT a, très vraisemblablement, à l'origine, un
étroit rapport avec les lacets ou lacs d'amour qui l'accom-
pagnent ou l'enlacent; d'où les récits plus ou moins fantai-
sistes qui prétendent expliquer par une intrigue amoureuse
de chevalerie la fondation de l'Ordre du Collier. Le collier
enchaîne par ses nœuds, il porte l'amour, il est un gage
d'amour, disait-on subtilement 2. Mais les modernes ont
cherché plus loin son explication.
1. Xapione, p. 100. Il ny a point à s'arrêter à l'idée que le mot FEUT
devrait son origine première au mot féliciter abrégé. Il serait inadmis-
sible, en dépit d'une certaine ressemblance paléographique, que la Chan-
cellerie royale au xiv siècle se fùl méprise aussi grossièrement.
2. S. Guichenon, op. cit., t. I, p. 111. « Le comte Amédée VI, ayant reçu
de sa Dame la faveur d'un bracelet fait de ses cheveux tressés et cordon-
nés en lacs d*amour, établit ledit Ordre de chevalerie. » André Favyn,
FERT
497
Bien qu'à l'origine les lettres de cette devise ne soient
jamais séparées par des points, mais serrées et pour ainsi
dire attachées les unes aux autres, on a supposé que cha-
cune délies était l'initiale d'un mot, dans une sentence
maintenant oubliée. Cette opinion trouverait, a-t-on dit, un
appui dans une mention des Comptes de la Maison de
Bonne de Bourbon, la femme d'Amédée VI, en 1373 K II
y est question d'une ceinture d'argent doré, à l'usage de
« Monseigneur Amedée », ornée cum literis f radis sue
devise, c'est-à-dire ornée des lettres brisées de sa devise
FERT.
Quel est le sens précis de ce mot fractis? On a pensé
qu'il fallait comprendre par là que FERT était un com-
posé de lettres isolées, en quelque sorte un mot brisé.
Mais je crois, au contraire, que l'expression literis fractis
vise la forme calligraphique des lettres qui sont, ai-je dit
tout à l'heure, en écriture gothique, c'est-à-dire angu-
leuses, aux jambages coupés droit, brisés, et non point en
linéaments arrondis, comme dans l'écriture courante. Elles
rompent, etVectivement, par leur aspect, l'harmonie des
inscriptions qui les avoisinent sur les mêmes monuments ~,
op. cit., p. 1483. Nous rappellerons que le collier de « lacs d'amour » por-
tait en pendant sur la poitrine « une 0\ aie d'or émaillée, et dedans cette
ovale, le cavalier saint Maurice, à cheval ». A ]iartir d'Amédée VIII, le
médaillon cmaillé représenta l'Annonciation de la Vierge Marie, d'où le
nom d'Ordre de la sania Annunziata. l'Annonciade. 'Litfa. Famiglie
etc. Savoia, pi. XLIV).
1. Cibrario et Promis, op. cit., p. 56. Libravit in emptione quatuor mar-
charum argenti fini emptis pro una corriyia et uno chnjeUefo faciendis
pro Amedeo de Sabaudia CVM LITEBJS FBACTJS SUE DEVISE, inclusis
X franchis auri donatis magistro Petto Dorerio pro factura predictorum
chapelleti et corrigie.
2. Wattenbach Das Schriftwesen in Miitelalter. ^' éd. 1896) ne connaît
pas l'expression litterœ fraclw. Toutefois, au moment où je corrige ces
épreuves, mon confrère M. Prou me signale obligeamment, chez cet auteur,
plusieurs e.\emples de fractura désignant une écriture différente de la
rotunda (Wattenbach. p. 297. 298. '199) : il s'agit évidemment de l'écriture
gothique, qu'on distinguait ainsi de la rotunda et de Vantiqua. Cf. aussi
H. Omont, dans les C. iR. de VAcad. des inscr. et b.-lettres^ séance du
27 décembre 1918 (ci-dessous, p. 501)
i98 FEBT
L'ariTunient est donc sans valeur. A mon avis, le mot
fert est simplement le verbe latin. C'est sans aucune preuve
que Ion admet que ses quatre lettres seraient les initiales
de quatre mots. Cependant, dans cet ordre de recherches
vaines, ling'éniosité des curieux s'est donné libre carrière.
L'une des interprétations qui ont eu jusqu'à présent le
plus de vo«i^ue est celle-ci : Fortitudo Ejus Rhoduni Tcnail,,
formule qui présuppose que la devise remonte jusqu'à
Amédée V le Grand ; elle serait allusive à l'exploit prétendu
de ce prince qui, en 1316, aurait délivré l'île de Rhodes du
joug des Turcs. Mais on sait que cette expédition est du
domaine de la légende'. 11 est une autre interprétation qui
a même été consacrée par la frappe d'une médaille en 1635.
C'est une g-rande pièce d'argent de 10 scudi, à l'effigie de
Victor-Amédée PS qui a pour légende : FOEDERE . ET *
RELIGIONE . TENEMVR •^.
Il est bien évident que cette inscription monétaire, dont
les mots commencent par les lettres F. R. R. T., a eu
pour but de fixer l'opinion sur le sens de ces lettres mysté-
rieuses qui étaient déjà une crux intevpretum à cette
époque. Mais cette explication, en dépit de la médaille offi-
cielle qui la propose, ne saurait passer pour une tradition
remontant à l'origine de l'Ordre du Collier.
Bref, en résumé et comme conclusion, je dirai que la
devise FERT n'est pas antérieure à 1362 et qu'elle fut
créée, à cette date, par Amédée VI il Verde, spécialement
pour l'Ordre du Collier. Elle prit place, à la même époque,
sur les monnaies et dans les armoiries de la Maison de
Savoie; elle y a persisté jusqu'à nos jours.
Si l'on n'admet pas qu'il s'agit simplement du verbe latin
fert^ « il porte », on se trouve entraîné à toutes sortes de
1. S. Guichenon, op. cit., t. l, p. liO; Gab. Chiabrera, Amedeida, poeniâ,
éd. de 1836 ; cf . Hiccardo Marini, dans la Rivista italiana di Namismatica,
t. XXI r, 1909, p. 243.
2. Corpus nummorum Italie, t. I, p. 32], n^ôS, et pi. XXII, 1.
FERT 499
conjectures et de jeux d'esprit pour en expliquer les lettres,
isolément. Et puisque, depuis le xvii" siècle, sinon déjà
antérieurement, chacun a brodé sur ce thème à sa fantai-
sie, il nous sera bien permis de faire un choix parmi les
interprétations récréatives qui ont été proposées. Or il en
est une, — celle-là française, — qui a été imag-inée par
André Favyn, dans son Théâtre dlionneiir, en 1620 '. Ce
vieil auteur, s'inspirant de la traditionnelle bravoure des
princes de la Maison de Savoie, interprète leur devise
FERT par Frappez, Entrez, Rompez Tout. C'est à cette
spirituelle combinaison de mots, que par sympathie sinon
par raison scientifique, nous nous arrêterons, parce qu'elle
se trouve être, aujourd'hui plus que jamais, de circons-
tance, au moment où, sous l'étendard de la Maison de
Savoie, les soldats de l'Italie, « frappant, entrant, rompant
tout », viennent décrire, à nos côtés, la page la plus glo-
rieuse de l'histoire de leur patrie, notre fidèle Alliée ~.
1. André Favyn, » Parisien, advocat en la cour de Parlement », Le
Ihéàlre d'honneur, p. 1484.
2. M. le professeur Dino Miiralore, de l'Ecole l'oyale technique Lagrange,
à Turin, a l'obligeance de ni'inl'ormer, trop tardivement pour que j'aie
pu en profiter, qu'il est l'auteur d'un ouvrage illustré in-folio, intitulé :
Fondazione deW Ordine del Collare délia SS. Annumiata (Torino, 1909),
et d'une courte notice intitulée : Sul slgnificato del FERT sabaudo, publiée
en 1916.
:m
LIVRES UFKllUrS
Le SixuÉTAïuK PERPÉTiiEi. déposc sur le ))ureau le Bulletin de la
Société historique et archéologique du Périqord, tome XLV, 3«= livrai-
son, sepl.-oct. 1918 (Périgueux, 1918, in-S"). ^
M. UihiON DE Vii.LiiKossE offic à rAcadémie, au nom de M. G. Jean-
ton, ancien élève diplômé de l'École des Hautes Éludes, juge d'ins-
truction à Màcon, les publications suivantes:
1» La Bourgogne à Paris au moijen âge. Notice sur les hôtels et col-
lèges bourguignons du quartier latin et particulièrement sur V hôtel et
le quartier des comtes de Mûcon (exlr. des Annales de V Académie de
.Vacon,1906, in-8") ;
2° Le servage en Bourgogne (1906, in-B") ;
3» Les caractères particuliers de la Bourgogne méridionale. — Les
peintres dorigine flamande à Tournus au XVI^ siècle (1916, in-8°) ;
4» Notice sur la vie et l'assassinat de Jean Magnon, de Tournus,
poète et historiographe du Boi (extr. des Annales de V Académie de
Mâcon et du Bulletin de la Société des Amis des Arts de Tournus,
1917, in-B") ;
0» La parenté d'Érasme en Bourgogne (extr. des Annales de V Aca-
démie de Mâcon, 1917, in-S") ;
6° Les Commanderies du Temple Sainte-Catherine de Montbcllet et
de Bougepont (extr. des Annales de l'Académie de Mâcon, 1918, in-S" ;
7° Le Folk-lore tournugeois (extr. du Bulletin de la Société des
Amis des arts de Tournus, 1919, in-8»).
Ces diverses publications ont trait à l'histoire locale de la Bour-
f^ogne, à ses institutions, à ses traditions, elles touchent aussi à son
histoire artistique et littéraire, comme l'intéressante notice sur l'in-
fortuné Jean Magnon. Elles nous révèlent un auteur bien informé de
son sujet et qui sait puiser les documents dont il s'inspire aux
sources les meilleures et les plus sûres. Les mémoires de M. Jean-
ton peuvent être consultés avec confiance et lus avec profit.
SOI
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE
PRÉSIDENCE DE M. ANTOINE THOMAS, ANCIEN PRESIDENT.
M. Omont, à Toccasion du procès-verbal, rappelle que clans
sa savante communication sur le mot Fert, devise de la maison
de Savoie, notre confrère M. Babelon a cité un passage d'un
compte de Bonne de Bourbon, femme d'Amédée VI, daté de
1373, et où il est dit que cette devise était écrite lilteris fraciis.
Le rédacteur de ce compte a très certainement voulu, comme
Fa du reste remarqué M. Babelon, désigner ainsi l'écriture
usitée couramment à partir du xiii" siècle et appelée plus tard
gothique, dans le sens de vieux et de passé de mode, aussi
improprement du reste qu'on l'a fait également pour l'architec-
ture, selon la remarque récente de notre savant confrère, M. le
comte de Lasteyrie *.
La caractéristique de cette écriture, dite gothique, est l'absence
dans son tracé de tout trait arrondi et la présence d'un plus ou
moins grand nombre de brisures nettement accusées, d'où le
terme de fractura, sous lequel on la trouve désignée dans diffé-
rents textes rapportés par Du Gange 2, et aussi le nom de lexlus
fractus, que lui donne l'auteur d'un recueil de modèles d'écri-
tures, conservé sous le n° 8685 des manuscrits latins de la
Bibliothèque nationale ^. Cette appellation subsiste encore
aujourd'hui dans le vocabulaire des typographes d'Outre-Rhin;
on y désigne les lettres gothiques sous le nom de Fraktur, par
opposition au terme dWntiqua, usité pour les caractères
i^omains.
Lecture est donnée d'une lettre par laquelle NL le D'' Capitan
1. Comptes rendus des séances de Vannée 1918, p. 122.
2. Glossarium médise et infimse lalinitatis, éd. Didot, t. III, p. 387.
3. \'oir un article de L. Delislc dans le Journal des Savants, cahier de
janvier 1899, p. 60.
502 SKANcu DU 2* m';ci::Miuti: 101 S
pose sa candidature à la plate de membre libre devciuic
vacante jiar la mort de M. le marquis de Vogiié.
La correspondance comprend les lettres de remerciements de
MM. II. X'ignaud et A. Leroux, nommés correspondants, et une
lettre de M. Fougères, directeur de l'Ecole française d'Athènes,
demandant à l'Académie de venir en aide à l'œuvre du sergent
Ilébrard, architecte, grand prix de Rome, qui dirige, depuis
deux ans, au nom du Service archéologique de l'armée d'Orient,
les travaux de recherches et de r-estauration de l'église Saint-
Georges de Salonique, — Renvoi à la Corumissiou Plot.
Lecture est donnée ensuite d'une dépêche adressée au Prési-
dent de l'Académie par M. Vito Volterra, président de V Associa-
lion italienne pour rentente intellectuelle :
« Association italienne pour entente intellectuelle vous prie
accepter ses meilleures félicitations nobles paroles prononcées
sur relations intellectuelles entre France et Italie, et exprime
vœux les plus sincères pour réalisation initiatives destinées
cimenter liens moraux et politiques entre les sœurs latines. »
A l'occasion de la correspondance, M. le comte Durhieu com-
munique une lettre qu'il vient de recevoir de M. le chanoine Van
den Gheyn, le savant président de la Société d'histoire et
d'archéologie de Gand, et archiviste de l'évêché. Celui-ci
raconte à M. Durrieu que, tout au début de la guerre, il avait
mis en lieu sûr les panneaux originaux de VAgneau mystique
de Van Eyck, et qu'il a pu, en continuant à résister à toutes les
menaces, ai'river à empêcher, jusqu'à la fin de la guerre, que
cet incomparable trésor d'art tombât entre les mains des
Allemands.
M. le chanoine Van den Gheyn donne encore cet intéressant
détail que, nonobstant toutes les entraves, la Société d'histoire
et d'archéologie de Gand, a pu, durant les hostilités, tenir
régulièrement ses séances, devenues aloV*s, sous la domination
des envahisseurs, un véritable centre de cohésion morale et
patriotique pour la cité belge.
SÉANCE DU 27 DÉCEMnRE 1918 503
M. HoMoixE communique une lettre de M. E. Gabriel,
directeur du Musée de Palerme, qui niïre de publier dans les
Monumenls Pi'ol un vase grec de son musée et, à cette occasion,
exprime le vœu que des relations de plus en plus étroites se
nouent entre les deux nations latines victorieuses.
(( Mi auguro che nella nuova èra di pace, ottenuta dalle armi,
dal valore e dalla IVatellanza latina, yli uomini di studio delT
Italia e délia Francia vorranno senipre più strettamenle colla-
borare nel campo scientifico. »
M, HomoUe fait ensuite part à l'Académie du don fait à la
Bibliothèque nationale par M. Gennadius, ministre honoraire de
Grèce à Londres. En offrant ce volume des Moralia de Plutarque,
imprimé à Bâie par Froben, en 1542, qui a appartenu à Aimé
Martin, et où Charles Nodier reconnaissait la signature et des
notes autographes de Rabelais, M. Gennadius est heureux, dit-il,
d'assurer le retour en France de ce « joyau » de sa collection,
dont il ne se jugeait que « dépositaire », comme un trait d'union
entre la littérature grecque et française, ce symbole des liens
séculaires qui unissent nos deux pays. Il choisit avec joie,
ajoute-t-il, « le moment où la Grèce célèbre les victoires de la
France... pour offrir ce volume en très humble témoignage de
tout ce que la Grèce doit à la France ».
L'Académie, pour se conformer au désir exprimé par M. le
Ministre de la guerre, et dont il lui a été donné connaissance
dans la séance du 13 décembre, procède à l'élection d'un
membre de la Commission nationale des sépultures militaires.
M. Babelon est élu.
L'ordre du jour appelle le renouvellement du bureau de
l'Académie.
M. Paul Girard est élu à l'unanimité président pour l'année
1919.
Le Secrétaire f-erpétuel fait connaître à l'Académie que
quatre membres qui, par rang d'ancienneté, étaient appelés,
l'un à défaut de l'autre, à devenir vice-président, MM. Scheil,
Jullian, Prou et Morel-Fatio, se voient obligés, pour différents
motifs, de décliner cet honneur.
oOi SEANi:i; i)L' 2*^ nÉCEMrmr; 1918
Va) i-()iiso(iuciici.', M. Charles Diiciii. csl élu vicc-présideiil
pour liinnée 1919, par 18 voix conlre 8 voix à M. Jimj.ian,
1 voix au P. SciiEiL, el un bulletin marqué d'une croix.
L'Académie procède ensuite à la nomination de diverses
Commissions annuelles. — Sont élus :
CoMMissu» ADMiMSTHATivE CENTRALE: MM. Alfred Croisct et
Omont.
Commission administrative de l'Académie: MM. Alfred Croisel
et Omont.
Antiqlutés dk la France : MM, Héron de Villefosse, de
Lastevrie, Salomon Reinach, Omont, Jullian, Prou, Durrieu et
Fournier.
Travaux littéraires : MM. Senart, Héron de Villefosse,
Alfred Groiset, Clermont-Ganneau, de Lasteyrie, Omont,
Haussoullier, Prou.
Écoles françaises d'Athènes et de Rome : MM. Henzey,
Foucart, Homolle, Pottier, Châtelain, Berger, Haussoullier,
Prou
Fond.\tion Garnier : MM. Senart, Haussoullier, Scheil,
Cordier.
Fondation Piot : MM. Heuzey, Héron de Villefosse, Homolle,
Babelon, Pottier, Haussoullier, Delaborde, Durrieu.
École française d'Extrême-Orient : MM. Heuzey, Senart,
Pottier, Maurice Groiset, Scheil, Cordier.
Fondation Dourlans : MM. Clermont-tianneau, Châtelain,
Haussoullier, Cuq.
Fondation De Clercq : MM. Heuzey, Senart, Babelon, Pottier,
Scheil, Thureau-Dangin.
Fondation Pellechet : MM. Héron de Villefosse, de Lasteyrie,
Prou, Durrieu.
Fondation Loubat : MM. Heuzey, Senart, Schlumberg^er,
Alfred Groiset.
Fond.*ltion Thorlet : MM. Schlumberger, Prou, Durrieu,
Cordier.
Prix du baron Gobert : MM. Omont, Thomas, Jullian, Prou.
505
LIVRES OFFERTS
Le Skcrétaihk peupétuel dépose sur le bureau les ouvrages et
|)ériodi({ues suivants :
R'' Father J. Faivre (translated by D'' Alexauder Granville) :
Caaopus, Mensiithis, Aboukir (extrait de Alexandrie. Arch;roiogical
Society) ;
Bulletin de la. Société scientifique, historique et archéologique de la
Corrèze, tome XL, 3'" livraison, juillet-septembre lOlS (Brives,
1918j ;
Journal of the American Oriental Society. Vol. 38, part i, oclober
1918 (Nev^'-Haven, Connecticut, U.S. A.) ;
Boletin del Ceniro de estudios aniericanistas de Sevilla. afio V,
n'' 20 (Sevilla, 1918).
M. Clermont-Ganneau a la pai'ole pour un homaiage :
« J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de l'auteur,
M. Blochet, bibliothécaire au département des manuscrits de la
Bibliothèque nationale, deux mémoires intéressant à divers titres les
littératures arabe, persane et turque. Ils sont intitulés, le premier,
Etudes sur le gnosticisnie musulman: le second. Études sur Vésoté-
risme musulman. A vrai dire, ce sont deux mémoires distincts
faisant partie d'un même ensemble et se complétant l'un l'autre.
Dans le premier, M. Blochet s'attache à déterminer la nature et
l'origine des apports étrangers qui vinrent de bonne heure exercer
une influence considérable sur la formation de l'Islam à l'état
naissant. 11 montre avec beaucoup d'érudition comment ces apports
y ont été, si j'ose dire, charriés par deux courants ayant leurs
sources principales, d'une part dans le gnosticisme et le néoplato-
nisme alexandrin, d'autre part, dans les profondeurs du milieu
iranien pénétré déjà lui-même jusqu'à un certain point par linfiltra-
tion des mêmes éléments. Jamais cet intéressant phénomène histo-
rique n'a été mieux mis en lumière, avec une connaissance plus
étendue du sujet et des vues plus originales. Un des exemples les
plus saisissants est celui de la fameuse Borâq qui servait de monture
à Mahomet lors de son ascension nocturne au paradis; M. Blochet a
pu donner de cette énigme une solution vraiment élégante, que je
n'hésite pas à déclarer définitive. Je sig-nalerai également, parmi
plusieurs autres, l'explication fort ingénieuse qu'il propose pour le
1918 '3^
506 LIVfiKS OFFEfttS
liop félMiir ni»|)lu)niot dos 'l'oinplicrs, (|ui ne soiail autre (|UC le
"énie perse linfu'imid = Vuhamiin coinhinc avec le kliaroiif des
herméliipies ar;il)es, équivalent lilléral tlu -^d6aTov 0eou, Af/nua Di'i.
t. Dans son second mémoire, M. Blocliet étudie spécialement la
doclrine musulmane dite soufisme, doctrine curieuse cpii a déjà été
robjet de maiuls travaux. Après avoir exposé la provenance ira-
nienne de cette doctrine, fortement imprégné(> elle-même des idées
plotiniennes et alexandrines, il suit son évolution au sein de la
reli"ion musulmane, et montre l'action perturbatrice, voire destruc-
tive, qu'elle y exerce sur le dogme orthodoxe, pour aboutir finale-
mtMit aux conceptions d'une mystique imprégnée d'une singulière
sensualité. S'il me fallait résumer d'un mot cette action du soufisme
sur la matière première de l'islam, je dirais cju'elle est, dans une
certaine mesure, comparable à celle dune diaslase transformant ou
décomposant une substance organique. »
PÉUIODIQUES OFFERTS
American Journal of Archœology, vol. XXI, octobre-décembre
1917 ; 2« série, vol. XXII, janvier-septembre 1918 (New- York, in-S").
Archivio délia B. Società roniana di storia palria, vol. XL, fasc.
i à 4 (Roma, in-8°).
Atti délia H. Accademia dei Lincei. Noiizie degli scavi di anlichilà,
vol. XIV, fasc. 6 à 12 ; vol. XV, fasc. 1 à 3 (Roma, in-4°).
Atti e Mernorie delV Academia d'agricultura, scienze e lettere di
Verona, vol. XVI, XVII, XVIII, série IV.
Bihlioteca nazionale centrale di Fircnze. — Bolleitino délie pubbli-
cazioni italiane ricevute per diritto di stanipa, 1917, n»* 204, et 1918,
205 à 208 (Firenze, in-S»):
Boletin de la B: Academia de la Historia, t. LXXII et LXIII
(Madrid, iii-8'').
Boletin del Centra de estudios americanistas de Sevilla, ano V,
a"* 19 et 20 (Séville, in-8°).
Boletim bibliograflco da Academia das sciencias de Lisboa. Pri-
meira série, vol. I (Coimbra, 1910-1913, in-4°).
Boletin de la Sociedad mexicana de geografia y estadistica. Quinta
epoca. T. VII, n" 7 (Mexico, in^S^L
Boletin de la Universitad de Mexico, t. I, décembre 1917 (Mexico,
in-8").
Bulletin de l'Académie des sciences de Bussie, 1918, n°*4 à 8 (Pétro-
grad, in-4o).
Bulletin de correspondance hellénique, LX" année, janviei'-août
1916 (Paris, in-8°).
Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la
Corrèze, t. XXXIX, fasc. 4. — T. XL, fasc. 1 à 3 (Brive, in-8°).
Bulletin de la Société archéologique du Finistère. Procès-verbaux et
Mémoires, 1917 (Quimper, in-8°j.
Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes, 1917, 4^ trimestre;
1918, 2'^ et 3« trimestres (Gap, in-S").
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-
Saône, 1917.
Bulletin et Mémoires de la Société archéologique dllle-et-V Haine,
t. XLVI, fe partie, 1918 (Rennes, in-8°).
Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres,
t. VII (Langres, in-8»).
.•;08 l'i;iil()l)HJl i;S OF-KKHTS
liullrlin (le In Sucirlé hii^toriijiii' cl arc/it'olotjiijue de 10 ri/' a nain,
aniiéo 1917 et table de 1894 à I91tt (Orléans, in-8°).
liullelin (le la SocU^té drs Antùfuaires de VOucsl., 1917, M et 4' tri-
mestres ; 1918, !«'■ et 20 tri lueis 1res (Poitiers, in-8").
liullelin de la Société historique et archéologique du Périgord,
novembre-décembre 1917; janvier-septembre 1918 (Périgueux, in-
8°).
Rullelin de la Sociéli' des Sciences historiques et naturelles de
l'Yonm, année 1910, 2'^^ semestre ; année 191,7, 1"" semestre (Auxerre,
in-8'').
Butlleti de la Biblioteca de Catalunya, ony IV, 1917 (Barcelone,
in-4°).
Encyclopédie deVlslarn, 2 1-'" livraison, 1918(Leyde et Paris, in-S").
Institut d'estudis catalans. Aùuari MCMXIII-MCMXIV. Part. I et
II (Barcelone, in-4").
Journal of the American Oriental Society, 1917, septembre; 1918,
février à octobre (New-Ilaven, in-S^j.
Journal of the Royal Institute of British architects, vol. XXV, n<" 1
à 12; vol. XXVI, n<"* 1 et 2 (Londres, in-4°) .
London University Gazette, vol. XVI ; vol. XVII (Londres, in-8°).
Mémoires de la Société nationale d'agriculture, sciences et arts
d'Angers {ancienne Académie d'Angers), 5'= série, t. XX, année 1917
(Angers, in-8°).
Mémoires de la Société académique d'agriculture, sciences et helles-
letlres du département de V Aube, 3* série, t. LIV, 1917 (Troyes, in-8°).
Mémoires de VAcadémie de Nîmes, 7« série, t. XXXVIII, années
1917 et 1918 (Nimes, in-S").
Mémoires de VAcadémie des sciences, inscriptions et belles-lettres
de Toulouse, t. V, 1917 (Toulouse, in-8»).
Memorie délia R. Accademia délie scienze delV Istituto di Bologna,
série II„ t. I (Bologne, in-4'>).
• Muséum Maanblad von Philologie en Geschiedenis on der redactie
van P. J. Blok, J.J. Salverda de Grave, D. G. Ilesselingen en A. Kluy-
ver. 25-^ Jaargang, n»* 11 et 12 (Leyde, 1918, in-8»).
Nuova Rivista storica, janvier 1918 (Milan-Rome-Naples, in-8»).
Pro Alesia. Revue trimestrielle des fouilles d'Alise. Directeur
J. Toulain, février-mai 1917 (Paris, in-8»).
Proceedings of the American Philosophical Society held at Phila-
delphia for promoling useful knoivledge, vol. VI, 1 à 7 ; vol. VII,
n»M à 0 (Philadelphia, in-8°).
Proceedings of the Royal Society of Canada, tliird séries, vol. XI
(Ottawa, in-8o).
PÉRIODIQUES OFFERTS o09
Proceedings of the Royal Society of Edinburgh, Session 1916-1917,
vol. XXXVII, part V, el vol. XXXVIII, part I. — Session 1917-1918,
vol. XXXVIII, part II.
Proceedings of the Society of Antiqnuries of London, vol. XXIX,
2^ série, nov. 1916 à juin 1917 (London, in-8°).
Proceedings of the Society of Antiquaries ofScotland, vol. LI, I',ll7
(Edimbourg, in-4'').
Proceedings of the Society of Biblical Archaeology, vol. XXXIX,
part 7 (1917| ; vol. XL, part 1 (1918) (London, in-8'').
Rendiconto délie sessioni délia R. Accademia délie scienze delV Isti-
tulo di Bologna, série II, vol. I, 1916-1917 (Bologne, in-8°).
Rendiconti délia R. Accademia dei Lincei, série quinta, t. XXVI,
fasc. 5 à 12 et tables, 1917 ; t. XXVII, fasc. 1 à 4, 1918 (Rome,
in-8°).
Revista de archivos, hihliotecas y niaseos, septembre-décembre
1917 ; janvier-avril 1918 (Madrid, in-8").
Revue africaine, publiée par la Société historique algérienne, S9«
année, n»* 295 à 297 (Alger, 1918, in-8°).
Revue archéologique publiée sous la direction de MM. E. Pottier
et S. Reinach, juillet 1917 à juin 1918 (Paris, in-8»).
Revue biblique, publiée par l'École pratique d'études bibliques du
couvent dominicain Saint-Élienne de Jérusalem, juillet et octobre
1917; janvier et avril 1918 (Paris et Rome, in-8«).
Revue de Vhistoire des religions, t. LXXVI, n»M à 3 ; t. LXXVII,
n»* 1 et 3 (Paris, in-8°).
Revue savoisienne, publication périodique de l'Académie florimon-
tane d'Annecy, 1917, 4« trimestre ; 1918, i"', 2'' et 3" trimestres.
The Jewish Quarterly Review, vol. VIII (London, in-8°).
The University of California Chronicle, vol. XVIII, n°^ 3 et 4;
vol. XIX, n»* 1 à 4 (Berkeley, in-S»).
The University of Illinois Bulletin, vol. XIV, n» 19 (Urbara, in-8»).
Transactions of the Royal Society of Edinburgh, vol. LU, port. I.
Sess. 1917-1918 (Edimbourg, in-4»).
Transactions of the Royal Society of Canada, sect. I à IV, juin
1917 à mars 1918 (Ottawa, in-8»).
TABLE ALPHABÉTIQUE
Académie Britanniquo. — Voy.
Rrilish Aoiulemy.
AciKlémies des pays slaves, 272,
29S, .302, 312.
Admiiiisli-alive centrale (Com-
mission), 504.
Administrative de l'Académie
(Commission), o04.
Afrique. — Voy. Algérie, Bonnel
de Mézières, Malfante (An-
tonio), Maroc, Touat, Tunisie.
Albanais (Plastrons) dans un
recueil de Cassas, 103.
Alfaric (Prosper). L'Évangile de
Simonie magicien, 372.
Algérie. Fragments d'un très
ancien manuscrit latin décou-
vert dans une grotte au Sud de
Telidjen, 240, 241 304.— Voy.
Bône (Musée de), Djebel-Tou-
kra, Madaure, Thibilis.
Aliboron (Maître). Origine de
cette expression, 123.
AUelz (Anne-Élisa-Coralie). Legs
par elle fait à l'Académie, 196.
Allier de Hauteroche (Prix), 423.
Alsace romaine (L'), 326.
Ambiatélos (Nicolas). Décret
relatif à la donation par lui
faite à l'Académie, 210.
Andrieu (Lieutenant-colonel).
Découverte d'un « pleurant )>
"provenant des tombeaux des
ducs de Bourgogne, 221.
Angleterre et de F'rance (Cou-
leurs héraldiques d'), dans une
miniature exécutée à Paris en
1395, 126; cf. 138.
Angrand (Prix), institué près la
Bibliothèque nationale, 103.
Announah. — Voy. Thibilis.
Ansancatnus. — Voy. Cassius.
Antiquités de la France (Con-
cours des), 6, 411, 417. — Com-
mission, 504. — Rapport, 192,
212,214.
Apollon monté sur le griffon et
traversant la mer, sur une
coupe de la collection Mouret,
97.
Applique de miroir grec, 151.
Apronia de Salone (L'épitaphe
d'),.308.
Archiviste paléographe (Déli-
vrance des diplômes d'), 410.
Arimaspe à cheval contre deux
griffons (Combat d'), sur une
coupe de la collection Mouret,
97.
Aristote. Correction au chapitre
62 de sa Constitution d'Athè-
nes, 22.
TABLE ALPHABÉTIQUE
511
Armôo française d'Orient (Tra-
vaux du Service archéologique
de 1'), 8, 9, 183, 2G1, 30ti, 502.
Arminius. Représentation pré-
sumée sur un casque de gla-
diateur du Musée de Naples,
201, 262.
Armistice. Allocution do M. Paul
Girard, président, 388 — Lettre
de M. Nyrop, 47 7,
Asie Mineure ^Les derviches d'),
171, 177.
Association italienne pour l'en-
tente intellectuelle. Télé-
gramme à l'Académie, 502.
Athènes. Lettre de M. Fougères
relative aux travaux exécutés
aux Propylées, 210. — Voy,
aussi Décret, Parthénon, Thé-
sée (Temple de).
Audouin (Edouard). Le muid de
Charlemagne, 333.
Augiistorum nuniina. Inscription
à eux dédiée, 480.
Babelon (Ernest), 23, 139, 337.
— Commissions, 7, 33, 504. —
Élu membre de la Commission
nationale des sépultures mili-
taires, 503. — Fort, 490, 492.
— Quelques monnaies de l'em-
pereur Doniitien, 163. — Ob-
servations, 171, 193, 197, 312,
336. — Hommages, 21, 115.
Babylone (Le temple Esagil de),
327.
Babylonien (Poème épique) com-
posé ou inspiré par Hammou-
rabi. Découverte de la fin de ce
poème, 193.
Banquet (Scène de), sur une
coupe de Hiéron, dans la col-
lection Mottez, 98-99.
Barbier-Muret (Prix). Commis-
sion, 139. — Rapport, 151.
Bnscoul (D"") . Dessins rupestres
du Djebel-Toukra, 367, 375.
Basilique souterraine découverte
près de la Porta Maggiore à
Rome, 161, 272.
Basset (Henri). Rapport sur l'en-
seignement au Maroc, 271. —
Fouilles dans la néci'opole de
Chella, 300.
Bayet (Charles), correspondant.
Décédé, 324.
Begouen (Comte). Gravures ru-
pestres découvertes par lui et
ses fils dans une grotte de Mon-
tesquiou-Avantès, 308.
Bellone (Les hasiiferi de), 311,
312.
Bémont (Charles). Candidat, 388,
478.
Bénédite (Georges). Candidat,
388, 478.
Berger (Elle). Commissions, 7,
504.
Berger (Prix Jean-Jacques), 6,
413, 418. — Commission, 7. —
Rapport. 188.
Béziers (Musée de:. Vases grecs,
98.
Biiiliothèque nationale de Paris.
Don, par M. Gsell, de fragments
d un très ancien manuscrit la
tin provenant de l'Afrique du
Nord, 241. — ■ Répertoire bi-
bliographique de M. Emile
Picot, donné par ses héritiers,
475. — Don, par M. Gennadius,
d'un volume portant la signa-
ture de Rabelais, 503. — Prix
Angrand, 103.
:it2
TAllI.i: ALl'MAHÉTJQUE
HiMiotliôqno tU> riiisliliil. Don
d'duvrapres provenant de l'abbé
Henri ThédenntJO'i. — Dessin
(|ui ponirait être de Gerjuain
Pilon, 192. 103. — Don, par M.
le duc de Loubat. de pliotof^-ra-
pliies dos monuments d'Oaxaca
cl de Mitla. 217. — Don d'oii-
vragos ilivers par M'"" 1). Me-
nant, 220.
Bil)liothèque de TUniversilé de
Paris. Texte en moyen-breton
dans le ms. 791, 380.
Blanchard (RaphaëP. Amnîptfe><
chinoises, 30^1.
Blanchet 'Adrien"!. Candidat, 370.
Blanchet (Médaille Paul), Com-
mission, 7, 41 4, 426. — Rapport,
307 .
Blochet (E.). Publications rela-
tives à l'histoire de l'Orient,
387, oOa .
Bologne. L'identité de maître
Jean de Meun étudiant à l'Uni-
versité de cette ville en 1265-
1269, 94, 99.
Bolonia (prov. de Cadix, Es-
pagne). Fouilles de M. Pierre
Paris, 6, 33, 34, 165, 184, 222,
338,347.
Bône (Musée de). Dédicace chré-
tienne, 186.
Bonnel. 3/o7i(/nïe/î/ gréco-punique
delà Souriia, près Constantiue,
102.
Bonnel de Mézières. Rapports sur
sa mission en Afrique, 33, 94.
Bordin (Prix), 6, 41 2, 420.— Com-
mission, 7. — Rapport, 185.
Bordin (Prix extraordinaire), 420.
Bornes milliairesdu Soissonnais,
156, 157.
Borcnii-LEcr.KHco (A.). Commis-
sions, 7. — Observations, 101,
170, 171, 188, l,S9, 240, 241,
201, 272,278, .302, 312, :}73.
Hou rgog-nef Dues de^. Découverte
d'un « pleurant » provenant ,
d'un (le leurs tombeaux, 221.
Breton Texte en moyen-), dans
le ms. 791 de la Bibliothè(|ue
de l'Université de Paris, 380.
Brçuil (Abbé). Un oppidum ij)é-
rique {Tolmo), 326, 331.
British Acaderay. Adresse à
l'Académie, 4.
Bruchet (Max). Nouvelles des
Archives départementales du
Nord, à Lille, 367.
Brunet (Prix), 6, 412, 423. —
Commission, 7. — Rapport,
196.
Brunot (Ferdinand). Histoire de
la langue française, 32.
Brutails L\uguste). Candidat,
475. — Au sujet de l'Andorre,
310. — Xotions d'histoire gi-
rondine, 487 .
Budget (Prix duL — Voy. Ordi-
naire (Prix).
Bulgarie. — Voy. Sofia.
BuUa Regia (Tunisie). Fouilles
de M. le D-" Carton, 107.
Bulletin de l'Institut français
d'arcliéologie orientale, 360.
Bulletin de VAcadéniie des
sciences de Russie, 299.
Bulletin de correspondance lud-
lénique, 210.
Burton (Ch.1. Alphabet phénicien,
386.
Buste de femme, trouvé dans le
Midi de la France et passé en
Amérique, 192. — Buste d'un
TABLE ALPHABETIQUE
513
enfant défunte placé dans un
croissant entouré d'étoiles
(bas-relief du Musée de Co-
penhague), 363,
Cagnat (René), secrétaire per-
pétuel. Rapports semestriels,
8, 17, 234.— Collation de pou-
voirs, 22. — Rapport du D""
Carton sur les fouilles de
Rulla Regia, 167. — Notice sur
la vie et les travaux de M. le
marquis de Vogiié, 443-473. —
Hommages, 137, 163, 171, 232,
240, 362.
Caïlet (Collection); à Réziers.
Fragments de vases, 97.
Caix de Saint-Aymour (C'*).
Autour de Noyon, 103.
Cambrai. Nouvelles des dépôts
d'archives, mss. et livres de
cette ville, 376.
Campardou (Lieutenant). Fouil-
les dans la nécropole de Chella,
300.
Canet ^ Louis). Les Tsaaapazooxat
et la recension lucianicjue des
Septante, 294.
Cantique des Cantiques (Le),
213, 219.
Capitan (D--). Candidat, 501. —
L'entrelacs cruciforme, 196,
197.
Careno (Alberto Maria). Vocabu-
lario de la lengua marne, 302.
Cartailhac (Emile), correspon-
dant. Déclaration aux chefs et
soldats de l'armée alliée, con-
quérants de Jérusalem, 138.
Carthage. Nouvelles recherches
sur le littoral cartliaginois.
139, 140. — Terre cuite pu-
nique peinte avec représenta-
tion d'une femme tenant à la
main un tympanon, 261. —
Voûtes en berceau découvertes
près du Mur de mer de Falbe,
303.
Carton (D'' L.), correspondant.
Monuments antiques trouvés à
Tozeur (Sud tunisien), 33, 40.
— Nouvelles recherches sur le
littoral carthaginois, 139, 140.
— Fouilles de Bulla Regia,
167. — Découverte de voûtes
en berceau non loin du Mur de
mer de Falbe, sur le littoral
carthaginois, 303. — Édicules
renfermant des statues en terre
cuite dans la région de Ghar-
dimaou, 337, 338. — Publica-
tions diverses, 102.
Casque de gladiateur du Musée
de Naples, paraissant faire
allusion au triomphe de Ger-
manicus, 261.
Cassas (Louis-François). Recueil
de dessins par lui faits en Dal-
matie, en Grèce et en Orient,
donné au Musée du Louvre par
M. le comte Alexandre de La-
borde, 162, 167.
Cassius, fds d'Ansancatnus, tri-
bun militaire, Dédicant dun
petit monument portant une
inscription celtique, 233.
Castellane (Comte de). Lettre au
Secrétaire perpétuel, 121.
Castries (Colonel comte de).
Candidat, 370. — Acte d'intro-
nisation du sultan du Maroc
Moulai Abd-el-Aziz, 219.
Celles. Petit monument avec i-e-
présentations figurées et ins-
.m
TABLE ALPflAHETlQUE
criplion celtique, découvert
|>r*'S <lc l'einljouchure de la
Moselle dans le Rhin, 233. —
Los Celtes d'après les "tlécou-
vertes archéologiques récentes
dans le Sud de la France et en
Espagne, 262, 26;>.
Céramique greccjue. — Voy. Bé-
ziers. Cadet, Montpellier, Met-
tez, Mouret. — Cérami([ue ibé-
rique. Voy. Poltier.
Chabert (Samuel). Origines du
proverbe latin : Qiieiii perdere
vult Jiippiter deinenlat prius,
170.
Chabot (J.-B.). Nouvelles des
estampages pris h Palniyre
pour l'Académie avant la
guerre, 18Ii. — Édesse pen-
dant la première croisade, 234,
333, 430-442. — Note sur le
tarif doctroi de la ville de Pal-
myre, 298, 299. — Observations,
302. — Notice sur les travaux
du marqua de Vogiié, 191,
Chantre (Emile). Publications
diverses. 366.
Charlemagne (Le muid de), 333.
Charma (X.). Essai sur la philo-
sophie orientale, 220.
Ghassinat (Ed.). Gaston Maspero,
306.
Châtelain (Emile). Commis-
sions, 7, 33, 504. — Rapport, 196.
Châtelain (Louis). Inscriptions
de Volubilis, 184,226, 227.
Chavannics (Édouai'd). Commis-
sions, 7. — Décédé, 47. —
Condoléances adressées à
l'Académie à l'occasion de sa
mort, 94, 104, 271. —Notice
sur lui, 306.
ChavéeiPrix Honoré), 422..
Cheila (Maroc]. Fouilles dans la
nécropole, 300.
Cliénier (Prix de , 421 .
Chkvalier (Chanoine Ulysse).
Décret relatif à la donation par
lui faite à l'Académie, 276.
(Chevalier (Médaille Ulysse), 4 17.
Chine. Co!id()]éanccs du ministre
à Paris et du ministre de l'ins-
truction publique de ce pays à
l'occasion de la mort d'Edoua rd
- Chavannos,94,271. — Statuaire
profane de ce pays, 224.
Choiseul-GouIIier (C'e de). Cal-
ques de dessins destinés à il-
lustrer son Voyage en Grèce,
dans un recueil de Cassas, 162.
Clemenceau (Georges). Adresse
à lui votée par l'Académie,
390, 475 .
Clermont-Ganneau (Charles).
Commissions, 7, 504. — Sur un
style du Musée de Cologne,
241, 250. — L'épitaphe d'Apro-
nia de Salone, 308. — Obser-
vations, 167, 188, 193, 261, 302,
312, 379. — Hommages, 116,
117,217,222, 297, 387, 505.
Clodius Quintillus (Q.). Dédicant
d'un autel consacré à Vénus et
à la Mère des dieux, 233-234.
Cochin (Henry). Candidat, 485.
CoLLiGNON (Maxime). Don de
deux bronzes antiques au Mu-
sée du Louvre, 151. — Son
activité comme directeur des
Monuments et Mémoires Piot,
234, 240.
Cologne (Musée de). Style à
écrire avec inscription latine,
241,250.
TAULE ALPHARÉTIQIJE
51 o
Cotwmémoralion des moits (La
triple) dans l'Hglise byzantine,
277,278.
Commode (L'empereur). Vente
de ses biens, 277.
Compteurs de vitesse et d'hor-
loges (Voitures munies de),
sous l'Empire romain, 277.
Concours (Annonce des), 416.
— Situation pour 1918, 6. —
Jugement des concours, 411.
Copenhague (Musée de). Bas-
relief romain représentant le
buste d'une enfant défunte
placé dans un croissant entouré
d'étoiles, 36").
CouDiER (Henri). Commissions,
7, 139, 337, 504. — Rapport,
211. — Rapports de M. Bonnel
de Mézières sur sa mission en
Afrique, 33,94. — Élu membre
du Comité du Journal des Sa-
vants, 123. — Rapport sur les
travaux de l'École d'Extrême-
Orient en 1917-1918, 3o6. —
Notice sur Edouard Chavannes,
30r.. — Hommages, 137, 209,
217, 220, 311.
Costus. Plante aromatique de
l'Inde que l'on a cru à tort
inscHte dans le tarif de Pal-
myre, 299.
Cotte (J. et C). La caverne de
VAdaouste, 116.
Courcel (Prix du baron de), 419.
Courteault (P.). Notions d'his-
toire girondine, 487.
Cowley (A.-E.). The Samaritan
liturgy, 116.
Croisades (Le Maroc et les), 23.
— Édesse pendant la première
croisade, 234,333, 431-442.
Croiset (Alfred). Commissions,
7, 504. — Observations, 189.
Croiset (Maurice). Commissions,
7, 139, 504. — Les premiers
Dialogues de Platon composés
à Mégare, 188, 189. — Obser-
vations, 22, 161, 171, 188, 193,
197,240, 272.
Croissant entouré d'étoiles
(Buste dune enfant défunte
dans un), dans un bas-relief
romain du Musée do Copenha-
gue, 365.
Croste (Df R,). Le svastika, 475.
Cr.MONT (Franz), associé étranger.
La basilique souterraine dé-
couverte près de la Porta Mag-
giore à Rome, 161, 272. —
Lettre grecque du médecin
Thessalus de Tralles à un em-
pereur romain, 225. — La triple
commémoration des morts,
277, 278. — Les >< hastiferi »
de Bellone, 311, 313. — Bas-
relief romain du Musée de
Copenhague représentant le
buste d'une enfant défunte
placé dans un croissant entouré
d'étoiles, 365. — Comment la
Belgique fut ronianisée, 485.
CuQ (Édouardl. Commissions,
139, 504, — Note complémen-
taire sur l'inscription de Vo-
lubilis, 226, 227 .
Curtea de Argech (Roumanie).
Peintures de l'église Saint-
Nicolas, 23. ,
Dalmatie (Dessins faits par Cas-
sas en), 162.
Damona Matuberginni? (Dea).
Inscription à elle dédiée, 480.
116
TAULE ALPHAI5KTIQUE
Debrousse (Commission), 33.
De Clercq (Fondation Lonis),
428. — Commission, ;)04.
Docivt alliénion relnlif à la pro-
cession des épiièbes pendant
la fèto élensinienne. Fragment
d'un duplicata de cet acte,
conservé à Vicence. 22t'i.
Dei.abohde (("'" H. -François).
Commission, 504. — Origine
prol)able de la miniature mise
en tête d'une épître de Philipiie
de Mézières au roi Richard II
d'Angleterre, 138. — Lecture
de sa Notice sur la vie et les
travaux de M. Paul Viollet, 390.
Delachenal (Rolland). Candidat,
475, 478.
Delalande-Guérineau (Prix), 6,
413, 421 . — Commission, 7. —
Rapport, 1.50.
Délos. Mur de défense construit
par le légat romain Triarius,
368. — Hippodrome, 369.
Delphes. Répartition des métopes
du Trésor des Athéniens, 211.
Derviches d'Asie Mineure (Les),
171,177.
Desazars (B°"). Iconographie de
Clémence Isaure, 276.
DiEHL (Charles). Vice-président
pour 1919, 504. — Commission,
7. — Rapports, 190, 367. — Les
églises byzantines de Salo-
nique, 213.
Destructions
commises par les Bulgares au
cours de l'évacuation de la
Macédoine orientale, 485. —
Observations, 9, 23, 197. — Les
monuments chrétiens de Salo-
nique, 237.
DiEULAFOY (Marcel), 167, 238,
262. — Félicitations de l'Acadé-
mie |)our sa [M-omotion à la
dignité do commandeur de la
Légion d'honneur, 8. — Le
Maroc et les Croisades, 23. —
Observations, 278, 302.
Djebel-Toukra (Dessins rupestres
du), 367,375.
Dorez (Léon). Candidat, 388,
478. — Andréa Mantegna et la
^ légende Ab Ol;/mpo, 370. — La
collection Alexandre Bixio h la
Bibliothèque nationale, 191.
Douai. Nouvelles des dépôts
d'archives, mss. et livres de
cette ville, 376.
Dourlans (Fondation), 429. —
Commission, 504.
Dualité de l'être primitif, 139,
156, 161.
Dubreuil-Chambardel (Major).
Exploration d'un cimetière
mérovingien dans le canton de
Vit tel, 126.
Duchalais (Prix), 6, 411, 423. —
Commission, 7. — Rapport,
104.
Du Moncel (Comte Th.). Lettres
à Joachim Menant, 220.
Duporlal (M"« J.j. Note sur un
dessin qui pourrait être de
Germain Pilon, 192, 193.
Duquesne (Joseph). François
Bauduin et la Réforme, 232.
DuRRiEu(Ct^ Paul). Commissions,
7, 337, 504. — Miniature allé-
gorique, exécutée à Paris en
1 395 et renfermant les couleurs
héraldiques de France et d'An-
gleterre, 126. — Le peintre
Philippe de Mazerolles à Paris
en 1454, 364. ~ Lettre de
TABLE ALPHABÉTIQUE
517
M. le chanoine Vandon Gheyn
sur les mesures prises pour
préserver YAçfneau mystique
de Van Eyck, 502. — La Messe
de saint Gilles, i88. — Obser-
vations, 94, 123, 366.
Duseigneur (Prix Raoul), 422.
Dussaud (René). Le Cantique
des Cantiques, 213, 219.
Écoles françaises d'Athènes et
de Rome. Commission, 504.
École française d'Extrême-
Orient. Commission, 139, 504.
— Lettre du directeur, 238. —
Rapport sur les travaux de
cette École en 1917-1918, 356.
Édesse pendant la première
croisade, 234, 333, 430-442.
Edfou au début de la VI" dynastie
(Un nomarque d'), 105.
Édicules renfermant des statues
en teri-e cuite, découverts dans
la région de Ghardimaou, 338.
Église byzantine (La triple com-
mémoration des morts dans
1'), 277, 278.
Egypte. Phonétique égyptienne,
167. — Voy. aussi Edfou.
El-Amarna (Tablettes provenant
de la collection dite d"), au
Musée du Louvre, 104.
Élections, 127, 170, 333, 366, 373,
478, 486.
Empereur romain (Torse d'), dé-
posé au Musée du Louvre par
le Musée des arts décoratifs,
152.
Encyclopédie de r Islam, 222.
Ensérune (près Béziers). Objets
de fer et de bronze et œuvres
céi'amiques découverts dans la
nécropole et conservés dans la
collection de M. Mouret, 95.
Entrelacs cruciforme (L"), 196,
197.
Éphèbes (Décret relatif à la pro-
cession des) pendant la fête
éleusinienne, 22().
Épitaphe d'Apronia de Salone,
308.
Espagne. — Voy. Bolonia,Tolmo.
Espérandieu (Emile). Candidat,
375.
Estrade-Delcros (Prix), 425.
États provinciaux de Normandie
(Les), 368.
Eusèbe et la dualité de l'être
primitif, 139, 156, 161.
Évangile (L') de Simon le magi-
cien, 372.
Evrard (M"« J .) . Mission dans le
Midi de la France, 95.
Ezéchiel (La rive gauche du
Jourdain et l'assainissement
de la mer Morte d'après la pro-
phétie d'), 102.
Fabia (Philippe), correspondant.
Fourvière en 1493, 127, 128.
— Épitaphe chrétienne décou-
verte à Francheville-le-Haut,
223. — La garnison romaine
de Lyon, 240.
Faivre (R.P.J.). Canopus, 505.
Fert (devise de la maison de
Savoie), 490, 492, 501.
Flémalle (Le Maître de), 9, 22.
Foch (Maréchal). Adresse à lui
votée par l'Académie, 390, 475.
Fondations (Emploi du revenu
des), 415.
Foucart (George, lieprésenla-
tions des tombes théhaines, 21.
S18
Taule ALPMAHÉTlgLt
— L ethnologie africiiinc et ses
récents prohldDiea, 137.
KoucAnr (Paul). Commissions,
7, 50V. — Correclion au cha-
pili'o 02 do la Constitution
d'Atlu-nes d'Arislolo, 22.
Foucauld (R. P. de). Dictionnaire
fr.inrais-iouareg, 485,
Foucher (A). The heginnings of
niiildhist art, 297. — Vart
gréco-bouddhique du Gan-
Mèrc dos dieux pac son- marî
Q. Glodius Quintillus, 2;{3-234.
Funéraires (Figures), images dos
morts ou démons des tombes,
trouvées à Rolonià, 185.
Gabrici (E.), directeur du Musée
de Palerme. Lettre ;i l'Acadé-
mie, 503.
Gar(}ner (Percy), correspondant
- étranger. History of ancient
coinage, H 5.
dhnra, 362.
Fougères (Gustave), directeur de ~ Garnier (Fondation Benoît), 415,
l'École française d'Athènes.
Lettres relatives aux travaux
exécutés aux Propylées, 210,
224. — Félicitations à lui
adressées par l'Académie, 210.
— Recherches topographiques
de M. Replat à Délos, 368.
Fould (Prix), 412, 422. — Com-
mission, 7. — Rapport, 190.
FouRNiER (Paul). Commissions,
7, 504. — Rapport, 189. —
Hommage, 232.
Fourvière en 1493. 127, 128.
Fradet (Cap'^«). Édicules renfer-
mant des statues de terre cuite,
découverts dans la région de
Ghardimaou, 337, 339.
France et d'Angleterre (Couleurs
héraldiques de) dans une mi-
niature exécutée à Paris en
1395, 126; cf. 138.
Francheville-le-Haut (Rhône).
Épitaphe chrétienne, 223.
François de Vérone (Le miniatu-
riste) et Andréa Mantegna, 370.
Fresques de l'église Saint-Nicolas
à Curtea de Argech, 23.
Fuficia Vita. Autel dédié en sou-
venir d'elle à Vénus et à la
428. — Commission, 139, 504.
Gennadius (J.). Don à la Biblio-
thèque nationale d'un volume
portant la signature de Rabe-
lais, 503.
Germains à Rome (Les premiers
prisonniers), 261, 262.
Germanicus (Casque de gladia-
teur rappelant le triomphe de),
261, 262.
Ghardimaou (Tunisie). Édicules
renfermant des statues en terre
cuite, 338. — Stèles de pierre,
avec et sans inscriptions, 342
et suiv.
Gilepsy (Francess Lyttle). Laya-
mons Orut, 302.
Giles (Prix H. A.), 424.
Gilman. Muséum Ideals, 193.
Girard (Paul), vice-président, 3,
210, 224. — Président pour
1919, 503. — Allocutions, 324,
328, 363, 388, 488. — Discours
à la séance publique annuelle,
391. — Etude sur la langue
d'Homère, 240. — Observa-
tions, 167, 193.
Girard (W.). Transcendanta-
lisnie, 302.
TABLE ALPttABÉTlQLÊ
819
Gobert (Prix), 6, 411, 417. —
Commission, 504. — Alli-ibu-
tion du prix, 213.
Gothique. Lettre de la Commis-
sion des antiquités et des arts
de Seine-et-Oise au sujet de
l'emploi de ce mol dans l'his-
toire de l'art français, 94. —
Lettre de M. de Lasteyrie à ce
sujet, 121 ; cf. 1:)6. — L'écri-
ture dite gothique désignée
par l'expression lUlerae frac-
tae, 501.
Gsell (Stéphane). Don, par lui
fait à la Bibliothèque nationale,
de fragments d'un très ancien
manuscrit latin provenant de
l'Afrique du Nord, 241.
Guillauraat (Général). Lettre au
Secrétaire perpétuel, 183.
Guimet (Emile), correspondant.
Décédé, 363.
Hammoui-abi. Découverte de la
fin d'un poème épique babylo-
nien dont il est l'auteur- ou
l'inspirateur, 192.
Hastiferi de Bellone (Inscription
de Madaui-e mentionnant les),
311, 312.
IL\ussouLLiER (Bernard). — Com-
missions, 7, 33, 139, 504. —
Rapport, 150. — Condoléances
à lui adressées à l'occasion de
la mort d'un de ses fils, tué à
l'ennemi, 333. — Observations,
22. — Hommage, 324.
Havet (Louis). Commission, 7. —
Sens de l'adjectif latin/)/-o/>/'ius
appliqué à une bêle de sacri-
fice, 161.
Hébrard (Ernest). Monuments
byzantins de Salonique, 8.
llÉuoN DE Vii.LEKossE (A.), pré-
sident pour 1918. Allocutions,
3, 47, 48. — Lettre de démis-
sion des fonctions de prési-
dent, 299, 333. — Commissions,
504. — Dons de M. Maxime
Collignon au Musée du Louvre,
151. — Don au Musée du
Louvre, par M. le comte
Alexandre de Laljorde, d'un
recueil de dessins de Cassas,
1G2. — Aulel, trouvéà Thibilis,
dédié à Vénus et à la Mère des
dieux, 233. — Lettre à lui adres-
sée par M. le D-- Carlon au sujet
de voûtes découvertes sur le
littoral carthaginois, 303. —
Inscription romaine de Rivières
(Charente), 478, 479. — Publi-
cations diverses, 209. — Le
sphinx de Cherchel, 337. —
Hommages, 102, 104, 386, 476,
500.
Heuzev (Léon). Commissions, 7,
504
Hiéron. Coupe signée de lui,
dans la collection Mottez, 98-
99.
Hippodrome de Délos, 369.
Holm (Fritz). Condoléances à
l'occasion de la mort de M.
Chavannes, 104.
Homériques (La langue des poè-
mes), 240.
HoMOLLE (Th.). Commissions,
504. _ Nommé directeur des
Mémoires et Monuments Piot,
6. — Répartition des métopes
du Trésor des Athéniens à
Delphes, 211. — Maxime Colli-
;20
I \l!Li: ALIMIAHKTirtUt;
^•iioii ilirrrUnii- -.ii-s Mi'nwires
cl Montimenls l'iol, :234, 240.
— Travaux du Service archéo-
logiqiio ilo l'ainu'o d'Orient,
261. 300.— Lettre de M. E. Ga-
hrici : — don, jiar M. Genna-
dius à la Bibliotlièque natio-
nale, il lin volume portant la
signature de Rabelais, èiOS. —
lloinnia;,^e, 201 .
lloo Clii-lsai. RelatioHi^ modernes
entre la Chine et. la Russie,
311.
Huart (Clément). Candidat, 475,
478. — Les derviches d'Asie
Mineure, 171, 177.
Iluguet (D'). Fouilles dans la
nécropole de Chella, 300.
Ibérique (La céramique), 305. —
(Un oppidum ibérique), Tol-
mo, 326, 331.
Inscriptions : grecques, 144, 309;
— latines, 41, 44, 150, 159, 160,
187, 223,233,241,252, 313, 343,
346, 480.
Institut d'Egypte, 388.
Isturitz (Basses-Pyrénées). Sculp-
tures des parois de la caverne,
238.
Italie. — Voy. Rome, Vicencê.
Jaussen (R. P.). Nouvelles des
estampages pris à Palmyre
pour l'Académie avant la
guerre, 185.
Jean de Meun étudiant à l'Uni-
versité de Bologne en 1205"
1260 (L'identité de), 94, 99.
Jeanroy (Alfred). Candidat, 475,
478.
Jeanton (G.). Publications di-
verses sur riiistoirc de !;i
Bourgogne, .'lOO.
Jérusalem (Une parure décou-
verte à), 379, 382.
.loest (Prix du baron de), 425.
Jondel (Gaston). Les ports suh-^
n}ergés de Vancienne île de
Pharos, 163.
Jorga (N.). Histoire des relations
entre la France et les Hou-
'inains, 183.
Joulin (Léon). Les Celtes d'après
les découvertes archéologiques
récentes dans le Sud de la
France et en Espagne, 262,
265.
Journal des Savants. M. Cordier
élu membre du Comité de cette
publication, 123.
Julia Malla Malluronis fdia. Ins-
cription par elle dédiée, 480.
Julien (Prix Stanislas), 6, 412,
424. — Commission, 7, 139. —
Rapport, 211.
JuLLiAN (Camille), 127. — Com-
missions, 7, 504. — Cimetière
mérovingien découvert dans le
canton de Vittel, 126. — Les
premiers prisonniers germains
à Rome, 261, 262. — L'Alsace
romaine, 326. — Observations,
156. — Notes gallo-romaines,
487. — Hommages, 115, 138.
Jupiter. Origines du proverbe
latin : Quem perdere vult Jup-
piter denientat prius, 170.
Justinus. Epitaphe chrétienne
datée de son consulat, décou-
verte à Francheville-le-llaul,
90Q 994
Juvigny, près Soissons. Bornes
milliaires, 156, 157.
tABLÈ ALtHABliTIQUÈ
82 1
Kenyon (Frédéric G.), président
de la British Acadeniy, 5.
Laborde iC'" Alexandre uk).
Commission, 139. — Don, par
lui fait au Musée du Louvre,
dun recueil de dessins de
Cassas, 162, 167.
Ladeuze (Mgr). Nommé corres-
pondant étranger, 491.
Lafons-Mélicocq (Prix de), 419.
La Grange (Prix de), 6, 413. —
Commission, 7, 420. — Rap-
port, 190.
Langlois (Ch.-V.). Commissions,
6, 7. — Rapports, 185, 192,
212, 214. — Notice sur la vie
et les travaux de Noël Valois,
47,48. — Nouvellesdes Archi-
ves départementales du Nord,
à Lille, 367. — Nouvelles des
dépôtsd'arcliives, mss.etlivres
de Douai et de Cambi-ai, 376.
Lantier (R.). Un oppidum ibé-
rique {Tolmo), 326, 331.
Lantoine (Prix Henri), 6, 414,
426. — Commission, 7.
La Roncière (Charles de). Rela-
tion du voyage fait par le gé-
nois .\ntonio Malfante dans
l'oasis du Toual en 1447, 221.
Lasteyrie (C'"^ R. de), 94. —
Commissions, 7, 504. — Lettre
relative au mot « gothique >•
appliqué à l'architecture du
xiii^ siècle, 121 ; cf. 156.
Lefas, député .d'IUe-et- Vilaine.
Lettre sur la nomenclature des
anciennes mesures de volume
et de poids, 367.
Le Fèvre-Deumier(Prix), 6,414,
424. — Commission, 7, 131». —
Rapport, 190.
Léger (Louis), 8. — Un petit
problème de littérature com-
parée, 123. — La vie acadé-
mique dans les pays slaves,
272, 298, 302, 312. — Obser-
vations, 123, 213. — Hommage,
183.
Lejay (Paul). Candidat, 388, 478.
Leroux (Alfred). Nommé corres-
pondant national, 491.
Le Senne (Emile). Mélanges, pu-
bliés en souvenir de lui, 240.
Le Senne (Prix Emile), 418.
Le Tourneau (Marcel). Les égli-
ses byzantines de Salonique,
213.
Lhomme (D'" Jules). Inscription
romaine de Rivières (Cha-
rente), 479.
Lille. Nouvelles des Archives et
de la Bibliothèque, 367. —
Lettre des membres ou cor-
respondants de l'Académie des
sciences, de l'Académie de
médecine et de l'Académie
d'agriculture restés à Lille
pendant l'occupation alle-
mande, 376.
Lilferae fractae. Expression dé-
signant l'écriture gothique,
501 .
Londres. — Voy. British Aca-
demy.
Loth (J.). Candidat, 388, 478. —
Traduction du texte en moyen-
breton trouvé dans le ms. 791
de la Bibliothèque de l'Uni-
versité de Paris, 380.
LouBAT (Duc de). Don, par lui
fait à la Bibliothèque de l'Ins-
35
.H22
tAKLE ALPflAnrniQtJE
lilul, (J'iilbiiins do pholo<îra-
phics : lies monuments d'Oa-
xaca, 209; — des ruines de
Mitla, 217.
Loubat (Duc de). Fondalion, 415,
420 ; — commission, 50i. —
Prix du duc de Loubat, 424.
— Prix Gaston Maspero, 423.
Louvre (Musée du Louvre). Ac-
quisition de tablettes prove-
nant de la collection d'El-
Amarna, 104. — Don de deux
bronzes antiques par Maxime
Collignon, 151. — Dépôt, par le
Musée des arts décoratifs, d'un
torse d'empereur romain en
marbre, 152. — Don, par M. le
comte Alexandre de Labordé,
dun recueil de dessins de Cas-
sas, 162, 167.
Lucain. Correction pixjposée au
chant Vlll, v. 245, de la Phar-
sale, 105.
Lyon. Fourvière en 1493, 427,
128.
Macédoine. Tumuli ou tépés, 9,10,
261. — Destructions d'œuvres
d'art par les Bulgares, 483.
Madaure. Inscription mention-
nant les « liastiferi » de Bel-
lone, 311, 312,
Maître Aliboron. Oi'igine de cette
expression, 123.
Maître de Flémalle {l.e), 9, 23.
Mâle (Emile). Candidat, 388. —
Elu membre ordinaire, 478,487.
Malfante (Antonio), de Gênes.
Relation de son voyage dans
l'oasis du Touat (1447), 221 .
Malla Mallauronis filia (Julia).
Mentionnée dans une inscrip-
tion de Rivières (Chafculc),
480;
Manichéisme (Fragments présu-
més d'un traité polémique
contre le), 304.
Mantegna (Andréa) et la légende
Ah Olijmpo, 370.
Manuscrit latin (Fragments d'un
très ancien) provenant de
l'Afrique du Nord, 240, 241,
304.
Maroc (Le) et les Croisades, 23.
— Inscriptions de Volubilis,
184, 226, 227. — Acte d'intro-
nisation du sultan MoulaïAbd-
el-Aziz, 219. — Rapport sur
l'enseignement, 271. — Fouil-
les dans la nécropole de Chel-
la, 300.
Martha (Jules). Candidat, 388,
478.
Maspeuo (Gaston). Note de M.
Edouard Naville sur son Intro-
duction à t'f'tude de la phoné-
tique égyptienne, 167, 171. —
Notice sur lui, 306.
Maspero (Prix Gaston), 423.
Masqueray (Pavil). Nommé cor-
respondant national, 491.
Malhorez (J.). Les Italiens en
France, du XUl'' siècle à
Charles VIII, 138.
Matuberginni ? (Dea Damona).
Inscription à elle dédiée, 480.
Mazerolles (Le peintre Philippe
de) à Paris en 1454, 364.
Méautis (Georges). Hermoupolis-
la-Grande, 324.
Meidias. Coupe à figures rouges,
du style de ce fabricant, dans
la collection Mouret, 97.
Mélanges Emile Le Sçnne, 240,
TA H LE ALt>HABETIQUE
S23
Menant (M"« D.), 137. — Ou-
vrages divers provenant de
Joachim Menant, par elle don-
nés à la Bibliothèque de l'Ins-
titut, -220.
Menant (Joachim). Ouvrages pro-
venant de lui, donnés par M"*
D. Menant à la Bibliothèque
de l'Institut, 220.
Mendel (Gustave). Les travaux
du Service archéologique de
l'armée française d'Orient, 8,
9, 306.
Mengasson (Chanoine). Archi-
diaconé de Bourges, 222.
Mère des Dieux (Autels dédiés à
la), trouvés à Thibilis, 233-234.
Merlin (Alfred), Terre cuile pu-
nique peinte provenant dune
nécroi)ole de Carthage, 261. —
Dédicace à la Mère des dieux
trouvée à Carthage; — Tom-
beaux puniques découverts à
Carthage en 1916, in.
Mer Morte (La rive gauche du
Jourdain et l'assainissement
de la) d'après la prophétie
d'Ézéchiel, 102.
Mérovingien (Cimetière) décou-
vert dans le canton de Vittel,
126.
Mexique. — Voy. Mitla, Oaxaca.
Mézières (Philippe de). Épître
française par lui adressée au
roi d'Angleterre Richard II,
126, 138.
Michon (Etienne). Candidat, 388,
478. — Catalogue sommaire des
marbres antiques du Musée du
Louvre, 476.
Millet (G.). Lettre concernant sa
mission au mont Athos,27i,363.
Miroir grec (Applique de), achetée
à Mantinée par M. Maxime
Collignon et par lui donnée au'
Musée du Louvre, 1.^1,
Mitla (Mexique). Photographies
des fouilles faites dans Ie«
ruines de cette ancienne ville,
217.
Modi (Ervad J. J.j. Dasiur Bah-
nian Kaikobad and the Kisseh-
i-SanJan, 137. — Anquetil-Du-
perron and Dastur Darab, 220.
Monastir (Carte des tumuli de la
région de), 261.
Monceaux (Paul), 33. — Commis-
sions, 7. — Dédicace chrétienne
conservée au Musée de Bône,
186. — Observations, 171.
Montandon (Raoul). Bibliogra-
phie des travaux palethnulogi-
ques et archéologiques du can-
ton de Genève, 116.
Montesquiou-Avantès (Ariège).
Gravuresrupestres découvertes
dans une grotte par M. le
comte Begouen et ses fils, 308.
Montmartre (Cérémonie à la basi-
lique de,, 212.
Montpellier (Musée de). Vases
grecs, 98.
Morel-Fatio (Alfred). Rapport,
190.
Moret (A.). Candidat, 475, 478.
— Un nomarque d'Edfou au
début de la VI« dynastie, 405.
Morts (La triple commémoration
des) dans l'Église byzantine,
277, 278.
Mottez (Collection). Coupe à fi-
gures rouges, signée de Hiéron
et provenant des fouilles d'Étru-
rie, 98-99.
52i
TAiM.K ALI'll
Moulaï Alnl-el-Azi/,. Aclo il'in-
Ironisalion de ce sulian du
Maroc, 219.
Mourel (Collection). Objets de
bronze et de ter et œuvres
céramiques découvertes dans
la nécropole d'Knsérune, 9").
Muid de Clharleniagne (Le), 333.
Mystères du paganisme (Passage
de l'auteur byzantin Psellus
relatif aux), 197.
Naples (Musée de). Casque de
gladiateur rappelant le triom-
phe de Germanicus, 261, 262,
Naville (Edouard), associé étran-
o-er. Note sur Vlntroduction à
Vétude de la phonétique égyp-
tienne de Gaston Maspero, 167,
171. — Some geographica.1 na-
nies, 212.
Nicopolis d'Épire. Dessins des
théâtres antiques, par Cassas,
162.
Normandie (Les États provin-
ciaux de), 368.
Numismatique orientale (Prix de),
6 414, 423. — Commission, 7.
Nyrop (Chr.), correspondant
étranger. Lettre à l'occasion de
l'armistice, 477.
Oaxaca (Mexique). Recueil de
photographies de monuments
de cette ville ancienne, 210.
OEconomos (G.). Justinien et
Thessalonique, 487.
Omont (Henri). Commissions, 7,
504. — Fragments d'un très
ancien manuscrit latin prove-
nant de l'Afrique du Nord, 240,
AHKIini E
241, 304. — Ktal des AirliiVes
et de la Bibliothèque de la ville
de Lille, 367. — Don à la Bi-
bliothèque nationale, par M"""
l"]mile Picot, du répertoire bi-
bliographique formé par son
mari, 475. — Sens de l'expres-
sion litterae fracfae, 501. — Un
helléniste du XVI^ siècle, 191.
— Hommages, 191, 362.
Ordinaire (Prix), 6, 411, 416.
— Commission, 7.
Ôsiris (Commission du prix), 33.
Oulad el Agha (Dar), à Carthage,
Ruines, 148.
Palladius de Ratiaria, évêque
arien de la région danubienne.
Son activité littéraire, 171, 172.
Palmyre. Dessins des temples,
par Cassas, 162.— Nouvelles
des estampages pris pour l'Aca-
démie avant la guerre, 185. —
Tarif d'octroi, 261, 298,299.
Paris. — Voy. Bibliothèque na-
tionale. Bibliothèque de l'Ins-
titut, Bibliothèque de l'Univer-
sité, Louvre (Musée du).
Paris (Pierre), correspondant.
Fouilles de Bolonia, 6, 33, 34,
165, 184, 222, 338, 347.
Farthénon (Dessins des sculp-
tures du), dans un recueil de,
Cassas, 162, 167.
Parure découverte à Jérusalem,
379, 382.
Pascasius. Épitaphe de ce per-
sonnage chrétien, découverte
à Francheville-le-Haut, 223,
224.
Passemard (E.). Sculptures des
TABLE ALPHABÉTIQUE
525
parois de la caverne d'Isturitz,
238.
Pellechet (Fondation). 416, 427.
— Rapport, 212. — Con\mis-
sion, 504.
Périodiques offerts, 507.
Pernot (Hubert). Granimairp de
la langue grecque moderne;
Recueil de textes grecs usuels,
302.
Perret-Carnot (Collection). Pleu-
rant provenant d'un des tom-
beaux des ducs de Bourgogne,
221
Philippe de Mazerolles (Le pein-
tre) à Paris en 1454, 364.
Philippe de Mézières. Épître
française au roi d'Angleterre
Richard II, 126, 138.
Picard (Lieutenant). Exploration
d'un cimetière mérovingien
dans le canton de Vittel, 126.
Picot (Emile). Commissions, 7.
— Condoléances à lui adressées
à l'occasion de la mort de son
fils, le capitaine James Picot.
271. — Hommage, 103. —
Observations, 23. — Décédé,
328. — Don, par ses héritiers à
ia Bibliothèque nationale, de
son répertoire bibliographique,
+ /0.
Pilon (Germain). Dessin conservé
à la Bibliothèque de l'Institut
et qui pourrait être de lui, 192,
193.
Piot (Fondation), 6, 415, 428. —
Commission, 504.
PiRENNE (Henri). Nommé associé
étranger, 490.
Platon. Les premiers Dialogues
composés à Mégare, 188, 189.
Pompée. Trajet autour de l'île de
' SamosfLucain, VIII, 245), 105.
PoTTiER : Edmond), 33, 167, 213,
219, 326, 331. — Commissions,
7, 504. — Mission de M"" Evrard
dans le Midi de la France, 95.
— Recueil de dessins de Cassas,
offert au Musée du Louvre par
M. le comte Alexandre de La-
borde, 167. — Observations
sur un ouvrage de M. Gilman,
193. — Terre cuite punique
peinte provenant d'une nécro-
pole de Carthage, avec repré-
sentation d'une femme tenant
à la main un tympanon, 261.
— La céramique ibérique, 305.
— Hommage, 276. — Observa-
tions, 161, 192, 197, 211, 308.
Prentout (Henri). Les États pro-
vinciaux de Normandie, 368.
Prévéza (Épire). Costumes des
habitants, dans un recueil de
Cassas, 163.
Proprius (Sens de l'adjectif latin)
appliqué à une bête de sacri-
fice, 161 .
Propylées. Lettres de M. Fougères
sur la restauration partielle de
ce monument, 210, 224.
Prost(Prix Auguste), 6, 414, 419.
— Commission, 7. — Rapport,
189.
Prou (Maurice). Commissions, 7,
337, 504. — Rapports, 104, 212,
367. — Observations, 197. —
Comptes de la Maison de l'au-
mône de Saint-Pierre de Rome,
485. — Hommage, 362.
Psellus. Passage de cet auteur
byzantin relatif aux mystères
du paganisme, 197.
•)26
TABLE ALPHABÉTIQUE
l^unique peinte (Terre cuite), pro-
venant d'une nécropole de Car-
liiage, 201.
Pui)illes de la nation (Manifesta-
tion organisée par l'OlTice na-
tional des), 238,
Quem perdere vull Jiippiler de-
mentat prius. Origines de ce
proverbe latin, 170.
Quovedo (Francisco de). Sonnet
par lui imité d'une poésie latine
de Giano Vitali, 123,
Quintillus (Q. Clodius).- Dédicant
d'un autel consacré à Vénus et
à la Mère des dieux, 233-234.
Rabelais (François). Don, par M.
Gennadius à la Bibliothèque
nationale, d'un volume portant
la signature de Rabelais, 503.
Régnier (Louis). Le tombeau de
Robert d'Acquigny à Louviers,
362.
Reinagh (Salomon), 122, 192, 261,
326. — Commissions, 7, 103,
504. — Ra pport sur une mission
de M"<' Evrard dans le Midi de
la France, 95. — Le Maître de
Flémalle, 9, 23. — Le trajet de
Pompée fugitif autour de l'île
de Samos (Lucain, VIIl, 245),
105. — Dualité de l'être primi-
tif, 139, 156, 161. — Édiûce sou-
terrain découvert près de la
Porta Maggiore à Rome, 161.
— Buste de femme, sans doute
une femme poète, trouvé dans
le Midi de la France et passé
en Amérique, 192. — Passage
de Psellus relatif aux mystères
du paganisme, 197. — Sculp-
tures des parois de la caverne
d'Isturitz, 238. — Note de M.
.luUian sur un casque de gla-
diateur trouvé à Pompei et
conservé au Musée de Naples,
261. — Une grande vente à
Rome, 277. — Gravures rupes-
tres du Djebcl-Toukra, 375, —
Une parure découverte à Jéru-
salem, 379, 382. — Rèperloire
de peintures du moyen âge et
de la Renaissance, 327. — Ob-
.servations, 156, 193, 201, 202,
278, 305, 308.
Reinagh (Théodore). Commis-
sions, 7. — Fragment d'une
inscription grecque conservée
à Vicence, duplicata d'un dé-
cret athénien relatif à la pro-
cession des éphèbes pendant
la fête éleusinienne, 226. —
Petit monument avec repré-
sentations figurées et inscrip-
tion celtique, découvert près
de l'embouchure de la Moselle
dans le Rhin, 233. — Obser-
vations, 22, 103, 123, 156, 170,
188, 189, 211, 221, 227, 241,
272,278,302, 336. —Hommage,
218.
Replat. Recherches topographi-
ques à Délos, 368.
Rey (Léon). Carte des tumuli de
la région de Salonique et de
Monastir, 8, 261. — Travaux du
Service archéologique de l'ar-
mée d'Orient, 306.
Reynaud (Prix Jean), 425.
Ricci (Seymour de). Trois bornes
milliaires du Soissonnais, 156,
157. — Copie d'un fragment
d'inscription grecque conservé
TAULE ALPHABÉTIQUE
02/
à Vicence, 220. — Receasion
du texte grec du tarif de Pal-
myre (Musée de Pétrograd),
261.
Richard II, l'oi d'Angleterre.
Épître française à lui adressée
par Philippe de Mézières, 120,
138.
Rivières (Charente). luscripLion
romaine, 478, 479.
Rizzo (Emanuele). Nommé cor-
respondant étranger, 491.
Robinson (Edward Percy). The
great menace of civilization,
220.
Rome. Basilique souterraine dé-
couverte près de la Porta
Maggiore, 161, 272. — Une
grande vente à Rome (celle des
biens personnels de l'empe-
reur Commode), 277.
Rouger (Hubert). Caloisson, 11.5.
Roumains (Origine des), 369.
Roumanie, — Voy. Curtea de
Argech.
Ruggeri (V. GiufTrido). / popoli
del mare délie iscrizioni gero-
gli fiche, 310.
Rupestres (Dessins) du Djebel-
Toukra, 367.
Sacrifice (Sens de l'adjectif latin
proprius appliqué à une bête
de), 161.
Saintour (Prix), 6, 413, 421. —
Commission, 7. — Rapport,
210.
Saladin (H.). Les monuments
chrétiens de Salonique (en col-
laboration avec M. Ch. Diehl),
237 : cf. 213.
Salonique. Fragments de poteries
trouvés près de cette ville, 150.
— Dessin du -< Palais enchan-
té » dans un recueil de Cassas,
102. — Églises byzantines, 8,
213. — Tumuli de cette région,
10, 261.
Sayce (Rov. Archibald). Nommé
correspondant étranger, 491.
ScHEiL R. P.), 104, 167, — Com-
missions, 7, 139, 504. — Rap-
port, 210. — Découverte de la
fin d'un poème épique babylo-
nien composé ou inspiré par
Ilammourabi,192. — Le temple
Esagil de Babylone selon M.
Koldewey, 327. — Hommage,
211.
ScHLUMBERGER (Gustave). Com-
missions, 7, 337, 504.
Sculptures des parois de la ca-
verne dlsturitz, 238.
Séance publique annuelle, 391.
Segalen (Victor). Statuaire pro-
fane de la Chine, 224.
Seine-et-Oise (Commission des
antiquités et des arts de).
Lettre au sujet du mot « go-
thique », 94 ; — réponse de M.
de Lasteyrie, 121;
Senart (Emile). Commissions, 7,
33, 139, 504. — Hommage, 297.
Septante (Les Teaiapaxoarct et la
recension lucianique des), 294.
Sépultures militaires (Commis-
sion nationale des), 485, 503.
Servières (J, de). A la gloire des
antiques, 1305.
Seyssel(C'« de). Fouilles de Saint-
Champ, 386.
Silène ivre (Statuette en bronze
de), donnée au Musée du Lou-
528
lARLE ALPHABETIQUE
vrc par M. Maxime Collig-noii,
152.
Silvona (Sulpicia). Inscription on
niémoiro d'elle, 4S0.
Simon le magicien (I/Evano-ile
de), 372.
Slaves (La vie académique dans
les pays), 272, 20S, 302, .3i2.
Sofia (Bnl<;arie). Stèle funéraire
d'Apronia de Salone, an Musée,
308.
Soissonnais (Trois bornes mil-
liaires âu\ 156, 157.
Statuettes de bronze découvertes
à Bolonia (homme on satyre
enlevant une femme); 166, 185-
— Statuaire])rofanedelaChine,
224. — Statues en terre cuite
dans des édicules de la rég-ion
de Ghardimaou, 337, 338.
Steenstrup (Johannes), corres-
pondant étranger. Publications
diverses, 386.
Stèles de pierre de la région de
Ghardimaou, avec ou sans ins-
criptions, 342 et suiv.
Style à écrire (Inscription d'un)
du Musée de Cologne, 241,250.
Sulpicia Silvana. Inscription en
mémoire d'elle, 480.
Szarzinski (Nicolas Sep). Poème
imité d'une pièce latine de
Giano Vitali, 123.
Tafrali (O.). Peintures de l'église
de Saint-Nicolas à Curtea de Ar-
gech, 23. — La DohroudJa,i^l .
Tapponier (Paul). Fragments de
poteries découvertes près de
Salonique, 150.
TsCTTaoa/.oaxâ (Les) et la recension
lucianique des Septante, 294.
TnÉDENAT (Abbé Henri). Ouvra-
ges provenant de lui, offerts
par sa sœur à la Bibliothèque
de l'Institut, 104.
Thésée (Teni[)lo de), à Athènes.
Dessins dans un recueil de
Cassas, 162.
Thessalus de Tralles. Lettre
grecque adressée à un empe-
reur romain, 225.
Thibilis (auj. Announah), en Nu-
midie. Autels dédiés à la Mère
-des Dieux, 233.
Thomas (Antoine), président sor-
tant. Allocution, 1. — Com-
missions, 7, 504.
L'identité
de maître Jean de Meun étu-
diant à l'Université de Bologne
en 1265-1269, 94, 99. — Ori-
gine de l'expression << Maître
Aliboron », 123. — Texte en
moyen-breton dans le ms. 791
de la Bibliothèque de l'Univer-
sité de Paris, 379. — Observa-
tions, 336. — Hommage, 32.
Thoriet (Fondation), 414, 427. —
Commission, 337, 504. — Rap-
port, 367.
Thumelicus, fils d'Arminius.
Représentation présumée sur
un casque de gladiateur du
Musée de Naples, 261, 262 et
suiv.
Thureau-Dangin (François), 8.
— Commissions, 139, 504. —
Tablettes du Musée du Louvre
appartenant à la collection d'El-
Amarna, 104. — Chronologie
des dynasties de Suniêr el
d'Accad, 276.
Thusnelda. Représentation pré-
sumée sur un casque de gla-
TABLE ALPFIAHÉTIOUE
529
diateur du Musée de Naples,
261, 2Ô2 et suiv.
Thyl (Commandant). Inscription
votive latine trouvée en Numi-
die, à Announah (anc. Thibilis),
234.
Tolmo, oppidum ibérique, 320),
331.
Touat (Oasis du^i. Relation du
voyante fait par le génois Anto-
nio Malfante en 1447, 221.
Tozeur, anc. Tiisurus (Sud-Tuni-
sien). Découverte de monu-
ments antiques, 33, 40.
Travaux littéraires (Commission
des), 504.
Triarius, lég-at romain. Mur de
défense par lui construit à Dé-
los, 368.
Tuniuli de la région de Salonique
et de Monastir, 10. 261.
Tunisie. — Voy. Bulla Regia»
Ghardimaou, Tozeur.
Tympanon, dans la main d'une
femme, sur une terre cuite
punique peinte provenant
d'une nécropole de Carthage,
261.
Urseau (Chanoine Ch.). La tapis-
serie de la (' Passion » d' Angers,
362.
Vallée (Léon). Catalogue des vé-
lins de la section des Cartes de
la Bibliothèque nationale, 220.
Valois (Noël). Notice sur sa vie
et ses travaux 48, 49.
Vanden Gheyn fChanoine). Lettre
sur les mesures prises pour
préserver l'Agneau mystique
de Van Eyck, 502.
Vassel fEusèbe). L'inscription
des ethniques, 117. — Études
puniques, 217. — Dix-neuf ins-
criptions puniques de Carthage,
222. — Vépigraphie de Maxula,
297.
Vénus. Autel trouvé à Thibilis,
dédié à Vénus Augusta et à la
Mère des Dieux, 233-234.
Vernes (Mauricei. Candidat. 388,
478. — La rive gauche du .Jour-
dain et l'assainissement de la
mer Morte d'après la prophétie
d'Ézéchiel, 102.
Vicence. Fragment d'une inscrip-
tion grecque, duplicata d'un
décret athénien relatif à la pro-
cession des éphèbes pendant la
fête éleusinienne, 226.
VrcTOR Emmanuel III (S. M.), roi
d'Italie, associéétranger. Télé-
gramme à lui adressé par
l'Académie à l'occasion de la
libération de Trente et de
Trieste, 390; réponse, 477. —
Visite et allocution à l'Acadé-
mie, 487-490.
Vignaud (Henry). Nommé corres-
pondant étranger, 491.
VioLLET (Paul). Lecture de la
Notice sursa vie et ses travaux,
390.
Vita (Fuficia). Autel dédié, en
souvenir d'elle, par son mari, à
Vénus et à la Mère des dieux,
233-234.
Vitali (Giano). Poésie latine imi-
tée par Quevedo et Szarzinski,
123.
Vittel (Vosges). Cimetière méro-
vingien, 126.
VoGiiÉ (Marquis de). Notice sur
530 TABLE ALPHABÉTIQUE
ses travaux relatifs à l'Orieul, inscriptions, 184, 226, 227.
191._ Notice sur sa vie et ses
travaux, 443-473. " Wcill (Rayriioud). La fin du
Voitures munies de compteurs mouen eini)ire éj/ijplian, 'Hii.
lie vitesse et d'horloges, sous Wilmart (Dom André). Lettre au
l'Empire romain, 277. sujet de fragments d'un très
Vollerra (Vito). Télégramme par ancien manuscrit latin prove-
lui adressé à l'Académie au nant de l'Afrique du Nord, 304.
nom de l'Association italienne
pour l'entente intellectuelle, Zeiller (Jacques). L'activité litté-
;-Q2. raire d'un évêque arien de la
Volubilis (Maroc). Fouilles du région danubienne: Palladius
lieutenant Louis Châtelain : , de Ratiaria, 171, 172.
TABLE DES GRAVURES
Portrait de M. Noël Valois (héliogravure, hors texte), entre les
pages 48 et *^
Carthage. — Mur de mer (redans) 140-141
— Ruines du Dar Oulad el Agha 149
Torse d'empereur (Musée du Louvre) 1S3
Entrelacs cruciformes ■ 198-207
Épitaphe chrétienne découverte à Francheville-le-IIaut, près
de Lyon — '"^
Fragments de manuscrit latin, du v« ou vi'' siècle, découverts
en Algérie (phototypie, hors texte), entre les pages 242 et. . . 243
Fouilles dans la région de Ghardiraaou (Tunisie) :
— 1 . Plans 341
— 2 . Stèle anépigraphe, avec figures diverses 345
Bolonia. — Vue des fouilles 349
Parure découverte à Jérusalem 38-*
Portrait de M, le marquis de Vogué (héliogravure, hors texte),
en tre les pages 442 et 443
TABLE DES MATIERES
CAIlIEFi DE JANVIER
Séances 1 , 8, 22, 33
Communications :
Les travaux du Service archéologique de l'armée française
d'Orient, par M. Gustave Mendel 9
Le Maroc et les Croisades, par M. Marcel Dieulafoy, membre
de l'Académie 23
Fouilles à Bolonia (pi"ovince de ,'Cadixj en mai-juin 1917, par
M. P. Paris, correspondant de l'Académie 34
Note sur des chapiteaux chrétiens de Tozeur (Tunisie), par
M. le D'' Carton, correspondant de l'Académie 40
Appendice :
Rapport semestriel du Secrétaire perpétuel sur la situation
des publications de l'Académie pendant le second semestre
de 1917 ; lu dans la séance du 11 janvier 1918 17
Livres offerts 7, 21 , 32
CAHIER DE FÉVRIER
Séances 47, 94,102, 104
Notice sur la vie et les travaux de M. Noël Valois, par
M. Ch.-V. Langlois, membre de l'Académie ; lue dans la
séance du 1*'' février 1918 49
Communications :
L'identité de maître Jean de Meun étudiant à l'Université de
Bologne en 1265-1269, par M. A. Thomas, membre de
l'Académie 99
TABLE DKS MATIÈKES 'JBS
Un nomarque d'Edfou ;ui (lùl)utde la VI" dynastie, par M. A.
Morel ^^^
Livres offerts ^^-» ^^^' **^
CAHIER DE MARS
Séances «21, 126, 138, 150, 161
Communications :
Un petit problème de liltérature comparée, par M. Louis
Léger, membre de l'Académie 1-3
Fourrière en 1493, par M. Philippe Fabia, correspondant de
l'Académie 1-°
Nouvelles recherches sur le littoral carthaginois, par M. le
D-- L. Carton, correspondant de l'Académie 140
Trois bornes milliaires du Soissonnais, par M. Seymour de
Ricci 1^'
Livres offerts 1-^"' 161, 163
CAHIER D'AVRIL
SÉANCES 165, 167, 171, 183
Communications :
L'activité littéraire d'un évêque arien de la région danu-
bienne : Palladius de Ratiaria, par M. J. Zeiller 172
Les derviches d'Asie Mineure, par M. Clément Huart 177
Livres offerts 1^1» 1^3, 188
CAHIER DE MAI
SÉANCES 189, 192, 196, 210, 212
Communications :
Note sur un dessin qui pourrait être de Germain Pilon, par
M"» J.- Duportal 193
L'entrelacs cruciforme, par M. le D"" Capitan 197
Appendice :
Rapport sur le concours des Antiquités de la France de 1918 ;
534 TABLE DKS MATIÈRES
lu par M. Cli.-V. Langlois, niemluc de l'Académie, dans
la séance du 31 mai lOlS 214
LivuKS oKKE.vrs m, 19:-,, 209, 211, 217
CAHIER DE JUIN ■
SÉANCES 219, 221 , 222, 226
Communication :
Note complémentaire sui' l'inscription de Volubilis, par
M. Edouard Cu([, membre de l'Académie 227
LivBES OKKEUTS 220,222,226,232
CAHIER DE JUILLET
Séances , 233, 238, 240, 261
Appendice :
Rapport semestriel du Secrétaire perpétuel sur la situation
des publications de l'Académie pendant le premier
semestre de 1918 ; lu dans la séance du 5 juillet 1918 234
Communications :
Fragments d'un très ancien manuscrit latin provenant de
l'Afrique du Nord, par M. Omont, membre de l'Académie. 241
Sur un style du Musée de Cologne, par M. Charles Clermont-
Ganneau, membre de l'Académie 230
Les premiers prisonniers germains à Rome, par M. Camille
Jullian, membre de l'Académie . 262
Les Celtes d'après les découvertes archéologiques récentes
dans le Sud de la France et en Espagne, par M. Léon
Joulin 265
Livres offerts 237, 240, 270
CAHIER D'AOUT
Séances 271, 276, 298, 299, 303
Communications :
La basilique souterraine découverte près de la Porta
Maggiore à Rome, par M. Franz Cumont, associé étranger
de l'Académie 272
TAÔLÈ DES MATIERES 535
La triple commémoration des morts, par M. Franz Cumont,
associé étranger de l'Académie 278
Note additionnelle de M. Louis Canet sur les ttaaapa/.ocîTa et
la receusion lucianique des Septante 204
Livres offerts 276, 297, 299, 302, 305
CAHIER DE SEPTEMBRE
Séances 307, 311, 324, 327
Communications :
L'épi tapbe d'Apronia de Salone, par M. Ch. Clermont-Gan-
neau, membre de l'Académie 308
Les <' hastifeii » de Bellone d'après une inscription d'Afrique,
par M. Franz Cumont, associé étranger de l'Académie . , 312
Livues offerts • • a^, 324, ô'^i, ôol
CAHIER D'OCTOBRE
Séances 333, 337, 363, 367, 369
Communications :
Note sur des édicules renfermant des statues en terre cuite,
découverts dans la région de Ghardimaou (Tunisie), par
M. le D"" Carton, correspondant de 1" Académie
Fouilles de Bolonia (1918), par M. P. Paris, correspondant
de l'Académie 347
Appendice :
Rapport sur les travaux de l'École française d'Extrême-Orient,
du mois de juillet 1917 au mois d'avril 1918, par M. Henri
Cordier, memi^re de l'Académie ; lu dans la séance du
11 octobre 1918 356
Livres offerts 337, 362, 366, 369, 373
CAHIER DE NOVEMBRE
Séances.." 375, 388, 475
Communication :
Une parure découverte à Jérusalem, par M. Salomon Reinach,
membre de l'Académie 382
338
.;3(l lAULC nKS MATIKRtJS
Séance iniu.iyuic annuki.m; ■ "^0\
Communications :
Édesse pendant la première Croisade, par M. J.-R. Cliahot,
membre de l'Académie 431
Notice sur la vie et les travaux de M. le marquis de Vogué,
par M. René Gagnât, secrétaire perpétuel 44.3
Livres offerts ; 38("), 390, -tT.T
CAHIER DE DÉCEMBRE
Séances : 477, 485, 487, SOI
Communications :
Inscription romaine de Rivières (Charente), par M. Héron de
Villefosse, membre de l'Académie 479
Fert, par M. Babelon, membre de l'Académie 492
Livres offerts 485, 487, 500, 505
Périodiques offerts 507
Table alphabétique 510
Table des gravures S31
Table des matières ^-^2
Errata •^•'"
ERRATA
p. 125, 1. 16, au lieu de : Qui Roma . ..advena, Roma, tire : Qui
Romam ...advena, Roma.
P. 125, 1. 17, au lieu de : melius, lire : média.
Le Gérant, A. Picard.
MACO>", PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
/
j.
AS
162
P315
1918
Académie des inscriptions
et belles-lettres, Paris
Comptes rendus des séances
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