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Full text of "Comptes rendus des séances"

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ACADEMIE 


DES 


INSCRIPTIONS    &    BELLES-LETTRES 

ANNÉE    1918 


MAÇON,  PROTAT  FRKKES,  IMPRIMEURS. 


VS^^ï>i  . 


ACADEMIE 


DIOS 


INSCRIPTIONS    &    BKLLES-LETTRES 


COMPTES   l-iENDUS 


DKS 


SEANCES      DE     L   ANNÉE 


19i8 


PARIS 
AUGUSTE     PICARD,     ÉDITEUR 

LI13PAIRE   liES  ARCHIVES     NATIONALES  ET  UE    LA  SOCIÉTÉ  DE  l'ÉcOLE  DBS  CHAIITBS 
8  "2  ,       R  i;  E       BONAPARTE,       82 


M  D  CCCC  XVIII 


AS 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADEMIE   DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 


SÉANCE  DU  4  JANVIER 


PRESIDENCE    DE   M.    ANTOINE    THOMAS,    PRESIDENT   SORTANT, 
PUIS    DE    M.    HÉRON     DE    VILLEFOSSE,     PRESIDENT     POUR     l'aNNÉE     1918. 

M.  Antoine  Thomas,  président  sortant,  prononce  Fallocution 
suivante  : 

«  Mes  chers  Confrères, 

«  Arrivé  au  ternie  du  mandat  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
me  confier,  je  tiens  à  vous  exprimer  de  nouveau,  sans  effusion 
intempestive,  très  simplement  et  très  cordialement,  mes  senti- 
ments de  gratitude.  J'en  réserve,  naturellement,  une  bonne  part 
à  notre  dévoué  Secrétaire  perpétuel,  dont  l'assistance  ne  m'a 
jamais  fait  défaut;  mais  je  sens  bien  que,  malgré  ses  conseils, 
toute  mon  application  n'aurait  pas  suffi  à  la  tâche,  si  votre  indul- 
gence n'avait  d'elle-même  suppléé  ce  que  mon  inexpérience  n'a 
pu  fournir.  A  défaut  de  satisfecit,  je  ne  doute  pas  que  vous 
m'accordiez  mon  quitus. 

«  Notre  vie  académique  s'est  poursuivie  régulièrement  pendant 
l'année  1917.  En  dépit  de  nos  angoisses  patriotiques,  nos  com- 
missions n'ont  pas  chômé  et  nos  séances  ont  été  bien  remplies. 
Si  cruelles  qu'aient  été  les  pertes  que  nous  avons  éprouvées,  la 
statistique  nous  apprend  que  leur  chiffre  n'a  pas  dépassé  la 
moyenne.  Quelques-uns    des    vides    qui    existaient  dans  notre 

1918  1 


2  SÉANCE    DU    4    JANVIER    '1018 

Compagnie  oiiL  ôlé    heureusement   comblés  :   j"ai  eu   le    plaisir 
inoubliable  de  souhaiter  la  bienvenue  à  cinq  nouveaux  confrères 
et  de  proclamer  élus  deux  correspondants  regnicolcs  ;  au  total 
sept  personnes  qui,  vraisemblablement,    conserveront   un    bon' 
souvenir  de  ma  présidence. 

«  L'état  de  santé  de  notre  confrère  M,  Klie  Berger  ne  lui  a  mal- 
heureusement pas  permis  d'accepter  la  succession  qui  lui  revenait 
de  droit;  je  me  fais  votre  interprète  en  l'assurant  de  nouveau 
de  nos  profonds  regrets  et  en  lui  exprimant  nos  souhaits  les  plus 
cordiaux  pour  ({u'un  repos  prolongé  lui  apporle  un  rétablisse- 
ment Completel  durable.  Je  n'ai  pas  à  vous  présenter  l'éminent 
confrère  que  vos  suth-ages  ont  désigné  pour  parer  à  ce  fâcheux 
contre-temps.  En  le  félicitant  du  rare' honneur  qui  lui  échoit 
d'inaugurer  aujourd'hui  une  seconde  présidence,  j'ai  besoin  du 
témoignage  formel  de  nos  fastes  consulaires  pour  croire  que 
vin"-t  ans  se  sont  écoulés  depuis  qu'il  a  terminé  brillamment  la 
première.  Puisse  le  fardeau  être  léger  à  ses  robustes  épaules  ! 
cest  notre  vœu  le  plus  cher.  Revêtu  d'un  double  prestige, 
M.  Héron  de  Villefosse  sera  d'autant  plus  qualifié  pour  parler 
au  nom  de  notre  Académie  et  au  nom  de  l'Institut  tout  entier. 

M  Si  1917  n'a  été  encore  pour  notre  pays  qu'une  année  d'attente, 
J918  ne  doit  pas  être  une  année  de  détente.  Plus  que  jamais 
s'impose  à  tous  la  nécessité  de  l'effort  moral  destiné  à  seconder 
l'elfort  matériel  qui  se  prépare  en  vue  des  réalisations  légitimes 
dont  la  France  conserve  l'espoir  indéfectible.  L'énergie  dont  fait 
preuve  notre  nouveau  président,  en  reparaissant  sur  la  brèche  à 
notre  tête,  est  un  gage  assuré  que  notre  état  d'esprit  est  à  la  hau- 
teur de  notre  devoir.  Depuis  longtemps,  nos  devanciers  nous 
ont  donné  l'exemple  et  enseigné  la  vertu  de  la  confiance  en  soi;, 
sans  laquelle  rien  de  grand  ne  se  peut  accomplir.  Un  des  quatre 
premiers  membres  de  la  «  petite  Académie  »  créée  par  Colbert, 
à  laquelle  nous  aimons  à  nous  rattacher,  écrivait  en  1683  :  «  Le 
premier  pas  à  la  Victoire,  c'est  de  croire  qu'on  la  pourra  rem- 
porter; en  douter,  c'est  être  à  moitié  vaincu;  en  désespérer, 
c'est  l'être  tout  à  fait  '.  » 

1.  François   Charpentier,    De    l'excellence   de   la  langue  française,  t.  I, 
p.  297. 


SÉANCE    t)U    4    JANVIER    i9l8  3 

«  Je  vous  laisse,  mes  chers  Confrères,  sous  rimpression  de  ces 
Hères  paroles,  et  je  prie  M.  Héron  de  Villefosse  de  vouloir  bien 
prendre  ma  place  au  bureau,  et  M.  Paul  Girard,  vice-président^ 
de  venir  s'asseoir  à  son  côté.    » 

M.  HÉRON  DE  ViLLUFossE,  prenant  le  fauteuil  de  la  présidence, 
prononce  Tallocution  suivante  : 

«  Mes  chers  Confrères, 

«  Je  regrette  vivement  avec  vous  que  notre  vice-président  ait 
dû  décliner  Thonneur  qui  l'attendait  aujourd'hui.  J'espère 
que  le  repos  qu'il  s'est  imposé  lui  rendra  promptement  la  santé. 
Sa  retraite  vous  a  déterminés  à  m'appeler  pour  la  seconde 
fois  à  ce  fauteuil  ;  votre  bienveillance  me  confie  de  nouveau  le 
soin  de  diriger  vos  discussions.  Je  sens  le  prix  de  ce  grand  hon- 
neur et  je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  je  suis  profondément 
touché  en  recevant  de  vous  un  si  haut  témoignage  d'estime  et 
de  sympathie.  Mon  premier  devoir  est  de  vous  en  exprimer  ma 
gratitude  ;  c'est  assurément  le  plus  doux  de  tous  ceux  que  je 
dois  remplir  cette  année. 

«  J'ai  hâte  de  remercier  mon  prédécesseur  des  paroles  aimables 
et  trop  indulgentes  qu'il  vient  de  prononcer  en  m'invitant  à 
occuper  sa  place.  Pendant  l'année  qui  vient  de  finir,  il  a  déployé 
un  zèle  et  une  activité  que  nous  avons  souvent  admirés  ;  il  a 
conduit  nos  débats  avec  cette  conscience  scrupuleuse  qui  fut  la 
règle  de  ses  actions  ;  c'est  en  m'inspirantdeson  exen>ple  que  j'ai 
l'espoir  de  me  montrer  digne  de  vos  suifrages.  Et  si  j'éprouvais 
quelque  défaillance  dans  l'exercice  de  mes  fonctions,  je  n'aurais 
qu'à  me  tourner  vers  notre  cher  Secrétaire  perpétuel  :  son  expé- 
rience et  ses  avis  me  tireraient  bientôt  d'embarras.  Enfin,  vous 
avez  choisi  pour  me  seconder  un  confrère  dont  la  droiture  et 
la  bonne  grâce  me  sont  connues  depuis  longtemps  ;  je  sais  que 
je  puis  compter  sur  son  concours  le  plus  dévoué. 

«  En  cette  quatrième  année  de  guerre,  nos  esprits  sont  envahis 
par  lespensées  les  plus  graves.  L'heure  est  maintenant  solennelle: 
le  moment  approche  où  le  sort  du  pays  va  se  décider.  Nos  espoirs 
patriotiques,  nos  élans  de  piété  filiale  ne  doivent  pas  nous  faire 
négliger  nos  travaux.  Nous  poursuivrons  nos  études  habituelles 


4  SÉANCE   DU   4   JANVIER    1918 

avec  d'autant  plus  de  calme  qu'elles  nous  amènent  toujours  à  de 
salutaires  méditations.  L'histoire  nous  enscig-ne,  en  elFet,  que 
Torgueil  des  conquérants  et  des  despotes,  que  les  ambitions 
démesurées  des  peuples  trouvent  ici-bas  leur  châtiment.  Tôt  ou 
tard,  la  vérité  se  fait  jour  et  le  bon  droit  triomphe  ;  les  lois  de 
réternelle  justice   sont  immuables. 

«  Nos  cœurs  sauront  rester  fermes  pendant  les  dernières 
épreuves,  nos  âmes  demeurer  inébranlables  et  notre  foi  invin- 
cible. Toujours  maîtres  de  nos  jugements,  nous  conserverons 
cette  parfaite  liberté  qui  ne  consent  jamais  à  soutenir  des  opinions 
contraires  à  celles  que  dicte  la  conscience.  Hoc  aulein  liberiores 
et  solutiores  sumus  quod  intégra  nohis  est  judicandi  potestas. 
Au  milieu  des  anxiétés  de  la  patrie,  nous  saurons  travailler 
pour  sa  gloire,  nous  contribuerons-  à  la  diffusion  de  ses  idées 
immortelles  et  au  maintien  de  sa  bonne  renommée.  Nous  unirons 
nos  efforts  pour  faire  mieux  connaître  ses  nobles  traditions  et 
ses  vertus  légendaires,  proclamer  son  désinléi^essement,  exalter 
sa  loyauté  et  sa  vaillance,  raffermir  s'il  en  était  besoin  le  courage 
de  ses  enfants.  Et  dans  l'auréole  de  beauté  morale  dont  notre 
chère  France  sera  illuminée,  elle  nous  apparaîtra  plus  grande 
que  jamais,  toujours  généreuse,  toujours  prête  aux  douloureux 
sacrifices  quand  elle  les  croit  nécessaires  au  bien  de  l'humanité. 

«  De  l'autre  côté  des  Alpes,  nos  troupes  viennent  de  remporter 
un  important  succès;  le  pi^emier  jour  de  cette  nouvelle  année  a 
été  marqué  par  une  date  glorieuse.  La  "Victoire,  déployant  ses 
ailes,  plane  au-dessus  de  nos  drapeaux  ;  elle  guidera  les  pas  de 
nos  soldats  à  travers  ces  champs  d'Italie  où  chaque  pli  de  terrain 
rappelle  les  exploits  de  nos  pères. 

«  J'adresse  à  notre  armée,  à  nos  alliés  fidèles  et  valeureux, à  tous 
ceux  qui  travaillent  à  la  libération  des  territoires  occupés  par 
nos  ennemis,  le  salut  cordial  de  notre  Académie  !  » 

Le  Président  donne  lecture  de  l'adresse  suivante  qui  a  été 
envoyée  à  l'Académie  par  la  British  Academy  : 

«  A  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 
«   Au  début  d'une  nouvelle  année,  qui  trouve  nos  patries  alliées 
encore  en  guerre,  la  British  Academy  désire  envoyer  ses  saluta- 


SÉANCE    DU    4    JANVIER    1918  5 

lions  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  et  par  elle 
à  rinstitut  de  France. 

'  «  Les  Académies  de  Grande-Bretagne  et  de  France  représentent 
la  civilisation  pour  laquelle  nos  patries  se  battent,  et  mainte- 
nant, après  trois  ans  de  guerre,  nous  affirmons  de  nouveau 
l'idéal  pour  lequel  nous  avons  pris  les  armes. 

«  Notre  conviction  de  la  justice  de  notre  cause  est  inébranlable; 
elle  est  même  intensifiée,  à  mesure  que  le  temps  passe,  par  les 
preuves  répétées,  données  par  nos  ennemis,  que  quelque  grand 
que  puisse  être  leur  pouvoir  matériel,  ils  ont,  comme  nation, 
perdu  l'âme  qui  seule  l'ait  que  la  vie  vaut  d'être  vécue. 

«  Les  souffrances  des  nations  et  les  deuils  des  individus  ont  été 
terribles  ;  mais  ce  sont  des  sacrifices  pour  une  grande  cause,  et 
nous  avons  la  confiance  que  cela  n'aura  pas  été  en  vain,  parce 
que  nous  croyons  en  un  Dieu  de  justice,  qui  soutiendra  la  cause 
de  la  liberté,  de  l'honneur  et  de  la  bonne  foi  parmi  les  nations. 

«C'est  avec  la  plus  profonde  sympathie  et  la  plus  grande  admi- 
ration que  nous,  en  Angleterre,  avons  constaté  la  fermeté  du 
caractère  français  et  les  héroïques  exploits  de  vos  armées.  Les 
noms  de  la  Marne  et  de  \^erdun  sont  déjà  des  étoiles  brillantes 
dans  l'histoire  de  votre  pays,  et  quelles  que  soient  les  épreuves 
qui  nous  sont  réservées  dans  l'année  qui  vient,  nous  avons  la 
confiance  que  nos  patries  alliées  les  domineront  toutes  et  mar- 
cheront en  avant  avec  une  invincible  résolution  vers  la  victoire 
finale. 

«  Begardant  dans  l'avenir  vers  le  jour  où  nous  pourrons 
reprendre  le  calme  labeur  de  la  science,  et  cette  culture  spiri- 
tuelle et  intellectuelle  qui  est  Tânie  d'une  nation,  j'ai  l'honneur 
de  vous  présenter  les  salutations  de  la  British  Academy. 

«    Frédéric  G.  Kenyon, 

v<  président  de  la  British  Academy. 

«   f""  janvier  1918.    » 

L'Académie  souligne  cette  lecture  par  ses  applaudissements. 

M.  le  Président  se  chargera  de  répondre  à  l'adresse  de  la 
British  Academy,  au  nom  de  notre  Académie,  et  de  lui  exprimer 
nos  sentiments  de  gratitude  et  de  sympathie. 


6  SÉANCE    Dl-    i    JANVIEH     1018 

L'Académie,  votant  par  bulletins,  désigne,  conformément  à  la 
proposition  de  la  Commission  Piot,  iM.  Homolle  comme  direc- 
teur des  Mémoires  et  Monuments  Piot  à  la  place  de  M.   Col- 

lignon,  décédé. 

Conlormémentàune  seconde  proposition,  elle  vote  à  M.  Pans, 
correspondant  de  TAcadémie,  directeur  de  TÉcole  des  Hautes 
études  hispaniques,  une  somme  de  i.OOO  francs  pour  continuer 
ses  fouilles  à  Bolonia. 

M.Gh.-V.  Langlois,  au  nom  de  la  Commission  du  prix  Gobert, 
annonce  que  deux  ouvrages  ont  été  présentés  à  ce  concours  : 
1"  par  M.  le  baron  Gabriel  Le  Barrois  d'Orgeval:  Le  Tribunal 
de  la  Connélablie  de  France,  du  XlVsiècle  à  J790;  2°  par 
M.  Jules  \'iard,  Les- Journaux  du  Trésor  de  Charles  IV  le  Bel. 

Le  Secrétaire  perpétuel  fait  connaître,  ainsi  qu'il  suit,  la 
situation  des  concours  de  FAcadémie  pour  l'année  1918  : 

Prix   ordinaire  [Étude  grammaticale    sur    une  des   langues 
nouvellement  découvertes  de  l'Asie  Centrale)  :  aucun  mémoire. 
Prix  Duchalais  [Numismatique  du    moyen  âge)  ;  1    concur- 
rent. 

Prix  Gobert  :  2  concurrents . 

Prix  Bordin  [moyen  âge  ou  renaissance)  :  4  concurrents. 
Antiquités  de  la  France  :  8  concurrents. 

Prix  Louis   Fould  [Histoire  des    arts  du  dessin)  :    2  concur- 
rents . 

Prix  Brunet  :  5  concurrents. 
Prix  Stanislas  Julien  :  pas  de  concurrents. 
Prix  de  La  Grange  :  1  concurrent. 
Prix  Delalande-Guérineau  :  2  concurrents. 
Prix  Saintour  (Orient)  :  4  concurrents. 
Prix  Jean-Jacques  Berger  :  8  concurrents. 
Prix  Auguste  Prost  :  2  concurrents. 

Prix   Le    Fèvre-Deumier  :    pas      de     concurrents    (l'Académie 
évoque  elle-même  les  ouvrages). 

Prix  de  numismatique  orientale  :  pas  de  concurrents. 
Prix  Henri   Lantoine  (à  un   travail  sur  Virgile)  :    pas  de  con- 
currents. 


SÉANCE    DU    4    JANVIER    1918  7 

L'Académie  procède  à  la  nomination  des  Commissions  de 
prix.  Sont  élus  : 

Prix  ordinaire  du  budget  {Etude  grammaticale  sur  une  dex 
langues  nouvellement  découvertes  de  VAsie  Centrale)  : 
MM.  Senart,  Ghavannes,  Scheil,  Cordier. 

Prix  Duchalais  {numismatique  du  moyen  âge)  :MM.  Schlum- 
berger,  Babelon,  Th.  Reinach,  Maurice  Prou. 

Prix  BoRom  (moyen  âge  ou  renaissance):  MM.  Schlumberger, 
Emile  Picot,  Maurice  Prou,  Langlois. 

Prix  Louis  Fould  :  MM.  de  Lasteyrie,  Pottier,  Durrieu,  Diehl. 

Prix  Brunet  :  MM.  Emile  Picot,  de  Lasteyrie,  Omont,  Châte- 
lain. 

Prix  Stanislas  Julien  :  MM.  Senart,  Chavannes,  Scheil,  Cor- 
dier. 

Prix  de  La  Grange  :  MM.  Em.  Picot,  Omont,  Antoine  Thomas. 

Prix  Delalande-Guérineau  :  MM.  Alfred  Croiset,  Bouché- 
Leclercq,  Châtelain,  Ilaussoullier. 

Prix  Saintour  :  MM.  Heuzey,  Senart,  Cordier,  Scheil. 

Prix  Jean-Jacques  Berger  :  MM.  de  Lasteyrie,  Emile  Picot, 
Omont,  Durrieu,  Jullian,  Prou. 

Prix  Auguste  Prost  :  MM.  Omont,  Ellie  Berger,  le  P.  Scheil, 
Fournier. 

Prix  Le  Fèvre-Deumier  :  MM.  Foucart,  Senart,  Alfred  Croiset, 
Salomon  Reinach,  Bouché-Leclercq,  Pottier,  Maurice  Croiset. 

Prix  Henri  Lantoine:  MM.  Havet,  Châtelain,  Maurice  Croiset, 
Monceaux. 

Prix  de  numismatique  orientale  :  MM.  Schlumberger,  Cler- 
mont-Ganneau,  Babelon,  Th.  Reinach. 

Médaille  Paul  Blanchet  :  MM.  Babelon,  Salomon  Reinach, 
Monceaux. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  le  fascicule  de  juil- 
let-août des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  pendant  l'an- 
née 1917  (Paris,  1917,  in-8°). 


SÉANCE    DU    11    JANVIER 


PRKSIDENCE  DE  M.    HERON   DE  VILLEFOSSE. 

M.  Léger  rappelle  que  notre  confrère  M.  Dieulafoy  a  été 
promu  récemment  commandeur  de  la  Légion  d'honneur  et 
placé  à  la  tête  d'un  service  militaire  important,  et  demande  que 
les  félicitations  que  l'Académie  lui  adresse  à  cette  occasion 
soient  inscrites  au  procès-verbal. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret  pour  entendre  la  lec- 
ture du  rapport  semestriel  du  Secrétaire  perpétuel  sur  la  situa- 
tion des  publications  de  l'Académie  pendant  le  second  semestre 
de  1917'. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Gustave  Mendel 
rend  compte  à  l'Académie  des  travaux  du  service  archéologique 
que  le  général  Sarrail,  fidèle  à  une  élégante  tradition  française, 
a  institué  à  l'armée  d'Orient.  Les  tumuli  très  nombreux  dans  la 
campagne  macédonienne  ont  été  l'objet  d'une  enquête  appro- 
fondie, menée  par  le  brigadier  Thureau-Dangin  et  le  maréchal 
des  logis  Rey.  Les  fouilles  ont  établi  que  la  plupart  et  les  plus 
anciens  d'entre  eux  correspondent  à  des  habitats  humains  qui 
remontent  jusqu'à  l'époque  néolithique.  On  y  a  recueilli  un 
grand  nombre  de  tessons  céramiques  qui  témoignent  de  l'exis- 
tence dans  cette  région,  dès  cette  époque,  d'une  population  for- 
tement individualisée. 

Une  autre  équipe  du  service  archéologique,  sous  la  conduite 
du  sergent  Ernest  Hébrard,  a  étudié  les  monuments  byzantins 
de  Salonique,  en  particulier  l'église  Saint-Georges,  monument 
circulaire  des  débuts  du  iv"  siècle,  transformé  en  église  au  v% 
en  mosquée  au  xvi«  et  rendu  au  culte  chrétien  en  1913. 

M.  Mendel  place  sous  les  yeux  de  l'Académie  une  remar- 
quable série  d'aquarelles,  de  plans  et  de  photographies  dus  au 
peintre  Lambert  et  à  M.  Hébrard  et  ses  collaborateurs,  les 
caporaux  Ferran  et  Grand  '. 

1.  Voir  ci-après. 


LE  SERVICE  ARCHÉOLOGIQUE  DE   l'aRMÉE  FRANÇAISE  d'oRIENT         9 

M.  DiEHL  présente  quelques  observations. 

'    M,  Salomon  Reinacu   commence  une  lecture  sur  «  le  maître 
de  Flémalle  ». 


COMMUNICATION 


LES    TRAVAUX    DU    SERVICE    ARCHÉ0L0GIOUE 

DE    l'armée    FRANÇAISE    d'oRIENT, 

PAR    M.    GUSTAVE    MENDEL. 

Toutes  les  armées  françaises  qui,  depuis  la  fin  du  xviii* 
siècle,  ont  porté  nos  couleurs  en  Orient,  ont  toujours  con- 
sidéré comme  un  devoir,  venues  sur  ces  terres  historiques, 
lourdes  d'un  passé  illustre,  de  réserver  une  place,  à  côté 
des  opérations  militaires,  à  la  recherche  scientifique.  Le 
général  Sarrail,  commandant  en  chef  les  armées  alliées  en 
Orient  jusqu'en  décembre  1917,  a  voulu  rester  fidèle  à  cette 
■tradition.  Avant  même  de  quitter  la  France,  en  septembre 
1915,  il  s'était  préoccupé  de  grouper  autour  de  lui  quelques 
archéologues.  Aussi,  dès  le  mois  de  décembre,  quand  quel- 
ques propositions  à  ce  sujet  lui  furent  soumises  par  le  lieu- 
tenant Charles  Bayet  qui,  engagé  volontaire  en  191  i 
comme  il  lavait  été  en  1870,  venait,  après  un  séjour  d'un 
an  sur  le  front  de  Lorraine,  d'être  affecté  à  son  état-major, 
le  général  les  accueillit  avec  un  intérêt  déjà  averti  et  une 
sympathie  toute  prête  à  agir.  Il  ordonna  aussitôt  la  création 
d'un  Service  archéologique  de  l'Armée,  et  en  confia  la 
direction  au  lieutenant  Bayet  qu'un  retour  inattendu  de  la 
guerre  ramenait  ainsi  sur  le  terrain  même  de  ses  premières 
études,  dans  cette  Macédoine  qui,  par  ses  travaux,  par  ceux 
de  M.  Heuzey  et  de  Mgr  Duchesne,  par  ceux  de  nos  cama- 
rades plus  jeunes,  depuis  M.  Perdrizet  jusqu'au  lieutenant 
Avezou,  tué  en  service  commandé  au  village  de  Kostourino 


10       LE  SERVICE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  l'aRMÉE  FRANÇAISE  d'oRIENT 

le  12  novembre  1915,  était  devenue  et  est  restée  une  pro- 
vince de  la  science  française. 

Malheureusement,  le  lieutenant  Bayet,  repris  par  les 
fièvres  dont  il  avait  déjà  été  atteint  lors  de  ses  premiers 
voyag-es,  ne  put  qu'engag-er  les  travaux.  Le  24  février  1910, 
il  dut  être  évacué  sur  la  France.  L'offîcier-interprète  de 
3^  classe  Mendel,  également  attaché  à  l'état-major  des 
armées  alliées,  fut  —  à  l'ancienneté  —  désii^né  pour  le  rem- 
placer. 

Le  Service  archéolog^ique  acquit  bientôt  de  précieux 
collaborateurs  :  ce  furent  d'abord  votre  confrère,  le  briga- 
dier Thureau-Dangin  ;  un  ancien  élève  de  l'Ecole  des 
Chartes,  le  maréchal  des  logis  Re-j  ;  un  jeune  peintre  d'un 
rare  talent,  le  soldat  Lambert;  au  mois  de  mars  1917,  le 
sergent  Hébrard,  ancien  pensionnaire  de  l'Académie  de 
France  à  Rome,  dont  vous  connaissez  l'érudite  restauration 
du  palais  de,  Spalato  ;  un  peu  plus  tard,  le  caporal  Ferran, 
grand  prix  d'architecture  de  1914.  D'autres  concours,  ceux 
du  caporal  Grand,  architecte  ;  des  topographes  Barte  et 
Tixier,  du  photographe  Albinet,  lui  furent  assurés  d'une 
manière  permanente,  grâce  à  la  bienveillance  des  officiers 
directeurs  des  services  auxquels  ces  militaires  apparte- 
naient. En  citant  ici  les  noms  du  lieutenant-colonel  Mailles, 
chef  du  Service  topographique,  et  de  son  successeur,  le 
capitaine  Laronde,  du  lieutenant-colonel  Poujanne,  direc- 
teur du  Service  des  eaux,  de  M.  l'officier  d'administration 
Garrigue,  je  n'acquitte  pas  la  dette  de  reconnaissance  que 
nous  avons  contractée  envers  eux. 

I 

Les  recherches  du  Service  archéologique  se  sont  concen- 
trées d'abord  sur  les  établissements  préhistoriques  de  la 
région  de  Salonique.  Elles  ont  été  dirigées  par  MM.  Thu- 
reau-Dangin  et  Rej. 

Toute  la  banlieue  immédiate  de  Salonique,  et,  au  delà,  la 


LE  SERVICE  ARCHÉOLOniOUE  DE  l'aRMÉE  FRANÇAISE  d'oRIENT        11 

côte  de  la  Chalcidique,  les  basses  vallées  du  Vardar  et  de 
la  Vistritsa  présentent  une  agglomération  assez  dense  de 
tumuli  dont  les  formes  régulières  donnent  à  cette  campagne 
un  aspect  très  caractéristique.  Des  agglomérations  ana- 
logues ont  été  depuis  longtemps  signalées  en  dillerentes 
parties  de  la  péninsule  balkanique  et  en  Anatolie.  Mais  les 
tépés  '  macédoniens,  souvent  décrits  par  les  voyageurs, 
n'ont  jamais  été  l'objet  d'une  étude  approfondie.  MM.  Thu- 
reau-Dangin  et  Rey  ont  procédé,  dans  toute  l'étendue  acces- 
sible du  secteur  français,  à  une  exploration  méthodique  que 
le  second  continue  seul  depuis  le  mois  de  mai  1917.  Au 
cours  de  cette  exploration,  qui  n'a  pas  été  sans  fatigues  ni 
parfois  sans  dangers,  ils  purent  dresser  une  sorte  d'inven- 
taire, qui  se  complète  progressivement,  des  tépés  de  la 
région,  les  photographier,  les  reporter  sur  la  carte  oii  ils  ne 
figurent  qu  exceptionnellement,  et,  avec  la  collaboration 
du  Service  topographique,  faire  un  relevé  exact,  avec 
courbes  de  niveau,  des  plus  importants  d'entre  eux.  Ils 
recueillirent  un  nombre  important  de  tessons  et  d'outils  en 
pierre  et  en  os. 

Ces  recherches  en  surface  furent  très  heureusement  com- 
plétées par  la  fouille  de  deux  tépés  voisins  de  Salonique, 
celui  deGona,  à  peu  de  distance  de  l'ancienne  Ecole  d'agri- 
culture ~,  et  celui  de  Sédès,  près  du  village  de  ce  nom.  Les- 
résultats  en  ont  été  très  satisfaisants  :  sur  les  parois  des 
puits,  creusés  du  sommet  à  la  base  de  la  colline,  on  lisait 
avec  netteté  la  succession  des  couches  de  terrain,  corres- 
pondant aux  divers  établissements  qui  s'étaient  succédé  à 
cette  même  place,  souvent  distinctes  l'une  de  l'autre  par  la 
couleur  de  la  terre,  parfois  séparées  par  des  traces  de 
matières  carbonisées.  Des  murs  de   pierres  frustes  ou  de 

1.  C'est  le  nom  turc  sous  lequel  nous  désignons  les  tumuli  macédoniens. 

2.  La  fouille  du  tépé  de  Gona  avait  été  commencée,  dès  1916,  par  un 
médecin  de  l'acmée  d'Orient,  le  D' Drej-fus,  avec  le  concours  de  nos  dcu.v 
camarades. 


12       LE  SERVICE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  l' ARMÉE  FRANÇAISE   d'oRIENT 

briques  crues  apparaissaient  h  différents  étapes.  La  récolte 
de  tessons  se  cliilTra  par  milliers  et,  du  même  coup,  la 
date  relative  des  dilTérentes  séries  céramiques  se  trouva 
fixée  avec  certitude. 

Il  serait  prématuré  et  hors  de  mon  rôle  de  tirer  les  con- 
clusions de  cette  longue  et  patiente  enquête.  Je  me  bornerai 
à  quelques  indications  sommaires. 

Les  tépés  macédoniens  se  présentent  sous  deux  formes 
différentes,  la  forme  ordinaire  du  tumulus  hémisphérique 
ou  conique,  et  la  forme  d'une  table,  de  siq^erficie  beaucoup 
plus  considérable,  de  hauteur  souvent  moindre,  présentant 
un  large  plateau  horizontal  et  des' talus  réguliers.  Les  deux 
formes  sont  parfois  juxtaposées.:  c'est  le  cas,  par  exemple, 
à  Sédès,  où  la  table  et  le  tumulus  ne  sont  séparés  que  par 
une  dépression  de  quelques  centaines  de  mètres.  Parfois 
l'union  est  plus  intime  encore  :  à  Gradobor,  à  Amatovo 
dans  la  vallée  du  Vardar,  le  tumulus  se  dresse  sur  la  table 
comme  une  sorte  d'omphalos  posé  sur  un  colossal  soubas- 
sement. 

Les  tables  semblent  avoir  porté  d'anciens  établissements 
qui,  dans  certains  cas,  ont  duré,  sous  forme  de  bourgades, 
jusqu'à  une  époque  assez  avancée.  Le  consul  Degrand  et 
M.  Georges  Seure,  qui  ont  exploré  en  Roumélie  orientale 
des  tumuli  aplatis,  équivalents  bulgares  des  tables  macé- 
doniennes, ont  cru  pouvoir  y  reconnaître  des  nécropoles 
superposées  K  Les  deux  interprétations  ne  s'excluent  pas 
l'une  l'autre,  étant  naturel  qu'à  plusieurs  étages  d'habitats 
correspondent  plusieurs  étages  de  nécropoles.  Des  fouilles 
permettraient  seules  de  résoudre  ce  problème  et,  du  même 
coup,  elles  en  élucideraient  un  autre,  encore  obscur,  celui 
de  l'origine  de  ces  tables.  Sont-elles  naturelles,  ou  artifi- 
cielles, ou  simplement  aménagées,  comme  tendraient  à  le 
faire  admettre  d'une  part  l'importance  de  leur  masse, 
d'autre  part  la  régularité  de  leur  profil?  11  y  a  là,  à  côté  du 

1.  Bulletin  de  correspondance  hellénufue,  XXX,  p.  360  suiv. 


LE  SER^*tCE  AtlCMÉOLOGIQUE  DE  LAtlMÉE  FRANÇAISE  d' ORIENT       13 

problème  archéoloj^ique,  un  problème  géologique  qu'un 
géographe  distingué,  le  lieutenant  Denis,  a  bien  voulu  se 
charsrer  détudier. 

Les  tépés  de  la  forme  tumulaire  habituelle  sont,  comme 
on  le  savait,  tous  d'origine  humaine.  Mais  un  résultat  assez 
imprévu  des  recherches  de  MM.  Thureau-Dangin  et  Rey 
est  d'avoir  établi  que  certains  d'entre  eux  (et  sans  doute  le 
plus  grand  nombre)  correspondent,  comme  les  tables,  à 
d'anciens  villages  et  qu'ils  se  sont  élevés  peu  à  peu,  par  le 
lent  exhaussement  d'un  sol  habité  d'une  manière  continue 
pendant  de  longues  générations.  Ce  sont  sans  doute  les 
actions  éoliennes  et  neptuniennes,  particulièrement  puis- 
santes dans  ce  pays  pluvieux  et  battu  de  forts  vents  du 
Nord  et  du  Sud,  qui  ont  modelé  progressivement  les  courbes 
régulières  de  leur  silhouette.  Bien  que  rien  ne  les  différencie 
à  première  vue  des  tuinuli  funéraires,  construits  d'une 
seule  fois,  ils  s'en  distinguent  essentiellement  par  la  pré- 
sence en  surface  de  nombreux  tessons  céramiques  qu'on  ne 
trouve  ni  sur  les  flancs  ni  dans  l'épaisseur  des  tépés-tom- 

heaux . 

Nos  camarades  ont  eu  l'occasion  d'ouvrir  un  tumulus  de 
ce  dernier  type  situé  près  de  la  route  de  Salonique  à 
Monastir,  vers  le  kilomètre  18.  Il  renfermait,  légèrement 
décentré,  un  grand  caveau  voûté,  construit  en  blocs  bien 
appareillés,  d'époque  hellénistique.  C'est  au  même  temps 
qu'appartient  un  autre  tumulus,  presque  entièrement  arasé, 
dont  la  chambre  funéraire,  ornée  d'une  élégante  façade 
dorique,  a  été  mise  à  jour  au  cours  de  travaux  exécutés  à 
Salonique  sur  la  place  de  Constantinople.  Ce  monument  est 
lui-même  étroitement  apparenté  au  beau  caveau  dégagé  en 
1910,  dans  le  tumulus  dit  de  Langaza,  par  Théodore 
iSIacridv  bev  ',  et  aux  tombes  découvertes  par  M.  Heuzey 
aux  environs  de  Verria.  Il  semble  qu'on  puisse  conclure  de 

1.  Jahrbuch  des  archaeologischen  Inslitats,  XXVI,  1911,  p.  193  suiv. 


\i     LK  sr'jhvtcl<:  AHCiiÉot^omuLiE  de  l  AKMiît;  i-^tiANçAtsË  d'ohient 

ces  rapprochements,  avec  les  réserves  imposées  par  une 
documenlation  encore  rudimentaire,  que  ce  mode  de  sépul- 
ture ne  s'est  généralisé  dans  cette  région  qu'à  l'époque 
proprement  macédonienne. 

La  céramique  recueillie  dans  les  tcpes  du  premier  type 
forme  une  série  continue  dont  le  développement  peut  être 
déterminé  avec  certitude,  grâce  aux  données  fournies  par 
les  tépés  de  Gona  et  de  Sédès.  Des  couches  profondes,  qui 
appartiennent  à  l'époque  néolithique,  à  la  .couche  superfi- 
cielle où  apparaît,  représenté  par  de  très  rares  spécimens, 
le  vernis  noir  attique,  elle  présente  une  succession  très 
diverse  en  ses  éléments,  et  très  homogène  dans  son  ensem- 
ble. On  ne  manquera  pas  de  signaler  l'influence  qu'ont 
exercée  sur  elle  à  certaines  époques  le  décor  mycénien 
(dont  on  a  retrouvé  quelques  fragments  importés)  et  le 
décor  insulaire.  Les  ti'ouvailles  faites  dans  les  tumuli  thes- 
saliens,  bulgares,  bosniaques  permettront  d'utiles  compa- 
raisons. Il  sera  intéressant  d'en  rapprocher  la  vaisselle  des 
tumuli  troyens  et  phrygiens,  mais  elle  n'en  reste  pas  moins 
empreinte  d'un  fort  caractère  local  en  qui  se  reconnaît  la 
marque  d'une  population  rustique  très  nettement  indivi- 
dualisée. 

n 

La  seconde  équipe  du  Service  archéologique  s'est  attachée 
à  l'étude  des  monuments  byzantins  de  Salonique. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  exposer  par  le  détail  les  fouilles 
que  le  sergent  Ilébrard  a  conduites  dans  l'église  Saint- 
Georges.  Elles  ont  été  un  modèle  de  méthode  et  de  saga- 
cité et  ont  permis  de  reconstituer  l'histoire  entière  d'un 
important  monument,  mal  connu  jusqu'à  présent. 

L'église  Saint-Georges  n'est  pas,  comme  on  le  croit  géné- 
ralement depuis  Texier,  une  église  byzantine  du  v*'  siècle, 
mais  un  édifice  romain,  très  probablement  contemporain  de 
l'arc   de   Galère.   Le   monument   primitif  comprenait   une 


LE  SERVICE  ARCHEOLOGIQUE  DE  L  ARMEE  FRANÇAISE  D  ORIENT       lo 

simple  rotonde  circulaire  couverte  par  une  coupole.  Au  rez- 
de-chaussée,  le  mur  est  évidé  par  huit  grandes  niches  rec- 
tangulaires voûtées,  dont  l'une,  celle  du  Sud-Ouest,  moins 
large  que  les  autres,  constituait  l'entrée.  C'est  sans  doute 
du  V*  au  VI®  siècle  que  l'édifice  païen,  dont  la  première 
destination  reste  encore  incertaine,  fut  transformé  en  é"-lise 
On  l'agrandit  par  l'adjonction  d'un  collatéral  concentrique 
qui  l'enceignit  tout  entier  d'une  sorte  de  portique  clos, 
large  de  7  "'  80.  Pour  permettre  la  circulation  entre  le 
collatéral  et  la  rotonde,  les  niches  furent  ouvertes  ;  pour 
donner  à  l'église  une  orientation  plus  voisine  de  la  litur- 
gique, une  entrée  nouvelle  fut  établie  au  Nord-Ouest.  A 
l'extrémité  opposée,  la  niche  nord-est  élargie,  surmontée 
d'un  arc  triomphal,  s'ouvrit  sur  un  chœur  fermé  par  une 
abside  visible  à  l'extérieur  et  communiquant  avec  le  colla- 
téral par  deux  arcs  latéraux.  Le  sol  fut  exhaussé  de  plus 
d'un  mètre.  Tout  l'édifice  reçut  une  riche  décoration  de 
marbres  et  de  mosaïques.  Des  constructions  adventices  qui 
s'élevèrent  contre  l'église,  on  n'a  mis  à  jour  que  les 
amorces.  Une  seule,  devant  l'entrée  sud-ouest,  a  pu  être 
dégagée  dans  ses  lignes  essentielles  :  nous  eûmes  la  surprise 
d'y  retrouver,  taillée  dans  deux  blocs  de  marbre  profilés, 
la  base  du  célèbre  ambon ,  publié  autrefois  par  M.  Bayet  et 
transporté  à  Gonstantinople  depuis  janvier  1900. 

L'église  ne  fut  enlevée  au  culte  chrétien  que  longtemps 
après  la  conquête  turque  (1430),  vers  la  fin  du  xvi'^  siècle. 
Les  Turcs  éliminèrent  le  collatéral,  qui  était  sans  doute 
ruiné,  refermèrent  les  niches  et  les  arcs  latéraux  du  chœur, 
qui  fut  conservé,  maintinrent  les  deux  entrées  nord-ouest  et 
sud-ouest  et  exhaussèrent  encore  le  sol  de  plus  d'un  mètre. 
Le  secteur  de  la  coupole  placé  au-dessus  du  grand  arc 
s'étant  écroulé,  ils  le  restaurèrent,  sans  d'ailleurs  tenir 
compte  de  la  double  courbe  de  la  coupole  primitive  (de  là 
les  «  ventres  »  qui  font  saillie  au  raccord  des  deux  cons- 
tructions); et  le  monument,  consacré  sous  le  nom  de  son 


16       LE  SERVICE  ARCtlÉOLOGIQrE  DE  l'aRMÉE  ERANÇAISK  D*0RIENT 

fondateur,  le  derviche  Souleyinan  Orladji,  prit  laspect  qu'il 
a  conservé,  à  quelques  restaurations  près,  exécutées  en 
1889,  jusqu'au  jour  où  le  Service  archéolojjique  de  l'armée 
d'Orient  en  commença  l'étude. 

iMitre  temps,  M.  Hébrard  avait  relevé,  avec  le  concours 
du  caporal  Grand,  les  plans  de  la  basilique  de  Ilag-hia 
ParasUévi.  Saint-Démétrius  a  malheureusement  été  détruit 
par  l'incendie  avant  que  le  Service  archéologique  en  ait 
pu  commencer  l'étude. 

Le  caporal  Ferran,  qui,  depuis  le  mois  d'août,  avait  prêté 
son  concours  au  sergent  Hébrard,  s'est  détaché  vers  le  mois 
d'octobre  pour  reprendre  l'étude  du  mur  d'enceinte  déjà 
esquissée  par  M.  Tafrali.  Il  établitprésentement  un  relevé 
de  Yédi-Coulé,  la  vieille  forteresse  byzantine  située  au 
sommet  de  l'Acropole,  et  de  toute  la  section  du  rempart 
comprise  entre  ce  point  et  l'ancienne  porte  de  Calamaria, 
à  l'extrémité  est  de  la  rue  Eg-natia.  Précédemment, 
M.  Hébrard  avait  pratiqué  quelques  sondages  sur  l'empla- 
cement présumé  de  l'ancien  hippodrome  qui  se  développait 
parallèlement  à  la  section  du  mur  comprise  entre  cette 
porte  et  la  mer.  Enfin  notre  camarade  Tixier,  du  Service 
topographique,  a  dressé  un  plan  à  grande  échelle  :  tous  les 
vestiges  antiques,  tous  les  monuments  byzantins,  isla- 
miques et  modernes,  y  seront  reportés  en  teintes  différentes. 

Nous  avons  cru,  en  outre,  devoir  faire  une  place  à  une 
série  de  monuments  qu'on  a  trop  longtemps  négligés.  Il  a 
existé  en  Orient,  au  xvui'^  et  dans  la  première  partie  du 
xix'=  siècle,  un  art  décoratif  fastueux  et  charmant  :  sculp- 
teurs sur  pierre  et  sur  bois,  ébénistes,  imagiers,  ce  sont 
eux  qui  ont  décoré  les  iconostases  des  églises  et  les  plafonds 
des  riches  konaks,  exécuté  ces  meubles  domestiques  ou 
cultuels  en  marqueterie  d'ivoire,  de  nacre  et  d'écaillé, 
sculpté  les  fontaines  consacrées  par  de  pieux  musulmans 
et  peuplé  les  cimetières  turcs  de  leurs  stèles  enguirlandées 
et  fleuries.   Le  Service  archéologique   se  propose,  avec  la 


AAi?PORÎ   bL'    SECRÉTAIRE    t>ËRÎ>ÈTtJEL  1? 

collaboration  de  la  Section  photographique  de  l'armée 
d'Orient  (dirigée  à  Salonique  par  le  lieutenant  Georges 
Rémond),  de  constituer  un  album  de  ces  bois,  de  ces 
marbres  et  de  ces  icônes.  Ce  recueil  sera  également  précieux 
aux  historiens  de  l'art  et  aux  fervents  de  la  «  tur([uerie  ». 
Telle  est,  en  bref,  l'œuvre  accomplie  jusqu'à  présent  par 
le  Service  archéologique  de  l'armée  d'Orient.  Si  modeste 
soit-elle,  elle  ne  sera  pas  inutile  si  elle  peut  faciUter  celle 
des  savants  qui  viendront  plus  tard,  sur  cette  terre  pacifiée, 
reprendre  leur  place  et  leur  tâche,  et  si  elle  porte  témoi- 
gnage que,  dans  les  heures  les  plus  sanglantes,  les  armées 
françaises  ont  maintenu  intacte  l'une  de  leurs  traditions  les 
plus  élégantes  et  les  plus  nobles. 


APPENDICE 


Rapport    semestriel  de     m.     le     secrétaire    perpétuel   sur     la 

SITUATION  DES  PUBLICATIONS  DE  l'aCADÉMIE   PENDANT  LE  SECOND 
semestre  1917  ;  lu  dans  la  SÉANCE  DU  11  JANVIER  1918. 

Depuis  mon  dernier  rapport,  il  ne  vous  a  été  distribué 
aucune  publication  nouvelle.  Je  me  hâte  de  vous  dire  que  la 
faute  n'en  est  point  imputable  à  nous,  mais  à  l'imprimerie,  qui 
n'a  ni  le  temps  ni  les  moyens  de  nous  satisfaire.  Elle  garde  en 
bons  à  tirer,  depuis  le  16  février  dernier,  les  7  premières  feuilles 
des  Poiiillés  de  la  province  de  Bourges  ;  elle  n'a  pas  tiré  la  no- 
tice de  M.  Thomas  sur  le  manuscrit  latin  4788  du  Vatican,  ni 
la  notice  de  M.  Doutrepont  sur  le  manuscrit  français  1 1594 
de  la  Bibliothèque  nationale,  ni  le  mémoire  de  M.  Guq  sur  les 
nouveaux  fragments  du  Code  de  Hammourahi,  sans  compter 
certaines  feuilles  du  Corpus  inscriptionum  semiticarum,  qui 
auraient  dû  nous  être  livrés  depuis  longtemps. 

Pour  les  autres  mémoires  dont  il  a  été  question  dans  mon 

1918  ■  2 


»8  UAPPORT    DU    SECRÉTAIRE    PERl'ÉTuliiL 

rapport  de  juillet,  rimpression  continue  sans  trop  do  retard.  Les 
placards  1-20  à  179  du  travail  de  M.  Fournier  oui  cHû  renvoyés  à 
riniiiriniorie  le  19  octobre  dernier,  ils  n'en  sont  pas  encore  re- 
venus ;  les  placards  196  à  'ii.'J  du  nicnioire  de  M.  Foucart  en  sont 
sortis  le  '21  décembre. 

Gel  état  de  choses  vous  expliquera  pourquoi  je  ne  nie  suis  pas 
pressé  de  livrera  l'impression  deux  notices  dont  votre  Commis- 
sion des  travaux  littéraires  a  décidé  la  publication  il  y  a  quelques 
semaines  :  une  notice  de  M.  Blochet  :  Sur  plusieurs  manuscrits 
persans  de  la  collection  Marteau  légués  à  la  Bibliothèque 
nationale;  une  notice  de  M.  K.  J.  Basmadjian  sur  des  Inscrip- 
tions arméniennes  d'Ani,  de  Baçfnair  et  de  Marmachen  [Ar- 
ménie russe).  Il  est  bien  inutile  de  confier  de  nonibreux  ma 
nuscrits  à  limprimerie,  iDuisqu'elle  ne  les  met  pas  en  composi- 
tion, ou,  si  elle  les  compose,  elle  ne  les  tire  pas.  Cette  situation 
est  même  assez  inquiétante  pour  le  règlement  filial  des  comptes; 
le  jour  où  elle  se  décidera  à  terminer  le  travail  en  souffrance, 
nous  verrons  affluer  une  série  de  notes  dont  le  montant  risque 
de  dépasser  nos  ressources  disponibles  chaque  année. 

Voici  maintenant  l'état  de  nos  publications  en  préparation  : 

Histoire  littéraire  de  laFrance.  —  La  Commission  de  V Histoire 
littéraire  de  la  France  ayant  reconnu,  au  dernier  moment,  la 
nécessité  de  faire  une  révision  générale  du  long-  article  posthume 
consacré  par  le  regretté  Paul  Viollet  à  Guillaume  Durant  le 
jeune,  évêque  de  Mende,n'a  pu  encore  donner  le  bon  à  tirer  des 
17  premières  feuilles  du  t.  XXXV.  Cette  révision,  à  laquelle 
prendra  part  M.  Ch.-V.  Langlois,  successeur  de  M.  Paul  Meyer 
au  sein  de  la  Commission,  touche  à  sa  fin.  L'article  important 
de  M.  Thomas  sur  l'historien  Bernard  Gui,  presque  entièrement 
rédigé,  sera  incessamment  lu  et  envoyé  à  Timprimerie;  il  for- 
mera environ  10  à  12  feuilles. 

Chartes  et  diplômes.  — M.  Prou  a  achevé  la  révision  du  ma- 
nuscrit du  Recueil  des  diplômes  de  Pépin  I  et  de  Pépin  II,  roi 
d'Aquitaine,  rédigé  par  M.  Levillain.  Il  déclare  que  Fauteur  a 
apporté  à  ce  travail  le  soin  minutieux  et  la  critique  fine  qu'on  a 
remarqués  dans  tous  ses  ouvrages  antérieurs. 

M.  Prou  présentera  dans  quelques  jours  son  rapport  à  la  Com- 
mission  des   chartes   et    diplômes,    de  telle   sorte   que  si  cette 


RAPPORT    DU    SECRÈTAlt^E    PKRPÉtLEL  l9 

Commission  et  celle  des  travaux  littéraires  le  jugent  opportun, 
on  pourra  mettre  le  volume  sous  presse  dès  que  l'état  de  nos 
finances  le  permettra. 

De  son  côté,  M.  Poupardin  a  remis  l'introduction  de  son 
recueil  des  Actes  des  rois  de  Provence. 

Enlin  M.  Prou  poursuit  la  préparation  du  recueil  des  Actes 
de  Charles  le  Chauve.  Il  travaille  depuis  plusieurs  mois  à  réta- 
blissement du  texte  des  diplômes  concédés  à  Saint-Martin  de 
Tours,  travail  difficile,  à  cause  de  la  disparition  des  documents 
originaux,  et  long,  en  raison  du  nombre  considérable  de  copies 
qu'il  faut  collalionner. 

Notre  nouveau  conlVère,  M.  François  Delaborde,  pourra  très 
prochainement  remettre  pour  l'impression  la  première  moitié  du 
tome  I\'  du  Recueil  des  actes  de  Philippe  Auguste.  On  peut, 
dès  maintenant,  considérer  comme  prêts  les  trois  quarts  de 
ce  volume,  plus  de  300  pièces. 

M.  Berger  n'a  pas  pu,  cet  été,  pour  des  raisons  de  santé, 
pousser  la  publication  du  Recueil  des  actes  de  Henri  II,  comme 
il  l'aurait  souhaité,  et  préparer  pour  le  commencement  de  cette 
année  le  supplément  et  l'index  destinés  à  compléter  le  tome  II. 
Les  fiches  ont  toutes  été  confectionnées,  elles  sont  classées  par 
ordre  alphabétique  et  fondues  jusqu'à  la  lettre  H  inclusivement. 
La  rédaction  des  lettres  A  et  B  est  achevée.  Nous  espérons  que 
notre  confrère  pourra,  ainsi  qu'il  se  propose  de  le  faire,  se  con- 
sacrer activement,  dans  les  mois  qui  vont  suivre,  à  la  continua- 
lion  du  travail. 

Les  dépouillements  entrepris  par  AOI.  H.  Stein  et  G.  Daumet 
pour  le  Recueil  des  actes  de  saint  Louis  continuent  ;  tant  qu'ils 
ne  seront  pas  achevés,  on  ne  pourra  pas  arrêter  d'une  manière 
définitive  le  plan  de  la  publication. 

Pouillés.  — M.  Prou  et  M.  Clouzotsont  occupés  à  corriger  les 
épreuves  des  vingt  et  une  feuilles  de  texte  qui  forment  tout  le 
recueil  des  Pouillés  des  provinces  d'Aix.,  d'Arles  et  d'Embrun. 
Le  bon  à  tirer  des  quatre  premières  feuilles  de  l'introduction  et 
des  neuf  premières  feuilles  du  texte  sera  donné  sous  peu. 

M.  Clouzot  n'a  pas  oublié  que  nous  l'avons  chargé  de  préparer 
les  Pouillés  de  la  province  de  Besançon.  Il  est  occupé,  en  ce 
moment,  à  copier  un  Pouillé  du  diocèse  de  Lausanne,  du 
xiu"  siècle,  conservé  à  la  Bibliothèque  de  Berne. 


2Ô  RAPPORT    bu    SECRÉTAIRE    PERPÉTUEL 

Obitiiaires.  —  L'éclileur  du  lome  IV  des  Obiluaires  [province 
de  Sens,  diocèse  de  Troyes),M.  Boulillierdu  Helail,  est  toujours 
mobilisé  sur  le  front  et  n'a  pu  encore  achever  la  table  du  vo- 
lume. 

Un  autre  de  nos  collaborateurs,  M.  Jacques  Laurent,  mobilisé 
à  rinlérieur  dès  le  début  de  la  guerre,  avait  dû  interrompre, 
en  1914,  la  préparation  du  tome  V  des  Obiluaires  [province  de 
Li/on).  11  est  niaintenanl  en  mesure  de  se  remettre  à  l'œuvre,  et 
la  première  partie  du  lome  V  pourra  être  mise  sous  presse  dans 
les  premiei'^  mois  de  1U18. 

Corpus  inscripliiinuni  scnulicarun}.  —  La  tâche  des  auteurs 
éditeurs  est  terminée  depuis  le  mois  de  septembre  dernier  pour 
le  3'^  fascicule  du  tome  II  i^partie  himyarite).  Le  bon  à  tirer  a 
été  donné  à  celte  date.  Le  proie  priacipal,  m'a  dit  notre  confrère 
le  P.  Scheil,  lui  a  fait  savoir  que,  faute  de  main-d'œuvre,  ce 
fascicule  ne  pouriail  être  livré  avant  la  fin  de  l'année  1917.  La 
fin  de  l'année  est  venue,  non  le  fascicule.  La  préparation  d'un 
nouA  eau  fascicule  suit  son  cours. 

Pour  la  partie  phénicienne,  les  placards  renvoyés  à  l'impri- 
merie au  début  de  l'année  ne  sont  pas  revenus  avec  les  correc- 
tions demandées. 

De  la  partie  araméenne,  150  placards  sont  corrig-ésà  nouveau  ; 
ils  vont  être  retournés  très  prochainement  à  l'imprimerie. 

Le  bon  à  tirer  de  la  ±'  partie  du  lome  III  du  Répertoire  d'épi- 
yraphie  sémitique  a  été  donné,  il  y  a  deux  mois,  à  l'exception 
de  la  ti-eizième  feuille  dont  une  dernière  épreuve  est  attendue  et 
de  quelques  pages  de  copie  qui  restent  à  composer. 

Le  texte  du  tome  IV  est  préparé  et  aurait  pu  être  remis  pour 
l'impression  si,  ainsi  que  je  vous  l'ai  déjà  dit,  il  n'était  pas  abso- 
lument inutile  d'accumuler  des  manuscrits  qui  sont  destinés  à 
rester  en  sommeil  jusqu'à  nouvel  ordre. 

La  publication  du  Journal  des  Savants,  qui  jusqu'ici,  grâce  au 
désintéressement  de  la  maison  Hachette,  n'avait  éprouvé,  du  fait 
de  la  "-uerre,  aucun  relard  sensible  ni  aucune  diminution,  doit 
se  soumettre  à  son  tour  cette  année  à  la  loi  générale.  Du  moins 
l'Académie  et  l'éditeur  ont-ils  tout  fait  pour  que  le  Journal 
souffre  le  moins  possible  de  la  cherté  du  papier  et  de  la  pénurie 
de    main-d'a^uvre.   Nous    ne  pouvons  pas  paraître  chaque  mois 


LIVRES    OFFERTS  21 

comme  par  le  passé  ;  nous  donnerons  un  numéro  par  deux  mois; 
mais  ce  numéro  dépassera,  le  nombre  de  feuilles  attribuées 
jusqu'ici  à  chaque  fascicule  mensuel. 

M.  Dorez  continue  à  mener  aussi  rapidement  que  possible  la 
publication  de  nos  Comptes  rendus.  Je  vous  ai  annoncé,  il  y  a 
huit  jours,  l'apparition  du  numéro  de  juillet-août.  Celui  de 
septembre-octobre  est  en  pages  ;  celui  de  novembre-décembre 
est  en  partie  composé.      "** 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Babelon  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  Je  suis  chargé  par  M.  Georges  Foucart  d'offrir  à  l'Académie  une 
publication  dont  il  est  l'auteur  et  qui  a  pour  titre  :  Sur  quelques 
représentations  des  tombes  théhaines  découvertes  cette  année  par 
l'Institut  français  d'archéologie  orientale  (extrait  du  Bulletin  de 
l'Institut  égyptien,  série  V,  t.  XI,  1917). 

«  Cette  étude  porte  sur  les  fouilles  préliminaires  que  M.  Georges 
Foucart  a  conduites  pendant  l'hiver  de  1916-17  pour  préparer  des 
travaux  plus  étendus  auxquels  il  va  s'appliquer  cette  année,  grâce 
en  partie  à  une  subvention  de  la  Société  française  des  fouilles 
archéologiques. 

«  Ces  sondages  préparatoii-es  dans  une  nécropole  thébaine  de  la 
rive  gauche  ont  permis  déjà  de  déblayer  une  centaine  de  tombes, 
parmi  lesquelles  une  douzaine  ont  mérité  d'être  décrites  et  publiées  ; 
huit  d'entre  elles  avaient  encore  leur  décoration  à  peu  près  intacte. 
Il  s'y  est  rencontré  des  scènes  nouvelles,  spécialement  une  variante 
unique  de  la  scène  traditionnelle  d'Anubis  se  penchant  sur  la 
momie  du  mort  assimilé  à  Osiris.  Mais  ici  le  dieu  est  remplacé  par 
un  poisson  qu'Anubis  enveloppe  de  bandelettes,  ce  qui  amène 
l'auteur  à  montrer  l'importance  du  culte  des  poissons  dans  la  reli- 
gion égyptienne  à  l'époque  la  plus  ancienne  et  sur  la  symbolique 
qui  en  a  été  tirée.  Ces  premiers  résultats  des  travaux  préliminaires 
de  M.  Georges  Foucart  sont  de  bon  augure  pour  les  fouilles  métho- 
diques plus  amples  qu'il  s'apprête  à  mettre  en  chantier,  <> 


SÉANCE  DU  18  JANVIER 


PUÉSIDENCK    DE    M.     HÉRON    DE    VILLIÎFOSSlî. 

L'Académie  vote  la  résolulion  suivante  : 

«  L'Académie  confère  à.  M.  R.  Gagnât,  son  secrétaire  perpé- 
tuel, tous  les  pouvoirs  qui  avaient  été  conférés  précédemment  à 
MM.  Georges  Perrot  et  Maspero  pour  les  libéralités  en  cours 
au  moment  des  décès  de  ces  derniers,  v 

M.  Salomon  Reinacu  passe  en  revue  les  hypothèses  qui, 
depuis  1887,  ont  été  mises  en  avant  pour  identifier  l'artiste 
auquel  on  attribue  une  série  de  peintures  de  grande  valeur, 
groupées  autour  des  fragments  provenant  de  l'abbaye  de  Fié- 
malle.  Depuis  1909,  grâce  à  M.  Mulin,  on  sait  qu'il  ne  s'ap- 
pelait pas  Daret  ;  mais  M.  Reinach  croit  non  moins  impossible 
de  l'identifier,  comme  l'a  fait  M.  Hulin,  au  peintre  de  Tournai 
R.  Gampin,  dont  l'obscurité  serait  tout  à  fait  inexplicable  s'il 
était  l'auteur  de  pareils  chei's-d'ceuvre.  Il  faut  attendre  qu'un 
document  d'archives  nous  permette  d'attacher  un  grand  nom  à 
ces  grands  ouvrages,  au  lieu  d'aller  à  l'encontre  du  témoignage 
négatif  des  contemporains  en  grandissant  indûment  un  nom 
obscur.  Pour  l'instant,  il  semble  bien  que  l'œuvre  du  maître  de 
Flémalle  ait  été  retirée  injustement  à  Rogier  de  la  Pasture,  le 
peintre  de  la  ville  de  Bruxelles,  qui  ne  fut  pi'obablemènt  pas 
l'élève  de  Gampin  et  qui,  ayant  travaillé  à  Ferrare  vers  1437, 
peut  avoir  notablement  modifié  sa  manière  à  l'âge  de  quarante 
ans  environ. 

M.  Paul  FoucART  propose  une  correction  pour  un  passage  du 
chapitre  62  de  la  Gonstitution  d'Athènes  d'Aristote  (traitement 
de  l'épistate  des  prytanes). 

Gette  communication  donne  lieu  à  un  échange  d'observations 
entre  l'auteur,  MM.  Th.  Reinach,  Maurice  Groiset  et  Haus- 
«oru.iER. 


LE    MAROC    ET    LES    CROISADES  23 

M.  Tafrali,  professeur  à  TUniversité  de  Jassy,  fait  une  lecture 
sur  i'église  de  Saint-Nicolas  à  Gurtea  de  Argech  et  y  signale  des 
peintures  remarquables,  naguère  cachées  sous  un  enduit  de  chaux 
quon  a  fait  disparaître.  Ces  peintures  remonteraient  à  la 
deuxième  moitié  du  xni"  siècle. 

MM.  DiEHL  et  Emile  Picot  présentent  des  observations. 

M.  Babelon  lit  une  note  de  M.  Dieulafoy  sur  le  Maroc  et  les 
croisades  * . 


COMMUNICATION 


LE    MAROC    ET    LES    CROISADES, 
PAR  M.   MARCEL    DIEULAFOY,  MEMBRE  DE  l'aCADÉMIE. 

La  dernière  étape  de  la  chevauchée  musulmane  sur  la 
côte  africaine  n'avait  guère  éveillé  l'attention  des  historiens 
avant  l'établissement  de  notre  protectorat.  En  tant  que 
terre  d'Islam,  le  Maroc  avait  traversé  des  périodes  bril- 
lantes, mais  elles  avaient  été  suivies  d'éclipsés  si  complètes 
et  si  prolong-ées  qu'elles  s'y  étaient  éteintes.  Puis,  ses  rela- 
tions avec  les  royaumes  chrétiens,  sauf  avec  l'Espagne, 
avaient  été  trop  intermittentes  et  trop  passagères  pour  solli- 
citer des  recherches. 

Pourtant,  le  Maroc  a  participé  d'une  manière  elFective  et 
parfois  directe  à  la  rédaction  de  deux  grandes  pages  des 
fastes  militaires  et  religieux  de  la  chrétienté  :  les  Croi- 
sades et  la  reconquête  sur  les  Mores  de  la  péninsule  ibé- 
rique. 

A  la  suite  de  l'arrivée  en  Espagne  du  dernier  des 
Omeiyades,  Bagdad,  oîi  les  Abbassides  avaient  exercé  les 
pires  violences  sur    les   membres   de   la   dynastie   dont  ils 

1 .   \'oir  ci-après, 


24  LE    MAROC    ET    LES    CROISADES 

convoitaient  l'héritage,  et  Cordoue,  après  avoir  recueilli  Abd 
er  Rhanian,  le  seul  Omeiyade  qui  eût  échappé  au  massacre, 
avaient  rompu  toute  relation  (754  de  J.-C). 

D'autre  part,  un  antagonisme  né  de  la  difîérence  de  race 
a  toujours  séparé  les  musulmans  arabes  du  Levant  d'avec 
les  musulmans  berbères  du  Couchant  et  entretenu  un  état 
de  guerre  prolongé  entre  la  dynastie  Fatimite  d'Egypte, 
et  les  dynasties  Idrissites,  Zénètas,  Almoravides,  Almo- 
hades  et  Mérinides  du  Maroc,  antagonisme  si  violent,  si 
invétéré  que  jamais  l'Atlas  demeuré  berbère  ou,  pour  lui 
donner  son  nom  général,  le  bled  es  siha  (la  terre  de  pro- 
testation) n'a  reconnu  l'autorité  des' sultans  de  la  dynastie 
Ghorfa,  d'origine  arabe,  à  qui  le  reste  du  pays  est  soumis 
depuis  le  xvi''  siècle. 

Aux  périodes  prospères  de  l'empire  marocain,  la  Tunisie 
formait  la  limite  des  deux  zones  d'influence.  Tunis  fut  me- 
nacé par  Youssef  ben  Tachfin  de  la  dynastie  des  Almora- 
vides dès  1092,  et  conquis  en  1156  par  Abd  el  Moumen 
de  la  dvnastie  des  Almohades. 

La  double  agression  est  à  noter. 

En  effet,  si  au  début  de  la  première  croisade,  les  chré- 
tiens eurent  à  lutter  contre  les  Turcomans,  par  la  suite  ils 
trouvèrent  devant  eux  les  sujets  du  khalife  fatimite 
d'Egypte  qui  avaient  profité  de  revers  récents,  mais  anté- 
rieurs à  la  Croisade,  pour  reprendre  aux  Turcomans  Jéru- 
salem avec  la  côte  de  la  Palestine  et  la  Phénicie  jusqu'à 
Laodicée. 

Il  en  résultait  que  les  Arabes  devaient  compter  avec  deux 
ennemis  musulmans  également  acharnés,  également  puis- 
sants :  les  Turcomans  au  Nord  et  les  Berbères  marocains  à 
l'Ouest. 

Cette  situation  très  nette  eut  une  répercussion  effective 
sur  les  opérations  militaires  des  Croisés. 

Le  siège  d'Antioche  fut  l'épisode  capital  du  début  de 
l'épopée,   La   ville  formait  avec  son  territoire  le    domaine 


LE    MAROC    ET    LÈS    CROISADES  25 

d'un  khan  turcoman  nommé  Akhy  Syan.  Durant  les  neuf 
mois  que  dura  le  siège,  les  assaillants  souffrirent  de  la  fièvre, 
de  la  disette,  mais  heureusement  neurent  à  combattre  que 
les  Turcomans.  Encore  le  triomphe  des  Croisés  fut-il  en 
partie  consécutif  à  Tattitude  du  khalife  fatimite  d'Kgypte 
qui,  au  lieu  de  porter  secours  à  ses  coreligionnaires,  en- 
tama des  négociations  avec  les  chrétiens. 

Les  Turcomans  tentèrent  un  dernier  effort  trois  jours 
après  la  prise  d'Antioche.  Kerbog-ha,  sultan  de  Mossoul,  et 
un  de  ses  lieutenants,  Daoud  Kilidje  Arselan  (David  Épée 
du  Lion),  bloquèrent  les  vainqueurs  dans  la  ville  qu'ils 
venaient  d'enlever  de  haute  lutte.  La  tentative  tourna  de 
nouveau  à  leur  confusion.  Ils  furent  mis  en  déroute,  prirent 
la  fuite,  et  les  escadrons  turcomans  ne  reparurent  plus 
devant  les  soldats  du  Christ. 

Le  premier  acte  du  drame  militaire  était  joué  et,  seuls 
parmi  les  musulmans,  les  Turcomans  avaient  pris  part  à  la 
lutte. 

Quand  la  toile  se  leva  sur  le  second  acte,  il  v  avait  en 
présence  l'armée  chrétienne  anémiée,  découragée,  ne  comp- 
tant plus  guère  que  quinze  cents  cavaliers  et  vingt  mille 
fantassins  valides,  et  les  Arabes  du  khalife  fatimite. 

Les  épreuves  physiques  et  morales  endurées  devant 
Antioche  furent  imposées  une  seconde  fois  aux  chrétiens 
sous  les  murs  de  Jérusalem.  En  dépit  des  ravages  opérés 
par  les  épidémies  et  par  la  guerre,  malgré  les  départs,  les 
désertions  et  les  renoncements,  les  combattants  de  Dieu 
enlevèrent  en  trente-sept  jours  la  Ville  de  Paix  et  rédui- 
sirent la  tour  de  David  élevée,  disait-on,  sur  l'emplacement 
du  temple  de  Salomon  (lo  juillet  1099). 

Les   Turcomans   assistèrent  indifférents  à  la  défaîte  des 
Arabes,  c'était   dans  l'ordre  ;  mais  l'Egypte,  suzeraine  de 
Jérusalem,  eût  pu  noyer  sous  les  flots   de  ses  cavaliers  la 
petite  armée  chrétienne,  et  elle  ne  fît  aucun  effort  sérieux. 
On  le  vit  bien  à  la  bataille  d'Ascalon,  où  vingt  mille  Croisés 


2()  LE    MAROC    ET    LES    CROISADES 

fatig-ués  par  trois  années  de  privations  et  de  maladie  eurent 
raison,  au  premier  choc,  de  l'armée  musulmane. 

L'enthousiasme  relig-ienx  et  la  loi  ardente  des  soldats  de 
Godefroi  de  Bouillon  lurent  les  facteui's  essentiels  de  la 
victoire.  Néanmoins,  avec  les  forces  infimes  dont  les  Croisés 
disposaient,  leur  succès  resterait  inexplicable  si,  au  début 
de  l'expédition,  l'Islam  turcoman  n'eût  été  privé  du  secours 
de  l'Islam  fatimite,  et  si,  par  la  suite,  ce  dernier,  quand  le 
moment  de  combattre  était  venu  pour  lui,  n'avait  opposé 
aux  chrétiens  qu'une  faible  partie  de  ses  forces. 

Les  contemporains  et  les  témoins  de  la  première  Croi- 
sade ont  bien  parlé  de  l'armée  innombrable  envoyée  par  le 
khalife  d'Egypte  pour  secourir  ou  reprendre  Jérusalem, 
mais  il  en  est  de  cette  armée  comme  des  peuples  que  le 
Grand  Roi  amena  contre  la  Grèce  et  qu'Hérodote  se  plaît  à 
énumérer.  Une  victoire  est  d'autant  plus  glorieuse  que  la 
disproportion  des  forces  en  présence  est  plus  considérable. 
Les  siècles  passent,  l'histoire  se  répète. 

En  vérité,  les  Fatinlites  qui,  désormais,  allaient  prouver 
leur  puissance  victorieuse  furent  contraints  de  mesurer  leur 
elfort.  Cette  attitude  expectante  s'explique  quand  on  se 
reporte  aux  annales  de  l'Afrique  septentrionale  à  la  fin  du 
xi^  siècle.  Précisément,  c'est  l'époque  où  devint  imminente 
la  menace  redoutable  suspendue  sur  l'Egypte  depuis  la 
constitution  des  forces  berbères  de  l'Ouest,  quelque  deux 
siècles  auparavant. 

Le  Maroc  avait  été  conquis  à  la  foi  islamique  par  Idriss 
et  par  son  fils  Idriss  ben  Idriss  au  début  du  ix"  siècle.  Il  en 
était  résulté  que  la  première  dynastie  avait  été  une  dynastie 
arabe.  Mais  les  Berbères  s'étaient  bientôt  ressaisis  et,  sans 
abandonner  la  religion  musulmane,  avaient  choisi  un  des 
leurs  pour  les  gouverner.  A  la  même  époque,  les  Fatimites 
se  consolidaient  à  Kairouan  et  en  Egypte.  Dès  lors,  ils  dis- 
putèrent à  leurs  voisins  de  l'Ouest  la  côte  et  les  plaines  de 
l'Afrique  méditerranéenne.   Cette  lutte,   traversée  par  les 


LE    MAROC    ET    LES    CROISADES  27 

incursions  des  Omeiyades  d'Espagne,  était  entretenue  par 
l'appât  de  territoires  fertiles  et  plus  encore  par  les  rivalités 
de  race  qui  ont  été  signalées. 

La  compétition  avec  des  alternatives  de  succès  et  de 
revers  durait  depuis  près  de  trois  siècles,  quand  les  Ber- 
bères sahariens  voilés,  les  ancêtres  des  Touaregs,  qui  vi- 
vaient dans  le  désert,  entre  l'Atlas  et  le  Soudan,  s'imposèrent 
au  Maroc  et  à  l'Espagne.  Le  pouvoir,  dans  l'Afrique  occi- 
dentale, s'énervait  aux  mains  des  Zénètas,  successeurs  des 
Idrissites,  et  perdait  de  sa  puissance  agressive.  Les  nou- 
veaux venus,  qui  prirent  ou  reçurent  le  nom  de  Morabethyn 
(Liés)  parce  qu'ils  étaient  liés  à  l'ermitage  de  Abd  x\llah 
ben  Yassyn  qui  leur  enseignait  le  Coran,  entrèrent  dans  la 
lice  avec  la  fougue  indomptée  des  populations  barbares  et  le 
zèle  ardent  des  néophytes. 

Or,  l'année  même  où  s'ébranlait  l'armée  des  Croisés,  le 
véritable  fondateur  de  la  dynastie  des  Almoravides  (trans. 
de  :  al  Morabethyn)  et  en  même  temps  l'un  des  plus  grands 
souverains  du  Maroc,  Youssef  ben  Tachfin,  après  avoir  sup- 
planté en  Espagne  les  Omeiyades  et  vaincu  les  princes  chré- 
tiens de  la  Péninsule,  regagnait  ses  états,  conduisait  ses 
troupes  victorieuses  contre  les  Fatimites,  l'ennemi  hérédi- 
taire, et  campait  aux  portes  d'Alger.  La  mort  interrompit 
sa  marche  victorieuse  ;  mais  jusqu'au  jour  où  elle  le  ter- 
rassa, l'Orient  islamique  dut  se  prémunir  contre  une  attaque 
des  Berbères  marocains  et  garder  des  troupes  nombreuses 
à  leur  opposer  en  cas  de  conflit.  Précaution  .  fondée  et 
mesure  prudente,  puisqu'on  1156,  les  Almohades,  succes- 
seurs des  Almoravides,  annexèrent  Tunis  et  son  territoire 
(v.   ci-dessus). 

Il  serait  excessif  de  prétendre  que,  durant  le  siège 
d'Antioche,  la  crainte  du  Maroc  ait  paralysé  les  Arabes  au 
point  de  les  empêcher  de  secourir  les  Turcomans.  Leur 
conduite  expectante  eut  d'autres  causes.  Mais  l'abandon  de 
Jérusalem  et  la  perte  de  la   bataille  d'Ascalon    furent  la 


â8  T,E    MAROC    ET    T-KS    CROISADES 

conséquence  de  cette  nécessité  où  les  Fatimites  se  trouvaient 
de  conserver  en  Afrique  assez  de  forces  pour  couvrir  la  fron- 
tière occidentale.  La  suite  des  événements  le  confirme. 

En  eiret,  six  années  après  le  triomphe  des  Croisés  et  au 
lendemain  de  la  mort  de  Youssef  ben  Tachlin,  les  Berbères 
entraient  en  décadence  et  durant  un  demi-siècle  étaient 
retranchés  du  monde  musulman.  Dès  lor.s,  TEg-ypte  n'eut 
plus  à  surveiller  la  frontière  occidentale  et  l'on  sait  com- 
bien la  situation  des  principautés  et  des  royaumes  chrétiens 
de  Palestine  devint  précaire  durant  la  trêve  de  cinquante  ans 
dont  jouirent  les  Fatimites.  Si  la  situation  ne  s'améliora 
pas  à  l'avènement  des  Almohades  et  si  la  prospérité  nou- 
velle que  l'Occident  musulman  connut  avec  Abd  el  Moumen 
(1128-H63)  et  Yakoub  el  Mansour  (1184-1198)  n'eut  pas 
une  répercussion  fatale  sur  l'Egypte,  c'est  que  des  facteurs 
politiques  et  militaires  nouveaux  étaient  intervenus.  Les 
Almohades  avaient  dû  porter  tout  leur  effort  sur  l'Espagne, 
comme  en  témoigne  la  grande  bataille  d'Alarcos,  gagnée 
par  Yakoub  el  Mansour  le  19  juillet  1195  ;  puis  le  Kurde 
Salah  ed  Din  (1137-1193),  le  plus  grand  capitaine  et  le 
plus  habile  diplomate  qu'eût  encore  produit  l'Islam,  avait 
recueilli  l'héritage  du  sultan  turcoman  Nour  ed  Din,  ren- 
versé le  khalife  du  Caire  et  réalisé  à  son  profit  l'union  des 
musulmans  orientaux. 

La  reprise  de  Jérusalem  sur  Gui  de  Lusignan  en  1187 
consacra  le  succès  des  Kurdes  et,  jusqu'à  la  mort  de  Salah 
ed  Din  suuvenue  vers  la  même  époque  que  celle  de  Yakoub 
el  Mansour,  le  Maroc  n'intervint  pas  en  Egypte. 

La  disparition  vers  1198  de  Yakoub  el  Mansour  marqua 
le  déclin  des  Almohades  ,et  la  perte  de  la  bataille  de  Las 
Navas  de  Tolosa  (16juillet  1212)  en  précipita  la  chute. 
L'anarchie  où  le  Maroc  fut  plong-é  dura   quatre-vingts  ans. 

Débarrassée  une  seconde  fois  d'un  voisinage  redoutable, 
l'Egypte  devint  l'arbitre  des  destinées  de  la  Terre  Sainte. 
Désormais,  c'est  elle  qu'il  fallut  atteindre  et  frapper  pour 


LE    MAROC    Kt   LES    CROISADES  29 

délivrer  le  tombeau  du  Christ.  11  en  résulta  que  si  la  troi- 
sième Croisade  (H 89-1 192)  fut  dirigée  contre  Salah  ed  Din, 
la  quatrième  (1202-i204)  et  la  cinquième  (121 7-1221)  eurent 
l'Ég-ypte  pour  ol:)jectif  direct. 

Jusque-là,  le  Maroc  avait  joué  au  regard  des  Croisés  le 
rôle  que  les  Mongols  allaient  recueillir. 

A  l'approche  des  hordes  de  Djinghis  Khan  (1152-1227), 
le  sultan  du  Caire,  Malek  el  Kamel,  eut  hâte  de  conjurer  le 
péril  chrétien  et,  non  content  le  18  mars  1229  de  restituer 
Jérusalem  à  Frédéric  11,  il  proposa  plus  tard  une  trêve  qui 
expira  en  1239. 

Cependant  les  Mongols  avaient  envahi  la  Boukhari,  le 
Khariznie  et  la  Perse  occidentale,  et  chassé  devant  eux  la 
population  alFolée.  A  leur  tour,  les  émigrés  avaient  écrasé 
la  Palestine  et  contraint  l'Egypte  d'accepter  leur  alliance. 
Grâce  à  l'aide  des  Kharizmiens,  Jérusalem  fut  repris  au 
cours  de  l'été  de  1244.  Mais  la  terreur  que  ces  barbares 
inspiraient  était  si  grande  qu'elle  réconcilia  pour  un  jour 
les  chrétiens  et  les  musulmans  de  Syrie.  La  Croix  et  le 
Croissant  s'unirent;  ce  fut  en  vain.  Le  17  octobre  1244, 
leurs  défenseurs  coalisés  furent  écrasés  à  Gaza.  Pendant 
673  ans,  le  berceau  du  christianisme  allait  rester  au  pou- 
voir des  sectateurs  de  Mahomet. 

La  funeste  Croisade  de  saint  Louis,  la  septième,  entre- 
prise en  1248,  fut  encore  dirigée  contre  l'Egypte  qui,  après 
sa  rentrée  en  scène,  était  l'adversaire  désigné  aux  assauts 
de  la  chrétienté.  Mais  en  1270,  la  huitième  Croisade  avant 
cinglé  vers  Tunis,  les  successeurs  des  Almohades,  les  Méri- 
nides,  se  sentirent  menacés.  Ils  avaient  amorti  les  que- 
relles intestines,  rappelé  le  Maroc  à  la  vie  politique  et 
reconstitué  sa  puissance  militaire.  Le  sultan  Abou  Youssef 
Yakoub  ben  Abd  el  Ilakk  (1 238-4285)  fit  taire  des  rancunes 
séculaires  et,  sans  hésiter,  porta  au-devant  des  chrétiens  les 
grandes  forces  assemblées  de  tout  l'empire.  Elles  parvinrent 
à  Tunis  pour  assister  à  la  mort  de  saint  Louis,  le  25  août 


!HI  LE   MaHOC    Et    les   CROISAttRS 

1270,  et  prendre  part  aux  opérations  militaires  de  la  fi}i  de 
l'été. 

C'est  ainsi  que  durant  les  171  années  qui  s'écoulèrent 
depuis  la  prise  de  Jérusalem  jusqu'aux  batailles  sous  Tunis 
s'aflirma  l'influence  du  Maroc  souvent  latente,  parfois  dé- 
clarée, toujours  efl'ective. 

Le  traité  du  29  octobre  passé  entre  Philippe  111,  fils  de 
saint  Louis,  et  Mouley  Mostança,  chef  des  Musulmans, 
était  honorable  pour  les  chrétiens.  Il  ne  mettait  pas  moins 
le  sceau  à  l'expédition. 

Pour  toujours  l'ère  des  Croisades  était  close. 

Tandis  que  le  rameau  oriental  triomphait  des  armées 
chrétiennes,  par  contre-coup,  ses  succès  ruinaient  l'influence 
du  rameau  occidental  sur  l'ensemble  du  monde  musulman. 
Bien  que  diminuée,  elle  ne  restait  pas  moins  redoutable  en 
Espag-ne  et,  surtout,  pouvait  le  devenir. 

Les  Almoravides  comptaient  à  leur  actif  dans  la  pénin- 
sule ibérique  la  bataille  d'Uclès  (IIOG),  et  les  Almohades, 
la  bataille  d'Alarcos  (19  juillet  1195).  Malgré  ces  deux 
grandes  victoires  dues  uniquement  aux  contingents  maro- 
cains, les  sectateurs  de  Mahomet  reculaient  et  allaient 
s'affaiblissant  au  cours  des  long-ues  crises  que  le  pouvoir 
subissait  sur  la  côte  africaine.  La  défaite  sanglante  qui  leur 
fut  inflisée  à  Las  Navas  de  Tolosa  sembla  un  instant  déci- 
sive.  Elle  ne  ruina  qu'une  dynastie,  la  dynastie  Almohade. 
Après  une  lutte  de  peu  de  durée,  un  gouvernement  indé- 
pendant s'établit  en  Andalousie,  choisit  Grenade  comme 
capitale  et,  pour  plus  de  deux  siècles,  rendit  la  vie  au  pres- 
tige mourant  de  T Islam  espagnol.  Par  la  suite,  sa  consoli- 
dation dans  le  Sud  de  la  péninsule  fut  grandement  aidée  par 
les  Mérinides  qui,  vers  12o0,  recueillirent  la  succession  des 
Almohades  tombée  en  déshérence.  Des  relations  étroites  se 
nouèrent,  dont  l'architecture  musulmane,  au  Nord  et  au 
Sud  du  détroit,  otïre  elle-même  la  preuve  manifeste,  et 
préparèrent  une  alliance  militaire. 


Le   MAROC   ET    F.ES   CROISAMES  31 

Il  était  dans  la  destinée  du  Maroc  de  traverser  des 
phases  successives  de  force  et  d'impuissance  et  de  passer 
sans  transition  de  la  prospérité  à  la  misère. 

En  1340,  le  Mérinide  Abou  el  Hassan  aborde  en  Espagne, 
rencontre  l'armée  d'Alphonse  XI  sur  les  rives  du  Rio  Salado 
et  lui  livre  une  bataille  dont  la  perte  précipite  la  décadence 
de  sa  dvnastie  comme  la  défaite  de  Las  Navas  de  Tolosa, 
cent  vini^t-huit  ans  plutôt,  avait  entraîné  la  chute  des  Almo" 
hades. 

Pendant  ving't-trois  ans  encore,  les  successeurs  d'Aboud 
Hassan  restèrent  au  pouvoir,  mais  exercèrent  une  autorité 
plus  nominale  qu'etfective. 

Après  la  mort  d'Abd  el  Aziz  (1372),  le  désordre  est  à  son 
comble,  règne  partout,  et  les  Mérinides  disparaissent  obscu- 
rément vers  le  milieu  du  xvi*^  siècle. 

C'est  au  cours  de  cette  période  deux  fois  séculaire  que  la 
Grande  Isabelle  prit  Grenade  et  mit  fin  à  l'occupation 
musulmane  de  la  péninsule  (2  janvier  1492).  Gouverné  par 
un  souverain  puissant,  le  Maroc  eût  répondu  aux  appels 
désespérés  de  l'Andalousie.  Mais  reconnaissait-il,  seule- 
ment, un  maître?  Le  temps  des  Youssef  ben  Tachfin,  l'Almo- 
ravide,  et  des  Yakoub  elMansour,  rx\lmohade,  était  révolu. 
Aux  victoires  d'Uclès  et  d'Alarcos  avaient  succédé  les  dé- 
sastres de  Las  Navas  de  Tolosa  et  du  Rio  Salado.  Isabelle 
n'ignorait  pas  cet  état  de  déchéance  quand  elle  conçut  le 
projet  d'achever  la  reconquête  du  royaume  dont,  780  ans 
plus  tôt,  la  défaite  de  Roderic  sur  le  Guadalète  avait  livré 
les  portes  aux  compagnons  de  Tarik.  Et  c'est  ainsi  que  le 
Maroc  qui,  dans  sa  puissance,  avait  facilité  aux  Croisés  la 
prise  de  Jérusalem  en  retenant  en  Egypte  l'armée  de 
secours,  hâta  la  reddition  de  Grenade,  parce  que  dans  sa 
débilité,  il  ne  put  ni  aider  les  Andalous  à  défendre  leur  capi- 
tale ni  même  permettre  à  Boabdil  de  prolonger  la  résistance. 

Désormais  le  Maroc  allait  vivre  ou  végéter  suivant  la 
valeur  du  monarque  qui  le  gouvernerait.  Il  eut  encore  un 


32  LtVRËg    OPt^ÉUtë 

souverain,  Mouley  Ismaël  (1G73-1728),  puis  il  ne  compta 
plus  dans  le  concert  des  nations. 

Sous  la  tutelle  de  la  France,  il  reprendra  la  [)lace  qu'il  a 
jadis  occupée  et  renouera  l'avenir  avec  un  passé  souvent 
glorieux.  La  route  où  il  s'engage  s'ouvre  devant  lui  sans 
obstacle  et  d'autant  plus  aisée  à  parcourir  qu'au  cours  des 
siècles,  si  ce  n'est  un  jour  devant  Tunis,. il  n'a  jamais  été 
dans  sa  destinée  de  pactiser  avec  les  adversaires  de  sa  pro- 
tectrice. 


LIVRES    OFFERTS 


M.  Antoine  Thomas  présente  à  l'Académie  le  tome  V  de  VHistoire 
(le  la  langue  française,  des  origines  à  1900,  de  M.  Ferdinand  Brunot, 
professeur  à  l'Université  de  Paris  (Paris,  Armand  Colin,  1917)  : 

«  Il  me  paraît  inutile  d'insister  sur  l'intérêt  de  l'œuvre  vraiment 
nationale  à  laquelle  s'est  consacré  l'auteur  et  sur  le  talent  et  la  cons- 
cience dont  il  y  fait  preuve  ;"je  rappelle  seulement  que  l'Académie, 
en  1912,  a  lionpré  du  prix  Gobert  les  deux  premiers  volumes  du  livre 
de  M.  Brunot.  Le  tome  V  est  intitulé  :  «  Le  français  en  France  et 
hors  de  France  au  xvii«  siècle.  »  On  y  voit  notre  langue  s'introduire 
peu  à  peu  dans  tous  les  domaines  intellectuels  dont  on  l'avait  tenue 
éloignée  jusque  là,  et  s'infiltrer  dans  les  provinces  où  vivaient 
encore  des  parlers  locaux  ;  puis,  passant  les  frontières  politiques, 
devenir  si  familière  aux  peuples  étrangers  qu'on  peut  la  considérer 
comme  étant  dès  lors  en  passe  déjouer  le  l'ôle  de  langue  universelle. 
Malgi'é  la  splendeur  politique  du  règne  de  Louis  XIV,  la  langue 
franc^'aise  ne  doit  qu'à  elle-même,  et  au  génie  de  ceux  qui  l'ont 
cultivée,  par  amour  de  l'art,  en  quelque  sorbe,  et  sans  aucune  visée 
de  conquête  violente  aux  dépens  des  autres  langues  parlées  en 
Europe,  le  prestige  dont  elle  a  été  entourée. 

«  On  comprendra  pourquoi  M.  Brunot  a  eu  hâte  de  publier  ce  nou- 
veau volume,  au  moment  où  rien  n'est  de  trop  de  ce  qui  peut  illus- 
trer le  rôle  qu'a  joué  notre  pays  dans  l'histoire  générale  de  la  civili- 
sation. Et  on  le  félicitera  d'avoir  pu  l'écrire  et  le  faire  paraître  dans 
la  crise  que  nous  traversons,  et  où  son  apparition  même  est  un 
témoignage  de  plus  de  la  solidarité  qui  lie  l'enseignement  supérieur 
aux  destinées  de  la  patrie  française.  » 


SÉANCE  DU  25  JANVIER 


PRESIDENCE    DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  CoRDiER  commence  la  lecture  des  rapports  adressés  par 
M.  Bonnel  de  Mézières  sur  la  mission  qu'il  a  accomplie  en 
Afrique  avec  une  subvention  de  l'Académie. 

M.  PoTTiER  donne  lecture  d'une  notice  de  M.  Pierre  Paris, 
correspondant  de  l'Académie  et  directeur  de  l'École  des  Hautes 
études  hispaniques,  sur  les  fouilles  qu'il  a  effectuées  en  mai- 
juin  1917  à  Bolonia  (Espagne)  avec  une  subvention  fournie  sur 
la  Fondation  Piot.  On  a  retrouvé  une  importante  fabrique  pour 
la  salaison  du  poisson,  industrie  très  prospère  dans  l'antiquité, 
une  grande  villa  romaine  et  une  fontaine  publique;  enfin  plu- 
sieurs tombes  ont  été  explorées  par  M.  Bonsor.  Les  fouilles 
doivent  reprendre  au  printemps  de  1918  '. 

M.  P.  Monceaux  communique  une  note  de  M,  le  D''  Carton, 
correspondant  de  l'Académie,  sur  des  chapiteaux  chrétiens  à 
sculptures  et  inscriptions,  et  sur  d'autres  monuments  antiques, 
qui  ont  été  récemment  trouvés  à  Tozeur  (ancien  7'usvrus),  dans 
le  Sud  tunisien  ^. 

L'Académie  désigne  comme  délégués  pour  1918  à  la  Commis- 
sion Debrousse  MM.  Babelon  et  Châtelain,  et  comme  délégués 
à  la  Commission  du  prix   Osiris  MM.  Senart   et   Haussoullier. 


1.  Voir  ci-après. 

2.  Voir  ci-après. 


1918 


34  FOUILLES    A    ROLONIA 

COMMUNICATIONS 


FOUILLES    A    liOLONIA    (PROVINCE     DE    CADIx)    EN    MAI-JUIN    1917, 
PAR    M.     P.    PARIS,    CORRESPONDANT    DE    l'aCADÉMIE. 

Bolonia  est  un  tout  petit  village  de  pêcheurs  situé  au 
bord  d'une  plage  qui  fait  justement  face,  sur  la  côte  espa- 
gnole, à  la  ville  de  Tanger.  Le  Campo  de  Bolonia  est  à  une 
douzaine  de  kilomètres  environ  à  l'Ouest  de  Tarifa. 

Les  ruines  antiques  dont  Bolonia  marque  remplacement 
ont  été  assez  rarement  signalées  et  visitées.  La  première 
mention,  à  notre  connaissance,  en  fut  faite  en  1663  par 
D.  Macario  Farinas  del  Corral,  dans  un  manuscrit  conservé 
à  la  Bibliothèque  de  l'Académie  de  l'Histoire,  à  Madrid. 
On  y  a  remarqué  surtout  les  restes  grandioses  d'un  aque- 
duc, de  la  muraille  d'enceinte  et  d'un  soi-disant  amphithé- 
âtre. Assez  récemment,  en  1907,  le  R.  P.  jésuite  Furgus, 
de  nationalité  belge,  les  a  visitées  avec  quelque  soin  et  a 
fait  quelques  fouilles  dans  divers  cimetières  antiques.  Nous- 
même,  en  1914,  nous  avons  fait  l'excursion  à  la  suite  de 
laquelle  nous  avons  décidé  d'entreprendre  une  exploration 
importante,  et  écrit  une  Promenade  archéologique  à  Bolo- 
nia qui,  publiée  dans  le  Bulletin  Hispanique^  fait  connaître 
l'état  exact  des  lieux  avant  les  travaux. 

Les  historiens  et  géographes  anciens,  de  Strabon  à  Mar- 
cien  d'Héraclée,  énumérant  les  villes  de  la  côte  européenne 
du  détroit  de  Gibraltar,  autrefois  Fretum  Magnum^  ont 
tous  mentionné  Belo  ou  Belon,  ou  Bellone,  célèbre  par  ses 
pêcheries,  grand  port  d'exportation  vers  l'Afrique,  et  il  en 
reste  des  monnaies  au  nom  latin  de  Baelo  ou  Bailo,  avec  lé- 
gendes en  une  langue  inconnue  que  les  numismates  appellent 
hastulo-phénicienne .  Mais  les  modernes  ne  sont  pas  tous 
d'accord  sur  l'identification  de  Belo  avec  Bolonia,  bien  que 


FOUILLES    A    BOLONlA  35 

cette  identification  soit  très  vraisemblable.  Nous  pensons 
même  qu'une  étude  précise  des  textes  et  des  lieux  la  rend 
à  peu  près  certaine,  mais  il  faut  attendre  d'un  document 
épigraphique  la  preuve  irrécusable  que  l'on  n'a  pas  encore 
trouvée.  En  eiïet,  les  fouilles  que  nous  avons  entreprises 
en  mai  1917,  avec  l'autorisation  du  gouvernement  espao-nol, 
et  g-râce  aux  libéralités  de  l'Académie  des  inscriptions,  avec 
la  collaboration  de  notre  ami  M.  Georges  Bonsor,  ne  nous 
ont  livré  encore  qu'une  inscription  très  incomplète,  où  ne 
se  lit  pas  le  nom  de  la  ville. 

Les  ruines  principales,  en  particulier  le  théâtre,  et  non 
l'amphithéâtre,  sont  enfermées  dans  un  vaste  reotan"-le 
très  nettement  déterminé  par  une  muraille  fortifiée  dont 
plusieurs  grands  tronçons  restent  encore  bien  conservés. 
La  ville,  construite  au  bord  même  de  la  plage  relevée  en 
terrasse,  occupait  d'abord  une  large  bande  plate  de  sable 
(c'est  là  que  sont  construites  les  rares  maisons  modernes) 
et  s'élevait  ensuite  sur  le  flanc  d'une  colline  en  pente  assez 
raide,  que  couvrent  maintenant,  parmi  les  pierres  taillées 
et  les  moellons,  des  champs  clairsemés  de  blés  et  de 
fèves . 

Nous  avons  d'abord  ouvert  un  chantier  sur  la  terrasse 
de  la  plage,  à  l'endroit  où  une  photographie  ancienne  nous 
montrait  un  chapiteau  posé  au  sommet  d'une  grosse  colonne 
à  pans  coupés  émergeant  du  sable,  chapiteau  alors  disparu. 
Nous  avons  retrouvé  ce  chapiteau  au  pied  du  mur  de  sou- 
tènement de  la  terrasse,  assez  profondément  enfoui  dans 
le  sable,  avec  deux  autres  de  même  style.  Ils  sont  tous  les 
trois  incomplets,  mais  intéressants,  car  leur  stvle  corin- 
thien, très  fortement  altéré  ou  pour  mieux  dire  modifié 
laisse  voir  nettement  qu'ils  proviennent  d'un  important 
édifice  ibéro-romain.  La  surface  entière  était  certainement 
recouverte  de  stuc,  et  nous  n'avons  retrouvé  vraiment  que 
la  carcasse  ou  le  squelette,  taillé  dans  un  grès  coquillier 
très  peu  plastique  ;  nous  pouvons  par  conséquent  à  peine 
juger  la  valeur  artistique  de  ces  débris. 


36  FOUILLES    A    60L0MA 

Les  modernes  qui  ont  parlé  de  Boloniu  y  mentionnent, 
on  ne  sait  d'après  quels  renseignements,  un  temple  de  Baal, 
sur  le  bord  de  la  plage.  Nous  avons  pu  croire  un  moment 
que  les  chapiteaux  provenaient  de  ce  temple,  et  pour  nous 
en  assurer,  nous   avons  commencé   à    enlever  le    sable   en 
arrière  du  mur  de  soutien,  près  de  l'endroit   où   les  chapi- 
teaux avaient  roulé.  Nous  avons  bien  retrouvé,  encore  en 
place,  les  trois  colonnes  qui  les  supportaient,  et  deux  autres 
encore,  non  plus  à  pans  coupés,  mais  à  grosses  cannelures, 
qui  avaient  heureusement  conservé  leur  tête  en   assez   bon 
état.  Ces  deux  nouveaux  chapiteaux  sont  aussi  corinthiens, 
formés  également  de  squelettes  de  grès  recouverts  de  stuc. 
Ici  le  stuc  s'est    heureusement  conservé,  nous  permettant 
d'apprécier  une  heureuse  finesse  de  détails,  et  des  feuilles 
d'acanthe  bien  disposées  et  habilement  modelées.  Mais  ces 
beaux  membres  d'architecture  ont  été  amenés  d'ailleurs  et 
réemployés  dans  une  construction  beaucoup  plus  moderne, 
qui  n'est  pas  un  temple. 

Ce  que  nous  avons  déblayé  est  une  importante  usine  pour 
la  salaison  du  poisson,  probablement  du  thon,  qui  a  tou- 
jours abondé  dans  ces  parages,  et  que  l'on  y  pêche  encore 
à  Bolonia  même,  à  l'été  et  à  l'automne,  quand  il  s'engage 
en  Méditerranée  et  quand  il  en  revient. 

On  avait  déjà  signalé  tout  le  long  de  la  côte,  depuis 
Lisbonne  jusqu'à  Gibraltar  et  au  delà,  des  restes  de  bassms 
à  salaisons,  mais  c'est  ici  la  première  fois  que  l'on  retrouve 
et  que  l'on  fouille  un  établissement  complet,  avec  ses  nom- 
breuses fosses  à  garum,  de  grandeur  et  de  profondeur 
diverses,  ses  vastes  ateliers  pour  le  lavage  et  la  prépara- 
tion, ses  magasins  et  dépendances  diverses.  Ces  premières 
fouilles  permettront  donc  d'écrire  un  chapitre  très  neuf  sur 
une  industrie  qui  était  très  florissante  dans  tout  le  monde 
antique,  particulièrement  en  Espagne,  et  qui  ne  nous  était 
connue  jusqu'ici  que  par  des  textes  et  par  quelques  ves- 
ti"-es  clairsemés  de  constructions  à  peine  étudiées.    Nous 


FOUILLES    A    JîOLONLY  37 

avons  du  reste  reconnu,  tout  le  long-  de  la  plage,  d'autres 
bassins,  et  il  faut  espérer  qu'en  fouillant  tout  autour  nous 
retrouverons  d'autres  usines  qui  nous  fourniront  de  nou- 
veaux détails. 

L'usage  qui  a  été  fait  de  fragments  de  grosses  colonnes 
très  anciennes  et  de  leurs  chapiteaux  pour  supporter  sim- 
plement le  toit  et  des  baies  en  arcades,  ainsi  qu'il  résulte 
de  l'examen  des  ruines  rendues  au  jour,  cet  usage  est 
curieux,  et  nous  lui  devons  de  très  rares  documents  sur 
l'art  local  à  une  époque  reculée  qu'il  est  encore  difficile  de 
préciser,  en  même  temps  que  sur  l'architecture  civile  à  une 
basse  époque  romaine. 

Ce  sont  des  réemplois  du  même  genre  qui  donnent 
aussi  son  principal  intérêt  à  une  grande  maison  romaine  de 
même  âge,  contig'uë  à  l'usine,  et  que  nous  avons  fait 
sortir  tout  entière  du  sable. 

Elle  se  compose  d'une  cour  carrée  entourée  d'un  portique 
sur  lequel  ouvrent  plusieurs  salles  plus  ou  moins  g-randes. 
Le  toit  du  portique  était  supporté  par  huit  colonnes,  trois 
sur  chaque  côté,  engagées  jusqu'à  hauteur  d'appui  dans  un 
petit  mur.  Cinq  de  ces  colonnes  étaient  encore  en  place  et 
debout,  incomplètes  d'ailleurs,  tandis  que  les  trois  autres, 
incomplètes  aussi,  gisaient  sur  le  sol. 

Tout  ce  portique  est  d'une  construction  très  pauvre,  et 
maladroite  ;  les  colonnes,  fûts,  chapiteaux  et  bases,  sont 
irrégulières  et  inégales,  ce  qui  dut  être  d'un  effet  fâcheux, 
bien  que  le  stuc  peint  en  rose  dont  elles  étaient  revêtues 
ainsi  que  la  murette,  et  qui  est  parfois  assez  bien  conservé, 
ait  pu  leur  donner  une  apparence  de  soin  et  de  richesse. 
Mais  ce  qu'il  y  a  de  notable ,  c'est  que,  comme  celles  de 
l'usine,  elles  proviennent  d'un  autre  édifice  dont  le  souve- 
nir était  si  peu  net  que  l'architecte  a  confondu  les  chapi- 
teaux et  les  bases,  et  a  employé,  à  côté  de  bases  correcte- 
ment placées,  des  chapiteaux  renversés.  Les  bases  véritables 
présentent  des  moulures  variées,   et  les  chapiteaux,   tous 


38  FOUILLES    A    BOLONIA 

dissemblables,  rappellent  le  dorique  romain.  Il  arrive  d'ail- 
leurs qu'une  partie  du  fût  soit  taillée  dans  une  même  pierrre 
soit  avec  le  chapiteau,  soit  avec  la  base. 

Au  centre  de  la  cour  était  un  puits  assez  profond  et 
étroit,  dont  la  margelle,  ([ue  nous  avons  remise  en  place, 
avait  été  roulée  dans  \m  angle,  et  dont  loritice  avait 
été  couvert  au  ras  du  sol  par  une  large  pierre  plate. 
Gomme  les  murs  et  les  colonnes  du  patio,  les  chambres 
avaient  été  enduites  dun  stuc  peint,  tantôt  rouge,  tantôt 
jaunâtre;  nous  n'avons  pas  reconnu  de  tableaux,  mais  seu- 
lement, dans  une  belle  chambre,  un  panneau  où  était  peinte 
à  grands  traits  une  décoration  de  feuilles  vertes  et  jaunes 
cernées  de  noir. 

Il  est  certain  que  d'autres  maisons,  également  bien  con- 
servées, entourent  celle  que  nous  avons  découverte.  Il  y  a 
là  sous  le  sable  tout  un  quartier  qu'une  prochaine  campagne 
nous  permettra  de  déblayer,  et  nous  avons  l'espoir  d'y 
recueillir  de  nouveaux  fragments  d'architecture  plus  anciens 
que  les  habitations  mêmes,  sinon  des  objets  divers,  des 
sculptures  et  des  inscriptions. 

Profitant  de  ce  que  le  vent  de  l'Est,  très  violent  lors  de 
certaines  marées,  rendait  les  fouilles  impossibles  près  de 
la  plage,  nous  avons  commencé  à  explorer  la  ville  sur  les 
premières  pentes  de  la  colline,  où  le  sable  est  remplacé  par 
la  terre.  Les  premiers  coups  de  pioche  nous  ont  fait  décou- 
vrir une  belle  et  grande  fontaine  publique,  de  plan  demi- 
circulaire  ou  à  peu  près,  comprenant  un  solide  mur  de  fond 
en  pierres  de  gros  appareil,  qui  devait  être  surmonté  de 
quelque  important  motif  de  décoration,  et  d'un  bassin 
bétonné,  très  peu  profond.  Le  mur  était  recouvert  de  minces 
plaques  de  marbre  blanc  encadrées  de  moulures,  dont  nous 
avons  retrouvé  beaucoup  de  débris.  L'inscription  dédica- 
toire,  en  très  belles  lettres  de  onze  centimètres,  était  gravée 
aussi  sur  marbre,  et  gisait,  incomplète  par  malheur,  en 
plus  de  vingt  morceaux,  sur  le  radier  du  bassin  ;  on  n'en 
peut  rien  tirer  de  bien  clair. 


FOUILLES   A    ROLOMA  39 

Selon  la  coutume,  l'eau  se  déversait  dans  le  bassin  par 
des  bouches  de  bronze,  et,  semble-t-il  d  après  un  fragment 
conservé,  par  des  mufles  de  lions. 

La  découverte  de  ce  monument,  intéressant  par  lui- 
même,  est  de  bon  augure.  Ce  quartier  de  la  ville,  un  peu 
au-dessous  et  à  droite  du  théâtre,  devait  contenir  des 
édifices  importants,  dont  nous  avons  pu  reconnaître 
de    sérieux   vestiges  ;  là   se   trouvait  peut-être   le  forum. 

Enfin  M.  Bonsor,  qui  est  un  habile  spécialiste  pour  la 
fouille  des  tombeaux,  —  on  sait  que  c'est  à  lui  qu'est  due 
l'exploration  de  la  merveilleuse  nécropole  de  Carmona, 
unique  au  monde,  —  s'est  plus  particulièrement  occupé  de 
faire  quelques  sondages  dans  les  cimetières,  et  surtout 
dans  le  principal,  où  se  trouvent  les  sépultures  romaines, 
et  dont  l'emplacement,  à  l'Est  de  la  ville,  sur  le  bord  de  la 
plage,  signalé  par  un  mausolée  encore  debout,  est  depuis 
longtemps  saccagé  par  des  fouilles  clandestines. 

M.  Bonsor  a  eu  la  pioche  heureuse,  et  après  avoir  réou- 
vert quelques  tombes  qui  n'étaient  plus  intactes,  il  est  vrai, 
mais  qui  cependant  ont  donné  lieu  à  des  observations 
utiles,  il  en  a  déblayé  une  qui  semblait  à  peu  près  vierge, 
car  elle  avait  gardé,  avec  ses  urnes  cinéraires,  quelques- 
uns  des  objets  de  son  mobilier  funèbre.  Ces  objets  n'ont 
pas  grande  valeur  ;  mais  la  disposition  même  de  la  tombe 
en  a  beaucoup,  car  elle  est  toute  nouvelle.  C'est  une  assez 
grande  fosse  oblongue,  maçonnée  au  fond  et  sur  les  quatre 
côtés,  et  divisée  en  deux  compartiments.  L'un  a  servi 
d'ustrinum,  pour  la  crémation  des  corps,  et  l'autre  était 
destiné  à  recevoir  les  umies  ;  ce  dernier  était  recouvert 
d'une  plaque,  et  l'on  y  pénétrait  par  un  trou  d'homme  percé 
dans  la  cloison  séparatrice. 

C'était  là  le  véritable  tombeau.  Les  parois  en  étaient 
stuquées  et  peintes,  et,  par  une  curieuse  coïncidence,  cette 
peinture  est  absolument  semblable  à  celle  que  nous  avons 
relevée  dans  une  salle  de  la  maison  de  la  plage,  et  due  au 


40  NOTE    SUR    DES    CHAPITEAUX    CHRÉTIENS    DE    TOZEUR 

même  ouvrier.  De  telle  sorte  que  nous  pourrions  bien 
avoir  trouvé  la  maison,  l'usine  et  le  tombeau  de  famille 
d'un  même  riche  Ibéro-romain  aux  approches  des  temps 
chrétiens. 

Les  fouilles  reprendront  au  mois  d'avril  15)18,  avec  plus 
d'ampleur,  grâce  aux  nouvelles  largesses  dont  l'Ecole  des 
Hautes  études  hispaniques  est  très  reconnaissante  à  l'Aca- 
démie, et  le  succès  des  débuts  nous  donne  la  certitude  que, 
si  nous  ne  retrouvons  pas  dans  les  couches  profondes  du 
sol  la  Belo  bastulo-phénicienne  que  nous  désirerions  sur- 
tout explorer,  —  c'est  le  secret  des  fouilles,  —  du  moins 
nous  pourrons  écrire  l'histoire  monumentale  d'un  port 
romain  que  son  industrie  et  son  commerce  rendirent 
longtemps  prospère,  et  que  sa  situation  aux  confins  de 
deux  continents,  sur  le  passage  de  tant  de  civilisations, 
rend  particulièrement  attrayante. 


NOTE   SUR  DES   CHAPITEAUX  CHRÉTIENS  DE  TOZEUR   (tUNISIe), 
PAR    M.    LE    D""    CARTON,    CORRESPONDANT    DE    l'aCADÉMIE  . 

Au  cours  d'une  tournée  médicale  dans  le  Djerid  tunisien, 
j'ai  vu,  dans  la  cour  du  Contrôle  civil  de  Tozeur,  plusieurs 
antiquités  qui,  à  ma  connaissance,  n'ont  pas  encore  été 
publiées. 

Les  plus  remarquables  consistent  en  chapiteaux  de 
l'époque  chrétienne.  En  voici  la  description  : 

1"  Chapiteau  en  pierre  calcaire  commune,  jaunâtre  et 
poreuse,  mesurant  47  centimètres  de  hauteur,  42  centi- 
mètres de  largeur  en  haut,  et  35  centimètres  de  largeur  en 
bas. 

Sur  une  des  faces  (A),  un  encadrement  d'entrelacs  bou- 
clés entoure  un  panneau  d'entrelacs  en  forme  de  natte.  A 
la  partie  inférieure  est  une  ligne  de  mutules. 

Une  autre  face  (B)  offre,  à  l'intérieur  d'un  encadrement 


NOTE    SUR    DES    CHAPITEAUX    CHRÉTIENS    DE   TOZEUR  41 

semblable,  une  croix  à  branches  égales  et  droites,  inscrite 
dans  un  cercle.  Dans  chacun  des  angles  qu'elle  forme,  se 
trouve  une  étoile  k  quatre  branches  :  trois  de  ceé  dernières 
étant  à  l'intérieur  du  cercle,  et  la  quatrième  en  dehors.  Il 
V  a  aussi  la  lione  inférieure  de  dentelures. 

La  face  C  ofTre  sur  ses  deux  bords  verticaux  la  ligne 
d'entrelacs  bouclés,  et,  sur  le  bord  inférieur,  celle  des 
mutules.  Mais  le  bord  supérieur  présente,  à  la  place  des 
entrelacs,  une  inscription  d'une  ligne,  précédée  d'une  croix 
à  branches  égales  : 

[estampage)  +   GKORIA  IN  ExCEL 

gloria  in  excel\sis\ 

La  hauteur  des  caractères  est  de  3  centimètres.  Ils  pré- 
sentent des  traces  de  peinture  rouge. 

La  face  D  offre  la  même  ornementation  que  la  face  B, 
avec  cette  différence  que,  sur  le  bord  supérieur,  les  entre- 
lacs sont  remplacés  par  une  inscription  de  deux  lignes,  très 
fruste,  que  je  n'ai  pu  déchiffrer. 

|.  IVS 

ICnidVI  nOSII (estampagey . 

Hauteur  totale  des  deux  lignes:  6  centimètres.  Lettres 
de  la  première  ligne  :  2  centimètres  ;  de  la  deuxième  ligne  : 
2o  millimètres. 

2°  Un  autre  chapiteau,  de  même  matière  et  de  mêmes 
proportions  que  le  précédent,  offre,  sur  une  face  (A)  très 
abîmée,  les  traces  d'une  décoration  d'entrelacs  en  nattes  ; 
sur  une  face  (B),  le  cadre  d'entrelacs  en  boucle  entourant 
le  panneau  de  nattes.  Les  mutules  existent  à  la  partie  infé- 
rieure de  toutes  les  faces.  —  Ce  cadre  est  remplacé,  à  la 
partie  supérieure,  par  deux  lignes  de  caractères  très  usés, 
indéchiffrables. 

1.   .\  la  seconde  ligne  lire  probablement  :    ...IX   I\'I)EOS... 


Ï2  NOTK    Sun    DKS    CIIAPITRAUX    CHRÉTIENS    DR    TOZEUR 

La  face  G  est  traitée  de  la  même  manière,  avec  un 
texte  d'une  seule  ligne. 

Sur  la  quatrième  face  (D)  a  été  gravé  en  creux  et  à  la 
pointe  un  sujet  peu  reconnaissable,  où  l'on  croit  remarquer 
un  personnage  ailé  planant,  les  ailes  déployées,  à  la  partie 
supérieure  du  panneau  ;  et,  à  la  partie  inférieure,  un  ou 
deux  personnages  assis  ou  couchés  :  scène  qui  se  rapporte- 
rait facilement  à  celle  que  rappelle  l'inscription  donnée  ci- 
dessus  (voir  l'estampage).   . 

Ces  deux  chapiteaux  ont  été  trouvés  dans  les  ruines  de 
l'ancienne  Thuzuros  par  un  Arabe  qui  les  a  olFerts  au 
contrôleur  civil,  M.  Digoix,  à  l'obligeance  de  qui  je  dois 
d'avoir  pu  en  prendre  la  description. 

3"  Il  en  est  de  même  du  suivant,  qui  est  en  pierre  de 
même  nature  que  celle  des  premiers,  et  qui  mesure  43  centi- 
mètres de  hauteur,  41  centimètres  de  côté  en  haut,  et 
31  centimètres  de  côté  en  bas.  Il  offre,  au  lieu  des  entre- 
lacs, un  encadrement  formé  d'une  ligne  de  demi-cercles 
tournés  vers  l'extérieur,  et  renfermant  à  leur  intérieur  un 
chevron  ouvert  également  au  dehors.  A  l'intérieur,  on 
retrouve  l'ornementation  en  nattes  à  tiges  obliques,  déjà 
décrite.  Sur. les  trois  faces  sont  des  mutules  ,  comme  ci- 
dessus. 

Une  quatrième  face  diffère  des  précédentes  ;  elle  est  cou- 
verte de  cercles,  dans  lesquels  sont  inscrites  des  étoiles  à 
quatre  branches. 

Toute  cette  ornementation  offre  un  fort  relief,  et  est  très 
bien  conservée. 

4"  Un  beau  chapiteau,  malheureusement  assez  abîmé, 
offre  des  motifs  différents  des  précédents.  Il  mesure  46  cen- 
time très  de  hauteur,  et  38  centimètres  de  côté  à  la  partie 
supérieure.  A  la  partie  inférieure  est  un  tambour  cylin- 
drique qui  devait  prolonger  le  fût,  et  dont  le  diamètre 
mesure  26  centimètres. 

Les  quatre  angles  offrent,  à  la  partie  supérieure,  une  tête 


NOTE    SUR    Di:S    CHAPITEAUX    CHRÉTIENS    DE    TOZEUR  43 

de  mouflon  ou  de  bélier,  en  fort  relief,  mais  en  mauvais 
état^  dont,  les  cornes  forment  volutes.  Sur  une  des  faces, 
entre  les  volutes,  est  la  colombes  portant  un  rameau  dans 
le  bec.  J'ai,  quelques  jours  plus  tard,  relevé  ce  même 
double  motif  sur  un  chapiteau  d'une  des  églises  de 
Sbeitla.  Au-dessous  de  la  colombe,  entre  les  deux  têtes 
d'animaux,  s'étend  un  écusson  en  forme  de  large  feuille. 
Plus  bas  règne  une  couronne  de  feuilles,  au-dessous  de 
laquelle  le  chapiteau  est  limité  par  un  boudin  en  forme  de 
câble  :  motif  byzantin  bien  connu,  en  Afrique  et  ailleurs. 
Au-dessous  s'étend  le  tambour  portant  une  couronne  de 
feuilles,  déjà  signalé. 

La  même  ornementation  se  retrouve  sur  les  trois  autres 
faces,  à  l'exception  du  motif  de  la  colombe,  remplacé  par 
un  motif  indéterminable. 

Comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  j'ai  vu,  quelques  jours  plus 
tard,  les  chapiteaux,  les  consoles,  les  suffîtes,  les  corniches, 
d'un  stvle  si  remarquable,  qui  ornaient  les  basiliques  de 
l'antique  Suffetiila  (Sbeitla).  Dans  la  même  tournée,  j'ai 
revu  la  série  si  rerriarquable  des  chapiteaux  de  la  grande 
mosquée  de  Kairouan,  qui,  d'après  les  Arabes,  viendraient 
aussi  de  Sbeitla.  La  chose  est  bien  possible,  si  on  s'en  rap- 
porte à  l'analogie  des  motifs,  à  leur  originalité,  et  à  la  fac- 
ture de  l'ornementation.  Il  s'agit  de  feuillages,  non  pas 
copiés  sur  la  nature,  mais  traités  d'une  manière  tout  à  fait 
dillerente  de  ceux  de  l'époque  païenne,  dont  certainement 
les  sculpteurs  chrétiens  ne  se  sont  pas  inspirés  dans  la  plu- 
part des  cas. 

Chapiteaux  de  la  mosquée  de  Kairouan,  aux  feuilles 
repliées  et  repoussées  par  le  vent,  rinceaux  et  branches 
de  certaines  consoles  de  Suffetula,  panneaux  des  chapiteaux 
de  Tozeur  qui  viennent  d'être  décrits,  et  qui  rappellent  les 
panneaux  de  bois  sculpté  du  mirab  du  sanctuaire  de  Sidi 
Oklia  :  cette  remarquable  série  de  sculptures  largement 
traitées,     aux    creux    profonds,    aux    reliefs    fouillés,    est 


4i  NOTE    SUR    DES    CHAPITEAUX    CHRÉTIENS    DE    TOZEUR 

l'œuvre  d'une  inspirai iou  très  particulière,  dont  l'orii^ine 
ne  doit  pas  être  recherchée,  à  mon  avis,  dans  les  monu- 
ments africains  de  date  antérieure. 

Dans  les  ruines  d'une  égalise  chrétienne  située  entre 
l'oasis  de  Deg'ache  et  celle  de  Tozeur,  M.  Dij^oix  a  trouvé 
un  petit  chapiteau  en  calcaire  blanc,  haut  de  27  ceatimètres, 
large  de  33  centimètres,  offrant  des  volutes  grêles  et  à  tige 
rectiligne,  rappelant  celle  des  chapiteaux  arabes.  L'abaque 
en  est  limité  inférieurement   par   le   boudin   en  forme    de 

câble. 

Dans  la  cour  du  Contrôle  existe  encore  une  tête  d'homme 
en  marbre  blanc,  un  peu  plus  grande  que  nature,  aux  che- 
veux et  à  la  barbe  bouclés. 

Dans  la  cour  de  la  grande  zaouïa  de  Tozeur  était  un  véri- 
table tas  de  colonnes  et  de  chapiteaux  romains,  au  milieu 
desquels  j'ai  remarqué  un  gros  tronçon  de  statue  drapée, 
en  marbre  blanc. 

Dans  le  bureau  du  contrôleur,  un  petit  autel  de  calcaire 
blanc,  haut  de  17  centimètres,  et  dont  le  dé  mesure  8  cen- 
timètres de  côté,  porte  une  dédicace  : 

*   ^  ARA 

MIN 
ERVAE 

La  face  supérieure  offre  une  cavité. 

Sur  la  queue  d'une  petite  amphore  en  pâte  grise  et  onc- 
tueuse, je  relève  une  estampille  en  forme  de  demi-cercle 
offrant  les  caractères  ci-après  : 

EXOR  CIV     {estampage  )K 

La  quatrième  lettre  ne  paraît  pas  être  une  R.  Les  trois 
dernières  lettres  sont  assez  nettes. 

1.  Lire  probablement  :  EX  OF[i]CIN  a).  (P.  M.) 


N'OtË    Sttl    t)ES    CHAPITEAUX    CttR^tlÉNS  DE   tOZEtJR  4B 

Dans  une  autre  salle  du  Contrôle  était  un  linteau  de 
porte,  retaillé,  et  dont  une  extrémité  semble  avoir  été 
coupée.  En  son  centre  est  une  croix  grecque,  dans  une 
couronne,  accostée  de  deux  disques,  dont  1  un  orné  d'entre- 
lacs en  nattes. 


*  COMPTES    RENDUS    DES    SEANCES 


DE 


L'ACADEMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 

SÉANCE  DU  le>-  FÉVRIER 


PRESIDENCE    DE    M.    HERON    DE    VILr.EFOSSE. 

Le  Président  prend  la  parole  el  s'exprime  ainsi  : 

«  Messieurs, 

«  Un  deuil  inattendu  vient  de  frapper  notre  Académie.  Un 
confrère  que  nous  aimions  tous,  qui  était  entouré  parmi  nous 
d'une  sympathie  très  profonde,  bien  justillée  par  ses  qualités 
charmantes  et  par  la  délicatesse  de  ses  sentiments,  Edouard 
Chavannes  n'est  plus.  Un  mal  cruel  et  rapide  nous  l'a  ravi,  à  un 
âge  où  tout  nous  permettait  d'espérer  que  son  concours  était 
acquis  pour  longtemps  encore  à  nos  études,  à  l'heure  où  son 
talent  grandissait  sans  cesse,  où  son  œuvre  scientifique,  que  nous 
admirions,  s'étendait  et  se  développait  chaque  jour  sur  de  plus 
vastes  champs. 

((  Notre  confrère  occupait  une  place  éminente  dans  les  études 
orientales.  En  France  el  en  Europe  il  avait  conquis  de  très 
bonne  heure  une  juste  renommée,  il  exerçait  une  autorité  légi- 
time et  sans  conteste  dans  toutes  les  questions  relatives  à  la 
Chine.  Par  ses  travaux  linguistiques,  par  ses  multiples 
recherches  qui  s'étendaient  aux  objets  les  plus  divers,  à  toutes 


4'^  SÉANCE    DU    l**"    FÉVRIER    l9l8 

les  manifestations  de  la  pensée,  de  l'histoire  ou  de  iaiH,  il 
était  devenu  le  véritable  maître  des  éludes  sinologiques. 

«  Il  serait  superflu  de  vous  dire  avec  quelle  émotion  et  quelle 
anxiété  la  fatale  nouvelle  s'est  répandue  parmi  ses  amis  et  ses 
disciples.  Fille  atteindra  profondément  tous  ceux  qui  chérissent 
la  science,  tous  ceux  qui  savent  apprécier  les  méthodes  claires, 
attrayantes  et  distinguées  de  l'érudition  française  dont  il  était 
un  des  plus  brillants  représentants.  L'Académie  sent  très  dou- 
loureusement la  grandeur  de  la  perte  qu'elle  vient  de  faire. 

«  Les  obsèques  ont  eu  lieil  hier.  Malgré  son  incompétence, 
votre  Président  s'est  elîorcé  de  rappeler  cette  existence  labo- 
rieuse et  les  travaux  qui  l'ont  ennoblie.  Nous  n'entendrons  plus 
ici  la  voix  douce,  la  parole  harmonieuse  et  persuasive  d'I^douard 
Chavannes,  mais  sa  mémoire  vivi-a  parmi  nous  ;  son  souvenir 
demeurera  gravé  au  fond  de  nos  cœurs.  » 

M.  Gh.-V.  Langlois  lit  une  notice  sur  la  vie  et  les  œuvres  de 
son  prédécesseur,  M.  Noël  Valois  ^ 

Le  Président  remercié  M.  Langlois,  au  nom  de  l'Académie, 
pour  la  notice  si  vraie,  si  complète  et  si  bien  ordonnée  qu'il 
vient  de  lui  communiquer  ;  il  le  félicite  d'avoir  rempli  avec  une 
promptitude  exemplaire  le  premier  devoir  que  notre  règlement 
impose  à  chacun  de  nos  nouveaux  confrères  et  espère  que  ce 
bon  exemple  sera  suivi  par  ceux  qui  n'ont  pas  encore  donné 
lecture  de  leur  notice  et  qu'ils  nous  ollriront  bientôt  à  leur  tour 
la  même  occasion  de  les  applaudir. 

1.  Voir  ci-aprea- 


^ 


y* 


!!61io.c].e.tImp  P Le Rat.Paris. 


Phot.Eiig.Pipr 


NOTICE 

SLR    LA    VIE    ET    LES    TRAVAUX 

{  I  i 

V      NOËL    VALOIS, 

PAR 

M.   CH.-V.    LANGLOiS, 

Ml- M  BU):  DE  l'acadkmie; 
LUE    DANS   LA  SÉANCE    DU   i*^  FÉVRIER   1918. 


Messieurs, 


Je  vous  remercie  de  m'avoir  confié  le  soin  d'esquisser 
devant  vous  U  physionomie  de  M.  Noël  Valois  Votre 
confrère  avait  f.„(  ;,  TEcole  des  Chartes  le  même  apnren- 
t.ssage  sc,eni,K4„o  ^uo  moi  ;  ,1  a  honoré  longtemps  ce 
grand  etar,l,ss.-.,-,e..,  i.s  Archives  nationales  que  j'essaie- 
de  servu-  à   mon  t„,„.  ;   „,,  ,„,„„,,.    j^;^  j,^.  ^.^ 

grande  par  de  ma  v,e  à  létud,.  des  hommes  et  des  "choses 
du  moyen  âge  franvais.  Mais  parce  qu'il  était  d'une  géné- 
rahon  un  peu  anténeure  à  la  nnenne,  je  ne  l'ai  guère  c^nnu 
personnellement  ;  je  ne  lai  qu'entrevu,  et  plusieurs  d'en- 
tre vous  ont  été  au  contraire  ses  camarades,  ses  an.is 
vous  avez  tous  eu  l'occasion  de  l'apprécier  :ci  pendant  des 
années.  Il  y  a  donc  des    ra.sons    pour  que  je    me  féhcite 


NOTICE 

SLR    LA    VIE    ET    LES    TRAVAUX 


DE 


M.    NOËL    VALOIS, 

PAR 

M.  CH.-V.   LANGLOIS, 

MEMBRE    DE    l'aCADÉMIE  ; 

LUE    DAXS   LA  SÉANCE    DU   l^-"  FÉVRIER  1918. 


Messieurs, 


Je   vous  remercie  de  m'avoir  confié   le  soin  d'esquisser 
devant    vous  la    physionomie  de    M.    Noël  Valois    Votre 
confrère  avait  fait  à  l'Ecole  des    Chartes  le  même  appren- 
tissage  scientifique  que    moi  ;  il    a   honoré    longtemps  ce 
grand  établissement  des  Archives  nationales    que    i'essaie- 
de  servir  à   mon  tour  ;   et,  comme   lui,  j'ai  employé  une 
grande  part  de  ma  vie  .  létude  des  hommes  et  d'es  chos:! 
du  moyen  âge  français.  Mais  parce  qu'il  était  d'une  o-éné- 
ration  un  peu  antérieure  à  la  mienne,  je  ne  l'ai  guère  connu 
personnellement  ;  je  ne  lai  qu'entrevu,  et  plusieurs  d'en- 
tre  vous  ont  été  au  contraire  ses  camarades,    ses  amis   • 
vous  avez  tous  eu  l'occasion  de  l'apprécier  ici  pendant  des 
années.  Il  y  a  donc  des    raisons   pour  que  je    me  félicite 


OO  NOIICE    SLin    M.    iN(»Ï:l    nalois 

d'avoir  à  m'acquitter  de  cette  tâche  et  des  raisons  pour 
que,  cependant,  j'aie  conscience  de  n'y  pas  être  préparé 
comme  il  faudrait.  Je  me  suis  du  moins  informé  de  ce  que 
je  ne  savais  pas  auprès  de  ceux  qui  savaient  :  leur  secours 
ne  m'a  pas  manqué.  Quel  que  soit  du  reste  le  succès  de  mon 
entreprise,  j'y  aurai  trouvé  le  plaisir  de  considérer  à  loisir 
l'ensemble  d  une  belle  œuvre  et  un  sujet  d'édification. 

Noël  Valois  naquit  lé  4  niai  185.^3  dans  une  maison  de  la 
rue  Garancière  (n°  11)  à  Paris,  l'ancien  «  petit  hôtel  de 
Nivernais  »,  qui  depuis  1819  a  été  la  demeure  de  la  famille 
Thureau-Dangin  (à  laquelle  les  Valois  étaient  alliés  pcir  les 
Gueneau  de  Mussy '). 

Il  était  d'une  excellente  souche  de  bourgeoisie,  dont  on 
suit  les  racines,  qui  plongent  de  toutes  parts  dans  le  sol 
français  ^Paris,  Ile-de-France,  Normandie,  Bourgogne, 
etc.),  pendant  le  xviii'',  le  xvii®  et  même,  sur  quelques 
points,  jusqu'au  xvi'^  siècle.  Il  descendait  notamment  du 
sculpteur  Achille  Valois  (1785-1862),  du  peintre  Hubert 
Drouais  (1699-1767),  du  peintre  Noël  Halle  (1711-1781), 
de  Jean-Baptiste-Bernard  Lut  ton,  avocat  greffier  au  Par- 
lement de  Paris,  et  de  l'humaniste  Philibert  Gueneau  de 
Mussy,  qui  collabora  avec  Fontanes  à  l'organisation  napo- 
léonnienne  de  l'Université  de  France, 

Les  artistes  sont  nombreux  dans  cette  ascendance,  ces 
sages  artistes  du  xyiii*^  siècle  français,  si  différents  de  ce 
que  l'on  pourrait  croire.  Hubert  Drouais,  de  Pont-Aude- 
mer,  le  meilleur  élève  de  Detroy,  qui,  par  son  maître  et 
par  Rigaud,  se  rattache  à  la  grande  tradition  de  Van  Dyck, 
a  été  un  des  portraitistes  à  la  mode  de  la  cour  de  Louis  XV, 
en  son  plus  vif  éclat  ;  il  a  peint  non  seulement  des  princes, 
des  princesses  et  des  grandes  dames,  mais  des  actrices  du 

1  .   Voir  G.  Thureau,  Le  petit  hôtel   de  Nivernnis,  dans  le  BnUetin   de 
1.1  Société   historique  du    VI'    arrondissement    de    Paris,   XVIII     (1916), 

p.    Si. 


NOTICE    SLR    M.    NOEl,    VALOtS  ."1 

Théâtre-Français  et  des  filles  d'Opéra,  M"^  Gautier, 
Ml'^  Pélissier,  la  Gaussin  et  la  Camargo.  Son  fils,  Fran- 
çois-Hubert, dont  la  faveur  et  le  succès  ont  encore  été  plus 
brillants,  fut  aussi  un  peintre  de  femmes  g-racieuses,  élé- 
gantes et  légères,  de  la  Pompadour  à  la  Dubarry.  Le  père 
et  le  fils  étaient  néanmoins  des  hommes  simples,  rangés, 
économes,  avisés,  modèles  de  toutes  les  vertus  domes- 
tiques'. Hubert  est  mort  fort  à  son  aise  dans  sa  maison 
sise  au  coin  de  la  rue  des  Orties  et  de  la  rue  des  Moineaux, 
en  face  de  la  célèbre  «  Fontaine  d'amour  »,  dans  le  quar- 
tier neuf  de  la  Butte  Saint-Roch,  où  il  était  notable  pro- 
priétaire. Les  académiciens  Drouais,  comme  l'académicien 
Halle,  ont  vécu  en  bons  bourgeois,  marguilliers  de  leur 
paroisse,  et  dans  la  crainte  de  Dieu.  Quant  à'Achille  Valois, 
le  grand-père  de  votre  confrère,  élève  de  David,  il  fut  le 
sculpteur  ordinaire  de  la  cour  de  Louis  XVHI,  et  en  parti- 
culier de  Madame,  la  pieuse  duchesse  d'Angoulême,  qui  le 
tenait  en  haute  estime  ^. 

Famille,  en  somme,  affinée  depuis  longtemps  par  la 
dignité  de  la  vie  et  par  l'exercice  de  talents  héréditaires. 
Famille  attachée  aux  traditions  de  la  vieille  France,  et  sur- 
tout à  sa  tradition  religieuse,  avec,  peut-être,  une  teinte 
de  jansénisme  chez  quelques-unes  des  premiers  ancêtres 
connus,  plus  tard  d'ultramontanisme.  La  plupart  des  mem- 
bres de  cette  famille,  parmi  ceux  qui  s'engagèrent  dans 
des  professions  sans  rapport  avec  les  arts  ou  qui  n'en 
eurent  aucune,  ont  été  doués  pour  goûter,  sinon  pour  pro- 
duire, les  formes  diverses  de  la  beauté.  Et  plusieurs  ont 
laissé  dans  leur  cercle  le  souvenir  de  vertus  morales,    à   la 

1.  C.  Gabillot,  Les  (rois  Drouuis,  dans  la  Gazelle  des  Beaux-Arls,  1905' 
t.  II  et  1906.  t.  I. 

2.  Voir  le  Catalogue  (incomplet)  de  son  œuvre  dans  le  Neues  allge- 
meines  Kûnsller-Lexicon  de  G.  K.  Nagler,  XIX  (1849),  p.  351.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  le  bas-relief  représentant  Léda,  qui  est  adossé  à  la 
fontaine  Médicis  dans  le  jardin  du  Luxembourg,  et  un  groupe  d'enfanls  — 
les  trois  enfants  de  l'artiste  —  qui  appartient  à  la  famille  \'alois. 


82  NOTtCË   SUR   M.    No'iÎl   VALOtS 

fois  éminentes  et  discrètes.  Je  citerai  seulement  Cécile 
Valois  (1823-18GI),  tante  de  votre  confrère,  dont  une  main 
amie  a  jadis  réuni,  moins  pour  le  public  que  pour  quelques 
intimes,  les  u  lettres  et  souvenirs  »  ^  Cet  o[)uscule  intro- 
duit le  lecteur  dans  un  monde  disparu,  dune  délicatesse 
charmante.  J'y  lis  qu'un  homme  vénérable,  qui  n'avait  été 
en  relations  avec  les  Valois  que  pendant  quelques  semaines, 
disait  encore,  neuf  ans  plus  tard,  en  parlant  de  leur  Cécile, 
cette  parole  émouvante  eh  sa  concision  :  «  Dieu  me 
demandera  compte  d  avoir  connu  une  âme  si  sainte.  » 

Noël  Valois  fut  élevé  dans  ce  milieu,  entre  Paris  l'hiver 
et  Bellevue  durant  la  belle  saison.  Il  était  alors  maladif, 
et  il  a  toujours  gardé  dans  sa  démarche  le  sig-ne,  et  comme 
le  stiii'mate,  d*e  ses  souffrances  d'enfant.  Aussi  étudia-t-il 
seul  pendant  longtemps,  dans  la  maison  paternelle,  sous 
la  discipline,  entre  autres,  d'un  excellent  professeur  de 
l'enseignement  public,  M.  Hatzfeld,  qui  était  aussi  un 
savant.  Lorsque  la  santé  du  jeune  homme  se  fut  affermie, 
la  même  largeur  d'esprit  qui  lui  avait  fait  choisir  M.  Hatz- 
feld pour  des  leçons  particulières,  amena  le  père  de  famille 
à  placer  son  fils,  sur  le  point  d'achever  ses  études  secon- 
daires, au  Ivcée  Louis-le-Grand  où.  se  rencontraient  alors 
des  adolescents,  venus  de  tous  les  points  de  l'horizon  géo- 
graphique et  intellectuel,  qui  n'avaient  de  commun  que 
des  aptitudes  exceptionnelles  :  les  vrais  princes  de  la  jeu- 
nesse française.  Valois  tint  là  tout  d'abord,  et  conserva,  un 
rang  distingué  dans  des  compétitions  difficiles.  Beaucoup 
de  ses  camarades  de  ce  temps  vivent  encore,  qui  en  ont 
gardé  la  mémoire  '-'. 


1.  Cécile  Valois.  Lettres,  opuscules  et  souvenirs,  recueillis  pur  une 
amie  intime  (Rennes,  1886,  in-12). 

2.  \'oir  des  souvenirs  cl3  la  classe  de  M.  Aubert-IIix  à  Louis-le- 
Graad,  par  H.  Cochin,  condisciple  de  Valois,  dans  Impressions  d'un 
bourgeois  de  Paris  pendant  le  siège  et  la  Commune,  au  t.  XXXIV 
(1916)  de   la    Uevue   des    Deux  Mondes,  p.  529. 


NOTICE    SUR    'SI.    NOËL    VALOIS  53 

Ce  qui  le  caractérisait  à  cette  époque,  c'était  une  singu- 
lière variété  de  dons  et  de  curiosité.  Il  est  indubitable 
qu'il  serait  entré  haut  la  main  à  1  Ecole  normale  supé- 
rieure, section  des  lettres,  dont  sa  classe  de  Louis-le-Grand 
était  la  pépinière,  s'il  s'y  était  présenté.  Mais  il  avait  aussi 
des  dispositions  pour  les  mathématiques  (il  passa  pour  son 
plaisir  le  baccalauréat  es  sciences)  ;  et,  pour  le  dessin,  il 
avait  à  un  haut  degré  la  facilité  héréditaire  de  sa  race  ; 
même  le  monde  de  la  musique  lui  était,  paraît-il,  naturel- 
lement ouvert.  Au  seuil  de  la  vie  active  et  créatrice,  il 
aurait  pu  s'eng-ag-er  dans  l'une  ou  l'autre  de  ces  voies  avec 
des  chances  normales  d'v  marcher  droit  et  loin.  Mais  il 
élimina  tout  de  suite  l'art,  estimant  que  la  peinture,  la 
sculpture  et  la  musique,  en  tant  que  carrières,  ne 
trouvent  de  justification,  de  nos  jours,  que  dans  un  talent 
supérieur,  dont,  à  tort  ou  à  raison,  il  ne  se  croyait  pas 
pourvu  ;  il  n'a  jamais  renoncé  à  dessiner,  et  sa  famille 
conserve  quantité  d'albums  qui  attestent  ce  qu'il  aurait  pu, 
ce  qu'il  savait  faire  de  ce  genre  ;  il  n'a  jamais  vu  là, 
cependant,  qu'un  délassement  et  un  plaisir  intimes.  Entre 
l'art  et  la  science,  il  choisit  donc  la  science,  Cela  fait, 
entre  les  innombrables  chemins  de  la  science,  il  n'hésita 
pas  longtemps.  On  ne  saurait  dire  qu'il  ait  étudié  à  la 
Faculté  des  Lettres,  car  la  licence  qu'il  y  prit,  en  un  temps 
où  la  Sorbonne  n'était  pas  ce  qu'elle  est  devenue  depuis, 
ne  peut  être  considérée  que  comme  le  couronnement  de 
ses  excellentes  études  secondaires.  Il  alla,  comme  tout  le 
monde,  respirer  l'air  de  1  Ecole  de  Droit  ;  là,  il  se  laissa 
revêtir  aussi  du  titre  de  licencié,  mais  sans  effort  et  sans 
conviction  :  un  de  nos  confrères,  son  condisciple  et  ami, 
se  souvient  encore  de  l'avoir  vu  souvent,  à  la  saison  des 
examens,  accoudé  d'un  air  détaché  contre  la  statue  de  Cujas, 
œuvre  du  grand-père  Achille  Valois,  qui  se  trouve  dans  la 
grande  cour  de  l'Ecole.  Après  avoir  constaté  de  la  sorte, 
pendant  trois  ans,  qu'il  n'avait  pas  la  vocation   juridique. 


54 


NOTICE    SUR    M.    NOKL    VALOIS 


Noël  Valois  entra  à  l'Ecole  des  Chartes,  en  1875.  Il  en  sortit 
dans  la  remarquable  promotion  du  21  janvier  1879,  qui 
devait  fournir  un  jour  à  l'Académie  des  inscriptions  et. 
belles-lettres  et  à  sa  commission  de  ïllisloire  littéraire 
de  la  France  jusqu'à  trois  membres  ;  Noël  Valois,  Antoine 
Thomas  et  Paul  Fournier. 

Dans  une  brève  et  substantielle  notice  qu'il  a  publiée  au 
lendemain  de  la  mort  de  son  ami,  M.  Paul  Fournier  a 
écrit  :  «  Je  crois  bien  que  notre  maître  Léon  Gautier, 
auquel  Valois  garda  toujours  un  souvenir  reconnaissant, 
avait  quelque  peu  contribué  à  préciser  et  à  fixer  sa  voca- 
tion d'historien  médiéviste  ^  »  S'il  en  est  ainsi,  voilà 
uq  des  plus  signalés  services  que  Léon  Gautier  ait  rendus 
à  l'histoire  du  moyen  âge.  Et  rien  n'est  plus  probable,  car 
il  y  a  des  indices  que  c'est  Gautier  qui  aiguilla  d'abord 
son  élève,  non  seulement  vers  l'étude  du  moyen  âge  en 
général,  mais  vers  cette  province  obscure  et  négligée  que 
forme,  dans  l'histoire  du  moyen  âge,  celle  de  l'art  d'écrire 
et  de  la  littérature  en  latin,  où  il  s'était  un  peu  aventviré 
lui-même.  C'est  (c  dès  les  premiers  mois  »  de  son  séjour  à 
l'Ecole  (et  Gautier  était  professeur  en  première  année) 
que  Valois  jeta  son  dévolu,  comme  sujet  de  thèse  finale, 
sur  la  Vie  et  les  œuvres  du  théologien  Guillaume  d'Au- 
vergne, évêque  de  Paris  au  cours  de  la  première  moitié  du 
xiii*^  siècle.  Le  jeune  érudit  fit  alors,  seul,  l'apprentissage 
malaisé  et  parfois  répugnant,  surtout  pour  un  humaniste 
comme  lui,  de  la  langue  et  de  la  pensée  scolastiques,  où 
Gautier  n'aurait  pas  été  en  état  de  le  guider  fort  avant.  Il 
y  trouva  assez  d'attraits  pour  ne  pas  se  laisser  séduire,  en 
troisième  année,  par  l'admirable  cours  de  l'archéologue 
Jules  Quicherat,  qui  paraissait  si  propre  à  distraire  vers 
d'autres  horizons  un  homme  de  goût,  un  artiste,  un  dessi- 
nateur comme  lui. 

1.    niillrlin  <!,-  L'i  Société  hihliotfrnphiqui,   t,  XLVII  (1916),    p.  17. 


-NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  oS 

Valois  donna  dès  lors  la  preuve  de    sa  maturité  et  de  sa 
supériorité  d'esprit.  Les  années  1879,  1880,  1881  sont  peut- 
être  parmi  les    plus  remarquables  de  sa  carrière.    Il    avait 
aux  alentours  de   vingt-cinq  ans.    Or,  en  1879,    il   donne 
dans  la    bibliothèque     de   rÉcole    des  Chartes    un  article 
étendu    sur  a    l'Etablissement  et  l'organisation  du  régime 
municipal  à  Figeac  »  ;    j'ignore    comment    et  pourquoi    il 
s'était  proposé,  dès  les  bancs  de   l'école,    de  tirer  au   clair 
le  gros  dossier  difiicile  qui  concerne  cette  affaire  au  Trésor 
des  chartes  ;  toujours  est-il  qu'il  l'a  très  bien  débrouillé  ;  il 
n'v  a  pas,  dans  ce  travail,  la  moindre  trace  d'inexpérience 
juvénile,  et  depuis  près  de  quarante  ans    il  n'a  pas  vieilli. 
En  1880,  il  publie  son    livre    sur    Guillaume   d'Auvergne, 
présenté    l'année  précédente    en    manuscrit    à  l'École   des 
Chartes,  et    l'accompagne,    pour    le   faire    servir   de  thèse 
devant  la  Faculté  en  vue  du  doctorat  es  lettres,   d'un  mé- 
moire sur  la  rhétorique  épistolaire  en  France  au  moyen  âge 
{De  arte  scribendi  episiolas  apud  Gullicos  medii  œvi  scrip- 
tores  rhetoresve).   Ici,   l'auteur  avait  mis    la    main  sur  un 
filon    d'exploitation     malaisée,    mais     extraordinairement 
rémunérateur.    A   certaines    époques    du   moyen   âge,    les 
rédacteurs  de   certains  textes  latins,  écrivains  proprement 
dits  et  clercs  de  chancellerie,  se  sont  astreints  aux  règles 
impérieuses    d'une    rhétorique   spéciale,     qui    s'enseignait 
dans  les   écoles,    qui  est  définie    dans  des   traités    ou    des 
manuels  ad  hoc,  et  dont  l'application,  plus  ou  moins  rigou- 
reuse suivant  les  temps  et  les  lieux,    s'observe,   lorsqu'on 
est    averti,    dans   une  foule    de    textes.    Quel    magnifique 
sujet  d'études  !  Les  origines  de  cette  manière   d'écrire,  qui 
remonte  à  l'antiquité  romaine  et  dont  l'analogue  existe  en 
grec  ;  les  causes  et   la  durée  de    ses  éclipses  ;   les  progrès 
de  sa  renaissance  ;    l'inventaire  de  la    littérature    pédago- 
gique que  l'enseignement  de  cet  «  art  »  a   suscitée  ;  l'ap- 
préciation de  la  valeur  de  cette  littérature,  en  grande  par- 
tie théorique  ;  la  description    précise  et  le    manuel  opéra- 


56  NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS 

toire  des  instruments  nouveaux   que  la  connaissance    de 
tous  ces  faits,  dont  la  tradition  s'était  perdue  pendant    des 
siècles,  fournit  pour   la  crilicjue  textuelle,  pour  la   critique, 
littéraire  et    pour   la  critique  diplomatique.    Personne,   en 
France,    n'avait  encore  abordé    ces  questions,    et  ce    qui 
avait  été   fait  à  l'étranger  n'était  pas  considérable.    Par  sa 
thèse  latine,  et  surtout  par  son  «  Etude  sur  le  rythme  des 
bulles  pontificales  »,  parue  dAtis  la.  Bibliothèque  de  V Ecole 
des  Chartes  en  1881,  un  érudit  de    vingt-cinq    ans    posait 
des    problèmes    dont   l'existence   même   était  comme    une 
révélation,  et  en   résolvait    quelques-uns.    L'histoire  de  la 
prose  rythmique    au   moyen    âge    a   été,    depuis,     poussée 
plus    profondément   (elle    est    encore,    du  reste    fort   loin 
d'être  terminée)  ;  mais  les  mémoires  classiques    de  Valois 
en  seront  toujours  considérés  comme   le  point    de  départ. 
Je  me  souviens   d'avoir   entendu,    il  y    a  près  de  trente 
ans,  un  érudit,  qui  ne  laissait  pas  d'envier  un  peu,  je  crois, 
en  les  admirant,  l'originalité,  le  bonheur  et  la  fécondité  de 
ces  premiers  travaux  de  Noël  Valois,    s'étonner  que  celui 
qui  les  avait  faits,  content  d'avoir  frayé  la  route,  s'en   fût, 
pour  ainsi  dire,  détourné  dès   qu'il  l'eut    livrée  à  l'activité 
d'autrui.  Car  c'est  un  fait  qu'après  1882,  date  où  la  Société 
de  littérature  chrétienne  de  Lille  couronna  encore  un  opus- 
cule de  lui  «  sur  la  latinité    de  saint  Gyprien  »    —  lequel 
n'a  jamais  vu  le  jour,    —  Valois  ne  s'est  plus   occupé  du 
latin  médiéval,  si  ce  n'est  pour  en  déchiffrer.  Il  y  eut  peut- 
être    à    cela    une  raison  capitale,  qui  sera  indiquée  tout  à 
l'heure.  Mais  un  autre  motif,  accidentel  et  direct,  saute  aux 
yeux  :  en   entrant  comme  archiviste   aux  Archives   natio- 
nales, le  l^""  janvier  1881,  Valois  s'était  imposé  des  obliga- 
tions professionnelles. 

Les  Archives  nationales  sont  sans  doute  le  lieu  du  monde 
où  il  est  le  plus  agréable  de  fréquenter  pour  qui  s'inté- 
resse à  l'histoire  de  la  France  d'autrefois.  Michelet,   Fhis- 


NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  57 

torien-poète  qui  y  exerça  les  fonctions  d'archiviste  pendant 
vipot-deux   ans,    a    décrit    comme   vous    savez    Témotion 
romantique  qui  s'empara  de   lui   dans  les  dépôts  de  l'hôtel 
Soubise,  ces  vastes  dépôts  silencieux  où  il  lui  sembla,    dit- 
il,  «  percevoir  un  mouvement,  un   murmure,  puis  des  voix 
qui  s'élevaient,  voix  d'hommes  et  de  peuples,  de    villes  et 
de  provinces,  qui  lui  demandaient  de  les  tirer  du  tombeau 
et  de  les  rendre  à  lexistence  ».  Pour  le  commun   des  éru- 
dits  de  la  maison,  qui  n'entend    pas  de  bruits   si   flatteurs, 
c'est  encore  un  plaisir  infini  de  vivre,   dans  un    cadre  ma- 
gnifique,   au  milieu  des   titres  de   notre    histoire,   et,  tout 
prosaïquement,  d  avoir  des  facilités  particulières  pour  s'en 
servir.  Ainsi  s'explique 'que  le  recrutement  'des  archivistes 
ait  toujours    été    aisé    aux    Archives    nationales   parmi  la 
laborieuse  jeunesse  qui,  bien  préparée,    sort  chaque  année 
de  l'Ecole  des  Chartes.  Pendant  longtemps,  et    encore  du 
temps  de  Noël  Valois,  ces  fonctions  n'étaient  honorées,  au 
début,  que  d'un  traitement  presque  nominal  (l.SOO  fr.  par 
an)  et  elles  n'ont  jamais  rien  eu,    pourtant,  d'une  sinécure 
administrative  ;  Michelet  lui-même  dut  replier  et  replia  ses 
ailes  pour  entrer  dans  les  brancards    de    la    routine  quoti- 
dienne de  l'archiviste  :  recherches  pour  le  public,  fabrica- 
tion de  répertoires  et  d'inventaires,  rapports,  etc.  J'ai  tou- 
jours admiré,  pour  ma  part  —  jadis  du  dehors,   et  mainte- 
nant, plus  que  jamais,    de    près   —   la  grâce    d'état  qui  a 
permis  et  qui  permet  encore  à    tant  d'hommes    distingués, 
ayant  par  ailleurs  des    intérêts   scientifiques  personnels  et 
une  vie  intérieure,  de  remplir  avec  tant  de  conscience  des 
devoirs  parfois  si  ingrats.  C'est  évidemment  qu'ils   savent 
que  ce  qu'ils  font  est  utile  et  qu'il  ne  leur  est  rien  demandé 
que  dans  l'intérêt  public.  Ils   sont  aussi    réconfortés,    sans 
doute,  par  l'exemple  de  leurs  anciens,  très  nombreux,    qui 
ont    réussi  à  mener  de  front  la  pratique  de  leur  métier  et 
le  travail  du  savant,  ou  même  à  trouver  dans  l'une  l'occa- 
sion et  l'auxiliaire  de  l'autre.  Votre  Compagnie,  Messieurs, 


38  NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS 

a,  depuis  Daunou,  le  premier  chef  de  l'établissement,  fait  à 
beaucoup  d  entre  eux  Thonneur  décisif  de  les  accueillir  : 
Natalis  de  Wailly,  riuillard-HréhoUes,  Boutaric,  Luce, 
Gautier,  Longnon,  pour  ne  citer  que  les  morts  ;  et  il  y  a 
encore,  Dieu  merci,  des  vivants,  ici  et  dans  une  des  sec- 
tions voisines  de  l'Institut. 

J'ajoute  que  si  l'entrée  de  Valois  à  l'Ecole  des  Chartes 
avait  été  déterminée  par  l'influence  de  Léon  Gautier,  c'est 
notre  vénéré  confrère  M.  de  Lasteyrie,  alors  archiviste 
lui-même,  qui  le  décida,  paraît-il,  ;i  entrer  dans  la  profes- 
sion. 

Noël  Valois  qui,  comme  les  gens  heureusement  nés, 
faisait  bien  tout  ce  qu'il  faisait,  a  été  pendant  douze  ans  un 
fonctionnaire  modèle.  La  collection  de  ses  rapports  existe 
depuis  le  6  juillet  1881  jusqu'au  3  octobre  1893  i.  On  y 
voit  qu'il  fut  chargé  tout  de  suite  par  le  directeur  Alfred 
Maury  —  encore  un  des  vôtres  —  qui  savait  si  bien 
juger  et  utiliser  les  hommes,  de  continuer  la  publication  de 
l'Inventaire  des  arrêts  du  Conseil  d'État  pour  le  règne  de 
Henri  IV,  commencé  par  M.  de  Lasteyrie,  à  laquelle  il 
avait  déjà  collaboré,  en  qualité  d'auxiliaire  bénévole,  avant 
son  entrée  aux  Archives  (à  partir  de  décembre  1879).  Il 
s'agissait  d'analyser  et  de  disposer  en  une  série  chronolo- 
gique tous  les  arrêts  du  Conseil  de  1592  à  1610,  conservés 
tant  dans  l'établissement  de  la  rue  des  Francs-Bourgeois 
qu'au  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale, 
au  nombre  de  près  de  seize  mille.  Le  tome  I'"'  de  ce  grand 
ouvrage  parut  en  1886  ;  le  tome  II  en  1893,  avec  une  table 
très  étendue.  Mais  la  besogne  proposée  à  l'archiviste  et 
rapidement  parfaite  par  lui,  il  ne  s'en  était  pas  contenté  : 
elle  l'avait  engagé,  comme  il  arrive,  à  faire  en  même  temps 
œuvre  d'historien  :  le  tome  I"'  de  YInventaire  est  précédé 
d'une  ((  Étude  historique  sur   le  Conseil  du  roi    »  qui  est 

1.   Ai-ch.  nat.,  AR  x.  7  et  8. 


NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  59 

une  histoire  d'ensemble  du  Conseil  des  rois  de  France, 
de{Duis  les  origines  ;  et  l'auteur  fît  paraître,  deux  ans  plus 
tard,  sur  la  première  partie  du  même  sujet,  un  livre  com- 
plémentaire [Le  Conseil  du  roi  aux  XIV%  XV^  el  XVI' 
siècles  ;  nouvelles  recherches...)  \  en  outre  et  enfin  l'étude 
de  l'histoire  du  Conseil  mit  Valois  sur  plusieurs  pistes 
adjacentes,  d'où  il  rapporta  des  monographies,  non  seule- 
ment sur  des  détails  de  ce  grand  sujet  (n°*  7,  10,  11,  18, 
30  de  la  Bibliographie  en  appendice),  mais  touchant  la  crise 
capitale  qui,  sous  le  coup  d'une  guerre  malheureuse,  mit 
aux  prises,  un  peu  après  le  milieu  du  xvi^  siècle,  la  Cou- 
ronne et  ses  conseillers  avec  les  premières  manifestations 
de  l'esprit  révolutionnaire  et  les  premiers  essais  de  gou- 
vernement représentatif  (f/j/f/em,  n°*  lo,  17,  24).  Les  tra- 
vaux de  Valois  sur  «  la  Revanche  des  frères  Brac^ue  »  et  la 
mort  d'Etienne  Marcel  se  rattachent  ainsi,  comme  des 
rameaux,  ou  plutôt  comme  des  provins,  à  la  tige  de  son 
entreprise  d'archiviste. 

Ce  n'est  pas  tout.  Ayant  été  conduit,  par  l'Inventaire 
des  arrêts  du  Conseil  d'Etat  sous  le  règne  de  Henri  IV,  à 
s'intéresser  aux  troubles  du  temps  de  Jean  le  Bon  et  de 
Charles  V,  Valois  le  fut  secondairement  et  de  fil  en  aiguille 
à  installer,  pour  ainsi  dire,  sa  pensée  dans  l'histoire  du 
xiv"  siècle,  encore  très  négligée  il  y  a  vingt-cinq  ans.  Or 
il  y  avait,  dans  les  annales  de  la  seconde  moitié  du 
xiv^  siècle,-  une  question  importante  et  obscure  entre' 
toutes,  celle  des  origines  et  des  développements  du  Grand 
Schisme.  Dès  1887,  il  y  était  allé  droit  '  et  la  première 
communication  qu'il  ait  faite  à  l'Académie,  en  mars  1888, 
le  montre  embarqué  pour  une  nouvelle  suite  de  recherches 
dans  cette  direction  -.  Direction  très  propre  à  lui  convenir. 

1.  Bibliographie,  n'  28. 

2.  A  partir  de  cette  date,  toutes  les  monographies  qu'il  publie  inté- 
ressent, de  près  ou  de  loin,  le  nouveau  sujet  de  ses  études  [Biblivgru- 
lihie,  n-  30  à  40). 


00  KOTICE    SUU    M.    NOËL    VALOIS 

Car,  encore  une  fois,  l'histoire  du  Grand  Schisme  est-  un 
sujet  d'enverg-ure  ;  et  ce  sont  les  sujets  de  ce  genre  qui 
l'attircnl  ;  il  a  naguère  abandonné,  sans  regret  apparent, 
un  domaine  quasi  vierg-e  où  il  avait  fait  d'assez  belles  trou- 
vailles, peut-être  surtout,  au  fond,  parce  (jue  ce  domaine 
dépendait,  non  de  l'histoire  proprement  dite,  mais  des 
sciences  auxiliaires  et  préparatoires  de  l'œuvre  historique 
où  il  n'était  pas  dans  ses  intentions  de  se  confiner.  Car,  en 
second  lieu,  le  Grand  Schisme  est  un  épisode  essentiel  de 
l'histoire  de  France  et  de  l'histoire  de  l'Eglise,  les  deux 
pôles  de  ses  affections  naturelles,  et,  par  conséquent,  de  sa 
curiosité  scientilique.  Après  les  premières  manifestations 
de  l'esprit  révolutionnaire  et  les-  premiers  essais  de  gou- 
vernement représentatif  en  France,  il  étudiera  donc  désor- 
mais les  phénomènes  symétriques  dans  l'Eglise  univer- 
selle, et  particulièrement  le  rôle  que  la  France  j  a  joué.  Il 
V  a  là  un  épanouissement  graduel  de  tendances  primitives 
à  la  faveur  des  circonstances  dont  l'harmonie  et  la  logique 
font  plaisir  à  voir. 

Seulement,  avec  ces  nouveaux  desseins  élargis,  il  deve- 
nait difficile  de  concilier  les  devoirs  immuables  de  l'archi- 
viste. M.  Maury  avait  été  émerveillé  que  l'Inventaire  d'une 
partie  considérable  de  la  série  R  (Conseil  d'Etat),  confiée 
à  Valois,  fût  si  fort  avancée  après  cinq  ans  seulement  ; 
et  il  en  avait  marqué  sa  satisfaction  en  confiant,  aussitôt 
que  possible,  une  autre  besogne  à  son  excellent  collabora- 
teur. ('  J'ai  commencé,  écrit  celui-ci  dans  son  Rapport 
mensuel  du  8  novembre  1887,  linventaire  sommaire  de 
la  série  T.  »  Mais  la  série  T,  aux  Archives  nationales, 
.c'est  le  Séquestre,  c'est-à-dire  l'ensemble  des  papiers  appar- 
tenant à  des  particuliers  ou  à  des  corporations  laïques, 
séquestrés  pendant  la  Révolution  dans  le  département  de 
la  Seine.  Cette  fois,  le  travail  professionnel  était  très  peu 
congruent  à  l'activité  de  l'historien,  d'un  historien  qui 
avait,    dorénavant,  des   plans    arrêtés.     D'autre    part,    ces 


Notice  sur  m.  noËl  valois  61 

plans,  relatifs  à  1" histoire  du  Grand  Schisme,  loblig-eaieni 
à  des  investigations  prolongées  dans  les  dépôts  de  manu- 
scrits, archives  et  bibliothèques,  non  seulement  do  la 
France,  mais  à  Rome  et  dans  tout  l'Occident.  Cependant, 
les  vacances  de  l'archiviste  sont  brèves.  Valois  demanda 
et  obtint,  non  sans  de  légères  difficultés  dont  la  trace  sub- 
siste, un  congé  de  trois  mois  dans  Ihiver  de  1891  pour 
aller  en  Italie.  Mais  il  se  rendit  compté  bientôt  qu'il  fallait 
opter  entre  ses  fonctions  et  ses  projets.  La  tradition  veut 
qu'un  hasard  ait  contribué  à  hâter  sa  résolution  :  il  incombe, 
vous  le  savez  peut-être,  aux  archivistes  des  Archives  natio- 
nales de  transcrire  sur  papier  timbré  les  documents  des 
séries  dont  ils  sont  chargés  lorsque  quelqu'un  en  demande 
expédition  authentique  ;  si  les  documents  sont  courts,  cela 
ne  tire  pas  à  conséquence  ;  mais,  s'ils  sont  longs,  il  faut  les 
copier  tout  de  même  ;  or  le  désagrément  serait  arrivé  à 
Valois,  en  1893,  d'avoir,  comme  un  commis-greffier,  à 
«  expédier  »  un  très  grand  nombre  de  «  rôles  ».  N'atta- 
chons, du  reste,  aucune  importance  à  cette  historiette 
domestique;  car  la  date  de  la  démission,  qui  était  devenue 
inévitable,  de  Valois  est  suffisamment  justifiée  par  le  fait 
que  le  tome  II  et  dernier  de  son  Inventaire  du  Conseil  venait 
précisément  de  paraître  quand  elle  se  produisit.  —  Quoi 
qu'il  en  soit,  sa  lettre  de  démission  est  du  28  octobre  de 
cette  année  :  «  Mon  désir,  disait-il,  est,  en  recouvrant 
plus  de  liberté,  de  me  consacrer  à  des  recherches  qui 
seraient  incompatibles  avec  mes  obligations  actuelles.  » 

Il  renonçait  ainsi  aux  promotions  et  aux  modestes  satis- 
factions qui  échoient  avec  l'âge  aux  serviteurs  de  l'État, 
en  récompense  de  leurs  premières  années  d'épreuve,  les- 
quelles sont  très  longues  chez  nous  :  il  n'a  jamais  été 
«  décoré  ».  Mais  il  ne  renonçait  pas,  du  même  coup,  à  ses 
sentiments  de  fidélité  envers  l'illustre  maison  où  il  avait 
passé  les  plus  belles  années  de  sa  vie  ni  aux  amis  qu'il  y 
avait.  Jusqu'à  la  fin   de   sa   carrière,   c'est-à-dire   pendant 


62  NOTICE   SÙft    M.    NOKI-    VALOtS 

vingL-deux  ans  après  sou  départ  olliciel,  il  est  venu 
presque  réc^ulièrement,  hors  la  saison  des  voyages,  aux 
Archives  nationales,  à  la  table  de  travail  qui  lui  était  résej- 
vée  dans  notre  paisible  bibliothèque.  Tous  les  anciens 
archivistes  agissent  de  même,  soit  dit  eu  passant.  (Qui- 
conque a  été  aux  Archives  y  revient  toujours.  Nos  chers 
confrèreSxMM.  Berger  et  Delaborde  ne  me  démentiront 
pas.  Monachus  extra  coenobinm,  piscis  extra  vivarium  ; 
le  moine  hors  du  monastère,  disait-on  au  moyen  âge, 
c'est  le  poisson  hors  de  l'eau.  Les  Archives  nationales, 
asile  de  tranquillité  studieuse,  sont  peut-être  ce  qui  res- 
semble le  plus,  de  nos  jours,  à  une  abbaye  laïque  :  silence 
presque  conventuel  dans  un  quartier  affairé  ;  réserve, 
courtoisie  et  confraternité  des  hôtes  ;  les  cellules  sont  là 
pour  les  archivistes,  un  peu  tristes  et  démunies  de  la  plu- 
part des  commodités  du  siècle  ;  et  le  cloître  même  ne  fait 
pas  défaut,  dans  la  cour,  pour  la  méditation. 

Voici  maintenant  comment  Valois  tira  parti  de  son 
indépendance  reconquise. 

Après  avoir  publié  plus  d'une  douzaine  de  dissertations, 
dont  quelques-unes  fort  étendues,  sur  des  détails  ou  des 
sources  du  sujet,  il  fit  paraître  en  1896  les  deux  premiers 
volumes  d'un  ouvrage  :  La  France  et  le  Grand  Schisme 
d'Occident,  qui  furent  suivis  de  deux  autres  six  ans  plus 
tard.  Les  quatre  volumes  exposent,  suivant  l'ordre  chrono- 
logique des  faits,  en  mettant  l'accent  sur  la  participation 
de  la  France  à  cet  épisode  international,  l'histoire  de  la 
crise  qui,  commencée  en  1378  par  l'élection  bientôt  con- 
testée de  Barthélémy  Prignano,  prit  fin  par  celle  du  car- 
dinal Golonna  au  Concile  de  Constance  en  1417.  Mais 
l'ébranlement  causé  par  les  événements  de  cette  période 
agitée  s'est  prolongé  jusqu'au  milieu  du  xv''  siècle,  pendant 
les  pontificats  de  Martin  V  et  d'Eugène  IV,  par  des  orages 
plus  violents  encore  dont  Sienne  et   Bàle,  où  siégèrent  les 


NOtiCE    SUR    M.    NOKL    VAtOt^  Ô3 

fameux  conciles,  furent  successivement  le  centre.  L'histo- 
rien du  Grand  Schisme  crut  devoir  compléter  son  œuvre 
jusqu'en  1450;  de  là,  d'autres  livres  :  Histoire  de  la  Prag- 
matique Sanction  de  Bourges  sous  Charles  Vil,  achevée 
en  1906  ;  La  Crise  religieuse  du  XV*^  siècle  ;  Le  Pape  et  le 
Concile,  dont  les  deux  tomes  sont  datés  de  1909.  En  résumé, 
sept  volumes  en  seize  ans,  sans  compter  un  grand  nombre 
d'excursus  publiés  à  part,  dont  on  trouvera  la  liste  à  la  fin 
de  la  présente  notice. 

L'auteur,  encore  jeune  vers  1909,  et  en  possession  gran- 
dissante de  son  talent,  ne  devait  pas  s'en  tenir  là.  Qu'est-ce 
que  le  Grand  Schisme  ?  Une  querelle  au  sujet  de  la  légiti- 
mité respective  entre  deux  papes  élus  l'un  après  l'autre 
par  le  même  collège  de  cardinaux  qui  se  contredit  et  se 
divisa,  et  entre  leurs  successeurs.  Querelle  envenimée  et 
rendue  chronique  par  le  caractère  des  protagonistes  et  par 
la  politique  des  princes.  L'unité  catholiqvie  fut  enfin  ré- 
tablie ;  mais  l'Eglise  universelle,  qui  avait  été  soumise, 
jusque  là  et  depuis  longtemps,  à  un  régime  monarchique 
de  plus  en  plus  oppressif,  avait  eu  l'occasion  d'agir,  dans 
ses  conciles,  en  arbitre  des  prétendants  à  l'autorité  su- 
prême ;  elle  en  avait  profité  pour  imposer,  ou  pour  essayer 
d'imposer,  à  cette  autorité,  afTaiblie  et  déconsidérée  en  fait, 
une  sorte  de  régime  constitutionnel,  représentatif,  parle- 
mentaire. Les  choses  en  étaient  à  ce  point  après  le  Concile 
de  Constance.  —  Qu'est-ce  que  la  phase  suivante,  symbo- 
lisée par  le  duel  entre  Eugène  IV  et  le  Concile  de  Bâle?  Ce 
qui  est  alors  extérieurement,  en  question,  c'est  de  savoir 
si  le  régime  de  Constance  sera  pratiqué  en  effet,  ou  si  la 
monarchie  pontificale,  comme  la  monarchie  française  après 
les  Etats  généraux  de  1356,  reprendra  le  dessus.  Eugène  IV 
n'était  pas  un  homme  conciliant  ;  il  était  de  la  lignée  spiri- 
tuelle de  ces  papes  italiens,  violents,  fantasques  et  sans 
mesure,  à  laquelle  avaient  appartenu  auparavant  Boni- 
face   VIII  et   Urbain  VI.    D'autre  part,    les  Pères  de  Bàle, 


é4  SonCË    SUR    M.    iNOEL    VALOtS 

après  des  succès  illusoires,  tirent  rexpérience  amère,  en- 
core sans  précédent  de  leur  temps,  des  diilicultés  qu'une 
assemblée  quelconque  (que  dire  d'une  assemblée  interna.- 
tionale  ?)  rencontre  nécessairement  à  lutter  contre  une  forte 
autorité  traditionnelle,  lointaine,  soi-disant  légitime,  à 
s'émanciper  d'elle  et  à  gouverner  contre  elle.  Quoiqu'il  se 
soit  révélé  dans  son  sein  des  politiciens,  des  chefs  de  pre- 
mier ordre,  l'assemblée  de  Baie  connut  les  intrigues,  la 
corruption,  les  marchandages,  les  compromis,  la  paralysie 
qui  en  résulte,  les  défections,  le  désarroi,  et  finalement 
combien,  dans  certaines  conditions,  la  synonymie  s'accuse 
vite  entre  parlement  et  pétaudière.  La  grande  guerre  de  la 
papauté  et  du  Concile  finit  donc  par  la  victoire  de  la  pa- 
pauté. Victoire  décisive,  tempérée  seulement,  sous  un  pape 
moins  rude,  dans  la  forme  et  par  l'amnistie  des  chefs  du 
parti  adverse.  —  Mais  quelque  chose  d'essentiel  était  au 
fond  de  la  conscience  des  hommes  de  Constance  et  de  Bâle 
qui,  malgré  leur  défaite  sur  le  problème,  principal  en  appa- 
rence, de  la  supériorité  des  Conciles,  restait  intact  et  inas- 
souvi :  la  volonté  de  réforme.  Si  le  parti  à  tendances  liber- 
taires et  idéalistes  qui  s'était  manifesté  dans  l'Eglise  avait 
combattu  avec  tant  d'énergie  à  Constance  et  à  Bâle  pour  la 
reconnaissance  du  principe  de  la  supériorité  conciliaire, 
c'est  qu'il  comptait  se  servir  ultérieurement  de  la  force 
qu'il  en  aurait  tirée  pour  cette  purification  générale  de  l'Eglise 
«  dans  son  chef  et  dans  ses  membres  »  dont  il  se  berçait 
depuis  des  générations  et  que  la  puissance  conservatrice 
du  Saint-Siège  —  telle  était  du  moins  la  conviction  des 
réformateurs  —  avait  toujours  empêchée  et  entraverait  tou- 
jours. —  Or  "Valois  n'avait  pas  manqué  de  constater,  dans 
son  premier  livre,  que  l'esprit  de  réforme  avait  infiniment 
o-randi  dans  l'Éfflise  à  la  faveur  des  dissensions  pour  ainsi 
dire  dynastiques  du  Grand  Schisme'.  Dans  son  ouvrage  sur 

1.  La  Fiance  et  le  Grand  Schisme,  L.  IV,  p.  508, 


NOTICE    SUR   xM.    NOËL    VALOÎS  68 

Le  Pape  et  le  Concile,  il  avait  tenu  compte,  comme  il  con- 
venait, de  cet  ardent  foyer  subjacent  auquel  s'était  ali- 
mentée l'activité  des  Pères  de  Bàle  dans  leurs  revendica- 
tions de  prééminence  :  c'est  bien  à  tort  qu'il  a  été  naguère 
accusé,  en  Prusse,  par  un  adversaire  rogue  et  brutal,  d'avoir 
négligé,  involontairement  ou  à  dessein,  cette  considération 
capitale  '.  Ainsi,  le  récit  des  dissensions  dynastiques  et  des 
revendications  de  prééminence  enfin  terminé,  s'il  voulait 
(et  c'était  très  tentant)  suivre  jusqu'au  bout  la  courbe  du 
grand  mouvement  qu'il  avait  esquissé  dans  les  sept  premiers 
volumes  de  son  magnum  opus,  il  se  trouvait  encore  au 
seuil  d'une  autre  carrière  à  fournir.  Comment  l'esprit  de 
réforme,  développé  dans  l'Eglise  dès  le  commencement  et 
surtout  à  la  fin  du  xiv®  siècle,  qui  avait  paru  au  xv*  siècle 
sur  le  point  de  triompher,  et  qui  avait  été  alors  matériel- 
lement refoulé  sans  perdre  en  intensité,  comment  cet  esprit 
s'était-il  manifesté  par  la  suite?  L'incendie  de  la  Réforme 
proprement  dite  s'est  propagé  auxvi^  siècle.  Quelques-unes 
de  ses  plus  vives  recrudescences,  en  France,  n'ont  pas 
encore  eu  d'historien.  Noël  Valois  conçut,  vous  voyez 
pourquoi,  le  projet  de  consacrer  la  dernière  partie  de  sa  vie 
à  étudier  la  politique  religieuse  de  la  monarchie  française 
au  siècle  de  la  Réforme,  et  principalement  à  l'époque  oi^i  il 
semble  qu'il  s'en  soit  fallu  de  peu  que  le  gouvernement  de 
Catherine  de  Médicis  se  laissât  aller  à  souffrir  la  propa- 
gande protestante  et  la  soustraction  du  pays  à  l'obédience 
de  Rome. 

Il  était  un  connaisseur  du  xvi''  siècle  depuis  ses  travaux 
préparatoires  à  l'Inventaire  des  arrêts  du  Conseil  d'État 
sous  le  règne  de  Henri  IV.  Il  avait  traité  incidemment 
quelques  questions  particulières,  dans  ce  domaine,  dès 
1885  2,  et  depuis  3.  A  partir  de  1913,  les  monographies  qui 

1.  J.  Haller,  dans  VHislorische  Zeitschrift,  t.  CX  (1913),  p.  339. 

2.  Bibliographie,  n°  IS  ;  cf.  n"  21. 

3.  Ib.,  n"  83.  • 

1918  = 


66  is'OtiCt;    SUR    M.    NO  El,    VALOIS 

ont  trait  à  riiistoire  Feligieuse  du  xvi'=  siècle  vn  Franco 
commencent  à  se  multiplier  dans  son  bag-age^,  sig'ne  cer- 
tain, d'après  les  précédents,  pour  qui  est  au  courant  de  sa 
méthode  ordinaire,  qu'il  a  entrepris  un  grand  travail  de  ce 
côté-là.  Ce  grand  travail,  Messieurs,  votre  confrère  est 
mort  prématurément  avant  dV  avoir  mis  la  dernière  main. 
Mais  il  a  laissé  à  sa  famille,  qui  a  bien  voulu  me  le  com- 
muniquer, le  manuscrit  presque  complet  d'un  ouvrage 
intitulé  (il  hésitait  encore  sur  le  libellé  définitif  du  titre)  : 
Les  luttes  religieuses  ou  La  politique  religieuse  en  France 
sous  Charles  IX.  Ce  livre,  très  considérable,  est  conçu  tout 
à  fait  dans  la  même  forme  que  La  France  et  le  Grand 
Schisme  et  que  Le  Pape  et  le  Concile,  c'est-à-dire  qu'il  pré- 
sente la  narration  continue  des  événements,  année  par 
année,  et  presque  mois  par  mois,  depuis  décembre  1560 
jusqu'au  lendemain  de  la  Saint-Barthélémy.  Je  suis  bien 
aise  d'annoncer  ici  qu'il  ne  sera  pas  perdu  pour  le  public  : 
les  soins  pieux  d'un  fds  accompli,  très  bien  préparé  pour 
procéder  à  une  revision  nécessaire  par  ses  études  person- 
nelles à  l'École  des  Chartes,  le  mettront,  aussitôt  après  la 
guerre,  en  état  d'être  publié-. 

L'œuvre  principale  de  Valois  s'ordonne  de  la  sorte  en 
trois  masses  distinctes  et  contiguës,  dont  la  dernière  arche 
seule  est  inachevée.  11  me  reste  à  dire  que,  à  mesure  qu'elles 
s'étaient  élevées,  les  premières  assises  avaient,  naturelle- 
lement,  attiré  votre  attention.  Il  y  a,  dans  le  monde  des 
études  savantes  d'histoire,  et  en  particulier  dans  celui  des 
études  relatives  à  l'histoire  ancienne  de  notre  pays,  une 
justice  dont  votre  Compagnie  est  l'instrument.  L'Académie 
des  inscriptions   et  belles-lettres   avait  déjà    décerné    une 


1.  Bihiiorjraphie,  n"'  101.  108,  110,  111. 

2.  La  dissertation  sur  l'incident  de  Vassy,  pavue  dansV Annuaire-Bulletin 
de  Ia  Société  de  V histoire  de  France,  1013,  pp.  189-235,  est  le  seul  frag-ment 
de  l'ouvrage  que  l'auteur  ait  voulu  imprimer  par  avance. 


Notice  sur  m.  no  kl  valoIs  67 

de  ses  plus  hautes  récompenses,  en  1889,  à  l'auteur  des 
travaux  sur  Le  Conseil  du  Roi  ;  elle  la  lui  conféra  une  se- 
conde fois  en  1896  pour  La  France  et  le  Grand  Schisme  ; 
l'année  même  où  ce  livre  fut  terminé,  en  1902,  elle 
l'accueillit  enfin  au  nombre  de  ses  membres  en  remplace- 
ment de  M.  Jules  Girard.  L'ayant  de  la  sorte  mis  hors 
concours  à  l'âge  de  quarante-sept  ans,  il  n'était  plus  guère 
en  votre  pouvoir  de  l'honorer;  c'était  à  lui  de  vous  faire 
honneur  désormais,  et  il  n'y  manqua  pas.  Mais  la  vacance 
produite  par  la  mort  de  Gaston  Paris  dans  votre  Gonmiis- 
sion  de  l'Histoire  littéraire  de  la  France  vous  procura  pour- 
tant, dès  1903,  l'occasion  d'un  nouveau  témoignage  de 
confiance,  d'autant  plus  précieux  que  le  hasard  vous  a  rare- 
ment permis  de  le  donner  à  des  hommes  aussi  jeunes  que 
Valois  l'était  alors.  Ge  choix,  survenu  en  de  telles  circons- 
tances, proposa  à  l'historien,  comme  un  devoir,  la  culture 
d'un  champ  où  nous  avons  vu  qu'il  avait  d'abord  essayé 
ses  forces,  spontanément,  au  temps  de  ses  travaux  de  jeu- 
nesse sur  Guillaume  d'Auvergne  et  sur  le  cursus  dans  la 
prose  latine  du  moyen  âge,  et  où  il  n'avait,  du  reste,  jamais 
cessé  de  se  rendre  utile,  car  il  y  a,  dans  les  notes  de  ses 
grands  ouvrages  narratifs  sur  l'histoire  de  l'Église,  beau- 
coup de  renseignements  inédits  sur  les  écrits  des  contro- 
versistes  de  la  seconde  moitié  du  xiv^  et  de  la  première 
moitié  du  xv''  siècle,  dont  les  continuateurs  de  V Histoire 
littéraire  auront  à  faire  leur  profit,  quand  ils  en  seront  là. 
Depuis  1903,  votre  confrère  mena  donc  de  front  ses  travaux 
personnels  avec  ses  travaux  académiques,  comme  il  les 
avait  conciliés  autrefois  avec  ses  travaux  professionnels,  et 
on  ne  saurait  trop  admirer  que,  cette  fois,  il  ait  pu  porter 
jusqu'à  la  fin  le  double  faix  sans  fléchir. 

\J Histoire  littéraire  de  la  France^  commencée  par  les 
Bénédictins,  que  l'Académie  continue  depuis  1808  par  une 
Gommission  de  quatre  membres,  est  une  construction 
magnifique  et  singulière.  Les  Bénédictins  avaient  expédié 


6g  NOtICË   StJR  M.    NOËL   VALOIS 

en  trente  ans  douze  volumes,  qui  vont  rondement  des-  on- 
o-ines  à  l'amorce  du  xn''  siècle  (ils  n'ont  plus  beaucoup  de 
valeur).  La  galerie  des  écrivains  du  xui^  siècle  fut  considérée 
comme  close  avec  le  tome  XXIII  (publié  en  1856).  Celle  des 
écrivains  du  xiv*  siècle  fut  inaugurée,  avec  le  tome  XXIV, 
en  1862.  Lorsque  Valois  fut  adjoint,  en  1903,  à  MM.  De- 
lisle    Me  ver  et  VioUet,  on  en  était  au  tome  XXXIIl,  mais 
toujours  au  temps  des  derniers  Capétiens  directs.  Et  on  en 
est  aujourd'hui  au  tome  XXXV,    sans  avoir  notablement 
dépassé,    en    cinquante-cinq    ans,    le    premier   quart    d'un 
siècle  qui  ne  fut  cependant  pas  comparable  en  éclat,  sinon 
en  fécondité  littéraire,  aux  périodes  précédentes.  Le  public 
du   dehors    aurait  tort,  toutefois,  d'en  sourire,  comme  du 
Dictionnaire  de  Pénélope.    En  effet,    si   l'œuvre  collective 
coûte,  de   nos  jours,  beaucoup   plus   de   temps   que  jadis, 
malo-ré  la  facilité   accrue    des   informations,    ou  plutôt  en 
raison    de    cette    facilité    même,    elle    gagne    d'autant   en 
valeur  durable.  Il  est    naturel  que   le   progrès   se  marque 
d'une  manière  paradoxale,   en  ces  matières,  par  un  ralen- 
tissement  de  Tallure.    —  Quoi   qu'il    en    soit,  Valois    fut 
nommé  à    un  moment  très   propice,  et  pour  lui-même   et 
pour   l'œuvre.    Pour  l'œuvre,    car,   quoiqu'il   eût    succédé 
dans  la  Commission  à  Gaston  Paris,  sa  compétence  le  dési- 
gnait clairement  pour  y  prendre  la  suite  des   enquêtes  sur 
les  scolastiques,  à  peu  près  abandonnées  depuis  la  dispa- 
rition  d'Hauréau.    Pour    lui-même,    car   les   rédacteurs  de 
V Histoire  littéraire  sont  astreints  par  la  discipline  de  l'en- 
treprise à  suivre  l'ordre  des  temps,  et  il  se  trouvait  par  for- 
tune que  l'ordre  des  temps  amenait  à  mettre  en  chantier,  à 
ce  moment,  les   notices   sur  des   auteurs  dont   le   nouveau 
collaborateur,  s'il  eût  été  absolument  libre  de  marquer  ses 
préférences,  aurait   sans    doute    souhaité   d'avoir  à    parler 
entre  tous  :  Jean  de  Jandun  et  Marsile  de  Padoue,  Jean  de 
Pouilli.    le   pape   Jean  XXII.  Il  a    rédigé  dans   les  tomes 
XXXIIl  et  XXXIV  plusieurs  autres  notices  excellentes  sur 


NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  69 

des  personnages  de  second  plan,  comme  Pierre  Auriol, 
GuUlaume  de  Sauqueville,  etc.,  et  justice  k  cet  égard  lui 
sera  pleinement  rendue,  suivant  l'usage,  en  tête  du  premier 
volume  de  V Histoire  qui  paraîtra  après  sa  mort.  Mais  il 
faut,  même  ici,  dans  cette  revue  générale  et  rapide,  sou- 
ligner la  haute  distinction  des  trois  monographies  précitées. 
Jean  de  Jandun,  Marsile  de  Padoue,  Jean  de  Pouilli, 
hommes  originaux,  hardis  et  vivants,  précurseurs  authen- 
tiques de  ceux  du  Concile  de  Bâle  et  des  théologiens  au 
service  des  princes  du  xv^  et  du  xvi°  siècle,  figures  aupa- 
ravant indistinctes  et  désormais  cernées  de  traits  précis.  Le 
portrait  en  pied  de  Jean  XXII  est  inoubliable  :  le  bizarre 
et  impétueux  vieillard  est  campé  là  pour  la  postérité. 

Voilà,  Messieurs,  l'œuvre  de  votre  confrère,  en  ses 
grandes  lignes.  En  voilà  la  consistance,  et,  je  crois,  l'en- 
chaînement. Je  n'esquiverai  pas  la  difficulté  d'en  caracté- 
riser aussi  l'esprit. 

Noël  Valois  était  à  la  fois  un  savant  et  un  artiste.  Il 
avait  deux  manières.  Lorsqu'il  s'agissait  de  résoudre  un 
problème  défini  ou  de  dissiper  sur  un  point  le  brouillard 
de  l'incertitude,  son  tempérament  d'artiste  ne  se  marquait 
que  par  l'exquise  sobriété  de  la  démonstration,  comme  l'on 
peut  voir  surtout  dans  ses  notices  mineures  de  V Histoire 
littéraire.  Mais  il  avait  aussi  le  goût,  qui  coexiste  rarement, 
comme  chez  lui,  avec  le  don  de  la  rigoureuse  exactitude 
scientifique,  des  fresques  d'ensemble,  où  la  personnalité  de 
l'exécutant  se  traduit  toujours,  quelque  contrôle  qu'il 
exerce  sur  soi  pour  ne  viser  qu'à  l'expression  correcte  de  la 
vérité.  Voyez,  par  exemple,  sa  notice  sur  Jacques  de  Thé- 
rines^  ;  auparavant,  on  ignorait  tout  de  ce  personnage  du 
temps  de  Philippe  le  Bel,  même  son  nom  ;  on  sait  désormais 
ce   qu'il  fut,  la  liste  de  ses  écrits,  la  nature  de  son  rôle; 

1.  Histoire  litléraire,  t.  XXXIV,  p.  179. 


70  NOTICE    SI;H    m.    NOËL    VALOIS 

dans  cette  notice,  où  tout  est  neuf,  pas  un  mot  de  trop,  et 
rien,  semble-t-il,  qui  puisse  être  autrement;  le  sentiment 
qu'en  procure  la  lecture  est  de  satisfaction  sans  réserve. 
Mais  l'histoire  du  Grand  Schisme  et  des  conflits  entre  les 
Papes  et  les  Conciles,  entre  catholiques  et  protestants,  ce 
sont  des  tableaux  trop  vastes  pour  qu'il  soit  possible  de  les 
concevoir  complets,  et  qui  sont  nécessairement  «  com- 
posés »,  arrangés,  colorés.  Or  il  n'y  a  pas  d'omissions,  de 
raccourcis,  d'agencements  ni  de  teintes  ou  de  demi-teintes 
littéraires  dont  l'à-propos,  voire  l'intention,  ne  puissent 
être  contestés  ou  suspectés,  surtout  si  les  sujets  traités 
sont,  comme  dans  l'espèce,  de  ceux  qui  ont  encore  le  pri- 
vilège d'intéresser  à  quelque  degré  l'esprit  de  parti.  Il  faut 
donc  s'attendre,  lorsqu'on  a  l'ambition  d'  «  écrire  l'histoire  » 
dans  ces  conditions,  à  des  procès  de  tendance  dont  les  purs 
érudits,  qui  ne  s'occupent  que  de  faits  relativement  infini- 
tésimaux, ont  le  privilège  d'être  exempts. 

Comme  il  était  notoire  que  Valois  avait  sur  certaines 
questions,  par  tradition  de  famille  et  par  conviction  per- 
sonnelle, une  attitude  très  ferme,  la  critique,  éveillée  par 
avance,  n'a  pas  manqué  de  rechercher_,  en  effet,  dans  ses 
grandes  compositions,  la  trace  de  ses  penchants  person- 
nels. Et  il  a  cru  devoir  répondre,  par  deux  fois,  au  com- 
mencement et  à  la  fin  de  sa  carrière,  à  des  contradicteurs 
qui  l'avaient,  à  cet  égard,  mis  sur  la  sellette  i.  Il  l'a  fait, 
non  seulement  avec  une  dignité  parfaite,  mais  d'une 
manière  touchante,  en  prenant  la  peine  de  relever  lui- 
même  dans  ses  propres  ouvrages  les  passages  où  il  avait 
condamné  expi-essément  d'anciens  abus  dont  on  avait 
prétendu  que  l'apologie  était,  plus  ou  moins,  instinctive 
et  latente  au  fond  de  sa  pensée.  Il  était  tellement  en  garde 
contre  les  incriminations  analogues,  qu'il  prévoyait  sans 
doute,   que,    dans  son   ouvrage   inédit  sur  les   luttes  reli- 

1.  Revue  historique,   t.    XXI    (18S3),  p.    40]   ;    Historische    Zeitschrifl , 
I.  CXI  {\9)3\  p,  S.-^R, 


NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  71 

gieuses  au  temps  de  Charles  IX,  il  a  balancé,  dans 
chaque  chapitre,  avec  des  scrupules  minutieux,  le  récit 
alterné  des  excès  et  du  martyrologe  respectifs  des  deux 
partis  en  présence.  —  Je  dois  dire,  quant  à  moi,  après  avoir 
lu  ou  relu  avec  attention  les  dix  ou  douze  volumes  qu'il  a 
laissés  sur  des  sujets  perpétuellement  brûlants,  que,  à 
mon  sens,  les  défiances  dont  il  était  et  dont  il  se  savait 
l'objet  n'étaient  pas  fondées.  Sans  doute,  dans  Le  Pape  et 
le  Concile^  il  a  pris  parti  pour  le  Pape,  sinon  pour 
Eugène  IV,  et  contre  le  Concile  ;  il  est  aisé  de  s'aperce- 
voir que,  s'il  avait  vécu  au  xv**  siècle,  il  n'aurait  été,  à 
Bâle,  ni,  au  début,  de  la  suite  du  cardinal  Cesarini  ;  ni, 
sur  les  fins,  parmi  les  partisans  de  celui  qu'il  appelle 
«  l'éloquent,  généreux  et  redoutable  cardinal  Aleman  ». 
Mais  sa  préférence  nullement  dissimulée  en  faveur  du 
principe  d'autorité  ne  l'empêche  jamais  d'indiquer  le 
pour  et  le  contre,  lorsqu'il  est  conduit  à  «  juger  ».  Et 
d'ailleurs,  qu'il  ait  eu,  comme  il  l'eut  certainement,  la 
volonté  d'être  impartial,  il  n'y  a  pas  à  l'en  louer,  puisque 
c'était  un  devoir  élémentaire.  Mais  il  faut  reconnaître 
qu'il  atteignait  sans  effort  ce  niveau  d'intelligence  où  les 
hommes,  quels  que  soient  leurs  partis-pris  fondamentaux, 
se  rencontrent  et  se  réconcilient  dans  le  sentiment  et 
l'aveu,  dans  la  sérénité  du  vrai. 

Il  est  hors  de  doute,  pourtant  que  Valois,  comme  ses 
ancêtres,  les  peintres  de  la  cour  de  Louis  XV,  avait  un 
fonds  de  solidité  traditionnelle,  plus  de  sagesse  et  de 
talent  que  d'originalité  et  de  génie  révolutionnaires,  et, 
en  général,  des  dispositions  conservatrices.  Mais  c'est  là 
une  manière  d'être  qui  en  vaut  une  autre  et  qui  doit  être 
représentée  pour  l'équilibre  de  l'activité  intellectuelle 
totale.  Après  tout,  l'inquiétude  toujours  en  quête  de 
subversions  dans  le  présent,  de  points  de  vue  singuliers, 
de  reconstructions  et  de  réhabilitations  dans  le  passé,  est 
un  ferment  "nécessaire,  mais  si  virulent  que  le  scepticisme 


72  NOTICE    SUR    M.    NOiÉL    VALOIS 

expectant,  et  légèrement  ironique,  à  Tendroit  des  nou- 
veautés à  fracas,  et  le  respect  des  choses  jugées,  en  sont 
parfois  le  vaccin.  Valois  avait  ce  scepticisme  et  ce  res- 
pect (provisoires,  bien  entendu).  11  a  eu  plus  d'une  fois 
l'occasion  de  le  montrer,  notamment  à  pix)pos  de  l'affaire 
d'IIug-ues  Géraud,  évêque  de  Cahors  au  temps  de 
Jean  XXII,  et  à  propos  du  procès  de  Gilles  de  Rais  en 
1440.  J'avais  cru  m'apercevoir  naguère,  clair  comme  le 
jour,  que  cet  évêque,  d'ailleurs  peu  sympathique,  avait 
été  victime  d'une  machination  à  la  fois  puérile  et  féroce, 
comme  il  est  bien  établi  qu'il  y  en  eut  plus  d'une  au  com- 
mencement du  xiv*^  siècle  ;  M.  Salomon  Reinach  avait 
entrepris  de  son  côté  la  revision  du  procès  de  Gilles  de 
Rais,  le  compagnon  de  Jeanne  d'Arc,  perdu  par  une  énorme 
accusation  de  sadisme.  Cependant,  Valois,  ayant  eu  à 
s'occuper  de  l'affaire  d'Hugues  Géraud  pour  son  article 
sur  Jean  XXII',  tout  en  constatant  «  dans  l'affaire  des 
circonstances  troublantes,  qui  rendent  la  procédure  assez 
suspecte  »,  se  refusa  à  admettre  chez  les  juges  ecclésias- 
tiques de  Tévêque  «  un  tel  degré  d'impudence  »  ;  il  con- 
clut par  un  non  liquet,  ((  dans  l'état  actuel  des  connais- 
sances ».  En  ce  qui  touche  Gilles  de  Rais,  il  s'engagea, 
contre  son  habitude,  dans  une  polémique  en  règle-  et 
se  prononça  formellement  pour  le  rejet  de  la  demande  en 
revision  introduite  par  son  confrère.  «  Nous  voudrions 
voir  discuter,  dit  alors,  de  la  galerie,  un  historien  attentif 
à  cette  controverse,  la  thèse  de  M.  Reinach  [et,  sans 
doute,  la  réplique  de  M.  Valois]  par  des  médiévistes 
compétents,  par  M.  Langlois^.,.  »  Cet  historien  savait 
qu'il  m'a  été  donné  de  considérer  de  près,  à  une  époque 
d'ailleurs    antérieure   de    plus    de    cent   ans   au    règne   de 

1.  Histoire  littéraire,  t.  XXXIV,  p.  411. 

2.  Le  procès  de  Gilles  de  Rais,  dans  ï Annuaire- Bu lletin  de  la  Société  de 
V histoire  de  France,  1912. 

3.  Cité  par  S.  Reinach,  Cultes,  mythes  et  religions,  t.  IV,  p.  296. 


NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  73 

Charles  VII,   plusieurs  cas  analogues.   Répondrai-je  à  cet 
appel,    aujourd'hui    que    les    circonstances    semblent    m'y 
inviter?  Assurément  non,  car  il  faudrait  du  champ.  Je  me 
contenterai  d'observer  que   les   affaires   d'Hugues   Géraud 
et   de   Gilles   de   Rais  ont  entre  elles  cette  analogie  pro- 
fonde —  la(|uelle  n'oblige  point,   du  reste,   à  des  conclu- 
sions identiques  —  que,   dans  les    deux  cas,   il  faut  sup- 
poser chez   les  accusateurs,    si  les  accusés   ne   sont    pas 
coupables,    un    degré   d'impudence    qui   paraît   invraisem- 
blable   à    notre    époque,    et    que    l'argument    le   plus   fort 
contre   les   accusés   est,    ici   et    là,   l'abondance,    l'effusion 
déconcertante     de    leurs     aveux.    «    Les    accusés   ne    se 
résignent   pas    d'ordinaire,    a-t-on    déclaré    de    nos    jours 
dans  la  discussion   du  premier  procès,   à  une  attitude  si 
désarmée,   si  désespérée,    à  moins  que  l'évidence  de  leur 
crime  ne  leur  permette  point  d'en  choisir  d'autre.  »  Et  on 
a  dit  de   même,  dans  la  discussion  du  second  :  «   Un  tel 
abattement  résigné  paraît  inexplicable,  à  moins  que,  réel- 
lement, Gilles  ne  fût  écrasé  par  la  divulgation  et  la  preuve 
surabondante  de  ses  crimes.  »  Hélas  !  hélas  !  tant  d'inno- 
cents dont  l'innocence   est   démontrable   par  ailleurs   ont 
préféré  en  ce  temps-là  les  mensonges  de  l'espèce  la  plus 
déshonorante  à  la  certitude  de  la  mort,  ou  même  la  mort 
certaine,  mais  prompte,  à  l'horreur,  voire  à  la  perspective 
des     tourments  !     Ces     phénomènes     psychologiques,     si 
pitoyables,    gardons-nous    d'en    exclure   la    vraisemblance 
par  l'application  a  priori  d'aphorismes  généraux.  Quant  à 
la  scélératesse  des  combinaisons  organisées  jadis,  suivant  . 
un    scénario    toujours    pareil,    pour    perdre    ceux    dont   la 
perte  était  décidée  en  haut  lieu,  et  pour  donner  le  change 
à  l'opinion  publique,  j'avoue    qu'elle   est  diabolique.   Son 
triomphe    est    justement    de    tromper    encore    d'honnêtes 
gens,    très   éclairés,    à   cinq   ou   six   siècles    de   distance. 
Niera-t-on  cependant  que  soit  possible  certain  dosage  bar- 
bare de  perfidie,  d'impudence  et  de   brutalité  dont  nous 


7i-  NOTICE    SUR    M.    NOËl.    VALOIS 

avons  vu  de  nos  jours  réquivaleni  réalisé  en  grand-  et 
employé  de  nouveau,  avec  acharnement,  contre  quiconque 
—  hommes  et  nations  —  faisait  obstacle  à  leurs  intérêts 
ou  à  leurs  passions,  par  les  chefs  d'un  grand  peuple? 

Revenons  à  la  biographie  de  Tauteur  de  tant  de  beaux 
livres,  écrits  avec  une  conviction  profonde  et  un  cœur  pur. 
Elle  est  presque  achevée,  du  reste  ;  car  ces  livres,  que  j'ai 
énumérés,  sont  les  principaux  épisodes  de  la  vie  publique 
de  Valois.  Il  ne  comporte  pas  d'anecdotes,  le  récit  de 
cette  vie  grave  et  unie,  écoulée  tout  entière  dans  le  travail, 
dont  on  ne  peut  que  s'étonner  qu'ayant  été  relativement  si 
courte,  elle  ait  suffi  à  tant  d'œuvres. 

Elle  n'y  a  suffi  que  grâce  à  une  sévère  économie  du 
temps  et  à  l'aménagement  rationnel  de  l'effort.  Mais,  avant 
de  parler  des  règles  que  Valois  s'était  imposées  à  cet  égard, 
il  me  faut  encore  indiquer  combien  il  était  libéral  de  ce 
temps,  dont  il  savait  le  prix,  dans  l'intérêt  des  études  en 
général  et  pour  les  fonctions  académiques. 

Il  avait  été  élu  membre  résidant  de  la  Société  nationale 
des  Antiquaires  de  France  en  décembre  1896,  où  il  était 
assidue  II  fut  président  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris 
et  de  rile-de-France  en  1902  2,  président  de  la  Société  de 
l'École  des  Chartes  en  1906-1907,  membre  des  deux  Com- 
missions de  publication  et  du  Conseil  de  perfectionnement 
de  cette  École  3.  Il  avait  accepté  en  1908  l'honorable,  mais 
très  lourde  charge  de  remplacer  Arthur  de  Boislisle  comme 
-  secrétaire,  c'est-à-dire,  en  réalité  comme  directeur  de  la 
Société  de  l'Histoire  de  France  (dont  il  était  déjà  secrétaire- 
adjoint  depuis  1885'*).  Vous  l'avez,  suivant  l'usage,  nommé 

1.  Voir   Société    nationale    des    Antiquaires   de    France,    Discours    de 
M.  Paul  Girard,  prcsidenl  sortant,  5  janvier  1916. 

2.  Bulletin  de  la  Société  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France,  1016,  pp.  18-20. 

3.  Bibliothèque  de  V École  des  Chartes,  1915,  pp.  395-601. 

4.  Annnairp-Bvlh'tin  de  la  Société  de  Vhistoire  de  France,  1916,  p.  62. 


NOTICE    SUR    M.    NOËL    VALOIS  73 

président  de  cette  Académie  dix  ans  environ  après  son 
élection,  en  1913,  année  où  le  président  de  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres  était  en  même  temps 
celui  de  l'Institut  tout  entier.  Tout  le  monde  ma  assuré 
que  sa  situation  personnelle  avait  beaucoup  grandi  parmi 
vous  dans  l'exercice  de  cette  magistrature,  où  il  vous  fut 
donné  d'éprouver  plus  que  jamais  la  rectitude  de  ses  avis, 
l'agrément  de  sa  parole,  son  zèle  et  sa  bonne  grâce. 

Je  n'omettrai  pas  enfin,  il  n'aurait  pas  voulu  que  fût 
omise,  dans  la  nomenclature  des  associations  et  des  com- 
pagnies entre  lesquelles  sa  sollicitude  se  partageait,  la 
Société  bibliographique.  M.  Paul  Fournier  a  écrit  :  «  Il 
appartenait  à  cette  Société  depuis  1859  ;  il  y  avait  ren- 
contré l'historien  de  l'Eglise  de  France  sous  Louis  XIV  et 
Louis  XV,  M.  Charles  Gérin,  à  la  fille  duquel  un  lien  très 
doux,  trop  tôt  brisé  par  la  mort,  devait  l'unira  »  C'est  à 
M.  Fournier  que  je  dois  aussi  de  savoir  que  Valois  s'inté- 
ressa à  la  création  de  la  Bévue  d'histoire  de  lÉglise  de 
France,  publiée  depuis  1912  sous  la  direction  de 
MM.  Victor  Carrière  et  Albert  Vogt,  et  qu'il  en  suivait  le 
progrès  avec  autant  de  plaisir  que  d'attention. 

Telles  ont  été  les  récréations  sociales  de  votre  confrère, 
qui  s'harmonisaient  si  bien  avec  ses  études  personnelles. 

Ceux  qui  l'ont  le  mieux  connu  m'ont  parlé  du  régime 
qu'il  avait  adopté  de  bonne  heure  pour  s'acquitter  comme 
il  fit  de  toutes  ses  obligations.  —  Et  d'abord  il  a  toujours 
vécu  dans  un  cadre  parfaitement  approprié.  La  maison 
qu'il  habitait  à  Paris,  dans  l'ombre  de  l'église  abbatiale  de 
Saint-Germain-des-Prés  (rue  de  l'Abbaye,  n"  13),  appar- 
tenait à  sa  famille  depuis  longtemps.  Il  s'y  trouve  des 
parties  du  xvii^  siècle,  qui  dépendaient  à  cette  époque, 
d'après  les  plans  insérés  dans  V Histoire  de  Vahhaye  royale 
de  Saint-Germain...,  par  dom  Bouillart,  de  la  bibliothèque 
conventuelle.  Le  cabinet  où  Valois  avait  installé  ses  livres 

1.  Biilk'dn  (le  la  Société  bibliographique,  l'.)16,  p.  21. 


76  NOTICE    SUR   M.    NOËL    VALOIS 

et  son  laboratoire  avait  été  jadis,  très  probablement,  une 
des    dépendances    de    la    bibliothèque    fréquentée    par    les 
premiers  membres  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur,  dom 
Menard,  dom  Grégoire  Tarisse,  dom  Jean-Luc  d'Achery. 
Il  l'avait  décoré,  conmie  lovite  sa  demeure,  avec  une  sim- 
plicité somptueuse  que  la  plus  grande  fortune  n'aurait  pu 
égaler  :  avec  de  beaux  portraits  de  famille,  dus  aux  émules 
de    ses  ancêtres    (comme   Perronneau),   et  à   ses   ancêtres 
eux-mêmes.  En  face  de  lui,  quand  il  était  à  sa  table,  un 
bel  ouvrage  de  fra  Angelico,  qui  lui  avait  été  réservé  lors 
de  la  dispersion  des  collections  de  son  oncle  par  alliance, 
l'amateur  Charles  Timbal.  Ce  précieux  panneau,  qu'il  a  fait 
reproduire  dans  le   Recueil   de   mémoires  publié  en   1904 
pour  le  Centenaire  de  la  Société  nationale  des  Antiquaires 
de   France',   représente,   au  pied  de  la  croix,   le   cardinal 
Juan    de    Torquemada,    surnommé   «    le    Défenseur   de   la 
Foi  »,  un  des  principaux  tenants  de  la  cause  pontificale 
au  Concile  de  Bâle,   dont  il  est  souvent  question  dans  Le 
Pape  et  le  Concile.  C'est  dans  ce  milieu  propice,  ou  dans 
son   domaine    familial   de    Lestiou,    en    Loir-et-Cher,    que 
Valois    écrivait   ses    livres,    après    en    avoir    recueilli    les 
matériaux  dans  les  grands  dépôts  de  manuscrits,  à  travers 
l'Europe.  A  Paris,  j'ai  déjà  dit  qu'il  ne  se  passait  guère  de 
semaine   sans  qu'il   allât  se   ravitailler  plusieurs   fois   aux 
Archives  nationales.  11  y  allait  par  la  promenade  des  quais, 
d'où  Ton  jouit,   en   tout  temps,   d'incomparables  jeux  de 
lumière.   Des   /archives  on    entend    sonner   les    heures   au 
clocher  des  Blancs-Manteaux,  autre  église  des  Mauristes, 
ancien  séjour  de  dom  Rivet  et  des  premiers  collaborateurs 
de  YHistoif'e  littéraire  ;   il   y  retrouvait  aussi   la    tradition 
bénédictine.    Et   il   y    en   donnait    l'exemple.    Ses    anciens 
collègues,  qu'il  saluait  toujours  à  la  rencontre  avec  affabi- 
lité, ne  l'y  ont  jamais  vu  perdre  le  temps  en  conversations 

1.  Bihlioffraphie,  n°  72. 


Notice  sur  m.  noel  valois  77 

oiseuses.  11  respectait  trop  pour  cela  le  labeur  d'autrui,  et 
le  sien  ;  et  tel  était  l'ascendant  de  son  application  tran- 
quille que  nul,  m'a-t-on  assuré,  n'eût  osé  le  déranger  par 
des  paroles  inutiles.  —  Chaque  soir,  après  le  cercle  de 
famille  oii  il  se  délassait  de  la  récolte  du  jour,  notamment 
par  des  lectures  à  haute  voix  auxquelles  il  excellait  dans 
l'intimité,  il  classait  et  rédig-eait  encore  jusqu'à  une  heure 
avancée.  C'est  ainsi  qu'il  a  vécu  jusqu'à  soixante  ans.  Vous 
savez  qu'il  fut  frappé,  à  cet  âge,  le  11  novembre  1915,  en 
pleine  possession  de  lui-même  et  presque  sans  avertis- 
sement. 

Rien  de  plus  significatif,  Messieurs,  que  la  parfaite 
concordance,  non  concertée,  des  discours  improvisés  à 
l'occasion  de  ses  obsèques  par  des  hommes  très  différents  ; 
tous,  sur  le  même  mode,  firent  entendre,  pour  ainsi  dire, 
la  même  note,  au  même  diapason.  Il  est  clair  que  Valois 
avait  produit  la  même  impression  sur  tous  ceux  qui  avaient 
été,  plus  ou  moins,  de  près  ou  de  loin,  en  relations  avec 
lui  et  que  chacun  avait  la  même  qualité  d'estime  —  de 
respect  —  pour  son  caractère,  ainsi  que  pour  son  talent. 
Ayant  à  exprinier  ici,  en  finissant,  mon  sentiment  propre, 
je  m'aperçois,  naturellement,  qu'il  est  conforme  à  celui  des 
orateurs  qui  se  sont  acquittés  avant  moi  d'une  tâche 
pareille. 

Il  me  semble  que  je  ne  saurais  mieux  condenser  ma 
pensée,  et  celle  de  tous,  sur  Noël  Valois,  qu'en  disant 
qu'il  fut  un  gentilhomme.  Ce  beau  mot  a  perdu  dans  notre 
langue  un  peu  de  la  plénitude  du  sens  qui  se  conserve 
dans  l'acception  la  plus  élevée  de  l'anglais  gentleman. 
L'honnête  homme,  simple,  discret,  loyal,  ferme,  volon- 
taire, d'humeur  égale,  avec  les  qualités  qui  étaient  au 
moyen  âge  prisées  chez  nous  par-dessus  tout  :  la  mesure 
(rien  de  trop  ni  de  trop  peu),  la  courtoisie,  et  une  certaine 
réserve,  qui  sont  des  défenses  très  efficaces  de  la  vie  inté- 
rieure contre  les  atteintes  du  dehors.  Manière  d'être  anti- 


'ÎS  Notice  sur  m.  nckl  VALotsi 

thétique  de  celle  qui  nest  aujourd'hui  et  n'a  sans  doute 
toujours  été  que  trop  commune  :  la  manière  d'être  osten- 
tatoire, encombrante,  vulgaire,  familière,  avide,  excessive, 
déséquilibrée.  C'est  suivant  cette  ligne  de  partage,  et  non 
d'après  les  diiîérences  accessoires  de  milieu,  d'éducation, 
de  tradition  et  de  parti,  que  doit  se  faire  normalement  la 
distinction  profonde  entre  les  hommes  :  entre  le  type  noble 
de  l'espèce  et  celui  qui  ne  Test  pas.  La  noblesse  naturelle 
de  Valois  était  manifeste  au  premier  abord  comme  à  la 
longue. 

Il  y  a,  d'ailleurs,  entre  les  individus  bien  nés,  des 
nuances  innombrables.  Deux  épithètes  se  présentent  pour 
qualifier  celui  dont  nous  parlons  -:  c'était  un  gentilhomme 
français,  c'était  un  gentilhomme  chrétien. 

Il  était  Français  comme  sa  race,  Français  comme  son 
nom.  Je  me  demande  si  je  l'ai  assez  laissé  entendre.  Que 
ceux  qui  ne  l'ont  point  connu  ne  se  figurent  pas,  d'après 
ce  que  j'ai  dit  de  lui,  un  de  ces  érudits  engouffrés  dans 
leurs  études,  qui  traversent  la  vie  comme  des  boeufs  en 
appuyant  du  front  sans  relâche  pour  retourner  la  glèbe  du 
passé.  Nul  ne  fut  plus  indemne  de  travers  et  de  ridicules 
professionnels.  Il  était  ouvert  et  gai.  Il  avait  de  la  grâce  et 
de  la  sensibilités  II  aurait  été  redoutable  à  la  sottise  qui 
s'ignore  et  à  la  suffisance  qui  s'étale,  s'il  avait  voulu  :  il 
l'a  fait  voir  dans  quelques  écrits  de  sa  jeunesse  ;  et  vous 
n'avez  pas  oublié  ces  yeux  lumineux,  ce  beau  sourire, 
cette  physionomie  spirituelle.  II  ne  ressemblait  pas  du  tout 
à  Voltaire^  grand  Dieu  !  Mais,  si  je  ne  m'abuse,  il  avait 
pourtant,  et  quoi  qu'il  en  eût,  quelque  chose  de  ce  grand 
homme,  clair,  net  et  généreux,  prompt  à  réagir  contre 
l'injustice  et  l'hypocrisie  (qui  sont  de  tous  les  clans), 
comme  quiconque  est  vraiment  d'ici. 

Enfin  il  était  chrétien.  Est-ce  pour  cela,  ou  par  l'effet 
de  l'âge  et  de  la  maturité,  qu'il  s'était  élevé  de  plus  en 
plus,  vers  la  fin  de  sa  vie,  à  une  sérénité  supérieure,  faite 


Notice  sur  m.  noël  vAî.oté  79 

d'indulgence  et  de  bonté?  En  tout  cas,  il  proposait 
l'exemple  de  ce  que  la  pratique  éclairée  du  christianisme 
peut  ajouter  de  douceur  et  de  fraternité  aux  vertus  natu- 
relles. J'ose  à  peine  faire  allusion  à  sa  charité,  puisqu'il 
ne  voulait  pas  qu'on  en  sût  rien,  au  point  que  les  siens 
eux-mêmes  n'ont  appris  qu'après  sa  mort  l'étendue  et  les 
formes  touchantes  du  réconfort  qu'il  avait  coutume  de 
porter,  personnellement,  aux  âmes  en  peine... 

En  somme,  carrière  heureuse  et  enviable  entre  toutes. 
Aussi  heureuse  que  le  comporte  la  condition  humaine, 
jusque  dans  l'horreur  de  la  guerre,  puisqu'il  eut  la  satis- 
faction d'y  voir  ses  enfants  combattre,  ou  servir  autrement, 
et  l'y  représenter  honorablement,  sans  les  perdre.  Vie 
embellie  par  les  joies  de  la  famille,  de  la  nature,  de  l'art  et 
de  la  science  ;  réussite  rare  de  ce  que  notre  ancienne  culture 
nationale  peut  produire  de  meilleur.  Vie  courte,  hélas  (et 
c'est  le  seul  regret  qu'elle  laisse  à  qui  la  considère),  mais 
dont  le  souvenir  et  l'exemple  resteront  dans  le  patrimoine 
de  votre  Compagnie  et,  par  conséquent,  dans  celui  du  pays.     , 


BIBLIOGRAPHIE 


1  —   1878.  Guillaume  d'Auvergne,  évt'qnc  de  Paris  (1228-1249). 

Dans  PosilioriH  des  Ihèses  xoutenucs  par  les  élèves 
[de  V Ecole  des  Chartes]  de  la  promolion  de  /iS'7.9, 
Paris,  inipr.  Ltihure,  1878,  in-8°,  pp.  57-62. 

2  —  1879.   Etablissement   et    organisation    du    régime   municipal 

à  Figeac. 

Dans  Bibliothèque  de  r Ecole  des  Chartes,  l.  XL 
(1879),  pp.  396-423. 

3  —  1880.  De  arte   scribendi  epistolaîi  apud  Gallicos  medii  œvi 

scriptores  rhetoresve.  (Thèse  latine  pour  le  doctorat 
es  lettres.)  Paris,  A.  Picard,  1880,  in-8°  de  99  pp. 

4  —   1880.  Guillaume   d'Auvergne,    évêque  de   Paris  (1228-1249), 

sa  vie  et  ses  ouvrages.  (Thèse  française  pour  le 
doctoral  es  lettres.)  Paris,  A.  Picard,  1880,  in-8°  de 
399  pp. 

5  —  1881.  Cartulaires    de    l'abbaye  de  Notre-Dame-des-Prés   de 

Douai.  Notice  sur  deux  manuscrits  du  Musée  britan- 
nique. 

Dans  Cabinet  historique,  XXV'Il'^  année,  nouvelle 
série,  t.  I  (1881),  pp.  40-82. 

6  —   1881.  Étude  sur  le  rythme  des  bulles  pontificales. 

Dans  Bibliothèque  de  VEcole  des  Chartes,  t.  XLII 
(1881),  pp.  161-198  et  257-272. 

7  —  1881.   Compte  rendu  de  l'ouvrage  du  comte  de  Luçay,   Des 

origines  du  pouvoir  ministériel  en  France.  Les 
secrétaires  d'État  depuis  leur  institution  jusqu'à  la 
mort  de  Louis  XV. 

Dans  Bibliothèque  de  r  Ecole  des  Chartes,  t.  XLII 
(1881),  pp.  465-468. 

8  —   1882.   Etude    sur  la   latinité  de  saint  Cyprien.  —  Ce  travail, 

couronné  en  1882  par  la  Société  de  littérature  chi'é- 
tienne  de  Lille,  n'a  pas  été  imprimé. 

Cf.  Bibliothèque  de  V Ecole  des  Chartes,  t.  XLIV 
(1883),  p.  124. 

9  —  1882.  Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  B.  Hauréau,  Histoire  de 

la  philosophie  scolastique,  2*^  partie,  t.  I,  II. 

Dans  Bibliothèque  de  V École  des  Chartes,  t.  XLIII 
(1882),  pp.  361-367. 


ËtBLlOGRAPttlE   DE  M.    NOËL   VALOtS  81 

10  -     4882-1883.  Fragment  d'un    registre   du    Grand    Conseil    de 

Charles  VII  (mars-juin  14oo). 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhisloire 
de  France,  année  1882,  pp.  273-308;  année  1883, 
pp.  209-245,  et  à  part,  Paris,  Picard,  1883,  in-8''. 

11  —  1882-1883.  Le  Conseil  du  Roi  et  le  Grand  Conseil  pendant  la 

première  année  du  règne  de  Charles  VIII. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  XLIII 
(1882),  pp.  594-625;  t.  XLIV  (1883),  pp.  137-168  et 
419-444,  et  à  part,  Paris,  A.  Picard,  in-8°. 

12  —  1883.    Letti-e  à  M.  Paul  Viollet  [au  sujet  d'un  compte  rendu 

publié  dans  la  Revue  historique,  t.  XXI  (1883), 
pp.  175-178,  de  l'ouvrage  de  M.  Valois  sur  Guillaume 
d'Auvergne]. 

Dans  Revue  historique,  même  volume,  pp.  400- 
403.  Avec  réponse  de  P.  Viollet. 

13  —  1883.  Compte   rendu    de   l'ouvrage  d'Eugène   Bernard,    Les 

dominicains  dans  l'Université  de  Paris. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  XLIV 
(1883),  pp.  360-363. 

14  —  1883.  Compte  rendu  de   l'ouvrage  de  P.  Pélicier,  Essai  sur 

le  gouvernement  de  la  dame  de  Beaujeu. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  XLIV 
(1883),  pp.  511-513. 

15  —  1883.   Notes  sur  la  révolution  parisienne  de    1356-1358.    La 

revanche  des  frères  Braque. 

Dans  Mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris, 
t.  X  (1883),  p.    100-126,  et  à  part,  Paris,  1883,  in-8». 

16  —  1884.  Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  G.  Hanotaux,  Origines 

de  l'institution  des  intendants  des  provinces. 
Dans  Bulletin  critique,  1884,  pp.  287-291.^ 

17  —  1885.  Le  gouvernement  représentatif  en  France  au  xiv«  siècle. 

Étude  sur  le  Conseil  du  Roi  pendant  la  captivité  de 
Jean  le  Bon. 

Dans  Revue  des  questions  historiques,  t.  XXXVII 
(1885),  pp.  63-115,  et  à  part,  Bruxelles,  1885,  in-8». 

18  —  1885.  Le  «  Conseil  de  raison  »  de  1597. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1885,  pp.  248-256,  et  à  part.  Paris, 
1885, in-8°. 

191«  e 


8â  BIBLIOGRAPHIE    DE   M.    NOËL    VAl-OlS 

H)  _  188^).  Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  A.  de  Rourmont,  La 
fondation  d(!  l'Université  de  Caen  et  son  organisa- 
tion au  xv^"  siècle. 

Dans  liiJ)lioth<\jue  de  l'Ecole  c/es  Charles,  t.  XLYI 
(1885),  pp.  54G-548. 

20  —  188t).   Le  privilège  de  Ghalo-Saint-Mard. 

Dans  Anniiaire-BuUelin  de  la  Société  de  Cliisluire 
de  France,  année  1880,  pp.  185-226,  et  à  part,  Paris, 
1886,  in-S-». 

21  _   1885.  Henri  IV  et  la  bibliotlièque  de  Gaillon. 

Dans  Bulletin  de  la  Société  de  VhiUoirc  de  Paris, 
t.  XIII  (1886),  pp.  52-ri5. 

22  1886.  Table  générale  des  matières  contenues  dans  TAnnuaire- 

Bulletin  de  la  Société  d,e  l'histoire  de  Finance  (1863- 
1884),  XXX«-L«  année.  Paris,  Laurens,  1886,  iu-S" 
de  42  p.  [VAvis  qui  est  en  tête  n'est  pas  signé.] 

23  _  1886.  Compte  rendu  de   l'ouvrage  de  C.    Douais,  Les  Parères 

Prêcheurs  en  Gascogne. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  XLVll 
(1886),  pp.  301-302. 

24  _  1886.   Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  Jules  Tessier,  La  mort 

dÉtienne  Marcel. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  XLVlI 
(1886),  pp.  674-682.  —  Cf.  La  question  d'Etienne 
Marcel.  Réponse  à  M.  Noël  Valois,  par  Jules  Tessier, 
Paris,  1887,  in-8»  (extrait  delà  Bévue  de  renseigne- 
ment secondaire  et  de  renseignement  supérieur). 

25  —  1886.  Étude  historique  sur  le  Conseil  du  Roi.  Introduction  à 

l'Inventaire  des  arrêts  du  Conseil  d'État.  Paris, 
Imprimerie  nationale,  gr.  in-4''  de  cl  pp.  [Extrait  de 
l'ouvrage  suivant]. 

26  —  1886-1893.  Archives   nationales.    Inventaires   et    documents 

publiés  par  la  Direction  générale  des  Archives. 
Inventaire  des  arrêts  du  Conseil  d'État  (règne  de 
Henri  IV).  Paris,  Imprimerie  nationale,  2  vol.  gr. 
in-4°  de  cl-487  et  844  pp. 

27  —  1887.  Discours  prononcé  sur  la  tombe   de  M.  J.  Desnoyers, 

secrétaire  de  la  Société  de  l'histoire  de  France,  le 
4  septembre  1887. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhisloire 
de  France,  année  1887,  pp.  151-153,  et  (\ans  Biblio- 
thèque de  VÉcole  des  Chartes,  t.  XLVIII  (1887), 
pp.  615-616. 


BIBLIOGRAPHIE    DE    ».    NOËl    VALOIS  83 

28  —  1887.  Le    rôle  de    Charles  V  au   début  du  Grand  Schisme 

(8  avril-i6  novembre  1378.) 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire 
de  France,  année  1887,  pp.  22o-2.od,  et  à  part,  Paris, 
1888,  in-8°  de  31  pp.  —  Cf.  Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  année 
1888,  p.  86  :  communication  de  M.  Valois  aux 
séances  des  9  et  16  mars  1888. 

29  —  1888.  Le  Conseil   du  Roi  aux  xiv«,    xv<=  et  xvi«  siècles.  Nou- 

velles recherches  suivies  d'arrêts  et  de  procès-ver- 
baux du  Conseil.  Paris,  Picard,  1888,  in-8o  de  xi- 
403  pp. 

30  —  1888.  L'unification  de  l'impôt  en  1583. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1888,  pp.  233-238. 

31  —  1889.  Raymond  de   Turenne  et  les  papes  d'Avignon  (1386- 

1408),  d'après  un  document  transcrit  par  M.  C. 
Rivain. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1889,  pp.  215-276,  et  à  part,  sous 
le  titre  :  Baijmond-Roger,  vicomte  de  Turenne,  etc. 
Paris,  1890,  in-8°. 

32  —   1890.  Un  ouvrage  inédit  d'Honoré  Bonet,  prieur  de  Salon. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1890,  pp.  193-228,  et  à  part,  Paris, 
1891.  —  Cf.  Comptes  rendus  de  VAcad.  des  ins- 
criptions et  belles-lettres,  1891,  p.  14;  communi- 
cation de  M.  Valois  à  la  séance  du  30  janvier  1891. 

33  —  1890.  L'élection  d'Urbain  VI  et  les  origines  du  Grand  Schisme 

d'Occident. 

Dans  Revue  des  questions  historiques,  t.  XLVIII 
(1890),  pp.  333-420,  et  à  part,  Paris,  Bureaux  de  la 
Revue,  1890,  in-8°  de  72  pp. 

34  —  1890.  Compte  rendu  de   l'ouvrage  de  Louis  Gayet,  Le  Grand 

Schisme  d'Occident. 

Dans  Bibliothèque  de  VEcole  des  Chartes,  t.  LI 
(1890),  pp.  138-142. 

35  —  1891.   Honoré  Bonet,  prieur  de  Salon. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Charles,  t.    LU, 
1891,   pp.  265-268    et    à    part,  Paris,    1891,  in-H»  de 
36  pp. 
3G  —  1891.  Discours  prononcé  le    14  juillet  1380,  en  présence  de 


84  BIBLIOGRAPHIE   DE   M.    NOËL   VALOIS 

Charles  V,  par  Martin,  évoque  de  Lisbonne,  ambas- 
sadeur du  roi  do  PortUf^al. 

Dans  BihUolhèque   de  VÉcole  f/e.s  Chartea,  t.  LU 
(1891),  pp.  485-r316,  et  à  part,  Paris,  1802,  in-8».     - 

37  1892.   Louis!",  duc  d'Anjou,  et  le  Grand  Schisme  d'Occident 

(1378-1380). 

Dans  Revue  des  questions  historiques,  t.  LI  (1892), 
pp.  lUi-158. 

38  _  1892.  Une  ambassade  allemande  à  Paris  en  1381  . 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  drs  Charles,  t.  LUI 
(1892),  pp.  417-425,  et  à  part,  Paris,  1892,  in-8».  — 
Cf.  Comptes  rendus  de  V Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres,  1892,  p.  166  :  communication  de 
M.  Valois  à  la  séance  cki  17  juin. 

39  1892.  Le  Grand  Schisme  en  Allemagne  (1378-1380). 

Dans  Rômische  Quartalschrift  fur  christliche 
Alterthumskunde  und  fur  Kirchengeschichte,  t.  VII 
(1892),  pp.  107-104,  et  à  part,  Rome,  Tipogr.  sociale, 
1893,  in-8°de  60  pp. 

40  —  1893.  Le  projet  de  mariage  entre  Louis  de  France  et  Cathe- 

rine de  Hongrie  et  le  voyage  de  l'empereur  Charles 
IV  à  Paris  (janvier  1378). 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  ihistoire 
de  France,  année  1893,  pp.  209-223;  et  à  part,  Paris, 
1893,  in-8°. 

41  _  1894.  L'expédition  et  la  mort  de  Louis  1«'-  d'Anjou  en  Italie 

(1382-1384). 

Dans  Revue  des  questions  historiques,  t.  LV 
(1894),  pp.  84-153,  et  à  part,  Paris,  aux  bureaux  de  la 
Revue,  in-8»  de  72  pp. 

42  _  1894.  Un  poème  de   circonstance  composé  par  un  clerc  de 

l'Université  de  Paris  (1381). 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1894,  pp.  211-238. 

43  _  189-i,  Poème  en  quatrains  sur  le  Grand   Schisme  (1381)  [en 

collaboration  avec  M.    Paul  Meyer]. 

Dans  Romania,  t.  XXIV  (1893),  pp.  197-218,  et  à 
part,  Paris,  1895,  in-8°. 

44  _  1895.  La  situation  de  l'Église  au  mois  d'octobre  1378. 

Dans  les  Mélanges  Julien  Havet,  Paris,  1895,  in-S», 
pp.  451-464. 

45  _  1895.  Communication  sur  les  mots  Paris  et  Paradis  dans  une 

lettre  de  Conrad  von  Gelnhausen  (1379). 


BIBLIOGRAPHIE    DE    M,    NOËL    VALOIS  85 

Dans  Bulletin  de  la  Société  de  Vhisloire  de  Paris, 
t.  XXII  (1895),  pp.  194  (séance  du  Conseil  du  12 
novembre). 

46  —  1895.  Communication  sur    l'origine   du    titre   de    roi    Très- 

Chrétien  attribué  aux  rois  de  France. 

Dans  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  helles-letti'es,  année  1895,  p.  313. 

47  —  1896.  Le  Roi  Très-Chrétien  (chapitre    ii  du  livre  VI  de  l'ou- 

vrage :  La  France  chrétienne  dans  l'histoire,  publié 
à  l'occasion  du  14«  centenaire  du  baptême  deClovis, 
Paris,  Finnin  Didot,  1896,  in-8°,  pp.  317-330. 

48  —  1896.  Note  complémentaire  sur  le  privilège  de  Chalo-Saint- 

Mard. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire 
de  France,  année  1896,  pp.  182-205,  et  à  part,  Paris, 
1897,  in-8<'. 

49  —  1896-1902.  La  France  et  le  Grand  Schisme  d'Occident  (Paris, 

A.  Picard  et  fils,  1896-1902,  4  vol.  in-S»  de  xxx-407, 
516,  xxiv-632  et  610  pp.).  [Les  quatre  volumes  ont 
paru  les  deux  premiers  en  1896,  les  deux  derniers  en 
1902.] 

50  —  1896.  Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  H.  Finke,  Acta  concilii 

Constantiensis,  t.  I  (1410-l'414). 

Dans  Bibliothèque  de  r École  des  Chartes,  t.  LVII, 
(1896),  p.  439-441. 

51  —   1897.  Notice  nécrologique  sur  Eugène  de   Rozière,  membre 

de  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France 
(1820-1896). 

Dans  Bulletin    de    la    Société  nationale   des  Anti- 
quaires de  France,  année  1897,  pp.  57-69,  et  à  part, 
Nogent-le-Rotrou ,     impr.      Daupeley-Gouverneur, 
•  s.'d.,in-8<'  de  12  pp. 

52  —  1897.  Sur  le  surnom  de  Pie,  attribué  à   certains  religieux  au 

moj'en  âge. 

Dans  Bulletin  de  la  Société  nationale  des  Anti- 
quaires de  France,  année  1897,  p.  371. 

53  — ■  1898.  Un  nouveau  document  relatif  à  l'expédition  de  Louis  I*!^ 

d'Anjou  en  Italie  (11  juillet  1382). 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  LIX 
(1898),  pp.  322-324. 

54  —  1898.  Compte  rendu  de  l'ouvrage  du  D^   Georg  Bulow,   Des 

Dominicus  Gundissalinus  Schrift  von  der  Unster- 
blichkeit  der  Seele. 


86  BIBLIOGRAPHIE    DE    M.    NOËL    VALOIS 

Dans  Bibliolht'qve  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  LlX 
(1808),  pp.  408-410. 

55  _  1898.  Communicalion  sur  le  concile  de  Paris  de  1398. 

Dans  Comptes  r-endus  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1898,  p.  509  ;  séance  du 
15  juillet  1898. 

56  _  1899.  La    proloni^alion    du    Grand    Schisme  d'Occident    au 

xv''  siècle  dans  le  Midi  de  la  France. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 

de  France,  année  1899,  pp.  161-195  ;  et  à  part,  Paris, 

1899,    in-8«  de    35    pp.  —  Cf.    Comptes   rendus    de 

l'Académie    des  inscriptions   et  belles-lettres,   année 

^  1899,    p.  456  (communication  de  M.  Valois). 

57  _   1900.  Note  sur  l'origine  de  la  famille  Jouvenel  des  Ursins. 

Dans  Mémoires  de  la  Société  nationale,  des  Anti- 
quaires de  France,  t.  LIX  (1900),  p.  77,  et  à  part, 
Paris,  1900,  in-8°  de  14  pp. 

58  _  1900.   Jean  Juvénal  des  Ursins,  secrétaire  de  la  chancellerie 

pontificale  (1410). 

Dans  Bulletin  de  la  Société  nationale  des  Anti- 
quaires de  France,  année  1900,  p.  78. 

59  _  1900.  Rapport  [comme  secrétaire-adjoint]  sur  l'état  des  tra- 

vaux de  la  Société  [de  l'histoire  de  France]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1900,  pp.  96-103. 

60  —  1900.  Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  L.  Salembier,  Le  Grand 

Schisme  d'Occident. 

Dans    Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  LXI 
.  (1900),  pp.  520-522. 

61  _  1901.  Gerson,  curé  de  Saint-Jean-en-Grève. 

Dans  Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire  de  Paris, 
t.  XXVIII  (1901),  pp.  49-67,  et  à  part,  Nogent-le 
Rotrou,  impr.   Daupeley-Gouverneur,  1901,  in-S^de 

11  pp. 

62  _  1902.  Jacques  de  Nouvion  et  le  Religieux  de  Saint-Denis. 

Dans  Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  t.  LXIII 
(1902),  pp.  233-262;  et  à  part,  Paris,  1902,  in-8°  de 

30  pp. 

63  —  1902.  Essai  de  restitution  d'anciennes  annales  avignonnaises 

(1397-1420). 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1902,  pp.  161-186,  et  à  part,  Paris, 
1902,  in-S"  de  26  pp, 


BIBLIOGRAPHIE    DE   M.    NOËl.    VALOIS  87 

ôi  —  1902.  Jeanne  d'Arc  et  la  prophétie  de  Marie  Robine. 

Dans  les  Mélanges  Paul  Fabre.  Paris,  1902,  in-S", 
p.' 452-467,  et  à  part. 

65  —  1902.  Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  Jules  Girai-d  [son 
prédécesseur  à  l'Académie  des  inscriptions  et  bel- 
les-lettres]. Paris,  typ.  Firmin-Didot,  1902,  in-4°  de 
46  pp.  [Le  titre  porte  :  Institut  de  France.  Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres.] 

60  —  \'.}0'^.  Communication  sur  un  ouvrage  inédit  de  Marsile  de 
Padoue,  le  Defensor  minor. 

Dans  Comptes  rendus  de  V Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1903,  p.  601  ;  séance  du 
20  novembre. 

67  —  1903.  Étude  sur  le   théâtre  français  au  xiv^  siècle  [à  propos 

de  l'ouvrage  d'Emile   Roy,   Le  jour  du   jugement  ; 
mystère  français  sur  le  Grand  Schisme] . 

Dans  Journal  des  Savants,  nouvelle  série,  pre- 
mière année,  1903,  pp.  677-686. 

68  —  1903.  Les  statues  de  la  Grande  Salle  du  Palais,  à  Paris. 

Dans  Bulletin  de  la  Société  de  r histoire  de  Paris, 
t.  XXX  (1903),  pp.  87-90;  2«  partie  du  numéro  sui- 
vant. 

69  —  1903.  Discours   prononcé    [comme  président]  à  l'assemblée 

générale  de    la   Société   de    l'histoire    de  Paris,    le 
12  mai  1903. 

Dans  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris, 
t.  XXX  (1903),  pp.  81-90,  et  à  part,  Nogent-le-Rotrou, 
impr.  Daupeley,  1903,  in-8°  de  12  pp. 

70  —  1904.  De  la  croyance  des  gens  du  moyen  âge  à  la  prochaine 

fin  du  monde. 

Dans  Institut  de  France.  Séance  publique  annuelle 
des  cinq  Académies  du  mardi  2o  octobre  i  90 i,  Paris, 
190't,  in-4°,  pp.  21-33. 
7  1  —  190'»-.  Un  ouvrage  inédit  de  Pierre  d'Ailly.  Le  «  De  persecu- 
tionibus  Ecclesia^  ». 

Dans  Bibliothèque  de  VEcole  des  Charles,  t.  LXV 
(1904),  pp.   556-574;  et  à  part,  Paris,  1904,  in-8»  de 
18  pp.  [Avec   des  fragments  du  De  pcrsecutionihus 
Ecclesiœ] . 
72  —  1904.   Fra  .\ngelico  et  le  cardinal  Jean  de  Torquemada. 

Dans  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. 
Centenaire,  t SO  ^i~l 90  j.  Recueil  de  mémoires  publiés 


88  BIBLIOGRAPHIE    DE    M.    NOËL    VALOIS 

par    les    ineiiib/-es    de   la    Société,    Paris,   1904,  iri-i", 
pp.  461-470,  avec  planche. 

73  —  1904.  Rapport  sur   l'iiistoire  de   la    Société    [nationale   des 

Antiquaires  de  Francel. 

Dans  Société  nationale  des  Antic/iiaires  de  France 
Centenaire.  Compte  rendu  de  la  Journée  du   H  avril 

1904,  Paris,  1904,  in-8»,  pp.  25-35.) 

74  —  1904.  Compte  rendu  de  rouvrage  de  J.  Ilaller,  Papsttum  und 

Kirchenreform. 

Dans  Bulletin  critique,  25  août  1904. 

75  —  1905.   Concordats  antérieurs  à  cçlui  de  François  I".  Pontificat 

de  Martin  V. 

Dans  Revue  des  questions  historiques,  t.  LXXVII 
(1905),  pp.  376-427. 

76  —  1905.  Observations  relatives    à    une   communication   de    M. 

Salomon  Reinach  sur  le  procès  criminel  de  Gilles  de 
Rais. 

Dans  Comptes  rendus  de  V Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1905,  pp.  12-14  ;  séance 
du  13  janvier. 

77  —  1905.  Communication  sur   la  Pragmatique  Sanction  dite  de 

saint  Louis. 

Dans  Comptes  rendus  de  V Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1905,  pp.  314-315, 
séance  du  9  juin. 

78  —  1905.  Le  Schisme  de  Bâle  au   xv'=  siècle  [à  propos  de  l'ou- 

vrage de  G.  Pérouse  sur  le  cardinal  Louis  Aleman]. 
Dans  Journal  des  Savants,  nouvelle  série,  3«  année, 

1905,  pp.  345-352. 

79  —  1905.  Les    archivistes  paléographes    dans    les  bibliothèques 

[lettre  écrite  comme  président  de  la  Société  de 
l'École  des  Chartes  au  Directeur  de  la  Revue  scien- 
tifique.] 

Reproduite    dans    Bibliothèque     de    VEcole     des 
Chartes,  t.  LXVl  (1905),  pp.  607-609. 

80  —  1906.  Histoire  de  la  Pragmatique  Sanction  de  Bourges  sous 

Charles  VU  [tome  IV  de  la  collection  Archives  de 
Vhistoire  religieuse  de  la  France].  Paris.  Picard,  in-8° 
de  viii-cxcii-288  pp. 

81  —  1906.  Pierre  Auriol,  Frère  Mineur. 

Dans  Histoire    littéraire  de  la  France,    t.  XXXllI 
(1906),  pp.  479-527. 


BIBLIOGRAPHIE    DE    M.    NOËL    VALOIS  89 

82  —  1906.  Jean  de    Jandun  et   Marsile   de  Padoue,    auteurs    du 

«  Defensor  pacis  ». 

Dans  Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XXXIII 
(1906),  pp.  527-623  et  631-632;  et  à  part,  Paris, 
(Impr.  nationale,  1906,  in-4'»,  paginé  527-623. 

83  —  1906.  Avant-propos  [signé: '^.  V.]  à  A.   Gérard,  La  Révolte 

et  le  siège  de  Paris  (1589). 

Dans  Mémoires  de  la  Société  de  f  histoire  de  Paris, 
t.  XXXIII  (1900),  pp.  65-150  ;  et  à  part,  Nogent-le- 
Rotrou,  impr.  Daupeley,  1907,  in-S"  de  86  pp. 

84  —  1906.  Un    nouveau    témoignage   sur    Jeanne  d'Arc  ;  réponse 

d'un  clerc   parisien   à  l'apologie  de  la   Pucelle  par 
Gerson(1429). 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1906,  pp.  161-179  ;  et  à  part,  Paris, 
1907,  in-8°  de  19  pp.  —  Cf.  Comptes  rendus  de 
VAcadémie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  1906, 
pp.  741-742  (communication  de  M.  Valois  sur  le 
même  sujet  à  la  séance  du  28  décembre),  et  Bulletin 
de  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France, 
année  1907,  pp.  103-104  (communication  de  M.Valois 
sur  le  même  sujet. 

85  —  1906.  Nouveaux  témoignages  sur  Pierre  de  Nesson. 

Dans  Romania,  t.  XXXV  (1906),  pp.  278-283. 

86  —  1908.  Un  plaidoyer  du  xiv®  siècle  en  faveur  des  Cisterciens 

[par  Jacques  de  Thérines]. 

Dans  Bibliothèque  de  VEcole  des  Chartes,  t.  LXIX 
(1908),  pp.  352-368;  et  à  part,  Paris,  1908,  in-S»  de 
19  pp. 

87  —  1908.  Rapport  sur  l'état  des  travaux  de  la  Société  [de  l'his- 

toire de  France]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire 
de  France,  année  1908,  pp.  105-113. 

88  —  1908.  Rapport  fait  au  nom  de  la  Commission  des  Antiquités 

de  la  France  sur  les  ouvrages  envoyés  au  Concours 
de  1908. 

Dans  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1908,  pp.  394-406  ; 
séance  du  17  juillet,  et  à  part,  Paris,  1908,  in-8°. 

89  —  1909.  La  crise  religieuse  du  xv^  siècle.  Le  Pape  et  le  Concile 

-    (1418-1450).  Paris,  A.  Picard.  2   vol.  in-8o  de  xxix- 
408  et  420  pn. 


90  luni-ioGUAPiiu:  de  m.  noël  valois 

90  —  1909.  Rapport    fait  au  nom  do  la  Commission  dos  Anticfuités 

de  la  France  sur  les  ouvrages  envoyés  au  Concours 
de  1909. 

Dans  Comptes  rendus  de  r Académie  (/es  inscrij)- 
tions  et  belles-lettres,  année  l909,  pp.  471-483  ; 
séance  du  2  juillet;  et  à  part,  Paris,  1909,  in-8°. 

91  —  1909.  Rapport  sur  l'état  des  travaux  de  la  Société. [de  This- 

toire  de  France]. 

Dans  Annuaire-Bullet in  de  la  Société  de  l'hisloire 
de  France,  année  1909,  pp.  94-10^>. 

92  —  1909.  Conseils  et  prédictions  adressés  à  Charles  VII  en  1445 

par  un  certain  Jean  Dubois. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  rhistoire 
de  France,  année  1909,  pp.  201-238;  et  à  part,  Paris, 

1909,  in-8°  de   38    pji.    —   Cf.  Comptes   rendus    de 
.  VAcadémie    des   inscriptions   et  belles-lettres,   année 

1910,  pp.  75-76;   communication   de   M.  Valois  à  la 
séance  du  4  mars. 

93  —  1910.  Rapport  fait  au  nom  de  la    Commission  des  Antiquités 

de  la  France  sur  les  ouvrages  envoyés  au  Concours 
de  1910. 

Dans  Comptes  rendus  de  l  Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1910,  pp.  346-355; 
séance  du  8  juillet  ;  et  à  part. 

94  —  1910.   Communication  sur   ;  Deux  nouveaux  témoignages  sur 

le  procès  des  Templiers.  [Jean  de  Pouilli  et  Jacques 
de  Thérines.] 

Dans  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1910,  pp.  229-241.) 

95  —  1910.  Rapport  sur  l'état   des  travaux  de  la   Société  [de  l'his- 

toire de  F'rance]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  rhistoire 
de  France,  année  1910,  pp.  102-110. 

96  —  1911.  Rapport  sur  l'état  des  travaux  de  la  Société    [de  l'his- 

toire de  France]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1911,  pp.  124-133. 

97  —  1912.  Rapport  sur  l'état  des  travaux   de  la  Société  [de  l'his- 

toire de  France]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1912,  pp.  119-125. 

98  —  1912.  T.e  procès  de  Gilles  de  Rais. 


BIBLIOGRAPHIE    DE    M.    NOËL    VALOIS  91 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1912,  pp.  192-239;  et  à  part,  Paris, 
1913,  in-8''de47  pp. 
99  —  1913.  Discours  prononcé  en   prenant  la  présidence  de  l'Aca- 
démie, séance  du  3  janvier. 

Dans  Comptes  rendus  de  VAcadémie  des    inscrip- 
tions et  belles-lettres,  année  1913,  pp.  2-3. 

100  —  1913.  Allocution  à  propos  de    la  mort  du  D--  Euting,  corres- 

pondant étranger  de  l'Académie. 

Dans  même  Recueil,  même  année,  pp.  19-21. 

101  —  1913.  Allocution  h  propos  delà  mort  de  M.   Ferdinand  Van 

der  Haeghen,  correspondant  étranger  de  l'Académie- 
Dans  même  Recueil,  même  année,  pp.  40-42. 

102  —  1913.  Allocution  à  propos  de  la  mort  de    M.  Ferdinand   de 

Saussure,  correspondant  étranger  de  l'Académie. 
Dans  même  Recueil,  même  année,  pp.  68-70. 

103  —  1913.  Allocution  à  propos  de  la  mort  de  M.  Reinhold  Dezei- 

meris,  correspondant  français  de  l'Académie. 
Dans  même  Recueil,  même  année,  pp.  379-381. 

104  —  1913.  Observations  relatives  h  une  communication  faite  par 

M.  L.  Romier  sur  la  Saint-Barthélémy. 

Dans  même  Recueil,  même  année,  pp.  512-513. 

105  —  1913.  Discours  présidentiel  à  la  séance  publique  annuelle  des 

cinq  Académies  du  25  octobre  1913. 

Dans  Institut  de  France.  Séance  publique  annuelle, 
présidée  par  M.  Noël  Valois,  Paris,  1913,  in-4''  de 
101pp. 

106  —  1913.  Discours  présidentiel  à  la  séance  publique  annuelle  de 

l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  du  ven- 
dredi 14  novembre  1913. 

Dans  Institut  de  France,  Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres.  Séance  publique  annuelle..,  Paris, 
1913,  in-4°  de  134  pp.,  et  dans  Comptes  rendus  de 
VAcadémie    des    inscriptions   et  belles-lettres,  année 

1913,  pp.  534-549. 

107  1913.   Rapport  sur  l'état  des  travaux  de  la  Société  [de  l'his- 

toire de  France.] 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  lliistoire 
de  France,  année  1913,  pp.  94-103. 

108  —  1913.  Vassy. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1913,  pp.  189-235  ;  et  à  part,  Paris, 

1914,  in-S°. 


92  BIBLIOGRAPHIE    DE    M.    NOËL    VALOIS 

109  —  1013.  Zu  Noël  Valois,  Le  Pape  elle  Concile.  Entgegnung  von 

N.  Vnlois. 

Dans  Ilistorische  Zeilschrift,  t.  LXI  (1913),  pp.  338. 
344. 

110  —  1914.  Projet   d'enlèvement  (l'un  enfant  de   France  (le   futur 

Henri  III)  en  1561. 

Dans  Bibliothèque  de  V Ecole  des  Charles,  t.  LXXV 
(1914),  pp.  5-48;  et  à  part,  Paris-,  1914,  in-B». 

111  —  1914.  Visite  de  Catherine  de  Médicis  en  la  maison  du  peintre 

François  Clouet  en  1563. 

Dans    Bulletin  de   la  Société  nationale  des   Anti- 
quaires de  France,  année  1914,  pp.  231-233. 

112  —  1914.   Notice  sur  Léopold  Delisle^  un  des   auteurs  des  tomes 

XXIX-XXXIV  de  !'«  Histoire  littéraire  de  la  France  » 
(mort  le  22  juillet  1910). 

Dans    Histoire  littéraire  de  la   France,  t.  XXXIV, 
pp.  vii-xiv.  Signée  :  N.  V. 

113  —  1914,  Jacques  de  Thérines,  Cistercien. 

Dans   même  Recueil,  même  volume,  pp.  179-219. 
Signé  :  N.  V. 

114  —  1914.  Jean  de  Pouilli,  théologien. 

Dans   même  Recueil,   même  volume,  pp.  220-281. 
Signé  :  N.  V. 

115  —  1914.  Jean  Rigaud,  Frère  Mineur. 

Dans  même   Recueil,    même  volume,    pp.    282-298. 
Signé  :  N.  V. 

116  —  1914.  Guillaume  de  Sauqueville,  Dominicain. 

Dans  même  Recueil,  même  volume,   pp.  298-307. 
Signé  :  N.  V. 

117  —  1914.  Hervé    Nédelec,    Général    des    Fi-ères   Prêcheurs,   par 

B[arthélem)']    H[auréau],    avec    des     additions    par 
N.  V. 

Dans  même  Recueil,    même  volume,  pp.  308-351. 

118  —  1914.  Jacques  Duèse,  pape  sous  le  nom  de  Jean  XXII. 

Dans   Histoire    littéraire   de  la    France,  t.  XXXIV 
(1914),  pp.  391-630    et    634;  et  à  part,  Paris,  Impr. 
nationale,   1914,  in-4°,  paginé  391-630. 
149  —  1914.  Rapport   sur  l'état  des  travaux  de  la  Société  [de  l'his- 
toire de  France]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire 
de  France,  année  1914,  pp.  93-98. 
120  —  1915.  Discours    prononcé    en   quittant    la    présidence    de   la 


6l6LÎOGRAt>MlÈ   t)È    M.    NOËL   VALOtS  93 

Société    nationale    des   Antiquaires  de   France,    le 
6  janvier  1915. 

Dans    Bulletin    de  la    Société  nationale  des  Anti- 
quaires de  France,  année  1915,  pp.  84-97. 
121  —  1915.  Rapport  sur  l'état  des  travaux  de  la  Société  [de  l'his- 
toire de  France]. 

Dans  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  Vhistoire 
de  France,  année  1915,  pp.  75-81  ^. 

1.  On  n'a  retenu,  dans  la  présente  bibliographie,  que  les  comptes  ren- 
dus les  plus  importants,  ceux  où  l'auteur  a  apporté  des  idées  ou  des  ren- 
seignements nouveaux. 


SÉANCE  DU  8  FÉVRIEll 


l'RlîSIDENCE     DE     M.     HERON      »E    VILLEFOSSE. 

M.  le  Ministre  de  Chine  adresse  à  l'Académie,  en  son  nom  et 
au  nom  de  ses  compatiMotes,  l'expression  de  leurs  bien  sin- 
cères condoléances  au  sujet  de  la   mort  de  M.  Edouard   Cha- 

VANNES. 

Le  PRÉsmENT  transmettra  à  M.  le  Ministre  de  Chine  les  remer- 
ciements de  l'Académie. 

Le  Secrétaire  de  la  Commission  des  Antiquités  et  des  Arts  du 
département  de  Seine-et-Oise  soumet  une  proposition  de  M.  Goût, 
architecte,  ayant  pour  objet  la  suppression  et  le  remplacement 
de  l'expression  de  «  gothique  »  appliquée  improprement  aux 
merveilleuses  œuvres  de  notre  art  national. 

La  proposition  est  renvoyée  à  l'examen  de  M.  de  Las- 
teyrie. 

M.  CoRDiER  achève  la  lectui^e  du  rapport  de  M.  Bonnel  de 
Mézières  sur  sa  mission  en  Afrique  (recherche  de  l'emplace- 
ment de  Ghana;  fouilles  de  Koumbi  et  de  Fettah). 

M.  Antoine  Thomas  fait  connaître  des  documents  publiés  depuis 
longtemps  par  l'historien  de  l'Université  de  Bologne,  le 
P.  Sarti,  mais  qui  n'avaient  pas  attiré  jusqu'ici  l'attention  de  la 
critique.  Ils  concernent  un  étudiant  nommé  maître  Jean  de  Meun, 
qui  séjourna  à  Bologne  de  1265  à  1269,  et  qui  y  figure  comme 
fils  de  noble  Jean  de  Meun,  chevalier,  du  diocèse  d'Orléans. 
Contrairement  à  l'opinion  soutenue  par  M.  le  comte  Durrieu,  il 
ne  s'agit  pas  du  célèbre  poète  Jean  de  Meun,  auteur  de  la  suite  du 
Roman  de  la  Rose,  lequel  n'était  pas  noble,  mais  d'un  homo- 
nyme, qui  fut  archidiacre  de  Beauce  de  1270  à  1303  K 

M.  Durrieu  présente  une  observation. 

1.  Voir  ci-après. 


SÉANCE    DU   8    FÉVRIER    1918  9o 

MM.  S.  Reinach  el  E.  PoTTîER  présentent  à  l'Académie  les 
dessins  exécutés  par  M"''J.  Evrard,  au  cours  d'une  mission  qui 
lui  avait  été  contiée  par  la  Commission  Piot.  Elle  était  chargée 
de  reproduire  les  objets  antiques  que  M.  Mouret  a  trouvés  dans 
ses  fouilles  d'Ensérune  '  et  quil  publiera  dans  un  ouvrage 
spécial  ;  elle  devait  recueillir  en  même  temps  des  documents 
archéologiques  dans  divers  musées  et  collections  privées  de  la 
région  du  Midi. 

M.  S.  Reinach  examine  particulièrement  les  objets  de  bronze 
et  de  fer.  Ces  objets,  découverts  par  M.  Mouret  dans  la  nécropole 
d'Ensérune,  ont  été  dessinés  avant  tout  nettoyage  et  restaui^ation  ; 
mais  la  conservation  de  la  plupart  est  si  satisfaisante  que  leur 
désignation  ne  peut  donner  lieu  à  aucun  doute.  Ce  sont  des 
armes,  des  objets  de  parure  et  des  objets  d'usage,  recueillis 
à  côté  des  cendres  des  morts  et  portant  souvent  eux-mêmes  des 
traces  de  feu . 

Les  armes  se  divisent  en  deux  groupes  :  il  y  a,  d'une  part, 
des  épées  de  fer  du  type  bien  caractérisé  de  LaTène  I,  quelques- 
unes  repliées  sur  elles-mêmes  suivant  un  rite  sans  doute  religieux 
qui  semble  devenir  plus  fréquent  aux  époques  subséquentes  du 
second  âge  du  fer;  d'autre  part,  trois  épées  coudées  apparte- 
nant au  type  ibérique  dit  d'Almedinilla,  fréquent  en  Espagne, 
mais  dont  des  spécimens  ont  aussi  été  signalés  sur  la  côte  adria- 
tique.  Ce  type  dérive  de  celui  de  l'épée  grecque  telle  qu'elle  est 
connue  surtout  par  les  peintures  de  vases.  La  présence  depote- 
ries  ibériques  à  Ensérune  autorise  à  croire  que  les  épées  coudées 
trouvées  dans  la  même  nécropole  proviennent  non  de  l'Est, 
mais  du  Sud-Ouest.  M.  l'abbé  Breuil  vient  de  montrer  que- des 
armes  de  type  ibérique  figurent  encore  sur  les  trophées  de  l'arc 
d'Orange  ;  elles  étaient  donc  restées  en  usage  dans  cette 
région. 

Parmi  les  objets  de  parure,  les  plus  remarquables  sont  les 
agrafes  de  ceinturon  en  bronze.  Deux  spécimens  surtout  sont 
d'un  grand  intérêt:  l'un,  rappelant  un  objet  du  même  genre 
trouvé  à  Sommebionne  en  Champagne  ;  l'autre,  analogue  à  un 
spécimen  de  la  nécropole  Benvenuti  à  Este.  Assez  rares  ailleurs, 

1.   Cf.  Comptes  rendus,  15  septembre  et  17  novembre  1916. 


96  SÉANCE   bU   8   FÉVRIER    i9l8 

ces  agrafes  sont  nombreuses  à  Ensérune  (une  vingtaine)  et 
témoignent  de  ce  goût  artistique  original  qui  dislingue  les  meil- 
leures productions  du  second  âge  du  fer.  11  est  probable  que  ce 
sont  des  variations  de  la  palmette  grecque,  avec  une  tendance 
à  substituer  aux  feuilles  des  groupes  d'animaux  stylisés  et 
affi'ontcs.  Une  imitation  plus  fidèle  de  la  palnielte  se  voit  sur 
une  plaque  de  bronze  gravée  qui  semble  avoir  fait  partie  de  la 
décoration  d'un  vase  en  bois  ou  en  métal.    • 

Il  y  a  cinq  vases  de  bronze  sans  ornements  et  une  anse  ter- 
minée par  une  tête  de  bélier  qui  rappelle  les  chenets  à  tête  de 
bélier,  le  plus  souvent  en  argile,  qu'on  a  recueillis  dans  diverses 
stations  de  l'âge  du  fer  et  dont  la  signification  est  probablement 
religieuse,  comme  l'a  reconnu  M.  Joseph  Déchelette. 

Une  trentaine  de  fibules  de  bronze  et  trois  fibules  de  fer  appar- 
tiennent aux  types  de  La  Tène  I  ;  quelques  fibules  de  bronze  se 
rapprochent  de  celui  de  La  Tène  IL  Aucune  de  ces  fibules  ne 
paraît  avoir  été  décorée  avec  du  corail,  matière  dont  les  Gaulois 
faisaient  un  grand  usage  pour  orner  leurs  armes  et  leurs 
bijoux  ;  mais  un  disque  de  bronze,  qui  est  probablement  un 
fragment  de  fibule,  est  orné  sur  le  pourtour  de  perles  irrégulières 
de  couleur  grise  qu'on  a  tout  lieu  de  considérer  comme  du 
corail.  Les  bracelets  lisses  sont  au  nombre  d'une  douzaine  ;  il  y 
a  surtout  des  bagues,  des  anneaux  plats,  des  perles  de  colher 
et  des  boutons. 

Parmi  les  objets  d'usage,  on  peut  citer  une  louche  et  une  pas- 
soire. Les  seules  décorations  que  l'on  relève  sur  ces  objets  sont 
des  stries  et  des  petits  cercles.  Un  manche  de  petit  couteau  de 
bronze,  en  ivoire  ou  en  os  verdi  par  l'oxydation,  a  été  recueilli 
non  dans  une  tombe,  mais  sur  l'acropole,  d'où  proviennent  éga- 
lement une  anse  de  vase  en  bronze  d'un  galbe  élégant  et  une 
bague  de  bronze  ornée  de  nervures. 

Avant  les  découvertes  faites  à  Ensérune,  la  première  époque 
de  La  Tène  n'était  représentée,  à  l'Ouest  du  bas  Rhône,  que  par 
une  fibule  provenant  d'Uzès.  Le  fait  que  l'on  a  trouvé,  si  près 
des  Pyrénées  orientales,  une  nécropole  à  incinération  dont  le 
contenu  ressemble  exactement  à  celui  des  tombes  à  incinération 
de  la  Champagne,  constitue  un  notable  accroissement  de  nos 
connaissances  et  pose,  en  même  temps,  des  problèmes  très  dif- 


SÉANCE    t)U    8    FÉVRIER    4918  97 

flciles.  Les  premiers  archéolog^ues  qui  ont  étudié  le  second  âge 
du  fer  ont  reconnu  qu'il  était  essentiellement  gaulois  ;  mais, 
frappés  de  ses  afïinités  helléniques,  ils  en  ont  cherché  l'origine 
dans  le  bassin  du  Rhône.  A  quoi  Ton  a  répondu  que  la  première 
phase  de  cet  âge  était  à  peine  représentée  dans  cette  région, 
alors  que  le  Rhin  moyen  et  la  Champagne  en  ont  fourni  les  spé- 
cimens de  beaucoup  les  plus  nombreux  et  les  plus  riches.  Des 
trouvailles  comme  celles  d'Ensérune  alTaiblissentcetle  objection, 
et  le  fait  subsiste  que  le  corail,  dont  les  Gaulois  de  la  Cham- 
pagne ont  fait  si  grand  cas,  ne  pouvait  provenir  que  de  la  Médi- 
terranée, en  particulier  des  environs  des  îles  dHvères.  Les 
cartes  actuelles  des  nécropoles  de  La  Tène  sont  nécessairement 
fondées  sur  le  hasard  des  fouilles  ;  le  progrès  des  recherches 
peut  y  apporter  des  modifications  importantes  et  obliger  de 
transférer  du  Nord-Est  au  Sud-Est  de  la  Gaule  le  centre  de  diffu- 
sion d'une  industrie  et  d'un  art  qui,  avant  et  pendant  l'époque 
romaine,  se  sont  étendus,  avec  les  conquêtes  et  linlluence  cel- 
tiques, sur  une  grande  partie  de  l'Europe,  de  l'Espagne  et  des 
pays  Scandinaves  jusqu'aux  environs  de  Kiev, 

M.  Pottieràson  tour  passe  en  revue  les  principales  œuvres 
céramiques  de  la  collection  Mouret,  parmi  lesquelles  il  fautmettre 
au  premier  rang  une  coupe  à  figures  rouges  du  commencement 
du  IV''  siècle,  avec  ornements  qui  ont  dû  être  dorés,  où  l'on 
reconnaît  le  style  du  fabricant  Meidias.  Selon  la  mode  du  temps 
la  composition  réunit  des  femmes  et  des  jeunes  gens  dans  des 
groupements  de  noble  et  poétique  élégance,  sans  allusion  à  un 
sujet  très  précis.  Parmi  les  autres  aquarelles  ou  dessins  de 
\pie  Evrard,  citons  une  coupe  avec  Apollon  monté  sur  le  griffon 
et  traversant  la  mer  ;  une  seconde  coupe  avec  un  combat  d'Ari- 
maspe  à  cheval  contre  deux  griffons,  et,  sur  les  fragments  d'un 
grand  cratère,  une  scène  de  toilette  qui  rassemble  peut-être 
Adonis  et  Aphrodite  avec  leur  cortège. 

Quelques  copies  de  fragments  de  vases  appartenant  à  la  col- 
lection Caïlet  sont  précieuses,  parce  qu'elles  nous  montrent  la 
série  chronologique  des  trouvailles  faites  sur  le  sol  de  Béziers 
même  ;  les  importations  grecques  datent  du  vi"  siècle  et  se  sont 
prolongées  jusqu'au  ni''. 

1918  •} 


Ô^  SÉANCE   DU    8    FÉVRIER    19i8 

Au  Musée  de  Bcziers,  où  la  Société  archéolog-ique  de  la.  Ville 
et  le  conservateur  M.  Louis  Paul  ont  bien  voulu  donner  à  noLro 
dessinateur  les  facilités  les  plus  grandes  pour  travailler,  nous 
avons  fait  reproduire  plusieurs  pièces  intéressantes,  nu  petit 
cratère  de  style  béotien  archaïque  (char  et  scène  de  chasse)  ; 
un  skyphos  orné  dune  ligure  de  Nérée  en  dieu  poisson,  couvert 
décailles,  d'un  caractère  très  ancien  ;  une  bouteille  de  la  série  dite 
protocorinthienne  avec  les  apprêts  d'une  fête  religieuse  et  une 
danse  de  femmes;  une  amphore  proto-attique  à  tableaux  (lion 
rugissant,  tète  d'homme  barbu)  ;  un  skyphos  de  style  proto- 
corinthien  à  figures  noires  décadentes  représentant  Poly|)hcme 
et  le  bélier  d'Ulysse. 

Au  Musée  de  Montpellier,  où  nous  avons  également  à  adresser 
des  remerciements  à  tous  ceux  qui  ont  accueilli  et  encouragé 
M"^  Evrard,  la  récolte  fut  plus  importante  encore  :  une  bouteille 
de  style  protocorinthien  qui,  par  un  curieux  hasard,  sort  de  la 
même  fabrique  antique  que  la  précédente  et  répète  le  même 
sujet  avec  des  variantes  ;  une  œnochoé  et  un  plat  rhodiens  ; 
une  amphore  attico-corinthienne  à  quatre  zones  ;  une  belle 
hydrie  chalcidienne  avec  scènes  de  combats  ;  une  coupe  à 
figures  rouges  du  début  du  v"  siècle,  appartenant  au  groupe 
de  Ghélis  ou  de  Chachrylion  (exercices  dans  la  palestre)  ; 
enfin  une  grande  amphore  attique,  d'un  style  magnifique  qui 
date  des  environs  des  guerres  Médiques  et  que  l'on  peut  rattacher 
au  groupe  de  Brygos  :  d'un  côté,  on  voit  un  musicien  barbu  qui, 
la  tête  levée,  chante  en  s'accompagnant  de  la  lyre  ;  de  l'autre 
côté,  un  homme  drapé  qui  l'écoute. 

Cette  belle  pièce,  que  tout  musée  s'honorerait  de  posséder, 
trouve  son  complément  comme  importance  dans  un  autre  pro- 
duit de  la  céramique  grecque,  placé  aujourd'hui  dans  une 
collection  privée  où  il  fut  signalé  pour  la  première  fois 
par  une  élève  de  l'École  du  Louvre,  M"«  d'Ormesson.  C'est 
une  grande  coupe  à  figures  rouges  qui  appartient  à  un  artiste, 
M.  Mottez,  domicilié  à  Saint-Raphaël,  dont  le  père  fut  lui-même 
un  peintre  bien  connu  et  grand  ami  de  M.  Ingres.  La  coupe, 
trouvée  dans  les  fouilles  d'Étrurie,  fut  acquise  à  Rome  vers 
1837  par  le  père  de  M.  Mottez  qui  la  conserva  toujours  chez 
lui  ;  mais  elle  était  restée  inédite  et  le  propriétaire  actuel  a  bien 


l'identité  de  maître  JEAN   bfe  mè\jH  Ô9 

voulu  en  autoriser  la  publication.  Elle  porte  sur  Tanse  la  signa- 
ture .de  Hiéron,  un  des  plus  féconds  fabricants  d'Athènes  aux 
environs  des  guerres  Médiques  ;  on  connaît  déjà  de  lui  37  vases 
ou  fragments  de  vases.  Le  sujet  nouveau  ne  rentre  pas  dans  la 
série  des  tableaux  mythologiques  qui  sont  pour  nous  les  plus  pré- 
cieux ;  c'est  une  scène  de  banquet  oîi  des  Athéniens  couchés  sur 
des  lits  de  repos  boivent  et  devisent  joyeusement  avec  des  cour- 
tisanes ;  dans  Tintérieur  du  vase,  une  Ménade  danse,  accom- 
pagnée par  un  Silène  qui  joue  de  la  ilûle.  Hiéron  recherchait 
volontiers  ces  images  de  la  vie  libre  et  voluptueuse,  qui  trou- 
vaient leur  place  toute  naturelle  sur  les  poteries  destinées  aux 
banquets  ;  celle-ci  est  remarquable  par  la  pureté  des  formes  et 
la  maîtrise  du  dessin.  Grâce  à  la  libéralité  de  M.  Mottez,  nous 
pourrons  faire  connaître  aux  savants  et  aux  artistes  une  belle 
peinture  grecque  à  ajouter  aux  autres. 

En  résumé,  l'Académie  jugera  d'après  ces  dessins  combien  de 
pièces  notables  méritent  d'être  mises  en  lumière  dans  beaucoup 
de  collections  publiques  ou  particulières  et  quel  intérêt  nous 
avons  à  encourager  des  explorations  de  ce  genre  qui  stimulent 
les  bonnes  volontés  privées,  renseignent  les  conservateurs  sur 
la  valeur  des  objets  qui  leur  sont  confiés  et  enrichissent  les  pu- 
blications scientifiques  de  documents  précieux. 


COMMUNICATION 


L  IDENTITÉ    DE    .MAITRE    JEAN    DE    MEUN 
ÉTUDIANT      A      l' UNIVERSITÉ      DE      BOLOGNE 

EN    1265-1269, 

PAR     M.    ANTOINE    THOMAS,    MEMBRE    DE    L  ACADÉMIE. 

On  ne  peut  que  savoir  gré  à  notre  confrère  M.  le  comte 
Durrieu  d'avoir  de  nouveau  attiré  Tattention  sur  un  contrat 
passé  à  Bolog-ne,  le  19  juillet  1269,  entre  un  banquier  ita- 
lien et  trois  étudiants  français,  acte  publié  par  Fran- 
cesco  Malaguzzi-Valeri  dans  YArchivio  storico  italiano  de 
1896,  mais  qui  n'avait  pas  éveillé  d'écho  de  ce  côté-ci  des 


100  l'identité    de   maître   JEAN    DE    MEUN 

Alpes.  Avec  sa  grande  compétence  paléographique,  notre 
confrère  M.  Prou  a  vu  tout  de  suite  que  le  non\  d'un  de 
ces  étudiants,  lu  :  Johannes  de  Manduno  par  le  premier 
éditeur  et  traduit,  de  confiance,  par  :  Jean  de  Mandun, 
devait  être  lu  :  JoJiannes  de  Mauduno  et  traduit  par  : 
Jean  de  Meun  '.  Sur  ce  point,  il  y  a  une  remarque  à  faire. 
Le  Père  Sarti,  à  qui  on  doit  un  ouvragée  capital  sur  l'Uni- 
versité de  Bologne,  le  De  claris  archigyrnnasii  Bononiensis 
professorihus,  publié  après  sa  mort,  en  1709-1772,  a  lu  cor- 
rectement :  Johannes  de  Mauduno-. 

Que  l'étvidiant  français  de  Bologne  s'appelât  réellement 
Jean  de  Meun  et  appartînt  au  diocèse  d'Orléans,  il  ne  peut 
y  avoir  aucun  doute  à  ce  sujet.  Mais  qu'il  faille  voir  dans 
ce  «  maître  Jean  de  Meun  »  le  célèbre  auteur  de  la  seconde 
partie  du  Roman  de  la  Rose,  c'est  une  autre  question.  Je 
rappelle  à  l'Académie  que,  dans  la  séance  où  notre  confrère 
M.  le  comte  Durrieu  nous  a  entretenus  de  cet  étudiant 
(20  octobre  1916),  j'ai  fait  des  réserves  sur  le  bien-fondé 
de  ses  conclusions,  et  déclaré  qu'il  me  paraissait  plus  vrai- 
semblable d'identifier  le  personnage  avec  un  homonyme  du 
poète,  à  savoir  maître  Jean  de  Meun,  archidiacre  de 
Beauce  en  l'église  d'Orléans.  Je  me  crois  en  mesure  au- 
jourd'hui de  fournir  la  preuve  qu'il  y  a  eu  réellement  un 
quiproquo,  et  que  l'histoire  littéraire  ne  peut  faire  état 
de  l'acte  des  archives  de  Bologne  pour  la  biographie  du 
second  auteur  du  Roman  de  la  Rose. 

Ayant  eu  l'occasion  de  parcourir  l'appendice  du  livre  du 
Père  Sarti  intitulé  :  Scholares  illustres,  j'y  ai  relevé,  sous 
l'année  126o,  trois  autres  mentions  de  l'étudiant  français, 
qui  ont  échappé  à  notre  confrère  M.  le  comte  Durrieu. 
En  voici  le  texte,  tel  qu'il  se  lit  chez  le  Père  Sarti  : 

1".  Maff.  Johannes  de  Mauduno  qnd.  Joh.  Aurelian. 
Dioces. 

1.  Voir  Acad.  des  inscriptiutis  et  heltes-leltres^  Comptes  rendus  des 
séances  de  l'année  1916,  p.  136  et  s. 


l'identité    de    maître    JEAN    DE    MEUN  101 

I^.Mag.  Joh.  de  Mediino  qnd.  Johan.  Aurelian.  Dioces. 

3°.  Mac/.  Johan.  de  Meduno  qnd.  D.  Johannis  militis 
Aurelian.  Dioces  '. 

La  dernière  et  la  plus  explicite  de  ces  mentions  établit 
que  notre  étudiant  était  tils  de  <c  feu  noble  Jean  de  Meun 
chevalier  ».  Or  cet  état  civil  est  précisément  celui  de  maître 
Jean  de  Meun,  qui  fut  archidiacre  de  Beauce  depuis  1270 
jusqu'au  13  décembre  1303  au  moins,  lequel  apparaît,  dès 
1259,  avec  le  titre  de  «  maître  »,  en  même  temps  que  ses 
deux  frères  aînés.  Gervais  et  Thibaud,  qualifiés  «  écuyers» 
(arniigeri),  que  son  frère  puîné  Guillaume,  qualifié  comme 
lui  «  maître  »  et  «  clerc  »,  et  que  sa  sœur  Azeline,  tous 
cinq  enfants  «  nobilis  viri  domini  Johannis  de  Maug-- 
duno  -  ». 

On  peut  souhaiter  que  les  trois  actes  de  1265,  qui  ont 
passé  sous  les  veux  du  Père  Sarti,  soient  retrouvés  et 
publiés  in  extenso.  Cette  publication  servirait  utilement 
l'histoire  des  relations  intellectuelles  de  la  France  et  de 
l'Italie  dans  la  seconde  moitié  du  xiii"  siècle,  relations  dont 
le  livre  du  Père  Sarti,  insuffisamment  connu  parmi  nous, 
recèle  beaucoup  d'autres  témoignages,  et  sur  lesquelles  on 
voudrait  voir  se  porter  un  jour  l'activité  de  quelque 
membre  de  l'Ecole  française  de  Rome.  Si  l'archidiacre  de 
Beauce  n'est  pas  le  continuateur  de  Guillaume  de  Lorris. 
comme  on  l'a  cru  pendant  longtemps,  car  ce  continuateur 
s'appelait  proprement  Jean  Chopinel  (ou  Clopinel)  et  il 
n'était  pas  noble,  cet  ecclésiastique  est  cependant  digne 
d'intérêt,  car  il  est  à  croire  que  son  long  séjour  à  l'Univer- 
sité de  Bologne  n'a  été  sans  profit  ni  pour  lui  ni  pour  notre 
pays. 

1.  Ouvrage  cité,  2'  partie,  p.  236,  1"  col. 

2.  Voir  Le  Roman  de  La  Rose,  par  Ernest  Langlois,  t.  I  (Paris,  1914), 
p.  13. 


102  SÉANCE   DU    15    FÉVRIER    1918 

LIVRES    OFFERTS 


M.  Ukron  de  Villefosse  dépose  sni-  le  bureau,  de  la  pari  de 
M.  le  1)''  L.  Carton,  correspondant  de  l'Académie,  plusieurs 
brochures  dont  il  est  Tauleur,  relatives  à  l'archéologie  afri- 
caine : 

1.  Découvertes  faites  en  191 A  dans  les  fouilles  de  Bulln  Regia.  Extr. 
du  Bulletin  archéologique,  1915. 

2.  Suite  à  Vépigraphie  funéraire  de  la  colonia  Thuburnicâ.  Extr, 
du  Bulletin  archéologique,  1915. 

3.  Douzième  chronique  d'archéologie  harharesque  {années  1913- 
1914).  Extr.  de  la  Bcrue  Tunisienne,  n:  lU  et  112. 

4.  Les  lignes  d'auges  des  églises  et  des  autres  nionuniciits  de  V Afrique 
ancienne.  Extr.  des  Notices  et  Mémoires  de  la  Société  archéologique 
de  Constantine,  vol.  XLIX,  1915. 

5.  Treizième  chronique  d'archéologie  harharesque  {années  1914- 
15-16).  Extr.  de  la  Revue  Tunisienne,  n.  121,  122  et  123. 

Il  offre  également  à  l'Académie  de  la  part  de  M.  Bonnel,  archi- 
tecte du  Gouvernement  de  l'Algérie  : 

Monument  gréco-punique  de  la  Souma  {près  Constantine).  Extr. 
des  Notices  et  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Constantine, 
vol.  XLIX,  1915. 


SÉANCE  DU  15  FÉVRIER 

PRÉSIDENCE   DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  Maurice  Vernes  donne  lecture  d'un  mémoire  intitulé:  De  la 
rive  gauche  du  Jourdain  et  de  rassainissement  de  la  mer  Morte 
d'après  la  prophétie  d'Ézéchiel.  C'est  dans  la  dernière  partie  de 
son  œuvre  (chap.  xl-xlviii)  que  le  prophète  esquisse  les  condi- 
tions de  la  restauration  du  Temple,  de  ses  services,  de  Jérusa- 
lem et  du  peuple  d'Israël  sur  le  sol  d'où  celui-ci  vient  d'être 
banni. 

Dans  cette  restauration,  d'un  caractère  idéal,  mais  reposant 
sur  des  données  géographiques  et  topographiques  d'une  remar- 
quable précision,  les  douze  tribus  d'Israël  sont  ramenées  sur  la 


LIVRES    OFFERTS  403 

rive  du  Jourdain  dans  le  Chanaan  proprement  dit,  qui  s'étend 
des  oasis  désertiques  de  Kadès  jusqu'à  Hamath  dans  la  haule 
Syrie'.  Se|it  d'entre  elles  occupent  sept  rectangles  placés  entre  la 
mer  Méditerranée  et  le  Jourdain  et  constituent  autant  de  bandes 
parallèles  dans  la  région  nord.  Cinq  autres  sont  également 
disposées  d'une  manière  analogue  dans-  la  région  sud.  Entre  ces 
deux  groupes  figure  un  territoire  réservé  et  consacré,  formant 
un  carré  de  75  kilomètres  environ  de  longueur  sur  75  de  largeur 
et  réparti  lui-même  entre  trois  bandes  parallèles,  respectivement 
de  30,  30  et  15  kilomètres  de  largeur,  attribuées,  i"  aux  prêtres 
aaronides  et  au  Temple,  i"  aux  lévites,  3°  à  Jérusalem  et  au 
territoire  destiné  à  nourrir  ses  habitants.  Une  source  merveilleuse 
jaillit  du  Temple  et  fertilise  le  pays;  en  se  déversant  dans  la 
mer  Morte,  elle  en  assainit  les  eaux.  Il  semble  que  la  Palestine 
doive  être  transformée  en  une  plaine,  bien  arrosée,  propre  à 
la  culture,  que  domineront  le  Temple  et  la  ville  de  Jérusalem, 
complètement  séparés  l'un  de  l'autre.  Le  souffle  puissant  qui  a 
inspiré  cette  vision  d'avenir  nous  amène  à  prendre  notre  parti, 
sans  trop  d'efforts,  des  particularités,  des  singularités  même  de 
la  reconstitution  projetée. 

M.   Théodore  Reinach  présente  quelques  observations. 

M.  Salomon  Reinacu  est  élu  membre  de  la  Commission  du 
prix  Angrand,  institué  à  la  Bibliothèque  nationale,  en  remplace- 
ment de  M.  Ghavannes,  décédé. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Emile  Picot  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  Le  comte  Caix  de  Saint-Aymour,  à  qui  vous  avez  attribué  l'an- 
née dernière  le  prix  La  Fons-Mélicocq,  in'a  chargé  d'offrir  eu  sou  nom 
à  l'Académie  un  nouveau  volume  qu'il  vient  de  faire  paraître.  Ce 
volume  intitulé:  Au/o(i/-  de  Xoi/on,  sur  les  traces  des  barbares,  est  le 
résumé  d'une  enquête  entreprise  paV  l'auteur  au  lendemain  du  jour 
où  les  Allemands  ont  reculé  leur  ligne  en  Picardie.  M.  de  Caix  a  visité 
toutes  les  communes  évacuées^  il  y  a  pris  un  grand  nombre  de  photo- 
fj^raphies  et  il  a  Recueilli  de  la  bouche  même  des  liabitants  Une  foule  de 


104  SÉANCE    DU    22    FÉVRIER    1918 

détails  précieux  sur  les  actes  de  barbarie  commis  par  l'ennemi.  Ce  qui 
augmente  beaucouji  rinlérèt  de  l'ouvrage,  ce  sont  les  notices  histo- 
riques qui  y  sont  disséminées.  M.  de  Caix  s'est  attaché  à  faire  con- 
naître le  passé  des  monuments  ou  des  châteaux  ravagés  ou  totale- 
ment détruits.  Par  là  son  livre  rentre  dans  le  cadre  des  travaux 
dont  s'occupe  l'Académie.  » 

M.    IIÉHON    DE    ViLLEFOssE    offre     à    l' Académie,    de    la  part    de 
M"»  Thédenat,  en  souvenir  de   son    i'rère,  notre  regretté  confrère 
l'abbé  Henri  Tuédenat,  deux  ouvrages  qui  présentent  un  intérêt  pai-- 
ticulier  à  cause  des  notes  manuscrites  dont  il  les  a   enrichis  : 

1°  Les  inscriptions  ?'oinaines  de  Fréjus,  1884,  1  vol.  relié,  interfolié 
et   annoté  ; 

2"  Pompéi,  1916,  1  vol.  relié,  interfoHé.  Ce  précieux  volume  porte 
à  chaque  page  des  corrections,  additions,  et  remarques  importantes 
en  vue  d'une  nouvelle  édition  que  l'auteur  se  proposait  de  faire 
lorsque  la  mort  est  venue  le  frapper. 


SÉANCE  DU   22  FEVRIER 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  Frits  Holm,  explorateur,  adresse  à  l'Académie  une  lettre 
de  condoléance  à  propos  de  la  mort  de  notre  regretté  confrère, 
M.  Ghavannes. 

M.  Maurice  Prou  annonce  que  la  Commission  du  prix  Du- 
chalais  (numismatique  du  moyen  âge)  a  décerné  ce  prix  aux 
Mélanges  de  numismatique  du  moyen  âge  présentés  par  M.  le 
comte  de  Gastellane. 

Au  nom  de  M.  François  Tuureau-Dangin,  son  confrère  mobi- 
lisé, le  P.  ScHEiL  lit  un  travail  sur  un  lot  de  tablettes  acquises 
récemment  par  le  Musée  du  Louvre,  tablettes  du  xiv'^  siècle 
avant  notre  ère  appartenant  à  la  collection  dite  à'El-Amarna. 

Les  documents  en  écriture  cunéiforme  font  partie  de  la  cor- 
respondance échangée  entre  les  rois  d'Egypte,  Aménophis  III 
et  Aménophis  IV,  et  les  gouverneurs  des  pays   de  Syrie    et*  de 


UN   NOMARQUE  DEDFOU  AU  DÉBUT  DE  LA  VI*   DYNASTIE     103 

Palestine  plus  ou  moins  indépendants,    plus   ou   moins   vassaux 
de  rÉgypte. 

Ce"  nouvel  appoint  à  la  collection  d'El-Amarna  ajoute  de 
très  intéressants  détails  à  ce  qu'on  savait  déjà  de  l'état  poli- 
tique et  militaire -de  la  Syrie  et  de  la  Palestine  vers  1400  avant 
J.-C. 

M.  Moret  interprète  une  inscription  de  la  VI"  dynastie 
récemment  retrouvée  h  Edfou  (Ilaute-l'^gypte).  Elle  contient  la 
biograpliie  du  monarque  Pepinefer,  qui  fut  élevé  à  la  cour  pour 
y  apprendre  la  doctrine  de  fidélité  au  suzerain,  et  qui,  par  la 
suite,  administra  sagement  sa  province  ;  elle  apporte  des  rensei- 
gnements nouveaux  sur  l'organisation  des  fondations  perpé- 
tuelles pour  le  culte  des  morts,  et  sur  l'assistance  publique  dans 
l'ancienne  Egypte  ^ . 

M.  Salomon  Reinach,  étudiant  dans  Lucain  (VIII,  245)  le 
trajet  de  Pompée  fugitif  autour  de  l'ile  de  Samos,  qualifiée  à 
tort  de  petite  [parva]  dans  les  manuscrits  de  la  Pharsale,  pro- 
pose de  substituer  à  ce  mot  impropre  celui  de  laeva  :  Pompée, 
s'engageant  dans  le  passage  entre  Samos  et  Icarie,  laisse  Samos 
à  sa  gauche. 


COMMUNICATION 


UN    NOMARQUE    D  EDFOU    AU    DÉBUT    DE    LA    VI®    DYNASTIE, 
PAR    M.  A.    MORÉT. 

Une  inscription  découverte  à  Edfou  vient  de  révéler  la 
carrière  du  nomarque  Kara  -,  surnommé  Pepinefer,  sous  les 
trois  premiers  rois  de  la  VP  dynastie  :  Teti,  Pepi  I,  Merenra' 

1.  A'^oir  ci-après. 

2.  G.  Daressy,  Inscriptions  du  mastaba  de  Pepinefer  à  Edfou  (Annales 
du  Service  des  antiquités  de  l'Éj^ypte,  XVII  (1917),  p.  130-140).  La  tra- 
duction de  M.  Daressy  demande  des  corrections;  j'indiquerai  mes  lectures 
des  passages  rectifiés. 


106     UN    NOMARQUE  d'eDFOU  AV    DÉBirr   DK  T,A    Vl'"  DYNASTIE 

(vers  2520-2480  av.  J.-C).  Apres  un  proscvnème  à  Aiiubis 
et  Osiris,  le  récit  commence  : 

['A]  ((  Etant  enfant,  porteur  de  /tache  au  temps  du  roi  Teti, 
je  fus  amené  au   roi   Pepi  (/)  pour  être  élevé  parmi    les 
enfants   des    nomarques,   et  pour  être  placé  comme    ami- 
unique  directeur  des    tenanciers   du  pharaon,  sous    le  roi 
Pepi.  » 

Sons  Teti,    Kara   était   x-^f^       p4  hwn   «    enfant  »,  âge 

compris  entre  4  et  16  ans;  sous  Pepi  1,  il  est  encore 
enfant,  puisque  ce  roi  s'occupe  de  le  faire  «  élever  ».  En 
supposant  que  le  tiers  de  son  enfance  se  soit  écoulé  sous 
Teti,  Kara  aurait  eu  8  ans  l'an  I  de  Pepi  I  ;  de  8  à  16  ans  il 
fut  «  élevé  parmi  les  enfants  des  chefs-supérieurs  »,  c'est-à- 

dire  des  «  nomarques  »  (  V\    v\  f  |  v\  ^  i  ^  vO^  l  mm  msw 

hrjic-dsi'dan)).  On  savait  déjà  que  plusieurs  grands  digni- 
taires de  la  VP  dynastie  ont  été  élevés  parmi  les  «  enfants 

royaux  »  (I  ^  H  2j)  i  nsivt  msw)  ;  mais  notre  texte  nomme 

pour  la  première  fois  les  «  enfants  des  nomarques  »  grou- 
pés en  collège.  A  la  cour  des  Ptolémées  on  distinguait 
aussi  les  ôaaiAixoi  TrafScç  et  les  7:afos^  twv  -ï'.i^wiJLSvoiv  ùtto  tou 
(3aaÙ£(oc^  ;  l'institution  remonte  donc  à  l'ancien  empire. 
Ces  enfants  servaient  d'otages  qui  garantissaient  au  roi  la 
fidélité  des  nobles  provinciaux. 

Le  titre  de  nomarque  =  ((  celui  qui  est  en  tête  du  nome  » 

Vfej  ±ti±t    ]p.j  f/aV/a'   n    spt    (avec  ou  sans  l'épithète  <>-=' 

a'a'  <(  grand  »)  est  une  conquête  des  familles  nobles  du 
Sud  ;  son  apparition  au  début  de  la  VP  dyn.  indique  la 
transformation  des  nomes,  jusque  là  provinces  royales,  en 
principautés   de    type    féodal,    administrées    par  des  chefs 

1.  Lumbroso,  Recherches  ...,  p.  208;  Bouché-Leclercq,  Hist.  des  Lagides, 

m,  p.  107. 


UN   NO.MARQUE  d'eDFOU   AU   DÉBUT  DE   LA  Vl"  DYNASTIE     107 

locaux  héréditaires  ^  Jusqu'ici  le  plus  ancien  nomarque 
connu  était  Khououj,  du  nome  du  Lièvre,  en  l'an  25  de 
Pepi  I  ;  notre  Kara  ne  sera  nomarque  que  sous  Merenra', 
mais  son  père  vivait  déjà  «en  cette  dig-nité  de  nomarque  de 

la  terre  du  nome  Wts-llor  »  ^    T  f;  ,  V\ 

(inscription  IV,  1.  3).  Ainsi  le  IPnome  de  la  Haute  Egypte, 

Edfou,  avait  un  nomarque  sous  Teti.  La  maison  princière 

d'Edfou serait,  jusqu'à  plus  ample  informé,  la  plus  ancienne 

famille  de  nomarques  connue,  et  à  cette  époque  il  existait 

déjà  à  la  cour  un  coUèg-e  pour  les  fils  des  nomarques.  Si  les 

Pharaons  n'ont  pu   combattre  cette  évolution   du  Sud,  du 

moins   ont-ils  tenté   d'inculquer  aux  fils  des  nomarques  le 

respect  de  la  dynastie   et    l'amour  du  régime.    La  stèle  de 

Sehetepibra'    (XIP   dyn.)  a  conservé  un  hymne  au  roi  qui 

résume  la  doctrine  shjt  enseigrnée  aux  jeunes  nobles  -.  Teti 

et  Pepi  I  ont  visé  le  même  but  d'endoctrinement,  lorsqu'ils 

créèrent   un    collèg-e    à    la    cour    pour  Kara   et    les  autres 

pupilles  royaux. 

Ces    enfants    ont    des    emplois   à   la   cour  :  porteurs  de 

hache,  de  couronne,  de  sceptre,  de  sandales,  de  naos 3,  ils 

relevaient  du   service  de  la   sacristie   rovale,  la  «  maison 

[_  _i 
d'adoration»  [per-douat    ^   ^.  oîi  le  roi  revêtait  ses  parures 

(A  hakr)  ;  aussi  se  vantent-ils  d'approcher  le  roi  de  près, 

de  connaître  <(  tous  les  mystères  du  roi  »,  de  fîg'urer  «  dans 
toutes  les  fêtes  du  couronnement^  ».  Pourquoi  utiliser  des 
enfants  si  jeunes?  Rappelons  que   tout  roi  renouvelle  sur 

1.  G.  Maspero,  Histoire,  I,  p.  296,  414:  Éd.  Meyer,  Histoire^  II,  .^5  263. 

2.  G.  Maspero,  Études  de  Mythologie,  IV,  p.  162. 

3.  Phlahshpses  [Urk.  I,  51)  :  Ouni  (I,  98,  105)  ;  Ibi  (I,  142);  Da'ou  (C.  R. 
Acad.  1916,  p.  553)  ;  sous  le  moyen  empire,  cf.  :  Brit.  Muséum,  Eg.  Stelae, 
II,  pi.  8,  21.  Sur  le  titre  de  pupille  royal  nswl  sdt,  cf.  mes  Chartes  d'im- 
munité,ap.  J.  Asiatique,  1917,  II,  p.  368,  11. 1. 

4.  Kara  est  "  ofTiciant,  chef  du  mystère  du  per-douat  •>,  Annales,  p.  131. 

5.  Urk.  I.  53. 


108     UN   NOMARQUF.   d'eDFOU   AU  DÉBUT  DE  LA   \f   DYNASTIE 

terre  la  vied'IIorus,  fils  d'Osirls  ;  or,  lorsqu'IIorus  fut  cou- 
ronné, il  n'était  qu'un  enfant  [hicn)  qui  se  cachait  à  Bouto 
pour  échapper  à  Selh-Tvphon  ;  donc  tout  pharaon  à  son 
avènement  et  quand  il  renouvelle  son  couronnement,  est 
réputé,  quel  que  soit  son  âge  réel,  avoir  l'âge  d'Horus 
enfant.  A  ce  roi-enfant  il  fallait  une  cour  juvénile  ;  aussi 
les  fils  des  nomarques  étaient-ils  instruits  à  jouer  des 
petits  rôles  dans  le  mystère,  ou  drame  sacré,  du  couronne- 
ment d'IIorus-pharaon  '. 

Sous  Pepi  1,  Kara,  arrivé  à  l'âge  d'homme,  prend  un 
surnom  «  Pepi  est  bon  »  =  Pepinefer,  qui  est  imité  du  nom 
de  son  royalpatron.il  remplit  les  charges  d'«  ami  unique  », 
attaché  au  culte  du  roi,  et  de  «  directeur  des  tenanciers  »  de 
la  pyramide  royale.  Si  Pepi  I  a  régné  25  ans,  Kara  avait 
environ  33  ans  à  la  mort  de  ce  roi.  Merenra',  fils  et  succes- 
seur de  Pepi  I,  va  faire  de  Pepinefer  un  nomarque. 

«  La  majesté  du  roi  Merenra^  me  fit  r^emonter  le  Nil  - 
jusqu'au  nome  Wtes-Hor,  en  qualité  d'ami  unique, 
nomarque^,  en  qualité  de  directeur  des  grains  du  Sud'', 
directeur  des  prophètes  [d'Edfou),[i]  à  cause  de  V excellence 
de  ma  considération  dans  le  cœur  de  sa  Majesté.  Ma  consé- 
cration me  vint  lors  d'une  fête  et  (me  mit)  en  tête  de  tout 
nomarque  du  Sud  entier  et  de  tout  chef  député  par  le  Sud 

entier.  » 

Dès  l'an  I  de  son  règne,  Merenra'  remonta  le  Nil  jusqu'à 
Éléphantine  ;  c'est  alors  qu'il  installa  Pepinefer  nomarque 
du  IP  nome  (Haute  Egypte),  à  Edfou,  dans  la  ville  où  le 
père  de  Pepinefer  avait  rempli  la  même  fonction.  Notre 
texte  indique  expressément  que  le  fils  d'un  nomarque   ne 


1.  Cf.  Mariette,  Ahydos,  I,  25,  30  /)  ;  Sethe,  Urk.,  IV,  898,1.  9-11. 

2.  Lire  :  rdjin  hm  n  M.  hnt{j)r,  etc.  ;  cf.  Urk.  I,  83,  1.  14,  87,  1.  4. 

3.  Ici  '^  V§i  '^^  't'  :  1.  1  "^^  Aww^  =HTff  hrj  da'da'  a'a'n  spt. 


4.  »i  imra'  itw  sina' :  cf.   Urk.  I,   77,1.  15. 


UN   NOMARQUE  d'eDFOU  AV  DÉBUT  DE  LA  VI^  DYNASTIE    lOO 

succède  à  son  père  qu'après  une  investiture  de  par  le  roi  ' . 
C  est  un  «  sacre  »  (ml  '^'^'^  —  -W    |^    „.     ),  comportant  onc- 


tion d'huile  rituelle  conférée  par  le  roi  dans  une  fête  où 
assistent  les  nomarques  et  chefs  délégués  du  Sud'-;  trait 
qui  rapproche  la  féodalité  égyptienne  des  usages  de  notre 
moyen  âge.  Sous  Merenra',  il  y  avait  donc  des  nomarques 
dans  toute  l'Egypte  du  Sud.  Pepinefer  se  vante  d'avoir  été 

mis    «  en   avant  »  ^\   — ^  m  ha'i  de  .tous  ces  nomarques  ; 


c^ 


cependant  il  ne  mentionne  pas  ici  le  titre  ^^  -^  imra'  sma'^ 

que  porte  le  «  directeur  du  Sud  »,  vice-roi  créé  par  les 
Pharaons,  au  début  de  la  VP  dynastie,  pour  contrôler  les 
nomarques  du  Sud.  Pepinefer  prend  bien  ce  titre  dans  de 
courtes  inscriptions  de  sa  tombe  ;  mais  il  y  insiste  si  peu, 
qu'il  ne  fut  peut-être  que  vice-roi  honoraire 3.  Merenra' 
avait  choisi  comme  directeur  du  Sud  effectif  Ouni  ;  sa  pré- 
sence exclut  celle  de  Pepinefer.  D'ailleurs  Ouni  est  par 
excellence  le  lieutenant  du  roi  ;  Pepinefer  est  un  nomarque, 
un  chef  féodal  du  Sud,  que  l'amitié  du  roi,  son  ancien 
compagnon  d'enfance,  avait  mis  hors  de  pair. 

«  J  aiaffi  en  sorte  que  les  bestiaux  de  ce  nome  soient  au- 
dessus  des  bestiaux  dans  récurie  ^  et  en  tête  du  Sud  entier^ 
ce  que  je  n  ai  point  trouvé,  certes,  de  la  part  du  nomarque 
existant  dans  ce  nome  auparavant  ^,  [5]  —  grâce  à  ma  vigi- 


1.  Je  lis  :  Ij-n-j  nd-j  m  hh  :  sur  le  ternie  technique  du  sacre,  nd,  ncj,  cf. 
Recueil,  XXVIII,  p.  ]>s4,  et  C.  R.  Acad.  1916.  p.  554. 

2.  Pour  les  «  directeurs  du  Sud  »  le  roi  promulgue  un  décret  de  nomi- 
nation (C.  R.  Acad.  1914,  p.  554).  Sous  la  XVIII"  dyn.  le  Vizir  est  installé 
en  fonctions  par  le  roi  suivant  un  cérémonial  connu  (tomb.de  Rekhmara'). 

3.  Cf.  Ed.  Meyer,  Histoire.  II,  §  264. 


il& 


4.  Lire  wda'   \\n   \\  ;  il  s'agit  ici  des  bestiau.x  fournis  par  le 


nomarque  aux  écuries  de  la  Cour  (pa'ii'ç/a' fi  hnw,  Brugsch,  W.  S.,  p.  3"8). 
5.  Voir  phrase  analogue,  E.  de  Rougé,  Inscriptions  H.,  p.  161. 


Ho     UN   NOMAtlQUÈ   D  EDFOt'   AU   DKnUT  DE  t>A   Vl*^  DYNASTIE 

lance  '  ce  à  la  perfection  de  mon  administra/ion  ~  des  biens 
de  la  Cour.  Je  fus  le  chef  du  secret  de  toute  parole  venue  -^ 
de  la  Porte  dEléphanline  et  des  pays  étrangers  du  Sud.» 
Notre  texte  précise  le  rôle  d'un  nomarque  vis-à-vis  du 
roi;  pour  le  bien  comprendre,  il  faut  déiînir  sur  quels  ter- 
ritoires le  nomarque  exerçait  son  autorité.  1°  Des  terres  du 
nome,  une  partie,  probablement  considérable,  appartenait 
à  la  famille  qui,  par  la  force  ou  par  faveur,  avait  obtenu  du 
roi  la  direction  de  la  province  :  Pepinefer  administre  donc 

d'abord  «  les  biens  de  la  maison  de  son  père  »    r-^    ^ 

I    I    I  >< 

ihii  t  niv  tf  [Siut,  pi.  VII,  1.  268)'.  2°  Le  nomarque  reçoit, 
d'autre  part,  à  titre  d'apanage, -des  terres  dont  le  revenu 
est  attaché  à  sa  fonction  ;  ce  sont  «  les  biens  de  la  maison 


du  prince  »    r-^-^        ^n  ^  ihivt  pr  haHja''  {Siut,  ibid.). 

3°  Il  subsiste,  dans  chaque  nome,  un  domaine  royal,  que 
la  féodalité  a  plus  ou  moins  entamé  ;  ce  sont  «  les  biens  de 

la   cour   »    ici    désignés    :  i    i    i  ^c^  ihtvt   n    hnw  ;    le 

nomarque    reçoit  la  charge  de  les    administrer  (  n 

hrp).  Ce  sont  les  «  biens  de  la  cour  »  que  Pepinefer  nomme 
seulement  ;  là  son  activité  profite  directement  au  roi  ;  mais 
de  ses  propres  biens  et  des  biens  du  prince,  il  parle  aussi 
par  prétérition.  Le  roi,  suzerain  du  nome,  en  garde  la  pro- 
priété éminente  ;  tout  nomarque  paie,  sur  ces  deux  catégo- 
ries de  terre,  impôts  et  corvées,  que  le  vice-roi  du  Sud 
recense  et  perçoit  pour  le  fisc  royal.  Si  Pepinefer  accroît  la 


1.  Pour  n  rs-lp  '"^^^^^n'i  CliS  ,  cf.  Vrk.,  I,  p.  127,  129. 

®         D     ®    o 

2.  Sur  le  sens  de  A.         .    -^  -,  hrp  ihlw,  cî.  A. 'Slorei,  Chartes  cl' im- 

'^'i^ ûl    I    I 

rnnnité,  III,  ap.  J.  Asiatique,  1917,  II,  p.  446. 

3.  Voir  la  variante  :  _/A  VX  iw-i  pour      Aaaaaaa  uinl,  p.  134,  IV,  1.  6, 


tjN  NOMARQUE  d'edFOU  AU  DÉBUT  DE  LA  VI'-'  DYNASTIE     \  1  l 

valeur  de  son  patrimoine  et  de  son  apanag-e,  les  impôts 
levés. au  prorata,  rendent  davantage  :  d'où  la  satisfaction 
du  roi  à  constater  que  le  cheptel  du  nome,  recensé  chaque 
année  ',  augmente  en  nombre  et  en  qualité.  Ainsi  Pepine- 
fer  est-il  à  la  fois  le  vassal  et  l'intendant  du  Pharaon,  Il  se 
vante  d'avoir  été  loué  par  le  roi  pour  avoir  amélioré  le  ren- 
dement du  IP  nome,  sans  réfléchir  qu'il  fait  ainsi  la  cri- 
tique de  son  propre  père,  son  prédécesseur. 

Pepinefer  est  aussi  chef  du  service  des  «  renseig-nements 
venus  de  la  porte  d'Eléphantine  et  des  pays  étrangers  ». 
Ceux-ci  sont  les  régions  entre  la  l""®  et  la  2"  cataracte  con- 
quises par  Pepi  I.  Aux  nomarques  du  P''  nome  (Éléphan- 
tine)  Merenra'  laissait  la  direction  des  forces  militaires  et 
l'exploration  du  haut  Nil  -  ;  mais  les  services  politiques 
semblent  centralisés  à  Edfou,  entre  les  mains  de  Pepinefer, 
dont  le  loyalisme  était  éprouvé.  La  mention  de  la  «  porte 
d'Eléphantine  »  '^^^  "cmnircv^N^       -        -  ^  al      ,         -=^1 

T  jPp^^_^,^p.  134,  IV,  1.  6)  est  la  plus  ancienne  connue. 

La  célèbre  çpijpâ,  dont  Hérodote  signale  l'importance  (II, 
30)  existait  donc  dès  l'ancien  empire  ;  nous  la  retrouve- 
rons à  Eléphantine  sous  tous  les  régimes. 

Après  le  service  du  roi,  voici  ce  qu'a  fait  Pepinefer  pour 
ses  propres  administrés  : 

«  J'ai  donné  du  pain  à  Vafjfamé,  des  vêtements  à  celui  qui 
était  nu,  grâce  à '^  ce  que  fai  trouvé  dans  ce  nome.  J'ai 
donné  des  vases  de   lait'';   j'ai   mesuré  à   boisseaux'^    les 

1.  Inscriptions  dOuni,  1.  36;  Ed.  Meyer,  Histoire,  II,  §  26i. 

2.  Inscriptions   d'IIcrkhouf  et    de     Pepinekht  ;   cf.     sur    le     rôle    des 
nomarques  d'Eléphantine  ce  que  dit  Gardiner.  Aej.  Zeitschrifl,  45,  p.  138. 

3.  Le  sens  des    1.    5-6  eit  méconnu  par  M.  Daressy.  Ici    n   introduit  la 
phrase  relative  (au  neutre)  n  ç/mt-n-j. 

i.  Le  mot     J^    lu    v\  ^  ma'/»ruj<  est  rare  sous    l'ancien  empire;   cf. 

J.  Asintiqiie,   1917,-11,  p.  442,  n.  2. 

5.  Lire  :  iw  hn'-n-j  itw  snia'  m  iir-dl  n  ljl;r. 


J  12    UN  NOMARQLE  D'EDtOL'  AU  DÉBUT  DE  LA  Vl"  DYNASTIE 

f/rains  du  Sud,  [provenant]  de  la  fondation-perpétuelle, 
pour  l'a/famé  que  f  ai  trouvé  dans  ce  no/ne.  [6]  Tout  homme, 
que  fai  trouvé  dans  ce  nome  n'ayant  pour  lui  que  les 
(jrains^  d^un  autre,  moi,  fai  chamjé  la  condition  de  tout 
homme  en  cet  état"  au  moyen  delà  fondation-perpétuelle. 
Moi,  f  ensevelis  tout  homme  de  ce  nome  qui  fia  pas  de  fils 
avec  les  linceuls  provenant  des  hiens'^  de  la  fondation-per- 
pétuelle. Jai  mis  la  paix  dans  tout  pays  étranger  dépen- 
dant de  la  Cour  par  la  perfection  de  ma  vigilance  à  ce 
sujet,  et  j'ai  été  loué  à  ce  sujet  par  mon  Seigneur,  fai  déli- 
vré le  pauvre  de  la  main  de  plus  riche  que  lui,  j'ai  dépar- 
tagé les  frères,  de  façon  à  ce  qu'ils  soient  en  paix.  » 

Plusieurs  des  nomarques  de  la  VP  dynastie  ont  composé 
des  panégyriques  similaires  ;  Pepinefer  révèle  cependant 
un  détail  nouveau  :  il  insiste  sur  les  moyens  employés 
pour  soulager  la  misère  publique  ;  il  indique  qu'il  a  corrigé 
les  injustices  du  sort  par  une  utilisation  judicieuse  des  res- 
sources qvie  lui  procuraient  les  biens  de  la  ((  fondation-per- 
pétuelle »,  le  per-det  '^  .  Qu'est-ce  donc  que  le  per- 

def?  Le  sens  littéral  est  «  maison  deternité  »  ou  «  maison 
perpétuelle  >»  ;  on  traduit  d'ordinaire  «  le  tombeau  ».  Si 
nous  adoptons  ce  sens,  Pepinefer  distribue  aux  malheu- 
reux les  biens  destinés  au  service  de  son  propre  tombeau  ; 
un  tel  désintéressement  serait  invraisemblable.  Mais  per-det 


1.  L'explication  de  ^>  jp  lyht  par  Daressy  est  contredite  par  le 
pap.  de  Leide  (Brugsch,  W.  S.  p.  1400  =Gardiner,  Admonitions,  p.  68): 
,c  celui  qui  n'avait  pas  de  s^ins  ^=^  .•"  est  maintenant  possesseur 
de  greniers  :  celui  qui  devait  aller  chei-cher  pour  lui-même  des  grains  ta'bt 


J 


11,1 

C^y"        .  luaintenant  en  exporte  ». 
III 


2.  Lire  :  inwk  dh{w}  sanh  n  s  m  pr-dt. 
3    Lire  :  hbs  m  ist   dt.   L'examen  de  l'original,   ou   d'une  photographie 

EU  3=3:         .^        . 

permettrait  de  décider  s'il  faut  préférer  à  (j^  ist,  la  lecture  [^^  mrjt,  qui 


UN   NOMARQUE  D*EDFOt    Af  DÉBUT  DE   LA   M"  DVNAStlE     113 

ne  désigne  que  rarement  «  tombeau  »,  et  le  plus  souvent 
une  organisation  complexe,  qui  comprend  :  1»  un  matériel 
considérable     champs,   villages,  domaines,  maisons,  tom- 
beaux, chapelles;  1»  nn  cheptel  par  milliers  de  têtes  d'ani- 
maux  variés  ;    3»    un   personnel  administratif  :  directeurs 
comptables      bureaux;    technique    :    artisans,    chasseurs,' 
bergers,  laboureurs,  serfs;    religieux  :  prêtres    de   ka,  oïti- 
ciants,    agents  de    la   nécropole,    etc.,    sans    compter  les 
simples    -^   ndt    ..    dépendants    du   ,Jet   „.  |  "^    ^n    dt 
«  frères  „  ou  .<  confrères  du  del  ».  Tous  ces  W,:::  ous  ces 
gens  appartiennent-ils  à  un  simple  tombeau?  Je  ne  puis  le 
croire.  J  entends  «  maison  d'éternité  .  au  sens  admiinstra^ 

ton         ","T""'"  J'°'^'-P'è'^   «  b">-eaude  la  fonda- 
tion-perpétuelle  „,  ou    «   fondation-perpétuelle  »    cest-à 
dire  «  service  des  biens  funéraires  „ 

Dans  laquelle  des  catégories  définies  plus  haut,  devons- 
nous  classer  les  «  biens  du  per-det  „  (fl'=°^  ;,„  j,,. 
Les  textes  de  S.out  (Xll-  dyn.)  disent  for„ieUe~nt  que  les 

prTl    et  rf  ?"™r'"''   ™  P"«^'    desrécXsd: 
prince    et  de  tout  vassal   du   nome    (éd.   Griffith,  ni.  VI 

1.  2.9)  ;   ce  sont  des  grains  payés  à  titre  de  redev  oce   au 

.se  royal.    Le  per-det  est  donc  une  administration  ^État 

le  N:ri";r'r  ^t  "^^^""-'^^^  "-^  touuâT., 

o™l    auand  1^''^     '      r   P^"^'*"-".   1»  du   domaine 
royal,  quand  le  roi  concède  à  ses  „  amakhou  „  une  fonda 
t^n-perpetuelle  pour  leur  assurer  tombeaux  et  oLndes 
2«  des  domaines  privés,  quand  un  particulier  dispose^un; 
partie  de  sa  fortune  pour  „  fonder  un  bien  perpétuel   ,  en 
vue  de  son  culte  funéraire.  Le  personnel  techm^e  Lit 


ISJlS 


1  14     L.N    .NO.MARQUE    u'iïDFOU  Al'  DlîlBUT   DE  LA   V^'   DYNASTIE 

recruté  parmi  les  a^ricuUeuis  et  les  artisans  attachés  à  la 
terre  et  aux  villages  érigés  en  fondations  perpétuelles  ;  le  per- 
sonnel religieux,  parmi  les  confréries  funéraires  (prêtre  de 
ka)  avec  lesqvioUes  chacun  pouvait  jjasser  contrat;  le  per- 
sonnel administratif  constituait  une  administration  royale, 
dont  le  nomarque  avait  la  direction,  notre  texte  en  témoigne. 
Le  nomarque  présidait  donc  à  la  distribution  des  revenus  du 
per-det  aux  bénéliciaires  ;  mais  si  la  gestion  était  prospère, 
les  terres  et  les  industries  pouvaient  donner  un  rendement 
supérieur  aux  services  d'otl'randes  prévus.  De  ces  excédents 
le  nomarque  disposait  pour  nourrir  les  indigents,  corriger 
les  infortunes,  assurer  le  culte  des  morts  sans  postérité  : 
il  tirait  du  per-det  un  service  d'assistance  publique. 

Nous  comprenons  mieux,  maintenant,  les  déclarations 
humanitaires  que  contiennent  les  tombeaux  des  nomarques  ; 
nous  avions  cru  que  ces  panégyriques  n'étaient  que  lieux 
communs  ou  vantardises  ;  les  textes  se  taisaient,  en  effet, 
sur  la  source  de  ces  libéralités  ;  nous  la  connaissons  grâce 
à  Pepinefer  :  la  source,  c'était  le  per-det.  Là  où  nous 
avions  vu  les  effets  d'une  générosité  individuelle,  il  faut 
reconnaître  le  fonctionnement  d'une  institution  sociale,  qui 
mérite,  à  l'avenir,  d'être  mieux  étudiée. 

Voici  la  fin  de  l'inscription  :  [7]  «  Je  suis  l'aimé  de  son 
père^  le  loué  de  sa  mère,  celui  qu'aiment  ses  frères.  Ah,  les 
vivants  qui  sont  sur  terre  et  qui  passeront  vers  ce  tombeau  ! 
S'ils  aiment  le  roi,  ils  diront  :  milliers  de  pains,  de  bière, 
de  bœufs  pour  l'ami  unique  Pepinefer.  » 

Tel  est  ce  nouveau  texte  qui  fournit  une  contre-partie 
utile  à  la  biographie  d'Ouni  :  celle-ci  décrit  les  actes  du 
((  directeur  du  Sud», c'est-à-dire  du  plus  haut  fonctionnaire 
royal  dans  le  Sud,  tandis  que  le  récit  de  Pepinefer  nous 
éclaire  sur  la  vie  d'un  de  ces  ffls  des  grandes  familles  pro- 
vinciales, qui  se  taillaient  des  fiefs  dans  le  domaine  royal, 
et  que  le  Pharaon  croyait  incorporer  à  son  administration 
en  faisant  d'eux  des  nomarques.  Giàce  à  Pepinefer,  nous 


LIVRES    OFFERTS 


lis 


discernons  mieux  le  but  de  l'éducation  donnée  parle  roi  aux 
enfants  des  nomarques,  les  devoirs  du  nomarque  vis-à-vis 
du  roi,  et  l'institution  administrative  et  sociale  du  per-cjet. 
Après  Merenra',  dont  le  règne  n'excède  guère  sept 
ans,  Pepinefer  ne  nomme  plus  aucun  roi.  Il  est  donc  dou- 
teux qu'il  ait  servi  sous  Pepi  II,  et  qu'il  ait  dépassé  l'âge 
de  40  ans. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Babelon  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  de  la  part  de  l'auteur,  notre 
correspondant  M.  Percy  Gardner,  professeur  d'archéologie  à  l'Uni- 
versité d'Oxford,  un  nouvel  ouvrage  de  numismatique  grecque  qu'il 
vient  de  publier,  sous  ce  tilre  :  A  History  of  ancient  Coinage,  700- 
300  B.  C.  (in-8°  ;  453  pages  et  onze  planches.  Oxford,  1918).  C'est 
un  livre  de  doctrine  où  chaque  chapitre  n'est  pas  seulement  la  syn- 
thèse raisonnée  et  critique  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  d'important 
depuis  une  cinquantaine  d'années  dans  le  domaine  de  l'histoire 
monétaire  de  la  Grèce  ancienne  ;  l'auteur  domine  en  maître  son 
sujet,  il  l'envisage  sous  tous  les  aspects,  formulant  ses  vues  person- 
nelles qu'il  s'efforce  sobrement  de  justifier  avec  la  compétence  qu'il 
s'est,  depuis  longtemps,  acquise  parmi  les  numismates. 

v(  L'exiguïté  de  la  place  réservée  dans  nos  Comptes  rendus  aux  pré- 
sentations d'ouvrages  ne  me  permet  pas  de  m'étendre  comme  il  con- 
viendrait sur  le  nouveau  livre  de  M.  Percy  Gardner  dont  chaque 
chapitre  est  comme  le  dernier  mot  de  la  solution  d'une  importante 
question  numismatique  longtemps  débattue. 

«  Je  dois  donc  me  borner  à  constater  que  M.  Percy  Gardner  n'i- 
gnore aucun  des  problèmes  à  résoudre,  et  que  sur  tous  il  se  pro- 
nonce et  s'efforce  de  justifler  son  opinion.  Le  jugement  de  M.  Percy 
Gardner  mérite  toujours  la  plqs  grande  considération  lors  mêma 
qu'on  ne  l'adopte  que  sous  réserve  ;  aussi,  je  me  propose  de  revenir 
ailleurs  plus  amplement  sur  ce  solide  exposé  de  l'histoire  monétaire 
de  la  Grèce  durant  les  quatre  premiers  siècles  de  son  développe- 
ment. » 

M.  Camille  Jullian  offre  à  l'Académie  :  l°de  la  part  de  M.  Hubert, 
Rouger,  député  du  Gard,  une    monographie  de  Calvissnn*;  il    s'agit 

1.   Cnlvixxnn.  Nîmes,  1013,  Coopérative  l'Ouvrière,  in-S"  del-i-^p. 


116 


I.IVRKS    (OFFERTS 


d'une  petite  localité  du  Gard,  située  en  pleine  Vannage,  héi'itière  du 
fameux  oppidum  celticpie  de  Nages,  et  qui  s'est  a|)pelée  jadis' 
Aramianurn.  M.  Hubert  Rouger  suit  les  destinées  de  la  localité 
durant  tout  le  moyen  âge  et  les  temps  modernes  jusqu'en  1789,  à 
l'aide  des  archives  municipales  de  Calvisson.  J'ai  eu  moi-même  l'oc- 
casion de  visiter  ces  archives.  Elles  sont  fort  riches  :  toute  une 
bourgade  rurale  de  notre  Languedoc  y  revit.  Calvisson  fut  célèjjre 
au  temps  de  Philippe  le  Bel  par  la  seigneurie  du  fameux  Nogaret, 
au  temps  des  Camisards,  par  Cavalier. 

2»  La  Caverne  de  VAdaouste,  par  J.  et  C.  Cotte.  Paris,  1917,  in-8° 
de  .'iO  p.  —  Découverte  de  nombreux  éléments  néolithiques,  en  par- 
ticulier de  produits  organiques  ou  inorganiques  se  rattachant  à  la 
teinturerie,  kermès,  ocre,  guesde.  Par  suite,  très  précieuse  contri- 
bution à  la  chimie  industrielle  des  temps  néolithiques. 

3°  De  la  part  de  M.  Raoul  Monlandon,  une  brochure  intitulée  : 
Bibliographie  générale  des  travaux  palethnologiques  et  archéolo- 
giques du  canton  de  Genève  (Genève,  1917,  in-B").  L'Académie  con- 
naît déjà  les  travaux  bibliographiques  de  M.  Raoul  Montandon. 
Voici,  de   lui,    un  nouveau   répertoire,  dont  on  ne  peut  répéter  que 

le  bien  dit  du  précédent  :  Bibliographie  des  travaux du  canton  de 

Genève  et  régions  voisines . 

M.  Clermont-Ganne.\u  a  la  parole  pour  deux  hommages  : 

1°  «  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  de  la  part  de  l'auteur, 
M.  Cowley,  bibliothécaire  de  la  Bodleian  Library,  le  savant  hébraï- 
sant  qui  est  au  premier  rang  des  orientalistes  anglais,  un  ouvrage 
en  deux  volumes  intitulé  :  The  Samaritan  Liturgy  ' .  C'est  une  œuvre 
considérable  qui  a  coûté  à  l'auteur  de  longues  années  de  recherches 
et  de  travail.  Il  a  relevé  ou  déchiffré  et  transcrit  en  caractères 
hébraïques  courants,  et  commenté  tous  les  manuscrits  rentrant  dans 
son  sujet  qui  se  trouvent  dispersés  dans  les  principales  bibliothèques 
et  collections  publiques  :  au  Vatican,  au  British  Muséum,  à  Oxford, 
Manchester,  Paris,  Berlin,  Gotha,  etc.  La  matière  première  ainsi 
recueillie,  et  élaborée  avec  une  rare  érudition,  forme  une  masse  impo- 
sante de  880  pages  d'impression  compacte  de  textes  originaux. 
Elle  constitue  le  second  volume.  C'est  un  véritable  Corpus  liturgi- 
cum  comprenant  les  hymnes,  prières,  oraisons,  etc.,  employées  dans 
les  divers  offices  et  cérémonies.  Le  premier  volume  est  consacré 
tout  entier  à  une  introduction  des  plus  remarquables,  où  l'auteur 
expose  et  discute    les   principales   questions   d'ordre  philologique, 

t.  Oxford,  at  the  Glarendon  Press,  1909  ;  xcix-879  pp.  in-8», 


LIVRES    OFFERTS  117 

histori<(ue  et  religieux  soulevées  par  l'étude  approfondie  de  ces 
documents  rendus  ainsi  accessibles  à  la  critique  scientifique. 

«  J'y  signalerai  surtout  les  pages  magistrales  où  M.  Cowley 
recherche  et  fixe  avec  précision  les  phases  par  lesquelles  a  passé, 
au  cours  des  siècles,  la  langue  écrite  des  Samaritains: 

2°  «  J'ai  l'honneur  d'offrir  encore,  de  la  part  de  M.  Vassel,  un  article 
de  lui,  extrait  de  la  Revue  Tunisienne  et  intitulé  :  L'inscription  des 
Ethniques.  Dans  ce  mémoire,  l'auteur  essaie  de  reconstituer  l'en- 
semble d'nne  grande  inscription  latine  dont  les  fragments,  au 
nombre  de  treize  ou  quatorze,  ont  été  successivement  découverts  à 
Carthage,  à  plusieurs  années  d'intervalle.  Elle  contient  la  liste  des 
noms  de  nombreuses  localités  de  la  province  d'Afrique,  représen- 
tées par  leurs  ethniques  correspondants.  M,  Vassel  incline  à  croire 
qu'il  s'agit  d'un  édit  impérial,  peut-être  de  Théodose  le  Grand, 
modifiant  le  régime  de  l'annone  dans  la  province  d'Afrique  et 
réglant  les  redevances  des  différentes  villes  de  cette  province.  » 


Le  Gérant,  A.  Pic.\rd, 


MAÇON.  PHOTAT  KRFKES,  IMPRIMCUHS. 


;  \ 


J 


'      COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 

DE 

L'ACADÉMIE      DES      INSCRIPTIONS 

ET     BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 

SÉANCE    DU    1^'    MARS 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE     VILLEFOSSE. 

M.  le  comte  de  Castellane,  dans  une  lettre  qu'il  adresse  au 
Secrétaire  perpétuel,  remercie  l'Académie  de  lui  avoir  fait  l'hon- 
neur de  lui  attribuer  le  prix  Duchalais.  Il  lui  a  semblé  qu'au 
milieu  des  souirrances  présentes,  la  somme  de  mille  francs  atta- 
chée au  prix  de  numismatique  ne  pouvait  être  mieux  employée 
qu'en  la  consacrant  au  soulagement  de  nos  pauvres  blessés.  Il 
met  donc  cette  somme  à  la  disposition  de  l'Académie  en  faveur 
de  l'hôpital  militaire  entretenu  par  l'Institut  de  France. 

M.  le  comte  K.ue  Lasteyrie  a  adressé  au  Secrktaire  perpétuel, 
qui  en  donne  lecture,  la  lettre  suivante  : 

«   Le  Saillant  (Corrèze),  28  février  1918. 
«  Mon  cher  Secrétaire  perpétuel, 

«  Vous  m'avez  fait  envoyer  une  délibération  de  la  Commission 
des  Antiquités  de  Seine-ét-Oise  protestant  contre  le  nom  de 
gothique  appliqué  à  l'architecture  du  xni''  siècle  et  demandant 
à  l'Académie  son  opinion  sur  l'opportunité  qu'il  y  aurait  à  subsli- 


\2'2  SÉANCE    DU    1"    MAUS     I  <)  I  S 

lucr  un  aulre  vocable  à  celui-là.  La  question  n'est  pas  nouyelle, 
etj'y  ai  suffisamment  réiléchi  depuis  le  jour  o  j  'ai  commencé  à 
professer  l'archéologie  du  moyen  âge  pour  n'être  pas  embarrassé 
d'y  répondre.  Je  regrette  seulement  que  l'hiver,  assez  rig-ourelix 
cette  année,  et  la  dilTiculté  croissante  des  communications  ne  me 
permettent  pas  de  faire  en  ce  moment  le  voyage  de  Paris,  car 
j'aurais  été  heureux  d'exposer  en  détail  à  l'Académie  les  raisons 
qui  doivent,  à  mon  avis,  l'empêcher  d'adhérer  à  la  délibération 
qui  lui  est  soumise.  Ces  raisons  peuvent  se  résumer  ainsi  : 

<(  L'Académie  ne  saurait  approuver  la  Commission  des  Anti- 
quités de  Seine-et-Oise  de  se  prononcer  pour  la  suppression  du 
terme  gothique,  avant  de  savoir  comment  on  le  remplacera. 

«  Cette  épithète,  d'ailleurs,  ne  mérite  pas  les  critiques  qu'on  lui 
a  adressées.  La  principale  est  qu'elle  semble  attribuer  aux  Goths 
l'invention  de  l'architecture  ainsi  dénommée.  Mais  cette  objec- 
tion a  peu  de  valeur,  car  tout  le  monde  sait  que.  depuis  long- 
temps, le  terme  gothique  a  pris  dans  notre  langue  le  sens  de 
vieux,  de  passé  de  mode.  C'est  dans  cette  acception  que  Boileau 
l'a  employé  en  parlant  des  idylles  gothiques  de  Ronsard,  et  per- 
sonne ne  lui  a  jamais  reproché  cette  expression  sous  prétexte 
qu'elle  pourrait  donner  à  croire  que  ces  idylles  étaient  écrites 
dans  la  langue  des  Goths. 

«  Le  mot  est  aujourd'hui  compris  de  tout  le  monde,  il  a  conquis 
droit  de  cité  dans  toutes  les  langues  savantes  de  l'Europe.  Il  est 
d'un  usage  courant  en  anglais,  en  allemand,  en  italien.  Il  a  été 
employé  par  nos  meilleurs  écrivains,  Mérimée,  Vitet,  Viollet-le- 
Duc,  Quicherat.  Il  n'y  a  aucune  bonne  raison  pour  ne  pas  contii,- 
nuer  à  faire  comme  eux. 

«  J'ai  développé  ces  idées  il  y  a  quelque  vingt-trois  ans  dans 
un  article  du  Bulletin  monumental,  qui  reçut  l'adhésion  des 
meilleurs  archéologues  de  l'époque.  Malheureusement  il  fut  peu 
répandu  et  il  semble  un  peu  oublié  aujourd'hui.  Je  vous  en 
envoie  un  des  rares  exemplaires  que  je  possède,  et  je  viendrai 
volontiers  vers  la  fin  de  mars  en  discuter  les  conclusions  devant 
l'Académie.  Si  elle  les  approuve,  je  m'offre  à  les  reprendre  sous 
forme  de  rapport  ou  de  communication,  qui  pourrait  être  inséré, 
si  mes  confrères  le  jugent  à  propos,  dans  un  de  nos  recueils. 

«  En  attendant,  je  vous  adresse  cette  lettre  dont  vous  ferez  tel 


UN    PETIT    l'ROiSLKME    JjE    iJlTÉIlATLhE    COMPAKÉE  l23 

usage  que   vous  voudrez,   el  je   vous  prie  d'agréer,   mon    cher 
confrère,  Texpression  de  mes  sentiments  les  plus  dévoués. 

«    R.  DE  Lasteyrie.   » 

Sous  ce  titre  :  «  Un  petit  problème  de  littérature  comparée  », 
M.Louis  Léger  lit  une  notice  surunsonnet  fort  admiré  du  poète 
espagnol  Quevedo,  dont  il  a  retrouvé  la  reproduction  intégrale 
dans  les  œuvres  d'un  poète  polonais  mort  en  1580,  Szarzjnski . 
M.  Léger  conclut  de  ce  rapprochement  que  les  deux  poètes  ont 
dû  tous  deux  imiter  un  archétype  commun.  Cet  archétype,  il  l'a 
retrouvé  dans  les  poésies  latines  de  l'italien  Vitalis  ou  ^'itali 
qui  fut  également  connu  en  Espagne  et  eu  Pologne'. 

M.  Théodore  Reinach  présente  une  observation. 

Le  Président  annonce  à  l'Académie  que  le  Comité  du  «  Journal 
des  Savants  »  a  élu  comme  membre  M.  Cordieu  en  remplacement 
de  M.  Chavannes,  décédé. 

M.  Antoine  Thomas  entretient  l'Académie  de  l'origine  de  l'ex- 
pression "  Maître  Aliboron  »,  employée  par  La  F'ontaine  après 
bien  d'autres.  U  montre  que  le  mol  Aliboron  paraît  être  une  défor- 
mation du  mot  Ellehoron,  nom  d'une  plante  bien  connue  dont  un 
glossateur  de  Marcianus  Capella  a  fait  un  maître  philosophe  ; 
confusion  qui  a  fait  fortune. 

MM.  Léger,  Théodore  Reinach  et  Dlrrieu  présentent  quelques 
observations. 


COMMUNICATIONS 


UN      PETIT       PRQlîLÈ.ME      DE      LITTÉRATURE      COMPARÉE, 
PAR    M.    LOUIS  LÉGER,    MEMBRE   DE    l'aCADÉMIE. 

J'ai  eu,  il  y  a  bien  des  années,  roccasion  de  m'occuper 
de  littérature  espagnole.  En  lisant  la  traduction  française 
de  l'histoire  de  cette  littérature  par  l'Allemand  Bouterweck, 
j'y  ai  remarqué  un  sonnet  du  poète  Quevedo  dont  ie  crois 

1.   Voir  ci-après. 


I^t  IN    PETIT    l'ROliLKMK    DK    1,1  l' lÉKA  ruUK    (OIMl'AKÉE 

devoir  reproduire  ici  la  Iraduclion  telle   (ju'elle    se  trouve 
dans  Tédition  française  de  Bouterweck  : 

«  Tu  cherches  Rome  dans  Rome,  à  voyageur.  C'est  son 
cadavre  que  te  montrent  ces  murailles,  et  le  mont  Aventin 
renferme  son  tombeau. 

((  Le  mont  Palatin  s'élève  encore  où  elle  régna  jadis  et 
cache  dans  son  sein  des  médailles  rongées  par  le  temps: 
monuments  du  ravage  des  siècles  plus  que  de  la  gloire  des 
Latins. 

((  Le  Tibre  seul  lui  reste,  et  ses  eaux,  qui  la  baignaient 
quand  elle  était  une  cité,  aujourd'hui  qu'elle  est  une  tombe, 
semblent  la  pleurer  par  leur  murmure  plaintif.  0  Rome  ! 
de  toute  ta  grandeur,  de  toute  ta  beauté  tu  as  perdu  ce  qui 
était  permanent  et  solide,  et  ce  qui  fuit  toujours  t'est  seul 
demeuré  fidèle  ^  » 

Ce  sonnet  m'avait  frapj)é  par  son  allure  héroïque,  sa 
grandiloquence,  et  je  me  plaisais,  comme  Boutervs'eck,  à 
y  voir  une  production  caractéristique  du  génie  espagnol. 
Grande  fut  ma  surprise  lorsque  tout  récemment,  en  par- 
courant les  œuvres  d'un  poète  polonais  de  la  Renaissance, 
Nicolas  Sep  Szarzynski,  j'y  rencontrai  un  morceau  de  qua- 
torze vers  intitulé  :  Epitaphe  de  Rome.  Ce  morceau  était 
absolument  identique  au  sonnet  de  Quevedo.  Une  question 
se  posa  aussitôt.  Lequel  des  deux  poètes  s'était  inspiré  de 
l'autre?  Quevedo  était  né  en  1580  et  mourut  en  1645  ;  Sep 
Szarzynski,  sur  la  vie  duquel  on  sait  d'ailleurs  peu  de 
chose,  était  mort  en  1581.  Les  œuvres  poétiques  de  Que- 
vedo ont  été  imprimées  pour  Ta  première  fois  en  1648, 
celles  de  Sep  Szarzynski  en  1601.  11  est  donc  mathémati- 
quement impossible  d'admettre  que  l'un  des  deux  poètes  se 
soit  inspiré  de  l'autre.  On  doit  nécessairement  supposer 
qu'ils  se  sont  tous  les  deux  inspirés  d'un  modèle  commun . 
Quel  était  cet  archétype?  Les  éditions  des  classiques  polo- 

i.  Bouterweck,  édition  française.  Paris,  1812,  t.  II,  p.  127. 


UN    PETIT    PROBLÈME    DE    LITTÉRATUKE    COMPARÉE  J2o 

nais  de  rAcadémie  de  Cracovie  ne  donnent,  en  général, 
que  des  textes  nus'.  Par  bonheur  l'éditeur  de  Sep- Szar- 
zinski  a  fait  une  exception  pour  le  morceau  qui  nous 
intéresse.  Il  nous  dit  : 

«  Ce  morceau  accompag'né  du  texte  original  est  donné  par 
Wargocki  dans  son  ouvrage  sur  la  Rome  païenne  et  chré- 
tienne avec  l'original  latin  de  Vitalis.  »  Je  n'ai  pu  me  pro- 
curer le  texte  de  Wargocki.  Ce  Vitalis  ne  ligure  pas  dans 
nos  répertoires  biographiques.  J'ai  pu  découvrir  ses  œuvres 
grâce  à  une  indication  de  Brunet.  Elles  figurent  au  t.  II 
des  Delitise  Italorum  poetarum  publié  à  Francfort  en  1608 
par  les  soins  de  Uanutius  Gherus  (ce  nom  est  le  pseudo- 
nyme du  fameux  philologue  Jean  Gruter),  p.  1122. 

La  pièce  est  en  distiques.  Je  n'en  citerai  que  le  premier 
et  le  dernier. 

Qui  Roma  in  média  quaeris,  noviis   advena,  l^omam 
Et  Roniîp  in  Roma  nil  reperis  melius, 

Disce  hinc  quid  possit  Fortuna  :  immola  labescunt. 
Et  quse  perpetuo   sunt  agilata  manent. 

L'édition  que  j'ai  sous  la  main  est  un  Corpus  qui  repro- 
duit certainement  un  texte  antérieur  dont  je  n'ai  pas  connais- 
sance et  qui  avait  été  sous  les  yeux  du  poète  polonais . 
Ce  texte  était  évidemment  celui  de  l'édition  d'Anvers  ou 
de  celle  de  Venise,  publiées  toutes  deux  en  1557. 

Tout  est  dans  tout,  disait  un  pédagogue  dont  les  méthodes 
furent  jadis  à  la  mode.  Les  historiens  de  la  littérature 
espagnole  ne  se  doutent  guère  que  l'édition  d'un  poète 
polonais  donnerait  lieu  d'identifier  et  d'apprécier  à  sa  juste 
valeur  un  petit  morceau  qui  est  considéré  jusqu'ici  comme 
l'un  des  joyaux  de  leur  littérature.  Après  avoir  remis  en 
lumière  pour  un  instant  la  figure  du  poète  Vitali,  me  sera- 

1.  Ainsi  l-cdition  do  Sep  Szarzynski  renferme  par  exemple  un  poème 
traduit  de  Catulle  dont  r()rii;ine  n'est  pas  identifiée. 


126  SKANCE    IJU    8    MARS    1918  ^ 

t-il  permis  de  regretter  l'oubli  où  sont  tombés  ces  poètes 
latins  qui  faisaient  naguère  les  délices  de  nos  pères  et  dont 
quelques-uns  avaient  bien  du  talent  ? 


SÉANCE    DU    8  MARS 


PRÉSIDENCE    DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  C.  JuLUAN  annonce  à  rAcadômie  que  M.  le  lieutenant 
Picard  et  M.  le  major  Dubreuil-Ghambardei  ont  exploré,  dans 
le  canton  de  Vitfel  (Vos^'es),  un  cimetière  mérovingien  où  ils  ont 
trouvé  une  trentaine  de  sépultures,  el  signale  l'importance  de 
ces  découvertes  pour  l'histoire  de  la  région. 

M.  le  comte  Durrieu  communique  à  l'Académie  la  photographie 
d'une  très  curieuse  miniature  allégorique,  jadis  signalée  d'une 
manière  incidente  par  le  baron  Kevvyn  de  Lettenhove  dans  le 
tome  XV  de  son  édition  des  Œuvres  de  Froissarf,  et  qui  formé 
le  frontispice  d'un  manuscrit  de  la  fin  du  xiv"  siècle  conservé  à 
Londres,  au  Musée  Britannique  (Ms.  Royal  20.  B.  VI).  De  l'étude 
critique  du  volume  qui  la  renferme,  tant  au  point  de  vue  de  son 
contenu,  que  sous  le  rapport  du  caractère  artistique  de  ses  pein- 
tures, M.  Durrieu  se  croit  autorisé  à  pouvoir  conclure  que  la 
miniature  en  question  a  été  certainement  exécutée  à  Paris,  et 
dans  la  seconde  moitié  de  l'année  1395.  Elle  orne  une  épître  en 
français  adressée,  sous  le  nom  d'emprunt  de  :  «  un  vieux  solitaire 
des  Célestins  de  Paris  »,  par  Philippe  de  Mézières,  l'homme 
d'État  et  littérateur  bien  connu,  au  roi  d'Angleterre  Richard  II, 
pour  pousser  ce  souverain  à  s'allier  à  la  France,  avec  l'arrière- 
pensée  que  cette  alliance  de  la  France  et  de  TAngleterre  devra 
servir  à  délivrer  Jérusalem  et  la  Terre  sainte  du  joug  des  Musul- 
mans. 

On  voit,  dans  cette  peinture,  ce  qui  correspondait,  au  xiv'= 
siècle,  à  nos  modernes  drapeaux  nationaux,  c'est-à-dire  les  cou- 
leurs héraldiques  des  deux  pays,  bleu  fleurdelysé  d'or  pour  la 
France,  et  rouge  couvert  d'un  semis  de  figures  de  léopards  d'or 


SÉANCE    DU    8    MARS    1918  127 

pour  l'AngleLerre,  fraternellement  juxtaposées  sous  le  couverl 
d'un  monogramme  du  Christ,  tandis  qu'à  la  partie  supérieure  de 
la  composition  les  couronnes  royales  de  France  et  d'Angleterre 
sont  unies  l'une  à  l'auti-e  par  des  rayons  d'or  qui  s'échappent 
d'une  couronne  d'épines,  rappelant  la  Passion  du  Christ  à  Jéru- 
salem. 

Vieille  de  plus  de  cinq  siècles,  cette  miniature  d'un  manuscrit, 
jadis  fait  à  Paris  en  vue  d'être  envoyé  en  Angleterre,  est  mainte- 
nant quelque  chose  de  plus,  semble-t-il,  qu'un  simple  souvenir 
historique.  Il  se  trouve  que  les  événements  contemporains,  et 
en  particulier  la  prise  récente  de  Jérusalem  par  un  corps  de 
troupes  anglaises,  avec  lesquelles  marchait  aussi  un  contingent 
français,  lui  donnent  en  quelque  sorte  un  caractère  de  symbole 
prophétique,  qui  est  devenu  d'actualité  pour  nous. 

M.  JuLLiAN  communique  une  note  de  M.  Fabia,  coi^espondant 
de  l'Académie,  professeur  à  l'Université  de  Lyon,  sur  Fourvière 
en  1493,  d'après  le  cadastre  consulaire  de  cette  date,  le  plus 
ancien  état  complet  des  lieux  que  nous  connaissions.  Il  nous 
montre  la  colline,  autour  de  l'église  construite  vers  la  fin  du 
XII''  siècle,  couverte  presque  en  totalité  de  vignes,  qui  forment 
des  territoires  ou  tènements  dont  les  noms,  pour  la  plupart,  ne 
rappellent  aucun  souvenir  antique  et  sont  tombés  dans  l'oubli, 
tandis  que  les  chemins  qui  les  desservaient,  et  qui  sans  nul 
doute  avaient  de  tout  temps  desservi  la  colline,  sont  devenus  les 
rues  actuelles  du  quartier.  Dans  ces  matrices  cadastrales,  il  est 
fort  peu  question,  naturellement,  des  ruines  romaines  qui  sub- 
sistaient alors.  Mais  des  sources  un  peu  plus  récentes,  le  plan 
scénographique  de  J545  et  le  témoignage  de  nos  auteurs  du 
XVI®  siècle,  Champier,  Paradin,  Simeoni,  permettent  de  combler 
par  approximation  cette  lacune  *. 

Le  Président  consulte  l'Académie  sur  l'opportunité  de  déclarer 
vacante  la  place  de  notre  confrère  M.  Chavannes,  décédé  depuis 
un  mois.  —  L'Académie  se  décide,  par  scrutin,  pour  la  négative. 

1.  Voir  ci-après. 


128 

COMMUNICATION 


FOIinVIÈRE  EN    1493, 
l'Ali  M.    l'IllI.lPPE    FA15IA,  CORRESPONDANT    DE  l'aCADÉMIE. 

Le  grand  plan  scénographique  de  Lyon,  gravé  de  1545  à 
1553  ',  no  donne,  sans  compter  ses  inexactitudes  mani- 
festes, qu'une  idée  assez  vague  de  ce  quêtait  la  colline  de 
Fourvière  en  ce  temps-là  :  plus  haut  que  la  montée  Saint- 
Barthélémy  et  que  la  rue  des  Farg'es,  autour  de  l'église  et 
de  son  claustral,  la  campagne  déjà  dans  l'enceinte  de  la 
ville,  des  tènements  complantés,  que  des  chemins  séparent, 
que  subdivisent  des  murs,  des  haies  ou  de  simples  traits, 
chemins,  tènements  et  subdivisions  anonymes  presque 
toujours.  Mais  nous  avons  ailleurs  le  moyen  de  connaître 
avec  précision  l'état  complet  des  lieux,  même  pour  une 
époque  sensiblement  plus  ancienne  ;  et  c'est  le  premier 
état  comjDlet  des  lieux  que  l'on  puisse  reconstituer. 

En  1493,  le  Consulat  décide  qu'une  commission  de  huit 
membres,  que  «  huit  personnages  esleuz  »  procéderont  à 
«  une  vision  des  maisons,  jardins  et  autres  biens  immeu- 
bles ».  pour  «  donner  ordre  à  la  réfaction  des  papiers  » 
concernant  l'assiette  de  l'impôt,  et  «  icelle  vision  rédige- 
ront par  escript,  afïîn  de  myeulx  garder  équalité  ».  La  rédac- 
tion, conservée  aux  Archives  municipales  -,  dans  la  série 
des  ((  nommées  »,  mentionne  le  propriétaire  et,  au  besoin, 
les  ((  inquilins  »  ou  locataires  de  chaque  parcelle  avec  sa 
nature,  son  importance  et  ses  confronts  «  de  soir,  de  matin, 

1.  L'original  est  aux  Archives  municipales.  La  Société  de  topographie 
historique  de  Lyon  l'a  réédité  en  1872-76.  Grisard,  Notice  sur  les  plans  et 
vues  de  la  ville  de  Lyon,  1891,  p.  25  et  suiv.,  en  a  déterminé  la  date.  Voir 
aussi  Audin,  Bibliographie  iconographique  du  Lyonnais,  2»  partie,  p.  12. 

2.  ce,  nommées  ou  dénombrements  des  biens  meubles  et  immeubles 
possédés  par  les  habitants  de  Lyon,  1493,  vol.  4-12  et  221. 


FOUKVIÈRE    EN    1493  129 

de  bise  et  de  vent  » .  L'inventaire  des  Archives  en  contient 
une  analyse  et  des  extraits  •  ;  elle  a  été  utilisée  pleinement 
par  Benoît  Vermorel  pour  établir  son  plan  topog-raphique 
et  historique  de  Lyon,  œuvre  trop  peu  connue,  considérable 
et  précieuse,  restée  malheureusement  imparfaite  et  inédite  -. 
En  général.  Vermorel  remonte  même  au  delà  de  1493, 
jusqu'à  1350,  grâce  aux  registres  terriers.  Mais  cette 
source  manque  pour  la  région  de  Fourvière. 

L'étranger  qui  se  rend  aujourd'hui  à  Fourvière,  s'il  est 
assez  curieux  et  s'il  a  du  loisir  assez  pour  donner  attention, 
non  pas  seulement  à  la  beauté  du  panorama  et  aux 
richesses  de  la  basilique,  mais  à  l'ensemble  du  quartier, 
constatant  que  les  établissements  religieux  ou  hospitaliers, 
l'im  et  l'autre  le  plus  souvent,  couvrent  presque  toute  la 
surface  de  la  colline,  se  figure  aisément  qu'il  en  fut  toujours 
ainsi,  que  cette  colline  des  martyrs  devint  et  resta  la  colline 
de  la  prière  et  de  la  souffrance.  Or  la  vérité,  au  contraire, 
est  que  les  couvents  n'ont  pas  entamé  Fourvière  avant  le 
xvi*^  siècle.  Alors  les  Minimes  s'établissent  largement  sur 
la  pente  orientale  3.  Au  xv!!*"  siècle.  Lazaristes,  Recollets, 
Bénédictines,  Visitandines,  Ursulines  et  autres  achèvent  ou 
peu  s'en  faut  la  conquête  de  ce  versant.  Au  xix*^  seulement, 
le  plateau  est  à  son  tour  occupé  en  très  grande  partie. 
Mais,  vers  la  fin  du  xv»^,  tout  est  profane  à  Fourvière, 
hormis  l'église,  construite  au  xii*'  siècle  ^,  avec  ses  maisons 

1.  Inventaire  sommaire  des  Archives  communales  antérieures  à  .1790, 
vol.  II.  p.  6  et  suiv. 

2.  Voir  Journal  des  Savants,  1917,  p.  461  et  suiv.;  cf.  Revue  critique, 
12  juillet  1870,  p.  31  :  Renan,  Topographie  chrétienne  de  Lyon,  dans  Lyon- 
Revue,  1S81,  p.  328  et  suiv. 

3.  Sur  toute  cette  invasion,  voir  Vachet,  Les  couvents  de  Lyon,  1895; 
.T.-B.  Martin,  Les  églises  et  chapelles  de  Lyon,  1908-1909.  Pour  ce  qui  est 
antérieur  au  xix°  siècle,  on  trouve  un  aperçu  commode  dans  Cocliard, 
Description  historique  de  Lyon,  1817,  p.  221  et  suiv.:  268  et  suiv. —  Au 
xv!*»  siècle,  les  Capucins  avaient  entamé  le  versant  nord,  suivis  au  xvn' 
par  les  Carmes  déchaussés  ;  Cochard,  p.  221 . 

4.  Voir  E.  L(ongin},    Recherches  sur  Fourvière,  1900.  Contrairement  à 


130  FOtIHVIÈRE    KN    1493 

canoniales,  et  quelques  recluseries,  Sainte-Marg-uerite,  la 
Magdeleine,  Saint-BarLliéleniy  '.  L'église  est  dédiée  à 
Noti'e-Dame  et  à  saint  Thomas  de  Gantorbéry,  martyr 
exotique,  mais  récent.  Bizarre  négligence  de  la  cité  chré- 
tienne envers  les  gloires  de  son  passé  '•.  Aucun  monument 
ne  commémore,  à  Fourvière  ou  ailleurs,  saint  Pothin  et 
sainte  Blandine.  Saint  Irénée  a  son  église,  mais  hors  de  la 
ville  ''\  après  la  porte  des  Farges,  dans  le  bourg  de  Saint- 
Just,  sur  une  éminence  que  les  vieilles  chartes  appellent 
Mous  petrosus  et  Mous  sancius  ''.  Notre  montagne  sainte, 
au  moyen  âge,  c'est  la  colline,  non  de  Fourvière,  mais  de 
Saint-Irénée. 

Dans  les  registres  des  «  nommées  »  de  1493,  une  main 
naïvement  dessinée  en  marge  indique  du  geste  Fen-tête  de 
chaque  procès-verbal.  Seule  parmi  toutes  ces  mains  indi- 
catrices, celle  qui  marque  le  début  de  l'enquête  sur  le  quar- 
tier de  Fourvière  ^  e!st  accompagnée  d'une  grappe  de  raisin 
avec  son  pampre.  L'intention  ne  semble  point  douteuse. 
En  eiîet,  à  part  quelques  jardins,  quelques  terres  à  froment 
et  quelques  habitations  rurales  isolées  dans  les  cultures,  les 


l'opiaion  commune,  rauteur,  qui  a  ûLudié  la  question  de  très  près,  ne  croit 
pas  à  l'existence  antérieure  d'une  chapelle  de  la  Vierge  sur  le  même 
emplacement. 

1.  Voir  Guigne,  Les  recluseries  de  Lyon,  1887,  p.  3.  Celles  de  la  Magde- 
leine  (au  sommet  du  Gourguillon)  et  de  Saint-Barthélémy  (près  de  la  porte 
Confort,  à  l'angle  des  montées  actuelles  de  Saint-Barthélémy  et  des 
Carmes  déchaussés)  sont  mentionnées  dans  les  «  nommées  »  de  1493.  Le 
4  septembre  1470,  le  Consulat  autorise  Jean  de  Cosles,  dit  Abraham,  à 
occuper  comme  reclus  un  «  membre  »  de  la  tour  Sainte -Marguerite  (sur 
les  remparts,  entre  la  porte  des  Farges  et  Pierre  Seize).  (Arch.  mun.,  BB, 
15,  folio  117  recto 

2.  Voir  l'explication  de  Renan,  oui\  cité. 

3.  Et  de  même  Saint-Just.  L'église  actuelle,  intra  miiros,  est  du 
xvii"  siècle. 

4.  Voir  Paradin,  Mémoires  de  l'histoire  de  Lyon,  1573,  p.  259.  Cf.  Meynis, 
La  Montagne  sainte.  Mémorial  de  la  confrérie  des  Saints  Martyrs;  Lyon, 
1880.. 

5.  GC,  nommées,  etc.,  vol.  5,  f.  66  verso, 


FOURVIltRE    EN    1493  131 

commissaires  ne  dénombrent  que  des  vignes,  non  seule- 
ment sur  le  «  plat  »  et  sur  la  pente  «  que  le  soleil  levant 
regarde  toujours  en  face  *  »,  mais  jusque  sur  le  versant  plus 
froid  de  Pierre-Scize.  Fourvière,  en  1493,  pourrait  s'appeler 
la  colline  des  vignes  '-.  Maintenant  elles  ont  à  peu  près 
disparu  pour  faire  place  à  des  bâtiments,  à  d'autres  cultures 
surtout  et  à  des  pelouses  ou  bosquets.  Mais  elles  prospé- 
raient et  prédominaient  encore  vers  la  fin  du  xv!!!*"  siècle, 
comme  on  peut  le  voir  en  examinant  aux  Archives  munici- 
pales un  plan  manuscrit,  t^  peine  connu,  de  Fourvière  en 
1767  '\  lequel  est  au  grand  plan  géométral  de  Séraucourt  '% 
un  peu  plus  ancien  (1735),  ce  que  la  carte  dressée  avec  les 
«  nommées  »  de  1493  est  au  plan  scénographique  de  1545, 
je  veux  dire  beaucoup  plus  précis,  beaucoup  plus  riche  en 
données  onomastiques  ■^. 

Quant  au  réseau  des  chemins  qui  desservaient  la  colline 
en  1493,  il  n'a  subi,  dans  son  ensemble,  aucune  modifica- 
tion essentielle.  La  plupart  de  ces  voies  ont  même  gardé 
leur  étroitesse  et  leur  sinuosité,  Tune  à  peine  élargie,  l'autre 
à  peine  rectifiée,  çà  et  là,  par  quelques  reculements  d'époque 
toute  récente.  La  rue  principale,  qui  traverse  le  plateau  du 
Nord  au  Sud,  de  l'église  aux  remparts,  la  rue  du  Juge-de- 
Paix  —  appellation  sans  à  propos,  trop  moderne  pour  un 
quartier  si  vieux — ,  se  nomme  en  1493  «  chemin  tendant 
du  plat  de  Forvière  aux  Arcs  et  murs  de  la  ville  »,  ou  plus 
brièvement  «  chemin  tendant  des  Arcs  à  Forvière  ».  La  rue 
des  Quatre-Vents,  qui  s'y  embranche  à  droite,  quand  on 
vient  de  l'église,  avant  les  Arcs  —  les  arcs  encore  debout  de 
l'aqueduc  romain  —  est,  de  son  nom  le  plus  complet,  «  le 

1.  Sénèque,   Lad.   in  Claudium,   VI  :    «    Ouem    Phoebus   ortu    semper 
obverso  videt.  » 

2.  Si  ce  n'est  que  le  coteau  de  Saint-Sébastien   pourrait  lui  disputer  ce 
nom.  Cf.  Menestrier,  Élofje  historique  de  la  ville  de  Lyon,  1069,  p.  18. 

3.  Il  est  signé  :  Chavallard  fecit  anno  domino  (sic)  ^767. 

4.  Voir  Audin,  oiiv.  cité,  p.  27. 

D,  Je  me  propose  d'en' reparler  ailleurs. 


132  FOUUVIÈUE    K^    1  ID'l 

chemin  traversant  du  chemin  des  Arcs  par  dedans  les  vignes 
à  la  tour  Sainte-Marguerite  »  ;  la  rue  Cléberg  —  dans  ces 
para«'es  le  Bon  Allemand  nous  semble  aussi  dépaysé  que  le 
juge  de  paix — ,  la  rue  Cléberg,  qui  s'en  détache  à  gauche, 
non   loin  de   l'église,   le   «  chemin   tendant  de  la   croix  de 
Colle  au  chemin  des  Arcs  »  ;  la  montée  de  Fourvière,  qui 
conduit  de  cette  rue  à  l'église,  «  le  chemin  tendant  de   la 
croix  de  Colle  à  Forvière  ».  La  montée  des  Anges,  l'inter- 
minable escalier  ou  «  ruelle  à  talons  >:,  qui,  l'église  dépassée, 
prolonge  au  Nord,  vers  la  Saône,  la  rue  du  Juge-de-Paix, 
est  «  la  ruelle  tendant  de  Forvière  à  la  porte  Confort  »  ;  le 
chemin   de  Montauban,    qui,   horizontalement  ou  presque, 
coupe  à  mi-coteau    le   versant  septentrional,    «   le   chemin 
tirant  de   la  porte  Confort  à  Pierre  Seize  »  '.    La  rue  des 
Farges  et  la  montée  Saint-Barthélem}-  ont  déjà  leurs  noms 
actuels,  mais   sont  comprises  parfois,   avec  le  chemin   qui 
les  raccorde  à  travers  le  champ  de  Colle  —  aujourd'hui  la 
rue  de  l'Antiquaille  et  la  place  des  Minimes  —  sous  le  nom 
unique  de  «  rue  tirant  de  la  porte  de  Rieu  à  Saint-Just  ». 
La  montée  du  Gourguillon  est,    dans  sa  partie   haute,  la 
rue  de  Beauregard  2, 

Le  Gourguillon  —  son  nom  est  latin  -^  —,  la  rue  des 
Farges,  la  montée  Saint-Barthélémy,  la  rue  Cléberg,  la  rue 
du  Juge-de-Paix,  non  seulement  existaient,  mais  étaient 
beaucoup  plus  que  millénaires  en  1493.  Toutes  les  fois  que 
les  travaux  de  voirie  obligent  à  y  remuer  le  sous-sol,  on  y 
retrouve,  en  blocs  énormes,  le  granit  du  dallage  romain. 
Et  si  les  colons  de  Munatius  Plancus  ou  leurs  descendants 

1.  Le  chemin  de  ronde  des  rempai'ts  méridionaux,  «  chemin  tirant  de  la 
porte  des  Farges  à  la  tour  Sainte- Marguerite  »,  correspond  approximati- 
vement au  chemin  de  ronde  actuel,  montée  du  Télégraphe  et  chemin  de 
Loyasse. 

2.  Ce  nom  est  resté  à  une  place  minuscule  vers  le  sommet  de  la  montée. 

3.  Giirgulio,  <-  gorge,  gosier,  œsophage  ».  Les  dictionnaires  et  glossaires 
ne  donnent  aucun  exemple  du  sens  figuré  «  passage  étroit  »  ;  mais  cf.  l'ana- 
logue fauces. 


FOURVIÈRE    EN    1493  433 

ont  aménagé  ces  chemins,  ce  n'est  pas  eux,  sans  aucun 
doute,  qui  les  ont  tracés  :  la  nature  du  terrain  les  a  impoSiés 
aux  premiers  occupants. 

A  la  fin  du  xv^  siècle,  tous  ceux  que  je  viens  d'énumérer 
et  quelques  autres,  qui  se  sont  efîacés  ou  ne  sont  plus 
aujourd'hui  voies  publiques,  divisaient  la  colline  en  «  terri- 
toires »  ou  «  tènements  »  :  le  territoire  de  Forvière  pro- 
prement dit,  autour  de  l'église  et  du  cloître,  sur  l'emplace- 
ment et  aux  abords  du  forum  velus  ;  sur  le  versant  oriental, 
en  allant  du  Nord  au  Sud,  les  territoires  des  Ouvreurs,  du 
champ  de  Colle  —  ou  tènement  de  la  croix  de  Colle  ^  — , 
des  Belettes  ;  sur  le  versant  septentrional,  le  territoire  de 
Chantagrillet  ;  sur  la  moitié  méridionale  du  «  plat  de  For- 
vière »,  le  g'rand  tènement  de  la  Couppe,  qui  était  alors  aux 
Bellièvre  -,  lesquels  le  possédaient  encore  et  sous  le  même 
nom  en  1586  ^,  mais  devint  plus  tard  et  resta  jusque  vers 
le  milieu  du  xix*^  siècle  le  domaine  de  la  Sarra  ;  il  corres- 
pondait pour  le  moins  au  champ  de  manœuvre  et  au  clos 
du  Calvaire  actuels.  On  aura  remarqué  que  la  plupart  de  ces 
noms  ne  réveillent  aucun  souvenir  antique  et  que  la  topo- 
nymie moderne  les  a  laissés  tomber  dans  l'oubli. 

En  fait  de  souvenirs  antiques,  les  matrices  consulaires  de 
1493  sont  une  source  fort  pauvre.  Elles  ne  mentionnent 
d'autres  ruines  romaines  que  celles  de  l'aqueduc  du  Gier, 
les  «  Arcs  »,  à  l'extrémité  sud  du  plateau,  et  le  «  Cappot  ^  », 
le  réservoir  de  distribution,  à  l'extrémité  nord,  non  loin  de 
l'église,  exactement  à  l'angle  de  la  place  et  de   la  montée 

1.  Les  graphies  de  ce  nom  sont  multiples  :  Cole,  Colle,  Coille,  Escolle 
Escoille,  etc.  On  sait  que  de  la  croix  de  Colle  (ou  de  la  colline)  la  fantaisie 
des  vieux  auteurs  lyonnais  avait  fait  la  croix  des  Décollés,  des  décapités, 
des  martyrs,  comme  elle  avait  fait  du  Gourguillon  le  torrent  du  sang-  de 
ces  martyrs,  gurcjes  sanguinis. 

2.  ce,  5,  f.  76  recto. 

3.  ce,  47,  pièce  2,  f.  38  verso. 

4.  Voir  Archives   historiques  el  slalisliques  du   Rhône,  \'II,   p.  217  et 
suiv. 


13i  roLRViÈRi:  liis  1493 

des  Anges.  Est-ce  à  dire  que  ce  fussent  alors  les  seuls 
restes  apparents  de  Lugudunum?  Pas  le  moins  du  monde. 
Sans  doute,  beaucoup  de  vestiges  se  dissimulaient  alors 
sous  les  vignes,  par  exemple,  ceux  de  ramphitliéâtre, 
exhumés  de  nos  jours,  en  4887  i  ;  et  le  saccage  qui  avait 
suivi  la  catastrophe,  qui  durait  depuis  des  siècles,  exploi- 
tant, comme  une  véritable  et  inépuisable  carrière,  les  débris 
de  la  ville  haute  au  profit  de  la  ville  basse '^  Lugudunum 
au  profit  de  Lyon,  en  avait  déjà  fait  disparaître  beaucoup 
d'autres,  par  exemple  toute  la  maçonnerie  extérieure  de 
cet  amphithéâtre.  Néanmoins  il  restait,  à  coup  sûr,  en 
1493,  bien  d'autres  vestiges  visi-bles,  que  les  enquêteurs 
ont  vus,  mais  n'ont  pas  mentionnés,  parce  que  ce  n'était 
point  leur  affaire  ;  ils  ne  parcouraient  pas  la  montagne  afin 
d'inventorier  des  ruines. 

1.  Par  M.  Lafon,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  ;  voir  son  étude, 
Vamphithèàlre  de  Fourvière,  dans  Revue  du  Lyonnais,  b"  série,  vol. 
XXIII,  p.  353. 

2.  Par  exemple,  dans  la  charte  de  1192  (voir  E.  L(Dngin),  oiiv.  cité,  p.  86), 
où  ils  concèdent  un  emplacement  pour  l'église  de  Fourvière  et  ses  dépen- 
dances, l'archevêque  et  le  chapitre  de  Saint-Jean  réservent  pour  la  prima- 
tiale  tous  les  marbres  et  tous  les  choins  qui  proviendront  de  fouilles  ou 
excavations  sur  cet  emplacement.  Il  y  a  une  bonne  part  de  vérité  dans 
laffirmation  de  Symphorien  Champier  [Histoire  des  Antiquités  de  la  ville 
de  Lyon,  édition  de  1648,  p.  7  et  9)  que  cette  primatiale  Saint-Jean  a  été 
construite  avec  les  pierres  d'un  temple  qui  était  en  la  montagne  de  Four- 
vière. Cf.  Colonia,  Histoire  littéraire  de  la  ville  de  Lyon,  1728,  I,  p.  175  ; 
Guigue,  Monographie  de  la  cathédrale  de  Lyon,  p.  5  et  suiv.  —  L'œuvre 
des  ponts  du  Rhône  et  de  la  Saône  mit  aussi  Fourvière  et  ses  entours  à 
contribution.  De  1432  à  1442,  Nicolas  Fornier,  l'un  des  commis  «  es  absolu- 
tions »  de  ces  deux  ponts,  enregistre  des  paiements  faits  à  divers  poUr  des 
pierres  de  choin  amenées,  les  unes  delà  tour  Sainte-Marguerite  jusques 
auprès  de  la  Saône,  les  autres  d'un  jardin  situé  vers  le  tombeau  des  Deux 
Amants  au  pont  du  Rhône  (Arch.  mun.,  GC,  396,  pièces  61  et  suiv.. 
Inventaire  sommaire,  III,  p.  21).  Certains  de  ces  débris  antiques  étaient 
visibles  dans  les  parements  du  vieux  pont  du  Change  —le  pont  de  Saône  — 
(cf.  Spon,  Recherche  des  antiquités  de  Lyon,  1675,  p.  126)  :  d'autres  ont  été 
retrouvés  lors  de  sa  démolition.  On  en  retrouvera  aussi  dans  la  maçon- 
nerie du  vieux  pont  de  la  Guillotière—  le  pont  du  Rhône  —,  si  quelque 
jour  il  subit  le  même  sort,  les  menaces  des  ingénieurs  ayant  prévalu  contre 
la  sauvegarde  des  archéologues. 


iOLilVlÈRE  EN    1493  l3o 

Parmi  les  propriétés  qu'ils  ont  recensées  figure  celle  de 
Pierre   Sala,    au   champ   de    Colle,    sa  maison    de  l'Anti- 
quaille •,  dont  le  nom  serait  à  lui  seul  assez  caractéristique, 
si  notre  vieil    historien    Rubys  -  n'avait   pris    la    peine  de 
l'expliquer  parles  innombrables  marques  de  l'antiquité  qui 
couvraient  cet  emplacement.  Les  commissaires  de  1493  les 
ont  vues.  Ils  ont  vu,  dans  le  voisinag-e  immédiat,  au  même 
champ  de  Colle,  les  ruines  du  théâtre,  celles  que  les  actes  du 
moyen  âge  appellent  en  latin  Caverna  ou  ff rossa  massa  Sar- 
racenorum,  en  français,  (frottes  des  Sarrazins  3  ;  celles  que, 
d'après  un  témoin  du  xvi"  siècle,  les  uns  attribuaient  alors 
à   l'amphithéâtre,    les  autres    au    «    palais   de    l'empereur 
Severus»  ;  et  ce  témoin,  l'historien  Paradin,  ajoute  :  «  Tant 
y  a  que  ce  povoit  bien  estre  l'un  et  l'autre  ^.  »  Ils  ont  vu  le 
mur  du  forum,  qui,   de  même  que  les  ruines  du  théâtre, 
existe  encore  aujourd'hui  et  limitait  alors,  à  l'angle  sud-est, 
le  claustral  de  Fourvière.  Ils  ont  vu   les  arcs  de  soutène- 
ment du  puy  d'Ainay,  entre  la  rue  des  Farges  et  la  Saône; 
on  les  voit  nettement  sur  le  plan  scénographique  de  1545, 
et  Ménestrier  les  a  représentés  d'après  une  charte  du  temps 
de  Henri  II  ■'.  Sur  ce  plan,  on  aperçoit  en  outre  quelques 
autres  débris  probables  de  l'âge  romain,  figurés  grossière- 
ment et  situés  vaguement,  un  pan  de  mur  courbe  au-dessus 

1.  ce,  12,  1".  30,  en  marge  du  recto. 

2.  Histoire  véritable  de  la  ville  de  Lyon,  1604,  p.  92.  Cf.  Champier,  His- 
toire des  Antiqiiitez...,  p.  7.  Dans  le  texte  latin  de  cet  ouvrage  {Galliae 
Cellicae  ac  antiquilatis  Luydunensis  civitatis...  campus,  1537),  l'Anti- 
quaille est  appelée  Antiquaria  donius,  cni  ab  antiquitate  nomen  indi- 
tum  (p.  4). 

3.  Cochard,  Description  historique  de  Lyon,  p.  296;  Guigue,  Le  livre 
d'amitié,  par  Pierre  Sala,  p.  12. 

4.  Mémoires  de  Vhistoire  de  Lyon,  1573,  p.  14. 

5.  Histoire  civile  ou  consulaire  de  la  ville  de  Lyon,  1696,  p.  35.  Il  y  a  aux 
Archives  municipales,  dans  les  notes  non  classées  de  Benoît  \'ermorel,  un 
dossier  du  puy  d'Esnay,  extraits  de  documents  qui  vont  de  137S  à  1593. 
Voir  aussi  dans  le  Cartulaire  lyonnais  de  Guigue.  vol.  II,  p.  500,  la  charte 
n°  795,  de  1284.  Dans  la  Revue  critique  du  12  juillet  1879,  p.  30,  le  puy 
d'Ainay  est  identifié  par  erreur  avec  la  colline  de  Saint-Irénée. 


136  POURVIÉKË    EN    1493 

(lu  Ihéâtre,  un  mur  recliligne  faisant  deux  angles  droits 
avec  deux  pans  de  mur  entre  le  forum  et  le  théâtre.  Para- 
din,  lui  aussi,  a  connu  tout  cela  :  les  ruines  qu'il  a  connues 
ne  sont  pas  seulement  celles  que  nous  attribuons  au  théâtre, 
le  théâtre  n'en  formait  que  la  masse  principale,  puisqu'il 
les  appelle  (*  ces  admirables  masures  et  vieilles  murailles 
qui  sont  vers  la  croix  de  Colle  et  s'estendent  par  tout  For- 
vière  '  »,  ou  bien  «  ces  antiques  masures  d'admirable 
estoife  et  structure  qui  s'estendent  par  toutes  les  vignes  de 
ceste  montagne  -  ».  Son  contemporain  Simeoni  ^  a  vu,  de 
même,  autre  chose  qu'«  une  partie  du  théâtre  »  —  il  ne  dit 
pas  de  l'amphithéâtre  —  «  à  la  vigne  de  Barondeo  ^  »  ;  il  a 
vu  des  «  voûtes  par-dessous  terre,  fondemens  hauts  et  de 
merveilleuse  grandeur,  les  reliques  de  ces  poures  »  — 
pauvres  —  "  mirables  aqueducs,  avec  autres  édifices, 
comme  le  palais  senatorien  ou  de  Sévère  »  —  il  distingue 
le  palais  du  théâtre  — .  11  a  vu,  enfin,  une  foule  de  vestiges 
moindres  que  les  enquêteurs  de  4493  virent  également, 
«  certaines  piecetes  de  tviiles  consumez,  de  vases  et  statues 
brisées,  de  couches  de  terre  cuite,  de  porfires,  serpentins, 
alabastres,  marbre,  mosaïcs.  .  .   » 

Ils  virent,  autant  du  moins  qu'elles  émergeaient  du  sol, 
ces  «  enseignes  »  de  la  ville  disparue,  «  la  plus  grande  part 
de  laquelle  estoit  sur  cette  plaine  de  Forvière  >'  »  ;  mais  ils 
laissèrent,  comme  de  juste,  à  d'autres  le  soin  de  nous  mon- 
trer le  passé.  Nous  leur  devons,  par  contre,   la  «  vision» 

1.  Ouvr.  cité,  p.  270. 

2.  P.  255. 

3.  Description  de  la  Limiigne  d'Auvergne,  traduite  de  l'italien  en  fran- 
çais parChappuys,  Lyon,  1561,  p.  8. 

4.  Cf.  Paradin.  p.  14  :  «  Plusieurs  ont  dict  que  celui  »  (lamphithéàtre) 
«  de  Lyon  estoit  en  Forvière,  près  la  croix  de  Colle,  où  encore  se  voycnt 
de  grandes  apparences  d'un  grand  oeuvre  et  merveilleuses  brisées  et 
vestiges  d'un  somptueux  bastiment,  qui  est  maintenant  la  vigne  des  Baron- 
deaulx...  »  C'est  là  que  les  Minimes  vinrent  s'établir  justement  vers  cette 
époque. 

5.  Simeoni,  ibid. 


LIVRES    OFFERTS  j 37 

détaillée  du  présent,  dun  présent  voisin  de  celui  que 
Siméoni  résume  en  quelques  mots:  «  Ici...  où  je  ne  voy 
que  champs,  arbres,  prez,  vignes,  il  me  semble  que  je  suis 
loing  de  Lyon  cent  lieues.  » 


LIVRES  OPTERTS 


Le  Secrétaiiie  perpétuel  présente  de  la  part  de  M"'-  1).  Menant  un 
opuscule  intitulé  :  »  Dastur  Bahman  Kaikobad  and  the  Kisseh-i-San- 
jan»,  par  Jivanji  Jamshedji  Modi.  B.A.Ph.D.  (1917): 

«  Ce  volume  contient  le  très  intéressant  historique  de  l'érection 
du  monument  élevé  dans  la  plaine  de  Sanjan  en  souvenir  du  débar- 
quement des  Zoroastriens  de  Perse  sur  la  côte  du  Guzerate  au  viii'^ 
siècle  de  notre  èi'e.  En  1909,  à  la  suite  d'un  article  de  M.  D.  Menant 
paru  dans  la  Revue  du  Monde  musulman,  où  étaient  discutées  les 
traditions  relatives  à  cet  événement,  le  savant  Ervad  J.J.Modi, 
secrétaire  du  Panchayet  Parsi,  répondit  à  un  appel  discrètemens 
formulé  dans  cet  article,  et  fut  suivi  par  Sir  Jamshedji  Jijibhai  et  les 
membres  les  plus  influents  de  la  communauté.  Un  comité  fut  formé, 
et  des  souscriptions  furent  recueillies,  pour  élever  une  colonne  au 
lieu  présumé  du  débarquement  des  Zoroastriens  de  Perse.  Présumé, 
parce  qu'il  s'éleva  entre  les  savants  de  la  Communauté,  au  sujet  de 
ce  lieu,  une  discussion  qui  produisit  un  échange  de  vues  ingénieuses 
et  la  réponse  de  M.  Modi,  qui  fait  l'objet  de  ce  mémoire.  Cette 
réponse  discute  la  véracité  de  la  tradition  qui  a  toujours  assigné 
Sanjan  comme  le  lieu  de  débarquement  d'une  bande  de  Zoroastriens 
fuyant  la  domination  de  l'Islam,  et  l'authenticité  du  poème  persan  du 
x\^  siècle  qui  l'a  conservée.  » 

M.  Henri  Cordier  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  Au  nom  de  l'auteur,  M.  George  Foucart,  j'ai  l'honneur  de  pré- 
senter à  l'Académie  une  conférence  qu'il  a  faite  le  25  janvier  1916, 
sur  V Ethnologie  africaine  et  ses  récents  problèmes,  la  première  d'une 
série  inaugurée  sous  la  présidence  du  prince  Ahmed  Fouad  à  la 
Société  Sultanieh  de  Géographie  du  Caire.  M.  Foucart  fait  ressortir 
au  point  de  vue  de  la  solution  des  questions  africaines,  l'importance 
capitale  de  l'ethnologie  à  la,  suite  de  la  conquête  géographique  du 

1918  ■  10 


138  SÉAÎSCE    DU    Vô    MARS    1918 

g-rand  conlineiiL  noir  ;  uiu'  pretnirre  lâche  consiste  en  la  délimiUlion 
prélimiuairo  des  problèmes  dont  la  solulioii  est  accessible  au  moyen 
des  ressources  mises  à  notre  disposition  immédiate,  ou  au  moyen  de 
celles  (pu  peuvent  nous  être  fournies  en  quelques  années.  L'ethno- 
logie est  un  travail  préparatoire  de  l'histoire;  elle  est  Tauxiliaire 
nécessaire  de  l'archéologie.  M.  Foucart  ne  désire  pas  tracer  un  pro- 
gramme c'énéral.  mais  il  cherche  à  attirer  l'attention  sur  ce  qui  se 
rattache  aux  études  du  monde  africain  et  de  ses  civilisations  et,  en 
particulier,  de  l'Afrique  du  Nord  et  des  régions  limitrophes  telles 
t(ue  le  Soudan  français.  Les  idées  émises  par  l'auteur  ont  été  maintes 
fois  défendues  par  moi  :  il  est  évident  que  l'ethnologie  n"a  pas  en 
France  la  ])lace  (ju'elle  occupe  légitimement  dans  les  pays  voisins.  » 

M.  Camille  Jullian  présente  de  la  partr  tle  l'auteur,  M.  J.  Mathorez, 
une  brochure  intitulée  :  Notes  sur  lea  Italiens  en  France,  du  XIII'' 
siècle  Jusqu'au  règne  de  Charles  F//i  (Paris,  1918,  in-8"). 

M.  C.  JuLLiAN  offre  ensuite,  de  la  part  de  M.  Emile  Cartailhac, 
correspondant  de  l'Académie,  une  déclaration  qu'il  adresse,  au  nom 
de  la  Société  archéologique  du  Î^Iidi  delà  France,  aux  chefs  de 
l'armée  alliée  et  à  leurs  vaillants  soldats,  conquérants  de  Jérusalem. 


SÉANCE  DU  15  MARS 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VILLEFOSSK. 

A  propos  de  la  communication  faite  à  la  dernière  séance  par 
M.  le  comte  Durrieu,  M.  le  comte  François  de  Laborde  suggère 
que  la  composition  initiale  du  manuscrit  de  Philippe  de 
Mézières  a  pu  lui  être  inspirée  par  le  souvenir  de  la  grandiose 
apostrophe  adressée  à  la  Couronne  d'épines  et  à  la  couronne 
de  France  par  Charles  V  à  ses  derniers  moments,  apostrophe 
dont  les  termes  ont  été  rapportés  dans  le  récit  de  la  mort  du  roi 
retrouvé  et  publié  par  M.  Hauréau.  La  présence  de  Philippe  de 
Mézières  dans  la  chambre  du  roi  mourant  est  prouvée  par  la 
signature  qu'il  a  apposée  comme  témoin  oculaire  au  procès- 
verbal  notarié  des  déclarations  faites  alors  par  Charles  V  sur 
son  attitude  dans  l'affaire  du  Schisme. 


SÉANCE    DU    15    MARS    1918  139 

M.  Babelon  lit  un  mémoire  de  M.  le  D""  Carton,  correspondant 
de  l'Acad^émie,  sur  ses  nouvelles  recherches  relatives  au  littoral 
de'Carthage,  aux  quais,  aux  ports  et  aux  fortifications  qui  les 
protég^eaient.  Les  fouilles  exécutées  par  M.  Carton  ont  permis  de 
préciser  certains  points  contestés  depuis  longtemps  entre  archéo- 
logues. M.  Babelon  insiste  sur  l'intérêt  tout  particulier  que  pré- 
sente une  stèle  trouvée  par  M.  Carton  au  cours  de  ses  recher- 
ches :  elle  représente  un  personnage  levant  les  bras  et  parais- 
sant en  prière  devant  les  murs  de  Carthage  qui  sont  figurés  der- 


rière lui  ^ 


M.  Salomon  Reinach  essaie  de  montrer,  contre  l'opinion  de 
François  Lenormant,  que  l'historien  de  l'Église  Eusèbe  n'a 
jamais  admis  la  dualité  d'un  être  primitif  dont  auraient  été 
formés,  par  division,  l'homme  et  la  femme.  Au  contraire,  ce 
mythe  du  Banquet  de  Platon  semblait  à  Eusèbe  une  perversion 
burlesque  du  récit  de  la  Genèse,  tel  qu'on  le  traduisait  et  le 
comprenait  de  son  temps.  M.  Reinach  cherche  ensuite  dans 
Philon  et  dans  saint  Augustin  des  traces  du  même  mythe,  et 
étudie  un  passage  de  Pholius,  relatif  à  un  ouvrage  de  Clément 
d'Alexandrie,  où  il  s'agit  d'un  autre  mythe,  d'origine  populaire, 
sur  la  création  de  la  femme  pendant  le  sommeil  du  premier 
homme. 

L'Académie  procède  à  l'élection  de  quatre  membres  pour 
remplacer  dans  les  Commissions  suivantes  notre  confrère  décédé, 
M.  Chavannes  : 

Commission  du  prix  Lefèvre-Deumier  :   M.  Cordier  ;  —  de 
l'École  française  d'Extrême-Orient  :  M.  Maurice  Croiset. 
Fondation  Benoît-Garnier  :  M.  Haussoullier. 
Prix  Stanislas  Julien  :  M.  Thureau-Dangin, 

Sont  nommés  membres  de  la  commission  Barbier-Muret  pour 
1918:  M.  Senart,  le  P.  Scheil,  MM.  Cuq  et  le  comte  Alexandre 

DE  LaBORDE. 
1 .  Voir  ci-après. 


liO 


COMMUNICATION 


NOUVELLES  RECHERCHES   SUR   LE  LITTORAL   C.VR'J  llAGIINplS, 
PAR    M.     LE     DOCTEUR     CARTON,    CORRESPONDANT     DE     l'aCADÉIMIE. 

Ayant  exercé,  pendant  l'année  1916,  les  fonctions  de 
médecin-chef  de  l'hôpital-dépôt  de  convalescents  de 
Sala/ninho,  sur  l'emplacement  de  la  Carthage  punique,  j'ai 
pu  reprendre  les  recherches  sur  ses  ports  et  son  enceinte 
maritime,  dont  j'ai  précédemment  entretenu  l'Académie  à 
plusieurs  reprises'.  C'est  le  résultat  de  ces  recherches  que 
je  vais  exposer  brièvement, 

I 

Au  pied  de  Ténorme  masse  de  blocage  qui  s'avance, 
comme  un  promontoire,  vers  l'angle  nord-ouest  du  mur  de 
mer,  j'ai  fait  une  tranchée  qui  a  mis  au  jour  le  rocher  sur 
lequel  elle  repose.  Celui-ci  a  été  taillé,  comme  cela  se  voit 
dans  certaines  forteresses  de  Phénicie-,  pour  recevoir  les 
assises  de  grandes  pierres  de  taille  qui  revêtaient  la  maçon- 
nerie, en  une  série  de  marches  ou  redans  ayant  0  '"  50  de 
hauteur  et  0  '"  90  de  largeur.  Quelques-unes  de  ces  pierres 
ont  été  retrouvées  ;  elles  gisent  au  pied  des  redans  et,  fait 
important,  elles  sont  exactement  dans  le  prolongement  de 
la  ligne  de  blocs  à  demi  submergés  qui,  partant  d'ici, 
jalonne  le  rivage  sur  3  kilomètres  de  longueur.   En  outre, 

1.  D'  L.  Carlon,  Académie  des  inscr.  et  belles-letlres.  Comptes  rendus 
des  séances,  1912,  p.  022.  Voir  aussi  lieviie  archéologique,  1911,  II,  p.  230 
à  235. 

2.  Cf.  E.  Rensin,  Mission  de  Phétiicie,  pL  II. 


RECHERCHES    SUR    LE    LITTORAL    CARTHAGINOIS 


1i1 


142 


RECHERCHES    SUR    LE    f-lTTORAL    CARTHAGINOIS 


elles  ont  les  mêmes  proportions  qu'eux.  Elles  ont,  comme 
la  maçonnerie  quelles  revêtent,  appartenu  à  la  même 
construction  [fi if.   /)■ 

Cette  découverte  permet  donc  de  se  faire,  pour  la  pre- 
mière fois,  une  idée  exacte  de  l'architecture  du  mur  de  mer, 
dont  la  disposition  de  l'appareil  est  nettement  indiquée  par 
les  redans  (//gr.  i?). 

Elle  montre  que  le  mur  auquel  appartenait  la  lig-ne  de 
blocs  à   demi  émergés. avait  au  moins  la  hauteur  du  pro- 


montoire de  blocage  que  portaient  les  redans,  c'est-à-dire 
une  dizaine  de  mètres,  et  que,  par  conséquent,  ces  blocs 
proviennent,  non  comme  on  l'a  écrit  souvent,  de  quais, 
mais  d'un  mur  d'enceinte. 

On  sait  maintenant  que  tous  ces  blocs  qui,  à  présent, 
paraissent  isolés,  s'appuyaient  autrefois  sur  de  puissantes 
constructions  en  blocage,  dont  les  vestiges  maintenant 
séparés  d'eux  se  voient  à  plusieurs  mètres  en  arrière,  sur 
le  rivage.  La  mer  n'ayant   pu  mordre  sur  ces   puissants 


RECIIEKCHRS    SUR    LE    LITTORAL    CARTHAGINOFS  143 

éléments,  les  a  disloqués,  s'est  infiltrée  entre  eux  et  a,  peu 
à  peu,  emporté  une  partie  du  blocage  qu'ils  revêtaient. 

L'ang-le  que  forment  ici  ces  blocs,  pour  se  rélléchir  sur  le 
rivage  et  se  prolong'er  sur  les  redans  du  rocher,  correspond 
au  point  où  l'enceinte  maritime  se  reliait  à  l'enceinte  ter- 
restre. 

II 

Une  autre  falaise  artificielle,  énorme,  puisque  le  blocage 
qui  la  constitue  s'élève,  au  pied  de  Bordj-Djedid,  sur  une 
longueur  de  140  mètres  et  une  hauteur  de  15  mètres,  ren- 
fermait, commeje  l'ai  indiqué  précédemment  ',  une  série  de 
dix-huit  absides.  Cette  construction  soutenait,  en  arrière,  le 
vaste  palier  vers  lequel  descendait  l'escalier  en  marbre 
blanc,  large  de  50  mètres,  dont  on  voit  encore  les  voûtes 
rampantes  au-dessous  de  la  batterie.  Vers  la  mer,  elle  était 
revêtue  par  les  blocs  cyclopéens  du  mur  de  mer,  auquel 
elle  appartenait  par  conséquent.  Les  vides  ménagés  dans  sa 
masse  et  qui,  vers  la  terre,  avaient  la  forme  d'absides 
s'ouvraient,  du  côté  opposé,  chacune  par  une  ou  deux 
l)aies,  comme  je  viens  de  le  constater.  C'étaient  de  véri- 
tables salles  qui  s'alignaient  dans  la  masse  de  l'enceinte 
maritime,  et  cette  disposition  appelle  immédiatement  un 
rapprochement  avec  les  locaux  :  écuries,  magasins,  etc., 
qui,  d'après  les  historiens,  se  trouvaient  dans  l'épaisseur 
de  l'enceinte  terrestre  de  Carthage. 

III 

La  ligne  de  gros  blocs,  dont  il  a  déjà  été  question  plusieurs 
fois,  offre  une  lacune,  au  moins  apparente,  et  longue  d'une 
soixantaine  de  mètres,  au  Sud  du  grand  saillant  que  forme 
le  quadrilatère  de  Bordj-Djedid.   En  ce  point,  elle  aborde 

1.  lyL.  Carton,  Bibliothèque  de  l'fnstilntde  Carthage.  Documents  pour 
servir  ;\  l'élude  des  ports  et  de  l'enceinte  de  la  Carthage  punique. 


I4i  RECIIKHCIIKS    SIR    LE    LITTORAL    CARTIIAGINOLS 

()l)li(|ueinent  le  rivag-e  el  disparaît  sous  le  sable.  Il  serait 
fort  intéressant  de  voir  (juels  sont  ses  rapports  avec  le 
quadrilatère  et  notamment  si  elle  ne  s'interrompait  pas 
pour  former  l'entrée  du  vieux  port  dont,  après  Vernaz  et 
Gauckler,  j'ai  reconnu  l'existence. 

Une  tranchée  pratiquée  entre  l'angle  sud-ouest  du  qua- 
drilatère et  les  rochers,  dans  le  prolongement  du  côté  sud 
de  ce  dernier,  m'a  montré  que  ce  dernier  se  continuait 
jusqu'à  la  falaise,  au  point  où  celle-ci  quitte  le  rivage  pour 
former  l'ossature  des  collines  qui  circonscrivent  la  con([ue 
où  s'élevèrent  les  Thermes  d'Antonin. 

Une  autre  tranchée  a  été  faite  dans  le  prolongement  du 
mur  de  mer,  en  partant  du  point  où  il  disparaît  sous  le 
rivage.  Je  l'ai  retrouvé  et  ai  pu  le  suivre  sur  une  trentaine 
de  mètres,  pour  l'abandonner  au  moment  où  il  passe  sous 
la  berge,  sous  une  masse  de  remblais  trop  considérable 
pour  les  moyens  dont  je  disposais. 

Dans  cette  tranchée,  j'ai  trouvé  beaucoup  de  débris  de 
l'architecture  des  Thermes  d'Antonin  :  énormes  fûts  de 
colonnes  en  granit  rouge,  grand  chapiteau  corinthien  d'un 
beau  travail,  sur  l'abaque  duquel  j'ai  relevé  les  trois  carac- 
tères suivants,  hauts  de  0  *"  035  : 

nPA 

Enfin,  dans  un  sondage  pratiqué  à  3  mètres  de  cette 
tranchée,  j'ai  mis  au  jour  une  stèle  en  marbre  blanc,  haute 
de  0  '"  41 ,  brisée  à  la  partie  inférieure. 

Elle  olfre  la  représentation  d'un  mur  de  forteresse,  en 
grand  appareil,  couronné  de  créneaux,  en  avant  et  au  pied 
duquel  se  dresse  un  homme  nu,  les  cheveux  et  la  barbe 
crépus,  qui  élève  les  bras  au-dessus  de  la  tête,  les  mains 
étant  rapprochées.  Cette  stèle  curieuse  fera  l'objet  d'une 
étude  spéciale. 


RECHERCHES    SUR    LE    LITTORAL    CARTHAGINOIS  1  io 

IV 

L'hôpital-dépôt  de  convalescents  étant  installé  dans  le 
lazaret,  c'est-à-dire  à  la  base  même  du  quadrilatère  de 
Falbe,  j'ai  pu  explorer  fréquemment,  en  barque,  l'endroit 
où  l'on  place  habituellement  la  brèche  faite  par  les  Cartha- 
ç^inois  pour  faire  sortir  leurs  vaisseaux  du  port. 

Entre  l'angle  nord-est  du  lazaret  où  se  trouve  encastré 
un  chapiteau  à  volutes  puniques  et  le  bâtiment  voisin  en 
forme  de  rotonde,  on  ne  remarque,  en  effet,  aucun  bloc 
cyclopéen  émerg-eant.  Mais  il  est  possible  que  des  blocs  de 
ce  genre  aient  été  recouverts  par  des  remblais  existant  sur 
le  rivage,  et  il  serait  nécessaire  de  faire  une  tranchée  pour 
éclaircir  ce  point. 

A  partir  de  la  rotonde,  et  sur  une  longueur  de  2  à 
300  mètres,  les  blocs  à  demi  émergés  et  alignés  réappa- 
raissent, mais  ils  sont  très  clairsemés  et  beaucoup  moins 
rapprochés  que  dans  tout  le  reste  de  la  ligne.  En  outre,  par 
les  temps  calmes,  on  aperçoit,  sous  les  eaux,  les  soubas- 
sements du  mur  auquel  ils  ont  appartenu.  Fait  curieux,  il 
est  interrompu  par  des  coupures  très  nettes,  placées  à 
intervalles  réguliers,  qui  le  traversent  dans  toute  son 
épaisseur.  Il  semblerait  que  les  assiégés,  qui  ont  d'abord 
commencé  la  brèche  en  partant  du  quadrilatère,  c'est-à-dire 
là  où  elle  était  plus  efficacement  protégée  par  cette  forte- 
resse, n'aient  pas  eu,  ici,  le  temps  d'achever  l'œuvre  de 
démolition  et  se  soient  bornés  à  y  pratiquer  quelques 
passes. 

V 

On  sait  que  c'est  au  Sud  du  quadrilatère  de  Falbe,  dans 
la  baie  du  Kram,  que  se  trouvait  l'entrée  des  ports  de  la 
Carthage  punique  décrite  par  les  historiens. 

Plusieurs  faits  de  constatation  matérielle,  dont  quelques- 
uns   sont   indiscutables,    montrent   que   la    baie    s'étendait 


146  RRClIERniIES    SUR    LK    LITTORAL    CARTriAGINOlS 

autrefois,  bien  plus  que  de  nos  jours,   vers  riritérieur  des 
terres. 

Les  villas  élevées  sur  la  plage  de  Khéreddine  ont  été,  à 
un  moment  donné,  sérieusement  menacées  par  les  érosions 
des  flots.  J'ai  pu,  de  mon  habitation,  en  suivre  les  progrès 
et  assister  à  la  lutte  qui,  sur  ma  demande,  y  fut  entreprise 
parla  Direction  générale  des  Travaux  publics.  On  y  cons- 
truisit des  épis  de  pieux,  perpendiculaires  à  la  côte,  et 
presque  aussitôt  il  s'en  suivit  un  ensablement  considérable. 
Le  même  phénomène  s'est  produit  à  l'abri  des  grands 
saillants  du  mur  maritime.  Je  l'ai  déjà  indiqué  pour  le 
quadrilatère  de  Bordj-Djedid.  Derrière  celui  de  Falbe,  la 
baie  du  Kram,  et  précisément  dans  le  goulet  par  oii  les 
vaisseaux  devaient  passer  pour  entrer  dans  le  port,  ne  pré- 
sente, sur  une  grande  étendue  que  quelques  centimètres 
d'eau.  L'ensablement  y  a  donc  été  considérable,  et  ce  seul 
fait  indiquerait  que  le  rivage  a  dû  gagner  vers  le  large. 

Mais  j'ai  fait,  à  l'aide  de  sondages,  des  constatations 
autrement  probantes.  A  environ  600  mètres  du  fond  de  la 
baie  de  Ki^am,  auprès  de  la  station  de  Salatyimho,  existe 
une  dépression  elliptique  sans  issue.  Elle  est,  du  reste, 
très  nettement  indiquée  par  une  courbe  de  niveau  qui,  sur 
la  Carte  archéologique  de  Carthage  ^  encercle  les  deux 
lettres  Kh  des  mots  El  Khahhazia.  Les  sondages  que  j'ai 
pratiqués  à  son  intérieur  m'y  ont  fait  rencontrer  presque 
partout,  au  niveau  de  la  mer,  une  couche  de  sable  marin 
renfermant  des  tessons.  Il  est  donc  certain  que  la  baie  du 
Kram,  ou  un  bassin  la  prolongeant,  s'étendait  jusqu'ici. 

Le  nombre  des  sondages  faits  a  été  d'une  trentaine  ; 
quelques-uns  avaient  jusqu'à  8  mètres  de  profondeur.  Ce 
nombre  est  donc  concluant.  Ils  m'ont  amené  à  d'autres  cons- 
tatations intéressantes  que  je  n'ai  pas  à  exposer  ici,  notam- 
ment à  celle  de  l'existence,  aux  bords  de  ce  bassin,  d  un 

1.  De  Bordy,  Gauckler,  P.  Delattre  et  le  général  Dolot. 


RECHERCHES    SUR    LE    LITTORAL   CARTHAGINOIS  147 

monticule  portant  un  édicule  de  Tépoque  punique  daté  par 
des  graffîtes.  Ce  monticule,  recouvert  par  des  remblais  de 
l'ép'oque  romaine,  ne  se  laisse  du  reste  plus  deviner 
actuellement. 

Sur  la  Carte  archéologique  de  Carthage,  au  Sud  de  la 
haie  du  Kram,  on  remarque  une  ligne  de  blocs,  indiqués 
par  un  pointillé  rouge.  Située  en  mer,  elle  se  dirige  vers  le 
rivage  où  elle  s'arrête,  à  peu  près  en  face  du  Fondouk  des 
Juifs.  Je  l'ai  suivie  sous  le  sable  de  la  plage,  sur  une  lon- 
gueur de  30  mètres.  Les  éléments  en  sont  tout  à  fait  pareils 
à  ceux  de  tout  le  reste  du  mur  maritime,  et  lun  d'eux  pré- 
sente de  nombreux  trous  de  coquillages  perforants.  Il 
s'agit  donc  ici  du  point  oîi  le  mur  maritime,  interrompu 
par  l'entrée  des  ports,  réapparaissait  pour  se  diriger  vers 
le  lac  où  je  l'ai  retrouvé.  La  présence  des  coquillages  per- 
forants, qui  vivaient  en  mer,  en  un  point  recouvert  par  le 
sable,  indiquerait,  à  elle  seule,  que  l'étendue  de  la  baie  du 
Kram  a  diminué. 

Après  ce  qui  vient  d'être  dit,  on  peut  donc  se  demander 
si  le  port  de  guerre  punique  ne  correspondait  pas,  comme 
l'ont  admis  certains  auteurs,  à  la  fois  à  la  lagune  circulaire 
et  à  la  rectangulaire,  et  si  le  port  de  commerce  ne  se  serait 
pas  étendu  dans  la  direction  de  la  station  de  Salammbô. 

Sans  émettre  d'opinion  ferme  à  ce  sujet,  je  dois  faire 
remarquer  que  cette  hypothèse  éclairerait  un  passage 
d'Appien  demeuré  obscur  jusqu'ici  et  d'après  lequel  les 
deux  ports  s'ouvraient  sur  un  bassin  commun,  les  ayant 
précédés.  Ce  bassin  aurait  été  formé  par  la  baie  du  Kram 
que  fermait,  vers  le  large,  le  mur  maritime  et  au  fond  de 
laquelle  auraient  donné  les  deux  ports. 

On  voit,  par  ce  qui  précède,  combien  serait  fructueuse  la 
méthode  des  sondages  profonds  que  j'ai  imaginée  dans  cette 
région  des  ports  et  à  laquelle  je  n'ai  pas  pu  donner  tout  le 
développement  nécessaire.  Dans  quelques  années,  il  sera 
presque  impossible  d'en  pratiquer  à  cause  des  constructions 
qu'on  y  élève  de  toutes  parts. 


148  RECHERCHES    SUR    LE    LITTORAL    CARTHAGINOIS 

VI 

L'espace  qui  s'étendait  entre  l'entrée  des  ports  et  celle  du 
chenal  qui  reliait  autrefois  le  golfe  à  la  mer  était  occupé 
par  un  vaste  ensemble  de  constructions  sur  lesquelles  ont 
été  bâtis  le  Fondouk  des  Juifs  et  le  dar  Oulad  el  Agha. 
Elles  sont  remarquables  par  l'uniformité  de  leur  architec- 
ture. Sur  toute  leur  étendue  se  succèdent  les  ouvertures  de 
puits,  de  citernes,  de  conduites,  de  bassins,  comme  si  les 
vaisseaux  qui  usaient  de  ces  deux  passages  y  faisaient 
leur  provision  d'eau.  Vers  le  milieu,  un  môle  s'avance  dans 
le  golfe.  J'y  ai  trouvé  six  grandes  bases  attiques,  des 
débris  de  chapiteaux  corinthiens  et  de  fûts  cannelés,  le 
tout  en  marbre  blanc,  des  stucs  à  relief  et  une  grande  quan- 
tité de  plaques  de  revêtement  en  marbres  précieux.  Il 
y  avait  évidemment  ici  quelque  sanctuaire  ou  peut-être  un 
phare,  entre  les  deux  entrées  des  ports  et  du  lac. 

J'ai  pu,  au  milieu  de  cet  ensemble,  commencer  une 
fouille  méthodique  ^  qui  m'a  montré  vme  construction  ellip- 
tique formée  de  deux  absides  se  faisant  face,  et  circonscri- 
vant une  salle  longue  de  11  mètres  et  large  de  6  mètres,  au 
sol  revêtu  d'une  mosaïque  figurant  un  dallage  [fig.  3).  Entre 
les  deux  absides  étaient  des  ouvertures  :  l'une  donnait  sur 
un  perron  précédé  d'un  escalier  porté  par  une  voûte  et  des- 
cendant sur  la  plage,  Tautre  communiquait  avec  une  pièce 
dont  le  sol  offrait  un  très  beau  dallage  fait  de  carrés,  de 
rectangles  et  de  triangles  de  marbres  multicolores,  formant 
des  figures  géométriques.  Les  parois  des  deux  pièces  étaient 
revêtues  de  marbre. 

Au-dessus  du  sol  de  cette  pièce  était  une  belle  sépulture 
chrétienne.  Un  mur,  de  forme  rectangulaire,  entourant 
deux  jarres,  dont  Tune,  inférieure,  renfermait  le  squelette 

1.  Entre  le  Foiidouk  el  le  dar  Oiilac)  el  Agha,  exactement  au  point  où 
passe  la  limite  de  la  Carte  archéologique. 


HËCHERCHliS    SUll    LE    LITTORAL    CARTHAGINOIS 


149 


d'un  adulte,  et  l'autre,  celui  d'un  enfant.  Trois  lampes  chré- 
tiennes, dont  l'une  avec  la  croix  latine,  ont  également  été 
rencontrées  dans  cette  tombe  ainsi  que  des  débris  de  vases 


fiuiNES  DU  DP^RJ]ULqD  EL  I[qïM\^ 

Plan  ûetàil  a/u  carre/'a^e 


&*»//<• 


Coupe  Jo7?û'//bi/?/?â/e 


ûipe  sv/yé/nf  AB 


■fcyie 


Fig".  3. 


peints  ressemblant  à  ceux  des  vi'^  et  vii*^  siècles  qui  forment 
une  série  si  remarquable  et  qui  ont  été  découverts  à  Bulla 
Regia,  dans  l'église  du  prêtre  Alexander. 


150  SÉANCl'J    DU    22    MARS    1018 

Un  autre  fragment  de  vase,  trouvé  ici,  olfre  des  carac- 
tères tracés  à  la  pointe  dans  la  pâte,  avant  lu  cuisson  : 

IVDICISi 
VIIII 

Deux  chapiteaux  chrétiens  en  marbre  blanc  et  deux 
fragments  d'inscriptions,  l'une  païenne,  l'autre  chrétienne, 
sans  intérêt,  ont  été  également  rencontrés  dans  ces  fouilles, 
que  j'ai  eu  le  regret  dé  ne  pouvoir  achever. 

Des  marées  extrêmement  basses,  comme  je  n'en  ai  jamais 
vu  depuis  quinze  ans  que  j'habite  sur  les  bords  du  golfe  de 
Tunis,  m'ont  permis  d'aller  à  pied  sec  presque  partout,  du 
12  au  16  février  1918,  jusqu'à  la  ligne  des  gros  blocs,  et 
d'y  relever  nombre  de  détails  qui  n'étaient  pas  visibles 
auparavant.  Il  en  est  un  que  je  tiens  à  indiquer  ici,  à  cause 
de  son  importance  :  c'est  l'existence  d'un  mur  en  blocage, 
parallèle  à  la  ligne  des  blocs,  tout  le  long  de  celle-ci,  à  une 
dizaine  de  mètres  entre  elle  et  le  rivage,  sur  toute  son 
étendue,  c'est-à-dire  depuis  la  pointe  du  lazaret  jusqu'au 
mur  aux  absides.  Je  me  propose  d'exposer  ultérieurement 
les  conclusions  auxquelles  amène  cette  constatation. 


SÉANCE  DU  22  MARS 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VILLEFOSSE. 

Le  sous-lieutenant  Paul  Tapponier,  du  93°  bataillon  de 
tirailleurs  sénégalais,  adresse  à  l'Académie  quelques  morceaux 
de  poteries  qu'il  vient  de  trouver  au  sommet  du  mont  Hortiac, 
près  de  Salonique. 

Renvoyé  à  M.  Edmond  Pottier. 

M.  Bernard  Haussoullier,  au  nom  de  la  Commission  du  prix 
Delalande-Guérineau,    annonce  que  le   prix   est  décerné,   cette 


SÉANCE    DU    22    MARS    1918  151 

année,   à   M.   P.    Roussel,    pour   son  ouvrage   intitulé    :   Délos 
colonie  athénienne. 

Le  Président  annonce  que  la  Commission  du  prix  Barbier- 
Muret  s'est  réunie  avant  la  séance  et  a  fait  choix  de  trois  béné- 
ficiaires qui  seront  proposés  par  nos  délégués  à  la  Commission 
spéciale  chargée  de  la  répartition  des  arrérages. 

M.  Héron  de  Villefossk  fait  la  communication  suivante  : 

«  Jai  fait  part  à  l'Académie  des  dons  importants,  reçus  parle 
département  des  antiquités  grecques  et  romaines  du  Musée  du 
Louvre  au  cours  des  années  1915  et  1916,  celui  de  M"Me  La  Cou- 
lonche  ',  celui  du  marquis  de  Vogué  et  de  ses  enfants  ■■^.  Je  désire 
l'informer  également  de  deux  autres  libéralités  intéressantes 
dont  le  même  département  a  été  l'objet  pendant  l'année  1917. 

«  Au  mois  de  juillet  dernier,  je  recevais  de  notre  regretté 
confrère,  Maxime  CoUignon,  un  aimable  billet  dans  lequel,  avec 
sa  bonne  grâce  habituelle,  il  m'annonçait  son  intention  d'offrir 
au  Louvre  deux  bronzes  antiques  qu'il  m'apporta  à  ïa  séance 
suivante.  Trois  mois  plus  tard,  la  mort  l'enlevait  à  notre  affec- 
tion. Ces  deux  objets  représentent  le  dernier  témoignage  du 
vif  intérêt  qu'il  portait  à  nos  collections  et  dont  il  nous  donna 
constamment  des  preuves  touchantes. 

((  Il  avait  acheté  le  premier  de  ces  bronzes  à  Mantinée.  C'est  le 
fragment  d'une  applique  de  miroir  grec,  en  relief  et  découpée  à 
jour,  dont  l'exécution  est  très  soignée  :  on  y  voit  un  jeune  homme 
imberbe,  fort  élégant  d'allure,  debout  de  trois  quarts  devant  une 
colonne  cannelée.  Vêtu  seulement  d'un  manteau  qu'une  fibule 
retient  sur  la  poitrine  et  dont  le  vent  écarte  les  pans  en  arrière, 
de  façon  à  laisser  le  corps  entièrement  nu,  il  s'avance  vers  la 
droite.  Sa  main  gauche  soutient  une  grande  phiale  à  godrons,  sa 
main  droite  abaissée  tient  par  l'anse  une  œnochoé  ;  son  pied  droit 
a  été  brisé.  Une  belle  patine  verdâtre  recouvre  le  reUef  ^  ;  la 
scène  comportait  au  moins  deux  personnages.  Le  style  permet 
de  faire  remonter  ce  fragment  d'applique  au  ni''  siècle. 

1.  Comptes  rendus  de  l'Académie.  1916,  p.  334  à  337. 

2.  Ihid..  1917,  p.  102  à  106. 

3.  Bull,  de  Corr.  hellénique,  VIII,  p.  396  à  399,  pi.  XXII.  Haut,  du  relief, 
0"'    09  ;  larg.,  0"  055. 


152  SÉA.NCh  UU  22  MAKS  1018 

«  Le  second  esl  uiic  slaluelte  de  Silène  Iatc,  dansant,  d'unbon 
travail  romain,  mais  très  usée  par  le  frottement.  Les  deux  mains 
sont  ramenées  au-dessus  de  la  tête  ;  Tune  d'elles  paraît  tenir  un 
vase  à  boire  de  forme  ronde  ;  le  manteau,  posé  sur  Tépaule 
gauche,  s'étale  sur  le  dos  et  se  replie  sur  la  jambe  gauche,  lais- 
sant voir  tout  le  devant  du  corps.  Les  yeux  étaient  incrustés  d'ar- 
gent Notre  confi'ère  tenait  ce  bronze  de  M.  Paul  (uiudin,  direc- 
teur  de  la  ligne  de  Smyrne-Cassaba,  qui  l'avait  vraisemblable- 
ment recueilli  dans  la  région  de  Smyrne  '. 

«  Au  mois  d'octobre,  le  département  s'enrichissait  d'un  torse 
dempereur  cuirassé,  en  marbre  blanc,  dont  la  provenance  est 
inconnue.  Donné  au  Musée  des  arts  décoratifs,  il  y  a  plusieurs 
années,  par  le  commissaire-priseur  Charles  Pillet,  il  avait  été 
relégué  sur  un  palier  d'escalier,  près  des  bureaux  de  la  conserva- 
tion, parce  qu'on  ne  pouvait  le  faire  figurer  dans  aucune  des 
séries  formées  par  ce  musée.  Le  conservateur,  M.  L.  Metraan, 
pensa  qu'il  serait  plus  à  sa  place  dans  les  collections  du  Musée 
du  Louvre,  où  il  a  été  transporté  et  mis  en  dépôt,  avec  l'approba- 
tion du  Conseil  de  l'Union  centrale  des  arts  décoratifs. 

«  Privé  de  sa  tête  qui  était  mobile  et  qui  s'emboîtait  dans  une 
cavité  ovale,  pratiquée  au  centre  du  cou,  ce  reste  de  statue 
romaine  ne  mesure  plus,  dans  son  état  actuel,  que  1  '"  25  de 
hauteur.  L'empereur  est  représenté  debout,  la  jambe  droite 
avancée  ;  les  deux  bras  sont  nus  et  abaissés,  sans  qu'il  soit  pos- 
sible de  déterminer  avec  précision  le  mouvement  de  Tavant-bras 
droit.  Le  vêtement  de  dessous  se  compose  d'une  étoffe  légère  à 
manches  très  courtes  que  recouvre  en  grande  partie  une  cuirasse 
décorée  de  reliefs.  Un  manteau,  jeté  sur  l'épaule  gauche,  tombe 
derrière  le  dos  et  revenait  entourer  l'avant-bras  du  même  côté. 
Les  deux  jambes  nues  sont  brisées  au-dessous  du  genou  ;  leur 
partie  inférieure  a  disparu  avec  les  pieds,  chaussés  probablement 
de  brodequins.  L'avant-bras  droit,  la  main  gauche  et  le  pan  de 
draperie,  enroulé  autour  du  poignet,  manquent  également.  On 
observe  aussi  quelques  éclats  du  marbre  à  la  partie  supérieure 
de  la  draperie,  notamment  au  point  où  elle  couvre  le  pectoral 
<^auche,  aux  lamelles  qui  garnissent  les  épaules  et  à  celles  du  bas 
de  la  cuirasse. 

1.  Haut,  du  bronze,  0"'  U55. 


SÉANCE    DU    22    MARS    t9i8 


153 


<(  Les  reliefs  de  la  cuirasse  constituent  le  principal  intérêt  de  ce 
marbre  :  ils  sont  disposés  de  la  manière  suivante.  A  la  partie 
sup'érieure.  comme  sur  un  bon  nombre  de  cuirasses  analogues, 


Torse  d'empereur. 
Musée    du  Louvre.) 

apparaît  un  Gorgoneion  aux  cheveux  plats,  à  la  langue  pen- 
dante, avec  un  nœud  de  serpents  sous  le  cou^  qui  surmonte 
l'ensemble  de  Fornementation.  Au-dessous,  s'épanouit  un  motif 
allongé  en  forme  de  cornet  qui  sépare  deux  Néréides  assises  de 
côté  sur  des  chevaux  marins.  Les  monstres  s'avancent  l'un  vers 
l'autre  au  galop,  leurs  croupes  enroulées  remplissent  le  fond  de 
1918 


loi  SÉANCE    DU    22    MARS    11)18 

la  cuirassée  au-dessous  des  bras.  Chacune  îles  Néréides  se  tienl 
d'une  main  à  l'encolure  de  sa  monlure  ;  de  rautre  main,  levée 
et  étendue,  elle  soulève  la  di-aperie  légère  cjui  entoure  sa  poi- 
trine, oll'rant  ainsi  son  corps  délicat  aux  caresses  de  la  brise; 
le  bas  de  TétolVe  est  rassemblé  sous  les  cuisses.  Les  mèches 
de  la  chevelure,  réunies  par  une  bandelette  près  de  la 
nuque,  sont  soulevées  par  le  vent  de  mer.  Deux  dauphins 
affrontés,  figurant  l'élément  liquide,  nagent  au-dessous  des 
filles  de  Néreus  ;  trois  feuilles  allongées,  formant  une  sorte  de 
palniette  renversée,  garnissant  le  bas  de  la  cuirasse  :  la  feuille 
centrale  reste  droite,  les  autres  s'inclinent  avec  symétrie  vers 
chaque  dauphin  qui  la  retient  dans  sa  gueule  '. 

a  Les  manches  très  courtes  du  vêtement  de  dessous  sont 
apparentes  autour  des  épaules  ;  le  bas  du  même  vêtement  se 
voit  aussi  sur  les  cuisses.  La  souplesse  de  rétolle  atténuait  le 
frottement  de  TarmurS.  Une  série  de  bandes  frangées  couvre 
les  épaules  et  les  aisselles  ;  du  bord  inférieur  de  la  cuirasse 
descendent  deux  rangs  de  bajides  analogues.  Celles  qui  protègent 
l'abdomen  ne  mesurent  que  0°^  09  de  longueur  ;  celles  qui  cou- 
vrent les  cuisses,  comme  un  jupon  de  montagnard  écossais, 
sont  beaucoup  plus  longues  :  elles  atteignent  0  "'  22.  La  petite 
bretelle,  assujélissant  les  deux  parties  de  la  cuirasse  à  droite, 
est  ornée  d'un  foudre  et  porte,  à  son  extrémité,  un  anneau 
pour  la  lanière  d'attache  ;  celle  de  gauche  est  cachée  par  la  dra- 
perie. 

«  Le  revers  de  la  statue  a  été  travaillé  plus  sommairement  : 
cependant  le  modelé  et  les  formes  du  corps  sont  indiqués  avec 
exactitude  ;  la  double  rangée  de  bandes  protectrices  se  continue 
sans  interruption  autour  des  jambes.  Le  bras  droit,  dans  sa 
partie  supérieure,  est  un  peu  rejeté  en  arrière,  mais  l'avant-bras 
devait  revenir  en  avant  en  s'abaissant,  ainsi  qu'en  témoigne  un 

1.  Les  mutilations  des  reliefs  portent  sur  les  parties  suivantes  :  le  cor- 
net central  ;  le  visage  et  la  jambe  droite  de  la  Néréide  de  gauche,  le  museau 
et  la  plus  grande  partie  de  la  jambe  droite  de  sa  monture  ;  le  visage  et  la 
jambe  gauche  de  la  Néréide  de  droite,  le  museau  et  la  plus  grande  partie 
de  la  tète  de  sa  monture  avec  sa  jambe  droite  en  entier  ;  éclats  au  dauphin 
de  gauche.  Une  des  jambes  de  chacun  des  chevaux  marins  était  presque 
entièrement  détachée  du  fond. 


SÉANCE    DU   22    MARS    J9l8  lou 

tenon  de  marbre  placé  en  haut  des  grandes  lanières  frangées  '  ; 
le  bras  gauche  devait  être  reporté  également  en  arrière. 

«'  Sur  ces  statues  cuirassées,  il  est  souvent  difficile  de  recon- 
naitre  avec  précision  le  mouvement  des  bras  qui  sont  presque 
toujours  brisés  ;  il  est  surtout  presque  impossible  de  déterminer 
la  nature  des  attributs  que  portaient  les  mains  disparues.  Les 
monnaies  impériales,  frappées  en  commémoration  des  succès 
obtenus  par  les  armées  romaines,  offrent  cependant  un  secours 
qu'on  ne  saurait  nég-liger  pour  cette  détermination. 

«  Au  revers  de  plusieurs  monnaies  de  Domitien,  rappelant  les 
victoires  sur  les  (iermains,  on  voit  notamment  l'empereur 
debout,  en  costume  militaire,  appuyé  de  la  main  gauche  sur  une 
haste  et  tenant  de  la  main  di-oite,  à  la  hauteur  de  la  poitrine, 
un  glaive  court  dans  son  fourreau  ;  son  pied  droit  est  posé  sur 
le  Génie  du  Rhin,  étendu  devant  lui  -.  Ces  détails  nous  auto- 
risent à  compléter  par  la  pensée  le  mouvement  et  l'attitude  des 
personnages;  ils  nous  aident  à  comprendre  la -nature  des  attri- 
buts qui  ont  disparu  avec  les  bras. 

«  Ces  statues  d'empereurs  en  costume  triomphal  étaient  éle- 
vées par  les  différentes  cités  de  l'empire  en  l'honneur  du  souve- 
rain qui  personnifiait  la  puissance  romaine.  Les  \'ictoires,  les 
trophées,  les  groupes  de  captifs,  les  sujets  historiques,  les  grif- 
fons même  qui  les  décorent,  contribuent  à  le  prouver.  Les 
Néréides,  dont  les  mains  soutiennent  souvent  les  armes  forgées 
pour  Achille,  ne  sont  pas  étrangères  à  cette  idée;  elles  sont  d'ail- 
leurs d'un  effet  décoratif  très  heureux. 

«  L'ornementation  est  identique  à  celle  d'une  autre  cuirasse 
impériale  sortie  des  fouilles  d'Olympie  3  et  appartenant  au  type 
VI  du  classement  proposé  par  Warwick  Wroth  '.  Les  deux 
sculptures  sont  à  peu  près  contemporaines. 

«  Ainsi,  pendant  ces  années  de  guerre,  ceux  qui  aiment  le 
Louvre   n'auront   pas  cessé   de   lui    témoigner   leur   sympathie. 


J.  Ce  tenon  mesure  0  "  04  de  hauteur  et  0-  023  de  largeur. 

2.  Babelon,  Quelques  monnaies  de  l'empereur  Domitien,  dans  Reçue 
numismatique,  1917-18,  pi.  I,  fig.  6  et  7. 

3.  Die  Ausgrabangen  zu  Olympia,  III,  taf.  XIX,  3.  La  statue  d'Olympie 
possède  encore  ses  jambes  ;  à  sa  droite,  on  voit  un  tronc  d'arbre  sur  lequel 
est  déposé  un  glaive  dans  son  fourreau  garni  dun  ceinturon. 

4.  Journal  of  Hellenic  sludies,  vol.  VII  (1886),  p.  J34. 


lo6  SÉANCl!;   DL    22   MARS    iOIS 

Malgré  la  iermelure  des  galeries,  malgré  les  circonslunces  déta- 
vorahles  de  l'heure  présente,  ils  restenl  pleins  de  confiance  dans 
l'avenir  et  tiennent  à  contribuer  à  Taugnientatiou  de  nos 
richesses.  Je  leur  adresse  nos  remerciements  et  lexpression  de 
notre  reconnaissance.   » 

M.  DU  Lastiîvkie  entretient  l'Académie  de  l'usage  du  mot 
gothique  employé  pour  désigner  l'architecture  française  et 
montre  que  ce  terme,  généralement  accepté  aujourd'hui  dans 
tous  les  pays,  ne  saurait  être  remplacé  utilement  par  aucun  autre. 

MM.  JuLLiAN  et  Salomon  Reinach  présentent  quelques  obser- 
vations. 

M.  Seymour  de  Ricci  expose  qu'au  printemps  de  1917, 
quelques  jours  après  notre  avance  au  delà  de  l'Aisne,  il  a  eu  la 
satisfaction  de  retrouver  intactes,  dans  le  village  détruit  de 
Juvigny,  au  Nord  de  Soissons,  trois  colonnes  milliaires  romaines, 
qui  avaient  échappé  à  la  fureur  destructive  des  envahisseurs  et 
dont  il  communique  à  l'Académie  de  nouvelles  lectures. 

11  rapproche  un  de  ces  textes,  daté  de  Garacalla,  d'une  ins- 
cription vue  à  Beauvais  par  Suger,  au  milieu  du  xii*^  siècle,  et 
dont  l'illustre  abbé  nous  a  conservé  un  passage  dans  une  lettre 
écrite,  en  1149,  à  lévêque  de  Beauvais  *. 

MM.  JuLLiAN  et  Théodore  Reinach  ajoutent  des  observations. 

M.  Salomon  Reinach  continue  la  lecture  par  lui  commencée  à 
la  dernière  séance. 

1.  Voir  ci-après. 


137 
COMMUNICATION 


TROIS    I50RNES     MILLIAIRES     DU    SOISSONNATS, 
PAR    M.     SEYMOUR     DE    RICCI. 


Les  anciens  historiens  du  Beauvaisis  Petau',  Loisel  -  et 
Louvet  •*  avaient,  dès  le  début  du  xyii*^  siècle,  remarqué 
que  Suger,  dans  une  lettre  adressée  en  1149  à  Henri,  évêque 
de  Beauvais  et  à  ses  ouailles,  faisait  allusion  à  une  inscrip- 
tion antique  dont  il  reproduisait  même  un  passage  :  Videte, 
videfe,  viri  discreti,  écrit  Suger,  ne  et  alla  vice  rescrihatur 
qiiod  semel  inventum  est  in  marmorea  columna  hujus  civi- 
tatis  ore  imperatoris  dictum  :  villam  pondiini  refici  juhe- 
mus^. 

Il  y  a  près  de  vingt  ans,  dans  un  article  inséré  dans  la 
Revue  archéologique  ',  je  suggérais  de  cette  inscription 
l'explication  suivante  :  une  colonne  antique  avec  une  ins- 
cription impériale  [ore  imperatoris  dictum)  ne  pouvait 
guère  être  qu'une  colonne  milliaire  ;  les  mots  villam  pon- 
tium  refici  juhemus  ne  cachaient-ils  pas  la  formule  fami- 
lière u/am  et  pontes  refici  jussit,  ou  quelque  phrase  analogue? 


1.  Petau,  Antiquariae  supellectilis  portiuncnla  (Paris,  1610,  in-4°),  pi.  X, 
réimprimé  dans  Sallengré,  Novus  thésaurus  antiquitatum  romanarum  (La 
Haye,  1718,  in-fol.),  t.  II,  p.  1015. 

2.  Loisel,  Mémoires  des  pays,  villes,  comté  et  comtes,  évéché  et  évesques, 
pairrie,  commune  et  personnes  de  renom  de  Beauvais  et  Beauvaisis  (Paris, 
1617,  in-4°),  p.  100. 

3.  Louvet,  Histoire  et  antiquités  du  diocèse  de  Beauvais  (Beauvais,  1635. 
2  voL  in-12),  t.  I,  p.  23,  et  t.  II,  p.  283. 

4.  Bibl.  nat.,  ms.  latin  14192,  f.  21  v.  (=  S.  Germain  latin  1085,  2,  de  la 
coll.  Séguier-Coislin)  ;  Martène  et  Durand,  Thésaurus  novus  anecdotarum. 
t.  I,  col.  424;  Dora  Bouquet,  t.  XV,  p.  529  G  ;  Migne,  Patr.  lat.,  t.  186, 
col.  1437  G  ;  Lecoy  de  La  Marche,  Œuvres  complètes  de  Suger  (Paris,  1867, 
in-8),  p.  280. 

5.  Rev.arch.,  t.  XXXV  (1890),  pp.  106-107  ;  CIL.,  XIII,  9026. 


158  I-KOIS    liORNES    MILLIAIRRS    DU    SOISSONNAIS 

A  cette  Inpothèse,  favorablement  accueillie  par  les  spécia- 
listes, on  pouvait  faire  une  objection  sérieuse  :  la  formule  en 
([uestion  se  retrouvait-elle  sur  d'autres  milliaires  de  la  ré- 
gion? Et  force  était  de  répondre  par  la  négative. 

Toute  une  série  de  bornes  milliaires  du  iii'^  siècle  trouvées 
en  territoire  helvétique  contenaient  bien  les  mots  vias  et 
jtontes  velustate  collapsos  restiluit  ^  ;  mais  i.l  y  a  loin  de  la 
Suisse  à  la  Picardie.  Un  fragment  du  Musée  de  Metz 2  nous 
rapprochait  déjà  un  peu.  Un  heureux  hasard,  auquel  les 
événements  contemporains  ne  sont  pas  étrangers,  m'a 
permis  de  retrouver  cette  formule  sur  une  borne  du  Sois- 

sonnais. 

On    n'a    pas  oublié   qu'au    printemps    de    Tannée    1917 
l'envahisseur  se  vit  contraint  d'abandonner  à  nos  armées 
les  plateaux  situés  entre  l'Aisne  et  l'Ailette.  Quelques  jours 
à  peine  après  que  nos  troupes  se  fussent  avancées  jusqu'à 
la  lisière   de   la  forêt  de  Saint-Gobain,  j'eus  l'occasion  de 
quitter    le    front    britannique  pour    aller    passer   quelques 
heures  sous  les  murs  de  Coucj-le-Château.  Les  hasards  de 
mon  itinéraire  me  firent  arrêter  un  instant  à   l'endroit  où 
jadis,  à  8  kilomètres  au  Nord  de  Soissons,  s'élevait  le  coquet 
villao-e  de  Juvisrnv.  L'ennemi  avait  rasé  toutes  les  maisons 
et  l'on  peut  dire  qu'il  n*en   restait  pas  pierre    sur  pierre. 
Je   n'osais  espérer  y  retrouver  les    trois    bornes  milliaires 
que  j'y  avais  vues  dix-huit  ans   auparavant  et  que  l'abbé 
Le  Beuf  y  avait  remarquées  dès  le  milieu  du  xviii'"  siècle. 
J'eus  pourtant  la    satisfaction  de    les    découvrir  intactes, 
protégées  sans  doute  par  leur  insignifiance  même.  Les  deux 
principales    étaient   encore    del>out   au   milieu    du   village, 
contre  les  débris  de  ce  qui  avait  été  le  bâtiment  des  pompes  ; 
la  troisième  supportait  comme  jadis  une  modeste  croix,  à 
l'angle  nord-ouest  du  village -^ 

1.  CIL.,  XIII,  9058,  9059,9061,  9068,  9072  etc.  (règnes  de  Caracalla,  Maxi- 
min  et  Goi'clien  III). 
•>    CIL.,  XIII,  9054. 
3.  Rev.  irch.,  t.   XXXIX  (1901),  pp.  393-399  ;  C/L.,  XIII,  9033-9038. 


TROIS    BORNES    MILLIAIRES    DU    SOISSONNAIS  159 

Bien  qu'avant  par  deux  fois,  en  des  jours  meilleurs,  tenté 
de  déchiffrer  l'inscription  de  ce  dernier  monument,  je 
n'étais  jamais  parvenu  à  la  lire  en  entier.  Cette  fois,  je  fus 
plus  heureux  que  précédemment,  et  je  réussis  à  déchiffrer, 
avec  bien  des  hésitations,  plusieurs  groupes  de  lettres  que 
j'avais  vainement  cherché  à  distinguer  lors  de  mes  visites 
antérieures. 

Le  mot  que  Le  Beuf  avait  lu  M.  .ABSARIIS  et  Prioux 
NIABSARIIS  était  bien  (comme  l'avait  prévu  M.  Hirschfeld) 
conlabsas,  et  toute  la  iin  de  l'inscription  devenait  claire.  Je 
lisais  sans  hésiter 

VIAS  \et] 

[po]^TE[s]  VETVST[a/('] 
CONLABSAS  RES[//] 
TVIT 
AB  AYG  L   ... 

Il  faudrait,  bien  entendu,  conlab.'ios. 

Voilà  donc,  en  plein  Soissonnais,  un  exemple  de  la  for- 
mule que  l'on  ne  retrouvait  que  chez  les  Helvètes  ou  à  Metz. 
Xo'ûk  donc  retrouvé  le  frère  jumeau  du  milliair.e  dont  Suger 
nous  a  conservé  le  souvenir. 

L'ensemble  du  texte  est  d'une  restitution  fort  difficile.  On 
peut  cependant  se  faire  une  idée  de  ce  que  devait  être  cette 
inscription,  en  transcrivant  ici  le  texte  d'un  milliaire  de 
Soleure  de  l'année  213^,  qui  était  identique,  à  notre  avis,  à 
celui  de  Juvigny  :        » 

IMP  [CAES  M  AVRjAN 
TON[INVS  PIVS  F]EL  A 

VG  P[ARTH  MAXJ  BRI 

MA[X  POINT  MAX  TRIB 

POT  XVI  IMP  II  COS  IIII 

PROCOS  PRINC  n'VEN 

1,   CIL..  XIII,  9072  (cf.  9061  et  906S), 


1()0  TROIS    HOU^E.S    MII.MAIUIÎS    DU    SOISSONNAIS 

FORTISIM  FELICISIM 
VSQ  MAGN  PRINCEPS 
PACATOR  ORB  VIAS  ET 
PONT  VETVSTATE  COL 
LAPS  RESTrrVlT 
AVENT 
XXVI 

Le  rapprochement  de  cette  inscription  et  de  la  nouvelle 
copie  du  milliaire  de  Juvigny  permettra  de  tenter  la  resti- 
tution de  cette  dernière  inscription.  Le  jour  où  la  préfecture 
de  l'Aisne  fera  transporter  la  borne-  à  Laon  ou  à  Soissons, 
la  conservation  en  sera  assurée  de  façon  définitive  et  il  sera 
moins  difficile  avix  épigraphistes  d'en  contrôler  la  lecture. 

imp.  caes.  m.  aur.  an 
/ONINVS  PIVS  FE/ 
dWg.  pARTH.  viax. 
hrit.   Max.    pont 
iiiax.  tr  I  /'.  pot  xvi 
imp.  a.  cos  un.  procos. 
prINc.    inu  EN  t. 
/bRTI  ss  IMV.Î  fe 
Ucissimusq .  niagnus 
PRINrEP5  pAcator 
oRBh  VIAS  et 
poNTE.^  VETVSTa^é- 
CONLABSASRES  // 

TVIT 
AB  AVG  L... 


SÉANCE    DU    27    MARS    1918  161 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  de  l' Académie  le 
cahier  de  septemlire-octobre  de  1917  des  Comptes  rendus  des 
stîances  de  V Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  (Paris,  1917, 
in-8»  . 


SÉANCE  DU  27  MARS 

(Séance  avancée  au  mercredi  à  cause  jju  Vendredi  Saint.) 


PRESIDENCE    DE    M.    HERON    DK    VILLBFOSSE. 

ALSalomon  Reinach  montre  quelques  photographies,  envoyées 
par  M.  Franz  Gumont,  du  grand  édifice  souterrain  découvert  près 
de  Rome,  en  1917,  et  des  beaux  bas-reliefs  en  stuc  qui  le  dé- 
corent. Il  est  absolument  certain  que  cet  édifice  est  païen,  non 
chrétien  ;  le  style  des  reliefs  est  de  la  première  partie  du  ii*  siècle 
(époque  des  Antonins). 

M.  Salomon  Reinach  termine  la  lecture  de  son  étude  sur  un 
texte  d'Eusèbe  relatif  à  la  création  de  l'homme  et  de  la  femme. 

MM.  Maurice  Croiset,  Bouché-Leclercq  et  Pottier  présentent 
quelques  observations. 

M.  Havet  étudie  le  sens  de  l'adjectif  latin  proprius,  appliqué 
à  une  bête  de  sacrifice.  Ce  mot  semble  marquer  :  1"  que  l'animal 
a  eu  à  manger  jusqu'au  dernier  rnoment  ;  2°  qu'on  l'a  nourri 
d'aliments  réputés  «  purs  ».  Ces  conditions  devaient  être 
remplies  pour  les  deux  taureaux  qu'Auguste  et  Agrippa  immo- 
lèrent, le  1'''' juin  17  avant  J.-C,  à  l'occasion  des  Jeux  sécu- 
laires :  L'adjectif  en  question  se  retrouve  dans  les  Prisonniers 
de  Plante  ;  là  un  parasite,  se  donnant  plaisamment  comme  un 
dieu,  réclame  un  sacrifice  et  dit  quel  genre  de  victime  il  lui  faut; 
il  veut  un  agneau  proprius  et  bien  gras. 


162  SÉANCE    DU    27    MARS    1918 

M.  HÉRON  DE  A'iLLEFossE  iiiforiiie  rAcacléiiiie  d'une  libéralité 
qui  vient  d'être  faite  par  un  de  nos  confrères  aux  Musées  na- 
tionaux. 

I.e  comte  Alexandre  de  Laborde  a  offert  à  la  Bibliothèque  du 
Musée  du  Louvre  un  précieux  recueil  provenant  de  la  biblio- 
thèque de  son  père,  le  marquis  de  Laborde,  ancien  membre  aussi 
de  notre  Académie  '.  C'est  un  album  grand  in-f"',  (uuvre  d'un 
artiste  français  très  connu,  Cassas,  célèbre  par  ses  voyages  en 
Dalmatie,  en  Grèce  et  en  Orient,  dessinateur  du  comte  de  Choi- 
seul-Gouffîer, compagnon  de  Le  Chevalier,  l'auteur  du  Vityaije 
en  Troade.  Il  comprend  une  quarantaine  de  dessins,  plans  et  cro- 
quis et  plus  de  deux  cent  cinquante  calques. 

Parmi  les  dessins,  quelques-uns  sont  exécutés  avec  un  soin 
particulier  et  sont  même  teintés,  notamment  ceux  qui  repré" 
sentent  les  sculptures  du  Parthénon  ou  du  temple  de  Thésée  ', 
mais  ils  n'offrent  pas  l'état  matériel  des  sculptures  au  moment 
du  passage  de  Cassas  à  Athènes,  ce  qui  aurait  donné  à  son  travail 
un  intérêt  particulier  :  ces  images  les  montrent  complétées  et 
restaurées.  D'autres  offrent  des  ensembles  ou  des  plans  ;  ce  sont 
quelquefois  de  simples  croquis,  souvenirs  d'un  séjour  à  Corinthe, 
à  Mégare,à  Delphes,  à  Éphèse  ou  ailleurs. 

Les  calques,  beaucoup  plus  nombreux,  repx'oduisent  des  des- 
sins destinés  à  illustrer  le  Voyagedu  comte  de  Choiseul-Gouffier. 
Les  temples  de  Palmyre  et  les  aqueducs  de  la  plaine  d'Athènes 
y  voisinent  avec  des  vues  pittoresques  de  Corfou,  d'Ithaque,  de 
Patras,  de  Nauplie,  de  Sparte,  d"Argos,de  Salone  ou  d'Épidaure. 
A  côté  des  temples  d'Athènes,  d'Égine,  de  Corinthe,  figurent  les 
théâtres  antiques  (le  grand  et  le  petit)  de  Nicopolis  d'Épire. 
Parmi  les  documents  qui  concernent  Salonique,  églises  ou  mos- 
quées, se  ti'ouve  une  précieuse  vue  du  monument  connu  sous  le 
nom  de  Palais  enchanté  de  Thessalonique,  que  Gravier  d'Otières 
avait  déjà  dessiné  en  1686  et  que  notre  confrère  Miller  rapporta 
au  Louvre  en  1865.  Le  calque  du  dessin  de  Cassas,  exécuté 
cent  ans  plus  tard,  est  intéressant  parce  que  l'auteur  ne  s'est 
pas  borné,  comme  Gravier  d'Otières,  à  reproduire  la  colonnade, 
mais  il  a  donné  aussi  l'aspect  du  quartier  où  s'élevait  l'édifice, 
avec   l'église   et  les  maisons  qui   l'encadraient. 

1 .  Il  avait  acheté  ce  recueil  en  janvier  1859  aux  héiùtiers  d'un  M.  Godart. 


SÉANCE   DU    27    MARS    1918  163 

Ce  recueil  offre  donc  un  aiélang^e  de  documents  archéolog-iques 
et  pittoresques.  A  côté  d'un  grand  nombre  de  ruines  exactement 
relevées,  on  y  remarque  quelques  arrangements  fantaisistes 
d'architecture,  des  débris  antiques  disposés  conformément  au 
goût  du  temps,  puis  des  études  de  détails,  des  compositions,  des 
projets  de  restitutions  et  même  certains  motifs  décoratifs  em- 
pruntés à  lart  en  vogue  dans  les  pays  visités  par  l'auteur.  11 
reproduit  les  costumes  des  habitants  de  plusieurs  localités,  no- 
tamment ceux  de  Prévéza.  Une  note  de  sa  main,  sur  un  calque 
relatif  à  des  plastrons  albanais,  indique  que  ces  plastrons  lui 
avaient  été  demandés  en  1787  par  le  comte  de  Choiseul-Gouffier 
et  qu'ils  les  avaient  fait  fabriquer  en  cuivre  plaqué  d'argent  par 
un  fondeur  de  la  rue  Dauphine. 

On  peut,  d'après  cette  note,  fixer  la  date  approximative  de  la 
plupart  des  documents  réunis  par  Cassas  dans  cet  album.  Elle 
montre  en  même  temps  que  tous  ces  calques  avaient  été  exécutés 
d'après  les  dessins  envoyés  au  comte  de  Choiseul  et  dont  l'artiste 
tenait  à  conserver  la  trace.  La  valeur  en  est  incontestable,  d'au- 
tant plus  que  les  dessins  originaux,  demeurés  inédits,  paraissent 
perdus  ou  dispersés.  Une  description  détaillée  des  documents 
que  renferme  cet  album  ferait  certainement  ressortir  l'impor- 
tance et  l'intérêt  du  généreux  don  de  notre  confrère  ;  elle 
rendrait  en  même  temps  un  véritable  service  aux  études  archéo- 
logiques. 


LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  présente  à  l'Académie,  de  la  part  de 
M.  Gaston  Jondet  :  Les  Porta  submergés  rie  Vancienne  île  de  Pharns. 
Tome  IX''  des  Mémoires  présentés  à  l'Institut  éyyptienlLe  Caire,  1910, 
in-i"). 

M.  Babelon  offre  à  l'Académie  un  travail  dont  il  est  Fauteur,  inti- 
tulé :  Quelques  monnaies  de  l'empereur  Domitien  (Paris,  1918,  in-8"  ; 
extrait  de  la  Revue  numismatique  française). 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 

SÉANCE  DU  5  AVRIL 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIKARD,     VICE-PKESIDENT. 

M.  Pierre  Paris,  correspondant  de  rAcadémie,  a  adressé  au 
Secrétaire  per}3étuel,  qui  en  donne  lecture,  la  lettre  suivante  : 

«   Bolonia  (par  Tarifa),  29  mars  1918. 

«  Monsieur  le  Secrétaire  perpétuel, 

«  J'ai  le  plaisir  de  vous  annoncer,  et  vous  prie  de  vouloir  bien 
communiquer  à  TAcadémie,  si  vous  le  jugez  convenable,  que 
j'ai  pu  recommencer  depuis  quatre  jours  les  fouilles  de  Bolonia, 
que  subventionne  si  généreusement  votre  Compagnie. 

«  Je  suis  ici  avec  M.  Laumonnier,  élève  de  TEcole  normale 
supérieure;  M.  Georges  Bonsor,  qui  déjà  Tannée  dernière  a  été 
mon  collaborateur,  et  D.  Gayetano  de  Margelina,  docteur  es 
lettres,  qui  m'a  été  contié  par  la  Junta  de  Ampliacione«  de  Estu- 
dios,  laquelle  s'est  associée  à  nos  travaux  et  a  voté  à  cet  effet 
une  somme  de  2.000  pesetas. 

«  Nous  avons  dû,  pour  nous  mettre  à  l'œuvre,  vaincre  quelques 
difficultés;  car  le  tout  petit  hameau  où  nous  sommes,  loin  des 
routes,  loin  de  tout  village  important,  manque  absolument  de 
ressources  en  temps  ordinaire,  et  les  effets  de  la  guerre  s'y  font 


lG6  SÉANCE    DU    S    AVKIl.     I9IS 

cruellcmeul  sciilir  ;  il  ny  a  plus  de  pain  ni  de  farine-;  les 
pêcheurs  sont  partis,  et  nous  avons  du  mal  à  retenir  nos  Irenle 
ouvriers;  j'espère  pourtant  que  nous  ne  serons  pas  forcés  crin- 
terrompre  les  l'ouilles. 

M  Gela  serait  fâcheux,  car  nous  avons  bien  débuté.  Autour  de  la 
maison  que  j'ai  déblayée  Tannée  dernière  et  de  la  grande  usine 
à  salaisons,  nous  découvrons  maintenant  d'autres  maisons  et 
d'autres  usines  analogues,  et  nous  aurons  bientôt  un  ensemble 
de  constructions  tout  à  fait  nouveau  et  de  grand  intérêt. 

«  Dans  les  ruines,  nous  avons  retrouvé  en  particulier  deux  beaux 
chapiteaux  de  style  ibéro- dorique,  bien  conservés,  provenant 
d'édifices  détruits  de  la  ville  haute. 

«  Mais  ce  que  nous  avons  recueilli  de  plus  précieux,  ce  sont 
deux  figurines  de  bronze,  hautes  de  15  centimètres,  de  style 
hellénistique.  Il  est  fort  regrettable  que  durant  leur  séjour  dans 
le  sable,  sur  le  bord  de  la  mer,  les  statuettes  se  soient  fortement 
oxydées.  Je  ne  puis  vous  en  envoyer  encore  de  photographies, 
car  il  faut  beaucoup  de  précautions  pour  les  nettoyer.  Elles 
représentent  un  danseur  et  une  danseuse  qui  se  faisaient  vis-à- 
vis  ;  le  danseur  s'agite  dans  un  mouvement  très  pittoresque  de 
fandango  ;  la  danseuse,  les  deux  bras  élevés  en  croix,  la  tète 
rejetée  en  arrière,  semble  tourbillonner  dans  un  gracieux  envo- 
lement  de  draperies.  C'étaient  certainement  et  ce  sont  encore, 
malgré  leur  état,  des  œuvres  d'art  très  précieuses. 

«  La  nécropole  doiane  aussi  à  M.  Bonsor  des  objets  curieux  ;  il 
faut  surtout  noter  des  bustes  informes  en  pierre  ;  je  pense  que 
ces  sortes  d'armatures  de  pierre  devaient  être  recouvertes  d'un 
stuc  dans  lequel  étaient  modelés  les  traits. 

«  Je  me  ferai  un  devoir  de  tenir  l'Académie  au  coui'ant  de  nos 
recherches;  j'ajoute  seulement  aujourd'hui  que  le  fait  même 
d'avoir  repris  les  fouilles  a  produit  à  Madrid,  et  partout  où  on 
l'a  su,  un  excellent  effet  moral.  Il  m'a  été  répété  à  plusieurs 
reprises  que  l'on  admirait  la  France  qui,  dans  les  graves  circons- 
tances actuelles,  ne  négligeait  pas  son  œuvre  scientifique  à 
l'étranger,  et  n  hésitait  pas  à  donner  de  l'argent  et  des  hommes 
pour  prouver  sa  vitalité. 

«  Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Secrétaire  perpétuel,  mes  plus 
respectueux  hommages. 

«    Pierre  Paris.   « 


SÉANCE   DU    ['2   A VI! IL    19 18  l67 

M.  Caunat  donne  lecture  du  rapport  que  M.  le  D''  Curlou, 
correspondant  de  l'Académie,  a  envoyé  sur  les  fouillas  opérées 
par  lui  en  1917  à  Bulla  liegia,  avec  une  subvention  provenant 
de  la  fondation  Piot.  Il  a  acquis  la  certitude  que  l'édifice  que 
Tissot  regardait  comme  une  forteresse  punique  est  un  établisse- 
ment thermal  de  l'époque  impériale. 

M.  PoTTiER,  complétant  la  communication  faite  par  le  Pré- 
sident dans  la  dernière  séance,  donne  un  aperçu  général  de  la 
collection  de  dessins  offerts  au  Musée  du  Louvre  par  M.  le  comte 
Alexandre  de  Laboixle.  Ces  dessins,  qui  paraissent  tous  inédits, 
peuvent  être  attribués  avec  la  plus  grande  vraisemblance  à 
Cassas.  Ils  sont  d'un  très  grand  intérêt,  surtout  en  ce  qu'ils 
nous  font  connaître  l'état  de  conservation  de  certains  monuments 
antiques,  aujourd'hui  très  maltraités  par  le  temps  et  surtout  par 
les  hommes.  M.  Pottier  cite  comme  exemple  le  Parthénon  sur 
lequel  on  peut  tirer  de  là  des  renseignements  précieux,  pour  la 
lin  du  xviii''  siècle. 

MM.  Ci>ermont-Ganneau  et  Paul  Girard  présentent  quelques 
observations. 


SEANCE  DU  12  AVRIL 


l'RESmENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

M.  PoTTiER  donne  des  nouvelles  de  notre  confrère,  M.  Dieu- 
lafov,  qui  est  sorti  sain  et  sauf  des  combats  récents  livrés  sur  la 
Somme. 

Le  P.  ScHEiL  communique  la  note  suivante  de  M.  Edouard 
Naville,  associé  étranger  de  l'Académie,  sur  l'ouvrage  de 
M.  Maspero  intitulé  :  Introduction  à  iétiule  de  la  phonétique 
égyptienne  : 

«  Depuis  son  retour  en  France,  M.  Maspero  s'était  mis  à  publier 
ce  qu'il  considérait  comme  le  couronnement  de  son  œuvre, 
l'exposé  du  système    grammatical    de  l'ancien  égyptien.   Il   ne 


168  SÉA^CK    bu    i2    AVRIL    i\)\H 

voulait  pas  cepeiulaiil  présenter  quelque  chose  qu'on  pût  consi- 
dérer comme  détlnilil".  «  Je  n'ai  pas  l'ambition  »,  nous  dit-il,  à 
la  première  pa^e  du  livi'e  qu'il  projetait,  «  de  composer  ici  une 
véritable  Grammaire  égi/plienne,  car  malgré  tout  ce  qui  a  été 
publié  sous  ce  titre  en  France,  en  Angleterre,  en  Italie,  en  Alle- 
magne, j'estime  que  nous  n'en  savons  pas  encore  assez  pour 
réussir:  le  livre  que  je  commence  à  rédiger  aujourd'hui.  .  .  ne 
sera  tout  au  plus  qu'une  Introduction  à  Vétude  de  la  (frammaire 
àquplienne.  Peut-être  s'étonnera-t-on  de  voir  le  plan  sur  lequel 
j'ai  essayé  de  le  construire.  Comme  je  l'ai  dit  un  nombre  infini 
de  fois,  et  imprimé  à  plusieurs  reprises,  nous  avons  eu  la  chance 
de  trouver  table  rase  en  matière  de  langue  au  commencement  de 
notre  science,  et  nous  avons  abordé  le  déchiffrement  sans 
encombrement  de  théories  préconçues  ou  de  paradigmes  pré- 
établis :  ne  vaut-il  pas  mieux  profiter  de  la  liberté  absolue  dont 
la  fortune  nous  a  gratifiés  de  la  sorte,  pour  créer  à  l'égyptien 
une  "-rammaire  qui  ne  soit  inspirée  exclusivement  ni  des  modèles 
purement  classiques,  ni  des  modèles  indo-européens,  ni  des 
modèles  sémitiques,  mais  qui  ressorte  entièrement  d'une  ana- 
lyse des  textes  entreprise  avec  laide  de  tous  les  moyens  que  la 
philologie  peut  nous  prêter,  à  quelque  ordre  de  langue  qu'elle 
s'applique  ?  » 

«  Partant  de  ce  principe,  M.  Maspero  a  écrit  le  chapitre  préli- 
minaire sur  le  système  graphique.  Ce  chapitre  se  compose  de  trois 
parties  qui  devaient  paraître  successivement  dans  le  «  Recueil  de 
travaux  relatifs  à  la  philologie  et  à  l'archéologie  égyptienne  et 
assyrienne  ».  L'auteur  a  vu  la  première  achevée,  la  seconde  était 
à  l'impression  lorsqu'il  a  été  surpris  par  la  mort  ;  la  troisième 
n'est  qu'un  fragment  publié  par  M.  Chassinat. 

«  Tout  imparfait  que  soit  ce  chapitre,  il  fixe  cependant  les  bases 
sur  lesquelles  l'édifice  entier  devait  reposer;  en  particulier,  il 
montre  clairement  l'opposition  qu'il  y  a  entre  sa  manière  d'envi- 
sa-^er  la  langue  égyptienne  et  celle  que  depuis  quelques  années 
nous  impose  l'école  de  Berlin,  comme  une  rénovation  complète 
de  l'égyptologie. 

«  Cette  opposition  est  formulée  déjà  dans  la  première  phrase, 
qui  indique  la  division  du  chapitre  au  point  de  vue  de  la  pronon- 
ciation :  le  système  graphique  égyptien  exprime  «  trois  sortes 


SÉANCE   DU    12    AVRir.    1918  169 

d'articulations  diirérentes  :  1"  des  consonnes  proprement  dites, 
:2"  des  voyelles,  3°  des  sonnantes  ». 

«  C'est  sur  les  numéros  2  et  3,  les  voyelles  et  les  sonnantes,  que 
porte  le  fort  du  débat.  Pour  l'école  allemande,  en  égyptien  il  n'y 
a  pas  de  voyelles  et  encore  moins  de  sonnantes.  Ce  que  nous 
appelons  des  voyelles,  c'est  pour  elle  des  consonnes  faibles  :  ce 
qui  lui  a  permis  de  bâtir  un  système  de  grammaire  égypto-sémi- 
tique.  La  théorie  du  verbe  et  du  nom  qu'elle  a  créée  est  iden- 
tique à  celle  du  verbe  et  du  nom  sémitiques.  L'école  de  Berlin  a 
été  conduite  à  nier  Texislence  des  voyelles  parce  que  ses  disciples 
n'ont  pas  tenu  compte  d'un  fait  capital  que  nous  avons  reconnu 
dès  longtemps:  c'est  qu'il  faut  distinguer  soigneusement  entre  le 
phonème  et  le  signe  matériel  qui  le  représente  à  l'œil.  Le  pho- 
nème peut  avoir  une  histoire  et  changer,  sans  que  le  signe  cor- 
respondant à  sa  valeur  primitive  se  modifie.  «  Pour  moi,  dit 
yi.  Maspero,  comme  pour  tous  ceux  qui  se  sont  refusés  à 
admettre  les  affirmations  impératives  de  l'école  berlinoise,  l'égyp- 
tien a  possédé  primitivement  des  signes  de  voyelles  de  la  nature 
de  ceux  des  modernes;  mais  comme  son  système  graphique  s'est 
de  bonne  heure  immobilisé  presque  entièrement,  tandis  que  la 
langue  parlée  poursuivait  son  évolution  sans  arrêt,  la  langue 
écrite  a  gardé  ses  habitudes  avec  beaucoup  d'obstination,  et  les 
signes  voyelles,  pour  des  raisons  que  nous  commençons  seule- 
ment à  entrevoir,  ont  pris  historiquement  des  valeurs  diverses 
qui  ne  semblent  pas  toujours  se  rattacher  toutes  à  la  valeur  pri- 
mitive. »  On  peut  constater  un  phénomène  analogue  dans  des 
langues  modernes  telles  que  l'anglais,  où  la  voyelle  a  que  nous 
appelons  â  et  les  Anglais  t',  a  les  prononciations  les  plus  diverses, 
quoique  le  signe  reste  toujours  le  même,  et  sans  qu'aucune 
addition  au  signe  n'indique  le  changement  de  prononciation.  Et 
pourtant  personne  ne  songera  àTppeler  ïa  anglais  une  consonne 
faible. 

«  En  donnant  ainsi  le  nom  de  consonnes  à  ce  qui  est  manifes- 
tement des  voyelles,  l'école  allemande  est  arrivée,  à  grand  renfort 
d'hypothèses,  à  créer  un  verbe  trilitéral,  formé  de  trois  consonnes, 
et  auquel  on  attribue  des  conjugaisons  toutes  semblables  à  celles 
du  verbe  sémitique;  elle  nous  présente  ainsi  des  transcriptions 
1918        '  '  12 


170  siSA.Nc.i-:  i)L'    12  Avuii.    IIMS 

illisiibles  et  c(iii  (uil  un  caractère  tout  à  fait  artilicicl.  Ce  n'est 
plus  la  reprotluclioii  de  ce  (jui  est  écrit,  ce  sont  des  reconstruc- 
tions (Faprès  les  règles  de  Fécole. 

((  La  troisième  partie  du  chapitre,  les  sonnantes,  est  à  peine 
coniniencéc.  l"]lle  ne  traite  aue  de  la  première,  celle  qui  corres- 
jiond  à  /  ou  Hï.    Il   est  inliniment    rei;rellahle   que   M.  Maspero 


n'ait  pas  pu  aborder  les  lettres  <:ii>  /,  r,  j))>^  m,  et  a/\^v\/\  n, 
et  monlrei-  les  cas  où  elles  ne  sont  que  des  voyelles  et  en  ont  la 
prononciation. 

«  Les  papiers  laissés  par  M.  Maspero,  nous  dit  M.  Chassinat, 
ne  renferment  aucune  note  qui  permette  de  donner  un  aperçu 
môme  fragmentaire  de  la  thèse  que  Téminent  auteur  se  proposait 
de  développer  dans  la  suite  de  ce  mémoire,  le  dernier  qu'il  ait 
écrit  et  qu'il  n'a  même  pas  achevé.   » 

«  Nous  pouvons  mesurer  aujourd'hui  l'étendue  de  la  perte  que 
l'égyptologie  a  subie,  La  grammaire  de  Maspero  aurait  comblé 
une  lacune  qui  se  fait  vivement  sentir  pour  qui  n'est  pas  un 
adepte  de  l'école  de  Berlin.  Elle  aurait  été  le  développement 
des  principes  que  lui  avait  inculqués  celui  auquel,  disait-il,  il 
devait  sa  carrière,  celui  qui  le  premier  a  tenté  la  traduction  d'un 
texte  dans  son  entier,  E.  de  Rougé.  Le  livre  dont  nous  n'avons 
que  les  premières  pages  aurait  résumé  tous  les  progrès  que 
Maspero  a  fait  faire  dans  la  connaissance  de  la  langue  égyp- 
tienne, progrès  dont  un  grand  nombre  sont  des  faits  acquis  sur 
lesquels  il  n'y  aura  plus  à  revenir.   » 

M.  Samuel  Chabert,  professeur  à  l'Université  de  Grenoble,  lit 
une  étude  sur  le  proverbe  latin  :  Quem  perdere  viilt  Juppiler 
demenlal  prias.  L'idée  est  fort  ancienne  ;  on  la  trouve  exprimée 
tour  à  tour  dans  la  Bible,  chez  Homère,  les  tragiques  grecs  et 
divers  auteurs  latins.  M.  Chabert  admet  que  la  formule  aujour- 
d'hui populaire  a  pris  corps  seulement  vers  1645,  probablement  à 
Cambridge,  sous  l'influence  de  la  révolution  d'Angleterre. 

M>L  Th.  Reinacu  et  Boucué-Leclercq  présentent  des  obser- 
vations. 

Le    Président  interroge  l'Académie  pour  savoir  si  elle  entend 


SÉANCE    DU    19    AVRIL    1918  l7l 

déclarer  vacante  la  place  de  M.Barth.  L'Académie,  par  1  i  voix 
coatre  12,  répond  négalivement.  La  question  reviendra,  conlor- 
niément  au  règlement,  dans  six  mois. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Sechétaiue  perpétuki.  présente  l'ouvrage  suivant  :  Introduction 
à  l'élude  de  la  phonétique  égyptienne,  par  G.  Maspero,  membre  de 
l'Institut  (extrait  des  volumes  XXXVII-XXXVIII  du  Recueil  des  tra- 
vaux relatifs  à  la  philologie  et  à  Varchéologie  égyptienne  et  assy- 
rienne; Paris,  1017,in-4°). 


SÉANCE  DU  19  AVRIL 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Zeiller,  professeur  à  l'Université  de  Fribourg,lit  une  note 
sur  Tactivité  littéraire  de  l'évêque  arien  Palladius  de  Ratiaria, 
qui  fut  déposé  par  le  concile  d'Aquilée  en  381   '. 

MM.  Monceaux  et  Bouché-Leclercq  présentent  des  observa- 
tions. 

M.  Clément  Huart,  professeur  à  l'Ecole  nationale  des  langues 
orientales  vivantes,  fait  une  communication  sur  les  derviches 
tourneurs,  à  propos  d'un  document  persan  dont  la  traduction 
paraîtra  prochainement.  Il  montre,  par  des  textes  historiques,  à 
quel  degré  de  ferveur  mystique  étaient  montés  les  esprits  en 
Asie  Mineure,  au  cours  des  xiii^  et  xiv*'  siècles,  préparant  ainsi 
un  terrain  favorable  pour  la  diifusion  des  idées ^  apportées  de 
Perse  par  le  fondateur  de  cette  confrérie  i^eligieuse,  le  grand 
poète  Djélal-ed-dîn  Roùmî. 

MM.  Maurice  Croiset  et  Babelon  demandent  à  Tautcur 
quelques  explications. 

I .  ^'oiI'  ci-après. 


COMMUNICATIONS 


i/aciivuk  uiiKUAiiU':  d'un  évi^que  àrien 

DK    LA    RKiMON     DANUIMENNE  I     PALLADIUS    DE    IIA  IIAUIA, 
PAU    M.    ZEILLElt. 

.le  voudiais  dire  k  l'Académie  quelques  mots  de  l'œuvre 
dun  personnag-e  de  l'Eglise  du  iv*'  siècle  qui  ne  manqua  pas 
d'un  certain  relief,  Palladius,  évêque  de  Ratiaria,  sur  le 
Danube,  dans  la  province  de  DacieTipuaire,  qui  fut  déposé 
comme  arien  par  le  concile  tenu  en  l'année  381  à  Aquilée 
sous  la  présidence  de  l'évêque  de  cette  ville,  Valérien,  et 
la  direction  effective  de  saint  Ambroise  de  Milan. 

C'est  surtout  par  cette  fin  de  sa  carrière  que,  grâce  au 
récit  d' Ambroise  lui-même^,  Palladius  de  Ratiaria  est 
connu. 

On  a  cependant  sur  lui  d'autres  renseignements.  On  sait 
d'abord,  même  par  le  rapport  d' Ambroise  sur  le  concile 
d' Aquilée,  que  quarante  ans  auparavant  et  déjà  évêque, 
Palladius  avait  été  déposé  de  l'épiscopat  comme  entaché 
d'une  hérésie  k  la  fois  opposée  k  l'arianisme  et  en  connexion 
avec  lui,  celle  de  Photin  ~.  Il  est  vrai  que  Palladius  contes- 
tait cette  condamnation. 

On  sait  d'autre  part,  par  les  Fragments  historiques  de 
saint  Hilaire  ',  que  Palladius  fut,  en  366  ou  367,  l'un  des 
destinataires  d'une  lettre  par  laquelle  son  collègue  Germi- 
nius  de  Sirmium,  l'évêque  du  siège  le  plus  important  de 
toutes  les  chrétientés  danubiennes,  annonçait  une  évolution 
doctrinale  qui  de  l'arianisme  le  ramenait  vers  une  foi  moins 
éloignée  de  celle  de  Nicée.  Nous  ne  savons  pas  si  Palladius 

1.  Gesta.  concilii  Aqnileienais,  dans  Ambroise,  entre  YEpisl.  VIII  et 
VEpiftl.  IX  {Pair,  lat.,  XVI,  p.  916-939). 

2.  Ihid. 

3.  Fr.ttjin.  /i/\s/..  XV. 


PALLAUIUS    DE    RATIAKIA  173 

répondit  à  cette  lettre.  Mais  la  suite  de  son  histoire  prouve 
qîiil  ne  suivit  pas  Germinius  dans  son  évolution. 

Ce  qui  résulte  de  toutes  ces  données,  c'est  que  Palladius 
de  Ratiaria  fut  une  personnalité  assez  marquante  des  Égli.ses 
de  riUyricum  danubien  au  iv"  siècle. 

L'importance  de  son  siège  y  fut -elle  pour  quelque  chose? 
Pour  peu  de  chose  sans  doute  ;  car,  si  Ratiaria  était  une 
métropole,  ce  n'était  pas  une  grande  ville  comparable  à 
Sirmium  ou  à  Thessalonique. 

n  semble  donc  bien  que  Palladius  a  dû  avoir  une  action 
personnelle  assez  remarquable.  Et,  de  fait,  nous  pouvons 
constater  qu'il  a  marqué  dans  l'histoire  de  l'arianisme,  et 
spécialement  de  l'arianisme  illyrien  ou  danubien,  par  son 
activité  littéraire. 

J'ai  eu  récemment  l'occasion  d'essayer  de  montrer,  dans 
une  étude  sur  Les  oric/ines  chrétiennes  dans  les  provinces 
danubiennes  de  V Empire  romain,  l'intérêt  pour  l'histoire 
du  christianisme  antique  de  cet  arianisme  illyrien.  C'est 
dans  ces  provinces  danubiennes,  où  les  évêques  ariens  se 
groupaient  autour  de  l'empereur  qui  résida  beaucoup  sur  la 
frontière  du  Danube  au  iv''  siècle,  que  l'arianisme  a  réussi  à 
devenir  une  puissance  dans  l'Eglise  et  dans  l'État,  jusqu'à 
se  faire  reconnaître,  lors  du  concile  de  Rimini  en  359, 
comme  la  religion  officielle  de  lEmpire.  Mais  l'arianisme, 
dans  cette  région,  n'a  pas  seulement  profité  d'un  certain 
nombre  d'avantages  politiques  ;  il  a  également  été  servi  par 
un  groupe  d'hommes  qui  ont  déployé  une  activité  d'écri- 
vains qui  mérite  d'être  mise  en  lumière.  Palladius  de 
Ratiaria  est  l'un  des  principaux. 

Que  connaissons-nous  aujourd'hui  de  son  œuvre  ? 

1 .  Un  premier  renseignement  nous  est  encore  fourni  par 
saint  Ambroise,  qui  dit, dans  le  livre  III  de  son  De  fide  ^, 
que  les  deux  premiers  livres,   écrits  vers  377-378,   avaient 

1.   L.  III,  c.  1,  1  et  2. 


174  PALLADIUS    DE    RATIARIA 

été  attaqués  par  Palladius,  et  les  trois  livres  suivants 
furent  même  une  réponse  à  ces  attaques.  Vigile  de  Thapse 
conlirme  '  l'existence  de  ce  traité  Contra  Anibrosium  de 
fide,  écrit  évidemment  vers  379.  Il  est  aujourd'hui  perdu, 
mais  non  pas  entièrement,  comme  on  va  le  voir. 

2.  Vigile  de  Thapse  nous  apprend  encore  "^  que  Palladius 
s'en  prit  à  Ambroise  mèrne  après  la  mort  de  ce  dernier, 
soit  après  397.  Cependant  il  n'aiïirme  pas  la  date,  credo, 
dit-il  seulement,  et  comme  Palladius,  déjà  évêque  vers  3'iû, 
aurait  eu  alors  environ  quatre-vingt-dix  ans,  l'indication 
est  sujette  à  caution,  et  il  semble-bien  que  c'est  le  Contra 
Anibrosium  de  fide,  écrit  vers  379,  auquel  Vigile  a  assigné 
une  date  inexacte.  Rien  n'empêche  pourtant  que  Palladius 
ait  complété,  après  la  publication  des  trois  derniers  livres 
du  De  pde,  l'essai  de  réfutation  qu'il  avait  commencé  après 
les  deux  premiers. 

3.  Mais  nous  avons  mieux  que  ces  témoignages.  Nous 
possédons  un  écrit  même  de  Palladius.  Il  est  constitué  par 
la  dernière  partie  dune  œuvre  curieuse,  conservée  sous 
forme  de  notes  marginales  d'une  copie  des  deux  premiers 
livres    du    De    fide  d'Anibroise    et    des    actes    du    concile 

•  d'Aquilée  [Cod.  lat.  8907  de  Paris),  et  qui  n'ont  été  déchiffrées 
à  peu  près  intégralement  qu'il  y  a  un  peu  moins  de  vingt 
ans,  par  un  Allemand  malheureusement,  F.  Kautïmann  '^. 
Cette  œuvre,  à  laquelle  Kauffmann  a  donné  le  titre  de 
Dissertatio  Maximini  contra  Anibrosium,  est, en  etTet,  une 
violente  diatribe  de  l'évêque  goth  arien  Maximin,  plus  tard 
adversaire  de  saint  Augustin  en  Afrique,  contre  Ambroise 
auquel  il  reproche  la  condamnation  de  Palladius  à  Aquilée. 
Mais  la  troisième  partie  de  cette  Dissertatio,  comme  l'a  vu 


1.  Conlra  Arianos,  fin  du  livre  II  {Pair,  ht.,  LXU,  230). 

2.  Ihid. 

3.  Aus  der  Schule  des  Wulfila  {Texte  und  Untersiichungen  ziir  allger- 
manischen  Relujionsgeschichte.  Texte,  I),  Strasbourg-,  1899. 


PALLADIUS    DE    RATIAHIA  175 

il  y  a  quelques  années  l'abbé  Saltet  '  et  comme  je  l'ai 
montré  à  mon  tour,  n'est  que  la  reproduction  d'une  protes- 
tation rédigée  par  Palladius  lui-même  après  sa  condamna- 
tion. Cette  Oratio  Pallad'd  est  une  œuvre  oratoire,  d'inspi- 
ration soutenue  et  vig-oureuse,  d'accent  très  âpre,  mais  non 
dépourvue  de  talent. 

Maximin  paraît  d'ailleurs  avoir  inséré  en  deux  passages 
de  sa  Disserlaiio  deux  autres  extraits  de  Palladius,  qui 
proviennent  vraisemblablement  de  son  Contra  Arnbrosium 
de  fide.  Celui-ci  ne  serait  donc  pas,  comme  je  le  disais  il  y 
a  quelques  instants,  totalement  perdu. 

4.  Enfin  je  crois  que  c'est  aussi  Palladius  qu'il  convient 
de  reconnaître  comme  l'auteur  de  fragments  palimpsestes 
provenant  de  l'abbaye  de  Bobbio  et  qui  ont  été  publiés  en 
1828  par  le  cardinal  Angelo  Mai  sous  le  titre  de  Sermoties 
arianorum  -.  Ce  sont  en  réalité  des  débris  de  plusieurs 
traités  dogmatiques  ou  homilétiques,  visiblement  de  même 
origine.  Leur  contenu  atteste  une  provenance  danubienne 
et  permet  de  les  dater  de  la  lin  du  iv''  siècle  ;  leur  auteur, 
s'adressant  une  fois  à  un  évêque,  l'appelle  cliarissime  frater: 
c'était  donc  un  évoque,  et,  comme  pour  des  raisons  tirées 
de  la  comparaison  des  citations  bibliques,  il  y  a  lieu  d'écarter 
Maximin  et  deux  autres  évêques  ariens  à  peu  près  du  même 
temps  et  du  même  pays,  le  goth  Ulfila  et  son  disciple 
Auxence  de  Durostorum  en  Mésie,  je  crois  que  l'on  peut  se 
prononcer  pour  Palladius  de  Ratiaria. 

Il  est'  à  remarquer  que  toutes  les  œuvres  de  Palladius 
dont  la  connaissance  plus  ou  moins  complète  ou  incomplète 
est  ainsi  parvenue  jusqu'à  nous  appartiennent  à  la  dernière 
période  de  sa  vie.    Les  fragments  de  Bobbio  sont   au  plus 

1.  Un  texte  nouveau:  la  «  Dissertatio  Maximini  contra  Arnbrosium  », 
dans  le  Bulletin  de  lilléralure  ecclésiastique  publié  par  llastitut  catho- 
lique  de  Toulouse,  II  [1900],  p.  118-129. 

2.  Scripiorum  veteruin  nova  collectio,  t.  III,  pars.  II,  p.  208-239  (Rome, 

1828). 


I7(>  l'AL[.AUlLS    [)!•:    KATIAHIA 

tôt  de  378,  car  ils  ronfernient  une  citation  du  livre  I  du  De 
plie  d'Ambroise,  qui  est  de  cette  année-là.  Le  traité  contre 
les  deux  premiers  livres  du  De  fide  doit  être  de  379  ou  380. 

\,y)rnfio  ou  protestation  contre  la  sentence  rendue  à 
A([uilée  en  septembre  381  est  probablement  de  382.  Enfin, 
si  Viij;ile  de  Thapse  ne  s'est  pas  trompé,  Palladius  a  encore 
écrit  contre  Ambroise  vers  397. 

En  somme,  il  apparaît  surtout  comme  un  grand  adver- 
saire de  Tévêque  de  Milan,  mais  un  adversaire  essentielle- 
ment malbeureux,  car  il  en  a  reyu  de  rudes  coups,  et  ne 
paraît  pas  lui  en  avoir  porté  de  bien  graves,  tout  en  ayant 
fait  ce  qu'il  pouvait  pour  cela.     , 

N'avons-nous  pas  autre    chose  à  inscrire    à   son    actif? 

L'ancienne  bibliothèque  de  Bobbio  nous  a  encore  livré  un 
assez  curieux  fragment  de  commentaire  arien  sur  l'Evangile 
de  saint  Luc,  pour  lequel  on  aurait  pu  songer  à  Palladius. 
Mais  l'étude  du  texte  ma  conduit  à  me  prononcer  plutôt  en 
faveur  d'Auxence  de  Durostorum. 

Reste  un  gros  et  point  médiocre  ouvrage,  que  le  moyen 
âge  a  attribué  à  saint  Jean  Chrysostome,  mais  qui  est 
incontestablement  arien  :  c'est  YOpus  imperfectum  in 
MalLliaeuin^  commentaire  inachevé  sur  saint  Mathieu.  C'est 
un  écrit  de  caractère  plutôt  moral  que  spéculatif,  bien  que 
la  polémique  théologique  n'y  fasse  point  défaut,  qui  décèle 
chez  son  auteur  une  âme  ardente  et  passionnée  et  des  dons 
d'esprit  réels.  Mais  cet  auteur,  à  mon  avis,  n'est  pas  Palla- 
dius ;  car,  à  bien  des  indices,  il  apparaît  comme  issu  d'un 
milieu  barbare,  et  il  écrivait,  comme  le  prouve  son  utilisa- 
tion des  Commentaires  sur  saint  Mathieu  de  saint  Jérôme, 
après  398  ;  ce  doit  donc  être  l'évêque  goth  Maximin. 

Il  est  d'ailleurs  intéressant  de  rapprocher  tous  ces  textes, 
qui  ont  entre  eux  une  certaine  parenté  :  un  même  esprit 
les  unit,  une  même  théologie  j  est  professée,  l'arianisme, 
non  l'arianisme  brutal  d'Arius,  mais  celui,  plus  voilé,  et 
pourtant  bien  réel,  d'Eusèbe  de  Nicomédie  et  du  concile  de 


LES    DERVICHES    D  ASIE    MINEURE  I  /  / 

Rimini  ;  ils  appartiennent  à  la  même  réo^ion,  à  la  même 
époque,  au  même  milieu  religieux  :  leurs  auteurs  sont  des 
évêques  danubiens,  les  uns  romains,  les  autres  goths. 
Palladius  est  romain,  mais  ami  des  Goths  Ulfilaet  Maximin. 
En  outre,  il  est  important  de  noter  que  cette  littérature 
religieuse  n'est  pas  seulement  théologique  ou  polémique, 
mais  aussi  scripturaire,  homilétique  et  morale,  et  qu'elle  a 
dû,  comme  telle,  jouer  son  rôle  dans  la  conversion  des 
Goths,  puis  d'autres  barbares,  au  christianisme  et  au  chris- 
tianisme arien.  L'Eglise  arienne,  vers  la  fin  du  iv^  siècle,  a 
momentanément  devancé  l'Église  catholique  dans  la  cons- 
titution de  ce  qu'on  pourrait  appeler  un  matériel  intellectuel 
de  propagande  religieuse,  et  il  y  aurait  là  l'une  des  explica- 
tions de  la  supériorité  provisoire  de  l'apostolat  arien  auprès 
des  barbares.  C'est  par  ce  rapprochement  avec  les  premiers 
évêques  des  Goths  chrétiens  et  ariens,  Ulfila,  Maximin, 
peut-être  Auxence,  dont  l'origine  est  incertaine,  que  l'étude 
de  l'œuvre  de  Palladius  de  Ratiaria  prend  surtout  de 
l'intérêt. 


LES    DERVICHES    D  ASIE  >IINEURE, 
PAR    M.    CLÉMENT    HUART. 

Au  cours  de  son  grand  voyage  qui  devait  durer  vingt- 
quatre  ans,  de  1325  à  1349,  le  voyageur  marocain  Ibn- 
Batoùta  débarqua  sur  la  côte  méridionale  de  l'Asie  Mineure  ; 
il  venait  de  Syrie,  où  il  avait  trouvé  à  Lattaquié  un  navire 
génois  qui  le  transporta,  en  dix  jours  de  navigation,  à 
Alàyà,  port  de  mer  qui  a  conservé  le  nom  de  son  fonda- 
teur, le  grand  sultan  de  la  dynastie  des  Seldjouqides  de 
Roùm,  'Alà-ed-dîn  Kaï-Qobâd  P""  ;  de  là  il  passa  aisément 
à  Adalia,  que  nos  anciennes  cartes  appellent  Satalie,  et 
dont  le  nom  rappelle  encore  aujourd'hui  le  souvenir  des 
Attale,  les  fastueux  rois  de  Pergame.  Dans  sa  tournée,  le 


178  LES    DERVFCMRS    d'aSIE    MINEURE 

vovageur  se  trouva  en  contact  avec  une  catég'orie  d'indi- 
vidus qui  s'appelaient  les  Ak/ii,  mot  arabe  qui  signilie 
u  mon  frère  »  :  c'étaient  des  associations  de  jeunes  gens  qui 
se  réunissaient  chaque  soir  dans  des  ermitages  pour  y 
prendre  en  commun  un  repas  dont  ils  s'étaient  procurés 
les  éléments  dans  la  journée  et  qu'ils  faisaient  partager  aux 
étrangers  de  passage  dans  leur  ville  ;  ensuite  ils  se  mettaient 
à  chanter  et  à  danser  K 

Ces  A/xhi,  dont  Ibn-Batoûta  ne  pouvait  trop  louer  l'hos- 
pitalité et  la  générosité,  étaient  des  derviches,  des  çoûfîs, 
c'est-à-dire  des  mystiques  contemplatifs.  L'x\sie  Mineure 
en  était  pleine  ;  notre  voyageur  en  rencontre  partout,  à 
Sîwàs,  à  Brousse,  à  Nigdé,  à  Gumiich-Khànè,  à  Kastamouni, 
à  Balikesri,  à  Lâdhîk  (Laodicée  sur  le  Lycus),  à  Sinope,  à 
Erzingàn,  à  Erzeroum,  et  jusqu'à  Azof.  Déjà,  au  siècle  pré- 
cédent, 'Afif-ed-dîn  Soléimân  de  Tlemcen,  père  du  poète 
arabe  connu  sous  le  sobriquet  de  V Adolescent  spirituel  et 
poète  lui-même,  avait  quitté  la  région  du  Maghreb  lointain 
pour  venir  accomplir  des  retraites  dans  ces  contrées,  pleines 
de  ferveur  religieuse. 

Un  détail  de  la  coiffure  de  ces  derviches  permet  de  les 
identifier.  Ils  étaient  coiifés  d'un  haut  bonnet  de  laine 
blanche,  au  sommet  duquel  était  cousue  une  pièce  d'étolfe^ 
longue  d'une  coudée  et  large  de  deux  doigts.  Or,  lorsque 
le  sultan  ottoman  Mourad  I""  institua  le  corps  d'infanterie 
des  Janissaires  (car  il  paraît  bien,  comme  l'ont  écrit  les 
historiens  byzantins,  que  ce  fut  lui  qui  les  créa,  et  non  son 
père  Orkhan),  il  les  plaça  sous  la  protection  d'un  des  der- 
viches de  cette  époque  ;  il  leur  donna  pour  coiffure  le  bonnet 
de  feutre  blanc  de  I.Iàdji  Bektach,  auquel  on  ajouta,  dit-on, 
par  derrière,  un  morceau  d'étoffe,  en  souvenir  de  la  manche 
du  derviche  qu'il  avait  laissée  pendre  sur  la  tête  d'un  des 
soldats,  et  qui  tombait  par  derrière  jusque  sur  son  dos.  Le 

1.  Ibn-Batouta,  Voyages,  publiés  et  traduits  par  Defrémery  et  îc  D"'  San- 
guinetti,  t.  II,  p.  200  et  suiv. 


LES    DERVfCHRS    DASIE    MINEURE  179 

rapprochement  de  cette  légende,  donnée  par  les  historiens 
ottomans,  avec  les  détails  précis  conservés  par  le  voyageur 
de  Tanger,  observateur  minutieux  et  attentif,  montre  qu  il 
n'v  a  à  en  retenir  que  l'adoption  de  la  coiffure  par  la  nou- 
velle milice  :  l'adjonction  de  la  pièce  d'étoffe  est  antérieure 
à  la  création  du  corps  des  Janissaires,  elle  était  déjà  opérée 
par  les  derviches  au  début  du  xiv^  siècle,  et  c'est  la  même 
coitTure  que  portait  assurément  Hàdjî  Bektach  lui-même. 

Ibn-Batoùta  avait  visité  à  Qonya,  l'ancienne  Iconium,  le 
mausolée  du  chéïkh  Djélàl-ed-dîn  Roùmi,  l'auteur  du 
Metlinéwî,  connu  sous  l'appellation  de  Maulànà  «  notre 
maître  »  ;  il  a  constaté  la  grande  considération  dont  il 
jouissait,  et  il  a  connu  la  confrérie  qui  lui  devait  sa  nais- 
sance. Ce  mausolée  domine  encore,  de  sa  haute  tour  carrée 
couverte  entièrement  de  plaques  de  brique  émaillée  de 
couleur  bleue,  les  maisons  basses  de  la  ville.  La  famille  du 
fondateur  de  la  confrérie  était  originaire  de  Balkh,  l'ancienne 
Bactres  ;  son  père  avait  quitté  l'Asie  centrale  pour  des  motifs 
politiques,  s'étant  brouillé  avec  les  gouvernants  de  ces 
régions,  et  était  venu  réclamer  l'hospitalité  des  sultans 
seldjouqides.  Il  y  fit  souche,  et  ses  descendants  y  vivent 
encore  actuellement  ;  tous  viennent,  successivement, 
reposer  sous  l'ombre  de  la  tour  bleue  et  des  coupoles  qui 
l'accompagnent  ;  sept  siècles  ont  rempli  de  tombeaux  la 
mosquée  attenante  aux  salles  de  réunions  des  derviches. 

Les  Mauiawi,  «  les  gens  de  notre  maître  »,  ou,  comme 
prononcent  les  Turcs,  les  Mewléwî,  sont  plus  connus  parmi 
nous  sous  le  vocable  de  derviches  tourneurs,  dérivé  d'un 
de  leurs  exercices  principaux.  Théophile  Gautier  a  décrit 
magistralement  leur  valse  lente,  dans  laquelle,  «  les  bras 
étendus  en  croix,  la  tête  inclinée  sur  les  épaules,  les  yeux 
demi-clos,  la  bouche  entr'ouverte ,  ils  se  laissent  em- 
porter par  le  fleuve  de  l'extase  ».  Telle  est,  en  etfet,  l'appa- 
rence extérieure  d'un  exercice  auquel  ils  admettent  volon- 
tiers les  étrangers.   Pour  pénétrer  plus  profondément  dans 


180  LES    DERVICHES    d'aSIE    MINEURE 

leurs  croyances  et  leurs  doctrines,  il  faut  avoir  recours  aux 
ouvrages  écrits  à  leur  usage.  Par  bonheur,  nous  possédons 
l'histoire  des  fondateurs  de  cet  ordre  religieux  ;  elle  a  été 
écrite  en  persan,  par  un  certain  Atlâkî,  et  terminée  vers 
l'année  ISTiS.  11  en  existe  plusieurs  manuscrits  à  ki  Hil)lio- 
thèque  nationale  ;  la  liaduction  en  français  de  cet  ouvrage 
est  actuellement  sous  presse  :  elle  ne  tardera  pas  à  paraître, 
du  moins  on  est  en  droit  de  l'espérer. 

Nous  y  apprendrons  que  la  danse  rituelle  n'est  pas  leur 
seul  exercice  de  dévotion.  La  retraite,  c'est-à-dire  l'isole- 
ment dans  une  cellule,  pendant  une  période,  généralement 
de  quarante  jours,  qui  peut  être  répétée  consécutivement, 
et  le  jeûne,  non  pas  le  jeûne  musulman  du  mois  de  rama- 
dan, mais  une  abstention  presque  complète  d'aliments  et 
de  boissons  pendant  le  jour  et  la  nuit,  sont  les  principaux 
moyens  de  mortification  chez  les  çoûfis  et  en  particulier 
chez  les  Mewléwî.  On  comprend  aisément  que  par  l'emploi 
de  ces  deux  moyens  l'adepte  arrive  à  un  état  d'hyperesthésie 
qui  se  traduit  vite  par  des  hallucinations.  L'histoire  d'Aflâkî 
est  remplie  d'anecdotes  relatives  à  des  faits  de  ce  genre; 
mais  il  n'est  pas  défendu  d'essayer  d'y  apporter  quelque 
ordre,  en  attendant  que  l'étude  de  ces  phénomènes  attire 
l'attention  d'un  savant  spécialiste  de  l'hypnotisme. 

S'il  est  une  coutume  avérée  des  musulmans,  universelle- 
ment connue,  c'est  leur  habitude  de  ne  jamais  parler  de 
leurs  femmes,  de  ne  jamais  faire  allusion  à  leur  vie  intime  : 
à  telles  enseignes  que  l'étranger  qui  les  fréquente,  et  qui 
parfois  a  pu  être  admis  dans  l'intimité  du  harem,  évite  soi- 
gneusement toute  question  indiscrète  au  sujet  de  ces 
femmes,  et  se  borne  à  user  d'euphémismes,  tels  que  le  mot 
«  famille  »,  pour  les  désigner.  Au  contraire,  nos  derviches 
d'Asie  Mineure  ne  dissimulent  aucunement  le  rôle  que  les 
femmes  jouent  dans  leur  communauté  et  dans  leur  entou- 
rage, et  ce  qu'ils  en  racontent  ajoute  une  note  intéressante 
à  ce  qu'ils  nous  ont  rapporté  de  leur  vie  et  de  leurs  actes- 


LKS    fi.ËRVICHES    DASIE    MINEURE  l8l 

'Içméti-Khàtoùn,  épouse  du  sultan  Behrâm-châh  de  la 
dynastie  des  Mengoudjékides,  se  porte  à  la  rencontre  du 
père  de  Djélâl-ed-din  Roûmi  et  lui  construit  un  collège 
dans  la  bourgade  où  il  s'est  arrêté.  La  femme  du  maître, 
Kirâ-Khàtoùn,  entourait  son  mari  des  soins  les  plus 
empressés  ;  quand  il  se  rendait  au  bain  public,  elle  recom- 
mandait à  ses  compagnons  de  veiller  sur  lui,  car  il  était 
complètement  indifférent  à  l'égard  de  lui-même  ;  aussi 
emportaient-ils  avec  eux  tapis  et  serviettes  nécessaires. 
Elle  était  l'amie  de  la  reine,  épouse  du  sultan,  que  son  nom 
de  Gurdji-Khâtoûn  nous  décèle  comme  une  esclave  géor- 
gienne, sans  doute  affranchie  ;  celle-ci  s'intéressait  aux 
exercices  des  derviches  ;  elle  était  même,  paraît-il,  affiliée 
à  la  confrérie.  La  femme  du  fondateur  de  l'ordre  lui  faisait 
part  des  événements  heureux  qui  lui  survenaient,  et  lui 
réservait  une  portion  sur  un  bouquet  de  ffeurs  mystérieuses 
venues  de  l'Inde  par  une  voie  secrète.  La  fille  de  Djélàl-ed- 
dîn  Roùmî,  Méléké-Khâtoûn,  était  mariée  à  un  riche  négo- 
ciant qui  se  faisait  remarquer  par  son  extrême  avarice  ;  elle 
alla  s'en  plaindre  à  son  père,  qui  convint  que  son  mari 
n'agissait  pas  bien  et  lui  raconta,  pour  la  consoler,  une 
historiette  amusante.  Koùmàdj-Khàtoùn,  époux  du  sultan 
Rokn-ed-dîn,  dut  la  vie  à  l'intervention  du  derviche,  qui 
accourut  la  prévenir  de  l'écroulement  prochain  d'une  aile 
du  palais.  La  harpiste  Tâoûs  se  convertit  et  renonça  à  sa 
vie  de  plaisirs;  le  maître  lui  fit  présent  d'un  fragment  de 
son  turban,  dont  elle  se  fit  un  serre-tête  ;  elle  devint  telle- 
ment belle,  dit  le  narrateur,  que  le  trésorier  du  sultan 
n'hésita  pas  à  la  demander  en  mariage  ;  elle  fut  considérée 
comme  une  sainte  et  fit  des  miracles. 

Les  derviches  tourneurs  n'ont  jamais  joué  de  rôle  poli- 
tique. Si  l'empire  ottoman  a  cru  devoir  leur  en  attribuer 
un,  c'est  que  leur  confrérie  est  tout  ce  qui  reste  du  royaume 
des  Seldjouqides,  que  la  légende  accréditée  en  Turquie 
représente  comme  ayant  donné,  à  l'ancêtre  de  la   famille 


182  LES    DERVICHES    D^ASIE   MlISEURE 

d'Osman,  le  bi^evet  d'investiture  de  la  principauté  de 
Seuyud,  berceau  de  la  dynastie.  Aussi  le  descendant  de 
Djélâl-ed-dîn  Roûmî  est-il  appelé,  à  chaque  changement  de 
rèi^ne,  à  venir  à  Constantinople  ceindre  du  sabre,  dans  la 
mosquée  d'Eyyoub,  le  prince  qui  représente  la  lignée  des 
Sélim  et  des  Soliman. 

Au  xin^  siècle,  les  hommes  d'Etat  avaient  vu  chez  ces 
derviches  un  de  ces  facteurs  moraux  dont  l'emprise  sur 
l'esprit  du  peuple  était  jugée  indispensable  à  la  bonne 
conduite  des  affaires  publiques.  L'tm  des  principaux  adeptes 
de  la  confrérie  était  ce  Soléiman,  qui  portait  le  titre  hono- 
rifique de  Mo'în-ed-dîn  «  aide  de  la  religion  »  et  que  l'on 
désigne  habituellement  sous  le'  nom  de  sa  charge,  car  il 
était  le  Perivâné,  c'est-à-dire  le  grand  chambellan,  maître 
des  cérémonies  de  la  Cour  ;  Persan  d'origine  (il  était  né  à 
Kàchàn),  il  reçut  du  sultan  Qylydj-Arslàn  IV  la  ville  et  le 
territoire  de  Sinope,  à  titre  de  fief,  et  maria  son  fils  à  une 
fille  de  Léon  III,  roi  de  la  Petite  Arménie  ;  passé  ensuite 
au  service  des  Khans  mongols,  accusé  de  trahison,  il  fut 
exécuté  sur  l'ordre  d'Abaqa  le  23  juillet  1278.  L'historien 
des  derviches  tourneurs  n'hésite  pas  à  attribuer  1  état  pros- 
père de  l'Asie  Mineure,  sous  son  administration,  à  la  béné- 
diction qui,  selon  lui,  s'attachait  à  la  protection  dont  ce  di- 
gnitaire entourait  la  confrérie,  de  même  qu'il  attribue  les 
malheurs  de  la  dynastie  à  l'ingratitude  manifestée  envers 
elle  par  le  sultan  Rokn-ed-dîn. 

Les  événements  politiques,  l'effondrement  dui royaume 
des  Seldjouqides,  son  remplacement  par  de  petites  princi- 
pautés sporadiques,  la  conquête  successive  de  tous  ces  Etats 
minuscules  par  l'empire  ottoman  au  cours  du  xv^  siècle, 
n'eurent  aucun  effet  sur  la  constitution  de  cette  confrérie 
de  derviches.  Ils  continuèrent  leurs  concerts  et  leurs  danses, 
plus  préoccupés  de  monde  spirituel  que  des  affaires  tenqDo- 
relles;  et  quand  un  de  ces  derviches  a  quelques  moments 
de  loisir,  il  va  s'asseoir  au  bord  d'une  eau  courante,   sous 


SÉANCE    DU    â6    AVRIL    l0l8  IS.*^ 

des  ombrages  touirus,  écouter  la  voix  plaintive  de  la  flûte 
dont  il  joue,  cette  flûte  mélancolique  dont  le  poète  de  Balkh 
a  chanté  les  ti'istesses,  au  début  de  son  Methnéivî  :  «  Ecoute 
la  flûte  de  roseau,  ce  qu'elle  raconte  et  les  plaintes  qu'elle 
exhale  au  sujet  de  la  séparation.  Depuis  que  l'on  m'a 
coupée,  dit-elle,  dans  les  roseaux  des  marais,  hommes  et 
femmes  se  plaig-nent  à  ma  voix.  Mon  cœur  est  tout  déchiré 

par  ra])andon » 

C'est  ainsi  que  le  mystique  décrit  la  tristesse  de  l'âme 
séparée  du  grand  Tout,  et  cherchant  à  l'atteindre  de  nou- 
veau à  travers  les  accidents  de  l'être,  obstacles  qu'il  s'agit 
de.  franchir,  voiles  qu'il  faut  soulever  pour  retourner  k  la 
source  première  et  s'absorber  dans  la  contemplation  de 
l'infini  d'où  l'âme  était  sortie,  et  qu'elle  aspire  à  rejoindre. 


LIVRES  OFFERTS 


M.  Louis  Léger  présente  une  nouvelle  édilion  du  livre  de  M.  le 
professeur  Jorga  :  Histoire  des  relaliuna  entre  la.  France  et  lea  Rou- 
mains. En  présentant  il  y  a  quelques  mois,  l'édition  publiée  à  Jassy 
(voir  Comptes  rendus,  1917,  p.  295),  il  regrettait  qu'elle  fût  peu  acces- 
sible à  notre  public.  M.  Charles  Bémont  s'est  chargé  de  réimprimer  le 
volume  à  Paris  ^  et  l'a  fait  précéder  d'une  notice  sur  la  vie  et  l'œuvre 
de  l'auteur,  naguère  élève  de  notre  École  des  Hautes  études.  Nous 
lui  devons  de  chaleureux  remerciements  pour  cette  nouvelle  édition. 


SÉANCE  DU   26    AMilL  1918 


l'RESIDENCK    DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

La  correspondance  comprend  : 

l  ne  lettre  de  M,  le  général  Guillaumat,  remerciant  l'Académie 
de  la  subvention  de  2.000  francs  par  elle  accordée  au  Service 
archéologique  de  F  armée  d'Orient; 

1 .   Librairie  Pa.yol. 


184  SÉANCI']    DL;    2fi    AVRII,    IÎHN 

l'iie  Icllre  du  clief  ilu  Service  des  aiiliquilés,  beaux-arts  et 
monuments  historiques  au  Maroc,  adressant  une  copie  des  ins- 
criptions de  Volubilis  relevées  par  le  lieutenant  Louis  Châtelain. 

Le  Secrktairk  perpétumi, donne  ensuite  lecture  de  la  lettre  sui- 
vante de  M,  Pierre  Paris,  correspondant  de  TAcadémie  : 

«   Bolonia  (par  Tarifa),  L3  avril  1918. 

«  Monsieur  le  Secrétaire  perpétuel, 

«  Je  suis  heureux  de  pouvoir  a'ous  donner  encore  une  fois  de 
bonnes  nouvelles  des  fouilles  que  subventionne  si  généreusement 
l'Académie. 

«  Nos  deux  chantiers  sont  également  intéressants.  Le  premier, 
sur  l'emplacement  de  la  ville  romaine,  nous  a  donné  un  second 
établissement  à  salaisons,  à  peu  près  complet  maintenant,  avec 
son  grand  atelier  pour  la  préparation  des  poissons,  et  ses  grandes 
fosses  à  saumure. 

«  Nous  dégageons  aussi  une  riche  maison  à  péristyle,  dont 
une  salle  était  décorée  de  peintures  fort  originales  :  de  grandes 
fleurs  de  pivoines  avec  leur  feuillage  se  détachent  en  couleurs 
vives  sur  fond  blanc.  Nous  avons  aussi  recueilli  de  nombreuses 
plaques  de  stuc  rouge  foncé  et  jaune,  avec  beaucoup  de  grafTites 
de  grand  intérêt,  des  mots  écrits  en  caractères  romains,  mais  qui 
sont  sans  doute  ibériques,  des  figures  d'hommes,  et  surtout  des 
proues  de  navires  décorées  de  figures  monstrueuses.  Tout  cela 
forme  un  ensemble  très  curieux. 

«  A  côté  de  cette  maison,  nous  déblayons  une  sorte  d'avenue 
bordée  à  droite  et  à  gauche  de  colonnes  à  bossages  que  nous  pou- 
vons rétablir,  et  dont  nous  avons  les  gros  chapiteaux  de  style 
ibéro-dorique  ;  nous  croyons  que  c'est  une  rue  principale  dé- 
bouchant juste  sur  la  place  ;  nous  la  suivons  aussi  longtemps  que 
possible  à  travers  la  place  actuelle  .du  hameau  de  Bolonia. 

«  Notre  second  chantier,  la  nécropole  romaine,  ménageait  à 
mon  collaborateur,  M.  Bonsor,  plus  d'une  surprise.  Toutes  les 
tombes  sont  de  l'époque  romaine,  comme  en  témoignent  les 
objets  divers  que  nous  y  recueillons,  ainsi  que  les  monnaies  ; 
mais  les  formes  des  tombes  sont  très  variées,  et  presque  toujours 
nouvelles.  Ce  qui  en  fait  la  très  grande  originalité,  c'est  que 
devant  presque  tous  les  monuments  ou  au-dessus  d'eux  se  re- 


SÉANCE  DU    26   AVRIL   4918  185 

trouvent  des  figures  extrêmement  barbares,  quelquefois  alignées 
au  nombre  de  cinq.  A  peine,  d'ordinaire,  distingue-l-on  la  place 
des  yeux,  la  forme  du  nez  et  de  la  bouche,  l'arrondissement  de  la 
tête;  quelquefois  le  buste  (ce  sont  toujours  des  bustes)  est  un  peu 
plus  précis,  mais  c'est  l'exception.  Jusqu'à  plus  ample  informé, 
il  nous  semble  que  ces  figures  funéraires,  images  des  morts  ou 
démons  des  tombes,  sont  des  souvenirs  persistants  de  la  religion 
indigène  ;  ils  doivent  remonter  à  une  civilisation  très  ancienne  et 
rattachent  la  ville  primitive  aux  prétendus  bastulo-phéniciens. 
Nous  espérons  que  des  découvertes  ultérieures,  dans  la  nécro- 
pole ou  dans  la  ville,  viendront  élucider  ce  problème. 

«  Je  vous  ai  signalé.  Monsieur  le  Secrétaire  perpétuel,  dans 
ma  précédente  lettre,  la  découverte  de  deux  belles  statuettes  de 
bronze;  je  les  avais  prises  d'abord  pour  un  danseur  et  une  dan- 
seuse ;  mais  en  les  nettoyant  légèremenl,  car  le  nettoyage  complet 
devra  être  fait  par  un  spécialiste,  il  est  apparu  que  les  deux  per- 
sonnages formaient  un  groupe  étroitement  uni  ;  c'est  un  homme, 
peut-être  un  satyre,  enlevant  une  femme  éperdue.  Ces  bronzes 
gagnent  ainsi  beaucoup  en  intérêt,  et  prendront  certainement 
place  parmi  les  plus  précieux  modèles  de  l'art  hellénistique. 

«  Je  regrette  de  ne  pouvoir  joindre  des  photographies  à  cette 
lettre,  mais  nous  ne  sommes  pas  installés  ici  pour  révéler  nos 
plaques  ;  dès  que  j'aurai  pu  les  envoyer  à  Madrid  par  une  voie 
sûre,  je  me  ferai  un  devoir  de  vous  en  envoyer  des  épreuves. 

w  Je  vous  serai  reconnaissant.  Monsieur  le  Secrétaire  perpé- 
tuel, de  vouloir  bien  communiquer  à  l'Académie  ces  nouvelles, 
si  elles  a'ous  en  semblent  dignes.   » 

M.  l'abbé  Chabot  annonce  que,  d'après  les  dernières  nouvelles 
reçues  du  P.  Jaussen,  les  estampages  pris  à  Palmyre  avant  la 
guerre  pour  le  compte  de  l'Académie  et  qui  avaient  été  aban- 
donnés à  Jérusalem  en  1914,  à  la  suite  des  événements  militaires, 
n'ont  point  eu  à  souffrir  et  ont  été  retrouvés  intacts. 

Il  M.  Ch.-V,  Langlois  annonce  que  la  Commission  du  prix  Bor- 

din  a  attribué  les  récompenses  suivantes  : 

1.500  francs  à  M.  André  Blum,  pour  son  ouvrage  intitulé: 
L'Estampe  satirique  en  France; 

1918  13 


186  SÉANCE    DU   26    AVRIL    1918 

500  francs  à  M.  l'abbé  Ch.  Guéry,  pour  son  ouvrage  intitulé  : 
Histoire  de  V abbaye  de  Lyre  ; 

500  francs  à  M.  A.  LAngfors  pour  Les  incipil  des  poèmes 
fj-ançais  antérieurs  au  XVL'  siècle  ; 

500  francs  à  M.  ParLurier,  pour  son  édition  critique  de  la 
Délie,  de  Maurice  Scève. 

M.  Paul  Monceaux  communique  à  l'Acfidémie  une  note  sur 
une  dédicace  chrétienne  d'Algérie,  qui  se  trouve  au  Musée  de 
Bône,  et  que  Ion  n'avait  pas  encore  réussi  à  déchiffrer  entiè- 
rement. 

«  J'ai  l'honneur  de  communiquer  à  TAcadémie  une  assez 
curieuse  dédicace  chrétienne  d'Algérie,  dont  on  n'avait  jusqu'ici 
que  des  copies  fort  incomplètes,  et  que  M.  Gsell  a  réussi  l'an 
dernier  à  déchiffrer  d'un  bout  à  l'autre. 

«  La  pierre  qui  porte  cette  inscription  a  été  découverte,  il  y  a 
vingt  ans,  dans  la  région  de  Dar-el-Ghoula,  entre  Bône  et  Souk- 
Ahras,  à  40  kilomètres  environ  au  Sud-Est  de  Bône.  Peu  de 
temps  après,  elle  fut  transportée  au  Musée  de  Bône,  où,  à  plu- 
sieurs reprises,  elle  attira  l'attention  des  archéologues*.  Mais 
c'est  tout  récemment  qu'elle  a  livré  enfin  son  secret. 

t<  Cette  pierre  mesure  O'^iS  en  hauteur,  0 '"38  en  largeur, 
0™20  en  épaisseur.  La  face  supérieure  présente  un  grand  car- 
touche à  queues  d'aronde,  haut  de  0^225,  large  de  0'"21.  Au- 
dessus  du  cartouche,  deux  colombes  buvant  à  un  vase  ;  au-dessus 
des  colombes,  un  monogramme  constanlinien  enfermé  dans  un 
double  cercle.  Dans  le  cartouche,  une  inscription  de  huit  lignes, 
qui  avait  été  gravée  avec  assez  de  soin,  mais  dont  plusieurs  par- 
ties sont  aujourd'hui  à  demi  effacées.  Hauteur  des  lettres  :  O'^Ol 
environ.  Copie  de  M.  Gsell,  prise  en  1917  sur  l'original,  et  con- 
trôlée par  lui  sur  un  estampage. 


1.  Papier,  C.li.  de  VAcadémie  d'Hippone,  1898,  p.  ix  ;  Gsetl,  ibid., 
p.  XXI  ;  Atlas  arctiéologique  de  l'Algérie,  feuille  9,  n.243;  Maitrot,  Le 
Musée  d'Hippone  (Bône,  1914),  p.  28. 


SÉANCE    DU    26    AVRIL    1918  187 

aVE  PRIMITIE  NOS 
TRE  VIRTVTIS  SVNT  EX  LE 
CTIONE  ET  ASPECTV  PRO 
BANTVR  NAM  NOVVM  EDI 
FICIVM  aVOD  CERNIS  NOS 
TRO  LABORE  HOC  INCEPT 
VM    ADQVE    PERFECTVM 

EST 

Qa{a)e  primiti[a)e  nostr{a)e  virtutis  sunt,  ex  leclione  et 
aspectu  prohnalur.  Nam  novum  [ajedifîcium,  quod  cernis,  nos- 
Iro  lahore  hoc   inceptum  adque  perfecluni  est. 

«  D'après  le  texle  et  les  symboles,  c'est  une  dédicace  chré- 
tienne, qui  était  placée  sur  la  façade  d'un  édifice  (lignes  3-5), 
probablement  quelque  chapelle,  et  qui  devait  faire  pendant  à 
une  autre  inscription  donnant  le  nom  du  dédicant.  Le  monument 
paraît  avoir  été  élevé  par  les  soins  ou  aux  frais  d'un  nouveau 
converti  :  c'est  ce  que  semblent  indiquer  les  mots  primiii[a)e 
noslr[a)e  virtutis.  A  en  juger  par  la  forme  du  chrisme,  l'édifice 
datait  du  iv^  siècle,  comme  l'inscription. 

Ligne  l.  —  Le  mol  primiti{a)e  est  évidemment  une  réminis- 
cence biblique.  On  le  rencontre  dans  toutes  les  parties  des  vieux 
textes  latins  de  l'Ancien  Testament,  toujours  avec  le  sens  de 
prémisses  de  la  terre,  sorte  de  dîme.  Chez  saint  Paul,  ce  mot 
prend  d'ordinaire  un  sens  figuré.  En  voici  quelques  exemples  : 
«  Nos  ipsi  primitias  spiritus  habentes '.  » —  «  Primitiae  dor- 
mientium...  Primitiae  Ghristus...  Primitiae  Achaiae  ^.  »  — 
«  Quod  elegerit  vos  Deus  primitias  in  salutem  ^.  »  On  lit  aussi 
dans  l'Apocalypse  *  :  «  Hi  empti  sunt  ex  hominibus  primitiae 
Deo.  »  Dans  l'inscription  de  Bône,  le  mol  primitiae  paraît  avoir 
une  signification  intermédiaire  :  les  «  prémisses  de  la  vertu  »  du 
donateur  prennent  la  forme  matérielle  d'une  offrande,  d'un  ex- 
vofo. 

1.  Roman.,  8,  23. 

2.  I  Corlnlh.,  15,  20  et  23  ;  16.15. 

3.  //  Thessalon.,  2,  12. 

4.  ApocaL,  14,  4. 


188  SÉANCE    1)L    26    AVRir,    1918 

Lignes  2-3.  —  Lect.ione  vise  sans  doute  la  lecture  de  la  dédi- 
cace ;  aspectu,  l'aspect  du  monument. 

Lig-nes  4-8.  —  Formules  d'un  type  courant  dans  Tépigraphie 
africaine  du  iv*  siècle. 

MM.  Clermont-Ganneau,  Bouché-Leclercq,  Maurice  Croiset  et 
Théodore  Reinacii  présentent  quelques  observations. 

Le  PKÉsuiENT  fait  connaître  l'attribution  des  récompenses 
décernées  par  l'Académie  sur  le  prix  Jean-Jacques  Berger: 

4.000  francs  à  M.  Wickersheimer,  pour  ses  Commentaires  de 
la  Faculté  de  médecine  de  r Université  de  Paris  ; 

3.000  francs  à  M.  Coyecque,  pour  son  Recueil  d'actes  notariés 
relatifs  à  V histoire  de  Paris  au  XVP  siècle  • 

3.000  francs  à  M.  Vidier,  pour  son  ouvrage  sur  les  Mar- 
guilliers  laïcs  de  Notre-Dame  ; 

2.000  francs  à  M.  Léon  Dorez,  pour  son  ouvrage  sur  La 
Faculté  de  décret  de  V Université  de  Paris  au  XV^  siècle; 

1.000  francs  à  M.  l'abbé  Clerval,  pour  son  Registre  des  pro- 
cès-verhaux  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris  ; 

1.000  francs  à  M.  Paul  Lacombe,  pour  sa  publication  des 
Anciens  livrets  des  rues  de  Paris  imprimés  aux  XV^  et  XVP 
siècles  ; 

500  francs  à  M.  Lecestre,  pour  sa  Notice  sur  V Arsenal  royal 
de  Paris  jusqu'à  la  mort  d'Henri  IV  ; 

500  francs  à  M.  Camille  Bernard,  pour  sa  Restitution  des 
thermes  de  Lutèce. 

M.  Maurice  Croiset  commence  la  lecture  d'un  mémoire  sur 
les  premiers  dialogues  de  Platon,  ceux  qu'il  composa  à  Mégare, 
durant  son  séjour  auprès  d'Euclide. 


LIVRES   OFFERTS 


M.  le  comte  P.  Durrieu  fait  hommage  à  l'Académie  d'une  étude 
dont  il  est  l'auteur,  intitulée:  La  Messe  de  Saint-Gilles,  tableau  du 
XV"^  siècle  (extrait  de  VArt  liturgique,  1917,  in-4°). 

Le  Gérant,  A.   Picard. 

MAÇON,    PROTAT     FRERES       IMPRIMEURS 


r<l 


-      COMPTES    RENDUS    DES    SEANCES 

DE 

L'ACADÉMIE      DES      INSCRIPTIONS 

ET     BELLES-LETTRES 

PENDANT     UANNÉE     1918 

SÉANCE   DU  3  MAI 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    AILLEFOSSE. 

/ 

M.  Maurice  Croiset  achève  la  lecture  qu'il  avait  commencée  à 
la  précédente  séance  sur  les  dialogues  composés  par  Platon  lors 
de  son  séjour  à  Mégare  auprès  d'Euclide. 

MM.  Bouché-Leclercq,  Alfred.  Croiset  et  Théodore  Reinach 
présentent  quelques  observations. 

M.  Paul  FouRNiER  fait  connaître  les  décisions  de  la  Commi.ssion 
du  prix  Prost.  Aucun  des  ouvrages  présentés  par  leurs  auteurs 
n'ayant  paru  mériter  d'être  pris  en  considération,  la  Commission 
a  évoqué  divers  travaux  publiés  en  1917  par  M.  Germain  de 
Maidy,  archéologue  lorrain,  de  Nancy,  savoir  : 

L'image  de  sainte  Marie  Majeure  à  la  cathédrale  de  Nancy; 

Un  écusson  héraldique  à  Neufchâteau  ;  Vhôtel  de  Jean  de 
Houdreville  (1583)  [Hôlel  de  ville  actuel]. 

Une  douzaine  de  chronoc/rammes  en  Lorraine  ' 

La  frise  des  apôtres  à  l'église  de  Maine  ; 

La  médaille  d'Alphonse  de  Rambervillers  (1604). 

En  lui  attribuant  le  prix  Prost,  l'Académie  entend  de  plus 
reconnaître  la  valeur  de  l'ensemble  des  travaux  de  l'auteur. 


190  .  LIVRES    OFFERTS 

M.  Charles  Diinii,  annonce  à  rAcatlémie  que  la  Commission  dn 
pri\  Fonld  a  jiarlagé  ce  prix  entre  deux  concurrents  de  la  i'açon 
snivanle  : 

,'}.{)()0  francs  à  M.  G.  IMillcL  pour  son  livre  :  licclierches  sur 
riconof/rnphie  de  VEvamfile  aux  XIV', XV''  el  XVl""  siècles; 

2,000  francs  à  M.  Bréhier  pour  son  livre  :  L'art  chrélien  ;  son 
développement  iconograpliique  des  origines  à  nos  jours. 

M.  A.  Morkl-Fatio,  au  nom  de  la  commission  du  prix 
Lagrangc,  fait  savoir  que  ce  prix  a  été  décerné  à  M.  Ernest  Lan- 
>^'lois,  professeur  à  l'Université  de  Lille,  pour  son  édition  du 
lionian  de  la  Rose,  tome  I. 

Le  Président  fait  connaître  les  récompenses  accordées  par 
l'Académie  sur  la  fondation  Le  Fèvre-Deumier,  savoir  : 

3.000  francs  à  M.  Puech,  pour  son  livre  :  Les  Apologistes 
chrétiens  du  second  siècle  / 

3.000  francs  à  M.  Dussaud,  pour  Tensemble  de  ses  ouvrages 
sur  les  religions  parus  depuis  dix  ans; 

2.000  francs  à  M.  Picavet  pour  son  Essai  sur  Ihisloire 
générale  et  comparée  des  philosophies  el  théologies  du  moyen 
âge. 


LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  jDublications 
suivantes  : 

Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes-Alpes .  —  37"  année, 
4^  série,  n°  21.  —  Année  1918.  Premier  trimestre  (Gap,  1918,  in-8''). 

Bulletin  de  la  Société  ixistorique  el  archéologique  du  Périgord . 
Tome  XLV.  Deuxième  livraison  :  mars-avril  1918  (Périgueux,  1918, 
in-8°). 

Journal  of  the  Roy  al  Institule  of  Brilish  Architects, \o\ume  XXXV, 
third  séries,  n»  6,  April  1918(London,  1918,  in-4°). 

Journal  of  the  American  Oriental  Society,  vol.  38,  parti  —  Fe- 
bruary  1918  (New-Haven,  1918,  in-8°). 

Rendiconti   délia  R.  Accademia  dei   Lincei.  Classe   di  scienze  ma- 


LIVRES    OFFERTS  191 

rali,  storiche  et  philolojiche.  Série  quinta.  Vol.  XXVI,   Fasc.  11°-12° 
e  Indice  del  volume  (Roma,  1917,  in-S"). 

M.  II.  Omont  fait  hommage  d'une  étude  dont  il  est  l'auteur,  inti- 
tulée :  Un  hellénisle  du  XVI"  siècle  (extrait  de  la  Revue  des  éludes 
grecques,  tome  XXX,  n»  137-138,  avril-juin  1917  ;  Paris,  1917,  in-S"). 

M.  Omont  reprend  la  parole  en  ces  termes  : 

«  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau  de  l'Académie,  au  nom 
de  M.  Léon  Dorez,  un  inventaire  détaillé  d'une  très  importante  col- 
lection de  lettres  autographes  des  grands  personnages  français  et 
étrangers  du  xvi'=  au  xix"^  siècle,  formée  par  Alexandre  Bixio  et  géné- 
reusement offerte  l'an  dernier  à  la  Bibliothèque  nationale  par  ses 
deux  filles.  M™''*  Rouen-Bixio  et  Depret-Bixio  (La  collection 
Alexandre  Bixio  à  la  Bibliothèque  nationale  ;  mss.  français  nouv. 
acq.  22734-22741.  Paris,  1918,  in-8°,  1;J2  p.  ;  extrait  du  Bulletinphilo- 
logique  et  historique,  1910). 

«  A  côté  de  très  nombreux  autographes  de  savants,  d'hommes  de 
guerre,  d'hommes  politiques  de  la  fin  du  xviii^  siècle  et  d'une  grande 
partie  du  xix''  siècle,  la  collection  Alexandre  Bixio  présente  une 
riche  série  de  lettres  autographes  de  rois,  reines,  princes  et  grands 
personnages  français  des  xvi'=,  xvii'^  et  xv-iii"^  siècles  :  François  !<='', 
Henri  II,  Catherine  de  Médicis,  Henri  III,  Henri  IV,  Anne  d'Au- 
triche, Condé,  Catinat,  Duquesne,  Fabert,  saint  François  de  Sales  et 
saint  Vincent  de  Paul,  Balzac,  Boileau,  Bossuet,  Fénelon,  Fléchier, 
La  Fontaine,  Racine,  Regnard,  Rousseau,  Voltaire,  etc. 

«  M.  Dorez  a  décrit  cette  collection  d'autographes,  classés  en  un 
seul  ordre  alphabétique,  avec  un  soin  minutieux,  et  son  inventaire, 
aussi  détaillé  que  précis,  est  précédé  de  quelques  pages  où  il  a  mis 
en  relief  la  personnalité  d'Alexandre  Bixio,  et  apprécié  l'importance 
et  l'intérêt  historique  de  l'ensemble  de  la  collection.  » 

M.  J.-B.  Chabot  fait  hommage  à  l'Académie  d'un  opuscule  inti- 
tulé : 

Le  Marquis  de  Vogue.  —  Notice  sur  ses  travaux  d'épigraphie  et 
d'archéologie  orientale  (extrait  du  Journal  asiatique,  Xl^  série,  t.  IX, 
p.  313-34o). 


192 

SÉANGP:    du     10    MAI 


l'UKSIDENCE    DK    M.     PAUL    (ilUARn,     VICE-I>HESIUKNT. 

M.  Salonion  Reinach  communique  une  note  de  M"*  Duportal, 
relative  à  un  recueil  de  dessins  conservé  à  la  Bibliothèque  de 
rinstitut.  Un  de  ces  croquis  serait  un  dessin  original  de  Germain 
Pil 


on 


i 


M.  Saiomon  Reinach  montre  ensuite  la  photographie  d'un 
•buste  de  femme  représentant  sans  doute  une  femme  poète.  Ce 
buste  a  été  trouvé  dans  le  Midi  de  la  France  et  est  passé  en  Amé- 
rique. C'est  une  copie,  exécutée  à  Tépoque  d'Auguste,  d'un  ori- 
ginal grec  du  v*'  siècle. 

M.  PoTTiER  présente  quelques  observations  ;  il  se  demande  si 
l'œuvre  n'appartient  pas  à  la  Renaissance. 

M.  Ch.-V.  Langlois  fait  connaître  le  résultat  du  concours  des 
Antiquités  de  la  France  : 

La  première  médaille  est  décernée  à  l'ouvrage  de  R.  de  Saint- 
Venant  intitulé  :  Dictionnaire  lopoc/raphique,  historique,  hio- 
ffraphique,  (fénéalogique  et  héraldique  du  Vendômois  ;  —  la 
seconde  médaille  à  l'ouvrage  de  M.  G.  Mollat,  intitulé  Étude 
critique  sur  les  «  Vitfe  paparum  Avenionensium  »  d'Etienne 
Baluze. 

Le  P.  ScHEiL  communique  à  l'Académie  la  découverte  qu'il 
a  faite  de  la  fin  d'un  petit  poème  épique  babylonien  dont  le 
commencement  se  trouve  depuis  avant  1913  au  Musée  de  Berlin. 

L'action  se  passe  chez  les  immortels.  La  déesse  guerrière  Istar, 
par  son  outrecuidance,  détermine  certains  dieux  à  lui  créer  une 
émule. 

Istar  envoie  un  émissaire  étudier  Saltum,  le  nouveau  prodige 
pétri  à  son  intention.  Quoi  qu'elle  en  ait,  le  rapport  l'impres- 
sionne, et  elle    délègue   comme    remplaçante    une    autre  déesse 

1.  Voir  ci-après. 


UN    DESSIN    PRÉSUMÉ    DE    GERMAIN    PILON  193 

guerrière,  appelée  Agouchaia,  à  Ea,  créateur  de  Saltum,  pour 
refréner  Tinsolence  de  sa  protégée.  Entente  et  conciliation. 

L'auteur  ou  l'inspirateur  nommé  de  ce  poème  est  Hammourahi 
qui,  en  réconciliant  ainsi  divers  dieux  des  dillérenles  régions  de 
son  empire,  visait  à  produire  l'unité  relùjieiise,  comme  il  avait 
réalisé  iiinité  politique,  en  rédigeant  en  corps  de  lois  les  meil- 
leures coutumes  des  provinces  du  royaume. 

MM.  Paul  GiR.\RD  et  Babei.on  présentent  quelques  observations. 

M.  PoTTiEu  analyse  un  ouvrage  de  M.  Gilman,  Muséum  Ideals, 
sur  l'organisation  des  Musées  d'art,  volume  rempli  d'idées  inté- 
ressantes, qui  ont  reçu  une  application  pratique  au  Musée  de 
Boston  (Etats-Unis)  reconstruit  eu  1909  d'après  un  plan  nouveau. 
Le  livre  contient  deux  parties,  une  de  théorie  relative  à  l'éduca- 
tion du  public  par  les  musées,  l'autre  d'organisation  matérielle. 
Sur  la  première  partie  M.  Pottier  présente  quelques  observations 
critiques. 

M^L  Salomon  Reinach,  Maurice  Croiset,  Clermont-Ganneau 
et  Babelon  présentent  quelques  observations. 


COMMUNICATION 


NOTE    SUR    UN    DESSIN   QUI   POURRAIT    ÊTRE 
DE      GERMAIN      PILON,      PAR      m'^"^     J.      DLPORTAL. 

La  Bibliothèque  de  l'Institut  possède  une  série  de  dessins 
anciens  qui  semblent  n'avoir  fait  jusqu'ici  l'objet  d'aucune 
étude. 

Ces  dessins,  dont  la  provenance  est  inconnue,  sont  au 
nombre  d'une  centaine  environ  et  se  trouvent  actuellement 
répartis  entre  cinq  recueils  divers. 

Ce   sont,   pour    la  plupart,   des   projets    de    monuments 


194  UN    DESSIN    PRÉSUMÉ    DE    GERMAIN    PILON 

funéraires  faits  sur  papier  ancien,  et  exécutés  soit  à  la 
mine  do  jilomb,  soit  à  la  plume  et  lavés  de  bistre  ou  d'aqua- 
relle. 

Quelques-uns  offrent  tous  les   caractères  de  dessins  ori- 


ginaux . 


Tel  est,  par  exemple,  le  tombeau  lîguré  au  feuillet  29,  du 
volume  qui  porte  la  cote,  in-folio  N  56^^ .  Cette  esquisse  a 
des  traits  si  ((  pilonesques  »  — l'expression  est  consacrée — , 
elle  reproduit  si  fidèlement  certains  détails  du  monument 
des  Birague,  que  Ton  est  autorisé  à  se  demander  si  Fauteur 
de  ce  dessin  ne  serait  pas  Germain  Pilon  lui-même. 

Les  dessins  de  cet  artiste  sont  assez  rares. 

Un  des  catalogues  du  Louvre  mentionne  que  ce  Musée 
possède  «  Une  galerie  de  Palais  ». 

Un  second  dessin  fut  trouvé  en  1842  dans  les  Archives 
départementales  du  Cher,  au  verso  d'un  contrat  relatif  à 
l'exécution  d'une  dalle  funéraire. 

Un  troisième  fut  présenté  l'année  suivante  (1843),  au 
Comité  historique  des  Arts  et  Monuments,  comme  le  projet 
du  tombeau  de  Saint-Mégrin.  Nous  ignorons  ce  qu'il  est 
devenu  ;  mais  il  se  pourrait  que  ce  fût  un  des  dessins  de 
rinstitut  ;  car  l'auteur  de  la  communication,  M.  Lenoir, 
est  le  seul  des  historiens  d'art  qui  paraisse  avoir  connu 
quelques-uns  des  documents  que  nous  signalons  ici. 

Enfin,  en  1878,  M.  Gourajod  publia  une  petite  note,  au 
sujet  d'un  quatrième  dessin  de  Germain  Pilon,  découvert 
par  M.  Georges  Duplessis,  dans  la  collection  Clairambault 
où  la  pièce  est  jointe  au  contrat  passé  entre  l'artiste  et  la 
famille  de  Birague. 

La  fermeture  du  Musée  du  Louvre  nous  a  empêchée  de 
comparer  le  dessin  de  l'Institut  à  celui  du  Louvre.  Mais 
nous  avons  examiné  celui  de  la  collection  Clairambault,  et, 
autant  qu'on  en  peut  juger  à  distance,  comme  dans  la 
mesure  où  un  croquis  peut  ressembler  à  un  projet  mis  au 
net,  il  nous  a  paru  qu'il  y  avait  des  points  de  ressemblance 


LIVRES     OFFERTS  195 

caractéristique  entre  cette  pièce  et  celle  de  la  Bibliothèque 
de  l'Institut.  De  là  notre  hypothèse  :  le  croquis  signalé 
pourrait  bien  être  un  dessin  original  de  Germain  Pilon. 

Si  l'étude  minutieuse  de  la  facture,  l'examen  du  papier, 
le  rapprochement  du  dessin  anonyme,  des  dessins  signés, 
conduisent  à  une  conclusion  affirmative,  ce  document,  en 
dehors  de  sa  valeur  d'art,  offrira  1  avantage  d'authentiquer 
deux  morceaux  de  sculpture  attribués  à  Germain  Pilon. 
Dans  le  cas  contraire,  il  donnera  au  moins  des  renseigne- 
ments sur  la  disposition  première  —  ou  projetée  —  du 
monument  d'où  proviennent  ces  débris. 

Il  s'agit  des  deux  figures  d'ange  qui  ornent  la  cheminée 
de  la  salle  Victor  Schœlcher  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts. 

Ces  anges  faisaient  originairement  partie  du  mausolée  de 
Michel  de  l'Hôpital,  dans  la  paroisse  de  Vignai,  près 
d'Etampes.  Cette  tradition  vient  de  Lenoir  qui  avait  exposé, 
dans  son  Musée  des  monuments  français,  une  restauration 
plus  ou  moins  fantaisiste  de  ce  tombeau. 

Or  —  et,  ici,  il  y  a  certitude  —  les  deux  génies  funèbres 
figurés  sur  le  dessin  de  l'Institut  sont,  traits  pour  traits, 
la  représentation  fidèle  des  deux  anges  de  l'Ecole  des  Beaux- 
Arts. 

C'est  pourquoi  ce  croquis  nous  a  semblé  digne  d'attirer 
l'attention  de  l'Académie  et,  en  même  temps,  d'être  cité 
comme  un  exemple  de  l'intérêt  que  peuvent  présenter  cer- 
tains des  dessins  conservés  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les   publications 
suivantes  : 

The  (ledication  of  the  Librarij   of  French  Thourjht   (University  of 
California,  Scptember  G,  1917).  (Berkeley,  California,  1918,  in-S"). 
La  Revue  savoisienrie,  1918,  1'=''  trimestre  (Annecy,  1918,  in-8°). 


100  SÉANCE    DU     17    MAI    1918 

Bulletin  de  l:i  SocitU»^  srifiiti/iciiie,  historiqiir  cl  archrolor/ifiiiP  de  la 
Corrî'zc,  tome  XL,  l'"' livraison,  janvier-inai-s  IDIH  (Hrivc,  l'.HH,  in-H°). 

Atli  (IcUh  B.  Aeciulemia  (Ici  Lincei,  anno  CCCXV,  1918  (Roma, 
1918,  in-i"). 

Procoedinijii  of  tite  American  Philosophiral  Socieli/,  Vol.  LVl,  1917, 
fascic.  n»  3  à  0  ^Fhiladelphia,    1917,  in-H^\). 

The  List  of  Ihc  Anwric;ui  Philosapldcal  Society  {Ph'ûadi^\ph\i\,  1917, 
in-8»). 


SÉANCE  DU  17  MAI 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VILLEFOSSE. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret  en  date  du 
22  juin  1914,  autorisant  le  Président  de  Tlnstitut  de  France  à 
accepter  le  leg-s  d'une  somme  de  dix  mille  francs  fait  par 
M"=  AUetz  (Anne-Élisa-Coralie),  veuve  de  M.  Hubert  (Gabriel- 
Alfred),  «  pour  être  appliqué  à  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  ». 

Les  revenus  de  cette  somme,  placée  en  rente  3  0/0  sur 
l'État  français,  immatriculée  au  nom  de  l'Institut  de  France, 
seront  annuellement  versés  dans  la  caisse  de  l'Académie  pour 
être  employés  conformément  au  but  de  son  institution, 

M.  Châtelain,  au  nom  de  la  Commission  du  prix  Brunet,  fait 
connaître  qu'elle  a  partagé  le  prix  entre  les  ouvrages  suivants  : 

1.500  francs  à  M.  Henri  Hauser:  Les  Sources  de  Vhistoire  de 
France,  wi"  siècle  (1494-1610),  4  volumes  in-S",  publiés  de  1906 
à  1916; 

1.000  francs  à  M.  Loviot  :  Auteurs  et  livres  anciens  (xvi''  et 
xvn«  siècle)  (Paris,  1917,  in-8°)  ; 

500  francs  à  M.  Pierre  Le  Verdier  :  L'atelier  de  Guillaume 
Le  Talleur,  premier  imprimeur  rouennais  (Rouen,  1916,  in-4°). 

M.  le  D""  Capitan  fait  une  lecture  sur  les  localisations  à  travers 
le  monde  d'un  symbole  graphique  très  spécial  qu'il  dénomme, 
d'après  sa  forme,  l'entrelacs  cruciforme 

1.  Voir  ci-après. 


1 


l'entrelacs  cruciforme  197 

.MM^  PoTTiER,  Babelon  el  Prou  présentent  quelques  observa- 
tions. 

M.  Salomoa  Reinacii  traduit  et  coni mente  un  passaj^e  peu 
connu  du  savant  byzantin  Psellus  (vers  1060  de  notre  ère),  rela- 
tif aux  mystères  du  paganisme.  Il  croit  y  reconnaître  le  scénario 
d"un  mime  en  dix  tableaux  qui  a  pu  être  joué  à  Byzance,  où  les 
représentations  mimiques  n'ont  cessé  d'être  en  laveur.  Quant 
aux  détails  d'érudition  donnés  par  Psellus,  ils  sont  presque  tous 
empruntés  à  un  seul  chapitre  d'un  ouvrage  de  Clément 
d'Alexandrie  contre  les  croyances  et  les  rites  du  paganisme  ; 
mais  l'ordre  suivi  par  Psellus  n'est  pas  le  même  que  dans  Clé- 
ment et  constitue  la  part  d'originalité  de  ce  morceau, 

M.  Maurice  Croiset  explique  pourquoi  il  lui  paraît  difficile  de 
se  rallier  à  cette  opinion. 

M.  DiEHL  ajoute  que,  pour  lui,  il  croirait  bien  plutôt  que  le 
passage  de  Psellus  est  la  description  d'un  monument  figuré  à 
scènes  multiples,  une  mosaïque  par  exemple  ou   une  tapisserie. 


COMMUNICATION 


L  ENTRELACS    CRUCIFORME,    PAR    M.     LE    D''    CAPITAiN. 

Parmi  les  symboles  graphiques  bien  connus  en  archéo- 
logie, il  en  est  un,  très  spécial,  dont  nous  voudrions  établir 
l'importance  et  l'individualité  propre.  Comme  on  peut  le 
voir  sur  les  figures  il  et  12,  sa  disposition  générale  est  cru- 
ciforme ;  il  est  formé  de  deux  éléments  graphiques  fermés, 
sans  commencement  ni  fin,  entrelacés  régulièrement. 

Inconnu  dans  rarchéolo°fie  chaldéenne  et  assvrienne 
ainsi  qu'en  Egypte  et  en  Grèce,  nous  n'en  connaissons 
qu'un  curieux  exemple  découvert  par  M.  de  Morgan,  à  Suse, 
dans  les  couches  de  l'époque  de  NaramSin.  La  fig.  i  permet 
de  s'en  faire  une  excellente  idée. 


198 


l'entrelacs  crucifoumr 


— -y   (^  «"V 


Fig.  1.  —  Sur  un  relief  en  asphalte  noir.  Nécropole  de  Suse;  2-  période. 
Époque  de  Naram-Sin  (Mémoires  de  la  Délégalion  en  Perse,  l.  XUl, 
pi.  37). 

Cette  figure  si  particulière  de  type  serpentaire  a  peut- 
être  été  le  point  de  départ  des  innombrables  entrelacs  régu- 
liers qui  ont  abouti,  dans  la  décoration  proto-hellénique,  aux 
o-recques  si  variées  et,  en  Chine,  bien  avant  l'ère,  aux  orne- 
mentations en  forme  d'entrelacs  réguliers,  dérivés  de  l'en- 
roulement serpentaire  et  où  apparaît  encore  la  tête  de 
l'animal.  Malgré  la  longue  distance  dans  le  temps  et  dans 
l'espace,  la  chose  n'est  pas  impossible,  mais  nous  n'y  insis- 
terons pas  :  le  champ  des  hypothèses  est  trop  vaste  en  l'es- 
pèce. 

Nous  ne  parlerons  pas  non  plus  de  la  figure  bouddhique 
carrée  et  (jui  semble  formée  d'un  grand  nombre  de  petits 
entrelacs  cruciformes  enchevêtrés,  si  fréquente  en  Chine 
et  qu'on  retrouve  plus  tard  dans  les  décorations  mérovin- 
giennes et  même  au  moyen  âge. 

Sa  formation  aux  dépens  de  l'entrelacs  cruciforme  n'étant 
pas  indiscutablement  démontrable,  mais  cependant  pour 
nous  très  vraisemblable,  au  moins  dans  certains  cas,  nous 
ne  nous  occuperons  donc  que  des  figures  exactement  si- 
milaires au  prototype  et  dont  on  peut  constater  l'existence 
en  divers  points  du  monde  et  à  des  époques  variées. 


l'entrelacs  cruciforme  199 

•  Ainsi  dans  les  accessoires  bouddhiques  on  voit  fréquem- 
ment apparaître  une  figure  continue  avec  alternances  régu- 


Fig.  2.  —  Entrelacs  bouddhique.   Le  croquis  montre  comment  on   peut  y 
retrouver  deux  entrelacs  cruciformes  se  pénétrant. 


Hères  du  tracé  (voir  fig.  2),  Or  le  croquis  ci-contre 
montre  que  cette  irhage  nest  pas  autre  chose  que  la  réunion 
de  deux  figures  d'entrelacs  cruciformes.  Certes,  ce  ne  peut 
être  un  hasard,  l'image  étant  assez  compliquée.  Cette  figure 
rituelle  se  retrouve  très  fréquemment  en  métal,  en  jade,  ou 
brodée  sur  un  grand  nombre  d'accessoires  bouddhiques. 

Si  nous  passons  en  Amérique,  nous  retrouvons  notre 
entrelacs  avec  sa  forme  typique,  surtout  sous  les  immenses 
terrassements  des  Mounds-builders.  Ces  populations  préhis- 
toriques vivaient,  surtout  dans  la  vallée  du  Mississipi,  à  une 
époque  malheureusement  indéterminée,  mais  très  vraisem- 
blablement antérieure  au  grand  développement  des  civilisa- 
tions maya  puis  aztèque.  Les  grandes  levées  de  terre  qu'ils 
construisirent  avaient  parfois  la  forme  de  tumuli  et  conte- 
naient alors  des  sépultures.  C'est  surtout  dans  celles-ci 
qu'on  a  recueilli  des  vases  en  terre  assez  grossière  ou  des 
plaques  en  coquille  portant  la  figure  de  notre  entrelacs  ;  tel 
ce  vase  dont  toute  la  panse  (décorée  au  moyen  d'un  timbre 
ou  dune  roulette)  a  sa  surface  complètement  recouverte  par 


200 


i/entrei.acs  cruciforme 


des  petites  li"-uros  de  l'entrelacs  soit  isolées,  soit  accolées  ou 
parfois  enchevêtrées.  La  ii^.  3  montre  l'aspect  de  ce  vase,  et 
la  fii;-.  i  le  détail  de  cette  ornementation.  Sur  d'autres  vases, 


Fip.  3.  —  Vase  provenant  de  Holly- 
wood Mound  (Géorgie)  (d'après 
Cyrus  Thomas,  12»  Annual  report 
of  Ihe  Bureau  of  elhnology,  1890- 
91,  pi.  19). 


Fig:.  4.  —  Détail  des  entrelacs  cruciformes 
figurés  sur  ce  vase. 


c'est  dans  le  fond  qu'apparaît  très  typique  le  .susdit  entrelacs 
(fig.  -o).  On  le  retrouve  aussi  sur  des  plaques  en  coquilles 


Fig.  5.  —  Sur  un  fond  de  vase 
des_Mounds  (South  Apalachian), 
d'après  Holmes  ;0n  the  origin  of 
the  Cross  Symbol;  Proceed.  Am. 
Aniiq.  Soc,  oct.  24,  1906). 


Fig.  6.  —  Sur  un  gorgerin  en 
coquille.  Dans  un  Mound  à 
Fains'Island,  Tennessee  (d'ap. 
Wilson,  TheSwasti}ia,p.  880). 


l'entrelacs  cruciforme  201 

Nous  retrouvons  ce  même  signe  sur  le  linteau  d'une 
petite  porte,  aux  flancs  du  grand  monticule  artificiel  que 
couronne  le  temple  dit  la  maison  du  Nain  à  Uxmal  (Yuca- 
tan)  (époque  maya).  C'est  là  au  milieu  de  la  végétation  tro- 
picale que  j'ai  pu  le  découvrir  et  le  photographier  (fig.  7). 


Fig.  7.    —    Sur  le  linteau  d'une  petite  porte,   aux    flancs    du  monticule 
artificiel  supportant  le  grand  temple  d'Uxmal  (époque  maya;  Yucatan), 


Dans  les  manuscrits  mexicains,  il  apparaît  comme  signe 
de  l'or.  Ainsi,  dans  le  Codex  Mendoza,  on  peut  voir  un  or- 
fèvre accroupi  et  soufflant  son  feu  sur  lequel  apparaît  un 
disque  portant  l'entrelacs  cruciforme  (v.  fig.  8  et  9). 


Fig.  8-9. 


^^^^^"^"Nft) 


Image  de  l'orfèvre  mexicain.   —  A  droite,    le   signe  de    l'or 
(Codex  Mendoza). 


L'identité  est   absolue  avec   le  signe  qu'on  observe  fré- 
quemment sur  divers  objets  mérovingiens,  surtout  les  bijoux 


202  l'entrelacs  crlciforme 

(comme  nous  le  verrons  tout  à  l'heure).  Ce  point  m'avait 
été  sii^nalé  depuis  bien  des  années  par  mon  rcf^rctlé  ami, 
l'érudit  américaniste  Boban. 

Or.  fait  intéressant  à  noter,  si  rentrolaes  crucilorme  se 
trouve  très  typique  dans  l'Amérique  du  Nord  et  l'Amé- 
rique centrale  (lig.  10),  il  manque  absolument  dans  l'Amé- 


Fig.  10.  —  Sur  un  moulin  en  pierre  (metatl.)  provenant 
de  lAmérique  Centrale. 


rique  du  Sud.  On  n'en  trouve  aucune  trace  dans  les 
innombrables  décorations  des  vases  et  des  tissus  péruviens. 

Gomment  interpréter  ces  faits  ?  C'est  toujours  le  même 
problème  de  polyg-énie  et  de  monogénie.  Faut-il  admettre 
que  l'entrelacs  cruciforme  a  été  créé  en  Amérique  identique 
à  l'entrelacs  asiatique,  ou  au  contraire  faut-il  penser  que  ce 
motif,  réellement  assez  compliqué,  a  passé  de  Chine  en 
Amérique,  importé  par  des  commerçants,  des  émigrés,  des 
envahisseurs  ou  des  missionnaires  religieux  venus  du  conti- 
nent asiatique?  Nombre  de  faits  de  l'archéologie  américaine: 
objets,  motifs  décoratifs,  éléments  ethniques  et  anthropo- 
logiques même  établissent  d'ailleurs  aujourd'hui  l'existence 
de  ces  rapports  dès  une  époque  fort  reculée. 

Nous  pensons  donc,  pour  notre  entrelacs,  que  l'hypothèse 


l'entrelacs  cruciforme 


203 


de  son  apport    d'Asie  en  Amérique  est  plus  conforme  aux 
observations  qu'une  pure  hypothèse  de  création  in  situ. 

Si  maintenant  nous  revenons  à  l'Occident,  nous  consta- 
tons la  fréquence  de  l'entrelacs  cruciforme  dans  les  mo- 
saïques romaines  de  toute  provenance  (fig.   11  et  12).  Il  se 


Fig.  11.  —  Sur  une  mosaïque 
d'époque  romaine.  Fouilles 
et  Musée  de  Carmona,  près 
Séville  (Espagne). 


Fig-.  12.  —  Sur  une  mosaïque 
delà  maison  du  poète  tragique, 
à  Pompéi. 


présente  le  plus  souvent  comme  motif  décoratif  dans  la  bor- 
dure de  la  mosaïque  et  sous  sa  forme  typique  d'entrelacs 
cruciforme  avec  extrémités  arrondies  ou  carrées  (fig.  15). 


Fig.  13.  —  Sur  une  mosaïque  d'époque  romaine  provenant  de  Bobadilla 

(Espagne). 


204  l'entrklacs  cruciforme 

Tantôt  il  est  isolé,  tantôt  (comme  sur  la  mosaïque  de  F>oba- 
dilla)  l^lig.  i;{)  il  est  placé  sur  un  vrai  swastiUa  ou,  comme 
sur  une  mosaïque  d'York,  on  peut  voir  côte  à  côte  un  entre- 
lacs sur  un  swastika,  une  grecque  ayant  la  i)lus  ^rande 
ressemblance  avec  des  grecques  chinoises  anciennes,  et 
enfin  une  lig-ure  rappelant  absolument  les  entrelacs  carrés  à 
éléments  multiples  bouddhiques,  donnant  l'aspect  d'un  grand 
nombre  de  i)etits  entrelacs  cruciformes  enchevêtrés  dont 
nous  parlions  plus  haut  (%.  14j. 


Fig.  14.  —Mosaïque  d'époque  romaine.  Musée  d'York  (Angleterre). 

A  Saint- Vital  de  Ravenne,  la  mosaïque  du  dallage  pré- 
sente plusieurs  types  d'entrelacs  cruciformes  de  formes  un 
peu  différentes  (extrémités  arrondies  ou  carrées)   (fig.  15). 


"i^ 


Fig.  15.  —  Mosaïque  formant  le  pavage  d'une  des  chapelles  de  Saint  Vital 

à  Ravenne. 


l'entrelacs  cruciforme 


205 


Dans  Tart  byzantin,  l'entrelacs  cruciforme  apparaît  fré- 
quemment avec  des  entrelacs  divers  et  beaucoup  plus  com- 
pliqués. Le  Musée  de  Kensington  conserve  un  très  curieux 
suaire  copte  portant  au  centre,  soigneusement  brodé,  un  bel 
entrelacs  cruciforme  au  milieu  d'un  cadre  lui-même  entre- 
lacé (%.  10). 


Fig.  16.  —  Broderie  sur  un  suaire  copte  (Musée  de  Kensington). 

A  l'époque  mérovingienne,  il  se  rencontre  fréquemment 
sur  les  bijoux  ;  on  le  trouve  par  exemple  sur  l'ardillon  à 
base  arrondie  ou  sur  la  grande  contreplaque  de  certaines 
boucles  de  ceinture  en  bronze.  Les  deux  figures  suivantes 
sont  très  typiques  à  ce  point  de  vue.  Elles  montrent  cha- 
cune un  entrelacs  cruciforme,  reproduit  de  façons  diffé- 
rentes, mais  où  les  caractéristiques  de  la  figure  sont  indi- 
quées de  la"  manière  la  plus  nette  (fig.   17  et  18). 


1918 


16 


20(j 


l' ENTRELACS    C.lUJCIKOUMt; 


i^'^-y-^i 


A.  B. 

Fig.  17-18.  —  Boucles  mérovingiennes -en  bronze,  avec  figuration  d'cnlre- 
lacs,  des  cimetières  barbares  :  A.  Cimetière  d'Ableiges  (Seine-et-Oise). 
Collection  Capitan.  —  B.  Cimetières  de  la  Somme.  Collection  de  Morgan. 

Je  l'ai  retrouvé  sur  la  panse  d'un  petit  vase  gallo-romain 
assez  grossier  de  basse  époque,  et  qui  est  conservé  au 
Musée  de  Moulins  (fig.  19). 


Fig.  19. 


—  Petit  vase  gallo-romain  ou  mérovingien  en  terre  rouge.  3/4  gr. 
nat.  (Musée  de  Moulins,  Allier.) 


L  ENTRELACS    CRLCIFOR.ME 


207 


Comme  pour  les  mosaïques,  on  ne  peut  s'empêcher  de 
penser  qu'il  a  été  importé  d'Orient  soit  par  les  artistes,  soit 
plus  tard  par  les  envahisseurs  barbares. 

L'entrelacs  cruciforme  apparaît  d'ailleurs  fréquemment 
dans  les  décorations  mérovingiennes  et  carolingiennes  en 
Gaule, en  Grande-Bretagne,  en  Scandinavie  même,  mélangé 
aux  très  complexes  entrelacs  décoratifs,  si  fréquents  à  ces 
époques,  sur  lesquels  M.  de  Lasteyrie  '  a  attiré  depuis  long- 
temps l'attention  et  qu'a  si  bien  étudiés  M.  Prou'^.  On  le 
voit  subsister  encore  dans  la  décoration  des  monuments 
religieux  jusqu'au  xii^  ou  xin°  siècle  (fig.  20)  et  même  dans 


Fig.  20.  —  Une  face  d'un  cliapiteau  du  clocher  de  l'église  de  Brantôme 

(Dordogne),  xi°  siècle. 

la  décoration  des  étcU'es  et  de  la  céramique.  On  voit  même 


1.  R.  de. Lasteyrie,  L'architecture  religieuse  en  France  à  l'époque  ro- 
mane, p.  202-25. 

2.  M.  Prou,  Un  chancel  carolingien  orné  d'entrelacs  (dans  les  Mémoires 
de  l'Acad.  des  inscr.,  1912). 


208  l'entrelacs    CRUClFOnMR 

sa  ligure  accompagner  de  nombreuses  signatures  de  notaires, 
du  Sud  de  la  France  surtout,  dans  tout  le  mo^^en  âge. 

Mais  nous  ne  voulons  pas  insister  sur  ces  divers  points. 
On  pourrait  bien  admettre  que  la  m()ri)liolog'ie  est  identi(jue 
dans  certains  cas  et  pourrait  en  ell'et  être  considérée  comme 
une  réminiscence  inconsciente  du  i)rototype  survivant, 
mais  devenu  un  simple  motif  décoratif.  Mais  dans  d'autres, 
comme  l'a  très  justement  fait  remarquer  M.  Prou,  le  pro- 
totype d'où  dérive  l'image  calligraplii(jue  est  simplement 
la  croix.  C  est  qu'en  effet  on  peait  toujours  en  l'espèce 
émettre  les  mêmes  objections  que  dans  toutes  les  interpré- 
tations de  l'origine  d'un  type  graphique  qui,  finalement, 
ne  peuvent  se  solutionner  que  par  l'adoption  d'origines 
multiples,  ayant  toutes  abouti  à  un  graphisme  simpliiîé 
univoque.  C'est  un  fait  d'observation  banale  dans  l'étude 
des  figures  primitives  dites  dégénérées  ou  stylisées. 

Reste  la  question  de  la  signification  antique  de  ce  signe. 
Ici  nous  sommes  en  pleines  hypothèses.  Cependant  l'ethno- 
graphie nous  démontre  que  la  décoration  pour  le  plaisir  de 
la  vue  est  un  processus  très  évolué  et  très  tardif.  Chez  tous 
les  primitifs  et   même  beaucoup  d'autres  peuples,  il   n'est 
pas  une  figure  graphique  qui  n'ait  une  signification  voulue 
et  fort  souvent  une  valeur  religieuse  ou  magique.  On  peut 
donc  admettre   que  l'entrelacs  cruciforme  a   eu,    au  début 
tout  au  moins,  une  valeur  symbolique  religieuse,  magique 
ou  prophylactique.   L'origine  serpentaire  que  démontre  la 
pièce  de  Suse  pourrait  se  rapporter  à  un  culte  chthonien, 
tandis  que  les  rapports  avec  le   sw^astika  pourraient  faire 
penser    à  un  symbolisme  solaire   ou    igné.   Naturellement 
une  attribution  conventionnelle  à  un  symbole  quelconque 
varie   considérablement   suivant  l'époque   et   la  population 
envisagées.  Tel  est  le  cas,  par  exemple,  pour  les  diverses 
figures  indiennes  dites  grivatsa,  nandyavarta  et  le  swastika 
lui-même  qui  sont  considérées  par  les  bouddhistes  djaïnas 
comnie  les    empreintes  des  pieds   de   plusieurs    de   leurs 


LIVRES    OFFERTS  209 

-Bouddhas.  Mais  si  l'on  peut  admettre,  pour  Tentrelacs  cru- 
ciforme, H  l'orig-ine,  une  signification,  un  sens  caché,  une 
valeur  mystique,  il  est  devenu  ensuite,  ayant  été  copié  et 
recopié,  un  motif  décoratif  pur  et  simple  à  sens  oublié  qui 
a  pu  engendrer  des  dérivés  complexes.  Il  est  probable  que 
tel  a  été  le  cas  sur  les  mosaïques  romaines  et  les  bijoux 
mérovingiens,  bien  que,  en  pareil  cas,  il  ait  pu  subsister 
encore  une  idée  vague  que  l'on  attribuait  inconsciemment 
h  de  telles  pièces. 

Il  va  de  soi  que  ces  interprétations  ne  sont  que  des  hypo- 
thèses. Nous  avons  voulu  simplement,  par  le  groupement 
de  quelques  observations  archéologiques^  montrer  l'indivi- 
dualité de  ce  signe  et  sa  curieuse  distribution  dans  le  monde 
antique. 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Sf.chktaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  périodiques 
suivants  : 

Ancicnt  Egypt.  1917,  Part  IV  (Londres,  1918,  in-8°). 

The  American  Journal  of  Archseology .  Second  séries,  volume 
XXIM  :  January-March  1918.     , 

Bulletin  de  la  Sociélr  historique  et  archéologique  de  Langres, 
Tome  VII  (Langres,  1918,  in-8''). 

La  Nation  tchèque,  3=  année,  n»  21-22  (Paris,  1918,  in-S"). 

M.  Héron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie  plusieurs  mémoires 
dont  il  est  l'auteur  : 

1°  Une  inscription  peinte  sur  un  vase  romain  découvert  à  Beauvais 
(extr.  du  Bulletin  archéologique,  1916j. 

2°  Deux  amulettes  trouvées  à  Carthage  (extr.  du  Bulletin  archéolo- 
gique, 1916). 

3°  Statue  cuirassée  trouvée  à  Cherchel  (Algérie)  fextr.  du  Bulletin 
archéologique,  1916). 

4°  La  Messe  de  saint  Leu  ;  retable  de  Véglise  de  Boisdon  IMeaux, 
1918). 

M.  Henri  Cordiep.  a  la  parole  pour  un  hommage: 

«  Au  nom  de  notre  confrère  M.  le  duc  de  Loubat,  j'ai  l'honneur  de 


210  SÉANCE    DU    2'l    MAI    lîMS 

présenter  h  TAcadémie  doux  ;ill)uins  ront'onnanl  un  clioix  do  photo- 
graphies consacrées  à  rarclu'ologio  do  Oaxuca  i^iMexicpie).  l'rises  pon- 
dant les  hivorsdo  1897-9801  18',»U-l'J00,ollosmonlronL  les  oxploralions 
et  les  l'ouilles  failes  pour  le  Musée  américain  d"histoiro  naUnollo  de 
No\Y-York,  sous  la  direction  do  M.  H.  Saville.  Ces  fouilles  fiironl  exé- 
cutées, à  la  suilo  d'une  permission  accordée  au  Musée  par  lé  f^ouvor- 
nomont  mexicain,  en  présence  do  M.  Léopold  Ralros,  inspecteur  des 
monuments.  » 


SÉANCE    DU  2i  MAI 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VII.LEFOSSE. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts 
adresse  au  Secrétaire  perpétuel  rampl:;ition  du  décret  du  15  mai 
1918,  qui  aulorise  l'Académie  à  accepter  la  donation  qui  lui  a 
été  faite  par  M.  Nicolas  Ambatiélos,  armateur  à  Céphalonie. 

M.  Paul  Girard  communique  une  letli-edeM.  Fougères,  direc- 
teur de  l'École  d'Athènes,  annonçant  que  les  Propylées  ont  été 
débarrassés,  dans  les  premiers  jours  de  mai,  de  leurs  échafaudages. 
L'effet  est,  paraît-il,  extrêmement  heureux,  et  la  question  se 
pose,  une  fois  de  plus,  de  la  conservation  et  d'une  demi-résur- 
rection des  ruines  par  de  discrètes  restaurations.  M.  Fougères 
compte  adresser  sous  peu,  sur  le  nouvel  aménagement  de  l'entrée 
de  l'Acropole,  une  note  à  l'Académie,  avec  photographies  com- 
parées. 

M.  P.  Girard  présente,  en  outre,  un  nouveau  fascicule  du 
Bulletin  de  Correspondance  hellénique,  celui  de  janvier-août 
1916,  que  M.  Fougères  est  parvenu  à  faire  paraître  malgré  les 
difficultés  de  toute  sorte  qu'il  a  eues  à  surmonter. 

Le  Président  charge  M.  P.  Girard  de  remercier  ,M.  Fougères 
et  de  le  féliciter  du  succès  avec  lequel  il  soutient  en  Grèce  le  bon 
renom  de  la  science  française  et  l'influence  de  notre  pays. 

Le  P.   ScHEiL,  au  nom  de   la  Gornmission  du  prix  Sainlour, 


LIVRES    OFFKRTS  211 

fa'it  savoir  qu'elle  a  partagé  le  prix  entre  deux  concurrents.  Elle 
a  accordé  : 

2.000  francs  à  M.  Clément  Huart  pour  la  suite  de  sa  traduction 
du  manuscrit  arabe  :  Le  Livre  de  la  création  et  de  l'histoire,  par 
MoLihhnr  hen  T.ihir  El  M/iqdisiJnme  V  (Paris,  lOId,  in-S");  et 
1.000  francs  à  M.  Biarney  pour  ses  Etudes  sur  les  dialectes  ber- 
bères du  liif  (Lexique,  textes  et  notes  de  phonétique)  (Paris, 
1917,  in-8"). 

M.  Henri  Corpier  fait  connaître  les  conclusions  de  la  com- 
mission du  prix  Stanislas  Julien.  Cette  commission  a  évoqué 
l'ouvrage  intitulé  :  La  Chine  et  les  religions  étrangères.  Kia- 
ou  Ki-lio.  «  Résumé  des  affaires  religieuses  »,  publié  par  ordre 
de  S.  Exe.  Tcheou-Fou.  Traduction,  commentaire  et  documents 
diplomatiques,  appendices  contenant  les  plus  récentes  décisions, 
par  Jérôme  Tobar  (Chang-Haï,  1917),  et  elle  lui  a  décerné  le  prix 
pour  1918.  La  Commission  est  heureuse  d'avoir  l'occasion  de 
reconnaître  la  valeur  de  l'ensemble  des  travaux  sinologiques  de 
M.  Tobar. 

M.  HoMOLLE  fait  une  lecture  sur  la  répartition  des  métopes  du 
Trésor  des  Athéniens  découvert  à  Delphes,  et  établit  la  place 
que  chacune  d'elles  devait  occuper  sur  les  différentes  faces  du 
monument. 

MM.  PoTTiER  et  Théodore  Reixacii  présentent  quelques  obser- 
vations. 


LIVRES  offi<:rts 


Le  SECRÉTAinE  PERPÉTUEL  dépose  sur  le  bureau  le  cahier  de 
novembre-décembre  1917  des  Comptes  rendus  de  l'Académie. 

Il  présente  les  ouvrages  suivants: 

Annuario  délia  R.  Accademia  dei  Lincei,  1918. 

Annales  du  commerce  extérieur,  année  1914,  10",  11«  et  12*^  fasci- 
cules (Paris,  1914,  in-8°). 

Le  P.  ScHEiL  a  la  parole  pour  un  liommage  : 

((  J'ai   l'honneur   d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de  son  associé 


212  SÉANCE    DU    31     MAI    1018 

M.  Edouard  Navui.i:,  un  uu'nu  fascicule  liiv  du  .lournnl  of  l'J(jiji)li,in 
Archaeolocfy,  IV,  p.  iv,  228-2;i;i  {Some  Gcographical  Namcs). 

«  Entre  quatre  noies  sur  divers  noms  géographiques  anciens,  il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  signaler  celle  qui  concerne  le  nom  de  Vl'Jf/i/ple. 
Brugsch  faisait  dériver  le  mol  de  hu  kn  plixli  qui  est  un  surnom  de 
Memphis  —  comme  si  celle  expression  poétique,  mysticpie,  qui 
signifie  v(  maison  du  double  du  dieu  Plah  »,  avait  pu  frap[)er  les 
étrangers  assez,  pour  être  appliquée  par  eux  à  l'Egypte  toute  entière. 

«  Car  ce  sont  les  i^lrangers  seuls  et  non  les  indigènes  qui  appelaient 
Egypte  le  pays  riverain  du  Nil. 

«  Pour  M.  Naville,  il  s'agit  en  réalité  du  mot  Agab,  Agahl  qu'on 
rencontre  dès  l'époque  des  Pyramides,  et  qui  signifie  inondation, 
fleuve  d'inondation,  et  sans  doute  aussi,  pays  d'inondation. 

«  C'est  un  régime  d'eaux  particulier  qui  aura  frappé  les  voyageurs, 
c'est  le  mot  iVAgabt  que  les  marchands  minéens  auront  retenu,  et 
que,  allant  commercer  en  Hellade  ou  en  Asie  Mineure,  ils  apprirent 
aux  compatriotes  d'Homère. 

«  Il  est  à  noter,  en  efTel,  que  comme  Agaht  peut  signifier  à  la  fois 
et  le  fleuve  et  le  pays  lavé  par  le  fleuve,  ainsi  Al'yu-io;  désigne  et  le 
pays  et  le  fleuve  nilotiques.  Dans  l'Odyssée  on  lit,  XVII,  427  :  axT^aa 
8'Èv  AtyÛTiTfij  Tzoxa.[}M  v£aç  'a[j.cp!EÀta(ja;.  Ulysse  amarre  dans  le  fleuve 
Egypte  ses  nefs  ballottantes,  alors  que,  d'autre  part,  dans  le  chant 
IV,  355,  Aî'y'jttto;  est  un  pays  cité  à  côté  de  Chypre.  » 


SÉANCE  DU  31   MAI 


PRESIDENCE    DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  le  chanoine  Crépin,  au  nom  de  S.  E.  le  cardinal  arche- 
vêque de  Paris,  invite  l'Académie  à  se  faire  représenter  à  la 
cérémonie  qui  aui'a  lieu  le  7  juin,  à  3  heures,  à  la  basilique  de 
Montmartre. 

M.  Prou  annonce  à  l'Académie  que  la  Commission  Pellechet 
a  accordé  : 

1°  une  somme  de  trois  mille  francs  à  la  commune  de  Maillot, 
près  Sens  (Yonne),  pour  la  réparation  de  son  église,  dont  le 
g^ros  de  la  construction  remonte  au  xi^  siècle; 


SÉANCE    DU    31     MAI     1918  213 

2"  une  somme  de  quatre  cents  francs  au  Syndicat  d'initiative 
de  Laroquebrou  (Cantal)  pour  la  consolidation  de  la  tour  du 
château  de  Laroquebrou  (Cantal). 

M.  Ch.-^^  Langlois  donne  lecture  de  son  rapport  sur  le 
concours  des  Antiquités  de  la  France  pour  1918  *. 

Le  Président  annonce  que  l'Académie  a  décerné  le  premier 
prix  Gobert  à  M.  Jules  Viard  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Les 
Journaux  du  Trésor  de  Charles  IV  le  Bel  (Paris,  1917,  in-8''), 
et  le  second  prix  à  M.  le  baron  Gabriel  Le  Barrois  d'Org-eval 
pour  son  livre  intitulé  :  Le  Tribunal  de  la  Connétahlie  de 
France  du  XIV'>  siècle  à  1790  (Paris,  1918,  in-S"). 

M.  DiEHL  communique  à  l'Académie  les  conclusions  du  livre 
qu'il  a  écrit  sur  les  églises  byzantines  de  Salonique,  en  collabo- 
ration avec  deux  architectes  de  talent,  Marcel  Le  Tourneau, 
mort  prématurément,  et  H.  Saladin,  et  il  présente  quelques-unes 
des  belles  planches  dues  à  ses  collaborateurs,  qui  accompagnent 
l'ouvrage.  —  Les  églises  byzantines  de  Salonique  s'échelonnent 
chronologiquement  du  v"^  au  xiv"  siècle  :  par  les  procédés  de 
construction  qui  y  sont  employés,  comme  par  la  variété  des 
plans  qui  s'y  l'encontrent,  elles  offrent  un  intérêt  extrême.  Elles 
montrent,  en  effet,  qu'il  a  existé  au  moyen  âge  à  Salonique  une 
véritable  école  d'art,  inspirée,  comme  celle  de  Constantinople, 
de  la  tradition  hellénistique,  mais  où  se  remarquent  en  outre 
certains  traits  d'un  particularisme  local  très  digne  d'attention. 
Cette  école  a  exercé  une  grande  influence  dans  toute  la  Macé- 
doine occidentale  et  jusqu'en  Grèce.  Et  par  là,  et  davantage 
encore  par  la  beauté  de  leur  décoration  sculptée,  par  la  magni- 
fique suite  des  mosaïques  qui  les  parent,  les  églises  de  Salonique 
tiennent  une  place  essentielle  dans  l'histoire  de  l'art  byzantin. 

M.  Léger  pose  une  question  à  M.  Diehl  au  sujet  de  l'église 
Saint-Démétrius. 

M.  PoTTiER  commence  la  lecture  d'un  travail  de  M.  Dussaud, 
conservateur  au  Musée  du  Louvre,  actuellement  chef  d'esca- 
drons d'artillerie,  sur  le  Cantique  des  Cantiques. 

1.  Voir  ci-après. 


2 1  i 

APPENDICE 


RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DES  ANTIQUITÉS  DE  LA  FRANCE  DR 
1918  ;  LU  PAR  M.  CII.-V.  LANGLOIS,  MEMHRE  DE  l'acADÉ- 
MIE,    DANS   LA    SÉANCE    DU    31     MAI    1918. 

Les  circonstances  tras^iques  que  nous  traversons  ag-iront- 
elles,  à  la  longue,  pour  diminuer  le  nombre  ou  la  valeur 
des  ouvrages  présentés  aux  concours  académiques  ?  C'est 
une  question  qu'on  peut  se  poser.  Mais  il  est  probable  a 
priori,  et  l'expérience  déjà  acquise  confirme,  qu'il  faut  dis- 
tinguer. Le  nombre  des  ouvrages  présentés?  Il  est,  il  sera 
sans  doute  moindre  que  par  le  passé,  et  rien  de  plus 
naturel  puisque  tous  les  hommes  jeunes  et  dans  la  force  de 
l'âge  ont  maintenant  d'autres  devoirs.  Quant  au  niveau,  il 
n'v  a  pas  de  raison  pour  qu'il  baisse,  et  d'autant  plus  que, 
pendant  longtemps  encore,  les  ouvrages  présentés  aux 
grands  concours,  qui  sont  tous  de  longue  haleine,  ont  été 
commencés  et  en  majeure  partie  exécutés  avant  la  guerre  ; 
les  efforts  qu'ils  représentent  aboutissent  dans  l'immense 
bouleversement  auquel  nous  assistons,  mais  ils  ont  été 
conçus  et  accomplis  dans  la  paix. 

Le  concours  des  Antiquités  de  la  France  pour  cette  année 
illustre  fort  bien  ce  qui  précède.  Ce  concours,  naguère  si 
encombré,  n'a  réuni  en  1918  qu'un  nombre  relativement 
restreint  de  concurrents.  Mais  la  Commission  n'a  pas  été 
embarrassée  pour  décerner,  conformément  aux  traditions  de 
l'Académie,  ses  plus  hautes  récompenses  :  cette  première 
et  cette  seconde  médaille  si  estimées  pour  n'avoir  jamais 
honoré  que  des  travaux  excellents. 

La  première  médaille  a  été  attribuée  au  Dictionnaire 
fopof/raphique,  historique,  biographique,  généalogique  et 
héraldique  du   Vendômois  et  de  l'arrondissement  de  Veii- 


CONCOURS    DES    ANTIQUITÉS    NATIONALES  215 

dôme,  par  M.  R.  de  Saint-Venant,  président  de  la  Société 
archéolog-ique  du  Vendômois(^Blois  et  Vendôme,  1912-1917, 
4  vol.  in -8").  —  Le  plan  de  cet  ouvrage  a  été  calqué  sur 
celui  du  Dictionnaire  d'Indre-et-Loire  de  Carré  de  Busse- 
rolle  et  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui  du  Dictionnaire 
de  Maine-et-Loire  de  Célestin  Port  :  livres  excellents, 
monuments  durables,  qui  sont  vraiment  des  bienfaits  pour 
les  régions  qu'ils  concernent.  L'idéal  serait  qu'il  existât, 
pour  tous  les  pays  de  France,  des  répertoires  analogues  de 
données  exactes.  Mais  de  telles  œuvres  ne  s'improvisent 
pas.  Celle-ci,  qui  intéresse  109  communes  seulement,  est 
restée  sur  le  chantier  pendant  près  de  trente  ans,  ayant  été 
commencée  par  le  père  de  l'auteur,  mort  en  1886,  reprise 
d'abord  par  M.  de  Rochambeau,  et  ensuite,  depuis  1890, 
par  celui  qui,  sans  défaillance,  l'a  menée  à  bien,  après  en 
avoir  fort  élargi  le  cadre  primitif.  Ce  cadre  est  très  vaste, 
et  davantage  encore  qu'il  ne  paraît  au  premier  abord,  car  le 
mot  archéologique  ne  figure  pas  dans  le  titre,  et  l'archéo- 
logie, naturellement  liée  à  la  topographie  et  à  l'histoire, 
n'est  cependant  pas  exclue.  Plus  complet  à  cet  égard  que 
le  répertoire  de  Carré  de  Busserolle,  le  Dictionnaire  de 
^L  de  Saint-Venant  ofYre  la  nomenclature  des  lieux  dits, 
relevés  sur  le  cadastre  ;  des  listes  de  dignitaires  de  toutes 
sortes  ;  les  noms  et  la  généalogie  des  familles  qui  ont 
possédé  dans  le  Vendômois  une  terre,  un  fief,  une  simple 
seigneurie  ;  etc.  —  La  Commission  a  grandement  appré- 
cié le  parti  pris  de  sobriété  qui  a  permis  à  l'auteur  de 
remplacer  les  développements  faciles,  qui  auraient  été 
si  tentants  pour  un  érudit  moins  sage  et  moins  expérimenté, 
par  des  renvois  précis  aux  ouvrages  antérieurs,  de  façon  à 
réserver  la  plus  large  place  aux  renseignements  nouveaux, 
directement  extraits  des  archives  publiques  et  particulières. 
Elle  a  constaté  et  admiré  enfin  la  conscience  acharnée  d'un 
savant  qui,  malgré  l'afTaiblissement  de  sa  vue,  auquel  il  fait 
une   allusion    discrète,   s'est    attaché   à   perfectionner   son 


210  CONCOURS    DKS    ANTIQUITI^IS    NATI0NALF:S 

ouvrajjfe  jus(ju"au  dernier  moment,  comme  l'attestent  les 
errata  et  les  addenda  du  t.  IV  ;  el  aussi  la  touchante, 
modestie  qui  lui  fait  dire,  après  tant  de  services  rendus,  à 
la  fin  de  sa  préface  :  «  Pour  la  plupart  des  lieux  indiqués, 
ce  travail  n'est  qu'une  amorce.  » 

La  seconde  médaille  revient  k  M.  G.  Mollat,  qui  a  entre- 
pris une  nouvelle  édition  des  Vitae  paparuin  Avcnionen- 
siiim  d'Etienne  Baluze.  dont  le  t.  I'^'''  a  paru  en  1910,  et 
qui  a  publié  en  1917  une  Étude  critique  complémentaire 
sur  ces  Vitae.  — ■  On  sait  que  le  célèbre  ouvrage  de  Baluze, 
daté  de  1693,  commence  par  des  extraits  de  chroniques, 
relatifs  aux  Vies  des  papes  d'Avignon,  de  Clément  V  à 
Clément  VII  ;  ce  sont  ces  extraits,  découpés  pur  Baluze 
dans  des  œuvres  dont  quelques-unes  sont  considérables 
par  ailleurs,  que  M.  Mollat  a  rééditées  d'abord,  —  Il  va  de 
soi  que  c'est  dans  sa  réédition,  fort  améliorée,  que  l'on 
devra  consulter  désormais  ces  textes  dont  on  a  souvent 
l'occasion  de  se  servir.  Le  premier  éditeur  n'avait  pas 
indiqué  les  manuscrits  dont  il  avait  usé,  ni  signalé  les  cor- 
rections qu'il  avait  introduites  ;  il  n'avait  pas  non  plus 
disserté  sur  la  provenance  des  écrits  anonymes,  sur  les 
rapports  de  filiation  entre  les  diverses  chroniques,  etc.  Tous 
ces  travaux  d'aménagement,  que  les  usages  de  son  temps 
n'exigeaient  pas  de  Baluze  et  qui  sont  aujourd'hui  consi- 
dérés, avec  raison,  comme  indispensables,  M.  Mollat  les  a 
exécutés  de  son  mieux,  avec  beaucoup  de  soin.  Sa  réédition 
marque  donc  un  progi^ès  très  sensible.  Mais  est-elle  irré- 
prochable? L'entreprise  était  si  malaisée  que  cela  serait 
extraordinaire.  Des  réserves  ont  été  faites  dans  la  Commis- 
sion au  sujet  de  quelques-unes  des  dispositions  adoptées 
par  l'auteur,  qui  pourraient  être  plus  commodes,  et  même 
au  sujet  de  certaines  de  ses  conclusions  qui  ne  paraissent 
pas  de  nature  à  être  considérées  comme  des  acquisitions 
désormais  définitives  en  historiographie.  On  a,  du  moins, 
loué  unanimement  la    peine  qu'a  prise   M.    Mollat    pour 


LIVRES    OFFEKTS  217 

mettre  le  lecteur  en  état  de  vérifier  et,  au  besoin,  de  reviser 
toutes  ses  affirmations.  Et  la  Commission  exprime  le  vœu 
que  Tœuvre  conçue  avec  tant  de  courag-e  et  si  honorable- 
ment amorcée  soit  conduite,  le  plus  tôt  possible,  à  bonne 
lin. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  périodiques 
suivants  : 

Bullelin  de  la  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de 
V Yonne.  Année  1917.  1"  semestre,  71«  vol.  (i"  de  la  0"  série). 
(Auxerre,  1918,  in-8°)  ;  puis  cinq  publications  de  YAcademia  das 
Sciencias  de  Lisbonne  : 

Actas  das  Assenibleias  geraias.  Vol.  III.  (1911-1912)  (Lisboa,  1910, 
in-8°); 

Boletini  da  2^  Classe.  Actas  et  pareceres  estudos,  documentas  e  noti- 
cias.  Vol.  IX(1914-191o).  (Lisboa,  s.  d.  in-8»)  ; 

Historia  e  memôrias.  Nova  série.  Segunda  classe.  Sciencias  moraes, 
politicas  et  bêlas  letras.  Tome  XIV,  n°  4  :  As  superstiçdes  et  o  crime, 
par  Visconde  de  Carnaùde  (Lisboa,  s.  d.  in-4"')  ;  Tomo  XIV,  n°  5  : 
Privilégios  de  estrangeiros  em  Portugal...,  par  Vitor  Ribeii'o 
(Coimbra,  1917,  10-4°). 

Boletini  bibliogràfico  da  Academia  ...  de  Lisboa.  Primeira  Série. 
Vol.  I  (Coimbra,  1910-1914,  in-4''). 

M.  Henri  Cordier  offre  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  le  duc  de 
LouBAT,  son  associé,  un  album  des  photographies  des  fouilles 
faites  aux  ruines  de  Mitla,  Mexique,  pendant  l'hiver  de  1901,  par 
l'expédition  faite  à  ses  frais  par  le  Musée  américain  d'histoire  natu- 
relle de  New-York,  sous  la  direction  de  M.  H.  Saville.  Les  deux 
principaux  groupes  de  ces  ruines,  groupe  des  tombes  cruciformes 
et  groupe  du  temple  des  colonnes,  ont  été  déblayés,  et  on  a  décou- 
vert sous  le  temple  une  nouvelle  chambre  cruciforme  qui  est  la  plus 
grande  et  la  mieux  conservée  des  chambres  cruciformes  deOaxaca; 
des  panneaux  de  mosaïques  ont  été  également  découverts. 

M.  Clermont-Ganneau  présente  à  l'Académie,  de  la  part  de 
M.  Vassel,  le  n"  VIII  de  aes  Etudes  puniques  (extr.  de  la  Revue  tuni- 


218  LIVRES    OFFKKTS 

sienne).  L'auteur  y  fail  connaître  divers  monuments  cpigraphiques  ou 
aucpig-raphi([ues,  provenant  de  Carthage,  et  il  les  commente  avec  sa 
sagacité  habituelle.  On  y  remarcjue,  entre  autres,  une  petite  stèle' 
funéraire  représentant  —  chose  rare  à  ("-arthage —  la  défunte  elle- 
même  (probablement  une  prêtresse)  appelée  Ilannihal  :  c'est  le  troi- 
sième exemple  dune  femme  portant  ce  nom  fameux  ;  dans  les  trois 
cas,  le  nom  présente  une  variation  orthdgraphicpie  intéressante 
(alTaiblissement  du  het  en  he). 

M.  Théodore  Reinach  présente  de  la  part  de  l'auteur,  M.  Raymond 
Wcill,  un  ouvrage  en  deux  volumes  intitulé:  Lu  /in  du  rnoijcn  empire 
é(jijpLien  (Paris,  1918,  in-8°). 


COMPTES    RENDUS    DES    SEANCES 


DE 


L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 


SÉANCE  DU  7  JUIN 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  E.  PoTTiER  achève  la  lecture  du  mémoire  de  M.  R.  Dussaud 
sur  le  Cantique  des  Cantiques  attribué  à  Salomon.  L'auteur  a 
montré  que,  dans  l'état  actuel  du  poème,  on  ne  pouvait  pas  y 
découvrir  une  disposition  logique  ni  même  bien  intellig-ible. 
C'est  qu'en  réalité  il  y  a  quatre  petits  poèmes  qui  ont  été  mêlés 
et  dont  les  couplets  s'enchevêtrent.  En  les  séparant  les  uns  des 
autres  d'après  des  observations  fondées  sur  le  sens,  le  style  et  le 
rythme,  on  arrive  à  constituer  une  série  de  chants  lyriques  qui 
pouvaient  être  récités  dans  des  banquets  ou  dans  des  fêtes  :  le 
poème  du  roi,  le  poème  du  berger,  le  premier  poème  du  bien- 
aimé,  le  second  poème  du  bien-aimé.  Quelques  fragments  divers 
restent  encore  isolés  après  ce  triage.  Les  poèmes  ainsi  agencés 
prennent,  dans  l'hypothèse  de  M.  Dussaud,  une  physionomie 
toute  différente  et  offrent  une  composition  claire  qui  en  augmente 
singulièrement  la  valeur  et  l'intérêt. 

M.  le  co.lonel  comte  de  Castries,  communique  le  facsimilé 
de  l'acte  d'intronisation  du  sultan  du  Maroc  Moulai'  Abd-el- 
Aziz.  11  explique  à  ce  propos  ce  que  sont  ces  actes  d'inlronisa- 


220  M  VUES    OFFliRI'S 

tion,  appelés  Heïâ,  les  éléments  dont  ils  se  composent  et  la  façon 
dont  ils  sont  rédigés.  Ce  sont  des  actes  solennels  par  lesquels 
les  sujets  confèrent  au  souverain  le  droit  de  les  gouverner. 


LIVRES  OKFiaiTS 


Le  SECRÉTAinE  PERPÉTUEL,  au  nom  de  M'"'  D.  Menant,  fait  hom- 
ma"e  à  l'Académie  des  volumes  qu'elle  offre  en  mémoire  de  son 
père  pour  la  Bibliothèque  de  l'Institut  : 

Essai  sur  la  philosophie  orientale.  Leçons  professées  à  la  Faculté 
des  lettres  de  Caen  pendant  l'année  scolaire  1840-1841,  publiés 
avec  son  autorisation  i)ar  Joacliim  Menant  (Paris,  1842,  in-S"). 
("Volume  d'épreuves  avec  corrections  par  X.    Charma.) 

Recueil  de  travaux  de  J.  Menant  sur  Vélectricilé,  avec  des  lettres  de 
son  ami  le  C"'  Th.  du  Moncel. 

Mody,  Anquetil  Duperron  and Dastur  Darah  (Bombay,  1916,  in-8''). 

M.  D.  Menant,  Anqueiil-Duperron  à  Surate  (extrait  de  la  Biblio- 
thèque de  vulgarisation  du  Musée  Guiinet,  t.  XX,  1907). 

M.  D.  Menant,  Observations  sur  deux  manuscrits  orientaux  de  la 
Bibliothèque  nationale  (extrait  du  Journal  Asiatique,  années  1911  et 

1913). 

Le  Secrétaire   perpétuel    dépose   en     outre  sur    le    bureau   les 

ouvrages  suivants  : 

Edw.  Percy  Robinson,  The  great  menace  of  civilization  :  cancer, 
cause,  prévention,  cure  (New- York,  1918). 

London  University  Gazette.  Vol.  XVII,  n»  200,  29  mai  1918,  avec  un 

supplément. 

Journal  of  the  Royal  Institute  of  British  Architects.  Vol.  XXV, 
Third  Séries,  n»  7,  mai  1918  (London,  1918,  in-4°). 

M.  Henri  Cordier  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

a  Au  nom  de  l'auteur,  M.  Léon  Vallée,  conservateur  adjoint  à  la 
Bibliothèque  nationale  (section  des  Cartes),  j'ai  l'honneur  de  faire 
hommage  à  l'Académie  du  Catalogue  des  vélins  de  la  section  des 
Cartes  dont  il  est  l'auteur.  Ce  travail  utile  et  méritoire,  autographié  à 
un  petit  nombre  d'exemplaires,  comprend  292  numéros.  Il  forme  un 
supplément  à  la  collection  des  volumes  sur  vélin  du  département 


SÉANCE    DU    14    JUIN'    1918  221 

des. Imprimés  qui  atteignait  un  total  de  2227  articles  dans  l'inventaire 
de  Van  Praet  en  1828  et  montait  à  2588  numéros  en  1877,  dans  le 
Supplément  de  Delisle,  qui  ne  renfermait  pas  les  vélins  de  la  section 
des  Cartes  et  Plans.  » 


SÉANCE  DU  14  JULN 


PRESIDENCE    DE    M.     HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  le  lieutenant-colonel  Andrieu,  auteur  d'une  étude  sur  Les 
pleurants  aux  tombeaux  des  ducs  de  Bourgogne,  oirerte  à  la 
séance  du  l*^""  mai  1914,  annonce  à  l'Académie  qu'on  a  retrouvé 
un  nouveau  pleurant  dans  la  collection  de  M.  Perret-Carnot,  à 
Cercy  (Saône-et-Loire). 

M.  Ch.  de  La  Roncière,  conservateur  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, a  découvert  une  relation  de  voyage  jusqu'ici  inconnue, 
datée  de  loasis  du  Touat  et  de  l'année  1447.  D'un  intérêt  capital, 
c'est  la  première  relation  européenne  qui  donne  des  détails  cir- 
constanciés sur  l'intérieur  de  l'Afrique  occidentale.  xAntonio 
Malfante,  de  Gênes,  essayait  à  Tamentit,  dans  le  Touat,  des  opé- 
rations commerciales  que  la  demande  d'une  commission  de 
100  "/o  par  les  intermédiaires  arabes  et  juifs  rendit  impossibles. 
Là,  les  lingots  et  les  barres  de  cuivre  apportés  par  les  caravanes 
de  la  côte  et  qui  servaient  de  monnaie  aux  nègres,  étaient 
échangés  contre  la  poudre  d'or  venue  de  Tombouctou  ou  le 
beurre  végétal  produit  par  des  arbres  du  bassin  du  Niger.  Mais 
les  pirateries  des  Touaregs,  dont  Malfante  trace  un  joli  portrait 
en  les  appelant  des  Philistins,  nuisii-ent  aux  transactions.  Mal- 
fante était  Ihote,  à  Tamentit,  d  un  puissant  personnage,  pro- 
bablement le  cheikh,  qui  avait  acquis  des  richesses  en  par- 
courant pendant  quatorze  ans  le  bassin  du  Niger,  et  dont  le  frère 
était  établi  depuis  trente  ans  à  Tombouctou.  C'est  d'après  les 
récits  de  son  hôte  que  Malfante  décrit  le  bassin  du  Niger,  avec 
ses  empires  musulmans  et,  au  Sud,  ses  pays  fétichistes,  bref  ce 
qui  est  devenu  l'Afrique  occidentale  française. 

M.  Théodore  Reinagu  présente  quelques  observations. 

1917  16 


222  skam:I':  du  21   juin   l'JIH 

L1\'RES    OFFERTS 


Le    StccuKTAïuK  piiiiPKTUKL  déposo    suf  le   !)iiie;ui  : 

Un  ouvrage  de  M.  le  chanoine  Mengasson,  intitulé  :  Archidiocèse 
de  Bourges.  Publication  du  Pouillr  de  1772  et  du  Slilus  [incu- 
nable) de  1499  (Bourges,  s.  d.,  in-S"). 

Encyclopédie  do  rhluni,  24''  livraison  (Paris  et  Leyde,  l'.»18, 
in-8«). 

Bévue  de  l'histoire  des  religions,  t.  LXXVI,  n"  3,  nov.-déc.  1017  et 
t.  LXXVII,  n»  1,  janv.-fév.  1918  (Paris,  1917  et  1918,  in-8»). 

Proceedings  of  the  Boyal  Society  'of  Edinburgh,  vol.  XXXVIII, 
part.  I,  p.  1-96  (Edinburgh,  1918,  111-8°). 

Atti  délia  B.  Accademia  dei  Lincei.  Anno  CGCXIV,  1917,  Série 
Quinta.  Notizie  degli  Scavi  di  antichità,  vol.  XIV,  fasc.  10,  11,  12  (e 
Indice  del  volume)  (Roma,  1917,  in-4°). 

M.  Clermont-Ganneau  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  de  la  part  de  l'auteur, 
M.  Vassel,  un  extrait  du  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  tra- 
vaux historiques  contenant  une  Note  sur  dix-neuf  inscriptions 
puniques  de  Carthage.  Ces  inseripVions,  demeurées  juscpi'à  ce  jour 
inédites,  proviennent  des  fouilles  exécutées  en  1910  à  Carthage,  à 
l'îlot  dil  «  de  l'Amiral  »,  par  le  capitaine  Chardenet  et  le  lieutenant 
Simonnet.  Ce  sont  des  dédicaces  à  Tanit  et  à  Baal  Ilammon,  rédigées 
selon  la  formule  ordinaire  et  ne  présentant  pas  d'intérêt  particulier.  » 


SÉANCE  DU  21   JUIN 


PRÉSIDENCE    DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  Pierre  Paris,  correspondant  dé  rAcadémie,  annonce  l'en- 
voi prochain  d'un  rapport  sur  les  fouilles  de  Bolonia,  inter- 
rompues après  une  fructueuse  campagne  de  trois  mois.  Tout 
un  quartier  industriel  de  la  ville  maritime  a  été  exhumé,  et  plus 
de  cinq  cents  tombes  ont  été  fouillées  dans  la  nécropole.  Ici  et 
là,  beaucoup  d'objets  intéressants  ont  été  recueillis,  et  un  grand 
nombre  d'inscriptions  et  de  gralïîti  ont  été  relevés.  M.  P.  Paris 
espère  que  l'École  des  hautes  études  hispaniques  sera  prochai- 
nement mise  à  même  de  reprendre  les  fouilles. 


SÉANCE    DU    21    JUIN    1918 


223 


M.  Ph.  Fabia,  correspondant  de  l'Académie,  envoie  la  photo- 
graphie d'une  épitaphe  chrétienne  découverte  à  Francheville-le- 


Haul,  dans  les  environs  de  Lyon,  en  creusant  pour  les  fondations 
du  nouveau  presbytère. 


224  SÉANCE  DU  21  juiîs  1918 

La  tablette  de  marbre,  à  l'ace  sensiblement  trapé/oïclale,  qui 
porte  l'épitaphe,  mesure  Om.  33  et  Oni.  'M)  en  larj^cur,  0  in^'2'2 
en  hauteur,  0  m.  035  en  épaisseur.  La  hauteur  des  lettres  varie 
entre  Om.  03  et  0  m.  015. 

M.  Fabia  lit  :  In  hoc  lumulo  requ[i)escit  hone  memorifte 
Pascasius  qui  uixil  in  pace  annus  [quinquacjinta  ?)  ménsis  (duo) 
obief  sub  diae  {ocfauo)  K{a)l{en)d{as)  nouenibris  lustino  u[iro) 
c[larissimo)  con{su)l{e). 

«  Parmi  les  inscriptions  chrétiennes  de  Lyon  et  des  environs, 
ajoute  iM.  Fabia,  il  y  en  a  beaucoup  qui  sont  datées  d'un  post- 
consulat de  Justinus  ;  mais  il  ne  s'en  était  encore  trouvé  aucune 
qui  fût  datée  de  son  consulat  même,  c'est-à-dire  de  540  .» 

M.  Paul  Girard  communique  une  nouvelle  note  de  M.  F'ou- 
gèressur  l'aspect  que  présentent  les  Propylées,  dégagés  des  écha- 
faudages qui  y  avaient  été  dressés  en  vue  d'une  restauration  par- 
tielle commencée  en  1910  '.  Cette  note  est  accompagnée  de  deux 
photographies,  dues  à  M.  Chamonard,  le  précieux  collaborateur 
de  M.  Fougères,  et  d'un  bref  commentaire,  qui  signale  :  1"  l'im- 
pression de  majesté  rendue  à  la  face  lilst  des  Propylées  par  le 
départ  de  ce  fronton  que  l'esprit  complète  sans  peine  ;  l'entable- 
ment reconstitué  sur  une  longueur  de  quelques  mètres  rend  l'or- 
donnance intelligible,  et  en  fait  ressortir  l'imposante  simplicité  ; 
2°  cette  silhouette  triangulaire  s'harmonise  admirablement,  d'une 
part,  avec  le  fronton  Ouest  du  Parthénon,  d'autre  part,  avec  les 
silhouettes  lointaines  du  fond  de  paysage,  toutes  en  pics  qui 
semblent  moutonner  à  l'horizon  (^Egaléos,  Salamine,  monts  de 
Mégare,  etc.)  ;  3°  cette  heureuse  tentative  est  encourageante  et 
invite  à  entreprendre  le  relèvement  des  colonnes  du  Parthénon. 

M.  Victor  Segalen,  de  retour  d'une  mission  militaire  en  Chine, 
rend  compte  des  dernières  découvertes  archéologiques  qu'il  a 
été  à  même  d'effectuer  dans  ce  pays,  et  qui  viennent  compléter 
exactement,  dans  l'histoire  de  l'art  chinois,  et  en  particulier  de 
la  grande  statuaire  profane,  ses  voyages  de  1914  (mission 
Gilbert  de  Voisins,  Lartigue  et  Segalen)  et  sa  première  explora- 

1.  Voir  ci-dessus,  p.  210. 


SÉANCE   DU   21    JUIN    1918  225 

tion  de  1909.  Il  restait,  après  la  récente  découverte  de  la  sta- 
tuaire sous  les  Han  antérieurs  (ii"  et  f^  s.  avant  l'ère  chrétienne) 
et  de  celle  des  T'ang-  (vn*^,  viii*^  et  ix"  s.),  à  combler  l'espace  inter- 
médiaire. —  Les  statues  des  Leang-  (v®  et  vi''  s.)  et  des  dynasties 
voisines  viennent  occuper  ce  vide.  Pour  la  première  fois,  on 
peut  voir  étalé  ou  cité,  dans  une  série  chronologique  continue, 
tout  ce  que  Ton  connaît  actuellement  de  témoins  de  la  grande 
sculpture  de  la  Chine  antique.  Elle  se  résume  en  ces  trois  grandes 
écoles  :  Han,  Leanget  Tang.  — Le  reste (Song,  Ming  et  Ts'ing), 
seul  cité  jusque  dans  ces  dernières  années,  n'est  que  la  déca- 
dence rapide  des  époques  pi'écitées. 

M.  Segalen  écarte  délibérément,  non  de  ses  études,  mais  de 
l'histoire  authentique  de  l'art  purement  chinois,  tout  ce  qui  se 
réfère  au  bouddhisme,  —  art  encombrant,  insistant,  déplacé 
dans  la  Chine  ancienne,  où,  surtout  au  point  de  vue  de  la  scul- 
pture sur  pierre,  il  s'avère  un  art  de  seconde  main,  d'importation 
et  d'imitation. 

Il  rend  hommage,  avant  tout,  à  M.  Edouard  Chavannes, 
dont  l'Académie  et  la  science  française  avaient  il  y  a  quelques 
mois  à  déplorer  la  perte,  et  dont  les  travaux  et  l'initiation  ont 
permis  à  la  sinologie  française  de  s'engager  dans  une  voie  de 
recherches  nouvelles  dont  on  aperçoit  maintenant  toute  la  fécon- 
dité. 

M.  Franz  Cl  mont,  associé  étranger  de  l'Académie,  fait  une 
communication  sur  une  letti'e  grecque,  adressée  à  un  empereur 
romain,  qui  a  été  partiellement  éditée  en  1878  par  l'helléniste 
Charles  Graux  d'après  un  manuscrit  de  Madrid  et  publiée  au 
complet  par  le  regretté  Pierre  Boudreaux,  peu  avant  la  guerre 
où  il  devait  périr  dès  1914.  L'auteur  de  cette  épître  raconte 
comment,  étudiant  la  médecine  à  Alexandrie,  il  se  rendit  à 
Diospolis  ou  Thèbes  et  y  reçut  d'Esculape  la  révélation  des 
véritables  propriétés  des  douze  plantes  du  zodiaque  et  des  sept 
plantes  des  planètes.  Le  Mntrilensis  attribue  ce  curieux  morceau 
à  un  certain  Harpocration,  qu'on  plaçait  soit  au  iv*^  siècle,  soit 
au  n^.  lue  traduction  latine  du  moyen  âge,  conservée  dans  un 
manuscrit  de  Montpellier,  et  un  extrait  byzantin  permettent 
d'établir  qu'en  réalité    cette  lettre  a  été  écrite  par  le  médecin 


226  SÉANCE  nu  28  juin   1918 

Thessalus  de  Trallos,  charlatan  raincux  (|ui  cvil  la  vopiie  à  Honie 
sous  le  règne  de  Néron,  et  elle  acquiert  ainsi  une  valeur  nou- 
velle. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  :  Journa.1  of  the 
Royal  Institute  of  Brithh  Architects.  Tome  XXV.  Third  Séries,  n.  8, 
June  1918  (London,  1918,  in-4°). 


SÉANCE  DU  28  JUIN 


PRESIDENCE    DE    M.    HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  Théodore  Reinach  communique  une  copie  prise  par  M.  de 
Ricci  à  Vicence  d'un  fragment  d'inscription  grecque  sur  marbre. 
M.  Reinach  montre  qu'il  s'agit  d'un  texte  copié  en  17o()  par 
Fourmont  à  Athènes  et  qu'on  croyait  perdu  :  c'est  un  duplicata 
d'une  inscription  célèbre,  un  décret  athénien  de  l'an  2(0  après 
J.-C,  relatif  à  la  procession  des  éphèbes  pendant  la  fête  éleu- 
sinienne.  La  copie  de  M.  de  Ricci,  meilleure  que  celle  fie  P^our- 
mont,  donne  lieu  à  diverses  observations  intéressantes  pour  les 
philologues. 

M.  Edouard  Cuq  signale  une  nouvelle  interprétation  de  l'ins- 
cription de  Volubilis  proposée  à  l'Académie  des  sciences  de 
Turin  par  M.  de  Sanctis.  Claude  aurait  accordé  aux  lial)ilants 
de  la  ville  cinq  privilèges,  entre  autres  la  cité  romaine  qu'ils 
n'avaient  pas  encore  et  des  incola'.  Ces  incohi'  seraient,  non  pas 
des  personnes  originaires  d'une  autre  cité  et  qu'on  cherche  à 
attirer  à  Volubilis  en  leur  promettant  certains  avantages,  mais 
des  tribus  indigènes  placées  d'office  sous  la  dépendance  juri- 
dique et  économique  du  municipe  romain  créé  par  Claude. 

M.  Cuq  indique  les  raisons  qui  ne  permettent  pas  d'accueillir 
cette  interprétation.  Elle  donne  au  mot  incolx  un  sens  qu'il  n'a 


MOÏE  COMPLÉMENTAiRE  SUR   l'iNSCRIPTION  DE  VOLUBILIS    227 

pas  en  l'absence  du  qualificalH'  -confrihnti  ;  elle  n'explique  pas 
comment  Tempereur  aurait  eu  à  statuer  sur  les  successions  de 
citoyens  morts  pérégrins  '. 

M.  Th.  Reinach  présente  quelques  observations. 


COMMUNICATION 


NOTE    COMPLÉMENTAIRE    SUR  L  INSCRIPTION   DE  VOLUBILIS, 
PAR    M.   EDOUARD    CUQ,    MEMBRE    DE    l' ACADÉMIE. 

L'inscription  de  Volubilis,  découverte  au  Maroc,  en  1915, 
par  le  lieutenant  Louis  Châtelain,  a  déjà  été  commentée 
devant  vous  à  divers  points  de  vue.  Notre  président, 
M.  Héron  de  Villefosse,  en  a  fait  ressortir  l'intérêt  histo- 
rique ^  :  j'en  ai  montré  l'intérêt  juridique  en  étudiant  la 
clause  relative  aux  successions  vacantes  des  citoyens  tués  à 
l'ennemi  •'. 

Dans  une  note  récemment  communiquée  à  l'Académie 
de  Turin  %  M.  de  Sanctis  s'est  occupé  des  bénéficiaires 
des  privilèges  concédés  par  Claude  sur  la  demande  de 
Valerius  Severus,  le  vainqueur  d'^demon.  11  a  proposé 
une  interprétation  nouvelle  du  mot  incolœ.  Comme  cette 
interprétation  modifie  sensiblement  les  conséquences  qu'on 
avait  déduites  de  l'inscription,  il  me  paraît  utile  de  la  si- 
gnaler et  d'en  examiner  la  valeur. 

D'après  M.  de  Sanctis,  les  privilèges  accordés  par  Claude 
concernent  une  seule  catégorie  de  personnes  et  non  pas 
deux,  tous  les  compatriotes  de  Valerius  Severuset  non  pas 

1.  Voir  ci- après. 

2.  Comptes  rendus  de  l'Acadi'iiiie  des  inscriiilinns  et  helles-lellres,  1915, 
p.  395. 

3.  Ibid..  1016,  p.  2til.  -Jsl  :  Journal  des  Savants,  1917.  p.  4sl  et  538. 

4.  Atti    délia   R.   Accademia    délie     scienzc  di    Torino.    17    mars    1918, 
t.  53,  p.  453-458. 


228    NOTE  COMPLÉMENTAIRE  SUR  l'iNSCRIPTION  DE  VOLUBILIS 

les  citoyens  romains  de  Volubilis  et  les  incolœ,  comme  on 
l'avait  pensé  jusqu'ici.  C'est  pour  ses  compatriotes  {suis) 
que  Valerius  aurait  obtenu  de  l'empereur  la  cité  romaine 
qu'ils  n'avaient  pas  encore,  et  cette  faveur  eut  pour  résultat 
la  transformation  de  la  commune  pérégrine  en  municipe 
romain.  A  ce  municipe  auraient  été  rattachées  un  certain 
nombre  de  tribus  indig'ènes  du  voisinage  :  ces  tribus  sont 
désignées  par  le  mot  incolas.  C'est  à  tort  qu'on  a  corrigé 
le  texte  de  la  ligne  14  en  lisant  incolis  ;  l'accusatif  est  com- 
mandé par  le  verbe  inipctravit,  comme  tous  les  autres  accu- 
satifs indiquant  les  privilèges  accordés  par  l'empereur. 

Telle  est  la  thèse  de  M.  de  Sanctis  :  elle  souffre  bien  des 
objections.  La  lecture  incolas  bona  civiiim .. .  suis  inipeiravit 
a  de  quoi  surprendre  :  on  n'obtient  pas  des  personnes 
comme  on  obtient  une  succession  vacante  ;  l'empereur 
n'en  dispose  pas  à  son  gré.  Les  incolx,  qui  viennent 
s'établir  dans  une  région  autre  que  celle  de  leur  origine, 
font  un  acte  qui  dépend  de  leur  libre  volonté. 

L'auteur  affirme,  il  est  vrai,  que  le  mot  incola  n'a  pas  ici 
sa  signification  ordinaire  ;  il  s'appliquerait  uniquement  à 
ceux  que  la  loi  de  Genetiva  Julia  (c.  103)  qualifie  contri- 
huti.  C'est  une  assertion  sans  preuve  ;  il  n'y  a  pas 
d'exemple  de  contrihuti  désignés  par  le  seul  nom  à'incolse, 
et  cela  se  conçoit,  car  les  contrihuti  sont  tout  autre  chose 
que  des  incolœ.  Ce  sont,  non  pas  des  personnes  qui  viennent 
isolément  se  fixer  dans  une  cité,  mais  des  peuplades 
{ff entes)  ou  des  localités  [castella^  conciliahula)  attribuées 
par  l'autorité  administrative  à  une  ville  autonome  et,  sous 
l'Empire,  aune  cité  de  citoyens  romains.  Elles  sont  placées 
sous  la  juridiction  des  magistrats  de  la  cité  et  assujetties 
au  paiement  de  certaines  redevances.  Le  mot  attrihuere  ou 
conlrihuere  est  le  terme  technique  pour  désigner  lacté  qui 
les  subordonne  à  une  cité  déterminée.  Claude  l'emploie 
dans  le  décret  de  l'an  46  [Corp.  inscr.  lat.,  V,  o050)  par 
lequel   il    statue  sur    la   condition    des   Anauni   et    autres 


NOTE  COMfLÉIMENTAIRE  SUR  l/iNSCRIPTION   DE  VOLUBILIS    229 

quorum pariem...adtribuéam  Tridentinis,  pariem  ne  adtri- 
butam  quidem  arç/uisse  dicitur.  Si,  dans  sa  décision  en 
faveur  de  Volubilis,  il  avait  entendu  parler  de  ces  conlri- 
buti,  il  n'aurait  pas  omis  de  le  dire  ;  il  n'aurait  pas  non 
plus  omis  d'indiquer  nominativement  les  tribus  rattachées 
par  lui  à  la  cité  de  Volubilis.  Ajouterai-je  que  si  l'on 
admet  que  le  municipe  romain  n'est  pas  antérieur  à  la  dé- 
cision de  Claude,  on  se  heurte  à  une  autre  objection  ? 
Claude  aurait  subordonné  des  tribus  à  un  organisme  encore 
inexistant. 

Mais,  dit  M.  de  Sanctis,  s'il  s'agissait  d'incolse  au  sens 
ordinaire  du  mot,  comment  croire  que  Claude  ait  promis 
d'avance  et  à  la  légère  la  cité  romaine  à  des  pérégrins  rési- 
dant aux  frontières  extrêmes  de  l'Empire,  alors  qu'en  46, 
il  ne  l'accorde  qu'à  regret  aux  Anauni  attribués  au  muni- 
cipe de  Trente?  La  réponse  est  facile  :  la  situation  n'est 
pas  la  même.  Dans  notre  inscription  il  s'agit  d'un  muni- 
cipe de  formation  récente,  tandis  que  le  municipe  de  Trente, 
d'abord  Latin,  avait  reçu  la  cité  romaine  un  siècle  plus 
tôt,  en  705.  Rien  d'étonnant  que,  dans  ce  laps  de  temps, 
des  abus  se  soient  produits  et  que  des  pérégrins  aient 
usurpé  le  droit  de  cité.  Devait-on  appliquer  la  loi  qui  punit 
sévèrement  ce  délit  ?  Claude,  d'après  Suétone  (c.  25)  n'hési- 
tait pas  à  prononcer  en  pareil  cas  la  peine  capitale  :  civi- 
tatem  romanam  usurpantes  in  campo  Esquilino  securi 
percussit.  Mais  il  fallait  que  la  violation  de  la  loi  fut  cer- 
taine, ce  qui  n'était  pas  le  cas  des  Anauni.  Animadverfo, 
dit-il,  non  nimium  firmani  id  genus  honiinum  habere  civi- 
tatis  romanse  originem,  tamen  curn  longa  usurpatione  in 
possessionem  ejus  fuisse  dicitur  et  ita  permixtum  cum  Tri- 
dentinis, ut  dedtici  ab  is  sine  gravi  splendidi  rnunicipi 
injuria  non  jjossit,  patior  eos  in  eo  jure  in  quo  esse  se  exis- 
timaverunt  permanere  bénéficia  meo.  Et  il  motive  sa  tolé- 
rance par  les  services  rendus  dans  la  garde  prétorienne  et 
dans  l'exercice  des  fonctions   judiciaires.    La  décision  de 


230    NOTE  COMPLÉMENTATRK  SUR  l'iN8C.RIPTI0N  DE  VOLUBILIS. 

Claude  qui  contirme  en  bloc  la  situation  de  fait  des  Anauni, 
bien  que  leurs  titres  à  la  cité  romain»»  ne  soient  pas  trop 
solides,  est  conl'onne  aux  idées  de  cet  empereur  sur  l'ex- 
tension du  droit  de  cité.  Il  en  est  de  même  de  la  décision 
relative  aux  incolx  de  Volubilis.  C  était  une  mesure  de  sage 
administration,  surtout  aux  contins  de  l'Empire  :  elle  avait 
pour  but  de  rallier  les  indigènes  à  la  cause  de  Rome  et  de 
combler  les  vides  dans  un  municipe  dont  la  population 
avait  été  fort  éprouvée  par  la  guerre. 

Il  n'est  donc  pas  démontré  que  les  incolse  de  Volubilis 
soient  des  contvihuti.  Il  est  même  très  probable,  comme  le 
pensent  plusieurs  éditeurs,  que  la  loi  de  Genetiva  Julia  a 
distingué  les  contributi  des  incolse  et  qu'il  faut  lire,  au  cha- 
pitre 103,  incolasque  conti'ibutosque,  car  au  chapitre  126 
elle  donne  au  mot  incolse  sa  signification  habituelle  en  le 
rapprochant  de  deux  autres  catégories  de  résidents  volon- 
taires, les  hospites  eiles  adventores. 

Voyons  maintenant  s'il  est  exact  de  prétendre  que  les 
compatriotes  de  Valerius  Severus  n'avaient  pas,  avant  sa 
légation  à  Rome,  la  cité  romaine.  Deux  passages  de  l'ins- 
cription prouvent,  à  mon  avis,  le  contraire  :  d'abord  celui 
qui  concerne  bona  civium  bello  interfectorum.  Si  ces  per- 
sonnes tuées  à  l'ennemi  ne  sont  pas  des  citoyens  romains, 
leur  succession  est  régie  par  la  coutume  pérégrine  et  non 
par  le  droit  romain  ;  la  mission  confiée,  de  ce  chef,  au  légat 
aurait  été  sans  objet;  l'empereur  n'avait  pas  à  statuer  sur 
la  succession  de  citoyens  morts  pérégrins.  De  même,  la 
concession  du  connhium  avec  les  femmes  pérégrines  n'au- 
rait pas  déraison  d'être  pour  les  femmes  habitant  Volubilis 
au  moment  où  la  décision  impériale  est  intervenue  ;  mariées 
ou  non,  elles  auraient  acquis,  comme  les  hommes,  le  droit 
de  cité  et  avec  lui  le  conuhium.  Il  n'en  est  pas  ici  comme 
pour  la  concession  de  la  cité  aux  vétérans,  d'après  les  di- 
plômes militaires  :  le  droit  de  cité  accordé  à  un  soldat  péré- 
grin  au  moment  de  son  congé  est  une  faveur  personnelle  ; 


NOTE  COMI'LÉMENTAIKE  SUR   l'iNSCRIPTION  DE  VOLUBILIS    231 

une  clause  spéciale  est  nécessaire  pour  lui  conférer  le 
conuhium  avec  la  femme  pérégrine  qu'il  a  épousée  ou  celle 
qu'il  épousera  dans  la  suite. 

En  terminant,  je  signalerai  une  autre  conséquence  de 
l'interprétation  de  M.  de  Sanctis.  En  refusant  de  donner  au 
mot  incola  sa  sig-nification  ordinaire,  celle  qu'il  a  dans  tous 
les  textes  où  on  l'oppose  au  mot  civis  ou  municeps  par 
exemple  dans  le  chapitre  53  de  la  loi  de  Malaga,  l'auteur 
est  obligé  de  dire  que  l'immunité  temporaire  accordée,  par 
Claude  n'est  pas  Texemption  des  m^z/iez-a.  Ce  serait,  d'après 
lui,  l'immunité  du  sol,  l'exemption  de  l'impôt  foncier  pen- 
dant dix  ans.  D'ailleurs,  dit-il,  l'exemption  des  cliarg-es 
municipales  était  l'affaire  de  Yordo  municipii  et  non  de 
l'empereur.  Mais  cette  dernière  assertion  est  contredite 
par  de  nombreux  textes  qui  citent  des  constitutions  impé- 
riales sur  la  vacatio  munerum  (Dig.,  1,  6,  1  pr.  ;  o,  §§  1, 
2,  4,  etc.). 

Quant  à  la  première,  M.  de  Sanctis  ne  croit  pas  que 
l'immunité  du  sol  soit  nécessairement  perpétuelle.  Tout 
dépend,  dit-il,  de  l'acte  de  concession.  11  en  serait  ici 
comme  de  l'immunité  des  charges  municipales  qui  n'est 
pas  forcément  temporaire  et  personnelle,  qui  peut  être 
étendue  aux  héritiers.  Mais  l'argument  d'analogie  est  sans 
valeur  parce  que  les  mimera  sont  d'une  tout  autre  nature 
que  l'impôt  foncier.  Ce  sont  des  charges  personnelles  ou 
qui  grèvent  le  patrimoine.  L'impôt  foncier  est  une  charge 
réelle  ;  c'est,  aux  yeux  des  Romains,  le  signe  de  la  propriété 
retenue  par  l'Etat  sur  les  terres  provinciales  ^  L'immunité 
temporaire  du  sol  serait  la  renonciation  temporaire  au  droit 
de  l'Etat,  l'attribution  temporaire  de  la  pleine  propriété 
aux  possesseurs  :  résultat  contraire  aux  principes  du  droit 
romain  qui,  sous  le  Haut-Empire,  n'admet  pas  le  transfert 
de    la   propriété    ad    ternpus'^.   M.    de   Sanctis   a  confondu 

1.  Gaius,  II,  7  el  21. 

2.  Cf.  Edouard  Guq,  Manuel  des  Institutions  juridiques  des   Romains, 
1917,  p.   245,  250. 


232  LIVRES    OFFERTS 

rimmunilé  du  sol  avec  la  remise  de  l'impôt  foncier  qui 
peut  être  accordée  pour  une  ou  plusieurs  années  (Tacite, 
Ann.,  Xll,  58),  mais  qui  a  im  caractère  tout  dilTérent. 

En  somme,  l'interprétation  proposée  par  M.  de  Sanctis 
ne  saurait  être  acceptée  :  elle  donne  au  mot  uicoLt  un  sens 
qu'il  na  pas,  en  l'absence  du  qualificatif  conlrihuti.  Elle 
n'explique  ni  comment  l'empereur  a  eu  à  régler  les  succes- 
sions vacantes  de  citoyens  qui  seraient  morts  pérégrins,  ni 
pourquoi  il  accorde  aux  hommes  le  conubium  avec  des 
femmes  qui  viennent  d'acquérir  Ja  cité  romaine.  Enfin, 
en  admettant  une  immunité  temporaire  du  sol,  elle  est 
inconciliable  avec  les  principes  du  droit  romain  sur  la  pro- 
priété. 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétah^e   perpétuel   offre,   au  nom    de  l'auteur,    M.  Alfred 
Merlin,  deux  plaquettes  intitulées  : 

Dédicace  à  la  Mère  des  dieux  trouvée  à  Carlhage  (extrait  du  Bull. 
archéoL,  1917)  ; 

Note  sur  des  tombeaux  puniques  découverts   à   Carthage  en    1916 
(extrait  du  Bull.  archéoL,  lOl?"!. 

M.  Paul  FouRNiER  présente  au   nom  de  M.  Joseph  Duquesne,  une 
étude  intitulée  :    François  Bauduin    et  la  Réforme  (Grenoble,  1917, 

in-8"). 


Le  Gérant,  A.  Picard. 


MACO^J.  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS. 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES-LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 


SEANCE  DU  3  JUILLET 


PRESIDENCE    DE    M.    A.     HERON    DE    VILLEFOSSE. 

M.  Théodore  Reinagh  communique  à  l'Académie  un  petit 
monument  récemment  découvert  en  Allemagne,  près  de  l'em- 
bouchure de  la  Moselle  dans  le  Rhin.  D'un  côté,  on  voit  la  mère 
des  dieux  avec  son  lion,  de  l'autre  une  tête  barbue,  celle  d'un 
Germain  vaincu.  Une  inscription  en  langue  celtique  contient  la 
dédicace  par  un  tribun  militaire,  Gassius  fils  d'Ansancatnus. 
C'est  la  première  inscription  celtique  découverte  dans  le  pays 
mosellan,  et  il  est  piquant  de  constater  qu'elle  commémore  une 
victoire  des  Gaulois,  désormais  unis  à  Rome,  sur  la  barbarie 
germanique. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  à  l'Académie,  de  la  part 
du  commandant  Thyl,  chef  d'escadron  de  l'état-^major  polonais, 
une  inscription  votive,  trouvée  en  Numidie  dans  les  ruines  de 
l'antique  Thibilis,  aujourd'hui  Announah  : 

VENERI-AVG 
MDMIQCLODI 
VSMFQVIN 
TILLVS  NOMI 
NE  FVFICIAE 
VITAE  QVON 
DAM-MARITAE 
SVAE  DEDIT 

1918  j, 


234  RAPrORT  DU  SECRÉTAIRE  PKRPÉTUEL 

Ce  texte  est  gravé  sur  la  face  d'un  petit  autel  quadrnngulairé, 
exhumé  dans  la  cour  de  la  caserne  de  gendarmerie  par  les  soins 
du  commandant  Thyl,  en  tournée  d'inspection  dans  cette  loca- 
lité ;  il  olFre  les  noms  de  deux  divinités  Veneri  Auff[uslae); 
M{a(n')  d{cum)  mincjnae)  I[deae).  L'autel  a  été  consacré  par 
Q.  Clodius  Quintillus  en  souvenir  et  au  nom  de  sa  femme  dé- 
funte Fulicia  Vila. 

Le  Musée  du  Louvre  possède  un  autre  autel  à  la  Mère  des 
dieux  provenant  également  de  Thibilis  ',  ainsi  qu'un  bas-relief 
représentant  cette  déesse  assise  de  côté"  sur  un  lion.  M.  A.  Joly  a 
découvert  dans  les  mêmes  ruines  un  autel  dédié  à  Venus 
Erucina  qui  devait  son  surnom  au  célèbre  sanctuaire  du  mont 
Eryx  en  Sicile  où  elle  était  l'objet  d'un  culte  spécial  -. 

M.  J.-B.  Chabot  fait  une  lecture  sur  Edesse  pendant  la  pre- 
mière croisade. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret  pour  entendre  le  rap- 
port du  Secrétaire  perpétuel  sur  les  travaux  des  commissions  de 
publication  de  l'Académie  pendant  le  premier  semestre  de, 1918^. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Homolle  commence 
la  lecture  d'un  article  qu'il  a  consacré  à  Maxime  Gollignon,  di- 
recteur des  Monuments  Piot,  et  qui  paraîtra  dans  un  des  pro- 
chains fascicules  de  cette  collection. 


APPENDICE 


Rapport    semestriel   du    secrétaire    perpétuel   sur  la  situation 

DES     PUBLICATIONS     DE     l'aCADÉMIE     PENDANT     LE    PREMIER     SEMEaTRE 
1918;    LU    DANS    LA    SEANCE    DU    5    JUILLET    1918. 

Ce  rapport  sera  ce  que  les  circonstances  présentes  permet  qu'il 
soit,  très  court. 

Depuis  le  début  de  l'année  ont  paru  :  la  notice  de  M.  Antoine 
Thomas  sur  le  manuscrit  latin  47 8H  du  Vatican,  la  notice  de 

1.  Corp.  inscr.  làt.,  VIII,  n"  5524. 

2.  Bull,  archéol.du  Coinilé,  \901,  p.  240. 

3.  Voir  ci-après. 


RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  PERPÉTUEL  235 

M.  Doutrepont  sur  le  manuscrit  français  i  1 594  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  et  le  mémoire  de  M.  Cuq  sui'  les  nouveaux 
fragments  du  Code  de  Bammourahi. 

Le  mémoire  de  M.  Fournier  sur  les  Collections  canoniques 
romaines  de  Vépoque  de  Grégoire  VU  a  été  renvoyé  à  Timpri- 
merie  avec  le  bon  à  tirer,  ainsi  que  celui  de  M.  Foucart  sur  Le 
culte  des  héros  chez  les  Grecs  ;  celui  de  M.  Dieulafoy,  sur  La 
mosquée  d'Hassan,  au  Maroc,  est  entièrement  composé. 

Pour  nos  autres  publications,  voici  la  situation  actuelle  : 

Histoire  littéraire  de  la  France.  — Le  bon  à  tirer  des  dix-sept 
premières  feuilles  du  tome  XXXV,  contenant  le  long  article  de 
notre  regretté  confrère  Paul  Viollet  sur  Guillaume  Durant  le 
jeune,  a  été  remis  en  mai  à  llmprimerie  nationale. 

Ont  été  lus  en  commission  et  sont  en  partie  composés  en 
placards  un  article  de  M.  Antoine  Thomas  sur  Bernard  Gui  et 
deux  autres  de  M.  Ch.-V.  Langlois  sur  un  Anonyme  de  Bayeux 
et  Marco  Polo. 

Chartes  et  diplômes.  —  L'Imprimerie  nationale  a  envoyé  le 
17  avril  dernier  les  épreuves  en  placards  de  l'Introduction  aux 
Actes  des  rois  de  Provence,  dont  le  manuscrit  lui  avait  été  remis 
au  mois  de  janvier.  Les  épreuves  ont  été  corrigées  et  le  bon  à 
mettre  en  pages  donné  à  la  fin  de  juin  par  M.  Prou. 

Le  manuscrit  du  recueil  des.4c^e5  de  Pépin  /"  et  de  Pépin  II, 
rois  d'Aquitaine,  par  M.  Levillain,  a  été  transmis  à  l'imprimerie 
le  6  mars  dernier.  Elle  a  envoyé  le  4  juin  les  dix  premiers  pla- 
cards, qui  viennent  d'être  corrigés. 

Pour  le  recueil  des  Actes  de  Philippe  Auguste,  le  travail  en 
est  au  même  point  qu'il  y  a  six  mois.  Le  tome  II  ne  peut  être 
mis  sous  presse,  car  il  est  nécei;saire,  pour  l'établir,  de  colla- 
tionner  certains  textes,  actuellement  en  pays  envahi. 

M.  Berger  a  pris  comme  auxiliaire  pour  la  rédaction  de  la 
table  M.  Lecestre;  toutes  les  fiches  lui  ont  été  remises  cet  hiver 
par  notre  confrère.  Il  a  presque  achevé  la  révision  et  le  classe- 
ment de  la  lettre  P  ;  quant  au  travail  d'identification  des  noms 
de  lieux,   il  n'a   pas  encore  pu  l'entreprendre  méthodiquement. 

Pouillés.  —  M.  Et.  Clouzot,  nommé  auxiliaire  de  l'Institut  au 
mois  de  janvier  dernier,  a  continué  à  s'occuper  avec  diligence 
de  la  correction  des  épreuves  du  tome  VIII,  i^épondant  aux  pro- 


236  RAPPORT  nr  skcrétaire  pkrpktukl 

vinces  d'Aix,  d'Arles  el  d'Embrun.  Le  texte  du  volume  est  com- 
plètement en  pnf^es.  Le  bon  à  tirer  des  feuilles  A  el  B  a  été 
donné  à  la  lin  de  décembre  1917.  Depuis,  Tauteur  et  le  direc- 
teur, notre  confrère  M.  Prou,  ont  demandé  une  seconde  épreuve 
des  feuilles  G  et  K  el  des  feuilles  1  à  24.  M.  Glou/.ot  a  presque 
terminé  le  manuscrit  de  la  table  ali)habétique  qui,  comportant 
l'identillcalion  de  tous  les  noms  de  lieux,  est  un  travail  long^  et 
difficile. 

La  mobilisation  de  M.  Lalouche  a,  comme  il  vous  a  été  déjà 
dit,  interrompu  l'impression  des  Pouillés  de  la  province  de 
Bourges. 

Obituaires.  —  11  en  est  de  même  pour  le  tome  IV  des 
Obiluaires  (province  de  Sens,  diocèse  de  Troyes),  dont 
M.  Boutillier  du  Retail  est  charg-é.  Le  travail  est  suspendu. 

Corpus  inscriplionuni  semiticarum.  —  Le  P.  Scheil 
poursuit  activement  la  préparation  de  la  partie  himyarile.  Le 
fascicule  troisième  du  tome  11 1  est  tiré  ;  on  pourrait  le  mettre  en 
distribution  ;  la  commission  du  Corpus  a  jugé  qu'il  valait  mieux 
en  doubler  le  volume  au  moyen  d'un  nouvel  appoint,  dont  la 
mise  sous  presse  pourra  commencer  avant  la  fin  de  cette  année. 

Pour  la  partie  phénicienne,  le  début  du  tome  III  a  été  mis  en 
pages.  Les  trois  feuilles  qui  le  composenl  pourront  être  tirées 
après  une  nouvelle  révision. 

De  la  partie  araméenne  (tome  III),  138  placards  ont  été  re- 
tournés à  l'Imprimerie  nationale  depuis  le  début  de  l'année. 
Aucun  n'en  est  encore  revenu.  Il  reste  52  placards  à  corriger. 
Afin  d'éviter  des  remaniements  dispendieux,  on  attendra,  pour 
s'en  occuper,  d'avoir  reçu  la  photographie  des  estampages  qui, 
ainsi  que  nous  l'a  annoncé  notre  confrère  M.  J.-B.  Chabot,  ont 
été  heureusement  retrouvés  à  Jérusalem  lors  de  la  prise  de  la 
ville  par  l'armée  anglaise. 

Les  douze  feuilles  du  Répertoire  d'épigraphie  sémitique 
(tome  III),  dont  le  bon  à  tirçr  avait  été  donné  à  la  fin  de  dé- 
cembre, n'ont  pas  encore  été  livrées.  Lasuiteest  mise  en  pages. 
On  a  remis  pour  l'impression  les  tables  du  tome  III.  Quant  au 
tome  IV  (premier  fascicule),  la  copie  attend  le  moment  où 
l'imprimerie  sera  en  mesure  d'en  entreprendre  la  composition. 

Vous  savez  qu'il  a  été  décidé  que  le  Journal  des  savants  ne 


LIVKES    OFFERTS  237 

paraîli'ait  plus  jusqu'à  nouvel  ordre  que  tous  les  deux  mois. 
L'application  de  cette  mesure  a  commencé  avec  le  premier  nu- 
méro de  l'année. 

Notre  confrère,  M.  Homolle,  aidé  de  M.  Jamot,  prépare  deux 
nouveaux  fascicules  des  Mélanges  Piol.  Le  second  fascicule  du 
tome  X'XII  devrait  être  tiré  sans  les  complications  actuelles  qui 
entravent  toutes  les  publications.  Le  premier  fascicule  du 
tome  XXIII  est  en  voie  d'impression. 

L'impression  de  nos  Comptes  rendus  continue  très  réguliè- 
rement, mais  le  tirage  des  feuilles  composées  est  loin  d'être 
rapide.  Le  dernier  numéro  de  1917  vient  de  paraître.  Le  numéro 
de  janvier-février  1918  est  en  pages,  celui  de  mars-avril  éga- 
lement. Le  texte  des  séances  de  mai  et  de  juin  est  presque  entiè- 
rement composé. 


LIVRES    OFFERTS 


M.  Ch.  DiEHL  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«J'ai  l'honneur  d'offrira  l'Académie,  au  nom  de  mon  collaborateur 
M.  Saladin  el  au  mien,  l'ouvrage  intitulé  :  Les  monuments  chrétiens 
de  Salonique,  avec  l'album  de  68  planches  qui  l'accompagne. 

«J'ai  eu  récemment  l'occasion  d'indiquer  à  l'Académie  les  condi- 
tions, parfois  assez  difficiles,  dans  lesquelles  ce  travail  a  pu  être 
mené  à  bien,  et  je  n'aurais  donc  rien  de  plus  à  dire  d'un  livre  auquel 
j'ai  pris  une  très  grande  part,  si  je  n'avais  à  m'acquitter  d'une  double 
dette  de  reconnaissance.  Je  tiens  à  remercier  d'abord  les  architectes 
de  talent  à  qui  sont  dues  l'illustration  de  l'ouvrage  et  les  planches 
qui  l'accompagnent  :  Marcel  Le  Tourneau,  mort  prématurément  et 
dont  les  belles  aquarelles,  les  relevés  précis  et  sincères,  les  dessins 
et  les  photographies  remarquables  donnent  tant  de  prix  à  ces 
recherches;  H.  Saladin,  qui  a  continué  et  achevé  avec  tant  de  dévoue- 
ment et  de  compétence  l'œuvre  de  son  confrère  trop  tôt  disparu. 
Et  je  dois  remercier  également  la  maison  E.  Leroux  qui  a  édité  ce 
livre  et  qui,  par  un  effort  persévérant  dont  on  devine  les  difficultés, 
a  su,  en  pleine  guerre,  faire  de  cet  ouvrage  un  monument  assez 
digne  d'estime  de  la  librairie  française. 

«  Salonique,  depuis  trois  ans  bientôt,  est  un  des  endroits  qui 
retiennent  l'attention  de  la  France  et  où  s'écrit  une  page  de  notre 


238  SÉANClî    DC!    12    JITLLET    1018 

histoire  militaire.  Peut-être  ne  semblera-t-il  pas  sans  intérêt  que 
des  Français  aussi  aient,  pour  la  première  fois,  éluclié  de  façon 
complète  les  monuments  de  la  grande  ville  macédonienne,  en  une 
de  ces  œuvres,  comme  nous  en  comptons  plusieurs  déjà  et  de  haute 
valeur,  où  s'associent,  pour  le  plus  grand  profit  de  la  science,  des 
architectes  et  des  historiens  de  l'art.  » 


SÉANCE  DU  12  JUILLET 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  de  la  correspondance 
qui  compi'end  : 

Une  lettre  de  M.  le  Président  de  la  section  permanente  de 
l'OfTice  national  des  Pupilles  de  la  Nation,  invitant  l'Académie 
à  se  faire  représenter  à  la  manifestation  solennelle  organisée  au 
Trocadéro  à  l'occasion  du  14  juillet  ; 

Une  lettre  de  M.  le  directeur  de  l'Ecole  française  d'Extrême- 
Orient  contenant  un  compte  rendu  sommaire  de  l'activité  de 
l'École,  du  mois  de  juillet  1917  au  mois  d'avril  1918.  —  Renvoi 
à  la  Commission  de  l'École  française  d'Extrême-Orient  ; 

Un  article  allemand  communiqué  par  M.  le  Ministre  de  la 
guerre,  relatif  à  des  découvertes  préhistoriques  faites  en  Pales- 
tine. —  Renvoi  à  M.  Salomon  Reinach. 

Le  Président  exprime  à  M.  Dieulafoy,  qui  vient  de  quitter 
l'armée  pour  rentrer  à  Paris,  la  joie  qu'éprouvent  ses  confrères 
de  le  voir  revenu  parmi  eux. 

M.  Salomon  Reinach  communique  une  note  de  M.  E.  Passe- 
mard  sur  les  sculptures  des  parois  de  la  caverne  d'Isturitz 
(Basses-Pyrénées)  : 

«  C'est  en  1913  que  les  reliefs  de  la  caverne  d'Isturitz  ont  été 
découverts. 

«   A  la  suite  d'un  éboulement,  un  témoin  conservé  contre  une 
grosse  roche  centrale  s'etfondra  complètement,  laissant  à  décou 
vert  un  panneau  précédemment  caché  par  la  couche  archéolo- 


SÉANCR    DU    12    JUILLET    1918  239 

gique.  Il  fut  facile  d'y  discerner  la  silhouette  d'un  animal,  un 
renne  légèrement  en  relief,  dont  les  traits  étaient  profondément 
gravés  dans  la  stalagmite  ancienne. 

«  Dégagé  de  la  terre  et  de  l'argile  qui  y  adhéraient,  ce  panneau 
laissa  apparaître  en  surcharge  deux  autres  figures  plus  petites, 
représentant  respectivement  un  cerf  et  une  biche. 

«  Puis,  à  mesure  que  la  roche  fut  dégagée  de  la  terre  qui  la 
recouvrait,  apparurent  un  certain  nombre  d'autres  figures  (une 
quinzaine).  On  a  reconnu  les  animaux  suivants  :  une  tête  de 
mammouth  ;  une  tête  de  capridé,  probablement  un  bouquetin  ; 
les  jambes  d'un  animal  galopant,  probablement  un  équidé;  puis 
un  cheval  dont  la  tête  manque,  mais  dont  les  jambes  sont  par- 
faitement dessinées  ;  au-dessus,  une  tête  de  bovidé  accompagnée 
d'un  animal  difficile  à  identifier.  Vient  ensuite  une  silhouette 
grossière,  mais  précise,  de  carnassier  qui  semble  bien  être  un 
ours;  d'autres  silhouettes  peuvent  être  interprétées,  Tune  comme 
un  grand  bison,  l'autre  comme  une  tête  de  cheval,  une  autre 
encore  comme  une  tête  de  loup.  Il  est  à  remarquer  que  ces 
figures  procèdent  de  la  technique  du  sculpteur  bien  plus  que  de 
celle  du  graveur.  Elles  ont  été  exécutées  avec  grand  soin  en 
utilisant  les  formes  étranges  des  coulées  de  stalagmite.  Le  fait  le 
plus  important  est  qu'elles  se  trouvaient  être  entièrement 
recouvertes  avant  les  fouilles  par  le  sol  actuel  de  la  grotte, 
formé  de  la  couche  archéologique,  ce  qui  explique  qu'il  n'avait 
jamais  été  possible  d'en  découvrir  aucune  avant  le  commence- 
ment des  travaux.  On  peut  donc  leur  assigner  un  âge  précis, 
car  la  figure  la  plus  basse  se  trouve  légèrement  au-dessus 
d'une  couche  d'argile  stérile  surmontée  elle-même  d'un 
niveau  solutréen  à  pointes  en  feuilles  de  laurier,  des  niveaux 
du  magdalénien,  ancien,  inférieur,  moyen  et  supérieur 
contenant  respectivement  des  sculptures  en  ronde  bosse  sur 
pierre  et  sur  bois  de  renne,  des  gravures  sur  os,  sur  bois  de 
renne  et  ivoire,  sur  pierre,  ainsi  que  les  formes  de  pointes  de 
sagaies  et  de  harpons  qui  accompagnent  généralement  ces 
niveaux. 

«  Il  ne  paraît  donc  pas  possible  que  ces  reliefs  puissent  être 
plus  récents  que  le  magdalénien  très  ancien  ou  que  le  solutréen 
immédiatement  sous-jacent.   » 


240  SÉANCE    DU    19    JUILLET    1918 

M.  Salomon  Reinach  présente  les  photographies  envoyées  par 
M.  Passemard,  et  insiste  sur  l'importance  de  ces  sculptures. 

M.  lIoMOLLE  achève  la  lecture  commencée  à  la  dernière 
séance.  Il  analyse  les  articles  que  Maxime  Collignon  a  écrits  pour 
les  Monuments  Pîot,  caractérise  son  talent  ei  explique  la  part 
qu'il  a  prise  à  la  fin  de  sa  vie  à  la  direction  de  cette  publication. 

M.  Paul  Girard  fait  une  première  lecture  d'un  travail  qu'il 
se  propose  de  donner  aux  Mémoires  de  l'Académie.  C'est  une 
étude  sur  la  langue  d'Homère. 

MM.  Maurice  Groiset  et  Boughé-Leclercq  présentent 
quelques  observations. 

LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  : 

Mémoires  de  V Académie  de  Nîmes,  VII«  série,  t.  XXXVIH,  années 
1916  et  1917.  Nîmes,  1918,  in-8°. 

London  University  Gazette,  col.  XVII,  n»  201,  3  juillet  1918. 

Le  Secrétaire  perpétuel  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  M.  Ph . 
Fabia,  son  correspondant,  un  opuscule  intitulé  :  La  garnison  ro- 
maine de  Lyon. 

Il  présente  ensuite  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  Eugène  Le  Senne, 
un  ouvrage  intitulé  :  Mélanges  Emile  Le  Senne,  et  publié  par  la  So- 
ciété historique  et  archéologique  des  VIII«  et  XVIP  arrondissements, 
en  l'honneur  dÉmile  Le  Senne,  son  secrétaire  général,  tué  à 
l'ennemi.  C'est  un  recueil  d'études  sur  cette  partie  de  l'aggloméra- 
tioa  parisienne. 

SÉANCE  DU  19  JUILLET 


PRÉSIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Omont  annonce  à  l'Académie  que  quelques  fragments  d'un 
très  ancien  manuscrit  latin,  en  écriture  semi-onciale,  du  v«  ou 
VI»  siècle,  ont  été  découverts  récemment  par  M.  Reygasse,  admi- 
nistrateur de  Tébessa  (Gonstantine)  et  viennent  d'être  offerts  à 


FRAdMENTS    d'uN    MANUSCRIT    LATIN  241 

la  Bibliothèque  nationale  par  M.  Stéphane  Gsell,  correspondant 
de  l'Académie  et  professeur  au  Collège  de  France  *. 

M.  Clermont-Ganneau  entretient  l'Académie  d'un  style  à  écrire 
du  Musée  de  Cologne,  publié  depuis  longtemps  et  inséré  au 
XIII«  volume  du  Corpus.  On  y  lit  :  HEGO  I  SCRIBO  |  SINEM  | 
MANUM,  chaque  mot  étant  disposé  sur  une  des  faces  de  l'objet. 
Le  sens  qu'on  obtient  en  expliquant  sinein  innnum  comme 
synonyme  de  sine  manu  n'étant  pas  satisfaisant,  M.  Clermont- 
Ganneau  propose  de  voir  dans  ces  deux  groupes  de  lettres  la 
phrase  :  sine  m[i]  manuni,  «  prête-moi  ta  main  »,  et  pense  que 
l'original  porte  peut-être,  au  lieu  de  HEGO,  ET  EGO  2. 

MM.     Théodore    Reinach    et    Bouché-Leglercq     présentent 
quelques  observations. 


COMMUNICATIONS 


FRAGMENTS    d'uN    TRÈS    ANCIEN    MANUSCRIT    LATIN 

PROVENANT  DE    l' AFRIQUE    DU    NORD, 

PUBLIÉS    PAR    M.    H.    OMONT,    MEMBRE    DE    l'aCADÉMIE. 

Le  département  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale a  reçu  récemment  en  don  de  notre  savant  correspon- 
dant M.  Stéphane  Gsell,  professeur  au  Collège  de  France,  des 
fragments  d'un  très  ancien  manuscrit  latin,  sur  parchemin, 
provenant  de  l'Afrique  du  Nord,  et  dont  la  date  peut  être 
rapportée  au  v*  ou  vi^  siècle.  Ces  fragments  ont  été  décou- 
verts au  mois  de  juin  dernier  par  M.  Reygasse,  adminis- 
trateur de  la  commune  mixte  de  Tébessa,  dans  une  grotte 
située  à  vingt-cinq  kilomètres  au  Sud  de  Telidjen,  localité 
qui  se  trouve  elle-même  à  une  cinquantaine  de  kilomètres 


1.  \'oii'  ci- après. 

2.  Voir  ci-après. 


242  FRAGMENTS    d'uN    MANUSCRIT    LATIN 

au  Sud-Ouest  de  Tébcssa.  C'est  la  première  découverte  de 
ce  genre,  semble-t-il,  et  on  peut  supposer  que  le  volume 
dont  ils  sont  les  seuls  restes  avait  été  apporté  dans  cette 
grotte  par  des  chrétiens  fuyant,  à  la  fin  du  vii^  siècle,  l'in- 
vasion des  Arabes. 

Ils  se  composent,  d'une  part,  de  treize  feuillets  lacérés 
dans  leurs  marges  extérieures,  au  recto  desquels  subsiste 
une  partie  notable  de  la  première  colonne,  et  au  verso,  de 
la  deuxième  colonne  de  chaque  feuillet  ;  d'autre  part,  de 
huit  fragments,  allongés  en  diagonale,  d'autant  de  feuillets 
du  même  manuscrit,  sous  forme  de  bandes  étroites,  pré-* 
sentant  seulement  quelques  lettres  en  bordure,  à  droite  et 
à  gauche,  de  la  marge  intéineure  qui  sépare  les  deux 
colonnes  de  l'écriture  du  manuscrit. 

On  peut  estimer  que,  dans  l'état  primitif  du  volume, 
chaque  feuillet  devait  compter  une  trentaine  de  lignes  à  la 
page,  écrite  à  deux  colonnes,  séparées  par  une  marge  inté- 
rieure de  2  centimètres  environ,  et  dont  les  lignes,  mesu- 
rant chacune  5  centimètres,  sont  composées  de  douze  à 
quinze  lettres  en  moyenne.  Les  treize  feuillets  aujourd'hui 
subsistants,  découpés  en  forme  de  R,  mesurent  11  centi- 
mètres en  hauteur  sur  10  en  largeur  dans  leurs  plus  grandes 
dimensions  ;  on  y  compte  dix-huit  lignes  au  plus. 

L'écriture  est  une  semi-onciale  régulière,  caractérisée 
par  les  formes  minuscules  des  lettres  b,  d,  g^  r,  s,  et  dont 
la  date  peut,  selon  toute  vraisemblance,  être  reculée  jus- 
qu'au  v*^   ou  vi^  siècle.    On  y  rencontre   les   abréviations 

ordinaires  :  g?s,  di,  do,  dns,  dne,  xpi,  xpo  {Deus,  Dei,  Deo, 
Dominus,  Domine,  Christi,  Christo)  ;  un  point,  aussi  bien 
dans  le  corps  qu'à  la  fin  des  lignes,  y  tient  quelquefois  lieu 
de  la  syllabe  finale  us  ou  ue  :  dornib.,  operib.,  q.,  neq. 
[domibus,  operibus,  que,  neque)  ;  un  trait  horizontal,  légè- 
rement recourbé  aux  deux  extrémités  et  placé  au-dessus  et 
au  delà  de  la  dernière  lettre,  à  la  fin  des  lignes,  y  remplace 
la  lettre  m  ou  quelque  fois  n  ;  à  l'extrémité  des  lignes  éga- 


<JL 


^^> 


f 


B 


F^^^  iTt>  oivicjor^î: 

Il  Itri  b  •  jap  or  «ti^i 
/     cïtja.nCinciitr|Mf| 


^1^- 


FRAGMENTS   DE   iMANUSCRIT   LATIX,    DU   V 


V 


3 
'y; 
r. 


ce 


I    VI'=  SIKCI.E,    DECOUVERTS   EX    ALGERIE 


ii^b    r»Tfti  A    Ffifi-' 


PROVENANT    DE    l'aFRIQIE    DU    NORD  243 

lemeut  se  rencontrent  les  lig-atures  des  lettres  se,  en,  nt,  os. 
Comme  marque  de  ponctuation,  on  trouve  fréquemment  un 
espace  blanc  à  l'intérieur  des  lig'nes  et  la  phrase  qui  suit 
débute  souvent  par  une  lettre  initiale  un  peu  plus  grande. 
Pour  indiquer  une  ponctuation  plus  forte,  le  scribe  a  tracé 
en  marge  une  lettre  initiale  beaucoup  plus  grande,  et  le 
début  des  chapitres  paraît  avoir  été  marqué  par  une  pre- 
mière ligne  en  lettres  capitales  de  hauteur  double  de  celle 
des  caractères  ordinaires. 

'Il  ne  semble  pas  que  le  texte  théologique,  que  nous  ont 
conservé  ces  feuillets  si  misérablement  lacérés,  puisse  être 
identifié  avec  quelqu'une  des  œuvres  connues  des  Pères  de 
l'Eglise,  et  on  n'y  trouve  aucun  nom  propre,  aucune  indi- 
cation de  livre  ou  de  chapitre  qui  puisse  aider  à  en  déter- 
miner l'auteur.  Toutefois,  autant  qu'on  en  peut  juger,  le 
style  général  de  ce  traité,  ainsi  que  les  mentions  répétées 
qu'on  y  rencontre  relatives  aux  catéchumènes,  permettent 
peut-être  de  hasarder  avec  quelque  vraisemblance  l'hypo- 
thèse que  ces  fragments  appartiendraient  à  l'une  des 
œuvres  perdues  d'un  Père  latin  peu  connu  du  iv°  siècle, 
Nicétas  de  Remesiana,  dont  la  personnalité  a  même  été 
dédoublée  jadis  par  les  éditeurs  et  les  bibliographes  ^ . 
Faut-il  y  reconnaître  quelques  pages  du  premier  de  ses 
Lihelli  instructionis,  aujourd'hui  perdu  et  dont  Gennade 
nous  a  conservé  le  titre,  le  Libellas  primus,  qualiter  se 
deheant  hahere  compétentes'^  Il  appartient  aux  théologiens 
d'en  décider. 


1.  Voir  Migne,  Patr.  lai.,  t.  LU,  col.  837  et  suiv.,  et  t.  LXVIII,  col.  361 
et  suiv.,  mais  surtout  le  récent  ouvrage  du  Rév.  A.  E.  Burn,  Niceta  of 
Remesiana,  his  life  and  irorks  (Cambridge,  1905,  in-S"). 


244  FRAGMENTS    d'uN    MANUSCRIT    LATIN 

Fol.  I  recto,  col.    I.  l'^ol.  I  verso,  cnl.  2. 


upa 

fideliu[m].  .  .  .  [ju-] 
diciuni  non  .  .  . 
(juia  istinc  semfperj 
juslificati  disce[ckint.] 
Aliae  vero  duae  s[unt] 
catecumcnorum 
dumlaxat  et  gen[era-] 
lini  quae  paritefr] 
feu]mdem  in  judici[um] 
citabiintur  [peni-] 
tentiam  vero  no[nJ 
similem  reporta- 
bunt.  Nam  cate- 
chumenos  quideni 
summa  extol- 
li  necesse  est  prop- 
t[er] cum 

Fol.  2  recto,  col.  1 . 


ticis  de[ 

et  sollici[te] 
implicari.  H[i] 
duo  gradus  suTnt] 
una  fide^in  eade[m] 
ecclesia  consti[tu-] 
ti  alterutrum  n[onj 
sustentant  el.  .  . 
.  .uis  de  quo  abe[ 
.  .at  abi  cor[.  .  . 
.  .at.  Electfis] 
auditoi'ibus  de  cae- 
lesti  suo  thensau- 
ro  in  quo  beati  sunt 
appellati  et  felices 
terrestrium. 
. .  .  .[libejrtatem  audi- 
lec-  D 


1      ......  et  ca- 

. .  .  sec ta ru m 
.  .vis.   Quia  pe- 
[re]grini  et  alioui- 
5     [g]enae  mundo  sint 
[ijdcircoque  jubel  di- 
vitib»s  quos  et  ipsos 
secundi  ordinis 
discipulos  appel- 
le    [Ia]ri  praediximus 
[qu]os  sibi  aniicos 
faciant.  Quo  cum 
se  facultates  istas 
de/////fecerint 
15     quas  utique  isti  de- 
rebnquere  ne- 
cesse  est  ad[ver-] 
sus 


Fol.  2  verso,  col.  2. 


1      Vide 

.  .[u]triusque  gr[a-] 
[dus]  istius  formam 
.duab(;s  sororibu.s 
5     .  .  .videnter  oste/i- 
[s]am  quarum  alte- 
[r]a  quidem  elege- 
fr]at  optimam.  .  .  . 
....  rem  majore[m] 
10     .  .[dumtjaxat  ele[ge-] 
[rat  grjadum.  Al- 
[te]ra  vero  quam 
officio  domus  et 
ministerio  fun- 
15     geretur.  .  .pe[ri-] 
tis  tamen  discipu-.  . 
lis  ministrare 
et 


PROVENANT    DE    L  AFRIQUE    DU    NORD 
Fo/.  3  reclo,  col.   i .  Fol.  3  verso,  col.  2. 


245 


....d[i]lec.... 
[d]iscipuli  p[.  .  .  . 
appellati  sunj^tj 
inmerito.  Nun[c] 
et  opibtis  pauperes 
numéro  pauci  et  pe''r] 
artam  viam  incedunTl] 
[in  ajngusto  tramit[e] 
[dejstinati  sunt.  .  , 
[lr]ahunt  paucri].  .  . 
.  .fidèles  q  ui  l'eg-] 
[nujm  caeloru[m  po-] 
[tijuntur  sicu[li  scrip-J 
[tUjin  est  multi  qui- 
dem  sunt  vocati  pau- 
ci autem  electi  '. 
. .  .  .autem  et  illud 
quia 


Fol.  4  recto,  col.  /. 


tes  om. . . 
sunt  eum  c[. . . 
tia  magis  opta[. . 
adipisci  tabern[acu-] 
la.         Et  bonor[um] 
opulentiam  qu[ae] 
data  semel  aufe[r-] 
[ri]  non  quaeat.  .  . 
[qjuai'e  preci[p. . 
.  .vi  adhuc.  . . 
. .  .s  suis  t. . . 
coll.  .  . 
rantur  et  mFa-] 
[tlrimonia  possi- 
dent  ut  ex  isdem 
. .  .hos  amicos  prœ- 

ci  vocum 

di  " 

de 


1 


....  fue- 

.  .  .  .itudinem 

ant. 

[H]aec  ut  inquam 
0     ad  catechume- 

norum  gradum 

spectant  carissi- 

me  quos  ali[. .  . . 

.  .  .manifest[.  .  . 
10     [dec]larat  cu[m.  . 

.  .  .qui  susc.  . . 

.  .etam  in  n[. . . 

minae  profe[. . . 

mercedem  [pro-] 
13     fetae  accipiefnt] 

et  qui  suscit[. .  . 

tum  in.  .  .  , 

time. .... 
t 


Fol.  i  verso,  col.  2. 


1      lias  po- 

. .  .es  auditores 
. .  .m  sive  ut  dixi 
. .  .ns  catechumeni 
5     [s]unt  appellati  qui 
[qjuoniam  in  saeculo 
[cjonstituti  et  ab  illo 
[ajdhuc  pei'fecte. . . 
...  du  inferiore[sl 

10     ...  as  possident 
. . .  evangelio 
....  ne  voca- 
bulo  nuncupa- 
le  sunt.     Idcirco 

la     confert  ad  eos  [ser-] 
monem  suum  idem 
salvator  et  d[ominusj 
fa 


1.  Matlh.,  XX,  16. 


246  FRAG3IE1NTS    d'uN    MANUSCRIT    LATIN 

Fol.  5  recio,  col.   t.  Fol.  6"  verso,  col.  2. 


ime 

catechu[men . . 
ro  qui  pani[m] 
valerent  ine[. .  . 
nis  gradu  asce[nde-] 
re  in  suis  quidem 
domibus  resideba[nt] 
a.  .  .ubabant  aut[em] 
electos  et  eo[. . . 
fra  tecla  a[. . . 
proprias. . . 
tes  qu[. . . 
raria  eorum.  .  . 
existèrent  sub- 
ministrabant 
hos  duos  ecclesiae 

ita  sem- 

um 

um 


Fol.  6  recto,  col.  1. 


ma. .  . . 

id  etia[m]. . . . 

debeat  e[ 

Sed  id  tantu[m] 
firmo  non  ho.  . . 
perfectorum  [dis-] 
ciplinam  specta[t] 
qui  mundo  ren[un-] 
ciantes  caelforu/nj 
habeant  con[ver-] 
sationem.  . . 
[Se]d  illos  q[uij 
.  . .  saecul[ . . . 
.  .nti  scie[ntiae]. . . 
.  .m  eadera  cum  pe[r-] 
[fejctis  inbuti  sunt 
.  .ledatis  vero  ha- 
.  . .  .ncerio 
u 


1      oe.  . . . 

.  . .  Nonuli 
[trjinitatem  des- 
.  .  .ens  electorum 
5     [ve]l  ut  auditores 

[qujoque  modum  ac  re- 
[g]ulam  disciplinai 
[sujae  agnoscant 
[ejcclesiae  nimi[rum] 

10     .  .  .adque  apos- 
[tolil  ejus  duoque 
-  •  •  .[gi'Jadus  et 
. .  .[fjuerunt  in 
bipertita  plebis 

15     quidem  vocabu[la] 
omnes  omnes  dis- 
cipuli  su[nt] 
a 


10 


Fol.  6  verso,  col.  2. 


.  dici 
.  qui  haec 
.  cum  ex  inte- 
exequi  et  im- 
ere  non  possunt 


e  duobus. 


EAQV 

•  •  •  [sjuperius  [me-] 
15     moravi  carissime 
de  apostolo  . .  d 
opère  quod.  .  . 

largiri 

V 


PROVENANT   DE    L  AFRIQUE    DU    NORD 
-   Fol.  7  recto,  col.   I.  Fol.  7  verso,  col.  2. 


247 


[r]elin 

ipsi  carn. . . . 
Item  ade. . . 
dicitur    arbi- 
trio. . .  Nec- 
non  vituperet 
hac  plenitudin[e]  ' 
. . .  .e  ministra[re] 
nobis  in  glo[ria] 
Donu'ni  provid[.  .  . 
. . . ona  non . . . 

...  .m   Deo 

coram  hom[.  . . 
.  . .  .itur  quod  dicis 
hac  plenitudi- 
[ne]  . .  .ministra- 


Fol.  8  recto,  col.  1 . 


...  et  ... . 

. .deos. . . 

simus  cuna  illo  fra- 

trem  cujus[lausj 

est  in  evange[lioj 

per  omnes  eccle[si-] 

as.  Non  solum  a[u-] 

tem  sed  et  ord[ina-] 

tus  est  ab  eccl[esiis] 

[i]s  cornes 

[cu]m  hac  g[ratia  quae] 

ministr[atur  a  no-] 

bis  in  glo^^riam]  ^ 

. .  .  um  ersro. .  . 

.  .saecularia  liquo.  . 

[opjere  cooperarius 

....  li  extitit 

...  1  culp 

is. 

1.  i/ Cor.,  VIII,  20. 

2.  //  Cor.,  VIII,  18-19. 


1 


10 


.  .  admo[.  .  .  . 
.  .  vicit  fide- 
[sejrmo  et  de  his 
. .  .ote  commemora- 
5  [rje  ut  curent  bonis 
[o]peribus  praeesse 
[q]ui  credunt  Deo*. 
[E]cce  et  hic  operibus 
. .  .  esse  jubet 
...  is  ipsamque 
.  .  .  uae  inter 
. . .  opéra  apo- 
. .  .[ijnterdum 
militiam  plerum[qîie] 
ministeriuin  h.  .  . 
numquam  curi[. . . 
aliquot.  .  .  . 
et 


15 


Fol.  S  verso,  col.  2. 


nos 

...  ut  filii  lu- 
[c]  is2  ambulate 
[cu]m  fructus  lumi- 
[ni]s  est  in  om[ni]  justi- 
[ci]a  et  bonitatem 
[prjobantes  quid  sit 
[bejneplacitum  Dei 
[et  nolijte  commu- 
nicare[o]peribiis 
. .  .  is  tene. . . 

Mag[is] 

.  . .  redar[gui-] 
15     te^.  Qui  digitufmj 
quia  et  hic  pro- 
nominal. . . 


10 


1.  Tit.,  III,  8. 

2.  Ephes.,  V,  8-11. 

3.  I  Cor.,  VII,  35. 


2.i8  FRAGMRNTS 

Fol.  9  rcclo,  col.  i . 


[s]olus.  .  . . 
cuit.   Cni.  .  . 
tionem  facijt]. . . 
cum  ad  Thimo[lheum] 
scribil'praecipilens] 
ei  de  viduis  ac  d[e-] 
[sojlalis*  quae  auLe[m] 
[v]ere  viduae  [et] 
desolala[e. . . 
[in]  Domino  et  [obse-1 
[c]rationib[us]. .  . 
in  die.  Nam  [qu]ae 
[in]  deliciis  agit  vi- 
[ve]ns  mortua  est 
....  adhuc 
. .  ent 


Fol.  10  recto,  col.  1. 


ad.... 

modis  o 

cipimus  e[t] 

mur  in  Xpo 

cum  silentio  op[e-] 

rantes  suum   pa[nem] 

manducent.  Vo[s  au-] 

tem  fralres  [no-] 

[li]te  defic[ere  bene-] 

faciente[s]  '- 

ei  tergo 

quin  huj[us] 

quibus  ta 

abat  apos[tolus]  ope 

in  quo  ipse  [i']ejecta 

et  non  exerce- 

. . .  edotio  se 

es 


1.  7  Timoth.,  V,  5-6. 

2.  //  Thessal.,  III,  12-13 


d'un  manuscrit  latin 

Fol.  9  verso,  col.  2. 

1      ui.  . .  . 

...  ad  Chor[inthios|. . . 
.  .  .cit.         Ilaoc 
. .  .em  praecipio 

5      .  .  .n  quasi  laqucuzn 
nobis  iniciens.  Scd 
[i]d  honcste  agen- 
[d]um  et  conjungi- 
[um]  inseparabi- 
10     [le].  .  .  Item  ad 

[Colosse]nses  :  Gr[a-] 
[ti]  estote 
-  [Ver]bum  Xpi  in- 
ha[bite]t  in  vobis  abun- 

IS     de  [in]  omni  sapien[tia] 
docentes  et  cor- 
ripientes  *.  .  .  nos 
ips[os] 

Fol.  10  verso,  col.  2. 

1      co .  . 

. .  .aut  co.  .  . 

. .  ores  merciu . . 

.  .ocet  illorum 
5      .  .  minit    qui  sibi 

[illjius  operis  labore 

[so]cii  ac  participes 

[e]xtiterunt  die. . . 

[a]d  Thessaloni- 

10     [censés]  :  Rogamus 

[autem  vojs  fratres. 

. .  .catis  eo. . . 

. . .ant  ince. . . 

vo. . . .  a  erunt 
15     bis. ..  o  et  objur[go] 

vos  ut  habeatis  [il-] 

los  ab  u 

in 

1.  Coloss.,  III,  15-16. 


PROVENANT    DE    l'aFRIQUE    DU    NORD  249 

■Fol.   Il  recto,  col.  i.  Fol.  Il  verso,  col.  2. 


....  n 

. .  ua  eu 

neque  in  vaii[um  spe-] 
ravi. 

Ecce  igitur  et. . . 
laborasse  se  pr[o-] 
hibet  et  cucur[ris-J 
se  ergo  ne  et  h[oc] 
carnalite[r].  . . . 
legendu[m. . . . 
sit.  Os.  . .  . 

[sjtudium.  . . 

. .  labor 

[sjemper  f.  .  .  ta 
[q]uam  hum.  .  .ua 
[sjaeculo  fulge- 

[re] verbum 

iem 


Fol.  12  recto,  col.  /, 


...  on. . . . 
[h]ortat.  . . 
rentur  n.  .  . 
nus  stipend. . 
ctis  quo  in  ope[re] 
nunquam  se  ot. . . 
sum  fuisse  test[a-] 
tur.  Neque  ill[iusj 

noctis  q 

ab  hoc  t 

vacavi. . . . 

.voru 

.  .onibus  pa.  .  . 
. .  visse  ace. . . 
.  .m  ut  ab  o[m^ni  ve- 
.  .nali  opère  suos 

sti  nu- 

as 


1918 


1      n.... 

....  rhjabeam 

infidelita- 

.  .[habe]amus  unde 
5     . .  .  is  ista  suppedi- 
[tjabunt. 

Item  ad  Philippenses 
[ap]ostolus  cum  ti.  .  . 
videt  tre- 

10     [morem  v]estram  1 
.  .  .  .[opjeramini, 
[Deus  est  eni]m  qui  ope- 
[ratur  in  vobjis  et  velle 
erdifîcjari  et  perfi- 

l-'i     cerFe  pr]opterbon[am] 
voluntatem  om[nia] 
autem  facite  [sine] 
m[urmurationibusJ 


1 


Fol.  12  verso,  col.  2. 


,  .no. . . . 

.  .  a  hoc. . . 

. .  émus  in 

. .  ta  domo  Dei  in 
5     .  .ua  scilicet.  .  .a 

.  .ur  a  spiritali.  .  . 

.  .  minum  quoH .  .  . 

.  .lia  respuentes 

. .  .d  quiet. . . . 
10      . .  in  ta  ac. . . 

...  m  co. . . 

....  turo 

. .  .is  spir. . . 

le ant. . . 

13     m 

e 


1.  Cf.  Philipp.,  II,  12-14. 


18 


250  SUR    LîN    STVLE    DU    MUSÉK    DE    COLOGNE 

Fol.   13  reclo,  col.  t.  Fol.  13  verso,  col.  2. 


..  um  g... 

■1 

. . .arc 

per  inpr. . . 

.  •  [c]o  opères 

ne  sit  et  sp. . . 

.  .ant  advolet 

opero  propag-.  . 

.  .ius  el.  .a.um 

Denique  ad  hos  ips[osJ 

5 

.  .cccum  p.  .nt 

.  .dus  or. .  .a  ope 

apud  quos  oper. . . 

[ra]ri  (juain.  .va.  . 

.  .  .  .   t  comm  .  .  . 

....  idet.... 

-...t.. p.... 

. .tus  e. . . 

10 

.  .  .  im  p  .  . 

.  .  ae  d 



.  .is  evan[gel. . . 

. .  .monio 

nos  teste 

.  .  .unt  ope- 

. .  deus. . 

.  .  .  icma . . 

Ib 

...nt 

SUR    UN    STYLE    DU    MUSEE    DE    COLOGNE, 
PAR    M.    CH.     CLERMONT-GANNEAU,    MEMBRE    DE    l'aCADÉMIE. 


M.  Héron  de  Villefosse  a  récemment  fait  connaître*  un 
joli  style  romain  en  bronze,  trouvé,  il  y  a  quelques  années, 
dans  les  fouilles  pratiquées  sur  l'emplacement  d'une  habi- 
tation romaine,  à  Volon  (Haute-Saône). 

Sur  la  tige  de  ce  style  est  gravée  une  petite  phrase  ainsi 
conçue  : 

Il  utere  \\  felix  ||  digne  \\  inerito  || 

Cette  phrase  reproduit  —  en  la  rehaussant  par  les  deux 
adverbes  digne,  merito  —  l'aimable  et  banale  formule  pro- 

1.  Bulletin  archéol.  du  Comité  des  trav.  hist.  et  scienft/".,  janvier  1938, 
pp.  IX  et  suiv.  Gravure  d'après  un  excellent  dessin  de  M.  Casser,  membre 
de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Côte-d'Or. 


SUR    UN    STYLE    DU    MUSÉE    DE    COLOGNE  251 

pîtiatoire  :  utere  felix,  si  fréquemment  inscrite  sur  les 
menus  objets  antiques  d'un  usag-e  courant,  souvent  destinés 
k  être  oU'erts  en  cadeaux.  Les  quatre  mots  sont  répartis, 
un  à  un,  sur  les  quatre  faces  dune  sorte  de  prisme  qua- 
drangulaire,  ménagé  à  cet  etfet  vers  le  milieu  de  la  tige  du 
style. 

Notre  savant  confrère  rappelle  à  ce  propos  les  rares 
exemplaires  de  styles  à  écrire,  en  métal  —  bronze,  voire 
argent  —  qui,  comme  celui-ci,  portent  des  inscriptions  la- 
tines. 

Les  légendes  varient  ;  mais,  autant  que  j'ai  été  à  même 
de  le  vérifier,  la  forme  matérielle  de  ces  petits  instruments, 
du  moins  pour  quatre  d'entre  eux  —  y  compris  le  nouveau 
venu,  appartient  à  un  même  type  qu'on  peut  caractériser 
ainsi  :  tige,  mi-partie  ronde,  mi-partie  polygonale,  inter- 
rompue, dans  la  région  médiane,  par  l'interposition,  d'un 
court  segment  quadrangulaire,  en  forme  de  parallélépipède 
droit,  réservé  pour  recevoir  les  quatre  éléments,  soit  mots, 
soit  syllabes,  constituant  la  légende. 

Pour  lire  normalement  celle  du  style  de  Volon,  il  faut 
tenir  l'instrument  dans  la  position  horizontale,  la  pointe  à 
gauche  ;  puis,  lui  imprimer  un  mouvement  de  rotation  dans 
le  sens  dextrorsuni,  de  façon  à  amener  successivement 
devant  les  yeux  les  quatre  faces  épigraphiques  du  parallé- 
lépipède. 

Deux  de  ces  légendes  sont  ainsi  conçues  :  l'une  ',  appa- 
remment chrétienne,  coupée  syllabiquement  : 


vi  11  ve  11  f/e  II  0  1| 
l'autre'^  formant  une  petite  phrase  d'un  tour  assez  piquant: 
Il  dicta  11  felix  ||  felicior  y  scribe  || 
Ces  deux  épigraphes  s'expliquent  sans  difficulté.  Encore 

1.  Cnrp.  inscr.  lai.,  t.  XIII,  n"  10027  :  233. 

2.  Ihiit.,  ici.,  228  (collection  Ilaeberlin). 


I 


2r)2  SUR    IN    STYLE    DU    MUSÉE    \)E    COLOGNE 

n'est-ce  pas  du  premier  coup,  ainsi  qu'on  le  verra  (oui  à 
l'heure,  quOn  est  arrivé,  pour  la  seconde,  à  cette  lecture 
aussi  simple  (jue  satisfaisante.  Quant  à  celle  du  style  de 
Volon,  elle  ne  présente,  comme  on  a  pu  s'en  rendre  compte, 
aucune  obscurité. 

Il  n'en  va  pas  tout  à  fait  de  même  de  celle  qui  est  gravée 
sur  un  style  en  bronze  conservé  au  Musée  de  Golog-ne 
(n*>  482).  Les  éditeurs  du  Corpus^  l'ont  lue  : 

HEGQ 
SCRIBO 


SINEM 
MANVM 

Ce  qu'ils  n'hésitent  pas  à  rendre  par 
ego  scribo-  sine  manu 

Cette  lecture  a  été  généralement  reçue.  Elle  est  encore 
entérinée,  par  exemple,  sans  autre  forme  de  procès,  par 
M.  G.  Lafaye  dans  le  Dictionnaire  des  Antiquités  de  Saglio 
(s.  V.  stilus). 

Tout  en  la  reproduisant  à  son  tour,  M.  Héron  de  Villefosse 
fait  remarquer  avec  raison  quelle  exprime  c  une  pensée  qui 
manque  de  simplicité  et  même  d'exactitude  ».  On  ne  peut 
que  souscrire  à  cette  juste  réserve.  En  effet,  si  on  entend 
la  phrase  comme  on  l'a  fait  dans  le  Corpus,  elle  ne  saurait 
guère  signifier  autre  chose  que  :  moi,  j'écris  sans  main, 
c'est-à-dire  sans  la  main,  sans  le  secours,  ou  le  concours  de 
la  main.  Voilà  qui  tendrait  à  présenter  notre  style  comme 
une  sorte  d'instrument  automatique,  se  vantant  d'opérer 
tout  seul,  en  vertu  de  l'on  ne  sait  quelle  propriété  surnatu- 
relle. C'est  là,  on  l'avouera,  une  conception  passablement 
étrange.  Elle  rappelle  quelque   peu  celle  du  balai  magique 

1.  C.I.L.,  ihid.,  id.,  229,  d'après  la  copie  de  M.  Zangemeister. 

2.  La   transcription   scribe,  imprimée  dans  le  Corpus,  est  une  coquille 
pour  scribo. 


SIR    UN    STYLE    DU    MISÉE    DE    COLOGNE  2o3 

de  lupprenti  sorcier,  dans  la  ballade  de  Goethe,  Der  Zau- 
berlelirling,  imitation  médiocre  du  conte  fantastique  jadis 
narré,  dans  son  Philopseudes  ',  par  ce  maître  humoriste 
qu'est  Lucien.  Serait-ce,  d'aventure,  cette  réminiscence, 
plus  ou  moins  consciente,  qui  aurait  incliné  les  savants  alle- 
mands vers  la  solution  à  laquelle  ils  se  sont  arrêtés?... 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  solution  ne  paraît  guère  satisfai- 
sante. Au  peu  de  vraisemblance  du  sens  Aaennent  s'ajouter 
les  anomalies  que  le  texte  ainsi  obtenu  présente  dans 
l'ordre  tant  épigraphique  que  grammatical  ;  l'orthographe 
hego  pour  ego  ;  le  rôle  explétif  que  jouerait  le  m  isolé,  à  la 
lin  de  la  3"  ligne  ;  l'accusatif  manuni  pour  l'ablatif  manu, 
à  la  4^ 

Sans  doute,  chacune  de  ces  anomalies,  prise  isolément, 
serait  à  la  rigueur  explicable  —  tant  bien  que  mal  —  et  nous 
verrons  tout  à  1  heure  comment  on  a  essayé  de  les  expli- 
quer ;  mais  il  faut  avouer  toutefois,  dès  maintenant,  qu'elles 
sont  plutôt,  en  l'espèce,  de  nature  à  nous  mettre  en  garde, 
a  priori,  contre  la  lecture  acceptée  sur  la  foi  du  Corpus. 

Ces  diverses  considérations  m'ont  conduit  à  chercher  s'il 
ne  serait  pas  possible  d'obtenir  une  meilleure  solution  de  ce 
petit  problème  en  s'engageant  dans  une  direction  tout  autre 
que  celle  qu'on  a  suivie  jusqu'ici.  Mais,  avant  de  l'aborder, 
il  ne  sera  pas  inutile  de  rappeler  quand,  comment  et  par 
qui  il  a  été  posé  pour  la  première  fois. 

C'est  Dûntzer  qui  a  fait  connaître  l'objet  en  litige,  il  y  a 
une  cinquantaine  d'années,  dans  une  notice  insérée  dans 
les  Annales  de  la  Société  des  Antiquaires  du  Rhin  ~.  J'ai  eu 

1.  Lucien.   LU,  §  35,  36. 

2.  Jahrbûcher  des  Vereins  von  Allerthumsfreundeii  ini  lîheinlande, 
1867,  fasc.  42,  p.  86.  Dûntzer  y  est  revenu  très  sommairement,  quelque 
dix-huit  ans  plus  tard,  dans  son  Verzeichniss  der  Rômischen  Alterlhûmer 
des  Muséums  Wallraf-Richartz  in  Koln,  3°  édit.,  1885,  p.  15;  il  y  main- 
tient d'ailleurs  purement  et  simplement  sa  première  façon  de  voir. 

J.  Kamp  a  parlé  aussi  de  notre  style  dans  un  opuscule  intitulé  :  Die  epi- 
grajilnschen  Anticaylien  in  KiJJn,  17  pp.  in-4":  Cologne.  1S69  [Progranim- 


2?)4  SUR  ris  sTVLK  nr  musér  de  roi,ofiNF, 

la  curiosité  de  m'y  reporter,  espérant  y  trouver  queUjues 
éclaircissements  utiles  pour  l'examen  de  la  question  aussi 
bien  au  point  de  vue  archéologique  qu'au  point  de  vue  épi- 
graphique. 

Dïmtzer  commence  par  donner,  sur  la  provenance,  les 
dimensions  et  la  forme  de  l'objet,  quelques  détails  qu'on 
n'a  pas  jugé  utile  de  reproduire  dans  le  Corpus  et  qui,  pour- 
tant, ne  sont  pas  sans  intérêt.  11  a  été  découvert,  à  Cologne 
même,  à  une  assez  grande  profondeur,  à  l'Est  de  la  cathé- 
drale. Il  est  en  bronze  et  mesure -4  pouces  de  longueur. 
Suit  une  description,  d'un  tour  quelque  peu  laborieux,  que 
je  metïorce  de  rendre  littéralement  :  après  le  premier  quart 
de  la  tige,  rond  et  élégamment  travaillé,  à  l'endroit  où 
repose  la  main  de  l'écrivain,  le  st}  le  a  quatre  champs  longs 
de  près  d'un  pouce,  sur  lesquels  les  quatre  mots  sont  écrits 
de  haut  en  bas  *  ;  après  ces  champs,  jusqu'à  l'extrémité,  le 
stvie  est  hexas'onal. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  les  rapports  étroits  qui 
semblent  exister  au  point  de  vue  matériel  entre  le  style  de 
Cologne  et  celui  de  Volon.  Tous  deux  sont  en  bronze. 
Les  dimensions  sont  sensiblement  les  mêmes,  la  longueur 


abhandlunff  vom  K. Friedrich- Wilhelms-Gymnasiiim  und  Reahchiile  I 
Ordnung).  Il  m'a  été  impossible  de  me  le  procurer.  D'après  un  renseigne- 
ment que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Froehner,  il  ne  contient  rien  de 
nouveau   sur  le  sujet. 

1.  Il  Von  oben  nach  unten  geschrieben.  «  II  faut  avouer  que  cette  expres- 
sion n'est  pas  d'une  entière  clarté  et  peut  prêter  à  l'équivoque.  Je  doute 
fort,  en  tout  cas,  que  Fauteur,  comme  l'a  suggéré  M.  Th.  Reinach,  à  la 
suite  de  la  lecture  de  cette  note  devant  l'Académie,  ait  voulu  dire  que 
l'inscription  était  fermée  de  quatre  colonnes  de  caractères  superposés,  à 
lire  verticalement  de  haut  en  bas.  Je  persiste  à  croire  qu'il  s'agit  de  quatre 
lignes  de  caractères  juxtaposés  à  la  manière  ordinaire,  à  lire  horizontale- 
ment, tout  comme  celles  du  style  de  "Volon  ;  seulement  ici,  elles  doivent 
se  diriger  en  descendant  vers  la  pointe,  tandis  que  sur  ce  dernier  elles  se 
dirigent  en  sens  inverse.  Autrement  dit,  pour  lire  normalement  le  style  de 
Cologne,  il  faut  apparemment  procéder  comme  je  l'ai  expliqué  plus  haut 
(p.  251)  pour  le  style  de  Volon,  mais  en  tenant,  cette  fois,  la  pointe  à 
droite  et  non  à  gauche. 


SUR    UN    STYLE    DU    MUSÉE   DE    COLOGNE  255 

du  premier  —  4  pouces,  soit  0'"  108  —  équivalant,  à  peu 
de  chose  près,  à  celle  du  second  (O^llO).  De  plus,  dans 
l'un  comme  dans  l'autre,  la  tige  est  divisée  en  trois  seg- 
ments traités  exactement  de  la  même  façon,  ainsi  qu'on 
peut  s'en  assurer  en  rapprochant  la  description  de  Dûntzer 
de  celle  de  M.  Héron  de  Villelosse,  illustrée  et  complétée 
par  le  fidèle  dessin  accompagnant  sa  notice  :  à  savoir  (en 
commençant  par  la  pointe  et  en  remontant  de  proche  en 
proche)  un  premier  segment  arrondi  et  élégamment  mou- 
luré ;  puis,  un  second  segment  central,  quadrangulaire,  des- 
tiné à  recevoir  les  quatre  mots  des  inscriptions  respectives  ; 
enfin,  un  troisième  et  dernier  segment  de  forme  pol>'go- 
nale  ',  terminé  par  la  petite  palette  servant  à  aplatir  la  cire 
dans  la  manœuvre  classique  de  l'oblitération  :  saepe  stiliim 
vprtas. 

Quant  à  l'inscription,  Diintzer  en  donne  une  lecture  qui 
n'est  autre  que  celle  que  reproduiront  plus  tard,  sans  dis- 
cussion, avec  le  sens  qu'elle  implique,  les  éditeurs  du  Cor- 
pus :  hego  scribo  sine  manu.  A  défaut  d'une  reproduction 
figurée,  dont  l'absence  est  regrettable,  il  l'accompagne  de 
quelques  observations  paléographiques  et  épigraphiques 
dont  il  y  a  lieu  de  tenir  compte  :  Ligne  1  :  le  H  et  le  O  de 
HEGO  sont,  dit-il,  séparés  du  groupe  EG  par  un  plus  grand 
intervalle,  de  manière  à  remplir  la  ligne.  Ligne  2  :  le  B  de 
SCRIBO  est  beaucoup  plus  près  du  O  que  du  I  ;  les  six 
lettres  remplissent  pleinement  la  ligne.  Lignes  3-4  :  les 
mots  [sine  et  manu)  n'ayant  que  4  lettres,  lesquelles,  même 
si  on  les  avait  espacées,  n'auraient  pas  suffi  pour  remplir 
ces  deux  lignes,  on  ajouta  à  sine  la  première  lettre  de  la 

1.  Ce  dernier  détail  n'est  pas  donné  dans  la  description  du  style  de 
\''olon  par  M.  Héron  de  Villcfosse,maisil  ressort  suffisamment  de  l'examen 
du  dessin  et  il  m"a  été  confirmé  par  M.  Gasser.  Ce  segment  y  affecte  la 
forme  octogonale,  tandis  que  dans  la  partie  correspondante  du  style  de 
Cologne  il  est  hexagonal,  au  dire  de  Diintzer.  Celui-ci  ne  nous  dit  pas 
s'il  était  muni  de  la  palette  oblitératrice  ;  peut-être  avait-elle  disparu 
accidentellement. 


2l')(j  SUR    UN    STYI-R    DT)    MUST^IE    DE    COLOGNE 

Hune  suivante  imnnii)  et  à  manu  le  même  M  initial  :  celte 
lettre  est  un  peu  plus  petite,  surtout  ii  la  ligne  3.  Le  A 
n'est  pas  barré. 

En  ce  qui  concerne  l'orthog-raphe  anormale  HEGO  pour 
EGO,  Diintzer  rappelle  certaines  prononciations  vicieuses 
notées  par  les  auteurs  anciens  eux-mêmes  et  les  graphies  si 
fréquentes  des  manuscrits  et  des  inscriptions  où  des  mots, 
commen(,"ant  normalement  par  une  simple  voyelle,  sont 
indûment  pourvus  d'un  h  initial.  Il  reconnaît  toutefois 
qu'il  n'a  pu  relever  un  seul  exemple  de  ce  fait  pour  le  mot 
ego.  Pour  ce  qui  est  du  rapprochement  qu'il  risque  ^  avec  la 
mauvaise  prononciation  de  l'allemand  hich  pour  ich,  on  ne 
voit  vraiment  pas  ce  que  vient  faire  ici  cet  argument  phoné- 
tique d'ordre  purement  germanique. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  le  peu  de  vraisemblance 
de  l'explication  de  Dûntzer  en  ce  qui  concerne  la  fonction 
purement  explétive  qu'il  attribue  délibérément  à  la  lettre 
M  répétée  deux  fois,  pour  ainsi  dire  comme  simple  bouche- 
trou,  h  la  lin  des  lignes  3  et  4.  Mieux  vaudrait  encore, 
dans  le  second  cas,  si  l'on  maintient  au  mot  sine  son  rôle 
de  préposition,  admettre,  avec  M.  Héron  de  'Villefosse,  que 
cette  préposition  régit  ici  abusivement  l'accusatif  manu  m, 
au  lieu  de  l'ablatif  régulier  manu  ;  ce  serait  un  simple 
solécisme  dont  le  latin  vulgaire  nous  offre,  en  effet,  des 
exemples. 

Mais  le  mot  sine  est-il  bien  ici  la  préposition?  Ne 
serait-ce  pas,  par  hasard,  tout  simplement  l'impératif  du 
verbe  smere?  Le  sens  général  de  l'inscription  changerait 
alors  du  tout  au  tout.  Le  verbe  sinere  a  des  acceptions  très 
variées"  qui  peuvent  se  ramener  à  l'idée  première  de 
«  permettre,  laisser,  laisser  faire,  laisser  aller  »,  etc.  Il  se 
construit  fréquemment  avec  un  infinitif,  soit  exprimé,  soit 
sous-entendu  ;    parfois   même,    bien  que  plus  rarement,  il 

1.  Dans  son  Verzeichniss,  cité  plus  haut  (p.  253,  note  2). 

2.  Voir  les  divers  exemples  notés  dans  le  Lexicon  de  Forcellini. 


SUR    UN    STYLE    DU    MUSÉE   DE    COLOGNE  257 

peut  f^ouverner  directement  l'accusatif.  Je  suis  tenté  de 
croire  qu'il  est  ici  employé  dans  cette  dernière  condition 
et  j'inclinerais  à  comprendre  :  sine  manum^  «  laisse  ta 
main,  »  c'est-à-dire,  en  pressant  un  peu  le  texte  :  laisse 
aller,  laisse-moi,  prête-moi,  abandonne-moi  ta  main,  et 
moi,  j'écris,  j'écrirai  —  [h)ego  scriho.  C'est,  comme  on  le 
voit,  le  style  lui-même  qui  est  censé  interpeller  la  per- 
sonne qui  doit  en  faire  usage,  à  laquelle  il  est  destiné, 
voire  peut-être  offert  ' . 

Cette  interprétation  nous  invite  à  commencer,  comme  je 
viens  de  le  faire,  la  lecture  de  ce  petit  texte,  ainsi  compris, 
par  les  mots  :  sine  manum,  de  préférence  aux  mots  :  [K)ego 
scribo,  qu'on  considérait  jusqu'ici  comme  le  début  ;  ce 
second  membre  de  phrase  devient  ainsi  l'apodose  naturelle 
du  premier,  qui  en  est  la  protase.  La  disposition  matérielle 
du  texte  même,  réparti  sur  les  quatre  faces  du  prisme, 
nous  autorise  à  l'attaquer  par  l'une  quelconque  de  ces 
faces,  celle  qui  conviendra  le  mieux  pour  le  sens. 

Chose  assez  curieuse,  le  cas  est  le  même,  à  cet  égard, 
que  celui  d'un  des  styles  épigraphiques  que  j'ai  cités  plus 
haut'^,  le  stvle  de  la  collection  Haeberlin,  où  l'on  a  fini  par 
lire  correctement  :  clicia  felix,  felicior  scribe.  Mais,  ici 
non  plus,  ce  n'est  pas  d'emblée  qu'on  est  arrivé  à  cette 
lecture  pourtant  si  simple.  Le  premier  éditeur,  Riese  •^, 
prenant  un  faux  point  de  départ,  lisait  ainsi  :  Félix!  feli- 
cior scribe  dicta  ;  il  supposait  que  le  style  était  un  cadeau 
fait  à  un  enfant  appelé  Félix,  à  qui  l'on  souhaitait,  en 
jouant  sur  son  nom,  d'être  plus  heureux  encore,  et  de 
pouvoir  commencer  à  écrire  ce  que  jusqu'alors  il  n'avait 
pu  que  dire,  ou  bien  encore  ce  qu'on  lui  dirait  ou  dicterait! 


1.  Ce  genre  de  prosopopée  est  assez  dans  le  goût  antique  ;  cf.,  par 
exemple,  cette  exhortation  bachique  inscrite  sur  la  coupe  elle-même,  qui 
prend  la  parole  et  dit  au  buveur  :  yalpE  xal  zi£t  [A£  [CI. G.,  n°  8102). 

2.  C./.L.,  XIII,  n"  10027  :  228. 

3.  WeslJ.  Konesp.  lUall,  1889,  p.  67. 


258  SUR  UN  sTvi.E  nr  !\njsi^:E  de  coi.or.M': 

Il  a  fallu  l'intervention  de  Bûclieler  '  pour  faire  justice  de 
cette  absurde  explication  et  remettre  les  choses  à  leur 
place  ^. 

Si  l'on  admet  le  redressement  analog-ue  que  je  propose 
d'introduire  dans  Tinscription  du  style  de  Cologne,  on 
obtient  déjà,  semble-t-il,  une  amélioration  assez  notable 
du  sens  général.  Peut-être  même  pourrait-on  pousser 
encore  plus  loin  dans  cette  direction  et  essayer  de  rendre 
compte  de  deux  autres  sing-ularités  que  j'ai  jusqu'ici 
laissées  de  côté  :  d'une  part,  l'intervention  déroutante  de 
ce  M  isolé  entre  les  mots  sine  et  manum  ;  d'autre  part, 
l'orthographe  irrégulière  de  }iego  =  cgo. 

Est-il  trop  téméraire  de  se  demander  si  ce  M  de  la 
ligne  3  ne  contiendrait  pas  le  groupe  en  ligature  (M)  =  mj? 
On  sait  que,  dans  cette  combinaison  graphique,  le  deuxième 
élément  I  est  représenté  par  l'addition  d'un  trait  vertical, 
souvent  très  petit  et,  partant,  peu  visible,  qui  vient  s'im- 
planter au  sommet  de  l'angle  (A),  constituant  la  seconde 
branche  du  M.  Ce  trait  minuscule  aurait-il  échappé  à  l'œil, 
pourtant  si  expérimenté,  de  M.  Zangemeister  qui  a  copié 
le  texte  pour  le  Corpus  ?  Ou  bien  le  graveur  antique 
l'aurait-il  lui-même  omis,  en  reproduisant  son  modèle  ? 
C'est  ici,  qu'à  défaut  de  l'autopsie,  le  manque  d'une  repré- 
sentation figurée  se  fait  vivement  sentir.  La  seule  indica- 
tion que  nous  ayons  —  et  elle  est  bien  vague,  —  c'est  celle 

1.   Westd.  Korresp.  Blalt,  1889,  p.  119. 

•2.  A  la  suite  de  la  communication  de  cette  note  à  l'Académie,  M.  Th. 
Reinach  a  remis  en  question  ce  résultat  qu'on  pouvait  croire  définitive- 
ment acquis.  Influencé  peut-être  par  le  fait  de  la  coquille  du  Corpus  que 
j'ai  signalée  plus  haut  (p.  252,  n.  2),  il  a  proposé  de  corriger  ici  :  «  dicta 
felix,  felicior  scriho  »,  en  supposant  que  le  graveur  se  serait  trompé  pour 
le  dernier  mot  ;  le  style  qui  écrit  se  vanterait  d'être  plus  heureux  encore 
que  l'heureuse  personne  qui  dicte...  Cela  pourrait  s'appeler  «  le  plus  heu- 
reux des  deux  ».  On  ne  voit  pas  bien  ce  que  le  sens  gagnerait  à  cette  cor- 
rection arbitraire  et,  d'ailleurs,  inutile,  celui  qui  ressort  de  la  leçon  réelle 
étant  pleinement  satisfaisant  à  tous  égards  :  «  dicte  heureusement!  plus 
heureusement  encore,  écris  !  » 


SUR    UN    STYLE    DU    MUSÉE    DE    COLOGNE  259 

de  l'exig-ûité  relative  de  ce  M  signalée  par  Dûntzer.  Quoi 
qu'il  en  soit,  dans  l'hypothèse  où  nous  aurions  réellement 
affaire  à  la  ligature  mi,  le  texte  en  recevrait  une  certaine 
lumière.  11  serait,  en  effet,  tout  indiqué  de  voir  dans  ce 
mot  la  forme  contractée  de  mihi  «  à  moi  ».  Cette  synérèse 
du  datif  de  ego  n'appartient  pas  seulement  au  langage  poé- 
tique ;  on  la  retrouve  aussi,  comme  d'autres  formes  quali- 
fiées de  poétiques,  dans  la  langue  populaire,  telle  que  nous 
la  révèle  l'épigraphie  '.  Au  lieu  d'être  dans  la  phrase  une 
lettre  parasite,  un  élément  inerte,  ce  M  =  mi  =  mihi 
devient  alors  un  élément  vivant,  qui  y  joue  un  rôle  actif, 
celui  de  régime  indirect  de  l'impératif  :  sine  mi{hi)  maniim 
«  laisse-moi  ta  main  ».  Il  est  le  pendant  symétrique  du 
nominatif  (h)e^o  exprimé  dans  le  second  membre  de  phrase. 

Si  le  mieux  n'était  pas  l'ennemi  du  bien,  on  pourrait 
être  tenté  de  faire  encore  un  pas  de  plus  dans  la  voie  de 
l'hypothèse  et  de  rechercher  la  raison  d'être  de  cette  ortho- 
graphe insolite,  et,  somme  toute,  non  justifiée  encore,  de 
hego  =  ego.  La  lettre  H  ne  pourrait-elle  pas  être  née  d'une 
erreur  du  graveur  ayant  ainsi  indûment  interprété  le  groupe 
ET  que  portait  son  modèle?  Dans  cette  hypothèse,  nous 
aurions  affaire  à  la  conjonction  et,  dont,  il  faut  le  recon- 
naître, l'intervention  serait  tout  à  fait  en  situation  ici  pour 
marquer  lapodose  ;  le  second  membre  de  phrase  répon- 
drait ainsi  terme  à  terme  au  premier  dont  il  est  la  consé- 
quence logique.  Le  tout  reviendrait  alors  à  peu  près  à  cette 
idée  :  «  laisse-moi  ta  main,  et  moi  j'écrirai.  » 

J'ajouterai,  en  terminant,  quelques  mots  sur  la  forme 
caractéristique  qu'affectent  nos  styles  à  épigraphes  et  dont 
j'ai  parlé  à  plusieurs  reprises.  Cette  forme  établit  entre  eux 
un  lien  matériel  qui  n'est  pas  sans  intérêt  archéologique. 
Comment  l'artisan  antique  —  on  pourrait  dire  l'artiste  — 

1.  Un  exemple,  entre  autres,  que  j'emprunte  au  Cours  dépigr.  lai.  de 
M.  CaiJ:nat  (p.  320),  la  gourde  de  terre  cuite  sur  laquelle  on  lit  ces  mots  à 
l'adresse  de  l'aubergiste  :  pr{a  esta  mt^hi)  sinceru'm:,  etc. 


200  srn   tn   style  du   i\n:sÉE  dk  coLor.M': 

procédaiL-il  pour  exécuter  ces  petits  instruments  lort  élé- 
gamment travaillés,  qui  semblent  dériver  diin  même  type? 
Voici  la  conclusion  technique  à  laquelle  m'a  aniciu'  l;i  com- 
paraison des  spécimens  lig-urés  ou  décrits.  Le  caela/or  pre- 
nait un  petit  barreau  de  bronze,  de  section  transversale 
carrée,  ayant  la  longueur  du  style  qu'il  se  proposait  d'en 
tirer.  Il  le  divisait  préalablement  en  trois  parties  principales 
qu'il  devait  traiter  ensuite  difleremment.  Il  laissait  telle 
quelle  la  partie  centrale,  qui,  ainsi  réservée  dans  le  corps 
même  du  barreau  primitif,  en  gardait  la  forme  sous  celle 
d'un  prisme  droit,  plus  ou  moins  allongé,  destiné  à  recevoir 
l'inscription  gravée  sur  ses  quatre  faces.  De  là,  remontant 
vers  le  sommet,  il  transformait,  sur  la  longueur  de  ce 
segment,  le  barreau  carré  en  barreau  polygonal  —  soit 
octogonal  dans  le  cas  du  style  de  Volon,  en  chanfreinantles 
quatre  arêtes  ;  soit  hexagonal  dans  le  cas  du  style  de 
Cologne,  en  opérant  les  ravalements  nécessaires.  Arrivé  à 
l'extrémité  supérieure  de  la  tige  ainsi  modifiée  dans  cette 
partie,  il  l'aplatissait,  en  même  temps  qu'il  l'élargissait 
pour  obtenir  la  palette  oblitératrice.  De  l'autre  côté  de  la 
partie  centrale  prismatique,  l'artiste  évidait  le  barreau  en 
l'arrondissant  et  en  l'agrémentant  de  moulures  ciselées  en 
plein,  selon  son  goût  ;  puis,  il  l'etrilait  en  une  longue  pointe 
fine,  aciculaire,  destinée  à  écrire  ou  dessiner  sur  la  couche 
de  cire.  Comme  on  le  voit,  le  tout  était  pris  dans  la  masse 
même  du  petit  barreau  quadrangulaire  ^,  point  de  départ 
imposé  au  travail  du  caelator: 

1.  D'après  les  renseignements  qu'a  bien  voulu  me  fournir  très  obli- 
geamment M.  Gasser  qui  a  découvert  et  possède  le  style  de  Volon,  la 
section  transversale  du  prisme  —  et,  par  conséquent,  du  barreau  primitif 
dont  ce  prisme,  comme  je  l'ai  expliqué,  est  en  quelque  sorte  le  témoin  — 
est  un  carré  de  2  1/2  millimètres  de  côté;  les  côtés  de  l'octogone 
mesurent  environ  1  millimètre. 

I 


261 
SÉANCE  DU  20  JUILLET 


PRESIDENCE    DE    M.    MAURICE    CROISET,    ANCIEN    PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  Sey- 
mour  de  Ricci  qui  met  à  la  disposition  de  la  Commission  du 
Corpus  inscriptionum  semiticarum  une  recension  par  lui  faite 
du  Tarif  de  Palmyre  (texte  grec),  conservé  au  Musée  de  Pétro- 
grad,  au  cours  d'une  mission  numismatique  qui  lui  avait  été 
confiée  par  l'Académie. 

M.  Salomon  Reinach  donne  lecture  d'une  note  de  M.  Jullian 
relative  à  un  casque  de  gladiateur  trouvé  à  Pompéi  et  conservé 
au  Musée  de  Naples.  M.  Jullian  voit  avec  M.  Bienkowsky,  dans 
le  sujet  figuré  qui  décore  ce  casque,  une  allusion  au  triomphe  de 
Germanicus.  Trois  captifs  y  sont  représentés  auprès  des  trophées  : 
ce  seraient  Arminius,  Thusnelda  et  Thumelicus  ^ 

M.  Salomon  Reinach  ajoute  quelques  observations. 

M.  HoMOLLE  présente  de  la  part  de  M.  Rey,  chef  du  Service 
archéologique  de  Tarmée  de  Salonique,  une  carte  où  ont  été 
reportés  les  emplacements  des  différents  tumuli  fouillés  par  le 
corps  expéditionnaire  d'Orient  dans  la  région  de  Salonique  et  de 
Monastir.  Ce  document  sera  accompagné  ultérieurement  d'un 
texte  explicatif. 

M.  PoTTiER  lit  une  lettre  de  M.  Alfred  Merlin,  correspondant 
de  l'Académie,  sur  une  terre  cuite  punique  peinte,  trouvée  dans 
une  nécropole  de  Carthage,  et  qui  représente  une  femme  riche- 
ment vêtue,  tenant  à  la  main  un  objet  circulaire.  M.  Pottier 
voit  dans  cet  objet  un  tympanon.  Il  ajoute  quelques  remarques 
sur  le  costume  très  original  que  l'artisan  a  fidèlement  figuré. 

MM.  Salomon  Reinach  et  Bouché-Leclercq  présentent 
quelques  observations. 

M.  Clermont-Ganneau  fait  remarquer  <iue  la  position  delà  main 
semble  indiquer  que  les  doigts  tambourinent  sur  le   tympanon. 

1.   Voir  ci-après. 


262  LES    PREMIERS    PRISONNIERS    P.ERMAINS    A    ROME 

M.  Marcel  Dm:i;i..vkov  communique  une  noie  de  M.  Joulin  sur 
les  Celtes,  d'après  les  découvertes  récentes  faites  dans  le  Midi  de 
la  France  et  en  Espagne.  M.  Joulin  y  retrace  en  quelques  pages 
leur  histoire  et  étudie  ce  que  Ton  peut  savoir  de  leur  organisa- 
tion'. 

M.  Salomon  Reinach  présente  quelques  observations. 


COMMUNICATIONS 


LES    PREMIERS    PRISONNIERS    GERMAINS    A    ROME, 
PAR    M.    CAMILLE    JULLIAN,    MEMBRE    DE    l'aCADÉMIE. 

Il  existe  au  Musée  de  Naples  un  casque  de  gladiateur 
trouvé  à  Pompei  2,  dont  les  figures  en  relief  ont  suscité  ces 
temps-ci,  en  Allemagne,  une  très  vive  discussion.  M.  von 
Bienkowski  a  publié,  à  son  sujet,  dans  VEos  de  Lemberg 
(XXI),  un  long  article  pour  développer  Ihypothèse  que  ces 
fio-ures  se  rattacheraient  au  triomphe  de  Germanicus.  Comme 
je  ne  connais  cet  article  que  par  de  médiocres  résumés,  je 
me  permets  de  reprendre  ici  la  thèse  de  l'auteur,  soit  à 
Taide  d'arguments  que  je  sais  provenir  de  lui,  soit  à  Taide 
d'autres  arguments  dont  il  s'est  peut-être  servi,  mais  qui 
me  viennent  aussi  spontanément  à  la  pensée.  Voici  la 
description  sommaire  des  figures  de  ce  casque  : 

à  gauche  fst.ce  antérieure  à  droite 
trophée  d'armes  (lan-  Rome    casquée,    de-  même  trophée  ;  mais 
ces,  boucliers,  casque,  bout,    le    pied    sur    un  le  casque  est  remplacé 
perruque,    jambière,  avant  de  navire  ;  par  une    seconde   per- 
carnyx);  des    deux    côtés,    un  ruque  ; 
à  gauche,  la  Victoire  ;  barbare,le  genou  ployé,  à  droite,  la  Victoire  ; 
à   droite,  jeune  bar-  lui  présentant  une  en-  à  gauche,  femme  bar- 
bare,   avec    braies,    le  seigne    romaine,    visi-  bare  en  attitude  de  cap- 
buste  nu,   les  cheveux  blement  légionnaire.  tive. 
longs. 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Il  a  été  public  dans  le  Miiseo  Borbonico,  X,  31. 


LES    PREMIERS    PRISONNIERS    GERMAINS    A    ROME  263 

•La  thèse  peut,  selon  moi,  se  développer  par  les  propo- 
sitions suivantes  : 

1"  Le  dispositif  régulier  et  systématique  de  cet  ensemble, 
les  enseignes  présentées  k  Rome  et  encadrées  par  deux 
trophées  similaires  et  différents,  prouvent  que  les  trois 
scènes  se  réfèrent  à  un  seul  événement  triomphal  ; 

2^  Il  s'agit  d'un  triomphe  sur  des  peuples  occidentaux  : 
costumes  de  barbares  et  espèce  d'armes  ne  conviennent 
qu'à  des  ennemis  de  l'Ouest  ; 

3°  Le  seul  ennemi  occidental  assez  important  pour 
mériter  un  ensemble  de  scènes  de  ce  genre,  du  moins  sous 
les  empereurs,  ne  peut  être  que  les  Germains  ; 

4°  Détails  de  costumes  et  d'armement  conviennent  fort 
bien  aux  Germains  ; 

5"  Le  triomphe  qui  a  provoqué  cette  scène  devait  se 
composer  de  deux  éléments  :  la  restitution  d'enseignes  (sans 
doute  de  deux  légions),  la  présentation  de  captifs  illustres, 
dont  une  femme  et  un  grand  garçon  ; 

6*^  Un  triomphe  de  ce  genre  ne  s  est  célébré  qu'une  fois 
à  Rome  sous  les  premiers  empereurs,  en  l'an  17,  lorsque 
Germanicus  y  rapporta  les  deux  enseignes  légionnaires 
ravies  à  Varus  et  restituées  par  les  Germains,  et  qu'il  con- 
duisit dans  son  cortège  Thusnelda  et  Thumelicus,  femme 
et  fils  d'Arminius.  Et  nous  avons  ici  sous  les  yeux,  en 
attitude  de  captifs,  la  femme  et  la  fille  du  chef  fameux,  et 
le  tableau  vivant  par  lequel,  lors  de  ce  triomphe,  on  repré- 
senta la  restitution  des  enseignes  ; 

7°  Rien  d'étonnant  à  ce  qu'un  tel  triomphe  ait  été  figuré 
sur  des  casques  de  gladiateurs.  Il  fut  un  des  plus  beaux 
que  Rome  eût  vus  après  ceux  de  César  et  d'Auguste  et 
avant  celui  de  Titus  ;  il  donna  lieu  à  des  jeux  et  des  com- 
bats de  tout  genre  ;  plus  tard,  le  culte  de  Germanicus  fut 
particulièrement  populaire  en  Italie  et  dans  tout  l'Empire, 
il  provoqua  sans  nul  doute  des  spectacles  funéraires  et, 
entre  autres,  des  luttes  de  gladiateurs.  Claude,  son  frère, 


2G4  LES    PREMIERS    PRISONNIERS    GERMAINS    A    ROME      • 

et  Calio-ula,  son  iils,  n'ont  pu  (ju'encourager  ce  culte  et  le 
souvenir  de  son  triomphe.  Le  casque  en  question  a  été 
donné  comme  récompense  à  un  gladiateur  vainqueur  en 
une  fête  de  cette  sorte  ; 

8«  Les  fêtes  triomphales  et  anniversaires  provoquaient 
d'ailleurs  quantité  d'objets  et  monuments  commémoratifs 
qui  en  éternisaient  les  principaux  détails.  Certain  vase 
d'argent  du  trésor  de  Boscoreale  semble  également  faire 
allusion  au  triomphe  de  Germanicus,  et  il  y  a,  entre 
l'allure  de  ses  scènes  et  l'allure  des  scènes  du  casque,  de 
réelles  analogies.  Gomme  l'a  conjecturé,  je  crois,  Déche- 
lette,  bien  des  potiches  de  la  Gaule  romaine  ont  dii  être 
distribuées  en  commémoration  des  triomphes  de  Trajan. 

L'article  de  M.  de  Bienkowski  a  éveillé  en  Allemagne 
d'assez  vives  susceptibilités  (voir  Germania,  1918),  d'abord 
.  parce  qu'il  commémore  une  défaite,  ensuite  parce  qu'une 
photographie  du  casque  de  Naples  existe  au  grand  Musée 
germanique  de  Mayence,  et  que  le  directeur  de  ce  Musée, 
M.  Schumacher,  a  toujours  refusé  de  voir  là  des  Germains 
et  d'inscrire  ce  casque  dans  son  catalogue  des  figurations 
germaniques.  Et,  de  tous  côtés,  des  réclamations  se  sont 
élevées  contre  les  assertions  du  savant  polonais.  —  M.  Schu- 
macher a  déclaré  que  la  coiffure  des  Barbares  n'était  pas  la 
coiffure  ordinaire  des  Germains  ;  à  quoi  je  répondrai  qu'il 
s'agit  là,  dans  cette  restitution  d'enseignes,  d'une  céré- 
monie solennelle,  pour  laquelle  Rome  a  dû  imposer  à  ses 
captifs  un  costume  de  circonstance.  —  On  s'est  étonné  que 
Rome,  pour  recevoir  ces  enseignes,  ait  le  pied  posé  sur  un 
avant  de  navire  ;  mais  M.  de  Bienkowski  avait  déjà 
remarqué  que  la  campagne  de  Germanicus  avait  été,  pour 
moitié,  une  campagne  maritime.  —  Les  Allemands  ont 
chicané  contre  l'idée  de  voir  des  perruques  sur  les  trophées  : 
ce  sont,  dit-il,  des  cheveux  scalpés.  Outre  que  je  ne  le 
crois  pas,  cela  ne  fait  rien  à  l'affaire.  —  H  eût  été  bien  dou- 
loureux pour  les  Romains,  a-t-on  objecté,  de  faire  allusion 


LES    CELTES    d'aPRÈS    DES    DÉCOUVERTES    RÉCENTES  265 

à  l'a  perte  des  enseignes  de  Varus.  Et  la  cuirasse  d'Auguste, 
où  est  fîg-urée  la  restitution  des  enseignes  de  Crassus  ?  —  Ce 
sont,  dit  M.  Schumacher,  des  Barhares  de  convention. 
Jamais  de  la  vie  :  tout  indique,  variété  de  costumes,  d'atti- 
tudes, de  sexes,  que  l'artiste  a  voulu  reproduire  des  êtres 
réels.  —  Les  scènes  mythologiques  et  conventionnelles  ne 
sont  point  rares  sur  les  casques  de  gladiateurs.  Je  le  sais 
bien  :  mais  il  y  a  aussi  des  scènes  réelles.  Et  précisément 
la  vue  de  celle-ci  en  proclame,  si  je  peux  dire,  la  réalité. 
Et  c'est  bien  la  plus  ancienne  vision  connue  de  prison- 
niers germaniques  entrant  dans  Rome,  et  de  prisonniers 
de  marque,  s'il  en  fût,  la  femme  et  le  fds  d'Arminius. 


LES  CELTES,  D  APRÈS  LES  DÉCOUVERTES  ARCHÉOLOGIQUES 

RÉCENTES  DANS  LE  SUD  DE  LA  FRANCE  ET  EN  ESPAGNE, 

PAR  M.  LÉON  JOULIN. 

Dans  la  répartition  que  quelques  textes  grecs  et  la  lin- 
guistique donnent  aux  races  des  barbares  de  l'Europe  occi- 
dentale au  viii'^  siècle  avant  J.-C,  les  Celtes  occupent 
toutes  les  régions  de  l'Allemagne  du  Sud,  ce  que  confirment 
les  découvertes  archéologiques.  La  civilisation  des  diffé- 
rentes races  est  celle  du  bronze,  plus  ou  moins  avancée 
suivant  les  contrées. 

Au  début  du  viii^  siècle,  les  Celtes  se  distinguent  des 
autres  barbares  par  une  langue  commune  arrivée  à  un  cer- 
tain degré  de  formation,  et  par  les  migrations  de  tribus 
qui  se  sont  déjà  établies  dans  les  îles  bretonnes.  D'autre 
part,  l'archéologie  apprend  qu'au  vii^  siècle  avant  J.-C, 
ces  peuples  ont  réalisé  dans  la  fabrication  du  fer  un  pre- 
mier progrès  qui  leur  permet  de  reproduire  avec  ce  métal 
la  grande  épée  à   crans  de  l'âge    de    bronze.   A  la  même 

1918  19 


266         LES   CELTES    d'APR1>S    DES    DÉCOUVERTES    RI^^CENTES     ' 

époque,  l'interprétation  d'un  texte  montre  Jes  tribus  cel- 
ticjues  fixées  dans  la  Gaule  orientale  au  milieu  des  j)opula- 
tions  ligures  qu'elles  dominent  on  leur  apportant  la  civili- 
sation du  fer.  Des  objets  semblables  à  ceux  de  1"  Allemagne 
du  Sud  rencontrés  en  Bohème,  Silésie  et  Prusse  orientale, 
indiquent  que  la  nouvelle  civilisation  a  pénétré  chez  les 
peuples  non  celtiques  de  ces  contrées. 

Au  vi"  siècle,  les  Celtes  font  de  nouveaux  progrès  dans 
la  fabrication  du  fer  et  connaissent  le  bronze  martelé.  S'ins- 
pirant  de  types  italiques,  ils  perfectionnent  toute  leur 
industrie,  et  créent  ce  que  l'on  a  appelé  la  civilisation  du 
Hallstatt.  C'est  à  cette  époque  que  des  textes,  discutés 
jusqu'à  ce  jour,  leur  donnent  la  domination  de  l'Europe 
occidentale.  Or  l'archéologie  vient  de  confirmer  ces  textes 
en  retrouvant  les  éléments  de  la  civilisation  du  Hallstatt 
dans  toutes  les  régions  de  la  Gaule  du  Sud  et  de  l'Espagne, 
comme  elle  l'avait  déjà  fait  pour  les  pays  à  l'Est  et  au  Nord- 
Est  de  l'Allemagne  du  Sud.  L'hypothèse  d'une  transmission 
par  le  commerce  de  la  civilisation  du  fer  dans  ces  pays  est 
^  dès  maintenant  écartée  parla  constatation  que  les  rites  funé- 
raires hallstattiens  existent  également  dans  les  deux  groupes 
de  contrées.  Les  Celtes  ont  donc  affranchi  au  vi*^  siècle  une 
grande  partie  de  l'Europe  barbare  du  tribut  payé  aux  pays 
d'où  provenaient  les  éléments  du  bronze,  en  même  temps 
que  cette  race  belliqueuse  a  pu  armer  un  plus  grand  nombre 
d'hommes  avec  le  nouveau  métal.  Aces  observations  s'ajoute 
la  fondation,  dans  les  contrées  occidentales,  de  nombreuses 
agglomérations  de  toute  nature,  qui  ont  permis  une  exploi- 
tation des  richesses  naturelles  plus  complète  que  celle  faite 
jusqu'alors  par  les  peuples  de  la  civilisation  du  bronze.  Les 
dominateurs  peu  nombreux  occupaient  des  oppida  dont  les 
noms  celtiques  sont  connus.   ■ 

Sans  indications  sur  l'état  politique  des  Celtes,  on  est 
amené    à  concevoir  l'existence,   aux  vii*^,   vi*^  et  v^  siècles 


LES    CELTES    d'aPRÈS    DES    DÉCOUVERTES    RÉCENTES        267 

avant  J. -G.,  d'un  grand  empire  s  étendant  de  la  Baltique 
aux  Colonnes  d'Hercule.  Ces  conquêtes,  précédées  de  la 
création  de  l'industrie  du  Hallstatt,  sont  l'œuvre  d'une  orga- 
nisation aristocratique  et  militaire,  analogue  à  celle  des 
empires  asiatiques  contemporains,  celui  des  Mèdes  en  par- 
ticulier. La  formation  de  l'empire  celtique  a  été  d'ailleurs 
favorisée  par  les  événements  de  l'Orient  méditerranéen, 
parmi  lesquels  la  destruction  de  Tyr,  et  la  longue  lutte  des 
Grecs  contre  les  Perses.  On  comprend  maintenant  que, 
possédant  toutes  les  voies  du  commerce  barbare  avec  les 
peuples  méditerranéens,  les  Celtes  soient  arrivés  rapide- 
ment à  la  prospérité  que  manifestent  les  découvertes 
archéologiques  des  contrées  fertiles  situées  de  chaque  côté 
du  Rhin. 

Le  nom  commun  de  Celtes  disparaît  presque  chez  les 
auteurs  grecs  et  latins  qui  rapportent  les  événements  poli- 
tiques auxquels  ces  peuples  ont  pris  part  aux  iv*'  et  iii^  siè- 
cles. Deux  Etats  celtiques  sont  seuls  mentionnés,  les  Galates 
ou  Gaulois  et  les  Volques  ou  Belges,  les  derniers  sur  la  rive 
droite  du  Rhin.  De  son  côté,  l'archéologie  a  montré  que 
dans  la  dernière  partie  du  ¥*=  siècle,  la  civilisation  du  Halls- 
tatt a  fait  place  à  celle  plus  avancée  de  la  Tène,  dont  les 
éléments  matériels  témoignent  de  nombreuses  influences 
helléniques.  On  constate  en  outre  que  la  nouvelle  civilisa- 
tion, créée  dans  les  régions  situées  de  chaque  côté  du  Rhin, 
s'est  répandue  rapidement  dans  toutes  les  contrées  hallstat- 
tiennes.  La  dissolution  du  grand  empire  explique  seule  ces 
événements  politiques  et  économiques,  et,  comme  aucune 
action  extérieure  ne  peut  être  invoquée,  on  est  conduit  à 
attribuer  cette  évolution  à  la  prépondérance  des  pays  rhé- 
nans, comme  cela  était  arrivé  aux  Perses  de  l'Iran  qui  avaient 
fini  par  dominer  les  Mèdes.  Les  autres  parties  de  Pempire 
sont  devenues  indépendantes  ;  un  seul  de  ces  États  est 
dénommé,  la  Celtibérie,  à  partir  du  iii^  siècle. 


268  LES    CKLTES    d'aPRÈS   DES    DÉCOUVERTES    RÉCENTES 

Sur  rorj»;anisation  politique  des  deux  grands  groupes  de 
peuples  celtiques,  les  textes  ne  donnent  d'autre  rensei- 
gnement que  la  confédération  des  nations  gauloises  sous 
l'hégémonie  des  Bituriges.  Des  intérêts  communs  avaient 
donc  réalisé  en  Gaule  une  organisation  analogue  à  celle  que 
l'on  retrouve  dans  les  temps  voisins  de  la  conquête 
romaine.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  sait  qu'au  commencement 
du  iv^  siècle  l'excès  de  population  chez  plusieurs  nations 
gauloises,  et,  au  iii^  siècle,  la  pression  des  Germains  sur 
les  Belges,  obligent  les  deux  peuples  à  chercher  de  nou- 
velles terres.  Les  premiers  s'établissent  dans  l'Italie  du 
Nord,  la  Bohême  et  le  bassin  supérieur  du  Danube  ;  les 
seconds,  dans  la  Gaule  du  Sud,  la  Péninsule  des  Balkans 
et  jusqu'en  Asie  Mineure.  Comme  la  civilisation  de  la  Tène 
a  précédé  immédiatement  ces  migrations,  et  qu'elle  a  fait 
des  emprunts  à  la  civilisation  hellénique,  notamment  pour 
les  armes,  on  peut  penser  que  la  transformation  de  la  civi- 
lisation du  Hallstatt  a  préparé  les  luttes  que  les  émigrants 
devaient  soutenir  contre  les  peuples  hellénisés  dont  ils 
convoitaient  le  territoire.  Les  Celtes  ont  imposé  leur  civi- 
lisation aux  barbares  qu'ils  ont  soumis  ;  mais  ils  ne  l'ont 
modifiée  en  rien  au  contact  des  peuples  italiques  et  grecs 
qu'ils  dominaient,  ce  qui  devait  être  une  cause  d'infériorité 
dans  de  nouvelles  luttes  contre  ces  peuples. 

Les  événements  des  ii^et  i^''  siècles  av.  J.-C.  appartiennent 
entièrement  à  l'histoire.  Les  textes  apprennent  tout  d'abord 
que  les  nations  de  la  Gaule,  redevenues  indépendantes,  se 
sont  confédérées  à  nouveau  sous  l'hégémonie  des  Arvernes. 
D  autre  part,  les  récits  de  César  et  les  géographes  grecs  des 
11^  et  i"  siècles  avant  J.-C.  permettent  de  restituer  l'état  de 
la  civilisation  de  la  Gaule  à  cette  époque.  Les  noms  et  les 
territoires  des  diverses  nations  sont  indiqués.  On  connaît 
l'organisation  politique  des  tribus  et  des  nations  et  leurs 
autorités  :  rois  ou  chefs  élus,  conseils  ou  sénats.  La  société 


LES    CELTES    d'aPRKS    DES    DÉCOUVERTES    RÉCENTES         269 

comprend,  outre  les  familles  royales,  les  nobles  ou  princes 
possédant  toute  la  richesse  et  l'autorité,  et  la  plèbe  sans 
droits  politiques,  mais  unie  aux  nobles  par  la  clientèle  ; 
enfin,  la  famille  patronymique.  Le  culte  national  a  pour 
ministres  les  druides  de  chaque  nation,  qui,  sous  l'autorité 
d'un  g-rand-prétre,  forment  également  un  lien  fédéral,  poli- 
tique et  judiciaire.  C'est  à  cette  organisation  que  l'archéo- 
logie est  venue  apporter  tous  les  éléments  du  travail  de 
l'homme  dans  la  civilisation  de  la  Tène,  Si  l'on  excepte  le 
druidisme,  d'introduction  récente  en  Gaule,  il  est  vraisem- 
blable que  les  États  fondés  aux  iv®  et  m^  siècles  av.  J.-G. 
avaient  adopté  les  principales  dispositions  de  cette  organi- 
sation, comme  l'indique  celle  des  Galates  d'Asie. 

Au  commencement  du  ii''  siècle  av.  J.-G.,  Rome  inaugure 
les  conquêtes  qui  doivent  lui  donner  l'empire  du  bassin 
méditerranéen  et  le  garantir  contre  les  peuples  du  Nord, 
Tous  les  Etats  celtiques  en  deçà  du  Rhin  et  du  Danube 
sont  successivement  soumis  par  les  légions  et  par  la  poli- 
tique éclairée  du  Sénat.  Appelés  en  123  par  Marseille  que 
pressent  des  tribus  ligures,  les  Romains  détruisent  tout 
d'abord  la  confédération  arverne,  et  forment  une  grande 
province  des  régions  du  Sud-Est  de  la  Gaule.  Soixante  ans 
après,  des  nations  gauloises,  faibles  dans  leur  isolement, 
sollicitent  le  secours  des  Romains  contre  une  migration  des 
Helvètes  et  Tinvasion  des  Suèves  d'x\rioviste.  Gest  alors 
que  Gésar,  proconsul  des  Gaules,  entreprend  la  conquête 
du  pays  entier.  Après  huit  années  de  luttes,  où  les  Gaulois 
mettent  en  œuvre  toutes  les  ressources  de  leur  territoire  et 
de  leur  civilisation,  le  génie  du  grand  capitaine  triomphe 
des  efforts  qu'ils  ont  faits  pour  défendre  leur  indépendance. 
Dès  le  111^  siècle,  les  Germains  avaient  commencé  la  con- 
quête des  Etats  celtiques  situés  au  delà  du  Rhin  et  du 
Danube.  ^larbod  et  les  Marcomans  l'achèvent  à  la  fin  du 
i"  siècle  av.  J.-G.  par  celle  de  la  Bohême  et  des  pays 
situés  sur  la  rive  gauche  du  Danube. 


270  LIVRES    OFFERTS 

L'Histoire  que  nous  venons  de  résumer  manifeste  à  un 
haut  degré  Taction  que  les  Celtes  ont  exercée  pendant  six 
siècles  sur  les  peuples  barbares  de  l'Europe.  A  ce  titre, 
cette  race  bien  douée  peut  se  placer  à  côté  des  Grecs  et 
des  Romains  dans  les  g'randes  luttes  que  la  Civilisation  a 
soutenues  pendant  le  millénaire  qui  a  précédé  Tère  chré- 
tienne. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  : 

1"  Atii  e  Memorie  delV  Accadeinia  d'agricultura,  scienze  e  lettere  di 
Verona,  vol.  XVI,  XVII,  XVIII,  série  IV.  —  Appendice  au  vol.  XVI 
et  au  vol.  XVIII,  série  IV; 

2°  Archaeologia  or  Miscellaneous  tracts  relaiing  to  antiquUy, 
published  by  the  Society  of  Antiquaries  of  London,  2«  série, 
vol.  XVIII.  Oxford,  1919,  in-4o  ; 

3°  Proceedings  of  the  Society  of  Antiquaries  of  London,  vol.  XXIX, 
2''  série  ; 

4"  Annual  report  of  the  Board  of  regenis  of  the  Smithsonian  Insti- 
tution, 1916  (Washington,  1917,  in-S")  ; 

5»  Revue  Savoisienne,  2*  trimestre  1918  (Annecy,  1918,  iu-8°). 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 

DE 

L'ACADÉMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES- LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 

SÉANCE    DU    2    AOUT 


PRESIDENCE    DE    M.    MAURICE    CROISET,    ANCIEN    PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  de  la  correspondance 
qui  comprend  : 

Une  lettre  de  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  annon- 
çant que  M.  le  Ministre  de  la  marine  a  donné  à  «  M.  le  contre- 
amiral,  commandant  la  division  de  Syrie,  sous  les  ordres  duquel 
le  R.  P.  Savig-nac  est  placé,  l'ordre  de  lui  accorder  toutes  les 
facilités  compatibles  avec  la  bonne  marche  de  son  service  ". 

"2°  Une  lettre  du  Ministre  de  l'instruction  publique  de  Chine 
exprimant  ses  regrets  au  sujet  delà  mort  de  M.  Chavannes. 

3"  Une  lettre  de  M.  Millet  chargé  par  le  Ministère  de  l'ins- 
truction publique  d'une  mission  au  mont  Athos.  Cette  lettre 
adressée  au  Ministre  fait  connaître  les  premiers  résultats  de  la 
mission.  Elle  nous  a  été  envoyée  en  communication  par  M.  le 
directeur  de  l'Enseignement  supérieur. 

4°  Un  rapport  de  M.  Henri  Basset  adressé  à  la  Direction 
de  l'enseignement  au  Maroc  et  transmis  par  le  Directeur. 

Le  Président  offre  à  notre  confrère  M.  Emile  Picot  nos  plus 
vives  condoléances  à  l'occasion  de  la  mort  de  son  fills,  tué 
récemment  à  l'ennemi,  et  l'assure  que  l'Académie  s'associe  de 
tout  cœur  à  sa  fierté  pour  la  mort  glorieuse  du  jeune  capitaine 
et  à  sa  profonde  douleur. 


272  UNE    GRANDE    BASILIQUE    SOUTERRAINE    A    ROME 

M.  Franz  Cumont  entretient  lAcadémie  d'un  travail  publié 
par  MM.  Gattiet  Fornari  sur  la  basilique  souterraine  découverte 
à  Home  sur  la  voie  du  chemin  de  fer.  Il  ajoute  quelques  obser- 
vations personnelles  à  cet  égard  et  exprime  l'idée  que  Tédilice 
servait  peut-être  de  lieu  de  culte  à  quelque  secte  néo-pythagori- 
cienne ^ . 

ISIM.  Théodore  Reinacm,  Bouché-Leclercq  et  Maurice  Groiset 
présentent  quelques  observations. 

M.  Louis  Léger  communique  un  travail  sur  la  vie  académique 
des  Slaves  méridionaux.  Les  deux  centres  intellectuels  sont 
Zagreb  (Agram)  chez  les  Croates  et  Belgrade  chez  les  Serbes. 
L'Académie  sud-slave  d'Agram,  dont  le  nom  dit  assez  les  ten- 
dances, a  été  fondée  en  1867  sur  l'initiative  et  en  partie  aux  frais 
d'un  illustre  moine,  l'évêque  Strossmayer.  L'Académie  royale  da 
Belgrade  a  succédé  en  1886  à  la  Société  des  sciences  de  cette 
ville  dont  M.  Léger  raconte  les  origines.  Elle  avait  sous  sa 
tutelle  trois  établissements:  la  Bibliothèque  nationale  qui,  au 
début  de  la  guerre,  possédait  environ  50.000  volumes,  le  Musée 
national,  et  le  Musée  serbe,  particulièrement  intéressant  au  point 
de  vue  de  l'histoire  et  de  l'ethnographie.  M.  Léger  énumère  et 
apprécie  les  nombreuses  publications  des  deux  Académies,  aux- 
quelles il  appartient  depuis  de  longues  années. 

M.  Maurice  Groiset  présente  quelques  observations. 


COMMUNICATION 


LA      BASILIQUE      SOUTERRAINE       DÉCOUVERTE 

PRÈS    DE    LA    PORTA    MAGGIORE,    A    ROME, 

PAR    M.    FRANZ    CUMONT,    ASSOCIÉ    ÉTRANGER    DE    l'aCADÉMIE. 

L'Académie  connaît  déjà  par  une  communication  de 
M.  Salomon  Reinach  '  la  découverte  remarquable,  faite  à 
Rome  en  1917,  d'une  grande  basilique  souterraine,  située 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Comptes  rendus  de  l'Ac.  des  inscr.,  27  mars  1918  (ci-dessus,  p.  161). 


UNE    GRANDE    BASILIQUE    SOUTERRAI>E    A    ROME  273 

exactement  sous  la  voie  du  chemin  de  fer  près  de  la  Porta 
Magg-iore.  J'ai  l'honneur  de  lui  olfrir  aujourd'hui,  au  nom  de 
MM.  E.  Gatti  et  F.  Fornari,  la  première  notice  des  fouilles 
qui  y  ont  été  effectuées  •.  Personne  ne  pouvait  mieux  dé- 
crire ce  monument  considérable  que  les  archéologues  qui, 
depuis  plus  d'un  an,  en  ont  dirigé  avec  habileté  le  déblaie- 
ment et  la  consolidation  et  étudié  tous  les  détails  avec 
amour  et  avec  compétence.  Mais  le  nettoyage  des  stucs 
n'étant  pas  terminé,  ils  ne  nous  oflVent  encore  qu'un  compte 
rendu  provisoire  et  sommaire,  qui  cependant  suffit  à  donner 
une  idée  précise  de  l'ensemble  de  l'édifice  et  à  fixer  sa  des- 
tination et  son  époque. 

Un  long  couloir  incliné,  en  partie  effondré,  conduisait 
dans  un  vestibule  ou  pronaos,  richement  décoré  de  pein- 
tures et  de  reliefs  sur  fond  polychrome  ;  la  voûte  en 
était  percée  d'un  lucernaire,  seule  ouverture  qui  éclairât  le 
souterrain.  De  ce  pronaos,  une  porte  cintrée  donnait  accès 
dans  une  vaste  et  haute  salle  rectangulaire  (12"'  X  9"^), 
qui  a  la  forme  caractéristique  des  basiliques  :  divisée  en 
trois  nefs  par  des  rangées  de  gros  piliers,  elle  est  terminée 
au  fond  par  une  abside.  Les  ossements  d'un  chien  et  d'un 
porc,  retrouvés  sous  le  mur  de  l'abside,  sont  manifestement 
les  restes  d'un  sacrifice  de  fondation,  et  cet  indice,  joint  à 
d'autres  preuves,  ne  permet  pas  de  douter  que  la  crypte 
ait  servi  aux  cérémonies  de  quehjue  culte  secret. 

La  trouvaille  de  la  Porta  Maggiore  apporte  ainsi  un  argu- 
ment puissant  en  faveur  de  l'opinion  défendue  récemment 
par  M.  Gabriel  Leroux  sur  l'origine,  jusqu'ici  si  contro- 
versée, de  la  basilique  chrétienne,  qui  est  suivant  lui  une 
imitation  des  salles  où  se  réunissaient  certaines  confréries 
païennes  pour  y  célébrer  leurs  mystères  2. 

1.  Brevi  nolizie   relative    alla   scoperla  di  un    monumento  sotterraneo 
pressa  Porta  Mngffiore  (exlr.  des  Nolizie  deyli  Scavi^  1018,  fasc.  r. 

2.  Gabriel  Leroux,  Les    oricjines  de    l'édifice    hypostijle  (Paris,    1913), 
p.  308  puiv. 


274  UNE   GRANDE    UASILIQUE    SOUTERRAINE    A    ROME 

Mais  la  valeur  artistique  et  religieuse  du  nouveau  temple 
réside  surtout  dans  sa  décoration,  qui  est  d'une  étonnante 
richesse.  Presque  toute  la  surface  des  murs  et  des  voûtes 
est  couverte  de  reliefs  en  stuc  blancs,  comme  ceux  de  la 
Farnésine.  A  côté  de  motifs  purement  ornementaux, 
comme  des  palmettes  ou  des  candélabres  stylisés,  de 
bustes,  qui  sont  sans  doute  des  portraits,  de  statues,  qui 
paraissent  être  des  reproductions  d'originaux  célèbres,  on 
y  voit  une  variété  surprenante  de  scènes  dont  quelques- 
unes  semblent  purement  profanes  (jongleurs,  pédagogue 
avec  ses  élèves),  mais  qui,  presque  toutes,  ont  un  caractère 
nettement  religieux  :  ce  sont  tantôt  des  objets  du  culte, 
posés  sur  des  tables  d'offrande,  tantôt  des  cérémonies  sa- 
crées des  mystères  éleusiniens  ou  dionysiaques,  plus  sou- 
vent des  épisodes  de  légendes  mythologiques  :  délivrance 
d'Hésione,  conquête  de  la  Toison  d'Or,  châtiment  des 
Danaïdes,  Hercule  recevant  les  pommes  des  Hespérides, 
Dioscure  enlevant  une  fille  de  Leucippe,  Ganymède  em- 
porté au  ciel,  etc.  Au  fond  de  l'abside,  une  grande  compo- 
sition fait  allusion  au  voyage  des  âmes  vers  les  îles  des 
Bienheureux, 

Les  originaux  grecs  dont  se  sont  inspirés  les  décorateurs 
romains  sont  d'époque  très  différente  ;  ceux-ci  n'ont  pas 
imité  seulement  des  modèles  alexandrins,  mais  reproduit 
des  œuvres  presque  archaïques,  qui  remontent  certaine- 
ment jusqu'au  v''  siècle.  L'inégalité  de  la  technique  prouve 
aussi  que  différentes  mains  ont  exécuté  cette  légère  et  fra- 
gile ornementation. 

Un  ensemble  aussi  disparate  serait  difficile  à  dater  d'après 
ses  caractères  artistiques,  mais  la  construction  du  monu- 
ment fournit  des  indications  chronologiques  plus  sûres. 
M.  Gatti,  qui  s'est  chargé  de  l'étude  architectonique  de 
l'édifice,  croit  pouvoir  fixer  l'époque  de  sa  construction 
au  commencement  du  i®""  siècle  de  notre  ère,  et  cette  conclu- 
sion s'accorde  bien  avec  l'absence,  dans  la  décoration,   de 


UNE    GRANDE    BASILIQUE    SOUTERRAINE    A    ROME  275 

tout  motif  emprunté  aux  cultes  orientaux  ou  à  l'astrologie. 
L'œuvre  est  encore  dans  la  pure  tradition  grecque. 

S'appuvant  sur  ces  faits,  M.  Fornari  est  arrivé  à  déter- 
miner avec  sagacité  le  nom  probable  du  propriétaire  de  la 
basilique,  qui  devait  être  aussi  le  patron  de  la  société  dont 
elle  était  le  lieu  de  réunion.  A  environ  deux  cents  mètres 
de  là,  on  a  trouvé  un  grand  tombeau  qui  servit  de  sépulture 
aux  esclaves  et  affranchis  de  la  puissante  gens  Statilia. 
Celle-ci  possédait  donc  ici  un  fonds  de  terre  le  long  de  la 
voie  Prénestine.  Or  nous  savons  par  Tacite  (XII,  59)  que 
vers  52  ap.  J.-C,  Statilius  Taurus,  ancien  proconsul 
d'Afrique,  fut,  à  l'instigation  d'Agrippine,  qui  convoitait 
ses  beaux  jardins,  accusé  de  magicae  superstitiones.  On 
peut  conjecturer  que  l'historien  désigne  ainsi  les  rites  mys- 
térieux pratiqués  dans  l'hypogée  qui  vient  d'être  retrouvé, 
comme  par  miracle,  presque  intact. 

Quelle  secte  célébrait  ces  cérémonies  secrètes?  M.  For- 
nari garde  encore  sur  ce  point  une  prudente  réserve,  et  il 
est  en  effet  scabreux  de  se  prononcer  tant  qu'une  étude 
complète  du  monument  n'est  pas  possible.  Cependant 
certains  indices  me  font  croire  que  dans  cette  basilique 
s'assemblait  une  association  néo-pythagoricienne  '.  On  sait 
quelle  influence  le  pythagorisme^  rénové  à  la  fin  de  la  Répu- 
blique, exerça  à  Rome  sous  les  premiers  empereurs.  Si 
notre  hypothèse  se  vérifie,  la  découverte  de  la  Porta  Mag- 
giore  acquerra,  pour  l'étude  des  croyances  romaines  au 
commencement  de  notre  ère,  une  importance  qu'il  serait 
difficile  d'exagérer. 

1.  Cf.  Revue  archéologique,  1918,  p.  9suiv.,oùje  fais  valoir  les  argu- 
ments qu'on  peut  tirer  en  faveur  de  cette  opinion  à  la  fois  du  type  de  la 
construction  et  du  grand  tableau  qui  décore  l'abside. 


276  SÉANCE    DU    9    AOUT    1918 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel 'dépose  sur  le  bureau  les  pulilicalions 
suivantes  ; 

Comptes  rendus  des  séances  de  r Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  cahier  de  janvier-février  1918  ; 

Mémoires  de  V Académie  des  sciences,  inscriptions  et  belles-Ieltres 
de  Toulouse,  H«  série,  t.  V; 

Album  iconographique  des  avatars  de  Clémence  Isaure,  par  le  baron 
Desazars,  de  Montgailhard.  Appendice  aux  Mémoires  de  l\Académie 
des  sciences,  inscriptions  et  belles-lettres  de  Toulouse,  XP  série,  t.  III; 

American  Journal  of  archaeology,  vol.  XXII,  n°  2,  avril-juin  191S. 

M.  PoTTiER  est  chargé  par  M.  Thureau-Dangin  de  déposer  sur  le 
bureau  un  mémoire  sur  la  Chronologie  des  dynasties  de  Sumer  et 
d'Accad  (Paris,  1918).  <(  Un  résumé  de  cette  étude  avait  été  présenté 
par  notre  confrère  dans  la  séance  du  26  juin  1914.  Elle  a  pour 
objet  un  prisme  à  quatre  faces,  acquis  par  le  Musée  du  Louvre,  don- 
nant la  chronologie  de  la  dynastie  de  Larsa.  Cet  important  docu- 
ment prend  rang  parmi  les  textes  cunéiformes  les  plus  précieux 
pour  reconstituer  l'histoire  de  la  haute  antiquité  orientale,  au  cours 
du  troisième  millénaire  avant  notre  ère,  en  se  fondant  sur  les  calculs 
astronomiques  du  P.  Kugler  pour  la  détermination  des  dates  fixes. 
Le  même  texte  sert  à  résoudre  le  problème  discuté  sur  le  rapport 
chronologique  entre  la  dynastie  de  Larsa  et  celle  de  Babylone.  La 
seconde  partie  du  mémoire  est  consacrée  aux  dynasties  historiques, 
antérieures  à  la  dynastie  dlsin,  et  s'appuie  en  particulier  sur  l'étude 
d'une  tablette  de  la  collection  Maimon,  déjà  publiée  par  notre  con- 
frère le  P.  Scheil.  Un  tableau  chronologique  présente  les  résultats 
acquis  pour  les  dynasties  d'Ur,  d'Agadé,  d'Uruk  et  de  Gutium.  « 


SÉANCE   DU    9    AOUT 


PRESIDENCE    DE    M.    EMILE    CHATELAIN,    ANCIEN    PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'une  note  de  M.  le 
Ministre  de  l'instruction  publique  et  de  l'ampliation  d'un  décret, 
en  date  du  P""  août  1918,  autorisant  l'Académie  à  accepter  la 
donation  entre  vifs,  faite  par  M.  le  chanoine  Ulysse  Chevallier, 


SÉANCE   DU    9    AOUT    1918  277 

membre  libre  de  l'Académie,  de  cent  francs  de  rente  française 
4  0/0,  destinée  à  fonder  une  médaille,  de  500  francs,  attribuée 
tous  les  cinq  ans  par  la  Commission  du  concours  des  Antiquités 
de  la  France  à  l'ouvrage  le  plus  méritant,  relatif  à  Thistoire  ou 
à  Tarchéologie  du  Dauphiné  ou,  à  défaut,  de  la  Provence,  et  qui 
portera  le  nom  de  «   Médaille  Ulysse  Chevallier  ». 

M.  Salomon  Reinach  donne  lecture  d'un  travail  intitulé  :  Une 
grande  vente  à  Borne. 

11  s'agit  de  celle  des  biens  personnels  de  l'empereur  Commode, 
vendus  publiquement  à  Rome  en  193.  M.  S.  Reinach  essaie  de 
montrer  qu'il  nous  reste  des  extraits  des  affiches  mêmes  de  cette 
vente  et  en  commente  les  détails.  11  s'arrête  sur  les  voitures 
munies  de  compteurs  de  vitesse  et  dhorloges,  appareils  déjà 
mentionnés  sous  Auguste,  mais  qui  furent  perfectionnés  dans 
la  suite.  M.  Reinach  estime  que  ces  perfectionnements  sont 
dus  à  Héron  d'Alexandrie,  écrivain  technique  dont  la  date  est 
incertaine,  mais  qui  appartiendrait,  suivant  M.  Reinach,  à  la 
fin  du  siècle  des  Antonins  (160-180  ap.  J.-C).  Les  principes  sur 
lesquels  sont  fondés  nos  taximètres  étaient  déjà  familiei's  à  cet 
ingénieur. 

M.  Reinach  se  demande  ensuite  pourquoi  la  science  grecque, 
si  riche  en  promesses,  s'est  arrêtée  dans  la  voie  des  applications; 
il  signale  de  cela  trois  causes,  qui  sont  le  manque  de  brevets 
d'invention,  l'esclavage,  fournissant  une  main-d'œuvre  surabon- 
dante, et  le  préjugé  stoïcien  contre  le  luxe,  englobant  dans  une 
même  réprobation  l'étalage  inutile  de  la  richesse  et  les  progrès 
matériels  qui  contribuent  à  faciliter  la  vie. 

M.  Franz  Cumont,  associé  étranger  de  l'Académie,  fait  une 
communication  sur  la  triple  commémoration  des  morts  célébrée 
par  l'Eglise  byzantine  le  3®,  9*^  et  40®  jour  après  le  décès.  Cet 
usage,  dont  on  donnait  encore  au  moyen  âge  une  explication 
physiologique  tirée  de  la  décomposition  du  cadavre,  remonte  au 
paganisme  antique.  L'Eglise  d'Orient  paraît  avoir  combiné  la 
pratique  grecque  de  faire  des  offrandes  sur  la  tombe  le  3^,  9®  et 
30^  jour  avec  la  tradition  syrienne,  qui  plaçait  ces  sacrifices 
funèbres  le  3^',  7^  et  40®  jour.  La  religion  astrale  des  Sémites 
enseignait  qu'à  ces  dates,  marquées   par  des  nombres  sacrés,  la 


278  LA    TlUPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS 

lune  exerçait  une  action  plus  puissante  sur  la  putréfaction  des 
corps.  —  i3ans  une  note  crudité,  M.  Louis  Canet  a  montré  que 
la  recension  des  Septante  admise  à  Antioche,  altéra  le  texte  de 
divers  passages  pour  pouvoir  justilicr  par  des  exemples  bibliques 
la  célébration  du  40^  jour^ 

Un  échange  d'observations  se  fait  au  sujet  de  cette  commu- 
nication entre  l'auteur  et  MM.  Boucué-Leclercq,  Théodore 
Reinacu,  Salomon  Reinach  et  Dieulafoy, 


COMMUNICATION 


LA  TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS, 
PAR    M.    FRANZ  CUMONT,   ASSOCIÉ    ÉTRANGER    DE    l'aCADÉMIE. 

Un  morceau  intitulé  Ilepl  -^evéaediq  àvGpwxou  xal  o6sv  -rpixa 
y.ai  ëwata  xal  xsao-apavcoffia,  qui  est  reproduit  avec  quelques 
variantes  dans  de  nombreux  manuscrits  2,  prétend  expli- 
quer par  des  raisons  physiolog-iques  pourquoi  l'Eglise 
orthodoxe  célébrait  des  offices  funèbres  les  troisième,  neu- 
vième et  quarantième  jours  après  le  décès.  On  a  reconnu 
que  les  diverses  formes  que  prend  ce  texte,  populaire  à 
Byzance,  dérivaient  d'un  chapitre  du  traité  de  Jean  Lydus 
Sur  les  mois^.   Ce  contemporain  de  Justinien  empruntait, 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Kriinibacher  en  énumère  dix-huit,  plus  cinq  autres  de  textes  appa- 
rentés à  celui-ci  [Sitzungsh.  Akad.  Munich,  1892,  p.  343  s.).  Vitelli  en  a 
signalé  deux  et  Rostagno  un  nouveaux  (Studi  italiani  di  ftlol.  class.,  II, 
p.  138 et  V,  p.  99);  Wiinsch  en  a  examiné  encore  trois  (Lydus, De  mensib., 
p.  xxv).  Le  morceau  est  attribué  parfois  à  Jean  Damascène  ou  à  Libanius, 
plus  souvent  à  un  mystérieux  Splenios  ou  Splinios,  en  qui  l'on  a  voulu 
retrouver  Pline,  mais  dont  le  nom  paraît  dû  à  une  simple  erreur  de 
copiste.  Cf.  Wiinscli,  /..  c,  et  Krumbacher,  Byz.  Lileratiircfescli.  2,  p.  620, 
n°  7.  —  Au  xiv'o  siècle,  l'historien  et  théologien  Nicéphore  Galliste  Xan- 
thopoulos  admit  encore  cette  interprétation  de  la  liturgie  des  morts  dans 
son  commentaire  au  Triodion  (Du  Gange,  Gloss.,  s.  v.  Tpt'ia) . 

3.  Lydus,  De  mensib.,  IV,  26,  éd.  Wunsch.  —  Ce  chapitre  a  été  com- 
menté par  Roschcr,  qui  en  a  rapproché  le  contenu  de  doctrines  médicales 


LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  279 

dk-il,  sa  sagesse,  «  à  ceux  des  Romains  qui  ont  écrit  sur 
l'histoire  naturelle  »'  ,  en  réalité,  croyons-nous,  à  un  pytha- 
goricien éclectique  du  genre  de  Numénius.  Il  affirme  donc 
que  la  semence  introduite  dans  la  matrice  se  change  le  troi- 
sième jouren  sang  et  dessine  le  cœur,  «  car  le  cœur,  dit-on, 
se  forme  le  premier  et  meurt  le  dernier  »  ;  le  neuvième,  la 
masse  se  coagule  et  se  solidifie  en  ciiair  et  en  moelle  ;  le 
quarantième  jour  enfin,  le  fœtus  acquiert  la  forme  parfaite 
de  l'homme. 

Après  l'accouchement,  on  défait  le  troisième  jour  les 
langes  du  nouveau-né  ;  le  neuvième,  l'enfant  se  fortifie  et 
supporte  qu'on  le  touche  ;  le  quarantième,  il  commence  à 
sourire  et  à  reconnaître  sa  mère  ~. 

Après  la  mort,  la  nature  parcourt  en  sens  inverse,  dans 
la  décomposition  du  cadavre,  les  étapes  de  sa  formation  : 
le  troisième  jour,  le  corps  change  d'aspect  et  son  visage 
devient  méconnaissable  ;  le  neuvième,  il  se  dissout  tout 
entier,  le  cœur  se  conservant  encore  ;  mais  le  quarantième, 
celui-ci  périt  avec  le  reste,  et  c'est  pourquoi,  ajoute  lanti- 
quaire  byzantin,  «  ceux  qui  célèbrent  des  cérémonies  en 
l'honneur  des  morts,  le  font  le  troisième,  le  neuvième  et  le 
quarantième  jour,  rappelant  ainsi  et  l'état  primitif  de 
l'homme,  et  sa  croissance  postérieure,  et  sa  décomposition 
finale  »  ^. 

Il  est,  certes,  surprenant  de  voir  justifier  la  liturgie  chré- 

et  philosophiques  des  Grecs  {Enneadische  Sludien,  dans  Ahhandl.  Slichs. 
Ges.  Wiss.,  XXVI,  1907,  p.  108  3s.,  et  Die  Tessarakontaden,  dans  Ber. 
Sachs.  Ges.  Wiss.,  LXI,  1909,  p.  133  ss.).  Cf.  aussi  Fredrich,  Hippokra- 
iische  Sludien  (Philolog.  Unters.,XV),p.  128  s. et  Proclus,  In  Remp.  Plat., 
II,  p.  26,  JI,  avec  la  note  de  KroU. 

1.  O'-  Tojv  'Pwjxaiojv -Tjv  ^yaix/jV    îaTopiav  auYypacpovxé;  çaat  /..  -.  X. 

2.  Cf.  Censorin,  XI,  7  :  Parvuli  par  hos  (quadraginta  dies)  sine  risu  nec 
sine  periculo  sunt. 

3.  A'.i  TOJTO  -piTTjv,  ÈvvaTr,v  x.a;  Tca^afa/.oaxTjv  è-'.  roJv  teGvtj/.û'tw/ 
çuÀaT-o-jaiv  oi  àvaYi'ÇovTS:  aÔTOi;,  tt;;  xé  -oxï  autjxaaew;  trj;  t£  |j.£t'  èxeivY)-; 
kTZ'.oéfji'oi  y.al  to  or,  Tispaç  "f,;  àvaXûacw;  ini^i^vr]a-/.6^zvoi .  Comparer  le 
passage  de  Porphyre  cité  p.  282,  n.  1. 


280  LA    TRIPLE    COMMÉiMOIlATION    DES    MORTS 

tienne  par  ces  explications  physiologiques,  d'ailleurs  radi- 
calement fausses,  et  on  est  naturellement  amené  à  penser 
que  rusa_"-e,  dont  on  prétend  ainsi  faire  comprendre  la 
signification,  est  d'origine  païenne,  comme  l'interprétation 
proposée  par  les  naturalistes  romains.  Cet  emprunt  est 
généralement  admis',  mais  la  question  est  plus  compli- 
quée qu'il  n  y  paraît,  et  l'on  n'a  pas  jusqu'ici  éliminé  les 
difficultés  qu'offre  l'hypothèse  de  ce  transfert,  ni  montré,  je 
crois,  la  véritable  origine  de  ces  rites  funéraires. 

La  pratique  byzantine  est  fout  ancienne.  Elle  est  déjà 
mentionnée  dans  les  Constitutions  apostoliques,  qu'on  sait 
avoir  été  rédigées  à  la  fin  du  iv*"  siècle  ou  au  commence- 
ment du  v^  dans  la  région  d'Antioche.  Les  Tpixa,  ewaia, 
TeaaapaxojTâ  et  l'anniversaire  de  la  mort  n'étaient  pas  mar- 
qués uniquement  par  la  récitation  de  prières  et  la  distri- 
bution d'aumônes'^;  on  célébrait  aussi,  à  la  façon  des 
païens,  des  banquets  funéraires.  Le  recueil  ecclésiastique 
recommande  d'y  pratiquer  une  modération  dont  on  avait 
lieu  de  déplorer  souvent  l'absence,  et  il  enjoint  notam- 
ment de  ne  pas  abuser  du  vin^  Une  série  de  témoignages 
atteste  la  continuation,  à  travers  le  moyen  âge  byzantin, 

1.  Cf.  Rohde,  Psyché,  H,  p.  234  note  ;  Usener,  Der  heilige  Theodosios, 
1890,  p.  135  ;  les  notes  de  Funk  aux  Constit.  Apostol.,  I,  p.  552  et,"plus  ré- 
cemment,   le   P.   Delehaye,    Les  origines  du    culte    des    martyrs,  1912, 

p.  38  s. 

2.  Constit.  Apostol.,  VIII,  42  :  'ETCiieXEÎaGw  8e  Totia  twv  xs/otjj.riij.évwv  èv 
tfiaXjjLOÏ;  y.a.1  àvaYV0j(7[xaaiv  zaî  Tipo Jî'jy aï;  otà  xôv  5ià  tptwv  ïi[j.£ptov  èyep- 
OÉvTa,  xai  Ewata  zl;  67iotj.vr)(jiv  twv  Ticotdviwv  zaî  twv  zezotij.riij.svwv,  zat 
Teaaapazoa-cà  zatà  tôv  TîaXaiôv  xûrov  Mwafjv  yàp  oiJtw;  o  Xaoç  STtév- 
6r)C7£V  zat  èviauaia  uTisp  pEta;  aùtou"  zat  oi3dcyOw  Èz  xwv  u7:ap-/_ovTwv 
auTou  7:£vr)atv  et;  àvàptvrjatv  aùiou.  —  La  visite  au  tombeau  le  troisième 
jour  est  déjà  mentionnée  dans  les  Acta  loannis,  rédiges  dans  la  seconde 
moitié  du  n"  siècle  (c.  72,  p.  186,  éd.  Bonnet,  Ac<a  apost.  apocr.,  II)  : 
napayt'vs-cat  b  'Iwivvr);  à[J.a  xoï?  ào^Xçoi;  £t;  t6  [J.vr][j.a,  ipixiriv  Yi[j.£pav  i/o'j- 
aYiç  xrii  Ao[j.tttavyî;,  OTtwç  aprov  zXàaw[A£v  âzst. 

3.  Ibid.,  VIII,  4,  4.  Cf.  Kraus,  Realenc,  s.  v.  «  Todtenbestattung  », 
p.  884  ;  Dom  Leclercq,  dans  le  Diction,  d'archéol.  chrét.,  s.  v.  «  Agapes  », 
I,  p.  817  ss.  ;  Pichon,  Rei'.   et.  anc,  XI,  1909,  p.  236  ss. 


LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  281 

sinon  de  ces  festins  tumultueux,  du  moins  de  la  commé- 
moration des  trépassés  aux  mêmes  dates  ^ 

Mais  tel  n'est  pas  l'usage  adopté  par  l'Eg-lise  d'Occident. 
Saint  Ambroise  fêtant  en  39o  la  quadragesima  de  l'empe- 
reur Théodose  remarque  que  alii  tertium  dieni  et  trigesi- 
muni^  alii  septimurn  et  quadragesimuin  observare  consue- 
verunt  '^.  La  seconde  coutume  étant  celle  de  la  liturgie  de 
Milan  '  ;  la  première,  que  lévêque  lui  oppose,  était  proba- 
blement observée  à  Rome.  Vers  la  même  date,  en  Afrique, 
saint  Augustin  ^  condamne  la  fête  du  neuvième  jour, 
comme  étant  celle  des  gentils,  et  recommande  celle  du 
septième.  Finalement  prévalut  dans  l'Eglise  romaine  la 
commémoration  des  iii^,  vii^et  xxx*"  jours,  qu'on  trouve  indi- 
quée déjà  dans  le  Sacramentaire  gélasien  ^. 

Or  nous  savons  que  les  anciens  Grecs  avaient  coutume 
d'offrir  un  sacrifice  et  de  déposer  des  mets  sur  la  tombe  de 
leurs  proches  le  troisième  et  le  neuvième  jour  après  les 
funérailles  et  que   ces   vexjŒia   se   renouvelaient  encore   le 

1.  La  plupart  des  textes  ont  été  réunis  déjà  par  Allatius,  De  Purffatorio, 
Rome,  1655,  p.  42  ss.  —  Justin,  Nov.,  GXXXIII,  3;  Isid.  Pelus,  Epist., 
114  (P.  G.,  LXXVIII,  258}  ;  Palladius,  Histor.  Laiis.,  21  (p.  1076  Migne  = 
68  Butler),  Eustratius  presb.  dans  Allatius,  p.  551  =  Photius,  Biblioth., 
171  (p.  118  a  14);  Jean  Damascène, Or.  pro  defunctis,  15  et  23  (P.  G.,  XCV, 
0.262,  270);  Glykas,  ££.  19  (P.  G.,  CLVIII,  c.  922).  Cf.  en  outre  Goar, 
Euchol.,  p.  540,  n.  3,  et  infra,,  p.  284,  n.  I;  Du  Gange,  ss.  vv.  Toîta  et  TpitÉv- 
vaTa.  —  Sur  le  deuil  officiel  de  neuf  et  de  quarante  jours  à  Constanti- 
nople,  cf.   Codin.  De  offic,  21,  et  la  note,  p.  381,  éd.  Bonn. 

2.  Orat.  de  obitu  Theodos.,  3  (P.  L.,  XVI,  col.  1386). 

3.  Ambr. ,  L  c.  :  «  Nunc  quadragesimam  celebramus  »  et  Orat.  de  fide 
resurrectionis,  1  (P.  L.,  XVI,  c.  I315i.  «  Nunc  quoniam  die  septinio  ad 
sepulcrum  rcdimus,  qui  dies  symbolum  quietis  futurae  est.  » 

4.  Augusl.,  Quaesl.  inHeplat., 112  (P.  L.,  XXXIV,  c.  596).  Cf.  m/'ra,  p.  283, 
n.l.  —  Pour  l'office  du  troisième  jour,  cf.  Evodius,  à  saint  Augustin  (Epist. 
158,  2,  Corp.  script,  eccl.,  XLIV,  p.  490)  :  «  Per  triduum  hymnis  dominum 
conlaudavinius  super  sepulcrum,  et  redemptionis  sacranientum  tertio  die 
obtulimus.  >> 

5.  Missa  in  depositione  defuncti  tertii  septimi  tricesimi  dierum  vel 
annualis  (P.  L.,  LXXIV,  c.  1242). 

1918  20 


282  LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS 

trentième  jour,  c'est-à-dire  au  bout  du  mois,  et,  cha([ue 
année,  à  l'anniversaire  de  la  naissance  du  défunt  '.  A  Rome, 
on  se  contentait  d'un  sacrifice  et  d'un  repas,  qui  avaient 
lieu,  comme  chez  les  Grecs,  près  de  la  sépulture  le  neu- 
vième jour  après  les  obsèques,  et  ce  novcmdiale  sacrum 
marquait  la  fin  du  deuil  -,  mais  ni  le  troisième  jour,  ni  le 
trentième  ne  paraissent  avoir  été  solennisés  chez  les  Latins 
par  aucun  acte  religieux . 

On  le  voit,  les  rituels  chrétiens  ne  s'accordent  pas  com- 
plètement avec  la  pratique  des  Grecs  et  s'éloig-nent  encore 
davantage  de  celle  des  Romains. 

On  a  donc  supposé  que  l'Eg-lise,  tout  en  adoptant  l'usag-e 
hellénique  de  commémorer  les  morts  à  trois  reprises,  en 
aurait  modifié  les  dates  •"^,  de  manière  à  mettre  celles-ci 
d'accord  avec  les  textes  de  l'Ecriture.  Elle  aurait,  en  même 
temps,  —  on  n'explique  pas  pourquoi,  —  compté  les  jours 
à  partir  du  décès  et  non,  comme  les  Grecs  et  les  Romains, 
à  partir  des  funérailles. 

Cette  théorie  n'est  exacte  qu'en  partie.  Il  faut  distinguer, 
croyons-nous,  entre  la  discipline  de  l'Eglise  romaine  et 
celle  des  patriarchats  d'Orient.  En  Italie,  la  triple  commé- 
moration des  morts  était  une  pratique  importée  :  elle 
n'avait  pas  de  racines  dans  la  religion  populaire,  qui  ne 
reconnaissait  que  le  novemdial.  Diilérents  usages  exis- 
tèrent concurremment  dans  les  communautés  chrétiennes, 
où  des  Grecs  et  des  Orientaux  se  mêlaient  en  grand  nombre 


1.  Rohde,  Psyché,  I*,  p.  232  ss.  Porphyre  dit  encore  (Proclus.  In  Tim., 
45  D  =  I,  p.  147,  20  Diehl)  :  Kal  toïç  teôvYixdaiv  ïvara  Tioioû'criv  zal  toïç 
YêvvwfjLÉvoti;  ô[j.oito;  xk  ôvd[j.aTa  xiOsvTaî  xtveç  Trj  èvâtr]  auapdXo-.?  Ttsp'.dSoiç 
ypoiiAcVOt  yevéasfoç  y.al  aTUOYs'vsasto;. 

2.  Marquardt,  Privallehen"^,  p.  378  ss.  De  Marchi,  Il  ciilto  privalo  di 
Roma,  1896,  I,  p.  197  ss.  Cf.  Wissowa,  Religion  der  Rômer'^,  p.  392. 
M.  Wissowa  se  refuse  avec  raison  à  admettre  que  l'usage  latin  soit  d'ori- 
gine grecque.  Le  terme  de  neuf  jours  pour  le  deuil  se  retrouve  chez 
d'antres  peuples  encore. 

3.  Cf.  Usener,  l.  c.  ;  Funk,  l.  c.  ;  Delehaye,  /.  c. 


LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  283 

à'ia  population  latine.  Vers  l'an  500,  l'unité,  nous  l'avons 
A^u,  n'était  pas  encore  établie.  Parmi  ces  usages  différents, 
l'autorité  ecclésiastique  fut  libre  de  choisir,  et  elle  put 
imposer  ses  principes.  Elle  combattit  comme  païenne, 
saint  Augustin  en  témoigne  ',  la  célébration  du  neuvième 
jour,  et  préféra  les  dates  qui  pouvaient  être  justifiées  par 
des  exemples  tirés  de  la  Bible,  c'est-à-dire  le  septième  jour 
et  le  trentième,  en  faveur  desquels  on  pouvait  alléguer  des 
textes  très  nets  ~.  Ces  dates  se  recommandaient  d'ailleurs 
par  leur  lien  logique  ;  on  priait  pour  les  défunts  au  bout 
de  la  semaine,  puis  au  bout  du  mois  et  enfin  au  bout  de  l'an. 

La  pratique  de  l'Eglise  romaine  se  fondant  sur  l'Ancien 
Testament,  il  se  fit  qu'elle  coïncida  exactement  avec  celle 
de  la  Synagogue  :  au  moins  à  l'époque  romaine,  les  Juifs 
avaient  un  deuil,  de  moins  en  moins  rigoureux,  dé  trois,  de 
sept,  et  de  trente  jours,  et  le  Talmud  entre  dans  des  discus- 
sions minutieuses  sur  ce  qui  est  permis  et  interdit  durant 
ces  trois  périodes  •^. 

Mais  la  situation  était  tout  autre  dans  la  chrétienté 
d'Orient,  où  triompha  la  célébration  des  troisième,  neuvième 
et  quarantième  jours.  Ici  la  commémoration  des  morts  à 
trois  reprises  était  une  vieille  tradition,  liée  à  des  croyances 
profondément  enracinées  dans   l'âme  populaire.    Les  pra- 

1.  Au;7ust.,  l.  c.  :  «  Nescio  utrum  inveniatur  alicui  sanctoi-um  in  Scrip- 
turis  celebratum  esse  luctuni  novem  dies,  quod  apud  latinos  Novemdial 
appellant,  Unde  mihi  videntur  ab  hac  consuetudine  prohibendi,  si  qui 
christianorum  istum  in  mortuis  suis  numerum  servant,  qui  magis  est  in 
gcntilium  consuetudine.  » 

2.  Pour  le  septième  jour  :  Gen.,  50,  10  ;  Sirach,  22, 13  :  nivGo;  vr/.pou  ETïti 
r]ij.£pat,  etc.  —  Pour  le  trentième  jour  :  Deuter.,  34,  8,  cf.  infra,  p.  294suiv. 

3.  Talmud  deBabyl.,  Mood-Qatan  III  (éd.  Goldschmidt,  t.  III,  1899, 
p.  740  ss.);  cf.  Kraus,  Talmûdische  Archaologie,  II,  p.  69.  —  «  The  mour- 
ning  proper  according  lo  the  Talmud  is  divided  into  four  periods  :  The  first 
three  days  are  given  to  weeping  and  lamentation  ;  the  deceased  is  eulo- 
gised  up  to  the  seventh  day  ;  the  somber  garb  of  mourning  is  worn  up  to 
the  thirtielh  day  and  pcrsonal  adornment  is  neglected.  In  the  case  of  the 
mourning  of  a  parent  the  pursuit  of  amusement  is  abandoned  up  to  the 
end  of  the  year.  »  (The  Jewish  Encyclop.,  s.  v.  «  Mourning  »). 


284  LA    TRIPLE   COMMÉMOBATION    DES    MORTS 

tiques  du  paganisme  y  étaient  si  invétérées,  qu'on  voit,  en 
Syrie,  les  fidèles  continuer  au  moins  jusqu'au  vu''  siècle, 
malgré  les  objurgations  des  évêques,  à  immoler  sur  les 
tombeaux  des  taureaux  et  des  moutons,  dont  ils  mangeaient 
la  chair  dans  des  repas  arrosés  de  copieuses  libations  de 
vin  '.  En  Arménie,  ces  sacrifices  d'animaux  furent  accep- 
tés et  sanctionnés  par  le  clergé  national,  et  les  fidèles  res- 
tèrent persuadés  que  si,  aux  jours  fixés  par  la  tradition,  on 
ne  répandait  pas  sur  la  sépulture  le  sang  des  victimes,  le 
mort  ne  trouverait  point  de  repos  dans  l'autre  vie  2.  Même 
dans  l'Eglise  orthodoxe,  on  trouve  des  preuves  nombreuses 
de  pratiques  semblables  3.  Les  Constitutions  apostoliques 
tolèrent  seulement,  nous  l'avons  vu,  les  rejaas  funéraires 
en  y  interdisant  toute  intempérance.  Mais  si  le  clergé 
accepta   ces    banquets,   qui    donnaient    souvent   lieu  à   de 

1.  Un  ms.  syriaque  de  Florence,  de  l'année  1360,  contient  trois  sermons 
inédits,  qu'il  serait  intéressant  de  publier  pour  l'histoire  du  culte  des  morts. 
Voici  leurs  auteurs  et  leurs  sujets  d'après  Assemani  {Bibliothecae  Medi- 
ceae  codicum  mss.  orientalium  calalogiis,  1742,  p.  107)  : 

VII,  Mar  Severi  Anliocheni  [patriarche,  512-519]  sermo  Christianos  ab 
esu  carnium  taurorum  que  pro  defunctis  immolatoruni  prohibons. 

VIII,  Sermo  Mar  Rabbulae  Edesseni  [cv.  412-435]  quo  eleemosynarum 
largitiones  pro  defunctis  edicuntur  et  carnium  esus,  vinique  potus,  iuxta 
ludaeorum  et  Idolatrarum  morem  in  commemoratione  defunctorum  pro- 
hibentur. 

IX,  Mar  Jacobi  Edesseni  [633-708]  quod  nimirum  non  licet  christiano 
agnum  iuxta  morem  Judaeorum  immolare  sive  tauros  pecudesve  pro 
defunctis. 

Parmi  les  Syriens  orientaux,  ces  immolations  d'animaux  continueraient 
encore  aujourd'hui;  cf.  Conybeare,  op.  cit.,  p.  80  n.  a. 

2.  M.  Conybeare,  Rituale  Armenorum,  1905  (p.  54  s.,  67  ss.)  a  réuni  de 
nombreux  témoignages  sur  les  rites  du  Matai.  Noter  surtout  ce  que  dit  saint 
Nicon  (p.  76)  :  'YTcèp  xûv  vszpwv  Guaîaç  xpopâxtov  /.aï  powv  rotoSai  '  7:at  oux 
àXXwç  rjYOUvxai  awOrJaeaSat  xov  t£6v£wtx  £i  [j.)j  èv  rot;  xpîxot;  aùxoS  xai  xotç 
èvvàxot;  y.aî  xsajapa/.oaxor;  at  xotauxai  6uaîai  â^xtxeXeaOwat.  —  Au  xii" 
siècle,  le  sacrifice,  dont  le  rituel  est  décrit  par  Nerses  Shnorhali,  se  faisait 
à  la  porte  de  l'église  devant  la  croix  (p.  84).  Cf.  Tixeront,  Le  rite  du  Matai, 
dans  Bull,  d'anc.  litt.   chréi.,  III,  1913,  p.  81-94. 

3.  Cf.  Conybeare,  p.  80  n.  a;  p.  413  s.,  438  ss.  La  prière  tirée  du  vieil 
euchologe  Barberini  i^p.  413)  se  récitait  pour  lésâmes  des  trépassés. 


LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  285 

graves  excès,  à  plus  forte  raison  dut-il  se  montrer  accom- 
modant pour  leurs  dates,  qui,  en  soi,  n'avaient  rien  de  répré- 
hensihle.  En  Orient,  ce  ne  sont  pas  les  théologiens  qui  en 
cette  matière  ont  imposé  leurs  décisions  au  peuple,  c'est  le 
peiiple  qui  a  plié  la  théologie  à  ses  traditions. 

La  chose  est  manifeste  pour  le  neuvième  jour.  Comme 
le  remarque  saint  Augustinj',  on  ne  pouvait  invoquer  en 
sa  faveur  aucun  précédent  biblique,  et  il  ne  semble  pas 
qu'on  l'ait  tenté.  C'est  évidemment  la  vieille  ennéade  des 
Grecs  qui  s'est  perpétuée  dans  la  liturgie  orthodoxe. 
Les  Juifs,  nous  l'avons  dit,  ne  connaissaient  que  le  terme 
du  septième  jour.  C'est  celui  qu'on  trouve  aussi  dans  le 
paganisme  sémitique  -,  religion  astrale  où  la  semaine  pla- 
nétaire avait  une  importance  considérable.  L'Eglise  d'An- 
tioche  a  donc  substitué  ici  l'usage  hellénique  à  l'ancien 
usage  indigène,  mais  son  exemple  ne  fut  pas  partout  suivi. 
Nous  savons  qu'en  Palestine,  au  moins  jusqu'au  vi^  siècle, 
les  chrétiens  célébraient,  non  pas,  comme  à  Byzance,  les 
Tp(-:a,  swata,  Tejaapay.caxà,  mais  les  Tpi-a,  ï^oc\j.!X.,  -e^aa- 
poL-/.oG-i  3.  De  même,  en  Arménie,  jusqu'à  notre  époque  les 
fidèles  ont  coutume  de  porter  des  mets  sur  les  tombes  de 
leurs  proches  le  septième  et  le  quarantième  jour  \  et  nous 
avons  vu  que  la  célébration  de  la  septima  et  de  la  quadra- 
gesima  se  maintenait  aussi  à  Milan  du  temps  de  saint  Am- 
broise  =.  On  pourrait  chercher  là  un  argument  nouveau  en 
faveur  de  l'origine  orientale  de  la  liturgie  ambrosienne. 


1.  Cf.  supra,  p.  2S3,  n.  1. 

2.  Lucien,  De  dea  Syra,  52  :  Les  Galles,  après  les  funérailles  d'un  des 
leurs,  çjÀa;avTî;  É-Ta  vj.£p£fov  àotOij.civ  oytojç  sîç  to  îpciv  koipyovza.:,  r.zà  ol 
To-jT£tov  rjv  £ÎaiX6Matv,  où/,  oata  Tioiiouii.  —  Chez  les  Nosaïris,  on  sacrifie  le 
jour  des  funérailles  et  le  matin  du  septième  jour  qui  suit  (Curtiss,  Ursemi- 
tische   Religion   im  Vollislehen  des  Orients,  trad.  Baudissin,  1903,  p.  237). 

3.  Usener,  Der  heilige  Theodosios,p.  22,  24. 

4.  .\beghian,  Der  Armenische  Volksglauhe,  p.  22  ;  cf.  Roscher,  Tessara- 
kontaden,  p.  142. 

D.  Supra,  p.  281,  n.  2  et  3. 


286  LA    TRIPLE    COMIMÉMORATION    DES    !\rORTS 

On  trouve  dans  saint  Jean  Ghrysostome  une  indication 
qui  se  rapporte  à  l'ancienne  fête  du  septième  jour  ',  bien 
que  de  son  temps  l'Eglise  d'Antioche  l'eût,  semble-t-il,  déjà 
abandonné  pour  le  neuvième.  Mais  une  preuve  plus  curieuse 
de  celte  substitution  nous  est  fournie,  sije  ne  m'abuse,  par 
un  passage  du  prêtre  Eustratius,  qui  écrivait  à  Bjzance 
vers  la  fin  du  vi"  siècle  -.  Il  prétend,  peut-être  d'après  un 
manuscrit  corrompu  de  la  Bible,  que  les  Israélites  pleu- 
rèrent Moïse  cinquante  jours,  et  ajoute  que  l'Eglise  a  par- 
tagé ce  laps  de  temps  en  trois  parlies  :  trois,  neuf  et  qua- 
rante. Mai^  3  -|-  9  4-  ^0  ne  font  pas  50,  mais  52,  et  il  paraît 
bien  qu'Eustratius  emprunte  ce  calcul  étrange  à  un  écri- 
vain antérieur,  qui  l'appliquait  à  la  série  3,  7,  40,  dont  le 
total  est  en  effet  50. 

L'observance  du  quarantième  jour  n'était  guère  plus 
aisée  à  défendre  par  la  Bible  que  celle  du  neuvième,  bien 
qu'on  s'y  soit  essayé.  Les  Constitutions  Apostoliques  pre- 
scrivent de  célébrer  les  Tejaapaxojta  «  selon  l'ancien  rite, 
car  le  peuple  porta  ainsi  le  deuil  de  Moïse  ^  ».  Mais  si  Ion 
se  reporte  au  Deutéronome,  on  est  surpris  de  constater 
qu'il  parle,  non  de  quarante  jours,  mais  de  trente.  Seule- 
ment Teuffapiy.ovTa  paraît  avoir  été  substitué  k  xpixxovTa  dans 
la  recension  des  Septante  dont  on  se  servait  à  Antioche, 
celle  de  Lucien,  pour  donner  vm  appui  scripturaire  au  rituel 
suivi  par  cette  Eglise  ^. 

1.  Joh.  Chrys.,  Or.  de  sanclis  Bern.  et  Prosdoce,  3  (P.  G.,  L,  c.  634). 
Après  un  développement  sur  le  deuil  de  quarante  jours  (cf.  infra),  l'ora- 
teur ajoute  :  '0  yàp  eîasXôtov  eî;  xï]v  zaxaTcauaiv  t/.dv7]V  xaTî'TTauaEv  a-ô 
Tôjv  l'pYCDV  auToy  warcsp  àizo  twv  îSi'wv  ô  Geo'ç.  La  même  interprétation  est 
donnée  de  la  commémoration  du  septième  jour  par  saint  Augustin  et  saint 
Ambroise,  cf.  p.  293,  n.  2. 

2.  Eustratius,  Adversus  eos  qui  diciint  animas  non  operari,  p.  551,  dans 
Allatius,  de  Purgatorio  (unique  édition). 

3.  Supra,  p.  280,  n.  2. 

4.  M.  Louis  Canet,  avec  sa  connaissance  précise  de  la  tradition  manuscrite 
des  Septante,  a  bien  voulu  rédiger  pour  moi  la  note  substantielle  et  sug- 
gestive qu'on  lira  à  la  fin  de  cet  article,  sur  les  altérations  qu'à  Antioche 


LA   TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  287 

On  voit  allég-uer  aussi  pour  lég-itimer  les  Tejaapa/.0(jxâ  le 
récit  des  funérailles  de  Jacob  ',  mais  ici  encore,  si  l'on  con- 
sulte le  texte  de  la  Genèse,  on  constate  qu'il  a  été  mal  inter- 
prété :  les  quarante  jours  dont  il  y  est  parlé  sont  en  réalité 
le  temps  que  mirent  les  médecins  ég'yptiens  à  embaumer  le 
corps,  et  non  la  durée  du  deuil,  qui  fut  de  soixante-dix.  Ce 
n'est  qu'en  détournant  le  verset  de  son  vrai  sens  qu'on  par- 
vint à  y  trouver  un  témoignage  ancien  qui  permît  de 
défendre  la  quadragesima. 

Nous  avons  vu  plus  haut  (p.  286)  que  le  prêtre  Eustra- 
tius  en  propose  une  justification  encore  plus  aventureuse  2. 

En  réalité,  la  fête  du  quarantième  jour  ne  peut  être 
empruntée  ni  aux  Grecs,  ni  aux  Juifs,  qui  ne  l'ont  jamais 
connue  '■'•.  Mais  le  deuil  de  quarante  jours,  qui  se  terminait 
par  une  cérémonie  funèbre,  se  trouve,  en  dehors  des 
Hébreux,  chez  d'autres  peuples  sémitiques  ^,  et,  fait  remar- 
quable, le  seul  exemple  certain  qu'on  en  ait  pu  découvrir 
en  Grèce,  s'est  rencontré  dans  un  règlement  religieux  de 
l'île  de  Rhodes,  inscription  qui  trahit  par  ses  interdictions 
alimentaires  l'influence  des  cultes  syriens  ^ 

on  fit  subir  au  texte   biblique  pour  tenter  de   iustifier   la   pratique   des 
TEaaapa/.oaTa. 

1.  Saint  Anibroise,  l.  c.  Cf.   infra,  p.  295. 

2.  Les  mauvaises  raisons  alléguées  en  faveur  des  xeaaapaxouia  ne 
paraissent  pas  avoir  satisfait  tout  le  monde,  même  en  Orient,  et  l'on  voit 
à  Edesse  saint  Ephrem  ("}"373)  ordonner  pour  son  testament  {Opéra,  II, 
p.  401)  de  commémorer  le  trentième  jour  après  son  décès  :  «  Et  quando 
diem  trigesimuni  coniplevero,  mei  memoriam  facite,  fratres  ;  mortui  enim 
oblatione  iuvantur  quam  viventes  faciunt.  »  Cf.  infra,  p.  288,  n.  2. 

3.  Roscher,  Die  Znhl -W  im  Glauben  der  Semiten,  dans  Ahhandl. Sachs. 
Ces.  Wiss.  XXVII,  1909,  p.  105  ss.,  et  Tcssarakontaden,  p.  142  s. 

4.  Roscher,  Die  Zahl  40,  p.  J20  s.  ;  cf.  99. 

5.  Michel,  Recueil,  723  =:  Dittenberger.  Syll.  *  ,  567  =  Ziehen,  Leges 
Graecorum  sacrae,  n'  118,  1.  12  :  àrco  xrlôou;  [oixjet'ou  fj[j.[épaç]  [/.'.  Ziehen 
note  avec  raison  qu'un  aussi  long  délai  est  tout  à  fait  insolite.  —  Les 
autres  témoignages  qui  ont  été  allégués  pour  prouver  l'existence  d'un 
deuil  de  quarante  jours  chez  les  Grecs  ne  sont  pas  convaincants;  cf. 
Wiinsch,  ya/ir/).  f.  Class.  Philol.,  Siippl.  bd.,  XXVII,  1902,  p.  121  ss. 
Roscher,  Die  Tessarakontaden,  p.  35  ss.  Wûnsch  cite  une  iabella  devotio- 


288  LA   TRIPLE    COMMÉAIORATION    DES    MORTS 

On  est  ainsi  amené  à  admettre  la  combinaison,  dans  les 
liturgies  d'Orient,  dune  double  tradition,  également 
ancienne  :  un  système  ternaire,  novénaire  et  trentenaire, 
qui  est  celui  des  Grecs,  et  un  système  ternaire,  septénaire, 
quadragénaire,  qui  est  celui  des  Syriens,  ou  tout  au  moins 
de  certains  Syriens.  Le  patriarchat  de  Jérusalem  retint 
celui-ci  intégralement  jusqu'au  vi*'  siècle  au  moins  ^.  La 
liturgie  d'Antioche,  puis  celle  de  Constantinople,  emprun- 
tèrent avi  contraire  aux  Grecs  la  célébration  du  neuvième 
jour,  aux  Syriens  celle  du  quarantième,  et  ce  compromis 
finit  par  s'imposer  à  toutes  les  églises  orthodoxes  ~. 

Nous  connaissons  si  mal  les  doctrines  et  les  pratiques  de 
l'ancien  paganisme  de  la  Syrie,  qu'on  ne  s'étonnera  pas  que 
nous  ne  possédions  presque  aucun  renseignement  direct 
sur  les  cérémonies  qui  y  étaient  célébrées  en  l'honneur  des 
morts  3.  Mais  on  sait  l'influence  profonde  exercée  sur  les 
croyances  de  ce  pays  par  l'astrologie  babylonienne.  Celle- 
ci  régnait  en  maîtresse  dans   les  temples  des  Baals  long- 

nis  athénienne  du  ii*  siècle  av.  J.-C.  {Defixion.  tabel.  Att.,  n°  99)  où  la 
mort  doit  être  obtenue  «  dans  les  quarante  jours  ».  Mais  si  ce  texte 
magique  prouve  quelque  chose,  c'est  l'origine  orientale  du  terme  qui  y  est 
fixé.  —  Quarante  est  chez  les  Sémites,  comme  me  le  fait  observer  M.  Gler- 
mont-Ganneau,  un  nombre  rond,  souvent  employé  pour  exprimer  sim- 
plement une  grande  quantité.  C'est  ainsi  que  la  stèle  de  Mésa  (1.  8)  et  le 
livre  des  Juges  (3,  11  ;  8,  28  ;  13,  1)  parlent  de  règnes  de  «  quarante  ans  » 
pour  indiquer  leur  longue  durée,  et  les  Arabes  d'aujourd'hui  usent  encore 
de  la  même  expression  avec  le  même  sens. 

1.  Supra,  p.  285,  n.  3. 

2.  On  peut  conjecturer  que  l'église  d'Antioche  a  adopté  le  neuvième  et 
le  quarantième  jour  par  opposition  aux  Juifs,  qui  célébraient  le  septième 
et  le  trentième.  La  colonie  juive  d'Antioche  était  puissante,  et  les  évêques 
eurent  à  lutter  contre  elle. 

3.  Le  célèbre  Tâbit  ben  Qorrah  (820-901)  avait  écrit  en  syriaque  un  livre 
sur  la  sépulture  des  morts  à  propos  des  païens  de  Harrân,  sa  patrie 
(Chwolsohn,  Die  Ssabier,  l.  II,  p.  ii\  Bar-Hébraeus  le  lisait  encore  ;  il 
parait  être  aujourd'hui  perdu,  mais  des  indications  intéressantes  pour- 
raient certainement  être  tirées  des  trois  sermons  que  nous  avons  cités 
p.  2S4,  n.  1 .  Sur  les  repas  offerts  aux  morts  par  les  Harraniens,  cf.  Ch\^  ol- 
sohn,  i.  c,  II,  p.  32  et  les  notes. 


LA    TRIPLE    COMMÉMOKATION    DES    MORTS  289 

temps  avant  la  conquête  romaine,  et  la  divination  sidérale 
faisait  partie  de  la  théologie  de  leur  clergé.  Cette  pseudo- 
science va  nous  permettre  de  remonter  à  la  source  des 
rites  des  troisième,  septième  et  quarantième  jours,  et  elle 
nous  fera  comprendre  en  même  temps  à  quelles  théories 
physiques  se  rattachent  les  spéculations  de  Jean  Lydus  sur 
le  culte  des  morts. 

Une  doctrine  astrologique ,  qui  inspira  diverses 
méthodes  de  calcul,  enseignait  qu'il  ne  faut  pas  considérer 
seulement  le  jour  de  la  géniture  (^sveo-tç)  —  on  entendait 
par  là  soit  celui  de  la  conception,  soit  celui  de  la  naissance 
—  mais  aussi  le  troisième,  le  septième  et  le  quarantième  qui 
suivent,  car  la  lune  détermine  à  ces  moments  fatidiques  le 
contenu  de  toute  la  vie  et,  selon  sa  position  à  légard  des 
autres  astres,  rend  l'existence  entière  heureuse  ou  malheu- 
reuse. Le  plus  ancien  passage  conservé  qui  traite  r.tpX  -cpi- 
TaïAç,  £,3Bo[j.aiaç,  -:£(7(japaxû(Ttaf.o:;  HîXrjVf/Ç,  se  trouve  dans 
Vettius  Valens,  qui  vécut  au  commencement  du  ii®  siècle  de 
notre  ère  et  était  d'Antioche  '.  La  concordance  de  ces  jours 


1.  VeUius  Valens,  I,  15  (p.  29  Kroll),  indique  difTérentes  méthodes  de 
calcul  pour  déterminer  la  position  de  la  lune  à  ces  dates,  méthodes  arbi- 
traires, mais  qui  montrent  l'importance  que  ses  prédécesseurs  attachaient 
à  la  question,  puis  il  ajoute  :  KaOoXtxw;  oOv  ar|[X£touviai  Tot;  te  sù-ujyeT;  xaî 
àz'jyv.ç  7.at  |j.£aa;  -(i^nisiç,  l/.  ttjç  tptTata;  zat  ljBoo;j.ata;  xat  x£aaapa-/.oaTata; 
•/.  T.  X.  Cf.  Rhétorius  (écrit  vers  l'an  505),  cap.  la',  KaSoXixà  eÙTuyoûvcwv 
ayjl[t.<x-a  {Cod.  Paris.  2506,  f.  16)  :  Zt|tî'.  Se  /.olI  Tr]v  y'  /.al  Ç'za!  ix'  tyj; 
SsÀrj'vTi?  £'.  C-o  àyaOo-oiwv  6£ojpoyv-a!.)  ;  de  même,  cap.  /.§',  AioaazaXi'a  -w; 
0£t  à7:oT£X£a6ai  yEvÉôXta  (ibid.,  f.  22'-),  il  est  recommandé  de  noter  Tr,v 
Tp'.Taîav  TÎ);  i;£Àr;vT|;  xat  rV  iÇ'  xaî  a'.  Rhétorius  mentionne  ailleurs 
encore  la  TC'.taia  cap.  vo',  Parisin.  2525,  f.  91)  et  la  k^i^oiiaicu.  ty]?  SsÀtjvti; 
(cap.  o:X',  ibid.  f.  141  :.  Firmicus  Maternus,  IV,  1,  7  :  «  In  omni  genitura 
ista  <  pars  >ma^no  opère  requirenda  in  qua  est  Luna  constitula.  . .  Nam 
et  primus  dies  et  tertius  eadem  simili  ratione  decernit,  septimus  etiam  et 
undecimus  per  Lunam  totius  vitae  substantiam  monstrat.  »  L'astrologue 
romain  oU  ses  copistes  ont  lu  XI  pour  XL,  ou  peut-être  le  premier  a-t-il 
corrigé  le  chiffre,  ne  sachant  pas  ce  qu'il  signifiait,  le  cours  de  la  lune  ne 
comprenant  que  trente  jours.  Pour  le  tertius  dies,  cf.  IV,  8,  1  ;  III,  14,  10 
et  Bouché-Leclercq,  Aslrol.  grecque,  p.  487,  n.  2.  —  Cf.  aussi  Critodème 
dans  ^'ettius  Valens,  p.  126,  7,  et  dans  Rhétorius,  f.  124  du  Paris.  2425. 


290  I.A    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS 

avec  ceux  des  offrandes  funèbres  des  Syriens  est  frappante. 
Un  calcul  des  probabilités  montrerait  combien  est  minime 
la  chance  qu'une  pareille  coïncidence  soit  fortuite. 

Pourquoi  la  g-énéthlialogie  accordait-elle  à  ces  dates  une 
valeur  particulière  ?  Simplement  parce  que  3,  7  et  40  sont 
à  Babylone  des  nombres  sacrés,  ou,  pour  mieux  dire,  n  par- 
faits »  {-iXeioi),  c'est-à-dire  qu'ils  marquent  l'achèvement 
d'un  cycle  K  Par  suite,  l'action  du  grand  luminaire  nocturne 
devait,  quand  ils  entraient  en  jeu,  se  manifester  avec  une 
énergie  plus  puissante. 

Or  on  sait  que  pour  les  astrologues,  la  lune,  qui  règle 
les  phénomènes  mensuels  de  la  santé  des  femmes,  est  aussi 
la  maîtresse  de  la  vie  intra-utérine  -.  D'une  façon  générale, 
elle  est  la  planète  qui  préside  à  la  formation  des  corps,  par 
opposition  au  soleil,  lequel  accorde  les  dons  de  l'intelli- 
gence ^,  et  elle  a,  par  suite,  sous  sa  tutelle  les  débuts  de  la 
vie  du  nouveau-né.  Mais  ce  qu'elle  a  constitué,  elle  est  aussi 
appelée  à  le  dissoudre  :  Omnia  animantium  corpora  et  con- 
cepta  procréât  et  generata  dissolvit,  dit  Firmicus  Maternus, 
dans  le  passage  même  qui  traite  des  jours  où  s'exerce  sur- 
tout son  action.  Ses  effets  essentiels,  suivant  la  Tétrabible, 
le  manuel  classique  de  Ptolémée,  sont  «  de  mûrir  et  de 
pourrir  les  corps  ^  »,  et  dans  ses  «  Propos  de  Table  »  Plu- 


1.  Roscher,  Die  Zahl  40,  p.  99.  Cf.  supra,  p.  287  [288],  n.  5. 

2.  Bouché-Leclercq.  Astrol.  gr.,  p.  377  ss.,  Roscher,  Selene,  1890,  p.  58. 
La  question  de  la  durée  de.  la  vie  intra-utérine  était  d  une  importance  pri- 
mordiale pour  les  astrologues,  qui  s'ingéniaient  à  calculer  fe  moment  de  la 
conception  d'après  celui  de  la  naissance. 

3.  Firmicus,  IV,  1,  1.;  «  Omnis  substantia  corporis  humaniad  istiusper- 
tinet  numinis  (Lunae)  potestatem.  »  J'ai  cité  d'autres  textes,  Théologie 
solaire  dans  Méin.  sav.  étr.  Acad.  inscr.,  XII,  1909,  p.  463  [17],  n.  1. 

4.  Ptoleni.,  Telrah.,  I,  3  (p.  17,  éd.  1553)  :  ITETzatvouaa  xaî  8taa7Î7:ouaa 
xàT^XEiaia  (awij.aTa);cf.  Coinm.  Anon.  in  Ptol.,  p.  17.  De  même  en  Orient, 
dans  la  prière  des  Ilarraniens  à  la  Lune  publiée  par  Dozy  {Actes  du  Coix- 
grès  des  Orientalistes  de  Leide,  1883,  p.  333),  on  lit  :  <■  Per  la  tua  integrità 
tutto  resta  integro,  e  per  la  tua  corruzione  tutto  si  corrompe  »  [traduction 
couiniuniquée  par  M.  Gabrieli]. 


LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  291 

tarque  explique  doctement  pourquoi  la  viande,  exposée  aux 
ravons  froids  et  humides  de  Fastre  des  nuits,  se  corrompt, 
comme  se  putréfie  par  leur  action  la  chair  des  morts  '. 

On  saisira  maintenant  l'origine  du  triple  développement 
exposé  par  Lydus  d'après  '(  les  physiciens  romains  » .  Cette 
origine  est  probablement  fort  ancienne.  Les  théories  rela- 
tives à  Séléné  sont  dans  l'astrologie  grecque  une  des  par- 
ties provenant  du  fonds  primitif,  hérité  de  la  Babylonie,  où 
le  dieu  lunaire  Sin  avait  une  importance  plus  grande  même 
que  celle  du  Soleil.  On  a  pu  démontrer  récemment  à  l'évi- 
dence qu'une  série  de  pronostics,  tirés  du  cours  de  la  lune, 
qui  nous  ont  été  transmis  par  le  même  Lydus,  dérivent 
directement  des  présages  consignés  sur  les  tablettes  cunéi- 
formes de  la  bibliothèque  d'Assourbanipal  ~. 

Nous  ne  pouvons  remonter  aussi  haut  pour  les  théories 
de  l'érudit  byzantin  sur  la  vie  et  la  mort,  mais  une  res- 
semblance curieuse  entre  elles  et  une  source  orientale 
mérite  d'être  relevée.  Les  rabbins  du  Talmud  expliquent 
le  deuil  strict  de  trois  jours,  observé  chez  les  Juifs,  comme 
le  font  les  «  physiciens  »,  résumés  par  Lydus,  pour  les 
-p'Ta  grecs,  en  alléguant  qu'au  bout  de  ce  temps  le  visage 
du  mort  cesse  d'être  reconnaissable  par  suite  de  la  décom- 
position du  cadavre  ^. 

Je  n'insisterai  pas  ici  sur  l'influence  qu'eut  l'enseigne- 
ment des  «  Chaldéens  »  sur  les  théories  médicales  relatives 
au  développement  de  l'embryon  et  du  nouveau-né  ^,  ni  sur 
les  conséquences  religieuses  qu'on  tira  de  ces  doctrines  ^  ; 

1.  Plut.,  Qaaest.  Conv.,  III,  10,  3  (eî;  «rîi'j'iv  ayet  ta  ^3zpi  tÙjv  aojaaTOJv), 
cf.  De  facie  in  orbe  Lunae,  18  hr.àz'.c  xpîtov).  Macrobe,  Sat.,  XVI,  15,  20 
ss.,  trackiil  Plutarqiie.  — Cf.  aussi  Roscher,  Selene,  p.  73. 

2.  BoU  et  Bezold,  Réflexe  aslrologischer  Keilinschriflen  bei  Griechischen 
Schriflslellern  dans  Silzinuf^h.  Almd.  Heidelberg,  VII.  1911. 

3.  lîaudissin,  Adonis  und  Esnioun,  1911,  p.  414,  n.  2. 

4.  Cf.  supra,  p.  278,  note  2. 

5.  Selon  Censorin,  XI,  7,  «  Praegnans  ante  diem  quadrai^esimum  non 
prodit  in  fanum   »,  mais  il  a  néglige  de  nous  dii'e  comment  les    femmes 


292  LA    TUIPLK    COMMÉMORATION    DES    MORTS 

mais  on  conçoit  quelle  dut  en  être  l'action  sur  le  culte 
des  morts.  Les  troisième,  septième  et  quarantième  jours 
qui  suivent  le  décès  sont  les  dates  critiques  de  la  vie 
d'outre-tombe,  celles  qui  marquent  les  étapes  de  la  putré- 
faction du  corps.  En  ces  jours  redoutables,  il  faut  apaiser 
l'esprit  du  défunt  par  des  offrandes  pour  l'empêcher  de 
Avenir  troubler  les  vivants.  La  lune  restera  toujours  la 
grande  évocatrice  dés  spectres  et  des  fantômes. 

A  l'époque  romaine,  le  sens  primitif  des  sacrifices  offerts 
pour  les  défunts  était  probablement  à  peu  près  oublié. 
Peut-être  même  ne  croyait-on  plus  fermement  que  le  mort 
dût  être  rassasié  en  prenant  sa  part  des  banquets  qu'on 
faisait  près  de  sa  sépulture.  C'étaient  là  de  vieux  rites  tra- 
ditionnels qu'on  accomplissait  aux  moments  fixés,  sans 
bien  en  comprendre  le  motif,  comme  nous  observons,  sans 
savoir  pourquoi,  un  cérémonial  funèbre  transmis  de  g-énéra- 
tion  en  génération.  De  nouvelles  croyances  sur  la  destinée 
de  l'âme  s'étaient  peu  à  peu  répandues  et  avaient  profon- 
dément modifié  ridée  qu'on  se  faisait  de  la  vie  d'outre- 
tombe.  Mais  les  familles,  lorsqu'un  de  leurs  proches  les 
avait  quittées,  persistaient  à  aller  festoyer  auprès  de  ses 
restes  aux  jours  consacrés  par  une  antique  coutume. 

S'il  n'est  pas  surprenant  que  la  signification  originelle  de 
ces  cérémonies,  héritées  de  lointains  ancêtres,  se  fût  per- 


grecques  faisaient  pour  s'apercevoir  du  moment  exact  de  la  conception.  — 
Beaucoup  mieux  attestée  est  l'impureté  de  quarante  jours  après  l'accouche- 
ment qu'on  trouve  chez  les  Grecs  (Roscher,  Tessarakontaden,  28  ss.)  comme 
chez  les  Juifs  (7  +  33  jours,  Lévit.,  XII,  4,  cf.  Roscher,  Die  Zahl  40^1^.100 
ss.)  et  chez  d'autres  peuples  [ibid.,  117  ss).  Suivant  le  Lévitique,  l'enfant 
doit  être  circoncis  le  huitième  jour  (XII,  3).  On  conserva  à  Bj'zance  l'ha- 
bitude de  présenter  les  nouveau-nés  à  l'église  le  quarantième  jour,  ce 
qu'un  auteur  byzantin  rattache  aux  théories  physiologiques  de  Lydus 
(Krumbacher,  Silznngsb.  Akad.  Mûnchen,  1892,  p.  348,  1.  17).  Une  B^ù/rj 
OIE  sîaépy_£Tai  7:ato{ov  £?ç  Trjv  âxxXYjat'av  xrj  ix'  ïj|J-£pa  trjç  yïvvrÎCTHw;  auTOu 
est  publiée  par  Conybeare  [Ritiiale  Armenoriim,  1905,  p.  390)  d'après  le 
vieil  euchologe  Barberini.  Nous  devons  à  la  loi  mosaïque  la  fête  de  la  Puri- 
fication ou  de  la  Présentation  (2  février). 


LA   TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  293 

due,  il  Test  davantag^e  que,  grâce  à  l'antiquaire  Lydus,  une 
explication  toute  matérialiste  et  qui  s'inspire  directement 
d'un  paganisme  ancestral,  s'en  soit  perpétuée  à  travers  le 
moyen  âge  byzantin.  Bien  entendu,  elle  ne  satisfit  pas  tout 
le  monde,  et  les  théologiens  s'appliquèrent,  en  invoquant  des 
récits  bibliques,  à  donner  une  signification  plus  haute  aux 
dates  adoptées  par  l'Église  orthodoxe  :  le  troisième  jour  sera 
le  symbole  de  la  résurrection,  le  neuvième  rappellera  la 
première  apparition  de  Jésus  à  ses  disciples,  le  quaran- 
tième sera  l'emblème  de  l'Ascension  '  ;  de  même,  le  septième 
sera  regardé  comme  celui  du  Sabbat,  qui  fait  allusion  au 
repos  des  morts  ' .  Mais  à  côté  de  cette  exégèse  scriptu- 
raire,  on  voit  se  maintenir  une  autre  explication  plus  popu- 
laire '^  et  qui  semble  bien  se  rattacher  aux  croyances  répan- 
dues à  la  fin  du  paganisme  par  les  mystères  orientaux  et 
les  systèmes  gnostiques.  Jusqu'au  troisième  jour,  dit-on, 
l'âme  reste  sur  la  terre  ^  et  le  troisième  elle  est  emportée 
par  les  anges,  le  neuvième,  se  place  son  jugement  et  les 

1.  Eustratius,  dans  AUatius,  De  Purgatorio,  p. 551.  —  Le  rapprochement 
entre  les  Tp'.-a  et  la  Résurrection  est  déjà  fait  dans  les  Constitutions  Apos- 
tol.,i.c.,etdanslsid.  Pelus..£:pts^,lI4(P.  CLXXVIII,  258).-Autres 

interprétations  dans  Goar,  Euchologion,  Ï6il,  p.540  n.  3. 

2.  Ambres.,  Orat.  de  fide  resiirr.,  1,  c.  :  «  Nunc  quoniam  ad  sepulcrum 
redimus,  qui  dies  symbolum  futurae  quietis  est.  »  August.,  Quaest.  in 
Heptaleuch.,  172  (P.  L.,  LXXXIV.  c.  596  .  Cf.  supra,  p.  286,  n.  1. 

3.  Morceau  anonyme  tiré  du  Parisin.  1140  A,  saec.  xiv,  f.  82, dans  Krum- 
bacher,  l.  c,  p.  349  ;  'H  ^J-u^ti  ;jL£-à  tÔv  OavaTOv  ^Eyçl  xp'.wv  r][A£pâjy  ::poa- 
tjLc'vïi  èv  -fi  Y^-  zaTàSÈtriv  xpf-r,-/  f.aÉpav  ivâyouatv  aÙTr,v  o-  ti-^^ùoriv  8È  xf) 
^/vâxr,  f.aîp'r,  yivcxa-  xp{a'.;  XTJ;  6-^/f,;  [x£xà  xwv  Iv  xw  àip-.  xeXwviwv  >'-a^T<Sv 
ivYEÀwv  •  -pô;  oï  xr,v  x£aaapa/.oc7xfiV  fjlAÉpav  xf.;  xeaejxïÎ;  ;:pocrâY£xat  xw  xou 
0£ou  epovio  y.al  Xa[i.;îav£i  i-dçaa-.v  i/.  0£o2  xoy  £lva'.  èv  à-ox£xay[J.£vw  xo'noj 
txEypl  XTÎ;  xotvï);  âvaaxâa£oj;. 

'  4"' Cette  croyance  était  très  répandue  en  Orient  (judaïsme,  mazdéisme, 
cf.  Baudissin,  Adonis  und  Esmun,  1911,  p.  412  ss.).—  On  établit  une  rela- 
tion entre  cette  doctrine  et  celle  dont  Lydus  s'est  fait  le  propagateur  : 
«  Lame  vole  trois  jours  autour  du  corps,  désireuse  d'y  rentrer,  mais 
quand  elle  voit  que  le  visage  du  mort  s'altère,  elle  abandonne  le  cadavre  » 
^Talmud  de  Jérus.,  Moëd  Qatan,  III,  5,  f.  12  a). 


29 i  TA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS 

ang-es  la  disputent  aux  «  douaniers  »  (isXwvia),  démons 
aériens  qui  veulent  lempècher  de  poursuivre  sa  route  vers 
le  ciel  '  ;  enfin,  le  quarantième,  elle  s'approche  du  trône  de 
Dieu,  qui  lui  assigne  son  séjour  jus(ju"k  la  résurrection  des 
morts  '^. 


NOTE   ADDITIONNELLE    DE    M,    LOUIS    CANET 

SUR  LES  -EaaapaxocTâ  et   la  recension  lucianique  des  septante 
(cf.  supra,  p.  28C,  n.  4.) 

Les  Israélites,  selon  Deut.  34  »,  ont  pleuré  Moïse  trente  jours 
durant.  Il  est  certain  que  tt^ente  est  la  leçon  authentique,  car  pour 
un  ms.  grec  qui  donne  quarante  (le  Laur.  gr.  V,  l,d6  Florence), 
tous  les  autres  témoins  du  texte  et  des  versions,  sans  parler  du 
Talmud  et  des  traditions  juives,  sont  en  faveur  de  trente. 

Cependant  le  texte  biblique  dont  se  sei'vait  l'auteur  des  Constitu- 
tions apostoliques  donnait  aussi  quarante,  puisque  Const.  Ap.  VIII, 
42  se  réfèrent  au  deuil  de  Moïse  pour  justifier  le  service  du  quaran- 
tième jour  [supra,  p.  286.)  Il  est  vrai  qu'un  ms.  de  cet  ouvrage  (Vat. 
gr.  2089,  de  Rome)  lit  trentième  jour  au  lieu  de  quarantième,  et  que 
cette  leçon  a  pour  elle  les  témoins  orientaux  du  texte.  Mais  il  faut 
néanmoins  admettre  que  Tsajapazoa-â  est  la  leçon  originale  des 
Const.  Ap.  parce  que  saint  Jean  Cbrysostome  affirme  de  son  côté 
que  le  deuil  de  Moïse,  comme  celui  de  Jacob,  a  duré  quarante  jours  : 
ëxXauoav  youv  tov  îaxto6  TsaaapàxovTa  Tjixépaî,  exXauCTav  zal  tov  p.coUa^"v 
éiÉpaç  TOŒaÛTa;  ot  touoai'oi  {In  SS.Bernicen  et  Prosdocen,  3  =  P.  G.,  50, 
col.  634). 

L'accord  de  saint  Jean  Cbrysostome  et  des  Const.  Ap.  prouve  que 
l'Église  d'Antioche  lisait  en  Deut.  34  »,  non  tpfaxovTa,  mais  Tsaaapàxovxa 

« 

1.  Sur  les  TsVjvia,  cf.  Ducange,  s.  v.  ;  Krumbacher,  l.  c,  p.  319,  n.  2  ; 
Lawson,  Modem  Greek  folklore,  1910,  p.  284  ss.  —  Les  douaniers,  qui 
arrêtent  Tàme  dans  son  voyag-e  à  travers  les  airs,  se  rattachent  maniTcste- 
ment  aux  «commandants  »  (ap/ovxsç)  qui,  suivant  l'eschatologie  astrale, 
étaient  placés  aux  portes  des  sphères  célestes,  et  empêchaient  les  impies 
de  les  franchir. 

2.  Même  croyance  chez  les  Coptes,  cf.  la  note  de  Funk,  Constit.  Apost., 
I,  p.  555.  —  De  même  chez  les  Sabéens  de  Mésopotamie  :  il  faut  à  Fâme  un 
voyage  de  quarante  jours  pour  pouvoir  paraître  devant  Dieu  afin  d'y  être 
jugée. 


LA    TRIPLE    COMMÉMORATION    DES    MORTS  295 

fjjjLipaç,  c'est-à-dire  que  TsuaapazovTa  est  la  leçon  adoptée  par  Lucien 
dans  sa  recension  des  LXX.  Chose  étrange,  cette  leçon  n'a  pas  été 
conservée  par  les  mss.  lucianiques,  et  l'édition  du  Pentateuque 
luciaiiique,  due  à  Paul  de  Lagarde,  donne  le  verset  sous  cette  forme: 
xai  E/.Xa-jaav  xov  [j-w-Jj^v  ot  Otol  '.ap<xf\\  èv  apaSwÔ  MojaS  lr,i  "oy  îopôavou 
xaxà  ispi/w  Tpiaxovra  r][xlpa;. 

Par  contre,  la  leçon  Tc^jjapay.ovca  est  conservée,  comme  on  a  vu 
plus  haut,  dans  le  Laur.  gr.  V,  1,  qui  est,  lui,  réputé  hésychien. 

Les  diverses  traditions  textuelles  de  la  Bible  grecque  se  sont  à  ce 
point  mêlées  et  confondues  qu'il  n'est  pas  absolument  impossible 
qu'une  leçon  lucianique  n'ait  été  conservée  que  dans  un  ms.  hésy- 
chien. Mais  comme  on  n'est  pas  fixé  sur  le  caractère  de  la  recension 
hésychienne,  il  serait  peut-être  prudent  de  reprendre  l'examen  du 
problème,  et  de  chercher  si  le  Laur.  gr.  V.  1  ne  serait  pas,  lui 
aussi,  un  témoin  de  la  recension  de  Lucien  d'Antioche,  ou  du  moins 
un  texte  mixte. 

Un  cas  analogue  est  fourni  par  le  Livre  des  Juges  :  il  est  dit  en 
Jud.  11-i*'  que  chaque  année  les  filles  d'Israël  se  réunissent  pendant 
quatre  jours  pour  pleurer  la  fille  de  Jephté.  Or,  au  lieu  de  ticz^apaç, 
on  lit  T£3aapâ/.ov-a  d'une  part  dans  le  Parisinus  gr.  3,  ms.  bi- 
blique, d'autre  part  dans  saint  Jean  Chrysostome,  Homélie  XIV  au 
peuple  d'Antioche  {P. G.,  49,  col.  147)  :  Èysvîxo  vojjloç  ::apà  toïç  îouoaîoiç 
auvEp/oaiva:  xàç -apôivou?  zarx  tov  y.a;pôv  r/.sïvov  T]a£pa;  xscjaapàx.ovxa 
TicvÔEiv  xTjv  Y£y£V7][j.£vr|V  açayrjv.  Il  est  donc  probable,  et  l'on  pourrait  dire 
presque  certain,  que  ce  ms.  de  Paris,  qui,  à  ma  connaissance,  n'est 
pas  encore  classé,  conserve  ici  une  leçon  lucianique  :  il  y  aurait  lieu 
d'examiner  s'il  ne  faut  pas  voir  en  lui  un  nouveau  témoin  de  la  Bible 
d'Antioche. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  texte  de  saint  Jean  Chrysostome  atteste  ici 
encore  que  le  deuil  de  quarante  jours  était  à  Antioche  un  usage 
enraciné. 

Ce  que  dit  le  même  auteur  du  deuil  de  Jacob  conduit  à  la  même 
conclusion.  Et  son  témoignage  est  ici  confirmé  par  celui  de  saint 
Ambroise,  citant  l'ancienne  vulgate  latine,  dans  ÏOratio  de  obitu 
Theodosii,  3  :  «  Defuncto  itaque  iacob  praecepit  ioseph  pueris  suis 
sepultoribus  ut  sepelirent  eum.  et  sepelierunt  sepultores  Israël,  et 
repleti  sunt  ei  quadraginta  dies  :  sic  enim  dinumerabantur  dies 
sepulturae.  et  luxit  eum  aegyptus  septuaginta  diebus  »  ^Gen.  50'^), 
ce  qui  correspond  au  grec  :  zal  7:pocr£xa?£v  EocfiÇ  xoïç  Ttaiolv  auxoiï  tôt? 
îvxaœtaaxaï^  âvxacptadat  xôv  îiaxÉpa  aùxou  '  xa-.  âv£Xàç''acrav  o£  âvxaçtaaxal  xov 
îoroarJÀ  •  zaï  £7:XT{ptoa£v  aùxoùç  [var.  :  i-XrJpwaav  aùxou]  xsaaspâzovxa  f)ii£paç' 
oOxw;  yàp  y.aTapiô|jL0v3vxai   at  r][j.Épat  xfj;  xaçrj;. 


296  LA    TRIPI-E    COAIMÉMORATIOIN    DES    MORTS 

Ici  le  cas,  au  poinl  de  vue  critique,  est  dilTéreiil  :  tous  les  témoins 
s'accordent  à  lire  (jiiarantc,  mais  saint  Jean  Chrysostome  et  saint 
Aiiibroise  prennent  le  texte  à  contresens,  puisciu'ils  entendent  de  la 
durée  du  deuil  ce  qui  est  dit  de  la  durée  de  rembaumement,  alors 
qu'il  est  spécifié  au  contraire  que  le  deuil  de  J;cob  avait  duré 
soixante-dix  jours. 

Le  g-rec  et  le  latin,  il  est  vrai,  prêtaient  à  équivoque  :  èvtaçiâÇciv  et. 
sepelire,  comme  ensevelir  en  français,  peuvent  se  dire,  soit  des  soins 
que  l'on  donne  au  cadavre,  soit  de  sa  mise  au  tombeau.  Cependant 
saint  Augustin,  dans  les  Locutiones  de  Genesi  {P.  L.  34,  col.  502) 
marque  ({ue  ces  deux  mots  doivent  s'entendre  ici  de  l'embaumement  : 
0  quod  scriptum  est  :  <■<■  dixit  iosepb  seruis  suis  sepultoribus  ut 
sepelirent  patrem  eius  »  non  inuenit  lingua  latina  quemadmodum 
appellaret  èwaçiaaTa;  :  non  enim  ipsi  sepeliunt,  id  est  terrae  mandant 
corpora  mortuorum,  quod  non  est  graece  Ivraçiotuat,  sed  Oaij^at.  illi 
ergo  ivTaojtaaTat  id  agunt  quod  exhibetur  corporibus  humanis,  uel 
condiendo  uel  siccando  uel  inuoluendo  et  alligando,  in  quo  opère 
maxime  aegyptiorum  cura  praecellit.  quod  ergo  dicit  :  «  etiam  sepe- 
lierunt  »  curauerunt  intelligere  debemus.  et  quod  dicit  :  «  quadra- 
ginla  dies  sepulturae  »  ipsius  curationis  accipiendi  sunt.  sepultus 
enim  ille  non  est,  nisi  ubi  se  mandauerat  sepeliri.  »  On  ne  saurait 
mieux  dire.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  saint  Jean  Chrysostome, 
saint  Ambroise,  et  d'autres  avec  eux,  évidemment  sous  l'influence 
d'une  idée  préconçue,  ont  assimilé  les  quarante  jours  de  l'embau- 
mement au  deuil  de  la  même  durée  qui  s'observait  alors  à  Antioche. 

C'est,  en  efl"et,  la  même  idée  qui,  dans  la  version  arménienne 
éditée  par  Zohrab  en  1805,  a  fait  traduire  zal  £7:X^'pojjav  aÙTou 
Tsaaapàxovra  rjuspa;  par  ils  le  pleurèrent  quarante  Jours  (d'autres  mss. 
arméniens  lisent  au  contraire  :  ses  quarante  Jours  furent  accomplis). 
C'est  encore  la  même  idée  qui,  dans  les  mss.  Par.  gr.  17  a  et  Zittau 
A  1.  1.,  tous  deux  lucianiques,  a  fait  ajouter  t6  jtsvOoç  soit,  devant 
Tsaaapot/.ovTa,  ms.  de  Paris  :  /.aî  é-Xrjpwaav  aùrou  <C.  to  tcévOo;  >  xeaaa- 
pdcxovva  r];ji£pa;,  soit  après  rj;j.£pa;,  ms.  de  Zittau  :  y.xl  IrXrjpwaav  aùi'î). 
TEaiapây.ovta  ri|j.£paç  <;tÔ  TcivÔoç^.  C'est  enfin  la  même  idée  qui,  dans  les 
mss.  Chigi,  R.  vi.  38,  Vat.  gr.  330,  et  Athènes,  Bihl.  nat.  44  (les  deux 
premiers  lucianiques,  et  probablement  aussi  le  troisième)  a  facilité 
une  omission  qui,  si  elle  s'explique  suffisamment  par  l'effet  méca- 
nique de  l'homoiotéleuton,  n'en  a  pas  moins  pour  effet  de  mettre  le 
récit  d'accord  avec  l'usage  des  quarante  jours.  Vat.  gr.  330  :  zai 
£7cXYJpwaav  aùxou  Tsaaapa/.ovia  iqiiiooiç  [o'jto);  yàp  y.aTapt6ji.ouvTai  at  Tjjjispat 
T7];  Tacpr)i;  "  xai  £:î£vOrja£v  aùtôv  aiyu^iTo;  £[jOO[j:r,-/.ovTa  fjijLÉpa;]  £7:r]8ïi  ôÈ 
Ttap^Xôov  at  r)[X£pat   'i ou  tïevQou; C'est  enfin  la  même  idée  qui,  dans 


LIVRES    OFFERTS  297 

le  ms.  de  Venise,  Marc.  gr.  2,  a  fait  réduire  à  quarante  le  deuil  de 
soixante-dix  jours:  zai  ÈTîÉvÔrjaôv  aÙTÔv  <xi-^\iT:ioc,  Tsaaap  â/.ovTa  Y)|ji£paç 
(cet.  £5oo[X7)'y.ovTa  rjfjLspa;). 

Il  ressort,  semble-t-il,  à  Tévidence,  de  toutes  ces  constatations  que 
le  deuil  de  quarante  jours  était  à  Anlioche  une  coutume  si  solide- 
ment établie  que  la  trace  s'en  retrouve  non  seulement  dans  lesmss. 
qui  conservent  plus  ou  moins  altérée  la  recension  de  Lucien  [Gen. 
50  2-3)^  mais  dans  la  recension  elle-même  de  Lucien  qui,  en  Jud.  il-*'* 
peut-être,  et  certainement  en  Deut.  34  8,  n'a  pas  craint  de  corriger 
l'original  hébreu  pour  accorder  le  texte  à  la  tradition  de  son  pays. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Skcrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  publications 
suivantes  : 

Journal  of  ùhe  Royal  Instilute  of  British  Architects,  n"  9,  t.  XXV, 

London  UniversUy  Gazette,  vol.  XVIII,  n°  202  ;  —  Supplément, 
31  juillet  1918  ; 

Annuaire  général  de  Vlndo-Chine,  Hanoï,  1918  ; 

Revista  de  archivos,  bihliotecas  y  niuseos,  t.  XXII,  mai-juin  1918. 

M.  Clermont-Ganneau  présente  une  brochure  de  M.  Eusèbe  Vassel: 
L'épigraphie  de  Maxula  (Tunis,  1918,  in-8°). 

M.  Emile  Senart  offre  à  l'Académie  l'ouvrage  suivant  :  The  begin- 
nings  of  Buddhist  Art,  by  A.  Foucher.  Traduction  anglaise  par  L.  A. 
Thomas  et  F.  W.  Thomas  : 

«  Je  suis  heureux  de  pouvoir  faire  hommage  à  l'Académie,  au  nom 
de  Fauteur,  de  ce  beau  volume  où  se  trouvent  groupés  —  en  traduc- 
tion anglaise  —  plusieurs  des  conférences  et  mémoires  que  jNI.  Fou- 
cher a  consacrés  à  l'archéologie  et  à  l'iconographie  bouddhiques.  Je 
n'ai  pas  besoin  de  rappeler  ici  l'autorité  exceptionnelle  que  s'est 
acquise  l'auteur  dans  cet  ordre  d'études.  Elle  est  attestée  une  fois  de 
plus  par  les  soins  qu'a  voulu  donner  à  la  présente  publication  M.  F. 
W.  Thomas,  le  savant  bibliothécaire  de  Flndia  Office. 

«  M.  Foucher,  archéologue  au  tact  délicat,  est  aussi  un  philologue 
parfaitement  informé,  attentif  toujours  à  déterminer  et  à  suivre  la 
bonne  méthode.  Qu'il  explique  comment  pendant  une  longue  période 
—  jusqu'à  l'intervention  de  l'influence  hellénique  —  les  Bouddhistes 
ont  évité  de  représenter  la  personne  du  Bouddha  et  l'ont,  jusque  dans 
1918  21 


298  SÉANCE  DU  16  AOUT  1918 

des  scènes  historiques  ou  anecdotiques,  remplacée  par  divers  sym- 
boles, ou  qu'il  s'oiïorce,  dans  des  images  souvent  gauches  et  sirigu- 
lièremenl  sommaires,  à  retrouver  des  récils  transmis  par  la  littéra- 
ture; que,  après  en  avoir  dégagé  le  type  ancien,  il  établisse,  avec  une 
logi((ue  lumineuse,  l'enchaînement,  à  travers  des  siècles,  de  la  figu- 
ration du  «  grand  miracle  de  Sràvasti  »,  ou  qu'il  suive  dans  les  vastes 
monuments  de  Java  l'évolution  de  l'art  venu  de  l'Inde,  —  on  ne  se 
lasse  pas  de  goûter  l'aisance  ingénieuse  de  l'esprit,  la  pénétration 
d'un  regard  qui  ne  laisse  rien  échapper,  les  l'essources  d'une  belle 
imagination  scientifique. 

«  Une  illustration  abondante  et  soignée  complète  le  livre  (]ui, 
sous  cette  forme  nouvelle,  fera  plus  facilement  son  chemin  et  portera 
un  témoignage  de  l'activité  française  dans  le  pays  même  dont  il 
évoque  si  habilement  des  monuments  précieux.  » 


SÉANCE  DU  16  AOUT 


PRÉSIDENCE     DE     M.    EMILE    CHATELAIN,     ANCIEN    PRESIDENT. 

M.  J.-B.  Chabot  fait  une  communication  sur  rinscription 
bilingue  grecque  et  palmyrénienne  contenant  le  tarif  d'octroi 
de  la  ville  de  Palmyre  édicté  en  l'an  137  de  notre  ère. 

Cette  inscription,  découverte  en  1881,  a  été  l'objet  de  nom- 
breux travaux  ;  mais  à  cause  du  mauvais  état  des  textes,  plusieurs 
passages  n'avaient  pas  encore  été  lus  en  entier.  M.  Chabot  a 
réussi  à  rétablir  le  texte  palmyrénien  des  articles  concernant  les 
droits  à  payer  sur  les  mulets,  sur  les  fourrages  verts,  sur  les 
statues  de  bronze.  Il  a  pu  compléter  aussi  le  texte  grec  du  der- 
nier paragraphe  de  la  loi,  concernant  le  di-oit  de  pacage,  qui  est 
un  des  articles  les  plus  intéressants  de  ce  document. 

Poursuivant  ses  études  sur  la  vie  académique  dans  les  pays 
slaves,  M.  Léger  lit  un  mémoire  sur  l'histoire  de  la  Société  des 
sciences  de  Prague  et  de  l'Académie  tchèque.  La  Société  royale 
des  sciences  date  officiellement  de  Tannée  1784.  A  cette  époque 
ni  Vienne  ni  Budapest  n'avaient  de  corps  académique.  Au  dix- 
neuvième  siècle,  cette  Société  est  devenue  bilingue  et  a  joué  un 
rùle  sérieux  dans  les  progrès  de  la  science  tchèque.  L'Académie. 


SÉANCI5   DU    23   AOUT    1918  299 

elle,  est  purement  slave.  Elle  date  de  1888  et  doit  sa  fondation 
à  un  généreux  mécène,  l'architecte  Illavka,  qui  en  tut  le  premier 
président.  M.  Léger  résume  l'activité  des  deux  sociétés  et  le 
caractère  de  leurs  publications. 


TJVHES  OFFERTS 


Le  Secrétauie  peupétuel  dépose  sur  le  bureau  le  Bulletin  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Russie,  n°  du  15  mars  1918. 


SÉANCE  DU  23  AOUT 


PRESIDENCE    DE    M.    EMILE  CHATELAIN,    ANCIEN    PRESIDENT, 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  de  la  lettre  suivante  de. 
M.  Héron  de  Villefosse,  président  : 

«  18  août  1918. 
«  Mes  chers   Confrères, 

«  L'état  de  ma  santé  s'aggrave  et  m'oblige  à  prendre  une  réso- 
lution pénible  :  je  dois  renoncer  à  la  présidence  de  l'Académie. 
C'est  avec  un  regret  profond  que  je  me  vois  contraint  d'aban- 
donner le  poste  d'honneur  auquel  m'avait  appelé  votre  bienveil- 
lance. A  la  tristesse  infinie  que  je  ressens  en  quittant  ces  hautes 
fonctions  s'ajoute  la  peine  cruelle  que  j'éprouve  à  vous  faire 
part  de  la  détermination  qui  m'est  imposée.  » 

Le  Président  exprime  tous  les  regrets  que  cause  à  la  Compa- 
gnie la  détermination  de  M.  Héron  de  Villefosse  et  lui  envoie 
les  souhaits  les  plus  cordiaux  pour  une  prompte  amélioration  de 
santé. 

M.  J.-B.  Chabot  complète  la  communication  qu'il  a  faite  à  la 
dernière  séance  sur  le  tarif  d'octroi  de  la  ville  de  Palmyre.  On 
avait  adopté  l'interprétation  des  philologues  allemands  qui  avaient 
cru  trouver,  dans  un  passage  du  tarif,  la  mention  du  cosius, 
plante  aromatique  de  l'Inde.  M.  Chabot  montre  que  le  mot  pal- 


:tO()  séa.m;k  t.r   2'.]  Aoirr    lt)IS 

myrénieii  qu'on  lisait  <>  costus  »  n'est  autre  chose  que  le  mot 
^vec  xe.slès  «  setier  ».  Il  s'agit  des  droits  ;i  payer  pour  l'usage 
des  eaux,  it  l'article  du  tarit'  explique  que  le  niodius  employé 
comme  mesure  comprend  seize  setiers  :  autrement  dit,  on  doit 
employer  la  mesure  romaine,  seule  légale  dans  tout  l'empire. 

Le  SECRÉTAniE  l'ERPÉTUEL  donuc  lecture  d'un  rapport  que  lui 
a  envoyé  M.  Henri  Basset  sur  des  fouilles  entreprises  par  lui  en 
collaboration  avec  MM.  le  docteur  Muguet  et  le  lieutenant 
C.ampardou  dans  la  nécropole  de  Chella  (Maroc).  M.  Basset 
donne  sur  cette  nécropole  les  renseignements  suivants  : 

u  A  la  suite  de  travaux  entrepris  par  les  Services  du  Génie  et 
des  Travaux  publics,  en  bordure  intérieure  de  la  grande  enceinte 
de  Rabat,  au  N.-E.  de  la  porte  des  Zaër,  a  été  mise  au  jour  de 
façon  tout  à  fait  fortuite  une  double  série  de  sépultures,  à  inci- 
nération et  à  inhumation.  Cette  trouvaille  a  été  le  point  de 
départ  de  recherches  plus  méthodiques  qui  nous  ont  permis 
d'évaluer  approximativement  l'aire  de  la  nécropole.  Elle  s'étend 
de  part  et  d'autre  du  rempart  almohade,  sur  une  longueur 
nord-sud  d'environ  600  mètres,  et  une  largeur  d'environ 
200  mètres. 

«  Les  premières  découvertes,  tombes  à  incinération  et  à  inhu- 
mation au-dessous  d'une  stèle  funéraire  romaine,  nous  condui- 
saient à  penser  que  là  avait  été  le  cimetière  de  Sala  Golonia, 
ville  dont  l'emplacement  est  visible  à  quelques  centaines  de 
mètres  à  l'Est,  notamment  sur  les  pentes  de  l'éperon  dont  la 
crête  est  suivie  aujourd'hui  par  le  rempart  nord  de  l'enceinte  de 
Chella,  et  dans  les  jardins  qui  sont  au  pied. 

«  Les  recherches,  ainsi  fortuitement  amorcées,  se  sont  dès  lors 
poursuivies  sans  interruption,  d'une  part  en  commençant  l'ex- 
ploration méthodique  de  la  nécropole,  dans  sa  partie  méridio- 
nale, qui  dès  l'abord  nous  parut  être  la  plus  riche,  d'autre  part 
en  suivant  d'aussi  près  que  possible  les  travaux  de  terrassement 
que  le  Service  des  Travaux  publics  était  amené  à  faire  dans  les 
autres  parties  de  la  nécropole. 

«  L'intérêt  de  ce  champ  d'études,  considérable  par  son  étendue, 
se  trouve  très  augmenté  par  ce  fait  que  les  tombes  qui  le  par- 
sèment s'échelonnent  depuis  vraisemblablement  les  débuts  de 
l'occupation  romaine  jusqu'à  la  période  musulmane  actuelle. 


SÉANCE    DU    23    AOIT    1918  301 

'  «L'occupation  romaine,  seule  abordée  présentement,  a  laissé 
un  grand  nombre  de  tombes  parmi  lesquelles  on  disting-ue  des 
types  très  variés  de  sépultures,  mais  avec  une  distribution  topo- 
graphique  en  quelque  sorte  chaotique.  Les  tombes  comparables 
sont  dispersées  dans  les  points  les  plus  divers,  souvent  sans 
souci  d'alignement.  11  n'est  pas  rare  de  trouver  des  tombes 
superposées  ou  réutilisées  même  à  l'époque  ancienne. 

«  Malheureusement  diverses  causes  ont  contribué  à  réduire 
dans  de  fortes  proportions  la  quantité  des  objets  recueillis,  et 
surtout  de  ceux  dont  la  valeur  intrinsèque  était  la  plus  considé- 
rable. 

«  On  peut  poser  en  principe  que  tous  les  tombeaux  romains  qui 
initialement  se  distinguaient  par  une  marque  extérieure  (maçon- 
nerie, stèle,  inscription  ont  été  systématiquement  visités  par 
les  chercheurs  de  trésors,  quelques-uns  même  dès  l'époque 
romaine.  Ces  tombeaux  ont  d'ailleurs  été  bouleversés  rapide- 
ment, ce  qui  nous  a  permis  de  bénéficier  parfois  de  quelques  pré- 
cieux débris  demeurés  inaperçus  pour  les  pillards.  Les  tombeaux 
les  plus  riches  ayant  été  ainsi  plus  particulièrement  violés,  ce 
sont  les  tombes  les  plus  modestes  que  nous  avons  jusqu'ici 
retrouvées  intactes. 

«  En  second  lieu,  le  sol  de  la  nécfopole  a  été  bouleversé  en  plu- 
sieurs endroits  au  cours  des  âges,  et  ceci  pour  plusieurs  causes 
difTérentes,  dont  voici  les  principales  : 

«  a)  L'édification  du  rempart  almohade  qui  traverse  la  nécro- 
pole sur  une  bonne  partie  de  sa  longueur.  Il  est  fait  en  tabia, 
mélangé  de  chaux  et  de  terre  prise  sur  place  :  d'où  destruction 
des  tombes  situées  de  part  et  d'autre  de  ce  mur  ; 

«  b)  Des  constructions  de  l'époque  musulmane,  en  deux  points 
différents,  et  notamment  au  sommet  des  deux  mamelons  où  ont 
été  aménagés  des  silos  profonds  de  5  à  6  mètres  ; 

«  c]  L'exploitation  intensive,  dans  ces  dernières  années,  d'une 
carrière  qui  occupe  la  partie  ouest  de  la  nécropole  ;  d'où  des- 
truction probable  de  nombreuses  sépultures. 

«  En  quatrième  lieu,  la  nécropole  ayant  servi  à  toutes  les 
époques,  iT  était  inévitable  qu'en  de  nombreux  cas  la  prépara- 
tion d'une  sépulture  plus  récente  vînt  en  bouleverser  une  plus 
ancienne.   » 


.102  LIVRES    OFFERTS 

MM.  DiKiiAioy,  Clermont-Ganneau,  Théodore  Rkinach,  Cha- 
bot et  Bouchiî-Leci.ercq  présenlenl  quelques  observations. 

M.  J.EGER  continue  la  lecture  do  sou  travail  sur  la  vie  acadé- 
mique dans  les  pays  slaves.  A  propos  de  l'Académie  tchèque  de 
Prague,  il  lait  remarquer  que  celle  institution,  comme  l'Acadé- 
mie sud-slave  d'Agram,  est  due  à  la  libéralité  d'un  mécène, 
tandis  que  les  Acadéniies  de  Vienne  et  de  Budapest  sont  des 
institutions  d'Ktat. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaihe   perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  publications 

suivantes  : 

Complea  rendus  fies  sâances  de  r Académie  des  inscripliotïs  cl  helles- 
lellres,  cahier  de  mars-avril  1918. 

Grammaire  de  langue  moderne  et  Recueil  de  textes  grecs  usuels,  par 
M.  Hubert  Pernot,  2  vol.  in-12  (Paris,  1918). 

Du  transcendanlisme  considéré  essentiellement  dans  sa  dépnition  ol 
ses  origines  françaises,  par  W.Girard  ;  publication  de  rUniversilé  de 
Californie  (California,  1916,  in-8»). 

Layamon's  Orut  :  a  comparative  study  in  nari-ative  art,  par  Fran- 
cess  Lj^tle  Gilepsy  ;  publication  de  l'Université  de  Californie,  in-8" 
(Californie,  1916,  in-S»). 

Vocabulario  de  la  lengua  Mnme,  par  Alberto  Maria  Careno 
(Mexico,  1916,  in-16). 

The  University  of  California-Chronicle,  vol.  XVIII,  n'"-  3  et  4;  vol. 
XIX,  no  1. 

Bulletin  de  la  Société  mexicaine  de  géographie  et  d'études,  L.  VII, 
n"  7  (Mexico,  1918). 

Bollettino  délie  puhhlicazioni  ilaliane,  1918,  mai-juin,  n»  207  (Flo- 
rence, 1918,  in-8). 


303 
SÉANCE  DU  30  AOUT 


PRÉSIDENCE   DE    M.    EMILE   CHATELAIN,    ANCIEN    PRESIDENT. 

M.  le  D""  Carton,  correspondant  de  TAcadémie,  a  adressé  à 
M.  Héron  de  Villefosse  la  lettre  suivante  : 

.    «  Khereddine,  le  10  août  1918. 

«  Mon  cher  Maître, 

«  Je  tiens  à  vous  annoncer  de  suite  une  curieuse  découverte 
qui  vient  d'être  faite  à  Carthag^e. 

i<  Au  cours  des  études  que  je  poursuis,  depuis  dix  ans,  sur  le 
littoral  carthaginois,  à  une  trentaine  de  mètres  du  Mur  de  mer 
de  Falbe,  là  où  j'ai  découvert  une  série  de  redents  sculptés  dans 
le  rocher,  j'avais  remarqué  une  voûte  en  plein  cintre  dont  la  par- 
tie antérieure,  brisée,  s'ouvrait  sur  la  plage,  au  fond  d'un  ravin. 

«  Au  fond  de  la  voûte  se  voyait  le  haut  d'une  baie  en  plein 
cintre.  Cette  disposition  et  la  nature  de  l'enduit  qui  revêtait  les 
murs  m'avaient  convaincu  qu'il  ne  s'agissait  pas  d'une  citerne. 

«  En  outre,  j'avais  constaté  à  plusieurs  reprises  que  la  grande 
quantité  d'eau,  roulée  par  le  ravin,  les  jours  de  pluie,  pénétrait 
tout  entière,  s'engouffrait  même  sous  la  voûte.  J'en  avais  conclu 
qu'il  devait  y  avoir  un  espace  vide  en  arrière  de  la  porte. 

«  J'ai  montré  depuis  plusieurs  années  cette  ruine  à  un  grand 
nombre  de  personnes,  sans  avoir  eu  le  temps  de  l'explorer. 

<<  M.  le  capitaine  Loubet,  à  qui  je  l'ai  indiquée,  a  bien  voulu 
y  mettre  un  homme  pour  pratiquer  un  passage  derrière  la  porte, 
qui  a  2  m.  de  largeur. 

«  Il  a  pu  être  ainsi  constaté  que  derrière  la  première  voûte, 
celle  dont  la  partie  antérieure,  ruinée,  s'ouvre  sur  la  plage, 
s'étendent  trois  voûtes  en  berceau  situées  dans  le  prolonge- 
ment les  unes  des  autres  et  séparées  par  une  saillie  en  forme  de 
piliers  adossés,  se  continuant  sur  l'intrados. 

«  La  première  voûte  seule  offre  à  sa  partie  supérieure  une 
ouverture  sensiblement  circulaire  destinée  à  l'éclairer. 

«  J^e  couloir  ainsi  formé  a  une  longueur  de  17  m.  50  sur  2  m..')0 


304  SÉANCE  DU  30  Aoi  r  1918 

(le  largeur.  En  son  fond  s'ouvre  une  porte  cintrée,  large  de 
2  m.,  derrière  laquelle  se  continue  un  passag'e  maçonné,  non 
plus  cintré,  mais  couvert  de  dalles  plates  à  niveau  de  plus 
en  plus  bas,  comme  si  elles  formaient  le  plafond  d'un  escalier. 
Fait  curieux,  la  largeur  de  ce  couloir  va  en  diminuant  :  elle  est 
de  1  m.  30  à  l'entrée  et  de  0  m.  90  dans  la  partie  la  plus  reculée  . 
où  l'on  ait  pénétré. 

«  On  peut  remarquer  que  le  niveau  de  l'intrados  des  voûtes 
qui  précèdent  le  couloir  va  aussi  en  s'abaissant.  Il  n'a  été  prati- 
qué ici  que  juste  le  passage  nécessaire  pour  permettre  à  un 
homme  de  s'y  glisser,  et  je  confesse 'que  je  n'ai  pu  le  visiter  en 
entier,  tout  le  reste  étant  rempli  de  terre  et  de  vase. 

u  Je  m'abstiendrai  de  toute  hypothèse  au  sujet  de  cette 
curieuse  construction.  S'agit-il  d'un  égout,  d'un  passage  souter- 
rain, de  cette  entrée  des  catacombes  que  l'on  cherche  depuis  si 
longtemps  à  Garthage  ?  Je  l'ignore.  Il  serait  certainement  inté- 
ressant de  poursuivre  le  travail  de  dégagement. 

«  Ces  voûtes  se  ti^ouvent  exactement  au-dessous  de  l'endroit 
où  le  R.  P.  Delattre  a  trouvé  une  grande  quantité  d'amphores 
qu'il  considère  comme  ayant  formé  un  travail  de  soutènement. 

«  Le  plan  et  la  coupe  ci-joints  sont  l'œuvre  du  sergent  Sénéga 
que  le  général  .41ix  a  bien  voulu,  sur  ma  demande,  détacher  à 
la  Goulette,  où  il  occupe,  depuis  six  mois,  ses  loisirs  à  faire  le 
relevé  très  détaillé  du  mur  maritime.  Grâce  à  son  dévouement 
et  à  son  talent,  j'espère  pouvoir  bientôt  vous  présenter  une  série 
de  grandes  planches  très  claires  et  très  bien  exécutées,  donnant 
une  idée  fidèle  de  l'état  des  lieux  et  qui  permettront  ainsi  aux 
savants  de  mieux  juger  des  hypothèses  émises  sur  ce  sujet.  « 

M.  Omon't  communique  des  extraits  d'une  lettre  qu'il  vient  de 
recevoir  d'un  savant  bénédictin  français,  Dom  André  AMlmart, 
actuellement  mobilisé  à  Londres,  qui  a  bien  voulu  examiner  le 
texte  des  fragments  d'un  très  ancien  manuscrit  latin  provenant 
de  l'Afrique  du  Nord,  signalé  à  l'Académie  dans  sa  séance  du 
19  juillet  dernier. 

«  Je  crois,  écrit  Dom  \\'ilmart,  que  ces  fragments  africains, 
malheureusement  si  délabrés,  sont  les  débris  d'un  ti'aité  polé- 
mique contre  le  Manichéisme,  et  j'incline  à  y  voir  l'œuvre  d'un 


TJVRES    OFFERTS  305 

disciple  de  saint  Augustin,  plutôt  que  celle  d'un  contemporain 
de  Fulgence  de  Ruspe.  Le  premier  livre,  autant  qu'on  peut  voir, 
l'ail  ressortir  l'organisation  particulière  de  l'église  manichéenne, 
à  deux  degrés  :  les  «  auditeurs  »  ou  «  catéchumènes  »  et  les 
«  élus  ».  Nous  savons  en  elTet  par  saint  Augustin  [Ep.  236)  que 
les  Manichéens  classaient  ainsi  leurs  adeptes.  Je  note  surtout  la 
comparaison  proposée  (fol.  2  v",  col.  2)  avec  les  deux  sœurs 
Marthe  et  Marie  ;  les  «  élus  »  sont  bien  l'élite,  les  parfaits,  les 
initiés,  ceux  qui  ont  tout  quitté  pour  Dieu,  et  au  service  des- 
quels peinent  les  simples  «  auditeurs  »,  attaché^  aux  biens  de  ce 
monde,  «  disciples  du  second  rang  ».  Le  deuxième  livre  se  pré- 
sente comme  une  suite  de  citations  des  Épîtres  de  saint  Paul,  et, . 
dans  l'ensemble,  la  Bible  que  ces  passages  attestent  est  assez 
rapprochée  de  notre  Vulgate.  » 

M.  E.  PoTTiER  donne  lecture  d'une  Elude  sur  la  céramique 
ibérique,  d'après  des  fouilles  et  des  publications  récentes.  Le 
problème  relatif  à  la  date  et  à  la  formation  du  décor  des  vases 
peints  en  Espagne  s'est  un  peu  éclairci.  Il  est  certain  aujourd'hui 
que  ce  style,  analogue  à  celui  de  la  Crète  et  de  Mycènes,  est 
beaucoup  plus  récent  et  ne  se  trouve  pas  avant  le  v«  siècle  a. 
J.-C.  On  peut  croire  aussi  qu'il  s'est  formé  spontanément  sur 
place  et  doit  fort  peu  aux  influences  extérieures.  Les  fouilles  de 
Numance  et  d'Emporium  montrent  les  différentes  phases  de  la 
fabrication  des  vases  qui  s'enchaînent  logiquement  comme  dans 
les  autres  régions  du  bassin  méditerranéen.  M.  Pottier  insiste 
sur  le  caractère  original  et  indépendant  de  l'industrie  ibérique, 
visible  dans  les  ex-voto  de  bronze  comme  dans  la  céramique. 

AL    Salomon- Reinagh  présente  quelques  observations. 


LIVRES    OFFERTS 


Le  SEcnicTAinE  perpéti-el  dépose  sur  le  bureau  les  publications 
suivantes: 

J.  de  Servières,  A  lu  gloire  des  antiques...,  avec  une  lettre  de 
Frédéric  Mistral  (Marseille,  1918). 

Raphaël  Blanchard   et  Bui  Van  Quy,  Sur  une    collection  d'amu- 


306  LIVRES    OFFERTS 

telles   chinoises  lexLrail    de    la    Revue  ;uilhropolo(jique,  juillet-août 

1918). 

Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest.  Bulletin  H(-s3'  et  /i'  trimestres 

1917  (Poitiers,  1918). 

Bulletin  delà  Société  scientifique,  historique  et  urchéoloQique  do  h 
Corrèze.  T.  LX,  2''  livraison,  avril-juin  1918.      . 

London  University  Gazette.  Supplément  (14  août  1918). 

E.  Cliassinnt,  Cnston  Maspero  (extrait  du  Recueil  de  travaux 
relatifs  h  h  philologie  et  à  l'archéologie  égyptiennes  et  assyriennes, 
vol.  XXXVIII,  1918). 

M.  Henri  Cordieu  offre  à  l'Académie  l'article  qu'il  a  consacré  à 
Edouard  Chavannes  (extrait  du  Journal  asiatique,  mars-avril  1918). 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 


SÉANCE  DU  6  SEPTEMBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.     EMILE    CHATELAIN,    ANCIEN    PRESIDENT. 

M.  HoMOLLE  annonce  à  rAcadémie  qu'il  a  reçu  la  visite  du 
maréchal  des  logis,  en  permission,  Léon  Uey,  qui  dirige,  depuis 
le  départ  de  notre  confrère  M.  Thureau-Dangin,  et  de  M.  Mendel, 
les  travaux  du  Service  archéologique  de  l'armée  d'Orient. 

Après  avoir  prié  M.  Homolle  de  transmettre  à  l'Académie  les 
remerciements  du  Service,  pour  la  subvention  qu'elle  a  bien 
voulu  lui  accorder  sur  la  fondation  Piot,ila  indiqué  brièvement 
la  nature  des  recherches  qu'il  poursuit.  Vu  la  rareté^  et  l'ex- 
cessive cherté  de  la  main-d'œuvre,  elles  consistent  surtout  en 
relevés  topographiques  étendus  et  très  minutieux,  qui  permet- 
tront de  donner  prochainement  une  nouvelle  édition  de  la  carte 
archéologique  de  la  Macédoine  qui  a  été  ofîerte  dernièrement 
à  l'Académie. 

Les  objets  qui  peuvent  être  découverts  au  cours  de  ces 
recherches,  ou  qui  sont  recueillis  fortuitement  et  apportés  au 
Service,  sont,  par  ses  soins,  réunis  en  un  musée  qui,  la  guerre 
finie,  sera  remis  à  la  Grèce,  comme  une  manifestation  de 
l'oeuvre  scientifique  de  l'armée  française. 

M.  Rey  a  annoncé  que  dès  son  retour  à  Salonique,  il  adressera 
à  l'Académie,  pour  la  Commission  Piot,  un  rapport  sur  les 
recherches  du  Service  archéologique,  auquel  il  joindra  la  nou- 
velle édition  de  la  carte  de  la  Macédoine. 


308  l/h^PITAPHF.    D  APROISIA    DE    SALOM: 

M.  Clermont-Ganneau  lit  une  note  sur  rrpilaphe  f^recque 
d'Apronia  de  Salone,  dont  il  propose  une  nouvelle  explication  '. 

M.  le  comte  Begouea  fait  passer  sous  les  yeux  de  l'Aca- 
démie les  photographies  des  gravures  rupestres  découvertes  par 
lui  et  ses  lils  dans  une  grotte  de  Montesquieu-Aventès  (Ariège), 
à  laquelle  il  a  donné  le  nom  de  Grotle  des  trois  frères.  Il  étudie 
successivement  chacun  des  animaux  qui  y  sont  figurés  el  indique 
rinlérêt  de  cette  l'iche  trouvaille. 

MM.  Salomon  Rkinacu  et  Pottier  présentent  quelques  obser- 
vations. 


COMMUNICATION 


l'épitaphe  d'apronia  de  salone, 

PAR    M.    CLERMONT-GANNEAU,    MEMBRE    DE     l'aCADÉMIE. 

M.  G.  Seure  a  ^publié,  il  y  a  quelque  temps-,  une  petite 
stèle  funéraire  de  basse  époqvie,  découverte  en  Bulgarie,  à 
Sophia  même,  et  conservée  dans  le  Musée  de  cette  ville. 
Elle  porte  une  inscription  grecque  de  dix  lignes,  en  carac- 
tères irréguliers  et  mal  gravés.  C'est  l'épitaphe  d'une 
femme  dalmate  nommée  Apronia,  native  de  Salone,  et 
épouse  d'un  certain  Malchos,  originaire  de  Syrie  {:>lùpo:), 
de  son  état  tailleur  de  pierre  (Au6oupYÔç  =  )a6o'jpYÔç).  La 
physionomie  même  du  nom  de  cet  artisan  oriental,  établi 
dans  la  péninsule  balkanique  —  MâX-/3;  =  idSd  —  semble 
indiquer  qu'il  devait  être  d'extraction  nabatéenne. 

L'épitaphe,  en  soi  assez  banale,  se  termine  par  une  accla- 
mation funéraire  qui  occupe  toute  la  dixième  ligne,  et  qm 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Revue  archéoL,    mai-juin  1916,  pp.   359-362,  d'après  une    notice  de 
M.  Filov  (Izvestia  Soc.  Arch..  1911,  p.  268,  fig.  1). 


i/épitaphk  daproma  liE  sai.om:  309 

n  est  pas  sans  offrir  quelque  difficulté.  M.  Seure,  suivant  la 
leçon  donnée  par  M.  Filov,  transcrit  : 

OYMYNAHPGONIA 

et  lit,  en  restituant  la  première  lettre  : 

[0]u[j-uv,  'ATzpwvîa 

Il  suppose  avec  raison  que  ce  mot,  d'aspect  bien  bizarre, 
8jîj/Jv,   doit   équivaloir   aux  formules  "/aïpe,   6âp<j£i,   ôùtJ/ûyei, 
des    épitaphes    païennes    et    chrétiennes.     Ce    n'est    pas, 
d'ailleurs,  sans  hésitation  qu'il  s'arrête  à  cette  lecture.  Il 
avait  pensé  un  moment  à  restituer  o5[Xs  v]jv,  sur  la  foi  d  un 
vers  d'Homère  {Od. ,  XXIV,  3)  où  l'impératif  ouXs,  associé 
k  yxlpz,    semble  avoir  un   sens  analogue    {=\j^i(xi^z  selon 
Hésychius)  ;  mais  il  reconnaît  lui-même  l'invraisemblance 
de  cette  seconde  conjecture  et,  en  désespoir  de  cause,  il 
croit  devoir  s'en  tenir  à  la  première.  Seulement  il  s'agit 
alors  d'expliquer  ce  mot  étrange  lu  ôupiyv.  M.   Seure  vou- 
drait   y    voir    l'équivalent,    par    iotacisme,     d'un    infinitif 
9'jp.sîv,  infinitif  qui  serait  employé  ici  au  sens  de  l'impératif 
—  ce  qui  est  déjà  quelque  peu  surprenant.  Mais  il  y  a  une 
objection  plus  grave  encore  que  M.  Seure  formule  lui-même 
ainsi  :  «  Toutefois,  si  cette  lecture  peut  convenir  aux  lettres 
((  gravées  et   au   sens    (ôJiJLS'.  =  6apa£i,    e'jàù-/ei),    elle   a   le 
((   défaut  de  supposer  un  verbe  9u;j.£co,  justifié  peut-être  par 
«   le    composé    kr.'.Qu[j.i(^  •,    mais    dont    je   n'ai    pu    trouver 
«  d'exemples.  Je  penche,  faute  de  mieux,  pour  cette  inter- 
«   prétation.  » 

Il  faut  avouer,  toutefois,   qu'elle  est  bien  peu  satisfai- 
sante à  tous  égards.  Je  crois  que  c'est  dans  une  toute  autre 

].  Il  aurait  été  plus  expédient,  ce  point  de  vue  admis,  de  faire 
état  d'un  autre  composé,  soit  çùGuaÉw,  dont  les  acceptions  répondent  mieux 
à  ridée  générale  des  acclamations  similaires  et  dont  l'impératif  apparaît 
dans  certaines  acclamations  funéraire 


310  1,'ÉPITAPHE    d'aPROMA    HF,    SAI.ONK 

direction  (|u"il  convient  de  chercher  hi  solution  de  cette 
petite  éniijnic.  Elle  est  très  simple.  On  doit,  d'abord,  tenir 
compte  de  l'aspect  paléog-raj^hiciiie  du  mol,  d'après  les 
observations  sugg'érées  à  M.  Seure  par  l'examen  de  la  pho- 
too;raphie  :  a  Le  M,  nous  dit-il,  n'est  pas  absolument  net, 
le  IM  paraît  comme  surchargé  dune  autre  lettre,  peut-être 
un  p.  »  J'insiste  sur  les  mots  que  j'ai  soulignés  et,  faisant 
état  de  l'indication  qu'ils  contiennent,  je  propose  tout 
simplement  de  rétablir  la  graphie  : 

OYIVIYN  =  (e)YMY(PI),  soit,  pour  l'ensemble  de  la 
ligne  10  :  (£)'j[j,(oî)p(£)t,  'ATrpwvta. 

Ej[jLÛpi  est  l'orthographe  iotacisantc  de  l'impératif 
cj;xcipc'.,  dont  l'emploi  comme  acclamation  funéraire  est 
attesté  par  nombre  d'exemples  '. 


LIVRES   OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  publications 
suivantes  : 

J.-A.  Brutails,  Au  sujet  de  VAndorre  (Bullelin  hispanùjue  des 
Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux,  4*=  série,  XL"  année, 
Bordeaux,  1918); 

V.  Giuffrida  Ruggeri,  Se  i  popoli  del  mare  délie  iscrizioni  gerogle- 
fîche  appartengano  tutti  alV  Italia  (estratto  dalla  Rivista  d'Antro- 
pologia,  vol.  XXII,  Roma.  1917-1918); 

America  Latina.  Numéro  aniversario,  1914  (Agostino,  1918). 

Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest.  Bulletin  du  1"'  trimestre  1918 
(Poitiers,  1918). 

Det.  Kgl.  Danske  Videnskabernes  Seskab  historiks-filologiske 
Meddelelscr.   :   I.  5.   Négation   in  english  and  other  languages,    by 

1.  Voir  le  Thésaurus,  s.  v.  sùaotpÉw  et,  surtout,  II.  van  Herwcrden, 
Lex.  graec.  suppleloriam  ;  cf.  les  Inscr.  graecse  Siciliae  et  Italise,  n"'  114, 
124  et,  surtout  n"  2387,  sarcophage  découvert  à  Pola  en  Istrie,  où  on  lit  : 
EùasSia  vj[).o[oi  ;  il  est  à  noter  que  cette  Eusebia  est  une  quasi-compatriote 
de  notre  Apronia  de  Salonc. 


SÉANCE    DU     13    SEPTEMBRE    1918  3H 

Otto  Jespfersen  ;  I.  6.  Die  Uebernahme  und  Enlwicklung  des  Alpha- 
bets durch  die  Griechen,  von  Martin  P.  Nilsson  ;  l,  7.  Die  Enlsle- 
hungsgeschichte  des  Goethischen  Faust,  von  Chr.  Sarauw;  II.  1.  Jon 
Arasons  religiose  dicte,  von  Fionur  Jônsson  ;  II.  2.  L'histoire  éty- 
mologique de  deux  mots  français  (haricot,  pai-vis),  par  Kr.  Nyrop 
(Copenhague,  1917-1918). 

M.  Henri  Cordieh  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

«  Au  nom  de  l'auteur,  M.  IIoo  Chi-tsai,  j'ai  l'honneur  de  déposer  sur 
le  bureau  un  ouvrage  important  dans  lequel  ce  jeune  savant  chinois, 
diplômé  de  l'École  libre  des  Sciences  politiques,  a  étudié:  Les  bases 
conventionnelles  des  relations  modernes  entre  la  Chine  et  la  Russie. 
Ce  travail,  qui  a  servi  de  thèse  de  doctorat  en  droit  à  M.  Hoo  Chi- 
tsai,  est  divisé  en  trois  parties  dans  lesquelles  sont  examinés  succes- 
sivement :  la  situation  réciproque  de  la  Chine  et  de  la  Russie  vers 
le  milieu  du  xix'^  siècle;  les  avantages  obtenus  par  la  Russie  à  la 
faveur  des  hostilités  entre  la  Chine  d'une  part,  la  France  et  l'An- 
gleterre de  l'autre;  les  avantages  obtenus  parla  Russie  à  la  faveur 
de  l'insurrection  doungane.  Un  excellent  index  alphabétique  termine 
ce  livre  dont  je  ne  puis  dire  tout  le  bien  que  j'en  pense,  en  ayant 
écrit  la  Préface.  » 


SÉANCE  DU  13  SEPTEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

M.  Franz  Cumont,  associé  étranger,  commente  une  inscription 
découverte  tout  récemment  dans  les  ruines  de  Madaure, 
communiquée  à  M.  Gagnât.  Cette  dédicace  fait  mention  des 
hustiferi  de  la  déesse  Virtus,  nom  latin  de  Ma,  une  Bellone 
asiatique.  On  n'était  pas  d'accord  sur  le  caractère  de  ces  porte- 
lances,  déjà  connus  par  quatre  autres  inscriptions.  Le  texte 
nouveau  prouve  qu'ils  formaient  non  pas,  comme  certains  l'ont 
cru,  une  milice  municipale,  mais  bien  une  confrérie  religieuse. 
C'étaient  des  soldats  de  parade,  qui  figuraient  dans  la  procession 
fastueuse  desHilaries,  où  la  statue  de  la  déesse  était  portée  sur 
une  civière  à  la  suite  de  celle  de  Cybèle  * . 

1.  Voir  ci-après. 


',]\'2  LKS    <(     IIASTIFKIÎI     »     DE    RRLLOiSK 

MM.  Clermont-Ganm'.au,  Bouciiii-LECLiiRCQ  et  Babki.on  pré- 
sentent quelques  observations. 

M.  Louis  LiiGER  coulinue  la  Iccluie  île  son  mémoire  sur  les 
.Académies  des  pays  slaves.  11  retrace  l'histoire  de  rAçadcniie  de 
Gracovie  fondée  par  l'empereur  François-Joseph,  en  1871,  pour 
faire  pièce  à  la  Russie,  qui  aurait  dû  faire  de  Varsovie  le  centre 
intellectuel  du  monde  polonais.  Cette  Académie  a  déjà  édité 
nombre  de  précieuses  publications. 

M.  Léger  termine  par  une  notice  sur  l'Académie  bulgare,  de 
fondation  toute  récente,  et  qui  n'avait  encore  publié  qu'un 
annuaire  quand  la  guerre  a  éclaté.  Il  y  a  quelques  années,  les 
Académies  des  pays  slaves  avaient  décidé  de  se  réunir  dans  des 
Congrès  internationaux.  Un  seul  a  eu  lieu  ;  mais  la  Pologne 
s'était  tenue  à  l'écart.  i\L,Leger  exprime,  en  terminant,  le  vœu 
que  cette  innovation  puisse  être  reprise  et  que  l'Institut  de 
France  s'intéresse  de  plus  en  plus  à  l'activité  intellectuelle  du 
monde  slave. 


COMMUNICATION 


les  (c  hastiferi  »  de  bellone 
d'après  une  inscription  d'afrique, 

PAR  M.  FRANZ  CUMONT,  ASSOCIÉ  ÉTRANGER  DE  l' ACADÉMIE. 

Si  je  puis  communiquer  à  l'Académie  l'inscription 
importante  qu'on  va  lire,  je  le  dois  à  l'aimable  libéralité  de 
M.  Gagnât,  qui,  ayant  aperçu  l'intérêt  singulier  de  cette 
dédicace,  dont  M.  Albert  Ballu  lui  avait  envové  le  texte,  a 
bien  voulu  me  laisser  le  soin  de  la  commenter.  Ce  texte 
vient  d'être  découvert  au  mois  d'août  de  cette  année  dans 
les  ruines  du  fort  byzantin  de  Madaure,  en  Numidie,  la 
ville  où  naquit  Apulée  et  où  saint  Augustin  fît  ses  pre- 
mières études.   11    manque  à   gauche    (juelques  lettres;   le 


LES    «    KASTIFERI    »    DE    BELLONE 


313 


reste  se  lit  aisément,  sauf  un  mot  (1.  G)  qui  paraît  avoir  été 
mal   copié,  et  devoir  être  corrigé  : 

STHIFERORVM  •  DEAE.      VIRTVTIS 
DVAS  DEXTRA|2Î  SlNIXTRApjET.GRADVS-D.S.F 


VICTOR. FL.P  P    SAC 
S.MADAVRIVS      SAC 
RLMIANVS  .  SAC 
IVS.SABINVS  F  NAS 
S  SERVILIVS  .  SAC 
TIVS  NVMIDIVS 
VIVS.CREMENTIVS 
ENTIA  BONIFATIA  Ci 
ANISTRARIA  Ci 

Ce  qui  peut  être  complété  : 

Genio  ha]sthiferoruni  deae  Virtutis 

exedras?  d]uas  dexlra  sinixtra  et  gradusd{e)  s{uo)  f{eceruiit) 

Victor,  fl[amen)  p{er)p{etuus] 

sac[erdos). 
s  Madaurius,  sac[erdos). 


T  FLAVIVS-NATALIS 
C  VALERIVS  SABINVS, 
L.AVIANIVS  FELIX 
C.FLATIVS  DOMITIVS 
T.FLAVIVSMAXIMVS 
a.AGRIVS  VITALIS 
NOMINA  CANISTRARIE 
ANTONIA  MATRONA 
MANILIA  HONORATA 
IVLIA  LVCILIA 


5   .  .  .  .  P]riininnus,  sac{erdos} 
.ius  Sabinus  f^ilius)  nas? 
.s  Servi lliis,  sac{erdos) 
.tins  Nur7iidius 
.n]ius  Crementius 
10   Val]entia  Bonifalia 
c]anistraria 


T.  Flavius  Natalis 
C.  Valerius  Sabinus 
L.  Avianius  Félix 
C.  Flavius  Domilius 
T.  Flavius  Maximus 
Q.  Agrius  Vitalis 
Nomina  ca?iistrari[a]e 
Antonia  Matrona 
Manilia  Honorata 
Iulia  Lucilia 


L.  1.  Genio  est  restitué  craprès  C.I.L.,  XIII,  8184,  cf.  infra, 
p.  316,  n.3.  —  L.  3.  Exedras  est  conjectural;  on  pourrait  songer 
a  porticus,  columnas,  portas,  etc.  —  L.  3suiv.,  col.  1.  Sac.  est 
d'ordinaire  Tabréviation  de  sacerdos,  mais  il  peut  paraître  sur- 
prenant que  quatre  ou  cinq  prêtres,  attachés  au  temple  de 
Bellone,  figurent  ici  à  côté  d'un  nombre  à  peine  supérieur  à 
d'autres  dédicants  masculins.  J'ai  donc  songé  à  la  restitution 
sac{ratus).     Ces    «    initiés    »    seraient  joints  aux   canislrariae 


1918 


22 


314  LKS    «    MASriFElU    »    DE    liElJ.ONE 

comme  dans  une  inscription  romaine  de  la  Vinjo  Caeleslis 
(Dessau,  Inscr.  seL,  i  138)  :  SucerJus...  uiia  cuni  sacralis  et 
cunislniriis.  Cf.  Aug.,  Civ.  Dei,  II,  26,  2  :  Sacrali  Cereris.  On 
trouve  ces  sacnili  à  Madaure  même,  dans  le  culte  de  Bacciius 
(Aug.,  J'^p.,  17,  P.  L.  XXXIII,  84  :  Liberum  illurn  rfuern  pan- 
coriiin  sacratoriini  oculis  cominilcndum  pulatia).  Mais  M.  Cler- 
monl-Ganneau  me  t'ait  observer  qu'en  Afrique  sacerdos  avait 
souvLMit  un  sens  très  alFaibli  et  ne  désignait  pas  nécessairement 
un  oiriciant.  Ainsi  tlans  le  temple  de  Saturne  à  Aïn-Tounga,  on 
n'a  pas  trouvé  moins  de  152  sacerdoles  nommés  dans  les  dédi- 
caces (Berger  et  Gagnât,  Le  sanctuaire  dW'tn-Touncja  [extr. 
du  Bull,  archéul.  coin.  Irav.  hisl.  1889],  p.  42).  Il  s'agit,  il  est 
vrai,  idi  d'un  culte  indigène,  dont  les  prêtres  étaient  peut-être 
annuels.  Mais  une  ollVande  à  Bellone  elle-même  est  faite  à 
Rusicade  [C.I.L.,  VIII,  7957)  par  un  sacerdos  avec  ses  quatre 
enianls,  sacerdoles  comme  lui.  Il  est  donc  préférable  de  suppléer 
ce  mot  plutôt  que  sacratus  dans  notre  inscription  de  Madaure. 
Les  deux  termes  devaient  d'ailleurs  être  à  peu  près  synonymes. 
Cf.  les  Actes  de  sainte  Perpétue  dans  Ruinart,  Acl.  mari.,  § 
18:  A  GarLhage,  les  chrétiens  sont  obligés  de  revêtir  le  costume, 
viri  ifuidem  sacerdoluni  Satiirni,  feniinae  vero  sacralaruni 
Cereri.  —  L.  6.  NAS.  On  pourrait  douter  de  l'exactitude  de 
la  transcription  ;  la  correction  [s]a[c][erdos)  est  suggérée  par  les 
lignes  qui  précèdent  et  par  celle  qui  suit.  Mais  une  vérifica- 
cation  de  la  lecture  sur  l'original  en  a  confirmé  l'exactitude. 
M.  Glermont-Ganneau  a  songé  au  litre  mystérieux  de  nasililim 
(nasil  des  dieux?)  porté  par  un  grand  nombre  de  dédicants  dans 
le  sanctuaire  d'Aïn-Tounga  [op.  cil..,  p.  47  s.).  Le  mot  nasi  est 
employé  pour  le  chef  de  la  communauté  dans  une  inscription 
gréco-phénicienne  du  Pirée  {Rev.  archéol.,  1888,  I,  p.  5  suiv.). 
L'araméen  ayant  été  en  Gappadoce  et  dans  le  Pont  la  langue 
littéraire  et  probablement  liturgique,  on  pourrait  trouver  dans 
le  clergé  de  Ma  un  litre  sémitique.  —  L.  10.  Bonifatia  qui 
vient  de  honum  [aluni  et  non,  comme  on  l'a  dit  (Forcellini,  s.  v, 
Bonifacia).,  de  honum  facere,  paraît  être  une  traduction  du  nom 
sémitique  bien  connu  Gydenneme  Gadna  'am  {Corp.  inscr. 
sem,,  Phoen.,  n"  383  ;  Baethgen,  Beilràge  zur  semil.  Religions- 
geschichte,  1888,  p.  60).  —  L.  9,  col.  2.  Au  lieu  de  canislrarie, 
on  attendrait  canistrariarum. 


LES  «  HASTIFERl  »  DE  BELLONE  31 S 

'Si  j'interprète  exactement  ce  texte  mutilé,  c'était  une 
dédicace  au  génie  des  hastifcri  de  Virtus,  c'est-à-dire  de 
la  déesse  Ma,  vénérée  dans  les  temples  célèbres  des  deux 
Comane,  celles  de  Gappadoce  et  du  Pont.  Lorsque  son 
culte  fut  introduit  à  Rome,  du  temps  de  Sylla,  Ma  fut 
assimilée  à  la  Bellone  italique,  et  aussi  à  Virliis,  la 
Vaillance,  adorée  depuis  long-temps  avec  Honos,  IHonneur 
militaire.  Les  inscriptions  appellent  la  divinité  asiatique 
naturalisée  romaine,  tantôt  Bellona,  tantôt  Bellona-  Virtus  ', 
et  simplement  aussi,  nous  le  voyons  ici,  Virtus  ~.  Un 
groupe  de  bienfaiteurs  se  sont  cotisés  pour  construire  à 
leurs  frais  deux  exèdres,  ce  semble,  placées  à  droite  et  à 
gauche,  et  les  degrés  qui  précédaient  l'entrée  du  local 
[schola]  où  se  réunissait  cette  confrérie  de  porte-lances. 
Parmi  les  consécrateurs,  on  trouve  d'abord  quatre  ou  cinq 
prêtres,  sac{erdotes),  ou  peut-être  des  sac[rati),  c'est-à-dire 
des  initiés  parfaits  voués  au  culte  de  la  déesse  ;  l'un  d'eux 
est  en  outre  «  flamine  perpétuel  »  du  culte  officiel  des 
empereurs.  Suivent  huit  fidèles,  qui  n'exerçaient  point  le 
sacerdoce  ou  n'avaient  pas  atteint,  comme  les  premiers, 
le  deg-ré  supérieur  de  l'affiliation  aux  mystères  ;  enfin  la 
liste  se  termine  par  les  noms  de  quatre  femmes,  canis- 
trariae.  Nous  reviendrons  sur  ce  titre. 

1.  Lactance,  Inst.,  I,  21,  16  :  (Sacra)  alia  sunt  Virtutis,  quam  eandem 
Bellonam  vocaiïl,  in  quihiis  sacerdotes,  non  aliéna  sed  siio  criiore  sacri- 
ficanl.  —  Bellona  Virtus,  plusieurs  fois  dans  les  inscriptions  :  C.I.L., 
XIII  7281  (in/'ra,  p.  316),  V,  6597  ;  Gagnât,  .Ijuie'e  épigr.,  1898,  n»  61  (t/i/'ra, 
p.  320).  On  a  supposé  que  celte  identification  avait  été  provoquée  par  une 
ancienne  assimilation  de  la  Bellone  latine  avec  la  déesse  italique  Nerio 
Virtus  (Aust.  dans  Pauly-Wissowa,  Realenc,  s.  v.  «  Bellona).  Il  est  plus 
vraisemblable  que  déjà  en  Gappadoce  Ma  avait  été  regardée  comme  une 
'Ap£TT[  ;  cf.  Mon.  myst.  de  Mithra,  t.  I,  p.  151. 

2.  Virtus  est  plusieurs  fois  mentionnée  dans  les  inscriptions  d'Afrique, 
et  l'on  peu^  se  demander  si,  comme  à  Madaure,  ce  nom  ne  dési}:;ne  pas 
ailleurs  encore  la  Bellone  asiatique;  ainsi  à  Tébessa  {C.I.L.,  VIII,  1SS7), 
où  un  bienfaiteur  de  la  ville  ofTre  [sfa^i/as]  deae  Caelestis,  deae  Virtutis. 
—  De  même  à  Ostie,  où  une  statuette  d'argent  de  Virtus  est  donnée  aux 
dendrophores  de  Cybèle  {C.I.L.,  XIV,  69)  ;  cf.  infra,  p.  319,  note  2. 


31  ()  LES    >i     IIASTIFKRI     »    UK    HELLONE 

La  présence  ptirnii  les  personnages  énunicrés  de  trois 
Flavii  et  l'absence  de  tout  Aurcliiis  assignent  comme  date 
probable  à  l'inscription  la  fin  du  i*'"  siècle  ou  la  première 
moitié  du  ii"^. 

On  connaissait  déjà  quatre  textes  épigraphiques  men- 
tionnant des  hastifcri,  et  ils  ont  provoqué,  depuis  un 
demi-siècle,  de  nombreux  commentaires  ^  Les  deux  plus 
importants  ont  été  découverts,  l'un  et  l'autre,  à  Kastel, 
l'ancien  Castellum  Mattiacoruni,  à  la  frontière  de  Ger- 
manie" :  le  premier  est  une  dédicace  faite  le  23  août  236, 
In  honorem  d[ornus)  d[ivinae)  deae  Virtuti  Bellonae^  par 
les  hastiferi  civitatis  Mattiacorum  au  nombre  de  dix-neuf. 
Le  second  rappelle  que  les  hastiferi  sivepastores  consisientes 
Kaslello  Maltiacorum  ont  fait  une  consécration  au  nunien  de 
l'empereur  le  24  mars  224.  Les  deux  autres  inscriptions, 
beaucoup  plus  concises,  ont  été  trouvées  à  Cologne,  sur  le 
Rhin  •^,  et  à  Vienne,  sur  le  Rhône  ^  :  l'une  commémore, 
comme  la  nôtre,  une  offrande  (/cnio  hastife[ro]rum,  l'autre, 
le  don  d'une  statue  de  ce  même  génie. 

On  a  émis  au  sujet  de  ces  hastiferi,  qu'aucun  écrivain 
latin  ne  mentionne,  deux  opinions  contraires  ^,  qui  ont  été 
ensuite  diversement  modifiées  et  combinées.  La  première, 
à  laquelle  l'autorité  de  Mommsen  assura  un  large  crédit, 
se  fondait  sur  ce  fait  que  les  deux  dédicaces  les  plus  expli- 
cites provenaient  d'une  place  forte  située  à  proximité  du 
limes  germanique  :  on  crut  donc  que  les  hastiferi  étaient 

1.  Ou  en  trouvera  une  liste  très  complète  dans  Waltzing,  Corporations 
professionnelles,  t.  IV,  1900,  p.  92  s.  La  question  a  encore  été  traitée 
depuis  par  Hepding,  Atiis,  1903,  p.  169  ss.  ;  Graillot,  Culte  de  Cyhèle, 
1912,  p.  278  s.  ;  Maug,    dans  Pauly-Wissowa,  jReaienc,  s.  v.  «  Hastiferi  ». 

2.  C.I.L.,  XIII,  7281,  7317. 

3.  Ib.,  8184  :  Genio  hastif'er[or]um.  Le  nom  des  hastiferi  avait  été  res- 
titué à  tort  dans  une  inscription  de  Mayence  {Ib.,  7250). 

4.  C.I.L.,  XII,  1814.  Sous  un  «signum  Genii  »  :  Niimeriiis  Euprepes 
magister  astiferor{um). 

5.  Elles  ont  été  déjà  exposées  et  opposées  par  M.  Gagnât  dans  Saglio- 
Pottier,  Dict.,  s.  v.,  «  Hastiferi  ».  Cf.  Waltzung,  l.  c,  etc. 


LES    «    IIASTIFERl     »    DE    BELLONE  317 

un  corps  de  milice,  recruté  parmi  les  bergers  du  voisinage, 
et  qui  aidait  les  troupes  régulières,  en  cas  de  danger,  à 
défendre  la  frontière.  La  présence  d'un  collège  semblable  à 
Vienne  n'était  guère  favorable  à  cette  explication  :  on 
supposa  que  ces  lanciers  y  formaient  une  garde  municipale 
ou  un  corps  de  police  chargés  du  maintien  de  l'ordre. 

Selon  d'autres,  au  contraire,  les  hastiferi  appartenaient  à 
une  confrérie  religieuse,  consacrée  àBellone,  et  l'on  a  sug- 
géré diverses  explications  de  leur  office  dans  le  culte  de 
la  déesse  étrangère. 

Il  serait  oiseux  d'insister  sur  toutes  les  conjectures  qui 
ont  été  proposées  et  de  les  discuter  en  détail,  puisqu'au- 
jourd'hui  un  document  nouveau  vient  jeter  une  lumière 
inespérée  dans  cet  obscur  débat.  11  vaut  mieux  essayer  de 
préciser  le  caractère  et  le  rôle,  tels  qu'ils  peuvent  être  main- 
tenant déterminés,  des  «  porte-lances  »  deBellone.  Je  suis 
d'autant  plus  heureux  de  reprendre  ici  la  question  que  moi- 
même  j'ai  hasardé  en  cette  matière  des  idées  qui  sont 
sujettes  à  correction'. 

Que  les  hastiferi  forment  une  association  religieuse, 
vouée  au  culte  de  Bellona-  Vij'tus,  c'est  ce  qui  est  mainte- 
nant de  toute  évidence.  La  formule  même  hastiferi  deae 
Virtutis  prouve  qu'ils  appartiennent  en  propre  à  la  déesse. 
Non  seulement  nous  les  trouvons  établis  dans  une  paisible 
cité  de  la  Numidie  Proconsulaire,  où  aucune  troupe  n'était 
cantonnée,  mais  la  libéralité  qui  leur  est  faite,  en  la  per- 
sonne de  leur  génie  tutélaire,  a  pour  auteurs  des  sacer(/o^es  et 
des  canistrariae.  Ce  dernier  terme,  qui  paraît  n'avoir  été 
usité  que  dans  les  temples  africains-,  est  la  traduction  du 
grec  -/.xTrioôpoç  :  il  désigne  les  femmes  qui  portaient,  notam- 
ment dans  les  processions,  le  canistrum,  la  large  corbeille 

1.  Ro.vue  crhistoire  el  de  litt.  relig.,  t.  VI,  1901,  p.  97  s.;  cf.  Hepding, 
l.  c.  :  Graillot,  l.  c. 

2.  A  Cherchel  :  C./.L.,  VIII,  9337,  9321.  A  Carthage  :  tft.,  12919.  A  Rome, 
dans  le  culte  de  la  Virgo  Caelestis:  Dessau,  Inscr.  sel.,  4i3S. 


318  LES    «    IIASTIFFRÎ    »    DE    BELLONE 

circulaire  renfermant  les  oirrandes  et  les  objets  du  culte  ^ 
La  mention  de  ces  canisfrnriae  corrobore  donc  l'opinion  de 
ceux  qui  faisaient  de  la  confrérie  de  la  Lance  luie  troupe 
d'apparat  lig'urant  dans  les  cortèges  liturgiques  de  Bellone. 

Pour  comprendre  le  sens  exact  du  moi  hastifcri,  il  suffit, 
crovons-nous,  de  le  retraduire  en  grec  :  il  rend  certainement 
oopu^opci,  qui  veut  dire  «  lanciers  »,  mais  aussi  «  gardes  du 
corps  >:,  et  s'applique  en  particulier  à  l'escorte  des  princes. 
Quand  un  roi  apparaissait  sur  la  scène,  il  était  insépara- 
blement accompagné  de  Bopuçipcf,  si  bien  que,  dans  l'argot 
du  théâtre,  ce  terme  finit  par  signifier  en  général  un  per- 
sonnage muet,  un  comparse  ". 

Or  Strabon^,  parlant  des  temples  des  deux  Comane, 
nous  dit  que  leur  grand-prêtre  était,  en  Cappadocê  et  dans 
le  Pont,  le  second  personnage  de  l'Etat,  sa  dignité  n'étant 
inférieure  qu'à  celle  du  roi,  dont  il  était  d'ordinaire  le 
parent.  Ainsi,  ajoute  le  géographe,  dans  les  cortèges, 
qu'on  appelle  «  sorties  de  la  déesse  »  (sHoSoi)  et  qui  avaient 
lieu  deux  fois  l'an,  le  prêtre  marchait  le  front  ceint  du 
diadème.  Il  n'est  pas  douteux  que  ce  prélat,  entouré  d'un 
appareil  royal,  avait  aussi  une  garde  de  doryphores.  C'est 
là,  si  je  ne  me  trompe,  qu'il  faut  chercher  l'origine  de  nos 
hastiferi.  Ils  subsistèrent  en  Occident  parce  que  leur  pré- 
sence faisait  partie  du  cérémonial  traditionnel  des  fêtes, 
aussi  bien  que  celle  des  fanaiici,  vêtus  de  robes  noires  et 
coiffés  de  bonnets  d'astrakan,  des  cistophores  ^,  porteurs 
de  la  ciste  mystique,  et  des  canéphores  ou  canistrariae 
avec  leur  large  corbeille  plate  posée  sur  la  tête.  Ces  soldats 


1.  Saglio-Pottier,  Dict.,  s.  v.  «  Canistrum  ». 

2.  Pauly-Wissowa,   Realenc,  s.  v.  Aoou(popYi[j.a. 

3.  Slrabon,  XII,  3,  32  (p.  557  C).  Sous  les  anciens  rois  du  Pont,  o\ç  xoij 
ÏTOu;  xarà  xà?  èÇdoou;  Xsyotxéva;  tîjç  ôeou  oiâ5r)[jia  cpopwv  âTuy7_av£v  ô  Upsuç 
xal  tJv  SeuTEpo;  xaià  trjv  xtji-^v  [jlstx  tov  [SaaiXéa.  Même  expression  à  propos 
du  grand-prêtre  de  Comane  en  Cappadocê,  XII,  2,  3  (p.  535  C). 

4.  C.I.L.,  VI,  2232.  Cf.  Sa,^lio-Poltier,  Dict.,  s,  v.  <■  Bellona  »,  ûg.  815. 


LKS    «    HASTIFERI    ))    DE    BRLT.ONE  319 

de  parade  gardaient  leurs  lances  d'autrefois,  à  peu 
près  comme  nos  suisses  continuent  d'être  armés  de  la 
hallebarde.  On  les  considérait  sans  doute,  non  plus  comme 
l'escorte  du  prêtre-roi,  mais  comme  celle  de  la  déesse 
guerrière,  au  service  de  laquelle  ils  étaient  entrés  K 

Strabon  ne  nous  dit  pas  à  quelles  dates  avaient  lieu  les 
deux  «  sorties  »  de  Ma,  mais  nous  pouvons  fixer  celle  de 
l'une  d'elles.  Lorsque  le  culte  sanguinaire  de  la  Bellone 
asiatique  fut  transporté  en  Italie,  il  contracta  une  alliance 
étroite  avec  celui  de  C^'bèle,  "depuis  longtemps  adoptée 
sous  le  nom  de  Maç/na  Mater  par  le  peuple  romain  :  la 
déesse  pérégrine  put  ainsi  jouir  de  la  protection  officielle 
accordée  à  la  Grande  Mère,  qui  avait  été  reconnue  comme 
une  divinité  de  l'Etat.  La  Gappadocienne  se  subor- 
donna à  la  puissante  Mère  phrygienne,  si  bien  qu'on  la 
trouve  parfois,  comme  Attis,  adorée  dans  le  même  temple  -. 

1.  Cf.  C.I.L.,  VI,  2232  :  Hasta  in  aede  Bellonae  in  luco  dicata  est  par 
un  fanaticus  de  la  déesse. 

2.  C'est  ce  qui  ressort  d'une  inscr.  de  Corfinium,  C.I.L.,  IX,  .3146  :  Acca, 
ministra  Matris  Magnae,  Matrem  refecit  Maynam  et  inauravil  et  Attini 
comam  inaiiravit  et  Bellonam  refecit;  cf.  C.I.L.,  VI,  490  et  XIV,  69 
[supra,  p.  315  n.  2).  Le  mous  Vaticanus,  nommé  dans  une  des  deux  dédicaces 
de  Kaslel  (XIII,  7281),  Lire  son  nom  du  Phrygianum,  du  Vatican,  où  des 
tauroboles  furent  célébrés  jusqu'à  la  fin  du  paganisme.  Constatant  les  rap- 
ports étroits  qui  liaient  le  culte  de  Ma  à  celui  de  Cybèle  à  Rome,  j'ai  émis 
autrefois  l'opinion  que  le  taurobole  avait  passé  du  premier  dans  le  second 
[Relig.  orientales-,  p.  332,  n.  34)  et  invoqué  notamment,  à  l'appui  de  celte 
manière  de  voir,  un  texte  de  Steph.  Byz.,  s.  v.  Mâaxaupa'âxaXeÏTO  os  xal 
fj  'Pii  Mx  -/.al  xaypo?  ay-r]  è8j£T0  -aoà  AjSo'.ç.  Ce  texte  a  pris  une  valeur 
nouvelle  par  suite  de  la  découverte  dans  la  plaine  Hyrcanis.  en  Lydie,  d'une 
dédicace  Ma  ivzr/.r'-.M  (v.  Premerstein,  Reise  in  Lydien  dans  Denkschr. 
Akad.,  Wien,  1908,  p.  28.  Même  épithète  à  Pergame,  Aihen.  Milleil., 
XXIX,  1904,  p.  169,  et  à  Edesse,  cf.  infra).  Les  colons  iraniens  qui  don- 
nèrent leur  nom  à  ce  canton  de  Lydie  (Strab.,  XIII,  4,  13,  p.  629  C) 
empruntèrent  vraisemblablement  le  culte  de  la  déesse  de  Cappadoce  aux 
Perses  établis  en  grand  nombre  dans  ce  dernier  pays.  Ma  avait  été  identifiée 
par  eux  avecla  divinité  mazdéenne  delà  lune,Maonha,  Mao,  Mah  (cf.  Plut., 
Sylla,  9,  et  Saglio-Pottier,  Dict.,  fig.  851).  Les  pâtres  sacrés  (|jO'jxo'Xot) 
qui  paraissent  avoir  existé  déjà  dans  le  culte  asiatique  de  Ma  (cf.  infra, 
p.  322),  étaient  probablement  ceu.\  qui  lui  sacrifiaient  le  taureau.  — Dans  un 


320  I,ES    «    ÎIASTIFERI    »    DE    BELLONE 

Les  deux  relig-ions  oru^iastiques  d'Anatolie  étaient  d'ailleurs 
unies  par  des  aflinités  nombreuses  de  doctrine  et  de  rituel. 
Nous  savons  que  lune  et  l'autre  fêtaient  le  24  mars,  date 
voisine  de  l'équinoxe,  où  les  fanatici,  saisis  d'une  exaltation 
frénétique,  faisaient  des  libations  de  leur  propre  sano-  '.  11 
est  à  peine  douteux  que  Bellone  prît  part  aussi  le  lende- 
main, 25  mars,  aux  réjouissances  des  Hilaries  phrygiennes 
et  qu'elle  (iguràt  dans  la  long-ue  théorie  qui  déployait  à 
travers  les  rues  de  Rome  sa  pompe  fastueuse  -.  C'est  ainsi 
que  s'explique  le  titre  étrang-e  de  dea  pediseqiia  «  déesse 
suivante  »,  que  deux  inscriptions  donnent  à  Bellone  3  et  qui 
paraît  rendre  le  grec  Ôsà  àyiXouOoç  :  son  image  était  une  de 
celles  qui  faisaient  cortège  à  la  statue  de  la  Magna  Mater. 
Lune  de  ces  dédicaces,  trouvée  il  y  a  une  vingtaine 
d'années  près  de  Cherchel  4,  est  ainsi  conçue  :  Deae  pedise- 
quae  Viriutis  (pour  Virtuti)  Bellonae  lecticam  cum  suis 
ornamentis  et  basem  C.  Avianiis  Amandus,  augur, 
d{onum)  d[edit)  et  consecravit.  Je  ne  sache  pas  que  ce  texte 
curieux  ait  été  exactement  commenté.  On  peut  en  saisir  la 
signification  précise  :  un  augure  municipal  offre  à  Bellone, 
qui  suit  la  procession  de  la  Grande  Mère,  une   civière  ^ 

temple  d'Édesse  en  Macédoine,  à  côté  de  dédicaces  à  Ma  àv£tV.r]io;,  on  en 
a  trouvé  une  à  la  Mr]'TYip  ôewv  (Papagcorgiou,  dans  'Aôyivx,  1900,  p.  65 
suiv.  Cf  Mordtmann,  Athen.  MM.,  1904,  p.  170,  n.  1). 

1.  C./.L.,  XIII,  7317;  cf.  Graillot,  p.  127. 

2.  Graillot,  p.  131. 

3.  C.I.L.,  VI,  3674»;  cf.  note  suiv.  Wissowa  a  déjà  rapproché  de  ces  ins- 
criptions une  dédicace  africaine  à  Liber  Pater  (Gagnât,  Année  épigr.,  1894, 
n"  83)  qui  mentionne  des  cistiferi  pedisequarii  et  deux  pedisequariae. 
Ces  cisliferi  sont  ceux  qui  suivent  les  processions  bachiques  en  portant 
la  ciste  ;  cf.  infra,  p.  323  n.  4. 

4.  Gagnât,  Année  épigr.,  1S98,  n»  61. 

5.  Leclica  est  pris  ici  au  sens  de  ferculum.  G'est,  non  pas  une  litière, 
mais  une  civière.  Le  mot  était  employé  avec  cette  signification  notam- 
ment à  Garthage  ;  cf.  Aug.,  Civ.  Dei,  II,  4  :  «  Berecynthiae  Matri  omnium 
ante  cuius  lecticam  die  solemni  lavationis  talia  cantitabantur  »  Servius. 
in  Aen.  VI,  68:  «  Simulacra  quae  portabantur  in  lecticis...  apud  Aegyptios 
et  Garthaginienses  ».  — Ghez  Firmicus  Maternus,  De  err.  prof,  rel.,  22,  1, 
lectica  désigne  au  contraire  le  lit  funéraire  où  est  couchée  la  statue  d'Attis 


LES    ((    HASTIFERI    »    DE    BELLONE  321 

■ 

richement  ornée  avec  un  socle  pour  y  fixer  l'idole .  C'est 
en  effet  sur  des  civières,  portées  sur  les  épaules,  que  dans 
les  pompes  sacrées  et  en  particulier  le  jour  des  Hilaries  \ 
les  dieux  étaient  promenés  à  travers  les  villes'-.  La  sculp- 
ture assyrienne  nous  montre  déjà  les  statues  divines  se  suc- 
cédant ainsi  à  la  file  soulevées  sur  des  brancards  ou  dans  des 
palanquins 3,  et  l'antique  coutume  de  les  tirer  de  leurs  temples 
pour  les  produire  de  cette  façon  en  public  se  perpétua  dans 
les  cultes  orientaux  ^. 

Hérodien  -'  rapporte  que  sous  le  règne  de  Commode,  un 
chef  de  bande,  Maternus,  traqué  en  Gaule  par  les  troupes, 
passa  en  Italie  et  tenta  d'assassiner  l'empereur  en  se  mêlant 
aux  «  doryphores  »  qui  figuraient  dans  le  cortège  de  la 
Grande  Mère  et  dont  il  pouvait  prendre  le  costume  grâce 
aux  mascarades  usitées  le  jour  des  Hilaries.  Selon  une 
conjecture  ingénieuse  '',  ces  ^op'joôpoi  seraient  les  hastiferi 
de  Bellone.  Bien  qu'Hérodien  ait  certainement  entendu  par 
ce  mot  les  prétoriens  ',  cette  interprétation  paraît  probable, 
une  pareille  erreur  pouvant  aisément  être  attribuée  à  cet 
historien  peu  fidèle,  et  elle  fournit,   si   on  l'adopte,   une 


1.  Cf.  Noiizie  degli  scavi,  1912,  p.  115,  une  fresque,  nouvellement  décou- 
verte à  Pompéi,  qui  montre  la  statue  de  Cybèle  ainsi  placée  sur  un  bran- 
card et  suivie  d'un  groupe  de  prêtres.  Un  bas-relief,  qui  se  trouve  dans  le 
petit  cloître  de  Saint-Laurent-hors-des-Murs  à  Rome,  représente  divers 
groupes  d'une  pompa.  :  la  statue  de  Cybèle  est  suivie  de  celle  d'une 
Victoire,  portée  sur  une  civière.  On  a  vu  dans  ce  cortège  celui  qui  précé- 
dait les  jeux  du  cirque  (cf.  Saglio-Pottier,  Dict.,  s.  v.  «  Circus  »  fig.  1258)  ; 
il  se  pourrait  que  ce  fût  celui  des  Flilaries.  —  Drexler  dans  Roscher,  s.  v. 
«  Meter  «,  col.  2903,  cite  une  monnaie  de  Marcianopolis  en  Mésie  où  serait 
figurée  Cybèle  leone  vecla  praecedente  figura  galeata,  dextra,  clypeo 
Cyhelen  luenle,  sin.  hasla.  Je  ne  sais  si  l'on  doit  y  reconnaître  une  Bellone. 

2.  Cf.  Saglio-Pottier,  Dict.,  s.  v.  «  Ferculum  »  et  «  Lectica  ». 

3.  Bas-relief  de  Nimroud,  .reproduit  d'après  Layard  par  Perret  et 
Chipiez,  Hist.  deVart,  II,  p.  76. 

4.  Baal  d'Iiéliopolis  (Macrobe,  Sai.   I,  23,  13),  Isis  (Apul.,  Met.,  XI,  11). 

5.  Hérodien,  I,  10. 

6.  Hepding,  op.  cit.,  p.  171.  Cf.  Graillot,  l.  c. 

7.  Cf.  Hérodien,  I,  10,  4  :  Ttjv  ts  twv  r.îpl  aùiov  oopuço'pfov  îjvotav. 


322  LES    «    IIASTIFFRI    »    DE    BELLONP: 

preuve  décisive  de  la  présence  des  «  porte-lances  »  dans  la 
procession  de  Cybôle, 

Cette  fii^uration  dans  les  fêtes  publiques,  communes  aux 
deux  cultes  d'Asie  Mineure,  n'était  pas  la  seule  fonction 
sacrée  des  hastiferi.  Chang'eant  à  la  fois  de  costume  et  de 
rôle,  les  membres  de  ce  collèg-e  participaient  aussi  dans  le 
temple  aux  cérémonies  rituelles.  C'est  ce  que  prouve  l'ins- 
cription qui  les  appelle  hastiferi  sive  paslores.  Le  premier 
nom  avant  une  signification  religieuse,  il  en  est  évidemment 
de  même  du  second.  Les  pastorcs-ne  sont  donc  pas,  comme 
certains  l'ont  cru,  de  véritables  bergers,  dont  les  lances 
protégeaient  les  troupeaux  contre  les  maraudeurs  et  les 
loups  dans  les  pâturages  du  Taunus,  mais,  comme  d'autres 
l'ont  reconnu,  les  ^cuySkoi,  les  pâtres  qui  dans  les  mystères 
de  Bacchus  honoraient  le  dieu,  conçu  à  l'origine  sous  la 
forme  d'un  taureau.  On  a  pu  supposer  que  ce  titre  sacré 
appartenait  aussi  aux  fidèles  d'Attis,  le  dieu  pasteur,  et  l'on 
V  a  cherché  une  preuve  supplémentaire  de  l'association 
étroite  de  Bellone  et  de  Cybèle  K  Mais  nous  n'avons  jus- 
qu'ici aucun  indice  que  les  mystes  d'Attis  aient  été  ainsi 
désignés,  et  il  est  plus  vraisemblable  que  l'existence  des 
l^ouxôXoi  remonte  au  culte  de  Ma,  tel  qu'il  était  pratiqué  en 
Cappadoce  et  dans  le  Pont.  Ces  bouviers  ou  boucaniers 
étaient  ceux  qui  capturaient  et  sacrifiaient  à  la  déesse  les 
taureaux  à  demi  sauvages  qui  erraient  sur  les  vastes  do- 
maines du  temple  -.  On  a  noté  que  même  dans  les  orgies 
de  Dionysos,  les  ,3ou-/.6a2!.  se  rencontrent  particulière- 
ment en  Anatolie  ^.  Lucien  nous  raconte  que  pendant 
les  Bacchanales  les  nobles  et  les  magistrats  des  villes 
du  Pont  se  faisaient  un  honneur  de  danser  en  public  devant 
des  spectateurs   déguisés    en   Titans,  en    Corybantes,    en 

1.  Hepding-,  /.c,  p.  172. 

2.  Cf.  Revue  archéologique,  1905,  I,  p.  29  s. 

3.  Gf   Kern  dans Pauly-Wisso-sva,  Tîeaienc,  s.v.  BouzoXot,  col.  1013  suiv., 
et  ib.,  Suppl.,  s.v.  Archibucolus. 


LES    «    HASTIFERI    »    DE    BELLO.NE  323 

Satyres  et  en  gouy.sXct'.  Par  une  coïncidence  curieuse,  nous 
trouvons  à  Madaure  les  mêmes  bacchanales  célébrées 
jusqu'à  la  fin  du  paganisme  -,  et  saint  Augustin  ^  y  fait 
allusion  en  des  termes  qui  rappellent  singulièrement  ceux 
de  Lucien  :  «  Decuriones  et  primates  civitatis  per  plateas 
vestrae  urbis  bacchantes  et  furentes ...  »  Il  est  vraisem- 
blable que  le  culte  extatique  de  la  Bellona-Virtus  adorée 
dans  cette  cité  d'Afrique  y  avait,  comme  dans  le  Pont, 
quelque  relation,  que  nous  ne  pouvons  préciser,  avec  les 
orgies  du  dieu  du  vin  ^. 

■  Quoi  qu'on  pense  de  ce  dernier  point,  un  fait  certain 
ressort  de  notre  nouvelle  inscription  :  c'est  que  le  collège 
des  hasfiferi  avait  dans  le  culte  de  Bellone  un  rôle  ana- 
logue à  celui  des  dendrophori  parmi  les  fidèles  de  la  Magna 
Mater.  Les  premiers  portaient  la  lance  dans  les  mêmes  pro-r 
cessions  où  les  seconds  promenaient  le  pin  d'Attis.  Les  has- 
tiferi  avaient -ils  aussi  dans  les  cités  romaines  quelque 
emploi  civil  ou  militaire,  comme  les  dendrophores,  qui  y 
aidaient  les  pompiers  à  éteindre  les  incendies?  La  chose  est 
possible,  mais  rien  ne  permet  jusqu'ici  de  l'affirmer,  et 
provisoirement  il  sera  prudent  de  considérer  les  porte- 
lances  comme  formant  une  confrérie  purement   religieuse. 

i.  Luc,  De  Sallat.  79:  'Opyouvcaî  yE  TaOra  oi  eùycvÉaTaTo:  x.aî  7:po_>-c£Ûov- 
TEç  Èv  èxajTr)  Twv  -oÀetovz.T.X. 

2.  Cf.  Comptes  rendus  Acad.  inscr.,  1912,  p.  154  suiv. 

3.  Aug.,  Epist.,  17  (P.L.  XXXIII,  84). 

4.  Nous  trouvons  dans  le  clerf;-é  de  Bellone  des  cistophores  [C.I.L.  VI, 
2233),  comme  des  cisliferi  dans  celui  de  Bacchus  {supra,  p.  320,  n.  3),  et  la 
ciste  mystique  étant  un  élément  essentiel  du  culte  dionysiaque,  tel  qu'il 
était  pratiqué  en  Asie  Mineure.il  est  possible  qu'elle  ait  été  empruntée  à 
celui-ci  par  les  prêtres  de  Ma. 


324  SÉANCK    DU    20  SEPTEMBRE    1918 

LIVRES  OFFERTS 


M.  Henri  Cordikr,  faisant  fonctions  de  Secrétaire  perpétuel,  dépose 
sur  le  bureau  les  publications  suivantes  : 

Proceedingsi  of  American  Philosnphicnl  Society,  vol.  LVII,  n°  2 
(Pbiladolphie,  1018)  ; 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologir/ue  du  Périgord, 
t.  XLV,  4'"  livraison,  juillet-août  1918  (Périg-ueux,  1918); 

Progress  Report  of  the  Archseological  Survey  of  India,  Western 
circle.  Archa;ology  for  the  ycar  ending  3lst  March  1917  (Bombay, 
1917) ; 

List  of  Sanskrit  and  Hindi  Manuscripts  purcliased  hij  ordcr  of  the 
Government  and  deposited  in  the  Sanskrit  Collège  Benares,  during 
the  year  1916-1917  (Allahabad,  1918). 

M.  Bernard  Haussoiillieh  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«  Jai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  au  nom  de  l'auteur, 
M.  Georges  Méaulis,  un  ouvrage  intitulé  :  Une  métropole  égyptienne 
sous  l'empire  romain.  Hermoupolis-la-Grande  (Lausanne,  1918). 
M.  Georges  Méautis  est  un  Suisse  qui  a  terminé  ses  études  en 
France,  à  l'Ecole  des  hantes  études,  et  son  livre  est  dédié  à  son 
maître,  M.  Pierre  Jouguet.  C'est  la  première  monographie  d'une 
métropole  égyptienne,  et  l'auteur  y  fait  preuve,  surtout  dans  les 
importants  chapitres  sur  les  Habitants  et  l'Administration,  d'un 
esprit  très  net,  très  positif,  très  mesuré,  qui  donne  beaucoup  de  prix 
à  son  étude.  » 


SÉANCE  DU  20  SEPTEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

La  correspondance  comprend  deux  articles  allemands  commu- 
niqués par  M.  le  Ministre  de  la  guerre  et  relatifs,  l'un  aux 
fouilles  allemandes  de  la  Dobroudja,  l'autre  à  celles  de  Babylone. 

Le  Président  annonce  la  mort  de  M.  Charles  Bayet,  corres- 
pondant de  l'Académie,  et  prononce  l'allocution  suivante  : 

«   Messieurs, 
«  Depuis  notre  dernière  séance,  nous  avons  perdu   un  de   nos 
correspondants  nationaux,  M.  Charles  Bayet,  ancien  directeur 


SÉANCE  DU  20  SEPTEMBRE  1918  325 

clè  rEnseignement  supéineur,  qui  nous  appartenait  depuis  1891. 
Né  à  Liège  le  25  mai  1849,  élève  de  l'École  normale  au  temps 
où  elle  était  dirigée  par  Bersot,  agrégé  dhistoire,  puis  membre 
des  Écoles  françaises  de  Rome  et  d'Athènes,  il  avait  eu  pour 
maître,  en  Italie  et  en  Grèce,  Albert  Dumont,  qui  lui  avait  ins- 
piré le  goût  des  études  byzantines.  De  là,  en  1874,  cette  mission 
au  mont  Athos  où  nous  le  voyons  avoir  pour  compagnon  notre 
confrère  Mgr  Duchesne.  Le  but  de  l'exploration  n'était  pas 
d'ailleurs  simplement  de  relever  au  passage  les  mosaïques  des 
anciennes  églises,  les  traces  énigmatiques  de  l'art  du  peintre 
Pansélinos  à  Karygès,  ou  de  rechercher  dans  les  bibliothèques 
des  couvents  de  la  Montagne  Sainte  les  scholies  inédites,  pré- 
cieuses pour  l'exégèse  des  écrivains  de  l'antiquité  ;  chemin  faisant, 
les  deux  voyageurs  recueillirent  les  inscriptions  de  l'époque 
grecque  ou  hellénistique  qu'ils  rencontraient  ;  l'I'^pire,  la  Thes- 
salie,  la  Macédoine,  la  Ghalcidique,  leur  en  fournirent  un  grand 
nombre,  qui  forment  une  sorte  de  corpus  d'environ  deux  cents 
textes.  Avant  de  quitter  la  Grèce,  Bayet  explora  la  seule  cata- 
combe  qui  y  ait  été  découverte,  celle  de  Milo,  qui,  par  malheur, 
était  déjà  presque  entièrement  dépouillée  de  son  contenu. 

«  Il  revint  en  France  en  1876  et  fut  successivement  chargé  de 
cours  et  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon.  Le  décanat 
lui  fut  offert,  et  il  l'accepta.  Il  avait  devant  lui  un  bel  avenir 
d'enseignement  et  de  science.  Mais  l'histoire  byzantine  n'était 
point  alors  en  faveur  ;  elle  passait  pour  une  spécialité  étroite  et 
négligeable.  Au  lieu  de  s'y  confiner  et  d'y  tracer  son  sillon,  il 
s'était  vu  contraint  d'embrasser  tout  le  moyen  âge.  L'incertitude 
de  l'avenir,  des  convenances  personnelles  le  firent  se  porter  vers 
les  fonctions  administratives.  Nommé  recteur  à  Lille,  c'est  de  là 
qu'il  fut  appelé  au  Ministère  de  l'instruction  publique  pour  rem- 
placer d'abord  M.  Ferdinand  Buisson  à  la  direction  de  l'Enseigne- 
ment primaire,  ensuite  Louis  Liard  à  celle  de  l'Enseignement 
supérieur.  C'était  le  renoncement  définitif  au  travail  personnel. 
Pourtant,  ce  qu'il  a  laissé,  Recherches  pour  servir  à  V histoire 
de  la  peinture  et  de  la  sculpture  chrétiennes  en  Orient  avant  la 
querelle  des  iconoclastes  (1879),  V art  byzantin  (1883,  réédité 
en  1904),  Notes  sur  le  peintre  byzantin  Manuel  Pansélinos 
(1884),  Précis  d'histoire  de  l'art  (1886),  pour  m'en  tenir  à  ses 


326  SÉANCE    DU    20    SEPTEMBRE    1918 

principaux  ouvraj^es,  prouve  que  dans  le  domaine  qu'il  avait 
choisi  il  lût  devenu  rapidement  un  maître. 

«  Il  est  mort  à  Toulon,  presque  dans  la  solitude,  après  avoir 
repris,  au  lendemain  de  sa  retraite,  à  soixante-cinq  ans,  son 
uniforme  de  sous-lieutenant  de  la  guerre  de  1870,  pour  jouer 
son  rôle  dans  la  grande  guerre.  Ni  les  causes, "ni  les  circonstances 
de  sa  mort  ne  me  sont  connues,  mais  je  croirais  sans  peine  que 
le  brûlant  été  de  Salonique,  de  cette  Salonique  où  il  avait  jadis 
rêvé  devant  les  saintes  images,  et  dans  laquelle  il  se  retrouvait 
vieilli  et  fatigué,  lieutenant  au  deuxième  bureau  de  l'état-major 
Sarrail,  n'y  fut  point  étranger.  Un  coup  cruel  l'avait  aussi  frappé, 
en  France  même  ;  le  second  de  ses  fils,  qui  combattait  à  ses 
côtés,  avait  été  tué  au  bois  Le  Prêtre,  et  cette  blessure,  chez  lui, 
restait  saignante  et  douloureuse.  On  ne  peut  refuser  à  cette 
haute  figure  Teslime,  plus  que  cela,  le  respect  qu'elle  mérite  ; 
pour  ceux  qui  l'ont  bien  connu,  la  perte  de  Charles  Bayet,  de  ce 
timide,  de  ce  sensible,  de  cet  artiste,  de  cet  ami  droit  et  sûr, 
est  un  deuil  de  cœur.   » 

M.  Salomon  Reinach  lit  une  note  de  M.  Camille  Jullian  sur 
l'Alsace  romaine.  Grâce  au  t.  VII  du  grand  Recueil  des  sculp- 
tures de  la  Gaule  romaine,  publié  par  le  commandant  Espéran- 
dieu,  correspondant  de  l'Académie,  nous  pouvons  ajouter  le 
témoignage  des  monuments  à  celui  des  textes  littéraires  et  épi- 
graphiques.  Ce  qui  n'est  pas  romain  en  Alsace  est  gaulois  ;  rien 
n'est  resté  du  germanisme  des  Triboques,  troupe  provenant  de 
l'armée  d'Arioviste,  que  César  et  Auguste  laissèrent  dans  le  pays 
autour  de  Brumath.  Le  groupe  du  cavalier  porté  par  le  géant 
anguipède  n'est  pas  germanique,  comme  on  l'a  dit  souvent, 
mais  celtique.  Les  sculptures  et  les  tombes  de  l'Alsace  gallo- 
romaine  se  rattachent  plus  particulièrement  à  la  Lorraine,  car 
les  affinités  étaient  et  demeurèrent  très  étroites  entre  les  popu- 
lations des  deux  versants  des  Vosges.  L'attraction  de  l'Alsace, 
même  à  l'époque  romaine,  se  fit,  comme  elle  se  faisait  depuis 
des  siècles,  du  côté  de  ses  parents  de  Gaule. 

M.  Salomon  Reinach,  en  l'absence  de  M.  E.  Pottier, 
commence  la  lecture  d'un  mémoire  de  MM.  Lantier  et  l'abbé 
Breuil  sur  un  oppidum  ibérique  nommé  Tolino. 


SÉANCE    DU    27    SEPTEMBRE    1018  327 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  la  Revue  archéolo- 
gique, cinquième  série,  t.  IV,  livraison  de  janvier-avril  1918. 

M.  Salomon  Reinach  offre  le  t.  IV  de  son  Répertoire  de  peintures 
(lu  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  {Pdins,  Leroux,  1918j. 


SÉANCE  DU  27  SEPTEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

Le   P.     SciiEiL  analyse   une     note     parue     dans    un  journal 
allemand,  transmise  par  M.  le   Ministre  de  la  guerre  : 

«  Dans  la  Kieler  Zeiiung  du  28  mai  1918,  un  rédacteur  com- 
munique le  résumé  du  59''  Rulletin  de  la  Société  des  fouilles 
allemandes  en  Orienl.  Ce  bulletin  contient  les  idées  de  M.  Kol- 
dewey  sur  le  temple  Esagil  de  Babylone,  —  en  conclusion  de 
dix-huit  années  d'explorations,  explorations  closes  à  la  veille  de 
l'entrée   des  Britanniques  à  Bagdad. 

«  M.  Koldewey  s'appuie  principalement,  on  le  conçoit,  sur  ses 
propres  fouilles  et  sur  la  fameuse  tablette  de  l'an  229,  d'abord 
perdue,  retrouvée  par  nous,  communiquée  à  l'Académie  en 
1912  et,  «  malgré  cela  »,  acquise  depuis  par  le  Musée  du 
Louvre  * . 

«  L'Esagil  comprenait  donc  deux  temples  :  un  temple  bas 
situé  à  côté  d'un  temple  haut.  Ce  temple  haut  consistait  en  une 
cour  à  six  chapelles  qui  reposait  sur  la  tour  à  étages.  Les  sou- 
bassements de  l'ensemble  ont  été  mis  à  jour  par  les  fouilles. 
On  estime  que  les  mesures  de  la  cour  et  des  chapelles  qui  forment 
le  temple  haut  ou  temple  suspendu  sont  données  avec  précision 

1.  Publiée  par  V.  Scheil  et  M.  Dieulafoy,  au  tome  XXXIX,  p.  293-372, 
des  Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  sous  le  titre  : 
Esagil  ou  le  Temple  de  Bèl-Mardnuti  à  Babylone  (1913). 


328  SÉANCE    DU    27    SEPTEMBRE    1918 

et  exactitude  par  noire  tablette.  Or  il  se  trouve  que  la  tour  à 
étages  avec  les  dimensions,  très  réduites  vers  le  sommet,  que 
leur  attribue  la  même  tablette,  n'aurait  jamais  pu  supporter  ou 
recevoir  ce  temple  suspendu. 

«  M.  Koldewoy  pense  donc  que  les  mesures  de  la  tour  propre- 
ment dite,  données  par  le  document,  ont  été  empruntées  à  une 
source  plus  récente  que  celle  des  précédents  renseignements,  et 
qu'elles  datent  d'une  époque  où  la  tour  était  en  partie  délabrée. 
Il  estime  avoir,  sur  un  point  du  site  actuel  de  Babylone,  reconnu 
l'amas  de  ses  décombres,  —  ces  décombres  que,  en  vue  d'une 
restauration,  Alexandre  lit  enlever' —  par  10.000  ouvriers,  en 
deux  mois  de  travail,  au  dire  de  Strabon  '.  Le  cube  évalué  de  ce 
bloc  de  terre  rapportée  correspondrait  exactement —  d'une  part, 
à  celui  du  déblai  que  le  texte  de  Strabon  permet  d'établir,  — 
d'autre  part,  à  la  différence  entre  le  cube  primordial  du  temple 
haut  avec  sa  tour,  et  celui  du  même  ensemble  tel  qu'il  résulte 
du  métrage  consigné  dans  notre  tablette  : 

«  Il  est  très  possible,  en  effet,  qu'à  une  époque  oîi  temple  et 
tour  n'étaient  plus  qu'une  grande  ruine,  un  scribe  plus  lettré  que 
technicien^  devant  relever  aux  Archives  leurs  anciennes  dimen- 
sions, ait  groupé  des  documents  de  deux  sortes,  sans  remar- 
quer que,  si  authentiques  qu'ils  fussent  l'un  et  l'autre,  ils 
étaient  pourtant  pratiquement  incoordonnables.  Les  mesures  du 
temple  étaient  les  mesures  originales  ;  les  mesures  de  la  tour 
étaient  celles  d'une  tour  devenue  squelettique  qui  n'aurait  pu 
supporter  un  tel  temple.   » 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'une  lettre  par 
laquelle  M.  Maurice  Picot  lui  fait  part  du  décès  de  son  père, 
M.  Emile  Picot. 

Le  Président  prend   la  parole  en  ces  termes  : 

«  Messieurs, 
«  Nous  avons  à  déplorer  une  perte  cruelle.   Notre  cher  con- 
frère M.  Emile  Picot,  que  quelques-uns  d'entre  nous  avaient  pu 
voir,  il  y  a  peu  de  temps,  si   robuste  et   si  vaillant  encore  en 

1.  Strab.  Geogr.,  XVI,  I,  p.  629  (éd.  Miitler). 


SÉANCE  DU  27  SEPTEMBRE  1918  329 

dépit  de  l'âge  el  du  deuil  alFreux  qui  l'avait  atteint,  a  succombé 
le  24  septembre  dans  sa  propriété  du  Mesnil,  à  Saint-Martin- 
d'Ecublci,  dont  il  était  maire,  emporté  par  une  de  ces  crises 
rapides  devant  lesquelles  la  science  demeure  impuissante.  Né  à 
Paris  le  13  septembre  1814,  il  entrait  dans  sa  soixante-quin- 
zième année. 

«  Ce  n'est  pas  le  lieu  d'insister  longuement  sur  ses  travaux. 
Vous  avez  présentes  à  la  mémoire  sa  carrière  scientifique,  et 
cette  maîtrise  incomparable  dans  la  connaissance  du  livre  qui 
faisait  de  lui  le  guide  le  mieux  informé  et  le  plus  sûr  en  matière 
de  bibliographie.  Mais  il  n'était  pas  seulement  un  bibliographe, 
il  était  aussi  un  linguiste  et  un  historien.  Il  connaissait  à  fond 
la  Roumanie,  dont  il  avait  étudié  de  très  près  la  langue,  notam- 
ment durant  un  séjour  qu'il  y  avait  fait,  jeune  encore,  auprès  du 
prince  Charles,  le  futur  roi  Carol,  qui  l'avait  pris  pour  secré- 
taire. Plus  tard,  il  fut  nommé  professeur  de  langue  roumaine  à 
1  Ecole  des  langues  orientales  vivantes,  et  il  n'est  pas  de  mani- 
festation du  génie  roumain  qui  n'ait,  jusqu'à  la  fin,  attiré  son 
attention. 

«  Sa  curiosité  sans  cesse  en  éveil,  son  goût  de  la  recherche, 
sa  puissance  d'observation,  qui  le  rendaient  sensible  aux  moindres 
particularités  des  choses,  son  évidente  prédilection  pour  l'his- 
toire des  langues  et  des  littératures,  ces  témoins  de  la  vie  des 
peuples  que  l'on  ne  consulte  jamais  sans  profit,  ne  pouvaient  le 
laisser  indifférent  à  nos  vieux  textes.  Il  contribua,  en  1874, 
avec  Gaston  Paris,  Paul  Meyeretle  baron  James  de  Rothschild, 
à  fonder  cette  Société  des  anciens  textes  français  dont  il  i-esta 
le  trésorier-adjoint  jusqu'en  1914,  et  qui  lui  doit  des  publica- 
tions dont  elle  s'honore,  telles  que  les  Œuvres  poétiques  de 
Guillaume  Alexis,  prieur  de  Bucy  ;  Recueil  général  de  sotties  ; 
Maistre  Pierre  Pathelin  hystorié,  reproduction  en  facsimilé  de 
l'édition  imprimée  vers  1 500  par  Marion  de  Malaunoy,  veuve 
de  Pierre  Le  Caron  ;  et  il  s'en  faut  que  cette  énumération  soit 
complète.  Mais  c'est  peut-être  par  ses  catalogues  de  livres  et 
par  ses  bibliographies  raisonnées  qu'il  est  le  plus  connu.  Son 
Catalogue  des  livres  composant  la  bibliothèque  de  M.  le  baron 
James  de  Rothschild,  en  quatre  volumes,  est,  de  l'avis  des  spé- 

1918  53 


;i30  SÉANCE    UU    27    SiiTÏIOMIîKi:     lî)IS 

cialisLes  une  (jt'uvre  de  premier  ordre.  Il  était  en  relations  avec 
le  duc  d'Aumale.  Un  spécimen  de  catalof^ue  de  la  bibliothèque 
de  Chantilly,  qu'il  donna  en  1890,  avec  facsimilés  dans  le  texte, 
fait  lef^retter  quil  n'ait  pas  poussé  plus  avant  son  inventaire 
des  richesses  qu'elle  renferme.  Tout  ce  qu'il  publiait  avait  ce 
caractère  de  probité  scientilique  et  de  compétence  qui  inspire 
a  priori  conliance  au  lecteur.  Certains  de  ses  ouvrages  visent 
plus  haut  et  y  atteignent  ;  ils  dépassent  la  portée  de  simples 
renseignements  bibliographiques  :  ce  sont  d'admirables  ins- 
truments de  travail.  Je  citerai  dans  ce  genre  sa  Bibliographie 
cornélienne  (1876),  répertoire  si  précieux  des  éditions  des 
œuvres  de  Pierre  Corneille  et  des  imitations  ou  traductions  qui 
en  ont  été  faites,  qu'un  complément  fut  jug-é  nécessaire  pour 
mettre  au  courant  ce  travail  dont  ne  sauraient  se  passer  les 
historiens  de  notre  littérature,  et  que,  en  1908,  paraissaient  les 
Additions  à  la  Bibliographie  cornélienne,  par  Le  Verdier  et 
Pelay,  complément  dû,  en  grande  partie,  aux  notes  que 
M.  Picot  avait  i-ecueillies  lui-même  depuis  1876.  Car  il  ne  fai- 
sait point  de  lecture  qui  ne  lui  fournît  des  documents  utiles.  Il 
possédait,  méthodiquement  classées,  des  fiches  par  milliers,  que 
son  obligeance  se  plaisait  à  mettre  à  la  disposition  des  travail- 
leurs. Sa  réputation  s'étendait  bien  loin  hors  de  France,  et 
lorsqu'un  petit  groupe  d'anciens  élèves  et  d'amis,  à  l'occasion 
de  sa  retraite  de  l'Ecole  des  langues  orientales,  conçut  le  pro- 
jet de  lui  offrir  un  volume,  ou  mieux,  deux  volumes  de  Mélanges, 
ce  fut  sans  peine  qu'il  réunit  près  de  cent  collaborateurs  appar- 
tenant aux  nationalités  les  plus  différentes. 

«  L'homme  en  lui  égalait  le  savant.  Nous  n'oublierons  jamais 
cette  bonté  que  voilait  une  apparence  de  froideur.  Ceux  qui  ont 
eu  le  bonheur  de  l'approcher,  sans  pénétrer  jusqu'à  ses  senti- 
ments intimes,  savent  ce  que  dissimulaient  de  sympathie  latente, 
toujours  prête  à  se  manifester,  la  gravité  de  ce  visage  et  la  réserve 
de  cette  attitude  qui  intimidaient  un  peu  au  premier  abord.  Il 
était  foncièrement  serviable  et  dévoué,  avec  peu  de  goût  pour 
les  démonstrations  inutiles.  Il  le  montra  bien  dans  ces  derniers 
temps  où,  maire  attentif  et  diligent  de  sa  commune,  qui  compte 
à  peine  quatre  cents  habitants,  il  fit  des  prodiges  de  charité  et 
d'administration    prévoyante   pour    hospitaliser  tant    bien    que 


LIVRES    OFFERTS  331 

ma]  les  réfugiés  de  nos  régions  du  Nord,  fuyant  devant  l'ennemi, 
d'abord  une  partie  de  ceux  d'Amiens,  ensuite  ceux  d'Haze- 
brouck,   beaucoup  plus  nombreux. 

«  Atteint,  comme  tant  d'autres,  par  la  guerre  dans  la  per- 
sonne d'un  de  ses  fils,  le  capitaine  Picot,  tué  glorieusement  au 
début  de  la  dernière  offensive  allemande,  en  juillet  1918,  il 
trouva  dans  sa  naturelle  force  d'âme  et  dans  son  patriotisme  le 
courage  de  réagir  contre  un  tel  coup.  Il  était  fier  de  ce  (ils  tombé 
pour  la  défense  du  sol  français  et  trompait,  dans  la  mesure  du 
possible,  sa  douleur  en  se  persuadant  et  en  répétant  aux  siens 
que  de  pareils  sacrifices  sont  la  rançon  et  en  même  temps  la 
garantie  de  la  victoire. 

«  Je  crois  être,  Messieurs,  l'interprète  de  votre  pensée  en 
adressant  à  la  chère  compagne  de  sa  vie  l'expression  de  nos 
regrets  unanimes.  Emile  Picot  laisse  ici  un  vide  qu'il  sera  diffi- 
cile de  combler.  Vous  lui  aviez  fait  une  place  parmi  nous  en 
1897  ;  il  nous  a  donc  appartenu  pendant  vingt  et  un  ans, 
longue  durée  pour  une  vie  humaine,  trop  courte  pour  notre 
affection.  » 

M.  E.  PoTTiER  achève  la  lecture  du  mémoire  de  MM.  Lantier 
et  l'abbé  Breuil  sur  l'oppidum  ibérique  de  Tolmo, 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  publications 
suivantes  : 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Langres,  t. 
VII  (Langres,  1918); 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  et  historique  de  VOrléanais, 
t.  XVIII,  n°  213,  3^  et  4«  trimestres,  1917  (Orléans,  1918)  ; 

Muséum  Maanhlad  voor  Philologie  en  Geschiedenis  onder  redactie 
van  P.  J.  Blok,  J.  J.  Salverda  de  Grave,  D.  G.  Hesseling  en  A.  Kluj'- 
ver.  2:isle  Jaargang,  n°  11-12,  Aug.  Sept.  1918  (Leyde,  1918). 


COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 


DE 


L'ACADÉMIE     DES     INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 

SÉANCE  DU  4  OCTOBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     PALI-    GIRARD,     VICE-PRESIDENT. 

Le  Président  annonce  à  l'Académie  que  M.  Haussoullier 
vient  de  perdre  un  de  ses  fils,  déjà  plusieurs  l'ois  blessé  et 
honoré  de  sept  citations,  et  prie  notre  confrère  d'agréer  l'ex- 
pression   de  notre  très  vive  sympathie. 

Il  exprime  de  nouveau  à  M.  Héron  de  Villefosse,  présent  à  la 
séance,  les  regrets  de  l'Académie  de  ne  plus  le  voir  assis  au 
bureau. 

L'Académie  décide  que  la  séance  annuelle  aura  lieu  le  22 
novembre  prochain  et  désigne  comme  lecteur  pour  cette  séance 
M.  l'abbé  Chabot.  Le  sujet  de  cette  lecture,  communiquée  dans 
la  séance  du  5  juillet  dernier,  sera  :  Kdesse  pendanL  la  première 
croisade. 

M.  .Audouin,  professeur  à  l'Université  de  Poitiers,  fait  une 
communication  sur  le  muid  de  Gharlemagne  : 

('  Jusqu'à  ces  dernières  années,  on  a  généralement  admis  l'exac- 
titude de  l'évaluation  que  Benjamin  Guérard  avait  faite  de  la 
capacité  du  muid  de  Gharlemagne,  dans  les  Prolégomènes  du 
Polvptyque  de  l'abbé  Irminon.  D'après  lui,  celte  mesure  pour 
les  grains,  au  temps  de  Gharlemagne,  avait  une  contenance  de 
')2  litres  20.  Cette  évaluation  reposait  sur  une  méthode  de  calcul 
qui  n'est  pas  susceptible  d'une  précision  rigoureuse,  étant  fondée 
sur  une  estimation,  fort  sujette  à  caution,  du  pouvoir  relatif  de 
l'argent. 


334  SÉANCK    DU    4    OflTOURE    1918 

u  Une  tout  outre  mélliode  a  été  suivie  par  M.  Raveau,  qui, 
clans  une  coniniunicalion  faite  en  191(>  à  la  Société  des  Anti- 
quaires de  rOuest,  a  cherché  à  déterminer  la  contenance  du 
muid  de  Charlemaj^ne  d'après  le  tarif  que  renferme  le  capitulaire 
de  Francfort,  de  794,  fixant  à  quatre  deniers  le  prix  d'un  muid 
de  froment  et  à  un  denier  le  prix  de  24  livres  de  pain  de  fro- 
ment. M.  Haveau  a  supposé  qu'une  livre  de  pain  avait  la  môme 
valeur  qu'une  livre  de  froment  et  en  a  conclu  que  le  muid  de 
794  contenait  en  froment  4  fois  24  livres  ou  96  livres  de 
l'époque  de  Charlemagne. 

M  On  peut  admettre  avec  Guérard  que  le  prix  unique  d'un  denier 
pour  24  livres  de  pain  de  froment,  fixé  par  le  capitulaire,  se 
rapporte  à  un  pain  de  qualité  moyenne.  D'après  un  règlement 
de  15G7,  le  prix  de  ce  pain  était  égal  au  prix  du  même  poids  de 
grain  augmenté  d'un  quart.  Si^  à  poids  ég-al,  le  prix  du  pain  est 
égal  aux  cinq  quarts  du  prix  du  froment,  à  prix  égal  le  poids  du 
froment  est  égal  aux  cinq  quarts  du  poids  du  pain.  D'après 
cela,  le  muid  de  Charlemagne,  qui,  en  794,  valait  en  froment 
4  deniers,  prix  égal  à  celui  de  96  livres  de  pain,  devait  conte- 
nir 96  livres  multipliées  par  cinq  quarts,  c'est-à-dire  120  livres 
de  froment. 

«  La  livre  visée  par  le  capitulaire  de  Francfort  pour  le  prix 
du  pain  ne  doit  pas  être  la  livre  nouvelle  de  Charlemagne,  qui, 
ainsi  que  l'a  établi  M.  Maurice  Prou,  était  supérieure  de  moitié 
à  la  livre  romaine  et  valait  plus  de  491  grammes  :  cette  réforme 
de  Charlemagne  ne  se  rapportait  sans  doute,  selon  l'avis  de 
M.  Guilhiermoz,  qu'au  poids  monétaire.  Rien  ne  permet  de  sup- 
poser que,  pour  le  poids  usuel,  Charlemagne  ait  rien  changé  à 
l'antique  livre  romaine,  de  327  grammes  45. 

«   Le   poids  du  froment  contenu  dans  le  muid  était  donc,  en 

794,  de  120  livres   romaines,  c'est-à-dire  de  39  kilog.  294  :    le 

litre  de   froment  pesant   750    grammes,    la    capacité    de   cette 

mesure  était  de  52  litres  40.  L'évaluation  de  Benjamin  Guérard 

se  trouvait  ainsi,  par  hasard,  à  peu  près  exacte. 

«  Un  texte  latin  sur  les  mesures,  qui  a  été  publié  par 
Lachmann  dans  son  édition  des  Gromatici  veteres  ',  mentionne 
précisément  un  muid   de  120  livres  Ce  texte  anonyme,  posté- 

1.   I,  p.  371  et  suiv. 


SÉANCE    DU    i  OCTORRR    1918  335 

rieur  à  Isidore  de  Séville,  qui  y  est  cité,  nous  a  été  conservé 
par  plusieurs  manuscrits,  dont  le  plus  ancien,  le  Gudianus, 
date  du  x"^  siècle.  Il  se  divise  en  trois  parties.  La  première 
concerne  les  mesures  de  longueur  et  de  superficie,  la  seconde 
les  poids,  la  troisième  les  mesures  de  capacité.  Cette  dernière 
partie,  où  se  trouve  le  passage  en  question,  porte  comme  titre: 
De  mensuris  in  liquidis,  et  Ton  pourrait  croii'e,  par  suite, 
que  le  muid  de  120  livres,  qui  y  est  mentionné,  est  un  niuid  à  vin 
et  non  un  muid  à  froment.  Cependant  il  y  est  fait  allusion  aussi 
aux  mesures  pour  matières  sèches,  comme  le  prouvent  les 
mots  :  Simililer  in  aridis.  . . 

«  Dans  les  premières  lignes  de  ce  fragment,  il  est  dit  que  le 
setier  pèse  soit  2  livres,  soit  3  livres.  Le  setier  de  2  livres  n'est 
autre  que  le  setier  romain  pour  le  vin,  du  poids  de  20  onces, 
augmenté  d'un  quart.  Si,  à  côté  du  setier  de  2  livres,  il  en  existe 
de  3  livres,  c'est  sans  doute  que  l'on  en  est  venu  à  substituer  ici 
aux  livres  de  12  onces  des  livres  de  18  onces.  Un  fait  analogue 
s'est  produit  en  Lombardie,  dans  le  courant  du  vn!**  siècle,  pour 
un  muid  à  sel  de  30  livres,  qui  fut  porté  à  45  livres,  c'est-à-dire 
à  30  livres  de  18  onces. 

«  L'auteur  anonyme  de  notre  texte  dit  ensuite  que  le  muid  a 
été  considéré  parfois  comme  contenant  16  setiers,  ou  encore  22, 
mais  quil  en  renferme  plutôt  24,  ce  qui,  avec  des  setiers  de 
3  livres,  donne  un  poids  de  72  livres. 

«  C'est  alors  que  l'auteur  ajoute  qu'il  existe  aussi  un  muid  con- 
tenant 24  setiers  de  5  livres  et  pesant  par  suite  120  livres.  Ce 
muid  de  120  livres  paraît  être,  non  pas  un  muid  à  vin,  comme 
celui  de  72  livres,  mais  un  muid  à  froment.  Car  les  lignes  précé- 
dentes, qui  se  rapportaient  aux  mesures  à  liquides,  ne  mention- 
naient pas  de  setier  de  5  livres.  Ce  setier  de  .5  livres  n'offre  pas 
de  rapport  régulier  avec  le  setier  de  2  livres,  ni  avec  celui  de 
3  livres,  ni  avec  le  setier  romain  de  20  onces  pour  le  vin.  Il 
s'explique  bien,  au  contraire,  en  tant  que  mesure  à  froment: 
c'est  exactement  le  quadruple  du  setier  romain  pour  les  grains, 
qui  pesait  une  livre  et  quart  ou  15  onces. 

«  Le  poids  de  120  livres  indiqué  ici  est  précisément  celui  qui 
a  été  déduit  plus  haut  du  capilulaire  de  Francfort  pour  le  muid  à 
froment.  Ce  texte  vient  donc  confirmer  ces  déductions.  11  nous 


336  sÉANCK  Di    4  ononRE  1918 

apprend  en  même  temps  que  le  muid  de  Gharlemagne  se  divisait 
en  24  seliers  de  5  livres.  11  était  exactement  six  fois  plus  grand 
que  le  muid  romain,  qui  contenait  10  sètiers  d'une  livre  et  quart 
et  pesait  par  suite,  en  froment,  20  livres.  Cette  augmentation 
venait  de  ce  que  le  setier  avait  pris  une  valeur  quadruple  et  que, 
d'autre  part,  le  nombre  des  setiei's  contenus  dans  le  muid  a\ait . 
été  porté  de  16  à  24,  c'est-à-dire  augmenté  de  moitié. 

((  Nous  savons  que  le  nouveau  muid,  établi  peu  avant  794  et 
qualifié  de  noviler  slalulum  dans  le  capitulaire  de  Francfort, 
était  de  moitié  plus  grand  que  le  muid  antérieur.  Celui-ci  était 
doue  du  poids  de  80  livres  et  devait  se  diviser  en  16  setiers  de 
5  livres.  La  réforme  de  Charlemagne,  en  ce  qui  concerne  le 
muid,  a  consisté  à  porter  de  16  à  24  le  nombre  des  setiers  qu'il 
contenait,  c'est-à-dire  à  augmenter  ce  nombre  de  moitié. 

u  Le  setier,  qui,  chez  [les  Romains,  pesait  en  froment  une 
livre  et  quart,  c'est-à-dire  409  grammes,  et  avait  une  capacité 
de  54  centilitres  et  demi,  pesait  4  fois  plus,  c'est-à-dire  5  livres 
(romaines)  ou  1  kil.  637,  non  seulement  sous  Charlemagne, 
avant  comme  après  la  réforme  du  muid,  mais  sans  doute  avant 
Gharlemagne,  et  avait  ainsi  une  capacité  de  2  litres  18  centi- 
litres. 

«  Il  devait  prendre,  dans  le  courant  du  ix®  siècle,  une  valeur 
triple  de  celle  qu'il  avait  sous  Charlemagne.  Car  un  texte  curieux 
sur  la  fabrication  des  hosties,  publié  par  Mabillon  et  cité  par 
Guérard,  et  qui,  au  dire  de  l'auteur  inconnu,  aquitain  selon 
Guérard,  peut-être  espagnol  suivant  M.  Guilhiermoz,  aurait  été 
composé  en  845,-  parle  d'un  setier  à  froment  du  poids  de 
12  livres  de  15  onces  chacune,  ou,  autrement  dit,  de  15  livres 
de  12  onces.  Ce  setier  était  donc  exactement  le  triple  du  setier 
carolingien  de  5  livres  et  valait  12  setiers  romains.  Sa  conte- 
nance était  de  6  litres  et  demi.  C'était  encore  bien  peu  en  com- 
paraison de  la  valeur  que  devait  prendre  le  setier  à  partir  du 
XII*  siècle,  lorsqu'il  devint  un  multiple  du  boisseau.  » 

MM.  Babelon,  Théodore  Reinach  et  Antoine  Thomas  présentent 
quelques  observations. 


SÉANCE  Dr  il   OC.TOIUU-:  1918  337 

LIVRES  OFFERTS 


Le  Sechktaihe  perpétuel,  au  nom  de  l'auteur,  ofTro  un  travail  de 
M  Héron  de  Villefosse,  Le  sphinx  de  Cherchel  (extrait  du  Bulle- 
tin archéologique,  1917),  Paris,  1918.  > 

11  dépose  sur  le  bureau  les  périodiques  suivants  : 

Lonclon  Unirersilt/  Gazette,  vol.  XVIII,  n°  203,  23  septembi'e 
1918,  et  Supplément  ; 

Smilhsonian  Instilute.  Bureau  of  American  Ethnology,  bulletin 
n°  66  :  Récent  discoveries  attrihuted  fo  early  rnan  in  America,  by 
Aies  Ilrdlicka  (Washington,  1918)    ; 

Butlleti  de  la  Bihlioteca  Cataluni/a,  n°  7  :  any  IV,  Gener-Decem- 
ber  1917  (Barcelona,  1917). 


SÉANCE  DU  il   OCTOBRE 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT, 

Le  Président  propose  à  rAcadémie  de  nommer  les  membres 
de  la  Commission  Thorlet  pour  1918. 

Sont  élus  MM.  Schlumberger,  Prou,  Durrieu  et  Gordier. 

L'Académie,  ne  pouvant  siéger  le  '2j  de  ce  mois,  qui  est  la 
date  de  la  séance  publique  des  cinq  Académies,  décide  que  la 
séance,  cette  semaine-là,  se  tiendra  le  mardi  22. 

M.  Babelon  donne  lecture  d'un  mémoire  de  M.  le  docteur 
Carton,  correspondant  de  l'Académie,  relatif  à  des  découvertes 
archéologiques  faites  dans  la  région  de  Ghardimaou  (Tunisie) 
par  M.  le  capitaine  Fradet.  Il  s'agit  des  ruines  d'une  ville  ro- 
maine avec  pavage  de  mosaïques  historiées  et  de  plusieurs  petits 
sanctuaires  de  Saturne  qui  renfermaient  des  statues  en  terre 
cuite  de  grandeur  naturelle.  Les  plus  intéressantes  de  ces  statues 
représentent  une  déesse  féminine  à  tète  de  lion,  pareille  à  la 
déesse  égyptienne  Sokhit.  Cette  déesse  forme  le  type  de  mon- 
naies romaines  frappées  en  Afrique  au  moment  de  la  bataille  de 
Thapsus,  en  48  avant  J. -G.  Les  sanctuaires  rustiques  découverts 
par  M.  le  capitaine  Fradet  étaient  fréquentés  par  la  population 


3ns    KDICI  LES  DKCDU VERTS  DANS  LA  RÉHKIN   \)K  OllAUDIMAOU 

indii^ènc  de  la  région,  qui,  au  u''  siècle  de  noire  ère,  était  restée 
lidèle  an  culte  des  divinités  africaines  d'origine  libyenne  ^ 

M.  Pierre  Paris,  correspondant  de  l'Académie,  directeur  de 
l'Kcole  des  hautes  études  hispaniques,  lit  un  rapport  sur  les 
fouilles  pratiquées  cette  année  à  Bolonia  (Espagne),  grâce  à  une 
subvention  que  lui  a  accordée  l'Académie  et  à  des  subsides  qu'il 
a  reçus  d'ailleurs.  Il  fait  passer  sous  les  yeux  des  membres  pré- 
sents les  photographies  des  principaux  monuments  déblayés  et 
des  objets  qu'on  y  a  rencontrés  2. 


COMMUNICATIONS 


NOTE  SUR  DES  ÉDICULES  RENFERMANT  DES  STATUES  EN  TERRE 
CUITE,  DÉCOUVERTS  DANS  LA  RÉGION  DE  GHARDIMAOU  (tUNI- 
SIe),    par    m.    LE    D'^'    CARTON,    CORRESPONDANT    DE  l'aCADÉMIE. 

L'Académie  sait  qu'on  a  découvert  dans  ces  dernières 
années,  en  Tunisie,  un  certain  nombre  de  constructions 
antiques  qui  renfermaient  de  grandes  statues  en  terre  cuite 
de  divinités  africaines.  La  plus  importante  de  ces  décou- 
vertes est,  sans  contredit,  le  sanctuaire  de  Baal  et  de  Tanit 
à  Siaffu,  au  Nord-Est  de  Bir-Bou  Piekba,  station  du  chemin 
de  fer  de  Tunis  à  Sousse,  à  60  kilomètres  de  Tunis  :  ce 
sanctuaire  et  ses  statues  ont  été,  en  1910,  l'objet  d'une 
étude  approfondie  de  M.  Merlin,  à  laquelle  il  ne  reste  rien 
à  ajouter 3.  J'ai  moi-même,  peu  après,  fouillé  un  édifice  du 
même  genre,  mais  moins  important,  composé  d'une  simple 
cella,  situé  sur  le  flanc  du  Djebel-bou-Korneïn,  à  peu  de 
distance  du  grand  sanctuaire  de  Saturne  Balcaranensis, 
auprès   d'Hammam-Lif  :  j'y  avais  signalé  des   .statues  en 

1.  Voir  ci-après. 

2.  Voir  ci-après. 

3.  Alfred  Merlin,  Notes  et  Documents  publiés  par  la  Direction  des  Anti- 
quités et  Arts.  IV.  Le  sanctuaire  de  Baal  et  de  Tanit,  près  de  Siagu  (Paris, 
1910). 


ÉDICIT.ES   nÉCOCVERTS  PANS   [.A   RÉGION   DE   GHARDIMAOL"    339 

terre  cuite,  de  grandeur  naturelle,  et  j'ai  rappelé,  à  cette 
occasion,  d'autres  effig-ies  de  terre  cuite  réunies  par  groupes, 
qui  avaient  été  découvertes  antérieurement  sur  différents 
points  du  sol  africaine 

Voici  qu'on  vient  de  reconnaître  toute  une  série  de  groupes 
analogues,  à  la  limite  occidentale  de  la  Tunisie,  auprès  de 
Ghardimaou,  petite  ville  située  sur  la  Medjerda,  au  Nord- 
Ouest  du  Kef,  à  proximité  de  la  frontière  algérienne. 

M.  le  capitaine  Fradet,  commandant,  en  1916,  un  déta- 
chement de  troupes  à  Ghardimaou,  a  fait  dans  la  région 
avoisinante  des  recherches  archéologiques  dont  il  a  bien 
voulu  me  communiquer  les  résultats  :  je  m'empresse  de  les 
transmettre  à  l'Académie. 

A  l'endroit  appelé  Bir-Derbal,  des  indigènes  avaient 
trouvé  une  stèle  de  pierre  en  creusant  la  terre  pour  cons- 
truire un  gourbi.  Quelques  débris  de  mosaïque  apparais- 
saient au  fond  du  trou.  En  élargissant  ce  trou,  on  mit  au 
jour  une  mosaïque  à  peu  près  intacte,  mesurant  environ 
deux  mètres  sur  trois,  et  offrant  simplement  une  jolie  orne- 
mentation géométrique. 

Tout  près  de  là,  à  proximité  d'une  citerne,  M.  le  capi- 
taine Fradet  a  exhumé  les  soubassements  de  toute  une 
ligne  de  villas  antiques  avec  des  chambres,  aussi  pavées  de 
mosaïques  dont  quelques  parties  seulement  se  sont  trouvées 
en  assez  bon  état.  La  plus  importante  représente  un  Retour 
de  chasse  au  sanglier.  On  y  voit  deux  serviteurs  qui  portent 
une  perche  à  laquelle  est  suspendu  l'animal  ;  ils  sont  accom- 
pagnés de  deux  chiens  tenus  en  laisse.  C'est  une  scène  à 
laquelle  j'assiste  fréquemment  encore  aujourd'hui  dans  ce 
pays  où  les  indigènes  ont  des  molosses  dressés  à  ce  genre 
de  chasse.  Un  autre  fragment  de  mosaïque  offre  la  repré- 
sentation d'un  cheval.  Il  semble  que  sur  la  façade  de  la  villa 
régnait  un  portique  pavé  aussi  d'une  mosaïque  décorée  de 
palmiers  et  d'autres  sujets  détériorés  et  méconnaissables, 

1.  D'  L.  Carton,  Bulletin  de  l'Acad.  dHippone,  1912-13,  n"  32,  p.  25. 


3î0  i';nir.t)LES  décoiveuts  dans  la  nÉnioN  de  (•■iiAitnniAon' 

Les  restes  de  constructions  permettent  de  croire  qu'on 
est  en  présence  de  remplacement  de  la  demeure  d'un  riche 
propriétaire  qui,  comme  cela  s'est  rencontré  tant  de  fois, 
avait  fait  (i^urer  sur  le  sol  revêtu  de  mosaïques  des  scènes 
représentant  ses  occupations  favorites.  Les  murs  de  son 
habitation  étaient  en  un  blocage  assez  grossier,  consolidé 
par  un  chaînage  en  pierres  de  taille.  Le  plan  (n"  1),  que 
m'a  adressé  M.  Fradet,  de  la  partie  déblayée  semble  in- 
diquer, comme  il  le  croit,  une  série  de  chambres  bordées 
par  un  portique  à  chacune  des  extrémités  duquel  se  trou- 
vaient deux  autres  chambres  phis  petites. 

Une  autre  ruine,  déblayée  un  peu  plus  loin  (n"  2),  paraît 
être  celle  d'un  petit  sanctuaire  mesurant  6  m.  75  sur 
2  m.  75.  11  comprend  une  cella  de  2  m.  75  de  largeur  sur 
2  mètres  de  profondeur,  donnant  sur  une  cour  de  2  m.  80 
de  large  sur  3  m.  25  de  profondeur,  ouverte  èi  l'Est.  Dans 
le  fond  de  la  cella,  trois  dalles  posées  de  champ,  forment 
comme  deux  niches  carrées  adossées  au  mur.  Ces  niches 
renfermaient  probablement  les  statues  en  terre  cuite,  de 
grandeur  naturelle,  auxquelles  je  faisais  allusion  tout  à 
l'heure  et  sur  lesquelles  je  vais  insister  :  ces  statues,  en 
effet,  ont  été  trouvées  tout  près  des  niches. 

Ces  statues  et  statuettes  étaient  très  nombreuses,  mais  la 
plupart  ne  sont  aujourd'hui  que  des  débris  qu'il  est  impos- 
sible d'énumérer.  La  mauvaise  qualité  de  la  matière  a  fait 
que  la  plupart  d'entre  elles  ont  été  réduites  en  miettes  ou 
en  fragments  si  petits  que  l'on  ne  saurait  songer  à  une  res- 
tauration. Toutefois,  parmi  les  fragments  les  plus  impor- 
tants, se  trouve  une  statue  de  grandeur  naturelle  qui 
représente  une  tête  coiffée  de  bandeaux  retombant  sur  les 
côtés  et  dont  le  visage  est  un  mufle  de  lion. 

Il  s'agit  incontestablement  d'une  effigie  analogue  à  celles 
qui  ont  été  rencontrées  dans  le  sanctuaire  de  Tanit  etBaal, 
à  Siagu,  et  qui  représentent  le  Genius  Terrae  Africae,  sui- 
vant un   rapprochernent,  suggéré  par  M.  Merlin,  avec  une 


ÉDICLLES   DÉCOUVERTS  UA.NS   LA   RÉGION  DE  (.llARDl.MAOL     311 


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312    ÉDICULES  DÉCOUVERTS  DANS  LA  RÉGION    UK  GIIARDIMAOU 

monnaie  de  la  République  romaine,  frappée  par  P.  Licinius 
Crassus  Junianus  en  qualité  de  légat  propréteur  de  Q .  Mé- 
tellus  Scipion,  avant  la  bataille  de  Thapsus,  en  48  av.  J.-G. 

Cette  monnaie  a  pour  type  une  déesse  léontocéphale, 
debout  de  face,  le  corps  en  gaine,  avec  une  tête  de  lionne 
surmontée  d'un  disque  ;  de  la  main  droite  allongée  le  long 
du  corps,  elle  tient  le  symbole  triangulaire  de  Tanit.  Dans 
le  champ,  à  côté  d'elle,  les  lettres  GT"  A  que  M.  Babelon 
a  interprétées  par  Genius  Terrae  Africac  ;  cette  figure  rap- 
pelle celle  de  la  déesse  égyptienne-Sekhet  ou  Sokhit,  la  per- 
sonnification de  la  violence  du  vent  brûlant  du  désert  afri- 
cain. Le  rapprochement  du  type  monétaire  ainsi  qualifié 
avec  nos  statues  de  terre  cuite  s'impose  ;  la  médaille  re- 
produit tout  naturellement  la  statue  de  la  déesse  protec- 
trice de  la  terre  d'Afrique  à  laquelle  étaient  consacrés  de 
nombreux  sanctuaires  ;  son  culte  était  populaire  parmi  les 
soldats  africains  de  l'armée  pompéienne  qui  allait  se  faire 
battre  à  Thapsus.  Par  ce  rapprochement  nos  terres  cuites, 
effio-ies  malheureusement  si  fragmentaires  de  la  déesse  léon- 
tocéphale,  prennent  un  intérêt  historique  tout  particulier. 

A  l'intérieur  des  niches  près  desquelles  elles  ont  été 
trouvées,  le  sol  était  jonché  de  fragments  de  petites  sta- 
tuettes en  terre  cuite  dont  plusieurs  portent  des  traces  de 
dorure.  On  a  pu  reconnaître  notamment  trois  corps 
d'hommes  vêtus  de  tuniques,  un  buste  de  femme  nue  et  une 
tête  de  femme.  Au  milieu  de  ces  débris,  on  a  recueilli  des 
monnaies  à  l'effigie  de  Vespasien  et  de  petits  disques  en 
plomb,  dont  l'usage  est  indéterminé.  Enfin,  à  proximité, 
on  a  trouvé  des  stèles  de  pierre  dont  voici  la  description  : 
1°  Stèle  en  grès,  à  extrémité  triangulaire,  haute  de 
66  centimètres,  large  de  27.  Fronton  triangulaire,  portant 
un  croissant  pourvu  à  ses  extrémités  d'un  appendice  qui  le 
fait  ressembler  à  une  guirlande.  Au-dessous,  un  cartouche 
renfermant  le  symbole  triangulaire  punique,  à  face  hu- 
maine. Les  appendices  transversaux  ont  la  forme  de  bras  et 
mains  levés  lui  donnant  l'attitude  de  Vorante.  A  sa  droite, 


ÉDICLLES  DÉCOUVERTS  DANS  LA   HÉGIOX    DK  GHARDI.MAOU    343 

un  caducée;  à  sa  gauche,  une  palme.  Plus  bas,  une  inscrip- 
tion votive  en  lettres  de  35  centimètres  : 

L 

FAVSTVS 
VOTV  SOLVI 
SATRNO 
LBS      A/V 

A  la  ligne  2,  votu  est  pour  votuni. 

A  la  ligne  3,  on  remarquera  la  suppression  de  l'V  de 
Saturno. 

A  la  ligne  4,  ligature  de  ANM  ;  il  faut  lire  :  lihens 
animo. 

Nous  devons  rappeler  que  dans  le  sanctuaire  de  Baal  et 
de  Tanit,  à  Siagu,  il  a  été  trouvé,  comme  ici,  une  dédicace 
à  Saturne  K  Au  même  sanctuaire  de  Siagu,  les  autres  textes 
présentent  aussi  la  forme  Votu.  J'ai  rencontré  la  même 
abréviation  dans  un  petit  sanctuaire  de  montagne,  ainsi 
que  la  forme  SATRNVS  pour  Saturnus.  Ces  altérations 
doivent  correspondre  à  la  prononciation  locale  de  ces  mots. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  voit  qu'il  s'agit,  comme  à  Siagu, 
d'un  sanctuaire  punico-romain  dédié  à  Saturne.  Les  sanc- 
tuaires consacrés  à  cette  divinité  étaient  du  reste  nombreux 
dans  la  région.  En  dehors  de  l'édicule  dont  il  sera  parlé 
plus  loin,  et  qui  paraît  également  se  rapporter  au  même 
culte,  j'ait  fait  connaître  ceux  de  Sidi-Mohammed-el-Azreg, 
de  la  colonia  Thuhurnica-,  et  celui  dont  il  a  été  question 
ci-dessus,  situé  dans  une  région  oiides  dolmens  sont  dissé- 
minés dans  la  broussaille,  sur  les  hauteurs  qui  dominent 
l'Aïn-Zerred^, 

2"  Stèle  en  grès,  arrondie  en  haut  et  s'amincissant  de  la 
base  au  sommet.  Hauteur:  0  m.  o8  ;   largeur,  0  m.  30.  A 

1.  A.Merlin,  op.  cit.,  p.  52. 

2.  Comptes  rendus  des  séances  de   VAcad.  des  inscr.,    1890,  p.  466.  — 
Bull,  archéol.  du  Comité,  1908,  p.  415. 

3.  Bull,  archéol.  du  Comité,  1912,  p.  366. 


3li  i.nic.rLES  Dî:couvERra  dans  i,\  uigiu.n  uic  gmakulmaou 

la  partie  supérieure  est  lig-uré  un  croissant,  séparé  par  une 
frise  d'un  cartouche  situé  au-dessous  de  lui  et  renfei-mant 
un  homhie  cornu  tlebout,  les  mains  placées  devant  le  sexe, 
a>ant  à  sa  droite,  en  haut,  le  gâteau  ou  pain  en  forme  de  cou- 
ronne, en  bas  un  bélier,  et  à  sa  gauche  une  rosace  et  un 
autel. 

3°  Stèle  en  grès,  brisée  à  sa  partie  supérieure.  Hauteur  : 
0  m.  ()3  ;  largeur  :  0  m.  34.  Personnage  debout  dans  l'atti- 
tude de  l'orante  et  paraissant  être  une  dérivation  de  la 
fîiiure  triano-ulaire  ;  deux  bandits  de  son  vêtement  se 
croisent  en  X  sur  sa  poitrine,  comme  sur  certaines  statuettes 
puniques  de  Carthage.  La  main  gauche  élève  une  palme. 
La  droite  est  simplement  levée.  A  sa  droite,  en  haut,  deux 
signes  sont  peut-être  des  caractères  libyques,  mais  peut- 
être  aussi  deux  coups  de  ciseau  un  peu  forts  du  lapicide  ; 
plus  bas,  un  autel  cornu.  A  sa  gauche,  un  croissant  ou 
plutôt  le  gâteau  en  forme  de  couronne.  Au-dessous,  le 
bélier. 

4"  Stèle  en  grès,  à  sommet  irrégulier,  plus  étroite  en 
haut.  Hauteur  :  0  m.  65;  largeur  :  0  m.  36.  A  la  partie 
supérieure,  cercle  à  ravons  internes;  à  droite,  un  poisson; 
plus  bas,  le  croissant  surmontant  un  personnage  à  corps 
triangulaire  qui  tient  une  palme  à  droite,  et  le  gâteau 
cornu  à  gauche.  A  terre,  à  sa  droite,  le  bélier  ;  à  sa  gauche, 
l'autel  cornu. 

o^  Partie  supérieure  d'une  stèle  en  grès  très  régulière,  k 
sommet  triangulaire.  Hauteur  :  0  m.  52;  largeur  :  0  m.  44. 
Dans  le  fronton,  le  gâteau  cornu,  séparé  par  une  frise  ornée 
de  demi-cercles  adossés  ;  vers  les  bords,  un  cartouche 
creux  dont  les  deux  montants  sont  décorés  dune  pal- 
mette.  A  l'intérieur  du  cartouche,  un  personnage  vêtu  d'une 
tunique  courte,  sans  manches;  la  main  gauche,  abaissée, 
devait  tenir  un  vase,  mais  la  partie  qui  le  portait  manque  ; 
l'autre  main,  étendue,  devait  également  tenir  un  objet.  A 
gauche  de  sa  tête  est  le  croissant;  k  droite,  un  objet  ellip- 
tique, pain  ou  poisson. 


ÉDICULES   DÉCOl  VKRTS   DANS  LA  RÉC.ION  DF.  GHAHDl.MAOU    345 


6"  Stèle  en  grès,  brisée  en  haut.  Hauteur:  0  m.  46  ;  lar- 
geur :  0  m.  3i.  Elle  offre  les  représentations  d'un  person- 
nage cornu,  dans  l'attitude  habituelle  de  la  figure  triangu- 
laire :  les  deux  bras  élevés  et  écartés.  A  sa  droite,  un  bélier 
sur  l'autel  ;  à  sa  gauche,  le  gâteau  cornu. 

Toutes  ces  stèles,  en  grès,  comme  celles  de  Thuburnica, 
sont  également  dune  exécution  grossière. 

7°  Une  stèle  anépigraphe  (fîg.  1  remarquable  par  une  des 
figures  qu'elle  porte  :  on  y  voit,  au-dessous  d'une  rosace, 
une  forme  humaine  d'une  exécution  sommaire,  qui  semble 
tenir  à  droite,  un  objet  qui 
est  peut-être  un  poisson,  peut- 
être  un  fruit  ;  à  gauche,  un 
vase  et  une  fleur,  au-dessus 
d'un  autel.  Plus  bas  se  dresse, 
légèrement  inclinée,  une 
échelle  à  8  barres,  à  côté  d'un 
gâteau  cornu,  et  d'un  objet 
qui  est  peut-être  une   palme. 

A  environ  vingt  mètres  plus 
bas  de  l'endroit  où  ces  stèles 
ont  été  recueillies  se  trouve 
une  petite  construction,  dé- 
truite dans  sa  partie  anté- 
rieure, ayant  4  mètres  de  long 
sur  4  m.  50  de  large,  dans  sa 
partie  conservée,  et  ouverte 
fou  interrompue)  à  l'Est  K  Le 
fond  parait,  comme  pour  la 
précédente,  avoir  été  divisé 
en    deux  ou  trois  niches  par 

1.  On  peut  se  demander  s'il  ne  s'agit  pas  d'une  autre  partie  du  même 
édifice.  Le  sanctuaire  de  Siagu  avait  une  trentaine  de  mètres  de  longueur 
et  il  se  composait  de  pièces  dont  la  disposition  est  très  compliquée.  Je 
n'ai  pas  eu  l'occasion  d'aller  vnir  la  ruine  après  la  fouille  dont  elle  a  été 
l'objet. 

1018  Vi 


•TtG    KDICUI-IOS  DÉCOLVEUTS   DAiNS   l.A  KKtUO.N   Di;   (i  IIARDIMAOII 

trois  ou  quatre  pierres  plates  posées  de  champ,  dont  il  ne 
reste  que  deux.  On  y  a  trouvé  des  débris  de  statuettes  en 
miettes,  une  tête  de  femme  coilVée  dun  bandeau  barrant  le 
front,  des  fragments  de  lampes  et  de  poteries  fines,  et  de 
vases  en  verre. 

Un  peu  plus  bas  enfin  et  dans  le  prolong-ement  de  là 
lig'ue  réunissant  les  deux  précédents  monuments,  s'élèvent 
les  restes  d'un  autre  édicule,  long  de  9  m.  50,  large  de 
6  m.  50,  composé  de  deux  parties  dont  les  sols  diffèrent  de 
niveau  et  sont  séparés  par  "  lui  intervalle  d'environ 
2  mètres. 

La  salle  antérieure,  profonde  de  3  m.  SO,  présente 
dans  son  intérieur  un  massif  de  terre  entouré  de 
pierres  de  taille,  restes  d'un  autel  ou  plutôt  d'un  escalier. 
La  salle  postérieure  est  profonde  de  5  mètres,  large  de 
5  m.  50  ;  dans  l'intérieur,  auprès  de  la  porte,  est  une 
espèce  d'autel  ou  un  socle  ayant  pu  porter  une  vasque.  A 
un  mètre  en  avant  du  fond  est  une  base  de  colonne  ^ros- 
sière  ;  il  en  existait  une  autre,  placée  symétriquement  dont 
on  a  retrouvé  des  fragments.  Il  y  avait  probablement  là  un 
fronton  à  portique  abritant  une  statue  placée  en  arrière, 
disposition  si  fréquemment  représentée  sur  les  stèles 
géantes  de  la  colonia  Thuburnica.  On  a  encore  trouvé  ici 
les  restes  d'un  chapiteau  et  deux  fragments  d'inscription 
que  voici  : 

^  V  ISA 

IMP'CAES      AV 

A'  FECIT  *  ET 'DE 
FDD 

Longueur,  0  m.  65  ;  hauteur,  0  m.  23  ;  épaisseur,  Om.  13. 

Hauteur  des  lettres,  0  m.  13.  Points  triangulaires. 

AVRELI 

Longueur,  0  m.  43  ;  largeur,  0  m.  20;  épaisseur,  0  m.  11 . 
Haut,  des  lettres,  0  m.  038. 


FOUILLES    DE    BOLOMA 


347 


'  Si  ces  deux  fragments  proviennent  du  même  t'exte,  il 
doit  s'agir  d'une  dédicace  à  la  divinité  du  temple,  avec 
salutations  ayant  trait  à  un  empereur  dont  un  des  noms 
était  AVRELIVS,  ce  qui  doit  probablement  faire  remonter 
la  dédicace  à  la  seconde  moitié  du  ii"  siècle. 

Il  semble,  pour  résumer  ce  qui  précède,  que  l'ensemble  des 
ruines  explorées  à  Bir  Derbal  par  M.  le  capitaine 'Fradet 
ait  été,  d'abord  une  habitation  ornée  de  mosaïques,  puis 
deux  ou  trois  édicules  ayant  appartenu  à  un  même  en- 
semble et  formant  un  ou  plusieurs  sanctuaires  de  Saturne  ; 
ils  renfermaient  un  grand  nombre  de  statues  et  de  statuettes 
en  terre  cuite,  accumulées  comme  des  ex-voto,  dans  des 
chambres  où  il  y  avait  des  autels,  des  niches,  des  colonnes, 
un  escalier  et  dont  le  sol  était  grossièrement  revêtu  de 
terre  battue. 

C'étaient  des  sanctuaires  rustiques  fréquentés  par  la 
population  indigène  de  la  région,  qui,  au  ii*'  siècle  de  notre 
ère,  était  restée  fidèle  au  culte  de  divinités  africaines  d'ori- 
gine libyenne. 


FOUILLES    DE    BOLONIA    (1918), 
PAR    M.    P.    PARIS,    CORRESPONDANT    DE    l'aCADÉMIE. 

L'École  des  Hautes  études  hispaniques  a  continué,  pen- 
dant les  mois  d'avril,  mai  et  juin  1918,  les  fouilles  qu'elle 
avait  commencées  à  Bolonia  (province  de  Cadix),  sur 
l'emplacement  de  l'ancienne  ville  romaine  de  Belo,  et  dont 
l'Académie  avait  bien  voulu  apprécier  les  résultats,  puis- 
qu'elle nous  avait  accordé  en  deux  votes  une  subvention 
importante. 

Ce  ne  furent  pas  là  les  seules  ressources  de  l'entreprise. 
La  Jiinta  para  ampliaciôn  de  estudios  cientificos  y  histô- 
ricos,  à  qui  nous  sommes  unis  par  les  liens  d'une  collabo- 
ration que   nous  cherchons  à  rendre  de  plus  en  plus  ami- 


3'iS  rouiiiLKs  i)i:  itoi.n.MA 

cale,  avait  mis  un  crédit  à  noire  disposition,  à  la  seule 
condition  qu'un  jeune  étudiant  désigné  par  elle  viendrait  se 
former  sur  nos  chantiers  aux  recherches  pratiques  d'archéo- 
logie. De  plus,  un  illustre  hispanisant,  g-énéreux  dispen- 
sateur d'une  des  plus  grandes  fortunes  des  Etats-Unis, 
M.  Archer  Huntington,  nous  avait  fait  un  don  important 
pour  les  fouilles,  en  témoignage  d'une  amitié  personnelle 
déjà  ancienne  et  plus  d'une  fois  éprouvée,  et  surtout  de  sa 
très  vive  admiration  pour  la  France  de  la  guerre.  A  l'Aca- 
. demie,  à  notre  allié,  à  nos  amis  espagnols,  l'Ecole  se  plaît 
à  expinmer  sa  profonde  reconnaissance. 

Cette  année,  l'Ecole  avait  un  pensionnaire  déjà  heureuse- 
ment initié  aux  travaux  archéologiques  par  ses  maîtres 
parisiens,  M.  Alfred  Laumonier,  élève  de  l'Ecole  normale 
supérieure.  Il  fut  naturellement  chargé  d'une  partie  des 
travaux.  D.  Cayetano  de  Mergelina,  docteur  es  lettres,  fut 
désigné  par  la  Junta^  et  notre  ami  M.  George  Bonsor  voulut 
bien,  comme  Tannée  dernière,  devenir  notre  bénévole  et 
très  apprécié  collaborateur. 

Les  fouilles  ont  été  poursuivies  dans  la  ville  basse,  sur 
le  bord  de  la  plage,  autour  de  l'usine  à  salaisons  et  de  la 
maison  romaine  déblayées  en  1917,  ainsi  que  dans  la  nécro- 
pole de  l'Est,  qu'avait  à  peine  touchée  M.  Bonsor. 

La  fortune  a  été  favorable  dans  l'un  et  l'autre  chantier. 

Dans  le  premier,  la  maison  de  1917  a  été  complètement 
dégagée,  et  nous  avons  pu  en  relever  le  plan  définitif,  telle 
qu'elle  était  avant  que  des  remaniements  successifs  eussent 
comblé  certaines  salles  et  changé  le  niveau  de  plusieurs 
autres.  Dans  les  décombres  ont  été  retrouvés  en  particulier 
deux  grands  moulins  à  bras  presque  entiers,  plusieurs  tron- 
çons de  colonnes  et  des  chapiteaux,  ayant  servi  pour  le 
remblai.  Au  Nord,  fait  qui  nous  semble  nouveau,  la  maison 
s'adjoint  deux  profondes  fosses  à  salaisons  précédées  d'une 
petite  salle,  bétonnée  comme  elles,  ayant  servi  à  la  prépara- 
tion du  poisson.  Cela  semble  dire  que  le  propriétaire  avait 


FOUILLES    l>E    lîOLONfA 


349 


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SrJO  FOUILLES    DE    ROLONTA 

chez  lui  une  petite  officine  où  il  faisait  préparer  lui-même 
sa  provision  de  poisson  salé. 

Une  porte  d'entrée  de  la  maison,  large  et  bien  bâtie, 
donnait  sur  une  longue  voie  perpendiculaire  à  la  plage  et  à 
la  mer  qui  nous  réservait  des  surprises.  C'était  une  rue 
monumentale  bordée  d'un  portique  à  droite  et  à  gauche. 
Nombre  de  fûts  de  colonnes  étaient  encore  en  place  des 
deux  côtés,  et  dans  les  sables  superficiels  aussi  bien  que 
dans  les  terres  profondes  gisaient  tantôt  en  désordre,  tan- 
tôt alignés  comme  au  moment  d'une  chute  subséquente  à 
un  ébranlement  sismique,  des  tambours  et  des  chapiteaux. 
Cette  sorte  d'avenue  est  certainement  plus  ancienne  que  la 
maison,  car  le  sol  de  cette  dernière  est  de  près  d'un  mètre 
au-dessus  du  niveau  de  la  chaussée,  et  nous  avons  reconnu 
des  remaniements  successifs  et  des  exhaussements  de  terre 
dans  les  portiques,  de  façon  à  rendre  la  porte  accessible. 
De  plus,  les  colonnes  sont  d'un  type  rare,  du.  moins  en 
Espagne  :  autour  des  joints,  les  tambours  s'étranglent,  et 
tout  le  reste  de  la  pierre  forme  un  rude  bossage  circulaire. 
Assez  irrégulièrement  espacées,  mais  correctement  alignées, 
les  colonnes  reposaient  sur  une  banquette  ;  elles  étaient 
bien  dégagées  à  la  base  ;  mais  à  un  moment  impossible  à 
préciser  on  a  tendu  de  l'une  à  l'autre  un  petit  mur  qui 
enveloppa  les  premiers  tambours  afin  d'isoler  et  de  clôturer 
les  couloirs  latéraux.  Les  chapiteaux  sont  tous  à  peu  près 
semblables  et  se  rattachent  au  type  toscan.  La  colonnade 
ainsi  constituée  —  nous  avons  pu  en  redresser  plusieurs 
éléments  —  était  vigoureuse,  mais  sans  beauté.  La  pierre 
dans  laquelle  elle  a  été  taillée  est  d'un  très  mauvais  grain 
et  appelait  un  revêtement  de  stuc,  mais  nous  n'avons  pas 
trouvé  la  moindre  trace  de  cet  enduit. 

La  rue  se  prolonge  à  travers  la  place  publique  de  Bolonia, 
sans  que  nous  en  ayons  encore  trouvé  l'extrémité.  Elle 
allait  sans  doute  déboucher  au  bas  de  la  ville  haute,  sur 
l'esplanade    au    bord    de    laquelle    nous   avons   découvert 


FOUILLES    DE    BOT,OMA  351 

Ttinnée  dernière  une  fontaine  publique.  Mais  nous  ne  pour- 
rons pas  la  suivre  jusque  là,  car  déjà  nous  avons  déblayé 
sur  une  partie  de  son  parcours  présumé  une  grande  usine 
à  salaisons  de  la  même  époque  que  celle  que  nous  avons 
explorée  en  1917  (disons  en  passant  qu'il  est  curieux  de 
trouver  un  tel  établissement  si  écarté  de  la  plage)  ;  de  plus, 
un  peu  en  arrière  de  l'usine  a  été  construite  la  grande 
caserne  des  carabiniers.  Du  côté  de  la  mer,  nous  attendions 
une  porte  plus  ou  moins  monumentale  ;  mais  nous  nous 
sommes  heurtés  à  un  mur  qui  la  bouche,  sans  que  nous 
ayons  pu  encore  déterminer  la  disposition  primitive.  Nous 
étudierons  la  question  l'année  prochaine  ;  mais  dès  à  présent 
nous  pouvons  émettre  l'hypothèse  que  la  rue  était  à  plus 
proprement  parler  une  sorte  de  promenoir  à  portiques  où 
l'on  pouvait  circuler  et  se  reposer  à  l'abri  du  terrible  vent 
d'Est,  et  qui  n'avait  pas  d'issue  sur  la  plage. 

De  l'autre  côté  de  cette  rue,  nous  avons  fait  sortir  du 
sable  une  seconde  maison  presque  symétrique  à  la  première 
et  tout  à  fait  de  même  type,  c'est-à-dire  que  les  salles  y  sont 
disposées  autour  d'une  cour  à  péristyle,  mais  plus  grande 
et  plus  riche. 

L'originalité  n'en  réside  pas  dans  le  plan  sur  lequel  elle 
a  été  construite,  mais  dans  la  décoration  de  plusieurs  des 
chambres.  Presque  toutes  avaient  les  parois  enduites  de 
stuc  peint.  D'ordinaire  la  surface  est  badigeonnée  d'une 
teinte  unie  ;  parfois  le  fond  s'agrémente  de  cadres,  de  faux 
bois  et  de  faux  marbres.  Mais  il  arrive  aussi  qu'au-dessus 
d'une  plinthe  unie,  de  couleur  rouge  ou  jaune,  régnait  une 
décoration  plus  riche  et  que  nous  croyons  originale.  Au  lieu 
d'architectures  simulées,  de  fabriques,  comme  par  exemple 
à  Pompei,  ou  de  tableaux  animés,  le  décorateur  a  peint  en 
couleurs  très  vives  et  très  relevées  des  guirlandes  et  des 
bouquets  de  fleurs.  On  songe,  d'après  les  fragments 
recueillis  en  très  grand  nombre,  mais,  par  malheur,  de 
petites  dimensions,   car   l'humidité  de   la    mer  a   disloqué. 


8.^)2  rOlMLI.KS    DK    IIOI.OMA 

décollé  pt  jeté  à  bas  tous  les  enduits,  on  songe  à  certains 
papiers  de  tapisserie,  tels  qu'on  les  aimait  il  y  a  quelques 
années.  Au  reste,  malgré  le  soin  qu'ont  mis  MM.  Laumo- 
nier  et  de  Mergelina  à  reconstituer  quelques  ensembles,  ils 
n'ont  pu  réussir  à  retrouver  un  ordre  et  une  symétrie.  Les 
bouquets  semblent  jetés  ou,  pour  mieux  dire,  semés.  Des 
dessins  et  des  aquarelles  ont  été  pris  avec  soin  de  toutes 
les  plaques  ayant  quelque  valeur  ;  un  léger  vernis  permet 
de  redonner  aux  teintes  toute  leur  vigueur,  et  nous  possé- 
dons ainsi  quelques  fleurs  et  boutons  de  pavots  l'ouges  d'un 
réalisme  inattendu.  Nous  ne  connaissons  pas,  pour  notre 
part,  dans  l'antiquité  romaine  des  peintures  de  ce  style. 

Quant  aux  soubassements,  ils  étaient  par  endroits,  dans 
certaines  salles,  couverts  de  graffites  de  toute  espèce  qui 
ont  été  dessinés,  calqués,  photographiés  avec  le  plus  grand 
soin,  mais  dont  le  déchilîrement  et  la  publication  deman- 
deront beaucoup  de  peine  et  de  temps.  Il  y  en  a  plus  d'une 
centaine,  parfois  très  enchevêtrés.  Ce  sont  des  inscriptions, 
en  langue  romaine  ou  indigène,  et  aussi  des  dessins  variés. 
Les  plus  intéressants  de  ceux-ci  sont  des  représentations 
de  proues  de  navires  ornées  de  têtes  terrifiantes.  Il  y  aura 
là  un  joli  chapitre  d'imagerie  populaire. 

Cette  maison  nous  a  rendu  enfin  deux  monuments  de 
grande  valeur.  D'abord  un  volumineux  cadran  solaire  en 
marbre  blanc,  très  bien  conservé  et  d'une  disposition  nou- 
velle, dont  l'étude  intéressera  certainement  les  spécialistes. 
Ensuite  un  admirable  petit  groupe  en  bronze.  L'Académie 
a  déjà  été  informée  de  cette  découverte.  Les  deux  person- 
nages, trouvés  séparés,  mais  l'un  à  côté  de  l'autre,  ont  été 
pris  d'abord  pour  un  danseur  et  une  danseuse  :  c'est  en 
réalité  un  satyre  enlevant  une  jeune  femme.  Si  le  bronze 
n'avait  pas  tant  souffert  et  n'était  pas  si  oxydé  et  bour- 
souflé, le  groupe  serait  probablement  classé  parmi  les  plus 
beaux  produits  de  l'art  hellénistique.  Tel  qu'il  est,  il  est 
admirable  de  vie,    de  mouvement   et    d'audace.   Nous    ne 


FOEH.LES    DE    BOLONIA  353 

connaissons  rien  de  semblable  dans  la  statuaire  grecque,  et 
ce  n'est,  croyons-nous,  que  sur  les  plus  beaux  vases  peints 
que  l'on  pourrait  chercher  des  points  de  comparaison. 
D'ailleurs,  aux  rares  places  où  la  surface  du  bronze  n'a  pas 
trop  souffert,  on  reconnaît  une  grande  souplesse  de  modelé 
et  une  grande  finesse  de  retouche  au  burin.  Cette  pièce 
unique  aurait  suffi  à  nous  payer  de  nos  peines. 

En  résumé,  une  grande  et  riche  maison,  une  rue  monu- 
mentale, une  vaste  usine  h  salaisons,  deux  objets  de  pre- 
mier ordre,  voilà  le  fruit  de  notre  campagne  dans  la  ville. 
Ajoutons  que  nous  avons  découvert  à  l'Ouest  de  Bolonia, 
un  peu  en  dehors  de  la  muraille,  une  grande  citerne  décorée 
à  l'extérieur  de  beaux  stucs  peints,  et  fermant,  à  ce  qu'il 
semble,  un  vaste  hémicycle  non  moins  richement  orné. 
Peut-être  était-ce  là  une  piscine  faisant  partie  de  thermes 
luxueux.  Mais  pressés  par  le  temps  et  presque  à  bout  de  nos 
ressources,  nous  n'avons  pas  voulu  pousser  plus  loin 
l'exploration,  et  nous  avons  recouvert  de  sable,  pour  le 
protéger  jusqu'à  l'année  prochaine,  le  peu  que  nous  avions 
mis  au  jour. 

C'est  M.  George  Bonsor  qui  s'est  chargé  de  lever  le  plan 
des  nouveaux  édifices,  lll'a  fait  avec  une  grande  précision, 
malgré  le  labeur  considérable  que  lui  ont  donné  les  fouilles 
de  la  nécropole,  dont  il  a  bien  voulu  se  charger  encore. 

Après  la  nécropole  romaine  de  Carmona,  dont  l'explora- 
tion fait  tant  d'honneur  à  notre  collaborateur,  et  qui  est 
tout  à  fait  exceptionnelle,  celle  de  Bolonia  est,  dès  à  pré- 
sent, et  de  beaucoup,  la  plus  intéressante  de  toute  l'Es- 
pagne. Près  de  mille  sépultures  ont  été  découvertes  et  étu- 
diées jusqu'à  présent,  d'une  extrême  variété,  et  des  plus 
instructives.  La  publication  du  journal  de  M.  Bonsor,  de 
ses  observations,  de  ses  relevés,  de  ses  dessins,  de  ses 
photographies,  sera  d'un  grand  intérêt.  Les  rites  de  l'inci- 
nération et  de  l'inhumation,  pratiqués  conjointement  aux 
mêmes  époques    (probablement   le  second  et  le  troisième 


354  FOUILLES    DK    HOT,ONIA 

siècles  de  notre  ère),  la  forme,  la  disposition  et  la  construc- 
tion des  monuments  individuels  ou  de  famille,  des  mauso- 
lées, les  types  des  stèles  et  des  autels,  des  cistes  de  pierre, 
rondes,  carrées  ou  coniques,  des  urnes  de  plomb,  de  verre 
ou  d'argile,  sont  le  plus  souvent  inédits,  et  rien  de  tel 
n'avait  encore  apparu  dans  la  péninsule.  11  faudrait,  pour 
en  donner  une  idée,  de  longues  descriptions  qui  ne  peuvent 
trouver  place  ici. 

Quant  au  mobilier  funéraire  récolté  dans  les  sépultures 
ou  tout  autour,  il  faut  avouer  qu'il  n'est  pas  exceptionnel. 
Les  objets  que  nous  avons  recueillis  en  grand  nombre 
appartiennent  à  des  catégories  bien  connues,  clous  prophy- 
lactiques, petits  masques  de  bronze  (dont  un,  fort  joli, 
représentant  une  tête  allégorique  de  l'Egypte),  monnaies 
impériales  ou  autonomes,  miroirs,  perles,  colliers,  brace- 
lets, bagues,  boucles  d'oreilles,  fibules,  épingles,  spatules, 
boîtes  en  os,  vases  de  verre,  souvent  très  ornés,  très  lins 
et  de  formes  exquises,  fioles  et  ampoules  à  onguents  et 
parfums,  lacrymatoires,  délicats  gobelets  ou  petits  plats 
d'aro-ile  indigènes  ou  importés,  à  dessins  ineis  ou  à  reliefs, 
etc.,  tout  cela  forme  une  collection  précieuse  qui,  après 
exposition  à  l'Institut  français,  deviendra  peut-être  l'orne- 
ment du  petit  musée  de  la  future  villa  Velazquez. 

Mais,  en  somme,  il  n'y  a  là  presque  rien  d'imprévu  ;  c'est 
l'art  raffiné  de  l'Empire,  si  bien  connu  par  tant  de  fouilles 
et  de  trouvailles  faites  dans  le  monde  romain.  Heureuse- 
ment il  est  une  découverte  d'une  valeur  toute  particulière 
qui  rehausse  le  prix  de  toutes  les  autres.  Nous  avons  été 
frappés  de  recueillir  à  la  surface  du  sable,  avant  les  fouilles, 
de  très  laides  pierres  qui  ne  pouvaient  se  trouver  là  par 
hasard,  et  qui  portaient  la  trace  évidente  d'un  dégrossisse- 
ment sommaire;  les  ouvriers  semblaient  avoir  eu  l'inten- 
tion de  leur  donner  la  forme  d'un  buste  humain.  Or  nous 
avons  dégagé  du  sol  un  très  grand  nombre  de  ces  sculptures 
rudimentaires  encore  en  place,  intentionnellement  dressées 


FOUILLES    DE    BOLONIA  355 

au-dessus  ou  au  devant  de  beaucoup  de  sépultures.  Le  plus 
souvent  il  n'y  a  qu'une  de  ces  images,  quelquefois  il  y  en 
a  trois  alignées  et  quelquefois  aussi  cinq  disposées  comme 
les  statues  dans  un  fronton.  Parmi  ces  pierres,  que  nous 
ne  pouvons  considérer  que  comme  des  fétiches  ou  des 
démons  gardiens  des  tombes,  la  plupart  montrent  vague- 
ment un  essai  de  visage,  3'eux,  nez,  oreilles,  bouche  et 
menton,  mais  il  y  en  a  d'autres  qui  ne  présentent  qu'une 
boule  figurant  une  tête  sur  une  tige  figurant  un  cou,  et 
d'autres  encore  qui  ne  sont  que  de  simples  bétyles,  des 
pierres  brutes  plus  ou  moins  arrondies  ou  étirées  en  pointe. 
On  pourrait  croire  que  ce  n'étaient  là  que  des  armatures 
destinées  à  être  revêtues  de  stuc  modelé,  mais  il  n'en  est 
rien  ;  bustes  grossiers  et  simples  pierres  ont  été  placés  tels 
qu'ils  sont,  à  l'état  absolument  barbare,  et  si  nous  ne  les 
avions  pas  retrouvés  justement  à  leur  place  primitive,  nous 
n'aurions  pas  hésité  à  y  reconnaître  de  très  frustes  sculp- 
tures néolithiques. 

Il  y  aura  lieu  d  étudier  de  très  près  ces  documents,  et  les 
croyances  et  les  rites  qu'ils  nous  révèlent.  Jusqu'à  plus 
ample  informé  nous  estimons  qu  ils  sont  la  survivance,  en 
pleine  époque  romaine,  de  la  religion  et  des  coutumes 
funéraires  de  la  peuplade  indigène  qui  était  établie  dans 
cette  région  plusieurs  siècles  avant  la  conquête.  Peut-être 
aurons-nous  un  jour  la  chance  de  retrouver  quelque  vieux 
cimetière  indigène  où  cette  religion  et  ces  coutumes  nous 
apparaîtront  dans  leur  pureté  primitive.  Pour  le  moment 
nous  ne  pouvons  qu'enregistrer  un  fait  très  nouveau  et 
nous  étonner  que  les  habitants  de  Belo,  insensibles  à  l'in- 
fluence de  l'art  très  évolué  dont  ils  recherchaient  pourtant 
les  produits,  aient  conservé,  à  une  époque  de  civilisation 
très  avancée,  des  images  si  informes,  et,  répétons  le  mot, 
car  il  est  le  Seul  qui  vaille,  si  horriblement  barbares. 

En  terminant,  nous  exprimerons  un  double  vœu,  d'abord 
qu'il  soit  donné  à  l'Ecole  des  Hautes  études  hispaniques 


3îjG    uapport  srn  i. 'école  française  D'Exrnf-.MK-ORiRNT 

(le  poursuivre  ses  fouilles  et  dans  la  ville  et  dans  la  nécro- 
pole, ensuite  que  le  gouvernement  cspag-nol  prenne  les 
mesures  nécessaires  pour  protég-er  contre  les  déprédations 
des  hommes  et  l'envahissement  du  sa!)le,  plus  redoutable 
encore,  les  ruines  et  les  monuments  que  nous  avons  labo- 
rieusement mis  au  jour,  et  dont  nous  sommes  heureux  de 
lui  avoir  fait  le  dépôt  en  reconnaissance  de  sa  généreuse 
hospitalité. 


APPENDICE 


RAPPORT  SUR  LES  TRAVAUX  DE  L  ÉCOLE  FRANÇAISE  D  EXTRÊME- 
ORIENT  DU  MOIS  DE  JUILLET  1917  AU  MOIS  d'aVRIL  llMtS, 
PAR  M.  HENRI  CORDIER,  MEMBRE  DE  l'aCADÉMIE  ;  LU  DANS 
LA    SÉANCE  DU    11    OCTOBRE    1918. 

Pour  la  première  fois  un  rapport  sur  les  travaux  de 
rÉcole  française  d'Extrême-Orient  était  présenté  à  l'Aca- 
démie, dans  sa  séance  du  16  novembre  1917,  par  M.  Gha- 
vannes  qui  remarquait  avec  raison  que  vous  aviez  droit 
d'être  tenus  au  courant  de  ce  que  nos  jeunes  savants  font 
en  Indo-Chine  aussi  bien  que  de  ce  qu'ils  accomplissent 
pour  le  bon  renom  de  la  science  française  soit  en  Grèce, 
soit  en  Italie. 

Je  vais  essayer  de  retracer  en  quelques  pages  la  labo- 
rieuse et  parfois  difficile  existence  de  l'Ecole  pendant  la 
période  qui  s'étend  du  mois  de  juillet  1917  au  mois  d'avril 
1918.  Tout  d'abord,  examinons  la  situation  du  personnel. 

Le  directeur  de  l'École,  M.  Maître,  ainsi  que  deux  pro- 
fesseurs, MM.  Henri  Maspero  et  Léonard  Aurousseau,  sont 
en  France,  mobilisés.  Le  directeur  p.  i.,  M.  Louis  Finot, 
qui  pendant  plus  de  quatre  ans  a  rempli  ses  fonctions  avec 
le  plus  entier  dévouement,  a  été  obligé  de  rentrer  pour 
raison  de  santé.  Un  troisième  professeur,  M.  George  Coedès, 


iîAi>i>ouT  SLU  l'école  françaisk  d'^xtuème-ukiem    357 

envoyé  en  mission  à  Bangkok,,  a  été  nommé  par  le  gouver- 
nement siamois  conservateur  de  la  Bibliothèque  nationale 
Vajiranana  à  la  place  du  D''  Frankfurter  ;  on  sait  que  cette 
bibliothèque  qui  a  entrepris  une  série  de  publications  a  été 
fondée  en  1881  par  les  fils  du  roi  MahâMong  Kut  pour 
honorer  la  mémoire  de  leur  père  dont  le  nom  religieux  est 
Vajiranana  ;  elle  a  été  installée  dans  de  nouveaux  bâtiments 
inaugurés  en  janvier  1917.  Un  pensionnaire,  M.  Demasur, 
architecle,  qui  donnait  les  plus  belles  espérances,  rentré  en 
France,  est  tombé  glorieusement  aux  Dardanelles,  à  Sedul- 
bahr.  Un  autre  pensionnaire,  M.  Paul  Boudet,  archiviste 
paléographe,  qui  avait  été  nommé  le  4  mars  1917,  pour 
organiser  les  archives  de  l'Indo-Ghine,  placées  dans  les 
attributions  de  l'École,  a  donné  sa  démission  le  30  no- 
vembre pour  occuper  le  poste  de  Directeur  des  archives  et 
bibliothèques  de  l'Indo-Ghine  créé  par  arrêté  du  Gouverneur 
général  en  date  du  même  jour.  Il  ne  reste  donc  plus  à 
l'École  que  le  chef  du  service  archéologique,  M.  Parmen- 
tier,  qui  remplit  les  fonctions  de  directeur  p.  i.,  et  le  secré- 
taire, M.  Noël  Péri  !  Heureusement  que  tout  récemment 
l'École  a  pu  recruter  un  excellent  pensionnaire,  le  P.  Ga- 
dière,  des  Missions  étrangères  de  Paris,  bien  connu  par  les 
nombreux  travaux  qu'il  a  consacrés  à  l'Indo-Ghine  depuis 
plus  de  vingt-cinq  ans  qu'il  est  dans  le  pays.  Mais  il  manque 
toujours  un  indianiste  pour  remplacer  M.  Goedès,  et  un 
architecte  pour  remplacer  M.  Demasur. 

Dans  son  rapport  annuel,  M.  Finot  remarquait  :  «  La 
diminution  de  notre  personnel  a  été  compensée  dans  une 
certaine  mesure  parle  concours  obligeant  de  plusieurs  colla- 
borateurs bénévoles  qui  s'intéressent  à  notre  œuvre.  Le 
P.  H.  de  Pirey  et  le  D'"  Sallet  en  Annam  ont  particuliè- 
rement bien  mérité  de  l'archéologie  du  Ghampa  et  nous 
leur  devons  plusieurs  découvertes  appréciables.  Le  P . 
Kemlin  nous  a  fait  part  de  ses  recherches  sur  les  Reungao, 
si    importantes  pour  la  connaissance    des  peuplades  non 


358      UAPPORT    SUR    l'école    FRANÇAISL;    o'EXTHfcMK-ORlKNT 

civilisées  de  l'Indo-Ghine.  Notre  correspondant  M.  Meillier, 
commissaire  du  Gouvernement  à  Luanj^  Prabang,  a  obtenu 
la  création  dans  cette  ville  d'une  Bibliothèque  royale  où  il 
a  réuni  près  de  1.200  manuscrits,  en  même  temps  qu'il 
enrichissait  celle  de  l'Ecole.  M.  Holbé  de  Saigon  a  témoigné 
de  son  intérêt  pour  notre  Musée  en  lui  offrant  quelques 
pièces  précieuses  de  ses  collections.  C'est  pour  nous  un 
sujet  de  grande  satisfaction  que  l'œuvre  de  l'Ecole  soit  de 
mieux  en  mieux  comprise  et  appréciée.  » 

D'autre  part,  tandis  que  le  Musée  de  Tourane  est  en  voie 
d'installation,  M.  Henri  Marchai,  conservateur  p.  i.  des 
monuments  d'Angkor,  a  commencé  la  réfection  de  la  chaus- 
sée d'Angkor  Vat  et  continué  le  dégagement  de  Baphuon 
et  de  Phimànakàs. 

«  11  a  fait  preuve  dans  ces  travaux  délicats,  dit 
M.  Finot,  d'une  remarquable  habileté  technique  en  même 
temps  que  d'un  sentiment  très  juste  de  l'intérêt  que  pré- 
sentent ces  vieux  édifices  pour  l'étude  de  l'ancienne  civi- 
lisation du  Cambodge.  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir 
affirmer  à  l'Académie  que  les  monuments  d'Angkor  sont 
en  bonnes  mains.  D'autre  part,  le  vif  intérêt  que  leur  té- 
moigne M.  le  Gouverneur  général  Sarraut  nous  donne  toute 
sécurité  au  sujet  des  ressources  nécessaires  pour  continuer 
et  même  activer  les  travaux  de  conservation.  » 

M.  Aucourt,  professeur  appartenant  à  la  Direction  de 
l'enseignement  en  Indo-Chine,  a  été  attaché  à  l'École  en 
qualité  de  secrétaire-adjoint  de  M.  Péri,  et  chargé  de  sur- 
veiller la  confection  du  catalogue  de  la  Bibliothèque  chi- 
noise. 

Malgré  les  difficultés  de  l'heure  présente,  grâce  au  zèle 
et  à  l'activité  de  M.  Louis  Finot  et  de  ses  collaborateurs,  , 
le  Bulletin  de  l'Ecole  a  continué  de  paraître  et  ses  fascicules 
parus  au  cours  de  l'année  dernière  ne  le  cèdent  en  rien  en 
intérêt  et  en  valeur  scientifique  à  ceux  qui  les  ont  pré- 
cédés. 


RAPPORT    SIK    l'école    FRANÇAISE    d'eXTRÈME-ORIENT      3o9 

ÎDans   son  article  sur   les  anciens  tombeaux  au   Tonkin, 
M.  H.    Parmentier  étudie  des  tumulus  recouvrant  des  ca- 
veaux voûtés  en  briques  sèches,  dont  la  première  décou- 
verte fut  signalée  à  l'École  dès   1896  par    Dumontier;  le 
principal  de  ces  tombeaux  tut  découvert,  en  1913,  dans  une 
butte  voisine  de  l'hôpital  de  Quang  Yen,   et  c'est  lui  que 
décrit   tout  spécialement  M.    Parmentier    qui    en    indique 
cinq  autres  dans  la  même  région,  tout  en   n'oubliant  pas 
ceux  d'Annam,  en    particulier    ceux  de   Qui   Chinh   et  de 
Quang    binh.  Un    autre  mémoire   de  M.    Parmentier    est 
consacré   aux    Anciens   tambours    de  bronze  dont  l'Ecole 
possède  un  beau  spécimen  qui  n'a  jamais  été  publié  ;  il  le 
décrit   ainsi  qu'un  certain  nombre   d'autres  pièces  appar- 
tenant à  divers  collectionneurs.  Ces  objets  ont  été  étudiés 
par  divers    savants  en  particulier  par  Fried.  Hirlh,  A.B. 
Meyer,  J.J.M.  de  Groot,  G.  P.  Rouffaer  et  surtout  Franz 
Heger  de  Vienne   (1902)    qui    en  a    connu   165  (cf.  AUe 
Metalltrommeln  aus  Sùdost-Asien)  ;  le  travail  de  M.  Par- 
mentier porte  à  188  le  nombre  des  tambours  publiés. 

M.  George  Coedès  publie  et  analyse  des  Documents  sur 
la  dynastie  de  Sukhodaya  qui  brilla  au  Siam  d'un  vif  éclat 
à  la  fm  du  xiii''  siècle  et  fut  éclipsée  par  celle  d'Ayudhya 
fondée  en  1348  ou  1350. 

M.  Noël  Péri,  en  traitant  de  Harîtl,  la  Mère  des  Démons, 
dont  le  pèlerin  bouddhiste  Yi  Tsing  donna  un  résumé  de 
la  légende  et  une  notion  sommaire  d'une  des  formes  de  son 
culte,  complète  les  travaux  de  divers  savants,  en  particulier 
de  Waddell,  de  Chavannes  et  de  M.  Foucher. 

Dans  son  article  sur  Y  Alliance  chez  les  Reungao,  le  P. 
J.E.  Kemlin,  des  Missions  étrangères  de  Paris,  continue 
les  recherches  sur  cette  tribu  appartenant  à  la  famille 
Mon-Khmère  qu'il  avait  commencées  dans  le  Bulletin  pré- 
cédemment": Rites  agraires  des  Reungao  '  les  songes  et  leur 
interprétation  chez  les  Reungao. 

Enfin  M.  Louis  Finot  lui-même  nous  donne  le  résultat 


'MM)      RAPPORT    SI;R    L'fîCOLE    FRAîSÇAISK    d'eXTR^ME-ORIENT 

de  ses  Recherches  sur  la  littérature  laotienne,  importantes 
pour  Thistorien,  Tépigraphiste  et  le  folk-loriste,  qui  ont 
pour  point  de  départ  la  réunion  des  manuscrits  et  l'histoire 
de  Luang  Prabang  appelé  ordinairement  Mu'ong  Long  par 
les  indigènes  et  qui  serait  le  premier  Etat  constitué  par  les 
Thai  descendant  de  Mu'ong  Theng. 

Outre  le  Bulletin,  le  second  fascicule  et  la  table  de 
l'Inventaire  alphabétique  du  fonds  européen  de  la  Biblio- 
thèque de  l'Ecole  ont  été  imprimés  ;  on  jugera  de  l'impor- 
tance de  ce  travail  quand  nous  aurons  dit  que  cet  inven- 
taire ne  comprend  pas  moins  de  977  pages  grand  in-8°  à 
deux  colonnes. 

D'autre  part,  la  série  déjà  considérable  des  publications 
de  l'Ecole  est  continuée  :  le  premier  fascicule  du  tome  II 
de  y  Art  gréco-bouddhique  du  Gandhàra.  Etude  sur  les 
origines  de  l'influence  classique  dans  Vart  bouddJiique  de 
VInde  et  de  l'Extrême-Orient,  par  M.  A.  Foucher,  vient  de 
paraître  ;  le  premier  volume  de  ce  grand  ouvrage  avait  été 
donné  en  1905.  M.  Foucher,  qui  vient  de  partir  pour  une 
longue  mission  aux  Indes,  a  laissé  le  manuscrit  complet  du 
second  et  dernier  fascicule  de  cette  importante  publication 
dont  l'achèvement  est  ainsi  assuré. 

Nous  apprenons  également  que  le  tome  II  et  dernier  de 
l'Inventaire  des  Monuments  Chams  dû  à  M.  Parmentier  va 
prochainement  sortir  des  presses. 

L'une  des  missions  confiées  à  l'Ecole  française  d'Extrême- 
Orient  est  la  conservation  et  la  surveillance  de  plus  d'un 
millier  d'édifices  souvent  fort  importants,  répartis  sur  une 
surface  de  pays  un  peu  plus  considérable  que  celle  de  la 
France  et  dans  des  régions  souvent  désertes,  qui  incombe 
au  chef  du  service  archéologique.  M.  Parmentier,  actuelle- 
ment directeur  p.  i.,  se  plaint  avec  juste  raison  de  l'impos- 
sibilité, faute  de  personnel,  d'assurer  son  service  d'une 
manière  satisfaisante.  Dans   un  rapport  adressé   le  5  août 


RAPPORT    SLR    l/lOCOlJi;    KRAiN(jAISE    d'eXTRKME-ORIKNT      361 

dernier  à  la  Commission  spéciale  de  l'Académie,  il  faisait 
la  proposition  suivante  : 

c<  Pour  assurer  la  conservation  des  monuments,  des 
tournées  devraient  être  exécutées  au  moins  tous  les  quatre 
ou  cinq  ans,  afin  que  les  indigènes  sentent  une  suite  réelle 
dans  la  surveillance.  L'extrême  minimum  nécessaire  pour 
assurer  ces  tournées  et  les  travaux  d'entretien  serait  de 
quatre  inspecteurs  :  un  à  Angkor,  —  il  existe  déjà  avec  le 
titre  de  conservateur,  —  un  autre  pour  le  reste  du  Cam- 
bodge, qui  serait  chargé  de  faire  l'intérim  d'Angkor,  lorsque 
le  conservateur  prend  son  congé  normal,  — un  pour  les 
monuments  chams  et  laotiens,  —  un  pour  les  édifices  d'art 
annamite  au  Tonkin,  en  Annam  et  en  Cochinchine.  Ce 
dernier^  dont  le  rôle  au  point  de  vue  conservation  serait 
moindre,  aurait  par  contre  une  tâche  considérable  :  celle  de 
l'étude  de  l'art  annamite  qui  est  encore  entièrement  à 
Faire.  Il  devrait,  en  outre,  s'occuper  de  la  préhistoire  que 
nous  sommes  obligés  de  négliger  et  pourrait  suppléer  les 
autres  inspecteurs  pendant  leurs  congés,  la  présence  des 
quatre  inspecteurs  ne  pouvant  être  qu'exceptionnelle  en 
raison  de  la  durée  de  trois  ans  des  séjours  réguliers.  Un 
personnel  de  surveillants  et  de  dessinateurs  indigènes 
devrait  nécessairement  être  organisé  pour  aider  les  inspec- 
teurs dans  leur  tâche,  qui  serait  encore  très  lourde.  » 

Le  Gouverneur  général  Sarraut  accepte  ce  projet  en  prin- 
cipe, mais  il  ne  pourra  être  mis  à  exécution  qu'après  la 
guerre,  le  recrutement  du  personnel  étant  à  peu  près 
impossible  en  ce  moment. 

Nous  rappellerons  que  l'Ecole  d'Extrême-Orient  a  un 
triple  objet  :  exécuter  des  fouilles,  conserver  les  monuments 
existant  dans  l'Indo-Chine  et  publier  des  ouvrages  traitant 
de  l'histoire,  de  l'archéologie  et  de  la  linguistique  de  notre 
belle  colonie.  Comme  on  le  voit  par  le  rapport  que  je  viens 
d'avoir  l'honneur  de  lire  devant  l'Académie,  l'École,  malgré 

1918  25 


362  LIVRES    OFFERTS 

la  pénurie  de  personnel  et  les  embarras  de  toute  sorte  créés 
par  une  situation  anormale,  a  accompli  sa  mission,  toute 
sa  mission.  On  me  permettra  de  dire  que  c'est  un  vrai  tour 
de  force  exécuté  grâce  à  la  ténacité  de  son  directeur  p.  i. 


LIVRES   OFFERTS 


Le  Sechktaire  perpétuel  dépose  «ur  le  bureau  les  ouvrages 
suivants  : 

Publications  de  l'École  française  d'Extrême-Orient.  VArf  gréco- 
bouddhique  du  Gandarha.  Étude  sur  les  origines  de  l'influence  clas- 
si(]ue  dans  l'art  bouddhique  de  l'Inde  et  de  l'Extrême-Orient,  par 
A.  Foucher.  —  Tome  II,  premier  fascicule:  Les  images^  avec  175 
illustrations  et  4  planches  (Pai'is,  Impr.  nat.,  1918). 

Transactions  of  Ihe  Royal  Society  of  Edinhurgh,  vol.  LU,  part 
I,  session  1917-1918  (Edimbourg,  1918,  in-4°). 

M.  Prou  offre,  au  nom  de  l'auteur,  M.  le  chanoine  Ch.  Urseau,  un 
mémoire  intitulé  :  La  Tapisserie  de  la  Passion  d'Angers  et  la  tenture 
brodée  de  Saint-Bernard  de  Romans  (extrait  du  Bulletin  archéolo- 
gique de  1917;  Paris,  1917). 

M.  O.MONT  a  la  parole  pour  un  hommage  : 

a  J'ai  l'honneur  de  déposer  sur  le  bureau,  au  nom  de  l'auteur, 
M.  Louis  Régnier,  un  mémoire  sur  le  Tombeau  de  Robert  d'Acqui- 
gny,  conseiller  au  Parlement  de  Paris,  doyen  de  Saint-Omer,  dans 
Véglise  Notre-Dame  de  Louviers  (Paris  et  Rouen,  1918,  in-8°,  31  pages 
et  3  planches  ;  extrait  du  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
Norniandie,  tome  XXXII,  année  1917). 

«  Un  élégant  sarcophage,  surmonté  d'un  gisant  de  grandeur  natu- 
relle, mais  ne  portant  ni  blason,  ni  épitaphe,  et  placé  dans  un  des 
bas-côtés  de  l'église  Notre-Dame  de  Louviers,  était  jusqu'ici  regardé 
par  les  historiens  locaux  comme  le  tombeau  d'un  seigneur  d'Ester- 
nay  en  Champagne,  Jean  Le  Boursier,  qui  avait  pris  parti  contre 
Louis  XI  et  qui  avait  péri,  noyé  dans  l'Eure  par  l'ordre  de  ce  prince 
en  1465.  Le  style  du  monument,  le  costume  du  personnage  décelaient 
cependant  plutôt  le  début  que  la  seconde  moitié  du  xv'  siècle. 
M.  Louis  Régnier,  dont  l'Académie  a  récompensé,  il  y  a  quelques 
années,  une  savante  étude  sur  l'église  collégiale  d'Écouis  et  auquel 


SÉANCt:   DU    18    OCTOBRE   1918  363 

on  doit  nombre  de  travaux  sur  l'histoire  et  l'archéologie  normandes, 
a  eu  la  bonne  fortune  de  résoudre  celle  énigme,  en  découvrant  dans 
les  registres  du  Parlement,  aux  Archives  nationales,  et  en  le  commen- 
tant très  judicieusement  le  testament  dans  lequel  Robert  d'Acquigny, 
conseiller  clerc  au  Parlement  de  Paris,  né  à  Louviers  et  mort 
en  1403  ou  1404,  élisait  sa  sépulture  et  en  précisait  les  conditions 
dans  l'église  Notre-Dame  de  cette  ville.  » 


SÉANCE  DU  18  OCTOBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

M.  le  Directeur  de  renseignement  supérieur  communique 
une  lettre  de  M.  Millet,  chargé  de  mission  en  Macédoine,  qui 
a  découvert  dans  les  couvents  du  mont  Athos  des  peintures 
intéressantes  et  des  documents  d'archives  inédits. 

Le  Secrétaire  perpétuel  fait  connaître  la  mort  de  M.  Emile 
Guimet,  correspondant  de  l'Académie. 

Le  Président  prononce  l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs, 
«  Notre  Académie  vient  de  perdre  un  nouveau  correspondant, 
M.  Emile  Guimet,  qui  lui  appartenait  seulement  depuis  l'année 
dernière.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  hier  à  Lyon,  sa  ville  natale, 
où  il  est  mort  après  une  courte  maladie  âgé  de  quatre-vingt- 
deux  ans.  Fils  d'un  savant  et  d'une  mère  artiste,  il  avait  déve- 
loppé en  lui,  au  milieu  des  occupations  absorbantes  inséparables 
de  la  direction  d'une  grande  industrie,  les  qualités  natives  qui 
devaient  le  porter  de  bonne  heure  vers  l'archéologie  et  l'histoire. 
Un  premier  voyage  qu'il  fit,  jeune  encore,  en  Egypte,  lui 
révéla  les  merveilles  d'un  art  qu'il  ignorait.  Il  s'attacha  pas- 
sionnément aux  antiquités  égyptiennes,  acquit  des  statuettes, 
des  papyrus,  des  momies,  se  plongea  dans  la  lecture  de 
Champollioa,  de  Ghabas  et  de  Rougé.  Il  avait  trouvé  sa  voie 
scientifique,  celle  où  son  avidité  de  savoir  devait  le  maintenir 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  :  c'était  l'Orient,  et  bientôt  ce  fut 
l'Exlrênie-Orient.   En    1876,  il  visita  lu  Chine  et  le  Japon,  cou- 


36 i  sKANci:  Di    18  ociduni;   101 S 

nul,  interrogea  un  certain  nombre  tKartistes  de  ce  pays,  el  revint 
en  France  avec  des  pièces  rares  que,  lors  de  l'Exposition  univer- 
selle de  1878,  il  offrait  à  la  curiosité  et  a  l'admiration  du  public 
dans  une  vitrine  du  palais  du  Trocadéro. 

«  L'importance  de  ses  collections  lui  suggéra  de  former  un 
musée,  qui  fut  inauguré  à  Lyon  en  1879.  C'était  chez  lui  un  rêve 
ancien,  d'employer  ses  richesses  d'art  à  l'éducation  de  la  foule. 
De  là  le  transfert  du  Musée  Guimet  de  Lyon  sur  un  plus  vaste 
théâtre,  à  Paris,  oià  il  fut  installé  dans  le  somptueux  édifice  cons- 
truit aux  frais  de  son  fondateur,  et  devint  propriété  de  l'Etal, 
Emile  Guimet  s'en  réservant  la  direction. 

«  Vous  connaissez  tous,  Messieurs,  les  grands  traits  de  cette 
institution  philanthropique  :  collections  sans  cesse  accrues, 
bibliothèque  renfermant  plusieurs  milliers  de  volumes, 
Annales  du  musée  Guimet,  œuvre  de  vulgarisation  savante  à 
laquelle  plusieurs  d'entre  vous  ont  collaboré,  et  qui,  dans  la 
pensée  de  M.  Guimet,  était  destinée  à  répandre  la  connaissance 
des  anciennes  religions  orientales.  Mais  les  publications  ne  sufïi- 
saient  pas;  il  fallait  encore  à  cette  propagande  éclairée  le 
secours  de  la  parole.  Emile  Guimet  institua  les  conférences  du 
dimanche  dans  cette  longue  salle  dont  vous  vous  souvenez, 
trop  étroite  pour  contenir  les  auditeurs  qui  s'y  pressaient. 

«  Cependant  les  collections  ne  cessaient  de  se  multiplier  et  de 
grandir;  elles  débordèrent  Paris;  le  musée  de  Lyon  fut  recons- 
titué, et  il  y  en  eut  d'autres  à  Rouen,  au  Havre,  à  Toulouse,  à 
Bordeaux,  peuplés  de  monuments  religieux  de  l'Egypte,  de 
l'Inde,  de  la  Chine  et  du  Japon. 

«  Voilà,  en  quelques  mots  hâtifs,  l'œuvre  de  Guimet.  Il  fut  un 
bienfaiteur  de  son  pays,  si  c'est  une  forme  de  la  bienfaisance  de 
propager  le  plus  possible  autour  de  soi  la  lumière,  A  ce  titre 
Emile  Guimet  mérite  notre  i^econnaissance  et  celle  de  tous  les 
travailleurs  à  venir  qui  bénéficieront  de  son  intelligente  généro- 
sité. » 

M.  le  comte  Durrieu  annonce  que  M.  Henri  Stein  a  découvert 
à  la  Bibliothèque  nationale,  et  communiqué  à  la  Société  des 
Antiquaires  de  France  dans  sa  séance  du  16  octobre  courant, 
un  document  d'archives  établissant  formellement  que  Philippe 
de  MazeroUes  habitait  Paris  en  1454.  M.  Durrieu  rappelle  qu'il 


SÉANCE  DU  18  OCTOBRE  1918  3G") 

a' consacré  à  Philippe  de  Mazerolles  un  mémoire  étendu  qui  a 
paru  dans  le  tome  XXII  des  Monuments  Piot,  daté  de  1916.  Les 
documents  publiés  jusqu'ici  sur  Mazerolles  montrent  en  lui  un 
peintre  miniaturiste  qui  l'ut  employé  en  Flandre,  en  1466,  par 
Charles  le  Téméraire,  du  temps  où  ce  futur  duc  de  Bourgogne 
portait  le  titre  de  comte  de  Charolais,  et  qui  se  fixa  à  demeure  à 
Bruges  en  1469,  tout  en  étant  d'origine  française.  Dès  1903, 
M.  Durrieu  a  proposé  d'identifier  cet  artiste  avec  un  des  plus 
délicieux  miniaturistes  qui  aient  fleuri  au  xv"  siècle,  le  «  Maître 
de  la  Conquête  de  la  Toison  d'Or  »,  comme  M.  Durrieu  Tavait 
d'abord  surnommé.  L'étude  des  miniatures  attribuées  par  lui  à 
ce  maître  a  amené  ensuite  M.  Durrieu,  d'accord  avec  une  très 
judicieuse  observation  déjà  faite  par  M.  Salomon  Reinach  au 
cours  d'un  article  paru  en  1905  dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts 
(année  1905,  t.  I,  p.  384),  à  formuler  cette  assertion  que 
«  Mazerolles,  avant  de  gagner  la  Flandre,  a  eu  l'occasion  de  se 
familiariser  avec  l'aspect  de  la  capitale  de  la  Finance,  qu'il  a  donc 
dû  séjourner  à  Paris  >^  (mémoire  publié  dans  les  Monuments 
Piot,  XXII,  p.  98). 

Cette  affirmation  du  passage  de  Mazerolles  par  Paris  et  d'un 
arrêt  de  l'artiste  dans  cette  ville,  M.  Durrieu  l'avait  déduite  uni- 
quement de  sa  théorie  d'identification  de  Philippe  de  Mazerolles 
avec  le  «  Maître  de  la  Conquête  de  la  Toison  d'Or  ».  Il  est  très 
intéressant  de  voir  qu'elle  se  trouve  pleinement  confirmée  main- 
tenant par  la  découverte  d'un  document  d'archives,  découverte 
dont  tout  l'honneur,  M.  Durrieu  tient  à  le  préciser  encore, 
revient  à  M.  Henri  Stein. 

M.  Franz  Gumont,  associé  étranger,  interprète  un  bas-relief 
romain,  conservé  au  Musée  de  Copenhague,  qui  montre  le  buste 
d'une  enfant  défunte  placé  dans  un  large  croissant  entouré 
d'étoiles.  11  le  rapproche  d'un  grand  nombre  d'urnes  ou  pierres 
sépulcrales  qui  sont  marquées  du  symbole  du  croissant.  L'idée 
naïve  que  les  âmes  des  morts  vont  habiter  la  lune  se  trouve  chez 
beaucoup  de  peuples  primitifs  :  elle  se  conserva  dans  l'antiquité 
grâce  aux  Pythagoriciens,  qui  l'adoptèrent  en  la  transformant, 
et  se  répandit  davantage  lorsque  se  propagèrent  sous  l'Empire 
les  cultes  astraux  des  peuples  syro-puniques. 


300  LIVRKS    OFFRRTS 

M.  le  comte  Durrieu  présente  quelques  observations. 

l/Académie  décide  au  scrutin  la  vacance  des  places  de 
MM.  Baktu  et  M.vsi'ERo,  membres  ordinaires,  et  celles  de 
MM.  Tabbé  Thédenat  et  le  marquis  de  Vogué,  membres  libres, 
décédés.  La  présentation  des  titres  pour  les  deux  premières 
places  est  fixée  au  29  novembre  1918  et  Télection  huit  jours 
après  ;  la  présentation  des  titres  pour  les  sièges  de  membre  libre 
aura  lieu  le  dernier  vendredi  de  janvier. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  périodiques  et 
ouvrages  suivants  : 

Ministère  du  Commerce,  de  l'Induslrie —  Annales  du  Com- 
merce exlrrieur,  1915,  f'',  2«  et  3"  fascicules  (Paris,  Irapr.  nat.,  19iri)  ; 

Bulletin  de  l'Inatitul  français  d'' archéologie  orientale,  publié  sous  la 
direction    de    M.  Georges    Foucart.   T.   XV  (premier    fascicule)    (Le 

Caire,  1918); 

Annales  du  Musée  Guimet.  Revue  de  l'histoire  des  religions,  publiée 
sous  la  direction  de  MM.  René  Dussaud  et  Paul  Alphandéry. 
T.  LXXVII,  n°  2  (mars-avril)  et  n"  3  (mai-juin)  (Paris,  1918)  ; 

Bibliothèque  franco-roumaine,  u"  1,  1"  août  1918.  Emile  Staëco. 
La  vérité  sur  le  peuple   roumain  et    la  propagande  anti-roumaine 

(Paris,  1918)  ; 

Mémoires  de  la  Société  nationale  d'agriculture,  sciences  et  arts 
d'Angers  (ancienne  Académie  d'Angers  fondée  en  1685).  T.  XX, 
année  1917  (Angers,  1918)  ; 

Emile  Chantre,  Contribution  à  Vétude  des  races  humaines  du  Sou- 
dan occidental  [Sénégal  et  Haut  Niger),  et  trois  notes  du  même  auteur 
(extr.  du  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  et  de  biologie  de 
Lyon)  :  La  nécropole  gauloise  [marnienne)  de  Gênas,  Isère  (séance  du 
6  février  1913)  ;  —  Recherches  anthropologiques  dans  la  Berbérie 
orientale  (séance  du  10  juin  1913);  —  La  langue  berbère  et  la  langue 
arabe  dans  le  Nord  de  l'Afrique  (séance  du  6  décembre  1918). 


:J67 
SÉANCE  DU   22  OCTOBRE 


PRESIDEXCE    DE    M.     l'AUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  lil   une  note  de  M.  le  D''  Bascoul, 
d'El-Kseur  (Algérie),  sur  des  dessins  rupeslres  du  Djebel-Toukra, 
—  Renvoi  à  M.  Salomon  Heinacii. 

Le  Président  donne  lecture  d'une  lettre  relative  à  la  commu- 
nication de  M.  Audouin  sur  le  muid  de  Gharlemagne,  lettre  que 
lui  a  écrite  M.  Lefas,  député  d'Ille-et- Vilaine,  Celui-ci  émet  le 
vœu  de  voir  recueillir  d'une  manière  complète  la  nomenclature 
des  anciennes  mesures  de  volume  et  de  poids  «  telles  qu'elles 
peuvent  encore  exister  dans  le  langage  et  dans  la  mémoire  de 
nos  paysans  et  de  nos  artisans  «. 

M.  Ch.-V.  Langlois  annonce,  au  nom  de  M.  Bruchet,  archi- 
viste du  Nord,  que  les  Archives  départementales  du  Nord,  à 
Lille,  n'ont  subi  aucun  dommage. 

M.  Omont  annonce  qu'il  en  est  de  même  des  Archives  munici- 
pales, des  manuscrits  et  des  livres  précieux  de  la  Bibliothèque 
de  la  ville. 

Sur  le  rapport  de  M.  Prou,  l'Académie  accorde,  sur  la  partie 
des  arrérages  de  la  fondation  Thorlet  attribuée  à  l'Académie  : 

.'}.000  francs  à  M.  le  colonel  Lamouche,  pour  l'aider  à  recons- 
tituer sa  bibliothèque  incendiée  lors  du  raid  d'avions  du  12  avril 
1918; 

500  francs  à  M.  Dupont,  juge  au  tribunal  civil  de  Saint-Malo; 

et  500  francs  à  M.  l'abbé  Daugé,  curé  de  Duhort-Bachen 
(Landes)  pour  l'ensemble  de  leurs  recherches  scientifiques  et  de 
leurs  publications. 

Sur  le  rapport  de  M.  Diehl,  l'Académie  décerne  cette  année 
deux  médailles  Paul  Blanchet,  l'une  à  M.  Gouvet,  conservateur 
du  Musée  de  Sousse,  pour  le  dévouement  actif  qu'il  n'a  cessé  de 
montrer  pour  les  antiquités  de  la  ville   et  à  l'organisation  du 


3GS  SKANCK    UV    22    OCTOItllK    11»  18 

Alusée  municipal,  et  l'autre  à  M'"*  de  Chabannes  do  I.a  Palice, 
pour  les  fouilles  qu'elle  a  fait  pratiquer  dans  sa  propriélé 
d'I' tique,  et  le  soin  quelle  a  apporté  à  conserver,  dans  un  musée 
libéralement  ouvert  au  public,  les  objets  découverts. 

M.  Henri   Prentoul,  professeur  d'histoire  de  Normaiidie  à  la 
Faculté  des  lettres  de  l'Université  de  (^aen,  fait  une   communi- 
cation  sur  les   Étals  provinciaux  de   Normandie.  L'auteur  énu- 
mère  en  les  critiquant  les  travaux  de  ses  prédécesseurs  ;  il  montre 
que  sans    l'œuvre  de  M.    Goville,  son  maître,  qui  a  étudié  les 
États  de  Normandie  au  xiv**  siècle,  et  de  M.  Charles  de  Beaure- 
paire,  correspondant  de  l'Académie,   qui  a  publié  les  cahiers  et 
étudié  les  États  sous  la  domination  anglaise,  il  n'aurait  pu  entre- 
prendre  de   faire   une    histoire    complète    des    l"'tats.  Sa    tâche 
personnelle  a  été  de  réunir  la  documentation  pour  l'histoire  des 
États  de   14()0  à  1560  et  de  tenter  une  synthèse.  Il  expose   ses 
recherches  dans  les  archives  des  départements  normands,  dans 
les  archives  communales,  la  Bibliothèque  nationale,  les  Archives 
nationales,  etc.  Elles  lui  ont  permis  de  constituer  un  catalogue 
des  sessions  des  États.   Ce  catalogue  met  en  lumière  ce  fait  qu'à 
partir  de   1458   les  Etats  ont  été  tenus  régulièrement,  qu'avant 
cette  date  ils  Tout  toujours  été  en  temps  de  guerre,  pour  voter 
un  subside  destiné  à  l'entretien  de  l'armée.    Les  États  provin- 
ciaux ont  donc  pour  fonction   essentielle  de  voter  limpôt.   En 
terminant,  l'auteur  rappelle   qu'ils  ont    été  en  outre  associés  à 
quatre  grandes  créations,  celle  de    l'Université  de   Caen  sous  la 
domination   anglaise,    de    l'Échiquier  perpétuel   à    Rouen  sous 
Louis  XII,  du  Havre-de-Grâce  sous  François  P'',  de  la  rédaction 
du  droit  coutumier  sous  Henri  III. 

M.  Fougères,  dii-ecteur  de  TEcole  française  d'Athènes,  com- 
munique à  l'Académie  les  résultats  des  recherches  topographiques 
poursuivies,  dans  le  courant  de  l'été,  à  Délos  par  M.  Replat, 
architecte  de  l'École,  chargé  de  mettre  à  jour  le  plan  général 
des  fouilles. 

M.  Replat  a  pu  reconstituer  le  tracé  complet  du  mur  de 
défense  improvisé  par  le  légat  romain  Triarius,  après  l'incursion 
du  chef  pirate  Athénodoros,  en  69  avant  J.-C,  afin  de  préserver 
la  ville  "et  le  sanctuaire  d'Apollon  de  nouvelles  déprédations. 


SÉANCE   DU   29   Or.TOIiRE    1  !M  S  .  369 

En  outre,  M.  Replat  a  identifié  dune  manière  certaine  rem- 
placement de  rhippodrome  délien  et  retrouvé  les  restes  des 
murs  qui  Tentouraient  et  des  gradins  de  la  stalle  d'honneur  ou 
proédria,  où  siégeait  le  jury  des  courses.  C'est  là  le  second 
exemple,  avec  celui  du  mont  Lycée  en  Arcadie,  d'un  hippodrome 
hellénique  pourvu  d'un  dispositif  architectural.  On  admettait 
qu'en  général  ce  type  d'installation  sportive  se  réduisait  à  un 
champ  de  courses  naturel,  sans  constructions.  En  fait,  les 
hippodromes  ont,  à  partir  du  iv«  siècle  avant  J.-C,  participé  à 
l'évolution  générale  qui  transforma  en  édifices  les  aménagements 
primitifs  des  théâtres,  des  gymnases  et  des  stades.  Le  terme  de 
cette  évolution,  dont  les  types  du  mont  Lycée  et  de  Délos  per- 
mettent de  reconstituer  les  étapes  architecturales,  est  représenté 
par  le  cirque  romain  et  l'hippodrome  byzantin,  combinaison  du 
stade  et  de  l'hippodrome  helléniques. 


LH'RES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  périodiques 
suivants  : 

Mémoires  de  la  Société  académique  (V agriculture,  sciences,  arts  et 
belles-lettres  du  département  de  l'Aube  (t.  LXXXI  de  la  collection). 
T.  LIV.  Troisième  série  ;  année  1917  (Troyes,  1918)  ; 

Bevista  de  Archivas,  Bibliotecas  y  Museos.  Organo  del  cuerpo  facul- 
tative del  ramo.  Tercera  epoca.  Ano  XXII,  julio-agosto  1918  (Madrid, 
1918) ; 

Proceedinys  of  the  Royal  Institute  of  Edinburgh.  Session  1917-18. 
Vol.  XXXVIII.  Part  II,  pp.  97-224  (Edinburgh,  1918.) 


SÉANCE  DU  29  OCTOBRE 


PRESIDENCE    DE    M.     PAUL    GIRARD,     VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  lit  une  lettre  de  ^L  le  Ministre  de  la 
guerre  communiquant  un  extrait  de  la  Deutsche  Levante  Zeilung 
relatif  à  une  théorie  sur  l'origine  des  Roumains.  —  Renvoi  à 
M.  L.  Li:r.ER. 


370  SÉANCE  DU  29  OCTOHRR  1 ÎH  8 

Il  donne  ensuite  lecture  des  lettres  par  lesquelles  M.  le  lieute- 
nant-colonel de  Gastries  pose  sa  candidature  à  la  placé  de 
membre  libre  vacante  par  la  mort  de  M.  le  marquis  de  Vogiié, 
et  M.  Adrien  Blanchet,  à  la  place  de  membre  libre  vacanjLe  par 
la  mort  de  M.  Tabbé  Thédenat. 

M.  Léon  Dorez  lit  la  note  suivante  : 

«  Dans  les  derniers,  fascicules  de  la  Bihliofilia  de  Florence 
(avril-mai  et  juin-août  1918),  M.  Laudedeo  Testi  a  publié  un 
intéressant  travail  sur  les  livres  de  chœur  enluminés  de  léj^lise 
Saiut-Jean-rÉvangélisle  de  Parme.-Gette  étude  révèle  un  minia- 
turiste jusqu'ici  inconnu,  Michèle  da  (ienova,  Michel  de  Gênes, 
qui  entra  au  service  de  la  fabrique  en  1492  et  y  resta  au  moins 
jusqu'en  1497  '.  Dans  l'un  des  manuscrits  ornés  par  cet  artiste 
et  dont  la  décoration  a  été  restaurée  en  1779,  trois  des  minia- 
tures, représentant  VAnnonciation,  la  Circoncisio-n  et  ïAdo- 
ralioji  des  Mages^  heureusement  à  peu  près  intactes,  sont  des 
copies  presque  serviles  d'œuvres  d'Andréa  Mantegna,  copies 
exécutées  du  vivant  du  grand  peintre  et  constituant  une  nou- 
velle preuve  de  la  célébrité  acquise  par  ses  compositions  dans 
toute  l'Italie  septentrionale. 

«  A  ce  propos,  l'Académie  me  permettra  de  lui  rappeler  une 
notice  qu'elle  a  accueillie  en  1909  dans  les  Monuments  Piot  etoù 
j'ai  décrit  un  Pontifical  exécuté  pour  le  cardinal  Giuliano  Délia 
Rovere  (le  futur  pape  Jules  II)  par  le  miniaturiste  Francesco  de 
Vérone  ou  Francesco  dai  Libri, 

«  Au  cours  de  ma  notice,  j'ai  signalé  à  plusieurs  reprises  une 
interprétation  parfois  très  large,  mais  toujours  évidente,  du  style 
de  Mantegna  dans  les  peintures  de  ce  Pontifical  qui  fait  aujour- 
d'hui partie  des  collections  Morgan,  à  New-York.  Mais  j'aurais 
dû  y  insister  plus  que  je  ne  l'ai  fait  sur  la  miniature  de  la  Présen- 
tation du  Christ  au  Temple,  où  se  trouve  reproduite  la  partie 
centrale  du  volet  de  droite  du  triptyque  de  Mantegna  conservé 
aux  Uffizi  de  Horence  ^.  Gette  même  partie  du  tableau  florentin 
a  été  également  transportée  dans  l'une  des  initiales  d'un  anti- 
phonaire   parmesan,   et  la    comparaison   des  deux   adaptations 

1.  Biiîh'o^/ia  ^juin-août),  p.  146-147. 

■X.  Gliarles  Yriarte,  Mante(jna  (Paris,  1901,  in-4''),  entre  les  pp.  CO  el6l. 


SÉANCE  nr  29  octobre  1918  371 

permet  de  mesurer  toute  la  distance  qui  séparait  l'art  de  Michel 
de  Gênes  de  celui  de  François  de  Vérone  qui,  lui,  a  interprété 
l'œuvre  originale  avec  une  liberté  dans  l'ensemble  et  une  fidélité 
dans  certains  détails  infiniment  supérieures  à  la  copie  de  son 
médiocre  émule  * .  ' 

«  Ce  dernier,  d'ailleurs,  n'a  nullement  signalé  les  emprunts 
qu'il  faisait  à  Mantegna,  tandis  que,  comme  on  va  le  voir, 
François  de  \'érone  a  indiqué  d'une  manière  très  nette  la  source 
de  ses  compositions.  Ft  ici  je  dois  rectifier  sur  un  point  la  notice 
publiée  dans  les  Monuments  Piol. 

«  A  gauche  du  petit  tableau  du  miniaturiste  véronais,  sur  l'ar- 
chitrave de  l'édicule,  on  lit  ces  deux  mots  tracés  en  lettres  d'or: 
AB  OLYMPO  2.  Gomme  cette  même  peinture  est  aussi  celle 
qui  porte  la  signature  francischvs  veronensis,  j'avais  été 
naturellement  porté  à  croire  que  le  mollo  appartenait  à  cet 
artiste.  Il  n'en  est  rien.  Nous  avons  affaire  à  un  cas  beaucoup 
moins  simple,  beaucoup  plus  intéressant  qu'il  ne  semble  d'abord, 
et  qui  .mérite  d'être  signalé  puisqu'il  peut  attirer  l'attention  des 
historiens  sur  d'autres  légendes  analogues. 

«  En  réalité,  les  mots  ab  olympo  constituent  l'un  des  molli 
adoptés  par  le  marquis  Louis  de  Gonzague  ^,  qui  appela  Man- 
tegna à  Mantoue  en  1456  et  fut,  pendant  le  reste  de  sa  vie, 
c'est-à-dire  jusqu'en  1478,  le  fidèle  protecteur  de  l'artiste.  11 
paraîtrait  résulter  de  cette  constatation  que  le  manuscrit  aurait 
été  originairement  exécuté  pour  le  marquis.  Mais  ce  serait  là 
une  conclusion  hâtive  et  injustifiée.  Un  nouveau  pas  doit  être 
franchi  pour  arriver  à  la  solution  du  petit  problème  qui  nous 
occupe. 

«  Parmi  les  libéralités  faites  par  Louis  de  Gonzague  à  Mante- 
gna se  trouvait  un  terrain  voisin  de  la  Porta  Pusterla  et  du  petit 
palais    princier   du  même  nom.    En  novembre   1476,   le  peintre 

1.  Biblioftiia  (mars-avril),  p.  26.  —  Le  succès  de  cette  partie  du  tri- 
ptyque de  Mantej;na  est  encore  attesté  par  l'emprunt  de  la  fissure  de  la 
Vierge  par  Fra'  Bartolommeo  Délia  Porta  en  1516,  dans  son  tableau  de 
la  Présentation,  auj.  au  Musée  de  Vienne  (Fritz  Knapp,  F.  B.  D.  P.  u.  die 
Schale  von  San  Marco,  Halle  a  S.,  1913,  in-4',  p.  157,  et  autrefois  gravé  par 
Massard  d'après  un  dessin  de  J.-B.  'V\'^icar). 

2.  Mon.  Piol,  1909,  pi.  Kl. 

.3.  Voir  la  frise  reproduite  par  Yriarte,  op.  cit.,  p.  121. 


372  SÉANCE    DU    29    OCTOBRK    191 S 

posait  la  première  pierre  —  qui  subsiste,  avec  son  inscrii)tion 
conimémorative^  —  de  la  jolie  maison  qu'il  devait  habiter  jus- 
qu'en 1494,  année  où  le  marquis. lean-François  la  lui  redemanda, 
lorsqu'il  fit  du  palais  conligu  sa  demeure  définilivc.  Colle  habi- 
tation, aujourd'hui  englobée  dans  les  bàlimcnls  de  l'Institul 
professionnel  ou  technique,  se  composait  de  quatre  corps  de 
logis  donnant  sur  une  cour  circulaire  intérieure.  Sur  l'architrave 
de  chacune  des  quatre  portes  intérieures,  se  lisait  le  modo  :  ah 
OLYMPO^.  Bien  mieux:  si,  comme  il  y  a  tout  lieu  de  le  croire, 
la  gravure  donnée  par  Yriarte  ^  est  exacte,  on  ne  peut  manquer 
d'être  frappé  de  l'étroite  ressemblante  du  petit  toil  et  de  l'archi- 
trave dans  la  maison  même  bâtie  par  Mantegna  et  dans  l'édicule 
de  la  miniature  de  François  de  Vérone.  Il  s'agit  donc,  dans  le 
motto  du  Pontifical,  non  pas  de  Louis  de  Gonzague,  auquel  il 
appartenait  en  propre,  mais  de  son  protégé  Andréa  Mantegna, 
auquel  le  marquis  l'avait  plus  ou  moins  explicitement  concédé. 
Et  qu'il  en  soit  ainsi,  on  ne  peut  guère  en  douter  lorsqu'on 
voit,  sur  la  tombe  de  Mantegna,  —  dans  la  chapelle  de  l'église 
Saint-André  deMantoue  que  le  chapitre  lui  avait  solennellement 
offerte  le  IJ  août  1504  et  dont  il  avait  entrepris  la  décoration, 
interrompue  par  sa  mort  en  septembre  1506,  —  lorsqu'on  voit, 
dis-je,  dans  cette  chapelle,  la  représentation  d'un  aigle  de  mon- 
tagne, étalant  ses  serres  sur  un  livre  fermé  dont  la  tranche  porte 
l'inscription  :  ab  olympo  •*. 

«  Il  paraît  donc  certain  qu'en  reproduisant  ce  motto,  vers 
1480  %  dans  les  peintures  du  Pontifical  de  Giuliano  Délia 
Rovere,  François  de  Vérone  a  voulu  indiquer  la  source  où  il 
avait  puisé  le  meilleur  de  son  œuvre.  » 

M.  Prosper  Alfaric  fait  une  lecture  sur  VEvangile  de  Simon 
le  Magicien.   Partant  d'un  texte  du  iv«  siècle  qui  signale  cette 

1.   Yriarte,  p.  79. 

;.  Yriarte,  p.  107-109. 

3.  Yriarte,  p.  104. 

4.  Yriarte,  p.  111. 

5.  Ou  peut-être  même  plus  tôt  :  Sixte  IV  comprit  son  neveu  Giuliano 
dans  sa  première  promotion  cardinalice,  c'est-à-dire  le  15  décembre  1471, 
et  l'on  pourrait  croire  que  le  nouveau  Cardinal  fit  à  l'artiste  la  commande 
du  Pontifical  peu  après  cette  date. 


LIVRES    OFFERTS 


373 


œuvre  importante,  depuis  longtemps  perdue,  il  montre  qu'on 
peut  en  reconstituer  les  grandes  lignes  avec  d'autres  écrits  des 
premiers  siècles  (traités  contre  les  hérésies,  livres  clémentins, 
Actes  du  martyre  de  Pierre),  qui  l'utilisent  ou  la  combattent 
sans  la  nommer. 

MM.  Salomon  Reinach  et  Boucuiî-Leclercq  présentent 
quelques  observations. 

Le  Président  rappelle  à  l'Académie  qu'un  mois  s'est  écoulé 
depuis  la  mort  de  notre  confrère,  M.  Emile  Picot,  et  lui  demande 
s"il  convient  de  déclarer  la  place  vacante. 

Par  17  voix  contre  5,  la  vacance  est  déclarée.  La  date  de 
l'élection  sera  fixée  ultéi-ieurement. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  périodiques 
suivants  : 

Annuaire  général  de  VIndo-Chine,  1918.  Partie  administrative. 
T,  IL  Situation  du  personnel  au  l"^'  Juin  1918  (Hanoï  et  Haïphong, 
1918)  ; 

Revue  archéologique,  publiée  sous  la  direction  de  MM.  Pottier  et 
S.  Reinach.  Cinquième  série,  t.  Vil,  mai-juin  1918  (Paris,  1918); 

Atti  délia  R.  Accadeniia  dei  Lincei.  Anno  CCCVX,  i9i8.  Notizie 
degliscavi  di  anlichità.  Vol.  XV.  Fascicoli  1°,  2°  e  .3°  (Roma,  1918); 

Memorie  délia  R.  Accadeniia  dei  Lincei.  Classe  di  scicnze  morali, 
istoriche  e  filologiche  (anno  CCCXV,  1918).  Série  quinta.  Vol.  XV, 
fascicolo  VII  ; 

The  Jewish  Quarterly  Review.  Vol.  IX,  n»*  1  and  2,  July  and 
October  1918  (London,  1918); 

Analecta  Montserratensia.  Vol.  I.  Any  1917  (Monestir  de  Mont- 
serrat.  MCMXVIII). 


•       COMPTES    RENDUS    DES    SÉANCES 

DE 

L'ACADÉMIE   DES    INSCRIPTIONS 

ET    BELLES -LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 

SÉANCE   DU   8   NOVEMBRE 


PRESIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

Lecture  est  donnée  d'une  lettre  par  laquelle  M,  Espérandieu 
pose  sa  candidature  à  la  place  d'académicien  libre  devenue  va- 
cante par  la  mort  de  M.  le  marquis  de  Vogiié. 

Le  Secrétaire  perpétuel  lit  ensuite  une  lettre  adressée  par  les 
membres  ou  correspondants  de  l'Académie  des  sciences,  de 
l'Académie  de  médecine  et  de  l'Académie  d'agriculture  demeurés 
à  Lille  pendant  l'occupation  allemande. 

(Le  texte  de  cette  protestation  solennelle  a  été  inséré  dans  les 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  séance  du  28  oc- 
tobre 1918.) 

Le  Président  déclare  qu'il  est  certain  d'être  l'interprète  de 
l'Académie  tout  entière  en  exprimant  son  indignation  au  sujet 
des  actes  abominables  que  signalent  nos  confrères  de  Lille.  Il 
leur  envoie  l'expression  de  l'affectueuse  sympathie  de  l'Aca- 
démie qui  partage  leur  ressentiment  et  les  félicite  du  courage 
stoïque  avec  lequel  ils  ont  supporté  les  épreuves  de  ces  mauvais 
jours. 

M.  Salomon  Heinach,  chargé  d'examiner  une  communica- 
tion de  M.Bascoul,    lit   la  note  suivante  : 

«  M.  le  D*"  Bascoul.  médecin  de  colonisation  à  El  Kseur  (prov. 
de  Gonstantine),  a  envoyé  à   l'Académie  des  photographies,  des 


376  SKANCIi    DU    8    ^OVKMIiHE    11)18 

dessins  el  une  notice  relatifs  aux  gravures  du  Djebel  Toukra 
(canton  d'El  Kseur,  arrond.  de  Boug-ie).  Il  s'agit  d'une  éminence    ■ 
rocheuse  longue  de  3"'  17  de  l'E.  à  TÔ.,  large  de    1  '"20  du  N. 
au  S.,  sur  laquelle  on  reconnaît  au  moins  onze  spirales,  accom- 
pagnées  de   quelques    signes    peu   distincts.  Les  photographies 
n'ont  pu  être   prises  dans  des  conditions  favorables  ;  il  na  pas 
encore  été  fait  d'estampage;  enlin,  les  dessins  ne  sont  d'accord 
que  sur  l'existence  des  spirales.  Dans  ces  conditions,  on  ne  peut 
qu'attendre  des  informations  plus  complètes  et  plus  précises  ; 
mais   le    fait   même   d'une    décoration   rupestre    curviligne     ne 
manque  pas  d'intérêt,   >> 

M.  Gh.-V.  Langf.ois  communique  la  note  suivante  : 
«  Nous  avons  eu  l'honneur,  M.  Omont  et  moi,  d'annoncer  à 
l'Académie,  dans  une  de  ses  séances  d'octobre,  que  les  dépôts 
d'archives,  de  manuscrits  et  de  livres  précieux  étaient  intacts  à 
Lille.  C'est  une  partie  importante  du  patrimoine  historique  de 
la  Fi-ance  qui  a  été  ainsi  sauvé  intégralement. 

«Je  suis  aujourd'hui  en  mesure  de  vous  donner  des  nouvelles 
de  Douai  et  de  Cambi-ai,  où  je  suis  allé  en  mission  du  P'  au 
4  novembre. 

«  Messieurs,  depuis  le  commencement  de  la  guerre,  j'avais  vu 
beaucoup  de  villes  détruites  :  Arras,  Reims,  etc.  Je  n'avais 
jamais  vu  de  villeç  pillées.  C'est  un  spectacle  peut-être  plus 
émouvant  encore. 

«  Les  Allemands  ont  ordonné  le  6  septembre  l'évacuation  de 
la  population  civile  de  Douai,  sous  prétexte  de  la  soustraire  à  un 
bombardement  éventuel  par  l'armée  anglaise.  Ils  ont  été  forcés 
d'évacuer  eux-mêmes  la  ville  le  18  octobre.  Ils  y  ont  donc  été 
seuls  six  semaines.  Or,  ces  six  semaines,  ils  les  ont  employées  à 
piller.  Tous  les  édifices,  publics  et  privés,  ont  été  visités  ;  tout 
ce  qu'ils  contenaient  a  été  emporté,  endommagé  ou  détruit. 

«  Pour  les  choses  précieuses,  l'opération  a  été  conduite  avec 
méthode  (la  folie  allemande,  dit  Henri  Heine,  est  plus  folle  que 
les  autres  parce  qu'elle  est  méthodique)  :  l'opération  a  été  con- 
duite chez  les  médecins  par  des  médecins,  dans  les  sacristies  par 
des  ecclésiastiques,  pour  les  objets  des  collections  publiques  et 


SÉANCE    DU    8    iNdVF.MRRE     I  ÎM  <S  'Ml 

privées  par  des  experts.  Il  y  avait,  par  exemple,  â  Douai,  des 
bibliothèques  de  bibliophiles  ;  un  de  ces  bibliophiles,  M.  le 
baron  de  Warenghien,  a  constaté  que  Ton  y  a  pris,  avec  discer- 
nement, tout  ce  qui  s'y  trouvait  de  meilleur  en  l'ait  de  manu- 
scrits, de  raretés,  de  reliures  et  d'impressions  anciennes  ;  le  reste 
a  été  examiné  et  ce  qui  a  été  dédaigné,  jeté  par  terre  en  dé- 
sordre, a  été  parfois  lacéré  ou  souillé. 

«  J'ai  constaté  moi-même,  avec  M.  IJruchet,  archiviste  du 
département  du  Nord,  que  les  archives,  magnifiques,  de  cette 
g-rande  commune  de  l'ancienne  Flandre  avaient  reçu  la  visite  de 
gens  qui  les  avaient  bouleversées.  Il  ne  semble  pas,  au  premier 
abord,  qu'ils  y  aient  trouvé  grand  chose  à  leur  gré;  mais  il  sera 
nécessaire  de  tout  remettx'e  en  ordre  pour  savoir,  par  un  reco- 
lement  fait  à  l'aide  des  inventaires,  si  quelques  soustractions  ont 
eu  lieu.  De  même,  aux  Archivesde  la  Cour  d'appel  (archives  du 
Parlement  de  Flandre  et  du  Tribunal  révolutionnaire). 

«A  propos  de  la  Bibliothèque  publique,  si  riche  en  manuscrits, 
où  il  n'était  pas  encore  possible  de  pénétrer  lors  de  mon  pas- 
sage, il  importe  de  poser  une  distinction  capitale  entre  deux 
opérations  distinctes  auxquelles  les  Allemands  se  sont  livrés 
pendant  leur  séjour  en  pays  occupé. 

■-'  En  premier  lieu,  ils  ont,  à  Douai  et  ailleurs,  demandé  ou 
exigé,  obtenu  en  tout  cas,  à  diverses  époques  antérieures  aux 
grandes  attaques  de  la  délivrance  qui  ont  eu  lieu  cet  été,  que 
les  objets  les  plus  précieux  en  tout  genre  da^  collections  pu- 
bliques leur  fussent  remis,  sous  prétexte  de  les  envoyer  à 
l'arrière,  plus  loin  du  front  ;  d'abord  à  \aienciennes  ou  à  Mau- 
beuge,  puis  à  Bruxelles.  11  paraît  légitime  d'espérer,  il  est 
probable  que  les  richesses  enlevées  dans  ces  conditions,  d'une 
manière  relativement  régulière,  seront  recouvrées  un  jour  : 
bientôt. 

«  D'autre  part,  les  Allemands,  dans  les  villes  comme  Douai  et 
Cambrai,  se  sont  livrés  pendant  l'intervalle  de  temps  compris 
entre  l'évacuation  de  la  population,  ordonnée  par  eux,  et  leur 
propre  départ,  à  des  actes  d'un  caractère  difFérenl  :  au  pillage 
proprement  dit,  à  ce  pillage  méthodique  dont  je  parlais  tout  à 
l'heure  ;  pillage  total,  évidemment  terminé  par  une  orgie  de 
vols   ad  libitum    par   les  officiers  et  les  soldats;  bref,  la  mise  à 

1918  26 


;l?S  SEANCE    DU    N    iNOVEMBHlî    JOJS 

sac  du  bon  \  ieux  temps  qui  consisle  à  einporler  Loul  ce  qui  phît 
cl  à  briser  loul  ce  qu'on  n'emporte  pas  :  coups  de  sabre  dans  les 
tableaux  et  de  revolver  dans  les  glaces. 

M  On  lit  dans  une  proclamation  du  j^cnéral  V.  lîcMirab  aux 
habitants  de  Lille,  du  15  octobre  101 1,  dont  j'ai  là  un  exem- 
plaire :  <(  La  guerre  n'étant  faite  qu'entre  les  armées,  je  garantis 
en  bonne  forme  la  propriété  privée  de  tous  les  habitants.  .  .  » 
«  I']n  bonne  forme  »,  Messieurs.  —  Or,  en  septembre-octobre 
1918,  les  douze  cents  habitants  de  Douai  réfugiés  à  Saint-Amand 
ont  vu  passer  pendant  des  semaines^  par  le  canal,  —  en  prove- 
nance de  Douai,  en  route  pour  l'Allemagne,  —  des  théories  de 
ces  grandes  péniches  qu'on  appelle  bélandres,  chargées  jusqu'au 
plat  bord  de  leurs  propriétés  collectives  et  privées. 

((  S'il  y  a  des  chances  pour  que  les  objets  enlevés  à  Douai  lors 
des  premiers  prélèvements,  relativement  réguliers,  soient  bientôt 
remis  à  leur  place,  il  n'en  est  pas  de  même,  c'est  clair,  de  ce 
qui  a  disparu  lors  du  pillage  libre  et  complet  de  septembre- 
octobre  1918.  Il  y  a  donc  lieu  de  dresser  d'une  manière  pré- 
cise l'inventaire  des  manuscrits  qui  ont  été  enlevés  d'abord;  de 
ceux  qui  l'ont  été  ensuite  dans  les  conditions  absolument  arbi- 
traires, criminelles  et  anachroniques  que  j'ai  dites  ;  et  enfin  de 
ceux  qui  sont  encore  là  parce  qu'ils  ont  été  oubliés  et  dédaignés. 
Des  états  de  cette  nature  seront  incessamment  établis,  sous  ma 
direction,  par  des  hommes  du  métier  ;  et  ils  seront  publiés. 

«  lisseront  établis,  naturellement,  à  Cambrai  comme  à  Douai, 
et  partout  où  cela  sera  nécessaire,  au  fur  et  à  mesure  du  recul 
de  l'invasion.  Je  n'ajouterai  qu'un  fait  relatif  à  Cahibrai.  Dans 
cette  ville,  le  feu  a  été  mis  par  l'ennemi  aux  archives  munici- 
l)ales  ;  on  avait  eu  la  précaution,  pendant  l'occupation,  de  les 
descendre  en  partie  dans  les  caves  'de  l'Hôtel  de  Ville  ;  or, 
ces  caves  sont  maintenant  vides,  et  le  sol  du  rez-de-chaussée  et 
delà  cour  de  ce  grand  édifice,  qui  a  été  aussi  délibérément 
qu'inutilement  incendié,  est  couvert,  par  endroits,  d'une  couche 
épaisse  de  cendres  qui  sont' des  cendres  de  papiers;  et  il  est 
facile  de  voir,  par  quelques  fragments  qui  n'ont  pas  été  entière- 
ment consumés,  que  ces  papiers  appartenaient  aux  archives 
municipales. 

«  Messieurs,  il  y  a,  parmi  bien  d'auti-es,  une  grande  dillerence 
entre  cette  guerre-ci   et  les   guerres  du  passé.    Les  guerres  du 


kËÀNCE    DU    8    NOVKMBhlî    IDIS  379 

piissé  oui  eu  lieu  eu  des  temps  où  les  traces  des  évéïiemenls  en 
général  et  des  crimes  en  particulier  disparaissaient  vite  ;  le  sou- 
venir de  la  plupart  des  pires  excès  s'elfaçait  bientôt  ;  la  vicloire 
couvrait   tout    et  la   vie  continuait.    Mais  cette  guerre-ci,   dont 
rissue  ne  sera  pas  du  reste  celle  qui  était  naïvement  escomptée 
par  nos  agresseurs,  a  eu  lieu  dans  un  âge  de  publicité  et  de  cri- 
tique. Tout  ou  presque  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  quatre  ans 
a  été  ou  sera  noté,    recueilli,  prouvé,  étalé  au  soleil  de  manière 
à  ce  que,  quand  même  quatre-vingt-treize  professeurs  et  savants 
ridiculement   alVublés  du    titre  d'Excellenz,    ou    aspirant   à    en 
jouir,  déclareraient  encore,  sans  en  rien  savoir  :  «  Ce  n  est  pas 
vrai  »,  nul  ne  les  prendrait  au  sérieux.  Ces  circonstances,  carac- 
téristiques du  monde  moderne,  sont  assurément  fâcheuses  pour 
quiconque  a  commis,  dans  le  conflit  qui  tire   à  sa  fin,  des  actes 
délictueux  ou  déshonorants  ;  car  ces  actes  ne  seront  pas  étouffés 
et  couverts,  c'est-à-dire  amnistiés,  comme  aux  siècles  passés,  par 
les    forces    invincibles   de    l'ignorance  et  de    l'oubli.  Mais  qu'y 
faire  '?  Tant  mieux  pour  qui  n'a  rien  à  perdre  à  ce  que  la  vérité 
soit  connue.  —  Je  tenais  simplement  à  assurer  l'Académie  que, 
en  ce    qui  concerne  les   documents  historiques,  matière  de  ses 
études,  rien  n'est  et  ne  sera  négligé  pour  que  les  destructions  qui 
ont  eu  lieu   soient  constatées,  et  pour  que  les  responsabilités  à 
ce  sujet    soient  rigoureusement  définies.  » 

M.  Salomon  Reinach  présente  à   l'Académie  une   parure  dé- 
couverte en  1899  dans  un  sarcophage  de  Jérusalem  '. 
M.  Clermont-Ganneau  présente  quelques  observations. 

M.  Antoine  Thomas  fait  la  communication  suivante  : 
«  Au  mois  de  janvier  1913,  j'ai  eu  le  plaisir  de  découvrir  à  la 
Bibliothèque  nationale  et  de  signaler  dans  cette  enceinte 
quelques  phrases  en  langue  bretonne  écrites,  vers  1350,  sur  un 
exemplaire  du  Spéculum  historiale  de  Vincent  de  Beau  vais;  ces 
phrases  étaient,  et  restent  à  l'heure  actuelle,  les  plus  anciens 
textes  suivis  en  moyen-breton  qui  nous  soient  parvenus"-. 

1 .  Voir  ci-après. 

2.  Voir  nos  Comptes  rendus,  séance  du  27  janvier  1013,  p.  23-26.  et 
séance  du  3  octobre  suivant,  p.  482.  En  1911,  M.  Ernaull  est  revenu  sur 
cette  découverte  dans  un  article  intitulé  :  «  Notes  sur  les  textes  d'Yvonet 
Omnes  »  {Revue  celtique,  t.  XXXV,  p.  129-112). 


380  SÉANCE    DU    8    NOVEMBRE    1918 

u  [iiie  bonne  l'ortune analogue  vient  encore  de  ni'arriver,  et  je 
niempresse  de  la  porter  à  la  connaissance  de  lAcadénue.  Notre 
rej^retté  correspondant,  le  P.  Henri  Denille,  a  publié,  en  1889, 
un  important  article  intitulé  :  «  Quellen  zur  Gelehrtengeschichtc 
des  Garmelilenordens  im  13  und  14  Jahrhundert  '  »,  article  dont 
les  matériaux  proviennent  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de 
l'Université,  à  la  Sorboune,  lequel  porte  aujourd'hui  le  n°  791  -, 
En  tête  du  manuscrit  se  trouve  la  règle  de  l'Ordre  des  Carmes', 
copiée  par  le  scribe  Henri  Dahelou,  du  diocèse  de  Quimper,  et 
datée  de  1360.  Le  texte  est  suivi  d'un  explicit  de  cinq  lignes, 
dont  le  P.  Denille  a  publié  la  partie  latine,  ainsi  conçue  •'  : 

Explicit  régula  fralrum  Beale  Marie  de  Carmelo  ||  pro  couvenlu 
Xeniaiisi,  <juain  fecit  scribi  frater  ||  Johannes  Trisse,  filius  predicli 
conventus,  per  Henri- ||cum  Dahelou,  clericum  Corisopitenfsis] 
dyoc(esis],  aiuio  .lx".  ||  Anima  scriptor[is] -^  requiescat.  Amen. 

«  Le  P.  Denille  s'est  arrêté  au  mot  Amen,  mais  il  a  eu  soin 
de  prévenir  le  lecteur  que  le  manuscrit  donnait  quelque  chose 
de  plus;  il  l'a  fait  en  ces  termes  :  «  Den  Schluss  bilden  mehrere 
unverstandliche  Worle.  »  Sachons-lui  gré  de  sa  conscience,  si 
nous  ne  pouvons  le  féliciter  de  sa  perspicacité.  Il  n'était  pas 
téméraire  de  conjecturer  qu'il  y  avait  du  breton  sous  roche, 
puisque  le  scribe  nous  avait  fait,  au  préalable,  connaître  sa 
patrie.  Jai  pu  m'assurer  que  cette  conjecture  était  fondée  en 
examinant  le  manuscrit  aussitôt  que  j'ai  eu  connaissance  de  la 
remarque  du  P.  Denifle.  Voici  donc  ce  nouveau  texte  en  moyen- 
breton,  malheureusement  très  court  : 

^vej)  lia  ra    m;d  lier  dru   f/uieli  dczn. 

«   Notre  correspondant,  M.  «loseph    Lolh,  professeur  au   Gol- 

1.  Archiv  fur  Lilleratur- und  Kircliengeschichle  des  MiLlcUillers,  L.  V, 
p.   36D-.386. 

2.  Jadis  colé  «  T[héolog:ie],  II,  70.  »  Ce  manuscrit  est  entré  à  la  Sorbonuc 
avec  les  livres  du  doyen  Victor  Le  Clerc,  qui  l'avait  acheté,  le  15  mars  186  i. 
à  Le  Roux  de  Lincy. 

3.  Archiv  cité,  t.  V,  p.  36S. 

4.  Le  P.  Denifle,  se  méprenant  sur  la  valeur  de  Tabrévialion,  lit  : 
scriplorum. 


SÉANCE    DU    8    NOVEMBRE    1918  381 

lèg-e  de  France,  à  la  science  duquel  j'ai  dû.  naturellement,  avoir 
recours,  a  bien  voulu  me  fournir  la  traduction  suivante,  en  se 
réservant  de  présenter  directement  au  jDublic  les  observations 
fi^rammaticales  auxquelles  le  texte  peut  donner  lieu  : 

«  Quiconque  ne  fait  pas  bien,  sus  à  lui  tant  que  tu  pourras.  » 
En  somme,  sous  forme  impérative,  le  scribe  breton  pense  que 
la  force  doit  appuyer  le  droit  jusqu'au  bout,  pensée  qui  ne 
manque  pas  d'actualité. 

(.  On  voit  que  Henri  Dahelou  est  plus  grave  que  son  compa- 
triote Ivonet  Omnès,  le  copiste  du  Spéculum  historiale.  Sans 
souci  de  la  morale,  au  moins  quand  il  écrivait,  le  bon  Ivonet  lais- 
sait sa  plume  vagabonder  des  panais  et  des  fouaces,  convoités 
pour  son  déjeuner,  aux  yeux  bleus  de  sa  gentille  petite  amie 
entrevus  sous  la  feuillée.  Mais  ce  n'est  ni  le  moment  ni  le  lieu 
de  philosopher  sur  l'âme  bretonne.  Il  importe,  en  revanche, 
d'établir,  contrairement  à  ce  qui  a  été  avancé,  que  notre  texte  est 
bien  de  1360,  comme  la  première  partie  de  Yexplicil.  Le  P. 
Denifle  affirme  que  la  cinquième  ligne,  qui  commence  par  le  mot 
latin  anima,  et  finit  par  le  mot  breton  dezo,  est  d'une  écriture 
postérieure.  »  Ce  n'est  pas  mon  sentiment.  Si  la  cinquième 
lig-ne  est  écrite  avec  une  encre  plus  pâle,  en  caractères  beaucoup 
plus  petits  et  d'une  allure  moins  gothiquement  solennelle  que 
les  quatre  premières,  elle  est  de  la  main  même  du  scribe  Henri 
Dahelou. 

.  «  Une  dernière  remarque,  au  sujet  du  lieu  où  notre  manuscrit 
a  été  exécuté  :  je  ne  crois  pas  que  ce  soit  à  Nîmes.  Frère  Jean 
Trisse,  fils  du  couvent  de  Nîmes,  est  aussi  un  fils  de  l'Université 
de  Paris  :  c'est  à  Paris  que  nous  le  trouvons,  le  7  décembre  1362. 
jour  où  il  était  sur  le  point  de  se  voir  conférer  la  licence  etdètre 
admis  à  la  maîtrise  à  la  faculté  de  théologie'.  C'est  sûrement  à 
Paris  que  résidait  le  scribe  Henri  Dahelou  et  que  le  manuscrit 
791  a  été  exécuté-.  Ce  manuscrit  a  longtemps  servi  à  l'édifica- 
tion et   à  l'instruction  des  Carmes   du  couvent   de   Nîmes,  qui 


1.  Denifle  et  Châtelain,  Chartularium,  t.    III.   n^ISfiS:  cf.  Archiv  cilé, 
t.  V,  p.  385'. 

2.  Tout  le  manuscrit  est  de  sa  main,  et  on  lit  au  fol.  4  :  o  Incipit  Marti- 
logium. . .  quod  fecit  fieri  Parisius  frater  Johannes  Trisse. . .  » 


3S2  im:  parure  découverte  a  Jérusalem 

r.Mil  utilisé  en  j^uise  crobiluaire.  Je  ne  s;iurais  dire  par  quelle 
voie  il  était  arrivé  aux  mains  de  Le  Roux  de  Mncy,  qui  le  vendit 
à  \*ic-lor  Le  Clerc':  mais  puisqu'il  lui  a  fallu  énii-^rer,  leliciloiis- 
nous  quil  soil  revenu  à  son  point  de  départ.  Il  n'y  a  plus  de 
faculté  de  théoloj^ie  à  TUniversité  de  Paris  depuis  que  celle-ci  a 
repris  son  nom  et  retrouvé  son  ancien  prestige;  mais  ce  manu- 
scrit n'estpas  un  intrus  dans  la  nouvelle  Sorbonne,  car  la  théo- 
logie y  lient  encore  beaucoup  de  place,  au  moins  sur  les  rayons 
de  la  bibliothèque.    » 


COMMUNIGAÏION 


UNE     PARURE    DÉCOUVERTE    A    JÉRUSALEM, 
PAR   M.    SALOMOM    REINAGH,    MEMBRE    DE    L  ACADÉMIE. 

Les  bijoux  que  voici,  avant  d'être  présentés  à  TAca- 
démie,  ont  attendu  dix- neuf  siècles  dans  un  sarcophage,  et 
puis  dix-neuf  ans  dans  un  coffre-fort.  Le  premier  stage  leur 
fut  imposé  par  un  hasard  tutélaire,  le  deuxième  par  des 
motifs  de  discrétion.  Ils  retrouvent  aujourd'hui,  avec  la 
lumière,  letat  civil  qui  fait  leur  principal  intérêt.  Voici  un 
résumé  des  témoignages  qui  attestent  que  cette  parure  a 
bien  été  découverte  à  Jérusalem  et  les  circonstances  oi^i  elle 
a  pour  la  première  fois  revu  le  jour. 

Au  Nord-Ouest  de  la  ville,  à  gauche  de  la  route  qui  mène 
à  Jalfa  et  à  1.500  mètres  environ  de  l'ancienne  cité, 
s'élève  l'École  de  travail  de  l'Alliance  israélite,  fondée  en 
1882.  Le  29  décembre  1899,  en  creusant  les  fondations  de 
magasins,  on  découvrit  là  une  petite  nécropole  composée  de 
({uatre   sarcophages    en  pierre    blanche    à  grain    fin,   telle 

1.  Vicloi-  Le  Clerc  a  eu  le  manuscrit  k  sa  disposition  avant  de  Tacheter, 
car  il  le  cite  dès  1862  (Ilist.  lia,  de  la  France,  XXlV.  69  el  70\ 


UNE  PARURE  DÉCOUVERTE  A  JÉRUSALEM         383 

qu'il  en  existe  seulement  dans  les  carrières  de  Bethléem  et 
de  Bettir.  Le  R.  P.  Lagrang-e,  immédiatement  prévenu, 
put  assister  k  la  fouille,  dont  un  plan  et  une  coupe,  dressés 
avec  beaucoup  de  soin,  ont  conservé  le  souvenir.  Deux  des 
sarcophages  avaient  été  violés  et  brisés  ;  ils  ne  contenaient 
que  peu  d'ossements.  Un  troisième,  avec  les  restes  d'un 
squelette  d'homme,  avait  été  vidé  [)ar  une  ouverture  pra- 
tiquée dans  le  flanc.  Le  quatrième  sarcophage, où  reposait 
un  squelette  de  femme,  était  heureusement  intact.  Les 
bijoux  qu'on  y  recueillit  furent  soustraits  à  la  curiosité 
des  fonctionnaires  turcs  et  aux  périls  que  le  voyage  de 
Gonstantinople  présentait  pour  des  objets  de  ce  genre,  trop 
souvent  condamnés  à  finir  dans  le  creuset.  Apportés  à 
Paris,  ils  y  ont  été  conservés  comme  je  l'ai  dit,  dans 
l'attente  du  jour  où  il  serait  loisible  de  les  faire  connaître 
sans  inconvénient. 

Voici  la  liste  de  ces  objets  : 

1"  Deux  morceaux  d'un  long  bandeau  d'or  non  décoré, 
probablement  un  diadème;  l'un  d'eux  est  percé,  à  une 
extrémité,  d'un  petit  œillet; 

2"  un  bouton  d'or  estampé,  orné  d'une  tête  de  Méduse 
encadrée  d'un  double  grènetis  ; 

3"  un  collier  d'or  avec  fermoir,  comprenant  deux  grenats 
oblongs  sertis  d'or  et  vingt-six  grenats  taillés  en  double 
cône  aplati.  Ce  sont  des  grenats  syriens  ; 

4°  une  pendeloque  en  or,  ajustée  au  dit  collier,  com- 
posée d'un  cercle  d'or  auquel  sont  attachées,  par  des  an- 
neaux d'or,  cinq  amulettes,  à  savoir  :  1"  une  clef;  2°  une 
longue  amphore  k  deux  anses,  terminée  en  pointe  ;  li"  un 
panier  [kalathos]  ;  i"  une  lampe  avec  son  couvercle  non 
mobile  ;  5°  un  fruit  ouvert,  grenade  ou  pavot.  Ces  petits 
objets  sont  fort  intéressants  ;  leur  destination  funéraire  est 
évidente  ;ils  mériteraient  une  étude  dont  ce  n'est  pas  ici  le 
lieu  ; 

5*  une  bague  en  or  avec  chaton  d'agathonyx   gravé   en 


PARUrtK  r)i:(:(»uvKRTF  a  jkrisalem 


UNE    PARURE    DÉCOUVERTE    A    JÉRUSALEM  385 

creux  ;  la  i^ravure  représente  une  tête  imberbe  de  profil  à 
gauche,  d'un  très  bon  style,  avec  longue  chevelure  tlottante 
(probablement  Dionysos)  ; 

6°  trois  fragments  d'un  très  petit  vase  d'argent; 

1°  un  fragment  de  poterie  rouge  mate. 

Les  caractères  de  ces  objets  sont  exclusivement  gréco- 
romains  ;  sauf  les  grenats,  d'ailleurs  en  usage  un  peu  par- 
tout dans  le  monde  antique,  il  n'y  a  rien  qui  rappelle  la 
Syrie.  La  date  approximative,  très  voisine  de  notre  ère,  est 
lixée  par  trois  indices  :  1°  la  forme  du  sarcophage,  assez 
fréquente  en  Syrie.  Dès  1900,  alors  que  je  publiai,  dans  la 
Bévue  archéologique,  une  note  sur  la  découverte  de  ces 
tombes,  ^L  Glermont-Ganneau  fit  observer  que  ce  type  de 
sarcophage  était  bien  connu  à  Sébaste.  Or  la  prospérité  de 
Sébaste  date  seulement  d'Auguste,  qui  céda  cette  ville  à 
Hérode  le  Grand  et  lui  donna  son  nom,  traduction  grecque 
à' Augusia  ;  2°  le  style  de  l'intaille,  qui  est  excellent  et  très 
supérieur  à  celui  des  objets  de  ce  genre  après  l'époque  des 
premiers  Césars;  3°  le  type  de  la  lampe  à  couvercle,  qui 
est  également  assez  ancien. 

On  peut  supposer  que  ces  quatre  sarcophages  ont  abrité 
les  restes  des  membres  d'une  famille  romaine,  probable- 
ment de  hauts  fonctionnaires,  qui  habitaient  une  villa  à 
l'Est  de  Jérusalem. 

Je  crois  bien  que  ces  bijoux  sont  les  premiers  objets  de 
ce  genre  qui  aient  été  recueillis  aux  environs  immédiats  de 
la  Ville  Sainte,  ou  du  moins  dont  on  puisse  affirmer  qu'ils 
y  ont  été  découverts.  Le  manuel  des  antiquités  palesti- 
niennes, publié,  en  1913,  par  M.  Pierre  Thomsen,  ne  men- 
tionne aucune  trouvaille  de  bijoux  ;  ceux  qu'on  a  pu 
exhumer  des  nécropoles  suburbaines  ont  dû  être  portés 
aussitôt  chez  le  fondeur. 

Si  la  valeur  intrinsèque  et  artistique  de  cette  petite  col- 
lection n'est  pas  élevée,  elle  n'en  offre  pas  moins  un  intérêt 
réel  à  cause  de  sa  provenance  bien  établie.  L'Alliance  israé- 


,S8f)  LITRES    OFFERTS 

lile  ma  autorisé  à  eu  faire  don  de  sa  part  au  Musée  du 
Louvre  qui  est  le  seul  à  posséder,  grâce  à  M.  de  Saulcy,une 
salle  spéciale  pour  les  antiquités  de  la  Palestine.  Mais  ce 
motif,  d'ordre  tout  scientifique,  n'est  pas  le  principal.  En 
ces  jours  où  la  justice  et  la  paix  se  réconcilient  — jusfitia 
etpaxosciilatâesant,  comme  dit  le  PsalmisLe,  —il  convient 
que  la  vieille  Sion,  libérée  à  son  tour,  olîre  à  ses  libéra- 
teurs l'unique  parure  que  de  longs  siècles  de  barbarie  et 
de  servitude  ont  épargnée. 


LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrag-es  pério- 
diques suivants  : 

Ch.  Burton.  De  V antiquité  de  l'alphabet  phénicien; 

Johannes  Steenstrup.  De  Danske  Stednavne. 

—  Moengs  ogkvinders  navne  ;  Danmark  gennem  siderne. 

Den  Danske  kvinds  historié  fra  Holhergs  tid  til  vor  1701-1917  ; 

(Copenhague,  1918)  ; 

Annales  du  commerce  extérieur.  Année  1913,  4»  fasc.  (Paris,  Imp. 

nal.,  1913); 

Proceedings  of  the  American  Philosophical  Society.  Vol.  Vil,  1918, 
n»  4  (Philadelphia,  1918).  American  Journal  of  Archœologij ,  Second 
séries.  Vol.  XXII,  n"  .3,  July  Seplember  1918  (Concord,  N.-H.,  1918). 

The  University  of  CaliforniaChrojiicle.  Vol.  XIX,  n»^  1,  2,  3,  4  et 
Index.   Année  1917  ; 

University  of  California  publications  :  Classical  Philology  :  vol.  4. 
Nôv.  28,  1917  :  Lucretius.  —  American  archteology  :  vol.  12,  n°*  8, 
9,  10  el  11;  vol.  13,  n°  1  (1917).  —  Botany  :  vol.  6,  n°^13  et  14  (1917). 
—  Agricultural  Sciences,  vol.  1,  n"^  13  et  14  ;  vol.  3,  n°^  1  à  5  (1917). 
Collège  of  agriculture— Agricultural  experiment.  Station  Berkeley, 
Cal.    13  Bulletins,    n»^  277  à  289,  mars-déc.  1917. 

M.  Héron  de  Villefosse  dépose  sur  le  bureau,  de  la  part  du 
comte  de  Seyssel,  une  brochure  intitulée  Fouilles  archéologiques  de 
Saint-Champ  en  1909  (extr.  de  la  Bévue  Le  Bugey,  1910)  : 

((jjM.|de  Seyssel  a  exécuté  ces  fouilles  àsesfraissur  la  commune  de 
Saint-Ghamp-Chatonod,{cantonde  Belley  (Ain);  elles  ont  eu  lieu  exac- 
tement près  de  la  mairie  et  du  groupe  scolaire,  bâtis  à  égale  distance 


LIVRES    OFFERTS  387 

des  deux  ag-fjloiuérations.  Son  mémoire  est  accompagné  de  deux 
planches,  dont  l'une  présente  le  plan  d'une  maison  romaine  et  dont 
l'autre  offre  les  reproductions  de  la  nianjiiL-  <Iu  plombier  Maiiilhix 
et  de  l'estampille  d'un  poids  de  terre  cuite  trouvée  à  Vieu-tMi-\'al- 
romey.  » 

M.  Clermont-Ganniîau  a  la  parole  pour  un  hommage  : 
«J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  de  la  part  de  l'auteur,  M.  Blo- 
ciiet,  bibliothécaire  au  Département  des  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  un  fascicule  de  la  Patrologia  Orientâlis  (t.  XII, 
fasc.  3)  contenant  une  curieuse  chronique  arabe  rédigée  par  un  chré- 
tien copte  du  xiv«  siècle,  Moufazzal  ibn  Abil-Faza'il  * . 

<(  Cette  chronique,  qui  fait  suite  à  celle  d'El-Makin,  s'étend  de 
l'an  1260  à  l'an  1349;  elle  constitue  un  chapitre  nouveau  de  cette 
histoire  des  sultans  mamlouks,  dont  M.  Blochet,  à  la  suite  de  Qua- 
tremère,  a  entrepris  depuis  nombre  d'années,  de  poursuivre  l'étude, 
en  puisant  directement  aux  sources  originales  ^.  Le  texte  arabe, 
|)ublié  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale,  est  accom- 
pagné il'une  traduction  française  et  de  notes  abondantes,  témoignant 
d'une  vaste  érudition  dont  l'étendue  rappelle  celle  de  l'illustre 
orientaliste  qui  semble  avoir  servi  de  modèle  et  de  guide  à  son 
continuateur.  M.  Blochet  a  fait  précéder  sa  traduction  d'une  savante 
introduction  où  il  retrace  à  grands  traits,  à  laide  d'autres  données 
tant  orientales  qu'occidentales,  le  tableau  de  celte  période  qui 
marque  le  déclin  et  la  fin  de  la  domination  franque  en  Terre  sainte 
et  en  Syrie.  Il  y  met  particulièrement  en  lumière  ces  singulières 
tractations  des  Croisés  et  des  Mongols  de  Perse  qui,  à  plusieurs  re- 
prises, essayèrent  de  s'allier  pour  détruire  la  puissance  des  Mam- 
louks, tractations  cpii  se  prolongèrent  même  après  la  chute  du 
royaume  latin,  comme  le  montre  la  correspondance  de  l'empereur 
mongol  Arghoun  avec  Philippe  le  Bel,  Edouard  II  d'Angleterre  et  le 
pape  Nicolas  IV.  Ne  fût-ce  qu'à  ce  titre,  notre  Compagnie  ne  saurait 
qu'accueillir  favorablement  le  nouveau  document  dont  nous  devons 
la  connaissance  et  la  mise  en  œuvre  à  l'initiative  de  M.  Blochet,  car 
il  rentre  tout  naturellement  dans  le  cadre  oriental  de  notre  Recueil 
des  historiens  ries  Croisades,  doni  la  |)ublication  est  depuis  trop  long- 
temps en  souffrance.  » 

1.  Mnufazzal  ibn  Abil-Fftzn'i'l,  Histoire  des  siiltAns  m.imloukx,  te.xtc  arabe 
Ijulilië  et  tratluil-en  français,  par  K.  Bloohet  :  1"  partie,  2()S  pp.  ^i\  in-S". 
Paris.  1917. 

2.  B\ochel,  Histoire  d'Ale/j  de  Kemâl  ed-dîn,  traduite  de  l'arabe  et  an- 
notée (1900)  :  Histoire  d'hgypte.  de  .Makrîzi.  traduite  de  l'afabe  et  anrtoléé 
(1008), 


388 

SÉANCE    DU    15    NOVEMBRE 


PKKSIDENCE     IW.    M.     PAUI.    GIRARD,     VICE-PRKSIOKNT. 

Il  est  donné  lecture  des  lettres  de  candidatures  de 
MJNl.  Bémont,  Mâle  et  Michon,  pour  la  place  de  membre  ordi- 
naire laissée .  vacante  par  le  décès  de  M.  Bakth  ;  et  de 
M.M.  Dorez,  Lejay,  Loth,  Martha,  Bénédite  et  \'ernes,  pour 
la  place  de  membre  ordinaire  devenue  vacante  par  la  mort  de 
M.  G.  Maspero. 

Le  Président  de  l'Institut  égyptien  fait  connaître  que  cette 
Société  savante  prend  le  titre  d'Institut  d'Egypte,  reprenant 
l'appellation  de  la  première  Société  scientifique  établie  sur  les 
bords  du  Nil  par  Bonaparte. 

Le  Président  prend  la  parole  en  ces  termes  : 

«   Mes  chers  Confrères, 

«  Une  grande  joie  nous  est  venue,  et  une  grande  fierté,  depuis 
notre  dernière  séance;  la  date  du  lundi  11  novembre  1918  res- 
tera l'une  des  plus  mémorables  de  l'histoire  de  notre  pays,  et 
jose  dire  du  monde.  Ce  jour  en  eifet  a  mis  tin  virtuellement 
à  la  dure  et  sanglante  épreuve  que  longtemps  nous  désignerons 
par  ces  mots  significatifs,  en  souvenir,  moins  de  sa  durée  que 
de  son  caractère  inouï  de  violence  et  de  l'immense  théâtre  qu'elle 
a  couvert  de  ruines  et  de  misère  :  la  Grande  Guerre. 

«  Avec  quelle  impatience  nous  l'attendions,  cette  signature 
de  l'armistice  imposé  par  nos  victoires  à  notre  ennemi  partout 
refoulé  !  Mais  c'était  une  impatience  intérieure,  comme  l'espé- 
rance dont  nos  cœurs  étaient  gonflés.  Qui  n'a  pas  vu  Paris  en 
ces  jours  d'attente  silencieuse,  a  perdu  un  charmant  spectacle. 
Il  gardait  sa  figure  de  capitale  de  guerre,  son  aspect  sombre, 
éteint,  des  nuits  de  raids  d'avions,  mais  son  bonheur  perçait  en 
dépit  de  tout.   On  allait  par  les  rues  noires,  où  de  petites  veil- 


SÉANCE    DU    15    NOVEMBRE    1918  389 

leuses  bleues  ponctuaient  les  ténèbres  de  lueurs  timides,  et  l'on 
mettait  le  pied  dans  les  trous  sans  maugréer,  même  avec  allé- 
g;resse.  Les  théories  de  ménag'ères  aux  portes  des  magasins 
stationnaient  plus  dig'nes  dans  leur  résignation  coutumière  ;  un 
lég"er  redressement  du  torse  chez  les  passants  que  Ton  croisait, 
plus  d'assurance  dans  le  port  de  la  tête,  jusqu'au  mutisme  des 
acheteurs  de  journaux,  dépliant  leur  feuille  et  la  dévorant  des 
veux  sans  un  mot  de  commentaire,  tout  parlait,  tout  disait  : 
.Nous  sommes  vainqueurs.  Et  puis  un  beau  matin,  au  bruit  des 
canons  et  des  cloches,  les  drapeaux,  tout  d'un  coup,  flottèrent 
aux  fenêtres  dans  l'air  joyeux.  Ce  fut  un  jour  inoubliable  de 
promenades  à  travers  la  cité  renaissante,  de  congratulations,  de 
chants,  d'hommages  aux  statues  des  villes  libérées,  ou  qui  le 
seront  bientôt  ;  toute  cette  ardeur  de  sensibilité  qui  ne  s'était 
guère,  depuis  plus  de  quatre  ans,  dépensée  que  pour  la  douleur, 
s'échappait  enfin,  débordante,  pour  la  joie. 

«  Mes  chers  Confrères,  associons-nous  rétrospectivement  de 
toute  notre  âme  à  ces  manifestations  touchantes,  et  complétons- 
les  par  l'expression  de  notre  reconnaissance.  Le  sang  cessant  de 
couler  sur  nos  champs  de  bataille,  nos  régions  envahies  remises 
entre  nos  mains,  nos  provinces  perdues  occupées  demain  par 
nos  troupes  victorieuses,  tant  de  gloire,  tant  d'espérances  que 
ne  peut  manquer  de  confirmer  la  paix  définitive,  voilà  ce  que 
nous  devons  à  nos  soldats  et  à  leurs  chefs,  à  celui,  surtout, 
dont  l'incomparable  maîtrise  dans  l'art  de  la  guerre  nous  a  valu, 
en  quelques  mois,  cet  éclatant  triomphe,  \engeur  du  passé.  Que 
notre  reconnaissance  aille  encore  au  grand  homme  d'État,  au 
ministre  patriote  qui  lui  a  confié  la  formidable  et  sainte  mission 
de  nous  affranchir  en  sauvant  le  pays,  et  que  le  Parlement 
unissait,  il  y  a  quelques  jours,  au  maréchal  Foch  dans  le  plus 
bel  hommage  qu'une  nation  puisse  rendre  à  l'un  de  ses  citoyens. 
Qu'elle  aille  enfin  à  ce  peuple  de  France,  si  patient  et  si  ferme 
dans  son  admirable  effort,  si  haut  dans  le  sacrifice,  si  dévoué 
dans  l'accomplissement  du  quotidien  et  obscur  devoir.  Il  n'y  a 
plus  aujourd'hui  de  «  bons  Français  »,  comme  on  l'a  dit  ou 
écrit  trop  souvent.  Il  n'y  a  plus  que  des  «  Français  »,  et  c'est  la 
France  tout  entière  qui,  elle  aussi,  a  bien  mérité  de  la  pairie. 

«  Vive  la  France  !  » 


300  SÉANCE    DU    'iî)    NOVEMRRIO    19^8 

Le  Président  annonce  ensuite  que  le  SecM'élaire  perpeUiel,  ntl 
lendemain  de  l'élection  du  maréchal  Foch  à  rAcadéniic  des 
sciences,  lui  a  adressé,  au  nom  de  notre  Académie,  une  lettre  de 
lelicitations. 

L'Académie  ratifie  par  un  vote  unanime  l'initiative  du  Secré- 
taire perpétuel  et  s'associe  à  riiommage  rendu  à  notre  glorieux 
confrère. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  le  Président  fait  con- 
naitre  que  l'Académie  a  voté  une  adresse  à  M.  (ieorges  Cle- 
menceau et  à  M.  le  maréchal  Foch,  aux  généraux,  aux  odiciers 
et  aux  soldats  des  armées  de  terre,  de  mer  et  de  l'air,  et  qu'elle 
envoie,  en   outre,  à  S.  M.  le  Roi  d'Italie  le  télégramme  suivant  : 

u  Les  membres  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
de  l'Institut  de  France,  réunis  en  séance  le  15  novembre  1918, 
ont  l'honneur  et  la  joie  d'adresser  à  leur  royal  confrère,  S.  M. 
Victor-Emmanuel  III,  le  respectueux  hommage  de  leurs  félici- 
tations pour  la  libération,  grâce  au  glorieux  succès  de  ses  armes, 
des  territoires  de  Trente  et  de  Trieste.  » 

M.  II. -François  Delaborde  donne  lecture  de  la  notice  qu'il  a 
consacrée  à  la  vie  et  aux  tra\aux  de  M.  Paul  Viollet,  son  pré- 
décesseur à  l'Académie. 


LIVRES    OFFERTS 


Le  Sechktaire  perpétuel  dépose  suiTe  bureau  :  le  l'ascicule  de  mai- 
juin  1918  des  Comptes  rendus  de  l'Académie  ; 

London  bniversily  Gazette,  vol.  XMII,  n"  294  (with  Supplément"; 

Journal  of  Ihe  Royal  Inatilule  of  Brilish  Archilects,  ^'oL  XXV, 
third  Séries,  n"  12,  october  1918. 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE 

DU  VENDREDI  22  NUVEiMBRE  1918 
PRÉSIDÉE   PAR 

M.    PAUL    GIRARD 

VICE-PRÉSIDENT 


DISCOURS    DU    PRÉSIDENT 


Messieurs, 

Votre  pensée  est,  j'en  .suis  sûr,  loin  d'ici;  elle  est  dans 
nos  chères  provinces  de  l'Est,  enfin  rendues  à  la  France.  Le 
voilà  donc  réalisé,  ce  rêve  qui  nous  hantait  depuis  quarante- 
sept  ans  !  LTn  de  mes  prédécesseurs,  M.  Emile  Châtelain, 
vous  faisait  cet  aveu  au  début  de  son  discours  :  «  Mes- 
sieurs, c'est  un  pénible  honneur  de  présider  votre  séance 
publique  en  1914.  »  Quelle  joie  pour  moi,  et  quelle  fierté 
d'avoir  à  m'acquitter  de  la  tâche  qui  lui  semblait  si 
lourde,  quand  je  pense  que  le  drapeau  tricolore  flotte  sur 
nos  villes  d'Alsace  et  de  Lorraine,  et  que  rien  ne  pourra 
désormais  l'en  arracher  !  Nous  ne  témoignerons  jamais 
assez  notre  reconnaissance  à  ce  peuple  fiei"  et  fidèle,  resté 
si  français  sous  la  dure  contrainte  d  un  maître  incapable  de 
le  comprendre.  C'est  à  sa  fidélité,  solennellement  attestée 
au  lendemain  de  nos  défaites,  que  nous  devons  aujour- 
d'hui le  miracle  de  sa  libération.  C'est  aussi,  est-il  besoin 
de  le  dire?  à  nos  soldats  héroïques  et  à  ceux  de  nos  Alliés, 
dont  les   victoires,  de  l'Yser  à   la  Meuse,  ont  fait  tomber 


392  SÉANCE    t'UhLlQUË    ANNLlELLÈ 

d'elles-nièiiies  les  barrières  dressées  entre  nous  et.  nos 
frères  du  Rhin.  L  Alsace-Lorraine  olVranchie,  quelle  date 
dans  l'histoire  du  monde  !  et  quelle  émotion,  en  chacun  de 
nous,  si  profonde,  si  pleine  et  si  trouble  encore,  mêlée  de 
tant  de  souvenirs,  de  regrets,  d'espoirs  déçus,  d'impatiente 
attente  et  de  bonheur,  que  la  parole  se  sent  impuissante  à 
1  exprimer  !  . 

Auprès  de  tels  événements,  comme  au  regard  des  con- 
vulsions qui  ébranlent  à  cette  heure  la  vieille  l^urope,  les 
solennités  académiques  sont  bien  peu  de  chose.  Et  que 
pèsent,  devant  ces  cataclysmes,  nos  silencieuses  médita- 
tions, nos  lentes  recherches,  et  les  travaux  que  nous  susci- 
tons, ou  qui  d'eux-mêmes  viennent  à  nous,  ambitionnant 
la  récompense  de  leur  obscure  ascension  par  les  pentes 
ardues  qui  mènent  à  la  vérité  ?  Gardons-nous,  cependant, 
de  nous  rabaisser  outre  mesure.  Nous  vivons  pour  la 
science,  et  le  culte  de  la  science  est,  pour  toute  nation  civi- 
lisée, un  devoir;  il  est  aussi  pour  l'individu  tme  dignité, 
car  il  n'est  pas  d'investigation  dans  le  champ  illimité  de  la 
recherche  scientifique  qui  ne  rehausse  à  ses  propres  yeux, 
et  aux  yeux  de  tous  les  hommes,  celui  qui  s'y  consacre, 
en  y  portant  la  sévère  méthode  hors-  de  laquelle  rien  de 
solide  ne  voit  le  jour. 

Vous  avez  donc  fait,  Messieurs,  depuis  le  début  de  laf- 
freux  cauchemar  qui  vient  de  finir,  ce  que  votre  condition 
et  votre  savoir  vous  commandaient  de  faire  ;  vous  avez 
continué,  autant  que  vous  l'ont  permis  les  bruits  du  dehors, 
et  les  angoisses,  et  les  deuils,  le  sillon  commencé  ;  vous 
avez  maintenu  vos  concours,  qui  ont,  comme  d'habitude, 
attiré  des  concurrents,  entre  les  meilleurs  desquels  vous 
avez  réparti  les  faveurs  dont  vous  disposez  avec  la  scrupu- 
leuse équité  qui  préside  à  vos  décisions.  Hélas  !  beaucoup 
de  ceux  qui  les  avaient  méritées  déjà,  beaucoup  de  ceux 
qui  pouvaient  y  prétendre,  sont  tombés  les  armes  à  la 
main,  des  hauteurs  de  Vauquois  aux  terres  dévastées  de  la 


SÉANCE    l'LBLIULL;    ANNUELLE  393 

presqu'île;  de  Gallipoli,  taisant  à  la  France  le  sacrilice,  non 
seulement  de  leur  vie,  mais  de  tout  ce  qu'elle  en  attendait 
pour  son  oi-nement  ou  sa  gloire.  De  telles  pertes  sont  pour 
nous  particulièiement  douloureuses.  Avec  ces  disparus, 
dont  plusieurs  s'étaient  spécialisés  dans  un  étroit  domaine 
qu'ils  avaient  été  les  premiers  à  défricher,  s'en  sont  allées 
des  espérances  qui  ne  seront  jamais  réalisées,  ou  qui  le 
seront,  par  d'autres,  bien  tard.  Leur  tombe  glorieuse,  bien 
qu'ignorée  souvent,  garde  le  secret  de  leur  pensée  inven- 
tive, au-dessus  duquel  ils  avaient  placé  le  salut  de  la 
patrie . 

Pleurons-les,  Messieurs,  honorons-les  comme  les  plus 
chers  artisans  de  la  Victoire,  mais  ne  désespérons  pas  de 
notre  avenir  en  ce  qui  concerne  la  science.  Vous  souve- 
nez-vous de  ces  arbres  fruitiers  dont  le  génie  destructeur 
de  nos  ennemis,  lors  d'un  repli  fameux,  avait  scié  les 
troncs  à  quelques  centimètres  au-dessus  du  sol?  Ils  sem- 
blaient voués  à  vine  mort  rapide  ;  mais  la  haineuse  besogne 
avait  été  hâtivement  exécutée  ;  par  quelques  libres  et  un 
peu  d'écorce,  la  tête,  couchée  sur  le  côté,  tenait  encore 
au  tronc  meurtri,  et  quand  vint  le  printemps,  elle  se  cou- 
vrit de  fleurs.  Faisons  contîance,  Messieurs,  à  la  bonne 
terre  de  France,  à  la  sève  qui  en  monte,  forte,  résistante 
et  saine.  Elle  produira  toujours  des  tleurs  ;  aux  corps 
savants  et  à  l'enseignement  national,  sous  toutes  les 
formes  et  à  tous  les  degrés,  de  faire  en  sorte  que  ces  fleurs 
deviennent  des  fruits. 

J'arrive  à  nos  concours,  dont  les  résultais  sont  le  sujet 
imposé  par  l'usage  à  celui  qui  vous  préside  ;  je  commence- 
rai par  ceux  qui  concernent  les  travaux  relatifs  à  la  France, 
N'est-il  pas  juste  qu'aujourd'hui,  plus  que  jamais,  elle  soit 
à  l'honneur? 

Le  prix  fondé    par  le  baron   Gobert  pour    récompenser 

«  le  travail  le  plus   savant  et  le  plus  profontl  sur  l'histoire 
1918  ■.!: 


39i  SJ,A.\(.h    l'LltLluL'li    ANNUliLLË 

de  France,  et  lesétutles  qui  s'y  rattachenl  »,  a  été  alLribuc 
cette  année  à  M.  Jules  Viard,  conservateur  aux  Arcliives 
nationales,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Les  Journaux  du 
Trésor  de  (Charles  /T  le  Bel.  C'est  une  édition  de  textes, 
et  vous  ne  décernez  pas  d'ordinaire  aux  travaux  de  ce 
genre  l'une  des  plus  enviées  parmi  les  récompenses  qui 
vont  aux  études  ayant  pour  objet  notre  histoire  nationale. 
Mais  l'œuvre  de  M.  Viard  est  si  précise  et  si"  bien  con- 
duite, il  se  dégage  de  cette  aride  série  de  documents,  com- 
plète pour  quatre  exercices  consécutifs  de  l'administration 
financière  du  règne  de  Charles  le  Bel,  une  vie  si  intense, 
que  votre  choix  est  pleinement  justiiié.  J'ajoute  que  l'au- 
teur ne  s  est  pas  borné  à  publier  des  textes  inédits  ;  il  les 
commente.  Une  substantielle  introduction  de  plus  de  cent 
pages  met  en  lumière  les  renseignements  nouveaux  qu'ils 
fournissent,  et  rattache  ces  renseignements  eux-mêmes  aux 
institutions  ou  aux  coutumes  dont  ils  complètent  pour 
nous  la  connaissance,  en  sorte  que  nous  trouvons,  au  début 
du  volume,  un  exposé  singulièrement  nourri  et  intéressant 
des  ressources  du  Trésor  royal  durant  cette  période  peu 
connue,  ainsi  que  des  charges  auxquelles  il  avait  à  faire 
face.  C'est  là  de  l'histoire,  et  de  la  meilleure  ;  on  ne  saurait 
trop  louer  la  sobre  et  claire  simplicité  avec  laquelle  elle 
est  contée.  Ces  qualités  et  beav\coup  d'autres,  le  long  effort 
nécessaire  pour  mener  à  terme  une  telle  entreprise,  méri- 
taient bien  le  premier  rang  au  concours  Gobert. 

Vous  avez  attribué  le  second  à  M.  Le  Barrois  d'Orgeval, 
pour  son  livre  sur  le  Tribunal  de  la  Connétablie  de  France 
du  A7F^  siècle  à  1190,  étude  attachante  parles  précisions 
nouvelles  qu'elle  donne  sur  les  origines  de  cette  institution 
et  sur  son  histoire  jusqu'au  wi""  siècle.  L'auteur  la  montre 
s'acheminant  assez  rapidement  vers  une  période  d'éclat 
relatif,  que  suit  une  lente  décadence.  Ce  sujet  austère 
s'égaye  par  instant.  Je  noterai  les  pages  qui  contiennent 
le  détail  du   minutieux  protocole  observé  au  xVin®   siècle, 


SÉAiNCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  39o 

lors  des  visites  que  les  officiers  de  la  (^.onnétablie  faisaient 
en  corps  à  l'époque  du  jour  de  lan.  par  exemple,  aux 
maréchaux,  et  de  celles  que  ceux-ci  faisaient  de  leur  côté. 
Nous  entrevoyons  là  des  susceptibilités,  des  querelles  de 
préséance  qui  ne  sont  pas  tout  à  fait  mortes,  et  (jui  ont 
chance  de  vivre  aussi  longtemps  qu'il  y  aura  des  hommes. 
Le  concours  des  Antiquités  de  la  France  est  1  un  des 
plus  importants,  Messieurs,  de  ceux  sur  lesquels  vous  avez 
à  statuer.  Plusieurs  ouvrages  y  ont  été  présentés,  et  il  n'en 
est  pas  un  qui  n'ait  ses  mérites;  seuls,  pourtant,  deux  ont 
été  retenus  par  votre  commission.  M.  de  Saint-Venant  a 
travaillé  plus  de  vingt  ans  au  Dictionnaire  topographique ^ 
historique,  biographique,  généalogique  et  héraldique  du 
Vendômois  et  de  l'arrondissement  de  Vendôme,  en  quatre 
volumes,  pour  lequel  il  sollicitait  1  une  de  vos  récom- 
penses. C'est  un  répei^toire  précieux  de  tout  ce  qui  peut 
intéresser,  dans  une  région  déterminée,  la  simple  curiosité 
et  même  la  science.  Rien  d'essentiel  n'v  est  omis;  on  v 
trouve,  disposés  dans  l'ordre  alphabétique,  des  milliers  de 
renseignements  sur  les  familles  et  leur  histoire,  sur  l'art  de 
la  contrée,  dans  toutes  ses  manifestations,  sur  sa  topogra- 
phie étudiée  avec  un  soin  minutieux,  et  qui  relève  jusqu'aux 
lieux-dits  consignés  dans  les  actes  privés,  le  tout  puisé  aux 
sources  les  plus  sûres,  scrupuleusement  contrôlées.  Qu'il 
soit  possible  de  signaler,  dans  cet  inventaire,  quelques 
oublis  ou  un  peu  de  sécheresse  à  côté  de  longueurs  inu- 
tiles, ce  sont  de  légères  imperfections  auxquelles  il  fallait 
s'attendre  ;  mais  l'ensemble  est  tout  à  fait  digne  de  la  pre- 
mière médaille  que  vous  lui  avez  décernée.  —  Vous  avez 
attribué  la  seconde  à  M.  labbé  Mollat,  pour  le  premier 
volume  de  son  édition  des  Vies  des  papes  d'Avignon, 
d'Etienne  Baluze,  et  pour  ÏElude  critique  qui  en  éclaire  le 
texte,  deux  ouvrages  qui  n'en  font  qu'un,  et  dont  la  sûre 
méthode,  en  dépit  de  certaine  erreur  de  composition,  suffit 
rait  à  elle  seule  k  justifier  la  récompense  dont  vous  les 
avez  honorés. 


3<)(')  SÉAiNCK    l'LItl.loUK    ANiNUliLl.K 

Celle  année,  le  prix  Bordiu  se  Irouvail  èlre  réservé  aux 
Iravaux  sur  le  Moyen  Age  ou  la  Renaissance.  Une  moilié 
du  pri\  a  été  donnée  à  M.  André  Blum,  el  l'aulre  parla^ée 
par  tiers  enlre  MM.  l'abbé  Guéry,  Lângfors  et  Parturier. 

L'ouvrao-e  de  M.  Blum.  L^ estampe  satirique  en  Finance 
pendant  les  (juerres  de  religion,  traite  un  joli  sujet,  et  le 
traite  avec  aisance,  sans  abus  d'érudition,  bien  que  l'auteur, 
pour  éclairer  les  orig-ines  de  la  satire  politique,  croie  devoir 
remonter  jusqu'aux  É«^yptiens.  Il  montre  le  progrès  delà 
satire  en  imagée,  d'abord  innocente,  puis  combative,  et 
devenant  une  arme  aux  mains  de  qui  sait  s'en  servir.  Ce 
livre  contient  d'intéressantes  illustrations,  auxquelles  ne 
saurait  être  indifférent  un  temps  comme  le  nôtre,  où  les 
revues,  les  journaux  illustrés,  les  murs  eux-mêmes,  ont 
souvent  tant  d'esprit.  —  M.  l'abbé  Guéry,  en  écrivant  son 
Histoire  de  V abbaye  de  Lyre,  du  diocèse  d'Évreux,  fondée 
vers  le  milieu  du  xi"  siècle,  a  fait  preuve  d'un  zèle  pour 
l'étude  des  antiquités  locales  qui  mérite   d'être  encouragé. 

M.  Arthur  Lângfors  a  publié   sous  ce  titre   :  Les  incipit 

des  poèmes  français  antérieurs  au  A  F/"  siècle,  un  réper- 
toire bibliographique  pour  lequel  il  a  bénéficié  de  notes  de 
M.  PaulMeyer  et  des  conseils  de  M.  Emile  Picot,  auxquels 
d'ailleurs  il  ne  ménage  pas  sa  reconnaissance.  —  Enfin 
M.  Parturier,  professeur  au  lycée  Voltaire,  s'est  chargé 
d'éditer  pour  la  Société  des  textes  français  modernes  la 
Délie  de  Maurice  Scève.  Édition  et  commentaire  consti- 
tuent une  importante  contribution  à  l'histoire  littéraire  de 
la  Renaissance. 

Pour  le  prix  de  La  Grange,  réservé  à  la  publication  du 
texte  d'un  poème  inédit  des  anciens  poètes  de  la  France, 
ou  au  meilleur  travail  sur  l'un  de  ces  poèmes,  aucun 
ouvrage  n'était  présenté.  Votre  commission  a  été  bien 
inspirée  en  évoquant  le  premier  volume  de  l'édition  du 
Roman  de  la  Bose  de  M.  Ernest  Langlois  et  en  lui  attri- 
buant le  prix  tout  entier.  Elle  honorait  par  là,  non  seule- 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  397 

ment  un  excellent  travail,  mais  un  professeur  de  cette 
Université  de  Lille  que  nous  avons  la  joie  de  voir  libérée 
de  l'occupation  allemande,  devant  laquelle  elle  a  su  o^arder 
une  si  fière  attitude. 

Le  prix  biennal  fondé  par  M"'^  veuve  Duchalais,  pour  le 
meilleur  ouvrage  concernant  la  numismatique  du  moyen 
âge,  n'a  pas  non  plus  trouvé  de  concurrents,  et  ici  encore 
vous  avez  évoqué  une  œuvre  qui,  modestement,  se  tenait 
éloignée  de  vos  concours  ;  c'est  l'ensemble  des  études  de 
M.  le  comte  de  Castellane  sur  Vhis/oirc  de  la  monnaie 
française,  depuis  l'époque  carolingienne  jusqu'au  XVI^ 
siècle.  L'auteur  a  généreusement  renoncé  au  prix  qui  lui 
était  accordé,  en  faveur  des  blessés  ;  vous  en  avez  mis  le 
montant  à  la  disposition  de  l'Institut  pour  l'hôpital  qu'il 
entretient  dans  l'hôtel  Thiers.  ' 

Si  quelques  concours  ont  été  désertés,  comme  il  était 
naturel  dans  la  longue  crise  dont  à  peine  nous  sortons,  le 
prix  Brunet,  qui  se  décerne  tous  les  trois  ans  et  qui  a  poin^ 
but  d'encourager  la  bibliographie  savante,  a  suscité  des 
travaux  de  grand  mérite.  La  commission  qui  avait  à  le 
juger  l'a  partagé  entre  trois  concurrents,  attribuant  une 
moitié  à  M.  Henri  Hauser,  pour  son  ouvrage  considérable 
et  si  profondément  utile  sur  les  Sources  de  Vhistoire  de 
France,  et  faisant  de  l'autre  deux  parts  inégales,  la  pre- 
mière et  la  plus  importante  à  M.  Louis  Loviot,  auteur  d'un 
charmant  livre,  joliment  présenté,  qui  est  l'œuvre  d'un 
chercheur,  et  d'un  chercheur  qui  trouve  ;  cet  élégant 
volume  intitulé  :  Auteurs  et  livres  anciens  [XVI''  et  XVII'^ 
siècles),  est  plein  de  découvertes  intéressant  notre  histoire 
littéraire  ;  je  ne  saurais  mieux  faire,  faute  de  temps,  que 
de  renvover  à  l'analvse  qu'en  a  faite  dans  le  Journal  des 
savants  notre  regretté  confrère  Emile  Picot,  sous  le  patro- 
nage duquel  ^L  Loviot  l'avait  placé.  Hélas  !  ce  jeune  savant 
vient  de  succomber  inopinément  à  un  mal  qui  ne  pardonne 
pas.  —  La  seconde  part  est  échue  à  M.  Pierre  Le  Verdier, 


H08  SÉANCK    PL'KLIQL'I':    ANNUELLIi 

[)our  sdii    curieux   ouvrag'e  qui  a  pour   titre  :  L'u/elier  de 
(Jnilliuinic  I.c  TaUour,  premier  imprimeur  roiiennais. 

Messieurs,  vos  donateurs  ont  quehjuefois  exprimé  leurs 
intentions  de  la  fac^'on  la  plus  précise  relativement  aux  tra- 
vaux dont  ils  souhaitaient  que  notre  France  fût  l'objet  ; 
ils  ont  voulu,  par  un  patriotisme  local  ([ui  n'exclut  pas, 
loin  de  là,  celui  qu'inspire  la  grande  patrie,  que  telle  pro- 
vince, telle  ville,  devînt,  sous  votre  contrôle,  un  sujet  per- 
manent d'étude.  Comment,  au  preniier  rang  de  ces  spécia- 
listes de  la  générosité,  ne  pas  nommer  Auguste  Prost,  ce 
Lorrain  de  Metz,  de  Metz  redevènue  française,  qui  a  fondé 
chez  nous  un  prix  annuel  à  décerner  à  Vauteur  français  du 
meilleur  travail  sur  sa  ville  natale  et  les  pays  voisins? 
\'ous  avez  attribué  ce  prix  à  M.  Germain  de  Maidy,  pour 
une  série  de  mémoires  sur  l'histoire  et  l'archéologie  de  la 
Lorraine,  dont  plusieurs  ont  été  rédigés  à  Nancy  en  1917, 
sous  les  obus  allemands,  attestant  le  sang-froid  de  la 
science  dans  les  circonstances  les  plus  tragiques. 

C'est  Paris  qu'a  en  vue  le  prix  quinquennal  Jean- 
Jacques  Berger,  et  le  montant  en  est  si  considérable  qu'il 
vous  arrive  rarement  de  le  décerner  à  un  seul  ouvrage. 
Vous  l'avez  réparti  entre  huit  concurrents  :  le  D""  Wickers- 
heimer,  pour  ses  Commentaires  de  la  Faculté  de  médecine 
de  r Université  de  Paris;  M.  Coyecque,  pour  son  Recueil 
d'actes  notariés  relatifs  à  f  histoire  de  Paris  au  XV I^  siècle; 
M.  Vidier,  pour  son  livre  sur  les  Marguilliers  laïcs  de 
Notre-Dame;  M.  Léon  Dorez,  pour  son  livre  intitulé  :  La 
Faculté  de  Décret  de  l'Université  de  Paris  au  XV^  siècle  ; 
M.  l'abbé  Clerval,  pour  sa  publication  des  Registres  des 
procès-verbaux  de  la  Faculté  de  Théologie  de  Paris,' 
M.  Paul  Lacombe,  pour  ses  Anciens  livrets  des  rues  de 
Paris  imprimés  aux  XV^  et  XVP  siècles;  M.  Léon 
Lecestre,  pour  la  Notice  sur  V Arsenal  royal  de  Paris  jus- 
qu'à la  mort  d' Henri  FV,  œuvre  de  M.  Paul  Lecestre,  son 
fils,  tué  à  l'ennemi  ;  M.  Camille  Bernard,  pour  sa  Bestitu- 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  399 

tion  des  Thermes  de  Lutèce.  Tous  ces  travaux  n'ont  pas  la 
même  valeur  ;  il  en  est  où  la  critique  trouve  à  s'exercer  ; 
d'autres  sont  d'importants  apports  à  l'histoire  parisienne, 
ou  satisfont  la  curiosité  de  l'antiquaire  qui  recherche  avi- 
dement dans  le  Paris  moderne  les  traces  ou,  tout  au  moins. 
les  souvenirs  d'un  lointain  passé. 

J'en  aurai  lîni,  Messieurs,  avec  les  travaux  ou  l'activité 
scientifique  concernant  spécialement  la  France,  quand 
j'aurai  sig-nalé  l'attribution  de  deux  médailles  lUanchet, 
l'une  à  M.  Gouvet,  conservateur  du  Musée,  de  Sousse,  — 
n'est-ce  pas  la  France  encore  ?  —  qui  porte  un  vif  et  intel- 
lig-eht  intérêt  aux  antiquités  de  cette  ville  et  mérite  les  plus 
grands  éloges  pour  la  manière  dont  il  a  organisé  le  Musée 
municipal  ;  l'autre  à  M'""  de  Chabannes  de  La  Palice,  pour 
les  fouilles  pratiquées  dans  sa  propriété  d'Utique  et  pour  le 
musée,  libéralement  ouvert  au  public,  qu'elle  a  formé  des 
objets  qui  y  ont  été  découverts. 

Certains  de  vos  concours  offrent  un  champ  plus  vaste  et 
plus  varié  à  l'investigation  :  tels  sont  le  concours  pour  le 
prix  décennal  Le  Fèvre-Deumier  et  le  concours  Louis 
Fould,  dont  le  prix  est  décerné  tous  les  deux  ans. 

Le  premier  fait  appel  aux  travailleurs  qui  s'occupent  de 
mythologies,  de  philosophies  ou  de  religions  comparées  ; 
il  suppose  des  connaissances  étendues,  une  maturité,  une 
clairvoyance  qui  se  rencontrent  rarement.  Aucun  ouvrage 
n'ayant  été  présenté,  votre  commission  a  porté  son  atten- 
tion sur  ceux  qui  lui  semblaient  se  rapprocher  le  plus  des 
intentions  du  donateur,  et,  sans  décerner  le  prix,  elle  a 
prélevé,  sur  l'importante  somme  qu'il  représente,  trois 
récompenses.  La  première  a  été  attribuée  à  M.  Puech,  profes- 
seuràla  Sorbonne,  pour  son  livre  sur  les  Apologistes  grecs  du 
11^  siècle  de  notre  ère,  livre  passionnant,  et  que  M.  Puech 
a  rendu  plus  attachant  encore  par  la  connaissance  profonde 
qu'il  a  de  ce  sujet  délicat  entre  tous,  par  la  haute  impar- 


100  SÉANr.K    PURLIOUK   ANNUEI.LF, 

tialité  avec  hujuelle  il  létudie  sous  ses  divers  aspects  et  par 
le  talent  d'exposition  dont  il  a  paré  son  savoir  judicieux. 
—  La  deuxième  récompense,  ég-ale  à  la  première,  a  été 
décernée  à  M.  René  Dussaud,  depuis  longtemps  connu 
pour  ses  études  fragmentaires  sur  les  plus  anciennes  reli- 
o^ions,  études  poursuivies  avec  ardeur  jusqu'à  ces  dernières 
années,  et  de  lintérôl  desquelles  peut  donner  ime  idée 
l'important  chapitre  Cultes  et  mythes  de  son  livre  intitulé  : 
Les  civilisations  prchelléniques^  réédité,  après  une  revi- 
sion consciencieuse,  au  commencement  de  1914.  —  \/,\ 
troisième,  enfin,  est  allée  à  l'ouvrage  si  savant,  et  d'un 
profit  si  incontestable  povir  l'histoire,  de  M.  Picavet  :  Essai 
sur  l  histoire  générale  et  comparée  des  philosophies  et  théo- 
logies (lu  moyen  âge. 

L'art,  Messieurs,  a  toujours  tenu  dans  vos  préoccupa- 
tions une  grande  place,  du  moins  l'art  envisagé  dans  son 
développement  historique.  C'est  l'objet  du  prix  Fould  d'en- 
courager ceux  qui  le  considèrent  de  ce  point  de  vue.  Vous 
avez  inégalement  partagé  ce  prix  entre  M.  Gabriel  Millet 
et  M.  Louis  Bréhier. 

Le  livre  du  premier,  Recherches  sur  l'iconographie  de 
V Évangile  aux  XIV^^  XV^  et  XVI''  siècles,  n'est  pas  sans 
soulever  un  certain  nombre  de  critiques,  principalement 
en  ce  qui  touche  à  la  méthode  :  mais  il  a  coûté  à  M.  Millet 
vingt-cinq  années  de  travail,  contient  plus  de  800  pages 
et  près  de  700  illustrations,  la  plupart  inédites,  et  il  est  du 
plus  haut  intérêt  pour  la  connaissance  de  l'art  bvzantin. 
que  l'auteur  a  méticuleusement  étudié  durant  son  séjour  à 
l'Ecole  d'Athènes,  et  dans  de  fructueuses  explorations  au 
mont  Athos,  en  Macédoine,  et  sur  cette  colline  de  Mistra 
où  les  restes  de  la  cité  de  Villehardouin  apparaissent,  le 
matin,  comme  un  délicat  chef-d'œuvre  d'ivoire,  que  teintent 
de  rose  les  premiers  feux  de  l'aurore  jaillissant  des  som- 
mets du  Parnon. 

Moins  spécial  est   l'ouvrage  de  M.   Bréhier  :  L'art  chré- 


SÉANCE    PUnLIQL'E    ANNUELLE  401 

tien,  son  développement  iconographir/ue  des  origines  à  nos 
jours.  Ce  titre  dit  clairement  l'ambition  de  l'auteur  ;  le 
monde  entier  est  son  domaine,  l'Occident  aussi  bien  que 
rOrient,  et  toutes  les  époques,  et  toutes  les  formes  de  la 
pensée  chrétienne  dans  l'art.  La  matière  est  immense;  on 
admire  l'aisance  avec  laquelle  il  en  porte  le  poids.  Vers  la 
fin,  cependant,  il  paraît  fléchir  un  peu,  ou,  plus  exactement, 
c'est  le  lecteur  qui  fléchit,  lég^èrement  déconcerté.  La  faute 
en  est  peut-être  à  ces  termes  d'iconographie,  d'icône,  qui 
impliquent,  semble-t-il,  une  certaine  innocence  dans 
l'œuvre  et  chez  l'artiste  qui  l'a  créée.  Or  on  ne  voit  pas 
cette  innocence  dans  le  Jugement  dernier,  —  et  M.  Bré- 
hier  en  convient,  —  et  beaucoup  plus  tard  on  l'aperçoit 
moins  encore  dans  les  compositions,  aux  violents  con- 
trastes, de  M.  Jean  Béraud  ;  mais  le  livre  est  ao:réable  à 
lire,  luxueusement  illustré  et  plein  de  vues  intéressantes; 
c'est  un  très  beau  livre. 

Vous  avez  aussi  des  récompenses  pour  les  travaux  sur 
l'antiquité  classique,  et  pour  ceux  qui  se  rapportent  à 
l'Afrique  ou  à  l'Extrême-Orient.  M.  Pierre  Roussel,  ancien 
membre  de  l'École  d'Athènes,  qui  a  obtenu  le  prix  biennal 
Delalande-Guérineau,  vous  avait  adressé  une  bonne  étude 
sur  Délos  colonie  athénienne.  Il  est  un  de  ceux  qui  ont  con- 
tribué à  défricher  cet  inépuisable  champ  de  fouille  où  notre 
confrère  M.  Homolle  dirigeait  en  1877  les  premières 
recherches  méthodiques,  et  qui,  depuis  plus  dé  quarante 
ans,  sert  d'école  d'application  à  la  plupart  de  nos  jeunes 
archéologues.  Le  solide  travail  qu'il  en  a  rapporté,  et 
qu'il  doit,  certes,  à  ses  qualités  propres,  mais  aussi  à  l'in- 
fluence de  l'admirable  maître  qui  l'a  formé.  M.  Maurice 
Holleaux,  est  l'un  des  meilleurs  chapitres,  écrits  en  France, 
de  l'histoire  de  la  période  hellénistique. 

Pour  ce  qui  est  de  l'Afrique,  M.  Clément  Huart  présen- 
tait  la  suite  de  sa  traduction  du  manuscrit  arabe  intitulé  : 


102  SÉANCE    PURLIQUK    ANNUKLLE 

Le  Livre  de  lu  Création.  Vous  lui  avez  attribué  une  partie 
du  prix  Saintour.  —  M.  Biaruey  a  reçu  l'autre  pour  ses 
Etudes  sur  les  dialectes  berbères  du  Rif.  Vous  attachez 
avec  raison  une  grande  importance  à  l'activité  scientifique 
que  provoque  le  continent  africain.  La  France  ne  saurait 
se  désintéresser  des  ouvrages  qui  vont  prendre  là  leur  ins- 
piration et  leurs  sources. 

De  même,  l'Extrême-Orient  n"a  point  été  absent  de  vos 
concours.  Le  prix  Stanislas  Julien,  destiné  au  meilleur 
ouvrage  relatif  à  la  Chine,  est  allé  à  l'utile  travail  du  R. 
P.  Tobar  :  Résumé  des  affaires  religieuses,  publié  [)ar  ordre 
de  S.  Exe.  Tcheou-Fou.  Traduction,  commentaire  et  docu- 
ments diplomatiques.  L'auteur,  par  malheur,  n'a  pvi  con- 
naître votre  décision,  sa  mort,  en  Chine,  en  ayant  devancé 
la    nouvelle. 

Tels  sont,  Messieurs,  les  résultats  de  vos  concours.  Mais 
à  côté  d'eux,  notre  Académie  est  dotée  de  fondations  qui 
lui  permettent  d'aider  de  résolus  chercheurs  dans  les  explo- 
rations qu'ils  entreprennent  en  lointain  paj^s,  ou  pour  des 
fouilles  qu'ils  espèrent  heureuses.  C'est  ainsi  qu'une  partie 
de  la  fondation  Garnier  a  été  par  vous  alfectée  aux  frais 
du  vovage  de  M.  Bonnel  de  Mézières  dans  le  Nord-Ouest 
de  l'Afrique,  et  qu'une  autre  somme  prélevée  sur  le  même 
fonds  facilite  à  M.  Aurousseau  ses  recherches  en  Mand- 
chourie. 

Grâce  à  la  Fondation  Piot,  vous  continuez  de  seconder 
efficacement  les  fouilles  du  R.  P.  Delattre  à  Carthage,  et 
celles  de  M.  le  D""  Carton  à  BuUa  Reoia.  La  même  source 
alimente,  depuis  1915,  les  fouilles  que  notre  correspondant 
M.  Pierre  raris  poursuit  au  hameau  de  Bolonia,  dans  la 
province  de  Cadix,  avec  un  zèle  récompensé  déjà  par  d'in- 
téressantes trouvailles,  et  elle  favorise  la  formation  d'une 
collection  de  clichés,  d'aquarelles  et  de  dessins  entreprise 
par  le  Service  archéologique  de  notre  armée  d'Orient,  fidèle 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  403 

aux  traditions  de  la  campagne  d'Eg-ypte  et  de  l'expédition 
de  Morée. 

Il  est  de  ces  donations  qui  ont  un  caractère  un  peu  'dif- 
férent, celle,  par  exemple,  que  nous  devons  à  l'inlassable 
pfénérosité  de  notre  confrère  M.  le  duc  de  Loubat,  qui  met 
à  votre  disposition  une  rente  annuelle  de  G. 000  francs, 
pour  venir  en  aide  à  des  savants  momentanément  arrêtés 
dans  leurs  travaux  par  le  manque  de  ressources  ou  par  la 
maladie.  Vous  avez  fait  dune  partie  de  cette  somme  le 
plus  judicieux  emploi. 

D'autres,  comme  la  fondation  Thorlet,  sont  conçues  dans 
un  esprit  de  libérale  bienfaisance  qui  s'en  remet  à  vous 
pour  la  distribution  de  prix  de  toute  espèce.  Sur  la  part  qui 
vous  revient  de  la  rente  Thorlet,  léguée  à  tout  l'Institut, 
vous  avez  pu  octroyer  une  somme  relativement  considé- 
rable à  M.  le  colonel  Lamouche,  pour  l'aider  à  reconstituer 
sa  bibliothèque,  composée  en  majeure  partie  d'ouvrages 
concernant  les  pays  et  les  peuples  de  la  péninsule  des 
Balkans,  et  qui  avait  été  incendiée  lors  du  raid  d'avions 
allemands  du  12  avril  1918.  —  Grâce  au  même  fonds, 
vous  avez  accordé  une  modeste  subvention  à  M.  Dupont, 
juge  au  tribunal  civil  de  Saint-Malo,  pour  ses  recherches 
sur  le  lieu  d'origine  de  chacun  des  compagnons  d'armes  de 
Guillaume  le  Conquérant,  et  une  autre^  de  la  même  valeur, 
à  M.  l'abbé  Daugé,  curé  de  Duhort-Bachen  (Landes),  pour 
ses  travaux  sur  le  folk-lore  et  le  dialecte  de  son  pays. 

La  Fondation  Pellechet  mérite  enfin  notre  gratitude  pour 
le  souci  qu'elle  prend,  non  des  personnes,  mais  des  vieux 
monuments  de  la  France,  non  classés  parmi  les  monuments 
historiques.  Vous  avez  agi  dans  le  sens  de  cette  louable 
intention  en  accordant  à  la  commune  de  Maillot,  près  de 
Sens,  une  somme  assez  importante  pour  la  réparation  de 
son  église,  dont  l'ancienneté  et  le  délabrement  ne  pouvaient 
vous    laisser  insensibles,  et   une  autre,    plus    modique,  au 


40i  SÉANCE    PIBLIQLE    ANNL'KLLK 

Syndical  d'initiative  de  Laroquebrou  (Cantal),  pour  la  con- 
solidation de  la  l(Uir  du  château,  qui  menace  ruine. 

Il  me  reste,  Messieurs,  à  vous  dire  quel({ues  mots  de  nos 
grandes    missions    permanentes   à    l'étran^j^er,  si   chères  à 
.votre  sollicitude,  et   dont  l'activité    s'est  trouvée,   vous   le 
savez,  nécessairement  ralentie  depuis  quatre    ans,  du    fait 
de  la  guerre.   Elles    ont  vécu  pourtant,  elles  ont  travaillé 
sans  perdre  de  vue  leur  but  ni  le  devoir  de  maintenir  tou- 
jours à  la  même  hauteur  le  renom  de  la  science  Irançaise. 
L'École  d'Athènes,  sous  l'active  direction  de  M.  Gustave 
Fouarères,    a   continué,    à    côté   d'un    constant  et  heureux 
eifort,  dont  nous  lui  sommes  reconnaissants,  pour  entrete- 
nir en   Grèce   les  sympathies    à   l'égard    de  la   France,  la 
publication  de   son  Bulletin.  Le  dernier  fascicule  contient 
des  rflémoires   d'une    érudition    éprouvée,    notamment  de 
M.  Paris,   sur  les  établissements  maritimes   de    Délos,  de 
M.  Plassart,  sur    tout    un   quartier   d'habitations    privées, 
dégagé  dans  l'île  sainte,  grâce  à  la  libéralité  de  M.  le  duc 
de  Loubat,  de  M.  Dugas,  sur  une  tête  d'Héraclès  du  Musée 
de  Tégée.  Le  rapport  annuel  du  directeur  de  l'Ecole  ne  vous 
est  parvenu   qu'au   dernier  moment,   sans  qu'il  y  ait  dans 
ce   retard  de   la   faute   de  M.   Fougères  ;  je  ne    puis  donc 
entrer  dans  le  détail.   Mais  M.  Fougères  lui-même  vous  a 
communiqué   oralement,  il  y  a  peu  de  jours,  les  résultats 
des    recherches   topographiques  poursuivies  à    Délos    par 
M.  Replat,  architecte  de  l'Ecole  d'Athènes  :  reconstitution 
du  tracé  complet  du  mur  de  défense  improvisé  par  le  légat 
romain  Triarius,  après  l'incursion  du  chef  pirate  Athénodo- 
ros,  en  l'an  69  avant  notre  ère,  pour  préserver  la  ville  et  le 
sanctuaire  d'Apollon   de  nouveaux   pillages  ;  identification 
certaine   de  l'hippodrome  et  relevé  de   son  aménagement, 
contredisant  l'opinion  admise,  qu'un  hippodrome  hellénique 
se  réduisait  à  une  piste  naturelle,    dépourvue  de  construc- 
tions, tels   sont    les   principaux  points   acquis  à  la  science 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  iOo 

par  la  clairvoyance  lechni(|ue  de  M.  Replat.  Ce  ne  sont 
pas  là  des  résultats  négligeables.  Vienne  la  paix,  l'Ecole 
fera  beaucoup  plus;  elle  n'est  à  court  ni  de  projets  ni  d'ar- 
deur pour  les  réaliser. 

L'Ecole  de  Rome,  dirigée  par  notçe  éminent  et  cher 
confrère  Mgr  Duchesne,  n"a  pas  eu  moins  à  souffrir  des 
circonstances.  Comme  la  Villa  Médicis,  où  un  autre  de 
nos  confrères,  M.  Albert  Besnard,  voit  les  admirables  jar- 
dins de  l'Académie  de  France  si  déserts  qu'il  s'est  mis  lui- 
même  à  les  animer  de  sa  présence  et,  pour  la  joie  de  nos 
veux,  à  en  reproduire  par  l'aquarelle  les  coins  les  plus 
exquis,  le  Palais  Farnèse  n'a  qu'un  petit  nombre  d  hôtes  ; 
encore  cette  expression  est-elle  ambitieuse,  le  nombre  se 
réduit  à  deux,  deux  membres  de  première  année,  privés 
pour  raison  de  santé  de  l'honneur  de  servir.  Ils  s  en  con- 
solent en  travaillant  beaucoup.  Etant  en  première  année, 
ils  n  ont  point  encore  remis  de  mémoire,  mais  lun  d'eux, 
M.  Marchesné,  ancien  élève  de  l'Ecole  des  Chartes,  a  déjà 
terminé  son  étude  des  Registres  du  pape  Martin  IV.  Il  s'oc- 
cupe maintenant  d'archéologie  médiévale,  appliquant  sa 
faculté  d'observation  aux  chancels  et  aux  enceintes  cho- 
rales de  Rome  et  de  la  région  romaine.  M.  Jean  Bayet, 
ancien  élève  de  l'Ecole  Normale,  a  pris  pour  sujet  de 
mémoire  le  culte  d'Hercule  et  les  légendes  relatives  à  ce 
héros  en  Italie.  Entre  temps,  l'Ecole  n'oublie  pas  ses 
Mélanges,  malgré  tous  les  obstacles,  et  de  toute  prove- 
nance, qui  en  rendent  la  publication  difficile,  et  le  direc- 
teur trouve  les  crédits  nécessaires  pour  faire  imprimer  les 
thèses  des  anciens  membres  qui  aspirent  au  grade  de  doc- 
teur. 

A  Hanoï,  comme  vous  l'écrivait  au  mois  d'avril  M.  Finot, 
directeur  par  intérim  de  l'Ecole  d'Extrême-Orient,  l'activité 
a  été  de  même  ralentie,  mais  non  interrompue.  La  pénurie 
de  personnel  a  réduit  le  nombre  et  l'importance  des  tra- 
vaux, et  rendu  presque  impossibles  les  tournées  d'inspec- 


406  SEANCfi   l'inLtQUË   anNlRllë 

tion  indispensables  pour  assurer  contre  les  déprédations  cîef> 
indif^ènes  les  monuments  dont  l'Ecole  a  la  surveillance. 
On  n'est  pas,  cependant,  demeuré  oisif.  M.  Parmentier  a 
fait  des  recherches  intéressantes  dans  les  tombeaux  chinois 
de  l'époque  des  six  dynasties,  récemment  découverts  au 
Tonkin.  M.  Marchai,  avec  une  grande  habileté  technique, 
a  conduit,  à  Angkor,  de  délicates  opérations  de  dégage- 
ment ou  de  réfection.  L'Ecole  a  trouvé  des  collaborateurs 
bénévoles,  tantôt  pour  des  découvertes  archéologiques, 
tantôt  pour  la  création  d'une  bibliothèque  ou  l'enrichisse- 
ment du  musée.  Ces  sympathies  sont  précieuses  ;  elles 
prouvent  que,  chaque  jour,  religieux  et  laïques,  autour 
d'elle,  comprennent  mieux  son  œuvre  et  apprécient  mieux 
ses  eiîorts.  Les  publications,  là  non  plus,  n'ont  pas  été  arrê- 
tées ;  le  Bulletin  n'a  pas  cessé  de  paraître,  et  l'on  est  prêt 
pour  le  labeur  habituel,  intensihé,  élargi,  dès  qu'on  en  aura 
la  possibilité. 

L'usage  veut,  Messieurs,  que  dans  cette  séance  nous 
disions  un  dernier  adieu  à  nos  morts.  J'ai  déjà  rendu  hom- 
mage devant  vous  et,  pour  trois  d'entre  eux,  à  deux 
reprises,  aux  confrères  qui  nous  ont  quittés.  Je  serai  donc 
bref;  ne  mesurez  pas  à  la  réserve  de  ma  parole  la  profon- 
deur de  mes  regrets,  qui  sont  les  vôtres.  Vous  savez  tous 
qvielle  perte  nous  avons  faite  en  M.  Ghavannes,  qui  est 
parti  le  premier.  Son  confrère  et  ami  M.  Henri  Cordier  a 
tracé  de  lui  comme  homme  —  on  ne  pouvait  chez  lui  négli- 
ger l'homme,  d'un  si  délicieux  commerce  —  mais  surtout 
comme  savant,  le  portrait  le  plus  compétent  et  le  plus 
vrai.  11  en  ressort  avec  évidence  qu'il  était,  pour  l'étendue 
et  la  précision  de  sa  science,  et  pour  la  largeur  de  ses  vues, 
le  premier  sinologue  du  monde.  Et  de  là  l'impulsion  qu'il 
a  donnée  chez  nous  aux  études  sinologiques,  les  missions 
que,  de  loin,  il  a  dirigées,  et  les  regrets  amers,  à  la  nou- 
velle de  sa  mort,  d'une  jeunesse  d'élite  qui  le   considérait 


SÉAiNCE    PCnLlQUE   ANXUELLÉ  407 

à  la  fois  comme  un  chef  et  comme  le  plus  dévoué,  le  plus 
sûr  (les  amis.  Mais  son  biographe  a  très  bien  vu  que  s'il 
tenait  cette  supériorité  de  sa  vive  intelligence,  de  sa 
volonté  tenace  et  de  sa  haute  moralité,  il  la  tenait  aussi  pour 
une  g-rande  part  d'une  source  plus  lointaine,  je  veux  dire 
sa  forte  culture  générale.  Il  fut  un  spécialiste,  jugeant  à 
leur  valeur  les  peuples,  les  littératures,  les  arts,  les  civilisa- 
tions, ne  les  ravalant  ni  ne  les  exaltant  au  delà  du  juste, 
parce  qu'un  solide  fonds  d'humanités  avait  mis  en  lui  ce 
clair  regard  intérieur,  cette  lumière  qui  vous  suit  au  cours 
de  la  vie,  et  qui  ne  trompe  pas.  Aussi  pour  des  travaux 
qui  n'étaient  point  son  domaine  ne  le  consultait-on  jamais 
sans  profit.  11  ne  sera  pas  remplacé  parmi  nous. 

M.  Emile  Picot  nous  était  précieux  pour  son  immense 
savoir.  11  avait  fait  de  la  bibliographie  ce  qu'elle  doit  être, 
un  auxiliaire  nécessaire  et  incomparable  de  1  histoire.  Mais 
son  esprit  allait  bien  au  delà  du  catalogue.  Il  avait  publié 
dans  ces  dernières  années,  en  deux  volumes,  un  curieux 
travail,  auquel  il  avait  donné  pour  titre  :  Les  Français  ita- 
lianisants au  XV"  siècle,  et  dans  ce  répertoire  on  fait  des 
découvertes  imprévues  ;  on  constate  que  tel  auteur  qui 
honore  par  ses  écrits  notre  langue,  a  écrit  aussi,  et  surtout 
versifié  en  italien,  tant  était  grand  alors,  chez  nous,  le 
prestige  de  la  pensée  et  de  la  forme  italiennes.  Voilà  de  ces 
conclusions  qui  éclairent  soudain  les  mœurs  et  les  goûts 
littéraires  d'une  époque,  et  auxquelles  on  n'arrive  qu'à 
force  de  patience.  M.  Picot  aimait  la  recherche,  et  il  la 
pratiquait  avec  bonheur.  Sa  méthode  de  travail  et  les  buts 
mêmes  qu'il  poursuivait  le  conduisaient  naturellement  aux 
détails  et  aux  raretés  intellectuelles  des  temps  qu'il  con- 
naissait le  mieux  ;  mais  il  savait,  à  l'occasion,  s'élever  au- 
dessus  de  la  poussière  des  faits,  et  mettre  en  belle  lumière 
les  conséquences  d'une  portée  inattendue  qui  se  dégagent 
de  fiches  admirablement  classées.  Sa  bonté  égalait  sa 
science.  Nombreux  sont  ceux  qu'il  obligea;  loin  de  garder 


'lOS  SlùAMifc;    PLIil.loi  i;    ANM  KLLIi: 

pour  lui  le  trésor  d  iuforniations  quil  avait  amassé  au 
cours  d'une  lony^ue  vie  de  curiosité  laborieuse,  il  l'ouvrait 
généreusement  à  tous  ceux  qu'il  savait  devoir  en  profiter 
pour  leurs  propres  travaux,  honorant  par  là  ce  beau  nom  de 
savant  (ju'il  méritait  si  bien,  et  que  ne  lui  marchandera  pas 
la  postérité  reconnaissante. 

Nous  avons  encore  perdu  deux  de  nos  correspondants 
nationaux,  MM.  Charles  Bayetet  Emile  Guimet.  M.  Bayet, 
vous  le  savez,  s'était  occupé  d'histoire  byzantine,  et  il 
aurait  sans  doute  beaucoup  et  utilement  produit  dans  ce 
domaine,  sans  les  circonstances  qui  lui  firent  de  bonne 
heure  accepter  d'absorbantes  fonctions  administratives. 
C  était  un  haut  esprit  et,  en  dépit  des  apparences,  un  sen- 
timental. La  dernière  fois  que  je  le  rencontrai,  il  revenait 
de  Salonique,  où  il  avait  sollicité,  à  soixante-six  ans,  un 
service  d'état-major,  et  ne  souhaitait  qu'une  chose,  retour- 
ner à  Pont-à-Mousson.  près  de  la  tombe  d'un  de  ses  fils^, 
frappé  mortellement  presque  sous  ses  yeux,  dans  les  pre- 
miers mois  de  la  g-uerre.  Mais  il  avait  rapporté  d'Orient  le 
g-erme  du  mal  qui  devait  le  terrasser.  11  est  mort  à  Toulon, 
le  16  septembre,  des  suites  d'une  opération  jugée  inévi- 
table. L'escorte  de  lieutenant  à  laquelle  il  avait  droit  lui 
rendit  les  honneurs  ;  derrière  le  cercueil  recouvert  du  dra- 
peau tricolore,  quelques  amis  s  étaient  groupés,  au  nombre 
desquels  était  un  ancien  compagnon  de  sa  jeunesse,  notre 
confrère    M.  Jean  Aicard. 

Je  n'ai  pas  à  rappeler  longuement  ici  la  brillante  carrière 
de  AL  Guimet,  les  dons  variés  de  son  intelligence,  son  goût 
pour  les  arts,  particulièrement  pour  la  musique,  qu'il  cul- 
tiva en  mélomane  éclairé  et  en  compositeur,  ses  théories 
sociales,  si  heureusement  adaptées  à  la  grande  industrie 
qu'il  dirigeait.  Ce  sont  là  choses  connues  de  vous,  Mes- 
sieurs. Et  ce  qui  ne  Test  pas  moins,  ce  sont  ses  voyages 
en  Orient  et  en  Extrême-Orient,  les  riches  collections  qu'il 
en  rapporta,  les  musées  qu'il  fonda,  à  Lyon   d'abord,  puis 


SÉANCE    PltiLIQl  Ë    ÀNNUËLLfc:  409 

à  Paris  et  dans  d  autres  villes  de  France.  11  voulut  être  et 
il  lut  le  promoteur  d'un  vif  mouvement  de  curiosité  à 
légard  des  vieilles  religions  orientales,  dont  il  conlril)ua 
plus  que  personne  à  répandre  chez  nous,  par  tous  les 
moyens,  la  connaissance.  C'est  là  surtout  ce  qui  le  rattache 
à  notre  Académie,  et  ce  qui  lui  valut  ce  titre  de  corres- 
pondant dont  il  était  fier.  En  lui  nous  avons  perdu  un 
bienfaiteur  de  la  science,  duquel  nous  conserverons  pieu- 
sement le  souvenir. 

De  l'esquisse  que  j  ai  tracée  de  votre  activité  durant 
année  de  ijuerre.  dont  les  angoisses  s'évanouissent,  se 
résolvent  dans  le  nuage  d'or  de  la  Victoire,  il  résulte,  Mes- 
sieurs, que,  malg-ié  toutes  les  difficultés  rencontrées  en 
chemin,  vous  avez  utilement  travaillé  poin-  la  France. 
C'était  justice,  car  ce  que  vous  faites  lui  est  beaucoup 
moins  indifférent  que  ne  l'imagine  le  vulg-aire.  Elle  a  lon- 
guement et  cruellement  souffert,  et  maintenant  elle  dresse 
la  tête  et  scrute  lavenir,  où  elle  voit  de  tous  côtés  les 
x'e'g'ards  fixés  sur  elle,  comme  si  d  elle  le  monde  attendait 
la  lumière,  une  lumière  égale  à  l'éclat  de  ses  armes.  Elle 
doit  être  en  état  de  remplir  cette  grande  attente.  Vous  l'y 
aiderez  par  vos  initiatives  et  par  celles  que  vous  susciterez 
autour  de  vous.  Elle  ne  vit  pas,  en  effet,  seulement  de 
pain,  elle  vit  encore  de  vérité,  d'idées  ;  elle  vit  du  respect 
et  de  la  gloire  ([in  lui  en  viennent,  et  c'est  là.  peut-être, 
la  parure  qu'elle  préfère,  celle  qu'elle  a  toujours  recher- 
chée et  dont  elle  s'est  ornée  aux  plus  beaux  jours  de  son 
histoire,  celle  à  laquelle  elle  doit  son  rayonnement  à  tra- 
v'ers  la  terre  habitée.  Plusieurs  des  sciences  que  vovis 
cultivez  ont  eu  dans  ce  rayonnement  leur  part.  Mais  elle 
veut  plus  aujourd'hui  :  elle  veut  que  tous  ceux  qui  le 
peuvent  se  dévouent  à  son  prestige,  et  elle  le  mérite  pour 
son  courage  et  pour  sa  foi  inébranlable  en  son  destin. 

Je   ne  puis,   en  terminant,    résister    au   désir   de    placer 

191«  28 


lin  SEANCt  n  iii.ivn:  ANMtLLi'; 

sous  vos  yeux  un  portrait  d'elle,  tracé  d'une  plume  alerte 
el  originale,  il  y  a  deux  ans  et  plus,  lors  de  nos  grandes 
épreuves,  mais  qui  reste  vrai,  el  (jui  le  sera  toujours. 
L'écrivain  anonyme  qui  en  est  l'auteur  voit  la  France  lui 
apparaître  sous  des  traits  humains,  que  ne  g-àte  aucun 
attribut  allégorique.  La  beauté  de  son  visage  est  mûre, 
mais  sa  grâce  et  le  charme  de  son  regard  la  sauvent  des 
atteintes  du  temps. 

<*  Elle  m'a,  dit  son  peintre,  montré  du  doigt  en  souriant 
l'année  d'épreuve  ({ui  s'achève,  puis  l'année  de  gloire  qui 
vient.  Et  j'ai  bien  vu  qu'elle  avait  un  faible  pour  l'année 
la  plus  douloureuse,  la  plus  laborieuse;  car  elle  est  ainsi, 
les  autres  ne  la  comprendront  jamais  :  elle  aime  la  lutte  et 
l'ellort,  elle  ne  plaint  pas  sa  peine,  elle  est  celle  pour  qui 
ce  n'est  pas  un  châtiment  de  gagner  son  pain  à  la  sueur 
de  son  front,  ni  de  défendre  son  droit  au  prix  de  son  sang. 

«  Elle  m'a  parlé.  Elle  m'a  dit  qu'elle  était  tière  de  com- 
battre pour  les  petits,  pour  les  opprimés,  pour  l'Idée.  Elle 
m'a  dit  qu'elle  avait  la  Foi,  ({ui  est  vraiment  une  vertu;  la 
bonne  humeur  qui  est  aussi  une  vertu;  la  patience... 
«  Mais,  a-t-elle  ajouté  modestement,  ce  n'est  pas  un  mérite, 
puisque  j'ai  aussi  l'éternité.  » 

«  Elle  m'a  dit  enfin  : 

«  N'est-ce  pas  que  je  suis  digne  d'être  aimée?  C'est  le 
«  péché  de  mon  cœur  trop  tendre,  et  dont  nos  ennemis  se 
«  moquent  :  je  veux  qu'on  m'aime,  je  veux  qu'on  m'aime, 
«  jusqu'à  la  passion  et  jusqu'à  la  mort  !  » 

Je  ne  vous  dirai  pas  le  nom,  Messieurs,  de  la  feuille 
légère  qui  a  reproduit  ce  médaillon  d'un  moderne  Théo- 
phraste  ;  il  est  rarement  prononcé  sous  cette  coupole,  car 
c'est  une  feuille  légère,  on  ne  peut  le  nier,  ce  qui  prouve 
qu'en  tout  lieu,  pendant  cette  guerre,  on  a  pensé  et  senti 
juste,  avec  une  émotion  communicative  qui  n'est  le  propre 
d'aucune   école.    Est-il  chose    plus   belle  que  cette  union 


SKANCE    i'LIJLiylE    ANNLt:LLË-  il  1 

sacrée    îles  talents,    comme    des   cœurs,   en   faveur    de    la 
France,  de  notre  chère  France? 


11.  JUGEMENT  DES  CONCOURS 


PRIX    ORDINAIRE    OU     DU    BUDGET    (2.000  fr.) 

I/Académie  avait  proposé,  pour  l'année  1918,  le  sujet  suivant  : 
Élude  grammaticale  sur  une  des    Umcfues  nouvellement  découvertes 

de  l'Asie  centrale. 

Aucun   mémoire  n'ayant  été  adressé  sur  le  sujet  proposé,  le  prix 

n'a  pas  été  décerné. 

ANTIQUITÉS    DE    LA    FRANCE 

La  commission  des  Antiquités  a  attribué  ; 

La  f»  médaille  (1.500  fr.)  à  M,  R.  de  Saint-Venant  pour  son  Dic- 
tionnaire topographique,  historique,  biographique,  généalogique  et 
héraldique  du  Vendàmois; 

La  2«  médaille  (1.000  fr.)  à  M.  G.  Mollat  pour  son  Etude  critique 
sur  les  «  Vitœ  paparum  Avenionensium  »  d'Etienne  Baluze. 

PRIX  de  numismatique    veuve  duchalais  (i.OOO  fr.) 

La  commission  du  prix  Duchalais  a  décerné  le  prix  à  M.  le  comte 
D     Castei.lane  pour  ses  Mélanges  de    numismatique  du  moyen   âge. 

prix  fondés  PAR  LE  BARON  GOBERT  (10.000  fr.' 

pour  le   travail  le  plus  savant  et   le  plus  profond  sur  l'histoire 
de  France  et  les  études  qui  .s'?/  rattachent. 

L'Académie  a  décerné  le  premier  prix  à  M.  Jules  Viard,  conser. 
valeur  adjoint  aux  Archives  nationales,  pour  son  livre  intitulé  :  Les 
Journaux  du  Trésor  de  Charles  IV  ; 

Le  second  prix  à  M.  le  baron  Le  Barrois  d'Obgeval,  pour  son 
ouvrage  intitulé:  Le  Tribunal  de  la  Connélablie  de  France  du 
A7V'«  siècle  à  1790. 


1 1 :2  sÉÀN c k  (» L  R L 1  o  i  i-;  A  ms  L  tLL t; 


PUIX    BORDIN     (i^.UOOlV.) 

Sur  le  monlanl  ilti  pi-lx  Bokdin,  réservé  cette  aimée  au  moyen  âge 
et  à  la  Renaissaucc,  rAcadéiiiie  a  attribué  les  récompenses  sui- 
vantes : 

1»  1.500  francs  à  M.  André  Blum,  pour  L'Estampe  satirique  en 
France  pendant  les  guerres  de  reliyion  ; 

2°  300  francs  à  M.  l'abbé  Cli.  Guéry,  pour  son  Histoire  de  l  abbaye 
de  Lyre  ; 

3"  500  francs  à  M.  A.  Langfors,  .pour  Les  Incipil  des  poèmes 
français  antérieurs  au  A'V/e  siècle  ; 

4°  500  francs  à  M.  E.  Partuhieh,  pour  Délie,  object  de  la  plus  haulle 
nertu  {par  Maurice  Scève),  édition  critique. 

PRIX    LOUIS    FOULD    (5.000  fl'.) 

Ce  prix  biennal  a  été  partagé  de  la  façon  suivante  : 
1°  .3.000  francs  à   M.  G.  Millet  pour   ses   Recherches   sur   Vicono- 
(/raphiede  r Évangile  aux  .Y/F",  XV'  et  A'V/«  siècles,  d'après  les  mo- 
numents de  Mistra,  de  la  Macédoine  et  du  mont  Athos  ; 

2"  2.000  francs  à  M.  Louis  Bréhier,  pour  L'Art  chrétien  ;  son 
iléceloppement  iconographique,  des  origines  à  nos  Jours. 

PRIX  BRUNET  (3.000  fr.) 

Ce  prix  triennal,  destiné  au  meilleur  ouvrage  de  bibliographie  sa- 
vante publié  en  France,  a  été  partagé  de  la  façon  suivante  : 

l»  1.500  francs  à  M.  Henri  Hauser,  pour  Les  Sources  de  l'histoire 
de  France  au  XVI'^  siècle  {U9i-1610)  ; 

2»  1.000  francs  à  M.  Loviot  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Auteurs  et 
livres  anciens  {XVI'  et  XVII'  siècles)  ; 

30500  francs  à  M.  P.  Le  Verdier,  pour  L'Atelier  de  Guillaume  Le 
Talleur,  premier  imprimeur  rouennais. 

prix    STANISLAS    JULIEN    (1.500fr.) 

La  commission  du  prix  Stanislas  Julien  a  décerné  le  prix  à  M.  J. 
ToBAR,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  La  Chine  et  les  religions  étran- 
gères, Kiao-ou-Ki-lio  «  Résumé  des  affaires  religieuses  ».  Traduction 
et  commentaire. 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  413 

PRIX    DELACANDE-GUÉRFNEAU    (i  .000    fl'.) 

Ce  prix  biennal,  réservé  cette  année  à  l'antiquité  classique,  a  été 
décerné  à  M,  P.  Roussel,  pour  son  'ouvrage  intitulé  :  Délos  colonie 
athénienne. 

PnrX    OF.    I,A    GRANGE  fi  .000  fr.) 

La  commission  du  prix  de  La  Grange  a  décerné  le  prix  à  M.  Ernest 
Langlois,  pour  son  édition  du  Roman  de  lu  Rose,  t.  1*''. 

PRIX  SAiNTOUR  (.3.000  rr.) 

Le  prix  Saintour,  réservé,  cette  année,  à  l'Orient,  a  été  partagé  de 
la  façon  suivante  : 

1°  2.000  francs  à  M.  Cl.  Huart,  pour  sa  traduction  du  manuscrit 
arabe  :  Le  Livre  de  la  création  et  de  Vhisloire  de  Motahhar  ben  Tnhir 
El-Maqdisi,  t.  V  ; 

2°  1.000  francs  à  M.  S.  Biarnay,  pour  son  Etude  sur  les  dialectes 
berbères  du  Rif. 

PRIX  .i.-j.  berger  (15.000  fr.) 

pour  les  œuvres  les  plus  méritantes  concernant 
la   Ville  de  Paris. 

La  commission  a  décerné  les  récompenses  suivantes  : 

1°  4.000  francs  au  D'"  E.  Wickersheimer,  pour  ses  Commentaires 
de  la  Faculté  de  Médecine  de  V  Université  de  Paris  ; 

2°  3.000  francs  à  M.  E.  Coyecque,  pour  son  Recueil  d'actes  notariés 
relatifs  à  V  histoire  de  Paris  au  XVP  siècle; 

3°  3.000  francs  à  M.  Vidier,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Les  Mar- 
fjuilliers  laïcs  de  Notre-Dame  de  Paris  ; 

4°  2.000  francs  à  M.  L.  Dorez,  pour  son  ouvrage  sur  La  Faculté  de 
décret  à  r Université  de  Paris  au  XV^  siècle; 

5°  1.000  francs  à  M.  l'abbé  Ci.erval,  pour  le  Registre  des  procès- 
verbaux  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris  ; 

6"  1.000  francs  à  M.  P.  Lacombe,  pour  son  ouvrage  :  Anciens  livrets 
des  rues  de  Paris  imprimés  aux  XV^  et  XVI'  siècles; 

1°  500  francs  à  l'ouvrage  de  M.  Paul  Lecestre,  tué  à  l'ennemi  : 
Notice  sur  l'Arsenal  royal  de  Paris  Jusqu'à  la   mort  d'Henri  IV  ; 

8°  oOO  francs  à  M.  Camille  Bernard,  pour  sa  Restitution  des 
Thermes  d,e  Lutèce. 


41  i  SÉANCK    PUBI.IQUK    AiNNUKLLK 

1MU\    (-..VlilUEl, -AUGUSTE    PHOSl'    (1.200    ff.) 

La  commission  du  prix  Auguste  Pkost,  destiné  à  récompenser  les 
travaux  historiques  sur  Metz  et  les  pays  voisins,  a  décerné  le  prix  à 
M.  Germain  de  Maidy,  archéologue  lorrain,  pour  ses  éludes  publiées 
en  1917  et  pour  l'ensemble  de  ses  travaux.  •  > 

PRIX     LEFÈVRE-DEUMIER    (20.000   fr.) 

Ce  prix  décennal,  en  faveur  de  louvrage  le  plus  remarquable  sur 
les  mythologies,  philosophies  et  religions  comparées,  n'a  pas  été 
décerné.  L'Académie  a  attribué  sui-  les  arrérages  les  récompenses 
suivantes  : 

l"  3.000  francs  à  M.  L.  Puech,  pour  son  livre  sur  Les  Apologistes 
chiétiens  du  second  siècle; 

2°  3.000  francs  à  M.  Dussaud,  pour  l'ensemble  de  ses  ouvrages  sur 
les  religions  parus  depuis  dix  ans  ; 

;{"  2.000  francs  à  M.  Picavet,  pour  son  Essai  sur  l'histoire  (/énérale 
et  comparée  des  philosophies  et  théologies  du  moyen  âge, 

PRIX    DE    numismatique    ORIENTALE    (1.200  fr.) 

Aucun  ouvrage  n'ayant  été  déposé,  le  prix  quadriennal  fondé  par 
M.  Edmond  Drouin  n'a  pas  été  décerné. 

PRIX     HENRI    LANTOINE    (500  fr.) 

Aucun  ouvrage  n'ayant  été  présenté  pour  le  prix  fondé  par 
M"''  Lantoine,  en  mémoire  de  son  frère  Henri  Lantoine,  sous  forme 
d'un  prix  une  fois  donné  à  Vauteur  d'un  travail  sur  Virgile,  le 
concours  a  été  prorogé,  pour  la  quatrième  fois,  à  l'année  1919. 

MÉDAILLE     PAUL     BLANCHET 

L'Académie  a  décerné,  cette  année,  deux  de  ces  médailles,  des- 
tinées à  récompenser  des  découvertes  et  des  travaux  sur  l'Afrique 
du  Nord  :  l'une  à  M.  Gouvei-,  conservateur  du  Musée  de  Sousse 
Tunisie)  ;  l'autre  à  M™''  la  comtesse  de   Chabannes  dk  La  Pai.ice  . 

PRIX    TUORLET   (4.000    fr.) 

Les  revenus  de  cette  fondation  doivent  être  employés  par  l'Institut 
eu   i)rixde  toute  espèce  :    prix  de  vertu,   prix  d'encouragement  pour 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNLKLLE  415 

des  œuvres  sociales  ou  d'érudilion  s'occupanl  d"hisloire  ou  d'ail,  vu 
particulier  de  peinture.  .  . 

L'Institut  a  mis  à  la  disposilion  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  une  somme  de  yv/a/remi/Zf /"'"a/ics,  qui  a  été  distribuée 
en  trois  parts  :  un6  de  troix  mille  fi-mirs  et  deux  autres  de  cinq 
ceiils  francs  chacune. 


III.  EMPLOI   DES  REVENUS   DES  FONDATIONS 


FONDATION  DE  M.  LE  DUC  DE  LOUBAT  (6.000  fr.) 

L' Académie  a  appelé  cette  année  quatre  personnes  au  bénéfice  de 
cette  fondation  destinée  soit  à  venir  en  aide  aux  savants  momenta- 
nément arrêtés  dans  leurs  travaux  par  le  manque  de  ressources  ou 
la  maladie,  soit  à  secourir  leurs  parents,  etc. 

FONDATION    BENOIT    GARNIER 

L'Académie  a  accordé,  sur  les  arréi'ages  de  la  fondation,  les  sub- 
ventions suivantes  : 

1»  10.000  francs  à  M.  Bonnel  de  Mezières  pour  une  nouvelle  mis- 
sion archéologique  dans  r.\frique  du  Nord-Ouest  ; 

2"  5.000  francs  à  M.  L.  Aurousseau,  pour  une  mission  archéolo- 
gique en  Mandchourie. 

FONDATION     PIOT 

L'Académie  a  attribué,  sur  les  arrérages  de  la  fondation,  les  sub- 
ventions suivantes  : 

4.000  francs  à  M.  Paris,  directeur  de  l'École  des  Hautes  études 
bispaniques,  pour  continuer  ses  fouilles  à  Bolonia  (Espagne); 

3.000  francs  à  M.  le  D""  Carton  pour  continuer  ses  fouilles  de  Bulla 
Regia  ; 

2.000  francs  au  R.  P.  Delattre,  pour  achever  les  fouilles  de  la  basi- 
lifjue  de  Sainte-Monique,  à  Carthage  ; 

2.000  francs  à  M.  Mendel,  directeur  du  Service  archéologique  de 
l'armée  d'Orient,  pour  aider  à  constituer  une  collection  de  clichés 
et  de  dessins  des  travaux  effectués. 


4  Kl  SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUKLLR 


FONDATION     AUGUSTE    PEI.LF.CIIET 


Sur  la  fondation,  instituée  pour  assuror  la  conservation  des  mo- 
numents non  classés  en  France  et  aux  colonies,  l'Académie  a 
accordé  : 

3.000  francs  à  la  commune  de  Maillot,  près  de'Sens  (Yonne),  pour 
la  réparation  de  son  église  ; 

400  francs  au  Syndical  d'initiative  de  Laroquebrou  (Cantal),  pour 
la  consolidation  de  la  tour  du  château  de  Laroquebrou. 


IV.   DELIVRANCE    DES   DIPLOMES 

o"aii(;mi\iste   pai.éogh  \pme 


Eu  exécution  des  prescriptions  d'une  lettre  du  Ministre  de  l'ins- 
Iriiction  publique  en  date  du  2  février  1833,  l'Académie  déclare  que 
les  élèves  de  l'Ecole  des  Chartes  qui  ont  été  nommés  archivistex 
paléographes  par  arrêté  ministériel  du  28  février  1918,  conformé- 
ment à  la  liste  dressée  par  le  Conseil  de  perfectionnement  de  cette 
Ecole,  sont  par  ordre  de  mérite  : 

1.  M.   Henri-Frédéric  .Iassemin. 

2.  M.  Vincent-Ernest  Albert  Fi  iro. 
El  hors  rang-,  à  titre  étranger  : 

M.  André    Bovet. 


ANNONCE     DES    CONCOURS 

dont  les  termes  expirent 
EN  1H19,  1920,  1921,  1922  et  1923. 


PRIX      ORDIN  Ul!i: 


L'Académie  rappelle  qu'elle  a  proposé  les  ([uestions  suivantes  : 
1°  Pour  l'année  1919  : 

Les  instilutions  rnilitaires  de  la  France,  de  la   mort  de  Louis  XI  à 
la  fin  des  guerres  d'Italie  (15o9). 


SÉANCE    PUBLIOUF-;    ANNUELLE  417 

2°  Pour  l'année  1920,  l'Académio,  vu  les  circonstances,  a  décidé 
que  le  prix  serait  attribué  à  la  meilleure  édition  parue  en  France 
d'un  auteur  grec  nu  latin. 

L'Académie  propose,  en  outre,  pour  l'année  1921,  le  sujet  suivant: 
Etude  sur  la  phonétique  chinoise. 

Les  livres  ou  les  mémoires  répondant  à  chacune  de  ces  questions 
devront  être  déposés  au  Secrétariat  de  l'Institut  avant  le  1"  janvier 
de  l'année  du  concours  *. 

Chacnii  de  ces  prix  est  de  la  valeur  de  deux  mille  francs. 

ANTIQUITÉS    DE    I,A     FRANCK 

Trois  médailles,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs  la  ])reinière, 
mille  francs  la  deuxième,  et  cinq  cents  francs  la  troisième,  seront 
décernées  en  1019  aux  meilleurs  ouvrasses  manuscrits  ou  publiés  dans 
le  cours  des  années  1917  et  1918  sur  les  Antiquités  de  la  France,  qui 
auront  été  déposés,  les  imprimés  en  double  exemplaire,  au  Secréta- 
riat de  l'Institut,  avant  le  1^'  janvier  1919.  —  Les  ouvrag-es  de  numis- 
matique ne  sont  pas  admis  à  ce  concours. 

Le  concours  est  annuel. 

MÉDAILLE  ULYSSE  CHEVALIER  (500  fr.) 

M.  le  chanoine  Ulysse  Chevalier,  membre  de  l'Institut,  a  fait  don  à 
l'Académio  des  inscriptions  et  belles-lettres  d'une  rente  de  cent 
francs,  dont  les  arrérages  capitalisés  serviront  «  à  fonder  une 
médaille  de  cinq  cents  francs,  qui  sera  attribuée  tous  les  cinq  ans 
par  la  commission  du  concours  des  Antiquités  de  la  France,  à  Tou- 
vrafife  le  plus  méritant  sur  l'histoire  et  l'archéologie  du  Dauphiné, 
on,  h  défaut,  de  la  Provence  ». 

La  médaille  Ulysse  Chevalier  sera  décernée  pour  la  première  fois 
en  1923. 

PRIX  FONDK  PAI!  IK  RARON  GOBERT  (10.000  fr.) 

Pour  l'année  1919,  l'Académie  s'occupera,  à  dater  du  !•"■  janvier,  de 
l'examen  des  ouvrages  qui  auront  paru  depuis  le  !•'''  janvier  191S  et 
f|ui  pourront  concourir  aux  prix  annuels  fondés  par  le  baron  Gobert. 
En  léguant  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  la  moitié 
du  capital  provenant  de  tous  ses  biens,  après  l'acquittement  des  frais 

I.  Voir  p.  4v^0  les  conditions  arénérales  des  concours. 


418  SÉANCE    PUIILIOIIR    ANNUELLE 

et  des  legs  particuliers  indiqués  dans  son  loslamoal,  lo  fondateur  a 
demandé  «  que  les  neuf  dixièmes  de  l'intérêt  de  cette  moitié  fussent 
proposés  en  prix  annuel  pour  lo  trovail  le  plus  savant  ot  le  plus  pro- 
fond sur  riiistoire  de  France  et  les  éludes  (jui  s'y  rattachent,  et  l'autre 
dixième  pour  celui  dont  le  mérite  en  approchera  le  plus  ;  déclarant 
vouloir,  en  outre,  que  les  auteurs  des  ouvrages  couronnés  continuent 
à  recevoir,  chaque  année,  leur  prix,  jusqu'à  ce  qu'un  ouvrage  meilleur 
le  leur  enlève,  et  ajoutant  qu'il  ne  pourra  être  présenté  à  ce  concours 
que  des  ouvrages  nouveaux  ». 

Tous  les  volumes  d'un  ouvrage  en  cours  de  publication,  qui  n'ont 
point  encore  été  présentés  au  prix  Gobert,  seront  admis  à  concourir, 
si  le  dernier  volume  remplit  toutes  les  conditions  exigées  par  le  pro- 
gramme du  concours. 

Sont  admis  à  ce  concours  les  ouvrages  composés  par  des  écrivains 
étrangers  à  la  France. 

Sont  exclus  de  ce  concours  les  ouvrages  des  membres  ordinaires 
ou  libres  et  des  associés  étrangers  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres. 

«  L'Académie  rappelle  aux  concurrents  que,  pour  répondre  aux  inten- 
tions du  baron  Gobert,  qui  a  voulu  récompenser  les  ouvrages  les 
plus  savants  et  les  plus  profonds  sur  l'histoire  de  France  et  les  études 
qui  s'y  rattachent,  ils  doivent  choisir  des  sujets  qui  n'aient  pas  encore 
été  sulfisamment  approfondis  par  la  science.  La  haute  récompense 
instituée  par  le  baron  Gobert  est  réservée  à  ceux  qui  agrandissent 
le  domaine  de  la  science  en  pénétrant  dans  des  voies  inexplorées. 

Six  exemplaires  de  chacun  des  ouvrages  présentés  à  ce  concours 
devront  être  déposés  au  Secrétariat  de  l'Institut  (délibération  du  27 
mars  1840)  avant  le  1"  janvier  1919,  et  ne  seront  pas  rendus. 

Ce  concours  est  annuel. 

PRIX    JEAN-JACQUES    BERGER    (15.000    fr.)   , 

Le  prix  Jean-Jacques  Berger,  de  la  valeur  de  quinze  mille  francs, 
h  décerner  successivement  par  les  cinq  Académies  u  à  l'œuvre  la 
|)lus  méritante  concernant  la  Ville  de  Paris  »,  sera  attribi>é  par  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-letti-es  en  1923. 

PRIX    EMILE    LE    SENNE    (2.000  fr.) 

Ce  prix,  qui  est  biennal,  a  été  fondé  par  M.  et  M™«  Le  Senne  en 
mémoire  de  leur  fils,  Emile  Le  Senne,  tué  à  l'ennemi,  pour  encou- 
rager en  France  les  études  historiques,  archéologiques,  artistiques. 


SÉANCE    PIIBLIOLE    ANNUELLE  419 

iconographiques,  ivlatives   exclusivemeul  à    la  ville  de  Paris  ou  au 
département  de  la   Seine  ;  il  sera  décerné  pour  la  première  fois  en 

loiy. 

Sont  admis  au  concours  les  ouvrages  édités  et  les  manuscrits 
encore  à  publier  d'auteurs  français,  consacrés  à  des  sujets  antérieurs 
il  la  période  des  cinquante  dernières  années  qui  précèdent  le  con- 
cours. 

Dépôt  des  ouvrages  au  Secrétariat  de  l'Institut  avant  le 
1^'- janvier  1919. 

PRIX    DK    LA    l'ONS-MÉLICOCQ    (1.800   fr.) 

Vn  prix  triennal  de  dix-huit  cents  francs  a  été  fondé  par  M.  de  La 
Fons-Mélicocq,  en  faveur  du  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  et  les 
antiquités  de  la  Picardie  et  de  l'Ile-de-France  (Paris  non  compris). 

L'Académie  décernera  ce  prix,  s'il  y  a  lieu,  en  1920  ;  elle  choisira 
entre  les  ouvrages  manuscrits  ou  publiés  en  1917,  1918  et  1919,  (pii 
lui  auront  été  adressés,  en  double  exemplaire  s'ils  sont  imprimés, 
avant  le  1*^'"  janvier  1 920. 

PRIX    GABRIEL-AUGUSTE    PBOST    fl  .200     iV.'l 


M.  Gabriel-Auguste  Prost,  membre  de  la  Société  des  Antiipiaires 
de  France,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
une  rente  de  douze  cents  francs,  pour  la  fondation  d'un  prix  annuel, 
à  décerner  à  l'auteur  français  d'un  travail  historique  sur  Metz  et  les 
pays  voisins. 

L'Académie  décernera  ce  prix  en  1919. 

Les  ouvra:ges  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  les 
imprimés  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de  l'Institut  avant  le 
1^''  janvier  1919. 

PRIX    DU    RARON    DE    COURCEL    (2.400  ff.) 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  deux  mille  quatre  cents  francs,  a  décerner 
successivement  par  l'Académie  française,  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  et  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques, 
est  destiné  à  récompenser  <<  une  œuvre  de  littérature,  d'éi'udition  ou 
d'histoire  qui  sera  de  nature  à  attirer  l'intérêt  public  sur  les  premiers 
siècles  de  Phistoire  de  France  (époque  mérovingienne  ou  carlovin- 
gienne;  ou  à  populariser  quelque  épisode  de  cette  histoire,  depuis 
l'origine  rudimentaire  des  tribus  franques  jusqu'aux  environs  de  l'an 
1000  1). 


'»-20  SltANl-.K    FLIU.IQIIR    ANNUELLE 

Ce  prix  sera  d(^cerné  par  l'Acaclémie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en  1910. 

Los  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  les 
imprimés  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le 
l""  janvier  1919. 

L'Académie  se  réserve  d'inti'oduire,  s'il  y  a  lieu,  les  candidatures 
d'auteurs  dont  les  ouvrages  n'auraient  pas  été  présentés. 

PRIX    DE    LA    GRANGE    (1.000  f  r.  ) 

M.  le  marquis  de  La  Grange,  membre  de  l'Académie,  a  légué  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-tettres  une  rente  annuelle  de 
mille  francs  destinée  à  fonder  un  prix  en  faveur  de  la  publication  du 
texte  d'un  poème  inédit  des  anciens  poètes  de  la  France  ;  à  défaut 
d'une  œuvre  inédite,  le  prix  pouri'a  être  donné  au  meilleur  travail  sur 
un  ancien  poète  déjà  publié. 

Ce  prix  sera  décerné  en  1919. 

PRIX  bordin  (3.000  fr.) 

M.  Bordin,  notaire,  voulant  contribuer  au  progrès  des  lettres,  des 
sciences  et  des  arts,  a  fondé,  par  son  testament,  des  prix  annuels  qui 
sont  décernés  par  chacune  des  cinq  classes  de  l'Institut. 

L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a  décidé  que,  à  partir 
de  l'année  1904,  le  prix  annuel  de  la  fondation  Bordin  sera  destiné  à 
récompenser  successivement,  tous  les  trois  ans,  des  ouvrages  rela- 
tifs :  1°  à  l'Orient;  2°  à  l'antiquité  classique  ;  3°  au  moyen  âge  ou  à 
la  Renaissance. 

En  conséquence,  le  prix  Bordin  sera  décerné  : 

En  1919,  au  meilleur  ouvrage  relatif  aux  études  orientales,  publié 
depuis  le  i"  janvier  1917  ; 

En  1920,  au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'antiquité  classique  publié 
depuis  le  l*""  janvier  1916; 

En  1921,  au  meilleur  ouvrage  relatif  au  moyen  âge  ou  à  la  Renais- 
sance publié  depuis  le  l*""  janvier  1918. 

Deux  exemplaires  de  chacun  des  ouvrages  présentés  devront  être 
déposés  au  Secrétai-iat  de  l'Institut,  avant  le  1*'  janvier  de  l'année 
du  concours. 

PRIX    EXTRAORDINAIRE    BORDIN     i3.000fr.') 

L'Académie  a  décidé  que  le  prix  extraordinaire  Bordin.  qui  est 
biennal,  sera  décerné  : 


StANr.t    fUULlQt  È    ANNUELLE  42l 

V.n  (yl9,  au  meilleur  ouvrage  imprimé  lelalii'à  lanliquilé  classique. 
Dépôt  des  ouvrages  présentés,  en  double  exemplaire,  au  Secréta- 
riat de  l'Institut,  avant  le  i"  janvier  1919. 

PKIX    DEI.ALANDE-GUÉRINEAU    (1.000    fr.) 

M™''  Delalande,  veuve  Guérineau,  a  fondé  un  prix  biennal  de 
mille  francs,  destiné  à  récompenser  l'auteur  de  l'ouvrage  jugé  le 
meilleur  par  l'Académie. 

L'Académie  décide  que  le  prix  Delalande-Guérineau  sera  décerné, 
en  1920,  au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'Orient. 

Les  ouvrages  manuscrits  ou  publiés  depuis  le  i**"  janvier  1918,  des- 
tinés à  ce  concours,  devront  être  déposés,  les  imprimés  en  double 
exemplaire,  au  Secrétariat  de  l'Institut,  avant  le  l^""  janvier  1920. 

PRIX    JOSEPH    SAINTOUR    (3.000  fr.) 

L'Académie  rappelle  que  ce  prix,  de  la  valeur  de  trois  mille  franat, 
sera  décerné  dans  l'ordre  suivant  : 

En  1919,  au  meilleur  ouvrage  relatif  à  l'antiquité  classique,  publié 
depuis  le  1*'"  janvier  1916  ; 

En  1920,  au  meilleur  ouvrage  relatif  au  moyen  âge  ou  à  la  Renais- 
sance, publié  depuis  le  1"  janvier  1917  ; 

En  1921,  au  meilleur  ouvrage  relatif  aux  éludes  orientales,  publié 
depuis  le  1='' janvier  1918. 

Seront  admis  au  concours  les  ouvrages,  manuscrits  ou  imprimés, 
d'auteurs  français. 

Les  ouvrages  destinés  à  ces  concours  devront  être  déposés,  les 
imprimés  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de  l'Institut .  avant  le 
1""  janvier  de  1  année  du  concours. 

PRIX     DE    CHÉNIER    (2.000  fr.  ) 

\jnio  Adéla'ide-Élisa  Frémaux,  veuve  de  M.  Louis-Joseph-Gabriel 
DE  Chénier,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
une  somme  de  quatorze  mille  francs,  «  pour  le  revenu  être  donné  en 
prix,  tous  les  cinq  ans,  à  l'auteur  de  la  méthode  que  ladite  Acadé- 
mie aura  reconnue  être  la  meilleure,  la  plus  simple,  la  plus  prompte, 
la  plus  efficace  pour  l'enseignement  de  la  langue  grecque  ». 

Par  suite  d'un  accord  survenu,  le  2  juillet  1909,  avec  les  héritiers 
de  la  fondatrice  du  prix,  il  a  été  ajouté  au  programme  ci-dessus  la 
clause  suivante  : 


.{.'2"}  SEANCE    l^UlJLIQUK    ANNUELLE 

«  A  défaut  il'un  ouvrage  répondanl  exactement  aux  termes  de  la 
fondation.  l'Académie  pourra  donner  le  prix  à  l'ouvrage  qui  lui 
paraîtra  être  le  plus  utile  à  l'étude  de  la  langue  et  de  la  littérature 
o-recques,  pourvu  qu'il  ait  été  publié  dans  les  (jualrc  années  cjui 
seron  l  écoulées  depuis  que  ce  prix  aura  été  décerné.  >• 

L'.\cadémie  décernera  ce  prix  en  1919. 

PRIX    HONORÉ    CHAVÉE    (1.800    fr.) 

Ce  prix,  institué  par  M™*  veuve  Honoré  Chavée,  sera  décerné,  tous 
les  deux  ans,  à  des  travaux  de  linguistique.  Il  pourra  être  affecté  aux 
recherches,  missions  ou  publications  relatives  aux  langues  romanes. 

La  commission  évocjuera  elle-même  les  ouvrages  qui  lui  paraî- 
tront dignes  du  prix.  On  pourra  appliquer  les  revenus  de  la  fonda- 
tion à  récompenser  des  voyages,  missions  ou  recherches  de  tout 
ordre. 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  dix-huit  cents  francs,  sera  décerné  en  1919. 

PRIX  LOUIS  FOULD  (5.000  fr.) 

Ce  prix  biennal  est  destiné  à  récompenser  l'auteur  du  meilleur 
ouvrage  sur  l'histoire  des  arts  du  dessin,  en  s'arrêtant  à  la  fin  du 
XVI*  siècle. 

Il  sera  décerné  en  1920. 

Les  ouvrages  imprimés  devront  être  écrits  ou  traduits  en  français 
ou  en  latin  et  déposés,  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de 
rinstitut,  avant  le  l"  janvier  1920  *. 

PRIX    RAOUL    DUSEIGNEUR    (3.000  fr.) 

M™^  la  marquise  Arconati-Visconti  a  fait  don,  entre  vifs,  à  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  l)elles-lellres,  de  la  somme  nécessaire 
pour  la  fondation  d'un  prix  triennal  de  trois  mille  francs,  portant  le 
nom  de  Raoul  Duseigneur  et  destiné  à  récompenser  des  travaux 
concernant  aussi  bien  l'art  et  l'archéologie  espagnols  depuis  les 
temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  fin  du  xvi*  siècle  que  les  trésors 
artistiques  ou  archéologiqu(>s  de  ces  mêmes  époques  conservés  dans 
les  collections  publiques  ou  privées  de  l'Espagne. 

Ce  prix  sera  décerné  en  1920. 

Dépôt  des  ouvrages,  les  imprimés  en  double  exemplaire,  avant  le 
1"  janvier  1920. 

1.  Par  décision  de  l'Académie  du  22  mai  1908,  les  ouvrages  manuscrits 
sont  exclus  de  ce  concours. 


^ 


^k' 


StAN'  ;     PIBLIylE  ànNuElLé  ^'2o 


PRIX    DE    NUMISMATIQUE    ANCIENNE    tï    OU    MOYEN    AtiE 

I.  Le  prix  de  uumibnialique  fondé  per  M.  Ai.lieh  de  .Hautehochk 
sera  décerné,  en  1919,  au  meilleur  oiivrape  de  numismatique  ancienne 
qui  aura  été  publié  en  1917  et  191R 

II,  Le  prix  de  nuvniàniKliqtie  fondé  i.ar  M»""-  veuve  Di-cualais  sera 
décerné,  en  Ifli'O,  afi  meilleur  ouvrr—  '-  •^  r..,ic.., .!-,.,..  ,!î.  moyen 
âge  qui  aura  '.U-  publié  en  1918  et  I 

Chacun  «le  ces  prix  est  de  la  valeur  de  mille  francs. 

Les  ouvrages  présentés  devront  èlre  déposés,  en  doubli-  cxem- 
plairt-,  au  Secrétariat  do  l'Institut,  avanl  le  l"""  janvier  de  l'année  du 
concours. 

PRIX    DE    NUMISMATIQUE    OUIENTALE    (1.20U    fr.; 

M.  Edmond  DRoumalégué  à  TAcadémic  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  une  rente  annuelle  de  trois  cents  francs,  pour  fonder  un  prix 
qui  doit  être  décerué,  tous  les  quatre  ans,  au  meilleur  travail, 
manuscrit  ou  imprimé,  sur  la  numismatique  orientale,  quelle  (|ue 
soit  la  nationalité  de  Tautcur.  Ce  prix,  qui  pourra  Alif>  i,:n!.Tno.  «^era 
décerné  en  1922. 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  les 
imprimés  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de  riuslilul  av.inl  lo 
1"  janvier  1922. 

f  nix  BRUNET  (3.000  fr.) 

M.    Bhim  1     i  ;;    l'iix    iri.iiiial  de   trois   mille  francs    pour 

l'ouvrage  do  btb  'O  .savante  que  l'Académie   des  inscriptions 

jugerait  le  plus  récompense. 

L'Académie  déor;  i  i921,  le   prix  au  meilleur  des  ouvrages 

do  bibliograplii.'  s.-;  ..ir.ic,  piibii<'-s  eu  France  dans  les  trois  dernières 
années,  et  dont  deux  exemplaires  aur^"*  ''i'''  ■■^•'■vf^o''^  îi"  S.>ciétari;it 
de  l'Institut  avant  le  1"  janvier  1921. 

rR!\  '.ASTON    MASPER'  1      .000    fr.' 

Cf  prix  quin(|uennal  de  1;..000  francs  a  été  fondé  par  M.  le  duc 
L.i:  LouBAi,  membre  de  l'Institut,  en  mémoire  de  Gaston  Maspebo, 
pour  récompenser  un  ouvrage  ou  un  ensemble  de  travaux  relatifs 
à  rhislnirc  imcicnne  de  l'Orient  classique  (Syrie,  Pbénicie,  Pales- 
tine, Chaldé»-;  cl  plus  pnrticuii^i -m.M-,!  de  l'Egypte).  Il  sera  décerné, 
pour  la  première  fois,  en  1922 


Daqnan-BoTivereC.piTïx 


KDTiiarcb.ii.sc. 


SÉANCE   fUBLtOUE   AnNLËLLË  i'^'è 


PRIX     DE    NUMISMATIQUE    ANCIENNE    ET    OU    MOYEN    AOE 

I.  Le  prix  de  iiumisniati(|ue  fondé  par  M.  Ai.lieh  de  .Hauteroche 
sera  décerné,  en  1919,  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique  ancienne 
qui  aura  été  publié  en  1917  et  1918. 

II.  Le  prix  de  numismatique  fondé  par  M'"''  veuve  Di^cuai.ais  sera 
décerné,  en  1920,  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique  du  moyen 
âge  qui  aura  été  publié  en  1918  et  1919. 

Chacun  de  ces  prix  est  de  la  valeur  de  mille  francs. 

Les  ouvrages  présentés  devront  être  déposés,  en  double  exem- 
plaire, au  Secrétariat  de  rinstitul,  avant  le  1"  janvier  de  Tannée  du 
concours. 

PRIX  de  numismatique  orientale  (I  .200  fr.) 

M.  Edmond  Drouin  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  une  rente  annuelle  de  trois  cents  francs,  pour  fonder  un  prix 
qui  doit  être  décerné,  tous  les  quatre  ans,  au  meilleur  travail, 
manuscrit  ou  imprimé,  sur  la  numismatique  orientale,  quelle  que 
soit  la  nationalité  de  l'auteur.  Ce  prix,  qui  pourra  être  partagé,  sera 
décerné  en  1922. 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  les 
imprimés  en  double  exemplaire,  au  Secrétariat  de  l'Institut  avant  le 
1"  janvier  1922. 

prix  brunet  (3.000  fr.) 


s 


M.  Brunet  a  fondé  un  prix  triennal  de  Irais  mille  francs  pour 
l'ouvrage  de  bibliographie  savante  que  l'Académie  des  inscriptions 
jugerait  le  plus  digne  de  cette  récompense. 

L'Académie  décernera,  en  1921,  le  prix  au  meilleur  des  ouvrages 
de  bibliographie  savante,  publiés  en  France  dans  les  trois  dernières 
années,  et  dont  deux  exemplaires  auront  été  déposés  au  Secrétariat 
de  l'Institut  avant  le  l*""  janvier  1921. 

PRIX    «    GASTON    MASPERO    »    (lo.OOO    fr.) 

Ce  prix  ({uiiiquennal  de  IJl.OOO  fiancs  a  été  fondé  par  M.  le  duc 
DE  LouBAT,  membre  de  l'Institut,  en  mémoire  de  Gaston  Maspebo, 
pour  récompenser  un  ouvrage  ou  un  ensemble  de  travaux  relatifs 
à  l'histoire  ancienne  de  l'Orient  classique  (Syrie,  Phénicie,  Pales- 
tine, Chaldée)  et  plus  particulièrement  de  l'Egypte).  Il  sera  décerné, 
pour  la  première  fois,  en  1922. 


i'2i  SIUNC.E    PlULlQUË    AiN'NlIËLlJ-; 


l'IUX    STANISLAS    JULIEN    (l.î)OOfr.) 

M.  Stanislas  Julien,  membre  de  rinstitul,  a  fondé  un  prix  annuel 
de  quinze  cents  francs  en  faveur  du  meilleur  ouvrage  relatif  à  la 
Chine. 

L'Académie  décernera  ce  prix  en  1919. 

Les  ouvrages  devront  être  déposés,  en  double  exemplaire,  au 
Secrétariat  de  l'Institut  avant  le  i*""  janvier  1919. 

PRIX  H.  A.  giles  (800  fr.) 

M.  Herbert  Allen  Giles,  professeur  de  chinois  à  l'Université  de 
Cambiidge  (Angleterre),  a  fondé  un  prix  biennal,  qui  sera  décerné, 
pour  la  première  fois,  en  1919,  exclusivement  à  un  Français,  pour 
un  travail  relatif  à  la  Chine,  au  Japon  ou  à  l'Extrême-Orient  en 
général. 

Les  ouvrages  devront  être  déposés,  les  imprimés  en  double  exem- 
plaire, au  Secrétariat  de  l'Institut  avant  le  l*""  janvier  1919. 

PRIX    DU   DUC     DE    LOUBAT   1^3.000   ff.) 

M.  le  duc  DE  LouBAT,  membre  de  l'Institut,  a  fondé  un  prix  de 
trois  mille  francs,  qui  doit  être  décerné,  tous  les  trois  ans.  par 
l'Académie,  au  meilleur  ouvrage  imprimé  concernant  l'histoire,  la 
géographie,  l'archéologie,  l'ethnographie  et  la  linguistique  du 
Nouveau  Monde. 

Ce  prix  sera  décerné  en  1919. 

Sei'ont  admis  au  concours  les  ouvrages  pidiliés,  en  langues  latine, 
française  ou  italienne,  depuis  le  !«'' janvier  1916. 

Les  ouvrages  présentés  à  ce  concours  devront  être  envoyés,  au 
nombre  de  deux  exemplaires,  avant  le  l'^"'  janvier  1919,  au  Secré- 
tariat de  l'Institut. 

Le  lauréat,  outre  les  exemplaires  adressés  pour  le  concours,  devra 
en  délivrer  trois  autres  à  l'Académie,  qui  les  fera  parvenir,  un  au 
Cohimbia  Collège,  à  New-York,  le  deuxième  à  la  New-York  Histo- 
rical  Society  de  la  même  ville,  et  le  troisième  à  l'Université  catho- 
lique de  Washington. 

prix  le  fèvre-deumier  (20.000   fr.) 

Ce  prix,  d'une  valeur  de  vingt  mille  francs,  sera  décerné  tous  les 
dix  ans  par  l'Académie.  Suivant   le  vœu   du   testateur,   il   doit  être 


sÉA^■CI•:  puHLiuut;  AiNNLELLt;  425 

nlliiliué  "  à  l'ouvrage  le  plus  remarquable  sur  les  mythologics,  plii- 
losopliios  el  religions  comparées  ». 

Le  prix  sera  décerné  en  1928. 

Les  ouvrages  étrangers  traduits  en  français  seront  admis  à  prendre 
part  au  concours. 

Les  ouvrages   présentés  devront  être   postérieurs   à  l'année  1918. 

PBIX     JKAN     REYNAUD    (iO.OOO    fr.) 

M'""  veuve  Jean  Reyn.vud,  «  voulant  honorer  la  mémoire  de  son 
((  mai-i  et  perpétuer  son  zèle  pour  tout  ce  qui  touche  aux  gloires  de 
((  la  France  »,  a  fait  donation  à  l'Institut  d'une  rente  de  dix  mille 
francs,  destinée  à  fonder  un  prix  annuel,  qui  doit  être  successive- 
ment décerné  par  chacune  des  cimj  Académies. 

Conformément  au  vœu  exprimé  par  la  donatrice,  «  ce  prix  sei'a 
«  accordé  au  travail  le  plus  méritant,  relevant  de  chaque  classe  de 
«  l'Institut,  qui  se  sera  |)roduit  [tendant  une  période  de  cinq  ans. 

-  11  ira  toujours  à  une  œuvre  originale,  élevée,  et  ayant  un  carac- 
<<  tère  d'invention  et  de  nouveauté. 

"    Les  membres  de  l'Institut  ne  seront  pas  écartés  du  concours. 

«  Le  prix  sera  toujours  décerné  intégralement. 

«  Dans  le  cas  où  aucun  ouvrage  ne  paraîtrait  le  mériter  entière- 
«  ment,  sa  valeur  serait  délivrée  à  quelque  grande  infortune  scien- 
n   tifique,  littéraire  ou  artistique.  " 

L'Académie  aura  à  décerner  ce  prix  en  1920. 

PHIX     ESTRADE-DELCROS     (8.000     tr.) 

M.  Estrade-Delckos  a  légué  toute  sa  fortune  à  l'Institut.  Le 
montant  de  ce  legs  a  été,  selon  la  volonté  du  testateur,  partagé, 
par  portions  égales,  entre  les  cinq  classes  de  l'Institut,  pour  servir  à 
décerner,  tous  les  cinq  ans,  un  prix  sur  le  sujet  choisi  par  chaque 
Académie. 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  huit  mille  francs,  sera  décerné  par  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres,  en  1922,  à  une  œuvre 
rentrant  dans  les  ordres  d'études  dont  elle  s'occupe  et  publiée  dans 
les  cinq  années  précédentes. 

cmx  nu    HARUN  de  joest  (2.000  Ir.) 

Ce  prix,  de  la  valeur  de  deux  mille  francs,  à  décerner  successi- 
vement par  les  cinq  Académies  «  à  celui  qui,  dans  l'année,  aura  fait 
1918  29 


426  SEANCt    PtJltMQLË   ANNUELLE 

«  une  découverte  ou  écriL  rouviaj;e  le  plus  utile  au  bien  public  o, 
sera  attribué  i)ai'  rAcadémic  dos  inscriptions  et  bclles-leLtrcs  en 
1920. 

Les  ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire  s'ils  sont  imprimés,  au  Secrétariat  de  l'Institut 
avant  le  1"  janvier  1920, 

MÉDAILLE    PAUL    BLAN^HET 

M.  R.  Cagnat,  membre  de  l'Institut,  a  fait  don  à  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  au  nom  du  Comité  du  monument 
Blaiichet,  d'une  somme  de  six  cents  froncs,  reliquat  de  la  souscrip- 
tion ouverte  pour  élever  un  monument  à  Paul  Blancuet,  mort  à 
Dakar  (Sénégal),  au  cours  d'une  expédition  scientifujue.  Les  arré- 
rages de  celle  somme  sont  destinés  à  faire  les  frais  d'une  médaille 
qui  doit  être  attribuée  à  une  découverte  relative  à  l'histoire,  la 
géographie  ou  l'archéologie  de  l'Afrique  du  Nord. 

PRIX    HENRI    LANTOINE    (500  fr.) 

M"«  Louise-Bérengère-Marthe  Lantoine  a  fait  donation  entre  vifs 
à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  d'une  somme  de 
cinq  cents  francs  pour  être  attribuée,  sous  forme  d'un  prix  une  fois 
donné,  à  l'auteur  d'un  travail  sur  Virgile  (étude  ou  édition),  écrit  de 
préférence  en  latin,  quelle  que  soit  la  nationalité  de  l'auteur.  Ce  prix 
doit  porter  le  nom  de  Henri  Lantoine,  frère  de  la  donatrice.  Il  sera 
décerné,  s'il  y  a  lieu,  en  1919. 

Dépôt  des  ouvrages  au  Secrétariat  de  l'Institut,  en  double  exem- 
plaire, avant  le  l"  janvier  1919. 

FONDATION  DE  M.  LE  DUC  DE  LOUBAT  (6.000  fr.) 

M.  le  duc  de  Loubat,  membre  de  l'Institut,  a  fait  donation  entre 
vifs  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  de  deux  titres 
de  rente  annuelle  de  trois  mille  francs  chacun,  u  Cette  fondation,  dit 
le  donataire,  a  pour  objet  et  pour  but  de  parer  aux  difficultés  de  la 
vie  matérielle  qui  pourront  entraver  les  recherches  scientifiques, 
soit  que  ces  difficultés  refusent  les  loisirs  nécessaires  à  ceux  qui 
voudraient  s'engager  dans  cette  voie,  soit  qu'elles  leur  enlèvent  la 
liberté  d'esprit  dont  ils  ont  besoin,  qu'elles  les  troublent  par  les 
inquiétudes  qu'ils  peuvent  concevoir  sur  le  sort  réservé  à  leur 
vieillesse  ou  à  la  famille  qu'ils  risquent  de  laisser  après  leur  mort 


8ÉANCK    l'LBLlQL'K    ANNUELLE  427 

clans  uhe  sîluatioii  étroite  et  pénible.  En  conséquence,  les  fonds 
produits  par  cette  Fondation  seront  attribués,  sous  telle  forme  r[ui 
sera  déterminée  par  l'Académie,  aux  études  (jui  rentrent  dans 
Tordre  de  celles  que  l'Académie  patronne  et  encourage.  Ils  serviront 
aussi  à  venir  en  aide  aux  savants  momentanément  arrêtés  dans  leurs 
travaux  par  le  manque  de  ressources  matérielles  ou  par  la  maladie, 
ou  à  secourir  les  parents,  veuves,  ascendants,  descendants  ou  colla- 
téraux (jue  la  position  précaire  ou  le  décès  de  ces  savants  laisserait 
dans  l'embarras.  " 

L'Académie  réalisera  en  1919  les  généreuses  intentions  du 
donateur. 

FONDATION    THORLET    (4.000  fr.) 

Les  revenus  de  cette  fondation  doivent  être  employés  par 
l'Institut  à  la  distribution  de  prix  de  toute  espèce  :  prix  de  vertu, 
prix  d encourayement  pour  des  œuvres  sociales  ou  d'érudition,  etc. 

L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  en  ce  (jui  la  con- 
cerne, attribuera,  en  1918,  divers  prix  suivant  le  programme  précité. 

FONDATION.   AUGUSTE    PELLECHET    (9.000  fr.) 

M"''  .Marie- Léontine-Catlicrine  Pellccbet,  aux  termes  de  son  tes- 
tament du  {«'janvier  1900,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  une  somme  de  trois  cent  mille  francs  :  «  Les  intérêts 
de  cette  somme,  dit  la  testatrice,  devront  être  employés  à  con- 
server les  monuments  existant  en  France  et  aux  colonies  qui  pré- 
sentent un  intérêt  historique  ou  archéologique. 

«  Chaque  année,  une  Commission  sera  nommée  couii)reiiant  des 
membres  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  aux- 
quels on  adjoindra  des  architectes  de  l'Académie  des  beaux-arts, 
dont  le  nombre  ne  devra  jamais  être  inférieur  au  quart  des 
membres  de  la  Commission. 

«  Cette  Commission  sera  chargée  de  centraliser  les  demandes 
faites  par  les  municipalités  et  même  les  particuliers  pour  obtenir 
un  secours  afin  de  consolider  un  monument.  Ces  secours  devront 
être  consacrés  surtout  à  empêcher  la  ruine  ou  la  détérioration  du 
ou  des  monuments  et  non  à  la  restauration  générale  de  ces 
monuments... 

«1  Cette  fondation  prendra  le  nom  de  Fondation  Auguste  PeUechel, 
en  souvenir  de  mon  père  qui  m'a  donné  le  goût  des  arts  et  les 
moyens  de  fonder  cette  rente.  » 

La  fondation  recevra  son  application  en  1919. 


l2S  SÉANCE    l'LItLigit;    ANNL'ËLLK 

FONDATION  piOT  (17.000  1V.  (ic  reveiiii) 

M.  liugèiie  PioT  a  légué  à  l'Acarlémie  des  inscriptions  et  belles- 
loi  lies  la  totalité  de  ses  biens.  Lt*s  intérêts  du  capital  résultant  de 
la  liquidation  de  la  succession  doivent  être  affectés,  chaque  année, 
«  à  toutes  les  expéditions,  missions,  voyages,  fouilles,  publications 
que  l'Académie  croira  devoir  faire  ou  faire  exécuter  dans  l'intérêt 
des  sciences  historitiues  ou  archéologiques,  soit  sous  sa  direction 
personnelle  par  un  ou  plusieurs  de  ses  membres,  soit  sous  celle  de 
toutes  autres  personnes  désignées  par  elle  ». 

L'Académie  a  décidé  qu'il  sera  rés'ervé,  chaque  année,  sur  les 
revenus  de  la  fondation,  une  somme  de  six  mille  francs  pour  la 
publication  d'un  recueil  (jui  porte  le  titre  suivant  :  Fondation  Piot. 
Monuments  et  Mémoires  publiés  par  V Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres. 

L'Académie  disposera,  en  1919,  du  surplus  des  revenus  de  la  fon- 
dation selon  les  intentions  du  testateur. 

FONDATION  GARNiEn  (15.000  fr.  de  revenu) 

M.  Benoît  Garnier  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  la  totalité  de  ses  biens.  Les  intérêts  du  capital  résultant  de 
la  liquidation  de  la  succession  doivent  être  affectés,  chaque  année, 
«  aux  frais  d'un  voyage  scientiQque  à  entreprendre  par  un  ou  plu- 
sieurs Français,  désignés  par  l'Académie,  dans  l'Afrique  centrale  ou 
dans  les  régions  de  la  Haute  Asie  ». 

L'Académie  disposera,  en  1919,  des  revenus  de  la  fondatiort  selon 
les  intentions  du  testateur. 

FONDATION  LOUIS  DE  CLERCQ 

M"'*  De  Clercq  et  M.  le  comte  de  Boisgelin  ont  fait  donation,  entre 
vifs,  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  d'une  somme 
d'environ  deux  cent  mille  francs,  représentée  par  huit  cents  actions 
de  la  Société  des  mines  de  houille  de  Bourges  (Pas-de-Calais),  dont 
les  revenus  devaient  être  affectés  à  continuer  la  publication,  com- 
mencée par  feu  M.  De  Clercq,  du  catalogue  de  sa  collection  d'anti- 
quités et  de  médailles.  Après  l'achèvement  du  catalogue,  les  revenus 
seraient  employés  à  subventionner  des  publications  relatives  à 
l'archéologie  orientale. 

Le  Catalogue  ayant  été  terminé  dans  le  courant  de  l'année  1912, 
l'Académie  dispose  maintenant  du  revenu  de  la  fondation  pour  sub- 


SÉANCE    PUBLIQUE    ANNUELLE  429 

vëntionner  des  publications  relatives  à  l'archéologie  orientale  ;  mais 
le  rendement  des  mines  de  Dourges  étant  momentanément  arrêté 
par  la  guerre,  les  opérations  de  cette  fondation  seront  suspendues 
en  1919. 

FONDATION  DOURLANS  (43.000  fr.  dc  rcveou) 

M.  L.-G.  DouRLANS  a  légué  toute  sa  fortune  à  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  pour  être  employée  en  faveur  des 
études  dont  celle-ci  s'occupe  :  la  guerre  ayant  atteint  momentané- 
ment les  revenus  de  cette  fondation,  l'Académie  ne  saurait  jusqu'à 
nouvel  ordre  faire  état  de  cette  ressource. 


430  SÉANT.F    PllBMQUK    ANNITI-I-R 

CONDITIONS     GÉNÉRALES 

DES  CONGOUHS 

Les  ouvrages  envoyés  aux  dilTérents  concours  oiivorls  par  l'Aca- 
tlémie  devront  parvenir,  franci^  de  port  et  brochés,  au  Secrétariat  de 
rinstitul,  avant  le  {"Janvier  de  l'année  où  le  prit-  doit  être  décerné. 
Ceux  qui  seront  destinés  au  concours  pour  lesquels  les  ouvrages 
imprimés  ne  sont  point  admis  devront  être  écrits  en  français  ou  en 
latin.  Ils  porteront  une  épigraphe  ou  de-vise,  répétée  dans  un  billot 
cacheté  qui  contiendra  le  nom  de  l'auteur.  Les  concurrents  sont 
prévenus  que  tous  ceux  (jui  se  feraierit  connaître  seraient  exclus  du 
concours;  leur  attention  la  plus  sérieuse  est  appelée  sur  cette 
disposition. 

L'Académie  ne  rend  aucun  des  ouvrages  imprimés  ou  manuscrits 
qui  ont  été  soumis  à  son  examen  ;  les  auteurs  des  manuscrits  ont  la 
liberté  d'en  faire  prendre  des  copies  au  Secrétariat  de  rinslitut. 

Le  même  ouvrage  ne  pourra  pas  être  présenté  en  même  temps  à 
deux  concours  de  l'Institut. 

Nul  n'est  autorisé  à  prendre  le  titre  de  Lauréat  de  l'Académie 
s'il  n'a  été  jugé  digne  de  recevoir  un  prix  ou  l'une  des  médailles 
du  concours  des  Antiquités   de  la   France. 

Les  personnes  qui  ont  obtenu  des  récompenses  ou  des  mentions 
n'ont  pas  droit  au  titre  de  lauréat  et  doivent  se  borner  à  inscrire 
sur  les  ouvrages  qu'elles  publient  :  Récompensé  par  i Académie  ou 
Mention  au  concours  de... 

Le  montant  des  sommes  annoncées  pour  les  prix  n'est  signalé 
qu'à  titre  d'indications  subordonnées  aux  variations  du  revenu  des 
fondations. 


EDESSE 

PENDANT    LA    PREMIÈRE    CROISADE 

PAR    M.    J.-li.    CHABOT,    MEMBRE   DE    L'aCADÉMIR 


Messieurs, 

Les  territoires^occupés  par  les  Francs  lors  de  la  première 
croisade  formèrent  quatre  Etats  féodaux  :  au  Sud,  le 
royaume  de  Jérusalem  ;  au  Nord,  la  principauté  d'Antioche  ; 
entre  les  deux,  le  petit  comté  de  Tripoli,  et,  beaucoup  plus 
au  Levant,  le  comté  d  Edesse  qui  s'étendait  sur  les  deux 
rives  de  l'Euphrate. 

Edesse  est  le  nom  classique  de  la  ville  appelée  aujour- 
d'hui Orfa,  située  en  Mésopotamie,  au  Nord-Est  d'Alep, 
à  vingt  lieues  au  delà  de  l'Euphrate.  dans  une  plaine  très 
fertile,  au  pied  d'une  colline  escarpée  facile  à  défendre, 
autour  de  sources  abondantes  qui  lui  firent  donner,  par 
quelques  auteurs  grecs,  le  nom  de  Gallirrhoé  (Belle  fon- 
taine). 

Ville  célèbre  entre  toutes  les  villes  de  l'Orient,  devenue, 
après  la  ruine  de  l'empire  d'Alexandre,  la  capitale  d'un 
petit  royaume  indépendant,  elle  a  joué  un  rôle  considérable 
dans  les  grandes  luttes  engagées  entre  les  Romains  et  les 
Parthes,  et  ensuite  entre  l'empire  de  Byzance  et  les  rois 
Sassanides,  jusqu'à  l'invasion  arabe. 

Convertie  au  christianisme  vers  le  milieu  du  u*  siècle, 
elle  devint  un  foyer  intense  de  propagande  religieuse.  Les 
légendes  formées  deux  cents  ans  plus  tard  autour  de  ses 
origines  chrétiennes   ont  eu,  pendant  tout  le  moyen  âge, 


i'i2  ÉDESSK    PK.NDAISI     LA    PREMIKHE    CltOlSADi: 

lin  retentissement  merveilleux,  même  en  Occident  ;  celle 
surtout  cjui  concerne  la  loltro  et  le  portrait  du  Sauveur 
envoyés,  disail-on,  au  roi  Abgar  :  jjrototype  de  la  lé<;ende 
occidentale  de  sainte  \'éroniqiu\ 

Pendant  trois  siècles,  Edesse  lut  le  centre  le  plus  iiclil" 
de  la  culture  intellectuelle  en  Orient.  Son  dialecte,  —  le 
syriaque,  —  porté  à  un  haut  deg-ré  de  perfection  |)ai-  des 
écrivains  remarquables,  devint  la  lang-ue  commune  de  toute 
la  Syrie  et  de  la  Mésopotamie.  L'invasion  musulmane 
ralentit  cet  essor  sans  l'éteindre-.  La  langue  arabe  a  lini 
par  supplanter  dans  l'usage  la  langue  syriaque,  mais  celle- 
ci  n"a  cessé  d'être  cultivée  jusqu'au  xni''  siècle  par  des 
auteurs  de  grand  mérite. 

Tout  ceci  a  été  fort  bien  développé  par  Rubens  Duval, 
dans  un  savant  ouvrage,  couronné  par  notre  Académie  en 
1N91  ;  il  est  intitulé  :  Histoire  politique,  religieuse  et  litté- 
raire cfEdesse,  jusquà  la  première  Croisade. 

Par  contre,  l'histoire  du  comté  d'Edesse  n  a  pas  encore 
été  présentée  comme  il  conviendrait.  Pour  illustrer  cette 
histoire  et  suppléer  au  laconisme  des  écrivains  occidentaux, 
dont  l'attention  se  concentre  sur  Jérusalem  et  Antioche,  il 
faut  recourir  aux  historiens  arméniens  et  syriens  :  les  pre- 
miers sont  souvent  hostiles  aux  Francs  ;  lessvriens  donnent 
des  informations  plus  sûres  et  moins  tendancieuses.  Parmi 
ces  derniers,  il  faut  mettre  en  première  ligne  un  auteur 
contemporain  des  événements,  l'évèque  Basile  Choumna, 
promu  du  siège  de  Cessoun  à  celui  d'Edesse  en  1143.  et 
mort  en  1169.  11  avait  écrit  une  histoire  de  sa  ville  épisco- 
pale.  L'ouvrage  est  perdu  ;  mais  de  longs  extraits  ont  été 
insérés  dans  une  chronique  anonyme,  retrouvée  il  y  a  peu 
d'années.  Je  voudrais  tirer  de  cet  ouvrage,  encore  en  grande 
partie  inédit,  non  pas  une  histoire  d'Edesse  pendant  la 
Croisade,  ce  qui  exigerait  une  longue  dissertation,  mais 
quelques  récits  se  rapportant  à  des  événements  inconnus 
ou  imparfaitement  connus  des  autres  chroniqueurs. 


ÉDKSSE    PENDANT    LA    PREMIÈRE    CROISADE  433 


L'occupation  dÉdesse  par  les  Francs  eut  ceci  de  particu- 
lier qu'elle  ne  fut  pas  accomplie  par  la  force  des  armes, 
mais  par  la  libre  volonté  de  ses  habitants.  Les  Croisés 
avaient  à  soutenir  de  rudes  combats  contre  les  troupes  de 
l'Islam  maîtresses  du  pays  ;  mais  les  populations,  en 
majeure  partie  chrétiennes,  surtout  dans  le  Sud  de  l'Armé- 
nie  et  dans  le  Nord  de  la  Syrie,  les  accueillaient  avec  une 
bienveillante  sympathie.  <(  Vous  auriez  été  émerveillé,  écrit 
Foucher  de  Chartres,  de  voir^  quand  nous  passions  près  des 
chrétiens,  comment  ils  se  précipitaient  au-devant  de  nous, 
nous  embrassaient  les  g-enoux  et  baisaient  nos  cottes  de 
mailles.  »  On  a  cru  trouver  dans  cette  conduite  les  motifs 
de  la  recrudescence  de  persécution  dont  les  chrétiens  furent 
victimes  après  1  expulsion  des  Francs.  En  allant  au  fond 
des  choses,  on  s'aperçoit  que  l'esprit  de  représailles  ne  fut 
pas  la  cause,  du  moins  la  cause  unique,  des  ag-gravations 
survenues  dans  la  situation  des  peuples  qui  avaient  été 
soumis  aux  Francs.  A  cette  époque,  la  domination  turque 
avait,  dans  ces  régions,  remplacé  partout  la  domination 
arabe  ;  et,  au  regard  placide  de  l'historien  dépourvu  d'ima- 
g'ination  romanesque,  les  Turcs,  réfractaires  à  toute  culture, 
se  sont  montrés  inaccessibles  aux  sentiments  de  noblesse 
et  de  générosité  dont  les  princes  arabes  ont  parfois  donné 
de  beaux  exemples. 

On  se  demande  d'ailleurs  en  quoi,  à  part  les  sévices  cor- 
porels, la  situation  a  pu  s'aggraver,  et  quels  traits  nouveaux 
ont  pu  s'ajouter  au  tableau  déjà  si  sombre  que  les  chroni- 
queurs ont  tracé  de  l'époque  antérieure  aux  Croisades. 

Ils  ne  cessent  de  se  lamenter  sur  les  misères  infligées 
aux  populations  par  les  exigences  des  princes  de  Mossoul, 
de  Damas  ou  d'Alep.  Outre  l'impôt  ignominieux  de  la  capi- 
tation  qui  frappait  les  chrétiens  et  les  juifs,  en  signe  de 
sujétion,  de  lourdes  charg-es  pesaient  sur  tous  les  sujets  des 


434  ÉDESSE    PENDANT    LA    PREMIÈRE    CROISADE 

sultans  :  impôts  sur  les  terres,  sur  les  maisons,  sur  les 
arbres,  sur  les  troupeaux  ;  multiplication  des  péages  sur  les 
routes,  ttes  octrois  à  l'entrée  et  à  la  sortie  des  villes,  des 
droits  sur  les  marchés  et  sur  les  récoltes.  Nul  ne  pouvait 
moissonner  son  champ,  vendang-er  sa  vigne  ou  cueillir  ses 
fruits  sans  avoir  préalablement  acquitté  une  forte  taxe.  A 
cela  s'ajoutaient,  surtout  pour  les  chrétiens,  des  corvées  et 
des  réquisitions  de  toute  nature.  Et  comme  si  ce  n'était  pas 
assez  de  ces  contributions  qui  revêtaient  une  apparence  de 
lép-alité,  les  caprices  et  la  cupidité  des  fonctionnaires  ne 
laissaient  échapper  aucune  occasion  de  molester  les  habitants 
et  d'extorquer  leurs  maigres  ressources. 

Voici  un  gouverneur  qui  découvre  un  ingénieux  moyen 
de  grossir  ses  revenus.  A  la  fin  de  l'automne,  il  achète  à 
vil  prix  tous  les  chameaux  chétifs  et  malades  et  les  envoie 
en  subsistance  chez  les  villageois.  Les  bêtes  crèvent  pen- 
dant l'hiver,  et  au  printemps  les  malheureux  paysans 
doivent  payer  trente  dinars  pour  chaque  animal  disparu.  — 
Ailleurs,  c'est  un  chamelier  qui  se  voit  infliger  une  forte 
amende  parce  que  ses  bêtes  se  sont  permis  d'humecter  la 
route  par  où  devait  passer  le  préfet.  —  Un  jour,  ce  même 
préfet  rencontre  un  homme  blessé  à  la  tête  et,  chose 
inouïe,  il  paraît  s'intéresser  à  son  sort.  Le  blessé  raconte 
que  son  âne  a  pris  peur  et  l'a  jeté  à  terre.  Aussitôt,  l'ani- 
mal rétif,  déclaré  coupable  de  tentative  de  meurtre  sur  la 
personne  de  son  maître,  est  condamné  à  mort.  Le  pauvre 
homme  doit  verser  un  dinar  pour  racheter  la  vie  de  sa 
monture . 

On  comprend  qu'après  plusieurs  siècles  de  ce  régime 
d'oppression  et  de  vexations,  les  chrétiens  de  Syrie  étaient 
disposés  à  bien  accueillir  ces  guerriers  qu'on  disait  partis 
des  confins  de  la  terre  d'Occident  pour  délivrer  le  tombeau 
du  Christ  et  leurs  frères  d'Orient  du  joug  des  infidèles. 

En  Gilicie,  le  comte  Baudoin,  frère  de  Godefroy  de 
Bouillon,    s'était  séparé  du  gros  de  l'armée  pour  se  livrer, 


i':desse  pendant  la  première  croisade  43S 

dans  la  direction  de  TEuphrate,  à  des  incursions  heureuses 
qui  l'avaient  mis  en  possession  de  plusieurs  places  fortes. 
A  cette  nouvelle,  les  g-ens  d'Edesse  obligèrent  leur  j<ou- 
verneur,  l'Arménien  Théodore,  h  envoyer  une  députation 
vers  Baudoin,  pour  l'inviter  à  venir  prendre  possession  de 
leur  ville.  Il  n'y  avait  pas  long-temps  qu  ils  avaient  recou- 
vré une  certaine  indépendance.  En  1094,  al-Faridj,  général 
du  sultan  de  Damas  et  d  Alep,  avait  enlevé  Edesse  de  vive 
force  aux  partisans  du  sultan  de  Mossoul  et  s'y  était  ins- 
tallé. Quelques  jours  après,  les  officiers  réunis  autour  de  leur 
chef  dans  un  joyeux  banquet  lui  exposaient  les  plaintes 
des  soldats  :  ceux-ci  étaient  mécontents  de  n  avoir  pas  été 
autorisés  à  se  livrer  au  pillage.  Faridj,  cédant  à  leurs  ins- 
tances, accorda  l'autorisation  pour  le  lendemain.  Or,  dans 
la  salle  du  festin,  se  trouvait  ime  femme  chrétienne,  une 
danseuse,  appelée  là  pour  amuser  les  convives.  Cette  femme 
portait  le  nom  grec  de  Galî  (la  Fouine).  Fort  émue  par  les 
paroles  du  gouverneur,  elle  se  demandait  comment  avertir 
Théodore  du  danger  qui  menaçait  la  ville.  Tout  à  coup  elle 
s'arrête,  prise  de  violentes  douleurs.  On  s'empresse  autour 
d'elle,  on  demande  ce  qui  la  peut  soulager:  «Je  n'ai  d'autre 
remède,  dit-elle,  que  de  me  rendre  au  bain.  »  Elle  part  et 
court  prévenir  Théodore.  Ensemble,  ils  décident  de  pour- 
voir au  salut  de  leurs  concitovens  en  se  débarrassant  du 
gouverneur.  Galî  retourne  à  la  salle  du  festin.  Elle  recom- 
mence ses  exercices  chorégraphiques,  à  la  grande  joie  des 
assistants.  Elle  exécute  une  danse  en  tenant  à  la  main  un 
verre  d'eau  dans  lequel  elle  a  adroitement  introduit  le  poi- 
son qui  lui  avait  été  confié  par  Théodore,  et  termine  ses 
évolutions  en  le  présentant  au  gouverneur.  Une  heure  après, 
Faridj  se  plaint  à  son  tour  de  douleurs  d'entrailles.  Galî 
lui  conseille  de  se  rendre  au  bain.  Elle  l'accompagne,  l'aide 
à  se  dévêtir;  et  ne  le  quitte  pas  avant  qu'il  n'ait  rendu  le 
dernier  soupir.  Elle  sort,  et,  s'adressant  aux  eunuques  qui 
veillaient  k  la  porte  :   <(   Le  prince  est  endormi,    dit-elle  ; 


436  KDEssr:  pendant  la  phkmièrk  croisade 

prenez  g^arde  qu'on  ne  le  dérange.  »  Théodore,  averti  par 
Galî,  appelle  quelques  hommes  courageux  ;  il  monte  à  la 
citadelle  et  surprend  les  convives  déjà  assoupis  par  l'orgie. 
On  court  au  bain  pour  informer  le  gouverneur  ;  on  découvre 
son  cadavre  ;  et  toute  la  garnison,  prise  de  panique,  s'en- 
fuit et  abandonne  la  citadelle  à  Théodore. 

Les  Edesséniens.  peu  rassurés  sur  les  suites  de  ce  meurtre, 
et  conscients  de  leur  impuissance  à  défendre  la  ville,  obli- 
gèrent donc  Théodore  à  appeler  Baudoin. 

Baudoin  partit  avec  une  petite  troupe  de  quatre-vingts 
cavaliers,  accompagné  de  son  chapelain,  l'historien  Fou- 
cher  de  Chartres.  Il  fît  son  entrée  à  Edesse  au  mois  de 
février  1098. 

Peu  de  temps  après,  —  quinze  jours,  au  dire  de  Foucher, 

—  Théodore  fut  massacré  dans  une  émeute.  Un  historien 
arménien  auquel  on  a  attribué  jusqu'ici  beaucoup  trop 
d'autorité,  Matthieu  d'Edesse,  accuse  formellement  Baudoin 
d'avoir  comploté  contre  la  vie  de  Théodore.  Foucher  con- 
sacre trois  lignes  à  cet  événement  et  se  borne  à  dire  que 
Baudoin  regretta  de  n'avoir  pu  arracher  Théodore  à  la  fureur 
populaire.  Ce  laconisme  pouvait  sembler  suspect.  Or  notre 
chroniqueur  syrien,  qui  connaît  tous  les  détails  de  l'affaire, 

—  il  sait  à  quel  point  de  la  ville  éclata  la  sédition,  dans 
quelle  tour  s'était  réfugié  Théodore,  quelles  paroles  furent 
échangées  entre  les  séditieux  et  leur  victime,  —  notre 
chroniqueur,  dis-je,  non  seulement  innocente  Baudoin  de 
toute  complicité,  mais  le  loue  des  efforts  qu'il  fît  pour  déli- 
vrer le  prince  arménien.  Il  est  curieux  de  voir  comment  sa 
narration  concorde  avec  celle  d'Albert  d'Aix-la-Chapelle, 
qui,  on  le  sait,  ne  visita  jamais  l'Orient  et  écrivit  son  his- 
toire d'après  le  récit  de  pèlerins  et  de  Croisés  revenus  de  la 
Terre  Sainte. 

Baudoin  ne  séjourna  pas  longtemps  à  Edesse.  Au  mois 
de  septembre  de  l'année  1100,  il  reçut  une  députation  lui 
apprenant  la   mort  de    son  frère  Godefroy  de  Bouillon  et 


ÉDESSE    PENDANT    LA    l'RliMlKRE    CROISADE  4^7 

le  choix  qu'on  avait  fait  de  sa  personne  pour  lui  succéder. 
Il  partit,  dit  un  chroniqueur  malicieux,  «  assez  triste  de  la 
mort  de  son  frère,  mais  pas  mécontent  de  la  succession  ». 
Le  fief  d'Edesse  passa  à  son  parent  Baudoin  II,  comte  du 
Bouro-. 


Nous  savions  que  Boémond,  prince  d'Antioche,  fut  fait 
prisonnier  au  mois  d'août  1100,  sur  la  route  de  Mélitène, 
aujourd'hui  Malatia,  dans  les  montagnes  d'Arménie.  Notre 
chroniqueur  Basile  est  seul,  autant  que  je  sache,  k  nous 
indiquer  le  motif  de  son  A^oyag-e.  Mélitène  était  occupée 
par  un  seigneur  arménien  appelé  Gabriel,  qui  était  censé 
gouverner  au  nom  de  l'empereur  /Vlexis.  Gabriel  avait 
grande  peine  à  maintenir  son  indépendance  contre  les 
attaques  de  son  puissant  voisin  Goumouchtekin,  sultan  turc 
de  Sébaste.  Pour  s'assurer  un  protecteur,  il  offrit  à  Boé- 
mond la  main  de  sa  fille  et  Mélitène  comme  dot.  Boémond 
allait  chercher  sa  fiancée  lorsqu'il  fut  surpris  par  les  Turcs. 
A  cette  nouvelle,  Baudoin  P""  d'Edesse  s'était  mis  à  la  pour- 
suite du  sultan,  sans  pouvoir  le  rejoindre.  Il  laissa  à  Méli- 
tène un  corps  de  cavaliers  pour  secourir  Gabriel  qui  avait 
mis  la  ville  sous  sa  protection  :  en  d'autres  termes,  s'était 
constitué  son  vassal.  Cependant,  la  captivité  de  Boémond 
se  prolongeait  et  le  seigneur  de  Mélitène  s'inquiétait.  Le 
nouveau  comte  d'Edesse  était  veuf.  Quelques  nobles  châ- 
telaines n'avaient  pas  craint  d'affronter  les  rudes  fatigues 
d'un  périlleux  voyage  pour  suivre  leurs  maris  à  la  Croisade. 
La  comtesse  du  Bourg  était  au  nombre  de  ces  femmes  intré- 
pides. Elle  mourut  sur  les  confins  de  la  Cilicie.  Gabriel 
offrit  de  nouveau  sa  fille  et  sa  ville  à  Baudoin  II,  qui  les 
accepta  ;  et  c'est  ainsi  que  Marfia,  destinée  d'abord  à  être 
princesse  d'Antioche,  devint  comtesse  d'Edesse,  et  plus 
tard  reine  de  Jérusalem  ;  car  en  1118,  Baudoin  II  succéda 


138  ÉDESvSJS    PfiiSt)ANT    t,A    PREMIl^lRE    CROtSAftË 

à  BtUuioiii  1"'  sur  le  trône  royal,  comme  il  lui  avait  succédé 
dix-huit  ans  auparavant  dans  le  comté  d'Edesse. 

Le  lief  passa  alors  aux  mains  du  comte  de  Tibériade, 
Josselin  de  Courtenay,  une  des  ligures  les  plus  curieuses 
et  les  plus  sympathiques  parmi  les  chefs  de  la  première 
Croisade.  Sa  bravoure  était  proverbiale.  «  Il  fut,  dit  un 
historien  arabe,  le  plus  terrible  démon  de  toute  l'armée 
maudite  des  Francs.  »  Amis  et  ennemis  sont  d'accord  pour 
louer  ses  qualités  chevaleresques.  Deux  fois  il  tomba  aux 
mains  des  Turcs.  Voici,  d'après  notre  chronique,  comment 
il  fut  délivré  de  sa  seconde  captivité  : 

Balac,  le  sultan  d'Alep,  le  tenait  enfermé  dans  la  cita- 
delle de  Kharpout,  dans  les  montagnes  du  Taurus,  ainsi 
que  le  roi  Baudoin  II  et  quelques  seigneurs  francs  dont  il 
s'était  emparé  un  peu  plus  tard.  Vers  la  fin  du  mois  d'août 
de  1  an  1123,  des  ouvriers  arméniens  qui  travaillaient  à  la 
forteresse  de  Bethesné,  dans  la  montagne  de  Cessoun,  for- 
mèrent, de  concert  avec  GeotlVoy  le  Moine,  comte  de 
Marache,  et  avec  la  reine  Marfîa,  le  dessein  audacieux  de 
délivrer  les  prisonniers.  Ils  se  rendirent  à  Kharpout.  Dix 
d'entre  eux,  pauvrement  vêtus,  portant  des  œufs,  des  fruits, 
des  poulets,  s'avancèrent  jusqu'à  la  citadelle.  Ils  expli- 
quèrent aux  sentinelles  qu'ils  étaient  de  malheureux  paysans 
fort  maltraités  par  leurs  patrons,  et  qu'ils  désiraient 
exposer  leurs  doléances  au  gouverneur  et  lui  oiîrir  leurs 
modestes  présents.  On  les  fit  entrer.  11  n'y  avait  laque  trois 
soldats  ;  l'un  d'eux  étant  sorti  pour  annoncer  l'arrivée  des 
paysans,  ceux-ci  se  jetèrent  sur  les  deux  autres  et  les  massa- 
crèrent. Ils  appelèrent  leurs  compagnons  restés  dehors.  Tous 
ensemble,  ils  coururent  à  la  prison,  en  ouvrirent  les  portes 
et,  aidés  des  prisonniers,  ils  se  rendent  en  un  instant  maîtres 
de  la  citadelle.  Les  Arméniens  de  la  ville  viennent  les 
rejoindre,  tandis  que  les  Turcs,  partisans  de  Balac,  s'em- 
pressent en  grand  nombre  autour  des  murailles  pour  les 
empêcher   d'en   sortir.  Toute  évasion  devenait  inipossible. 


édEsse  pendant  la  première  croisade  439 

Le  brave  Josselin  prit  une  résolution  ënerg'ique.  Avec  deux 
compagnons,  il  se  jeta  hardiment  sur  la  foule  qui  entourait 
la  citadelle,  parvint  à  s'ouvrir  un  passage,  et  courut  à 
Antioche  pour  en  ramener  une  troupe  et  délivrer  le  roi. 
Balac  se  trouvait  à  Alep.  Apprenant  ce  qui  venait  de  se 
passer,  il  partit  en  hâte,  et  franchit  en  quatre  jours  les 
300  kilomètres  qui  séparent  Alep  de  Kharpout.  Il  entreprit 
aussitôt  le  siège  de  la  citadelle.  Les  béliers  frappèrent  les 
murs  sans  interruption  ;  après  de  longs  efîorts,  une  brèche 
fut  ouverte.  Les  assiégés  se  défendaient  avec  acharnement. 
Balac,  qui  éprouvait  quelque  regret  de  démolir  la  citadelle 
où  il  avait  accumulé  tous  ses  trésors,  jura  au  roi  et  aux 
seigneurs  francs  qu  ils  auraient  la  vie  sauve  s'ils  ouvraient 
la  porte.  11  en  fut  ainsi.  Mais  les  pauvres  Arméniens  qui 
avaient  pris  part  au  complot  furent  écorchés  vifs. 

L'aventure  hâta  néanmoins  la  délivrance  des  prisonniers. 
Pendant  que  Balac  était  en  Arménie.  Josselin  attaquait 
Alep.  Balac  rentré  en  possession  de  Kharpout  revint  vers 
Alep  et  fut  battu  par  les  troupes  de  Josselin.  Il  voulut 
alors  s'emparer  de  Membidj,  l'antique  Hiérapolis,  et  châ- 
tier les  habitants  qui  n'avaient  pas  répondu  à  son  appel. 
Mais,  durant  le  siège  de  cette  ville,  il  fut  tué  par  une  flèche. 
Son  successeur,  Timourtache,  libéra  Baudoin  moyennant 
une  rançon  de  80.000  pièces  d  or  et  l'abandon  de  plusieurs 
forteresses. 

Josselin  mourut  comme  il  avait  vécu,  en  héros.  Tandis 
qu'il  faisait  le  siège  de  Tell-Aran.  un  repaire  de  brigands 
qui  ravageaient  constamment  ses  possessions,  il  voulut 
inspecter  une  mine  creusée  sous  les  murs  de  la  place.  Un 
énorme  bloc  se  détacha  du  plafond  et  s'abattit  sur  lui.  On 
le  retira  à  demi  mort.  Quelques  jours  après,  il  apprit  que 
son  fils  n  osait  attaquer  1  émir  turc  Ghazi,  qui  envahissait 
le  territoire"  du  prince  arménien  Roupen,  allié  des  Francs. 
Sans  hésiter,  il  se  fit  transporter  sur  une  civière  au  milieu 
de  ses    troupes.    L'annonce    de   sa  présence  suffit   à  faire 


iiO  ÉDÈSSE    l'ENDAN'l'    I.A    l'UKMlKHt;    C.ROlSAhE 

reculer   (ilia/i.  Mais    .losseliii   expira   en  arrivant    près  de 
Doliclié  ;  il  fut  enseveli  dans  l'église  de  cette  ville,  en  ICJl. 


* 


Son  iils,  Josselin  II,  lui  succéda.  Guillaume  de  Tyr  trace 
du  nouveau  comte  d'Edesse  un  portrait  peu  flatteur.  «  C'était, 
dit-il,  le  fils  dégénéré  d'un  noble  père  ;  un  homme  adonné 
sans  mesure  à  la  bonne  chère,  à  la  boisson  et  à  la  débauche.  » 
Les  chroniqueurs  orientaux  sont  d'accord  pour  nous  le 
dépeindre  sous  les  mêmes  couleurs.  Ils  attribuent  à  ses 
vices  et  à  ses  crimes  les  malheurs  qui  frappèrent  bientôt 
les  chrétiens.  Sous  son  règne,  en  1144,  Edesse  fut  prise  par 
le  gouverneur  de  Mossoul,  le  célèbre  Zangui,  après  un  siège 
mémorable  et  une  défense  héroïque.  L'évêque  Basile,  notre 
chroniqueur,  qui  se  trouvait  dans  la  cité,  faillit  perdre  la 
vie  durant  le  pillage  qui  suivit  l'occupation.  Il  a  raconté 
toutes  les  péripéties  du  siège  dans  le  plus  grand  détail. 
Après  la  mort  de  Zangui,  en  1146,  un  retour  offensif  des 
Croisés  leur  rendit  la  ville,  mais  pour  quelques  jours  seu- 
lement. Le  fameux  Nour  ed-Dîn,  fils  de  Zangui,  accourut 
d'Alep  et  la  reconquit  sans  peine.  Les  chrétiens  furent 
massacrés,  les  femmes  et  les  enfants  furent  vendus  comme 
esclaves,  et  la  ville  fut  presque  entièrement  détruite.  Elle 
était  définitivement  perdue  pour  les  Croisés.  Josselin  se 
retira  sur  la  rive  occidentale  de  l'Euphrate,  et  finit  par 
tomber  lui-même  aux  mains  de  Nour  ed-Dîn. 

La  chronique  rapporte  ainsi  ce  dernier  épisode. 

En  l'année  1150,  Josselin  se  trouvait  k  Azaz,  forteresse 
située  à  huit  lieues  au  Nord  d'Alep.  11  forma  le  projet  de 
se  rendre  à  Antioche,  avec  le  secret  espoir  d'obtenir  la 
succession  du  prince  Raymond,  mort  l'année  précédente. 
Il  s'avançait,  avec  un  petit  nombre  de  cavaliers,  sur  la  route 
de  Cyrrhus,  lorsqu'un  parti  de  Turcomans,  embusqué  dans 
les  arbres,  se  jeta  sur  lui  et  s'empara  de  sa  personne.   Ils 


ÉDESSE    l*t;Nt)AM     LA    l'KËAIIKRE    ChulSAbt;  lil 

remiiienaienl  sans  savoir  ([ui  il  était.  Au  village  de  Glieik 
ed-Deir,  les  chrétiens  le  reconnurent  et  voulurent  le  rache- 
ter. La  rançon  était  déjà  tixée  à  60  dinars.  Pendant  qu'on 
recueillait  la  somme,  vint  à  passer  un  teintui'ier  juif,  qui 
reconnut  aussi  le  comte  et  dit  aux  Turcomans  :  «  C'est 
Josselin  !  »  Alors  ceux-ci  se  hâtèrent  de  le  conduire  à  Alep 
et  le  livrèrent  à  Nour  ed-Dîn.  qui  leur  distribua  une  récom- 
pense de  mille  dinars.  Nour  ed-Din  lit  crever  les  yeux  à 
Josselin  et  le  jeta  dans  une  prison,  chargé  de  lourdes 
chaînes.  Il  vécut  neuf  années  dans  son  cachot  et  v  mourut 
misérablement.  Son  cadavre  fut  abandonné  aux  chrétiens 
qui  l'enterrèrent  dans  l'église. 

Josselin  II  a\ait  un  fils  en  bas  âge,  ({ui  fut  le  cinquième 
et  dernier  comte  d  Edesse.  Bientôt  dépouillé,  par  les  sul- 
tans d'Alep  et  diconium,  des  derniers  débris  de  son  fief,  il 
passa  en  Palestine,  se  mit  au  service  du  roi  Amaury,  son 
oncle,  et  reçut  plus  tard  la  charge  de  sénéchal  du  rovaume 
de  Jérusalem.  11  fît  revivre  par  de  brillantes  qualités  le  sou- 
venir de  son  grand-père. 

La  chute  d'Edesse  eut  un  retentissement  considérable 
en  Occident  et  alarma  toute  la  chrétienté.  Ce  fut  ii  la  suite 
de  cet  événement  que  le  roi  Louis  VU  et  l'empereur  Con- 
rad, répondant  au  pressant  appel  du  pape  Eugène  111  et  à 
la  voix  éloquente  de  saint  Bernard,  partirent  pour  la  seconde 
croisade.  Mais  l'expédition  n  eut  aucun  succès.  Edesse  ne 
revint  jamais  plus  au  pouvoir  des  Francs. 


Les  restes  des  monuments  —  églises  ou  forteresses  — 
érigés  par  les  Croisés  sur  le  sol  de  la  Palestine  et  dans  la 
région  d'Antioche  excitent  encore  aujourd'hui  l'étonnement 
et  l'admiration  des  voyageurs  et  des  archéologues.  11  n'en 
est  pas  de  même  dans  le  comté  d'Edesse.  On  le  comprend 
facilement,  si    l'on   songe   que    les    chevaliers    n  y    eurent 

1918  30 


•ti2  ÉfiËSSË    l'IiNfjAN'l'    LA    CRKMIKRE   CftoJsAWJ 

jamais  de  repus,  qu  ils  aviiient  sans  cesse  les  armes  à  la 
main,  et  que  la  seule  ville  d'Kdesse  dut  soutenir  sept  sièges 
en  moins  d  un  demi-siècle. 

Mais  si  les  monuments  lapidaires  ne  sont  pas  là  pour 
rappeler  le  passage  des  Francs,  il  ne  faut  pas  croire  que  le 
souvenir  de  leurs  exploits  ait  disparu.  Il  est  devenu  légen- 
daire ;  il  s'est  perpétué  dans  la  tradition  orale  jusqu'à  nos 
jours,  même  parmi  les  populations  les  moins  cultivées. 

Il  y  a  vingt  et  un  ans  de  cela,  sur  la  route  d'Edesse  à 
Alep,  dont  chaque  étape  était  marquée  par  les  traces  encore 
sanglantes  du  récent  massacre  des  Arméniens,  je  rencon- 
trai un  homme  appartenant  à  la  tribu  des  Yézidis,  secte 
mystérieuse  des  environs  de  Mossoul,  que  la  persécution 
turque  a  dispersée  sans  pouvoir  l'anéantir.  Cet  homme  me 
demanda  :  «  Est-ce  bientôt  que  les  Francs  vont  venir  occu- 
per ce  pays?  —  Et  qui  t'a  appris,  dis-je,  que  les  Francs 
doivent  venir?  —  Mais,  fit-il  avec  assurance,  les  prophéties 
l'ont  annoncé.  » 

Je  vous  disais,  Messieurs,  il  y  a  quelques  mois  :  Espé- 
rons que  .l'accomplissement  des  prophéties  ne  tardera  plus 
guère  !  Aujourd'hui,  l'heure  de  la  réalisation  a  déjà  sonné. 
Au  souvenir  des  gloires  militaires  de  nos  ancêtres,  encore 
si  vivace,  après  huit  siècles,  dans  l'esprit  des  populations 
syriennes,  viendra  s'ajouter  dans  leur  cœur  le  sentiment 
joyeux  de  la  reconnaissance  pour  la  France;  pour  la  France 
qui,  seule  pendant  des  siècles,  s'est  efforcée  de  leur  assurer 
une  protection  entièrement  désintéressée  ;  pour  la  France, 
qui  a  conquis  leurs  sympathies  par  le  zèle  et  le  dévouement 
de  ses  missionnaires,  par  la  multiplication  de  ses  écoles  et 
de  ses  institutions  charitables  ;  pour  la  France  qui,  plus 
qu  aucune  autre  nation,  aura  contribué,  avec  l'aide  de  Dieu, 
à  les  affranchir  du  joug  de  la  servitude,  par  la  glorieuse 
Victoire  dont  nous  saluons  les  prémices. 


Notice 

SUR    LA  \m   ET  LES  TRAVAUX 

DE 

M.    LE    MARQUIS    DE    VOGUÉ 

PAR 

M.     RENÉ     GAGNAT 

SECRÉTAIKE     PERPÉTUEL 


Messieurs, 

La  volonté  souveraine  qui  fonda  notre  Académie 
décida,  vous  le  savez,  qu'à  côté  des  savants  de  profession 
siég-eraient  d'illustres  personnages,  amis  et  protecteurs 
éclairés  de  la  science.  Le  règlement  ordonné  par  le  Roi 
pour  l'Académie  royale  des  inscriptions  et  médailles,  le 
16  juillet  1701,  établit  que  la  Compagnie  comprendra  dix 
académiciens  honoraires,  qui  seront  tous  «  recomman- 
dables  par  leur  érudition  dans  les  belles-lettres  et  leur 
intelligence  en  fait  de  monuments  antiques  ».  De  ce  groupe 
d'académiciens  est  né  celui  de  nos  membres  libres,  aucjuel 
appartenait  le  confrère  dont  je  veux  vous  parler  aujour- 
d'hui, le  marquis  de  Vogué. 

Et,  en  vérité,  nul  ne  descendait  plus  directement  que 
lui  de  ces  gens  de  qualité,  illustrations  des  premiers  temps 
de  notre  vie  académique.  Que  dis-je  ?  c'était  presque 
encore  l'un  d'eux.  Sa  haute  stature,  son  port  majestueux, 
la  dignité  de  ses  allures  n'auraient  pas  été  déplacés  sous  le 
justaucorps  ;    avec  quelle    noblesse   sa    tète  eût   porté   la 


lit  NOtlCIi    SUk    M.    LK    MAUnUlS    Dli    VO(Ulli; 

perruque,  si  lout  cet  appareil  eût  été  encore  de  mode  !'  A 
ces  qualités  extérieures,  héritag-e  d'une  lignée  vigoureuse, 
répondaient  de  hautes  vertus  de  l'esprit  et  du  cœur,  une 
érudition  protonde  et  variée,  une  méthode  de  recherches 
sûre  delle-mème,  une  générosité  d'âme  prête  à  tous  les 
dévouements  pour  soulager  les  misères  humaines,  au 
mépris  de  la  fatigue,  de  la  maladie  même.  Ce  grand  sei- 
gneur, ce  savant  éminent,  cet  homme  de  bien  a  été  des 
nôtres  pendant  près  d'un  demi-siècle  ;  nous  l'entourions  de 
notre  vénération. 

Il  nous  a  été  donné  de  la  lui  prouver  solennellement  en 
1909.  Le  29  octobre  de  cette  année-là,  votre  Secrétaire  per- 
pétuel présentait  à  l'assemblée  un  gros  volume  intitulé  : 
Florilegiiim  ou  Recueil  de  travaux  dédiés  à  M.  le  marquis 
Melchior  de  Vogiié  à  Voccasion  du  80^  anniversaire  de  sa 
naissance;  une  soixantaine  de  savants,  français  ou  étrangers, 
appartenant  à  tous  les  pays  oîi  l'érudition  est  en  honneur, 
avaient  tenu  à  collaborer  au  livre,  pour  témoigner  à  notre 
confrère  leur  estime  et  leur  sympathie.  Notre  président 
d'alors,  M.  Bouché -Leclercq,  en  prit  occasion  pour  lui 
adresser,  en  notre  nom  commun,  de  cordiales  félicitations; 
il  lui  souhaitait  de  nous  enseigner  longtemps  «  l'art  de 
vieillir  en  pleine  activité,  en  conservant  tout  ce  qui  donne 
du  prix  à  l'existence  et  en  nous  offrant  un  exemple  qu'il  est 
plus  facile  d'admirer  que  d'imiter  ».  Ce  souhait  fut  exaucé 
pendant  sept  années.  Durant  sept  ans  encore,  Vogiié  résista 
aux  atteintes  de  l'âge  :  ce  n'est  qu'à  la  fin  de  1916  qu'il 
nous  a  été  enlevé.  La  charge  dont  vous  avez  bien  voulu 
m' honorer  me  permettra  de  lui  rendre  ici  publiquement  un 
nouvel  hommage,  le  dernier,  hélas!  qu'il  puisse  recevoir  de 
notre  Académie. 

Gharles-Jean-Melchior  de  Vogué  naquit  à  Paris,  le 
18  octobre  1829,  d'une  famille  riche  d'honneur  et  de  sou- 
venirs,  où    l'on  avait   toujours    allié    le    culte   des    vertus 


NOTICE    SUR    M.     LE    MARQUIS    UK    VOfiÛÉ  44o 

guerrières  au  g-oiit  éclairé  de  la  littérature  et  des  arts.  Son 
père,  esprit  singulièrement  ouvert,  l'éleva  dans  ces  tradi- 
tions. ((  Le  jour  où  j'eus  sept  ans,  ce  qu'on  appelle  l'âge  de 
raison,  a  écrit  notre  confrère  dans  des  Souvenirs  manuscrits 
dont  sa  famille  a  bien  voulu  me  permettre  de  prendre  con- 
naissance, mon  père  me  donna  deux  choses  :  une  gram- 
maire latine  et  un  petit  sabre  de  cavalerie.  C'était  répo([U(> 
où  les  Humanités  étaient  encore  en  grande  faveur  et  com- 
posaient  presque  exclusivement  la  niatière  de  l'enseigne- 
ment :  bien  les  savoir  était  alors  l'obligation  d'hommes 
cultivés...  Quant  au  petit  sabre  de  cavalerie,  il  fut  l'objet 
dun  commentaire  que  je  n'ai  pas  oublié.  En  me  le  remet 
tant,  mon  père  me  rappela  ce  qui  fait  la  grandeur  du  ser- 
vice militaire  et  me  cita  la  célèbre  devise  espagnole  :  «  Ne 
me  tire  pas  sans  raison  et  ne  me  remets  pas  sans  honneur.  )> 
A  ce  double  idéal,  svmbolisé  d'une  façon  si  orio-inale,  notre 
confrère  devait  conformer  toute  son  existence. 

Il  fît  ses  études  au  lycée  Henri  IV,  puis  au  collège  Roi- 
lin,  qui  était  alors  installé  rue  des  Postes  ;  une  de  ces  pen- 
sions comme  il  en  existait  à  cette  époque,  quelques-unes 
restées  célèbres, 'la  pension  Gibon,  lui  donnait  le  gîte  et  le 
couvert,  sans  compter  les  répétitions.  Sa  famille  le  desti- 
nait à  Saint-Cvr  :  il  v  fut  reçu  le  32*  en  1847  ;  mais  il  ne 
voulut  pas  y  entrer,  ayant,  disait-il,  des  ambitions  plus 
hautes  :  il  visait  l'Ecole  polytechnique.  Il  s'y  préparait  en 
IStiS  quand  la  révolution  de  février  éclata.  Son  maître  de 
pension  le  renvoie  dans  sa  famille  ;  armé  d'un  fusil  de 
chasse,  il  accompagne  son  père  et  d'autres  parents  à  leur 
bataillon  de  garde  nationale;  avec  eux  il  se  rend  au  Minis- 
tère de  l'intérieur,  occupé  par  Ledru-Rolliu,  et  monte  la 
garde  à  la  porte  comme  défenseur  de  l'ordre.  Puis  il  revient 
chez  M.  Gibon.  Surviennent  les  émeutes  de  juin,  qui 
interrompent  à  nouveau  son  travail,  au  moment  où  allait 
s'ouvrir  le  concours  de  l'Ecole  polytechnique.  Aussi  n'est- 
il  pas  admissible  à  l'écrit.  En  1849,  c'est  à  l'oral  qu'il 
échoue,  refusé  par  son  futur  confrère  Joseph  Bertrand. 


iiC)  NOTici:  SI  II  M.    r,K  mahoiiis   i»k  vocûé 

((  Cet  écJiec,  a-l-il  écrit,  est  luie  des  grâces  les  plus 
sicrnnlées  que  la  Providence  m'ait  accordées  ;  il  décida  de 
ma  vie.  11  lui  a  donné  une  orientation  toute  (iilférenle  de 
celle  que  lui  aurait  donnée  le  succès  ;  et  cette  orientation 
nouvelle  m'a  procuré  au  delà  des  satisfactions  auxquelles 
je  pouvais  prétendre.  Cet  échec  a  encore  eu  un  elTet  bien- 
faisant. Il  m"a  arraché  aux  études  mathématiques  (jui 
m'avaient  exclusivement  absorbé  pendant  trois  ans;  c'est  à 
peine  si,  pendant  ce  long  espace,  j'avais  ouvei-t  un  livre 
autre  qu'un  livre  de  science.   » 

(3otte  conviction  resta  toujours  profonde  chez  lui.  Peu 
de  temps  après  son  élection  parmi  vous,  il  y  eut  une  récep- 
tion solennelle  à  l'Académie  française.  «  En  pareil  cas,  dit- 
il  dans  ses  Souvenirs,  on  se  réunit  dans  la  Bibliothèque  de 
l'Institut,  on  y  signe  une  feuille  de  présence,  puis  on  des- 
cend processionnellement  le  rapide  e!.  dangereux  escalier 
qui  conduit  sous  la  Coupole  au  son  du  tambour  qui  bat  aux 
champs  en  l'honneur  du  récipiendiaire.  Je  me  gardai  bien 
de  manquer  cette  première  occasion  de  m'asseoir  sur  les 
bancs  si  enviés.  J.  Bertrand  faisait  partie  de  l'assistance. 
Je  guettai  le  moment  où  il  apposa  sa  signature  sur  le 
registre  et  m'arrangeai  de  manière  à  recevoir  de  sa  main  la 
plume  qui  devait  me  servir  k  signer  à  mon  tour.  Je  me 
nommai  et  lui  disque  c'est  à  lui  que  je  devais  l'honneur  de 
mettre  mon  nom  sous  le  sien  ;  car  c'est  en  me  refusant  à 
l'Ecole  polytechnique  dix-neuf  ans  auparavant  qu'il  m'avait 
ouvert  les  portes  de  l'Institut.  Il  sourit  ;  de  ce  jour  s'éta- 
blirent entre  nous  de  cordiales  relations.  » 

Son  père  songea  immédiatement  pour  lui  à  la  diplomatie. 
Alexis  de  Tocqueville,  ami  et  camarade  du  marquis,  était 
alors  ministre  des  Aiï'aires  étrangères.  Il  fut  convenu 
qu'après  les  vacances  le  jeune  Melchior  de  Vogué  entrerait 
au  Cabinet  et  qu'on  chercherait  à  l'affecter  à  quelque 
ambassade.  Le  général  de  Gastelbajac,  nommé  ministre  à 
Pétrograd,  consentit  à  l'emmener  comme  attaché.  Au  début 


NOTICE  SLR    M.    LE    iMARQUIS    DE    VOGUÉ  447 

de' 1850,  il  partit,  avec  l'ambassadeur  et  sa  femme,  pour 
rejoindre  son  poste.  S'il  aimait  les  aventures  et  les  vo3'ages, 
il  trouva  amplement  de  quoi  se  satisfaire  pendant  les 
deux  années  que  dura  sa  mission  :  il  la  commença  par  une 
course  des  plus  pénibles  à  travers  les  neiges,  arrêté  à 
chaque  instant  par  les  tourmentes,  retenu  prisonnier  de  la 
tempête  dans  de  misérables  bourg-ades,  versant  en  pleine 
cam{)a<2^ne,  loin  de  toute  habitation,  avant  d'arriver  à  Var- 
sovie ;  il  la  termina  par  une  chasse  à  l'ours,  où  renversé 
par  une  femelle  blessée  qui  lui  enfonçait  ses  crocs  dans  la 
jambe,  il  ne  dut  son  salut  qu'à  l'arrivée  d'un  de  ses  compa- 
gnons, qui  envoya  à  bout  portant  une  balle  dans  la  tête  de 
l'animal.  Jamais,  au  cœur  de  l'Asie,  même  aux  plus  mau- 
vais jours,  il  ne  devait  ressentir  d'aussi  fortes  émotions. 

C'est  durant  son  séjour  en  Russie  que  s'éveilla  sa  voca- 
tion d'archéologue  ;  il  eut  l'occasion  de  voir  et  de  dessiner 
dos  pièces  d  orfèvrerie  russe  du  moyen  âge  qui  lui  sem- 
blèrent remarquables,  à  Moscou,  dans  le  trésor  impérial, 
dans  des  couvents,  chez  des  particuliers  ;  il  les  communi- 
qua à  Didron,  qui  les  publia  dans  ses  Annales  archéolo- 
giques '.  J'ai  dit  qu'il  les  dessina  ;  il  avait,  en  ed'et,  un 
véritable  talent  de  dessinateur  et  d'aquarelliste  ;  ses 
ouvrages  ont  été,  la  plupart  du  temps,  excellemment  illus- 
trés par  lui-même,  qu'il  s'ag-ît  de  vues  pittoresques  ou  de 
relevés  d'architecture.  Et  ceci  nous  explique  peut-être 
comment  il  arriva  à  tant  de  découvertes  heureuses  dans 
le  domaine  des  antiquités  monumentales  ;  ce  qui  aurait 
échappé  à  l'archéologue  n  échappait  point,  né  pouvait  pas 
échapper  à  qui  devait,  pour  satisfaire  aux  exigences  de  son 
crayon,  interroger  tous  les  détails  de  son  modèle.  Ajou- 
terai'je  que  ses  études  mathématiques,  dont  il  médisait, 
lui  rendirent,  à  cet  égard,  de  signalés  services  ? 

A  l'annonce  du  coup  d'Etat,  Vogiié  donna  sa  démission 

1.   T.  XI,   p.  313  ;  t.  XV.   p.  77. 


t'(S  NOTirK    SUR    M.     LE    MARQUIS    DE    VOfUlIÎ 

et  quitta  Pétrograd,  brisant  ainsi  une  carrière  qui  lui  plai- 
sait et  où  il  avait  su  se  faire  appre'cier.  Il  profita  de  son 
voyag-e  de  retour  pour  continuer  son  éducation  archéolo- 
g-ique  et  faire  connaissance  avec  les  antiquités  romaines  des 
bords  du  Hliin  ;  après  quoi  il  revint  à  Paijs  sans  savoir  quel 
emploi  il  assignerait  :i  son  activité.  Son  hésitation  ne  fut 
pas  de  longue  durée.  Avec  deux  de  ses  amis,  Roger  Anis- 
son-Duperron,  son  ancien  camarade  de  la  pension  Gibon, 
et  Alexandre  de  Boisgclin,  comme  lui  «  enthousiastes, 
curieux  d'art,  d'histoire,  de  couleur  locale,  quelque  peu 
frottés  de  romantisme  et  sincèi-ement  croyants  »,  il  fornui 
le  projet  de  parcourir  l'Orient  et  de  visiter  les  contrées  que 
leur  foi  de  chrétiens,  leurs  souvenirs  classiques,  et.  du  moins 
pour  Vogué,  leur  descendance  de  Croisés  rendaient  singu- 
lièrement attirantes.  Au  début  de  mai  18.^3,  ils  quittaient 
Marseille,  sur  le  paquebot  le  Tancrède.  De  ce  long-  voyage, 
qui  dura  une  année  entière,  notre  confrère  a  laissé,  dans 
une  série  de  lettres  adressées  à  son  père  et  à  sa  mère,  le 
récit  très  détaillé.  A  la  fin  de  mai,  il  débarqua  à  Athènes, 
où  Daveluy,  alors  directeur  de  IFcole  d'archéolog-ie,  lui 
donne  pour  g-uide  Edmond  About  ;  c'est  sous  la  conduite 
de  ce  dernier  qu'il  visite  l'.^cropole.  A  Delphes,  il  fait 
1  ascension  du  Parnasse  ;  puis  se  rend  à  Corinthe, 
Mycènes,  Argos,  Epidaure.  Sparte.  «  N'est-ce  pas  amu- 
sant, ma  chère  mère,  écrit-il,  de  recevoir  une  lettre  datée 
de  Sparte  ?  »  De  là  il  passe  en  Eubée  ;  en  juillet,  il  est  à 
Salonique,  après  avoir  admiré  les  richesses  du  mont 
Athos  ;  aux  premiers  jours  d'août,  il  aborde  à  Constanti- 
nople  et  fait  connaissance  avec  l'ambassade  française  sans 
se  douter  qu'il  devait  y  revenir  comme  chef  une  vingtaine 
d'années  plus  tard.  Le  l®^  septembre,  il  quitte  Stamboul 
pour  la  Syrie.  De  Beyrouth  il  part  pour  visiter  les  ruines 
de  Baalbek;  puis,  désireux  de  connaître  celles  de  Palmyre, 
il  fait  alFaire  avec  un  notable  de  Damas,  qui  lui  assure, 
moyennant  finances,    le    passag-e    parmi   les    brig'ands    du 


.NOTICE    SIR    M.     I,E    MARQUIS    DE    VOGUÉ  449 

désert  ;  là  il  vit  chez  le  cheik  du  lieu,  au  milieu  des 
Bédouins,  vêtu  comme  eux,  ainsi  que  ses  compagnons, 
entièrement  à  l'arabe,  courant  les  ruines,  mesurant,  dessi- 
nant, copiant  des  inscriptions  —  dont  la  plupart  étaient 
malheureusement  connues,  —  et  cela  malgré  les  alertes  de 
leur  guide,  qui,  pour  les  faire  partir  plus  tôt,  simulait  des 
attaques  et  inventait  des  dangers  imaginaires  auxquels  les 
voyageurs  ne  croyaient  pas.  Maintenant  il  va  pénétrer  en 
Palestine  par  Sidon,  Tyr,  Saint-Jean-d'Acre  et  le  Carmel  ; 
et  dès  lors  chacune  de  ses  lettres  est  datée  de  quelquime  de 
ces  localités,  célèbres  dans  leur  humilité,  si  pleines  de  sou- 
venirs sacrés  :  Nazareth,  Tibériade,  C'ana.  Le  19  novembre, 
il  arrive  en  vue  de  Jérusalem. 

«  J'ai  aperçu,  écrit-il  le  23  à  son  père,  pour  la  première 
fois  et  le  premier  la  ville  sainte  des  hauteurs  de  Schafat  et 
je  n'ai  pu  contenir  mon  émotion  à  la  vue  de  ses  murailles 
vénérées.  Depuis  le  matin  j'avais  comme  une  fièvre  qui  me 
poussait  en  avant,  à  la  grande  stupéfaction  de  ma  monture 
dérangée  dans  ses  allures  pacifiques  ;  et  sitôt  que  j'ai  vu 
poindre  au  loin  et  briller  au  soleil  les  dômes  de  Sion,  l'émo- 
tion a  éclaté  et  je  me  suis  jeté  en  bas  de  mon  cheval  pour 
remercier  le  Seigneur  de  m'avoir  amené  jusqu'ici.  » 

Après  une  excursion  à  Bethléem,  «  un  des  sanctuaires 
les  plus  doux  à  visiter  pour  le  chrétien  »,  où  il  retrouve 
«  la  trace  de  son  saint  patron  »,  à  Hébron,  à  la  mer  Morte, 
à  Jéricho,  le  voilà  en  route  pour  l'Egypte. 

Le  H)  décembre,  il  mouille  en  rade  d'Alexandrie  ;  avec 
ses  compagnons  il  frète  un  bateau  pour  remonter  le  Nil 
jusqu'à  la  deuxième  cataracte  ;  c'est  près  de  là  qu'il  fît  le 
relevé  d'une  vieille  forteresse,  Senneh,  qui,  au  temps  des 
Pharaons,  gardait  de  ce  côté  l'accès  de  la  vallée  du  fleuve  ^ 
Au  retour,  il  passe  onze  jours  dans  les  ruines  de  Thèbes  et 
les  emploie  à  crayonner  le  plus  qu'il  peut,  depuis  le  lever 

l.   Bnll.  arch.  de  l'Athena^um  /'raiirnis,  isôô,   p.   81  et  suiv. 


450  NOTICF.    SUR    M.    LE    MARQUIS    DE    VOGUÉ 

(lu  s(»leil  jusqu'à  la  nuit,  «  plein  d'admiration  pour  le  pays 
et  pour  l'art,  vraiment  grand,  des  anciens  Egyptiens  ».  Kn 
rentrant  au  Caire,  il  croyait  être  sur  le  chemin  du  retour. 
Les  circonstances  en  décidèrent  autrement.  Il  avait  rencon' 
tré,  durant  son  voyage,  à  Athènes,  à  Çonstantinople,  à 
Damas,  à  Jérusalem,  un  jeune  homme,  (ils  d'un  ancien 
membre  de  l'Académie  française,  le  baron  de  Guiraud,  et 
s'était  lié  d'amitié  avec  lui  ;  l'intimité  s'accrut  encore  au 
cours  de  leur  excursion  commune  en  Egypte,  si  bien  que 
tous  les  deux  formèrent  le  projet'  de  laisser  leurs  compa- 
gnons partir  pour  la  France  et  de  retourner  ensemble  à 
Jérusalem,  avant  de  reprendre  à  leur  tour  le  chemin  de  la 
patrie  ;  Vogué  voulait  étudier  de  plus  près  tous  ces  monu- 
ments, si  pleins  de  souvenirs,  qu'il  n'avait  fait  encore 
qu'entrevoir.  Cette  fois,  au  lieu  de  suivre  la  voie  de  mer, 
ils  se  décidèrent  à  emprunter  la  route  des  caravanes  et  à 
traverser  le  petit  désert  ;  un  cheik  d'El-Arich  s'engagea, 
moyennant  finances,  à  les  mener  au  couvent  de  Ramleh  en 
neuf  jours.  Le  4  avril  1834,  la  petite  troupe  quittait  le  Caire 
sous  sa  conduite.  «  Devant,  a-t-il  écrit,  notre  guide,  vrai 
Bédouin  déguenillé  ;  puis  nous  venions  les  uns  derrière  les 
autres,  perchés  sur  la  bosse  de  nos  chameaux.  Derrière 
nous,  emboîtant  le  pas,  marchaient  les  deux  chameaux  de 
bagage,  avec  cette  gravité  doctorale  et  inintelligente  qui 
est  propre  à  leur  race.  La  marche  était  fermée  par  notre 
cuisinier  Giuseppe,  surveillant  le  tout.  Un  second  chame- 
lier,  fils  d'Ismaël  comme  le  premier,  aussi  brûlé,  aussi 
maigre,  aussi  déguenillé  que  lui.  marchant  sur  les  flancs 
de  la  colonne,  allait  d'une  béte  à  l'autre,  activant  leur  non- 
chalance, redressant  un  paquet,  resserrant  une  corde, 
jurant  beaucoup  et  chantant  d'une  voix  nasillarde  un  refrain 
monotone.  »  Le  Jeudi  saint,  au  matin,  on  était  rendu  à 
Ramleh.  A  midi,  les  voyageurs  se  remettaient  en  mouve- 
ment pour  pouvoir  passer  le  Vendredi  saint  à  Jérusalem. 
Au  coucher  du  soleil,  ils  étaient  en  vue  de  la  cité.  Les  pre- 


NOTICR   Sriî    M.    LE    MARQUIS    DE    VOGUÉ  451 

miers  jours  du  séjour  de  Vogué  dans  la  ville  sainte,  où 
Botta  était  alors  consul  général,  furent  consacrés  aux  sou- 
venirs et  aux  émotions  chrétiennes  :  il  assista  aux  cérémo- 
nies religieuses  ',  «  suivit  le  long  de  la  voie  douloureuse 
les  péripéties  de  la  Passion,  se  mêla  à  la  touchante  proces- 
sion qui  reproduit  dans  lintérieur  de  léglise  du  Saint- 
Sépulcre,  comme  un  mystère  du  moyen  âge,  les  derniers 
détails  du  drame  divin  ;  il  passa  du  Samedi  saint  au  jour  de 
Pâques,  sous  les  voûtes  sombres  et  solitaires  de  l'église, 
une  de  ces  nuits  si  poétiques  décrites  par  Chateaubriand  »  ; 
puis,  aussitôt  après  les  fêtes  de  Pâques,  il  se  mit  au  travail, 
«  le  crayon  d'une  main,  le  mètre  de  l'autre  ».  Pendant  plus 
d'une  quinzaine,  il  amassa  les  documents  et  les  notes,  mal- 
gré les  ditïicultés  que  suscitaient  la  malveillance,  la  jalou- 
sie, l'intolérance  des  habitants  ;  quand  il  (juitta  pour  la 
seconde  fois  Jérusalem,  il  avait  de  quoi  publier  un  travail 
complet  sur  les  édifices  chrétiens  du  pays. 

Il  mit  cinq  années  à  le  rédiger  ;  car  il  n'entendait  point 
écrire  un  ouvrage  d'amateur  et  livrer  au  .public  ses  décou- 
vertes, comme  au  retour  d'un  voyage  de  tourisme  ;  il  tenait 
à  faire  œuvre  durable,  à  creuser  le  sujet,  à  l'éclairer  partons 
les  documents  qu'il  lui  serait  donné  de  rencontrer  dans  les 
archives  et  les  bibliothèques.  Il  se  fit  chartiste,  il  étudia  les 
langues  orientales,  il  dépouilla  les  récits  des  historiens  et 
des  voyageurs  qui  1  avaient  précédé  ;  il  accumula  tous  les 
renseignements,  même  minimes,  qui  éclairaient  le  passé 
architectural  du  pays.  De  là  sortit  un  livre  magistral  :  Les 
églises  de  la  Terre  Sainte,  dont  notre  confrère,  M.  Salo- 
mon  Reinach,  a  écrit  à  juste  titre  -  :  «  Qu'un  jeune  homme 
de  grande  et  riche  famille  ait  pu  réunir  les  matériaux  d'un 
tel  livre  h  vingt-cinq  ans  et  l'écrire  à  trente,  c'est  la  pre- 
mière, mais  non  la  dernière  surprise  que  la  carrière  scienti' 
fique  de  Vogué  réserve  à  la  curiosité  de  ses  biographes,  n 

1.  Les  é(f Lises  de  la  Terre  Suinic,  p.  KJ. 

2.  Rev.  arch.,  1916,  II,  p.  434. 


452  NOTICK    SIK     M.     I>E    MARQUIS    DK    VOGÎÎÉ 

L;i  plupart  des   églises  de  In    Terre  Sainte  remontent  à 
l'époque  des    Croisades.   Avec   l'empereur   Constantin,  un 
grand  mouvement  architectural  s'était  produit  à  Jérusalem, 
sous  l'impulsion  de  sainte  Hélène.  A  cette  époque,  la  tradi- 
tion du  passé  était  encore  vivante  et  les  emplacements  véné- 
rables, témoins  du  début  du  christianisme,   ne  prêtaient  à 
aucun  doute;  on  les  consacra  par  des  constructions  pieuses. 
Au  \''  siècle,  l'impératrice  Eudoxie  fonda,   à  son  tour,  des 
établissements    semblables  ;    au    vi^,    Justinien     continua 
l'œuvre  de  ses  prédécesseurs  avec  une  libéralité  telle  qu'un 
pèlerin  anonyme  de  l'époque  ne  comptait  pas.  dans  la  ville 
et  les  environs,    moins  de  175  édifices  religieux.  Mais  là, 
comme  ailleurs,  les  invasions  arabes  accomplirent  bientôt 
leur  œuvre  néfaste  :  quand  les  Croisés  entrèrent  victorieux 
à  Jérusalem,  tous  ces  monuments  n'étaient  plus  g'uère  que 
des  ruines.  Aussitôt,  ils  se  mirent  à  l'œuvre  ;  avec  eux  on 
vit  renaître  la  fièvre  des  constructions.  De  toute  part  sur- 
g-irent   de  nouveaux  sanctuaires,  élevés    sur  les  débris  de 
ceux  qui   avaient  .jadis  existé,  issus  de  l'art  roman,  mais 
d'un   art   roman    quelque  peu   modifié    par   les   influences 
locales,  les  exig-ences  du  climat,  la   nature   des  matériaux 
employés,  les  habitudes  des  ouvriers  indigènes  ;  et  comme, 
à  la  suite  de  la  chute  de  Jérusalem,  la   société   créée  par  les 
Croisés  émig-ra  dans  l'île  de  Chypre,  le  mouvement  arrêté 
en  Palestine  se  continua  sur  ce  nouveau  domaine,  d'abord, 
et  ensuite  dans  l'île  de  Rhodes,  dernier  rempart  de  la  chré- 
tienté contre  les  Turcs  en  Orient.  Ce   sont  les  vestiges  de 
ces  sanctuaires  que  Vogiié  avait  pris  à  tâche  d'étudier  dans 
le    détail    :    Sainte-Marie  de    Bethléem,   contemporaine  du 
triomphe  du  christianisme  ;  l'ég-lise  du  Saint-Sépulcre,  où, 
sous  les  constructions  des  rois   chrétiens  de  Jérusalem,  il 
reconnut  les  restes  de  la  basilique  byzantine  du  x^  siècle  et 
ceux  même  de    la    basilique  constantinienne  ;    l'église  de 
Sainte- Anne,    les    différentes    églises   existant  autour  des 
murs  de  la  ville  ou  aux   environs,    celles  de    Galilée,    de 


iSOÎlCfc    SLR    M.    LE    MAkyUlS    t)Ë    VOGUÉ  io3 

Samarie.  du  littoral,  celles  enliii  de  Chypre  ou  de  Khode.s. 
Ce  livre,  comme  l'écrivait  un  éminent  critique  de  l'époque', 
est  l'œuvre  d'un  archéologue  et  presque  d'un  architecte  ; 
on  y  admire  «  la  patience  du  dessinateur,  l'exactitude  de 
l'architecte,  la  pénétration  du  savant;  par-dessus  tout  cela, 
le  sentiment  élevé  de  l'écrivain  et  de  l'artiste  et,  pour  fond, 
l'àme  du  chrétien  ». 

En  l8oi.  Vogué  avait  quitté  1  Orient  sans  espoir  de 
retour  ;  sa  destinée  devait  pourtant  l'y  ramener  pour  le 
plus  grand  bien  de  la  science.  L  année  même  où  il  publiait 
ses  Eglises  de  Terre  Sainte,  des  événements  tragiques  se 
passaient  en  Syrie.  La  Turquie,  suivant  son  habitude,  y 
faisait  massacrer  les  chrétiens,  et  la  France,  leur  protectrice 
attitrée,  envoyait  une  expédition  militaire  pour  les  défendre 
et  les  venger.  En  même  temps,  suivant  la  tradition  française, 
on  décidait  que,  derrièi*e  les  soldats,  des  savants  entrepren- 
draient une  exploration  scientifique  du  pays.  Renan,  on  le 
sait,  partit  à  cette  occasion  pour  la  Phénicie.  Waddington, 
de  son  côté,  sans  solliciter  un  secours  ofticiel,  que  sa  for- 
tune personnelle  lui  permettait  de  négliger,  entreprenait  de 
parcourir  tout  l'arrière-pays  de  la  Syrie  limitrophe  du 
désert  ;  à  l'automne  de  1860,  il  débarquait  à  Smyrne.  Il 
employa  le  printemps,  l'été  et  1  automne  de  1801  à  visiter 
Palmyre,  le  Haouran,  le  Ledja,  Emerveillé  de  tout  ce  qu'il 
voyait,  il  eut  alors  1  idée  de  faire  appel  au  concours  de 
Vogiié,  avec  lequel  il  s'était  lié  au  Cabinet  des  médailles 
et  qu'il  tenait  en  haute  estime.  Ce  dernier  venait  d'être 
cruellement  frappé  ;  il  avait  perdu  sa  jeune  femme  après 
cinq  ans  seulement  de  mariage.  Pour  endormir  sa  douleur, 
il  accepta  de  répondre  à  l'appel  de  son  ami  ;  il  emmenait 
avec  lui  un  architecte  de  grand  talent,  Duthoit.  La  réunion 
se  fit  à  Beyrouth  au  mois  de  décembre.  C'est  vers  cette 
date  que  Georgis  Perrot,  au  cours  de  sa  belle  mission  en 

1.  De  Champagny.  dans  le  Correspontlant,  1860,  I,  p.    il  4. 


484  NotïCK    SUh    M.    LR   :ilAftnL<S    DE    VOoÛÉ 

Asie  Mineure,  les  y  rencontra,  ainsi  qu'il  vous  Ta  conté  ici 
niome  il  y  a  dix  ans  '.  On  peut  se  figurer  aisément  ce  que  luL 
cette  réunion  des  trois  futurs  confrères,  que  rapprochait 
ainsi  le  hasard.  »<  Entre  voyageurs  qui  aimaient  tout  du 
voyage,  jusqu  à  ses  fatigues  et  à  ses  ris<{ues,  la  liaison  fut 
bientôt  faite.  On  causait  sous  la  véranda  de  l'hôtel  pendant 
le  jour  et,  le  soir,  autour  de  la  table  hospitalière  du  consul 
général,  le  comte  Bentivoglio.  Du  pays  que  Porrot  allait 
parcourir,  Vogué  et  Waddington  savaient  tous  les  chemins, 
les  moyens  de  locomotion,  les  meilleurs  ou,  pour  mieux 
dire,  les  moins  mauvais  gîtes.  Ils  lui  tracèrent  sa  route  et 
lui  en  marquèrent  les  étapes.  » 

Mais  chaque  mission  avait  à  poursuivre  des  recherches 
propres.  Tandis  que  Perrot  gagnait  la  Judée,  Waddington 
et  Vogué  se  rendaient  à  Chypre,  chargés  par  Renan  d'y 
faire  quelques  fouilles  que  lui-même  n'avait  pas  eu  le  moyen 
de  tenter.  Elles  furent  fructueuses,  onze  inscriptions 
cypriotes,  huit  phéniciennes,  une  centaine  de  grecques, 
tous  les  monuments  du  temps  des  Lusignan  relevés  et  des- 
sinés et  de  nombreuses  sculptures  cypriotes  embarquées 
pour  le  Louvre.  Une  lettre  écrite  à  Renan  de  Chypre  même 
et  insérée  dans  nos  Comptes  rendus  -  fait  connaître  ces 
précieuses  trouvailles. 

Le  15  mars,  les  deux  savants  reviennent  à  Damas,  mais 
pour  tenter  aussitôt  l'exploration  du  Sàfa,  où  Waddington 
n'avait  pu  pénétrer  l'année  précédente.  On  nomme  ainsi 
une  région  située  au  Sud-Est  de  Damas.  Ecoutez  comme 
Vogiié  la  décrite  : 

«  Le  massif  plus  spécialement  appelé  Sàfa  est  une  vaste 
nappe  de  basalte,  à  la  surface  noire  et  luisante,  aux  bords 
déchiquetés  par  le  refroidissement  des  laves  préhistoriques 
et  qui  s'étale  autour  d'vuie  série  de  cônes  aux  flancs  escar- 


1.  Comptes  rendus  de  l'Académie,  1909,  p.  876. 

2.  1862,  p.  53. 


NOTICE   StJR   M.    LE   lilARQtlS    t)È    VOGÛÉ  458 

pés,  aux  cratères  béants.  Le  sol  est  presque  entièrement 
caché  par  des  fragments  basaltiques  noirs,  aux  angles 
arrondis,  dont  les  dimensions  varient  de  la  g-rosseur  du 
poing  à  jCelle  du  corps  d'un  homme  ;  dans  les  intervalles 
laissés  par  cette  pluie  de  pierres  s'étendent  des  espaces  irré- 
guliers formés  d'un  sable  argileux  susceptible  de  culture... 
Les  seuls  vestiges  que  l'homme  ait  laissés  de  son  séjour  en 
ces  lieux  pendant  l'antiquité  sont  les  inscriptions.  Les  sol- 
dats romains  des  garnisons  de  Ses  et  de  Némara,  ont  écrit 
leurs  noms  en  grec  et  en  latin  sur  les  rochers  qui  avoisi- 
naient  leurs  postes  ;  les  premières  tribus  musulmanes 
ont  tracé  des  sentences  pieuses  en  caractères  coufiques  ; 
avant  les  unes  et  après  les  autres,  des  mains  inconnues, 
que  nous  supposons  avoir  été  sabéennes,  ont  gravé  sur  les 
mêmes  rochers,  mais  en  bien  plus  grand  nombre,  d'autres 
inscriptions  qui,  sans  doute,  comme  les  précédentes  et 
comme  celles  du  Sinaï,  renferment  des  noms  propres,  des 
formules  pieuses,  peut-être  aussi  des  allusions  aux  inci- 
dents, aux  passions  de  la  vie  du  désert  '.  » 

Vogué  n'était  pas  parvenu,  en  effet,  plus  que  ses  prédé- 
cesseurs à  déchiffrer  le  mvstère  de  ces  inscriptions  ;  il  se 
contenta  de  reproduire  ses  copies.  ((  Après  des  essais  mul- 
tipliés, après  avoir  cru  résoudre  le  problème,  a-t-il  dit  avec 
une  belle  franchise,  j'ai  fini  par  constater  mon  impuissance  ; 
je  me  suis  alors  décidé  à  abandonner  un  travail  inutile  çt 
à  laisser  à  de  plus  habiles  que  moi  le  soin  de  vaincre  les 
difficultés  qui  m'avaient  arrêté.  >^  L  honneur  de  résoudre  la 
([uestion  était  réservé  à  J.  Halévy  et  à  Littmann  ;  notre  con- 
frère fut,  naturellement,  le  premier  à  se  réjouir  de  leur 
succès. 

Du  Sâfa,  Waddington  et  Vogué  retournent  dans  le  Haou- 
ran,  déjà  visité  par  Waddington,  pour  étudier  les  monu- 
ments du  pays,  traversent  le  Ledja  et  reviennent  à  Bey- 

1.  La  Syrie  centrale.  Inscr.  sémiliquei,  p.  13". 


io(i  Volu.L  si  i(   \|.    \M  MAJînLis   1)1-;   vo(uik 

rouUi,  Le  23  juin,  ils  se  dirigent  vers  Jérusalem;  ils  iiUyienL 
y  chercher  le  repos  nécessaire  pendant  la  saison  d  été  ; 
N'ogûé  voulait,  de  son  côté,  compléter  et  rectilier  ses  pre- 
mières recherches  sur  la  ville  sainte  et  surtout  étudier  les 
ruines  du  vieux,  temple.  Aussi  bien  les  circonstances  étaient- 
elles  devenues  beaucoup  plus  favorables.  Pendant  son  pre- 
mier séjour,  rentrée  du  Haram-ech-Chérif  était  rigoureuse- 
ment interdite  aux  chrétiens,  et  il  avait  vainement  tenté 
«  de  soulever  le  voile  qui  cachait  les  merveilles  de  la  mos- 
quée »  ;  maintenant  «  laccès  dé  l'enceinte  était  facile,  la 
toute-puissance  du  bakchich  eji  avait  forcé  les  portes  ». 
Peu  de  jours  après  son  arrivée,  les  formalités  étaient  rem- 
plies et  il  prenait  possession,  au  nom  de  l'archéologie,  «  de 
cette  enceinte  si  longtenqis  fermée  aux  investigations 
sérieuses  ».  Tous  les  matins,  d'après  une  convention  passée 
avec  le  cheik  principal,  de  six  heures  à  midi,  il  était  auto- 
risé avec  ses  compagnons  à  dessiner,  mesurer,  photog-ra- 
phier  à  son  aise.  Ce  labeur  dura  trois  mois  sans  interrup- 
tion ;  il  lui  permit  de  publier,  dès  1864,  un  nouveau 
volume  intitulé  :  Le  Temple  de  Jérusalem^  bel  in-folio,  qui 
contient,  outre  37  planches,  une  étude  très  détaillée  de 
l'édifice  à  toutes  les  périodes  de  son  existence.  On  sait  par 
quelles  alternatives  de  grandeur  et  de  misère  passa  le 
temple  de  Salomon,  détruit  par  Nabuchodonosor,  rebâti  par 
Zorobabel,  saccagé  par  Antiodhus  et  les  Piomains,  réédifié 
par  Hérode  le  Grand,  finalement  ruiné  et  incendié  sous 
Titus  après  un  siège  demeuré  célèbre.  De  chacun  de  ces 
états  successifs  du  sanctuaire  il  fallait,  d'après  les  textes, 
se  faire  une  idée  précise  et  chercher  à  en  retrouver  les 
traces  sur  le  terrain  malgré  les  transformations  survenues  ; 
c'est  à  quoi  Vogué  se  consacra  et  réussit.  Cette  étude,  com- 
plétée par  celle  d'un  curieux  monument  bâti  par  Ilyrcan  et 
décrit  par  Josèphe,  le  château  d'Araq-el-Emir,  l'amena  à 
émettre  des  vues  originales  sur  les  caractères  de  l'art  aux 
derniers  temps  de  l'indépendance  juive.  Il  y  trouve    «  un 


5;0T1CÉ   SUR    M,    LE    MAÙQÛIS    uk    V(i(.lï|-  457 

tTiékinj^e  de  principes  gi-ecs  et  de  souvenirs  tles  écoles  asia- 
tiques antérieures,  la  confusion  des  ordres  classi(|ues,  la 
recherche  des  grands  matériaux,  1  emploi  de  la  voûte  en 
])erceau,  un  certain  g'oût  pour  les  monuments  taillés  dans 
le  rocher.  A  ces  caractères,  la  réaction  asmonéenne  ajou- 
tera des  traits  propres  au  g-énie  hébraïque,  substituera  l'or- 
nementation végétale  à  1  imitation  des  êtres  vivants,  anti- 
pathique au  sentiment  orthodoxe  ;  l'intervention  dHérode 
y  joindra  quelques  détails  romains,  et  de  la  fusion  de  ces 
éléments  divers  naitra  un  art  qui,  sans  être  original,  aura 
pourtant  sa  physionomie  distincte'  ». 

Comme  toutes  les  théories  nouvelles,  cette  conception, 
trouva  des  contradicteurs  ;  de  Saulcy,  qui  s'était  occupé  de' 
la  même  question,  la  combattit  vivement,  dans  les  Mémoires 
de  notre  Académie  -  ;  il  retourna  à  Jérusalem  exprès 
pour  examiner  sur  place  les  assertions  de  Vog-iié  et  en 
revint  plus  persuadé  que  jamais  qu'il  avait  raison  contre 
lui.  Ce  n'était  pas  l'avis  général. 

A  la  fin  de  l'automne,  Waddington  repartait  pour  la 
France.  Vog'ûé  resta  encore  quelque  temps  en  Syrie,  avec 
Duthoit.  pour  explorer  une  contrée  où  il  comptait  faire  une 
ample  moisson  de  découvertes,  ce  qui  advint. 

La  Syrie  se  divise  en  trois  zones  très  distinctes.  La  pre- 
mière long-e  la  mer:  bande  de  terre  assez  étroite  que  bornent 
à  l'Est  rOronte,  le  Léontès  et  le  Jourdain  ;  c'est  là  que 
s'élevèrent  les  villes  les  plus  célèbres  de  l'Orient  asiatique, 
Antioche,  Tyr,  Jérusalem  ;  les  facilités  d'accès  ont  permis 
depuis  long-temps  de  la  parcourir  et  de  la  connaître. 
D'autre  part  s'étendent  les  vastes  espaces  désertiques  qui 
confinent  à  l'Euph'rate  et  au  golfe  Persique  ;  ils  n'ont 
jamais  été  occupés  que  par  des  nomades  et  ne  contiennent 
aucun  vestige  archéologique.  Entre  les  deux  se  trouve  une 

1.  Rev.  arc/i.,  1864,  X,  p.  62. 

2.  T.  XXVI,  p.  1  et  suiv. 

1918  31 


158  NOTICK    SL'H    M.    Lt   MARQUIS    DE    Voc.Ûlï 

région  intermédiaire,  celle  que  Vogué  a  appelée  d'un  ternie 
qui  est  devenu  classique  :  la  Syrie  centrale.  En  180.'],  elle 
était  à  peu  près  inconnue,  du  moins  dans  sa  partie  septen- 
trionale ;  quelques  rares  voyageurs  avaient  seulement  tra- 
versé la  partie  méridionale.  Et  pourtant  quelle  abondance 
de  documents  elle  olTre  aux  archéologues  !  «  Le  pays  étant 
peu  habité  et  occupé  par  des  populations  qui  ne  se  sont 
jamais  installées  que  provisoirement,  les  éditices  antiques 
y  sont  demeurés  debout  quand  tout  disparaissait  dans  les 
autres  parties  de  la  Syrie  ;  ils  nous  font  connaître  létat  de 
cette  province  pendant  les  premiers  siècles  de  notre  ère, 
comme  ces  témoins  géologiques  qui  nous  indiquent  l'état  du 
globe  terrestre  avant  les  révolutions  qui  en  ont  modifié  la 
surface.  Sur  certains  points,  leur  état  de  conservation  est 
vraiment  remarquable  ;  la  main  du  temps,  moins  destruc- 
tive que  celle  de  l'homme  dans  ces  beaux  climats,  les  etlleu- 
rant  à  peine,  a,  par  des  accidents  de  détail,  ajouté  le  charme 
du  pittoresque  à  l'intérêt  scientifi(|ue  ;  sans  les  secousses  des 
tremblements  de  terre  qui  ont  ébranlé  les  murs,  il  ne  man- 
querait souvent  aux  édifices  que  les  toits  et  les  charpentes 
et  nous  aurions  pu  contempler  souvent  le  spectacle  presqaie 
inaltéré  d'une  ville  syrienne  du  vu®  siècle  ^  » 

La  conservation  de  ces  constructions  est  telle  que  Vogué 
a  pu  écrire  ^  : 

«  Je  serais  presque  tenté  de  refuser  le  nom  de  ruines  à 
une  série  de  villes  presque  intactes  ou,  du  moins,  dont 
tous  les  éléments  se  retrouvent,  renversés  quelquefois, 
jamais  dispersés,  dont  la  vue  transporte  le  voyageur  au 
milieu  d  une  civilisation  perdue  et  lui  en  révèle,  pour  ainsi 
dire,  tous  les  secrets  ;  en  parcourant  ces  rues  désertes,  ces 
cours  abandonnées,  ces  portiques  où  la  vigne  s'enroule 
autour  des  colonnes  mutilées,   on  ressent   une  impression 


1.  Syrie  cenlrale,  Introduction,  p.  4. 

2.  Ibid.,  p.  7. 


NOTtCli    SI  R    M.    t>E    MARQllS    Dt;    VOGUE  459 

analogue  à  celle  que  l'on  éprouve  à  Pompéi,  moins  com- 
plète, car  le  climat  de  la  Syrie  n'a  pas  défendu  ses  trésors 
comme  les  cendres  du  Vésuve,  mais  plus  nouvelle,  car  la 
civilisation  que  l'on  contemple  est  moins  connue  que  celle 
du  siècle  d'Auguste.  » 

Avec  Waddington,   Vogué   avait  parcouru   le   centre  de 
cette  région,  les  environs  de  Damas  et  le  Haouran  :  seul  il 
aborda  la  partie  septentrionale,  le  triangle   compris   entre 
Antioche,  Alep  et  Apamée.  Ce  qui  fait  le  grand  intérêt  de 
cette  région,   c'est  que  tous  les   monuments  qu'on  y  ren- 
contre se  rapportent  à  la  même  époque  et  à  une  époque  dont 
l'art,  en  Orient,  était  fort  peu  connu  jusque  là:  l'époque  du 
christianisme  primitif.  En  parcourant  ces  restes  étonnants, 
«   on  est  transporté  au  milieu  de  la  société  chrétienne  ;  on 
surpiend  sa  vie,   non   pas  la    vie  cachée   des  catacombes, 
mais  une  vie  large,  opulente,  artistique,   dans    de   grandes 
maisons   bâties  en  grosses  pierres  de   taille,    parfaitement 
aménagées,  avec  galeries  et  balcons  couverts,  beaux   jar- 
dins plantés  de  vigne,  pressoirs  pour  faire  le  vin,  cuves  et 
tonneaux  de  pierre  pour  le  conserver,   larges  cuisines  sou- 
terraines, écuries  pour  les  chevaux  ;  belles  places  bordées  de 
portiques,  bains  élégants  ;  magnifiques  églises  à  colonnes, 
flanquées  de  tours,  entourées  de  splendides  tombeaux.  Des 
croix,  des  monogrammes  du  Christ,  sont  sculptés  en  reliet 
sur  la  plupart  des  portes  ;   de   nombreuses  inscriptions   se 
lisent  sur   les  monuments  :  par  un    sentiment    d'humilité 
chrétienne   qui   contraste   avec   la  vaniteuse   emphase  des 
inscriptions  païennes,  elles   ne  renferment  presque  pas   de 
noms  propres,  mais  des  sentences  pieuses,  des  passages  de 
l'Écriture,    des   symboles,    des   dates  ;  le  choix  des   textes 
indique  une  époque  voisine  du   triomphe  de  l'Eglise  ;  il  y 
règne  un  accent  de  victoire  qui  relève  encore  l'humilité  de 
l'individu  et  qui  anime  la  moindre   ligne,   depuis  le  verset 
du  psalmiste,  gravé  en  belles  lettres  rouges  sur  un  linteau 
chargé  de  sculptures,  jusqu'au  (jra/fito  d'un  peintre  obscur 


460  NOtlCE   SÙK   il.    LÉ    JiAliuLJlS    bE   VOGlÎÉ  ' 

qui,  décorant  un  tombeau,  a,  pour  essayer  son  [)incenu, 
tracé  sur  la  paroi  du  rocher  des  monogrammes  du  Christ, 
et,  dans  son  enthousiasme  de  chrétien  émancipé,  écrit  en 
paraphrasant  le  labarum  :  Tojto  vtxa  :  «  Ceci  triomphe  ^ .  » 
C'est  un  autre  genre  de  ruines  que  le  Haouran  otîre  aux 
visiteurs  ;  le  pag-anisme  y  reprend  tous  ses  droits  ;  on  y 
rencontre  les  éditices  que  les  usages  romains  avaient  semés 
sur  toute  l'étendue  du  monde  connu  :  temples,  basiliques, 
bains,  théâtres,  maisons  grandes  et  petites,  mais  construits 
avec  une  solidité  dont  on  n'a  pas  d'exemple  ailleurs  :  «  Le 
trait  particulier  de  l'architectui'e  du  pays,  c'est  que  la  pierre 
est  le  seul  élément  de  la  construction.  La  région  ne  produit 
pas  de  bois  et  la  seule  roche  utilisable  est  un  basalte  très 
dur  et  très  difficile  à  tailler.  Réduits  à  cette  seule  matière, 
les  architectes  surent  en  tirer  un  parti  extraordinaire  et 
satisfaire  à  tous  les  besoins  d'une  civilisation  avancée.  Par 
d'insrénieuses  combinaisons  ils  surent  construire  des 
temples,  des  édifices  publics  et  privés  dans  lesquels  tout 
est  de  pierre,  les  murs,  les  solivages,  les  portes,  les  fe- 
nêtres, les  armoires  ~.  »  On  conçoit  ce  que  l'étude  de  tant 
de  monuments  aussi  soigneusement  bâtis  et,  par  suite, 
aussi  merveilleusement  conservés,  dut  fournir  à  un  archéo- 
logue et  à  un  dessinateur  comme  Vogué  ;  la  publication  des 
deux  premiers  volumes  intitulés  La  Syrie  centrale^  fît 
sensation  et  consacra  la  réputation  de  leur  auteur.  Leur 
principal  intérêt,  disait-il  modestement,  réside  dans  les 
planches  qui  les  accompagnent.  La  vérité  est  que  les 
planches  sont,  en  effet,  d'un  intérêt  puissant,  mais  que  le 
texte  qui  les  éclaire  est  un  monument  de  science  et  de 
perspicacité.  Les  conclusions  si  personnelles  qu'il  contient 

1.  Syrie  centrale,  p.  8. 

2.  Syrie  centrale,  p.  6. 

3.  Paris,  in-4''  (50  planches),  t.  I  et  II,  Architecture  civile  et  religieuse 
du  1"  au  vn«  siècle  (1865-1877);  t.  111,  Inscriptions  sémitiques  (1868- 
1877). 


NOTICE  SUR  M.  LE  MARQUIS  DE  VOGUÉ        461 

ne  furent  pas  sans  soulever  des  contradicteurs  ;  mais  elles 
trouvèrent,  d'autre  part,  des  défenseurs  et  des  adeptes. 
Viollet-le-Duc  et  certains  avec  lui  avaient  déjà  reconnu 
qu'il  existe  entre  les  édifices  romans  du  Midi  de  la  France 
et  les  édifices  o-réco-romans  de  la  Syrie  une  parenté  indé- 
niable ;  il  en  faisait  remonter  la  date  au  xii^  siècle  ;  il 
croyait  qu'à  la  suite  de  la  première  croisade,  au  contact 
d'un  art  nouveau  pour  eux,  les  artistes  français  avaient 
demandé  leurs  modèles  et  leurs  inspirations  aux  pays  de 
l'Orient.  D'autres  professaient  une  autre  théorie,  et  ^'ot^•llé 
fut  du  nombre. 

Pour  lui,  cette  renaissance  occidentale  inspirée  de 
l'Orient  remonte  bien  plus  haut  :  les  relations  commer- 
ciales entre  les  deux  régions,  lémigration  des  artistes 
chassés  de  leur  pays  par  les  persécutions  ou  appelés  en 
Europe  par  des  protecteurs  éclairés  préparèrent  peu  à  peu, 
dès  l'époque  de  Charlemao-ne,  la  rénovation.  «  Il  est  jiiniis 
de  supposer,  écrit-il  '.  que.  sans  aller  jusqu'en  Syrie,  les 
constructeurs  inexpérimentés  des  viii*^,  ix*"  et  x*^  siècles  ont 
pu  avoir  connaissance  des  méthodes  qui  y  étaient  ou  y 
avaient  été  en  usage,  des  formes  qui  y  avaient  prévalu  ; 
on  peut  croire  que  les  premiers  artistes  venus  d  Orient,  à 
lappel  des  Barbares  couronnés,  étaient  les  élèves  ou  les 
héritiers  des  écoles  fécondes  dont  la  Syrie  seule  aujourd'hui 
a  conservé  les  œuvres,  mais  dont  l'influence,  à  l'époque  de 
leur  grande  activité,  a  dû  sortir  des  étroites  limites  d'une 
province.  »  La  théorie,  fortement  appuyée  par  tous  les 
exemples  accumulés  dans  le  livre,  fit  fortune.  Courajod  ne 
Ivii  ménagea  pas  son  admiration.  «  L'apparition  de  ce  livre, 
a-t-il  proclamé-,  est  un  grand  événement.  C'est  Byzance 
et  son  art  presque  asiatique  qui  a  été  le  trait  d'union  entre 
la    civilisation  païenne  et   la   civilisation   chrétienne.  C'est 

1.  Syrie  centrale,  p.  21. 

2.  Leçons,  1,  p.  117. 


'(.02  NOTic.K  srit   M.    \.i:  .\i.\iioiis   dk  vor.ÛK 

([uelque  chose  de  i^Taud  d'avoir  mis  en  lumière  les  monu- 
ments (|ui  proclament  cotte  vérité,  »  Aussi,  quand  Vogiié 
sollicita  vos  sulTraj^-es  le  31  janvier  18G»S,  comme  membre 
libre  à  la  place  du  duc  de  Lujnes,  Vitet,  qui  présenta  ses 
titres,  ne  parla  guère  que  de  ceux  qu'il  s'était  acquis  en 
éclairant  par  ses  belles  découvertes  les  iniluonces  artisticjues 
de  l'Orient  sur  l'Occident. 

Le  troisième  volume  de  La  Syrie  cen fraie  est  consacré, 
non  plus  aux  monuments,  mais  à  l'épigraphie.Waddington 
s'était  chargé  de  publier  les  inscriptions  grecques  et  latines 
que  les  voyageurs  avaient  copiées  au  cours  de  leur  explo- 
ration ;  Vogué  prit  pour  lui  les  inscriptions  sémitiques. 
J'ai  dit  que,  revenu  de  son  premier  voyage,  il  s'était  initié 
aux  langues  hébraïque,  phénicienne,  syriaque  ;  il  apporta 
à  cette  étude  son  esprit  de  méthode,  sa  finesse,  son  ingé- 
niosité, et  ne  tarda  pas  à  passer  maître  en  une  matière 
encore  fort  obscure  ;  il  en  donna  la  preuve  dans  ses  com- 
munications à  la  Revue  archéologique,  à  la  Revue  numis- 
matique, au  Journal  asiatique  ;  les  nombreux  articles  qu'il 
y  publia  alors  ont  été  réunis  pour  la  plupart  dans  ses  Alé- 
langea  cV archéologie  orientale  *  ;  on  y  trouve,  en  particulier, 
ce  mémoire  sur  l  alphabet  hébraïque  et  V alphabet  araméen 
qui  est  resté  fondamental. 

Par  ces  études  préalables  il  préparait  la  publication  des 
inscriptions  palmyréniennes  que  lui  ou  Waddington  avaient 
copiées  ;  elles  forment  la  première  partie  de  ses  Inscriptions 
sémitiques.  On  y  trouve  le  texte,  la  traduction  et  le  com- 
mentaire développé  de  près  de  deux  cents  documents,  pour 
la  plupart  inédits.  Les  critiques  les  plus  sévères  n'eurent 
pas  assez  d'éloges  pour  ce  travail.  Quant  aux  textes  relevés 
dans  le  Sâfa,  nous  avons  vu  que  Vogué  se  contenta  d'en 
donner  la  copie  sans  essayer  de  les  interpréter. 

Les  dernières  années  de  l'Empire,  de  18(38  à  1870,  furent 

1.   Paris,  1868,  in-8. 


NOTICE    SUR    M.    LE    MARQUIS    DE    VOGÛK  463 

occupées  par  une  publication  et  un  nouveau  voyage  en  Pa- 
lestine. Le  duc  de  Luynes  était  mort  sans  pouvoir  faire 
paraître  son  \ oy âge  d^ exploration  à  la  mer  Morte.  Il  appar- 
tenait à  son  successeur  à  l'Académie,  à  celui  qui  connais- 
sait mieux  que  personne  la  Terre  Sainte  et  ses  antiquités,  de 
surveiller  l'impression  du  travail.  C'est  un  homma<çe  auquel 
Vog-ûé  ne  se  déroba  pas;  le  livre  ne  vit  le  jour,  d'ailleurs, 
malgré  tout,  qu'en  1875.  Voilà  pour  la  publication.  Quant  au 
voyage,  l'occasion  en  fut  l'inauguration  du  Canal  de  Suez. 
A  ce  moment,  une  société  anglaise  pratiquait  des  fouilles 
au  temple  de  Jérusalem,  et  ces  fouilles  confirmaient  avec 
éclat  les  conclusions  de  notre  confrère  :  on  avait  découvert 
dans  les  parties  basses  de  l'édifice  des  pierres  gigantesques 
avec  des  lettres  hébraïques  tracées  au  pinceau  avant  leur 
mise  en  place  ;  or  ces  lettres  appartiennent  non  point  à 
l'alphabet  archaïque,  mais  à  celui  qui  était  en  usage  vers 
le  début  de  l'ère  chrétienne.  Comment  douter  désormais 
qu'Hérode,  et  non  Salomon,  ait  été  fauteur  de  la  construc- 
tion retrouvée  ? 

Les  événements  de  1870  vinrent  arracher  Vogiié  à  ses 
études  pour  le  jeter  dans  la  réalité  des  faits.  Il  avait,  avec 
d'autres  cœurs  généreux,  fondé  la  Société  de  secours  aux 
blessés  militaires,  dont  il  devait  être  bientôt  vice-président, 
dont  il  resta  jusqu'aux  derniers  jours  de  son  existence  le 
président  inlassablement  dévoué.  Le  moment  était  venu 
de  faire  appel  à  la  nouvelle  organisation.  A  Strasbourg, 
d'abord,  puis  sur  la  Loire,  il  se  consacra  tout  entier  à  son 
œuvre  charitable. 

La  paix  signée,  Thiers  fit  appel  à  son  concours  et  l'en- 
vova  comme  ambassadeur  à  Constantinople,  dans  ce  milieu 
qu'il  connaissait  si  bien,  dont  il  suivait  les  destinées  depuis 
sa  jeunesse  ;  nul  mieux  que  celui  qui,  à  vingt  ans,  dans 
presque  toutes  les  lettres  écrites  à  ses  parents  au  cours  de 
son  premier  voyage,  les  entretenait  de  l'état  d'esprit  des 
populations  levantines,  des  ambitions  des  puissances  euro- 


t6'(.  NOTICK    SUR    M.    LE    MARQUIS    DE    VOGUÉ 

péennes,  des  nécessités  de  notre  politique  orientale,  n'étîiit 
désigné  pour  devenir  l'arbitre  et  le  défenseur  des  intérêts 
français  auprès  du  Sultan.  En  4875,  il  passa  à  l'ambassade 
de  Vienne  où  il  demeura  durant  quatre  années.  Mais  les 
hautes  fonctions  aux(|uelles  il  devait  consacrer  son  activité 
ne  l'enlevèrent  jamais  complètement  à  ses  anciens  travaux. 
Les  ouvrages  commencés  continuèrent  à  paraître.  La  pré- 
face de  La  Syrie  centrale,  qui  accompagnait  le  second  vo- 
lume, a  été  écrite  à  Vienne. 

Pour  la  seconde  fois  les  changements  de  la  politique  inté- 
rieure vinrent  contrarier  la  carrière  diplomatique  de  notre 
confrère.  Rappelé  en  France,  il  retourna  tout  naturellement 
à  ses  études  et  put  prêter  à  la  publication  du  Corpus  ins- 
criptlonum  semiticarum  un  concouis  plus  actif.  En  1867, 
vous  le  savez,  sur  les  instances  de  Renan,  notre  Académie 
avait  décidé  de  réunir  en  un  grand  recueil  toutes  les  ins- 
criptions sémitiques  connues.  Une  commission  de  six 
membres  avait  été  nommée  poiir  assurer  la  publication  ; 
elle  se  composait  de  Renan,  de  Saulcy,  Mohl,  Longpérier, 
de  Slane  et  Waddington.  A  la  mort  du  second,  Vogué  fut 
élu  à  sa  place  et  chargé  tout  spécialement  de  rédiger  la 
partie  araméenne  ;  il  s'y  appliqua,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie, 
avec  une  science  et  une  conscience  merveilleuses.  Je  n'en 
veux  pour  preuve  que  le  témoignage  de  son  collaborateur 
de  chaque  jour  durant  vingt  ans,  devenu  depuis  peu  notre 
confrère,  de  M.  l'abbé  Chabot.  «  Je  peux  attester,  a-t-il 
écrit',  avec  quel  soin  minutieux,  avec  quelle  patience  in- 
lassable il  s'appliquait  au  déchiffrement  des  textes,  discu- 
tait les  conjectures,  révisait  la  rédaction,  lisait  et  relisait 
les  épreuves.  Nous  devons  à  l'Académie,  disait-il,  de  ne 
reculer  devant  aucun  effort  pour  maintenir  son  œuvre  à  la 
hauteur  où  elle  a  été  placée  et  conserver  sous  son  patro- 
nage le  centre  de  ces  études  auxquelles  elle  fournit  le  plus 
puissant  des  instruments.  Et  ce  n'était  pas  là,  pour  hxi,  des 

1;  Journal  asiatique,  1917,  p.  337. 


NOTICE  SUR  M.  LE  MARQUIS  DE  VOGUÉ        465 

paroles  de  vaine  rhétorique.  Il  n'abandonnait  jamais  un 
texte  avant  d'avoir  épuisé  tous  les  moyens  d'en  assurer  la 
parfaite  exactitude  ;  pour  y  parvenir,  il  n'épargnait  ni  sa 
peine  ni  son  temps.  Ainsi,  la  stèle  inscrite  au  Corpus  sous 
le  n"  143  n'était  connue  que  par  une  copie  défectueuse.  Le 
monument  se  trouvait  en  .Anj^lelerre,  dans  une  collection 
privée  et  jalousement  fermée.  Vog'ûé  n'hésite  pas  ;  il  se 
rend  à  Dorking.  Sa  courtoisie  obtint  communication  du 
document,  et  il  en  exécuta  un  dessin  dont  la  parfaite  exac- 
titude a  été  démontrée  par  la  photographie  publiée  récem- 
ment. Ainsi  encore,  nous  passâmes,  à  déchiffrer  la  grande 
inscription  de  Pétra  sur  la  copie  imparfaite  du  capitaine 
Frazer,  cinq  jours  entiers  !  Or.  pour  le  marquis  de  Vogué, 
la  journée  commençait  invariablement —  et  cela  jusqu'à  ses 
derniers  jours  —  avec  le  lever  du  soleil,  pour  se  terminer 
à  une  heure  avancée  de  la  nuit.  » 

Lorsque  Renan  disparut,  à  son  tour,  en  1892.  Vogiié 
devint  président  de  la  commission.  C'est  à  ce  titre  qu'il  fit 
décider  la  publication  d'un  répertoire  d'épigraphie  sémi- 
tique, où  les  découvertes  récentes  sont  enregistrées  aussi 
rapidement  que  possible,  en  attendant  quelles  puissent 
trouver  place,  soit  dans  le  Corpus  lui-même,  soit  dans  ses 
siqDpléments  :  c  est  à  ce  titre  qu'il  prenait  souvent  la  parole 
dans  nos  séances,  toujours  prêt  à  mettre  au  service  de  ses 
collaborateurs  et  de  l'œuvre  dont  il  avait  accepté  la  direc- 
tion, sa  haute  compétence,  le  respect  et  l'e.stime  que  sa 
courtoisie  et  la  noblesse  de  son  caractère  lui  avaient  acquis 
parmi  nous.  Ceux  de  nos  confrères  qui  collaborent  à  ce 
grand  recueil  savent  tout  ce  qu'ils  ont  perdu  à  sa  mort. 

L'autorité  dont  il  jouissait  ici,  il  l'exerçait,  bien  entendu, 
également  dans  les  nombreuses  sociétés  scientifiques  dont 
il  faisait  partie.  11  avait  été  admis  dès  18o6  à  la  Société 
asiatique  ;  il  en  demeura  jusqu'à  la  fin  un  des  membres  les 
plus  actifs  ;  il  y   publia,    dans  le  Journal  asiatique^  plus 

1.   1883,  p. 231  et  suiv.  :  p.  149  etsuiv,,  cf.  p.  549. 


466  NOTICE    SUR    M.    LE    MARQUIS    DE    VOGUÉ 

d'un  mémoire,  notamment  son  étude  sur  le  Tarif  bilinsrue, 
gréco-palmyrénien,  trouvé  à  Palmyre  en  1881,  la  plus 
lonj^-ue  des  inscriptions  palnn-réniennes  connues.  A  la  So- 
ciété des  Antiquaires,  il  était  entré  en  1860  ;  nous  avons 
fêté  en  1910  le  cinquantenaire  de  son  élection  et  j'ai  dû,  à 
la  présidence  que  j'occupais  alors,  l'honneur  de  lui  olTrir  à 
ce  propos  l'assurance  de  notre  très  grand  et  très  respectueux 
attachement.  A  la  Société  de  l'histoire  de  France,  il  pro- 
nonça, comme  président,  un  discours  qui  fit  sensation.  Il 
était  aussi  président  de  la  Société'de  l'Orient  latin  et,  parmi 
bien  d'autres  encore,  de  l'œuvre  des  Ecoles  d'Orient,  aux- 
quelles nous  devons  tant  de  travaux  et  de  découvertes  ar- 
chéologiques, sortis  de  ces  maisons  de  prière,  d'enseigne- 
ment et  d'étude  dont  nos  religieux  ont  peuplé  le  Levant. 
Un  de  ces  couvents,  celui  de  Saint-Etienne,  qui  abrite 
l'érudition  de  notre  correspondant,  le  P.  Lag-rang-e,  et  de  ses 
frères,  était  l'asile  désig-né  pour  donner  l'hospitalité  au 
marquis  de  Vog'iié  lors  de  son  cinquième  voyage  à  Jéru- 
salem en  191 1.  Un  deuil  cruel  l'avait  ramené  dans  la  ville 
sainte  en  1862  ;  cette  fois  encore,  c'est  un  deuil,  non  moins 
cruel,  qui  l'y  conduisait.  Les  résultats  de  sa  courte  visite 
ont  été  exposés  par  lui  dans  un  petit  volume,  plein  de 
charme,  qu'il  a  intitulé  :  Jérusalem  hier  et  aiijourdliui^ . 
La  Jérusalem  d'hier,  c'est  celle  de  ses  vingt  ans,  celle  qu'il 
a -vu  surgir  tout  à  coup  au  détour  de  la  route,  dans  un  der- 
nier rayon  de  soleil,  et  sortir  «  du  fond  du  désert,  brillante 
de  clarté  »,  celle  où  il  a  éprouvé  les  fortes  émotions  de  la 
semaine  sainte,  celle  où  il  a  travaillé  avec  Waddington  et 
Duthoit.  La  Jérusalem  d'aujourd'hui,  c'est  celle  où  l'on 
débarque  en  chemin  de  fer,  dans  une  gare  qui  ressemble  à 
toutes  les  gares,  où  l'on  a  installé  des  boutiques  modernes, 
des  enseignes  polyglottes,  des  hôtels  cosmopolites,  où  la 
mosquée    d'Omar   est  déshonorée   par    le  badigeon,   où  le 

1.  Paris,  1912,  in-R". 


NOTICE  si:r  m.   Lr:  makquis  de  vogué  467 

jardin  de  Gethsémani,  qui,  il  y  a  un  demi-siècle,  avait 
conservé  l'aspect  qu'il  présentait  «  le.  soir  du  premier  jeudi 
saint  »,  alors  que  «  la  terre  nue  était  foulée  par  le  corps 
prosterné  du  Sauveur  et  buvait  ses  larmes  »,  est  entouré  de 
murs,  embelli  de  fleurs,  de  buis  taillés,  d'allées  ratissées. 
Tous  ceux  qui  ont  voyagé  dans  un  pays  encore  primitif, 
plein  de  la  poésie  de  grands  souvenirs  et  qui  y  retournent 
quelques  années  plus  tard,  connaissent  le  chagrin  et  la  désil- 
lusion que  Vogué  ressentit  devant  ces  progrès  atïligeants 
mais  inévitables  de  la  civilisation.  On  ne  devrait  jamais 
tenter  de  revivre  ses  souvenirs  !  Du  moins  devons-nous  à 
cette  visite  suprême  des  additions  intéressantes  à  ses  an- 
ciens travaux  sur  Jérusalem  et  une  savante  étude  sur  la 
citerne  dite  de  Sainte-Hélène,  à  Ramleh,  insérée  dans  nos 
Mémoires  '. 

Telle  est,  Messieurs,  l'œuvre  de  Vogué  dans  le  domaine 
de  l'orientalisme  :  explorations,  découvertes,  publications 
l'y  ont  placée  au  premier  rang.  Ce  serait  une  erreur,  pour- 
tant, de  croire  que  là  s'est  bornée  son  activité  scientifique. 
Il  en  fut  de  lui,  en  effet,  comme  de  tous  ceux  qui,  sans  être 
enfermés  par  leur  carrière  dans  une  spécialité,  se  laissent 
entraîner  au  gré  des  circonstances  vers  les  recherches  qui 
s'offrent  à  leur  curiosité  en  éveil.  Quand  il  partit  pour 
l'Orient,  il  ne  songeait  qu'à  perfectionner  son  instruction 
générale  par  la  visite  des  lieux  que  son  éducation  classique 
lui  avait  rendus  familiers,  où  sa  foi  chrétienne  l'attirait,  où 
il  aspirait  à  retrouver  les  traces  des  Croisés,  ancêtres  de 
la  pure  noblesse  française.  En  présence  des  ruines  de  Pal- 
myre  il  était  devenu  épigraphiste,  en  présence  des  églises 
de  Jérusalem,  archéologue;  sa  vocation  était  fixée.  Pendant 
trente  années,  il  s'était  donné  exclusivement  à  l'étude  de 
l'antiquité  sémitique  et  du  moyen  âge  oriental.  Mais  vers 
1S80,   sans    renoncer  à   un  genre  de   recherches  où  il  était 

1.  XXXIX  (1912). 


468  NOTICE    SUR    M.    LE    MARQUIS    DE    VOGUÉ 

passé  maître,  son  activité  se  porte  d'un  autre  côté.  Il  se 
souvient  que  ses  aïeux  ont  joué  un  rôle. dans  l'histoire  de 
leur  province  et  de  notre  pays  ;  il  se  regarde  comme  tenu 
de  le  faire  connaître,  et  le  voilà  qui  se  détourne  vers  les 
temps  modernes,  d'autant  plus  volontiers  qu'il  possède  des 
documents  inédits  fort  curieux,  dont  il  ne  se  sent  pas  le 
droit  de  garder  pour  lui  les  secrets.  Il  a  fait  l'aveu  de  ce 
scrupule  de  conscience  dans  le  discours  qu'il  prononça 
quand  il  fut  appelé  en  1894  à  la  présidence  de  la  Société 
de  l'histoire  de  France  ^  «  Les  services,  disait-il,  que 
rendent  à  l'histoire  les  archives  privées  sont  évidents  ;  les 
plus  modestes  collections  peuvent,  sous  ce  rapport,  être 
aussi  utiles  que  les  plus  célèbres.  Le  grand  édifice  de 
l'histoire  nationale  ne  se  construit  pas  seulement  à  l'aide 
de  pierres  monumentales  ;  de  petites  pierres,  ag-g-lomérées 
avec  soin,  peuvent  fournir  de  solides  assises.  Rien  n'est  à 
négliger  dans  l'œuvre  patriotique  de  la  reconstitution  des 
annales  nationales  ;  et  ceux  que  d'heureuses  circonstances 
de  famille  ont  mis  en  possession  de  matériaux,  grands 
ou  petits,  ont  le  devoir  de  les  apporter  à  l'œuvre  com- 
mune .    » 

Or  des  circonstances  de  famille  et  d'heureux  hasards 
avaient  concentré  dans  ses  mains  les  papiers  du  maréchal 
de  Villars  ;  il  s'y  plongea  avec  l'ardeur  qu'il  avait  apportée 
naguère  à  étudier  les  monuments  de  la  Syrie  et  de  la  Pa- 
lestine. De  là  de  nombreux  articles,  insérés  dans  le  Corres- 
pondant et  dans  la  Bévue  des  Deux  Mondes,  sur  lesquels 
je  ne  m'étendrai  pas  parce  qu'ils  sortent  des  limites  chro- 
nologiques assignées  par  l'usiige  aux  recherches  de  notre 
Académie  ;  de  là  les  six  volumes  des  Mémoires  du  maréchal 
de  Villars  '  ;  de  là  aussi  son  élection  à  l'Académie  française. 
Je    note  seulement   que   ses   études  antérieures  ne    furent 

1.  Bull,  de  la  Société  de  Vhistoire  de  France,  1891,  p.  10. | 

2.  Paris,  1884-1904. 


NtiTfCE  sùfi  M.  ik  iJAiiQLis  bÉ  Vogué  469 

point  tout  à  fait  étrangères  à  ce  nouvel  honneur,  si  nous  en 
croyons  riiommage  que  lui  rendait  de  Ilérédia  le  jour  de 
sa  réception  :  «  Avec  vos  habitudes  d'épigraphiste,  vous 
commentez  les  monuments  écrits,  lettres,  notes,  dépêches 
ou  rapports,  ainsi  que  vous  feriez  de  monuments  fig-urés . 
Cette  manière  qui  vous  est  propre  et  qui,  si  je  ne  me 
trompe,  est  toute  nouvelle,  prête  à  votre  narration,  outre 
une  extrême  clarté,  un  tour  original,  un  air  de  réalité, 
quelque  chose  de  la  précision  du  témoignage  direct.  » 

Cette  manière  est  encore  bien  plus  apparente  dans  un 
autre  ouvrag'e  de  Vogué,  qui  nous  appartient,  celui-là,  par 
le  temps  comme  par  la  méthode,  dans  la  monographie  qu'il 
a  consacrée  à  sa  famille'  ;  le  chartiste,  l'archéologue  s'y  re- 
trouvent. Il  nous  y  a  donné  un  modèle  d'érudition  à  la  fois 
profonde  et  élégante,  de  vraie  érudition  à  la  française. 
Pour  l'écrire,  il  a  puisé  à  toutes  les  sources  qui  s'offraient 
à  lui  ;  et  elles  étaient  nombreuses.  Le  château  de  Vogué 
possédait  un  chartrier  aménagé  avec  grand  soin  par  un 
Melchior  de  Vogué,  contemporaiin  de  Louis  XIV  ;  c  il  ren- 
fermait, entre  autres  documents  intéressants,  un  volume 
in-folio  de  450  feuillets,  relié  en  basane  rouge,  dit  Le  Tré- 
sor de  la  maison  de  Vo(/ïie\  dans  lequel  Melchior  avait  fait 
transcrire  les  principales  pièces  intéressant  l'histoire  ou  les 
affaires  de  la  famille  ».  Ce  chartrier  disparut  à  la  Révolu- 
tion. «  Mais  son  fils,  Cérice-Francois,  avait  fait  faire  en 
1712  un  inventaire  détaillé  des  archives  de  ce  chartrier, 
où  chaque  pièce  est  analysée  et  où  les  affaires  importantes 
sont  l'objet  d'un  commentaire.  »  Celui-là  a  été  conservé  et 
notre  confrère  l'a  fait  imprimer  en  1905.  Il  est  inutile 
d'ajouter  que  c'est  là  une  source  de  renseignements  d'un 
prix  inestimable.  Dans  les  papiers  de  famille  figuraient 
aussi  les  mémoires  du  même  Cérice-François,  écrits  vers 


1.   Une  famille  vivaroise,  2  vol.  in-8,  1916.  Une  autre  édition  en  trois  vo- 
lumes in-12  est  seule  dans  le  commerce. 


470  NOTlr.K  sid  M.   LK  mauqL'is  dB  vogué 

1720,  certains  cartulaires,  des  correspondances,  des  pièces 
diverses,  une  série  de  livres  de  raison  qui  vont  de  ItiOD 
à  1791.  De  plus,  on  peut  trouver  d'autres  renseignements 
sur  les  Vogué  dans  les  Archives  du  département  de  l'Ar- 
dèche,  notamment  dans  les  reg'istres  de  notaires  du 
xv«  siècle  et  dans  les  études  des  diilerents  notaires  du  dé- 
partement. Joignez  à  ces  sources  écrites  les  rensei- 
gnements archéologiques  que  fournissent  les  restes  des 
châteaux  de  la  famille  étudiés,  mesurés,  dessinés  par  notre 
confrère  avec  sa  conscience  et  son  talent  graphique  cou  fu- 
miers, avec  la  compétence  aussi  qu'il  avait  acquise  au 
contact  des  monuments  de  Palestine  et  de  Syrie. 

Appuvé   sur  de  pareils  témoignages,  Vogué  a  pu  tracer 
de  ses  ascendants  un  tableau  aussi  complet  qu'attachant. 

Le  bourg  de  Vogiié  est  une  localité  du  Vivarais,  située 
au  bord  de  l'Ardèche,  à  quelques  centaines  de  mètres  du 
point  où  elle  reçoit  l'Auzon.  Sur  la  pente  de  la  falaise  qui 
domine  la  rivière  s'étageaient  les  maisons  du  village, 
serrées  autour  du  château.  Plus  au  Sud,  de  l'autre  côté  de 
l'Auzon,  au  centre  d'un  cirque  de  montagnes  sauvages, 
existe  un  rocher  escarpé,  admirablement  préparé  par  la 
nature  pour  recevoir  une  forteresse  ;  on  le  nomme  Roche- 
colombe  ;  un  château  le  couronnait,  aujourd'hui  en  ruines. 
Les  chefs  de  la  famille  en  avaient  fait,  à  cause  de  sa  situa- 
tion même,  leur  résidence  habituelle.  C'est  dans  ce  petit 
coin  de  terre  que  les  aïeux  les  plus  reculés  de  notre 
confrère,  ceux  du  xi^  siècle,  —  il  n'est  pas  possible  de  re- 
monter plus  haut  pour  les  histoires  locales,  —  vivaient  au 
milieu  de  leurs  serfs  du  revenu  de  leurs  terres,  se  disputant 
ou  s'accordant  avec  leurs  voisins  et  pleins  de  zèle  pour  le 
service  de  Dieu  ;  mais  leur  grande  occupation,  pour  les  aînés 
du  moins  —  car  les  cadets  entraient  dans  les  ordres,  deve- 
naient évêques  ou  chanoines  —  était  la  guerre.  Ils  ont  tou- 
jours l'épée  à  la  main.  En  1191,  un  Raymond  de  Vogué 
figurait  peut-être  à  la  troisième  Croisade  ;  son  descendant, 


NOTICE  SUR  M.  LE  MARQUIS  DE  VOGUÉ        471 

Raymond  IV,  prend  part  au  xiv"  siècle  à  des  expéditions 
sur  les  terres  ang-laises  de  la  Guyenne  et  de  l'Aquitaine  ; 
Pierre  IV,  au  xv''  siècle,  aide  le  dauphin  Charles  à  assurer 
la  soumission  du  Lanfi^uedoc.  D'autres  sont  mêlés  sous 
Louis  XII  et  François  I'"'"  aux  g-uerres  d'Italie  ;  lors  des 
luttes  religieuses  qui  ensanglantèrent  les  règnes  suivants  et 
furent  particulièrement  violentes  dans  le  Midi,  les  seigneurs 
de  Vogué  se  rangent  parmi  les  défenseurs  armés  les  plus 
fermes  de  la  religion  catholique,  non  sans  incliner  parfois 
vers  la  tolérance.  Plus  tard,  sous  Louis  XIV,  on  trouve  un 
Melchior  de  Vogué  à  l'expédition  d'Alger  et  à  celle  de 
(Candie,  dans  les  campagnes  de  Hollande,  d'Espagne,  du 
Rhin  ;  sous  Louis  XV,  le  régiment  du  Cérice-François  de 
Vogiié,  dont  il  a  déjà  été  question,  fut  engagé  dans  la 
guerrede  la  succession  de  Pologne  et  sauva  le  maréchal  de 
Villars  un  jour  qu'il  faillit  être  enlevé,  en  compagnie  du 
roi  de  Sardaigne,  par  des  cuirassiers  autrichiens  :  enfin 
Gharles-Elzéar-François,  son  (ils,  s'illustra  dans  la  guerre 
de  la  succession  d'Autriche  et  dans  celle  de  Sept  ans. 

Ces  belles  vertus  guerrières,  dont  la  tradition  sest  per- 
pétuée dans  la  famille  et  dont  les  Vogué  ont  donné  de  nou- 
velles preuves  éclatantes  au  cours  de  la  guerre  actuelle, 
s'alliaient  à  des  qualités  d'un  tout  autre  ordre.  Les  docu- 
ments qu'ils  nous  ont  laissés  nous  les  montrent  excellents 
administrateurs  de  leurs  biens,  ne  reculant  pas  devant  les 
initiatives  hardies  pour  en  augmenter  le  produit,  comme 
aussi  pour  améliorer  le  sort  de  leurs  vassaux,  ce  qui  était, 
d'ailleurs,  la  meilleure  façon  d'assurer  leurs  propres  re- 
venus. Veulent-ils,  par  exemple,  tirer  parti  d'une  forêt  ?  ils 
créent  sur  la  lisière  une  scierie,  mue  par  l'eau  d'un  torrent; 
les  paysans  sont-ils  embarrassés  pour  trouver  le  grain  né- 
cessaire aux  semences  ?  ils  leur  prêtent  des  setiers  de  blé 
au  moment  des  emblavures,  forme  singulièrement  pratique 
et  utile  de  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  «  le  crédit 
agricole  » .  Les  deux  volumes  sont  pleins  de  faits  de  cette  sorte. 


l7â  ^OtWAi   hlii   Ai.    LE   AiAKQillS    f)È   vô/iiifî 

Ils  se  terminent  à  la  llévolution,  date  fatale  pour  les 
Vogué  comme  pour  bien  d'autres.  Ils  émigrèrent,  pensant 
par  là  sauver  le  roi,  et,  par  le  roi,  la  France  ;  leurs  pro- 
priétés furent  déclarées  biens  nationaux  et  vendues.  Ce 
jour-là,  de  l'ensemble  territorial  créé  et  administré  partant 
de  générations  successives,  il  ne  resta,  selon  la  forte  expres- 
sion de  notre  confrère,  que  «  des  iiiines,  des  tombes  et  des 
traditions  ». 

L'intérêt  d'une  histoire  comme  celle  des  Vogué  ne  se 
limite  pas,  on  le  comprend  aiséïnent,  à  une  seule  famille  ; 
la  portée  en  est  plus  générale;  de  là  la  haute  valeur  du 
livre.  C'est  ce  que  de  Hérédia  a  parfaitement  mis  en  lu- 
mière quand  il  disait  au  marquis  de  Vogiié,  lors  de  son 
entrée  à  l'Académie  française  :  «  L'histoire  d'une  famille 
telle  que  la  vôtre,  minutieusement  étudiée  suivant  le  cours 
des  siècles,  serait  comme  un  microcosme  de  l'histoire  de 
France.   » 

V,^ Histoire  d'une  famille  vivaroise  fut  la  dernière  pro- 
duction importante  de  Vogiié.  Durant  les  années  de  son 
existence  qui  suivirent,  les  œuvres  de  toute  sorte  auxquelles 
il  consacrait  le  meilleur  de  son  temps  pour  l'amour  de  la 
France  et  de  l'humanité  l'absorbèrent  tout  entier.  Il  est 
mort  à  la  peine  le  10  novembre  lî)16,  après  une  courte 
maladie. 

Ceux  qu'il  est  allé  rejoindre  dans  l'éternité  ont  pu,  en 
l'accueillant,  lui  rendre  cette  justice  qu'il  avait  vécu  en 
digne,  héritier  de  leur  race. 

Digne  aussi  de  la  belle  devise,  passée  en  proverbe  dans 
le  Vivarais,  qu'il  a  si  éloquemment  commentée  pour  ses 
enfants^  :  Probe  comme  un  Vogiié.  «  Vous  n'oublierez  pas, 
leur  disait-il,  que  cette  devise  a  le  sens  le  plus  large, 
qu'elle  ne  vise  pas  seulement  la  vulgaire  probité  d'argent 
naturelle  aux   âmes  bien   nées,    mais    la    probité    intellec- 

1.    Une  famille  vivaroise,  II,  p.  474. 


iNuîicË  SUR  M.   i.r;  mahqlis  DI-:  vogué  473 

tuelie,  la  probité  scienlitique,  la  probité  politique,  c'est- 
à-dire  le  souci  réfléchi  de  la  vérité  et  de  la  justice,  qui 
soumet  à  un  contrôle  rigoureux  les  mouvements  et  les  ma- 
nifestations de  la  pensée,  les  actes  de  la  vie  privée  et  de 
la  vie  publi(jue,  les  jug-ements  portés  sur  autrui,  et  qui,  s'il 
n'est  pas  toujours  accompagné  du  succès,  assure,  du  moins, 
les  joies  intimes  de  la  conscience  satisfaite  et,  par  surcroît, 
le  respect,  l'estime  et  la  sympathie.  »  Grandes  et  nobles 
paroles,  mag-nilicjue  testament  de  droiture,  où  notre  confrère 
se  peint  tout  entier  et  par  lequel  il  convient  de  clore  la  no- 
tice que  notre  Académie  devait  à  sa  mémoire. 


191W 


.32 


L-if. 


1i 


SÉANCE  DU  2*)  NOVEMBUE 


l'HÉSlDENCE    1)K     M,     PAUL    GIIÎARU  ,     VlClî-l'KKSlUKNT. 

Il  est  donné  lecLure  des  lettres  de  candidature  suivantes  : 
Pour  la  place  de  membre  ordinaire,  devenue  vacante   par  la 

mort    de  M.  Maspero  :   MM.'C.    Iluart,    Delachenal,    Moret    et 

Jeanroy; 

Pour  la  place  de  membre  libre  "devenue  vacante  par  In  mort 

de  M.FabbéThédenat  :  M.  Brutails. 

Le  Secrétaire  perpétuel  lit  ensuite  les  lettres  de  remerciement 
de  M.  Georges  Clemenceau  et  du  maréchal  Foch,  en  réponse  à 
l'adresse  qui  leur  a  été  votée. 

M.  Omont  annonce  à  l'Académie  que  M"'^  Emile  Picot,  réali- 
sant généreusement  les  intentions  exprimées  de  son  vivant  par 
notre  regretté  confrère,  vient,  d'accord  avec  ses  trois  fils,  de 
faire  don  au  département  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  l'important  répertoire  bibliographique,  formé 
depuis  de  longues  années  par  son  mari,  sur  l'histoire  littéraire 
française,  particulièrement  aux  xv*"  et  xvi^  siècles.  Ce  répertoire 
alphabétique,  fruit  d'immenses  lectures,  compte  environ 
250.000  fiches;  il  forme  un  incomparable  instrument  de 
recherches,  qui  a  déjà  été  souvent  utilisé  et  qui  est  appelé  à 
rendre  les  plus  grands  services  aux  historiens  de  notre  vieille 
littérature  française. 


LIVRES  OFFERTS 


Le  Secrétau^e  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  publications 
suivantes  : 

D"-  R.  Croste,  Le  Svastika,  son  histoire...,  cultes  qui  sij  rat- 
tachent (extrait  du  Bulletin  trimestriel  de  la  Société  bayonnaise 
d'études  régionales;  Rayonne,  1918)  ; 


SËAfsCK    DU    â9    NOVElilBRE    ^918  4*78 

Bullelin  de  la  Sociélr  d'Éludés  des  Haiiles-Alpes,  trente-septième 
année,  4"  série,  n°  23  ;  année  1918,  S''  trimestre  (Gap,  1918)  ; 

Journal  of  Ihe  American  Oriental  Societij.  Vol.  38,  part  3,  June 
1918  (New-IIaven,  Conn.,  1918)  ; 

Bollcllino  délie  puhhlicazioni  itatiunericevule  per  dirillu  di  slanipu, 
n°  208,  luglio-agosto  (Firen/.e,   1918)  ; 

Memorie  délia  R.  Accademiu  dei  Lincei.  Classe  di  Scienze  murali, 
slorichee  filoloyiche  {Anno  CCCXV-I9I8).  Série  qiiinta,  Vol.  XV, 
fasc.  8. 

Bolelin  del  Centra  de  Esludios  Aniericanistas  de  Sevilla.  Ano  1918, 
nûm.  19  (Sevilla,  Octubre  de  1918). 

M.  Hkron  de  Villefosse  offre  à  l'Académie,  au  nom  de  M.  Etienne 
Michon,  une  nouvelle  édition  du  Catalogue  sommaire  des  marbres 
antiques  du  Louvre.  Elle  se  distingue  de  la  précédente  par  une  révi- 
sion attentive  des  anciennes  provenances  et  aussi  par  une  riche  et 
abondante  illustration  qui  ne  compi'end  pas  moins  de  LXIV  plajiches. 
C'est  un  véritable  album  de  nos  sculptures  du  Louvre,  un  précieux 
recueil  que  son  format  rend  facile  à  consulter,  un  instrument  de 
travail  qui  sera  apprécié  par  tous  les  amis  de  l'archéologie  classique. 
Une  liste  exacte  des  photographies  de  nos  statues  et  de  nos  bustes, 
([ui  sont  en  vente  chez  l'éditeur  Braun,  termine  le  volume. 


COMPTES    RENDUS    DES    SEANCES 


DE 


L'ACADEMIE    DES    INSCHIPTIONS 

ET    BELLES- LETTRES 

PENDANT     L'ANNÉE     1918 


SÉANCE  DU  6  DÉCEMBP^E 


PRESIDENCE    DE    M.     PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

Le  chef  du  Protocole  transmet  une  dépêche  envoyée  par 
S.  M.  LE  ROI  d'Italie,  en  réponse  à  l'adresse  que  lui  a  fait  par- 
venir l'Académie  : 

«  Rome,  le  20  novembre  1918. 

*<  A  M.  le  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  pour  les  membres  de  cette  Académie. 

«  J'ai  été  très  heureux  des  félicitations  que  MM.  les  membres 
de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  de  l'Institut  de 
France  ont  eu  la  courtoisie  de  madresser  à  l'occasion  de  la  réa- 
lisation des  aspirations  italiennes.  Je  désire  leur  en  exprimer 
mes  meilleurs  remerciements  et  je  forme  les  vœux  les  plus  cha- 
leureux pour  la  gloire  et  la  prospérité  de  la  France. 

(Signé)  :  Victor  Emmanuel.   » 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  ensuite  lecture  dune  lettre  que 
M.  Nyrop,  correspondant  de  l'.-Xcadémie,  lui  adresse  à  l'occasion 
de  la  signature  de  l'armistice  : 
«  Monsieur, 

«  A  l'occasion  de  l'heureux  armistice,  j'ai  l'honneur  de  pré- 
senter à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  mes  félici- 
tations les  plus  sincères,  les  plus  vives,  les  plus  enthousiastes. 
La  guerre  maintenant  est  finie,  et  le  monde  est  délivré  du  eau- 


'i.7S  SKANCK  nr  H  di^xemhhk   1î.)18 

chemar  des  dévastations,  des  déportations,  des  tueries.  Les 
li.iiniiies  poutioiit  (le  nouveau  respirer  librement;  la  chanson  et 
le  sourire  \-onl  renaitre.  Dans  un  tel  moment,  toutes  nos  pensées 
et  tous  nos  sentiments  se  tournent  vers  la  France  ;  nous  sommes 
pénétrés  d'une  reconnaissance  profonde  envers  le  pays  qui  a 
sauvé  l'humanité,  en  écrasant  le  militarisme  teuton.  Gloire  éter- 
nelle à  la  France,  qui  s'est  battue  pour  la  liberté  du  monde; 
car  tout  en  se  battant  pour"  elle-même,  elle  s'est  battue  pour 
nous  tous,  et  surtout  pour  les  petites  nations.  Notre  gratitude 
est  inlinie,  et  nous  admirons,  vénérons  et  aimons  la  l'^rance  plus 
que  jamais. 

•'  Veuillez  agréer,  etc.  » 

M.  Héron  dk  V'ii.lefosse  lait  une  communication  au  sujet 
d'une  inscription  découverte  récemment  sur  le  territoire  de 
Rivières  (Charente)  ^. 

L'Académie  procède  aux  élections  pour  le  remplacement  de 
deux  membres  ordinaires,   MM.  JBarth  et  î\L\spkro. 

Le  PRÉsmENT  donne  lecture  des  articles  du  règlement  concer- 
nant l'élection  des  membres  ordinaires.  Il  rappelle  ensuite  les 
noms  des  candidats  à  la  place  de  M.  Barlh.  Ce  sont  :  par  ordre 
alphabétique,  MM.  Bémoni,  Mâle  et  Michon. 

Il  y  a  32  votants;  majorité  :   17  voix. 

Au  premier  tour,  M.  Bémont  obtient  8  voix  ;  M.  Mâle,  8  ; 
M.  Michon,  13.  Il  y  a  trois  voix  perdues. 

Au  deuxième  tour,  M.  Bérnont  obtient  11  voix  ;  M.  Mâle,  16; 
M.  Michon,  5. 

Au  troisième  tour,  M.  Bémont  obtient  9  voix  ;  M.  Mâle,  21  ; 
M.  Michon,  1, 

En  couséquenpe.  M-  Mâle,  ayant  oljtenu  la  majorité  dps 
suffrages,  est  proclamé  élu  par  le  Président.  Son  élection  sera 
soumise  à  l'approbation  de  M.  le  Président  de  la  République. 

Il  est  procédé  au  scrutin  poiir  la  seconde  place  vacan(.e. 

Lp  Président  rappelle,  par  ordre  alphabétique,  les  nonis  des 
candidats  :  MM.  Bénédite,  Delachenal,  Porez,  Iluart,  Jeanroy, 
Lejay,  Lotb,  Martha,  Mpret  et  Vernes. 

1.  A'^oir  ci-après. 


sÉANCf!  DU  6  DÉcEMimi:   191 H  479 

Au  premier  tour  de  scrutin,  M.  Bénédite  obtient  '2  voix  ; 
M.  Delachenal,  4;  M.  Dorez,  1  ;  M.  Huart.  5;  M.  Jeanroy,  3; 
M.  Lejay,  5;  M.  Loth,  i;  M.  Martha,  5.;  M.  Moret,  1; 
M.  \'ernes,  2, 

Au  deuxième  tour.  M.  Bénédite  obtient  1  voix;  M.  Delij- 
chenal,  5;  M.  Dorez,  4;  M.  Huart,  5;  M.  Jeanroy,  1  ;  M.  Lejay, 
3  ;  M.  Loth,  9  ;  M.  Martha,  4. 

Au  troisième  tour,  M.  Bénédite  obtient  2  voix  ;  M.  Dela- 
chenal, 3;  M.  Dorez,  I  ;  M.  Huart,  13;  M.  Lejay,  5;  ^L  Loth, 
8;  M.  Martha,  2. 

Au  quatrième  tour,  M.  Delachenal  obtient  1  voix  ;  M.  Huart, 
l.*)  ;  M.  Lejay,  2  ;  M.  Loth,  12  ;  M.  Martha,  2. 

Au  cinquième  tour,  M.  Huart  obtient  15  voix;  AL  Lejay,  I  ; 
M.  Loth,  15;  M.  Martha,  1. 

Au  sixième  tour,  M.  Huart  obtient  15  voix;  M.  Lejay,  1  ; 
M.  Loth,  15.  Il  y  a  un  bulletin  blanc. 

Au  septième  tour,  M.  Huart  obtient  16  voix;  M.  Loth,  15. 
Il  y  a  un  bulletin  blanc. 

.Au  huitième  tour,  M.  Huart  obtient  1(3  voix  ;  M.  Loth,  15.  Il 
y  a  un  bulletin  blanc. 

Après  le  huitième  tour,  l'Académie  décide  de  ne  pas  continuer 
le  vote.  La  date  de  la  reprise  du  scrutin  sera  fixée  dans  la  pro- 
chaine séance. 


COMMUNICATION 


INSCRIPTION    ROMAINE    DE    RIVIÈRES    (cHARENTe), 
PAR   M.    HÉRON    DE    YILLPFOSSE,    MEMPHE  DE  l' ACADÉMIE. 

L'inscription  romaine  que  je  présente  à  l'Académie  vient 
d'être  découverte  sur  le  territoire  de  la  commune  de 
flivières  (Charente),  au  lieu  dit  La  Garenne,  dans  le  voisi- 
nage et  au  Nord-Ouest  de  La  Rochefoucauld.  On  en  doit  la 
connaissance  à  M.  le  docteur  Jules  Lhomme,  médecin  à  La 
Rochefoucauld,  qui,  après  en  avoir  relevé  le  texte,  a  trans- 


f.  o 


SO  iNscnirrH^N  uo-maine  df.  rivifres 

is  sa  copie  à  M  .  de  ^'epl\ .  conservateur  du  Musée  archéo- 
o^ique  de  Rouen.  Ce  dernier  s'est  empressé  de  l'envoyer  à 
M.  Camille  Jullian.  Retenu  loin  de  Paris,  notre  confrère 
m'a  fait  parvenir  cette  copie  en  me  priant  de  la  communi- 
([uer  en  séance. 

La  pierre  est  demeurée  entre  les  mains  du  proj)riétaire 
qui  l'a  trouvée  ;  c'est  une  dalle  trian<^ulaire  qui  est  actuel- 
lement brisée  en  trois  morceaux.  Le  rapprochement  des 
frag-ments  permet  de  constater  qu'elle  mesure  exactement 
1  "'  22  de  long^ueur  sur  0  '"  43  de  larjifeur.  Entourée  d'un 
encadrement  muni  de  queues  d'aronde  à  droite  et  à  g-auclie, 
l'inscription  se  compose  de  six  lig-nes  : 

IVLIA      IV^ALLA•       MALLV?ONfs 
FIL  •  NvMl^BVS  •  AVGVSTORVM  ET 
DEAE     DAMONAE      MATVBERGI^ 
NI  OB     MEMORIAM     SVLPICIAE 
SILVANAE   •    fLiAE   SVAE    DE    SVO 
POSVIT 

Copie  de  M.  le  docteur  Jules  Lhomme. 

A  la  ligne  3,  dans  Matuberginni.  le  dernier  jambage  du 
M  initial  a  été  enlevé  par  la  cassure  de  la  pierre.  Dans  le 
même  mot,  ainsi  que  dans  Malluronis.  nutninihus,  filiae, 
se  I  sont  conjugués  avec  L.  M  et  N.  Le  centre  des  O  est 
marqué  d'un  point,  particularité  que  Ion  constate  égale- 
ment dans  deux  autres  inscriptions  de  l'époque  d'Auguste, 
découvertes  à  Saintes,  l'une  vers  1844 ',  l'autre  en  1887 
dans  le  mur  septentrional  des  jardins  de  l'hospice  2. 

Jullia  Malla  Malluronis  fil[ia)  numinihus  Augustorum 
et  deae  Damonae  Matuberginni  (?)  ob  memoriam  Sulpiciae 
Silvanae  fîliae  suae  de  suo  posuit. 

Le  mot  Matuberginni  qui  suit  le  nom  de  Damona  n'avait 

1.  Corp.  inscr.  lai.,  l.  XIII,  1048. 

2.  Ihid.,  1041. 


INSCRIPTION    ROMAINE    DE    RIVIÈRES  48i 

pas  encore  été  rencontré.  C'est  vraisemblablement  une  épi- 
thète  destinée  à  caractériser  la  déesse  et  empruntée  à  une 
désis^nation  topogTaphique  locale  ;  elle  oiïre  un  caractère  cel- 
tique bien  prononcé.  Mafu,  terme  auc(uel  les  celtisants 
s'accordent  à  reconnaître  la  signification  (V  «  ours  »  ou  de 
«  pourceau  »,  entre  dans  la  composition  de  plusieurs  mots 
d'orig-ine  gauloise  ;  on  le  trouve  soit  au  commencement  de 
certains  noms  indigènes  tels  que  Matugenos.  Matugenus, 
Matugentus,  Matumarus  soit  à  la  fin  comme  dans  Ratoma-  « 
tus.  Teutomatus'.  Berg  évoque  l'idée  d'une  «  montagne  » 
ou  dune  «  colline  ».  Ce  second  terme  entre  dans  la  com- 
position de  quelques  noms  de  lieu,  Bergida,  Bergintrum, 
Bergomon.  Bergusia";  la  localité  appelée  Villeneuve- de- 
Berg  dans  l'Ardèche  paraît  emprunter  à  ce  vocable  celtique 
l'appellation  qui  complète  son  nom.  Le  même  terme  se 
retrouve  dans  le  nom  de  Bero-imus,  le  dieu  local  deBrescia^. 
La  juxtaposition  de  ces  deux  termes  semble  donc  désigner 
le  point  où  la  déesse  Damona  était  honorée  et  oii  l'inscri- 
ption a  été  trouvée.  Dans  le  langage  indigène,  ce  point 
aurait  porté  le  nom  de  «  colline  de  l'ours  »  ou  «  du  pour- 
ceau ». 

On  sait  que  Damona  est  la  compagne  d'Apollon  Borvo, 
le  dieu  des  eaux  salutaires.  Borvo  et  Damona  sont  ordinaire- 
ment honorés  ensemble  à  Bourbon-Lancy  ^  et  à  Bourbonne- 
les-Bains''  dont  les  eaux  célèbres  étaient  déjà  fréquentées 
dans  l'antiquité.  Dans  les  villes  d'eau  de  la  Narbonnaise, 
le  dieu  Borvo  devient  le  dieu  Bormanus,  notamment  àAix- 
en-Provence  ^  et   à  Aix  près  de  Die  où  la  parèdre  de  Bor- 

1.  Cf.  Holder,  Alt-celtischer  Sprachschaiz. 

2.  Holder,  op.   cit.    On  trouve  une   fiergine   citutan  dans  Festus  A  vie- 
nus,  Ora  maritima,  690. 

3.  Corp.'inscr.  laf.,  t.  V.  p.  358:  n"»  4200  à   1202.  i98i. 

4.  rhiiL.  t.  XIII,  2805  à  2808. 

5.  Ibid.,  3911  à  5920.  Le  nom  de  Damona  n'apparaît  isolément  que  dans 
une  seule  inscription  votive  de  cette  localité,  n.  5921. 

6.  Ibid.,  t.  XII,  494. 


iS2  INSCniPTION    KOMAINE    DK    ItlVlftURS 

lUiinus  est  appek^e  Bonnnna  ';  dans  les  inscriptions  d'Aix- 
les-Balns  on  relève  les  deux  formes,  Bormonus  et  Borvo-. 
A  Chassenay  près  d'Arnay-le-Duc  (Côte-d'Or),  Damona 
est  associée  au  dieu  Albius  qui  doit  être  une  autre  person- 
niliealitMi  d'Apollon  et  qui  représente  aussi  un  dieu  des 
sources  bienfaisantes '^ 

Il  était  donc  important  de  savoir  si  la  colline  sur 
laquelle  a  eu  lieu  la  découverte  possédait  une  source. 
»  M.  le  docteur  Jules  Lhomme,  a\iquel  je  me  suis  adressé 
pour  obtenir  ce  renseignement,  a  pris  la  peine  de  retourner 
sur  l'emplacement  même  de  la  découverte  ;  il  a  bien  voulu 
m'écrire,  le  22  novembre,  en  me  rendant  compte,  en  ces 
termes,  de  son  enquête  : 

En  ce  qui  concerne  l'existence  d'une  source,  je  m'en  étais 
déjà  préoccupé,  connaissant,  bien  que  profane,  Borvo  et  son 
associée  Damona.  Il  n'y  a  pas  de  source  et,  de  mémoire  d'homme, 
il  n'y  en  a  jamais  eu.  Mais  à  la  suite  de  votre  lettre  je  me  suis 
livré  à  une  nouvelle  investigation  et  je  suis  convaincu  que  la 
soupoe  existait  autrefois.  Au  pied  du  coteau,  en  effet,  le  sol  est 
à  un  certain  endroit  constamment  imprégné  d'eau,  même  en 
temps  de  sécheresse;  dans  la  saison  pluvieuse,  il  y  a,  paraît-il, 
une  sorte  de  petit  marais.  En  outre,  j'ai  constaté  un  peu  plus 
loin  l'existence  d'un  puits  alimenté  par  1^  nappe  d'eau  souter- 
raine qui  représente  actuellement  la  squrce,  disparue  à  une 
époque  plus  ou  moins  reculée. 

Dans  la  partie  inférieure   de  la   vallée   tous   les   cours   d'eau 

1.  Corp.  inscr.  lat.,   1561. 

2.  /ijd.,  2443  et  244i.  Le  baigneur  d'Ai.v-Ies-Bains  qui  invoquait  le  dieu 
des  eaux  dans  cette  localité  sous  le  nom  de  Bopvo  devait  être  un  habitant 
de  la  Lyonnaise. 

3.  Le  vase  do  bronze  découvert  à  Cliassenay  poi-te  la  dédicace  deo 
Albio  et  Dmnojiae  [Corp.  inscr.  lat.,  t.  XIII,  n.  2840).  Albius  a  été  rappro- 
ché de  Cundidus  qui  accompagne  le  nom  de  Borvo  dftns  une  inscription 
d'Entrains  [ibid.,  t.  XIII,  n.  2901)  Une  statue  colossale  en  pierre  trouvée 
dans  cette  dernière  localité  olYre  limag-é  d'Apollon  dont  Borvo  est  la  per- 
sonnification indigène  (Espérandieu,  Becueil  générfil  d^s  bas-reliefs, 
n.  2243). 


INSCRIPTION    ROMAINE    DE    RIVIÈRES  483 

afïUients  de  la  Tardoire,  el  la  Tardoire  elle-même,  disparaissent 
peu  à  peu  à  travers  les  failles  ou  les  eirontlrements  du  calcaire 
jurassique  qui  comblenl  le  sous-sol;  quelques-uns  de  ces  cours 
d'eau  qui  faisaient,  il  y  a  un  siècle,  tourner  les  moulins  ont 
totalement  disparu. 

Dans  le  voisinag-e  du  lieu  de  la  découverte,  M.  le  docteur 
Lhomme  a  constaté  la  présence  de  nombreux  tessons  de 
tuiles  à  rebord  et  celle  de  quelques  pierres  taillées  qui 
semblent  avoir  appartenu  à  un  appareil  de  maçonnerie.  On 
y  avait  trouvé  un  vase  ou  frag-ment  de  vase  en  terre  rouge 
qui  a  été  détruit.  Dans  l'habitation  voisine,  on  conserve 
une  meule  gallo-romaine  en  parfait  état. 

Ces  divers  indices  amènent  à  penser  qu'il  devait  y  avoir 
sur  la  colline  où  la  pierre  fut  recueillie  un  petit  sanctuaire, 
un  «  fanum  »,  analogue  à  ceux  que  M.  de  Vesly  a  décrits 
et  dont  il  a  retrouvé  les  substructions  sur  de  nombreux 
points  du  pays  normand  ^  une  de  ces  chapelles  consacrées 
à  des  dieux  locaux,  si  répandues  dans  toute  la  Gaule-.  Des 
observations  faites  sur  le  terrain  par  M.  de  Vesly,  il  résulte 
que  les  sanctuaires  de  cette  nature  retrouvés  en  Normandie 
sont  toujours  situés  sur  des  hauteurs,  à  la  naissance  d  un 
vallon  que  sillonne  une  grimpette  et  à  proximité  d'une  voie 
romaine  3.  M.  le  docteur  Lhomme  a  pu  constater  que  la 
découverte  faite  en  Saintonge  se  présentait  dans  les  mêmes 
conditions  :  le  coteau,  le  vallon,  le  bois  et  aussi  le  raidillon 
qui  conduit  du  vallon  au  sommet  du  coteau  sont  reconnais- 
sablés  au  lieu  dit  La  Garenne  ;  une  voie  romaine  dont  une 
portion  subsiste  très  bien  conservée  passait  dans  le  voisinage. 
Ces  «  fana  »  sont  parfois  mentionnés  dans  les  monuments 


1.  L.  de  Vesly,  Les  «fana  n  ou  petits  temples  gallo-romains  de  la  région 
normande,  a.vec  11  pi.  et  4i  fig.,  1909;  cf.  Bull,  archéol.  du  Comité,  I90i, 
p.  62-"8;  1905,  p.  5-15. 

2.  Cf.  lîulliol.  Le  temple  du  Monl  de  Sène  à  Santenay  [Côte-d'Or],  21  pi., 
dans  Mém.  de  la  Société  éduenne.  Ht,  1874,  p.  139. 

3.  L.  de  Vesl^-,  op.  cit.,  p.  116  à  118. 


484  INSCRIPTION    ROMAIN K    DE    RlVlèfiRS 

épi^raphi(iuos.  Une  inscription  de  Trêves  (Lôwenbruclicn) 
notamment,  consacrée  à  Mars  Iniarabus  par  deux  hommes, 
^'ictorinus  et  Mallus,  indique  la  restauration  d'un 
«  fanum  »:...  fanum  et  siniulacrum  a  fund  a  mentis  ex  voto 
restituerunt  '. 

Il  est  certain  qu'il  serait  utile  de  faire  une  fouille  métho- 
dique sur  le  coteau  de  la  Garenne  afin  d'éclaircir  plus  com- 
plètement la  question. 

La  rareté  des  textes  romains  -dans  la  Saintong-e  où,  en 
dehors  de  Saintes,  d'Angoulême  et  d'Aulnay,  on  n'a  pour 
ainsi  dire  rencontré  aucune  inscription  romaine,  rend  la 
découverte  de  Rivières  fort  intéressante.  Elle  montre  la  diffu- 
sion du  culte  de  Damona  dans  l'Ouest  de  la  Gaule  où  aucun 
monument  votif  en  l'honneur  de  cette  déesse  n'avait  encore 
été  sig-nalé;  elle  fait  voir  que  Damona  était  quelquefois 
honorée  seule  et  que  son  culte  n'était  pas  nécessairement 
lié  k  celui  de  Borvo,  comme  les  textes  de  Bourbon-Lancv 
et  de  Bourbonne-les-Bains  pouvaient  le  donner  à  penser. 

Il  faut  espérer  que  cette  pierre  inscrite  trouvera  un  asile 
dans  un  musée  de  la  région,  dans  celui  d'Angoulême,  par 
exemple,  où  sa  place  semble  indiquée;  elle  y  grossira  avan- 
tageusement le  groupe  encore  un  peu  mince  des  textes 
épigraphiques  de  l'époque  romaine.  Je  félicite  M.  le  docteur 
Lhomme  d'avoir  sauvé  ce  précieux  monument,  je  le  remer- 
cie de  l'empressement  et  de  la  bonne  grâce  qu'il  a  mis  à 
nous  le  faire  connaître. 


1.  Corp.  inscr.  Ut.,  t.  XIII,  3653.  —  Linscription  de  Trêves  renferme  le 
nom  propre  Mallus,  forme  masculine  de  Malla  que  présente  l'inscription 
de  Rivières. 


stA.Nct:  Di"   13  DÉcEMhRt   1018  1-80 

LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaire  perpétuel  présente,  au  nom  des  auteurs,  les 
ouvrages  suivants  : 

M.  Prou,  Comptes  de  la  Maison  de  l'aumône  de  Saint-Pierre  de 
Rome  (juin  128o-mai  1286),  Paris,  1918; 

Franz  Gumont,  Comment  la  Belgique  fut  romanisée.  Essai  his- 
torique (extrait  des  Annales  de  la  Société  royale  d'archéologie  dn 
Bruxelles,  tome  XXVIH,  1914)  ; 

Le  P.  de  Foucauld,  Dictionnaire  abrégé  français-touareg  dia- 
lecte Dhoggar],  publié  par  R.  Basset,  tome  I  (Alger,  1918). 

Il  dépose  en  outre  sur  le  bureau  les  périodiques  suivants  : 

La  Revue  Savoisienne,  publiée  par  l'Académie  florimontane  d'An- 
necy, o9e  année,  1918,  3«  trimestre  (Annecy,  1918); 

Proceedings  of  the  American  philosophical  Society,  vol.  LMl, 
1918,  n»  0  (Philadelphia ,  1918). 


SÉANCE   DU   13   DÉCEMBRE 


PRÉSIDENCE     DE     M.    PAUL    GIRARD,   VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  communique  une  lettre  de  M.  le  Mi- 
nistre de  la  guerre,  invitant  l'Académie  à  désigner  un  de  ses 
membres  pour  faire  partie  de  la  Commission  nationale  des  sé- 
pultures militaires. 

Lecture  est  donnée  ensuite  d'une  lettre  par  laquelle  M.  Henry 
Cochin  pose  sa  candidature  au  siège  de  membre  libre  devenu 
vacant  parla  mort  de  M.  le  marquis  de  Vogué. 

M.  Gh.  Diehl  lit  la  note  suivante  : 

«  La  Légation  de  Grèce  me  communique  un  télégramme 
d'Athènes,  que  lui  adresse  la  Société  des  éludes  byzantines.  Ce 
télégramme  signale  des  faits  qui  me  semblent  de  nature  à  inté- 
resser l'Académie. 


(86  SKANCE    Df     13    DÉCICMIUIE     1018 

«  Kii  oviiciKint  Ja  Macédoine  oriculalc,  les  Iroupes  bulgares 
se  sont  comporlées  (l'une  façon  qui  ne  rappelle  que  Irop  ce  qui 
s'est  passé  dîtns  nos  déparlemenls  envahis.  Sans  parler  des  dé- 
sastres de  tdul  ordre  qu'elles  oui  l'ait  subir  à  ces  malheureuses 
régions,  elles  ont  emporté  ou,  quand  le  temps  a  manqué  pour 
les  emporter,  elles  ont  détruit  nombre  de  monuments  précieux 
datant  de  l'époque  by/antine.  C'est  ainsi  qu'au  monastère  de 
Saiul-Jean  Prodrome,  près  de  Serrés,  qui  futl'ondé  au  xni"siècle, 
elles  ont  enlevé  les  chrysobulles  conservés  dans  ses  archives, des 
icônes  admirables,  des  boiseries  d'une  haute  valeur  artistique, 
des  orfèvreries  de  prix  ;  la  moitié  de  la  bibliothèque  a  été  em- 
portée ;  le  reste,  comprenant  des  manuscrits  intéressants,  a  été 
brûlé.  Dans  la  région  du  mont  Pangée,  le  monastère  de  la 
Cosiphenissa  a  subi  le  même  traitement.  De  précieux  vêtements 
sacerdotaux,  des  croix  jadis  données  au  couvent  par  un  prince 
de  Moldovlachie,  des  manuscrits  illustrés  des  Kvangiles,  dont 
l'un  avait  été,  au  xiv*  siècle,  écrit,  dit-on,  de  la  main  de  l'empereur 
Jean  Gantacuzène,  ont  été  enlevés.  Le  monastère  lui-même  a  été 
complètement  détruit.  Enfin,  dans  la  ville  de  Serrés,  les  églises 
des  ïaxiarques  et  de  S'*-Paraskévi  ont  été  démolies  :  et  si  les 
précieuses  mosaïques  du  xi*^  siècle  qui  ornent  la  métropole  ont 
échappé  à  la  ruine,  en  revanche  les  richesses  du  trésor  ont  été 
entièrement  pillées. 

((  Ce  sont  là  des  actes  d'un  vandalisme  odieux  et  lamentable, 
semblables  à  ceux  dont  nous  avons  souHèrt  et  qui  ne  doivent 
pas  davantage  demeurer  impunis.  On  a  dit  justement  que, 
durant  ces  quatre  années  de  guerre,  un  compte  terrible  s'était 
ouvert  de  peuples  à  peuples  :  en  Orient  comme  en  Occident,  il 
faut  que  le  compte  soit  payé.  » 

Le  Président  rappelle  que  la  date  où  sera  reprise  l'élection 
du  successeur  de  M.  Maspero,  interrompue  le  7  décembre,  après 
le  8'  tour  de  scrutin,  doit  être  fixée  aujourd'hui.  II  propose  de 
choisir  le  10  janvier,  étant  entendu  qu'il  n'y  aura  ni  candida- 
tures nouvelles,  ni  expositions  de  titres,  ni  désistements. 

Après  un  échange  de  vues,  l'Académie  renvoie  la  suite  de  la 
discussion  au  10  janvier. 


SÉANCE   DU    20    DÉCEMfîRE    19  (S  iSl 

LIVRES    OFFERTS 


Le  Secrétaibe  perpétuel  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrages  et  pé- 
l'iodiques  suivants  : 

C.  JuUian,  Notes  gallo-romainex  (exlr.  du  t.  XX,  n°  :\,  juillet- 
septembre  1918,  de  la  Revue  des  éludes  anciennes  ; 

J.-A.  Brutails  et  P.  Courteault,  Notions  élémentaires  d'histoire 
girondine,  des  origines  à   /7S9  (Bordeaux,  1918); 

O.  Tafrali,La  Roumanie  transdanubienne  (la  Dobroiidja).  Es(juisse 
géographique,    historique,    ethnographique    et    économique  (Paris, 

1918)  ; 

rï(.)fY'Oî  Oî-/.ov6ji.o;,  '0  lojtJT'.viavo;  iv  ©EaaaXovtx^  (extrait  de 
rAs/ato).OYtxT)  'Ea-ri[jL£pi?,  1918; 

Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  archéologique  du  département 
d'Ille-et-V Haine.  Tome  XLVI,  première  partie   Rennes,    1918)  ; 

Journal  of  the  Royal  Institute  of  British  Architects,  vol.  XXVI, 
third  Séries,  n°  1,  nov.   1918; 

London  University  Gazette,  vol.  XVIII,  n°  205,  avec  Supplément. 


SÉANCE    DU    20    DÉGEMBUK 


PRÉSIDENCE    DE    M.    PAUL    GIRARD,    VICE-PRESIDENT. 

Le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  du  décret  approuvant 
l'élection  de  M.  Mâle  comme  membre  ordinaire  en  remplace- 
ment de  M.  Paul  Meyer,  décédé.  Il  introduit  ensuite  M.  Mâle 
et  le  présente  à  l'Académie. 

Le  Président  adresse  au  nouvel  élu  quelques  paroles  de  bien- 
venue et  l'invite  à  prendre  place  parmi  ses  confrères. 

Le  Secrétaire  perpétuel  communique  une  lettre  de  S.  E.  le 
comte  Bonin-Longare,  ambassadeur  d'Italie,  annonçant  pour  la 
séance  de  ce  jour  la  visite  de  S.  M.  Victor  Emmanuel  III  à 
l'A'cadémie. 

Après  quelques  instants  d'attente,  le  Président,  avec  le 
Secrétaire  perpétuel  et  M.    Babelon  faisant  fonction  de    vice- 


ISS  sKAMii-;  1)1  20  DKCK.MnnK  r.MS 

présidciil,  se  porte  .iii-devanl  tlu  roi    d'Iliilie,  <{ui  vieiil,  accom- 
pagné de    M.  le  Président  de   la  République,  pour  assister  à  la 

séance. 

Heçuc  par  le  Bureau  en  haut  de  l'escalier,  Sa  Majesté  est 
introduite  dans  la  salle  et  prend  place  sur  le  premier  ranj;  de 
sièges,  à  droite  du  Bureau. 

Le  Président  lui  adresse  l'allocution  suivante  : 

u  Sire, 

«  Que  \'otre  Majesté  soit  la  bienvenue  dans  cette  salle  austère 
et  sans  parure,  cadre  habituel  de  nos  travaux,  où  nous  a  fait  le 
plaisir  de  la  guider  jusqu'à  nous  M.  le  Président  de  la  Répu- 
blique, auquel  ces  lieux  ne  sont  point  étrangers. 

«  Notre  premier  sentiment,  en  recevant  chez  nous  l'Hôte 
illustre  de  la  France,  est  un  sentiment  de  vive  admiration  et  de 
profonde  reconnaissance  pour  la  généreuse  Italie  qu'il  incarne 
à  nos  yeux.  Car,  si  c'est  ici  la  demeure  de  la  science  sereine,  qui 
poursuit  patiemment  et  silencieusement  ses  investigations  sur 
le  passé,  si  les  temps  les  plus  lointains,  parfois,  attirent  et 
retiennent  nos  esprits,  nos  cœurs  sont  toujours  prêts  à  palpiter 
aux  grands  spectacles  que  leur  offre  le  présent,  et  en  fut-il,  dans 
les  tragiques  années  que  nous  venons  de  vivre,  un  plus  beau, 
plus  réconfortant  pour  des  cœurs  français,  mieux  fait  pour  les 
soutenir  dans  la  lutte  gigantesque  qui  à  peine  s'achève,  que  celui 
de  l'Italie  entrant  dans  la  guerre  pour  la  Justice,  et  y  déployant 
ses  qualités  héréditaires  de  bravoure  et  d'audace  jusqu'à  la 
victoire  qui  a  si  magnifiquement  couronné  son  effort?  Ces  faits 
sont  trop  vivants  dans  notre  mémoire  pour  n'être  point  évoqués 
tout  d'abord  devant  Votre  Majesté,  et  Elle  me  permettra  d'y 
associer  le  souvenir  de  cette  fraternité  d'armes  qui,  sur  les 
champs  de  bataille  d'Italie  et  de  France,  a  scellé  pour  toujours 
l'amitié  de  deux  peuples  frères  par  le  génie  comme  ils  le  sont 
par  leur  commun  amour  de  la  Liberté. 

«  Mais  il  existe  un  lien  plus  délicat,  et,  si  j'ose  dire,  plus  intime 
entre  votre  Auguste  Personne  et  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  :  c'est  le  goût  de  l'histoire  et  des  documents  qui 
nous  la  révèlent,  c'est  la  curiosité  qui  a  porté  de  bonne  heure 
Votre  Majesté  vers  ces  monuments  si  étrangement  révélateurs 
dans  la  sobriété  de  leur  décor,  que  sont  les  monnaies. 


SÉANCE    DL"    20    DECEMBRE    191  (S  489 

ft  Une  œuvre  a  pris  nai!^sance  à  Rome,  qui  n'avait  jamais  été 
tentée,  et  dont  Tanonymat  n'a  plus  de  secret  pour  les  spécia- 
listes :  six  beaux  volumes,  pourvus  de  planches  admirablement 
exécutées,  et  cpie  d'autres  doivent  suivre,  placent  sous  nos  yeux, 
classées  et  sommairement  décrites,  les  séries  monétaires  de  l'Ita- 
lie du  moyen  âge,  en  commençant  par  celles  de  la  glorieuse  et 
très  ancienne  Maison  de  Savoie. 

((  Ce  n'est  pas  le  lieu  d'insister;  tous  ceux  qui  sont  ici  savent 
les  titres  considérables  d'un  Souverain  laborieux  jusque  dans  le 
domaine  de  la  science  pure,  à  qui,  il  y  a  trois  ans,  notre 
Académie  ouvrait  spontanément  ses  portes,  sans  oser  croire 
qu'un  jour,  avec  la  simplicité  charmante  qui  Le  caractérise. 
Il  les  franchirait,  accompagné  de  Son  Altesse  Royale  le  Prince  de 
Piémont,  dont  la  jeunesse  apprend,  si  elle  l'ignorait  encore,  en 
quelle  estime  les  savants  de  France  tiennent  le  Savant  couronné 
auquel  l'unissent  de  si  tendres  liens. 

«  Sire,  dans  cette  visite  qui  comble  nos  vœux,  nous  nous  plai- 
sons à  voir  un  heureux  [)résage.  Notre  plus  cher  désir,  dans 
l'apaisement  que  va  connaître  enfin  le  monde,  serait  de  nouer 
avec  les  Académies  et  les  grandes  Sociétés  savantes  des  pays 
alliés  ou  associés  de  la  France  des  relations  scientifiques  d'un 
caractère  durable,  pour  le  plus  grand  bien  de  l'avenir.  La  pré- 
sence parmi  nous  de  Votre  Majesté  ne  peut  que  nous  alFermir 
dans  notre  dessein.  Elle  est  comme  le  premier  et  éclatant  sym- 
bole de  cette  union  intellectuelle  des  peuples  qui  ont  lutté  et 
souffert  pour  le  même  idéal,  et  qui  se  rapprocheront  en  vue 
dune  activité  concertée  et  féconde  dans  toutes  les  formes  que 
revêt  la  pensée. 

«  Je  prie  Votre  Majesté  de  vouloir  bien,  en  souvenir  de  ce 
jour,  pour  nous  inoubliable,  accepter  un  exemplaire,  spéciale- 
ment frappé  pour  Elle,  de  notre  médaille  académique.  Il  porte 
une  date  doublement  chère  à  nos  cœurs,  1915,  l'année  de  l'in- 
tervention de  l'Italie  dans  la  guerre  et  celle  où  son  Roi  prit  rang 
dans  notre  Compagnie.  » 

La  médaille  est  remise  au  Roi. 


1918  33 


illO  SÉANCE  DU  20  décemuhk  PJlS 

S.  M.  i.i:  Hoi  Vicron-lvMMVMiiii,  III  rc'pond  en  ces  lerincs-: 

(*  Il  m'est  spécialemenl  agréable,  Monsieur  le  Présidonl,  île 
recevoir  ici,  clans  ce  sièj^e  austère  et  célèbre  de  recherches 
scientiliquos,  une  manifestation  nouvelle  de  cette  sympathie  et 
de  cette  amitié  si  cordiales  et  si  spontanées,  dont,  depuis  hier, 
j'ai  eu  les  preuves  réj)étées. 

«  Nos  deux  nations  viennent  de  iccncillir  des  lauriers  immor- 
tels sur  les  champs  de  bataille,  dans  une  lutte  sans  merci  pour  le 
triomphe  de  la  civilisation,  sup[)ortant,  avec  une  vaillance  dont 
l'histoire  tlu  monde  se  souviendra,  les  plus  dui's  sacrifices.  De 
môme,  je  souhaite  ardemment  que  la  [•'rance  et  l'Italie,  dans  un 
esprit  de  parfaite  communauté  de  sentiments  et  d'aspirations, 
puissent  couronner  cet  édifice  glorieux  par  une  collaboration 
fructueuse  dans  les  choses  de  la  science  et  des  l'echerches  histo- 
riques. 

«  Je  vous  remercie,  Monsieur  le  Président,  pour  les  expressions 
si  aimables  que  vous  avez  bien  voulu  m'adresser,  concernant  les 
études  auxquelles  mes  loisirs  m'ont  permis  de  donner  une  con- 
tribution personnelle.  Je  souhaite  que  ces  études  puissent  éga- 
lement aider,  pour  leur  part,  à  établir  un  nouveau  point  de 
contact  avec  les  hommes  de  science  de  nos  deux  pays.  » 

M.  Babelon  fait  une  lecture  sur  la  devise  FEKT  qui  figure 
sur  les  monnaies  italiennes^. 

Avant  de  se  retirer.  Sa  Majesté  signe  la  feuille  de  présence, 
ainsi  que  M.  le  Président  de  la  République. 

Après  le  départ  du  Roi  d'Italie,  le  Pkésident  proclame  les  noms 
des  correspondants  nationaux,  de  l'associé  étranger  et  des  cor- 
respondants étrangers  élus  en  comité  secret. 

M.  Henri  Pirenne,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  est  élu 
associé  étranger  en  remplacement  de  M.  von  Wilamowilz- 
Moellendorlî,  rayé  des  listes  par  le  décret  du  28  mai  1915.  Son 
élection  sera  soumise  à  l'approbation  de  M.  le  Président  de  la 
République. 

1.  Voir  ci-après. 


SEANCE    DL    20    DÉCEMBRE    lÔiS  49i 

Sont  nommés  correspondants  étrangers,  à  la  place  des  quatre 
s  avants  allemands  rayés  des  listes  de  TAcadémie  par  décision 
du  23  octobre  1914  : 

MM.  Henrv  Vignaud,  conseiller  honoraire  à  lambassade  des 
États-Unis,  à  Bagneux  (Seine); 

Rév.  Archibald  Sayce,  professeur  d"assyriologie,  à  Oxford  ; 

Mgr  Ladeuze,  recteur  de  l'Université  de  Louvain  ; 

M.    Emanuele    Rizzo,      professeur    d'archéologie,    à   Naples. 

Sont  élus  correspondants  nationaux,  en  remplacement  de 
M.  Gh.  Bayet  :  M.  Alfred  Leroux,  archiviste  honoraire  de  la 
Haute-Vienne  ;  et  en  remplacement  de  M.  Emile  Guimet  : 
M.  Masqueray,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Univer- 
sité de  Bordeaux. 


i92 


COMMUNICATION 


FEllT, 

PAU    M.    E.     I5A.BEL0N,    MEMBRK    DE    l' ACADÉMIE. 

Tout  le  monde  sait  que  les  monnaies  d'argent  actuelles 
du  royaume  d'Italie  portent  sur  teur  tranche  le  mot  FERT, 
trois  fois  répété. 

L'Union  monétaire  conclue  en  1865,  gage  de  la  bonne 
entente  des  deux  nations  sœurs,  en  popularisant  en  France 
les  monnaies  italiennes,  a,  pour  ainsi  dire,  proposé  à  tous 
l'énigme  de  ces  quatre  lettres  :  leur  interprétation  a  donné 
lieu,  des  deux  côtés  des  Alpes,  et  même  dans  d'autres  pays, 
à  toute  une  littérature  '.  Pas  plus  que  d'autres,  je  ne  suis  en 
mesure,  —  je  le  déclare  tout  de  suite,  —  d'en  donner  une 
explication  pleinement  justifiée.  Mais  la  récente  publi- 
cation du  Corpus  nummorum  italicorum,  en  fournissant 
sur  la  question  tous  les  éléments  numismatiques  qu'on 
peut  souhaiter,  permet  d'en  poser  les  termes  avec  une  pré- 
cision chronologique  qui  faisait,  en  partie,  défaut  avant 
l'apparition  de  ce  royal  Recueil  dont  six  volumes  grand 
in-4°  ont  déjà  vu  le  jour.  L'ouvrage  entier  en  comprendra 
vingt  ;  si  bien  que  lorsqu'il  sera  achevé,  le  Corpus  nummo- 
rum italicorum  n'aura  son  équivalent  dans  aucun  autre 
Etat  de  l'Europe,  aussi  bien  par  la  méthode  scientifique 
avec  laquelle  il  est  conçu  qu'en  raison  de  sa  belle  exécu- 
tion matérielle  et  de  son  ampleur  nationale  2. 

1.  Voir,  en  dernier  lieu  :  Fregni  (Giuseppe).  Dai  Sabaudi  agli  Esteiisi, 
e  cioè  dalla  parola  FERT  nelle  monete  e  negli  stemmi  dei  conti  e  duchi 
di  Savoia  e  re  dltalia  al  molto  WORPASS  0  WORBAS  degli  Estensi  a  Fer- 
rara.  Modena,  Società  tip.  modenese,  1917,  in-S",  20  pages. 

2.  Corpus    nummorum    italicorum.    Primo   tentalivo   di    un    Calalogo 
générale  délie  monete  medievali  e  moderne  coniate  in  Ilalia  o  da  Italiani 


FERÏ  493 

D'abord,  à  quelle  date  le  mot  FERT  fait-il  son  appari- 
tion sur  les  monnaies  italiennes  ? 

Il  suffit  d'ouvrir  le  premier  volume  du  Corpus  pour 
constater  que  le  prince  dont  le  nom  accompagne  pour  la 
première  fois  le  mot  FERT  sur  les  monnaies  est  Amé- 
dée  VIII,  qui  rég:na  de  1391  à  Uol  '. 

Amédée  VIII,  dont  la  mère.  Bonne,  fille  de  Jean,  duc  de 
Berry,  était  française,  épousa  lui-même  une  Française, 
Marie,  fille  de  Philippe  le  Hardi,  duc  de  Bourgogne.  En 
1416,1e  comté  de  Savoie  fut  érigé  pour  lui  en  duché  ;  c'est 
lui  qui,  devenu  veuf,  devait  être  élu  pape  sous  le  nom  de 
Félix  V. 

Le  mot  FERT  paraît  sur  les  monnaies  de  la  première 
période  de  son  règne,  c'est-à-dire  avant  qu'il  eût  pris  le 
titre  de  duc.  Mais,  outre  ces  pièces  qui  portent  son  nom,  et 
par  là  sont  bien  datées,  il  en  est  d'anonymes,  sur  lesquelles 
le  mot  FERT  est  également  inscrit  :  ce  sont  d'abondants 
quarti  di  grosso,  avec  la  légende  :  Cornes  Sabaiuliœ,  in  Ita- 
lia,  marchio,  sans  nom  de  souverain ~.  Le  Corpus  fait  juste- 
ment remonter  les  plus  anciennes  de  ces  pièces  anonymes 
jusqu'au  milieu  du  xiv®  siècle,  c'est-à-dire  au  règne  d'Amé- 
dée  VI,  ce  prince  fameux  dans  l'histoire  de  la  chevalerie 
sous  le  nom  de  comte  vert.  Il  épousa,  lui  aussi,  une  Fran- 
çaise,   Bonne  de  Bourbon. 

Amédée  VI  fonda,  vers  le  milieu  de  son  règne,  en  1362, 
l'Ordre  militaire  du  Collier,  qui  devait  devenir,  à  partir 
d'Amédée  VIII,  lOrdre  de  l'Annonciade.  Il  lui  donna  pour 
devise  le  mot  FERT.  Ce  mot  est  inscrit  plusieurs  fois  sur 
le  collier  de  l'Ordre,  alternant  avec  des  lacets  de  soie  ou 
cordelettes  nouées  qu'on   appelle    en    terme   de   blason  des 

in  altri paesi.  Vol.  I.  Casa  Savoia.  Roma,  1910,  ^rand  in-4°.  Les  tomes  cin- 
quième et  sixième  étaient  en  cours  d'impression  au  déjDut  de  la  guerre, 
en  1914  ;  achevés  depuis  lors,  les  circonstances  n'ont  pas  encore  permis 
de.les  distribuer,  du  moins  hors  de  l'Italie. 

1.  Corpus,  t.  I,  p.  33. 

2.  Corpus,  t.  I,  p.  31 1 


i9i-  ^'ERT 

lacs  d'amoui'.  Il  est  donc  tout  naturel  d'adiuellre  (jiie  c'est 
aussi  à  partir  de  cette  date  (13G2)  que  le  mot  FE HT  fait 
son  a[)parition  sur  les  monnaies  anonymes.  Il  y  remplace 
le  nom  du  prince  qui  l'a  choisi  pour  devise  et  il  suflit  à  le 
désii;-nor.  (Test  du  collier  de  l'Ordre  que  le  mot  FEHT  et 
les  lacs  damour  passent  dans  le  champ  des  monnaies. 

Il  résulte  de  cette  constatation  que  ce  n'est  pas  dans 
la  numismatique  qu'il  faut  chercher  rori«i:ine  et  l'explica- 
tion de  la  devise  FERT  :  elle  est  antérieure  à  son  appari- 
tion sur  les  monnaies. 

Le  problème  qui  se  pose,  —  les  monnaies  écartées,  — 
est  de  savoir  si  la  devise  a  été  créée  seulement  en  1362 
pour  l'Ordre  du  Collier,  ou  si  elle  était  déjà,  antérieure- 
ment, la  devise  de  la  Maison  de  Savoie. 

Dans  le  répertoire  allemand  de  Schlickeisen,  publié  en 
1882  %  cet  auteur  dit  que  le  mot  FERT  fait,  pour  la 
pi-emière  fois,  son  apparition  sur  le  tombeau  de  Thomas  II, 
comte  de  Savoie,  qui  mourut  en  1233,  c'est-à-dire  cent 
vingt-neuf  ans  avant  la  création  de  l'Ordre  du  Collier.  Le 
tombeau  auquel  il  est  ainsi  fait  allusion  se  trouve  dans  la 
cathédrale  d'Aoste,  à  côté  du  maître-autel.  Il  représente  un 
chevalier  gisant,  les  pieds  appuyés  sur  un  dogue  couché, 
dressant  la  tête,  qui  a  au  cou  un  collier  sur  lequel  on  lit 
deux  fois  le  mot  FERT,  en  lettres  gothiques,  et  à  ce  collier 
estappenduun  médaillon  timbré  de  la  croix  de  Savoie '^ 

1.  <c  Le  collier  de  cet  Ordre,  dit  André  Favyn,  était  composé  de  roses 
d'or  émaillées  de  rouge  et  de  blanc,  jointes  ensemble  par  un  nœud  et  lacs 
d'amour  de  soie,  couleur  de  poil,  toutes  couleurs  et  devises  dédiées  à  la 
dame  Vénus.  Dedans  ces  lacs  d'amour  étaient  entrelacées  quatre  lettres, 
FERT.  »  André  Favyn,  Le  théâtre  (Vhonneur  et  de  chevalerie,  p.  1484 
(1620,  in-4'>).Cf.  Samuel  Guichenon,  Hist.  généalogique  de  la  Maison  royale 
de  Savoie,i.  I,  p.  399  (1778,  in-fol.  i. 

2.  Schlickeisen,  Erklarang  der  Abkûrzungen  aiif  Miinzen  der  neueren 
Zeil,  des  Miitelalters  und  der  Alterlhiims,  2°  édition,  par  R.  Pallmann  et 
Droysen,  p.  123  (Berlin,  1882,  in-S"). 

3.  Samuel  Guichenon,  Hist.  généal.  de  la  Maison  de  Savoie,  t.  I,  p.  2M  ; 
Litta,  Famiglie  celebri  italiane.  Savoia,  pi.  XXII. 


FERT  49o 

Mais  ce  tombeau  est-il  bien  celui  du  comte  Thomas  II  ? 
Schlickeisen  paraît  n'avoir  pas  connu  les  recherches  des 
savants  italiens,  notamment  le  comte  de  Loche,  Napione 
et  Domenico  Promis,  qui,  ayant  fait  une  étude  critique  du 
costume  et  de  l'armure  du  chevalier,  ont  conclu  que 
l'époque  où  le  monument  fût  sculpté  est  de  beaucoup  pos- 
térieure à  celle  où  vécut  le  comte  Thomas  ■.  D'après  ces 
savants,  il  n'est  sûrement  pas  antérieur  au  comte  x\mé- 
dée  VI,  le  fondateur  de  l'Ordre  du  Collier.  D'où  il  résulte 
que  Yé  tombeau  de  la  cathédrale  d'Aoste,  qu  il  ait  été  érigé 
tardivement  à  la  mémoire  du  comte  Thomas  II,  ou  qu'il 
soit,  comme  cela  est  plus  probable,  celui  d'un  tout  autre 
personnage^,  ne  saurait  être  invoqué  pour  soutenir  que  la 
devise  FERT  est  antérieure  à  l'institution  de  l'Ordre  du 
Collier,  en  1362. 

Y  a-t-il  d'autres  monuments  en  faveur  de  cette  thèse  ? 
Les  sceaux  de  la  Maison  de  Savoie  publiés  par  Cibrario  et 
Promis  ne  commencent,  comme  les  monnaies,  à  porter  le 
mot  FERT  qu'après  la  fondation  de  l'Ordre  du  Collier. 

On  a  cité,  il  est  vrai,  une  charte  de  1232,  c'est-à-dire  du 
temps  du  comte  Thomas  II,  sur  laquelle  serait  écrit, 
comme  souscription,  le  mot  FERT.  C'est  un  diplôme  par 
lequel  le  comte  accorde  divers  privilèges  à  la  ville  de 
Ghambérj.  On  y  lirait  soi-disant  :  .  .  .  rogatus  scripsi  et 
subscripsi  et  tradidi  FERT  ^ 

Mais  Napione,  dès  1820,  a  fait  observer  que  les  paléo- 
graphes lisent,  au  contraire,  au  lieu  de  FERT,  le  mot  féli- 
citer en  abrégé  ;  et,  dit-il,  ce  qui  confirme  cette  interpréta- 

1.  Galeani  Napione,  Memoria  sopra  un  antico  moniimento  altribuito  a.1 
conle  di  Savoia  Tommaso,  clans  les  Memorie  délia  reale  Accademia  délie 
Scieaze  di  Torino,  t.  XXV,  1820,  p.  93  et  suiv.  ;  Luigi  Cibrario  et  Dome- 
nico Promis,  Sigilli  ^e'  priiicij>i  di  Savoia,  p.  54  et  suiv.  (Turin,  1834, 
in-4°). 

2.  On  a  dit  que  c'était  le  tombeau  de  Jean  de  Vienne,  amiral  de  France, 
l'un  des  premiers  chevaliers  de  l'Ordre  du  Collier. 

3.  Napione,  Memoria,  p.  99. 


i9fi 


■KRT 


tion,  c'est  i\\ic  dans  un  autre  diplôme  du  comte  Thomas,  le    ■ 
mot  fcliciler  est  écrit  clairement,  en  toutes  lettres  et  à    la 
même  place  '.  Il  est,  en  elFet,  très  vraisemblable  que  le  mot 
FKKT  ne  doit   ici   son  introduction  (pi'à  une  faute  de  lec- 
ture d'im  copiste  moderne. 

Jusqu'à  plus  ample  informé,  je  ne  connais  pas  de  monu- 
ment authentique  avec  le  mot  FEHT,  (jui  soit  antérieur  à 
la  fondation  de  l'Ordre  du  Collier,  en  1362. 

S'il  en  est  véritablement  ainsi^  il  me  semble  que  je  suis 
autorisé  à  conclure  que  le  mot  FERT  n'est  rien  d'autre  que 
la  devise  qui  fut  créée  et  donnée  avec  le  nœud  d'amour, 
par  Amédée  VI,  à  l'Ordre  du  Collier. 

Ce  point  étant  considéré  comme  acquis,  quel  sens  faut-il 
attribuera  cette  devise  FERT? 

S'agit-il  là  d'un  mot  mj^stérieux,  magique,  de  bon 
augure,  dont  les  princes  de  la  Maison  de  Savoie,  qui  l'ont 
gardé  depuis  lors  dans  leur  blason,  avaient  le  secret  ? 

.Est-ce  le  verbe  latin  fert,  «  il  porte  »,  dont  l'appro- 
priation au  collier  de  l'Annonciade  est  d'un  sens  assez 
vague,  c'est  vrai,  mais  non  plus  obscur  ou  subtil,  après 
tout,  que  la  plupart  des  devises  analogues  ? 

Ce  mot  FERT  a,  très  vraisemblablement,  à  l'origine,  un 
étroit  rapport  avec  les  lacets  ou  lacs  d'amour  qui  l'accom- 
pagnent ou  l'enlacent;  d'où  les  récits  plus  ou  moins  fantai- 
sistes qui  prétendent  expliquer  par  une  intrigue  amoureuse 
de  chevalerie  la  fondation  de  l'Ordre  du  Collier.  Le  collier 
enchaîne  par  ses  nœuds,  il  porte  l'amour,  il  est  un  gage 
d'amour,  disait-on  subtilement  2.  Mais  les  modernes  ont 
cherché  plus  loin  son  explication. 

1.  Xapione,  p.  100.  Il  ny  a  point  à  s'arrêter  à  l'idée  que  le  mot  FEUT 
devrait  son  origine  première  au  mot  féliciter  abrégé.  Il  serait  inadmis- 
sible, en  dépit  d'une  certaine  ressemblance  paléographique,  que  la  Chan- 
cellerie royale  au  xiv  siècle  se  fùl  méprise  aussi  grossièrement. 

2.  S.  Guichenon,  op.  cit.,  t.  I,  p.  111.  «  Le  comte  Amédée  VI,  ayant  reçu 
de  sa  Dame  la  faveur  d'un  bracelet  fait  de  ses  cheveux  tressés  et  cordon- 
nés  en   lacs  d*amour,   établit  ledit  Ordre  de  chevalerie.   »  André   Favyn, 


FERT 


497 


Bien  qu'à  l'origine  les  lettres  de  cette  devise  ne  soient 
jamais  séparées  par  des  points,  mais  serrées  et  pour  ainsi 
dire  attachées  les  unes  aux  autres,  on  a  supposé  que  cha- 
cune délies  était  l'initiale  d'un  mot,  dans  une  sentence 
maintenant  oubliée.  Cette  opinion  trouverait,  a-t-on  dit, un 
appui  dans  une  mention  des  Comptes  de  la  Maison  de 
Bonne  de  Bourbon,  la  femme  d'Amédée  VI,  en  1373  K  II 
y  est  question  d'une  ceinture  d'argent  doré,  à  l'usage  de 
«  Monseigneur  Amedée  »,  ornée  cum  literis  f radis  sue 
devise,  c'est-à-dire  ornée  des  lettres  brisées  de  sa  devise 
FERT. 

Quel  est  le  sens  précis  de  ce  mot  fractis?  On  a  pensé 
qu'il  fallait  comprendre  par  là  que  FERT  était  un  com- 
posé de  lettres  isolées,  en  quelque  sorte  un  mot  brisé. 
Mais  je  crois,  au  contraire,  que  l'expression  literis  fractis 
vise  la  forme  calligraphique  des  lettres  qui  sont,  ai-je  dit 
tout  à  l'heure,  en  écriture  gothique,  c'est-à-dire  angu- 
leuses, aux  jambages  coupés  droit,  brisés,  et  non  point  en 
linéaments  arrondis,  comme  dans  l'écriture  courante.  Elles 
rompent,  etVectivement,  par  leur  aspect,  l'harmonie  des 
inscriptions  qui  les  avoisinent  sur  les  mêmes  monuments  ~, 

op.  cit.,  p.  1483.  Nous  rappellerons  que  le  collier  de  «  lacs  d'amour  »  por- 
tait en  pendant  sur  la  poitrine  «  une  0\  aie  d'or  émaillée,  et  dedans  cette 
ovale,  le  cavalier  saint  Maurice,  à  cheval  ».  A  ]iartir  d'Amédée  VIII,  le 
médaillon  cmaillé  représenta  l'Annonciation  de  la  Vierge  Marie,  d'où  le 
nom  d'Ordre  de  la  sania  Annunziata.  l'Annonciade.  'Litfa.  Famiglie 
etc.  Savoia,  pi.  XLIV). 

1.  Cibrario  et  Promis,  op.  cit.,  p.  56.  Libravit  in  emptione  quatuor  mar- 
charum  argenti  fini  emptis  pro  una  corriyia  et  uno  chnjeUefo  faciendis 
pro  Amedeo  de  Sabaudia  CVM  LITEBJS  FBACTJS  SUE  DEVISE,  inclusis 
X  franchis  auri  donatis  magistro  Petto  Dorerio  pro  factura  predictorum 
chapelleti  et  corrigie. 

2.  Wattenbach  Das  Schriftwesen  in  Miitelalter.  ^'  éd.  1896)  ne  connaît 
pas  l'expression  litterœ  fraclw.  Toutefois,  au  moment  où  je  corrige  ces 
épreuves,  mon  confrère  M.  Prou  me  signale  obligeamment,  chez  cet  auteur, 
plusieurs  e.\emples  de  fractura  désignant  une  écriture  différente  de  la 
rotunda  (Wattenbach.  p.  297.  298.  '199)  :  il  s'agit  évidemment  de  l'écriture 
gothique,  qu'on  distinguait  ainsi  de  la  rotunda  et  de  Vantiqua.  Cf.  aussi 
H.  Omont,  dans  les  C.  iR.  de  VAcad.  des  inscr.  et  b.-lettres^  séance  du 
27  décembre  1918  (ci-dessous,  p.  501) 


i98  FEBT 

L'ariTunient  est  donc  sans  valeur.  A  mon  avis,  le  mot 
fert  est  simplement  le  verbe  latin.  C'est  sans  aucune  preuve 
que  Ion  admet  que  ses  quatre  lettres  seraient  les  initiales 
de  quatre  mots.  Cependant,  dans  cet  ordre  de  recherches 
vaines,  ling'éniosité  des  curieux  s'est  donné  libre  carrière. 
L'une  des  interprétations  qui  ont  eu  jusqu'à  présent  le 
plus  de  vo«i^ue  est  celle-ci  :  Fortitudo  Ejus  Rhoduni  Tcnail,, 
formule  qui  présuppose  que  la  devise  remonte  jusqu'à 
Amédée  V  le  Grand  ;  elle  serait  allusive  à  l'exploit  prétendu 
de  ce  prince  qui,  en  1316,  aurait  délivré  l'île  de  Rhodes  du 
joug  des  Turcs.  Mais  on  sait  que  cette  expédition  est  du 
domaine  de  la  légende'.  11  est  une  autre  interprétation  qui 
a  même  été  consacrée  par  la  frappe  d'une  médaille  en  1635. 
C'est  une  g-rande  pièce  d'argent  de  10  scudi,  à  l'effigie  de 
Victor-Amédée  PS  qui  a  pour  légende  :  FOEDERE  .  ET  * 
RELIGIONE  .  TENEMVR  •^. 

Il  est  bien  évident  que  cette  inscription  monétaire,  dont 
les  mots  commencent  par  les  lettres  F.  R.  R.  T.,  a  eu 
pour  but  de  fixer  l'opinion  sur  le  sens  de  ces  lettres  mysté- 
rieuses qui  étaient  déjà  une  crux  intevpretum  à  cette 
époque.  Mais  cette  explication,  en  dépit  de  la  médaille  offi- 
cielle qui  la  propose,  ne  saurait  passer  pour  une  tradition 
remontant  à   l'origine  de  l'Ordre  du  Collier. 

Bref,  en  résumé  et  comme  conclusion,  je  dirai  que  la 
devise  FERT  n'est  pas  antérieure  à  1362  et  qu'elle  fut 
créée,  à  cette  date,  par  Amédée  VI  il  Verde,  spécialement 
pour  l'Ordre  du  Collier.  Elle  prit  place,  à  la  même  époque, 
sur  les  monnaies  et  dans  les  armoiries  de  la  Maison  de 
Savoie;  elle  y  a  persisté  jusqu'à  nos  jours. 

Si  l'on  n'admet  pas  qu'il  s'agit  simplement  du  verbe  latin 
fert^  «  il  porte  »,  on  se  trouve  entraîné  à  toutes  sortes  de 

1.  S.  Guichenon,  op.  cit.,  t.  l,  p.  liO;  Gab.  Chiabrera,  Amedeida,  poeniâ, 
éd.  de  1836  ;  cf .  Hiccardo  Marini,  dans  la  Rivista  italiana  di  Namismatica, 
t.  XXI r,  1909,  p.  243. 

2.  Corpus  nummorum  Italie,  t.  I,  p.  32],  n^ôS,  et  pi.  XXII,  1. 


FERT  499 

conjectures  et  de  jeux  d'esprit  pour  en  expliquer  les  lettres, 
isolément.  Et  puisque,  depuis  le  xvii"  siècle,  sinon  déjà 
antérieurement,  chacun  a  brodé  sur  ce  thème  à  sa  fantai- 
sie, il  nous  sera  bien  permis  de  faire  un  choix  parmi  les 
interprétations  récréatives  qui  ont  été  proposées.  Or  il  en 
est  une,  —  celle-là  française,  —  qui  a  été  imag-inée  par 
André  Favyn,  dans  son  Théâtre  dlionneiir,  en  1620  '.  Ce 
vieil  auteur,  s'inspirant  de  la  traditionnelle  bravoure  des 
princes  de  la  Maison  de  Savoie,  interprète  leur  devise 
FERT  par  Frappez,  Entrez,  Rompez  Tout.  C'est  à  cette 
spirituelle  combinaison  de  mots,  que  par  sympathie  sinon 
par  raison  scientifique,  nous  nous  arrêterons,  parce  qu'elle 
se  trouve  être,  aujourd'hui  plus  que  jamais,  de  circons- 
tance, au  moment  où,  sous  l'étendard  de  la  Maison  de 
Savoie,  les  soldats  de  l'Italie,  «  frappant,  entrant,  rompant 
tout  »,  viennent  décrire,  à  nos  côtés,  la  page  la  plus  glo- 
rieuse de  l'histoire  de  leur  patrie,  notre  fidèle  Alliée  ~. 

1.  André  Favyn,  »  Parisien,  advocat  en  la  cour  de  Parlement  »,  Le 
Ihéàlre  d'honneur,  p.  1484. 

2.  M.  le  professeur  Dino  Miiralore,  de  l'Ecole  l'oyale  technique  Lagrange, 
à  Turin,  a  l'obligeance  de  ni'inl'ormer,  trop  tardivement  pour  que  j'aie 
pu  en  profiter,  qu'il  est  l'auteur  d'un  ouvrage  illustré  in-folio,  intitulé  : 
Fondazione  deW  Ordine  del  Collare  délia  SS.  Annumiata  (Torino,  1909), 
et  d'une  courte  notice  intitulée  :  Sul  slgnificato  del  FERT  sabaudo,  publiée 
en  1916. 


:m 


LIVRES  UFKllUrS 


Le  SixuÉTAïuK  PERPÉTiiEi.  déposc  sur  le  ))ureau  le  Bulletin  de  la 
Société  historique  et  archéologique  du  Périqord,  tome  XLV,  3«=  livrai- 
son, sepl.-oct.  1918  (Périgueux,  1918,  in-S").  ^ 

M.  UihiON  DE  Vii.LiiKossE  offic  à  rAcadémie,  au  nom  de  M.  G.  Jean- 
ton,  ancien  élève  diplômé  de  l'École  des  Hautes  Éludes,  juge  d'ins- 
truction à  Màcon,  les  publications  suivantes: 

1»  La  Bourgogne  à  Paris  au  moijen  âge.  Notice  sur  les  hôtels  et  col- 
lèges bourguignons  du  quartier  latin  et  particulièrement  sur  V hôtel  et 
le  quartier  des  comtes  de  Mûcon  (exlr.  des  Annales  de  V Académie  de 
.Vacon,1906,  in-8")  ; 

2°  Le  servage  en  Bourgogne  (1906,  in-B")  ; 

3»  Les  caractères  particuliers  de  la  Bourgogne  méridionale.  —  Les 
peintres  dorigine  flamande  à  Tournus  au  XVI^  siècle  (1916,  in-8°)  ; 

4»  Notice  sur  la  vie  et  l'assassinat  de  Jean  Magnon,  de  Tournus, 
poète  et  historiographe  du  Boi  (extr.  des  Annales  de  V Académie  de 
Mâcon  et  du  Bulletin  de  la  Société  des  Amis  des  Arts  de  Tournus, 
1917,  in-B")  ; 

0»  La  parenté  d'Érasme  en  Bourgogne  (extr.  des  Annales  de  V Aca- 
démie de  Mâcon,  1917,  in-S")  ; 

6°  Les  Commanderies  du  Temple  Sainte-Catherine  de  Montbcllet  et 
de  Bougepont  (extr.  des  Annales  de  l'Académie  de  Mâcon,  1918,  in-S"  ; 
7°  Le  Folk-lore  tournugeois    (extr.   du  Bulletin   de  la  Société  des 
Amis  des  arts  de  Tournus,  1919,  in-8»). 

Ces  diverses  publications  ont  trait  à  l'histoire  locale  de  la  Bour- 
f^ogne,  à  ses  institutions,  à  ses  traditions,  elles  touchent  aussi  à  son 
histoire  artistique  et  littéraire,  comme  l'intéressante  notice  sur  l'in- 
fortuné Jean  Magnon.  Elles  nous  révèlent  un  auteur  bien  informé  de 
son  sujet  et  qui  sait  puiser  les  documents  dont  il  s'inspire  aux 
sources  les  meilleures  et  les  plus  sûres.  Les  mémoires  de  M.  Jean- 
ton  peuvent  être  consultés  avec  confiance  et  lus  avec  profit. 


SOI 


SÉANCE  DU  27  DÉCEMBRE 


PRÉSIDENCE    DE    M.     ANTOINE    THOMAS,    ANCIEN    PRESIDENT. 

M.  Omont,  à  Toccasion  du  procès-verbal,  rappelle  que  clans 
sa  savante  communication  sur  le  mot  Fert,  devise  de  la  maison 
de  Savoie,  notre  confrère  M.  Babelon  a  cité  un  passage  d'un 
compte  de  Bonne  de  Bourbon,  femme  d'Amédée  VI,  daté  de 
1373,  et  où  il  est  dit  que  cette  devise  était  écrite  lilteris  fraciis. 
Le  rédacteur  de  ce  compte  a  très  certainement  voulu,  comme 
Fa  du  reste  remarqué  M.  Babelon,  désigner  ainsi  l'écriture 
usitée  couramment  à  partir  du  xiii"  siècle  et  appelée  plus  tard 
gothique,  dans  le  sens  de  vieux  et  de  passé  de  mode,  aussi 
improprement  du  reste  qu'on  l'a  fait  également  pour  l'architec- 
ture, selon  la  remarque  récente  de  notre  savant  confrère,  M.  le 
comte  de  Lasteyrie  *. 

La  caractéristique  de  cette  écriture,  dite  gothique,  est  l'absence 
dans  son  tracé  de  tout  trait  arrondi  et  la  présence  d'un  plus  ou 
moins  grand  nombre  de  brisures  nettement  accusées,  d'où  le 
terme  de  fractura,  sous  lequel  on  la  trouve  désignée  dans  diffé- 
rents textes  rapportés  par  Du  Gange  2,  et  aussi  le  nom  de  lexlus 
fractus,  que  lui  donne  l'auteur  d'un  recueil  de  modèles  d'écri- 
tures, conservé  sous  le  n°  8685  des  manuscrits  latins  de  la 
Bibliothèque  nationale  ^.  Cette  appellation  subsiste  encore 
aujourd'hui  dans  le  vocabulaire  des  typographes  d'Outre-Rhin; 
on  y  désigne  les  lettres  gothiques  sous  le  nom  de  Fraktur,  par 
opposition  au  terme  dWntiqua,  usité  pour  les  caractères 
i^omains. 

Lecture  est  donnée  d'une  lettre  par  laquelle  NL  le  D''  Capitan 


1.  Comptes  rendus  des  séances  de  Vannée  1918,  p.  122. 

2.  Glossarium  médise  et  infimse  lalinitatis,  éd.  Didot,  t.  III,  p.  387. 

3.  \'oir  un  article  de  L.  Delislc  dans  le  Journal  des  Savants,  cahier  de 
janvier  1899,  p.  60. 


502  SKANcu  DU  2*  m';ci::Miuti:  101 S 

pose    sa    candidature    à    la    plate    de    membre    libre     devciuic 
vacante  jiar  la  mort  de  M.  le  marquis  de  Vogiié. 

La  correspondance  comprend  les  lettres  de  remerciements  de 
MM.  II.  X'ignaud  et  A.  Leroux,  nommés  correspondants,  et  une 
lettre  de  M.  Fougères,  directeur  de  l'Ecole  française  d'Athènes, 
demandant  à  l'Académie  de  venir  en  aide  à  l'œuvre  du  sergent 
Ilébrard,  architecte,  grand  prix  de  Rome,  qui  dirige,  depuis 
deux  ans,  au  nom  du  Service  archéologique  de  l'armée  d'Orient, 
les  travaux  de  recherches  et  de  r-estauration  de  l'église  Saint- 
Georges  de  Salonique,  —  Renvoi  à  la  Corumissiou  Plot. 

Lecture  est  donnée  ensuite  d'une  dépêche  adressée  au  Prési- 
dent de  l'Académie  par  M.  Vito  Volterra,  président  de  V Associa- 
lion  italienne  pour  rentente  intellectuelle  : 

«  Association  italienne  pour  entente  intellectuelle  vous  prie 
accepter  ses  meilleures  félicitations  nobles  paroles  prononcées 
sur  relations  intellectuelles  entre  France  et  Italie,  et  exprime 
vœux  les  plus  sincères  pour  réalisation  initiatives  destinées 
cimenter  liens  moraux  et  politiques  entre  les  sœurs  latines.  » 

A  l'occasion  de  la  correspondance,  M.  le  comte  Durhieu  com- 
munique une  lettre  qu'il  vient  de  recevoir  de  M.  le  chanoine  Van 
den  Gheyn,  le  savant  président  de  la  Société  d'histoire  et 
d'archéologie  de  Gand,  et  archiviste  de  l'évêché.  Celui-ci 
raconte  à  M.  Durrieu  que,  tout  au  début  de  la  guerre,  il  avait 
mis  en  lieu  sûr  les  panneaux  originaux  de  VAgneau  mystique 
de  Van  Eyck,  et  qu'il  a  pu,  en  continuant  à  résister  à  toutes  les 
menaces,  ai'river  à  empêcher,  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre,  que 
cet  incomparable  trésor  d'art  tombât  entre  les  mains  des 
Allemands. 

M.  le  chanoine  Van  den  Gheyn  donne  encore  cet  intéressant 
détail  que,  nonobstant  toutes  les  entraves,  la  Société  d'histoire 
et  d'archéologie  de  Gand,  a  pu,  durant  les  hostilités,  tenir 
régulièrement  ses  séances,  devenues  aloV*s,  sous  la  domination 
des  envahisseurs,  un  véritable  centre  de  cohésion  morale  et 
patriotique  pour  la  cité  belge. 


SÉANCE    DU    27    DÉCEMnRE    1918  503 

M.  HoMoixE  communique  une  lettre  de  M.  E.  Gabriel, 
directeur  du  Musée  de  Palerme,  qui  niïre  de  publier  dans  les 
Monumenls  Pi'ol  un  vase  grec  de  son  musée  et,  à  cette  occasion, 
exprime  le  vœu  que  des  relations  de  plus  en  plus  étroites  se 
nouent  entre  les  deux  nations  latines  victorieuses. 

((  Mi  auguro  che  nella  nuova  èra  di  pace,  ottenuta  dalle  armi, 
dal  valore  e  dalla  IVatellanza  latina,  yli  uomini  di  studio  delT 
Italia  e  délia  Francia  vorranno  senipre  più  strettamenle  colla- 
borare  nel  campo  scientifico.  » 

M,  HomoUe  fait  ensuite  part  à  l'Académie  du  don  fait  à  la 
Bibliothèque  nationale  par  M.  Gennadius,  ministre  honoraire  de 
Grèce  à  Londres.  En  offrant  ce  volume  des  Moralia  de  Plutarque, 
imprimé  à  Bâie  par  Froben,  en  1542,  qui  a  appartenu  à  Aimé 
Martin,  et  où  Charles  Nodier  reconnaissait  la  signature  et  des 
notes  autographes  de  Rabelais,  M.  Gennadius  est  heureux,  dit-il, 
d'assurer  le  retour  en  France  de  ce  «  joyau  »  de  sa  collection, 
dont  il  ne  se  jugeait  que  «  dépositaire  »,  comme  un  trait  d'union 
entre  la  littérature  grecque  et  française,  ce  symbole  des  liens 
séculaires  qui  unissent  nos  deux  pays.  Il  choisit  avec  joie, 
ajoute-t-il,  «  le  moment  où  la  Grèce  célèbre  les  victoires  de  la 
France...  pour  offrir  ce  volume  en  très  humble  témoignage  de 
tout  ce  que  la  Grèce  doit  à  la  France  ». 

L'Académie,  pour  se  conformer  au  désir  exprimé  par  M.  le 
Ministre  de  la  guerre,  et  dont  il  lui  a  été  donné  connaissance 
dans  la  séance  du  13  décembre,  procède  à  l'élection  d'un 
membre   de  la  Commission  nationale  des  sépultures  militaires. 

M.  Babelon  est  élu. 

L'ordre  du  jour  appelle  le  renouvellement  du  bureau  de 
l'Académie. 

M.  Paul  Girard  est  élu  à  l'unanimité  président  pour  l'année 
1919. 

Le  Secrétaire  f-erpétuel  fait  connaître  à  l'Académie  que 
quatre  membres  qui,  par  rang  d'ancienneté,  étaient  appelés, 
l'un  à  défaut  de  l'autre,  à  devenir  vice-président,  MM.  Scheil, 
Jullian,  Prou  et  Morel-Fatio,  se  voient  obligés,  pour  différents 
motifs,  de  décliner  cet  honneur. 


oOi  SEANi:i;  i)L'  2*^  nÉCEMrmr;   1918 

Va)  i-()iiso(iuciici.',  M.  Charles  Diiciii.  csl  élu  vicc-présideiil 
pour  liinnée  1919,  par  18  voix  conlre  8  voix  à  M.  Jimj.ian, 
1  voix  au  P.  SciiEiL,  el  un  bulletin  marqué  d'une  croix. 

L'Académie  procède  ensuite  à  la  nomination  de  diverses 
Commissions  annuelles.  —  Sont  élus  : 

CoMMissu»  ADMiMSTHATivE  CENTRALE:  MM.  Alfred  Croisct  et 
Omont. 

Commission  administrative  de  l'Académie:  MM.  Alfred  Croisel 
et  Omont. 

Antiqlutés  dk  la  France  :  MM,  Héron  de  Villefosse,  de 
Lastevrie,  Salomon  Reinach,  Omont,  Jullian,  Prou,  Durrieu  et 
Fournier. 

Travaux  littéraires  :  MM.  Senart,  Héron  de  Villefosse, 
Alfred  Groiset,  Clermont-Ganneau,  de  Lasteyrie,  Omont, 
Haussoullier,  Prou. 

Écoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome  :  MM.  Henzey, 
Foucart,  Homolle,  Pottier,  Châtelain,  Berger,  Haussoullier, 
Prou 

Fond.\tion  Garnier  :  MM.  Senart,  Haussoullier,  Scheil, 
Cordier. 

Fondation  Piot  :  MM.  Heuzey,  Héron  de  Villefosse,  Homolle, 
Babelon,  Pottier,  Haussoullier,   Delaborde,  Durrieu. 

École  française  d'Extrême-Orient  :  MM.  Heuzey,  Senart, 
Pottier,  Maurice  Groiset,  Scheil,  Cordier. 

Fondation  Dourlans  :  MM.  Clermont-tianneau,  Châtelain, 
Haussoullier,  Cuq. 

Fondation  De  Clercq  :  MM.  Heuzey,  Senart,  Babelon,  Pottier, 
Scheil,  Thureau-Dangin. 

Fondation  Pellechet  :  MM.  Héron  de  Villefosse,  de  Lasteyrie, 
Prou,  Durrieu. 

Fondation  Loubat  :  MM.  Heuzey,  Senart,  Schlumberg^er, 
Alfred  Groiset. 

Fond.*ltion  Thorlet  :  MM.  Schlumberger,  Prou,  Durrieu, 
Cordier. 

Prix  du  baron  Gobert  :  MM.  Omont,  Thomas,  Jullian,  Prou. 


505 


LIVRES    OFFERTS 


Le  Skcrétaihk  peupétuel  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrages  et 
|)ériodi({ues  suivants  : 

R''  Father  J.  Faivre  (translated  by  D''  Alexauder  Granville)  : 
Caaopus,  Mensiithis,  Aboukir  (extrait  de  Alexandrie.  Arch;roiogical 
Society)  ; 

Bulletin  de  la.  Société  scientifique,  historique  et  archéologique  de  la 
Corrèze,  tome  XL,  3'"  livraison,  juillet-septembre  lOlS  (Brives, 
1918j  ; 

Journal  of  the  American  Oriental  Society.  Vol.  38,  part  i,  oclober 
1918  (Nev^'-Haven,  Connecticut,  U.S. A.)  ; 

Boletin  del  Ceniro  de  estudios  aniericanistas  de  Sevilla.  afio  V, 
n''  20  (Sevilla,  1918). 

M.  Clermont-Ganneau  a  la  pai'ole  pour  un  homaiage  : 
«  J'ai   l'honneur  d'offrir  à    l'Académie,    de    la    part   de   l'auteur, 
M.   Blochet,    bibliothécaire   au  département   des   manuscrits   de   la 
Bibliothèque  nationale,  deux  mémoires  intéressant  à  divers  titres  les 
littératures  arabe,  persane  et  turque.  Ils  sont  intitulés,  le  premier, 
Etudes  sur  le  gnosticisnie  musulman:  le  second.  Études  sur  Vésoté- 
risme    musulman.    A    vrai   dire,    ce    sont  deux    mémoires   distincts 
faisant  partie  d'un  même  ensemble  et  se  complétant  l'un  l'autre. 
Dans  le  premier,  M.  Blochet   s'attache  à  déterminer  la  nature  et 
l'origine  des  apports  étrangers  qui  vinrent  de  bonne  heure  exercer 
une    influence    considérable    sur    la    formation    de    l'Islam    à    l'état 
naissant.  11  montre  avec  beaucoup  d'érudition  comment  ces  apports 
y   ont  été,    si   j'ose   dire,    charriés    par   deux    courants  ayant  leurs 
sources  principales,  d'une  part  dans  le  gnosticisme  et  le  néoplato- 
nisme  alexandrin,    d'autre    part,    dans   les   profondeurs   du    milieu 
iranien  pénétré  déjà  lui-même  jusqu'à  un  certain  point  par  linfiltra- 
tion  des  mêmes  éléments.  Jamais  cet  intéressant  phénomène  histo- 
rique n'a  été  mieux  mis  en  lumière,  avec   une  connaissance  plus 
étendue  du  sujet  et  des  vues  plus  originales.  Un  des  exemples  les 
plus  saisissants  est  celui  de  la  fameuse  Borâq  qui  servait  de  monture 
à  Mahomet  lors  de  son  ascension  nocturne  au  paradis;  M.  Blochet  a 
pu  donner  de  cette  énigme  une  solution  vraiment  élégante,  que  je 
n'hésite  pas  à  déclarer  définitive.   Je   sig-nalerai  également,   parmi 
plusieurs  autres,  l'explication  fort  ingénieuse  qu'il  propose  pour  le 
1918  '3^ 


506  LIVfiKS    OFFEfttS 

liop  félMiir  ni»|)lu)niot  dos  'l'oinplicrs,  (|ui  ne  soiail  autre  (|UC  le 
"énie  perse  linfu'imid  =  Vuhamiin  coinhinc  avec  le  kliaroiif  des 
herméliipies  ar;il)es,  équivalent  lilléral  tlu  -^d6aTov  0eou,  Af/nua  Di'i. 
t.  Dans  son  second  mémoire,  M.  Blocliet  étudie  spécialement  la 
doclrine  musulmane  dite  soufisme,  doctrine  curieuse  cpii  a  déjà  été 
robjet  de  maiuls  travaux.  Après  avoir  exposé  la  provenance  ira- 
nienne de  cette  doctrine,  fortement  imprégné(>  elle-même  des  idées 
plotiniennes  et  alexandrines,  il  suit  son  évolution  au  sein  de  la 
reli"ion  musulmane,  et  montre  l'action  perturbatrice,  voire  destruc- 
tive, qu'elle  y  exerce  sur  le  dogme  orthodoxe,  pour  aboutir  finale- 
mtMit  aux  conceptions  d'une  mystique  imprégnée  d'une  singulière 
sensualité.  S'il  me  fallait  résumer  d'un  mot  cette  action  du  soufisme 
sur  la  matière  première  de  l'islam,  je  dirais  cju'elle  est,  dans  une 
certaine  mesure,  comparable  à  celle  dune  diaslase  transformant  ou 
décomposant  une  substance  organique.  » 


PÉUIODIQUES      OFFERTS 


American  Journal  of  Archœology,  vol.  XXI,  octobre-décembre 
1917  ;  2«  série,  vol.  XXII,  janvier-septembre  1918  (New- York,  in-S"). 

Archivio  délia  B.  Società  roniana  di  storia  palria,  vol.  XL,  fasc. 
i  à  4  (Roma,  in-8°). 

Atti  délia  H.  Accademia  dei  Lincei.  Noiizie  degli  scavi  di  anlichilà, 
vol.  XIV,  fasc.  6  à  12  ;  vol.  XV,  fasc.  1  à  3  (Roma,  in-4°). 

Atti  e  Mernorie  delV  Academia  d'agricultura,  scienze  e  lettere  di 
Verona,  vol.  XVI,  XVII,  XVIII,  série  IV. 

Bihlioteca  nazionale  centrale  di  Fircnze.  —  Bolleitino  délie  pubbli- 
cazioni  italiane  ricevute  per  diritto  di  stanipa,  1917,  n»*  204,  et  1918, 
205   à  208  (Firenze,  in-S»): 

Boletin  de  la  B:  Academia  de  la  Historia,  t.  LXXII  et  LXIII 
(Madrid,  iii-8''). 

Boletin  del  Centra  de  estudios  americanistas  de  Sevilla,  ano  V, 
a"*  19  et  20  (Séville,  in-8°). 

Boletim  bibliograflco  da  Academia  das  sciencias  de  Lisboa.  Pri- 
meira  série,  vol.  I  (Coimbra,  1910-1913,  in-4°). 

Boletin  de  la  Sociedad  mexicana  de  geografia  y  estadistica.  Quinta 
epoca.  T.  VII,  n"  7  (Mexico,  in^S^L 

Boletin  de  la  Universitad  de  Mexico,  t.  I,  décembre  1917  (Mexico, 
in-8"). 

Bulletin  de  l'Académie  des  sciences  de  Bussie,  1918,  n°*4  à  8  (Pétro- 
grad,  in-4o). 

Bulletin  de  correspondance  hellénique,  LX"  année,  janviei'-août 
1916  (Paris,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  scientifique,  historique  et  archéologique  de  la 
Corrèze,  t.  XXXIX,  fasc.  4. — T.  XL,  fasc.  1  à  3  (Brive,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Finistère.  Procès-verbaux  et 
Mémoires,  1917  (Quimper,  in-8°j. 

Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes-Alpes,  1917,  4^  trimestre; 
1918,  2'^  et  3«  trimestres  (Gap,  in-S"). 

Bulletin  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  la  Haute- 
Saône,  1917. 

Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  archéologique  dllle-et-V Haine, 
t.  XLVI,  fe  partie,  1918  (Rennes,  in-8°). 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Langres, 
t.  VII  (Langres,  in-8»). 


.•;08  l'i;iil()l)HJl  i;S    OF-KKHTS 

liullrlin  (le  In  Sucirlé  hii^toriijiii'  cl  arc/it'olotjiijue  de  10  ri/' a  nain, 
aniiéo  1917  et  table  de  1894  à  I91tt  (Orléans,  in-8°). 

liullelin  (le  la  SocU^té  drs  Antùfuaires  de  VOucsl.,  1917,  M  et  4'  tri- 
mestres ;  1918,  !«'■  et  20  tri lueis  1res  (Poitiers,  in-8"). 

liullelin  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Périgord, 
novembre-décembre    1917;   janvier-septembre  1918   (Périgueux,  in- 

8°). 

Rullelin  de  la  Sociéli'  des  Sciences  historiques  et  naturelles  de 
l'Yonm,  année  1910,  2'^^  semestre  ;  année  191,7, 1"" semestre  (Auxerre, 
in-8''). 

Butlleti  de  la  Biblioteca  de  Catalunya,  ony  IV,  1917  (Barcelone, 
in-4°). 

Encyclopédie  deVlslarn,  2 1-'"  livraison,  1918(Leyde  et  Paris,  in-S"). 

Institut  d'estudis  catalans.  Aùuari  MCMXIII-MCMXIV.  Part.  I  et 
II  (Barcelone,  in-4"). 

Journal  of  the  American  Oriental  Society,  1917,  septembre;  1918, 
février  à  octobre  (New-Ilaven,  in-S^j. 

Journal  of  the  Royal  Institute  of  British  architects,  vol.  XXV,  n<"  1 
à  12;  vol.  XXVI,  n<"*  1  et  2  (Londres,  in-4°) . 

London    University  Gazette,  vol.  XVI  ;  vol.  XVII  (Londres,  in-8°). 

Mémoires  de  la  Société  nationale  d'agriculture,  sciences  et  arts 
d'Angers  {ancienne  Académie  d'Angers),  5'=  série,  t.  XX,  année  1917 
(Angers,  in-8°). 

Mémoires  de  la  Société  académique  d'agriculture,  sciences  et  helles- 
letlres  du  département  de  V Aube,  3*  série,  t.  LIV,  1917  (Troyes,  in-8°). 

Mémoires  de  VAcadémie  de  Nîmes,  7«  série,  t.  XXXVIII,  années 
1917  et  1918  (Nimes,   in-S"). 

Mémoires  de  VAcadémie  des  sciences,  inscriptions  et  belles-lettres 
de   Toulouse,  t.  V,  1917  (Toulouse,  in-8»). 

Memorie  délia  R.  Accademia  délie  scienze  delV  Istituto  di  Bologna, 
série  II„  t.  I  (Bologne,  in-4'>). 

•  Muséum  Maanblad  von  Philologie  en  Geschiedenis  on  der  redactie 
van  P.  J.  Blok,  J.J.  Salverda  de  Grave,  D.  G.  Ilesselingen  en  A.  Kluy- 
ver.  25-^  Jaargang,  n»*  11  et  12  (Leyde,   1918,  in-8»). 

Nuova  Rivista  storica,  janvier  1918  (Milan-Rome-Naples,  in-8»). 

Pro  Alesia.  Revue  trimestrielle  des  fouilles  d'Alise.  Directeur 
J.  Toulain,  février-mai  1917  (Paris,  in-8»). 

Proceedings  of  the  American  Philosophical  Society  held  at  Phila- 
delphia  for  promoling  useful  knoivledge,  vol.  VI,  1  à  7  ;  vol.  VII, 
n»M  à  0  (Philadelphia,  in-8°). 

Proceedings  of  the  Royal  Society  of  Canada,  tliird  séries,  vol.  XI 
(Ottawa,  in-8o). 


PÉRIODIQUES    OFFERTS  o09 

Proceedings  of  the  Royal  Society  of  Edinburgh,  Session  1916-1917, 
vol.  XXXVII,  part  V,  el  vol.  XXXVIII,  part  I.  —  Session  1917-1918, 
vol.  XXXVIII,  part  II. 

Proceedings  of  the  Society  of  Antiqnuries  of  London,  vol.  XXIX, 
2^  série,  nov.   1916  à  juin  1917  (London,  in-8°). 

Proceedings  of  the  Society  of  Antiquaries  ofScotland,  vol.  LI,  I',ll7 
(Edimbourg,  in-4''). 

Proceedings  of  the  Society  of  Biblical  Archaeology,  vol.  XXXIX, 
part  7  (1917|  ;  vol.  XL,  part  1  (1918)    (London,  in-8''). 

Rendiconto  délie  sessioni  délia  R.  Accademia  délie  scienze  delV  Isti- 
tulo  di  Bologna,  série  II,  vol.    I,  1916-1917  (Bologne,  in-8°). 

Rendiconti  délia  R.  Accademia  dei  Lincei,  série  quinta,  t.  XXVI, 
fasc.  5  à  12  et  tables,  1917  ;  t.  XXVII,  fasc.  1  à  4,  1918  (Rome, 
in-8°). 

Revista  de  archivos,  hihliotecas  y  niaseos,  septembre-décembre 
1917  ;  janvier-avril  1918  (Madrid,  in-8"). 

Revue  africaine,  publiée  par  la  Société  historique  algérienne,  S9« 
année,  n»*  295  à  297  (Alger,  1918,  in-8°). 

Revue  archéologique  publiée  sous  la  direction  de  MM.  E.  Pottier 
et  S.  Reinach,  juillet  1917  à  juin  1918  (Paris,  in-8»). 

Revue  biblique,  publiée  par  l'École  pratique  d'études  bibliques  du 
couvent  dominicain  Saint-Élienne  de  Jérusalem,  juillet  et  octobre 
1917;  janvier  et  avril  1918  (Paris  et  Rome,  in-8«). 

Revue  de  Vhistoire  des  religions,  t.  LXXVI,  n»M  à  3  ;  t.  LXXVII, 
n»*  1  et  3  (Paris,  in-8°). 

Revue  savoisienne,  publication  périodique  de  l'Académie  florimon- 
tane  d'Annecy,  1917,  4«  trimestre  ;  1918,  i"',  2''  et  3"  trimestres. 
The  Jewish  Quarterly  Review,  vol.  VIII  (London,  in-8°). 
The   University  of  California   Chronicle,   vol.  XVIII,  n°^    3  et  4; 
vol.  XIX,  n»*  1  à  4  (Berkeley,  in-S»). 

The  University  of  Illinois  Bulletin,  vol.  XIV,  n»  19  (Urbara,  in-8»). 
Transactions  of  the  Royal  Society  of  Edinburgh,  vol.  LU,   port.  I. 
Sess.  1917-1918  (Edimbourg,  in-4»). 

Transactions   of  the  Royal  Society  of  Canada,  sect.   I  à  IV,  juin 
1917  à  mars  1918  (Ottawa,  in-8»). 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Académie   Britanniquo.  —  Voy. 

Rrilish  Aoiulemy. 
AciKlémies  des  pays  slaves,  272, 

29S,  .302,  312. 
Admiiiisli-alive    centrale    (Com- 
mission), 504. 
Administrative     de    l'Académie 

(Commission),  o04. 
Afrique. —  Voy.  Algérie,  Bonnel 
de     Mézières,    Malfante     (An- 
tonio), Maroc,  Touat,  Tunisie. 
Albanais     (Plastrons)     dans     un 

recueil  de  Cassas,  103. 
Alfaric  (Prosper).  L'Évangile  de 

Simonie  magicien,  372. 
Algérie.  Fragments  d'un  très 
ancien  manuscrit  latin  décou- 
vert dans  une  grotte  au  Sud  de 
Telidjen,  240,  241  304.— Voy. 
Bône  (Musée  de),  Djebel-Tou- 
kra,  Madaure,  Thibilis. 
Aliboron     (Maître).     Origine    de 

cette  expression,  123. 
AUelz  (Anne-Élisa-Coralie).  Legs 
par  elle  fait  à  l'Académie,  196. 
Allier  de  Hauteroche  (Prix),  423. 
Alsace  romaine  (L'),  326. 
Ambiatélos     (Nicolas).      Décret 
relatif    à    la    donation   par   lui 
faite  à  l'Académie,  210. 
Andrieu       (Lieutenant-colonel). 


Découverte  d'un  «  pleurant  )> 
"provenant  des    tombeaux   des 
ducs  de  Bourgogne,  221. 
Angleterre   et  de  F'rance    (Cou- 
leurs héraldiques  d'),  dans  une 
miniature  exécutée  à  Paris  en 
1395,  126;  cf.  138. 
Angrand    (Prix),  institué  près  la 

Bibliothèque  nationale,  103. 
Announah.  —  Voy.  Thibilis. 
Ansancatnus. —  Voy.  Cassius. 
Antiquités   de    la    France    (Con- 
cours des),  6,  411,  417. — Com- 
mission, 504.  —  Rapport,  192, 
212,214. 
Apollon  monté  sur   le  griffon  et 
traversant    la    mer,    sur    une 
coupe  de  la  collection  Mouret, 
97. 
Applique  de  miroir  grec,  151. 
Apronia    de   Salone    (L'épitaphe 

d'),.308. 
Archiviste     paléographe     (Déli- 
vrance des  diplômes  d'),  410. 
Arimaspe  à   cheval    contre  deux 
griffons   (Combat  d'),   sur  une 
coupe  de  la  collection  Mouret, 
97. 
Aristote.  Correction  au  chapitre 
62  de  sa  Constitution  d'Athè- 
nes, 22. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


511 


Armôo  française  d'Orient  (Tra- 
vaux du  Service  archéologique 
de  1'),  8,  9,  183,  2G1,  30ti,  502. 

Arminius.  Représentation  pré- 
sumée sur  un  casque  de  gla- 
diateur du  Musée  de  Naples, 
201,  262. 

Armistice.  Allocution  do  M.  Paul 
Girard,  président,  388  —  Lettre 
de  M.  Nyrop,  47  7, 

Asie  Mineure  ^Les  derviches  d'), 
171,  177. 

Association  italienne  pour  l'en- 
tente intellectuelle.  Télé- 
gramme à  l'Académie,  502. 

Athènes.  Lettre  de  M.  Fougères 
relative  aux  travaux  exécutés 
aux  Propylées,  210.  —  Voy, 
aussi  Décret,  Parthénon,  Thé- 
sée (Temple  de). 

Audouin  (Edouard).  Le  muid  de 
Charlemagne,  333. 

Augiistorum  nuniina.  Inscription 
à  eux  dédiée,  480. 

Babelon  (Ernest),  23,   139,  337. 

—  Commissions,  7,  33,  504.  — 
Élu  membre  de  la  Commission 
nationale  des  sépultures  mili- 
taires, 503.  —  Fort,  490,  492. 

—  Quelques  monnaies  de  l'em- 
pereur Doniitien,  163.  —  Ob- 
servations, 171,  193,  197,  312, 
336.  —  Hommages,  21,  115. 

Babylone  (Le  temple  Esagil  de), 
327. 

Babylonien  (Poème  épique)  com- 
posé ou  inspiré  par  Hammou- 
rabi.  Découverte  de  la  fin  de  ce 
poème,  193. 

Banquet  (Scène  de),  sur  une 
coupe  de  Hiéron,  dans  la  col- 


lection Mottez,  98-99. 

Barbier-Muret  (Prix).  Commis- 
sion, 139.  —  Rapport,  151. 

Bnscoul  (D"") .  Dessins  rupestres 
du  Djebel-Toukra,  367,  375. 

Basilique  souterraine  découverte 
près  de  la  Porta  Maggiore  à 
Rome,  161,  272. 

Basset  (Henri).  Rapport  sur  l'en- 
seignement au  Maroc,  271.  — 
Fouilles  dans  la  néci'opole  de 
Chella,  300. 

Bayet  (Charles),  correspondant. 
Décédé,  324. 

Begouen  (Comte).  Gravures  ru- 
pestres découvertes  par  lui  et 
ses  fils  dans  une  grotte  de  Mon- 
tesquiou-Avantès,  308. 

Bellone  (Les  hasiiferi  de),  311, 
312. 

Bémont  (Charles).  Candidat,  388, 
478. 

Bénédite  (Georges).  Candidat, 
388,  478. 

Berger  (Elle).  Commissions,  7, 
504. 

Berger  (Prix  Jean-Jacques),  6, 
413,  418.  —  Commission,  7.  — 
Rapport.  188. 

Béziers  (Musée  de:.  Vases  grecs, 
98. 

Biiiliothèque  nationale  de  Paris. 
Don,  par  M.  Gsell,  de  fragments 
d  un  très  ancien  manuscrit  la 
tin  provenant  de  l'Afrique  du 
Nord,  241.  — ■  Répertoire  bi- 
bliographique de  M.  Emile 
Picot,  donné  par  ses  héritiers, 
475.  —  Don,  par  M.  Gennadius, 
d'un  volume  portant  la  signa- 
ture de  Rabelais,  503.  —  Prix 
Angrand,  103. 


:it2 


TAllI.i:     ALl'MAHÉTJQUE 


HiMiotliôqno  tU>  riiisliliil.  Don 
d'duvrapres  provenant  de  l'abbé 
Henri  ThédenntJO'i. —  Dessin 
(|ui  ponirait  être  de  Gerjuain 
Pilon,  192.  103.  —  Don,  par  M. 
le  duc  de  Loubat.  de  pliotof^-ra- 
pliies  dos  monuments d'Oaxaca 
cl  de  Mitla.  217.  —  Don  d'oii- 
vragos  ilivers  par  M'""  1).  Me- 
nant, 220. 

Bil)liothèque  de  TUniversilé  de 
Paris.  Texte  en  moyen-breton 
dans  le  ms.  791,  380. 

Blanchard  (RaphaëP.  Amnîptfe>< 
chinoises,  30^1. 

Blanchet  'Adrien"!.  Candidat,  370. 

Blanchet  (Médaille  Paul),  Com- 
mission, 7,  41 4,  426.  — Rapport, 
307 . 

Blochet  (E.).  Publications  rela- 
tives à  l'histoire  de  l'Orient, 
387,  oOa . 

Bologne.  L'identité  de  maître 
Jean  de  Meun  étudiant  à  l'Uni- 
versité de  cette  ville  en  1265- 
1269,  94,  99. 

Bolonia  (prov.  de  Cadix,  Es- 
pagne). Fouilles  de  M.  Pierre 
Paris,  6,  33,  34,  165,  184,  222, 
338,347. 

Bône  (Musée  de).  Dédicace  chré- 
tienne, 186. 

Bonnel.  3/o7i(/nïe/î/  gréco-punique 
delà  Souriia,  près  Constantiue, 
102. 

Bonnel  de  Mézières.  Rapports  sur 
sa  mission  en  Afrique,  33,  94. 

Bordin  (Prix),  6, 41 2,  420.—  Com- 
mission, 7.  —  Rapport,  185. 

Bordin  (Prix  extraordinaire),  420. 

Bornes  milliairesdu  Soissonnais, 
156,  157. 


Borcnii-LEcr.KHco  (A.).  Commis- 
sions, 7.  —  Observations,  101, 
170,  171,  188,  l,S9,  240,  241, 
201,  272,278,  .302,  312,  :}73. 

Hou rgog-nef  Dues  de^.  Découverte 
d'un    «    pleurant    »    provenant  , 
d'un    (le   leurs  tombeaux,  221. 

Breton  Texte  en  moyen-),  dans 
le  ms.  791  de  la  Bibliothè(|ue 
de  l'Université   de  Paris,  380. 

Brçuil  (Abbé).  Un  oppidum  ij)é- 
rique  {Tolmo),  326,   331. 

British  Acaderay.  Adresse  à 
l'Académie,  4. 

Bruchet  (Max).  Nouvelles  des 
Archives  départementales  du 
Nord,  à  Lille,  367. 

Brunet  (Prix),  6,  412,  423.  — 
Commission,  7.  —  Rapport, 
196. 

Brunot  (Ferdinand).  Histoire  de 
la  langue  française,  32. 

Brutails  L\uguste).  Candidat, 
475.  —  Au  sujet  de  l'Andorre, 
310.  —  Xotions  d'histoire  gi- 
rondine, 487 . 

Budget  (Prix  duL  —  Voy.  Ordi- 
naire (Prix). 

Bulgarie.  —  Voy.  Sofia. 

BuUa  Regia  (Tunisie).  Fouilles 
de  M.  le  D-"  Carton,  107. 

Bulletin  de  l'Institut  français 
d'arcliéologie  orientale,  360. 

Bulletin  de  VAcadéniie  des 
sciences  de  Russie,  299. 

Bulletin  de  correspondance  lud- 
lénique,  210. 

Burton  (Ch.1.  Alphabet  phénicien, 
386. 

Buste  de  femme,  trouvé  dans  le 
Midi  de  la  France  et  passé  en 
Amérique,  192.  —  Buste  d'un 


TABLE    ALPHABETIQUE 


513 


enfant  défunte  placé  dans  un 
croissant  entouré  d'étoiles 
(bas-relief  du  Musée  de  Co- 
penhague), 363, 

Cagnat  (René),  secrétaire  per- 
pétuel. Rapports  semestriels, 
8,  17,  234.—  Collation  de  pou- 
voirs, 22.  —  Rapport  du  D"" 
Carton  sur  les  fouilles  de 
Rulla  Regia,  167.  —  Notice  sur 
la  vie  et  les  travaux  de  M.  le 
marquis  de  Vogiié,  443-473.  — 
Hommages,  137,  163,  171,  232, 
240,  362. 

Caïlet  (Collection);  à  Réziers. 
Fragments  de  vases,  97. 

Caix  de  Saint-Aymour  (C'*). 
Autour  de  Noyon,  103. 

Cambrai.  Nouvelles  des  dépôts 
d'archives,  mss.  et  livres  de 
cette  ville,  376. 

Campardou  (Lieutenant).  Fouil- 
les dans  la  nécropole  de  Chella, 
300. 

Canet  ^  Louis).  Les  Tsaaapazooxat 
et  la  recension  lucianicjue  des 
Septante,  294. 

Cantique  des  Cantiques  (Le), 
213,  219. 

Capitan  (D--).  Candidat,  501.  — 
L'entrelacs  cruciforme,  196, 
197. 

Careno  (Alberto  Maria).  Vocabu- 
lario  de  la  lengua  marne,   302. 

Cartailhac  (Emile),  correspon- 
dant. Déclaration  aux  chefs  et 
soldats  de  l'armée  alliée,  con- 
quérants de  Jérusalem,  138. 

Carthage.  Nouvelles  recherches 
sur  le  littoral  cartliaginois. 
139,  140.    —  Terre    cuite   pu- 


nique peinte  avec  représenta- 
tion d'une  femme  tenant  à  la 
main  un  tympanon,  261.  — 
Voûtes  en  berceau  découvertes 
près  du  Mur  de  mer  de  Falbe, 
303. 
Carton  (D''  L.),  correspondant. 
Monuments  antiques  trouvés  à 
Tozeur  (Sud  tunisien),  33,  40. 

—  Nouvelles  recherches  sur  le 
littoral  carthaginois,  139,  140. 

—  Fouilles  de  Bulla  Regia, 
167.  —  Découverte  de  voûtes 
en  berceau  non  loin  du  Mur  de 
mer  de  Falbe,  sur  le  littoral 
carthaginois,  303.  —  Édicules 
renfermant  des  statues  en  terre 
cuite  dans  la  région  de  Ghar- 
dimaou,  337,  338.  —  Publica- 
tions diverses,  102. 

Casque  de  gladiateur  du  Musée 
de  Naples,  paraissant  faire 
allusion  au  triomphe  de  Ger- 
manicus,  261. 

Cassas  (Louis-François).  Recueil 
de  dessins  par  lui  faits  en  Dal- 
matie,  en  Grèce  et  en  Orient, 
donné  au  Musée  du  Louvre  par 
M.  le  comte  Alexandre  de  La- 
borde,  162,  167. 

Cassius,  fds  d'Ansancatnus,  tri- 
bun militaire,  Dédicant  dun 
petit  monument  portant  une 
inscription  celtique,  233. 

Castellane  (Comte  de).  Lettre  au 
Secrétaire  perpétuel,  121. 

Castries  (Colonel  comte  de). 
Candidat,  370.  —  Acte  d'intro- 
nisation du  sultan  du  Maroc 
Moulai  Abd-el-Aziz,  219. 

Celles.  Petit  monument  avec  i-e- 
présentations  figurées  et   ins- 


.m 


TABLE    ALPflAHETlQUE 


criplion  celtique,  découvert 
|>r*'S  <lc  l'einljouchure  de  la 
Moselle  dans  le  Rhin,  233.  — 
Los  Celtes  d'après  les  "tlécou- 
vertes  archéologiques  récentes 
dans  le  Sud  de  la  France  et  en 
Espagne,  262,  26;>. 

Céramique  greccjue.  —  Voy.  Bé- 
ziers.  Cadet,  Montpellier,  Met- 
tez, Mouret.  —  Cérami([ue  ibé- 
rique. Voy.  Poltier. 

Chabert  (Samuel).  Origines  du 
proverbe  latin  :  Qiieiii  perdere 
vult  Jiippiter  deinenlat  prius, 
170. 

Chabot  (J.-B.).  Nouvelles  des 
estampages  pris  h  Palniyre 
pour  l'Académie  avant  la 
guerre,  18Ii.  —  Édesse  pen- 
dant la  première  croisade,  234, 
333,  430-442.  —  Note  sur  le 
tarif  doctroi  de  la  ville  de  Pal- 
myre,  298,  299. — Observations, 
302.  —  Notice  sur  les  travaux 
du  marqua  de  Vogiié,  191, 

Chantre  (Emile).  Publications 
diverses.  366. 

Charlemagne  (Le  muid  de),  333. 

Charma  (X.).  Essai  sur  la  philo- 
sophie orientale,  220. 

Ghassinat  (Ed.).  Gaston  Maspero, 
306. 

Châtelain  (Emile).  Commis- 
sions, 7, 33,  504. —  Rapport,  196. 

Châtelain  (Louis).  Inscriptions 
de  Volubilis,  184,226,  227. 

Chavannics  (Édouai'd).  Commis- 
sions, 7.  —  Décédé,  47.  — 
Condoléances  adressées  à 
l'Académie  à  l'occasion  de  sa 
mort,  94,  104,  271.  —Notice 
sur  lui,  306. 


ChavéeiPrix  Honoré),  422.. 

Cheila  (Maroc].  Fouilles  dans  la 
nécropole,  300. 

Cliénier  (Prix  de  ,  421 . 

Chkvalier  (Chanoine  Ulysse). 
Décret  relatif  à  la  donation  par 
lui  faite  à  l'Académie,  276. 

(Chevalier  (Médaille  Ulysse), 4  17. 

Chine.  Co!id()]éanccs  du  ministre 
à  Paris  et  du  ministre  de  l'ins- 
truction publique  de  ce  pays  à 
l'occasion  de  la  mort  d'Edoua  rd 

-  Chavannos,94,271. —  Statuaire 
profane  de  ce  pays,  224. 

Choiseul-GouIIier  (C'e  de).  Cal- 
ques de  dessins  destinés  à  il- 
lustrer son  Voyage  en  Grèce, 
dans  un  recueil  de  Cassas,  162. 

Clemenceau  (Georges).  Adresse 
à  lui  votée  par  l'Académie, 
390,  475 . 

Clermont-Ganneau  (Charles). 
Commissions,  7,  504.  —  Sur  un 
style  du  Musée  de  Cologne, 
241,  250.  —  L'épitaphe  d'Apro- 
nia  de  Salone,  308.  —  Obser- 
vations, 167,  188,  193,  261,  302, 
312,  379.  —  Hommages,  116, 
117,217,222,  297,  387,  505. 

Clodius  Quintillus  (Q.).  Dédicant 
d'un  autel  consacré  à  Vénus  et 
à  la  Mère  des  dieux,  233-234. 

Cochin  (Henry).  Candidat,  485. 

CoLLiGNON  (Maxime).  Don  de 
deux  bronzes  antiques  au  Mu- 
sée du  Louvre,  151.  —  Son 
activité  comme  directeur  des 
Monuments  et  Mémoires  Piot, 
234,  240. 

Cologne  (Musée  de).  Style  à 
écrire  avec  inscription  latine, 
241,250. 


TAULE    ALPHARÉTIQIJE 


51  o 


Cotwmémoralion  des  moits  (La 
triple)  dans  l'Hglise  byzantine, 
277,278. 

Commode  (L'empereur).  Vente 
de  ses  biens,  277. 

Compteurs  de  vitesse  et  d'hor- 
loges (Voitures  munies  de), 
sous  l'Empire  romain,  277. 

Concours  (Annonce     des),    416. 

—  Situation  pour  1918,   6.   — 
Jugement   des  concours,  411. 

Copenhague  (Musée  de).  Bas- 
relief  romain  représentant  le 
buste  d'une  enfant  défunte 
placé  dans  un  croissant  entouré 
d'étoiles,  36"). 

CouDiER  (Henri).  Commissions, 
7,  139,  337,  504.  —  Rapport, 
211.  —  Rapports  de  M.  Bonnel 
de  Mézières  sur  sa  mission  en 
Afrique,  33,94. —  Élu  membre 
du  Comité  du  Journal  des  Sa- 
vants, 123.  —  Rapport  sur  les 
travaux  de  l'École  d'Extrême- 
Orient  en  1917-1918,  3o6.  — 
Notice  sur  Edouard  Chavannes, 
30r..  —  Hommages,  137,  209, 
217,  220,  311. 

Costus.  Plante  aromatique  de 
l'Inde  que  l'on  a  cru  à  tort 
inscHte  dans  le  tarif  de  Pal- 
myre,  299. 

Cotte  (J.  et  C).  La  caverne  de 
VAdaouste,  116. 

Courcel  (Prix  du  baron  de),  419. 

Courteault  (P.).  Notions  d'his- 
toire girondine,  487. 

Cowley  (A.-E.).  The  Samaritan 
liturgy,  116. 

Croisades  (Le  Maroc  et  les),  23. 

—  Édesse  pendant  la  première 
croisade,  234,333,  431-442. 


Croiset  (Alfred).  Commissions, 
7,  504.  —   Observations,    189. 

Croiset  (Maurice).  Commissions, 
7,  139,  504.  —  Les  premiers 
Dialogues  de  Platon  composés 
à  Mégare,  188,  189.  —  Obser- 
vations, 22,  161,  171,  188,  193, 
197,240,  272. 

Croissant  entouré  d'étoiles 
(Buste  dune  enfant  défunte 
dans  un),  dans  un  bas-relief 
romain  du  Musée  do  Copenha- 
gue, 365. 

Croste  (Df  R,).  Le  svastika,  475. 

Cr.MONT (Franz), associé  étranger. 
La  basilique  souterraine  dé- 
couverte près  de  la  Porta  Mag- 
giore  à  Rome,  161,  272.  — 
Lettre  grecque  du  médecin 
Thessalus  de  Tralles  à  un  em- 
pereur romain,  225.  —  La  triple 
commémoration  des  morts, 
277,  278.  —  Les  ><  hastiferi  » 
de  Bellone,  311,  313.  —  Bas- 
relief  romain  du  Musée  de 
Copenhague  représentant  le 
buste  d'une  enfant  défunte 
placé  dans  un  croissant  entouré 
d'étoiles,  365.  —  Comment  la 
Belgique   fut  ronianisée,    485. 

CuQ  (Édouardl.  Commissions, 
139,  504,  —  Note  complémen- 
taire sur  l'inscription  de  Vo- 
lubilis, 226,  227 . 

Curtea  de  Argech  (Roumanie). 
Peintures  de  l'église  Saint- 
Nicolas,  23.      , 

Dalmatie  (Dessins  faits  par  Cas- 
sas en),  162. 

Damona  Matuberginni?  (Dea). 
Inscription  à  elle  dédiée,  480. 


116 


TAULE    ALPHAI5KTIQUE 


Debrousse  (Commission),  33. 

De  Clercq  (Fondation  Lonis), 
428. —  Commission,  ;)04. 

Docivt  alliénion  relnlif  à  la  pro- 
cession des  épiièbes  pendant 
la  fèto  élensinienne.  Fragment 
d'un  duplicata  de  cet  acte, 
conservé  à  Vicence.  22t'i. 

Dei.abohde  (("'"  H. -François). 
Commission,  504.  —  Origine 
prol)able  de  la  miniature  mise 
en  tête  d'une  épître  de  Philipiie 
de  Mézières  au  roi  Richard  II 
d'Angleterre,  138.  —  Lecture 
de  sa  Notice  sur  la  vie  et  les 
travaux  de  M.  Paul  Viollet,  390. 

Delachenal  (Rolland).  Candidat, 
475,  478. 

Delalande-Guérineau  (Prix),  6, 
413,  421 .  —  Commission,  7.  — 
Rapport,  1.50. 

Délos.  Mur  de  défense  construit 
par  le  légat  romain  Triarius, 
368.  —  Hippodrome,  369. 

Delphes.  Répartition  des  métopes 
du  Trésor  des  Athéniens,  211. 

Derviches  d'Asie  Mineure  (Les), 
171,177. 

Desazars  (B°").  Iconographie  de 
Clémence  Isaure,  276. 

DiEHL  (Charles).  Vice-président 
pour  1919,  504.  —  Commission, 
7.  —  Rapports,  190,  367.  —  Les 
églises    byzantines    de     Salo- 


nique,    213. 


Destructions 


commises  par  les  Bulgares  au 
cours  de  l'évacuation  de  la 
Macédoine  orientale,  485.  — 
Observations,  9,  23,  197. —  Les 
monuments  chrétiens  de  Salo- 
nique,  237. 
DiEULAFOY    (Marcel),     167,    238, 


262.  —  Félicitations  de  l'Acadé- 
mie |)our  sa  [M-omotion  à  la 
dignité  do  commandeur  de  la 
Légion  d'honneur,  8.  —  Le 
Maroc  et  les  Croisades,  23.  — 
Observations,  278,  302. 

Djebel-Toukra  (Dessins  rupestres 
du),  367,375. 

Dorez  (Léon).  Candidat,  388, 
478.  —  Andréa  Mantegna  et  la 

^  légende  Ab  Ol;/mpo,  370.  —  La 
collection  Alexandre  Bixio  h  la 
Bibliothèque  nationale,  191. 

Douai.  Nouvelles  des  dépôts 
d'archives,  mss.  et  livres  de 
cette  ville,  376. 

Dourlans  (Fondation),  429.  — 
Commission,  504. 

Dualité  de  l'être  primitif,  139, 
156, 161. 

Dubreuil-Chambardel  (Major). 
Exploration  d'un  cimetière 
mérovingien  dans  le  canton  de 
Vit  tel,  126. 

Duchalais  (Prix),  6,  411,  423.  — 
Commission,  7.  —  Rapport, 
104. 

Du  Moncel  (Comte  Th.).  Lettres 
à  Joachim  Menant,  220. 

Duporlal  (M"«  J.j.  Note  sur  un 
dessin  qui  pourrait  être  de 
Germain  Pilon,  192,  193. 

Duquesne  (Joseph).  François 
Bauduin  et  la  Réforme,  232. 

DuRRiEu(Ct^  Paul).  Commissions, 
7,  337,  504.  —  Miniature  allé- 
gorique, exécutée  à  Paris  en 
1 395  et  renfermant  les  couleurs 
héraldiques  de  France  et  d'An- 
gleterre, 126.  —  Le  peintre 
Philippe  de  Mazerolles  à  Paris 
en    1454,    364.    ~    Lettre    de 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


517 


M.  le  chanoine  Vandon  Gheyn 
sur  les  mesures  prises  pour 
préserver  YAçfneau  mystique 
de  Van  Eyck,  502.  —  La  Messe 
de  saint  Gilles,  i88.  —  Obser- 
vations, 94,  123,  366. 

Duseigneur  (Prix  Raoul),  422. 

Dussaud     (René).     Le    Cantique 
des  Cantiques,  213,  219. 

Écoles    françaises    d'Athènes   et 

de  Rome.  Commission,  504. 
École  française  d'Extrême- 
Orient.  Commission,  139,  504. 
—  Lettre  du  directeur,  238.  — 
Rapport  sur  les  travaux  de 
cette  École  en  1917-1918,  356. 
Édesse     pendant     la     première 

croisade,  234,  333,  430-442. 
Edfou  au  début  de  la  VI"  dynastie 

(Un  nomarque  d'),  105. 
Édicules  renfermant  des  statues 
en  teri-e  cuite,  découverts  dans 
la  région  de  Ghardimaou,  338. 
Église  byzantine  (La  triple  com- 
mémoration   des    morts    dans 
1'),  277,  278. 
Egypte.  Phonétique  égyptienne, 

167.  —  Voy.  aussi  Edfou. 
El-Amarna  (Tablettes  provenant 
de    la   collection    dite   d"),    au 
Musée  du  Louvre,  104. 
Élections,  127,  170,  333,  366,  373, 

478,  486. 
Empereur  romain  (Torse  d'),  dé- 
posé au  Musée   du  Louvre  par 
le   Musée  des  arts  décoratifs, 
152. 
Encyclopédie  de  r Islam,  222. 
Ensérune   (près  Béziers).  Objets 
de  fer  et  de  bronze  et  œuvres 
céi'amiques  découverts  dans  la 


nécropole  et  conservés  dans  la 
collection  de  M.   Mouret,  95. 

Entrelacs  cruciforme  (L"),  196, 
197. 

Éphèbes  (Décret  relatif  à  la  pro- 
cession des)  pendant  la  fête 
éleusinienne,  22(). 

Épitaphe  d'Apronia  de  Salone, 
308. 

Espagne.  —  Voy.  Bolonia,Tolmo. 

Espérandieu  (Emile).  Candidat, 
375. 

Estrade-Delcros  (Prix),  425. 

États  provinciaux  de  Normandie 
(Les),  368. 

Eusèbe  et  la  dualité  de  l'être 
primitif,  139,  156,  161. 

Évangile  (L')  de  Simon  le  magi- 
cien, 372. 

Evrard  (M"«  J  .) .  Mission  dans  le 
Midi  de  la  France,  95. 

Ezéchiel  (La  rive  gauche  du 
Jourdain  et  l'assainissement 
de  la  mer  Morte  d'après  la  pro- 
phétie d'),  102. 

Fabia  (Philippe),  correspondant. 
Fourvière  en  1493,  127,  128. 
—  Épitaphe  chrétienne  décou- 
verte à  Francheville-le-Haut, 
223.  —  La  garnison  romaine 
de  Lyon,  240. 

Faivre  (R.P.J.).   Canopus,  505. 

Fert  (devise  de  la  maison  de 
Savoie),  490,  492,  501. 

Flémalle  (Le  Maître  de),  9,  22. 

Foch  (Maréchal).  Adresse  à  lui 
votée  par  l'Académie,  390,  475. 

Fondations  (Emploi  du  revenu 
des),  415. 

Foucart  (George,  lieprésenla- 
tions  des  tombes  théhaines,  21. 


S18 


Taule  ALPMAHÉTlgLt 


—  L  ethnologie  africiiinc  et  ses 
récents  prohldDiea,  137. 

KoucAnr  (Paul).  Commissions, 
7,  50V.  —  Correclion  au  cha- 
pili'o  02  do  la  Constitution 
d'Atlu-nes  d'Arislolo,  22. 

Foucauld  (R.  P.  de).  Dictionnaire 
fr.inrais-iouareg,  485, 

Foucher  (A).  The  heginnings  of 
niiildhist  art,  297.  —  Vart 
gréco-bouddhique      du      Gan- 


Mèrc  dos  dieux  pac  son-  marî 
Q.  Glodius  Quintillus,  2;{3-234. 
Funéraires  (Figures),  images  dos 
morts  ou  démons  des  tombes, 
trouvées  à  Rolonià,  185. 

Gabrici  (E.),  directeur  du  Musée 
de  Palerme.  Lettre  ;i  l'Acadé- 
mie, 503. 

Gar(}ner  (Percy),  correspondant 
-  étranger.  History  of  ancient 
coinage,  H  5. 


dhnra,  362. 

Fougères  (Gustave),  directeur  de  ~  Garnier  (Fondation  Benoît),  415, 
l'École  française  d'Athènes. 
Lettres  relatives  aux  travaux 
exécutés  aux  Propylées,  210, 
224.  —  Félicitations  à  lui 
adressées  par  l'Académie,  210. 
—  Recherches  topographiques 
de  M.  Replat  à  Délos,  368. 

Fould  (Prix),  412,  422.  —  Com- 
mission, 7.  —  Rapport,  190. 

FouRNiER  (Paul).  Commissions, 
7,  504.  —  Rapport,  189.  — 
Hommage,  232. 

Fourvière  en  1493.  127,  128. 

Fradet  (Cap'^«).  Édicules  renfer- 
mant des  statues  de  terre  cuite, 
découverts  dans  la  région  de 
Ghardimaou,  337,  339. 

France  et  d'Angleterre  (Couleurs 
héraldiques  de)  dans  une  mi- 
niature exécutée  à  Paris  en 
1395,  126;  cf.  138. 

Francheville-le-Haut  (Rhône). 
Épitaphe  chrétienne,  223. 

François  de  Vérone  (Le  miniatu- 
riste) et  Andréa  Mantegna,  370. 

Fresques  de  l'église  Saint-Nicolas 
à  Curtea  de  Argech,  23. 

Fuficia  Vita.  Autel  dédié  en  sou- 
venir d'elle  à  Vénus  et  à  la 


428.  —  Commission,  139,  504. 

Gennadius  (J.).  Don  à  la  Biblio- 
thèque nationale  d'un  volume 
portant  la  signature  de  Rabe- 
lais, 503. 

Germains  à  Rome  (Les  premiers 
prisonniers),  261,  262. 

Germanicus  (Casque  de  gladia- 
teur rappelant  le  triomphe  de), 
261,  262. 

Ghardimaou  (Tunisie).  Édicules 
renfermant  des  statues  en  terre 
cuite,  338.  —  Stèles  de  pierre, 
avec  et  sans  inscriptions,  342 
et  suiv. 

Gilepsy  (Francess  Lyttle).  Laya- 
mons  Orut,  302. 

Giles  (Prix  H.  A.),  424. 

Gilman.  Muséum  Ideals,  193. 

Girard  (Paul),  vice-président,  3, 
210,  224.  —  Président  pour 
1919,  503.  —  Allocutions,  324, 
328,  363,  388,  488.  —  Discours 
à  la  séance  publique  annuelle, 
391.  —  Etude  sur  la  langue 
d'Homère,  240.  —  Observa- 
tions, 167,  193. 

Girard  (W.).  Transcendanta- 
lisnie,  302. 


TABLE    ALPttABÉTlQLÊ 


819 


Gobert  (Prix),  6,  411,  417.  — 
Commission,  504.  —  Alli-ibu- 
tion  du  prix,  213. 

Gothique.  Lettre  de  la  Commis- 
sion des  antiquités  et  des  arts 
de  Seine-et-Oise  au  sujet  de 
l'emploi  de  ce  mol  dans  l'his- 
toire de  l'art  français,  94.  — 
Lettre  de  M.  de  Lasteyrie  à  ce 
sujet,  121  ;  cf.  1:)6.  —  L'écri- 
ture dite  gothique  désignée 
par  l'expression  lUlerae  frac- 
tae,  501. 

Gsell  (Stéphane).  Don,  par  lui 
fait  à  la  Bibliothèque  nationale, 
de  fragments  d'un  très  ancien 
manuscrit  latin  provenant  de 
l'Afrique  du  Nord,  241. 

Guillauraat  (Général).  Lettre  au 

Secrétaire  perpétuel,  183. 
Guimet  (Emile),  correspondant. 
Décédé,  363. 


Hammoui-abi.  Découverte  de  la 
fin  d'un  poème  épique  babylo- 
nien dont  il  est  l'auteur-  ou 
l'inspirateur,  192. 

Hastiferi  de  Bellone  (Inscription 
de  Madaui-e  mentionnant  les), 
311,  312. 

IL\ussouLLiER  (Bernard).  —  Com- 
missions, 7,  33,  139,  504.  — 
Rapport,  150.  —  Condoléances 
à  lui  adressées  à  l'occasion  de 
la  mort  d'un  de  ses  fils,  tué  à 
l'ennemi,  333.  —  Observations, 
22.  —  Hommage,  324. 

Havet (Louis). Commission,  7. — 
Sens  de  l'adjectif  latin/)/-o/>/'ius 
appliqué  à  une  bêle  de  sacri- 
fice, 161. 


Hébrard     (Ernest).     Monuments 
byzantins  de  Salonique,  8. 

llÉuoN  DE  Vii.LEKossE  (A.),  pré- 
sident pour  1918.  Allocutions, 
3,  47,  48.  —  Lettre  de  démis- 
sion   des    fonctions    de    prési- 
dent, 299, 333.  —  Commissions, 
504.   —    Dons  de  M.   Maxime 
Collignon  au  Musée  du  Louvre, 
151.    —    Don    au    Musée    du 
Louvre,     par     M.     le     comte 
Alexandre    de    Laljorde,    d'un 
recueil  de  dessins  de  Cassas, 
1G2.  —  Aulel,  trouvéà  Thibilis, 
dédié  à  Vénus  et  à  la  Mère  des 
dieux,  233.  —  Lettre  à  lui  adres- 
sée par  M.  le  D--  Carlon  au  sujet 
de   voûtes  découvertes  sur  le 
littoral    carthaginois,    303.    — 
Inscription  romaine  de  Rivières 
(Charente),  478,  479.  —  Publi- 
cations  diverses,    209.   —   Le 
sphinx   de   Cherchel,    337.    — 
Hommages,  102,  104,  386,  476, 


500. 


Heuzev  (Léon).  Commissions,  7, 


504 


Hiéron.  Coupe  signée  de  lui, 
dans  la  collection  Mottez,  98- 

99. 

Hippodrome  de  Délos,  369. 

Holm  (Fritz).  Condoléances  à 
l'occasion  de  la  mort  de  M. 
Chavannes,  104. 

Homériques  (La  langue  des  poè- 
mes), 240. 

HoMOLLE  (Th.).  Commissions, 
504.  _  Nommé  directeur  des 
Mémoires  et  Monuments  Piot, 
6.  —  Répartition  des  métopes 
du  Trésor  des  Athéniens  à 
Delphes,  211.  —  Maxime  Colli- 


;20 


I  \l!Li:    ALIMIAHKTirtUt; 


^•iioii  ilirrrUnii-  -.ii-s  Mi'nwires 
cl  Montimenls  l'iol,  :234,  240. 

—  Travaux  du  Service  archéo- 
logiqiio  ilo  l'ainu'o  d'Orient, 
261.  300.—  Lettre  de  M.  E.  Ga- 
hrici  :  —  don,  jiar  M.  Genna- 
dius  à  la  Bibliotlièque  natio- 
nale, il  lin  volume  portant  la 
signature  de  Rabelais,  èiOS.  — 
lloinnia;,^e,  201 . 

lloo  Clii-lsai.  RelatioHi^  modernes 

entre    la    Chine    et.    la    Russie, 

311. 
Huart  (Clément).  Candidat,  475, 

478.  —  Les  derviches   d'Asie 

Mineure,  171,  177. 
Iluguet    (D').    Fouilles    dans    la 

nécropole  de  Chella,  300. 

Ibérique  (La  céramique),  305.  — 
(Un  oppidum  ibérique),  Tol- 
mo,  326,  331. 

Inscriptions  :  grecques,  144,  309; 

—  latines,  41,  44, 150,  159,  160, 
187,  223,233,241,252,  313,  343, 
346,  480. 

Institut  d'Egypte,  388. 

Isturitz  (Basses-Pyrénées). Sculp- 
tures des  parois  de  la  caverne, 
238. 

Italie.  —  Voy.  Rome,  Vicencê. 

Jaussen  (R.  P.).  Nouvelles  des 
estampages  pris  à  Palmyre 
pour  l'Académie  avant  la 
guerre,  185. 

Jean  de  Meun  étudiant  à  l'Uni- 
versité de  Bologne  en  1205" 
1260  (L'identité  de),  94,  99. 

Jeanroy  (Alfred).  Candidat,  475, 
478. 

Jeanton    (G.).    Publications    di- 


verses sur  riiistoirc  de  !;i 
Bourgogne,  .'lOO. 

Jérusalem  (Une  parure  décou- 
verte à),  379,  382. 

.loest  (Prix  du  baron  de),  425. 

Jondel  (Gaston).  Les  ports  suh-^ 
n}ergés  de  Vancienne  île  de 
Pharos,  163. 

Jorga  (N.).  Histoire  des  relations 
entre  la  France  et  les  Hou- 
'inains,  183. 

Joulin  (Léon).  Les  Celtes  d'après 
les  découvertes  archéologiques 
récentes  dans  le  Sud  de  la 
France  et  en  Espagne,  262, 
265. 

Journal  des  Savants.  M.  Cordier 
élu  membre  du  Comité  de  cette 
publication,  123. 

Julia  Malla  Malluronis  fdia.  Ins- 
cription par  elle  dédiée,   480. 

Julien  (Prix  Stanislas),  6,  412, 
424.  —  Commission,  7,  139.  — 
Rapport,  211. 

JuLLiAN  (Camille),  127.  —  Com- 
missions, 7,  504.  —  Cimetière 
mérovingien  découvert  dans  le 
canton  de  Vittel,  126.  —  Les 
premiers  prisonniers  germains 
à  Rome,  261,  262.  —  L'Alsace 
romaine,  326.  —  Observations, 
156.  —  Notes  gallo-romaines, 
487.  —   Hommages,   115,   138. 

Jupiter.  Origines  du  proverbe 
latin  :  Quem  perdere  vult  Jup- 
piter  denientat  prius,  170. 

Justinus.  Epitaphe  chrétienne 
datée  de  son  consulat,  décou- 
verte  à    Francheville-le-llaul, 

90Q      994 

Juvigny,  près  Soissons.  Bornes 
milliaires,  156,  157. 


tABLÈ    ALtHABliTIQUÈ 


82 1 


Kenyon  (Frédéric  G.),  président 
de  la  British  Acadeniy,  5. 


Laborde  iC'"  Alexandre  uk). 
Commission,  139.  —  Don,  par 
lui  fait  au  Musée  du  Louvre, 
dun  recueil  de  dessins  de 
Cassas,  162,  167. 

Ladeuze  (Mgr).  Nommé  corres- 
pondant étranger,  491. 

Lafons-Mélicocq   (Prix  de),   419. 

La  Grange  (Prix  de),  6,  413.  — 
Commission,  7,  420.  —  Rap- 
port, 190. 

Langlois  (Ch.-V.).  Commissions, 
6,  7.  —  Rapports,  185,  192, 
212,  214.  —  Notice  sur  la  vie 
et  les  travaux  de  Noël  Valois, 
47,48.  —  Nouvellesdes  Archi- 
ves départementales  du  Nord, 
à  Lille,  367.  —  Nouvelles  des 
dépôtsd'arcliives,  mss.etlivres 
de  Douai  et  de  Cambi-ai,  376. 

Lantier  (R.).  Un  oppidum  ibé- 
rique {Tolmo),  326,  331. 

Lantoine  (Prix  Henri),  6,  414, 
426.  —  Commission,  7. 

La  Roncière  (Charles  de).  Rela- 
tion du  voyage  fait  par  le  gé- 
nois .\ntonio  Malfante  dans 
l'oasis  du  Toual  en  1447,  221. 

Lasteyrie  (C'"^  R.  de),  94.  — 
Commissions,  7,  504.  —  Lettre 
relative  au  mot  «  gothique  >• 
appliqué  à  l'architecture  du 
xiii^  siècle,  121  ;  cf.  156. 

Lefas,  député  .d'IUe-et- Vilaine. 
Lettre  sur  la  nomenclature  des 
anciennes  mesures  de  volume 
et  de  poids,  367. 

Le  Fèvre-Deumier(Prix),  6,414, 


424.  —  Commission,  7,  131».  — 
Rapport,  190. 

Léger  (Louis),  8.  —  Un  petit 
problème  de  littérature  com- 
parée, 123.  —  La  vie  acadé- 
mique dans  les  pays  slaves, 
272,  298,  302,  312.  —  Obser- 
vations, 123,  213.  —  Hommage, 
183. 

Lejay  (Paul).  Candidat,  388,  478. 

Leroux  (Alfred).  Nommé  corres- 
pondant national,  491. 

Le  Senne  (Emile).  Mélanges,  pu- 
bliés en  souvenir  de  lui,  240. 

Le  Senne  (Prix  Emile),  418. 

Le  Tourneau  (Marcel).  Les  égli- 
ses byzantines  de  Salonique, 
213. 

Lhomme  (D'"  Jules).  Inscription 
romaine  de  Rivières  (Cha- 
rente), 479. 

Lille.  Nouvelles  des  Archives  et 
de  la  Bibliothèque,  367.  — 
Lettre  des  membres  ou  cor- 
respondants de  l'Académie  des 
sciences,  de  l'Académie  de 
médecine  et  de  l'Académie 
d'agriculture  restés  à  Lille 
pendant  l'occupation  alle- 
mande, 376. 

Lilferae  fractae.  Expression  dé- 
signant l'écriture  gothique, 
501 . 

Londres.  —  Voy.  British  Aca- 
demy. 

Loth  (J.).  Candidat,  388,  478.  — 
Traduction  du  texte  en  moyen- 
breton  trouvé  dans  le  ms.  791 
de  la  Bibliothèque  de  l'Uni- 
versité de  Paris,  380. 

LouBAT  (Duc  de).  Don,  par  lui 
fait  à  la  Bibliothèque  de  l'Ins- 

35 


.H22 


tAKLE  ALPflAnrniQtJE 


lilul,  (J'iilbiiins  do  pholo<îra- 
phics  :  lies  monuments  d'Oa- 
xaca,  209;  —  des  ruines  de 
Mitla,  217. 

Loubat  (Duc  de).  Fondalion,  415, 
420  ;  —  commission,  50i.  — 
Prix  du  duc  de  Loubat,  424. 
—  Prix  Gaston  Maspero,  423. 

Louvre  (Musée  du  Louvre).  Ac- 
quisition de  tablettes  prove- 
nant de  la  collection  d'El- 
Amarna,  104.  —  Don  de  deux 
bronzes  antiques  par  Maxime 
Collignon,  151.  —  Dépôt,  par  le 
Musée  des  arts  décoratifs,  d'un 
torse  d'empereur  romain  en 
marbre,  152.  —  Don,  par  M.  le 
comte  Alexandre  de  Labordé, 
dun  recueil  de  dessins  de  Cas- 
sas, 162,  167. 

Lucain.  Correction  pixjposée  au 
chant  Vlll,  v.  245,  de  la  Phar- 
sale,  105. 

Lyon.  Fourvière  en  1493,  427, 
128. 

Macédoine.  Tumuli  ou  tépés,  9,10, 
261.  —  Destructions  d'œuvres 
d'art  par  les  Bulgares,  483. 

Madaure.  Inscription  mention- 
nant les  «  liastiferi  »  de  Bel- 
lone,  311,  312, 

Maître  Aliboron.  Oi'igine  de  cette 
expression,  123. 

Maître  de  Flémalle  {l.e),  9,  23. 

Mâle  (Emile).  Candidat,  388.  — 
Elu  membre  ordinaire,  478,487. 

Malfante  (Antonio),  de  Gênes. 
Relation  de  son  voyage  dans 
l'oasis  du  Touat  (1447),  221 . 

Malla  Mallauronis  filia  (Julia). 
Mentionnée  dans  une  inscrip- 


tion   de    Rivières    (Chafculc), 

480; 

Manichéisme  (Fragments  présu- 
més d'un  traité  polémique 
contre  le),  304. 

Mantegna  (Andréa)  et  la  légende 
Ah  Olijmpo,  370. 

Manuscrit  latin  (Fragments  d'un 
très  ancien)  provenant  de 
l'Afrique  du  Nord,  240,  241, 
304. 

Maroc  (Le)  et  les  Croisades,  23. 
—  Inscriptions  de  Volubilis, 
184,  226,  227.  —  Acte  d'intro- 
nisation du  sultan  MoulaïAbd- 
el-Aziz,  219.  —  Rapport  sur 
l'enseignement,  271.  —  Fouil- 
les dans  la  nécropole  de  Chel- 
la,  300. 

Martha  (Jules).  Candidat,  388, 
478. 

Maspeuo  (Gaston).  Note  de  M. 
Edouard  Naville  sur  son  Intro- 
duction à  t'f'tude  de  la  phoné- 
tique égyptienne,  167,  171.  — 
Notice  sur  lui,  306. 

Maspero  (Prix  Gaston),  423. 

Masqueray  (Pavil).  Nommé  cor- 
respondant national,  491. 

Malhorez  (J.).  Les  Italiens  en 
France,  du  XUl''  siècle  à 
Charles  VIII,  138. 

Matuberginni  ?  (Dea  Damona). 
Inscription  à  elle  dédiée,  480. 

Mazerolles  (Le  peintre  Philippe 
de)  à  Paris  en  1454,  364. 

Méautis  (Georges).  Hermoupolis- 
la-Grande,  324. 

Meidias.  Coupe  à  figures  rouges, 
du  style  de  ce  fabricant,  dans 
la  collection  Mouret,  97. 

Mélanges  Emile  Le  Sçnne,  240, 


TA  H  LE    ALt>HABETIQUE 


S23 


Menant  (M"«  D.),  137.  —  Ou- 
vrages divers  provenant  de 
Joachim  Menant,  par  elle  don- 
nés à  la  Bibliothèque  de  l'Ins- 
titut, -220. 

Menant  (Joachim).  Ouvrages  pro- 
venant de  lui,  donnés  par  M"* 
D.  Menant  à  la  Bibliothèque 
de  l'Institut,  220. 

Mendel  (Gustave).  Les  travaux 
du  Service  archéologique  de 
l'armée  française  d'Orient,  8, 
9,  306. 

Mengasson  (Chanoine).  Archi- 
diaconé  de  Bourges,  222. 

Mère  des  Dieux  (Autels  dédiés  à 
la),  trouvés  à  Thibilis,  233-234. 

Merlin  (Alfred),  Terre  cuile  pu- 
nique peinte  provenant  dune 
nécroi)ole  de  Carthage,  261.  — 
Dédicace  à  la  Mère  des  dieux 
trouvée  à  Carthage;  —  Tom- 
beaux puniques  découverts  à 
Carthage  en  1916,  in. 

Mer  Morte  (La  rive  gauche  du 
Jourdain  et  l'assainissement 
de  la)  d'après  la  prophétie 
d'Ézéchiel,  102. 

Mérovingien  (Cimetière)  décou- 
vert dans  le  canton  de  Vittel, 
126. 

Mexique.  —  Voy.  Mitla,  Oaxaca. 

Mézières  (Philippe  de).  Épître 
française  par  lui  adressée  au 
roi  d'Angleterre  Richard  II, 
126,  138. 

Michon  (Etienne).  Candidat,  388, 
478.  —  Catalogue  sommaire  des 
marbres  antiques  du  Musée  du 
Louvre,  476. 
Millet  (G.).  Lettre  concernant  sa 
mission  au  mont  Athos,27i,363. 


Miroir  grec  (Applique  de), achetée 
à  Mantinée  par  M.  Maxime 
Collignon  et  par  lui  donnée  au' 
Musée  du  Louvre,  1.^1, 
Mitla  (Mexique).  Photographies 
des  fouilles  faites  dans  Ie« 
ruines  de  cette  ancienne  ville, 
217. 

Modi  (Ervad  J.  J.j.  Dasiur  Bah- 
nian  Kaikobad  and  the  Kisseh- 
i-SanJan,  137.  —  Anquetil-Du- 
perron  and  Dastur  Darab,  220. 

Monastir  (Carte  des  tumuli  de  la 
région  de),  261. 

Monceaux  (Paul),  33. —  Commis- 
sions, 7. —  Dédicace  chrétienne 
conservée  au  Musée  de  Bône, 
186.  —  Observations,  171. 

Montandon  (Raoul).  Bibliogra- 
phie des  travaux  palethnulogi- 
ques  et  archéologiques  du  can- 
ton de  Genève,  116. 

Montesquiou-Avantès  (Ariège). 
Gravuresrupestres  découvertes 
dans  une  grotte  par  M.  le 
comte  Begouen  et  ses  fils,  308. 

Montmartre  (Cérémonie  à  la  basi- 
lique de,,  212. 

Montpellier  (Musée  de).  Vases 
grecs,  98. 

Morel-Fatio  (Alfred).  Rapport, 
190. 

Moret  (A.).  Candidat,  475,  478. 
—  Un  nomarque  d'Edfou  au 
début  de  la  VI«  dynastie,  405. 

Morts  (La  triple  commémoration 
des)  dans  l'Église  byzantine, 
277,  278. 

Mottez  (Collection).  Coupe  à  fi- 
gures rouges,  signée  de  Hiéron 
et  provenant  des  fouilles  d'Étru- 
rie,  98-99. 


52i 


TAiM.K    ALI'll 


Moulaï  Alnl-el-Azi/,.  Aclo  il'in- 
Ironisalion  de  ce  sulian  du 
Maroc,  219. 

Mourel  (Collection).  Objets  de 
bronze  et  de  ter  et  œuvres 
céramiques  découvertes  dans 
la  nécropole  d'Knsérune,  9"). 

Muid  de  Clharleniagne  (Le),  333. 

Mystères  du  paganisme  (Passage 
de  l'auteur  byzantin  Psellus 
relatif  aux),  197. 

Naples  (Musée  de).  Casque  de 
gladiateur  rappelant  le  triom- 
phe de  Germanicus,  261,  262, 

Naville  (Edouard),  associé  étran- 
o-er.  Note  sur  Vlntroduction  à 
Vétude  de  la  phonétique  égyp- 
tienne de  Gaston  Maspero,  167, 
171.  —  Some  geographica.1  na- 
nies,  212. 

Nicopolis  d'Épire.  Dessins  des 
théâtres  antiques,  par  Cassas, 
162. 

Normandie  (Les  États  provin- 
ciaux de),  368. 

Numismatique  orientale  (Prix  de), 
6   414,  423.  —  Commission,  7. 

Nyrop  (Chr.),  correspondant 
étranger.  Lettre  à  l'occasion  de 
l'armistice,  477. 

Oaxaca  (Mexique).  Recueil  de 
photographies  de  monuments 
de  cette  ville  ancienne,  210. 

OEconomos  (G.).  Justinien  et 
Thessalonique,  487. 

Omont  (Henri).  Commissions,  7, 
504.  —  Fragments  d'un  très 
ancien  manuscrit  latin  prove- 
nant de  l'Afrique  du  Nord,  240, 


AHKIini  E 

241,  304.  —  Ktal  des  AirliiVes 
et  de  la  Bibliothèque  de  la  ville 
de  Lille,  367.  —  Don  à  la  Bi- 
bliothèque nationale,  par  M""" 
l"]mile  Picot,  du  répertoire  bi- 
bliographique formé  par  son 
mari,  475.  —  Sens  de  l'expres- 
sion litterae  fracfae,  501.  —  Un 
helléniste  du  XVI^  siècle,  191. 

—  Hommages,  191,  362. 
Ordinaire    (Prix),     6,    411,     416. 

—  Commission,  7. 

Ôsiris  (Commission  du  prix),  33. 
Oulad  el  Agha  (Dar),  à  Carthage, 
Ruines,  148. 

Palladius  de  Ratiaria,  évêque 
arien  de  la  région  danubienne. 
Son  activité  littéraire,  171,  172. 

Palmyre.  Dessins  des  temples, 
par  Cassas,  162.—  Nouvelles 
des  estampages  pris  pour  l'Aca- 
démie avant  la  guerre,  185.  — 
Tarif  d'octroi,  261,  298,299. 

Paris.  —  Voy.  Bibliothèque  na- 
tionale. Bibliothèque  de  l'Ins- 
titut, Bibliothèque  de  l'Univer- 
sité, Louvre  (Musée  du). 

Paris  (Pierre),  correspondant. 
Fouilles  de  Bolonia,  6,  33,  34, 
165,  184,  222,  338,  347. 

Farthénon  (Dessins  des  sculp- 
tures du),  dans  un  recueil  de, 
Cassas,  162,  167. 

Parure  découverte  à  Jérusalem, 
379,  382. 

Pascasius.  Épitaphe  de  ce  per- 
sonnage chrétien,  découverte 
à  Francheville-le-Haut,  223, 
224. 

Passemard  (E.).    Sculptures   des 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


525 


parois  de  la  caverne  d'Isturitz, 
238. 

Pellechet  (Fondation).  416,  427. 
—  Rapport,  212.  —  Con\mis- 
sion,  504. 

Périodiques  offerts,  507. 

Pernot  (Hubert).  Granimairp  de 
la  langue  grecque  moderne; 
Recueil  de  textes  grecs  usuels, 
302. 

Perret-Carnot  (Collection).  Pleu- 
rant provenant  d'un  des  tom- 
beaux des  ducs  de  Bourgogne, 
221 

Philippe  de  Mazerolles  (Le  pein- 
tre) à  Paris  en  1454,  364. 

Philippe  de  Mézières.  Épître 
française  au  roi  d'Angleterre 
Richard  II,  126,  138. 

Picard  (Lieutenant).  Exploration 
d'un  cimetière  mérovingien 
dans  le  canton  de  Vittel,  126. 

Picot  (Emile).  Commissions,  7. 
—  Condoléances  à  lui  adressées 
à  l'occasion  de  la  mort  de  son 
fils,  le  capitaine  James  Picot. 
271.  —  Hommage,  103.  — 
Observations,  23.  —  Décédé, 
328.  —  Don,  par  ses  héritiers  à 
ia  Bibliothèque  nationale,  de 
son  répertoire  bibliographique, 


+  /0. 


Pilon  (Germain).  Dessin  conservé 
à  la  Bibliothèque  de  l'Institut 
et  qui  pourrait  être  de  lui,  192, 
193. 

Piot  (Fondation),  6,  415,  428.  — 
Commission,  504. 

PiRENNE  (Henri).  Nommé  associé 
étranger,  490. 

Platon.  Les  premiers  Dialogues 
composés  à  Mégare,  188,  189. 


Pompée.  Trajet  autour  de  l'île  de 

'    SamosfLucain,  VIII,  245),  105. 

PoTTiER  :  Edmond),  33,  167,  213, 

219,  326,  331.  —  Commissions, 

7, 504.  —  Mission  de  M""  Evrard 

dans  le  Midi  de  la  France,  95. 

—  Recueil  de  dessins  de  Cassas, 
offert  au  Musée  du  Louvre  par 
M.  le  comte  Alexandre  de  La- 
borde,  167.  —  Observations 
sur  un  ouvrage  de  M.  Gilman, 
193.  —  Terre  cuite  punique 
peinte  provenant  d'une  nécro- 
pole de  Carthage,  avec  repré- 
sentation d'une  femme  tenant 
à  la  main   un    tympanon,  261. 

—  La  céramique  ibérique,  305. 

—  Hommage,  276.  —  Observa- 
tions, 161,  192,  197,  211,    308. 

Prentout  (Henri).  Les  États  pro- 
vinciaux de  Normandie,  368. 

Prévéza  (Épire).  Costumes  des 
habitants,  dans  un  recueil  de 
Cassas, 163. 

Proprius  (Sens  de  l'adjectif  latin) 
appliqué  à  une  bête  de  sacri- 
fice, 161 . 

Propylées.  Lettres  de  M.  Fougères 
sur  la  restauration  partielle  de 
ce  monument,  210,  224. 

Prost(Prix  Auguste),  6,  414,  419. 

—  Commission,  7.  —  Rapport, 
189. 

Prou  (Maurice).  Commissions,  7, 
337,  504.  —  Rapports,  104,  212, 
367.  —  Observations,  197.  — 
Comptes  de  la  Maison  de  l'au- 
mône de  Saint-Pierre  de  Rome, 
485.  —  Hommage,  362. 

Psellus.  Passage  de  cet  auteur 
byzantin  relatif  aux  mystères 
du  paganisme,  197. 


•)26 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


l^unique  peinte  (Terre  cuite),  pro- 
venant d'une  nécropole  de  Car- 
liiage,  201. 

Pui)illes  de  la  nation  (Manifesta- 
tion organisée  par  l'OlTice  na- 
tional des),  238, 

Quem  perdere  vull  Jiippiler  de- 
mentat  prius.  Origines  de  ce 
proverbe  latin,  170. 

Quovedo  (Francisco  de).  Sonnet 
par  lui  imité  d'une  poésie  latine 
de  Giano  Vitali,  123, 

Quintillus  (Q.  Clodius).-  Dédicant 
d'un  autel  consacré  à  Vénus  et 
à  la  Mère  des  dieux,  233-234. 

Rabelais  (François).  Don,  par  M. 
Gennadius  à  la  Bibliothèque 
nationale,  d'un  volume  portant 
la  signature  de  Rabelais,   503. 

Régnier  (Louis).  Le  tombeau  de 
Robert  d'Acquigny  à  Louviers, 
362. 

Reinagh  (Salomon),  122,  192,  261, 
326.  —  Commissions,  7,  103, 
504.  —  Ra pport  sur  une  mission 
de  M"<'  Evrard  dans  le  Midi  de 
la  France,  95.  —  Le  Maître  de 
Flémalle,  9,  23.  —  Le  trajet  de 
Pompée  fugitif  autour  de  l'île 
de  Samos  (Lucain,  VIIl,  245), 
105.  —  Dualité  de  l'être  primi- 
tif, 139,  156,  161.  — Édiûce  sou- 
terrain découvert  près  de  la 
Porta  Maggiore  à  Rome,  161. 
—  Buste  de  femme,  sans  doute 
une  femme  poète,  trouvé  dans 
le  Midi  de  la  France  et  passé 
en  Amérique,  192.  —  Passage 
de  Psellus  relatif  aux  mystères 
du  paganisme,  197.  —  Sculp- 


tures des  parois  de  la  caverne 
d'Isturitz,  238.  —  Note  de  M. 
.luUian  sur  un  casque  de  gla- 
diateur trouvé  à  Pompei  et 
conservé  au  Musée  de  Naples, 
261.  —  Une  grande  vente  à 
Rome,  277.  —  Gravures  rupes- 
tres  du  Djebcl-Toukra,  375,  — 
Une  parure  découverte  à  Jéru- 
salem, 379,  382.  —  Rèperloire 
de  peintures  du  moyen  âge  et 
de  la  Renaissance,  327.  —  Ob- 
.servations,  156,  193,  201,  202, 
278,  305,  308. 

Reinagh  (Théodore).  Commis- 
sions, 7.  —  Fragment  d'une 
inscription  grecque  conservée 
à  Vicence,  duplicata  d'un  dé- 
cret athénien  relatif  à  la  pro- 
cession des  éphèbes  pendant 
la  fête  éleusinienne,  226.  — 
Petit  monument  avec  repré- 
sentations figurées  et  inscrip- 
tion celtique,  découvert  près 
de  l'embouchure  de  la  Moselle 
dans  le  Rhin,  233.  —  Obser- 
vations, 22,  103,  123,  156,  170, 
188,  189,  211,  221,  227,  241, 
272,278,302,  336.  —Hommage, 
218. 

Replat.  Recherches  topographi- 
ques  à  Délos,  368. 

Rey  (Léon).  Carte  des  tumuli  de 
la  région  de  Salonique  et  de 
Monastir,  8,  261.  —  Travaux  du 
Service  archéologique  de  l'ar- 
mée d'Orient,  306. 

Reynaud  (Prix  Jean),  425. 

Ricci  (Seymour  de).  Trois  bornes 
milliaires  du  Soissonnais,  156, 
157.  —  Copie  d'un  fragment 
d'inscription  grecque  conservé 


TAULE    ALPHABÉTIQUE 


02/ 


à  Vicence,  220.  —  Receasion 
du  texte  grec  du  tarif  de  Pal- 
myre  (Musée  de  Pétrograd), 
261. 

Richard  II,  l'oi  d'Angleterre. 
Épître  française  à  lui  adressée 
par  Philippe  de  Mézières,  120, 
138. 

Rivières  (Charente).  luscripLion 
romaine,  478,  479. 

Rizzo  (Emanuele).  Nommé  cor- 
respondant étranger,  491. 

Robinson  (Edward  Percy).  The 
great  menace  of  civilization, 
220. 

Rome.  Basilique  souterraine  dé- 
couverte près  de  la  Porta 
Maggiore,  161,  272.  —  Une 
grande  vente  à  Rome  (celle  des 
biens  personnels  de  l'empe- 
reur Commode),  277. 

Rouger  (Hubert).  Caloisson,  11.5. 

Roumains  (Origine  des),  369. 

Roumanie,  —  Voy.  Curtea  de 
Argech. 

Ruggeri  (V.  GiufTrido).  /  popoli 
del  mare  délie  iscrizioni  gero- 
gli fiche,  310. 

Rupestres  (Dessins)  du  Djebel- 
Toukra,  367. 


Sacrifice  (Sens  de  l'adjectif  latin 
proprius  appliqué  à  une  bête 
de),  161. 

Saintour  (Prix),  6,  413,  421.  — 
Commission,  7.  —  Rapport, 
210. 

Saladin  (H.).  Les  monuments 
chrétiens  de  Salonique  (en  col- 
laboration avec  M.  Ch.  Diehl), 
237  :  cf.  213. 


Salonique.  Fragments  de  poteries 
trouvés  près  de  cette  ville,  150. 
—  Dessin  du  -<  Palais  enchan- 
té »  dans  un  recueil  de  Cassas, 
102. —  Églises  byzantines,  8, 
213.  —  Tumuli  de  cette  région, 
10,  261. 

Sayce  (Rov.  Archibald).  Nommé 
correspondant  étranger,  491. 

ScHEiL  R.  P.),  104,  167,  — Com- 
missions, 7,  139,  504.  —  Rap- 
port, 210.  —  Découverte  de  la 
fin  d'un  poème  épique  babylo- 
nien composé  ou  inspiré  par 
Ilammourabi,192.  —  Le  temple 
Esagil  de  Babylone  selon  M. 
Koldewey,  327.  —  Hommage, 
211. 

ScHLUMBERGER  (Gustave).  Com- 
missions, 7,  337,  504. 

Sculptures  des  parois  de  la  ca- 
verne dlsturitz,  238. 

Séance  publique  annuelle,  391. 

Segalen  (Victor).  Statuaire  pro- 
fane de  la  Chine,  224. 

Seine-et-Oise  (Commission  des 
antiquités  et  des  arts  de). 
Lettre  au  sujet  du  mot  «  go- 
thique »,  94  ;  —  réponse  de  M. 
de  Lasteyrie,  121; 

Senart  (Emile).  Commissions,  7, 
33, 139,  504.  —  Hommage,  297. 

Septante  (Les  Teaiapaxoarct  et  la 
recension  lucianique  des),  294. 

Sépultures  militaires  (Commis- 
sion nationale  des),  485,  503. 

Servières  (J,  de).  A  la  gloire  des 
antiques,  1305. 

Seyssel(C'«  de).  Fouilles  de  Saint- 
Champ,  386. 

Silène  ivre  (Statuette  en  bronze 
de),  donnée  au  Musée  du  Lou- 


528 


lARLE    ALPHABETIQUE 


vrc  par  M.  Maxime  Collig-noii, 
152. 

Silvona  (Sulpicia).  Inscription  on 
niémoiro  d'elle,  4S0. 

Simon  le  magicien  (I/Evano-ile 
de),  372. 

Slaves  (La  vie  académique  dans 
les  pays),  272,  20S,  302,  .3i2. 

Sofia  (Bnl<;arie).  Stèle  funéraire 
d'Apronia  de  Salone,  an  Musée, 
308. 

Soissonnais  (Trois  bornes  mil- 
liaires  âu\  156,  157. 

Statuettes  de  bronze  découvertes 
à  Bolonia  (homme  on  satyre 
enlevant  une  femme);  166,  185- 
— Statuaire])rofanedelaChine, 
224.  —  Statues  en  terre  cuite 
dans  des  édicules  de  la  rég-ion 
de  Ghardimaou,  337,  338. 

Steenstrup  (Johannes),  corres- 
pondant étranger.  Publications 
diverses,  386. 

Stèles  de  pierre  de  la  région  de 
Ghardimaou,  avec  ou  sans  ins- 
criptions, 342  et  suiv. 

Style  à  écrire  (Inscription  d'un) 
du  Musée  de  Cologne,  241,250. 

Sulpicia  Silvana.  Inscription  en 
mémoire  d'elle,  480. 

Szarzinski  (Nicolas  Sep).  Poème 
imité  d'une  pièce  latine  de 
Giano  Vitali,  123. 

Tafrali  (O.).  Peintures  de  l'église 
de  Saint-Nicolas  à  Curtea  de  Ar- 
gech,  23.  —  La  DohroudJa,i^l . 

Tapponier  (Paul).  Fragments  de 
poteries  découvertes  près  de 
Salonique,  150. 

TsCTTaoa/.oaxâ  (Les)  et  la  recension 
lucianique  des  Septante,  294. 


TnÉDENAT  (Abbé  Henri).  Ouvra- 
ges provenant  de  lui,  offerts 
par  sa  sœur  à  la  Bibliothèque 
de  l'Institut,  104. 

Thésée  (Teni[)lo  de),  à  Athènes. 
Dessins  dans  un  recueil  de 
Cassas,  162. 

Thessalus  de  Tralles.  Lettre 
grecque  adressée  à  un  empe- 
reur romain,  225. 

Thibilis  (auj.  Announah),  en  Nu- 
midie.  Autels  dédiés  à  la  Mère 
-des  Dieux,  233. 

Thomas  (Antoine),  président  sor- 
tant. Allocution,    1.  —    Com- 


missions, 7,  504. 


L'identité 


de  maître  Jean  de  Meun  étu- 
diant à  l'Université  de  Bologne 
en  1265-1269,  94,  99.  —  Ori- 
gine de  l'expression  <<  Maître 
Aliboron  »,  123.  —  Texte  en 
moyen-breton  dans  le  ms.  791 
de  la  Bibliothèque  de  l'Univer- 
sité de  Paris,  379.  —  Observa- 
tions,   336.    —    Hommage,  32. 

Thoriet  (Fondation),  414,  427.  — 
Commission,  337,  504.  —  Rap- 
port, 367. 

Thumelicus,  fils  d'Arminius. 
Représentation  présumée  sur 
un  casque  de  gladiateur  du 
Musée  de  Naples,  261,  262  et 
suiv. 

Thureau-Dangin  (François),  8. 
—  Commissions,  139,  504.  — 
Tablettes  du  Musée  du  Louvre 
appartenant  à  la  collection d'El- 
Amarna,  104.  —  Chronologie 
des  dynasties  de  Suniêr  el 
d'Accad,  276. 

Thusnelda.  Représentation  pré- 
sumée sur  un   casque  de   gla- 


TABLE    ALPFIAHÉTIOUE 


529 


diateur  du  Musée  de  Naples, 
261,  2Ô2  et  suiv. 

Thyl  (Commandant).  Inscription 
votive  latine  trouvée  en  Numi- 
die,  à  Announah  (anc.  Thibilis), 
234. 

Tolmo,  oppidum  ibérique,  320), 
331. 

Touat  (Oasis  du^i.  Relation  du 
voyante  fait  par  le  génois  Anto- 
nio Malfante  en  1447,  221. 

Tozeur,  anc.  Tiisurus  (Sud-Tuni- 
sien). Découverte  de  monu- 
ments antiques,  33,  40. 

Travaux  littéraires  (Commission 
des),  504. 

Triarius,  lég-at  romain.  Mur  de 
défense  par  lui  construit  à  Dé- 
los,  368. 

Tuniuli  de  la  région  de  Salonique 
et  de  Monastir,  10.  261. 

Tunisie.  —  Voy.  Bulla  Regia» 
Ghardimaou,  Tozeur. 

Tympanon,  dans  la  main  d'une 
femme,  sur  une  terre  cuite 
punique  peinte  provenant 
d'une  nécropole  de  Carthage, 
261. 

Urseau  (Chanoine  Ch.).  La  tapis- 
serie de  la  ('  Passion  »  d' Angers, 
362. 

Vallée  (Léon).  Catalogue  des  vé- 
lins de  la  section  des  Cartes  de 
la  Bibliothèque  nationale,  220. 

Valois  (Noël).  Notice  sur  sa  vie 
et  ses  travaux  48,  49. 

Vanden  Gheyn  fChanoine).  Lettre 
sur  les  mesures  prises  pour 
préserver  l'Agneau  mystique 
de  Van  Eyck,  502. 


Vassel     fEusèbe).     L'inscription 
des  ethniques,  117.   —   Études 
puniques,  217.  —  Dix-neuf  ins- 
criptions puniques  de  Carthage, 
222.  — Vépigraphie  de  Maxula, 
297. 
Vénus.    Autel   trouvé  à   Thibilis, 
dédié  à  Vénus  Augusta  et  à  la 
Mère  des  Dieux,  233-234. 
Vernes  (Mauricei.  Candidat.  388, 
478.  —  La  rive  gauche  du  .Jour- 
dain et  l'assainissement  de  la 
mer  Morte  d'après  la  prophétie 
d'Ézéchiel,  102. 
Vicence.  Fragment  d'une  inscrip- 
tion   grecque,    duplicata    d'un 
décret  athénien  relatif  à  la  pro- 
cession des  éphèbes  pendant  la 
fête  éleusinienne,  226. 
VrcTOR  Emmanuel  III  (S. M.),  roi 
d'Italie,  associéétranger.  Télé- 
gramme   à     lui      adressé    par 
l'Académie  à  l'occasion   de  la 
libération     de    Trente     et   de 
Trieste,   390;  réponse,  477. — 
Visite  et  allocution  à  l'Acadé- 
mie, 487-490. 
Vignaud  (Henry).  Nommé  corres- 
pondant étranger,  491. 
VioLLET    (Paul).    Lecture    de    la 
Notice  sursa  vie  et  ses  travaux, 
390. 
Vita    (Fuficia).    Autel   dédié,    en 
souvenir  d'elle,  par  son  mari,  à 
Vénus  et  à  la  Mère  des  dieux, 
233-234. 
Vitali  (Giano).  Poésie  latine  imi- 
tée par  Quevedo  et  Szarzinski, 
123. 
Vittel  (Vosges).  Cimetière  méro- 
vingien, 126. 
VoGiiÉ    (Marquis  de).  Notice  sur 


530  TABLE    ALPHABÉTIQUE 

ses  travaux  relatifs  à  l'Orieul,  inscriptions,  184,  226,  227. 

191._  Notice  sur  sa  vie  et  ses 

travaux,  443-473.           "  Wcill     (Rayriioud).     La    fin    du 

Voitures  munies    de    compteurs  mouen  eini)ire  éj/ijplian,  'Hii. 

lie  vitesse  et  d'horloges,  sous  Wilmart  (Dom  André).  Lettre  au 

l'Empire  romain,  277.  sujet    de  fragments  d'un    très 

Vollerra  (Vito).  Télégramme  par  ancien  manuscrit  latin  prove- 

lui    adressé   à    l'Académie    au  nant  de  l'Afrique  du  Nord,  304. 

nom  de  l'Association  italienne 

pour   l'entente     intellectuelle,  Zeiller  (Jacques).  L'activité  litté- 

;-Q2.  raire  d'un   évêque  arien  de   la 

Volubilis    (Maroc).     Fouilles    du  région  danubienne:   Palladius 

lieutenant      Louis    Châtelain  :  ,  de  Ratiaria,  171,  172. 


TABLE      DES    GRAVURES 


Portrait  de  M.  Noël  Valois  (héliogravure,  hors  texte),  entre  les 

pages  48  et *^ 

Carthage.  —  Mur  de  mer  (redans) 140-141 

—         Ruines  du  Dar  Oulad  el  Agha 149 

Torse  d'empereur  (Musée  du  Louvre) 1S3 

Entrelacs  cruciformes ■     198-207 

Épitaphe  chrétienne  découverte   à  Francheville-le-IIaut,   près 

de  Lyon — '"^ 

Fragments  de  manuscrit  latin,  du  v«  ou  vi''   siècle,  découverts 

en  Algérie  (phototypie,  hors  texte),  entre  les  pages  242  et. .  .  243 

Fouilles  dans  la  région  de  Ghardiraaou  (Tunisie)  : 

—  1 .    Plans 341 

—  2 .   Stèle  anépigraphe,  avec  figures  diverses 345 

Bolonia.  —  Vue  des  fouilles 349 

Parure  découverte  à  Jérusalem 38-* 

Portrait  de  M,  le  marquis  de  Vogué  (héliogravure,  hors  texte), 

en  tre  les  pages  442  et 443 


TABLE    DES    MATIERES 


CAIlIEFi  DE  JANVIER 

Séances 1 ,  8,  22,  33 

Communications  : 

Les  travaux  du  Service  archéologique  de  l'armée  française 

d'Orient,  par  M.  Gustave  Mendel 9 

Le  Maroc  et  les  Croisades,  par  M.  Marcel  Dieulafoy,  membre 

de  l'Académie 23 

Fouilles  à  Bolonia  (pi"ovince  de  ,'Cadixj  en  mai-juin  1917,  par 

M.  P.  Paris,  correspondant  de  l'Académie 34 

Note  sur  des  chapiteaux  chrétiens  de  Tozeur  (Tunisie),  par 

M.  le  D''  Carton,  correspondant  de  l'Académie 40 

Appendice  : 

Rapport  semestriel  du  Secrétaire  perpétuel  sur  la  situation 
des  publications  de  l'Académie  pendant  le  second  semestre 
de  1917  ;  lu  dans  la  séance  du  11  janvier  1918 17 

Livres  offerts 7,  21 ,  32 

CAHIER  DE  FÉVRIER 

Séances 47,  94,102,  104 

Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  Noël  Valois,  par 
M.  Ch.-V.  Langlois,  membre  de  l'Académie  ;  lue  dans  la 
séance  du  1*''  février  1918 49 

Communications  : 

L'identité  de  maître  Jean  de  Meun  étudiant  à  l'Université  de 
Bologne  en  1265-1269,  par  M.  A.  Thomas,  membre  de 
l'Académie 99 


TABLE    DKS    MATIÈKES  'JBS 

Un  nomarque  d'Edfou  ;ui  (lùl)utde  la  VI"  dynastie,  par  M.  A. 
Morel ^^^ 

Livres  offerts ^^-»  ^^^'  **^ 


CAHIER   DE   MARS 

Séances «21,  126,  138,  150,  161 

Communications  : 

Un   petit  problème  de  liltérature  comparée,   par  M.    Louis 

Léger,  membre  de  l'Académie 1-3 

Fourrière  en  1493,  par  M.  Philippe  Fabia,  correspondant  de 

l'Académie 1-° 

Nouvelles  recherches  sur  le  littoral  carthaginois,  par  M.  le 

D--  L.  Carton,  correspondant  de  l'Académie 140 

Trois  bornes  milliaires  du  Soissonnais,  par  M.  Seymour  de 

Ricci 1^' 

Livres  offerts 1-^"'  161,  163 

CAHIER  D'AVRIL 

SÉANCES 165,  167,   171,  183 

Communications  : 

L'activité  littéraire  d'un    évêque  arien   de  la   région    danu- 
bienne :  Palladius  de  Ratiaria,  par  M.  J.  Zeiller 172 

Les  derviches  d'Asie  Mineure,  par  M.  Clément  Huart 177 

Livres  offerts 1^1»  1^3,  188 

CAHIER  DE  MAI 

SÉANCES 189,  192,  196,  210,  212 

Communications  : 

Note  sur  un  dessin  qui  pourrait  être  de  Germain  Pilon,  par 
M"»  J.-  Duportal 193 

L'entrelacs  cruciforme,  par  M.  le  D""  Capitan 197 

Appendice  : 

Rapport  sur  le  concours  des  Antiquités  de  la  France  de  1918  ; 


534  TABLE    DKS    MATIÈRES 

lu  par  M.  Cli.-V.  Langlois,  niemluc  de  l'Académie,  dans 

la  séance  du  31  mai  lOlS 214 

LivuKS  oKKE.vrs m,  19:-,,  209,  211,  217 

CAHIER  DE  JUIN     ■ 

SÉANCES 219,  221 ,  222,  226 

Communication  : 

Note  complémentaire  sui'  l'inscription  de  Volubilis,  par 
M.  Edouard  Cu([,  membre  de  l'Académie 227 

LivBES  OKKEUTS 220,222,226,232 

CAHIER    DE  JUILLET 

Séances , 233,  238,  240,  261 

Appendice  : 

Rapport  semestriel  du  Secrétaire  perpétuel  sur  la  situation 
des  publications  de  l'Académie  pendant  le  premier 
semestre  de  1918  ;  lu  dans  la  séance  du  5  juillet  1918 234 

Communications  : 

Fragments  d'un  très  ancien  manuscrit  latin  provenant  de 
l'Afrique  du  Nord,  par  M.  Omont,  membre  de  l'Académie.     241 

Sur  un  style  du  Musée  de  Cologne,  par  M.  Charles  Clermont- 
Ganneau,  membre  de  l'Académie 230 

Les  premiers  prisonniers  germains  à  Rome,  par  M.  Camille 
Jullian,  membre  de  l'Académie  . 262 

Les  Celtes  d'après  les  découvertes  archéologiques  récentes 
dans  le  Sud  de  la  France  et  en  Espagne,  par  M.  Léon 
Joulin 265 

Livres  offerts 237,  240,  270 

CAHIER  D'AOUT 

Séances 271,  276,  298,  299,  303 

Communications  : 

La  basilique  souterraine  découverte  près  de  la  Porta 
Maggiore  à  Rome,  par  M.  Franz  Cumont,  associé  étranger 
de  l'Académie 272 


TAÔLÈ  DES  MATIERES  535 

La  triple  commémoration  des  morts,  par  M.  Franz  Cumont, 

associé  étranger  de  l'Académie 278 

Note  additionnelle  de  M.  Louis  Canet  sur  les  ttaaapa/.ocîTa  et 

la  receusion  lucianique  des  Septante 204 

Livres  offerts 276,  297,  299,  302,  305 

CAHIER  DE  SEPTEMBRE 

Séances 307,  311,  324,  327 

Communications  : 

L'épi tapbe  d'Apronia  de  Salone,  par  M.  Ch.  Clermont-Gan- 

neau,  membre  de  l'Académie 308 

Les  <'  hastifeii  »  de  Bellone  d'après  une  inscription  d'Afrique, 
par  M.  Franz  Cumont,  associé  étranger  de  l'Académie  . ,     312 

Livues  offerts •  •     a^,  324,  ô'^i,  ôol 

CAHIER   D'OCTOBRE 

Séances 333,  337,  363,  367,  369 

Communications  : 

Note  sur  des  édicules  renfermant  des  statues  en  terre  cuite, 
découverts  dans  la  région  de  Ghardimaou  (Tunisie),  par 
M.  le  D""  Carton,  correspondant  de  1" Académie 

Fouilles  de  Bolonia  (1918),  par  M.  P.  Paris,  correspondant 
de  l'Académie 347 

Appendice  : 

Rapport  sur  les  travaux  de  l'École  française  d'Extrême-Orient, 
du  mois  de  juillet  1917  au  mois  d'avril  1918,  par  M.  Henri 
Cordier,  memi^re  de  l'Académie  ;  lu  dans  la  séance  du 
11  octobre  1918 356 

Livres  offerts 337,  362,  366,  369,  373 

CAHIER   DE   NOVEMBRE 

Séances.." 375,  388,  475 

Communication  : 

Une  parure  découverte  à  Jérusalem,  par  M.  Salomon  Reinach, 
membre  de  l'Académie 382 


338 


.;3(l  lAULC    nKS    MATIKRtJS 

Séance  iniu.iyuic  annuki.m; ■ "^0\ 

Communications  : 

Édesse  pendant  la  première  Croisade,  par  M.  J.-R.  Cliahot, 
membre  de  l'Académie 431 

Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  le  marquis  de  Vogué, 
par  M.  René  Gagnât,  secrétaire  perpétuel 44.3 

Livres  offerts ; 38("),  390,  -tT.T 

CAHIER   DE   DÉCEMBRE 

Séances : 477,  485,  487,  SOI 

Communications  : 

Inscription  romaine  de  Rivières  (Charente),  par  M.  Héron  de 

Villefosse,  membre  de  l'Académie 479 

Fert,  par  M.  Babelon,  membre  de  l'Académie 492 

Livres  offerts 485,  487,  500,  505 

Périodiques  offerts 507 

Table  alphabétique 510 

Table  des  gravures S31 

Table  des  matières ^-^2 

Errata •^•'" 


ERRATA 


p.   125,  1.  16,  au  lieu  de  :  Qui  Roma   .  ..advena,  Roma,  tire  :  Qui 
Romam  ...advena,  Roma. 

P.  125,  1.  17,  au  lieu  de  :  melius,  lire  :  média. 


Le  Gérant,  A.  Picard. 


MACO>",    PROTAT    FRERES,     IMPRIMEURS. 


/ 


j. 


AS 

162 

P315 

1918 


Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  Paris 

Comptes  rendus  des  séances 


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